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Full text of "Leçons sur les codes pénal et d'instruction criminelle, contenant le commentaire complet de ces codes"

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HARVARD   LAW   LIBRARY 


FROM  THE  LIBRARY 

OF 

HETTSTRICIl    LAMMASCH 


Received  May  25,  1922. 


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LEÇONS 

DR 

DROIT  CRIMINEL 

OOimNANT 

LTIPUCATION  CmiPLÈTt 

KSfCOBES  PÉML  t\  D'IISTRUCTIOI  CRIIIIELLE 


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Chaque  yolume  doit  porter  la  signature  de  M.  De  Linagb,  ou  celle 
de  M.  F.  HÉLiE. 


i.     '    . .     /  * 


? 


CHEZ  LES  MÊMES  ÉDITEURS  : 

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rement revue  et  considérablement  augmentée.  8  vol.  in-8.  —  Tome  I.  Histoire  de 
la  Procédure  criminelle,  —  Tome  II.  De  V Action  publique  et  de  l'Action  civile.  — 
Tome  III.  De  I9  Police  Jwdidaite —  Ton|e|V.  De  Vlnstructfon  écrite  et  du  Juge  d' Ins- 
truction, —  T»me  V.  Bêla  tniifi  en  prévention  et  en  actusciion,  —  Tome  VI.  Tribu- 
naux de  Police  et  Tribunaux  correctionnels,  —  Tome  VII.  De  la  Cour  (tassL^es  et  du 
Jury.  —  Tome  VIII.  Voies  de  recours  et  Procédures  diverses. 


IJ 


Traité  du  Droit  pénal,  p«^  Bossu  V  édition,  revue  et  précédée  d*une  introduc- 
duction,  par  Faustin  Uélie.  2  vol.  in-8. 


Des  Délite  et  des  Peines,  par  Bbgc4ria.  Nouvelle  édition,  précédée  d'une  intro- 
duction et  accompagnée  d'un  commentaire  par  Faustin  Hélie.  1  vol.  in-18. 


Théorie  du  Gode  pénal,  par  Ghauviau  et  Faustin  HiuB.  S*  édition,  entièrement 
revue  et  considérablement  augmentée,  par  Faustin  Hélie.  6  vol.  in-8. 1863. 


Revue  critique  de  Législation  et  de  Jurisprudence,  par  MM.  Wolow  ski, 
Paul  Pomt,  Faustin  H&lie,  Léon  Audoc,  Chaiiles  Giraud^  Bbrthaud  et  Batbie. 


GomniL.  »  TTV.  »i  caàrà  mt. 

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LEÇONS 


DE 


DROIT  CRIMINEL 

GONTINANT 

L'EXPLICATION  COMPLÈTE 
DES  CBBES  PÉML  ET  D'IISTRUCTIOI  CMIIIELLE 

PAR 

BOITARD 

PROFESSEUR  SUPPLÉANT  A  LA  FACULTÉ  DE  DROIT  DE    PARIS 
RECUEILLIES  PAR  GUSTAVE  DE  LINAGE9   DOCTEUR  EN   DROIT 

ONZIÈME    ÉDITION 

Revue,   complétée  et    mise   en  harmonie  avec  toutes  les    lois 
modiflcatives  des  àeux  Codes. 

PAR 

FAUSTIN  HÉLIE 

MEMBRE  DE  L'iNSTITUT,   PRÉSIDENT  HONORAIRE  A  LA  COUR  DE  CASSATION 


PARIS 

COTILLON    ET    G",   LIBRAIRES    DU    CONSEIL    D'ÉTAT 

tiinVIS  il  U  RBfll  GUmVI  n  LAUSUTIM  et  BS  JORISPRmifGI 
Bae  0ovni««9  »*>  Wirèm  «•  P«BCIiéMi. 

1876 

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MAY  Z  5  1922 


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PRÉFACE 


£a  ipcMfcatiUtl  de  û^të  6àà6iA^  %dlti(m  de^  ièfùm  dêOni»  mmâiét 
attesffie'  Ibw  inérftë  et  tént  utfUtéf.  JTé  nô  sais  âTlctin  livr^  qui  con- 
tksme,  dans'ées  limites  ânssites/^i^â,  ùnô  e^iAicitidu  {dus  dâîre, 
pliM  G0iiiidète,pl!Q«iû8htï^  d^nstinictloii 

crimiMlltt.  6'^  xxh  téritUfe  cdnïilitotflli^  (foi  éclaire  fôtià  l'es  teites 
et  qtd  ftplBiift  toates  lé^  dllflctiltéd  de  féti^  intèrprétatic^n.  L'auteur 
possédait  à  un  rare  degré  Tart  de  développer  une  matière,  sans  que  tfa 
parole  ceMfttf  dlBtie  ^rtdsef  ef  stitA^&cte;  et*  dÊf  dire  tbut  eé  qtU'  est  utile 
en  élai^QUtM  tout  ce  qtd  ne  Test  pas.  Il  avait  ^tinottt  lé  setret,  ôii  dé- 
l)Ouillâiit^  la  loi  de  seft  foMiuIés  abstraites,  de  Isl  rendre'  aôcesMble  à 
toutes  les  intidUigeiicéret  dlméressef  soti:  audiboireà  la  parole  nette 
et  limi^de^qtti  en  traduisit  Mëlbment  le  sens  et  Testait. 

G'estàJMwMdlseeséminénte^qtialîtés,  c'est  frralson  de  Tàdmiràble 
inéthèdeqni  anime  ces*  lei;(Mis,  que/ ki  pensé  qtfil  n'étaft  potfntinutile 
d'f  attB<)hei(  un  intiéMr  nouveau,  en  comblant  lenM  lacunes,  en  procé- 
<lant  à  «ne  l<Pnsiod  atltetlvè  dé  leurs  telttes^,  ein  léS  mettant  par  qfnel* 
«laesaddifi^ne,  d'aflleurvtrAs^obres,  au  ùitead  de  là  législàtibn^  nou- 
vetle^  e&  les  èottiplétaiilt  eiîfln  par  retaMën'  de  tMitès  1^  fois  qui  ont 
iiiodifié  no»dsili Godes;  Il  tû!à  paro  que  ce  ii'ëtsLil  poiiit  ùin  tralvall'  sté- 
likà^pi»  dtt  iMâttter  une  lïtUité  ^tnelle  k  ùile  às^ivté  qui  réûbit  les 
[ihtf  saîttM  ndiMiiB'jariAqUes  soût  mie  fbrniô  d'édposition  réeilénieiit 
attrayante,  et  qui  initie  les  esprits  k  la  sciente  Ii6ta&  lfeU:i^'etf  faire'  t^sèéiï- 
lir  les  «nnuto^C^tilrltf  tuébe  ^ttePf  ai  eseayée,  td)cheidlMcife  et  ingrate, 
laais  ^i^^m'flpsmièlé  trop  Qtile  à  l'ittidb  dfi  di^t  pétifarpdnr  (]fue  faië 
héaité  à  Ifeotteipmitfre.  - 

Jo0e|ib-Slbdtt^  Bifltartt,  né  'k  PWs  lè*  1^  âottt  l^(tt;  f,  eât  mort  te 
12  septMEdM'  ISSSi  Cletee  viie  Bi'tioU^a  été'  bien  remplie.  i;.e  C<il%e 
Jjouis-Ie-Orand  le  compte  parmi  ses  élèves  les  plus  brillants  et  se  sou- 
rient encore  de  ses  succès  dans'lë&f  C0iicotii%  tiài^erÉltàiieàr  It'etift  le 

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TI 


malheur,  pendant  qu'il  faisait  sa  rhétorique,  de  perdre  son  père  et  se 
trouva  tout  à  coup,  à  dix-huit  ans,  l'unique  appui  de  sa  mère.  Son 
âme  ferme  et  sereine  ne  fléchit  pas  sous  un  pareil  poids.  Il  redoubla 
de  travaux  et  acheva  ses  éludes  en  consacrant  les  vacances  à  subvenir 
par  des  leçons  aux  nécessités  de  sa  position.  En  1823,  il  remporta  au 
concours  général  le  premier  prix  de  dissertation  française.  Le  sujet  de 
la  composition  était  de  déterminer  le  caractère  et  le  principe  de  la  loi. 
Le  futur  légiste,  dans  cet  essai,  rendait  déjà  hommage  au  principe  de 
la  morale  désintéressée  auquel  il  est  resté  fidèle  dans  ses  doctrines 

juridiques. 

Quelque  temps  indécis  sur  la  carrière  qu'il  devait  embrasser,  il  se 
livra  enfin  à  l'étude  du  droit,  sans  cesser  le  travail  de  ses  leçons.  Reçu 
avocat  en  1826,  docteur  en  1829,  il  se  présenta  l'année  suivante  au 
concours  ouvert  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris  et  fut  sur  le  point  d'être 
nommé,  dès  cette  première  épreuve,  professeur  suppléant.  Un  nou- 
veau concours  s' étant  ouvert  en  1833,  il  y  parut  encore,  et,  cette  fois, 
son  succès  fut  complet  :  il  fut  nommé  en  première  ligne. professeur 
suppléant  et  chargé  du  cours  de  procédure  civile  et  de  législation  cri- 
minelle. 

«  Cet  enseignement,  dit  un  de  ses  biographes,  qui  jusqu'alors  offrait 
aux  élèves  le  moins  d'attrait,  eut  bientôt  changé  de  face.  L'ordre  et  la 
méthode  mirent  dans  une  si  belle  lumière  les  plus  arides  détails  du 
sujet,  qu'ils  devinrent  intéressants.  Il  était  impossible  de  porter  plus 
loin  l'esprit  d'enseignement  et  l'esprit  d'initiation.  Gomme  tous  les 
esprits  qui  voient  clair  dans  leurs  pensées,  Boitard  avait  un  vif  senti- 
ment de  la  méthode.  Non  content  d'en  donner  l'exemple,  il  en  incul- 
quait sans  cesse  le  précepte  et  la  nécessité.  Il  les  recommandait  encore 
en  quittant  sa  chaire  pour  la  dernière  fois  :  parmi  les  résultats  qu'il 
était  heureux  de  léguer  à  ses  élèves,  il  comptait  d'abord  l'habitude  de 
l'analyse.  On  admirait  son  discernement  dans  le  choix  des  questions, 
dans  la  découverte  et  l'exposition  des  véritables  doutes  et  dans  les  solu- 
tions toujours  judicieuses  qu'il  en  présentait.  Il  satisfait  également 
ceux  qui  aiment  les  théories  élevées  et  ceux  qui  cherchent  avant  tout 
l'exactitude  des  détails  (1).  » 

Un  autre  de  ses  amis,  M.  le  professeur  Alexandre  Laplace,  a  appré- 
cié son  enseignement  en  ces  termes  :  «  Une  fois  en  chaire,  que  de  dit 
Acuités  n'eut-il  pas  à  surmonter  !  Le  désavantage  du  rôle  de  suppléant, 
la  nécessité  d'études  presque  nouvelles,  la  tiédeur  des  élèves  pour  ce 
cours  et  surtout  la  malheureuse  réunion  de  ces  deux  branches  de 
législation  si  étrangères  Tune  &  l'autre,  dont  chacun  réclame  une 

(I)  Notiw  •ur  Baitwrd,  par  le  profeiwar  PowU 

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—    VII    — 

chaire  séparée  et  dans  le  professeur  un  genre  de  talent  particnlier, 
Boilard  n'était  pas  au-dessous  d'une  pareille  tâche  :  laborieux  avec  le 
travail  facile,  doué  d'un  jugement  sûr  et  prompt  et  d'une  mémoire 
étonnante,  puissamment  secondé  par  ses  fortes  études,  il  complétait 
tant  d'avantages  par  un  admirable  talent  oratcare.  Après  avoir  profon- 
dément médité  son  sujet  et  avoir  résumé  en  de  simples  notes  le  résul- 
tat de  son  travail,  il  hasardait  ses  leçons  avec  si  peu  d'hésitation  avec 
des  expressions  si  remarquables  de  propriété,  de  précision  et  d'élé- 
gance, avec  des  phrases  si  pleines  et  si  bien  finies,  qu'on  croyait  en- 
tendre un  discours  écrit  prononcé  avec  le  charme  de  l'improvisation. 
On  reconnaissait  aussi  cette  puissance  de  méthode,  partage  d'un  esprit 
supérieur,  qui  répand  Tordre  et  la  clarté  dans  les  matières  les  plus 
difficiles.  Après  avoir  préparé  l'esprit  de  ses  auditeurs  par  quelques 
idées  générales  et  par  des  résumés  historiques  aussi  intéressants  que 
rapides,  il  mettait  sous  leurs  yeux  le  texte  de  la  loi,  analysait  les  arti- 
cles, les  mettait  en  lumière  avec  les  motifis  et  en  faisait  jaillir  des 
questions  choisies  avec  discernement  ;  puis,  dans  une  discussion  claire, 
concise  et  substantielle,  il  développait  cette  sagacité  et  cette  pénétra- 
tion qui  laissent  les  fausses  routes,  courent  droit  au  but,  découvrent 
et  exposent  les  véritables  doutes  et  choisissent  une  solution  qui  se 
défend  toujours  par  des  arguments  graves  et  solides.  Enfin  on  admi- 
rait surtout  en  loi  ce  talent  souple  et  flexible,  qui  passait  des  détails 
minutieux  de  la  procédure  civile  aux  considérations  les  plus  élevées 
du  droit  criminel^  si  favorable  à  retendue  dfi^sûn.  esprit  et  à  la  sage 
indépendance  de  son  caractère  (1).  n 

Cet  enseignement  si  plein  de  promesses  ne  dura  pas  môme  deux 
années.  Épuisé  par  des  travaux  qu'on  comprend  à  peine  qu'il  ait  pu 
accomplir  en  si  peu  de  temps,  il  tomba  tout  à  coup  malade  dans  le  mois 
de  septembre.  1835  et  fut  enlevé  en  quelques  jours.  Sa  mort  fut  un, 
deuil  pour  ses  âèves  el  pour  l'École  tout  entière.  EUe  fut  surtout  un 
deuil  pour  la  science  qu'il  avait  ravivée  par  son  talent  et  qui  déjà  l'en- 
tourait d'une  renommée  que  l'avenir  aurait  grandie. 

«  Personne,  dit  encore  M.  Poret,  dont  nous  aimons  &  citer  les  paro-. 
les,  personne  ne  put  refuser  son  hommage  k  cette  mémoire  si  pure, 
£Ue  est  restée  sainte  et  douloureuse  dans  le  cœur  de  ceux  qui  ont 
connu  Boitard  plus  parUculièremenû  C'était  un  homme  grand,  d'une, 
noble  figure,  grave  et  jeune,  imposante  et  modeste.  A  la  première  vue, . 
il  pouvait  paraître  froid  et  réservé  ;  si  vous  l'approchiez  de  plus  près,. 
voua  trouviez  un  homme  doux,  simple,  aimable  et  même  gai  ;  maisi 


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—     IIH     — 

au  fûttd  de. cette  gaieté  ieraécieiisetileMlidd  seisenineiit  loufoora.  Une 
inteUigenœ:  oumrte  k  toutes  Im  idées,  une  Ame  tenta  et.airecttimiHeY 
ktt  gagnaient  votre  eoaAaaoo.  ViMiSi  M  euesies  ^leotiers tlemandU  ita 
acmoei,.  sûr  qu'il  scraii  ironda  avec  sîmplieilà.  Il  étût:de  tes;  honmieB 
qa'0ii  n'onUie  pss^Noae  Tairone  amxa  cinq  années,  dont  abaeane  fut 
masquée  par  la  progrès  de^  soa*  taleot.et.de  8a:répiilatioa.Se<asle  déf«- 
loppenmtdes.idéesetdamilaidiffirence  des.râtnations  se  ceaservait 
le  même  fond  de  sentiment..  C'iètaii  taujouits  lu  personoei  ^'on  w^aii 
ainsée  d'abond  aurec:  nn  mérite  noawauv  On  poovak  applaadir  à.ses 
suooàs  aansanéllstnge  d'inqtiiélade.*'aos)Cai»atàreiétail  i  Vépreuva  même 
dciiagloiioe.  a 

Les  deux  cdhts  qne  fiiiasit  Boifaodv  pendant. les. deux  années  do  son 
piMiiessosatf  «nt  été  sMnagraphiésiavec  im  soÛDreiigieuz  psèr  un  de  ses 
éttres,  M,  de  Linage,  qu'aidaient  aâduitla pasole  savante  et  facite^et 
la  méthodie  lueide  et  sûoe  4u  jeune  professeur;  et  ses  leçons,  qui  n'ent 
étépubliées^qu'aprèa.sa  jnorV  ont:  priai  plaça  parmi  les  OBUonres^los  plus 
éminentea de  lai sdonoa^u  droit.  Cette  publicationv  à laqueUe  il  n'amt 
jamais  songé,  et  qui  est  Tenue  saisir  à  som  insu>  les  prenûetisessaisi  da 
8on  aoseignamsQt,  le  premier  esser  da'sa  pensée^  a  tout  à  ooup<oon-> 
semé' son  nom. 

Les  leçons  de  pvecédnie  m^  €oni|ilétABSipas  1&  eontours  d»  savant 
doyen  de- l'Bcefie  de  drait,  M.  Ckdmet  d'Aage^.  sont  devennesl»  livre 
siqae  die  cette  matièoe,  juaque^là  presquai  înaceessible'àirétade. 

Les  leçons  de  législation  criminelle  ont^a;  le  mémeanocés.  CréUdt 
un  premier  pas  tenté  dans  une  voie  à  peu  près  inexplorée  à  cette  épo- 
que^  un  premier  développement  de  l^eosèiguement.dtti  droitt  pénal. 
Cette*  bràoehe*  Ati  droit  général,  qui  TÏe$V  pas  la  moins  importante 
peuf^tpe,  pmsqu'elle  oentiantia  garantie  de  tous;  les  drote  et  la  sane- 
tion  de  toutes  les  lois^  n'avaiit-en  Jusqu'alors^  par  suibedë  Torganisatioxi 
des oenrs,  qu^un organe-incomplet dansl'Éoole.  Blleétait  comme reja» 
tée  des-études  et  répudié» par  la  soiienoei  alle-méine.  On  afifectaît  de  ne 
trouver  dans  le  droit  pénal  qu^me  application  étroiteideiteatesaridea. 
On  sa\q)Çonnaità  peine  qu'ils  fomât  à  lui  secd  une  vastl9  sdence,-  il  ne 
peut/ marcher  en  effldtqu^en  stappu^ant  à  chaqae  pas  sur  lesantoas 
scientes  nMnrales';  lié  par  devmauds  intimes  au  dreit  porblicr,  U^paiti* 
dpé'deatm  intérêt  politique  ei  suit  tous  ae»  progrès  ventfu  il^tooeto 
iu  leutes^lëiF  questfoss^  sooialea^  h  tous  lésc  pacd[iUttne9  q&a  seuiè^nt 
lea^  miisè^s  et  les  seu&anee»  dei*imaianiitd.  A  ntte  ialla  étuda>  11  tA-- 
làitafn  enseignement  pri«ci|ad  ^  la(oréatto»delaiokaire»d^  législatfion 
pénale  et  le  cours  savamment  développé  de  Téminent  professeur  qui 
occupe  cette  chaire  ont  rempli  cette  lacunet  Jfais»aates  CDéatioii^aélé 

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ti«vi«2t  *(pA  en  'Ml  Pé9«lé  la  'QéoHrilé, 
sia  premiBrsieBMt  iqpd  nml  ^àémMtfè  l'intérêt  que  ce  €0«8  pouvadt 
moitar,  et  votre  iBOcnoiialisAaoedoMBe  reporter  sur  le  jeane^eopiMant 
qm  eati'iabonl  âlaigîr  la  i^baife  ^élPdde^iie  ieeTftglementB  lui  a^^atoiA 
cbmBte* 

Le  mérîle  'de  lees  laçone,  rf  TepUlement  prépnpfeB,  est  tioiverseU^ 
flUDi  rocawiL  iGe  qn  frappe  «vaut  lecrt  à  le»  lectura,  c^eet  la  «Utfté 
'de  lenejcapiitôtiens,  ce  sont  les  lumièreB  ^iree  etlmnches  qu'elles 
irfiipaq^eiit  sur  les  maMôlM  ^joi  es  soot  TcAjet.  La  parole  âti^iiofeeeeiir 
jaillîwiaît  laà  prédie  et  ai  sttie,  il  poesédaH  si^parfeitemem  ht  langue  du 
ésoit,  q;iie  las  tei^esEntous  les  plus  eiade^ s-olfràient  d>eUee^inémesà 
'Sa  pensée  pdaf  la  iormiiter*  On  'Ci^eliait  ^qm  loates  ses  cbserratieiis 
ont  été  travaillées  et  déeriles,  et  Ibn  est  pris  d^étonnement  quand  on 
«ppvmd  que  Tiniproirisation  les  a  produites  avec  cette  propriété  de 
mois  et  celte  «lettetéde  Tues. 

Il  précède  par  voie  d'analyse  *:  au  lieu  de  poser  atec  autorité  les 
règles  générales  du >dreil,  ii  feiit  assister  pow  ainsi  dire  son  audrtoîro 
à  leur  élaboratien ,  îi  lui  fût  peser  les  raisons  opposées  qui  se  détnttent 
dans  la  «olution  et  fait  toucher  mi  'doigl  la  l^&nité  de  œtte  solution . 
Son  argumentation  fbnne  le  jugement<en  mémn  tempsqu'elle  rédaûre. 
BUaattadss  l^esprit  parce  qu'elle  1- arrête  aux  phases  diverses  de  Cha- 
que questiea,  loi  «rend  «otnpte  des  otôections  et  le  oonduit  «nâ  au 
lenne  deladisnuBsion,  aalieude  aohoo'ner  à  lui  imposer  une  déci^on 
toute  faite.  Quand  les  textes  de  la  loi  fournissent  une  règle,  il  pr«itd 
soin,  pear  la  ^démontrer  et  pour  en  expliquer  le  sens  et  la  portée,  de 
rassembler  iteos*  les^oas  analogues'qui  retendent  ou  la  restreignent,  de 
ester  toms  les  articles  quide  pi^  ou  de  loin  «n  Tessentent  rappMcation , 
etH  arrive  ainsi  à  jeter  «ur  la  tégislation  des  -vtM  d'ensemMe  et  à 
lUdaireppar  des  rapproehements  inaUendus.  Celle  méthode,  qui  in- 
dique dims  le  profoseear :1a  {deine  possession  do  Isa  matiène,  est-mer- 
vettrasement  pnopte  à  l'expUcaHen  des  ^textes  et  à  lUndicalion  de 
Ifqqpint  qui  les.aiiiÉna. 

AlaîB  KM  necdeît  pas  demander  It  ce  livrer autse  cfaose*que  ce  lumineux 
cemmeii  taire  de  nos  ^eodes.  On  ne  doit  point  y  chercher  les  théories 
dndniit  péaaL  Lo^piofèssevr  mîs'égareprtat  à  travers  les  différente 
ig^sfèmes  qui  ent  ^divisé  la  seiehco,  il  ne  ecrute  ^et  n'inlerroge  ni  les 
oondîticmBfleVkiatfafeiDsition  des  actions,  ni  les  «lémeiïtS'âe  la  péna^ 
lîlé,  ni  les  fondemenlSi  ou  les  «tondes  des  juridictions  pénales.  Esprit 
sssantMlamént  pratique,  il  ne  TemmUo  pas  aux  sources  de  la  loi,  il  se 
tecoe  À  en  fray^k' cours,  en  rendanl  ses -atordS'faciles'Ot  accessibles 
à  to».  8oa  bot  a  étéicfinitier  leis^  éldvesàdes  oedes  qni  leur  étaient 

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fermés,  de  les  familianser  avec  cette  partie  trop  négligée  de  la  légida* 
tion,  de  développer  et  de  mettre  eu  mouvement  l'action  de  la  justice 
eriminelle.  Ge  but  a  été  complètement  atteint.  Chaque  leçon  renferme 
Texplication  la  plus  nette  et  la  plus  lucide  des  dispositions  qui  en  font 
Tobjet.  C'est  une  analyse  admirable  par  sa  précision  et  sa  clarté  des 
articles  qui  y  sont  examinés.  Ne  recherchez  ni  les  investigations  scien- 
tifiques, il  les  dédaigne,  ni  le  rapprochement  des  législations,  il  le  juge 
inutile;  son  plan  ne  comporte  ni  ces  savants  écarts  ni  cette  érudition. 
Il  lui  suffit  d'énoncer  toutes  les  notions  nécessaires  à  Tintelligence 
et  à  l'application  des  codes  qu'il  commente.  La  science  pure  occupe  une 
région  plus  élevée,  mais  son  étude  n'attire  qu'un  petit  nombre  d'adep- 
tes. Ces  leçons,  qui  renferment  tous  les  éléments  essentiels  à  la  pra- 
tique des  affaires,  s'adressent,  au  contraire,  au  grand  nombre  des  élèves 
qui  doivent  recruter  les  rangs  de  la  magistrature  et  du  barreau. 

Quelquefois  seulement  notre  professeur  se  laisse  aller,  chemin  fai- 
sant à  l'appréciation  théorique  de  quelques  dispositions  de  la  loi,  et 
ses  vues  judicieuses  et  saines  font  regretter  qu'il  soit  sobre  en  général 
des  discussions  de  cette  nature.  C'est  ainsi  qu'en  examinant  les  peines 
en  général,  les  faits  d'excuse,  les  circonstances  modiflcalives  de  la  cri- 
minalité et  l'exercice  des  deux  actiojos  publique  et  privée,  il  se  livre  à 
des  dissertations  d'un  grand  intérêt  et  qui  ont  souvent  été  citées.  On 
comprend,  en  les  lisant,  qu'il  a  dû  en  coûter  à  l'esprit  scientifique  du 
professeur  de  ne  pas  multiplier  ses  excursions  sur  le  terrain  de  la  théo- 
rie et  qu'il  n'a  cédé  qu'à  l'idée  systématique  de  féconder  son  ensei- 
gnement en  le  simplifiant. 

Mais,  pour  réaliser  cette  idée,  il  était  peut-être  inutUe  de  mettre  en 
avant  deux  propositions  dont  l'exactitude  peut  être  contestée  et  qui, 
placées  en  tête  de  la  première  leçon,  semblent  avoir  pour  objet  de  jus- 
tifier le  plan  du  professeur  :  c  L'étude  et  la  connaissance  de  l'ancien 
droit  criminel,  intéressantes  pour  le  moraliste  et  même  pour  l'histo- 
rien, me  paraissent,  dit-il,  importer  assez  peu  au  jurisconsulte  pour 
l'application  pratique  des  lois  sous  lesquelles  nous  vivons  ;  on  peut  en 
donner  deux  raisons.  D'abord  la  nature  même  des  lois  pénales  indique 
sufftsamment  que  le  juge  ne  jouit  pas,  dans  l'application  de  ces  lois, 
de  cette  latitude  d'interprétation  dont  nous  usons  tous  lés  jours  en 
matière  de  droit  civil.  La  nature  des  lois  pénales  dit  assez  que  tout 
doit  s'y  prendre  à  la  lettre,  qu'il  n'est  pas  permis  en  général  d'ag- 
graver contre  un  prévenu  la  disposition  prédse  d'un  texte  à  l'aide  d'ar- 
guments tirés  de  textes  anciens.  Ensuite,  une  autre  raisoi  ^lus  directe 
encore  parait  ôter  tout  intérêt  pratique  à  l'étude  détaillée  des  ancien- 
nes lois  criminelles  françaises  :  c'est  que  nos  lois  nouvelles  ne  sont  pas, 
comme  dans  les  matières  civiles»  la  reproduction  plus  ou  moins  fidèle, 

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—     XI     — 

{dus  oa  moins  exacte  de  principes  admis  autrefois.  Dans  le  droit  pénal, 
presque  tout  est  nouveau,  presque  tout  a  ressenti  vivement  Tinfluenoe 
des  temps,  des  mœurs,  des  i^olutions.  » 

Si  l'auteur  s'était  borné  à  dire  que  l'étude  de  l'ancien  droit  crimi*- 
nel  n'est  pas  rigoureusement  nécessaire  à  rapplication  pratique  de 
nos  codes,  je  n'aurais  pas  pensé  à  relever  cette  proposition,  quoiqu'elle 
me  paraisse  un  peu  absolue  ;  mais  je  ne  puis  admettre  la  double  raison 
qu'il  allègue  à  l'appui,  à  savcnr,  la  rénovation  complète  du  droit  cri- 
minel et  le  principe  d'interprétation  littérale  qui  exclut  le  concours 
de  la  doctrine;  et  c'est  parce  qu'il  me  semble  dangereux  de  laisser  ces 
deux  propositions  étendre  leur  ombre  malsaine  sur  ce  livre  tout 
classique,  que  je  crois  devoir  m'arréter  quelques  instants  sur  ces  deux 
points. 

Bst-il  vrai,  d'abord,  que  le  droit  pénal  soit  un  droit  nouveau,  que 
ses  sources  soient  tout  entières  dans  les  décrets  de  l'Assemblée  cons- 
tituante, et  qu'au  delà  de  ces  lois  on  ne  trouve  que  des  monuments 
curieux  pour  l'histoire,  mais  inutiles  à  la  science?  Ouvrez  le  Gode 
d'instruction  crimindle,  parcourez  ses  principales  dispositions  et  vous 
pourrez  vérifier  aisément  que  toutes  celles  qui  sont  relatives  à  la  mise 
en  mouvement  des  actions  publique  et  civile,  aux  droits  et  aux  obliga* 
tions  du  ministère  public  et  des  parties  lésées,  ont  leur  germe  dans 
les  ordonnances  de  1539  et  de  1670;  que  les  formes  de  l'instruction 
écrite  remontent,  à  travers  ces  mêmes  ordonnances,  à  une  source  plus 
ancienne  encore,  à  la  pratique  des  juridictions  ecclésiastiques;  que 
rinstmction  orale  et  publique,  consacrée  par  la  loi  des  28  sept.-6  oct. 
1791,  n'a  été  qu'un  retour  aux  pratiques  qui  étaient  appliquées  en 
France  avant  l'introduction  de  la  procédure  secrète  au  seizième  siècle, 
qu'une  imitation  des  règles  de  la  procédure  grecque  et  de  la  procé- 
dure romaine  ;  enfin  que  les  dispositions  qui  ont  pour  objet  les  voies 
de  recours  retrouvent  leurs  premiers  vestiges  dans  les  coutumes  féo- 
dales. 

Laplupart  de  nos  institutions  judiciaires  n'ont  également  de  moderne 
que  la  forme  qui  les  a  reconstituées  :  l'institution  du  juge  d'instruction 
est  née  de  la  procédure  extraordinaire  par  récolemcnts  et  confronta- 
'  tiens  qui  fut  établie  en  France  dans  les  premières  années  du  seizième 
aiède.  L'institution  du  ministère  public,  sortie  au  quatorzième  siècle 
de  la  lutte  des  juridictions  royales  contre  la  féodalité,  s'est  maintenue 
avec  le  même  caractère,  et  on  pourrait  presque  ajouter  avec  les  mêmes 
attributions.  Nos  juges  permanents  ne  font  que  continuer,  souvent  avec 
la  même  compétence,  les  baillages,  et  les  sénéchaussées,  et  les  cours 
de  parlement.  Le  jury  lui-même,  si  la  définition  de  ses  pouvoirs  est 
nouvelle,  prend  son  origine  dans  les  héliastes  d'Athènes,  dans  les 

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—   xn  — 


jUdiùaifmêUiiàm  fUmtioÊMipmpe^  Bbmt,  û$aai^ im^ImmÀûmnm 
9gppéiéB  àBmùmfasAâmé»  ia  paenisàrp  TÊU»,iàmMimcaactmn  dB^vm- 
Baux  et  des  hommes  de  fieb  au'jiiBtkeÉ  aeîgneuiriales^tdaAflda  îpÊ&* 
stoco'des  J>oinrgaoi0  'danato  assiMQtdM  ooftiÉDiiaea  audemiètnetiftele, 
4aM  'Caelles  des  pairade  raeoiiaé^dasui  les  coan  féadalea.  Enfin,  dans 
le  <;!od6  péoai  xnâoie,  isi  le  ayaième  de  la  péaaUté  à  été nnoiupclé.  Tin* 
flcûtuioatioa  qui  juge- et  afipîvéoieia  moraliléâfli'iaitA,  qui  ^pose  les  diC- 
Arenits  degrés  de  leur  morâuié,  qui  racfacrche  et  aaailTse  les  nuaiioeB 
qui  les  séparent,  oettç  ininriminailiiiB,  en  qeiirésiieot  tentée  ks  diifir 
eultés  duidfoit  pénal)  a  poÉsila'pliiiiast  de  aesxiigles,  de  ses  distiauïliûns, 
de :se8  »f  préciaitieas  dansr les  études  (le  nos' anoraDs  légistes. 

Bt  c'est  là,  je  rail  déjà  |dk,  ce  qtd  fait  la  fsvoe  des  1^^ 
résistent  mieux  aux  efforts  des  temps  lorsque  leurs  racines  les  latta- 
filuent  psofondémeiatau  passé.  L'humanité  .maxdiB' en  avant  chargée 
de  i'expéirieoee4lds  siôcdes;  pourquoi  répudiecaxtoelle.oe  riche  héritage 
deleudrs  travaux  ei  de  leums  oonqaôtesl?  Chaque  génération  appoorteisa 
{derre,  etrédiftoedelasoience  grandit  peu  à  peu  ;  chaque  sîède  laisse 
éehapper  quelque  rayein  qui  :so  projette  sur  les  aièoles  suivants.  Les 
lois  les  plus.'haiibares<<mt  recelé  le  germe  de  principes  quisont  devenus 
iécends.  C'est  cette  euccession  de  lents  essais^  de  ^lifficileB  épienves, 
de  patientes  applicaticms^  qui  oonstitue  le  psdgrès  deiaifkégislalion, 
comme  les  gsains  doisable  successiweiiieiti  appertdB  par  les  flete  ioav 
ment  l'alluvion.  La  législation  modifibB  plus  qu'elle  ne  «ciée^  eileper* 
lectionne  plus  qu'elle  n'inviente,  eUe  dénreleippe  fdus  qu'elle  ne  détruit. 
Si  elle  se  hasarde  queiquefoie  dans  de  téméraires  innorvaAione,  ses 
écarts  ne  durent  pas,  et  bientôt  elle  sarient  pac  quelques  piniits  aus 
j^intipes  que  le  teoips.a  apprxHi¥éS|  et:^  eoKit  les  YrAisfondamente 
de  sa  puissance* 

lie  m*an6terai  lun  peu  plus  lontemiMi^  eB)répitantioe  que  j'aîiexprimé 
JÔUeurs,  sur  la  question  de  riniûrpÉétalipn  juridique,  car  c'est  là  l^me 
des  thèses  les  plus  contestées  de  la  jurisprudence  criminelle.  Cette 
fqpnerelle  n'est  point  unfait  nou.Teàu,jeijle.ittmaii)teà  des  temps  éloignés  ; 
elle  ne  fait  qu/e  continuer  une  discussmn  quicdivisait,  dans  la  jurispm- 
denoexomaine,  les  pnoculéiens  etlesisidâuiens  :  les  (premiers  se  ittt- 
taohant  sur  ce  peint  à  une  doctrine-ancienne,  n'admettant  d'aixtre  mter- 
prétation  que  J'inteipsétation  grammaticale;  les  autres, 'dominés  >par 
la  règle  de  l'équiléi  et  plaçant  :la>  raison  de  la  loiiau-^ssus  ide  ses 
.toKtes,  et  rinterpflélaition  logiqu»  au^idessus  de  la  gnsnmaficald.  Nos 
•anciens  lésâtes  :s*é(aififUaraUfl^  à  ^sefete  dentitee  doctrine^  et  l'ap^li- 
squaient  sanascrufNale  te  imalière  .pénale.  Lorsque  Je  féoutese  Arbuivait 
dans  les  ternies  des  édita,  (lorsque  cestertnesétaient  «Ascursioudasuf- 
flsante,  il  était  de  priasipeque  leajugespoarfaknty  suppléer.  »Qn  était 


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aarbé(  josfDA  fOMrrmiiâaiim  qmàemym^cÉàamsspBÛAmkM 
SIC  Ml  lui  Bttii  préiiapvrks  ordnaQaQflra'devaieiiiapplui^ 
âafsctme  quiairaûbleplaid^jaalogieaMK  iB'faît.iiicntiiîiié.  Lar^gl» 
pafei8éepar'inv9adeDSi«riiDÎiialiste«  était  tot  cnmos Méoir 
^neot  joma»  damenMff.'  imiiuBisi^  at^goB  lot  lois,  qui  na^  vealent  pa« 
eatta*  impiinilfrr  éahQidtdèa  ]oc8.  ^m  prisai  dans  Isor  «ana  fa.  plua 
étanda  :  Cicnr.  êifitÊtr  Jh  dslida  pmSmA^  latmmtterpnMi»  9umi  ieèeL 
Jam  Bodin  nfUsite  mdme  pas  à  soulenk  qua  le»  jugaa  peaniat 
appfiipBsr  laipune  da^ouiri  daoa kp^aaa  oùliea édîts^na  Favaiaiil  pai 
praiiOQGéeu  Talle  éUvI^  malguè  las  cmttaMfiotîoaada  qissiqiias  ligislaa 
et  notomnaml  dai  Buapas,  ^  dootnaa  qaî  donûBSit; toute  la.piwtiquai 

€?ast  à  J» ma  de  aa>déBonlc»  jQiiditpia  qua>]^^ 
lèbrediatiiiatiaQ  :  «Plual»  goutiarnaaiaQi  approdia  ds  la  i^ubUqnav 
ptaialcinaadèraâa  j«ear  derientàxa;  Dans  laa^^BUt8:éMpÂiquii8,il 
iL'y  a  poiiU  d&loJBv  lafiga  est  à  M^mâma  saivègla*  Dans  les  IDtata 
BOMarchiquas/M  fa  «na^  )oi,  at  où  lalld  esl  poécisalaîiigala  suit; 
oÉ  ails  na  Ifast  pas,  il  an  eberdia  L^aspritv  Daas  le  gotnacaeoMiit'Vé* 
paliiisains  iLastdaila{Batava.db  la  tCOostltutioff^ilaB  juges  suiisaal 
la  lettre  de  la  loi.  Il  n^  &  point  de  citoyen  contre  qui  on  puisse  m^ 
tarpréloriiiia  loi.,  quandil  s'iagii.die  ses  bions^  d«  son  hoaneur  ou  de 
sa,¥i&jBi  BèmaïAa  at  généralisé  cattov  dbvuièiiei  pia|KMitioa  an  flaûant . 
sdiabtaQtîun.  de  toataa  las)  former  de  goumrnisnient  :  U  iieat-qu'ea 
motiàM  pénalai  iriatBspitoatioa  ^aoit  laufoiuni  at  .néeaasaiaament.  lîtK 
tende;. 

Qetiei  opinion  ai  été,  softout  dans  œe  detBkrs  teflÉps,  camlMUIiia 
arec  oDa  aartaina  vinaciié;  Ofl«a  dit  4[pia  rintarpffétatien  logique,  qui 
aa^  fimdtt  aoit  sur  le;  motif;  aoit  aor  riostantioa  dédarée  ou  présasnés 
du  législataur^  doit  s*appttqueD  aussi  biau  à  la  loi  pétfade  qu*âi  la  loi 
Giaile2';  qu'aoeune^difléoenoe  eàtre  les  draits  qui  résubOûtdkB  Fana 
ou  d&  Kautna  n'est  asnsilila  ;  quelei  droUn  particulier  que  .la  pbiloa». 
phia  sEiodemaa  voulu  placer  dafta chaque  applioatioa  de  la^lai pénale 
ifeaateiralkiiieQti:  que,  lorsque  laraisom  df^pplifation  est  la  mémai 
on  na^fsiti^plejsa  cottfoCTner  à  la^  loi  eii  rétenilÂtda  cas^  piéfUi  au 
cas  nom  prévu;  que  saaa  douta  le  juge  ne  doU  point  hittar  contra 
untextedair,  maie  qu*itdait  a'aanoier'  de  Teipirit  An  législateur,  aa- 
ptetees  dut2D0tifiqui>« dicté. ce  mtb,: atina  point  bésitar  luladéve» 
lofpea  toutea  k^^lsisiquail'inteiqptétatienjlogi^'  le  ooiiduill  &  câtta 
aiteaaion.       .  >   i 

Il  aati  MAmxù  qua»  ïinleqpnitKtiDn  pûMnent  litl4i»lav  rigoursoaa^ 
mené  antcBdueiasuaiti  des  conséqueiicas/éttaiigëi^'litoasin^nit  admette 
que  Is^IuiipéDalaisoîtsi  ainattiaoèbmaiiit  sirooBBoriie  qua  clûiooii  da> 
aaa  temasijdairraiétee'  pda  dans  sa^sigtaifloàltton  ^pkaa  absalâBifi  qu'il 

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—     XIV     — 

laille  accepter^dans  un  texte,- non  son  sens  réel,  mais  le  sens  illogique 
qu'une  locution  vicieuse  ou  sa  construction  grammaticale  lui  impo- 
sera ?  que  rapplicatibn  générale  d'une  réglé  légale,  quand  elle  est  daire- 
rement  écrite,  soit  subordonnée  à  la  condition  impossible  qu'aucune 
phrase,  aucun  mot,  ne  pourront  soulever  quelque  doute,  quelque 
difficulté  ?  Le  langage  des  sciences  mtorales  est  imparfait,  et  la  rédac* 
tion  de  la  loi  pénale,  par  cela  seul  qu'elle  tend  à  généraliser  ses  for- 
mules, manque  de  précision.  Faut-il  s'arrêter  à  chaque  disposition, 
à  chaque  période,  parce  qu'une  expression  est  vague,  équivoque,  sus- 
ceptible de  plusieurs  significations  ?fautril  attendre,  à  chaque  ombre 
de  la  loi,  que  le  législateur  Tait  dissipée?  La  loi  pénale,  comme  toutes 
les  lois,  a  des  principes  généraux;  un  ensemble  de  dispositions  qui  se 
coordonnent  entre  elles,  des  textes  qui  s'animent  et  se  meuvent  au 
souffle  des  mêmes  règles  ;  elle  est  l'œuvre  systématique  d'une  théorie 
générale,  l'application  d'une  doctrine  qui  la  domine  tout  entière.  Il 
est  évident  qu'elle  ne  peut  vivre  que  par  le  travail  d'une  inter- 
prétation scientifique  qui  rapproche  et  coordonne  ses  termes,  qui 
explique  ses  locutions  obscures,  qui  dégage  ses  maximes  et  assure 
leiu*  étendue. 

Mais  de  là  suilril  qn'U  faille  lui  appliquer  les  règles  qui  servent  à 
l'interprétation  de  la  loi  civile  ?  Celle-ci,  qui  se  borne  à  régler  les  rap- 
poi'ts  des  citoyens  entre  eux,  trouve  son  complément  naturel  dans 
l'-équité  d'abord  et  ensuite  dans  l'usage.  U  n'en  est  point  ainsi  en  ma* 
tière  pénale.  Toute  loi  pénale  est  composée  de  prohibitions  et  de  pré- 
ceptes :  le  législateur  prévoit  non-seulement  les  rapports  des  citoyens 
entre  eux,  mais  leurs  rapports  avec  l'État  ;  il  apprécie  leurs  actes;  il 
définit  ceux  qu'il  considère  comme  illicites  et  dangereux,  il  les  défend 
et  les  punit.  Or,  n'est-il  pas  de  la  nature  de  toute  défense  de  se  ren* 
fermer  strictement  dans  ses  termes  ?  Est-ce  que,  à  la  limite  où  elle 
expire,  il  n'y  a  pas  im  droit  qui  commence  ?  Il  importe  peu  que  l'acte 
commis  sur  cette  limite  participe  sous  quelque  rapport  de  l'acte  pro- 
hibé; il  suffît  que,  par  un  point,  par  une  circonstance  quelconque,  il 
en.difière  pour  que  la  prohibition  ne  l'atteigne  pas,  car  tout  :acte  qui 
n'est  pas  expressément  interdit  est  nécessairement  permis.  Où  s'ar- 
rêtent la  sollicitude  et  la  prévoyance  de  la  loi,  il  y  a  lieu  de  présu- 
mer que  là  s'arrête  le  péril  social,  et,  en  exagérant  par  zèle  la  portée 
de  la  défense,  on  tombe  dans  un  autre  péril.  Il  n'appartient  qu'au 
législateur  d'apprécier  les  actes  qui  peuvent  causer  un  trouble 
social  ou  constituer  ime  atteinte  grave  à  la  sécurité  publique.  La 
mission  du  juge  n'est  ni  de  venger  la  morale  ni  d'apprécier  le  péril 
dont  telle  ou  telle  action  menace  l'ordre  ;  elle  consiste  uniquement 
dans  la  rigoureuse  application  de  la  loi.  Si  telle  n'était  pas  la  limite 


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—     XY     — 

de  rinterprétation  judiciaire,  où  sacaient  les  garaotiee  de  la  Ubené 
civile? 

La  loi  pénale  crée  des  devoirs  et  des  obUgations.  Chacun  de  ses 
préceptes  est  une  rôgle  de  conduite  poiur  les  citoyens  ;  ils  y  trouvent 
la  distinction  des  actes  licites  et  de  œuz  gui  ne  le  s  ont  pas  ;  ils  sont 
tenus  de  conformer  leurs  actions  à  ses  dispositions .  Or,  cette  obliga- 
tion ne  suppose-t*eIle  pas  des  textes  clairs  et  précis  7  CkHnment  se* 
raient-ils  liés  par  une  prescription  vague  ou  ambiguë?  Gomment  se- 
raient-ils châtiés  à  raison  d'un  acte  qu'ils  ont  pu  croire  légitime  7  II 
ne  faut  pas  confondre  les  devoirs  qui  dérivent  de  la  conscience  et 
ceux  qui  dérivent  de  la  loi  :  ceux-ci,  ayant  pour  fondement  la  loi  elle- 
même,  sont  étroitement  enfermés  dans  ses  termes;  en  dehors,  ils 
n'ont  pas  d'appui,  ils  n'existent  pas.  Peut-on  suppléer  à  leurs  lacunes 
par  réquité?  L'équité  peut  être  invoquée,  comme  le  faisait  la  loi  ro- 
maine, dans  l'application  de  la  peine,  non  dans  l'interprétation  de  la 
loi,  car  elle  ne  saurait  compléter  la  loi,  quand  il  s'agît  de  désigner  les 
actes  que  la  société  a  le  droit  de  punir  .  Peut-on  y  suppléer  par  des 
analogies  et  des  inductions?  Non  ;  car,  en  matière  pénale,  on  peut 
dire  que  ce  n'est  pas  le  juge  qui  interprète,  c'est  le  citoyen  lui-môme, 
puisque  c'est  sur  le  texte  de  la  loi  qu'il  doit  régler  ses  actions.  Si  la 
loi  contient  une  lacune,  comment  serait-il  coupable  de  n'y  avoir  pas 
vu  ce  qui  n'y  était  pas? 

Ces  observations  amènent  à  déterminer  le  véritable  caractère  de 
l'interprétation  pénale.  Elle  ne  doit  être  ni  restrictive,  puisqu'il  n'ap- 
partient point  au  juge  d'apprécier  les  limites  de  la  volonté  du  légis- 
lateur, ni  extensive,  puisqu'il  ne  doit  pas  se  montrer  plus  prévoyant 
que  la  loi,  ni  fonder  une  peine  sur  une  présomption  ;  elle  doit  être 
purement  déclarative,  c'est-à-dire  que,  sans  rien  ajouter  ni  retrancher 
aux  textes,  elle  doit  se  borner  à  déclarer  le  sens  qui  s'y  trouve  vir- 
tuellement enfermé.  Ses  éléments  sdentiaques  sont  la  nature  de  la 
loi  elle-même,  le  caractère  de  la  matière  qui  en  iàit  l'objet,  le  système 
général  de  ses  dispositions,  Tensemble  de  ses  textes,  la  valeur  des 
termes  employés.  Elle  est  à  la  fois  littérale  et  logique  ;  littérale,  en  ce 
que  toute  sa  tâche  est  de  traduire  exactement  le  texte  de  la  loi  ;  logi- 
que, en  ce  qu'elle  remonte  à  la  raison  de  la  loi  pour  en  déduire  sa 
pensée,  à  la  règle  pour  en  vérifier  l'application. 

Telles  sont  les  seules  réserves  auxquelles  ces  leçons  doivent  donner 
lieu.  J'ai  dû  insister  trop  bnguement  sans  doute  sur  ces  deux  points, 
parce  que  la  grande  autorité  du  professeur  pouvait  accréditer  sur  l'un 
et  sur  l'autre  une  opinion  à  laquelle,  je  crois,  il  tenait  peu.  Les  doc- 
trines qui  remplissent  ce  livre,  sont  d'ailleurs  si  saines,  les  thèses 
qu'il  soutient  et  les  règles  qu'il  pose  s'identifient  si  intimement  avec 

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—     XVI     — 

k.  v<iilri)kt6eprit.de  la^  l4i,  toiUM  IwoptadôM'^a'il  étoeC  s'àmment 
d'un  souffle  si  pur  et  si  généreux,  qu*il  me  paraît  merveilleusement 
pcogtfe  àiinîliâr  l'esprit  ^eajcnioeg  l^giites  el  fc  les  intéiresser  h  Tâtude 
du  àjooU  «liminfiL  lu&ibuM  dvmon  trâvflâ  isleraeolnplétement  atteint 
si  >'ai:pu  jmlîAaer  h  oes  k$0D8: tonte  Tnliiité  cpf elles  avaient  an  mo- 
inenA^e  leur  publioaUdUL 

Un6»dtt!Biérd  addMQU)  a  étéliitr  r  it  randeune^aUe,  qui  était  déf^ 
meuM,!  ariéti^  md>atitué;UA  réBuméiflubsCantiel  de  toutes  lés  matières, 
de. sortis  4M<duwuae  des  espUcartiond  âé?eIoppées  daM  lefeite  eât 
coiiâenate  dana  uneiimnnle  diaifO'^t  iluccincte  ç[ui  les  clfeisse  aisé- 
inoiiti  dans  la  mdmoirei 

Pàustin  EÂLIfi. 


.■•il'   ' 


;-   1  *  Il 


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LEÇONS 


DE 


DROIT    CRIMINEL 

(GODE  PÉNAL) 

PREMIÈRE  LEÇON 


INTRODUCTION 

1.  L*êtTide  et  la  connaissance  de  l'ancien  droit  cnminel,  intéressantes  pent- 
être  pour  le  moraliste,  ou  môme  ponr  rhistorien,  me  paraissent,  en  général, 
ne  pas  importer  autant  au  jurisconsulte  pour  Tapplication  pratique  des  lois 
sons  lesquelles  nous  vivons.  On  peut  en  donner  deux  raisons. 

D'abord  la  nature  même  des  lois  pénales  indique  suffisamment  que  le  juge 
ne  jouit  pas,  dans  l'application  de  ces  lois,  de  cette  latitude  d'interprétation 
dont  nous  usons  tous  les  jours  en  matière  de  droit  civil.  La  nature  des  lois 
pénales  dit  assez  que  tout  doit  s'y  prendre  à  la  lettre  ;  qu'il  n'est  pas  permis, 
en  général,  d'aggraver  contre  un  prévenu,  contre  un  accusé,  la  disposition 
précise  d'un  texte,  à  l'aide  d'arguments  tirés  de  textes  anciens.  £n  un  mot,  il 
n'est  pas  permis,  dans  le  droit  pénal,  comme  on  le  fait  sans  cesse  dans  le 
droit  civil,  d'aller  chercher  dans  les  lois  anciennes  de  quoi  combler  les  lacunes, 
de  quoi  expliquer  les  obscurités  des  lois  nouvelles. 

Ensuite  une  autre  raison,  plus  directe  encore,  paraît  ôter  tout  intérêt  pra- 
tique à  l'étude  détaillée  des  anciennes  lois  criminelles  françaises  :  c'est  que 
nos  lois  nouvelles  ne  sont  pas,  dans  les  matières  criminelles,  comme  dans  les 
matières  civiles,  la  reproduction  plus  ou  moins  fidèle,  plus  ou  moins  exacte, 
de  principes  admis  autrefois.  Nous  ne  trouvons  pas  ici  ce  que  nous  trouvons 
à  chaque  pas  dans  les  autres  Godes,  une  transaction  plus  ou  moins  heureuse 
entre  les  anciens  principes  qui  partageaient  autrefois  la  jurisprudence  et  les 
aatenrs.  Dans  le  droit  pénal,  au  contraire,  presque  tout  est  nouveau,  presque 
tout  a  ressenti  vivement  Tinfluence  du  temps,  des  mœurs,  des  révolu^ons  ; 
et,  sous  ce  rapport  encore,  nous  aurons,  je  le  répète,  assez  peu  d'intérêt  à  con- 
sulter le  droit  ancien. 


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2  PREMIÈRE  LEÇON.  —  INTRODUCTION  (n®  Ï), 

Aussi  ne  m'occuperai-je  guère  aujourd'hui  de  l'histoire  du  droit  criminel 
antérieur  à  1789  que  pour  vous  démontrer  la  vérité  de  ces  deux  propositions, 
que  pour  vous  faire  sentir,  par  quelques  exemples  saillants^  quel  immense  in- 
tervalle sépare,  à  cet  égard,  les  idées  anciennes  des  textes  nouveaux. 

Au  contraire,  à  partir  de  1789,  malgré  les  nombreuses  variations  subies,  à 
diverses  époques,  par  la  législation  pénale,  nous  trouvons  cependant  une  filia- 
tion  de  principes,  de  règles,  de  procédures,  de  pénalités,  qu'il  sera  souvent 
important  de  suivre  pour  la  saine  intelligence  des  lois  qui  nous  régissent 
maintenant. 

Avant  1789,  on  remarquait  dans  le  droit  pénal,  d'une  manière  bien  plus 
sensible  et  bien  plus  fâcheuse  encore  que  dans  les  autres  branches  du  droit, 
l'absence  de  règles,  de  fixité,  d'uniformité,  soit  en  ce  qui  touche  la  nature  et 
Tapplication  des  peines,  soit  en  ce  qui  touche  les  règles  de  l'instruction,  soit 
dans  les  matières  qui  forment  aujourd'hui  l'objet  de  notre  Gode  pénal,  soit 
dans  celles  que  nous  trouvons  développées  dans  le  Gode  d'instruction  crimi- 
nelle. Occupons-nous  tour  à  tour  et  brièvement  de  chacun  de  ces  points. 

2.  D'abord,  dans  l'ancienne  pénalité  régnait  un  immense,  un  effrayant  ar- 
bitraire ;  j'en  citerai  tout  à  l'heure  des  exemples.  En  second  lieu,  les  plus 
bizarres  inégalités  dans  l'application  des  peines  étaient  admises  et  reconnues 
par  les  lois  et  par  l'usage.  Enfin,  nous  trouvons  des  rigueurs  exagérées,  des 
peines  mal  calculées,  qui  dépassent  à  chaque  instant  le  but,  et  qui,  par  consé- 
quent, le  manquent  lout  à  fait. 

Pour  justifier  ces  reproches,  pour  prendre  une  idée  sommaire  de  la  nature 
des  peines  admises  autrefois,  vous  pourrez  parcourir  un  passage  de  Pothier, 
Traité  de  la  procédure  criminelle,  section  V.  §  6.  Je  cite  Pothier,  attendu  que 
vous  trouvez  dans  ce  passage  un  résumé  assez  fidèle  des  anciens  principes  de 
la  législation  sur  cette  matière.  Pothier  cite  les  principales  divisions  de  péna- 
lités, les  principales  natures  de  châtiments  admis  et  pratiqués  dans  l'ancienne 
jurisprudence.  Il  place  en  première  ligne  les  peines  afflictives  capitales  ;  et 
c'est  de  celles-là  surtout,  comme  étant  les  plus  importantes,  que  je  vais  vous 
entretenir  un  instant;  ce  sont  les  exemples  les  plus  propres  à  faire  sentir  les 
vices  de  l'ancienne  législation  sur  cette  matière  : 

«  Lorsque  les  juges  trouvent  une  preuve  suffisante  contre  l'accusé,  ils  ren- 
dent contre  lui  une  sentence  de  condamnation,  par  laquelle  ils  le  déclarent 
atteint  et  convaincu  de  crime,  et  le  condamnent  à  la  peine  que  ce  crime  mé- 
rite. —  Les  juges  inférieurs  doivent  exprimer  le  crime  pour  lequel  ils  rendent 
le  jugement  de  condamnation  ;  ils  ne  peuvent  pas  prononcer  en  termes  géné- 
raux pour  les  cas  résultant  du  procès.  Pareilles  défenses  ont  été  faites  aux 
ofQciaux,  par  arrêt  du  19  mars  1712.  —  Les  peines  sont  ou  capitales  ou  afflic- 
tives ;  non  capitales  ou  seulement  infamantes  ;  ou  ni  afflictives  ni  infamantes. 
-—  Les  peines  capitales  sont  celles  de  la  mort  naturelle,  des  galères  à  perpé- 
tuité, du  bannissement  perpétuel  hors  le  royaume.  » 

Vous  voyez  que  ces  idées  sont  encore  reproduites  dans  le  droit  actuel  ;  vous 
y  trouverez  la  peine  de  mort,  celle  des  travaux  forcés,  et  la  déportation  qui 
répond  au  bannissement.  Mais  vous  allez  voir  une  immense  différence  dans 
l'application  : 


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UISTORIQUB  OU    CODB  PÉNAL.  3 

I  II  y  a  différents  genres  de  peine  de  mort  naturelle  ;  les  jages  ne  peuvent 
condamner  qu'à  quelqu'un  des  genres  qui  sont  en  usage  dans  le  royaume.  » 

Mais  à  part  cette  première  limitation,  qui  n'est  guère  qu'une  chose  d'usage, 
et  que  les  lois  ne  consacrent  pas,  vous  trouverez  une  désolante  latitude  dans 
cette  législation. 

«  Le  genre  de  peine  de  mort  le  plus  ordinaire  est  la  peine  de  la  potence. 
*-  Les  gentilshommes  ne  sont  pas  condamnés  à  cette  peine,  mais  à  celle  de 
la  décollation.  • 

Voilà  déjà  la  plus  bizarre,  la  plus  singulière  des  inégalités  ;  voilà  une  dis- 
tinction sociale  qui  ne  trouve  même  renouvelée  par  ce  qui  devrait  les  ni* 
vêler  toutes,  l'infamie  du  crime  et  la  main  du  bourreau.  Voilà  un  singulier 
piivilége,  celui  qui  a  pour  effet  d*inculquer  dans  l'esprit  du  peuple  cette  im- 
morale et  fausse  idée,  que  la  honte  s'attache  moins  à  la  nature  du  crime  qu*à 
la  nature  même  du  châtiment. 

c  La  peine  de  la  roue  est  aussi  un  genre  de  peine  auquel  on  condamne  pour 
les  crimes  les  plus  atroces,  tels  que  l'assassinat  prémédité,  le  vol  sur  les  grands 
chemins,  ou  dans  les  maisons,  avec  effraction  et  violence  publique  :  on  ne 
condamne  jamais  les  femmes  à  cette  peine.  —  La  peine  du  feu  est  aussi  en 
usage  pour  certains  crimes,  tels  que  les  sacrilèges  énormes,  les  crimes  contre 
nature,  etc.,  selon  le  degré  d'atrocité  du  crime.  On  condamne  quelquefois  une 
personne  à  être  brûlée  vive,  quelquefois  seulement  à  être  pendue  et  étran- 
glée, et  le  corps  jeté  au  feu.  —  Ceux  qui  ont  attenté  à  la  vie  de  nos  rois  ont 
été  condamnés  à  être  écartelés.  n 

Toutes  ces  peines,  toutes  ces  mutilations  plus  ou  moins  barbares,  que  les 
lois  ou  l'usage  ont  ajoutées  à  la  peine  de  mort,  sont  des  peines  dont  le  vice 
est  jugé  depuis  longtemps  :  ce  sont  de  ces  peines  dont  je  disais  tout  à  l'heure 
qu'elles  ont  manqué  le  but  parce  qu'elles  l'ont  dépassé.  £n  effet,  quelque 
opinion  qu'on  puisse  adopter  sur  la  légitimité  de  la  peine  de  mort,  et  en  fai- 
sant, à  cet  égard,  la  part  la  plus  large  aux  habitudes  et  aux  exigences  so- 
ciales, en  admettant  pleinement  la  légitimité  de  celte  peine,  on  ne  peut  s'em- 
pêcher du  moins  de  reconnaître  qu'elle  est  le  dernier  terme,  le  nec  pliu  ultra 
des  rigueurs  humaines  :  que  si  cette  peine  n'effraye  pas,  ne  détourne  pas  du 
crime,  le  luxe  de  tortures,  l'addition  de  supplices  que  le  législateur  y  ajoutera 
n'efifrayera  pas  davantage  ;  que,  de  plus,  les  effets  si  graves,  si  sérieux  de  la 
peine  de  mort,  seront  en  partie  détruits  ;  car,  par  une  impression  de  pitié  ou 
de  douleur  qui  est  la  conséquence  inévitable  de  l'emploi  de  tels  supplices,  on 
détruira  en  grande  partie  l'effet  salutaire,  l'impression  terrible  que  devait  pro- 
duire le  châtiment.  Il  est  toujours  dangereux  d'appeler  Tintérêt  public  sur  un 
grand  coupable  qu'on  punit,  et  on  ne  peut  guère  manquer  d'y  arriver  quand 
on  ne  se  contente  même  pas  de  la  peine  de  mort.  C'est  une  chose  qui  fait 
peine  à  voir,  que  de  regarder  la  justice  entrant  avec  le  coupable  qu'elle  frappe 
dans  une  lutte  de  raffinement,  dans  un  concours  de  barbarie  où  elle  a  contre 
lui  le  triste  avantage  d'être  la  plus  habile  et  la  plus  forte. 

Enfin,  quant  à  l'arbitraire  des  peines,  Pothier  en  donne  un  singulier  exem^ 
pie  dans  le  paragraphe  suivant.  U  vient  de  dire  que  certains  crimes  graves, 
odieux,  étaient  punis,  non  pas  seulement  de  peine  de  mort,  mais  de  la  roue  et 
du  feu  ;  il  ajoute  que,  par  la  volonté  des  juges,  quelquefois  on  cumule  en- 

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4  PREMIÈRB  LEÇON.    —   INTRODUCTION  (n**   3). 

semble  ces  deux  peines  ;  c'est-à-dire  qa'après  avoir  roué  le  coupaJole,  et  pen- 
dant qu'il  est  encore  vivant,  on  le  jette  dans  le  feu. 

«  Quelquefois  on  géminé  les  peines.  Il  y  a  quelques  années,  la  cour  condamna 
un  parricide  de  ce  pays-ci  à  être  roué,  et  ensuite  jeté  au  feu  tout  vivant.  On 
joint  quelquefois  à  la  peine  de  mort  celle  de  faire  amende  honorable,  d'avoir 
le  poing  coupé,  ou  la  langue  percée.  On  ordonne  aussi  assez  souvent  que  celui 
qui  est  condamné  à  mort  soit  préalablement  appliqué  à  la  question  pour  avoir 
par  lui  la  révélation  de  ses  complices.  » 

Voilà  une  gémination  de  peines,  voilà  un  redoublement  de  supplices  appli- 
qués sans  aucune  loi,  sans  aucune  autorité  légale,  en  vertu  de  la  prétendue 
omnipotence  parlementaire,  dont  les  dangers  se  font  évidemment  sentir,  sur- 
tout en  cette  matière.  Heureusement  un  principe  tout  contraire  domine  au* 
jourd'hui,  et  depuis  longtemps  il  est  établi  dans  notre  législation  pénale 
qu'une  peine  ne  peut  être  appliquée  qu'autant  qu'elle  était  à  l'avance  formelle- 
ment exprimée  par  la  loi. 

c  La  conséquence  de  toutes  les  peines  capitales,  c'est,  >  ajoute  encore  Po- 
thier,  sans  aucune  réflexion  sur  toutes  ces  matières,  «  c'est  la  confiscation,  » 
c'est-à-dire  la  plus  odieuse,  la  plus  immorale  de  toutes  les  peines,  puisqu'elle 
ne  frappe  pas  le  coupable,  mais  seulement  sa  famille,  ses  enfants,  sa  postérité. 
Je  dis  qu'elle  n'atteint  pas  le  coupable  ;  car,  à  coup  sûr,  la  confiscation  importe 
peu  à  celui  que  frappe  une  peine  capitale  ;  ceux  qui  souffrent,  et  ceux  qui  souf- 
frent seuls,  ce  sont  ceux  qui  ne  sont  pas  coupables. 

Quant  aux  peines  non  capitales,  je  n'entrerai  pas  dans  les  longues  distinc- 
tions de  l'ancien  droit,  et  dans  les  exemples  qu'en  donne  Pothier.  Vous  remar- 
querez seulement,  en  continuant  la  lecture  de  ce  passage,  qu'on  prodigue, 
avec  un  luxe  effrayant,  des  peines  qui,  à  la  vérité,  quoique  moins  graves  que 
les  précédentes,  sont  cependant,  depuis  longtemps.  Tune  au  moins,  et  l'autre 
depuis  un  temps  assez  récent,  réprouvées  et  condamnées,  c'est-à-dire  la  peine 
du  fouet  et  la  peine  de  la  marque,  peines  qui  ont  l'inconvénient  d'irriter, 
d'aigrir,  de  démoraliser  celui  qu'elles  frappent  ;  peines  qui  en  font  un  ennemi 
plus  dangereux  pour  la  société,  sans  cependant  lui  ôter  les  moyens  de  nuire  ; 
peines,  en  un  mot,  qui  dépravent  au  lieu  de  corriger,  but  essentiel,  but  natu- 
rel de  toute  pénalité. 

8.  Ces  détails  suffisent  pour  vous  faire  connaître,  au  moins  en  mabse,  ce  que 
j'annonçais  dès  le  principe,  l'absence  de  tout  rapport,  de  toute  analogie  utile 
et  applicable  entre  l'ancien  droit,  quant  à  la  pénalité,  et  les  matières  actuelle- 
ment régies  par  le  Gode  pénal  de  1810. 

Ce  qui  touche  à  l'instruction  criminelle  demande  un  peu  plus  de  détails  ; 
d'abord,  parce  que,  dans  les  matières  d'instruction,  de  procédure  criminelle, 
règne,  comme  vous  le  verrez  plus  tard,  un  peu  plus  d'étendue,  un  peu  plus  de 
latitude  d'interprétation  ;  ensuite,  parce  que  le  même  arbitraire  qui  régnait, 
quant  à  la  pénalité,  quant  à  l'application  des  divers  châtiments,  ne  réjiçnait 
pas,  au  moins  d'une  manière  aussi  complète,  dans  la  procédure  criminelles  ^ 

Cette  procédure  a  été  régie  avant  1789  par  deux  ordonnances  assez  célèbres, 
dont  la  seconde  surtout  mérite  quelques  détails  ;  je  veux  parler  des  ordoiLUan^ 
ces  de  1539  et  de  1670. 


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HISTORIQUB  DU   CODB  PÉNAL.  5 

4.  li  est  assez  difficile  de  bien  juger  aujourd'hui  du  mérite  relatif  de  Tor- 
donnanoe  de  1539,  dans  l'obscurité  qui  couvre  pour  nous  la  marche,  les  règles 
de  la  procédure  criminelle  antérieure  ;  on  ne  saurait  guère  dire  si  cette  ordon- 
nance fut  un  progrès,  ou  au  contraire  un  pas  rétrograde.  Citons  cependant 
quelques  exemples  de  nature  à  faire  connaître  l'esprit  qui  y  dominait,  de  na- 
ture à  faire  juger  le  mérite  des  reproches  qui,  cent  ans  avant  1780,  avaient  été 
élevés  contre  elle. 

L'ordonnance  de  1539  a  consacré,  dans  la  procédure  criminelle  française, 
un  usage  qui  malheureusement  y  a  duré  trop  longtemps,  le  secret  le  plus  com- 
plet pendant  toute  la  durée  de  Tlnstruction. 

On  lui  a  reproché  également  d'avoir  formellement,  expressément  refusé  à 
Taccuséle  droit  de  faire  présenter  sa  défense  par  la  bouche  d'un  avocat;  c'était 
la  disposition  de  l'art.  162. 

Cette  ordonnance,  qui  refusait  à  Taccusé  un  défenseur,  ne  lui  permettait 
même  pas,  au  moins  d'une  manière  formelle,  de  recourir  à  un  conseil  qui  pût 
le  guider,  le  diriger  dans  les  détails  et  l'examen  de  la  procédure  instruite  con- 
tre lui. 

Enfin,  elle  obligeait  l'accusé  contre  lequel  des  témoins  étaient  produits,  de 
présenter  les  reproches  qu'il  avait  à  faire  valoir  contre  ces  témoins  dès  que  leur 
nom  lui  était  notifié  ;  une  fois  que  la  déposition  de  ces  témoins,  reçue  et  écrite 
hors  de  sa  présence,  lui  avait  été  lue,  il  était  non  recevable  à  en  discuter  le 
mérite,  à  aflTaiblir  par  des  motifs  quelconques  l'autorité,  la  gravité  des  témoi- 
gnages qui  avaient  été  donnés  contre  lui.  Ainsi  le  voulait  l'art.  154. 

Ces  divers  points  paraissaient  avoir  soulevé  de  la  part  des  parlements  une  op- 
position assez  vive;  et  nous  trouvons  du  reste  un  témoignage  authentique,  une 
preuve  manifeste  de  la  défaveur  qui  accueillit  cette  rigueur  de  procédure, 
dans  les  écrits  d*un  jurisconsulte  fameux,  d'un  auteur  contemporain,  dans  les 
écrits  àeDnmonUn,  Voici  en  quels  termes  il  reprochait  au  chancelier  Poyet, 
auteur  de  cette  ordonnance,  ce  refus  étrange,  cette  rigueur  nouvelle  dans  le 
droit  français,  qui  refusait  à  l'accusé  le  ministère,  l'appui  d'un  défenseur  : 
Vide,  disait  Dumoulin,  vide  tyrannicam  impii  Poyeti  opinionem,  vide  duritiam 
iniquissimam  per  quam  eiiam  aufertur  defensio  ;  sed  nuncjudicio  Deijusto  redun- 
dat  in  auetorem. 

En  efifet,  en  1544,  cinq  ans  après  la  publication  de  l'ordonnance,  dans  l'an- 
née même  où  Dumoulin  écrivait  ceci,  le  chancelier  Poyet  était  victime,  à  son 
tour,  des  rigueurs  qu'il  avait  accumulées  dans  son  ordonnance.  Accusé  de  pé- 
culat,  de  concussion,  traduit  devant  une  commission  de  ce  même  parlement, 
au  mépris  des  remontrances  duquel  il  avait  publié  cette  partie  de  l'ordon- 
nance, Poyet  voyait  citer  contre  lai  une  multitude  de  témoins  inconnus,  contre 
lesquels  il  n'avait  aucun  reproche,  aucune  récusation  possible  à  proposer. 
Pour  s'enquérir  de  la  vie  de  ces  témoins,  de  leurs  rapports  avec  lui,  pour  con- 
naître, en  un  mot>  les  reproches  à  l'aide  desquels  il  pourrait  affaiblir  leurs 
dépositions,  il  demandait  du  temps,  un  sursis;  il  demandait  un  défenseur.  Le 
juge  chargé  de  Tenquète  lui  répondit  par  ces  paroles  fameuses  :  «  Patere  legem 
quam  ipse  iulisii.  C'est  toi  qui  as  fait  la  loi,  supporte-la.  »  Poyet  fut  condamne. 

5  Cependant,  malgré  la  célébrité  d'un  tel  exemple,  les  principes  désastreur 

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6  PREMIÈRE  LEÇON.    —   INTRODUCTION  (n®   5). 

contenus  dans  rordonnance  de  1539  restèrent  en  pleine  vignear  jusqu'à  l'or- 
donnance de  1670,  par  laquelle  Louis  XIY  voulut  publierun  corps  de  législa- 
tion^  ou  plutôt  d'instruction  criminelle,  comme  il  avait,  trois  ans  plus  tôt,  fait 
publier  un  corps  de  procédure,  d'instruction  civile.  Il  est  môme  à  remarquer 
que  la  jurisprudence  avait  encore  enchéri  dans  un  assez  grand  nombre  de  par- 
lements, sur  les  rigueurs  de  l'art.  162,  et  que,  comme  cet  article,  qui  refusait 
à  l'accusé  le  ministère  d'un  avocat,  était  muet  sur  la  question  de  savoir  6*il 
obtiendrait  un  conseil,  non  pas  pour  plaider,  mais  pour  .le  guider,  les  tribu- 
naux en  avaient  conclu  qu'il  leur  appartenait,  suivant  la  nature  et  la  gravité 
des  cas,  d'accorder  ou  de  refuser  à  l'accusé  le  droit  de  communiquer,  le  droit 
de  consulter.  Nous  verrons,  tout  à  l'heure,  cette  question  agitée  solennelle- 
ment lors  de  la  discussion  de  l'ordonnance  de  1670. 

Cette  dernière  ordonnance  a  reçu,  dans  l'origine,  d^assez  grands  éloges.  Elle 
avait,  en  effet,  le  mérite,  précieux  en  tout  temps,  de  contenir  un  corps  com- 
plet, régulier,  uniforme  dans  celle  de  tontes  les  matières  du  droit  où  la  régu- 
larité, la  fixité,  l'uniformité  importenjb  le  plus.  Aussi,  un  criminaliste  moderne, 
séduit  sans  doute  par  ce  mérite  incontestable  de  l'ordonnance,  a-t-il  cru  pou- 
voir dire  que  cette  ordonnance  parut  ôtre  et  fut  un  grand  bienfait.  Cependant, 
sans  contester,  sans  discuter  la  vérité  de  cet  éloge,  il  est  sûr  que,  pour  l'ad- 
mettre, il  nous  faudra  supposer  que  d'intolérables  abus  avaient  précédé  l'or- 
donnance. En  effet,  vous  verrez  les  rigueurs  de  l'ancien  esprit  en  matière  de 
procédure  criminelle  se  reproduire  à  chaque  pas  dans  les  détails  de  cette  ordon- 
nance. Je  procède  également  par  quelques  exemples. 

L'un  des  éléments,  le  premier,  le  plus  simple  de  tous  les  éléments  de  l'ins- 
truction, c'est  l'interrogatoire  qu'on  fait  subir  à  l'accusé  ;  c'est  là,  vous  le  sen- 
tez, un  élément  essentiel,  un  élément  nécessaire  de  toute  procédure  crimi- 
nelle. Il  parait  que,  depuis  longtemps,  s'était  introduit  en  France,  sans  aucun 
texte  de  loi,  un  usage  d'une  étrange  bizarrerie;  il  consistait  à  contraindre  l'ac- 
cusé, avant  de  subir  l'interrogatoire,  à  prêter  serment  de  la  vérité  des  réponses 
qu'on  l'appelait  à  faire.  Cet  usage  le  plaçait,  «vous  le  voyez,  surtout  dans  les 
affaires  graves,  dans  les  matières  capitales,  entre  la  nécessité  de  se  parjurer 
ou  celle  de  s'accuser  lui-môme  ;  cet  usage  ne  lui  laissait  que  l'insupportable 
alternative  ou  d'une  violation  de  sa  foi  religieuse,  ou  d'une  sorte  de  suicide. 
Aussi,  lorsque  dans  le  projet  de  l'ordonnance  de  1670  on  eut  inséré,  pour  l'ac- 
cusé, l'obligation  de  prôter  serment,  de  dire  la  vérité  dans  son  interrogatoire, 
lorsqu'on  voulut  convertir  en  loi  ce  qui  jusqu'alors  n'était  qu'une  affaire  d'u- 
sage, les  plus  vives,  les  plus  sérieuses  réclamations  s'élevèrent.  Le  premier 
président  du  parlement,  M.  de  Lamoignon,  réclama  vivement  l'abolition  de  cet 
ancien  usage  ;  il  fit  sentir,  avec  la  plus  grande  force,  quel  inconvénient  il  y 
avait  à  placer  un  accusé  dans  une  telle  alternative;  à  le  contraindre,  en  quel- 
que sorte,  à  se  parjurer,  pour  sauver  sa  vie,  à  profaner  par  là  môme  l'usage  et 
l'emploi  du  serment;  il  démontra,  et  ses  raisons,  fort  développées,  sont  bonnes 
à  lire  dans  le  procès-verbal  de  l'ordonnance,  il  démontra  que  cette  prestation 
de  serment,  imposée  à  l'accusé,  n'avait  pour  elle  l'autorité  d'aucune  loi,  d'au- 
cun édit,  d'aucune  ordonnance  ;  qu'elle  avait  pris  sa  source,  à  ce  qu'il  sem- 
blait, dans  la  procédure  de  l'inquisition,  telle  qu'elle  avait  été  décrite,  en  1360, 
dans  un  livre  intitulé  :  Manuel  des  inquisiteurs.  Cependant,  et  nonobstant  sa 

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HISTORIQUIS  DU  CODB  PÉNAL.  7 

gravité^  la  puissance  de  ces  réclamations,  ce  qui  n'était  qu'usage  devint  loi. 
Vous  verrez  les  réponses  insignifiantes  qui  furent  faites  à  M.  de  Lamoignon. 
La  nécessité  du  serment  continua  d'être  imposée,  ou  plutôt  fut  formellement 
imposée  avant  tout  interrogatoire. 

La  même  rigueur  apparaît  dans  les  matières  plus  importantes  pour  la  sû- 
reté de  l'accusé,  pour  la  bonne  administration.de  la  justice.  Ainsi  il  ne  fut  pas 
question,  dans  l'ordonnance  de  1670,  d'accorder  aux  accusés  ce  que  l'art.  162 
de  l'ordonnance  précédente  leur  avait  formellement  refusé;  il  ne  fut  pas 
même  question,  de  la  part  de  Lamoignon,  qui  représente  dans  tous  ces  débats, 
quoique  avec  peu  de  succès,  la  cause  de  l'humanité  et  aussi  de  la  raison,  il 
ne  fut  pas  question  d'accorder  à  l'accusé  le  ministère,  l'appui  d'un  avocat. 
Mais  le  projet  allait  plus  loin,  et  il  proposait  de  refuser  à  l'accusé,  au  moins 
dans  la  plupart  des  cas,  le  droit  de  communiquer,  même  après  son  interroga* 
toire,  avec  un  défenseur,  le  droit  de  requérir  ses  conseils,  que  l'ordonnance 
de  1539  ne  lui  avait  pas  refusés,  du  moins  expressément. 

Ici  reparurent,  avec  toute  leur  force,  les  objections  de  M.  de  Lamoignon.  Il 
disait  que  refuser  à  Paccusé  le  droit  de  s'éclairer  d'un  conseil,  c'était  violer 
cette  loi  de  la  nature,  ce  sentiment  si  puissant  qui  porte  le  plus  faible,  le 
moins  habile,  à  recourir  à  l'appui  d'un  plus  fort,  d'un  plus  habile  ;  qu'à  la 
vérité,  l'emploi  des  conseils  au  profit  des  accusés,  la  liberté  de  communiquer 
après  leur  interrogatoire,  pouvaient  dans  certaines  affaires  entraver,  par  quel- 
ques lenteurs,  l'administration  de  la  justice  ;  que  certains  conseils  profiteraient 
sans  doute  de  leur  communication  avec  l'accusé  pour  lui  suggérer  des  moyens, 
des  chicanes  sans  fondement,  à  TefiTet  de  retarder,  d'arrêter  la  procédure  ; 
mais  que  cet  inconvénient  était  minime,  en  présence  du  danger  contraire  ; 
qu'il  valait  infiniment  mieux  entraver  par  quelques  lenteurs  la  procédure  cri- 
minelle :  s'exposer  même  au  danger  de  laisser  échapper  quelques  coupables, 
que  d'exposer,  comme  on  le  faisait  chaque  jour,  un  innocent  à  périr  faute 
d*avoir  pu  communiquer. 

Cependant  ces  réclamations  ne  prévalurent  pas  ;  l'usage  ancien,  défendu,  et 
durement  défendu  par  M.  Pussort,  l'emporta  encore  sur  les  réclamations  d'une 
partie  des  parlements.  M.  Pussort  répondit  qu'au  moyen  des  conseils,  il  n'y 
aurait  pas  possibilité  de  voir  la  fin  d'un  procès;  qu'un  accusé  assez  riche  pour 
payer  des  avocats  trouverait  moyen  d'entraver  éternellement  la  procédure 
dirigée  contre  lui. 

En  conséquence,  le  projet  fut  maintenu,  et  maintenu  avec  la  plus  étrange, 
la  plus  inconcevable  des  distinctions.  En  effet,  on  fut  d'abord  bien  d'accord,  et 
la  chose  était  fort  sage,  qu'avant  l'interrogatoire  l'accusé  ne  pourrait  commu- 
niquer avec  personne.  On  conçoit  qu'on  ne  veuille  pas  lui  laisser  les  moyens 
de  consulter  un  avocat,  de  préparer,  de  combiner  ses  premières  réponses. 
Mais  une  fois  l'interrogatoire  achevé,  on  se  demandait  s'il  était  bon  d'autoriser, 
dans  certains  cas,  pour  l'accusé,  le  droit  de  communiquer  avec  qui  bon  lui 
semblerait,  et  par  conséquent  avec  un  conseil.  On  distingue,  à  cet  égard,  en- 
tre les  crimes  capitaux,  ceux  qui  entraînent  les  peines  dont  j'ai  parlé  tout  à 
l'heure,  et  les  crimes  non  capitaux.  Le  titre  XIV  de  l'ordonnance,  art.  8  et  9, 
consacra  cette  distinction.  Dans  les  uns,  on  permit  à  l'accusé,  de  communiquer, 
dans  les  autres,  on  lui  refusa  cette  faculté,  on  le  laissa  sans  conseil,  voulant 

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8  PREMIÈRE  LEÇON.  —  INTRODUCTION  (n*"   5). 

que  le  secret  fût  rigoureasement  maintenu  jusqu'après  la  condamnation.  Mais 
dans  quels  cas  lui  permettait-on,  dans  quels  cas  lui  refasait-on  le  conseil  ? 

La  réponse  ne  semblerait  pas  douteuse  :  apparemment  dans  les  accusations 
capitales,  dans  celles  qui  ont  pour  Taccusé  les  conséquences  les  plus  terribles, 
dans  celles  dont  la  gravité  peut  à  l'avance  Teffrayer,  Tépouvanter,  paralyser  son 
esprit,  lui  enlever  les  moyens  de  se  bien  défendre.  Il  est  naturel  de  croire, 
qu'avec  la  force  de  la  peine,  va  s'accroître  et  s'augmenter  la  sollicitude  du  lé- 
gislateur; qu'à  cet  accusé,  découragé  d'avance  par  les  conséquences  fatales  de 
son  procès,  on  permettra,  précisément  à  raison  de  ce  péril,  de  communiquer 
avec  un  conseil  qui  pourra  le  défendre.  Ainsi  le  fouet,  le  bannissement,  les 
galères  à  temps,  toutes  ces  peines  non  capitales,  on  les  infligera  sans  doute 
sans  accorder  de  conseil  à  Taccusé  ;  mais  du  moins  son  sang  ne  coulera  pas, 
mais  du  moins  les  supplices  que  détaille  Pothier  ne  lui  seront  pas  infligés 
sans  qu'il  ait  pu  recourir  aux  conseils  d'un  bomme  plus  habile,  à  l'effet  de 
discuter  les  charges,  de  peser  la  procédure.  Eh  bien,  non  ;  c'est  précisément  le 
contraire  :  dans  les  crimes  non  capitaux,  l'accusé  interrogé  peut,  d'après  l'art. 
9,  réclamer  le  droit  de  communiquer,  peut  obtenir  un  conseil  ;  du  reste,  s'il  ne 
le  réclame  pas,  l'ordonnance  dit  formellement  que  le  juge  ne  lui  en  donnera 
pas.  Quant  aux  crimes  capitaux,  à  ceux  qui  entraînent  la  mort,  avec  ou  sans 
tortures,  les  galères  perpétuelles,  le  bannissement  à  vie,  il  n'y  aura  pas  pour 
lui  possibilité  d'obtenir  non  pas  un  avocat,  mais  môme  un  conseiL 

La  raison  en  est  curieuse,  il  faut  l'entendre  donner  dans  le  procès-verbal 
par  M.  Pussort  ;  il  faut  l'entendre  débattre  tout  aussi  froidement  par  Pothier. 
C'est  que,  dans  le  cas  de  meurtre,  d'incendie,  d'assassinat,  de  vol  à  main  ar- 
mée, c'est-à-dire  dans  ces  cas  graves  oiî  il  s'agit  de  voir  si  l'accusé  a  commis  ou 
non  le  fait,  il  n'a  pas  besoin  de  conseil  pour  avouer  ou  pour  dénier.  MM.  Pus- 
sort  et  Pothier,  qui  répètent  froidement  cette  raison,  auraient  pu  y  ajou- 
ter quelque  chose  de  plus  :  c'est  que,  d'après  l'ordonnance  qui  simplifie  et 
réduit  à  ce  point  les  moyens  de  défense  de  l'accusé,  à  son  aveu  se  joignait 
encore  un  moyen  plus  précis  et  plus  simple  d'arriver  à  la  vérité.  En  effet,  les 
aveux  volontaires  provoqués  par  le  serment  ont-ils  manqué?  on  a  la  ressource 
de  la  question  ;  de  la  question  autorisée  par  l'ordonnance,  précisément  dans 
ces  crimes  capitaux,  à  raison  desquels  cette  môme  ordonnance  refuse  formel- 
lement à  l'accusé  tout  conseil;  de  la  question,  dont  Pothier,  dans  le  môme 
passage,  répète  et  donne  les  détails  avec  un  inconcevable  sang-froid. 

Au  reste,  ces  moyens  de  tortures,  employés  contre  toute  raison,  pour  arra- 
cher, contre  un  accusé,  des  preuves  que  l'instruction  n'a  pas  fournies,  sont 
encore  présentés,  justifiés  dans  l'ordonnance  de  la  plus  singulière  façon  ;  jus- 
tifiés, je  me  trompe,  car,  à  propos  de  l'article  môme  où  la  question  est  établie, 
on  voit  d'abord  M.  de  Lamoignon  demander  qu'au  moins,  tout  en  conservant 
la  question,  on  prenne  la  peine  de  fixer  quelques  limites  pour  en  déterminer 
la  nature  et  la  durée,  pour  empocher,  ce  qui  arrive  dans  certains  endroits,  que 
les  accusés  n'en  demeurent  estropiés.  M.  Pussort  répond  que  ces  détails  se- 
raient indécents  dans  l'ordonnance,  et  en  conséquence  on  laisse  aux  juges  la 
faculté  de  faire  durer  la  question  autant  qu'ils  le  voudront  ;  Pothier  ajoute 
seulement  qu'un  médecin  sera  présent  pour  arrêter  la  question  en  cas  de 
danger.  M.  de  Lamoignon  ajoute  que  jamais  la  question  n'a  produit  de  rôsul- 


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UISTORIQUJB  DU  C00£  PÉNAL.  9 

tats  niiles.  Talon  en  dit  autant.  M.  Possort  reconnaît  la  vérité  du  fait;  et  tout 
le  monde  étant  bien  d'accord  que^  dans  la  pratique,  les  tortures  ne  menaient  à 
rien^  on  maintient  cependant  la  question  (Pothier,  môme  section  Y,  §  3). 

Ce  qui  est  inconcevable,  c'est  ce  qui  suit  :  «  Cette  question  dont  nous  parlons 
ici  n*est  pas  celle  que  les  juges  ordonnent  contre  un  accusé  convaincu  et  con- 
damné, pour  lui  faire  révéler  ses  complices  ;  non  :  c'est  la  question  à  laquelle 
les  juges  soumettent  un  accusé  contre  lequel  les  preuves  ne  paraissent  pas 
complètes,  i  Ainsi  il  faut  qu'il  y  ait  déjà  un  commencement  de  preuves  con- 
sidérable ;  il  faut,  de  plus,  que  le  crime  imputé  à  Taccnsé  soit  de  nature  à  en* 
traîner  la  mort.  Mais  vous  sentez  que  la  première  de  ces  conditions  a  laissé 
tout  à  l'arbitraire,  que  la  conscience  du  juge  décidera,  quand  et  comme  il 
Fentendra,  si  le  commencement  de  preuves  est  déjà  considérable*  En  outre» 
cette  question  a  précisément  pour  danger  de  suppléer,  par  les  aveux  de  Tac- 
cusé,  à  l'insuffisance  des  preuves  déjà  produites  contre  lui.  La  conséquence  na- 
turelle semblerait  être,  que,  si  l'accusé  résiste,  si  les  tortures  qu'on  lui  impose 
n'arrachent  de  lui  aucun  aveu,  il  sera  renvoyé  acquitté,  puisqu'on  effet  la 
question  a  été  ordonnée  à  cause  de  l'insuffisance  des  preuves.  Puisque  la  ques- 
tion, loin  de  donner  aucune  preuve  nouvelle,  n'a  fait  qu'ajouter  une  présomp- 
tion de  plus  à  l'innocence  de  l'accusé,  il  semblerait  naturel  de  le  renvoyer  de 
l'accusation.  Pas  du  tout,  l'ordonnance  décide  qu'alors,  si  l'accusé  a  résisté  à 
la  question,  s'il  n'a  fait  aucun  aveu,  on  ne  pourra  pas  le  condamner  à  la  mort, 
mais  que  toute  autre  peine  peut  lui  être  infligée;  parexemple»  celle  des  galères 
perpétuelles,  vous  dit  Pothier.  Yoilà,  à  coup  sûr,  la  plus  singulière  de  toutes 
les  logiques,  surtout  en  matière  pénale.  On  n'a  pas  de  preuves  suffisantes,  et 
précisément,  faute  de  preuves,  on  a  cherché  un  supplément  dans  cet  étrange 
usage  de  la  torture,  elle  n'a  rien  produit;  l'accusé  est  condamné  non  plus  à  la 
mort,  mais  aux  galères  I  on  n'est  pas  assez  convaincu  du  crime  pour  lui  ôter 
la  vie,  mais  on  en  est  assez  convaincu  pour  lui  infliger  une  autre  peine  I  Ai-je 
besoin  de  dire  qu'il  n'y  a  pas  de  milieu  possible  entre  la  conviction  qui  con- 
damne, et  la  conviction,  ou  môme  la  simple  certitude,  qui  entraîne  forcément 
l'acquittement  d'un  accusé  ? 

Enfin,  une  des  raisons  de  M.  de  Lamoignon  pour  réclamer,  en  faveur  de 
l'accusé,  le  droit  d'obtenir  des  conseils,  c'était,  disait-il»  que  la  plupart  des 
accusés  étaient  par  leur  position  absolument  hors  d'état  de  vérifier  les  procé- 
dures dirigées  contre  eux,  absolument  liors  d'état  de  reconnaître  les  nullités 
qui  auraient  pu  se  glisser  dans  les  instructions,  qui  d'ailleurs  ne  leur  sont  pas 
communiquées  par  écrit  et  qu'ils  ne  connaissent  que  par  une  lecture  rapide, 
instantanée.  Pussort  et  Pothier  ont  encore  trouvé  une  réponse  à  cela  :  c'est 
que  les  juges  auront  la  mission  de  vérifier  la  régularité  de  la  procédure.  Ainsi, 
Pothier  dit,  section  IV,  art.  6,  §  1  m  fine  :  i  Dans  les  autres  crimes  capitaux, 
oi^  il  n'est  question  que  de  savoir  si  un  accusé  a  fait  ou  non  telle  <ïhose,  on 
ne  permet  pas  aux  accusés  d'avoir  un  conseil,  parce  qu'on  n'a  pas  besoin  de 
conseil  pour  convenir  delà  vérité  de  tels  faits.»  Et  il  ajoute  :  «  Mais,  comme 
les  accusés  pourraient  prétexter  qu'ils  ont  besoin  de  conseils  pour  relever  les 
nullités  qui  peuvent  se  trouver  dans  la  procédure  et  qu'ils  ont  intérêt  de  re- 
lever, l'ordonnance  charge  les  juges  d'y  suppléer  et  d'y  faire  eux-mêmes  cet 
examen.  > 


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10  PREMIÈRE  LEÇON.   —  INTRODUCTION  (n®  6). 

Voilà,  je  l'avoue,  une  bien  singulière  prévoyance,  une  bien  singulière  preuve 
d'humanité.  L'ordonnance  prévoit  que  des  nullités  peuvent  avoir  été  commi- 
ses, que  l'accusé  a  un  ijitérêt  capital  à  les  relever,  puisque  sa  vie  en  dépend  ; 
et  qui  charge-t-elle  de  les  découvrir,  de  les  rechercher,  de  prononcer  sur  ces 
nullités  ?  Les  juges  eux-mêmes  qui  ont  commis  ces  nullités. 

A  coup  sûr,  une  législation  qui  refuse  à  Taccusé  et  un  défen?eur  et  un  con- 
seil, une  législation  qui  impose  d'abord  à  sa  conscience  la  torture  du  serment 
avant  Tinterrogatoire,  puis  la  torture  du  corps  quand  il  est  interrogé,  n'a  pas 
dû  servir  de  modèle  aux  lois,  bonnes  ou  mauvaises,  qui  nous  régissent  aujour- 
d'hui, et  ne  peut  être  pour  nous  que  de  peu  de  secours  dans  l'interprétation 
et  dans  l'explication  de  ces  lois. 

6.  Et  toutefois  cette  observation  ne  doit  pas  être  prise  dans  un  sens  trop 
absolu.  Les  lois  nouvelles,  lors  même  qu'elles  inaugurent  un  système  nouveau, 
ne  naissent  pas  d'un  seul  jet:  elles  ne  font  en  général  que  remplacer  sous  une 
autre  forme  les  matériaux  dont  le  soi  est  couvert  et  qui  conservent  l'empreinte 
qu'ils  ont  précédemment  reçue.  Notre  législation  pénale,  par  l'esprit  dont 
elle  est  animée,  par  les  principes  qu'elle  développe,  et  surtout  par  les  formes 
de  sa  procédure,  doit  être  considérée  comme  ayant  commencé  une  nouvelle 
ère  en  1789  ;  mais  ce  serait  une  grave  erreur  que  de  croire  que  toutes  ses 
dispositions  sont  de  création  récente  et  ont  surgi  subitement  à  cette  époque. 
En  matière  pénale,  l'échelle  et  la  gradation  des  peines  ont  été  radicalement 
changées,  mais  la  plupart  des  incriminations  ont  été  maintenues  ;  et  c'est  dans 
l'ancien  droit  et  surtout  dans  les  travaux  qu'il  a  suscités  qu'ont  été  puisées  la 
division  des  faits  punissables  et  toutes  les  règles  relatives  à  leur  appréciation. 
En  matière  de  procédure,  il  serait  facile  de  constater  que  toutes  les  dispositions 
du  Gode  d'instruction  criminelle  relatives  à  l'exercice  de  l'action  publique  et 
de  Faction  civile,  aux  droits  et  aux  obligations  du  ministère  public  et  de  la 
partie  civile  appartiennent  à  la  législation  fondée  par  les  ordonnances  de  1539 
et  de  1670  ;  que  les  principales  formes  de  la  procédure  écrite  remontent,  à  tra- 
vers ces  mêmes  ordonnances,  à  une  source  plus  ancienne  encore,  aux  règles 
du  droit  ecclésiastique;  que  les  principes  de  l'instruction  orale  et  publique  ne 
sont  qu'un  retour  aux  principes  qui  ont  régi  la  France  pendant  dix  siècles, 
qu'une  reproduction  des  formes  de  notre  procédure  antérieure  au  seizième 
siècle,  qu'une  imitation  des  règles  plus  anciennes  encore  de  la  procédure  grec- 
que et  de  la  procédure  romaine  ;  enfin  que  les  dispositions  qui  ont  pour  objet 
l'appel  et  les  voies  de  recours  retrouvent  leur  origine  dans  les  dispositions  du 
droit  féodal.  Sans  aucun  doute,  il  faut  reconnaître  que  les  rédacteurs  de  nos 
Godes  ont,  en  général,  profondément  modifié  les  institutions  qu'ils  emprun- 
taient à  des  législations  éteintes;  ils  les  ont  appropriées  à  nos  institutions  mo- 
dernes ;  ils  les  ont  mises  en  harmonie  avec  nos  lois,  avec  nos  mœurs,  avec 
notre  constitution  politique.  Mais,  sous  les  formes  nouvelles  qu'elles  ont  revê- 
tues, elles  ont  conservé  en  partie  leur  esprit,  leurs  tendances,  leur  autorité.  Il 
n'est  donc  pas  entièrement  inutile  de  remonter  à  ces  sources  de  notre  droit 
moderne,  si  l'on  veut,  non  se  borner  à  la  connaissance  des  textes,  mais  en 
approfondir  les  principes  et  en  rechercher  la  valeur  scientifique.  Les  lois 
suivent  les  mœurs  et  les  habitudes  sociales  dont  les  transformations  sont 

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HISTORIQUE  DU  GODB  PÉNAL.  11 

lentes  et  souvent  plus  apparentes  que  réelles,  et  lors  même  qu^elles  changent 
les  lois  antérieures,  elles  s'y  rattachent  par  leurs  dispositions  secondaires; 
elles  ne  font  quelquefois  que  modifier  les  dénominations,  mais  elles  conser- 
vent les  choses.  Ainsi,  et  quoique  notre  législation  pénale  ait  été  transformée» 
il  sera  nécessaire  de  remonter  plus  d'une  fois,  pour  expliquer  ses  textes,  à 
celle  qu'elle  a  remplacée,  et  nous  verrons  que  cette  étude  qui,  trop  étendue,  se* 
rait,  comme  on  vient  de  le  dire,  étrangère  à  ce  cours,  sera  cependant,  dans  de 
certaines  limites,  un  secours  et  un  véritable  appui  pour  notre  examen. 

7.  Vous  comprendrez  aisément,  d'après  les  détails  qui  précèdent  qu*en  1789, 
lors  de  la  réunion  des  états  généraux,  la  révision  des  lois  criminelles  se  trouvât 
consignée,  comme  vœu  et  comme  demande,  dans  tous  les  caliiers  remis  par 
les  bailliages  à  leurs  commettants.  Aussi  l'Assemblée  constituante,  dans  une 
loi  du  24  aoât  1790,  posa  en  principe  quelques-unes  de  ces  règles  générales  qui 
servent  encore  aujourd'hui  de  base  à  nos  lois  criminelles,  et  entre  autres  elle 
annonça  qu'il  serait  procédé  incessamment  à  la  rédaction  d'un  Gode  de  lois 
pénales  mieux  appropriées  à  la  nature,  à  la  gravité  de  chaque  délit,  d'un  CSode 
de  lois  pénales  uniformes  et  communes  à  tout  le  royaume. 

L'accomplissement  de  ce  vœu,  la  réalisation  de  cette  promesse  ne  se  fit  pas 
attendre  longtemps.  Au  milieu  de  ses  immenses  travaux,  l'Assemblée  natio- 
nale publia  successivement,  dans  la  matière  qui  nous  occupe,  deux  Godes  et 
une  instruction,  qu'il  est  encore  utile,  encore  nécessaire  de  consulter  souvent 
aujourd'hui  :  d'abord,  un  Gode  d'instruction  criminelle,  décrété  le  16  septem- 
bre 1791  et  sanctionné  le  29  du  même  mois,  puis  un  Gode  pénal,  décrété  le 
25  septembre  1791  et  sanctionné  le  6  octobre  ;  enfin  une  instruction  en  forme 
de  loi,  destinée  à  guider  les  officiers  de  police  îudiciaire  et  les  juges  dans  l'ap- 
plication des  lois  nouvelles.  Gette  instruction  a  pour  date  le  29  septembre  1791 . 
Vous  pouvez  y  joindre  aussi  une  loi  du  19  juillet  1791,  sur  la  procédure  en 
matière  de  police  correctionnelle  et  municipale,  car  le  premier  Gode  ne  s'ap- 
plique qu'à  l'instruction  criminelle  proprement  dite. 

Ges  Godes  restèrent  en  vigueur  jusqu'au  Gode  des  délits  et  des  peines  publié 
le  3  brumaire  an  lY.  Je  ne  parle  pas  des  tribunaux  révolutionnaires,  institués 
dans  l'intervalle,  le  10  mars  1793  ;  il  est  trop  évident  que  l'institution  de  ces 
tribunaux,  que  l'établissement  de  ces  juridictions  permanentes  et  choisies,  de 
ces  commissaires  permanents  et  choisis,  décorés  dérisoirement  du  nom  de  ju- 
rés, appartient  uniquement  à  l'histoire  de  la  politique,  mais  non  pas,  heureu* 
sèment,  à  l'histoire  de  la  justice  en  France. 

Gomme  je  l'ai  dit,  le  Gode  du  3  brumaire  an  lY,  connu  sous  le  nom  de  Gçde 
des  délits  et  des  peines,  refondit  en  grande  partie  les  dispositions  des  lois  pu- 
bliées, en  matière  d'instruction,  par  l'Assemblée  constituante,  celles  du  19  juil- 
let et  du  29  septembre  1791 .  A  l'égard  du  Gode  pénal  de  l'Assemblée  consti- 
tuante, il  fut  presque  entièrement  maintenu  par  le  Gode  du  3  brumaire  an  IV. 
Vous  verrez  dans  ce  Gode  l'abrogation  des  lois  d'instruction  antérieures,  dans 
l'art.  594,  et  la  consécration  des  lois  pénales  antérieures,  dans  les  art.  609  et 
610,  à  l'exception  pourtant  de  quelques  dispositions  toutes  spéciales. 

Enfin,  en  joignant  à  ces  diverses  lois  celle  du  7  pluviôse  an  IX,  qui  intro- 
duisit dans  la  police  judiciaire  un  changement  important  et  dont  nous  aurons  à 

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12  PREMIÈRE  LEÇON.   —   INTRODUCTION  (n°  8). 

traiter  plus  tard,  vous  connaîtrez  à  peu  près  l'état,  la  statistique,  Tensemble 
de  la  législation  en  cette  matière,  lorsque  le  gouvernement  du  consulat  voulut 
embrasser  la  matière  du  droit  criminel  dans  la  publication  des  Godes  dont  il 
s'occupait  à  cette  époque. 

8.  En  effet,  un  arrêté  du  7  germinal  an  IX  (28  mars  4801)  nomma  six  com- 
missaires chargés  de  rédiger  et  de  présenter  un  projet  de  Code  criminel.  Ce 
projet,  qui  comprenait  1,169  articles,  embrassa  dans  un  môme  corps  ce  que 
jusqu^alors  on  avait  traité  séparément,  savoir,*  le  droit  pénal  et  l'instruction 
criminelle,  ce  qui  fait  aujourd'hui  l'objet  de  deux  Godes  distincts  et  séparés. 

Le  projet  ainsi  rédigé  fut  d'abord  soumis  aux  observations  de  tous  les  tribu- 
naux d'appel,  tels  qu'ils  étaient  institués  par  la  loi  du  27  ventôse  an  Vin.  Puis, 
les  observations  de  ces  tribunaux  ayant  été  rédigées  et  imprimées,  le  projet 
fut  porté,  conformément  aux  règles  alors  en  usage,  à  la  section  de  législation 
du  conseil  d'État;  la  discussion  y  commença  le  16  prairial  an  XII  (5  juin  1804). 
Cette  discussion  a  présenté  un  caractère  d'étendue,  de  généralité,  qui  la  dis- 
tingue d'une  manière  assez  notable,  de  la  discussion  des  autres  Codes.  Ainsi, 
par  ordre  de  l'empereur,  la  discussion  dut  rouler  d'abord  sur  quelques  ques- 
tions générales  dont  il  avait  exigé  la  rédaction  et  la  position.  Voici  quelles  fu- 
rent les  principales  de  ces  questions  en  ce  qui  touche  la  matière  de  l'instruction 
criminelle;  j'en  citerai  d'autres  pour  le  Code  pénal. 

La  première,  la  plus  grave  de  toutes,  était  celle-ci  :  i^  L'institution  du  jury 
sera-t-elle  conservée?  Elle  avait  été, vous  le  savez,  introduite  en  France  par 
les  lois  de  l'Assemblée  constituante. 

2<>  Y  aura-t-il  un  jury  d'accusation  et  nn  jury  de  jugement  ?  Le  système 
des  deux  jurys  emprunté  aux  États-Unis  et  à  l'Angleterre  avait  été  transporté 
en  France  par  les  lois  de  1791  et  de  l'an  VIII  :  il  y  avait  un  premier  jury  pour 
prononcer  la  mise  en  accusation,  et  un  second  pour  juger.  Ce  système  est  aboli 
maintenant. 

3<>  Gomment,  dans  quelle  classe,  et  par  qui  les  jurés  seront-ils  désignés  ? 

4<>  Posera-t-on  au  jury  plusieurs  questions  simples  comme  sous  l'empire 
des  lois  antérieures,  ou  ne  lui  posera-t-on,  au  contr^iire,  qu'une  question  uni- 
que et  complexe  :  Un  tel  est-il  coupable  ? 

5<*  La  déclaration  du  jury  se  formera-elle  à  Tunanimité  on  à  la  simple  ma- 
jorité des  voix? 

6<^  EnGn,  y  aura-t-il  des  magistrats  ambulants  chargés  d'aller  tenir  les  assi- 
ses dans  un  ou  plusieurs  départements  ?  Le  sens  de  cette  dernière  question 
va  s'éclairer  tout  à  l'heure. 

La  discussion  commença  le  16  prairial  an  XII  (le  5  juin  1804),  peu  de  jours 
après  le  sénatus-consulte  qui  conférait  à  Napoléon  le  titre  d'empereur. 

Sur  la  première  question,  le  maintien  du  jury,  surgirent  des  débats  assez 
vifs;  lo  jury  trouva  dans  le  conseil  d'Etat  et  d'assez  chauds  adversaires  et 
d'opinuUi  es  défenseurs.  Cette  discussion  se  termina  d'abord  par  une  solution 
affirmâfive  :  le  maintien  du  jury  fut  décidé,  et  les  autres  questions  suivirent 
a  fi  j=ez  rapidement. 

Amgi,  on  vota  de  môme  la  conservation  du  jury  d'accusation  et  du  jury  de 
jugement,  solution  de  la  deuxième  question. 


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HISTORIQUE  DU   GODE  PÉNAL.  13 

On  décida  que  les  jurés  seraient  pris  parmi  les  membres  des  collèges  électo- 
raux ;  que  plusieurs  questions  seraient  présentées  ;  que  la  décision  s'arrêterait 
à  la  simple  majorité  :  ceci  est  contraire  au  projet. 

Enfin,  on  posa  cette  dernière  question  :  N*y  aura-t-ii  plus  de  magistrats 
ambulants  chargés  d*aUer  tenir  des  assises? 

Malgré  la  solution  affirmative  donnée,  dès  l'origine,  aux  deux  premières 
questions,  elles  étaient  destinées  encore  à  faire  l'objet  de  longs  et  nombreux 
débats.  En  effet,  la  sixième  question,  une  fois  posée,  ramena  la  discussion  sur 
le  terrain  des  deux  premières.  Pour  bien  comprendre  le  sens  de  cette  ques* 
tion,  il  est  essentiel  de  se  reporter  au  système  judiciaire  qui  existait  en  1804. 
A  cette  époque,  tous  savez  déjà  quelle  était  Torganisation  de  la  justice  civile 
en  France  :  elle  avait  sa  base  dans  la  loi  du  27  ventôse  an  YIU.  Ainsi  il  y 
avait,  dans  chaque  arrondissement,  un  tribunal  civil,  c'étaient  les  anciens  tri- 
bunaux de  district;  et  de  plus,  pour  un  certain  nombre  de  départements,  un 
tribunal  d'appel,  auquel  le  sénatus-consulte  du  28  floréal  an  XII  venait  de 
donner  le  nom  de  cour  d'appel.  Mais  le  point  dont  je  n'ai  pas  parlé,  et  qui  ap- 
partient tout  à  fait  à  la  matière  qui  nous  ocdupe  maintenant,  c'est  l'institution, 
l'organisation  de  la  justice  criminelle.  Elle  n'était  pas,  à  cette  époque,  comme 
vous  la  voyez  aujourd'hui,  réunie,  confondue  avec  la  justice  civile;  au  con- 
traire, des  tribunaux  distincts,  séparés,  étaient  chargés  d'administrer  l'une  et 
l'autre. 

Ainsi,  outre  ces  tribunaux  d'arrondissement  et  ces  tribunaux  d'appel,  il  exis* 
tait  dans  chaque  département,  et  en  général  au  chef-lieu  du  département, 
un  tribunal  criminel.  Ge  tribunal  était  composé  d'un  président,  de  deux  juges 
et  de  deux  suppléants*,  c'est  ce  qui  résultait  de  la  loi  du  27  ventôse  an  YIU 
(art.  22).  Les  tribunaux  ou  cours,  que  nous  appellerons  maintenant  cours  d'ap- 
pel, n'avaient  donc  aucune  portion  de  la  justice  criminelle,  aucune  attribution 
en  matière  criminelle.  Lea  tribunaux  d'arrondissement,  ou  tribunaux  civils,  ne 
participaient  que  très-partiellement,  qu'indirectement,  et  de  loin,  à  l'adminis- 
tration de  cette  même  justice.  En  effet,  les  tribunaux  d'arrondissement  con- 
naissaient, en  première  instance,  des  affaires  correctionnelles  ;  l'appel  de  ces 
affaires  était  porté  aux  tribunaux  criminels  institués  dans  chaque  département. 
De  plus,  un  des  membres  du  tribunal  civil  d'arrondissement,  membre  qui  se 
renouvelait  tous  les  six  mois,  devait,  sous  le  nom  de  directeur  du  jury  d'accu- 
sation, s'occuper  des  préliminaires  de  l'instruction  criminelle  proprement  dite. 
Quant  à  l'appel  des  jugements  de  police  correctionnelle,  quant  à  la  tenue  des 
assises  des  jurys  de  jugement  pour  juger  les  matières  criminelles,  ils  apparte- 
naient exclusivement  au  tribunal  criminel  établi  dans  chaque  département.  Tel 
était  le  système  du  Gode  du  3  brumaire  an  IV,  maintenu  implicitement  par 
la  loi  du  27  ventôse  an  VIII. 

Cette  organisation  judiciaire  était  modifiée  en  partie  par  le  projet  de  Gode 
dont  nous  nous  occupons  en  ce  moment.  La  commission,  qui  avait  rédigé  ce 
projet,  proposait  l'imitation  partielle  de  ce  qai  était  suivi  et  de  ce  qu'on  obser- 
vait encore  en  Angleterre,  de  confier  la  présidence  des  cours  d'assises,  la  pré- 
sidence des  jurys  de  jugement,  à  plusieurs  magistrats  chargés  annuellement 
de  tenir  ces  cours  d'assises  dans  un  certain  nombre  de  départements.  Ces  ma- 
gistrats portaient,  dans  le  projet,  le  nom  de  préteurs.  C'était  au  gouverner 

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14  PREMIÈOE  LEÇON.   —  INTRODUCTION  (n*   9). 

à  désigner  tous  les  ans,  à  chaque  préteur,  dans  quel  ressort  et  dans  combien 
de  départements  il  irait  présider  les  assises.  Le  projet  de  Gode  conservait  donc 
Texistence  des  tribunaux  criminels,  mais  il  en  changeait  la  composition;  il- 
leur  donnait  pour  président,  dans  les  affaires  de  la  police  correctionnelle,  un 
propréteur,  et  pour  président,  dans  les  affaires  criminelles,  ce  préteur  ambu- 
lant chargé  de  présider  successivement  trois,  quatre  ou  cinq  tribunaux  crimi- 
nels dans  des  départements  contigus. 

Le  but  était  manifeste  :  à  part  l'esprit  d'imitation  de  l'Angleterre,  qui  avait 
pu  influer  sur  la  rédaction  de  ce  projet,  on  y  trouvait  l'avantage  de  confier  la 
présidence  des  cours  d'assises  et  la  haute  direction  des  affaires  criminelles,  à 
un  magistrat  élevé  supérieur  en  position  aux  présidents  des  tribunaux  crimi- 
nels établis  dans  chaque  département,  à  un  magistrat  qui,  étranger  au  dépar- 
tement, ne  pouvant  même  jamais  présider  les  assises  dans  le  lieu  où  il  était  né 
ou  dans  le  lieu  de  son  domicile,  serait  par  là  môme  nécessairement  dégagé  de 
ces  influences,  de  ces  préventions  locales  qu'on  avait  à  redouter  dans  les  pré- 
sidents des  tribunaux  criminels  résidant  à  vie  dans  le  même  lieu. 

9.  La  question  une  fois  établie  sur  ce  terrain,  une  première  discussion  s'en- 
gagea entre  la  commission  qui  proposait  ce  système,  et  certains  membres  du 
conseil  d'État  qui  voulaient,  au  contraire,  maintenir  les  tribunaux  criminels 
dans  leur  existence  actuelle.  Mais,  au  milieu  de  cette  discussion  éclata  un 
incident,  survint  une  proposition  qui  en  changea  la  base,  et  qui,  d'ailleurs,  a 
exercé  trop  d'influence  sur  l'organisation  judiciaire  actuelle  pour  ne  pas  mé- 
riter de  nous  occuper.  Au  milieu  de  ce  débat  entre  le  système  des  préteurs 
ambulants  et  celui  des  présidents  permanents  de  chaque  tribunal  criminel 
l'empereur  souleva  une  question  toute  nouvelle,  qui  partagea  fort  longtemps 
les  esprits,  et  finit  par  faire  changer  tout  le  système.  Il  proposa  la  création, 
l'institution  de  corps  judiciaires  beaucoup  plus  complets,  beaucoup  plus  im- 
posants que  ceux  qui  existaient  jusque-là;  il  demanda  la  réunion,  en  un 
même  corps  et  dans  les  mêmes  mains,  de  la  justice  civile  et  de  la  justice  cri- 
minelle, jusqu'alors  isolées,  détachées;  il  demanda  que  les  tribunaux  d'appel, 
établis,  vous  le  savez,  pour  un  nombre  variable  de  départements,  fussent  en 
même  temps  chargés  et  de  la  justice  civile  et  de  la  justice  criminelle,  et  qu'on 
arrivât  ainsi  au  renouvellement,  au  rétablissement  de  ces  grands  corps  judi- 
ciaires que  l'Assemblée  nationale  avait  détruits,  et  dont  maintenant  on  ne  re- 
doutait plus  Iq  retour  et  Tinfluence.  Cette  proposition  inattendue  changea  tout 
à  fait  la  face  de  la  discussion  et  ramena  la  question  du  jury,  déjà  décidée.  En 
effet,  il  parut  à  tous  les  partisans  du  jury  que  ce  système  de  réunion  des  deux 
justices  était  inconciliable,  incompatible  avec  le  maintien  du  jury.  La  raison 
en  est  fort  simple,  disaient-ils;  confier  aux  cours  d'appel  l'administration  de  la 
justice  criminelle  aussi  bien  que  de  la  justice  civile,  créer,  organiser  de  grands 
centres  d'action  communs  à  plusieurs  départements,  c'était  éloigner  beaucoup 
les  justiciables  de  leurs  juges  ;  c'était  nécessiter,  par  exemple,  à  des  jurés,  un 
déplacement  de  trente,  quarante,  cinquante  lieues,  pour  se  rendre  des  extré- 
mités du  ressort  au  chef-lieu  de  la  cour  devant  laquelle  devraient  se  tenir  les 
assises  ;  c'était,  en  d'autres  termes,  rendre  inapplicable,  en  pratique,  l'institu- 
tion du  jury  déjà  maintenue.  Mais  cette  considération  même  fut,  pour  les 


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UfSTOAIQUK  D(J  COOS  PÉNAL.  15 

adversaires  da  jury,  une  raison  de  plus  d'insister  sur  la  réunion,  et  pendant 
nombre  de  séances  la  question  continua  de  marcher  parallèlement  à  celle  du 
jury  ;  les  adversaires  du  jury  insistant  sur  la  réunion  qui  devait  tendre  à  le 
renverser;  les  partisans  du  jury  repoussant  la  réunion  comme  inconciliable 
avec  le  jury.  Ces  débats  se  prolongèrent  quelque  temps,  mais  enfin  les  parti* 
sans  du  jury  remportèrent^  et  le  projet  de  la  réunion  fut  repoussé. 

10.  Mais,  le  29  décembre  1804,  toute  cette  discussion  se  trouva  ajournée  et 
interrompue  pendant  quatre  ans  ,*  Texamen  du  projet  de  Ck)de  fut  abandonné  : 
on  n'y  revint  qu'en  1808,  dans  la  séance  du  8  janvier.  Alors,  au  lieu  de  repré- 
senter au  conseil  d'État  le  projet  de  germinal,  on  divisa  le  droit  criminel  en 
deux  parties,  comme  il  l'est  aujourd'hui,  et  on  soumit  d'abord  à  la  délibération 
du  conseil  d'Ëtat  la  matière  de  l'instruction  criminelle. 

Ces  nouveaux  débats  commencèrent,  comme  les  autres,  par  l'examen  des 
questions  générales,  qu'on  avait  déjà  décidées,  et  dont  on  reprit  une  deuxième 
fois  la  discussion  ;  Napoléon  ne  manqua  pas  d'y  reproduire  son  idée  favorite) 
la  réunion  des  deux  justices,  les  partisans  et  les  adversaires  du  jury  ne  man- 
quèrent pas  d'y  prendre  part.  Gomme  point  d'histoire,  et  avant  d'indiquer  le 
résultat,  il  est  bon  de  voir  de  quels  motifs  était  appuyé  le  projet  de  cette  réu- 
nion, qui  a  prévalu  en  définitive. 

Un  assez  grand  nombre  de  conseillers  d'État  y  voyaient  l'avantage  d'orga-» 
niser  des  corps  plus  nombreux,  plus  imposants,  plus  propres  à  se  concilier  la 
considération  et  le  respect  publics  ;  l'empereur,  intervenant  dans  la  discussion, 
prit  la  question  de  plus  haut^  et  donna  des  motifs  beaucoup  plus  graves  en 
£Etveur  de  la  réunion.  Voici  ses  termes  : 

t  8a  Majesté  dit  que  la  question  n'a  encore  été  traitée  que  sous  le  rapport 
de  la  considération  qu'il  importe  d'assurer  aux  juges.  Les  uns  ont  prétendu 
que  cette  considération  dépend  du  nombre,  les  autres  qu'elle  dérive  de  la  na- 
ture des  fonctions.  —  c  Mais  il  est  un  autre  point  de  vue  beaucoup  plus  impor- 
tant, sous  lequel  il  convient  d'envisager  la  question.  —  t  La  réunion  de  la  jus- 
tice criminelle  à  la  justice  civile  ne  doit  pas  seulement  avoir  pour  objet  d'éta- 
blir des  corps  dont  la  dignité  impose  davantage  au  public,  aux  accusés,  aux 
défenseurs.  Sa  Majesté,  en  adoptant  cette  opinion,  s'est  surtout  décidée  par  le 
désir  de  donner  plus  d'intensité  à  la  justice  criminelle.  —  t  Dans  l'état  actuel 
des  choses,  la  poursuite  des  crimes  est  confiée  à  un  magistrat  de  sûreté,  à  un 
juge  instructeur,  au  procureur  général,  fonctionnaires  isolés,  qui  ne  trouvent 
pas  en  eux  assez  de  force  pour  attaquer  les  coupables  puissants.  Le  tribunal  ne 
peut  les  mettre  en  mouvement,  ni  ranimer  leur  énergie  ;  car  il  est  sans  pou- 
voir sous  ce  rapport,  et  le  président  le  plus  ferme  dans  ses  fonctions  verrait 
commettre  un  délit,  qu'il  serait  réduit  à  en  être  le  témoin  passif.  —  «  Il  faut, 
si  le  ministère  public  néglige  ses  devoirs,  que  la  cour  criminelle  puisse  le 
mander  et  lui  ordonner  de  poursuivre.  —  <  Mais  on  ne  doit  pas  attendre  tant 
de  fermeté  de  tribunaux  composés  d'un  président  et  de  deux  assesseurs,  qui 
ne  sont  pas  soutenus  par  la  force  de  l'opinion  et  que  les  avocats  dominent.  Il 
est  naturel  que  les  juges  criminels  soient  moins  considérés  que  les  juges  ci- 
vils ;  la  science  du  droit  civil,  supposant  des  connaissances  très'étendues,  c*^'' 


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16  PREMIÈRE  LEÇON.   —  INTRODUCTION  (n*    11). 

cilîe  plas  d'estime  à  ceux  qui  la  possèdent  que  la  science  très-restreinte  du 
droit  criminel.  Les  fonctions  du  juge  civil  imposent  aussi  davantage  aux  avo- 
cats ;  car,  comme  ce  sont  les  causes  civiles  qui  font  leur  fortunç^  il  est  certain 
qu'ils  auront  toujours  plus  de  ménagement  et  de  respect  pour  les  tribunaux 
qui  jugent  ces  sortes  d'affaires.  » 

Après  ces  considérations^  assez  peu  dignes  de  celui  qui  les  prononçait,  et 
peu  exactes,  il  ajoute  :  c  Le  ressort  de  la  justice  criminelle  n'est  donc  pas  assez 
étendu,  et  dès  lors  l'ordre  civil  n'est  pas  constitué  en  France,  car  il  n'existe 
que  lorsque  la  justice  criminelle  contient  chacun  dans  le  devoir.  C'est  surtout 
dans  les  pays  qui  ont  une  puissance  militaire  considérable  qu'il  convient  de 
l'organiser  fortement,  afin  que  dans  tous  les  temps  il  arrête  le  torrent  de  la 
force.  »  —  t  Voilà  le  rapport  sous  lequel  la  réunion  de  la  justice  criminelle  de- 
vient nécessaire.  Il  s*agit  de  former  de  grands  corps,  forts  de  la  considération 
que  donne  la  science  civile,  forts  de  leur  nombre,  au-dessus  des  craintes  et 
des  considérations  particulières,  qui  fassent  pâlir  les  coupables,  quels  qu'ils 
soient,  et  qui  communiquent  leur  énergie  au  ministère  public.  Il  s'agit,  enfin, 
d'organiser  la  poursuite  des  crimes  ;  elle  est  nulle  dans  l'état  actuel  des  choses.  » 

Quand  on  se  reporte,  en  effet,  à  l'organisation  faible,  incomplète  des  tribu- 
naux criminels,  on  ne  peut  se  dissimuler  la  puissance  de  ces  considérations  : 
enfin  elles  triomphèrent  et  on  finit  par  s'apercevoir  qu'il  était  possible,  qu'il 
était  même  facile  de  concilier  le  principe  salutaire  de  la  réunion  avec  l'insti- 
tution du  jury  ;  qu'en  chargeant  ces  cours  impériales,  qu'on  allait  constituer, 
de  déléguer  un  ou  plusieurs  de  leurs  membres,  pour  aller  tenir  des  assises 
dans  les  différents  départements  de  leur  ressort,  on  réunirait  à  la  fois  et  les 
avantages  du  système  proposé  par  la  commission,  et  les  avantages  du  système 
de  la  réunion. 

Aussi,  en  résumé,  on  décréta  tout  à  la  fois  et  la  réunion  des  deux  justices, 
et  la  conservation  de  l'institution  des  jurys  de  jugement.  Je  dis  des  jurys  de 
Jugement,  car,  pour  les  jurys  d'accusation,  on  ne  les  maintint  pas  :  nous  en 
parlerons  plus  tard. 

Dès  lors,  pour  l'instruction  criminelle,  le  travail  ne  fut  plus  qu'une  affaire 
de  détail  :  on  se  borna  à  introduire  dans  le  projet  les  divers  changements  que 
semblait  y  nécessiter  le  nouveau  système  d'organisation  judiciaire  ;  la  discus- 
sion marcha  fort  vite,  et  le  dernier  titre  du  Gode  d'instruction  criminelle  fut 
décrété  le  6  février  1808  par  le  conseil  d'État,  et  le  16  décembre  1808  par  le 
Corps  législatif. 

11.  A  l'égard  du  Code  pénal,  on  procéda  de  même  :  la  discussion  fut  pré- 
cédée de  quelques  questions  générales.  Ces  questions  sont  : 

i^  La  peine  de  mort  sera-t-elle  conservée?  La  solution  fut  affirmative. 

2»  Rétablira-t-on  certaines  peines  perpétuelles  ?  La  solution  fut  également 
affirmative,  contrairement  à  ce  qui  se  pratiquait  depuis  1791  :  l'Assemblée 
constituante,  excepté  la  peine  de  mort,  n'avait  pas  maintenu  d'autres  peines 
derpétuelles. 

a*»  Admettra-t-on  la  confiscation  en  certains  cas  ?  On  reproduisit,  contraire- 
ment au  système  de  la  Constituante,  le  principe  de  la  confiscation  qui  heureu- 
sement a  fini  par  disparaître  de  nos  lois. 


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HISTORIQUE  DU   GODB  PÉNAL.  17 

4<*  Enfin,  admettra-t-on  dans  Fapplication  des  peines  un  truurtmum  et  on  nti- 
nimum;  en  d'antres  tennes,  une  latitude  dans  laquelle  le  jnge  pourra  punir 
pins  on  moins  sévèrement  le  coupable?  Cette  question  décidée  affirmativement 
était  une  innovation  fort  heureuse  au  système  de  1791.  En  effet,  préoccupé 
en  1791  des  graves  inconvénients  de  l'arbitraire  antérieur  dans  l'application 
des  peines,  on  avait  voulu  éviter  à  tout  prix  cet  arbitraire,  en  fixant  précisé- 
ment, impérativement  la  nature  et  la  durée  de  chaque  peine.  Ce  système  ne 
fat  pas  conservé  en  1808;  on  fixa  un  maximum  ei  un  minimum  dans  des  li- 
mites sur  lesquelles  nous  reviendrons  plus  tard,  et  que  l'on  a  encore  écartées 
depuis. 

Enfin,  la  discussion  du  Gode  pénal  ne  fit  guère  que  reproduire,  avec  les 
changements  résultant  des  solutions  précédentes,  les  lois  publées  en  1791.  Le 
dernier  titre  du  Ck)de  pénal  fut  publié  le  20  février  1810. 

12.  Toutefois,  il  est  important  de  remarquer  que  ces  deux  Godes,  successi-* 
vement  décrétés  par  le  Corps  législatif,  ne  reçurent  pas  immédiatement  leur  ap« 
plication,  divers  décrets  impériaux  retardèrent  jusqu'au  1**  janvier  1811  la 
mise  à  exécution  du  Code  d'instruction  criminelle  et  du  Gode  pénal.  En  effet, 
cette  mise  à  exécution,  surtout  pour  le  premier  de  ces  Godes,  était  absolument 
impossible,  avant  que  le  principe  de  la  réunion  des  deux  justices,  décrété 
comme  système  dans  le  conseil  d'État,  eût  été  organisé,  légalisé,  introduit 
dans  la  pratique  par  une  loi  organique  et  spéciale.  C'est  ce  qui  s'opéra  par  la 
fieimeuse  loi  du  20  avril  1840  sur  les  cours  impériales,  loi  qui  renferme  tout  à 
fait  les  bases  de  Torganisation  judiciaire  actuelle. 

Je  vous  ferai  remarquer,  relativement  au  vote  de  ces  deux  Godes,  que  les 
formes  tracées  par  la  constitution  de  l'an  VIU,  art.  25,  ne  furent  pas  suivies  ; 
c'estrà-dire  que  la  communication  au  tribunat,  exigée  impérativement  par  cet 
art.  25,  n'eut  lieu  ni  pour  le  Gode  pénal  ni  pour  le  Code  d'instruction  crimi- 
nelle. La  raison  en  est  simple,  c'est  qu'un  sénatus-consulte  de  1807  avait  sup- 
primé le  tribunat  et  transporté  ses  fonctions  à  trois  sections  du  Corps  législatif. 
8ous  ce  rapport,  la  discussion  ne  suivit  pas,  dans  ces  deux  cas,  l'ordre  de  la 
discussion  du  Code  civil  et  du  Gode  de  procédure. 

Telle  est  l'histoire,  la  statistique  de  la  législation  pénale,  en  nous  arrêtant 
au  i**  janvier  1811;  en  d'autres  termes,  l'origine  et  la  forme  des  deux  Codes, 
dont  une  partie  viendra  servir  de  base  à  nos  études.  Toutefois,  avant  d'entrer 
dans  le  détail  de  ces  études  et  dans  l'examen  des  textes,  nous  aurons  encore 
^elques  détails  historiques  à  vous  donner,  car  les  deux  Codes  votés  en  1808  et 
1810  ne  l'ont  pas  été,  à  beaucoup  près,  tels  qu'ils  nous  régissent  actuellement; 
des  modifications  fort  nombreuses,  et  conçues  dans  un  esprit  de  sagesse  qu'on 
ne  saurait  trop  louer,  ont  été  successivement  adoptées  ;  nous  en  ferons  l'his- 
torique dans  les  premiers  instants  de  notre  prochaine  leçon,  et  nous  commen- 
cerons dans  la  même  leçon  l'examen  des  premiers  textes  du  Code  pénal. 

DEUXIÈME    LEÇON. 

13.  J'ai  à  vous  présenter,  dans  les  premiers  moments  de  cette  leçon,  quoi* 
ques  détails  historiques  sur  les  variations  subies  depuis  1810  par  la  législatioi* 

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18  DEUXIÈME  LEÇON.   —  INTRODUCTION    (n<»    14). 

pénale  en  France.  Toutefois,  avant  d'entrer  dans  ces  détails,  qui  d'ailleurs 
sont  assez  courts,  j*ai  à  vous  faire  remarquer  deux  omissions  de  peu  d'impor- 
tance relatives  aux  matières  de  la  dernière  leçon. 

D'abord,  en  ce  qui  touche  la  question  dont  je  vous  ai  parlé  en  traitant  de 
l'ordonnance  de  1670,  j'ai  omis  d'indiquer  que  la  question  préparatoire  avait 
été  supprimée,  antérieurement  môme  à  la  révolution,  par  un  édit  de  Louis  XVI 
du  24  août  1780.  Ôuant  à  la  question  préalable,  celle  qu'on  inQigeait  au  con- 
damné pour  lui  faire  dénoncer  ses  complices,  elle  a  subsisté  jusqu*en  1789  et 
n'a  été  abolie  que  par  la  loi  du  9  octobre  1789,  art.  24. 

De  plus,  dans  les  derniers  instants  de  notre  leçon,  je  vous  ai  parlé  de  la  loi 
du  20  avril  1810  relative  à  la  nouvelle  organisation  judiciaire.  Je  vous  ai  dit 
comment  le  système  proposé  par  l'Empereur,  et  en  définitive  consacré  par  cette 
loi,  avait  longtemps  tenu  en  suspens  la  question  du  maintien  du  jury  et  la 
rédaction  du  Gode  d'instrcution  criminelle.  Nous  reviendrons  sur  cette  loi  im- 
portante et  notamment  sur  les  articles  relatifs  à  la  réunion  de  la  justice  civile 
et  de  la  justice  criminelle,  et  par  conséquent  spécialement  relatifs  à  Tobjet  de 
notre  cours  ;  nous  reviendrons  sur  cette  matière  en  traitant  de  l'institution  et 
de  l'organisation  du  jury. 

14.  Ajoutons  que  le  Code  pénal  et  le  Code  d'instruction  criminelle,  mis  en 
vigueur,  en  activité,  à  partir  du  1  janvier  1811,'  ont  subi  des  changements 
assez  nombreux  changements  dont  il  est  bon  d'avoir  au  moins  une  idée  gé- 
nérale, sauf  à  les  approfondir,  à  les  examiner  en  détail,  à  mesure  que  nous  y 
conduira  l'ordre  de  nos  études. 

Le  Gode  pénal  a  été  successivement  modifié  par  différentes  lois  dont  les 
principales  sont  celles  du  25  juin  1824,  du  28  avril  1832  et  du  13  mai  1863, 
qui  ont  apporté  deschansçements,  des  additions  et  des  atténuations  à  155  arti- 
cles du  Gode.  D'autres  lois,  comme  la  Charte  de  1814  qui  a  supprimé  la  con- 
fiscation, les  lois  spéciales  qui  ont  eu  pour  objet  les  délits  commis  par  voie  de 
publication,  le  décret  du  12  avril  1848  qui  a  aboli  l'exposition  publique,  les 
lois  du  8  juin  1850  et  30  mai  1854,  sur  l'exécution  de  la  déportation  et  des  tra- 
vaux forcés  à  perpétuité,  la  loi  du  31  mai  1854  qui  a  efiFacé  la  mort  civile,  la  loi 
du  25  mai  1864  qui  a  transformé  le  délit  de  coalition,  quelques  autres  lois  en- 
core qu'il  serait  inutile  d'énumérer,  ont  corrigé  encore  tantôt  quelques  pénali- 
tés, tantôt  quelques  incriminations. 

Le  Gode  d'instruction  criminelle  a  subi  des  changements  non  moins  con- 
sidérables. La  Charte  de  1814  a  supprimé  les  prisons  d'État  et  les  cours  spé* 
ciales,  la  loi  du  24  mai  1821  a  modifié  l'art.  351  relatif  aux  déclarations  du'jury 
formées  à  la  simple  majorité,  la  loi  du  2  mai  1827,  en  instituant  une  nouvelle 
composition  du  jury,  a  remplacé  par  des  textes  nouveaux  les  art.  382,  386  et 
suivants,  la  loi  du  4  mars  1831  a  changé  la  composition  de  la  Cour  d'assises  et 
la  majorité  du  jury,  la  loi  du  28  avril  1832,  quoique  plus  particulièrement  re- 
lative au  Gode  pénal,  a  atteint  plusieurs  articles  du  Gode  d'instruction  crimi- 
nelle, la  loi  du  9  septembre  1835  a  institué  un  mode  de  procédure  pour  juger 
les  accusés  non  présents  aux  débats,  la  loi  du  13  mai  1836  a  réglé  le  mode 
ne  délibération  des  jurés,  le  décret  du  8  mars  1848  a  fixé  de  nouveau  la  ma- 


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HISTORIQUE  DU  CODE  PÉNAL.  19 

jorité  du  jury,  le  décret  du  23  mars  1848  a  effacé  le  minimom  da  caution- 
nement de  liberté  provisoire,  le  décret  du  18  avril  1848  et  la  loi  du  5  juillet 
1852  ont  modifié  les  formes  de  la  réhabilitation,  les  lois  du  7  août  1848,  du 
4  jain  1853  et  du  2 1  novembre  1872  ont  imprimé  au  jury  une  nouvelle  oi^- 
nisation,  la  loi  du  10  juin  1853  a  prévu  les  effets  des  demandes  en  nullité 
contre  les  arrêts  de  renvoi,  la  loi  du  21  mars  1855  a  établi  le  mode  de  rou* 
lement  des  juges  de  la  Ck)ur  d'assises,  la  loi  du  4  avril  1855  a  attribué  au  juge 
d'instruction  la  faculté  de  donner  mainlevée  du  mandat  de  dépôt,  la  loi  du 
13  [juin  1856  a  transféré  aux  Ck)urs  d'appel  la  connaissance  de  tous  les  appels 
correctionnels,  la  loi  du  17  juillet  1856  a  supprimé  les  chambres  du  conseil 
et  transporté  leurs  attributions  aux  juges  d'instruction,  la  loi  du  20  mai  1863 
a  abrégé  les  délais  pour  le  jugement  des  délits  flagrants,  la  loi  du  14  juillet 
1865  a  introduit  de  nouvelles  dispositions  sur  la  mise  en  liberté  provisoire 
des  prévenus,  enfin  la  loi  du  5  juillet  1867  a  étendu  la  voie  de  la  révision. 

Cette  aride  nomenclature  n*a  dans  ce  moment  qu'on  seul  objet,  c'est  de 
démontrer  que  nos  deux  Godes  ne  sont  plus  aujourd'hui  ce  qu'ils  étaient  au 
moment  de  leur  promulgation,  qu'ils  ont  subi  de  profondes  altérations,  et  en 
général,  on  peut  le  dire  pour  la  plupart  de  ces  modifications,  de  véritables 
améliorations.  Toutes  ces  lois,  en  effet,  ont  été  successivement  incorporées 
dans  leurs  textes;  les  articles  modifiés  et  corrigés  ont  pris  la  place  des  anciens 
articles.  Nos  législateurs,  essentiellement  praticiens,  et  plus  disposés  à  con- 
server l'ordre  extérieur  des  Cknies,  que  de  discerner  l'esprit  différent  des  di- 
verses lois  qui  se  succédaient,  les  ont  jetées  les  unes  et  les  autres  dans  ces 
moules  où  elles  ont  pris  un  peu  de  reflet  primitif.  Il  leur  a  paru  que  l'ordre 
de  ces  Godes  gardait  par  ce  moyen  toute  son  harmonie;  ils  y  trouvaient  la 
môme  classification  des  matières,  la  môme  série  des  articles,  la  même  physio- 
nomie. Mais  cet  ordre  apparent  fait-il  autre  chose  que  de  dissimuler  le  dé- 
sordre de  la  législation  ?  La  régularité  des  articles  suffit-elle  pour  couvrir  tou- 
tes les  anomalies  qui  résultent  de  l'assemblage  de  toutes  ces  lois  qu'animent 
des  pensées  contradictoires?  C'est  là  ce  que  nous  examinerons  en  exposant 
les  nouveaux  textes  :  nous  avons  voulu  seulement  prémunir  les  esprits  contre 
l'idée  d'une  unité  qui  n'existe  pas  et  établir  au  seuil  de  ce  cours  que  nos  deux 
Godes  sont  des  œuvres  complexes,  des  édifices  superposés  les  uns  sur  les 
autres. 


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CODE  PENAL 

DISPOSITIONS    PRÉLIMINAIRES* 

16.  «  Abt.  i*'.  L*inft-action  que  les  lois  punissent  des  peines  de  police  est  une 
contravention.  —  L'inflraction  que  les  lois  punissent  des  peines  correctionnelles 
est  un  délit.  —  L'infraction  que  les  lois  punissent  d'une  peine  afflictive  ou  infa- 
mante est  un  crime.  » 

11  ne  faut  pas  longtemps  méditer  sur  ce  premier  article  pour  être  frappé  de 
Pextrôme  bizarrerie  de  sa  disposition;  cet  article,  tout  pratique,  comme  nous 
le  verrons  bientôt,  est  fort  peu  logique,  et  dans  sa  rédaction  et  dans  son  prin- 
cipe. En  effet.  Tordre  naturel  des  idées  semblerait  ôtre  que  de  la  nature  du  fait, 
de  la  gravité  de  Pacte  coupable,  dérivassent  la  qualification  plus  ou  moins 
grave  et  la  peine  plus  ou  moins  forte  que  le  législateur  juge  à  propos  de  lui 
imprimer.  Dans  cet  art.  !«'  on  a  suivi  une  marcbe  toute  contraire;  au  lieu  de 
faire  dériver  de  la  gravité  du  fait  la  gravité  du  nom  et  de  la  peine,  c*est  au 
contraire  de  la  gravité  de  la  peine,  sans  s'inquiéter  le  moins  du  monde  de  la 
moralité  du  fait,  que  le  législateur  français  fait  dériver  le  nom  qu'il  imprime  à 
cet  acte.  Ainsi,  pour  savoir  si  un  fait  est  un  crime  ou  s'il  n'est  qu'un  délit  ou 
une  simple  contravention,  il  ne  faut  pas  regarder  quel  est  ce  fait,  il  ne  faut  pas 
chercher  jusqu'à  quel  point  il  est  contraire  aux  règles,  aux  principes,  aux  sen- 
timents de  la  morale,  il  faut  regarder,  dans  le  Gode,  de  quelle  nature  de  peine 
il  est  puni.  Cette  division  toute  pratique,  c'est  tout  ce  qu'on  peut  dire  pour  la 
justifier,  correspond  en  effet  aux  trois  degrés,  aux  trois  ordres  de  tribunaux 
établis  par  la  loi  pour  la  répression  des  faits  illicites.  Aux  tribunaux  de  simple 
police  appartient  le  jugement  des  contraventions;  aux  tribunaux  correction- 
nels celui  des  délits;  enfin,  aux  cours  d'assises  celui  des  crimes. 

16.  Un  autre  intérêt,  tout  pratique  aussi,  de  Tapplication  de  cet  art.  i»,  se 
rencontrera  bientôt  pour  nous  dans  les  art.  2  et  3,  qui  signalent  une  distinc- 
tion importante  entre  les  crimes  et  les  délits. 

Il  suit  du  reste  de  cet  art.  i**  que  certains  faits,  d'une  moralité  tout  à  fait 
analogue,  tout  à  fait  identique  en  apparence,  pourront  cependant  ne  pas  se 
trouver  classés  dans  la  même  catégorie  indiquée  dans  ces  trois  alinéas.  Un  fait 
qui,  jugé  sous  le  point  de  vue  de  la  morale,  semblerait  tout  à  fait  pareil  à  un 
autre  fait,  pourrait  n'être  qu'un  délit,  tandis  que  le  second  serait  un  crime. 
Quelques  exemples  vous  feront  sentir  cette  distinction. 

Dans  la  pénalité,  la  gravité  du  caractère  immoral  d'un  fait  n'est  pas  toujours 
la  seule  règle,  n'est  pas  toujours  le  seul  principe  auquel  le  législateur  s'attache 
pour  déterminer  la  peine  qui  s'applique  à  ce  fait.  En  effet,  l'immoralité,  la 
culpabilité  du  fait,  telle  que  la  conscience  nous  l'indique,  est  bien  une  pre- 
mière condition  nécessaire  pour  que  ce  fait  soit  punissable  et  puni  ;  l'îmmora- 

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DIVISION  DBg  FAITS  PUNISSABLES  (aRT.   1).  21 

Jité  est  la  condition  de  la  justice  intrinsèque,  de  la  justice  objective,  en  quel- 
que sorte,  de  la  peine  prononcée  par  la  loi  ;  mais,  pour  établir  la  mesure  de 
cette  peine,  pour  en  régler  fixement  la  quotité,  le  législateur  s'attache  à  une 
considération  d'une  autre  nature,  savoir,  au  danger,  au  péril,  à  la  souffrance 
sociale  qui  résolte  de  ce  môme  fait.  De  là  résulte  que  deux  faits  qui,  considérés 
en  eux-mêmes  et  quant  à  l'immoralité  de  leur  nature  et  de  leur  auteur,  paraî- 
traient tont  à  fait  identiques,  pourront  cependant  varier  beaucoup  quant  i  la 
nature,  quant  à  la  gravité  de  la  peine  infligée,  et  se  trouver  par  là  même  quali- 
fiés par  des  dénominations  différentes  aux  termes  de  l'art.  !•'. 

Ainsi  supposes,  si  vous  voulez,  le  cas  de  faux,  et  rapprochez  de  ce  hit,  de 
l'acte  d'un  faussaire  contrefaisant  une  signature,  rapprochez  de*ce  fait  l'acte  du 
mandataire  qui  porteur  d'un  blanc  seing  que  vous  lui  avez  remis,  remplit  à  son 
profit  le  blanc  que  vous  avez  laissé  dans  l'acte  ;  à  coup  sûr,  il  y  a  une  grande 
analogie  d'immoralité  dans  la  nature  de  ces  deux  actes;  tous  deux  ont  pour 
but  de  vous  dépouiller  d*une  partie  de  votre  fortune;  tous  deux  y  tendent  par 
des  moyens  à  peu  près  analogues  ;  et,  si  la  balance  d'immoralité  est  plus 
chargée  d'un  cOté,  c'est,  ce  me  semble,  du  c6té  du  mandataire  qui,  à  la  faute  de 
la  contrefaçon,  a  ajouté  celle  d'un  abus  de  confiance  :  c'est  du  côté  du  man- 
dataire qui,  nanti  par  vous  de  votre  signature,  a  trahi  la  commission  que  vous 
lui  aviez  donnée,  à  l'effet  d'en  abuser  contre  vous. 

Il  y  a  donc  sinon  identité  complète,  au  moins  forte  analogie  dans  la  nature 
morale  de  ces  deux  faits  :  et  cependant  la  différence  des  deux  peines  est 
énorme,  et  cette  différence  est  tout  entière  à  l'avantage  du  mandataire  ;  le  fait 
dont  il  s'est  rendu  coupable  est  un  délit  puni  d'une  peine  correctionnelle  par 
Tan.  407,  et  d'une  peine  qui  n'arrive  pas  même  au  maximum  des  peines  cor- 
rectionnelles* Au  contraire,  le  fait  du  faussaire,  tout  à  fait  analogue,  et  peut- 
être  moralement  moins  coupable,  est  qualifié  de  crime,  et  puni  de  la  réclu- 
sion par  l'art.  150.  En  un  mot,  le  fait  du  faussaire  rentre  dans  le  §  3  de  l'art.  1*>; 
le  fait  du  mandataire  rentre  au  contraire  dans  le  §  2  :  l'un  est  un  crime,  l'au- 
tre n'est  qu'un  délit. 

Pourquoi  une  telle  différence  de  punition  entre  deux  faits  qui  au  premier 
aspect  semblent  si  analogues  ?  Cette  différence  parait  tenir  à  la  seconde  des 
deux  considératio  ns  que  je  vous  ai  indiquées  comme  guidant  le  législateur 
dans  la  gradation  et  la  fixation  de  l'échelle  des  peines.  C'est  que  le  danger, 
le  péril  social  est  infiniment  moins  grand  dans  le  cas  du  mandataire  que  dans 
celui  du  faussaire  ;  c'est  qu'il  vous  est  facile,  avec  un  peu  de  prudence,  de  ne 
pas  donner  aveuglément  des  signatures  en  blanc,  tandis  que  vous  n'avez  pas 
le  moyen  d'empêcher  un  faussaire  de  contrefaire  la  vOtre.  C'est,  qu'en  un  mot, 
le  faussaire  inspire  plus  de  crainte  à  tous,  tandis  que  le  mandataire  inspire 
nfiniment  moins  de  crainte  que  de  haine  et  de  mépris. 

Youlez-vous  un  autre  exemple  bien  plus  fréquemment  applicable  ?  Si,  à  la 
lectnre  de  ce  premier  article  qui  divise  ainsi  les  faits  pénaux  en  trois  classes, 
il  TOUS  venait  à  l'esprit  de  demander  dans  laquelle  de  ces  trois  classes  doit  être 
rangé  le  vol,  il  serait  impossible  de  vous  donner  une  réponse  absolue  et  géné- 
rale. Le  vol  n'est  jamais  contravention  (excepté  dans  les  cas  prévus  par  les 
n—  9  et  40  de  l'art.  47i  du  Gode  pénal),  mais  il  est  tantôt  délit,  tantôt  crime, 
suivant  des  différences  qui  font  varier  non-seulement  la  durée  de  la  peine. 


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22         dbuxiémj:  leçon.  —  dispositions  préliminaires  (n*  t7). 

œaitt  mâme  sanatare,  suivant  des  diffôraaoes  qui  font  varier  ainsi  le  caractère 
et  la  dénomination  légale  d'un  fait  pourtant  identique.  Or^  ces  qualifications 
de  peines  et  de  noms,  ces  qualifications  qui  font  du  vol  tantôt  un  crime,  tan- 
6t  un  simple  délit,  peuvent  tenir,  dans  des  cas  assez  nombreux,  au  plus  ou 
au  moins  d'immoralité  reconnue  dans  l'auteur  d'un  tel  acte;  mais  très-souvent 
aussi,  sans  aucune  considération,  sans  aucune  raison  de  cette  nature,  le  vol, 
qui  par  lui-môme  n'est  qu'un  simple  délit,  uniquement  puni  de  peines  cor- 
rectionnelles, le  vol  prend  au  contraire  le  caractère  criminel,  à  raison  unique- 
ment du  danger,  du  péril  social,  à  raison  du  besoin  de  rassurer  les  Individus 
et  la  société  contre  le  péril,  contre  le  danger  de  certaines  tentatives. 

Ainsi,  vous  verrez  dans  l'art.  383  que  le  vol  prend  le  caractère  de  crime  et 
subit  les  peines  qui  y  sont  attachées,  par  cela  seul  qu'il  a  été  commis  sur  un 
chemin  public.  A  coup  sûr,  le  fait  que  le  vol  a  eu  lieu  sur  un  chemin  public 
ne  suppose  pas,  dans  Tauteur  de  ce  vol,  une  perversité  plus  profonde,  une 
immoralité  plus  déterminée;  mais  la  loi  a  voulu  donner  au  voyageur  une  ga- 
rantie, une  sécurité  plus  forte,  elle  l'a  donnée  au  dépens  de  celui  qui,  par  un 
fait  moralement  le  même,  a  porté  cependant  une  atteinte  plus  profonde  à  la 
séearité  publique.  De  môme  pour  le  vol  commis  avec  fausses  clefs,  ou  commis 
la  nuit  dans  une  maison  habitée.  Je  ne  suppose  pas  d'ailleurs  que  ce  vol  se 
trouve  accompagné  d'effraction,  d'escalade,  de  circonstances  qui,  par  leur 
durée  et  la  difficulté  de  l'exécution,  supposent  de  la  part  de  l'auteur  du  vol 
une  lutte  plus  longue,  plus  opiniâtre  contre  l'action  de  la  loi,  et  par  là  môme 
une  perversité  plus  profonde. 

Ainsi,  en  résumé,  nous  ne  serons  pas  étonnés,  dans  les  gradations  de  peine 
que  nous  citerons,  de  trouver  que  le  législateur  s'attache,  pour  mesurer  la 
gravité  de  la  peine  :  1®  à  Timmoralité  du  fait  et  de  l'agent,  condition  primitive 
intrinsèque  pour  la  justice  absolue  de  la  peine;  2^  à  la  gravité  du  trouble,  à  la 
gravité  du  dommrge,  de  la  perturbation  apportée  par  ce  fait.  C'est  là  une  se- 
conde considération  qui  peut,  indépendamment  de  la  première,  faire  varier 
notablement,  dans  certains  cas,  la  gravité  de  la  peine,  et,  par  suite,  la  déno- 
mination légale  du  fait. 

17.  Revenons  au  texte  de  l'art.  1*'.  La  division  bizarre  qu'il  présente  est, 
.comme  je  vous  l'ai  dit,  toute  pratique;  elle  n'a,  à  coup  sûr,  rien  ni  de  didacti- 
que ni  de  moral  ;  elle  se  réfère  notamment  aux  trois  ordres  de  compétences  qui 
attribuent  les  contraventions  aux  tribunaux  de  police,  les  délits  aux  tribunaux 
correctionnels,  et  les  crimes  aux  cours  d'assises.  Cependant  je  dois  indiquer 
défi  ce  moment,  sans  attendre  l'exposé  des  règles  du  Code  d'instruction  cri- 
minelle, une  exception  fort  remarquable  à  la  règle  résultant  de  la  combinaison 
du  §  2  avec  l'art.  179  du  Code  d'instruction  criminelle. 

Gat  article  attribue  la  connaissance  des  délits  aux  tribunaux  correctionnels 
à  Pexcluskon  des  cours  d'assises  ;  les  tribunaux  correctionnels,  statuant  sans 
jurés,  connaissent  de  tous  les  délits  dont  la  peine  peut  aller  jusqu'à  cinq  ans, 
et  môme,  en  certains  cas,  jusqu'à  dix  ans  d'emprisonnement.  La  conséquence 
de  cette  règle  est  que  tous  les  délits  de  la  presse,  ou,  si  vous  le  voulez,  pour 
prendre  le  nom  général,  toutes  les  infractions  de  la  presse  punies  par  le  Code 
pénal  ou  par  des  lois  spéciales  de  peines,  d'amendes  ou  d'emprisonnement, 
entreraient  par  leur  nature  même,  et  en  vertu  de  l'art.  1",  dans  la  compé- 

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DIVISION   DBS   FAITS  PUNISSABLBS  (aKT.    1).  23 

tence  des  tribunaux  correctionnels  ;  cette  conséquence,  en  effet,  a  été  long- 
temps appliquée.  Et  cependant,  si  le  jury  a  été  choisi,  introduit  en  matière 
criminelle  comme  présentant  aux  justiciables  des  garanties  d'indépendance 
dont  on  a  reconnu  la  nécessité,  il  est  clair  que  dans  aucune  espèce  de  pour- 
suites ou  d'actes  punissables  l'application  du  jugement  par  jurés  n'était  plus 
nécessaire  qu'en  matière  de  délits  de  presse. 

Aussi  la  législation  a-t-elle,  à  cet  égard,  varié  plus  d'une  fois.  En  effet,  la 
loi  du  26  mai  1819,  dérogeant  à  Tart.  1*'  du  Gode  pénal  combiné  avec  l'art.  179 
du  Gode  d'instruction  criminelle,  attribua  au  jury  la  connaissance  des  délits 
de  presse. 

Plus  tard,  une  loi  du  25  mars  1822  fit  un  pas  rétrograde  et  rentra  dans  le 
système  contraire  en  rendant  aux  tribunaux  correctionnels  la  connaissance  de 
ces  mômes  délits.  Gette  loi  n'avait  peut-être  pas  d'immenses  inconvénients 
avec  la  composition  du  jury  telle  qu'elle  était  faite  alors  sous  l'empire  des  art. 
381  et  suivants  du  Gode  d'instruction  criminelle.  Mais  il  n'en  était  plus  ainsi 
et  la  juridiction  du  jury  devenait  infiniment  désirable,  depuis  que  la  loi  du 
2  mai  1827  eut  introduit  dans  cette  institution  des  perfectionnements  notables. 

Aussi  la  loi  du  8  octobre  1830  a  consacré,  à  cet  égard,  l'attribution  passagè- 
rement admise  en  1819;  elle  a  restitué  au  jury,  aux  cours  d'assises,  à  l'exclu- 
sion des  tribunaux  correctionnels,  la  connaissance  :  i^  de  tous  les  délits  de  la 
presse  et  de  tous  les  délits  politiques  même  non  commis  par  la  voie  de  la 
presse.  De  cette  loi  résulte,  comme  vous  le  voyez,  une  exception  fort  notable 
aux  principes  de  compétence  implicitement  établis  par  notre  art.  1«'. 

Aujourd'hui  cette  attribution  qui  avait  cessé  d'exister  sous  le  régime  impé- 
rial, a  été  reprise  par  la  République.  Les  art.  83  et  84  de  la  constitution  de 
1848  l'avaient  consacrée  et  même  étendue,  c  Art.  83  :  La  connaissance  de  tous 
les.délits  politiques  et  de  tous  les  délits  commis  par  la  voie  de  la  presse  appar- 
tient exclusivement  au  jury.  —  Art.  84  :  Le  jury  statue  seul  sur  les  domma- 
ges-intérêts réclamés  pour  faits  ou  délits  de  presse.  »  Une  loi  du  27  juillet  1849 
avait  réglementé  cette  compétence,  mais  un  décret  impérial  du  31  décembre 
1851  portait  :  t  La  connaissance  de  tous  les  délits  prévus  par  les  lois  sur  la 
presse  et  commis  au  moyen  de  la  parole  est  déférée  aux  tribunaux  de  police 
correctionnelle.  »  Gette  disposition  avait  été  reproduite  par  l'art.  25  du  décret 
impérial  du  17  février  1852,  et  un  troisième  décret  du  25  février  1852  ajou- 
tait :  t  Tous  les  délits  doet  la  connaissance  est  actuellement  attribuée  aux 
cours  d'assises,  et  qui  ne  sont  pas  compris  dans  les  décrets  des  31  décembre 
1851  et  17  février  1852,  seront  jugés  par  les  tribunaux  correctionnels.  > 

Enfin  une  loi  du  15  avril  1871  est  venue  abroger  ces  décrets  et  restituer  au 
jury  cette  grande  attribution.  Les  art.  l*'  et  2  de  cette  loi  sont  ainsi  conçus  : 
«  1.  Ija  poursuite  en  matière  de  délits  commis  par  la  voie  de  la  presse  ou  par 
les  genres  de  publication  prévus  par  l'art.  1  de  la  loi  du  17  mai  1819,  aura 
lieu,  à  partir  de  la  promulgation  de  la  présente  loi,  conformément  au  chap.  3, 
art.  16-23  de  la  loi  du  27  juillet  1849,  qui  est  remis  en  vigueur  sauf  les  res- 
trictions suivantes  :  —  2.  Les  tribunaux  correctionnels  continueront  de  con- 
naître :  l^^des  délits  commis  contre  les  mœurs  parla  publication,  l'exposition, 
la  distribution  et  la  mise  en  vente  de  dessins,  gravures,  lithographies,  pein- 
tures et  emblèmes;  2<»  des  déUts  de  diffamation  et  injures  publiques  concerna 

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24  DBUXIÂME  LBÇON.    —  DISPOSITIONS  PRÉLIMINArRBS  (n*"  20). 

les  particuliers  ;  2^  des  délits  d'injures  verbales  contre  toute  personne  ;  4*»  des 
infractions  parement  matérielles  aux  lois,  décrets  et  règlements  sur  la  presse.  > 
Ainsi  la  compétence  du  jury  si  longtemps  conservée  pour  le  jugement 
des  délits  de  presse,  est  enûn  reconnue.  Et  en  effet  le  jury  est  le  seul  pro- 
tecteur efficace  des  intérêts  que  la  licence  des  publications  peut  menacer. 
Pour  combattre  Tabus  d*un  droit  qui  tient  à  Tessence  de  la  liberté,  il  faut 
employer  cette  institution  qui  garantit  l'indépendance  et  la  sûreté  des  citoyens, 
qui,  étrangère  aux  vengeances,  aux  craintes,  aux  espérances,  est  surtout  forte 
par  la  puissance  de  l'opinion.  C'est  à  la  société  qu'elle  représente  à  punir  les 
injures  faites  à  la  société  ;  c'est  à  l'opinion  à  punir  les  crimes  et  les  écarts  de 
l'opinion. 

18.  Au  reste,  cette  division  en  contraventions,  délits  et  crimes,  considérée 
sous  les  rapports  de  la  compétence,  se  représente  souvent,  et  nous  aurons  à 
l'examiner  et  aussi  plus  d'une  fois  à  la  critiquer,  sous  quelques  faces,  en  étu- 
diant surtout  le  Gode  d'instruction  criminelle. 

Pour  compléter  rexplicatioii  de  cet  article,  il  semblerait  naturel  de  vous 
dire,  dès  à  présent,  ce  que  c'est  qu'une  peine  de  police,  une  peine  correc- 
tionnelle, une  peine  afflictive  ou  infamante  ;  mais  les  détails,  qui  forment 
à  cet  égard  le  commentaire  nécessaire  de  Fart.  1®^  se  présenteront  à  nous 
sous  les  art.  6,  7  et  8  du  Gode  pénal,  et  sous  Tart.  464  du  môme  Gode.  Ges 
articles  définissent  les  trois  natures  de  peines  dont  s'occupe  l'art,  i"'. 

19.  Passons  à  l'explication  de  l'art.  2  qui  demande  beaucoup  plue  de  détails. 
Les  art.  2  et  3  sont  tous  deux  relatifs  à  la  tentative.  Mais  avant  d'arriver 

à  l'examen  du  texte  de  ces  articles,  il  est  bon  de  rechercher  avec  soin  leur 
principe  et  leur  cause,  et  de  présenter  à  cet  égard  quelques  considérations 
théoriques  qui  ne  sont  pas  d'ailleurs  inutiles  dans  l'application  textuelle  de  ces 
articles. 

Il  est  d'abord  reconnu  que  ce  que  la  loi  pénale  défend  et  punit,  ce  n'est  pas 
le  préjudice  physique,  le  fait  matériel,  quelque  fâcheux  qu'il  ait  été,  mais 
bien  la  volonté  coupable  de  causer  le  préjudice.  11  est  sans  doute  certains  cas 
oii  un  fait  matériel,  sans  avoir  été  précédé  d'aucune  volonté  coupable,  expose 
son  auteur  à  certaines  peines  :  tels  sont  l'homicide,  la  blessure,  l'incendie, 
occasionnés  par  l'imprudence  ou  par  négligence.  Mais  les  peines  que  la  loi  in- 
flige à  l'auteur  d'un  accident  involontaire  ne  sont  jamais  des  peines  afflictives 
ou  infamantes,  elles  sont  tout  au  plus  des  peines  correctionnelles  assez  légères. 
Ainsi,  un  fait  matériel,  si  fâcheux,  si  funeste  qu'il  soit,  quand  il  n'est  pas  ac- 
compagné, précédé  de  la  volonté  de  causerie  préjudice,  ne  constitue  pas,  ne 
peut  pas  constituer  un  crime.  La  volonté  est  donc  l'élément  nécessaire,  indis- 
pensable de  toute  criminalité. 

20.  Mais  vous  sentez  clairement  qu'entre  la  première  pensée  d'une  mauvaise 
action  et  l'accomplissement  entier,  définitif  de  cette  action,  se  place,  presque 
toujours,  une  série,  une  chaîne  plus  ou  moins  prolongée  d'actes,  soit  internes, 
soit  externes,  dont  l'accomplissement  du  fait  est  le  dernier  anneau,  le  dernier 
résultat.  Or,  dans  cette  longue  chaîne,  soit  de  pensées,  soit  de  préparatifs,  soit 


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DB  LA  TBNTATIVK  (ART. 2*3).  25 

d'actes  d'exécution  qui,  en  définitive,  viennent  aboutir  à  l'exécution  du  fait, 
viennent  se  placer  des  nuances  innombrables  de  moralité,  selon  que  l'auteur 
de  cette  pensée  marche  d*un  pas  ferme  et  sans  hésiter  vers  raccomplissement 
de  son  projet,  selon  qu'au  contraire,  ou  par  crainte  ou  par  conscience,  il  hé- 
site, il  recule,  il  s'arrête.  Il  est  clair  aussi  que,  quelque  réelles  que  soient  ces 
nuances,  sous  des  rapports  purement  moraux,  elles  échappent,  pour  la  plupart, 
aux  prévisions  du  législateur.  Il  est  clair  que  la  loi  pénale  ne  pourrait  sans 
injustice,  sans  arbitraire,  essayer  de  distinguer,  de  compter  tous  les  anneaux 
de  cette  longue  chaîne  qui  sépare  la  première  idée,  la  fatale  inspiration  du 
crime,  et  le  crime  accompli. 

Mais  de  ce  que  la  loi  ne  peut  à  cet  égard  marcher  pas  à  pas  avec  la  mora- 
lité, établir  une  gradation  de  peine  en  correspondance  exacte  avec  l'aggravation 
d'immoralité,  s'ensuit-il  que  dans  cette  longue  série,  que  dans  ce  vaste  inter- 
valle, elle  ne  puisse  saisir  aucune  nuance,  aucun  point  d'arrêt,  auquel  elle 
puisse  et  doive  attacher  une  peine?  S'ensuit-il  que,  si  le  fait  matériel  ne  peut 
par  lui-même  être  considéré  comme  crime,  que  si  la  volonté  est  essentielle 
pour  constituer  la  criminalité,  il  faille  réciproquement,  pour  l'existence  de 
cette  criminalité,  la  réunion,  le  concours  de  la  volonté  avec  le  fait  ?  Si  on  ne 
peut  frapper  le  fait,  même  accompli,  quand  il  n'y  a  pas  concours  de  la  vo- 
lonté, peut-on  et  doit-on  frapper  dans  certains  cas  la  volonté,  quoiqu'il  n'y  ait 
pas  accomplissement,  perpétration  d'un  préjudice  volontaire  et  matériel?  Ici, 
il  y  a,  évidemment,  plusieurs  grandes  distinctions  à  faire,  plusieurs  points  sur 
chacun  desquels  nous  devrons  nous  arrêter  pour  examiner  soit  ce  qu'en  théo- 
rie le  législateur  en  matière  pénale  peut  faire,  soit  ce  qu'en  pratique  il  a  fait 
dans  notre  Gode. 

D'abord,  il  est  évident  que,  tant  que  le  crime  n'existe  que  dans  la  pensée, 
tant  qu'il  n'est  qu'un  projet  encore  flottant  et  indécis,  il  est  impossible  de  le 
saisir  et  de  le  punir;  le  seul  cas  auquel  nous  puissions  nous  attacher,  le  seul 
point  sur  lequel  on  puisse  concevoir  d'abord  de  l'hésitation,  c'est  cette  période 
à  hiquelle  la  conscience  a  triomphé  des  scrupules,  le  désir  du  crime  a  triom- 
phé de  la  crainte,  et  ot,  rien  d'extérieur  n'étant  fait  encore  pour  exécuter  le 
fait,  il  y  a  cependant  résolution  pleine,  complète,  arrêtée,  mais  résolution  inerte 
et  à  l'état  de  repos.  Cette  résolution  toute  nue,  en  la  supposant  prouvée,  la  loi 
pénale  peut-elle  la  rechercher  et  la  punir?  La  négative  parait  évidente.  Ce  n'est 
pas  que  la  résolution  du  crime,  en  la  supposant  bien  arrêtée,  ne  constitué^  en 
elle-même  un  acte  tout  à  fait  immoral,  ce  qui  justifierait  sous  ce  rapport  ce  que 
nons  avons  appelé  la  justice  intrinsèque  de  la  punition;  mais,  d'autre  part,  il 
est  sensible  que  le  péril  social,  que  l'inconvénient,  que  le  danger  est  on  ne 
peut  plus  minime;  il  est  évident  que,  tant  que  la  résolution  reste  concentrée 
dans  la  pensée  de  son  auteur,  ou  bien  quand  elle  est  communiquée  au  dehors 
par  des  confidences  qui  ne  tendent  pas  encore  à  en  faciliter  l'exécution,  la  sé- 
curité sociale  n'est  pas  troublée,  ou  ne  peut  l'être  que  fort  légèrement  par  la 
divulgation  de  ces  confidences.  Ajoutez,  et  ceci  est  plus  important,  qu'en  géné- 
ral, si  le  législateur  prétendait  constater  et  punir  la  résolution  criminelle,  il  se 
jetterait  nécessairement,  pour  la  constater,  dans  les  voies  de  fiction  odieuses, 
dans  des  recherches  inquisitoriales  qui  feraient  plus  de  mal  que  la  peine  ne 
ferait  de  bien. 


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26  DEUXIÈME   LEÇON.    —  DISPOSITIONS  PRÉLIMINAIRES  (n*  20). 

Aussi,  en  général^  le  fait  de  la  résolation,  si  pleine,  si  arrêtée,  si  irrévoca- 
ble qu'on  puisse  la  supposer,  est  impuni  dans  notre  Gode  pénal.  On  pourrait 
cependant  vous  ci  ter  quelques  articles  qui  tendraient  à  jeter  du  doute  sur  cette 
première  proposition  ;  qui  tendraient  à  faire  supposer  que  dans  quelques  cas 
particuliers  le  législateur  français  a  puni  et  frappé  la  simple  résolution. 

Tel  est  d'abord  Tart.  89  du  Code  pénal,  relatif  au  complot  formé  contre  la 
sûreté  de  l'État,  Abordons  de  suite  cet  article,  dont  nous  aurons  d'ailleurs  à 
parler  plus  d'une  fois  aujourd'hui. 

c  Le  complot  ayant  pour  but  les  crimes  mentionnés  aux  art.  86  et  87,  s'il  a 
été  suivi  d'un  acte  commis  ou  commencé  pour  en  préparer  l'exécution,  sera 
puni  de  la  déportation.  >  Cette  hypothèse  n'est  pas  la  nôtre,  elle  va  se  repré- 
senter dans  un  instant.  «  S'il  n'a  été  suivi  d'aucun  acte  commis  ou  commencé 
pour  en  préparer  l'exécution,  la  peine  sera  celle  de  la  détention.  • 

Voilà,  à  ce  qu'il  semble,  un  cas  de  résolution  toute  pure,  toute  nue,  de  réso- 
lution inerte;  non-seulement  il  n'y  a  pas  tentative  d'exécution,  mais  il  n'y  a 
pas  un  seul  acte  commencé,  un  seul  fait  accompli,  pour  préparer,  même  de 
loin,  l'exécution  du  projet;  et  cependant  la  loi  prononce  une  peine  grave,  une 
peine  criminelle  :  la  détention  de  5  à  20  ans.  Mais  le  §  3  indique  la  définition 
du  complot. 

«  Il  y  a  complot  dès  que  la  résolution  d'agir  est  concertée  et  arrêtée  entre 
deux  ou  plusieurs  personnes.  • 

Ainsi  donc,  vous  le  voyez,  le  nom  seul  de  complot  l'indique  assez  et  la  défi- 
nition vient  à  l'appui,  cet  article,  dont  on  peut  d'ailleurs  critiquer  la  sévérité, 
ne  statue  pas  précisément  sur  l'hypothèse  que  nous  avons  posée;  il  ne  raisonne 
pas  dans  le  cas  d'une  résolution  toute  pure,  dans  le  cas  d'une  résolution  déga- 
gée de  tout  acheminement  même  éloigné  à  Taccomplissement  du  projet  cou- 
pable; il  suppose  qu'il  y  a  eu  proposition  agréée,  concert  formé  entre  deux  ou 
un  plus  grand  nombre  d'individus  pour  l'accomplissement  du  crime,  c'est-à- 
dire  qu'il  y  a  eu,  non  pas  préparation,  non  pas  même,  ce  qui  est  plus  impor- 
tant, tentative  proprement  dite,  mais  acheminement  lointain,  indirect  si  l'on 
veut,  acheminement  pourtant  à  l'accomplissement  du  fait. 

Ainsi  voulez- vous  sentir  la  différence;  supposons  qu'un  individu,  ayant  formé 
à  part  lui  la  résolution  de  commettre  seul  l'un  des  faits  détaillés  dans  l'art.  87, 
en  ait  fait  l'aveu,  la  déclaration,  la  confidence  à  un  tiers,  sans  que  cette  confi- 
dence ait  été  accompagnée  d'aucune  demande,  d'aucune  proposition  d'appui 
ni  de  concours,  voilà,  si  vous  voulez,  la  résolution  bien  établie  par  des  confi- 
dences qui  auraient  été  trahies  plus  tard;  mais  cette  résolution  est  inactive, 
elle  est  inerte,  elle  n'encourt  aucune  espèce  de  peine,  car  ce  que  l'art.  89  a  prévu 
et  puni,  c'est  le  concert  formé  entre  plusieurs  individus,  et  non  pas  la  simple 
résolution  connue,  divulguée  d'une  manière  quelconque. 

On  pourrait  encore  citer,  comme  incriminant  la  simple  résolution,  les  art. 
305  et  suivants  du  Gode  pénal.  Vous  y  voyez  que  •  quiconque  aura  menacé, 
par  écrit  anonyme  ou  signé,  d'assassinat,  d'empoisonnement,  ou  de  tout  autre 
attentat  contre  les  personnes,  qui  serait  punissable  de  la  peine  de  mort,  des 
travaux  forcés  à  perpétuité,  ou  de  la  déportation,  sera  dans  le  cas  où  la  menace 
aurait  été  faite  avec  ordre  de  déposer  une  somme  d'argent  dans  un  lieu  indi* 
que  ou  de  remplir  toute  autre  condition,  puni  d'un  emprisonnement  de  2  à  5 

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DE  LA  TENTATIVE  (aRT.    2).  21 

ans.  u  Que  si  cette  menace  d*aB8a8smat,d*empoi8onnement,id'iQceDdie,n'a  pas 
été  accompagnée  de  rinjonctioa  de  faire  une  chose,  de  livrer  une  chose,  la 
peine  se  présente  encore,  mais  avec  moins  de  gravité,  dans  les  art.  306  et  307. 
Ainsi,  dans  les  quatre  articles  qui  composent  ce  paragraphe,  nous  voyons  de 
simples  menaces,  sans  aucun  préparât!!,  sans  aucun  commencement  d'exécu- 
tion, punies  par  la  loi.  £n  faut-il  conclure  que  le  législateur,  profitant  de  ce  que 
la  résolution  est  connue  par  la  déclaration  écrite  ou  verbale  de  son  auteur, 
s'en  est  saisi  pour  la  punir?  Évidemment  non,  ce  qu'on  punit  dans  ces  quatre 
articles,  ce  n*est  pas  la  résolution,  mais  la  menace;  car  il  est  .évident  que  les 
menaces  écrites  ou  verbales,  prévues  dans  ces  quatre  articles,  ne  constituent, 
n'établissent,  ne  prouvent  en  aucune  façon  la  résolution.  Il  est  certain  que  tous 
les  jours  des  menaces  verbales,  ou  môme  écrites,  pourront  être  adressées  avec 
ou  sans  les  conditions  prévues  par  Fart.  305,  sans  que  cependant  il  y  ait  de  la 
part  de  l'auteur  de  ces  menaces  aucune  résolution  sérieuse,  aucun  projet  réel 
de  les  accomplir  plus  tard.  La  loi  punit  la  menace,  non  pas  comme  indiquant 
la  résolution  du  crime^  ce  serait  faux,  tout  à  fait  faux,  mais  comme  consti- 
tuant en  elle-même  un  acte  illicite,  immoral,  et  emportant  suivant  ses  moda- 
lités, suivant  lea  distinctions  établies  dans  ces  articles,  une  perturbation,  une 
atteinte  plus  ou  moins  grave  à  la  sécurité  de  Findividu  qu'elle  poursuit.  En 
un  mot,  la  menace  est  là  un  délit  sm  generis  absolument  indépendant  d'une 
résolution  qu'elle  n'établit  nuUenaent;  la  menace  est  un  délit  qui  pourrait  et 
devrait  être  puni,  encore  qu*il  fût  prouvé,  en  fait,  qu'elle  avait  lieu  sans  aucune 
intention  réelle,  sans  aucune  intention  sérieuse  de  l'exécuter. 

^ns'i,  résumons-nous  sur  ce  point,  en  reconnaissant  non  pas  l'absence  d'im- 
moralité, non  pas  T inculpabilité  intérieure,  consciencieuse  d'une  résolution 
criminelle,  une  telle  résolution  est  un  acte  immoral,  coupable,  mais  en  recon- 
naissant que  c'est  là  un  acte  qui,  réduit  à  ces  termes,  est  encore  trop  peu  dan- 
gereux, et  surtout  trop  difficilement  saisissable,  pour  qu'il  n'y  ait  pas,  à  le 
prévenir,  plus  d'inconvénients  que  d'avantages. 

21.  Mais  entre  la  résolution,  telle  que  nous  l'avons  supposée  jusqu'ici,  et 
l'accomplissement  effectif  d'un  crime,  se  présente  un  point  intermédiaire  par- 
faitement distinct,  parfaitement  saisissable,  un  point  que  le  législateur  peut 
aisément  constater,  et,  par  conséquent,  punir,  je  veux  dire  la  tentative.  G* est, 
en  effet  de  la  tentative  que  s'occupent  les  art.  2  et  3.  La  tentative,  sous  les  con- 
ditions déterminées  par  ces  deux  textes,  est  généralement  punissable  et  punie. 
Toutefois,  pour  bien  saisir  ce  qu'on  doit  comprendre  sous  le  nom  de  tentative, 
il  est  nécessaire  de  nous  attacher  d'abord  à  un  point  intermédiaire  entre  la  ré- 
solution simple,  que  nous  avons  envisagée  jusqu'ici,  et  la  tentative  dont  parlent 
nos  deux  textes.  Ce  point  intermédiaire  résultant  d'actes  externes,  physiques, 
saisissables,  c'est  la  préparation,  c'est  l'accomplissement  d'actes  qui,  sans 
commencer  encore  l'exécution  du  délit,  tendent  néanmoins,  de  plus  ou  moins 
loin,  à  faciliter,  à  préparer  ce  délit.  En  un  mot,  ce  sont  les  actes  préparatoires 
du  crime  ou  du  délit. 

Les  actes  préparatoires,  postérieurs  à  la  résolution,  antérieurs  à  l'exécution 
et  à  la  tentative,  sont-ils  punissables,  sont-ils  punis  ?  Question  de  législation 
question  de  droit  écrit  et  positif. 

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28  DEUXIÈME   LEÇON.   —   DISPOSITIONS  PR&LIMINAIRB8  (m^   21). 

Les  caractères  punissables  de  la  résolution,  les  arguments  qu'on  pourrait  ci- 
ter pour  la  punir,  se  présentent  évidents  et  à  un  degré  bien  plus  sensible  dans 
les  actes  préparatoires.  Si  la  résolution  est  par  elle-même  un  acte  immoral,  les 
actes  qui  tendent  à  en  faciliter,  à  en  préparer  Taccomplissement,  présentent  à 
un  degré  bien  plus  baut  ce  caractère  d'immoralité.  Si  la  résolution  est  déjà 
une  menace,  une  atteinte  éloignée  à  la  sécurité  sociale,  les  actes  préparatoires 
présentent,  et  bien  plus  fortement,  ce  caractère.  Cependant,  le  législateur  doit- 
il  les  punir,  et  les  a-t-il  punis? 

Entendons  bien  ce  que  c^est  qu*un  acte  préparatoire  ;  ceci  importe  non-seu- 
lement pour  la  solution  de  la  question  théorique,  mais  aussi  pour  Tapplication 
pratique  de  nos  art.  2  et  3.  Puisque  Part.  2  punit  la  tentative,  et  seulement  la 
tentative,  il  importe  d'en  bien  séparer  les  actes  préparatoires,  qui  sont  frappés 
peut-être  en  quelques  cas  par  d'autres  articles,  mais  qui,  à  coup  sûr,  ne  le  sont 
pas  par  l'art.  2. 

Ainsi,  se  munir  d*éch'elles,  d'armes,  de  pinces,  altérer  des  clefs,  ce  sont  là, 
ce  peuvent  être  là  des  actes  préparatoires  d'un  vol  ;  mais  ce  n'est  encore,  à 
coup  sûr,  ni  Tezécution,  ni  même  la  tentative  du  vol.  De  même,  contrefaire 
une  ordonnance,  une  signature  de  médecin,  pour  se  procurer  du  poison,  mêler 
ce  poison  dans  un  breuvage,  ce  peut  être  là  une  préparation  d'empoisonne- 
ment, mais  ce  n'est  pas  encore  la  tentative.  Acheter  des  armes,  rédiger  des  pro- 
clamations, cela  peut  être  la  préparation  à  un  acte  de  rébellion,  mais  ce  n'est 
pas  un  acte  de  rébellion,  tant  qu'on  n'arme  pas  ses  complices.  Enfin  charger 
un  fusil,  l'armer,  se  mettre  en  embuscade  sur  un  grand  chemin,  ce  peut  être 
un  acte  préparatoire  de  l'assassinat,  mais  ce  n'en  est  pas  la  tentative.  Toutes  ces 
hypothèses  et  autres  de  même  nature,  sont  donc  entièrement  étrangères  à  la 
disposition  de  l'art.  2.  L'art.  2  punit  la  tentative,  c'est-à-dire,  comme  il  le  dit 
lui-même,  le  commencement  d'exécution.  Mais  autre  chose  est  préparer,  au« 
tre  chose  est  commencer  l'exécution . 

n  y  a  plus  :  La  plupart  des  faits  que  j'ai  cités,  loin  de  rentrer  dans  les 
actes  d'exécution  que  prévoit  l'art  2,  sont,  par  eux-mêmes,  ou  des  actes  in- 
nocents, indifférents,  ou  bien  des  actes  punissables,  mais  punissables  en  eux- 
mêmes,  et  sans  rapport  possible,  sans  rapport  démontré  avec  tel  ou  tel  fait 
criminel.  Ainsi,  acheter  une  échelle,  des  pinces,  des  cordes,  des  fausses  clefs, 
altérer  des  clefs,  ce  sont  là  des  faits  que  la  loi  déclare  punissables,  au  moins 
dans  certains  cas.  Ainsi,  l'art.  277  du  Gode  pénal  frappe  d'une  peine  correc- 
tionnelle le  mendiant  ou  vagabond  trouvé  muni  de  ces  instruments;  ainsi,  un 
autre  article,  l'art.  399,  frappe  d'une  peine  tantôt  correctionnelle,  tantôt  même  ' 
criminelle,  le  fait  de  raltération  des  clefs.  De  même,  fabriquer  une  ordonnance 
de  médecin  pour  se  procurer  du  poison,  ce  peut  très-bien  être  un  faux  ;  ache- 
ter une  échelle,  altérer  des  clefs,  ce  peuvent  être  là  des  actes  blâmables;  mais 
toujours  est-il  que  tous  ces  actes  ne  sont  pas  des  tentatives  de  vol  ou  d'em- 
poisonnement. 

En  effet,  on  peut  avoir  acheté  l'échelle,  avoir  altéré  la  clef  à  toute  autre  fin 
que  de  commettre  un  vol;  on  peut  très-bien  avoir  ^Isifié  une  ordonnance  mé- 
dicale, avoir  acheté  du  poison,  à  toute  autre  fin  que  d'empoisonner  un  homme  : 
ne  fût-ce,  dans  le  premier  cas,  que  pour  commettre  un  enlèvement,  et,  dans 
le  second,  pour  commettre  un  suicide.  Toujours  est-il  qu'on  ne  voit  pas  de  rela- 

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DB  LA  TBNTATIVB  (aRT.    2).  29 

tion  nécessaire,  immédiate,  absolue  entre  la  plupart  de  ces  faits  et  le  vol  et 
J'empoisomiement.  Cette  relatiou,  lors  même  qu'elle  parait  assez  clairement, 
n'a  pas  cependant  ce  caractère  précis,  toujours  nécessaire  pour  TappUcation 
d'ane  peine  criminelle. 

Ces  actes  préparatoires  n'annoncent  pas  même  d'une  manière  certaine  une 
résolution  arrêtée.  On  a  très-bien  pu,  dans  une  pensée  coupable,  mais  dans 
rincertitnde  de  l'exécution,  se  procurer,  à  tout  basard,  les  moyens  qui,  plus 
tard,  serviront  à  Texécution.  —  Enfin,  il  est  sensible  que,  moralement,  un 
immense  intervalle  sépare,  et  doit  séparer  les  actes  préparatoires  et  les 
actes  d'exécution.  —  La  conscience  nous  dit  assez  que  tel  individu,  projetant 
un  crime  de  loin,  et  fort  à  l'avance,  a  pu  ne  pas  reculer  devant  la  pensée  de 
ce  crime,  a  pu  même  ne  pas  reculer  à  l'idée  de  se  procurer  les  moyens  desti- 
nés à  l'accomplir.  Mais  placez-le  en  présence  du  crime,  placez-le  en  présence 
de  celui  qu'il  veut  assassiner  ou  empoisonner;  qui  vous  dit  qu'alors  la  morale 
ne  se  réveillera  pas  ?  Qui  vous  dit  qu'alors  la  conscience,  jusque-là  muette, 
ne  va  pas  parler  plus  haut  que  la  passion  ?  Qui  vous  dit  que  la  crainte  salutaire 
de  la  loi  ne  va  pas,  en  présence  même  du  crime,  en  arrêter  la  tentative  ?  On, 
enfin,  que  le  crime  ne  s'accomplira  pas,  parce  que  l'énergie  morale,  la  puis- 
sance nécessaire  à  son  exécution,  auront  manqué,  auront  défailli  à  l'instant 
même  de  frapper  7 

Ainsi,  il  parait  difficile,  en  règle  générale,  de  frapper  le  simple  fait  des  actes 
préparatoires  :  1^  à  cause  de  l'immense  intervalle  qui,  dans  la  morale,  sépare 
les  préparatifs  de  la  véritable  exécution  ;  2^  à  cause  de  la  difficulté  de  ratta- 
cher, d'une  manière  certaine  et  positive,  tel  ou  tel  acte  préparatoire  à  un  fait 
inconnu  auquel  on  voudra  le  rattacher,  de  la  difficulté  de  deviner,  dans  telle 
ou  telle  espèce  de  préparatifs,  la  résolution  criminelle  qui  seule  peut  les  rendre 
coupables.  —  Aussi  les  actes  préparatoires,  bien  différents  de  la  tentative,  sont- 
ils  en  général  impunis  dans  Je  droit  français,  soit  à  raison  de  la  difficulté  d'ap- 
pliquer la  peine,  soit  à  raison  de  la  légèreté  qu'aurait  nécessairement  une  pa- 
reille peine,  et  qui,  par  là  même,  en  a£Giiblirait  la  puissance  morale. 

Cependant,  si  nous  n'avons  pas  reconnu  tout  à  l'heure  d'exception  au  prin- 
cipe qui  laisse  la  résolution  impunie,  il  n'en  est  pas  de  même  quant  à  celui 
que  nous  proclamons  maintenant.  Nous  avons  dit  :  i^  qu'en  droit  la  résolution 
doit  rester  impunie,  et  qu'en  fait  elle  est  impunie  dans  le  Code  français  ;  nous 
disons  :  2^  que  les  actes  simplement  préparatoires  doivent  rester  en  général  et 
restent  en  général  impunis  dans  la  législation.  Cependant  le  même  art.  89, 
que  je  vous  citais  tout  à  l'heure,  contient  à  cet  égard  une  exception  fort  re- 
marquable. 

Avant  de  lire  le  texte  actuel  de  l'art.  89,  il  n'est  pas  inutile  de  se  reporter 
aux  textes  qu'il  a  remplacés,  relativement  au  complot,  savoir  :  aux  art.  86,  87 
et  89  de  l'ancien  Code  pénal  de  1810.  En  comparant  au  nouvel  art.  89  ces 
trois  anciens  articles,  vous  y  trouverez  une  disposition  que  l'on  a  changée 
avec  raison,  et  qu'on  aurait  dû  changer  encore  plus  profondément.  Ces  trois 
articles  comme  celui  qui  les  a  remplacés,  étaient  relatifs  :  1®  au  complot  ; 
2«  aux  actes  préparatoires  de  l'exécution  du  complot  ;  3^  enfin  à  la  tentative 
d'exécution  :  ils  embrassaient,  en  un  mot,  les  trois  hypothèses  que  nous  nous 
attachons  à  étudier  séparément;  et  je  ne  sais  par  quel  motif,  par  une  sévér 

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30  DEUXIÈME  LEÇON.    —   DISPOSITIONS  PRÉLIMINAIRES  (n*  21). 

absurde  en  morale  et  qui  manquait  son  but  en  politique,  on  disait  que  le  fait 
du  complot,  le  fait  des  préparatifs,  le  fait  de  Texécution  seraient  tous  et  indis- 
tinctement punis  de  la  peine  de  mort.  —  On  ne  peut  guère  imaginer  une  lé- 
gislation qui  soit  à  la  fois  et  plus  immorale  et  plus  profondément  impoliti- 
que. Plus  immorale,  et  en  ce  qu'elle  assimile  la  résolution  d*agir  manifestée  par 
un  simple  concert,  et  en  ce  qu'elle  l'assimile  pleinement,  absolument  à  Tac- 
tien  déjà  opérée,  au  concert  déjà  réalisé.  Or,  tout  ce  que  j'ai  dit  précédem- 
ment démontre  assez  une  chose,  d'ailleurs  bien  sensible  elle-même,  qu'en 
morale  il  y  a  une  grande  distance  entre  le  projet,  entre  le  concert  d'un  crime, 
si  arrêté  qu'on  le  suppose,  et  l'exécution  môme  de  ce  crime.  H  y  a  une  foule 
de  chances  pour  que  ceux  qui  se  sont  concertés  pour  l'exécution  d'un  crime,  re- 
noncent à  temps  à  leur  projet.  Cette  législation  était,  vous  ai-je  dit,  plus 
impolitique  encore  qu'immorale,  et  ce  dernier  point  est  bien  facile  à  prouver. 
En  effet,  il  en  résultait  que  le  complot  une  fois  formé,  le  concert  une  fois 
arrêté,  ses  auteurs  n'avaient  plus  aucun  intérêt  à  hésiter,  à  reculer,  ils  avaient 
au  contraire  tout  intérêt  à  marcher  en  avant  et  à  chercher,  dans  l'exécution 
du  projet,  un  gage  assuré,  un  gage  certain  d'impunité.  La  loi  ayant,  à  l'avance 
et  à  raison  du  seul  fait  de  complot,  épuisé  contre  eux  toutes  ses  rigueurs,  la  cul- 
pabilité pouvait  croître,  sans  que  désormais  la  pénalité  pût  augmenter.  Ainsi, 
à  tous  égards,  cette  législation  était  mauvaise,  et  c'est  avec  raison  qu'elle  a 
été  modifiée. 

D'abord  le  fait  du  complot,  de  la;^solution  combinée  par  un  concert,  et  ren- 
fermant, à  cet  égard,  cet  acheminement  lointain  à  l'exécution  du  fait,  le  com- 
plot est  puni  par  l'art.  89  de  la  peine  de  la  détention.  Entre  le  fait  du  complot, 
de  la  résolution  arrivée  à  c^  point,  et  le  fait  des  préparatifs,  la  morale  et  l'in- 
térêt social  présentent,  avons-nous  dit,  une  distance  assez  vaste.  Aussi  la  loi, 
en  ne  punissant  que  de  la  détention  le  fait  du  complot,  a-t-elle  ici  la  possibilité 
de  ménager,  pour  une  culpabilité  qui  s'augmente,  une  pénalité  plus  forte,  et 
elle  applique  la  déportation  aux  actes  préparatoires  ;  c'est-à-dire  précisément 
à  ces  actes  qui,  en  général  impunis,  comme  nous  l'avons  dit  tout  à  l'heure, 
sont  cependant  frappés  dans  le  cas  spécial  prévu  par  le  §  i  de  l'art.  89.  C'est 
là  l'exception  que  je  vous  indiquais. 

En  effet,  l'art.  89,  §  1,  n'est  pas,  remarquez-le  bien,  l'application  de  l'art.  2; 
l'art.  2  s'applique  à  la  tentative  ou  au  commencement  d'exécution,  et  déjà  nous 
savons  qu'autre  chose  est  la  tentative,  autre  chose  le  simple  préparatif. 
L'art.  89  décide  que  si  le  complot  a  été  suivi  d'un  acte  commis  ou  commencé 
pour  en  préparer  l'exécution,  il  sera  puni  de  la  déportation.  Certainement 
il  y  a  du  vrai  dans  cette  innovation  ;  cependant  peut-être  est-il  permis  de 
penser  que  la  distance  qui  sépare  le  simple  complot  et  les  actes  prépara- 
toires n'est  pas  exactement,  n'est  pas  fidèlement  représentée  dans  la  loi.  En 
d'autres  termes,  peut-être  est-il  permis  de  croire  que  l'art.  89  établit  entre  les 
deux  pénalités  un  intervalle  plus  vaste,  une  distance  plus  étendue  que  celle 
qui  sépare  les  deux  faits.  Le  résultat  en  est,  qu'une  distance  trop  peu  éten- 
due viendra  séparer  ensuite  la  peine  des  actes  préparatoires  et  la  peine  de  la 
tentative,  puisqu'une  peine  perpétuelle  se  trouve  déjà  prononcée.  Toutefois, 
sans  entrer  dans  le  détail  critique  de  l'art.  89,  tel  qu'il  est  maintenant  rédigé, 
constatons  le  fait  tel  qu'il  existe,  savoir  :  que  son  §  1  renferme  un  cas  spécial 

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DE  LA  TENTATIVE  (aRT.   2).  31 

tout  à  fait  particulier^  dans  lequel  les  actes  préparatoires,  bieu  distincts  de  la 
tentative,  du  commencement  réel  d^exécution,  sont  cependant  punis  d^une 
peine  assez  gprave. 

22.  Maintenant  arrivons  au  troisième  cas,  à  celui  de  la  tentative  ;  ce  cas  est 
défini  par  l'art.  2. 

«  Art.  2.  Toute  tentative  de  crime  qui  aurait  été  manifestée  par  un  commen- 
cement d'exécution,  si  elle  n*a  été  suspendue  ou  si  elle  n'a  manqué  son  effet  que 
par  des  circonstances  indépendantes  de  la  volonté  de  son  auteur,  est  considérée 
comme  le  crimn  même.  » 

Je  vous  al  donné  des  exemples  d'actes  préparatoires,  et  ]'al  évité  les  exem- 
ples dans  lesquels  les  actes  préparatoires  et  la  tentative  peuvent  quelquefois  se 
montrer  confondus.  Supposez  maintenant  qu'ayant  acheté  le  poison,  ayant 
empoisonné  le  breuvage,  ce  qui  n'était  jusque-là  qu'un  préparatif  incertain, 
indécis.  Fauteur  de  ces  premiers  faits  ait  remis  ou  fait  remettre  le  breuvage 
dans  les  mains  de  celui  qu'il  avait  pour  but  d'empoisonner;  supposez  qu'ayant 
acheté  l'échelle,  les  pinces,  les  clefs,  il  soit  entré  dans  la  maison,  qu*il  ait  mis 
la  main  sur  le  coffre-fort,  que  le  meuble  soit  déjà  forcé  ;  supposez  qu'il  ait 
déjà  saisi  son  adversaire  qu'il  attendait  sur  la  route  ;  dans  tous  ces  cas,  il  n'y 
a  pas  encore  crime  consommé;  il  n'y  a  pas,  à  proprement  parler,  empoisonne- 
ment, vol,  assassinat;  mais  la  résolution,  qui  jusque-là  pouvait  paraître  indé- 
cise, est  formellement  manifestée.  Non-seulement  l'immoralité  est  plus  forte, 
en  ce  sens  que  presque  toute  possibilité  d'indécision,  de  repentir  a  disparu  ; 
mais  le  danger  social  est  infiniment  plus  grand  ;  le  crime  va  se  compléter,  va 
s'achever.  Ainsi  les  deux  caractères  constitutifs  de  la  pénalité,  les  deux  carac- 
tères auxquels  s'attache  la  justice  humaine,  se  présentent  réunis,  concourant 
à  un  haut  degré,  dans  l'auteur  d'une  tentative,  d'un  commencement  d'exécu- 
tion manifestée  par  des  actes  analogues  à  ceux  que  j'ai  supposés. 

Admettez  maintenant  que,  par  un  caprice,  par  un  dégoût,  par  je  ne  sais 
quel  accident  que  vous  pourriez  supposer,  celui  entre  les  mains  de  qui  le  breu- 
vage a  été  remis,  refuse  de  le  boire  ;  supposez  qu'un  accident  quelconque,  qu'un 
bruit  force  le  voleur  à  s'éloigner  ;  que  celui  qui  voulait  assassiner  soit  obligé 
de  se  retirer  après  avoir  fait  des  blessures  légères  à  son  ennemi  ;  le  crime  ne 
s'est  pas  accompli,  il  y  a  eu  seulement  tentative,  commencement  d'exécution, 
interrompue  par  des  circonstances  indépendantes  de  la  volonté  de  son  auteur, 
comme  le  veut  l'art.  2,  caractère  essentiel,  et  sur  lequel  nous  reviendrons. 
Dans  ce  cas  y  aara-t-il  lieu  à  l'application  d'une  peine  ?  à  l'application  de 
quelle  peine  ?  Quand  on  a  analysé,  comme  nous  venons  de  le  faire,  les  carac- 
tères de  la  tentative  ainsi  définie,  on  comprend  à  peine  qu'il  puisse  y  avoir  lieu 
à  poser  la  première  question  ;  on  ne  comprend  guère  que  le  législateur  puisse 
hésiter  à  frapper  et  à  frapper  sévèrement  la  tentative  d'amener  le  crime  à  fin. 
Cependant  il  y  a  eu  à  cet  égard  d'assez  singulières  fluctuations. 

Le  Gode  pénal  de  1791  attachait  expressément  à  la  tentative  d'empoisonne- 
ment et  d'assassinat  la  même  peine  qu'au  crime  achevé.  Mais,  par  le  fait  même 
de  sa  disposition  formelle  et  spéciale  sur  ces  deux  cas,  on  était  amené  à  en 


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32  DBUXIÂMB  LEÇON.   —  DISPOSITIONS  PRÉLIltlNAlRES  (n®  22). 

)  conclure  que  dans  les  autres  cas  la  tentative  restait  impunie.  —  Une  loi  du 
/  22  prairial  an  IV  vint  y  pourvoir  et  généraliser,  pour  tous  les  cas  de  tentative 
/  indiqués  maintenant  dans  Part.  2,  la  peine  d'abord  spéciale  établie  en  1791. 
'  Non-seulement  cette  loi  voulut  que  la  tentative  ainsi  caractérisée  fût  punie, 
mais  elle  Passimila  au  crime  achevé,  au  crime  accompli  ;  elle  voulut  que  la 
tentative  interrompue  fùt  punie  comme  l'aurait  été  le  crime  lui-même.  —  C'est 
.^  cette  disposition  qui  a  été  reproduite  d'abord  dans  le  Gode  de  4810,  et  plus  tard, 
':'  avec  une  mO(Hficationjassez  geu  importante,  dans  le  Code  de  1832."*^**"'*'** 
*  ^Tertairiement,  dans  cette  extension  delà  peine  à  toute  espèce  de  tentative, 
la  loi  du  22  prairial,  et  les  Codes  qui  Pont  suivie,  ont  fait  une  chose  juste  et 
nécessaire  ;  certainement  le  hasard  ou  l'accident  qui  est  venu  interrompre  la 
consommation  du  crime,  qui  a  empêché  son  auteur  d*en  recueillir  la  honteuse 
moisson,  certainement  ce  hasard  ne  peut  être  pour  lui  une  occasion,  une 
source  d'impunité.  Mais  peut-être  cependant  s'est-on  jeté  dans  l'autre  extrême; 
peut-être  a-t-on  dépassé  les  bornes,  car,  au  lieu  de  se  contenter  de  punir,  et 
de  punir  sévèrement  toute  tentative,  on  a  assimilé  pleinement  la  tentative  au 
crime  même,  le  commencement  même  de  l'exécution  à  l'accomplissement 
entier  de  l'exécution.  Pour  que  cette  assimilation  fût  exacte,  pour  que  la  con- 
science et  la  raison  l'approuvassent,  il  faudrait  qu'entre  la  tentative  de  crime 
et  l'accomplissement  de  ce  crime  il  y  eût  égalité  peut-être  de  préjudice,  de  tort 
maérielt  éprouvé,  mais,  surtout  ce  qui  est  plus  important,  égalité  d'immora- 
lité, égalité  de  perversité.  Or,  quant  à  l'égalité  du  tort  matériel,'à  l'égalité  du 
préjudice  physique,  il  est  visible  qu'elle  n'existe  pas;  il  est  visible  que,  quand 
la  tentative  a  été  arrêtée  à  temps,  le  préjudice  est  nul  ou  est  du  moins  fort 
léger  pour  la  victime  désignée  de  ce  crime.  Au  reste,  je  conçois  que,  malgré 
cette  considération  d'inégalité,  de  préjudice,  si  l'immoralité,  si  la  perversité 
étaient  évidemment  et  absolument  égales,  on  se  déterminât  à  Tégalilé  de  peine. 
Mais  il  n'en  est  pas  ainsi,  et  l'art.  2  lui-même  le  suppose  assez  clairement.  Il 
était  possible  encore  que,  le  crime  une  fois  commencé,  l'exécution  une  fois 
essayée,  le  coupable  s'arrêtât  à  temps,  soit  par  l'effet  d'un  dernier  remords, 
d'un  dernier  cri  de  la  conscience,  soit  par  l'effet  d'une  crainte,  d'une  terreur 
salutaire  de  la  peine.  Qu'on  ne  me  dise  pas  que  la  chose  est  impossible,  qu'elle 
est  sans  exemple,  l'art.  2  lui-même  suppose  qu'elle  est  possible,  l'art.  2  statue 
sur  le  cas  où  elle  a  lieu,  cas,  pour  punir  la  tentative,  il  exige  qu'elle  ait  été 
interrompue  par  des  circonstances  indépendantes  de  la  volonté  de  son  auteur; 
il  suppose  donc,  et  le  cas  s'est  plus  d'une  fois  présenté,  que  la  tentative  peut 
être  interrompue  par  des  circonstances  volontaires,  et  par  là  même  échapper 
à  toute  pénalité. 

La  cause  de  cette  disposition  se  rencontre  sans  doute  dans  une  confusion 
assez  fréquente,  et  qu'il  est  important  d'éviter,  entre  le  crime  tenté,  le  crime 
essayé,  et  vainement  essayé,  dont  parle  l'art.  2,  avec  le  crime  manqué.  Quel- 
ques exemples  vont  vous  faire  sentir  le  sens  de  celte  idée. 

Le  poison  a  été  donné,  et  non-seulement  donné,  mais  accepté  et  bu  par  celui 
à  qui  on  l'a  présenté  ;  cependant  la  force  de  la  constitution,  un  antidote  ad- 
ministré à  temps,  ont  paralysé  l'effet,  ont  sauvé  la  vie  de  celui  qui  Pavait  bu. 
Oe  même  l'assassinat  a  été  consommé,  les  coups  ont  été  portés  jusqu'au  der- 
nier moment  et  en  toute  sécurité,  l'assassin  ne  s'est  éloigné  que  lorsqu'il 

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DB  L^  TBNTATITB  (aRT.   2).  33 

croyait  ea  victime  abBOlnment  morte.  Bnfin  le  vol  a  été  commiB,  l'argent,  see 
billets  cachée  dime  le  colre-fort  ont  été  enlevée,  mais  le  voleur  les  a  perdtis, 
les  alaiasé  tomb^;  le  propriétaire  les  a  reconvréa.  Dana  cet  trois  eas,  y  art-ll 
tentative  de  enme,  confonnément  à  Fart.  2  ? 

Q  est  évident  qae  non  ;  il  est  évident  qn'îl  y  a  pins  :  il  n'y  a  pas  simplement 
un  ciime  essayé,  une  exécution  commencée,  puis  interrompue  ;  il  y  a  exéco» 
tien  parfaite,  entière^  absolue,  mais  les  résultats  ont  manqué  leur  effet.  Il  y  a 
d*abord  la  tentative  telle  qu'elle  est  définie  par  notre  art.  t,  mais  la  tentative, 
pins  quelque  chose  qui  est  fort  important  :  dans  le  crime  manqué,  il  y  a  la 
tentative,  plus  l'achèvement  ;  la  tentative,  plus  Timpossihilité  de  se  repentir, 
rimpossibilité  de  craindre  et  de  s'arrêter  à  temps. 

n  y  a  donc  moralement  une  différence  parfaitement  saisissable,  d'une  part, 
entre  la  simple  tentative,  qui  peut-être  eût  marché  jusqu'au  bout,  mais  que 
peut*ôtre  aussi  son  auteur  eût  pu  interrompre  à  temps  ;  et,  d'autre  part,  le 
crime  consommé  en  tant  qne  son  auteur  a  été  maître  de  le  consommer,  mais 
crime  dont  il  n'a  pas  recueilli  le  fruit  à  raison  d'un  accident  postérieur  indé- 
pendant de  sa  volonté.  Or,  que  la  loi  ég^alise,  qu'elle  assimile  le  crime  manqué 
au  crime  achevé,  qu'elle  punisse  indifféremment  l'auteur  du  crime  qui  a  per* 
sisté  Jusqu'au  bout,  sans  avoir  à  examiner  si  le  préjudice  matériel  s'est  ou  non 
réalisé,  je  le  comprends  pleinement  ;  mais  comme  une  différence  morale  assez 
sensible  sépare  la  simple  tentative  de  l'achèvement,  de  la  consommation,  de 
la  perpétration  définitive,  quoique  non  suivie  de  succès,  il  s'ensuit  que  l'art.  î 
eût  mieux  fait,  tout  en  frappant,  bien  entendu,  la  tentative,  et  en  la  frappant 
d'une  peine  fort  sévère,  d'établir  cependant  entre  la  tentative  interrompue  et 
le  crime  achevé,  accompli,  avec  ou  sans  résultats,  une  différence  que  la  mo- 
rale paraissait  réclamer,  que  l'intérêt  public  pourrait  bien  exiger  aussi.  En 
effet,  quand  il  s'agit  de  graduer  la  pénalité,  n'oublions  jamais  qu'il  peut  être 
important  de  laisser  toujours  au  coupable  une  occasion,  un  motif,  un  intérêt 
quelconque  de  se  repentir;  qu'il  peut  être  toujours  important  pour  la  séourité 
publique  de  ne  jamais  épuiser  toutes  les  rigueurs  possibles  de  la  loi  contre  un 
coupable  qui,  de  son  cété,  n'a  pas  épuisé  encore  toutes  les  nuances,  parcouru 
tous  les  degrés  du  crime. 

Quelques  explications  nous  restent  à  donner  sur  l'application  pratique  des 
art.  2  et  3,  et  sur  une  exception  apportée  par  l'art.  317  à  l'art.  2,  quoique  con-^ 
testée  par  la  jurisprudence.  Nous  commencerons  par  là  la  prochaine  leçon. 

TROISliME   tEÇON. 

88.  Nous  avons  présenté,  dans  la  dernière  leçon,  les  principales  questions 
relatives  à  la  punition  dont  le  législateur  peut  frapper  la  tentative  ;  nous  avons 
^^stingné  :  i*  la  simple  résolution,  impunie  d'une  manière  absolue  dans  la  loi 
française,  oomme  elle  doit  l'être,  avons-nous  pensé,  dans  toute  bonne  législa^ 
tion  pénale  ;  2^  les  actes  préparatoires,  généralement  impunis,  frappés  cepen-* 
dant  dans  le  cas  spécial  de  l*art.  89  ;  9*  la  tentative  ;  4*  enfin  le  crime,  soit 
manqué,  soit  consonmé.  Nous  avons  trouvé  quelque  rigueur,  et  peut-être 
quelque  chose  d'impolitique  dans  le  système  qui  établit  parité,  assimilation 
entière  entre  le  crime  teoté  et  le  crime  manqué  ou  consommé.  Au  f^ste,  cette 
1.  3 

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34  TROISIÈME  LEÇON.  —  DISPOSITIONS  PHÉLIIONAIRES  (n*  23). 

assimilation  avait  déjà  été  combattue  dans  le  conseil  d*État;  on  y  avait  môme 
décidé,  en  principe,  que  la  tentative  ne  serait  assimilée  au  crime  consommé 
que  dajis  les  cas  spéciaux  qu'on  aurait  soin  de  déterminer  plus  tard.  Cependant 
la  loi  du  22  prairial  an  lY,  que  je  vous  ai  citée,  a  continué  à  régir  la  tentative, 
sans  qu'on  voie  précisément  comment  la  délibération,  comment  le  parti  adopté 
n'a  pas  été  suivi  en  définitive. 

11  ne  nous  reste  plus  maintenant  qu'à  faire  quelques  observations,  quelques 
rapprochements  pratiques  sur  l'application  de  l'art.  2,  dont  je  vais  d'abord  re- 
lire le  texte  :  Toute  tentative  de  crime  qui  aura  été  manifestée  par  un  eommen' 
cernent  cCexécution,  si  elle  n'a  été  suspendue  ou  si  elle  n*a  manqué  son  effet  que  par 
4es  circonstances  indépendantes  de  la  volonté  de  son  auteur,  est  considérée  comme 
le  crime  même. 

Telle  est  la  régie,  bonne  ou  mauvaise,  établie  en  principe  par  le  texte.  Ce- 
pendant quelques  exceptions  assez  remarquables  résultent  de  plusieurs  articles 
qu'il  est  bon,  sinon  de  discuter  complètement,  au  moins  de  rapprocher  de 
celui-là.  La  plus  notable  de  toutes,  surtout  par  les  divergences  qu'elle  a  sou- 
levées entre  la  jurisprudence  et  la  doctrine,  se  rencontre  dans  Fart  317,  relatif 
au  cas  d'avortement.  Dans  les  trois  premiers  paragraphes  de  cet  article,  la  loi 
frappe  de  peines  plus  ou  moins  graves  :  1«  les  personnes  qui  auront  procuré 
l'avortement  d*une  femme  enceinte;  2»  la  femme  elle-même  qui  se  sera  pro- 
curé l'avortement  ;  mais  la  loi  ajoute  :  ou  qui  aura  consenti  à  faire  usage  des 
moyens  à  elle  indiqués  et  administrés  à  cet  effet,  si  l'avortement  s'en  est  suivi; 
3<»  enfin  les  médecins,  chirurgiens  et  autres  officiers  de  santé,  ainsi  que  les 
pharmaciens  qui  auront  indiqué  ou  administré  ces  moyens,  seront  condamnés 
à  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps,  dans  le  cas  ou  l'avortbent  aurait  eu 
Liàu. 

Sur  cet  article  (voyez  infra,  n«  353)  s'est  élevée  la  question  de  savoir  s'il  ne 
constituait  pas  une  exception  au  principe  de  l'art.  2  ;  s'il  ne  fallait  pas  conclure 
^  de  la  disposition  finale  des  §§  2  et  3,  que  la  tentative  d'avortement  non  suivie 
de  réussite  devait  rester  impunie,  et  surtout  qu'elle  ne  pouvait  pas  être  assi- 
milée au  crime  lui-même.  L'affirmative  parait  évidente  dans  le  deuxième  et 
dans  le  troisième  paragraphe,  puisque  la  loi  exige  formellement  que  l'avorte- 
ment s'en  soit  suivi.  Elle  ne  parait  guère  plus  douteuse  dans  le  cas  du  g  1,  où 
ces  expressions,  procuré  Vavortement,  semblent  bien  s'appliquer  à  un  crime 
consommé,  à  un  crime  suivi  de  réussite,  et  non  point  à  une  tentative  impuis- 
sante. 

Cependant  la  Cour  de  cassation  a  cru  pouvoir  décider  :  i^  que  la  tentative 
d'avortement,  essayée  par  tout  autre  que  par  la  femme  ou  un  homme  de  l'art, 
devait  être  punie  comme  le  crime  même,  aux  termes  du  §  1  ;  et  2<^  que,  dans  le 
cas  du  troisième  paragraphe,  la  tentative  d'avortement  essayée  par^un  méde- 
cin, un  chirurgien,  un  homme  de  l'art,  devait,  en  cas  de  non-succès,  être  frap- 
pée non  pas  par  le  troisième  paragraphe,  qui  veut  que  l'avortement  ait  réelle- 
ment eu  lieu,  mais  au  moins  par  le  premier.  En  un  mot,  elle  fait  du  §  1  une 
règle  générale,  d'après  laquelle  la  tentative,  par  quelque  personne  qu'elle  ait 
été  pratiquée,  pourvu  que  ce  soit  toute  autre  que  la  femme,  doit  être  punie, 
doit  être  frappée  de  la  réclusion  ;  et  cela  parce  qu'elle  ne  doit  pas,  dit-elle,  ad- 
mettre facilement  une  exception  à  la  règle  générale  posée  dans  l'art.  2. 


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D£  LA  TBNTATIYS  (aRT.   3).  35 

Il  est  visible  que  c^tte  interprétation  torture  l'art  317  sans  se  rencontrer 
poor  cela  le  moins  du  monde  dans  le  système  de  Tart.  2.  En  effet  de  deux 
choses  Tune:  on  il  faut  appliquer  Tart.  317,  tel  qu'il  est,  c'est-à-dire  seulmnent 
loisqaUly  a  avortement;  ou  bien  il  fiiut  appliquer  l'art  2,  c'est-à-dire  que  la 
simple  tentative,  quoique  non  suivie  de  réussite,  doit  être  punie  comme  le  crime 
lui-même.  Donc  le  médecin,  le  chirurgien,  l'homme  de  l'art  qui  aura  indiqué, 
fourni,  administré  les  moyens,  devrait,  même  en  cas  de  non-succès,  être  puni 
des  travaux  forcés  à  temps.  Mais  comme  les  derniers  mots  du  §  3  répugnent 
nettement  à  cette  conséquence,  la  Cour  de  cassation  applique  à  ce  cas  le  §  1  ; 
c'est-à-dire  qu'elle  n'applique  ni  l'art.  317  ni  l'art.  2.  Elle  n'applique  pas  l'article 
317,  qui,  dans  uu  paragraphe  spécial,  frappe  le  médecin,  et  seulement  quand 
ravortement  s'en  est  suivi.  Elle  n'applique  pas  l'art.  2,  puisqu'elle  punit  de  la 
simple  réclusion  la  tentative,  et  non  pas  des  travaux  forcés  à  temps. 

J'ajouterai  que,  puisqu'on  convient  que,  dans  le  §  2,  ces  mots  procure  Vavor'' 
iement,  employés  pour  la  femme  elle-même,  ne  doivent  et  ne  peuvent  s'en- 
tendre que  d'un  avortement  consommé,  et  non  pas  d'une  tentative  non  suivie 
deréussite,  il  est  contradictoire  de  dire  ensuite  que,  dans  Je  §1,  ces  mots  pro^r^ 
Vavoriement,  doivent  s'entendre  d'une  tentative  même  non  suivie  de  réussite. 
Je  dirai  encore  que,  soit  dans  la  discussion  du  conseil  d'État  soit  aussi  dans 
l'exposé  des  motifs  relatifs  à  l'art.  317,  il  aété  formellement  reconnu  que  l'in- 
certitude et  la  difficulté  de  la  preuve,  en  cas  de  non-succès,  en  cas  de  non- 
réussite,  d'une  pareille  tentative,  devait  faire  exclure  comme  trop  probléma- 
tiques, comme  trop  dangereuse,  l'application  de  toute  pénalité.  Je  crois  donc 
que,  nouobstant  une  jurisprudence  contraire,  il  faut  6n  adoptant  du  reste 
l'avis  de  presque  tous  les  commentateurs  du  Gode  pénal,  il  faut  reconnaître  que 
l'art.  317  constitue  une  exception  formelle  au  texte  de  l'art.  2,  c'est-à-dire 
nous  présente  un  cas  où  le  crime  tenté,  où  le  crime  même  manqué,  c'est-à-dire 
tenté  jusqu'au  bout  ^^i^  tenté  sans  succès,  non-seulement  n'est  pas  puni  d'une 
peine  égale  au  crime  lui-même,  mais  n'est  frappé  d'aucune  peine.  C'est  ce  qui 
est  évident  dans  les  §§  2  et  3,  c'est  ce  qui  parait  ne  l'être  pas  moins  dans  le  §  1. 
D'autres  exceptions,  que  la  jurisprudence  a  reconnues  au  principe  de  l'art.  2, 
se  présentent  et  je  me  borne  à  les  indiquer. 

Dans  le  cas  de  l'art  365,  relatif  à  la  subornation  de  témoins,  on  reconnaît 
que,  lorsque  la  tentative  de  snbomation  a  échoué,  ou  même  lorsque  le  témoin, 
ayant  cédé  aux  pratiques  de  subornation  essayées  auprèsde  lui,  n'a  cependant 
pas  réalisé  le  crime,  n'a  cependant  pas  perpétré  la  fausse  déposition  à  laquelle 
on  l'invitait,  les  peines  portées  par  l'art  365  sont  inapplicables  au  suborneur. 
Cette  décision  spéciale  résulte  de  principes  particuliers  sur  la  complicité  prin- 
cipale, que  nous  expliquerons  dans  l'art.  60  du  Code  pénal. 

£nfîn  une  autre  exception,  formellement  écrite  dans  la  loi,  se  trouve  dans 
le  §2  de  l'art  179,  relatif  aux  tentatives  de  contrainte  ou  de  corruption  prati- 
quées sur  un  fonctionnaire  public. 

24.  Pour  terminer  ces  longues  explications  sur  l'art.  2,  je  vous  ferai  remar- 
quer que,  pour  qu'il  y  ait  lieu  à  appliquer  la  peine  du  crime  à  la  tentative,  il 
faut  que  le  jury  ait  été  consulté,  non  pas  sur  la  question  de  savoir  s'il  y  a  eu 
tentative,  mais  il  faut  que  la  question  lui  ait  été  posée  conformément  au  texte 
de  l'art.  2;  c*est-à-dire,  qu'on  ait  provoqué  le  vote  et  la  décision  du  jury,  non 

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36  TROISIÈME  LBGON.  —  DISPOSITIONS  PRÉLIMINAIRBS  (n''  25). 

pas  sur  le  mot  défini,  mais  sur  la  définition;  qu'on  ait  consulté  le  jury  en  ces 
termes  :  Y  a-t-il  eu  commencement  d'exécution  n'ayant  été  interrompue  ou 
n'ayant  manqué  son  effet  que  par  des  circonstances  indépendantes  de  la  volonté 
de  l'auteur  du  fait?  Ceci  se  rattache,  au  reste,  à  des  principes  que  nous  aurons 
à  développer  plus  tard  sur  la  rédaction  des  questions  telles  qu'elles  doivent  être 
posées  au  jury. 

25.  a  Aat.  3.  Les  tentatives  de  délits  ne  sont  considérés  comme  délits  que  dans 
les  cas  déterminés  par  une  disposition  spéciale  de  la  loi.  » 

Voilà  une  application  que  déjà  je  vous  ai  annoncée  de  la  division,  d'ailleurs 
fort  bizarre  et  fort  peu  logique,  de  l'art.  1  du  Gode  pénal.  Voilà  un  intérêt  à 
distinguer,  dans  l'application  pratique  de  la  loi,  le  crime  et  le  délit  ;  la  ten- 
tative de  crime  est  réputée  crime,  quand  elle  réunit  ces  caractères  de  l'art.  2  ; 
k  tentative  de  délit,  quand  même  elle  réunirait  ces  caractères,  n'est  pas  répu- 
tée délit,  n'est  pas  frappée  de  la  même  peine,  n'est  même  frappée  d'aucune 
peine,  à  moins  que  la  loi  pénale  ne  l'ait  formellement,  spécialement  déclaré. 

Cette  différence  peut  surprendre;  et,  en  effet,  elle  étonna,  à  la  lecture  du 
projet,  quelques  membres  du  conseil  d'État,  et  avant  tous,  l'empereur.  Il  de- 
manda pourquoi  cette  distinction  entre  les  tentatives  de  crime  et  les  tentatives 
de  délit;  pourquoi,  si  l'on  punissait  comme  crime  la  simple  tentative,  ne  puni- 
rait-on pas  aussi,  et  par  la  même  raison,  comme  délit  la  simple  tentative  de 
délit?  On  répondit  que  dans  les  délits  il  était  trop  difficile  de  déterminer  nette- 
ment ce  qui  constituait  la  tentative  ;  que,  par  exemple,  dans  une  rixe,  de  ce 
qu'un  homme  avait  levé  la  main  sur  son  adversaire,  on  ne  pouvait  guère  con- 
clure qu'il  fût  décidé  à  le  frapper,  on  ne  pouvait  voir  là  réellement  une  tenta- 
tive de  délit  ;  que,  de  plus,  l'intérêt  de  la  société,  dans  la  répression  des  délits, 
était  beaucoup"  moins  grand  et  pouvait  permettre  un  peu  plus  de  facilité. 

Ces  réponses  sont  assez  peu  satisfaisantes  ;  je  ne  vois  guère  pourquoi  les 
mêmes  principes  qui  ont  fait  punir  la  tentative,  dans  le  premier  cas,  ne  la  fe» 
raient  pas  punir  aussi,  au  moins  dans  certaines  hypothèses  du  second.  La  pre- 
mière de  ces  réponses,  la  difficulté  de  séparer,  en  matière  de  simple  délit,  la 
tentative  et  l'exécution,  cette  réponse  pourrait  être  bonne,  si  la  distinction 
légale  entre  les  crimes  et  les  délits  était  puisée  dans  la  nature  du  fait,  et  non 
pas,  comme  elle  l'est,  dans  la  nature  et  dans  la  gravité  de  la  peine.  Mais,  une 
fois  cette  distinction  arbitraire  consacrée  entre  le  crime  puni  d'une  peine  af- 
flictive  ou  infamante,  et  le  délit  puni  d'une  peine  correctionnelle,  nous  devons 
nous  attendre,  vous  ai-je  dit,  à  rencontrer  séparés,  isolés,  dans  chacune  de 
ces  catégories,  des  faits  qui,  par  leur  nature,  des  actes  nuisibles  qui,  par  le 
mode  de  leur  accomplissement,  sont  ou  analogues,  ou  même  identiques  les  uns 
avec  les  autres. 

Ainsi,  par  exemple,  dans  les  art,  147  à  150  du  Gode  pénal,  vous  trouverez 
la  définition  du  crime  de  faux,  fait  qui,  étant  puni  des  peines  afflictives  ou  in- 
famantes, rentre  par  là  même  dans  la  disposition  de  l'art.  2.  Voilà  des  faits 
dont  la  tentative,  réunissant  les  circonstances  prévues  par  l'art.  2,  peut  se 
trouver  en  certains  cas  assimilée  au  crime  même,  et  être  punie  comme  lui. 

Vous  trouverez  dans  l'art.  153  des  faits  tout  à  fait  analogues;  par  exemple, 
celui  de  l'altération,  de  la  falsification  d'un  passe-port,  fait  absSlument  identi- 

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OB  Ul  NW-ftÉTROACTlTITÈ  DB  LA  LOI  (aBT.   4).  37 

que  dans  ses  moyens  d'accomplissement,  dans  ses  moyens  d'ezécntion,  avec 
l'altération,  la  falsification  d*nn  autre  acte  public,  mais  que  cependant  on  n'a 
pas  cra,  et  avec  raison,  devoir  frapper  dhine  aussi  forte  pénalité. 

Ainsi,  Faltération  on  la  falsification  des  actes  publics  ou  privés,  indiquée 
dans  les  art  147  et  150,  est  un  crime  ;  Taltération  ou  la  falsification  des  actes 
désignée  dans  l'art.  153  n'est  qu'un  délit,  car  la  peine  n'est  que  correction* 
nelle  ;  et  cependant  ces  faits,  dans  leur  nature,  sont  tout  à  foit  analogues,  et 
je  ne  dis  pas  dans  leur  nature  morale,  je  ne  dis  pas  dans  le  degré  de  perturba- 
Uon  sociale  qu'ils  apportent,  mais  dans  les  moyens  matériels  employés  pour 
leur  exécution.  Dès  lors  la  tentative  est  tout  aussi  facile  à  constater  dans  un 
cas  qu'elle  l'est  dans  l'autre. 

En  un  mot,  nous  trouvons  ici,  et  nous  trouverons  souvent  les  inconvénients 
marqués  de  cette  division  tout  ail>itraire,  de  cette  division  de  pur  caprice  qui» 
au  lien  de  classer  les  faits  d'après  leur  nature  intrinsèque,  les  classe  tout  à 
lait  arbitrairement  d'après  leurs  résultats  de  pénalité.  Nous  verrons  cela  d*une 
manière  biea  plus  saillante  par  la  combinaison  des  art.  78  et  79  du  Ciode 
pénal. 

Je  vous  ai  annoncé  que  les  tentatives  de  délit,  quoique  impunies  en  principe, 
étaient  cependant  assimilées  au  délit  même,  dans  les  cas  où  la  loi  en  dispose- 
rait ainsi.  Vous  en  trouverez  des  preuves  dans  les  art.  400,  401,  405, 414  et 
415  du  Gode  pénal;  ils  sont  relatifs  surtout  au  cas  de  vol,  d'escroquerie  et 
autres  cas  analogues,  dans  lesquels  la  tentative  de  délit,  très*facile  à  constater, 
indépendamment  d'une  exécution  consommée,  a  été  par  le  législateur  assi* 
milée  au  délit  lui-même. 

^  S^^-  <*  ^^'  ^*  ïluUe  contravention,  nul  délit,  nul  crime,  ne  peuvent  être  punis  de 
peine  qui  n'étaient  pas  prononcées  par  la  loi  avant  qu'ils  fussent  commis,  v 

Rien  n'est  plus  simple  que  l'application  de  cette  règle;  c'est,  vous  le  voyez, 
l'application  dans  le  droit  pénal  d'un  principe  qui  vous  est  déjà  connu,  celui 
de  i'article  2  du  Gode  civil,  celui  de  la  non-rétroactivité  des  lois.  Si  jamais  ce 
principe  est  facile  à  légitimer,  s'U  est  surtout  facile  à  appliquer,  c'est  bien  dans 
la  loi  pénale.  En  effet,  encore  bien  que  les  lois  positives,  dans  les  matières 
criminelles,  ne  créent  pas,  ne  constituent  pas  la  culpabilité  morale  de  tel  ou 
tel  fait,  mais  se  bornent  à  la  déclarer,  cependant,  comme  le  degré  de  pénalité 
est  arbitraire  et  varie,  selon  les  cas  et  les  lieux,  au  milieu  de  mille  circonstances 
que  nous  avons  indiquées,  il  est  clair  que  c'est  un  devoir  impérieux  pour  le 
législateur  d'avertir  publiquement,  solennellement,  avant  de  frapper  :  Moneat 
lex  priusquàm  feriai 

La  justice  de  cette  disposition  est  d'abord  de  toute  évidence,  lorsque  le  fait, 
prévaet  puni  par  la  loi  actuelle,  était  tout  à  fait  impuni  par  les  lois  antérieu- 
res. Ce  n'est  alors  que  la  conséquence  de  l'art.  1  ;  car  on  nous  dit,  dans  l'art.  4, 
que  nul  crime,  nul  délit,  nulle  contravention,  ne  peuvent  être  punis  de  peines 
qui  n'étaient  pas  prononcées  parla  loi  avant  qu'ils  fussent  commis.  Donc,  s'il 
n'y  avait  pas  de  peines  portées,  il  n'y  aurait  pas  non  plus,  dans  le  sens  légal 
du  mot,  crime,  délit,  contravention.  Si  la  loi  pénale  nouvelle  a,  non  pas  frappé 
le  crime  ou  la  tentative  d'un  crime  ou  d'un  délit,  atteint  un  fait  jusque-là 
imprévu  et  impuni  :  mais  si  elle  a  aggravé  une  pénalité  antérieure,  les  mêmes 

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38  TROISIÈICB  LBÇON.  —  DISPOSITIONS  PRÉLXMINAIRBS  (n^  27). 

raisons  défendent  impérieusement  de  frapper  de  cette  peine  les  faits  anté- 
rieurement commis. 

Toutefois,  une  exception,  et,  il  faut  bien  le  dire,  une  triste  exception  au  prin- 
cipe de  Part.  4,  se  trouvait  consignée  dans  un  décret  impérial  relatif  à  la  légis- 
lation militaire.  Un  décret  du  1*'  mai  4812,  décret  en  dix  articles,  frappait  de 
certaines  peines  d'une  excessive  gravité  les  fautes,  les  crimes  militaires  com- 
mis en  général  par  les  chefs  de  corps,  tels  que  la  capitulation,  soit  par  un  chef 
de  corps  en  campagne,  soit  par  un  commandant  de  place,  dans  les  cas  déter- 
minés. Puis  Tart.  8  du  décret  ajoutait  que,  dans  tous  les  cas  de  crimes  ou  de 
délits  militaires  non  prévus  par  une  loi  expresse,  les  conseils  de  guerre  seraient 
autorisés,  en  déclarant  la  culpabilité  de  tel  ou  tel  fait,  à  appliquer,  en  leur 
âme  et  conscience,  telle  peine  que  bon  leur  semblera,  à  la  charge  de  la  puiser, 
soit  dans  la  législation  militaire,  soit  dans  la  législation  pénale  ordinaire.  Voilà 
une  exception  flagrante  au  principe  qui  défend  d'appliquer  une  peine  qui  n'est 
pas  prononcée  par  la  loi,  et  prononcée  expressément,  spécialement  pour  le  cas 
particulier  auquel  vous  entendez  appliquer  la  peine;  car,  dire  que,  d'après  ces 
deux  articles,  les  conseils  de  guerre  ne  peuvent  prendre  leurs  peines  que  dans 
la  législation  militaire  ou  ordinaire,  c'est,  vous  le  sentez  bien,  une  garantie  tout 
à  fait  illusoire.  Certainement  ils  n'appliqueront  que  les  peines  établies  dans 
l'une  des  deux  législations,  mais  ils  prendront  à  leur  gré  les  peines  qui,  soit  à 
raison  de  leur  nature,  soit  à  raison  de  leur  gravité,  pourront  être  sans  rapport 
avec  le  fait  déclaré  punissable.  Et  lors  même  que  réellement  elles  seraient  en 
rapport  avec  ce  fait,  elles  n'ont  avec  lui  qu'un  rapport  que  le  coupable  n'a  pu 
ni  deviner  ni  prévoir.  On  doit  toutefois  ajouter  qu*un  arrêt  de  la  Cour  de  cas- 
sation du  21  mai  1847  a  déclaré  que  le  décret  du  !•'  mai  1812  était  abrogé  : 
c  Attendu  que  les  garanties  constitutionnelles  assurées  par  la  Charte,  en  ce  qui 
touche  la  justice  criminelle, consistent  :  1^  suivant  l'art.  4  du  Code  pénal,  en  ce 
que  nul  ne  peut  être  poursuivi  que  dans  les  cas  prévus  par  la  loi,  ni  par  consé- 
quent puni  pour  un  de  ces  actes  de  peines  qui  n'étaient  pas  prononcées  par  la 
loi,  avant  quç  cet  acte  fût  commis...  que  le  décret  du  1*'  mai  1812,  sur  les  ca- 
pitulations des  commandants  militaires,  a  méconnu  ce  principe  essentiel  ; 
qu'après  avoir,  par  son  art  8,  donné  aux  juges  la  faculté  de  substituer  à  la 
peine  de  mort  celle  de  la  dégradation,  ou  même  un  emprisonnement  dont  il  ne 
détermine  pas  la  durée,  il  va,  par  son  art.  10,  jusqu'à  les  autoriser  à  appliquer 
aux  faits  non  prévus  par  les  lois  militaires,  celle  des  peines  du  Gode  pénal, 
civil  ou  militaire,  qui  leur  paraîtra  proportionnée  au  délit;  que  ce  décret  se 
trouve  donc  abrogé.  • 

97.  Le  principe  de  l'art.  4  est  fort  simple  pour  le  cas  oii  la  loi  postérieure 
est  venue  constituer  une  pénalité  qui  jusque-là  n'existait  pas.  Mais  Thypo- 
thèse  contraire  peut  se  présenter,  et  Tart.  4,  comme  tous  les  textes  de  la  légis- 
lation maintenant  en  vigueur,  la  laisse,  je  crois,  sans  solution.  Il  est  possible 
qu'une  loi  nouvelle,  sans  effacer  complètement  des  pénalités  portées  par  la  loi 
antérieure,  vienne  au  moins  les  modifier,  les  adoucir;  il  est  possible  que  le 
changement  s'opère  dans  un  sentiment  d'humanité,  d'adoucissement,  de  sup- 
pression de  pénalités;  alors  Jart.  2  du  Code  civil  devra-t-il  s'appliquer  dans 
sa  lettre?  direz«vous  que,  les  lois  n'ayant  pas  d'effet  rétroactif,  le  fait  commis 

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DBS  DftUTS  mUTAlIIBS  (aRT.   5).  39 

sons  Tempire  de  la  loi  antérieure  doit  être  régi  et  frappé  par  cette  loi^  encore 
Uea  qu'il  soit  jugé  depuis  la  promulgation  d^une  loi  plus  humaine  et  plus 
douce?  Certainement  les  textes  pourraient  mener  là;  mais  des  raisons  im- 
périeuses empêchent  d^  arriver,  et  elles  sont  de  telle  nature,  que  la  question 
même,  je  croiâ,  n'a  Jamais  été  sérieusement  soulevée  dans  la  pratique.  Non- 
seulement  le  sentiment  d'humanité,  mais  aussi  un  principe  impérieux,  une 
raison  paissante  n'ont  pas  permis  de  penser  à  appliquer  jamais  une  législa- 
tion pénale  antérieure  et  rigoureuse,  lorsque,  depuis  le  crime  commis,  elle  a 
été  modifiée,  adoucie.  En  effet,  si  la  peine  ancienne  est  supprimée  ou  adou- 
cie par  la  loi  nouvelle,  c*est^  apparemment,  que  le  législateur  ne  trouve  plus 
dans  les  faits  sur  lesquels  il  statue  le  caractère  d'immoralité,  de  culpabilité 
qui  avait  légitimé  pour  les  législateurs  précédents  la  gravité  de  la  peine  an- 
cienne ;  ou  bien  que,  le  caractère  d'immoralité  restant  le  même  à  ses  yeux, 
le  péril  social,  le  second  élément  pour  la  fixation  de  la  peine,  ne  lui  parait  plus 
exiger  une  répression  aussi  forte.  Alors  il  serait  non-seulement  inutile,  mais 
immoral,  mais  illogique,  d'aller  appliquer  une  peine  que  le  législateur  a  dé- 
clarée inutile,  ou  môme  a  déclarée  dangereuse.  L'intérêt  public  aussi  bien 
que  la  morale  veulent  qu'on  applique  alors  la  nouvelle  peine,  et  non  pas  la 
peine  ancienne. 

J'ai  dit  que  la  législation  actuelle  est  muette  sur  cette  question  ;  je  dois 
pourtant  vous  avertir  qu'un  décret  du  23  juillet  1810,  publié  un  peu  avant  la 
mise  en  activité  du  Gode  pénal,  a  statué  sur  la  question,  mais  statué  d'une 
manière  spéciale,  en  sorte  que  nous  ne  pouvons  plus  invoquer  aujourd'hui 
rantoriiè  du  texte  de  ce  décret.  Ce  décret  a  décidé  que,  pour  tous  les  faits 
commis  antérieurement  à  la  mise  en  activité  du  Gode  pénal,  la  peine  an- 
cienne serait  appliquée  si  elle  était  plus  douce;  ce  n'est  là  que  le  principe 
de  l'art.  4  du  Gode  pénal  :  mais,  qu'à  l'inverse,  dans  tous  les  cas  où  la  peine 
nouvelle  serait  moins  grave  que  l'ancienne,  cette  peine  nouvelle  devrait  être 
appiiquée  de  préférence  aux  faits  commis  antérieurement  à  la  mise  en  acti- 
vité du  Gode. 

Ce  décret  spécial,  je  le  répète,  ne  tranche  pas  la  question  pour  les  légis- 
lations postérieures;  mais  cependant  les  motifs  qui  l'ont  dicté  sont  tels  qu'ils 
paraissent  tout  à  fait  applicables  aujourd'hui.  Aussi  la  question  ne  s'est  pas^ 
je  crois,  présentée  sérieusement  dans  la  pratique.  La  seule  qui  se  soit  élevée, 
et  dont  la  solution  même  fortifie  la  précédente,  est  celle-ci  :  c'est  de  savoir 
quelle  législation  doit  être  appliquée  lorsque,  dans  l'intervalle  entre  le  fait 
commis  et  le  jugement  de  ce  fait,  a  existé  une  législation  transitoire  qui  le 
frappait  d'une  peine  plus  douce  que  l'ancienne  et  que  la  nouvelle.  Eh  bien, 
alors  même  il  a  été  décidé,  un  peu  arbitrairement  peut-être,  mais  la  faveur 
de  rhumanité  a  paru  devoir  l'emporter  dans  cette  question,  qu'encore  bien 
que  la  législation  pénale  la  plus  dure  fût  en  vigueur  à  la  fois  et  au  moment 
du  fait  accompli  et  au  moment  du  jugement,  cependant  le  bénéfice  de  la  lé- 
gislation intermédiaire,  postérieure  au  fait  et^abrogée  avant  le  jugement,  n'en 
était  pas  moins  acquis  à  l'auteur  du  fait;  que  cet  auteur  si  coupable  qu'il  fût, 
ne  devrait  pas  souffrir  des  retards  volontaires  ou  forcés  qui  auraient  été  mis  à 
la  poursuite  et  au  jugement  du  fait  qu'on  lui  impute. 


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40         TROISIÉMB  LBQON.  —  DISPOSITIONS  PRÉUKIirAIRBS  (n^  28). 

28.  «  ART.  5.  Les  dispositions  du  présent  Gode  ne  s'appliquent  pas  aux  contra* 
ventions,  délits  et  crimes  militaires.  » 

Cet  article  est  assez  clair;  cependant  quelques  observations  sont  encore  né- 
cessaires pour  fixer  le  sens  précis  de  ces  mots,  c<mtraventi(ms,  délits  et  crimes 
militaires.  Les  actes,  les  faits  coupables  auxquels  fait  allusion  l'art.  5,  sont, 
comme  vous  le  voyez  par  cet  article,  l'objet  d'une  législation  spéciale.  Parmi 
des  actes  assez  nombreux  relatifs  à  la  punition  des  crimes  ou  délits  militaires, 
je  citerai  particulièrement  le  décret  du  30  septembre  1791  et  la  loi  du  12  mai 
1793  ;  vous  y  trouverez  la  détermination  et  la  punition  de  la  plupart  des  cri- 
mes ou  des  délits.  Plusieurs  décrets,  soit  de  la  République,  soit  de  l'Empire, 
sont  venus  ensuite  ou  augmenter  ou  modifier  ces  catégories. 

Qu'est-ce  que  l'on  entend  en  général  par  crimes  militaires?  quels  sont  les  faits 
auxquels  l'art.  5  déclare  que  le  Gode  pénal  est  inapplicable  ?  Dans  l'acception 
naturelle,  dans  l'acception  du  simple  mot,  on  devrait,  ce  semble,  entendre 
seulement  par  crime  militaire  celui  qui,  par  sa  nature  même,  ne  peut  être 
commis  que  par  des  militaires:  tels  seraient,  par  exemple,  la  désertion,  l'a- 
bandon du  drapeau,  du  poste,  les  voies  de  fait  envers  les  supérieurs  et  autres 
laits  de  même  nature.  Pour  ces  actes-là,  il  est  sensible  qu'ils  sont  essentiel- 
lement et  par  leur  nature  môme  crimes  ou  délits  militaires,  puisqu'ils  ne  peu- 
vent être  commis  que  par  des  personnes  revêtues  de  cette  qualité  de  militaires. 
Cependant  il  est  certains  faits  commis  par  des  non-militaires,  et  qui  rentrent 
néanmoins  dans  la  disposition,  dans  le  renvoi  de  l'art.  5;  il  est  d'autres  faits 
oommis  par  des  militaires,  et  qui  sont  crimes  militaires,  quoiqu'ils  puissent 
être  également  oommis  par  des  non-militaires.  Je  m'explique  par  quelques 
exemples. 

D'abord  l'embauchage  est  un  fait  dont  un  non-militaire  peut  très-bien  se 
rendre  coupable;  cependant  il  est  de  sa  nature  même  un  crime  essentielle- 
ment militaire  ;  un  crime  puni  par  la  loi  de  1793,  un  crime  qui  rentre  dans  la 
compétence  des  tribunaux  militaires. 

De  même  le  vol  est  un  fait  qui  peut  aussi  bien  être  commis  par  un  non- 
militaire  que  par  un  militaire;  cependant,  le  vol  commis  par  un  militaire 
rentre  dans  le  renvoi  exceptionnel  contenu  dans  l'art.  5  ;  le  vol  commis  par 
un  militaire  constitue,  à  raison  de  circonstances  spéciales  de  pénalité  dans  les 
cas  que  la  loi  détermine,  soit  un  crime,  soit  un  délit  militaire  auquel  les  ar- 
ticles du  Gode  pénal  ne  sont  pas  applicables. 

Ainsi  vous  aurez  à  ranger,  dans  le  renvoi  que  contient  cet  article,  les  faits 
qui,  par  leur  nature  même,  sont  des  crimes  que  la  loi  militaire  doit  punir, 
soit  que  ces  faits  émanent  de  militaires  sous  le  drapeau,  soit  même  de  simples 
citoyens.  Vous  aurez  de  plus  à  y  ranger,  la  loi  militaire  à  la  main,  certains 
faits  qui  ne  sont  pas,  de  leur  nature,  de  leur  essence,  des  crimes  ou  des  délits 
militaires;  qui,  pouvant  d'ailleurs  être  commis  par  de  simples  citoyens  aussi 
bien  que  par  des  militaires,  rentrent  cependant,  dans  ce  dernier  cas,  dans  la 
prévision  spéciale  de  la  juridiction  exceptionnelle  établie  pour  les  militaires, 
et  cela  à  raison  de  circonstances  qu'il  est  assez  facile  d'expliquer. 

Mais,  d'autre  part,  il  ne  faut  pas  conclure  de  l'art.  5  que  le  Gode  ordinaire, 
que  nous  étudions,  soit  dans  toutes'ses  disposition  inapplicables  aux  mill- 

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oss  PSI1IS8  AFFUcnvBs  (art.  6),  41 

taires.  Ge  serait  une  grave  erreur.  A  part  les  faits  spéciaux  doat  la  législation 
militaire  s'est  saisie  pour  les  punir  de  peines  particolières  quand  ils  éma&ent 
de  militaires,  tous  les  autres  faits  punissables  commis  par  des  militaires  ren- 
trent sons  l'empire,  sous  l'application  de  la  loi  commune.  Ainsi^  la  plupart 
des  faits  détaillés,  contenus,  frappés  par  le  Gode  pénal,  seront  punis  des  peines 
indiquées  dans  ce  Gode  quand  ils  auront  été  commis  par  des  militaires.  Les 
faits  auxquels  l'art.  5  déclare  la  loi  commune  inapplicable,  ce  ne  sont  pas  les 
crimes  et  les  délits  militaires,  mais,  ce  qui  est  fort  différent,  les  crimes  ou 
délits  militaires,  tels  qu'ils  sont  définis  par  des  lois  spéciales.  La  seule  diflé- 
rence,  différence  qui  pourrait  d'ailleurs  être  susceptible  d'une  juste  critique, 
mais  qu'enfin  la  législation  actuelle  établit  formellement,  se  trouve  dans  la 
compétence. 

Ainsi,  tous  les  faits  qui,  de  droit  commun,  sont  déclarés  punissables,  de 
quelques  personnes  qu'ils  émanent,  et  dont  la  loi  militaire  ne  s'est  pas  ex- 
pressément emparée,  tous  ces  faits,  émanés  d'un  militaire,  seront  frappés 
des  peines  contenues  dans  le  Gode  pénal;  le  militaire,  comme  citoyen,  retombe 
nécessairement  sous  l'application  de  la  loi  commune.  Mais  cette  application, 
au  lieu  d'être  faite,  comme  elle  semblerait  devoir  l'être,  par  les  tribunaux  or- 
dinaires, le  sera,  dans  la  plupart  des  cas,  par  les  conseils  de  guerre.  Les  conseils 
de  guerre  sont  compétents  non-seulement  à  raison  de  la  nature,  du  caractère 
des  faits  punissables,  mais,  ce  qui  est  plus  singulier  et  beaucoup  moins  logique, 
à  raison  de  la  qualité,  du  caractère  des  personnes  en  qui  l'on  prétend  punir 
ces  faits.  N'entrons  pas,  au  reste,  dans  les  détails  de  la  compétence  étrangère 
à  la  matière  qui  nous  occupe  maintenant.  Gette  compétence  n'est  nullement 
réglée  par  le  texte  de  l'art  5.  J'ai  cru  devoir  me  borner  à  vous  donner  cet  avis 
général. 

Elle  est  réglée  par  le  Gode  de  justice  militaire  du  4  août  1857,  qui  a  coor- 
donné toutes  les  lois  et  tous  les  règlements  relatifs  à  cette  matière.  Mais  cette 
loi,  loin  de  restituer  aux  juges  ordinaires  la  connaissance  des  crimes  et  des 
délits  conmiuns,  a  posé  en  termes  plus  explicites  encore  que  ne  l'avait  fait  la 
législation  antérieure,  que  des  crimes  et  délits  deviennent  militaires  toutes  les 
fois  qu'ils  sont  commis  par  des  militaires.  Ainsi  la  juridiction  des  conseils  de 
guerre  est,  pour  le  militaire  sous  les  drapeaux,  la  juridiction  de  droit  commun 
dont  il  est  justiciable  pour  tous  les  crimes  et  délits  qu'il  commet.  Ge  nouveau 
Gode  a  été  appliqué  à  l'armée  de  mer  par  la  loi  du  4  juin  1858. 


LIVRE  PREMIER 

DES   PSDfSS  SN  MATliRE   CRIMIIŒLIJB  ET  GOEEEGTIONNELLE, 
BT  DE  ISURS  EFFETS. 

89.  G'est  dans  ce  chapitre  et  dans  les  suivants  que  va  se  trouver  expliquée, 
précisée  la  division  générale  indiquée  dans  l'art.  1"',  au  moins  la  division  in- 
diquée dans  les  §§  2  et  3  de  cet  article,  relatifs  à  la  nature  des  peines  soit  cor- 

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42     TROISIÂME  LEÇON.  —  DES  PEINES  EN  MATIÈRE  GRIICINBLLE  (n""   30). 

rectionnelles,  soit  criminelles;  quant  à  la  natnre  des  peines  de  simple  police, 
le  législateur  ne  s'en  est  pas  occupé  dans  ce  livre  I®'  ;  elles  sont  indiquées  dans 
les  art.  464  et  suivants. 

«  Art.  6.  Les  peines  en  matière  criminelles  ont  afllictives  et  infamantes,  ou  seu- 
lement infamantes. 

Vous  voyez  que  eet  article,  rapproché  du  §  3  de  Tart.  !•»,  nous  apprend  fort 
peu  de  chose.  Le  §  3  qualifie  de  crime  tout  fait  puni  par  les  lois  d'une  peine 
afQictive  ou  infamante;  on  nous  répète  ici  que  les  peines  criminelles  sont  ou 
afflictives  et  infamantes,  ou  seulement  infamantes,  c'est-à-dire  que  toute  peine 
afQictive  est  par  là  môme  peine  infamante,  mais  que  réciproquement  une 
peine  infamante  peut  très-bien  n'être  pas  une  peine  afflictive.  Du  reste,  rem- 
ploi de  ces  mots  ne  s'éclaircit  pas,  et  nous  ne  savons  pas  plus  d'après  l'art.  6 
que  d'après  l'art,  l**  ce  qui  constitue  précisément,  légalement,  la  nature  soit 
d'une  peine  afflictive,  soit  aussi  d'une  peine  infamante.  A  proprement  parler, 
toutes  les  peines  sont  afflictives,  en  ce  sens  que  toute  peine  enlève  ou  tend  à 
enlever  à  celui  qu'elle  frappe  la  jouissance  d'un  bien,  ou  à  lui  infliger  un 
certain  mal;  toutes  les  peines  sont  afflictives,  mais  à  des  degrés  fort  différents, 
cependant  ce  n'est  pas  dans  ce  sens  naturel,  dans  ce  sens  général,  que  nos 
deux  articles  et  le  Gode  pénal  emploient  le  mot  de  peines  afflictives;  ils  l'em- 
ploient sans  le  limiter,  sans  le  définir  nettement.  Vainement  chercherions- 
nous  à  en  donner  une  définition  :  c'est  par  énumération  et  non  pas  par  une 
définition  que  nous  pouvons  fixer  l'étendue  de  ce  mot.  Sont  afflictives,  dans 
le  sens  technique  de  ce  mot,  les  peines  que  le  législateur  a  bien  voulu  déclarer 
telles,  sauf  à  appliquer  à  ces  peines  les  conséquences  que  la  loi  a  voulu  leur 
imprimer.  Sont  afflictives,  et  par  là  môme  infamantes,  mais  cette  seconde  idée 
est  fort  peu  claire,  comme  nous  le  verrons  sur  l'art.  8,  sont  afflictives  dans  le 
sens  positif,  dans  le  sens  arbitraire  de  la  loi,  les  six  peines  énumôrées  dans 
l'art.  7. 

tt  Art.  7.  Les  peines  afflictives  et  infamantes  sont  :  —  1*"  la  mort;  —2*"  les  tra- 
vaux forcés  à  perpétuité;  —  3"  la  déportation  ;  —  4**  les  travaux  forcés  à  temps  ; 
—  5*  la  détention  ;  —  6»  la  réclusion.  » 

Cet  article  exige  d'assez  longs  détails  qui  n'excluront  pas  cependant  la  né- 
cessité de  nouvelles  explications,  dans  le  cours  du  chapitre  I«%  qui  détermine 
lanature  précise  et  le  mode  de  chacune  de  ces  peines.  Nous  aurons  à  examiner, 
an  moins  pour  les  plus  notables  d'entre  elles,  leur  mérite,  leur  utilité,  leur 
efficacité  pénale.  Nous  laisserons,  quant  à  présent,  de  côté  ces  détails  relatifs  à 
chaque  peine,  prise  isolément,  pour  nous  borner  à  des  notions  générales  sur 
les  divisions  que  la  loi  se  borne  encore  à  poser. 

80.  Les  trois  premières  peines  indiquées  par  Part.  7  sont,  de  leur  essence 
même,  perpétuelles  et  indivisibles,  la  mort,  les  travaux  forcés  à  perpétuité,  la 
déportation.  Au  reste,  l'indivisibilité  dans  la  peine,  c'est-à-dire  l'impossibilité, 
pour  les  tribunaux  qui  l'appliquent,  de  la  faire  varier  entre  un  minimum  et  un 
tnaan'mum,  l'indivisibilité  de  la  peine  est  une  conséquence  forcée  de  son  carac- 

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DBS  PBIHBS  ▲FFLIGTIVB8  (abT.   7).  43 

ière  de  perpétuité.  Qui  dit  peine  perpétuelle,  essentieUemeiit  perpétnelle,  dit 
par  là  môme  peine  indivisible,  peine  manquant  de  ce  caractère,  de  cette  qua- 
lité que  les  criminalistes  demandent,  en  général,  dans  les  peines  manquant 
de  cette  faculté  pour  le  juge  d'en  faire  varier  l'application»  en  plus  ou  en  moins, 
suivant  les  circonstances  du  fait,  suivant  les  nombreuses  qualités  que  la  cul- 
pabilité du  coupable  parait  présenter. 

Mais  les  travaux  forcés  à  perpétuité  et  la  déportation  diffèrent  de  la  peine  de 
mort  sous  ce  rapport  qu'elles  sont  réparables,  si  plus  tard  une  erreur  judi- 
ciaire vient  à  être  découverte,  réparables,  au  moins  en  partie,  pour  l'avenir; 
qn'eUes  sont  rémissibles,  si  le  repentir  et  la  bonne  conduite  du  condamné 
paraissent  de  nature  à  légitimer,  en  sa  faveur,  Tezercioe  du  droit  de  grâce.  Ré- 
parables et  rêmissibles  :  tel  est  l'avantage  des  peines  perpétuelles  qui  n'étent 
pas  la  vie  sur  la  peine  de  mort;  mais  toutes  sont  indivisibles,  toutes  excluent,  de 
la  part  du  juge,  l'appréciation  des  circonstances  qui,  dans  d'autres  cas,  peuvent 
ùâre  varier  l'application  de  la  peine.  (Voy.  au  surplus  infrà,  les  n<>'  50  et  52.) 

81.  L'Assemblée  constituante,  tout  en  admettant  la  peine  de  mort,  n'avait 
pas  cru,  dans  le  Cîode  pénal  de  1791,  devoir  consacrer  l'emploi  des  autres 
peines  perpétuelles  appliquées  dans  l'ancienne  législation.  Elle  n'avait  pas  fixé 
aux  pelaes  des  fers,  aux  peines  de  la  chaîne  qu'elle  établissait,  de  maximum 
déterminé  d'une  manière  générale,  mais  elle  posait  en  principe  qu'aucune  de 
ces  peines  ne  pourrait  être  appliquée  à  vie.  C'était  ensuite  dans  l'énumération 
des  divers  crimes  frappés  par  ce  Gode  qu'elle  indiquait,  pour  chacun  d'eux,  le 
maasimum  possible  de  la  peine.  Je  ne  crois  pas  que,  dans  aucun  cas,  elle  pût 
s'étendre  au  delà  de  trente  ans. 

Lors  de  la  rédaction  du  Gode  pénal,  la  question  de  la  perpétuité  des  peines 
fut  agitée  dans  le  conseil  d'État,  et  le  retour  au  système  des  peines  perpétuel- 
les fut  consacré.  On  trouva  qu'une  trop  large  distance*,  qu'un  intervalle  trop 
étendu  séparait  la  peine  de  mort  et  les  peines  simplement  temporaires; 
que  des  énormes  distances  qui  les  séparaient,  quant  à  l'exemple,  résultait  ou 
la  nécessité  de  multiplier  beaucoup  trop  l'application  de  la  peine  de  mort,  ou 
bien  celle  de  laisser  la  société  sans  garanties  répressives  suffisantes  contre 
certains  faits  qui,  ne  paraissant  pas  mériter  la  peine  de  mort,  sembleraient 
cependant  en  mériter  une  plus  forte  que  de  simples  peines  temporaires.  De  là 
rintroduction  des  travaux  forcés  à  perpétuité  et  de  la  déportation,  peines  per- 
pétuelles et  indivisibles,  mentionnées  aux  n^*  2  et  3  de  l'art.  7. 

S2.  Au  contraire,  les  trois  peines  contenues  aux  n^*  4,  5  et  6  sont  répara- 
bles et  rêmissibles  comme  toutes  les  peines  qui  n'ôtent  pas  la  vie,  et  en  même 
temps  divisibles,  c'est-à-dire  que  non-seulement  elles  sont  temporaires,  mais 
que  la  durée  n'en  est  pas  uniformément  et  impérieusement  déterminée  par  la 
loi;  c'est-à-dire  que,  sauf  quelques  cas  spécialement  déterminés,  le  juge  reste 
maître  de  faire  varier  l'application  de  ces  peines  dans  une  limite  légalement 
déterminée  pour  chacune  d'elles. 

Ce  système  est  également  nouveau  ;  l'Assemblée  constituante  n'avait  pas  cru 
non  plus  devoir  Tadopter;  elle  avait  déterminé  d'une  manière  fixe,  générale, 
absolue,  l'étendue  des  peines  temporaires  qu'elle  établissait;  elle  ne  permet- 

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44      TROISIÈBCB  LEÇON.   •—  DBS  I>!BINB8  BN  BCATIÈRB  CRIMINELLE  (n*"  32). 

tait  pas  au  juge  de  faire  yarieren  plus  ou  ea  moins  rapplication  de  chacnne 
de  ces  peines.  Le  motif  qui  dicta  cette  disposition  du  Gode  de  1791  est  ma- 
nifeste; on  sortait  alors  du  système  de  l'andenne  législation,  si  Ton  peut  ap- 
peler de  ce  nom  les  habitudes  parlementaires  consacrées  autrefois  en  matière 
pénale;  on  sortait  d'un  système  où  des  lois,  des  ordonnances,  des  modifications 
avaient  bien  déterminé  telle  ou  telle  nature  de  peines  variables,  encore  sui- 
vant les  lieux,  mais  n'avaient  pas  déterminé,  en  général»  d'une  manière  com- 
plète, le  rapport  de  chacune  de  ces  peines  avec  le  fait  (qu'elle  devait  frapper.  On 
sortait,  en  un  mot,  d'un  système  d'arbitraire,  d'un  système  d'omnipotence 
qui,  dans  la  plupart  des  cas,  laissait  au  juge  une  immense  latitude  dans  la  na- 
ture et  dans  le  choix  de  la  peine. 

Frappé  des  graves  inconvénients  d'un  tel  système,  effrayé  de  l'énormité  du 
pouvoir  laissé  aux  tribunaux,  préoccupé  de  la  nécessité  de  faire  rentrer  les 
juges  dans  la  légalité,  on  se  jeta,  les  yeux  fermés,  dans  un  système  directement 
contraire.  Pour  enlever  au  juge  tout  arbitraire,  on  consacra  d'une  manière 
formelle,  entière,  absolue,  l'arbitraire  complet  de  la  loi.  Mais  il  est  visible  que 
ce  nouveau  système  avait  aussi  ses  dangers;  qu'une  multitude  de  faits  coupa- 
bles, en  apparence  égaux  quant  à  la  dénomination  légale  qui  les  embrasse, 
varient  cependant  infiniment,  à  raison  de  circonstances  que  le  législateur  ne 
peut  prévoir  et  déterminer;  que  tout  ce  qui  aura  précédé,  accompagné,  suivi 
même  le  crime  ou  le  délit,  que  les  antécédents  du  coupable,  que  la  violence 
des  provocations,  que  la  voix  puissante  qui  l'aura  porté  au  crime,  peuvent, 
dans  certains  cas,  modifier  le  fait  et  l'atténuer  fortement.  Aussi,  en  1808, 
s'écarta-t-on  de  cette  idée  et  établit-on  en  principe  que  les  peines  temporaires 
varieraient  entre  une  double  limite  de  minimum  et  de  maximum,  dans  l'inter- 
valle de  laquelle  les  juges  auraient  à  choisir. 

Vous  remarquerez  que  de  ce  système,  qui  laisse  une  assez  grande  latitude 
aux  juges  dans  l'application  de  la  peine,  résulte,  à  quelques  égards,  une  légère 
altération  au  principe  de  la  division  des  pouvoirs  entre  les  jurés  et  les  juges; 
les  jurés  sont  juges  du  fait,  les  juges  sont  chargés  seulement  d'appliquer  la  loi 
à  un  fait  déclaré  constant  Dans  le  Gode  pénal  de  1791,  cette  division  de  pou- 
voirs restait  très-nette;  aux  jurés  l'appréciation  entière,  l'appréciation  absolue 
du  caractère  du  fait;  aux  juges  la  simple  mission  de  servir  d'organes  à  la  loi, 
de  donner  lecture  publique  du  texte  pénal  établi  pour  ce  cas,  et  de  l'appliquer 
sans  minimum,  sans  maximum  possible.  Au  contraire,  dans  le  droit  actuel,  où 
les  cours  d'assises  ont  à  opter  entre  une  limite  assez  large  dans  l'application 
de  la  peine,  il  est  sensible  qu'elles  sont,  à  certains  égards,  juges  d'une  certaine 
partie  du  fait,  non  pas  du  point  de  savoir  si  le  fait  est  constant  ou  non,  non 
pas  de  savoir  si  l'accusé  est  coupable  ou  innocent,  ce  point  est  déclaré  par  le 
jury  ;  mais,  l'accusé  étant  déclaré  coupable,  à  la  cour  d'assises  appartient  encore 
le  droit  et  l'obligation  de  tenir  compte  des  circonstances,  des  nuances  infinies  de 
moralité  qui  pourront  commander  ou  l'application  du  minimum,  ou  celle  du 
maafimum,\oxL  enfin  celle  d'un  terme  moyen  entre  ces  deux  extrêmes  de  la  peine. 

Cette  idée  de  fixation  d'un  minimum  et  d'un  maximum  dans  la  durée  des 
peines  temporaires,  a  conduit  plus  tard,  en  1824  et  surtout  en  1832,  à  des  mo- 
difications très-importantes  dans  l'ensemble  du  système  pénal  ;  je  veux  dire  à 
la  faculté  accordée  d'abord  à  la  cour  d'assises  en  1824,  et  plus  tard  au  jury  en 

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DBS  PEINS8  AFFLICTITB8  (aRT.  7).  45 

4832,  de  déclarer  TexisteDce  de  circonstances  atténuantes  en  fàvenr  de  Tac- 
casé  déclaré  coupable,  ce  qui  établit  encore  une  variation  beaucoup  plus  forte 
^ma  Tapplication  de  la  peine.  La  dégradation  qui  en  résulte  est  détaiUée  dans 
l'art.  463  du  Gode  pénal  dont  nous  nous  occuperons  fort  en  détail^  car  c'est  une 
innovation  importante. 

83.  La  peine  de  la  détention  est  une  peine  nouvelle  intercalée,  en  1832, 
dans  le  texte  de  Part.  7,  entre  les  travaux  forcés  à  temps  et  la  réclusion.  Quel 
est  le  but  de  l'introduction  de  cette  nouveUe  peine  ?  En  quoi  diffère-t-elle  de 
la  peine  temporaire  qui  la  précède,  et  de  la  peine  temporaire  qui  la  suit  ? 

Une  première  diff^ence,  firsppante  au  premier  coup  d'œil,  mais  assez  peu 
réelle,  assez  peu  satisfaisante  en  résultat,  ressortira  de  la  durée,  de  la  fixation 
de  chacune  de  ces  deux  dernières  peines.  Ainsi,  le  minimum  de  la  détention, 
comme  des  travaux  forcés  à  temps  et  de  la  réclusion,  est  de  cinq  ans  ;  mais  le 
maximum  de  la  détention  est  de  vingt  ans,  lorsque  le  maasimum  de  la  réclusion 
n'est  que  de  dix  ans.  C'est  ce  que  nous  venons  plus  tard  en  détaillant  ces  di- 
verses peines.  Cependant  cette  différence  entre  la  détention,  peine  nouvelle 
introduite  en  1832,  et  la  réclusion,  peine  conservée  dans  le  nouveau  Code,  n'a 
rien  au  fond  de  bien  réel,  n'a  rien  du  moins  qui  nous  explique  pourquoi  le 
législateur  a  cru  devoir  ajouter  cette  nouvelle  pénalité  à  celles  de  Fart.  7.  En 
effet,  il  est  visible  que,  si  la  différence  consistait  seulement  dans  la  durée,  on 
serait  parvenu  au  même  but  en  prolongeant  facultativement  jusqu'à  vingt  ans 
le  maasimum  de  la  réclusion  ;  en  disant  que  la  réclusion,  gardant  toujours  son 
minimum  de  cinq  ans,  aura  pour  maximum  vingt  ans,  on  aurait  ^atteint  le 
même  résultat.  Aussi  cette  différence,  quoique  réelle  en  fait,  doit-elle  être 
laissée  de  côté  comme  n'expliquant  nullement  le  motif,  la  pensée  du  législateur 
dans  la  création  de  cette  nouvelle  peine.  -^  Vous  verrez  également  bientôt  que 
la  détention,  semblable  en  cela  à  la  réclusion,  entraîne  la  dégradation  civique; 
que  la  détention,  semblable  encore  à  la  réclusion,  soumet  les  individus  qu'elle 
frappe  à  la  surveillance  de  la  haute  police  de  l'État. 

Jusqu'ici,  nous  ne  trouvons  donc  que  des  analogies  ;  nous  ne  trouvons  pas  la 
différence  que  nous  cherchons  entre  les  deux  peines.  Cette  différence  tient 
avant  tout  à  la  nature  des  faits  qu'on  a  voulu  frapper  par  chacune  de  ces  deux 
peines.  — -  On  a  senti,  en  1832,  le  besoin  de  créer  une  dénomination  et  un 
mode  d'exécution  spécial  pour  des  faits  qui,  demandant  sans  doute  une  ré- 
pression assez  sévère  dans  l'intérêt  social,  ne  pouvaient  cependant  dans  la  loi» 
pas  plus  que  dans  la  conscience  publique,  être  assimilés  l'un  à  l'autre,  et  passer 
sous  le  niveau  d'une  punition  de  même  nature.  En  effet,  la  détention  créée 
par  l'art.  7  l'a  été  pour  frapper,  en  général,  les  crimes  de  nature  politique,  les 
crimes  qu'il  était  impossible  d'assimiler,  dans  leurs  résultats  et  dans  la  ma- 
nière de  les  frapper,  à  la  plupart  des  faits  prévas  et  punis  par  le  Code  pénal. 
Aussi,  la  détention,  tout  en  ayant  un  maximum  beaucoup  plus  élevé  que  celui 
de  la  réclusion,  tout  en  présentant,  à  cet  égard,  un  plus  grand  caractère  de  sé- 
vérité, en  diffère- t*elle  en  sens  inverse,  comme  n'imprimant  pas  à  celui  qu'elle 
atteint  le  même  caractère  d'infamie,  le  même  caractère  de  déshonneur,  que 
les  idées  communes,  en  général  très-bien  fondées,  attachent  à  l'application  des 
travaux  forcés  à  temps  et  à  la  réclusion. 


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46     TAOniÈMB  LBGON.   —  DES  PEINES  EN  ICATIÉRB  GRIBCINBLLB  (n^   34). 

La  rédusion  consiste,  comme  nous  le  verrons,  à  être  employé,  dans  une 
maison  de  force,  à  certains  travaux  déterminés;  la  détention,  à  être  enfermé 
dans  nne  forteresse  d'État  ;  et,  sous  ce  rapport,  la  différence  de  ces  deux  peines 
consiste  principalement  à  placer  ceux  qu'elles  atteignent  dans  des  établisse- 
ments séparés,  et  à  les  soumettre  à  un  régime  intérieur  différent.  On  a  senti 
qu'indépendamment  d'une  loi  qui  distinguât  formellement  les  deux  peines,  il 
était  nécessaire  de  préserver  les  condamnés  politiques  du  séjour  des  bagnes  et 
desimaisons  de  force,  et  du  contact  impur  des  habitués  d'un  tel  séjour.  Aussi, 
c'est  par  ce  motif  que  la  détention  a  été  créée,  choisie  comme  tendant  à  établir 
une  ligne  de  démarcation  légale  entre  deux  genres,  entre  deux  natures  de  faits 
et  de  condamnations  que  l'opinion  et  la  conscience  publiques  séparent  déjà 
profondément. 

Une  autre  différence  qui  tenait  à  la  même  idée,  c'est  que  la  réclusion  entraî- 
nait en  général,  comme  vous  le  verrez  dans  l'art.  22,  l'exposition  publique  du 
condamné.  Mais  nous  verrons  plus  loin  que  cette  peine  accessoire  a  été  abolie 
par  le  décret  du  12  avril  1848. 

84.  Un  autre  changement  assez  important  a  été  fait  en  1832  au  texte  de  cet 
art.  7  ;  un  dernier  paragraphe  terminait  ainsi  l'ancien  article  :  c  La  marque  et 
la  confiscation  générale  peuvent  être  prononcées,  concurremment  avec  une  peine 
afflictive,  dans  les  cas  déterminés  par  la  loi,  i 

La  confiscation  générale,  par  opposition  à  la  confiscation  spéciale  dont  il  est 
question  dans  l'art,  i  1,  la  confiscation  générale  avait  déjà  été  supprimée  en 
1814.  Sous  ce  rapport,  la  loi  de  1832  n'a  fait  qu'effiicer  de  Fart.  7  des  mots  qui 
depuis  longtemps  n'y  avaient  aucune  application.  Je  n'ai  pas  besoin  d'indiquer 
quels  motifs  avaient  fait  supprimer  la  confiscation  générale  qui  présentait  le 
plus  grand  défaut  que  puisse  offrir  une  pénalité  ;  celui  de  n'être  pas  personnelle, 
celui  de  frapper  très-légèrement  sur  le  condamné,  et  très-fortement,  très-du- 
rement sur  des  individus  fort  innocents.  Très-légèrement  sur  le  condamné, 
car  la  confiscation  importe,  à  coup  sûr,  assez  peu  à  celui  que  la  loi  punit  de 
mort  ou  de  travaux  forcés  à  perpétuité  ;  elle  ne  dépouille  donc,  elle  ne  punit 
donc  en  réalité  que  sa  famille.  Pour  justifier  cette  peine,  on  dit:  Elle  établit 
un  moyen  de  répression  puissant;  tel  individu  que  la  crainte  de  la  mort  ne 
retiendrait  pas  sera  souvent  arrêté  par  la  crainte  de  la  confiscation  qui  s'éten- 
dra sur  sa  famille.  Il  est  impossible  de  présenter  en  faveur  d'une  peine  un  ar- 
gument plus  misérable,  un  argument  qui  vous  met  à  même  de  punir  un  inno- 
cent pour  arrêter  un  coupable,  dans  cet  espoir  du  moins. 

Quant  à  la  marque,  attachée  comme  accessoire  à  quelques-unes  des  peines 
indiquées,  par  exemple  aux  travaux  forcés  à  perpétuité,  et,  dans  certains  cas, 
aux  travaux  forcés  à  temps,  on  a  également  senti  la  nécessité  de  céder  à  des 
réclamations  aussi  légitimes  qu'anciennes  et  de  supprimer  bette  punition  ac- 
cessoire. 

La  marque,  en  effet,  réunissait  en  elle  à  peu  près  tous  les  inconvénients  que 
présentent  isolément  différents  genres  de  peines  :  en  première  ligne,  celui  de 
n'être  pas  divisible,  celui  de  ne  pas  admettre  le  plus  ni  le  moins,  de  ne  permet- 
tre que  tout  ou  rien,  de  ne  pouvoir  varier  suivant  la  culpabilité  plus  ou  moins 
forte  de  celui  qu'elle  atteignait;  en  second  lieu,  de  n'être  pas  appréciable. 


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DBS  PBIMBS  INFAMANTES  (aRT.   8).  47 

c'est-à-dire  que  ce  sapplice  produit,  sur  ceiai  qu'il  atteint,  un  effet  que  le  lé- 
gislatonr  est  dans  l'impossibilité  de  mesurer  à  Tavanee.  Tel  individu  y  sera  fort 
peu  sensible;  tel  autre,  au  contraire,  en  sera  complètement  abattu. 

H  y  a  plus,  c'est  que  la  marque,  comme  les  peines  infamantes  de  leur  na- 
ture, je  dis  de  leur  nature  parce  que  l'art.  7  établit  à  cet  égard  quelques  idées 
dont  il  faudra  yous  prémunir;  c'est  que  la  marque,  comme  la  flagellation  et 
autres  pareilles,  agit  sur  celui  qu'elle  frappe  en  sens  inverse  de  sa  moralité  : 
elle  accable  pour  toujours  le  condamné  qui  conservait  encore  quelque  pudeur, 
elle  n'est  au  contraire  qu'un  jeu  pour  le  coupable  endurci. 

Ainsi,  premier  défaut,  peine  indivisible  ;  second  défaut,  peine  inappréciable 
et  agissant  sur  le  coupable  en  sens  inverse  de  sa  moralité;  troisième  défaut, 
peine  fort  peu  rassurante  pour  la  société,  et  manquant  encore,  sous  ce  rap- 
port, d'une  des  qualités  les  plus  désirables  dans  les  peines.  Peine  peu  rassu- 
rante pour  la  société,  car  la  marque  n'est  pas  le  moins  du  monde  une  cbance 
contre  l'évasion  du  coupable  qu'on  a  flétri  à  l'épaule. 

Bien  plus,  loin  d'être  rassurante,  elle  est  encore  menaçante  pour  la  société, 
puisqu'elle  tend  à  fermer,  à  interdire  au  condamné  qu'elle  a  ainsi  flétri  tout 
espoir,  toute  chance  de  réhabilitation,  tout  moyen  de  se  repentir  efficacement 
et  de  rentrer  dans  le  sein  de  la  société. 

Enfin  elle  est  immorale  au  degré  le  plus  complet,  car,  loin  d'assurer  le  re- 
pentir du  condamné,  elle  le  rejette  forcément  et  nécessairement  dans  le  crime. 

On  a  cédé  à  ces  considérations  depuis  longtemps  présentées,  et  la  suppression 
de  la  peine  de  la  marque  a  été  prononcée  d'une  manière  absolue. 

35.  Terminons  tout  de  suite  l'énumération  des  peines  criminelles  par  l'ex- 
plication rapide  de  l'art.  8 

a  Aat.  8.  Les  peines  infamantes  sont  :  ~  1*  Le  bannissement;  —  2*  la  dégra- 
dation civique.  » 

L'expression  de  peines  a ffUctives  présente,  vous  ai -je  dit,  beaucoup  de  vague  : 
on  ne  peut  pas  la  définir,  on  ne  peut  en  connaître  la  portée  que  par  voie  d'é- 
nomération.  Un  défaut  plus  grave,  plus  sérieux,  me  paraît  renfermé  dans  l'ex- 
pression de  peine  infamante.  Qu'est-ce  au  premier  aspect,  qu'est-ce  à  la  lettre 
qu'une  peine  infamante  ?  En  nous  isolant  pour  un  instant  de  l'énumération 
faite  par  la  loi,  c'est  une  peine  qui  tend  à  frapper  d'infamie  celui  qu'elle  at- 
teint, qui  tend  à  lui  ôter,  à  un  degré  plus  ou  moins  complet,  la  considération 
sociale  dont  il  pouvait  jouir  avant  la  peine.  Mais  d'abord  la  peine  est  déclara- 
tive d'un  fait  criminel  antérieur,  et  ce  fait  criminel  doit  par  lai-méme,  si  la  loi 
pénale  est  bonne^  enlever  au  condamné  ce  qu'il  avait  de  considération,  d'hon- 
neur, de  position,  d'estime  sociale.  On  ne  voit  donc  guère  ce  que  c'est,  sous  ce 
premier  rapport,  qu'une  peine  infamante,  car  ce  n'est  pas  la  peine  qui  rend  in- 
fâme, ce  n'est  pas  la  peine  qui  ôte  l'honneur,  mais  bien  le  fait  déclaré,  mais 
bien  le  fait  attesté  par  l'application  'de  la  peine,  à  moins  qu'on  ne  dise  que 
dans  certains  cas  la  loi  juge  nécessaire  de  punir,  par  des  considérations  d'une 
autre  nature,  des  faits  que  l'opinion,  que  la  conscience  publique  ne  réprouve 
et  ne  flétrit  pas.  liais  s'il  en  est  ainsi,  de  deux  choses  l'xme  :  ou  la  loi  triom- 
phera à  cet  égard  de  la  conscience  publique,  et  elle  arrivera  à  imprimer  v 

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48     TROISliMB  LEÇON.  «-  BBS  PBIMES  BN  XATIÂRB  CRIMINELLE  (n""  35). 

caractère  de  flétrissare  à  des  faits  qui  ne  sont  pas  odieux  par  eux-mômes,  et 
alors  elle  aura  faussé,  elle  aura  détourné  Topinion;  ou  bieki  cet  appel  fisût  par 
le  législateur  à  la  conscience  des  justiciables  restera  impuissant  et  sans  effet, 
cette  infamie  que  la  loi  prononce  ne  sera  pas  ratifiée,  ne  sera  pas  sanctionnée 
par  Topinion  :  alors  la  peine  est  impuissante. 

On  comprend  bien,  en  un  mot,  que  la  peine  suppose  un  crime  véritable,  un 
de  ces  crimes  que  la  raison  et  la  conscience  flétrissent  elles-mêmes  ;  on  com- 
prend bien  que  cette  peine  engendre  la  flétrissure  ;  mais  si  elle  Tengendre,  ce 
n'est  pas  par  son  essence,  par  sa  nature,  pénale  c'est  par  la  déclaration,  par 
la  certitude  qu'elle  donne  à  tous  de  la  réalité  d'un  fait  que  tous  réprouvent 
d'avance. 

On  est  encore  plus  embarrassé  pour  se  rendre  un  compte  précis  du  sens  de 
ce  mot  quand  on  voit  quelles  sont  les  peines  que  la  loi  qudifie  ainsi.  Les  peines 
infamantes  sont  :  1«  le  bannissement;  2®  la  dégradation  civique. 

L'infamie  dont  parle  ici  la  loi  tient-elle  au  choix  de  la  peine,  ou  tient-elle 
uniquement  à  la  nature,  au  caractère,  à  la  qualité  du  fait  auquel  cette  peine 
pourra  être  appliquée  ?  A  la  nature  de  la  peine  ?  Il  est  impossible  de  le  com- 
prendre. Ainsi,  vous  voyez  dans  l'art.  9,  que  l'emprisonnement  est  une  peine 
simplement  correctionnelle,  c'est-à-dire  une  peine  qui  n'est  pas  infamante  ; 
or,  en  rapprochant  l'un  de  l'autre  ces  deux  articles,  demandez-vous  ce  qu'il 
y  a  de  plus  infamant,  de  plus  déshonorant  dans  les  peines  de  Fart.  8  que  dans 
la  première  peine  de  l'art.  9.  J'ai  peine  à  croire  que  vous  le  compreniez.  Qu'y 
a-t-il  de  plus  infamant  à  être  banni,  à  être  exilé,  qu'à  être  emprisonné?  Qu'y 
a-t-il  de  plus  infamant  à  être  privé  de  l'exercice,  de  Tusage  de  certains  droits 
politiques,  civils  ou  de  famille,  qu'à  être  frappé  d'un  emprisonnement  qui, 
dans  un  grand  nombre  de  cas,  entraîne  la  privation  des  mêmes  droits  ?  Ainsi 
la  dégradation  civique,  détaillée  par  l'art.  34,  est  une  peine  infamante,  l'em- 
prisonnement n'en  est  pas  une,  et  cependant  Pemprisonnement,  aux  termes 
de  l'art.  42,  entraine  dans  un  grand  nombre  de  cas  la  privation  de  presque 
tous  les  droits  détaillés  dans  l'art.  34.  On  ne  voit  donc  pas  dans  le  caractère, 
dans  la  nature,  dans  la  qualité  de  ces  deux  peines,  ce  qu'elles  ont  par  elles- 
mêmes  de  plus  infamant,  de  plus  déshonorant  que  l'emprisonnement.  Il  y  a 
bien  des  peines  qui,  par  leur  caractère,  par  leur  nature,  sont  infamantes;  telle 
était,  évidemment,  la  marque  ;  telle  était  encore  l'exposition  publique  ;  mais 
ce  caractère,  je  le  répète,  ne  se  rencontre  pas,  au  moins  d'une  manière  sensi- 
ble, dans  le  bannissement,  ou  dans  la  dégradation  civique. 

Si  l'infamie  dont  parle  la  loi  n'est  pas  dans  le  choix  de  la  peine,  n'est  pas 
dans  la  manière  de  punir,  nous  devrons  donc  la  chercher,  ce  qui  parait  fort 
rationneli  dans  la  nature,  dans  le  caractère^  dans  la,  qualité  du  fait  auquel 
la  loi  appliquera  ces  deux  peines.  Ainsi  ce  qui  fera  que  le  bannissement,  qui, 
par  lui-même,  n'a  rien  de  plus  infamant  que  la  prison,  ce  qui  fera  que  le  ban- 
nissement sera>angé  parmi  les  peines  infamantes,  c'est  que,  apparemment,  on 
ne  l'appliquera  qu'à  des  faits  plus  odieux,  plus  infamants  que  les  faits  qu'on 
ne  punit  que  d'un  simple  emprisonnement  qui  n'a  rien  d'infamant.  Cette 
idée,  qui  paraîtrait  naturelle,  est  encore  plus  rudement  déçue.  Je  vais  le  prou- 
ver par  des  exemples. 

En  effet,  voyez  les  art.  127  et  130  du  Gode  pénal;  par  exemple,  si  un  maire 


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DBS  PEINB8  INFAMANTES  (aRT.   8).  49 

a  pris  des  arrêtés  généraux  tendant  à  contrarier  des  ponToirs  judiciaires,  tous 
verrez  qu'un  maire,  dans  un  pareil  cas,  est  puni  de  la  dégradation  civique, 
n  vous  sera  diffidie  de  voir  ce  qu'il  y  a  de  très-infamant,  de  très-déshono- 
rant dans  le  fait  de  l'usurpation  de  pouvoirs,  fait  qui  n'a  rien  de  bien  infa- 
mant. Voyez  maintenant  à  quels  faits  on  applique  l'emprisonnement  ;  vous 
trouverez  dans  Fart  401'  que  le  vol  est  puni  d'un  an  à  cinq  ans  d'emprison- 
nement. Ainsi  les  fonctionnaires  dont  on  parle  dans  les  art.  127  et  130,  qui 
se  seront  rendus  coupables  d'une  usurpation  de  pouvoirs,  d'un  arrêté  pris  ou 
appliqué  mal  à  propos,  sont  punis  de  peines  infamantes,  de  la  dégradation 
civique  ;  au  contraire,  le  voleur  n'est  puni  que  de  peines  correctionnelles.  Je 
le  demande  maintenant,  quand  on  rapproche  la  nature  de  ces  deux  faits, 
quand  on  consulte,  pour  apprécier  chacun  d'eux,  la  raison,  l'opinion,  le  sen- 
timent intime  de  chacun,  quel  est  celui  des  deux  qui  est  infamant,  odieux, 
déshonorant  ?  de  qui  rougira-t-on  dans  sa  famille  et  parmi  ses  amis  ?  sera- 
ce  du  maire  qui  aura  violé  Fart.  130  ?  sera-ce,  au  contraire,  du  voleur  ?  Ge 
sera  évidemment  de  ce  dernier.  Quel  est  celui  avec  qui  vous  rougiriez  d'a- 
voir eu  les  plus  petites  liaisons  ?  Ce  sera  certainement  le  voleur.  Dès  lors  on 
ne  sait  plus  oiï  est  l'infamie  dont  parle  l'art.  8.  Cette  infamie  ne  se  trouve 
ni  dans  la  nature,  dans  le  choix  intrinsèque  du  mode  de  punir,  ni,  dans  un 
grand  nombre  de  cas,  dans  le  caractère,  dans  la  nature  même  du  fait  puni  et 
punissable.  Nouvel  inconvénient,  nouveau  résultat  fâcheux  de  cet  étrange 
arbitraire,  de  ce  singulier  despotisme  en  vertu  duquel  la  loi  pénale  a  pré- 
tendu régler  non-seulement  la  mesure  et  la  gravité  physique  de  chaque 
peine,  ce  qui  est  bien  de  son  ressort,  mais  encore  l'influence,  les  résultats 
de  chaque  p^ne  sur  la  conscience  et  sur  l'opinion  ;  nouvel  inconvénient  de 
cette  prétention  de  faire  varier  l'appréciation  morale  que  chacun  de  nous 
peut  faire  d'un  acte,  selon  que  la  loi  aura  cru  devoir  flétrir  ou  non  cet  acte 
d'infamie. 

Ceci  n'est  pas  le  résultat  d'une  simple  inexactitude  de  mots,  mais  de  cette 
malheureuse  inexactitude  de  la  division  de  l'art.  1*',  qui  présente  encore  des 
résultats  que  la  raison  repousse. 

Ainsi,  que  les  fonctionnaires  publics  punis  aux  termes  des  art.  127  et  130 
soient  dédarés  frappés  d'une  peine  infamante;  que  le  voleur,  au  contraire,  ne 
soit  déclaré  frappé  que  d'une  peine  correctionnelle,  au  fond,  je  m'en  inquiète 
assez  peu,  parce  qu'en  dépit  de  la  loi  chacun  de  nous  démêlera  quel  est  l'homme 
infâme  et  déshonoré.  Mais  rapprochez  ces  deux  articles  d'un  texte  du  Code  ci- 
vil, de  celui  qui  autorise  la  séparation  de  corps  à  raison  de  toute  peine  inûi- 
mante  encourue  par  l'un  des  époux,  et  vous  serez  frappés  des  résultats,  c'est- 
à-dire  que  la  femme  du  préfet,  du  sous-préfet,  du  maire  dont  parlent  les 
art.  127  et  130,  pourra  déclarer  que  la  vie  commune  lui  est  insupportable  avec 
un  homme  que  la  loi  a  frappé  d'une  telle  peine  ;  tandis  que  la  femme  du  vo- 
leur devra  vivre  avec  lui,  parce  que,  lors  même  que  son  fait  est  infâme,  hon- 
teux, elle  n'est  pas  juge  de  tout  cela  :  la  loi  n'a  qualifié  ce  fait  que  de  délit. 

Tel  est  l'étrange  résultat  auquel  conduisent  ces  divisions  arbitraires  signalées 
dès  l'origine,  ces  divisions  qui,  renversant  l'ordre  logique  et  moral  des  idées, 
prétendent  subordonner  arbitrairement  la  conscience  et  la  croyance  publique 
à  la  qualité  des  dénominations  que  le  législateur  juge  à  propos  d'appliquer  aux 

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50      TROISIÈME   LEÇON.  —  DES   PEINES  EN  MATIÈRE  CRIMINELLE   (N®   36). 

peines.  Au  reste,  dans  tout  ceci,  remarquez  bien  que  nous  n'examinons  pas 
encore  la  nature  ou  le  mérite  du  bannissement  et  de  la  dégradation  civique  ; 
le  seul  point  qui  nous  occupe  est  Texamen  du  mérite  des  qualifications  sous 
lesquelles  la  loi  a  classé  ces  divers  actes. 

86.  Le  nouvel  art.  8  a  supprimé  du  nombre  des  peines  infamantes  la  pre- 
mière de  toutes  celles  qu'é^umérait  le  Gode  pénal  de  1810,  le  carcan. 

Les  critiques  que  j'ai  présentées  sous  le  rapport  de  la  division  logique  nes'ap* 
pliquent  pas  à  cette  peine.  Il  est  clair  que  le  carcan  est  de  sa  nature  même  une 
peine  infamante,  sauf  à  voir  si  c*est  une  bonne  peine,  si  le  législateur  a  bien 
fait  de  l'introduire,  et  surtout  si,  en  Tintroduisant,  il  Taura  bien  ou  mal  appli- 
quée. Mais  le  carcan,  bien  différent  en  cela  du  bannissement  et  de  la  dégra- 
dation civique,  est  une  peine  qui,  par  sa  nature  même,  désigne,  à  tort  ou  à 
raison,  mais  désigne  celui  qu'elle  frappe  à  Tanimadversion  publique. 

La  peine  du  carcan,  indiquée  dans  Tancien  art.  8,  a  disparu  du  nouveau  texte. 
De  là  vous  pourriez  conclure  que  Texposition  publique,  autorisée  sous  le  nom 
de  carcan,  a  cessé  d'exister  en  même  temps  ;  ce  serait  une  erreur.  Le  nom  de 
carcan  a  disparu;  mais  l'exposition  publique  lui  a  quelque  temps  survécu. 
Pourquoi  donc  a-t-on  supprimé  dans  le  texte  de  Tart.  8  une  pénalité  que  la  loi 
appliquait  encore  ?  Pour  comprendre  cette  suppression,  il  faut  savoir  que  le 
carcan  était  prononcé  dans  le  Gode  pénal  de  1810,  tantôt  comme  peine  prin- 
cipale, appliquée  indépendamment  de  toute  autre  pénalité  ;  tantôt  comme 
peine  accessoire  résultant,  plus  ou  moins  nécessairement,  de  certaines  con- 
damnations afflictives.  Au  reste,  le  carcan  a  été  supprimé  comme  peine  isolée, 
comme  peine  principale.  Voilà  pourquoi  il  ne  parait  plus  dans  l'art.  8.  Mais  le 
carcan,  ou  du  moins  l'exposition  publique,  avait  continué  d'exister,  quoique 
avec  moins  d'étendue,  comme  conséquence  de  certaines  condamnations.  Nous 
en  parlerons  sur  Tart.  22. 

Mais  pourquoi  le  législateur,  conservant  l'exposition  publique  à  titre  de  peine 
accessoire,  l'avait-il  eff'acée,  supprimée  comme  peine  principale  ?  La  raison  en 
est  facile  à  donner.  L'exposition  publique,  à  part  toutes  les  objections  qui  peu- 
vent s'élever  contre  le  choix  des  peines  infamantes  de  leur  nature,  objections 
qui  n'avaient  pas  empêché  sa  conservation  comme  peine  accessoire,  présente, 
comme  peine  principale,  un  inconvénient,  un  danger  tout  particulier.  On  a  re- 
connu qu'à  part  tous  les  vices  iporaux  de  cette  pénalité,  il  y  avait  imprudence 
et  péril  social  à  la  prononcer  comme  peine  principale  ;  à  ne  mettre  aucun  in- 
tervalle, aucun  intermédiaire  entre  la  plus  éclatante  infamie  et  la  plus  absolue, 
la  plus  entière  liberté,  à  faire  descendre  de  Téchafaud  public,  après  une  heure 
d'exposition,  un  homme  que  tout  le  monde  y  çivait  vu  flétrir,  un  homme  que 
la  société  allait  inexorablement  repousser  d'elle  ;  à  le  rendre  à  toute  sa  liberté, 
à  tous  ses  moyens  de  nuire,  dans  un  moment  oi!i  toute  existence  sociale  venait 
de  lui  être  enlevée,  et  où  il  descendait  de  l'échafaud  bien  moins  corrigé,  bien 
moins  accablé  qu'irrité,  exaspéré  par  la  pénalité  qui  venait  de  l'atteindre.  De 
là  la  suppression  de  l'exposition  publique  envisagée  comme  peine  principale. 

Quant  aux  motifs  qu'on  pouvait  alléguer  contre  l'exposition  comme  peine 
accessoire,  motifs  qui  ont  enfin  triomphé  complètement,  nous  aurons  à  les 
présenter  sur  le  texte  de  l'art.  22,  relatif  à  cette  exposition. 


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DB8  PBINE8  AGGBS0OIRB8  (aRT.    10).  51 


QUATRliia  LEÇON. 

37 .  Il  nous  reste  peu  de  chose  à  dire  sur  la  section  préliminaire  du  livre  l^, 
«celle  qui  est  relative  à  la  division  des  peines.  Vous  savez  que  nous  avons  déjà 
Yu  quelles  sont  les  peines,  soit  afflictives  et  infamantes  à  la  fois,  soit  simple- 
ment infamantes.  Nous  avons  critiqué  ces  dénominations,  la  dernière  comme 
vicieuse  dans  le  principe  et  dans  le  mot,  et  la  première,  celle  é^afflictive,  comme 
vague  et  peu  significative.  Nous  voici  maintenant  arrivés  à  la  troisième  espèce 
de  peines. 

.  «  ART.  9.  Les  peines  en  matière  correctionnelle  sont  :  —  1'  remprisonnement  & 
temps  dans  un  lieu  de  correction  ;  —  2*  rinterdiction  à  temps  de  certains  droits 
civiques,  civils  ou  de  famille;  —  3"*  l'amende.  » 

La  même  critique  parait  devoir  s'appliquer  à  la  dénomination  de  la  troisième 
espèce  de  peines  ;  mais  ce  n'est  là,  je  me  hâte  de  le  dire,  qu'une  affaire  de 
mots.  Le  moipeine  correciionnelle,  comme  celui  dep^'n^  afflietive,  est  tout  à  fait 
arbitraire  ;  il  ne  présente,  dans  son  sens  propre  et  naturel,  aucune  relation  di- 
recte avec  les  peines  auxquelles  la  loi  l'applique.  Aussi,  si  par  le  mot  p^'n^eor- 
rectionnelle  vous  entendez  une  peine  qui  a  pour  but  de  châtier,  il  est  clair  que  c'est 
une  redondance,  car  toute  peine  tend  essentiellement  à  ce  but  ;  peine  et  châ- 
timent sont  des  expressions  tout  à  fait  synonymes.  Sous  ce  rapport,  le  mot  de 
peine  correctionnelle,  pris  dans  son  sens  général  et  naturel,  ne  serait  qu'un 
pléonasme.  Que  si,  au  contraire,  on  entend  par  là  des  peines  qui  auraient  pour 
but  non-seulement  de  châtier,  mais  encore  de  corriger,  d'amender,  de  réfor- 
mer le  coupable,  c'est  là  une  qualité  qu'il  serait  à  désirer  de  trouver  dans 
toutes  les  peines,  mais  que  malheureusement  nous  ne  rencontrons  dans  au- 
cune, car  les  peines  que  la  loi  qualifie  de  correctionnelles,  ne  le  sont  pas  plus 
que  les  autres,  ni  en  ce  sens  qu'elles  châtient  ni  en  ce  sens  qu'elles  corrigent. 

Les  trois  peines  comprises  sous  ce  npm  sont  :  Temprisonnement,  rinterdic- 
tion de  certains  droits  et  l'amende. 

Il  est  clair  que,  dans  l'interdiction  partielle  de  certains  droits  civils  et  dans 
Tamende,  il  n*y  a  aucune  tendance  au  perfectionnement  moral  du  coupable. 
Quant  à  l'emprisonnement,  il  pourrait,  il  est  vrai,  dans  un  certain  système, 
dans  une  certaine  direction,  devenir  un  moyen  d'amendement  et  de  réforme  ; 
mais  ce  système  n'existe  pas,  mais  cette  direction  n'est  pas  trouvée.  Bous  ce 
rapport,  on  ne  peut  guère  justifier  l'emploi  de  ce  mot.  C'est  donc  uniquement 
par  énumération,  et  non  pas  par  définition,  que  nous  pouvons  connaître  les 
peines  correctionnelles.  Ces  peines  sont  de  trois  sortes  :  Temprisonnement  à 
temps  ;  l'interdiction  à  tenlps  de  certains  droits  détaillés  dans  l'art.  42,  et  enfin 
l'amende .  Du  reste,  quant  à  la  durée  de  l'emprisonnement,  quant  à  l'étendue 
ée  cette  interdiction,  quant  à  l'importance  de  cette  amende,  tous  ces  détails 
n'appartiennent  pas  à  la  matière  qui  nous  occupe  maintenant;  nous  ne  nous 
.occupons  que  de  la  division,  et  non  pas  encore  de  l'application  des  peines. 

38.  «  Art.  iO.  La  condamnation  aux  peines  établies  par  la  loi  est  toi^jours  pro- 

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52  QUATRIÉMB  LEÇON.   -*-  DBS  PBINBS  EN  MATIÈRE  GRIBCINBLLE  (n^  41). 

noncée  sans  préjudice  des  restitutions  et  dommages-intérêts  qui  peuvent  être  dus 
aux  parties.  » 

Cet  article  consacre  un  principe  de  Tinstniction  criminelle,  c'est  la  dis- 
tinction entre  l'action  publique  tendant  à  l'application  des  peines,  et  Faction 
civile  ou  privée  tendant  à  faire  obtenir  à  la  partie  lésée  par^e  délit  l'indemnité 
pécuniaire  du  dommage  qui  lui  a  été  causé.  Les  règles  relatives  à  chacune  de 
ces  actions  sont  exposées  dans  les  premiers  articles  du  Gode  d'instruction  cri- 
minelle ;  c'est  là  que  nous  verrons  par  qui,  devant  quels  tribunaux,  suivant 
quelles  règles  doivent  être  intentées  Tune  et  l'autre  action,  l'action  publique 
et  l'action  privée.  Remarquez  au  reste,  d'après  l'art.  52  du  Gode  pénal,  que  les 
condamnations  aux  restitutions,  aux  dommages-intérêts,  quoique  purement 
pécuniaires  et  civiles  de  leur  nature,  ont  néanmoins  cet  effet  d'entraîner  con- 
tre celui  qu'elles  frappent  la  voie  de  la  contrainte  par  corps. 

89.  a  Art.  11.  Le  renvoi  sous  la  surveillance  spéciale  de  la  haute  police» 
ramende  et  la  confiscation  spéciale,  soit  du  corps  du  délit,  quand  la  propriété 
appartient  au  condamné,  soit  des  choses  produites  par  le  délit,  soit  de  celles  qui 
ont  servi  et  qui  ont  été  destinées  &  le  commettre,  soit  des  peines  communes  aux 
matières  criminelles  et  correctionnelles.  » 

Nous  avons  encore  fort  peu  de  chose  à  dire  sur  cet  article.  Le  renvoi  sous  la 
surveillance  de  la  haute  police  est  organisé  par  Tart.  44.  Nous  en  parlerons  en 
son  lieu.  En  général,  ce  renvoi  peut  être  la  conséquence  de  toutes  les  peines 
criminelles,  la  dégradation  civique  exceptée  ;  vous  le  verrez  indiqué  dans  les 
art.  44  et  suivants.  Quant  aux  peines  correctionnelles  infligées  à  raison  de  dé- 
lits, elles  n'entraînent  que  dans  des  cas  spécialement  désignés  la  surveillance 
temporaire  du  condamné  par  la  haute  police  de  l'État. 

40.  La  confiscation  spéciale  est  conservée,  par  opposition  à  cette  confisca- 
tion générale  autorisée  par  le  dernier  paragraphe  de  l'ancien  art  7  et  suppri- 
mée dans  la  révision  du  Gode,  en  vertu  de  la  disposition  de  l'art.  46  de  la 
Charte  de  i814.  L'abolition  de  la  confiscation,  vous  ai-je  dit,  ne  s'entend  que 
de  la  confiscation  générale,  peine  supprimée,  peine  abolie  conome  imperson- 
nelle, comme  frappant  la  famille  du  coupable  bien  plus  encore  que  le  coupa- 
ble lui-même.  Mais  cette  abolition  reste  étrangère  à  la  confiscation  spéciale,  et 
l'art.  11  vous  indique  à  quels  cas  s'applique  cette  confiscation,  soit  du  corps  du 
délit,  soit  des  choses  produites  par  le  délit,  soit  de  celles  qui  ont  servi  ou  qui  ont  été 
^tinées  à  le  commettre.  Vous  trouvez  des  exemples  de  la  confiscation  spéciale, 
appliquée  au  corps  du  délit,  dans  les  art.  176,  286,  287  du  Gode  pénal;  il  y  a 
d'ailleurs  bien  d'autres  cas.  Vous  trouvez  des  cas  de  confiscation  des  choses 
produites  par  le  délit  dans  les  art.  364  et  428.  Vous  en  trouvez  enfin,  pour  les 
choses  qui  ont  servi  ou  qui  ont  été  destinées  à  le  commettre,  dans  l'art.  314, 
relatif  à  la  confiscation  des  armes,  des  objets,  des  instruments  prohibés. 

41 .  Quant  à  l'amende,  qui  est  une  peine  commune  aux  matières  criminelles 
et  aux  matières  correctionnelles,  vous  la  trouvez  prononcée  beaucoup  plu8> 

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DE  Lk  PBDIB  DB  MOBT  (ABT.   12).  53 

fréquemment  en  matière  correctionnelle  qn'en  matière  criminelle.  C'est  sur* 
lont  dans  les  matières  correctionnelles  qu'il  a  pn  paraître  utile  de  fortifier  par 
nne  amende  ce  que  la  sanction  pénale,  personnelle,  corporelle,  pouvait  présen» 
ter  d'incomplet.  Quant  aux  matières  criminelles  où  la  peine  est  inûunante  et 
plus  forte,  vous  trouyea  parfois  des  amendes  ;  mais  elles  sont  plus  rarement 
prononcées.  Vous  sentes  que  le  système  de  Tamende,  dans  les  matières  crimi» 
aelles,  ne  peut  s'appliquer  qu'au  cas  des  peines  temporaires  ;  quant  aux  peines 
perpétuelles  qui  font  encourir  la  mort  civile,  ajouter  une  amende  à  la  peiœ^ 
-ce  ne  serait  pas  frapper  directement  et  uniquement  les  héritiees  aux  mains  de 
^î  passent  ces  biens,  système  évidemment  inadmissible.  (Yoy.  infirà,  n*  88.) 
Ainsi,  vous  trouvez  très-fréquemment  Tamende  ajoutée  aux  peines  correction* 
nelles  ;  vous  la  trouverez  encore,  mais  plus  rarement^  ajoutée  aux  peines  cri- 
mîn^s  temporsires. 


CaaL/^PITRE  PREMIER 
DES  PEINES  EN  MÀTliBE  CRIMINELLE. 

42.  Nous  allons  trouver  dans  ce  chapitre  le  mode  d'exécution,  le  détail  des 
diverses  pénalités  que  nous  nous  sommes  bornés  à  classer,  à  envisager  en  massé 
dans  les  art.  7  et  8,  le  mode  d'exécution  et  de  détail,  soit  des  peines  afflictives 
•et  infamantes,  soit  des  peines  simplement  infamantes. 

Vous  comprendres  aisément  que  la  plupart  de  ces  textes  ne  se  prêtent  pas  i 
la  nature  de  développements,  d'explications  que  présentent  et  qu'exigent  le 
plus  souvent  les  matières  du  droit  ou  de  la  procédure  civile.  En  général,  ces 
textes  sont  fort  clairs,  le  mode  d'exécution  qu'ils  présentent  est  fort  simple 
et  ne  donne  matière  qu'A  d'assez  rares  questions  d'application  et  de  pratique. 
Nous  pourrions  donc  sans  inconvénient  en  parcourir  rapidement  un  asses 
grand  nombre,  pour  lesquels  souvent  la  lecture  suffira,  et  si  quelques-uns  nous 
arrêtent,  et  nous  arrêtent  assez  longtemps,  ce  sera  bien  moins  en  ce  qui  ton* 
che  les  difficultés  pratiques  de  l'application  de  telle  ou  telle  peine,  qu'en  ee 
qui  touche  son  mérite  théorique,  son  efficacité  pénale.  C'est  en  ce  sens  que 
nous  aurons  à  nous  occuper  aujourd'hui  :  1«  de  la  peine  de  mort,  dont  parle 
l'art.  12  ;  %'^  et  d'une  manière  beaucoup  plus  étendue,  de  la  peine  de  la  dépor* 
tation,  définie,  détaillée  par  l'art.  17. 

Lee  arL  12, 13  et  14  sont  relatifs  à  l'application  de  la  peine  de  mort,  et  leur 
texte,  surtout  leur  texte  actuel,  ne  présente,  à  ma  connaissance,  aucune  dlffr- 
culté'pratique.  Je  dis  leur  texte  actuel,  car,  avant  la  révision  de  1832,  unèdiri^ 
position  particulière  de  Fart.  13  donnait  lieu  à  une  difficulté  que  je  n'aurai  plus 
maintenant  qu'à  indiquer. 

48.  «  ÂaT.  12.  Tout  condamné  à  mort  aura  la  tète  tranchée.  » 

Vous  savez  tons  quelles  théories,  quels  débats  a  soulevés  depuis  assez  long 

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54  QUAT.  LEÇ.  —  DBS  PEINES  EN  MAT.  GRUC.  —  UT.  I.  GHAP.  I  (n"»  43). 

temps  PapplicaUon  de  la  peine  de  mort,  non-seolement  dans  son  rapport  avec 
tel  on  tel  fait,  dans  la  spécialité  de  telle  on  telle  application,  mais  encore  dans 
sa  généralité.  En  nn  mot^  Yons  savez  tons  qne  depuis  assez  longtemps  a  été 
débattu,  et  chaque  jour  plus  vivement,  le  point  de  savoir  s'il  est  des  crimes, 
quelque  énormes  qu'on  les  suppose,  que  la  société  ait  le  droit  de  frapper,  de 
punir  de  mort  Je  n'ai  certes  pas  la  pensée  de  présenter  et  de  discuter  ici  les 
objections  très-nombreuses  soulevées  par  les  adversaires  de  la  peine  de  mort  : 
ces  objections  demanderaient,  ne  fÙt-ce  que  pour  être  présentées,  une  ou 
môme  plusieurs  leçons  de  développements, elles  se  rattachent,  d'ailleurs,  à  bien 
des  sources  différentes,  et  je  me  bornerai  à  indiquer  les  principales  et  à  n'en 
discuter  peut-être  qu'une  seule. 

Ainsi,  quelques-unes  ont  été  empruntées,  et  le  sont  encore  fréquemment,  au 
système  religieux,  d'autres  à  des  systèmes  politiques.  Les  unes  et  les  autres 
étant  des  objections  tout  &  fait  spéciales,  nous  pouvons,  je  crois,  les  laisser  de 
côté.  Je  vais  cependant  en  donner  quelques  exemples  ;  en  voici  un  tiré  d'une 
croyance,  d'un  système  religieux. 

La  société,  si  loin  que  puisse  s'étendre  le  droit  de  punir,  ne  peut  pas  porter 
ce  droit  jusqu'à  précipiter,  jusqu'à  abréger  le  terme  des  jours  comptés  à  chaque 
homme  pour  son  épreuve  sur  la  terre  ;  elle  ne  peut  pas,  si  sévèrement  qu'elle 
puisse  frapper  ici-bas,  compromettre  son  avenir  par  une  mort  anticipée.  Cette 
objection,  comme  je  l'annonçais,  est  tout  à  fait  spéciale  :  elle  tient  essentielle- 
ment à  un  système,  et  à  un  système  religieux  tout  particulier.  Ainsi,  pour 
beaucoup  d'individus,  même  pour  ceux  qui  adoptent  tel  ou  tel  système,  telle 
ou  telle  croyance  religieuse,  cette  objection  pourrait  n'en  pas  être  une  ;  mais 
on  peut  la  réfuter  d'ailleurs  fort  aisément.  Il  est  clair  qu'en  la  prenant  à  la 
lettre,  qu'en  refusant  à  la  société,  et  à  plus  forte  raison  à  l'individu,  le  droit 
d'abréger,  de  précipiter,  dans  le  cas  de  la  plus  patente  nécessité,  le  terme  des 
jours  d'un  autre  homme,  on  anéantit  directement  le  droit  de  légitime  défense, 
droit  consacré  à  la  fois  et  par  la  raison  et  par  la  loi  ;  on  rend  inadmissible  la 
défense  légitime  non-seulement  pour  l'individu,  mais  aussi  pour  la  société  qui, 
apparemment,  n'aura  pas  plus  de  droit  en  matière  de  guerre  défensive  qu'en 
matière  de  pénalité,  de  compromettre,  de  vouer  à  une  mort  anticipée  une 
foule  d'individus  pour  qui  le  jour  de  la  mort  naturelle  n'est  pas  venu.  Aussi 
cette  objection,  sans  l'examiner  en  elle-môme  et  dans  ses  détails,  parait  se 
réfuter  suffisamment  par  ses  conséquences. 

D'autres  objections  se  rattachent  à  des  systèmes  d'organisation  sociale  que 
nous  devons  laisser  aussi  de  côté.  Ainsi,  l'homme,  n'ayant  pas  le  droit  de  dis- 
poser lui-même  de  sa  vie,  n'a  pu  céder  valablement  ce  droit  à  la  société  ;  la  so- 
ciété, l'État,  n'exercent  sur  l'individu  que  les  droits  qu'ils  tiennent  de  lui,  en 
vertu  d'un  pacte  formel  ou  tacite  :  ces  droits  ne  peuvent  être  que  ceux  de  l'in- 
dividu sur  lui-même.  Si  le  suicide  est  un  acte  coupable,  nul  individu  ne  peut 
céder  sa  vie  ;  donc  la  société  n'a  pas  ce  droit.  Il  est  sensible  que  cette  objection 
repose  encore  sur  une  hypothèse  tout  à  fait  gratuite  ;  elle  rattache  non-seule- 
ment le  droit  de  punir,  mais  tous  les  droits,  tous  les  devoirs  et  tous  les  pou- 
voirs sociaux  à  l'existence,  ou  plutôt  à  l'hypothèse  d'une  convention  dont  rien 
n'atteste,  et  dont  tout  dément  la  réalité.  Certes  1  ni  le  droit  de  punir  ni  les 
pouvoirs  sociaux  ne  dérivent  d'une  convention;  personne  n'a  jamais  vu,  n'a 

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DB  LA  F8INX  DB  IfOHT  (aRT.    12).  55 

jamais  la^n'a  jamais  pu  supposer  sérieusement  une  convention  pareille.  Certes  ! 
l'étranger  qu'un  accident,  qu'un  naufrage,  qu'un*  fait  absolument  involon* 
taire  a  jeté  un  instant  sur  nos  c^s,  et  qui  s'y  rendra  coupable  d'un  crime, 
*  sera  puni  par  la  loi  du  pays,  quoiqu'il  n'y  ait  eu  de  sa  part  ni  convention  ex- 
presse, ni  volonté,  ni  convention  tacite  de  se  soumettre  à  cette  loi.  Ce  n'est 
pas  d'un  pacte  purement  imaginaire,  d'un  contrat  tout  à  fait  hypothétique  que 
nous  devons  faire  dériver  la  source  du  droit  de  punir,  et  de  ses  effets. 

Aussi,  laissant  de  côté  toutes  ces  objections,  aimerais-je  mieux  m'arréter  à 
celle  sur  laquelle  s'étendent  plus  volontiers  les  adversaires  de  la  peine  de  mort, 
à  celle  dont  l'examen  peut  d'ailleurs  nous  conduire  à  fixer,  sur  cette  matière 
difficile,  quelques  principes  et  quelques  idées. 

La  société,  ditron,  étant  une  collection,  un  ensemble  d'individus,  ne  peut 
pas  avoir,  en  matière  pénale  plus  qu'en  toute  autre,  plus  de  droits  que  n'en  au- 
rait chacun  des  individus  dont  elle  se  compose  ;  à  part  toute  idée  de  pacte  et 
de  contrat,  le  pouvoir  social  ne  fait  qu'exercer,  dans  l'intérêt  public  et  dans 
l'intérêt  privé,  les  divers  droits  appartenant  à  chacun  des  membres  dont  il  se 
compose.  Si  donc  le  droit  de  tuer  n'appartient  individuellement  à  aucun  des 
membres,  à  aucun  des  individus  composant  la  société,  ce  droit  ne  doit  pas,  ne 
peut  pas  appartenir  davantage  à  la  société,  à  la  collection,  à  l'État  ;  et  de  là 
on  passe  &  un  exemple.  Ainsi,  un  individu  est  attaqué,  ses  jours  sont  mis  en 
péril  par  une  agression,  dans  laquelle  vous  supposerez  toutes  les  circonstances 
d'injustice  et  d'immoralité  que  vous  voudrez  réunir  ;  vous  supposerez,  si  vous 
voulez,  pour  rendre  l'objection  plus  sensible,  un  père  attaqué  et  mis  en  danger 
de  mort  par  son  fils.  Le  droit  de  défense  peut-il  aller  jusqu'à  tuer  ?  Oui  sans 
hésiter,  répondent  les  partisans  de  ce  système;  oui,  l'individu  peut  tuer,  en 
état  de  légitime  défense  ;  mus  de  là  ne  suivra  pas  que  la  société  le  puisse  ja- 
mais. Nous  verrons  tout  à  l'heure  comment  ces  deux  idées  peuvent  s'allier. 
Oui,  l'individu  peut  tuer,  quand  ses  jours  sont  en  péril,  quoique  le  droit  de  vie 
et  de  mort  n'appartienne  à  aucun  homme  sur  un  autre  homme  ;  c'est  qu'en 
tuant  en  état  de  défense,  son  but  n'est  pas  d'ôter  la  vie,  son  but  direct  n'est 
pas  d'attenter  à  la  personne  d'un  autre  homme,  mais  uniquement  de  défendre, 
de  protéger,  de  sauver  la  sienne.  En  un  mot,  il  ne  viole  pas  directement  la 
personne  de  son  semblable,  il  exerce  le  droit,  il  accomplit  le  devoir  de  proté- 
ger, de  défendre  la  sienne. 

Mais,  supposez  la  lutte  terminée,  supposez  l'agresseur  mis  en  fuite,  ou 
arrêté,  ou  désarmé  ;  si  odieuses,  si  coupables  qu'aient  été  les  circonstances 
de  l'agression,  de  l'attaque,  il  est  clair  que  la  personne  attaquée  ne  pei^  plus, 
dès  ce  moment,  frapper  sans  commettre  un  crime,  que  l'homicide,  que  le 
meurtre  qui,  tout  à  l'heure,  était  pour  elle  un  acte  légitime,  parce  qu'il  était 
un  acte  nécessaire,  devient  immédiatement,  et  à  l'instant  même,  un  acte  illé* 
gitime,  un  acte  coupable,  un  véritable  assassinat,  par  cela  même  qu'il  est  un 
acte  inutile. 

Ainsi,  le  droit  de  tuer,  dit-on  dans  cette  objection,  appartient  sans  doute,  en 
toute  rigueur,  à  l'individu  placé  par  une  agression  non  méritée  en  état  de  lé- 
gitime défense;  mais  ce  droit,  qui  n'a  son  fondement  que  dans  la  nécessité, 
6'arrête  et  cesse  avec  elle;  une  fois  l'agresseur  vaincu,  chassé,  désarmé,  ce 
droit  n'existe  plus,  le  meurtre  serait  un  crime.  Or,  ajoute-t-on,  toutes  les  fois 

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56  QUAT.  LEÇ.  —  DK3  PEIIÎBS  KN  MAT.  GRIlil,  —  LIV.   I.   CHAP.  I  (n*  43). 

qu'un  coupable,  si  graud  qu'on  suppose  son  crime,  est  oonduiA,  est  amené  de» 
Tant  un  tribunal,  Tagression  a  cessé,  il  a  été  vaincu,  il  a  suocombé  dans  la 
lutte  ;  il  a  succombé,  soit  devant  la  force  privée  de  celui  qu'il  attaquait,  soit 
au  moins,  après  le  crime  manqué  ou  commis,  devant  la  force  publique  mise  à 
sa  poursuite  et  qui  Ta  arrêté.  Or,  si  l'individu  ne  pouvait  tuer  qu'à  son  corps 
défendant  et  à  raison  de  la  nécessité,  si  d'ailleurs  la  société  n'a  de  droits  que 
ceux  de  Tindividu,  la  conséquence  nécessaire  est  que  le  cas  de  légitime  dé- 
fense, le  cas  de  nécessité  n'existant  jamais  pour  le  pouvoir  social,  le  meurtre, 
de  sa  part,  ne  peut  jamais  être  légitime.  La  société  a  bien  d'autres  moyens  de 
pourvoir  à  sa  sûreté  que  de  faire  tomber  la  tète  d'un  coupable  ;  quand  il  est 
là,  devant  elle,  arrêté  et  enchaîné,  forcément  inoffénsif,  il  n'y  a  plus  d'idée  de 
défense,  plus  d'idée  de  nécessité,  il  n'y  a  plus  de  nécessité,  ni  par  conséquent 
légitimité  de  la  mort.  La  société  peut  le  désarmer,  peut  le  rendre  inoffensif  par 
une  détention  aussi  longue  que  son  crime  aura  pu  le  mériter  ;  elle  n'a  pas  le 
droit  de  s'assurer  par  la  mort  contre  les  chances  d'évasion  ;  elle  n'a  pas  le  droit 
de  faire  tomber  sur  la  tête  du  condamné  le  danger  résultant  de  la  faiblesse  de 
ses  verrous  ou  de  la  négligence  de  ses  gardiens. 

Telle  est,  en  résumé,  l'objection  la  plus  forte,  la  plus  sérieuse  que  j'aie  vu 
développer  contre  l'application  de  la  peine  de  mort.  Vous  voyez  en  peu  de 
mots  à  quoi  elle  peut  se  réduire  :  la  société  n'a  de  droits,  n'a  de  pouvoirs,  en 
matière  de  pénalité,  que  les  droits  et  pouvoirs  des  individus,  des  unités  dont 
elle  est  la  collection.  L'individu  peut  tuer,  sans  doute,  en  cas  de  légitime  dé- 
fense, et  quand  il  n'y  a  pas  pour  lui  d'autre  moyen  de  protéger  sa  vie  ;  mais 
cette  nécessité  ne  se  présente  jamais  pour  le  pouvoir  social,  au  moins  lors- 
qu'il s'agit  de  juger  un  coupable  arrêté.  Si  la  nécessité  n'existe  pas,  si  elle  est 
d'ailleurs  le  seul  fondement  du  droit,  il  faut  conclure  que  le  droit  n'existe  pas 
davantage. 

Avant  d'examiner  le  mérite  intrinsèque  de  cette  objection,  avant  de  la  dis* 
enter,  de  la  détailler  en  elle-même,  essayons  un  peu  ses  conséquences  ;  c'est 
peut-être  la  meilleure  épreuve  que  nous  puissions  lui  faire  subir.  La  société, 
dit-on,  n'a  de  droits  que  ceux  de  l'individu,  et  les  droits  de  l'individu  s'arrê- 
tent et  cessent  à  l'instant  où  la  lutte  est  terminée,  à  l'instant  où  a  cessé  le 
danger.  Or,  quand  l'agression  a  cessé  par  la  chute  ou  la  fuite  de  l'agresseur,  je 
n'ai  pas,  sans  aucun  doute,  le  droit  de  le  tuer,  il  faut  reconnaître  absolument 
ce  fait  qui  sert  de  point  de  départ  à  l'objection  ;  c'est  seulement  dans  le  cas  de 
légitime  défense,  dans  le  cas  de  nécessité,  que  la  loi  comme  la  morale  me 
permettent  de  tuer  pour  me  sauver  la  vie.  Mais  aurais-jele  droit  de  l'arrêter,  de 
le  retenir,  de  le  prendre  pour  esclave,  de  le  contraindre  à  certains  travaux,  en 
retour,  en  expiation  du  mal  qu'il  m'a  fait  ou  qu'il  a  voulu  me  faire  subir  ?  Cer- 
tainement non.  L'agresseur  une  fois  renversé,  désarmé,  une  fois  en  mon  pou- 
voir ou  dans  celui  de  la  force  publique,  j'ai  perdu  le  droit  de  le  tuer  ;  mais  il 
faut  dire  aussi  que  je  n'ai  pas  contre  lui  le  plus  léger  de  tous  les  droits,  la 
moindre  cause  qui  puisse  légitimer  une  agression  même  minime  de  ma  part. 
Or,  si  les  droits  de  la  société  sont  bornés  dans  ce  cas  à  ceux  de  l'individu  ;  si 
ces  droits  ne  sont,  comme  ceux  de  l'individu,  que  des  droits  de  légitime  dé- 
fense ;  s'ils  consistent  seulement  à  enlever  au  coupable  la  acuité  de  nuire,  non- 
seulement  nous  ne  pourrons  pas  légitimer  la  peine  de  mort,  mais  encore  nous 

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DB  UL  PKRfB    DB  MORT  (aRT.    U).  57 

ne  pourrons  pas  légitimer  la  pins  petite  rignenr^  le  plus  liger  châtiment  qai 
aura  on  tout  autre  but  que  celui  d'enlever  an  coupable  la  faculté,  le  moyen 
de  nuire.  Ainsi  tous  verres  bientôt  que  la  condamnation  aux  travaux  forcés, 
à  la  réclusion,  à  remprisonnement,  ne  tend  pas  seulement  à  enlever  au  cou- 
pable une  liberté  dont  il  a  mésusé,  et  dont  probablement  il  mésuserait  encore  ; 
elle  le  force  de  plas  i  certaine  tâche,  à  certains  travaux  plus  ou  moins  durs» 
plus  ou  moins  pénibles,  suivant  la  gravité  et  la  nature  de  la  condamnation. 
Mais  il  est  clair  que  ces  travaux  sont  une  peine,  et  seulement  une  peine;  il  est 
dair  que  si  l'on  ne  tendait  qu'à  enlever  au  coupable  le  pouvoir  de  mal  faire, 
l'emprisonnement  suffirait.  Il  faut  donc  opter,  c'est-à-dire,  ou  reconnaître  que 
la  société  peut  exercer  des  pouvoirs  que  l'individu  n'exercerait  pas,  et  nous 
rechercherons  plus  tard  la  source  et  la  mesure  de  ces  pouvoirs;  ou  bien,  si  on 
déclare  que  la  mesure  des  droits  sociaux  est,  dans  tous  les  cas,  bornée  aux 
droits  individuels,  il  faut  refuser  au  pouvoir  social,  non-seulement  le  droit  de 
firapper  de  mort,  mais  le  droit  d'sjouter  la  peine  la  plus  légère,  la  plus  insi- 
gnifiante rigueur  à  la  détentioi^,  à  la  privation  de  la  liberté,  qui  suffit  toujours 
et  par  elle-même  pour  enlever  au  coupable  le  pouvoir  dont  il  a  mal  usé. 

Il  y  a  plus,  cette  doctrine  qui  réduit,  vous  le  voyez,  la  pénalité  tout  entière 
à  enlever  au  coupable  le  pouvoir  de  récidiver  nous  mènerait,  dans  certains  cas, 
à  des  conséquences  véritablement  ridicules.  Ainsi,  supposez  que,  par  un  acei^ 
dent  quelconque,  un  assassin,  un  faussaire,  aient  été  mutilés,  estropiés,  et  tel- 
lement mutilés,  que  de  la  part  d'aucun  d'eux  le  crime  qu'il  a  commis  ne  puisse 
être  recommencé;  ira-t-on  dire  que  la  société  ne  pouvant  plus  craindre  ni  les 
coups  du  premier  ni  les  fieilsifications  du  second,  le  pouvoir  de  nuire  leur  étant 
absolument  enlevé,  aucune  peine  ne  doit  plus  leur  être  appliquée?  Un  tel  ar- 
gument serait  évidemment  dérisoire  ;  ce  qui  prouve  manifestement  que  dans 
la  pénalité  il  y  a  autre  chose  que  Tidée,  que  le  besoin  d'enlever  à  celui  qu'elle 
atteint  le  pouvoir,  le  moyen  de  récidiver.  Et  ce  qu'il  y  a  de  plus,  vous  le  con- 
naissez, déjà  nous  en  avons  parlé  en  essayant  de  poser  brièvement  les  princi- 
pes, la  base  de  tout  système  pénal;  l'analyse  des  mêmes  faits  va  nous  y  con- 
duire. Partons  précisément  du  môme  point  d'où  est  partie  l'objection,  suivons 
pas  i  pas  les  divers  actes  qui  ont  pu  s^accompUr,  et  nous  retrouverons  peut- 
être  les  mêmes  bases,  les  mêmes  principes,  dont  nous  sommes  déjà  partis  pour 
expliquer  la  pénalité. 

Deux  actes  d'agression  ont  en  lieu  simultanément  entre  deux  individus  sé- 
parés :  le  premier,  de  la  part  d'un  assassin  agissant  volontairement,  avec  pré- 
méditation et  dans  toute  la  conviction  de  la  gravité  de  son  crime;  le  second, 
de  la  part  d'un  fou  furieux,  d'un  homme  dont  la  raison  égarée  ne  mesurait 
plus,  ne  calculait  plus  aucun  de  ses  actes.  Dans  les  deux  cas,  sans  doute,  la 
personne  attaquée  pourra,  à  son  corps  défendant,  et  seulement  à  son  corps 
défendant,  c'est-à-dire  en  toute  nécessité,  pourra  se  défendre,  et  se  défendre 
jusqu'à  tuer.  Dans  les  deux  cas,  la  raison  et  les  textes  disent  assez  que  celui 
qui  a  tué,  quand  c'était  le  seul  moyen  de  préserver  sa  vie  de  l'agression  qu'il 
subissait,  est  à  l'abri  de  tout  reproche  et  légal  et  même  moral.  Cependant,  y 
anrart-il  parité  dans  les  deux  cas?  Désignerons-nous  par  les  mêmes  mots,  par 
les  mêmes  termes,  le  résultat  de  chacun  de  ces  actes?  dirons-nous  du  fou  qui 
a  été  tué  dans  une  agression  dont  il  ne  seotait  pas  la  moralité,  dirons-nous  de 

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58     QUAT.  LBÇ.  —  DBS  FEIlfBS  BN  MAT.  GRUC.  —  LIV.  I.  GHAP.  I  (n*  43). 

lai,  ce  qu'à  coup  sûr  noos  n'hésiterons  pas  à  dire  de  l'antre,  qu'il  a  subi  la  peine, 
et  la  peine  méritée  par  son  injuste  agression?  Non;  on  plaindra  les  égare- 
ments de  la  raison  de  l'un,  on  déplorera  comme  un  cas  forluit,  inévitable,  la 
mort  qu'il  a  subie  sans  la  mériter;  on  dira,  au  contraire,  que  l'autre  n'a  reçu 
que  le  châtiment  qu'il  méritait. 

n  y  a  donc  dans  la  conscience  humaine,  en  matière  de  pénalité,  il  y  a  autre 
chose  que  la  nécessité  de  la  défense,  au  moins  de  la  défense  actuelle,  de  la 
défense  motivée  et  immédiate.  Ce  qu'il  y  a,  c'est  l'immoralité,  c'est  le  démé- 
rite de  tel  ou  tel  fait,  démérite  en  parallèle  et  à  côté  duquel  nous  plaçons  tou- 
jours, et  même  involontairement,  l'idée  de  peine.  Ainsi,  il  y  a  dans  le  droit  de 
punir  autre  chose  que  la  nécessité  de  la  défense  ;  il  y  a  la  faute,  il  y  a  le  délit, 
il  y  a  le  crime  commis  par  l'individu  sur  lequel  vient  tomber  la  peine.  Au  reste, 
cela  justifie  ce  que  nous  avons  dit  précédemment  en  indiquant  le  mal  moral 
comme  la  source,  comme  la  base  première  de  toute  pénalité  ;  mais  nous  avons 
ajouté  que  cette  base  n'était  pas  la  seule,  que  ce  principe  n'était  pas  exclusif  ; 
en  d'autres  termes,  que  la  pénalité  ne  devait  pas,  ne  pouvait  pas  se  mesurer 
uniquement  sur  la  culpabilité  morale  de  oelui  qu'elle  atteignait,  sur  l'appré- 
ciation que  fait  la  conscience  du  fait  coupable  qu'il  s'agit  de  punir.  Nous  avons 
dit  qu'il  fallait  prendre  pour  seconde  base,  pour  seconde  limite,  la  nature  du 
danger,  la  nature  du  péril  social,  le  degré  de  nécessité  qui  pouvait  se  présen- 
ter de  réprimer  par  une  peine  plus  ou  moins  forte  un  fait  plus  ou  moins  dan- 
gereux. 

Gela  posé,  il  y  aura  donc,  non-seulement  dans  l'application  de  la  peine  de 
mort,  mais  dans  toute  espèce  de  pénalité,  deux  questions  à  résoudre,  deux 
faits  à  examiner  :  i^  le  fait  proposé  est-il  moralement  d'une  nature  assez 
grave,  d'une  immoralité  assez  patente?  2«  le  danger,  le  péril  social  est-il  as- 
sez grand,  pour  légitime^  aux  yeux  de  la  conscience  l'application  de  telle  ou 
telle  peine?  A  la  première  question  nous  ne  trouvons  aucune  règle  fixe,  au- 
cune règle  précise  pour  la  résoudre,  c'est  uniquement  dans  le  sentiment 
moral,  dans  la  conscience  humaine  que  peut  se  trouver  sa  solution.  Non- 
seulement  nous  n'avons  pas  de  règles,  en  morale,  pour  établir  si  tel  fait  en 
lui-môme,  eu  égard  à  sa  moralité,  même  abstraction  faite  de  tout  danger 
social,  mérite  ou  non  la  peine  de  mort,  mais  cette  mesure  précise,  qui  nous 
manque  quant  à  la  mort,  nous  manque  également  quant  à  toute  autre  es- 
pèce de  peine.  C'est  donc  une  question  de  pure  conscience,  de  pur  senti- 
ment interne,  que  celle-ci  :  peut-on  rencontrer  dans  les  archives  criminelles, 
ou  peut-on  supposer  la  possibilité  d'un  crime  auquel,  moralement,  l'applica- 
tion de  la  mort  ne  paraisse  pas  être  une  peine  trop  grave?  Je  crois  que  le- 
témoignage  de  l'histoire,  que  la  conscience  du  genre  humain,  répondent  assez 
nettement  à  la  question  :  Oai,  il  est  des  crimes,  et  malheureusement  nous 
n'avons  pas  besoin  de  nous  reporter  à  cet  égard  dans  l'avenir;  oui,  il  est  des 
crimes,  rares  heureusement,  pour  lesquels  la  mort  n'est  pas  une  peine  trop 
forte. 

Mais  de  ce  que,  pour  tel  ou  tel  crime,  tel  ou  tel  empoisonnement,  tel  ou 
tel  parricide,  tentés  ou  acoomplis>vec  toutes  les  circonstances  les  plus  odieu- 
ses, de  ce  que,  moralement,  la  peine  de  mort  ne  semblera  pas  trop  forte,  ne 
concluons  pas  nécessairement  et  toujours  que  le  législateur  ait  le  devoir,  ait 

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0B  LA  PBINB  DB  MORT  (aRT.    12).  59 

Le  poitYoir  de  Fappliqaer.  CiOnsnltons  maintenant  le  second  élément,  et  si 
nous  vivions  dans  une  société  de  telle  sorte,  dans  un  état  de  mœurs  arrivées 
à  ce  point,  qne  ce  crime  ne  fût  qu'one  rare  et  merveilleuse  exception  ;  si  le 
danger  social,  eu  égard  à  l'état  présent  de  la  société,  était  ou  nul  ou  tout  au 
moins  fort  léger,  alors  encore  la  peine  de  mort,  cessant  d'être  nécessaire, 
deviendrait  par  là  même  inapplicable. 

Tous  pouvez  rattacher  aisément  tout  ceci  à  Tobjection  par  laquelle  j'ai  com- 
mencé, et  saisir  maintenant  quel  est  le  vice,  le  côté  faible  de  cette  objection . 
A  entendre  ses  partisans,  le  droit  de  défense,  pour  la  société,  est  la  base  ex- 
clusive du  droit  de  punir.  Nous  avons  déjà  vu  quels  seraient  les  conséquen- 
ces, les  résultats  d'une  telle  idée;  mais  il  ne  faut  pas  être  surpris  du  vice  de 
ces  conséquences,  en  remarquant  que  l'idée  elle-même  n'est  pas  exacte. 
Quand  on  l'examine  de  près,  le  droit  de  défense  n'est  pas,  vous  ai-je  dit,  la 
base,  le  fondement  véritable  du  droit  de  punir  ;  et  surtout,  le  droit  de  dé- 
fense n'est  pas,  et  ne  peut  pas  être  pour  la  société,  ce  qu'il  est  pour  l'individu, 
le  droit  de  défense  actuel  et  immédiat  ;  le  droit  de  défense,  c'est  le  moyen  de 
sauver,  coûte  que  coûte,  sa  vie  injustement  attaquée.  Pour  la  société,  au  con- 
traire, le  droit  de  défense  n'est  pas  cela,  le  droit  de  défense  ne  s'applique  pas 
à  l'individu  désarmé,  arrêté,  enchaîné  et  désormais  impuissant,  le  droit  de 
défense  s'applique  à  l'avenir,  il  s'applique  à  l'intimidation,  et  quand  la  so- 
ciété frappe  pour  se  défendre,  ce  n'est  pas  pour  se  défendre  contre  celai  qu'elle 
frappe,  mais  bien  pour  se  défendre  contre  le  retour,  contre  le  renouvellement 
des  crimes  qu'elle  a  proscrits  et  qu'elle  a  punis. 

Lee  auteurs  de  l'objection  indiquée  reconnaissent  et  constatent  bien  ce  der- 
nier fait;  ils  avouent  bien  qu'en  réalité,  lorsque  la  société  punit,  ce  n'est  ni 
par  principe  de  vengeance,  ni  pour  empêcher  un  crime  maintenant  commis 
et  sur  lequel  le  présent  n'a  plus  d'atteinte;  ils  reconnaissent  bien  que,  quand 
la  société  punit,  c'est  dans  la  pensée  principale,  dans  la  pensée  dominante 
de  prévenir  par  l'efGroi  le  retour  des  crimes  qu'elle  redoute;  mais  ils  lui  con- 
testent ce  droit.  Vous  n'avez  pas,  dîsent-ils,  le  droit  de  faire  tomber  un  tête 
pour  intimider,  ou  pour  prévenir  par  l'intimidation  le  retour  des  crimes 
futurs  ;  vous  n'avez  pas  le  droit  d'offrir  un  individu,  si  coupable  que  vous  le 
supposiez,  comme  une  sorte  de  victime,  de  sacrifice,  d'holocauste  à  la  sécu- 
rité sociale. 

Tout  cela  vient  de  ce  qu'on  isole  perpétuellement  les  ^eux  idées,  les  deux 
éléments  qui  servent  de  base  à  toute  la  pénalité.  CSertes,  vous  n'avez  pas  le  droit 
d'infliger  la  peine  de  mort  comme  moyen  purement,  comme  moyen  simple- 
ment de  sécurité  sociale;  mais  le  droit  que  vous  n'avez  pas  pour  la  peine  de 
mort,  vous  ne  l'avez  pour  aucune.  Vous  ne  pouvez  pas  sans  doute,  unique- 
ment pour  vous  défendre,  pour  vous  protéger  contre  des  crimes  futurs,  infli- 
ger une  peine,  si  grave  ou  si  légère  qu'elle  soit,  à  un  individu  qui  ne  l'a  pas 
méritée.  Mais  si  le  démérite  est  constant,  s'il  est  de  telle  nature  en  lui- 
même,  de  telle  gravité,  que  la  conscience  de  tous  les  temps  et  de  tous  les 
hommes  ne  reconnaisse  pas  la  peine  de  mort  comme  trop  grave;  s'il  est  cons- 
tant en  fait,  attendu  l'état  des  mœurs,  des  temps,  des  lieux,  que  la  terreur 
de  cette  peine  est  le  seul  moyen  qui  puisse,  par  intimidation,  prévenir  le  re- 
tour du  fait,  nous  trouvons,  alors  les  deux  conditions  concourant,  culpabilité 

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60     QUAT.  LBÇ,  —  DBS  PBINB8  EN  MAT.  CBIM.  —  LIV.   I  CHAP.   I.   (n*  43). 

Boffîsanto  dana  celai  qae  nous  frappons,  nécessité  soffîsante  pour  assurer  par 
un  exemple,  et  par  un  exemple  mérité,  la  sécurité  sociale. 

Voilà  ce  qu'on  peut  dire,  je  crois,  pour  répondre  à  Tobjection,  pour  établir 
non  pas  la  nécessité  entière,  non  pas  la  perpétuité  de  la  peine  de  mort,  1 
Dieu  ne  plaise!  mais  pour  éidilir  que,  dans  certains  cas,  dans  certains  lieux, 
il  peut  être  légitime,  au  moins  avec  une  extrême  réserve,  de  l'appliquer  à 
certains  crimes. 

Quant  à  la  question  de  savoir  jusqu'à  quel  point,  dans  le  droit  français,  elle 
est  sagement  appliquée;  jusqu'à  quel  point,  dans  l'avenir,  on  peut  espérer 
de  la  voir  disparaître  ;  c'est  là  une  question  qui  tient  au  second  des  deux 
points  de  vue  que  j'ai  indiqués,  une  question  dont  la  solution  est  variable 
comme  l'état  des  lieux,  des  temps  et  des  mœurs. 

Remarquons  d'ailleurs  qu'une  opinion  publique  bien  marquée,  bien  incon- 
testable, répugne  non  pas  d'une  manière  absolue  et  complète  à  toute  applica- 
tion de  la  peine  de  mort  à  un  crime  quelconque,  mais  répugne  à  son  usage 
fréquent,  répugne  à  son  abus;  qu'une  opinion  constante  réclame,  sinon  l'abo- 
lition immédiate,  au  moins  la  suppression  graduelle,  et  dans  l'avenir,  sans 
doute,  la  suppression  définitive  d'une  peine  qui  peut  se  légitimer  à  la  rigueur, 
mais  dont  on  ne  peut  cependant  se  dissimuler  les  graves  inconvénients. 

Tel  est  en  résumé  l'état  de  la  question. 

La  peine  de  mort  a  été  abolie  par  la  révision  de  1832  dans  neuf  des  cas  où 
elle  était  appliquée,  et  l'art.  463  permet  encore  de  la  supprimer  dans  tous  les 
autres,  eu  égard  aux  circonstances  :  elle  a  en  outre  été  abrogée  par  le  décret 
du  26  février  1848  en  matière  politique.  La  peine  de  mort,  réduite  à  un  nom- 
bre de  cas  beaucoup  moindre,  rendue  dans  l'application  infiniment  moins 
fréquente,  et  encore,  je  le  crois,  prononcée  par  notre  Gode  dans  des  cas  beau- 
coup trop  nombreux,  dans  des  cas  où,  tout  écrite  qu'elle  est  dans  la  loi,  il 
est  permis  de  penser,  d'espérer,  et  presque  avec  certitude,  que  nous  ne  la 
verrons  plus  jamais  appliquée;  mais  elle  est  encore  conservée,  et  le  sera  pro* 
bablement  assez  longtemps  pour  des  crimes  si  énormes,  que  la  conscience  ne 
répugne  pas  à  la  voir  appliquer,  et  où  les  nécessités  sociales  ne  permettent 
pas  encore  d'en  prononcer  l'abrogation. 

En  terminant,  je  ferai  remarquer  qu'indépendamment  de  sa  légitimité,  on 
trouve  dans  l'application  de  cette  peine  des  qualités  et  des  vices  ;  mais  elle 
présente  surtout,  il  faut  le  reconnaître,  un  grave  défaut,  c'çst  celui  d'être 
indivisible,  de  n'avoir  ni  maximum  ni  minimum,  de  ne  pouvoir  se  propor- 
tionner, commme  le  font  les  peines  temporaires,  aux  diverses  nuances  de  cul- 
pabilité individuelle  que  peut  présenter  chaque  espèce  de  crime.  La  consé- 
quence de  cette  qualité,  qualité  négative,  la  conséquence  de  la  nature  même 
de  la  peine  de  mort,  c'est  qu'elle  doit  être  réservée,  dans  toute  bonne  législa- 
tion, au  petit  nombre  de  crimes  qui  occupent  le  maximum  de  l'échelle  pénale, 
de  l'échelle  criminelle;  c'est  que,  puisqu'elle  n'a  pas  de  mimmum  possible, 
puisqu'elle  est  la  plus  forte  des  peines,  sans  qu'il  y  ait  un  moyen  d*en  atté- 
nuer l'application,  il  ne  faut  l'appliquer,  soit  dans  la  légisUtion,  soit  dans  les 
jugements,  qu'au  très-petit  nombre  de  faits  dans  lesquels  on  ne  sent  jamais 
l'utilité  d'une  atténuation.  En  second  lieu,  elle  est  irréparable  et  irrémissible; 
c'est  encore  un  vice  qui  ne  doit  en  permettre  l'application  que  dans  les  faits 

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JOB  TRATAUZ  WGHCÈS  (ART.   15).  61 

qm  par  leur  natora  penTent  se  constater  aTee  la  pins  entière  oerttlnde.  Son 
avaotage  dominant,  qui  peut  senl  faire  passer  sur  les  inconvénients  qni  pré- 
cèdent^ c'est  qu'elle  est  exemplaire  au  plus  haut  degrés  lorsqu'au  moins  elle 
n'est  appliquée  que  dans  les  circonstances  rares,  solennelles,  et  qu'approuve 
la  conscience  publique.  Enfin,  elle  est  appréciable,  elle  est  égale,  autant  du 
moins  que  peuvent  l'être  les  peines,  c'est-à-dire  que  pour  tout  individu  elle 
est  une  peine,  et  une  peine  grave,  mais  ce  n'est  là,  je  le  répète,  qu'une  consi- 
dération fort  secondaire. 

Quant  au  mode,  nous  n'avons  rien  à  dire  sur  celui  qui  est  indiqué  dans  les 
art.  12,  13  et  14. 

44.  a  ÂBT.  13.  Le  coupable  condamné  à  mort  pour  parricide  sera  conduit  sur 
le  lieu  de  l'exécution  en  chemise,  nu-pieds  et  la  tète  couverte  d'un  voile  noir.  — 
S  sera  exposé  sur  l'échaftnid  pendant  qu'un  huissier  fôra  au  peuple  lecture  de 
l'arrêt  de  eondanmation«  et  il  sera  immédiatement  exéoulé  à  mort.  » 

Je  ferai  remarquer  seulement  dans  Tart.  13,  la  suppression  de  Tandenne 
peine  delà  mutilation  du  poing  pour  le  parricide.  Cette  peine  a  été  supprimée 
et  avec  raismi  :  elle  était  vraiment  indigne  de  figurer  dans  le  Gode  d'un  peu- 
ple civilisé.  La  mort,  en  admettant  la  légitimité  de  cette  peine  dans  certains 
cas,  doit  être  au  moins  le  maximum,  le  nec  plus  uHrà  de  la  justice  humaine. 
Du  reste,  les  mutilations,  graves  ou  légères,  qu'on  y  ajouterait  dépassent  le 
but  ;  j'en  ai  déjà  parlé  en  commençant  ce  cours.  En  effet,  est-il  raisonnable 
de  supposer,  que  celui  que  l'idée  de  la  mort  n'a  pas  détourné  d'un  forfait,  en 
soit  épouvanté  par  la  crainte  de  supplices  accessoires  que  le  législateur  y 
aura  ajoutés  ?  La  chose  est  fort  peu  probable.  Ensuite  ce  supplice  produit  plus 
de  mal  que  de  bien,  car  l»  il  intimide  assez  peu  ;  2^  il  habitue  les  témoins 
de  ces  tristes  scènes  à  des  idées,  à  des  images,  à  des  procédés  dont  il  faut  les 
écarter;  3»  enfin,  il  atténue  les  effets  salutaires  de  l'exemple.  Aussi  cette  peine 
est  supprimée,  et  les  détails  de  la  peine  du  parricide  ne  sont  plus  qu'un  appa* 
reil  assez  insignifiant 

Cette  suppression  ôte  tout  intérêt  à  la  question  de  savoir  si  le  complice  du 
parricide  devait  être  puni  de  la  môme  peine,  c'est-à-dire  subir  l'amputation 
comme  le  parricide  lui-même.  Quelque  singulière  que  puisse  paraître  une  telle 
question,  il  faut  cependant  dire  que  la  jurisprudence  l'avait  résolue  affirmati- 
vement. La  question  n'a  plus  d'intérêt  pour  ce  cas  particulier  ;  eUe  se  présen- 
tera pourtant  dans  d'autres  espèces,  et  avec  les  mêmes  raisons  de  douter,  sur 
les  art.  59  et  suivants. 

«  Abt.  14.  Les  corps  des  suppliciés  seront  délivrés  à  leurs  familles,  si  elles  les 
réclament,  à  la  charge  par  elles  de  les  faire  inhumer  sans  aucun  appareil.  » 

Je  n'ai  rien  à  dire  sur  cet  article,  tout  le  monde  comprend  le  motif  qui  a 
dicté  cette  disposition. 

46.  «  Abt.  15.  Les  hommes  condamnés  aux  travaux  forcés  seront  employés 
aux  travaux  les  plus  pénibles;  ils  traîneront  à  leur  pied  un  boulet,  ou  seront  atts- 

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62     QUAT.  LBÇ.  —  DBSPBINB6  BN  MAT.  CRIM.  —  U7.  I.  CHAP.   I   (n*  46). 

chés  deux  à  deux  avec  une  chaîne,  lorsque  la  nature  du  travail  auquel  ils  seront 
employés  le  permettra.  » 

La  seule  question  purement  théorique  à  laquelle  cet  article  pouvait  donner 
lieu  sera  ce  doute  que  j*ai  indiqué,  et  qui  a  été  soulevé  récemment  par  quel- 
ques criminalistes,  de  savoir  si  la  société  a  le  droit  d'infliger  des  travaux  à 
celui  qu'elle  détient.  Je  ne  crois  pas  que  cette  question  puisse  être  l'objet  d'un 
doute  ;  la  résoudre  négativement,  c'est  borner  le  droit  de  punir  à  retirer  au 
coupable  les  moyens  de  nuire.  C'est,  je  crois^  mal  appliquer  les  bases  de  la 
pénalité. 

Je  dois  ajouter  que  l'art.  15  a  été  modifié  par  la  loi  du  30  mai  1054.  Aux 
termes  de  l'art.  1*'  de  cette  loi,  cette  peine  doit  être  subie  à  l'avenir  dans  des 
établissements  créés  sur  le  territoire  d'une  ou  de  plusieurs  possessions  fran- 
çaises autres  que  l'Algérie.  Les  art.  2  et  3  portent  que  c  les  condamnés  seront 
employés  aux  travaux  les  plus  pénibles  de  la  colonisation  et  à  tous  autres  tra- 
vaux d'utilité  publique.  Us  pourront  être  enchaînés  deux  à  deux  et  assujettis  à 
traîner  le  boulet  à  titre  de  punition  disciplinaire  ou  par  mesure  de  sûreté,  t 
L'art  6  déclare  que  •  tout  individu  condamné  à  moins  de  huit  années  de  tra- 
vaux forcés  sera  tenu,  à  l'expiralion  de  sa  peine,  de  résider  dans  la  colonie 
pendant  un  temps  égal  à  la  durée  de  sa  condamnation.  81  la  peine  est  de  huit 
années,  il  sera  tenu  d'y  résider  toute  sa  vie.  »  L'art.  10  ajoute  que  c  tous  cri- 
mes ou  délits  commis  par  les  condamnés  seront  jugés  par  un  tribunal  maritime 
spécial  établi  dans  la  colonie.  • 

46.  a  Art.  16.  Les  femmes  et  les  fllles  condamnées  aux  travaux  forcés  n'y  seront 
employées  que  dans  rintërieur  d'une  maison  de  force.  » 

De  cet  article  il  suit  que  la  condamnation  aux  travaux  forcés  à  perpétuité, 
prononcée  contre  une  femme  ou  une  fille,  se  convertit,  dans  l'exécution,  en 
une  réclusion  perpétuelle  ;  et  cependant  la  réclusion  perpétuelle  ne  figure  pas 
à  l'art.  7  dans  l'échelle  des  peines.  En  effet,  cette  réclusion  perpétuelle  ne  sera 
là  qu'un  mode  d'exécution  de  la  condamnation  aux  travaux  forcés  à  perpétuité, 
la  seule  légale,  la  seule  que  les  cours  d'assises  puissent  prononcer.  Aussi,  bien 
que  ne  subissant  par  le  fait  que  la  peine  de  la  réclusion,  mais  la  subissant  en 
vertu  d'une  condamnation  aux  travaux  forcés  à  perpétuité,  la  mort  civile  en 
était  la  conséquence,  aux  termes  de  l'art.  18  du  Gode  pénal.  La  mort  civile, 
qui  ne  résultait  jamais  de  la  réclusion,  résultait  de  cette  condamnation  pro- 
noncée contre  les  femmes  ou  filles,  qui  ne  subissent  cependant  en  fait  que  la 
réclusion. 

Ajoutez  que  l'art.  22  défendait  aux  cours  d'assises  de  dispenser  de  l'exposi- 
tion publique  les  individus  condamnés  aux  travaux  forcés  à  perpétuité.  Or,  en- 
core bien  que  cette  condamnation  prononcée  contre  une  femme  ne  s'exécute 
pas  à  la  lettre,  comme  cependant  c'est  la  condamnation  légale,  l'art.  22  devait 
être  appliqué,  l'exposition  publique  devait  avoir  lieu. 

Mais  les  observations  qui  précèdent  doivent  être  modifiées  sous  un  triple 
rapport,  par  suite  de  la  législation  nouvelle. 

1«  L'art.  4  de  la  loi  du  30  mai  1854  porte  que  •  les  femmes  condamnées  aux 
travaux  forcés  pourront  être  conduites  dans  un  des  établissements  créés  aux 


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INB  LA  DiPORTATlON  (aRT.    17).  63 

colonies  ;  elles  seront  séparées  des  hommes  et  employées  à  des  trairatox  en 
rapport  avec  leur  Age  et  a^ec  leur  sexe.  »  U  y  a  lien  de  remarquer  que  la 
transportation,  dans  ce  cas,  n'est  que  iacoltative  :  elle  est  un  des  modes  de 
rexécation  de  la  peine. 

i^  Nons  verrons  tout  à  l'heure  que  la  mort  ciyile  a  été  abrogée  par  la  loi  du 
31  mai  1854. 

9»  Enfin,  l'exposition  publique  a  été  abrogée  par  le  décret  du  12  avril  1848. 

47.  L'art.  17  demande  d'assez  longs  détails,  soit  relativement  aux  change- 
ments pratiques  qu'il  a  subis,  soit  relativement  à  l'importante  question  de  pé- 
nalité qu'il  soulève  encore  tous  les  jours,  c'est-i-dire  l'utilité,  le  mérite  d'un 
système  de  déportation.  Nous  en  commencerons  aujourd'hui  l'examen,  qu'il 
nous  sera  Impossible  de  terminer  dans  cette  leçon. 

«  Art»  17.  La  partie  de  la  déportation  consistera  &  être  transporté  et  &  demeu- 
rer à  perpétuité  dans  un  lieu  déterminé  par  la  loi,  hors  du  territoire  continental 
du  royaume.  —  Si  le  déporté  rentre  sur  le  territoire  du  royaume,  il  sera,  sur  la 
seule  preuve  de  son  identité,  condamné  aux  travaux  forcés  &  perpétuité.  —  Le 
déporté  qui  ne  sera  pas  rentré  sur  le  territoire  du  royaume,  mais  qui  sera  saisi 
dans  les  pays  occupés  par  les  armées  françaises,  sera  conduit  dans  le  lieu  de  sa 
déportation.  ^  Tant  qu'il  n'aura  pas  été  établi  un  lieu  de  déportation,  ou  lorsque 
les  communications  seront  interrompues  entre  le  lieu  de  la  déportation  et  la  mé- 
tropolCi  le  condamné  subira  à  perpétuité  la  peine  de  la  détention.  » 

Examinons  la  nature  de  la  peine  de  la  déportation. 

Vous  trouverez  d'abord  une  différence  assez  sensible,  quant  au  mode,  quant 
à  la  nature  même  de  la  peine,  ent^e  la  déportation  et  les  travaux  forcés  à  per- 
pétuité. La  déportation  telle  qu'elle  est  organisée  par  le  §  1"'  de  l'art.  17, 
n'impose  à  celui  qu'elle  frappe  ni  la  nécessité  d'un  travail  physique,  ni  le  ré- 
gime spécial  auquel  le  règlement  et  l'organisation  des  maisons  de  force  assu- 
jettissent ceux  qui  y  sont  détenus. 

Vous  savez,  au  reste,  que  cette  peine,  établie  dans  le  Gode  pénal  de  1810, 
est  restée  sans  exécution  aucune.  Jusqu'en  1832,  les  individus  condamnés  à 
la  déportation  restaient  à  la  disposition  et  sous  la  main  du  gouvernement, 
dans  un  état  provisoire,  et  jusqu'à  ce  qu'un  lieu  de  déportation  eût  été  déter- 
miné ;  état  provisoire  en  apparence,  mais  définitif  en  réalité,  car  aucune  dé- 
portation n'a  été  effectuée,  exécutée,  faute  d*un  territoire  convenable,  dans  ce 
long  intervalle.  La  conséquence  de  cet  état  àe  choses  était  de  mettre,  dans 
l'application  d'une  peine  légalement  prononcée,  un  arbitraire  dont  les  incon- 
vénients étaient  fort  sensibles.  Le  second  résultat,  favorable  du  reste  au  con- 
damné, était  que  la  mort  civile,  attachée  par  l'art.  18  à  la  condamnation  dont 
nons  parlons,  n'avait  pas  lieu;  car,  d'après  l'art.  26  du  Gode  civil,  la  mort  civile 
ne  commençant  qu'à  partir  de  l'exécution,  la  déportation  ne  s'exécutant  pas, 
la  mort  civile  ne  commençait  pas  ;  conséquence  reconnue  et  par  les  tribunaux, 
et  par  les  jurisconsultes.  Ainsi,  lorsqu'on  1831,  on  présenta  à  la  Ghambre  des 
députés  le  projet  de  réforme  qui  a  modifié  le  Gode  pénal  de  1810,  on  proposa  de 
rayer  du  Gode  la  peine  de  la  déportation  telle  qu'elle  était  organisée  par  l'art.  17  ; 

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64  QUATR.  LBÇ.  —  DS8  PBIRBS  EN  UAT.  GRIM .  -^  LTV.  I.  CHAP.  I  (n<»  48). 

de  substituer  à  une  peine  nominale^  dont  Tezéention  était  impossible  et 
laissée  tonte  dans  l'arbitraire^  une  peine  légale  précise,  déterminée  ;  d'eifa- 
oer  de  Part  1,  §  3,  le  nom  de  déportation,  d'y  substituer  celui  de  détention 
perpétuelle. 

Si  ce  système  avait  été  admis^  on  aurait  eu^  tous  le  voyez,  deux  systèmes 
de  détention  :  Fun,  la  détention  perpétuelle,  celle  du  §  3  de  l'art.  17  ;  l'autre, 
la  détention  temporaire,  n'entraînant  que  des  inc^acités  partielles»  prescrit, 
par  l'art.  20.  Cette  proposition  ne  fut  pas  admise  et  nous  aurons  à  recher- 
cher pourquoi  les  Chambres  préférèrent  conserver  comme  principe  la  condam- 
nation ida  déportation. 

Le  mot  de  déportation  resta  donc  dans  Tart.  7;  le  g  !•'  de  l'art.  17  fut 
conservé,  sauf  un  léger  changement  ;  et  voici  quel  en  est  le  résultat  :  c'est 
que  le  mot  de  déportation  a  été  maintenu  dans  les  cinq  ou  six  articles  aux- 
quels l'ancien  Gode  pénal  appliquait  la  déportation.  Par  conséquent,  toutes 
les  fois  qu'est  commis  un  fait  prévu  par  Tun  de  ces  articles,  qui  sont  les  arti- 
cdeB  82, 84,89,94, 98,  et  quelques  autres,  toutes  les  fois  qu'est  commis  un  crime 
prévu  par  l'un  de  ces  articles,  la  condamnation  que  la  cour  d'assises  doit  pro- 
noncer est  celle  de  la  déportation  ;  condamnation  qui  devait  entraîner  la  mort 
civile,  à  compter  du  jour  où  le  condamné  entrerait  dans  la  forteresse  dé- 
signée pour  lieu  de  détention.  En  effet,  la  détention  qui  devait  servir  de 
moyens  d'exécution  à  la  déportation,  n'est  plus  ce  qu'elle  était  avant  1832,  un 
moyen  provisoire,  temporaire  en  apparence,  un  état  dans  lequel  restait  le  con- 
damné, en  attendant  que  la  déportation  s'exécutât  réellement;  cette  détention 
était  devenue  le  mode  régnlier,  le  mode  légal  d'exécuter  la  déportation, 
aux  termes  des  §§  1  et  4  de  l'art.  17.  Donc,  à  partir  du  moment  où  cette  exé- 
cution s'opérait,  l'art.  26  du  Code  civil  était  appliqué,  la  mort  civile  devait 
commencer. 

48.  Avant  1832,  il  y  avait  une  singularité,  une  irrégularité  qu'il  faut  recon- 
naître; on  condamnait  à  la  déportation  ;  mais,  faute  d'un  territoire,  faute  d'une 
colonie  convenable,  le  gouvernement  ne  déportait  pas.  C'était  là  une  irrégula- 
rité, une  inexécution  de  la  loi  que  la  nécessité  pouvait  paraître  justifier  ;  depuis 
la  chose  est  plus  étrange  encore  ;  ce  n'est  plus  une  inexécution,  une  infraction 
à  la  loi,  c'est  la  loi  qui  semble  prendre  à  tâche  de  se  contredire  et  de  se  violer 
elle-même.  Elle  veut  que  les  cours  d'assises  condamnent  publiquement,  solen* 
nellement,  à  la  déportation  un  homme  qu'on  veut  et  qu'on  doit  se  borner  à 
détenir;  elle  veut  qu'on  condamne  publiquement  à  séjourner  à  perpétuité 
hors  du  territoire  continental  du  royaume  un  individu^à  qui,  en  vertu  de  cet 
ârrét,  il  est  expressément  défendu  de  faire  faire  une  demi-lieue  en  mer. 

Il  y  a  donc  une  singulière  anomalie  entre  les  §§  1  et  4  de  l'art.  17.  Quelle  en 
peut  être  la  cause?  i^  Pourquoi  n'exécutait-on  pas  de  fait,  et  pourquoi  main- 
tenant n'a-t-on  plus  le  droit  d'exécuter  légalement  les  condamnations  à  la 
déportation  ?  Telle  est  la  première  question.  2*  Pourquoi,  en  présence  de  cette 
inexécution  de  fait,  consacrée  maintenant  par  un  article  formel,  a-t-on  per- 
sisté, contrairement  à  la  proposition  du  gouvernement,  à  conserver  dans  la 
loi  une  peine  qui  n'est  plus  qu'une  dérision,  au  moins  sous  ce  rapport? 

La  première  question  est  assez  facile  à  résoudre.  Pourquoi,  de  fait,  la  dé- 

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]>E  LA.  dAportation  (art.  17).  65 

portation  ne  s'est-elle  pas  ex^ootée  de  1810  à  1832  ?  Pourquoi,  de  droit,  ne  peut- 
die  pas  8'ez6cut8^  depuis  i832?  La  raison  en  est  assez  simple,  ûe  deax  cho- 
ses l^ane  :  ou  Fexôcution  d'ane  pareille  coodamnaiion,  la  déportation,  ne  pour» 
rait  avoir  lieu  qne  dans  une  des  colonies  actaelles  de -la  France,  ou  dans  une 
colonie  nouvelle,  dans  un  établissement  pénal  spéeialement  fondé  pour  y  re- 
cevoir, pour  y  établir  des  déportés. 

Quant  à  la  première  alternative,  il  est  bon  de  remarquer  que  la  déportation 
n'est  généralement  appliquée  par  le  Gode  pénal  qu'à  des  attentats  du  nombre 
de  ceux  qu'on  qualifie  ordinairement  du  nom  de  crimes  politiques  ;  les  cinq  ou 
six  articles  cités,  et  qui  renferment  à  peu  près  tous  les  cas  de  déportation,  s'ap- 
pliquent tous  à  des  attentats  plus  ou  moins  directs  à  la  sûreté  de  l'État,  à  des 
crimes  politiques.  Or,  d'une  part,  le  transport  des  condamnés  dans  les  colo- 
mes  actuelles,  à  Feffet  de  les  y  laisser  libres,  car  la  déportation,  remarquez-le 
bien,  n'est  paf  une  détention  sur  une  terre  éloignée,  le  transport  des  condam- 
nés politiques  dans  une  des  colonies  actuelles  à  l'effet  4e  les  y  laisser  libres,  a 
présenté  un  double  inconvénient  :  i^  d'ajouter  un  danger  de  plus  à  la  situatioA 
déjà  agitée,  déjà  menaoée,  de  la  plupart  des  colonies  de  la  France  ;  2^  de  per- 
mettre au  déporté,  à  qui  ta  liberté  doit  être  laissée,  mais  qui  doit  cependant 
rester  dans  le  lieu  de  la  déportation,  de  lui  permettre,  de  lui  ouvrir  des  voies 
d'évasion,  que  la  fréquence  des  communications  commerciales,  que  le  défaut, 
l'impossibilité  d'une  surveillance  perpétuelle,  rendraient  assez  faciles.  'Ces 
deux  raisons  ont  empêché  de  songer  sérimsement  à  traaspoiter  dans  les  colo- 
nies maintenant  exœtantes  les  condamnés  à  la  déportation. 

Quant  à  la  seconde  alternative,  quant  à  fonder  une  colonie  spéciale  pour  y 
exécuter  la  peine  portée  dans  l'art.  17,  un  tel  projet  serait  une  folie  qui  n'est 
venue  encore  dans  Tesprit  de  personne.  La  déportation,  telle  qu'elle  est  dans  nos 
lois,  bornée  à  des  crimes  purement  politiques,  dont  le  nombre  est  extrême- 
ment restreinty.ae  frappe,  année  moyenne  et  sauf  les  agitations  politiques, 
qne  quelques  indiyidus,  et  ce  n'est  pas  pour  si  peu  de  condamnés  qu'on  fera 
l'entreprise  d*nne  colonie  pénale  proprement  dite.  Tenter  d'ailleurs  une  pa* 
reille  entreprise,  on  ne  le  pourrait  ûiire  sans  restreindre  les  déportés  à  des  tra- 
vaux matérids  de  colonisation,  que  l'art*  17  interdit  de  faire  peser  sur  eux; 
car  la  plus  sensible  différence,  la  première  entre  la  déportation  et  la  peine 
des  travaux  forcés,  c'est  de  ne  point  imposer  à  l'individu  déporté  la  nécessité 
de  certains  travaux.  Quel  motif  a  donc  pu  porter,  a  donc  pu  décider  les  deux 
Chambres  à  consacrer  dans  la  loi  pénale  une  peine  dont  on  proposait  Taboli- 
tion  et  dont  chacun  senti^itJi)ienque  Texécution  réelle  seraità  peu  près  impos- 
sible? 

Une  idée  tout  à  fait  étrangère  aux  cas  des  art.  82,  84  et  suivants  a  préaidé, 
je  le  crois,  à  la  décision  qui  nous  occupe.  L'influence  d'une  opinion  publique 
pnissante,  marqtiée^  attestée  tout  récemment  encore  par  le  vœu  de  plusieurs 
conseils  généraux  de  départements, a  sans  doute  décidé  la  Chambre  à  mainte- 
nir provisoirement  dans  la  loi  la  peine  de  la  déportation.  On  ne  peut,  en  effets 
se  dissimuler  que  cette  peine,  réellement  exécutée,  ne  soit  souveut  et  vive- 
ment demandée,  et  par  des  motifs  graves  et  différeujis;  on  ne  peut  se  dissii- 
muler  que  la  déportation  ne  soit  réclamée  comme  un  vœu  public,  comme  un 
besoiiff  presque  populaire,  non  pas,  Inen  entendu,  pour  les  attentats  politique 
I.  5 

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66      QUATR.  LEÇ.  —  DBS  PBINE8  BN  MAT.  CRIM.  —  LIV.  I,  CHAP.  I  (n®   48). 

auxquels  elle  est  maintenant  appliquée,  mais  pour  oes  faite  bien  plus  dange- 
reux, bien  plue  effrayante,  bien  plus  généralement  réprouvés,  pour  ces  faite 
qui  résultent  tous  les  jours  de  passions  bien  plus  tenaces  et  surtout  bien  plus 
coupables.  C'est  cette  espèce  de  déportation  qui  a  pris  dans  la  législation  an* 
glaise  le  nom  de  transportatian. 

Les  populations  jalouses  avant  tout  de  leur  sécurité,  demandent  la  transpor» 
tetion  des  condamnés  comme  une  garantie  salutaire,  comme  un  gajg^e  ef&cace 
qui  puisse  les  mettre  à  Tabri  de  dangers  toujours  renaissante  :  !<>  en  cas  d*éva* 
sion  des  condamnés  à  perpétuité;  2<»  en  cas  de  libération  des  condamnés  à 
temps,  soit  à  la  peine  des  travaux  forcés,  soit  à  la  peine  de  la  réclusion.  En 
effet,  écarter  du  sol  du  pays  les  individus  qui  Tout  troublé  et  qui  probablement 
le  troubleront  encore  par  des  crimes  qui,  en  tout  temps  et  en  tous  lieux,  sont 
réprouvés  et  flétris,  les  en  écarter,  non  pas  par  un  bannissement  qui  est  illu- 
soire à  cause  de  la  facilité  du  retour,  qui  est  immoral  parce  qu'il  rejetterait 
sur  nos  voisins  des  individus  aussi  dangereux  cbez  eux  que  cbez  nous,  puis- 
qu'on vole  et  qu'on  assassine  partout,  mais  par  une  transporUtion  qui  les  fixe 
toujours  à  quelques  milliers  de  lieues  du  pays;  essayer  ainsi  d'établir  par  la 
fondation  d'une  colonie  pénale  une  sorte  d'amortissement  du  crime  au  profit 
du  pays,  c'est  là  un  vœu  formé  depuis  cinquante  ans.  C'est  probablement  pour 
satisfaire  à  ce  vœu  qu'on  a  conservé  en  principe  la  peine  de  la  déportetion, 
pour  ménager  probablementi*e8poir,  la  possibilité,  l'éventualité  de  la  voir  orga- 
niser et  appliquer  un  jour,  non  pas  au  petit  nombre  de  crimes  auxquels  elle 
convient  fort  mal  et  auxquels  elle  s'applique  maintenant,  mais  à  ces  crimes  de 
tous  les  jours,  de  tous  les  instante,  contre  lesquels  chacun  demande  une  garantie. 
D*autres  motifs  viennent  encore  à  l'appui  de  ce  vœu,  dont  nous  aurons  biea- 
tôt  à  examiner  la  raison  et  les  chances  de  succès.  C'est  que  quelques  théo- 
riciens s*occupant  de  droit  pénal  voient  dans  Torganisation  d'un  système  de 
déportetion  analogue  à  celai  qu'applique  l'Angleterre  :  1*  le  ny)yen  d'arriver  à 
la  suppression  de  la  peine  de  mort,  ou  du  moins  un  moyen  de  la  rendre  infini* 
ment  plus  rare;  2»  ils  pensent  qu'en  écartent  les  condamnés  pour  vol,  pour 
faux,  pour  des  actes  pareils,  qu'en  écartant  les  condamnés  du  lieu  de  leur 
crime,  des  yeux  témoins  de  leur  infamie,  en  les  transportant  sur  une  terre 
nouvelle,  en  leur  y  donnant  des  moyens  de  travail  et  d'existence,  on  peut  ar- 
river au  second  but,  au  but  raisonnable  de  toute  pénalité,  de  corriger,  d'amé- 
liorer, d'amender  une  nature  coupable. 

Tels  sont  les  divers  motifs  qui  tous  les  jours  encore  font  émettre  le  vœu  de 
voir  constituer  une  déportetion  qui,  je  ne  puis  trop  le  dire,  n'aurait  rien  de 
commun  avec  celle  que  nos  Codes  ont  prononcée,  mais  n'ont  point  organisée. 
C'est  pour  ne  pas  décourager  un  tel  vœu  qu'on  a  cru  devoir  conserver  la  peine 
purement  nominale  de  la  déportetion. 

Ce  qui  nous  reste  à  examiner  maintenant,  c'est  de  savoir  jusqu'à  quel  point 
oes  déairs  sont  légitimes,  jusqu'à  quel  point  ces  vues  sont  raisonnables  ;  com- 
ment une  déportetion  réellement  exécutée  pourrait  satisfaire  au  besoin  très- 
généralement  senti  de  se  préserver  du  danger  des  récidives  qui  nous  affligent 
et  nous  effrayent  chaque  jour. 

Ce  point  demandant  de  fort  longs  détails  tirés  les  uns  du  raisonnement,  les 
jiutres  de  faits  malheureusement  très-positifs,  sur  le  résultet  de  la  déportation, 

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DB  LA  DÉPORTATION  (aRT.    17).  67 

telle  que  les  Anglais  l'ont  établie,  c*est  i  cela  que  noos  consacrerons  la  pre* 
mière  moitié  de  la  leçon  prodiaiae. 

ClHQUliMS   LEÇON. 

49.  Ayant  d'entrer  dans  Texamen  de  la  question^  qui  va  faire  Tobjet  de 
cette  leçon,  il  n'est  pas  inutile  de  connaître  les  modifications  successives  qui 
«e  sont  introduites  sur  ce  point  dans  la  législation.  Une  loi  du  8  juin  1850 
intervenue  à  la  suite  de  nos  troubles  politiques,  a  restitué  à  la  peine  de  la 
déportation  sa  vie  et  son  exécution,  et  Ta  réglementée  dans  les  termes  sui- 
vants :  fl  Art.  i«  Dans  tous  les  cas  où  la  peine  de  mort  est  abolie  par  Fart.  2 
4e  la  Cjonstitution  (de  1848),  cette  peine  est  remplacée  par  celle  de  la  dépor- 
tation dans  une  enceinte  fortifiée,  désignée  par  la  lot  bors  du  territoire  coa- 
4ineotal  de  la  R^ubllque.  Les  déportés  y  jouiront  de  toute  la  liberté  compa- 
iibJe  avec  la  nécessité  d*assurer  la  garde  de  leurs  personnes.  Us  seront  soumis 
à  un  régime  de  police  et  de  surveillance  déterminé  par  un  règlement  d*ad- 
ffliinisration  publique;  —Art.  2.  En  cas  de  déclration  de  circonstances  atté- 
nuantes, si  la  peine  prononcée  par  la  loi  est  celle  de  la  déportation  dans  une 
•enceinte  fortifiée,  les  juges  appliqueront  celle  de  la  déportation  simple  ou  celle 
4e  la  détention  ;  mais,  dans  les  cas  prévus  par  les  art.  86,  96  et  97  du  Gode 
^nal,  la  peine  de  ladéportation  simple  sera  seule  appliquée  ;  —  Art.  4  et  5.  La 
vallée  de  Vaithau,  aux  fies  Marquises,  est  déclarée  lieu  de  déportation  pour 
l'application  de  l'art  1"  et  l'île  de  Noukahiva  pour  l'exécution  de  Fart.  17  ;  — 
Art.  6.  Le  gouvernement  déterminera  les  moyens  de  travail  qui  seront  donnés 
4mx  condamnés,  s'ils  le  demandent.  Il  pourvoira  à  l'entretien  des  déportés  qui 
aie  subviendraient  pas  à  cette  dépense  par  leurs  propres  ressources  ;  —  Art.  7. 
Dans  les  cas  où  les  lieux  établis  pour  la  déportation  viendraient  à  être  changés 
par  la  loi,  les  déportés  seraient  transférés  des  anciens  lieux  de  déportation  dans 
les  nouveaux;  —  Art.  8.  La  présente  loi  n'est  applicable  qu'aux  crimes  commis 
postérieurement  à  sa  promulgation.  >  Ac6té  de  ces  dispositions  nouvelles,  qui 
xèglent  le  mode  d'exécution  de  la  déportation,  il  faut  mentionner  plusieurs  me- 
sures qui  semblent  assigner  à  cette  peine  une  plus  large  mission.  Une  loi  du  29 
Juin  1848,  déplorable  conséquence  des  événements  politiques,  avait  disposé  ce 
qvâ  suit  :  «  Seront  transportés,  par  mesure  de  sûreté  générale,  dans  les  posses- 
sions françaises  d'outre-mer  autres  que  celles  de  la  Méditerranée  les  individus 
actuellement  détenus  qui  seront  reconnus  avoir  pris  part  à  Tinsurrection  du 
23  juin.  Les  femmes  et  les  enfants  des  individus  ainsi  transportés  hors  du 
territoire  seront  admis  à  partager  le  sort  de  leurs  maris  et  de  leurs  pères.  • 
La  loi  du  24  janvier  1850  déclara  que  ces  individus  seraient  transférés  en 
Algérie  et  y  trouveraient  un  établissement  disciplinaire..  Ces  mesures  ont 
ité  reprises  et  étendues  après  les  événements  du  2  décembre  1851  qui  ont 
renouvelé  ces  transportations.  L'art.  1**  du  décret  du  8  décembre  1851 
des  a  continuées  en  portant  :  «  Tout  individu  placé  sous  la  snrveillance 
de  la  haute  police,  qui  sera  reconnu  coupable  du  délit  de  rupture  de  ban, 
|K>arra  être  transporté,  par  mesure  de  sûreté  générale,  dans  une  colonie  pè- 
.nltentiaire,  i  Gayenne  ou  en  Algérie.  La  durée  de  la  transportation  sera  d^ 
cinq  années  au  moins  et  de  dix  au  plus.  >  L'art.  2  ajoute  :  «  La  môme  m 

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68       CINQ.  LEÇ.  —  DES  PEINES  EN  MAT.  CRIM.  —  LÏV.  I.  CHAP.  I  (n*   50). 

sure  sera  applicable  aux  individus  reconnus  coupables  d'avoir  fait  partie  d'une^ 
société  secrète.  ■  Un  autre  décret  du  28  mars  1852  divise  les  transportés  en 
colonies  pénitentiaires  et  leur  assigne  des  concessions  de  terres.  Enfin  la  loi 
du  27  février  1858  a  autorisé  rintemement  en  Algérie  des  condamnés  pour 
crimes  et  délits  prévus  par  les  art.  5  et  6  de  cette  loi,  et  les  individus  déjà 
internés  dans  un  département  ou  expulsés  du  territoire  et  que  des  faits  gra- 
ves signaleraient  de  nouveau  comme  dangereux  pour  la  sûreté  publique.  On 
voit  que  ces  dispositions  ont  commencé  à  jeter  dans  la  législation  pénale  une 
espèce  particulière  de  déportation,  la  transportation,  qui,  ainsi  qu'on  le  verra 
plus  loin,  a  été  ensuite  appliquée  aux  condamnés  aux  travaux  forcés.  A  Tégard 
de  la  transportation  comme  de  la  déportation,  la  question  relative  aux  effets 

de  la  peine,  à  ses  inconvénients  et  à  ses  avantages,  est  à  peu  près  la  môme. 

. , .  ^i  1  ' 

60.  Cette  question  de  Putilité,  dumérke  de  l^déportattd1!i,  réclamée  si  sou- 
vent en  France,  peut  être  examinée  sous  deux  rapports  :  t*  sous  celui  de  la 
facilité,  ou  môme  de  la  possibilité  matérielle  de  sbn  exécution;  2*  sous  celai 
de  son  utilité,  de  son  efficacité  pénale.  De  ces  deux  points,  le  deuxième  seul 
se  rattache  d'une  manière  directe,  immédiate,  à  Tobjet  de  nos  études;  cepen- 
dant nous  ne  pouvons  point  omettre  entièrement  le  premier;  car,  s'il  était 
démontré  que  la  peine  de  la  déportation,  fût-elle  bonne,  fût-elle  utile  comme 
moyen  de  pénalité,  est  en  ftiit  à  peu  près  impraticable  chez  nous,  toute  ques> 
tion  d'application  disparaîtrait  de  ée  moment. 

Occupons-nous  donc  d'abord  et  en  peu  de  mots,  de  la  question  de  savoir 
si  la  déportation  est  une  e.xécution  faeile,  ou  môme  d'une  exécution  possible. 
En  un  mot,  supposons-la  consacrée  réellement  dans  la  loi,  et  considérons  son 
mode  d'application  :  nous  nous  attacherons  ensuite  et  avec  plus  de  détail,  à 
voir  ce  qu'elle  est  comme  peine,  comme  efficacité  répressive,  c'est  le  point  de 
vue  qui  nous  concerne  de  plus  près. 

Quand  on  demande  que  la  peine  de  la  déportation  soit  appliquée  réelleilient 
aux  individus  dont  on  redoute  la  libération  et  l'évasion,  entend-on  demander 
que  leur  transport  s'opère  ou  dans  une  des  colonies  actuelles,  ou  dans  une 
colonie  à  fonder?  Il  n'y  a  évidemment  pas  de  milieu  entre  ces  deux  partis. 
Dans  une  colonie  actuelle,  l'impossibilité  de  réaliser  un  tel  vœu  est  mani- 
feste; et  c*est  cette  impossibilité  qui,  plus  que  toute  autre  raison,  a  jusqu'ici 
empêché  en  fait  l'exécution  ou  l'application  de  cette  peine.  Supposez  en  fait 
la  déportation  prononcée  et  réellement  appliquée  à  tous  les  individus  que 
frappe  maintenant  dans  nos  Godes  la  peine  des  travaux  forcés  ou  la  peine  de 
la  réclusion,  et  demandez-vous  quelle  colonie  française  pourrait  résister  aux: 
•désordres  qui  résulteraient  pour  elle  du  transport  de  vingt  ou  trente  mille 
condamnés,  qui  viendrait  s'effectuer  dans  son  âein,  du  transport  immédiat, 
dansl'une  de  nos  faibles  colonies,  de  (ous  les  condamnés  que  renferment  main- 
tenant nos  bagnes  et  nos  maisons  de  force.  De  deux  choses  Tune  :  la  première 
hypothèse,  et  c'est  la  véritable,  c'est  que  la  colonie  serait  trop  faible  pour  y 
résister,  et  que  leur  introduction  ne  serait  pour  elle,  qu'un  signal  de  boule- 
Tersement  et  de  mine  ;  ou  bien,  si  vous  la  supposes  plus  forte,  si  vous  la  sup- 
posez, ce  qui  n'est  pas,  en  état  de  lutter  contre  une  telle  cause,  contre  une 
puissance  de  désorganisation,  elle  profitera  de  sa  force  pour  se  refuser  abso- 

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DE  LA   DÉPORTATION  (aRT.    17).  69. 

loment  à  rintrodoction  d*an  tel  système  ;  elle  aimera  mieux  se  séparer  de 
la  mère-patrie  ;  elle  aimera  mieaz  briser  violemment  les  liens  qui  l'attachent 
à  la  Prancc,  que  de  recevoir  toutes  les  années  dans  son  sein  des  essaims  de 
coupables  qui  viendront  y  apporter  le  désordre.  Cette  hypothèse  n'est  pas  une 
<;himère  ;  elle  s'est  déjà  réalisée,  et  Ton.  sait  que  Tusage  où  était  l'Angleterre 
de  transporter  ses  condamnés  dans  les  colonies  de  TAmérique  du  Nord  fut» 
de  la  part  de  ces  colonies.  Tune  des  causes  dominantes.  Tune  des  causes  capi- 
tales de  leur  révolte  et  de  leur  séparation.  A  part»  d'ailleurs,  toute  idée  de 
latte  de  la  part  de  la  colonie,  la  morale  et  la  justice  empêchent  de  purger  la 
population  française  du  séjour  des  condamnés  dont  elle  veut  se  libérer,  en  les 
jetant  en  foule,  en  masse  sur  une  autre  population  française  aussi  et  qui  n'a 
pas  moins  de  droits  que  celle  de  la  mère^patrie  à  la  sollicitude  et  à  la  protec- 
tion du  législateur. 

Opposera-t-on  enfin  que,  pour  prévenir  ces  dangers,  on  peut  très-bien  re- 
fuser aux  déportés  sur  le  sol  de  la  colonie  une  liberté  dont  ils  abuseraient, 
qu'on  peut  très-bien  les  y  retenir  captifo  comme  on  les  retient  en  France  f 
Alors  la  question  change  de  face  ;  alors  il  ne  s*agLt  plus  de  la  déportation 
Celle  que  la  loi  la  prononce,  telle  que  nous  Tavons  considérée  jusqu'ici,  de  la 
déportation  envisagée  comme  moyen  de  correction  et  de  colonisation  ;  il  n'y 
«  plus  rien  de  pareil  ;<»  serait  alors  simplement  transporter  à  grands  frais  à 
quelques  milliers  de  lieues  de  nous  nos  bagnes  et  nos  maisons  de  force  ;  il 
n'y  a  plus  dès  brs  aucune  espèce  d'utilité  :  le  système  est  déplacé,  mais  le 
même  système  s'applique,  seulement  il  s'applique  loin  des  yeux  du  peuple, 
la  peine  est  écartée  des  regards  de  ceux  qu'elle  aurait  pour  but  d'instruire  et 
d'intimider,  dès  lors  son  effet  diminue.  De  plus,  les  moyens  de  surveillance, 
les  moyens  de  répression,  qui  abondent  dans  nos  villes  et  dans  nos  ports, 
manqueront  à  quelques  milliers  de  lieues  de  nous.  Et,  je  le  répète,  ce  n'est 
pins  dès  lors  la  déportation,  c'est  Temprisonnement,  c'est  la  réclusion,  ce  sont 
les  travaux  forcés  pratiqués  avec  plus  de  frais,  plus  de  difficultés,  avec  moins 
de  surveillance  et  de  répression.  Quant  à  la  déportation  proprement  dite,  telle 
enfin  que  l'Angleterre  a  essayé  de  la  pratiquer,  elle  est  inconciliable  avec  l'é- 
tat actuel  des  colonies  que  nous  possédons. 

8'Bgirait-il  donc  d'effiectner  la  déportation  sur  un  sol  nouveau,  de  transpor- 
ter les  condamnés  sur  une  terre  jusque-là  libre,  jusque-là  inculte,  et  d'y 
fonder  avec  eux  et  par  eux  une  colonie  toute  nouvelle  ?  D'abord  œ  sont  là  des 
projets  qu'il  est  plus  facile  de  mettre  en  avant  que  de  réaliser.  Trouver  à  un 
immense  intervaUe,  de  manière  à  prévenir  toute  chance,  toute  probabilité 
raisonnable  d'évasion,  tine  terre,  jusque-là  inconnue,  ou  jusque-là  libre,  dont 
l'occupation,  dont  la  possession,  dont  la  conservation,  nous  soient  faciles,  est 
un  premier  problème,  un  premier  obstacle  étranger  au  droit  pénal  et  qui  ne 
«e  réalise  pas  tous  les  jours.  Supposez-le  d'ailleurs  réalisé,  supposez  cette 
terre  découverte,  sutiposez-y  la  réunion,  le  concours  de  toutes  les  circons- 
tances qui  doivent  être  exigées  en  pareil  cas,  de  nouvelles  difficultés  vont  en- 
core nous  arrêter  ;  la  colonisation,  nous  ne  le  savons  que  trop  à  nos  dépens, 
•est  une  entr^mse  ooùteuse,  lente  et  difficile  :  la  plupart  de  celles  que  la 
France  a  tentées  eut  échoué  plus  ou  moins  rapidement.  Pense-t-on  qu'on 
sera  plus  heureux,  quand,  au  lieu  de  coloniser  aveo  des  colons  libres  et  vo- 

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70     CINQ.  LBÇ.  —  DES  PEINES  EN  BIAT.  CRIM.  —  LIV.  I,  CHAP.  I  (n*  51). 

lontaires,  on  colonisera  avec  des  condamnés  ?  Pense-t-on  qne  la  terre,  ordi- 
nairement indocile,  rebelle  aux  mains  libres  et  intéressées  de  ses  colons, 
sera  pins  prospère  et  plus  féconde  sous  les  mains  impures  des  hôtes  non- 
Teaux  qui  la  cultiveront  ?  8onge-t-on  d'ailleurs  combien  il  sera  difficile  d'éta- 
blir entre  une  colonie  purement  pénale  et  ses  voisins  présents  et  à  venir  des 
relations  d'amitié?  combien  les  méfiances,  les  occasions  de  rupture  et  de  guerre 
seront  fréquentes,  et  en  pareille  rencontre  la  mère-patrie  trouvera-t-elle  dans 
les  colons  déportés  des  défenseurs  ou  des  ennemis? Il  est  arrivé  à  l'Angleterre 
même  d'y  trouver  des  ennemis. 

Ainsi,  effectuer  la  déportation  soit  dans  une  ancienne,  soit  dans  une  nou- 
velle colonie,  est  une  entreprise  difficile,  impraticable  peut-être,  et  en  tous  cas 
fort  conjecturable,  fort  incertaine,  fort  douteuse. 

61.  Laissons  donc  de  côté  cette  première  partie  de  la  question,  qui  présente 
déjà  des  objections  assez  graves  contre  le  système  de  la  déportation,  et  atta- 
chons-nous à  sa  seconde  face,  à  celle  qui  se  rattache  tout  à  fait  au  droit  cri- 
minel ;  demandons-nous  quel  est  son  mérite,  son  utilité,  son  efficacité,  en  la 
supposant  facile  et  possible  et  en  ne  l'examinant  tout  à  fait  que  dans  le  sys- 
tème pénal. 

Le  premier  avantage  qu'invoquent  à  cet  égard  ses  partisans,  c'est  de  pou- 
voir conduire,  ou  immédiatement  ou  par  degrés  à  la  suppression,  à  l'abolition 
de  la  peine  de  mort.  Certainement  cet  avantage  serait  grand  s'il  était  réel  ;  il 
serait  réel,  il  serait  assuré,  si  les  peines  pouvaient  n'avoir  pour  but  que  d'en- 
lever à  celui  qu'elles  frappent  la  possibilité  de  compléter,  de  renouveler  sa 
faute.  Mais  nous  avons  déjà  dit  que  la  peine  n'était  pas,  ne  pouvait  pas  être 
une  pure  et  simple  suppression  de  la  faculté  de  faire  le  mal  ;  qu'elle  avait  non- 
seulement  pour  but  d'enlever  au  condamné  qu'elle  atteint  la  faculté  de  se 
rendre  de  nouveau  criminel,  mais  aussi  d'intimider,  d*effrayer  par  l'autorité 
de  l'exemple  ceux  qui  pourraient  dans  la  suite  être  tentés  de  l'imiter.  C'est  sur 
cette  idée  que  reposent  non-seulement  tout  le  système  de  nos  peines,  mais 
aussi  tous  les  systèmes  pénaux  reconnus  et  employés  partout  jusqu'à  ce  jour. 
Or,  si  la  peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  infiniment  plus  dure,  plus 
rigoureuse,  plus  cruelle  même  que  la  déportation,  ne  parait  cependant  pas 
encore  assez  préventive,  assez  effrayante  pour  détourner  par  la  terreur  tous 
ceux  qui  seraient  tentés  de  se  rendre  coupables,  cet  effet  qu'une  peine  plus 
dure  ne  peut  pas  produire,  une  peine  plus  douce  le  produirait-elle  ?  Si,  tout 
en  conservant,  tout  en  inscrivant  dans  les  lois  la  plus  dure  des  peines  après  la 
mort,  le  législateur  n'a  pas  cru  pouvoir  encore  effacer  la  peine  de  mort,  pense- 
t-on  qu'en  substituant  à  cette  peine  celle  de  la  déportation,  il  serait  plus  heu- 
reux, que  cette  peine  imprimerait  une  terreur  plus  forte  et  qu'elle  prévien- 
drait des  crimes  pour  lesquels  la  peine  des  travaux  forcés  ne  suffit  pas  ?  Ainsi 
puisque  dans  la  gradation  actuelle,  travaux  forcés  à  perpétuité  et  déportation,  od 
se  croit  encore  forcé  de  placer  la  peine  de  mort  en  tête  de  l'échelle  pénale,  je 
ne  comprends  pas  comment,  en  supprimant  le  premier  degré,  la  peine  des 
travaux  forcés  à  perpétuité,  on  arrive  plus  aisément,  plus  sûrement  à  la  sup- 
pression de  la  peine  de  mort.  Nous  en  avons  au  reste  un  exemple  de  fait  : 
l'Angleterre  pratique,  et  sur  une  échelle  assez  vaste,  la  peine  de  la  déportation 

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DB  LA-  DÉPORTATION  (aRT.    17).  71 

telle  gne  ses  partisans  la  conçoÎTent  et  la  Tantent,  et  cependant  l'Angleterre 
n'a  jamais  cru  qne  la  déportation  dût  autoriser,  dût  permettre  la  suppression 
delà  peine  de  mort  ;  loin  de  là^  elle  la  prononce  bien  plus  fréquemment,  elle 
l'applique  môme  plus  fréquemment  que  noDS,  eu  égard  du  moins  aux  diffé- 
rences de  population.  A  cet  égard  il  faut  s'attacher,  non  pas  aux  condamna- 
tions à  mort  prononcées,  elles  le  sont  en  Angleterre  jusqu'à  un  nombre  im- 
mense,  mais  aux  condamnations  à  mort  réellement  exécutées.  On  n'exé- 
cute guère  qu'un  quinzième  ou  un  vingtième  de  cellee  prononcées  par  les 
tribunaux.  On  ne  peut  donc  espérer  trouver  au  moins  actuellement,  dans 
la  peine  de  la  déportation,  un  moyen  de  terreur  assez  puissant,  un  moyen 
préventif  assez  efficace  pour  arriver  à  une  suppression,  à  une  abolition  que 
nul  sans  doute  ne  peut  s'empêcher  de  désirer,  la  suppression  de  la  peine  de 
mort. 

Mais  du  moins  la  peine  de  la  déportation  aurait,dit«on,  l'avantage  de  rendre 
les  crimes  moins  fréquents,  en  éloignant  du  sol  du  pays  la  plupart  des  coupa- 
bles de  qui  viennent  ordinairement  les  grands  crimes,  la  plupart  de  ceux  que 
des  premières  condamnations  ont  flétris  et  portés  en  quelque  sorte  à  de  nou- 
veaux crimes.  Pour  bien  s'entendre  sur  ce  premier  effet,  il  est  bon  de  se  de- 
mander à  quels  actes^  à  quels  condamnés  on  voudrait  appliquer  la  peine  de  la 
déportation  :  serait-ce  aux  condamnés  &  vie,  à  perpétuité»  et  seulement  à 
ceux-là  ?  serait-ce,  au  contraire,  et  aux  condamnés  à  vie  et  encore  aux  con- 
damnés à  temps,  lorsqu'il  s'agit  d'un  fait  sérieux  et  d'une  peine  grave  ?  Appli- 
quer la  déportation  seulement  aux  condamnés  à  vie,  et  par  exemple  seulement 
à  ceux  que  frappe  dans  la  législation  actuelle  la  peine  des  travaux  forcés  à  per- 
pétuité, ce  ne  serait  rien  faire  pour  le  but  auquel  nous  tendons.  Son  but,  son 
principal  avantage  est,  ditpon,  d'écarter  du  pays,  de  repousser  du  sein  de  la  so- 
ciété de^  hommes  dont  on  ne  peut  plus  guère,  dans  l'avenir,  attendre  raisonna- 
blement que  de  mauvaises  actions,  que  des  crimes.  Mais  vous  sentez  combien 
cette  raison  est  faible,  si  on  l'applique  à  celui  qu'une  condamnation  perpétuelle 
a  frappé.  En  effet,  les  évasions  sont  assez  rares,  elles  le  sont  surtout  de  la  part 
deà  condunnés  à  vie,  que  la  nature,  que  la  gravité  de  leur  condamnation  sou- 
met à  un  régime  particulier,  à  une  surveillance  spéciale.  Ainsi,  pourrait-ont 
raisonnablement,  pour  prévenir  le  danger  possible  de  quelques  évasions  rares 
et  improbables,  créer,  organiser  à  travers  tous  les  obstacles  signalés  précé- 
demment, un  système  de  déportation  appliqué  seulement  aux  condamnés  à 
vie  ?  On  n'en  verrait  pas  l'utilité.  Contre  le  retour  de  leurs  crimes  on  a  une 
garantie  assez  sûre,  la  perpétuité  de  la  peine  qui  les  frappe,  la  privation  éter- 
nelle de  leur  liberté  et  des  moyens  de  nuire,  privation  à  laquelle  ils  ne  trouvent 
que  bien  rarement  le  moyen  de  se  soustraire.  Aussi  la  véritable  utilité,  la 
véritable  application  serait  d'étendre  la  déportation  non-seulement  aux  con- 
damnés à  vie,  mais  surtout  aux  condamnés  temporaires.  C'est  en  effet  de  la 
part  de  ceux-là  que  le  danger  est  grave,  imminent,  quotidien  ;  c'est  de  la  part 
de  ceux-là  que,  soit  après  des  évasions  assez  rares,  soit,  ce  qui  est  bien  plus 
fréquent,  après  des  libérations  qu'amène  chaque  jour  la  nature  temporaire  de 
leur  peine,  on  a  à  redouter  et  on  subit  en  réaUté  des  récidives  perpétuelles. 
Les  raisons  de  ces  récidives  sont  bien  connues  :  il  est  malheureusement 
vrai  que  le  système  de  peines  maintenant  oi^janisé  n'a  rien  de  correctif  en  lui- 

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72      CINQ.  LEÇ.  —  DES  PEINES  EN  MAT.  GRIlf.  —  LIV.  I.  CHAP.  I  (n*   52) 

Blâme  ;  qu'il  ne  tend  pas  le  moins  da  monde  à  l'amélioFation,  à  la  réforme 
morale  de  celai  qu'il  atteint  ;  que,  loin  de  sortir  repentant  ou  corrigé  des  ba- 
gnes ou  des  maisons  de  force,  le  condamné  n'en  sort  que  plus  incorrigible,  plus 
corrompu,  plus  instruit  surtout  des  moyens  de  renouveler  les  mêmes  actes,  ou 
des  actes  plus  coupables.  Vous  remarquerez»  d'ailleurs,  qu'à  part  la  déplorable 
mstruction  qu'il  a  trouvée  dans  le  contact  de  gens  plus  criminels  ou  plus 
adroits  que  lui,  repoussé  qu'il  est  par  la  déGance  unWerselle  et  par  suite  privé 
de  presque  tous  moyens  d'existence,  il  se  trouve  trop  souvent  rejeté  par  le 
besoin,  par  le  désespoir,  dans  l'impénitence  et  dans  le  crime.  C'est  de  la  part 
des  condamnés  à  temps,  après  la  durée  de  leur  peine  expirée  que,  les  réci- 
dives sont  redoutables  et  fréquentes  ;  c'est  à  l'égard  des  condamnés  à  temps, 
plus  qu'à  l'égard  de  tous  autres,  qu'on  sentirait  la  nécessité  d'un  système  de 
déportation  bien  organisé  et  sérieusement  appliqué. 

Toutefois,  môme  sur  ce  terrain,  en  examinant  de  bien  près  la  question,  on 
arrive  bien  promptement  à  en  reconnaître  les  illusions.  En  effet,  pour  éviter 
ces  récidives,  malheureusement  trop  fréquentes,  que  ferons^nous  ?  quel  genre, 
quelle  durée,  quelle  nature  de  dép^tation  appUqueroBS-Doas  ?  sera-ce  une 
déportation  temporaire?  sera-ce  une  déportation  perpétuelle? Nous  bornerons- 
nous  à  décider,  par  exemple,  que  celui  qui  aurait  dû  être  condamné  à  cinq  ans, 
à  dix  ans,  à  quinze  ans  de  réclusion,  le  sera  désormais  à  cinq  ans,  à  dix  ans,  à 
quinze  ans  de  déportation  ;  qu'une  déportation  temporaire  plus  ou  moins  lon- 
gue remplacera  désormais  une  réclusion  temporaire  plus  ou  moins  longue?  Si 
c'est  là  le  parti  qu'on  veut  prendre,  il  est  manifeste  qu'on  manque  le  but.  Le 
temps  de  la  déportation  terminé,  le  déporté  reparaitra-t-il  meilleur,  repentant, 
corrigé  ?  sera-t-ii  accueilli  par  la  confiance  publique  ?  les  moyens  d'existence 
abonderont-ils  devant  lui  ?  Gela  serait  possible  sans  doute,  si  une  colonie  pé- 
nale était  une  école  de  morale,  si  elle  renfermait  des  moyens  pénitenciers 
autres  que  ceux-  que  présentent  nos  maisons  de  force  actuelle. -Mais  il  est  clair 
qu'il  n'en  peut  pas  être,  qu'il  n'en  sera  jamais  ainsi.  Le  séjour  du  déporté  dans 
la  colonie  pénale  l'aura  laissé  en  contact,  en  rapport  de  tous  les  jours  avec  les 
mêmes  individus,  avec  les  mêmes  criminels  dont  les  conseils  et  les  exemples 
le  corrompent  dans  nos  prisons  actuelles  ;  seulement  à  ce  contact,  à  ces  conseils, 
à  ces  exemples,  appartiendront  plus  d'efficacité,  plus  d'autorité  encore,  parce 
que  la  demi^tberté  que  comporte  nécessairement  l'existence  d'une  colonie  pé- 
nale ne  permet  pas  cette  garde,  cette  surveillance,  cette  gêne  de  tous  les  in- 
stants, qui  pèsent  maintoiant  sur  nos  condamnés  :  parce  que,  dans  une  colonie 
pénale,  dans  une  société  de  ce  genre  plus  ou  moins  bien  organisée,  les  ooca* 
sions  de  crimes  sont  infiniment  plus  fréquentes,  les  moyens  de  surveillance, 
de  répression,  plus  rares  et  plus  incomplets.  N'espérons  donc  pas,  la  chose  est 
impossible,  que  le  déporté,  revenant  après  cinq  ans  ou  vingt  ans  de  séjour, 
arrive  meilleur,  plus  repentant,  plus  corrigé,  moins  porté  au  mal  ou  moins 
puissant  à  le  faire,  qu'il  ne  sort  maintenant  des  prisons  et  des  bagnes  où  la  loi 
aetuelle  lé  renferme. 

Un  antre  parti  se  présente,  celui  de  (aire  durer  perpétuellement  la  dépor- 
tation contre  l'individu  qu'une  peine  grave  aura  frappé,  celte  peine  fût-elle 
actuellement,  simplement  temporaire  ;  de  décider,  par  exemple,  que  tous  les 
actes  que  nous  punissons  maintenant  des  travaux  forcés  à  temps  ou  de  la  lé- 

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DB  LA  DÉPORTATION  (aRT.    17).  73 

doBiOD;  en  vn  mol»  qae  tons  les  aetes  que  la  loi  fnppe  dWe  peine  afflictiTe, 
d'une  peine  criminelle  proprement  dite,  entraîneront  la  déportation  perpé- 
tuelle de  oeini  qui  s'en  rendra  coupable.  Cette  idée  ou  celte  règle  aurait  cer- 
tainement pour  effet  d'atteindre  le  bnt  auquel  nous  tendons,  de  préyenir  le 
danger  des  récidiTCs  que  nous  redoutons.  Mais  à  quel  prix  ratteindrait-elle  ? 
BUe  l'atteindrait,  en  supprimant  toute  différence,  toute  gradation  dans  la  na- 
ture et  dans  la  durée  des  peines;  elle  l'atteindrait,  en  bouleversant  un  sys- 
tème de  gradation  qui  est  essentiel  à  toute  législation  pénale;  en  ne  laissant 
jdns  qu'un  degré  entre  la  peine  de  mort  et  les  condamnations  de  simple  po- 
lice; en  enlevant  au  coupable  tout  motif,  tout  intérêt  de  s'arrêtera  moitié 
chemin  et  de  rétrograder  dans  la  route  du  crime;  en  frappant  également 
Pauteur  d*un  vol  assez  léger  et  l'auteur  de  vingt  vols  commis  avec  effraction, 
avec  violence,  avec  toutes  les  ciroonbtances  qu»  vous  pouvez  y  ajouter.  Or,  s'il 
est  essentiel  à  tout  système  pénal  de  faire  varier  et  de  graduer  les  peines,  en 
les  appropriant  le  mieux  possible  à  la  variété  infinie  des  délits  on  des  crimes 
qu'eues  ont  pour  objet  de  châtier,  il  est  sensible  qu'une  déportation  perpé- 
tuelle, appliquée  indistinctement  à  tous  les  crimes,  de  quelque  intensité  et  de 
quelque  nature  qu'ils  soient,  manqiM  absolument  le  but  et  que,  pour  éviter 
le  danger  des  récidives,  on  s'expose  à  punir  d'une  manière  infiniment  trop 
grave  des  âûts,  coupables  sans  doute,  mais  bien  moins  coupables  que  d'autres. 
On  enlève  à  la  société  Tune  de  ses  plus  puissantes  garanties,  ceUe  qui  tient 
précisément  à  cette  crainte  qui,  à  chaque  échelon,  à  chaque  degré  dans  le 
crime,  montre  au  coupable  un  intérêt  pour  s'arrêter. 

Ainsi,  en  consultant  même  la  théorie  pénale  de  la  déportaUon,  on  est  assez 
embarrassé  de  voir  à  quels  faits  et  de  quelle  manière  on  pourrait  l'appliquer 
pour  atteindre  un  résultat  heureux,  pour  obtenir  sans  de  trop  grands  sacri- 
fiées, «ans  de  trop  grandes  injustices,  le  rempart  qu'on  veut  élever  contre  le 
danger  des  récidives,  dont  on  est  si  journellement  et  à  si  juste  titre  effrayé. 

Que  si  maintenant  nous  sortons  de  ces  conditions  théoriques,  et,  à  ce 
titre,  conjecturales,  si  nous  voulons  sous  ees  deux  points,  de  vue  considérer  la 
d^rtation  effectuée,  la  mise  en  pratique,  nous  verrons  que  les  résultats 
qu'elle  a  produits  jusqu'ici  sont,  de  l'aveu  à  peu  près  unanime  des  parties  les 
plus  intéressées,  exactement  conformes  aux  solutions,  aux  résultats  auxquels 
cee  oonsidératÂons  tontes  théoriques  nous  ont  conduits. 

En  effet,  l'Angleterre,  forcée  de  renoncer  à  l'usage  de  déporter  dans  les  co- 
lonies de  l'Amérique  devenue  libre,  a  précisément  renoontié,  à  quatre  ou  cinq 
mille  lieues  d'elle,  à  ses  antipodes,  un  terrain  réunissant  toutes  les  conditions 
désirables  pour  l'ess^  de  ce  système  tant  vanté  alors  et  depuis  ;  elle  a  fondé  à 
Botany-Bay,  dans  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  ce  grand  système  de  colonie 
pénale.  Peu  nous  importe  de  rechercher  eu  détail  ce  qu'est  la  colonie  envisa- 
gée comme  colonie  pénale  ;  on  y  trouve  à  la  fois  des  colons  libres  et  des  colons 
condamnés  ;  je  vous  dirai  seulement  que,  malgré  tous  les  moyens  de  surveil- 
lance, d'entretien  que  l'Angleterre  peut  avoir  sous  la  main,  les  résultats  de 
l'entreprise  au  sein  de  la  colonie  sont  extrêmement  loin  de  ce  que. vantent,  de 
ce  que  désirent  parmi  nous  les  partisans  de  la  déportation.  Depuis  la  présence 
même  des  colons  libres,  et  indépendamment  du  nombre  des  colons  condamnés^ 
la  colonie  de  Botany-Bay,  placée  de  l'aveu  de  ses  fondateurs  sous  toutes  les 

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74      CINQ.  LBÇ.  —  DBS  PBINBS  ES  MAT.  CRIIC.  —  LIV.  I.   CHAP.  I  (n*  51). 

conditions  de  localité  favorables  à  sa  prospérité,  a  été  en  peu  d'années  affamée 
trois  fois,  et  tellement  affamée,  qu'on  n'a  pu  la  sauver,  en  attendant  les  secours 
d^Ëurope,  qu'en  rationnant  les  colons  comme  on  rationne  les  marins  d'un 
vaisseau  naufragé.  Cela  suffirait  pour  montrer  que  ce  moyen  ne  présente  pas, 
sous  le  rapport  politique,  de  grandes  garanties  de  succès. 

Mais,  encore  une  fois,  cette  question  n'est  pas  la  nôtre.  C'est  sous  le  rapport 
pénal  quant  à  son  efficacité  répressive,  que  nous  devons  envisager  la  dépor» 
tation;  c'est-à-dire  que  c'est  au  cœur  de  l'Angleterre  même  qu'il  faut  regarder 
pour  voir  comment,  en  essayant  de  purger  le  sol  de  la  mère -patrie  aux  dépens 
de  la  colonie,  elle  est  arrivée  à  diminuer  notablement  chez  elle  le  nombre  des 
crimes  dont  nous  espérons  prévenir  le  retour.  Or,  il  s'en  faut  bien  que,  depuis 
que  le  système  de  la  déportation  a  été  introduit  en  Angleterre,  le  nombre  des 
crimes  de  tout  genre  y  est  diminué,  et  en  1832  une  commission  nommée  dans  le 
Parlement,  après  avoir  relevé  les  détails  de  statistique  qui  relevaient  cette  aug- 
mentation, ajoutait  que  sa  principale  cause  tenait  à  l'inefficacité  du  système  de 
|a  déportation;  qu'une  opinion  généralement  répandue  dans  les  plus  basses 
classes  du  peuple  était  que  la  déportation  est,  pour  la  plupart  de  ceux  qu'elle 
atteint,  un  moyen  d'aisance,  une  voie  presque  assurée  de  fortune;  et  qu'on  avait 
acquis  à  peu  près  la  certitude  que  plusieurs  crimes  avaient  été  commis  par  des 
personnes  réduites  à  la  misère,  sans  aucun  intérêt,  sans  aucune  passion,  sans 
autre  idée  que  celle  de  se  faire  déporter  et  aller  chercher  aux  terres  australes, 
par  un  voyage  fait  aux  frais  de  l'État,  des  chances  de  fortune  et  de  bonheur 
que  ne  présentait  pas  l'Angleterre.  Vous  sentez  que  si  de  pareils  faits  sont 
exacts,  et  je  le  répète,  c'est  une  commission  nommée  par  le  Parlement  qui  les 
déclare,  si  de  tels  faits  sont  exacts,  s'il  est  possible  de  penser  que  la  déporta- 
tion ait  été  dans  quelques  cas,  à  raison  des  chances  d'avenir  qu'on  croit  y 
trouver,  si  elle  a  été  une  occasion  directe  de  certains  crimes,  il  faut  bien  recon- 
naître qu'il  y  a  tout  lieu  de  craindre  que,  dans  un  très-grand  nombre  de  cas, 
elle  ne  soit  qu'une  fragile  et  impuissante  barrière. 

Toutefois,  il  importe  de  reconnaître  que,  depuis  4832,  l'état  des  choses  s'est 
beaucoup  modifié  en  Angleterre.  Les  attaques,  qui  n'ont  cessé  de  s'élever  dans 
le  Parlement  jusqu'à  1838,  avaient  surtout  pour  objet  le  système  de  Vassigna- 
tion,  qui  consistait  à  soumettre  les  condamnés  déportés,  après  de  certaines 
épreuves,  à  une  sorte  de  domesticité  obligatoire  ou  d'esclavage  mitigé.  Ce  sys- 
tème fut  remplacé  en  1812  par  le  régime  de  prohaiian.  Voici  en  quoi  il  consis- 
tait :  le  transporté,  à  son  arrivée  dans  la  colonie,  était  enfermé  dans  des  stations 
pénales  où  il  était  occupé  à  des  travaux  pour  le  compte  du  gouvernement.  Le 
temps  de  cette  première  période,  considéré  à  la  fois  comme  une  punition,  une 
épreuve,  n'était  pas  limité.  En  quittant  la  station  pénale,  le  condamné  rece» 
vait  un  laissez-pas  sera  pour  entrer  au  service  d'un  colon.  Un  traité,  fait  sous 
l'autorité  du  gouverneur  de  la  colonie,  réglait  les  conditions  de  ce  servîee  qui 
comportait  un  salaire  et  pouvait  durer  plus  d'une  année.  Ge  délai  expiré,  le 
condamné  n'était  plus  tenu  qu'à  la  résidence  dans  la  colonie  jusqu'à  l'expira- 
tion de  la  peine.  Les  résultats  de  ce  second  système  n'ayant  pas  été  satisfai- 
sants, on  a  commencé  en  1847  à  combiner  le  régime  cellulaire  avec  la  dépor- 
tation. Après  divers  essais,  on  est  arrivé  à  une  idée  qui  se  résume  en  ces 
termes  :  l'association,  dans  un  ordre  successif,  de  l'emprisonnement  séparé,  du 


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DB  LA  D]fi3>0RTATI0N  (aRT.    17).  75 

travail  en  oMnmiiii  et  de  la  transportation.  La  peine  se  trooTe  ainsi  divisée  en 
trois  périodes,  dont  les  denx  premières  sont  destinées  à  servir  de  préparation 
à  la  troisième.  Le  condamné  subit  d'abord  à  Pontonvilie  Tépreuve  du  régime 
cellolaire  ;  il  est  ensuite  soumis  à  Portiand  à  la  discipline  sévère  du  travail 
commun;  puis,  cette  double  prabaHon  terminée  dans  la  mère-patrie,  il  est 
conduit  dans  une  colonie  avec  un  permis  de  séjour  et  y  demeure  jusqu'à 
l'expiration  de  sa  peine.  La  durée  des  premières  épreuves  varie  suivant  la  gra- 
vité de  la  condamnation  encourue  et  suivant  le  caractère  et  la  conduite  du 
condamné.  Les  résultats  obtenus  par  ce  mode  nouveau  ont  été  reconnus  excel- 
lents, et  c'est  là  le  système  qui,  en  combinant  Tisolement,  le  travail,  la  disci- 
pline, réducation  professionnelle  et  morale,  constitue  aujourd'hui  le  système 
pénal  anglais. 

Appliquons  maintenant  brièvement  à  la  peine  de  la  déportation,  considérée 
théoriquement  et  abstraction  faite  du  mode  d'exercice,  les*  moyens  d'analyse 
que  nous  avons  employés  à  l'égard  des  diverses  peines  que  nous  avons  exa- 
minées. 

Cette  peine  offre,  quand  on  l'examine  avec  soin,  la  plupart  des  inconvénients 
que  nous  avons  signalés  dans  chacune  des  peines  prises  isolément,  sans  offrir 
presque  aucun  de  leurs  avantages. 

Au  premier  rang  des  qualités  que  nous  avons  considérées  comme  nécessai- 
res, ou  du  moins  comme  désirables  dans  l'institution  des  peines,  nous  avons 
dit  qu'elles  devraient  être,  autant  que  possible,  égales  et  apprécid>les;  égales, 
c'est-à-dire  frappant  non  pas  précisément  du  même  coup,  la  chose  rigoureuse- 
ment prise  est  absolument  impossible,  mais  frappant  d'une  manière  à  peu  près 
analogue,  à  peu  près  semblable,  tous  les  individus  qu'elle  atteint;  apprécia- 
bles, c'est-à-dire  de  telle  nature  que  le  juge,  que  la  société,  en  la  prononçant, 
sachent  au  juste  quel  degré  de  souffrance  elle  inflige,  quel  degré  de  bonheur 
elle  retire.  Or,  la  déportation  est  de  toutes  les  peines,  peut-être,  la  plus  iné- 
gale et  la  plus  Inappréciable. 

La  plus  inégale,  en  ce  que,  si,  dans  quelques  cas  assez  rares,  pour  quelques 
individus,  elle  est  une  source  d'effroi,  un  moyen  puissant  de  répression,  elle 
n'est  au  contraire  pour  d'autres  qu'une  chose  tout  à  fait  indifférente,  ou  même, 
en  certains  cas,  un  objet  de  désirs.  Ainsi,  la  commission  du  Parlement  britan- 
nique, tout  en  déclarant  que  la  déportation  inspirait  une  vive  terreur  à  cer- 
taines classes  de  coupables,  par  exemple  aux  laboureurs,  à  des  hommes  atta- 
chés au  sol,  à  la  patrie,  unis  au  pays  par  des  habitudes  sédentaires,  par  des 
liens  permanents  de  Camille  et  d'affection,  reconnaît  que,  pour  tous  ceux  au 
contraire  qui  ne  mènent  qu'une  vie  errante  et  vagabonde,  pour  les  criminels 
d'habitude,  pour  les  voleurs  de  métier,  c'était  la  chose  du  monde  la  plus  indif- 
férente et  souvent  la  plus  désirée. 

Elle  est,  en  outre,  la  plus  inappréciable  ;  car,  en  cessant  même  d'examiner 
rinègalîté  qui  résulte  de  la  condition,  de  la  position  spéciale  des  individus 
qu'elle  atteint,  elle  varie  par  elle-même  et  à  raison  de  circonstances  impossi- 
bles à  prévoir  et  à  des  degrés  vraiment  surprenants.  Ainsi,  il  est  à  désirer 
qu'on  sache,  quand  une  condamnation  est  appliquée,  quelles  seront  les  consé- 
quences qu'elle  produira,  quel  degré  de  bien  elle  enlèvera,  quel  degré  de  mal 
elle  infligera.  Or,  la  déportation  pour  les  uns,  non-seulement  en  espémnce, 

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76     CINQ.  LBÇ.  —  DBSPBINBa  ES  MAT.  CKIIC.  —  LIV.  I.  CHAP.  I  (n«  51). 

maifl  en  fait  et  ea  réalité,  c'est  la  liberté,  c'est  Taisance,  c'est  presque  la  fortune. 
Les  condamaés  transportés  par  l'Angleterre  dans  cette  colonie  pénale  y  tron- 
yent  des  moyens  d'existence,  de  bonheur,  que  TAngleterre  ne  leur  offrait  pas  ; 
il  s'y  trouve  aussi  des  occasions  de  crimes  assez  fréquents  et  des  moyens  de 
répression  très-souvent  impuissants.  Des  tableaux  publiés  par  les  gouverneurs 
même  de  la  colonie  attesteat  qu'entre  les  condamnés,  auxquels  on  s'efforce  de 
laisser  une  assez  grande  liberté,  il  existe  une  lutte,  un  concert  à  peu  près 
général  contre  tous  les  efforts  de  la  justice  pour  découvrir  un  crime  et  pour  en 
déterminer  les  auteurs  :  les  témoins  ne  veulent  pas  déposer,  les  officiers  de  jus- 
tice peuvent  à  peine  faire  leur  devoir.  Aussi,  pour  ies  coupables,  être  dépor- 
tés à  la  Nouvelle-Galies,  c'est  faire  un  voyage  qui  leur  présente  quelques  dian- 
^s  de  fortune,  qui  leur  offre  au  bout  du  compte  une  liberté  d'action  qui  rend 
ce  séjour  fort  pré£érable  pour  eux  à  celui  de  la  métropole.  Pour  d'autres,  au 
<»ntraire,  la  condamnation  à  la  déportation,  c'est  la  mort,  la  mort  sous  bien 
des  formes,  la  mort  imprévue,  appliquée  sans  loyauté  et  sans  distinction* 
Ainsi,  de  1787  à  1795,  on  a  constaté  que,  sur  5,000  et  quelques  centaines  de 
ecmdamnés  embarqués,  plus  du  dixième  était  mort  en  route,  par  la  famine,  par 
la  peste,  par  des  maladies  contagieuses  qu* entraîne  le  séjour  d'individus  en- 
tassés sur  des  vaisseaux.  Obligé  que  l'on  est  de  les  tenir  attachés,  presque  en- 
chaînés, il  est  fréquent,  il  est  perpétuel  que  les  germes  des  maladies  contagieu- 
ses contractées  dans  les  prisons  se  développent  dans  le  voyage,  et  que  les 
condamnés  y  meurent  par  centaines.  Aussi  œ  moyen  prétendu  d'humanité, 
ce  moyen  qui  devait  conduire  &  l'abolitiony  à  la  suppression  de  la  peine  de 
mort,  entraine  indirectement  des  morts  infiniment  plus  nombreuses  que  celles 
que  les  tribunaux  prononceraient  directement,  mais  avec  cette  différence 
^qu'elles  sont  appliquées  indistinctement  par  le  hasard  et  sans  aucune  gradation, 
-sans  aucune  nuance  de  culpabilité. 

Si  la  peine  de  la  déportation  n'est  ni  égale  ni  appréciable,  je  n'ai  guère  be- 
soin d'ajouter  qu'elle  n'est  pas,  qu'elle  ne  peut  pas  être  exemplaire  ;  c'est-à- 
dire  que  le  seul  avantage  auquel  on  pourrait  tendre,  en  Tachetant  à  un  prix  si 
•cher,  lui  manque  dans  la  plupart  des  cas.  Elle  est  exemplaire,  nous  dit  le  Par* 
lement  anglais,  pour  ceux  qui  tiennent  au  sol,  pour  ceux  que  leurs  habitudes, 
leurs  affections,  leur  famille  y  rattachent  et  y  lient  impérieusement  ;  c'est-à* 
•dire  elle  est  exemplaire  pour  la  classe  de  la  population  du  sein  de  laquelle  le 
crime  ne  sort  que  rarement  et  par  accident.  Quant  à  ceux  de  qui  les  crimes 
sont  fréquents,  quant  à  ceux  avec  qui  la  société  est  en  état  permanent  de 
garde  et  d'hostilité,  loin  d'être  un  moyen  d'épouvante,  elle  est,  le  fait  est  bien 
constaté,  ou  un  sujet  d'indifférence,  ou  bien  de  désirs  coupables. 

Jje  n'entends  pas  dire,  sans  doute,  que  l'organisation  actuelle  de  notre  péna* 
lité,  que  le  système  des  bagnes  et  des  maisons  de  force  soit  le  dernier  degré 
de  perfection  en  matière  de  peines;  ce  système  est  bien  loin  de  répondre  aux 
exigences  que  l'humanité  et  la  raison  commandent.  Mais  chercher  un  correc- 
tif à  ce  système  dans  l'introduction  difficile,  dans  l'établissement  peut-être 
impossible  d'une  déportation  réellement  effectuée,  c'est  aller  acheter  à  grand 
prix,  à  grand  hasard,  un  remède  qui  ne  fera  peut-être  qu'augmenter  le  mal. 

Néanmoins  ces  critiques,  reproduites  par  d'autres  criminalistes,  n'ont  pas 
-empêché  ie  législateur  de  tenter  un  nouvel  essai  d'application  de  cette  peine» 

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ME  LA  MORT  CIVILS  (aRT.    18).  77 

Nons  ayons  déjà  tu  (suprà),  o»  49,  que  la  loi  du  8  juin  4850  ayait  remplacé  la 
peine  de  mort,  abolie  en  matière  politique,  par  la  déportation,  de  n'était  là 
tontefoia  qn^nne  application  partielle  de  cette  peine;  mais  le  décret  da 
27  mars  1852  et  la  loi  du  30  mai  1854  en  ont  fait  une  application  générale  en 
déclarant  que  la  transportatîon  à  la  Guyane'  française  et  depuis  dans  la  Ga- 
lédonie  serait  désormais  un  mode  ordinaire  d'exécution  de  la  peine  des  tra^ 
Taux  forcés.  Cette  transporta tion  est  une  mesure  imitée  au  fond  de  la  lé<- 
glslation  anglaise,  bien  que  le  législateur  n'ait  pas  emprunté  les  dernière» 
améliorations  apportées  récemment  par  celte  législation  dans  son  oi^ganiBa*' 
tion.  La  loi  du  30  mai  1854  se  borne  à  ordonner  la  transportatîon  à  la 
Guyane  des  condamnés  aux  trayanx  forcés,  de  les  assujettir  a«x  trayaux  de 
la  colonisation  et  d'établir  en  principe  qu'ils  pourront  obtenir  des  oonoessiona 
de  terrains  après  ayoir  subi  leur  peine. 

Aux  termes  de  l'art.  i«'  de  cette  loi,  cette  peine  doit  être  subie  à  l'avenir 
dans  des  établissements  créés  sur  le  territoire  d'une  ou  de  plusieurs  possessions 
françaises  autres  que  l'Algérie.  Les  art.  2  et  S  portent  que  c  les  condamnés 
seront  employés  aux  travaux  les  plus  pénibles  de  la  colonisation  et  à  tons 
autres  travaux  <i'utili té  publique.  Ils  pourront  être  enchaînés  deux  à  deux  et 
assujettis  à  traîner  le  boulet  à  titre  de  punition  disciplinaire,  ou^par  mesure 
de  sûreté.  >  Les  femmes  condamnées  aux  travaux  forcés  pourront,  aux  termes 
de  l'art.  4,  être  conduites  dans  un  des  établissements  créés  aux  colonies;  elle» 
seront  séparées  des  hommes  et  employées  à  des  travaux  en  n^ori  avec  leur 
âge  et  leur  sexe.  L'art.  6  déclare  que  «  tout  individu,  condamné. à  moins  de 
huit  années  de  travaux  forcés,  sera  tenu,  à  l'expiration  de  sa  peine,  deiésîder 
dans  la  colonie  pendant  un  temps  égal  à  la  durée  de  sa  condamnation.  6i  la 
peine  est  de  huit  années,  il  sera  tenu  d'y  résider  toute  sa  vie  «.  L'art.  10 
ajoute  que  c  tous  crimes  et  délits  commis  par  les  condamnés  seront  jugés  par 
un  tribunal  maritime  spécial,  établi  dans  la  colonie.  »  L'an.  1*' autorise  lego«- 
vemement  à  accorder  aux  condamnés  :  1*  la  permission  de  travailler,  soit 
pour  les  habitants  de  la  colonie,  soit  pour  Tadminisr ration  locale  ;  %^  une 
conceseion  de  terrain  et  la  faculté  de  le  cultiver  pour  leur  propre  compte.  Las 
comptes  rendus  publiés  en  1867  et  1869  de  la  première  application  de  ce 
nouveau  mode  d'exécution  de  la  peine  des  travaux  forcés,  attestent  toutes  les 
difficultés  qui  l'ont  entravée.  L'administration  de  la  marine  termine  son  der- 
nier rapport  en  ces  termes  :  «  Dans  les  deux  colonies,  la  moraiisatîon  des  con- 
damnés fait  des  progrès  réels.  A  la  Guyane,  la  transportatioa,  éprouvée  par 
Les  maladies  et  par  les  mécomptes  de  la  production,  est  dans  une  situation  qui 
conseille  une  grande  prudence.  A  la  Nouveils-Calédonie,  les  résultats  acquis 
permettent  d'espérer  que  la  col(Miisation  pénale  pourra  se  développer  avec  des 
ehances  sérieuses  de  succès.  > 

62.  A  Anr.  18.  Les  condamnations  aux  travaux  forcés  à  perpétuité  et  à  la  dôpor-> 
tation  emporteront  mort  civile.  (Abrogé  par  la  loi  du  31  mai  1854.) 

«  Néanmoins  le  gouvernement  pourra  accorder  au  condamné  à  la  déportation 
l'exercice  des  droits  civiU  ou  de  quelques-uns  de  ces  droits.  (Modifié  par  la  loi  du 
8  juin  1850.)  » 

L'art»  18  forme,  vous  le  voyez,  une  sorte  d'appendice  aux  art.  22,  23  e^ 

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78      CINQ.  LEÇ.  —  DES  PEINES  EN  MAT.  CRIM.  —  LIV.  I.  CHAP.  I   (n®  54). 

du  Gode  civil.  Le  Gode  civil  n'avait  attaché  la  mort  civile  qu'à  la  condamna- 
tion à  la  mort  naturelle,  en  annonçant  que  la  mort  civile  pourrait  sans  doute 
résulter  plus  tard  d'autres  condamnations»  mais  que  :  1<>  ces  condamnations 
devraient  être  afflictives  et  perpétuelles;  2*  qu'il  faudrait,  de  plus,  que  la  loi 
y  attachât  formellement  cet'  effet  En  effet,  l'art  18  attache  précisément  la 
mort  civile  aux  seules  condamnations  afflictives  et  perpétuelles  que  recon- 
naisse le  droit  pénal  français  :  peine  de  mort  naturelle,  peine  de  travaux  forcés 
à  perpétuité,  peine  de  la  déportation  :  telles  sont  les  condamnations  qui  em- 
portaient mort  civile. 

Je  n'ai  point  à  entrer  dans  l'examen  des  faits,  dansledétail  des  textes  relatifs 
â  rétendue  de  la  mort  civile,  qui  d'ailleurs,  ainsi  que  je  le  dirai  plus  loin,  a  été 
4d>rogée  par  la  loi  du  31  mai  1854.  L'art.  25  du  Gode  civil  déterminait  quelles 
sont  les  conséquences  de  la  mort  civile,  ou  plutôt  en  quoi  elle  consistait.  £n  ef- 
fet, la  mort  civile,  bien  qu'appartenant  par  son  principe  au  droit  pénal,  appar- 
tient, du  moins  par  son  organisation,  par  sa  description,  au  Gode  civil.  Aussi 
ne  m'attacherai-jepointà  discuter  ici  des  questions  qui  vous  ont  été  présentées, 
détaillées  sous  l'art.  25.  Le  seul  point  qui  doive  nous  occuper  est  d'examiner 
d'un  peu  plus  haut  quelle  est  la  nature,  quelle  est  la  portée,  quel  est  le  mérite 
de  cette  peine  de  la  mort  civile,  qui,  bien  qu'aujourd'hui  abolie  (Voy.  n®  57), 
conserve,  au  point  de  vue  historique,  un  véritable  intérêt. 

53.  Toutefois,  avant  d'entrer  dans  cet  examen,  une  objection  se  présente 
contre  les  mots  mômes  que  je  viens  d'employer,  c'est  cette  règle  ou  ce  prin- 
cipe souvent  répété  :  que  la  mûrt  civile  n'est  pas  une  peîne:  c'est  une  règle  qu*on 
invoque  assez  souvent  dans  l'explication  des  matières  du  Gode  civlL  U  y  a  dans 
ces  mots  une  équivoque,  une  ambiguïté  dont  il  est  important  de  nous  défier. 

La  mort  civile  n'est  pas  une  peine,  dit-on;  c'est  un  état,  c'est  une  consé- 
quence, c'est  le  résultat  légal  et  nécessaire  de  certaines  condamnations.  Quand 
on  emploie  ce  langage,  veut- on  dire  que  la  mort -civile,   ne  consistant  pas, 
«omme  la  plupart  des  peines  proprement  dites,  dans  un  fait  d'exécution  di- 
recte; physique,  matérielle  sort  par  là  même  de  certaines  règles  tracées  pour 
ies  peines  proprement  dites  ?  Gela  est  vrai.  Ainsi,  vous  voyez  dans  l'art.  32  du 
Oode  civil  que  la  prescription  de  la  peine  ne  réintègre  pas  le  condamné  dans 
€es  droits  civils  pour  l'avenir,  en  d'autres  termes,  que  la  prescription  de  la 
peine  n'entraine  pas  pour  le  condamné  prescription  de  la  mort  civile*  En  effet, 
la  mort  civile  ne  gft  point  dans  une  exécution  active  et  matérielle;  dès  lors  la 
prescription  contre  l'application  réelle  et  physique  de  la  peine  est  absolument 
indifférente  quant  à  la  question  de  mort  civile*  De  plus,  vous  ne  trouvez  pas 
dans  l'art.  7  la  mort  civile  classée  au  nombre  des  peines  :   autre  raison,  au 
moins  apparente,  pour  dire,  comme  on  le  foit  fréquemment,  quejla  mort  civile 
n'est  pas  une  peine.  Ajoutez  que,  lorsqu'une  cour  d*assisse  prononce  une  con- 
^damnation  à  mort,  aux  travaux  forcés  à  perpétuité  ou  à  la   déportation,  elle 
n'a  pas  à  prononcer  de  condamnation  à  la  mort  civile,  et  toujours  par  la  môme 
maison.  La  condamnation  une  fois  exécutée,  c'est  l'affaire  de  la  loi  de  faire 
<x>mmencer  la  mort  civile,  c'est  l'affaire  de  la  loi  de  faire  naître  directement 
-contre  le  condamné  les  incapacités  résultant  de  l'art.  25  du  Gode  civil.  Si  c'est 
•seulement  en  ce  sens  qu'on  veut  dire  que  la  mort  civile  n'est  pas  une  peine, 

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DB  LA  XORT  CIVILS  (aRT.  18).  79 

en  ce  sens  qa'elle  n'a  pa§  bemn  d'être  expressément  prononcée,  qu'elle  est  la 
conséquence  directe,  naturelle,  tacite  de  certaines  condamnations  exécutées, 
alors  l'expression  peut  être  vraie,  peut  être  exacte,  et  je  ne  répugnerais  pas  à 
l'employer. 

Mais  si  ces  expressions  :  La  mort  eMU  n'ést  pas  une  pHne,  devaient  être 
prises  à  la  lettre  et  dans  un  sens  absolu,  si,  entendues  ainsi,  elles  ne  pouvaient 
détourner  nos  yeux  de  Texamen  attentif  des  conséquences  graves  de  l'art  25, 
«e  serait  une  erreur  qu'on  ne  saurait  trop  déplorer.  En  effet,  la  mort  cirile 
n'est  pas  sans  doute  comprise  dans  l'énumération  pénale  des  art.  7  et  8  ;  mais 
l'exposition  publique  n'y  est  pas  comprise  non  plus,  et  personne  n'a  imaginé 
de  dire  que  l'exposition  publique  n'est  pas  réellement  une  peine.  Ni  l'expo- 
sition publique  ni  la  mort  civile  ne  figurent  dans  rénumération  des  peines 
criminelles,  parce  qu'elles  ne  sont  que  des  peines  accessoires,  secondaires  ; 
«lies  ne  sont  que  des  corollaires  plus  ou  moini^  nécessaires,  plus  ou  moins  in- 
dispensables de  certaines  condamnations  ;  ce  n'est  certainement  pas  parce  que 
dans  la  mort  civile  il  n'y  a  rien  de  pénal  qu'elle  est  omise  dans  l'art.  7  ;  c'est 
parce  que  la  mort  civile  n'est  jamais  prononcée  seule  et  directement  ;  c'est 
parce  qu'elle  résulte,  par  la  seule  puissance  de  la  loi,  de  quelque  antre  con- 
damnation. 

De  plus,  nous  voyons,  dans  l'art.  8,  la  dégradation  civique  rangée  au  nom- 
bre des  peines  ;  la  dégradation  civique  consiste  dans  la  déchéance  des  droits 
indiqués  dans  les  différents  paragraphes  de  l'art.  34  du  Code  pénal.  Or,  la 
dégradation  civique  est  une  peine,  l'art.  8  est  formel  à  cet  égard  ;  cette  peine 
consiste  dans  la  privation  partielle  des  droits  politiques,  civils  et  de  famille. 
Tous  ces  droits,  la  mort  dvile  les  enlève  également  à  celui  qu'elle  atteint  : 
maie  elle  lui  enlève  en  même  temps,  et  de  plus,  des  droits  bien  autrement 
chers,  des  droits  bien  autrement  précieux.  Gomment  donc,  en  reconnaissant 
que  la  dégradation  civique,  privation  partielle,  est  cependant  une  peine,  hési- 
ieraifr-on  à  dire  que  la  mort  civile,  privation  totale,  complète  et  étemelle,  est 
également  une  peine? 

Enfin,  en  sortant  même  des  textes,  demandoas-nous  qu'est-ce  an  fond  que 
punir,  qu'est-ce  qu'une  peine  ?  Punir,  c'est  enlever  un  bien,  c'est  infliger  un 
mal  en  vertu  d'un  certain  fait  et  pour  en  prévenir  le  retour.  Or,  dira-t-on  par 
iiasard,  que  m'enlever  ma  fortune  en  déclarant  ma  succession  ouverte,  que 
èriser  mon  mariage,  que  me  frapper  de  toutes  les  incapacités  détaillées  dans 
l'art  25,  dira-t-on  que  ce  n'est  pas  me  punir  ;  quand  on  le  fait,  d'une  part 
parce  qu'on  m'a  déclaré  coupable  d'un  grand  crime  et  qu'on  veut  me  cb&tier  ; 
d'autre  part,  parce  qu'on  veut  à  tout  prix  prévenir  par  l'effet  de  l'exemple  le 
renouvellement  d'un  pareil  crime  ? 

N'hésitons  donc  point  &  dire,  sans  condamner  absolument  cette  locution, 
«xacte  à  quelques  égards,  que  la  mort  civile  tCest  pas  une  peine,  n'hésitons  pas 
-à  dire  que,  dûis  le  sens  du  droit  pénal,  dans  la  matière  qui  nous  occupe,  la 
mort  civile  dont  parle  Tart.  48,  placé,  comme  vous  le  voyes,  sous  k  rubrique 
générale  dwpeînst  en  matière  erimineUe,  la  mort  civile  présente  un  caractère 
pénal  et  un  caractère  pénal  au  premier  chef. 

54.  Aussi  n'est-ce  pas  à  discuter  si  la  mort  civile  est  ou  n'est  pas  une  peine 

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80      CINQ.  LEÇ.  —  DES  PEINES  EN  MAT,  CRIM.  —  LIV.  I.  CHAP.    I.   (n®  46). 

que  nous  devons  nous  arrêter,  la  chose  est  trop  évidente  ;  ce  qui  doit  nous 
occuper,  c'est  de  chercher  quel  est  le  mérite,  quelle  est  Tutilité  de  celte  peine, 
ce  qu'on  peut  dire,  ou  pour  la  combattre,  ou  pour  la  justifier  ;  car  elle  est 
encore  de  celles  dont  le  mérite,  dont  l'approbation,  dont  l'utilité  sont  le  plus 
fortement  contestés.  Rappelons-nous  toujours  que  la  pénalité  doit  réunir  des 
qualités  sur  lesquelles  tous  les  criminalistes  à  peu  près  sont  d'accord,  non  pas 
en  ce  sens  que  toute  peine  doive  nécessairement  les  présenter  réunies,  mais 
en  ce  sens  qu'il  faut,  autant  que  possible,  tâcher  d*en  réunir  le  plus  grand 
nombre  dans  les  peines  que  l'on  établit.  Eh  bien,  nous  trouvons  dans  la  mort 
civile  vivement  et  fortement  attaquée,  la  plupart  des  inconvénients,  la  plupart 
des  défauts  que  chaque  peine  isolée  peutprésenter,  sans  rencontrer  en  balance, 
en  compensation  avec  ces  défauts,  des  qualités  suffisantes  pour  en  autoriser  le 
maintien. 

Ainsi,  1*  la  mort  civile  est  indivisible  ;  elle  n'est  pas  susceptible  de  plus  ou 
de  moins,  de  minimum  ou  de  mawvnum,  soit  quant  à  sa  durée,  soit  quant^à 
son  intensité.  L'indivisibilité  dans  une  peine  n'est  pas  sans  doute  par  elle- 
même  une  raison  péremptoire,  une  raison  «uffîsante  pour  la  rejeter  et  l'abolir  ; 
cependant  rindivisibilité  est  un  vice,  et  un  vice  reconnu  par  la  loi  ;  vous  en 
sentez  le  motif  :  c'est  que  la  culpabilité  varie  suivant  une  multitude  de  cir- 
constances que  le  législateur  ne  peut  p»s  saisir  et  déterminer  d'avance.  On  a 
donc  senti  le  besoin  de  laisser  aux  tribunaux  le  droit  de  proportionner,  au 
moins  dans  certaines  limites,  l'application  de  la  peine,  au  degré,  à  l'étendue 
de  la  culpabilité.  De  là  la  règle  du  minimum  ou  du  maaimum  introduite  dans 
le  Code  pénal,  règle  augmentée,  livorisée  enec»^,  en  1832,  par  la  nouvelle 
rédaction  de  l'art.  463.  Or,  il  est  clair  que  cette  possibilité  de  graduer,  de  varier 
l'application  et  l'étendue  de  la  peine,  dans  sa  durée  ou  dans  son  intensité, 
manque  absolument  en  matière  de  mort  civile,  qui  n'admet  ni  plus  ni  moins, 
qui  n'admet  pas  de  degrés. 

2<»  La  mort  civile  présente-t-elle,  en  échange,  en  compensation  de  ce  pre- 
mier désavantage,  la  qualité  d'être  égale  et  appréciable?  Cette  qualité  lui 
manque  encore,  elle  lui  manque  au  souverain  degré,  rien  de  plus  inappréciable, 
de  plus  inégal  que  l'application  d'une  pareille  peine.  Ainsi,  pour  tel  individu, 
déclarer  sa  succession  ouverte,  et  le  dépouiller  de  sa  fortune,  briser  son  ma- 
riage, établir  entre  lui  et  sa  famille  tous  les  obstacles  civils  créés  par  l'art.  25, 
multiplier  contre  lui  les  incapacités  de  toute  nature  détaillées  par  cet  article, 
c'est  à  coup  sikr  le  frapper,  je  ne  dis  pas  injustement,  je  ne  dis  pas  trop  forte- 
ment, mais  le  frapper  rudement,  cruellement.  Pour  d'autres^  au  contraire,  et 
tel  est  le  cas  du  plus  grand  nombre  de  ceux  sur  lesquels  a  porté  la  mort  civile, 
c'es  bien  la  plus  indifférente  et  lu  plus  légère  des  peines.  Pour  nombre  d'indi- 
vidus, pour  les  criminels  de  métier,  et  pour  ceux  avec  lesquels  la  lutte  sociale 
est  de  tous  les  instants  et  de  tous  les  jours,  déclarer  leur  succession  ouverte, 
leur  mariage  rompu,  les  frapper  de  l'incapacité  de  tester,  de  légnmr,  de  rece- 
voir, est  une  peine  qui  leur  est  parfaitement  indifférente,  si  indifiérente,  que 
la  plupart  d'entre  eux  vivront  et  mourront  sous  le  poids  de  ces  incapacités  sans 
se  douter  seulement  qu'ils  en  avaient  été  frappés  un  seul  instant.  Sous  ce  rap- 
port, elle  est  inégale,  inappréciable,  double  inconvénient  à  ajouter  à  celui  de 
son  indivisibilité. 


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.  UB  LA  MOBT  GITILB  (aRT.   18).  8f 

£Ue  m  préaeele  d'antres  eoeor*  :  ell»  eti  ia^rtonneile,  c'ett^à-dira  qa*eUe 
Dnippe,  non  pas  aenlement  dans  sesiéanltala  indirects,  dans  ses  conséquences 
&oigùè6B,  les  parents  de  celai  qui  s'est  rendu  coupable,  mais  qu'elle  les  frappe, 
ee  certains  cas,  immédiatement,  directement,  tout  aussi  rudement  que  le 
soiqMtUe  iai-mème.  Ainsi  déclarer,  comme  le  Hait  l'art*  25  du  Gode  civil,  que 
le  mariage  du  condamné  sera  dissous»  c*est  frapper  directement  et  d'un  coup 
absolument  égal,  et  le  condamné  et  son  conjoint*  Évidemment  ici  la  peine 
porte  à  la  fois  sur  deux  personnes,  Tune  coupable  et  grandement  coupable, 
l'autre  innocente  et  parfaitement  innocente.  Qu'une  condamnation  de  cette 
nature  autorise  à  demander  la  dissolution  du  mariage,  je  le  comprendrais  ai- 
sément; mais  qu'elle  rompe  le  mariage,  qu'elle  brise  forcément  les  liens  de 
Vèpoux  du  condamné,  c'est  là  ce  qui  se  comprend  et  qui  se  justifie  le  moins, 
lorsque  surtout  nous  songeons  que  l'une  des  peines  qui  conduisent  à  la  mort 
civile  est  chez  nous  la  déportation,  et  que  la  déportation  est  appliquée  à  un 
assez  grand  nombre  d'actes  que  le  déshonneur  et  l'infamie  publique  ne  pour- 
suivent pas.  On  ne  comprend  guère  comment  l'épouse,  par  exemple,  d'un  con- 
damné politique  ne  pourrait  pas,  si  bon  lui  semble,  conserver  les  liens  qui 
l'unissent  à  son  époux.  Cependant  l'art.  25  est  formel. 

Indivisibilité,  inégalité,  impersonnalité  de  la  peine,  ce  sont  là  sans  doute  de 
grands  défauts;  mais  est-ce  au  moins  ime  peine  morale?  est-ce  enfin  une 
peine  exemplaire?  Encore  deux  points  à  examiner  relativement  à  la  mort  civile. 
Est-ce  une  peine  bien  morale  que  celle  qui  partage  aux  enfants  la  dépoulUe 
anticipée  du  père?  J'ai  peine  à  le  conceyoir;  de  deux  choses  Tune  :  ou  les  en- 
fants répudieront  ce  triste  bienfait,  ou  ils  n'accepteront  qu'en  aj^rence  et 
pour  la  forme  la  succession  à  laquelle  la  loi  les  appelle,  et  feront  passer  à  leur 
père  condamné  et  frappé  de  mort  civile  les  revenus  que  cette  succession  pro- 
duira; la  loi  sera  éludée.  Ou  bien,  au  contraire,  ils' en  profiteront,  ils  s*en  ap- 
pliqueront le  bénéfice,  ils  se  regarderont  comme  héritiers,  comme  maîtres  ; 
ils  refuseront  à  leur  père  frappé  par  la  mort  civile  les  plus  légers  secours  sur 
les  biens  qu'ils  se  sont  partagés,  £t  je  demande  alors  comment  l'opinion,  com- 
ment la  conscience  publique  qualifierait  de  tels  faits;  je  demande  ce  que  c'est 
qu'une  peine,  ce  que  c'est  qu'une  loi  dont  Texécution  stricte  couvre  de  déshon- 
neur, de  réprobation,  celui  qui  s'en  prévaut. 

Enfin,  la  mort  civile  rachète-t-elle  au  moins  tous  ces  désavantages  par  l'a- 
vantage de  l'exemplarité?  a-t-eUe,  par  la  solennité  des  coups  qu'elle  inflige, 
cette  puissance  de  terreur  qui  garantit  à  tout  prix  la  société  contre  les  atten- 
tats qu'elle  redoute?  La  réponse  est  facile.  Je  n'imagine  guère  coomient  celui 
que  ni  la  peine  de  mprt  ni  les  deux  autres  peines  perpétuelles  n'auront  arrêté 
sur  le  chemin  du  crime,  je  n'imagine  guère  comment  il  reculera,  comment  il 
hésitera  à  l'idée  des  incapacités  que  prononce  l'art.  25.  Joignez-y  d'ailleurs 
que  ces  incapacités,  très*sensibles  pour  quelques-uns,  indifférentes  pour  la 
plupart,  peuvent  imposer,  sans  doute,  dans  quelques  cas,  à  celui  qu'elles  frap- 
pent, de  rudes  et  sévères  privations;  mais  ce  n'est  là  qu'une  peine  tout  à  fait 
négative,  qu'une  peine  tout  à  fût  invisible,  qui  ne  frappe  en  rien  le  public, 
qui  n'agit  pas  sur  les  yeux  de  la  masse;  ces  sonfifrances,  si  vives,  si  réelles 
qu'elles  puissent  être,  restent  quelquefois  inconnues,  obscures,  ensevelies,  et 
reflet  exemplaire  est  manqué. 

I.  *    ^ 

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92      8IZ.   LEÇ.  —  DBS  PBNJ»  SK  MAT.  CRIlf .  •*»   LIV.   I.   CHAP.   I  (n*   55). 

Pourquoi  donc,  e»  présence  de  toas  cet  ineanvémeats,  mainteBant  et  depuis 
assez  longtemps  peu  contestés,  a-t-on  persisté,  en  1810»  à  rétablir  dans  nos 
lois  la  peine  de  mort  civile,  car  nous  n'hésitons  pins  à  lai  appliquer  ce  nom? 
Pourquoi  surtout,  lorsqu'en  1832  œs  inconvénients  furent  présentés,  la  propo- 
sition laite  aux  Chambres  de  rayer  ces  incapacités»  de  supprimer  de  nos  lois  le 
nom  de  la  mort  civile  et  ses  effets;  pourquoi  cette  proposition  fut-elle,  non 
point  sans  doute  formellemen|  rejetée,  mais  indéOniment  ajournée  ?  Cest  à 
Fexamen  de  ces  questions  que  nous  consaorerons  la  première  partie  de  notre 
ffochaîne  leçon. 

SIXIÈME  LEÇON* 

66.  Nous  aTons  vu,  sur  Tart.  16,  combiné  avec  Part.  25  du  Gode  civil  dans 
quels  cas  et  par  suite  de  quelles  ccndamnations  la  mort  civile  est  encourue. 
Après  avoir  examiné  les  divers  sens  et  le  mérite  de  cette  assertion  vulgaire, 
que  la  mort  civile  nVst  point  une  peine,  nous  avons  cherché  quelles  sont  les 
qualités  bonnes  ou  mauvaises  que  peut  présenter  cette  peine  ou  cet  état  comme 
on  voudra  l'appeler.  Nous  avons  reproché  à  la  mort  civile  de  renfermer  en  elle 
la  plupart  des  inconvénients,  des  défauts,  des  vices  que  présentent,  isolés  l'un 
de  l'autre,  les  divers  genres  de  pénalités,  sans  compenser  ces  défauts  par  au* 
eune  espèce  d'avantage. 

t^'après  cela,  on  peut  être  étonné  de  voir  un  criminalîste  se  portant  Tapo* 
légiste,  le  défenseur  de  l'institution  de  la  mort  civile,  taxer  d'inconséquence 
les  jurisconsultes  qui,  regardant  comme  juste,  comme  politique,  comme  non 
contraire  &  la  morale  publique  la  peine  de  mort  naturelle,  prétendent  trouver 
tant  de  défauts  dans  la  peine  ou  dans  l'état  de  la  mort  civile.  Cette  inconsé- 
quence,  ce  reproche,  l'avons-nous  réellement  encouru?  8onl-ce  bien  deux 
opinions,  deux  doctrines  inconciliables,  que  celle  qui  admet  la  justice,  la  légi- 
timité de  la  peine  de  mort  naturelle,  celle  qui  repousse  au  contraire  la  peine 
ou  l'état  de  mort  civile?  La  réponse  est  bien  facile* 

Si  des  jurisconsultes  professent  à  la  fois  l'une  et  l'autre  doctrine,  défendent 
ou  admettent  la  légitimité  de  la  mort  natarelle,  tout  en  combattant  celle  de  la 
mort  civile,  la  raison  en  est  fort  simple  :  c'est  que  la  mort  naturelle,  nécessité 
qu^il  faut  sans  doute  subir  comme  condamnation  pénale,  présente  au  moins 
en  elle,  comme  compensation  à  ses  graves  défauts,  comme  réponse  aux  puis- 
santes objections  qui  l'attaquent, des  avantages  précieux  en  matière  de  pénalité. 
I^le  est,  avons-nous  dit,  une  peine  appréciable,  une  peine  aussi  égale  que  peut 
l'être  un  châtiment;  elle  est  au  saprème  degré  suppressiv^du  pouvoir  de  nuire, 
quant  au  coupable  qu'elle  atteint;  elle  est  enfin  au  suprême  degré  exemplaire, 
quant  aux  témoins  aux  yeux  desquels  die  est  appliquée.  Au  contraire,  rien 
de  tout  cela  dans  la  mortdvile,  inégale,  inappréciable  au  suprême  degré,  dans 
la  mort  civile  qui  ne  supprime  en  rien  le  pouvoir  de  nuire  dans  celui  qu'elle 
atteint;  qui  ne  diminue  en  rien  la  fiiculté  de  faire  le  mal,  en  augmente  au 
contraire  le  désir  et  la  volonté.  Elle  est  enfin  absolument  inexemplairè,  en  ce 
sens  que  les  souffrances,  que  les  tourments  qu'elle  impose  sont  purement 
négatife  et  n'ont  rien  qui  agisse  sur  la  multitude;  en  ce  sens  enfin,  avons* 
nous  dit,  que  la  mort  civile  n'étant  dans  le  droit  présent  que  la  conséquence 

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DB  UL  KKMIT  GtYlLB  (arT.    18).  83 

de  trotf  peines  fort  gravM  par  eUee-mémes,  il  est  impossihle  d'admettre  que 
celui  qni  ne  sera  pas  arrêté  deirant  la  pensée  d'une  de  ces  trois  peines,  puisse 
s'arrêter  ou  recider  datant  la  p«isée  de  la  conséquence,  devant  la  pensée  de 
la  mort  civile. 

56.  Qael  est  doue  le  motif,  c'est  &  ce  point  que  nous  nous  sommes  arrêtés, 
<inl,  soit  en  1803,  lors  de  la  discussion  du  projet  du  Gode  civil,  a  porté  le  légis» 
lateur  à  rétablir  la  mort  civile,  abolie  depuis  1791,  soit  en  1332  Ta  porté  à  re- 
pousser ou  à  i^onmer  la  proposition  faite  aux  Chambres  de  la  faire  disparaître 
de  nos  lois? 

Il  est  difficile,  je  crois,  de  trouver  rien  de  plus  léger,  de  plus  insignifiant,  de 
plus  futile  que  les  motifs  donnés  en  passant  au  conseil  d'État  pour  le  main- 
tien de  cette  peine.  Ce  n'est  pas  lors  de  la  rédaction  du  Gode  pénal  en  1808, 
^«e  Ja  question  s'est  agitée,  c'est  lors  de  la  rédaction  du  Gode  civil.  Toujours 
est*ii  que  le  motîfqui  en  1803  fit  emprunter  à  la  législation  romaine  la  peine, 
appelons-ia  désormais  de  ce  nom,  la  peine  de  la  mort  civile  jusque-là  abdie 
fut,  disait-on,  que  la  loi  ne  pouvait  pas  raisonnabl^aient  considérer  encore 
conmie  vivant  celtti  que  la  société  a  pour  toujours  retranché  de  son  sein;  d*où 
la  conséquence  que  toute  peine  perpétuelle  devait  faire  considérer  et  réputer 
mort  celui  qu'elle  atteignait  ;  et  que,  cette  fiction,  œtte  suppression  de  la  mort 
une  fois  admise,  le  législateur  et  le  jurisconsulte  n'avaient  plus  qu'à  en  dé* 
duireetà  en  appliquer  les  conséquences.  La  raison  se  refuse,  disait-on,  au 
eonseil  d'État,  à  ce  qu'aux  yeux  de  la  loi  soit  encore  réputé  vivant  celui  qu'une 
condamnation  perpétuelle  a  frappé.  G  est-à^dire  que  nous  voyons  ici  la  loi 
procédant  en  quelque  sorte  par  jeu  de  mots,  établir  une  pénalité  immense, 
as&ise  sur  une  fiction,  appuyée,  bâtie,  sur  une  métaphore;  et  ensuite  le  légis- 
lateur, dans  le  texte  de  l'art.  25,  a  déduit,  a  traduit  en  syllogisme  inflexible 
les  conséquences  de  ce  prétendu  axiome  qui  consiste  à  croire  et  à  dire  qu'un 
homme  plein  de  vie  est  un  mort 

6iau  moins  cette  logique  du  conseil  d'État  était  restée  d'accord  avec  elle- 
même;  si,  en  partant  de  cette  idée  déraisonnable,  qu'un  homme  vivant  doit 
être  réputé  mort,  on  y  était  resté  fidèle;  si,  s'attachant  toujours  à  faire  pro- 
duire à  la  fiction  dans  l'ordre  social  et  civil  les  conséquences,  les  effets  que 
produit  la  réalité  dans  l'ordre  physique  et  naturel,  on  avait  eu  soin  de  n'atta- 
cher ia  perpétuité  du  résultat  qu'à  la  perpétuité  de  la  cause,  le  mal  eût  été 
moindre.  Mais,  en  vous  reportant  au  chapitre  de  la  mort  civile,  vous  voyez 
aisément  que  ce  principe,  déjà  faux,  déjà  vicieux  en  lui-même,  a  été  aban- 
donné, violé  avec  autant  de  légèreté  qu'il  avait  été  admis  et  consacré.  Ainsi 
la  mort  civile  est  l'image,  la  fiction,  la  reproduction  de  ia  mort  naturelle  ;  d'où 
isL  conséquence  que,  la  mort  naturelle  étant  nécessairement  perpétuelle,  la 
mort  civile  ne  peut  et  ne  doit  être  la  conséquence  et  l'effet  que  d'une  peine 
perpétuelle  elle-même.  Voilà  le  point  de  départ  ;  et  cependant  jetez  les  yeux 
«ur  les  art.  29  et  30  du  Gode  civil,  vous  voyea  tout  de  suite  comment  ce  point 
de  départ  est  abandonné.  Ainsi  une  condamnation  a  éié  prononcée,  mais  par 
contumace,  à  l'une  des  trois  peines  auxquelles  le  législateur  a  attaché  celte 
conséquence  d'emporter  la  mort  civile;  les  cinq  ans  de  grâce  se  sont  écoulés  ;' 
à  l'expiration  de  ces  cinq  ans  la  mort  civile  est  eneenrue  :  plus  tard  le  con- 
damné reparait,  sa  comparution  dans  les  vingt  ans  suivie  d'uniScquittement 

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S4      SIX.   LEÇ.  —  DES  PEINES   EN  MAT.   GRIIT.   -*>  LIV.   I.    GHAP.   I  (n*  5ti). 

00  d'une  absolution  fait  tomber  la  condamnation  prononefte  contre  Inî,  et  fait 
évanouir,  à  compter  de  son  retour,  la  mort  civile  qui  résoiCait  de  cette  con- 
damnation. Mais  Tart.  30  ajoute  qne  le  jugement  conservera  pour  le  passé 
toutes  les  conséquences  que  la  mort  civile  avait  produites  depuis  l'expiration 
des  cinq  ans  jusqu'au  retour;  c'est-à-dire,  en  d'autres  termes,  qu'en  dépit 
dn  principe,  en  dépit  de  la  fiction,  malgré  Tassimilation  qui  a  servi  de 
point  de  départ,  on  admet  que  la  mort  civile  peut  cesser;  on  viole  ainsi 
l'analogie  sur  laquelle  on  s'était  fondé.  Ce  n'est  pas  moi  qai  viendrais  me 
plaindre  de  voir  la  mort  civile  cesser  pour  l'avenir,  lorsque  l'innocence 
de  celui  qu'elle  frappait  est  reconnue;  à  coup  sûr  un  tel  résultat,  si  incon- 
séquent en  luinmôme,  vaut  toujours  mieux  que  la  logique  poussée  à  ses 
dernières  conséquences,  si  elle  fût  allée  jusqu'à  dire  que  l'acquittement,  que 
Tabsolution  n'aurait  pas  pu  rendre  la  yie  civile.  Mais  voyez  comment  ce  résul- 
tat déjà  si  illogique,  si  inconséquent,  est  imparfiu t.  Ainsi  l'innocence  ducontu- 
(nax  revenu  après  les  cinq  ans  est  solennellement  proclamée,  la  plénitude  de  kk 
vie  civile  lui  est  restituée,  lui  est  rendue,  mais  seulement  pour  l'avenir;  c'est- 
à-dire  que  sa  succession  ouverte  ne  lui  est  pas  restituée  ;  que  son  mariage  dis- 
sous ne  se  renoue  pas  ;  que  ses  actes  nuls  ne  se  valident  point  ;  c'est-à-dire 
qu'une  cause  temporaire  a  produit  des  effets  définitifs;  c'est-à-dire  qu'une  pé- 
nalité sans  remède,  une  pénalité  irrévocable  se  trouve  maintenant  infligée 
à  un  homme  dont  l'innocence  a  été  soleanellmnent,  souverainement  proda* 
mée? 

Dira-t-on  que  les  conséquences  passées  de  la  mort  civile  doivent  peser  sur 
lui,  non  pas  comme  résultat  d'un  crime  dont  il  est  déclaré  innocent,  mais 
comme  résultat,  comme  peine,  comme  châtiment  de  sa  contumace?  Il  est  dair 
que  ce  raisonnement  ne  vaudrait  rien  :  d'abord  parce  que  la  contumace  peut 
être  un  fait  absolument  involontaire  de  la  part  de  celui  qu'une  procédure  crî- 
Qiinelle  a  frappé  en  son  absence  ;  en  second  lieu  parce  que,  quand  même  sa 
contumace  serait  volontaire,  quand  même  il  se  serait  dérobé  à  l'appel  de  la 
justice,  lorsqu'il  était  maître  de  venir  y  répondre,  c'est  là  un  fait  auquel  la  loi 
n'attache  pas  de  pénalité  propre,  c'est  là  un  fait  qui  serait  absolument  impunt 
s'il  s'agissait  dans  l'espèce  de  toute  autre  peine  qu'une  des  trois  peines  perpé- 
tuelles. 

Cependant  le  résultat  est  constant:  c'est-à-dire  que,  dans  ce  cas  de  con- 
damnation par  contumace  non  suivie  d'une  comparution  dans  les  cinq  ans  de 
l'exécution  par  efBgie,  la  mort  civile  a  produit  des  effets  irrévocables;  ce  qui 
évidemment  est  contraire  à  la  fois  et  à  la  logique,  même  en  admettant  le  prin- 
cipe sur  lequel  on  s'appuyait,  et  plus  encore  à  l'humanité  et  à  la  raison.  On 
pe  peut  certainement  pas  s'expliquer  pourquoi  un  homme  reconnu  innocent 
est  privé  sans  retour  de  sa  succession. 

Pourquoi  donc,  ces  résultats  bien  connus  et  bien  jugés,  n'a-t-on  pas  admis 
en  1832,  au  milieu  d'une  révision  de  détails  conçue  en  générai  dans  un  esprit 
extrêmement  sage,  la  proposition  faite  aux  Ghambres  de  supprimer  de  la  loi 
française  la  mort  civile  attachée  comme  conséquence  aux  trois  condamnations 
dont  nous  parlons?  Si  cette  proposition  n'a  pas  eu  de  suite,  ce  n'est  pas,  re- 
marquons-le bien,  que  l'institution  de  la  mort  civile  ait  trouvé  dans  le  sein 
des  Chambres  des  défenseurs  ostensibles  et  avoués;  mais  la  proposition  étani 

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DB  Lk  VOM  GIVILB  (aKX.    U).  85 

Jkite  à  propos  de  la  tévition  du  Code  pénal,  et  les  elfoU  de  la  mort  dvile  sa 
trouTaot  détorminés  noo  pas  dans  le  Gode  pénal,  mais  bien  dans  le  CSode  civile 
on  a  craint,  a-t-on  dit,  de  se  jeter,  i  propos  du  droit  pénal,  dans  les  détails 
d'one  matièro  qui  appartenait  plutôt  an  droit  civiL  On  a  opposé  que,  tont  en 
supprimant  le  titre  et  le  nom  de  mort  tivile,  ce  qui  était  à  coup  sur  très-aisé^ 
on  s'imposerait  la  nécessité  d*y  substituer  des  régies  plus  ou  moins  étendues 
pour  doniiner  Tétat,  la  position,  les  droits  du  condamné  qui  n'encourait  plus 
la  mort  civile.  En  un  mot,  on  n*a  pas  voulu,  &  propos  d'une  discussion  pure- 
ment péaale,  d'une  révision  qui  ne  s'appliquait  qu'au  droit  criminel,  on  n*a 
pas  voulu  empiéter  sur  les  matières  du  droit  civil  auxquelles  cette  proposition 
paraissait  plutôt  se  référer.  La  proposition  a  donc  été  plulét  ajournée  que  for- 
mellement repoussée.  Cependant  il  faut  remarquer  que  cette  objection  n'était 
pas  bien  forte.  Il  est  vrai  qu'en  fait,  le  chapitre  de  la  mort  civile  appartient 
actuellement  au  Gode  civil,  mais  l'institution  en  elle-même  appartient  à  la  fois 
et  an  droit  civil  et  au  droit  pénal;  il  n'y  aurait  pas  plus  d'inconvénients  que 
d'avantages  à  la  voir  réglée  par  l'un  que  par  l'autre  Gode.  Il  y  a  plus:  c'est 
qu'nne  peine,  moins  forte  sans  doute,  mais  assez  analogue  dans  son  principe 
à  celle  de  la  mort  civile,  je  veux  parler  de  la  peine  de  la  dégradation  dvi- 
que,  qui  consiste  à  infliger  au  coupable  des  incapacités  plus  ou  moins  éten- 
dues, que  cette  peine,  bien  qu'ayant  une  grande  influence  sur  l'application 
du  droit  civil,  est  cependant  déterminée,  réglée,  organisée  par  le  Gode  pénal. 
Yous  trouverez  dans  lart.  34,  et  de  même  dans  l'art.  42  du  Gode  pénal,  le  dé- 
tail d'incapacilés  qui  se  rattachent  au  droit  civil  par  leur  application  et  au 
droit  eriminel  par  la  pénalité,  par  leur  cause  et  leur  principe. 

Ainsi  Vioconvénient  était  assez  léger;  on  pouvait,  je  crois,  sans  empiéter 
d'une  matière  sur  l'antre,  sans  mêler,  sans  confondre  en  rien  la  distinction 
logique  des  deux  législations,  s'occuper  de  la  mort  civile  pour  l'abolir  et  pour 
y  substituer  les  dispositions  spéciales  que  cette  abolition  pouvait  nécessiter, 
on  pouvait,  dis-je,  s'en  occuper  sans  danger  à  propos  du  Code  pénal.  J'avoue 
que  j'aurais  mieux  aimé  voir  cette  abolition  prononcée  immédiatement,  voir 
les  dispositions  qu'elle  nécessitait  insérées  dans  le  Gode  pénal,  que  de  voir 
ajourner  ou  reculer  indéfiniment,  par  une  sorte  d'exception  dilatoire,  une  ré- 
forme qui  paraissait  urgente  et  dont  personne  même  ne  contestait  sérieuse- 
ment la  nécessité. 

57.  Les  observations  qui  paécèdent  ont  porté  leurs  fruits.  La  loi  du  9  juin  1650 
avait  déjà  aboli  la  mort  civile  appliquée  aux  condamnés  pour  crimes  politi- 
ques^ en  déclarant  que  c  en  aucun  cas,  la  condamnation  à  la  déportation 
n'emporte  la  mort  civile;  elle  entraîne  la  dégradation  civique.  »  La  loi  du 
31  mai  1854  a  généralisé  cette  abrogation.  En  voici  les  dispositions  :  c  Art.  i. 
La  mort  civile  est  abolie.  —  2.  Les  condamnations  à  des  peines  afflictives  per* 
pétuelles  emportent  la  dégradation  civique  et  Finterdiction  légale  établies  par 
les  art.  28,  29  et  31  du  Gode  pénal.  —  3.  Le  condamné  à  une  peine  afûictive 
perpétuelle  ne  peut  disposer  de  ses  biens  en  tout  ou  en  partie,  soit  par  dona- 
tion entre-vifs,  soit  par  testament,  ni  recevoir  à  ce  titre,  si  ce  n*est  pour  cause 
d'aliments.  Tout  testament  fait  par  lui  antérieurement  à  sa  condamnation 
contradictoire  devenue  définitive  est  nul.  Le  présent  article  n'est  applicab'^ 

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86      SIX.   L£Ç.   —  DES  nsINBS  EN  MAT.  GR11C.   *-*  LIV.   I.   CIUP.  I  (n""  58). 

au  condamné  par  contumace  que  cinq  ans  après  Texécntion  par  effigie.  — 
4.  Les  effets  de  la  mort  civile  cessent  pour  FaTenir  à  Tégard  des  condamnés- 
actuellement  morts  civilement,  sauf  les  droits  acquis  aux  tiers. 

On  doit  remarquer  que  Fart.  3  de  la  loi  nouvelle  a  ajouté  aux  incapacités 
de  la  dégradation  civique  et  de  Tinterâiction  légale,  la  prohibition  de  disposer 
de  ses  biens.  Cette  disposition  a  été  expliquée  en  ces  termes  dans  Fexposé  des 
motifs  :  «  Les  effets  civils  des  condamnations  perpétuelles  sont  déterminées  par 
•les  articles  2  et  3  ;  ils  consistent  dans  la  dégradation  civique,  Vétat  d'interdic- 
tion légale,  rincapacité  de  donner  ou  de  recevoir  soit  par  donation  entre-vifs^ 
soit  par  testament.  La  dégradation  civique,  incapacité  perpétuelle  qui  survit  à 
la  grâce,  dépouille  le  condamné  de  tous  droits  civils  et  politiques,  lui  enlèye 
les  prérogatives  de  la  famille  et  le  marque  d*une  tache  d'infamie  qui  ne  peut 
être  effacée  que  par  la  réhabilitation.  L'état  d'interdiction  légale  constitué  par 
les  articles  29  et  31  du  Gode  pénal  frappe  les  biens  et  la  personne  du  con- 
damné pendant  la  durée  de  sa  peine.  En  dehors  des  conséquences  de  la  mort 
civile  que  nous  avons  repoussées  comme  incompatibles  avec  notre  ordre  social 
et  nos  mœurs,  et  de  celles  qui  lui  sont  communes  avec  la  dégradation  civique 
et  rétat  d'interdiction  légale,  nous  n'avons  trouvé  que  trois  thèses  qui  pour- 
raient servir  de  base  à  un  régime  intermédiaire  :  la  déchéance  de  l'autorité 
maritale,  celle  de  la  puissance  paternelle,  l'interdiction  de  donner  et  de  rece- 
voir. A  l'égard  du  condamné  époux  et  père  de  famille,  au  moment  de  sa  con- 
damnation contradictoire  ou  par  contumace,  Tinterdiction  légale  ou  Tappli ca- 
tion qui  lui  est  faite  des  règles  sur  l'absence  paralysent  l'exercice  de  Fautorit'é 
conjugale  et  celui  de  la  puissance  paternelle.  8i  la  peine  est  entièrement  subie^ 
cette  suspension  du  droit  équivaut  à  une  iiHerdiction  absolue.  La  question  ne 
prend  donc  de  l'intérêt  que  dans  l'hypothèse  d'une  grftce.  Faut-il  que  le  graciô^ 
soit  privé  de  l'administration  de  ses  biens  et  de  la  double  autorité  que  la  loi 
et  la  nature  lui  ont  donnée  sur  sa  femme  et  sur  ses  enfants?  Mais  alors  sur 
quelles  personnes  déverser  ces  importantes  attributions  ?  Gomment  organiser 
cet  état  nouveau  sans  précédent  législatif,  que  la  science  du  droit  n'a  ni  élu- 
cidé ni  défini ?j  Ne  s'exposerait-on  pas  à  des  complications,  à  des  embarras  in- 
finis qui  auraient  pour  double  conséquence  la  destruction  de  l'harmonie  de 
nos  codes  et  l'introduction  d'un  étranger  dans  le  sein  de  la  famille  ?  Au  con- 
traire, l'interdiction  du  droit  de  disposer  ou  de  recevoir  à  titre  gratuit  consti- 
tuait une  incapacité  précise,  circonscrite,  d'une  application  facile  :  nous  n'avons 
point  hésité  à  vous  proposer  de  la  prononcer  et  nous  avons  reproduit  les  termes 
du  3»  paragraphe  de  l'art.  25  du  Gode  civ.  Droit  naturel  ou  droit  civil,  la  fa- 
culté de  disposer  à  titre  gratuit  est  bien  certainement  un  de  ces  droits  dont  la 
société  peut  dépouiller  sans  injustice  et  sans  cruauté  celui  qui  l'a  offensée  par 
un  crime  infâme.  Le  testament,  cet  acte  solennel  d'une  volonté  suprême,  qui 
substitue  ses  prescriptions  aux  lois  de  TÉtat,  peut-îl  être  imprudemment  aban- 
donné aux  inspirations  du  crime?  La  faculté  de  recevoir  ne  pouvait-elle  pas 
elle-même  devenir  un  bénéfice  d'infamie  ou  favoriser  d  audacieuses  eft  men- 
songères protestations  contre  l'autorité  de  la  chose  jugée  ?  L'article  3  n'est 
donc  qu'un  juste  hommage  rendu  à  la  plus  saine  morale.  » 

68.  Le  §  2  de  l'art.  18  modifie  un  peu  la  rigueur  du  paragraphe  premier  : 

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PB  LA  MORT  avfui  (art.  18).  87 

Néanmoins,  lyoate-i-il,  le  gouuemenunt  p9wrrm  aeoorder  au  eendamné  à  la  dé' 
forUUûm  i'êggereicô  des  droits  cwili  ùu  de  quelques-uns  de  ces  droits.  Ce  ^Miraf^- 
phe  est  an  pea  différeat  de  celui  que  oonleDait  le  Gode  de  1810  ;  il  eet  bon  de 
les  CQmiMtfer:  c  Néanmoins,  dieait  la  première  rédaction,  le  gontemement 
pourra  accorder  au  déporté,  dans  le  lieu  de  la  déportation»  l'exerciœ  des  droits 
civils,  on  de  qnelqnes-nns  de  ces  droits.  > 

Quel  était  en  1810,  dans  la  rédaction  primitive,  le  motif  de  cette  faculté  con- 
tenue dans  le  §  2  ?  On  se  berçait  alors  de  Fidée  de  réaliser  en  fait,  d'appliquer 
la  peine  de  la  déportation  que  le  Code  avait  prononcée.  On  songeait  sérieuse- 
ment dans  un  avenir  plus  ou  moins  prochain  à  purger  Vancien  monde  aux  dépens 
du  nouveau  :  c'était  Vexpression  dont  on  s*êtait  servi  dans  la  discussion  du 
conseil  d'État.  Dès  lors  on  avait  senti  qu'ayant  le  projet  de  coloniser  les  con 
damnés  à  la  déportation,  c'eût  été  un  mauvais  moyen  de  fonder  des  colonies, 
d'organiser  des  sociétés. nouvelles,  que  de  briser  à  l'avance  et  d*une  manière 
absolue  toata  possibilité  de  liens  de  famille;  qu'emp^her  entre  les  déportés 
toute  société  intérieure  et  civile,  base  de  toute  société  politique,  c'était  un 
mauvais  moyen  d'organiser  ces  colonies;  que  de  même  enlever  aux  déportés, 
considérés  comme  morts  civilement,  toute  possibilité  d'avoir  des  enfants  légi- 
times et  d'exercer  sur  eux  l'autorité  paternelle,  c'était  rompre  par  sa  base 
l'existence  des  sociétés  qu'on  espérait  fonder  par  la  colonisation  des  déportés. 
Aussi  réservait-on  au  gouvernement  le  droit  d'accorder  au  déporté  dans  le  lieu 
de  la  déportation  l'exercice  des  droits  civils  ou  de  quelques-uns  de  ces  droits. 

Jusqu'en  1832,  il  est  visible  que  ce  second  paragraphe  a  dû  rester  sans  exé- 
cution, aucune  condamnation  à  la  déportation  n'ayant  pu  emporter  mort 
civile;  toutes  les  condamnations  de  ce  genre  ayant  laissé  aux  coupi^les  qu'elles 
frappaient  la  plénitude  de  leurs  droits  civils,  cette  disposition  exceptionnelle 
et  secondaire  était  absolument  inutile. 

Au  contraire,  depuis  1832,  la  déportation  légalement  exécutée  par  une  dé- 
tention perpétuelle  emportant  la  mort  civile,  y  avait-il  lieu  d'appliquer  le 
§  2  ?  le  gouvernement  pouvait-il,  aux  termes  de  ce  paragraphe,  accorder  au 
condamné,  dans  le  lieu  de  sa  détention,  l'exercice  des  droits  civils  ou  de  quel- 
ques-uns de  ces  droits  ?  A  ne  considérer  que  le  texte  primitif,  on  aurait  pu  en 
douter;  car  la  raison  qui,  en  1810,  avait  dicté  cette  exception  ne  se  présente 
plus  en  1832,  puisque  la  déportation  ne  pouvait  plus  s'exécuter  de  fait  et  réelle- 
ment ;  puisque  Tart.  17  interdisait  quant  à  présent  toute  tentative,  tout  essai 
de  colonisation  pénale,  on  ne  voyait  pas  une  grande  utilité  à  conserver  ou  à 
restituer  partie  des  droits  civils  aux  condamnés  détenus  dans  l'intérieur  d'une 
forteresse.  Cependant  il  n'est  pas  douteux  que  cette  faculté  n'appartienne  en- 
core au  gonvemement,  bien  que  rintérèt  en  fût  infiniment  moindre.  C'est  la 
raison  du  changement  qui  a  été  fait  et  qui  n'a  pu  être  fait  que  dans  ce  but  à 
la  rédaction  de  l'art.  18. 

Le  deuxième  paragraphe  de  l'art.  18  se  trouve  d'ailleurs  remplacé  par  l'ar- 
ticle 4  de  la  loi  du  31  mai  1854  ainsi  conçu:  Le  gouvernement  peut  relever 
le  condamné  à  une  peine  afflictive  perpétuelle  de  tout  ou  partie  des  incapa- 
dtéa  prononcées  par  ^article  précédent.  Il  peut  lui  accorder  l'exercice  dans  le 
lieu  d'exécution  de  la  plénitude  des  droits  civils  ou  de  quelques-uns  de  ces 
droits,  dont  il  a  été  privé  par  son  état  d'interdiction  légale.  Les  actes  faits  pw- 

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88     SIX.   LBÇ.  —  DES  PEKNB8  B!f  HAT.   CMÎU.  ~  UV.  I.   CHAP.  I  (m*  60). 

le  condamné,  dans  le  lieu  d'exécntion  de  la  peine»  ne  peuvent  engager  les 
biens  qu'il  possédait  au  jour  de  sa  condamnation,  ou  qui  lui  sont  échus  à  titre 
gratuit  depuis  cette  époque.  »  Gettedisposition  ne  s'applique  pas  aux  condamnés 
à  la  déportation,  pour  crimes  commis  antérieurement  à  sa  promulgation:  il 
faut  dans  ce  cas  se  référer  à  l'art.  3  de  la  loi  du  8  juin  1850. 

69.  Les  art.  19,  20  et  21  ne  demandent  que  fort  peu  de  détails. 

L'art.  19  Gxe  la  durée  légale  ou  civile  de  Tune  des  condamnations  tempo- 
raires, c'est-à-dire  de  la  condamnation  aux  travaux  forcés  à  temps.  Le  minir 
mum  est  de  cinq  ans  et  le  maximum  de  vingt  ans.  C'est  dans  cette  limite  que  les 
cours  d'assises  pourront  et  devront,  selon  les  circonstances,  les  antécédents, 
les  habitudes,  la  moralité  du  condamné,  faire  varier  la  condamnation.  Nous 
reviendrons  plus  tard  sur  les  motifs  qui  ont  dicté  cette  théorie  générale  de 
fixation  d'un  minimum  et  d'un  maximum. 

60.  J*ai  déjà  parlé,  sur  Tart  7,  de  la  peine  introduite  en  1832  sous  le  nom 
de  détention,  peine  intermédiaire  entre  celle  des  travaux  forcés  à  temps  et 
celle  de  la  réclusion.  Il  est  évident  que  la  peine  de  la  détention  est  moins  sé- 
vère, est  moins  rude  que  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps;  elle  ne  suppose 
ni  le  séjour  flétrissant  dans  l'intérieur  d'un  bagne,  ni  l'obligation  des  travaux 
prescrits  par  Part.  15;  elle  suppose  simplement  pour  le  condamné  qu'elle  a 
frappé  le  séjour  dans  une  forteresse  avec  pleine  liberté  de  communiquer,  soit 
dans  l'intérieur,  soit  avec  les  personnes  du  dehors;  pleine  liberté  consacrée 
par  l'art.  20  en  principe,  sauf  aux  règlements,  aux  ordonnances  à  en  détermi- 
ner l'usage.  Mais  il  est  clair  que  ces  règlements,  ces  ordonnances  seraient  en 
contradiction  formelle  avec  l'art.  20,  si,  ne  se  bornant  pas  à  assujettir  la  com- 
munication du  condamné  avec  sa  famille  ou  ses  amis  aux  précautions  de  po- 
lice ou  de  surveillance  nécessaires,  on  allait  lui  interdire  ces  communications, 
ces  visites,  sous  un  prétexte  imaginaire  de  police  et  de  sûreté.  Le  texte  de  Tar- 
ticle  20  est  formel  à  cet  égard  et  ne  laisse  pas  de  doute  : 

a  Abt.  20.  Quiconque  aura  été  condamné  à  la  détention  sera  renfermé  dans  Tune 
des  forteresses  situées  sur  le  territoire  continental  du  royaume,  qui  auront  été  dé- 
terminées par  une  ordonnance  du  roi,  rendue  dans  la  forme  du  règlement  d'admi 
nistration  publique.  » 

Ces  derniers  mots  indiquent  un  décret  discuté  et  arrêté  en  Conseil  d'État, 
c'est  le  sens  que  présentent  dans  nos  lois  ces  expressions  qui  s*y  trouvent  as- 
sez fréquemment  répétées. 

§  2.  Il  communiquera  avec  les  personnes  placées  dans  rintérieur  du  lieu  de  la 
détention  ou  avec  celles  du  dehors. 

Yoilà  le  principe,  voilà  une  des  circonstances  qui  distinguent  essentiellement 
ce  cas  de  condamnation  de  celui  des  travaux  forcés  à  temps,  et  même  de  la 
réclusion. 

Conformément  aux  règlements  de  police  établis  par  une  ordonnance  du  roi. 
On  comprend  très-biev  a  nécessité  de  ces  règlements  en  ce  qui  touche  les 


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MB  .LA  DÈTSMTION  Wt  hM  UL  HÉCLimON  (aRT.   tï).  89 

hevNf  aaxqneiia»  U  sera  pemis-de  pénétrer  dans  la  forteresse»  mais  ces  règle- 
ments 06  penvenl,  soas  aucun  prétexte,  porter  atteinte  au  principe  par  lequel 


§  3.  La  détention  ne  peut  ôtre  prononcée  pour  moins  de  cinq  ans  ni  pour  plus 
de  vingt  ans,  sauf  le  cas  prévu  par  Tort.  33.  » 

n  s'agit  dans  l'art.  33  du  cas  d*un  condamné  au  bannissement;  on  y  déclare 
que  le  banni  qui,  avant  l'expiration  de  sa  peine,  sera  rentré  sur  le  territoire  du 
royaume,  sera  condamné  à  la  détention  pour  un  temps  au  moins  égal  au  temps 
de  bannissement  restant  à  courir,  et  qui  ne  pourra  en  excéder  le  double. 
Uexamen  de  cet  article,  le  rapprochement  qui  s'ensuit  doit  nous  conduire  à 
limiter  un  peu  le  sens  que  paraîtrait  présenter  la  lettre  de  notre  g  3.  On  nous 
dit  :  La  détention  nepeut  être  prononcée  pour  moins  de  cinq  ans  ni  pour  plusdevingt 
ans,  sauf  le  cas  prévu  par  Vart,  33.  Notez  bien  que  cette  exception  résultant  de 
fart.  33  ne  s'applique  qu'au  minimum,  et  non  point  au  maakmum  de  la  peine  ; 
que  le  texte  de  l'art.  33  ne  peut  jamais  avoir  pour  résultat  d'entraîner  contre 
un  banni  qui  a  rompu  son  ban  une  condamnation  supérieure  à  vingt  ans  de 
détention.  £n  effet,  le  minimum  du  bannissement  étant  de  cinq  ans,  et  le 
maximum  de  dix  ans,  il  est  certain  que  le  double  de  la  peine  du  bannissement 
ne  peut  jamais  mener  à  une  détention  de  plus  de  vingt  ans  ;  mais  il  est  pos- 
sible qu'un  banni  reparaisse  sur  le  territoire  du  royaume,  ayant  encore  un  an^ 
deux  ans,  un  mois,  deux  mois  de  bannissement  à  subir  ;  alors  il  devra  être 
condamné  à  la  détention  pour  un  temps  au  moins  égal  à  celui  qui  restait  à 
courir,  c'est-à-dire  à  un  mois,  à  deux  mois,  à  un  an,  à  deux  ans  de  détention, 
ou,  au  plus,  à  un  temps  double  ;  c'est-à-dire  qu'il  pourra  résulter,  de  la  dispo- 
eition  de  l'art.  33,  que  les  cours  d'assises  prononceront  une  condamnation  à  la 
détention  inférieure  à  cinq  ans,  mais  non  pas  qu'elles  prononceront  dans  au- 
cun cas  une  condamnation  à  la  détention  supérieure  à  vingt  ans. 

Toutefois,  il  faut  encore  ajouter  à  cette  limite  du  maximum  de  la  peine  éta- 
blie par  l'art.  20,  comme  à  celle  de  l'art.  19,  les  dispositions  de  l'art.  36,  pour 
le  cas  de  récidive.  Nous  verrons  que  la  circonstance  de  récidive,  au  moins  dans 
certaines  hypothèses,  autorise  à  appliquer  les  peines  criminelles  dont  nous 
nous  occupons  bien  au  delà  du  maximum  que  la  loi  détermine  ici  ;  mais  c'est 
là  on  cas  tout  particulier. 

61*  «  Abt.  21.  Tout  individu,  de  l'un  ou  de  l'autre  sexe,  condamné  à  la  peine 
de  la  réclusion,  sera  enfermé  dans  une  maison  de  force  et  employé  à  des  travaux 
dont  le  produit  pourra  être  en  partie  appliqué  à  sou  profit,  ainsi  qu'il  en  sera 
réglé  par  le  gouvernement.  La  durée  de  cette  peine  sera  au  moins  de  cinq  années, 
et  de  dix  ans  au  plus.  » 

Nous  ivenona  de  comparer  la  peine  de  k  détention,  à  la  peine  des  travaux 
forcés  à  tempe  ;  noua  avons  va  que  la  première  est  infiniment  plus  douce,  com- 
parée à  la  peine  de  la  réclusion,  qui  la  suit  immédiatement  dans  le  texte  de 
l'art.  7,  elle  présente  un  peu  plus  de  difficulté,  non  pas  qu'il  y  ait  là  d'obstacle 
ou  d'embarras  sérieux^  mais  cependant  il  arrive  assez  souvent  d'entendre  dans 
vos  examens  confondre  l'une  avec  l'autre,  ou  du  moins  très^mal  séparer  cea 
deux  peines;  la  nuance  est  cependant  fiunle  à  établir. 


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90     SIX.  L9Ç.  —  DES  PSOTES  JW  MAT.  GUlf.  —  LIT.  J,  OHAF.   I  (n*  61). 

.  En  générai,  quand  on  deœuido  la  différence  entre  la  peine  de  ht  détention, 
dont  s'occupe  Tart.  20,  et  celle  de  la  réoUuRon,  dont  s'ooenpe  l'art.  21,  la  ré* 
pense  est  celle-ci  :  c'est  que  le  maximum  de  la  détention  est  de  vingt  an% 
tandis  que  le  maximum  de  la  réclusion  n'est  que  de  dix  ans,  aux  termes  de 
l'art.  21.  Le  fait  est  vrai  ;  mais  si  c*était  là  le  seul  caractère  de  différence  entre 
la  détention  et  la  réclusion,  il  serait  impossible  de  s'expliquer  pourquoi,  en 
1832,  on  a  introduit  dans  la  loi  la  peine  de  la  détention.  En  effet,  si  on  avait 
Tonlu  seulement  constituer  une  peine  autre  que  celle  des  travaux  forcés  à 
temps,  et  dont  le  maximum  pût  aller  jusqu'à  vingt  ans,  il  aurait  suffi  de  dé- 
clarer que  la  réclusion,  conservant  cinq  ans  pour  minimum,  pourrait  avoir 
vingt  ans  pour  maximum;  il  n'aurait  pas  fallu  pour  cela  créer  une  dénomina* 
tion  et  une  exécution  toute  nouvelle.  Aussi  cette  différence  est-elle  toute  se* 
condaire  et  de  fort  peu  d'importance  ;  la  peine  de  la  détention  en  effet  peut 
être  plus  dure  que  celle  de  la  réclusion,  en  ce  qu'elle  peut,  à  la  différence  de 
l'autre,  s'élever  jusqu'à  vingt  ans.  Mais,  sous  plusieurs  autres  rapports,  la  peine 
de  la  détention  est  d'une  nature  plus  douce  que  celle  de  la  réclusion  ;  en  un 
mot,  elle  peut  être  plus  sévère,  plus  forte  dans  sa  durée  ;  elle  est  toii^^urs 
moindre  dans  son  intensité,  dans  son  application  pénale  actuelle. 

Ainsi  la  peine  de  la  réclusion  suppose,  comme  celle  des  travaux  forcés, 
obligation  de  travail  et  interdiction  de  communiqner  ;  au  contraire,  la  peine 
de  la  détention  ne  suppose  ni  l'une  ni  l'autre. 

La  peine  de  la  réclusion  suppose  le  séjour  dans  une  maison  de  force,  au  mi- 
lieu de  tous  les  criminels  que  l'opinion  repousse  et  flétrit  ;  il  en  est  autre- 
ment de  la  détention. 

Enfin,  et  c'est  ici  la  principale  différence,  la  peine  de  la  réclusion,  aux  termes 
de  l'art.  22,  entraînait,  au  moins  en  principe,  l'exposition  publique  dont  nous 
allons  nous  occuper,  conséquence  qui  ne  pouvait  jamais  s'attacher  à  la  peine 
de  la  détention. 

En  d'autres  termes,  la  peine  de  la  détention^  quoique  rangée  légalement  an 
nombre  des  peines  afflictives  et  infamantes,  n'entraîne  pas  cependant  les  effets 
de  ces  peines,  cette  nature  et  ce  degré  d'infamie  qui  s'attachent  toujours  né- 
cessairement à  la  peine  de  la  réclusion,  à  cause  des  faits  pour  lesquels  elle  a 
été  constituée. 

Le  motif  qui  n'a  pas  permis  d'appliquer  à  la  détention  la  conséquence  de 
l'exposition  publique,  qui  n'a  pas  permis  de  confondre  dans  l'intérieur  d'une 
maison  de  force  les  condamnés  à  la  détention  avec  lee  condamnés  ordinaires^ 
est  précisément  que  la  peine  de  la  détention  a  été  introduite  en  vue  de  crimes 
politiques,  auxquels  les  condamnations  ordinaires  et  le  mode  d'exécution  ha- 
bituel avaient  paru  tout  à  fait  inapplicables.  De  môme  que  la  morale  et  la  con- 
science ne  confondent  jamais  les  uns  avec  les  antres  les  anteurs  de  ces  crimes, 
que  la  loi  doit  punit  tous,  mais  qu'il  est  impossible  de  raettue  svr  le  même 
rang,  de  même,  on  a  voulu  coastitner  dans  la  pénalité,  appliquer  à  chaque 
classe  de  crimes  une  peine  différente  :  aux  crimes  privés,  aoz  crimes  ordi- 
naires, la  peine  de  la  réclusion  est  appliquée;  pour  ces  crimes  politiques  contre 
lesquels  il  faut  bien  se  mettre  en  garde,  mais  qu'il  est  impossible  de  confondre 
avec  les  autres,  on  a  senti  le  besoin  d'instituer  une  pénalité  toute  spéciale  ; 
c'est  dans  ce  but  qu'a  été  introduite  et  organisée  la  peine  de  \m  détention* 

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»E  L'BXFOBITiOlf  PVBUOOB  (aHT.  tt).  91 

Aîflsj  tfpHqmiÊ'ywam  à  ne  ]ms  eonfcmdra  la  déUmtîoii»  non-Benlenient  dan» 
sa  dwrée,  où  la  âialinetioii  est  faoile,  mais  assez  insignifiante,  mais  dans  son 
îBtensité  et  dam  sa  aatafe,  a^ree  la  peine  de  la  rédusion,  qui  s'exécute  toni 
difléremaent,  parce  qu'elle  s'appliqae  à  «ne  nature  de  crimes  tout  à  fait  dif* 
lérents. 

68.  Une]  conséqaenoe  œmmane  anx  tceis  peines  qoi  précèdent,  traTanz 
forcés  à  temps,  détention  et  réclosion,  c'est  la  snrveiUance  de  la  hante  police 
après  rexpiratioa  de  la  peine,  anx  termes  de  Tart.  47,  que  nous  expliquerona 
en  son  lien. 

63.  L'art.  22,  henreosement  abrogé  a^nrdliai,  demande  pins  de  détails; 
nons  voulons  expliquer  les  changements  qu'il  a  éprouvés  dans  la  législation 
de  1832. 

«  Aat.  22.  Quiconque  aura  été  condamné  à  l'one  des  peines  des  travaux  forcés 
é  perpétuité,  des  travaux  forcés  à  temps  ou  de  la  réclusion,  avant  de  subir  sa 
peine,  demeurera  pendant  une  heure  exposé  aux  regards  du  peuple  sur  la  place 
publique.  Au-dessus  de  sa  tête  sera  placé  un  écriteau  portant,  en  caractères  gros- 
et  lisibles,  ses  noms,  sa  profession,  son  domicile,  sa  peine  et  la  cause  de  sa  cou- 
damnation.  —  En  cas  de  condamnation  aux  travaux  forcés  à  temps  ou  à  la  rédu- 
sien»  la  cour  d'assises  pourra  ordonner,  par  son  arrêt,  que  le  couds mné,  s'il  n'est 
pas  en  état  de  récidive,  ne  subira  pas  l'exposition  publique.  —  Néanmoins»  Tex- 
position  publique  ne  sera  jamais  prononcée  à  l'égard  des  mineurs  de  dix-huit  ans 
et  des  septuagénaires. 

Je  vous  ai  fût  remarquer,  sur  l'art.  8,  le  changement  qui  distingue  la  nou- 
velle rédaction  de  l'ancienne,  consistant  dans  la  suppression  de  la  peine  du 
carcan.  On  entendait,  par  carcan,  l'exposHion  publique  du  condamné,  opérée 
conformément  au  texte  de  l'ancien  art.  ^.  La  peine  du  carcan  ou  l'exposition 
publique  avait  lieu,  tous  ai-je  dit,  dans  deux  cas  bien  distincts,  tantôt  comme 
une  peine  spéciale,  principale,  indépendante  de  toute  autre  ;  tantôt  comme 
une  peine  accessoire,  comme  le  résultat,  comme  la  conséquence  légale  de  cer- 
taines pénalités.  J'ai  dit  et  je  ne  répéterai  point  quels  motifs  ont  décidé,  en 
1832,  à  supprimer  le  carcan  ou  l'exposition  publique,  considérée  comme  peine 
principale  et  isolée. 

La  question  a  paru  plus  douteuse  en  ce  qui  touche  l'exposition  publique, 
c'est  le  mot  que  nous  emploierons  désormais,  l'expression  de  carean  ayant 
disparu  de  nos  lois,  la  question  a  paru  plus  douteuse  relativement  au  main- 
tien ou  à  l'abolition  de  la  peine  de  l'exposition  publique,  considérée  comme 
purement  accessoire,  instituée  comme  un  résultat,  comme  une  conséquence 
légale  attachée  à  certaines  peines. 

D'une  part,  on  disait  pour  son  abolition,  que  cette  peine  a  le  défont  de  dé- 
moraliser, d'abattre,  de  désespérer  celui  qu'elle  atteint;  qu'elle  a  un  résultat 
plus  f&cheux,  celui  d'être  souverainement  inappréciable,  c'est-à-dire  d'agir  sur 
les  condamnés,  non -Seulement  d'une  manière  inégale,  ce  que  le  législateur  ne 
peut  pas  prévoir,  mais  d'agir  en  général  à  contre-sens  de  la  manière  dont  une 
peine  doit  agir,  de  peser  plus  lourdement,  à  mesure  qu'on  est  meias  coupable, 
d'agir  sur  le  condamné  en  sens  lUTerse  de  sa  moralité.  H  est  sensâ>le,  en  effets 


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92     SIX.   LEÇ.  *—  DBS  PBIKES  KH  MAT.   CUIf .  «— .  LIY.   I.   CHAP.   I   (n*  63). 

que  l'exposition  publique  qui  abat^  qui  désespère  le  oondamné  enoore  i 


sible  aux  regrets  ou  aux  remords,  effleure  à  peioe  Je  coupable  endurci  qui  se 
joue  de  cette  solennité  si  terrible  pour  l'antre.  C'était  là  le  principal  argument 
qu'on  faisait  valoir  pour  en  demander  la  pleine  et  entière  abolition.  On  ne 
niait  pas  que,  dans  certains  cas,  à  l'égard  de  certains  crimes,  ou  plutôt  de  cer- 
tains condamnés,  elle  ne  pût  être  efficace  ;  mais  on  disait  que  plus  le  con- 
damné était  endurci,  moins  il  se  soucierait  de  cette  peine. 

D'antre  part,  on  opposait,  pour  maintenir  Texposition  publique,  qu'elle  est 
exemplaire  au  plus  haut  degré,  et  qu'elle  est,  en  générai,  sauf  les  exceptions 
que  j'indiquais  tout  à  l'heure,  fort  redoutée  du  plus  grand  nombre  des  con- 
damnés ,  enfin,  qu'elle  a  pour  avantage  de  donner  aux  châtiments  la  même 
publicité  que  la  faute,  et  'd'avoir  presque  le  même  éclat,  la  même  solennité 
que  la  peine  de  mort,  sans  présenter  comme  elle  ce  triste  dénoûment  qui 
affiiiblit  souvent  par  la  compassion  l'effet  de  l'exemple. 

Au  milieu  de  ces  considérations  opposées  tendant  à  obtenir,  les  unes  l'abo- 
lition, les  autres  la  conservation  absolue  de  la  peine  de  l'exposition  publique, 
un  parti  moyen  fut  pris,  qui  répondait  à  une  assez  grande  partie  des  objec- 
tions présentées. 

D'après  le  texte  de  l'ancien  art.  22,  l'exposition  publique  était  La  consé- 
quence légale,  nécessaire,  inévitable  de  toute  condamnation  aux  travaux 
forcés  à  perpétuité,  à  temps  ou  à  la  réclusion.  Dans  ce  système  se  montrait 
avec  toute  sa  force  l'objection,  que  j*élevais  tout  à  l'heure,  consistant  à  dire 
que,  cette  exposition  n'agissant  qu'à  des  degrés  fort  différents,  selon  les  cir- 
constances et  la  position  personnelle  des  coupables,  la  loi,  forcée  de  frapper  en 
masse,  s'exposait  par  là  même  à  frapper  fort  souvent  en  aveugle.  Pour  éviter 
cet  inconvénient,  on  proposa  d'abord  de  déclarer  que  la  peiné  de  l'exposition 
publique,  au  lieu  d'être,  comme  par  le  passé,  la  conséquence  nécessaire,  iné- 
vitable des  trois  condamnations  auxquelles  l'attachait  l'art.  22,  n'en  serait 
plus  que  la  conséquence  possible,  que  la  conséquence  facultative  ;  c'est-à-dire 
que  les  juges,  placés  plus  près  et  mieux  que  le  législateur  pour  apprécier  les 
nuances  du  fait,  les  circonstances,  les  individualités,  auraient  la  faculté  d'atta- 
cher la  peine  de  l'exposition  publique  aux  trois  condamnations  indiquées,  dans 
les  cas  où  ils  jugeraient  que  cette  peine  pourrait  produire  d'heureux  effets  ; 
qu'ils  pourraient,  ayant  égard  aux  chances,  aux  probabilités  de  repentir  que 
pouvait  présenter  la  position  du  condamné,  lui  épargner  Tapplication  de  cette 
peine,  pour  ne  pas  le  démoraliser  et  le  désespérer  à  tout  jamais.  Ainsi  le  sys- 
tème primitif  de  correction  proposé  en  1S32  était  celui-ci  :  déclarer  que  Texpo- 
sition  publique  ne  serait  plus,  comme  par  le  passé,  la  conséquence  nécessaire 
d'aucune  peine  ;  que  cette  exposition  n'aurait  lieu  qu'autant  qu'une  disposi- 
tion formelle  de  l'arrêt  de  condamnation  y  aurait  expressément  assujetti  le 
condamné.  Cette  idée  était  assez  heureuse  ;  mais  elle  présentait  des  inconvé- 
nients qui  ont  empêché  de  l'adopter  pleinement,  quoiqu'on  en  ait,  du  reste, 
tiré  parti. 

On  objecta  qu'il  y  avait  peut-être  quelques  dangers,  nçn  pas  précisément  à 
donner  aux  juges  un  pouvoir  si  large,  mais  à  poser  un  principe  que  l'exposi- 
tion publique  n'aurait  lieu  qu'en  vertu  de  la  volonté  des  juges  et  de  leur  dé- 
daration  expresse  et  formelle  ;  que  les  juges  reculeraient  trop  souvent  dans 

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DB  I.'UFOSITIOK  POaUQVB  (âST-   2t).  93 

l'exercice  d'on  detoir  de  cette  Betsre,  dens  la  crainte  d'être  aeenséa  d'une  ez* 
trtoe  rigoeiir  oa  soapçoBiiée de  partialité;  que  peut-être,  tout  en  adopunt  le 
fond  de  cette  idée»  Talait-il  mieux  enreiiTerter  rappKcation  et  prendre  le  8y»>> 
tème  contraire,  c'est-à-dire  déclarer  que  l'exposition  publique  serait  la  conté* 
qnence  légale,  la  conséquence  itatnrelie  de  chacune  de  ces  Vnâb  peines,  sauf 
aux  juges  à  en  dispenser,  à  en  relever  le  coAdanné  par  une  dtsposhton  forraeUe 
de  leurs  jugements;  qu'en  d'autres  termes,  il  valait  mieux,  tout  en  laissant 
aux  juges  la  latitude  de  pouvoir  proposée,  laisser  la  sévérité  du  eôté  de  la  loi  et 
mettre  l'indolgenee  du  côté  des  personnes,  du  cété  des  juges. 

C'est,  en  définitive,  ce  système  qui  prévalut  au  moins  comme  principe,  et 
voici  quel  en  fut  le  résultat  :  par  cela  seul  qu'un  accusé  était  condamné  à  l'une 
des  trois  peines,  aux  travaux  forcés  à  perpétuité,  ou  à  temps,  ou  à  la  réclusion, 
la  conséquence  légale,  la  conséquence  naturelle,  c'est  que  le  condamné  doit 
snbirrexposition  publique.  Dans  le  silence  de  rarrèt  à  cet  égard,  la  loi  venait 
y  suppléer,  et  l'arrêt  n'avait  pas  plus  besoin  de  prononcer  formellement  l'expo* 
sitioQ  publique,  qu'il  n'y  a  lieu  de  prononcer,  par  exemple,  la  mort  civile  dans 
le  cas  de  l'art.  18;  seuleme^it  si  les  juges  estiment,  à  raison  de  mille  circons* 
tances  dont  ils  sont  seuls  appréciateurs,  que  cette  application  naturelle  de  la  lot 
serait  plus  préjudiciable  qu'utile,  ils  pouvaient,  au  moins  en  principe,  en  dis* 
penser  le  condamné  par  une  clause  expresse  de  l'arrêt.  Les  arrête  de  cour  d'as> 
sises,  portant  condamnation  à  l'une  de  ces  trois  peines,  n'auront  donc  à  parier 
de  l'exposition  publique  que  pour  en  dispenser. 

Tel  fut  au  moins  le  principe,  principe  qui,  une  fois  posé,  admettait  trois  ex- 
ceptions*, de  ces  excitions,  deux  sont  consacrées  par  le  texte  même  de  notre 
article,  une  troisième  résultait  de  l'art.  165. 

Le  motif  qui  fit  laisser  aux  juges  cette  latitude  de  pouvoir,  cette  fiàcolté  de 
dispenser  de  Texposition  publique,  était  la  crainte  de  desespérer  trop  profon- 
dément, par  l'édat  d'un  tel  châtiment^  un  c(mdamné  qui  présenuit  encore 
d'assez  fortes  chances  da  repentir  et  d'amélioration.  U  est  clair  que  cette  con- 
sidération était  inapplicable  an  cas  de  condamnation  aux  travaux  forcés  i  per- 
pétuité. La  nature  même  de  la  peine  laisse  la  société  à  peu  près  sans  intérêt  à  la 
réformation  morale  du  condamné,  et  surtout  l'extrême  gravité  du  fait  àraison 
duquel  a  été  prononcée  la  peine  diminue  infiniment  les  chances  de  repentir  et 
de  correction  morale.  Aussi  n'est-ce  seulement  qu'en  cas  de  condamnation  aux 
travaux  forcés  à  temps  ou  è  la  réclusion,  qu'existait  pour  les  juges  la  feculté  de 
&ire  remise  de  l'exposition  publique.  Gela  résulte  de  l'art.  22,  g  2.  Donc  l'ex- 
position publique  était  la  conséquence  forcée,  nécessaire  d'une  condamnation 
aux  travaux  forcés  à  perpétuité,  sauf  le  cas  du  §  3,  dont  nous  parlerons  tout  à 
l'heure. 

Une  seconde  exception  avait  lieu  dans  le  cas  de  récidive.  Vous  verres  la  réci- 
dive définie  par  Tart.  56  du  Gode  pénal.  Lors  donc  qu'une  des  deux  condam- 
nations dont  parle  l'art.  22,  une  des  deux  condamnations  pour  lesquelles  les 
juges  peuvent  prononcer  d'ordinaire  la  dispense  de  l'exposition  publique,  était 
prononcée  contre  un  condamné  en  état  de  récidive,  cette  dispense  ne  pouvait 
pas  être  appliquée.  La  récidive  paraît  attester  d'une  manière  malheureusement 
trop  précise  la  puissance  des  penchants  coupables  du  condamné,  pour  que  la 
faible  chance  de  son  repentir,  de  son  amélioration  pût  entrer  en  balance  '^ 

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94      SIX.   LEÇ.  —  DBS  PEIVBS  BN  MAT.    CHUT.  —  LIV.   I.    CHAP.    I   (n*   64). 

les  avasiagM  toat  à  foit  exemplaires  que  présente  l'éctat  de  rexposition  publi- 
que. Les  motifs  qui  ne  permettaient  pas  de  dispenser  de  Texpositlon  publique 
le  oondamné  en  état  de  récidive  étaient  analogues  à  ceux  qui  ne  permettaient 
pas  d'en  dispenser  le  condamné  à  perpétuité. 

Une  troisième  exception,  un  troisième  cas  dans  lequel,  à  raieon  de  la  nature 
du  faiti  Texposition  publique  devait  être  subie  par  le  condamné,  sans  que  les 
ju^s  pussent  en  donner  dispense,  se  trouvait  dans  Tart.  165  relatif  an  crime 
de  (aux;  on  y  déclarait  que  ioutfamiaxre  condamné  soit  aus  travaux  forcés,  soit 
à  la  récltuion,  subira  Vesposition  pfÊblique,  disposition  qui  sentit  vide  de  sens  si 
«lie  n'entendait  pas  dire  qu'il  la  sdlnra  nécessairement,  si  elle  n'entendait  pas 
fefuser  absolument  au  juge  la  faculté  de  Ten  dispenser.  8i  cette  faculté  pouvait 
rester  au  juge  en  cas  de  condamnation  pour  faux,  Tart.  165  ne  serait  qu'une 
répétition  insignifiante  des  premiers  mots  de  l'art.  22.  Les  mottft;  d'ailleurs, 
s^expliquaient  assez  facilement  :  le  crime  de  faux  suppose  ordinairement,  dans 
celui  qui  k  commet,  une  série  de  calculs,  une  lenteur  de  préméditation,  qui  en 
aggravent  lacidpabilité  morale.  De  plus,  les  faussaires  appartiennent  ordinaire- 
ment à  une  certaine  dasse  de  la  société,  ils  sont  un  peu  plus  haut  placés  que 
ne  le  sont  habituellement  les  oondamnés  ordinaires,  comme  les  condamnés 
pour  vols  avec  drosBsfiauces  aggravantes,  auxquels  s'applique  le  plus  souvent 
Fart.  22.  Dès  lors  on  avait  pensé  qu'à  raison  même  de  la  position  spéciale  du 
•coupable  de  faux,  la  peine  de  l'exposition  publique  serait  à  ses  yeux  une  ag- 
gravation fort  redoutable,  un  châtiment  fort  exemplaire  et  tout  à  fait  propre  à 
le  détourner  du  crime. 

il  est  juste  d'ajouter  cependant  que  si,  en  général,  le  crime  de  faux  se  pré- 
sente dans  la  pratique  de  nos  cours  d'assises  avec  cette  lenteur  de  prémédita- 
tion qui  en  augmente  beaucoup  la  gravité,  ce  n'est  pas  toujours  le  cas  qui  se 
présente.  Il  arrive  assez  souvent  que  des  hnx  sont  signalés,  poursuivis  et  re^ 
connus  à  la  charge  d'individus  à  qui  l'on  doit  imputer  bien  moins  souvent  cette 
série  de  calculs,  cette  lenteur  de  préméditation  si  coupable,  qu'une  légèreté, 
une  étourderie,  une  faute  de  jeunesse  avec  laquelle  cadrerait  assez  mal  la  sévé- 
rité de  l'art.  165.  Ce  cas  se  trouve  compris  dans  les  dispositions  nouvelles  de 
l'art.  463.  Ainsi  supposez,  par  exemple,  qu'un  faussaire  soit  traduit  devant 
une  cour  d'assises  dans  la  position  que  je  signale  et  qui  se  présente  encore 
-assez  fréquemment;  que  les  circonstances  qui  l'ont  déterminé  à  commettre 
«m  faux  que  son  &ge,  que  son  expérience,  soient  tout  à  fait  de  nature  à  atté- 
nuer la  gravité  de  sa  £aute;  alors  l'art.  463  permet  au  jury  de  déclarer  l'exis- 
tence de  circonstances  atténuantes  en  faveur  du  condamné.  Ces  circonstances, 
ainsi  déclarées,  donneront  lieu  à  une  réduction  de  peine  qui  le  dispensera  for- 
cément de  l'application  des  art.  22  et  165  ;  c'est  un  point  que  nous  exposerons 
en  détaillant  plus  tard  l'immense  changement  apporté  dans  l'ancien  droit 
pénal  par  cette  faculté  concédée  au  jury  de  déclarer  des  circonstances  atté- 
nuantes. C'est  peut-être,  en  somme,  à  cette  faculté,  à  cette  rédaction  nouvelle 
de  Tart.  463  que  se  rattache  la  plus  importante  des  innovations  pénales  intro- 
duites en  1832. 

04.  Nous  venons  de  signaler,  dans  les  trois  cas  précédents,  les  hypothèses 
«où  iacour  d'assises  n'avait  pas  la  faculté  de  dispenser  de  l'exposition  publique. 

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DB  l'iEXTOSITION  JTOlUQtaB  (aET.   22).  95 

Des  exceptions  en  sens  inverse  se  présentent  dans  le  §  3  de  notre  article;  c'est- 
à-dire  que,  si  nous  avons  va  jBsqu'ici  l'exposition  publique  indiquée  comme 
conséquence  nécessaire  ou  facultative  de  certaines  condamnations,  nous  trouve* 
fons  dans  te  §  3  [denx  hypothèses  particulières  où  l'exposition  publique,  dans 
le  silence  même  de  Tarrèt,  ne  pouvait  pas  être  appliquée  au  condamné.  Deux 
motifs  de  nature  différente  ont  déterminé  cette  nouvelle  exception  :  Néan» 
mâfns,  dit  la  loi,  Vexp&sitwn  publique  ne  sera  Jamais  prononéée  à  Pégard  des 
mineurs  de  disp-ftait  ans  et  des  sq^ttuahénaires. 

Le  mot  profumc^  n'était  pas  bien  exact,  f  aurais  mieux  aimé  dire  qu'elle  ne 
mnïi  jamais  appliquée;  car  l'exposition  publique,  conséquence  légale  de  oer- 
Caines  pénalités,  n'avait  pas  même  besoin  d'être  prononcée.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  loi  dispensât  ici,  sans  distincUon  et  d*une  manière  absolue  de  l'exposition 
publique,  les  mineurs  de  dix-huit  ans  et  les  septuagénaires,  quelles  que  fus- 
sent la  nature,  la  gravité,  de  la  condamnation  prononcée  contre  eux. 

Le  motif  principal  était  d'éviter  l'effet  moral,  Teffet  extérieur  d'une  peine  de 
cette  nature  à  nn  individu  dont  IMnetpérience  peut  atténuer  nn  peu  la  culpa- 
bilité, et  à  qui  son  âge,  pour  le  mineur  de  dix-huit  ans,  laisse  l'espoir  d'obtenir 
plus  tard  sa  grâce  ou  une  commutation  de  peine.  Quant  au  septuagénaire  et 
à  la  dispense  qui  le  concernait,  le  motif  est  bien  moins  relatif  à  l'individu  lui- 
même,  qui  ne  peut  s'excuser  sur  l'inexpérience,  qu'à  Teflet  moral  et  fâcheux 
que  produirait  snr  les  masses  l'exposition  publique  d'un  vieillard  de  cet  âge. 
On  a  cru  devoir  bien  moins  an  vieillard  qu'à  la  vieillesse,  et  à  la  compassion 
qu'elle  mérite,  lors  même  qu'elle  est  coupable,  d'éviter  l'effet  moral  d'une 
peine  dégradante  appliquée  à  cette  âge.  Ici  Les  deux  dispenses  ne  tiennent  plus 
aux  circonstances;  elles  tiennent  à  l'égard  de  l'un,  à  l'espoir  si  peu  probable 
qu'il  soit,  d'une  réformation  postérieure,  à  l'égard  de  l'autre,  au  désir  de  sous- 
traire aux  yeux  du  peuple,  trop  souvent  sans  compassion,  le  spectacle  triste  et 
hideux  d'un  vieillard  attaché  sur  la  place  publique  et  exposé  aux  moqueries  de 
la  foule. 

Les  réflexions  qui  précèdent  démontrent  combien  les  réformes  sont  timides, 
et  avec  quelles  précautions  elles  pénètrent  dans  la  législation.  Toutes  ces  cri- 
tiques, toutes  ces  distinctions  souvent  reproduites  ailleurs,  n'ont  été  résolues 
et  aplanies  que  par  le  décret  du  12  avril  1848,  qui  est  ainsi  conçu  :  «  Le  gou- 
vernement provisoire  :  vu  l'art*  22  du  Gode  pénal;  considérant  que  l'exposi- 
tion publique  dégrade  la  dignité  hnmaine,  flétrit  à  jamais  le  condamné  et  lui 
ête,  par  le  sentiment  de  son  infamie,  la  possibilité  de  la  réhabilitation;  que 
cette  peine  est  empreinte  d'une  odieuse  inégalité,  en  ce  qu'elle  touche  à  peine 
le  criminel  endurci,  tandis  qu'elle  frappe  d'une  atteinte  irréparable  le  con- 
damné repentant;  que  le  spectacle  des  expositions  publiques  éteint  le  senti- 
ment de  la  pitié  et  famifiarise  avec  la  vue  des  crimes,  décrète  :  —  La  peine  de 
l'exposition  publique  est  abolie.  • 

Ici  se  termine  l'explication  du  détail  des  diverses  peines  criminelles  perpé- 
tuelles on  temporaires,  énumérées  dans  l'art.  7.  A  partir  de  l'art.  23  com- 
mence donc  un  nouvel  ordre  d'idées,  une  nouvelle  série  d'articles  relatifs,  non 
pins  à  la  détermination  de  la  durée  ou  de  la  nature  de  chacune  de  ces  peines, 
mak  S  ^rtaines  règles  relatives  à  leur  mode  d'exécution  et  à  leur  durée.  Nous 
1  ea  occuperons  dans  la  prochaine  leçon. 


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96      SEPT.  LSÇ.   —  DBS  PKNBS  Es'uJLT.  GRIM.  --*  LIT.   I.   GHAP.  I  (n*   65). 

SEPTiiHE  LEÇON. 

M,  Nous  avons  parcouni  les  articles  relatiiiB  à  rappUcaUon  des  peines  aiiio 
tives  et  iufamantes,  perpétuelles  ou  temporaires,  éaumérées  dans  l'art.  7. 
Avant  de  s'occuper  des  peines  siiçplement  infamantes,  des  deux  peinesénonoées 
dans  Tart.  8,  le  Gode  pénal  contient  quelques  détails  relatifs  soit  à  certaines 
conséquences,  à  certains  résultats  accessoires  des  peines  afOictives  temporaires, 
dont  nous  nous  sommes  occupés,  soit  à  certaines  règles  d'exécution  et  d'appli- 
cation de  ces  peines.  Ainsi,  dans  les  art.  22  (celui-ci  est  déjà  expliqué) 28  et  29, 
le  législateur  a  déterminé  certains  résultats  attachés  par  lui  comme  accessoires 
des  trois  condamnations  aux  peines  temporaires  afflictives.  Dans  les  art  23  à 
27,  il  présente  certaines  règles  relatives  au  mode  d'exécution  et  d'applicatioa 
de  ces  peines.  Nous  allons  donc  nous  occuper  de  ces  détails  avant  de  passer, 
avec  le  texte,  à  l'explication  des  règles  relatives  à  Tart.  8. 

Les  art.  23  et  24,  les  premiers  que  nous  rencontrions  relativement  à  Tappli- 
cation,  à  Texécution  des  peines  temporaires  dont  nous  avons  parlé,  s'occupent 
de  déterminer  un  point  fort  important,  savoir,  la  manière  de  calculer  la  durée 
de  ces  diverses  peines.  Ces  deux  articles  introduisent  des  changements  as^ez 
importants  aux  règles  suivies  avant  1832. 

L'ancien  art.  23  décidait  que  la  durée  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps 
et  de  la  réclusion  compterait  du  jour  de  l'exposition,  exposition  dont  les  règles 
étaient  tracées  par  l'art.  22.  Vous  voyez  que  cette  règle  était  déjà  assez  vicieuse 
avant  1832,  parce  qu'elle  ne  s'appliquait  qu'aux  deux  peines  auxquelles  la  loi 
attachait,  comme  conséquence,  l'exposition  publique,  la  loi  restant  muette  sur 
la  manière  de  calculer  la  durée  de  la  peiue  du  bannissement  et  de  la  peine 
de  l'emprisonnement.  Quant  au  bannissement,  il  y  était  suppléé  par  l'ancien 
art.  35,  d'après  lequel  la  durée  de  cette  peine  commençait  à  se  compter  du 
jour  où  la  condamnation  était  devenue  irrévocaole.  A  Tégard  de  Temprisonne- 
ment,  la  loi  était  absolument  muette;  mais,  depuis  1832,  le  vice  de  Part.  23 
devenait  plus  sensible,  ou,  pour  mieux  dire,  sa  rédaction  ne  pouvait  être  main- 
tenue. £n  effet,  outre  que  c'était  un  mauvais  point  de  départ  pour  calculer  la 
durée  des  peines  qu'une  époque  qui  n'a  par  elle-même  rien  de  fixe,  rien  de 
légalement  déterminé,  comme  est  celle  de  l'exposition,  d'oii  il  résultait  qu'en 
retardant  plus  ou  moins  longtemps  l'exposition  du  condamné,  on  retardait 
aussi,  tout  en  le  tenant  sous  les  verroux,  le  point  de  départ  de  sa  peine;  outre, 
dis-je,  le  vice  de  l'ancien  art.  23,  résultant  de  ce  qu'il  laissait  de  l'arbitraire 
dans  le  calcul  de  la  durée  de  la  peine,  cet  article  devenait  inconciliable  avec 
les  dispositions  du  nouvel  art.  22.  En  effet,  puisque  l'exposilion  publique  n'est 
plus  la  conséquence  forcée,  le  résultat  nécessaire  des  peines  afflictives  tempo- 
raires, puisqu'il  était  permis  aux  cours  d'assises,  en  prononçant  une  condamna- 
tion aux  travaux  forces  à  temps  ou  à  la  réclusion,  de  dispenser  le  condamné 
de  l'exposition  publique,  on  se  serait  trouvé,  dans  le  cas  où  cette  dispense  était 
prononcée,  sans  point  de  départ  légal  pour  faire  courir  la  durée  de  la  peine. 
Ajoutez  que  la  condamnation  à  la  détention  n'entraîne  jamais  la  peine  de  l'ex- 
position publique.  On  manquait  donc  encore  de  point  de  départ  pour  cal- 
culer la  durée  d'une  pareille  condamnation.  Sous  tous  ces  rapports,  l'art.  23, 


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BU  MON  BB  unm  nÉCDTioif  (amt.  13)*  97 

déjà  ^cieox  et  iiKSom^t  aTuU  iSâ2,  réclamait  vne  réforme  devemie  indis» 
pensable  depuis  les  changements  apportés  à  cet  art.  22.  Aussi  art-on  pris,  pont 
calculer  la  durée  des  peines,  un  point  de  départ  qui  -est  tout  à  la  fois  plus  ra* 
tionnel^  et  surtout  plus  généralement  applicable  à  toutes  les  peines  sans  dis- 
tinction, aux  peines  criminelles  et  même  aux  peines  correctionnelles,  comme 
nous  Texposerons  tout  à  rhenre. 

«  Art.  23.  La  durée  des  peines  temporaires  comptera  du  Jour  où  la  (wndsmn»» 
tion  sera  devenue  irrévocable.  » 

Cet  article,  sans  être  encore  à  Tabri  de  toute  critique,  ainsi  que  nous  essa- 
yeTons  de  le  ftiire  ^oir,  est  néanmoins  une  amélioration  notable,  une  amélio* 
ration  sensible  de  la  règle  ancienne  ;  appliquons-nous  à  le  bien  saisir  ;  les  con- 
séquences qui  en  résultent^  sans  être  fort  difficiles,  présentent  néanmoins  des 
complications  qui  nous  obligent  d'entrer  dans  quelques  détails. 

66.  D'abord,  à  quelles  peines  temporaires  s'applique  notre  art.  23  ?  Est-ce 
seulement  aux  peines  temporaires  prononcées  en  matière  criminelle;  est-ce 
aussi  aux  peines  temporaires  purement  correctionnelles?  Est-ce  uniquement 
anx  peines  énumérées  dans  les  art.  7  et  8  ;  ou  bien,  est-ce  aussi  aux  peines  ou 
à  quelques-unes  des  peines  indiquées  dans  Part  9? 

Au  premier  aspect,  il  semblerait  naturel  de  répondre  que  Part.  23  ne  s'ap- 
plique qu'aux  peines  afilictiYes  ou  infamantes,  qu'aux  peines  des  art.  7  et  8.  En 
effet,  il  est  placé  dans  un  chapitre  dont  la  rubrique  générale  est  celle-ci  :  Des 
peines  en  matière  orimineUe  ;  et,  en  opposant  la  rubrique  de  ce  chapitre  à  celle 
du  chapitre  n,  Des  peines  en  matière  correctUmnelle,  on  serait  tenté  de  croire 
que  l'art.  23,  comme  tous  les  articles  de  ce  premier  chapitre,  est  exclusive- 
ment relatif  au  calcul  de  la  durée  des  peines  criminelles  proprement  dites, 
des  peines  afQictiyes  ou  in&mantes.  Cette  conséquence  serait  fausse  et  l'erreur 
facile  à  démontrer,  en  rapprochant  de  Tart.  23  le  texte  de  celui  qui  le  suit. 
Encore  bien  que  l'art.  23,  considéré  isolément,  paraisse  ne  s'appliquer  qu'aux 
peines  criminelles  proprement  dites,  vous  verrez  cependant  que  dans  l'art.  24 
on  fait  en  partie  exception  à  la  règle  de  l'art.  23,  pour  le  cas  où  il  s'agit  d'une 
condamnation  à  l'emprisonnement,  c'est-à-dire  d'une  condamnation  correc- 
tionnelle. Or,  si  on  a  jugé  l'art.  24  nécessaire  pour  modifier  en  matière  d'em- 
prisonnement les  conséquences  naturelles  de  l'art.  23,  c'est  évidemment 
que  la  matière  d'emprisonnement  se  trouvait  comprise,  dans  la  pensée  du 
législateur,  dans  le  texte  de  l'art.  23  ;  il  serait  bien  inutile  de  poser  une  excep- 
tion, si  le  principe  ne  s'appliquait  pas. 

Ainsi  tenons  pour  constant»  et  l'examen  de  l'art*  24  le  démontrera  plus  tard,' 
que  l'art.  23,  bien  qu'inséré  dans  le  chapitre  des  peines  en  matière  crimi- 
nelle, s'applique  également  en  principe,  et,  sauf  les  exceptions  résultant  de 
l'art*  24,  à  la  condamnation  de  l'emprisonnement,  la  seule  condamnation  cor* 
reciionnelle  sur  laquelle  la  question  puisse  s'élever.  En  effet,  les  condam-' 
nations  correctionnelles  étant  :  i«  l'emprisonnement,  peine  temporaire  dont  il 
ost  important  de  calculer  la  durée;  2o  l'amende,  sur  laquelle  ne  s'élève  pas  de 
question  de  durée;  3*  l'interdiction  à  temps  de  certains  droits  civiques,  civile 
et  de  famille,  à  l'égard  de  laquelle  il  y  a  un  point  de  départ  particulier,  il  en 

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96      SEPT.  LBÇ.  —  DBS  PBINS8  EN  HAT.  GBItf .  LIT.  I.  GHAP.  I  (n*  67). 

résulte  qae,  des  trois  espèces  de  condamnations  eoirectionnelles,  celle  à  Vem- 
prisonnement  est  la  seule  dont  nous  ayons  à  nous  occuper  dans  les  tenues  de 
Paru  23. 

67.  Ce  premier  point  une  fois  fixé,  attachons-nous  I*  à  appliquer  la  dispo- 
sition de  l'art.  23,  Î9  à  en  apprécier  le  sens  et  le  mérite.  La  durée  des  peines 
temporaires  comptera  du  jour  où  la  condamnation  sera  devenue  irrévocable.  On 
oommencera  à  calculer  le  cours  de  la  peine  du  jour  oil  la  condamnation  sera 
devenue  irrévocable.  Faisons  d*abord  l'application  de  cette  disposition  aux 
peines  temporaires  en  matière  criminelle,  savoir,  aux  travaux  forcés  à  temps, 
à  la  détention,  à  la  réclusion,  et  enfin  an  bannissement  :  telles  sont  les  quatra 
peines  criminelles  à  Tégard  desquelles  s'élève  la  question  de  calcul  de  durée. 
Quant  à  la  dégradation  civique,  vous  verrez  plus  tard  pourquoi  je  ne  la  comr 
prends  pas  dans  cette  énumération.  A  l'égard  de  ces  quatre  peines,  nous  ea 
compterons  donc  la  durée  à  partir  du  jour  oii  la  condamnation  sera  devenue 
irrévocable. 

Qu'entend-on  ici  désigner  par  ces  mots  :  devenue  irrévocable?  à  quelle  na- 
ture, à  quelle  classe  de  condamnations  devons-nous  appliqueroes  expressionsf 
£st-ce  aux  condamnations  contradictoires  seulement,  ou  bien  est-ce  aussi  aux 
condamnations  par  contumace  ?  Il  est  visible  que  l'art.  23  est  absolumentinap* 
plicable  aux  condamnations  par  contumace  prononcées  en  matière  criminelle. 
En  effet,  d'après  les  art.  476  et  635  du  Ck>de  d'instruction  criminelle,  le  con- 
damné par  contumace  a  vingt  ans  pour  se  représenter  ;  c'est  un  principe  qui 
déjà  vous  est  connu,  on  en  parle  dans  la  première  année  du  cours  de  CSode 
civil.  De  deux  choses  l'une  :  ou  il  se  représente  dans  les  vingt  ans  depuis 
l'arrêt  de  condamnation,  et  alors,  aux  termes  de  Tart.  476,  sa  comparution 
volontaire  ou  forcée  fait  évanouir  immédiatement  la  condamnation  prononcée 
contre  lui,  donc  il  n'y  aura  pas  lien  d'en  calculer  alors  la  durée;  ou  bien  il  ne 
reparait  qu'après  les  vingt  ans,  et  alors,  la  peine  étant  prescrite  aux  termes  de 
l'art.  635,  il  n'y  a  plus  ni  exécution  ni  poursuites  possibles  contre  lui;  l'art,  ta 
dst  encore  inapplicable.  Aussi,  ce  n'est  pas  dans  les  condamnations  crimineilea 
prononcées  par  contumace  que  nous  devons  chercher  l'application  de  ces  mots, 
devenue  irrévocable,  employés  par  l'art.  23. 

Essayons  donc  de  les  appliquer  aux  condamnations  criminelles  prononcées 
contradictoirement,  et  voyons  à  quel  moment  ces  condamnations  deviennent 
irrévocables. 

Au  premier  aspect,  on  éprouve  quelque  embarras  à  l'application  de  ces  mots. 
En  effet,  les  condamnations  criminelles  étant  prononcées  par  les  cours  d'assi* 
ses  et  les  cours  d'assises  statuant  souverainement  et  sans  appel,  il  semble  que 
leurs  arrêts  de  condamnation  sont  irrévocables  par  eux-mêmes  et  à  l'instant  où 
ils  sont  rendus,  et  qu'alors  ces  mots  devenue  irrévocable  ne  présentent  pasd'ap- 
pUcation  facile  et  rigoureuse.  Cependant,  quoique  les  oours  d'assises  pronon- 
cent sans  appel,  quoiqu'elles  jugent  souverainement,  elles  ne  jugent  pas  irré- 
vocablement dans  toute  la  plénitude  de  l'acception  de  ce  mot.  Sans  doute  il  n'y 
a  pas  lieu  à  appeler  d'une  condamnation  criminelle,  mais  il  y  a  lieu,  soit  au 
profit  de  l'accusé  condamné,  soit  an  profit  de  la  partie  publique,  i  se  pourvoir 
en  cassation  dans  les  trois  jours  de  l'arrêt  de  condamnation,  aux  termes  de 

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ou  UOOI  DR  I.B17R  SXÈGUTKMt  (aRT.  23).  99 

l'art.  373  du  Gode  d*instniction  crimineile.  C'est  donc  évidemment  des  dtiais 
du  pooiToi  en  cessation  que  nous  devons  entendre  ces  mots,  devenue  trr^vo* 
eabk;  c'est  évidemment  dans  les  délais  de  ce  pourvoi  qne  reposera  le  surns, 
rintervalle  pendant  lequel  la  durée  de  la  peine  ne  commence  point  à  courir. 
Cela  posé,  plusienrs  hypothèses  peuvent  se  présenter  :  i*  Il  eet  possible  que, 
dans  les  trois  jours  francs,  depuis  Tarrét  de  condamnation,  il  n'y  ait  pas  eu  de 
pourvoi  en  cassation  ;  2*  il  est  possible  que,  dans  les  délais  voulus,  il  y  ait  eu 
pourvoi  de  la  part  du  condamné;  3*  il  est  possible  enfin  qu'il  y  ait  eu  pourvoi 
de  la  part  du  ministère  public*  Ces  trois  cas  donnent  matière  à  examen. 

Le  premier  est  on  ne  peut  plus  simple.  Dans  le  délai  de  trois  jours,  U  n'y  a 
pas  eu  de  pourvoi;  donc,  à  Texpiration  de  ce  délai,  la  condamnation  est  de* 
^enue  irrévocable,  et,  à  partir  de  ce  délai,  la  durée  des  cinq  ans,  des  dix  ans 
auxquels  l'accusé  a  été  condamné  commence  à  courir  à  son  profit,  sans  qu'on 
ait  à  examiner  si  on  n'exécute  ou  si  on  n'exécute  pas  immédiatement  contreluL 
Second  cas.  Le  condamné  s'est  pourvu  en  cassation;  tant  que  son  pourvoi 
n'est  pas  jugé,  tant  qu'il  est  peniknt  devant  la  Cour  de  cassation,  il  est  clair 
que  la  condamnation  n'est  pas  devenue  irrévocable,  que  la  durée  de  la  peine 
ne  commence  pas  à  courir.  Mais  ce  pourvoi  peut  avoir  des  résultats  différents. 
H  est  possible  que  la  Cîour  de  cassation,  reconnaissant  que  la  Cîour  d'assises 
a  bien  appliqué  la  loi,  rejette  le  pourvoi  du  condamné;  c'est  du  moment  du 
r^et  de  ce  pourvoi  que  l'arrêt  sera  devenu  irrévocable,  c'est  de  ce  moment 
que  la  peine  comptera.  U  est  clair  qu'alors  le  pourvoi  du  condamné  lui  a 
porté  préjudice;  il  est  clair  que  la  peine  ne  commence  à  courir  que  d*un  in- 
tant  postérieur  à  celui  où  elle  eût  couru  s'il  ne  s'était  pas  pourvu.  Mais  puis- 
qu'il s'est  pourvu  mal  à  propos,  c'est  évidemment  à  hii  qu'il  doit  imputer  cette 
fiinte;  il  n'y  a  là  rien  que  de  fort  simple  et  de  fort  raisonnable. 

Supposez,  au  contraire,  que  la  Cour  de  cassation,  sur  le  pourvoi  du  con- 
damné, ait  cassé  l'arrêt  de  la  Ciour  d'assises  ;  de  deux  choses  Tune  :  ou  elle  l'a 
cassé  parce  que  la  Cour  avait  appliqué  une  peine  à  un  fait  légalement  inno- 
cent; alors  11  n'y  a  pas  lieu  à  nouvelles  poursuites,  è  nouvelle  action,  et  alors 
il  n'y  a  pas  de  durée  de  peine  à  calculer;  ou,  au  contraire,  la  Cour  de  cassa* 
tien  a  cassé  Tarrét  non  parce  que  le  fait  puni  par  la  Gour  d'assises  était  un  fait 
innocent,  mais  pairce  que  la  Gour  avait  appliqué  une  peine  trop  forte  où  la 
loi  ne  prononçait  qu'une  peine  d'un  degré  inférieur;  parce  que,  par  exemple, 
on anraît prononcé  la  peine  des  travaux  forcés  contre  un  fait  que  la  loi  ne  firap* 
paitque  de  la  peine  delà  réclusion;  et  qu'alors  il  y  a  lieu  à  renvoyer  devant  une 
autre  Gour  pour  l'application  de  la  peine  ;  ce  que  la  Gour  de  cassation  ne  peut 
et  ne  doit  pas  faire  elle-même.  Dans  ce  cas,  le  délai  de  la  nouvelle  peine  ne 
conrra  donc  contre  le  condamné  que  du  jour  où  cette  seconde  condamnation 
sera  devenue  irrévocable  ;  ce  sont  les  termes  de  la  loi.  Mais  on  ne  peut  se  dissi- 
muler que,  dans  cette  dernière  hypothèse,  ces  termes,  cette  décision  de  la  loi, 
ne  soient  d'une  extrême  injustice.  En  effet,  pendant  la  durée  de  ce  pourvoi,  et 
pendant  l'intervalle  qui  va  s'écouler  jusqu'à  ce  que  la  seconde  condamnation 
soit  devenue  irrévocable,  le  condamné  est  resté  dans  la  maison  de  justice,  il 
est  resté  sous  les  verroux,  c'est-à-dire  que  le  vice,  que  l'erreur  commise  par 
la  Ciour  d'assises  dans  sa  première  condamnation  va  reculer  d'autant  le  point 
de  départ  de  sa  peine,  et  par  conséquent  le  priver  d'autant  de  sa  liberté.  G'est 

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100      8BPT.  LSÇ.  -—  DBS  PBINBS  SN  HAT.  ORIM.  LIT.  I.  CHAP.  I  (n^  67). 

eons^qnenoe  fofcée  dn  texte  de  Fart.  23;  mais  on  ne  pent  guère  8*empécher  de 
reconnaître  qne  cette  conséquence  ne  soit  fort  dore  ;  au  reste,  elle  n'est  pas 
douteuse  ;  oatre  qu'elle  résulte  directement  de  notre  teite,  nous  verrons 
qu'elle  résulte  encore  plus  clairement,  à  eontrariOf  de  ce  que  la  loi  va  décider 
tout  à  l'heure  dans  une  hypothèse  pareille,  quand  il  s'agira  d'une  condamna- 
tion correctionnelle.  C'est  précisément  pour  bien  comprendre  l'opposition  de 
ces  trois  hypothèses  que  nous  avons  besoin  de  parcourir  séparément  chacun 
de  ces  cas. 

Reste  notre  troisième  cas,  celui  où,  dans  le  délaf  de  l'art.  373  du  CSode  d'ins- 
truction, le  procureur  général  s'est  pourvu  en  cassation  :  tant  qu'il  n'est  pas 
statué  sur  son  pourvoi,  Tarrét  de  la  Cour  d'assises  n'est  pas  encore  devenu  irré- 
vocable ;  c'est  seulement  après  l'arrêt  à  intervenir  que  la  durée  de  la  peine 
pourra  compter  pour  le  condamné.G'est  ici  encore  que  l'on  ne  peut  se  dissi- 
muler qu'il  y  ait  une  grande  dureté,  une  grande  iniquité  de  résultat.  En  effet, 
le  procureur  général  s'est  pourvu  contre  l'arrêt  de  la  Cour  d'assises,  préten- 
dant que  la  peine  appliquée  au  condamné  était  une  peine  inférieure  à  la  peine 
légale  ;  son  pourvoi,  je  le  suppose  d'abord,  est  rejeté,  il  est  reconnu  que  la 
peine  appliquée  est  la  peine  légale,  il  est  reconnu  que  la  Cour  d'assises  a  bien 
appliqué  la  loi.  Cependant  ce  ne  sera  que  du  moment  de  l'arrêt  de  rejet  qui 
a  imprimé  à  la  condamnation  un  caractère  irrévocable,  ce  ne  sera  que  de  ce 
moment  que  la  durée  de  la  peine  commencera  à  compter  :  c'est-à-dire  que  le 
pourvoi  du  procureur  général  aura  eu  pour  résultat  de  retenir  quelques  mois 
de  plus  sous  les  verrouz  le  condamné  frappé  d'un  arrêt  contre  lequel  il  ne  s'é- 
tait pas  pourvu. 

De  même  si,  sur  le  pourvoi  du  procureur  général,  l'arrêt  est  cassé  comme 
ayant  appliqué  une  peine  trop  douce  au  condamné,  la  durée  de  la  nouvelle 
peine  prononcée  parla  Cour  d'assises  à  laquelle  il  sera  renvoyé  ne  commencera 
à  courir  que  du  moment  où  ce  nouvel  arrêt  sera  devenu  irrévocable.  C'est  en- 
core là  une  grande  dureté  pour  le  condamné  ;  car,  enfin,  si  la  première  cour 
d'assises  s'est  trompée  en  appliquant  la  peine,  ce  n'est  certes  pas  une  faute 
qui  lui  soit  imputable  ;  que  l'erreur  de  cette  cour  soit  réparée,  qu'on  applique 
par  un  second  arrêt  la  peine  des  travaux  forcés  à  celui  que  d'abord  on  n'avait 
condamné  qu'à  la  réclusion,  on  le  comprend  ;  mais  toujours  faudrait-il  que 
l'erreur  de  la  première  cour  d'assises,  et  les  délais  du  pourvoi  qui  en  ont  été  la 
suite,  n'eussent  pas  pour  résultat  de  prolonger  d'un  temps  plus  ou  moins  long 
la  captivité  du  condamné  à  qui  on  n'a  aucune  faute  à  imputer. 

Enfin,  dans  le  dernier  cas  que  cette  division  peut  présenter,  l'iniquité  est 
encmre  plus  saillante.  Supposez,  par  exemple,  que  la  Cour  d'assises  ait  appli- 
qué, non  pas  une  peine  inférieure,  mais  une  peine  supérieure  à  la  peine  lé- 
gale; il  y  a  eu  pourvoi,  non  pas  de  la  part  du  condamné,  qui  ignorait  peut-être 
l'erreur  de  la  Cour  d'assises,  mais  de  la  part  du  procureur  général,  qui  peut  se 
pourvoir  pour  faire  casser  un  arrêt  injustement  sévère.  Dans  ce  cas.  l'arrêt  de 
la  Cour  d'assises  est  cassé,  et  le  condamné  renvoyé  devant  une  nouvelle  cour; 
et  voilà  que  l'erreur  commise  à  son  préjudice  par  la  première  cour  d'assises 
aura  pour  résultat  de  reculer  encore  de  quelques  mois  le  point  de  départ  du- 
quel doit  se  compter  la  durée  de  la  seule  pensée. 

Je  le  répète,  quoique  ces  conséquences  résultent  forcément  soit  du  texte  de 

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00  xÔBB  ex  unjR  nÉeonoK  (art.  24).  lOl 

Vert  ÎB,  8oU  fortoal  de  la  décision  toate  diiéreDte  que  nom  allons  voir  saitre 
poorle  cas  d'emprisonnement,  dans  Fart.  24,  ces  conséquences  sont  fortdnres; 
et  c'est  donc  en  ce  sens  que  l'art.  23,  tout  en  améliorant  notablement  le  sys- 
tème du  Gode  de  1810,  ne  me  parait  pas  encore  à  l'abn  de  toute  espèce  de  cri^ 
tique,  de  tonte  espèce  de  reproche.  Tout  ceci  va  se  confirmer  par  Toppositioa 
qui  se  trouve  entre  les  principes  précédents  incontestablement  applicables  dans 
Im  matières  criminelles,  et  Tezception  qui  va  suivre  dans  les  matières  correc- 
tionnelles. 

68.  «  Art.  24.  Néamnoios*  à  Tégard  des  condamnations  à  l'emprisonnement 
prononcées  contre  les  individus  en  état  de  détention  préalable,  la  durée  de  la 
peine,  si  le  condamné  ne  s'est  pas  pourvu,  comptera  du  Jour  du  Jugement  ou  de 
Tarrèt,  nonobstant  l'appel  ou  le  pourvoi  du  ministère  public,  et  quel  que  soit  le 
résultat  de  cet  appel  ou  de  ce  pourvoi.  Il  en  sera  de  même  dans  le  cas  où  la  peine 
aura  été  réduite,  sur  l'appel  ou  le  pourvoi  du  condamné.  » 

Pour  bien  comiNrendre  le  texte  de  cet  article,  et  les  modifications  qu'il  apporte 
aux  conséquences  du  précédent,  posons  nne  espèce:  un  prévenu  se  trouve  en 
état  de  détention,  sous  le  poids  d*un  mandat  de  dépôt,  par  exemple,  la  pré- 
vention qui  pèse  sur  lui  est  d'une  nature  purement  correctionnelle,  elle  ne  peut 
donner  lieu  qu'à  une  condamnation  à  remprisonnement.  Cette  condamnation 
intervient  en  effet;  il  est  frappé  d'un  an  d'emprisonnement  par  un  tribunal  cor- 
rectionnel. Les  condanmations  des  tribunaux  correctionnels,  à  la  différence 
de  ceUes  des  cours  d'assises,  sont  sujettes  à  l'appel,  et  les  délais  de  cet  appel 
varient  selon  qu'il  est  interjeté  ou  par  le  condamné  ou  par  le  ministère  public; 
nous  verrons  plus  tard  tous  ces  détails»  je  me  borne  aujourd'hui  à  prendre  le 
point  le  plus  saillant,  et  à  vous  citer  l'art.  205  du  Cîode  d'instruction  crimi** 
Délie,  qui  accorde  dans  certains  cas  au  ministère  public  deux  mois  pour  inter* 
jeter  i^;>pel  des  jugements  rendus  en  police  correctionnelle.  On  ;a  senti  que  la 
ligueur  de  l'article  précédent,  appliqué  sans  distinction  aux  oondamnations  à 
l'emprisonnement  dans  la  matière  qui  nous  oocupe,  serait  d'une  iniquité  à  la* 
quelle  il  fallait  absolument  parer. 

Sn  effet,  la  condamnation  à  l'emprisonnement  a  été  d'un  an,  vous  pouvea 
même  la  supposer  plus  courte;  or,  admettons  que  l'art.  23  fût  seul,  vous  ver- 
ries  que  la  durée  de  cette  condamnation  ne  commencerait  à  courir  que  de 
Toxpiration  des  délais  accordés  au  ministère  public  pour  interjeter  appel.  Or, 
il  aérait  on  ne  peut  plus  dur  qu  un  individu  qui  se  trouvait  en  état  de  déten- 
tion préalable,  qui  a  été  frappé  par  un  tribunal  correctionnel  d'un  emprison* 
nouent  de  trois  ou  quatre  mois,  ne  vit  la  durée  de  cet  emprisonnement 
commencer  qu'à  partir  du  jour  où  le  ministère  public  ne  peut  plus  appeler  ; 
c'est-i-dire  qu'il  fût  exposé  à  attendre  deux  mois  en  prison  l'instant  à  partir 
duquel  on  commencera  à  compter  la  durée  de  remprisonnement  dont  il  eet 
frappé.  En  réalité,  quoique  sous  le  poids  d'un  mandat  de  dépôt  et  d'une  Bira«^ 
pie  prévention,  plutôt  que  d'une  condamnation  qui  n'est  pas  définitive,  en 
réalité,  il  est  en  prison,  il  souffre  tout  autant  que  si  on  exécutait  réellement 
contre  lui  la  condamnation  prononcée  ;  c'est  précisément  par  suite  de  l'état  où 
U  est  avant  l'exécuUon  de  la  condamnation,  état  fort  analogue  à  celui  où  cette 
exécution  le  placerait,  et  anasi  pajrce  qne  les  délais  d'appel  sont  fort  longs  f 

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102     SEPT.  LBÇ.  ~  DBS  PBINBS  SN  VAT.  GiUlf.  UT.  !•  GHAP.  I  (m*  68). 

.pareils  cas,  qu'on  a  jagé  nécessaire  de  foire  ici  exception  aux  règles  prée^ 

.dentés. 

-   D'après  cela,  en  reportant  sur  la  condamnation  à  Temprisonnement  les  trois 

iiypothèses  que  nous  avons  posées  sur  les  condamnations  criminelles,  nous 

sentirons  fort  aisément  la  différence  de  principe,  la  différence  de  résultat. 

D'abord,  admettons  que  dans  le  délai  fixé  pour  Tappel  il  n'y  ait  pas  eu  d'ap* 
pel,  ni  de  la  part  du  condamné,  ni  de  la  part  du  ministère  public.  Si  nous 
appliquons  Fart.  23,  nous  dirons  que  la  durée  de  l'emprisonnement  prononcé 
en  premier  ressort  ne  commencera  à  courir  que  de  l'expiration  des  délais 
d'appel  ;  au  contraire,  appliquant  l'exception  qui  résulte  de  l'art.  24,  nous 
dirons  que  cette  durée  commencera  à  courir  du  jour  du  jugement  de  première 
instance,  encore  bien  que  ce  jugement  fût  lui-môme  susceptible  d'appel.  Ge 
que  nous  disons  ici  de  l'appel  en  supposant  un  jugement  correctionnel  rendu 
en  premier  ressort,  nous  le  dirons  également  du  pourvoi  en  cassation,  en  sup*» 
posant  un  jugement  correctionnel  rendu  en  dernier  ressort.  Les  jugements  en 
dernier  ressort  ou  les  arrêts  rendus  en  matière  correctionnelle  peuvent  être 
attaqués  par  la  voie  de  la  cassation,  aux  termes  de  l'art.  205  du  Cîode  d'ins* 
tmction  criminelle.  Si  le  pourvoi  n'a  pas  eu  lieu,  c'est  du  jour  du  jugement  ou 
de  l'arrêt,  et  non  pas  de  l'expiration  des  délais  de  pourvoi,  que  devront  se 
calculer  les  jours  et  les  mois  de  la  peine.  Nous  parlons  de  l'appel  ;  et  tout  ce 
que  nous  disons  est  sous-entendu  pour  le  pourvoi  que  l'art.  24  assimile  à 
l'appel. 

Deuxième  cas.  Dims  les  délais  fixés,  il  y  a  eu  appel  interjeté  par  le  condamné 
à  l'emprisonnement  ;  dans  ce  cas,  de  quel  moment  comptera  la  durée  de  la 
peine  ?  il  n'y  a  pas  de  question,  si,  sur  l'appel  du  condamné,  le  jugement  est 
réformé,  et  réforme  de  telle  sorte  qu'il  soit  renvoyé  libre  de  la  prévention  ; 
alors  il  n'y  a  pas  de  peine,  ou  du  moins  pas  d'emprisonnement  ;  par  conséquent, 
point  de  durée  à  appliquer.  Ainsi,  si  on  déclare  la  prévention  mal  fondée,  ou 
si  on  le  condamne  simplement  à  une  amende,  il  n'y  a  plus  de  question  possible 
sur  les  art.  23  et  24.  Mais  son  appel  peut  avoir  un  autre  résultat  ;  il  est  possible 
que,  sur  l'appel,  on  le  condamne  encore  à  un  emprisonnement,  mais  en  ré- 
duisant la  durée  de  l'emprisonnement  prononcé  en  première  instance  ;  alors 
à  partir  de  quel  jour  comptera-t-on  la  durée  de  l'emprisonnement  dont  il  est 
frappé  par  le  jugement  ou  par  l'arrêt  d'appel  ?  Si  nous  appliquions,  comme 
tout  à  l'heure,  le  texte  de  l'art  23,  nous  dirions  que  cette  condamnation  ne 
commencera  à  courir  qu'à  compter  du  jour  où  le  jugement  ou  l'arrêt  d'appel 
sera  irrévocable.  Eh  bien,  ce  serait  inique  ;  car,  puisque  la  condamnation  a  été 
téàntt»  sur  son  appel,  c'est  quMl  a  bien  fait  d'appeler,  c'est  que  la  première 
condamnation  était  trop  dure  ;  il  serait  fort  injuste  de  faire  peser  sur  lui  l'er- 
reur des  premiers  juges,  en  reculant  ainsi  le  point  de  départ  de  sa  peine. 
Aussi  le  §  2  de  l'art.  24  répond  à  la  question,  et  vous  dit  :  Il  m  sera  de  mime 
dems  le  cas  oii  la  peine  aura  été  réduite  sur  Vappd  ou  U  pourvoi  da  condamné  ; 
c'est-à-dire,  la  durée  comptera  du  jour  du  premier  jugement,  dans  le  cas  où 
la  peine  aura  été  réduite  sur  l'appel  du  condamné.  Ainsi,  il  a  été  condamné  & 
six  mois  d'emprisonnement  le  !•»  février,  il  a  interjeté  appel  et  par  un  juge- 
ment ou  arrêt  rendu  le  !•'  avril,  c'est-à-dire  deux  mois  après,  cette  condamna- 
tion a  été  réduite  à  trois  mois.  Ces  trois  mois  commenceront  à  courir,  non  pas 

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DU  iiODB  M  unm  MxÈcxmw  (art.  t4).  103 

du  i*  «vril.  Jour  auquel  la  seconda  eondamnotion  est  prononeée»  oo  mftme 
de  l'expiration  des.dàaîs  pendant  lesquels  on  pourrait  se  poorvoir,  mais  Um 
do  i*  féTrier,  jour  de  la  première  condamnation  ;  c^est-à-dire  qne  sur  ces 
trois  mois  d'emprisonnement  dont  il  est  frappé,  il  n'en  snbira  plus  qu'un  seoL 
Pourquoi  cela?  Parce  qu'il  était  en  état  de  détention  préalable,  condition  né» 
oessaire  de  Texception,  et  qu'il  est  juste  de  lui  compter,  dans  ces  trois  mois, 
les  deux  mois  de  détention  qu'il  a  subis  en  attendant  le  jugement  d'un  appel 
déclaré  bien  fondé.  Vous  voyex  qu'ici  on  modifie  d'une  manière  fort  équitable 
ce  que  présentait  et  ce  que  présente  encore  de  très-dur,  dans  les  matières  cri- 
minelles, Tapplication  littérale  de  l'art  23. 

Enfin,  troisième  bypotbèse,  il  y  a  eu  appel,  non  pas  de  la  part  du  condamné, 
mais  de  la  part  du  ministère  public.  £b  bien,  cet  appel,  toujours  en  matière 
d'Muprisonnement,  ne  devra  et  ne  pourra  porter  au  condamné  aucune  espèce 
de  préjudice.  Gela  est  érident  si  l'appel  du  ministère  public  a  eu  pour  objet  de 
faire  adoucir  la  peine  qu'il  déclarait,  qu*il  reconnaissait  trop  sévère  ;  mais  de 
même,  si  sur  Tappel  du  ministère  public  la  peine  a  été  aggravée,  cette  erreur 
des  premiers  juges,  dont  la  condamnation  était  trop  fiiible,  ne  doit  pas  retom» 
Jber  sor  le  condamné  qui  n'en  est  pas  la  cause.  Ainsi  la  première  condamnation 
était  à  quatre  mois  d'emprisonnement,  le  ministère  public  a  interjeté  appel 
à  mmimé,  prétendant  que  la  p«ne  était  trop  fidbie.  Ëa  effet,  le  juge,  pat 
Tarrèt  d'appel,  a  p<ffté  la  peine  à  un  an  d'emprisonnement;  sur  cette  année 
d'emprisonnement,  on  devra,  d'après  l'art.  24,  imputer  au  condamné  le  temps 
intermédiaire  écoulé  depuis  la  {uremière  condanmation  jusqu'à  la  sentence 
d'appel. 

69.  Telles  sont  les  modifications  apportées  par  le  texte  de  Tart  2é,  pour  le 
cas  de  condamnation  k  l'emprisonnement  contre  un  individu  en  état  de  déten- 
tion préalaMe. 

Aetenes  bien  les  modifications  apportées  sous  ces  conditions  è  la  rigueur 
des  principes  résultant  de  l'art.  23;  mais  vous  remarquerez  que  ces  modifiée* 
Cîons,  conçues  dans  un  esprit  fort  sage  et  fort  équitable,  ne  vont  que  mieux 
confirmer,  que  mieux  établir  la  justesse  des  conséquences  que  nous  avons 
tirées  précédemment  du  texte  de  Fart.  23.  Il  résulte  clairement  de  la  combi- 
naison de  ces  deux  articles,  que  la  rigueur  que  nous  avons  roprw^ée  à  Tart.  23, 
dans  les  matières  crimineUes,  est  un  kit  incontestable  ;  car  l'art  24,  pcévoyan 
précisément  pour  les  matières  correctionnelles  les  hypothèses  que  nous  avons 
posées,  introduit  pour  ces  matières  des  exceptions  dont  la  conséquence  est  de 
jeter  plus  de  jour  et  de  clarté  sur  la  règle  en  matière  criminelle. 

Telles  sont  les  règles  à  suivre  pour  calculer  la  durée  des  peines,  soit  dans  les 
matières  criminelles,  pour  les  quatre  peines  temporaires  que  j'ai  indiquées^ 
travaux  forcés  k  temps,  détention,  réclusion,  banoissement;  soit  dans  les  ma« 
tières  correctionnelles,  pour  l'emprisonnement.  Quant  à  la  dégradation  civi« 
que  nous  verrons  tout  à  Fheure  que  ce  n'est  pas  une  peine  temporaire  pco<«> 
prement  dite,  et  qne,  sous  ce  rapport,  l'art  23  n'y  est  pas  applicable;  il  en  est  de 
même  pour  les  matières  correctionnelles;  ce  n'est  absolument  qu'en  matière 
d'emprisonnmnent  qne  les  art  23  et  24  sont  applicables.  Il  est  clair  qu'en  mm^ 
tière  d'amende,  il  n'y  a*pas  de  calcul  de  cette  nature.  Et  quant  à  la  privatior 

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104     SBPT.  LEÇ.  -*  DBS  FEINB8  JBN  UA.T.  GRIX .  LIT.  I.  GHAP.  I  (n"^  70). 

da  certains  droits,  dont  j'ai  parlé  aux  termes  de  Tart.  9,  eette  interdiction  h 
temps  des  droits  civiques,  civils  on  de  famille  énamérés  dans  l'art.  42,  n'a 
jamais  pour  point  de  départ  répoq^ie  indiquée  par  l'art.  23.  Cette  privation, 
cette  interdiction  partielle  et  temporaire,  ne  commence  à  courir  que  du  jour 
où  la  peine  a  été  subie.  Vous  en  trouverez  la  preuve  dans  l'art.  410  du  Gode 
pénal  et  dans  quelques  autres. 

Passons  aux  articles  suivants,  relatifs  également  à  certaines  conséquences, 
à  certains  corollaires  des  peines  dont  nous  avons  déjà  parlé. 

l  O.  a  Art.  25.  Aucune  condamnation  ne  pourra  être  exécutée  les  jours  de  fêtes 
nationales  ou  religieuses  ni  les  dimanehesi  » 

Cet  article,  comme  les  deux  suivants,  demande  fort  peu  de  détails  ;  une 
simple  lecture  suffirait.  Cependant  on  peut  se  demander,  sur  ce  texte  de 
l'art.  25,  quelle  est  retendue  précise  qu'il  faut  lui  donner,  et  s'il  s'applique, 
comme  Tart  23,  tant  aux  condamnations  correctionnelles  qu'aux  condamna^ 
tions  crimin^es.  Ainsi,  est-il  tellement  défendu  d'exécuter,  aux  jours  indi<*> 
qués  par  cet  article,  les  condamnations  pénales,  que  la  justice  répressive  soit 
tout  à  fait  désarmée  au  milieu  des  solennités  publiques  dont  parle  notre  ar- 
ticle? n  est  évident  que  cet  article, , pris  à  la  lettre,  appliqué  à  toute  espèce 
d'exécution  dans  le  sens  le  plus  général,  mènerait  à  des  conséquences  absurdes, 
à  des  conséquences  que  le  sens  commun  le  plus  grossier  dévouerait;  il  est 
sûr,  par  exemple,  qu'une  exécution  à  mort,  qu'une  exposition  publique,  aux 
termes  de  Fart.  22,  ne  peut  être  pratiquée  dans  les  jours  désignés  par  l'art.  25. 
Mais  suivrait- il  de  là,  par  exemple,  qu'un  jugement  correctionnel  portant  con- 
damnation à  l'emprisonnement  ayant  été  rendu  contre  un  individu  qui  n'est 
pas  maintenant  détenu,  cet  individu  ne  pourrait  être  arrêté  un  jour  de  fête 
religieuse  ou  nationale?  11  est  impossible  d'admettre  un  tel  résultat:  on  com* 
prend  que  la  loi  pour  ne  pas  contrister  par  le  spectacle  d'une  exécution  pu- 
blique la  solennité  des  fêtes  nationales  ou  religieuses,  ait  interdit  dans  de  pa» 
reils  jours  les  exécutions  proprement  dites.  Mais,  comme  jamais  on  n'a  pensé 
qu'un  mandat  de  dépôt,  qu'un  mandat  d'arrêt,  qu'un  mandat  même  d'amener 
ne  pût  être  exécuté  dans  de  pareils  jours,  à  fortiori  pourrait*on  -et  devrait-on 
arrêter,  en  vertu  d'une  condamnation  criminelle  ou  correctionnelle,  le  con- 
damné qu'on  rencontrerait  dans  ces  jours  ?  En  un  mot,  ceci  ne  s'applique 
qu'aux  condamnations  dont  la  publicité  serait  vraiment  un  scandale,  et  le  ré- 
sultiU  de  l'art.  25  ne  peut  être  d'assurer  à  un  malfoiteur  condamné  une  espèce 
de  sauf-conduit  de  plein  droit  dans  les  jours  désignés  par  l'art.  25.  Cet  article 
ne  peut  mettre  de  bornes  aux  droits  et  aux  devoirs  d'arrestation,  aux  droits  et 
aux  devoirs  des  agents  de  la  force  publique  de  mettre  sous  la  main  de  la  justice 
un  malfaiteur  condamné,  mais  seulement  aux  genres  d'exécutions  proprement 
dites  que  je  vous  signalais  tout  à  l'heure.  J'ajoute,  d'ailleurs,  quant  aux  con- 
damnations correctionnelles,  que  cet  article  est  sous  la  rubrique  des  peines  en 
mat^e  criminelle,  et  que,  sauf  un  motif  spécial  et  d'extrême  extension,  nous 
ne  devons  pas  l'étendre  à  d'autres  espèces  de  peines  ;  nous  avons  trouvé  ce 
motif  dans  l'art.  23,  mais  nous  ne  voyons  ni  dans  cet  article  ni  dans  les  autres 
aucun  motif  d'étendre  cette  restriction. 


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DU  MODS  dB  LBUR  EZftCUTIOK  (aAT.  H).  105 

71.  «  Abt.  26.  L'exécution  se  fera  sur  Tune  des  plaees  publiques  du  lieu  qui 
sera  indiqué,  par  l'arrêt  de  otutdamnatioiL  m 

Le  sens  môme  du  mot  ewéeuHan,  dans  cet  article,  détermine  la  signification 
que  nous  doTOns  lui  donner  dans  son  emploi  un  peu  équivoque  dans  Particle 
précédent. 

L'arrêt  peut  indiquer  le  lieu  de  l'exécution  ;  cependant  je  dois  vous  rappeler 
qu'aux  termes  de  Tart.  372,  §  i«,  du  Gode  d'instruction  criminelle,  il  y  a  une 
légère  modification  à  cet  article  ;  dans  ce  cas,  la  loi  détermine  à  l'avance  et 
précisément  le  lieu  dans  lequel  sera  exécuté  par  effigie  le  condamné  par  con- 
tumace. En  cas  de  condamnation  par  contumace,  l'art.  26  du  Gode  pénal  nd 
s'applique  point  ;  il  n'appartient  point  à  la  Gour  d'assises  de  déterminer  préci- 
sément le  lieu  de  l'exécution.  L'exécution  par  effigie,  consistant  dans  l'affiche 
dont  parle  cet  article,  doit  se  faire  sur  l'une  des  places  publiques  de  la  ville 
chef-lien  de  l'arrondissement  où  le  crime  aura  été  commis.  C'est  ici  une  légère 
modification  au  cas  particulier  de  condanmation  par  contumace. 

72.  tt  ART.  27.  Si  une  lemme  condamnée  à  mort  se  déclare,  et  s'il  est  vérifié 
qu'elle  est  enceinte,  elle  ne  subira  sa  peine  qu'après  sa  délivrance.  » 

Je  n'ai  pas  besoin  d'insister  sur  les  motifs  de  cet  article  ;  je  ferai  remarquer 
cependant  qu'il  abroge  implicitement  une  loi  antérieure,  et  dont  la  disposition 
étût  plus  favorable  ;  cette  loi,  du  23  germinal  an  III,  défendait  non-fleulement 
d'exécuter  UlUO  condamnation  à  mort  avant  la  vérification  dont  parle  notre 
article,  mais  encore  de  mettre  en  jugement  une  femme  accusée  d'un  crime 
capital,  avant  d'avoir  vérifié  qu'elle  ne  fût  pas  enceinte.  Peut-être  serait-il  à 
désirer  que  cette  disposition  plus  généreuse  eût  été  maintenue  ;  il  est,  au  reste, 
à  penser  qu'en  pareil  cas,  le  silence  de  la  loi  trouverait  un  supplément  dans 
le  sentiment  des  bienséances  du  ministère  public  chargé  de  la  poursuite  ;  qu'on 
éviterait  de  traduire  à  la  Gour  d'assises,  sous  le  poids  d'une  accusation  capi- 
tale, une  femme  dont  l'état  de  grossesse  serait  vérifié  ;  qu'on  surseoirait,  non- 
seulement  à  l'exécution  de  la  condamnation,  mais  aussi  aux  débats,  s'il  n'y 
avait  pas  eu  encore  condamnation;  et  cependant  la  loi  du  23  germinal  an  lU 
esl  considérée  comme  abrogée.  Mais  c'est  là  une  question  de  bienséance  et  de 
convenances. 

78.  «  Art.  28.  La  condamnation  à  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps,  de  la 
détention,  de  Ta  réclusion  et  du  bannissement,  emportera  la  dégradation  civique. 
La  dégradation  civique  sera  encourue  du  jour  où  la  condamnation  sera  devenue 
irrévocable,  et,  en  cas  de  condamnation  par  contumace,  du  Jour  de  l'exécution 
par  efQgie.  » 

Nous  trouvons  encore  dans  cet  article  et  dans  le  suivant,  plus  importants 
que  ceux  qui  les  précèdent,  nous  trouvons  encore  certains  accessoires  attachés 
par  la  loi  aux  peines  criminelles  dont  nous  nous  sommes  occupés  jusqu'ir' 
La  dégradation  civique  a  été  indiquée  dans  le  texte  de  l'art.  8,  comme  pef 


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106     8BPT.  LBÇ.  —  DBS  PJONBS  SN  MAT*  CRIIC.  UY.  I*  G8AP.  I  (n«  73). 

•implement  infiunante;  mais  dans  Tart.  8,  en  citant  la  dégradation  cÎTiqoe»  le 
législateur  entend  parier  surtout  de  la  dégradation  ciyii{ue  prononcée  isolé- 
ment, et  comme  condamnation  principale  attachée  directement  à  tel  ou  tel 
crime.  Ce  n'est  pas  encore  sous  ce  point  de  vue  que  nous  avons  à  nous  occo- 
per  de  la  dégradation  civique  ;  il  en  sera  question  dans  l'art.  34.  Ici  elle  est 
envisagée,  non  pas  comme  peine  principale  prononcée  directement,  mais 
comme  conséquence  tacite  et  légale  de  certaines  condamnations.  Ces  condam- 
nations auxquelles  la  loi  attache  de  droit,  et  sans  même  que  l'arrêt  en  ait 
parlé,  la  dé^pradation  civique,  ce  sont  les  trois  condamnations  afflictives  tem* 
poraires  et  la  première  des  peines  infamantes,  savoir  :  le  bannissement» 

La  dégradation  civique,  comme  son  nom  l'indique  assez,  est  une  privation 
plus  ou  moins  étendue  de  certains  droits  civiques,  civils  et  de  famille.  Noua 
entrerons,  en  expliquant  Tart.  34,  dans  les  détails  de  cette  privation,  et  aussi 
dans  l'examen  des  avantages  et  des  défauts  d*une  pareille  pénalité  ;  je  me 
contente,  quant  à  présent,  de  vous  renvoyer  à  cet  article.  La  dégradation  civi- 
que résulte  donc,  dans  les  quatre  cas  indiqués  par  notre  article,  du  bit  même 
de  la  condamnation  à  l'une  de  ces  peines. 

L'étendue  de  cette  dégradation  est  déterminée  dans  l'art*  34;  mais  ni  Tarti- 
de  28  ni  l'art.  34  ne  tranchent  une  question  qui  pourrait  se  présenter  et  vous 
causer  quelque  embarras,  celle  de  savoir  quelle  est  la  durée  de  la  dégradation 
civique  encourue  comme  peine  accessoire,  comme  résultant  de  l'une  des 
condamnations  énumérées  par  l'art.  28.' 

J'ai  dit  tout  à  l'heure  que  la  dégradation  civique  n'est  pas  une  peine  tempo* 
raire  ;  qu'elle  soit  une  peine  accessoire  comme  dans  le  cas  de  l'art.  28,  qu'elle 
soit  une  peine  principale  comme  dans  le  cas  de  Fart.  8  et  de  quelques  autres 
textes,  elle  n'est  jamais  peine  temporaire  proprement  dite,  elle  n'est  jamais  du 
nombre  de  celles  où  Tart.  23  peut  recevoir  son  application.  Cependant,  si  la 
dégradation  civique  n'est  pas  proprement  temporaire,  ce  n'est  pas  non  plus,  à 
parler  exactement,  une  peine  perpétuelle  comme  les  trois  premières  de  Tart.  7. 
J'aimerais  mieux  dire  qu'elle  est  indéfinie,  c'est-à-dire  que  les  tribunaux  n'en 
déterminent  jamais  et  n'en  peuvent  pas  déterminer  d^avance  la  durée,  qu'elle 
ait  lieu  principalement  ou  accessoirement.  La  dégradation  civique  est  indéfi- 
nie, c'est-à-dire  que,  pVononcée  ou  parla  loi  ou  p'Iur  l'arrêt,  sans  détermination 
à  l'avance  de  sa  durée,  elle  peut  cependant  cesser  par  la  réhabilitation  obtenue 
par  le  condamné,  après  un  intervalle  plus  ou  moins  long. 

Vous  trouverez  dans  les  art.  619  et  620  du  Ciode  d'instruction  criminelle  les 
indications  relatives  à  la  réhabilitation  ;  vous  y  verrez  que  tout  condamné  à 
une  peine  affiictive  ou  in&mante  pourra,  après  avoir  subi  sa  peine,  obtenir  sa 
réhabilitation  ;  et  l'efifet  de  cette  réhabilitation  est  précisément  de  le  restituer, 
de  le  rétablir  dans  les  droits  que  la  dégradation  civique  lui  avait  enlevés  ind^ 
finiment.  La  réhabilitation  accordée  a  précisément  pour  résultat  de  faire  ces- 
ser les  effets  de  la  dégradation  civique;  elle  peut  être  demandée,  en  général, 
cinq  ans  après  l'expiration  des  peines  auxquelles  elle  est  attachée  par  l'art.  28; 
car  remarques  que  nous  ne  nous  occupons  aujourd'hui  que  de  la  dégradation 
civique  encourue  accessoirement;  nous  ne  nous  occupons  de  la  réhabilitation 
que  comme  moyen  de  faire  cesser  cette  espèce,  ce  cas  particulier  de  dégrada- 
tion civique.  L'art.  619  déclare  qu'en  cas  de  condamnation  aux  travaux  forcés 

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ou  IIODI  SB  UDR  SZACUTION  (aAT.  t9).  107 

i  teàipe,  à  ia  détention  on  à  la  fMiuioQ»  k  condamné  poncra,  cinq  ans  aprèe 
tYoir  subi  sa  peino,  domandar  ta  réhabilitaiîon  ;  ce  n'est  pas  à  dire,  bien  en» 
leodo,  qoe  cette  réhabilitation  devra  néoeesairesaent  loi  être  accordée. 

A  ré^d  du  bannissement,  qui  entraine  aussi,  comme  accessoire,  comme 
conséquence,  la  dégradation  mvique,  l'art.  619  ne  nous  dit  pas  i  quelle  époque 
le  banni,  i^Mrès  Pexpiration  de  sa  peine,  pourra  solliciter  sa  réhabilitation,  et 
Cure  cesser  par  là  même  les  incapacités  dont  il  était  frappé.  On  serait  tenté  de 
conclure  de  ce  silence  qu'immédiatement  après  Fezpiration  de  la  peine,  le 
banni  rentré  en  France,  et  auquel  la  loi  n*a  déterminé  aucun  délai,  pourrait 
solliciter  et  obtenir,  s'il  y  avait  lieu,  sa  réhabilitation.  Mais  Fart.  620  ajoute 
que  nul  ne  pourra  obtenir  sa  réhabilitati<m  s'il  n'a  demeoré  pendant  cinq  ans 
dans  le  même  arrondissement  communal  pour  y  être  soumis  à  l'examen,  à  la 
snrreillance  que  suppose  nécessairement  la  concession  d'une  réhabilitation* 
Or,  il  est  clair  que  le  banni  n*a  pu,  tant  qu'a  duré  sa  peine,  accomplir  cette 
condition,  forcé  de  vivre  hors  de  France  ;  s'il  a  résidé  de  fait  dans  un  arrondis^ 
sèment  français,  ç*a  été  de  sa  part  un  acte  punissable,  aux  termes  de  l'art.  23* 
n  est  Gkdr  que  ce  temps  ne  peut  pas  lui  compter  dans  les  cinq  ans  de  l'art  620. 

Nous  dirons  donc  que,  dans  les  quatre  cas  indiqués  par  Tart.  28,  dans  tous 
les  cas  où  la  dégradation  civique  est  encourue  accessoirement,  un  intervalle 
de  cinq  années  au  moins  a  dû  s'écouler  entre  l'expiration  de  la  peine  et  la 
demande  en  réhabilitation  sur  laquelle  la  cour  sera  appelée  à  prononcer. 
J'ajouterai  que,  bien  qu'en  général  la  dégradation  civique  soit  plutôt  indéfinie 
que  perpétuelle,  en  ce  sens  qu'elle  peut  cesser  par  la  réhabilitation,  cependant 
l'art.  634  du  Ciode  d'instruction  criminelle  fait  implicitement  une  exception  i 
ce  principe,  en  déclarant  que  le  condanmé  pour  récidive  ne  pourra  jamais  être 
réhabilité.  Donc,  à  cet  égard,  la  dégradation  civique  prend  véritablement  un 
caractère  de  perpétuité. 

Quant  au  point  de  départ  de  la  dégradation  civique,  il  est  indiqué  fort  clai- 
rement à  ia  fin  de  l'art  28  ;  je  n*ai  pas  besoin  de  m'y  arrêter. 

74.  «  Art.  29.  Quiconque  aura  été  condamné  à  la  peine  des  travaux  forcés  à 
temps,  de  la  détention  ou  de  la  réclusion,  sera,  de  plus,  pendant  la  durée  de  sa 
peine,  en  état  d'interdiction  légale  ;  il  lui  sera  nommé  un  tuteur  et  un  subrogé 
tuteur  pour  gérer  et  administrer  ses  biens,  dans  les  formes  prescrites  pour  les 
nominations  des  tuteurs  et  subrogés  tuteurs  aux  interdits.  » 

Encore  ici  un  accessoire,  une  conséquence  attachée  par  la  loi  k  certaines 
pénalités.  En  quoi  diffère  cette  interdiction  légale  prononcée  par  l'art.  29  de  la 
dégradation  civique  prononcée  par  l'art  28  ?  Les  différences  sont  de  plusieurs 
sortes. 

!•  La  dégradation  civique  enlève  pleinement»  absolument,  quoique  non  pas 
d'une  manière  irrévocable,  les  droits  qu'elle  retire  an  condamné.  Ainsi  vous 
verres  dans  Fart.  34  que  la  dégradation  consiste  dans  la  privation  de  tels  et  tels 
droits,  par  exemple  dans  la  privation  dn  droit  de  vote,  d'élection  et  autres 
pareils  ;  en  un  mot,  elle  enlève,  non-seulement  l'exercice,  mais  la  jouissance, 
mais  l'existence  même  du  droit  dans  la  personne  qu'elle  atteint.  Au  contraire, 
^interdiction  légale,  comme  l'indique  assez  son  nom,  l'interdiction  légale 
comme  Tinteidiction  jndlciaire  dont  il  est  question  à  la  fin  du  livre  I*'  du  Ce 

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106      8BPT.  LEÇ.  *-*  DBS  I>BINB8  BN  MAT.  GRIX.  LIT.  I.  GHAP.  1  (m®  75). 

dTÎl,  n'enlèye  pas  la  jomssanoe  du  droit,  n'enlèYe  pas  le  droit  lui-même  an 
condamné  qu'elle  atteint  ;  elle  lui  en  retire,  elle  loi  en  interdit  l'exercice  direct 
et  personnel.  Telle  est  la  conséquence  nécessaire  du  mot  interdiction  employé 
ici  par  la  loi. 

2®  La  dégradation  ne  frappe,  n'atteint,  n'enlève  que  les  droits  spécialement 
déterminés  dans  le  texte  de  l'art.  34;  au  contraire,  l'interdiction  légale,  comme 
rinterdiction  judiciaire,  enlève  au  condamné  l'exercice,  non  pas  de  tel  ou  tel 
droit,  mais  de  tous  ses  droits  sans  exception,  sans  restriction;  elle  en  confère 
l'exercice  au  tuteur  nommé  conformément  à  notre  article,  sauf  à  requérir  les 
assistances,  les  homologations  voulues  par  le  droit  civil. 

D'autres  différences  résultent  encore  du  rapprochement  de  nos  deux  textes. 

La  dégradation  civique  résultant  de  l'art.  28  est  une  peine  indéfinie  ;  elle  ne 
cesse  que  par  la  réhabilitation  après  un  temps  plus  ou  moins  long,  mais  tou- 
jours après  un  certain  intervalle  depuis  que  le  condamné  a  subi  sa  peine.  En 
tl'autres  termes,  le  condamné  frappé  de  la  dégradation  civique,  accessoirement 
à  une  autre  peine,  ne  peut  jamais  rentrer  dans  la  jouissance  des  droits  que 
lui  enlève  l'art.  34  immédiatement  après  avoir  subi  les  condamnations  qui 
avaient  produit  cette  privation.  Au  contraire,  l'interdiction  légale,  comme 
le  déclare  formellement  l'art.  29,  commence  et  finit  avec  la  peine  ;  c'est  pen- 
dant la  durée  de  sa  peine  que  le  condamné  dont  parle  l'art.  29  est  frappé  de 
cette  interdiction  ;  une  fois  sa  peine  expirée,  il  rentre,  de  droit,  sans  même 
avoir,  comme  l'interdit  judiciairement,  sans  même  avoir  de  demande  en  main- 
levée à  former,  il  rentre  de  droit  dans  la  plénitude  de  l'exercice  de  ses  facultés 
civiles. 

Enfin,  la  dégradation  dvique  est  attachée  par  l'art.  28  à  quatre  peines,  sa- 
voir :  aux  trois  peines  temporaires  afflictives  et  au  bannissement,  c'est-à-dire 
à  la  première  des  peines  criminelles  purement  infamantes.  Au  contraire,  l'in- 
terdiction légale  attachée  par  Part.  29  aux  trois  peines  temporaires  afflictives, 
n'est  pas  attachée  à  la  condamnation  au  bannissement.  Le  banni  n'est  pas 
soumis  à  l'état  d'interdiction  légale  ni  à  la  nomination  du  tuteur  et  du  subrogé 
tuteur  dont  parle  l'art.  29. 

Yoilà  les  différences  notables,  caractéristiques,  entre  la  privation  acces- 
soire dont  parle  l'art.  28,  et  la  privation,  accessoire  aussi,  dont  parle  l'art.  29  ; 
mais,  à  d'autres  égards,  l'intelligence  de  l'art.  29  demande  d'assez  longues 
explications,  que  je  vais  me  borner  à  vous  indiquer,  sauf  à  les  développer  plus 
tard. 

7S.  D'abord,  quelle  est  la  portée,  quelle  est  l'étendue  prédse  de  cet  état 
d'interdiction  légale  prononcée  par  l'art.  29  contre  certains  condamnés  ?  Cet 
état  est-il  régi  absolument  et  sans  exception  par  les  artides  du  Gode  civil  qui 
déterminent  l'état  des  interdits  judiciairement  ;  ainsi  les  art.  502  et  suivants, 
relatids  à  l'interdiction  judiciaire,  sont-ils  pleinement  applicables  à  l'interdic- 
tion légale  prononcée  à  titre  de  pénalité  ?  De  même,  les  artides  relatifs  à  la 
tutelle  des  interdits  judiciairement,  devront-ils  s'appliquer  de  droit  à  la  tutelle 
des  interdits  légalement?  D'un  autre  côté,  à  quel  genre  de  condamnation  et> 
quelle  position,  à  quelle  classe  de  condamnés  l'artide  doit^il  s'appliquer? 
Faut^il  l'appliquer,  1»  aux  individus  condamnés  contradictoirement  à  l'une 

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DU  MQM  DB  LIVR  ntCOTlâir  (aRT.  29).  109 

d66  trois  peiaes  ûMUquées  dans  Tari.  29,  «t  sabifiMail  réollemeat  cette  peine  ? 
8v  la  première  queetioa,  raffiniMUtive  n'est  paa  douteuse  ;  mais,  2«  l*ôtat 
d'iiitordictioiL  légale  prenoncée  par  Tari.  20  doit-il  s'appliquer  avec  ses  consé- 
qnences  aux  indiiddas  condamnés  contradictoirement  et  qui  se  sont  évadés 
depuis  la  condamnation,  aux  individus  qui  ne  subissent  pas  réellement  la 
peine  prononcée  contre  eux,  et  sur  lesquels  paraissent  manquer  en  conséquence 
les  termes  de  Tart  29  pendant  la  durée  de  sa  peine,  et  de  TarL  30,  am*^  qu'U 
aura  $ubi  sa  peine  ?  Enfin,  qaéL  sera  Tétat,  la  position  des  individus  condam» 
nés  à  l'one  des  trcMs  peines  indiquées  dans  Tart.  29,  mais  condamnés  par  cou- 
tomace  et  non  pas  contradictoirement?  C'est  cette  dernière  question  qui 
méflrite  véritablement  de  l'intérêt  et  du  soin,  non  pas  qu'on  puisse,  je  crois, 
hésiter  raisonnablement  sur  la  question  de  savoir  si  l'art.  29  leur  est  applicable. 
Bncore  bien  que  le  texte,  au  premier  aspect,  ne  distingue  pas,  nous  pouvons 
prendre  pour  certain  que  Fart  29  est  inapplicable  au  condamné  par  contu- 
mace. L'état  du  oontumaz  et  la  régie  de  ses  biens  resteront  soumis,  dans  les 
trois  cas  indiqués  dans  cet  article,  aux  principes  développés  dans  les  art.  465 
et  suivants  du  Ciode  d'instruction  criminelle,  principes  dont  l'application  n'est 
pas  d'ailleurs  sans  difficulté,  et  qui  mériteront  de  nous  arrêter  quelques 
instants. 

Nous  commencerons  donc  la  prochaine  leçon  par  l'examen  de  la  nature  de 
l'interdiction  légale  prononcée  par  l'art.  29,  et  par  l'explication  de  l'art.  471  du 
CSode  d'instruction  criminelle.  Prenes  lecture  par  avance  des  art.  469  à  478  du 
Ciode  d'instruction  criminelle  relatife  à  la  contumace. 

HUiriiMS  LBÇON. 

76.  Nous  nous  sommes  arrêtés  à  l'explication  de  l'art.  29,  relatif  à  l'état 
â*interdicti(m  légale  qu'il  établit  comme  conséquence  des  trois  condamnations 
anx  travaux  forcés  à  temps,  à  la  détention  et  à  la  réclusion.  J'ai  indiqué  quelles 
différences  s^Murent,  soit  dans  sa  nature,  soit  dans  sa  durée,  soit  dans  ses 
causes,  Finterdiction  légale  de  l'art.  29,  de  la  dégradation  civique  dont  parle 
Part.  28.  Dans  sa  nature,  en  ce  que  l'interdiction  légale  enlève  seulement  au 
condamné  l'exercice  de  ses  droits,  tandis  que  la  dégradation  civique  le  prive 
des  droits  eux-mêmes,  mais  de  droits  moins  nombreux  et  moins  importants. 
Cette  difB&rence  résulte  d'ailleurs  textuellement  des  arL  1  et  2  du  titre  IV  du 
Code  pénal  de  4791,  que  j'ai  omis  de  vous  citer  dans  la  dernière  leçon.  C'est 
dans  ces  deux  artides  qu'on  a  puisé,  soit  lapeme  accessoire  de  la  dégradation 
civique,  soit  celle  de  l'interdiction  légale,  et,  relativement  à  cette  dernière, 
Vart.  2  disait  :  t  Quiconque  aura  été  condamné  à  cette  peine  ne  pourra,  pen- 
dant sa  durée,  exercer  par  lui-même  aucun  droit  civil.  •  Quant  aux  causes 
d'où  la  loi  fait  dériver  ces  deux  peines,  nous  avons  remarqué  que  ces  causes 
étaient  moins  nombreuses  dans  le  cas  de  l'art.  29  que  dans  celui  de  l'art.  28  ; 
que  le  bannissement  auquel  l'art.  28  attache  la  dégradation  civique  n'emporte 
pas  Finterdiction  légale  aux  termes  de  l'art.  29.  Enfin,  quant  à  la  durée,  la 
dégradation  civique  est  indéfinie  ;  au  contraire,  l'interdiction  légale  cesse  de 
droit  avec  la  peine  dont  elle  était  la  conséquence:  l'art.  29  est  formel  à  cet 
égard. 


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1 10      HUIT.  LBÇ.  —  OBB  PBI1«  KK  MAT.  Cftllf*  LIT.   I.  GHAP.  I  (n«  78). 

77.  Quelles  questions  nons  restent  à  examiner  relativement  à  la  matièro  de 
l'interdiction  l4;ale  :  1«  Quelles  sont  les  consôquences  de  cette  interdiction  f 
2*  Â  quelle  nature,  à  quelle  classe  de  condamnations  cette  interdiction  légale 
doit-elle  s'attacher,  s'appliquer? 

78.  D'abord,  quels  en  sont  les  efléts  ? 

Dans  le  silence  de  l'art.  29  à  cet  égard,  il  est  naturel,  il  est  nécessaire  de 
nous  reporter,  pour  déterminer  les  résultats  de  Tinterdiction  légale,  aux  régies 
tracées  par  le  Gode  ciyil  sur  l'interdiction  judiciaire,  les  mômes  incapacités 
dont  rinterdit  judiciairement  se  trouve  atteint  par  les  art.  ft02  et  509  du  Gode 
civil,  ces  mômes  incapacités  devant  frapper,  à  ce  qu'il  semble,  l'interdit  léga- 
lement, aux  termes  de  l'art.  29.  La  même  nullité,  agissant  par  les  mômes 
principes,  atteindra  les  actes  passés  par  l'un  et  par  l'autre  pendant  la  durée 
de  l'interdiction. 

Je  n'admettrais  pas  môme  i  cet  égard  une  distinction  que  la  jurisprudence 
parait  cependant  autoriser  entre  les  actes  entre-vifs  et  les  actes  testamentaires. 
On  s'accorde  i  reconnaître  que  tons  les  actes  entre-vifs,  passés  par  l'interdit 
légalement  pendant  la  durée  de  sa  peine,  sont  nuls  comme  le  seraient  les  actes 
d'un  interdit  judiciairement,  sont  nuls  par  une  conséquence  forcée  des  art.  502 
et  509  ;  mais  on  a  déclaré  valable  le  testament  fait  pendant  la  durée  de  sa  peine 
par  l'interdit  légalement.  Il  m'est  impossible  de  trouver  dans  le  texte  de 
l'art.  29  rien  qui  puisse  autoriser  cette  distinction.  L'interdiction  légale,  c'est 
la  suspension,  la  privation  temporaire  de  Texercice  de  tous  les  droits  ;  ainsi  le 
voulait  l'art.  2  du  titre  IV  du  Gode  de  1791  ;  notre  Gode  n'a  fait  que  reproduire 
ses  expressions  et  ses  principes;  on  ne  comprend  pas  pourquoi  l'interdit  léga- 
lement serait  à  cet  égard  dans  une  position  plus  favorable  que  l'interdit  judi- 
ciairement Au  reste,  en  appliquant  le  texte  à  la  lettre,  en  prononçant  d'après 
ce  texte  la  nullité  du  testament  de  l'interdit  légalement,  il  est  bien  entendu 
que  cette  nullité  ne  s'applique  qu'au  testament  qu'il  aurait  fait  pendant  la 
durée  de  sa  peine;  que  s'il  avait  testé  avant  la  condamnation,  et  qu'il  vint  à 
mourir  pendant  que  dure  encore  la  peine,  le  testament  serait  assurément  va- 
lable ;  car  il  n'a  perdu  que  l'exercice  du  droit  de  faire  son  testament,  et  non 
pas  la  capacité,  non  pas  le  droit  d'en  avoir  un.  En  un  mot,  sa  position  parait 
devoir  être,  à  tous  égards,  la  position  et  l'état  d'un  interdit  judiciairement. 

Quant  à  la  tutelle  dont  parle  l'art.  29,  tutelle  qui  doit  être  organisée  pour 
lut  sur  le  plan  et  d'après  les  règles  de  la  tutelle  de  Tinterdit  judiciairement,  il 
semble  que,  par  suite  de  cette  assimilation,  nous  devons  élargir  un  peu  le 
texte  des  derniers  mots  de  Tart.  29.  Ainsi,  on  ne  suppose  dans  l'art.  29  que 
Texistence  d'une  tutelle  dative  pour  l'interdit  légalement.  Il  hd  sera  nommé, 
dit  la  loi,  un  tuteur  et  un  subrogé  tuteur  pour  gérer  et  administrer  ses  biens,  dan$^ 
les  formes  prescrites  pour  les  nominations  des  tuteurs  et  subrogés  tuteurs  aux  in-- 
terdits.  Mais  vous  pouvez  vous  rappeler  que,  dans  le  premier  livre  du  Gode 
Civil,  U  tutelle  d'un  interdit  n'est  pas  toujours  dative,  qu'il  y  a,  dans  certains 
cas,  pour  l'interdit  judiciairement,  une  tutelle  légale.  Vous  la  trouvez  indiquée 
dans  l'art.  506  :  •  Le  mari  est  de  droit  tuteur  de  sa  femme.  •  Il  y  a,  ce  semble, 
môme  raison  pour  appliquer  la  tutelle  légale  à  l'interdit  légalement  et  à  l'in  | 
terdit  judiciairement. 


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DO  IfOOB  DE  LBUB  BXACUTION  (aRT.  29).  111 

De  même,  dans  Tart.  508,  vous  yoyez  qa>n  général  on  ne  pent  être  tenu 
de  garder  pendant  pins  de  dix  ans  la  tnteUe  d'an  interdit;  il  y  a^  ce  semble, 
nuson  à  pen  près  pareille  de  le  décider  pour  Finterdit  légalement,  dont  l'inter- 
diction, comme  la  peine,  pent  se  prolonger,  en  certains  cas,  bien  an  delà  de 
dix  ans.  H  semble  donc  qn'après  ce  délai  le  tutenr  pourrait  demander  et  obte- 
nir sa  décharge. 

U  est,  du  reste,  évident  qne,  parmi  les  articles  de  Tinterdiction  an  CSode 
dvil,  il  en  est  qnelqnes-nns  d'inapi^icables,  par  la  «nature  môme  des  choses,  à 
la  matière  qui  nous  occupe;  tels  sont  les  art.  &03  et  504,  qui  se  rapportent 
éTidemment  au  cas  d'une  démence  et  d'une  interdiction  proprement  dite,  et 
qui  sont  par  là  mtoe  étrangers  à  notre  matière.  Tel  est  enfin  l'art.  510  relatif 
à  l'emploi  qui  doit  être  fait  des  revenus  de  l'interdit,  revenus  qui  doivent  être 
avant  tout  destinés  à  adoudr  son  sort  et  à  accélérer  sa  guérison.  Loin  que  cet 
article  puisse  recevoir  la  moindre  application  à  l'interdit  légalement,  l'art.  3i 
du  Gode  pénal  défend  absolument  de  remettre  à  l'individu,  pendant  la  durée 
de  sa  peine,  aucune  portion,  si  légère  qu'elle  soit,  de  ses  revenus. 

Une  seule  question  resterait  à  examiner,  il  suffit  presque  de  la  poser  pour 
la  résoudre.  En  1832  on  proposa  d'ajouter,  par  un  amendement  exprès,  que  le 
tuteur  à  l'interdit,  dans  le  cas  de  Fart.  29,  pourrait  être  autorisé  à  prélever, 
sur  les  revenus  de  l'interdit,  les  sommes  nécessaires  pour  secourir  les  person- 
nes auxquelles  Finterdit  devait  des  aliments,  comme  les  enfants,  les  ascendants. 
On  répondit  avec  raison  qu'un  tel  amendement  était  inutile,  que  la  législation 
existante  pourvoyait  entiteement  à  ce  besoin.  H  faut  même  aUer  plus  loin  et 
dire  que  le  tuteur  pourrait,  avec  les  formalités  voulues,  prélever  non-seule- 
ment de  quoi  fourmraux  pensions  alimentaires  que  l'interdit  pourrait  devoir, 
mais  même  prélever  les  sommes  nécessaires  à  l'établissement,  aux  constitu- 
tions de  dot  des  enfants  de  l'interdit,  et  cela  aux  termes  de  l'art.  511  du  Gode 
civil,  évidemment  applicable  à  cette  matière.  On  eût  pu  ajouter  que,  dans  le 
projet  primitif  discuté  en  1808,  l'art.  1020  contenait  formellement  une  dispo- 
sition de  ce  genre  qui  lut  rayée  du  projet  comme  inutile,  la  matière  étant 
suffisamment  prévue  par  le  Gode  civil.  N'hésitons  donc  pas  à  dire  que,  dans 
l'interdiction  légale  comme  dans  l'interdiction  judidiaire,  le  tuteur  de  l'interdit, 
&a  remplissant  les  formalités  de  l'art.  511,  peut  valablement  pourvoir,  non- 
seulement  au  soutien  de  la  famille,  mais  même  à  l'établissement  des  enfants 
de  l'interdit.  L'argument  à  contrario  que  l'on  avait  voulu  tirer  de  l'art.  475  du 
Gode  d'instruction  criminelle,  est  sans  application,  sans  aucune  portée;  nous 
le  verrons  tout  à  l'heure  sur  une  question  qui  va  se  présenter. 

Enfin,  il  est  clair  que  l'art.  512  du  Gode  civil  est  inapplicable  à  l'interdiction 
légale.  Cet  article  dit  que  l'interdiction  cesse  avec  les  causes  qui  l'ont  déter- 
minée; mais  que,  pour  obtenir  mainlevée  de  l'interdiction,  il  faudra  intenter 
une  action  soumise  aux  mêmes  formalités  que  celles  qui  sont  prescrites  pour 
fidre  prononcer  l'interdiction.  Dans  Finterdiction  légale,  rien  de  pareil;  elle 
cesse  de  plein  droit,  sans  demande  en  mainlevée,  par  le  seul  fait  de  l'expira- 
tion de  la  peine;  telle  est  la  conséquence  de  Fart.  29. 

Ainsi,  en  résumé,  en  prindpe  général,  nous  appliquerons  à  Finterdiction 
légale  établie  par  Fart.  29  toutes  les  règles  de  Finterdiction  judiciaire,  à  l'ex- 
ception seulement  de  celles  que  la  nature  des  choses,  que  la  différence  réel' 

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i  12     HUIT.  LBÇ.  —  DBS  PJffNXS  SN  MAT.  GfUlC.  UV.  I.  GHAP.  I  (n«  79). 

des  positions  montrent  absolument  inapplicables  d'une  matière  à  l'autre. 

79.  Un  point  plus  important,  auquel  nous  passons  maintenant,  est  de  savoir 
à  quelle  nature  de  condamnations  l'interdiction  légale  doit  être  précisément 
attachée,  non  pas  à  quelles  peines,  car  Tart.  29  répond  clairement  à  la  ques- 
tion, ce  sont  les  trois  dernières  peines  afflictives  temporaires;  mais  Tinterdic* 
tion  légale  résulte-t«eUe  indifférenmient,  soit  d'une  condamnation  contradic- 
toire, soit  aussi  d'une  condamnation  par  contumace  à  cbacune  des  peines 
afflictives  temporaires  indiquées  par  l'art.  29? 

A  l'égard  des  condanmations  contradictoires,  il  n'y  a  aucune  difficulté  ;  soit 
que  le  condamné  subisse  réellement  sa  peine  ou  qu'il  s'y  soit  dérobé  par  la 
fuite,  par  cela  seul  que  la  condamnation  est  contradictoire,  définitive,  inatta- 
quable, rétat  d'interdiction  légale  pèse  sur  le  condamné,  détenu  ou  fugitif^ 
sans  aucune  espèce  de  distinction. 

Mais  en  est-il  de  même  de  l'individu  condamné  par  contumace  à  l'une  des 
trois  peines  indiquées  par  notre  article?  Le  doute  à  cet  égard  pourrait  résulter 
des  termes  généraux  de  l'art.  29  :  Quiconque  aura  été  condamné,  expressions 
qui  ne  distinguent  pas  entre  les  condamnations  contradictoires  et  les  condam- 
nations par  contumace.  Cependant  vous  trouverez  au  Gode  d'instruction  crimi- 
nelle un  chapitre  spécial  relatif  à  la  matière  des  contumaces  sous  les  art.  465 
à  478,  et  parmi  les  articles  de  ce  chapitre  l'art  471  semble  introduire,  pour  la 
matière  qui  nous  occupe,  une  disposition  spéciale,  une  règle  qui  exclut  l'appli- 
cation de  l'art.  29.  Voici  les  termes  de  cet  art.  471,  dont  il  est  important  de 
bien  pénétrer  le  sens,  sujet  k  quelques  discussions  :  c  Si  le  contumaz  est 
condamné,  ses  biens  seront,  à  partir  de  l'exécution  de  l'arrèi,  considérés  et 
régis  comme  biens  d'absent;  et  le  compte  du  séquestre  sera  rendu  à  qui  il 
appartiendra,  après  que  la  condamnation  sera  devenue  irrévocable  par  l'expi- 
ration du  délai  donné  pour  purger  la  contumace.  »  Il  est  clair  d*abord  que 
l'art.  29  du  Gode  pénal  et  que  l'art  471  de  l'autre  Gode  doivent  l'un  et  l'autre 
trouver  leur  application;  qu'aucun  des  deux  ne  peut  être  considéré  comme 
une  abrogation,  comme  une  modification  de  l'autre.  En  effet,  ces  deux  articles 
existaient  et  s'appliquaient  simultanément  avant  môme  la  rédaction  du  Gode 
pénal  de  1810  ;  ces  deux  articles  se  rencontraient  dans  la  loi  de  1791  et  le  Gode 
du  3  brumaire  an  IV  combinés,  au  moins  ils  s'y  trouvaient  quant  au  fond.  De 
même  on  a  reconnu  dans  la  discussion  récente,  lors  de  la  révision  des  lois 
pénales,  on  a  reconnu  dans  la  Ghambre  l'existence  et  l'application  simultanée 
de  l'art.  29  et  de  l'art.  471.  On  a  reconnu  formellement,  précisément  sur  la 
question  dont  je  vous  parlais  tout  à  l'heure,  sur  le  droit  qu'aurait  le  tuteur  de 
distraire  des  revenus  de  l'interdit  certaines  sommes  à  titre  d'aliments,  on  a 
reconnu  que  la  matière  de  la  contumace  était  régie  par  des  principes  abso- 
lument étrangers  à  la  matière  de  l'art.  29. 

Nous  dirons  donc  que  l'art.  29  ne  reçoit  d'application,  quant  à  l'interdiction 
légale  et  à  la  nomination  du  tuteur,  qu'aux  condamnés  contradictoirement  su- 
bissant leur  peine  ou  ne  la  subissant  pas;  qu'au  contraire,  les  condamnés  par 
contumace  sont  sous  l'empire  de  l'art.  471,  ne  sont  pas  conséquemment  frap- 
pés d'interdiction  légale,  et  qu'il  ne  leur  est  pas,  qu'il  ne  peut  pas  leur  être 
nommé  de  tuteur  diaprés  l'art.  29.  En  effet,  ces  deux  idées  sont  inséparables, 

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ou  Moes  DB  LBUR  héguoion  (art.  29).  1 13 

et  dès  lors  que,  d'après  Fart.  471,  on  ae  nomme  pas  de  tttleur  aa  contnmax, 
la  conséquence  nécessaire,  c'est  qu'il  n'est  pas  firâppé  d'interdiction. 

80.  Mais  quel  est  précisément  le  sens  de  l'art  471  ?  quelle  sera»  pendant  la 
durée  de  la  contumace,  c'est-à-dire  jusqu'à  l'expiration  des  vingt  ans,  quelle 
sera  la  règle  à  suivre  pom*  l'administration  des  biens  du  condamné  par  contu- 
mace, pour  les  fruits  qui  en  seront  perçus,  enfin  pour  les  actes  par  lui  passés? 
Voilà  trois  points  dont  les  deux  premiers  surtout  ont  donné  lieu  à  une  contro- 
verse dont  il  est  bon  de  vous  dire  quelques  mots. 

D'après  l'art.  471,  les  biens  du  condamné  par  contumace  seront  considérés  et 
régis  comme  bims  d'a6«ent.  8i  nous  prenions  ces  mots  isolément,  en  les  déta- 
chant de  ce  qui  les  suit,  nous  en  conclurions  qu'à  partir  de  l'exécution  par 
effigie  de  la  condamnation  par  contumace»  les  héritiers  présomptifs  du  oon» 
damné  obtiendraient  la  possession  de  ses  biens.  Telle  serait  la  conséquence 
de  ces  mots,  considérés  et  régis  comme  Mens  d'ahsmt,  expliqués  isolément,  inter- 
prétés parles  dispositions  du  Gode  civil  au  titre  Z^e  Vabsence,  Cependant,  pour 
comprendre  cette  disposition,  pour  nous  bien  convaincre  que  cette  interpréta- 
tion qui  se  présente  au  premier  aspect  ne  serait  pas  exacte,  il  ûtut  jeter  un 
coup  d'œil  en  arrière  sur  la  législation  antérieure  à  cet  article. 

Le  point  de  départ  de  cette  question,  firéquemmentet  tout  récemment  encore 
controversée,  est  dans  l'art.  47à  du  Gode  de  brumaire  an  lY  :  cet  article  dé- 
clarait qu'en  cas  de  contumace,  les  biens  du  condamné  seraient  régis  par  l'ad- 
ministration des  domaines,  et  que  les  revenus  perçus  par  cette  administration 
entreraient  irrévocablement  dans  les  caisses  de  l'État,  et  ne  pourraient  être  ren- 
dus ni  au  contumax  de  retour,  ni  même  à  ses  héritiers.  Ainsi,  pour  punir  le 
contumax,  pour  assurer  plus  efficacement  le  retour  du  condamné,  la  loi  de 
brumaire  le  frappait  d'une  véritable  confiscation  de  tous  les  fruits  et  revenus 
perçus  ou  échus  pendant  la  contumace.  Tel  était  le  droit  en  vigueur  lors  de  la 
rédaction  du  Gode  civil  :  séquestre  de  tous  les  biens  du  contumax  dans  les 
mains  de  l'administration  des  domaines,  perception  des  fruits  pour  le  compte 
de  rÉtat  qui  ne  les  rendait  jamais. 

Lors  de  la  rédaction  du  Gode  civil,  on  eut  à  s'occuper  de  cette  question  dans 
l'art.  28  de  ce  Gode,  à  propos  de  la  mort  civile,  et  on  déclara  que  les  biens  des 
individus  condamnés  par  contumace  à  des  peines  emportant  mort  civile,  se- 
raient, pendant  les  cinq  ans  de  grftoe,  eonsidérés  et  régis  comme  biens  d'ab- 
sent. Il  parait  que  la  pensée  des  rédacteurs  du  Gode  était  de  confier  l'adminis- 
tration des  biens,  non  plus  à  l'administration  des  domaines,  mais  aux  héritiers 
présomptifs  du  contumax;  c'est  là  du  moins  ce  qui  parait  résulter  clairement 
de  toute  la  discussion  au  conseil  d'État  sur  cet  article.  Il  s'ensuivait  d'ailleurs 
forcément  que  l'attribution  à  l'État  des  fruits  perçus  dans  l'intervalle  ne  pou- 
vait plus  avoir  lieu,  puisque  ce  n'était  plus  l'État  qui  régissait. 

Mais,  dès  lors,  une  bizarrerie  bien  étrange  résultait  du  texte  de  l'art  28  du 
Gode  civil  comparé  avec  celui  de  l'art.  475  de  la  loi  de  brumaire.  En  eïïei,  l'art.  28 
ne  s'appliquait  qu'aux  cas  de  condamnations  perpétuelles,  qu'aux  condamna- 
tions de  nature  à  entraîner  la  mort  civile  après  l'expiration  des  cinq  ans  de 
grâce;  l'art.  475  du  Gode  de  brumaire  restait  en  pleine  vigueur  pour  les  con- 
damnations temporaires  sur  lesquelles  l'art.  28  du  Gode  civil,  relatif  à  la  mort 
I.  8 

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114      HUIT.  LEÇ.  —  DES  PEINES  EN  IfAT.  GRIIf.  LIT.  I.  CHAP.  I  (n*  80). 

civile,  n'avait  rien  en  à  statuer.  Cette  conséquence  était  bien  étrange,  car  il 
s'ensaivait  qae  la  loi  traitait  d'une  manière  plus  favorable  le  condamné  par 
contumace  à  une  peine  perpétuelle  emportant  mort  civile,  que  le  condamné 
par  contumace  à  une  peine  temporaire  n'emportant  pas  mort  civile.  Au  profit 
du  premier,  Tart.  28  ordonnait  la  restitution  des  fruits  perçus  pendant  son  ab* 
sence  ;  à  Tégard  du  second,  la  confiscation  des  fruits  avait  lieu  d'après  Parti» 
de  475.  Cette  conséquence  avait  été  aperçue,  cette  bizarrerie  avait  été  relevée 
dans  le  sein  même  du  conseil  d*État,  lors  de  la  discussion  du  Code  civil,  mais 
on  n'avait  pas  cru  devoir  la  corriger,  ne  voulant  pas  introduire  dans  le  droit 
criminel  une  modification  qui  résulterait  ainsi  d'une  disposition  générale  du 
Code  civil.  Plus  tard  cette  modification  fut  apportée  par  l'art.  471;  cet  article, 
dans  sa  première  partie,  ne  fait  que  reproduire  le  texte  de  l'art.  28  :  t  Ses 
biens  (du  contumax)  seront  considérés  et  régis  comme  biens  d'absent;  »  mais 
il  ajoute  :  t  Et  le  compte  du  séquestre  sera  rendu  à  qui  il  appartiendra,  après 
que  la  condamnation  sera  devenue  irrévocable  par  l'expiration  du  délai  donné 
pour  purger  la  contumace.  »  La  pensée  des  rédacteurs,  dans  l'art.  474,  a  été 
d'abroger  la  confiscation  des  fruits  prononcée  par  l'art.  475  de  la  loi  de  bru- 
maire; on  8*en  expliquait,  d'ailleurs,  formellement,  dans  Texposé  des  motifs 
au  Corps  législatif. 

Ainsi,  il  est  bien  sûr  que  maintenant,  dans  le  cas  de  condamnation  à  une 
peine  temporaire  comme  à  une  peine  perpétuelle,  le  contumax  de  retour,  soit 
dans  les  cinq  ans  s'il  s'agit  d'une  peine  perpétuelle,  soit  dans  les  vingt  ans  s'il 
s'agit  d'une  peine  n'emportant  pas  mort  civile,  doit  reprendre  les  fruits  sans 
confiscation  possible,  sauf  tout  au  plus  l'application  de  l'art.  127  du  Gode  civil. 
La  question  n'est  donc  plus  de  savoir  si  l'État  gardera  les  fruits,  la  négative 
est  clairement  décidée  par  l'art.  471  ;  la  question  est  de  savoir  si  les  biens  du 
contumax  seront  administrés  et  régis,  soit  par  l'administration  des  domaines, 
comme  sous  le  Code  de  l'an  lY,  soit  au  contraire  par  ses  héritiers  présomptifs, 
comme  l'avait  entendu,  à  ce  qu'il  semble,  l'art.  28,  et  comme  il  semblerait 
naturel  de  le  conclure  de  ces  mots,  seront  régis  comme  biens  d'absent.  En  deux 
xnots,  le  séquestre  dont  parle  l'art.  471  pour  les  condamnés  par  contumace  à 
des  peines  afflictives  temporaires,  est-ce  l'administration  des  biens  par  les 
héritiers  présomptifs  du  contumax?  est-ce,  au  contraire,  comme  sous  l'empire 
du  Code  de  brumaire,  Tadministration  des  biens  par  la  régie  des  domaines, 
mais  sans  confiscation  des  fruits?  Je  crois  qu'il  faut  reconnaf tre,  aujourd'hui 
comme  sous  l'empire  du  Code  de  brumaire,  que  les  biens  du  contumax  seront 
administrés  par  l'État,  sauf,  bien  entendu,  l'obligation  de  restituer  les  fruits 
soit  au  contumax  de  retour  dans  les  vingt  ans,  soit  à  ses  héritiers  présomptift 
à  l'expiration  des  vingt  ans.  Encot*e  bien  que  l'art.  471  n'ait  rien  dit  de  formel 
à  cet  égard,  encore  bien  qu'on  pût  être  tenté  d'attribuer  l'administration  aux 
héritiers  présomptifs,  en  vertu  des  expressions  de  l'article,  cependant  il  est  à 
croire  d'abord  que  la  loi,  se  servant  du  mot  séquestre,  entend  parler  du  sé- 
questre ancien,  du  séquestre  tel  que  l'organisaient  les  lois  antérieures,  du 
séquestre  attribué  à  l'Etat  par  le  Code  du  3  brumaire  an  IV.  Secondement,  le 
but  du  séquestre  dont  parle  cet  article,  tout  le  monde  est  d'accord  i  cet  égard, 
est  qu'en  mettant  sous  les  mains  de  l'État  les  biens  du  contumax,  on  s'assure 
qu'il  ne  pourra  pas  lui  être  envoyé  des  secours  de  nature  à  prolonger  son  état 

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DU  MODE  DB  LBUR  EXÉCUTION  (aRT.  29).  115 

de  résistance  à  la  loi.  Ajoatez  que,  d'après  le  §2  de  Part.  472,  Pextrail  de  la 
coodamnation  par  contumace  doit  être  transmis  au  directeur  de  Fenregistre» 
ment  et  des  domaines.  A  quoi  bon  cette  transmission,  si  ce  n'est  pour  l'avertir 
que  la  loi  lui  confère  l'administration  de  ces  biens?  Enfin,  l'art.  475  est  plus 
formel  encore;  il  décide  que  pendant  la  contumace  des  secours  pourront  être 
accordés  à  la  famille  du  condamné,  et  que  ces  secours  seront  réglés  par  l'au- 
torité administrative.  Or,  il  est  dair  que  si  les  biens  du  contumax  étaient 
confiés  à  ses  héritiers  présompti£S|  ce  ne  serait  pas  à  l'autorité  administrative, 
mais  bien  à  l'autorité  judiciaire  de  déterminer  quelle  somme,  quelle  quotité 
de  revenus  ces  héritiers  présomptifs,  enfants  ou  ascendants  du  contumax, 
sont  autorisés  à  retenir  pour  subvenir  à  leurs  besoins  personnels. 

En  résumé,  nous  déciderons  que,  dans  le  cas  de  condamnation  par  contu- 
mace  à  Tune  des  trois  peines  de  l'art.  29,  il  n*y  aura  pas  lieu  à  la  nomination 
d'un  tuteur,  parce  qu'il  n'y  a  pas  d'interdiction  légale,  mais  que  les  biens  du 
contumax  seront  administrés  et  régis  par  l'administration  des  domaines,  dans 
la  forme  établie  pour  la  régie  des  biens  d'absent;  que  cette  administration 
percevra  les  fnitta,  non  plus,  comme  autrefois,  au  profit  et  au  compte  de  l'État, 
mais  à  la  charge  de  les  restituer,  soit  au  contumax  alors  qu'il  reparaîtra,  soit 
à  ses  héritiers  présomptifs,  sll  ne  reparait  pas  dans  le  délai  prescrit  pour 
purger  la  contumace,  c'est-à-dire  dans  le  délai  de  vingt  ans  déterminé  par 
l'art.  635  du  Gode  d'instruction  criminelle. 

Un  seul  point  nous  reste  à  examiner,  c'est  de  savoir  quel  sera,  pendant  la 
durée  du  séquestre,  pendant  la  durée  de  la  contumace,  le  sort  des  actes  passés 
par  le  contumax,  par  le  condamné  en  fuite.  La  réponse,  en  droit,  ne  peut  pas 
être  douteuse;  nous  partons  de  cette  idée  que  l'art.  29  est  inapplicable  aux 
condamnations  par  contumace  ;  donc  il  n'y  a  pas  d'interdiction,  donc  les  actes 
passés  par  le  condamné  sont  des  actes  valables.  H  est  bien  vrai  que  l'art.  465 
du  Gode  d'instruction  criminelle  le  suspend,  à  cause  de  sa  contumace,  de 
l'exercice  des  droits  de  citoyen,  de  l'exercice  des  droits  politiques  et  civiques, 
mais  ne  le  suspend  pas  de  l'exercice  des  actes  de  droit  civil,  et  à  plus  forte 
raison  des  actes  de  droit  des  gens. 

Ainsi,  nous  pouvons  poser  en  principe  que,  la  loi  ne  frappant  pas  de  l'inter- 
diction légale  le  condamné  par  contumace  à  l'une  des  peines  de  l'art.  29,  les 
actes  de  ce  condamné  sont  valables. 

Mais  de  cette  validité,  conclurons-nous  qu'il  ait  le  droit  de  faire  cesser  le 
séquestre,  de  dépouiller  de  ses  biens  l'administration  des  domaines  eh  les 
aliénant,  de  paralyser  ainsi  les  précautions  de  la  loi  qui  a  voulu  l'empêcher 
de  faire  arriver  jusqu'à  lui  des  secours?  Non;  ces  actes  seront  valables,  mais 
sans  pouvoir  porter  atteinte  au  séquestre  de  l'administration,  qui  ne  doit  se 
dessaisir  qu'après  le-  retour  du  contumax,  ou  après  l'expiration  de  vingt  ans. 
Ces  actes  seront  valables  sans  porter  atteinte  au  séquestre,  c'est-à-dire  qu'ils 
auront  tout  leur  effet  contre  lui  après  son  retour  ou  après  l'expiration  du  délai 
pour  purger  la  contumace. 

Ainsi  doivent,  je  crois,  se  rapprocher  et  se  concilier  les  dispositions  des  ar- 
ticles 92  du  Gode  pénal  et  471  du  Gode  d'instruction  criminelle. 

'  61.  Une  simple  lecture  suffit  pour  les  art.  30  et  31. 

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116      HUIT.  LEG.  r—  DBS  PEINES  EN  MAT.  CaiM.  LIV.  I.  GHAP.  I  (n*»  83). 

«  Art.  90.  Les  biens  da  condamné  lui  seront  remis  après  qu'il  aura  subi  sa 
peine,  et  le  tuteur  lui  rendra  compte  de  son  administration.  » 

a  Art.  31.  Pendant  la  durée  de  la  peine,  il  ne  pourra  lui  être  remis  aucune 
somme,  aucune  provision,  aucune  portion  de  ses  revenus.  » 

* 

Ici  se  terminent  les  dispositions  relatives  aux  peines  afflictives  et  infaman- 
tes, considérées  soit  en  elles-mêmes,  soit  dans  leurs  conséquences,  dans  leurs 
accessoires.  Nous  passons  maintenant  à  i'énumération  des  peines  simplement 
infamantes,  c'est  à  savoir  le  bannissement  et  la  dégradation  civique. 

82.  «  Art.  32.  Quiconque  aura  été  condamné  au  bannissement,  sera  transporté» 
par  ordre  du  gouvernement,  hors  du  territoire  du  royaume.  —  La  durée  du  ban- 
nissement sera  au  moins  de  cinq  années  et  de  dix  ans  au  plus.  » 

«  Art.  33.  Si  le  banni,  avant  Texpiration  de  sa  peine,  rentre  sur  le  territoire  du 
royaume,  il  sera,  sur  la  seule  preuve  de  son  identité,  condamné  à  la  détention 
pour  un  temps  au  moins  égal  à  celui  qui  restait  à  courir  jusqu'à  l'expiration  du 
bannissement,  et  qui  ne  pourra  excéder  le  double  de  ce  temps.  » 

Telles  sont  les  deux  dispositions  relatives  &  la  peine  du  bannissement,  la 
première  des  deux  peines  purement  infamantes  énoncées  dans  Tart.  8. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  faire  remarquer,  sans  doute,  en  combien  de  points  le 
bannissement,  peine  purement  infamante,  diffère  de  la  déportation,  peine 
afflictive  et  infamante.  Ce  n'est  pas  seulement  quant  à  sa  durée,  et  en  ce  sens 
que  dans  nos  lois  la  déportation  est  essentiellement  perpétuelle  et  le  bannis- 
sement nécessairement  temporaire,  c'est  aussi  et  plus  encore  dans  son  mode 
d'exécution.  Le  bannissement  est  le  simple  transport  du  condamn  é  hors  du 
territoire  du  royaume,  avec  défense  d'y  rentrer  pendant  la  durée  de  la  peine; 
ce  nest  pas,  comme  la  déportation,  son  transport  dans  un  lieu  déterminé, 
avec  obligation  d*y  rester  et  mesures  coercitives  destinées  à  l'y  retenir.  Ainsi, 
le  bannissement  laisse  au  banni  le  choix  de  son  séjour  hors  des  frontières  da 
royaume,  et  par  là  même  des  facilités  pour  rompre  son  ban,  contre  lesquelles 
l'art.  73  a  cru  devoir  se  prémunir  par  une  peine  accessoire. 

8B.  Le  bannissement  a  été  jugé  par  les  publicîstes  d'une  manière  tout  à  fait 
contradictoire  ;  il  a  été  regardé  par  les  uns  comme  une  peine  digne  des  plus 
grands  éloges,  et  par  les  autres  comme  une  peine  illusoire,  et  surtout  profon- 
dément immorale. 

Voici  comment  s'exprime  Beccaria,  l'un  des  criminalistes  les  plus  distingués 
du  dernier  siècle;  il  disait:  c  Celui  qui  trouble  la  tranquillité  publique,  qui 
n'obéit  pas  aux  lois,  qui  viole  les  conditions  sous  lesquelles  les  hommes  se 
supportent  et  se  défendent  réciproquement,  doit  être  exclu  de  la  société, 
c'Q8t-à*dire  banni.  »  Beccaria,  emporté  par  des  désirs  d'amélioration,  par  un 
sentiment  de  philanthropie  souvent  inconsidéré,  faisait  ainsi  du  bannissement 
une  sorte  de  peine  applicable  à  tous  les  crimes,  une  sorte  de  panacée  univer- 
selle suffisante  à  gnérir  tons  les  maux  du  corps  social. 

Au  contraire,  un  publiciste  contemporain  dit  que  l'universalité  de  la  peine 
du  bannissement,  c'est-à-dire  son  introduction  chez  tous  les  peuples,  dé- 
montre bien  chez  toutes  les  nations  Tégoïsme  delà  loi;  au  lieu  de  noos- 

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DU  BANNI88BICBNT  (aRT.  53).  117 

^regarder  comme  tine  immense  famille,  nous  rejetong  sana  pitié  stir  nos  voi* 
sins  nn  mal  redonté,  car  le  délit  tient  moins  à  la  demenre  da  coupable  qn'à 
ses  inclinations  perverses;  il  ne  trouve  dans  ses  passions  ni  ressource  ni 
amélioration. 

Entre  ces  opinions  fort  opposées.  Tune  qui  admet  et  recommande,  l'autre 
qui  flétrît  et  repousse  la  peine  du  bannissement,  quelle  est  celle  que  nous 
•devons  admettre?  Pour  répondre  à  cette  question,  au  lieu  de  l'examiner  en 
pure  théorie,  ce  qui  a  peu  d'intérêt,  occupons-nous  de  la  peine  du  bannisse* 
ment  comparée  avec  les  crimes  qu'elle  doit  punir. 

n  est  slSur  d'abord  que  les  critiques  élevées  contre  cette  peine,  critiques  qui 
reposent  avant  tout  sur  son  immoralité,  sur  ce  qu'il  n'est  pas  permis  à  un 
peuple  de  rejeter  sur  ses  voisina  les  coupables  dont  il  veut  se  délivrer;  il  est 
clair  que  ces  critiques  seraient  très-fondées  dans  une  législation  qui  ferait 
du  bannissement  une  peine  applicable  aux  crimes  ordinaires,  aux  attentait 
soit  contre  la  sûreté  des  personnes,  soit  contre  la  sûreté  des  propriétés  :  le 
.  bannissement  serait  alors  une  peine  immorale  au  premier  chef;  il  ne  serait 
vraiment  qu'un  échange  de  malfaiteurs  opéré  de  nation  à  nation  :  il  serait  par 
là  même  impraticable,  car  il  est  sûr  que  tous  les  États  puissants  interdiraient 
aussitôt  l'entrée  de  leurs  frontières  aux  bannis  que  voudraient  y  rejeter  leurs 
voisins. 

Si,  au  contraire,  le  bannissement  ne  figure  dans  une  législation  que  comme 
une  peine  applicable  à  des  crimes  tout  à  fait  locaux,  à  des  crimes  dont  le  dé- 
placement du  condamné  rendra  le  renouvellement  impossible  ou  improbable, 
à  des  crimes  qui  ne  supposent  pas  dans  leur  auteur  ce  degré  d'immoralité  que 
frappe  d'ordinaire  la  loi  pénale,  il  est  clair,  dis-je,  que  les  reproches  élevés 
contre  cette  pénalité  seront  absolument  sans  application,  sans  réalité.  C'est  en 
«ffét,  je  me  hâte  de  le  dire,  à  des  actes  de  cette  nature  que  la  loi  française 
applique  à  peu  près  exclusivement  la  peine  du  bannissement;  c'est  aux  crimes 
appelés  d'ordinaire  crimes  j)olitique8,  et  crimes  politiques  d'un  ordre  très- 
secondaire,  que  la  peine  du  bannissement  est  à  peu  près  bornée  par  nos  lois. 
8ous  ce  rapport,  les  considérations  précédentes  perdent  infiniment  de  letfr 
force.  Dans  la  plupart  des  cas,  l'éloîgnement  du  coupable  suffit  pour  rendre 
impossible,  non-seulement  dans  le  pays  dont  il  est  banni,  mais  encore  dans  le 
pays  où  il  va  séjourner  le  renouvellement  des  crimes  qui  ont  entraîné  la  oonh 
damnation.  Vous  en  trouverez  des  exemples  dans  les  art.  84,  85,  iOÎ,  110> 
115, 124,  et  cinq  ou  six  autres  du  Gode  pénal. 

S4.  Je  ferai  seulement  remarquer  que  la  loi  du  28  avril  1832  a  modifié  à 
cet  égard  la  législation  antérieure,  et  substitué  dans  trois  articles  du  Gode  de 
18101a  peine  de  la  détention  à  celle  du  bannissement  ;  je  veux  parler  des  ail^ 
78,  81,  g  2,  et  82  du  Gode  pénal.  En  général,  les  crimes  compris  dons  céb 
trois  articles,  et  que  le  Gode  de  1810  frappait  du  bannissement,  n'étaient  pas 
des  crimes  politiques  purement  intérieurs,  mais  c'étaient  des  actes  de  conni^ 
yence,  d'inteirgence  plus  ou  moins  coupables  avec  des  puissances  étrangôreb 
eu  ennemies  du  pays.  On  a  senti  que  frapper  de  pereils  actes  de  la  simple  peine 
du  bannissement,  c'était  une  mesure  absolument  illusoire;  que  se  contenter 
de  bannir  celui  qui  a  livré  a  une  puissance  étrangère  certains  actes,  certaiïtt 


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118      HUIT.  LEG.  —  DBS  PEINB8  EN  MAT.  GRIM.  LIV.  I.  GHAP.  I  (n*^  86). 

plans,  certains  secrets  importants  à  la  sûreté  de  son  pays,  ce  n'était  pas  le  pu- 
nir, mais  renvoyer  recevoir  en  pleine  sécurité  le  prix  de  sa  trahison.  Dès  lors, 
on  a  substitué,  et  avec  grande  raison,  la  peine  grave  et  efficace  de  la  détention 
à  la  peine  du  bannissement,  absolument  illusoire  dans  de  telles  hypothèses. 

85.  Les  premières  considérations  pour  ou  contre  le  bannissement  étant 
éclaircies  selon  la  nature  des  faits  auxquels  il  s'agira  de  l'appliquer,  il  est  juste 
de  remarquer  que  cette  peine  n'est  pas  à  l'abri  de  certains  reproches  de  détail  i 
elle  a  le  grand  défaut  d'être  peu  appréciable,  fort  inégale,  et  par  là  même 
assez  peu  exemplaire.  Dans  certaines  positions,  le  bannissement  est  une  peine 
fort  dure  pour  celui  qu'elle  atteint,  pour  celui  dont  elle  rompt  tous  les  liens 
avec  son  pays,  sa  famille,  ses  parents,  ses  amis,  et  dans  d'autres  positions  le 
bannissement  est  une  peine  à  peu  près  illusoire,  si  par  ses  relations  avec  l'étran- 
ger, par  son  état,  sa  fortune,  le  banni  peut  se  créer  un  nouvel  état,  une  nou- 
velle fortune.  Ce  sont  là  des  inconvénients  qui  doivent  faire  que  cette  peine  ne 
soit  employée  que  dans  des  cas  assez  rares,  plutôt  pour  enlever  à  celui  qu'elle 
atteint  la  faculté  de  renouveler  l'acte  qui  en  est  la  cause,  que  pour  le  punir 
véritablement,  car  le  châtiment  résultant  du  bannissement  est  d'un  effet  problé- 
xnatique  et  subordonné  à  la  position  de  Tindividu  qu'il  atteint 

86.  J'ai  dit  que  de  la  nature  même  du  bannissement,  qui  ne  concentre  pas 
le  banni  dans  un  lieu  déterminé»  qui  lui  permet  de  séjourner  à  quelques  Ueuea, 
à  la  porte  même  de  la  France,  résultaient  pour  celui-ci  des  facultés  de  retour 
contre  lesquelles  on  avait  cru  devoir  se  prémunir.  Ainsi  s'explique  le  texte  de 
l'art.  33,  relatif  au  banni  qui  rompt  son  ban,  au  banni  qui  rentre  en  France 
avant  l'expiration  de  sa  peine;  la  loi  le  frappe  alors  de  la  peine  de  la  déten- 
tion ;  mais  cette  détention  prend  dans  cet  article  un  cacactère  qui  mérite  quel* 
que  attention. 

Nous  avons  dit  que  la  détention  proprement  dite,  annoncée  par  l'art.  7  et 
expliquée  par  Fart.  20,  avait  un  minimum  de  cinq  ans  et  un  m/oximum  de  vingt 
ans.  11  est  clair  que  cette  règle  du  minimum  et  du  maximum  de  la  détention 
proprement  dite  est  inapplicable  à  notre  art.  33  ;  dans  ce  cas,  la  détention  a 
pour  maximum  le  double  de  la  durée  du  bannissement  qui  restait  à  courir, 
c'est-à-dire  que  très-rarement  elle  aura  vingt  ans  pour  maximum  ;  il  faudrait 
supposer  pour  cela  que  le  bannissement  eût  été  prononcé  pour  dix  ans,  et  que 
le  banni  fût  rentré  en  France  le  jour  même  où  il  en  était  sorti.  Ainsi  le  maxi- 
mum de  la  détention  spéciale,  dont  parle  l'art.  33,  variera  dans  les  limites 
fort  nombreuses  selon  le  temps  qui  restait  encore  à  courir  pour  le  bannisse- 
ment. A  l'inverse,  on  pourrait  dire  que  la  détention  de  l'art.  33  n'a  pas  de  mi- 
nimum, n'a  pas  au  moins  de  mi&%imum  fixe  et  général  ;  ce  minimum,  c'est  le 
temps  qui  restait  à  courir  pour  l'expiration  de  la  peine,  c'est-à-dire  qu'il  pour- 
rait être  d'un  ou  deux  jours  si  c'était  à  la  veille,  à  l'expiration  de  sa  peine  que 
le  banni  fût  rentré  en  France.  Ainsi,  sous  ce  rapport,  la  détention  dont  parle 
l'art.  33,  relativement  à  sa  durée,  diffère  essentiellement  de  la  détention  ordi- 
•naire.  Du  reste,  elle  s'exécutera  de  la  même  manière,  c'est-à-dire  qu'elle  con- 
sistera à  renfermer  le  banni  dans  une  des  forteresses  déterminées,  conformé- 
ment aux  règles  de  l'art.  20. 


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DU  BANNIflfiBMBNT  (art.    33).  119 

87.  L'ezéoQtion  de  cette  peine  est  très-simple  ;  mais  il  faut  appeler  Yotre 
attention  sur  ces  mots  de  Tart.  33  :  il  sera,  sur  la  seule  preuve  de  son  identité,- 
Iliant  d'abord  rapprocher  ces  mots  des  art  518  et  519  du  Gode  d'instraction 
criminelle  relatifs  aux  formalités  à  suivre  pour  les  constatations,  pour  les  re- 
connaissances dldentité.  L'art.  518  dit:  «  La  reconnaissance  de  Tidentilé 
d*un  condamné,  évadé  et  repris,  sera  faite  par  la  cour  qui  aura  prononcé  sa 
condamnation.  —  Il  en  sera  de  même  (et  c'est  ce^econd  paragraphe  qui  s'ap* 
plique  à  notre  article),  il  en  sera  de  même  de  l'identité  d'un  individu  con- 
damné à  la  déportation  ou  au  bannissement  qui  aura  enfreint  son  ban  et  sera 
repris  ;  et  la  cour,  en  prononçant  l'identité,  lui  appliquera  de  plus  la  peine  at- 
tachée par  la  loi  i  son  infraction.  >  Et  l'art.  519  ajoute  :  t  Tous  ces  jugements 
seront  rendus  sans  assistance  de  jurés  (cependant,  vous  le  voyez,  il  s'agit  d'une 
condamnation  criminelle,  d'une  condamnation  i  une  peine  afflictive  ou  infa- 
mante), après  que  la  cour  aura  entendu  les  témoins  appelés  tant  à  la  requête 
du  procureur  général  qu'à  celle  de  l'individu  repris,  si  ce  dernier  en  a  fait 
citer.  —  L'audience  sera  publique,  et  l'individu  sera  présent,  à  peine  de  nul» 
Uté.  > 

De  ces  deux  articles  combinés  avec  l'art.  33,  nous  avons  à  tirer  plusieurs 
conséquences. 

D'abord,  c'est  que  la  peine  prononcée  par  l'art.  33  contre  le  banni  qui  a 
rompu  son  ban,  ne  peut  jamais  être  prononcée  par  contumace.  Cette  condam- 
nation a  cela  de  spécial,  qu'elle  ne  peut  être  prononcée  que  contradictoirement: 
cela  résulte  clairement  des  derniers  mots  de  l'art.  5i9. 

Un  autre  point  beaucoup  plus  important,  et  malheureusement  bien  moins 
facile  à  justifier,  est  la  disposition  de  l'art.  519,  déclarant  que  les  jugements 
dont  il  parle,  et  notamment  celui  de  l'art.  33,  seront  rendus  parla  cour  d'assi- 
ses sans  assistance  de  jurés.  C'est  ici  une  exception  on  ne  peut  plus  notable  à 
ce  principe  général  qui  assure  à  toutes  les  condanmations  criminelles  la  garan* 
tie  du  ^gement  par  jurés. 

Quel  peut  être  ie  motif  d'une  exception  si  saillante  ?  pourquoi,  dans  le  cas 
qui  nous  occupe,  et  encore  plus  dans  le  cas  de  la  déportation,  art.  18,  §  2,  pour- 
quoi le  banni  et  le  déporté  qui  auront  rompu  leur  ban  pourront-ils,  sur  la  seule 
preuve  de  leur  identité,  déclarée  sans  assistance  de  jurés,  être  condamnés,  le 
banni  à  la  détention,  le  déporté  aux  travaux  forcés  à  perpétuité  ?  C'est,  ont  dit 
quelques  auteurs,  qu'il  n'y  a  aucun  motif  pour  assurer  dans  ce  cas  tes  garanties 
ordinaires,  qu'il  n'y  a  aucun  motif  pour  exiger  dans  cette  hypothèse,  dans  une 
procédure  si  simple,  Tintervention  du  jury.  La  cour  d'assises  qui  a  prononoé 
la  première  condamnation  est  donc  la  seule  compétente  pour  connaître  de  cette 
contravention,  ce  n'est  là  que  l'application  de  l'article,  elle  doit  prononcer  sans 
Fasaistance  de  jurés,  car  ici  il  n'y  a  pas  de  faits  à  apprécier,  il  n'y  a  pas  d'in- 
tention à  débattre.  Quelle  serait  la  mission  des  jurés  ?  Tout  le  procès  se  résume 
dans  la  connaissance  du  fait  matériel.  Si  l'art.  519  refuse  en  pareil  cas  à  l'ac^ 
cosé  le  bénéfice  de  la  procédure  par  jury,  c'est  parce  qu'il  n'y  a  dans  l'espèce 
qu'on  fait  matériel  à  aj^récier,  qu'un  fait  dénué  de  tout  calcul  d'intention, 
de  tonte  apiuréciation  de  moralité. 

J'avoue  que  ces  raisons  me  paraissent  de  la  dernière  laiblesse  :  de  ce  qu'il 
n'y  a,  dit-on,  qu'un  fait  matériel  à  juger,  est-ce  là  une  conséquence,  est-ce 


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120      HUIT.  LEÇ.  —  DES  PEINES  EK  MÀT.  GRIM.  LIY.  I.  GHAP.  I  (n^  87). 

une  raison  pour  exclure  la  procédare  par  jarés  ?  Mais  les  faits  matériels  sont 
avant  tout  des  faits  qui  rentrent  dans  la  compétence^  dans  la  nature  des  ques- 
tions sur  lesquelles  les  jurés  sont  appelés  à  statuer.  Dans  le  partage,  dans  la 
division  actuelle  de  la  solution  des  questions  criminelles,  nous  verrons  plus 
tard  que  la  loi  attribue  aux  jurés,  et  seulement  à  eux,  la  solution  des  questions 
de  &it,  à  la  cour  d'assises  seule  la  solution  des  questions  de  droit.  Or,  si  les 
jurés  sont  avant  tout  essentiellement  les  juges  du  fait,  c'est  expliquer  d'une 
façon  très-singulière  la  décision  de  l'art.  519,  que  de  dire  qu'on  exclut  les  jurés 
parce  qu'il  n*y  a  là  qu'une  question  de  fait.  C'est  précisément  parce  que  la 
question  est  de  fait,  qu*il  me  paraît  important  de  les  admettre. 

Dira-t-on  que,  les  jurés  se  renouvelant  et  se  renouvelant  par  le  sort,  ceux 
qu'on  appellerait  pour  constater  l'identité  ne  seraient  plus  les  mêmes  que  ceux 
qui  avaient  assisté  à  la  première  procédure  et  prononcé  le  premier  verdict  ?  Je 
le  comprends  ;  mais  qu'on  remarque  bien  que  la  cour  d'assises  appelée  à  con«' 
Btater  l'identité,  aux  termes  de  l'art.  518,  n'est  plus  que  nominalement  la  même 
cour  d'assises  qui  a  déjà  jugé  ;  qu'on  remarque  bien  que  le  roulement,  le  re- 
nouvellement; périodique  qui  forme  les  cours  d'assises  n'appellera  jamais  à 
oonstater  l'identité  des  juges  devant  lesquels  le  prévenu  a  ooœparu  et  a  été 
condamné  une  première  fois  ;  que  quand  par  hasard  un  ou  plusieurs  de  ces 
juges  se  trouveraient  appelés  dans  la  même  cour  d'assises,  il  est  clair  qu'après 
trois,  quatre  ou  cinq  ans,  leurs  souvenirs  personnels  ne  seront  que  des  guides 
absolument  insignifiants  pour  constater  l'identité  d'un  prévenu  dont  les  traits 
se  seront  depuis  longtemps  effacés  de  leur  mémoire. 

Mais,  à  part  toutes  ces  considérations»  il  y  en  a  une  plus  importante  :  les 
art.  518  et  519  excluent,  dit-on,  dans  l'espèce,  l'intervention  du  jury,  parce 
qu'il  ne  s'agit  que  d'un  fait  matériel,  de  l'identité  de  l'individu  traduit  devant 
la  cour,  parce  qu'il  n'y  a  ni  intention,  ni  volonté  ni  moralité  à  constater.  Cette 
assertion  est  absolument  fausse,  et  si  ce  motif  a  dicté  l'art.  518,  tant  pis  pour 
ses  rédacteurs. 

Conçoit-on,  en  effet,  une  procédure  criminelle  pouvant  entraîner  la  peine 
de  la  détention  ou  des  travaux  forcés  à  perpétuité  ;  conçoit-on,  dis-je,  une 
pareille  procédure,  dégagée  de  toute  question  d'intention  et  de  moralité? 
eonçoit-on^ne,  dans  ce  cas,  ou  dans  aucun  autre,  un  juge,  puisse  et  doive 
appliquer  une  condamnation  sans  avoir  à  examiner  s'il  y  a  eu  volonté,  inten- 
lion,  pensée  coupable  de  la  part  de  celui  qu'on  condamne  ?  Or,  dans  l'espèce, 
je  suppose  l'identité  du  banni  bien  constatée,  je  la  suppose  établie  par  les  té- 
moins et  par  l'aveu  même  du  banni  ;  s'ensuit-il  qu'on  doive,  aux  termes  de 
Fart.  33,  sur  la  seule  preuve  de  son  identité,  sans  se  poser  aucune  question 
d'intention  de  volonté,  de  moralité,  s'ensuit-il  qu'on  doive  prononcer  contre 
lui  l'énorme  aggravation  de  peine  prononcée  par  l'art.  33  ?  Et  si  ce  banni, 
arrêté  avant  l'expiration  de  sa  peine,  en  deçà  de  nos  frontières,  allègue  que 
c^eat  par  un  accident,  que  c'est  par  une  tempête  qu'il  a  été  jeté  sur  les  côtes 
françaises  ;  s'il  allègue  que  l'autorité  étrangère,  et  nous  en  avons  des 
exemples,  l'a  expulsé  de  sa  frontière,  l'a  fait  conduire  sur  le  territoire 
français,  est-ce  qu'il  n'y  aura  pas  là,  à  part  la  question  d'identité,  une  ques- 
tion d'intention  morale,  de  liberté  à  examiner  ?  Cette  dernière  hypothèse  n'est 
pas  impossible,  elle  Test  si  pea,  ^e,  le  44  septembre  4816,  une  eîrculaire  dv 


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DB  LA  DtoRADATION  GITIQXJB  (aRT.  34).  121 

ministre  de  la  jnsUoe  annonçait  à  tons  les  procarenrs  généraux  qne  les  pays 
▼oisins  de  la  France  se  refusant  à  recevoir  nos  bannis,  rejetant  sur  notre  ter- 
ritoire les  bannis  qui  essayaient  de  pénétrer  cbez  eux,  les  condamnés  au  ban- 
nissement deyaient  rester  provisoirement  emprisonnés  ;  l'hypotbèse  est  donc 
possible. 

Et  à  part  ce  cas,  dans  lequel  le  banni  alléguera  que,  s*il  a  rompu  son  ban, 
c'est  sous  la  contrainte  d'une  force  majeure  qui  Ta  rejeté  sur  nos  frontières, 
hypotbèse  dans  laquelle  Tart.  33  sera  évidemment  inapplicable,  n*y  a-t4l  pas 
une  foule  de  circonstances,  de  nuances  de  moralité,  qui  devront  être  exami* 
nées,  môme  à  Tégard  du  banni  qui  très-sciemment  et  très-librement  aura 
rompu  son  ban  ?  Par  exemple,  croit-on  que  la  question  étant  soumise  à  un 
jury,  ce  que  défend  Tart.  519,  croit-on  qu'un  jury  confondrait  le  banni  qui  sera 
rentré  en  France  dans  l'intention  d'y  commettre  un  crime,  ou  sans  aucun  mo- 
tif d'y  rentrer,  et  le  banni  qui  y  sera  revenu  parce  que  son  père  ou  sa  mère 
allait  mourir  et  qu'il  voulait  lui  fermer  les  yeux  ?  Il  est  clair  qu'en  supposant 
dans  de  telles  hypothèses  le  banni  traduit  devant  un  jury,  en  supposant  qu'il 
y  eût  un  j«ry  qni,  s'attachant  à  la  lettre,  pût  le  déclarer  coupable,  il  n'y  aura 
pas  un  jury,  pas  un  Juré  qui  n'ait  grand  soin  d'ajouter:  Oui,  il  est  coupa* 
ble  d'avoir  rompu  son  ban,  maïs  avec  des  circonstances  atténuantes,  qui 
n'ajoutât  cette  déclaration,  autorisée  par  l'art.  463  du  Gode  pénal,  et  qui  ne 
réduisit  à  un  degré  très-sensible  la  gravité  de  la  peine  que  le  fait  matériel  eût 
Mitrainée. 

Qu^on  n'essaye  donc  plus  de  justifier  les  art.  5i8  et  519,  et  de  légitimer  une 
exception  inexplicable  et  contraire,  je  le  répète,  à  tous  les  principes  de  notre 
droit  criminel,  en  disant  qu'il  n'y  a  dans  l'espèce  qu'un  fait  matériel,  sans 
intention,  sans  volonté,  sans  moralité  à  examiner.  Qu'on  reconnaisse  franche- 
ment qu'il  y  a  là,  comme  partout  ailleurs,  comme  dans  toute  espèce  de  crime, 
une  question  de  moralité  susceptible  de  mille  appréciations  différentes,  et 
que  par  conséquent  ii  y  avait  là,  comme  partout  ailleurs,  un  besoin,  une  né- 
cessité de  garantie  que  les  art.  83  et  519  ont  enlevés  au  banni  sans  pitié  et 
flans  raison. 

88.  «  Art.  34.  La  dégradation  civique  consiste  :  !•  dans  la  destitution  et  l'ex- 
tiusion  des  condamnés  de  toutes  fonctions,  emplois  ou  offices  publics  ;  ~  2*  dans 
la  privation  du  droit  de  vote,  d'élection,  d'éligibilité,  et  en  générai  de  tous  les  droits 
civiques  et  politiques,  et  du  droit  de  porter  aucune  décoration  ;  —  3*  dans  l'inca- 
pacité d'être  juré,  expert,  d'être  employé  comme  témoin  dans  les  actes,  et  de  dé- 
poser en  justice  autrement  que  pour  y  donner  de  simples  renseignements  ;  — 
4"*  dans  l'incapacité  de  faire  partie  d'aucun  conseil  de  famille  et  d'être  tuteur, 
curateur,  subrogé  tuteur  ou  conseil  Judiciaire,  si  ce  n'est  de  ses  propres  enfants, 
et  sur  l'avis  conforme  de  la  famille  ;  —  5<*  dans  la  privation  du  droit  de  port  d'ar- 
mes, du  droit  de  faire  partie  de  la  garde  nationale,  du  droit  de  servir  dans  les  ar- 
mées françaises,  de  tenir  école,  ou  d'enseigner  et  d'être  employé  dans  aucun  éta- 
Wssement  d'instruction,  à  titre  de  professeur,  maître  ou  surveillant.  » 

Dttis  Tart.  34,  il  est  question  de  la  seconde  peine  parement  infamante,  c'est- 
à-dire  de  ia  dégradation  civique,  nous  pouvons  aujourd'hui  ea  dire  quelques 
mots. 

Déjà  nous  avonf  tridté  de  la  dégradation  civique,  consîdéi^  comme  peino 

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122      HUIT.  LEÇ.  ~  DBS  PBINE8  EKUAT.  CRIM.  LIV.  I.  GHAP.  I  (n^  90). 

accessoire,  comme  résoltat  des  trois  condamnations  énumérées  dans  Part.  28. 
L'art.  34  énumère  les  différents  droits  dont  Ja  privation  constitue  la  dégra- 
dation civique,  et  il  s'applique  égaleosent  à  la  dégradation  prononcée  comme 
peine  principale  dont  nous  n'avons  pas  encore  parlé. 

Nous  avons  dit,  sur  Tart.  28,  que  la  dégradation  civique  était  une  peine  in- 
définie, qu'elle  ne  cessait  que  par  la  réhabilitation  prononcée  après  les  délais 
Indiqués  par  Tart.  619  du  Gode  d'instruction  criminelle.  Quant  à  la  dégradation 
civique  prononcée  comme  peine  principale,  nous  n'avons  pas  indiqué  sa  durée  ; 
sa  durée  est  également  indéfinie^  elle  ne  cesse  que  par  la  réhabilitation,  et 
cette  réhabilitation  peut  être  demandée  et  obtenue  cinq  ans  après  que  la  dé* 
gradation  civique  est  devenue  irrévocable. 

89.  Remarquez  d'ailleurs  que  la  dégradation  civique,  considérée  comme 
peine  principale,  résulte  de  l'arrêt  même  de  la  condamnation  qui  la  prononce. 
Elles  n'est  plus  subordonnée,  comme  elle  l'était  sous  le  Gode  pénal  de  1791,  à 
certaines  solennités  qui  tendaient  à  la  rendre  publique.  L'art.  31  du  titre  P' 
du  Gode  pénal  de  1791  disposait  ainsi  :  c  Le  coupable  qui  aura  été  condamné 
à  la  peine  de  la  dégradation  civique,  sera  conduit  aa  mitiou  de  la  plooo  pu- 
blique où  siège  le  tribunal  criminel  qui  l'aura  jugé.  Le  greffier  du  tribunal 
lui  adressera  ces  mots  à  haute  voix  :  Votre  pays  vous  a  tbouvé  gonvauigu 

d'une  action  INPAME,  la  loi   et  LB    tribunal  vous    DÂaRADBNT  DE  LA  QUALITÉ  OB 

CITOYEN  FRANÇAIS.  Le  coudamué  sera  ensuite  mis  au  carcan  au  milieu  de  la 
place  publique,  il  y  restera  pendant  deux  heures  exposé  aux  regards  du 
peuple.  Sur  un  écriteau  seront  tracés,  en  gros  caractères,  ses  noms,  son  do- 
micile, sa  profession,  le  crime  qu'il  a  commis  et  le  jugement  rendu  contre 
lui.  >  Toutes  ces  solennités,  dont  la  loi  de  1791  entourait  la  dégradation  ci- 
vique, et  qui  tendaient  à  en  faire  une  peine  infamante,  non-seulement  de 
droit,  mais  aussi  de  fait,  toutes  ces  solennités  ont  disparu,  et  je  ne  pense  pas 
que  nous  devions  les  regretter.  Nous  ne  le  devons  pas,  surtout  maintenant 
que  la  dégradation  civique,  au  lieu  d'être  la  conséquence  de  crimes  graves» 
est,  au  contraire,  attachée  par  la  loi  à  un  assez  grand  nombre  de  faits  dont  la 
nature  répugnerait  absolument  à  la  solennité  du  châtiment  prescrit  par  la  loi 
de  1791. 

90.  Cette  peine,  introduite  par  le  Gode  de  179i ,  a  été  reproduite  dans  le 
Gode  pénal  de  1610,  et  depuis  dans  celui  de  1832  ;  elle  n'y  a  cependant  pas 
passé,  au  moins  en  1808,  sans  des  objections  assez  graves  dont  nous  exami- 
nerons bientôt  le  mérite. 

Ainsi,  certaines  personnes  alléguaient,  comme  nous  le  verrons,  avec  de 
graves  raisons,  que  le  système  de  la  dégradation  civique  aurait  souvent  pour 
résultat  de  manquer  absolument  son  but;  c'est-à-dire  que,  dans  certains  cas, 
en  essayant,  en  tendant  à  ravir  on  droit  à  celui  que  l'on  condamne,  on  ne 
ferait  que  lui  accorder  une  faveur  et  une  dispense.  Vous  voyez  quelques  exem- 
ples frappants  de  ce  résultat  dans  le  texte  de  l'art.  34.  Cependant,  la  dégra- 
dation civique  fut  introduite,  et  en  1832,  loin  de  revenir  sur  les  inoonvéntents 
que  présente  en  certains  cas  ce  genre  de  peine,  on  a  multiplié,  étendu  le 
cercle  des  incapacités  qui  sont  la  conséquence  de  la  dégradation  civique;  on 

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DE  LA  DâGRAJDATION  CIVIQUB  (aRT.  34).  123 

a  même  appliqué  ce  genre  de  pénalité  à  certains  faits  auxquels,  jusque-là^ 
elle  n'était  pas  étendue.  Vous  verres  des  exemples  de  dégradation  civique 
prononcée  dans  les  art.  111»  114,  119,  121,  126,  127  et  quelques  autres  du 
Gode  pénal. 

La  dégradation  civique  consiste,  posons  aujourd'hui  ces  préliminaires,  dans 
la  privation  que  la  loi  inflige  au  condamné  de  certains  droits  civiques,  civils 
et  de  famille.  Le  détail  de  ces  privations,  de  ces  incapacités,  se  trouve  dans 
l'art.  34.  On  ne  peut,  en  principe  général,  contester  au  législateur  le  droit 
d'employer,  pour  punir,  la  privation  de  certaines  capacités.  La  privation  d'un 
bien,  la  souffrance  d'un  mal  sont  deux  idées  qui  conviennent  également  à 
l'idée  de  pénalité.  Il  est  incontestable  qu'il  est  des  droits,  et  des  droits  nom- 
breux, dont  la  privation  est  un  mal  fort  réel.  On  conçoit  donc  que  le  législa- 
teur emploie,  dans  certains  cas,  la  privation  d'un  droit,  comme  étant  par  elle* 
même  une  peine  réelle  et  une  peine  grave  ;  mais  quand  on  procède  ainsi, 
quand  la  loi  essaye  de  punir,  non  par  une  peine  corporelle  comme  l'empri- 
sonnement, mais  par  une  peine  toute  négative,  par  une  privation  de  certains 
droits,  ii  y  a  à  prendre  certaines  précautions  que  peut-être  on  a  trop  négligées 
en  organisant  la  dégradation  civique. 

D'abord,  il  faut  bien  faire  attention  d'éviter  cet  inconvénient  qu'on  signalait 
en  1808  dans  le  conseil  d'État,  il  faut  bien  faire  attention  de  n'aller  pas,  en 
essayant  de  punir,  accorder  une  véritable  faveur.  Or,  c'est  à  ce  résultat  qu'on 
arrive  évidemment  dans  les  §g  4  et  5  de  notre  art.  34,  au  moins  pour  la  plu- 
part des  incapacités  qu'on  prononce;  quand  on  déclare  un  individu  incapable 
de  la  tutelle,  incapable  du  service  militaire,  il  est  clair  qu'on  lui  accorde  une 
dispense,  au  lieu  de  lui  infliger  une  peine.  Si  cependant  cette  dispense  est 
fondée  sur  des  motifs  d'absolue  nécessité,  elle  sera  juste.  Si  vous  déclarez 
indigne  de  tutelle  un  voleur,  personne  ne  songera  à  vous  faire  Tobjection  que 
j'indiquais;  mais  si  vous  déclarez  incapable  de  tutelle  un  fonctionnaire  qui  a, 
non  pas  malversé  dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  mais  empiété  sur  un  pou- 
voir parallèle^  par  ignorance  ou  par  ambition,  il  est  clair  que  dans  ce  cas  vous 
lui  infligerez  une  pénalité  qui  n'a  aucun  rapport  avec  son  crime  :  vous  ne  faites 
que  lui  accorder  une  dispense;  la  cbose  est  sensible  pour  la  tutelle,  et  encore 
plus  pour  le  service  militaire. 

Une  seconde  précaution,  qui  est  également  à  observer  quand  on  procède  par 
privation  de  tel  ou  tel  droit,  est  d'établir  autant  que  possible,  de  l'analogie 
entre  le  crime  qu'on  veut  punir  et  le  droit  qu'on  ravit  à  raison  de  ce  crime. 
Sous  ce  rapport,  il  n'y  a  rien  de  plus  juste,  par  exemple,  que  de  frapper  de  la 
privation  du  droit  de  vote,  d'éligibilité,  le  fonctionnaire  qui,  comme  le  prévoit 
l'art.  41,  aura  été  surpris  falsifiant  les  billeU  d'un  scrutin;  là  il  y  a  violation 
d'un  devoir  civique;  on  conçoit  que  la  loi  le  punisse  par  la  privation  de  cer- 
tains droits  civiques.  Que  si,  au  contraire,  la  loi  inflige  des  déchéances,  des 
incapacités  sans  aucun  rapport  avec  le  crime  qu'elle  entend  punir,  l'à-propos 
de  la  peine  et  son  but  seront  manques.  Si,  par  exemple,  pour  empiétement 
de  pouvoir  d'un  fonctionnaire,  elle  promet  la  déchéance  du  droit  de  port 
d'armes  et  du  droit  de  chasse,  la  privation  est  ridicule. 

Troisièmement,  enfin,  un  point  fort  important  et  qu'on  a  négligé  souvent 
dans  cet  article,  c'est  d'avoir  soin  que  ces  privations,  qu'on  entend  infliger  i 


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124      NBUV.  LEÇ.  —  DES  PEINES  EN  MAT.  CRIM.  LIV.  I.  CHAP.  I  (n*  91). 

un  coupable  à  titre  de  pénalité,  n'aient  pas  pour  résultat  de  frapper  directe- 
ment un  tiers  qui  est  innocent,  sans  toucher  le  moins  du  monde  l'individu 
qu'on  entend  punir.  Ainsi,  quand  vous  déclarez,  par  exemple,  que  l'individu 
frappé  de  dégradation  civique  ne  sera  pas  admis  à  déposer  en  justice,  il  est 
clair  que  ce  n'est  pas  lui  que  vous  punissez;  très-peu  lui  importe,  en  réalité, 
d'être  admis  ou  de  n'être  pas  admis  à  déposer  en  justice  des  faits  qui  intéres- 
sent un  tiers  :  celui  qu'on  punit  par  cette  disposition,  c'est  le  tiers  tout  à  fait 
innocent  qui  aurait  besoin  de  ce  témoignage,  et  qui,  faute  de  ce  témoin,  se 
trouvera  peut-être  dans  l'impossibilité  d'établir  son  droit. 

Ainsi,  la  loi  doit  éviter,  en  procédant  par  privation  de  droits,  i^  d'accorder 
une  dispense  là  où  elle  entend  frapper  d'une  peine  ;  2*  d'infliger  des  pénalités, 
des  privations  qui  sont  sans  aucun  rapport  avec  Tacte  qu'elle  entend  punir; 
3^  enfin  de  frapper  indirectement  des  tiers. 

Ces  premiers  points  indiqués,  vous  pourrez  relire  les  dispositions  diverses 
de  l'art.  34,  et  vous  verrez  que  quelques-unes  des  privations  qu'il  indique, 
fort  à  propos  infligées  à  certains  crimes,  le  sont  fort  mal  à  d'autres;  il  pèche 
sous  plus  d'un  rapport  contre  les  règles  que  nous  venons  d'indiquer. 

NEUVIÈME    LEÇON. 

91 .  Nous  avons  commencé  à  nous  occuper  de  la  dégradation  civique  con- 
sidérée comme  peine  principale;  c'est,  vous  le  savez,  la  seconde  et  la  dernière 
des  peines  purement  infamantes  indiquées  dans  l'art.  8.  Cette  peine  consiste, 
avons-nous  dit,  dans  la  privation  de  certains  droits,  des  droits  politiques,  ci- 
viques, et  même  de  quelques  droits  de  famille.  Nul  doute  qu'en  principe  une 
pareille  manière  de  punir  ne  soit  légitime,  nul  doute  que  le  législateur  ne 
puisse  s'emparer  de  certains  droits  pour  les  retirer  à  celui  qu'un  crime  anté^ 
rieur  rend  indigne' de  les  exercer.  Mais,  dans  l'application  de  cette  peine  faite 
par  le  législateur  à  des  crimes  de  nature  fort  différente,  il  y  a,  avons-nous 
dit,  plusieurs  règles  à  considérer  ;  rappelons-les  d'abord  rapidement,  et  exa- 
minons en  quelques  mots  jusqu'à  quel  point  le  législateur  les  a  suivies. 

D'abord,  cette  manière  indirecte  de  punir,  résultat  de  la  privation  complète 
d'un  assez  grand  nombre  de  droits,  présente  un  inconvénient  qui  ne  suffit  pas 
sans  doute  pour  faire  proscrire  cette  peine,  mais  qui  en  resserre,  qui  en  limite 
beaucoup  l'utilité.  C'est  que  les  droits  dont  l'art.  34  prononce  la  privation  sont, 
pour  un  fort  grand  nombre  de  coupables,  des  droits  très-indifférents,  des  droits 
très-insignifiants  ;  pour  d'autres,  au  contraire,  et  surtout  pour  ceux  qui  appar- 
tiennent à  la  classe  sociale  la  plus  élevée,  ces  droits  peuvent  avoir  le  prix  le 
plus  grand.  De  là  cette  conséquence  que  la  dégradation  civique  prononcée 
comme  peine  principale  est  une  peine  peu  appréciable,  et  surtout  extrême- 
ment inégale;  d'où  il  suit  qu'en  général  il  est  fort  sage  ,en  détaillant  les  divers 
droits' dont  cette  peine  emporte  la  privation,  en  appliquant  surtout  cette  péna- 
lité à  tel  ou  tel  crime  spécial,  il  est  très-bon  d'établir,  autant  que  possible,  de 
l'analogie  entre  les  abus  que  le  législateur  entend  punir,  et  les  droits  qu'il 
enlève  au  coupable,  précisément  dans  l'intention  de  le  punir.  Que  si  cette 
analogie  n'existe  pas,  que  si  l'on  prive  le  coupable  d'un  droit  sans  aucun  rap- 
port avec  celui  dontil  vient  d'abuser,  on  s'expose  à  ne  frapper,  dans  nombre 

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AE  LA  DÉGRADATION  GIYIQUB  (aRT.  34).  12$ 

de  csis,  qu'une  peine  fort  insignifiante;  nous  en  yerrons  bientôt  des  exemples. 

Nous  avons  dit^  de  plus,  que  cette  peine  complexe^  telle  que  le  législateur 
l'a  organisée,  avait  souvent  un  inconvénient  qu'on  avait  remarqué  et  objecté 
dans  roriginOi  c*est  qu'en  annonçant  l'intention  de  punir,  1&  volonté  de  retirer 
un  droit,  le  législateur  confère  souvent  une  véritable  dispense,  une  véritable 
exemption  ;  c'est  qu'en  voulant  punir  oejui  qu'il  déclare  coupable,  il  arrive 
souvent  :  !<>  qu'il  ne  le  frappe  nullement;  2*  qu'il  le  frappe  sans  rapport  avec 
l'acte  coupable;  Z^  que  la  peine,  qui  n'efOeure  pas  le  coupable,  va  porter  de 
tout  son  poids  sur  des  tiers  qui  lui  sont  étrangers  :  nous  en  verrons  quelques 
exemples. 

En  effet,  quand  vous  voyez  dans  les  §§  4  et  5  de  l'art.  34,  au  nombre  dea 
droits  dont  le  dégradé  civiquement  se  trouve  dépouillé,  figurer  l'incapacité  de 
servir  dans  la  garde  nationale  ou  dans  l'armée,  ou  l'incapacité  d'être  tuteur  ou 
curateur,  il  est  clair  que  dans  ces  hypothèses  ce  sont  de  véritables  dispenses,  de 
véritables  exemptions  qu'on  accorde  au  dégradé  civiquement  bien  plutôt  qu'on 
ne  lui  inflige  un  véritable  châtiment:  il  est  clair  que,  loin  de  lui  ravir  un 
droit,  on  le  soulage  d'une  charge  fort  onéreuse,  et  que  cette  charge  doit  être- 
remplie,  doit  être  accomplie  par  des  tiers,  c'est-à-dire  qu'on  ne  touche  pas  le 
coupable  et  qu'on  va  frapper  des  innocents. 

Ce  n'est  pas  que  j'entende  blâmer  à  tous  égards  les  §§  4  et  5  relativement 
aux  exemples  que  je  viens  de  signaler  :  certainement  il  est  des  crimes,  et  en 
assez  grand  nombre,  dont  la  nature  est  telle  qu'elle  se  refuse  à  ce  qu'on  con- 
fie à  celui  qui  s'en  est  rendu  coupable  un  poste  et  des  armes;  il  est  des  cri- 
mes de  telle  nature,  frappés  de  la  dégradation  civique,  qu'il  devient  absolu- 
ment impossible  de  confier  une  tutelle  à  celui  qui  s'en  est  rendu  coupable. 
Mais  remarquez  bien  que,  dans  ces  cas,  quand  la  loi  déclare  le  coupable  inca- 
pable d'une  tutelle,  incapable  de  service  militaire,  ce  n'est  pas  vraiment  une 
peine  qu'elle  lui  inflige,  c'est  une  précaution,  et  une  précaution  fort  sage, 
qu'elle  prend  dans  l'intérêt  social;  c'est  une  mesure  de  défense,  et  non  point 
une  mesure  de  punition. 

Quelle  est  la  conséquence  de  tout  ceci?  C'est  que,  si  parmi  tous  les  crimes 
que  le  législateur  a  frappés  de  la  dégradation  civique,  nous  en  rencontrons 
quelques-uns  dont  la  nature  ne  répugne  nullement  à  l'exercice  des  fonctions 
dont  parlent  les  §§  4  et  5;  si,  parmi  ceux  que  la  loi  dégrade  civiquement, 
nous  trouvons  des  coupables  qui  pourraient  servir  dans  les  rangs  de  Tarmée, 
sans  que  la  sûreté  de  l'État  en  reçût  aucune  atteinte,  ni  l'honneur  de  l'armée 
aucune  souillure  ;  si  nous  trouvons  des  coupables  dont  le  crime  est  de  telle  na- 
ture qu'il  n'y  aurait  aucun  danger  à  leur  confier  une  tutelle,  nous  dirons  alors 
que  la  dégradation  civique,  organisée  comme  elle  l'est,  est  une  peine  qui  leur 
convient  fort  mal;  que  les  déclarer  incapables  de  tutelle,  incapables  de  service 
militaire,  ce  n'est  réellement  que  leur  accorder  une  exemption  que  ne  récla- 
xnait  nullement  l'intérêt  de  la  sûreté  soit  privée,  soit  publique.  Nous  allons  en 
trouver  quelques  exemples  en  parcourant  plusieurs  des  cas  auxquels  le  Gode 
pénal  attache  la  dégradation  civique. 

Avant  de  citer  des  articles  à  cet  égard,  résumons-nous  sur  cette  peine,  en. 
disant  que,  légitime  en  elle-même,  le  est  cependant  fort  difficile  de  l'apprécier 
d'une  manière  générale,  d'une  manière  absolue,  non  à  cause  de  son  extrêma 

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126      NBUV.  LEÇ.  —  DBS  PEINES  EN  MAT.  CRIM.  LIV.  I.  CHAP.  I  (n«  91). 

complexité,  à  cause  de  Tinfinie  yariété  des  droits  dgnt  l'art.  34  prononce  U 
privation  ;  et  qu'à  raison  même  de  cette  variété  il  arrivera  fréquemment  que 
la  dégradation  civique  sera,  sur  plusieurs  points,  et  à  cause  des  crimes  auxquels 
on  l'infligera,  une  peine  illusoire  et  produisant  des  résultats  indifférents  pour 
le  coupable,  et  dangereux  souvent  pour  des  tiers. 

Dans  l'art,  lil,  la  loi  punit  de  la  dégration  civique  celui  qui,  chargé  du 
dépouillement  d'un  scrutin,  aura  frauduleusement  dénaturé,  aura  vicié  ce  sera- 
tin.  Voilà  un  cas  où  la  loi  prononce  principalement  la  dégradation  civique.  Or, 
parmi  les  incapacités  de  l'art.  34,  il  en  est  certaines  qui  conviennent  on  ne 
peut  mieux  à  la  nature  du  crime  que  l'art.  111  prévoit  et  punit  :  frapper  de 
l'incapacité  de  tout  emploi  et  de  toute  fonction  publique,  frapper  de  la  privation 
de  l'exercice  des  droits  politiques,  celui  qui  8*est  rendu  coupable  de  l'abus, 
de  la  violation  de  ces  droits,  que  punit  l'art.  111,  c'est  une  mesure  dont  on  ne 
peut  sans  doute  contester  la  sagesse  et  l'opportunité.  Peut-^tre  sera-t-on  moins 
convaincu  de  l'opportunité  des  §§  4  et  5  appliqués  à  ce  même  genre  de  crimes; 
peut-être  s'expliquera-t-on  moins  bien  comment  la  falsification  ou  la  soustrac- 
tion de  billets  d'un  scrutin  frappe  celui  qui  s'en  est  rendu  coupable  de  l'inca- 
pacité surtout  du  service  militaire.  On  ne  voit  pas  trop  jusqu'à  quel  point  l'in- 
térêt social  serait  compromis,  si  cette  privation  n'existait  pas  ;  on  sent,  au 
contraire,  parfaitement  qu'il  y  a  là  une  dispense  qui  n'est  pas  peut-être  légiti- 
mée par  des  motifs  assez  graves. 

La  chose  devient  plus  sensible  quand  on  applique  le  même  rapprochement 
aux  art.  127  et  130;  là  encore  vous  trouvez  des  exemples  de  dégraidation  civi- 
que prononcée.  Dans  l'art.  127,  on  déclare  coupables  de  forfaiture,  et  on  punit 
à  ce  titre  de  la  dégradation  civique,  les  juges,  les  procureurs  généraux,  etc., 
qui  se  seront  immiscés  dans  Texercice  du  pouvoir  législatif,  soit  par  des  règle- 
ments contenant  des  dispositions  législatives,  soit  en  arrêtant  ou  en  suspen- 
dant l'exécution  d'une  ou  de  plusieurs  lois,  soit  en  délibérant  sur  le  point  de 
savoir  si  les  lois  seront  publiées  ou  exécutées.  On  comprend  encore  très-bien 
que,  pour  ce  crime,  qui  est  tout  à  fait  politique,  pour  ce  crime  commis  dans 
l'exercice  de  fonctions  judiciaires,  la  loi  frappe  celui  qui  s'en  est  rendu  coupa<- 
ble  des  incapacités  prononcées  dans  les  deux  premiers  paragraphes  de  notre 
article;  mais  il  devient  impossible  de  comprendre  comment  le  fonctionnaire 
qui  a  bouleversé  la  division  des  pouvoirs  en  s'immisçant,  juge  ou  procureur  gé- 
néral qu'il  était,  dans  des  actes  législatifs,  comment  il  devient,  par  ce  seul 
fait,  incapable,  de  gérer  une  tutelle,  incapable  de  service  militaire.  H  ne  s'agit 
pas  là  seulement  de  l'inconvénient  d'une  peine  sans  rapport  aucun  avec  le 
crime  ;  il  ne  s'agit  pas  là  seulement  d'une  peine  illusoire,  inefficace  ;  mais 
c'est  que  le  poids  de  cette  peine  retombe  tout  entier  sur  les  tiers  ;  c'est  que  I» 
magistrat  fonctionnaire,  que  punit  l'art.  427,  est  réellement  soulagé,  exempté 
des  charges  fort  pesantes  énumérées  dans  les  §§  4  et  5  de  Part.  34,  et  qu'il 
faudra  bien  que  quelqu'un  supporte  à  sa  place  le  poids  de  ce  service  militaire, 
ou  le  fardeau  de  cette  tutelle. 

Il  n*y  a  donc  ni  analogie  entre  le  crime  et  la  peine,  ni  garantie,  dans  la  na. 
ture  de  ce  prétendu  châtiment,  qu'il  n'y  aura  pas  abus  dans  les  fonctions 
dont  une  personne  est  chargée.  Sous  ce  double  rapport,  il  y  a  un  inconvénient 
à  l'extrême  complexité  de  la  peine.  Cet  inconvénient  disparaîtrait  si  le  légis- 

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]«  LA  uteaADATiON  cvnQxm  (art.  34).  127 

latenr,  aa  Uea  de  procéder  en  masse,  en  aeeomalant  dans  l'art.  34  des  dé* 
chéaoces,  des  privations  sans  aucun  rapport  l'une  avec  l'autre,  avait  procédé, 
comme  nous  verrons  tout  à  Theure  qu'il  l'a  fedt  dans  Fart.  42,  en  autorisant 
les  cours  d'assises  à  appliquer  séparément  tel  ou  tel  genre  de  déchances^  telle 
ou  telle  nature  de  privations,  en  ayant  soin  de  les  approprier  du  mieux  pos- 
sible à  la  nature  du  crime  ou  du  délit  qu'on  entendait  punir.  Cette  complexité, 
que  nous  blâmons  dans  l'art  34,  on  parait  l'avoir  sentie,  et  on  a  pris  soin  de 
l'éviter  dans  l'art.  42. 

Les  mêmes  observations  s'appliquent  en  grande  partie  au  §  3  de  l'art.  34. 
Ainsi,  on  déclare  que  la  dégradation  civique,  au  nombre  des  droits  dont  elle 
dépouiUe  celui  qui  en  est  firappé,  lui  enlève  celui  d'être  juré-expert,  d'être 
employé  comme  témoin  dans  les  actes,  de  déposer  en  justice  autrement  que 
pour  y  donner  de  simples  renseignements.  D'être  employé  comme  témoin  dans 
les  actes,  cela  se  comprend,  cela  est  fort  juste,  quand  le  crime  auquel  la  loi 
attache  la  dégradation  civique  est  de  nature  à  élever  des  doutes  raisonnables, 
sérieux,  sur  la  véracité,  sur  la  crédulité  du  coupable.  Par  exemple,  l'art.  366 
frappe  de  dégradation  civique  la  partie  qui,  dans  les  matières  civiles,  s'est  ren* 
due  coupable  c(e  parjura,  io^  portia  qsi.  Bar  un  sarment  déféré  par  son  adver- 
saire, a  prêté  ce  serment  plus  tard  reconnu  faux.  On  comprend  très-bien  que, 
quand  la*nature  même  du  crime  élève  les  doutes  les  plus  graves  sur  la  crédi- 
bilité, sur  la  sincérité  du  coupable,  la  loi  ne  lui  permette  pas  d'exercer  plus 
tard,  dans  un  acte  public,  cette  espèce  de  ministère  semi-officiel,  semi-public, 
qui  consiste  à  venir  garantir  par  le  poids  de  son  témoignage  l'authenticité 
d'un  acte.  Que  si,  au  contraire,  vous  appliquez  cette  incapacité  au  cas  prévu 
par  l'art.  1^7,  à  cet  abus  de  pouvoir  des  fonctionnaires  qu'on  y  désigne,  vous 
serez  peut-être  fort  en  peine  de  vous  expliquer  comment  on  déclare  incapable 
d'êti-e  témoin  dans  un  acte  public  le  fonctionnaire  ou  le  juge,  par  exemple, 
qui,  par  une  décision  générale  et  réglementaire,  a  contrevenu  à  l'art.  5  du 
Gode  civil.  La  chose  paraîtrait  peu  importante,  s'il  ne  s'agissait  que  du  cou- 
pable; mais  remarquez  ici  que  l'intérêt  d'un  tiers  est  en  jeu,  que  la  consé- 
quence de  cette  incapacité  sera  la  nullité  de  l'acte  auquel  le  magistrat  dégradé 
aura  participé  comme  témoin,  nullité  dont  les  résultats  porteront  uniquement 
sur  les  parties  intéressées  dans  l'acte,  parties  qui  peut-être  ignoraient  complè- 
tement l'état  de  la  dégradation  et  d'incapacité  du  témoin  qu'elles  employaient. 

La  même  objection  se  présenterait  avec  beaucoup  plus  de  force  sur  la  der- 
nière des  incapacités  dont  parle  le  §  3;  elle  se  présenterait  si  les  derniers 
mots  de  ce  paragraphe  ne  réduisaient  presque  cette  incapacité  à  un  non-sens; 
je  veux  parler  de  rinadmissibilité  prononcée  par  le  §  3  in  fine,  comme  consé- 
quence de  la  dégradation  civique',  inadmissibilité,  non  pas  à  figurer  comme* 
témoin  dans  un  acte  authentique,  dans  un  acte  public,  mais  à  venir  déposer 
en  justice.  C'est  là  un  genre  de  pénahté  qui  a  été  généralement  admis  dans 
la  législation  moderne.  C'est  de  cette  inadmissibilité  à  témoigner  en  justice, 
prononcée  à  titre  de  peine,  que  Bentham  a  dit  avec  grande  raison,  <  que  Ir 
loi,  pour  faire  une  égratignure  à  un  coupable,  passait  une  épée  dans  le  corps 
d'un  innocent.  » 

£n  effet,  vous  refiasez  d'entendre  conmie  témoin  celui  qui  peut-être  a  seul 
assisté  au  fait  que  j'ai  intérêt  à  établir  judiciairement.  Par  une  telle  mesure, 

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128  NBUV.  LEÇ.  —  DBB  PBINBS  BN  MAT.  QRIM.  LIV.  I.  GHAP.  I  (n*  9t). 

qai  frappe-t*on?  Évidemment  ce  n'est  pas  le  témoin  qu'on  refuse  d'entendre, 
et  qui  n'a  pas  personnellement  le  plus  petit  intérêt  à  être  entendu,  c'est  la 
partie  qui  avait  besoin  de  son  témoignage,  et  qui,  faute  de  ce  témoignage,  est 
dans  rimpossibilité  d'établir  et  d'obtenir  son  droit. 

Cette  critique  serait  vraie,  serait  fondée,  si  les  derniers  mots  de  notre  §  3 
ne  rendaient  i  peu  près  incompréhensible  Fincapacité  qu'il  parait  d'abord  pro* 
noncer.  En  effet,  on  fait  bien  figurer  dans  ce  paragraphe  au  nombre  des  inca- 
pacités qu'entraîne  la  dégradation  civique  celle  de  déposer  en  justice;  mais  on 
ly  oute  :  autrement  que  pour  y  donner  de  simples  renseignements.  Donc  le  dégradé 
elviquement  n'est  pas  absolument  pri^é  du  droit,  ou  plutôt  n'est  pas  absolu- 
ment déchargé  du  devoir  de  déposer,  seulement  sa  déposition  n'est  qu'un  sim- 
ple renseignement.  Mais  cette  modification  détruit  absolument  le  sens  de  la 
règle  à  c6té  de  laquelle  on  la  place. 

En  effet,  quelle  différence  réelle,  quelle  différence  légale,  existe-t-il  main- 
tenant entre  une  déposition  proprement  dite  et  de  simples  renseignements  ? 
Cette  différence,  elle  eût  été  réelle,  elle  eût  été  sensible,  alors  que  les  tribu- 
naux admettaient  le  système  des  preuves  légales,  dont  je  vous  parlerai  dans 
le  Cours  de  procédure;  alors  qu'on  tenait  pour  règle  que  tesUs  unw,  testis 
nuUus,  alors  qu'on  comptait  les  témoignages  sans  s'inquiéter  beaucoup  de  les 
pesée  Mais  maintenant  que  l'art.  342  du  Gode  d'instruction  criminelle  laisse 
à  cet  égard  toute  liberté  à  la  conscience  des  jurés,  maintenant  qu'on  leur  dit  : 
Vous  pourrez  tenir  pour  vrai  tel  fait,  quoiqu'un  seul  homme  en  ait  déposé; 
vous  pourrez  ne  pas  le  tenir  pour  vrai,  quand  même  vingt  témoins  d*accord 
en  auraient  unanimement  déposé;  maintenant,  en  un  mot,  qu'on  ne  s'adresse 
absolument  qu'au  sens  intime,  qu'à  la  conscience  du  jury,  il  n'y  a  plus  de 
différence  réelle  entre  la  déposition  proprement  dite  et  les  simples  renseigne- 
ments. 

11  y  a  bien  une  différence  physique,  matérielle,  ostensible;  mais  cette  diffé- 
rence même  semble  être  un  mal,  c'est  que  le  témoin  appelé  en  justice  et  frappé 
de  dégradation  civique  ne  sera  pas  entendu  sous  la  foi  du  serment;  c'est  là  que 
sera  la  distinction  entre  la  déposition  proprement  dite,  précédée  du  serment 
du  témoin,  et  les  simples  renseignements  donnés  par  une  personne  que  son 
indignité  empêche  de  prêter  serment  ;  mais  cette  différence  même  est  inex- 
plicable. En  effet,  de  deux  choses  l'une  :  ou  le  fait  à  raison  duquel  la  dégra- 
dation a  été  encourue  est  de  nature  à  inspirer  des  doutes  sur  la  bonne  foi  du 
témoin;  ou,  au  contraire,  ce  fait  n'a  aucun  rapport  avec  1%.  véracité,  la  bonne 
foi,  la  sincérité  de  ce  témoin.  Dans  ce  dernier  cas,  par  exemple,  dans  l'hypo- 
thèse de  l'art.  127,  si  le  fait  à  raison  duquel  Paul  a  été  dégradé  civiquement 
est  an  fait  qui  n'est  pas  de  nature  à  inspirer  des  doutes  sur  sa  crédibilité,  pour* 
quoi  donc  refuser  de  l'entendre  sous  la  foi  du  serment,  pourquoi  mettre  une 
différence  entre  sa  déposition  et  celle  d'un  autre,  si,  tout  frappé  qu'il  est  d'une 
condamnation,  il  parait  être  de  toute  aussi  bonne  foi  ?  Ou  bien,  si  le  fait  à  rai- 
son duquel  la  condamnation  a  été  prononcée  est  de  nature  à  le  rendre  suspect, 
comme  dans  le  cas  de  l'art.  366,  si,  à  cause  du  fait  dont  il  s'est  rendu  coupa- 
ble, vous  avez  de  bonnes  raisons  de  craindre  qu'il  ne  vienne  mentir,  refuser 
de  l'entendre  sous  la  foi  du  sermenti  c'est  enlever  encore  une  sanction,  encore 
une  garantie  à  la  puissance  de  son  témoignage.  Sn  effet,  cet  individu  qui  déjà 

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Dn  LA  DÉGRADATION  GIVIQUB  (aAT.   35).  129 

a  nolé  le  sennent,  ou  qui  B'est  rendu  coupable  de  tout  autre  fait  de  nature  i 
jeter  de  la  méfiance  sur  la  fol  de  ses  paroles,  appelé  à  déposer  plus  solennelle- 
ment, et  sous  Tempire  du  serment,  peut-être  déposera-t-il  plus  gravement, 
plus  sincèrement,  plus  exactemocit  que  s'il  dépose  sans  jurer  ;  on  ne  s'explique 
donc  guère  la  cause  de  cette  disposition  qui,  tout  en  autorisant  à  faire  entendre 
en  justice  le  dégradé  civiquement,  ne  lui  permet  pas  de  protester  par  serment 
de  la  vérité  de  ses  paroles. 

Voilà  les  principales  observations  relatives  aux  incapacités,  aux  privations 
de  droits  dont  parle  Tart.  34.  Je  ne  puis,  en  terminant,  que  répéter  que  cette 
peine,  qui  peut  avoir,  dans  les  différentes  fractions  de  cet  article,  d'assez  grands 
avantages,  est  bien  rarement  à  Tabri  de  toute  critique,  de  tout  inconvénient, 
organisée  qu*elle  est  d'une  manière  si  large,  si  complexe,  constituant  des  in- 
capacités si  peu  en  rapport,  soit  les  unes  avec  les  autres,  soit  chacune  d'elles 
avec  les  crimes  qu'elle  peut  avoir  pour  but  de  punir. 

98.  Au  reste,  quaod  j'ai  dit,  en  commençant,  que  cette  peine  présentait 
par-dessus  tout  l'inconvénient  d'être  inégale,  inappréciable,  je  n'ai  fait  qu'a- 
vancer une  proposition  que  le  législateur  lui-même  reconnaît  et  consacre.  la 
nouvelle  rédaction  de  Fart.  35  prévoyant,  en  effet,  que  dans  nombre  de  cas  la 
dégradation  civique,  prononcée  comme  peine  principale,  pourrait  être  tout  à 
fait  illusoire,  donne  aux  cours  d'assises  un  moyen  de  l'aggraver,  de  l'augmen- 
ter, d'en  rendre  le  poids  plus  sensible  et  plus  réel,  en  y  ajoutant  un  empri- 
sonnement dont  le  maximum  n'excédera  pas  cinq  ans. 

«  ART.  35.  Toutes  les  fois  que  la  dégradation  civique  sera  prononcée  comme 
peine  principale,  elle  pourra  être  accompagnée  d*un  emprisonnement  dont  la  durée, 
fixée  par  Tarrôt  de  condamnation,  n'excédera  pas  cinq  ans.  —  Si  le  coupable  est 
un  étranger  ou  un  Français  ayant  perdu  la  qualité  de  citoyen,  la  peine  de  l'em- 
prisonnement  devra  toujours  être  prononcée.  » 

Cette  peine  additionnelle  de  l'emprisonnement  présente,  vous  le  voyez,  deux 
caractères  assez  remarquables  :  le  premier,  c'est  qu'elle  est  tout  à  fait  facul- 
tative, c'est  qu'il  dépend  des  cours  d'assises  de  prononcer,  soit  la  dégradation 
civique  seule,  soit  la  dégradation  civique  accompagnée  d'un  emprisonnement 
plus  ou  moins  long.  Le  second  caractère,  qui  n'est  qu'une  conséquence  du  pré- 
cédent, c'est  que  la  peine  d'emprisonnement  dont  la  loi  fixe  le  maximum  à  cinq 
ans,  n'a  pas  de  minimum  légal  ;  c'est  que  le  texte  ne  détermine  aucune  durée 
au-dessous  de  laquelle  les  tribunaux  ne  puissent  pas  fixer  l'emprisonnement. 
H  semble  donc  qu'ils  pourraient  descendre,  non-seulement  jusqu'à  six  jours, 
minimum  ordinaire  de  l'emprisonnement  correctionnel,  mais  même  au-dessous 
de  six  jours,  au  taux  des  peines  de  police,  car  il  ne  s'agit  pas  ici  de  l'emprison- 
nement correctionnel  dont  parle  l'art.  40.  Au  reste,  il  est  sensible  qu'une  pa- 
reille question  ne  se  présentera  pas;  que,  toutes  les  fois  que  les  cours  d'assises 
croiront  devoir  ajouter  la  peine  de  l'emprisonnement,  cet  emprisonnement  ne 
sera  jamais  de  la  courte  durée  qui  s'applique  aux  peines  de  police,  ou  môme 
au  minimum  des  peines  correctionnelles. 

98.  Le  deuxième  paragraphe  de  l'art.  35  est  conçu  dans  le  même  système, 
I.  9 


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130     NEUY.  LBÇ.  —  DBS  PBINB8  BN  MAT.  GRIIC.  UT.  I.  CHAP.  I  (n^  94). 

c'e8t-à-dire  qu'il  a  pour  bat  de  rendre  efficace  et  réelle  la  peine  de  la  dégra«- 
dation  civique,  dans  les  cas  où,  prononcée  seule,  elle  manquerait  de  cescarac^ 
tères.  Mais,  à  la  différence  du  premier  paragraphe,  où  le  législateur  s'en  rap» 
porte  à  la  conscience  ou  à  la  sagesse  des  juges,  il  détermine  ici  impérativement 
des  cas  dans  lesquels  Temprisonnement  subsidiaire  doit  être  appliqué  avec 
elle.  La  raison  en  est  sensible  ;  il  s'agit  dans  ce  paragraphe  du  cas  où  le  cou- 
pable qui  a  encouru  la  dégradation  civique  est  un  étranger,  ou  bien  est  un 
Français  ayant  perdu  la  qualité  de  citoyen.  La  dégradation  civique  consistant 
principalement  et  presque  uniquement,  dans  la  privation  des  droits  politiques 
et  civiques,  il  est  clair  que  c*est  une  peine  insignifiante,  une  peine  absolument 
dérisoire  appliquée  aux  personnes  dont  parle  le  §  2  ;  très-peu  importe  à  un 
étranger  d*étre  privé  de  droits  qui  ne  lui  appartiennent  pas,  très-peu  importe 
même  à  un  Français  qui  a  cessé  d'être  citoyen.  Ces  derniers  mots  paraissent 
devoir  s'expliquer  par  l'art.  4  de  la  constitution  du  22  frimaire  an  VIU,  car  vous 
savez  que  nos  Godes  actuels  sont  tout  à  fait  muets  sur  la  manière  dont  s'ac- 
quiert et  se  perd  le  titre  de  citoyen.  Alors  Temprisonnement  devra  toujours 
être  prononcé. 

Il  est  seulement  singulier  qu'à  côté  de  cette  disposition  impérative,  le  légis- 
ateur  ait  omis  de  déterminer  un  minimum.  On  conçoit  très-bien  que,  quand  il 
dépend  des  juges  d'appliquer  ou  de  ne  pas  appliquer  l'emprisonnement  subsi- 
diaire, on  les  laisse  maîtres,  quand  ils  l'appliquent,  de  descendre,  pour  en  fixer 
la  durée,  aussi  bas  que  bon  leur  semble.  Mais  quand,  au  contraire,  la  loi  pro- 
nonce impérativement  cet  emprisonnement  subsidiaire,  quand  elle  reconnaît 
elle-même,  à  raison  de  la  qualité  du  coupable,  que  la  dégradation  civique  est 
par  elle-même  une  peine  illusoire,  on  ne  comprend  guère  qu'ella  n'ait  pas  pris 
soin  de  déterminer  un  minimum  au-dessous  duquel  la  cour  d'assises  ne  puisse 
pas  descendre  dans  l'échelle  de  l'emprisonnement.  Cependant  ce  minimum 
n'est  pas  déterminé,  il  ne  nous  appartient  pas  de  le  fixer.  Au  reste,  la  question 
ne  s'élèvera  guère  en  pratique,  d'abord,  parce  que,  le  cas  échéant,  il  est  clair 
que  les  juges  ne  seront  guère  tentés  de  descendre  à  quelques  jours  d'empri- 
sonnement contre  le  condamné  étranger,  ou  privé  des  droits  de  citoyen  fran- 
çais :  en  second  lieu,  parce  que  la  peine  de  la  dégradation  civique  n'étant  guère 
prononcée  par  nos  lois  que  pour  l'abus  de  fonctions  publiques,  dont  les  ci- 
toyens seuls  peuvent  être  revêtus,  le  cas  même  prévu  par  le  §  2  ne  se  présen- 
tera que  dans  des  hypothèses  fort  rares.  Mais  il  pourrait  se  présenter,  par 
exemple,  dans  le  cas  de  l'art.  366,  dans  le  cas  du  faux  serment  prêté  en  ma- 
tière civile.  Au  contraire,  dans  les  art.  111,  114,  127,  130,  et  plusieurs  autres 
auxquels  la  loi  attache  la  dégradation  civique,  les  crimes  qu'elle  punit  de  cette 
peine  ne  peuvent  guère  être  commis  que  par  des  fonctionnaires,  et  par  consé- 
quent par  des  Français  ayant  la  qualité  de  citoyen. 

94.  L'art.  36  est  relatif  à  la  publicité  des  arrêts  portant  condamnation  aux 
peines  criminelles,  il  n'y  a  aucune  remarque  à  faire. 

«  Abt.  36.  Tous  arrêts  qui  porteront  la  peine  de  mort,  des  travaux  forcés  à  per 
pétuité  et  à  temps,  la  déportation,  la  détention,  la  réclusion,  la  dégradation  civi- 
que et  le  bannissement,  seront  imprimés  par  extrait.  —  Ils  seront  afQchés  dans  la 

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DB  L'BMt»RlSONNBMBNT  (aRT.   40).  131 

ville  centrale  du  département,  dans  ceUe  où  Tarrét  aura  été  rendu,  dans  la  com- 
mune du  lieu  où  le  délit  aura  été  commis,  dans  celle  où  se  fera  l'exécution,  et 
dans  celle  du  domicile  du  condamné.  » 

95.  Quant  aux  art.  37,  38,  39,  ils  avaient  pour  objet  d'organiser  la  peine  de 
la  confiscation.  La  suppression  de  cette  peine  a  entraîné,  lors  de  la  dernière 
TéYiaion,  la  suppression  de  tous  les  articles  qui  s'y  rattachaient,  leurs  numéros 
seulement  ont  été  conservés  dans  le  Gode  pénal,  pour  éviter  le  bouleversement 
des  numéros  auxquels  on  était  depuis  longtemps  accoutumé. 


CHAPITRE  II 

DES    PEINES  EN    MATIÈRE    CORRECTIONNELLE* 

96.  Vart.  9  indique  comme  peines,  en  matière  correctionnelle,  l'empri- 
sonnement, l'interdiction  de  certains  droits  et  l'amende  ;  cependant  ces  trois 
peines  ne  figurent  pas  toutes  dans  le  chapitre  ii;  les  règles  que  vous  y  trouvez 
sont  purement  relatives  à  Temprisonnement  et  à  Tinterdiction  ;  le  législateur 
n'y  parle  pas  de  l'amende.  La  raison  en  est  facile  à  donner  :  c'est  que  l'amende 
indiquée  dans  l'art.  9  comme  peine  en  matière  correctionnelle,  n'est  pas  une 
peine  exclusivement  applicable  à  ces  matières  :  au  contraire,  l'art.  11  vous  a 
déjà  dit  que  l'amende  était  une  peine  commune  et  aux  matières  criminelles 
et  aux  matières  correcUonnelies.  Aussi  n'est-ce  pas  dans  le  chapitre  u,  où  l'on 
s'occupe  uniquement  des  peines  correctionnelles  proprement  dites,  qu'on 
s'occupe  de  l'amende,  mais,  au  contraire,  dans  le  chapitre  m,  relatif  à  cer- 
taines condamnations  qui  peuvent  être  également  appliquées,  soit  en  matière 
de  crimes,  soit  en  matière  de  délits.  Sous  ce  rapport,  le  chapitre  n  est  en  cor- 
rélation assez  exacte  avec  l'art.  9  et  le  chapitre  ni  est  en  pleine  corrélation 
avec  l'art.  11. 

Nous  avons  très-peu  de  détails  à  donner  sur  les  art.  40  et  42,  qui  présentent 
peu  de  difficultés  ;  cependant  quelques  rapprochements  sont  nécessaires  pour 
les  bien  comprendre,  surtout  l'art.  42. 

97.  «  Art.  40.  Quiconque  aura  été  condamné  à  la  peine  de  l'emprisonnement 
sera  renfermé  dans  une  maison  de  correction  :  il  y  sera  employée  Tun  des  travaux 
établis  dans  cette  maison,  selon  son  choix.  —  La  durée  de  cette  peine  sera  au 
moins  de  six  jours,  et  de  cinq  années  au  plus,  sauf  les  cas  de  récidive  ou  autres, 
où  la  loi  aura  déterminé  d'autres  limites.  —La  peine  à  un  jour  d'emprisonnement 
est  de  24  heures  ;  celle  à  un  mois  est  de  30  jours.  » 

des  derniers  mots,  relatifs  au  calcul  des  peines,  ne  présentent  aucune  dif- 
ficulté. U  est  évident  que  l'application  ordinaire  du  calendrier  grégorien  était 
inadmissible  en  matière  de  condamnation  à  l'emprisonnement  ;  il  ne  fallait 
pas  qu'en  cas  de  condamnation  à  trois  mois,  à  quatre  mois  d'enprisonne- 
ment,  une  circonstance  tout  à  fait  accidentelle  vint  faire  varier  la  position  du 
condamné. 


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132      NEUV.  LEÇ.  —  DES  PEINES  EN  MAT.  COKR.  UV.  I.  CHAP.  II  (n°  98). 

Quant  à  la  manière  de  calculer  la  durée  de  remprisonnement,  nous  en  avons 
traité  sur  les  art.  23  et  24.  Je  vous  ai  dît  que  ces  articles  s'appliquaient  même 
à  la  peine  de  l'emprisonnement,  à  laquelle  d'ailleurs  Tart.  25  est  nominale- 
ment relatif  :  je  n'ai  donc  rien  à  ajouter  à  cet  égard. 

Quant  au  mode  de  Texécution  de  la  condamnation,  il  consiste,  nous  dit 
l'art.  40,  à  renfermer  le  condamné  dans  une  maison  de  correction.  La  diffé- 
rence entre  les  maisons  de  correction  dont  parle  Tart.  40,  et  les  maisons  de 
force  dont  parlent  les  art.  16  et  21,  comme  devant  servir  à  renfermer  les  con- 
amnés  à  la  réclusion,  cette  différence  est  plus  nominale  que  réelle  ;  il  n'y  a 
guère  de  différence  de  fait  entre  les  maisons  de  force  et  les  maisons  de  cor- 
rection. Vous  trouvez,  au  reste,  quelques  détails,  à  cet  égard,  dans  une  ordon- 
nance du  2  avril  1817,  précisément  relative  à  Torganisation  des  maisons  cen- 
trales de  détention.  L'art.  1«'  de  l'ordonnance  détermine  quelles  seront  en 
France  les  maisons  centrales  de  détention  destinées  à  recevoir  :  1<>  les  condam- 
nés à  la  réclusion  ;  2^  les  condamnés  à  l'emprisonnement;  il  résulte  claire- 
ment de  cet  article,  que  c'est  dans  les  mêmes  maisons  que  s'exécutent,  et  la 
condamnation  de  l'art.  21,  qui  est  criminelle,  et  le  condamnation  de  l'art.  40, 
qui  est  correctionnelle.  Cependant  l'art.  1<^'  ajoute  qu'on  devra  prendre  soin 
de  renfermer  dans  des  quartiers  séparés  de  ces  maisons  de  détention,  d'une 
part,  les  condamnés  criminellement,  de  l'autre,  les  condamnés  correctionnel- 
lement  ;  mais  il  paraît  que  cette  séparation  est  encore  très-loin  d'être  effectuée 
dans  toutes  les  maisons  de  détention.  Du  reste,  aux  termes  mômes  de  l'ordon- 
nance, on  ne  renferme  dans  les  maisons  de  détention,  dans  les  maisons  de 
force,  que  les  condamnés  correctionnellement  à  un  emprisonnement  de  plus 
d'une  année  ;  quant  aux  autres,  on  les  retient  en  général  dans  les  maisons 
d'arrêt,  dont  nous  parlerons  plus  tard. 

98.  La  durée  de  cette  |>eine  est  au  moins  de  six  jours,  et  au  plus  de  cinq 
ans  :  voilà  les  limites  légales  de  la  condamnation  à  l'emprisonnement.  Mais  il 
ne  faut  pas  croire  que  les  juges  aient  à  opter,  en  général,  entre  ce  maximum 
et  ce  minimum,  comme  il  ont  à  opter,  dans  les  matières  criminelles,  entre  le 
maximum  et  le  minimum  de  cinq  et  de  vingt  ans.  La  différence,  quand  il  s'agit 
d'opter  entre  cinq  et  vingt  ans,  est  bien  loin  de  correspondre  avec  la  distance 
qui  sépare  six  ou  sept  jours  de  cinq  ans  d'emprisonnement.  Aussi  la  loi,  qui, 
dans  les  matières  criminelles,  laisse  en  général  au  juge  l'option  pleine  et  en- 
tière eiitre  le  maximum  et  le  minimum,  ne  laisse  guère  cette  option  dans  les 
matières  correctionnelles.  Les  limites  que  l'art.  40  détermine  sont  des  limi- 
tes légales  plutôt  que  des  limites  judiciaires  ;  c'est-à-dire,  que  rarement  le 
juge  aura  à  opter,  au  moins  en  principe,  entre  six  jours  et  cinq  ans.  Par  exem- 
ple, quand  la  loi  prononce  la  peine  de  l'emprisonnement,  elle  a  soin  de  dé* 
terminer  pour  chaque  espèce  de  délit  un  maximum  et  un  minimum  spécial  ; 
elle  dira  que  le  maximum  variera  d'un  an  à  deux  ans,  ou  d'un  mois  à  deux 
mois.  Ce  sont  là  des  limites  que  le  législateur  semble  indiquera  l'avance  comme 
devant  lui  servir  à  lui-même.  Quant  aux  limites  judiciaires,  elles  s'exerceront 
pour  chaque  délit  séparément.  Ainsi,  en  parcourant  les  articles  fort  nombreux 
en  matière  cerrectionnelle,  vous  y  verrez  la  loi  fixer  un  maximum  et  an  mini' 
mum  spécial. 


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DE  L'EICPBISOmiBMBNT.   (aRT.  41).  133 

Cependant  il  faut  ajoater  que  Tart.  463,  dans  sa  denriëre  disposition,  per- 
mettant aux  tribunaux  correctionnels,  lorsqu'ils  reconnaissent  l'existence  de 
circonstances  atténuantes,  de  réduire  indéfiniment  la  durée  de  Temprison- 
nement,  il  faut,  dis-je,  ajouter  que  malgré  tous  les  degrés  de  minimum  que 
le  législateur  a  pu  fixer  en  matière  correctionnelle,  les  tribunaux  auraient  la 
{acuité  de  descendre  au-dessous  de  ce  minimum,  et  de  réduire  la  peine  de 
Temprisonnement  au-desaoas  même  de  six  jours.  C'est  ce  qui  résulte  des 
termes  de  Fart  463.  Ainsi,  en  général,  il  y  aura  bien  pour  chaque  délit  en 
particulier  un  minimum  d'emprisonnement  déterminé  parla  loi;  mais  les  juges 
resteront  libres,  tout  en  constatant  le  délit,  de  reconnaître  Texlstence  de  cir- 
constances atténuantes,  et  de  s'affranchir  par  là  du  minimum  que  la  loi  dé- 
termine. Quant  au  maximum  que  le  législateur  aura  fixé,  il  est  clair  que  les 
tribunaux  ne  peuvent  jamais  le  dépasser  ;  c'est  donc  seulement  dans  ce  dernier 
sens  que  mon  observation  restera  pleinement  vraie;  sous  l'autre  %ce,  l'obser- 
vation,  vraie  en  principe,  fléchit  néanmoins  dans  la  pratique,  à  cause  des 
derniers  mots  de  Fart.  463. 

Sauf  les  cas  de  récidive  ou  autres  où  la  loi  aura  déterminé  d* autres  limites  ;  en 
effet,  nous  verrons  dans  les  art.  57  et  58  que  le  cas  de  récidive  fait  exception  au 
maximum  précédent;  que  la  loi  permet  au  juge,  dans  les  cas  de  récidive  que 
détermine  cet  article,  car  il  ne  faut  pas  prendre  le  motlrop  généralement,  dans 
les  cas  de  récidive  que  détermine  l'art.  58,  d'élever  la  peine  du  délit  à  une 
durée  double  de  celle  que  la  loi  prononçait.  Ainsi,  si  le  délit  commis  en  réci- 
dive était  du  nombre  de  ceux  que  la  loi  punit  d'un  maximum  de  cinq  ans 
d'emprisonnement,  les  tribunaux  correctionnels  pour  élever  la  peine  à  dix 
ans.  C'est  en  ce  sens  que  le  maximum  ordinaire  de  la  peine  peut  se  trouver 
dépassé  de  fort  loin  dans  le  cas  de  récidive.  Nous  expliquerons  plus  tard  les 
principes  sur  cette  matière. 

99.  a  Abt.  4!.  Les  produits  du  travail  de  chaque  détenu  pour  délit  correction- 
nel seront  appliqués,  partie  aux  dépenses  communes  de  la  maison»  partie  &  lui 
procurer  quelques  adoucissements,  s'il  les  mérite,  partie  à  former  pour  lui,  au 
temps  de  sa  sortie,  un  fonds  de  réserve;  le  tout  ainsi  qu'il  sera  ordonné  par  des 
règlements  d'administration  publique.  » 

Cet  article,  purement  réglementaire,  est  relatif  à  l'emploi  des  produits  du 
travail  des  condamnés.  Cette  matière  a  été  réglée  d'une  manière  pins  nette  et 
plus  précise  par  l'art.  12  de  l'ordonnance  du  2  septembre  1817.  En  effet,  vous 
voyez  dans  notre  art.  41  que,  parmi  les  modes  d'emploi  du  produit  du  travail, 
se  trouve,  pour  l'administration,  la  faculté  de  donner  des  adoucissements  au 
condamné,  s'il  les  mérite.  L'art.  12  de  l'ordonnance  semble  avoir  fait  dispa- 
raître cet  emploi  du  travail,  il  décide  que  le  produit  du  travail  sera  divisé  en 
trois  parties  :  un  tiers  appartiendra  à  la  maison,  un  tiers  sera  remis  au  dé- 
tenu; un  dernier  tiers  lui  appartiendra  également,  mais  sera  tenu  en  réserve 
pour  lui  être  remis  à  sa  sortie  de  la  maison. 

100.  Les  art.  42  et  43,  relatifs  à  l'interdiction  ^partielle  de  certains  droits, 
<lemandent  des  développements  plus  étendus.  J'ai  déjà  dit  quels  avantages  ce 

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134   NEUV.  LEÇ.  —  DES  PEINES  EN  MAT.  CORR-  ÛV.  I.  CHAP.  II  (n«  101).. 

genre  de  punition^  prononcé  par  l'art.  42,  me  paraissait  présenter  sur  la  péna- 
lité complexe  de  l'art.  34^  dans  le  cas  de  dégradation  civique.  En  effets  il  vous 
suffit  de  jeter  les  yeux  sur  les  premiers  mots  de  Tart.  42,  pour  saisir  la  diffé- 
rence de  ce  système  entre  les  deux  articles;  il  dit  : 

tt  Art.  42.  Les  tribunaux,  jugeant  correctîonuellemuet^  pourront,  dans  certains 
cas,  interdire,  en  tout  ou  en  partie,  l'exercice  des  droits  civiques,  civils  et  de  fk- 
mille  suivants  :  —  !•  De  vote  et  d'élection  ;  —  2*  D'éligibilité  ;  —  3«  D'être  appelé 
ou  nommé  aux  fonctions  de  juré  ou  autres  fonctions  publiques,  ou  aux  emplois 
de  l'administration,  ou  d'exercer  ces  fonctions  ou  emplois;  —  4**  Du  port  d'armes; 
—  5*  De  vote  et  de  suffrage  dans  les  délibérations  de  famille;  —  6"  D'être  tuteur^ 
curateur,  si  ce  n'est  de  ses  enfants,  et  sur  l'avis  seulement  de  la  famille;  — 
7*  D'être  expert  ou  employé  comme  témoin  dans  les  actes  ;  —  8*  De  témoignage 
en  justice,  autrement  que  pour  y  faire  de  simples  déclarations.  i> 

Cette  interdiction,  qui  peut  être  totale  ou  partielle,  suivant  la  nature  et  la 
gravité  des  cas  qu'on  entend  punir,  présente  d'assez  grands  avantages  com- 
parée à  la  disposition  de  l'art.  34.  J'ai  indiqué  là  des  motifs  sur  lesquels  je 
ne  reviendrai  pas.  Il  dépendra  donc,  en  général,  des  tribunaux  correctionnels, 
soit  d'appliquer  en  totalité  les  déchéances,  les  privations  énumérées  dans 
l'art.  42,  soit  de  prendre,  au  nombre  de  ces  privations,  celle  dont  l'application 
paraîtra  mieux  appropriée  à  la  nature  du  délit  qu'on  veut  punir. 

101 .  Mais  les  premiers  mots  de  l'art.  42,  interprétés  à  la  lettre,  pourraient 
vous  entraîner  dans  quelques  erreurs.  La  loi  dit  :  Les  tribunaux  jugeant  cor- 
rectionnellement,  pourront,  dans  certains  cas,  interdire,  en  tout  ou  en  partie. 
D'où  il  semble  résulter  :  i^  que  cette  interdiction  n'est  jamais  que  facultative, 
que  les  tribunaux  correctionnels,  en  constatant  et  en  punissant  un  délit,  ne 
sont  jamais  contraints  d'ajouter  à  la  peine  principale  l'interdiction  totale  ou 
partielle  des  droits  énumérés  dans  l'art.  42  ;  2^  que,  quand  les  tribunaux  ju- 
gent à  propos  d'appliquer  ces  interdictions,  ils  restent  dans  tous  les  cas  maîtres 
d'isoler  et  de  choisir  celles  qu'ils  entendent  appliquer  ou  rejeter.  Gela  est  vrai 
dans  certaines  hypothèses,  et  faux  dans  plusieurs  autres.  Ainsi  il  résulte  du 
texte  même  de  l'art.  42  que  les  tribunaux,  condamnant  correctîonnellement, 
ne  sont  pas  par  cela  même  maîtres  d'appliquer,  même  en  partie,  les]déchéances 
de  l'art.  42;  ils  ne  le  peuvent,  dit  la  loi,  que  dans  certains  cas.  Quels  sont  ces 
cas  ?  L'art.  43  éclaircit  déjà  la  question. 

a  Art.  43.  Les  tribunaux  ne  prononceront  l'interdiction  mentionnée  dans  l'ar- 
ticle précédent  que  lorsqu'elle  aura  été  autorisée  ou  ordonnée  par  une  disposition 
particulière  de  la  loi.  i» 

Les  tribunaux  ne  pourront  donc  appliquer  en  tout  ou  en  partie  les  dé- 
chéances de  l'art.  42,  que  dans  les  délits  à  propos  desquels  la  loi  aura  formel- 
lement rappelé  la  disposition  de  cet  article.  Dans  tous  les  cas  où  le  législateur^ 
prévoyant  ou  punissant  un  délit,  est  muet  sur  la  question  d'interdiction,  il 
est  absolument  défendu  aux  tribunaux  de  prononcer,  en  tout  ou  en  partie,  les 
privations  de  l'art.  42. 

Lors  môme  que  le  législateur,  prévoyant  et  frappant  un  délit,  se  réfère  spé- 
cialement à  l'art.  42,  il  ne  s'y  réfère  pas  toujours  d'une  manière  purement  fa- 


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DB  l'interdiction  DES  DROITS  (aRT.  43).  133 

caitatiye;  il  ne  se  borne  pas  toujours  à  permettre  aux  tribunaux  d'appliquer, 
si  bon  leur  semble,  ces  déchéances,  comme  on  aurait  pu  le  conclure,  sans 
doute,  des  expressions  de  Tart.  42  :  les  tribunaux  jugeant  correetionnellemmt 
pouRBOMT...;  il  y  a  des  cas  où  le  législateur  leur  commande  d'appliquer  ces 
déchéances.  8ous  ce  rapport,  l'art.  42  est  déjà  rectifié  par  le  texte  même  de 
Tart.  43.  Les  tribunaux  ne  prononceront  Vinterdiction  mentionnée  dans  V article 
précédent,  que  lorsqu'elle  aura  été  autorisée  on  ordonnée  par  une  disposition 
particulière  de  la  loi.  Autorisée  va  très-bien  avec  les  expressions  facultatives 
deTart.  i2;  ordonnée  va  plus  loin  que  cette  expression  et  la  modifie.  Dans  les 
cas  où  le  législateur,  au  lieu  d'autoriser  les  tribunaux  à  prononcer  cette  in- 
terdiction, leur  ordonne  de  la  prononcer,  il  ne  leur  laisse  pas  le  choix  que 
Vart.  42  semble  leur  donner  ;  le  choix  entre  les  incapacités  de  Tart.  42  ap- 
partient aux  tribunaux  correctionnels,  quand  Tinterdiction  n'est  que  facul- 
tative, quand  la  loi  leur  permet  de  la  prononcer,  quand  elle  les  y  autorise. 
Lorsqu'au  contraire  elle  est  impérative,  le  législateur  détermine  expressément, 
parmi  ces  incapacités,  quelles  sont  celles  dont  il  entend  frapper  l'auteur  du 
délit  qu'il  punit. 

A  cet  égard,  la  doctrine  des  art.  42  et  43  se  complète  par  le  rapprochement 
de  divers  articles  du  Gode  pénal  auxquels  ces  deux  textes  font  allusion.  Ces 
articles,  d'ailleurs,  sont  assez  peu  nombreux.  Vous  trouvez  des  cas  où  l'inter- 
dictîon  est  :  1^  impérative»  c'est-à-dire  que  les  tribunaux  doivent  l'appliquer  ; 
2^  purement  partielle,  où  elle  ne  porte  que  sur  quelques-uns  des  cas  de 
l'art.  42,  mais  où  elle  y  porte  d'une  manière  tout  à  fait  impérative  de  la  part 
du  législateur. 

^  Ainsi,  dans  Vart.  187,  vous  trouvez  une  hypothèse  dans  laquelle  l'interdic- 
tion est  fort  différente  de  la  conséquence  qui  résulterait  des  termes  de  l'art.  42  ; 
vous  trouvez  à  la  fois  le  concours  de  ces  circonstances  :  interdiction  impéra- 
tive, interdiction  partielle.  Il  s'agit  de  la  suppression  ou  de  l'ouverture  de  let- 
tres confiées  à  la  poste,  suppression  ou  ouverture  commise  par  un  agent  de 
l'administration  ;  on  y  déclare  qu'il  sera  puni  d'une  amende  déterminée,  et  on 
ajoute  :  <  Le  coupable  sera,  de  plus,  interdit  de  toute  fonction  ou  emploi  pu- 
blic pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus,  i  Ici  vous  voyez  que  se 
présente  la  double  exception  que  j'indiquais  :  d'abord  il  n'y  a  rien  de  facultatif 
de  la  part  du  tribunal  ;  il  doit,  en  constatant  le  délit,  prononcer  contre  le  cou- 
pable l'interdiction  spéciale  déterminée  par  la  loi  ;  mais,  au  lieu  d'avoir  le 
choix  entre  les  divers  droits  énumérés  dans  l'art.  42,[il  ne  doit  prononcer  que 
l'interdiction  des  fonctions  énoncées  par  l'art.  187. 

De  même  dans  l'art.  197  :  là  encore  l'interdiction  est  spéciale,  elle  porte 
uniquement  sur  les  droits  indiqués  dans  le  §  3  de  l'art.  42;  et  le  tribunal  ne 
peut  pas  se  refuser  à  la  prononcer. 

Dans  Part.  123,  les  tribunaux  restent  maîtres,  il  est  vrai,  d'appliquer  ou  de 
ne  pas  appliquer  l'interdiction  mentionnée  dans  cet  article;  mais  le  législateur 
leur  enlève  le  choix  que  l'art.  42  leur  donnait.  Us  peuvent  ne  point  user  de  la 
faculté  de  l'art.  123  ;  mais,  s'ils  en  usent,  c'est  pour  tels  droits  déterminés, 
savoir  :  pour  les  droits  indiqués  dans  les  n«*  1, 2  et  3  de  l'art  42. 

Au  contsaire,  dans  les  art.  401,  405,  406  et  410,  vous  trouvez  l'application 
pleine  et  exacte  des  dispositions  du  g  {•'  de  Tort.  42,  c'est-à-dire,  d'une  part, 

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136      NEUV.  LEÇ.  —  DES  PEINES  EN  MAT.  CORB.  LIV.  I.  CHAP.  II  (n*  102). 

que  les  tribunaux  restent  maîtres  d'appliquer  ou  de  ne  point  appliquer  les  dé- 
chéances prononcées  par  cet  article  ;  en  second  lieu,  qu'en  se  prêtant  à  les 
appliquer,  ils  peuvent,  à  leur  choix,  soit  les  appliquer  toutes  ensemble  ou 
cumulativement,  soit  au  contraire  choisir,  parmi  les  divers  paragraphes  de 
l'art.  42,  quelles  sont  les  privations  qu'il  leur  paraît  convenable  d'appliquer  à 
l'espèce.  Vous  y  joindrez  encore  l'art.  335. 

lOâ.  Le  détail  des  diverses  privations  ênumérées  dans  l'art.  42  ne  présente 
guère  d'intérêt:  ce  sont,  en  général,  celles  que  vous  trouvez' ênumérées  dans 
l'art.  34;  seulement  les  droits  dont  l'art.  42  permet  aux  tribunaux  de  dépouil- 
ler, dans  certains  cas,  les  condamnés  correctionnellement,  ces  droits  sont 
moins  nombreux  que  ceux  détaillés  dans  l'art.  34. 

Ainsi,  au  nombre  des  incapacités  qu'entraîne  la  dégradation  civique,  nous 
avons  signalé  celle  du  droit  de  faire  partie  de  la  garde  nationale,  de  l'armée, 
celle  de  tenir  école.  Au  contraire,  aucune  de  ces  incapacités,  qui  sont  la  con- 
séquence de  toute  condamnation  criminelle,  ne  se  trouve  comprise  dans 
l'art.  42;  vous  y  trouvez  bien  le  port  d'armes,  mais  absolument  rien  de  ce  qui 
constitue  le  reste  du  g  5  de  l'art.  34. 

Cependant,  il  serait  faux  d'en  conclure  que  jamais  une  condamnation  cor- 
rectionnelle ne  puisse  entraîner,  contre  celui  qu'elle  atteint,  les  trois  der- 
nières incapacités  de  Tart.  34  ;  que,  par  exemple,  les  condamnations  correc- 
tionnelles ne  soient  jamais,  pour  celui  qu'elles  ont  atteint,  une  cause  d'exclusion 
du  service  militaire.  A  cet  égard,  le  silence  du  Gode  pénal  doit  être  suppléé 
par  des  lois  spéciales.  Par  exemple,  en  ce  qui  touche  le  service  de  la  garde 
nationale,  la  loi  du  22  mars  1831  attacherait,  non  pas  à  toutes  les|condamnations, 
mais  à  certaines  Condamnations  correctionnelles  d*une  nature  grave,  Tinca- 
padté  de  ce  service.  On  ne  peut  appliquer  à  cette  incapacité  aucune  des  criti- 
ques que  je  présentais  sur  l'art.  34,  parce  qu'elle  est  fondée  sur  des  condamna- 
tions dont  la  nature  est  telle,  que  la  sûreté  publique  exige  absolument  cette 
exclusion.  On  conçoit  que  le  condamné  pour  vol,  pour  escroquerie,  pour 
attentat  aux  mœurs,  fut  exclu  du  service  de  la  garde  nationale  :  c'est  une 
mesure  de  sûreté  publique. 

Les  mêmes  principes  ont  dicté,  à  plus  forte  raison,  la  disposition  de  l'art.  2 
de  la  loi  du  2i  mars  1832,  relative  au  recrutement  de  l'armée.  On  conçoit  que 
les  condamnés  auxquels  les  tribunaux  ont  retiré  l'exercice  des  droits  de 
l'art.  42,  soient  déclarés  incapables  de  prendre  place  dans  les  rangs  de  l'armée. 

Enfin,  la  loi  sur  l'instruction  primaire  du  28  juin  1833,  art.  4,  attache  à 
certaines  peines  correctionnelles  l'incapacité,  non  pas  identique,  mais  au 
moins  anedogue  à  celle  qui  résulte  des  derniers  mots  de  l'art.  34.  On  conçoit 
que  des  condamnations  pour  vol  rendent  celui  qui  en  a  été  frappé  indigne 
de  tenir  une  école;  cette  incapacité  n'est  relative  qu'aux  fonctions  d'in- 
stituteur primaire,  parce  qu'il  ne  s'agissait  dans  cette  loi  que  du  degré  d'in- 
struction. 

Au  surplus,  les  incapacités  ou  déchéances  de  droits,  appliquées  isolément 
à  l'exercice  de  certaines  fonctions,  sont  devenues  un  accessoire  commun  des 
peines  qui  sont  infligées  à  quelques  délits,  et  même  des  peines  d'un^certain  de- 
gré. La  loi  du  21  novembre  1872  déclare  incapables  d'être  jurés,  non-seulement 


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DE  LÀ  SURYEILLAlf GB  (aRT.  45).  137 

les  individus  qui  ont  été  condamnés  à  des  peines  afflictives  ou  infamantes, 
mais  ceux  qni  ont  été  condamnés  à  des  peines  correctionnelles  pour  fait  qoa- 
lifié  crime  par  la  loi,  ceux  qui  ont  été  condamnés  à  un  emprisonnement  de 
trois  mois  au  moins,  ceux  qui  ont  été  condamnés,  quelle  que  soit  la  durée 
de  Temprisonnement,  pour  vol,  escroquerie,  abus  de  conBance,  soustractions 
commises  par  des  dépositaires  publics,  attentats  aux  mœurs,  outrages  à  la 
morale  publique  et  religieuse,  attaque  contre  le  principe  de  la  propriété  et 
les  droits  de  la  famille,  vagabondage  ou  mendicité,  délit  d'usure.  L'art.  8  de 
la  loi  du  31  mai  1850  et  Tart.  15  du  décret  du  2  février  1852  défendent  Tins- 
cription  sur  les  listes  électorales  des  individus  compris  dans  les  mêmes  caté- 
gories et  condamnés  pour  les  mêmes  faits.  L'art  56  de  la  loi  du  15  mars  1850 
déclare  Incapables  de  tenir  une  école  publique  ou  libre,  ou  d'y  être  employés, 
les  individus  qui  ont  subi  une  condamnation  pour  crime  ou  pour  un  délit 
contraire  à  la  probité  ou  aux  mœurs,  et  les  individus  privés  par  jugement  de 
tout  ou  partie  des  droits  mentionnés  en  l'art.  42.  On  trouve  encore  des  dispo- 
sitions analogues  dans  l'art.  9  de  la  loi  du  13  juin  1851  sur  la  garde  nationale. 
Il  y  a  lieu  de  remarquer  que  ces  incapacités  sont  encourues  de  plein  droit,  en 
Tertu  des  lois  qui  viennent  d'être  rappelées,  et  lors  même  qu'elles  n'ont  pas  été 
judiciairement  prononcées.  Elles  ne  sont  point  considérées  comme  des  peines, 
mais  comme  des  déchéances  légalement  attachées  au  fait  de  telles  condamnations. 
Nous  devons  dire  quelques  mots  sur  la  première  des  condamnations  dont  il 
est  question  dans  le  chapitre  ni,  de  la  surveillance  de  la  haute  police. 


CHAPITRE  III 


D£S  PEINES  ET  DES  AUTRES  CONDAMNATIONS  QUI  PEUVENT  ÊTRE  PRONONCÉES 
POUR  GRIMES  OU  DÉLITS. 

108.  Le  chapitre  m  est,  comme  je  l'ai  dit,  en  corrélation  étroite  avec  l'art.  1 1 , 
c'est-à-dire  qu'on  y  traite  des  condamnations  ou  des  peines  qui  sont  ou  qui 
peuvent  être  communes  et  aux  matières  criminelles  et  aux  matières  correo 
tionnelles.  Au  premier  rang  de  ces  peines,  ou,  si  vous  voulez,  de  ces  mesures 
figure  la  surveillance  de  la  haute  police  de  l'État  :  c'est  uniquement  des  art.  44 
et  45  que  nous  aurons  à  parler  aujourd'hui. 

Cette  mesure,  qui  succède  à  la  peine,  qui  sai3it  le  condamné  au  moment 
même  oii  son  châtiment  s'achève,  a  été  pendant  longtemps  une  institution 
particulière  à  la  loi  française.  Les  Godes  des  autres  nations  qui  Tout  généra- 
lement  admise  aujourd'hui,  ont  longtemps  hésité  à  se  l'approprier.  Les  objec- 
4ionB  étaient  que  le  crime  semblait  complètement  expié  par  l'exécution  de  la 
peine^  que  la  surveillance  était  une  deuxième  peine  imposée  au  même  fait,  et 
qu'elle  était  surtout  une  entrave  au  travail  et  par  conséquent  à  la  bonne  con- 
duite du  condamné  libéré.  Mais  ces  objections  s'attaquent  au  mode  de  la  sur- 
veillance plus  qu'à  la  surveillance  elle-même  qui  ne  doit  être  qu'une  garantie 
de  bonne  conduite^  une  sorte  de  tutelle,  un  patronage  exigé  d'an  agent  dont 

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138      NEUV.  LEÇ.  —  DES  PEINES  ACCESSOIRES.  LIY.  I.  CHAP.  III  (n""  103). 

la  condamnation  laisselaprôs  elle  une  juste  défiance.  Elle  n'est  point,  à  propre- 
ment parler,  une  peine,  mais  la  privation  d'un  droit,  une  incapacité  qui  pèse 
sur  le  coupable  à  la  suite  du  châtiment. 

La  surveillance  a  été  soumise  par  le  Gode  pénal  de  1810,  par  la  loi  du 
28  avril  1832,  par  le  décret  du  8  décembre  1851  et  enfin  par  la  loi  du  23  jan- 
vier 1874,  à  quatre  formes  différentes,  à  quatre  modes  d'exécution  entière- 
ment distincts. 

Voici  le  système  du  Gode  de  1810  :  tout  arrôt  de  condamnation  à  une  peine 
qui  avait  pour  conséquence  d'emporter  la  surveillance  de  la  haute  police  devait 
déterminer  la  somme  jusqu'à  concurrence  de  laquelle  devait  s'engager,  après 
la  condamnation  subie,  la  caution  du  condamné  ;  c'est-à-dire  que  tout  con- 
damné à  Tune  de  ces  peines  pouvait,  après  avoir  subi  sa  peine,  présenter 
caution  de  bonne  conduite  jusqu'à  concurrence  de  la  somme  indiquée  à  l'a- 
vance par  l'arrêt;  moyennant  cette  caution,  et  sauf  l'engagement  qu'elle  con- 
tractait, il  recouvrait,  après  sa  peine  subie,  le  plein  exercice  de  sa  liberté. 
Au  contraire,  faute  par  lui  de  fournir  ce  cautionnement,  il  restait  à  la  dispo- 
sition du  gouvernement,  qui  pouvait,  non  pas  le  retenir  au  bagne  ou  dans 
une  maison  de  force,  mais  déterminer  impérativement,  non-seulement  les 
lieux  où  il  lui  serait  interdit  d'aborder,  mais  précisément  un  lieu  d'où  il  lui  se- 
rait interdit  de  sortir.  Dans  le  cas  où  le  condamné  qui  ne  trouvait  pas  de  cau- 
tion serait  sorti  du  lieu  de  résidence  à  lui  indiqué,  dans  le  cas  où  il  aurait 
rompu  son  ban,  le  gouvernement  pouvait,  sans  jugement,  le  faire  détenir 
pendant  cinq  années. 

Tel  était  le  système  des  anciens  art.  44, 45  et  46.  Ce  système  péchait  en  bien 
des  points  : 

D'abord  il  frappait,  de  la  manière  la  plus  dure,  par  l'obligation  d'une  rési- 
dence déterminée  et  indéfinie  dans  un  lieu  donné,  le  condamné  qui  ne  trou- 
vait pas  caution,  et  qui  cependant  peut-être  présentait  en  lui  des  garanties 
morales  de  bonne  conduite. 

Il  avait  de  plus  l'inconvénient  de  laisser  la  société  sans  protection  contre  le 
condamné,  souvent  beaucoup  plus  dangereux,  qui  parvenait  à  trouver  et  à 
donner  caution.  Il  est  vrai  qu'on  avait  pourvu  à  ce  dernier  inconvénient  en 
déclarant,  par  un  décret  de  1812,  que  le  gouvernement  était  maître  d'accepter 
ou  de  refuser  le  cautionnement;  que,  de  sa  part,  c'était  une  chose  tout  à  fait 
facultative;  et  qu'en  conséquence,  le  condamné,  encore  bien  quïl  ofiTrît  le  cau- 
tionnement déterminé  par  l'arrêt,  pourrait  être  astreint  par  le  gouvernement 
refusant  ce  cautionnement,  à  résider  dans  un  lieu  donné.  Mais  il  est  clair  que 
ce  décret,  qui  remédiait  bien  à  l'inconvénient  que  je  signale,  n'y  remédiait 
qu'avec  la  violation  la  plus  manifeste  de  la  loi  qui  donnait  an  condamné  le 
droit  d'offrir  et  de  faire  accepter  le  cautionnement  déterminé  par  l'arrêt.  Le 
texte  disait  en  effet  que,  faute  par  le  condamné  d'offrir  le  cautionnement,  il 
serait  mis  à  la  disposition  du  gouvernement,  et  astreint  à  résider  dans  le  lieu 
déterminé  ;  d'où  il  suivait  clairement  que,  s'il  trouvait  le  cautionnement,  au- 
cune de  ces  mesures  n'était  applicable. 

La  loi  du  28  avril  1832  a  aboli  ce  système  et  toutes  ces  dispositions.  D'après 
cette  loi,  voici  en  quoi  consiste  la  surveillance;  tout  peut  à  cet  égard  se  réduire 
à  trois  points  :  1«  obligation  pour  le  condamné,  à  l'instant  de  l'expiration  de  sa 

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DE  LA  eURYBILLAlTGB  (aRT.   45).  139 

peine,  de  déclarer  à  l'avance  dans  quel  lieu  il  entend  se  fixer,  ce  qni  évidem- 
ment loi  laisse,  an  moins  en  principe,  la  facnlté  de  choisir  Ini-méme  le  lien 
de  sa  future  résidence;  2^  facnlté  pour  le  gonyemement,  non  pas  de  lui  déter- 
miner le  lieu  de  sa  résidence,  ce  qni  serait  contraire  à  la  disposition  précé- 
dente, mais  an  moins  de  lui  interdire  spécialement  l'accès  de  tels  ou  tels  lieux 
expressément  désignés.  On  comprend  le  motif  de  cette  interdiction  surtout 
quand  il  s'agit  d'une  condamnation  pour  crime  contre  les  personnes;  il  y  aurait 
danger  et  inconvénient  à  permettre  à  certains  condamnés,  après  avoir  subi 
leur  peine,  d'aller  fixer  leur  résidence  dans  le  lieu  où  habitent  la  personne^ou 
les  héritiers  de  la  personne  qui  a  été  victime  du  crime.  L'esprit  de  cet  article 
se  trouve  dans  le  texte  de  l'art  635  du  Gode  d'instruction  criminelle.  Mais  si 
tel  est  le  motif  de  ce  droit  d'interdiction  accordé  à  l'administration,  il  en  résulte 
évidemment  que  l'esprit  de  la  loi  serait  violé,  si,  sous  ce  prétexte  de  lui  inter- 
dire l'accès  de  tel  ou  tel  lieu,  on  multipliait  ces  interdictions  de  manière  à  le 
forcer  à  résider  dans  un  ou  deux  départements  indirectement  désignés. 

Ainsi,  1"  faculté  pour  le  condamné  de  choisir  sa  résidence,  sauf  l'exception 
qui  permet  au  gouvernement  de  lui  interdire,  par  exemple,  une  ou  deux  villes, 
un  ou  deux  départements  ;  2^  obligation  pour  lui  de  la  déclarer  à  l'avance  ; 
3<>  cette  résidence  une  fois  fixée  par  le  choix  du  condamné  suivi  de  sa  déda- 
ration,  ce  choix  n'a  rien  d'immuable,  n'a  rien  d'irrévocable;  il  reste  maître 
de  changer  plus  tard  la  résidence  qu'il  a  choisie  et  déclarée  dans  l'orîgine,  à 
charge  par  lui  d'avertir  trois  jours  à  l'avance  le  maire  de  la  commune  où  ii 
réside,  et  qu'il  veut  quitter.  Mais  ce  n'est  pas  là  une  autorisation  qu'il  vient 
demander,  c'est  un  avis  qu'il  vient  donner,  et  qui  tend  à  lui  faire  obtenir  pour 
ce  déplacement  une  feuille  de  route,  qu'on  ne  peut  pas  plus  lui  refuser  qu'on 
ne  peut  refuser  un  passe-port. 

Ainsi,  la  surveillance  de  la  haute  police  a  pour  but  principal,  presque  uni- 
que, de  laisser  à  l'administration  les  yeux  ouverts  sur  le  condamné  libéré,  de 
laisser  toujours  à  sa  connaissance  précise  le  lieu  qu'il  habite  présentement. 
Du  reste,  aucune  gêne,  aucune  prohibition,  sauf  l'interdiction  résultant  des 
premiers  mots  de  l'art.  44,  interdiction  fort  légitime  en  principe,  tant  qu'il 
n'en  sera  pas  abusé. 

J'ajoute  qu'en  cas  de  désobéissance  par  le  condamné  libéré  à  Tune  des  dis- 
positions précédentes,  par  exemple,  en  cas  de  changement  de  résidence  non 
précédé  de  la  déclaration  exigée  par  l'art.  44,  il  encourt  un  emprisonnement 
que  l'art.  45  fixe  à  un  maximum  de  cinq  ans.  Mais  cet  article,  au  lieu  d'être 
appliqué  d'office  et  directement  par  l'administration,  comme  dans  le  texte 
primitif  de  l'art.  45,  doit  être  prononcé,  comme  toute  condamnation  correc- 
tionnelle, par  les  tribunaux  correctionnels.  Il  est  sensible  d'ailleurs  qu'on  ne 
devrait  pas,  et  qu'on  ne  pourrait  pas  condamner,  pour  infraction  de  ban,  celui 
qui  serait  sorti  passagèrement  pour  deux  ou  trois  jours,  et  ce,  sans  avis  préa- 
lable, de  la  commune  de  sa  résidence. 

104.  Ge  deuxième  système  de  surveillance  a  été  abrogé  par  le  décret 
du  8  décembre  1851,  qui  contenait  les  dispositions  suivantes  : 

t  Art.  3.  L'effet  du  renvoi>ous  la  surveillance  de  la  haute  police  sera  >  ' 
venir  de  donner  au  gouvernement  le  droit  de  déterminer  le  lieu  dans  lec 

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140     NBUV.  LEÇ.  —  DBS  PEINES  ACCESSOIRES.    LIV.  I.  GHAP.  III  (n^  104). 

condamné  devra  résider  après  qu'il  aura  subi  sa  peine.  L'administration  dé- 
terminera les  formalités  propres  à  constater  la  présence  continue  du  condamné 
dans  le  lieu  de  sa  résidence,  i 

f  Art.  5.  Tout  individu  placé  sous  la  surveillance  de  la  haute  police,  qui 
sera  reconnu  coupable  du  délit  de  rupture  de  ban^  pourra  être  transporté  par 
mesure  de  sûreté  générale  dans  une  colonie  pénitentiaire,  à  cayenne  ou  en 
Algérie.  La  durée  de  la  transportation  sera  de  cinq  années  au  moins  et  de 
dix  ans  au  plus.  • 

Ge.  troisième  système  était  simple,  mais  de  la  plus  extrême  rigueur:  plus  de 
cautionnement  comme  sous  le  Gode  de  1810,  plus  de  faculté  de  changer  de 
résidence  comme  sous  la  loi  du  28  avril  1832,  mais  résidence  fixe  et  obligée, 
et,  en  cas  d'infraction,  pouvoir  arbitrairement  laissé  au  gouvernement  d'or- 
donner la  transportation  du  condamné  dans  une  colonie  pénitentiaire.  Gette 
législation,  qui  a  reçu  pendant  dix-neuf  ans,  son  exécution,  a  été  enfin 
abrogée  par  un  décret  du  24  octobre  1870,  qui  porte,  dans  son  art.  !•',  abroga- 
tion du  décret  du  8  décembre  1851,  et  dans  son  art.  2  c  que  l'effet  du  renvoi 
sous  la  surveillance  de  la  haute  police  sera  ultérieurement  réglé.  » 

La  loi  du  23  janvier  1874  est  venue  réaliser  la  promesse  du  décret  et  a  établi 
un  quatrième  mode  de  surveillance  qui  est  actuellement  en  vigueur.  Voici  les 
termes  de  Part,  l*'  de  cette  loi. 

«  L'effet  du  renvoi  sous  la  surveillance  de  la  haute  police  sera  de  donner  au 
gouvernement  le  droit  de  déterminer  certains  lieux  dans  lesquels  il  sera  interdit 
au  condamné  de  paraître  après  qu'il  aura  subi  sa  peine.  Le  condamné  devra  dé- 
clarer, au  moins  quinze  jours  avant  sa  mise  en  liberté,  le  lieu  oîi  il  veut  fixer  sa 
résidence;  i  défaut  de  cette  déclaration,  le  gouvernement  la  fixera  lui-môme.  Le 
condamné  à  la  surveillance  ne  pourra  quitter  la  résidence  qu'il  aura  choisie  ou  qui 
lui  aura  été  assignée,  avant  l'expiration  d'un  délai  de  six  mois,  sans  l'autorisation 
-du  ministre  de  Tintérieur.  Néanmoins  les  préfets  pourront  donner  cette  autorisa- 
tion :  fo  dans  les  cas  do  simples  déplacements  dans  les  limites  mêmes  de  leur 
département;  2*"  dans  les  cas  d'urgence,  mais  à.  titre  provisoire  seulement.  — 
Après  l'expiration  du  délai  de  six  mois,  ou  avant  même  l'expiration  de  ce  délai, 
si  Tautorisation  nécessaire  a  été  obtenue,  le  condamné  pourra  se  transporter  dans 
toute  résidence  non  interdite,  à  la  charge  de  prévenir  le  maire  huit  jours  à  l'a- 
vance. Le  séjour  de  six  mois  est  obligatoire  pour  le  condamné  dans  chacune  des 
résidences  qu'il  choisira  successivement  pendant  tout  le  temps  qu*il  sera  soumis  à 
la  surveillance,  à  moins  d'autorisation  spéciale  donnée  conformément  aux  disposi- 
tions précédentes,  soit  par  le  ministre  de  l'intérieur,  soit  par  les  préfets.  Tout 
condamné  qui  se  rendra  à  sa  résidence  recevra  une  feuille  de  route  réglant  Titi- 
néraire  dont  il  ne  pourra  s'écarter  et  la  durée  de  son  séjour  dans  chaque  lieu  de 
passage.  Il  sera  tenu  de  se  présenter  dans  les  24  heures  de  son  arrivée  devant  le 
maire  de  la  commune  où  il  devra  habiter.  » 

La  surveillance  ainsi  établie  se  résume  en  trois  points  :  i^  faculté  pour  le 
gouvernement  d'interdire  au  condamné,  après  qu'il  a  subi  sa  peine,  Taccès  et 
le  séjour  de  certains  lieux,  qui,  dans  Tesprit  de  la  loi,  doivent  se  limiter  à 
quelques  grands  centres  de  population  ;  2®  obligation  pour  le  condamné  de  dé- 
signer à  Favance  le  lieu  oii  il  veut  fixer  sa  résidence;  3»  faculté  pour  le  con- 
damné de  changer  de  résidence,  mais  seulement,  après  six  mois  d'habitation 
dans  le  lieu  qu'il  a  choisi,  et  avertissement  donné  au  maire  huit  jours  avant 
«on  départ.  Ge  n'est  pas  une  autorisation  qu'il  demande,  c'est  un  avis  qu'il 

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DE  LA  SURYBILLANGB  (aRT.   4ô).  141 

donne,  pour  faciliter  la  sarveillanoe  qui  le  suit  dans  l'état  de  demi-liberté  qui 
lui  efit  fait  La  pénalité  attachée  àrinfraction  de  ces  dispositions  est  indiquée 
dans  l'art.  45  que  la  loi  nouvelle  n'a  nullement  touché. 

Dans  les  articles  suivants^  il  n'est  plus  question  de  l'organisation  du  système 
de  la  surveillance,  mais  du  détail  des  peines  auxquelles  elle  est  attachée.  C'est 
une  matière  toute  distincte  que  nous  renvoyons  à  la  prochaine  leçon. 

DIXIÈME  LCÇON. 

106.  Nous  avons  expliqué  quelles  sont  les  mesures  qui  constituent  actuelle- 
ment, depuis  la  loi  du  23  janvier  1874,  la  peine  accessoire  de  la  surveillance; 
nous  avons  vu  que  cette  loi,  en  interdisant  aux  condamnés  l'accès  de  certains 
lieux^  en  les  obligeant  à  résider  six  mois  au  moins  dans  les  communes  qu'ils 
auront  choisies  pour  leur  habitation,  en  les  soumettant  i  chaque  changement 
de  résidence  i  avertir  l'administration  de  leur  départ,  de  leur  itinéraire  et  de 
leur  arrivée  au  lieu  de  leur  nouvelle  habitation,  ne  leur  avait  octroyé  qu'une 
liberté  très-restreinte, une  faculté  de  locomotion  très-étroitement  réglée.  Nous 
devons  examiner  maintenant  à  quelles  peines  principales  est  attachée  cette 
peine  accessoire^  si  les  juges  peuvent  en  exempter  les  condamnés,  et  comment 
elle  prend  fin. 

Une  première  règle,  posée  par  le  !«'  paragraphe  du  nouvel  art  46,  rectifié  par 
la  loi  du  30  janvier  1874,  est  que  i  la  durée  de  la  surveillance  ne  peut,  en 
aucun  cas,  excéder  vingt  années.  »  11  a  paru  qu'il  était  prudent  et  humain  de 
laisser  voir  au  condamné  un  terme  à  sa  peine,  et  que  ce  terme,  d'ailleurs, 
qui  ajoute  vingt  ans  à  une  peine  déjà  longue,  était  assez  éloigné  pour  que  la 
société  soit  entièrement  rassurée. 

106.  La  surveillance  est  attachée  de  plein  droit  pendant  vingt  années  après 
qu'ils  auront  subi  leur  peine,  aux  condamnés  aux  travaux  forcés  à  temps,  à  la 
détention  et  à  la  réclusion^  c'est*à*dire  aux  peines  criminelles  temporaires. 
Quant  aux  peines  perpétuelles,  la  surveillance  ne  peut  s*y  appliquer  pendant 
leur  durée.  Mais  la  loi  a  dû  prévoir  le  cas  où  elles  sont  abrégées  par  la  grâce; 
et  le  4«  paragraphe  de  Tart.  46  porte  :  <  Tout  condamné  à  des  peines  perpétuel- 
les, qui  obtiendra  commutation  ou  remise  de  sa  peine,  sera,  s'il  n'en  est  autre* 
ment  disposé  par  la  décision  gracieuse,  de  plein  droit  sous  la  surveillance  de 
la  haute  police  pendant  vingt  ans.  »  L'art.  47  ajoute  que  i  les  condamnés  au 
bannissement  seront  de  plein  droit  sous  la  même  surveillance  pendant  un 
temps  égal  à  la  durée  de  la  peine  qu'ils  auront  subie.  »  Voilà  les  divers  cas  oh 
la  surveillance  est  encourue  de  plein  droit,  mais  cette  expression  de  plein  droity 
bien  que  la  loi  nouvelle  l'ait  conservée,  a  cessé  d'être  tout  à  fait  exacte,  ainsi 
que  nous  allons  le  constater. 

La  !oî,  en  eflfet,  a  apporté  un  puissant  correctif,  une  grave  amélioration  à 
cette  ancienne  disposition  du  Code.  Le  2«  paragraphe  de  l'art.  46  porte  : 
«  Néanmoins  Tarrôt  ou  le  jugement  de  condamnation  pourra  réduire  la  durée 
de  la  surveillance  ou  même  déclarer  que  les  condamnés  n'y  seront  pas  soumis.  » 
Et  l'art.  47,  après  avoir  étendu  la  surveillance  aux  condamnés  au  bannr^ 
ment,  ajoute  également  :  c  A  moins  qu'il  n'en  ait  été  disposé  autreme^^ 


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142     DIX.  LBG.  — -  DBS  PEINES  AGGBSSOIRBS.  LIY.  I.  GHAP.  III  (n*  107). 

Tarrèt  ou  le  jugement  de  condamnation.  •  Ainsi  les  juges  peuvent  soit  réduire 
le  temps  de  la  surveillance,  soit  même  la  supprimer  entièrement.  Ils  doivent 
examiner  dans  chaque  affaire  la  situation  de  chacun  des  condamnés  et  s'il 
leur  paraît  qu'à  Tégard  de  quelques-uns  la  mesure  de  la  surveillance  est 
inutile,  ou,  que  sa  durée  de  vingt  années  est  trop  rigoureuse,  ils  peuvent  ou 
déclarer  que  le  condamné  n'y  sera  pas  soumis  à  Texpiration  de  sa  peine^  ou 
que  sa  durée  sera  réduite  dans  des  proportions  dont  ils  sont  les  souverains 
appréciateurs.  Dans  les  cas  oii  ils  gardent  le  silence  Teffet  légal  est  produit, 
et  les  condamnés  demeurent  sous  la  surveillance,  soit  pendant  vingt  ans, 
dans  le  cas  de  l'art  46,  soit  pendant  un  temps  égal  à  la  durée  de  la  peine  dans 
le  cas  de  rart«47. 

Le  législateur  a  voulu  attacher  à  ce  droit  de  rédaction  ou  de  dispense  une 
sorte  de  sanction.  Il  a  craint  que  la  cour  d'assises  n'apportât  pas  une  attention 
suffisante  à  l'application  de  la  faculté  qu'elle  peut  exercer  et  qu'elle  gardât  le 
silence  sur  ce  points  moins  par  un  calcul  réfléchi,  que  par  négligence  ou 
inadvertance.  Il  a  voulu  obliger  les  juges  à  délibérer  sur  ce  point.  Le  2«  para- 
graphe de  Fart.  47  porte  que  i  si  l'arrêt  ou  le  jugement  ne  porte  pas  dispense 
ou  réduction  de  la  surveillance,  mention  sera  faite,  à  peine  de  nullité,  qu'il  en 
a  été  délibéré.  »  Il  y  a  donc  nullité  lorsque  l'arrêt  prononce  le  maximum 
de  vingt  ans  de  surveillance  sans  mentionner  que  c'est  à  la  suite  d'une  déli- 
bération spéciale.  La  mention  générale  que  l'arrêt  a  été  délibéré  conformé- 
ment à  la  loi  ne  suffirait  pas  ;  il  faut  une  mention  spéciale.  Ce  n'est  qu'après 
avoir  constaté  cette  délibération  que  l'arrêt  produit  aujourd'hui  l'effet  de  faire 
appliquer  la  surveillance  au  condamné;  elle  ne  devient  de  plein  droit  qu'après 
avoir  été  maintenue  par  arrêt. 

107.  Une  autre  disposition  de  la  loi  nouvelle  est  également  favorable  aux 
condamnés.' Jusqu'à  présent  la  surveillance  ne  cessait  que  par  la  réhabilita- 
tion ;  elle  était  considérée,  non  comme  une  peine,  mais  comme  une  incapacité, 
qui  n'avait  son  terme  que  dans  l'application  de  l'art.  634.  Le  nouvel  art.  48 
dispose  que  t  la  surveillance  pourra  être  remise  ou  réduite  par  voie  de  grâce.  » 
Cette  faculté  pourra  soulager  quelques-unes  des  misères  que  les  condamnés 
libérés  traînent  après  eux,  lors  même  que  leur  conduite  ne  mérite  aucun  re- 
proche. Une  seconde  disposition  sera  peutrêtre  plus  utile  encore  parce  qu'elle 
est  plus  accessible;  elle  porte  que  la  surveillance  c  pourra  être  suspendue 
par  mesure  administrative*  i  Et  l'art.  2  de  la  loi  ajoute  que  des  règlements 
fixeront  les  conditions  sous  lesquelles,  après  un  temps  déterminé,  elle  pourra 
être  suspendue.  De  l'ensemble  de  ces  textes  il  résulte  que  le  législateur,  tout 
en  prescrivant  quelques  règles,  en  a  laissé  aux  tribunaux  et  à  l'administration 
l'application  à  peu  près  discrétionnaire,  et  que  les  mesures  que  la  loi  a  inau- 
gurées peuvent  être  dures  ou  humaines,  mauvaises  ou  salutaires,  suivant 
qu'une  pratique  éclairée  comprendra  la  mission  de  patronage  qui  I/ii  a  été 
déférée. 

Une  disposition  nouvelle  a  été  ajoutée  à  rart.48:  c  La  prescription  de  la  peine 
ne  relève  pas  le  condamné  de  la  surveillance  à  laquelle  il  est  soumis.  En  cas 
de  prescription  d'une  peine  perpétuelle,  le  condamné  sera  de  plein  droit  sous 
la  surveillance  de  la  haute  poUce  pendant  vingt  années.  La  surveillance  ne 

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DB  LA  SURTBILLANCaS  (aRT.  50).  143 

produit  son  effet  qne  da  jonr  où  la  prescription  est  accomplie.  •  Cette  solution, 
qui  met  un  terme  à  une  longae  controverse^  est  la  conséquence  du  principe 
qui  refuse  à  la  surveillance  le  caractère  d'une  peine  proprement  dite.  £Ue  est 
imprescriptible  parce  qu'elle  n'est  considérée  que  comme  une  déchéance,  une 
incapacité.  Et  toutefois^  par  une  contradiction  singulière,  la  loi  admet  qu'elle 
puisse  être  remise  par  voie  de  grâce.  La  véritable  raison  de  cette  disposition 
est  que  notre  législateur  n'a  pas  accueilli  l'idée  que  Tagent  qui  a  prescrit  sa 
peine  se  trouva  dans  une  meilleure  situation  que  celui  qui  Ta  subie.  U  a  voulu 
les  soumettre  l'un  et  l'autre  aux  mômes  mesures  de  précaution. 

1<^.  La  loi  du  23  janvier  1874,  n'a  point  touché  à  l'art.  49  qui  dispose  que  : 
«  Seront  renvoyés  sous  la  môme  surveillance  ceux  qui  auront  été  condamnés 
pour  crimes  ou  délits  qui  intéressent  la  sûreté  intérieure  ou  extérieure  de 
l'État.  1  Faut-il  induire  de  son  silence  à  cet  égard  que  la  surveillance  pratiquée 
antérieurement  à  cette  loi»  doit  être  continuée  dans  les  cas  qu'elle  a  indiqués; 
que  cette  surveillance  doit  être  appliquée  de  plein  droit  et  à  vie,  quand  la 
peine  est  afQictive  et  infamante,  et  que  la  faculté  de  réduction  et  de  dispense 
ne  s'y  étend  pas  ?  Nous  aurions  peine  à  l'admettre.  On  ne  doit  pas  supposer 
que  le  législateur  ait  voulu  édicter  deux  surveillances  distinctes,  l'une  pour  les 
condamnés  communs,  l'autre  pour  les  condamnés  politiques,  et  qu'il  ait  en- 
tendu réserver  pour  ceux-ci  les  sévérités  qu'il  adoucissait  pour  les  autres. 
L'art.  49  renvoie  les  condamnés  dont  il  parle  sous  la  même  surveillance,  et  ces 
mots  ont  dû  faire  penser  aux  rédacteurs  de  la  loi  qu'ils^  posaient  des  règles 
générales  qui  enveloppaient  tous  les  cas  de  surveillance.  Les  dispositions  des 
nouveaux  articles  46,  47  et  48  s*étendent  nécessairement  aux  cas  prévus  par 
rart.  49. 

100.  Devront  étrerenvoyéssùus  la  même  surveillance  ceux  qui  auront  été  condamr 
nés  pour  crimes  ou  délits  qui  intéressent  la  sûreté  intérieure  ou  extérieure  de 
VÉtat.  Quels  sont  ces  crimes  ou  ces  délits  ?yous  les  trouverez  spécifiés  dans  la 
première  partie  du  livre  III  du  Gode  Pénal.  Ainsi,  dans  les  art.  75  et  suivants 
jusqu'à  l'art.  85,  vous  trouverez  énumérés  les  crimes  ou  les  délits  qui  intéres- 
sent la  sûreté  extérieure  de  l'État.  A  partir  de  Tart.  86  jusqu'à  l'art.  i08  inclu- 
sivement, vous  trouvez  détaillés  les  crimes  ou  délits  qui  intéressent  la  sûreté 
intérieure  de  l'État.  C'est  à  ces  divers  articles  que  se  réfère  la  surveillance  pro- 
noncée par  notre  art.  49. 

Pour  crimes  ou  délits.  En  général,  ces  délits  sont  en  assez  petit  nombre  ;  les 
actes  coupables  par  lesquels  on  peut  compromettre  la  sûreté,  le  salut  du  pays, 
sont  des  actes  bien  plus  souvent  frappés  de  peines  criminelles  que  de  peines 
correctionnelles.  Cependant  il  est  certains  cas  où  les  actes  de  cette  nature  sont 
de  simples  délita.  Vous  en  trouvez  des  exemples  dans  les  art.  82,  §  3, 86,  §  3, 
et  89,  §  4.  Il  y  a  là  des  peines  correctionnelles  attachées  à  des  faits  rentrant 
dans  la  classe  de  ceux  que  prévoit  l'art.  49.  A  ces  peines  correctionnelles  de> 
vrait  donc  être  attachée  la  surveillance,  dont  le  mawimum  et  le  minimum  se- 
raient à  peu  près  à  l'arbitraire  des  tribunaux. 

110.  «  Abt.  50.  Hors  les  cas  déterminés  par  les  articles  précédents,  les  con- 

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144      DIX.  LEÇ.  —  DBS  PBmSS  AGGB8SOIAE8.  LIV.  I.  CHAP.  III  (n""  111). 

damnés  ne  seront  placés  sous  la  surveillance  de  la  haute  police  de  l'État  que  dans 
le  cas  où  une  disposition  particulière  de  la  loi  l'aura  permis.  » 

Ainsi,  mémeen  dehors  de  ces  hypothèses,  c'est-à-dire  quand  même  il  s'agi- 
rait, par  exemple,  d'un  délit  non  attentatoire  à  la  sûreté  de  l'État,  la  surveil- 
lance pourrait  encore  en  certains  cas  être  prononcée  jmais  l»il  faudrait  qu'elle 
le  fût  ;  elle  n'aurait  pas  lieu  de  plein  droit,  dans  le  silence  du  jugement  on  ne 
pourrait  pas  l'appliquer  ;  2®  les  tribunaux  ne  pourraient,  hors  des  cas  géné- 
raux indiqués  par  les  textes  précédents,  prononcer  la  surveillance  que  quand 
la  loi  l'a  formellement  attachée  au  délit  qu'il  s'agit  de  punir.  Ici  la  loi  ne  pro- 
cède plus  par  catégories,  en  s'attachant  soit  à  la  nature  de  la  peine,  soit  à  la 
classe  générale  dans  laquelle  rentre  le  fait,  mais  en  s'attachant  à  tel  ou  tel  fait, 
à  tel  ou  tel  cas,  à  tel  délit  particulier,  et  en  décidant  que  dans  ce  cas  la  sur- 
veillance devra  être  prononcée  comme  accessoire  de  la  peine.  Vous  en  trouvez 
d'assez  nombreux  exemples  dans  [le  Gode  Pénal,  dans  les  art.  221,  246,  303, 
313,  315,  326,  etc.,  etc.  :  je  ne  les  donne  que  pour  exemples. 

La  loi  vous  dit  que  les  tribunaux  ne  peuvent,  hors  des  cas  précédentes,  pro- 
noncer la  surveillance  que  quand  la  loi  l'a  permis.  Ce  n'est  pas  même  dire 
tout  à  fait  assez  :  dans  les  articles  que  je  viens  de  vous  citer,  la  loi  se  borne, 
en  général,  à  permettre  aux  tribunaux  d'appliquer  la  surveillance  ;  mais  quel- 
quefois elle  va  plus  loin,  elle  ne  se  borne  point  à  le  leur  permettre,  elle  le 
leur  commande  :  nous  en  verrons  aujourd'hui  un  exemple  dans  l'art.  58, 
dans  ses  derniers  mots.  Ainsi,  nous  devons  dire  que,  hors  les  cas  déterminés 
par  les  art.  47,  48  et  49,  les  tribunaux  ne  peuvent  prononcer  la  surveillance 
que  quand  la  loi  le  permet  ou  l'ordonne  expressément  ;  et  nous  ajouterons 
que,  dans  chacun  de  ces  cas  où  la  surveillance  est  prononcée  par  la  loi,  soit 
en  termes  exprès,  soit  en  termes  facultatifs,  elle  en  détermine  la  durée,  et  que 
par  conséquent  il  n'y  a  pas  Heu,  pour  ces  cas  isolés,  à  la  question  de  durée  que 
soulève  l'art.  49  pour  les  cas  généraux  qu'il  détermine  ;  ainsi,  dans  l'art.  58, 
par  exemple,  oii  la  loi  ordonne  que,  dans  le  cas  de  récidive,  dans  le  cas  qu'il 
prévoit,  les  coupables  seront  mis,  ici  c'est  impératif,  sous  la  surveillance  spé- 
ciale du  gouvernement,  elle  en  détermine  la  durée  pendant  cinq  ans  au  moins, 
et  dix  ans  au  plus.  11  n'y  a  donc  pas  lieu  pour  ces  divers  cas  à  la  question  que 
soulève  et  que  ne  décide  pas  l'art,  49. 

111.  Avant  de  terminer  cette  matière  de  la  surveillance,  ajoutons  que,  dans 
les  quatre  articles  qui  précèdent,  la  loi  ne  considère  la  surveillance  du  gou- 
vernement que  comme  une  condamnation  accessoire  d'une  autre  peine,  que 
comme  la  conséquence,  le  corollaire,  soit  nécessaire,  soit  facultatif,  d'une  autre 
pénalité.  Cependant  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi  ;  il  est  des  cas^  fort  rares  il 
est  vrai,  mais  enfin  il  est  des  cas  où  la  surveillance  est  prononcée  en  dehors 
de  tous  les  articles  qui  précèdent,  c'est-à-dire  est  prononcée  directement, 
isolément,  sans  qu'aucune  autre  peine  doiv  e  ou  puisse  ôtre  appliquée  ;  par 
exemple,  vous  trouvez,  dons  les  art.  100,  §  2,  108,  §  2,  138,  §  2,  et  144,  des 
cas  où  la  surveillance  doit  être  prononcée,  quoique  aucune  pénalité  ne  soit 
appliquée.  Tous  ces  cas  sont  fort  analogues  entre  eux  ;  il  sufBra  de  vous  faire 
connaître  celui  de  l'art.  108. 

Dans  l'art.  108  on  déclare  exemptés  des  peines  prononcées  contre  les  au- 

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BBS  AHfiNDES)   mSTlTUTIOMS  XT  FRAIS  (aRT.   51).  145 

teors  de  complots  on  d'antfies  -crimes  attentatoires  à  la  sûreté  de  TËtat,  ceux 
qui  les  auront  ùài  connaître,  etc.  Et  cependant  on  ajoute  que,  tout  en  n'ap- 
pliquant pas  les  pénalités  qu'ils  <mt  enooarues,  on  pourra  cependant  les  con* 
damner  à  rester,  soit  à  vie,  soit  à  temps,  sous  la  sonreiliance  de  la  hante  po» 
lice.  Je  choisis  cet  exemple,,  qui  est  analogue  avec  les  autres  articles,  parce 
qu'il  nous  donne,  outre  Thypothèse  que  j'indiquais  tout  à  l'heure,  celle  d'un 
cas  où  la  durée  de  la  surveillance  peut  varier  en  telle  sorte,  qu'elle  sera  ou 
temporaire  ou  perpétuelle,  suivant  la  volonté  de  la  cour  qui  l'appliquera. 

Voilà,  je  crois,  les  quatre  articles,  les  quatre  seuls  cas  dans  lesquels  la  sur* 
vaillance  puisse  4tre  prononcée  isolément  et  principalement  :  elle  est  en  g^ 
nkal  la  conséquence^le  corollaire  d'une  autre  pénalité. 

118.  Dans  les  art.  51  et  suivants,  nous  passons  à  une  matière  toute  dilié* 
rente  ;  il  s'agit  encore  de  condamnatioBs  communes  soit  aux  matières  crimi- 
nelles, soit  aux  matières  correctionnelles  ;  ce  sont  les  restitutions,  la  con- 
fiscation spéciale,  car  la  confiscation  générale  est  abolie,  l'amende,  les 
dommages-intérêts,  les  frais  de  justice  qui  peuvent  être  prononcés  contre  la 
partie  condamnée.  Voili  encore  des  accessoires,  des  corollaires  de  condam** 
nations  qui  s'appliquent  également  aux  deux  ordres  d'idées,  en  cas  de  crime 
comme  en  cas  de  délit. 

«  Art.  5t.  Quand  il  y  aura  lieu  h  restitution,  le  coupable  pourra  être  condamné 
en  outre,  envers  la  partie  lésée,  si  elle  le  requiert,  k  des  indemnités  dont  la  dé- 
termination est  laissée  à  la  justice  de  la  cour  ou  du  tribunal,  lorsque  la  loi  ne 
les  aura  pas  réglées,  sans  que  la  cour  ou  le  tribunal  puisse,  du  consentement 
même  de  ladite  partie,  en  prononcer  l'application  à  une  oeuvre  quelconque.  «» 

Cet  article,  comme  ceux  qui  suivent,  ne  demande  que  quelques  remarques. 
L'art.  51  est  fort  simple  ;  on  conçoit  très-bien  que  la  partie  lésée  par  un  délit 
ou  par  un  crime  puisse  et  doive  obtenir,  contre  l'auteur  du  crime  ou  du  délit, 
une  condamnation  pécuniaire  destinée  à  Tindemniser.  Ce  n'est  là,  au  reste, 
que  la  conséquence  des  principes  dont  nous  aurons  plus  tard  à  développer 
l'application,  savoir,  la  distinction  entre  l'action  publique  et  l'action  civile. 
La  question  s'élève,  et  se  place  sur  les  premiers  articles  du  Code  d'instruction 
criminelle. 

Envers  lapartie  Usée,  si  elle  le  requiert:  en  effet,  les  tribunaux  criminels,  pas 
plus  que  les  tribunaux  civils,  ne  peuvent  appliquer  d'office  une  condamnation 
de  dommages*intérêtB  au  profit  d'une  personne  qui  ne  les  demande  pas.  Il 
faut  lequérir  la  condamnation;  c'est-à-dire,  en  d'autres  termes,  se  porter  partie 
civile.  Nous  verrons  plus  tard  dans  quelle  forme  on  prend  cette  qualité  et 
quels  en  peuvent  être  les  dang&rs  ou  les  avantages,  car  il  y  a  des  uns  et  des 
autres.  Il  faut  des  conclusions  précises  de  la  partie  lésée,  pour  que  le  tribunal 
puisse  lui  adjuger  des  réparations. 

A  l'égard  de»  rastitotioûs,  œ  qui  est  tout  différent  des  dommages-intérêts, 
à  l'égard- de  la  remise  des  objets  qui  ont  été.  volés,  il  ne  parait  pas  que  des 
oonclusions  fonnelles  soient  nécessaires  ;  nous  verrons  dans  l'art.  366  du  Code 
d'instruction  cruninelle,  que  la  loi  autorise  et  ordonne  que  la  remise  des  obf 
jets  volés  soit  faite  d'office  sans  conclusions  :  c'est  un  point  qui  arpartient  à 
la  procédure  du  jury. 

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146      DIX.  LEG.  — •  DBS  PEINES  ▲GGBSS0IRS8.  LIT.  I.  GHAP.  III  (n^  1 13). 

Le  principe  de  Tart.  51  est  le  principe  des  art.  2  et  3  du  Gode  d'instruction 
criminelle  ;  mais  sa  rédaction  pourrait  donner  lieu  à  quelques  embarras  ;  elle 
est  en  effet  fort  singulière.  La  loi  vous  dit  que,  quand  il  y  aura  lieu  à  restitu- 
tion, par  exemple,  à  la  remise  des  objets  volés  à  Tune  des  parties  quand  il  y 
AURA  LIEU  A  BE8TITUTI0N,  lô  coupabU  poutTa  être  condamné  en  outre;  mais  est-ce 
que  cette  faculté,  est-ce  que  cette  obligation  de  condamner  le  coupable  à  ré- 
parer en  argent,  autant  que  faire  se  peut,  le  préjudice  qu'il  acausé,  se  bornent 
aux  causes,  aux  affaires  dans  lesquelles  il  y  a  matière  à  restitution  ?  Ainsi, 
par  exemple,  par  négligence,  ou  môme  par  le  fait  d'une  volonté  criminelle, 
un  homme  en  a  blessé  et  grièvement  blessé  un  autre  ;  voilà  une  cause  où  évi- 
demment il  n'y  a  pas  matière  à  restitution.  Il  n'y  a  rien  à  rendre  ;  est-ce 
donc  que,  prenant  Tarticle  à  la  lettre,  nous  devrons  dire  dans  ce  cas  qu'il  ne 
peut  être  déterminé  ni  accordé  des  dommage^intérèts.  Cette  conséquence 
serait  fausse,  et  cependant  la  lettre  de  l'article  paraît  l'autoriser.  Cette  obser- 
vation fut  faite  au  conseil  d'État  en  1808  ;  c'est  M.  Merlin  qui  soulevait  la 
question  ;  on  lui  répondit  que  l'article  était  mal  rédigé,  mais  qu'on  avait  inséré 
ces  mots  pour  que  ies  tribunaux  n'allassent  pas  penser  qu'ils  ne  devaient  pas 
adjuger  de  dommages-intérêts  dans  les  cas  où  il  y  avait  lieu  à  restitution  ;  en 
d'autres  termes,  pour  avertir  les  tribunaux  qu'ordonner  la  restitution,  dans 
les  cas  où  il  y  avait  lieu,  ce  n'était  pas  donner  à  la  partie  une  indemnité  suf- 
fisante, qu'une  restitution  n'est  pas  une  indemnité.  Autrement,  on  a  voulu 
avertir  les  tribunaux  que,  tout  en  prononçant  la  restitution,  comme  ils  doivent 
toujours  le  faire,  ils  peuvent  et  doivent  de  plus  condamner  à  la  réparation 
pécuniaire  du  préjudice.  On  convint  cependant  que  ^l'article  serait  changé, 
attendu  que  la  rédaction  était  vicieuse.  Ce  changement  n'a  pas  été  fait  ;  mais 
il  est  bien  sûr  que  l'article  ne  doit  pas  être  pris  à  la  lettre.  Ainsi,  soit  qu'il  y 
ait  ou  non  matière  à  restitution,  il  n'est  pas  douteux  que  la  partie  lésée  ne 
doive,  si  elle  le  requiert,  obtenir  du  tribunal  qui  condamne  l'indemnité  pécu- 
niaire dont  parle  l'art.  51 . 

113.  Quant  aux  derniers  mots  de  cet  article,  qui  défendent  aux  tribunaux 
d'appliquer  cette  indemnité  à  une  œuvre  quelconque,  même  du  consentement 
de  la  partie  qui  la  demande,  ces  mots  ont  eu  pour  but,  a-t-on  dit  dans  la 
môme  séance,  de  prévenir  les  écarts  d'une  assez  fausse  délicatesse  qui  empê- 
cherait la  partie  lésée  de  requérir  directement  pour  elle,  à  son  profit,  les 
dommages-intérêts,  l'indemnité  du  préjudice  à  elle  causé  ;  d'empêcher  qu'on 
ne  demandât,  par  exemple,  une  somme  quelconque  de  dommages-intérêts 
applicables  aux  hospices,  aux  pauvres,  aux  églises,  à  telle  autre  céuvre  que 
vous  voudrez  supposer.  On  a  craint  que,  par  une  fausse  délicatesse,  une 
partie  à  laquelle  des  dommages-intérêts  seraient  nécessaires,  que  l'état  de 
sa  fortune  ne  mettrait  pas  à  même  de  s'en  passer,  n'osât  pas  cependant  les 
demander  pour  elle  et  les  demandât  en  laissant  aux  tribunaux  la  faculté  de 
les  appliquer  à  telle  ou  telle  œuvre.  Il  y  avait  aussi  à  craindre  que  les  dom- 
mages-intérêts ne  fussent  un  peu  trop  facilement  et  trop  largement  appliqués 
par  les  tribunaux,  et  que,  sous  la  couleur  de  faire  une  bonne  œuvre,  on  ne 
s'assurât  une  vengeance  contre  la  partie  vis-à-vis  de  laquelle  on  conclut  aux 
dommages-intérêts. 


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DBS  AMENBBS,  BJBSTITUTIOMS  BT  FRAIS  (aRT.   53).  147 

114.  a  Abt.  52.  L'exécution  des  condamnations  à  l'amende,  aux  restitutions» 
aux  dommages-intérôts  et  aux  frais,  pourra  être  poursuivie  par  la  voie  de  la  con- 
trainte par  corps.  » 

Nous  avons  vu,  dans  l'explication  du  Code  de  procédure,  que  la  contrainte 
par  corps  n'était  plus  admise,  en  matière  civile,  même  comme  voie  excep- 
tionnelle, et  dans  certains  cas  spécialement  déterminés  ;  dans  les  matières 
criminelles,  quelle  que  soit  la  nature  de  la  condamnation  pécuniaire,  la  con- 
trainte par  corps  est,  au  contraire,  la  voie  directe  d'en  poursuivre  l'exécution. 

Remarquez,  d'ailleurs,  que  cette  contrainte  par  corps  est  parfaitement  dis- 
tincte de  la  peine  d'emprisonnement  qui  aura  pu  être  appliquée  pour  châtier 
le  délit. 

Le  principe  de  l'art.  52  a  été  appliqué  par  la  loi  du  17  avril  1832  sur  la 
contrainte  par  corps  et  par  celles  du  13  décembre  1848  et  du  22  juillet  1867. 

a  Abt.  53.  Lorsque  des  amendes  et  des  frais  seront  prononcés  au  profit  de  Tfitat, 
3i,  après  l'expiration  de  la  peine  afûictive  ou  infamante,  l'emprisonnement  du  con- 
damné, pour  l'acquit  de  ces  condamnations  pécuniaires,  a  duré  une  année  com- 
plète, il  pourra,  sur  la  preuve  acquise,  par  les  voies  de  droit,  de  son  absolue  in- 
solvabilité, obtenir  sa  liberté  provisoire.  —  La  durée  de  Temprisonnement  sera 
réduite  à  six  mois,  s'il  s'agit  d'un  délit;  sauf,  dans  tous  les  cas,  &  reprendre  la 
contrainte  par  corps,  s'il  survient  au  condamné  quelque  moyen  de  solvabilité.  » 

L'art.  53  modifiait  cependant  le  principe  de  l'art.  52,  en  ajoutant  que,  lors- 
qu'après  un  certain  temps,  le  condamné  pour  dettes  justifierait  de  son  insol- 
vabilité, il  pourrait  obtenir  son  élargissement.  Cette  disposition  a  été  modifiée 
et  successivement  atténuée  par  la  loi  du*  17  avril  1832,  par  la  loi  du  13  dé- 
cembre 1848,  et  enfin  par  la  loi  du  22  juillet  1867  qui  est  aujourd'hui  la  règle 
de  la  matière. 

La  loi  du  22  juillet  1867,  qui  a  supprimé  la  contrainte  par  corps  en  matière 
civile  et  commerciale,  ne  l'a  maintenue  que  par  exception  en  matière  criminelle, 
correctionelle  et  de  police.  Aux  termes  des  art.  43,  de  cette  loi  la  con- 
trainte par  corps  peut  être  appliquée  comme  moyen  d'exécution  lorsqu'il  y  a 
eu  condamnation  à  des  amendes,  restitutions  et  dommages-intérôts,  en  m§i- 
tière  criminelle,  correctionnelle  et  de  police.  Une  autre  loi  de  décembre  1871 
a  étendu  cette  application  au  recouvrement  des  frais. 

Quelle  est  la  durée  de  cette  contrainte  ?  Cette  durée  est  ûi.ée  par  l'art.  9  de 
la  loi  du  22  juillet  1867,  ainsi  qu'il  suit  ;  de  2  jours  à  20  jours, lorsque  l'amende  et 
les  autres  condamnations  n'excèdent  pas  50  fr.  ;  de  20  à  40  jours,  lorsqu'elles 
n'excèdent  pas  100  fr.  ;  de  40  à  60  jours,  lorsqu'elles  n'excèdent  pas  200  fr.  ;  de  2 
à  4  mois,  lorsqu'elles  n'excèdent  pas  500  fr.  ;  de  4  à  8  mois,  lorsqu'elles  n'excè- 
dent pas  2,000  fr.  ;  d'un  an  à  deux  ans,  lorsqu'elles  s'élèvent  à  plus  de 2,000  fr. 
En  matière  de  police,  la  durée  de  la  contrainte  ne  peut  excéder  5  jours. 

La  contrainte  restreint  son  effet,  lorsque  le  débiteur  justifie  de  son  insolvabi- 
lité. Elle  cesse  lorsqu'il  fournit  caution.  Elle  ne  s'applique  pas  aux  mineurs  de 
16  ans.  Elle  se  réduit  en  faveur  des  sexagénaires. 

Au  reste,  la  contrainte  par  corps  employée  comme  moyen  d'exécution  vis- 
à-vis  des  condamnés  insolvables  ne  doit  point  être  considérée  comme  une 
peine.  EUe  n'est  qu'une  voie  d'exécution,  un  moyen  de  recouvrement.  81  la 
preuve  de  l'insolvabilité  ne  suffit  pas  pour  faire  ouvrir  au  condamné  les  porte 

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148      DIX.  LEÇ.  ~  DBB  PEINBS  DELA  RÉGIDITE.  LIV.  I.  GHAP.  IV  (n*  117). 

deda  prison,  c'est  qne  la  loi  a  TOttlu  soumettre  cette  insolvabilité  à  l'éprenve 
â\me  certaine  détention. 

115.  a  Art.  54.  En  cas  de  concurrence  de  Tamende  avec  les  restitutions  et  les 
dommages-intérêts,  sur  les  biens  insuffisants  du  condamné,  ces  dernières  con 
damnations  obtiendront  la  préférence.  « 

Il  est  fort  simple,  en  effet,  que  les  dommages-intérêts,  réparation  d'un  pré- 
judice effectif  causé  à  la  partie  privée,  passent,  en  cas  d'insuffisance,  avant 
l'amende  que  vient  réclamer  le  Trésor  à  titre  parement  pénal.  Mais  remarquez 
que  cette  préférence,  accordée  ici  à  la  partie  privée  on  civile  pour  ces  domma- 
ges-intérêts, sur  la  créance  du  Trésor  pour  l'amende,  ne  «'applique  point  à  la 
créance  du  Trésor  pour  les  frais  de  justice  ;  les  frais  dont  parle  Tart.  52  et  dont 
ne  parle  pas  Fart.  54,  loin  d'être  primés  par  les  donmiages-intérêts,  jouissent 
au  contraire  d*un  privilège  constitué  par  une  loi  du  5  septembre  1807  ;  cette 
loi  et  la  place  du  privilège  vous  seront  indiquées  dans  votre  cours  de  troisième 
amée. 

116.  «  Art.  55.  Tous  les  individus  condamnés  pour  un  môme  crime  ou  pour  un 
même  délit  seront  tenus  solidairement  des  amendes,  des  restitutions,  des  domma- 
ges-intérêts et  des  frais.  » 

Vous  trouvez  ici  une  exception  aux  principes  du  droit  commun,  une  excep- 
tion à  l'art.  1202  du  Gode  civil,  dans  lequel  vous  verrez  qu'en  principe  la  soli- 
darité, c'est-à-dire  le  droit  pour  le  créancier  de  plusieurs  personnes  de  pouvoir 
demander  à  Tune  d'elles  seulement  la  totalité  de  ce  qu'elles  lui  doivent  toutes 
ensemble,  vous  y  verrez  que  la  solidarité  n'a  pas  lieu  de  plein  droit,  qu'elle 
doit  être  stipulée;  mais  que  cependant  il  y  a  lieu  à  solidarité  quand  la  loi 
la  prononce  formellement.  L'art.  55  du  Gode  pénal  est  du  petit  nombre  de 
ceux  dans  lesquels  la  loi  prononce  formellement  la  solidarité  entre  plusieurs 
débiteurs. 

Vous  remarquerez,  du  reste,  que  notre  article  ne  parle  que  de  la  solidarité 
pour  amendes,  frais,  dommages -intérêts,  restitutions  en  matière  du  crime  ou 
de  délit.  La  même  disposition  n'est  pas  expresse  pour  le  cas  de  contravention. 
On  examinera  nécessairement,  dans  vos  cours  de  Gode  civil,  le  point  de  savoir 
si  la  solidarité  prononcée  par  l'art.  55,  en  cas  de  crime  ou  de  délit,  a  lieu  éga- 
lement en  cas  de  contravention  ;  ce  n'est  au  fond  qu'une  question  d'ar- 
gent et  de  payement,  c'est  une  question  de  droit  civil,  bien  plus  que  de  droit 
pénal. 

Nous  passons  à  la  question  de  récidive,  qui  achèvera  tout  ce  que  renferme 
le  livre  premier. 


CHAPITRE  IV 

DES  PEINES  DE  LÀ  RÉCIDIVE  POUR  CRIMES  ET  DÉLITS. 

117.  «  Art.  56.  Quiconque  ayant  été  condamné  à  une  peine  afllictive  ou  infa- 
mimta,  aura  commis  un  second  crime  emportant,  comme  peine  principale,  la  dé- 

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ÉLÉimrrs  de  la  régidivs  (art.  56).  i49 

gradation  civique,  sera  condaumé  i  la  peme  du  bannissement*  —  8i  le  second 
crime  emporte  la  peine  dn  baimissement,  il  sera  condamné  à  la  peine  de  la  dé- 
tention. —  Si  le  second  crime  emporte  la  peine  de  la  réclusion,  il  sera  condamné 
à  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps.  —  Si  le  second  crime  emporte  la  peine  de 
la  détention,  il  sera  condamné  an  maximum  de  la  même  peine,  laquelle  pourra 
être  élevée  jusqu'au  double.  —  Si  le  second  crime  emporte  la  peine  des  travaux 
forcés  k  temps,  il  sera  condamné  au  maximum  de  la  même  peine,  laquelle  pourra 
être  élevée  jusqu'au  double.  —  Si  le  second  crime  emporte  lapeine  de  la  dépor- 
tation, il  sera  condamné  aux  travaux  forcés  à  perpétuité.  —  Quiconque,  ayant 
été  condamné  aux  travaux  forcés  à  perpétuité,  aura  commis  un  second  crime  em- 
portant la  même  peine,  sera  condamné  à  la  peine  de  mort.  —  Toutefois,  Tindivids 
condamné  par  un  tribunal  militaire  ou  maritime  ne  sera,  en  cas  de  crime  ou  da 
délit  postérieur,  passible  des  peines  de  la  récidive,  qu'autant  que  la  première  con- 
damnation aurait  été  pronon(M&e  pour  des  crimes  ou  délits  punissid)les  d'après  les 
lois  pénales  ordinaires.  » 

Quelle  est,  en  matière  de  crime  ou  le  délit,  l'influence  de  la  récidive,  et  pour- 
quoi le  législateur  en  a-t-il  fait  Tobjet  de  dispositions  spéciales  et  d*un  chapitré 
particulier  ?  Ces  dispositions  ont,  en  général,  pour  but  d'aggraver  la  pénalité 
enoourue  par  celui  qu'une  première  condamnation  avait  frappé  avant  un  se- 
cond crime  ou  un  second  délit  ;  elles  ont  pour  objet  de  détourner,  d'épouvanter, 
par  une  sanction  pénale  plus  forte,  celui  qu'une  première  condamnation  avait 
déjà  signalé  à  la  méfiance  de  la  société. 

Du  reste,  par  quels  moyens  la  loi  fortifie-t-elle  la  sanction  pénale  en  cas  de 
récidive  ?  Ceci  exige  quelques  détails  et,  avant  tout,  quelques  distinctions. 
Quatre  cas  peuvent  se  présenter:  i^'û  est  possible  que  le  premier  fait  fût  un 
crime,  ayant  été  frappé  d'une  condamnation  afflictive  ou  infamante,  et  qu'alors 
le  second  fait  soit  encore  un  crime;  2^  il  est  possible  que  le  premier  fait  fût  un 
crime,  et  que  le  second  ne  soit  qu'un  simple  délit  ;  3<^  le  premier  fait  peut  n'a- 
voir été  qu'un  délit,  et  le  second  être  un  crime  ;  4«  enfin,  le  premier  fiiit, 
comme  le  second,  peuvent  n'être  tous  deux  que  des  délits.  Les  règles  de  la  ré- 
cidive pourront  varier  dans  chacune  de  ces  hypothèses.  L'art.  56  se  rapporte 
au  premier  cas  ;  l'art.  57,  au  second  ;  l'art.  58,  au  quatrième  cas  ;  quant  au  troi- 
sième, celui  d'une  condamnation  correctionnelle  suivie  d'un  crime,  la  loi  est 
restée  et  devait  rester  muette  ;  il  n'y  avait  véritablement  pas  d'intérêt  à  aggra- 
ver alors  xme  pénalité  que  la  nature  même  des  faits  aggravait  assez  par  elle- 
même.  Nous  reviendrons  tout  à  l'heure  sur  ce  point. 

118.  Prenons  d'abord  la  première  hypothèse,  celle  de  l'art.  56,  sur  laquelle 
la  loi  donne  le  plus  de  détails,  celle  d'une  condamnation  criminelle,  suivie 
ensuite  d'un  autre  crime. 

Quiconque  ayant  été  condamné  (nous  reviendrons  tout  à  l'heure  sur  la  force 
de  ce  mot)  àunepeineafflictiwou  in/'amante (voilà  bien  la  conndamnation  cri- 
minelle), aura  eomnUs  un  second  crime  (voilà  bien  notre  cas)  emportant^ 
comme  peine  principale  la  dégradaHon  civique,  sera  condamné  à  la  peine  du 
bannissement. 

Dans  ces  premiers  mots,  vous  pouvez  voir  déjà  la  pensée  et  un  peu  le  sys- 
tème de  la  loi  en  matière  de  récidive.  Le  second  crime,  au  lieu  d'être  puni 
seulement  de  la  peine  qu'il  méritait  par  lui-même,  est  frappé  d'une  pénalité 
plus  forte  à 'raison  de  la  condamnation  qui  Pavait  précédé.  Mais  à  quel  degré, 

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150      DIX.  LEÇ.  —  DES  PEINES  DE  LA  RÉCIDIVE.  LIV.  I.  CHAP.  IV  (n*  120). 

dans  quelle  proportion  la  pénalité  s*accroît~elle  à  raison  de  la  récidive  ?  Pou- 
vons-nous, à  cet  égard,  établir  une  règle  générale,  formuler  en  deux  mots  la 
proportion  dans  laquelle  la  loi  fait  croître  la  peiné  à  cause  de  la  récidive  ?  Non, 
car  la  lui  suit  à  cet  égard  des  règles  fort  différentes  ;  il  est  aisé,  d'ailleurs,  de 
s'expliquer,  en  y  regardant  de  près,  le  motif  de  ces  différences. 

119.  Dans  le  premier  paragraphe,  la  loi  part  de  Téchelon  le  plus  bas  des 
condamnations  criminelles,  de  la  dégradation  civique,  c'est-à-dire  de  la  seconde 
des  peines  purement  infamantes;  dans  ce  cas,  si  le  second  crime  est  de  nature 
à  entraîner  par  lui-même  la  dégradation  t;ivique,  on  appliquera  la  peine  plus 
élevée  d'un  degré,  savoir:  le  bannissement.  Ainsi,  vous  trouvez  dans  ce  §  1^' 
que  la  loi  monte  d'un  degré.  Vous  en  trouvez  autant  dans  le  §  6  :  Si  le  second 
crime  emporte  la  peine  de  la  déportation,  il  sera  condamné  aux  trauvaux  forcés  à 
perpétuité.  De  même,  vous  en  trouvez  un  autre  exemple  dans  le  §  7  :  Qui-- 
conque,  ayant  été  condamné  aux  travaux  forcés  à  perpétuité,  aura  commis  un 
second  crime  emportant  la  même  peine  sera  condamné  à  la  peine  de  mort.  En 
effet,  dans  ces  trois  paragraphes,  la  loi  monte  immédiatement  du  n«  1  au  n<>  2 
de  l'art.  8,  du  n»  3  au  n®  2  et  du  n«  2  au  n»  1  de  l'art.  7. 

120.  Mais  cette  marche  qui  consiste,  pour  aggraver  la  peine  à  cause  de  la 
récidive,  à  monter  d'un  degré,  d*un  échelon  dans  la  série  des  peines,  cette 
marche  n'est  pas  celle  que  la  loi  a  toujours  suivie,  celle  qu'elle  pouvait  tou- 
jours suivre  ;  dans  d'autres  cas  elle  franchit,  à  cause  de  la  récidive,  non  pas 
seulement  un  degré,  mais  deux  degrés  de  pénalité,  c'est  ce  qui  arrive  dans  le 
%^:  Sile  second  crime  emporte  la  peine  du  bannissement^  il  sera  condamné  à  la 
peine  de  la  détention.  Or,  la  détention  n'est  que  l'avant-dernière  des  peines  de 
l'art.  7  ;  la  détention  par  sa  durée  est  plus  sévère  que  la  réclusion,  car  elle 
peut  s'élever  jusqu'à  vingt  ans.  Pourquoi  donc  la  loi,  qui  dans  le  premier 
paragraphe  se  contente  de  monter  d'un  degré,  en  franchit-elle  deux,  par 
exemple,  dans  le  second?  La  raison  en  est  facile  à  trouver,  elle  se  rattache  à 
ce  que  déjà  nous  avons  dit  sur  le  but  et  la  nature  de  la  peine  de  la  détention, 
peine  réservée,  à  raison  même  de  son  mode  d'exécution,  à  une  nature  toute 
spéciale,  toute  particulière  de  crime.  Or,  il  y  a  analogie  de  nature  entre  les 
peines  de  la  dégradation  civique,  du  bannissement  et  de  la  détention,  en  ce 
sens  qu'en  général  c'est  à  des  actes  de  môme  ordre  que  ces  diverses  pénalités 
sont  appliquées;  mais  il  n'y  a  pas  analogie  de  nature  entre  le  bannissement 
et  la  réclusion,  le  bannissement  comme  la  détention  s'appliquant  surtout  à 
des  actes  politiques  :  la  réclusion,  au  contraire,  s'appliquant  presque  unique- 
ment à  des  crimes  d'intérêt  tout  à  fait  privé. 

.  Le  même  motif  doit  vous  expliquer  l'autre  hypothèse,  celle  du  §  3;  quand 
la  loi,  par  exemple,  monte  de  la  peine  de  la  réclusion  à  la  peine  des  travaux 
forcés  à  temps,  elle  saute  ici  le  degré  intermédiaire,  savoir  :  la  détention, 
précisément  parce  que  la  détention  n'est  pas  en  fait  une  peine  de  même  ordre, 
de  môme  nature  que  la  peine  de  la  réclusion,  parce  que  l'une  et  l'autre  ne 
sont  pas  instituées  pour  les  mêmes  catégories  d'actes  et  de  personnes  cou- 
pables. 


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tLÉHSNTS.IXB  LA  BÉCIDTVE  (aRT.   56).  151 

181.  Voilà  donc  déjà  deux  hypothèses  :  l'une,  où  la  loi  se  borne  à  aggraver 
la  pénalité  d^un  degré  ;  l'antre,  an  contraire,  où  elle  franchit  dénz  degrés.  H 
y  a  encore  nn  troisième  cas/c'est  celui  où  la  loi  reste,  malgré  la  récidive,  dans 
le  même  degré,  dans  le  môme  numéro  de  pénalité,  en  se  contentant  d'en 
aggraver  la  durée.  Ici  encore  il  sera  facile  d*en  comprendre  les  motifs.  Par 
exemple,  lé  second  crime  était  de  nature  à  être  puni  de  la  détention;  si  nous 
voulions  trouver  plus  haut  une  peine  du  même  ordre,  il  nous  &udrait  prendre 
la  déportation  ;  mais  entre  la  détention,  qui  varie  de  cinq  à  vingt  ans,  et  la 
déportation,  qui  n'est  au  fond  qu'une  détention  essentiellement  perpétuelle, 
Fintervalie  a  paru  beaucoup  trop  grand.  Certainement,  quelle  que  soit  en 
matière  pénale  la  gravité  de  la  récidive,  cette  gravité  ne  répondait  pas  bien  à 
la  distance  énorme  qui  sépare  en  £ait  d'une  détention  de  cinq,  de  dix  ou  même 
de  vingt  ans,  d'une  détention  nécessairement  perpétuelle.  Dans  ce  cas  donc, 
la  loi  veut  que,  si  le  second  crime  emporte  par  lui-même  la  peine  de  la  dé- 
tention, la  récidive  nécessite  l'application  du  maximum  de  cette  peine,  c'est- 
à-dire  de  vingt  ans,  et  que  même  les  juges  aient  la  faculté  d'élever  ce  maxi- 
mum jusqu'au  double,  s'il  est  nécessaire.  Vous  voyez  que  là  la  sévérité  de  la 
répression  est  déjà  assez  forte,  sans  qu'on  ait  à  monter  à  une  peine  essentiel- 
lement et  légalement  perpétuelle. 

La  même  considération  s'applique  aux  travaux  forcés  à  temps  et  avec,  plus 
de  force.  Entre  les  travaux  forcés  à  temps,  qui  varient  de  cinq  à  vingt  ans,  et 
les  travaux  forcés  à  perpétuité,  il  y  avait  de  même  un  intervalle  que  la  réci- 
dive n'a  pas  paru  devoir  faire  franchir.  Aussi  applique-t-on  la  même  disposition 
que  dans  le  cas  de  détention;  là  encore,  la  peine  à  appliquer,  à  cause  de  la 
récidive,  sera  le  maximum,  avec  faculté  pour  les  tribunaux  de  l'élever  jusqu'au 
double. 

Enfin,  le  second  crime  était  de  nature  à  entraîner  la  plus  forte  dès  peines 
après  la  mort,  savoir  :  les  travaux  forcés  à  perpétuité;  dans  ce  cas,  l'ancien 
Gode  pénal  prononçait  l'aggravation,  prononçait  par  conséquent  la  seule  peine 
supérieure,  la  peine  de  mort,  ici  encore  la  distance  a  paru  trop  forte  entre  les 
travaux  forcés,  même  à  perpétuité,  et  la  peine  de  mort,  qu'on  n'a  voulu  ap- 
pliquer qu'avec  une  extrême  réserve;  aussi  n'y  a-t-il  pas  dans  ce  cas  aggra* 
vationde  peine,  au  moins  en  principe.  Supposez,  par  exemple,  qu'un  individu, 
frappé  d'une  condamnation  aux  travaux  forcés  à  temps,  ait  ensuite  commis 
un  crime  punissable  par  lui-même  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  la  circon- 
stance de  récidive  n'aggravera  pas  l'application  de  la  peine;  ce  n'est  toujours 
que  la  peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité  qui  devra  lui  être  appliquée. 
Pourquoi  cela?  C'est  que  la  distance  est  déjà  assez  vaste  entre  la  première  et 
la  seconde  condamnation,  pour  être  en  général  un  préventif  suffisant  contre 
les  chances  de  récidive. 

Si  cependant  la  première  condamnation  était  également  une  condamnation 
aux  travaux  forcés  à  perpétuité,  alors  l'aggravation  s'appliquerait,  la  peine  de 
mort  serait  prononcée.  Ainsi,  l'aggravation  qui  consiste  à  monter  du  n^  2  au 
n^  1  de  l'art.  7,  ne  pourra  s'appliquer  qu'à  celui  qui,  déjà  condamné  aux  tra- 
vaux forcés  à  perpétuité,  aura,  postérieurement  à  cet  arrêt,  commis  un  nou- 
veau crime  punissable  de  la  même  peine.  ' 


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152      DIX.  LEÇ.  —  D8S  PBIIISS  OE  LA  BÉCIOITS.  LIT.  I.  CHAP.  lY  (n^  123). 

122.  Le  dernier  paragraphe  de  Fart.  b6  statae  sur  une  question  fort  impor- 
tante, et  sur  laqueUe  jusque-là  la  jurisprudence  était  restée  en  suspens.  En 
effet,  nous  avons  vu,  par  ies  premiers  mots  de  l'art.  56,  que  la  peine  de  la  ré- 
cidive s'appliquait  à  celui  qui  se  rendait  coupable  d'un  second  crime,  après 
une  condamnation,  non  pas  précisément  pour  un  premier  crime,  mais  après 
une  condamnation  afflictive  ou  infamante.  En  général,  ces  expressions  sont 
synonymes:  dire  qu'on  est  condamné  pour  un  crime,  ou  qu'on  T^st  à  une 
peine  afflictive  ou  in&mante,  c'est  une  même  idée.  Gepen<hint  cette  idée,  et 
par  suite  cette  locution,  devenait  dangereuse  dans  le  cas  où  un  individu  frappé 
à  raison  d'un  crime  militaire,  se  rendait  ensuite  eoiq[>able  d'un  crime,  aux 
termes  du  §  i*';  dans  ce  cas,  les  peines  de  la  récidive  et  l'aggravation  pro- 
noncée par  l'art.  56  devraient-elles  s'appliquer,  encore  bien  que  la  condam- 
nation primitive  quoique  afflictive  et  infamante,  en  ses  termes,  eût  été  appli- 
quée à  un  fait  qui,  d'après  les  lois  ordinaires,  ne  constituait  pas  un  crime? 
Par  exemple,  supposez  un  cas  de  vol  dans  la  chambrée,  vol  qui,  d'après  les 
lois  ordinaires,  ne  serait  qu'un  délit,  et  qui,  d'après  les  lois  militaires,  en- 
traînera une  peine  afflictive;  supposez  des  voies  de  fait  même  fort  légères 
envers  un  supérieur,  voies  de  fait  qui,  d'aj^ès  les  lois  ordinaires,  seraient  à 
peine  un  délit  et  qui  seraient  punies  très-sévèrement  d'après  les  lois  mili- 
taires; ce  ne  sera  donc  plus  à  la  nature  de  la  condamnation,  mais  à  la  nature 
du  fait  qui  a  motivé  cette  condamnation,  qu'on  devra  s'attacher  pour  décider 
si  l'art.  56  est  ou  non  applicable.  C'est  cette  question,  sur  laquelle  la  jurispra* 
dence  avait  hésité  et  varié,  que  le  dernier  paragraphe  de  l'art.  56  est  venu 
trancher,  comme  la  raison,  du  reste,  demandait  qu'elle  fût  tranchée. 

128.  Revenons  un  peu  sur  les  premiers  mots  de  cet  article  :  Quicùnque, 
ayant  étécondamné  à  une  peine  afflictive  ou  infamante,  aura  commis  un  second 
erime.  Remarquez  d'abord  que  ce  que  la  loi  punit  comme  récidive,  ce  n'est 
pas  la  succession  de  deux  crimes  identiques  ou  différents,  c'est  Taccomplisse- 
ment,  la  perpétration  d'un  second  crime  après  une  condamnation  prononcée 
a  raison  d'un  premier  crime.  Il  est  évident,  par  exemple,  que  si  après  une 
condamnation  criminelle  prononcée  vous  yenez  à  découvrir  que  le  condamné 
s'était  rendu,  avant  cette  condamnation,  coupable  d'un  crime  aussi  grave  ou 
plus  grave,  il  est  évident  que  dans  ce  cas  il  n'y  a  pas  matière  aux  peines  de 
la  récidive;  la  récidive  n'a  lieu,  dans  le  sens  lé^^al  du  mot,  que  pour  celui 
qui  commet  un  crime  ou  un  délit,  non  pas  après  un  autre  crime  ou  délit, 
mais  après  une  première  condamnation,  ce  qui  est  fort  différent.  Le  texte  de 
l'art.  56  est  d'ailleurs  bien  précis  :  Quiconque,  aïant  été  condamné. 

Du  reste,  la  loi  ne  distingue  pas,  et  nous  ne  devons  pas  distinguer  si  la 
peine  prononcée  par  le  premier  arrêt  dure  encore,  ou  si  elle  est  adievée.  La 
peine  de  la  récidive  s'applique  à  celui  qui  a  commis  un  crime,  soit  pendant 
la  durée  de  sa  peine,  soit  après  Tavoir  subie.  Bien  plus,  aurait-il  prescrit  sa 
peine  aux  termes  de  l'art  635  du  Code  d'instruction  criminelle,  il  reste  en- 
core sous  le  poids  de  l'art.  56;  aurait- il  obtenu  sa  réhabilitation,  aurait-il 
obtenu  commutation  de  peine  ou  grâce  entière,  il  n'en  sera  pas  moins  vrai  de 
dire  qu'il  a  été  condamné  à  une  peine  afflictive  ou  infamante,  et  que  tout 
crime  postérieur  le  constitue  en  état  de  récidive. 


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ÉtÉKDDITS  DB  LA  BÉCIDIVB  (aRT.  57).  153 

184.  Mais  il  faut  qu'il  y  ait  eu  condamnation  à  l'une  de  ces  peines,  et  non 
pas  seulement  déclaration  de  enlpabilité  par  le  jury  de  Tun  des  faits  aux- 
quels la  loi  attache  une  peine  afflictive  ou  in&manté  ;  ceci^  dans  certains 
cas,  peut,  être  fort  différent.  Supposez  qu'un  mineur  dé  moins  de  seise  ans  ait 
été  traduit  en  cour  d'assises,  ^ue  la  réponse  du  jury  ait  été  affirmative  sur  la 
question  de  culpabilité,  et  encore  sur  la  question  de  discernement  qui  doit 
nécessairement  lui  être  posée;  le  voilà  bien  déclaré  coupaUe  d'un  fait  puni 
par  la  loi  d'une  peine  afflictive  et  infamante,  d'un  vol  avec  effraction,  par 
exemple,  coupable  d'avoir  agi  avec  discernement,  et  c^ocidant  la  peine  qui 
lui  sera  applicable  né  sera  pas  la  peine  afflictive  prononcée  pour  le  cas  de  vol 
avecefi&action;  ce  sera,  aux  termes  de  Tart.  67,  un  emprisonnement  plus  ou 
moins  long,  suivant  la  nature  du  fait  dont  il  est  déclaré  coupable.  Le  mineur 
de  seize  ans  déclaré  coupable  d'un  crime  commis  avec  discernement  n'est  ce- 
pendant pas  condamné  aux  peines  qu'il  aurait  encourues  après  seize  ans  à 
raison  de  ce  crime;  il  n'est  condamné  qu'à  un  emprisonnement  dont  la  durée 
varie,  mais  sans  que  les  variations  de  durée  puissent  changer  la  nature  de  la 
peine,  puissent  faire  de  l'emprisonnement  une  peine  afflictive  et  infamante. 
Aussi  ne  peut-on  pas  comprendre  que  la  jurispfiidence  ait  hésité  comme  elle 
l'a  fait,  ait  varié  sur  cette  question,  et  décidé  quelque  temps  que  l'art.  56  s'ap- 
pliquerait dans  cette  hypothèse.  Il  est  clair  que  dans  l'espèce  que  j'ai  posée, 
dans  celle  de  l'art.  67,  encore  bien  que  le  fait  fût  un  crime,  la  condamnation  n'é- 
tant pas  afflictive  ou  infamante,  on  n'est  pas  dans  les  termes  de  l'art.  56,  et  que, 
conséquemment,  si  ce  mineur,  sorti  ou  évadé  plus  tard,  vient  à  commettre  un 
nouveau  crime,  U  y  a  lieu  de  lui  appliquer  peut-être  l'art.  58,  mais  jamais  as- 
surément Tart.  56. 

De  même,  si  le  jury  avait  déclaré  la  culpabilité  de  l'accusé,  en  joutant 
qu'il  ne  s'était  rendu  coupable  qu'avec  des  circonstances  atténuantes,  et  si, 
à  raison  de  cette  décision  subsidiaire  du  jury  la  peine  était  descendue,  d'après 
Fart.  463,  aux  peines  correctionnelles,  on  ne  serait  pas  encore  dans  les  ter- 
mes de  l'art.  56,  et  l'accusé,  quoique  déclaré  par  le  jury  coupable^  d'un  fait 
criminel,  n'ayant  cependant  pas  été  condamné  à  une  peine  afflictive  ou  infa- 
mante, n'aurait  ri^n  à  craindre,  en  cas  de  récidive,  des  dispositions  de 
l'art.  56. 

125.  L'art.  57  statue  sur  le  second  cas  que  j'ai  indiqué. 

L'art.  57,  rectifié  par  la  loi  du  13  mai  1863,  est  ainsi  conçu  : 

«  Quiconque,  ayant  été  condamné  pour  crime  à  une  peine  supérieure  d*ime  année 
d*emprisoDDement  aura  commis  un  délit  ou  un  crime  qui  devra  n*ôtre  puni  que  de 
peines  correctionnelles,  sera  condamné  au  maximum  de  la  peine  portée  par  la  loi, 
et  cette  peine  pourra  être  portée  jusqu'au  double.  » 

La  récidive  correctionnelle  donne  lieu  à  trois  hypothèses  :  !•  lorsqu'un  in- 
dividu déjà  condamné  et  à  raison  d'un  délit  a  commis  un  crime;  2^  lorsqu'un 
individu,  déjà  condamné  pour  crime,  a  commis  un  délit;  3®  lorsqu'un  indi- 
vidu, déjà  condamné  pour  délit,  a  commis  un  second  délit. 

La  première  hypothèse  ne  produit  aucune  aggravation  pénale  :  la  pein 
dont  le  crime  est  passible,  quand  sa  qualification  est  maintenue,  suffit  po 

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154      DIX.  LEÇ.  —  DBS  PEINES  DE  LA  RÉCIDIVE.  LIV.  I.  GHAP.  IV  (n^   125). 

que  le  jage  puisse^  en  rappliquant  avec  ane  mesure  plus  ou  moins  large, 
tenir  compte  de  cet  élément  de  la  criminalité  :  l'aggravation  est  absorbée  par 
cette  peine. 

La  deuxième  hypothèse  est  celle  de  l'art.  57  :  le  délit,  objet  de  la  seconde 
poursuite,  a  été  précédé  d*un  crime,  nous  avons  vu  tout  à  l'heure  que  la  loi 
du  28  avril  1832  avait  remplacé,  dans  l'art.  56,  ces  mots  :  «  quiconque  ayant 
été  condamné  pour  un  crime  »  par  ceux-ci  :  c  quiconque  ayant  été  condamné 
à  une  peine  afflictive,  infamante  ».  Or  cette  substitution  faite  dans  le  texte  de 
l'art.  56  n'ayant  pas  été  étendue  à  l'art.  57,  il  en  était  résulté  que  la  juris- 
prudence avait  assigné  un  sens  différent  à  ces  deux  articles  :  tandis  que,  dans 
le  premier  de  ces  articles,  elle  ne  s'attachait,  pour  reconnaître  l'existence  de 
la  récidive,  qu'à  la  nature  de  la  peine  prononcée,  il  suffisait,  pour  son  applica- 
tion dails  le  second,  que  le  fait  eût  la  qualification  de  crime,  lors  même  que 
la  peine  prononcée  était  purement  correctionnelle.  C'est  cette  anomalie  que 
la  loi  du  13  mai  1863  a  voulu  faire  cesser.  Elle  a  fixé  une  limite  à  l'applica- 
tion de  l'aggravation  :  il  faut  que  le  premier  fait,  qualifié  crime,  ait  motivé 
une  peine  supérieure  à  une  année  d'emprisonnement. 

La  loi  a  fait  une  autre  addition  :  elle  a  ajouté  après  ces  mots  c  aura  commis 
un  délit  »  ceux-ci  «  ou  un  crime  qui  devra  n'être  puni  que  de  peines  correc- 
tionnelles. »  Vous  voyez  de  suite  qu'il  s'agit  du  cas  où,  par  suite  de  l'admis- 
sion des  circonstances  atténuantes,  ou  d'excuses  légales,  le  fait  qualifié  crime 
a  été  puni  par  des  peines  correctionnelles.  Notre  législateur  a  assimilé  le  crime 
puni  de  peines  correctionnelles  à  un  délit  correctionnel,  il  lui  a  paru  que  ce 
n'est  pas  la  poursuite,  mais  le  résultat  qu'il  fallait  considérer,  que  le  fait  de- 
venait délit  par  l'effet  de  la  condamnation  et  que  la  récidive  dans  ce  cas 
n'était  plus  qu'une  variété  de  la  récidive  de  délit  à  délit. 

L'application  dans  ce  dernier  cas  du  maximum  de  la  peine  portée  par  la  loi 
peut  donner  lieu  à  quelques  difficultés.  Lorsque  le  fait,  objet  de  la  nouvelle 
poursuite,  est  qualifié  délit,  les  droits  de  la  juridiction  correctionnelle  sont 
clairement  établis  :  elle  peut  prononcer  le  maximum  de  la  peine  portée  par  la 
loi  et  même  porter  ce  maximum  au  double  ;  elle  peut  aussi,  si  elle  reconnaît 
des  circonstances  atténuantes,  réduire  la  peine  d'emprisonnement  jusqu'à  six 
jours,  et  dans  le  cas  ot  le  maximum  de  la  peine  légale  est  inférieur  à  une  année, 
substituer  même  à  l'emprisonnementune  simple  amende  de  police.  La  récidive 
en  matière  correctionnelle  ne  donne  lieu  qu'à  une  aggravation  facultative. 

Quand  le  fait,  qualifié  crime  par  la  poursuite,  ne  devient  délit  que  par  la 
déclaration  du  jury,  il  faut  distinguer  d'abord  si  cette  transformation  est  la 
conséquence  de  l'admission  d'une  excuse  légale,  par  exemple,  la  provocation 
en  cas  de  meurtre  ou  de  ce  que  les  circonstances  aggravantes,  auxquelles  la 
qualification  criminelle  était  attachée,  ont  été  écartées.  Dans  ces  deux  cas,  le 
fait  reconnu  constant  n'a  d'autre  caractère  que  celui  d'un  délit  ;  la  Cour 
d'assises  se  trouve  donc  investie,  comme  la  juridiction  correctionnelle,  si  les 
circonstances  lui  semblent  atténuantes,  du  droit  de  réduire  même  en  cas  de 
récidive  les  peines  d'emprisonnement  et  d'amende  au  niveau  que  nous  avons 
indiqué. 

Mais  si  le  crime  conserve  son  caractère  de  crime  et  ne  doit  être  puni  par 
des  peines  correctionnelles  qu'à  raison  des  circonstances  atténuantes  décla- 

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ÉLÉMENTS  PB  I.A  RÉGIDIYB  (aRT.    57).  155 

rëes,  une  grave  difficulté  se  présente.  Cette  difficulté  vient  de  ceci  :  lorBC[a*an 
accusé  est  en  état  de  récidive,  l'aggravation  pénale  attachée  à  cet  état  s'in- 
corpore §vec  la  peine  simple  applicable  à  la  nouvelle  infraction,  et  c'est  sur 
cette  peine  ainsi  aggravée  que  s'exerce  l'action  des  circonstances  atténuantes. 
Or,  dans  l'hypothèse  créée  par  la  loi,  l'atténuation  est  déjà  en  tout  ou  en  partie 
consommée  au  moment  où  l'aggravation  vient  s'incorporer  à  la  peine  ;  la 
déclaration  des  circonstances  atténuantes»  qui  a  fait  descendre  le  crime  au 
niveau  du  délit,  a  déjà  eu  son  effet  quand  la  Cîour  d'assises  est  appelée  à  me- 
surer la  peine. 

S'il  s'agit  d*un  crime  passihle  de  la  réclusion,  la  déclaration  du  jury,  affir- 
mative des  circonstances  atténuantes,  a  suffi  pour  le  rendre  passible  des 
peines  de  l'art.  401,  c'est-à-dire  pour  le  faire  descendre  au  rang  des  délits,  et 
ce  n*est  dans  ce  cas  qu'un  premier  degré  d'atténuation.  La  Cour  d'assises,  qui 
n'a  pas  encore  usé  du  droit  d'atténuation  que  l'art.  463  lui  a  également  départi, 
peut  donc  réduire  la  peine  à  son  minimum  légal; ce  droit,  elle  le  retient,  elle  le 
conserve  et  rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'elle  puisse  l'exercer.  Objectera-t-on  qu'il 
est  paralysé  par  le  texte  impératif  de  l'art*  57  ?  La  réponse  est  qu'en  matière 
correctionnelle,  l'art.  463  étend  son  atténuation  même  en  cas  de  récidive.  Or 
la  Cîour  d'assises  se  trouve,  par  la  déclaration  du  jury,  en  face  d'un  fait  qui  peut 
être  puni  des  peines  de  l'art.  401.  Quel  est  l'effet  de  la  récidive?  C'est  d'élever 
la  peine  au  maximum  et  non  d'en  changer  la  nature.  Or  la  peine  portée  au 
maximum  et  l'aggravation  attachée  à  cette  peine  sont  l'emprisonnement.  La 
Cour  d'assises  qui  n'a  pas  encore  usé  de  son  droit  d'atténuation  et  qui  peut  en 
user,  aux  termes  de  l'art.  463,  dans  tous  les  cas  où  la  peine  d'emprisonne- 
ment est  prononcée  par  le  Code  pénal,  peut  donc  la  réduire  à  son  minimum 
légal  qui  est  dans  le  cas  d'une  année  d'emprisonnement.  Je  sais  qu'on  peut 
dire  que  les  derniers  paragraphes  de  l'art.  463  ne  sont  applicables  que  dans 
le  cas  où  la  Cour  d'assises  exerce,  comme  juridiction  correctionnelle,  la  plé- 
nitude du  droit  d'atténuation,  tandis  que  ce  droit  a  déjà  ici  été  en  partie  exercé 
par  le  jury.  La  réponse  est  qu'il  ne  s'agit  pas  d'appliquer  ces  textes,  puisque 
l'atténuation  ne  peut  descendre  au-dessous  d'un  an,  mais  que,  puisque  la  ma- 
tière est  devenue  correctionnelle,  il  est  impossible  de  ne  pas  invoquer  Id 
règle  qui  veut  qu'en  cette  matière  l'aggravation  ne  soit  que  facultative. 

Enfin,  s'il  s'agit  d'un  crime  passible  des  travaux  forcés,  ce  crime  ne  peut 
descendre  au  rang  des  délits  que  par  un  double  degré  d'atténuation  :  il  faut 
que  le  jury  déclare  les  circonstances  atténuantes  et  que  la  Cour  s'associe  à 
.  cette  déclaration.  Or  que  résulte-t-il  de  ces  deux  déclarations  ?  Il  en  résulte 
que  le  droit  de  la  Cour  d'assises  est  complètement  épuisé,  elle  ne  peut  plus 
qu'appliquer  la  loi,  et  cette  loi  est  le  maximum,  c'est-à-dire  cinq  ans  d'empri- 
sonnement. Cette  conséquence  est  très-rigoureuse  et  peut-être  le  législateur 
ne  s'en  est  pas  rendu  compte,  car  on  ne  peut  s'expliquer  la  distance  énorme 
qui  sépare  ces  deux  hypothèses^  mais  le  texte  est  trop  formel  pour  qu'un 
doute  sérieux  soit  possible. 

126.  a  Art.  58.  Les  coupables  condamnés  correctioRnellement  à  un  emprison- 
nement de  plus  d'une  année  seront  aussi,  en  cas  de  nouveau  délit  ou  de  crime  qui 
devra  n'être  puni  que  de  peines  correctionnelles,  condamnés  au  maximum  de  la 
peine  portée  par  la  loi,  et  cette  peine  pourra  être  portée  jusqu'au  double.  » 

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156      DIX.  LEÇ.  — •  DBS  PEINES  DE  LA  RECIDIVE*  LIV.  I.^GHAP.  IV  (N^i2S). 

H  y  a  lieu  de  remarquer  d'abord  que,  dans  cet  article  comme  dans  Tart.  57^ 
l'aggravation  pénale  de  la  récidive  n'est  appliquée  qu'au  seul  cas  oii  la  pre- 
mière condamnation  emportait  un  emprisonnement  de  plus  d'une  année. 
Pour  que  la  récidive  devienne  une  cause  d'aggravation,  il  faut  que  la  pre- 
mière condamnation  dénote  un  délit  grave,  un  agent  dangereux. 

Il  y  a  lieu  de  remarquer  ensuite  que  la  règle  que  nous  posions  tout  à 
Pheure,  à  savoir,  que  la  récidive  de  délit  à  crime  ne  motive  aucune  aggrava- 
tion spéciale,  trouve  ici  une  sorte  de  restriction.  En  effet,  lorsque  le  crime 
n*est  puni  que  d'une  peine  correctionnelle,  cette  peine  est  portée  au  maximum 
et  peut  être  élevée  Jusqu'au  double.  On  pourrait  penser  que,  si  la  récidive  de 
délit  à  crime  ne  donne  lieu  à  aucune  aggravation,  il  en  doit  être  encore  ainsi 
lorsque,  par  suite  de  circonstances  atténuantes,  le  crime  n'est  puni  que  de 
peines  correctionnelles.  Mais  si,  dans  le  système  du  Cîode,  la  récidive  de  délit 
à  crime  n'aggravait  pas  la  situation  de  l'accusé,  c'est  que  le  crime  était  puni 
de  peines  afflictives  ou  inflEunantes.  Mais  depuis  l'introduction  de  circonstan- 
ces atténuantes,  il  arrive  souvent  qu'un  crime  est  puni  de  peines  correction- 
nelles. Or,  lorsqu'on  déclare  en  état  de  récidive  celui  qui  a  été  condamné  à 
un  an  d'emprisonnement  parce  qu'il  a  encouru  une  condamnation  nouvelle 
à  trois  ou  six  mois,  comment  ne  pas  appliquer  la  même  règle  à  celui  qui, 
ayant  déjà  subi  une  condamnation  de  plus  d'un  an,  ne  peut  invoquer  en  sa 
faveur  que  la  circonstance  d'avoir  été  traduit  une  seconde  fois  devant  une 
Cour  d'assises  pour  crime,  au  lieu  de  l'être  devant  un  tribunal  correctionnel 
pour  délit  ? 

127.  Un  2«  §  ajouté  à  l'art.  57  porte  : 

,    a  Le  condamné  sera  de  plus  soumis  à  la  surveillance  spéciale  de  la  haute  police 
pendant  cinq  années  au  moins  et  dix  ans  au  plus.  » 

La  même  disposition  était  déjà  attachée  à  l'art.  58,  cette  mesure  rigoureuse 
peut  être  remise  par  l'effet  des  circonstances  atténuantes,  comme  nous  le 
dirons  tout  à  l'heure  ;  mais  seulement  dans  le  cas  où  le  maximum  de  la  peine 
n'est  pas  appliqué. 

'  128.  Avant  de  quitter  cette  matière,  en  ce  qui  concerne  surtout  les  art.  57 
et  58,  il  faut  indiquer  une  modification  de  la  plus  haute  importance  pratique 
à  la  rigueur  très-grande  en  apparence  des  art.  57  et  58.  Avant  la  révision  de 
1832,  on  hésitait  sur  la  question  de  savoir  si  l'art.  463,  qui  autorisait  les  tri- 
bunaux à  réduire  à  un  taux  très-bas  les  condamnations  correctionnelles,  en 
cas  de  circonstances  atténuantes  déclarées  par  eux,  on  hésitait  sur  le  point  de 
savoir  si  cette  faculté  s'appliquait  même  au  cas  de  récidive.  Ce  doute  a  été 
levé  par  le  dernier  paragraphe  de  l'art.  463,  qui  modifie  de  la  manière  la  plus 
grave  et  la  plus  fréquemment  applicable  la  rigueur  des  art.  57  et  58.  Vous  y 
verrez,  en  effet,  à  côté  de  ces  dispositions  fort  dures  de  nos  deux  articles,  qoA 
si  les  circonstances  paraissent  atténuantes,  les  tribunaux  correctionnels  sont  au- 
torisés, MÊME  EN  CAS  DE  RÉCIDIVE  (c'cst  par  CCS  demiers  mots  qu'on  a  enlevé  le 
doute),  à  réduire  V emprisonnement  soit  à  six  jours,  soit  même  au-dessous  de  six 
jourSf  et  Vamende  soit  à  seize  francsy  soit  même  au-^Ussous  de  seize  francs  ;  c  est- 

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iLÉIflNT8  DK  LA  RÉCIDIVE  (aRT.   57).  157 

à-dire  à  se  borner,  malgré  la  circonstance  de  récidive  et  à  raison  des  circon» 
stances  favorables  que  présentera  la  cause,  à  se  borner,  soit  à  Tapplication 
de  pénalités  moins  fortes  que  celles  du  délit,  soit  même  à  Tapplication  de 
pénalités  inférieures  de  la  même  nature  qujs  celles  de  simple  police,  c'est- 
à-dire  de  pénalités  inférieures  à  six  jours  de  prison  et  à  seize  francs  d'amende. 
Au  reste,  Fart.  463,  en  accordant  aux  tribunaux  correctionnels  cet  immense 
pouvoir  de  réduire  la  pénalité  presque  à  rien,  n'a  statué  que  sur  deux  cas, 
d'emprisonnement  et  d'amende  ;  il  leur  permet  de  réduire  à  quelques  jours 
Temprisonnement,  et  l'amende  à  quelques  francs.  Mais  l'art.  58  ne  prononce 
pas  seulement  par  le  renvoi  qu'il  contient,  l'emprisonnement  et  l'amende  en 
cas  de  récidive,  il  prononce  de  plus  impérativement  la  surveillance  spéciale 
du  gouvernement  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus.  Et  de  là  s'est 
élevée,  depuis  1832,  la  question  de  savoir  si  la  faculté  de  réduction  accordée 
aux  tribunaux  par  les  derniers  mots  de  l'art.  463,  pour  l'emprisonnement  et 
pour  Tamende,  leur  permettrait  même  de  dispenser  le  condamné  en  état  de 
récidive  de  la  surveillance  portée  par  les  derniers  mots  de  l'art.  58.  Encore 
bien  qu'un  arrêtait  décidé  la  négative,  ait  interprété  limitativement  les  expres- 
sions de  l'art.  463,  il  est  bien  difficile  d'admettre  que  ce  soit  là  l'esprit  de  la 
loi;  d'admettre  que  les  tribunaux,  autorisés,  même  en  cas  de  récidive,  à  ne 
frapper  le  coupable  que  de  quelques  jours  d'emprisonnement,  seront  cepen- 
dant forcés  d'attacher,  soit  à  cet  emprisonnement,  soit  même  à  cette  amende 
si  faible  qu'ils  peuvent  substituera  Temprisonnement,  une  surveillance  de  cinq 
ans  de  la  police  du  gouvernement,  contre  la  nécessité  de  laquelle  proteste 
assez  hautement  le  jugement  correctionnel  qui  déclare  que  les  circonstances 
sont  atténuantes,  et  qui  n'applique  que  quelques  jours  de  prison  ou  quelques 
francs  d'amende.  Je  crois  donc  qu'en  vertu  de  l'art.  463,  paragraphe  dernier, 
le  tribunal  correctionnel,  dans  le  cas  même  de  récidive,  constatant  par  son 
jugement  que  les  circonstances  de  la  cause  sont  atténuantes,  peut  réduire  la 
pénalité  dans  la  proportion  de  l'art.  463,  non-seulement  en  ce  qui  concerne 
Temprisonnement  et  l'amende,  mais  même,  malgré  les  derniers  mots  de 
l'art.  58,  dispenser  le  condamné  d'une  surveillance  qu'il  serait  ridicule  d'atta- 
cher à  une  condanmation*  aussi  insignifiante  que  celle  de  cinq  jours  d'empri- 
6onnem«it,  ou  de  quinze  francs  d'amende.  Cette  solution  est  au  surplus  con- 
sacrée aujourd'hui  par  la  jurisprudence. 

189.  Nous  avons  terminé  ce  qui  touche  à  l'explication  des  diverses  pénali- 
tés, de  leur  nature  et  de  leur  durée.  Dans  le  second  livre  du  Gode  pénal,  que 
nous  avons  également  à  expliquer,  la  loi  s'attache  à  un  autre  élément  fort  dif« 
férent,  mais  fortimportant  aussi,  de  la  pénalité  ;  au  lieu  de  considérer  le  crime 
ou  le  délit  dans  sa  nature  et  dans  sa  peine,  elle  le  considère  dans  l'agent, 
dans  l'auteur  auquel  il  est  imputé,  et  détaille  les  diverses  circonstances  qui 
peuvent  aggraver  ou  modifier  à  son  égard  l'application  de  la  pénalité.  La  pre- 
mière de  œs  circonstances  est  relative  à  la  complicité,  matière  difficile  et  im- 
portante, par  laquelle  nous  commencerons  la  prochaine  leçon,  qui  y  sera  en- 
tièrement consacrée. 


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158     ONZ.  LEÇ.  —  DBS  P1ER80NNE8  PUNIS8.,  BZGUS.  OU  RB6P0NS.  (N^  130). 

ONZIÈME  LEÇON. 

LIVRE  DEUXIÈME 

DES    PERSONNES   PUNISSABLES,    EXCUSABLES    OU   RESPONSABLES,    POUR 
GRIMES  OU   POUR  DÉLITS. 

130.  Nous  passons  au  livre  n,  dont  la  rubrique  assez  générale  fait  connaî- 
tre clairement  Tobjet.  Nous  cessons  de  considérer  Facte  en  lui-môme,  dans 
son  existence  pbysique  et  matérielle,  nous  examinons  l'agent  qui  Ta  produit, 
nous  étudions  les  diverses  circonstances  qui  constituent,  qui  atténuent,  ou 
môme  qui  effacent  toute  espèce  de  culpabilité.  Au  premier  rang  de  ces  circon- 
stances figure  la  complicité.  C'est  à  la  recherche  des  règles  de  cette  matière,  c'est 
à  leur  examen  que  sont  consacrés  les  art.  59  et  60,  articles  importants  qui  né- 
cessitent de  longs  détails,  et  auxquels  ne  suffira  pas  notre  leçon  d'aujourd'hui  : 
nous  nous  occuperons  spécialement  des  art.  59  et  60. 

Qu'est-ce  en  général  que  la  complicité  ?  Le  premier  sens,  la  première  idée 
qui  s'attache  à  ce  mot,  c'est  celle  du  concours  de  plusieurs  personnes  rassem- 
blées pour  agir  de  concert  dans  un  but  coupable,  pour  commettre,  avec  une 
participation  plus  ou  moins  simultanée,  un  acte  que  la  loi  qualifie  crime  ou 
délit.  Toutefois,  cette  idée  générale  du  mot  de  complicité  manque  d'exacti- 
tude. Ce  mot  présente,  dans  le  système  de  nos  lois  pénales,  un  sens  plus 
technique,  un  sens  plus  rigoureux  qu'il  importe  de  bien  préciser,  de  bien 
définir. 

£n  efiet,  il  ne  faut  pas  croire  qu'il  y  ait  complicité  dans  l'acception  bien 
exacte  du  mot,  dans  le  sens  technique  que  va  lui  donner  l'art.  60,  toutes  les 
fois  qu'il  y  a  concours,  réunion  de  plusieurs  personnes,  de  plusieurs  volontés 
pour  Taccompiissement  d'un  acte  coupable.  Par  exemple,  deux  individus,  unis 
ensemble,  sont  entrés  dans  une  maison  habitée,  ils  ont  brisé  un  coffre,  un  se- 
crétaire, ils  ont  volé  ensemble.  Dira-t-on  que  dans  ce  cas  il  y  a  vol  commis  de 
complicité?  On  pourra  le  dire  sans  doute,  dans  l'acception  vulgaire  et  usuelle 
du  mot  ;  mais  dans  ce  cas  il  n'y  a  pas  de  complicité  proprement  dite  ;  des 
deux  coupables  dont  nous  venons  d'indiquer  l'acte,  il  n'y  en  a  aucun  qui 
soit,  à  vrai  dire,  le  complice  de  l'autre.  U  n'y  a  pas  d'un  côté  un  auteur  prin- 
cipal, et  de  l'autre  un  auteur  secondaire,  accessoire;  tous  deux  sont  vo- 
leurs, tous  deux  sont  coauteurs,  codélinquants;  il  n'y  a  pas  là  de  véritable 
complicité. 

Ainsi,  autre  chose  est,  en  droit  pénal,  la  qualité  de  complice,  dans  le  sens 
technique  du  mot,  autre  chose  est  la  qualité  de  codélinquant  ou  de  coauteur. 
La  différence  est  sensible,  elle  résulte  directement  du  texte  môme  des  art.  59 
et  60.  Dans  l'espèce  que  je  viens  de  poser,  il  est  clair  que,  pour  punir  les  deux 
individus  qui  se  sont  rendus  en  môme  temps  coupables  de  vol,  il  n'y  a  pas 
besoin  d'article  spécial,  il  n'y  a  pas  besoin  d'avoir  recours  à  un  système  de 

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DB  LA  COMPLICITÉ  (aRT.   59-^0).  159 

complicité;  cbacun  d'eux  est  Toleor^  à  chacun  des  deux  s'appliquera^  lelon  la 
nature  du  fait,  la  peine  établie  pour  le  \oi  par  les  art.  381,  382  et  stÛTants. 
En  on  mot^  chacun  tombe  ici,  par  la  nature  môme  de  son  fait,  sous  l'empire 
de  la  loi  qui  punit  le  vol,  sans  qu'on  ait  besoin,  pour  la  lui  appliquer,  d'aucun 
détour,  d'aucune  assimilation,  d'aucune  définition  de  complicité. 

La  théorie  de  la  complicité  est  donc  parfaitement  inutile  à  l'égard  des  indi- 
vidus qui,  réellement  et  par  eux-mêmes,  ont  pris  une  part  directe  à  1  action 
qu'il  s'agit  de  punir^  ils  sont  coauteurs.  C'est  ce  que  suppose  l'art.  60,  qui, 
définissant  daus  ses  trois  paragraphes  divers  cas  de  complicité,  vous  parle 
dans  son  §  3,  par  exemple,  de  ceux  qui  auront  avec  connaissance,  aidé  ou  assisté 
Fauteur  ou  les  auteurs  de  raction,  La  loi  distingue  donc  très-formellement  le 
complice  d'avec  Tauteur,  puisqu'elle  suppose  qu'une  action  peut  avoir  plu- 
sieurs auteurs,  peut  avoir  été  faite  simultanément  par  plusieurs  personnes, 
sans  qu'il  y  ait  là  complicité.  En  d'autres  termes,  lors  môme  qu'un  vol  ou  un 
autre  crime  a  été  commis  simultanément  par  plusieurs,  il  y  a  là  des  auteurs, 
des  coauteurs,  des  codéJinquants,  il  n'y  a  pas  encore  de  complices,  sans  quoi 
ces  mots  du  g  3  seraient  absolument  vides  de  sens.  Vous  retrouverez  le  môme 
langage  dans  Tart.  59  :  Les  complices  d'un  crime  ou  d'un  délit  seront  punis  de  la 
même  peine  que  les  auteurs. 

En  un  mot,  la  pluralité  d'auteurs  n'entraîne  pas,  ne  nécessite  pas  la  com- 
plicité. Plusieurs  exemples  rendront  ceci  fort  sensible  ;  et  il  imp<orte,  en  effet, 
de  distinguer  quelquefois  dans  la  pratique  le  cas  de  coauteurs  ou  de  codélin- 
quants  du  cas  de  complices  ;  préparons  donc  à  l'avance  les  éléments  de  cette 
distinction.  Je  citais  tout  à  l'heure  l'exemple  du  vol  ;  d'autres  crimes  peuvent 
vous  présenter  le  même  caractère. 

.Deux  individus  d'accord  entre  eux  en  ont  assailli,  renversé,  frappé,  tué 
ensemble  un  troisième;  il  est  clair  que,  dans  ce  cas,  des  deux  assaillants,  des 
deux  meurtriers,  aucun  n'est  le  complice  de  l'autre  ;  chacun  d'eux  est  meur- 
trier, chacun  d'eux  est  assassin.  On  n'a  pas  besoin,  pour  les  punir,  des  art.  59 
et  60,  on  leur  applique  directement  la  peine  de  l'assassinat  ou  du  meurtre, 
aux  termes  des  art.  302  et  304. 

De  môme,  un  seul  a  blessé,  a  frappé,  a  porté  les  coups;  mais  l'autre  avait 
renversé  et  tenu  immobile  la  personne  qu'il  s'agissait  de  frapper.  Le  second 
n'est  pas  encore  ici  le  complice  du  premier  ;  tous  deux  sont  coauteurs,  co- 
meurtriers,  coassassins,  tous  deux  ont  pris  une  part  directe,  active,  immédiate 
à  la  perpétration  du  crime  accompli. 

De  môme  encore,  en  cas  de  brigandage  à  main  armée,  vous  supposerez  une 
voiture  arrêtée  ;  parmi  les  brigands,  les  uns  arrêtant  les  chevaux,  arrêtant  le 
postillon,  d'autres  les  voyageurs,  d'autres  fouillant  et  volant.  11  est  clair  que, 
quel  que  soit  le  nombre  des  codélinquants,  quelle  que  soit  la  diver;5ité  des 
actes  de  chacun,  il  y  a  concours,  concert,  action  simultanée  de  tous,  dans  un 
but  commun,  le  vol  de  vive  force,  le  brigandage  proprement  dit  :  ils  ne  sont 
pas  de  véritables  complices.  ' 

Vous  pouvez  donc  déjà  comprendre  que  le  mot  de  complicité,  qui  jusqu'ici 
n'est  connu  pour  nous  que  négativement,  suppose  bien  une  participation  à 
l'acte,  au  crime,  au  délit  accompli,  mais  une  participation  éloignée,  détournée, 
médiate,  indirecte  seulement.  Jusqu'à  quel  point  et  dans  quel  cas  des  actes 

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!60   ONZ.  LEÇ.  —  DBS  PERSONNES  PDNI8S.,  EXCUS.  OU  RE6P0NS.  (n*  132). 

indirects,  des  actes  détournés  seraient-ils  punis  comme  constituant  la  com- 
plicité? C'est  là  ce  que  les  art.  60.  61  et  62  ont  pour  but  de  faire  connaître. 

131.  Avant  d'entrer  dans  les  détails  de  l'art.  60,  le  principal,  le  plus  im- 
portant de  tous  pour  la  définition  de  la  complicité,  remarquons  que,  parmi  les 
circonstances  fort  nombreuses  énumérées  par  la  loi  comme  constituant  la 
complicité,  on  peut  compter  trois  espèces  d'actes  bien  distincts.  La  complicité 
résulte  tantôt  d'actes  antérieurs  au  crime  ou  délit  accompli,  c*est  ce  qui  a  lieu 
notamment  dans  les§§  i  et  2  de  Tart.  60.  Elle  peut  résulter  d'actes  simultanés^ 
d'actes  concomitants  avec  le  crime  ou  le  délit  accompli,  c'est  ce  qui  a  lieu  dans 
un  au  moins  des  cas  du  troisième  paragraphe  de  Tart.  60.  Enfin  elle  peut 
résulter,  au  moins  d'après  la  loi,  car  la  chose  est  bizarre  au  premier  aspect^ 
elle  peut  résulter  d*actes  postérieurs  au  crime  ou  délit  accompli.  La  loi  admet, 
je  ne  me  charge  pas  de  la  justifier  logiquement,  que  l'on  peut  après  coup, 
par  des  actes  postérieurs,  se  rendre  complice  d'un  crime  qui  était  déjà  entiè- 
rement accompli  ;  tel  est  le  cas  de  l'art.  62,  tel  parait  être  môme  l'une  des 
hypothèses  du  §  8  de  Tart.  60.  Ainsi^  des  actes  antérieurs,  des  actes  simul- 
tanés^ des  actes  même  postérieurs,  peuvent  dans  divers  cas  et  sous  les  dis- 
tinctions qui  vont  suivre,  constituer  d'après  la  loi  des  éléments  de  complicité. 

L'art.  60  et  ceux  qui  le  suivent  sont,  comme  je  l'ai  dit,  des  articles  de  dé- 
finition ;  ils  tendent  à  vous  faire  connaître  quel  est  le  sens  technique,  le  sens 
légal  du  mot  de  complicité.  En  général,  les  définitions  sont  parfaitement  libres, 
et  le  mot  de  complicité,  pris  en  lui-même,  est  une  expression  assez  vague 
pour  que  le  législateur  puisse^  à  sa  volonté,  y  comprendre  où  en  exclure  des 
&its  sur  le  caractère  desquels  on  pourrait  rester  dans  le  doute  sans  la  défini- 
tion de  la  loi.  Mais  il  faut  songer  qu'ici,  bien  que  Tart.  60  ne  soit  qu'un  article 
de  pure  définition,  il  n'en  est  pourtant  pas  des  définitions  pénales  comme  des 
définitions  de  conversation  ou  de  grammaire;  il  faut  songer  qu'à  la  suite  de 
ces  définitions,  bien  ou  mal  faites  par  les  art.  60,  61  et  62,  devront  ndtre  et 
s'appliquer  de  sérieuses  pénalités.  Par  conséquent,  en  étudiant  dans  ces  trois 
articles  les  divers  sens,  les  acceptions  fort  larges  que  le  législateur  a  données 
au  mot  de  complicité,  nous  ne  devons  pas  perdre  de  vue  le  résultat,  la  consé- 
quence de  cette  latitude  d'acception,  nous  ne  devons  pas  perdre  de  vue  qu'à 
ohacune  de  ces  acceptions  est  attachée  une  peine  dont  la  gravité  varie  selon 
les  cas.  Ainsi,  je  ne  dis  pas  pour  bien  comprendre,  mais  au  moins  pour  bien 
juger  le  mérite  des  dispositions  des  trois  paragraphes  de  l'art.  60,  il  faut  avant 
tout  connaître  les  résultats,  les  conséquences  de  la  complicité.  En  d'autres 
termes,  l'art.  59,  qui  vous  indique  la  conséquence  de  toute  complicité,  et 
l'art.  60,  qui  définit  la  complicité,  ne  peuvent  pas  s'expliquer,  se  juger  sépa- 
rément l'un  de  l'autre.  Pour  savoir  si  la  gravité  des  peines  dont  l'art.  50  frappe 
le  complice  est  bien  raisonnable,  il  faut  savoir  ce  que  c'est  qu'un  complice,  et 
l'art.  60  nous  le  dit;  et,  d'autre  part,  pour  savoir  si  l'art.  60  n'a  pas  été  trop 
loin  dans  sa  définition  des  complices,  il  ne  faut  point  oublier  la  gravité  de  la 
peine  dont  le  complice  est  puni  par  l'art.  59.  Cette  corrélation  une  fois  établie, 
voyons  d'abord  la  disposition,  et  déternûnons  le  véritable  sens  de  l'art.  59. 

189.  «  AaT.  59.  Les  complices  d'un  crime  ou  d'un  délit  seront  punis  de  la  môme 

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DE  LA  COMPLICITÉ  (aRT.  50).  161 

peine  que  Jee  auteurs  Bièiaee  de  ce  crime  oa  de  ce  délit,  aenf  les  cas  où  la  loi  en 
aurait  disposé  autrement.  » 

U  est  clair,  d'après  le  texte  de  cet  article,  que,  pour  appliquer  les  pénalités 

.  qui  en  résultent  implieitement,  il  faut  qu'il  y  ait  en  un  crime,  qu'il  y  ait  eu  un 

délit  réellement  commis.  Ainsi,  supposez  une  personne  ayant  accompli  l'un 

des  actes  de  complicité  définis  par  l'art  60,  par  exemple,  ayant  provoqué  par 

dons»  par  promesses,  par  menaœs,  à  Tacoomplissement  d'un  crime;  ce  crime 

lui  était  promis,  mais  cependant  il  n'a  pas  été  commis,  pourra-ton  alors, 

attendu  que  les  fiaits  prévus  par  l'art.  69  se  rencontrent,  attendu  qu'il  y  a  eu 

des  dons,  des  promesses,  des  menaces  tendant  à  déterminer  au  crime,  pourra- 

tron  appliquer  à  Tauteur  de  ces  dons,  de  ces  promesses,  de  ces  menaces,  la 

peine  qu'il  eût  encourue  si  le  crime  avait  été  commis?  Non.  La  loi  punit  le 

complice  d'une  action,  c'est-à-dire  d'une  action  réellement  accomplie;  elle  le 

punit  de  la  même  peine  que  l'auteur  de  cette  action;  elle  suppose  donc  qu'il 

y  a  en  perpétration^  exécution,  accomplissement  véritable.  La  preuve  en  ré-* 

suke,  d'ailleurs,  encore  plus  clairement  des  derniers  mots  de  l'art.  60;  après 

ses  définitions  de  la  complicité,  qui  toutes  supposent  un  crime  ou  un  délit 

réellement  accompli,  cet  article  ajoute  :  t  Sans  préjudice  des  peines  qui  seront 

spécialement  portées  par  le  présent  Gode  contre  les  auteurs  de  complots  ou  de 

provocations  attentatoires  à  la  sûreté  intérieure  ou  extérieure  de  l'État,  mémb 

Dans  LB  CAS  ou  LH  CaniB  qui  AtAIT  l'OBJBT  DBS  CONSPimÀTBURS  ou  DBS  raovoGA- 

TBUA8  n'auaa  pas  ÉTé  COMMIS.  »  Il  résultc  donc  clairement  de  ces  derniers  mots, 
qu'en  général,  et  sauf  la  nature  du  crime  à  laquelle  ils  sont  relatifs,  pour 
appliquer  l'art.  59  à  l'auteur  d'un  fait  de  comfdicité  défini  par  l'art.  60,  il  faut 
qne  l'acte  coupable  ait  été  accompli,  exécuté,  il  faut  qu'il  y  ait  l'auteur  d'un 
crime  on  d'un  délit. 

Au  reste,  ceci  doit  se  modifier  par  la  disposition  générale  de  l'art.  2.  Vous 
aTCz  vu  que  la  tentative  de  crime,  interrompue  par  des  circonstances  étran- 
gères à  la  volonté  de  son  auteur,  était  réputée  le  crime  même;  donc  si,  en 
vertu  des  promesses  ou  des  menaces  dont  parle  l'art.  60,  un  crime  a  été  tenté, 
et  que  l'exécution  n'en  ait  été  interrompue  que  par  un  cas  fortuit,  le  crime 
n^est  pas  accompli,  mais  il  est  réputé  tel  aux  termes  de  l'art.  2.  Le  complice 
est  donc  punissable  comme  l'auteur  principal  l'est  lui-même. 

Premier  point  Pour  appliquer  les  peines  résaltant  de  la  complicité  aux 
termes  des  art.  59  et  60,  la  première  condition,  c'est  que  le  crime  ou  le  délit 
ait  été  réellement  accompli,  ou  qu'au  moins  il  soit  réputé  tel  aux  termes  de 
l'art.  %  pour  les  crimes,  et  de  l'art.  3  pour  les  délits,  en  vertu  d'une  tentative 
à  laquelle  son  auteur  n'a  pas  renoncé  volontairement. 

Igft.  Second  point.  Les  complices,  dit  Tart.  59,  cftin  crime  ou  cPun  délit  seront 
punis  de  la  même  peine  que  les  auteurs  mêmes  de  ce  crime  ou  de  ce  délit.  Delà  même 
peine,  c'est-à-dire  de  la  même  peine  de  droit,  mais  non  pas  nécessairement 
d'une  peine  égale  ou  de  la  même  peine  de  lait.  Ainsi,  dans  tous  les  cas  où  la 
loi  laisse  aux  cours  d'assises  ou  aux  tribunaux  le  choix,  la  latitude  entre  un 
mMmum  et  un  mawimum,  ce  n'est  pas  violer  l'art.  59  que  d'appliquer,  par 
exemple,le  maximum  à  l'auteur  principal  et  le  minimum  an  complice;  ou  même, 

ï-  DigitizedbyCnOëgle 


162     ONZ.  LEÇ.  -*  DES  PBRSONKES  PDNISS.,  BZCU8.  OC  RJBSPONB.  (n«  134). 

réciproquement,  le  maximum  au  complice  et  le  minimtun  à  l'auteur  princi* 
pal.  De  la  même  peine,  c'est  ici  la  môme  peine  de  droit  du  môme  article  de  loi, 
parce  que  Tart.  59  regarde  le  complice  comme  ayant  lui-môme  commis  le  fait 
qu'il  a  aidé,  encouragé,  facilité. 

De  môme,  supposez  que  Tautear  principal,  déclaré  coupaUe  par  le  jury,  soit 
néanmoins  dans  un  des  cas  d'excuse  autorisés  par  le  CSode  pend,  par  exemple» 
dans  le  cas  de  l'art.  324,  §  2,  qui  déclare  excusable  le  meurtre  du  mari  sur  la 
femme,  en  cas  de  flagrant  délit  d'adultère  dans  la  maison  conjagale.  Ici  il  y  a 
uniaitd*excuse  déclaré  par  le  jury  en  faveur  de  Fauteur  principal;  ce  fait 
d'excuse,  qui  a  pour  effet  d'atténuer,  dans  une  proportion  très-forte,  la  gravité 
de  la  peine  encourue,  ce  fait  d'excuse  profitera-t-il  au  complice?  Non,  certes. 
Le  complice,  qui  n'a  pas  pour  lui  la  circonstance  toute  personnelle  qui  tend 
ici  à  excuser  le  meurtre,  sera  puni  comme  le  complice,  et  par  conséquent 
comme  l'auteur  d'un  meurtre  ordinaire. 

De  môme  encore,  supposez  que  le  jury  ait  déclaré,  en  faveur  de  Tauteur  prin- 
cipal, les  circonstances  atténuantes  de  l'art  463,  cette  déclaration  fait  décroî- 
tre la  peine;  mais  cette  décroissance,  fondée  sur  des  considérations  toutes  par- 
ticulières, tontes  personnelles  à  l'auteur  principal,  ne  profitera  point  au 
complice. 

En  un  mot,  de  la  même  peine,  c'est  la  môme  peine  légale,  c'est  la  môme  peine 
de  droit,  c'est  celle  de  l'article  du  Cîode  pénal  qai  a  pour  but  de  punir  tel  fait, 
tel  meurtre,  tel  vol,  abstraction  faite  des  circonstances  personnelles  qui  peuvent  ^ 
modifier  cette  pénalité. 

184.  Enfin,  troisième  remarque  :  Sur  l'art.  59,  j'ai  dit  tout  à  l'heure  que, 
pour  appliquer  cet  article,  ponr  punir  le  complice  de  la  môme  peine  que  Fau- 
teur principal,  il  fallait  qu'il  y  eût  ou  un  crime  ou  un  délit  commis,  ou  au 
moins  réputé  tel  aux  termes  des  art.  2  ponr  les  crimes  et  3  pour  les  délits  ; 
faut-il  conclure  de  là  qu'il  n'y  a  lieu  &  condamner  le  complice  qu'autant  qu'il 
y  a  condamnation,  déclaration  de  culpabilité  à  l'égard  de  Fauteur  principal  ?  et, 
par  exemple,  faat-il  en  conclure  que,  si  la  mort  de  Fauteur  principal  a  r«idu 
toutes  poursuites  criminelles  impossibles  à  son  égard,  elles  deviennent  par  là 
môme  impossibles  à  Fégard  du  complice?  faut-il  en  conclure  que,  si  la  déck* 
ration  du  jury  a  été  négative  à  Fégard  de  Fauteur  principal,  affirmative  à 
Fégard  du  complice,  il  y  ait  contradiction,  opposition  entre  ces  deux  réponses, 
et  que  Faoquittement  de  l'accusé  principal  entraîne  nécessairement  Facquitte- 
ment  du  complice?  Non.  La  mort  de  Fauteur  principal  n'empôche  ni  les  pour- 
suites ni  la  peine  méritée  par  le  complice;  l'acquittement  môme  de  Fauteur 
principal  n'entraîne  pas  l'acquittement  du  complice.  Arrôtons-nous  sur  ces  deux 
points.  Le  premier,  au  reste,  ne  présente  pas  de  difficultés  au  premier  aspect. 

La  mort  de  Fauteur  principal  empoche  contre  lui  la  possibilité  de  toutes 
poursuites  criminelles  ;  mais  il  n'y  a  pas  de  raison,  ni  en  fait  ni  en  droit,  pour 
que  celte  mort  empoche  de  poursuivre  le  complice.  La  loi  dit  que  le  complice 
sera  puni  de  la  même  peine  que  l'auteur  principal,  c'est-à-dire  évidemment 
de  la  peine  encourue,  de  la  peine  méritée  par  l'auteur  principal  ;  que  si  la 
mort^Fa  soustrait,  Fa  dérobé  à  cette  peine,  il  n'y  a  aucune  raison  pour  qu'elle 
y  dérobe  le  complice. 


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DB  LA  COMPLICITÉ  (aRT.    59).  163 

Quasi  aa  second  point,  on  ne  conçoit  gaère,  an  premier  aspect,  qu'an  jary,- 
consulté  sur  la  culpabilité  de  Tauteur  principal,  réponde  négativement,  puis 
affirmativement  sur  les  accusés  de  complicité.  U  semble  que,  la  déclaration 
du  jury  sur  la  première  des  questions  établissant  légalement  la  non^exis-. 
tenoe  du  crime  ou  du  délit,  il  s'ensuive  nécessairement  qu'il  n'y  a  pas  de 
complicité  possible  d'après  le  premier  de  nos  principes.  Pour  lever  cette  contra- 
diction, qui  n'est  absolument  qu'apparente,  il  faut  remarquer  que  les  ques- 
tions posées  au  jury  ne  sont  plus,  sous  le  Gode  actuel,  comme  elles  l'étaient 
sous  les  lois  antérieures,  des  questions  essentiellement  simples,  mais  an  con- 
traire des  questions  complexes.  Ainsi,  dans  la  question  qu'on  pose,  et  qu'on 
doit  poser  maintenant  au  jury,  d'après  les  art.  337,  338,  339  et  340  du  Gode 
d'instruction  criminelle,  d*aprè8  l'art.  337  surtout,  la  question  est  celle-ci  : 
1  L'accusé  est-il  coupable  d'avoir  commis  tel  meurtre,  tel  vol  ou  tel  autre  crime 
avec  toutes  les  circonstances  comprises  dans  le  résumé  de  l'acte  d'accusation  T  » 
Or,  il  est  manifeste  qu'une  pareille  question  est  complexe  ;  qu'elle  en  renferme 
nécessairement  plusieurs.  Ainsi,  demandera  un  jury  si  tel  accusé  est  coupable 
de  tel  meurtre,  c'est  lui  demander  :  i^  Y  a-t^il  eu  un  homicide  commis  ;  le 
fait  physique,  matériel,  le  corps  du  délit  est-il  réel?  2^  cet  homicide  a-t-il  le 
caractère  de  meurtre,  a-t-il  été  commis  volontairement?  d^  cet  homicide  vo- 
lontairement commis,  ce  meurtre  a-t-il  été  commis  par  tel  individu?  i^  enfin, 
est-il  coupable  d'avoir  commis  ce  fait,  c*est^-dire  était-il  dans  ces  circonstan- 
ces de  lumière  d'esprit,  de  raison,  de  moralité,  dans  toutes  ces  conditions  i|^- 
térieures  qui  impriment  au  fait  matériel,  au  fait  physique,  la  condition  de  cul- 
pabilité légale?  Dans  cette  question,  même  dé^ée  de  toute  circonstance 
aggravante  proprement  dite,  il  y  en  a  donc  trois  ou  quatre  :  l'existence  maté- 
rielle du  fait  ;  la  volonté  qui  a  causé  ce  fait;  la  part  matérielle  de  raccusé 
dans  la  perpétration  de  ce  fait;  enfin  le  rôle  moral  de  sa  volonté  dans  tous  ces 
actes.  Or,  quand  le  jury,  ainsi  consulté  par  une  question  multiple  et  complexe, 
répond  :  <  Non,  l'accusé  n'est  pas  coupable,  »  nul  ne  peut  savoir  laquelle  de 
ces  questions  a  déterminé  la  réponse  négative;  nul  ne  peut  savoir  si  le  jury 
entend  dire,  non.  Il  n'y  a  pas  eu  d'homicide;  ou  bien,  il  y  a  eu  homicide, 
mais  non  point  volonté,  et  par  conséquent  il  n'y  a  pas  eu  meurtre;  ou  bien, 
il  y  a  eu  homicide,  homicide  volontaire,  il  y  a  eu  meurtre,  mais  il  n'est  pas 
démontré  que  l'accusé  en  soit  l'auteur  ou  bien,  enfin,  il  en  est  l'auteur,  mais 
il  n'était  pas  dans  des  circonstances,  dans  une  position,  dans  des  conditions 
de  telle  nature  qu'il  soit  possible  de  lui  imputer  moralement  et  légalement  le 
fait  qui  émane  de  lui.  Donc,  quand  le  jury,  ayant  répondu  négativement  sur 
le  premier  point  à  l'égard  de  l'auteur  principal,  répond  ensuite  affirmative-  • 
ment  sur  le  complice,  il  n'y  a  pas  incohérence,  contradiction,  contrariété 
dans  ses  réponses  :  Non,tel  n'est  pas  coupable  ;  oui,  tel  autre  est  coupable  d'à' 
voir,  par  dons,  promesses  ou  menaces,  déterminé  à  ce  fait.  Ge  sont  là  deux 
réponses  qui  se  concilient  parfaitement;  car  il  est  très-possible  que  le  jury 
regarde  comme  constant  l'accomplissement  du  fait,  son  caractère  criminel, 
mais  non  pas  l'imputation  physique  ou  morale  de  ce  fait  à  l'accusé  principal. 

Ainsi,  encore  bien  qu'il  n'y  ait  pas  possibilité  de  punir  comme  complice 
celui  qui  a  encouragé,  aidé,  facilité  des  projets  de  crime  qui  n'ont  pas  eu  de 
suite,  on  peut  très-bien  punir  comme  complice  c^ui  qui  a  encouragé,  aidé, 

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164     ONZ.  LBÇ.  —  DBS  PKRSONmS  PUmSS.,  BZGU8.  OU  RBSPONS.  (n*  135). 

assisté  on  individu  cependant  déclaré  non  conpaJble.  Car  la  déclaration  de  non 
coupable  n'indiqae  point  la  non-existence  du  fait. 

Si^  au  contraire,  notre  législation,  celle  du  Gode  de  Tan  lY,  exigeait 
qpHon  décomposât  dans  ses  éléments  les  plus  simples  la  question  à  soumettre 
au  jury,  s'il  fallait  lui  demander  :  1«  Tel  fait  est-il  constant?  2^  a*t-il  été  com- 
mis volontairement  ?  3<»  est-il  constant  que  Paul  en  soit  Fauteur?  et  ainsi  de 
suite;  il  est  clair  alors  que  la  question  posée  ne  pourrait  pas  s'élever;  que,  si 
le  jury  répondait  négativement  à  la  première  de  ces  questions  :  Non,  le  fait 
n*estpa8Constant|  il  serait  impossible  de  répondre  ensuite,  sans  contradiction, 
affirmativement  quant  au  complice. 

Ainsi,  le  système  de  nos  questions  complexes,  le  sens  toujours  incertain  de 
la  réponse  du  jury  alors  qu'elle  est  négative,  empêche  qu'il  y  ait  contradic- 
tion  entre  la  déclaration  de  rianocence  de  Taccusé  principal  et  la  déclaration 
de  la  culpabilité  du  complice. 

J'arrive  à  une  remarque  sur  les  derniers  mots  de  Fart.  59  :  Sauf  les  cas  où 
la  loi  m  aurait  disposé  autrement.  Vous  trouverez,  en  effet,  à  ce  principe  d'iden- 
tité de  peine  entre  le  complice  et  l'auteur  principal,  des  exceptions  dans 
les  art  63,  67,  138,  144  et  quelques  autres  d'assez  peu  d'importance  ; 
les  deux  premiers  sont  les  plus  remarquables.  Joignez-y  môme  les  arti* 
des  241  et  245  combinés  où  le  complice  est  puni  plus  gravement  que  l'auteur 
principal. 

186.  «  Aax.  60.  Seront  punis  comme  complices  d'une  action  qualifiée  crime 
ou  délit,  ceux  qui,  par  dons,  promesses,  menaces,  abus  d'autorité  ou  de  pouvoir, 
machinations  ou  artifices  coupables,  auront  provoqué  à  cette  action,  ou  donné  des 
instructions  pour  la  commettre;  —  Ceux  qui  auront  procuré  des  armes,  des  ins- 
truments, ou  tout  autre  moyen  qui  aura  servi  à  raction,  sachant  qu'ils  devraient 
y  servir;  —Ceux  qui  auront,  avec  connaissance,  aidé  ou  assisté  l'auteur  ou  les 
auteurs  dans  les  faits  qui  l'auront  préparée  ou  facilitée,  ou  dans  ceux  qui  l'auront 
consommée  ;  sans  préjudice  des  peines  qui  seront  spécialement  poi^s  par  le  pré- 
sent Ck>de  contre  les  auteurs  de  complots  ou  de  provocations  attentatoires  à  la 
sûreté  intérieure  ou  extérieure^de  l'État»  même  dans  le  cas  où  le  crime  qui  était 
l'objet  des  con^irateurs  ou  des  provocateurs  n'aurait  pas  été  commis.  » 

Les  caractères  de  la  définition  de  la  complicité  énumérés  dans  l'art.  60  pa- 
raissent avoir  été  puisés,  au  moins  indirectement,  dans  les  textes  du  droit 
romain.  £n  effet,  en  rapprochant  cet  art.  60  du  §  11  du  titre  I*'  du  livre  IV  des 
institutes',  vous  trouverez  la  plus  complète  analogie,  la  plus  complète  identité, 
entre  les  caractères  déterminés  des  deux  côtés.  Toutefois,  sans  examiner  ici  le 
mérite  ou  les  vices  de  la  législation  pénale  romaine,  je  ferai  remarquer  que, 
puiser  dans  les  définitions  de  ce  §  11  les  éléments  de  la  complicité,  c'est  puiser 
à  une  source  très-peu  sûre,  attendu  que  le§  11  est  relatif  à  l'action  du  vol, 
donnée  non-seulement  contre  le  voleur,  mais  contre  celui  qui,  par  ses  dons, 
ses  promesses,  ses  inatructions,  par  les  armes  ou  par  les  instruments  qu'il  a 
fournis  au  voleur,  s'est  constitué  son  complice.  On  comprend  aisément  cette  as- 
similation dans  les  textes  de  la  loi  romaine,  là  où  il  s'agit  d'un  vol  et  d'une 
action  de  vol,  c'està-dire  d'une  action  pécuniaire  qui  s'élève  tantôt  au  double, 
tantôt  au  quadruple  de  la  yaleur  de  l'objet  volé.  Mais  si  l'assimilation  peut  pa- 

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DK  LA  coupLîort  (aut.  «0).  165 

raiire  exacte  entre  le  complice  et  le  voleur,  là  où  il  ne  s'agit  qne  d'une  indem- 
nité pécuniaire,  peut-être  la  généralisation  de  cette  idée,  de  cette  assimilation, 
sera-t-elle  moins  tatisfiûsante  quand  it  s'agira,  non  plus  seulement  du  vol  et 
d'une  indemnité  pécuniaire^  mais  de  toute  espèce  de  crime,  de  toute  espèce  de 
délit,  et  surtout  de  l'application  de  peines  proprement  dites,  et  de  peines  fort 
graves.  Le  défiiut  deviendra  surtout  sensible  dans  le  cas  des  art.  62  et  63,  dans 
le  cas  de  cette  complicité  exorbitante,  admise  par  la  loi  française,  complicité 
qui  peut  même  se  constituer,  qui  peut  se  composer  d'actes  postérieurs  à  la 
perpétration  du  crime  ou  du  délit. 

156.  Remarquez  d'abord,  sur  le  §  1*%  que,  toutes  les  fois  qu'une  question 
de  complicité  est  portée  devant  une  cour  d'assises,  le  jury  ne  peut  point  être 
interrogé  avec  cette  expression  insignifiante  et  équivoque  :  Un  tel  est-il  com- 
plice t  A  une  question  ainsi  posée^  la  déclaration,  même  affirmative,  serait 
absolument  nulle,  et  ne  pourrait  emporter  l'application  d'aucune  peine.  Il 
faut  demander  au  jury  :  Un  tel  a-t-il,  par  dons,  ou  par  promesses,  ou  par  me- 
naces, etc.,  provoqué  à  telle  action?  Je  n'entends  pas  qu'il  faille  cumuler  toutes 
ees  expressions  de  la  loi;  selon  que  la  complicité  aura  paru  résulter  ou  de  dons 
on  de  promesses^  ou  de  menaces,  ou  de  toute  autre  circonstance,  c'est  sur  œ 
fait  sp^ial  que  la  déclaration  du  jury  devra  être  provoquée.  Autrement,  une 
réponse  affirmative  à  cette  question  générale  :  Un  tel  est-il  complice  t  laisse- 
rait tout  à  fait  incertain  le  point  de  savoir  si  le  jury  a  entendu  le  mot  de  com- 
plice dans  le  même  sens  que  la  loi  l'entend,  laisserait  incertain  le  point  de 
savoir  quels  caractères  de  complicité  il  a  découverts,  ou  a  cru  découvrir  dans 
la  personne  ainsi  frappée.  C'est  donc  dans  les  circonstances,  c'est  dans  les  dé- 
finitions indiquées  dans  l'art.  60,  que  doit  être  puisée  la  rédaction  de  la  ques- 
tion de  complicité  soumise  par  la  cour  d'assises  au  jury. 

157.  Vous  remarquerez,  en  second  lieu,  qu'il  résulte  de  Tensemble  de  ce 
premier  paragraphe,  qu'un  conseil,  une  instigation,  une  exhortation,  si  vive 
et  si  pressante  qu'elle  soit,  à  l'accomplissement  d'un  acte  coupable,  n'est  pas 
dans  le  sens  légal  un  acte  de  complicité;  il  faut  qu'à  ces  exhortations,  à  ces 
instigations  morales,  fort  coupables  sans  doute,  viennent  s'ajouter  les  dons,  les 
promesses  ou  les  menaces,  ou  les  abus  d'autorité  dont  parle  l'art.  60. 

Il  est  pourtant  une  exception  à  cette  règle;  il  est  un  cas,  ou  plutêt  il  est 
quelques  cas,  mais  rentrant  tous  dans  la  même  idée,  il  est  des  cas  dans  le  Gode 
pénal  où  la  simple  instigation,  ot  la  simple  provocation  suffit  pour  constituer, 
sinon  la  complicité  proprement  dite,  au  moins  des  faits  tout  à  fait  anologues 
et  des  peines  tout  à  fait  identiques.  Vous  les  trouvez  dans  les  art.  202,  203, 
205  et  206  du  Gode  pénal,  et  vous  remarquerez  que,  dans  ces  quatre  articles 
où  il  s'agit  de  certaines  provocations  verbales  ou  écrites  adressées  par  des  mi- 
nistres du.culte  à  une  masse  de  citoyens,  on  sort  du  droit  commun  non-seule- 
ment en  qualifiant,  en  punissant  comme  complicité  des  provocations  oue  ni 
dons,  ni  promesses  ni  menaces  n'ont  accompagnés,  mais  aussi  en  punissant 
ces  provocations  de  peines  plus  ou  moins  sévères,  alors  même  que  les  actes  en 
vue  desquels  elles  ont  été  faites  n'ont  été  ni  accomplis  ni  tentés.  Ainsi,  r 
un  double  rapport,  les  art.  202  et  205  s'écartent  du  droit  commun  des  ar 

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166  ONZ.  LEÇ.  — *  DBS  PBRS0VNB8  PUNIS8.,  EZGUS.  OU  RBSPONS.  (m*  138). 

et  60.  An  reste,  il  n'y  a  pas,  à  proprement  parler,  contradiction  avec  Fart.  59, 
en  ce  <iae  la  provocation,  non  suivie  d'effet,  déclarée  punissable  par  les  art. 
202  et  205,  n'est  cependant  pas  punissable  comme  l'auraient  été  les  actes  qu'elle 
avait  pour  but  de  préparer  ou  de  faciliter. 

138.  Une  autre  remarque  plus  importante  sur  l'art.  60,  mais  qui  est  de 
pure  théorie,  est  relative  à  l'extrême  généralité  de  cet  article.  Vous  voyez  qu'on 
enferme  ici,  sous  une  définition  commune,  un  fort  grand  nombre  de  caractères 
constitutifs  de  la  complicité.  La  loi  française,  voulant  éviter  des  distinctions 
généralement  admises  par  les  législations  étrangères,  n'a  pas  établi  de  nuances, 
de  degrés,  de  classifications  dans  les  diverses  espèces  de  complicité.  Il  est  ce- 
pendant difficile  de  méconnaître  que  dans  le  cercle  du  premier  paragraphe  se 
trouvent  encadrés  un  assez  grand  nombre  de  faits  que  l'art.  59  va  punir  et 
frapper  de  la  même  peine,  encore  bien  que  ces  faits,  comparés  l'un  avec 
l'autre,  ne  présententni  le  même  péril  social  ni  la  même  immoralité.' 

Ainsi,  on  distingue  parfois  la  complicité  en  ce  sens  qu'elle  est  plus  ou  moins 
directe,  ou  au  contraire  plus  ou  moins  secondaire,  plus  on  moins  médiate, 
qu'elle  a  exercé  sur  la  perpétration  du  crime  une  influence  plus  ou  moins 
puissante.  Cette  différence  est  réelle,  et  peut^tre  la  loi  eût-elle  dû  ne  pas  la 
méconnaître.  Par  exemple,  la  provocation  lente,  préméditée,  celle  qui  a  fait 
naître  la  première  pensée  du  crime  dans  l'esprit  de  celui  qui  s'en  est  ensuite 
rendu  coupable,  la  provocation  qui  l'a  déterminé,  encouragé  par  des  dons  ou 
des  promesses,  qui  a  combattu  tous  ses  doutes,  résolu  ses  objections,  vaincu 
son  irrésolution,  peut-elle  être  raisonnablement  comparée  et  assimilée  à  un 
encouragement  donné  dans  un  moment  de  dépit,  de  colère,  à  l'exécution  d'un 
crime  déjà  résolu  et  au  moment  de  s'accomplir  ?  Les  deux  j^ovocateurs  sont 
assurément  coupables;  mais  cependant  il  est  vrai  de  dire  que,  sans  le  second, 
sans  l'encouragement,  sans  la  promesse,  sans  les  renseignements  qu'il  a  donnés, 
le  crime  déjà  médité,  déjà  résolu,  n'en  fût  pas  moins,  sans  doute,  arrivé  à  aon 
but;  que,  sans  le  premier,  au  contraire, il  est  certain  que  le  crime  n'aurait  pas 
été  commis.  L'assimilation  du  second  provocateur  avec  le  coupable  lui-même 
est  évidemment  trop  sévère  ;  l'assimilation  du  premier  n'est  au  contraire  rien 
que  de  raisonnable. 

On  a  eu  tort  peut-être,  pour  éviter  des  distinctions  de  pratique  quelquefois 
embarrassantes,  de  comprendre  dans  la  généralité  d'une  définition  commune 
des  cas  de  complicité,  d'instructions,  d'encouragements,  de  promesses  qui  dif- 
fèrent essentiellement  et  profondément  les  uns  des  autres. 

Les  mêmes  observations  peuvent  également  s'appliquer,  et  n'ont  pas  besoin 
d'être  renouvelées  en  détail,  sur  les  cas  de  complicité  indiqués  au  §  2.  Ce  para- 
graphe suppose  également  des  circonstances  de  complicité  résultant  des  faits 
antérieurs  à  Taccomplissement  de  l'acte  coupable.  C'est  encore  un  des  cas 
que  vous  trouvez  indiqués  dans  le  §  4,  déjà  cité  des  Institutes  :  ici  on  déclare 
complices,  et  punissables  comme  tels,  ceux  qui  auront  procuré  des  armes,  des 
instruments  ou  tout  autre  moyen  qui  aura  senH  à  Paction,  sacfiant  quHls  devaient 
y  servir. 

Ajoutez  à  notre  paragraphe  l'art.  341,  qui,  pour  un  cas  particulier  où  son 
application  pouvait  sembler  un  peu  douteuse,  Ta  expressément  confirmée.  Il 

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DB  LA  COlCPUGlTft  (aRT.  60).  167 

ft*agit»  dans  l'art.  341,  du  crime  de  déteolion  on  de  eéquestratioa  arbitraire;  on 
panit  des  travaux  fbrcéa  à  temps  celai  qui  a  commis  ce  crime,  et  ou  ajoute 
dans  le  §  2  que  la  même  peine  s'appliquera  à  celui  qui  aura  prêté  le  lieu  de 
détention  ou  de  séquestration.  Vous  voyez  que  l'idée  est  tout  à  foit  analogue 
à  oelle  du  §  2  de  l'art.  60. 

169.  Le  troisième  paragraphe,  au  contraire,  embrasse  dans  sa  définition  de 
complicité  des  actes  dont  les  uns  paraissent  être  antérieurs,  dont  les  autres 
sont  certainement  concomitants,  et  dont  les  derniers  enfin  paraissent  être 
postérieurs  à  raccompUssement  du  crime  ou  du  délit,'  Dans  les  trois  cas,  il 
s'agit  d'une  participation  bien  plus  rapprochée,  bien  plus  directe  qu'elle  ne 
l'est  dans  Thypothèse  du  §  !•'  de  l'art.  60.  Dans  les  trois  cas,  le  complice,  sans 
mettre  précisément  et  absolument  la  main  à  rœuyre  commise,  s'en  rapproche 
cependant  d'infiniment  plus  près  que  dans  les  hypothèses  qui  précédent,  et 
s'en  rapproche  si  bien  que,  dans  nombre  de  cas,  on  pourra  être  fort  embar- 
rassé quand  on  voudra  distinguer  le  cas  de  complicité  défini  par  ce  paragra- 
phe, du  cas  du  coauteur  ou  du  codélinquant.  Quelques  exemples  vont  bientôt 
le  faire  sentir. 

Sont  donc  réputés  complices,  aux  termes  de  ce  dernier  paragraphe,  ceux  qui 
auront,  avec  eonnaissancê,  je  reviendrait  tout  à  l'heure  sur  ce  mot,  ceux  qui  au- 
rani,  avec  ccnnaissanee,  aidé  ou  assisté  Vauteur  au  les  auteurs  de  Vaetion,  dans 
Us  faits  qui  Vaurcnt  préparés  eu  facilitée. 

Aidé  au  assisté  Vauteur  de  Faction,  dans  les  faits  qui  Vauront  préparée.  Par 
exemple,  si  vous  êtes  allé,  de  concert  avec  celui  qui  projetait  un  vol,  recon- 
naître les  lieux,  le  terrain,  la  maison  dans  laquelle  il  voulait  commettre  ce  vol; 
examiner,  calculer  le  plus  ou  moins  de  facilité  d'accès  que  présentait  cette 
maison. 

Dans  les  faits  qui  Vauront  faeilitée, -Ptit  exemple,  à  ce  qui  me  semble,  car  ceci 
est  plus  douteux,  si,  lorsque  Ton  vole  à  l'intérieur,  l'autre  fait  le  guet  au  dehors. 

Ou  dans  ceux  qui  Vauront  eonsommée»  Si,  par  exemple,  vous  avez  aidé  le  vo- 
leur à  emporter  ce  qu'il  a  volé. 

Voilà  des  cas  d'assistance,  soît  dans  les  faits  qui  préparent,  soit  dans  ceux 
qui  ftuâlitent,  soit  dans  ceux  qui  consomment  le  crime. 

A  l'égard  des  pruniers  fûts,  il  n'y  a  pas  de  difficulté  réelle.  On  sent  très* 
bien  que  celui  qui,  quelques  jours  on  quelques  heures  avant  le  vol,  est  venu 
avec  le  voleur  étudier  et  reconnaître  les  lieux  ;  qui,  les  examinant  avec  lui, 
lui  a  donné  des  instructions  dont  parlent  les  premiers  mots  du  dernier  para- 
graphe, <m  sent  très^bien  que  celui-là  est  un  complice  et  no^Lpas  un  coauteur. 
Mais  quant  aux  seconds,  la  question  est  plus  délicate,  elle  est  même  peut-être 
insoluble  en  théorie  à  l'égard  de  celui  qui  a  aidé  l'auteur  du  fait  dans  les  actes 
qui  l'ont  facilité. 

Ainsi,  l'un  fait  le  guet  à  ht  porte  ou  dans  la  me,  pendant  que  l'autre  commet 
le  vol  à  l'intérieur.  Est-ce  un  cas  de  complicité  r  Assurément  oui,  aux  termes 
du  §  3  de  l'art.  60  ;  car,  à  proprement  parler,  celui-là  n'a  pas  volé  ;  ses  yeux, 
sa  présence,  sont  restés  étrangers  à  l'accomplissement  du  fût.  lui-même,  mais 
il  a  concouru  à  le  faciliter,  il  devrait  être  puni  comme  complice  ;  cependant  la 
j  urispmdence  considère  généralement,  non  point  comme  simple  complice^ 

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168      ONZ.  LEÇ.  — -   DBS  VEBMVVVS   PDKBW.i  SIGUS.  OU  RB8P0N8.  (n^  140). 

mais  comme  un  codélinqaant  ou  coauteur^  celai  qui  a  Mi  la  garde  pendant 
qu'on  Yolait  à  rintérieur. 

Quel  est  Tintérét  de  la  distinction  ?  quelle  est  Futilité  de  la  question  t  Cette 
utilité  est  grande  en  certains  cas,  parce  que  le  concours  de  plusieurs  personnes 
pour  commettre  un  vol  est,  dans  quelques  hypothèses,  non  pas  dans  toutesr 
une  circonstance  aggravante  de  la  peine  encourue  par  ce  vol.  Vous  pourrez 
voir,  entre  autres,  les  art.  381,  382, 385  et  386  du  Gode  pénal  ;  vous  y  yeerez 
que,  lorsque  le  vol  a  été  commis  par  deux  ou  plusieurs  personnesy  et  qu'à 
eette  circonstance  du  concours  de  plusieurs  viennent  s'en  ajouter  quelques 
autres,  la  peine  du  vol  varie  et  s'accroît  selon  la  nature  et  le  nombre  des  cir- 
constances qui  concourent  à  ce  fait.  Supposez,  par  exemple,  qu'un  vol  ait  été 
commis,  dans  une  maison  habitée,  par  une  seule  personne  pénétrant  à  Tinté* 
rieur»  mais  que  cette  personne  ait  été  aidée,  assistée  d'une  autre  personne 
qui,  pendant  ce  temps,  faisait  le  guet  à  la  porte.  Y  a-t-il  là  deux  voleurs?  y 
a-t^il  vol  commis  par  plusieurs  ?  Si  nous  le  décidons  ainsi,  comme  le  décide 
la  jurisprudence,  nous  appliquerons  la  peine  de  la  réclusion  à  Tun  et  à  Tautre, 
aux  termes  de  Fart.  386.  Si,  au  contraire,  nous  attachant  aux  termes  de 
l'art.  60,  nous  répondons  :  Non,  le  vol  n'a  réellement  été  commis  que  par  un 
seul  individu,  mais  il  était  aidé,  assisté  par  un  tiers  qui  facilitait  le  vol,  sans 
pourtant  y  prendre  part,  nous  appliquerons  au  voleur  la  peine  du  vol  simple, 
celle  de  Tart.  401,  et  par  suite  la  même  {^ine  au  complice  qui  l'a  facihté. 

Ce  sont  là  de  ces  questions  que  la  pratique  seule  peut  résoudre,  car  il  est 
impossible  en  théorie,  avec  les  textes  actuels,  d'établir  une  délimitation  pré- 
cise, une  ligne  de  séparation  tranchée  entre  le  dernier  cas  de  complicité  du 
g  3  de  l'art.  60,  et  le  cas  de  coauteur,  de  codélinquant  dans  l'art.  386.  Cette 
distinction  très-rélle,  très-sensible,  très-&cile  à  saisir  dans  les  deux  premiers 
cas  de  l'art.  60,  menace  au  contraire  de  s'échapper,  devient  presque  insaisis-» 
sable  au  moins  dans  les  deux  dernières  hypothèses  du  §  3  du  même  artide. 

140.  Terminons  tout  ceci  par  une  question  assez  grave  que  soulèvent  deux 
expressions  que  j'ai  laissées  de  côté,  l'une  dans  le  §  2,  et  l'autre  dans  le  §  3; 
cette  question  s'applique  aux  hypothèses  posées  dans  le  premier  paragraphe. 
Le  fait  d* avoir  fourni  des  armes,  des  instruments,  des  moyens  quelconques 
qui  ont  eervi  à  l'action,  leCait  d'avoir  préparé,  facilité  l'exécution  de  cette  ac- 
tion, ne  constitue  une  véritable  complicité,  n'entraîne  l'application  de  l'art.  59 
qu'autant  que  ce  £ût  a  eu  lieu  avec  eonnaissanoe,  vous  dit  le  §  3;  qu'autant  que 
ces  armes,  que  ces  instruments  ont  été  fournis  pour  commettre  l'action  par 
quelqu'un  sachant  qu'iU  devaient  y  servir,  vous  dit  le  §  2.  Rien  de  phas  raisan- 
nable,  rien  de  phis  facile  à  comprendre  que  ce  principe.  Il  est  clair  que»  si 
j'ai  prêté  une  arme  ou  un  instrument  pour  un  usage  Intime,  ou  dans  im  but 
que  j'ignorais,  je  ne  puis  être  responsable  des  actes  coupables  commis  ensuite 
par  celui  qui  l'a  reçu. 

Mais  de  quelle  nature  est  la  connaissance  exigée  par  ces  deux  paragraphes 
pour  entraîner  la  complicité  ?  n'est-il  question,  dans  ces  deux  textes^  que  de 
la  connaissance  par  le  complice  du  projet  concerté  d'un  fidt  coupable  quel- 
conque? ou  bien,  £aut-il  aussi  que  cette  connaissance  ait  compris,  ait  enbrassé 
tous  les  faits  accessoires  qui  sont  venus  augmenter,  grossir,  aggraver  la  cul^ 


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QB  tu  GOifflilCiTt  (iJlT.  60).  169 

pabîlité  de  Tauiev^  &it?  Par  exemple,  on  tiers  a  piété  assistance  aux  aetes 
qui  ont  fiuuiité  an  yd,  en  oonsentànt  à  faire  la  gavde^  àâdre  le  gaet  au  dehors 
pendant  qv'on  volait  an  dedans  ;  le  projet  concerté  entfe  le  moteur  et  son  com- 
plice était  mûfoement  nn  yel  simple,  nn  toI  sans  violence,  sans  eftraction, 
sans  escalade^  un  vol  déponnm  îe  tontes  drconstanoea  aggravantes,  et  par 
conséquent  parement  correctionnel;  mais,  après  avoir  pénétré  dans  nne  pre- 
mière enceinte,  fort  de  l'assistance  eztérienre  qni  la  garantissait  de  tonte  sur- 
prise, le  volear  a  commis  une  escalade,  one  effraction,  il  a  dénaturé  le  fait, 
et  ee  ûût,  de  simple  délit,  est  devenu  an  véritable  crime,  punissable  de  la 
peine  destravaeoxforcés  à  temps.  Cette  peine  sera-t^lle,  auxtermesde  Tart.  59, 
appliquée  au  complice  qui  n'a  pas  connu,  ou  à  l'égard  duquel  il  n'est  pas  prouvé 
qu'il  ait  connu  les  drconstances  aggravantes  qui  ont  ainsi  dénaturé  le  fût  ? 
Cette  peine  lui  sera-t-elle  appliquée  si  le  jury,  reconnaissant  dans  l'auteur 
principal  les  drconstances  d'effraction  ou  d*esoalade,  a  formeltoEnent  dédaré 
que  ces  drconstances  n'existaient  pas  à  l'égard  du  complice,  c'est-à-dire 
qn'ellee  n'étaient  pas  connues  de  lui  ?  Le  fiût  s'est  ainsi' présenté  sur  une  dé* 
daratioo  pareille,  et  la  Cour  de  cassation,  i^^filiqnant  id  la  lettre  de  l'art.  59, 
adéddéqne  par  cela  seul  que  le  complice  avait  eu  connaissance  qu'il  partid- 
paità  nnacte  coupable,  toutes  les  conséquences,  toutes  les  circonstances  dont 
cet  acte  s'aggravait  devaient  retomber  et  peser  sur  sa  tète  ;  que  celui  qui  avait 
aidé,  comme  complice,  un  vol  qu'il  croyait  vol  simple,  devait  être  puni  comme 
complice  d'un  vol  qualifié,  quand  des  drconstanœs  aggravantes  étaient  venues 
s'y  ajouter  à  son  insu. 

PÔut-étie  cette  jurisprudence  est-elle  au  fond  Texpression  réelle,  exaote  de 
la  v<^nté  du  légidatenr.  L'art.  ()3,  que  nous  expliquerons  bientôt,  lui  donne 
en  effet  un  ^ypui,  un  argument  auqirâl  il  est  dsfifidle  de  répondre.  Cependant 
s'il  est  vrai  que  tette  jurisprudence  soit  réellement  conforme  à  l'esprit  de  la 
loi,  tout  ce  qu'il  Saut  en  conclure,  c'est  que  le  blâme  doit  remonter  id  plus 
haut  que  la  jurisprudence,  qu'il  doit  aller  frapper  le  législateur  lui-même.  S'il 
est  indispensable,  pour  constituer  la  complicité,  qu'il  y  ait  connaissance  de 
la  part  du  complice,  j*avoue  que  je  ne  comprends  pas  pourquoi  cette  connais- 
sance, absolument  exigée  pour  les  faits  qui  constitœnt  la  pénalité,  n'est  pas 
également  nécessaire,  également  indispensable,  pour  iee  fiaits  qui  l'aggravent. 

Ainsi  on  est  parfaitement  d*accord,  et  la  loi  est  formelle  à  cet  égard,  que 
celui  qui  fiait  la  garde,  le  guet,  copyant  aider  par  là  un  £ait  que  la  loi  pénale 
ne  frappait  pas,  croyant  aider,  par  exemple,  un  rendez-vous,  et  qui  aura  par 
cette  assistance  fadlité  un  vol  commis  à  son  insu,  il  est  certain  que  celai-là 
n'est  abteîat  d'aucune  espèce  de  pdne  ;  il  a  cm  aider  un  fait  que  la  loi  pénale 
ne firappait  pas:  ancilne  loi,  ancnne  peine  ne  peut  l'atteindre.  Pourquoi  donc 
en  sendt*-il  autrement  s'il  a  cru  aider  un  fait  que  la  loi  punissait  comme  délit, 
et  qWen  réalité  ce  fiait»  à  son  insu,  ait  revêtu  le  caractère  de  crime?  Une  fois 
dons  cette  routa,  il  est  difficile  de  s'arrêter. 

Par  exemple,  s- il  est  vrai  de  diire,  comme  peut-être  la  loi  Ta  entendu,  que 
la  simple  connaissance  du  fait  originaire,  du  fiiit  primitif,  rend  le  complice 
respmuablâ  dé  tous  les  actes  accessoires  qui  l'ont  aggravé,  il  faudra  dire  que 
celui  tgaàa  prêté  une  arme,  un  bâton,  par  exemple,  à  un  bemme  qui  voulait 
battre  se»  ennemi  dans  un  guettons,  il  faudra  dire  que  celui  qui  a  prêté  le 

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170  ONZ.  LBÇ.  —  DBS  PSR80NNB8  PUmflS.,  EZGU8.  OU  RB8P0NS.  (m*  141). 

b&ton,  tachant  qnll  devait  servir  à  battre^  sera  puni  comme  assassin,  si  le 
bâton  est  devenu  rinstmment  d'nn  assassinat.  Il  faudra  dire  que  celui  qui, 
par  menaces,  promesses»  par  des  encouragements  illicites»  a  ezdté  à  un  vol 
dont  l'accomplissement  lui  paraissait  facile,  devra  être  puni  de  mort,  si,  pour 
accomplir  ce  vol,  la  personne  qu'il  y  avait  excitée  avait  commis  un  meurtre, 
car  telle  est  la  peine  de  Tart  304. 

Cependant  il  est  clair  que,  si  la  loi,  sinon  dans  les  art.  59  et  60,  au  moins 
parargument  de  Vjàri.  03,  autorise  cette  conséquence,  elle  est  contraire  à  toute 
raison;  car  qui  oserait  dire  que  celui  qui  a  encouragé  par  ses  promesses,  ou 
qui  a  facilité  le  vol  en  fournissant  les  moyens  de  le  commettre,  qui  oserait 
dire  que  celui-là  l'aurait  encouragé,  assisté,  facilité,  s'il  avait  su  que,  pour 
commettre  ce  vol,  il  fallait  aussi  commettre  un  meurtre  ?  N'esUil  pas  très->pro- 
iiable  que  sa  conscience  se  serait  soulevée  à  cette  idée,  et  qu'à  défaut  de  con- 
science, la  peur  l'aurait  arrêté  ;  qu'il  aurait  renoncé  à  Tacte  qui  d'abord  lui 
semblait  facile  et  n'était  frappé  que  d'une  peine  légère  ?  Cependant  la  juris* 
prudence  me  parait,  dans  cette  décision  fort  rigoureuse,  n'avoir  guère  été  que 
l'interprète  de  la  loi.  Si  ces  mots  sachant  quHls  devaient  y  servir,  dans  le  §  2  de 
Tart.  60,  si  ces  mots,  avec  oonnaissance  dans  le  §  du  mtoie  article,  présentent 
de  l'incertitude,  de  l'équivoque,  le  texte  des  art.  62  et  63  vient  lever  cette 
équivoque  d'une  manière  malheureusement  bien  dure,  en  semblant  annoncer 
que,  dans  l'esprit  de  la  loi»  le  complice  répond  de  tout,  quelle  que  soit  la  gra- 
vité du  fait,  par  cela  seul  qu'il  a  su  dans  Torigine  aider,  encourager  un  acte 
coupable. 

Nous  renvoyons  à  la  prochaine  leçon  l'examen  de  la  question  asses  grave 
que  présente  l'article,  dans  le  cas  où  la  peine  vient  à  s'aggraver  sur  la  tète  de 
l'auteur  principal  à  raison  d'une  circonstance  à  lui  personnelle.  Cette  question 
s'élève  dans  plusieurs  hypothèses.  Amsi  le  complice  du  parricide^  le  complice 
d'un  faux  en  écriture  publique  commis  par  un  officier  public,  le  complice  d'un 
attentat  à  ht  pudeur,  dans  le  cas  de  l'art  333,  devront-ils  être  punis  des  peines 
portées  par  ces  articles,  ou  simplement  des  peines  portées  ordinairement  à 
raison  de  l'un  de  ces  crimes?  Cette  question  fort  débattue  une  fois  vidée,  nous 
examinerons  le  dernier  cas  de  com|Âieité,  celui  qui  résulte  d'actes  postérieurs 
au  crime  ou  au  délit,  et  notamment  du  recel. 

DOUZltoa  LEÇON. 

141.  Nous  avons  examiné  les  divers  cas  de 'complicité  détaillés  dans  l'art.  60, 
et  se  composant  d'actes  dont  les  uns  sont  antérieurs,  les  autres  simultanés, 
quelques  autres  enfin  postérieurs  au  crime  ou  au  délit.  Nous  avons  vu  qu'en 
f^énéral,  et  sauf  quelques  exceptions  indiquées,  l'art.  59  déclarait  applicabls  a» 
complice  la  même  peine  qu'à  Tauteur  principal.  C'est  sur  ce  dernier  point  que 
nous  devons  encore  nous  arrêter  un  instant,  avant  de  passer  à  la  densière  es- 
pèce de  complicité  proprement  dite,  résultant  du  recel  on  des  actes  analogues. 
Avant  donc  d'examiner  les  art.  61, 62  et  63,  qui  doivent  terminer  la  matière 
de  la  complicité,  fixons-nous  complètement  sur  le  sens  de  l'art.  59yî  relative- 
ment à  une  question  importante  et  débattue.  Noos  avons  déjà  vu  dans  quel 
sens  il  fallait  entendre  et  appliquer,  au  moins  dans  unaesea  grand  nombre  de. 

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DB  LA  GOMPUGITft  (aRT.  60).  171 

cas,  ridentité  de  peine  entre  l'auteur  principal  et  le  complice,  nous  a^ons  tu 
que  cette  identité  devait  s'entendre  de  la  même  peine  de  droit,  mais  non  pas 
nécessairement  du  même  degré  de  pénalité  de  fait  Nous  aTons  vu  aussi  quelle 
serait  en  cette  matière  l'influence  d'une  excuse  ou  de  circonstances  atté- 
nuantes déclarées  par  le  jury,  au  profit  soit  de  l'auteur  principal,  soit  du  com- 
plice. 

Mais  il  est  dans  le  droit  certains  cas  dans  lesquels  la  pénalité,  infligée  ordi- 
nairement et  en  général  à  certains  crimes,  s'augmente,  s'aggrave,  non  pas  à 
raison  de  circonstances  qui  ont  accompagné  le  crime  même,  mais  à  raison 
d'une  qualité  tout  à  fait  inhérente,  tout  à  fait  personnelle  à  l'auteur  de  ce 
crime.  Ainsi  nous  savons  déjà  que,  quand  le  crime  ou  le  délit  se  trouve  frappé 
d'une  pénalité  plus  forte,  à  raison  de  circonstances  qui  sent  inhérentes  à  l'acte 
lui-même,  nous  savons  déjà  que  cette  aggravation  de  peine  doit  retomber  sur 
le  complice,  au  moins  lorsqu'il  a  connu,  et  sans  doute  aussi,  avons- nous  dit, 
bien  qu'à  regret,  et  sans  doute  aussi,  dans  l'esprit  de  la  loi,  lorsqu'il  n'a  pas 
connu  l'existence  de  ces  drconstanoes.  Mais  autre  chose  que  des  circonstances 
aggravantes  proprement  dites,  par  exemple,  l'effraction,  les  fausses  clefs,  ou 
d'autres  moyens  pareils  employés  dans  un  vol  ;  autre  chose  est  des  circons- 
tances aggravantes  qui,  ne  tenant  en  rien  à  l'exécution  du  crime  en  lui-même, 
se  rattachent  exclusivement  à  la  personne  de  celui  qui  l'a  commis.  Des  exem- 
ples assez  fréquents  des  cas  où  la  question  s'élève  vous  en  feront  mieux 
sentir  le  sens  et  l'importance. 

Ainsi,  dans  le  cas  de  l'art.  13  de  l'ancien  Gode  ptoal  de  1810,  la  loi  ajoutait 
le  supplice  de  l'amputation  de  la  main  à  la  peine  de  mort  dont  elle  frappait  le 
parricide  dans  l'art.  302.  Sous  l'empire  de  cette  loi  s'est  présentée  plusieurs 
fois  la  question  de  savoir  si  le  complice  du  parricide  devait,  aux  termes  de 
l'art.  59,  subir,  avant  la  peine  de  mort,  cdle  de  l'amputation  de  la  main,  aux 
termes  de  l'art.  13.  La  suppression  de  cette  pénalité  a  enlevé,  sous  ce  rapport, 
tout  intérêt  à  la  question.  Cependant,  sous  une  autre  £ice,  on  pourrait  encore 
trouver  de  l'intérêt  à  demander  si  le  complice  du  parricide  sera  nécessaire- 
ment puni'comme  lui.  Mais  ce  cas,  qui  ne  se  présente  que  fort  rarement,  exi- 
gerait, pour  être  bien  compris,  d'assez  longues  explications;  bornons-nous 
à  dire  que  la  question  s'est  présentée  sous  l'ancien  art  13,  et  prenons  d'antres 
cas  très-simples  où  elle  pourra  se  présenter  encore. 

Dans  l'art.  147  du  Gode  pénal,  on  dit  que  le  faux  en  écriture  publique  est 
puni  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps;  on  suppose  dans  cet  article  le 
&UX  commis  par  un  coupable  ordinaire;  dans  les  art.  145  et  146,  le  fiiux 
commis  en  écriture  publique,  par  un  fonctionnaire  public  altérant  ou  déna- 
turant les  actes  de  son  ministère,  est  puni  de  la  peine  des  travaux  forcés  à 
perpétuité.  Ici,  vous  le  voyez,  les  deux  faits  matériels  sont  identiques;  que  le 
faux  dans  un  acte  public  ait  été  commis  ou  par  un  officier  public  ou  par  un 
particulier,  c'est  toujours  au  fond  le  même  crime,  le  crime  de  faux;  seule- 
ment, dans  le  cas  des  art.  145  et  146^  la  pénalité  s'aggrave  dans  une  propor- 
tion très-forte,  à  raison  de  la  qualité  du  fonctionnaire  public  qui  se  rencontre 
dans  l'auteur  du  fait.  De  là  la  question  de  savoir,  et  cette  question  s'est  pré- 
sentée souvent,  si,  en  cas  de  faux  commis  par  un  officier  public  dans  un  acte 
de  son  ministère,  la  peine  applicable  au  complice  qui  n'est  pas  officier  public 

DigitizedbyCnOOgle 


172     DOUZ.  LSÇ.  —  DBS  PBA80NNB8  PUNIS8.,  BXGU8.  OU  RB8P0N8.  (n*  141). 

sera  celle  des  art.  445  et  146,  on  celle  de  l'art.  147;  si  Timmense  aggravation 
de  peine,  que  les  deax  premiers  articles  font  dépendre  d'une  qaalité  tonte  per- 
sonnelle à  l'auteur  principal,  pèsera  sur  le  complice,- auquel  cette  qualité 
n'appartient  pas. 

De  même  dans  Tart.  317,  que  nons  avons  déjà  cité,  sont  exposées  les 
peines  indiquées  pour  l'avortement  ;  la  peine,  s'il  s'agit  d'un  médecin,  chi- 
rurgien, officier  de  santé,  est  celle  des'  travaux  forcés;  s'il  s'agit  d'un  parti- 
iiulier,  la  peine  est  celle  de  la  réclusion.  Même  question  dans  ce  cas,  si  l'avor- 
tement a  été  causé,  procuré  par  un  homme  de  l'art,  mais  aidé,  assisté  par 
un  complice  auquel  cette  qualité  n'appartient  point;  la  peine  des  travaux 
forcés  doit  incontestablement  être  appliquée  au  premier,  mais  appliquerons- 
nous  la  même  peine  au  second,  ou  ne  le  frapperons-nous  que  de  la  peine  de  la 
réclusion  f 

Enfin,  dans  les  art.  332  et  333,  il  est  question  du  crime  de  viol  ;  dans  le  pre- 
mier, ce  crime  est  puni  des  travaux  forêés  à  temps,  et  quelquefois  môme  du 
mawimum  des  travaux  forcés  à  temps,  quand  le  crime  a  été  commis  ou  tenté 
sur  la  personne  d'un  enfant  de  moins  de  quinze  ans.  Au  contraire,  dans 
l'art.  333,  on  déclare  que,  si  le  coupable  est  un  ascendant,  un  instituteur,  un 
domestique  de  la  personne  sur  laquelle  le  crime  a  été  commis,  la  peine,  au 
lieu  d'être  celle  des  travaux  forcés  à  temps,  aux  termes  de  l'article  précédent, 
sera  celle  des  travaux  forcés  à  perpétuité.  L'art.  333  indique  d'ailleurs  d'autres 
qualités  que  celles  d'ascendant,  d'instituteur,  de  domestique.  Même  question 
sur  ce  dernier  cas,  celle  de  savoir  si,  lorsque  le  crime  a  été  commis  à  l'aide 
d'un  complice,  la  peine  applicable  au  complice,  auquel  n'appartiennent  point 
les  qualités  de  l'art.  333,  doit  cependant  s'aggraver,  à  raison  d'une  qualité  toute 
personnelle  à  l'auteur  du  crime. 

Vous  le  voyez,  une  haute  importance  s'attache  à  ces  questions  que  la  pra- 
tique a  souvent  présentées,  et  qui  sont  destinées  sans  doute  à  être  soulevées 
bien  des  fois.  Malheureusement  la  Jurisprudence  a  plus  d'une  fois  varié  sur 
quelques-unes,  et,  à  l'égard  de  celles  sur  lesquelles  elle  parait  fixée,  elle  l'est 
dans  un  sens  auquel  il  est  bien  difficile  de  s'attacher. 

Ainsi,  sur  la  question  du  parricide,  la  Ck)ur  de  cassation  a  décidé  que  l'am- 
putation préalable,  sous  l'ancien  art.  13,  devait  s'appliquer  au  complice^  aux 
termes  de  l'art  59. 

De  même,  dans  le  cas  des  art.  332  et  333,  elle  a  décidé  que  le  complice  d'un 
viol  accompli  ou  tenté  par  l'une  des  personnes  de  la  qualité  désignée  dans 
l'art.  333,  devait  subir,  quoique  n'ayant  pas  cette  qualité,  la  conséquence  que 
la  loi  y  attachait  dans  l'art.  333. 

Au  contraire,  dans  le  cas  de  &ux,  relativement  aux  art«  145,  146elt  147,  la 
jurisprudence  a  varié  deux  ou  trois  fois  ;  on  a  d'abord  décidé  que  le  simple 
particulier,  oomplice  d'un  faux  commis  en  écriture  publique  par  un  officier 
publie,  serait  puni  de  la  peine  des  travaux  forcés  &  perpétuité,  mais  quatre  ou 
cinq  arrêts  postérieurs  ne  lui  ont  appliqué  que  l'art.  147,  c'est-ft-dire  la  peine 
des  travaux  forcés  à  temps.  Enfin,  des  décisions  plus  récentes  ont  encore  ap- 
pliqué à  ce  cas  le  texte  de  l'art.  59,  et  appliqué  au  complice  la  même  peiné 
qu'à  l'auteur  principal,  encore  bien  que  l'aggravation  de  peine  dans  la  per* 
sonne  de  Tauteor  principal  tint  uniquement  à  une  qualité  tout  individuelle. 

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hM  LA  GOacpuciTÉ  (aat.  60).  173 

Je  ne  mû  si  cea  déeiaioiiB  rigonreuBes  tout  bien  cimfoniies  à  Tesprit  de  la 
loi  ;  je  ne  sais  s'il  est  possible  de  les  concilier  a^ec  d'autres  décisions  bien 
constantes  qu'on  adopte  et  qu'on  prononce  tous  les  jours  sur  l'application  de 
l'art.  59.  L'argument  unique  pour  appliquer  au  oomplice  l'aggravation  de 
peine,  tenant  à  une  qualité  personnelle  à  l'anteur  principal,  l'argiynent  uni- 
que est  celui-ci  :  l'art.  59  déclare,  sans  distinction  ni  exception,  qu'on  doit 
appliquer  au  complice  la  même  peine  qu'à  l'auteur  principal;  done,  si  l'au-* 
teur  principal  est  passible  de  la  mutilation  prescrite  par  Tart.  13,  des  travaux 
forcés  à  perpétuité  prononcés  dans  les  art.  146  et  333,  peu  importe  que  cette 
aggravation  tienne  à  des  circonstances  qui  lui  sont  propres  ;  la  même  peina 
doit  dans  tous  les  cas  être  appUquée  à  son  complice.  Certainement  l'art  59  Ur 
vorise  assex  cette  opinion,  certainement,  pris  à  la  lettre,  il  parait  autoriser  ce 
résultat.  Mais  cependant  est*ee  bien  là  oe  qu'a  voulu,  ce  qu'a  àt  vouloir  le  lé- 
gislateur ?  est-ce  bien  dans  cet  esprit  que  l'art.  59  a  été  rédigé?  Quelle  a  été  sa 
pensée  f  Elle  est  fort  simple  :  dans  une  idée  que  déjà  il  est  permis  de  trouver 
trés-rigoureuse,  le  rédacteur  de  l'art.  59  a  établi  une  assimilation  complète 
entre  le  complice  d'un  fait  et  l'auteur  même  du  iîBdt  ;  il  a  voulu,  par  une  dis* 
position  générale,  s'épargner  la  peine  de  répéter,  après  cbaque  article  relatif 
à  un  crime,  que  la  peine  prononcée  ccmtre  Tautear  de  ce>crime  serait  appli- 
cable à  son  complice.  L'art.  59,  allant  déjà  bien  loin,  selon  moi,  a  dit  en  un 
mot  que  celui  qui  avait  encouragé,  aidé,  facilité  le  crime,  devait  être  traité 
comme  si  lui-même  l'avait  commis,  comme  si  lui-même  en  eût  été  l'auteur, 
que  dès  lors  la  peine  portée  pour  l'auteur  d'un  crime  serait  également  appli- 
quée à  son  complice.  Mais  déclarer  que  celui  qui  a  aidé,  encouragé,  facilité 
un  crime,  doit  être  réputé  l'avoir  commis  lui-même,  doit  être  traité  comme  si 
lui-même  l'eût  commis,  c'est  déjà  sans  doute  aller  bien  assez  loin.  Or,  dans 
la  question  qui  nous  occupe,  et  avec  la  solution  qu'on  y  donne  en  général,  il 
est  évident  qu'on  va  plus  loin  ;  dans  l'espèce  des  art.  13, 147, 317  et  333,  on 
punit  le  oomplice,  non  pas  comme  on  le  punirait  si  lui-même  eût  commis  ce 
crime,  mais  on  le  punit  d'une  manière  infiniment  plus  grave.  Si  lui-même  eût 
commis  l'assassinat,  cet  assassinat  n'étant  pas  celui  de  son  père,  il  ne  serait 
pas  parricide  ;  si  lui-même  eût  commis  le  6mx,  n'étant  pas  officier  public,  il 
ne  serait  puni  que  des  travaux  forcés  à  temps,  et  ainsi  de  suite.  Pourquoi, 
lorsqu'il  a,  non  pas  commis  le  crime,  mais  encouragé,  mais  aidé,  facilité  la 
perpétration,  serait*il  puni  plus  rigoureusement  que  s'il  y  eût  mis  la  main,  et 
cela  à  raison  d'une  qualité  qui  lui  est  complètement  étrangère  ?  Je  le  répète, 
si  la  lettre  de  l'art.  59  parait,  on  ne  peut  le  nier,  favorable  au  système  de  ri- 
gueur que  la  jurisprudence  a  généralement  suivi,  il  est  bien  difficile  de  penser 
que  tel  ait  été  véritablement  l'esprit  de  l'article  ;  il  est  bien  difficile  de  ne  pas 
supposer  que  ces  cas  tout  spéciaux,  tout  particuliers,  ces  cas  fort  rares  des 
quatre  ou  cinq  articles  que  nous  avons  cités,  aient  écbappé  à  l'extrême  géné- 
ralité de  la  rédaction  de  l'art.  59. 

Mais  de  plus,  si  l'on  veut  s'attacber  à  la  lettre  de  l'art.  59,  et  faire  abstrac- 
tion de  ce  que  je  crois  être  bien  certainement  son  but  et  son  esprit,  îl  faudrait 
s'y  attacher  d'un  bout  à  l'autre,  et  c'est  ce  qu'il  est  impossible  de  faire,  ce  que 
personne  n'a  jamais  faîL  Ainsi  l'art..  59  déclare  que  la  même  peine  subie  par 
l'auteur  principal  sera  infligée  au  complice,  et  on.  l'applique  en  oe  sens  que 

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174     DOUZ.  LBÇ.  —  DBS  PBR80NNBS  PUNI88.,  EXGU8.  OU  RBSPONS.  (n"^   141). 

raggrataUon  de  peine  résultant  d'ane  circonstance  tonte  personnelle,  tonte 
spéciale  an  premier,  est  également  appliquée  au  second.  Eh  bien,  mûntenant, 
supposons  que  des  circonstances  toutes  spéciales,  toutes  individuelles  à  l'auteur 
principal,  aient  déterminé  dans  la  loi,  non  point  une  aggravation,  mais  au 
contraire  une  diminution  de  peine  en  faveur  de  l'auteur  principal,  et  voyons 
si  Ton  décidera  que  cette  diminution  profite  au  complice.  Si  l'on  veut  l'appli- 
quer en  quelque  sorte,  les  yeux  fermés,  il  faudrait  que,  toutes  les  fois  que  par 
une  circonstance,  même  spéciale,  la  peine  se  trouverait  soit  aggravée,  soit 
diminuée  à  Tégard  de  l'auteur  principal,  cette  aggravation  devrait  nuire,  cette 
diminution  devrait  profiter  au  complice.  Ge  sera  sans  doute  un  système  assez 
peu  raisonnable,  mais  ce  sera  du  moins  nn  système  conséquent  ;  ce  sera,  puis- 
qu'on veut  le  foire  ainsi,  une  application  précise,  littérale  de  Fart.  59.  Suppo- 
sons donc  que  l'auteur  principal  d  un  crime  soit  dans  l'un  des  cas  d'excuse  que 
la  loi  a  déterminés  ;  qu'il  s'agisse  par  exemple,  du  cas  de  meurtre  commis  par 
le  mari  dans  Thypothèse  de  l'art.  234,  c'est-à-dirè  dans  celle  du  flagrant  délit 
d'adultère  commis  dans  la  maison  conjugale,  décidera-t-on  que,  parce  que, 
dans  ce  cas,  le  meurtre  est  excusable,  à  raison  d^une  circonstance  toute  per- 
sonnelle au  meurtrier  offensé,  l'allégement,  la  diminution  de  peine  qui  profite 
à  l'auteur  principal  profitera  au  complice  ?  Personne  ne  l'a  jamais  proposé. 

De  même,  le  jury  a  déclaré  que  l'auteur  principal  était  coupable,  mais  il  a 
ajouté  qu'il  existait  en  sa  faveur  des  circonstances  atténuantes  ;  ces  circons- 
tances atténuantes,  qui,  aux  termes  de  l'art.  463,  diminuent  la  peine  dans  une 
forte  proportion,  au  profit  de  celui  à  l'égard  duquel  on  les  a  déclarées,  ces  cir- 
constances atténuantes  profiteront-elles  au  complice?  Non,  certes,  et  la  raison 
en  est  simple  :  ces  circonstances  atténuantes  sont  essentiellement  personnelles, 
elle  ont  été  déclarées  à  l'égard  de  l'auteur  principal,  et  non  point  à  l'égard  du 
complice.  Ces  circonstances  at^nuantes  que  le  jury  a  reconnues,  ce  sont  peut- 
être  les  sollicitations,  les  provocations,  les  promesses  qui  constituent  la  com- 
plicité, aux  termes  de  l'art.  60,  et  qui  ont  déterminé  l'auteur  principal,  à  l'in- 
stigation du  complice  ;  il  serait  par  trop  absurde  que  la  diminution  de  peine 
prononcée  dans  ce  cas  au  profit  de  l'auteur  principal,  lorsque  c'est  le  complice 
qui  l'a  encouragé  et  déterminé  au  crime,  il  serait  par  trop  absurde  que  cette 
diminution  de  peine  profitât  au  complice. 

Je  prends  des  circonstances  encore  plus  spéciales,  plus  individuelles,  plus 
personnelles  àl'auteur  même,  et  je  vois  quelle  jipplication  la  loi  a  pu  en  faire. 
Nous  allons  voir  bientôt,  dans  les  arrt.  66  et  67,  que,  lorsqu'un  accusé  est  âgé 
de  moins  de  seize  ans,  et  que  le  jury  le  déclare  coupable  d'avoir  agi  avec  dis- 
cernement, alors,  à  raison  de  la  faiblesse  de  l'&ge,  de  l'inexpérience  qu'elle 
peut  laisser  supposer,  il  y  a  lieu,  non  pas  sans  doute  à  acquittement,  puisque 
le  discernement  a  été  déclaré,  mais  bien  à  une  réduction  très-forte,  très-sen- 
sible dans  la  peine.  Vous  trouverez  les  proportions  de  cette  réduction  établies 
dans  l'iurt.  67.  Voilà  bien  dans  ce  cas  une  diminution  de  peine  accordée  par  la 
loi,  à  raison  d'une  circonstance  essentiellement  personnelle  à  l'auteur  principal 
du  fait,  c'est  à  savoir  de  son  âge.  Déclarera-t-on  dans  ce  cas,  par  application 
de  l'art.  59,  que  l'auteur  principal  d'un  crime  qui  emportait  la  peine  de  mort, 
les  travaux  forcés  à  perpétuité»  ou  autre  peine  de  cette  gravité,  n'étant,  à  rai- 
son de  Bon;,âge,  condamné  par  la  Cour  d'assises  qu'à  un  emprisonnement  plus 

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DB  LA  GOWLICIT*  (ART.  60).  175 

OU  nwias  long,  déciareni*t-on  alors,  par  appHeationde  Tart.  59,  qne,  la  peine 
de  i'antanr  (»incipal  devani  être  appliquée  à  son  complice,  le  bénéfice  de  la 
rédaction  de  peine  prononcée  an  profit  du  mineur  de  seise  ans  sera  appli- 
eMe  an  complioe  ?  La  loi,  dans  l'art  68,  déclare  la  négative  de  la  manière  la 
plus  précise;  elle  déclare  en  termes  implicites,  mais  qui  n*ont  par  là  même 
qne  pins  de  force,  elle  dédare  que  cette  réduction  de  peine  est  absolument 
étreogére  au  complice.  Pourquoi  cela  ?  Éridemment  parce  qne  la  drcoustance 
spéciale,  personnelle,  individuelle,  ne  peut  entrer  en  ligne  de  compte  dans  le 
calcul  de  la  peine. 

Enfin  voilà  un  dernier  exemple.  Nous  avons  vu  que,  quand  il  s'agit  de  cri- 
mes contre  les  personnes,  la  relation  de  parenté  qui  unit  le  coupable  avec  la 
victime  du  crime  est  une  cause  d'aggravation  dans  la  peine;  tel  est  le  cas  du 
parricide  dans  Fart.  13;  tel  est  encore,  dans  d'autres  articles,  le  cas  de  vio- 
lence, de  voie  de  fidt  conmiises  par  un  descendant  envers  son  ascendant; 
dans  ces  cas  la  peine  s'aggrave,  à  raison  des  liens  de  parenté  qui  unissent  le 
coupable  avec  la  victime.  Au  contraire,  quand  il  s^git  de  certains  attentats 
contre  la  propriété,  quand  il  s'agit  de  vol,  ces  mêmes  liens,  cette  même  pa^ 
rente,  qoi,  dans  l'espèce  de  l'art  13,  motivait  une  aggravation  de  peine,,  vien- 
nent motiver  non  pas  seulement  une  réduction,  mais  même  une  suppression 
de  la  peine.  La  position  est  donc  identique,  mais  inverse.  De  même  que  la  loi 
punit  d'une  peine  beaucoup  plus  sévère  à  raison  de  cette  qualité  le  fils  parri- 
cide, ou  le  fils  qui  lève  la  main  contre  l'auteur  de  ses  jours,  de  même  elle  dis- 
pense de  toute  pénalité,  dans  l'art.  380,  le  fils  qui  a  dérobé  au  père,  comme  le; 
père  qui  a  dérobé  au  fils,  et  quelques  autres  personnes.  En  un  mot,  à  un  pro- 
che degré  de  parenté,  dans  les  cas  déterminés  par  l'art.  380,  on  déclare  que 
les  soustractions  frauduleuses  ainsi  commise  entre  proches  parents,  comme 
mari  et  femme,  ne  donnent  lieu  à  aucune  action  pénale.  Est-ce  à  dire  que  le 
complice  d'une  pareille  soustraction  pourra  invoquer  le  bénéfice  de  l'art.  380, 
en  disant  que,  comme  aucune  peine  ne  peut  être  appliquée  à  l'auteur  princi- 
pal, qne,  comme  l'auteur  principal  n'a  pas  volé,  que,  comme  le  complice,  aux 
termes  de  l'art.  59,  ne  peut  être  puni  que  de  la  même  peine  que  l'auteur  prin- 
cipal, il  n'y  a  pas  Jieu  à  son  égard  à  l'application  de  la  peine  ?  Il  est  dair 
qu'un  tel  raisonnement  est  dérisoire,  et  les  derniers  mots  de  l'art,  380  le  re- 
poussent formellement. 

Or,  si  l'art.  59,  malgré  la  généralité  de  ses  termes,  reçoit  une  limitation  si 
senaibie  dans  toutes  les  circonstances  qui  tendent  à  alléger  la  peine,  si  les  dr- 
constanoee  personnelles,  spéciales,  qui  entraînent  une  réduction,  ou  même 
rimpunité  complète,  ne  profitent  jamais  au  complice,  pourquoi  donc  voudrait- 
on  qu'il  en  fût  autrement  de  celles  qui  aggravent,  qui  augmentent,  qui  dou- 
blent la  pénalité?  J'avoue  que,  soit  en  m'attachant  à  l'esprit,  au  but  de  l'art  60, 
soit  en  suivant  l'application  qu'on  est  obligé  de  Caire  dans  tous  les  cas  que 
j*ai  indiqués,  l'appUcation  que  la  loi  même  en  fait  expressément  dans  les 
art.  68  et  380,  §  'A  il  m'est  impossible  de  comprendre  comment  on  s'est  atta- 
ché de  préférence  à  un  système,  littéral  au  premier  coup  d'œil,  mais  dérai- 
sonnable, mais  inhumain,  quand  on  l'examine  au  fond  et  dans  son  véritable 
esprit. 


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176     DOUZ.  LBG.  —  DBS  PSRflOMlfBS  PUNIfli.»  EZGU8.  OU  RB8PON8.  (n^  143)* 

142.  Ici  86  termine  ce  que  noua  aYion8  à  dire  sur  les  eu  de  complicité  pro- 
piemeat  dite,  indiqués  dans  les  trois  paragraphes  de  Tart.  60;  arrivons  main- 
tenant à  cette  complicité,  souvent  improprement  dite,  qui,  aux  termes  des 
articles  61  et  62,  se  compose  d'actes  accomplis  après  le  crime  ou  le  délit 
achevé. 

J'ai  dit  qu'il  8*agit  id,  dans  la  plupart  des  cas  auxquels  s'appliqueront  ces 
articles,  d'une  complicité  improprement  dite;  il  est  hon  de  nous  fixer  sur  ce 
point.  En  effet,  le  mot  de  complicité  implique  et  porte  en  lui-même  l'idée  d'un 
concours,  d'une  participation,  d'une  coopération  plus  ou  moins  directe  du  oom- 
pUce  à  l'acte  de  l'auteur  principal.  Or,  il  est  trôs-possible  de  coopérer  de  plus 
ou  moins  loin  i  un  fait,  en  en  faisant  naître  le  projet,  en  l'encourageant,  en 
en  préparant,  en  en  facilitant,  en  en  assistant  l'exécution.  Mais  la  raison  com- 
prend*elle  bien  qu'on  se  rende  complice  d'un  fait,  qu'on  y  participe,  qu'on  y 
coopère  après  que  ce  fiait  a  été  accompli,  parfaitement  achevé,  non-seulement 
sans  votre  concours,  mais  encore  absolument  à  votre  insu?  A  la  rigueur,  et 
dans  le  sens  littéral  du  mot,  on  ne  conçoit  pas  de  vraie  complicité,  de  vrai 
concours,  de  vraie  participation  àun  acteirrévocablement  et  définitivement  ac- 
compli. Ge  n'est  pas,  an  reste,  qne  j'entende  critiquer  ou  blâmer  par  là,  à  tous 
égards,  et  dans  tous  les  cas,  la  rédaction  des  art.  61  et  62  :  ce  dernier  surtout 
mérite  à  d'autres  égards  des  reproches  trop  fondés  pour  qu'il  soit  nécessaire 
d'en  élever  d'inutiles. 

143.  «  ART.  61.  Ceux  qui,  connaissant  la  conduite  criminelle  des  malfaiteurs 
exerçant  des  brigandages  ou  des  violences  contre  la  sûreté  de  TÉtat,  la  paix  pu- 
blique, les  personnes  ou  les  propriétés,  leur  fournissent  habituellement  logement, 
lieu  de  retraite  ou  de  réunion,  seront  punis  comme  leurs  complices.  » 

Certainement,  au  premier  aspect,  on  pourrait  dire  qu'il  n'y  a  pas  là  compli- 
cité, concours  dans  le  sens  littéral  du  mot,  et  la  critique  serait  vraie,  si  le  mot 
haJntudlement  ne  se  trouvait  pas  dans  l'article  pour  en  justifier  le  disposition. 
Ge  n'est  pas  le  fait  d'un  lieu  de  retraite  fourni  accidentellement  une  seule  Sois 
qui  constitue  ici  la  complicité  et  la  pénalité  qui  s'y  rattache,  c'est  la  fréquence, 
c'est  le  retour,  c'est  l'habitude  d'un  pareil  fait.  Or,  il  est  sensible  que  cette  hap 
bitude,  une  fois  établie,  peut  bien  être  considérée  comme  une  complicité  véri* 
table,  et  que,  par  une  raison  fort  simple,  elle  devient^  dans  les  rapports  de 
celui  qui  donne  le  lieu  de  retraite  avec  ceux  qui  le  reçoivent,  un  véritable  en- 
couragement, une  aide,  une  facilité,  une  assistance,  éloignée  si  Ton  veut,  mais 
enfin  une  assistance  dans  les  méfaits  dont  la  bande  se  rend  coupable.  Cette 
habitude  constitue,  en  effet,  une  promesse  tacite,  mais  bien  manifeste,  de  re- 
cevoir les  auteurs  du  méfait,  de  leur  donner  asile  et  retraite  après  que  de  nou- 
veaux méfaits  auront  été  accomplis.  Je  conçois  donc  qu'on  puisse  les  considé- 
'rer  comme  complices;  mais  je  n'en  conclus  pas  qu'on  ait  bien  fait  dans  tous 
les  cas  de  les  frapper  de  la  môme  peine,  aux  termes  de  l'art.  59.  Ceci  se  ratta- 
che à  une  question  plus  générale  dont  nous  avons  parlé,  savoir,  la  justesse  de 
l'assimilation  entre  l'auteur  principal  et  le  complice.  En  supposant  que  cette 
assimilation  soit  fondée,  je  ne  répugnerais  nuUement  à  considérer  comme 
complices,  aux  termes  de  l'art.  61,  les  coupables  des  crimes  ou  des  délits  qui 
s'y  trouvent  indiqués. 


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DB  tA  COMPLICITÉ  (art.   6î).  177 

144.  L'art.  62  s'explique  au  contraire  plus  difficilement,  an  moins  dans  une 
grande  partie  des  cas  auxquels  peut  s'appliquer  la  généralité  de  ses  termes. 
Commençons  par  en  lire  et  en  bien  peser  les  termes. 

c  Art.  62.  Ceux  qui  sciemment  auront  recelé,  en  tout  ou  en  partie»  des  choses 
enlevées,  détournées  ou  obtenues  à  l'aide  d'un  crime  ou  d'un  délit,  seront  aussi 
punis  comme  complices  de  ce  crime  ou  délit.  » 

Ici  il  n'est  plus  question  de  l'habitude  du  recel,  do  la  fréquence  du  retour 
des  actes  qui  le  constituent;  par  conséquent,  il  n'y  a  plus  ni  cette  promesse 
tacite,  qu'on  pourrait,  à  toute  rigueur,  considérer  comme  un  encouragement 
et  surtout  une  promesse  antérieure  et  formelle  qui  rentrerait  dans  les  diTers 
cas  de  l'art.  68.  Une  fois  la  question  ainsi  posée,  c'est-à-dire  une  fois  que  nous 
nous  plaçons  dans  Thypothése  du  recel  d'un  objet  volé,  commis  en  connais*^ 
sance  de  cause  par  un  tiers  qui  n'en  avait  pas  Thabitude,  qui,  du  reste,  n'a- 
vait pas  avant  le  vol  ofiért  on  promis  ce  recel,  alors  les  critiques  que  nous 
présentions  tout  à  l'heure  contre  l'application  à  ce  cas  du  mot  ée  complicité 
reviennent  avec  toute  leur  force. 

Le  vol  était  commis,  accompli,  consommé;  le  voleor,  en  l'exécutant,  n'avait 
nuUement  compté  sur  une  facilité  de  recel  qui  ne  lui  était  pas  promise;  tout, 
en  un  mot,  était  achevé;  le  crime  était  parfiait,  la  peine  était  encourue,  sans 
que  celui  qui  plus  tard  est  venu  s'offrir  pour  receleur,  ou  a  consenti  an  recel, 
sans  que  celui-là  eût,  je  ne  dis  pas  la  plus  légère  part,  mais  même  la  plus  lé- 
gère connaissance  dans  les  actes  coupables  qui  ont  été  accomplis.  Que  plus 
tard,  après  ces  actes  commis,  il  reçoive  et  cache  les  objets  volés,  c'est  un  acte 
coupable,  personne  n'en  doute  ;  mais  est-ce  un  acte  de  complicité  ?  conçoit-on 
une  complicité,  une  coopération  ewpost  facto?  J'avoue  que  la  chose  m'est  im- 
possible. Et  quand,  ensuite,  on  regarde  la  p^ne  et  le  rapport  moral  qui  la 
fonde,  est-il  convenable  d'assimiler  pleinement  le  reoéleur  au  voleur,  de  le 
punir  tout  à  fait  et  dans  tous  les  cas  comme  le  voleur?  car  telle  est  la  consé- 
quence de  la  qualification  de  complice  que  lui  applique  d'abord  l'art.  62. 

La  loi,  disons-nous,  déckure  le  receleur  complice,  et  par  là  même,  en  combi- 
nant les  art.  59  et  62,  lui  applique  la  peine  du  vol  :  rien  de  plus  positif,  rien 
de  plus  dair  comme  principe  ;  nous  reviendrons  bientôt  sur  les  détailÉ  de  l'ap- 
plication. Mais,  à  part  ce  qu'il  y  a  d'illogique  à  déclarer  cimiplice  ou  coopérant 
celui  à  l'insu  duquel  le  fait  s'est  pleinement  accompli,  examinons,  oe  qui  est 
plus  important,  s'il  est  moral,  s'il  est  convenable  d'assimiler  complètement  et 
dans  tous  les  cas  le  receleur  au  voleur.  Cette  assimilation  n'est  pas  nouvelle, 
nos  anciennes  lois  l'ont  laite  à  l'exemple  de  quelques  lois  romaines.  Quels 
motifs  peut-on  en  donner  ?  Pour  les  uns,  c'est  par  motif  de  pure  utilité,  c'est 
que,  s'il  n'y  avait  pas  de  receleur,  il  n'y  aurait  pas  de  vdeur;  pour  d'autres, 
c'est,  dit-on,  que  le  receleur  met  obstacle  à  l'action  de  la  Justice,  à  la  pourw 
suite;  pour  d'autres  enfin,  c'est  que  le  receleur  ne  reçoit  pas  gratuitement 
l'objet  volé,  il  prend  une  part  sur  le  vol,  et  il  assume  par  là  sur  sa  tète  uae 
responsabilité  et  civile  et  pénale.' 

Ces  raisons  et  la  décision  qu'elles  ont  fondée  ne  sont  pas  nouvelles.  Voyons 
en  quels  termes  les  appréciait  Montesquieu,  Esprit  des  lois,  liv.  XXIX,  dLxii: 
«  Les  lois  grecques  et  romaines  punissaient  le  receleur  du  vol  comme  le  voleur 

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178      DOUZ.  LEÇ.  —  DBS  PERSONNE^  PUNI8S.,  EZCU8.  OU  RS8P0NS.  (n*  144). 

la  loi  française  fait  de  même.  Celles-là  étaient  raisonnables,  celle-ci  ne  Fest 
pas.  Chez  les  Grecs  et  chez  les  Romains,  le  volear  étant  condamné  à  une  peine 
péconiaire,  il  fallait  punir  le  receleur  de  la  même  peine;  car  tout  homme 
qui  contribue  de  quelque  façon  que  ce  ;soit  i  un  dommage,  doit  le  réparer. 
Mais  parmi  nous,  la  peine  du  vol  étant  capitale,  on  m*a  pas  pu,  sans  outbsr 
LES  choses^  punir  LE  RECELEUR  COMME  LE  VOLEUR.  Golui  quî  reçoît  le  vol  pcut, 
en  mille  occasions,  le  recevoir  innocemment,  celui  qui  vole  est  toujours  cou- 
pable :  l'un  empêche  la  conviction  d'un  crime  déjà  commis,  l'autre  commet  ce 
crime  ;  tout  est  passif  dans  Tun,  il  y  a  une  action  dans  l'autre  ;  il  faut  que  le 
voleur  surmonte  plus  d'obstacles,  et  que  son  àme  se  roidisse  plus  longtemps 
contre  les  lois.  Ijos  jurisconsultes  ont  été  plus  loin  :  ils  ont  regardé  le  receleur 
comme  plus  odieux  que  le  voleur  :  car  sans  eux,  disent-ils,  le  vol  ne  pourrait 
être  caché  longtemps.  Gela,  encore  une  fois,  pouvait  être  bon  quand  la  peine 
était  pécuniaire  :  il  s'agissait  d'un  dommage,  et  le  receleur  était  ordinaire- 
ment plus  en  état  de  le  réparer;  mais,  la  peine  devenue  capitale,  il  aurait  fallu 
se  régler  sur  d'autres  principes.  » 

Il  est  singulier  qu'en  présence  de  cette  critique  si  nette  et  si  fondée  de  l'an- 
cienne assimilation,  elle  ait  été  reproduite  si  littéralement,  si  aveuglément  par 
le  Gode.  Nous  verrons  même,  il  faut  bien  le  dire,  que  dans  les  détails  d'appli- 
cation de  la  peine  du  recel  la  loi  exagère  encore  ce  qu'il  nous  est  permis  de 
trouver  déjà  assez  vicieux. 

Quanta  ces  raisons  banales  que  le  receleur  est  le  plus  souvent  la  cause  du 
Tol  ;  que,  s'il  n'y  avait  pas  de  receleur,  il  n*y  aurait  pas  de  voleur  ;  que  le  re- 
celeur met  obstacle  à  l'action  de  la  justice  ;  qu'il  reçoit  le  plus  souvent  une 
très-forte  part  dans  le  vol  :  il  est  bien  facile  de  se  convaincre  de  leur  inexac- 
titude. 

La  première  de  ces  raisons,  en  effet,  est  absolument  fausse  :  sur  trente 
Toleurs,  vingt-neuf  sont  eux-mêmes  leurs  propres  receleurs;  ils  tâchent  de  dé- 
penser, de  consommer,  d'employer  les  choses  volées;  ils  ne  se  soucient  nulle- 
ment d'en  partager  le  bénéfice  avec  le  receleur. 

Quand  on  dit  ensuite  que  le  receleur  entrave  Taction  de  la  justice,  empêche 
la  découverte  du  vol  et  du  voleur,  on  dit  une  chose  parfaitement  vraie.  Quelle 
en  est  la  conséquence  ?  G'est  que  le  recel  peut  être  soit  un  crime,  soit  un 
délit  ;  c'est  que  le  recel  est  une  cbose  coupable.  Mais  la  conséquence  est-elle 
qu'il  y  ait  assimilation,  qu'il  y  ait  parité  entre  le  recel  et  le  vol,  entre  le  re- 
celeur et  le  voleur  ?  Les  différences  sensibles,  capitales,  qui  séparent  Tun  et 
l'autre,  sont  indiquées  dans  ce  que  je  viens  de  vous  lire  ;  mais  le  Gode  pénal 
lui-même  se  chargerait  au  besoin  de  répondre  à  l'argument  En  effet,  si  celui 
qui  met  obstacle  à  l'action  de  la  justice,  si  celui  qui,  en  cachant  chez  lui  la 
chose  volée,  rend  la  découverte  et  la  poursuite  plus  difficiles,  est  par  là  même 
réputé  Toleur  et  puni  comme  tel,  il  en  fluudrait  conclure  que  celui  qui  cache 
et  reçoit  chez  lui,  que  celui  qui  aide  à  enlever,  à  ensevelir  le  corps  d'un 
homme  assassiné,  se  rend  par  là  même  complice  de  l'assassinat  et  doit  être 
puni  comme  tel  ;  il  faudrait  décider  que  celui  qui  cache,  qui  reçoit  chez  lui, 
•n  pleine  connaissance  de  cause,  le  meurtrier,  l'assassin,  entravant  l'action  de 
la  justice,  lui  facilitant  des  moyens  de  fuir,  doit  être  puni  comme  complice, 
comme  meurtrier,  comme  assassin.  Jetez  les  yeux  maintenant  sur  l'art.  248 

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DB  LA  GOMPUGITÉ  (aRT.   62).  179 

da  Gode  pénal,  et  vons  Terrez  que,  (ont  en  punissant  arec  grande  raison  celui 
qui  donne  asile  à  l'assassin,  qui  met  obstacle  aux  recherches  de  la  justice,  on 
établit  une  différence  immense  entre  la  pénalité  due  au  crime  de  l'un  et  au 
simple  délit  qu'on  reproche  à  l'autre,  c  Ceux  qui  auront  recelé  ou  fait  receler 
des  personnes  qu'ils  savaient  avoir  commis  des  crimes  emportant  peine  afIUc* 
tive,  seront  punis  de  trois  mois  d'emprisonnement  au  moins,  et  de  deux  ans 
au  plus,  I  quelle  que  soit  la  durée,  la  nature  de  la  peine  encourue  par  les  per- 
sonnes recelées,  et  qui  peut  varier  depuis  Cinq  ans  de  réclusion  jusqu'à  la 
peine  de  mort.  Quant  à  celui  qui  aura  caché  ou  aidé  à  cacher,  non  pas  le 
meurtrier,  l'assassin,  mais  le  cadavre  de  la  personne  assassinée,  qui,  par  là 
même,  aura  fait  tout  ce  qui  était  en  son  pouvoir  pour  arrêter  l'action  de  la 
justice,  on  ne  s'avise  certes  pas  de  le  déclarer  coupable  de  meurtre  ou  d'as- 
sassinat, on  ne  s'avise  pas  de  l'assimiler  au  meurtrier.  L'art.  359  établit  contre 
lui  un  emprisonnement  de  six  mois  à  deux  ans,  et  une  amende  de  cinquante 
à  quatre  cents  francs.  Ainsi  cette  considération  que  le  receleur  a  empêché, 
eooune  le  dit  Montesquieu,  la  c(mviciion  d'un  crime  déjà  commis,  cette  consi- 
dération n'a  pas  conduit  les  auteurs  mômes  du  Gode  pénal  à  assimiler  le  re- 
eéleur,  dans  le  cas  des  art.  359  et  248,  à  l'auteur  du  crime  ou  du  meurtre. 

La  troisième  raison  est  plus  sérieuse  :  c'est  que  le  plus  souvent  le  recel 
n'est  pas  gratuit,  c'est  que  les  receleurs  stipulent  une  part  très-forte  dans  le 
vol.  Je  conçois  alors  que  le  recel  soit  plus  sévèrement  puni,  parce  que  les  mo- 
tifii  sont  plus  odieux  et  que  la  tentation  du  recel  est  plus  forte.  Mais,  même 
dans  ce  cas,  7  a-t-il  raison  suffisante  d'assimiler  le  receleur  au  voleur,  et  de 
l'assimiler  avec  toute  la  portée  que  l'art.  63  va  donner  à  cette  assimilation  ? 
Ainsi,  qu'on  le  déclare  punissable  comme  le  voleur,  qu'on  déclare  la  peine  du 
vol  applicable  à  celui  qui  a  recelé  l'objet  volé  en  s'appropriant  ou  en  se  faisant 
céder  une  bonne  partie  de  cet  objet,  il  n'y  a  rien  de  plus  juste.  Mais  un  objet 
a  été  volé  à  l'aide  de  violence,  d'effraction,  de  fausses  clefs  :  celui  qui  a  recelé 
doit-il  être  passible  de  l'aggravation  de  peine  résultant  de  circonstances  que 
peut-être  il  ignore,  que  peut-être  il  connaît,  mais  qu'il  ne  se  serait  pas  décidé 
à  employer  lui-même,  quand  même  il  les  connaîtrait  ?  Cest  ici  le  cas  de  dire, 
avec  Montesquieu,  que,  quand  même  le  receleur  a  pris  part  au  vol,  il  y  a  tou- 
jours entre  le  voleur  et  lui  cette  différence,  que  le  premier  a  eu  à  surmonter 
plus  d'obstacles,  que  son  àme  a  dû  se  roidir  plus  longtemps  contre  la  sanction 
de  la  loi. 

Nous  verrons  Fart.  63  plus  vicieux  encore.  Nous  nous  plaçons  jusqu'ici  dans 
l'hypothèse  d'un  receleur  qui  prend  part  dans  le  produit  des  objets  volés  ;  on 
comprend  alors  qu'il  soit  puni  comme  voleur  quoique  peut-être  il  soit  un  peu 
dur  de  le  punir  toujours  comme  tel.  Mais  supposées,  ce  qui  est  possible,  un 
reeel  commis  sans  intérêt,  sans  partage  des  produits  du  vol.  Par  quel  motif?  Par 
une  faiblesse,  par  une  complaisance  coupable,  par  une  amitié  aveugle  qui  de- 
vient un  délit  portée  jusque-là,  mais  qui  n'est  pas  un  vol,  qui  ne  peut  pas  être 
assimilée  avec  les  actes  dont  nous  parlons.  Allez  plus  loin  :  supposez  un  recel 
commis  précisément  pour  empêcher  les  recherches  de  la  justice,  mais  un  re- 
cel commis  par  un  parent,  par  un  frère,  pour  empêcher  la  découverte  du  vol 
conmiis  par  son  frère.  Dans  ces  divers  cas,  l'art.  62  fléchira-t-il  ?  Non,  il  ne 
flédiirapas;  car  l'esprit  de  l'art.  62  compr^d  dans  une  même  assimilation  le 

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180     DOUZ.  LEÇ.  —  DES  PERSONNES  PUNI88.,  EXCU8.  OU  RESPONS.    (n«   145), 

recel  d*habitade^  je  recel  salarié,  et  enfin  le  recel  donné  par  amitié,  par  corn* 
plaisance,  le  recel  souffert  par  une  complaisance  trop  facile,  mais  que  la  lot 
n^a  pas  le  droit  de  punir  aussi  sévèrement*  La  chosQ  est  d*autant  plus  étrange, 
que  la  loi,  qui  n'a  pas  eu  soin  de  distinguer  ces  nombreuses  espèces  de  reoels, 
si  différents  par  leur  moralité,  a  fait  au  contraire^  pour,  le  dernier  ^sasqM 
j'indique,  une  distinction  formelle  dans  le  second  alinéa  de  l'art.  248.  AinAî, 
quand  cet  article  applique  une  peine,  légère  sans  doute,  mais  enfin  une  peine 
raisonnable,  à  celui  qui  a  cacbé  l'auteur  d'un  crime,  il  s'empresse  d'ajouter  qu'à 
certain  degré  de  parenté  toute  peine  sera  inapplioable;  et  que  d'après  l'art  62 
auci^ne  exception,  aucune  distinction  pereille  n'est  faite  ;  et  cependant  la. peine 
est  plus  grave.  Je  sais  bien  que»  dans  la  plupart  des  cas,  le  mal  ne  sera  p«» 
grand  ;  je  sais  que  difficilement  on  trouvera  un  jury  disposé  à  déclarer  <x>n* 
pable  de  recel,  et  par  consétjuent  complice  aux  termes  de  l'art.  62,  le  proche 
parent  qui,  par  un  devoir  que  la  loi  désapprouve,  mais  enfin  par  un  sentiment 
de  devoir,  aura  recelé,  pour  entraver  l'action  de  la  justice,  et  sans  nul  moti^ 
d'iutérôt,  les  objets  volés  par  son  parent.  Mais  c'est  une  triste  loi  que  celle 
qu'on  ne  peut  défendre  qu'en  disant  que  le  jury  la  violera.  En  second  lieu,  il 
faut  dire  que  plus  d'une  fois,  se  croyant  renfermés  dans  la  lettre  de  la  loi,  les 
jurés  ont  déclaré  et  déclareront  peut-être  coupables  les  receleurs  placés  dans 
la  circonstance  la  plus  favorable.  H  pourra  arriver,  par  exemple,  que  la  femme 
soit  passible  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  d'après  le  §  !«'  de 
Part.  63,  pour  avoir  recelé  les  objets  volés  par  son  mari,  qui  aura  en  même 
temps  commis  un  meurtre.  Ainsi,  il  y  a  ce  danger  d'une  application  trop  lit- 
térale de  la  loi  par  le  jury  ;  il  y  a  un  danger  inverse,  grave  aussi,  celui  de  la 
conscience  du  jury  se  révoltant  contre  la  sévérité  de  la  loi  et  en  affaiblissait 
l'autorité  par  de  trop  fréquentes  sdisolutions. 

145.  Je  crois  qu'il  n'est  pas  possible  d'admettre  dans  toute  sa  plénitude  l'as- 
similation faite  entre  le  voleur  et  le  recéleor.  Mais,  quelque  opinion  qu'on 
adopte  sur  cette  assimilation,  telle  qu'elle  est  écrite  dans  la  loi,  il  est  impos- 
sible d'hésiter  un  instant  sur  les  conséquences  que  la  loi  en  tire  dans  le  texte 
de  l'art.  63,  dont  nous  pouvons  prendre  connaissaqce,  bien  que  nous  n'ayons 
d'abord  besoin  que  du  §  2. 

<  ART.  63.  Néanmoins,  la  peine  de  mort,  lorsqu'elle  sera  applicable  aux  auteurs 
des  crimes,  sera  remplacée,  à  l'égard  des  receleurs,  par  celle  des  travaux  forcés 
à  perpétuité.  —  Dans  tous  les  cas,  les  peines  des  travaux  forcés  à  perpétuité  ou 
de  la  déportation,  lorsqu'il  y  aura  lieu^  ne  pourront  être  prononcées  contre  les 
receleurs,  qu'autant  qu'ils  seront  convaincus  diavoir  eu,*au  temps  du  recelé,  con- 
naissance des  circonstances  auxquelles  ht  loi  attache  les  peines  de  mort,  des  tra** 
vaux  fixées  à  perpétuité  et  de  la  déportation;  sinon  ils  ne  subiront  que  la  peine 
des  travaux  forcés  &  temps.  » 

Le  recel,  avons-nous  dit,  est  assimilé  au  vol,  bien  entendu  quand  le  receJ  a 
eu  lieu  sciemmmt^  et  l'art.  62  le  déclare  lui-môme.  Mais  quelle  est  la  portée  et 
l'application  de  ce  mot  dans  l'art.  62?.  D'abord,  il  est  manifeste,  par  l'applica- 
tion môme  de  ce  mot,  que  celui  qui  cache,  qui  recèle  chez  lui  des  objets  d'une 
origine  inconnue,  n'est  nullement  responscàble  ni  pénalement,  ni  civilement, 

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BB  LA  CO]CPUGIf!È  (aRT.  63).  181 

da  tort  caofié  par  le  dôlit  qu'il  igaorait  An  contrairet  il  est  manifeste  qu'on 
pnxûra  comme  Yoleor  celui  qui  aura  reçu  chez  lui  des  objets  volés,  sachant 
qu'ils  pro?enaient  d'un  vol.  Point  de  doute  sur  ces  deux  cas.  Jusqu'ici^  en 
effet,  nous  supposons  un  vol  simple,  un  vol  non  qualifié,  en  un  mot,  un  vol 
que  prévoit  efc  définit  l'art.  40i. 

Mais  supposez,  maintenant,  que  les  objets  enlevés  et  portés  par  le  voleur 
chez  un  tiers  qui  les  a  reçus,  supposez  qu'ils  aient  été  volés  à  l'aide  de  circons- 
tances que  la  loi  déclare  .aggravantes,  à  Taide  de  fausses  clefs,  d'efi&aotion, 
d'escalade,  toutes  drconstances  qui,  à  la  peine  d'une  année  à  cinq  aunéee 
d'emprisonnement,  font  substituer  la  peine  beaucoup  plus  forte  de  cinq  ft 
vingt  ans  de  travaux  forcés;  dans  oe  cas,  le  receleur  a  reçu  la  chose  sachant 
qu'elle  provenait  d'un  vol;  mais  il  n'est  pas  prouvé  qu'il  ait  connu  les  circons» 
tances  d'effraction,  d'escalade,  de  fiBLUSses  clefs,  à  l'aide  desquelles  le  vol  a  été 
commis.  L'auteur  principal  étant  déclaré  coupable  de  vol  avec  escalade,  le 
receleur  étant  déclaré  coupable  d'avoir  caché  des  objets,  sachant  qu'ils  prove- 
naient d'un  vol,  mais  sans  connaître  les  circonstances  du  vol,  quelle  peine  lui 
appliquerons-nous  ?  sera-*ce  la  peine  de  l'art.  AOl,  c'est-à-dire  le  punirons-nous 
sôulemMit  à  proportion  de  ce  qu'il  a  connu?  sera-ce,  au  contraire,  d'après 
l'art.  59,  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps?  le  punirons-nous  de  circons* 
tances  auxquelles  peut-être  il  n'aurait  pas  pris  part,  quand  même  il  les  aurait 
connues,  mais  de  circonstances  qu'il  n'a  pas  même  soupçonnées?  Il  faut  le  dire 
à  regret,  nous  lui  appliquerons  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps.  Gela  ne 
sésulte  pas  seulement  du  texte  de  l'art*  62,  qui  ne  mènerait  nultement  à  ce 
résultat  s'il  était  seul  ;  nous  dirions  que  la  loi  exigeant  que  le  recel  ait  eu  lieu 
4ci0mment,  —  sdemmMi  doit  s'entendre  non-seulement  du  fait  même  du  vol, 
mais  de  toutes  les  circonstances  qui  l'ont  accompagné,— et  quelamêmeloi  exi- 
geant la  connaissance  du  receleur  pour  constituer  la  pénalité,  la  raison  comme 
la  justice  veulent  aussi  qu'on  exige  cette  circonstance  pour  aggraver  cette 
même  pénalité;  malheureusement  le  §  2  de  Fart.  63  vient  détruire  complètement 
ee  raisonnement  si  simple  qui  s'appuierait  sur  Tart*  62  et  sur  le  sens  commun. 

Ikms  tous  les  cas,  les  peines  des  tramuœ  forcés  à  perpéluité  ou  de  la  déportation, 
lorsqu'il  y  aura  Ueu,  ne  pourront  être  prononcées  contre  les  receleurs,  qu^autant 
quHls  seront  convaincus  d'avoir  eu,  au  temps  du  recelé,  connaissance  des  circon* 
stances  auxqu^les  la  loi  attache  les  peines  de  mort,  des  travausf  fbrcés  à  perpétuité 
et  de  la  déportation  ;  sinon,  ils  ne  subiront  que  lapeine  des  travaux  forcés  à  temps. 

Ainsi,  la  loi  exige  que  le  receleur  ait  connu,  non-seulement  le  fait  même  du 
délit  ou  du  crime,  mais  aussi  les  circonstances  dont  il  a  été  accoinpagoé  ;  elle 
l'exige,  non  pas  dans  tous  les  cas  et  pour  toutes  les  peines,  mais  seulement 
<]uand  il  s'agît  d'appliquer  au  receleur,  en  l'assimilant  au  voleur,  Tune  des  pei- 
nes perpétuelles  indiquées  dans  l'art.  63.  Ainsi,  c'est  seulement  quand  il  s'ar 
gira  4e  le  punir  des  travaux  forcés  à  perpétuité  ou  de  k  déportation,  vons. 
verrez  plus  tard  pourquoi  je  ne  parle  pas  de  la  mort,  c'est  seulement  quand  il 
s'agira  dé  le  punir  de  l'une  de  ces  deux  peines  qu'on  exigera  qu'il  soit  con- 
vaincu d'avoir  eu,  lors  du  recel,  connaissance  des  circonstances  qui  entraînent 
l'application  de  cette  peine.  Que  s'il  s'agit  au  contraire  d'une  simple  peine 
temporaire,  si  grave  qu'on  la  suppose,  il  résulte  à  contrario,  mais  il  résulte 
évidemment  du  §  2  de  l'art.  63,  que  la  loi  entendie  punir  de  la  même  pein 

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182     DOUZ.  LEÇ.  —  DBS  PERSONNES  PUNIBS.,  XZGUS.  OU  RB8F0NS.  (n*   145). 

que  le  voleur  lai-môme,  qu^elle  entend  faire  peser  snr  lui  tont  le  poids  des 
circonstances  aggravantes,  sans  s'inquiéter  le  moins  du  monde  de  savoir  s'il  les 
a  connues  ou  ignorées.  Gela  est  d'une  monstrueuse  injustice,  mais  cela  est 
établi  par  le  §  2  de  notre  article. 

Trouve-t-on  maintenant  des  motifs,  même  apparents,  pour  colorer  les  déci- 
sions de  la  loi  ?  J'avoue  que  je  ne  le  puis  pas  ;  la  loi  semble  même  prendre  à 
tftche  de  démontrer  l'absurdité  du  système  en  y  faisant  une  exception.  Ainsi i 
qu'on  pose  la  question  suivante  à  un  homme  :  Quelqu'un  a  recelé  un  objet 
volé,  sachant  qu'il  était  volé,  mais  dans  l'ignorance  complète  des  circonstances 
aggravantes  dont  ce  vol  était  accompagné  ;  faut-il  appliquer  au  receleur  Tag- 
gravation  de  peine?  Cet  homme  ainsi  consulté  répondra:  je  crois,  non;  il  pen- 
sera sans  doute  que  la  connaissance  des  circonstances  aggravantes  sera  indis- 
pensable pour  appliquer  au  receleur  l'aggravation  de  peine  qui  en  résulte* 
Quelque  parti  qu'on  prenne,  on  se  décidera  sans  doute  à  en  adopta  un  et  à  y 
tenir.  Eh  bien,  pas  du  tout  :  la  question  ainsi  posée  et  soumise  au  l^slateur^ 
il  n*y  répond  ni  oui  ni  non;  il  répond  oui  et  non.  Oui,  l'aggravation  sera  ap- 
pliquée au  receleur,  môme  à  raison  des  circonstances  qu'il  a  complètement 
ignorées,  pourvu  que  cette  aggravation  n'entraîne  pas  l'application  des  peines 
perpétuelles  ;  que  si,  au  contraire,  la  conséquence  de  cette  aggravation  est 
d'entraîner  des  peines  perpétuelles,  la  conséquence  n'aura  pas  lieu,  l'aggra- 
vation ne  frappera  pas  le  receleur. 

Rien  n'est  plus  bizarre  que  ce  système.  Si  l'assimilation  entre  le  voleur  et  le 
reoélear  est  raisonnable,  si  le  receleur,  par  cela  seul  qu'il  a  su  recevoir,  ca- 
cher un  objet  volé,  répond  par  là  môme  de  toutes  les  aggravations  qui  ont  pu 
entourer  le  vol,  il  faut  être  conséquent,  aller  jusqu'au  bout  et  dire  que  celui 
qui  a  caché  un  objet  volé  est  passible  de  la  peine  de  mort,  si  le  vol  a  été  com- 
mis au  moyen  d'un  meurtre.  Ou  bien,  si  on  recule,  comme  le  fait  la  loi,  de- 
vant l'absurdité  de  cette  conséquence,  il  faut  reconnaître  que  le  principe  est 
faux  ;  il  faut  reconnaître  que  le  receleur,  dans  la  personne  de  qui  la  connais- 
sance est  exigée,  doit  avoir  connaissance  non-seulement  du  vol  môme,  mais  de 
toutes  les  circonstances  qui  l'ont  accompagné;  que  la  môme  raison  qui  exige- 
rait qu'il  ait  reçu  sciemment,  milite  non-seulement  pour  le  fait,  mais  pour 
toutes  les  aggravations  du  fait. 

Ainsi  l'art.  63,  dans  le  §  2,  en  reculant  devant  son  principe,  pour  le  cas  ott 
la  peine  est  trop  dure,  reconnaît  lui-mômo  manifestement  l'iniquité  de  ce 
principe. 

Enfin,  dirait<K>n  que  le  principe,  bon  pour  le  cas  où  la  peine  n'est  que  tem- 
poraire, deviendrait  mauvais  et  faux  pour  le  cas  oii  elle  est  perpétuelle  T  Nous* 
l'avons  déjà  dit,  et  on  ne  saurait  trop  le  dire,  ce  qui  fait  la  justice  ou  l'injustice 
en  matière  pénale,  ce  n'est  pas  la  légèreté,  ou  au  contraire  la  gravité  de  la 
peine  ;  c'est  le  rapport  précis,  parfait  entre  la  peine  qu'on  applique  et  le  fait 
auquel  on  entend  l'appliquer.  Or,  si  ce  rapport  manque  dans  lestrois  cas  prévus 
par  le  §  2  de  l'art.  63,  il  manque  dans  tous  les  cas;  dès  que  l'assimilation  n'est 
pas  toujours  vraie,  elle  est  toujours  fausse,  et  c'est  ce  que  nous  devons,  je  crois, 
déclarer.  Voilà  pour  le  cas  du  §  2  de  l'art.  63. 

Le  §  !•',  qui  appartient  à  la  rédaction  nouvelle,  donne  lieu  aux  mômes  cri- 
tiques, et  vient  combattre  dans  sa  racine,  non  plus  seulement  l'extension  d'à»- 


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DB  L4  COMPLICITÉ  (aRT.  63].  183 

similatîon  dont  je  -viens  de  parler,  mais  vient  combattre  dang  son  principe, 
absolument  de  la  même  manière,  rassimilation  qne  faisait  Fart.  62.  Cette  cri- 
tique, que  le  législateur  va  faire  devant  vous  de  sa  doctrine,  est  encore  plus 
puissante  que  celle  que  Montesquieu  en  a  faite.  L'art.  62  a  pour  objet  d'éta- 
blir que  celui  qui  recèle  est  assimilé  au  voleur,  surtout  lorsqu'il  a  eu  plmne 
connaissance  des  circonstances  qui  accompagnent  le  vol.  J'insiste  sur  cette  der- 
nière circonstance  ;  car  si  la  loi  assimile  le  receleur  au  voleur,  même  quand 
le  receleur  n'a  pas  connu,  à  plus  forte  raison,  Tassimilation  doit  être  la  même 
quand  le  receleur  a  connu.  La  loi  serait  excusaMei  convenable,  si  elle  punis- 
sait comme  le  voleur  le  receleur  qui  a  su  tout  ce  qu'avait  finit  le  voleur.  Eh 
bien,  le  §  1*'  de  Tart.  63  vient  lui-même  réfuter  cette  idée,  vient  combattre, 
même  dans  ce  cas,  l'assimilation  que  Montesquieu  avait  déjà  repoussée.  Que 
décide-t-il  en  foit  ? 

§  !•'.  Néanmoins,  la  peine  de  fnort,  lorsqu'elle  est  appUeable  aux  auteurs  des 
orimee,  sera  remplacée^  à  P égard  des  receleurs  par  celle  des  travaux  forcés  à  per- 
pétuité. 

Pour  poser  une  hypothèse,  supposez  un  vol  commis  au  moyen  d'un  meur« 
tre,  c'est  le  cas  de  Tart.  304,  c'est  un  des  cas  où  la  loi  punit  le  vol  suivi  de 
meurtre  de  la  peine  de  mort,  les  deux  faits  étant  complexes.  Le  meurtrier, 
voleur  en  même  temp^  dépose  le  produit  du  vol  dans  les  mains  d'un  tiers  qui 
le  reçoit,  ayant  pleine  connaissance,  non-seulement  que  l'objet  est  volé,  mais 
que  pour  voler  on  a  tué,  on  a  assassiné  le  détenteur.  Quelle  peine  applique- 
rons-nous  ?  Sous  le  Gode  de  1810,  on  eût  appliqué  la  peine  de  mort,  consé- 
quence forcée  de  l^assimilation  établie  par  les  art.  59  et  62  combinés  ;  on  eût 
appliqué  la  peine  de  mort,  parce  que  le  principe  est  celui-ci  :  le  receleur,  sur- 
tout quand  il  a  connu  toutes  les  circonstances  du  crime,  est  assimilé  pleine- 
ment au  voleur.  £n  4832,  on  recule  devant  la  conséquence,  on  s'effraye  à  cette 
idée  de  punir  de  mort  un  homme  .qui  n'a  pas  assassiné;  on  recule  devant  la 
conséquence,  et  par  suite  on  prend  un  parti  moyen,  on  déclare  que  le  rece- 
leur, ayant  connu  le  vol  et  le  meurtre,  sera  puni  des  travaux  forcés  à  perpétuité. 
A  tout  prendre,  la  loi  vaut  certainement  mieux  comme  elle  est,  le  législateur 
a  mieux  fait  d*étre  inconséquent  que  d'être  cruel  jusqu'au  bout  Mais  il  est  dif- 
ficile de  se  critiquer  plus  sévèrement  qu'on  ne  le  fait  dans  le  §  1*'  de  l'art.  63. 
De  deux  choses  l'une  :  ou  celui  qui  recèle  en  pleine  connaissance  de  cause  est 
moins  coupable  que  le  voleur,  et  alors  il  ne  doit  pas  être  frappé  aussi  sévère- 
ment ;  ou  bien  il  est  aussi  coupable,  et  la  môme  peine  doit  l'atteindre.  Si  vous 
reculez  devant  cette  idée,  il  ne  faut  pas  seulement  reculer  quand  il  s'agit  de  la 
peine  de  mort,  mais  devant  toutes  les  peines,  car  l'assimilation  est  toujours 
bonne  ou  toujours  mauvaise.  On  ne  sait  plus  où  s'arrêter  quand  on  rapproche 
les  deux  paragraphes  de  l'art.  63  l'un  de  l'autre.  Voilà  un  receleur  qui  a  connu 
non-seulement  le  fait  coupable^  mais  encore  toutes  les  circonstances,  et  ce- 
pendant, m^Jgré  cela,  la  loi  ne  veut  pas  Tassimiler  au  coupable  dans  le  §  i*'de 
l'art.  63.  Voilà  un  receleur  qui  n'a  pas  connu  les  circonstances,  et  cependant 
dans  le  §  2  on  le  punit  comme  si  lui-même  les  avait  commises.  Il  est  impos- 
sible de  concevoir  un  pareil  résultat  ;  Fun  ayant  la  plus  parfaite  connaissance, 
et  dans  le  plus  grand  détail,  de  tout  ce  qui  s'est  fait,  s'étant  associé,  autant 
qu'on  peut  s'associer  après  coup,  à  un  acte  maintenant  commis  ;  et  lautre 

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184  TRBIZlàlCE  LRÇ.  —  DS8  BXGU8E8  (n*  146). 

n'ayant  pas  connu  les  circonstances  aggravantes,  croyant  recevoir  on  objet 
provenu  d'un  larcin^  tandis  qu'il  y  a  eu  voi,  vol  avec  escalade  ;  Tun  ne  sera 
pas  puni  comme  l'auteur,  l'autre  sera  puni  comme  lui. 

£n  un  mot,  si  dans  la  balance  pénale  le  lot  du  receleur  est  aussi  lourd,  aussi 
pesant  que  celui  du  voleur,  il  faut  que  dans  tous  les  cas  la  peine  des  deux  soit 
la  même.  Si,  au  contraire,  le  lot  du  receleur  est  plus  léger,  peu  importe  qu'il 
s'agisse  d'appliquer  la  peine  de  mort  ou  une  peine  temporaire.  Si  le  receleur 
est  moins  coupable,  moins  dangereux,  il  faut  le  frapper  moins  lourdement 
dans  tous  les  cas,  et  ne  pas  entrer  dans  les  inconséquences  du  système  de  1810 
lorsqu'on  est  rentré  dans  la  rédaction  de  1832. 

Ici  se  termine  tout  ce  que  nous  avions  à  dire  sur  la  matière  de  la  com* 
plîcit^.  Dans  les  articles  qui  précèdent,  nous  venons  de  voir  des  personnes 
étrangères  à  Taccomplissement,  à  la  perpétration  physique  et  matérielle  d'un 
fait,  punies  comme  si  elles  l'avaient  commis.  Dans  ceux  qui  vont  suivre,  au 
contraire,  nous  verrons  la  culpabilité,  et  par  suite  la  pénalité,  appliquées  à 
l'auteur  réel  du  fait,  se  réduire,  se  diminuer,  s'effacer  même  devant  des  dis- 
tinctions dont  les  unes  sont  définies  et  précisées  par  le  législateur,  et  dont  les 
autres,  au  contraire,  sont  abandonnées  à  la  défense,  à  la  conscience  des  jurés 
et  des  juges. 

TREIZIÈME   LEÇON. 

146.  Nous  passons  aux  art.  64  et  65,  relatifs  à  un  ordre  d'idées  qu'on  peut 
considérer  comme  précisément  inverse  de  celui  dont  nous  venons  de  nous 
occuper.  Dans  les  art.  59  è  63  vous  avez  vu,  en  vertu  des  principes  de  la  com- 
plicité, la  peine  de  certains  crimes  ou  délits  appliquée  à  des  personnes  qui 
réellement,  physiquement,  n'ont  pas  pris  une  part  directe  à  la  perpétration 
du  fait  pour  lequel  elles  sont  punies.  Au  contraire,  dans  l'art.  64  nous  allons 
voir  Fauteur  reconnu,  l'auteur  déclaré  du  fait  matériel  qui  a  causé  un  dom- 
mage, mis  à  Tabri  de  toute  espèce  de  peine.  Dans  l'art.  65  nous  verrons,  non 
pas  l'impunité  de  Tauteur  du  fait  pleinement  et  complètement  proclamée, 
mais  au  moins  la  peine  dont  la  loi  frappe  en  général  le  fait  qui  a  été  commis, 
réduite  dans  des  proportions  assez  fortes,  et  selon  les  circonstances  dont  nous 
aurons  à  exposer  le  détail. 

Quel  est  d'abord  l'esprit,  le  cas  de  l'art.  64? 

a  Art.  61.  Il  n'y  a  ni  crime,  ni  délit,  lorsque  le  prévenu  était  en  état  de  démence 
au  temps  de  ractioQ,  ou  lorsqu'il  a  été  contraint  par  une  force  &  laquelle  il  n'a  pu 
résister.  » 

Le  principe  est  fort  simple,  l'application  est  délicate  en  théorie,  elle  est  sou* 
vent  très-difficile  en  pratique.  Le  principe,  dis-je,  èét  fort  simple  :  en  effet,  le 
dommage  matériel,  le  mal  physique,  causé  par  un  homme  à  un  autre,  si  grave, 
si  terrible  qu'on  le  suppose,  n'est  après  tout  en  lui-même  qu'un  malheur  à 
déplorer;  pour  qu'il  y  ait  de  plus  un  crime  à  punir,  pour  que  l'intervention  de 
la  justice  pénale  à  propos  de  l'acte  nuisible  soit  légitimé,  il  faut  dans  l'auteur 
du  fiait,  dans  l'agent  qu'on  veut  punir,  une  condition  essentielle,  c'est-à-dire 
la  volonté.  Et  quand  je  dis  volonté,  j'entends  avec  le  législateur  une  volonté 
qui  sait  et  qui  peut;  d'un  côté,  j'entends  intelligence,  de  l'autre,  liberté  ;  Intel- 

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SB  LA  SÉMnCB  (art.   64).  18S 

ligenoe  de  l'acte  auquel  oa  concourt  et  liberté  de  s'en  abstenir  :  telles  sont 
les  deux  conditions  dont  le  concours  est  nécessaire  dans  Te^ent,  dans  Fauteur 
du  fait  pour  légitimer  à  son  égard  Tapplication  d'une  peine  quelconque.  Ces 
deux  conditions  sont  fort  claires;  ntais  les  cas  que  peut  embrasser  chacune 
d'elles  sont  difficiles  à  détermina,  soit  d'ayance  et  en  théorie^  soit  après 
coup  et  dans  la  pratique.  Je  n'entends  pas  d'ailleurs  entrer  ici  dans  les  déve- 
loppements  fort  étendus  que  présenteraient  les  questions  soulevées  par  les 
deux  parties  de  cet  article,  j'indiquerai  cependant  la  plupart  de  ees difficultés* 

Ainsi,  à  la  condition  d'intelligence  exigée  dans  Fauteur  du  fait  par  la  pre- 
mière partie  de  Fart.  64  se  rattachent  des  discussions  fameases  soulevées  sur 
la  criminalité,  sur  la  culpabilité  des  actes  commis,  soit  en  état  d'ivresse,  soit 
en  état  de  somnambulisme,  soit  enfin  dans  Fétat  qu*on  appelle  généralement 
état  de  monomapie. 

De  même,  à  la  question  de  liberté  se  rattachent  :  !<>  les  ca«  de  contrainte 
physique;  2^  les  cas  de  contrainte  morale,  et,  parmi  ces  derniers,  la  question 
fort  délicate  et  fort  dé{>attue  de  l'obéissance  passive,  c'est-à-dire  de  FimputS/- 
bilité  morale  et  pénale  des  actes  faits  par  un  inférieur  en  obéissant  à  son 
supérieur,  et  notamment  dans  le  cas,  dans  les  règles  de  la  hiérarchie  militaire. 

Disons  quelques  mots  de  ces  diverses  questions,  sans  espérer  les  présenter 
avec  tous  les  détails  qu'elles  demanderaient. 

147.  Relativement  à  Facte  commis  dans  Fétat  d'ivresse,  il  n'y  a  rien  de  plus 
discordant,  rien  de  plus  divergent  que  les  opinions  ou  plutôt  les  décisions  émi- 
ses relativement  à  ces  actes  par  les  diverses  législations  auxquelles  nous  pou- 
vons recourir. 

Ainsi,  vous  trouvez  dans  les  lois  romaines  quelques  textes  gui  considèrent 
rivresse  comme  constituant  une  sorte  d'excuse>  une  cause  d'atténuation  de  la 
peine  encourue.  Ces  textes  ne  pronon^nt  pas,  sans  doute,  l'impunité  d'un  tel 
fiût;  mais  tous  paraissent  voir  dans  l'ivresse,  sans  entrer  d'ailleurs  dans  des 
détails  bien  précis,  tous  paraissent  voir  dans  Fivresse  une  cause  d'atténuation 
ou  d'excuse.  Voyez  les  lois  11,  §  2  de  Pœnis,  et  6,  §  1,  de  Re  militari,  au  Di- 
geste, 

De  même  plusieurs  Godes  confiemponMns,  rédigés  dans  la  fin  du  dernier 
siècle  ou  dans  celui-ci,  en  Allemagne,  voient  dans  Fétat  d'ivresse,  pendant  le- 
quel un  aete  coupable  a  été  commis,  tantôt  une  cause  de  complète  impunité, 
tantôt  un  simple  motif  d*excuse  ou  d'atténuation.  Ces  Codes  et  les  juriscon- 
sultes qui  les  ont  commentés  entrent,  à  cet  égard,  dans  des  détails  assez 
nombreux  entre  Fivresse  habituelle  et  Fivresse  accidentelle.  Voyez  le  Ck>de 
pénal  prussien  et  le  Gode  pénal  bavarois. 

Au  contraire,  dans  la  législation  anglaise,  Fivresse  n'est  jamais  considérée 
comme  de  nature  à  atténuer  la  peine  du  crime  ou  du  délit  commis  dans  un  tel 
état;  loin  delà,  Blackstone  déclare  que  la  législation  anglaise  voit  plutôt  dans 
Fivresse  une  cause  d'aggravation  de  la  peine.  Quoi  qu'il  en  soit  de  la  justesse 
de  cette  dernière  opinion,  qu'il  serait  bien  facile  de  combattre,  nous  n'avons 
dans  nos  Godes  fran(^ais  rien  de  positif,  rien  de  précis  sur  la  question  ;  c'est 
aux  art.  64  et  65  que  se  rattachent  nécessairement  les  doutes  que  la  matière 
peut  faire  naître. 


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186  TREIZliMB  LBÇ.  —  BBS  EXCUSES  (n*   147). 

Qaelque  complet  que  soit  sur  une  question  si  grave  le  silence  du  Gode  pénale 
je  ne  sais  si,  aujourd'hui  surtout,  nous  devons,  nous  pouvons  en  faire  un 
reproche  aux  rédacteurs  de  ce  Gode;  je  ne  sais  pas  si,  après  tout,  le  silence 
de  la  loi  sur  une  question  de  cette  nature  n'est  pas  le  parti  le  plus  sage  que 
peut  prendre  le  législateur,  dans  des  questions  qui  varient  à  l'infini,  selon  la 
diversité  des  faits,  et  qu'il  est  bien  difficile  d'embrasser  dans  la  généralité  d'une 
règle  commune.  Quelques  exemples  vous  feront  sentir  à  cet  égard  la  difficulté 
et  les  dangers  d'une  r^le,  et  aussi  la  solution  positive  que  pourraient  recevoir 
en  pratique  quelques-uns  des  cas  de  cette  nature. 

Prenez  d'abord  Thypothèse  la  plus  favorable  de  toutes,  le  cas  d'une  ivresse 
tout  à  fait  accidentelle  et  d'ailleurs  absolument  complète,  entière  ;  le  cas  d'une 
ivresse  qui  a  enlevé  i  celui  qui  y  est  tombé  Tintelligence,  le  sentiment,  la  con- 
science de  ses  actes  présents,  qui  lui  a  enlevé  Tintelligence,  à  tel  point  qu'il 
n'aura  même  pas  à  son  réveil  le  souvenir  des  actes  accomplis  par  lui  pendant 
l'ivresse;  ou  que,  s'il  a  quelques  traces,  quelques  restes  de  ses  souvenirs,  il  les 
aura,  comme  nous  avons  au  réveil  le  souvenir  confus  des  actes  ou  des  idées 
qui  se  sont  succédé  pendant  le  sommeil.  En  se  plaçant  dans  une  telle  hypo* 
thèse,  et  elle  est  possible,  il  est  certain  que  l'ivresse,  sans  enlever  au  corps,  à 
l'homme  physique  la  possibilité  d'agir,  peut  enlever  à  l'homme  moral,  à 
l'homme  intellectuel  Tintelligence  et  le  sentiment  de  ce  qu'il  fait,  je  dis  que, 
dans  un  tel  cas,  le  silence  de  la  loi  n'a  rien  de  vraiment  embarrassant,  car 
nous  sommes  tout  à  fait  dans  l'esprit  de  Fart.  64,  et,  quoiqu'il  n'y  ait  pas  dé- 
mence dans  le  sens  technique  du  mot,  c'est-à-dire  quoiqu'il  n'y  ait  pas  état 
durable,  permanent,  habituel,  il  est  cependant  clair  qu'il  n'y  a  pas  eu  intelli- 
gence, sentiment,  conscience  de  l'acte,  et  que,  hors  de  ces  circonstances,  au- 
cune peine  ne  peut  être  appliquée. 

Quel  jurisconsulte,  par  exemple,  oserait  déclarer  coupable  de  meurtre,  c'est- 
à-dire  coupable  d'homicide  commis  volontairement,  un  homme  qui,  dans  un 
état  d'ivresse  tel  que  celui  que  je  suppose,  aura  en  fait  commis  un  homicide? 
Il  y  aura,  si  l'on  veut,  négligence,  imprudence,  imputabilité  civile  ;  mais  où  il 
n'y  a  pas  eu  l'intention  de  crime,  volonté  de  tuer,  volonté  d'agir  en  connais- 
sance de  cause,  il  y  aura  impossibilité  de  déclarer  l'accusé  coupable,  impos- 
sibilité d'appliquer  la  peine  ordinaire  de  Thomicide  volontaire,  la  peine  du 
meurtre. 

Enfin,  dirait-on  ce  qu'on  dit  souvent  en  tels  cas,  que  l'ivresse  n'est  pas  une 
excuse,  et  que,  d'après  l'art.  65,  les  excuses  ne  peuvent  s'appliquer  qu'autant 
qu'elles  sont  écrites  formellement  dans  la  loi  ?  Gela  est  vrai  pour  les  excuses, 
comme  nous  le  verrons  plus  tard;  aussi  n'est-ce  point  comme  excuse  que  nous 
présentons  ici  le  cas  d'ivresse.  L'excuse  suppose,  comme  nous  le  verrons,  une 
culpabilité,  un  fait  punissable  dont  elle  vient  atténuer  la  gravité  de  la  peine  ; 
ici  il  n'y  a  rien  de  punissable  :  parce  qu'il  n'y  a  pas  de  volonté,  il  y  a  impos- 
sibilité de  déclarer  l'accusé  coupable. 

A  cette  hypothèse  toute  favorable  à  laquelle  suffit  Part.  64,  opposez  mainte- 
nant l'hypothèse  contraire,  celle  d'une  ivresse  qui  non-seulement  n'est  pas 
complète,  n'est  pas  entière,  celle  d'une  ivresse  qui  non-seulement  n'a  pas 
éteint,  assoupi,  endormi  pour  un  temps  le  sens  moral,  mais  qui,  au  contraire, 
était  calculée,  préméditée  de  la  part  de  l'auteur  du  fait;  supposez  cette  ivresse 

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DS  LA  BÉMBNCS  (aRT.  64).  187 

partielle  procurée  avec  intenUon,  soit  poar  se  donner  Fandace  nécessaire  à 
raccomplîssement  da  fait,  soit  pour  étourdir  la  conscience  sur  le  remords  ou 
sur  les  terreurs  de  la  peine  à  Tenir.  Il  est  clair  que  là,  l'iYresse  est  un  fait 
absolument  indifférent,  qu'elle  ne  peut  influer  ni  sur  la  déclaration  de  culpa- 
bilité, ni  sur  l'application  et  la  gravité  de  la  peine. 

Mais  entre  ces  deux  hypothèses,  sur  lesquelles  on  ne  sera  guère  arrêté  lors- 
que les  faits  seront  bien  constants,  bien  établis,  viennent  se  placer,  se  jeter 
un  nombre  infini  de  cas,  de  variétés,  de  nuances  que  le  législateur  ne  peut 
saisir  à  l'avance. 

Le  plus  souvent  Tivresse  ne  sera  pas  celle  que  nous  avons  supposée  dans  le 
premier  cas;  elle  n'aura  pas  enlevé  absolument,  complètement  à  Fauteur  de 
Facte  rintelligence  de  ce  qu'il  faisait,  mais  elle  aura  étourdi,  affaibli  son  intel- 
ligence, son  sens  moral;  elle  n'aura  pas  paralysé,  mais  elle  aura  affaibli  en  lui 
la  force  de  résistance  morale  au  moyen  de  laquelle  il  aurait  pu  repousser  les 
tentations  et  l'idée  même  du  crime  qu'il  a  commis.  Alors,  sans  doute,  il  a  agi 
volontairement;  on  ne  peut  dire  que  l'état  partiel  d'ivresse,  d'étourdissement, 
d'ignorance  où  il  s'était  placé,  soit  une  raison  pour  le  déclarer  non  coupable. 
Alors,  sans  doute,  on  aurait  pu  regretter  dans  le  Giode  pénal  de  1810  le  silence 
absolu  de  la  loi,  silence  qui  n'aurait  pas  laissé  départi  moyen  entre  un  acquit- 
tement complet  ou  une  condamnation  tout  aussi  pleine,  tout  aussi  forte  que 
celle  que  l'on  porterait  contre  un  homme  qui  a  agi  de  sang-froid.  Mais  depuis 
qu'en  1832  Fart.  463,  que  nous  expliquerons  sous  Fart.  65,  a  introduit  au 
profit  du  jury  le  droit  de  déclarer  des  circonstances  atténuantes,  puisées  li- 
brement par  lui  dans  tous  les  détails,  dans  tous  les  accidents,  dans  tous  les 
éléments  du  fait,  nous  trouvons  là  le  plus  sûr,  le  plus  puissant  de  tous  les 
remèdes  à  l'inconvénient  que  nous  signalons  :  ce  sera  au  jury,  en  reconnais- 
sant que  Fivresse  partielle  a  cependant  laissé  subsister  la  volonté,  en  déclarant 
en  conséquence  Faccusé  coupable  du  crime,  à  ajouter  cependant,  si  bon  lui 
semble,  la  déclaration  de  circonstances  atténuantes,  précisément  à  raison  de 
l'état  d'étourdissement,  d'affaiblissement,  qui,  sans  éteindre  la  volonté,  sans 
endormir  tout  à  fait  le  sens  moral,  a  cependant  diminué  le  pouvoir  de  résis- 
tance et  permet  de  douter  qu'en  état  de  raison  et  de  sang-froid  le  môme  acte 
eût  été  commis  par  Faccusé.  Cette  déclaration  de  circonstances  atténuantes 
laissera  subsister  la  culpabilité,  laissera  subsister  la  nécessité  d'appliquer  une 
peine  ;  mais  cette  peine  se  diminuera,  s'affaiblira  dans  des  proportions  assez 
fortes. 

Voilà  pour  le  premier  cas;  et  vous  voyez  que  les  législateurs  qui  ont  essayé 
d'embrasser  dans  des  règles  positives  les  modifications  que  Fétat  d'ivresse  peut 
apporter  à  la  culpabilité,  ont  peut-être  entrepris  une  tâche  supérieure  à  leurs 
forces,  en  essayant  de  soumettre  à  Favance  des  règles  fixes,  générales,  ce  qui 
dépend  de  la  variété  infinie  des  faits  et  des  circonstances. 

148.  Je  passe  au  second  cas,  à  celui  de?,  actes  commis  en  état  de  sommeil, 
en  état  de  somnambulisme,  et  à  celui-là  quelques  mots  suffiront. 

Vous  devez  vous  étonner  qu'on  puisse  sérieusement  s'arrêter  à  ce  cas  ;  aussi 
n'en  aurais-je  pas  parlé  si  des  jurisconsultes,  si  des  auteurs  qui  ont  traité  de 
la  médecine  légale  n'avaient  discuté  sérieusement  la  question  de  responsabî 

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1^8  TREIZIÈME  JLEQ.  *-  0B8  BZflUSBS  (n«  149). 

lité,  non-seulement  civile^  mais  même  morale  et  pénale  du  Bomnambulisme. 
Il  est  clair  que  les  actes  commis  par  un  homme  dans  Têtat  de  sommeil  échap- 
pent de  notre  part  à  toute  espèce  d'observation;  qu'il  nous  est  impossible  d'y 
voir  autre  chose  que  des  actes  physiques  matériels;  qu'il  nous  est  impossible 
de  deviner  si  un  degré  de  volonté  à  coopéré  à  la  perpétration  de  ces  actes, 
YouJoir  les  assujettir  à  une  responsabilité  quelconque,  fut-elle  purement  ci- 
vile, c'est  une  tentative  téméraire  et  insensée;  vouloir  les  assujettir  aune 
r^ponsabilité  pénale,  déclarer,  par  exemple,  ^ue  Thomme  qui  en  état  de 
sommeil^  aurait  commis  un  meurtre,  devrait  être  puni  comme  meurtrier^  s'il 
avait  eu  avec  sa  victime  des  inimitiés  capitales,  attendu,  diraitron,  que  ce 
Grime  commis  dans  le  sommeil  n'est  que  le  résultat  de  ses  projets,  de  ses  pré- 
méditations, de  ses  pensées  ordinaires,  c'est  arrivera  un  résultat  qu'on  est 
embarrassé  de  qualifier,  c'est  rappeler  tout  à  fait  le  mot  de  cet  empereur  ro- 
main envoyant  au  supplice  un  homme  qui  avait  rôvé  l'assassiner  :  Si  tu  n'ch- 
vais  pas  pensé  le  jour,  àissltril,  à  m'assassiner,  tu  n'y  aurais  pas  rêvé  pendant 
la  nuit.  Je  ne  vois  là  que  des  actes  matériels,  dont  l'auteur  est  à  l'abri,  je  ne 
dirai  pas  de  toutes  poursuites  pénales,  la  question  ne  peut  faire  de  doute,  mais 
aussi,  et  par  la  môme  raison,  de  toute  espèce  de  poursuites,  de  responsabilité 
même  purement  civile.  Au  reste,  vous  sentez  que  de  telles  questions  ne  s'é- 
lèvent guère  que  dans  les  livres,  que  l'état  dont  je  parle  est  heureusement 
assez  rare,  et  les  faits  que  je  suppose  tellement  insupposables,  que  la  pratique 
ne  présentera  guère  de  telles  questions  à  juger,  que  la  pratique  ne  soumettra 
guère  au  jury  le  jugement  d'actes  commis  pendant  l'état  du  sommeil. 

149.  Malheureusement  on  n'en  peut  pas  dire  autant  de  notre  troisième  cas, 
celui  de  monomanie.  U  y  a  peu  d'années  que  quelques  exemples  se  sont  présen- 
tés; le  cas  est  difficile  en  théorie  et  l'est  peut-ôtre  plus  encore  dans  la  pratique. 

Quels  sont  d'abord  les  actes  commis  en  cet  état,  quels  sont  donc  ces  faits 
qu'on  est  convenu  de  désigner  par  le  nom  de  faits  de  monomanie  ? 

Si  vous  preniez  le  mot  de  monomanie  à  la  lettre,  dans  son  étymologie,  la 
question  serait  tranchée  d'avance  ;  le  nom  de  monomanie  présenterait  à  vos 
esprits  l'idée  d'une  démence,  d'une  folie  partielle,  d'une  folie  qui,  concen- 
trée sur  un  objet  unique,  n'en  est  pas  moins  une  démence  dans  l'acception 
du  mpt.  En  effet,  en  nous  isolant  des  matières  criminelles,  de  l'objet  pénal 
que  nous  traitons,  il  arrive  bien  souvent,  vous  le  savez,  qu'une  personne, 
raisonnable  dans  les  rapports  ordinaires  et  journaliers  de  la  vie,  est 
cependant  affectée  par  un  dérangement  plus  ou  moins  explicable  de  ses  facul- 
tés intellectuelles,  affectée  d'un  genre  de  folie  qui  ne  se  rapporte  qu'à  un 
certain  nombre  de  faits,  qu'à  un  certain  nombre  d'idées.  Or,  si  ce  genre  de 
folie  porte  sur  l'accomplissement  d'actes  prohibés  par  la  loi  pénale,  il  est 
clair  que  ces  actes,  en  vertu  de  l'art.  64,  seraient  à  l'abri  de  toute  atteinte  : 
l'art.  64  déclare  innocents  les  actes  commis  en  état  de  démence  ;  il  n'exige 
pas  que  la  démence  soit  perpétuelle  quant  à  sa  durée,  et  pas  davantage  qu'elle 
soit  universelle  quant  aux  objets  qu'elle  embrasse.  Ainsi,  s'il  n'y  avait  foUe  vé* 
ritable,  concentrée  sur  une  seule  série  d'objets,  sur  un  ensemble  d'actes  tou- 
jours uniformes,  mais  prohibés  par  la  loi  pénale,  il  est  clair  que  l'auteur  de 
ces  actes  échapperait  à  la  peine  comme  étant  en  état  de  démence.  Mais  le 

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DI  LA  DilIBKCB  (aRT.  64).  189 

jmi  de  monomanie,  dans  leA  auteurs  qui  traitent  de  médecine  légale,  ne  s'ap* 
pliqae  point  à  ces  cas  :  la  monomanie  exige  on  dérangement  partiel,  physique 
et  intellectuel  de  quelque  organe  ;  des  exemples  yous  feroat  comprendre  le 
sens  précis  du  mot» 

Supposez  un  homme  jusque-là  en  plein  état  de  raison,  n'ayant  donné  aucun 
Hgne,  aucun  indice  de  démence  ou  de  fureur,  homme  d*aiâenrs  d'une  ¥Îe 
restée  jusque-là  tout  à  fait  irréprochable  ;  supposez,  dis-je,  que  tout  à  coup 
sans  intérêt,  sans  passion,  sans  motif  connu  ou  supposable,  il  aille  assaasiner, 
égorger,  je  ne  dis  pas  un  homme  ayeequi  on  pourrait  lui  supposer  des  que* 
relies  antérieures  et  inconmies,  mais  un  enfimt  dont  il  ne  saurait  pas  le  nom, 
et  qu'il  n'a  jamais  tu  ;  il  a  commis  le  crime  do  sang^-firoid,  peut-éire  àveepié-^ 
méditation,  mais  sans  motifs  connus,  sans  causes  8iq>posables,  il  l'a  commis 
sans  autre  mobile,  sans  autre  cause  admissible,  par  je  ne  sais  quelle  soif,  quel 
instinct  de  sang  qui  l'y  a  porté,  absolument  par  le  même  besoin  qui  porte 
une  béte  féroce,  un  tigre  à  dédiirer,  quand  même  il  .est  assoupi.  Y  a-t-il  lA 
démence,  ou  bien  y  a-t-il  eu  contrainte,  dans  le  sens  même  de  l'article  ?  fiù 
un  mot,  y  a-t-il  là  crime  f  Y  a*t-il,  an  contraire,  idbsenoe  de  yolonté,  d'intel- 
Ugence,  de  liberté,  et  par  conséquent  matière  à  Facquittement? 
.  Vous  sentez  que,  quand  de  pareilles  hypothèses  se  présentent,  la  défense 
ne  manque  pss  de  se  rejeter  dans  l'art.  64  ;  d^étabiir  que  raoensé,  par  la  nature 
même  du  fait  qu'il  a  commis,  par  cette  idée  générale  que  l'homme  n'agit  pas 
sans  motifs,  que  l'accnsé  doit  être  réputé  ou  en  état  de  démence,  ou  sous 
l'empire  d'une  puissance  irrésistible,  interne,  qui  l'a  entraîné  à  cet  acte.  Que 
de  pareilles  défenses  soient  reproduites,  soient  présentées,  certes  il  n'y  a  pas 
de  raisons  d'en  faire  un  grave  blâme  au  défenseur.  Mais  au  fond  sont-elles 
bien  justes,  bien  raisonnables  ?  De  ce  qu'aucun  motif  ne  nous  apparaît,  de  ce 
qne  nous  reconnaissons  même  qu'il  n'en  enste  aucun,  ou  au  moins  aucun  de 
ceux  qui  déterminent  les  crimes  ordinaires  ;  de  coque,  en  un  mot,  il  est  bien 
constant  que  le  crime  eoinmisn'a  d'autre  mobile  que  cet  affreux  instinct  du 
meurtre,  s'ensuit-il  qu'il  y  ait  démence,  qu'il  n'y  ait  pas  liberté,  et  que  par 
coiuéquent  il  n'y  ait  pas  crime  f  La  question  est  fort  délicate  et  dépendra 
beaucoup  des  faits.  Pour  ftiire  la  part  à  l'humanité  tout  autant  qu'à  la  raison, 
il  faut  commencer  par  reconnaître  qu'un  tel  acte  peut  rentrer  quelquefois, 
suivant  les  circonstances,  dans  le  cas  de  démence  prévu  par  l'art.  64.  Gertai- 
nsoient  il  est  possible  qu'un  homme^  jusque-là  sain  d'esprit,  atteint  brusque- 
ment de  je  ne  sais  quel  vertige,  débute  dans  la  folie  par  un  acte  de  férocité  ; 
il  est  possible  que  ce  meurtre  Inexplicable  ne  soit  que  l'indice  d'une  fàreur 
qui  commence.  Mais  en  est-il  l'indice  nécessaire  ?  tout  fait  de  cette  nature 
Buppose-t^ii  nécessairement  la  démence,  et  doit*il  par  cela  même  être  suivi 
d'un  acquittement  ?  C'est  ce  qu'il  parait  impossible  dVidmettre  comme  un  sys- 
tème général.  En  effet,  pourquoi  l'art.  64  défend-il  de  voir  un  crime  ou  un 
délit  où  la  volonté  et  rintelligence  ont  manqué  ?  C'est  apparemment,  c'est 
évidemment  parce  qu'il  n'y  a  là  qu'un  acte  matériel  commis  par  un  homme, 
comme  il  aurait  pu  l'être  par  une  bête,  commis  par  un  homme  qui  n'a  su  ce 
qu'il  iîBÛsait,  qui  Fa  peut*être  su  phynquement,  mais  qui,  moralement,  n|a 
pas  mesuré  l'étendue  et  la  portée  de  cet  acte.  Or,  cette  circonstance  existe-t-^' 
dans  la  supposition  f  De  ce  qu'il  n'y  &  &i  intérêt  d'argent,  ni  intérêt  de 

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190  TRBIZIÀMB  LBÇ.   —  DBS  EXGU8R8  (n«   149). 

geance,  ni  intérêt  de  colère^  pour  expliquer  ce  crime,  B'enroit-il  qu'il  n'y  ait 
pas  de  motifo,  et  que  le  crime,  par  là  môme,  soit  un  acte  physique  à  peine 
connu  de  celui  qui  l'a  exécuté  ?  Non  certes,  le  monomane,  celui  qui  tue  sans 
autre  mobile  que  celui  de  voir  couler  du  sang,  n*est  pas  moins  éclairé  que 
celui  qui  tue  dans  un  emportement  de  colère,  de  passion,  de  jalousie  ;  l'un  et 
Fautie  ont  parûiitement  pu  sentir  ce  qu'ils  £ai8aient  ;  dans  l'un  et  l'autre  le 
sens  moral  était  attaqué,  mais  dans  Tun  et  l'autre  il  était  suffisant  pour  résister 
i  l'entraînement,  tous  deux  ont  senti  Timportancede  l'acte  moral  qu'ils  allaient 
faire,  tous  deux  ont  pu  sentir  que  l'acte  était  coupable,  tous  deux  ont  senti  le 
remords  après  l'accomplissement  du  crime,  et  surtout  la  crainte  de  la  peine. 
Or,  où  il  y  a  sentiment  du  mal  qu'on  fait,  et  effort  pour  se  cacher  ;  où  il  y 
a  remords,  et  surtout  crainte  de  la  peine,  apparenunent  qu'il  n'y  a  pas  de 
démence  ;  où  Ton  sait  que  ce  que  Ton  fait  est  mal,  moralement,  où  l'on  prend 
des  précautions  4)our  parer  la  peine,  on  atteste  clairement  qu'on  n'est  pas 
dans  l'état  de  démence,  de  fureur,  d'imbédUité,  prévu  par  le  premier  cas  de 
l'art.  64. 

Dira*t-on  maintenant  que,  s^il  n'y  a  pas  démence  dans  le  sens  exact  du  mot, 
si  le  monomane  a  compris  qu'il  faisait  mal,  si,  en  un  mot,  l'intelligence  ne 
lui  a  pas  manqué,  dira-t-on  au  moins  que  la  liberté  lui  a  manqué?  dirait-on 
que  s'il  n*était  pas  dans  le  premier  cas  de  l'art.  64,  dans  un  état  de  démence 
même  instantanée,  même  partielle,  il  était  dans  cet  état  de  contrainte  à  la- 
quelle on  ne  peut  pas  résister,  et  qu'au  moins,  sous  ce  deuxième  rapport,  il 
échappe  encore  à  l'application  de  la  peine? 

Si  cette  idée  était  vraie,  si  cette  défense  était  juste,  et  elle  se  rattache  au 
sens  que  nous  devons  donner  aux  derniers  mots  de  rartido,  je  ne  sais  pas 
vraiment  s*ily  aurait  au  monde  un  crime  puiiissable. 

De  quelle  contrainte,  en  effet,  entendent  parler  les  derniers  mots  de  l'ar- 
ticle 64?  Évidemment  et  sans  difficulté  de  la  contrainte  étrangère,  externe, 
de  celle  dont  nous  ne  sommes  pas  la  cause,  et  qui  nous  force  à  agir  malgré 
nous.  Voilà  le  premier  sens.  C'est  de  la  contrainte  physique,  fort  rare  en  fait, 
presque  insupportable,  comme  nous  le  verrons  bientôt;  ou  même  de  la  con* 
trainte  morale,  mais  de  la  contrainte  morale  exercée  sur  nous  par  des  tiers  ou 
par  des  fiuts  que  nous  n'avons  pas  pu  dominer  ou  prévoir.  Mais  s'agit-il  dans 
l'artide  64  de  cette  contrainte  morale  qu'exerce  sur  un  homme  devenu  cou- 
pable une  passion  à  laquelle  il  n'a  pas  pu  résister;  de  cette  contrainte  monde 
qui  se  produit  à  sa  naissance  sous  la  forme  d'un  désir  timide  et  mollement 
combattu,  au  contraire  caressé,  encouragé  et  qui,  devenu  plus  fort,  a  fini  par 
exercer  sur  celui  qui  ne  l'a  pas  combattu  un  empire  irrésistible?  Si  c'était  là 
le  sens  de  Tart.  64,  il  n'y  aurait  pas,  je  le  répète,  de  crime  punissable.  Il  fiiut 
bien  croire,  en  effet,  pour  l'honneur  de  l'homme,  de  l'humanité,  qu'au  mo- 
ment de  Taccomplissement  d'un  grand  crime,  il  n'y  a  jamais  de  sang-froid  com* 
plet,  jamais  pleine  et  entière  liberté  morale;  il  faut  bien  admettre  que  celui 
qui  se  porte  à  assassiner,  ne  s'y  est  porté  que  par  degré,  et  qu'au  dernier 
moment  il  ne  peut  plus  vouloir  s'arrêter  et  reculer,  mais^en  ceci  encore,  en 
quoi  l'acte  du  monomane  diffère-t-ilde  celui  de  l'assassin?  Celui  qui  assassine 
par  colère,  par  passion,  par  jalousie,  celui-là  aussi,  au  moment  de  firapper, 
n'est  plus  le  maître  de  s'arrêter;  celui-là  est  sous  l'empire  d'une  contrainte 

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DB  LA  IXtlflDfCB  (aRT*   64).  191 

devenue  irrésistible,  sons  l'empire  d'une  ooatnûnte  qui  rentrtfne,  qui  le  do* 
mine  en  esclave  :  il  n'est  ni  pins  ni  moins  éclairé,  ni  pins  ni  moins  libre  qne 
le  monomane. 

En  un  mot,  la  monomanie  par  elle-même,  lorsqu'elle  est  bien  séparée  de 
tout  fait  de  folie  proprement  dite,  —  c'est  là  qu'est  la  question  ou  la  difficulté 
de  fait,  —  la  monomanie  par  elle-même  ne  me  parait  rentrer  ni  dans  le  cas  de 
démence  ni  dans  le  cas  de  contrainte  des  deux  hypothèses  de  l'art.  64. 

150.  Nous  avons  maintenant  à  nous  occuper  du  cas  de  la  contrainte,  du 
défaut  de  liberté  dont  nous  venons  de  dire  un  mot  à  propos  delà  monomanie, 
mais  sur  lequel  il  est  bon  de  nous  arrêter  avec  un  peu  de  détails. 

il  iCy  a  ni  crime  ni  délit  lorsque  le  prévenu  a  été  contraint  par  une  force  à  la^ 
quelle  il  n^apas  pu  résister,  La  cause,  le  motif  est  connu  ;  voyons  les  cas  d'ap- 
plication. ♦ 

De  quelle  force  est-il  icf  question  ?  Quelle  est  cette  contrainte  irrésistible  qui 
enlève  à  l'acte  matériel  si  dommageable,  si  sanglant  qu'on  le  puisse  supposer, 
tout  caractère  de  criminalité,  toute  application  de  pénalité?  Point  de  doute, 
lorsqu'il  s'agit  d'une  force  physique,  directe,  immédiate,  qui  vous  a  contraint 
malgré  vous  à  frapper  ou  à  faire  l'acte  coupable.  Mais  vous  sentez  que  de  tels 
cas  n'arriveront  pas,  qu'on  ne  prendra  pas  votre  bras  pour  vous  forcer  à  frap- 
per, à  incendier,  à  voler. 

Ce  n'est  donc  pas  à  des  cas  de  contrainte  physique,  directe,  immédiate,  que 
nous  devons  borner  l'application  du  deuxième  cas  de  l'art.  64,  nous  l'enten- 
drons de  même  du  cas  de  contrainte  morale,  c'est-ft-dire  du  cas  où,  pour  vous 
soustraire  à  l'imminence  d'un  péril  grave,  d'un  péril  sérieux,  pour  plier  sous 
une^loi  toute-puissante,  le  besoin,  le  sentiment  de  la  conservation^  vous  aurez 
commis  un  fait  que  la  loi  pénale  prévoyait  et  punissait. 

La  chose  ne  souffrira  pas  de  doute,  pas  de  difficulté  d'application  pratique, 
lorsque,  pressé  par  le  besoin  de  votre  conservation,  vous  aurez,  pour  l'assurer, 
sacrifié  la  vie  même  de  celui  qui  mettait  la  vôtre  en  péril.  En  un  mot,  dans  le 
cas  des  art.  327  et  328,  qui  ne  sont  guère  que  l'application  spéciale  des  der- 
niers mots  de  l'art.  64,  dans  ce  cas,  l'homicide  sera  suffisamment  justifié,  l'ho- 
micide  sera  dépouillé  de  tout  caractère  punissable,  par  cela  seul  qu'il  aura 
été  commis  en  état  de  légitime  défense.  Lorsque  le  mal  qufvons  pressait  était 
grave,  sérieux,  lorsqu'il  s'agissait,  non  pas  de  simples  provocations,  fût-ce 
même  par  des  violences,  mais  lorsque  votre  vie  était  réellement  en  péril, 
vous  avez  pu  sacrifier  sans  hésiter  la  vie  de  celui  qui  mettait  la  vôtre  en  péril. 

Meus  ce  cas  de  légitime  défense,  bien  différent  de  celui  d'excuse  dont  nous 
parlerons  sur  l'art  65,  est-il  le  seul  sur  lequel  les  termes  de  l'art.  64  puissent 
s'appliquer?  Autrement,  serez-vous  punissable  comme  meurtrier,  lorsque, 
pour  obéir  au  sentiment  de  la  conservation,  vous  aurez  sacrifié,  non  pas  la 
vie  de  celui  qui  mettait  la  vôtre  en  péril,  mais  la  vie  d'un  tiers  parfaitement 
innocent,  absolument  étranger  au  danger  que  vous  couriez  ?  De  telles  hypo- 
thèses sont  rares;  on  peut  cependant  les  supposer,  elles  ne  sont  pas  sans  s'être 
présentées  quelquefois.  Dans  le  cas  où  elles  se  présenteraient,  les  termes  de 
l'art.  63  paraissent  encore  s'appliquer  :  la  puissance  de  la  contrainte,  lorsque* 
cette  contrainte  vient  du  dehors,  lorsque  le  danger  est  grave,  sérieux,  lors 

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192  TREIZliMB  LBÇ.  —  DBB  BZGU8B8  (n*   151). 

qu'il  y  ya  de  la  Tie^  la  puissanoe  de  la  contrainte  est  bien  loin  sans  donte 
d'excuser  moralement,  de  décharger  de  tonte  responsabilité  de  conscience  ce* 
lui  qui  a  sauvé  sa  vie  aux  dépens  de  celle  d'un  autre;  mais  la  loi  ne  peut  guère 
y  voir  matière  à  pénalité,  la  généralité  de  ses  termes  parait  en  exclure  Tappli- 
cation. 

151.  Au  reste,  ce  n'est  pas  là  encore  que  peut  se  borner  l'art.  64,  et,  pour 
l'appliquer,  nous  ne  devons  pas  nous  borner  à  prendre  des  exemples  de  con- 
trainte physique  ou  de  contrainte  morale,  résultant  de  l'imminence  d'un  péril 
actuel,  auquel  vous  ne  pouviez  vous  soustraire.  La  contrainte  morale,  celle 
de  Fart.  64,  peut  être  encore  d'une  autre  nature;  elle  peut  résulter  du  con- 
cours, de  l'opposition,  du  conflit  de  deux  devoirs,  et  c'est  à  ce  point  que  se 
rattache  la  question  si  débattue  et  si  insoluble  en  théorie,  de  Tobéissance 
passive. 

Exemple  :  Jusqu'à  quel  point  le  soldat,  qui,  dans  l'exécution  des  ordres  par 
lui  reçus,  a  commis  un  fait  punissable  d'après  la  loi  criminelle,  jusqu'à  quel 
point  esi-il  responsable,  je  ne  dis  pas  morâlement,  mais  môme  pénalement, 
jusqu'à  quel  point  est-il  responsable  devant  la  justice  humaine  ? 

Certainement,  à  toute  rigueur,  la  théorie  peut  arriver  à  resserrer,  un  peu  le 
cercle  immense  qu'embrasse  une  telle  question  ;  mais  en  réalité,  ce  seront 
toujours  là  des  questions  de  fait,  des  questions  de  pratique,  et  non  pas  des 
questions  de  doctrine.  En  doctrine,  je  ne  puis,  à  cet  égard,  répondre  qu'un 
mot,  c'est  que  la  hiérarchie  militaire,  c'est  que  l'obéissance  absolue  que,  par 
des  motifs  impérieux,  l'inférieur  doit  à  son  supérieur  militaire,  ne  doit  pas  ce- 
pendant, ne  peut  pas  aller  jusqu'à  faire  d'un  être  rationnel,  d'un  être  moral, 
une  machine  qui  puisse  et  qui  doive  obéir  aveuglément,  c'est  qu'il  est  des  cas 
difficiles  à  déterminer  d'une  manière  absolue  et  générale,  où  l'homme  doit  re- 
prendre le  discernement,  où  la  justice  humaine  adroit  de  demander  compte  à 
l'inférieur  de  l'exécution  d'un  acte  dont  il  a  pu,  dont  il  a  dû  apprécier  et  sentir 
toute  la  criminalité. 

Mais  quand  il  s'agit  de  fixer  ces  faits,  de  lesdétenniner  à  l'avance  d'une  ma- 
nière précise,  générale,  que  les  circonstances  ne  pourront  jamais  faire  varier, 
la  question  devient  presque  insoluble  ;  elle  variera  en  pratique  selon  bien  des 
circonstances  que  nous  ne  pouvons  toutes  prévoir,  mais  dont  il  est  possible 
d'indiquer  quelques-unes.  Elle  pourra  et  devra  varier  pour  le  jury,  à  qui  cette 
question  sera  soumise,  d'abord  selon  la  position  et  l'éducation,  le  plus  ou 
moins  de  lumière  de  Fauteur  du  fait  qui  a  obéi;  elle  variera  selon  que  Fexécu- 
tîon  de  l'ordre  était  plus  ou  moins  nécessaire;  elle  variera  en  temps  de  guerre 
et  en  temps  de  paix;  elle  variera  enfin  et  le  plus  souvent,  quant  au  rapport, 
quant  au  degré  d'infériorité  qui  soumettait  celui  qui  a  reçu  et  qui  a  exécuté 
l'ordre  à  celui  qui  le  donnait.  Il  est  clair  que  la  responsabilité  sera  tout  autre 
à  regard  d'un  agent  d'un  rang  élevé  vis-à*vis  d'un  agent  qui  lui  était  supé- 
rieur, qu'à  l'égard  d'un  agent  du  dernier  degré  qui  n'a  guère  pu  ni  raisonner 
ni  connaître  la  portée  de  ce  qu'il  faisait. 

Je  n'ai  vu  nulle  part,  dans  les  auteurs  qui  ont  essayé  de  débattre  ces  ques- 
tions, la  possibilité  de  solutions  qui  puissent  déterminer  nettement  et  d'avance 
la  limite  d'une  obéissance,  qui  cependant,  tout  le  monde  le  reconnaît,  doit 
iiécessairement  avoir  et  admettre  des  limites.  C'est  au  jury,  en  présence  de 

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DB  LA  CONTRAINTE  (aRT.   64).  193 

l'article  64,  à  se  poser  cette  question  :  les  circonstances  étaient-elles  de  telle 
nature,  l'obéissance  tellement  impérieuse,  l'acte  ponvait-il  présenter  dans  sa 
moralité  un  caractère  d'ambiguïté  et  d'incertitude  tel  qu'on  puisse  raisonna- 
blement dire  que  celui  qui  l'a  exécuté  a  agi  sous  la  contrainte  morale  qui 
enlève  au  fait  toute  pénalité?  dans  ce  cas,  la  déclaration  de  non  coupable  sera 
la  conséquence  de  Fart.  64.  Dans  le  cas  contraire,  l'article  sera  inapplicable. 

152.  Voilà  pour  le  cas  où  les  cirtonstanees  de  l'art.  64  enlèvent  au  fait  toute 
criminalité,  et  remarquez  comment,  dans  ces  hypothèses,  on  arrive,  en  ma- 
tière criminelle,  à  l'application  de  cet  article  ;  notez  bien  qu'on  ne  soumet, 
pas,  qu'on  ne  doit  pas  soumettre  au  jury  la  question  de  savoir  si  l'accusé  était, 
au  moment  de  l'acte,  en  état  de  démence  ou  de  contrainte,  une  pareille  rédac- 
tion serait  insignifiante,  elle  serait  même  déraisonnable  ;  la  question  à  sou- 
mettre au  jury  est  uniquement  celle-ci  :  Un  tel  est-il  coupable  d'avoir  commis 
tel  ou  tel  acte?  En  effet,  comme  maintenant  la  position  des  questions  est  com- 
plexe, comme  en  adressant  au  jury  la  question  ainsi  conçue  :  Un  tel  est-il  coupa' 
bief  lai  cour  d'assises  ne  lui  demande  pas  :  Un  tel  a^t-il  commis  le  fait?  mais 
bien  :  Est-il  coupable  de  l'avoir  commis  ?  comme  le  jury  est  interrogé  à  la  foiset 
sur  Texistencc  matérielle  de  l'acte,  et  sur  la  part  que  l'accusé  y  a  prise,  et  sur 
l'immoralité  qui  seule  peut  rendre  l'accusé  responsable,  il  est  clair  que  les 
questions  de  démence,  que  les  questions  de  contrainte  sont  implicitement  ren- 
fermées dans  la  généralité  de  la  question  :  Un  tel  est-il  coupable  ? 

Ainsi,  de  même  que  ce  serait  une  manière  peu  logique,  ou  plutôt  une  ma* 
nière  contradictoire  de  questionner  le  jury  que  de  lui  demander  :  Un  tel  est-il 
coupable?  était-il  en  état  de  démence  ?  de  môme,  de  la  part  du  jury,  ce  seraitune 
réponse  peu  logique  que  celle-ci,  qui  pourtant  a  été  faite  :  Oui,  l'accusé  est  cou- 
pable (f  avoir  commis  tel  vol,  tel  meurtre;  mais  il  était  en  état  de  démence.  La 
réponse  est  contradictoire,  illogique  ;  car,  s'il  était  en  état  de  démence,  il  n'y 
avait  pas  culpabilité;  dès  lors  la  réponse  devait  être  celle-ci  :  Non,  V accusé 
n'est  pas  coupable.  Mais,  quelque  bizarre  que  soit  la  forme  de  répondre  prise 
par  nu  jury,  qui  se  trompe  évidemment  sur  la  question  qu*on  lui  pose  et  sur 
l'étendue  de  ses  devoirs,  quelque  bizarre  que  soit  la  forme,  le  résultat  n'est 
pas  douteux;  quand  le  jury  répond  :  Oui;  V accusé  est  coupable;  mais  il  était 
en  état  de  démence^  il  est  clair  qu'il  dit  en  réalité  :  I^on,  k^cousé  n'est  pas  cou- 
pable. 

153.  U  en  est  autrement  dans  les  cas  de  l'art.  65,  dans  le  cas  d'excuse  ou 
d'atténuation,  dont  il  nous  reste  à  parler.  Cet  article,  qui  défend  au  juge  tout 
adoucissement  dans  la  peine,  aux  jurés  toute  déclaration  d'excuse  hors  des  cas 
prévus  et  consacrés  par  la  loi,  diffère  de  l'art.  64,  en  ce  que  ce  dernier  suppose 
l'absence  de  pénalité,tandis  qu'ici  il  n'y  a  qu'atténuation;  en  ce  que  dans  l'art.  64 
il  n'y  a  pas  de  questions  spéciales  à  poser  au  jury,  tandis  qu'ici  il  faudra  en 
poser  une. 

«  Art.  65.  Nul  crime  ou  délit  ne  peut  être  excusé,  ni  la  peine  mitigée,  que  dans 
les  cas  et  dans  les  circonstances  où  la  loi  déclare  le  fait  excusable,  ou  permet  de 
lui  appliquer  une  peine  moins  rigoureuse.  j> 

Nous  avons  à  examiner  sur  cet  article  trois  points  bien  distincts  :  le  pre- 

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194  TREIZIÈME  LEÇON.   —  DES  EXCUSES  (n*    153). 

mier  est  fort  simple  et  n^exige  que  la  citation  de  quelques  textes^  c*est  le  cas 
de  mitigation  de  la  peine  ;  le  second  demande  plus  de  détails,  et  présente  plus 
de  difficultés^  c'est  le  cas  d'excuse,  dont  parle  également  l'art.  65;  le  troisième 
présente  une  grande  importance,  c'est  le  cas  des  circonstances  atténuantes. 
Ainsi,  1<*  quels  sont  les  cas  où  la  peine  est  mitigée?  2<>  quels  sont  les  cas  dans 
lesquels  le  fait  est  excusable,  et  quels  sont  en  droit  pénal  le  sens  et  la  portée 
du  mot  excuse  ?  3<»  enfin  nous  devons  rattacher  à  cet  article  Texplication  d'un 
système  auquel  il  ne  nous  renvoie  pas,  mais  qui  s'y  trouve  nécessairement  com- 
pris de  la  manière  la  plus  positive,  le  système  important  des  circonstances 
atténuantes,  tel  qu'il  est  développé  par  l'art.  463.  Occupons-nous  aujourd'hui 
de  la  mitigation  de  la  peine  et  de  l'excuse. 

En  ce  qui  touche  la  mitigation  ou  l'adoucissement  de  la  peine,  vous  trou- 
vez des  exemples  d'application  dans  les  articles  qui  suivent  immédiatement, 
dans  les  cas  des  art.  67,  69  et  70  du  Gode  pénal.  Vous  y  verrez  la  peine  xpi- 
tigée,  dans  les  cas  prévus  par  ces  arlicles,  par  des  raisons  que  nous  explique- 
rons bientôt  et  que  d'ailleurs  la  lecture  même  de  ces  textes  fait  assez  com- 
prendre. 

154.  Mais,  à  Tégard  des  excuses,  la  matière  présente  plus  de  difficulté. 
Qu'est-ce  au  juste  qu'une  excuse,  et  quelle  esûa  différence  entre  les  cas  d'excuse 
de  l'art.  65  et  les  cas  de  non-culpabilité  de  l'art.  64?  La  première  qui  se  pré- 
sente, celle  qu'on  indique  généralement,  celle  à  laquelle  je  viens  de  me  référer 
comme  étant  vraie,  au  moins  dans  nombre  de  cas,  c'est  celle-ci  :  dans  le  cas 
de  Fart.  64,  par  cela  seul  que  le  fait  a  été  commis  en  état  de  démence  ou  de 
contrainte,  il  n'y  a  point  de  crime,  point  de  délit,  il  n'y  a  innocence  complète 
aux  yeux  de  la  loi  pénale,  il  n'y  aura  pas  de  peine  possible  applicable  ;  au  con- 
traire, dans  le  cas  de  l'art.  65,  il  y  a  un  crime,  mais  ce  crime  se  trouvant 
accompagné  d'antécédents  ou  de  faits  qui  en  modifient  la  gravité,  la  peine  dimi- 
nue dans  les  proportions  que  la  loi  pénale  prendra  soin  de  déterminer.  La  pre- 
mière différence  entre  les  art.  64  et  65,  quant  àPexcuse,  est  donc  celle-ci  : 
c'est  que  dans  l'art.  64  toute  criminalité,  toute  pénalité  disparaît;  an  contraire, 
dans  l'art.  65,  la  criminalité  et  la  pénalité  subsistent,  seulement  le  crime  est 
excusable,  et  par  conséquent  la  peine  est  moins  forte.  Cette  différence  cadre 
sans  doute  très-bien  avec  les  articles  du  Gode  pénal  où  le  mot  d'excuse  est 
formellement  articulé.  Dans  les  art.  321  et  suivants  nous  verrons  que  la  loi 
énumère  certaines  circonstances  d'un  acte  coupable  comme  atténuant,  comme 
diminuant  la  criminalité  et  la  pénalité  de  ces  actes,  mais  sans  l'effacer  tout  à 
fait. 

Ainsi  vous  voyez  dans  l'art.  321  que  le  meurtre  est  excusable  quand  il  a  été 
provoqué  par  une  violence  grave  envers  le  meurtrier.  Ce  n'est  pas  le  cas 
de  contrainte  de  l'art.  64,  ce  n'est  pas  le  cas  de  légitime  défense  de  l'art.  327  : 
il  n'y  avait  pas  nécessité  de  tuer,  donc,  en  tuant,  on  a  encouru  une  pénalité  ; 
mais  il  y  avait  au  moins  de  graves  raisons  qui  atténuent,  qui  modifient  le 
crime,  et  par  conséquent  la  peine.  Cet  art.  321,  indiquant  un  cas  d'excuse  qui 
diminue  la  peine,  cadre  très-bien  avec  la  définition  qu'on  donne  généralement 
dans  l'excuse. 

De  même,  l'art.  324,  déclarant  excusable  le  meurtre  de  l'époux  sur  l'épouse 

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DBS  FAITS  d'excuse  (aRT.   65).  195 

en  cas  de  flagrant  délit  d'adultère  dans  la  maison  conjugale^  n'enlève  pas  par 
là  même  à  ce  meurtre  tout  caractère  de  criminalité,  et  par  conséquent  toute 
pénalité;  le  meurtre,  quoique  excusable,  est  punissable  et  sera  puni;  seule- 
ment la  peine,  d'après  l'art.  326,  sera  une  peine  d'emprisonnement  et  non 
point  la  peine  ordinaire  du  meurtre. 

Dans  le  cas  où  laloi  articule  expressément  de  cas  d'excuses,  il  y  a  atténuation, 
il  n'y  pas  abolition  complète  de  la  peine. 

Cependant,  en  parcourant  le  Gode  pénal,  on  rencontre  d'autres  cas  dans 
lesquels,  par  des  circonstances  assez  nombreuses,  assez  diverses,  et  qu'il  serait 
difficile  de  formuler  d'une  manière  générale,  la  loi  ne  se  borne  pas  seulement, 
comme  dans  Tart.  326,  à  diminuer  la  pénalité,  mais  dans  lesquels  elle  l'efface, 
eQe  la  fait  disparaître  quelquefois  complètement.  Ces  cas,  d'ailleurs,  ne  ren- 
trent pas  dans  l'art.  64^  dans  les  cas  d'inculpabilité  morale  et  légale,  dans  le 
cas  de  violence,  de  contrainte  ou  de  démence.  Par  exemple,  dans  les  art.  114 
et  i90  du  Gode  pénal,  vous  voyez  que  certains  actes  arbitraires,  certains  actes 
coupables  commis  par  des  fonctionnaires,  môme  dans  l'ordre  civil,  sont  punis 
de  peines  que  la  loi  détermine  dans  ces  deux  articles;  mais  néanmoins  la  peine 
ne  sera  pas  appliquée  au  fonctionnaire  coupable,  s'il  établit  que  l'acte  accom- 
pli par  lui  l'a  été  en  exécution  de  l'ordre  d  un  supérieur.  Là,  sans  doute,  où 
nous  sommes  en  dehors  de  la  hiérarchie  militaire,  où  nous  sommes  en  dehors 
de  ces  règles  d'une  obéissance  presque  aveugle,  presque  absolue,  que  la  sûreté 
des  choses  nécessitait,  nous  ne  sommes  pas  dans  l'hypothèse  de  cette  con- 
trainte, de  cette  force  à  laquelle  on  n'a  pu  résister.  Certes,  personne  ne  dira 
que  le  fonctionnaire  qui,  en  ayant  reçu  l'ordre,  accomplit,  dans  la  connaissance 
de  leur  immoralité,  les  actes  définis  par  les  art.  H4  et  190,  personne  ne  dira 
qn^il  était  sous  l'empire  d'une  contrainte  à  laquelle  il  n'ait  pu  résister;  en  pareil 
cas  personne  n'est  contraint,  car  si  les  fonct?ons  que  vous  avez  vous  obligent 
quant  à  présent  à  tel  acte,  vous  êtes  libre  de  les  quitter  et  le  soldat  n'en  est 
pas  là.  Cependant  la  loi  déclare  dans  ce  cas  que  la  peine  ne  sera  pas  applicable 
et  cela  par  des  motifs  qu'il  est  facile  d'expliquer.  Est-ce  le  cas  de  l'art.  65  on 
de  l'art.  64?  On  est  évidemment  dans  le  cas  de  l'art.  63,  on  est  dans  le  cas 
d'excuse,  quoique  la  loi  ne  se  serve  pas  de  ce  mot  ;  c'est-à-dire  qu'il  ne  suf- 
fira pas  de  demander  au  jury  :  Vaccusé  est-il  coupable  ?  Il  faudra,  en  le  consul 
tant,  lui  soumettre  en  môme  temps  et  subsidiairement  la  question  de  savoir 
si  le  fait,  bien  que  coupable,  ne  doit  pas  être  exempté  de  la  peine  précisément 
à  raison  de  ce  qu'il  a  été  commandé  :  la  peine,  bien  qu'encourue  par  le  fonc- 
tionnaire accusé,  ne  doit  pas  se  reporter  plus  haut,  et  frapper,  au  lieu  de  l'in- 
férieur qui  a  exécuté  Tordre,  le  supéiieur  qui  l'adonné. 

Des  exemples  plus  frappants  encore  se  trouvent  dans  les  art.  100, 108  et  213 
du  Gode  pénal,  vous  en  avez  également  un  dans  l'art.  138.  Vous  voyez  dans 
Fart.  138  qu'il  est  question  du  crime  de  fausse  monnaie,  et  la  loi,  après  avoir 
établi  dans  les  articles  qui  précèdent  certaines  pénalités  contre  les  auteurs  de 
ce  crime,  porte  :  f  Les  personnes  coupables  des  crimes  mentionnés  aux  art.  13^ 
et  133,  seront  exemptes  des  peines,  si,  avant  la  consommation  de  ces  crimes 
et  avant  toutes  poursuites,  elles  en  ont  donné  connaissance  et  révélé  les  au- 
teurs aux  autorités  constituées,  ou  si  même,  après  les  poursuites  commencées, 
elles  ont  procuré  l'arrestation  ces  antres  coupables.  Elles  pourront  néanmoins 

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196  TREIZIÈME  LEÇON,   —  DES  EXCUSES  (m®    154). 

être  mises,  pour  la  vie  ou  à  temps,  sous  la  surveillance  spéciale  de  la  haute 
police.  >  Dans  ce  cas  il  est  clair  qu'on  n'est  pas  dans  l'art.  64  ;  il  s'agit  d'un 
homme  évidemment  coupable,  coupable  d'un  crime  grave,  du  crime  de  fausse 
monnaie.  L'a-t-il  commis  sachant  ce  qu'il  faisait?  Évidemment.  L'a-t*il  commis 
en  pleine  liberté,  sans  aucune  contrainte  ?  Évidemment  encore  :  il  n*est  donc 
pas  dans  le  cas  de  Tart.  64.  Cependant  le  fait  qu'avant  toutes  poursuites  il  a 
donné  connaissance  du  crime  et  a  fait  connaître  ses  auteurs^  ïexempte  de  la 
peine,  expression  remarquable.  Il  est  coupable,  personne  n'en  doute,  mais 
dans  un  motif  qui  n'est  pas,  à  vrai  dire,  un  motif  de  faveur  ou  d'atténuation 
de  son  crime,  dans  un  motif  de  pur  intérêt  public  ;  le  législateur  lui  fait  remise 
de  la  peine,  remise  tantôt  complète,  tantôt  facultative  à  quelques  égards.  On 
n'est  pas  là  dans  le  cas  de  l'art.  64,  on  est  dans  le  cas  de  l'art.  65  ;  il  s'agit 
d'une  excuse,  ou,  si  vous  voulez,  d'un  pardon,  d'une  remise,  d*une  exemption 
de  la  peine  que  le  législateur,  par  des  motifs  de  pur  intérêt  public,  et  non 
d'indulgence  véritable  pour  le  coupable,  va  octroyer  à  celui  qui  a  commis  le 
crime.  Nous  voilà  encore  dans  un  de  ces  cas  où  il  faut  procéder  comme  en  cas 
d'excuse,  où  il  faut  nécessairement  soumettre  au  jury  les  deux  questions  que 
voici  :  Un  tel  esi-il  coupable  d^avoir  commis  le  crime  de  fausse  monnaie,  tel  qu*il 
est  défini  par  les  art,  132  et  suivants  ?  Ensuite  :  Â-t-il  avant  toutes  poursuites 
fait  connaître  à  Vautorité  judiciaire  le  crim^  et  ses  auteurs  ?  Cette  deuxième 
question,  résolue,  comme  la  première,  affirmativement,  entraînera  tantôt 
l'exemption  absolue  de  la  peine,  tantôt  la. simple  surveillance  de  la  haute  po- 
lice, aux  termes  des  derniers  mots  de  l'art.  138. 

Ces  exemples  une  fois  posés,  comment  donc  définirons- nous  l'excuse  ?  car 
il  est  bien  clair  que,  dans  le  sens  le  plus  large  du  mot,  nous  trouvons  des  cas 
d'excuse,  non-seulement  dans  l'art.  321,  mais  aussi  dans  les  art.  100, 108, 138, 
114,  120,  nous  trouvons  là  des  cas  d'excuse,  c'est-à-dire  des  circonstances  qui 
tantôt  diminuent,  tantôt  empêchent  l'application  de  la  peine  à  un  coupable 
dont  le  crime  est  bien  constant,  bien  reconnu,  à  un  coupable  qui  a  agi  libre- 
ment. C'est  que  nous  ne  devons  pas  entendre  le  mot  d'excuse,  dont  se  sert 
l'art.  65,  dans  le  sens  restreint,  étroit,  limité  qu'on  lui  donne  généralement, 
en  un  mot,  dans  le  sens  des  art.  321  et  326.  Dans  les  art.  321  et  suivants,  le 
mot  d'excuse  a  un  sens  techniqae  qu'il  ne  paraît  avoir  ni  dans  l'art.  65  du 
Gode  pénal,  ni  dans  l'art.  339  du  Code  d'instruction  criminelle.  Qu'est-ce  donc 
maintenant  qu'un  fait  d'excuse,  et  à  quoi  distinguerons-nous  les  actes  excu- 
sables dans  le  sens  général  du  mot,  dans  le  sens  de  l'art.  65,  d'avec  les  actes 
împunissables,  d'avec  les  actes  innocents  dans  le  sens  de  Tart.  64  ?  La  diffé- 
rence sera  toujours  celle-ci,  que,  dans  le  cas  de  l'art.  64,  la  question  est  toute 
en  fait,  la  question  est  toute  du  ressort  du  jury,  qui  n*a  même  pas  besoin 
d'être  formellement  consulté  pour  savoir  si  l'accusé  est  coupable  ;  s*il  est  dans 
les  cas  de  l'art.  64,  le  jury  n'a  qu'à  apprécier  des  faits  matériels  et  des  faits 
moraux  ;  des  faits  matériels,  a-t-il  agi  î  des  faits  moraux,  a-t-il  voulu  et  a-t-il 
su  ?  Au  contraire,  dans  les  cas  de  l'art.  65  et  dans  les  articles  de  renvoi  que 
je  viens  de  citer,  la  position  est  tout  autre.  En  supposant  même  que  la  consé- 
quence soit  l'acquittement  de  l'accusé,  soit  le  renvoi  de  l'accusé,  cependant  il 
n'est  pas  vrai  de  dire  qu'il  n'y  ait  pas  crime,  il  y  a  crime,  et  crime  commis 
par  lui  ;  le  jury  l'aura  formellement  déclaré  dans  les  art.  100,  108, 138, 114 

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DBGT  FAIT3  D^KXOUSB  (aRT.  65).  197 

et  190,  eomme  dans  les  art.  321,  324  et  325.  Mais,  dans  tons  las  eis  pr6?as 
par  Tart.  65,  la  cour  d'assises  aura  en  besoin  de  poser  formellement  an  jnry  la 
question  de  savoir  si  l'on  se  trouve  dans  les  circonstances  prévues  par  la  loi, 
c'est-à-dire  si,  à  raison  de  la  provocation,  à  raison  de  l'ordre  reçu,  si,  enfin, 
à  raison  de  la  révélation  postérieure,  il  y  a  lieu  à  excuser,  à  remettre  la  peine, 
à  pardonner.  Dans  tous  les  cas,  on  aura  constaté  d'une  part  le  crime  de 
l'accusé,  de  l'autre  on  aura  atténué,  ou  même  on  aura  annulé  la  peine  ;  mais 
il  y  aura  un  coupable  convaincu,  quoique  quelquefois  impuni  ;  il  y  aura  un 
coupable,  ce  qui  n'est  pas  dans  l'art.  64,  oti  la  réponse  du  jury  est  une  ré- 
ponse purement  négative  et  non  pas  une  réponse  de  culpabilité  suivie  d'une 
réponse  d'excuse. 

Ge  qui  nous  reste  maintenant  est  la  partie  la  plus  importante  du  sens  de 
l'art  65,  combiné  avec  l'art.  463.  Nous  y  consacrerons  la  première  partie  de 
la  prochaine  leçon. 

QTJÂTORZiÈMl  LEÇON. 

155.  Nous  avons  vu,  dans  la  dernière  leçon,  les  premières  applications  du 
principe  de  l'art.  65,  d'après  lequel  aucune  peine  ne  peut  être  mitigée,  aucun 
crime  ou  délit  excusé,  que  dans  les  cas  où  la  loi  déclare  le  fait  excusable  ou 
permet  de  mitiger  la  peine.  Gomme  exemple  de  mitigation  de  peine  autorisée 
par  la  loi,  ou  commandée  par  elle,  nous  avons  cité  les  art  66,  67  et  suivants  ; 
comme  exemples  d'excuses  proprement  dites,  nous  avons  cité  les  art.  321,  324, 
825;  nous  y  avons  joint  l'art.  463,  dans  lequel  il  y  a  une  sorte  d'excuse,  encore 
bien  que  la  loi  n'y  applique  pas  cette  expression.  Enfin,  je  vous  ai  dit  que 
dans  certains  cas  la  peine  était  ou  mitigée»  ou  même  complètement  remise,  à 
raison  de  faits  qui,  sans  être  à  proprement  parler  des  excases,  jouaient  cepen- 
dant ce  rôle  dans  la  procédure  criminelle  ;  j'ai  cité  les  art.  114, 190,  100,  108, 
138  et  213.  Dansées  divers  cas,  il  y  a  plutôt  pardon,  remise,  exemption  de  la 
peine,  que  véritable  excuse  ;  mais  toujours  est-il  qu'il  y  a  peine  légale,  ques- 
tion à  poser  formellement  au  jury  et  dont  la  conséquence  sera  tantôt  un  adou- 
cissement, tantôt  une  suppression  de  la  peine. 

Tels  étaient  en  1810  les  seuls  cas  d'application  de  l'art.  65  :  lors  de  la  révi- 
sion de  1832,  la  lettre  de  cet  article  n*a  nullement  été  cbangée  ;  mais  en  res- 
tant identiquement,  matériellement  ce  qu'il  était  dans  la  première  rédaction 
du  Gode,  l'art.  65  a  reçu  pourtant  d'une  manière  implicite  et  détournée  une 
extension  de  sens,  une  extension  d'application  fort  remarquable  par  l'art.  463. 
Ainsi  nous  avons  à  nous  occuper  du  système  nouveau  des  circonstances  atté- 
nuantes, système  organisé  par  l'art.  463,  et  qui  rentre  d'une  manière  directe 
dans  Vapplication,  dans  la  portée  de  Fart  95.  En  effet,  ces  circonstances  décla- 
rées, dans  les  cas  et  la  manière  que  nous  expliquerons,  auront  pour  effet 
d'entraîner  des  adoucissements  notables  dans  l'application  de  la  peine.  Mais, 
pour  bien  comprendre  le  but  et  l'étendue  de  cette  innovation,  il  est  nécessaire 
de  remonter  assez  baut  et  de  parcourir,  soit  dans  l'ancienne,  soit  dans  la  nou- 
velle législation  pénale,  les  différents  systèmes  adoptés  quant  à  la  détermina- 
tion de  la  peine. 

156.  Déjà  je  vous  ai  dit  qu'avant  le  Gode  de  1791,  les  peines  étûent  arl 

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198  QUATORZIÂMB.  LEÇON.   *—  DBS  EXCUSES  (n""   156). 

traire  ;  TordoKinaiice  de  1670  s!occapait  uniquement  de  l'instruction,  de  la 
procédure  criminelle  ;  elle  ne  fixait  pas,  ne  déterminait  pas  Tapplication  des 
pénalités.  Cette  application  restait  donc  à  peu  près  entièrement  soumise  à  Tar* 
bitraire,  à  la  convenance  des  tribunaux  criminels.  Ce  système  était  mauvais, 
sans  doute,  et  je  suis  loin  de  Tapprouver  ou  de  le  regretter  ;  cependant  il  est 
bon  peut-être  pour  Fintelligence  de  ce  qui  va  suivre,  de  constater  dès  à  présent 
quels  avantages  il  pouvait  présenter  alors. 

Le  système  des  peines  arbitraires  abandonné,  je  ne  dirai  pas  au  caprice, 
mais  à  la  volonté  des  tribunaux  criminels,  peut  offrir  cet  avantage,  que  le  juge, 
placé  en  face  de  l'accusé,  en  face  du  fait  individuel,  peut  apprécier  la  gravité 
morale  de  tel  fait,  et  établir  Timportance  de  telle  culpabilité  d'une  manière 
plus  sûre,  plus  précise  que  le  législateur  ne  peut  le  faire  à  Tavance.  La  loi 
procédant  nécessairement  par  catégories  générales,  par  dispositions  fort  éten- 
dues, ne  peut  pas  tenir  compte  des  nuances  infinies  qui  séparent  dans  le  fait, 
dans  la  réalité,  tel  vol  de  tel  autre  vol,  tel  crime  de  tel  autre  crime.  Ce  que  la 
loi  ne  peut  faire,  le  juge  peut  et  doit  le  faire  ;  placé  en  présence  de  Tindivi- 
dualité,  mis  à  môme  d'apprécier  les  plus  légères  circonstances  qui  ont  précédé 
ou  accompagné  le  fait,  il  peut,  quand  la  peine  est  arbitraire,  proportionner  le 
plus  ou  moins  de  gravité  de  la  peine  au  plus  ou  moins  de  gravité  morale  que 
présente  le  fait,  au  plus  ou  moins  de  culpabilité  qu'il  rencontre  dans  l'individu 
placé  sous  ses  yeux. 

Mais,  à  côté  de  cet  avantage  réel,  se  trouvaient  des  inconvénients  immenses, 
qui  suffirent  pour  faire  proscrire  tout  à  fait  le  principe  de  l'arbitraire  des 
peines. 

Le  juge,  sans  doute,  sous  le  rapport  que  nous  indiquons,  peut  être  plus 
éclairé,  en  ce  sens  qu'il  apprécie  en  détail  toutes  les  circonstances  qui  peuvent 
se  présenter  dans  l'affaire  ;  mais,  si  sous  ce  rapport  il  peut  avoir  plus  de  lu- 
mière, il  est  bien  à  craindre  aussi  qu'il  n'ait  pas  autant  d'impartialité.  Le  lé- 
gislateur, par  cela  même  qu'il  statue  à  l'avance  par  une  disposition  générale, 
sans  avoir  sous  les  yeux  et  dans  l'esprit  aucun  fait  individuel,  statue  d'unema- 
nière  impartiale,  désintéressée  ;  au  contraire,  tout  à  fait  libre  d'appliquer  une 
peine  grave  ou  une  peine  insignifiante,  le  juge,  dominé  dans  l'application  de 
la  peine  par  TinQuence  des  circonstances  dont  il  prend  connaissance,  gardera 
difficilement  cette  impartialité  et  ce  désintéressement  judiciaire,  essentiel 
à  la  bonne  application  d'un  système  pénal  ;  il  est  à  craindre  que,  connaissant 
parfaitement,  ou  croyant  connaître  parfaitement  les  circonstances  du  fait 
qui  lui  est  soumis,  il  ne  se  laisse  entraîner  tantôt  à  une  excessive  indul- 
gence, tantôt  à  une  excessive  sévérité,  dans  tel  cas  à  absoudre  pleinement, 
dans  tel  autre  à  condamner  trop  fortement.  Il  est  à  craindre,  en  un  mot,  qu'il 
ne  se  croie  investi  d'une  plénitude  de  pouvoirs,  d'un  droit  de  lier  et  de  délier, 
de  pardonner,  d'excuser  un  crime  en  faveur  du  repentir  ;  qu'il  ne  se  croie 
investi  d'un  pouvoir  qui  n'appartient  pas,  qui  ne  peut  pas  appartenir  au  juge 
ordinaire. 

Il  y  a  un  autre  inconvénient  bien  plus  grand  :  à  part  ces  mouvements 
de  colère,  de  vengeance,  ou,  en  sens  inverse,  à  part  ces  mouvements  d*'une 
indulgence  excessive,  ce  système  pècbe  sous  un  second  rapport,  c'est  qu'il 
manque  complètement  du  seconc^  but  de  la  justice  pénale,  c'est-à-dire  de 


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DBS  FAITS  d'excuse  (aRT.    65   ET  463).  199 

rexemplarité.  L'an  des  objets  de  la  jastice  pénale  est,  avons -nons  dit,  de 
dêtonmer,  d'effrayer  par  l'exemple  les  individus  qui  pourraient  être  tentés 
d^imiter  le  coupable  puni.  Or,  quand  la  peine  est  arbitraire,  ce  but  est  complè- 
tement manqué  :  tantôt,  par  exemple,  on  punira  d'une  peine  extrêmement 
forte  celui  qui,  avant  de  commettre  le  crime,  n'aura  pas  connu,  n'aura  pas  pu 
connaître  l'exemple  d'une  peine  aussi  forte  appliquée  à  un  fait  pareil  ;  tantôt, 
an  contraire,  à  raison  de  circonstances  tout  à  fait  personnelles,  les  juges,  à  tort 
ou  à  raison,  auront  puni  un  fait  grave,  un  fait  dangereux  d'une  peine  insi- 
gnifiante et,  laisseront,  par  là  môme,  la  société  peu  armée  contre  le  retour  du 
môme  péril. 

Ainsi,  dans  le  régime  des  peines  arbitraires,  il  y  a  à  craindre  :  !•  que  le  juge 
ne  s* écarte  trop  facilement  de  la  justice  sous  les  impressions  du  moment,  dont 
il  est  difficilement  le  maître  ;  2^  que  la  peine  ne  soit  pas  exemplaire,  précisé- 
ment parce  qu'à  chaque  pas,  à  chaque  jour,  à  chaque  fait  elle  varie  dans  sa 
nature  et  dans  son  intensité  ;  précisément  parce  que  ce  grand  précepte  n'est 
jamais  suivi,  moneat  lex  priusquam  feriai. 

Aussi,  dans  le  Code  pénal  de  1791,  fut-on  vivement  frappé  des  inconvé- 
nients de  Tarbitraîre  dans  les  peines  ;  et,  comme  il  arrive  trop  souvent,  le 
législateur,  préoccupé  des  vices  de  la  législation  qu'il  voulait  abolir,  se  jeta 
pleinement  dans  une  idée  toute  contraire,  et  substitua  à  l'arbitraire  absolu, 
que  les  anciens  usages  accordaient  aux  tribunaux,  des  régies  de  pénalité 
fixes,  générales,  absolument  invariables.  On  détermina,  pour  chaque  crime, 
pour  chaque  délit,  une  peine  dont  les  tribunaux  ne  pourraient  s*écarter  ni 
en  plus  ni  en  moins,  une  peine  dont  la  nature,  dont  l'étendue,  dont  la  durée, 
n'étaient  susceptibles  de  varier  dans  aucune  hypothèse  et  en  faveur  d* aucun 
accusé. 

Certainement,  ce  principe  tout  à  fait  opposé  de  peines  fixes,  inflexibles,  in- 
variables, annoncées  à  l'avance,  présentait  au  premier  coup  d' œil  un  assez  grand 
avantage,  c'est  celui  d'être  exemplaire  au  souverain  degré.  Et,  en  effet,  si  la 
justice  n'était  que  de  l'utilité,  si  dans  l'application  des  peines  la  société  ne  son- 
geait qu'à  faire  une  guerre  défensive,  il  n'y  aurait  certainement  rien  de  mieux 
que  d'attacher,  àl'avance  à  chaque  fait  déterminé  une  peine  aussi  déterminée  ; 
que  d'annoncer  à  l'avance  à  chacun  de  ceux  que  pourrait  tenter  un  crime, 
quelle  est,  à  un  jour  près,  la  durée  de  la  peine  à  laquelle  il  doit  s'exposer.  Mais, 
d'autre  part,  il  est  clair  que  ce  système,  sacrifiant  tout  au  besoin  d'être  exem- 
plaire, pèche  sous  un  autre  rapport  ;  c'est  précisément  celui  que  j'indiquais 
tout  à  l'heure.  Le  législateur,  statuant  ainsi  à  l'avance,  et  d'une  manière 
générale,  est  nécessairement  impartial  ;  mais  il  faut  bien  reconnaître  que, 
dans  nombre  de  cas,  il  est  nécessairement  aveugle.  Le  législateur  ne  peut 
pas,  par  des  catégories  générales  et  inflexibles,  embrasser  d'une  manière 
également  sage  et  juste,  la  variété  infinie  des  nuances  qui,  dans  la  pratique, 
sépareront  l'un  de  l'autre  des  faits  frappés  de  la  même  peine.  Par  exemple, 
il  est  sensible  qu'entre  le  vol  d'un  objet  d'une  valeur  légère,  le  vol  d'un  pain, 
commis  sans  préméditation,  sous  l'influence  de  la  faim  la  plus  pressante,  et 
celui  de  100,000  écus,  commis  après  une  longue  préméditation,  par  un  homme 
consommé  et  habitué  dans  le  crime,  il  existe  une  énorme  différence  morale. 
Est-ce  donc  que  la  loi  pénale  pourra  sans  injustice,  sans  de  graves  inconvô- 


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200         QUATOBZIÂMB  LEÇON.  —  DES  EXCUSES  (n^  156). 

nients,  appliquer  nne  peine  égale  à  des  faits  qui,  l^alement  synonymest  sont 
cependant  moralement  très-distants  Tan  de  l'autre  ?  De  môme,  dans  tous  les 
crimes^  il  est  évident  que  mille  circonstances,  les  antécédents,  la  position  de 
l'accusé^  les  exemples,  les  conseils  qui  ont  pu  le  déterminer  au  mal^  il  est 
sensible  que  tout  cela  exerce  moralement  sur  la  gravité  de  sa  faute  une  in- 
fluence dont  le  législateur  ne  peut  pas  tenir  compte  à  Tavance.  Sous  ce  rap- 
port,  on  voit  donc  que  le  système  de  la  loi  de  1791  présentait  un  premier  in- 
convénient, n  avait  au  reste  un  avantage,  c'était  de  séparer,  de  maintenir 
nettement  dans  la  pratique  la  division  théorique  entre  les  pouvoirs  du  jury  et 
des  tribunaux  ;  c'était  de  borner  le  jury  à  la  pure  déclaration  de  Texistence 
du  fait  et  de  sa  moralité,  et  de  ne  laisser  aux  juges,  aux  tribunaux  chargés 
d'appliquer  la  peine,  aucune  espèce  d'examen,  d'appréciation  de  la  nature  des 
faits  déclarés  par  le  jury. 

Mais  des  inconvénients  de  ce  système,  et  môme  de  l'avantage  que  nous  ve- 
nons de  signaler,  il  résultait  que  la  qualité  exemplaire  que  nous  trouvons  dans 
ce  Code  arrivait  promptement  à  se  perdre.  Ainsi  nous  avons  reconnu  que  la 
fixité,  que  l'invariabilité,  que  l'inflexibilité  des  peines  présente  l'avantage  de 
les  rendre  souverainement  exemplaires.  Gela  est  vrai  sans  doute  en  théorie; 
pais  notez  bien  que,  dans  la  pratique,  quand  on  applique  l'institution  du  jury» 
c'est  ce  qu'on  faisait  en  1791,  cet  avantage  s'évanouira  le  plus  souvent.  En 
effet,  l'application  de  ces  lois  inflexibles,  invariables,  n'est  pas.  et  ne  peut  pas 
être  confiée  à  des  agents  aveugles,  tout  à  fait  dociles  ;  elle  est  confiée  à  un 
jury,  chargé  de  déclarer  le  fait  auquel  le  juge  appliquera  la  loi.  Or,  le  jury 
connaissant  nécessairement  à  l'avance,  quelque  défense  qu'on  lui  en  ait  pu 
faire,  le  jury,  connaissant  et  ne  pouvant  pas  ne  pas  connaître  à  l'avance  la 
conséquence  légale  de  sa  déclaration  sur  le  fait,  sera  presque  toujours  arrêté 
quand  cette  conséquence  lui  paraîtra  trop  dure.  Si  la  loi  que  vous  avez  faite 
est  bonne  pour  le  fait  le  plus  grave,  elle  sera  nécessairement  trop  sévère  pour 
un  fait  qui  moralement  ne  présentera  pas  la  môme  gravité  :  le  jury  répugnant 
à  l'application  d'une  loi  inflexible,  sachant  d'ailleurs  que  l'application  de  cette 
loi  sera  la  conséquence  nécessaire,  inévitable  de  sa  réponse,  le  jury  aimera 
mieux  se  débarrasser,  par  un  mensonge,  du  fardeau  trop  pesant  d'une  respon- 
sabilité qu'il  ne  veut  pas  subir;  le  jury,  convaincu  de  la  culpabilité,  mais 
trouvant  trop  sévère  la  peine  prononcée  par  la  loi,  aimera  mieux  assurer  à 
l'accusé  la  plus  complète  impunité  ;  et  l'on  sait  très-bien  que  ce  résultat  ne 
s'est  présenté  que  trop  souvent. 

Ainsi,  en  résumé,  le  principe  des  peines  générales,  inflexibles,  invariables, 
consacré  en  1791  par  opposition  à  la  législation  ou  à  la  jurisprudence  ancienne, 
présente  bien  pour  avantage:  1<»  la  division  exacte  des  pouvoirs  entre  les  jurés, 
juges  du  fait,  et  les  tribunaux  chargés  uniquement  d'appliquer  la  loi;  2<*  l'a- 
vantage d'une  pénalité  éminemment  exemplaire,  éminemment  propre  à  pré- 
venir et  à  empêcher  le  crime.  Mais  dans  la  realité  il  ne  pouvait  pas  pécher, 
dans  un  grand  nombre  de  cas,  contre  les  règles  de  la  justice  :  il  ne  pas,  dans  un 
grand  nombre  de  cas,  ne  pas  frapper  un  fait  d'une  peine  ou  trop  forte  ou  trop 
faible,  et  le  résultat  en  était,  quand  la  peine  était  trop  forte  dans  sa  proportion 
avec  la  faute,  d'assurer  l'impunité  complète,  la  liberté  absolue  d'un  coupable» 

ltf7.  On  sentit,  en  effet,  assez  promptement  les  vices  de  ce  nouveau  régime. 


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DBS  GIAGONSTANCBS  ATTÉNUANnS   (aBT.   65  ST  463).  20t 

et  loraqu'en  1804  on  commença  la  discussion  da  nooTeau  Gode  criminel,  un» 
des  premières  qaestions  générales  soumises  an  conseil  d'État  fut  celle-ci  :  Y 
aura-t-il  un  minimum  et  un  maximum  légal  dans  les  peines  ?  kdsséra-t-on  aux 
tribunaux  criminels  après  la  déclaration  du  jury  contre  l'accusét  leur  laissera-^ 
t-on  le  droit  de  faire  varier,  dans  une  certaine  latitude,  l'étendue,  l'application 
delà  peine  encourue  par  l'accusé?  La  réponse  ne  fut  pas  douteuse,  Taffirmative 
fut  déclarée  ;  et  sous  ce  rapport  on  se  trouva  mélanger  en  partie  et  le  système 
antérieur  à  1791  et  le  système  du  Gode  de  1791.  En  empruntant  à  ce  dernier  la 
détermination  générale  de  la  nature  et  de  l'étendue  de  chaque  peine,  on  ren» 
ferma  dans  des  limites  assez  étroites  l'arbitraire  que  cependant  on  consentit  à 
laisser  au  juge  ;  mais,  d'autre  part,  on  laissa  au  juge  -^ne  certaine  latitude, 
un  certain  arbitraire,  précisément  pour  lui  permettre  de  mesurer,  d'approprier 
la  gravité  delà  peine  à  la  gravité  du  délit,  au  moins  dans  une  mesure  et  dans 
les  limites  données.  Aussi,  en  rapprochant  l'un  de  l'autre  le  Gode  pénal  de  1810 
et  celui  de  1791,  verrez-vous  dans  ce  dernier  les  peines  fixées  d'une  manière 
inflexible,  vingt  ans  de  fers,  vingt  ans  de  chaînes,  c'est  toujours  une  loi  fixe 
sans  minimum,  sans  maceimum;  et,  au  contraire,  dans  le  Gode  pénal  de  1818 
vous  trouvez  presque  toujours  ;une  assez  grande  latitude  d'application  laissée 
au  juge  entre  le  minimum  et  le  maximum  de  chaque  peine. 

Ge  principe,  une  fois  posé,  renferme  une  innovation  importante  que  je  dois 
signaler  dès  à  présent,  quoiqu'elle  appartienne  plutôt  à  la  matière  de  l'instruc- 
tion criminelle.  En  eifet,  l'institution  du  jury  étant  admise,  la  conséquence  en 
était  que  la  déclaration  du  fait  et  de  la  moralité  appartenait  exclusivement  au 
jury  consulté  sur  ce  fait;  mais  que,  d'autre  part,  le  fait  une  fois  déclaré  cons- 
tant, l'accusé  une  fois  reconnu  coupable,  l'application  du  droit  au  fait  était 
l'office  et  le  seul  office  du  juge.  G'est  ainsi  qu'on  se  représente  en  général  la 
division  des  pouvoirs  entre  le  jury  et  le  tribunal  :  au  jury,  la  connaissance  du 
fait;  au  tribunal  celle  du  droit  et  uniquement  du  droit.  A  partir  de  1810,  et  une 
fois  le  système  du  minimum  et  maximum  admis,  cette  division  se  trouve  un 
peu  faussée  ;  la  connaissance  du  fait  n'est  plus  uniiquement,  n'est  plus  exclusi- 
vement dans  la  compétence  du  jury;  au  jury,  sans  doute,  appartient  toujours 
le  droit  de  déclarer  l'accusé  coupable,  de  déclarer  l'existence,  la  réalité  du  fait; 
mais,  cette  déclaration  une  fois  donnée,  il  faut  bien  que  la  cour  d'assises,  pour 
appliquer  une  peine  plus  ou  moins  forte,  pour  user  de  cette  latitude  entre  le 
maximum  et  le  minimum,  il  faut  bien  que  la  cour  d'assises  ait  pris  elle-même 
connaissance  du  fait  ;  il  faut  bien  qu'elle  ait  suivi,  qu'elle  ait  écouté  les  débats, 
qu'elle  ait  examiné  toutes  les  circonstances  qui  ont  pu  ou  aggraver,  ou  atté- 
nuer, ou  affaiblir  la  culpabilité  de  l'accusé.  En  un  mot,  le  juge  n'est  plus,  dès 
ce  moment,  l'homme  de  la  science,  l'homme  du  droit  dans  le  sens  exclusif  du 
mot,  il  n'a  plus  seulement  pour  mission  de  tirer  la  conséquence  logique,  inexo- 
rable de  deux  prémisses  également  inflexibles,  la  réponse  affirmative  du  jury 
et  puis  le  droit  ;  il  faut,  de  plus,  qu'en  prenant  pour  mafjeure  la  déclaration  dn 
jury,  en  prenant  pour  mineure  l'article  de  la  loi,  il  se  demande  jusqu'à  quel 
point,  avec  quelle  gravité,  avec  quelle  étendue  il  doit  appliquer  ce  dernier  ar- 
ticle, suivant  que  l'accusé,  d'après  les  circonstances  du  fait,  lui  parait  plus  ou 
moins  coupable,  plus  ou  moins  excusable. 

Gependant,  à  part  ce  léger  inconvénient  qui  fiftussait  la  théorie  primitive,  le 

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202  QUATORZIÈICB  LEÇON.  —  DES  EXCUSES  (n*»   157). 

système  de  la  division  des  pouvoirs,  on  ne  peut  guère  se  refuser  à  reconnaître 
que  Tadoption  d'un  minimum  et  d'un  maximum,  dans  les  peines,  réunissant 
ensemble  l'avantage  de  Timpartialité  de  position  qui  appartient  au  législateur, 
et  aussi  des  lumières  qui  résultent  de  l'ensemble  de  TafTaire,  lumières  qui  ne 
peuvent  appartenir  qu'au  juge,  on  ne  peut  guère  se  dissimuler  que  le  mélange 
de  ces  deux  principes  ne  fût  une  innovation  fort  heureuse. 

Cette  innovation  n'a  cependant  pas  paru  suffire,  et,  tout  en  la  maintenant, 
on  a  fait  un  nouveau  pas  dans  le  système  dont  elle  était  le  début;  on  a  trouvé 
que,  tout  en  modifiant  avec  raison  dans  ce  sens  le  principe  de  rinflexibilité 
des  peines  établi  en  1791,  le  législateur  de  1810  n'avait  pas  encore  fait  assez. 
Voici,  en  un  mot,  en  quoi  le  système  du  maximum  et  du  minimum  a  paru  en- 
core trop  rigide,  trop  sévère,  et  par  là  même  insuffisant. 

D'abord  on  n'a  pas  trouvé  que  la  différence  qui  sépare  le  minimum  et  le 
maximum  des  peines  fût  en  général  aussi  large,  aussi  étendue  que  pouvait 
être  l'intervalle  qui  dans  la  moralité,  au  jugement  de  la  conscience,  sépare 
l'un  de  l'autre  deux  faits  désignés  par  le  même  nom  et  frappés  de  la  même 
peine.  On  a  pensé  que  deux  faits  identiques,  qualifiés  du  même  nom,  pou- 
vaient souvent,  l'un  être  puni  à  peine  assez  gravement  par  le  morimMm  et  l'au- 
tre être  puni  beaucoup  trop  sévèrement  par  le  minimum,  La  conséquence  en 
était,  et  elle  s'est  reproduite  souvent  sous  l'empire  du  Gode  de  1810,  que  plus 
d'une  fois  le  jury,  malgré  cette  latitude  de  pouvoirs  laissée  à  la  cour  d'assises, 
trouvant  encore  le  minimum  de  la  peine  trop  dur  dans  l'espèce  paticulière 
pour  l'accusé  traduit  devant  lui,  le  dérobait,  l'arrachait  à  l'application  de  ce 
minimum  par  une  déclaration  de  non-culpabilité  ;  il  est  arrivé,  malgré  cette 
latitude  de  pouvoirs,  que  sous  le  Gode  de  1810,  comme  sous  celui  de  1701 ,  la 
gravité  de  la  peine  a  eu  pour  résultat  l'impunité. 

A  part  cette  objection,  qui  ne  manque  déjà  pas  d'une  certaine  force,  un  vice 
beaucoup  plus  sérieux  se  trouvait  dans  le  système  du  minimum  et  du  maximum 
tel  qu'on  l'avait  admis  en  1810.  Ge  système  donnait  en  effet  assez  de  latitude 
au  juge  dans  l'application  de  la  peine  ;  mais  cette  latitude  consistait,  remar- 
quez-le bien,  non  pas  à  faire  varier,  à  faire  décroître  la  nature  de  la  peine  en 
faveur  du  coupable  qui  paraissait  digne  d'intérêt,  elle  consistait  uniquement  à 
en  faire  varier  la  durée,  l'étendue,  et  jamais  la  nature.  Ainsi  le  Gode  de  1810 
ne  permettait  pas  aux  cours  d'assises,  à  raison  de  l'intérêt  que  semblaient  pré- 
senter la  position,  les  antécédents  du  coupable  et  tous  les  détails  de  l'affaire, 
le  Code  pénal  ne  permettait  pas  au  juge  d'appliquer  une  pénalité  du  degré  in- 
férieur ;  il  lui  permettait  uniquement  d'en  faire  varier  la  durée,  tout  en  restant 
dans  la  même  nature  de  peine.  De  là  la  conséquence  que,  dans  les  peines 
perpétuelles,  le  système  du  minimum  et  du  maximum  n'avait  pas  été  admis 
la  peine  de  mort  n'en  était  pas  susceptible  ;  les  peines  des  travaux  forcés  à 
perpétuité  et  de  la  déportation  ne  l'avaient  pas  admis  davantage.  En  un  mot, 
cette  latitude  laissée  au  juge  entre  le  maximum  et  le  minimum  de  chaque 
peine,  quand  il  s'agissait  d'une  peine  temporaire,  lui  manquait  absolument 
dans  les  trois  peines  afilictives  perpétuelles.  Dans  ces  trois  peines  il  se  trouve 
précisément,  sous  le  Gode  de  1810,  dans  la  même  position  où  il  était  place 
pour  tous  les  cas  et  pour  toutes  les  peines  sous  le  Gode  de  1791.  Dès  lors 
toutes  les  objections  faites  depuis  1791  contre  l'inflexibilité  des  peines  se  re- 


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DBS  CIBG0M6TAMGSS  ATTÉNUANTBS  (âRT.   65  BT  463).  203 

présentaient  dans  les  trois  cas  posés,  dans  le  Gode  de  iSlO;  elle  s*y  repré* 
sentaient  avec  d*aatant  plus  de  force  que  le  Gode  pénal  avait  condamné  loi- 
môme  le  principe  de  Tinflexibilité  des  peines  en  faisant  varier  la  durée  des 
peines  temporaires;  et  certes,  si  le  principe  est  fâcheux,  si  ces  résulats  sont 
dangereux^  ils  le  sont  d'autant  plus  que  la  peine  inflexible  est  en  elle-même 
plus  sévère;  s'il  y  a  à  craindre  que  la  terreur  ne  mène  à  Timpunité,  s'il  y  a  à 
craindre  que  le  jury,  convaincu  de  la  culpabilité  de  Taccusé,  n'aime  cependant 
mieux  le  déclarer  innocent  que  d'entraîner  contre  lui  Tapplication  d'une  peine 
inflexible,  c'est  surtout  quand  la  peine  est  à  vie,  quand  Tapplication  est  la 
peine  de  mort.  Aussi  de  nombreux  exemples  d'acquittement  ont  attesté  trop 
souvent  que  la  conscience  du  jury  répugnait  à  ce  système  ;  trop  souvent  des 
accusés,  évidemment  coupables,  ont  été  déclarés  innocents,  par  ce  seul  et  ma- 
nifeste motif,  que  le  jury,  instruit  d'avance  de  la  conséquence  d'une  déclara- 
tion de  culpabilité,  aimait  mieux  mentir  lui-même  que  renvoyer  l'accusé  à 
une  peine  trop  sévère,  que  les  juges  ne  pourraient  pas  se  refuser  d'appliquer. 
De  là  un  nouveau  changement,  de  là  un  nouveau  pas,  et  un  pas  fort  impor- 
tant, fait  d'abord  en  1824  et  plus  tard  en  1832,  dans  ce  système  de  latitude 
qu'on  avait  déjà  conmiencé  à  aborder  pour  l'application  et  pour  la  détermina- 
tion des  peines. 

La  première  idée  de  l'amélioration,  de  l'innovation,  maintenant  fort  grave, 
dont  il  me  reste  à  vous  entretenir,  la  première  idée  paraît  se  trouver,  au 
moins  en  germe,  dans  l'art.  463  du  Code  de  1810.  Get  article,  tout  à  fait  renou- 
velé aujourd'hui,  autorisait  les  tribunaux  correctionnels,  il  n'est  pas  question 
du  jury  ni  des  matières  criminelles,  cet  article  autorisait  lés  tribunaux  cor- 
rectionnels dans  tous  les  cas  oii  les  peines  d'emprisonnement  ou  d'amende 
étaient  prononcées  par  le  Gode,  lorsque  le  préjudice  causé  n'excédait  pas 
25  francs,  et  que  les  circonstances  paraissaient  atténuantes,  à  descendre  dans 
l'application  de  la  peine  au-desâous  du  minimum  légal,  à  substituer,  môme  si 
bon  leur  semblait,  l'amende  à  l'emprisonnement,  ou  à  n'appliquer  que  l'une 
ou  l'autre  de  ces  deux  peines  prononcées  conjointement  par  la  loi. 

Ainsi  dans  le  cas  même  de  vol,  de  vol  simple,  par  exemple,  où  le  minimum 
légal  serait  d'une  année  d'emprisonnement,  les  tribunaux  pouvaient,  en  re- 
connaissant et  en  déclarant  qu'il  existait  des  circonstances  atténuantes  aban- 
données à  leur  conscience,  pouvaient  réduire  la  peine  à  quelques  jours  d'em- 
prisonnement, ou  môme  substituer  l'amende  à  Temprisonnement.  La  loi  du 
25  juin  1824  parait  avoir  puisé  dans  cet  article  l'idée  de  transporter  dans  les 
matières  criminelles  les  circonstances  atténuantes,  bornées  jusque-là  aux 
matières  correctionnelles  ;  pour  -un  certain  nombre  de  crimes,  elle  autorisa 
les  cours  d'assises,  après  que  l'accusé  aurait  déclaré  coupable  par  le  jury, 
à  déclarer  qu'il  existait  en  faveur  de  ce  coupable  des  circonstances  atténuuntes, 
et,  en  vertu  de  cette  déclaration,  à  réduire  la  peine  au-dessous  du  minimum 
légal,  c'est^è-dire  à  descendre,  par  exemqle,  d'un  degré  dans  l'application  des 
peines. 

Au  premier  rang  de  ces  réductions  figure  le  cas  d'infanticide.  De  nombreux 
acquittements,  dans  les  cas  d'une  culpabilité  manifeste,  avaient  assez  dé- 
montré quelle  répugnance  éprouvait  le  jury  à  provoquer  une  condamnatiou 
à  mort  contre  une  mère,  déclarée  par  lui  conpable  d'infanticide.  L'art.  5  de  la 

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204  Q0ATORZIÉMB  LBÇÔN.  — -  DBS  EXCUSES  (n""  157). 

loi  de  1824,  prévoyant  oe  cas,  autorisait  les  cours  d^assises,  après  une  décla- 
ration de  culpabilité  de  ce  genre,  à  déclarer  à  leur  tour  des  circonstances 
atténuantes,  et  à  faire  descendre  la  peine  d'un  degré,  aux  travaux  forcés  à 
perpétuité. 

La  loi  de  1824  conférait  donc  aux  cours  d'assises  un  pouvoir  de  plus  et, 
quoique  conçue  dons  un  but  d'humanité,  elle  avait  le  défaut  de  violer  d'une 
manière  on  ne  peut  plus  sensible,  le  principe  de  la  division  de  pouvoirs  dont 
j'ai  déjà  parlé  tout  à  l'heure.  En  effet,  ce  n'était  pas  aux  jurés,  institués  juges 
du  fait,  c'était  au  contraire  aux  cours  d'assises,  après  la  déclaration  de  culpa- 
bilité, que  cette  loi  conférait  le  pouvoir  de  rechercher  et  de  déclarer  s'il  existait 
en  faveur  du  coupable  des  circonstances  atténuantes.  C'était  bien  évidemment 
sous  ce  rapport  les  constituer  juges,  non  pas  sans  doute  de  la  matérialité,  mais 
au  moins  de  la  moralité  et  de  la  gravité  du  fait;  premiej  inconvénieni  de  cette 
loi,  qui  d'ailleurs  avait  un  but  tout  à  fait  louable. 

Un  second  inconvénient,  c'est  qu'elle  était  bornée  dans  son  application  :  le 
droit  de  déclarer  les  circonstances  atténuantes,  accordé  par  cette  loi  aux  cours 
d'assises,  ne  l'était  que  pour  un  petit  nombre  de  crimes  expressément  spécifiés 
par  les  art.  5,  6,  7  et  suivants  de  la  loi  ;  dans  tous  les  autres  cas  les  principes 
ordinaires  du  Gode  pénal  s'appliquaient,  lesjuges  n'avaient  de  latitude  qu'entre 
le  maximum  et  le  minimum.  C'était  là  une  amélioration,  louable  sans  doute, 
mais  encore  bien  insuffisante. 

Aux  reproches  élevés  contre  le  Code  p^nal  de  1810,  ajoutons  que  dans  la 
pratique  cette  innovation  manquait  presque  toujours  son  but.  Le  but  principal 
était  de  ne  plus  mettre  les  jurés  dans  cette  alternative  fâcheuse  où  la  loi  suc- 
combe presque  toujours,  dans  cette  alternative  qui  neleur  laisse  pas  de  moyen 
terme  entre  une  pénalité  qui  leur  paraît  trop  sévère,  et  l'acquittement  com- 
plet d'un  accusé  que  cependant  ils  reconnaissent  bien  être  coupable.  C'était  là 
le  but,  c'était  là  l'esprit  principal  de  la  loi.  Or,  comme  la  déclaration  des  cir- 
constances atténuantes  n'appartenait  point  au  jury,  mais  à  la  cour  ;  comme  les 
jurés,  consultés  sur  la  culpabilité,  ignoraient  toujours  si  la  cour  consentirait  à 
admettre  des  circonstances  atténuantes  en  faveur  de  l'accusé  déclaré  cou- 
pable, comme,  d'ailleurs,  il  faut  bien  le  dire,  l'immense  majorité  des  jurés 
ignorait  complètement  la  loi  de  1824,  et  les  cas  dans  lesquels  il  serait  permis 
aux  cours  d'assises  d'atténuer  la  peine,  la  loi  manquait  souvent  son  effet.  Les 
jurés,  ayant  d'un  côté  une  réponse  à  rendre  sur  la  culpabilité,  voyant  de 
l'autre  dans  le  Code  pénal  la  peine  de  mort,  les  travaux  forcés  ou  d'autres 
peines  trop  sévères,  ignorant  que  la  cour  pouvait  modiGer  la  peine,  ne  sachant 
pas  même  si  elle  y  consentirait,  les  jurés,  depuis  1824,  comme  avant,  échap- 
paient souvent,  par  un  acquittement  complet  et  mensonger,  à  une  nécessité 
de  condamnation  à  une  peine  trop  sévère.  Cette  lutte  du  sentiment  moral 
contre  la  loi,  cette  lutte  qu'on  avait  voulu  éviter,  soit  en  1810,  soit  en  1824,  se 
renouvelait  encore  trop  souvent  ;  il  est  inutile  de  dire  que  presque  toujours 
la  loi  avait  le  dessous.  De  là  l'innovation  beaucoup  plus  complète  admise  en 
1882,  et  qui  forme  le  nouvel  art.  463  du  Code  pénal.  Voici  quel  eat  son 
système. 

1S8.  Au  jury  appartient  le  droit  de  déclarer  l'existence  des  circonstances 

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DBS  CmCOMSTANCBS  ATT£NUANTB8  (aRT.   65  BT  463).  205 

atténuantes,  et  cette  déclaration  faîte  d'office  a  pour  résultat,  non  pas  seule- 
ment de  borner  au  minimum  de  ta  peine  légale  la  punition  infligée  par  la  conr 
d'assises,  mais  de  contraindre  la  cour  à  descendre  d'un  degré  an  moins  dans 
l'application  de  la  peine.  Par  le  seul  fait  de  la  déclaration  des  circonstances, 
ce  n'est  pas  seulement  la  durée,  l'étendue,  c'est  la  nature  de  la  peine  qui  se 
irouYe  changer  et  décroître.  £n  général,  cette  déclaration  force  la  cour  d'as- 
sises à  n'appliquer  que  la  peine  d'un  degré  inférieur,  et  lui  permet  de  plus,  si 
bon  lui  semble,  de  descendre  de  deux  degrés.  Voilà  l'idée  générale  de  l'ar* 
ticle  463,  idée  qui,  dans  l'application,  doit  pourtant  se  combiner  avec  les  dis- 
positions spéciales  de  cet  article;  quelques  exemples  vous  la  feront  comprendre. 

Voici  les  termes  du  commencement  de  l'article  :  «  Les  peines  prononcées 
par  la  loi  contre  celui  ou  ceux  des  accusés  reconnus  coupables,  en  %veur  de 
qui  le  jury  aura  déclaré  les  circonstances  atténuantes,  seront  modiâées  ainsi 
qu'il  suit.  >  Vous  voyez  d'abord  dans  ces  premiers  mots  que  cet  article  main- 
tenant rentre  implicitement  dans  les  termes  généraux  de  notre  art.  65.  c  Si  la 
peine  prononcée  par  la  loi  est  la  mort,  la  cour  appliquera  le  peine  des  travaux 
forcés  à  perpétuité  ou  celle  des  travaux  forcés  à  temps.  >  Ainsi,  il  y  a  nécessité 
pour  la  cour  d'assises  dans rbypothése,  par  exemple,  où  il  s^agirait  d'un  assas- 
sinat puni  par  la  loi  de  la  peine  de  mort,  il  y  a  nécessité  de  descendre  d'un 
degré,  de  n'appliquer  que  la  peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité;  elle  peut 
même,  si  bon  lui  semble,  descendre  d'un  degré  de  plus  et  n'appliquer  que  la 
peine  des  travaux  forcés  à  temps.  Je  dis  d'un  degré  de  plus,  et  cependant  la 
peine  des  travaux  forcés  à  temps  ne  figure  pas  dans  l'art.  7  immédiatement 
après  la  peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité;  elle  en  est  séparée  par  la  dépor- 
tation; mais  la  détention  et  la  déportation  sortent  du  catalogue,  de  la  liste 
générale  des  peines,  elles  sont  instituées  pour  un  ordre  de  crimes  tout  parti- 
culier, et  on  n'y  a  pas  égard  quand  il  s*agit  de  cette  décroissance;  la  loi  n'a 
pas  égard  à  cette  intercalation  des  peines.  Ainsi  vous  voyez  quel  sera  en  gêné* 
rai  l'ordre  de  décroissance  des  peines;  il  y  aura  nécessité  par  la  cour  d'affaiblir 
la  peine,  de  descendre  dans  l'échelle;  seulement  suivant  les  cas,  elle  pourra 
descendre  plus  on  moins. 

Les  différences  du  nouvel  art.  463  avec  la  loi  de  1824,  maintenant  abrogée 
dap  en  entier,  sont  sensibles  :  d'une  part,  les  circonstances  atténuantes,  dont 
parlait -la  loi  de  1824  n'étaient  admises  que  pour  un  petit  nombre  de  crimes, 
spécialement  déterminés  dans  les  articles  de  cette  loi;  maintenant,  au  con- 
traire, cette  déclaration  est  admise,  et  elle  pourrait  produire  son  effet  dans 
tous  les  cas.  D'autre  part,  cet  effet,  tel  qu'il  est  déterminé  par  l'art.  463,  est 
généralement  plus  large,  plus  étendu,  plus  favorable  qu'il  ne  l'était  sous  la  loi 
de  4824.  En  troisième  lieu,  ce  qui  est  surtout  à  noter,  c'est  que  la  déclaration 
des  circonstances  atténuantes,  confiée  à  la  cour  d'assises  par  la  loi  de  1824, 
est  maintenant  attribuée,  réservée  an  jury  seul,  ce  qui  a  un  double  avantage  : 
10  d'éviter  au  jury  cette  incertitude,  que  je  signalais  tout  à  l'heure,  sur  l'usage 
que  ferait  la  cour  du  pouvoir  de  déclarer  ou  de  ne  pas  déclarer  ces  circonstan- 
ces; 2<*  de  rentrer  dans  le  principe,  c'est-à-dire  de  retirer  à  la  cour  d'assises 
instituée  juge  du  droit,  un  pouvoir  uniquement  de  fait  que  la  loi  de  1824  lui 
avait  confiée.  Certainement  on  n'est  pas  rentré  par  là  dans  le  système  de  la 
division  de  la  loi  de  1794  ;  des  motifs  d'humanité  empêchaient  de  rentrer  plei- 

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206  QUATORZIÈBCE  LKÇOX.   —  DES  EXCUSES  (n*   159). 

nement  dans  ce  système,  si  précis  et  si  net  ;  mais  du  moins  on  s'en  est  rappro- 
ché en  ne  confiant  plus  à  la  cour  d'assises  i'examén  et  la  déclaration  de 
circonstances  qui  sont  essentiellement  des  circonstances  et  des  détails  de  faits. 
Voilà  l'historique  et  Tétat  présent  de  cette  innovation  fort  grave,  fort  impor- 
tante, qui  n'est  certainement  pas  sans  abus  et  sans  danger,  mais  dont  les  avan- 
tages dépassent  à  coup  sûr,  et  dépassent  de  bien  loin  les  inconvénients. 

159.  Avant  de  quitter  cette  matière,  rapprochons  un  peu  le  système  de  cir- 
constances atténuantes  dans  leur  nature  et  dans  leur  effet,  et  le  système  des 
excuses  dont  nous  avons  déjà  parlé  sous  l'art.  65.  Quelle  différence  y  a-t-il  en- 
tre les  coupabbles  déclarés  excusables  et  les  coupables  en  faveur  desquels  le 
jury  a  déclaré  des  circonstances  atténuantes  ?  La  différence  des  deux  sys- 
tèmes est  grande,  et  il  importe  d'éviter  la  confusion. 

D'abord,  en  ce  qui  concerne  les  excuses,  l'art.  65  s*appiique  à  la  lettre  ;  nul 
fiiit  ne  peut  être  déclaré  excusable  que  dans  les  cas  où  la  loi  l'a  spécialement 
déclaré  tel  ;  on  ne  peut  admettre  pour  excuses  que  les  faits  que  le  Gode  pénal 
déclare  expressément  causes  d*excuse,  par  exemple,  le  cas  de  violente  provo- 
cation dans  l'art.  321,  le  cas  de  flagrant  délit  d'adultère  dans  le  cas  de  l'art.  324  : 
voilà  des  faits  que  la  loi  déclare  spécialement  être  des  excuses,  et  c'est  seule- 
ment dans  ces  cas,  ou  dans  d'autres  cas  pareils,  que  le  jury  consulté  sur  cette 
question  peut  répondre  affirmativement.  Au  contraire,  les  circonstances  atté- 
nuantes ne  sont  pas  prévues,  déterminées,  spécialisées  par  le  législateur 
comme  le  sont  et  comme  doivent  l'être  les  excuses  ;  non -seulement  la  loi  n'a 
pas  dit  d'avance  quelles  circon tances  étaient  atténuantes,  mais  elle  n'a  pas  pu 
le  dire,  il  y  aurait  eu  contradiction.  En  effet,  pourquoi  la  loi  investit-elle  le 
jury  du  pouvoir  de  déclarer  des  circonstances  atténuantes?  Précisément  parce 
qu'elle  reconnaît  que  dans  chaque  affaire  criminelle  il  y  a  des  détails,  des 
nuances,  des  spécialités  que  le  législateur  ne  peut  pas  prévoir  et  régler  d'a- 
vance ;  c'est  pour  suppléer  à  l'impuissance  nécessaire,  inévitable  du  législateur 
sur  les  spécialités  de  tel  ou  tel  fait,  qu'il  autorise  le  jury  mieux  placé  et  plus 
près  de  ces  spécialités,  à  déclarer  des  circonstances  atténuantes  ;  il  est  donc 
clair  qu'il  n'a  pas  pu  en  déterminer  d'avance  la  cause  et  la  nature  ;  ce  sont  des 
choses  accidentelles  dont  le  jury  est  le  seul  juge. 

Ainsi,  première  différence  entre  les  excuses  et  les  circontances  atténuantes; 
les  excuses  sont  des  faits  légaux,  prévus,  spécifiés,  hors  desquels  le  jury  n'en  peut 
admettre  et  déclarer  aucune;  les  circonstances  atténuantes  sont  des  faits  moraux 
que  la  loi  ne  peut  pas  spécifier,  atteindre,  prévoir,  que  la  conscience  du  jury,  pla- 
céeen  présencede  tel  fait,  de  tel  homme,  peut  seule  comprendre  et  seule  déclarer. 

Autre  différence:  quand  il  s'agit  d'excuses,  le  jury  est  spécialement  consulté, 
sa  réponse  est  spécialement  provoquée,  toutes  les  fois  qu'un  accusé,  traduit 
devant  le  jury,  allègue  qu'il  était  dans  un  des  cas  d'excuse  posés  par  la  loi,  la 
cour  d'assises  doit,  à  peine  de  nullité,  poser  au  jury  la  question  du  fait  d'où 
l'accusé  veut  faire  dériver  son  excuse.  D'abord  a-t-il  été  provoqué,  art.  324  ? 
était-il  dans  le  cas  de  l'art.  324  ?  Le  jury  est  spécialement  consulté  sur  la  ques- 
tion d'excuse,  art.  339  du  Gode  d'instruction  criminelle.  Au  contraire,  pour  les 
circontances  atténuantes,  le  jury  n'est  pas  consulté,  aucune  question  expresse, 
spéciale,  directe,  ne  lui  est  posée  à  cet  égard.  Pourquoi  ?  D'abord,  parce  que 

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DBS  CIBC0NSTANCB8  ATTÉNUANTES  (aRT.    65   ET  463).  207 

toujours,  quelle  que  soit  la  nature  du  fait,  il  a  droit  de  déclarer  les  circonstan- 
ces atténuantes  ;  c^est  maintenant  un  pouvoir  inhérent  à  l'institution  môme 
du  jury  ;  dès  lors  inutile  d'en  faire  une  question  spéciale.  D'autres  motifs  pour 
ne  pas  le  consulter  directement  sur  Texistence  de  circonstances  atténuantes 
peuvent  encore  être  donnés,  nous  les  présenterons  sur  l'art.  341  du  Gode 
d'instruction  criminelle  ;  nous  verrons  aussi  comment  la  loi^  tout  en  défen- 
dant de  poser  au  jury  la  question  de  savoir  s'il  y  a  des  circonstances  atténuan- 
tes, garantit  cependant  Faccusé  contre  le  préjudice  qui  pourrait  résulter  pour 
lui  de  l'ignorance  où  les  jurés  pourraient  être  de  leur  pouvoir  à  cet  égard.  On 
ne  pose  pas  la  question  au  jury,  mais  on  l'avertit,  au  moment  de  se  retirer 
dans  la  chambre  des  délibérations,  du  pouvoir  qui  lui  appartient  à  cet  égard. 
Vous  verrez  que  cet  avis  n'est  pas  la  même  chose  qu'une  question  formelle. 

L'effet  des  excuses  déclarées  coostantes  par  le  jury  est  déterminé  par  l'arti- 
cle 325  pour  les  excuses  proprement  dites  des  art.  321,  324  et  325;  quant  aux 
excuses  improprement  dites,  leur  effet  est  déterminé  par  les  art.  114,  190,  100, 
408,  138  et  213.  L'effet  des  excuses  déterminé  par  l'art.  326  est  de  faire  des- 
cendre le  fait  de  la  classe  de  crime,  et  de  crime  au  premier  chef,  car  il  est 
question  d'un  meurtre,  est  de  faire  descendre  un  meurtre  dans  la  classe  des 
simples  délits,  est  de  réduire  la  peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité  à  un  sim- 
ple emprisonnement  d'une  durée  plus  ou  moins  étendue.  Les  [circonstances 
atténuantes  n'ont  pas  à  beaucoup  près  cet  effet,  n'entraînent  pas  pour  l'accusé 
un  résultat  aussi  favorable  ;  jamais  la  déclaration  ne  peut  réduire  à  un  em- 
prisonnement la  peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité.  La  réduction  est  moins 
iorte,  mais  cependant  elle  est  sensible,  elle  est  importante,  elle  est  déterminée 
selon  chaque  cas  par  l'art.  463. 

160.  J'ajouterai  que  le  jury  peut  déclarer  les  circonstances  atténuantes, 
môme  en  faveur  d'un  accusé  qu*il  a  déclaré  coupable  avec  circonstances  ag- 
gravantes. Il  y  a  au  premier  aspect  bizarrerie,  apparence  de  contradiction  à 
déclarer  que  tel  accusé  est  coupable,  avec  toutes  les  circonstances  énoncées 
dans  l'acte  d'accusation,  avec  toutes  les  circonstances  aggravantes  qui  peuvent 
augmenter  sa  peine  ;  et  puis  à  ajouter  immédiatement  que  cependant  il  existe 
en  sa  faveur  des  circonstances  atténuantes.  Au  premier  aspest  cela  est  bizarre, 
inconséquent,  contradictoire,  mais  Tinconséquence  ou  la  contradiction  n'est 
que  dans  les  mots  ;  en  réfléchissant  à  ce  que  c'est,  dans  le  droit  pénal,  qu'une 
circonstance  aggravante  d'une  part,  et  de  l'autre  une  circonstance  atténuante, 
vous  irons  convaincrez  bien  vite  que  ce  sont  là  deux  réponses  qui  se  concilient 
parfaitement.  En  effet,  déclarer,  par  exemple,  que  tel  homme  est  coupable  de 
vol  avec  escalade,  effraction,  fausses  clefs,  avec  toutes  les  circonstances  aggra- 
vantes que  vous  voudrez  supposer,  ce  n'est  pas  se  mettre  dans  l'impossibilité  de 
déclarer  aussitôt  que  cependant  il  existe  en  sa  faveur  des  circonstances  atté- 
nuantes. Les  circonstances  aggravantes,  escalade,  effraction,  fausses  clefs  et 
mille  autres  pareilles,  sont  des  faits  légaux,  matériels,  sensibles,  des  accessoi- 
res, des  moyens  à  l'aide  desquels  le  crime  a  été  commis  et  qui  en  augmentent 
la  pénalité  ^  les  circonstances  atténuantes  ne  nient,  ne  combattent  nullement 
l'existence  des  précédentes  ;  ce  sont  des  faits  moraux,  de  conscience,  dont  le 
jury  est  unique  appréciateur.  On  conçoit  que  le  jury  puisse  dire  :  Tel  homme 

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208  QUATORZiâMB  LEÇON.  —  DBS  BXGUSE8  (n*   160). 

a  commis  tel  vol  avec  escalade,  effraction,. fausses  clefs,  par  l'emploi  des  moyens 
qui  doivent  élever  contre  lui  Tapplication  de  la  peine,  mais  cependant  il  Ta 
^mmis  dans  des  circontances,  sous  l'influence  d'exemples,  de  conseils,  de 
provocations,  de  besoins  qui  diminuent  à  nos  yeux  la  culpabilité  morale  du 
âiit.  Il  y  aura  donc  d'abord  déclaration  affirmative  sur  tous  les  faits  matériels 
4e  l'acte  d'accusation,  soit  sur  le  fait  principal,  il  a  volé,  soit  sur  le  fait  acces- 
soire, il  a  volé  avec  l'emploi  de  fausses  clefs,  d'échelle,  etc.,  et  ensuite  décla- 
ration toute  morale  de  circonstances  atténuantes,  qui  entraînera  une  réduction 
plus  ou  moins  forte  dans  la  peine. 

Voilà  ce  que  nous  avions  à  dire  de  principal  sur  l'art.  65.  Cette  question 
des  circonstances  atténuantes  demanderait  encore  quelques  détails,  nous  les 
renvoyons  à  l'art.  337  du  Gode  d'instruction  criminelle,  car  il  faut  que  nous 
•terminions  aujourd'hui  le  livre  U  du  Gode  pénal. 

161.  La  plupart  des  articles  qui  nous  restent  ou  plutôt  les  seuls  articles  qui 
méritent  quelque  attention  ne  sont  guère  qu'une  application,  que  des  exem- 
ples du  principe  général  posé  par  l'art.  65  ;  déjà  je  vous  les  ai  cités. 

Les  peines,  quoique  fixe  en  général,  peuvent  être  mitigées  dans  certains. 
<SSLS  à  raison  de  circonstances  tout  à  fait  personnelles  à  l'accusé,  et  indépen- 
damment des  questions  d*excuses  ou  de  circonstances  atténuantes  dont  nous 
avons  parlé.  La  première  de  ces  circonstances,  c'est  l'âge,  c'est  la  jeunesse  de 
l'accusé  de  la  part  de  qui  le  fait  a  été  déclaré  être  constant  ;  les  art.  66,  67,  68 
et  69  sont  relatifs  à  cette  hypothèse.  L'âge  exerce  encore  une  influence  sur 
l'application  de  la  peine,  mais  en  sens  inverse,  c'est  dans  le  cas  où  l'âge  avancé 
du  coupable  entraine  contre  lui  l'application  d'une  peine  moins  grave  et  moins 
pénible. 

Un  mot  d'abord  snr  les  art.  66  et  67.  La  loi  veut  que,  lorsque  l'accusé  a 
moins  de  seize  ans,  c'est-à-dire,  bien  entendu,  moins  de  seize  ans  accomplis, 
on  a  élevé  sur  ce  point  des  controverses  qui  ne  méritent  pas  d'être  discutées; 
lorsque  l'accusé  a  moins  de  seize  ans  révolus,  on  consulte  le  jury  sur  cette 
question  :  A-t-il  agi  avec  discernement? 

Je  fais  remarquer  que  dans  l'art.  66  la  question  est  assez  mal  posée  ;  oa 
croirait  qu'on  demande  au  jury  si  l'accusé  a  agi  «an^  discernement,  et  que,  pour 
^tre  acquitté,  il  faut  que  le  jury  donne  une  déclaration  négative  du  discerne- 
ment; c'est  l'inverse  qu'il  faut  poser.  On  ne  demande  pas  au  jury  :  A-t-il  corn* 
mis  le  crimesans  discernement?  question  qui  supposerait  que  la  majorité  du  jury 
a  besoin  de  se  déclarer  en  faveur  de  l'accusé;  non;  on  lui  demande:  A-t-il 
commis  le  fait,  et  Va-t-il  commis  avec  discernement  ?  Il  faut  que  sept  jurés  au 
moins,  sur  douze,  répondent  affirmativement  pour  qu'il  soit  condamné. 

Deux  cas  peuvent  donc  se  présenter  ;  dans  lesdeux  cas  le  jury  a  répondu  : 
Oui,  Vaccusé  est  coupable  de  tel  fait  ;  mais  dans  un  cas  il  répond  :  Il  ne  Vapas 
commis  avec  discernement  ;  dans  l'autre  :  Il  Va  commis  avec  discememenL  Dans 
le  premier  cas,  l'accusé  est  acquitté  ;  dans  le  second,  il  ne  Test  pas,  mais  la 
peine  éprouve  une  réduction  très-sensible;  la  peine  ne  peut  jamais  être  une 
peine  criminelle,  elle  ne  peut  être  qu'une  peine  d'emprisonnement. 

162.  Faisons  une  seule  remarque  sur  ces  deux  articles. 

Au  premier  aspect,  on  ne  conçoit  guère  le  sens  de  cette  réponse  du  jury  : 

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DES  GiaG0N8TANGB8  ATTÉNUANTES  (aRT.   6S  BT  463).  209 

Oui,  raecusé  est  coupable  éPttvoir  commis  te  fait  avec  discernement,  11  semble  qu'il 
y  ait  là  on  pléonasme,  car,  s'il  est  coupable,  c'est  qu'apparemment  il  savait  ce 
qu'il  faisait  :  puisque  le  jury,  répondant  que  l'accusé  est  coupable,  ne  répond 
pas  seulement  sur  un  fait  matériel,  mats  ausisur  un  fait  moral,  il  semble  bien 
inutile,  quand  on  a  déclaré  l'accusé  coupable,  de  répondre  et  d'ajouter  qu'il  a 
su  ce  qu'il  faisait.  Or,  si  cette  réponse,  il  est  coupable  d'avoir  volé  avec  discerne- 
ment, était  un  pléonasme,  il  s'ensuivrait  que  celle-çL,  il  sst  coitpable  d'avoir  volé 
sans  discernement^  serait  contradictoire.  A  cet  égard,  il  faut  s'entendre,  c'est 
une  l^ére  équivoque  qui  se  dissipera  facilement. 

Certainement  il  ne  faut  pas  conclure,  en  prenant  à  la  lettre  l'argument  que 
je  présente,  que  le  jury  ne  soit  consulté  et  ne  réponde  que  sur  un  fait  maté- 
riel ;  il  faut  tenir  ferme  à  câtte  idée,  que,  quand  le  jury  répond  :  Oui,  V accusé 
est  coupable,  il  ne  répond  pas  seulement  sur  un  fait  matériel,  mais  aussi  sur 
un  fait  de  moralité  et  de  liberté.  Ainsi  lediscernement  sur  lequel  on  le  consulte 
en  outre,  quand  l'accusé  a  moins  de  seize  ans,  n'est-il  point  un  discernement 
dans  le  sens  tecbnique  du  mot.  Un  exemple  vous  le  fera  comprendre. 

Ira-t-on,  par  exemple,  traduire  devant  les  assises,  en  vertu  des  art.  66  et  67, 
un  enfant  qui,  à  Tâge  de  cinq  ou  six  ans,  aura  escaladé  une  haie  de  trois  ou 
quatre  pieds  pour  commettre  un  vol  ?  il  est  évident  que  le  jury  répondrait  : 
Non,  Vaceusé  n'est  pas  coupable,  parce  qu'il  n'a  pas  su  ce  qu'il  faisait.  Mais  un 
pareil  fait  n'arrivera  jamais.  Mettons  maintenant  en  présence  du  Jury  un  en- 
fant de  treize  om  quatorze  ans  ;  on  lui  demande  :  Vaceusé  est-il  coupable  ?  on 
conçoit  que  le  jury  réponde  :  Oui,  Vaceusé  est  coupable,  en  ce  sens  qu'il  a  su  et 
senti  qu'il  faisait  mal.  Mais  autre  chose  estsentir  qu'on  faisait  mal,  comme  on 
peut  sentir  à  treize  ans,  autre  chose  est  le  sentir  comme  à  vingt  ou  vingt-cinq 
ans  :  c'est  donc  alors  qu'on  posera  au  jury  une  telle  question  :  Vaceusé  est-il 
coupable  d-un  tel  fait  T  La  réponse  du  jury  pourra  être  celle-ci  :  Out,  il  est  cou- 
pable; quoiqu'il  n'ait  que  treiie  ou  quatorze  ans,  il  a  su  qu'il  faisait  mal. 
Mais  de  ce  qu'il  a  senti  que  l'acte  qu'il  faisait  était  mauvais,  s'ensuit-il  qu'il 
«n  a  complètement  senti  l'étendue  et  la  portée,  et  s'il  faut  le  punir,  ce  qui  est 
poBsible,  s'ensuit*il  qu'il  faille  lui  appliquer  la  même  peine  qu'à  un  homme 
d'un  âge  plus  avancé  ?  Quel  est  donc  le  but  de  la  question  subsidiaire  de  dis- 
cernement qui,  à  peine  de  BuUité,  doit  être  posée  à  l'égard  d'un  accusé  de 
moins  de  seize  ans? La  question  a  ce  sens  :  cet  accusé,  mineur  de  seize  ans, 
qui  a  agi  sentant  qu'il  faisait  mal,  comprenait-il  bien  la  portée,  l'étendue  du 
mal  qu'il  luisait,  savaitril  qu'il  s'exposait  à  une  pénalité  grave  et  sérieuse?  Si 
le  jury  répond  non,  il  n'y  aura  pas  de  contradiction  dans  sa  réponse,  car  un 
^uSaat  a  très-bien  pu  connaître  le  mal  sachant  que  c'était  ]e  mal,  sans  en  avoir 
la  peroepti(»i  assez  nette,  assez  précise,  assez  complète,  pour  qu'il  puisse  et 
doive  ôtrecondamné,  alors  l'art.  66  sera  appliqué  ;  la  conséquence  delà  réponse, 
«'est  l'acquittement  ;  il  a  été  déclaré  coupable,  mais  s'il  n'y  a  pas  eu  sept  voix 
pour  déclarer  qu'il  a  agi  avec  discernement,  il  sera  acquitté,  sauf  la  mesure  de 
la  cour  d'assises,  qui  pourra  ordonner  qu'il  sera  dé^tenu  dans  une  maison  de 
correction.  C'est  là  certainement  une  mesure  qui  peut  être  coitsidérée  comme 
pénale  en  ce  qu'elle  6te  k  l'enfant  sa  liberté,  mais  qui,  dans  son  but  et  dans 
le  droit,  n'est  pas  unemesure  pénale.  On  ordonne  la  détention  de  Tenfanlquand 
4m  présume  que  sa  famille  ne  peut  pas  l'élever.  Dans  le  droit  ce  n'est  pas  une 
I  14 

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210  QUATORZIÈME  LEÇOK.   —   DES  EXCUSES  (n*   164). 

peine  en  ce  sens  par  exemple  que,  si  l'enfant,  ayant  dépassé  seize  ans,  vientà 
commettre  un  acte  pour  leqnel  il  soit  déclaré  coupable,  jamais  on  ne  pourra 
invoquer  contre  lui  le  premier  jugement  rendu  d'après  Tart.  66,  pour  appli- 
quer au  second  acte  les  peines  de  la  récidive.  Ainsi  il  a  été  déclaré  coupable 
de  vol,  mais  sans  discernement  ;  en  conséquence  on  a  ordonné  sa  détention 
pendant  un  an,  deux  ans  dans  une  maison  de  correction;  après  sa  liberté 
recouvrée,  il  commet  un  nouveau  vol,  on  ne  lui  appliquera  pas  les  peines  de 
la  récidive,  on  n*est  pas  dans  les  termes  de  l'art.  56.  Au  contraire,  le  jury  a 
répondu  affirmativement  aux  deux  questions  :  Oui,  il  est  coupable  et  avec  dis-- 
cernement;  alors  il  y  a  pénalité;  mais  la  pénalité  suit  une  échelle  de  décrois- 
sance que  vous  comprendrez  facilement  en  lisant  les  articles  cités. 

163.  L'art.  68  a  été  emprunté  à  la  loi  du  25  juin  1824,  dont  il  formait  Tartî- 
cle  1*'.  La  loi  veut  que,  dans  la  plupart  des  cas  où  un  mineur  de  seize  ans  est 
accusé  d*un  crime,  il  ne  soit  point  traduit  à  la  cour  d'assises,  comme  le  de- 
manderait la  nature  du  fait,  mais  seulement  devant  les  tribunaux  correction- 
nelsv  8a  pensée  est  de  lui  épargner  la  triste  solennité,  les  vives  impressions 
et  notamment  l'espèce  de  déshonneur  qui  s'attache  toujours  à  la  publicité,  à 
l'éclat  d'une  poursuite  en  matière  criminelle  proprement  dite,  devant  un  jury 
et  devant  les  assises. 

Cependant  il  y  aurait  quelque  chose  à  dire  contre  cet  article;  c'est  qu'on  fait 
tourner  parfois  contre  le  mineur  les  chances  de  la  condamnation,  parce  qu'aux 
yeux  de  la  loi  la  procédure  par  jurés  présente  plus  de  garanties. 

Remarquez  que,  quand  la  loi  ordonne  de  traduire  devant  les  tribunaux  cor- 
rectionnels l'accusé  prévenu  d'un  crime,  et  qui  a  moins  de  seize  ans,  elle  y 
fait  deux  exceptions:  !•  lorsque  ces  crimes  sont  de  nature  à  entraîner  la  peine 
de  mort  et  autres  peines  qu'elle  indique  ;  2«  lorsque,  quelle  que  soit  la  nature 
du  crime,  l'accusé  a  des  complices  âgés  de  plus  de  seize  ans,  qui  sont  présents, 
le  complice  majeur  de  plus  de  seize  ans  entraînera  le  mineur  devant  la  cour 
d'assises,  si  elle  est  compétente  pour  juger  le  majeur.  J'ai  déjà  dit  que  les  cir- 
constances personnelles  à  Fauteur  principal  n'atténuaient  en  aucune  sorte  le 
pénalité  du  complice. 

L'art.  69  statue  également  pour  le  mineur  de  moins  de  seize  ans  ;  sa  simple 
lecture  suffit. 

164.  Dans  les  art.  70  et  71,  les  seuls  dont  j'ai  à  parler,  car  les  trois  dernier» 
n'ont  pas  besoin  de  détails,  tous  trouvez  une  réduction,  une  atténuation  en  sen» 
inverse.  Vous  voyez  dans  l'art.  70  que  le  septuagénaire  ne  peut  pas  être  frappé 
d'une  condamnation  aux  travaux  forcés  à  perpétuité,  à  la  déportation  ou  eex 
travaux  forcés  à  temps.  La  loi  du  30  mai  1854  a  étendu  cette  atténuation  jus- 
au'aux  sexagénaires,  à  raison  de  la  transportation  des  condamnés  à  la  Guyane. 
On  indique  dans  l'article  suivant  quel  genre  de  condamnation  sera  substituée 
ces  premières  peines.  L'art.  71  présente,  à  cet  égard,  deux  cas  assez  remar- 
quables  et  que  Je  vous  signale.  La  loi  veut  que,  quand  un  septuagénaire  a  été 
déclaré  coupable  d'un  crime  qui  entraînerait,  par  exemple,  la  déportation  oa 
les  travaux  forcés  à  perpétuité,  on  ne  prononce  contre  lui  aucune  de  ces  deux 
peines,  on  piononce  une  peine  également  perpétuelle,  mais  qui  sera,  dans  le 


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CRIlfSS  ET  BÉLITS  CONTRB  LA  SÛRETÉ  DE  L'ÉTAT  (aRT.   75).       211 

premier  cas,  la  détention,  et  dans  le  second,  la  réclasion.  G'e^t  un  faible  adou- 
cissement dans  la  nature  de  la  peine  et  non  pas  dans  sa  durée.  Mais  cet  adou- 
cissement donne  lieu  à  une  remarque. 

Nous  avons  vu  dans  Part.  7  que  la  loi  n'admettait  que  trois  peines  perpé- 
tuelles, et  cependant  vous  voyez  qu'en  vertu  de  Part.  71  les  tribunaux  crimi- 
nels prononceront^  dans  certains  cas,  des  peines  perpétuelles  qui  ne  sont  pas 
ênumérées  dans  Part.  7,  savoir,  la  détention  k  perpétuité  contre  le  sexagé- 
naire qui  a  encouru  les  travaux  forcés  à  perpétuité.  Quelle  était  la  conséquence 
de  ces  pénalités  avant  la  loi  du  31  mai  1854  ?  était-ce  d'emporter  la  mort  civile  ? 
C'est  la  question  à  laquelle  je  voulais  arriver  :  la  mort  civile  étaitrelle  la  consé- 
quence de  deux  condamnations  à  perpétuité  prononcées  contre  le  septuagénaire, 
en  vertu  de  Tart.  71  ?  Nous  avons  déjà  vu  qu'une  certaine  détention  à  perpé- 
tuité emportait  la  mort  civile,  c*est  celle  qui,  aux  termes  de  Fart.  27,  avait  la 
peine  de  la  déportation;  mais  alors  on  avait  un  texte  formel:  la  déportation 
emportait  la  mort  civile  (art.  18  du  Gode  pénal),  elle  l'emportait  du  jour  de 
son  exécution  (art.  26  du  Gode  civil).  Lorsque  la  déportation  s'exécutait  par  la 
détention,  il  s'ensuivait  que,  dès  l'instant  que  le  condamné  à  la  déportation 
était  détenu,  la  mort  civile  commençait  contre  lui.  Mais  cette  conséquence 
était  inapplicable  au  sexagénaire  dans  le  cas  de  l'art.  71  ;  il  était  bien  frappé 
d'une  peine  perpétuelle,  détention  à  perpétuité  dans  un  cas,  réclusion  à  perpé- 
tuité dans  l'autre,  mais  Fart.  18  n*avait  pas  attaché  la  iport  civile  à  la  déten- 
tion ou  à  la  réclusion,  même  prononcée  à  perpétuité  dans  le  cas  de  l'art.  71. 
La  suppression  de  la  mort  civile  a  d'ailleurs  été  à  cette  question  son  intérêt. 

Lee  trois  arUcles  suivants  n*ont  pas  besoin  de  détails;  il  suffira  de  les  lire. 

QtJINZlÈHE^  LEÇON. 

166.  Nous  allons  parcourir  maintenant  la  longue  série  des  incriminations 
de  la  loi  pénale;  j'essayerai  de  vous  exposer  avec  le  plus  de  précision  possible 
les  caractères  particuliers  de  chaque  classe  d'infractions,  les  éléments  consti- 
tutifs de  chaque  espèce  de  crime  et  de  délit.  Je  ne  m'arrête  point  à  la  classi- 
fication générale  des  actions  punissables.  Gette  classification,  qui  peut  être 
importante  au  point  de  vue  théorique  et  comme  indication  du  système  du  lé- 
gislateur, n'a  qn*un  médiocre  intérêt  dans  la  pratique.  Notre  (iode  a  divisé 
les  faits  punissables  en  deux  classes  principales:  contre  la  ehote  publique 
et  contre  les  particuliers;  il  a  subdivisé  ensuite  la  première  de  ces  classes  en 
crimes  contre  la  sûreté  de  fÉtat,  contre  la  constitution,  contre  la  paix  publique; 
et  la  seconde,  en  crimes  contre  les  personnes  et  contre  les  propriétés. 


LIVRE   TROISIÈME 

CEIHSS  ET  DÉLITS  CONTBE  LA  CHOSE  PUBLIQUE. 

166.  On  entend  par  délits  contre  k  chose  publique  ceux  qui  sont  dirigés 
contre  la  personnalité  du  corps  sociali  c'est-à-dire  contre  l'existence  et  le  mode 

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212        QUINZIÈME  LEÇON*  —  DBS  GRIMES  BT  DÉLITS  ETC.    (N«  166). 

d*ezister  d'an  État.  Parmi  ces  délits,  les  uns  ont  un  caractère  politique,  les 
autres  n'ont  pas  ce  caractère.  Quels  faits  sont  réputés  politiques  ?  Cette  ques- 
tion est  importante,  puisque  tous  les  faits  politiques,  qu*ils  soient  qualifiés 
crimes  ou  délits,  peuvent  ôtre  attribués  au  jury  ;  elle  a  encore  un  autre  intérêt 
à  raison  des  pénalités  qui  ne  sont  pas  les  mêmes,  quand  le  crime  est  ou  n'est 
pas  d*une  nature  politique.  L'art.  7  de  la  loj  du  8  octobre  1830,  pour  établir 
une  règle  de  compétence,  â  défini  les  faite  de  cette  nature:  t  Sont  réputés 
fdlînquês~tèâr  délits  prévus:  !•  par  les  chapitres  I  (crimes  et  délits  contre  la 
sûreté  de  l'État)  et  II  (crimes  et  délits  contre  la  constitution)  du  titre  !«'  du 
livre  UI  du  Ciode  pénal;  l^  par  les  paragraphes  2  et  4  de  la  section  III  (troubles 
apportés  à  Tordre  public  par  les  ministres  des  .ciUjbes)  et  par  la  section  VU  du 
fÈapTïïê'in  (associations  ou  réunions  illicites)  des  mêmes  livre  et  titre;  3«par 
Fart.  9  de  la  loi  da  25  mars  1822  (port  ou  exposition  de  signes  séditieux).  • 
Ce  dernier  délit  est  aujourd'hui  puni  par  Tart.  6  du  décret  du  11  août  1848. 
A  cette  définition,  il  fout  ajouter,  pour  avoir  une  idée  complète  du  délit  poli- 
tique dans  notre  législation  :  i^  Tattentat  et  l'offense  que  la  loi  du  10  juin  1853 
avaient  introduits  dans  l'art.  86  du  Gode  pénal  ;  2^*  les  crimes  et  délits  prévus 
par  les  art.  5,  8  et  9  de  la  loi  du  24  mai  1834,  relative  aux  faits  insurrection- 
nels ;  3<>  les  délits  commis  par  la  voie  de  la  presse  et  les  autres  moyens  de 
publication,  qui  font  l'objet  des  lois  du  17  mai  1819, 11  août  1848, 27  juillet  1849, 
et  23  avril  1871  ;  4<>  les  crimes  et  délits  prévus  par  la  loi  du  15  mars  1849, 
et  le  décret  du  2  février  1852  et  relatifs  à  la  liberté  des  élections  ;  5»  les  délits 
relatifs  aux  sociétés  secrètes  et  aux  dubs,  prévus  par  la  loi  du  28  juillet  1848 
et  le  décret  du  25  mars  1852  ;  6«  les  crimes  et  délits  prévus  par  la  loi  du 
7  juin  1848,  sur  les  attroupements.  En  ce  qui  concerne  les  faits  qualifiés 
crimes,  la  peine  de  mort  a  été  remplacée  par  la  déportation  dans^une  enceinte 
fortifiée  hors'  dii  terrûoir^  jcûotinental  da  la  France  (loi  du  9  juin  185Ô)  ;  puis 
ati- dessous  de  cette  peine,  l'échelle  den  peines  criminelles  en  matière  politique 
se  trouve  ainsi  formée  :  la  déportation  simple,  la  détention,  le  bannissement 

et  la  dégradation  civique.      '     ""  '    ' 

.-•,     •    '  •  •  '■  * 

167.  La  raison  de  cette  différence  dans  les  pénalités  est  qtie  les  crimes  poli- 
tiques et  les  crimes  communs  diffèrent  essentiellement  dans  leur  caractère 
propre  et  dans  leurs  éléments.  Les  crimes  communs  sont  partout  des  crimes^ 
car  il  n'y  a  point  de  société  qui  pût  vivre  s'ils  n'étaient  réprimés  ;  les  crimes 
politiques,  qui  ne  s'attaquent  qu'à  la  forme  sociale  d'un  peuple,  n'ont  qu'une 
criminalité  relative  ;  ils  ne  sont  crimes  qve  sur  le  territoire  soumis  à  la  sou- 
veraineté de  ce  peuple.  Les  premiers  sont  empreints  d'une  inuooralité  absolue,  . 
car  ils  sont  réprouvés  non-seulement  par  la  loi  sociale,  mais  encore  par  la  loi 
morale  ;  les  autres,  qui  dérivent  des  institutions  variables  de  la  société,  sont 
plutôt  du  domaine  de  la  loi  sociale  que  de  la  loi  morale.  C'est  ce  qui  a  fait 
dire  à  un  publiciste  célèbre  c  que  l'immoralité  des  crimes  politiques  n'est  ni 
aussi  claire  ni  aussi  immuable  que  celle  des  crimes  privés  ;  elle  est  sans  cesse 
traversée  ou  obscurcie  par  les  vicissitudes  des  choses  humaines  ;  elle  varie 
selon  les  temps,  les  événements,  les  droits  et  les  mérites  du  pouvoir  ;  elle  chan- 
celle à  chaque  instant  sous  les  coups  de  la  force,  qui  prétend  la  façonner  selon 
ses  caprices  ou  ses  besoins,  i  Toutefois,  vous  ne  devez  pas  induire  de  là  que 

^'//  f'  0  -^y         <      y  '''•  DigirizedV^<t>0.gl£.  • 


CaniSS  BT  DÉLITS  GONTRB  LA.  SUBBTÈ  ME  h'ÈtJLT  (aRT.   75).       213 

Ton  ne  paisse  trouyer,  dans  la  catégorie  des  crimes  politiques,  des  attentats 
qui  égalent  par  leur  perversité  les  crimes  communs.  Ils  sont  la  violation  d'an 
devoir  social,  et  tout  devoir  social  contient  en  lui-môme  un  lien  moral;  ainsi, 
toute  attaque  illégale  contre  la  constitution  de  TËtat,  contre  son  mode  d'exis- 
tence comme  société  civile,  est  un  acte  immoral,  puisqu'il  est  une  violation  du 
devoir  imposé  à  Thomme  comme  membre  de  la  société.  Le  publiciste  que 
BOUS  citions  tout  à  Fheure  a  dit  encore  :  <  Quelques  personnes  sont  allées 
jusqu'à  penser  que,  moralement  parlant,  il  n'y  avait  point  de  délits  politiques, 
que  la  force  seule  les  créait  et  que  les  bonnes  ou  les  mauvaises  cbances  déci- 
daient seules  d'une  prétendue  culpabilité.  Je  ne  partage  en  aucune  façon  cette 
idée.  La  tentative  de  changer  le  gouvernement  établi,  n'entrainÀt-elle  aucun 
crime  privé,  peut  réunir  au  plus  haut  degré  les  deux  caractères  généraux  du 
crime,  l'immoralité  de  l'acte  môme  et  la  perversité  de  Tintention.  Peu  importe 
alors  que  son  but  soit  politique,  elle  n'en  constitue  pas  moins  un  vrai  crime 
qui  doit  ôtre  puni  et  peut  l'être  très-justement.  >  Cette  restriction  s'applique 
nécessairement  aux  crimes  qui  réunissent  dans  une  môme  action  l'élément 
politique  et  l'élément  commun  :  tels  sont  les  attentats  contre  les  personnes 
ou  contre  les  propriétés  qui  seraient  commis  dans  un  but  politique.  La  crimi- 
nalité relative  de  l'intention  révèle  peut-être  une  modification  dans  Timmora- 
lité  de  l'agent,  mais  ne  change  pas  le  caractère  intrinsèque  du  crime.  Ce  qui 
demeure  vrai  en  définitive,  c'est  que  dans  nulle  matière  les  éléments  du  délit 
ne  sont  plus  difficiles  à  établir  qu'en  matière  politique,  c'est  que  dans  nulle 
matière  la  justice  légale  n'est  plus  exposée  à  s'égarer.  C'est  à  raison  des  écueils 
qui  sont  sous  ses  pas,  qu'une  échelle  de  peines  particulières,  dont  aucune  n'est 
ineffaçable,  a  été  introduite  ici  par  une  législation  sage  et  prévoyante,  et  l'on 
doit  regarder  cette  disposition  comme  l'un  des  progrès  les  plus  précieux  de  la 
loi  oénale. 

SECTION  PREMIÈRE 

DES  CRIMES  BT  I>£UTS  CONTRE  LÀ  SÛRETÉ  EXTÉRIEURE  DE  l'ÊTAT. 

168.  L'art.  75  du  Code  pénal  est  ainsi  conçu  : 

t  ART.  75.  Tout  Français  qui  aura  porté  les  armes  contre  la  France  sera  puni  de 
mort.  9 

U  est  inutile  de  vous  rappeler  d'abord  qu'aux  termes  de  l'art.  5  de  la  consti- 
tution de  1848  et  de  l'art.  1*'  de  la  loi  du  9  lujJLlgSSTa  peine' 3e  mort  pro- 
noncée par  cet  article  a  été  remplacée  par  celle  de  lajd^pflrtatiûadana  une 
enceinte  fortifiée  hors  dujerritoire  continental  de  la  France.  Cette  observation 
cToit  être  étendue  à  tous  les  crimes  réputés  politiques. 

L'art.  75  soulève  quelques  difficultés,  U  est  cerUin  d'abord  qu'il  s'applique 
en  général  à  tous  les  Français,  sans  distinguer  entre  ceux  qui  étaient  mili- 
taires, lorsqu'ils  ont  abandonné  leur  patrie  pour  la  combattre  et  ceux  qui  ne 
l'étaient  pas;  cependant,  comme  les  premiers  sont  spécialement  atteints  p^ 
la  loi  militaire,  il  est  évident  que  c'est  surtout  les  simples  citoyens  que  l'arti 
a  eus  en  vue.  Maie  puisque  c'est  la  qualité  de  citoyen  qui  fait  le  crime 


214       QUINZIÈME   LEÇON.    —  DES  CRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.   (n«    169). 

s'ensuit  que,  lorsque  l'agent  à  perdu  cette  qualité,  Tacte  hostile  ne  lui  est  plus 
imputable.  Supposez,  par  exemple,  qu'il  se  soit  fait  naturaliser  dans  le  pays 
dont  il  suit  le  drapeau,  commet-il  encore  un  crime  en  portant  les  armes 
contre  la  France  ?  La  réponse  est  dans  l'art.  4  de  la  constitution  du  22  fri- 
maire an  YIII,  et  dans  Fart.  17  du  Gode  civil,  qui  disposent  que  la  qualité  de 
Français  se  perd  :  !•  par  la  naturalisation  acquise  en  pajrs.  éiraxigfixs  ;  2^  par 
l'acceptation  non  autorisée  Je  fonctions  publiques  conférées  par  un  gouverne- 
filent ^fàngéf;^"ënfln  pâi'  louf  êîàKïïssèméh fTaï t  d ans  un  pays  étranger  sans 
espoir  de  retour.  A  la  vérité,  deux  décrets  des  6  avril  1809  et  26  août  ISfl  ont" 
SiênSvL  les  dispositions  de  l'art.  75  «  même  à  ceux  qui  auraient  obtenu  des 
lettres  de  neutralisation  en  pays  étranger.  >  Mais  ces  décrets,  nés  des  cir- 
constances politiques,  sont  impuissants  à  abroger  les  règles  de  la  loi  :  si  la 
naturalisation  en  pays  étranger  brise  le  lien  civil,  elle  brise  en  même  temps 
le  lien  politique  ;  car  comment  comprendre  que  le  naturalisé,  devenu  sujet 
d'une  nouvelle  patrie,  puisse  rester  en  même  temps  sujet  de  l'ancienne  et  soit 
soumis  à  des  devoirs  envers  l'une  et  l'autre  ? 

1((9.  Une  autre  difficulté  est  de  savoir  quels  sont  les  actes  qui  rentrent  dans 
les  termes  de  l'art.  75.  L'art.  2  du  décret  du  5  avril  1809  porte  :  t  Seront  con- 
sidérés comme  ayant  porté  les  armes  contre  nous,  tous  ceux  qui  auront  servi 
dans  les  armées  d'une  nation  qui  était  en  guerre  contre  la  France  ;  ceux  qui 
seront  pris  sur  les  frontières  ou  en  pays  ennemi  porteurs  de  congés  des  com- 
mandants militaires  ennemis  ;  ceux  qui,  se  trouvant  au  service  militaire  d'une 
'pttlBBance  étrangère,  néTont  pas  quitté  ou  ne  le  quitteront  pas  pour  rentrer 
en  France  aux  premières  hostilités  survenues  entre  la  France  et  la  puissance 
qu'ils  ont  servie  ou  qu'ils  servent  ;  ceux  enfin  qui,  ayant  pris  du  service  mili- 
taire en  pays  étranger,  rap})elé8  en  France  par  un  décret  publié  dans  les  for- 
mes prescrites  pour  la  publication  des  lois,  ne  rentreront  pas  conformément 
audit  décret,  dans  le  cas  toutefois  oii,  depuis  la  publication,  la  guerre  aurait 
éclaté  entre  les  deux  puissances.  >  L'art.  27  du  décret  du  29  août  1811  porte 
encore  :  «  Notre  décret  du  6  avril  1809  continuera  d'être  exécuté  notamment  à 
l'égard  des  Français  qui  étant  entrés  sans  notre  autorisation  au  service  d'une 
puissance  étrangère,  y  sont  demeurés  après  la  guerre  déclarée  entre  la  France 
et  cette  puissance.  Ils  seront  considérés  comme  ayant  porté  les  armes  contre 
nous,  par  cela  seul  qu'ils  auront  continué  à  faire  partie  d'un  corps  militaire 
destiné  à  agir  contre  l'empire  français  ou  ses  alliés.  »  Enfin  l'art.  4  de  l'ordon- 
nance du  10  avril  1823,  relative  à  l'expédition  d'un  corps  militaire  en  Espagne, 
déclare  que  t  tout  Français  qui  continuerait,  après  le  commencement  des  hos- 
tilités, à  faire  partie  des  corps  militaires  destinés  à  agir  en  Espagne  contre  les 
troupes  françaises  ou  leurs  alliés,  sera  poursuivi  conformément  à  l'art.  2  du 
décret  du  6  avril  1809,  à  l'art.  27  du  décret  du  26  août  1811  et  à  l'art.  75  du 
Gode  pénal.  »  Quelle  que  soit  la  précision  de  ces  différents  textes,  on  doit  les 
considérer,  moins  comme  une  interprétation  de  la  loi  pénale,  qui  ne  peut  être 
interprétée  par  des  décrets  et  des  ordonnances,  que  comme  énonçant  des  me- 
sures d'intimidation  et  des  menaces  destinées  à  rappeler  aux  Français  leurs 
obligations  envers  leur  pays.  Il  serait  impossible  d'admettre,  en  efiTet,  que  le 
I  fait  prévu  par  )a  loi  «  d'avoir  porté  les  armes  contre  la  France  peut  s'étendre, 

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GRIUES  ET  0ÉUT8   GONTAB  LA.   8URBTÉ  DB  l'ÂTAT    (aRT.   84).      215 

«(Ht  au  fait  de  ne  pas  rentrer  en  France  aux  premières  hostilités,  après  avoir 
pris  du  service  militaire  à  l'étranger,  soit  au  fait  de  faire  partie  d'an  corps  de6«* 
Une  à  agir  contre  les  alliés  de  la  France.  Ce  serait  aiibatituer  ^u  frit  prévu  et 
puni  par  la  loi,  soit  une  simple  présomption,  soit  un  fait  tout  à  fiait  distinct. 
H  en  est  autrement  diTcâsnôuveau  d'fiosùlîte"  prSvù  par  l'art.  3  delà  loi  du 
10  avril  1825  portant  :  «  Seront  poursuivis  et  jugés  comme  pirates  :  1*  tout 
Français  on  naturalisé  Français  qui,  sans  Tautorisation  du  roi,  prendrait  com- 
mission d'une  puissance  étrangère  pour  commander  un  navire  ou  bâtiment 
<le  mer  armé  en  course  ;  2^  tout  Français  ou  naturalisé  Français  qui,  ayant 
obtenu,  même  avec  l'autorisation  du  roi,  commission  d*une  puissance  étrangère 
pour  commander  un  navire  ou  bâtiment  de  mer  armé,  commettrait  des  actes 
d'hostilité  envers  des  navires  français,  leurs  équipages  et  chargements'^  Ce 
dernier  fait  rentre  évidemment  dans  les  termes  de  Tesprit  de  Fart.  75. 

170.  Les  art.  76,  77,  78,  79,  80,  81,  82  et  83  prévoient  une  série  d'actes  qui 
ne  sont  que  des  espèces  diverses  d'un  même  crime  :  le  crime  de  trahison  envers 
rÉtat  au  profit  d'une  puissance  étrangère,  les  machinations  et  manœuvres  qui 
ont  pour  objet,  soit  de  provoquer  des  hostilités,  soit  de  livrer  à  des  ennemiB 
des  villes,  forteresses,  ports,  arsenaux,  les  correspondances  nuisibles  à  la  si- 
tuation politique  ou  militaire  de  la  France,  la  révélation  aux  agents  étrangers 
des  secrets  d'État,  le  recelé  en  temps  de  guerre  des  espions  et  des  soldats  de 
l'ennemi  ;  tous  ces  faits  ont  un  caractère  uniforme,  une  même  criminalité  ;  ils 
ae  difTèrentquepar  la  matérialité  des  circonstances  qui  les  constituent.  On  peut 
reprocher  au  Ciode  de  n'avoir  pas  spécifié  ces  circonstances  avec  assez  de  pré- 
cision ;  lien  résulte  quelque  incertitude  à  l'égard  des  faits  que  les  incriminations 
peuvent  atteindre  ;  mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  tous  ces  faits,  quels 
qu'ils  soient,  ne  peuvent  être  saisis  par  la  loi  qu'autant  qu'ils  sont  animés 
d'une  intention  coupable  :  il  ne  faut  pas  confondre  l'imprudence  ou  la  légèreté 
avec  le  crime. 

171.  Les  art.  84  et  85  prévoient  cependant  des  faits  qui  peuvent  être,  en 
certains  cas,  plutôt  des  actes  d'imprudence  que  des  actes  de  trahison.  En  voici 

«  AaT.  84.  —  Quiconque  aura,  par  des  actioas  h^ostiles  non  approuvées  par  le 
gouvernement,  exposé  l'État  à  une  déclaratrôn  de  i^uerrg,  sera  puni  du  bannisse- 
l&ônT, '^,'"Sria  guerre  s'en  est  suivie,  de  la  déportation.  —  Art.  85.  Quiconque 
aura,  par  des  actes  non  approuvés  par  le  gouvernement,  exposé  les  Français  & 
éprouver  des  représailles,  sera  puni  du  bannissement.  »       — — — 

Vous  remarquerez  d'abord  que,  dans  ces  deux  articles,  qui  constituent  une 
sorte  d'exception  dans  le  Gode  pénal,  ce  n'est  point  l'intention  de  Taçent  que 
la  loi  inculpe,  c'est  à  peu  près  exclusivement  le TaiTmatérieï  :  préoccupé  de 
l'intérêt  de  maiiîtenîr  dé  Bonnes  relations  avec  Tës'pays  voisins,  notre  législa- 
teur a  voulu  punir  les  actes  qui  pourraient  les  troubler,  sans  rechercher  si  ces 
actes  avalent  le  caractère  d*un  crime  ou  d'une  simple  imprudence,  il  lui  a  paru 
que  la  gravité^dês  cbnieqiiences  ne  permeEtait  pas  de  é^rrfflèTà  l'élément  in- 
tentionnel. Ce  n'est  pas  même  les  actions  hostiles  qu'il  incrimine  ;  il  les  incri*- 

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I 


/         216       QUINZIÉMS^LBGOIf.   — -  DB8  CRIICBS  ET  DÉLITS,  ETC.   (n*   172). 

mine  si  peu  qu'il  ne  les  a  pas  même  définies  ;  peu  lui  importe  que  ces  actions 
soient  des  violences,  des  déprédations  ou  tous  autres  faits  ;  il  ne  recherche 
qu'une  seule  chose,  c^e?^jij^Js.§Ç^iQ.°^  gofltdfl  nnhire  à  owpoBer-yétaiè-fme 
déclaration  de  guerre^u  les  Français  à  des  représailles.  Ce  n*est  pas  la  gra- 
nité des  actes  qu'il  mesure,  c'est  uniquement  leur  résultat,  c'est  Peffet  qu'Us 
ont  produit,  c'est  le  préjudice  qu'ils  ont  causé. 

SECTION   II 

DES  CmVES  CONTRE  LA  SÛRETÉ  INTÉRIEURE  DE  l'ÉTAT. 

172.  Parmi  les  crimes  politiques,  les  plus  graves  sont  ceux  qui  s'attaquent, 
soit  à  la  personne  même  du  chef  de  l'État,  soit  à  la  forme  du  pouvoir  social.  Ge 
sont  dyiic  cuirf-t!r'qti1"&'ppenènt  â  un  plus  haut  degré  la  sollicitude  du  légis- 
lateur, et  qui  provoquent  les  incriminations  les  plus  précises  et  les  plus  pré- 
voyantes. 

Le  Gode  pénal  de*  1810  avait  porté  cette  prévoyance  à  Texcès,  lorsqu'il  avdl 
puni,  comme  un  délit  ou  un  crime,  suivant  les  circonstances,  la  non-révélation 
des  complots  ou  crimes  projetés  contre  la  sûreté  intérieure  'ou  extérieure  de 
PÉlSf.Te's'art.TDS;  Ï04,  105, 106  et  107,  qui  avaient  établi  les  différents  degrés 
9e  cette  incrimination,  ont  été  abrogés  par  la  loi  du  28  avril  1832;  r  sans 
doute,  déclare  l'exposé  des  motifs,  c'est  un  devoir  rigoureux  pour  tout  citoyen^ 
s'il  apprend  qu'un  crime  se  prépare,  soit  contre  les  particuliers,  soit  contre  les 
princes  de  l'État,  de  donner  au  pouvoir,  par  de  salutaires  avertissements,  les 
moyens  de  protéger  contre  toute  atteinte  les  lois,  la  constitution  du  pays  et 
les  existences  menacées  ;  mais  ce  devoir,  la  conscience  seule  doit  la  iiire 
remplir,  la  menace  d'une  pénalité  n'y  fait  rien.  Les  peines  contre  la  non-tévé- 
lalion  ont'toujours  été  réprouvées  par  les  mœurs  puUiques  ;  elles ^sont  évi- 
demment sans  efficacité.  La  non-révélation  appellera  donc  totspTurs'sùflin 
citoyen  la  plus  grave  responsabilité  morale;  mais  elle  cessera  de  figurer  dans 
le  Gode  pénal  comme  un  crime  ou  délit.  » 

178.  Au-dessus  du  fait  de  non-révélation,  les  premiers  actes  que  l'on  trouve 
en  remontant  l'échelle  de  la  criminalité  sont  lajproposition  faite  et  non  agréée 
de  former  un  complot,  et  le  complot  lui-même.  J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  vous 
en(retenîr  de  ces  deux  dTsposîltôïfé  de~  notre  Gode  en  traitant  de  la  tentative 
(voy.  n<^  22  et  23).  Je  n'ajouterai  que  quelques  mots  à  ces  premières  obser- 
vations. 

Le  quatrième  paragraphe  de  l'art.  89  est  ainsi  conçu  : 

'^  .  ^  7  «  S'il  y  a  eu  proposition  faite  et  non  agréée  de  former  un  complot  pour  arriver 
aux  crimes  mentionnés  dans  les  articles  86  et  87^  celui  qui  aura  fait*  une  telle  pro- 
position sera  puni  d'un  emprisonnement  crun  an  à  cinq  ans.  Le  coupable  sera  do 
plus  interdit  en  tout  ou  en  partie,  des  droits  mentionnés  en  Tart.  42.  » 

Gette  disposition,  qui  incrimiae  la  résolution  d'agir,  c'est-à-dire  la  simple 
pensée  criminelle,  aussitôt  et  par  cela  seul  qu'elle  a  été  communiquée,  a  été, 
on  l'a  déjà  vu,  fortement  critiquée.  «  Quant  à  la  simple  proposition,  a  dit  un 

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n 

V- 


CRIICE8  GONTRB  LÀ  SURBTÉ  DE  l'ÉTAT  (aRT.   84-85).  217 

«^    't     criminaliste/à  la  proposition  non  agréée,  est-il  nécessaire  de  démontrer  que 

—   '   oet  acte  ne  aevriut  jamais  se  trouver  Inscrit  au  catalogue  des  crimes?  De  sim- 

^  '      pies  paroles^rapportées  par  ceux-là  mômes  auxquels  elles  auraient  é)^  dites, 

/  .  <*  /  àes  paroles  ^*il  est  si  facile  de  noïUentendre,  de  mal  interpréter,  dedénaturer 

•      à  dessein,  enfin  un  acte  qui  de  sa  nature  n'admet  guère  de  témoignage  impar- 

"  '^  tial  et  digne  de  foi,  comment  oser  le  'qualifier  de  crime  t  comment  s'assurer 

i/ii  '''^^.qûe  la  proposition  étaif  sérieuse,  qu'elle  exprimait  une  résolution  criminelle 

— ^,^^  plutôt  qu'un  désir  bl&mable.  qu'elle  était  Pexpression  d'un  projet  arrêté,  plus 

V     fo   encore  que  l'explosion^unjnouvemen^^  une  boutade  de  Tanimosité 

I,;  >î:    ei  de  la  liainèf  »"  Ces  réflexions,  peut-ôtre  trop  absolues,  démontrent  du 

./  ^  ^  moins  la  nécessité  de  contenir  rincrimination  dans  les  termes  les  plus  précis  : 

^   ^^  ^  ce  ne  sont  point  des  paroles  vagues  et  frivoles,  des  paroles  de  haine  ou  de 

^  ^'^'  colère  que  la  loi  a  voulu  saisir,  c'est  la  proposition  formelle  et  résolue  d'un 

^-'H  V  r  complot,  la  proposition  sérieuse  d'un  projet  arrêté  à  l'avance,  c'est  la  commu- 

'  c"^  nication  d'un  plan  et  des  moyens  d'exécution,  Tindication  du  but.  Si  ce  carac- 

^  '     tère  ne  se  trouve  point  dans  la  communication,  elle  n'est  plus  saisissable. 

v<  ^  ^     Deux  modifications  ont  été  apportées  par  la  loi  du  28  avril  1832  au  quatrième 

,r        paragraphe  de  l'art.  89.  En  premier  lieu,  la  proposition  non  agréée  était  qua- 

^^  "        lifiée  crime,  elle  a  reçue  la  qualification  de  simple  délit  ;  elle  était  punie  de  la 

r        réclusion,  la  peine  actuelle  est  un  emprisonnement  d'un  an  à  cinq  ans.  La  se- 

5       ..conde  modification  touche  des  faits  auxquels  se  rapporte  la  proposition  non 

^.     ^  .  agréée.  lie  Gode  pénal  avait  prononcé  la  réclusion,  si  la  proposition  avait  pour 

5  .  /^objet  l'attentat  prévu  par  l'art.  86,  et  le  bannissement,  si  elle  avait  pour  objet 

^   ^  l'attentat  prévu  par  l'art.  87.  Le  projet  de  la  loi  modificative  n'avait  conservé 

A-  ^-^ .  cette  incrimination  que  dans  le  premier  cas.  c  La  proposition  non  agréée,  dî- 

\'  ^  sait  le  rapporteor  de  cette  loi,  d'un  complot  contre  la  constitution  oul'établis- 

«      •- .   sèment  politique,  n'a  rien  de  bien  alarmant;  c'est  le  rêve  d'une  mauvaise 

^  *  ^    passion,  le  propos  d'un  mécontent,  une  provocation  peut-être  que  dissuade  et 

,.'  "/    décourage  .le  premier  refus.  La  proposition  non  agréée  d'un  complot  contrôla 

\  ,  ^^  vie  du  roi  ou  des  membres  de  sa  famille  a  un  caractère  bien  plus  grave  j^  ici  r 

k  /'    l'exécution  est  plus  facile,  le  but  plus  net  et  plus  circonscrit,  les  moyens  plus 

^     \.  sùrs^fplus  prompts,  les  occasions  plus  fréquentes  et  plûadéclslves.  >  Cette 

«^ .   4^  distinction  ne  fut  pas  adoptée  :  on  ne  se  rendit  pas  compte  de  la  distance  qui 

'  «J^    sépare  un  complot  contre  la  vie  du  souverain,  dans  lequel  l'exécution  peut 

^  .suivre  immédiatement  la  résolution,  et  un  complot  contre  la  forme  politique 

)^    .  /    d'un  État,  dont  l'exécution  demande  des  forces  considérables  et  de  longs  pré- 

^  \     paratifs  ;  il  parut  qu'un  même  péril  existait  dans  ces  deux  hypothèses  distinc- 

'^    ^^    tes,  elles  furent  réunies  dans  les  mômes  dispositions.  ,  '.,    ^ 

;  '  :^        174.  ai  la  proposition  est  agréée,  le  complot  existe  :  ]'  «  '  » 

«  Art.  89.  Le  complot  ayant  pour  but  les  crimes  mentionnés  aux  art.  86  et  87,  s'il 
a  été  suivi  d'un  acte  commis  ou  commencé  pour  en  préparer  l'exécution,  sera  puni 
de  la  déportation.  S'il  n'a  été  suivi  d'aucun  acte  commis  ou  commencé  pour  en 
préparer  Texécution,  la  peine  «era  celle  de  la  détention^  Il  y  a  complot  dés  que 
la  résolution  d'agir  est  concertée  et  arrêtée  entre  deux  ou  plusieurs  personnes.  » 

Il  résulte  de  ce  texte  qu'il  y  a  complot  par  cela  seul  que  la  résolution  d'ai 
a  été  conoerlée  et  weètée  entre  plusieurs  personnes  :  peu  importe  que  ce 

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^ 


218      QUINZIÈME    LEÇON.  —    DES  CRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.   (n*   175). 

résolution  ait  été  suivie  d'un  acte  commis  ou  commencé  pour  en  préparer 
l'exécution  ;  ce  commencement  d'exécution  est  une  circonstance  aggravante 
du  crime^mai's  "n'est  point  nécessaire  £otrrta:OTnistlttïfr;'6ne  à  seulement  pour 
conséquence  une  aggravation  de  la  pénalité.  Ge  qui  constitue  le  crime,  c'est 
la  volonté  criminelle  manifestée  avant  tout  acte  d'exécution  par  un  concert 
entre  diverses  personnes.  Je  vous  ai  fait  remarquer  précéedmment  que  c'était 
là  une  notable  exception  aux  règles  qui  concernent  la  tentative.  Le  danger 
social  a  paru  trop  grave  pour  que  la  répression  pût  attendre  qu'il  y  eût  ten- 
tative caraclérisée  ;  t  car  une  tentative  heureuse  rendrait  la  répression  im- 
possible, et  l'existence  seule  du  complot  est  unincalculabie  danger.  >  Au  reste^ 
cette  incrimination  exceptionnelle,  que  commande,  suivant  l'expression  de 
M.  Berlier,  dans  l'exposé  des  motifs,  le  salut  suprême  de  l'État,  n'est  pas 
une  disposition  nouvelle  ;  elle  était  écrite  dans  la  loi  romaine  :  Quisquis  cum 
militibus  vel  privatis,  vel  barbaris  scelestam  inierit  factionemy  aut  factionis  ipsiia 
susceverit  sacramentum,  vel  cogitaverit  (eddem  enim  severitate  voluniatem  sceleris 
qud  ^ff'ectum  puniri  jura  voluerunt),  ipsequidem  utpote  nuyestatis  reus,  gladio 
feridtur.  (L.  5,  ad.  leg.  jul.  majastatis.)  Cr  ^  S'. 

Le  Gode  pénal  de  1810  prononçait  la  peine  de  mort  contre  le  simple  com- 
plot ;  c'est  là  Tune  dès'^spôsTtTdns'qurTuT'ônf  ini^ntÇTês"  plus  "sévères  crlff^" 
que's.  Car  comment  appliquer  une  peine  irréparable  à  une  incrimination 
qui  ne  saisit  aucun  fait  matériel,  qui  ne  repose  que  sur  deux  volontés  mani« 
festées  avec  plus  ou  moins  de  précision,  et  dans  jfljngflp  la  ingtiçA  rpn^Antj.a 
par  conséquent  des  chances  si  noinbxeuges  dletiSir  ?  La  loi  d^  1832  a  substitué 
à*1c;ette  poinë  celle  de  la  détention;  mais  elle  a  maintenu  les  conditions  d'exis- 
tence du  crime  :  ces  conditions  sont,  d'après  le  texte  même  de  l'art.  89  : 
1«  qu'il  y  ait  une  résolution  d'agir  ;  2»  que  cette  résolution  ait  été  concertée 
et  arrêtée  entre  deux  ou  plusieurs  personnes  ;  %^  qu'elle  ait  eu  pour  objet  les 
crimes  mentionnés  aux  articles  86  et  87. 

176.  Le  complot  prend  un  caractère  plus  grave  «  s'il  a  été  suivi  d'un  acte 
commis  ou  commencé  pour  en  préparer  l'exécution.  » 

Remarquez,  en  premier  lieu,  qu'il  ne  s'agit  ici  que  d'actes  préparatoires  ;  en 
effet,  le  complot  n'est  lui-même  qu'un  acte  préparatoire  de  l'attentat;  l'exécu- 
tion du  complot,  c'est  l'attentat.  Tous  les  actes  qui  font  partie  de  cette  exécu- 
tion, qui  la  commencent  ou  la  consomment,  sont  donc  des  actes,  non  plus  du 
complot,  mais  de  l'attentat.  Mais  comment  distinguer  les  actes  préparatoires 
«t  les  actes  d'exécution?  Les  premiers  comprennent  tous  les  préparatifs  : 
l'achat  des  armes  et  des  munitions,  la  désignation  et  la  possession  des  lieux 
destinés  aux  réunions  des  associés,  au  dépôt  du  matériel,  à  l'exécution  même, 
mais  les  discours  et  les^  écrits  ne  peuvent  jamais  constituer  l'acte  extérieur. 
Les  seconds  commencent  par  l'action  elle-même,  ils  en  font  partie,  ils  en  sont 
un  accomplissement  plus  ou  moins  considérable  :  telle  serait  la  réunion  des 
conspirateurs,  leur  marche  sur  le  lieu  de  l'attaque,  l'attaque  elle-même,  etc. 

La  difficulté  de  rattacher,  par  on  lien  direct,  soit  à  un  complot,  soit  à  une 
tentative  d'attentat,  les  actes  isolés  de  préparatifs  ou  d'exécution,  a  motivé  la 
loi  du  24  mai  1834.  Le  rapporteur  de  cette  loi  en  a  expliqué  le  but  en  ces 
termes  :  c  Les  préparatifs  les  plus  dangereux  de  rinsurrection  sont  impunis, 

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CRIMBS  CONTRE  LA.  SURRTÉ  DS  l'ÉTAT    (aRT.  89).  219 

sHls  ne  sont  pas  les  indices  d'un  complot  ;  les  actes  les  plus  flagrants  d'insur- 
rection sont  impunis,  s'ils  ne  contiennent  pas  un  attentat.  Approvisionner  des 
armes  et  des  munitions^  confectionner  des  cartouches  et  fondre  des  balles,  ce 
n'est  rien  si  Taccusation  ne  prouve  pas  un  complot  pour  l'exécution  duquel 
ces  redoutables  préparatifs  aient  été  faits.  Mais  quelle  n'est  pas  en  matière  de 
complot  et  d'attentat  la  difQcuUé  de  la  preuve  judiciaire  !  Si  vous  voulez 
prouver  la  résolution  d*agir  en  elle-même,  le  concert  qui  la  prépare  et  la  dé- 
termination qui  la  constitue,  il  faut  non-seulement  pénétrer  les  plus  intimes 
secrets  de  la  vie  privée^  il  faut  encore  sonder  toutes  les  profondeurs  de  la  con- 
science et  de  la  volonté.  81  vou^  voulez  déduire  la  résolution  d'agir  d'un  fait 
qui  la  suppose,  il  faut  procéder  par  voie  d'argumentation  et  de  conjecture.  La 
première  preuve  est  presque  impossible,  la  seconde  est  presque  aussi  péril- 
leuse que  difficile,  car,  si  elle  ne  suffit  pas  aux  esprits  timides,  elle  égare  les 
esprits  prévenus...  Au-dessous  de  ces  attentats  et  de  ces  complots,  se  placent 
des  actes  dangereux  et  criminels  qu'il  est  difficile  de  leur  assimiler  compléte- 
menty  et  que  la  sûreté  de  TÉtat  commande  ceaendant  de  ne  pas  laisser  im- 
punis. Ils  forment  la  matière  du  projet  de  u/i.  Incriminer  et  punir,  à  titre 
d'in£ractioa  à  des  lois  de  police  et  de  sûreté,  les  actes  qui  préparent  l'insurrec- 
tion, telle  est  la  pensée  qui  a  présidé  à  la  rédaction  du  projet.  Ce  système 
d'incrimination  nous  a  paru  efficace  et  irréprochable.  Poursuivez  un  approvi- 
sionnement d'armes  à  titre  d'infraction  à  la  loi  qui  défend  de  détenir  des 
armes,  la  preuve  est  faite  dès  que  l'approvisionnement  est  prouvé.  Poursuivez 
au  contraire  cet  approvisionnement  d'armes  à  titre  de  complot,  il  faut  prouver 
encore  que  c'est  dans  un  but  criminel,  avec  la  résolution  concertée  et  arrêtée 
d'atteindre  ce  but,  que  cet  approvisionnement  a  été  fait.  »  Ces  observations 
expliquent  suffisamment  les  quatre  premiers  articles  de  la  loi  du  24  mai  1834, 
qui  sont  ainsi  conçus  : 

«  Loi  du  24  mai  1834.  Art.  l.  Tout  individu  qui  aura  fabriqué,  débité  ou  distri- 
bué des  armes  prohibées  par  la  loi  ou  par  des  règlements  d'administration  pu- 
bliques, sera  puni  d*un  emprisonnement  d'un  mois  &  un  an  et  d'une  amende  de 
16  à  500  fr.  —  Celui  qui  sera  porteur  desdites  armes  sera  puni  d'un  emprisonne- 
ment de  six  jours  à  six  mois  et  d^ane  amende  de  16  a  200  fr.  —  Art.  2  Tout  indi- 
vidu qui,  sans  y  être  légalement  autorisé,  aura  fsbriqué,  débité  ou  distribué  de 
la  poudre,  ou  sera  détenteur  d'une  quantité  quelconque  de  poudre  de  guerre,  ou 
de  plus  de  deux  kilogr.  de  toute  autre  poudre,  sera  puni  d'un  emprisonnement 
d'un  mois  à  deux  ans,  sans  préjudice  des  autres  peines  portées  par  les  lois.  — 
Art.  3.  Tout  individu  qui,  sans  y  être  légalement  autorisé,  aura  fabriqué  ou  con- 
fectionné, débité  ou  distribué  des  armes  de  guerre,  des  cartouches  et  autres  mu- 
nitions de  guerre,  ou  sera  détenteur  d'armes  de  guerre,  cartouches  ou  munitions 
de  guerre,  ou  d'un  dépôt  d'armes  quelconques,  sera  puni  d'un  emprisonnement 
d'un  mois  à  deux  ans  et  d'une  amende  de  16  à  1,000  fr.  —  La  présente  disposition 
n'est  point  applicable  aux  professions  d'armurier  et  de  fabricant  d'armes  de  com- 
merce, lesquelles  resteront  seulement  assujetties  aux  lois  et  règlements  particuliers 
qui  les  concernent.  —  Art.  4.  Les  infractions  prévues  par  les  articles  précédents 
seront  jugées  par  les  tribunaux  de  police  correctionnelle.  Les  armes  et  munitions 
fabriquées,  délivrées,  distribuées  ou  possédées  sans  autorisation  seront  confisquées. 
Les  condamnés  pourront,  en  outre,  être  placés  sous  la  surveillance  de  la  haute 
police  pendant  un  temps  qui  ne  pourra  excéder  deux  ans.  En  cas  de  récidive,  les 
peines  pourront  être  élevées  jusqu'au  double.  » 

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220      QUINZliMB    LBGON.  -^  DBS  GRIIIBB  BT  DÉLfXS,   BTG.   (n""   177). 

176.  U  me  reste  à  parler,  pour  épaiser  la  matière  des  actes  préparatoires, 
d'un  acte  que  la  loi  pénale  a  assimilé  an  complot,  quoiqu'il  émane  d'un  indi* 
vidu  isolé. 

ce  Art.  90.  Lorsqu'un  individu  aura  formé  seul  la  résolution  de  commettre  l'un 
des  crimes  prévus  par  l'art.  86,  et  qu*un  acte,  pour  en  préparer  rexécution,  aura 
été  commis  ou  com£àVm)ô'*par  lui  seul  et  sans  assistance,  la  peine  sera  celle  de  la 
détention.  » 

Cet  article  n'existait  pas  dans  rancien  Gode.  Le  rapporteur  de  la  loi  du 
28  avril  1832  a  dit,  pour  l'expliquer  :  c  Votre  commission  a  assimilé  au  com- 
plot des  actes  préparatoires  qui  accompagnent  une  résolution  d'agir  indivi- 
duelle  et  propose  d'appliquer  également  à  ce  crime  la  détention  à  temps.  Il  ne 
faut  pas  oublier  que  ce  fait  éuit  qualiGé  d'attentat  et  puni  de  mort  par  le  Gode 
pénal.  »  Il  est  peut-être  douteux  qu'un  acte  pur^nent  préparatoire  rentrât  dans 
les  termes  de  l'ancien  art.  88  et  pût  constituer  un  attentat.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  loi  punit  ici,  comme  dans  Tart.  89,  la  résolution  d'agir  manifestée,  non 
plus  par  le  pacte  des  conjurés,  mais  par  un  acte  extérieur  purement  indivi- 
duel. Get  acte  extérieur  n'a  point  les  caractères  d'une  tentative,  car,  s'il  cons- 
tituait un  oommencement  d'exécution,  il  serait  incriminé  comme  attentat.  U  ^  "" 
n'est  qu*un  acte  préparatoire  des  actes  d'exécution,  mais  il  faut  qif il  soit,  y^  v  * 
matériel  :  les  cris  ou  les  discours  ne  euffiraieoLpas.  L'art.  90  ne  se  réfère  d'ail-  /      ^  - 
leurs  qu^aùx  crimes  prévus  par  l'art.  86  :  il  est  clair  que  l'effort  isolé  d'un     ^  '  ' 
simple  individu  ne  présente  aucun  danger'quând'ils'ag^it  des  crimes  men-      /•. 
tlbnnè's  dans' l'art,  il.  /  \     *  /  '  /*  /      .     /  ;       •  /       '^   /    '^v     !^    i- 

177.  Il  &ut  passer  maintenant  des  actes  préparatoires  aux  actes  d'exécution,  /  /'  ^  ,< 
du  complot  à  l'attentat.  Les  art.  86,  87  et  88,  qui  vontj  en  premier  lieu,  faire  '    ^ 
l'objet  de  notre  examen,  ont  éprouvé  quelques  vicissitudes.    Gomme  ils  ont     y   v 
pour  but  de  défendre  les  formes  politiques  du  gouvernement,  ils  ont  subi  le  t^  ''  '^ 
contre-coup  de  toutes  les  révolutions  qui  sont  venues  successivement  modifier    .V  ^ 
cette  forme.  ^      ' 

L'art.  86  du  Gode  pénal  de  i810  qualifiait  crime  de  lèse-majesté,  Tattentat 
ou  le  ciHnplot  contre  la  vie  ou  la  personne  de  l'empereur,  et  punissait  ce  crime 
des  peines  du  parricide.  La  loi  du  28  avril  1832  a  supprimé  les  qualifications 
de  lèse-majesté  et  a  conservé,  pour  l'attentat  contre  k  vie  ou  la  personne  du 
roi,  la  peine  du  parricide  ;  elle  a  en  même  temps  attaché  à  l'art.  86,  comme 
un  dérivé  du  même  acte,  le  délit  d'offense  publique  envers  la  personne  du  roi. 
Get  article,  explicitement  abrogé  par  .l'établissement  du  gouvernement  répu- 
blicain, a  été  rétabli  par  la  loi  du  10  juin  1853,  dans  les  termes  suivants  : 

tt  Abt.  86.  L'attentat  contre  la  vie  ou  la  personne  de  l'empereur  est  puni  de  la 
peine  du  parricide.  —  L'attentat  contre  la  vie  des  membres  de  la  famille  impé- 
riale est  puni  de  la  peine  de  mort.  —  L'attentat  contre  la  personne  des  membres 
de  la  famille  impériale  est  puni  de  la  peine  de  la  déportation  dans  une  enceinte 
fortifiée.  —  Toute  offense  commise  publiquement  envers  la  personne  de  l'empe- 
reur est  punie  d*un  emprisonnement  de  six  mois  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de 
500  à.  10,000  fr.  Le  coupable  peut,  en  outre,  être  interdit  de  tout  ou  partie  des 
droits  mentionnés  en  Tart.  42  pendant  un  temps  égal  à  celui  de  Temprisonnement 

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GBIMES    CONTRE  LA  8URBTÉ   DB  l'ÉTAT  (aHT.   86).  221 

auquel  il  a  été  condamné.  Ce  temps  court  à  compter  du  jour  où  il  a  subi  sa  peine. 
—  Toute  offense  commise  publiquement  envers  les  membres  de  la  famille  impé- 
riale est  punie  d*un  emprisonnement  d'un  mois  à  trois  ans  et  d'une  amende  de 
100  fr.  à  5,000  fr.  » 

Cet  article  se  trouve  de  nouveau  implicitement  effacé  par  les  événements 
politiques  ;  mais  comme  son  texte,  quoique  dénué  d^application,  continue  de 
figurer  dans  le  Gode,  et  qu*un  intérêt  historique  peut  s'y  attacher,  nous  n'effa- 
çons pas  le  commentaire  qui  Texpliquait. 

Que  faut-il  entendre  par  un  attentat  ?  Cette  expression  peut  soulever  quel- 
ques difficultés  dans  les  art.  87  et  91,  ainsi  qu'on  verra  tout  à  l'heure;  mais 
ici  son  sens  est  clair,  an  moins  en  ce  qui  concerne  l'attentat  contre  la  vie  ; 
c'est  l'assassinat,  le  meurtre,  l'empoisonnement,  les  blessures  qui  peuvent 
occasionner  la  mort.  Il  est  plus  difficile  d'expliquer  l'attentat  contre  les  per- 
sonnes. 11  est  évident  que  cette  expression,  interprétée  lato  sensu,  peut  com* 
prendre  tous  les  actes  de  violence  personnelle,  quels  que  minimes  et  légers  qu'ils 
soient.  Est-ce  là  ce  qu'a  voulu  la  loi  quand  elle  a  édicté  la  peine  de  mort  ?  Est- 
ce  là  la  signification  juridique  du  mot  attentat?  Ce  mot  n*emporte-t-il  pas 
ridée  d'une  violence  grave  qui,  si  elle  n'est  pas  dirigée  contre  la  vie,  est  diri- 
gée contre  la  sûreté  ou  la  Hberté  de  la  personne  ?  On  trouve  d'ailleurs,  dans 
,ç  l'art.  305  du  Gode  pénal,  une  sorte  de  définition  de  cette  expression.  Get  arti- 
cle punit  des  travaux  forcés  «  quiconque  aura  menacé  par  écrit,  d'assassinat, 
d'empoisonnement,  ou  de  tout  autre  attentat  contre  les  personnes,  qui  serait 
punissable  de  la  peine  de  mort,  des  travaux  forcés  à  perpétuité  ou  de  la  dépor- 

.  tation.  »  Ne  peut-on  pas  induire  de  ces  termes  que,  dans  le  système  de  la  loi, 
les  attentats  contre  les  personnes  sont  au  moins  des  faits  qu'elle  a  qualifiés 
crimes  ?  La  loi  n'exige  pas,  du  reste,  que  la  cause  de  l'attentat  soit  une  cause 
.politique,  les  conséquences  sont  les  mêmes,  quel  que  soit  le  motif  de  l'acte. 

^'  ^  Ces  dispositions  s'appliqueraient-elles  au  président  de  la  République,  chef 
du  pouvoir  exécutif  ?  Auraient-elles  la  mission  nouvelle  de  protéger  sa  vie  et 

4  f^  sa  personne?  non,  car  le  droit  commun  suffit  à  cette  protection.  Ces  deux  articles 

/'  ;  doivent  être  considérés  comme  un  débris  des  lois  de  lèse-majesté,  dont  le  but 
était  de  maintenir  et  de  garder  la  majesté  du  trône,  le  pouvoir  du  souverain. 
Bien  que  l'intérêt  social  ne  soit  pas  moins  grave  relativement  à  la  sûreté  per- 
sonnelle de  ce  premier  magistrat,  il  n'est  pas  nécessaire  de  recourir  à  une  pro- 
tection privilégiée.  La  loi  commune  est  suffisamment  armée  et  d'ailleurs  les 
textes  se  ploieraient  difficilement  à  une  telle  application. 

178.  La  loi  du  28  avril  1832,  par  une  disposition  qui  n'était  point  à  sa  place, 
avait  annexé  dans  un  paragraphe  additionnel  à  l'art.  86,  le  délit  d'offense  pu- 
bUque  envers  la  personne  du  roi.  La  loi  du  10  juin  1853  a  repris  cette  addition 
et  l'a  éiendue  aux  offenses  envers  les  membres  de  la  famille  impériale.  U  eet 
évident  que  cette  offense  n'a  pas  le  caractère  d'un  attentat  :  la  loi  ne  lui  a 
point  donné  cette  qualification.  G'est  la  relation  de  la  matière  qui  l'a  fait  pla- 
cer à  côté  des  attentats. 

Déjà  les  lois  de  la  presse  avaient  puni  l'offense  envers  le  chef  de  l'État. 
L'article  l^nie  là^lôTTu  Trjuillet  1849  porte  ;  «  L'art.  2  du  décret  du  11  août 
1848  (qui  punissait  l'offense  envers  l'assemblée  nationale)  est  applicable  p 

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222      QUINZIÈME    LEÇON.   —   DES  GRIMES  ET  DÉLITS,    ETC.    (n®    180). 

offenses  envers  la  personne  du  président  de  la  république.  •  Mais  cette  loi  ne 
frappe  que  les  offenses  commises  par  voie  de  publication,  c'est-à-dire  par  la 
voie  de  la  presse,  ou  par  des  discours  proférés  dans  des  lieux  publics.  Le  2*  § 
de  Fart.  86  a  eu  pour  objet  d'ajouter  à  cette  publicité  spéciale  et  limitée  une 
publicité  indéfinie  :  tous  les  moyens  par  lesquels  l'offense  devient  publique 
permettent  de  la  saisir. 

Quant  au  caractère  intrinsèque  des  délits,  la  loi  ne  Ta  point  indiqué  :  elle  a 
pensé  qu'il  lui  suffisait  d'employer  un  mot  qui  comporte  avec  lui  une  significa- 
tion un  peu  vague  peut-être,  mais  au  fond  certaine.  Tous  les  faits  qui  consti- 
tuaient Toutrage  et  Tinjure  constituent  en  môme  temps  Poffense.  C'est  donc 
à  la  définition  des  deux  premiers  délits  qu'il  faut  se  reporter  pour  définir  le 
dernier. 

y  179.  Les  art.  87  et  91  prévoient  plusieurs  autres  cas  d'attentat.  L'art.  87  a 
été  rectifié  par  la  loi  du  10  juin  1853: 

a  Art.  87.  L'attentat  dont  le  but  est,  soit  de  détruire  ou  de  changer  le  gouver- 
nement ou  Tordre  de  successibilité  au  trône,  soit  d'exciter  les  citoyens  ou  les  habi- 
tants à  s'armer  contre  Tautorité  impériale,  est  puni  de  la  déportation  dans  une 
enceinte  fortifiée.  » 

«  Art.  91.  L'attentat  dont  le  but  sera,  soit  d'exciter  la  guerre  civile  en  armant 
ou  en  portant  les  citoyens  ou  habitants  à  s'armer  les  uns  contre  les  autres,  soit 
de  porter  la  dévastation,  le  massacre  et  le  pillage  dans  une  ou  plusieurs  commu- 
nes, sera  puni  de  mort.  Le  complot  ayant  pour  but  l'un  des  crimes  prévus  au  pré- 
sent article,  et  la  proposition  de  former  ce  complot,  seront  punis  des  peines  portées 
en  l'art.  89»  suivant  les  distinctions  qui  y  sont  établies.  » 

Un  mot  d'abord  sur  ce  dernier  article.  La  peine  de  mort  qui  y  est  édictée 
est  remplacée,  aux  termes  de  la  loi  du  8  juin  1850,  par  la  déportation  dans  une 
enceinte  fortifiée  ;  et  quant  à  l'incrimination  relative  au  complot  tendant  à 
l'exécution  des  crimes  prévus  par  Tart.  91,  il  est  clair  que  les  règles  que  nous 
avons  précédemment  énoncées  sur  cette  matière  s'appliquent  nécessairement 
ici. 

180.  La  première  question  que  ces  deux  articles  soulèvent  est  de  savoir  ce 
qu'il  faut  entendre  ici  par  attentat.  Il  faut  entendre  un  acte  de  violence^  un  acte 
matériel,  tel  qu'une  attaque  à  force"ouvérTê7  une'  prise" d'armes  ;  c'est  ce  qui 
rt8nll8"3inén8  naîûrel  du  mot  attentat,  c'est  ce  qui  résulte  de  la  signification 
que  difféfelils  articles  du  Cud»,  Ht  um&mment  les  art.  277  et  305  lui  ont  don- 
née ;  c'est  ce  qui  résulte  enfin  du  texte  de  l'art.  88.  Ce  dernier  article  est  ainsi 
conça: 

«  Art.  88.  L'exécution  ou  la  tentative  constitueront  seules  l'attentat.  »  ^r       >  «  r  '**/ 

Cet  article,  en  effet,  a  eu  pour  objet  d'abroger  une  disposition  du  Code  f    r 
de  1810,  qui  réputait  attentat  tout  acte  extériieur"commÎ8  où  commencé  pour'    , 
parvèlitriTeïécution .  L'exposé  des  motifs  de  la  loi  de  1832  porte  :  <  La  mani-  -y  *  ^" 
f^atiou  pai  des  actes  extérieurs  d'une  résolution  criminelle,  mais  avant  le      ^ 
commencement  d'exécution,  ne  saurait  être  assimilée  à  l'attentat  lui-même.  '^{If/r 
C'est  à  l'attentat,  c'est-à-dire  à  Vennéeution  dé^à  commencée,  que  la  peine  capitale 
sera  réservée.  »  Il  soit  de  là  que,  pour  qu'il  y  ait  tentative  légale,  il  faut    .  ;  -  - 

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/   Vc^     ^-v        CRIMES  CONTRE  LA  SURBTÉ  DE  l'ÉTAT  (aRT.  91).    />.  ,/'  223  •'#"''  * 

qu'il  y  ait  commencement  d'exécution  de  Pacte  constitntif  de  l'attentat.  En 
effet,  en  substituant  la  tentative  à  un  acte  commis  ou  commencé,  et  en  pla- 
çant sur  la  même  li^ne  la  tentative  et  l'exécution,  le  nouvel  art.  88  n'a  pu  *  '  *    .'' 
entendre  qne  la  tentative  équivalente  à  l'exécution,  c'est-à-dire  celle  qui  est  con- 
sidérée comme  le  crime  même  par  l'art.  2  du  Gode  pénal.  S'il  en  était  autre-    *! 
ment,  et  si  la  loi  avait  voulu  établir  pour  ce  cas  une  tentative  spéciale  et  hors  f*'*^*i 
du  droit  commun,  elle  s'en  serait  expliquée  et  ne  se  serait  pas  servie  d'une    C<//u 
expression  dentelle  avait  elle-même  fixé  le  sens  légal.  Cette  interprétation  de   ^ 
l'art.  88  résulte  encore  clairement  des  art.  89,  90  et  91,  deuxième  paragraphe;   ^  '^   „  . 
en  effet,  d'après  les  art.  89  et  91,  le  complot  est  puni  de  la  déportation,  lors-    '^''  '*  '  < 
qu'il  y  a  eu  un  acte  commis  et  commencé  pour  préparer  l'exécution  des  at-     //// 
tentais  prévus  par  les  art.  86,  87  et  91.  Il  en  est  de  même  dans  les  cas  prévus    -  >  ,    y  ^ 
par  Tart.  90,  qui  punit  également  de  la  détention  un  acte  commis  ou  corn»  -  \ } 

mencé  pour  préparer  l'exécution  de  l'attentat  prévu  par  l'art.  86.  Donc  il  ne 
suffit  pas  d'un  acte  commis  ou  commencé,  ou  d'une  tentative  quelconque, 
pour  constituer  les  attentats  prévus  par  les  art.  87  et  91  ;  donc  il  faut  la  tenta- 
tive caractérisée  que  l'art.  2  assimile  au  crime  même.  Donc  la  tentative,  c'est 
le  commencement  d'exécution  ;  l'exécution,  c'est  raccompIIs"sëmen t  mêmeda. 
l'attentat. 

181.  Il  est  plus  difficile  peut-être  de  préciser  avec  exactitude  les  différents 
buts  de  l'attentat,  lesquels  constituent  dans  chaque  hypothèse  l'un  des  élé- 
ments du  crime.  Dans  quels  cas  l'attentat  doit-il  être  réputé  avoir  pour  but  de 
changer  le  gouvernement,  d'exciter  les  citoyens,  soit  à  s'armer  contre  l'auto- 
rité souveraine,  soit  à  la  guerre  civile  ?  Un  acte  isolé,  un  effort  individuel  et 
par  là  même  impuissant,  aura-t-il  ce  caractère  ?  Ëst-il  nécessaire  qu'il  ait  me- 
riacô  d^un  péril  v^îlàbTeT^rïïrepolitîqlïeTWiit^  mettre  sur  la  même  ligne  le 
soulèvement  d'un  jarti  puissant,  ou  l'attaqué  Insensée  "dé  quelques  indivi- 
dus? Là  loi,  en" se  servant  d'expre'ssîons'vagues  et  Indéfinies, y  '^^otthi  g«t8irj_ 
tous  lesTaits  qui  pourraient  mettre  TÉiaLeapèdl,  tous  les  actes  qui  ËtP]&ifiaL 
lë "menacer  d'un  désordre  grave  et  sérieux;  il  est  nécessaire,  toutefois,  que  ces 
actes  aient  pour  but  la  destruction  de  la  forme  politique  ou  la  guerre  civile; 
c'est  làla  conSitîon  principale  de  l'incrimination,  c'est  ce  qui  constitue  l'at- 
tentat. 

18S.  Cependant  la  loi,  après  avoir  incriminé  en  thèse  générale,  et  sans  les 
définir,  tous  les  faits  qui,  par  leur  gravité  et  leur  but,  peuvent  rentrer  dans  la 
classe  des  attentats,  a  cru  devoir  spécialement  déterminer  quelques-uns  de  ces 
faits.  Tel  est  l'objet  des  art.  92,  93,  94  et  95,  qui  prévoient  la  levée  sans  ordre 
l  ^  ,.-Ae  troupes  armées,  l'usurpation  d*un  commanStement  militaire,  les  réquisitions 
■  ^    illégitimes  delà  force  publique,  la  destruction  des  magasins,  arsenaux  et  vais- 
seaux de  rfifat.  Tel  est  encore  l'objet  des  art.  96,  97,  98,  99  et  100,  qui  sont 
*  »  •    relatifs  à  l'organisation  des  bandes  armées,  y ous  devons  nous  arrêter  un  mo- 
ment à  ces'^rniers  articles.  Les  autres  ne  demandent  aucune  explication. 

188.  L'organisation  de  bandes  armées  est  assurément  l'un  des  actes  prépa- 
///y-ratoires  de  l'attentat  les  plusj^rayes  et  les  plus  périlifiuxT  Le  législateur  a  dû 
rstrprôoccupêrparticulièrement. 


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224      QUINZ.    LEÇ.   —  DES  CRIMES  ET  DÉLITS,   ETC.   (aRT.  96,  N*    l83). 

c  Art.  96.  Quiconque,  soit  pour  envahir  des  domaines,  propriétés  ou  deniers 
publics,  plans,  villes,  forteresses,  portes,  magasins,  arsenaux,  ports,  vaisseaux  ou 
bâtiments  appartenant  à  TÉtat,  soit  pour  piller  ou  partager  des  propriétés  publi- 
ques ou  nationales^  ou  celles  d*une  généralité  de  citoyens,  soit  enfin  pour  faire 
attaque  ou  résistance  envers  la  force  publique  agissant  contre  les  auteurs  de  ces 
crimes,  se  sera  mis  à  la  tôte  de  bandes  armées,  oii  y  aura  exercée  une  fonction  ou 
commandement  quelconque,  sera  puni  de  mort.  I»  (de  la  déportation  simple.  Loi 
du  8  juin  1850,  art.  2).  ~ " 

Qu'est-ce  qu'une  bande  armée  dans  le  sens  de  cet  article?  Il  est  à  remar- 
quer d'abord  qu'il  ne  faut  point  confondre  les  bandes  dont  il  s'agit  :  l»  avec 
les  réunions  prévues  par  les  art.  210  et  suivants,  puisque  ces  réunions,  pure- 
ment accidentelles,  ne  sont  point  organisées;  2'»  avec  les  bandes  de  malfaiteurs 
qui  font  l'objet  des  art.  265  et  suîvalfi~tF,'^uisque  ces  bandes  sont  des  associa- 
tions formées  contre  les  personnes  ou  les  propriétés  ;  3°  avec  les  bandes  pré- 
vues par  l'art.  45U  et  quT'ont "pour  but  le  pillage  des  denrées  mobilières; 
4<»  enfin  avec  les  attroupements  armésquifontFoljjeVde  Ta  loi  du  7  juin  1849, 
puisque  ces  attroupements  ne  supposent  ni  organisation  ni  commandement. 
Les  bandes  dont  parle  l'art.  ÏÏB~rie  "sbntnî  des  rassemblements  armés,jii  des 
réunions  accidentelles  de  rebelles,  ni  des  attroupements  tumultueux,  ni  des 
issocîàîîôris'démarfaîteurs  formées  pour  "commettre  des  crimes:  c'est  une 
troupe^ organisée  pour  l'attaque  ou  la  résistance,  une  troupe  munJad'.arjooLesjet 
de  chers._ 

Tlest  nécessaire,  en  second  lieu,  pour  l'existence  du  crime,  que  cette  orga- 
nisation ait  eu  pour  but  l'un  des  faits  énumérés  par  l'art.  96.  Cette  énuméra- 
tion  excita  quelques  réclamations  lors  de  la  rédaction  du  Gode.  La  commission 
du  Corps  législatif  fit  remarquer  c  qu'on  n'y  trouvait  pas  le  cas  où  une  bande 
armée  aurait  attaqué  ou  dévasté  les  propriétés  d'une  généralité  de  citoyens.  Cette 
désignation  paraît  devoir  principalement  concerner  les  propriétés  communales 
ou  celles  de  la  masse  des  habitants  d'un  lieu;  mais,  quelque  punissables  que 
soient  les  invasions  contre  cette  espèce  de  propriété  ou  autres  analogues,  on 
ne  peut  s*empècher  d'y  reconnaître  une  gravité  moindre,  que  lorsque  les  voies 
de  fait  auront  pour  objet  des  propriétés  publiques  et  nationales.  >  Le  conseil 
d'État  repoussa  toute  distinction  c  parce  qu'il  s'agissait  ici  non  d'attroupements 
irréfléchis,  mais  de  bandes  organisées.  Or,  un  crime  de  cette  nature,  dirigémême 
contre  des  propriétés  communales^  est  si  dangereux  par  le  fait  et  par  l'exemple, 
il  est  susceptible  d'avoir  promptement  tant  d'imitateurs,  qu'il  y  aurait  beau- 
coup d'inconvénients  à  le  distinguer  des  crimes  qui  menacent  la  sûreté  de 
rÉtat  au  premier  degré.  » 

La  peine  portée  par  Tart.  96  n*est  applicable  qu'à  celui  «  qui  sesierii  misa  la 
tête  de  bandes  armées,  ou  qui  aura  exercé  une  fonction  ou  commandement 
quelconque.  »  Ce  commandement,  cette  fonction  est  donc  la  circonstance,  non 
pas  aggravante,  mais  constitutive  du  crime.  Quant  aux  individus  qui  ont  fait 
partie  des  mêmes  bandes,  sans  y  exercer  aucun  commandement  ni  emploi,  il 
faut  distinguer  s'ils  ont  été  saisis  sur  les  lieux,  ou  s'ils  n'ont  été  saisis  qu*en 
dehors  du  lien  de  la  réonien  séditieuse.  Dans  le  premier  cas,  l'Art.  98  porte  la 
peine  de  la  déportation,  qui  n'est  plus  en  proportion  avec  le  fait,  depuis  que 
cette  peine  a  pris  la  place  de  la  peine  de  mort  dans  Tart.  96.  Dans  le  second 


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GRJMX8   CONTRE  LA.  SURETE  I»  l'IbTAT  (aRT.    100).  225 

cas,  les  conpablds  sont  passibles  des  dispositions  de  l*art.  100,  qui  est  ainsi 
conçu: 

«  Art.  100.  Il  ne  sera  prononcé  aucune  peine  pour  le  fait  de  sédition  contre 
ceux  qui,  ayant  fait  partie  de  ces  bandes  sans  y  exercer  aucun  commandement  et 
sans  y  remplir  aucun  emploi  ni  fonctions,  se  seront  retirés  au  premier  avertisse- 
ment des  autorités  civiles  ou  militaires  ou  même  depuis,  lorsqu'ils  n'auront  été 
saisis  que  hors  des  lieux  de  la  réunion  séditieuse  sans  opposer  de  résistance  et 
sans  armes.  Ils  ne  seront  punis  dans  ces  cas  que  des  crimes  particuliers  qu'ils 
auraient  personnellement  commis,  et  néanmoins  ils  pourront  être  renvoyés,  pour 
cinq  ans  ou  au  plus  jusqu'à  dix,  sous  la  surveillance  spéciale  de  la  haute  police.  » 

Cette  disposition  a  été  expliquée  par  l'exposé  des  motifs  dans  les  termes 
suivants  :  c  Lorsque  quelques-uns  de  ces  crimes  seront  commis  ou  tentés  par 
des  bandes  séditieuses,  il  faudra  infliger  les  peines  avec  la  juste  circonspection 
que  commandent  des  affaires  aussi  complexes.  Dans  cette  multitude  de  cou- 
pables, tous  ne  le  sont  pas  au  même  degré,  et  Thumanité  gémirait  si  la  peine 
capitale  était  indirectement  appliquée  à  tous,  hors  les  cas  où  la  sédition  serait 
dirigée  contre  la  personne  ou  Tautorité  du  prince,  ou  aurait  pour  objet  quel* 
ques  crimes  approchant  de  cette  gravité.  Les  chefs  et  directeurs  de  ces  bandes, 
toujours  pins  influents  et  plus  coupables,  ne  sauraient  être  trop  punis;  en  dé- 
portant les  autres  individus  saisis  sur  les  lieux,  on  satisfera  aux  besoins  de  la 
société,  sans  alarmer  l'humanité.  On  pourra  même  user  d'une  plus  grande 
indulgence  envers  ceux  qui  n'auront  été  arrêté  que  depuis,  hors  des  lieux  de 
la  réunion  séditieuse,  sans  résistance  et  sans  armes;  la  peine  de  la  sédition 
sera  sans  inconvénient  remise  à  ceux  qui  se  seront  retirés  au  premier  aver- 
tissement de  Tautoritô  publique.  Ici  la  politique  s'allie  à  la  justice;  car,  s'il 
convient  de  punir  les  séditieux,  il  n'importe  pas  moins  de  dissoudre  les  sédi- 
tions. » 

Cette  disposition  est  une  véritable  excuse  pour  le  fait  de  sédition  :  elle  n'ex- 
clut donc  pas  la  poursuite  et  la  mise  en  accusation  ;  mais  le  fait  que  l'accusé 
s'est  retiré  au  premier  avertissement  des  autorités,  et  même  auparavant,  par 
conséquent,  peut  être  proposé  par  Taccusé  oomisie  excuse,  et  si  les  conditions 
énoncées  par  la  loi  sont  constatées,  il  y  a  lieu  à  Texemption  de  la  peine  pro- 
noneée  par  cet  article. 

184.  Le  2«  §  de  l'art.  96  établit  une  régie  de  complicité  spéciale  à  l'égard 
des  faits  prévus  par  le  §  l*r: 

«  ÂaT.  96.  2*  §.  Les  mêmes  peines  seront  appliquées  à  ceux  qui  auront  dirigé 
rassociation«  levé  ou  fait  lever,  organisé  ou  fait  organiser  les  bandes,  ou  leur 
auront  sciemment  et  volontairement  fourni  ou  procuré  des  armes,  munitions  et 
instruments  de  crimeSp  ou  envoyé  des  convois  de  subsistances,  ou  qui  auront  de 
toute  autre  manière  pratiqué  des  intelligences  avec  les  directeurs  ou  commandants 
des  bandes.  » 

Cette  disposition   s'écarte  des  règles  générales  de  la  complicité  établies  par 
l'art.  60:  1°  en  ce  qu'elle  inculpe  non-seulement  la  fourniture  d'armes  et 
d'instruments  pour  commettre  le  crimes  mais  la  participation  à  des  ac(' 
purement  préparatoires  ou  à  des  actes  tout  à  fait  secondaires;  2<>  en  ce  qu*< 
I.  15 

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2S6      QUINZIÉMS  LEÇON.  ~  DBS  GRIMXB  BT  DÉLITS,  RPC.  (ART.  99,   N""   185). 

ctnsidôre  ccxniine  iln  acte  de  «(Hapiieilô  le  fait  d'aToir  de  tonte  autre  manière 
pratiqué  des  intelligences  avec  les  chefs  des  bandes,  incrimination  bien  vagae 
et  bien  illimitée. 

[^'organisation  des  bandes  armées  est  incriminée  dans  un  deuxième  cas  qui 
présente  une  véritable  aggravation. 

c  Art.  97.  Dans  le  cas  oh  V\m  ou  piusieurs  das  crimes  mentionnés  aux  art.  86,87 
et  91  auront  été  exécutés  ou  simplement  tentés  par  une  bande,  la  peine  de  mort 
sera  appliquée,  sans  distinction  de  grades,  à  tous  les  individus  faisant  partie  de  la 
bande  et  qui  auront  été  saisis  sm*  le  lieu  de  la  réunion  séditieuse.  Sera  puni  des. 
mômes  peines,  quoique  non  saisi  sur  le  lieu,  quiconque  aura  dirigé  la  sédition  ou 
aura  esiereé  dans  la  bande  un  emploi  ou  commeodemeiU  quelconque.  » 

Il  s^agit  dans  cet  article  d'opérer  avec  la  bande  armée  non  plus  seulement 
Tenvahissement  d*une  place,  4'une  forteresse,  d'un  poste,  mais  l'exécution  ou 
la'tentative  de  run  des  attentats  prévus  par  les  art.  86,  87  et  81.  La  sévérité 
de  la  loi  s^accroit  en  même  temps  que  le  péril  social.  Ge  ne  sont  plus  seulement 
ceux  qui  y  ont  fait  partie  de  la  bande,  sans  distinction  de  grades.;  l'art.  98 
n'est  point  applicable  à  ces  derniers.  Il  est  nécessaire  toutefois  qu'ils  aient  été 
saisis  sur  îe  lieu  de  la  réunion  séditieuse,  car,  s'ils  ont  été  saisis  hors  de  ce 
lieu,  ils  peuvent  invoquer  l'excuse  formulée  par  Fart.  iOÛ. 

185.  «  Art.  99.  Ceux  qui,  connaissant  le  but  et  le  caractère  desdites  bandes, 
leur  auront^  sans  contrainte,  fourni  des  logements,  lieux  de  retraite  ou  de  réunion, 
seront  condamnés  à  la  peine  des  tfavaux  forcés  à  temps.  » 

Ge  fait  ée  complicité  par  recel  déjà  prévu  dans  des  citxsonstances  ana4oguea 
par  les  art  61,  969  et  28,  exige  :  1*  que  le  receleur  ait  eu  connaissance  du  bat 
et  du  caractère  de  la  bande  ;  2^  qu'il  ait  fourni  des  logements  à  cette  bande 
elle-même  ;  d'où  il  suit  qu'il  doit  avoir  logé,  non  point  un  seul  individu,  mais 
plusieurs  formant  au  moins  une  partie' de  la  bande. 

18#.  La  législation  ne  s'est  pas  bornée  à  ineriminer  séparément  quelques- 
mna  des  faits  qai  peuvent  conatitaer  l'acte  matériel  de  l'attentat  :  elle  a  éh^ 
composé  cet  acte,  et  de  ses  divers  fragments  eHe  a  formé  autont  de  crimee 
spéciaux  :  tel  a  été  le  but  de  la  loi  du  24  mai  1834  que  jVii  déjà  en  partie 
analysée. 

«  Le  24  mai  1834.  a  Art.  5.  Beront  punis  de  la  détentibn  les> individus  qui,  dans 
un  mouvement  insurrectionnel,  auront  porté,  soit  des  armes  apparentes  ou  cachées 
on  d^  munitions,  soit  un  unifiorme  ou  costume  ou  autres  insignes  civils  oa  mili- 
taires. Si  les  individus,  porteurs  d'armes  appelantes  ou  cachées  on  de  munitions, 
étaient  revêtus  d'un  uniforme,  d'un  costume  ou  d'autres  insignes  civfts  ou  mili>- 
tairesi  ils  seront  punis  de  la  déportation.  Les  individus  qui  auront  fait  usage  de 
leurs  armes  seront  punis  de  mort.  » 

a  Art.  6.  Seront  punis  des  travaux  forcés  à  temps  les  individus  qui,  dans  un 
mouvement  insurrectionnel,  se  seront  emparés  d'armes  ou  de  munitions  de  toute 
espèce,  soit  à  l'aide  de  violences  ou  de  menaces,' soit  par  le  pillage  de  boutiques, 
postes,  magasins,  arsenaux  ^t  autres  établissements  publics,  soit  par  le  désarme- 
ment des  agents  de  la  fdroe  publiée.  Chacun  des  coupables  sera  de  plus  condamné 
à  une  amende  de  200  à  &00  fr.  » 


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GRIMBS  dONTRB  LA.  SUimi  J)S  l'ÉTAT  (arT.   99),  227 

«  Art.  7.  JBeront  ponis  4b  la  mâme  peine  les  Itidmtlus  qnU  àaxLii  un  moBvenent 
inaurrectionoel,  auraient  envahi,  à  Taide  de  violences  ou  menaces,  une  maison 
habitée  ou  servant  à  l'habi talion,  b 

«  ART.  8.  Seront  punis  de  la  détention  les  individus  qui,  dans  un  mouvement 
insurrectionnel,  auront,  pour-  faire  attaque  ou  résistance  envers  la  force  armée, 
envahi  ou  occupé  des  édifices,  postes  et  autres  établissements  publics.  La  peine 
sera  la  même  à  l'égard  de  ceux  qui,  dans  le  même  but,  auront  occupé  une  maison 
balbitée  ou  non  habitée,  avec  lensonsentement  un  propriétiive  «a  do  looataîre,  et 
à  régaord  du  propnétaire  eu  ds  loeataive  qui,  oomnissant  le  but  des  insurgés,  leor 
aura  prooivé  aans  contrainte  rentrée  de  ladite  maisea.  » 

«  Art.  9.  Seront  punis  de  la  détention  les  individus  qui,  dans  un  mouvemant 
insurrectionnel,  auront  Mi  ou  aidé  à  faire  des  barricades,  des  retranchements  ou 
tous  autres  travaux  .ayant  i^our  ol^t  d'entraver  ou  d'arrêter  Taxercies  de  la  force 
publique  ;  ceux  ^i  auront  esiiiècbé,  à  l'aide  de  violences  ou  de  menaces,  la  oonvo- 
cation  ou  la  réunion  de  la  Xoroe  publique,  ou  qui  aunont  provoqué  ou  flicUité  le 
rassemblement  des  insurgés,  soit  par  la  distributien-d'erdresou  die  proolamatioMl, 
soit  par  Je  port  de  drapeaux  ou  autres  signaux  de  ralliement,  soit  par  tous  autres 
moyens  d'appel;  ceux  qui' auront  brisé  ou  détruit  un  ou  plusieurs  télégraphes,  ou 
qui  auront  envahi,  à  l'aide  de  violences  ou  de  menaces,  un  ou  plusieurs  postes 
télégraphiques,  ou  qui  auront  intercepté,  par  tout  autre  moyen,  avec  violences  ou 
menaces,  les  communications  ou  la  correspondance  avec  les  divers  dépositaires 
de  l'autorité  publique.  » 

Vous  voyez  que  ces  divers  articles  de  la  loi  du  24  mai  1834  ont  pour  but  de 
définir  des  actes  partiels  dlusurreciion.  Le  législateur  ne  recherche  point  si 
le  mouvement  insurrectionnel  a  eu  pour  objet  ou  pour  résultat  un  ou  plusieurs 
des  crimes  prévus  par  les  art.  86,  87  et  91  du  Gode  pénal  ;  il  ne  caractérise 
point  le  mouvement,  il  se  borne  à  préciser  les  incriminations  et  à  renfermer 
le  débat  sous  la  forme  d'un  fait  personnel  à  l'accusé.  La  définition  du  mouve- 
ment insurrectionnel  eût  agrandi  le  cercle  de  l'accusation  et  introduit  dans  le 
débat,  outre  la  preuve  de  la  prise  d'armes,  fait  personnel  à  l'accusé,  et  celle 
du  mouvement  dont  Taccnsé  faisait  partie,  la  preuve  d'un  but  ou  d'un  résultat 
général  qu'il  est  quelquefois  difficile  de  constater.  On  a  voulu  rendre  les  pour- 
suites plus  faciles  en  scindant  les  accusations  ;  chaque  fait  matériel  de  l'in- 
surrection peut  devenir  la  matière  d'une  poursuite  séparée  et  l'accusation  n^a 
à  se  préoccuper  ni  du  caractère  de  cette  insurrection,  ni  de  ses  prpjets,  elle  ne 
saisît,  elle  ne  poursuit  qu'un  acte  isolé  et  individuel. 

Je  ne  veux  pas  entrer  dans  le  détail  de  toutes  ces  incriminations  qui  ont,  au 
reste,  un  objet  identique  et  sont  goomiseB  aux  mêmes  règles.  Il  me  parait  né- 
cessaire seulement,  dans  l'intérêt  des  principes  du  droit  pénal,  de  relever  une 
déviation  àeesfHciacipes.  il  n'y  a  crime,  que  loosqué  le  &it  matériel  se*  trouve 
uni  à  une  inteaëon  criminelle;  c'esl-Vdire  quand  ces  deux  éléments  ceexis- 
tent  :  la  matérialité  du  fait  et  l'intentioanalité  de  l'agent.  L'aocusatioa  est 
donc  tenue  d'établir  ces  deux  foits  qui  constituent  le  crime,  car  elle  est  teone 
de  prouver  to«s  les  éléments  constitutifs  du  crime  qu'elle  impute  i  l'agent. 
La  loi  du  24  mai  1834  tend  évidemment  à  modifier  cette  règle  :  elle  établit 
contre  le  prévenu  une  véritable  présomption,  résultant  de  sa  présence  dmns 
un  mouvement  insurrectionnel  et  de  la  circonstance  qu'il  a  été  trouvé  ave 
les  rmes.  A  la  vérité  la  loi  ne  punit  pas  le  seul  fait  matériel  :  1  e  jury  démet 

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228  SBIÏ.   LBÇ.    —  DES  CRIMB8  ET  DÉLITS,   ETC.  (N*  188). 

JQge  de  rintention.  Mais,  à  la  différence  des  accusations  communes,  c'est  à 
l'accusé  qu'il  incombe  d'établir  qu*il  n'a  pas  agi  criminellement ,  la  présomp- 
tion sufQt  pour  la  mise  en  accusation  ou  plutôt  Tintenlion  résulte,  jusqu'à 
preuve  contraire,  du  fait  matériel  de  la  prise  d'armes  dans  un  mouvement  in- 
surrectionnel. 

187.  Il  me  reste,  pour  terminer  cette  matière,  à  vous  donner  Texplicatioii 
d'une  expression  qui  est  sans  cesse  employée  dans  les  articles  que  je  viens  de 
parcourir  et  dont  il  est  nécessaire  de  fixer  le  sens  légal.  L'article  iOl  est  ainsi 
conçu  : 

«  Art.  101.  Sont  compris,  dans  le  mot  amies^  toutes  machines,  tous  instru- 
ments ou  ustensiles  tranchants,  perçants  ou  contondants.  Les  couteaux  et  les  ci- 
seaux de  poche,  les  cannes  simples  ne  seront  réputés  armes  qu'autant  qu'il  en 
aura  été  fait  usage  pour  tuer,  blesser  ou  fï'apper.  » 

Toutes  les  lois  pénales  ont  essayé  de  définir  ce  qu'il  faut  entendre  par 
armes,  parce  que  le  port  ou  la  simple  détention  des  armes  a  été  considéré 
dans  tous  les  temps  comme  une  circonstance  aggravante  des  faits  dont  la 
violence  est  le  principal  élément.  On  trouve  dans  le  Digeste  cette  définition  : 
Arma  sunt  omnia  tela,  hoc  est,  et  fastes  et  lapides  ;  non  solum  gladii,  hastœ, 
fram^œ  id  est,  rompheœ  (L.  3,  §  2,  De  vi  et  vi  armata).  Gaïus  s'est  servi  de 
termes  plus  larges  :  Teîa  appellatione  et  ferrum  et  fustis  et  lapis  et  denique  omne 
quod  nocencH  causa  fiabetur,  significatur  (L.  54,  §  %  Dig.  De  furtis).  Il  résulte 
toutefois  de  ces  derniers  mots  que  c'était  surtout  l'usage  des  instruments  ou 
l'intention  d'en  faire  un  usage  nuisible  qui  dans  la  loi  romaine  leur  imprimait 
le  caractère  d'armes  :  omne  quod  nocendi  acusâ  habctur. 

L'art.  101  fait  une  distinction  entre  les  armes  proprement  dites  et  les  us- 
tensiles d'un  usage  habituel  :  les  premières  emportent  la  présomption  d'une 
intention  criminelle  par  cela  seul  qu'elles  se  trouvent  dans  les  mains  de 
l'agent;  les  autres  ne  sont  réputées  armes  qu'autant  qu'elles  ont  été  employées 
à  tuer,  à  blesser  ou  à  frapper.  A  la  possession  des  unes  est  attachée  la  pré- 
somption de  l'usage;  à  l'égard  des  autres,  il  est  nécessaire  que  l'usage  soit 
prouvé.  On  a  demandé  dans  laquelle  de  ces  deux  catégories  doivent  être 
rangés  les  bâtons  et  les  pierres  :  la  jurisprudene  n'a  pas  hésité  à  les  classer 
dans  la  première. 

SEIZIÈME  LEÇON. 

188.  Le  Gode  pénal  a  compri  sous  le  titre  de  crimes  et  délits  contre  la  con- 
stitution plusieurs  incriminations  qui  n'ont  entre  elles  aucun  rapport  direct, 
et  qui  ne  se  rattachent  même  qu'accessoirement  aux  droits  que  la  constitu- 
tion a  pour  but  de  garantir.  Nous  suivons,  quoiqu'il  soit  peu  méthodique, 
l'ordre  qu'il  a  suivi  ;  cet  ordre  auquel  vous  êtes  habitués  rendra  vos  études 
plus  faciles,  et  d'ailleurs  il  est  plus  propre  peut-être  à  vous  faire  saisir  son 
véritable  esprit. 


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VIOLATION  OBB  DROITS  CÎYIQUBS» 

SECTION  PREBnÉRE 

DES  CRIMBS  ST  DÉLITS  RELATIFS  A  L'EXERaCB  DES  DROITS  CIVIQUES. 

Le  Gode  pénal  ne  contient  sur  ce  sujet  qu'un  petit  nombre  de  dispositions, 
il  n'a  prévu  que  les  violences  exercées^  l'achat  et  la  falsification  des  votes. 
Les  lacunes  ont  été  remplies  par  deux  lois  récentes*  dont  je  vous  ferai  con- 
naître les  dispositions  principales.  Examinons  d'abord  les  articles  du  Gode 
pénal. 

Les  art.  109  et  liO  prévoient  Tempôcbement  apporté  à  Texercice  des  droits 
civiques  : 

■  Art.  109.  Lorsque,  par  attroupement,  voies  de  fait  ou  menaces,  on  aura  empê- 
ché un  ou  plusieurs  citoyens  d'exercer  leurs  droits  civiques,  chacun  des  coupables 
sera  puni  d'un  emprisnonement  de  six  mois  au  moins  et  de  deux  ans  au  plus,  et 
de  rinterdiction  du  droit  de  voter,  d'être  éligible  pendant  cinq  ans  au  moins,  dix 
ans  au  plus.  » 

«  ART.  110.  Si  ce  crime  a  été  commis  par  suite  d'un  plan  concerté  pour  être 
exécuté,  soit  dans  tout  l'empire^  soit  dans  un  ou  plusieurs  départements,  soit  dans 
un  ou  plusieurs  arrondissements  communaux,  la  peine  sera  le  bannissement.  » 

Le  fait  que  punissent  ces  deux  articles  est  la  violence  employée  pour  em- 
pêcher le  vote  des  citoyens  dans  une  élection  :  la  circonstance  aggravante  de 
ce  fait  est  la  préméditation,  la  délibération  antérieure  d'un  plan  propre  à  pro- 
duire cet  empêchement,  soit  dans  plusieurs  lieux,  soit  même  dans  un  seul. 
On  lit  dans  l'exposé  des  motifs  du  Gode  :  «  Tonte  personne  qui  trouble  on 
empêche  l'exercice  des  droits  civiques  se  rend  coupable,  mais  son  délit  s'ag- 
grave et  peut  même  s'élever  au  rang  des  crimes,  s'il  est  le  résultat  d'un  plan 
concerté  pour  être  en  même  temps  exécuté  dans  divers  lieux  ;  dans  ce  dernier 
cas,  l'ordre  public,  plus  grièvement  blessé^  réclame  aussi  une  plus  sévère  pu- 
nition. » 

189.  Les  art.  111  et  112  punissent  la  falsification  des  votes  : 

«  ART.  111.  Tout  citoyen  qui,  étant  chargé  dans  un  scrutin  du  dépouillement  des 
billets  cont^iant  les  suffrages  des  citoyens,  sera  surpris  falsifiant  des  billets,  ou 
en  soustrayant  de  la  masse,  ou  en  y  ajoutant,  ou  inscrivant  sur  les  billets  des 
votants  non  lettrés  des  noms  autres  que  ceux  qui  lui  auraient  été  déclarés,  sera 
puni  de  la  peine  de  la  dégradation  civique.  » 

«  Art.  112.  Toutes  autres  personnes  coupables  des  faits  énoncés  dans  rartlde 
précédent  seront  punies  d'un  emprisonnement  de  six  mois  au  moins  et  de  deux 
ans  au  plus.  » 

II  résulte  de  ces  deux  articles  qu'il  y  a  délit  toutes  les  fois  que  le  vœu  des 
dtoyens  est  dénaturé  par  des  falsifications,  soustractions  ou  additions  de  bil- 
lets ;  et  les  coupables  manœuvres  acquièrent  un  nouveau  degré  de  gravité 
lorsqu'elles  sont  l'ouvrage  des  scrutateurs,  «ux-mêmes,  car  il  y  a  dans  ce  cas 
violation  de  dépêt  et  abus  de  confiance.  Yous  avez  remarqué  sans  doute  que 
la  loi  ne  saisit  que  celui  qui  est  surpris  falsifiant  :  il  faut  donc  que  le  délit  soit  • 


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230    sBiz.  LBÇ.  —  DSB  isHiiias  sv  DÉuen,  nre.  (uuevt.  113»  n<»  191). 

flagrant  poar  qu'il  existe.  Pourquoi  cette  dérogation  aux  règles  ordinaires  ? 
C'est  que^  quelque  grave  quia  soit  uoo  tdle  iofiniction,  on  a  craint  d'ouvrir 
une  issue  trop  facile  à  de  tardives  et  téméraires  recherches  pour  des  faits  qui 
ne  laissent  plus  de  traces,  quand  le  scrutin  est  détruit  et  qu'on  a  terminé  les 
opérations  qui  s'y  rapportent.  Combien,  dans  cette  matièrei  les  espérances 
trompées,  les  prétentions  évanouies  et  la  passion  pofitique  ne  féraîent-eties 
pas  naitre  d'accusations  hasardées,  s'il  était  permis  de  les  porter  après  coup 
et  hors  le  cas  où  le  coupable  est  surpris  en  flagrant  délit?  Ainsi,  aussitôt  que 
le  résultat  a  été  proclamé  et  rassemblée  dissoute,  toute  imputation  d'une 
fraude  commise  dans  le  scrutin  serait  tardive. 

190.  L'art.  113  punit  l'achat  ou  la  vente  des  suffrages  : 

«  Art.  1T3.  Tout  citoyen  qui  aura,  dans  une  élection,  acheté  ou  vendu  un  suffrage 
à  un  prix  quelconque,  sera  puni  d'interdiction  des  droits  de  citoyen  et  de  toute 
fonction  ou  emploi  public  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus.  Seront,, 
en  outre,  le  vendeur  et  Tacheteur  du  suffrage,  condamnés  chacun  à  une  amende 
double  de  la  valeur  des  choses  reçues  ou  promises.  » 

Cet  aritcle  mériti?  itn  reprociie  qu'on  n'adress»  pa»  hébitueliement  au  Code 
pénal  :  la  peine  de  l'amende,  quelque  élevée  qu'elle  soit,  n'est  pas  en  propor- 
tion avec  )a  gravité^du  délit.  Il  s*agit  ici  d'un  pacte  honteux,  d'un  âiit  de  cor- 
ruption, et  si  Ton  se  reporte  au  système  général  du  Gode,  on  est  surpris  qu'une 
peine  corporelle  n'ait  pas  été  appliquée.  Nous  verrons  tout  à  l'heure  que  cette 
lacune  a  été  réparée. 

191.  lies  articles  qui  précèdent  ont  paru  insuffisants  lorsque  les  droits  poU- 
tiqoetfdes  citoyens,  en  se  développant,  ont  pris  une  grande  importance,  et  Ton 
a  dtt  se  préoccuper  d*asKurer,  par  une  sanction  plus  efficace,  la  sincérité,  la 
pureté  et  la  liberté  des  élections.  Tel  a  été  l'objet  de  Ik  loi  du  13  mars  18W, 
du  décret  du  ^  Kvrier  1852  et  de  Ik  loi  du  3(y  novembre  1*876. 

Ces  lois,  dont  la  seconde  n'est,  en  général,  en  ce  qui  concerne  les  dis- 
positions répressives,  que  la  reproduction  de  la  première,  prévoient  trois  or- 
dres de  faits  qui  englobent  au  moins  en  partie  les  trois  incriminations  du  Code 
péBAl  :  i^  les  To|^  itlégalemeat  émis  ;.  2<'  lea  mioyeojs  de  vlolenpe  ou  de  eo^ 
n^ioa  «mployés,  pouc  itérer  la  vécitô  dea  soffcages  ;  3«  1&  violaUM  des  acnih 

ÛJUL 

fi*  pMHièfe  série  â»  ce»  fisMts  eonprend  IHnoeripftîoii  sur  la  Itete  étectorala 

sous  un  faux  nom  ou  sous  une  fausse  qualité,  Tinscriptibn  sur  deur  ou  plu- 
sieurs listes  et  par  conséquent  le  vote  multiple,  la  dissimulation  d'Une  inca- 
pacité, enfin  Paltôration  des  bulletins  dans  un  scrutin.  Cette  dernière  disposi- 
tion doit  nous  arrêter  un  moment  parce  qu'elle  modifie  l'art  111.  En  voici  le 
texte  : 

«  Décret  dû  2  févr.  185Î.  «  Art.  35.  Quiconque,  étant  chargé  dimr  un  scrutîh  de 
r0oevoi^,  compter  ou  dépouiller  les  bulletin»  contenant  le»  sum^affsedès  oHoyenSi 
aoM  souauiMt,  a|outé  ou  altéré  desk  buUetitn,  ou  la  un  nomr  antre  que  eelui  ii»''^ 
crti,  sera  puai  d'un.  empriaoBnement  d^un  aoi  àjoinq  aoA>alidf«m«Meiide  de  Wi 


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YÏQUMTIW  nmi  QMUTft.  Qf^lûlISS  (aRX.  iït^^  2)1 

Oflk  af Ufite»  iptt  rapiedttîl  idemlîqaMiiQttt. Ae&.tirnia»  de.  Vavt  iO%  de  1ju1o>  dn 
i&  VMra  1649,  donne  liea  à  deux  oinerYatioiig.  it  prend  évidemment  la  plaoe 
ée  Part.  ÏH  du  Gode  pénal;  puisque  prévoit  les  mémee  faits  ;  mais  il  iafs^e 
«nbsister  Tart.  H2,  qui  Ei^ppKqne  anx  personnes  qui  n"ont  aucune  fonction 
dans  rassemblée  électorale.  Ensuite  il  fait  aux  termes  de  Tart.  fit  une  addi- 
tion importante.  La  question  s'était  élevée  de  savoir  si  le  fait  par  les  scruta- 
4«ttrs  de  Ureun  autre  nom  que  eeld  qui  étaib iBscnl  s«r  un  ImUetin  de  vote 
rentrait  daBs  les.  tannée  de  Tatt.  lil.  L&  jii»s{»riidance  a'éteit  proi|oiM6e  po«r 
l'alficinatiive,  «  altendaqae  les  art.  idl  et  iirE,  urtatiai^anx  fcandee  coausieet 
daMteséleelîona,  ami  poar  ob)et,  daas  lesidivera  «la  qulila  émmèrent^  é'4ui- 
avec  par  laaaneliQtt  d'un»  peine  la  sineénlié  de  L*éleelion  ;  qn/e  te  aerail.  m^ 
«fumaitce  le  aensde  iBuira  disposilîoae.eti  lend^e  vaiiie  1a  pcé^wyaiice  de  te  lo{> 
qaBdPeiLfefiafier  UappUcfttîon  à  Uactauiiii,  sans  pester  direeleaieiit  sur  ks  JmI- 
lets,  aurait  néanmoins  pour  effet  d'altérer  le  dépeuitiemenl  d«  samtiA;  qm  lie 
ffid&age.  iiigCEÎt  aor  le  bnUeiin  n* entre  en  ligne  de  compte  et  ne  poodiût.  eon 
effet  légal  que  par  la  lecture  à  haute  voix  qu'en  fait  le  président  ou  I'ub  d^ 
scrutateurs,  et  par  1* annotation  qui  est  faite  sur  les  feuilles  de  dépouillement 
par  suite  de  celte  lecture  ;  qu^en  lisant  un  nom  autre  que  celui  qui  y  est  réel- 
lement inscrit,  on  falsifie  1q  bulletin  quant  &  Teffec  qu'il  doit  produire.  «  Gettp 
sôlutjion  étant  peut-être  coatiostable,  car  il  est  dput^u;c  qu'une  l^ture  eijronëc^ 
&i|iidale<iqej.  puisse  être  oonsidévée  oomme  U  falsification  d'un  b^Upti^.  «^ 
que  les  ft«riii60.d.']iDe  loi  pénale  puissent  ôtie  étendue  aou&le.  prétexte  4^-rQSr 
Çrit  qui  les  anime.  Mais  la  question  se  trouve  aujourd'hui  tranchée  par  la  loi 
nouvelle. 

On  doit  également  noter  la  disposition  suivante  qu!  se  trouve  dans  la  niéme 
Toi: 

«  AnT.  96;.  La  mdmt  peine  sera  aj^fîqHée  &  teat  individu  qel,  ohsv^A'par  un 
4i8cieiir  d'éarirasea  eaftmge,  «ura  insccil  »ir  la  Jiiilieftft»  un  QOBbavtre  qae  ûilui 
qui  litiL  âtaife  dMgfté^  » 

C'est  là  une  fraude  que  la  loi  a  eu  raison  de  punir,  car  elle  est  aussi  préju* 
diciable  ^ue  i'additioa  ou  la  sonelriMÉioa  d/an  vole»  ^eUe  eon/ient b&  outeiun 
fmtahle  abma  de  oonfiaoee. 

ifiif,  La,deq;zLèine  sér^  deftitfi  comprend  1^  moyens  de  violence^ouv  de  cori 
iim^tiep  cimplosféapoac  aUérer  i^  (linéarité  des  si^ffragea.  On  y  trouve.prévua  e( 
Iffm^,  Venti}éa  d4n#  l'^seq^blée  éiect^piale  avec  iMimps  apparentée  ou.  c^c^éeis^ 
lÂtA(H4>W  ap9prtA«iaz  opératioy}^  élecU>xal|^  p«x  att/ioupem^nliis^  elameur^  on 
4pniftnsfaralioiu  inemiçantea,  TijnrupiLoa  dan^  uja  collège  éiectoi)al  copsownée 
on  tentée  avec  violence.  Ce  dernier  fait  prend  même  le  caractère  d'un  crim<^  et 
^  gani  d^  U^  i;éQ|juj^iofQ».  si  les  coupables  éti^ient  pQi;teurs.  d'arin^ps,  ou.  i$i  le 
aofu^n  a  été  vM>lé,,  et  de  U  peine^i»  tcavisjo^  forcés  k  teipps^  si  lecrû^e  s^.  été 
«fpipiis  1^  soijtA  i'w  plan  qonci^rtâ. 

Pem.  de  Q^s  disposî^ioQg,  les  art.  38  et  39,,  Q;iodiaent  les.^rU  109  et  113  du 
(nPdep^na)  ;  ie^d^M  4^8  Ipre  les  rapporter  textaeUemeot.  I^;art,  ^9  qui  prévolt 
a^WBie  L'axt,  iû^des  «files  de  violence  conunis  aoi:  un  ou  plusieurs  électeifrF 
^  ainsi  conpu; 


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-232         BBIZ.   LBÇ.   —  DBS   GAIMBS  BT  DÉLITS  (aRT.    113,  N®    193). 

c  Art.  39.  Ceux  qui,  soit  par  voiee  de  finit,  violences  ou  menaces  contre  un 
électeur,  soit  en  lui  faisant  craindre  de  perdre  son  emploi  ou  d'ezposer  à  un  dom- 
mage sa  personne»  sa  famille  ou  sa  fortune,  Tauront  déterminé  à  s'abstenir  de 
voter,  ou  auront  influencé  au  vote,  seront  punis  d'un  emprisonnement  d  un  mois 
&  un  an  et  d'une  amende  de  100  à  1,000  fr.  :  la  peine  sera  double  si  le  coupable 
est  fonctionnaire  public.  » 

i^  Cette  disposition  se  rapproche  singulièrement  de  celle  de  l'art.  109,  mais 
elle  n'est  pas  cependant  tout  à  fait  identique.  Ce  qu'elle  prévoit,  c'est  l'intimi- 
dation exercée  sur  un  électeur  en  le  menaçant  soit  de  destitution,  soit  de  priva- 
tion de  travail,  s'il  vote  dans  tel  ou  tel  sens.  L'art.  109  prévoit,  non  l'influence 
exercée  sur  le  vote,  mais  l'émpécfaementde  voter.  Supposez  que  par  les  menaces 
je  contraigne  un  électeur  à  donner  son  vote  à  tel  candidat^  l'article  30  serait  ap- 
plicable ;  supposez  que  je  l'empêche  de  se  rendre  à  l'assemblée  en  employant 
le  même  moyen,  l'art.  109  reprend  sa  force. 

L'art.  38  du  décret  du  2  février  1850  tonche  directement  à  l'art.  113  du  Gode 
pénal. 

«  Art.  38.  Quiconque  aura  donné,  promis  ou  reçu  des  deniers,  effets  ou  valeurs 
quelconques,  sous  la  condition  soit  de  donner  ou  procurer  un  suffrage,  soit  de  s'abs- 
tenir de  voter,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  trois  mois  à  deux  ans  et  d'une 
amende  de  500  à  5,000  fr.  Seront  punis  des  mômes  peines  ceux  qui,  sous  les 
mômes  conditions,  auront  fait  ou  accepté  l'offre  ou  la  promesse  d'emplois  publics 
ou  privés.  6i  le  coupable  est  fonctionnaire  public,  la  peine  sera  du  double.  » 

IjO  fait  que  punit  cet  article  est,  comme  l'avait  prévu  l'art.  Il  3  du  Code  pénal, 
l'achat  ou  la  vente  d'un  suffrage,  mais  l'incrimination  rédigée  avec  plus  de  soin 
est  plus  en  harmonie  avec  la  nature  du  délit  et  saisit  plus  exactement  les  di- 
verses nuances.  La  peine  paraît  aussi  mieux  proportionnée  à  la  gravité  du  fait. 
Vous  aurez  remarqué  sans  doute  cette  disposition,  qui  a  pris  place  également 
dans  l'art.  39,  et  qui  de  la  qualité  de  fonctionnaire  public  fait  une  circonstance 
aggravante.  Cette  aggravation  est  fondée,  car  elle  a  pour  élément,  à  côté  du 
fait  de  corruption,  le  fait  non  moins  grave  de  l'abus  de  pouvoir. 

108.  La  troisième  catégorie  de  faits  comprend  les  violences  exercées  sur  le 
scrutin  même  :  la  violation  du  scrutin  faite  avec  violence,  les  voies  de  fût 
ayant  pour  objet  d'empêcher  les  opérations  électorales,  l'enlèvement  de 
l'urne  contenant  les  suffrages  réunis  et  non  dépouillés.  Ces  actes,  qui  font 
l'objet  des  art.  43,  45  et  46  du  décret,  prennent,  comme  ceux  qui  sont  prévus 
par  les  art.  38  et  39,  une  aggravation  dans  la  qualité  de  l'agent.  La  violation 
du  scrutin  devient  un  crime  quand  ses  auteurs  sont  des  membres  du  bureau 
ou  agents  de  l'autorité  préposés  à  la  garde  des  bulletins,  et  la  peine  est  la 
réclusion. 

Les  art.  109  et  suivants  du  Code  pénal  et  les  dispositions  pénales  du  décret 
du  2  février  1852  s'appliquent  à  toutes  les  élections  soit  politiques,  soit  lo- 
cales. Quant  aux  art.  109  et  suivants,  aucun  doute  ne  peut  exister  ;  ils  sont 
illimités,  aucune  restriction  n'est  possible.  Le  doute  n'était  né  qu'en  ce  qui 
concerne  les  dispositions  de  la  loi  nouvelle  ;  et,  en  efifet,  toutes  ces  dispositions 
se  réfèrent  exclusivement  aux  élections  politiques  ;  elles  ne  font  aucune  men- 
tion des  élections  communales  et  départementales,  et  il  est  de  principe  que 

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ATTENTATS  A  LA  LIBERTÉ  (aRT.    114).  233 

les  lois  pénales  doWent  ôtre  renfermées  dans  leurs  termes  et  ne  peuvent  être 
étendîmes,  par  voie  d'analogie,  à  des  cas  qu'elles  n'ont  pas  exprerâément  pré- 
YQS.  Mais  un  décret  da  6  juillet  1852  parait  avoir  résolu  cette  question^  en 
disposant  par  son  art.  2  que,  c  jusqu'à  la  loi  définitive  qui  doit  régler  l'orga- 
nisation départementale  et  munidpale,  les  élections  auront  lieu  conformément 
aux  lois  existantes. 

SECTION  11 

ATTENTATS  A  LA  UBBRTÉ. 

194.  La  législation  s*e8t  occupée  des  cas  dans  lesquels  un  citoyen  peut  être 
privé  de  sa  liberté  :  les  lois  des  16  janvier,  10  février  1791,  22  juin,  20  juil- 
let 1791,  16-29  septembre  1791,  3  brumaire  an  IV,  28  germinal  an  IV,  22  fri- 
maire an  Vin,  16  thermidor  an  X,  4  août  1806,  3  mars  1810, 29  octobre  1820, 
sont  venues  successivement  tantôt  restreindre  et  tantôt  étendre  le  droit  d'ar- 
restation. Boit  que  le  pouvoir  ait  pensé  qu'il  était  dangereux  dans  l'intérêt  de 
l'ordre  de  définir  avec  trop  de  précision  les  cas  de  détention,  soit  que  cette 
matière  échappe  par  sa  nature  à  des  règles  rigoureuses,  il  est  bien  difficilei 
au  milieu  de  tant  de  textes  un  peu  confus,  de  reconnaître  avec  netteté  Tap* 
plication  du  principe  posé  par  la  constitution  de  1791,  que  «  personne  ne  peut 
être  arrêté  que  dans  les  cas  prévus  par  la  loi  et  dans  la  forme  qu'elle  a  pres- 
crite. • 

195.  Cependant,  quelque  vagues  et  flexibles  que  soient  les  facultés  ouvertes 
par  la  loi,  il  existe  une  limite  où  elles  s'arrêtent.  C'est  là  que  s'élève  l'abus 
du  droit,  l'attentat  à  la  liberté  individuelle.  La  loi  pénale  a  dû  prévoir  cet 
attentat,  mais  elle  n'a  peut-être  pas  déployé,  en  le  réprimant,  toute  la  fermeté 
qu'elle  manifeste  à  Té^ud  des  autres  crimes.  Le  l*''  §  de  l'art.  114  porte  : 

«  Art.  114.  Lorsqu'un  fonctionnaire  public,  un  agent  ou  un  préposé  du  gouver- 
nement aura  donné  ou  fait  quelque  acte  arbitraire  attentatoire  soit  à  la  liberté 
individuelle,  soit  aux  droits  civiques  d'un  ou  de  plusieurs  citoyens,  soit  à  la 
charte,  il  sera  condamné  à  la  peine  de  la  dégradation  civiqtie.  » 

Qu'est-ce  qu'un  acte  arbitraire,  qu'est-ce  qu'un  acte  attentatoire  à  la  liberté 
individuelle,  dans  le  sens  de  cet  article  ?  Il  est  difficile  de  répondre,  car  si, 
d'une  part,  une  incrimination  aussi  vague  semble  tout  comprendre,  d'une 
antre  part,  elle  ne  précise  aucun  fait,  elle  ne  définit  aucun  abus,  elle  ne  dé- 
termine aucun  excès  particulier.  En  principe  général,  le  droit  d'arrestation 
ne  peut  être  exercé  que  par  les  fonctionnaires  auxquels  la  loi  l'a  délégué  et 
dans  les  cas  où  elle  a  autorisé  son  exercice.  8uit-il  de  là  que,  toutes  les  fois, 
qu'il  a  été  exercé  par  un  agent  qui  n'avait  pas  de  pouvoir  ou  par  un  agent  in- 
vesti d'un  pouvoir  légal,  mai»  hors  des  cas  où  il  lui  était  permis  d'en  foire 
usage,  il  y  a  attentat  ?  Mais  quels  sont  les  fonctionnaires  auxquels  la  loi  a 
délégué  le  pouvoir  d'ordonner  l'arrestation  ?  Dans  quels  cas  peuvent-ilg  exercer 
ce  pouvoir  ?  Ce  sont  là  deux  premières  questions,  dont  la  solution  serait  né- 
eessaire  pour  déterminer  les  limites  de  l'application  de  la  loi  et  que  noua  ]|e 

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234      BEIZ.    LBÇ.   «--  DB8.  CajlfBB  KT  DÉUTI,  ITa.   (âKT.    114,   N^   196). 

pouvon^examinerid,  pnitqQ^èUes  appartiennent  •xclQttyeafteiit  an  Gode  d'in- 
straelion  criminelle.  Nous  n-avona  donc-  pas  encore' tout  les  élômenU  india- 
pensables  ponr  définir  toute  la  poitée  de  Part.  i'14. 

Cependant  il  est  possible  d'apprécier  en- général  les  cas  où  ceti  airtioie  doit 
être  appliqué.  Le  droit  d'arrestation  est  soumis  à  trots  oomUtions  généraiesi  : 
{•  il  ne  peut  être  ordonné  que  par  les  fonctionnaires  auxquels  ilaétédélégné 
par  la  loi;  2<»  il  ne  peut  être  appliqué  que  dans  les  cas  où  cette  application  est 
formellement  autorisée  ;  3o  enfin,  farrestation  ne  peut  avoir  lieu  qu'avec  les 
formes  qui  ont  été  spécialement  prescrites  à  cet  effet.  Or,  supposez  que  ces 
régies  soient  enfreintes,  que  Tarrestation  ait  été  ordonnée  par  un  fonctionnaire 
qui  n'a  pas  reçu  ce  pouvoir  de  la  loi,  qu'elle  ait  été  ordonnée  hors  du  cas  où 
elle  est  permise,  qu'elle  ait  été  exécutée  sans  application  des  Ibcmes  légales, 
oette  infraction  8nfâra>-lHeUe  pour  l'application  de  TarlL  114  ?'Toute  violation 
des  régies  proteotriees  de  la  liberté  indiTidnelle  doîA-aU»  être  comidéréb 
comme  nn  attentat?  U  iaut  distinguer-:  toute  infirastion  à  cesi  lègles  peut 
devenir  la  matière  d*on  attentat,   rélénsent*  dnaiériel  dn  crioiie;  mais^  pour 
rentrer  dans  les  termes  de  la  loi  pénale^  il  fiuife  en  outra  qn^ella  adt  étèec»b* 
mise,  sîoon  avee  intention  de  nutie,  du  moins  abuat)«eniecKt,  avee  la  connais 
aasnee  qu'elle  sortait  des  limites  du  pouvoir  de  l'a^enL  Je  dis,  d?abordy  qoe 
toute  infraction  aux  règles  légales  relatives  à  la  liberté  indiwduelle  peut  être 
considérée  comme  un  élément  du  orime;  et,  en  effst,  eettO' infraction,  par  cel|i 
seul  qu'elle  s'écarte  des  termes  de  la  loi,  n*es&-elle  pae  un  acte  arbitraire?  et 
s*il  en  résulte  un  préjudice,  n'est-elle  pas  un  acte  attentatoire  à  la  liberté? 
Dans  cette  matière,  où  chaque  déviation  du  droit  peut  produire  des  effets  si 
^têplorables,  l*!nterprétaeion  doit  s'attacher  rigoureusement  aux  termeirâela 
loi  ;  et  comment  ne  pas  apercevoir  nn  attentat  à  la  liberté,  dam  le  cas  où  l'arw 
restation  d'un  citoyen  serait  ordonnée  hors  des  cas  et  dane  les  formes  que  la 
loi  a  étabfis?  La  distinction  ne  doit  pae  porter  sur  les  faits  eux-mêmes;  pan* 
tout  où  l'arrestation  est  illégalement  opérée,  il  j  a  actearl^itraire,  il  y  a  attentai 
Les  terme3  de  Fart.  114  sont  généraux  et  absolus.  Mais  elle  doit  porter  sur 
l'intention  de  celui  qui  a  ordonné  ou  exécuté  illégalement  Farrestation.  Bi 
€\Ile  a  été  ordonnée  ou  exécutée  par  des  fonctionnaires  qui  ont  à  ce  sujet  uaq 
mission  expresse  de  la.loi,  et  que  rillégaiité  ne  porte  que  sigct  ce  qu'ils  «uraieqit 
outrepassé  leurs  pouvoirs,  soit  parce  qu'ils  l'auraient  ordonnée  hors  de  cas 
préivns,  ou  exéoaiée  sans  les  garanties  légales,  il  y  a  lieu  de  reQhMcher  flfils 
ont  agi  par  une  interptétatioa  erronée  de  la  loi,  oapair  «nefEandulaose  îiéMKi 
tioQ  :  la  présomption  est  en  lenr  faveur,  car  ils  n'ont  faitqn'exeroer  une  nks-»' 
sion  légale,  seoloment  ils  l'ont  iirrégulièremena  exeroée.  Il  est  nécessaire^  pcav 
qtt'tl  y  ait  inculpation  de  leurs  actes  que»  ces:  actes  soient  entaehés  deadoL 
Que  si,  an  centradre,  l'arnestatiott  a  é^  ondoneée  Ott  exicoAée  perdes  a^enAa 
qui  n'avaient  auc«»e.  mission  légale  poux  donner  laaosdvea  ou  pour  precédeff* 
à  eet  acte^la  pnésomption  est;  qu/ils  ont  agi  fraii^ulettaeiiient,  car  ils  ootusurp^) 
un-  pouvoir  qui  ne  levr  appartenail  pas,  et  l'ont  «sorpé  andétnmeot  d'anttrak- 
La  question  n'est  plus  daaa  les  Mmiltesi  du  droit,  elb^stéMUi  ks  droit  iiik. 
même.  L*acten*eet  pras  seuleamnt  prèsttmé  arbilraiiiev  il  Pest  pw  ivi-mêiBe, 
tons-  les  éléments  de  l'attentat  se  trouvant  lénni. 
tW.  L'art*  îti  nepT^oit  pas  saalement  les  «êtes  «cteîHatofres  à  la  liberté  " 

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AXTBNTAl»  à,  hK  UBiBil'**  {àK£.   US).  235 

itkdiTÎdii«ll9»  il  punit  encore  les  aotat  attentatoires,  soitanx  dreito  oi¥i<|a6id!un 

ou  de  plusieurs  citoyens,  soit  à  la  constitution.  IL  constitue  donc  en  quelque 
sorte  une  sanction  des  droits  constitutionnels;  il  est  destiné  à  les  maintenir,  à 
frapper  toute  violation  de  ces  droits.  II  est  à  regretter  seulement  que'  le  légis- 
lateur n*ait  pas^  à  cette  formule  vague  et  indéfinie,  substitué  une  incrimination 
plus  précise  et  plus  sai&issable.  Car  qu*est-ce  qu'un  acte  attentatoire.  &  ua  droit 
civique  ?  qu'est-ce  qu'un,  aoto  aiteotatoire  à  laCooetitutioD?  11  est  clair  qne  de 
telles  incriminations,  par  cela  seul  qu'elles  sont  illimitées,  sont  purement 
comminatoires^  et,  tout  en  établissant  un  principe  de  répression,  elles  ne 
répriment  effectivement  aucun  acte  illégal.  (Vey.  loi  du  30  déo.  1876.) 

197.  Le  %«S  de  Fart.  114  prévoit  un  cas  de  justification,  qui  n'est  qu'une 
application  du  principe  posé  par  l'ïirt.  ^4  et  par  l'art.  328. 

«  Si  Déaimiolns  il  justifia  qull  a  agi  par  ordre  do  ses  supérieurs,  pour  des  objets 
du  ressort  de  ceux-ci,  sur  lesquels  il  leur  était  dû  obéissance  biérarchique.,  il  sera 
exempt  de  la  peine,  laquelle  sera,  dans  ce  cas,  appliquée  seulement  aux  supérieurs 
qui  auront  donné  Tordre.  » 

U  ne  faudrait  pas  induire  de  ce  texte  que  l'inférieur  doit  &tre,  en  général^, 
à  couvert  de  toute  peine,  dès  qu'il  peut  représenter  Tordre  de  son  supérieur. 
En  matière  militaire  mâme,  Tobéj^sance  passive  a  des  bornes,  elle  s'arrêta 
dans  le  cercle  des  actes  relatifs  au  service.  Dans  Tordre  civil,  le  fonctionnaire 
inférieur  n'est  point  dispensé  d'examiner  les  mesures  qu'il  est  cbargé  d*exé- 
cater.  Par  exenpl%  9k  pofir  Bepreodue  uoi  eiempie  cité  par  Gambaoirès  daas 
UéiflGBWÎoaé»  AOtre  aiAicie».  «  ahsondraîAHin  nn  aeus^préfet  qui,  pan  ofdro  dir 
préfsi,  aniait  but  ËStékar  na,  piéeideiit  d'asaeaaUée  éteotosal»  dans  ToBenûce  àe 
M9ibnetiofis7  ■  MaWj  m  Ton  se  reperte  au  f**^  g  de  Tart.  114,  en  voit  que  les 
actes  attentaiotresaus  droits  des  citoyens  eonstitnent  une  matière  délicate  et 
si  difficile,  à  ce  qu'il  parait,  à  définir,  que  le  législateur  n*a  pas  essayé  de  le 
&ire.  Or,  dans  cette  matière  sujette  à  des  ihterprélation  diverses,  il  a  paru 
dangereux  de  laisserau  fonctionnaire  inférieur  la  responsabilité  et  par  consé- 
quent Texamen  de  Tordre  qu'il  est  cbargé  d'exécuter. 

198.  Les  art.  115, 116  et  118  n'offrent  que  peu  d'intérêt  :  ils  prévoient  le 
cas  où  l'acte  arbitraire  a  été  fait  ou  ordonné  par  un  ministre  ;  si  la  signature 
du  ministre  hrî  a  été  surprise  ou  si  eUe  est  fausse,  les  auteurs  de  ht  fraude  ou 
du  faux  sont  poursuivis  comme  auteurs  de  Tattentat  ou  comme  faussaires  ;  si 
le  ministre,  hors  de  ces  deux  hypothèses,  n'avait  pas  &it  réparer  l'acte,  après 
une  triple  interpellation  que  le  Sénat  devait  lui  adVesser,  aux  termes  des  art.63 
et  67  deTacte  du  28^  floréal  an  XII,  il  pouvait  être  puni  du  bannissement,  t  n 
faut  se  garder  de  croire,  disait  M.  Berlier  dans  la  discussion  de  cet  article, 
que  les  ministres  deviendront  immédiatement  sujets  au  bannissement,  quand 
ils  auront  fait  ouor^nné  un  acte  arbitraire;  9  fîradrait  encore  qu'ils  aient  mé- 
connu l'autorité  du  Sénat  et  refosé  de  réparer  Tacte  :  il  est  aisé  de  croire  que 
cela  n'arrivera  pas  souvent,  i  Aujourd'hui  cette  incrimînation,  quelle  que  soit 
sa  portée»  a^oMaé  d'âtre  auplisablet^puisiiue  les  cûnditions  de  sou  applicatior 
oiilidâs0«nu 


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236      SEIZ.  LBÇ.   — -  BES  GRTMB0  ET  DÉLITS,   ETC.    (aRT.    119,   V^  200). 

199.  PeuMtre  n'est-il  pas  imitrle  de  vous  arrêter  un  moment  à  l'art.  117  : 

a  Art.  117.  Les  dommages-intérêts  qui  pourraient  être  prononcés  à  raison  des 
attentats  exprimés  dans  l'art.  114  seront  demandés,  soit  sur  la  poursuite  crimi- 
nelle, soit  par  la  voie  civile,  et  seront  réglés  eu  égard  aux  personnes,  aux  circons- 
tances et  au  préjudice  souffert,  sans  qu'en  acucun  cas,  et  quel  que  soit  Tindividu 
lésé,  lesdtts  dommages- intérêts  puissent  être  au-dessous  de  25  fr.  pour  chaque 
Jour  de  détention  illégale  et  arbitraire,  et  pour  chaque  individu.  » 

Cet  article  serait  tout  à  fait  sans  objets  s'il  n'avait  pas  nn  but  particulier  ;  car 
il  ne  fait  qu'appliquer  le  principe  général  consacré  par  i'art.j^S  du  Gode  d'ins- 
truction criminelle,  à  savoir^  que  tout  délit  donne  lieu  à  deux  actions,  l'action 
publique  et  l'action  civile,  et  que  Taction  civile  peut  être  poursuivie,  soit  de- 
vant les  tribunaux  criminels,  soit  devant  les  tribunaux  civils.  Mais  son  but 
spécial  a  étéde  fixer,  dans  cette  matière  délicate,  un  minimum  aux  dommages- 
intérêts.  On  a  craint  la  faiblesse  des  juges,  on  s'est  défié  de  leur  justice,  on 
n'a  pas  voulu  abandonner  le  chiffre  de  la  réparation  à  leur  pouvoir  discrétion- 
naire. C'est  là  tout  l'esprit  de  l'article. 

200.  Après  avoir  trop  incomplètement  peut-être  traité  des  arrestations  ar- 
bitraires, notre  Code  s'occupe  des  moyens  de  faire  cesser  les  détentions  illé- 
gales. Il  est  indispensable,  pour  bien  comprendre  Tart.  119,  de  le  repprocher 
des  art.  615  et  616  du  Code  d'instruction  criminelle.  Voici  d'abord  le  texte  de 
ces  deux  articles  : 

a  Art.  615.  G.  d'instr.  cr.  En  exécution  des  art.  77,  78,  79,  80,  81  et  82  de  l'acte  ' 
da  22  Arimaire  an  VIII,  quiconque  aura  connaissanoe  qu'un  individu  est  détenu 
dans  un  lieu  qui  n'a  pas  été  destiné  à  servir  de  maison  d'arrêt,  de  justice  ou  de 
prison,  est  tenu  d'en  donner  avis  au  juge  de  paix,  au  procureur  impérial  ou  à 
son  substitut^  ou  au  juge  d'instruction,  ou  au  procureur  général  près  la  cour 
impériale.  » 

«  Art.  616.  Tout  juge  de  paix,  officier  chargé  du  ministère  public,  tout  juge 
d'instruction  est  tenu  d'office  ou  sur  l'avis  qu'il  en  aura  reçu,  sous  peine  d'être 
poursuivi  comme  complice  do  détention  arbitraire,  de  s'y  transporter  aussitôt  et 
de  foire  mettre  en  liberté  la  personne  détenue,  ou,  s'il  est  allégué  quelque  cause 
légale  de  détention,  de  la  faire  conduire  sur-le-champ  devant  le  magistrat  com- 
pétent. » 

Ces  deux  articles  n'ont  qu'un  but^  c'est  défaire  cesser  les  détentions  qui  au- 
raient lieu  dans  des  maisons  qui  ne  seraient  pas  destinées  à  servir  de  prison. 
Tout  juge  de  paix,  tout  officier  du  ministère  public,  tout  juge  d'instruction  qui 
a  connaissance  d'une  détention  semblable  et  qui  ne  la  fait  pas  immédiatement 
cesser,  est  déclaré  complice  de  la  détention  arbitraire.  Mais  cette  intervention 
est  limitée  au  cas  de  détention  dans  une  prison  illégale  :  elle  ne  s'étend  point 
au  cas  oi!i  l'illégalité  provient,  non  du  lieu  de  la  détention,  mais  de  sa  cause 
même.  A  cet  égard,  on  ne  peut  que  constater  la  lacune  qui  existe  dans  la  loi. 
L'art.  119  du  Code  pénal,  qui  semblait  avoir  eu  pour  objet  d'apporter  une  sanc- 
tion à  ces  deux  premiers  articles^  contient  des  omissions  plus  graves  encore» 

«  Art.  11^.  Les  fonctionnaires  publics  chargés  de  la  police  administrative  ou 
judiciaire,  qui  auront  refusé  ou  négligé  de  déférer  à  une  réclamation  légale  tendant 

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ATTENTATS  A  LA  LIBBRT6  (ART.    120).  237 

à  constater  les  détentions  illégales  et  arbitraires,  soit  dans  les  maisons  destinées 
à  la  garde  des  détenus,  soit  partout  ailleurs,  et  qui  ne  Justifieront  pas  les  avoir 
dénoncés  à  l'autorité  supérieure,  seront  punis  de  la  dégradation  civique^  et  tenus 
de  dommages-intérêts,  lesquels  seront  réglés  comme  il  est  dit  dans  l'art.  117.  » 

La  distinction  faite  par  les  art.  615  et  616  du  Code  d'instruction  criminelle 
entre  la  détention  dans  les  lieux  illégaux  et  celle  dans  les  lieux  légaux  ne  se 
retrouve  plus  ici  ;  les  fonctionnaires  sont  chargés  de  constater  toutes  les  déten- 
tions illégales,  soitdansles  maisons  destinées  à  la  garde  des  détenus,  soit  par- 
tout ailleurs  ;  ils  sont  donc  tenus  de  constater,  non-seulement  ces  détentions 
illégales  à  raison  du  lieu,  mais  aussi  les  détentions  illégales  par  leur  cause  ; 
sous  ce  rapport,  on  pourrait  croire  que  la  lacune  que  je  viens  de  signaler  se 
trouverait  comblée.  Mais  l'art  119  ne  punit  point,  comme  les  art.  615  et  616  le 
feraient  supposer,  les  fonctionnaires  qui  n'ont  pas  sur-le-champ  fait  cesser  la 
détention  arbitraire  :  lise  borne  à  punir  ceux  qui  ontrefu.é  ou  négligé  de  dé- 
férer à  une  réclamation  légale  tendant  à  constater  une  détention  arbitraire  et 
qui  ne  justifieront  pas  Tavoir  dénoncée  à  l'autorité  supérieure.  Ainsi  la  sanc- 
tion que  les  art.  615  et  616  cherchent  dans  ce  dernier  article  ne  s*y  trouve  que 
d'une  manière  bien  indirecte,  si  môme  elle  s'y  trouve.  Là^  c'est  un  acte  di- 
rect, une  intervention  immédiate  que  la  loi  ordonne,  sons  peine  de  complicité 
de  détention  arbitraire,  et  ici  il  n'y  a  crime  de  détention  arbitraire  qu'à  dé- 
fiant, non  plus  d'intervention  immédiate,  mais  de  dénonciation  du  fait  à  Pauto- 
rité  supérieure.  Quelle  est  cette  autorité  supérieure  ?  Quelle  est  la  dénonciation 
à  laquelle  les  fonctionnaires  de  la  police  administrative  ou  judiciaire  sont  as- 
treints ?  Que  faut-il  entendre  par  réclamation  légale  dans  le  sens  de  l'article  ? 
La  loi  se  tait  snr  tous  ces  points  ;  et  l'on  ne  peut  que  regretter,  dans  toute 
cette  matière,  l'insuffisance  de  ses  dispositions. 

201.  Le  Gode  pénal  prévoit,  dans  les  art.  120,  et  122,  la  violation  des  formes 
prescrites  par  la  loi  pour  assurer  la  légalité  des  détentions.  Le  premier  de  ces 
articles  correspondant  à  l'art.  609  du  Gode  d'instruction  criminelle  est 
ainsi  conçu  : 

'«  ART.  609.  Nul  gardien  ne  pourra,  à  peine  d'être  poursuivi  et  punioomme  cou- 
pable de  détention  arbitraire*  recevoir  ni  retenir  aucune  personne  qu'en  vertu  sut 
d'un  mandat  de  dépôt,  soit  d'un  mandat  d'arrêt  décerné  selon  les  formes  pres- 
crites par  la  loi,  soit  d'un  arrêt  de  renvoi  devant  une  cour  'd'assises,  d'un  décret 
d'accusation  on  d'un  arrêt  ou  jugement  de  condamnation  à  une  peine  afQictive  ou 
à  un  emprisonnement,  et  sans  que  la  transcription  en  ait  été  faite  sur  son  registre.  » 

L'art.  120  a  dû  apporter  à  cette  disposition  la  sanction  pénale  qui  lui  man- 
quait. En  voici  le  texte  : 

«  Abt.  120.  Les  gardiens  et  concierges  des  maisons  de  dépôt,  d'arrêt  de  justice 
et  de  peine,  qui  auront  reçu  un  prisonnier  sans  mandat  ou  jugement,  ou  sans 
ordre  provisoire  du  gouvernement;  ceux  qui  l'auront  retenu,  ou  auront  refusé  de 
le  représenter  à  l'oHicier  de  police  ou  au  porteur  de  ses  ordres,  sans  justifier  de 
la  défense  du  procureur  impérial  ou  du  juge,  ceux  qui  auront  refusé  d'exhiber 
leurs  registres  à  l'officier  de  police,  seront,  comme  coupables  de  détention  arbi- 
traire, punis  de  six  mois  à  deux  ans  d'emprisonnement  et  d' une  amende  de  16  à  200  fr.  » 

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238     SEIZIÈME  LBÇOH.  — «  DBS  GRUfM  XT  |>ÉLIT8,  BTG*  (aRT.    120,  N^  202). 

Get  article  donne  liea  à  pliiBiearoebaervaiiona.  On  doit  remarqner^  d'al»ord» 
que  ses  tennee,  qui  s'éloignent  des  termes  restrictifs  de  l'art.  609,  semblent 
reconnaître  comme  une  détention  légale  la  détention  qni  a  lien  en  vertu  a'tm 
ordre  provisoire  du  gouvernement.  Que  cet  ordre  puisse  justifier  le  gardien,  qui 
n'est  pas  compétent  pour  en  constater  la  légalité,  on  peut  le  comprendre,  mais 
faut-îl  donc  y  voir  une  cause  légale  de  détention  î  A  Tépoque  où  le  Code 
pénal  était  rédigé,  l'art.  46  de  la  constitution  du  22  frimaire  an  VIII  avait 
attribué  au  gouvernement  un  droit  d'arrestation  par  mesure  de  police  ;  Tart.  60 
du  sén.-cons.  du  28  floréal  an  XII  avait  autorisé  les  détentions  provisoires 
pour  cause  de  sûreté  de  l'État,  et  le  décret  du  3  mars  1810  avait  réglé  la  forme 
des  arrestations  par  mesure  de  haute  police.  Ces  dipositions  expliquent  le  texte 
de  l'art.  120,  mais  elle  n'existent  plus.  Ce  n'est  qu'à  l'égard  des  mendiants, 
des 'filles  publiques  et  des  individus  trouvés  voyageant  sans  passe-port,  que 
Tadministration  est  autorisée  par  quelques  textes  confus  de  la  législation  inter- 
médiaire à  détenir  par  mesure  de  police,  pendant  quelques  jours,  les  individus 
de  ces  trois  catégories.  Il  faut  donc  entendre  d'une  manière  très-restrictive  les 
expressions  légales  que  je  viens  de  vous  signaler. 

2QSL.  UarL  120  prévait,  eu/ second  lieu,  le  refus  du  gardien  :  !<"  de  r^ré- 
«enter  le  détenu  dont  la  jepiésentation  est  régulièrement  demandée;  %^  d'exhi- 
ber le  registre  de  la.prison.  Les  art.  79  et  SQ  de  la  constitution  du  22  frimaire 
an  Yill  portaient  : 

«  Art.  79.  Tout  gardien  ou  geôlier  est  tenu,  sans  qu'aucun  ordre  puisse  l'en 
dispenser,  de  représenter  la  personne  détenue  à  Tofflcier  civil  ayant  la  police  de 
la  maison  de  détention,  toutes  les  fois  qu'il  en  sera  requis  par  cet  olticier.  ^ 
Art.  80.  La  représentation  de  la  personne  détenue  ne<  peurra  être  refusée  à  «es 
parents  et  amis,  porteurs  de  Tordre  de  l'oflicier  civil,  lequel  sera  to^jOurs  tenu  de 
l'accorder,  à  moins  que  le  gardien  ou  le  geôlier  ne  représente  une  ordonnance  du 
juge  pour  tenir  la  personne  au  seeret.  » 

Ces  deux  articles  ont  étémaintenus  par  l'art.  615  du  Gode  d'instruction  cri- 
minelle, et  l'art.  618  les  reproduit  en  partie  en  ajoutant  quelques  précautions 
accessoires  : 

c  Ajkt.  619.  Tout  gardien  qui  aurareAisé,  ou  de  aoiitnar  au  porteur  de  l'ordre 
de  rolficier  ^ivil  ayant  la  police  de  la. maison  d*arrôt,  de  justice  ou  de  la  prison, 
la  personne  détenue,  sur  la  réquisition  qui  en  sera,  faite,  ou  de  montrer  l'ordre  qui 
ie  lui  défend,  ou  de  faire  au  juge  de  paix  rexhibltion  de  ses  registres,  ou  de  loi 
laisser  prendre  telle  copie  que  .oeile-ci  croira  nécessaire  de  partie  de  ses  registres, 
sera  pouESuiiri  comme'  coupable  ou  complice  de  détention  arbitraire.  » 

U  est  à  remarquer  que  l'art.  120,  tout  en  donnant  sa  sanction  à  ses  disposi- 
tions, réserve,  comme  elles  l'ont  fait  elles-mêmes^  le  cas  où  le  gardien  a  reçu 
l'ordre  d'interdire  toute  condamnation  avec  le  prévenu.  Cette  mesure,  que 
l'on  appelle  ordinairement  la  mise  au  secret  du  détenu,  est  un  acte  d'instruc- 
tion, un  moyen  de  preuve;  elle  a  pour  but  d'empêcher  que  le  prévenu  ne  se 
concerte  avec  ses  complices,  n'altère  ou  ne  fasse  disparaître  les  traces  du 
crime,  n'exerce  ou  ne  subisse  aucune  influence  extérieure.  C'est  au  juge  d'ins- 
truction chargéde procéder  à  tonales  actes  de  l'instruction,  qu'il  i^partient  de 
l'ordonner. 


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-Mt.  L*irt  122  ajoate  deux  dispositionB  : 

«  Akt.  122.  Seront  aussi  punis  de  la  dégradation  civique  les  procureurs  géné- 
raux ou  impériaux,  les  substituts,  les  juges  ou  les  orûciers  publics  qui  auront 
retenu  ou  fait  retenir  un  individu  hors  dés  lieux  déterminés  par  le  gouvememerit 
ou  par  radmînîstration  publique  ou  qui  auront  traduit  un  citoyen  devant  une 
oDur  éPassises,  sams  qu'il  ait  été  préalabierment  mis  légalement  en  aeousation.  i» 

La  première  de  ee6  deuxiacriminations  a  po«r  ob>et  ua  f«it  dontnoos  avon» 
déièiparlé  :  la  détention  d'oa  prévena  dana  on  lieu  qoi  n'e»tpaa  légalement 
affecté  à  cette  destination.  La  loi  ne  reeonnait,  en  principe»  que  trois  espèces 
de  p«aon  :  les  maisens  d'arréto^sont  déposés  lesinculpés,  les  maisons  de  jos- 
tko  où  sent  tcaasférés  les  prërenns,  lonqne  la  mise  en  accusation  a  été  pro* 
noncée,  et  les  prisons  pénales,  qui  sont  les  maisons  de  correction,  les  maisons 
centrales  de  détention  et  de  bagne.  Toutefois  les  nécessités  du  service  judi- 
ciaire ont  fait  admettre,  par  forme*  réglsinenlajre^  et  pour  servir  de  dépôt  pro- 
ylsoire  aux  prévenus,  les  prisons  cantonales  et  les  chambres  de  sûreté  de  la 
gendarmerie. 

La  seconde  incrimination  se  réfère  à  Tart.  271  du  Gode  d'instruction  crimi- 
nelle, qui  dispose  que  le  procureur  général  ne  pourra  porter  à  la  cour  d'as- 
sises aucune  accusation  qui  n*aurait  pas  été  admise  suivant  les  formes  pres- 
crites par  la  loi  à  peine  de  nullité.  L'arrêt  de  mise  en  accusation  est  la  garantie 
des  prévenus,  ils  y  trouvent  l'assurance  qu^ils  ne  seront  point  mis  en  jugement, 
si  des  charges  graves  ne  pèsent  sur  eux.  Toutes  les  formes  de  la  procédure 
écrite  se  résument  dans  cet  arrêt.  Le  législateur  n'a  pas  pensé  qu'il  pût  suffire 
de  prononcer  la  nullité  d'une  procédure  qui  aurait  omis  ce  premier  degré  de 
juridiction  ;  il  a  voulu  que  le  magistrat  coupable  d'une  telle  omission  fût  solen- 
nellement flétri. 

204.  L'art.  Kl  prévoit  un  cas  tout  à  fait  différent  :  il  a  pour  objet,  non 
plus  d'assurer  i'tous  les  prévénn;s  les  fbnnes  générales  de  la  procédure,  mais 
de  protéger  contre  ^application  de  ces  formes  une  classe  particulière  de  pré- 
venus, les  fonctionnaires  politiques.  Prenons  le  texte  de  cet  article  : 

«  ÂftT.  131.  Seront,  eomme  ooupiblcB  de  fbrfoitnre,  punis  de  k  dégradation 
eivique,  toios  efOoittrs  de  pelio^jacbalaira^  toasproeuiieitrs  généraux  ou  impériaux, 
tous  substituts,  tous  juges,  qui  auront  provoqué,  donné  ou  signé- un.  jugement,  une 
ordoonance  ou  un  mandat  tendant  à  la  poursuite  personnelle  ou  accusation,  soit 
d'un  ministre,  soit  d*un  membre  du  sénat,  du  Corps  législatif  ou  du  conseil  d'État, 
sans  les  autorisations  prescrites  par  les  lois  de  TËtat;  ou  qui,  hors  les  cas  de 
flagrant  délit  ou  de  clameur  publique,  auront,  sans  les  mêmes  autorisations,  donné 
ou  signé,  l'ordre  ou  le  mandat  de  saisir  ou  arrêter  un  ou  plusieurs  ministres,  ou 
membres  du  sénat,  du  Corps  iégislatlf  ou  du  conseil  d^Ëtat.  i> 

Cet  article  est  la  sanction  d'une  règle  constitutionnelle  qui  défend  de  mettre 
en  j clément  et  même  simplement  on  arrestation  les  membres  du  sénat,  du 
Corps  législatif,  dn  conseil  d'État  et  les  ministres,  sans  une  autorisation  préa- 
lable. Cette  règle  est  établie  par  les  art*  70  et  71  de  la  constitution  du  22 
frimaire  an  YII,  qui  portent  que  :  «  les  délits, personnels  emportant  peine 
affUctive  ou  infamante,  commis  par  un  membre  soit  du  séaat>  soit  du  tri* 

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240  SElZlàBIB  LBÇON.   —  DBS  GRIICBB  BT  DÂLtTS  (n"*  207). 

bant,  soit  du  conseil  d'État,  sont  poursuivis  devant  les  tribunaux  ordinaires, 
après  qu'une  délibération  du  corps  auquel  il  appartient  a  autorisé  cette  pour- 
suite, et  que  les  ministres  sont  cons  idêrés  comme  membres  du  conseil  d*Etat.  i 
Mais  la  nécessité  de  cette  autorisation  ne  fait  pas  obstacle  à  la  recherche  des 
preuves  concernant  le  corps  du  délit  ;  elle  ne  suspend  que  les  mesures  per- 
sonnelles à  rinculpé.  On  lit,  dans  les  discussions  du  conseil  d'État  qui  ont 
préparé  le  Code,  t  que  l'intention  des  rédacteurs  du  Gode  n'avait  certainement 
pas  été  d'empêcher  ou  d'arrêter  les  premières  informations,  mais  seulement 
de  s'opposer  à  ce  qu'aucune  ordonnance  ou  mandat  eût  lieu  contre  les  fônc- 
tionnaires  de  la  qualité  désignée,  avant  les  autorisations  constitutionnelles.! 
Cette  suspension  cesse  môme  tout  à  fait  au-  cas  de  flagrant  délit  :  la  poursuite 
et  l'arrestation  peuvent  alors  être  ordonnées  sans  attendre  l'autorisation  pres- 
crite par  la  loi. 

SECTION  III 

COALITIONS  DBS   FONCTIONNAIRSS. 

205.  Je  ne  m'arrêterai  qu'un  instant  aux  quatre  articles  qui  composent 
cette  section.  Ces  articles  témoignent  des  méticuleuses  inquiétudes  du  légis- 
lateur en  tout  ce  qui  touche  l'obéissance  hiérarchique  des  agents  administratifs. 
A  notre  sens,  ils  étaient  parfaitement  inutiles,  car  il  n'y  a  pas  lieu  de  présumer 
que  les  fonctionnaires  qui  composent  l'administration  puissent,  avec  Tunité  de 
leur  constitution  et  la  dépendance  qui  les  lie  étroitement,  former  une  coali- 
tion pour  l'inexécution  des  ordres  du  pouvoir.  Aussi  n'ont-ils  jamais  reçu  au- 
cune application. 

L'art.  123  prévoit  le  concert  de  mesures  contraires  aux  lois,  pratiqué  par 
une  réunion  d'individus  ou  de  corps  dépositaires  de  l'autorité  publique.  La 
peine  est  un  emprisonnement  de  deux  à  six  mois  et  l'interdiction  des  droits 
civiques  et  de  tout  emploi  public.  L'art.  124  aggrave  ces  peines,  si  le  concert  a 
pour  objet  des  mesures  contre  l'exécution  des  lois  ou  contre  les  ordres  du 
gouvernement  :  la  peine  est  le  banissement.  Si  le  concert  a  lieu  entre  les 
autorités  civiles  et  les  corps  militaires,  c'est  la  déportation  qui  est  prononcée 
contre  les  auteurs  et  provocateurs.  Enfin,  si  le  concert  a  eu  pour  objet  ou  pour 
résultat  un  complot  attentatoire  à  la  sûreté  intérieure  de  l'État  l'art.  125  pro- 
nonce la  peine  de  mort. 

Il  est  inutile  de  faire  remarquer  tout  ce  que  ces  incriminations  ont  de 
vague  et  d'indécis  :  qu'est-ce  qu'un  concert  dans  le  sens  de  la  loi  ?  quelles  sont 
les  mesures  qui  doivent  être  réputées  contraires  aux  lois  ?que  faut- il  entendre 
par  les  ordres  du  gouvernement  ?  Touies  ces  expressions  auraient  eu  besoin 
d'être  définies.  Si  elles  devaient  être  appliquées,  nous  en  rechercherions  la 
véritable  signification.  Je  bornerai  mes  observations  à  l'art.  127.  Cet  article 
punit  el  punit  de  la  peine  de  mort  t  le  concert  ayant  pour  objet  ou  pour 
résultat  un  complot.  »  Or,  vous  avez  vu  qu'un  complot  est  la  résolution  d'agir 
concertée  entre  plusieurs  personnes.  L'objet  de  l'art.  125  est  donc,  si  l'on 
arrive  au  fond  de  cette  mauvaise  rédaction,  un  concert  de  mesures  prises 
pour  former  une  résolution  d'agir,  en  d'autres  termes,  un  véritable  complot, 
moins  qu'un  complot  peut-être,  puisque  le  concert  ayant  pour  objet  une 

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BMPIÉTntBIfT  DBB  AOTORITÉS,   BTC.  (aBT.  117).  3U 

r^ohition  n'est  que  la  pensée  d*an  «hnple  projet,  «t  par  conséquent,  estTm 
fait  moins  grave  qn'ane  résolution  déjà  concertée  et  arrêtée.  Et  cependant, 
oe  fait,  qne  TarL  89,  en  le  qualifiant  complot,  ne  frappe  que  de  la  détentkm. 
Fart,  125  le  frappe  de  la  peine  de  mort.  Pourquoi  cette  différence?  pourquoi 
deux  peines  si  distinctes  à  deux  faits  qui  ont  entre  eux  une  si  intime  anar 
logie  ?  La  qualité  des  agents  dans  oe  dernier  article  suffisait-elle  pour  la 
motÎTer? 

206.  L'art.  126  a  porté  la  prévoyance  à  la  plus  extrême  limite  en  édictant 
une  peine  pour  les  fonctionnaires  qui  auraient,  par  délibération,  arrêté  de 
donner  leurs  démissions,  à  reflet  de  suspendre  un  service  quelconque.  U  n'y  a 
pas  encore  eu  d*exemple  de  cette  sorte  de  crime. 


SECTION  IV 
EUPikrsMKtn  des  Àuroairâs  ▲dministiu.tivrs  kt  judiciaires. 

807.  Vous  trouverez  dans  cette  section  la  sanction  d*un  principe  important 
de  notre  droit  public  :  la  séparation  du  pouvoir  administratif  et  du  pouvoir 
judiciaire. 

Ge  principe  a  été  posé  par  Tart.  1 3,  tit.  U,  de  la  loi  de  i  6-24  août  1 790,  ainsi 
conçu  :  c  Les  fonctions  judiciaires  sont  distinctes  et  demeureront  toujours 
séparées  des  fonctions  administratives.  Les  juges  ne  pourront,  à  peine  de  for- 
iûture,  troubler  de  quelque  manière  que  ce  soit  les  opérations  des  oorpa 
administratifs  ni  citer  devant  eux  les  administrateurs  pour  raison  de  Imub 
fonctions.  »  Cette  disposition  a  été  reproduite  par  la  eonatitation  du  3  sep- 
tembre 1791  (ch.  IV,  sec  t.  II,  art.  3,  et  chap.  v,  art.  3),  par  la  constitution  du 
5  fructidor  an  III,  et  par  la  constitution  du  224rimaire  an  VIU,  art.  &2.  CS'est 
à  ces  dispositions  que  se  rattache  TarL  127,  ainsi  conçu  : 

«  Abt.  127.  Seront  coupables  de  forfaiture  et  punis  de  la  dégradation  civique  t 
1*  les  juges,  les  procureurs  généraux  et  impériaux  ou  leurs  substituts,  les  officiers 
de  police,  qui  se  seront  immiscés  dans  l'exercice  du  pouvoir  législatif,  soit  par  des 
rè^meuts  contenant  des  dispositions  législatives,  soit  en  arrêtant  ou  en  suspen- 
dant Texécution  d'une  ou  de  plusieurs  lois,  soit  en  délibérant  sur  le  point  de  sa- 
voir si  les  lois  seront  publiées  ou  exécutées;  2*  les  juges,  les  procureurs  généraux 
ou  impériaux,  ou  leurs  substituts,  les  ûfKciers  de  police  judiciaire  qui  auraient 
excédé  leur  pouvoir,  en  sMmmisçant  dins  les  matières  attribuées  aux  autorités 
administratives,  soit  en  faisant  des  règlements  sur  ces  matières,  soit  en  défendant 
d'exécuter  les  ordres  émanés  de  Tadministration,  ou  qui,  ayant  permis  ou  ordonné 
de  citer  desadmmistrateurs  pour  raison  de  leurs  fonctions,  auraient  persisté  dans 
l'exécution  de  leurs  Jugements  ou  ordonnances,  nonobstant  l'annulation  qui  aurait 
été  prononc^fl^  ou  le  conflit  qui  leur  aurait  été  notifié.  » 

Ces  dispositions  sont  généralement  claires  et  ne  demandent  aucune  explic*' 
tion  particulière.  Je  vous  parlerai  seulement  tout  à  rbanre  de  la  citation  < 

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t 


242     SKIZ.   LBÇ.  —  DES  CRIMES   ET  DÉLITS,  ETC.  (ART.    128,   N*  Î08). 

administrateurs  pour  raison  de  leurs  fonctions  et  des  conflits.  Vous  devez  re- 
marquer cependant  que  la  sollicitude  du  législateur,  lorsqu*il  veut  tracer  la 
igné  profonde  qui  doit  séparer  le  pouvoir  judiciaire  des  autres  pouvoirs,  se 
'porte  aussitôt  sur  les  empiétements  possibles  de  ce  pouvoir.  Pourquoi  cette 
défiance?  N'y  a-t-il  pas  lieu  de  craindre  davantage  les  actes  arbitraires  de  Tad- 
ministration  que  les  usurpations  de  la  justice  ?  On  retrouve  dans  ces  disposi- 
tions un  sentiment,  tout-puissant  en  1791,  mais  qui  devait  s'être  affaibli  en 
1810,  le  souvenir  du  pouvoir  exorbitant  des  parlements,  le  ressentiment  de 
la  domination  de  l'autorité  judiciaire,  la  crainte  qu'elle  ne  pût  essayer  de  res- 
'  saisir  ses  anciennes  attributions.  De  là  cette  incrimination  inquiète  et  pré- 
voyante qui  recherche  tous  les  actes  par  lesquels  les  juges  pourraient  sortir 
de  leurs  fonctions,  et  qui  saisit  chacun  de  ces  actes  au  moment  même  où  ils 
se  produisent,  sans  se  préoccuper  de  leur  nature  et  de  l'intention  bonne  ou 
répréhensible  des  magistrats  qui  y  ont  procédé. 

208.  L'art.  128  a  pour  objet  la  protection  des  attributions  administratives, 
le  maintien  du  droit  d'élever  le  conflit  : 

«  Art.  128.  Les  juges  qui,  sur  la  revendication  solennellement  faite  par  Tauto- 
rité  administrative  d'une  affaire  portée  devant  eux,  auront  néanmoins  procédé  au 
jugement  avant  la  décision  de  rautorité  supérieure,  seront  punis  chacun  d'une 
'amende  de  16  fr.  au  moins  et  de  150  fr.  au  plus.  Les  officiers  du  ministère  public 
qui  auront  fait  des  réquisitions  ou  donné  des  conclusions  pour  ledit  jugement, 
seront  punis  de  la  môme  peine.  » 

-    On  distingue  deux  sortes  de  conflit  :  le  conflit  d'attribution  et  le  conflit  de 
juridiction.  Nous  examinerons  plus  loin,  en  expliquant  les  règles  de  Tinstruc- 
'tion  criminelle,  les  dispositions  qui  s'appliquent  aux  conflits  de  juridiction.  Le 
xonfïit  d'attribution,  dont  il  s'agit  ici,  est  positif  ou  négatif  :  le  premier  résulte 
de  la  revendication  par  l'administration  d'une  affaire  dont  les  tribunaux  sont 
saisis  et  dentelle  prétend  que  le  jugement  appartient  au  pouvoir  administratif; 
le  second  résulte  de  la  déclaration  respective  d'incompétence  faite  par  les 
juges  et  par  les  administrateurs  au  sujet  de  la  même  affaire.  Cette  matière, 
;8ur  laquelle  ont  successivement  statué  le  décret  du  21  fructidor  an  III,  le  rè- 
'  glement  du  5  nivôse  an  VII,  l'arrêté  du  13  brumaire  an  X,  et  l'ordonnance  du 
12  décembre  1821,  a  été  définitivement  réglée  par  une  ordonnance  du  1«'  juin 
*1828.  L'art.  1*'  de  cette  ordonnance  porte  que  «  à  l'avenir,  le  conflit  d*attri- 
'  bution  entre  les  tribunaux  et  l'autorité  administrative  ne  sera  jamais  élevé  en 
matière  criminelle.  »  L'art.  2  ajoute  ;  «  Il  ne  pourra  être  élevé  de  conflit  en 
matière  de  police  correctionnelle  que  dans  les  deux  cas  suivants  :  l^'  lorsque 
la  répression  du  délit  est  attribuée  par  une  disposition  législative  à  l'autorité 
administrative  ;  2«  lorsque  le  jugement  à  rendre  par  le  tribunal  dépendra 
'  d'une  question  préjudicielle  dont  la  connaissance  appartiendrait  à  Tautorité 
^  administrative  en  vertu  d'une  disposition  législative.  Dans  ce  dernier  cas,  le 
conflit  ne  pourra  être  élevé  que  sur  la  question  préjudicielle.  »  Enfin,  la  forme 
de  procéder  est  indiquée  par  l'art.  6  :  t  Lorsqu'un  préfet  estimera  que  la  con- 
-  naissance  d'une  question  portée  devant  un  tribunal  de  première  instance  est 
%ttriLnicc'i.at  une  disposition  législative  à  Fautorité  administrative  il  pourra 

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BMPIÈTSMBNT  DIS  AUTORITÉS,  BTC.   (aRT.   129).  243 

alors  même  que  l'administration  ne  sera  pas  en  canse,  demander  le  renvoi 
de  l'affiiire  devant  l'autorité  compétente.  A  œt  effet,  le  préfet  adressera  aa 
procareor  du  roi  an  mémoire  dans  lequel  sera  rapportée  la  disposition  législa* 
tive  qni  attribue  à  Tadministration  la  connaissance  du  litige.  Le  procureur  da 
roi  fera  connaître  dans  tous  les  cas  an  tribunal  la  demande  formée  par  le  préfet» 
et  requerra  le  renvoi  si  la  revendication  lui  parait  fondée.  »  Les  juges  n'oal 
qu'un  point  à  examiner  :  si  le  conflit  est  régulier,  c'est-à-dire  s'il  est  élevé  dauf 
les  cas  prévus  et  suivant  les  formes  prescrites  par  la  loi.  8i  cette  régularité 
existe,  ils  doivent  surseoir  ;  si  elle  n*est  pas  démontrée,  ils  doivent  passer 
outre.  L'art.  128  ne  prévoit,  en  effet,  que  Tusurpation  d'un  droit 

809.  L'art.  129  prévoit  un  autre  fait  de  la  même  nature.  Aux  termes  de 
Tart  7  &  de  la  constitution  du  22  frimaire  an  VIII  qui  est  aujourd'hui  abrogé  : 
t  les  agents  du  gouvernement  ne  pourraient  être  poursuivis  pour  des  faits  rela-^ 
tifs  à  leurs  fonctions  qu'en  vertu  d'une  décision  du  conseil  d'État,  i  L'ar» 
ticie  129,  qui  se  réfère  à  cette  disposition,  est  ainsi  conçu  : 

a  Abt.  129.  La  peine  sera  d'une  amende  de  tOO  fr.  au  moins  et  de  500  au  plus, 
contre  chacun  des  juges  qui,  après  une  réclamation  légale  des  parties  intéressées 
ou  de  rautorité  administrative,  auront,  sans  autorisation  du  gouvernement,  rendu 
des  ordonnances  ou  décerné  des  mandats  contre  ses  agents  ou  préposés  prévenus 
de  crimes  ou  délits  commis  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions.  La  môme  peine  sera 
appliquée  aux  ofQciers  du  ministère  public  ou  de  police  qui  auront  requis  les- 
dites  ordonnances  ou  mandats.  » 

Une  première  observation  doit  être  faite.  L'article  3  de  l'ordonnance  du 
i—  juin  1828  porte  :  c  Ne  donneront  pas  lieu  au  conflit,  i^  le  défaut  d'autori- 
sation de  la  part  du  gouvernement,  lorsqu'il  s'agit  de  poursuites  dirigées 
contre  ses  agents...  »  Il  suit  de  là  que  le  défaut  d'autorisation  ne  constituait 
qu'une  exception  personaelle  que  le  prévenu  pouvait  faire  valoir  et  que  les 
juges  devaient  admettre,  en  tout  état  de  cause,  si  elle  était  fondée. 

Dans  ce  dernier  cas,  l'autorité  judiciaire  devait-elle  surseoira  tous  les  actes 
d'instruction?  L'art.  129  ne  prohibe  que  les  ordonnances  et  mandats.  L'art.  3 
du  décret  du  9  août  1806  avait  déjà  établi  la  distinction  que  cet  article  con- 
sacre :  «  La  disposition  de  l'art.  75  de  l'acte  constitutionnel  de  Tan  VIII  ne 
fait  point  obstacle  à  ce  que  les  magistrats  chargés  de  la  poursuite  des  délits 
informent  et  recueillent  tous  les  renseignements  relatifs  aux  délits  commis 
par  nos  agents  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions;  mais  il  ne  peut  être  décerné, 
en  ce  cas,  aucun  mandat,  ni  subi  aucun  interrogatoire  juridique,  sans  l'autO'» 
risation  préalable  du  gouvernement.  »  Il  suit  de  là  que  tontes  les  mesures  con- 
servatoires, toutes  celles  qui  ont  pour  objet  de  vérifier  les  charges,  de  recueillir 
les  témoignages,  de  constater  les  indices,  demeuraient  entre  les  mains  de  la 
justice.  Toutes  les  mesures  préventives,  toutes  celles  qui  ont  pour  objet  Foit  de 
s'assurer  de  la  personne  de  l'inculpé,  soit  de  lui  imprimer  la  qualité  de  pré- 
venu, étaient  suspendues  jusqu'à  ce  que  le  conseil  d'État  eût  statué. 

Cette  suspension  du  droit  de  l'autorité  judiciaire  cessait-elle  au  cas  de  fla- 
grant délit,  si  le  fait  était  passible  d'une  peine  afflictive  ou  infamante  ?  Quel- 
ques commeiitateurs  enseignent  que  l'agent,  dans  ce  cas,  peut  être  saisi,  inftt'r- 

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S44    On-BEPT.  UÇ.  —  1>BB  CRIHSI  BT  DÉLITS,  XTC.  (aRT.  131,  M*   211^ 

legé  et  détenu,  et  que  l'antomatioii  n'était  nécessaire  qae  pour  le  jugement» 
ils  s'appuient  sur  oe  que  l'art.  i06  da  Gode  d'instruction  ciimineile  impose  à 
tout  dépositaire  de  la  force  publique  et  même  à  toute  personne,  le  devoir  de 
saisir  le  prévenu  surpris  en  flagrant  délits  si  le  fait  emporte  peine  afflictive 
ou  infamante;  l'arrestation,  dans  ce  cas,  est  un  droit  inaliénable  de  la  Justice, 
parce  qu*dle  est  une  condition  indispensable  de  Tordre,  et  l'art.  121  du  Gode 
pénal  Ta  autorisée  à  l'égard  des  fonctionnaires  de  l'ordre  politique.  Un  crimi- 
naliste  a  déjà  répondu  que  l'art.  75  de  la  loi  du  22  frimaire  an  YIII  ne  ûdt 
aucune  distinction  entre  les  faits  relatifs  aux  fonctionnaires  flagrants  on  non 
flagrants  ;  que  l'art.  129  contient  une  disposition  générale  qui  s'applique  à 
tous  les  cas;  qu'il  n*a  point  reproduit  l'exception  contenue  dans  l'art.  124;  et 
que  la  raison  de  cette  différence  est  que  les  faits  relatifs  aux  fonctions  qui 
font  l'objet  de  l'art.  129,  tels  que  la  corruption,  la  concussion,  le  faux,  l'abus 
de  pouvoir,  n'occasionnent  point,  en  général,  un  péril  imminent  pour  la  paix 
publique;  qu'ainsi  le  flagrant  délit, relativement  à  cette  classe  défaits,  n^existe 
jamais  d'une  manière  directe  et  alarmante.  On  ajoutait  que  la  garantie  étant 
établie  à  raison  de  la  nature  des  actes,  il  y  a  môme  motif  de  l'appliquer,  soit 
que  l'agent  soit  surpris  en  flagrant  délit,  soit  que  la  preuve  ne  se  manifeste 
qu'ultérieurement.  Cette  distinction  et  la  disposition  à  laquelle  elle  se  ratta* 
chait  sont  aujourd'hui  sans  application,  puisque  l'art.  75,  qu'elles  avaient 
ponr  objet  de  sanctionner,  a  été  abrogé  par  un  décret  du  19  sept.  1870. 

210.  Les  art.  130  et  131  sont  des  dispositions  corrélatives  de  celles  qui  pré- 
cèdent; ils  ont  pour  objet  de  défendre  le  pouvoir  judiciaire  des  entreprises  de 
l'administration,  comme  celles-ci  défendent  radministration  contre  le  pouvoir 
judiciaire. 

c  Art.  130.  Les  préfets,  sous-préfets,  maires  et  autres  administrateurs  qui  se 
sont  immiscés  dans  Texercice  da  pouvoir  législatif,  comme  il  est  dit  au  n*  !•■  de 
Tart.  127,  ou  qui  se  seront  ingérés  de  prendre  des  arrêtés  généraux  tendant  ainsi 
nuer  des  ordres  ou  des  défenses  quelconques  à  des  coura  ou  tribunaux,  seront 
punis  de  la  dégradation  civique,  j» 

a  Art.  131.  Lorsque  ces  administrateurs  entreprendront  sur  les  fonctions  Judi- 
ciaires en  s'ingérant  de  connaître  de  droits  et  d'intérêts  privés  du  ressort  des  tri- 
bunaux, et  qu'après  la  réclamation  des  parties  ou  de  l'une  d'elles,  ils  auront  néan- 
moins décidé  Taffaire  avant  que  Tautorité  supérieure  ait  prononcé,  ils  seront  punis 
d'une  amende  de  16  à  150  fr.  » 

Ces  articles  n'appellent  qu'une  seule  observation.  Peut-être  le  législateur,  si 
minutieux  quand  il  s'agit  de  surveiller  les  empiétements  de  l'autorité  judi- 
ciaire, n'a-t-il  pas  déployé  la  même  exactitude  à  l'égard  des  excès  de  pouvoir 
de  l'autorité  administrative.  Il  semble  qu'il  aurait  pu  prévoir  quelques-uns 
des  actes  d'immixtion  ou  d'usurpation  les  plus  oppressifs  et  en  spécifier  les 
caractères  avec  plus  de  détail  et  de  soin. 

DIX*gBPTlÈMB  LEÇON. 

211  Nous  allons  aborder  dans  cette  leçon  l'une  des  matières  les  plus  épi- 
neuses et  les  plus  obscures  du  Droit  pénal,  la  matière  du  faux.  Cette  matière 

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BMPIËTBIIBNT  DB9  AITTOniTÉS)  BTC.  {JLRT.   13Z).  948 

fait  Tobjet,  dans  notre  Gode,  des  art.  i3t  et  suivants  jusqu'à  Tart  M5.  lin'esl 
point  de  textes  dans  ce  Gode  qui  aient  soulevé  plus  de  questions  et  donné  lies 
ik  plus  de  discussions.  Je  vais  essayer  d'en  tracer  les  lignes  générales,  d'en 
exposer  les  règles  fondamentales,  en  laissant  de  côté  tous  les  détails  de  1» 
matière  ;  car  ces  détails  exigeraient  non  une  seule  leçon,  mais  le  cours  d'uvf 
année  entière. 

n  faut  examiner  en  premier  lieu,  pour  éviter  tonte  eonAnion,  les  élément» 
de  deux  incriminations  que  le  Gode  a  métées  au  crime  de  tkVLi,  quoiqu'i.s  en 
diflèrent  sous  plusieurs  rapports  :  la  fausse  monnaie  et  la  contrefaçoa  des 
sceaux  de  TËtat. 

Le  crime  de  fausse  monnaie,  qui  a  piis,  pendant  longtemps,  dans  la  penaé» 
du  législateur,  des  proportions  supérieures  à  sa  gravité  intrinsèque,  n'est  «o 
fond  qu'une  escroquerie,  un  vol  commis  à  Talde  d'une  falsification.  La  loi  au 
^  avril  18^  a  fait  un  premier  pas  en  substituant,  dans  l'art.  13%,  à  laptiiw 
de  mort,  celle  des  travaux  forcés  à  perpétuité.  La  loi  du  13  mai  1863  a  été  un 
peu  plus  loin.  Voici  le  texte  actuel  de  cet  article. 

«  Art.  132.  Quiconque  aura  contrefait  ou  altéré  les  monnffes  d'or  ou  d'argent 
ayant  cours  légal  en  France,  ou  participé  à  rémission  ou  exposition  desdites  mon- 
naies contrefaites  on  altérées,  ou  à  leur  introduction  sur  le  territoire  f)>ançais; 
sera  puni  des  travaux  forcés  à  perpétuité.  Celui  qui  aura  contrefait  ou  altéré  des 
monnaies  de  billon  ou  de  cuivre  ayant  cours  légal  en  France,  on  participé  à  ré- 
mission ou  exposition  desdites  monnaies  contredites  eu  altérées,  ou  à  Isur  intro* 
dttctiou  sur  le  territoire  firançais,  sera  puai  des  travaux  ibroés  &.  temps.  % 

Geri  article  eonHoiid  dans  les  mêmes  dispositions  la  eontsafaçon  des  m«iir 
naies  d'or  et  celle  des  monnaies  d'argent,  la  contrefaçon  et  Taltération  de  cea 
monnaies,  leur  émission  sans  connivence  avec  le  faussaire,  leur  simple  expo- 
sition dans  un  lieu  public,  enfin  leur  introduction  sur  le  territoire  français».  Il 
est  permis  de  penser  que  ces  faits  différents  auraient  exigé  des.  incriminatioaa^ 
et  des  pénalités  distinctes.  Il  est  nécessaire,  dans  tous  les  cas,  qu'il  y  ait  in- 
tention frauduleuse;  il  est  nécessaire  que  la  monnaie  contrefaite  ait  cours 
légal  en  France.  Mais  léS'  CtféOflbtànces  du  tsil  matériel  dîHSfent  essentielle^ 
ment.  La  contrefaçon  est  l'imitation  delà  monnaie  légale,  Taitératlon  est  Itt 
diminution  de  la  valeur  intrinsèque,  la  modification  de  son  poids  ou  de  sa 
substance.  Mais  rémission,  l'exposition  et  l'introduction  des  monnaies  fausses 
ne  sont  plus  des  actes  de  falsification,  ce  sont  seulement  des  actes  d'usage,' 
des  monnaies  falsifiées.  Or,  la  contrefaçon  qui  n'a  pas  été  suivie  de  l'usage^ 
l'usage  qui  n'a  pas  été  précédé  de  la  contrefaçon,  en  un  mot,  l'imitation  et 
rémission,  isolées  Tune  de  l'autre,  ces  deux  faits,  composés  d'éléments  a 
distincts,  ont-ils  la  môme  criminalité,  présentent-ils  à  l'ordre  social  le'môme 
péril? 

212.  On  a  demandé  si  le  crime  est  le  même  dans  \b  cas  où  l'imitation  a 
acquis  toute  la  perfection  dont  elle  est  susceptible,  et  dans  le  casoiH,  grossière- 
ment essayée,  elle  peut  être  facilement  reconnue.  La  jurisprudence  a  rendu 
sur  ce  point  des  décisions  contradictoires  :  d'une  part,  elle  a  décidé,  que  loQ 
caractères  légaux  de  la  contrefaçon  ne  peuvent  résulter  que  d'une  somma 

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246       DIZ-6BPT.  LBQ.  —   DBS  GRIIO»  BT  I»ftUT8  (âBT.   133,  N*  114). 

d'apparences  assez  fortes  pour  que  le  commerce  de  la  circalation  en  soit  af- 
lècté  1  ;  et  d'une  autre  part^  c  que,  quelque  grossière  et  facile  à  découvrir  que 
soit  la  contrefaçon  des  monnaies,  elle  n*en  constitue  pas  moins  le  crime  de 
fÎBHisse  monnaie,  lorsqu'elle  a  été  faite  dans  une  intention  coupable,  b  II  semble 
que  la  solution  de  cette  question  doive  être  demandée  au  fait  plutôt  qu'aa 
droit.  Si  Timperfection  de  la  contrefaçon  n'a  pas  empêché  la  tromperie,  il  est 
clair  qu'elle  ne  peut  constituer  une  excuse  légale.  Si,  au  contraire,  elle  ne 
permet  pas  la  consommation  du  crime,  c'est  l'élément  matériel  lui-même  qui 
manque.  Une  plus  grande  difficulté  s'élève  à  l'égard  des  pièces  d'argent  ou  de 
cuivre,  qui  ont  été  dorées  ou  argentées,  pour  les  faire  passer  pour  des  pièces 
d^or  ou  d'argent.  Est-ce  là  une  véritable  contrefaçon,  si  la  matière  colorante 
s'eiface  et  si  la  pièce  a  conservé  l'expression  de  sa  valeur-  réelle?  Cette  ques- 
tion a  été  résolue  par  la  loi  du  13  mai  1863.  Kart.  134,  modifié  par  cette  loi, 
est  ainsi  conçu  : 

c  Art.  134.  Sera  punid*un  emprisonnement  de  six  mois  à  trois  ans  quiconque 
aura  coloré  les  monnaies  ayant  cours  légal  en  France  ou  les  monnaies  étrangères, 
dans  le  but  de  tromper  sur  la  nature  du  métal,  ou  les  aura  émises  ou  introduites 
sur  le  territoire  français.  Seront  punis  de  la  môme  peine  ceux  qui  auront  participé 
à  rémission  ou  &  l'introduction  des  monnaies  ainsi  colorées.  » 

-  La  loi  nouvelle  n'a  vu  avec  raison  dans  le  fait  de  colorer  des  monnaies  pour 
leur  donner  une  valeur,  supérieure  à  leur  valeur  réelle  qu'une  tentative  d'es* 
croquerie.  11  est  évident  que  cette  coloration  doit  être  ou  suivie  de  l'émission, 
ou  faite  en  vue  de  l'émission.  S'il  était  prouvé  qu'un  individu  n'a  altéré  des 
pièces  de  billon  ou  d'argent  que  pour  pratiquer  des  expériences  scientifiques, 
il  n'y  aurait  pas  de  délit,  car  il  n'y  aurait  pas  d'intention  coupable. 

813.  L'art.  133  ne  fait  qu'appliquer  aux  monnaies  étrangères  les  règles 
posées  par  l'art.  132  : 

•  Art.  133.  Tout  individu  qui  aura,  en  France,  contrefait  ou  altéré  des  monnaies 
étrangères  ou  participé  à  rémission,  exposition  ou  introduction  en  France  de  mon- 
naies étrangères  contrefaites  ou  altérées,  sera  puni  des  travaux  forcés  à  temps.  » 

La  seule  difficulté  grave  qu'ait  soulevée  cet  article  est  de  savoir  ce  qu'il  faut 
entendre  par  monnaies  et  si  les  papiers-monnaie  ayant  cours  forcé  en  pays 
étranger  rentrent  dans  cette  expression.il  a  été  reconnu  que  la  disposition  de 
Part.  133  est  générale  et  absolue;  que  par  sa  généralité  elle  se  réfère  néces- 

(    sairement  à  toutes  les  monnaies  étrangères  de  quelque  espèce  qu'elles  soient; 

j   qu'elle  n'excepte  point  la  fabrication  des  monnaies  qui  seraient  d'une  matière 

I  autre  que  l'or,  l'argent,  le  cuivre  et  le  billon  :  que  dès  lors  elle  s'applique  aux 
unes  comme  aux  autres. 

814.  La  loi  a  établi  deux  excuses  qui  s'appliquent  aux  faits  que  nous  venons 
de  parcourir  :  elles  sont  énoncées  dans  l'art.  163  et  dans  l'art.  135. 

.  L'art.  163,  qui  s'applique  à  tous  les  crimes  de  faux,  dispose  que  «  l'application 
des  peines  portées  contre  ceux  qui  ont  fait  usage  de  monnaies  contrefaites. 


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DU  CRIBCE  DE    FATJÎ   (aRT.    139),  ^7 

falsifiées  on  fobriqnées,  cessera  toates  les  fois  que  le  faux  n'aura  pas  été  connu' 
de  la  personne  qui  aura  fait  usage  de  la  chose  fausse,  i  Cette  disposition  vous 
paraîtra  peut-être  superflue,  car  elle  signifie  purement  et  simplement  que 
ceux  qui  ont  commis  l'acte  matériel  de  l'usage  sans  intention  criminelle  ne 
sont  pas  coupables  du  faux.  Or,  il  est  de  toute  évidence  quMl  ne  peut  y  avoir* 
de  crime  où  il  n'y  a  pas  d'intention  frauduleuse. 
L'art.  135  est  spécial  au  criçie  de  fausse  monnaie  : 

c  Abt.  135.  La  participation  énoncée  aux  précédents  articles  ne  s'applique  point 
à  ceux  qui,  ayant  reçu  pour  bonnes  des  pièces  de  monnaies  contrefaites,  altérées 
ou  colorées,  les  ont  remises  en  circulation.  Toutefois,  celui  qui  aurait  fait  usage 
desdites  pièces,  après  en  avoir  vérifié  ou  fait  vérifier  les  vices,  sera  puni  d'une- 
amende  triple  au  moins  et  sextuple  au  plus  de  la  somme  représentée  par  les 
pièces  qu'il  aura  rendues  à  la  circulation,  sans  que  cette  amende  puisse,  en  alicun 
cas,  être  inférieure  à  16  flr.  » 

Celui  qui,  ayant  reçu  pour  bonnes  des  pièces  de  monnaie  contrefaites  oir 
altérées,  les  remet  en  circulation  après  en  avoir  reconnu  le  vice  n'est  point 
exempt  de  reproche,  car  il  cause  sciemment  un  préjudice  à  la  personne  à  la^ 
quelle  il  remet  ces  monnaies.  Mais  il  est  excusable  parce  qu'il  peut  croire  que 
la  pièce  qu'il  remet  en  circulation  continue  de  circuler  et  qu'il  ne  fait  que  re- 
pousser une  perte  qui  tombait  sur  lui  sans  qu'il  y  eût  une  faute  de  sa  part.  * 
La  loi  a  donc  fait  de  cette  circonstance  une  excuse  légale  :  l'accusé  d'émission 
de  fausse  monnaie  a  le  droit  de  proposer  cette  excuse,  et  le  président  de  la  cour 
d'assises  ne  peut  refuser  d'en  faire  l'objet  d'une  question  au  jury. 

215.  Aux  termes  de  l'art.  138,  les  révélateurs  sont  exempts  de  toutes  peines, 
si  la  révélation  précède  la  consommation  du  crime.  Cette  disposition,  qui  n'est 
qu'une  application  de  la  règle  posée  par  l'art.  108,  et  qui  indique  les  inquié- 
tudes que  le  crime  de  fausse  monnaie  cause  au  législateur,  n'appelle  aucune 
explication. 


216.  La  deuxième  incrimination  que  nous  devons  examiner,  avant  d'abor- 
der le  faux  en  écritures,  est  la  contrefaçon  des  sceaux  de  l'État,  des  billets  de 
banque,  des  effets'publics  et  des  poinçons,  timbres  et  marques.  Nous  nous  rap- 
prochons ici  du  faux  en  écritures,  mais  cependant  cette  matière  en  diffère 
encore  en  plusieurs  points. 

Il  faut  distinguer,  d'abord,  la  contrefaçon  des  effets  publics  et  la  contrefaçon 
des  sceaux  et  marques.  La  première  est  punie  par  le  deuxième  paragraphe  de 
l'art.  139. 

«  Art.  139.  Ceux  qui  auront  contrefait  ou  falsifié,  soit  des  effets  émis  par  le 
trésor  public  avec  son  timbre,  soit  des  billets  de  banque  autorisés  irarjajwi,  uu- 
qui  auront  fAit  usage  de  ces^Wets  et  billets  contrefaîts  ou  falsifiés,  ou  qui  les  auront 
introduits  dans  l'enceinte  du  territoire  français,  seront  punis  des  travaux  forcés  à 
perpétuité.  » 

L'exposé  des  motifs  du  Gode  expliquait  cette  disposition  en  ces  termes  :  ' 

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\ 


V 


248     DIX-SEPT.  LEÇ.   —  DBS  GÂIMB8  BT  DÉUT8  (àRT.    140,  N*  217). 

existe  une  autre  sorte  de  monnaie  qui  n'appartient  qu*i  nos  temps  modernes, 
ce  sont  les  billets  de  confiance  et  les  billets  du  gouyernement.  Cette  sorte  de 
monnaie  qui  supplée  à  Tautre  et  qui  ajoute  des  richesses  fictives  aux  richesses 
qui  les  garantissent,  qui  multiplie  à  l'infini  les  moyens  d'industrie  et  de  com- 
merce, est  un  grand  bienfait  de  nos  nouvelles  institutions  ;  mais  elle  a  besoia 
que  rien  ne  porte  atteinte  à  la  foi  qu'on  a  dans  sa  valeur  ;  et  la  sécurité  de 
ceux  qui  la  possèdent  peut  être  facilement  détruite.  Les  faussaires  troublent 
cette  sécurité  ;  leurs  criminelles  entreprises  tendent  non-seulement  à  enlever 
une  partie  des  riches  trésors  qu'ils  convoitent,  mais  à  en  tarir  irrévocablement 
la  source  ;  des  peines  sévères  doivent  les  réprimer,  et  la  loi  les  condamne  à 
mort  avec  confiscation  de  biens.  »  La  Gharte;de  1814  a  aboli  la  confiscation  et 
la  loi  du  28  avril  i  832  a  substitué  les  travaux  forcés  à  perpétuité  à  la  peine  de 
mort. 

On  a  demandé  si  celui  qui,  pour  remettre  en  circulation  des  billets  de  ban- 
que annulés,  fait  disparaître  le  timbre  qmçoQL§t^. cette  .annulatiçn,  se  rend 
ooopable  du  crime  pfSvû  par  Part.  139.  On  peut  dire  qu'il  n'y  a  dans  ce  fait  ni 
contreiisçon  ai  falsification  des  billets,  puisque  l'auteur  s'est  borné  à  enleveir 
rar  des  effets  vrais  en  eux-mêmes  la  marque  de  leur  démonétisation  ;  mais  né 
pmi-on  pas  répondre  que  la  mention  de  l'annulation  des  biUets  s'incorporait 
avec  ces  billets,  puisqu'elle  leur  enlevait  leur  valeur  nominale,  et  que  dès  lors 
enlever  cette  mention  par  des  moyens  chimiques  pour  les  remettre  en  cireukr 
tion  et  s'en  approprier  le  montant,  c'était  falsifia  l'une  des  parties  de  œs  bil- 
lets tels  qu'ils  se  trouvaient  au  moment  de  raltération  ?  Ce  serait  peut-être  trop 
de  subtilité  que  de  prétendre  que  la  loi  protège  les  valeurs  réelles,  les  billets 
en  circulation,  et  non  ceux  qui  sont  frappés  de  déchéaDce  et  qui  n'ont  plus 
aucune  valeur;  car  alors  ne  pourrait-on  pas  soutenir  qu'en  effaçant  le  signe 
de  la  déchéance  on  fabrique  véritablement  de  nouveaux  billets  ? 

217.  La  contrefaçon  des  sceaux  de  l'État  fait  Tobjet  du  i*'  §  du  même 
article  : 

.  tf  Art.  U9.  Ceux  qui  auront  contrefait  le  sceau  de  l'État  ou  £ait  usage  du  sceau 
contrefait,  seront  punis  des  travaux  forcés  à  perpétuité.  » 

Cette  incrimination  n'a  point  une  grande  importance.  Le  législateur,  imbu 
d'anciennes  idées,  avait  considéré  ce  crime  c  comme  un  véritable  crime  de 
lèse-majesté,  une  usurpation  de  la  souveraineté,  i  C'était  là  une  pure  fiction, 
puisque  l'apposition  dû  sceau  n'ajoute  aucune  force  aux  actes  auxquels  il  est 
apposé.  Mais  on  trouve,  à  la  suite  de  cette  disposition,  quelques  incriminations 
qui  appartiennent  à  la  même  famille  de  faits  et  qui  tiennent  une  plus  grande 
place  dans  la  pratique. 

«  Art.  140.  Ceux  qui  auront  contrefait  ou  falsifié  soft  un  ou  plusieurs  timbres 
nationaux,  soit  les  marteaux  de  l'État  servant  aux  marques  forestières,  soit  le 
poinçon  ou  les  poinçons  servant  à  marquer  les  matières  d*or  ou  d*«rgent,  ou  qui 
auront  fait  usage  de  papiers,  effets,  timbres,  marteaux  ou  poinçons  fiilsiftés  ou 
contrefaits,  seront  punis  des  travaux  forcés  à  temps  dont  le  maximum  sera  tou- 
jours appliqué  dase  ce  cas.  » 


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no  GHIHB  DB  WAXfX  (aRT*   141.)  UA 

U  est  MMB  fadle  de  définir  les  liabres  nationanx  :  ce  sont  ceux  qui  porteni 
les  armoihes  de  TÉtai  et  qui  sontappesés  en  son  nom.  Mais  il  n^est  pas  tou- 
jours  aisé  de  les  discerner  des  timbres  des  autorités  locales.  La  jurisprudence 
%  décidé  que  le  timbre  que  Tadmiaistration  des  contributions  indirectes  im- 
prime sur  les  cartes  à  jouer  est  un  véritable  timbre  national,  et  que  le  timbra 
de  la  poste  aux  lettres,  qui  ne  porte  que  le  nom  des  communes  où  les  bureaux 
de  poste  sont  établis,  n'a  pas  ce  caraciére.  Cette  dernière  interprétation  est 
confirmée  par  la  loi  du  46  octobre  1849  qui  ne  punit  que  d'une  peine  pécu- 
niaire Tusage  des  timbres-poste  ayant  servi  à  l'affrancbissement  des  lettres. 

Les  marteaux  de  TÉtat  servant  aux  marques  forestières  servent  aux  agents 
forestiers  pour  marquer,  dans  les  ventes  de  bois,  les  baliveaux  réservés.  La 
question  s'est  élevée  de  savoir  si  la  contrefaçon  des  marques  forestières  rentre 
dans  les  termes  de  la  loi  lorsqu*eUe  a  été  pratiquée  salas  contrefaçon  ni  usage 
dos  marteaux.  Il  a  paru  que  la  loi  ne  punissait  que  la  contrefaçon  et  l'usage 
du  marteau  national,  qu'on  no  p«it  confondre  o»  iaît  avec  Timitation  d'une 
empreinte  ;  que  le  même  danger  n'existe  pas  dans  les  deux  cas,  puisqu'avee 
un  faux  marteau  on  peut  nnilciplîer  les  marques,  tandis  qu'une  fausse  em* 
preinte  est  un  acte  isolé.  Il  a  été  répondu  qu'une  pareille  interprétation  ten- 
drait à  anéantir  Pintentîon  de  la  loi,  puisqu'il  suffirait,  pour  se  mettre  à  Pabri 
des  peines  qu'elle  prononce,  de  contrefaire  la  marque  forestière  autrement 
que  par  Tempreinte  d'un  marteau  contrefait;  que  dans  tous  les  cas  où  une 
fausse  marque  forestière  a  été  apposée  à  l'aide  de  quelque  instrument  que  ce 
soit,  avec  l'intention  de  la  faire  passer  pour  la  marque  de  l'État,  ce  seul  fait 
constitue  le  crime  de  falsification  et  rentre  dans  les  termes  de  l'art  140.  Il  est 
évident  que  cette  réponse  est  plutôt  une  critique  qu'une  explication  des  termes 
dont  la  loi  s'est  servie  :  ces  termes  ne  peuvent  pas  se  ployer  an  gré  d'une  in- 
tention plus  ou  moins  présumés. 

Les  poinçons  servant  à  marquer  les  matières  d'or  ou  d'argent  sont  destinés 
à  la  garantie  des  titres  de  ces  matières.  Les  règles  relatives  à  cette  garantie  se 
trouvent  dans  la  loi  du  29  brumaire  an  VI. 

21&.^*artîcle  141  prévoit  l'usage  abusif  des  vrais  timbres,  marteaux  ou 
poinçons  : 

c  ART.  141.  Sera  puni  de  la  réclusion  quiconque  s'étant  indûment  procuré  les 
vrais  timbres,  marteaux  ou  poinçons,  ayant  Tune  des  destinations  imprimées  en 
Fart.  140,  en  aura  fait  une  application  ou  usage  préjudiciabla  aux  droits  ou  inté- 
rêts de  râtat.  » 

La  question  s'est  élevée  de  savoir  si  le  fait  d*enlever  l'écriture  de  vieux 
papiers  timbrés  par  des  moyens  cbimiques  était  un  usage  préjudiciable  d'un 
timbre  vrai.  Cette  question  a  été  résolue  négativement,  parce  que  l'art.  141  ne 
s'applique  qu'à  l'apposition  de  timbres  détournés  par  des  moyens  illicites,  et 
4iu'il  est  impossible  de  l'étendre  au  double  emploi  d'un  papier  revêtu  du  tim- 
bre légal.  Une  autre  question,  née  du  même  article,  est  de  savoir  s'il  y  a  lieu 
de  l'appliquer  au  fait  d'avoir  frauduleusement  appliqué  sur  un  arbre  l'em- 
preinte vraie  du  marteau  de  FÉiat  appliquée  par  les  agent^  forestiers  sur  un 
4uitre  arbre.  La  jurisprudence  a  déclaré  que  ce  n'est  pas  seulement  l'indue 

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250      DIX-SEPT.   LEG.   —  DBS  GRTMES  ET  DÉLITS,  ETC.   (aRT.  143,  N"*  219). 

détention  des  marteaux  qae  pnnit  Tart.  141,  que  c'est  principalement  leur 
application  ou  usage  préjudiciable  aux  droits  de  l'État;  que  par  cet  usage  frau- 
duleux du  marteau  le  préjudice  est  le  môme,  soit  que  le  délinquant  ait  em« 
ployé  le  marteau  pour  en  obtenir  Tempreinte  et  en  marquer  les  arbres  qui  ne 
devaient  pas  Tôtre,  ou  qu'il  se  soit  procuré  cette  empreinte  par  toute  autre 
voie  et  Tait  appliquée  pour  frauder  les  droits  de  PÉtat  : 

219.  Les  art.  142  et  143  prévoient  la  contrefaçon  de  marques  d'une  autre 
espèce  : 

«  Art.  142.  Ceux  qui  auront  contrefait  les  marques  destinées  à  être  apposées,  au 
nom  du  gouvernement,  sur  les  diverses  espèces  de  denrées  ou  de  marchandises  ou 
qui  auront  fuit  usage  de  ces  fausses  marques  ;  ceux  qui  auront  contrefait  les  sceaux, 
timbres  ou  marques  d'une  autorité  quelconque,  ou  qui  auront  fait  usage  des 
sceaux,  timbres  ou  marques  contrefaits.  » 

i:  a  Ceux  qui  auront  contrefait  les  timbres-poste  ou  fait  usage  sciemment  des  tim- 
bres-poste contrefaits,  seront  punis  d'un  emprisonnement  de  deux  ans  au  moins  et 
de  cinq  ans  au  plus.  Les  coupables  pourront  en  outre  être  privés  des  droits  men- 
tionnés en  Tart.  42  du  présent  Gode  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus 
à  compter  du  Jour  où  ils  auront  subi  leur  peine.  Ils  pourront  aussi  être  mis  par 
Tarrôt  ou  le  jugement  sous  la  surveillance  de  la  haute  police  pendant  le  même 
nombre  d'années.  Les  dispositions  qui  précèdent  seront  applicables  aux  tentatives 
de  ces  mêmes  délits.  » 

«Art.  143.  Quiconque  s'étant  indûment  procuré  les  vrais  sceaux,  timbres  ou 
marques  ayant  Tune  des  destinations  exprimées  en  l'art.  1 42,  en  aura  fait  ou 
tenté  de  faire  une  application  ou  un  usage  préjudiciable  aux  droits  ou  de  TËtat, 
ou  d'une  autorité  quelconque,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  six  mois  à  trois 
ans.  Les  coupables  pourront  en  outre  être  privés  des  droits  mentionnés  en  l'ar- 
ticle 42  du  présent  Gode  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus,  à  compter 
du  jour  où  ils  auront  subi  leur  peine.  Ils  pourront  aussi  être  mis  par  l'arrêt  ou 
le  jugement  sous  la  surveillance  de  la  haute  police  pendant  le  même  nombre 
d'années.  » 

Ces  faits  étaient  qualifiés  crimes  par  le  Gode,  et  la  peine  portée  par  les  art. 
142  et  143  était  la  réclusion.  La  loi  du  13  mai  1863  a  substitué  à  cette  peine 
afflictive  et  infamante  des  peines  correctionnelles.  Elle  a  en  même  temps  : 
10  effacé  de  Tancien  texte  de  Tart.  142  ces  mots  :  «  ou  d'un  établissement  par- 
ticulier de  banque  ou  de  commerce,  »  en  se  référant  à  la  loi  du  23  juin  1857 
dont  nous  ferons  connaître  le  texte  tout  à  Theure  ;  2°  ajouté  à  l'ancien  texte  la 
contrefaçon  des  timbres-poste  et  l'usage  de  ces  timbres  contrefaits.  Noua 
avons  vu  (n*217)  que  la  loi  du  16  octobre  1849  punissait  d'une  amende  l'usage 
des  timbres  ayant  déjà  servi  :  il  s'agit  ici  d'un  fait  plus  grave,  de  la  falsifica- 
tion de  ces  timbres.  Le  mot  sciemment,  peut-être  inutile,  exprime  nettement 
la  pensée  que  celui  qui,  sans  le  savoir,  a  fait  usage  d'un  timbre  contrefait, 
n'encourt  aucune  peine. 

On  doit  entendre,  par  les  marques  apposées  au  nom  du  gouvernement  sur 
les  marchandises,  celles  que  les  administrations  publiques,  telles  que  les  doua- 
nes, les  contributions  indirectes,  les  octrois,  apposent  sur  les  diverses  denrées 
comme  signes  de  leur  vérification.  On  doit  entendre  par  sceaux,  timbres  ou 
marques  d'une  autorité  quelconque  les  types  ou  cachets  que  les  fonctionnaires 

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DU   GRIMB  DB  FAUX  (aHT.  142).  251 

apposent  dans  Texercioe  de  leurs  fonctions,  soit  sar  les  actes  qu'ils  délivrent, 
Boit  dans  les  opérations  auxquelles  ils  prennent  part.  On  doit  entendre  enfin 
par  marques  des  établissements  de  commerce  tous  les  signes  ou  cachets  des- 
tinés à  consacrer  l'origine  des  actes  ou  marchandises  émanant  d'une  maison 
de  commerce. 

La  contrefaçon  de  ces  dernières  marques  avait  déjà  donné  lieu  à  quelques 
dispositions  législatives.  Les  art.  16  et  17  de  la  loi  du  22  germinal  an  XI  por* 
taient  :  c  La  contrefaçon  des  marques  particulières  que  tout  manufacturier  ou 
artisan  a  le  droit  d'appliquer  sur  des  objets  de  sa  fabrication  donnera  lieu  : 
i*  à  des  dommages-intérêts  envers  celui  dont  la  marque  aura  été  contrefaite; 
2*  à  rapplication  des  peines  prononcées  contre  le  faux  en  écriture  privée.  La 
marque  sera  considérée  comme  contrefaite,  quand  on  y  aura  inséré  ces  mots 
façon  de,.,  et  à  la  suite  le  nom  d'un  autre  fabricant  d'une  autre  ville.  >  C'est 
dans  ces  dispositions  que  Tart.  142  a  été  puisé.  Cet  article  a  été  modifié  ulté- 
rieurement par  la  loi  du  28  juillet  1824,  dont  voici  le  texte  : 

o  L.  28  juillet  1824.  Art.  1.  Quiconque  aura,  soit  apposé,  soit  fait  apparaître, 
par  addition»  retranchement  ou  par  une  altération  quelconque,  sur  des  objets  fabri- 
qués, le  nom  d'un  fabricant  autre  que  celui  qui  en  est  l'auteur,  ou  la  raison  com- 
merciale d'une  fabrique  autre  que  celle  de  la  fabrication,  sera  puni  des  peines 
portées  en  l'art.  433  du  Gode  pénal,  sans  préjudice  des  dommages- intérêts,  s'il  y 
a  lieu.  Tout  marchand,  commissionnaire  ou  débitant  quelconque,  sera  passible  des 
effets  de  la  poursuite,  lorsqu'il  aura  sciemment  exposé  en  vente  du  mis  en  circu- 
lation les  objets  marqués  de  noms  supposés  ou  altérés.  —  Art.  2.  L'infraction  ci- 
dessus  mentionnée  cessera  en  conséquence,  et  nonobstant  l'art.  17  de  la  loi  du 
22  germinal  an  XI,  d'être  assimilée  à  la  contrefaçon  des  marques  particullèrea 
prévue  par  les  art.  142  et  143  du  Code  pénal.  » 

11  résulte  de  ces  dispositions  que  l'usurpation  ou  l'imitation  du  nom  ou  de  la 
raison  sociale  d'un  fabricant  sur  des  objets  qu'il  n*a  pas  fabriqués,  n'est  plus 
comprise  dans  les  termes  de  l'art.  142,  et  constitue  un  délit  distinct  passible 
d'une  peine  correctionnelle.  Une  autre  loi  du  23  juin  1857  punit  de  peines 
correctionnelles  la  contrefaçon  des  marques  de  commerce  et  l'apposition  de» 
marques  contrefaites  sur  les  objets  fabriqués  :  le  but  de  cette  loi  nouvelle  est 
de  prévenir  une  concurrence  déloyale.  L'art,  qui  142  conserve  son  autorité  en 
ce  concerne  la  contrefaçon  des  autres  marques. 
.  La  loi  du  25  juin  1857  contient  les  dispositions  suivantes  : 

«  Loi  du  25  juin  1857.  Art.  7.  Sont  punis  d'une  amende  de  50  à  3,000  fr.  et  d'un 
emprisonnement  de  trois  mois  à  trois  ans,  ou  de  l'une  de  ces  peines  seulement  : 
1*  Ceux  qui  ont  contrefait  une  marque  (de  fabrique  ou  de  commerce),  ou  fait  usage 
d'une  marque  contrefaite;  2*  ceux  qui  ont  frauduleusement  apposé  sur  leurs  pro- 
duits ou  les  objets  de  leur  commerce  une  marque  appartenant  à  autrui;  3*"  qui 
ont  sciemment  vendu  ou  mis  en  vente  un  ou  plusieurs  produits  revêtus  d'une 
marque  contrefaite  ou  frauduleusement  apposée.  —  Art.  8.  Sont  punis  d'une 
amende  de  100  à  2,000  fr.  et  d'un  emprisonnement  d*un  mois  à  un  an,  ou  de  l'une 
de  ces  peines  seulement  :  !•  Ceux  qui,  sans  contrefaire  une  marque,  en  ont  fait 
une  imitation  frauduleuse  de  nature  à  tromper  l'acheteur,  ou  ont  fait  usage  d'une 
marchandise  frauduleusement  imitée  ;  2**  ceux  qui  ont  fait  usage  d'une  marque 
portant  des  indications  propres  à  tromper  l'acheteur  sur  la  nature  du  produit  ; 
%•  ceux  qui  ont  sciemment  vendu  ou  mis  en  vente  un  ou  plusieurs  produits  re- 

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252      DIX-SEPT.   LEÇ.   —   DBS  GRIlfBS  HT  DÉLFFS,   ETC.  (aRT.  142,  N^  221). 

v6tu9  d'une  marque  frauduleusement  imitée  ou  portant  des  indications  propres  à 
tromper  Tsebetenr  sur  la  nature  du  produit.  — -  âbt.  9.  Sont  punis  d'une  amende 
de  50  à  1,000  fr.  et  d'un  emprisonnement  de  15  jours  à  6  mcàs,  ou  de  l'une  de  ces 
peines  seulement  :  1*  Ceux  qui  n'ont  pas  apposé  sur  leurs  produits  une  man|ua 
déclarée  obligatoire  ;  2**  ceux  qui  ont  vendu  ou  mis  en  vente  un  ou  plusieurs  proh 
duits,  ne  portant  pas  ia  marque  déclarée  obligatoire  pour  cette  espèce  de  produits  ; 
3'  ceux  qui  ont  contrevenu  aux  dispositions  des  décrets  rendus  en  exécution  do 
l'art.  1  de  la  présente  loi  (qui  déclarent  obligatoire  la  marque  de  fabrique  sur  les 
produits  qu'ils  déterminent).  » 

On  comprend  facilement  ce  qu'il  faut  entendre  paxVexposttionen  vente,  Maia 
il  est  plus  difficile  d*expliquer  la  mise  en  circulation  des  objets  frauduleusement 
marqués.  Il  ne  suffit  pas  que  les  objets  aient  quitté  la  fabrique;  il  faut  qu'ils 
«lent  été  expédiés  dans  le  but  de  les  livrer  à  la  consommation.  La  mise  en  cir* 
cnlatîon  et  rexposition  en  vente  sont,  dans  Tesprit  de  la  loi,  deux  faits  dd, 
même  nature  qui  précèdent  la  vente  et  la  préparent.  Ce  sont  ces  actes  prépa- 
ratoires de  la  consommation  de  la  fraude  que  le  législateur  a  voulu  saisir  pour 
prévenir,  sMl  est  possible,  cette  consommation. 

220.  Nous  arrivons  maintenant,  après  avoir  ainsi  dégagé  la  matière  de-ces 
fkits  préliminaires,  au  faux  proprement  dît,  au  fkux  en  écritures,  matière  fé» 
conde  en  difficultés,  et  sur  laquelle  je  vais  essayer  défaire  luire  quelque  clarté. 

La  première  question  qui  se  présente  est  celle-ci  :  qu'est-ce  qu'un  faux  en 
écritures  ?  Quand  nous  aurons  bien  saisi  les  caractères  du  crime  considéré  en 
général,  nous  en  comprendrons  plus  facilement  les  différentes  espèces  et  nous 
pourrons  résoudre  les  doutes  que  cette  matière  peut  soulever  à  chaque  pas. 

Le  faux  en  écritures  est,  en  général,  une  altération  de  la  vérité  faite  dam 
une  écriture,  avec  intention  et  possibilité  de  nuire  à  autrui.  Il  suit  de  là  que 
trois  conditions  sont  nécessaires  pour  l'existence  du  crime  :  une  altération  de 
la  vérité,  c'est-à-dire  un  faux  matériel;  Tintention  de  nuire^  c'est-à-dire  la 
fraude,  la  volonté  du  crime  ;  enfin,  la  possibilité  d'un  préjudice,  c'est-à-dire  la 
possibilité  que  l'écriture  falsifiée  produise  un  efiet  nuisible.  Il  faut  nous  arrê- 
ter d'abord  à  examiner  ces  trois  règles  fondamentales  de  la  matière. 

221.  Il  faut,  en  premier  lieu,  une  alléralîon  matérielle  de  la  vérité.  Que  faut- 
il  entendre  par  cette  expression?  Il  faut  entendre  une  altération  faite  dans  un 
acte  quelconque  des  clauses,  des  ênonciations  ou  des  faits  que  cet  acte  avait 
pour  objet  de  recevoir  et  de  constater.  On  doit  distinguer,  en  effet,  les  simples 
mensonges,  même  faits  par  écrit,  et  le  dol  susceptible  de  constituer  le  faaXé 
L*énoDciation  mensongère,  si  elle  n'attaque  pas  les  parties  essentielles  de  Tacte, 
si  elle  n'altère  pas  l'acte,  quel  qu'il  soit,  et  ne  lui  imprime  aucun  effet  fraudu^ 
leux,  ne  peut  devenir  la  base  d'un  faux  criminel.  L'altération  matérielle  est 
le  corps  du  délit  de  tous  les  faits  qualifiés  faux,  c'est  cette  altération  qui  em- 
porte en  elle-même  un  dommage  quelconque,  lorsqu'elle  a  pour  objet  les  écri- 
tures qui  sont  la  preuve  d'une  obligation  ou  d'un  droit.  Cette  première  règle 
va  devenir  plus  claire  à  Taide  de  quelques  exemples. 

Un  prévenu  allègue  des  faits  faux  dans  son  interrogatoire;  ces  faits,  bieaqoa 

consignés  dans  le  procès- verbal,  ne  constituent  point  un  faux  matériel;  car  la 

rocès- verbal  a  pour  objet  de  coostaler  les  r^cnnses  et  non  la  vérité  de  œa  ré^ 

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DU  GHIMB  sa  MJLVX  (ART.    142).  253 

poDBes^  et  le  droit  de  ta  défense  coutts  même  les  mensonges  qu'il  emploie  pour 
ge  disculper.  Une  partie  énonce  de  fausses  sallégations  dans  une  requête  pour 
égarer  la  jnstioe  :  ees  ènonciations  mensongères  ne  sont  pas  considérées 
omune  une  aUération  mensongère  de  latérite,  parce  qu'elles  peuvent  être 
vérifiées,  parce  que  les  actes  de  procédure  n'ont  point  pour  objet  de  constater 
la  vérité  des  assertions  qu'ils  contiennent  Un  huissier  introduit  une  altération 
dans  la  copie  d'un  acte  qu'il  signifie  :  cette  falsification  n'est  point  une  altéra^ 
tion  matérielle  de  l'acte  lui-méme,  maia  d'une  copie  qui  ne  peut,  par  elle- 
méme,  avoir  aucun  effet,  puisqu'elle  n'a  aucune  autorité;  il  n'y  a  donc  point 
là  encore  de  faux  matériel.  La  même  décision  serait  applicable  à  tous  les  actes 
qui  n'ont  aucune  mission  pour  constater  les  faits  qui  y  sont  mensongèrement 
énoncée;  telle  est  la  déclaration  faite  faussement  par  un  militaire,  pour  cumit' 
1er  sa  retraite  avec  un  traitement  d'activité,  qu'il  ne  jouit  d'aucun  traitement: 
Cela  sont  tous  les  actes  constatant  faussement  tels  ou  tels  faits,  lorsqu'ils  éma«- 
nent  de  personnes  incompétentes  pour  les  constater. 

Prenons  d'autrœ  exemples.  Deux  parties  conviennent  de  déguiser  la  vérité 
des  faits  dans  nn  acte  qu'elles  signent  seules  :  il  y  a  dans  ce  déguisement 
simulation,  il  n'y  apas  de  îblvlt,  lors  même  que  l'acte  simulé  serait  ensuite  em- 
ployé pour  nuire  à  autrui.  Car  l'usage  frauduleux  de  l'acte  ne  peut  en  changer 
la  nature,  et  de  ce  que  je  suis  convenu  avec  le  propriétaire  d'une  chose  de  faire 
nue  vente,  un  échange,  nn  louage  fictif  de  cette  chose,  il  s'ensuit  que  j'ai  fait 
on  acte  qui  n'est  pas  sérieux,  mais  non  que  j'ai  fait  un  acte  faux.  La  législation 
vient  confirmer  cette  doctrine  :  car  la  loi  du  %2  frimaire  an  YJI,  relative  aux 
droits  d'enregistrement,  ne  porte  que  des  peines  purement  civiles  contre  la 
simulation,  faite  pour  frauder  le  fisc  du  véritable  prix  d'une  vente  dans  nn 
contrat.  Mais  toutes  les  fois  que,  dans  un  acte,  l'une  des  parties  insère  une 
cause,  une  disposition,  une  addition  à  l'insu  de  l'autre  partie  et  dans  une 
intention  frauduleuse,  ce  n'est  plus  une  simulation,  car  la  simulation  suppose 
le  concert  de  tontes  les  parties;  cette  altération  est  un  véritable  faux. 

Pourauivons  l'application  de  notre  distinction.  Tout  abus  d'un  blanc-seing 
cimstîtue,  si  on  le  considère  théoriquement,  un  véritable  faux,  car  l'abus  n'est 
pas  autre  chose  que  la  fabrication  d'un  acte  faux  ou  une  addition  frauduleuse 
à  un  acte  déjà  complet.  Toutefois  l'art.  407  du  Code  pénal  ne  punit  cette  espèce 
de  faux  que  d'une  peine  correctionnelle;  pourquoi  cette  exception?  c'est  que 
la  partie  lésée  a  livré  imprudemment  sa  signature,  c'est  qn'elle  doit  s'imputer 
son  imprévoyance,  c'est  aussi  que  l'abus  d'une  signature  fait  supposer  moins 
d'audace  que  la  fabrication  d'une  fausse  signature.  8i,  au  contraire,  la  signa- 
'  ture  n'a  pas  été  confiée,  mais  surprise,  si  la  partie  n'a  pu  prévoir  l'abus  qui  est 
fait  de  sa  signature,  le  fait  reprend  le  caractère  d'un  faux.  La  même  solution 
s'applique  à  l'abus  de  confiance  :  l'associé  qui,  pendant  l'existence  de  la  société, 
abuse  de  la  signature  sociale  au  i»x>fit  de  ses  intérêts  personnels,  ne  commet 
point  un  crime  de  ftiux,  il  abuse  du  mandat  qu'il  a  reçu,  mais  c'est  la  société 
qui  signe,  et  s'oUige  par  sa 'main  ;  les  billets  qu'il  souscrit  sont  le  fait  de 
la  société,  il  y  a  détournement,  il  n'y  a  pas  de  fiiiux.  Il  en  serait  autrement  si  les 
billets  avaient  été  émis  depuis  la  dissolution  de  la  société  avec  la  signature 
sociale  ;  car,  dès  qu'il  n'est  plus  mandataire,  il  usurpe  une  qualité  pour  fabri- 
quer nn  acte  firaudnleux. 

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254      DIX-SEPT.   LEÇ.  —  DES  CBIMES  ET  DÉLITS,   ETC.  (aRT.    H4,  N*  ÎM). 

822.  La  deuxième  condition  du  crime  de  faux  est  Pintention  frauduleuse, 
le  dessein  de  nuire  à  autrui.  Il  est  clair,  en  efiet^  que  Paitération  matérielle, 
quelque  gra^e  qu'elle  soit,  si  elle  est  exempte  de  toute  volonté  criminelle,  ne 
peut  devenir  l'élément  du  crime.  Ainsi  une  pétition  avait  été  couverte  de  fausses 
signatures  qu'un  individu  avait  apposées  du  consentement  des  pétitionnaires, 
à  l'exception  de  deux  signatures  faites  à  l'insu  des  personnes,  mais  sans 
intention  de  nuire.  U  fut  décidé  que  c  le  crime  de  faux  ne  peut  exister  où  il 
ne  se  rencontre  aucune  idée  ni  intention  de  porter  aucun  dommage  à  autrui,  i 
Ainsi,  un  individu  était  poursuivi  pour  avoir  falsifié  des  passavants  délivrés 
dans  un  bureau  de  douanes,  mais  il  était  en  même  temps  constaté  que  ce  £auz 
n'avait  point  été  commis  dans  l'objet  de  soustraire  des  marchandises  à  l'ap- 
plication des  droits  ;  dès  lors  il  fut  également  reconnu  que  cette  altération 
ji'était  passible  d'aucune  peine,  puisque  la  loi  ne  punit  que  les  faux  conunis 
4an8  un  dessein  et  un  but  criminels.  Ainsi,  enfin,  un  préposé  avait  consigné 
dans  un  procès-verbal  de  contravention  des  faits  inexacts,  mais  qui  n'appor- 
taient aucune  aggravation  à  la  position  des  prévenus:  il  a  encore  été  décidé 
qu'il  ne  peut  y  avoir  lieu  à  la  procédure  en  faux  contre  un  procès-verbal  des 
préposés  que  dans  le  cas  où  les  fausses  énonciations  reprochées  au  rédacteur 
du  procès-verbal  seraient  criminelles  et  auraient  pour  objet  d'établir  une  con- 
travention qui  n'Àurait  pas  existé.  » 

L'intention  du  crime  existe,  non-seulement  quand  elle  menace  des  intérêts 
privés,  mais  encore  des  intérêts  publics.  Car,  c'est  la  volonté  de  léser,  et  non 
le  caractère  de  la  lésion  qu'il  faut  considérer  ici,  et,  d'ailleurs,  la  même  protec- 
tion doit  couvrir  tous  les  intérêts.  C'est  d'après  ce  principe  que  la  jurispru- 
dence a  appliqué  les  peines  du  faux  à  toutes  les  falsifications  commises.'en  ma- 
tière de  recrutement,  pour  soustraire  de  jeunes  soldats  au  service  ou  pour 
faciliter  l'admission  de  ses  remplaçants. 

L'intention  de  nuire  peut  exister  encore,  lors  même  que  l'auteur  de  l'altéra- 
tion ne  doit  en  tirer  aucun  profit  matériel.  Ainsi  il  importe  peu  qu'il  ait  agi 
par  esprit  de  vengeance  ou  de  cupidité,  par  méchanceté  ou  pour  s'emparer 
du  bien  d'autrui,  l'intention  de  nuire  est  indépendante  du  mobile  qui  la  pousse 
et  du  but  qu'elle  veut  atteindre;  il  suffit  qu'elle  soit  constatée. 

Enfin,  cette  intention  peut  exister,  lors  môme  qu'elle  se  propose,  non  de 
nuire  à  la  fortune  d'autrui,  mais  de  nuire  à  l'honneur,  à  la  réputation,  à  tous 
les  biens  moraux  qui  constituent  la  vie  sociale.  Le  doute  était  né  à  cet  égard 
de  l'art.  ^64  qui  porte  :  <  Il  sera  prononcé  contre  les  coupables  une  amende 
dont  le  maximum  pourra  être  porté  jusqu'au  quart  du  bénéfice  illégitime  que 
le  faux  aura  procuré  ou  était  destiné  à  procurer.  >  On  avait  induit  de  ces  ter- 
mes que,  dans  la  pensée  de  la  loi,  il  n'y  avait  d'autre  faux  que  celui  qui  avait 
pour  but  la  spoliation  du  bien  d'autrui,  la  consommation  d'un  vol.  C'est  là,  en 
général,  le  but  principal  du  crime  de  faux,  et  c'est  à  raison  de  ce  caractère 
dont  il  est  empreint  que  l'art.  ^64  fondé  sur  ce  principe  que  les  délits  enfantés 
par  la  cupidité  doivent  frapper  la  passion  qui  les  a  produits,  a  été  édicté.  Mais 
faut-il  considérer  ce  texte  comme  restrictif  ?  Parce  que  l'une  des  peines  appli* 
quées  au  faux  est  une  amende  qui  a  pour  base  le  bénéfice  illégitime  qu'il  peut 
procurer,  s'ensuit-il  que,  toutes  les  fois  qu'il  ne  procure  aucun  bénéfice  maté- 
riel, il  n^Qst  pas  punissable?  s'ensuit-il  que  toutes  les  falsifications  qui  auraient 

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BU  GRIlfE  DE  FAUX  (aRT.   142),  255 

pour  bat  d'entacher  l'honneur  ou  la  réputation,  doivent  échapper  à  toute 
peine?  Gomment  admettre  que,  8*il  sert  d'instrument  à  la  plus  minime  spolia- 
tion, il  sera  sévèrement  puni,  et  que,  s'il  devient  le  complice  de  la  plus  odieuse 
calomnie,  il  pourra  invoquer  Timpunité?  Dans  Tune  et  dans  l'autre  hypothèse, 
n'y  a-t-il  pas  également  mal  matériel  et  mal  moral,  et  quand  la  loi  punit,  en 
général,  toute  altération,  toute  supposition  d*écritures,  faite  avec  intention  de 
nuire,  comment  distinguer  dans  les  termes  d'une  incrimination  aussi  éten* 
due  comment  la  restreindre  quand  aucun  motif  ne  légitime  une  telle 
restriction  ?  Il  me  parait  donc  que  c'est  avec  raison  que  la  jurisprudence  n'a 
point  hésité  à  saisir  les  caractères  du  crime  de  faux  dans  une  lettre  fausse 
écrite  pour  calomnier  un  tiers,  dans  l'apposition  de  fausses  signatures  au  pied 
d'une  dénonciation  dirigée  contre  un  fonctionnaire,  etc. 

S83.  La  troisième  condition  du  crime  est  que  le  fait  soit  préjudiciable,  qu'il 
puisse  apporter  quelque  dommage  à  autrui,  compromettre  un  intérêt  ou  un 
droit.  Qu'importe,  en  effet,  que  l'altération  ait  été  matériellement  consommée, 
et  qu'elle  l'ait  été  dans  une  pensée  criminelle,  si  en  fait  elle  est  inoffensive  f 
Ce  que  la  loi  poursuit,  c'est  la  lésion  faite  aux  tiers  ;  l'agent  qui  tire  sur  une 
personne  un  fusil  qu'il  croyait  chargé,  et  qui  ne  l'est  pas,  ou  qui  sert  une  po- 
tion qu'il  croit  un  poison  et  qui  n'a  aucun  effet  nuisible,  ne  commet  en  réalité 
aucun  crime,  car  la  pensée  criminelle  ne  suffit  pas  pour  constituer  le  crime, 
il  faut  un  fait  matériel  qui  la  traduise  et  la  rendre  dangereuse.  Toutefois,  il 
n'est  pas  nécessaire  qu'il  y  ait  un  préjudice  actuel,  il  suffit  que  le  préjudice, 
matériel  ou  moral,  soit  possible,  il  suffit  que  le  fait  menace  un  intérêt  quel- 
conque. 

De  là  il  suit  que  toute  altération  commise  dans  des  actes  qui  ne  peuvent 
être  la  base  d'aucun  droit,  ni  la  source  d'aucune  action,  échappe  à  l'incrimi- 
nation.  Ainsi  la  falsification  d'un  acte  de  dépens  ne  constitue  point  un  faux, 
parce  que  les  énonciations  qu'il  renferme,  susceptibles  d'être  contestées  et 
modifiées  par  le  juge,  ne  peuvent  devenir  ni  le  principe  d'une  action,  ni  le 
fondement  d'un  droit.  Ainsi,  l'officier  de  santé,  qui  exagère  le  nombre  des 
vaccinations  qu'il  a  faites  pour  obtenir  une  prime,  ne  commet  point  un  faux, 
parce  qu'on  ne  peut  se  faire  de  titre  à  soi-même,  et  qu'une  note  d'honoraires 
n'a  point  le  caractère  d'un  titre.  Ainsi,  la  falsification  de  simples  registres 
domestiques  ne  serait  pas  punissable,  puisque  ces  registres,  aux  termes  de  l'ar- 
ticle 1331  du  Gode  civil,  ne  sont  point  un  titre  pour  celui  qui  les  a  tenus.  Mais 
d'une  autre  part,  il  suflit  que  les  actes  aient  un  caractère  préjudiciable  pour 
qu'ils  deviennent  un  élément  du  crime.  Ainsi,  la  responsabilité  du  père  envers 
les  tiers,  pour  les  sommes  soustraites  par  son  fils  au  moyen  d'une  fausse 
signature,  ne  fait  pas  disparaître  la  nocuité  de  l'acte.  Ainsi,  la  falsification  des 
registres  domestiques  faite  en  vue  d'une  production  préjudiciable  à  autrui 
lorsque  ces  registres  sont  encore  produits  en  vue  de  ce  préjudice,  peut  devenir 
la  base  d'un  faux. 

Quelle  doit  être  l'influence  de  la  nullité  des  actes  sur  le  caractère  des  alté- 
rations dont  ils  sont  entachés?  «  De  ce  qu'un  acte,  a  dit  Merlin,  est  devenu 
nul  ex  post  facto  par  le  défaut  d'accomplissement  des  formalités  qui  devaient 
suivre  sa  rédaction,  s'ensuit-jl  que, si,  dans  sa  rédaction  môme,  il  a  commis 

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25&     DIX-SBPT.   LBG.  —  DES  GRIHB8  BT  DÉLITS,  ITG.   (aRT.    150,  N*  224). 

un  faux,  ce  faux  devra  rester  impuni?  Un  huissier  qui  a  commis  un  fou 
dans  son  exploit  esquivera-t-il  la  peine  due  à  son  crime,  en  omettant  de  faire 
enregistrer  cet  exploit  dans  les  quatre  jours  suivants  f  Coupable  en  écrivant 
son  exploit,  deviendra«t-il  innocent  par  la  contravention  qu'il  se  permettra 
aux  règles  de  son  étatr  Non  :  pour  juger  s'il  y  a  un  faux  dans  un  acte,  c'est 
au  moment  de  la  rédaction  de  cet  acte  qae  Ton  doit  se  fixer,  et  les  éléments 
postérieurs  ne  peuvent  ni  créer  après  coup  dans  un  a;ctë  un  faux  qui  n'existe 
pas,  ni  en  effacer  après  coup  le  faux  qui  y  existe.  > 

D  y  a  plus  :  un  acte  pourrait  être  nul  dans  son  principe,  à  défaut  des  for- 
malités essentiellement  prescrites  dans  sa  rédaction,  sans  que  pour  cela  Toffi-  ^ 
cier  qui  Ta  rédigé  et  qui  y  a  commis  un  foux  fût  à  l'abri  des  poursuites  du 
ministère  public  ;  c'est  ainsi  que  pourrait  et  devrait  être  puni  le  notaire  qui 
en  recevant  un  testament  hors  la  présence  des  témoins  requis  par  la  loi, 
omettrait  d'y  insérer  la  mention  expresse,  ou  que  le  testateur  le  lui  a  dicté, 
ou  quil  l'a  écrit  lui-même,  ou  qu'après  l'avoir  écrit,  il  a  relu  toutes  ses  dis- 
positions ;  et  il  en  serait  de  même  d'un  acte  sous  seing  privé  qui,  dans  le  cas 
Dû  il  doit  être  fait  double,  à  peine  de  nullité,  n'aurait  été  écrit  que  sur  une 
seule  feuille.  C'est  d'après  cette  doctrine  qu'il  a  été  décidé  :  1*  que  la  ratifica- 
tion donnée  par  un  plaignant  à  l'acte  qu'il  avait  dénonoé  ooDune  foux  ne  peut 
avoir  pour  e£fet  d'anéantir  l'action  publique;  t^  que  le  défaut  d'affirmation 
d'un  procès-verbal  n'empêche  pas  qae  le  faux  commis  dans  cet  acte  ne  puisse 
être  poursuivi;  3*  que  la  nullité  d'une  lettre  de  change  signée  par  un  mineur 
ne  fait  pas  obstacle  à  ce  que  le  faux  commis  dans  cette  signature  ne  soit 
incriminé;  4*  que  la  fabrication  d'un  faux  acte  sous  signature  privée  constitue 
le  crime,  bien  que  cet  acte  n'ait  pas  été  fait  double  et  ne  puisse  dès  lors  servir 
de  preuve  légale  de  la  convention.  On  a  proposé  néanmoins  de  distinguer 
entre  les  actes  qui  sont  atteints  d'un  vice  radical  et  nuls  dans  leur  principe, 
et  ceux  qui,  valides  au  moment  de  leur  rédaction,  ne  puisent  une  cause  de 
nullité  que  dans  l'omission  des  formes  qui  doivent  les  revêtir.  Dans  la  première 
hypothèse,  il  n'y  aurait  pas  de  faux,  puisque  l'écrit  est  dénué  de  toute  force. 
Dans  la  deuxième,  on  distinguerait  encore  si  la  nullité  provient  de  l'agent  ou 
lui  est  étrangère.  Si  c'est  l'agent  lui-même  qui  a  laissé  l'acte  tomber  par 
l'omission  de  ses  formes  essentielles,  on  présumerait  qu'il  a  renoncé  à  s'en 
servir,  et  par  conséquent  que  le  crime  n'a  pas  été  consommé.  Ces  distinctions 
judicieuses,  posées  par  la  théorie,  ne  sont  point  encore  entrées  dans  la-juris- 
prudence. 

S84.  Vous  connaissez  maintenant  les  éléments  constitutifiB  du  crime  de 
faux,  et  vous  pouvez  parcourir  les  différentes  classes  défaits  que  la  loi  com- 
prend sons  cette  incrimination. 

La  première  de  ces  classes  comprend  les  faux  en  écriture  privée  :  c'est  là  oe 
que  Ton  appelle  le  faux  simple,  celui  qu'aucune  circonstance  n'aggrave.  Il  est 
prévu  que  l'art.  150,  qui  est  ainsi  conçu  : 

«  Abt.  ISO.  Tout  individu  qui  aura,  de  Tune  des  manières  exprimées  par  l'arti- 
cle 147,  commis  un  faux  en  écriture  privée,  sera  puni  de  la  réclusion.  » 

Il  fout  donc  recourir  à  l'art.  147  pour  connaître  les  manières  suivant  les- 

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«j  caiJÉB  Bs  VAvx  {Jim.  150).  257 

qneUss  le  fiaixen  éeriixire  ipmêt  peut  être  cdimnis.  Cwmodeô  dèpe^pét^atîon 
sont  les  smvanls  :         . 

a  Soit  par  oontrefaçon  ou  altération  d^crilures  ou  de  signatures.  ^  Soit  par 
fabrication  de  oonyentionâ,  dispositions,  obligations  ou  décharges,  ou  par  leur 
insertion  après  ooup  dans  oes  actes.  —  Soit  par  addition  ou  aitératioa  de  clauses, 
de  déclarations  ou  de  faits  que  ce?  actes  avaient  pour  objet  de  recevoir  et  de 
QOQstater.  » 

Parcourons  ces  difiPérents  modes  de  perpétration  du  faux. 

825.  Pour  qu'il  y  ait  contrefaçon  ou  altération  d'écritures,  il  est  nécessaire 
qne  dqs  ècritores,  pouvant  causer  à  autrui  quelque  préjudice,  aient  été  kfli- 
téee  ou  falsifiées.  Ainsi,  la  contrefaçon  d'un  acte  qui  serait  dépourvu  de  signa* 
tores  Qu  qui  n'aurait  été  signé  que  d'une  simple  croix,  ne  rentrerait  pas  dans 
lea.tennes  de  la  loi,  par^  que  ce  ne  sont  point  là  des  écriiores  qui  puissent 
léser  lea  intérèta  d'autrui.  Ainsi,  le  fait  d'avoir  tenu  pafiâve  et  inerte  la  taBÛn 
d'une  pecaonoa,  pour  la  cpnJTection  d'un  acte,  ne  saurait  eonstitner  tm  faux, 
s'il  eet.établi.quelapensonoe  avait  la  volonté  de  faire  Tacte.  ' 

ne.  B  y  a  oontpelaçon  ou  altération  de  signatures  toutes  les  fbis  que  l'on 
souseiit  un  acte  du  nom  d'ono  personne  à  laquelle  on  l'attribue  à  son  insu. 
Lafbbiicatkm  4'un  Qom  inconmi  peut*elle  ôtre  considérée  comme  une  con- 
ttrefaçoQ  de  signatures?  Il  peut  sembler  que  l'ecptession  de  la  loi  n'est  p«is 
exacte,  car  stçner  d'un  iiom  inconnu  ce  n'est  pas,  à  proprement  dire,  contre- 
fklreou^altérerune  signature,  et  cette  observation  prend  quelque  consistance 
loi^qiier  l'on  rapprpche  Tart.  i47,  qui  n'incrimine  que  la  contf^fhpon  et  Valtéra- 
Htm  ^  HgnaiureSyàà  l'art.  145  qui,  en  oe  qui  touche  leshux  commis  par 
rèëfovcAlonaairés  publics,  punit  on  général  les  faux  commis  par  fausses  signa- 
tures. Gependant  ee  serait  possser  trop  loin  le  principe  de  l'interprétation 
nesti'ictiTe^  (jfu«i  d'admettre  dans  ces  deux  locutions  un  sens  différent  :  il  est 
évident  que  la  loi  a  voulu,  dans  ces  deux  articles,  frapper  le  même  crime, 
l'altération  de  la  vérité  commise  par  fausses  signatures.  On  peut  dire,  d'ail- 
leurs, que  celui  qui  signe  un  nom  faux,  mais  inconnu,  contrefait  sk  propre 
signature.  Il  importe  peu,  dans  tous  les  cas,  que  la  signature  vraie  que  Ton 
contrefait  soit  plus  ou  moins  exactement  imitée  :  ce  n'est  pas  l'exactitude  de 
la  reproduction  que  la  loi  punit,  c'éist  l'usurpation  du  nom  d'un  tiers.  Ainsi, 
il  y  aurait  feeiux  lors  même  que  k  personne  dont  le  nom  aurait  été  usurpé  ne 
saurait  pas  écrire.  La  question  sldst  élevée  de  savoir  si  Pon  peut  commettre 
un  faux 'en  signant  soti  propre  nom  avec  le  dessein  de  faire  croire  à  la  pré- 
senced'ttn  tiers,  porteurr  du  méiise  iiom.  La  «olution  ne  peut  être  douteuse^ 
La  vérité  ou  la  ftinsseté  d'une' signature  n'est  pas  une  qualité  matérielle  et 
absolue;  mais  bien  une  qualité  relative  tout  à  la  fois  à  la  persdntié  qui  trace 
celte  signatnrè  et  à  celle  dont  cette  signature  atteste  la  coopération  ;  dl6û  il 
suit  quNone  signature  n'est  vraie  qu'autant  que  l'iiiâividù  qui  Ta  tracée  est 
bien  celui  dont  eUe  offre  le  nom,  et  dont  elle  établit  la  présence  dans  TacU 
qui  la  renferme. 

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258     OIX-SBPT.   LEG.   -«   DBS  GRIIC1S8  ET  DÉLIT0,  ETC.  (aHT.  150,   N®  229). 

227.  La  fabrication  de  conventions,  dispositions,  obligations,  ou  décharges, 
a  lieu  soit  par  supposition  d'écrits,  soit  par  supposition  de  personnes. 

Il  y  a  supposition  d'écrits  toutes  les  fois  que  Tagent  fabrique,  dans  Tinten- 
tion  de  le  faire  passer  pour  vrai,  un  acte  quelconque,  par  exemple,  lorsqu'il 
fabrique  un  faux  acte  de  décès  ou  de  mariage,  destiné  à  soustraire  un  individu 
au  recrutement,  lorsqu'il  fabrique  un  faux  diplôme,  un  faux  certificat  d'admis- 
sion au  grade  universitaire,  lorsqu'il  contrefait  une  fausse  expédition  d'un 
acte  notarié,  la  copie  ou  l'extrait  d'un  acte  public  ou  privé.  Il  est  clair  qu'il 
faut  que  l'acte  supposé  soit  complet,  qu'il  puisse  en  être  fait  usage,  car  il  ne 
faut  jamais  séparer  le  fait  matériel  du  préjudice  qu'il  peut  causer  :  c'est  la 
possibilité  du  préjudice  qui  rend  le  fait  susceptible  d'incrimination. 

228.  Il  y  a  faux  par  supposition  de  personnes  lorsque  Ton  suppose  la  pré- 
sence d'une  personne  dans  un  acte,  pour  créer  des  engagements,  soit  contre 
cette  personne,  soit  contre  des  tiers.  L'art.  145  prévoit  expressément  cette  es- 
pèce de  faux,  et  l'art.  147,  n'ayant  pas  répété  cette  incrimination,  on  avait  cru, 
dans  les  temps  qui  suivirent  la  promulgation  du  Code,  que  cette  disposition  de 
la  loi  n'était  applicable  qu'aux  fiiux  commis  par  les  fonctionnaires  publics. 
C'était  là  une  erreur  évidente,  puisque  la  supposition  de  personnes  est  un 
mode  de  fabrication  des  conventions,  et  que  Part.  147,  en  prévoyant  en  gé- 
néral toute  fabrication  d'actes,  n'a  point  exclu  ce  mode.  Toutes  les  fois  qu'un 
individu  se  présente  sous  le  nom  d'un  tiers  devant  un  officier  public,  pour 
faire  une  déclaration,  donner  un  consentement  ou  prendre  un  engagement 
que  ce  tiers  seul  a  qualité  pour  exprimer,  il  y  a  faux,  pourvu  qu'il  résulte  de 
cette  supposition  de  personnes  un  acte  obligatoire  et  qui  puisse  devenir  préju- 
diciable. Il  faudrait,  par  conséquent,  ranger  dans  cette  classe  l'individu  qui  se 
présenterait  devant  un  notaire  sous  le  nom  d'un  tiers,  propriétaire  d'une 
maison,  pour  faire  la  vente  ou  la  donation  de  cette  maison,  l'individu  qui  se 
présenterait  devant  un  conseil  de  révision  sous  le  nom  d'un  tiers  appelé  par 
la  loi  du  recrutement,  pour  y  faire  valoir  des  motifs  personnels  d'exemption, 
l'individu  qui  se  présenterait  sous  le  nom  d'un  tiers  au  gardien  d'une  prison 
pour  subir  une  peine  au  lieu  et  place  de  ce  tiers,  etc. 

229.  U  y  a  faux  par  insertion  après  coup  de  conventions,  dispositions,  obli- 
gations ou  décharges  dans  les  actes,  toutes  les  fois  que,  par  une  intercalation 
de  dispositions  faites  dans  les  actes  après  leur  clôture,  on  en  altère  le  sens 
primitif.  Toute  modification  insérée  par  addition  dans  un  acte  à  Tinsu  de 
Tune  des  parties  et  avec  l'intention  de  lui  nuire,  rentre  dans  cette  disposition 
de  la  loi.  Cependant,  si  l'addition  ne  porte  que  sur  des  mots  indifférents,  et 
qui  ne  peuvent  produire  aucun  effet  préjudiciable,  il  est  évident  que  cette 
application  cesserait.  Il  ne  faut  pas  d'idlleurs  confondre  ces  intercalations 
frauduleuses  avec  les  surcharges,  interlignes  et  additions,  qui  ne  contiennent 
rien  de  contraire  à  la  vérité  et  qui  sont  faites  au  moment  des  actes,  sans  des- 
sein de  nuire  et  dans  le  seul  but  de  compléter  et  de  préciser  toutes  les  énon- 
cialions  qu'ils  doivent  contenir.  Les  art.  15  et  16  de  la  loi  du  25  ventôse  an  XI 
ont  déterminé  le  mode  suivant  lequel  ces  additions  ou  surcharges  doivent 
être  faites  dans  les  actes  notariés- 


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DU  CRIHB  DB  PAUX  (aRT.  150).  259 

890.  Le  dernier  mode  de  perpétration  du  fiiuz  est  celai  qui  a  tien  par  ad- 
dition ou  altération  de  clauses,  de  déclarations  ou  de  faits  que  les  actes  avaient 
pour  objet  de  recevoir  et  de  constater.  Je  dois  faire  une  première  observation: 
les  fausses  déclarations,  les  nsurpations  d*état,  les  usurpations  de  qualités 
qui  n^appartiennent  point  à  la  substance  de  l'acte  et  que  cet  acte  n'a  pas  pour 
objet  de  consacrer,  ne  peuvent  rentrer  dans  cette  incrimination.  En  effet»  si 
Tacte,  considéré  dans  sa  teneur  et  dans  son  but,  n'éprouve  aucune  modifica- 
tion de  la  fausse  mention,  elle  devient  une  énonciation  indifférente  :  telle 
serait  la  fausse  qualité  ajoutée  au  vrai  nom  de  Tune  des  parties.  Ce  n'est  que 
brsque  l'acte  est  vicié  dans  ses  éléments»  lorsque  la  fausse  mention  modifie 
les  faits  qui  sont  nécessaires  à  sa  vie  ou  dont  la  constatation  est  le  but  spécial 
de  son  existence  que  l'altération  prend  un  caractère  criminel.  Ainsi,  porte  exem- 
ple, l'enlèvement  par  un  procédé  chimique,  sur  un  certificat  de  bonnes  vie  et 
mœurs,  d'une  note  indiquant  que  le  porteur  de  ce  certificat  a  été  refusé  par 
un  conseil  de  révision  comme  remplAçani^  ne  constitue  point  le  crime  de  faux, 
car  cette  annotation  ne  faisait  point  partie  du  corps  de  l'acte  qui  avait  pour 
objet  de  constater  la  bonne  conduite  de  cet  individu  et  non  s'il  était  propre 
ou  non  au  service  militaire.  Mais  si  l'annotation  avait  été  apposée  dans  le  corps 
d'un  certificat  de  libération  du  service  militaire,  comme  énonçant  la  cause  de 
cette  libération»  la  suppression  de  cette  mention»  qui  est  substantielle  i  cet 
acte»  pourrait  constituer  un  faux.  Il  peut  aussi  arriver  qu'un  corps  d'écriture 
tracé  soit  en  marge»  soit  à  la  suite  d'un  acte,  parfait  dans  sa  forme,  puisse 
devenir  la  matière  d'une  falsification  punissable,  quoiqu'il  ne  s'incorpore  pas  à 
cet  acte  et  n'ait  pas  pour  objet  d'en  altérer  le  sens»  s'il  est  empreint  d'un  ca- 
ractère particulier  et  distinct  et  constitue  isolément  un  acte  obligatoire.  C'est 
ainsi  que  les  falsifications  commises  dans  des  notes  écrites  à  la  suite  d'un 
congé»  par  l'autorité  qui  l'a  délivré»  peuvent  constituer  un  faux  punissable 
aussi  bien  que  les  altérations  commises  dans  le  congé  lui-même. 

L'altération  de  faits  et  de  déclarations»  dans  les  actes  qui  ont  pour  objet  de 
les  recevoir»  peut  avoir  lieu  par  l'altération  même  de  l'écriture  de  ces 
actes,  soit  par  de  fausses  déclarations  faites  devant  les  officiers  qui  les  rédigent. 
On  peut  donner  pour  exemples  des  altérations  matérielles  commises  dans  les 
actes,  l'altération  de  la  date  de  Tannée  qui  serait  faite  dans  l'expédition  d'un 
acte  de  naissance»  ou  la  fausse  énonciation  dans  un  pareil  acte  du  nom  des 
père  et  mère,  l'addition  dans  un  acte  notarié»  plusieurs  années  après  sa  rédac- 
tion» de  la  signature  d'un  des  témoins  instrumentaires»  dont  l'omission  en- 
traînait la  nullité  de  l'acte,  la  substitution  d'un  nom  à  un  autre  dans  un 
dipl6me  donnant  le  droit  d'exercer  une  profession.  On  peut  citer»  comme 
exemples  de  fausses  déclarations,  toutes  les  déclarations  faites  frauduleuse- 
ment devant  un  conseil  de  révision  pour  obtenir  une  libération  de  service  ou 
un  remplacement. 

231.  Le  faux  en  écritures  revêt  trois  circonstances  aggravantes,  suivant 
qu'il  est  commis  :  1®  en  écritures  de  commerce  ou  de  banque;  2<>  par  des  par- 
ticuliers en  écritures  publiques  ;  3<^  par  des  fonctionnaires  ou  officiers  publics 
dans  les  actes  qu'ils  sont  chargés  de  dresser  ou  de  recevoir. 


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260     DIX-S£PT.  LBG.    -^  DES  ORIlCfiS  IffV  DÉLIV8,  BTC«  (aRT.    146,  N""  233). 

Mt»  Le  Code  a  asdimilé  les  foux  en  é(»fitar6s  de  commerce  et  les  hax  ea 
daritares''pùbliqueB. 

R  Âirr.  147.  Seront  punis  des  travaux  forcés  à  temps,  toutes  autres  personnes 
dfôA  auront  commis  un  faux  en  ëoriturë  authentique  et  publique  ou  en  écriture  de 
oommerce  ou  de  banque^  »  -  > 

L'exposé  des  motifs  explique  cette  assimilation  en  ces  termes  :  c  La  sùretè 
et  la  confiance  sont  les  bases  du  comm:erce;  et  ses  actes  préseQtettf  aussi  de 
grands  points  de  ressemblance  dans  lelâr  in^portance  et  dans  leùirs  résultats 
avec  les  actes  publics  :  la  sûreté  de  leur  circulation,  qui  doit  être  nécessaire- 
ment rapide,  demande  une  protection  particulière  de  la  part  du  gouverne- 
ment .  Ces  motifs,  et  la  facilité  de  coiùmettre  des  hxik  sur  leé  effets  de  com- 
merce, ont  déterminé  la  gravité  de  la  peine,  qui  a  pour  objet  leur  altération.  > 
•  Qu'est-ce  qu'il  faut  eutendre  par  écritures  de  commerce?  Il  faut  entendre, aux 
termes  des  art.  189  et  636  dû  Gode  de  comm.  :  1*  les  écritures  qui  émanent 
d*un  commerçant;  2*  celles  qui  ont  pour  objet  tne  opération  conimerciale. 
'  L*art.  638  du  môme  Gode  porte  que  «  les  billets  souscrits  par  un  commel'çant 
seront  censés  faits  pour  son  commerce.  >  Et  Part.  63%  déclare  que  «  la  loi 
répute  actes  de  commerce  tout  achat  de  denrées  et  marchandises  pour  les 
revendre^  soit  en  nature,  soit  après  tes  avoir  travaillées  et  mises  en  œuvre,  ou 
même  pour  en  louer  simplement  Tusage  ;  toute  entreprise  de  fournitures, 
dXgences,  bureaux  d'Affaires,  établissements  de  ventes  à  l'encan,  de  spectacles 
publics;  tonte  opération  de  change,  banque  et  courtage;  toutes  les  opérations 
des  banques  publiques;  toutes  obligations  entre  négociants,  maiichands  et 
banquiers  ;  entre  toutes  personnes,*  les  lettres  de  change,  ou  remises  d'argent 
faîtes  de  place  en  place.  »  Tels  sont  les  textes  que  vous  devez  étudier  pour 
avoir  la  solution  de  notre  question. 

n  en  résulte  d'abord  que  la  lettre  de  change,  quelle  que  soit  la  personne  qui 
l'a  souscrite,  constitue  par  elle-même  un  acte  de  commercé.  Il  y  a  donc  faux 
en  écritures  de  commerce  dès  qu'une  altération  est  commise  dans  une  lettre  de 
change,  lors  même  qu'elle  n^émanerait  pas  d'un  commençant  ou  n'aurait  pas 
pour  objet  une  opérât! on  de  commerce  :  le  caractère  de  l'acte  résulte  de  sa 
forme  indépendante  de  son  objet.  Il  n'en  est  pas  ainsi  du  billet  à  ordre  :  il 
ne  constitue  une  écriture  commerciale  qu'autant  qu'il  porte  la  signature  d'un 
commerçant  ou  qu'il  s'applique  à  une  opération  de  commerce^  Ainsi,  la  fisiusse 
signature  appliquée  au  bas  d'un  billet  à  ordre  ne  forme  qu'un  faux  en  écriture  ' 
privée,  si  cette  signature  n'est  pas  celle  d'un  commerçant  et  s'il  ne  constitue 
pas  un  acte  de  commerce. 

On  doit  également  considérer  comme  écritures  commerciales  tous  les  livres 
de  commerce,  les  lettres  de  marchand  à  marchand  contenant  demande  ou  offre 
de  marchandises,  les  quittances  données  par  un  banquier  dans  une  opération 
de  commerce,  les  lettres  ayant  pour  objet  de  faciliter  la  négociation  de  billets 
présentés  à  l'escompte,  enfin  touteâ  les  écritures  qui  ont  pour  objet  les  diverses 
pérations  commerciales. 

838.  La  deuxième  circonstance  aggravante  du  faux  résulte  du  caractère  pu-^ 

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DU  CBIMB  DE  FAUX  (ABT.'i45).  261 

blic  de  récriture.  Par  écriture  publique  il  faut  entendre  tout  acte  émané  d'un 
fonctiannaire  ou  d'une  autoritéayant  un  caractère  public.  L'arl.  i3l7du  Gode 
civil  définit  l'acte  authentique,  t  celui  qui  a  été  reçu  par  officiers  publics  ayant 
le  droit  d'instrumenter  dans  le  lieu  où  l'acte  a  été  rédigé  et  avec  les  solennités 
requises.  »  On  distingue  plusieurs  sortes  d*actes  authentiques  :  1»  les  actes 
émanant  des  assemblées  législatives  ou  du  gouvernement,  tels  que  décrets  ou 
lois,  ordonnances  ou  traités  ;  2*  les  actes  administratifs,  c'est-à-dire  ceux  qui 
émanent  des  préposés  des  administrations  publiques  et  ceux  qui  sont  ocm8i« 
gnés  Sût  les  registres  publids  ;  3<^  les  actes  judiciaires,  oe  qui  comprend,  non*- 
seulement  les  procédures  et  les  jugements,  mais  aussi  tous  les  procès^verbanx 
des  officiers  de  poliâe  judiciaire  et  les  actes  des  officiers  ministériels;  f>  les 
actes  des  nolaires,  des  agents  de  change,  des  courtiers. 

Il  faut  ranger,  en  conséquence,  dans  la  classe  des  écritures  publiques,  tous 
les  diplômes  universitaires,  les  registres  des  administrations  publiques,  les 
actes  de  remplacement  reçus  par  un  intendant  nûlitaire,  les  certificats  délivrés 
par  les  maires  en  vertu,  d'une  délégation  formelle  de  la  lot,  la  mention  de  Ten^ 
r^strement  des  actes,  les  registres  d'écrou  d'une  prison,  les  registres  de  re* 
cette  d'un  receveur  des  contributions,  les  expéditions  des  administrations  des 
octrois,  des  contributions  indirectes  et  des  douanes,  enfin  toutes  les  écritures 
qui,  émanées  d'officiers  publics,  font  foi  de  ce  qu'elles  contiennent. 

M4.  Lorsque  le  faux  en  écritures  publiques  est  commis  par  de  simples  par- 
ficulTers,  la  peine  est,  aux  tonnes  de  l'art.  147,  celle  des  travaux  forcés  à  temps. 
Mais,  lorsqu'il  est  commis  par  des  fonctionnaires  ou  officiers  publics,  elle  s'élève 
jusqu'aux  travaux  forcés  à  perpétuité.  La  loi  distingue  deux  espèces  de  faux 
commis  par  des  fonctionnaires  ou  officiers  publics  ;  ils  font  l'objet  des  art.  145 
et   146.  Il  faut  nous  occuper  d'abord  de  l'art.  145. 

a  Art.  145.  Tout  fonctionnaire  ou  officier  public  qui,  dans  l'exercice  de  ses  fonc- 
tions, aura  commis  un  faux,  soit  par  fausses  signatures,  soit  par  altération  des 
actes,  écritures  ou  signatures,  soit  par  supposition  de  personnes,  soit  par  des  écri- 
tures faites  ou  intercalées  sur  des  registres  ou  d'autres  actes  publics,  depuis  leur 
confection  ou  clôture,  sera  puni  des  travaux  forcés  à  perpétuité.  » 

Il  résulte  en  premier  lieu  de  ce  texte  que,  pour  que  l'acte  argué  de  faux 
rentre,  dans  ses  termes,  il  est  nécessaire  que  le  fonctionnaire  ou  officier  publie 
ait  agi  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  :  la  loi  exige  formellement  câtte  condi* 
tion.  Il  est  facile  d'en  rendre  l'explication  sensible;  Je  suppose  qu'un  notaire 
ait  mentionné  faussement  sur  la  minute  d'un  acte  de  son  étude  un  enregistre* 
memtquin'a  pas  eu  lieu,  avec  la  signature  du:receveur,  cette  fausae  quittance, 
étant  '.étrangère  aux  fonctions  du  notaire,  pourra  entraîner  contre  lui,  pour  fa- 
brication d'acte  faux,  la  peine  de  l'art.  147,  mais  ne  le  rendra  pas  passibl^  de 
ceUe  de.  l'art.  145.  Mais  admettons  que  le  notaire  ait  délivré,  en  sa  qualité, 
des  expéditions  de  cet  acte  avec  la  fausse  mention  de  l'enregistrement,  il  aura 
conmiis  un  fanx  di^ns  l'exercice  de  ses  fonctions,  puisqu'il  était  compétent 
pour  attester  cette  formalité,  et  qu'il  est  tenu  de  la  reproduire  dans  tous  If 
actea  dont  il  délivre  dee  expéditions  ou  extraits;  il  sera  donc,  dans  ce  demi 
cas,  passible  de  l'apptioatlon  de  l'art.  145. 

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262  DIZ-SBPT.  LBÇ  —  DBS  CRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.  (aRT.  U6,  N*  236). 

835.  Cet  article  énumère  ensuite  les  modes  de  perpétration  des  faux  quMl 
punit.  Il  n*a  pour  objet  que  les  faux  par  lesquels  les  fonctionnaires  ou  officiers 
publics  cberchent  à  détruire  ou  à  eltérer  les  conventions  ou  dispositions  conte- 
nues dans  les  actes  qu'ils  ont  mission  de  recevoir,  ou  donnent  à  ces  actes,  par 
de  fausses  signatures  ou  par  des  suppositions  de  personnes,  un  caractère  obli- 
gatoire au  préjudice  de  tiers  qui  n'y  ont  pas  participé  ou  enfin  fabriquent,  en 
vertu  de  leur  qualité,  des  actes  entièrement  faux. 

Nous  avons  déjà  vu  ce  qu'il  faut  entendre  par  fausses  signatures,  altérations 
des  actes,  écritures  ou  signatures  et  suppositions  de  personnes.  8i  l'officier  pu- 
blic, dans  cette  dernière  hypothèse,  s'est  laissé  tromper  sur  l'identité  des  par- 
ties qui  ont  comparu  devant  lui,  il  n'est  coupable  que  de  négligence,  il  n'est 
que  l'agent  irresponsable  du  faux  commis;  ce  n'est  que  lorsqu'il  a  connu  les 
suppositions  de  personnes  que  le  faux  peut  lui  être  imputé. 

886.  C'est  le  faux  matériel  que  punit  l'art.  145,  c'est-à-dire  Taltération  ou 
la  fabrication  matérielle  des  actes  :  l'art.  146  prévoit  une  autre  espèce  de  faux, 
le  faux  intellectuel,  qui  consiste,  non  dans  l'altération  des  écrituresy  mais 
dans  raltération  de  la  substance  même  de  l'acte,  des  conventions  ou  des  dis- 
positions qu'il  doit  constater. 

tt  Art.  146.  Sera  aassi  puni  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  tout  fonctionnaire 
ou  officier  public  qui,  en  rédigeant  les  actes  de  son  ministère,  en  aura  flrauduieu- 
sement  dénaturé  la  substance  ou  les  circonstances,  soit  eu  écrivant  des  conven- 
tioDS  autrts  que  celles  qui  auraient  été  tracées  ou  dictées  par  les  parties,  soit 
en  constatant,  comme  vrais,  des  faits  faux,  ou  comme  avoués  des  faits  qui  ne 
l'étaient  pas.  » 

Un  premier  point  a  dû  vous  frapper  déjà.  Pourquoi  le  mot  frauduleusement 
se  trouve-t-il  dans  cet  article,  tandis  qu'il  n'est  ni  dans  l'art.  145  ni  dans  l'art. 
147  ?  Est-ce  donc  que  cet  élément  de  la  fraude  soit  plus  particulièrement  exigé 
dans  cette  nouvelle  hypothèse  que  dans  les  autres?  Nullement;  car  aucune 
falsification  ne  peut  être  incriminée,  si  elle  n'est  empreinte  de  dol  ;  mais  c'est 
que,  dans  les  faits  qui  font  l'objet  de  l'art.  146,  il  est  plus  facile  de  confondre 
la  simple  erreur  avec  le  faux.  Il  faut  prendre  garde  de  réputer  crime  ce  qui  ne 
serait  qu'un  malentendu  ou  une  méprise  ;  le  rédacteur  d'un  acte  peut  mal  saisir 
la  volonté  des  parties,  un  fonctionnaire  peut  certifier  comme  accomplies  des 
formes  qu'il  n'a  omises  que  par  négligence  et  sans  fraude,  et  cependant,  dans 
ces  deux  cas,  il  n'est  pas  criminel.  C'est  là  ce  qui  explique  l'addition  d'un  mot 
qui  a  paru  nécessaire  pour  caractériser  plus  spécialement  les  faits  que  la  loi 
voulait  saisir.  Supposez,  par  exemple,  qu'un  notaire  ait  faussement  énoncé 
qu'un  testament  lui  a  été  dicté  par  le  testateur  en  présence  de  témoins;  cette 
énonciation  mensongère  est-elle  constitutive  d'un  faux?  Oui,  si  elle  a  été  com- 
mise avec  l'intention  de  nuire,  si  c'est  dans  une  pensée  de  fraude  que  l'officier 
public  a  écarté  les  témoins  au  moment  de  la  confection  du  testament  ;  non,  si 
sa  conduite  est  exempte  de  dol,  s'il  n'a  point  dénaturé  les  volontés  du  testa- 
teur, s'il  les  a  fidèlement  exprimées.  Le  testament  est  entaché  de  nullité,  le 
notaire  est  passible  d'une  action  disciplinaire  et  de  dommages-intérêts;  mais 
comment  incriminer  à  titre  de  faux  an  acte  qui  n'est  empreint  d'aucune  crimi- 

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Dp  cEim  DB  PAUZ  (art.  146).  263 

nalité,  qaï  6st  le  rétaltatd'nae  imprudence,  d'une  légèreté,  mais  qui  est  exempt 
de  toute  pensée  frauduleuse  ? 

837.  Le  fait  prévu  par  Part.  146  consiste  à  dénaturer  la  substance  ou  Us  eir- 
constances  de  l'acte.  Un  officier  public  dénaturer  la  siibstanee  d*un  acte  lorsqu'il 
substitue  à  ses  termes  essentiels  des  expressions  qui  lui  donnent  un  autre  sens, 
lorsqu'il  écrit  une  disposition  différente  de  celle  qui  était  convenue,  lorsqu'il 
ajoute  des  conditions  qui  n'avaient  pas  été  stipulées,  des  clauses  que  les  parties 
n'avaient  pas  consenties.  Il  dénature  les  eireonstanoes  lorsqu'il  modifie,  à  l'insa 
des  parties,  les  faits  qui  ont  précédé  ou  qui  doivent  suivre  la  convention,  qui 
ont  été  sa  cause  ou  doivent  en  régler  Texécntion,  comme  les  termes  de  paye* 
ment  ou  les  garanties.  Il  a  même  été  jugé  que  l'addition  frauduleuse  d'une 
clause  dans  un  acte  de  vente,  faite  à  l'insu  d'une  des  parties,  pouvait  devenir 
l'élément  d'un  faux  criminel,  bien  que  Tacte  modifié  eût  été  lu  en  présence  de 
cette  partie,  lorsqu'il  n'était  pas  constaté  qu'elle  eût  compris  et  accepté  cette 
modification. 

Cette  falsification  de  la  substance  ou  des  circonstances  d'un  acte  s^opère  soit 
en  écrivanides  droonstances  autres  que  celles  qui  auraient  été  tracées  ou  dictées  par 
les  parties,  soit  en  constatant  comme  vrais  des  faits  faux,  ou  comme  avoués  des 
faits  qui  ne  Vêtaient  pas.  Le  premier  de  ces  trois  modes  de  perpétration  ne  de* 
mande  aucune  explication.  Le  second  appelle»  au  contraire,  une  distinction.  Il 
se  peut,  en  effet,  que  les  faits  faux  soient  constatés  cnmme  vrais  du  consente* 
ment  exprès  des  parties;  il  y  aura  alors  simulation  plus  ou  moins  répréhen* 
sible,  mais  il  n'y  aura  pas  crime  de  faux,  à  moins  que  cette  simulation  n'ait 
pour  effet  de  créer  un  acte  préjudiciable  à  des  tiers  :  C'est  dans  ce  sens 
qu'une  règle  de  notre  ancien  Droit  portait  :  Àiiud  m/erum  falsum,  aliud 
simulatio.  Mais,  hors  de  cette  hypothèse,  il  suffit,  pour  rentrer  dans  les  ter- 
mes de  la  loi,  de  constater  comme  vrais  des  faits  faux  qui  auraient  empo- 
ché la  stipulation  s'ils  avaient  été  tenus  pour  faux.  Ainsi,  celui  qui,  en  faisant 
usage  sciemment  d'une  procuration  révoquée  ou  périmée,  déclare  stipuler  dans 
un  acte  au  nom  d'un  commettant  qui,  dans  la  vérité,  a  cessé  de  l'être  ou  ne  l'a 
jamais  été,  dénature  la  substance  de  l'acte  en  constatant  comme  vrai  un  fait 
faux.  On  peut  ranger  dans  la  classe  des  officiers  publics  que  comprend  l'art. 
146  les  officiers  de  police  judiciaire,  les  gardes  forestiers,  les  ptêposéa  des 
administrations  publiques  et  les  gendarmes  qui,  dans  les  procès-verbaux  qu'ils 
dressent  pour  constater  les  contraventions  ou  délits,  attesteraient  comme  vrais 
des  faits  faux  ou  joindraient  aux  faits  vrais  des  circonstances  mensongères  de 
nature  à  aggraver  la  position  des  inculpés,  ou  mettraient  dans  leur  bouche  des 
aveux  qu'ils  n'auraient  pas  faits. 

238.  De  quelle  peine  sont  passibles  les  simples  particuliers  qui  ont  coopéré 
au  crime  de  faux  commis  par  l'officier  public?  La  peine  des  travaux  forcés  à 
perpétuité  prononcée  par  les  art.  145  et  146  est  fondée  sur  la  qualité  du  fonc 
tionnaire  public  :  c'est  parce  qu'il  enfreint  un  devoir  s  pécial  de  sa  fonction 
qu'une  peine  plus  grave  lui  est  appliquée;  ce  devoir  n'étant  point  imposé  aux 
autres  parties,  il  est  juste  qu'elles  ne  participent  point  à  une  aggravation  '^ 
à  leur  égard,  ne  serait  pas  motivée.  C^tte  interprétation  parait,  au  sur 

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264      DIX-SEPT  LBÇ.    -»>  0E8  CRIMES  ET  BBUfXS,  ETC.  (aRT.  163,  N""  239). 

résulter  du  texte  de  Tart.  447,  qui  porte:  i  BerOnt  :pîuiie8.d68  travaux  forcés  à 
temps  toutes  autres  personnes  qui  auront  commis  un  faux  en  écriturea  publi- 
ques. »  Et  la  loi  ne  distingue  point  si  ces  faux  ont  été  commis  avec  le  con- 
cours d'un  ofQcier  public  ou  sans  ce  concours. 

2d9.  Je  ne  vous  ai  parlé  jusquMci  qu^  da  la  fabrication  des  actes- £aax,iOu  de 
l'altération  frauduleuse  des  actes  véritables  :  je  dois  vous  entretenir  mainte-* 
nant  d'un  ccime  distinct,  à  saVoir,  de  l'usage  de  ces  actes  fabriqué»  ou  falsi- 
fiés. A  la  première  vue,  il  doit  vous  sembleor  que  oets  deux  phases  d!une  même 
action  ne  peuvent  constituer  qu'un  seul  et  mtoie  fait^iun  seul  et  même  crime; 
ear  qu'est-ce  que  la  fabrication  ou  la  falsification  d'un  acte  ?  Q'est  un  fait  pré- 
paratoire^ une  manœuvre  frauduleuse  qui  a  pour  but  '4e  commettre  une  escro- 
querie; ostte  escroquerie,  c'est  l'usage  du  faux  qui  la  consomme  ;  l-iuage  n'est 
que*  la  mise  en  action  du  faux  qui,  considéré  en  lui-même  et  eri»dehoc8  de 
cet  usage,  n'est  plus  qu'un  fait  inerte  et  inoifensif.  Cependant  notre  législation, 
d'accord  en  cela  avec  les  lois  des  diiférents  peuples,  n'a  point  admis  la  confa* 
Bion  de  ces  deux  actes.  Il  a  paru  au  législateur  que  la  facilité  avec  laquelle  le 
faux,  lorsqu'il  est  matériellement  préparé,  peut  se  consommer  par  l'usage, 
était  un  motif  suffisant  dé  séparer  ces  deux  éléments  du  même  crime  et  de  les 
incriminer  isolément  l'un  de  l'autre.  Ainsi,  la  fabrication  d'une  pièce  fausse  et 
l'usage  de  cette  pièce  fonaent,  dans  le  système  de  notre  Gode  pénal,  deux  cri- 
mes distincts,  qui  sont  complets  indépendamment  l'un  de  Ifautce.  Ainsi,  la 
fabrication  peut  ôtre  incdminée»  lers  même  que  l'acte  fabriqué  n'a  pas  servi, 
Tusage  de  la  pièee  fausse  peut  être  puni,  lors  même  que  l'agent  est  étranger  à 
la  fabrication. 

Cette  distinction  est  consacrée  par  les  art.  148  et  151*  L'arL>  148,  qui  se  ré- 
fère a«x  faux  en  écritures  publiques  et  de  commerce,  porte  :  .  " 

a  Abt«  148.  Dans  tous  les  cas  exprimés  au  présent  paragraphe,  celui  qui  aura 
fait  uçage  des  actes  faux,  sera  puni  des  travaux  forcés  à  temps.  » 

L'art.  151,  qui  se  réfère  aux.  faux  en  écriture  privée,  lesquels  sont  punis  de 
la  réclusion,  ajoute  : 

«  Art.  15t.  Sera  puni  de  la  même  peine,  celui  qui  aura  fait  usage  de  la  pièce 
fausse.  »  ,  . 

Que  faut-il  entendre  par  l'usage  d'une  pièce  fausse?  II  faut,  d'abord,  pour 
constituer  cet  usage,  que  la  pièce  falsifiée  renferme  les  éléments  d'un  faux  pu- 
nissable, il  faut  ensuite  que  l'usage  en  ait  été  fait  avec  connaissance  délai  faus- 
seté de  la  pièce.  Si  la  falsification  n'est  pas  constitutive  du  crime  de  faux,  Tu- 
sage  échappe  à  toute  répression,  puisque  c'est  l'usage  de  la  pièce  fausse  que 
la  loi  pfunit,  c'est-à-dire  l'usage  de  la  pièce  dont  la  fabrication  ou  la  fiilsifica- 
tion  constitue  un  crime.  Si  Pusage  n'a  pas,en  second  lieu,  été  fait  sciemment, 
îi  est  clair  qu'il  manque  au  crime  l'un  de  ses  éléments  essentiels,  la  fraude. 
L'art.  168  a  formellement  prévu  cette  hypothèse  : 

(1  Abt.  163.  L'application  des  peines  portées  contre  ceux  qui  ont  fait  usage  de 

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DU  CMIHE  DE  FAVX  (aRT.    15^).  265 

-monnaies,  biileis^  sceaux,  tùnbpes»  marteaux,  poinçons,  marques  et  écrits  faux, 
con^relbits,  fabriquée  ou  ftlsiftés^  oaaaara  toutes  les  fois  que  le  Uu^  a'aura  pas  été 
connu  de  la  personne  qui  aura  fait  usage  de  la  chose  fausse,  n 

Les  modes  d'usage  d'une  pièce  fausse  n'ont  point  été  prévus  par  la  loi.  Il 
s'ensuit  que  tous  les  moyens  employés  pour  en  faire  usage  peuvent  être  incri- 
minés. C'est  ainsi  que  la  simple  présentation  d'un  billet  faux,  lors  môme 
qu'il  n'aurait  pas  été  accepté,  constituerait  un  fait  d'usage.  Il  en  serait  ainsi 
de  la  production  d'une  pièce  fausse  en  justice,  lors  môme  que  celui  qui  l'a 
produite  déclarerait,  ultérieurement  et  avant  toute  sommation^  renoncer  à 
s'en  servir. 

240.  Il  me  reste,  après  avoii:  rappelé  les  règles  générales  du  faux,  à  spéci- 
fier les  exceptions  qu'elles  reilconlrent  dans  la  loi.  Ces  exceptions  sont  uni- 
quement fondées  sur  le  ôaractère  spécial  de  certains  actes,  de  certaines  écri- 
tures, sur  le  préjudice  plils  restreint,  plus  minime  [qui  peut  résulter  de  leur 
altération.  Elles  ont  poUr  objet  les'  faux  commis  dans  les  passe-ports,  dans 
les  feuilles  de  route,  et  dans  les  certificats  de  maladie,  d'indigence  et  de  bonne 
conduite.  Il  était  impossible,  en  effet,  d'assimiler  la  contrefaçon  d'un  passe- 
port à  celle  d'une  lettre  de  change,  ou  la  fabrication  d'un  certificat  de  maladîe 
à  celle  d'une  obligation  que  l'on  crée  à  son  profit  sur  un  tiers.  Les  conditions 
de  rincriminalion  dans  toutes  les  hypothèses  sont  les  mêmes  :  il  faut  une  al- 
tération matérielle  delà  vérité,  faite  dans  une  intention  coupable,  et  qui  soîl 
de  nature  à  causer  un  préjudice.  Mais  la  différence  du  péril  social^place  entre 
ces  faits  divers  une  distancé  dont  la  pénalité  doit  rendre  compte. 

241.  Le  faux  commis  danâ  les  passe-ports  est  la  première  exception  dont 
s'occupe  la  loi.  C'est  la  loi  du  28  mars  i7952  qui  a  fait  pour  la  première  fois  de 
la  formalité  du  passe-port  une  obligation  générale  pour  lep  citoyens.  L>rt.  17 
de  cette  loi  portait  un  emprisonnement  de  trois  mois  à  un  an  contre  tout 
Français  qui  prendrait  un  nom  supposé  dans  un  passe-port.  Une  loi  du  17 
ventôse  anlY  punissait  la  complicité  des  fonctionnaires  publics  et  des  témoins. 
Notre  Code  pénal  et  la  loi  du  13  mai  1863  ont  complété  ces  dispositions. 

«  Abt.  153.  Quiconque  fabriquera  un  faux  passe-port  ou  un  faux  permis  de 
chasse,  ou  falsifiera  un  passe-port  ou  permis  de  chasse  originairement  véritable> 
ou  fera  usage  d'un  passe -port  ou  d'un  permis  de  chasse  fabriqué  ou  falsifié,,  sera 
puni  d'un  emprisonnement  de  six  mois  au  moins  et  de  trois  ans  au  plus,  n 

Cet  article,  en  plaçant  sur  la  mômelijgnelà  fabrication  d*un  faux  passe-port^ 
la  falsification  d'un  passe-port  véritable  et  l'usage  d'un  passe-port  fabriqué  ou 
falsiGé»  ne  faii  qu'appliquer  ici  les  règles  que  nous  vivons  préc^enqmei^t  po- 
9éça.  Le  seul  point  qui  sq  présente  ici  à  notre  examen  est  de  savoir  qe- qu'il 
iiaut  entendre,  ei^  matière  de  faux  p^sse-port,  par  l'intention  de  nuire  et  par 
le  préjudice  possible.  Il  e^t  évident  qu'en  général  il  ne  s'agit  poipt  d'un^  in- 
tention  et  d'un  préjudice  qui  se  rapportent  à  des  tiers.  Les  passe-ports  ne  sont 
qu'un  moyen  dé  surveiLlaQC6>.  un  xùoyeu  de  consjtater  lldentké  deavoyalgeurs, 
dana  un  intérêt  de  sûreté  publique.  Dès  lors,  quel  est  le  pvéjudîc^  que  peut 
causer  un  faux  passe-port?  C'est  de  tromper  la  surveillance  de  l'autorité  admi^ 

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266     1IX-8BPT.   LBÇ.   —  DBS  CRIMES  BT  dALITS,  BTG.  (aRT.   281,   N^   243). 

nistrative.  Quelle  est  Tintention  frauduleuse  qui  doit  amener  cette  falsifica- 
tion? C'est  rintention  de  causer  cette  tromperie^  d'égarer  cette  surveillance. 
Ce  sont  là  des  éléments  nécessaires  du  délit. 

La  jurisprudence  nous  fournit  un  moyen  de  préciser  l'application  de  cette 
doctrine.  Le  desservant  d'une  paroisse  voyageait  dans  la  compagnie  d'une 
femme  avec  laquelle  il  vivait  en  concubinage.  Voulant  cacher  sa  qualité,  il 
falsifia  le  passe-port  dont  il  était  porteur  en  substituant,  à  la  qualité  de  desser- 
vant celle  d*habiiant.  Poursuivi  à  raison  de  cette  altération,  la  juridiction  cor- 
rectionnelle le  renvoya  de  cette  poursuite,  attendu  qu'en  altérant  son  passe- 
port, le  prévenu  n'avait  cédé  qu'à  un  sentiment  de  honte  légitime  et  que  rien 
ne  prouvait  qu'il  eût  eu  l'intention  de  nuire  à  quelque  intérêt  privé  ou  public. 
Ce  jugement,  dénoncé  à  la  Cour  de  cassation,  a  été  annulé  parce  que  l'art.  153 
punit  en  général  toute  altération  commise  dans  les  passe-ports  et  que,  dans 
l'espèce,  l'altération  était  constatée.  Des  criminalistes  ont  critiqué  cette  juris- 
prudence et,  à  notre  avis,  ils  ont  eu  raison.  Il  ne  suffit  pas  qu'il  y  ait  une  alté- 
ration matérielle  dans  le  passe-port  pour  l'existence  du  délit,  car  il  s'agit  d'un 
délit  moral,  c'est-à-dire  d'un  délit  qui  ne  peut  exister  que  par  l'élément  inten- 
tionnel; or  quelle  est  la  nature  de  l'intention  nécessaire  pour  le  constituer? 
Suffit-il  que  l'agent  ait  voulu  voiler  sa  qualité,  si  cette  qualité  est  inutile  pour 
constater  son  individualité?  Non  ;  car  le  passe-port  n'a  qu'un  but,  c'est  de 
constater  cette  individualité,  c'est  d'assurer  la  surveillance  de  la  police.  Si 
donc  l'altération  a  pour  objet  de  voiler  une  conduite  immorale  et  non  de 
frauder  l'objet  du  passe-port,  si  elle  s'applique  aux  regards  du  public,  et  non 
aux  regards  de  la  police,  il  peut  y  avoir  là  encore  une  action  répréhensible,  il 
n'y  a  plus  de  délit,  parce  que  l'art.  153  ne  peut  avoir  qu'un  but,  c'est  de  main- 
tenir l'action  de  la  surveillance  administrative. 

242.  Que  faut-il  entendre  par  l'usage  d'un  passe-port?  Évidemment  c'est 
l'exhibition  qui  en  est  faite  lorsqu'elle  est  requise.  Faut-il  conclure  de  là  que 
le  seul  port  d'un  faux  passe-port  échappe  à  toute  peine,  lorsque  l'exhibition 
n'en  a  point  été  faite?  Il  faut  répondre  affitmativement,  car  la  simple  posses- 
sion d'un  acte  n'est  point  un  usage  de  cet  acte.  Il  existe  toutefois  une  excep- 
tion à  cette  règle  en  ce  qui  concerne  les  vagabonds  etles  mendiants.  L'art.  281 
porte  : 

«  Abt.  281.  Les  peines  établies  par  le  présent  Gode  contre  les  individus  porteurs 
de  faux  certificats,  faux  passe-ports  ou  fiiusses  feuilles  de  routes,  seront  toujours, 
dans  leur  espèce,  portées  au  maximum,  quand  elles  seront  appliquées  à  des  vaga- 
bonds ou  mendiants.  » 

Il  résulte  de  ce  texte  que  le  port  de  faux  passe-ports  est  puni,  indépendam- 
ment de  tout  usage,  quand  il  s'agit  de  vagabonds  et  de  mandiants  :  la  loi  a 
considéré  qu'à  l'égard  de  cette  classe  d'individus,  la  présomption  de  l'usage 
résultait  du  seul  fait  de  la  possession  de  la  pièce  fausse. 

248.  L'art.  154  s'occupe  du  faux  commis  dans  les  passe-ports  par  supposi- 
tion de  personnes  :  cet  article,  modifié  par  la  loi  du  13  mai  1863,  est  ainsi 
conçu  : 


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DU  CRIMB  DE  FAUX  (aRT.    155).  267 

«  Art.  154.  Quiconque  prendra,  dans  un  passe-port  ou  dans  un  permis  de 
chasse,  un  nom  supposé,  ou  aura  concouru  comme  témoin  à  faire  délivrer  le 
passe-port  sous  le  nom  supposé,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  trois  mois  à 
un  an.  La  môme  peine  sera  applicable  à  tout  individu  qui  aura  fait  usage  d'un 
passe-port  ou  d*un  permis  de  chasse  délivré  sous  un  autre  nom  que  le  sien.  Les 
logeurs  et  aubergistes  qui,  sciemment  inscriront  sur  leurs  registres,  sous  des 
noms  faux  ou  supposés,  les  personnes  logées  chez  eux,  ou  qui,  de  connivence  avec 
elles,  auront  omis  de  les  inscrire,  seront  punis  d'an  emprisonnement  de  six  jours 
au  moins  et  de  trois  mois  au  plus.  » 

Je  me  bornerai  à  vous  faire  remarquer  sur  cet  article  que  la  supposition  du 
nom  est  le  seul  objet  de  sa  disposition  ;  d'où  il  faut  conclure  que  la  supposi- 
tion soit  des  prénoms,  soit  des  titres  et  qualités  ne  rentre  sous  aucun  rapport 
dans  ses  termes. 

£44.  L'oflScier  public  qui  a  délivré  le  passe^port  sous  un  nom  supposé  est 
responsable,  aux  termes  de  Tart.  155  dans  deux  cas  :  1*  s*ii  ne  connaissait  pas 
l'individu  personnellement  et  s'il  a  omis  de  se  faire  attester  ses  noms  et  qua- 
lités par  deux  citoyens  connus  ;  2®  s'il  a  été  instruit  de  la  supposition  du  nom. 
La  question  s'est  élevée  de  savoir  si  ces  dispositions  s'appliquent  à  l'ofûcier 
public  qui,  sans  délivrer  lui-même  le  passe-port,  est  appelé  par  la  loi  à  donner 
un  avis  sur  sa  délivrance.  11  s'agissait  des  passe-ports  à  l'étranger  qui,  aux 
termes  de  la  loi  du  14  ventôse  an  lY,  sont  délivrés  par  le  préfet,  sur  Tavisde 
l'autorité  municipale.  Un  maire  qui  avait  donné  un  avis  favorable  à  la  déli- 
vrance d'un  passe-port  sous  un  nom  supposé,  était^il  possible  de  l'application 
de  l'art.  155?  U  faut  tenir  la  négative,  car  cet  article  ne  prévoit  que  l'acte  de 
Tofficier  public  qui  délivre  un  passeport;  or  le  maire  qui  donne  simplement 
nn  avis  sur  sa  délivrance,  ne  délivre  pas  lui-même.  Ce  sont  deux  points  dis- 
tincts et  il  est  impossible  d'étendre  la  loi  de  l'un  à  l'autre. 

L'art.  155  a  été  en  conséquence  rectifié  par  la  loi  du  13  mai  1863  : 

a  Art.  155.  Les  officiers  publics  qai  délivreront  ou  feront  délivrer  un  passe-port 
à  une  personne  qu'ils  ne  connaîtront  pas  personnellement,  sans  avoir  fait  attester 
ses  noms  et  qualités  par  deux  citoyens  à  eux  connus  seront  punis  d'un  empri- 
sonnement d'un  mois  à  six  mois.  Si  l'officier  public,  instruit  de  la  supposition  du 
nom,  a  néanmoins  délivré  ou  fait  délivrer  le  passe-port  sous  le  nom  supposé,  il 
sera  puni  d'un  emprisonnement  d'une  année  au  moins  et  de  quatre  ans  au  plus.  » 

845.  Les  art.  156,  157  et  158  concernent  la  fabrication  et  l'usage  des  feuilles 
de  route  qui  sont  les  passe-ports  des  militaires  et  des  employés  à  la  suite  de 
l'armée.  Nos  observations  sur  les  faux  commis  dans  les  passe-ports  s'appli- 
quent naturellement  aux  faux  commis  dans  les  feuilles  de  route  et  nous  ne  les 
répéterons  point.  Ce  sont  d'ailleurs  les  mémes^isposi tiens  légales,  sauf  un  seul 
point  :  la  falsification  de  la  feuille  de  route  peut  avoir  pour  objet,  non -seule- 
ment de  tromper  la  surveillance  de  l'autorité  publique,  mais  encore  de  sous- 
traire au  trésor  public  les  frais  de  route  qui  sont  alloués  aux  militaires  ;  alors 
le  faux  a  pour  but  une  espèce  d'escroquerie  et  il  en  résulte  une  aggravation 
de  la  peine.  Si  la  somme  soustraite  est  de  100  francs  ou  inférieure  à  cetti^ 
somme,  la  peine  est  un  emprisonnement  d'un  à  quatre  ans;  si  elle  est  sup* 
rieure,  la  peine  est  de  deux  ans  à  cinq  ans. 

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•268      DIX-SEPT.    LEÇ.   —  DES  CRIMES  ET  DÉLIT»,  BTC   (aRT.   160,   N®  248). 

246.  Les  faux  commis  dans  les  certificats  reaiirent  dans*  les  termes  des 
art  147  et  150,  toutes  les  fois  que  le  certificat  renferme  obligation  ou  dé- 
charge toutes  les  fois  qu'il  constate  des  faits  qui  peuTent  prêjudicier  à  des 

tiers. 

a  Art.  162.  Les  faux  certlflcats  de  toute  autre  nature,  et  d'où  il  pourrait  résulter 
soit  lésion  envers  des  tiers,  soit  préjudice  euvers  le  trésor,  seront  punis,  selon 
qu'il  y  aura  lieu,  d'après  les  dispositions  des  paragraphes  3  et  4  de  la  présente 
section*  » 

Et,  en  efTet,  ce  n'est  point  la  forme  de  l'écfiture  falsifiée  qui  peut  changer 
le  caractère  du  faux  :  il  importe  peu  que  l'altération  de  la  vérité  soit  commise 
dans  un  certificat  ou  dans  tout  autre  acte,  si  elle  produit  le  même  effet.  G^est 
Teffet  particulier  do  certains  certificats,  c'est  le  préjudice  restreint  et  spécial 
qu'ils  peuvent  pi^oduire  qui  a  porté  Je  législateur  à  dégager  de  la  catégorie  des 
crimas  et  à  ranger  pamii  les  simples  délits  les  faux  commis  dans  les  actes^ 
comme  ceux  commis  dans  les  passe-ports  et  les  feuilles  de  route.  Ce  bénéfice 
delà  loi  s'appliqua  à  deux  classas  de  certificats  :  1<>  les  certificats  de  maladies 
ou  infirmités,  soit  qu'ils  émanent  d'un  homme  de  l'art,  soit  qu'ils  soient  fabri- 
qués sous  QOQ  nom  par  un  tiers;  2<>  les  certificats  de  bonne  conduite  ou  d'indi- 
gence, ou  autres  de  la  môme  nature^  et  qui  ont  pour  objet  d'appeler  sur  celui  qui 
'en  est  porteur  la  bienveillance  publique,  et  de  lui  procurer  de^  places,  ducré* 
dit,  ou  des  secours. 

247.  Les  certificats  de  maladie  donnent  lieu  à  deux  dispositions,  suivant 
qu'ils  sont  fabriqués  sous  le  nom  d'nn  hommede  l'art,  ou  par  cet  homme  de 
l'art.  Lui-môfBe. 

tt  ART.  159.  Toute  personne  qui,  pour  se  rédimer  elle-même  ou  en  affranchir  une 
autre  d'an  service  public  quelconque,  fabriquera  sous  le  nom  d'un  médecin,  chi- 
rurgien on  autre  officier  de  santé,  un  certificat  de  maladie  ou  d'infirmité,  sera 
puni  d'un  emprisonnement  d'un  an  à  trois  ans.  » 

Remarquez  que,  pour  l'application  de  cet  article,  il  faut:  1<>  que  le  certi- 
ficat ait  pour  objet  l'attestation  d'une  maladie  ou  infirmité;  ajoutons  que  cette 
maladie  ou  infirmité  doit  être  fausse,  car,  si  elle  était  réelle,  quel  serait  le 
préjudice?  Si  l'exemption  est  attachée  à  la  maladie,  le  certificat  n'aura  aucun 
effet;  2°  que  cette  pièce  soit  fabriquée  sous  le  nom  d'un  homme  de  l'art  : 
c'est  cette  usurpation  qui  donne  au  faux  tout  son  danger.  Il  ne  suMrait  pas 
que  l'agent  joignit  à  son  nom  la  fausse  qualité  de  médecin  :  la  loi  ne  prévoit 
que  Tusurpation  du  nom;  3°  que  le  certificat  ait  pour  but  de  procurer  Texemp- 
tion  d'un  service  public;  tels  sont  les  certificats  qui  ont  pourobjet  deconstater 
des  infirmités  qui  exemptent,  soit  du  service  militaire,  soit  de  la  garde  natio- 
nale, soit  du  jury. 

248'.  L'art.  160  prévoit  les  faux  certificats  émanant  du  médecin  ou  de  l'offi- 
cier de  santé  lui-même. 

tt  Art.  160.  Tout  médecin,  chirurgien  ou. autre  officier  de  sant^  qui,  pofor  flavo-« 

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DU  CRItfB  0B  FAUX  (aHT.    16t).  269 

riser  tfoelqu'un,  eertiflara  foasaemènt  des  lùaiadie»  ou  ioUrniitéB  propres  à  diB- 
penser  d'un  service  public^  sera  puni  d'un  emprisonnement  d'une  année  au  moins 
et  de  trois  aos  au  plus.  S'il  y  a  été  mû  par  dons  ou  promesses,  la  peine  de  Tem- 
prisonnement  sera  d'une  année  au  moins  et  de  quatre  ans  au  plus.  Dans  les  deux 
cas,  le  coupable  pourra  en  outre  être  privé  des  droits  mentionnés  en  Fart.  42  du 
présent  Gode  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus,  à  compter  du  jour  où 
il  aura  subi  sa  peine.  Dans  le  deuxième  cas  les  corrapteurs  seront  punis  des  mômes 
peines  que  îe  médecin,  chirurgien  ou  officier  de  sMinté  qui  aura  délivré  le  faux 
certificat.  » 

Il  faut  que  la  maladie  certifiée  soit  fausse,  c'est  là  le  fait  matériel;  û  fwaà 
qtie  cette  maladie  soit  propre  à  dispëneer  du  service  fQbiic,  doa^  l'aigent  eal 
passible,  c'est  là  le  préjudice  possible;  il  hvtt  enfin  que  ce  certificat  soit  fiaiwi- 
que  pour  favoriser  quelqu'un,  c'est  rinteïition  frandulenseï  Toutefois,  le  fftit 
éhange  dé  nature  si  Thomme  de  Tart a  été  ttilpar  dons  ou  promesses:  ca 
n'est  plus  alors  un  certificat  de  complaisance,  xm  acte  de  faiblesse»  t'est  oa 
acte  de  corroption,  et  cet  acte  prend  un  caractère  plus  grave  2 

249.  La  dernière  catégorie  de  faax  certificats  fait  Tobjet  de  l'art.  161  : 

.  «  Art.  161.  Quiconque  fabriquera,  seus  le  apm  d'un  fonctionnaire  ou  officier 
.  public,  un  oertifieat  de  bonne  coodiUte,  indigence  ou  autres  circonstances  propres 
à  appeler  la  bienveillance  du  gouvernement  ou  des  particuliers  sur  la  personne 
y  désignée  et  à  lui  procurer  places,  crédit  ou  secours,  sei'a  puni  d'un  emprison- 
nement de  six  mois  à  deux  ans.  —  La  même  peine  sera  appliquée  :  1*  à  celui  qui 
fabriquera  un  certificat  de  cette  espèce,  originairement  véritable,  pour  l'appro- 
prier à  une  personne  autre  que  celle  à  laquelle  11  A  été  primitivement  délivré  ;  2*  à 
tout  individu  qui  se  sërk'servi  du  certificat  ainsi  fàbriqné  ou  falsifié.  9 

Totis  voyez  que  cet  article  commence  par  caractériser  asaes  nettement  les 
certificats  dont  la  falsification  ne  constitue  qu'un  aimpie  délit  :  ce  sont  leis  cer« 
tîfîcals  de  bonne  conduite,  indigence  ou  au rree  circonstances  propres  à  appeler 
la  bienveillance  et  à  procurer  places,  crédit  ou  seconars.  Cette  énum^ation 
n'est  point  limitative;  il  faut  y  ranger  tous  les  Actes  analogues,  tous  ceux  qui 
peuvent  produire  les  mômes  effets.  Mais  il  ne  faut  y  comprendre  que  les  cer- 
tificats qui  ont  le  caractère  d*uné  rëcomlnandation. officieuse,  et  qui  ont  uni- 
quement pour  objet  d'appeler  sur  une  personne  des  témoignages  de  bienveil- 
lance et  d'intérêt.  Hors  de  ce  cercle  étroit^  le  faux  cbange  de  nature,  parce 
que  le  certificat  change  lui-môme  de  caractère  :  si!  constate  des  faits  ataquels 
sont  attachés  des  droits,  s'il  est  destiné  soit  à  faire  preuve  de  la  podtîon  d'une 
personne,  soit  à  constater  son  aptitude  à  quelquB  service  public,  il  rentre  dans 
la  classe  des  écritures  ordinaires  et  ne  peut  plus  invoquer  l'exception.  Ainsi 
toutes  les  fois  que  le  certificat  argué  de  faux  présente  le  caractère  d'un  acte 
émané  de  fonctionnaires  procédant  en  vertu  d'un  mandat  de  la  loi,  exerçant 
un  droit  ou  accomplissant  une  obligation  inhérente  à  leur  qualité,  et  que  la 
production  de  cette  pièce  est  la  condition  légale  et  nécessaire  de  l'admission 
de  celui  qui  est  appelé  à  s'en  prévaloir  à  un  service  public,  la  nature  officielle 
d'un  tel  acte,  la  garantie  d'ordre  général  attachée  à  sa  déiiyri^nce,  la  garantie 
des  oonséquences  résoltàu^de  la:,  fraude  apportée  dcin^  sa.confectiona.font 

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270        DIX-HUIT.   LBG.   —   DBS  GRIBCBS  BT  DÉLITS,  BTG.   (n*  250). 

rentrer  le'fait  dans  la  disposition  des  art.  447  et  148  qui  régissent  le  faux  en 
écritures  publiques. 

C'est  d'après  cette  distinction  qu'il  faut  décider  que  la  fabrication  d'un  cer- 
tiGcat  de  bonne  conduite,  au  nom  des  membres  d'un  conseil  d'administration 
d'un  régiment,  constitue  le  crime  de  faux  en  écritures  publiques;  car  ce  cer- 
tificat, qui  a  pour  but,  aux  termes  des  art.  2  et  9  de  l'ordonnance  du  29  octo- 
bre 4820,  d'obtenir  l'admission  daSis  le  corps  de  la  gendarmerie,  n*est  plus 
un  certificat  de  bienveillance,  mais  la  preuve  légale  d'une  aptitude  spéciale  à 
un  service  public.  Il  en  est  encore  ainsi  des  faux  certificats  délivrés  sous  le 
nom  d'un  maire,  et  qui  sont  destinés  soit  à  constater  qu'un  individu  a  satis- 
fait à  la  loi  du  recrutement,  soit  à  établir  qu'un  jeune  soldat  est  fils  aîné  de 
veuve,  soit  à  procurer  son  admission  comme  remplaçant. 

8i  c'est  l'offîcier  public  lui-môme  qui  atteste  sciemment  un  fait  faux,  par 
exemple,  que  l'individu  qu'il  recommande  à  la  bienveillance  a  toujours  eu 
une  bonne  conduite,  tandis  que  cette  conduite  a  été  blâmable,  que  faut-il 
décider  ?  La  solution  dépend  de  l'application  qui  doit  être  donnée  au  certificat  ; 
c'est  un  faux  sans  nul  doute,  si  le  certificat,  comme  je  viens  de  le  dire,  est 
délivré  d'après  une  disposition  de  la  loi  qui  y  a  attaché  un  effet  quelconque  ; 
ce  n'est  plus  qu'un  fait  immoral,  un  simple  mensonge,  si  le  certificat  n'est 
destiné  qu'à  appeler  une  bienveillance  imméritée  sur  âèlui  qui  en  est  l'objet. 
La  loi,  en  effet,  n*a  point  incriminé  les  certificats  de  complaisance  qui  n'ont 
aucun  but  déterminé  ;  elle  ne  les  a  considérés  que  comme  des  actes  de  fai- 
blesse, reprochables  sans  doute,  mais  qui  ne  présentent  point  assez  de  péril 
pour  les  classer  parmi  les  délits.  Il  est  difficile  d'ailleurs,  lorsqu'il  s'agit  de 
l'appréciation  d'un  fait  moral,  comme  la  conduite  d'un  individu,  de  discerner 
avec  exactitude  oti  commence  l'altération  de  la  vérité,  oii  expire  l'erreur  de 
l'appréciation.  A  plus  forte  raison  devez-vous  tenir  pour  constant  que  tous  les 
certificats  délivrés  par  des  particuliers  et  qui  attestent  faussement  la  bonne 
conduite,  Tindigence  et  autres  faits  propres  à  appeler  la  bienveillance  sur  celui 
qui  en  est  Tobjet,  demeurent  à  l'abri  de  toute  poursuite;  ils  n'ont  point 
d'autorité  et  dès  lors  sont  inoffensifs. 
La  loi  du  13  mai  1863  a  ajouté  à  l'art.  161  un  dernier  alinéa  ainsi  conçu  : 

«  Bi  ce  certificat  est  fabriqué  sous  le  nom  d'un  simple  particulier,  la  fabrication 
et  Tusage  seront  punis  de  quinze  jours  &  six  mois  d'emprisonnement.  » 

Il  résulte  de  ce  nouveau  texte  qu'il  n'est  plus  nécessaire,  comme  l'exigeait 
l'ancien  article,  que  la  personne,  sous  le  nom  de  laquelle  le  certificat  est 
délivré^  soit  un  officier  public.  H  arrivait  quelquefois  que  de  pareils  certificats 
étaient  fabriqués  sous  le  nom  d'un  simple  particulier  dont  le  caractère  et  la 
situation  commandaient  une  certaine  autorité.  C'est  là  le  fait  que  la  loi  a 
voulu  atteindre,  mais  en  le  frappant  d'une  moindre  peine. 

DIX^HUITIÈBIE  LEÇON. 

250.  Je  traiterai  dans  cette  leçon  des  crimes  et  délits  commis  par  les  fonc- 
tionnaires publics  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions;  c'est  là  une  classe  spéciale 

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GRIMBS  KT  DÉLITS   DBS   FOHGTIONMAIRBS   PUBLICS   (aRT*   169).        271 

dlniiactioiis,  car  la  qualité  de  Tagent  et  les  deycirs  particaliera  qu'il  enfreint 
leur  impriment  un  caractère  tout  i  fait  distinct.  Nous  avons  déjà  eu  l'occasion 
d'examiner  quelques-uns  des  délits  que  peuvent  commettre  les  of&ciers  pu- 
blics; il  ^'agît  particulièrement  ici  des  abus  de  la  fonction,  des  crimes  et  délits 
auxquels  elle  sert  d'auxiliaire»  des  inliractions  qui  sont  commises  en  son  nom 
et  sous  le  voile  de  son  autorité. 

Ces  infractions  portent  le  nom  générjque  de  forfaiture,  foris  factura,  faits 
commis  en  dehors  des  règles. 

«  Airr.  166.  Tout  crime  commis  par  un  fonctionnaire  public  dans  Texercice  de 
ses  fonctions  est  une  forfaiture,  n 

«  Art.  167.  Toute  forfaiture,  pour  laquelle  la  loi  ne  prononce  pas  de  peines  plus 
fi^ves,  est  punie  de  la  dégradation  civique.  » 

«  Abt.  1^3.  Les  simples  délits  ne  constituent  pas  les  fonctionnaires  en  for- 
future.  » 

Ces  trois  articles,  à  peu  près  reproduits  des  art.  641,  642  et  643  du  Gode  du 
3  brumaire  an  lY,  ont  été  avec  raison  considérés  comme  inutiles  et  contraires 
à  réconomie  générale  de  notre  Gode;  ils  sont  inutiles,  car  le  Gode  ayant  prévu 
et  puni  chaque  cas  de  forfaiture,  la  déclaration  théorique  de  ces  articles  n'a 
aucun  objet;  ils  sont  contraires  à  Téconomie  de  la  loi  qui  a  partout  écarté, 
excepté  dans  cette  seule  circonstance,  les  définitions  qui  n'ont  aucune  appli- 
cation immédiate. 

Nous  allons  examiner,  en  suivant  l'ordre  de  notre  Gode,  les  différents  crimes 
et  délits,  qu*il  a  groupés  sous  cette  qualification  générale  de  forfaiture,  quoi- 
que, d'après  la  définition  même  qu'il  en  a  donnée,  elle  ne  s'applique  qu'à 
quelques-unes  de  ces  infractions. 

§  1 .  —  Des  soustractions  commises  par  les  dépositaires  publics. 

851.  Le  Gode  a  compris  sous  ce  paragraphe  deux  sortes  de  soustractions: 
celles  qui  sont  commises  par  les  comptables  publics  et  celles  qui  sont  commi- 
ses par  les  fonctionnaires  et  officiers  publics.  Les  premières  sont  prévues  par 
Tartide  169,  les  autres  par  l'art.  173. 

«  Aht.  169.  Tout  percepteur,  tout  commis  à  une  perception  dépositaire  ou 
comptable  public,  qui  aura  détourné  ou  soustrait  des  deniers  publics  ou  privés, 
ou  effets  actifs  en  tenant  lieu,  ou  des  pièces,  titres,  actes,  effets  mobiliers  qui 
étaient  entre  ses  mains  en  vertu  de  ses  fonctions,  sera  puni  des  travaux  forcés  à 
temps,  si  les  choses  détournées  ou  soustraites  sont  d'une  valeur  au-dessus  de  trois 
mille  francs.  » 

Cet  article  s'applique  à  tous  les  comptables  publics  qui  sont  dépositaires,  en 
vertu  de  leurs  fonctions,  des  deniers,  des  effets,  ou  de  valeurs  quelconques. 
La  jurisprudence  a  compris  dans  cette  qualification  l'huissier  qui  détourne  les 
deniers  résultant  d'une  vente  de  meubles  à  laquelle  il  a  procédé,  l'économe 
d'un  lycée,  qui  dissipe  les  fonds  qui  étaient  entre  ses  mains  en  vertu  de  ses 
fonctions,  le  piqueur  de  l'administration  des  ponts  et  chaussées  qui  détourne 
la  somme  qu'il  a  reçue  pour  le  payement  des  ouvriers,  le  régisseur  intéressé 

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272  0IZ-UOIT.  hW.  ~)>Ë8GJkIltJSS'fiTl>ÉLITS,  BTG.  (n""  2&3). 

des  droits  d'octroi»  qui  «ôustrait  une' partie*  des  peroeptions  <ia'il  a  faites.  Il 
sait  de  la  que  ce  n'est  ^as  à  la  qualité  de  foitctionnaire  qu'est  attachée  l'inéri- 
mination^  mais  à  la  qualité  de  dérpositfaif  e,  en  vertu  d'un  titre  publias -quel- 
conque. Le  fait  matériel;  constitvitif  du  cHïne,  eèt  ici  le  délôurnemeht  des 
deniers  confiés  :  c'est  un  abus  de  confiatioe  aggravé  par  la  qualité  de  l'agent. 
Il  faut  donc  quUl  y  ait  eu,  non  point  seulement  une  mainmise  momentanée 
sur  les  deniers  jdéposés,  mais  un  détournement  frafuduleui  de  ces  deniers  avec 
une  intention  d'appropriation  ou  de  dissipation.  C'est  d'ailleurs  ce  qu'indique 
clairement  le  mot  soustraction  mis  en  regard  du  mot  détournement,  comme 
ayant  un  sens  identique. 

Je  ne  m'arrête  point  aux  art.  170, 171  et  172,  qui  n*ont  d'autre  objet  que  de 
graduer  la  peine  suivant  la  quotité  des  valeurs  détournées  ou  soustraites. 

252.  L*art.  173  prévoit  la  soustraction,  non  plus  des  valeurs  monétaires, 
mais  des  actes  et  titres  : 

tt  Art.  173.  Tout  juge,  administrateur,  fonctionnaire,  ou  ofllcier  public  qui  aura 
détruit,. supprimé,  soustrait  ou  détourné  lesaoteaet  titres  dont  il  était  dépositaire 
en  celte  qualité,  ou  qui  lui  auront  été  remis  ou  communiqués  à  raison  de  ses 
fonctions,  serajjuni  des  travaux  forcés  à  temps.  —Tous  agents,  préposés  ou  com- 
mis, soit  du  gouvet^nement,  soit  des  dépositaires  publics,  qui  se  seront  rendus 
coupables  des  mêmes  soustractions,  seront  soâmis  à  la  môme  peine.  « 

Il  y  a  lieude  remarquer  d'abord  sur  cetarticie  qu'il  prévoit,  non-seoiemeiit, 
comme  Tart.  169,  le  détournement  ou  la  soustraction,  mais  aussi  la  destnuîtion 
et  la  suppression  des. actes  et  titres;  cette  addition  tient  à  la  nature  des  pièces 
que  celte  disposition  de  la  loi  a  pour  objet  de  sauvegarder.  Ces  pièces  sont,  en 
général,  les  actes  et  titres  dont  l'agent  est  dépositaire;  il  est  évident,  toutefois, 
qu'il  ne  faut  comprendre  sous  cette  qualification  que  les  pièces  dont  la  des- 
truction ou  la  soustraction  peut  causer  quelque  préjudice,  qui  constituent  un 
titre,  qui  sont  le  fondement  d'un  droit,  car  c'est  le  dommage  qui  est  la  base 
de  l'incrimination. 

Je  dois  ensuite  porter  votre  attention  sur  le  rapport  qui  existe  entre  Tar- 
ticle  173  et  deux  articles  dont  nous  nous  occuperons  bientôt,  les  art.  254  et 
255.  Ceux-ci,  comme  celui-là  ont  pour  objet  les  soustractions  d'actes  par  les 
dépositaires  publics.  Sont-ce  donc  les  mêmes  faits  qui  sont  prévus  et  punis 
par  ces  différente  articles  ?  Non.  Lès  dépositaires  publics  auxquels  s'applique 
l'art.  173  sont  ceux  qui,  dèposita,ires  d'actes  et  de  titres  à  raison  de  leur  qua- 
lité ou  de  leurs  fonctions,,  ne  so^t  pas  chargés  4e  la  garde  d'un  dépôt  public, 
et  ne  sont  responsables  que  des  actes  et  titres  qu'ils  ont  entre  les  mains.  Les 
art.  254  et  255  s'appliquent  spécialement  aux  soustractions  des  pièces,  actes 
et  efitots,  contenus  dans  les  aréhives,  greffes  et  dépôts  pnbtics  ou  remis  à  un 
d^poeicaire  public  en  cette  qualité. 

•       »  >  * 

'  §  2.  -^  Des  ooncusâions  colnmises  par  les  fbnctionnaires  publics. 
Sftd.  La  loi  adairemant  énoncé  les  éléments  du  crime  de  concussion  : 
tt  Art.  174.  Tous  fonctionnaires,  tous  ohiciers  publics,  leurs  commis  ou  préposés, 

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GRIMES  ET  DÉLITS  DES  FONCTIONNAIRES  PUBUCS   (aRT.    174).        273 

tous  percepteurs  des  droits,  taxes,  contributions,  deniers,  revenus  publics  ou  com- 
munaux, et  leurs  commis  ou  préposés^  qui  se  seront  rendus  coupables  du  crime 
de  concussion^  en  ordonnant  de  percevoir,  ou  en  exigeant  ou  recevant  ce  qu'ils 
savaient  n'ôtre  pas  dû,  ou  excéder  ce  qui  était  dû  pour  droits,  taxes,  contribu- 
tions, deniers  ou  revenus,  et  pour  salaires  ou  traitements,  seront  punis,  savoir 
les  fonctionnaires  ou  les  officiers  publics,  de  la  peine  de  la  réclusion,  et  leurs 
commis  ou  préposés,  d*un  emprisonnement  de  deux  ans  au  moins  et  de  cinq  ans 
au  plus.  » 

On  peut,  d'après  ce  texte,  définir  la  concussion,  toute  perception  illégale 
faite  avec  connaissance  de  l'illégalité  par  les  officiers  ou  commis  préposés  à 
une  perception  publique.  Les  éléments  du  crime  sont  donc  l'abus  de  l'au- 
torité, riUégalité  de  la  perception  et  la  connaissance  de  cette  illégalité  par 
l'agent. 

Là  où  il  n'y  a  pas  abus  d'autorité,  il  n'y  a  pas  concussion.  «  Ce  crime  existe, 
disait  l'exposé  des  motifs,  toutes  les  fois  qu'un  fonctionnaire  exige  ou  reçoit  ce 
qu'il  sait  ne  lui  être  pas  dû,  ou  excéder  ce  qui  lui  est  dû;  et  l'on  conçoit  aisé- 
ment que,  s'il  importe  de  poser  des  barrières  contre  la  cupidité,  c'est  surtout 
quand  elle  se  trouve  unie  au  pouvoir;  cette  circonstance  tient  à  l'essence  du 
crime.  »  Le  pouvoir  est  le  droit  de  percevoir  la  taxe  ou  le  revenu;  Tabus  du 
droit  est  l'extension  de  la  perception  au  delà  de  ses  limites  légales.  Il  suit  de 
là  que  le  premier  élément  du  crime  est  une  qualité  donnant  pouvoir  de  per- 
cevoir. 

Le  deuxième  élément  est  l'illégalité  même  de  la  perception  :  cette  illégalité 
existe  ;  1<*  quand  elle  n'est  pas  autorisée  par  la  loi  ou  les  règlements  ;  2°  quand 
la  taxe^  quoique  légale,  n'est  pas  due  par  la  personne  à  qui  elle  est  demandée; 
3^  quand  la  somme  exigée  excède  la  somme  réellement  due. 

Enfin,  le  troisième  élément  est  la  connaissance  que  l'agent  doit  avoir  de 
l'illégitimité  de  son  acte.  Si'  la  perception  illicite  est  le  résultat  soit  d'une 
erreur,  soit  d'une  fausse  interprétation,  il  est  clair  qu'il  n'y  a  pas  de  crime.  C'est 
ainsi  qu'un  avis  du  conseil  d'État  a  décidé  qui  n'y  avait  pas  lieu  de  mettre  en 
jugement  un  sous-préfet  qui  avait  illégalement  perçu  un  droit  d'expédition  sur 
la  vente  de  biens  communaux,  parce  que  cette  perception,  établie  ostensible- 
ment^ et  avouée  par  ce  fonctionnaire,  avait  été  basée  sur  une  assimilation  des 
biens  communaux  aux  biens  nationaux.  Il  importe  peu  d'ailleurs  que  la  per^ 
ception  excessive  soit  faite  au  profit  de  l'État  ou  au  profit  de  l'agent  ;  la  loi  n'a 
point  voulu  faire  de  distinction  à  cet  égard,  bien  qu'il  y  ait  entre  ces  deux  faits 
tout^  la  différence  qui  sépare  l'excès  de  zèle  du  détournement  frauduleux, 
parce  qu'elle  a  craint  de  fovoriser  l'exagération  des  taxes  au  préjudice  des 
parties.  En  conséquence,  elle  punit  la  perception  non  de  ce  que  les  officiers 
savaient  ne  leur  être  pas  dû,  mais  de  ce  qu'ils  savaient  n^étre  pas  dû. 

Mais  la  loi  du  13  mai  1863  a  introduit  en  cette  matière  une  distinction  fon- 
dée sur  l'importance  des  sommes  indûment  perçues.  L'art.  174  est  mainteav 
dans  sa  teneur  o  lorsque  la  totalité  des  sommes  indûment  exigées  ou  reçues 
ou  dont  la  perception  a  été  ordonnée  a  été  supérieure  à  300.  francs,  t  £t  la  loi 
ajoute  à  cet  article  les  dispositions  suivantes  : 

«  AjiT.  174.  2*     «  Toutes  les  fois  que  la  totalité  de  ces  sommes  n'excédera  pas 

18 

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274         DIX-HUIT.   L£Ç.  —  DBS  GRIlfB8  BT  DÉLITS,   BTG.   (n""   353). 

trois  cents  francs,  les  fonctionnaires  ou  les  officiers  publics  ci-dessus  désignés 
seront  punis  d'un  emprisonnement  de  deux  à  cinq  ans,  et  leurs  commis  ou  pré- 
posés, d'un  emprisonnement  d'une  année  au  moins  et  de  quatre  ans  au  plus.  La 
tentative  de  ce  délit  sera  punie  comme  le  délit  lui-même.  Dans  tous  les  cas  où 
la  peine  d'emprisonnement  sera  prononcée,  les  coupables  pourront,  en  outre,  être 
privés  des  droits  mentionnés  en  l'art.  42  du  présent  Gode,  pendant  cinq  ansi  au 
moins  et  dix  ans  au  plus,  à  compter  du  jour  où  ils  auront  subi  leur  peine  ;  ils 
pourront  aussi  être  mis  par  Tarrét  ou  le  jugement  sous  la  surveillance  de  la  haute 
police  pendant  le  même  nombre  d*années.  Dans  tous  les  cas  prévus  par  le  présent 
article,  les  coupables  seront  condamnés  à  une  amende  dont  le  maximum  sera  le 
quart  des  restitutions  et  des  dommages-intérêts,  et  le  minimum  le  douzième.  Les 
dispositions  du  présent  article  sont  applicables  aux  greffiers  et  officiers  ministé- 
riels lorsque  le  fait  a  été  commis  à  l'occasion  des  recettes  dont  ils  sont  chargés 
par  la  loi.  » 

Cette  disposition  apporte  dans  notre  Code  une  triple  innova  tien  :  elle  fait 
descendre  au  rang  des  délits  un  fait  de  concussion  jusque-là  qualifié  crime,  elle 
base  cette  qualification  sur  le  chiffre  de  la  somme  illégalement  perçue,  de 
sorte  que  la  même  concussion  est  un  crime  si  cette  somme  excède  300  fr.,  et 
an  délit  si  elle  ne  dépasse  pas  ce  chiffre  ;  enfin,  elle  décide  la  question  contro- 
versée de  savoir  dans  quels  cas  les  officiers  ministériels  peuvent  commettre  ce 
crime.  On  lit  dans  le  rapport  fait  au  Corps  législatif  :  i  II  est  impossible  de 
contester  l'utilité  pratique  de  cette  division  nouvelle.  On  ne  voit  plus  guère 
aujourd'hui  de  grandes  concassions,  et  ce  n'est  le  plus  souvent  que  chez  des 
fonctionnaires  d'un  ordre  tout  à  fait  inférieur  et  pour  des  sommes  le  plus  sou- 
Tent  très-minimes  que  cette  infraction  se  rencontre  ;  mais  on  peut  se  deman- 
der si  la  différence  de  qualification  du  même  fait,  selon  l'importance  du  pré- 
judice qui  en  résulte,  est  bien  conforme  aux  principes  et  surtout  en  harmonie 
avec  le  système  général  de  notre  Code.  Il  semble  que  la  criminaiité  d'un  acte 
ne  doive  se  mesurer  qu'à  la  perversité  de  l'agent,  et  qu'elle  ne  varie  pas  avec 
l'étendue  du  préjudice  qui  en  résulte.  Et  cependant,  s'il  n'y  avait  rien  de 
vrai  dans  l'opinion  contraire,  comment  comprendrait-on  qu'elle  fût  si  généra- 
lement répandue?  »  On  peut  ajouter  que  le  Code  pénal  offte  déjà  quelques 
exemples  de  cette  distinction  ;  mais,  en  général,  ce  n'est  pas  la  perversité  de 
l'agent,  comme  le  dit  ce  rapport,  qui  doit  seule  être  prise  en  considération, 
c'est  surtout  la  nature  du  fait,  la  criminaiité  qu'il  suppose,  le  péril  dont  il 
menace  la  société,  qui  doivent  être  les  éléments  de  la  pénalité. 

Le  paragraphe  additionnel  placé  à  la  suite  de  l'artide  a  eu  pour  objet  de 
faire  disparaître  une  difficulté  d'interprétation.  On  demandait  si  les  officiers 
ministériels,  auxquels  appartient  le  caractère  d'officiers  publics,  commettent 
le  crime  de  concussion  lorsqu'ils  exigent  les  taxes  supérieures  à  celles  qui  leur 
sont  dues  d'après  les  tarifs.  La  loi  a  admis  une  distinction  :  si  l'officier  minis- 
tériel exige  an  salaire  supérieur  à  celui  qui  lui  est  alloué,  il  ne  commettra 
qu'une  contravention  disciplinaire  ;  si,  au  contraire,  il  est  chargé  par  la  loi 
d'opérer  une  recette  soit  pour  le  compte  du  Trésor,  comme  les  greffiers  en  ce 
qai  concerne  les  droits  qu'ils  perçoivent  pour  l'État  ;  soit  pour  le  compte  des 
particuliers,  comme  les  commissaires-prîseursetles  huissiers  dans  le  cas  d'ad- 
judications dont  ils  doivent  recevoir  le  prix,  la  perception  de  toute  somme 
excédant  ce  qui  leur  est  dû  légitimement  sera  une  concussion.  Dans  ces  cir- 

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CRIMES  ET   DÉLITS  DES  FONCTIONNAIRES  PUBLICS  (aRT.    HS).        275 

oonstances,  on  retrouve  l'abus  du  mandat  légal  autorisant  Faggravation  de 
peine  attachée  à  la  perception  illégitime. 

§  3.  —  Des  délits  des  fonctionnaires  qui  se  seront  ingérés  dans  des  affaires  ou  des 
commerces  incompatibles  avec  leur  qualité. 

864.  Les  art  175]  et  !76  prévoient  Timmixtion  des  fonctionnaires,  soit  dans 
les  entreprises  ou  affsdres  qu'ils  sont  chargés  de  surveiller,  soit  dans  des  spé- 
culations sur  les  grains  ou  boissons.  Ils  considèrent  qu'il  y  a  abus  de  pouvoir 
^ans  le  seul  fait  de  cette  immixtion,  quel  qu'ait  été  son  résultat. 

a  Art.  175,  Tout  fonctionnaire,  tout  officier  public,  tout  agent  du  gouvernement 
qui,  soit  ouvertement,  soit  par  actes  simulés,  soit  par  interposition  de  personnes, 
aura  pris  ou  reçu  quelque  intérêt  que  ce  soit  dans  les  actes,  adyudications,  entre- 
prises ou  régies,  dont  il  a  ou  avait,  au  temps  de  l'acte,  en  tout  ou  en  partie,4'ad- 
ministration  ou  la  surveillance,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  six  mois  au  moins 
et  de  deux  ans  au  plus,  et  sera  condamné  à  une  amende  qui  ne  pourra  excéder  le 
(fuart  des  restitutions  et  des  indemnités,  ni  être  au-dessous  du  douzième.  —  II 
sera  de  plus  déclaré  à  jamais  incapable  d'exercer  aucune  fonction  publique.  ~  La 
présente  disposition  est  applicable  à  tout  fonctionnaire  ou  agent  du  gouvernement 
qui  aura  pris  un  intérêt  quelconque  dans  une  affaire  dont  il  était  chargé  d'ordon* 
nancer  le  payement  ou  de  faire  la  liquidation,  n 

Cet  article  a  été  expliqué  par  l'exposé  des  motifs  du  Gode  :  •  Un  fonction- 
naire devient  coupable  lorsqu'il  prend  directement  ou  indirectement  intérêt 
dans  les  adjudications,  entreprises  ou  régies,  dont  sa  place  lui  donne  Tadminis- 
tration  ou  la  surveillance.  Et  que  deviendrait,  en  effet,  cette  surveillance  quand 
elle  se  trouverait  en  point  de  contact  avec  l'intérêt  personnel  du  surveillant? 
Et  comment  parviendrait-on,  sans  blesser  l'honneur  et  la  morale,  à  concilier 
ce  double  rôle  de  l'homme  privé  et  de  l'homme  public  ?  Tout  fonctionnaire 
qui  se  sera  souillé  d'une  telle  turpitude  sera  donc  justement  puni  d'emprison- 
nement et  déclaré  indigne  d'exercer  désormais  des  fonctions  dans  lesquelles 
il  ne  serait  avili,  s  II  résulte  de  ces  paroles  et  du  texte  môme  de  la  loi  que  le 
délit  réside  tout  entier  dans  le  fait  du  fonctionnaire  d'avoir  pris  un  intérêt 
quelconque  dans  les  entreprises  dont  il  avait  la  surveillance,  ou  dans  les 
affaires  qu'il  était  chargé  d'ordonnancer  ou  de  liquider.  C'est  cet  intérêt  pris 
qui  constitue  l'abus  du  pouvoir,  l'abus  de  la  confiance  publique,  car,  par  qui 
rintérôt  public  sera-t-il  garanti,  s'il  ose  y  associer  le  sien?  Il  enlève  donc  par 
là  même,  à  l'État,  la  surveillance  qu'il  y  exerçait  ;  il  trahit  sa  confiance  dans 
son  intérêt  privé.  Faut-il  aller  plus  foin,  faut-il  exiger,  pour  constituer  le  délit, 
non-seulement  que  l'intérêt  ait  été  pris,  mais  que  l'entreprise  ait  été  injuste- 
ment favorisée  par  la  fonction?  La  loi  ne  l'exige  point  ;  c'est  le  seul  fait  de  la 
participation  du  fonctionnaire  qu'elle  punit,  parce  que  cette  participation, 
même  isolée  de  toute  pensée  frau^leuse,  est  non-seulement  une  violation  du 
devoir  du  fonctionnaire,  mais  une  violation  pleine  de  périls,  puisqu'elle  con- 
duit par  une  pente  rapide,  soit  au  monopole,  soit  à  l'injustice.  Qu'est-ce  qui 
constitue  cette  participation?  C'est  le  fait  qui  fait  passer  la  part  d'intérêt  dans 
les  mains  du  fonctionnaire.  Le  délit  est  donc  consommé  du  moment  qu'ayant 
conclu  la  convention  illicite  par  laquelle  il  a  pris  ou  reçu  une  part  quelcon- 

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276      Diz-Hurr.  lbç.  —  dbs  gaihbs  bt  délits,  btg.  (n""  256), 

que  dans  une  affaire  qa'il  était  appelé  par  ses  fontioas  à  administrer  à  on 
surveiller. 

255.  L*art  176  prévoit  la  seconde  hypothèse  du  même  fait 

Art.  176.  Tout  commandant  des  divisions  militaires,  des  départements  ou  des 
aces  et  villes,  tout  préfet  ou  sous-préfet,  qui  aura,  dans  retendue  des  lieux  où 
il  a  droit  d*exercer  son  autorité,  fait  ouvertement,  ou  par  des 'actes  simulés,  ou 
par  interposition  de  personnes,  le  commerce  de  grains,  grenailles,  farines,  sub- 
stances farineuses,  vins  ou  boissons,  autres  que  ceux  provenant  de  ses  propriétés, 
sera  puni  d'une  amende  de  500  tt.  au  moins,  de  10,000  tr»  au  plus,  de  la  confis- 
cation des  denrées  appartenant  à  ce  conmierce.  » 

Dans  cet  article  comme  dans  le  précédent,  ce  n'est  pas  Tabus  de  la  fonc- 
tion, le  profit  illicite  que  le  fonctionnaire  a  pu  retirer  du  commerce  des  grains 
et  boissons  que  la  loi  a  voulu  punir,  c'est  la  simple  immixtion  dans  ce  com- 
merce, c'est  le  seul  fait  de  participation,  parce  que  ce  fait  est  contraire  à  l'in- 
dépendance et  du  commerce  et  de  la  fonction  elle-même.  On  voit  dans  le» 
discussions  qui  préparèrent  le  Gode,  que  l'un  de  ses  rédacteurs,  M.  Gambacérès, 
fit  des  objections  à  ce  sujet.  Il  dit  que,  si  le  commerce  doit  être  interdit  aux 
préfets  et  aux  sous-préfets,  il  faut  que  la  défense  soit  faite  par  un  règlement 
et  non  par  le  Gode  pénal;  que  faire  le  commerce  n'est  point  un  délit;  qu'il 
n'y  a  de  coupable  que  le  monopole  pratiqué  pour  faire  renchérir  les  denrées 
et  que  c'était  le  monopole  seul  que  la  loi  devait  atteindre.  M.  fierlier  répondit 
que  c  Tarticle  ne  tend  pas  à  frapper  un  crime  dans  toute  l'acception  du  mot, 
mais  à  punir  d'une  amende  un  fait  nuisible  et  dangereux  à  la  société.  Or  cette 
question  est  facile  à  résoudre  ;  car  ce  qui  peut  n'être  qu'une  spéculation  pour 
un  particulier  est  bien  voisin  du  monopole,  quand  c'est  un  homme  pourvu  de 
Tautorité  qui  s'en  mêle.  Dira-t-on  que  le  gouvernement  y  obviera  en  destituant 
un  tel  fonctionnaire?  Mais,  en  supposant  la  destitution,  elle  ne  fera  qu'empê- 
cher le  mal  de  se  prolonger  et  ne  punira  point  le  mal  fait.  >  C'est  en  ce  sens 
que  le  rapport  du  Gorps  législatif  explique  cet  article  :  «  Le  commerce  que 
feraient  les  fonctionnaires  qui  ont  droit  d'exercer  leur  autorité  dans  une  partie 
de  l'empire  deviendrait  bientôt  un  monopole  ;  s'il  portait  sur  quelques-uns  des 
objets  d'une  nécessité  absolue,  ils  pourraient  alors  par  leur  autorité  renchérir 
ou  enlever  au  peuple  sa  subsistance  nécessaire  et  tout  ce  que  réclament  impé- 
rieusement les  premiers  besoins  de  la  vie.  La  loi  prononce  contre  eux  dans  ce 
cas  de  justes,  mais  de  fortes  amendes  et  la  confiscation  des  denrées  appartenant 
à  ce  commerce.» 

§  4.  —  De  la  corruption  des  fonctionnaires  publics. 

266.  Le  fonctionnaire  qui  fait  trafic  despotes  de  ses  fonctions,  qui  fait  ou 
s'abstient  de  faire  tel  ou  tel  de  ces  actes,  dans  un  intérêt  illicite  et  à  prix  d'ar- 
gent, se  rend  coupable  de  corruption.  Ge  crime  admet  nécessairement  deux 
agents  :  le  fonctionnaire  qui  se  laisse  corrompre  et  l'individu  qui  le  corrompt. 
La  loi  a  incriminé  ces  deux  faits  dans  deux  dispositions  distinctes  :  occupons- 
nous  d'abord  du  premier. 


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CRIMB8  BT  DÉLITS  DES  FONCTIONNAIIUSS  PUBUGS  (ART.    177).        S77 

«  ART.  177.  Tout  fonctionnaire  public  de  Tordre  administratif  ou  Judioifaire,  tout 
agent  ou  préposé  d'une  administration  publique  qui  aura  agréé  des  offres  ou 
promesses,  ou  reçu  des  dons  ou  présents  pour  faire  un  acte  de  sa  fonction  ou  de 
son  emploi,  même  Juste,  mais  non  sujet  à  salaire,  sera  puni  de  la  dégradation 
civique  et  condamné  à  une  amende  double  de  la  valeur  des  promesses  agréées 
on  des  choses  reçues,  sans  que  ladite  amende  puisse  être  inférieure  à  200  fr.  -^ 
La  présente  dlsposltioft  «st  applicable  à  tout  fonctionnaire,  agent  ou  préposé  de 
la  qualité  ci- dessus  exprimée,  qui,  par  offres  ou  promesses  agréées,  dons  ou 
présents  reçus,  se  sera  abstenu  de  faire  un  acte  qui  entrait  dans  Tordre  de  ses 
devoirs.  i> 

Il  résulte  de  cet  article  que,  pour  qu'il  y  ait  crime  de  corrtq^tion,  il  font.: 
i*  que  Tagent  ait  la  qualité  de  fonctionnaire  ou  de  )[>répoeé;  t^  que  les  offres 
aient  été  agréées  cm  les  présents  reçus  ;  3«  que  Tobjet  de  ces  offires  ou  de  ces 
dons  ait  été  de  fieûie  on  acte  de  la  fonction  ou  de  s'abstenir  de  cet  acte.  La 
nécessité  du  premier  de  ces  trois  éléments  est  évide&te,  puisque  la  corruption 
est  un  crime  spécial  qui  ne  peut  être  commis  qne  par  des  fonctionnaires  ott 
préposés  :  Je  premier  p<nnt  qu'il  faut  constater  dans  toute  accusation  de  cette 
nature  est  donc  la  qualité  de  Tagent^  Getle  qualité  reoonnae,  il  y  a  lieu  de 
recliercher  s'il  y  a  eu  adhésion  donnée  à  >la  proposition  du  corrupteur;  c'est 
cette  adhésion  qui  constitue  le  fait  matériel  du  crime,  c'est  là  que  réside  la 
convention,  pourvu  qu'elle  ait  été  faite  en  vue  des  promesses  ou  des  présents. 
Enfin,  et  c'est  ici  que  se  trouve  la  criminalité  delà,  convention,  il  est  nécessaire 
qu'elle  ait  pour  objet  soit  la  perpétration,  soit  Tobtention  d'un  acte  delà  fonc- 
Ûon.  G* est  dans  le  rapport  de  l'acte  avec  les  dons  ou  promesses  que  consiste 
le  trafic  illicite  :  le  fonctionnaire  vend  le  pouvoir  dont  il  dispose,  Tautorité 
qu'il  exerce.  Il  importe  peu  que  Tacte  soit  juste  et  légitime  ou  illégitime  et 
injuste;  il  suffit  qu'il  ait  cédé  à  la  corruption  au  lieu  d'obéir  à  son  devoir  :  il 
devient  coupable  dès  que,  même  pour  faire  des  actes  qui  appartiennent  à  ses 
fonctions,  il  perçoituu  lucre  ilUcite  et  met  un  prix  à  son  action.  Toutefois,  si 
l'acte  est  juste  en  lui-même,  il  est  nécessaire  qu'il  ne  soit  pas  sujet  à  salaire, 
car  la  perception  des  émoluments  que  la  loi  y  aurait  attachés  ne  pourrait  évi- 
demment devenir  l'élément  du  crime;  il  faut  nécessairement  ou  que  la  rétri- 
bution perçue  soit  illégale,  ou  qu-elle  soit  autre  que  cetle  que  la  loi  a  pu  au- 
toriser. 

257.  La  loi  du  13  mai  1863  a  ajouté  à  l'art.  177  un  paragraphe  additionnel 
ainsi  conçu  : 

et  Sera  puni  de  la  même  peine  tout  arbitre  ou  expert;  nommé  soit  par  le  tri- 
bunal, soit  par  les  parties,  qui  aura  agréé  des  offres  ou  promesses  ou  reçu  des 
dons,  des  présents,  pour  rendre  une  décision  ou  donner  une  opinion  favorable  à 
l'une  des  partie».  » 

L'art.  177  ne  comprend  dans  sa  disposition  que  les  fonctionnaires  publics  de 
l'ordre  administratif  ou  judiciaire,  et  les  agents  et  préposés  d'une  administra» 
Uon  publique.  Un  arbitre,  un  expert,  nommé  par  ie  tribunal,  on  par  les  par- 
ties ne  pouvaient  rentrer  dans  ces  deux  accusations.  Et  cependant,  la  corrup- 
tion pratiquée  auprès  d'eux  n*esl  ni  moins  coupable  ni  moins  dangereuse  q^ 


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278  DIX-HUIT.   LEÇ.   —  DBS  GRIBCES  ET  DÉLITS,  BTG.   (n^  259). 

celle  pratiquée  aaprès  des  magistrats  eux-mêmes.  Un  arbitre  rend  de  vérita' 
blés  décisions  judiciaires,  un  expert  les  prépare  par  l'opinion  qu'il  consigne 
dafis  ses  rapports;  s'ils  mentent  à  leur  conscience,  s'ils  trahissent  à  prix  d'ar- 
gent les  intérêts  sacrés  qui  leur  sont  confiés,  il  est  Juste  qu'ils  soient  punis  et 
que  le  châtiment  qui  les  atteindra  atteigne  également  ceux  qui  les  auront  cor- 
rompus. C'est  là  la  lacune  que  le  législateur  a  voulu  combler. 

258.  Le  crime  de  corruption  prend  deux  circonstances  aggravantes  :  1* 
quand  il  a  pour  objet  un  fait  criminel  emportant  une  peine  plus  forte  que  la 
dégradation  civique  :  cette  peine  plus  forte,  aux  termes  dei'art,  178,  est  appli- 
quée aux  coupables;  2<»  si  c'est  un  juge  prononçant  en  matières  criminelle  qui 
s'est  laissé  corrompre,  soit  en  faveur,  soit  au  préjudice  de  l'accusé,  la  peine, 
aux  termes  de  Tart.  181,  est  la  réclusion.  Mais  si  la  corruption  a  eu  pour 
résultat  de  faire  condamner  un  innocent  à  une  peine  plus  forte,  cette  peine, 
quelle  qu'elle  soit,  devient  le  châtiment  du  fonctionnaire  corrompu.  «  La  loi 
du  talion,  dit  Texposé  des  motifs,  ne  fut  jamais  plus  équitable  ni  plus  exempte 
d'inconvénients.  »  Tel  est  l'objet  de  l'art  182  qui  dispose  que,  •  si  par  l'effet 
de  la  corruption,  il  y  a  eu  condamnation  à  une  peine  supérieure  à  celle  de  la 
réclusion,  cette  peine,  quelle  qu'elle  soit,  sera  appliquée  au  juge  ou  juré  cou- 
pable de  corruption.  » 

259.  Après  avoir  parlé  de  l'agent  principal  du  crime,  du  fonctionnaire 
qui  se  laisse  corrompre,  nous  arrivons  à  l'agent  de  la  corruption,  ou  cor- 
rupteur : 

tt  Art.  179.  Quiconque  aura  contraint  ou  tenté  de  contraindre  par  voies  de  fait 
ou  menaces,  corrompu  ou  tenté  de  corrompre  par  promesses,  offres,  dons  ou  pré- 
sents, Tune  des  pei  sonnes  de  la  qualité  exprimée  en  l'art.  177.  pour  obtenir,  soit 
une  opinion  favorable,  soit  des  procès-verbaux,  états,  certificats  ou  estimations 
contraires  à  la  vérité,  soit  des  places,  emplois,  adjudications,  entreprises  ou  autres 
bénéfices  quelconques,  soit  enfin  tout  autre  acte  du  ministère  du  fonctionnaire, 
agent  ou  préposé,  soit  enfin  l'abstention  d'un  acte  qui  rentrait  dans  l'exercice  de 
ses  devoirs,  sera  puni  des  mômes  peines  que  le  fonctionnaire,  agent  ou  préposé 
corrompu.  Toutefois,  si  les  tentatives  de  contrainte  ou  corruption  n'ont  eu  aucun 
effet,  les  auteurs  de  ces  tentatives  seront  simplement  punis  d'un  emprisonnement 
de  trois  mois  au  moins  et  six  mois  au  plus,  et  d'une  amende  de  100  à  300  fr.  » 

Cet  article  prévoit  deux  hypothèses  :  ou  la  tentative  de  contrainte  ou  de  cor- 
ruption a  été  suivie  d'effet,  ou  elle  n  a  pas  été  suivie  d'effet.  Dans  ce  dernier 
cas,  elle  ne  constitue  qu'un  simple  délit.  «  La  loi,  porte  l'exposé  des  motifs, 
punit  le  corrupteur  de  la  même  peine  que  celui  qui  a  été  corrompu  ;  elle  est 
moindre,  si  la  corruption  n'a  pas  été  consommée;  mais  la  moindre  tentative 
est  elle-même  un  véritable  délit,  elle  est  au  moins  une  injure  faite  à  la  jus- 
tice, et  la  loi  la  punit  de  l'amende  et  de  l'emprisonnement.  >  Les  mêmes  élé- 
ments, au  reste,  constituent,  en  ce  qui  concerne  le  corrupteur,  la  tentative  de 
corruption  et  la  corruption  consommée  :  la  seule  différence  qui  sépare  les  deux 
actes,  c'est  que  dans  un  cas  les  offres  ou  présents  ne  sont  pas  agréés  par  le 
fonctionnaire,  tandis  qu'ils  le  sont  dans  l'autre.  Ainsi,  c'est  dans  un  fait  étran- 
ger au  corrupteur,  dans  le  fait  d'une  tierce  personne,  du  fonctionnaire,  que  la  lor 


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CRIMBS  BT  BÉLITS  DBS  FONCTIONNAIRES  PUBUG8  (aRT.    183).        279 

place  la  distinction  qui,  da  même  acte,  fait  tantôt  un  délit  et  tantôt  un  crime. 

81  les  offres  ou  dons  ont  été  suivis  d'effet,  c'est-à-dire,  si  la  corruption  a 
étéccmsommée,  les  deux  agents  qui  ont  commis  le  crime,  Fagent  corrupteur 
et  le  fonctionnaire  corrompu  sont  frappés  des  mêmes  peines  ;  et  cependant  la 
loi  ne  les  a  pas  considérés  comme  complices,  elle  a  séparé  les  actes  de  ces 
deux  prévenus  et  les  a  incriminés  distinctement,  en  imposant  à  Tun  et  à  Tau- 
Ire  des  condions  qui  ne  sont  pas  les  mêmes.  C'est  ainsi  qu*il  résultait  de  la 
combinaison  des  art.  477  et  179  que  la  loi  n'avait  voulu  punir  le  corrupteur 
que  dans  le  cas  où  la  corruption  avait  pour  objet  d'obtenir  de  l'officier  public 
qu'il  fît  un  acte  de  son  ministère;  elle  n'avait  point  étendu  son  incrimination 
au  cas  où  la  corruption  n'avait  eu  pour  objet  que  d'obtenir  que  cet  officier 
s'abatôntd'un  pareil  acte.  Dans  cette  dernière  hypothèse,  la  responsabilité  pénale 
ne  pesait  que  sur  l'officier  corrompu.  Cette  disposition,  fondée  sur  une  nuance 
déUcate  de  la  criminalité,  a  paru  une  anomalie  au  législateur  qui  l'a  fait  dis* 
paraître  en  ajoutant  dans  l'art.  179  ces  mots;  «  Soit  enfin  l'abstention  d'uu 
acte  qui  rentrait  dans  l'exercice  de  ses  devoirs  »  ;  cette  addition  efface  la  dis- 
tinction faite  par  le  Gode,  entre  la  provocation  à  un  acte,  et  la  provocation  à 
une  simple  abstention. 

Vous  avez  été  sans  doute  surpris  de  trouver  dans  l'art.  179,  à  côté  des  doos 
et  promesses  qui  opèrent  la  corruption,  les  voies  de  fait  et  menaces  qui  opè« 
rent  la  contrainte.  Il  est  évident  que  l'application  de  ces  moyens  différents 
lors  même  qu'ils  ont  le  môme  but,  ne  constitue  pas  le  même  crime.  Autre 
chose  est  l'emploi  de  la  force  pour  obtenir  l'acte  illicite,  autre  chose  l'emploi 
des  promesses  et  des  dons.  Il  n'y  a,  dans  ces  deux  faits,  ni  la  même  audace, 
ni  la  même  criminalité;  il  n'y  a  pas  non  plus  le  même  péril  social;  et  l'atten- 
tion du  législateur  eût  été  éveillée  sans  doute  sur  cette  confusion,  si  jusqu'à 
présent  la  première  de  ces  dispositions  ne  fût  demeurée  inappliquée. 

260.  Par  suite  d'une  autre  confusion  non  moins  étrange,  le  Gode  pénal  a 
placé  dans  le  paragraphe  et  sous  la  rubrique  de  la  corruption  une  disposition 
qui  n'a  aucun  rapport  avec  ce  crime. 

^  a  Art.  183.  Tout  juge  ou  administrateur,  qui  se  sera  décidé  par  faveur  pour  une 
partie  ou  par  inimitié  contre  elle,  sera  coupable  de  forfïiiture  et  puni  de  la  dégra- 
dation civique.  » 

Il  ne  s'agit  plus  ici  de  la  fonction,  il  ne  s'agit  pas  d'un  abus  fondé  sur  la 
cupidité;  c'est  la  faveur  ou  la  haine  qui  dicte  la  décision  ou  le  jugement  ;  l'ad- 
ministrateur ou  le  juge  trahit  son  devoir,  mais  c'est  la  passion  et  non  la  fraude 
qui  est  le  mobile  de  sa  conduite.  Gette  incrimination,  quelque  justifiée  qu'elle 
soit  au  fond,  suscita  quelques  doutes  dans  l'esprit  du  législateur,  à  raison  de 
la  difficulté  d'en  faire  la  preuve.  Le  rapport  de  la  commission  du  Gorps  légis* 
latif  porte  ce  qui  suit  :  i  La  loi  ne  doit  punir  que  les  actions,  elle  doit  les  ca- 
ractériser. La  faveur  ou  l'inimitié  sont  des  sentiments  ;  la  loi  ne  peut  les  saisir 
et  les  frapper  que  lorsqu'ils  sont  manifestés  par  des  actes  ;  pour  décider  si  un 
juge  est  mû  par  haine  ou  par  amitié,  il  faut  descendre  dans  sa  conscience, 
interpréter  ses  intentions  :  rien  de  plus  arbitraire  qu'une  telle  interprétation. 

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280         DIX-HUIT.   LBÇ.  —  0B8  GRIMBfl  ET  DÉLITS,  BTCt  (N*"   261). 

Le8  accusés  ou  condamnés  supposeront  toujours  la  partialité  ;  L'article  serait 
un  appel  bien  dangereux  contre  les  juges.  Le  moyen  certain  de  se  garantir  do 
TeiTet  des  sentiments  dont  il  s'agit  existe  dans  la  récusation  que  l'on  peut  em- 
ployer lorsqu'on  croit  avoir  à  craindre.  Gomme  les  cas  de  dol  et  aatres  sont 
prévus  en  détail  dans  le  projet,  il  ne  reste  dans  l'art.  183»  pour  toute  base 
caractéristique  du  crime, que  des  sentiments  qui  ne  penvent  se  saisirqnandils 
sont  isolés  et  ne  sont  pas  manifestés  par  le  dol,  la  fraude  et  la  corruptÎDn.  • 
Cet  avis  de  la  commission  fut  appuyé  par  plusieurs  membres  du  conseil  d'État 
Us  pensaient  que  cetto  disposition  servirait  de  prétexte  pour  inquiéter  les 
Juges,  que  les  imputations  d'inimitié  et  de  faveur,  difficiles  à  établir,  peuvent 
être  facilement  formulées  et  qu'il  pourrait  en  résuUer  des  procédures  soanda- 
leuses  quoique  dénuées  de  fondement.  On  répondit  que  ces  inquiétudes  étaient 
chimériques.  ;  que  cette  incrimination  n'était  point  nouvelle,  qu'elle  n'avait 
jamais  eu  dé  danger  et  pouvait  contenir  les  juges  enclins  à  substituer  la  pas« 
sion  à  la  justice  ;  que  les  garanties  de  la  procédure  criminelle  feraient  dispa- 
raître toute  possibilité  d'abus  sérieux.  Néanmoins,  les  criminalistes  les  plus 
estimés  enseignent  qu'il  faut  que  la  faveur  ou  l'inimitié  soit  trahie  par  des 
faits  extérieurs  pour  que  la  poursuite  puisse  la  saisir  ;  car  comment  sonder  le 
«BUT  du  juge  ?  comment  discuter  la  justesse  ou  l'erreur  de  ses  opinions  ?  Ge 
n'est  que  lorsque  la  passion  s'est  manifestée  par  un  acte  quelconque  qu'il  est 
possible  de  la  saisir  et  d'en  faire  la  base  d'une  accusation. 

Mais  il  ne  faudrait  pas  induire  delà  que  les  juges  ne  sont  pas  responsables 
des  excès  qu'ils  peuvent  commettre  dans  leurs  fonctions.  Les  anciennes  ordon- 
nances, notamment  celles  du  15  février  1549,  celles  de  Blois  et  d'Orléans  et 
enfin  l'ordonnance  dos  1667,  énuméraient  les  cas  nombreux  où  les  juges 
étaient  privés  de  leurs  offices  et  punis  de  peines  arbitraires.  Aujourd'hui,  ils 
peuvent  être  poursuivis,  à  raison  des  abus  de  leurs  fonctions,  soit  dvilement 
par  la  voie  de  la  prise  à  partie  réglée  par  les  art.  303  et  ceux  du  Gode  de  pr. 
civ.,  soit  criminellement  suivant  les  formes  présentées  par  les  art.  383  et 
385  du  Gode  d'instruction  criminelle. 

§  5.  —  Des  abus  d'autorité. 

261.  Le  Gode  divise  les  abus  d'autorité  en  deux  classes  :  contre  les  particu- 
liers et  contre  la  chose  publique.  Les  abus  d'autorité  contre  les  particuliers  sont  : 
i^  la  violation  du  domicile;  %^  le  déni  de  justice;  3<»  les  violences  illégitimes 
envers  les  personnes  ;  4^  les  suppressions  ou  ouvertures  de  lettres  confiées  à 
la  p(»te.  Les  abus  d'autorité  contre  la  chose  publique  sont  les  ordres  ou  réqui- 
sitions tendant  à  l'emploi  de  la  force  publique  pour  empêcher  l'exécution  d'une 
loi,  ou  la  perception  d'une  contribution,  ou  l'effet  d'un  ordre  émané  d'une  au- 
torité légitime.  Il  est  bien  d'autres  abus  d'autorité  que  ceux-là;  nous  en  avons 
déjà  apprécié  quelques-uns,  nous  en  verrons  tout  à  l'heure  d'autres  encore, 
liais  la  loi  a  réservé  cette  qualification  spéciale  aux  faits  que  noju^  venons  de 
désigner. 

Xie  premier  des  abus  d'autorité  contre  les  particuliers  est  la  violation  du  do- 
micile. L'inviolabilité  du  domicile  des  citoyens  est  un  principe  général  de  notre 
droit  public  La  législation  l'a  consacré  à  plusieurs  reprises  et  dans  les  termes 


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CBJMMS  ET  DÉLITS  DBS  FOHCTIOMNiURES  PUBLICS  (aHT.   184).        281 

ies  plus  formels.  L'art.  8,  tii.  I«',  de  la  loi  des  19-22  juillet  1791,  déclare  que 
c  nal  officier  municipal,  commissaire  on  officier  de  police  municipale,  ne 
pourra  entrer  dans  les  maisons  des  citoyens,  si  ce  n'est  en  vertu  des  ordon- 
nances, contraintes  et  jugements  dont  ils  seront  porteurs,  ou  sur  le  cri  des 
citoyens  invoquant  de  l'intérieur  d'une  maison  lesecours  de  la  force  publique.» 
Les  art.  9  et  10  font  une  double  exception  à  l'égard  des  lieux  où  tout  le  monde 
«st  admis  indistinctement,  tels  que  cafés,  cabarets,  boutiques  et  autres,  et  à 
regard  des  maisons  où  Ton  donne  i  jouer  babituellement  des  jeux  de  basard. 
L'art.  11  prononce  des  dommages-intérêts  contre  les  officiers  de  police  qui, 
m  bors  les  cas  mentionnés  aux  art:  6,  9  et  10,  sans  autorisation  spéciale  de 
justice  on  de  la  police  de  sûreté,  feront  des  visites  ou  des  recherches  dans  les 
maisons  des  citoyens,  m  L'art.  9&9  de  la  constitution  du  5  fructidor  an  III  re- 
produit la  règle  générale  que:  «  Aucune  visite  domiciliaire  ne  peut  avoir  lieu 
qu'en  vertu  d'une  loi,  et  pour  la  personne  et  Tobjet  expressément  désignés 
dans  l'acte  qui  ordonne  la  visite.  ■  L'art.  208  du  Gode  du  3  brumaire  an  IV 
ajoutait  :  •  S'il  paraît  utile  à  la  recherche  de  la  vérité  de  procéder  à  une  ou  plu- 
sieurs visites  domîciliaireB,  le  juge  de  paix  rrad  à  cet  effet  une  ordonnance 
dans  laquelle  il  énonce  expressément  les  personnes  et  les  objets  qui  donnent 
lieu  à  ces  visites.  •  L'art.  76  de  la  constitution  du  22  fîrimaire  an  VIII  donne 
au  même  principe  une  autre  formule  :  c  La  maison  de  toute  personne  habi- 
tant le  territoire  firançais  est  un  asile  inviolable.  Pendant  la  nuit,  nul  n'a  le 
droit  d'y  entrer  que  dans  le  cas  d'incendie,  d'inondation  on  de  réclamation 
faite  de  l'intérieur  d'une  maison.  Pendant  le  jour,  on  peut  y  entrer  pour  un 
objet  spécial,  déterminé  par  une  loi  ou  par  un  ordre  émané  d'une  autorité  pu- 
blique. »  Enfin,  l'art.  3  de  la  constitution  du  4  novembre  1848  a  reproduit,  en 
l'abrégeant,  le  même  principe  :  c  La  demeure  de  toute  personne  habitant  le 
territoire  français  est  inviolable  :  il  n'est  permis  d'y  pénétrer  que  selon  les  for- 
mes et  dans  les  cas  prévus  par  la  loi.  b  C'est  à  ce  principe  que  l'art.  184  est 
venu  apporter  une  sanction. 

«  ART.  184.  Tout  fonctionnaire  de  l'ordre  administratif  ou  judiciaire,  tout  officier 
de  justice  ou  de  police,  tout  commandant  ou  agent  de  la  force  publique,  qui  agis- 
sant fin  sa  dite  qualité,  se  aara  introduit  dans  le  domicile  d'un  citoyen,  contre  le 
gré  de  oelui-ci,  hors  les  cas  prévus  par  la  loi  et  sans  les  formalités  qu'elle  a  pres- 
crites, sera  puni  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à  un  an  et  d'une  amende  de 
16  à  500  fr.,  sans  préjudice  de  l'application  du  2*  §  de  Tart.  114.  —  Tout  individu 
qui  se  sera  introduit  &  l'aide  de  menaces  ou  de  violence  dans  le  domicile  d'un 
citoyen  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à  trois  mois  et  d'une  amende 
de  16  à  200  fr.» 

Le  !•'  §  de  cet  article  exige  deux  explications.  Quels  sont,  en  premier  lieu, 
Us  cas  précus  par  la  hi  dans  lesquels  l'introduction  est  permise?  Pendant  la 
nuit,  nul  n'a  le  droit  d'entrer  dans  la  maison  d'un  citoyen,  si  ce  n'est  :  i^  dans 
les  cas  d'incendie,  d'inondation  ou  de  réclamation  venant  de  l'intérieur  de  la 
maison  ;  2^  dans  les  maisons  ouvertes  au  public,  pendant  le  temps  de  leur 
ouverture.  Pendant  le  jour,  on  ne  peut  y  pénétrer  que  pour  un  objet  spécial 
déterminé  par  une  loi  ou  par  un  ordre  émané  d'une  autorité  publique.  La  loi 
du  19-22  juillet  1791  autorise  les  officiers  de  police  à  pénétrer  dans  les  maisons 

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282  DIX- HUIT.   LBÇ.  —  DES  GBIMES  ET  DÉLITS,  BTG.   (n°  261  ). 

des  citoyens  pour  la  confection  des  états  de  recensement,  pour  la  vérificatioii 
des  registres  des  logeurs,  pour  Texécution  des  lois  sur  les  contributions  direc- 
tes, et  dans  les  maisons  ouTortes  au  public  pour  y  vérifier  les  poids  et  mesu- 
res, le  titre  des  matières  d'or  et  d'argent,  la  salubrité  des  comestibles,  pour  y 
constater  les  contraventions,  pour  y  surveiller  les  désordres.  L'art.  131  de 
la  loi  du  28  germinal  an  VI  et  l'art.  185  de  l'ordonnance  du  29  octobre  1820 
donnent  à  la  gendarmerie  le  droit  de  pénétrer  dans  le  domicile  des  prévenu» 
ou  des  condamnés  pour  procéder  à  leur  arrestation.  Les  art.  87  et  88  du  Cîode 
d'instruction  criminelle  reconnaissent  au  juge  d'instruction  le  droit  de  ùùre 
des  visites  domiciliaires  dans  la  maison  des  prévenus  et  dans  les  autres  lieux 
où  il  présumerait  que  des  pièces  de  conviction  sont  déposées.  L'art.  161  du 
Code  forestier  porte  que  les  gardes  forestiers  ne  pourront,  pour  constater  Ten- 
lèvement  des  objets  pris  en  délit,  s'introduire  dans  les  maisons,  si  ce  n'est  en 
présence  du  juge  de  paix,  du  maire  ou  du  commissaire  de  police.  Les  art.  236 
et  238  de  la  loi  du  28  avril  1816  attribuent  aux  préposés  des  contributions  indi- 
rectes un  droit  de  visite  chez  les  redevables  sujets  aux  exercices.  Les  visites 
domiciliaires  sont  encore  autorisées  en  matière  de  douanes  par  l'art.  60  de  la 
loi  du  28  avril  1816,  et  en  matière  de  dépôt  de  poudres,  par  l'art.  26  du  dé- 
cret du  13  fructidor  an  V.  Telles  sont  les  restrictions  qui  ont  été  successive- 
ment apportées  au  principe  de  l'inviolabilité  du  domicile.  Mais  chacune  de  ces 
restrictions,  quelle  que  soit  sa  cause,  n'a  été  introduite  que  conmie  une  excep- 
tion ;  il  faut  que  cette  exception  trouve  dans  la  loi  son  titre  et  qu'elle  en  jus- 
tifie; i]  faut  qu'elle  soit  formellement  écrite  et  elle  ne  peut  être  appliquée  que 
dans  le  cercle  qui  lui  est  tracé;  car,  hors  des  cas  prévus  par  la  loi,  l'introdUCtioa 
constitue  le  délit  de  violation  de  domicile. 

Quelles  sont,  en  second  lieu,  les  formalités  prescrites  par  la  Un?  Je  dois  rele- 
ver ici  une  contradiction  évidente.  La  loi  a  établi  des  formalités  qui  doivent 
accompagner,  dans  les  cas  où  elle  est  permise,  l'introduction  des  fonction- 
naires ou  agents  de  l'autorité  :  c'est  en  général,  la  présence  et  le  concours  de 
certains  fonctionnaires  qui  sont  les  garants  de  la  légalité  de  la  visite.  Mais  est-il 
vrai  que  l'omission  de  ces  formalités  donne  à  l'introduction  le  caractère  d'un 
délit?  Ce  qui  doit  en  faire  douter,  c'est  que  la  loi  n'incrimine  l'introduction 
dans  le  domicile  d'un  citoyen  que  lorsqu'elle  a  lieu  contre  le  gré  de  celui-ci  ; 
ce  n'est  donc  que  dans  ce  cas  que  l'omission  des  formes  est  constitutive  du 
délit;  car,  lorsqu'il  ne  s'est  pas  opposé  à  une  visite  irrégulière,  lorsqu'il  a  con- 
senti à  l'introduction,  il  n'y  a  plus  de  délit.  La  loi  n'a  pas  puni  la  seule  omis- 
sion des  formes,  elle  n'a  frappé  que  l'acte  vexatoire,  l'abus  violent  de  pouvoir^ 
l'arbitraire  brisant  une  résistance  légale. 

Le  2'  §  de  l'art.  184,  ajouté  par  la  loi  du  28  avril  1832,  se  rattache  sans  doute 
à  la  matière,  mais  aurait  dû  prendre  sa  place  ailleurs,  puisque  le  Gode  ne  traite 
ici  que  des  délits  des  fonctionnaires.  Il  existait,  au  reste,  sur  ce  point,  une 
véritable  lacune  dans  la  loi.  Le  législateur  avait  paru  oublier  qu'il  était  pos- 
sible qu'un  particulier  violât  le  domicile  d'un  autre  particulier,  et  cependant 
l'expérience  nous  l'apprend  tous  les  jours.  Dans  les  grandes  villes,  où  la  police 
s'exerce  d'une  manière  sévère,  ce  délit  a  lieu  fort  rarement  ;  mais  il  n'en  est 
pas  de  même  dans  les  campagnes,  où  très-souvent  les  habitants  isolés  se  trou- 
vent exposés  à  la  tyrannie  ou  à  la  brutalité  des  voyageurs.  C'était  un  abus- 

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GRIMBS  BT  DÉLITS  DBS  FONCTIONNAIRES  PUBLICS  (ART.   186).        283 

qu'il  ftdlait  réprimer,  une  omission  qu'il  fallait  remplir.  H  faut  que  le  citoyen 
le  plus  dénué  de  moyens  de  défense  soit  entouré  de  toutes  les  garanties  de 
sécurité  :  la  loi  et  la  justice  doivent  \eiller  continuellement  à  ses  côtés.  Toute» 
fois,  il  y  a  lieu  de  remarquer  que  les  éléments  de  l'incrimination  ne  sont  pas 
tout  à  fait  les"  mêmes  dans  les  deux  cas  ;  la  simple  introduction  de  Tagent  de 
Fautorité,  hors  les  cas  prévus  par  la  loi  et  contre  le  gré  du  citoyen,  suffit  pour 
constituer  le  délit;  il  faut,  de  plus,  quand  le  prévenu  est  un  simple  particulier^ 
qu'il  y  ait  eu  emploi  de  menaces  ou  de  violences  ;  c'est  l'équivalent  de  l'emploi 
d'une  autorité  illégale. 

262.  Le  deuxième  abus  d'autorité  est  le  déni  de  justice  : 

a  Art.  185.  Tout  juge  ou  tribunal,  tout  administrateur  ou  autorité  administra- 
tive qui,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit,  même  du  silence  ou  de  Tobscurité  de 
la  loi,  aura  dénié  de  rendre  la  justice  qu'il  doit  aux  parties,  après  en  avoir  été 
requis,  et  qui  aura  persévéré  dans  son  déni,  après  avertissement  ou  injonction 
de  ses  supérieurs,  pourra  être  poursuivi  et  sera  puni  d'une  amende  de  200  fr.  au 
moins  et  de  300  Tr.  au  plus,  et  de  l'interdiction  des  fonctions  publiques  depuis  cinq 
ans  jusqu'à  vingt.  » 

Vous  devez  d'abord,  pour  comprendre  cet  article^  vous  reporter  :  1°  à  l'art.  4 
du  Gode  civil,  qui  est  ainsi  conçu  :  c  Le  juge  qui  refusera  de  juger,  sous  pré- 
texte du  silence,  de  l'obscurité  ou  de  l'insuffisance  de  la  loi,  pourra  éire  pour- 
suivi comme  coupable  de  déni  de  justice;  »  2<*  à  l'art.  506  du  Gode  de  procé- 
dure civile,  qui  porte  :  c  II  y  a  déni  de  justice  quand  les  juges  refusent  de 
répondre  aux  requêtes  ou  refusent  de  juger  les  affaires  en  état  ou  en  tout 
d'être  jugées,  i  La  jurisprudence  a  décidé,  d'après  ces  dispositions  purement 
démonstratives,  que  le  renvoi  d'une  affaire  à  une  époque  indéterminée,  l'omis- 
sion de  statuer  sur  un  cbef  d'un  procès  et  le  refus  de  prononcer  sur  le  fond 
d'une  cause,  pouvaient  constituer  un  déni  de  justice. 

n  faut  distinguer,  toutefois,  le  déni  de  justice  qui  constitue  le  délit  et  celui 
qui  ne  donne  lieu  qu'à  l'annulation  du  jugement  qui  refuse  de  statuer.  Ge  n'est 
pas  l'erreur  ou  l'ignorance  que  la  loi  punit,  c'est  le  refus,  c'est-à-dire  la  viola- 
tion du  devoir  de  la  fonction.  Ge  n'est  môme  pas  le  refus,  mais  la  persistance 
dans  cette  dénégation  d'une  décision  après  avertissement;  d'où  il  suit,  on  peut 
le  dire,  que  cette  disposition  de  la  loi  pénale  sera  bien  rarement  appliquée. 
Elle  a  plutôt  pour  objet  de  servir  de  frein  à  la  légèreté  et  à  l'inexactitude  des 
fonctionnaires  publics  que  de  frapper  réellement  leurs  écarts.  G'est  une  règle 
plutôt  qu'une  pénalité. 

M3.  Le  troisième  abus  d'autorité  est  l'exercice  de  violences  sans  motif 
légitime. 

a  Art.  186.  Lorsqu'un  fonctionnaire  ou  un  ofQcier  public,  un  administrateur,  un 
agent  ou  un  préposé  du  gouvernement  ou  de  la  police,  un  exécuteur  des  mandats 
de  justice  ou  jugements,  un  commandant  en  chef  ou  en  sous-ordre  de  la  force 
publique,  aura,  sans  motif  légitime,  usé  ou  fait  user  de  violences  envers  les  per- 
sonnes, dans  l'exercice  ou  à  l'occasion  de  l'exercice  de  ses  fonctions,  il  sera  punî 
selon  la  nature  et  la  gravité  de  ces  violences,  et  en  élevant  la  peine  suivant  la 
règle  posée  par  l'art.  198  ci-après.  » 


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284         DIX-HUIT.    LEÇ.   —  DBS   CRIMES  BT  DÉLITS,   ETC.  (N®  265). 

Un  seul  point  dans  cet  article  doit  fixer  votre  attention.  Qae  faut-il  enten- 
dre par  des  violences  commises  «am  molif  légiiime  7  II  faut  entendre  des  vio- 
lences qui  ne  trouvent  pas  une  cause  de  justification  dans  un  acte  quelconque 
de  la  fonction;  car  Texercice  de  la  fonction  justifie  les  violences  qui  sont  né- 
cessaires pour  son  accomplissement.  Supposez,  par  exemple,  qu'il  s'agisse  d'o- 
pérer une  arrestation  à  laquelle  on  oppose  quelque  résistance,  de  mettre  à 
exécution  un  jugement  qui  lèse  une  population,  de  disperser  un  attroupement 
tumultueux,  de  faire  cesser  la  perpétration  d'un  délit.  Dans  toutes  ces  hypo- 
thèses, les  agents  de  l'autorité  publique,  qui  n'ont  pas  excédé  les  limites  de  la 
force  qui  était  indispensable  pour  assurer  l'exécution  des  ordres  dont  ils  étaient 
chargés,  ont  agi  avec  un  motif  légitime,  et  les  violences  qu'ils  ont  dû  exercer 
dans  cette  mesure  ne  constituent  ni  crime  ni  délit.  Ils  n'ont  fait  que  prêter 
une  force  nécessaire  à  l'exécution  de  mesures  ordonnées  au  nom  de  la  loi  et 
dans  l'intérêt  de  l'ordre  général.  Cette  disposition  s'applique  d'ailleurs  à  toutes 
sortes  de  violences,  pourvu  qu'elles  aient  été  faites  dans  l'exercice  des  fonctions 
et  pour  Taccomplissement  des  devoirs  qui  en  dérivaient.  J'examinerai  tout  à 
Theure,  quand  nous  serons  arrivés  à  l'art.  198,  la  pénalité  graduée  que  cet 
article  établit. 

264.  Le  quatrième  abus  d'autorité  est  la  suppression  ou  Poavertare  des 
lettres. 

a  ART.  187.  Toute  suppression,  toute  ouverture  de  lettres  confiées  à  la  poste, 
commise  ou  facilitée  par  un  fonctionnaire  ou  un  agent  du  gouvernement  ou  de 
l'administration  des  postes,  sera  punie  d'une  amende  de  16  tr.  à  500  fr.  et  d'un 
emprisonnement  de  trois  mois  &  cinq  ans.  Le  coupable  sera,  de  plus,  interdit  de 
toute  fonction  ou  emploi  public  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus.  » 

La  loi  des  10-14  août  1790  proclame  que  :  «  Le  secret  des  lettres  est  invio- 
lable, et  que,  sous  aucun  prétexte,  il  ne  peut  y  être  porté  atteinte  ni  par  les 
corps  ni  par  les  individus.  »  Un  décret  des  10-22  juillet  1791  répète  :  •  Qu'il 
est  enjoint  aux  corps  administratifs  de  surveiller  l'exécution  du  décret  du  10 
août  1790  concernant  le  secret  et  l'inviolabilité  des  lettres,  b  L'art.  23,  de  la 
sect  lY,  du  C.  pén.  de  1791,  et  l'art.  368  du  G.  du  3  kram.  an  IV  apportèrent 
une  sanction  à  ce  principe  en  édictant  des  peines  contre  •  quiconque  sera  con- 
vaincu d'avoir  volontairement  et  sciemment  supprimé  une  lettre  confiée  à  la 
poste  et  d'en  avoir  brisé  le  cachet  et  violé  le  secret,  i  L'art.  187  n'a  fait  que 
reproduire  cette  sanctiofl. 

Cet  article  ne  s'applique  qu'aux  violations  commises  par  des  agents  de  l'ad- 
ministration :  celles  qui  seraient  commises  par  de  simples  particuliers  ne  cons- 
tituent aucun  délit  ;  c'est  une  lacune  qu'il  est  peut-être  regrettable  de  trouver 
•dans  la  loi.  Mais  il  importe  peu  que  les  fonctionnaires  ou  agents  de  l'adminis- 
tration des  postes  aient  commis  ou  facilité  l'ouverture  des  lettres  dans  l'exer- 
cice ou  hors  l'exercice  des  fonctions,  dans  un  intérêt  public  ou  dans  un  intérêt 
privé;  la  loi  n'exige  point  cette  condition  ;  il  suffit  que  la  suppression  ou  l'ou- 
verture ait  été  commise  sciemment  et  dans  une  intention  frauduleuse. 

265.  Bous  ce  titre  à' Abus  d'autorité  contre  la  chose  publique,  le  Gode  n'a  placé 

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CRIMES  BT  DÉLITS  DBS  FONGTIONNAIRBS  PUBLICS  (aRT.   188).        285 

qu'une  espèce  de  révolte  des  fonctionnaires  contre  les  ordres  du  gouyeme- 
ment. 

a  Art.  188.  Tout  fonctionnaire  public,  agent  ou  préposé  du  gouvernement,  de 
quelque  état  et  grade  qu'il  soit,  qui  aura  requis  ou  ordonné,  fait  requérir  ou 
ordonner  l'action  ou  remploi  de  la  force  publique  contre  l'exécution  d'une  loi  ou 
contre  la  perception  d'une  contribution  légale,  ou  contre  l'exécution  soit  d'une 
ordonnance  ou  mandat  de  Justice,  soit  de  tout  autre  ordre  émané  de  l'autorité  lé- 
gitime, sera  puni  de  la  réclusion.  » 

n  semble  à  peu  près  inutile  de  nous  arrêter  à  étudier  un  article  qui  n'a  ja- 
mais été  appliqué  et  ne  le  sera  sans  doute  jamais.  C'est  une  de  ces  incrimina- 
tions qui  ne  prouvent  que  les  inquiétudes  excessives  d'un  pouvoir  ombrageux. 
U  est  peu  probable  qu'un  fonctionnaire,  auquel  le  gouvernement  peut  sans 
cesse  retirer  ses  fonctions^  puisserequérir  la  force  publique  contre  l'exécution 
des  lois  ou  la  perception  des  contributions.  Quoiqu'il  en  soit,  la  loi  a  cru 
devoir  distinguer  si  la  réquisition  a  été  ou  non  suivie  d'efiet.  Les  art.  189, 
190  et  191  mesurent  la  gravité  de  la  peine  d'après  la  gravité  des  résultats  des 
réquisitions. 

§  6.  -—  De  quelques  délits  relatif^  à  la  tenue  des  actes  de  l'état  civil. 

266.  Les  art.  192,  193,  194  et  195  ont  pour  objet  d'apporter  une  sanction  à 
quelques  règles  du  Gode  civil  relatives  à  la  tenue  des  actes  de  l'état  civil.  Ces 
régies,  établies  par  les  art.  52,  156, 157  et  228  du  Gode  civil,  sont  :  1»  que  les 
actes  ne  doivent  point  être  inscrits  sur  des  feuilles  volantes  ;  2^  que  nul  ma- 
riage ne  doit  être  célébré  sans  être  précédé  des  consentements  nécessaires  à  sa 
validité  ;  3<>  que  le  second  mariage  d'une  femme  ne  doit  pas  être  célébré  avant 
l'expiration  des  délais  établis  par  la  loi.  L'officier  de  l'état,  civil  qui  enfreint 
ces  [règles  encourt  les  peines  portées  par  les  articles  que  nous  avons  cités,  et 
ces  peines  peuvent  même  devenir  plus  graves,  en  cas  de  collusion  avec  les 
parties.  Ce  ne  sont  là,  au  surplus,  que  des  infractions  matérielles  dont  la  sim- 
ple lecture  du  texte  de  la  loi  suffit  pour  onseigner  les  éléments. 

§  7.  —  DeFexeroice  de  l'autorité  publique  illégalement  anticipé  ou  prolongé. 

867.  Je  n'ai  également  que  peu  de  mots  à  dire  sur  les  art.  196  et  197  qui 
prévoient  l'infraction  des  fonctionnaires  qui  ont  commencé  d'exercer  leurs 
fonctions  avant  d'avoir  prêté  serment,  ou  qui  les  ont  continuées  après  avoir 
été  remplacés.  Il  suffira  de  rappeler  les  motifs  de  ces  deux  articles  :  c  Le  fonc- 
tionnaire, disait  Forateur  du  gouvernement,  en  acceptant  une  fonction  qui 
lui  est  confiée  par  l'autorité  souveraine,  doit  lui  donner  une  garantie  de  sa 
fidélité  ;  il  devient  suspect  lorsqu'il  la  diffère,  et  s'il  exerce  ses  fonctions  sans 
avoir  prêté  serment,  il  commet  une  action  punissable.  Il  sera  bien  plus  cri- 
minel et  puni  d'une  manière  plus  aggravante,  si,  étant  révoqué  ou  destitué, 
suspendu  ou  interdit  légalement,  il  continue  i'exercice  de  ses  fonctions,  ou  si, 
étant  électif  et  temporaire,  il  les  exerce  après  avoir  été  remplacé  ;  il  commet 
alors  un  véritable  attentat  contre  Tautorité  souveraine,  et  il  sera  interdit  de 

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286         DIX-HUIT.   LBÇ.  —  DES  CRIMES  ET   DÉLITS,  ETC.   (n*  268). 

toates  fonctions  pendant  le  terme  fixé  par  la  loi.  »  Toutefois,  dans  cette  der- 
nière hypothèse,  il  ne  suffirait  pas  que  le  fonctionnaire  remplacé  eût  procédé 
à  quelque  acte  de  sa  fonction^  après  la  connaissance  officielle  de  son  remp!a- 
eement,  pour  l'existence  du  délit,  car  il  y  a  des  actes  urgents  qui  n'admettent 
pas  de  délai,  des  besoins  de  service  auxquels  il  faut  pourvoir.  Ce  que  la  loi  a 
voulu  exprimer,  ce  sont  les  abus  d'un  pouvoir  usurpé,  les  actes  d'usurpation, 
et  non  les  actes  faits  de  bonne  foi  et  dans  l'intérêt  du  service  public. 

§  8.  —  De  Taggravation  pénale  dont  sont  passibles  les  fonctionnaires  qui  ont 
participés  aux  délits  qu'ils  sont  chargés  de  surveiller. 

268.  Nous  arrivons  ici  à  une  règle  générale  de  pénalité.  Le  législateur  a 
prévu  que  les  fonctionnaires  publics  pourraient  participer  eux-mêmes  aux  dé- 
lits qu'ils  sont  chargés  de  surveiller,  et  il  a  vu  dans  cette  participation  une  ag- 
gravation de  criminalité  dont  il  lui  a  paru  juste  de  tenir  compte,  c  II  est  diffi- 
cile, porte  l'exposé  des  motifs,  de  ne  pas  considérer  comme  plus  coupable 
celui  qui,  chargé  par  la  loi  de  réprimer  les  crimes  et  délits,  ose  les  commettre 
lui-même,  et  il  a  paru  convenable  d'élever  la  peine  à  son  égard.  8i  donc  il 
s'agit  d'un  délit  de  police  correctionnelle,  le  fonctionnaire  qui  Taura  commis 
subira  toujours  le  maximum  de  la  peine  attachée  à  l'espèce  de  ce  délit  ;  et,  s'il 
s'agit  de  crime,  il  subira  la  peine  immédiatement  supérieure  à  celle  qu'eût 
mérité  tout  autre  coupable  :  gradation  qui  ne  cessera  qu'au  point  où  elle  at- 
teindrait la  peine  de  mort.  Cette  disposition  toute  morale  ne  saurait  qu'ho- 
norer notre  législation.  • 

«  Art.  198.  Hors  les  cas  où  la  loi  règle  spécialement  les  peines  encourues  pour 
crimes  ou  délits  commis  par  les  fonctionnaires  ou  officiers  publics,  ceux  d'entre 
eux  qui  auront  participé  à  d'autres  crimes  ou  délits  qu'ils  étaient  chargés  de 
surveiller  ou  de  réprimer,  seront  punis  comme  il  suit  :  —  S'il  s'agit  d'un  délit  de 
police  correctionnelle,  ils  subiront  toujours  le  maximum  de  la  peine  attachée  & 
l'espèce  de  délit;—  et,  s'il  s'agit  de  crimes, ils  seront  condamnés,  savoir  :  —  A  la 
réclusion,  si  le  crime  emporte  contre  tout  autre  coupable  la  peine  du  bannisse- 
ment ou  de  la  dégradation  civique  ;  —  aux  travaux  fopcéq  à  temps,  si  le  crime 
emporte  contre  tout  autre  coupable  la  pei\ie  de  la  réclusion  ou  de  la  dôteutlon  ;  — 
et  aux  travaux  forcés  à  perpétuité,  lorsque  le  crime  emportera  contre  tout  autre 
coupable  la  peine  de  la  déportation  ou  celle  des  travaux  forcés  à  temps.  —  Au 
delà  des  cas  qui  viennent  d'être  exprimés,  la  peine  commune  sera  appliquée  sans 
aggravation.  » 

Cette  disposition  a  été  appréciée  par  l'un  des  commentaires  du  Code  ainsi 
qu'il  suit  :  c  II  est  certain  que  la  criminalité  du  fonctionnaire  qui  s'associe  aux 
crimes  ou  délits  que  ses  fonctions  lui  font  un  devoir  de  prévenir  ou  de  répri- 
mer n'est  pas  la  même  que  celle  de  tout  autre  agent  :  non-seulement  il  assume 
la  responsabilité  d'un  crime  commun,  mais  il  trahit  la  mission  de  surveillanoe 
qui  lui  était  confiée;  il  se  sert  de  son  autorité  pour  fovoriser  des  actes  qu'il 
doit  empêcher,  pour  protéger  des  malfaiteurs,  pour  s'associer  à  la  perpétration 
dp  leurs  crimes.  Les  fonctions  que  la  société  lui  a  conférées  pour  qu'il  la  jw)- 
tégeât,  il  lés  tourne  contre  elle  et  s'en  fait  un  instrument  pour  la  blesser.  C'est 

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CRIMES  BT  DÉLITS  DBS  FONCTIONNAIRES  PUBLICS  (aRT.    198).         287 

donc  avec  raison  que  cette  criminalité  plus  grave  a  été  jugée  passible  d'une 
aggravation  de  peine.  » 

Mais  il  suit  de  la  cause  môme  de  cette  aggravation  qu'elle  ne  doit  ôtreappli- 
^ée  qu'aux  crimes  et  délits  que  l'agent  était  chargé  de  surveiller^  puisque 
ce  n'est  qu'à  raison  de  ce  devoir  de  surveillance  que  la  participation  devient 
plus  coupable.  C'est  le  lien  de  la  fonction  avec  le  délit  qui  constitue  la  crimi- 
nalité exceptionnelle  prévue  par  la  loi.  Il  importe  peu  d'ailleurs  que  le  fonc- 
tionnaire ait  commis  le  délit  seul  ou  qu'il  l'ait  commis  avec  la  coopération 
d'un  tiers  ;  la  loi  ne  fait  à  cet  égard  aucune  distinction.  Ainsi^  le  garde  fores- 
tier qui  commet  un  délit  de  chasse  dans  le  triage  confié  à  sa  surveillance  ren- 
tre dans  les  termes  de  la  loi.  Il  importe  peu  également  que  le  fonctionnaire 
soit  ou  ne  soit  pas  dans  Texercice  de  ses  fonctions  ;  car,  c'est  plutôt  en  dehors 
que  dans  l'exercice  des  fonctions  que  les  fonctionnaires  participent  aux  crimes 
ou  délits  qu'ils  sont  chargés  de  surveiller.  Ainsi  le  commissaire  de  police  qui, 
en  dehors  de  ses  fonctions,  commet  un  ^vol,  est  passible  de  l'aggravation  pé- 
nale. 

Il  faut  remarier  encore  qae  le  mot  toujours,  qui  se  trouve  dans  l'article,  ne 
fait  point  obstacle  à  l'abaissement  de  la  pénalité  par  l'application  des  circon- 
tances  atténuantes.  L'art.  463  contient  une  règle  générale  qui  domine  tontes 
les  incriminations  du  Gode  :  ce  n'est  donc  dans  les  cas  où  les  circonstances 
atténuantes  ne  sont  pas  déclarées  qu'il  y  a  lieu  de  prononcer  les  peines  aggra- 
vées prononcées  par  l'art.  198. 

§  9.  —  Troubles  apportés  à  l'ordre  public  par  les  ministres  des  cultes. 

269.  Les  ministres  des  cultes,  à  qui  nulle  autorité  temporelle  n'est  départie, 
n'entre  point  dans  la  classe  des  fonctionnaires  publics.  Mais  comme  leur  exis- 
tence et  leur  conduite  ne  sont  point  étrangères  à  la  paix  publique^  la  loi  pé 
nale  a  dû  prévoir  les  cas  où  ils  pouvaient  la  troubler  dans  l'exercice  de  leur 
ministère.  Ces  cas  sont  au  nombre  de  quatre. 

Le  Gode  s'occupe  d'abord  dans  les  art.  199  et  200  des  contraventions  propres 
à  compromettre  réta,t  civil  des  pars^anes.  «  Les  ministres,  dit  l'exposé  des 
motifs,  qui  procèdent  aux  cérémonies  religieuses  d'un  mariage,  sans  qu'il  leur 
ait  été  justifié  de  l'acte  de  mariage  reçu  par  les  officiers  de  l'état  civil,  com- 
promettent évidemment  l'état  civil  des  gens  simples,  d'autant  plus  disposés  à 
confondre  la  bénédiction  nuptiale  avec  l'acte  constitutif  du  mariage  que  le 
droit  d'imprimer  au  mariage  le  sceau  de  la  loi  était  naguère  dans  les  mains  de 
ses  ministres.  Il  importe  qu'une  si  funeste  méprise  ne  se  perpétue  point.  >  On 
avait  proposé  aussi  d'interdire  les  cérémonies  du  baptême  et  mortuaires  avant 
que  l'autorité  civile  eût  dressé  les  actes  de  naissance  et  de  décès.  Mais  on  a 
fait  remarquer  que  les  inhumations  sont  faites  et  constatées  par  les  officiers 
de  l'état  civil  et  que  la  part  que  les  ecclésiastiques  y  prennent,  sous  le  rapport 
du  culte,  ne  diminue  ni  les  droits  ni  les  devoirs  de  ces  officiers  ;  plas  que 
l'inscription  civile  pour  laquelle  la  loi  donne  trois  jours.  La  disposition  fut  donc 
restreinte  aux  mariages. 

270.  Les  art.  201,  202,  203  punissent  ensuite  les  critiques,  censures  ou 

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288  DIX-HUIT.   LBÇ.   —  DES  GlilUBS  ET  DÉLITS,  ETC.  (n»   272). 

provocatioos  dirigées  contre  Tautorité  publique  dans  un  discours  pastoral  pro* 
nonce  publiquement.  Voici  dans  quels  termes  le  législateur  a  expliqué  ces*arti- 
clés  :  c  Trop  souvent  des  prédications  insensées  ont  pris  dans  les  chaires  de 
rËvangile  la  place  du  langage  sacré  de  la  morale  et  de  la  vertu,  et  des  hommes 
envoyés  pour  bénir  se  sont  trop  souvent  permis  de  maudire.  Trop  souvent  le 
fanatisme  a  fait  entendre  sa  funeste  voix  où  la  religion  seule  devait  parler,  et 
la  société  tout  entière  a  été  ébranlée  dans  ses  fondements  et  blessée  dans  ses 
plus  précieux  résultats.  La  répression  de  ces  délits  était  un  devoir  pour  le 
législateur  et  ils  attaquaient  trop  cruellement  la  paix  et  la  sdreté  publiques  pour 
n*étre  pas  mis  au  rang  de  ceux  qu'une  juste  punition  doit  atteindre.  Des  peines 
sont  donc  prononcées  contre  tous  les  ministres  des  cultes  qui,  dans  leurs  dis- 
cours^ dans  leurs  écrits,  dans  leurs  instructions,  auraient  censuré  le  gouver- 
nement, ses  lois,  ses  décrets  et  généralement  tous  les  actes  de  Tautorité  civile, 
excité  à  leur  désobéir,  appelé  la  révolte  contre  eux  ou  tenté  par  des  déclama- 
tions criminelles  d'armer  les  citoyens  les  uns  contre  les  autres,  i  Ce  délit,  bien 
qu'il  puisse  par  sa  nature  rentrer  dans  la  classe  des  délits  de  la  presse  en  géné- 
ral, demeure,  à  raison  du  mode  spécial  de  sa  publication,  soumis  aux  règles 
particulières  des  art.  201  et  suivants. 

271.  Les  art.  205  et  206  prévoient  et  punissent^  comme  les  articles  pré- 
cédents, la  censure  du  gouvernement  et  de  ses  actes  et  les  provocations  à  la 
désobéissance  et  à  la  révolte  que  les  ministres  des  cultes  peuvent  propager 
parmi  les  citoyens.  Mais  cette  censure  ou  cette  provocation  est  commise,  non 
plus  par  la  parole,  mais  dans  une  instruction  pastorale.  Il  a  paru  au  législa- 
teur que  ces  sortes  d'écrits,  auxquels  s'attache  une  grande  autorité,  puisqu'ils 
n*émanent  que  des  évoques,  devaient,  à  raison  même  du  caractère  qui  leur  est 
propre,  devenir  l'objet  de  dispositions  spéciales  :  ils  peuvent  produire  un  grand 
effet  ;  il  est  donc  nécessaire  qu'ils  soient  soumis  à  une  responsabilité  plus  effi- 
cace. De  là  les  peines  graves  édictées  par  ces  articles  et  la  sévérité  de  leurs 
incriminations. 

872.  Enfin,  les  art.  207  et  208  ont  pour  objet  la  correspondance  des  minis- 
tres des  caltoe  avec  la  cour  de  Rome.  •  Do  qaolqne  fonction  qu'on  soit  revêtu 
dit  l'exposé  des  motifs,  on  ne  cesse  point  d'être  sujet  de  son  prince  et  de  PÉut  : 
on  n'appartient  point  à  une  autre  puissance  ;  il  n'y  a  en  France  que  des  Fran- 
çais. C'est  un  délit  répréhensible  et  dangereux  d'entretenir  des  relations  avec 
une  puissance  étrangère  contre  le  gré  de  son  souverain,  d'avoir  une  corres- 
pondance avec  elle  sur  les  fonctions  qu'on  exerce,  de  lui  vouer  une  sorte  de 
soumission,  de  se  constituer  son  subordonné,  de  faire  dépendre  l'exercice  de 
ce  qu'on  doit  à  sa  patrie  de  ce  qu'on  croit  devoir  à  une  autre  puissance  :  aussi 
le  4«  §  de  la  section  III  est-il  expressément  consacré  à  réprimer  les  ministres 
des  cultes  qui  s'en  rendraient  coupables.  »  On  a  demandé  si  ces  deux  articles 
n'étaient  pas  contraires  au  principe  de  la  liberté  des  cultes,  en  ce  que  l'exercice 
du  culte  catholique,  qui  exige  la  correspondance  des  évoques  avec  la  cour  de 
Rome,  sur  les  matières  religieuses,  en  recevrait  une  véritable  entrave.  La 
réponse  est  que  J'art.  207  ne  prohibe  pas  la  correspondance,  mais  la  soumet 
seulement  à  la  surveillance  du  gouvernement.  «  Il  ne  s'agit  pas,  porte  encore 


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DB  LA  RÉBELLION   (aRT.   209).  289 

Texposé  des  motifs,  de  rompre  les  rapports  légitimes  d'ancun  culte  avec  des 
chefs  même  étrangers,  il  n'est  question  que  de  les  connaître  ;  et  ce  droit  du 
gouvernement,  fondé  sur  le  besoin  de  maintenir  la  tranquillité  publique,  impose 
aux  ministres  des  cultes  des  devoirs  que  rempliront  avec  empressement  ceux 
dont  les  cœurs  sont  purs  et  les  vues  honnêtes,  i 

Je  ne  fais  quMndiquer  ici  le  sens  et  Tesprit  général  de  ces  articles  :  ils  n'ont 
reçu  en  général  aucune  application.  Édifiés  pour  contenir  les  entreprises  des 
ministres  des  cultes,  leurs  dispositions  ont  semblé  trop  rigoureuses,  et  lorsque 
quelques  abus  se  sont  manifestés  dans  Fexercice  des  fonctions  ecclésiastiques, 
c'est  par  la  voie  disciplinaire  ou  par  la  voie  de  Pappel  comme  d'abus,  établie 
par  la  loi  du  18  germinal  an  X,  et  qui  défère  au  conseil  d'État  les  abus  ecclé* 
siastiques,  que  ces  excès  ont  été  réprimés. 

Da-N£UVIÉM£   LEÇON. 

273.  Nous  n'avons  point  terminé  la  longue  série  des  crimes  et  délits  contre 
la  paix  publique.  A  la  suite  des  faits  de  forfaiture  et  des  abus  d'autorité,  vient, 
dans  Tordre  du  Gode,  cette  classe  d'infractions  qui  sont  spécialement  dirigées 
contre  l'autorité  publique,  contre  ses  agents,  contre  les  règles  d'ordre  et  de 
surveillance  qu'elle  a  prescrites.  Ces  infractions  forment  treize  catégories  qui 
sont:  i^  les  délits  de  rébellion;  2®  les  outrages  et  violences  envers  les  déposi- 
taires de  l'autorité  publique  ;  3®  les  relus  d*un  service  dû  légalement  ;  4^  les 
évasions  de  détenus  et  recèlements  de  criminels;  5®  les  bris  de  scellés  et  enlè- 
vements de  pièces  dans  les  dépôts  publics;  6®  les  dégradations  de  monuments; 
7o  les  usurpations  de  titres  ou  fonctions  ;  8<>  les  entraves  au  libre  exercice  des 
cultes  ;  9®  les  associations  de  malfaiteurs  ;  10<»  le  vagabondage;  il<»  la  mendi- 
cité [  12®  les  délits  commis  par  voie  d'écrits  ou  de  gravures  ;  13*  enfin  les 
associations  ou  rdunîon»  tUUUo»^  ToU  sont  les  délits  nombreux  dont  je  vais 
essayer  de  comprendre  l'examen  dans  cetta^lâcon. 

DE  LA  RÉBELLION. 

274.  Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  d'examiner  une  espèce  de  rébellion,  celle 
qui  s'attaque  aux  pouvoirs  constitutionnels,  et  que  l'art.  91  qualifie  d'attentat 
à  la  sûreté  de  l'État.  Il  s'agit  ici  d'une  rébellion  secondaire,  qui  s'attaque  non 
point  au  gouvernement  lui-môme,  mais  à  des  actes  isolés  de  l'autorité  publi- 
que et  qui  tend  à  paralyser  son  action  par  des  voies  de  fait  et  par  une  résistance 
locale. 

a  Art.  209.  Toute  attaque,  résistance  avec  violence  et  voies  de  fait  envers  les 
officiers  ministériels,  les  gardes  champêtres  ou  forestiers,  la  force  publique,  les 
préposés  à  la  perception  des  taxes  et  contributions,  leurs  porteurs  de  contraintes, 
les  préposés  des  douanes,  des  séquestres,  les  ofQciers  ou  agents  de  la  police  admi- 
nistrative ou  Judiciaire,  agissant  pour  l'exécution  des  lois,  des  ordres  ou  ordon- 
nances de  l'autorité  publique,  des  mandats  de  justice  ou  jugements,  est  qualifiée, 
selon  les  circonstances,  crime  ou  délit  de  rébellion.  » 

Yoilà  les  caractères  de  la  rébellion  fixés  par  la  loi  ;  il  faut  qu'il  y  ait  eu  atu- 
I.  J9  , 

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290    DIX-NBUV.  LEÇ.  —  DES  CRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.  (n*  275). 

que  on  résistance  avec  violences  et  voies  de  fait  ;  il  faut  que  cette  attaque  ou 
résistance  ait  en  lieu  envers  les  agents  que  la  loi  énumère  ;  il  faut  enfin  que 
ces  violences  soient  exercées  envers  eux  au  moment  où  ils  agissent  pour  l'exé- 
cution des  lois  ou  des  ordres  de  Tautorité  publique.  Ce  sont  là  les  trois  éléments 
du  délit;  il  en  résulte  :  {^  que  les  outrages,  les  injures  et  même  les  menaces 
ne  sont  point  des  actes  de  rébellion  ;  il  faut  des  violences  matérielles  ;  2^  que 
ces  violences  ne  sont  un  élément  du  délit  qu'autant  qu'elles  sont  exercées  sur 
la  personne  même  des  officiers  de  police  qui  sont  chargés  de  Texécution  des 
lois  et  des  ordres  de  Tautorité  ;  3<>  que  c'est  au  moment  même  de  cette  exé- 
cution que  l'attaque  ou  la  résistance  doit  se  manifester,  car  c*est  à  ce  moment 
que  ces  actes  peuvent  prendre  un  caractère  de  rébellion. 

275.  Une  grave  question  est  de  savoir  si  la  résistance  doit  être  considérée 
comme  un  délit  lorsqu'elle  ne  fait  que  repousser  l'exécution  d'un  acte  illégal. 
La  jurisprudence  a  posé  en  principe  que  rillégalité  d'un  acte  ne  peut  en  an- 
cun  cas  autoriser  un  citoyen  à  s'y  opposer  avec  violences  ou  voies  de  fait  ; 
que  l'art.  209  ne  subordonne  pas  le  délit  de  rébellion  au  plus  ou  moins  de 
régularité  des  formes  avec  lesquelles  les  officiers  ministériels  peuvent  procé- 
der ;  que  les  particuliers  ne  sont  pas  juges  des  actes  émanés  de  l'autorité  pu- 
blique, et  qu'ils  doivent  obéissance  provisoire  à  ces  actes,  lors  même  qu'ils 
seraient  irréguliers  et  nuls,  c  II  suffit,  portent  les  arrêts,  que  les  agents  de  la 
force  publique  paraissent  avec  le  caractère  qui  leur  a  été  conféré  par  la  loi  et 
dans  l'exercice  des  fonctions  qui  leur  ont  été  déléguées,  pour  que  toutes  vio- 
lences et  voies  de  fait  soient  interdites  à  leur  égard  :  la  présomption  légale  est 
qu'ils  n'agissent  que  conformément  aux  lois  ;  s'ils  font  de  leur  autorité  un 
emploi  illégal,  ils  en  sont  responsables,  mais  cette  responsabilité  ne  saurait 
dispenser  les  citoyens  de  l'obéissance  qui  leur  est  due  et  autoriser  dans  aucun 
cas  à  résister  avec  violences  et  voies  de  fait  à  des  mesures  qui  auut  (uujouis 
supposées,  jusqu'à  preuve  contraire,  émaner  d'une  autorité  légale  et  compé- 
tente. »  Cette  doctrine,  qm  attribue  à  tous  les  actes  arbitraires  le  caractère 
d'un  droit,  qui  frappe  et  punit  toute  protestation  contre  des  faits  illégitimes, 
qui  courbe  tous  les  citoyens  devant  les  ordres  d'une  autorité  quelconque,  sans 
qu'il  leur  soit  permis  de  les  examiner,  est  évidemment  trop  absolue.  La  Théo-- 
rie  du  Code  pénal  a  posé  à  cet  égard  une  distinction  que  je  crois  devoir  met- 
tre sous  vos  yeux  :  c  Essayons  de  poser  les  vrais  principes  de  la  matière  et 
d'abord  écartons  une  considération  qui  semble  le  principal  appui  du  système 
de  la  cour  de  cassation.  Est-il  possible  rie  croire  que  la  théorie  de  la  résistance, 
mise  en  vigueur  pendant  des  siècles,  proclamée  par  des  lois  anciennes, 
recueillie  par  les  législations  modernes,  enseignée  par  les  plus  graves  juriscon- 
sultesy  soit  subversive  de  tout  ordre,  soit  tin  outrage  pour  la  loi  elk-méme  ?  Non, 
la  société  n*est  pas  mise  en  péril  parce  que  la  loi  pose  la  limite  de  l'action  du 
pouvoir,  parce  qu'elle  cesse  de  le  protéger  quand  il  la  dépasse  et  se  livre  à  des 
actes  arbitraires  ;  non,  la  loi  n'est  point  outragée,  parce  que  les  agents  char- 
gés de  l'exercer  sont  méconnus,  quand  ili^  méconnaissent  eux-mêmes  leur 
mission.  Le  péril  serait  de  confondre  l'abus  et  le  droit,  et  de  les  couvrir  de  la 
même  protection  ;  l'outrage,  de  donner  la  provision  aux  actes  arbitraires  sur 
la  réclamation  légale.  Il  faut  poser  la  question  avec  clarté  :  il  ne  s'agit  point 

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DE  LA  RÉBBLLION.  291 

d'établir  ici  le  germe  d'un  principe  de  résistance  envers  l'autorité;  si  une 
telle  interprétation  peut  être  donnée  à  ces  lignes,  nous  la  désavouons  à 
ravance  :  l'agent  cesse  d'être  le  représentant  de  l'autorité  au  moment  où  il 
s'écarte  de  ses  fonctions,  car  l'autorité  dans  un  gouvernement  constitutionnel, 
c'est  la  loi,  c'est  le  droit.  Toute  la  question  est  donc  de  savoir  si  la  loi  doit  le 
soutenir  môme  dans  les  excès  qu'il  commet,  doit  l'avouer  encore  quand  il  en 
viole  les  préceptes.  Or,  si  les  solutions  peuvent  être  diverses,  du  moins,  il 
font  le  reconnaître,  l'ordre  public  n*est  point  sérieusement  engagé  dans  cette 
question,  car  l'ordre  n'est  point  intéressé  à  soutenir  les  aous  des  agents  du 
pouvoir  ;  il  se  fonde  sur  la  loi  et  non  sur  l'arbitraire.  Mais,  en  cette  matière, 
tonte  règle  absolue  est  inexacte.  Le  péril  cesserait  d'être  illusoire,  si  le  droit 
de  résistance  pouvait  se  puiser  indistinctement  dans  toutes  les  illégalités  qui 
peuvent  entacher  les  actes  des  dépositaires  de  la  force  publique.  Il  est  impos- 
sible, il  serait  puéril  de  retirer  à  ces  agents  la  protection  que  la  loi  leur  doit, 
dès  qu'ils  s'écartent  même  à  leur  insu  du  cerde  légal  dans  lequel  ils  doivent 
se  mouvoir.  Lorsque  l'huissier  est  porteur  d'un  titre,  il  n'est  point  appelé  à 
en  apprécier  la  régularité;  si  ce  titre  est  irrégulier,  on  ne  peut  le  rendre  res- 
ponsable d'une  faute  qui  n'est  pas  la  sienne  :  le  citoyen  lui-même  est  incom- 
pétent pour  prononcer  sur  les  nullités  qui  peuvent  entacher  l'acte;  il  ne  peut 
que  se  réserver  de  les  faire  valoir  devant  la  justice.  Attribuer  à  chaque  partie 
le  droit  de  discuter  les  actes  qui  sont  exécutoires  contre  elle,  ce  serait  priver 
Tofficier  public  de  toute  la  force  que  la  loi  lui  a  déléguée  :  les  inquiétudes 
manifestées  par  la  cour  de  cassation  se  trouveraient  justifiées.  Sans  doute 
toute  irrégularité  dans  l'exécution  des  lois  et  des  actes  de  l'autorité  est  la  pri- 
vation d'une  garantie;  mais  la  résistance  active  est  un  moyen  extrême  qui  ne 
peut  être  légitime  que  lorsqu'elle  repousse  une  attaque  flagrante  contre  le 
droit,  c  II  faut  distinguer,  dit  Barbeyrac,  entre  les  injustices  douteuses  et 
-mrppurtaMes  et  les  injustices  manifestes  et  insupportables  :  on  doit  souffrir  les 
premières,  maiy  vu  u'esi  puini  obligé  de  souffrir  les  autres,  i  La  difficulté  est 
de  poser  la  limite.  Le  principe  général  rmi  rnhAiggance  aux  ordres  du  pouvoir 
public,  la  soumission  aux  actes  des  agents  de  la  force  publique.  Toute  résis- 
tance effectuée,  toutes  violences  ou  voies  de  fait  opposées  à  ces  agents,  sont 
donc  réputées  constituer  un  délit  :  elles  ne  perdent  ce  caractère  qu'en  prou- 
vant la  cause  d'excuse  ou  de  justification.  G*est  donc  avec  raison  que  la  cour 
de  cassation  a  établi  en  principe  que  la  présomption  de  légalité  est  en  faveur 
des  agents  de  l'autorité  :  cette  présomption  favorable  résulte  de  la  nature 
même  des  choses  ;  mais  il  faut  prendre  garde  d'en  forcer  les  conséquences. 
Toutes  les  fois  que  l'officier  public  agit  dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  toutes 
les  fois  qu'il  est  porteur  d'un  titre  exécutoire,  l'irrégularité  qui  vient  entacher 
soit  ses  opérations^  soit  le  titre  lui-même,  ne  peut  constituer  une  excuse  pour 
une  résistance  active,  car  la  provision  est  au  titre,  elle  est  à  l'officier  public 
agissant  dans  ses  fonctions...  Mais  la  présomption  de  légalité  doit  cesser  de 
oonvrir  les  actes  de  l'officier  public  quand  il  se  rend  coupable  d'un  excès  de 
pouvoir,  de  la  violation  flagrante  d'un  droit.  Tels  seraient  les  cas  où  l'agent  de 
la  force  publique  voudrait,  hors  le  cas  dé  flagrant  délit  et  sans  mandat,  effec- 
tuer une  arrestation  ;  où  un  huissier  devrait  opérer  une  saisie  sans  justifier 
d'un  jugement  qui  l'ait  ordonnée;  où  un  officier  public  tenterait  de  s'introduit 

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292    DIX-NEUV.  LEÇ.  -*  DES  CRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.  (n«  277). 

pendant  la  nuit,  hors  les  cas  prévus  par  la  loi,  dans  le  domicile  d'un  citoyen 
pour  y  procéder  à  une  perquisition.  Dans  ces  différents  actes,  l'agent  ne  sau- 
rait plus  être  protégé  par  sa  fonction  ,  car  il  agit  en  dehors  de  ses  devoirs;  il 
ne  peut  invoquer  le  titre  en  vertu  duquel  il  procède,  car  il  ne  le  représente 
pas,  ou  ce  titre  rencontre  dans  son  exécution  instantanée  un  obstacle  légal, 
La  présomption  ne  le  défend  donc  plus,  car  Tillégalité  est  flagrante  et  cette 
illégalité  prend  les  caractères  d'un  délit.  Et  ce  délit  ne  cons^tue-t-il  pas  par 
sa  seule  existence  une  attaque  violente  contre  les  droits  reconnus  ?  Dès  lors» 
comment  contester  le  droit  de  résister  ?  Cette  résistance  n*est  qu'une  opposi- 
tion de  la  force  à  la  force,  un  acte  de  légitime  défense  ;  car  l'acte  que  commet 
l'agent  en  dehors  de  ses  fonctions,  dès  qu'il  n'est  plus  l'exécution  de  lajoi  ou 
d*un  ordre  de  l'autorité  publique,  n'est  plus  qu'un  acte  de  la  force  matérielle.  • 
Tels  sont  les  termes  dans  lesquels  il  m'a  paru  que  cette  question  doit  être 
posée  et  trouver  sa  solution. 

276.  La  rébellion  prend  le  caractère  d'un  délit  ou  d'un  crime  suivant  les 
circonstances  qui  l'accompagnent.  Elle  ne  constitue  qu'un  simple  délit  :  i^  si 
elle  est  commise  par  une  réunion  de  trois  à  vingt  personnes,  mais  sans  armes  : 
la  peine  est  un  emprisonnement  de  six  mois  au  moins  et  de  deux  ans  au  plus 
(art.  211)  :  2<>  si  elle  n'est  commise  que  par  une  ou  deux  personnes,  avec 
armes  :  la  peine  est  également  un  emprisonnement  de  six  mois  à  deux  ans 
(art.  212} •  Elle  constitue,  au  contraire,  un  crime  :  l^si  elle  a  été  commise  par 
plus  de  vingt  personnes  armées  :  les  coupables  sont  punis  des  travaux  forcés  à 
temps,  et  de  la  réclusion  seulement,  s'il  n*y  a  pas  eu  port  d'armes  ;  2^  si  la 
rébellion  a  été  commise  par  une  réunion  de  trois  personnes  ou  plus  jusqu'à 
vingt  inclusivement,  avec  port  d'armes  :  la  peine  est  la  réclusion  (art.  211). 

277.  Que  faut-il  entendre  par  réunion  armée?  La  définition  de  ooc œots ^At 
dans  l'art.  214. 

«  Abt.  214.  Toute  réunion  d'individus,  pour  un  crime  ou  un  délit,  est  réputée 
réunion  armée,  lorsque  plus  de  deux  persounes  portent  des  armes  ostensibles.  » 

Pourquoi  cette  présomption  ?  C'est  que,  lorsque  trois  personnes  au  moins 
portent  des  armes  apparentes,  il  y  a  lieu  de  penser  que  les  autres  individus  qui 
se  joignent  à  ces  personnes  et  s'associent  à  leurs  actes,  approuvent  l'usage  qui 
peut  être  fait  de  ces  armes  et  acquiescent  aux  violences  qui  peuvent  en  être  le 
résultat,  il  n'en  est  plus  ainsi  si  les  armes  sont  restées  cachées  ;  les  porteurs 
de  ces  armes  sont  seuls  responsables  de  leur  possession. 

«  Art.  215.  Les  personnes  qui  se  trouveront  munies  d'armes  cachées,  et  qai 
auraient  fait  partie  d'une  troupe  ou  réunion  non  réputée  année,  seront  indivi- 
duellement punies  comme  si  elles  avaient  fait  partie  d'une  troupe  ou  réunion 
année.  » 

Les  armes  cachées  sont  celles  qui  ne  sont  pas  portées  ostensiblement  et 
pour  être  vues  :  la  loi  exige  que  les  agents  en  aient  été  munis  au  moment  de 
la  rébellion  et  pendant  qu'ils  faisaient  partie  de  la  réunion. 


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DB  LA  RÉBELUON  (aRT.  tl6).  293 

278.  L'article  218  ajoute,  pour  les  condamnés  à  la  peine  d'emprisonnement, 
la  peine  de  l'amende  de  16  à  200  fr.  L'art.  221  autorise  à  soumettre  les  chefs 
delarébeliion  à  la  surveillance  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  au  plus.  Enfin, 
Fart.  213,  reproduisant  la  disposition  de  l'art.  100,  dont  Je  vous  ai  parlé  précé- 
demment, admet  l'exemption  de  la  peine  en  faveur  des  rebelles  qui  se  sont 
retirés  au  premier  avertissement  de  l'autorité  publique,  ou  même  depuis,  s'ils 
n'ont  été  saisis  que  hors  du  lieu  de  la  rébellion  et  sans  nouvelle  résistance  et 
sans  armes.  Ces  articles  n'exigent  aucune  observation. 

279.  La  loi  assimile  aux  réunions  des  rebelles  les  émeutes  qui  peuvent  écla- 
ter dans  les  ateliers  publics,  les  hospices  ou  les  prisons. 

«  Art.  219.  Seront  punies  comme  réunions  de  rebelles  celles  qui  auront  été 
formées  avec  ou  sans  armes,  accompagnées  de  violences  ou  de  menaces  contre 
rautorité  administrative,  les  ofliciers  et  les  agents  de  police,  où  contre  la  force 
publique  :  —  1*  par  les  ouvriers  ou  journaliers,  dans  les  ateliers  publics  ou  manu- 
factures ;  —  2<'  par  les  individus  admis  dans  les  hospices;  —  Z^  par  les  prisonniers 
prévenus,  accusés  ou  condamnés.  » 

L'art.  220  détermine  à  l'égard  de  cette  dernière  classe  de  rebelles  le  mode 
d'exécution  des  peines  qu'ils  auront  encourues. 

880.  Les  dispositions  que  je  viens  de  parcourir  ne  s'occupent  que  du  fait 
môme  de  la  rébellion  et  des  violences  qui  la  caractérisent.  Mais  il  peut  arriver 
que,  pendant  le  cours  où  k  Toccasion  de  la  rébellion,  des  crimes  ou  délits 
autres  que  ces  violences  soient  commis,  et  il  est  clair  que  ces  crimes,  par  cela 
seul  qu'ils  se  trouvent  communs  aux  actes  de  cette  rébellion,  ne  sont  pas  cou- 
Torts  par  l'impunité. 

a  Art.  216.  Les  auteurs  des  crimes  et  délits  commis  pendant  le  cours  et  à  Toc- 
casion  d'une  rébellion  seront  punis  des  peines  prononcées  contre  ohaoun  de  ces 
crimes,  si  elles  sont  plus  fortes  que  celles  de  la  rébellion.  «> 

Cette  réserve  était  peut-être  inutile,  puisqu'elle  ne  fait  que  renvoyer  à  l'ap- 
plication du  droit  commun.  Il  en  résulte  que  chacun  des  délits  ou  crimes  spé- 
ciaux, commis  en  dehors  des  violences  constitutives  de  la  rébellion,  conserve 
la  peine  qui  lui  est  propre,  et  que,  si  cette  peine  est  plus  forte  que  celle  de  la 
rébellion,  elle  doit,  aux  termes  de  la  règle  générale  portée  par  Tart.  365  du 
Code  d'instruction  criminelle,  être  seule  appliquée. 

281.  Vous  ne  devez  pas  confondre  les  réunions  qui  sont  l'objet  des  articles 
que  nous  venons  d'examiner,  avec  les  attroupements  qui  ont  fait  Tobjet  de 
plusieurs  lois  spéciales,  notamment  les  lois  des  21  octobre  1790, 27  juillet-3  août 
1791,  10  avril  1831  et  7  juin  1848.  Les  réunions,  dont  s'est  occupé  le  Code  pé- 
nal, ne  sont  punissables  que  lorsqu'elles  résistent  ^ec  violences  et  voies  de  fait 
aux  officiers  de  l'autorité  publique  :  les  attroupements  sont  punissables  par 
cela  seul  qu'ils  se  sont  formés  et  qu'ils  existent.  Dans  le  premier  cas,  ce  sont 
les  violences  qui  constituent  le  délit;  dans  le  second,  c'est  la  persistance  de 

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Î94  DIX-NBUV.    LEÇ.  —  DES  CRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.   (N«  283). 

rattronpement,  quelque  inoffensif  qu'il  soit,  après  la  sommation  qui  lui  près* 
crit  de  se  dissoudre.  L'attroupement  sur  la  Yoie  publique,  lors  même  qu^il  n'est 
pas  armé,  trouble  et  menace  la  tranquillité  publique.  S'il  est  armé,  c'est  un 
fait  de  guerre  ;  il  ne  menace  pas  seulement,  il  attaque,  c'est  la  force  brutale 
qui  se  manifeste  au  grand  jour  et  se  met  en  hostilité  flagrante  ayec  le  pouvoir 
social.  Ce  sont  là,  non  plus  des  actes  d'opposition  iocale,mais  des  actes  prépa- 
ratoires d'un  attentat  politique,  qui  ont  dû,  dans  les  circonstances  mêmes  où 
ils  se  sont  produits,  exciter  la  sollicitude  du  législateur  et  motiver  des  mesures 
particulières.  La  loi  du  7  juin  1848  punit  de  peines  plus  ou  moins  fortes  l'at- 
troupement sur  la  voie  publique,  suivant  qu'il  est  armé  ou  non  armé,  suivant 
qu'il  s'est  formé  pendant  la  nuit  ou  pendant  le  jour,  suivant  qu'il  s'est  dissipé 
après  la  premiète  ou  seulement  la  deuxième  sommation,  suivant  enfin  qu'il  a 
0  u  n'a  pas  fait  usage  de  ses  armes. 

OimUGBS  ET  VIOLEKQBS  ENVERS  LES  DiPOSmiASS  DE  L'AUTORITi 
ET  DE  LA  FOEGE  PUBUQUE. 

282.  Le  Cîode  pénal,  après  avoir  incriminé  la  résistance  violente  à  l'action 
de  l'autorité,  prévoit  les  outrages  et  les  violences  qui  s'attaquent  non  plus  aux 
actes  de  l'autorité,  mais  aux  fonctionnaires  eux-mêmes  dans  l'exercice  de  leurs 
fonctions  :  c  U  ne  sera  question,  porte  l'exposé  des  motifs^  que  des  seuls  outra- 
ges qui  compromettent  la  paix  publique,  c'est-à-dire  de  ceux  dirigés  contre 
les  fonctionnaires  ou  agents  puUics,  dans  l'exercice  ou  à  l'occasion  de  l'exer- 
cice de  leurs  fonctions  :  dans  ce  cas,  ce  n'est  pas  seulement  un  particulier, 
c'est  l'ordre  public  qui  est  blessé  ;  et  dans  un  grand  intérêt  les  peines  peuvent 
changer  de  classe  et  de  nature,  parce  que  le  délit  en  a  changé  lui-même,  et 
que  l'outrage,  dirigé  contre  l'homme  de  la  loi  dans  l'exerdce  de  ses  foncitou» 
ou  de  son  ministère,  quoique  conçu  dans  les  mêmes  paroles  ou  accompagné 
des  mêmes  gestes,  est  beaucoup  plus  grave  que  s'il  était  dirigé  contre  un  sim- 
ple citoyen. 

283.  La  loi  distingue  les  outrages  et  les  violences.  Les  art.  222  à  227  punis- 
sent les  premiers. 

L'art.  222,  rectifié  par  la  loi  du  13  mai  1863,  est  ainsi  conçu  : 

«  Art.  222.  Lorsqu'un  ou  plusieurs  magistrats  de  Tordre  administratif  ou  judi-^ 
ciaire,  lorsqu*un  ou  plusieurs  jurés,  auront  reçu  dans  Texercice  de  leurs  fonctions 
ou  à  Toccasion  de  cet  exercice  quelque  outrage  par  paroles,  par  écrit  ou  dessin 
non  rendus  publics  tendant  à  inculper  leur  honneur  ou  leur  délicatesse,  celui  qui 
leur  aura  adressé  cet  outrage  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  quinze  jours  à 
deux  ans.  » 

Cet  article  appeUe  quelques  explications.  En  premier  lieu,  qu'est-ce  qu'un 
outrage  par  paroles?  C'est,  en  général,  toute  parole  injurieuse,  tout  terme  de 
mépris,  toute  invective.  Mais  ici  la  loi  a  caractérisé  l'outrage  qu'elle  voulait 
punir  :  ce  qu'elle  entendait  protéger,  c'est  la  considération  et  l'autorité  morale 
du  magistrat.  Elle  incrimine  donc  spécialement  l'outrage  qui  tend  à  inculper 

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DBS  OUTRAGES  CONTAB  LBS  DËPOSITAIRSS  DB  LAUTOaiTÉ  (ART.  222).      295 

8oa  honnear  ou  sa  délicatesse  :  c'est  là  rinjnre  particulière  qui  fiiit  l'objet  de 
Tart  22Î;  car  cet  article  couvre  surtout  le  magistrat  dans  l'exercice  de  sa 
fonction  ;  les  autres  outrages  ne  sontpdnt  compris  dans  cet  article  ;  la  loi  les 
a  prÔTUs  dans  d'autres  dispositions. 

Que  faut-il  entendre,  en  second  lieu,  par  les  magistrats  de  Tordre  adminis- 
tratif ou  judiciaire  ?  il  faut  ente  ndre  par  magistrats  de  l'ordre  judiciaire  tous 
les  juges,  et  par  conséquent  les  juges  de  paix  et  les  juges  de  commerce,  tous 
les  officiers  du  ministère  public,  et  par  conséquent  les  commissaires  de  police, 
les  maires  et  leurs  adjoints,  quand  its  remplissent  les  fonctions  du  ministère 
public.  U  faut  entendre  par  magistrats  de  l'ordre  administratif  tous  les  fonc- 
tionnaires auxquels  est  déléguée  une  portion  de  l'autorité  administrative:  tels 
sont  les  préfets,  les  sous-préfets,  les  maires. 

Enfin,  quand  un  outrage  est-il  commis  dans  l'exelrcice  ou  à  l'occasion  de 
l'exercice  des  fonctions  ?  L'outrage  est  commis  dans  l'exercice  des  fonctions, 
lorsque,  au  moment  de  sa  perpétration,  le  fonctionnaire  procédait  à  quelque 
acte  de  ses  fonctions,  encore  bien  qu'il  ne*  fùii  pas  revêtu  de  son  costume,  qu'il 
ne  se  trouvât  pas  dans  le  lieu  où  elles  s'exercent  habituellement,  encore  bien 
qu'il  fût  incompétent  pour  statuer  sur  l'acte  qui  lui  était  déféré  :  il  suffit  qu'il 
procédât  en  vertu  du  titre  dont  il  est  revêtu,  en  vertu  deTautorité  qu'il  exerce. 
L'outrage  est  commis  k  l'occasion  de  l'exercice  des  fonctions,  lorsqu'il  se  rat- 
tadie  à  un  acte  de  la  fonction,  bien  qu'au  moment  où  il  semanifeste^  le  fonc- 
tionnaire ne  soit  pas  en  exercice. 

Ret-il  nécessaire  que  l'outrage  par  paroles  soit  commis  en  présence  du  ma^ 
gistrat?  Le  Gode  ne  l'exigeait  pas,  même  avant  la  loi  nouvelle,  et  de  làla  juris- 
prudence a  induit  que  cette  condition  n'est  pas  indispensable  à  l'existence  du 
délit.  Cependant  il  semble  que  Poutrage,  par  sa  nature  même,  suppose  la  pré- 
sence de  la  personne  outragée;  c'est  parce  qu'elle  entend  la  parole  injurieuse, 
c'est  parce  qu'elle  reçoit  l'iniure^  que  cette  injure,  qui  devient  en  quelque  sorte 
une  voie  de  fait,  prend  le  caractère  d'un  outrage.  N'était-ce  pas  d'ailleursres* 
prit  de  la  loi?  L'art.  2Î2  ne  veut^-il  pas  que  Te  magtstrat  ait  rêçu  Ptmtrage^  Or, 
qu'est-ce  que  recevoir  un  outrage,  sinon  être  présent  au  moment  où  il  a  lieu  ? 
Et  l'art.  228  ne  continue-t-il  pas  le  même  système,  la  même  idée,  lorsqu'il 
prévoit  le  terme  extrême  de  l'outrage,  celuioù  il  prend  le  caractère  d'une  vio- 
lence matérielle? 

Mais  il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  soit  public  :  la  loi  ne  le  suppose  pas  ;  elle 
protège  le  fonctionnaire  dans  sa  fonction  ;  sa  dignité  personnelle  serait  aussi 
bien  compromise  par  un  outrage  non  public  que  par  un  outrage  p  ublic.  Le 
législateur  a  môme  édicté  des  dispositions  pénales,  relativement  à  l'outrage 
commis  publiquement  à  raison  ou  à  l'occasion  de  l'exercice  des  fondions  :  l'ar- 
ticle 16  de  la  loi  du  17  mai  1819,  et  l'art.  6  de  la  loi  du  25  mars  1822,  ont 
remplacé  et  étendu  dans  ce  cas  spécial  la  disposition  de  l'art.  222. 

Arrivons  maintenant  aux  modifications  introduites  par  la  loi  du  13  mai  1863. 
La  première  qui  consiste  à  étendre  l'article  aux  outrages  adressés  aux  jurés  n'a 
pas  d'importance.  Mais  la  Beconde  qui  a  eu  pour  objet  de  l'étendre  aux  outra- 
ges par  écrit  ou  dessin  non  publics,  doit  fixer  votre  attention.  La  cour  de  cas- 
sation avait  jugé  par  deux  arrêts  des  il  février  1839  et  8  mai  1856  :  <  que 
l'art.  222  ne  comprend  pas  les  outrages  ou  injures  contenus  dans  une  lettr 

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296         DIX-NBUV.    LEÇ.   —  DBS  CRIICES  ET  DÉLITS,   ETG,   (n*   284). 

adressée  à  un  fonctionnaire,  et  dont  il  a  seul  connaissance;  qu*en  effet,  le  mot 
parole  doit  être  pris  dans  son  sens  propre,  et  dans  son  acception  vulgaire,  et 
qu'il  ne  doit  dès  lors  être  appliqué  qu'aux  mots  articulés  ou  prononcés  de  vive 
voix;  que  les  tribunaux  ne  peuvent  étendre  les  dispositions  pénales  des  lois, 
des  cas  qu'elles  expriment  à  d'autres  qu'elles  n'expriment  pas,  et  qu'il  n'ap- 
partient qu'au  législateur  d'ajouter  à  ces  dispositions,  ou  d'en  combler  les  lacu- 
nes. >  Telle  est  la  lacune  que  la  loi  a  voulu  faire  disparaître.  Une  première 
rédaction  du  projet  portait  :  <  Si  Poutrage  a  été  commis  par  écrit  ou  dessin  non 
rendu  public,  adressé  directement  ou  indirectement  à  la  personne  qui  en  est 
l'objet,  la  peine.. .  >  Le  rapporteur  expliquait  cette  rédaction  en  ces  termes  : 
€  Nous  avons  cru  devoir  nous  servir  d'un  terme  très-précis  :  adressé  au  magis- 
trat. Il  faut  que  l'écrit  injurieux  ou  le  dessin  arrive  sous  ses  yeux.  Ce  n'est 
pas  tout.  Il  n'y  a  pas  culpabilité  quand  il  est  adressé  au  magistat  par  un  tiers, 
sans  la  volonté  de  son  auteur.  8i  c  est  une  confidence  écrite  sur  la  table  d'un 
honnête  et  généreux  écrivain,  il  n'y  a  pas  le  plus  petit  délit.  Il  est  évident  que 
l'outrage  doit  contenir  ces  deux  circonstances  :  il  est  adressé  et  de  plus  il  l'est 
avec  la  volonté  de  blesser.  >  Cette  explication  ne  parut  pas  écarter  tous  les 
dangers  que  les  termes  vagues  du  texte  pouvaient  contenir.  <  Qu'entendez- 
vous,  objectait-on,  par  ces  mots  adressé  directement  au  indirectement  ?  qu'ùrri- 
vera-t-il  lorsque  la  lettre  renfermant  l'outrage  aura  été  adressée  à  un  tiers  et 
transmise  par  ce  dernier  au  magistrat  qui  se  sentira  outragé  ?  Le  tiers  aura-t-il 
agi  spontanément  et  méchamment?  n'aura-t-il  été  que  l'intermédiaire  d'une 
volonté  mal  définie?  que  de  difficultés  pourront  se  présenter  !  ne  craignez- 
vous  pas  d'ouvrir  la  porte  à  bien  des  haines  et  des  vengeances  ?  La  nécessité 
de  cette  nouvelle  disposition  est-elle  assez  hautement  proclamée  par  les  faits, 
pour  qu'elle  doive  être  introduite  dans  la  loi  pénale  ?  »  L'article  fut  renvoyé  à 
la  commission  qui  rapporta  le  texte  qui  a  été  cité  plus  haut,  lequel  est  devenu 
définitif.  Il  fut  entendu  que  les  mots  écrit  non  rendu  public  sont  limités  a  ce  qui 
est  une  lettre  missive  ou  l'équivalent  d'une  lettre  missive  et  que  jamais,  quand 
l'écrit  n'aurait  pas  été  adrefl«6  directement  et  volontairement  au  magistrat,  la 
loi  pénale  ne  peut  Tatteindre.  Ainsi  la  loi  est  restreinte  au  seul  cas  où  l'auteur 
a  voulu  adresser  ou  faire  adresser  l'écrit  au  fonctionnaire.  Il  ne  peutinvoquer, 
comme  excuse,  ni  le  défaut  de  publicité,  ni  les  moyens  détournés  qu'il  aura 
employés  pour  faire  parvenir  l'injure  à  celui  qui  en  est  l'objet.  Mais  ce  n'est 
pas  assez,  pour  l'applicalion  de  la  peine,  de  prouver  qu'il  est  l'auteur  de  l'écrit 
il  faut  établir  que,  par  une  espèce  de  voie  de  fait,  qui  remplace  la  parole,  ilTa, 
d'une  manière  quelconque,  adressée  à  la  personne  outragée. 

284.  Le  2*  §  de  l'art.  222  prévoit  une  circonstance  aggravante  : 

«  Si  l'outrage  a  eu  lieu  à  l'audience  d'une  cour  ou  d'un  tribunal,  l'emprisonne- 
ment sera  de  deux  à  cinq  ans.  » 

Vous  devrez  rapprocher  cette  disposition  des  art.  11  et  91  du  Cîode  de  procé- 
dure civile  et  des  art.  504  et  suiv.  du  Code  d'instruction  criminelle.  L'art.  11 
du  Code  de  procédure  civile  porte  :  t  Dans  le  cas  d'insulte  ou  irrévérence  grave 
envers  le  juge  (de  paix),  il  en  dressera  procès-verbal  et  pourra  condamner  à 


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DBS  00TRA6B8  GONTRB  LBS  DÉP08ITAIIIB8  DB  L  AUTORITÉ  (aRT.  !t2S).      297 

ua  emprisonnement  de  trois  jonrs  au  plus.  >  Il  s'agit  ici  d'insultes  on  d'irrévé- 
rences moins  graves  que  l'outrage,  car  si  le  fait  constitue  un  outrage,  le  juge 
doit  se  borner  à  dresser  son  procès-verbal  et  renvoyer  devant  qui  de  droit. 

L'article  91  applique  la  même  disposition  aux  tribunaux  civils  :  c  Ceux  qui 
wtrageraient  ou  menaceraient  les  juges  ou  les  officiers  de  justice  dans  l'exercice 
de  leurs  fonctions,  seront.. .  condamnés  à  une  détention  qui  ne  pourra  excéder 
six  mois  et  à  une  amende  qui  ne  pourra  être  moindre  de  25  fr.  ni  excéder 
300  fr.  >  Il  s'agit  ici  encore  d'outrages  d'une  nature  moins  intense  et  moins 
caractérisée  que  ceux  qui  font  l'objet  de  l'art.  222  :  au-dessous  des  outrages 
qui  touchent  à  la  personne,  qui  inculpent  l'honneur  et  la  délicatesse  du  magis- 
trat, il  y  a  tous  ceux  qui  ne  portent  atteinte  qu*à  la  majesté  de  l'audience  et  à 
Thonueur  de  la  magistrature  en  général.  Le  2*  §  de  l'art.  222  doit  donc  être 
réservé  aux  outrages  tels  qu'ils  sont  caractérisés  par  ces  articles  etqui  emprun- 
tent une  aggravation  à  la  publicité  de  l'audience  et  au  corps  entier  auquel  ils 
s'adressent.  Quant  aux  art.  504  et  suiv.,  nous  aurons  à  examiner  plas  tard  si, 
en  dehors  des  cas  où  ils  se  bornent  à  régler  la  compétence  des  tribunaux  et 
les  formes  de  leur  procédure,  ils  n'ont  pas  eux-mêmes  modifié  les  art.  11  et 
92  du  Gode  de  procédure  civile,  en  ce  qui  touche  les  troubles  commis  aux 
audiences. 

285.  Après  l'outrage  par  paroles  vient  l'outrage  par  gestes  ou  menaces. 

a  Art.  223.  L'outrage  fait  par  gestes  ou  menaces  à  un  magistrat  ou  à  un  juré 
dans  rexercice  ou  à  roccasion  de  Texercice  de  ses  fonctions  sera  puni  d'un  mois 
à  six  mois  d'emprisonnement;  et  si  l'outrage  a  eu  lieu  à  l'audience  d'une  cour  ou 
d'un  tribunal,  il  sera  puni  d'un  emprisonnement  d'un  mois  à  deux  ans.  » 

Le  délit  est  descendu  ici  dans  Téchelle  de  la  criminalité  :  les  paroles  outra- 
geantes, qui  ont  ordinairement  un  sens  plus  précis  et  mieux  déterminé  que  de 
simples  gestes  ou  menaces,  ont  paru  mériter  un  châtiment  plus  sévère.  Il 
serait  difficile,  d'ailleurs,  de  définir  l'outrage  par  gestes  ou  menaces  :  c'est  aux 
juges  du  fait  qu'il  appartient  d'apprécier  les  actes  qui  ont  ce  caractère.  Il  ne 
fout  pas  toutefois  isoler  l'art.  223  de  l'article  qui  le  précède  :  ce  sont  deux 
outrages  de  la  même  nature  qui  se  produisent  seulement  d'une  manière  diffé- 
rente, là  plus  nettement  et  avec  plus  de  précision,  ici,  plus  confusément  et  avec 
une  moindre  audace. 

286.  Les  art.  224  et  225,  rectifiés  par  la  loi  du  13  mai  1863,  sont  ainsi 
conçus  : 

a  Art.  2*24.  L'outrage  fait  par  paroles,  gestes  ou  menaces  à  tout  ofûcier  minis- 
tériel ou  agent  dépositaire  de  la  force  publique,  et  à  tout  citoyen  chargé  d'un 
ministère  de  service  public  dans  l'exercice  ou  &  l'occasion  de  l'exercice  de  ses 
fonctions,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à  un  mois  et  d'une  amende 
de  16  à  200  fr.  ou  de  l'une  de  ces  deux  peines  seulement.  » 

«  Art.  225.  L'outrage  mentionné  en  l'article  précédent,  lorsqu'il  aura  été  dirigé 
contre  un  commandant  de  la  force  publique,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de 
quinze  jours  à  trois  mois  et  pourra  l'être  aussi  d'une  amende  de  l6  à  500  ft.  » 

L'art.  224  ne  soulève  qu'une  question  :  que  faut-il  eniendre  par  un  cit^uen 

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298  DIX-NSt)Y.   LBÇ.  —  DES  GRIBCB6  ET   DÉLITS,   ETC.   (n*  287). 

chargé  d'un  ministère  dêserviee  public  f  Cette  expression,  que  la  loi  du  13  mai 
4863  a  transportée  de  Part.  230  dans  cet  article,  pour  l'étendre  à  des  agents 
qui  n'y  étaient  pas  compris,  n'est  définienullepart.  i  Les  tribunaax,  dit  l'exposé 
des  motifs,  hésitent  à  comprendre  soos  la  dénomination  d*a^«n(9  diposiiairitde 
la  force  publiqueles  saryeiliants  des  halles  et  marchés,  les  greffiers  des  maisons 
centrales,  les  agents  des  contribations  indirectes  et  d'autres  encore*  Il  en  résnlte 
qne  les  outrages  commis  contre  ces  agents  restentimpunis.  Pourprévenir  toute 
hésitation  sur  ce  point,  on  emprunte  à  l'art.  230  une  désignation  dont  les  ter- 
mes génériques  paraissent  devoir  assurer  la  répression  dans  tous  les  cas.  >  A 
défaut  d*une  définition  précise,  on  peut  trouver  dans  les  exemples  cité» 
rexplication  de  la  pensée  de  la  loi. 

L'art.  225  fait  naître  une  question  analogue  :  qu'est-ce  qu'un  commandant 
de  la  force  publique  ?  Nous  lisons  dans  l'art.  234  :  i  tout  commandant,  tont 
officier  ou  sous*officier  de  la  force  publique...  »  D'où  Ton  peut  induire  qu'un 
souS'oflieUr  n'est  pas  un  commandant.  Cependant  la  question  s'est  présentée 
de  savoir  si  un  brigadier  de  gendarmerie  accompagné  d'un  gendarme  était  un 
commandant  dans  le  sens  de  l'art.  225,  et  Taffirmative  a  été  décidée.  Il  eûtété 
peut-être  plus  conforme  aux  textes  d'appliquer  à  cette  espèce  l'article  précé- 
dent. 

287.  J'appelle  ici  votre  attention  sur  une  pénalité  spéciale  au  genre  de  délit 
qui  nous  occupe  et  que  la  loi  a  cru  devoir  prononcer  accessoirement  aux  peine» 
que  je  viens  de  mentionner. 

«i  Art.  226.  Dans  le  cas  des  art.  222,  223  et  325,  l'offenseur  pourra  être,  utre 
remprisonnement,  condamné  à  fliire  réparation,  soit  à  la  première  audience,  soit 
par  écrit;  et  le  temps  de  remprisonnement  prononcé  contre  lui  ne  sera  compté 
qu'à  dater  du  jour  où  la  réparation  aura  lieu.  » 

Cette  disposition,  il  n'est  pas  besoin  de  vous  le  dire,  a  été  emprantée  à  notre 
ancien  Droit.  •  La  réparation  honorable,  dit  Jousse  en  commentant  l'ordon* 
nance  de  1670,  est  la  satisfaction  qu'un  accusé,  qui  a  offensé  quelqu'un,  est 
obligé  de  faire  à  celui  qu'il  a  offensé.  Quand  l'injure  est  légère,  cette  réparation 
se  fait  par  un  acte  que  l'on  met  au  greffe,  par  lequel  on  déclare  que  l'on  tient 
celui  qu'on  a  injurié  pour  une  personne  d'honneur.  Si  l'injure  est  grave,  celui 
qui  l'a  proférée  est  condamné  à  faire  cette  déclaration  en  présence  de  deux  ou 
plusieurs  personnes  au  choix  de  l'offensé,  à  lui  demander  pardon  et  à  passer 
un  acte  de  cette  déclaration  devant  la  justice  et  à  ses  dépens.  <  Il  ne  fsut  pas 
confondre  cette  sorte  de  satisfaction  avec  l'amende  honorable  :  l'amende  hono- 
rable était  une  peine  infamante,  la  réparation  d'honneur  n'avait  point  ce  carao» 
tère  ;  la  première  était  environnée  d'un  grand  appareil  et  était  faite  publique- 
ment au  roi  et  à  la  justice;  l'autre  n'avait  lieu  que  devant  des  personnes  choi- 
sies et  n'était  faite  qu'aux  parties  offensées.  Peut-être  n'était-il  pas  indispen- 
sable de  conserver  cette  mesure,  débris  d'une  législation  tombée,  qui  n*est  plus 
en  harmonie  avec  notre  système  pénal  et  qui  paraît  plus  propre  à  perpétuer  le» 
inimitiés  qu'à  les  apaiser.  On  en  a  fait,  du  reste,  une  assez  rare  application  ; 
ce  qui  indique  qu'elle  n'est  point  dans  nos  mœurs. 


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DBS  OUTRAGES  GONTRB  LB8  DÉPOSITAIRES  DE  L  AUTORITÉ  (aRT.  228).      299 

888.  L'outrage  peut  s'élever  josqu^aux  voies  de  fait  : 

a  Art.  228.  Tout  individu  qui,  môme  sans  armes,  et  sans  qu'il  en  soit  résulté 
de  blessures,  aura  frappé  un  magistrat  dans  rezercice  de  ses  fonctions,  ou  à  l'oc- 
casion de  cet  exercice,  ou  commis  toute  autre  violence  ou  voie  de  fait  envers  lui 
dans  les  mêmes  circonstances,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  deux  à  cinq 
ans.  Le  maximum  de  cette  peine  sera  toujours  prononcée  si  la  voie  de  fait  a  eu 
lieu  à  l'audience  d'une  cour  ou  d'un  tribunal.  Le  coupable  pourra  en  outre  dans 
les  deux  cas  être  privé  des  droits  mentionnés  en  l'art.  42  du  présent  Gode  pendant 
cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus,  à  compter  du  jour  où  il  aura  subi  sa  peine, 
et  être  placé  sous  la  surveillance  de  la  baute  police  pendant  le  même  nombre 
d'années.  » 

La  loi  du  13  mai  1863  a  introduit  dans  [cet  article  une  double  modification  : 
elle  a  substitué  à  la  dégradation  civique,  peine  infamante,  qui  donnait  au  fait 
le  caractère  d'un  crime,  des  peines  correctionnelles  qui  le  transforment  en  un 
simple  délit;  elle  a  ensuite  ajouté  ces  mots  c  ou  commis  toute  autre  violence 
ou  voie  de  fait  dans  les  mêmes  circonstances.  »  La  première  de  ces  modifica- 
tions a  eu  pour  effet  d'attribuer  le  fait  à  la  juridiction  correctionnelle.  «  Quand 
le  coupable,  dit  l'exposé  des  motifs,  comparaît  devant  la  cour  d'assises,  après 
une  instruction  et  une  détention  préventive  plus  ou  moins  longue,  les  faits 
semblent  avoir  perdu  de  leur  importance,  Timpression  première  s'est  effacée, 
et  le  jury  incline  à  une  indulgence  qu'il  n'aur  ait  pas  eue  si  le  jugement  avait 
suivi  l'offense  de  plus  près.  La  considération  dominante  est  qu'un  tribunal  est 
le  juge  naturel  du  flagrant  délit  commis  à  son  audience.  >  La  seconde  modifia 
cation  a  été  motivée  dans  les  termes  suivants:  t  entre  les  menaces  et  les  coups, 
il  est  des  voies  de  fait  ou  des  violences  qui  ne  rentrent  précisément  dans  aucune 
des  expressions  employées  par  la  loi  et  qu'on  ne  voudrait  pas  laisser  impunies» 
Trf  e«#  le  fait  de  cracber  à  la  figure  d'un  fonctionnaire,  de  décbirer  sa  robe, 
d'arracber  ses  insi^neff,  de  îe  saisir  au  corps,  de  le  secouer  avec  violence  et 
même  de  le  renverser.  > 

Une  peine  accessoire  a  été  spécialement  édictée  relativement  au  fait  prévu 
par  l'art.  228  :  c'est  une  interdiction  locale  et  temporaire  de  résider,  après  l'exé- 
cution de  la  peine,  au  lieu  où  siège  le  magistrat  offensé.  «  Si  le  condamné, 
porte  l'art.  229,  enfreint  cet  ordre,  il  sera  puni  du  bannissement.  »  Cette  me- 
sure, qui  ne  s'applique  qu'au  condamné  pour  des  coups  portés  à  des  magistrats, 
est  fondée  sur  la  dignité  des  personnes  que  le  délit  a  atteintes  :  il  a  paruqu'il 
était  contraire  aux  convenances  et  à  l'autorité  de  la  magistrature  de  remettra 
promptement  en  présence  l'auteur  d'un  si  grave  outrage  et  le  magistrat  qui  l'a 
subi. 

289.  Les  violences  et  voies  de  fait  de  respècê  exprimée  en  Vari,  228,  ce  sont 
les  termes  de  l'art .  230,  sont  punies  d'une  peine  moins  grave  quand,  au  lieu 
de  s'adresser  à  un  magistrat,  elles  sont  dirigées  contre  un  officier  ministériel, 
un  agent  de  la  force  publique  ou  un  citoyen  ohargé  d'un  ministère  de  service 
public.  Le  délit  est  le  même  dans  cet  article  et  dans  l'art.  228:  la  qualité  des 
personnes  offensées  est  la  seule  cause  qui  mette  une  distance  entre  les  deux 
pénalités. 

Ce  délit,  au  contraire,  prend  un  caractère  plus  grave  et  peuvent  revêtir  .la. 

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300    DIZ-NBUV.  LBÇ.  —  DBS  GRIMB8  BT  DÉLITS,  BTG.  (n®  289). 

qualification  de  crime,  lorsque  viennent  8*y  joindre   les  circonstances  aggra- 
vantes qui  suivent  : 

1«  Si  la  voie  de  fait  a  eu  lieu  à  l'audience  d'une  cour  ou  d*un  tribunal;  la  peine 
est,  aux  termes  du  §  2  de  Part.  228,  le  maximum  de  la  peine  d'emprisonne- 
ment. Vous  avez  vu  les  motifs  de  cette  aggravation  en  étudiant  Tart.  222  :  c'est 
la  môme  hypothèse;  le  caractère  de  Toutrage  a  seul  changé. 

2<»  Si  les  violences  exercées,  soit  contre  les  magistrats  désignés  par  l'art.  228, 
soit  contre  les  officiers  désignés  par  Tart.  230,  ont  été  la  cause  d' effusion  de  sang, 
blessure  ou  maladie.  Cette  aggravation,  portée  par  l'art.  231,  est  uniquement 
fondée  sur  le  résultat  des  violences  ;  la  loi  suppose  avec  rjeiison  que  la  crimi- 
nalité est  plus  intense  quand  le  fait  a  eu  des  conséquences  plus  graves  :  la  peine 
est  la  réclusion. 

3^  Si  les  violences  ont  causé  la  mort  dans  les  quarante  jours.  La  peine  s'élève 
encore,  suivant  les  termes  de  l'art.  231,  à  mesure  que  le  résultat  des  violences 
est  plus  déplorable  :  elle  est,  dans  ce  dernier  cas,  des  travaux  forcés  à  perpé- 
tuité. Il  faut  toutefois  qu'il  soit  bien  constant  que  la  mort  a  été  la  suite  des 
violences  exercées,  car  la  responsabilité  de  cet  événement  ne  doit  porter  sur 
Tauteur  des  violences  qu'autant  qu'il  en  a  été  la  conséquence  nécessaire. 

4®  Si  les  violences  ont  été  faites  avec  préméditation  ou  de  guet-apens.  Ici  la 
loi  fait  une  distinction  qui  est,  du  reste,  sous  un  rapport,  incomplète.  La 
préméditation  est  une  circonstance  aggravante  des  coups  portés,  soit  à  un 
magistrat,  soit  à  un  officier  public,  lors  même  que  ces  coups  n'ont  causé  ni 
effusion  de  sang,  ni  maladie,  ni  blessures  ;  elle  revêt,  en  effet,  une  crimina- 
lité plus  grande;  la  peine  s'aggrave  avec  raison  :  l'art.  232  prononce  la  réclu- 
sion. Mais  si  les  coups  portés  avec  préméditation  ont  causé  une  effusion  de 
sang,  une  maladie  ou  des  blessures,  la  peine  de  la  réclusion  s'aggrave-t-elle  ? 
Nullement,  et  l'on  peut  apercevoir  ici  une  omission  dans  l'échelle  de  la  crimi- 
nalité ;  car  né  faut-il  pas  combiner  ensemble,  pour  établir  le  véritable  rap- 
port du  délit  et  de  la  peine,  la  gravité  del'intention  et  la  gravité  du  fait  ma- 
tériel? 

5^  Si  les  coups  ont  été  portés  ou  les  blessures  faites  soit  à  un  magistrat, 
soit  à  un  autre  officier,  avec  Vinteniion  de  donner  la  mort.  Dans  cette  dernière 
hypothèse,  l'art  233  n'hésite  pas,  quel  qu'ait  été  le  résultat  des  coups  ou  des 
blessures,  à  déclarer  que  le  coupable  sera  puni  de  mort.  Cette  incrimination, 
que  la  loi  du  28  avril  a  modifiée,  confond  encore,  malgré  cette  modification, 
des  faits  distincts  auxquels  l'uniforme  application  de  la  peine  de  mort  paraît 
bien  rigoureuse.  Des  coups  portés,  môme  avec  le  dessein  de  tuer,  s'ils  ont  été 
portés  sans  préméditation  ni  guet-apens,  dans  un  premier  mouvement,  et 
s'ils  n'étaient  pas  de  nature  à  causer  la  mort,  peuvent-ils  donc  ôtre  assimilés 
à  l'assassinat,  par  cela  seul  qu'ils  sont  dirigés  contre  un  officier  public  ?  Est-il 
possible  d'incriminer  l'intentionalité,  indépendamment  du  fait  matériel?  N'est- 
ce  pas  la  gravité  intrinsèque  de  ce  fait  et  la  nature  de  ses  résultats  probables 
qui  sont  la  meilleure  base  de  l'intention  de  l'agent  ?  Comment  admettre  que 
de  simples  coups,  qui  ne  pouvaient  causer  qu'une  effusion  de  sang,  une  bles- 
sure, et  ne  l'ont  pas  môme  causée,  deviendraient  Télément  de  la  peine  capi- 
tale, par  cela  seul  que  l'agent,  dans  son  impuissante  attaque,  avait  dessein  de 
tuer?  Comment  admettte  que  le  dessein  de  tuer,  isolé  de  la  préméditation  qui 

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DU  REFUS  d'un  SBRYICE  DU  LÉGALSMBNT  (ART.  234).  301 

seule  lai  donne  le  dernier  degré  de  la  criminalité,  paisse  seule,  et  en  dehors  à 
peu  près  de  tout  acte  matériel  important,  motiver  Tapplication  de  la  peine  sa- 
préme  qui  devrait  être  réservée  au  plus  grave  de  tous  les  crimes,  au  meurtre 
prémédité? 

Ne  perdez  pas  de  vue,  dans  tous  les  cas,  que,  dans  les  dispositions  que  nous 
venons  de  parcourir,  la  qualité  de  la  personne  outragée  ou  frappée  est  l'un  des 
éléments  essentiels  de  Tincrimination  :  c*est  parce  que  cette  personne  est  ma- 
gistrat de  Tordre  judiciaire  ou  administratif,  c'est  parce  qu'elle  est,  soit  un 
officier  ministériel,  soitun  agent  de  la  force  publique,  que  la  peine  s'élève  au- 
dessus  du  degré  où  elle  serait  restée,  si  la  victime  n'eût  été  qu'un  simple  par- 
ticulier ;  l'aggravation  spéciale  de  la  pénalité,  qui  fait  l'objet  de  cet  article,  est 
uniquement  fondée  sur  cette  qualité.  De  Là,  il  faut  conclure  que  Tapplication 
de  cette  pénalité  n'est  régulière  qu'autant  qu'il  est  constaté  par  les  juges 
du  fait  que  les  coups  ont  été  portés  ou  les  blessures  faites  à  tel  ou  tel  offi- 
cier, et  qu'ils  ont  été  portés  dans  l'exercice  ou  à  l'occasion  de  l'exercice  des 
fonctions. 

RBFUS  d'un  service  DU  LÊOilLBllENT. 

290.  Le  Gode  pénal,  dont  la  classification  peut  donner  lieu  à  de  justes  criti  : 
ques,  n'a  placé  sous  cette  rubrique  que  deux  cas  de  désobéissance  :  le  refus  du 
commandant  qui,  légalement  requis,  refuse  d'agir,  et  le  refus  des  jurés  et  té- 
moins qui,  régulièrement  cités,  allèguent  de  fausses  excuses. 

a  Art.  234.  Tout  commandant,  tout  officier  ou  sous-officier  de  la  force  publique, 
qui,  après  eu  avoir  été  légalement  requis  par  Tautorité  civile,  aura  refusé  de  faire 
agir  la  force  à  ses  ordres,  sera  puni  d'un  emprisonnement  d'un  mois  à  trois  mois^ 
Mu>0  pr^ttdice  des  réparations  civiles  qui  pourraient  être  dues  aux  termes  de 
l'art.  10  du  présent  Cod^,  n 

Les  autorités  civiles  qui  ont  le  droit  de  requérir  l'action  de  la  force  publique 
sont  les  préfets  et  les  sous-préfets,  les  maires  et  leurs  adjoints.  Le  môme  droit 
est  accordé  aux  membres  de  l'ordre  judiciaire  pour  l'exécution  des  ordon- 
nances de  la  justice,  et  aux  officiers  de  police  judiciaire  pour  l'exécution  des 
actes  dont  ils  sont  chargés.  Les  préposés  des  douanes  et  des  contributions  di- 
rectes et  indirectes,  les  agents  forestiers,  les  huissiers  et  autres  exécuteurs  des 
mandements  de  justice  peuvent  aussi  demander  main-forte  aux  dépositaires  de 
la  force  publique,  pour  assurer  l'exécution  de  leur  service.  Une  réquisition, 
pour  être  régulière,  doit  émaner  d'un  fonctionnaire  compétent  et  être  faite  par 
écrit  et  signée,  en  énonçant  la  cause  qui  la  fonde.  Toutefois,  lors  môme  qu'elle 
est  régulière,  le  commandant  peut  se  dispenser  d'agir,  s'il  est  retenu  par  les 
ordres  de  son  supérieur  hiérarchique.  C'est  là,  du  moins,  une  excuse  légale 
qu'il  appartient  aux  Juges  d'apprécier. 

891 .  Le  second  refus  prévu  par  la  loi  est  celui  des  témoins  et  des  jurés. 
Le  témoignage  est  un  devoir  à  la  fois  moral  et  civique.  Tout  hommea  l'obli- 
gation de  déclarer  à  la  justice  tout  ce  qu'il  a  vu  et  entendu  sur  les  faits  qu'elle 

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302         DIX-NSUV.  LBÇ.  —   DBS  GRIMES  BT  DÉLITS,   ETC.  (n®  292.) 

poursuit;  car  ce  qu'il  a  vu  et  entendu  est  un  élément  nécessaire  des  jugements 
qu'elle  va  rendre.  Son  refus  de  comparaître  ou  de  déposer,  qui  aurait  pour 
résultat  de  priver  le  juge  des  éléments  qui  lui  sont  indispensables  pour  juger, 
est  donc  une  infraction  dont  il  doit  compte  à  la  justice.  L'art.  80  du  Gode 
d'instruction  criminelle  porte  en  conséquence  :  c  Toute  personne  citée  pour 
être  entendue  en  témoignage  sera  tenue  de  comparaître  et  de  satisfaire  à  la 
citation.  »  Et  la  sanction  de  cette  obligation  est,  outre  la  contrainte  par  corps, 
une  amende  de  100  francs.  Les  ait.  157  et  355  du  même  Gode  appliquent 
cette  amende  aux  divers  cas  où  le  témoin  cité  ne  comparait  pas  ou  refuse  de 
déposer. 

Les  jurés,  comme  les  témoins,  sont  passibles  d'une  amende  lorsqu'ils  n'obéis- 
sent pas  à  la  citation  qui  leur  a  été  donnée  pour  TaccompUssement  de  leurs 
fonctions.  L'art.  396  du  Gode  d'instruction  criminelle^  modifié  par  Tart.  19  de 
la  loi  du  4  juin  1853,  prononce  contre  cette  infraction  une  amende  qui  est  de 
200  à  500  fr.  pour  la  première  fois  ;  de  1,000  fr.  pour  la  seconde,  et  de  1,500  fr. 
pour  la  troisième. 

Ges  notions  préliminaires  sont  nécessaires  pour  comprendre  le  sens  de  l'art. 
236,  ainsi  conçu  : 

c(  Art.  236.  Les  témoins  et  jurés  qui  auront  allégué  une  excuse  reconnue  fausse 
seront  condamnés,  outre  les  amendes  prononcées  pour  la  non-comparution,  à  un 

emprisonnement  de  six  jours  à  deux  mois.  » 

« 

Une  s'agit  plus  d'ua  simple  acte  de  négligence  ou  de  désobéissance,  il  s'agit 
d'un  acte  frauduleux,  d'un  délit  moral  :  l'allégation  d'une  excuse  fausse  pour 
s'exempter  d'un  devoir  ou  d'un  service.  Les  peines,  au  reste,  se  cumulent 
comme  les  injonctions;  c'est  une  exception  au  principe  de  la  non-cumulation 
des  peines  formulé  par  l'art.  365  du  Gode  d'instruction  criminelle. 

ÉVASION  DE  DÉTENUS,  RBGÉLBMENT  DE  CRDilNELS. 

292.  La  fuite,  l'évasion  des  détenus,  abstraction  faite  de  toute  circonstance 
aggravante,  ne  constitue  aucun  délit,  c  En  effet,  dit  un  ancien  jurisconsulte,  il 
est  rationnel  à  une  personne  qu'on  veut  arrêter  ou  qui  l'est  déjà  de  chercher 
à  se  sauver  des  mains  de  la  justice,  pour  éviter  la  peine  qu'elle  mérite,  et,  à 
plus  forte  raison,  si  elle  est  innocente.  •  L'exposé  des  motifs  du  Gode  pénal 
porte  également  :  c  Le  désir  de  la  liberté  est  si  naturel  à  l'homme,  que  l'on  ne 
saurait  prononcer  que  celui-là  devient  coupable  qui,  trouvant  la  porte  de  sa 
prison  ouverte,  en  franchit  le  seuil.  •  La  loi  ne  punit,  de  la  part  des  détenus, 
que  le  bris  de  prison  et  la  violence  : 

tt  Art.  245.  A  l'égard  des  détenus  qui  se  seront  évadés  ou  qui  auront  tenté  de 
s'évader  par  bris  de  prison  ou  par  violences,  ils  seront,  pour  ce  seul  fait,  punis  de 
six  mois  à  un  an  d'emprisonnement,  et  subiront  cette  peine  immédiatement  après 
l'expiration  de  celle  qu'ils  auront  encourue  pour  le  crime  ou  délit  à  raison  duquel 
ils  étaient  détenus,  ou  immédiatement  après  Tarrôt  ou  jugement  qui  les  fura 
acquittés  ou  renvoyés  absous  dudit  crime  ou  délit;  le  tout  sans  préjudice  de  plus 
fortes  peines  qu'ils  auraient  pu  encourir  pour  d'autres  crimes  qu'ils  auraient  com- 
mis dans  leurs  violences.  » 


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DE  l'évasion  DBS   DÉTENUS  (aBT.    245).  303 

Disons,  d'abord,  qae  Texpression  détenus  comprend  les  prévenus  et  les  accu- 
sés aussi  bien  que  les  condamnés  ;  mais  elle  ne  comprendrait  pas  les  détmut 
pour  dettes  civiles,  si  la  contrainte  pesait  sur  eux,  car  leur  fuite  ne  cause  aucun 
préjudice  à  l'ordre  social  ;  elle  ne  comprend  pas  non  plus  les  personnes  déte- 
nues en  vertu  d'ordonnances  d'extradition  et  justiciables  des  tribunaux  étran- 
gers ;  car  il  faut  que  la  détention  soit  motivée  par  une  prévention  ou  par  une 
condamnation.  Gela  posé,  pour  qu'il  y  ait  délit,  il  faut  qu'il  y  ait  eu  évasion  ou 
tentative  d'évasion,  et  que  cet  acte  ait  été  exécuté  par  bris  de  prison  ou  par 
violences.  C'est  cette  circonstance  de  violences  qui  constitue  véritablement  le 
délit.  Qu'est-ce  qu'il  faut  entendre  par  ces  expressions  de  la  loi  ?  Il  est  clair 
que  le  bris  de  prison  est  l'effraction  des  clôtures  de  la  prison  et  que  les  violen- 
ces sont  celles  qui  sont  exercées  sur  la  personne  des  préposés  à  la  garde  des 
détenus.  Le  prisonnier  qui  saute  par  une  fenêtre  ou  par-dessus  un  mur,  celui 
qui  s'évade  par  ruse  et  par  supercherie,  par  exemple,  à  l'aide  d'un  faux  costume 
ou  d'une  allégation  mensongère,  ne  commet  aucun  délit. 

293.  La  peine  s'aggrave  et  les  conditions  d'incrimination*  ne  sont  plus  les 
mêmes  en  ce  qui  concerne  les  condamnés  détenus  dans  les  bagnes.  Aux  termes 
de  l'art.  16,  titre  IH,  de  la  loi  des  20  septembre- i  2  octobre  1791,  maintenue  en 
vigueur  par  l'ordonnance  du  2  janvier  1817,  «  tout  forçat  qui  s'évadera  sera 
puni,  pour  chaque  évasion,  par  trois  années  de  travaux  forcés  lorsqu'il  ne  sera 
condamné  qu'à  temps  et  par  l'application  à  la  double  chaîne  pendant  le  môme 
espace  de  temps,  s'il  est  condamné  à  perpétuité,  i  L'art.  10  du  décret  du 
27  mars  1852,  relatif  aux  condamnés  aux  travaux  forcés  transférés  à  la  Guyane, 
prononce  deux  à  cinq  ans  de  travaux  forcés  ou  de  double  chaîne. 

894.  Le  délit  d'évasion  présente  deux  exceptions  au  droit  commun  :  1°  il 
forme  one  exception  au  principe  de  la  cumulation  des  peines,  puisque  l'art.  245 
exprime  à  cet  égard  nne  réserve  expresse  pour  la  peine  encourue  ;  2^  il  ne 
comporte  point  l'application  des  peines  de  la  récidive,  puisqu'il  suppose  un 
délit  préexistant  et  par  conséquent  l'existence  d'un  état  de  récidive,  qui  dès 
lors  ne  peut  être  considéré  comme  un  élément  d'aggravation. 

295.  C'est  aux  fauteurs  et  complices  de  l'évasion  que  s'adressent  surtout  les 
dispositions  de  la  loi  :  <  Les  officiers  chargés  de  la  conduite  ou  de  la  garde 
d'un  détenu,  dit  le  rapporteur  du  Corps  législatif,  qui  auraient  facilité,  par  leur 
négligence  ou  leur  connivence,  son  évasion,  sont  bien  plus  coupables  que  lui, 
ils  doivent  être  punis  d'après  les  circonstances,  et  c'est  ce  que  le  projet  déter- 
mine. Il  prévoit  toutes  les  manières  dont  une  évasion  peut  s'opérer  et  les  fait 
concorder,  pour  l'application  de  la  peine,  avec  le  genre  de  prévention  qui 
pesait  sur  le  détenu.  Il  frappe  aussi,  et  d'une  manière  différente,  le  particulier 
qui,  n'étant  pas  chargé  de  la  garde  ou  de  la  conduite  des  détenus,  aurait  pro- 
curé ou  facilité  leur  évasion.  Ceux  qui  corrompent  les  gardes  ou  les  gardiens 
des  détenus  seront  punis  de  la  même  peine  qu'eux.  Enfin,  ceux  qui  auront 
favorisé  l'évasion  d'un  détenu  seront  solidairement  condamnés  à  tous  les  dom- 
mages que  la  partie  civile  aurait  eu  droit  de  demander  contre  lui.  i  II  suit  de 
là  que  le  délit  prend  une  gravité  différente,  suivant  qu'il  est  commis  par  les 

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304    DIX-NBUV.  LEÇ.  —  DBS  CRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.  (n*  296). 

préposés  à  la  garde  du  détenu  ou  par  tontes  antres  personnes  étrangères  à  cette 
garde.  Remarquez,  toutefois,  que,  dans  Tun  et  l'autre  cas,  il  suffit  de  l'évasion 
simple  pour  constituer  le  délit;  il  n'  est  pas  nécessaire  qu'elle  ait  eu  lieu  par 
violences  ou  par  bris  de  prison  :  ce  n'est  plus  en  effet  l'acte  du  détenu  que  la 
loi  punit,  c'est  la  connivence  ou  la  négligence  qui  a  amené  Tévasion;  or,  cette 
connivence  ou  cette  négligence  est  indépendante  des  circonstances  concomi- 
tantes de  l'acte ,  il  suffit  qu'elle  ait  favorisé  l'évasion,  qu'elle  Tait  produite. 

«  Art.  237.  Toutes  les  fois  qu'une  évasion  de  détenus  aura  lieu,  les  huissiers, 
les  commandants  en  chef  ou  en  sous-ordre,  soit  de  la  gendarmerie,  soit  de  la  force 
armée  servant  d'escorte  ou  garnissant  les  portes,  les  concierges,  gardiens,  geôliers 
et  tous  autres  préposés  à  la  conduite,  au  transport  ou  à  la  garde  des  détenus» 
seront  punis  ainsi  qu'il  suit.  » 

Les  dispositions  qui  vont  suivre  établissent  deux  premières  distinctions  dans 
la  criminalité  des  agents  de  la  force  publique  ou  des  préposés. 

«  Art.  238.  Si  Tévadé  est  prévenu  de  délits  de  police,  ou  de  crimes  simplement 
infamants,  ou  condamné  pour  l'un  de  ces  crimes  s'il  était  prisonnier  de  guerre, 
les  préposés  à  sa  garde  ou  conduite  seront  punis,  en  cas  de  négligence,  d'un  em- 
prisonnement de  six  jours  &  deux  mois,  et,  en  cas  de  connivence,  d'un  em- 
prisonnement de  six  mois  à  deux  ans.  » 

a  Art.  239.  Si  les  détenus  évadés,  ou  l'un  d'eux,  étaient  prévenus  ou  accusés 
d'un  crime  de  nature  \  entraîner  une  peine  afllictive  à  temps,  ou  condamnés  pour 
l'un  de  ces  crimes,  la  peine  sera,  contre  les  préposés  à  la  garde  ou  conduite,  en 
cas  de  négligence,  un  emprisonnement  de  deux  mois  à  six  mois  ;  en  cas  de  conni- 
vence, à  la  réclusion.  » 

a  Art.  240.  Si  les  évadés  ou  l'un  d'eux  sont  prévenus  ou  accusés  de  crimes  de 
nature  à  entraîner  la  peine  de  mort  ou  des  peines  perpétuelles,  ou  s'ils  sont  con- 
damnés à  Tune  de  ces  peines,  leurs  conducteurs  ou  gardiens  seront  punis  d'un 
emprisonnement  d'un  à  deux  ans,  en  cas  de  né^igoooo,  ot  dos  travaux  forcés  à 
temps,  en  cas  de  connivence.  » 

La  première  distinction  que  ces  articles  établissent  entre  la  négligence  et  la 
connivence  des  préposés  est  fondée  sur  la  nature  des  choses  :  la  négligence 
n'est  qu'une  simple  infraction  matérielle,  la  connivence  est  la  violation  volon- 
taire et  préméditée  du  devoir  de  la  fonction.  La  seconde  distinction,  qui  fait 
dériver  la  gravité  de  la  peine  de  la  gravité  de  la  prévention  qui  pèse  sur  le 
détenu  évadé,  est  peut-être  plus  difficile  à  justifier  ;  car  qu'importe  que  cette 
prévention  soit  plus  ou  moins  grave  ?  Le  devoir  dôs  gardiens  et  des  préposés 
change-t-il  selon  que  le  détenu  est  prévenu  d'une  peine  correctionnelle,  d'une 
peine  afflictive  temporaire  ou  d'une  peine  afflictive  perpétuelle  ?  La  négligence 
ou  la  connivence  n'a-t-elle  pas  en  elle-même  le  môme  caractère  ?  Ce  qui 
explique,  sans  la  motiver  entièrement,  cette  échelle  d'aggravation,  c'est  que  le 
préjudice,  le  péril  social  s'accroît  à  mesure  que  la  prévention  a  pour  objet 
un  attentat  plus  considérable,  car  l'évasion  doit  causer  une  alarme  plus 
grande  quand  le  malfaiteur  apporte  à  l'ordre  public  une  menace  plus  immi- 
nente. 

296.  Les  dispositionB  qni  précèdent  ne  punissent  que  les  préposés  et  les 

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DB  L'ÉVASION  DB6  HâTENDS  (ART.  Zi%).  90S 

gardiens.  Mais  les  distinctions  qu'elles  contiennent  s'appliquent  également 
aux  autres  personnes  :  chacun  des  trois  art.  238,  239  et  240  étend,  dans  un 
deuj(iôme  paragraphe,  la  règle  qu'il  pose  à  c  ceux  qui,  n'étant  pas  chargés  de 
la  garde  ou  de  la  conduite  des  détenus^  auront  procuré  ou  facilité  leur  é^a* 
sion.  »  La  peine  est  de  six  jours  à  trois  mois  d'emprisonnement  dans  le  cas  de 
Tart.  238,  de  deux  mois  à  six  dans  le  cas  4e  Tart,  239«  et  d'un  an  à  cinq  ans 
daus  le  cas  de  Tart.  240.  Ainsi,  la  même  gradation  subsiste  :  il  n'y  a  de 
changé  que  le  taux  de  la  peine  ;  et  ce  taux  ne  devait  pas,  en  efltet,  être  le 
môme  ;  car  le  simple  citoyen  qui  fayorise  Tévasion  d'un  détenu  vioie  sans 
doute  la  loi  et  met  Tordre  en  péril,  mais  il  ne  viole  pas  du  moins  une  mission 
spéciale,  une  fonction  qui  lui  impose  des  obligations  particulières;  il  viole  son 
devoir  général  de  citoyen,  mais  le  gardien  viole  en  outre  le  devoir  spécial  atta- 
ché 4  sa  fonction. 

297.  Les  art.  241  et  243  prévoient,  au  cas  d'évasion  avec  bris  ou  violencjQA» 
la  complicité  de  ceux  qui  ont  fourni  les  instruments  ou  les  armes.  Uue  ao% 
malie,  qui  doit  être  remarquée  entre  ces  deux  articles,  résulte  de  ce  que,  4(Uis 
le  premier,  les  gardiens  et  les  simples  citoyens  sont  placés  sur  la  même  lippue 
et  frappés  des  mômes  peines,  tandis  que,  dans  le  second,  la  peine  est  diffé- 
rente :  elle  est  pour  les  gardiens  et  conducteurs  celle  des  travaux  forcés  à  per- 
pétuité, et,  pour  les  autres  personnes,  celle  des  travaux  forcés  à  temps.  Il  est 
difficile  de  se  rendre  compte  de  cette  exception  à  la  règle  générale  posée  dans 
tous  les  autres  articles  de  cette  loi.  Une  anomalie  résulte  encore  de  ce  que  la 
transmission  d'instruments,  tels  qu'un  ciseau,  une  lime,  propres,  à  opérer 
le  bris  de  la  prison,  est  punie,  aux  termes  de  l'art.  241,  de  5  ans  d'emprisonne- 
ment dans  l'espèce  de  l'art.  240,  tandis  que,  dans  la  môme  espèce,  la  fourni- 
ture d'échelles,  de  cordes  ou  de  tous  autres  instruments  qui  n'opèrent  aucun 
bris,  est  puni  d'une  peine  supérieure,  suivant  les .  termes  de  l'art.  240,  celle 
des  travaux  forcés  à  temps. 

298.  Je  ne  m'arrêterai  ni  à  l'art.  242,  qui  punit  deux  délits  distincts,  la 
corruption  exercée  sur  les  gardiens  de  la  connivence  avec  les  gardiens,  ni  à 
l'art.  244,  qui  fait  peser  sur  tous  ceux  qui  auront  connivé  à  Tévasion  d'un 
détenu  les  dommages-intérêts  de  la  partie  civile.  Le  premier  de  ces  articles 
ne  hit  qu'appliquer  à  ce  fait  particulier  de  corruption  la  règle  générale  de 
responsabilité  que  nous  avons  déjà  vue  dans  l'art.  179.  Le  second  n'est  égale- 
ment qu'une  application  du  principe  posé  par  l'art:  1382  du  Gode  civil  qui 
oblige  quiconque  cause  par  son  fait  un  dommage  à  autrui  à  le  réparer. 

299.  Mais  l'art.  247  mérite  votre  attention  :  cet  article,  puisé  dan^  l'art.  1 
de  la  loi  du  4  vendémiaire  an  IV,  fait  cesser  la  peine,  en  cas  de  négligence 
seulement,  lorsque  le  dommage  a  cessé,  lorsque  le  détenu  évadé  est  repris  : 

a  Art.  247.  Les  peines  d'emprisonnement  ci-dessus  établies  contre  les  conduc- 
teurs ou  les  gardiens,  en  cas  de  négligence  seulement,  cesseront  lorsque  les  évadés 
seront  repris  ou  représentés,  pourvu  que  ce  soit  dans  les  quatre  mois  de  l'évasion, 
et  qu'ils  ne  soient  pas  arrêtés  pour  d'autres  crimes  ou  délits  commis  postérieu- 
rement. » 


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(Jfcogle 


306     DIX-NBUT.   LB$.  —  DBS  CRIMES  BT  DÉLITS,   KTC.   (ART.   248)  N*  300. 

Cette  disposition  est  restreinte  au  cas  de  négligence  ;  car,  lorsque  le  dom* 
mage  que  cette  négligence  a  causé  est  reparé,  pourquoi  continuer  de  la  punir  T 
U  est  même  étrange  que  son  effet  ait  été  limité  à  quatre  mois  :  si  la  réprésen- 
tation a  lieu  le  cinquième  ou  le  sixième  mois,  la  même  règle  d*équité  n'exige- 
fc-elle  pas  que  la  peine  prenne  fin  aussitôt  que  Tévadé  est  remis  entre  les 
mains  de  la  justice  ?  Quant  à  la  connivence  qui  admet,  à  côté  du  dommage 
matériel,  un  élément  intentionnel,  la  décision  doit  être  différente,  car  le  délit 
doit  être  puni  lors  môme  que  le  préjudice  matériel  est  réparé.  La  loi  veut  ton- 
-tefds  que  les  évadés  aient  été  repris  à  cause  de  Tévasion  ou  se  soient  volon- 
taiiement  représentés  :  s*ils  ont  été  arrêtés  pour  crimes  on  délits,  commis  pos» 
térieurement,  les  conducteurs  et  gardiens  ne  sont  pas  déchargés  des  peines 
qu'ils  ont  encourues  ;  ils  sont  en  quelque  sorte  responsables  de  ces  crimes  et 
délits,  puisqu'ils  ont  fourni  l'occasion  de  les  commettre,  par  la  négligence  qui 
a  facilité  Tévasion.  Que  faut-il  décider  si,  d'une  part,  le  détenu  n'est  repris  qu'à 
raison  de  son  évasion,  et  si,  d'une  autre  part,  on  découvre  après  son  arresta* 
tion  qu'il  a  commis  des  crimes  et  des  délits  depuis  son  évasion  ?  Il  est  clair 
que  le  gardien  devra  jouir,  dans  ce  cas,  du  bénéfice  de  la  loi  ;  l'art.  247,  en 
effet,  est  précis,  et,  en  matière  pénale,  il  n'est  pas  permis  d'étendre  les  dispo- 
sitions de  la  loi  d'un  cas  à  un  autre  et  de  substituer  à  sa  lettre  une  interpréta- 
tion arbitraire,  sousprétexte  que  cette  interprétation  assurerait  à  la  disposition 
pénale  une  plus  grande  efficacité.  U  suffit  que  l'évadé  soit  arrêté  à  raison  de 
son  évasion,  il  suffit  que  les  crimes  et  délits  commis  depuis  n'aient  pas  été 
la  cause  occasionnelle  de  son  arrestation,  pour  que  l'art.  247  soit  applicable. 
Cet  article  n*a  point  voulu  rendre  les  conducteurs  et  gardiens  responsables  des 
Suites  de  leur  négligence,  en  faisant  peser  sur  eux  tous  les  faits  qu'elle  aurait 
indirectement  facilités,  elle  a  voulu  uniquement  les  intéressera  la  reprise  dos 
prisonniers  évadés. 

300.  L'art.  248  prévoit  un  dernier  délit;  c'est  le  fait  de  recel  des  prisonniers 
évadés  :  , 

«  Art.  248.  Ceux  qui  auront  recelé  ou  fait  receler  des  personnes  qu'ils  savaien 
avoir  commis  des  crimes  emportant  peine  afflictive  seront  punis  de  trois  moi 
d'emprisonnement  au  moins,  et  de  deux  ans  au  plus.  —  Sont  exceptés  de  la  pré- 
sente disposition  les  ascendants  ou  descendants,  époux  ou  épouses  môme  divorcés. 
IVères  ou  sœurs  des  criminels  recelés,  ou  leurs  alliés  aux  mêmes  degrés.  » 

Je  dis  que  cette  disposition  a  pour  objet  le  recelé  des  prisonniers  évadés  ; 
elle  s'y  applique  sans  aucun  doute  ;  mais  elle  va  au  delà,  car  elle  est  générale, 
elle  comprend  le  recelé  de  toutes  les  personnes  que  le  receleur  savait  avoir 
commis  des  crimes  emportant  peine  afQictive.  Ainsi,  le  fait  que  la  personne 
recelée  était  évadée  n'est  point  un  élément  du  délit,  il  importe  peu  qu'elle  ait 
déjà  été  ou  non  sous  la  main  de  la  justice,  il  suffit,  pour  l'application  de  la  loi, 
que  la  personne  recelée  soit  prévenue  d'avoir  commis  un  crime,  et  que  le  rece- 
leur ait  eu  connaissance  de  cette  prévention  :  c'est  le  fait  de  dérober  sciem- 
ment aux  poursuites  judiciaires  un  prévenu  de  crime  qui  est  Tobjet  de  l'incri- 
mination. La  loi  n'exige  point  que  la  personne  recelée  ait  été  frappée  d'une 
condamnation;  mais  faut-il  qu'il  y  ait  contre  elle  une  prévention  établie  on  du 

«  DigitizedbyCjOOgle 


D8  l'évasiou  DBS  dAtbnus  (art.  250).  307 

moias  une  poursaiteT  II  est  évident  qne  la  notoriété  publique  ne  suffirait  pas 
pour  qu'il  y  eût  obligation  de  refuser  Tasile;  car  cette  notoriété  peut  se  tromper 
et  celui  qui  donne  asile  peut  croire  à  Pinnocence  de  la  personne  que  le  public 
accuse.  Il  faut  donc  qu'il  y  ait  une  poursuite  commencée  :  c'est  la  connais- 
sance de  cette  poursuite  et  le  recèlement  de  la  personne  qui  en  est  Tobjet  qui 
constituent  la  désobéissance  à  la  loi  que  l'art.  248  a  voulu  punir.  Le  2«  §  de 
cet  article  crée  une  excuse  que  Thumanité  a  dictée,  et  qui  est  fondée  sur  les 
sentiments  de  la  nature.  Il  y  a  lieu  de  s'étonner  que  cette  disposition  n'ait  pas 
été  étendue  aux  faits  d'évasion. 

BR1B  DE  SCELLÉS  ET  ENLÈVEMENT  DES  PIÈGES  DANS  LES  DÉPOTS  PUBUGS. 

801.  Vous  allez  retrouver  dans  les  articles  relatifs  aux  bris  de  scellés  et  à 
l'enlèvement  des  pièces  dans  les  dépôts  publics  quelques-unes  des  distinctions 
que  je  viens  de  vous  signaler  dans  la  matière  de  l'évasion  ;  et  d'abord  la  dis- 
tinction fondamentale  du  fait  de  négligence  et  du  fait  intentionnel. 

«  Art.  249.  Lorsque  les  scellés  apposés,  soit  par  ordre  du  gouvernement,  soit 
par  suite  d'une  ordonnance  de  justice  rendue  en  quelque  matière  que  ce  soit, 
auront  été  brisés,  les  gardiens  seront  punis,  pour  simple  négligence,  de  six  jours 
à  six  mois  d'emprisonnement,  v 

Remarquez,  en  premier  lieu,  qu'il  ne  s'agit  que  des  bris  de  scellés  apposés 
par  l'autorité  publique  :  ce  que  la  loi  a  prévu ,  c'est  la  désobéissance  à  un  acte 
du  gouvernement  ou  de  la  justice,  c'est  l'infraction  d'un  ordre  de  l'autorité. 
C'est  parce  que  les  scellés  portent  le  sceau  de  cette  autorité,  c'est  parce  que 
leur  violation  est  un  attentat  public,  que  la  loi  a  voulu  les  protéger  par  une 
disposition  spéciale.  Cette  règle  s'étend  à  toutes  les  dispositions  de  cette 
section. 

Ensuite,  comme  dans  les  dispositions  qui  précèdent,  la  loi  ne  saisit  encore 
ici  que  la  négligence.  Cette  négligence  ne  résulte  pas  d'ailleurs  du  seul  bris 
des  scellés  ;  elle  n'est  pas  présumée  ;  il  faut  qu'il  y  ait  faute  de  la  part  de 
l'agent. 

802.  La  peine  s'élève^  comme  dans  l'art.  280,  à  raison  de  l'importance  des 
papiers  mis  sous  le  scellé  : 

«  Art.  250.  81  le  bris  de  scellés  s'applique  à  des  papiers  et  effets  d'un  individu 
prévenu  ou  accusé  d*un  crime  emportant  la  peine  de  mort,  des  travaux  forcés  à 
perpétuité,  ou  de  la  déportation,  ou  qui  soit  condamné  à  l'une  de  ces  peines,  le 
gardien  négligent  sera  puni  de  six  mois  à  deux  ans  d'emprisonnement.  » 

L'exposé  des  motifs  explique  cet  article  en  ces  termes  :  «  Un  gardien  des 
scellés  est  un  dépositaire,  et  son  dépôt  devient  plus  précieux,  si  la  cause  qui  a 
nécessité  le  scellé  est  un  crime  commis  par  celui  sur  les  effets  de  qui  les  scellés 
ont  été  apposés.  La  peine  sera  donc  plus  forte.  Ainsi  la  négligence  prend  un 
élément  d'aggravation  dans  l'importance  des  pièces  mises  sous  le  scellé  :  cette 
importance  impose  au.  gardien  une  surveillance  plus  active  et  donne  dès  lors 
à  la  négligence  un  caractère  plus  grave. 

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808      DIX-NEUY.    LEÇ.    —  OBS  CRIMES  ET  DÉLITS,   ETC.  (aRT.    254)  N*   304. 

303.  Après  la  négligence  vient  le  bris  de  scellés  fait  à  dessein  : 

«  Art.  251.  Quiconque  aura  â  dessein  brisé  ou  tenté  de  briser  les  scellés  apposés 
sur  les  papiers  ou  effets  de  la  qualité  énoncée  en  l'article  précédent,  ou  participé 
au  bris  des  scellés  ou  à  la  tentative  de  bris  de  scellés,  sera  puni  d'un  emprisonne- 
ment de  un  an  à  trois  ans.  Si  c'est  le  gardien  lui-même  qui  a  brisé  les  scellés  ou 
participé  au  bris  des  scellés,  il  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  deux  à  cinq 
ans.  Dans  l'un  et  l'autre  cas,  le  coupable  sera  condamné  à  une  amende  de  50  & 
2,000  fr.  Il  pourra  en  outre  être  privé  des  droits  mentionnés  en  l'art.  42  du  pré* 
sent  Code,  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus,  à  compter  du  jour  où  il 
aura  subi  sa  peine  ;  il  pourra  aussi  être  placé  pendant  le  même  nombre  d'années 
sous  la  surveillance  de  la  haute  police.  » 

a  Abt.  252.  A  Tégard  de  tous  autres  bris  de  scellés,  les  coupables  seront  punis 
de  six  mois  k  deux  ans  d'emprisonnement  ;  et  si  c'est  le  gardien  lui-même,  i|  sera 
puni  de  deux  h  cinq  ans  de  la  même  peine.  » 

Remarquez  que  ces  mots  :  A  Végard  de  tous  autres  bris  de  scellés,  veulent  dire 
tous  les  bris  de  scellés  apposés  par  l'ordre  de  Tautorité  publique,  à  Texception 
des  scellés  particulièrement  indiqués  par  Tart.  261.  C'est  donc  une  incrimina- 
tion générale  qui  comprend  le  bris  de  tous  les  scellés  apposés  par  ordre  du 
gouvernement  ou  par  ordonnance  de  justice. 

Viennent  ensuite  les  circonstances  aggravantes.  L'une  est  prévue  par  l'arti- 
cle 251  qui  élève  la  peine  quand  le  bris  fait  à  dessein  s'applique  aux  scellés  appo- 
sés sur  les  papiers  désignés  par  l'art.  250.  L'autre  est  prévue  par  l'art.  253,  qui 
porte  que  :  c  Tout  vol  commis  à  Taide  d'un  bris  de  scellés  sera  puni  comme 
vol  commis  avec  effraction,  i  Cette  assimilation  était  nécessaire,  car  la  défini- 
tion de  l'effraction  ne  comprend  pas  le  bris  de  scellés.  La  généralité  de  cette 
disposition  pourrait  faire  penser  qu'elle  s'applique  même  aux  scellés  qui 
seraient  placés  par  des  particuliers.  Mais  il  est  évident  que  le  délit  de  bris  de 
scellés,  tel  qu'il  a  été  défini  par  les  art.  249  et  suiv.,  ne  consiste  que  dans  le 
fait  matériel  de  l'enlèvement  ou  de  la  destruction  des  bandes  et  cachets  appo- 
sés par  l'autorité  publique  compétente,  sur  la  fermeture  des  portes  et  des  meu- 
bleSf  pour  assurer  la  conservation  à  qui  de  droit  des  objets  mobiliers  existant 
dans  les  lieux  où  les  scellés  ont  été  mis.  De  là  il  suit  que  la  soustraction  d'un 
des  objets  placés  sous  les  scellés  peut  constituer  un  vol,  mais  qu'elle  n'a  le 
caractère  d'un  vol  avec  effraction  que  lorsque  les  scellés  ont  été  apposés 
dans  l'une  des  deux  hypothèses  prévues  par  l'art.  249. 

304.  La  loi  a  mis  sur  la  même  ligne  le  bris  des  scellés  et  la  violation  des 
dépôts  publics.  La  violation  des  dépôts  privés  est  punie  par  l'art.  408  du  Gode 
pénal,  qui  ajoute  dans  son  dernier  paragraphe  :  «  Le  tout  sans  préjudice  de  ce 
qui  est  dit  aux  art.  254,  255  et  256  relativement  aux  soustractions  et  enlève- 
ments de  deniers,  effets  et  pièces  commis  dans  les  dépôts  publics.  Ainsi,  la 
publicité  du  lieu  du  dépôt  est  une  circonstance  aggravante  du  délit.  Un  dépôt 
public  est  un  asile  sacré  ;  et  tout  enlèvement  qui  y  est  commis  est  une  violation 
de  la  garantie  sociale,  un  attentat  contre  la  foi  publique.  La  loi  punit  la  simple 
négligence  et  la  soustraction  frauduleuse. 

«  AaT.  254.  Quant  aux  soustractions»  destructions  et  enlèvements  de  pièces  ou 
de  procédures  criminelles  ou  d'autres  papiers,  registres,  actes  et  effets  contenus 

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VIOLATION  DBS  DROITS  CIVIQUES  (aRT.  ?66).  309 

dans  des  archives,  greffes  ou  dépôts  publics,  ou  remis  à  un  dépositaire  public  en 
cette  qualité,  les  peines  seront,  contre  les  greffiers,  archivistes,  notaires  ou  autres 
dépositaires  négligents,  de  trois  mois  à  un  an  d'emprisonnement,  et  d'une  amende 
de  100  à  300  fr.  » 

La  soustraction,  dans  réconomie  de  cet  article,  n'est  point  imputée  au  dépo- 
sitaire lui-même^  mais  elle  est  présumée  avoir  été  facilitée  par  son  défaut  de 
surveillance  et  par  sa  négligence  :  c'est  cette  négligence  que  la  loi  punit;  c'est 
là  le  délit  qui  fait  l'objet  spécial  de  l'article.  Il  s'ensuit  que  ce  délit  ne  peut 
être  imputé  qu'aux  officiers  publics  chargés  de  la  garde  et  de  la  conservation 
d'un  dépôt  public^  puisqu'il  consiste  dans  la  violation  du  devoir  spécial  qui 
leur  est  imposé. 

Les  agents  qui  ont  soustrait,  détruit  ou  enlevé  les  pièces,  font  l'objet  de 
l'art.  255  : 

«  Abt.  255.  Quiconque  se  sera  rendu  coupable  des  soustractions,  enlèvements  ou 
destructions  mentionnés  en  Tarticle  précédent,  sera  puni  de  la  réclusion.  » 

n  ne  s'agit  plus  ici  de  simple  négligence,  mais  de  soustraction  frauduleuse, 
car  il  n'y  a  point  de  crime  où  il  n'y  a  point  de  fraude.  C'est  le  dessein  de  nuire 
qui  caractérise  la  criminalité  de  Pacte.  L'enlèvement  dénué  de  dol  ou  la  des- 
truction accidentelle  ne  rentre  point  dans  les  termes  de  la  loi. 

Le  crime  s'aggrave  s'il  est  commis  par  le  dépositaire  lui-même  : 

«  2*  §  de  l'art.  255.  Si  le  crime  est  l'ouvrage  du  dépositaire  lui-môme,  il  sera 
puni  des  travaux  forcés  à  temps.  » 

Cette  aggravation  s'explique  par  elle-même  :  le  crime  du  fonctionnaire  s'élève 
à  raison  du  devoir  qu'il  viole  et  de  la  fonction  dont  il  abuse. 

Vne  autre  aggravation  commune  au  bris  de  scellés  et  aux  soustractions 
commises  dans  les  dépôts  publics,  mais  qui  ne  s'applique  qu'aux  personnes 
autres  que  les  dépositaires,  est  puisée  dans  les  circonstances  qui  ont  accom- 
pagné l'enlèvement  ou  le  bris  de  scellés  : 

«  Art.  256.  Si  le  bris  des  scellés,  les  soustractions,  enlèvements  ou  destructions 
de  pièces  ont  été  commis  avec  violences  envers  les  personnes,  la  peine  sera,  contre 
toute  personne,  celle  des  travaux  forcés  à  temps,  sans  préjudice  de  peines  plus 
fortes,  s'il  y  a  lieu,  d'après  la  nature  des  violences  et  des  autres  crimes  qui  y 
seraient  joints.  » 

La  première  partie  de  cet  article  n'est  évidemment  applicable  qu'aux  per* 
sonnes  étrangères  aux  dépôts,  puisque  les  dépoutaires,  qui  d'ailleurs  n'ont  pas 
besoin  d'employer  des  violences  pour  enlever  les  pièces  dont  la  garde  leur  est 
confiée,  sont  déjà  passibles  de  la  même  peine,  abstraction  faite  de  toutes  voies 
de  fait.  Mais  la  deuxième  partie»  qui  n'est  qu'une  simple  réserve,  peut-être 
inutile,  s'applique  à  toutes  les  soustractions  quels  qu'en  soient  les  auteurs. 

305.  La  question  s'est  élevée  de  savoir  si  le  notaire  qui,  après  avoir  cédé 
son  étude,  s'empare  des  minutes  laissées  par  lui  à  son  successeur  et  ne  consent 


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310      DIX  NBUV,   LEÇ.  —  DBS  GRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.  (ART.  256)  N«  306. 

à  les  restituer  qu'en  se  faisant  payer  un  supplément  de  prix  stipulé  secrète- 
ment au  dehors  du  prix  porté  au  contrat,  est  passible  de  Tapplication  de  Var- 
tide  255.  La  jurisprudence  a  jugé  cette  question  afQrmativement  et  cette  so- 
lution est  peut-être  un  peu  rigoureuse.  On  trouve  bien  dans  cette  espèce  le 
foit  matériel  d'un  enlèvement  de  pièces  ;  mais  cet  enlèvement  est-il  réellement 
animé  de  la  pensée  criminelle  que  la  loi  a  voulu  saisir  dans  cet  article? Qu'est- 
ce  qu'elle  a  voulu  surtout  préserver  ?  ce  sont  les  intérêts  garantis  paries  actes, 
ce  sont  les  droits  des  parties  que  les  contrats  ou  les  autres  pièces  placés  dans 
rétude  du  notaire  déclarent  et  conservent.  La  soustraction  est  donc  incriminée, 
non -seulement  au  point  de  vue  du  dommage  qu'elle  cause,  mais  encore  au 
point  de  vue  du  dommage  qu'elle  a  spécialement  pour  but  de  causer.  Or  tel 
n*est  pas  le  préjudice  que  prétend  occasionner  le  notaire  qui  se  saisit  des 
minutes  de  son  étude  pour  se  faire  payer  un  supplément  de  prix  frauduleusement 
stipulé  ;  c'est  un  gage  qu'il  prend  contre  son  successeur;  il  ne  menace,  sous 
aucun  rapport,  les  droits  des  parties;  c'est  une  rétention  d'effets,  ce  n'est  pas  à 
proprement  dire  une  soustraction.  C'est  un  acte  blâtmable  assurément,  mais 
est-ce  bien  là  le  crime  prévu  par  l'art.  255  ?  Est-ce  là  le  fait  que  cet  article  a 
voulu  punir  ?  H  est  permis  de  conserver  quelques  doutes  à  cet  égard. 

306.  De  quelle  peine  est  passible  le  clerc  de  notaire  qui  soustrait  an  titre 
dans  l'étude  de  son  patron  ?  Est-il  passible  de  iaj[>eine  des  travaux  forcés,  aux 
termes  de  l'art.  173,  qui  punit  toute  soustraction  d'actes  et  de  titres  commise 
par  les  préposés  des  dépositaires  publics,  ou  de  la  peine  de  la  réclusion,  aux 
termes  de  l'art.  255,  qui  punit  les  soustractions  d'actes  et  effets  dans  les  archi- 
ves, greffes  ou  dépôts  publics,  par  tous  autres  que  le  dépositaire?  Il  faut  re- 
connaître d'abord  que  les  dépositaires  publics  auxquels  s'applique  l'art.  173,  sont 
ceux  qui,  dépositaires  d'actes  et  de  titres  à  raison  de  leurs  qualités  ou  de  leurs 
fonctions,  ne  sont  pas  chargés  de  la  garde  d'un  dépôt  public  et  ne  sont  respon. 
sables  que  des  actes  et  titres  qu'ils  ont  entre  les  mains,  tandis  que  les  art.  254 
et  255  s'appliquent  plus  spécialement  aux  soustractions  des  pièces,  actes  et 
effets  contenus  dans  les  archives,  greffes  ou  dépôts  publics  ou  remis  à  un  dé- 
positaire public  en  cette  qualité.  Cette  distinction  posée,  comme  le  2*  §  de 
l'art.  173,  qui  punit  de  la  même  peine  que  les  dépositaires  eux-mêmes  les  com- 
mis et  préposés  qui  commettent  les  mêmes  soustractions,  n'a  point  été  repro- 
duit dans  l'art.  255,  il  s'ensuit  que  ce  dernier  article,  lorsque  la  soustraction 
a  été  commise  dans  un  dépôt  public  par  une  autre  personne  que  le  dépositaire, 
a  considéré  le  lieu  même  de  la  perpétration  du  délit  comme  une  circonstance 
aggravante,  abstraction  faite  de  la  qualité  de  l'agent;  or,  puisqu'il  n'est  pas 
permis  d'étendre  l'application  d'une  disposition  de  la  loi  pénale  au  delà  du  cas 
pour  lequel  elle  a  été  établie,  îl  faut  conclure  que  la  qualité  de  clerc  des  dépo- 
sitaires n'exerce  aucune  influence  sur  la  qualification  de  la  soustraction  de 
titres  faite  dans  l'étude  d'un  notaire,  et  que  la  peine  de  la  réclusion  est  par 
conséquent  applicable  à  cet  agent  comme  à  toute  autre  personne  coupable  du 
même  fait. 


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DÉGRABATION  DE  MONUMENTS  (ART.  257).  311 


DÂORÀDATION  DB  MONUMBHTS. 

307.  Une  loi  du  6  juin  1793  portait  la  peine  de  deilt  ans  de  fers  contre  qni- 
«onqae  dégraderait  les  monuments  des  arts  dépendant  des  propriétés  nationa- 
les. Cette  loi  a  été  la  source  de  Tart.  257  : 

«  Art.  257.  Quiconque  aura  détruit,  abattu,  mutilé  ou  dégradé  des  monument8« 
statues  et  autres  objets  destinés  à  l'utilité,  à  la  décoration  publique  et  élevés  par 
l'autorité  publique  ou  avec  son  autorisation,  sera  puni  d'im  emprisonnement  d'un 
mois  à  deux  ans  et  d'une  amende  de  100  à  500  fr.  » 

La  pensée  principale  de  cet  article  a  été  de  protéger  les  monuments  des 
arts.  Écoutez,  en  effet,  le  rapporteur  du  Corps  législatif  :  c  Les  monuments  des- 
tinés à  l'utilité  et  à  la  décoration  publique  sont  sous  la  sauvegarde  de  tous  les 
citoyens  ;  ils  sont  rembelUssement  de  nos  villes  ;  ils  rappellent  la  grandeurdes 
peuples  qui  nous  ont  précédés,  les  grands  talents  de  leurs  artistes,  la  magnifi- 
cence de  leurs  souverains;  ils  appartiennent  aux  siècles  futurs  comme  au 
temps  présent  et  ils  sont  la  propriété  de  tous  les  âges.  Ceux  qui  sont  créés  de 
nos  jours  doivent  nous  être  plus  cbers  encore  :  ils  attesteront  à  nos  successeurs 
les  faits  glorieux  du  plus  grand  des  monarques  et  serviront  à  en  éterniser  la 
mémoire.  Mais  quand  les  nombreuses  cités  qui  composent  ce  vaste  empire 
s'empressent  à  Tenvi  de  transmettre  à  la  postérité  par  des  monuments  pom- 
peux leurs  sentiments  d'amour  et  d*admiration  pour  sa  personne  auguste  et 
sacrée  ;  quand  nos  artistes,  animés  par  son  génie,  rivalisent  avec  les  anciens 
pour  éterniser  son  grand  nom,  la  loi  ne  peut  rester  muette  ;  elle  doit  déployer 
sa  sévérité  contre  les  sacrilèges,  mains  qui  oseraient  mutiler,  dégrader  ou  dé- 
truire ces  belles  créations  du  génie,  défendre  avec  le  même  soin  les  restes 
précieux  de  l'antiquité  et  les  produits  des  temps  modernes,  et  empêcher  que 
le  vandalisme,  qui  a  si  longtemps  souillé  nos  contrées,  n'y  apporte  encore  ses 
ravages.  » 

Cependant,  bien  que  ces  paroles  ne  semblent  étendre  la  protection  de  la  loi 
qu'aux  œuvres  d'art,  quelles  qu'elles  soient,  qui  servent  à  la  décoration  de  nos 
cités,  il  parait  difficile  de  ne  pas  rappliquer  en  même  temps  aux  monuments 
qui  ont  plutôt  pour  but  l'utilité  publique  que  l'embellissement  des  villes.  En 
effet,  l'art.  257  comprend  dans  la  même  protection  les  monuments  destinés  soit 
à  la  décoration,  soit  à  Vutilité  publique.  Dès  lors  tous  les  monuments  publics 
rentrent  évidemment  dans  les  termes  de  la  loi,  puisqu'ils  ont  tous  pour  objet 
la  décoration  des  cités  ou  leur  utilité.  Il  faut  seulement  qu'ils  aient  été  élevés 
par  Fautorité  publique  ou  avec  son  autorisation,  car  ce  n'est  qu'alors  qu'ils 
prennent  le  caractère  de  monuments  publics.  U  &nt  aussi  que  la  dégradation 
ait  été  fiûte  volontairement,  car  une  destruction  accidentelle  peut  donner  liem 
à  une  réparation  civile,  mais  ne  peut  constituer  un  délit. 

L'art.  14  de  la  loi  du  20  avril  1825,  sur  le  sacrilège,  avait  étendu  l'art.  257^ 
^  aggravant  ses  pénalités,  à  la  mutilation  des  monuments  consacrés  à  la  reli- 
gion de  l'État.  Mais  la  loi  du  20  avril  1825  ayant  été  abrogée  par  celle  du  il 
octobre  1830,  l'art,  257  est  demeuré  la  rè^^e  commune  applicable  à  (putes  le 


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312      DIX-NBUV.    LSÇ.   —  DBS  GRIBCBS  BT  DÉLITS^   BTG.   (àRT.    259)  N""  310. 

mutilations  de  monuments,  soit  que  les  monuments  soient  ou  non  consacrés 
aux  cultes. 

USURPATION  DE  TITRES  OU  FONCTIONS. 

B08.  Le  Gode  pénal  comprend  sous  cette  rubrique  deux  faits  quMl  a  consi- 
dérés comme  des  troubles  à  la  paix  publique,  des  manquements  envers  Tauto- 
rité  :  l'usurpation  d'une  fonction  publique  et  Tusurpation  des  iusigaes  de  cette 
fonction.  Le  premier  de  ces  délits  est  Fobjet  de  Tart.  258  : 

«  Art.  258.  Quiconque,  sans  titre,  se  sera  immiscé  dans  des  fonctions  publiques 
civiles  ou  militaires,  ou  aura  fait  les  actes  d'une  de  ces  fonctions,  sera  puni  d'un 
emprisonnement  de  deux  à  cinq  ans,  sans  préjudice  de  la  pefne  de  faux,  si  l'acte 
porte  le  caractère  de  ce  crime,  n 

Vous  avez  déjà  vu  Tart.  93  punir  l'usurpation  du  commandement  militaire,' 
les  art.  127  et  128  réprimer  l'immixtion  dans  l'exercice  du  pouvoir  législatif, 
l6s  articles  196  et  197  frapper  les  actes  d'une  autorité  illégalement  anticipée 
(fa  prolongée.  Vous  verrez  plus  loin  l'art.  344  incriminer  l'usurpation  du  cos- 
tume ou  du  nom  d'un  officier  public  pour  opérer  une  arrestation  arbitraire.  Il 
ne  s'agit  ici  que  de  la  seule  immixtion  sans  titre  dans  des  fonctions  publiques. 
Oe  qui  constitue  le  délit  prévu  par  l'art.  258,  c'est  la  perpétration  d'un  ou  de 
plusieurs  actes  sous  le  nom  d'un  fonctionnaire  public. 

809.  Le  second  acte  d'usurpation  est  prévu  par  l'art.  259  : 

«  Art.  259.  Toute  personne  qui  aura  publiquement  porté  un  costume,  un  uni- 
forme, ou  une  décoration  qui  ne  lui  appartiendra  pas,  sera  punie  d'un  emprison* 
nement  de  six  mois  à  deux  ans.  » 

Ici  ce  n'est  plus  l'immixtion  dans  la  fonction  que  la  loi  prévoit,  ce  n'est  plus 
l'usurpation  de  pouvoir,  c'est  l'usurpation  des  insignes  de  ce  pouvoir,  le  port 
illicite  d'un  costume,  d'un  uniforme  ou  d'une  décoration.  La  loi  punit  cette 
usurpation  des  signes  extérieurs  de  l'autorité,  abstraction  faite  de  tout  usage, 
parce  qu'elle  peut  être  un  acte  préparatoire  de  l'usurpation  de  la.  fonction, 
parce  qu'il  importe  de  maintenir  le  respect  et  la  considération  qui  sont  dus  aux 
insignes  de  l'autorité  publique. 

810.  Le  Cîode  pénal  de  1810  avait  étendu  Tart.  2S0  à  toute  personne  qui  se 
$&rait  attribué  des  titres  royaux  qui  ne  lui  auraient  pas  été  léffalement  conférés,  La 
loi  du  28  avril  1832  a  supprimé  cette  disposition.  Cette  suppression  aétéfondée 
^r  ce  que  les  individus  qui  s'attribuent  des  titres  de  noblesse  qui  ne  leur  ap- 
partiennent pas,  ne  portent  préjudice  ni  aux  intérêts  généraux  de  la  société  ni 
aux  intérêts  privés,  sur  ce  queTart.  62  de  la  Charte  de  1830,  qui  permettait  la 
conservation  des  titres  de  noblesse,  était  facultatif  et  n'avait  pas  besoin  de 
sàtietioB  pénale,  enfin  sur  ce  que  cette  disposition  était  tombée  en  désuétude 
et  qu'il  n'appartenait  qu'au  ridicule  de  ftiîre  justice  des  écarts  de  là  vmilé. 


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DB  l'usurpation  DB  TITRBS  OU  FONCTIONS  (âRT.  2&9).  313 

D'autres  motifs  furent  œpendant  donnés  devant  la  Chambre  des  pairs.  «  Cet 
article;  a  dit  le  rapporteur,  qui  ne  protégeait  dans  sa  sanction  pénale  que  les 
titres  conférés  par  un  décret  impérial  ou  une  ordonnance  du  roi,  n'était  plus 
en  harmonie  avec  Tart.  62  de  la  Charte,  lequel,  en  môme  temps  qu'il  conserve 
à  la  nouvelle  noblesse  des  titres,  permet  à  Tancienne  de  reprendre  les  siens. 
Or,  il  n'est  personne  qui  ne  sache  que  les  titres  consacrés  par  ordonnance 
royale  étaient  autrefois  les  plus  rares,  et  que  presque  tous  ceux  de  Tancienne 
noblesse  reposaient  sur  une  prescription  immémoriale  qui  avait  fait  de  Tusage 
non  constaté  un  droit,  et  sur  la  possession  d'anciens  fiefs  héréditaires,  titrés 
par  concession  du  souverain  ou  antérieurement  à  toute  concession  et  qui  con- 
féraient aux  possesseurs  nobles  et  à  leur  famille  le  droit  de  porter  le  titre  qui 
y  était  annexé.  En  abrogeant  le  dernier  paragraphe  de  l'art.  269,  vous  placez 
les  titres  anciens  de  la  noblesse  française  sur  le  même  rang  que  les  titres 
glorieux  et  immortels  transmis  par  l'Empire  à  la  Restauration.  > 

Mais  cette  abrogation  n'a  été  que  temporaire;  la  loi  du  28  mai  1858  a  rétabli 
le  deuxième  paragraphe  de  l'article  259  dans  les  termes  suivants  :  «  Sera  puni 
d'une  amende  de  500  à  10,000  fr.  quiconque,  sans  droit  et  en  vue  de  s'attribuer 
une  distinction  honorifique,  aura  publiquement  pris  un  titre,  changé,  altéré 
ou  modifié  le  nom  que  lui  assignent  les  actes  de  l'état  civil.  Le  tribunal  ordon- 
nera la  mention  du  jugement  en  marge  des  actes  authentiques  ou  des  actes 
de  l'état  civil  dans  lesquels  le  titre  aura  été  pris  indûment  ou  le  nom  altéré. 
Dans  tous  les  cas  prévus  par  le  présent  article,  le  tribunal  pourra  ordonner 
l'insertion  intégrale  ou  par  extrait  du  jugement  dans  les  journaux  qu'il  dési- 
guera»  Le  tout  aux  frais  du  condamné.  > 

L'exposé  des  motifs  de  la  loi  en  a  posé  le  principe  :  «  Il  n'est  ni  politique  ni 
moral  d'abandonner  aux  empiétements  de  la  vanité  ou  aux  entreprises  de  la 
fraude  une  institution  à  laquelle  se  rattachent  les  grands  souvenirs  de  l'an- 
cienne monarchie,  que  les  gloires  de  l'empire  ont  entouré  d'un  nouvel  éclat, 
et  qui  s'appuie  tout  à  la.  fois  sur  le  respect  que  commande  l'ancienneté  des 
traditions  et  sur  l'obéissance  qui  est  due  aux  actes  les  plus  solennels  de  la  lé- 
gislation contemporaine.  Ce  serait  d'ailleurs  se  faire  illusion  de  croire  que 
l'autorité  de  l'opinion  et  la  puissance  des  mœurs  sont  assez  fortes  pour  arrêter 
le  désordre.  Enhardi  par  l'impunité,  il  s'accroît  chaque  jour,  et  l'action  de  la 
justice  répressive  peut  seule  mettre  un  frein  au  nombre  et  à  Taudace  des  usur- 
pations. Animé  de  cette  pensée,  le  gouvernement  vous  propose  de  rendre  à 
Tarticle  259  sinon  la  forme,  du  moins  le  sens  qu'il  avait  en  1810.  >  L'exposé 
ajoute  :  «  Est^il  besoin  de  dire  que  le  projet  n'entend  point  confier  aux  tri- 
bunaux le  soin  de  procéder  à  une  sorte  de  révision  générale  de  tous  les  titres 
de  noblesse?  Aucun  esprit  sensé  ne  peut  s'arrêter  à  une  pareille  supposition. 
Les  règles  en  cette  matière  n'ont  pas  toujours  été  bien  certaines  et  bien  stables; 
le  temps  et  l'usage  peuvent  en  avoir  afifaibli  le  souvenir  et  l'autorité  :  les  chan- 
gfflnents  survenus  dans  la  législation  en  ont  rendu  en  certains  cas  Tapplication 
impossible.  Il  ne  serait  donc  ni  prudent  ni  juste  de  remonter  à  Torigine  des 
possessions  plus  ou  moins  anciennes  pour  y  rechercher  des  abus  et  en  faire 
retomber  le  obàtiment  sur  la  postérité  de  ceux  qui  les  auraient  commis.  Le. 
zèle  éclairé  des  magistrats  ne  se  trompera  point  sur  les  devoirs  qui  naîtront 
pour  ceux  de  la  loi  ;  ils  coao^rendront  qu'ils  doivent  poursuivre  et  punir  les 

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314  DIX-NBUV.    LEÇ.  —  DBS  GRIMES  ET  DÉLITS,   ETC.    (n*  310). 

usurpations  flagrantes  sur  lesquelles  il  n*y  a  ni  erreur  ni  illusion  possible,  dont 
le  jour  et  Theure  peuvent  être  indiqués,  que  rien  n'explique  et  ne  Justifie. 
Cette  distinction,  si  facile  à  saisir,  n'est  que  l'application  du  principe  que,  sans 
intention  coupable,  il  n'y  a  point  de  criminalité.  > 

On  lit  encore  dans  le  rapport  du  Corps  législatif  :  c  Votre  commission  s'est 
ralliée  à  l'idée  de  n'atteindre  que  les  falsifications  de  noms  opérées  dans  un 
but  de  distinction  honorifique.  Elle  a  pensé  que  c'était  là,  dans  la  réalité,  le 
seul  scandale  dont  l'opinion  se  fût  émue  et  qui  fût  sérieusement  punissable. 
L'abus  des  usurpations  de  noms  nobiliaires  est  plus  fréquent  encore  que  celui 
de  l'usurpation  des  titres  et  le  prépare  souvent  ;  ce  sont  des  faits  de  même 
nature  dictés  par  le  même  mobile,  procurant  les  mêmes  avantages  :  comme  le 
titre,  plus  que  le  titre  môme,  la  particule  s'ajoute  au  nom,  en  fait  partie,  se 
communiqué  et  se  transmet.  Elle  le  décore,  dans  nos  mœurs,  presque  à  un 

égal  degré  et  fait  croire  quelquefois  davantage  à  Tancienneté  de  l'origine 

Est-il  nécessaire  de  dire  que  l'adoption  d'un  nom  de  terre,  relié  par  une  par- 
ticule au  nom  patronymique,  qu'on  conservera  d'abord,  sauf  à  le  supprimer 
ensuite,  pourra  constituer  l'infraction?  Une  explication  est  cependant  néces- 
saire :  le  projet  punit  quiconque,  en  vue  d'une  distinction  honorifique,  change, 
altère  ou  modifie  le  nom  que  lui  assignent  les  actes  de  Vétat  civil.  Qu'avons-nous 
entendu  par  cette  expression  générale  et  collective,  et  pourquoi  n'avons-nous 
pas  seulement  indiqué  l'acte  de  naissance  comme  la  règle  et  le  critérium  du 
nom  ?  C'est  que,  dans  des  cas  exceptionnels,  l'acte  de  naissance  peut  être 
inexact,  incomplet  ou  falsifié,  et  que  le  droit  ou  la  vérité  doivent  alors  se 
puiser  dans  Tensemble  des  actes  qui  constatent  la  situation  de  la  famille.  Bi 
nous  n'avons  pas  prévu  distinctement  l'usurpation  du  nom  d'autrui,  c'est  que, 
sauf  les  cas  où  elle  se  confond  avec  d'autres  délits,  elle  n'a  jamais  lieu  que 
par  vanité  et  se  trouve  forcément  atteinte  par  les  termes  du  projet.  Dans  quelles 
circonstances  faudra-t-il  que  le  délit  ait  été  commis  pour  être  punissable?  La 
raison  indique  tout  d'abord  que  presque  toujours  il  consistera  dans  une  série 
d'actes  géminés,  persévérants,  nécessairement  publics.  Car  l'usurpation  ne 
peut  se  constituer  d'une  manière  définitive  et  profitable  qu'à  la  condition  d'être 
acceptée  par  la  société  ou  tout  au  moins  de  lui  être  imposée  ;  il  peut  être 
cependant  utile  d'arrêter  l'entreprise  au  moment  où  elle  se  forme,  de  la  saisir, 
par  exemple,  dans  les  actes  de  famille  dans  lesquels  on  dépose  les  premiers 
germes  pour  y  puiser  ultérieurement  les  apparences  d'une  possession  légitime. 
Mais  il  serait  imprudent  et  dangereux  de  s'arrêter  à  des  faits  isolés,  sans  ca- 
ractère certain.  Le  secret  du  domicile,  l'intimité  de  la  vie  privée,  doivent, 
pour  des  faits  de  cette  nature,  demeurer  toujours  impénétrables.  § 

Il  suit  de  ce  texte  et  de  ces  explications  que  trois  conditions  sont  exigées 
par  la  nouvelle  loi  pour  que  le  délit  existe  :  il  faut  que  l'inculpé  ait,  sans  en 
avoir  le  droit,  pris  un  titre,  changé,  altéré  ou  modifié  le  nom  que  lui  assignent 
les  actes  de  l'état  civil  :  c'est  là  le  fait  matériel  que  la  loi  a  voulu  prohiber  et 
qui  constitue  le  corps  même  du  délit.  Il  faut,  en  second  lieu,  que  cette  usurpation 
ait  été  faite  publiquement  :  c'est  cette  publicité  qui  forme  le  préjudice  social» 
parce  que  des  intérêts  et  des  droits  peuvent  en  être  froissés.  Enfin,  il  faut  qu'elle 
ait  été  faite  en  vue  de  s'attribuer  une  distinction  honorifique  :  c'est  cette  inten- 
tion qui  constitue  la  moralité  de  l'acte  et  qui  en  autorise  la  répression  pénale. 

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DB  L*08UBPATI0N  hE  T1TRB8  OU  FONCTIONS  (aRT.  t59}.  315 

Reprenons  ces  trois  éléments.  Tonte  modification  de  nom  qne  constatent  les 
actes  de  l'élat  civil  peut  devenir  la  base  d'ane  poursuite.  Ainsi,  la  seule  addi- 
tion d'une  particule  au  nom,  bien  qu'elle  ne  soit  pas  une  preuve  de  la  noblesse, 
en  affecte  les  apparences,  et,  comme  Ta  dit  le  rapport,  elle  est  à  la  fois  un  acte 
de  fraude  et  un  acte  de  mépris  pour  le  nom  de  la  famille;  elle  rentre  dans  les 
termes  de  l'art.  259*  Il  en  est  ainsi  de  l'addition  au  nom  de  famille  d'un  autre 
nom  précédé  de  la  particule  et  qui  est  pris  comme  s'il  désignait  une  terre,  une 
ancienne  possession,  un  ancien  fief.  Ge  sont  surtout  ces  sortes  d'additions  qui 
tendent  à  remplacer  le  nom  vrai  par  le  nom  usurpé,  que  la  loi  a  voulu  répri- 
mer. C'est  en  appréciant  une  fraude  semblable  que  la  Cour  de  cassation  a  dé- 
claré :  c  qu'en  principe  le  nouvel  art.  259  a  voulu  atteindre  toute  usurpation 
de  cette  nature  ;  qu'il  ne  punit  pas  seulement  ceux  qui  prennent  sans  droit  un 
titre  proprement  dit,  qu'il  frappe  de  peines  égales  ceux  qui,  par  une  altération 
ou  modification  quelconque  de  leur  nom  patronymique,  entendent  lui  impri- 
mer un  caractère  honorifique  (arr.  5  janvier  1861).  >  Si  le  prévenu  invoque, 
comme  moyen  de  défense,  qu'il  avait  le  droit  de  prendre  la  particule  ou  le 
surnom  qu'il  a  ajouté  à  son  nom,  il  appartient  au  juge  correctionnel,  qui  n'est 
chargé  de  punir  que  l'usurpation,  de  prononcer,  non  sur  la  question  de  pro- 
priété, mais  sur  l'existence  du  délit;  ce  n'est  point  là  une  question  préjudicielle 
qu'il  faille  renvoyer  aux  tribunaux  civils;  il  ne  s'agit  que  d'une  simple  appré- 
ciation du  fait  intentionnel  qui  constitue  le  délit. 

La  publicité,  qui  est  le  deuxième  élément  du  délit,  n'a  point  été  définie  par 
la  loi.  La  commission  du  Corps  législatif  avait  proposé  de  dire  que  l'usurpation 
ne  serait  saisie  que  lorsqu'elle  se  serait  produite  o  dans  un  acte  authentique  ou 
BOUS  seing  privé,  ou  dans  un  écrit  publié.  »  Cet  amendement,  qui  restreignait 
le  mode  de  publicité,  a  été  repoussé  par  le  conseil  d'État,  et  la  loi  lui  a  sub- 
stitué le  mot  publiquement,  qui  comprend  toutes  les  formes  de  la  publicité.  Il 
appartient  donc  au  juge  d'apprécier  si  l'usurpation  a  été  publique  dans  le  sens 
de  la  loi,  si  elle  a  été  faite  pour  l'imposer  à  la  société,  pour  fonder  dans  le 
public  une  prétention  nobiliaire,  pour  la  faire  agréer. 

Enfin,  l'intention  de  s'attribuer  une  distinction  honorifique,  qui  est  l'élément 
moral  du  délit,  doit  résulter  de  faits  qui  manifestent  une  prétention  nobiliaire 
et  qui  aient  en  même  temps  une  signification  aristocratique.  Ainsi  il  ne  suffi- 
rait pas  que,  pour  se  distinguer  de  personnes  qui  portent  le  môme  nom,  un 
individu  ait  ajouté  à  son  nom  patronymique  celui  du  lieu  de  sa  naissance  ou  de 
sa  résidence,  ce  n'est  point  là  l'acte  d'une  prétention  nobiliaire;  il  a  voulu  dis- 
tinguer son  individualité,  et  non  révéler  une  distinction  honorifi  lue.  Mais 
cette  addition  changerait  de  caractère  si  celui  qui  l'a  prise  affectait  de  la  lier 
d'une  manière  indissoluble  à  son  nom  ou  de  la  substituer  à  ce  nom,  de  sorte 
qu'elle  devint,  non  plus  une  distinction  individuelle,  mais  une  distinction  ho- 
norifique. 

Tel  est  l'esprit  de  la  loi  du  28  mai  1858.  Elle  n'a  pas  jugé  que  le  ridicule  fût 
une  répression  suffisante  des  prétentions  nobiliaires  dénuées  de  fondement, 
elle  les  a  mulctées  d'une  amende;  elle  n'a  pas  pensé  que  l'opinion  publique  fit 
assez  sévère  justice  de  ces  prétentions  surannées;  elle  les  a  qualifiées  de 
délit,  n  s'ensuit  que  ce  qu'elle  a  voulu  atteindre,  c'est  l'audace,  la  mauvaise  foi 
et  la  fraude;  c'est  l'usurpation  d'un  nom  qui  emporte  en  lui-même  une  signi- 

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316  DIX-KETJV.   LBÇ.  —  DE8  GRIMES  BT  DÉLITS,  ETC.  (n*  312). 

fication  nobiliaire  ;  c'est  rintention  d'imposer  vaniteusement  an  public  le  men- 
songe de  cette  usurpation.  Il  est  sans  doute  inutile  d'ajouter  que,  si  les  noms 
ou  les  titres  usurpés  servent  à  surprendre  la.  crédulité  publique  et  à  commettre 
une  escroquerie,  le  fait  tombe  sous  l'application  de  l'article  405,  en  le  consi* 
dérant  soit  comme  l'emploi  d'un  faux  nom,  soit  d'une  manœuvre  frauduleuse. 
La  loi  nouvelle  punit  la  fraude  du  nom  lorsqu'elle  ne  sert  qu'à  la  vanité;  Far- 
tkie  405  la  saisit  et  la  frappe  avec  plus  de  rigueur  lorsqu'elle  est  employée  à 
la  spoliation  des  tiers. 

ENTRAVES  AU  LIBRE  EXERCICE  DES  CULTES. 

811.  Le  libre  exercice  des  cultes  est  l'une  des  propriétés  les  plus  sacrées  de 
rbomme  en  société,  et  les  atteintes  qui  y  seraient  portées  ne  sauraient  que 
troubler  la  paix  publique.  C'est  en  les  considérant  sous  ce  rapport  que  ces 
atteintes  ont  été  classées  parmi  les  manquements  envers  l'autorité  publique. 

La  première  de  ces  infractions  est  la  contrainte  tendant  à  entraver  la  liberté 
du  culte.  L'exposé  des  motifs  du  Gode  prévoit  cette  entrave  en  ces  termes  : 
«  Nulle  religion,  nulle  secte  n'a  le  droit  de  prescrire  à  une  autre  le  travail  ou 
le  repos,  l'observance  ou  l'inobservance  d'une  fête  religieuse,  car  nulle  d'entre 
elles  n'est  dépositaire  de  l'autorité,  et  tout  acte  qui  tend  à  faire  ouvrir  ou  fer- 
mer des  ateliers,  s'il  n'émane  des  magistrats  mêmes,  est  une  voie  de  fait 
punissable.  »  C'est  le  principe  que  l'art.  260  a  consacré  : 

«  Art.  260.  Tout  particulier  qui,  par  voies  de  fait  ou  des  menaces,  aura  con- 
traint ou  empôcbé  une  ou  plusieurs  personnes  d'exercer  Tun  des  cultes  autorisés, 
d'assister  à  Texercice  de  ce  culte,  de  célébrer  certaines  fôtes,  d'observer  certains 
Jours  de  repos,  et  en  conséquence  d'ouvrir  et  de  fermer  leurs  ateliers,  boutiques 
ou  magasins,  et  de  faire  ou  quitter  certains  travaux,  sera  puni,  pour  ce  seul  fait, 
d'une  amende  de  16  à  200  fr.  et  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à  deux  mois.  » 

Cet  article,  qu'aucune  loi  postérieure  n'a  modifié,  consacre  dans  les  termes 
les  plus  énergiques  le  droit  qui  appartient  à  chaque  citoyen,  d'observer  ou  de 
ne  pas  observer  les  fêtes  instituées  par  différents  cultes.  Tout  acte  oppressif 
qui  tendrait  à  contraindre  les  citoyens  à  s'abstenir,  ces  jours-là,  de  certains 
travaux  ou  de  certains  actes  de  commerce  rentre  dans  les  termes  de  cet 
article  :  chacun  n'a  pour  règle  qae  sa  conscience.  C'est  là  une  matière  où  la 
loi  ne  pourrait  intervenir  sans  être  tyranniqne.  Quand  il  s'agit,  non  de  l'ordre 
social,  mais  de  l'ordre  religieux,  la  liberté  n'a  pas  de  limite,  car  la  pensée 
humaine  ne  relève  d'aucun  pouvoir  humain. 

312.  Il  y  a  lieu  de  remarquer  toutefois  que  l'art.  260  n'incrimine  que  les 
voies  de  fait  et  les  menaces  des  particuliers.  SI  ces  actes  émanent  d'un  fonc- 
tionnaire public,  ils  prennent  un  autre  caractère  et  rentrent  dans  la  classe  des 
actes  arbitraires  que  j'ai  précédemment  examinés.  Cependant  il  importe  de 
distinguer  les  actes  qui  seraient  entachés  d'illégalité  et  ceux  qui  ne  seraient 
^M  l'exécution  d'une  loi  de  police  et  de  règlements  de  police.  La  loi  du 
18  novembre  1814,  relatif  à  la  célébraUcu  des  fôtes  et  dimanches,  a  prohibé 


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BNTRAVBS  AU   LIBRE  BZERGIGB  DBS  CULTES  (arT.  260).  317 

pendant  les  joan  consacrés  la  vente  dans  les  boutiques,  à  aïs  et  volets  ouverts, 
la  vente  dans  les  rues  et  places,  et  les  travaux  extérieurs.  Cette  loi  a  été  vive- 
ment attaquée  comme  attentatoire  à  la  liberté  des  cultes,  car  elle  est  évidem^ 
ment  oppressive  pour  tous  les  cultes  dissidents,  pour  tous  les  citoyens  qui  ne 
se  soomettent  pas  dans  leurs  consciences  aux  préjugés  du  culte  dominant.  La 
Juriqirudence  toutefois  Ta  maintenue,  en  la  considérant  comme  une  simple  loi 
de  police  destinée  à  régler  Tordre  extérieur.  Mais,  môme  en  admettant 
cette  interprétation,  il  s'ensuit  bien  que  les  règles  posées  par  cette  loi  et  les 
règlements  pris  par  Tautorité  municipale  pour  son  exécution,  doivent  être 
observés  ;  mais  l'observation  de  ces  règlements  n'a  rien  de  commun  avec  les 
actes  prévus  par  Tart.  260  :  cet  article  reste  toujours  debout  pour  atteiodre 
toutes  les  manœuvres  des  particuliers,  toutes  les  menaces  et  tous  les  actes  qui 
tendraient  à  organiser  dans  chaque  cité  une  tyrannie  religieuse,  sous  prétexte 
de  venir  en  aide  à  la  loi. 

313.  Les  art.  261, 262,  263  et  264  n'exigent  que  peu  d'observations.  L'art.  261, 
qui  punit  les  troubles  et  désordres  causés  dans  les  temples,  avait  été  remplacé 
par  l'art.  12  de  la  loi  du  20  avril  1825,  et  a  repris  sa  force  primitive  quand  cette 
loi  a  été  abrogée.  Il  faut,  pour  motirer  son  application,  que  le  trouble  ait  pro- 
duit un  empêchement,  un  retard  ou  une  interruption  de  l'exercice  du  culte  ; 
s'il  n'a  pas  eu  cet  effet,  ce  fait,  quel  qu'il  soit,  ne  rentre  pas  dans  les  termes 
de  cet  article.  L'art.  262  punit  l'outrage  par  gestes  ou  menaces  contre  les 
objets  d'un  culte  servant  à  son  exercice  ou  contre  les  ministres  de  ce  culte  dans 
leurs  fonctions.  Nous  avons  vu  précédemment,  en  examinant  les  art.  228 
et  suivants,  ce  qu'il  faut  entendre  par  outrages,  par  gestes  ou  menaces.  Il  faut 
ajouter  que,  si  l'outrage  fait  d'une  manière  quelconque  a  lieu  publiquement  et 
dans  l'exercice  môme  des  fonctions  des  ministres,  l'art.  265  cesse  d'ôtre  appli- 
cable :  ce  délita  été  spécialement  prévu  par  l'art.  6  de  la  loi  du  25  mars  1822. 
Si  l'outrage  était  accompagné  d'excès  ou  de  violences,  il  serait  saisi  par 
l'art.  228,  auquel  la  loi  du  25  mars  1822  Ta  dans  ce  cas  spécialement  renvoyé. 


ASSOGUTION  DE  MALFAITEURS. 

814.  Les  délits  d'association  des  malfaiteurs,  de  vagabondage  et  de  mendi- 
cité, ({ue  le  Gode  pénal  a  réunis  dans  une  môme  section,  ont  un  caractère 
commun;  ils  constituent  une  menace  incessante  contre  l'ordre,  ils  semblent 
en  quelque  sorte  des  faits  préparatoires  d'autres  délits,  ils  apportent  un  péril 
imminent  à  la  paix  publique,  sinon  actuellement,  au  moins  pour  un  prochain 
avenir.  C'est  là  leur  caractère  général  :  les  malfaiteurs  réunis  et  associés ,  les 
vagabonds  et  les  mendiants  sont  des  agents  dangereux  qui  excitent  la  défiance 
de  la  loi  et  sur  lesquels  elle  a  dû  exercer  une  juste  surveillance.  Toutefois,  ce 
n'est  point  en  vue  de  ces  inquiétudes,  quelque  légitimes  qu'elles  puissent  ôtre, 
ce  n'est  point  à  raison  d'un  péril  possible,  mais  non  encore  réalisé,  que  les  faits 
ont  été  inmminés  :  la  loi  n'avait  pas  le  droit  de  frapper  des  faits  qui  ne  seraient 
pas  en  eax-mômes  immoraux,  par  celaseul  qu'ils  pourraient  devenir  nuisibles. 
L'association  des  malfaiteurs,  le  vagabondage,  la  mendicité  eUe«méme,  dapa  la 


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318  DIZ-NSOV.   LBÇ.   —    DBB  GRIMS8  BT  DÉLITS,   ETC.   (n*  315). 

plupart  des  cas,  sont  des  ftdU  immoraux  et  môme  nuisibles  en  eux-mêmes, 
indépendamment  de  leurs  suites,  indépendamment  des  dangers  qu'ils  peuvent 
entraîner.  Dans  une  société  organisée,  en  effet,  les  agents  qui  s'associent  dans 
un  but  immoral  et  coupable,  les  agents  qui,  dénués  de  moyens  d'existence,  ne 
se  livrent  à  aucun  travail  et  n'en  recherchent  pas,  les  agents  enfin  qui,  lors- 
qu'ils peuvent  soutenir  leur  existence  par  le  travail,  prérôrent  implorer  la  cha- 
rité publique  et  vivre  dans  la  fainéantise  et  l'oisiveté,  tous  ces  agents  sont  res- 
ponsables, non  pas  des  délits  qu'ils  peuvent  projeter,  car  les  simples  projets 
chappent  à  la  loi  pénale,  mais  du  fait  immoral  de  l'association,  du  vaga- 
bondage et  de  la  meadicité,  considéré  en  lui-même  et  on  dehors  de  ses  consé* 
quences  ultérieures. 

316.  Prenons  d'abord  le  délit  d'association  de  malfaiteurs. 

«  Art.  265.  Toute  association  de  malfaiteurs  envers  les  personnes  ou  les  pro- 
priétés est  un  crime  contre  la  paix  publique;  » 

tt  Art.  266.  Ce  crime  existe  par  le  seul  fait  d'organisation  de  bandes  ou  de  cor- 
respondance contre  elles  et  leurs  chefs  ou  commandants,  ou  de  conventions  ten- 
dant à  rendre  compte  ou  à  faire  distribution  ou  .partage  du  produit  des  méfaits.  » 

Il  y  a  association,  dans  le  sens  de  ces  deux  articles,  quand  il  y  a  organisa- 
tion de  bandes,  et  cette  organisation  résulte  de  la  nomination  des  chefs  et  de 
leur  correspondance  entre  eux,  elle  résulte  encore  des  conventions  tendant  au 
partage  des  produits  des  méfaits.  Quel  doit  être  le  nombre  d'individus  néces- 
saire pour  composer  une  bande  ?  Quel  doit  être  le  mode  de  leur  organisation  ? 
La  loi  ne  le  dit  point  :  ce  qu'elle  prescrit,  c'est  l'association  de  malfaiteurs 
constituée  en  vue  de  commettre  des  crimes;  c'est  là  qu'est  Tacte  préparatoire  qui 
menace  la  sécurité  publique  et  qu'il  importe  de  saisir.  L'incrimination  est 
vague/  parce  qu'il  serait  difficile  et  périlleux  de  définir  avec  trop  d'exactitude 
un  fait  dont  les  caractères  sont  variables  ;  mais  ce  que  le  législateur  a  voulu 
frapper,  c'est  le  fait  d'une  organisation  de  malfaiteurs,  quels  qu'en  soient  le 
mode  et  les  conditions,  avec  le  but  de  commettre  des  crimes. 

Gela  dit,  la  seule  difficulté  qui  demeure  est  de  savoir  ce  qu'il  faut  entendre 
par  malfaiteurs,  «  Il  faut  remarquer,  porte  l'exposé  des  motifs,  que  les  mal- 
faiteurs dont  il  s'agit  en  ce  moment  ne  sont  pas  ceux  qui  agissent  isolément 
ou  même  de  concert  avec  d'autres  pour  la  simple  exécution  d'un  crime.  Ce  que 
la  loi  considère  plus  particulièrement  ici,  ce  sont  les  bandes  ou  associations 
de  ces  êtres  pervers  qui,  faisant  métier  du  vol  et  du  pillage,  sont  convenus  de 
mettre  en  commun  le  produit  de  leurs  méfaits.  »  Ainsi,  ce  n'est  point  l'accom- 
plissement d'autres  méfaits  antérieurs  qui  imprime  à  ces  agents  la  qualification 
de  malfaiteurs,  c'est  uniquement  le  fait  de  l'association  faite  dans  les  condi- 
tions et  avec  le  but  prévus  par  la  loi  ;  peu  importe  qu'ils  soient  ou  non  repris 
de  justice,  il  suffit  qu'ils  fassent  partie  des  bandes  organisées  contre  les  person- 
nes ou  les  propriétés. 

Le  but  de  l'association,  l'attaque  contre  les  personnes  ou  contre  les  pro- 
priétés, forme  le  deuxième  élément.  C'est  là,  en  effet,  ce  qui  fait  le  danger  et 
à  la  fois  la  perversité  de  la  réunion  j  c'est  là  ce  qui  a  pjorléia  législatpnr  h 
punir  un  acte  purement  préparatoire  et  quand  les  premiers  faits  d'exécution  ne 

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DU  VAGABONDAGE.  (aRT.  270).  3iJ 

sont  pai  même  commencés  :  il  y  avait  un  immense  péril  à  laisser  se  former  un 
"jSïdte  qùT  recSTaLÎFën  lui-même  la  volonté  arrêtée  de  commettre  des  crimes. 
L'existence  seule  de  ce  pacte,  quand  il  est  accompagné  d'une  organisation 
qui  n*en  commence  pas  encore,  mais  qui  en  prépare  Texécution,  a  paru  suffi- 
sante pour  justifier  la  peine. 

Les  art.  267  et  268  déterminent  les  peines  applicables  aux  malfaiteurs  qui 
composent  les  bandes.  Celle  des  travaux  forcés  à  temps  est  prononcée  contre 
les  auteurs  et  directeurs  de  rassdcTalTdnVt  contre  les  commandants  des  ban- 
des; celle  de  la  réclusion  est  appliquée  à  tous  autres  individus  chargés  d'un 
service  quelconqïîe^nFles  bandes  et  contre  ceux  qui  leur  auront  fourni  des 
munitions,  des  armes  ou  un  lieu  de  retraite  ou  de  réunion. 


DU  VAOABONDAOB. 

816.  Qu'est-ce  que  le  vagabondage  ?  Vous  en  trouvez  une  définition  très- 
claire  dans  Tart.  270,  qui  n'a  fait  d'ailleurs  que  reproduire  les  termes  des 
anciennes  ordonnances. 

«  Art.  270.  Les  vagabonds  ou  gens  sans  aveu  sont  ceux  qui  n'ont  ni  domicile 
certain,  ni  moyens  de  subsistance,  et  qui  n'exercent  habituellement  ni  métier,  ni 
profession.  » 

J'examinerai  tout  à  Theure  les  termes  de  cette  définition.  Arrêtons-nous  un 
moment,  en  présence  de  ces  termes,  à  la  n^gle  posée  par  l'art.  369  qui  déclare 
que  I  le  vagabondage  est  un  délit.  »  Cette  règle  a  été  critiquée  par  quelques 
tiiéoriciens.  Il  ne  peut,  ont-ils  dit,  y  avoir  de  délit  ott  il  n*y  a  pas  de  fait 
immoral,  oHi  il  n'y  a  pas  môme  d'acte  matériel.  Le  fait  de  n'avoir  ni  moyens 
d'existence,  ni  domicile,  ni  profession  habituelle,  peut  ne  renfermer  en  lui- 
même  aucune  immoralité  ;  il  peut  être  pour  celui  qui  se  trouve  dans  cette 
position  le  résultat  de  circonstances  malheureuses,  du  manque  de  travail, 
de  la  misère;  maïs  il  ne  révèle  par  lui-même  aucune  perversité  intrinsèque. 
Oira-t-on  qu'il  présente  une  situation  dont  la  société  doit  s*inquiéter  ?  Gela 
est  possible;  mais  cette  inquiétude,  quelque  légitime  qu'elle  puisse  être,  donne- 
t-eÙe  à  cette  société  le  droit  de  transformer  en  délit  et  de  punir  une  position 
spéciale  qui  peut  être  innocente  en  elle-même  et  qui  ne  peut  être  considérée 
même  comme  l'acte  préparatoire  d'aucun  délit  en  particulier  ?  Cette  critique 
.prend  sa  source  dans  le  système  qui  donne  comme  principal  fondement  à  la 
loi  pénale  la  violation  de  la  loi  morale.  La  violation  de  la  loi  morale  est  l'un 
des  fondements  de  la  loi  pénale,  mais  il  n'est  pas  seul  ;  la  loi  pénale  a  pour 
mission  première  la  conservation  de  l'ordre  social,  et  c*est  surtout  au  point 
de  vue  de  cet  ordre  qu'il  faut  examiner  le  caractère  du  vagabondage.  Or,  n'est-il 
pab  évident  que  la  situation  de  l'homme  qui  n'a  ni  moyens  d'existence,  ni 
domicile,  ni  profession,  est  pour  la  sécurité  publique  un  péril  imminent  et 
certain  ?  Cette  situation  est  une  menace  continuelle,  puisque  ce  n'est  que  par 
des  moyens  illégitimes,  par  des  actes  qui  sont  qualifiés  délits,  qu'elle  peut  se 
soutenir.  La  société  a  même  le  droit  de  la  déclarer  immorale,  car  elle  impose 
à  chacun  de  ses  membres  des  obligations  qu'ils  sont  tenus  de  remplir  ;  l'unr 


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320  DIX-NEUV.    LEÇ.   —  DBS  CRIMES  BT  DÉLITS,  ETC.  (n*»  317). 

de  ces  lois  sociales  est  la  loi  du  travail  pour  tous  ceux  qui  ne  sont  pas  incapa- 
bles d'en  supporter  le  poids,  et  je  n*hésite  pas,  pour  ma  part>  à  apercevoir  une 
véritable  immoralité  dans  Tagent  qui,  pour  se  livrer  à  une  vie  fainéante  et 
oisive,  impose  au  corps  social  le  fardeau  de  le  faire  subsister.  Ainsi,  soit  au 
point  de  vue  de  Tordre,  soit  au  point  de  vue  de  la  morale^  le  législateur  a  eu  le 
droit  d'incriminer  le  vagabondage  et  de  le  qualifier  délit. 

317.  La  première  condition  du  délit  est  l'absence  d'un  domicile  certain*  11 
est  évident  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  du  domicile  d'origine,  que  tons  les  citoyens 
conservent,  mais  du  domicile  d'babitation,  c'est-à-dire  d'un  domicile  actuel, 
fixe  ou  non,  mais  certain.  La  loi  du  10  vendémiaire  an  X  avait  établi  une  pré* 
somption  légale  de  vagabondage  en  déclarant  que  tout  individu  voyageant  et 
trouvé  hors  de  son  canton  sans  passe-port  doit  être  réputé  vagabond,  s'il  ne 
justifie  pas,  dans  les  vingt  jours  de  son  arrestation,  qu'il  est  inscrit  sur  le 
tableau  d'une  commune.  Il  est  clair  que  cette  disposition  ne  peut  plus  être  in- 
voquée, puisque  l'absence  d'un  passe-port  ne  peut  équivaloir  à  Tabsence  de 
domicile  et  que  l'inscription  de  Tagent  sur  les  registres  d'une  commune  ne  lui 
confère  nullement  le  domicile  exigé  par  la  loi. 

La  deuxième  condition  du  délit  est  le  défaut  de  moyens  de  subsistance  ; 
c'est  ce  défaut,  uni  à  l'absence  de  tout  métier,  qui  excite  à  juste  titre  la  défiance 
de  la  société.  Car  si  un  individu  quelconque  ne  travaille  d'aucune  manière  et 
ne  possède  aucune  ressource,  il  y  a  lieu  de  craindre  qu'il  n'emploie,  pour  sou- 
tenir son  existence,  des  moyens  illicites.  On  peut  éprouver  à  la  première  vue 
quelque  peine  à  concilier  cette  disposition  de  l'art.  270  avec  l'art.  278  qui 
aggrave  la  peine  du  vagabondage  lorsque  «  le  vagabond  est  trouvé  porteur  d'un 
ou  de  plusieurs  effets  d'une  valeur  supérieure  à  cent  francs,  et  qu'il  ne  justifiera 
point  d'où  ils  proviennent.  »  Il  semble,  en  effet,  qu'il  y  a  quelque  contradiction 
entre  le  manque  de  moyens  de  subsistance  et  la  possession  d'une  somme  d'ar- 
gent. Il  faut  dire,  pour  expliquer  cette  anomalie  apparente,  que  Tart.  278  n'a 
eu  qu'un  but,  c'est  de  mettre  à  la  charge  du  prévenu  la  légitimité  de  la  pos- 
session de  la  somme  dont  il  est  porteur  :  s'il  fait  cette  preuve,  la  prévention 
tombe  nécessairement,  puisqu'il  établit  par  là  môme  qu'il  a  des  moyens  de 
subsistance.  Mais  il  reste  quelque  embarras  dans  le  cas  où  les  effets  dont  il  est 
trouvé  porteur  n'ont  pus  une  valeur  supérieure  à  cent  francs  ;  la  loi,  en  effet, 
ne  s'est  point  expliquée  à  l'égard  de  ce  cas  spécial.  Il  est  clair  toutefois  que 
tout  ce  qu'il  peut  en  résulter,  c'est  que  la  possession  de  ces  effets  ne  motive 
alors  aucune  aggravation  de  peine;  mais  la  justice  peut  en  rechercher  la  source, 
quelle  que  soit  leur  valeur,  et  si  cette  source  est  légitime,  il  reste  à  apprécier 
si  ces  effets  constituent  un  moyen  de  subsistance  suffisant  pour  faire  disparaî- 
tre la  prévention. 

La  troisième  condition  du  délit  est  le  fait  de  n'exercer  habituellement  ni 
métier  ni  profession.  Ce  défaut  d'exercice  de  métier  ou  de  profession  n*eat 
évidemment  imputable  qu'aux  personnes  qui  n'ont  aucun  moyen  de  sub- 
sistance; et  il  ne  faut  pas  confondre  par  la  même  raison  l'absence  de  la  pro- 
fession et  l'absence  de  l'exercice  de  cette  profession.  On  peut  avoir  une  pro- 
fession, mais,  si  on  ne  l'exisrce  pas,  cette  profession,  n'étant  plus  un  moyen  de 
subsistance,  n'est  plus  une  garantie  sociale.  11  ne  faut  pas  confondre  non  plus 

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DU  VAfiABOKIMLeK  {AJ(S.   279).  321 

le  défaut  d'ezereice  de  la  pn^essâon  et  le  manque  abaoln  de  travail  :  c'eal  le 
aon-exercice  voloataire  que  la  loi  poursuit,  parce  que  c*est  le  signe  de  fat  fai^ 
néaatise  et  de  la  corruption  ;  le  Boa«-exerciee  inyolootaire  ne  peut  pas  étoe 
incriminé  plue  que  la  misère  elle-même. 

Il  résulte  de  ces  obcerrations  que  le  vagabondage,  tel  que  la  loi  l'a  défini, 
eontîent  les  éléments  d'un  véritable  délit  :  œ  n'est  point  la  vie  errante  ei 
vagabonde  que  la  loi  a  voulu  atteindre,  c'est  la  vie  dénuée  de  tentes  garanties 
sociales,  la  vie  sans  ressources  et  sans  travail,  menaçante  pour  Tordre  et  orgsr* 
aisée  en  quelque  sorte  peur  k  perpétration  des  crimes  et  des  délits. 

818.  Les  peines  prononcées  contre  le  vagabondage  méritent  quelques  obser- 
vations : 

tt  Art.  271.  Les  vagabonds  ou  gens  sans  aveu  qui  auront  été  légalement  déclarés 
tels,  seront,  pour  ce  seul  fait,  punis  de  trois  à  six  mois  d'emprisonnement.  Us. 
seront  renvoyés  après  avoir  subi  leur  peme,  sous  la  surveiilanos  de  la  haute 
poUce,  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus.  Néanmoins  les  vagabonds 
âgés  de  moins  de  seize  ans  ne  pourront  être  condamnés  à  la  peine  d'empyisoLue^ 
ment;  mais,  sur  la  preuve  des  faits  de  vagabondage,  ils  seront  renvoyés  sous  la 
surveillance  de  la  haute  police  jusqu'à  Tége  de  vingt  ans  accomplis,  à  .moins 
qu'avant  cet  âge  ils  n'aient  contracté  un  engagement  régulier  dans  les  armées  de 
terre  ou  de  mer.  » 

«  Art.  272.  Les  individus  déclarés  vagabonds  par  jugement  pourront,  s'ils  sont 
étrangers,  être  conduits,  par  les  ordres  du  gouvernement,  hors  du  territoire  de 
l'empire.  « 

«  Aat.  273.  Les  vagabonds  nés  en  France  pourront,  après  m  jugement  môme 
passé  en  force  de  chose  Jugée,  être  réclamés  par  défibératiooa  du  conseil  munin 
cipal  de  la  commune  où  ils  sont  nés,  ou  cautionnés  par  un  citoyen  solvahle.  6i  le 
gouvernement  accueille  la  réclamation  ou  agrée  la  caution,  les  individus  ainsi 
réclamés  ou  cautionnés  seront,  par  ses  ordres,  renvoyés  ou  conduits  dans  la  com> 
mune  qui  les  aura  réclamés,  ou  dans  celle  qui  leur  sera  assignée  pour  résidence, 
sur  la  demande  de  la  caution.  » 

Une  pensée  partîcnliôre  respire  au  fond  de  ces  dispositions  :  c'est  que  le  vaga^ 
bondage,  par  sa  nature  spéciale,  demande  des  mesures  préventives  plus  encore 
que  des  mesures  répressives,  c'est  qne  la  loi,  tout  en  le  punissant,  se  préoccupe 
surtout  des  moyeals  de  le  faire  cesser.  L'erposé  de  motifs  du  Code  portait  *. 
f  Le  projet  de  loi  définit  le  vagabondage;  il  l'érigé  en  délit  et  lui  inflige  tme 
peine  correctionnelle  :  toutefois  il  ne  s'arrête  point  là.  Que  serait-ce,  en  effet, 
qu*un  emprisonnement  de  quelques  mois,  si  le  vagabond  était  ensuite  pure^ 
ment  et  simplement  replacé  dans  la  société  à  laquelle  il  n'offrirait  aucune 
garantie  ?  Celui  qui  n'a  ni  domicile,  ni  moyens  de  subsistance,  ni  profession, 
ni  métier,  n'est  point,  en  efTet,  membre  de  la  cité;  dlle  peut  le  rejeter  et  lé 
laisser  à  la  disposition  du  gouvernement,  qui  pourra,  dans  sa  prudence,  ou 
l'admettre  à  caution,  si  un  citoyen  honnête  et  solvable  veut  bien  en  répondre, 
ou  le  placer  dans  une  maison  de  travail,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  appris  à  subvenir 
à  ses  besoins,  ou  enfin  le  détenir  comme  un  être  nuisible  et  dangereux,  s'il 
n'y  a  nul  amendement  à  en  espérer.  »  Cette  dernière  pensée  du  gouverne- 
ment se  rapportait  à  la  deuxième  disposition,  aujourd'hui  abrogée,  de  l'art.  271 
portant  que  c  les  vagabonds  demeureraient,  après  avoir  subi  leur  peine,  à  la 

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322        DIX-NBUV.   LBÇ.   *-  DBS  GBIlCBt  BT  DÉLITS,  BTG.   (n*  320). 

disposition  da  gouvernement  pendant  le  temps  qn'il  déterminerait,  eu  égard  à 
lenr  conduite.  •  La  loi  du  28  avril  1832  a  subsiitoé  la  surveillance  à  cette 
mesura  et  peut-être  en  cela  n'est-elle  pas  entrée  dans  l'esprit  véritable  du 
premier  législateur.  La  surveillance,  appliquée  au  vagabondage,  n'a  pas 
les  mêmes  effeto  que  la  mise  à  la  disposition  du  gouvernement  ;  elle  entoure  de 
ses  regards  et  de  ses  entraves  les  actes  extérieurs  du  vagabond,  mais  elle  ne 
léprime  point  ses  penchants  vicieux,  elle  ne  corrige  point  ses  habitudes  oisives 
et  désœuvrées,  elle  ne  les  soumet  point  an  joug  salutaire  et  réformateur 
du  travail.  La  première  de  ces  dispositions  avait  Tinconvénient  d'être  vague 
et  dénuée  de  garanties,  mais  elle  contenait  en  germe  toutes  les  mesures 
qui  pouvaient  améliorer  la  condition  du  condamné;  la  seconde,  limitée  avec 
plus  de  soin  et  mieux  définie,  manque  entièrement  le  but  du  législateur;  elle 
ne  remonte  pas  à  la  cause  du  mal  et  ne  la  fait  pas  cesser. 

819.  Ceci  nous  conduit  à  Texamen  d'une  question  qui  a  été  agitée  par  la 
jurisprudence  :  c'est  de  savoir  si  le  condamné  pour  vagaJbondage  peut  être,  en 
cas  de  circonstances  atténuantes,  et  par  Tapplication  de  l'art  463,  dispensé  de 
la  peine  accessoire  de  la  surveillance.  On  a  prétendu,  d'une  part,  que  l'art.  271, 
étant  conçu  en  termes  généraux  et  impératifs,  ne  permet  pas  aux  juges  d'af- 
franchir de  la  surveillance  les  individus  qu'ils  déclarent  convaincus  du  délit 
de  vagabondage;  que  cet  article  ne  contient  de  disposition  facultative  que 
pour  la  fixation  de  la  durée  de  l'emprisonnement;  que  la  surveillance  est  une 
peine  spécialement  appropriée  au  vagabondage  et  qui  ne  peut  en  être  détachée. 
On  a  soutenu»  d'une  autre  part,  qu'il  ne  serait  pas  conforme  au  vœu  du  légis- 
lateur que  l'individu,  légalement  déclaré  vagabond,  pût  être  replacé  purement 
et  simplement  dans  la  société;  que  la  loi  le  considère  comme  s'il  n'était  plus 
membre  de  la  cilé  et  ne  voit  en  lui  qu'un  être  incessamment  dangereux  ou  nui- 
sible pour  elle  ;  que  la  surveillance  doit  donc  toujours  lui  être  appliquée,  de 
quelques  circonstances  atténuantes  que  le  fait  de  la  condamnation  principale 
se  présente  environné,  par  la  triple  raison  qu'elle  est  de  sa  nature  préventive, 
spéciale  et  d'ordre  public.  Ces  raisonnements  que  nous  puisons  dans  les  arrêts 
ne  soutiennent  pas  un  examen  sérieux.  Les  termes  impératifs  de  l'art.  271,  en 
premier  lieu,  ne  peuvent  être  invoqués,  puisque  l'art.  58,  relatif  à  la  récidive, 
est  rédigé  dans  les  mêmes  termes  et  que  sa  rédaction  n'a  pas  fait  obstacle  à  ce 
que  la  surveillance  qu'il  porte  également  pût  être  écartée  par  l'application  de 
l'art.  463.  L'institution  des  circonstances  atténuantes  plane  sur  toutes  les  dis- 
positions du  Gode  et  permet  d'en  modérer  toutes  les  pénalités  anssitét  que  les 
excuses  indéfinies  que  prévoit  l'art.  463  sont  déclarées  exister.  Or  la  surveil- 
lance est  une  peine  et  elle  ne  perd  point  apparemment  son  caractère  pénal  par 
cela  seul  qu'elle  est  appliquée  au  vagabondage  ;  elle  rentre  donc  dans  les 
termes  généraux  de  la  loi.  La  jurisprudence  s'est  appuyée  sur  des  expressions 
des  motifs  du  Gode  qui  s'appliquaient  à  la  mise  à  la  disposition  du  gouverne- 
ment et  nullement  à  la  surveillance  :  elle  a  confondu  ces  deux  mesures, 
le  Gode  de  1810  et  le  Gode  de  1832;  c'est  là  son  erreur, 

320.  Le  deuxième  paragraphe  de  l'art.  271  a  été  ajouté  par  la  loi  du  28  avril 
1832.  M,  Gharies  Gomte  l'avait  proposé,  à  titre  d'amendement,  dans  les  termes 

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AU  YAGABONDAGS  (àRT.  279).  323 

siÛTants  :  «  Le  préyenu  de  vagabondage  qui  sera  âgé  de  moins  de  seize  ans  on 
qui  prouvera  qu'il  n*a  pn  exercer  aucun  métier  ni  profession,  ni  être  admis 
dans  une  maison  de  travail,  ne  sera  pas  condamné  à  la  peine  d'emprisonne- 
ment; mais,  sur  la  preuve  des  faits  de  vagabondage»  il  sera  mis  à  la  disposition 
du  gouvernement  pour  un  temps  qui  ne  pourra  être,  ni  de  moins  de  six 
mois  ni  de  plus  de  cinq  ans.  Le  gouvernement  exercera  sur  les  mineurs  à  sa 
disposition,  en  vertu  de  cet  article,  Tautorité  attachée  à  la  puissance  pater- 
nelle, jusqu'à  Texpiration  du  temps  pour  lequel  ils  auront  été  mis  à  sa  dispo- 
sition, i  Cet  amendement  ne  fut  point  entièrement  adopté  par  la  commission 
de  la  Chambre  des  députés  :  c  La  commission  a  reconnu  queremprisonnement 
étant  une  peine,  on  ne  pouvait  rinfliger  à  un  enfant  que  son  âge  peut  faire 
considérer  comme  exempt  de  toute  culpabilité;  elle  a  pensé  qu'on  avait  seule- 
ment le  droit  de.  le  surveiller  et  de  le  retenir  comme  vagabond.  En  consé- 
quence, la  commission  propose  d'exempter  de  l'emprisonnement  le  prévenu  de 
vagabondage  flgé  de  moins  de  seixe  ans,  et  de  le  mettre  seulement  à  la  dispo- 
sition du  gouvernement  jusqu'à  l'âge  de  vingt  ans.  La  disposition  suivante 
tendrait  à  donner  au  gouvernement,  sur  les  mineurs  mis  à  sa  disposition^ 
l'autorité  attachée  à  la  puissance  paternelle,  jusqu'à  l'expiration  du  temps  pour 
lequel  ils  auront  été  mis  à  sa  disposition.  Cet  amendement  nous  a  paru  violer 
les  droits  de  famille  et  transporter  au  gouvernement  des  droits  qui  ne  lui 
appartiennent  pas.  >  Tels  ont  été  la  source  et  le  motif  du  deuxième  paragraphe 
de  l'art.  271.  La  Chambre  des  pairs  modifia  feulement  cette  disposition 
en  substituant  la  surveillance  à  la  meaure  qu'elle  indiquait. 

821.  Le  délit  de  vagabondage  prend  un  élément  d'aggravation  dans  les  cir^ 
constances  qui  l'accompagnent  :  1*  Lorsque  le  prévenu  est  trouvé  por- 
teur d'un  ou  de  plusieurs  effets  d'une  valeur  supérieure  à  cent  francs,  et  dont 
il  ne  peut  justifier  la  source  :  j*ai  déjà  examiné  cette  disposition  qui  fait  l'objet 
de  l'art  278;  2<»  lorsque  le  prévenu  est  saisi  travesti  d'une  manière  quelcon- 
que, ou  porteur  d'armes  ou  d'instruments  propres  à  commettre  des  crimes  : 
dans  ce  cas,  prévu  par  l'art.  277,  la  présomption,  qui  fait  le  fondement  de  la 
prévention,  s'élève  au  plus  haut  degré  de  sa  force,  elle  prend  presque  ht 
consistance  d'un  acte  matériel  :  le  vagabond,  déjà  suspect  par  sa  posiiion,  le 
devient  plus  encore,  quand  on  le  trouve  préparé  à  quelque  entreprise  crimi- 
nelle; Z^  lorsque  le  prévenu  a  exercé  quelque  acte  de  violence  que  ce  soit 
envers  les  personnes. 

c  Art.  279.  Tout  mendiant  ou  vagabond  qui  aura  exercé  ou  tenté  d'exercer  quel- 
que acte  de  violence  que  ce  soit  envers  les  personnes,  sera  puni  dlin  emprison- 
nement de  deux  à  cinq  ans*  sans  préjudice  de  peines  plus  fortes,  s'il  y  a  lieu,  à 
raison  du  genre  et  des  circonstances  de  la  violence.  —  Si  le  mendiant  ou  le  vagabond 
qui  a  exercé  ou  tenté  d'exercer  des  violences  se  trouvait  en  outre  dans  Tune  des 
circonstances  exprimées  par  l'art.  277,  il  sera  puni  de  la  réclusion.  » 

La  distinction  que  fait  cet  article  a  été  introduite  par  la  loi  du  13  mal  1863. 
Elle  a  eu  pour  objet,  d'abord  de  mettre  une  proportion  plus  juste  entre  les 
peines  portées  par  cet  article  et  les  peines  portées  par  les  art.  276  et  277  ;  ensuite 
de  déférer  dans  la  plupart  des  cas  les  actes  de  violence  des  mendiants 
et  vagabonds,  à  la  juridiction  correctionnelle,  en  les  qualifiant  délits. 


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324  DIX-NEUV.  LBÇ  —  DBS  CRI1IS8  ET  nÉLITS,  BTG.  (N*  322). 


DE  LÀ  MBNDICrrt.  « 

3S2.  La  mendicité  n'est  point  et  ne  peut  ôtre  en  eUe*inème  un  délit;  car 
lorsqu'elle  est  la  suite  d*une  véritable  misère,  comment  serait-elle  imputable 
à  Tageni?  L'infortune  ne  tombe  point  sous  le  coup  de  la  k>i  pénale  ;  l'homme 
qui,  malade  ou  débile,  incapable  on  dénué  de  tout  travail,  et  n'ayant  aucune 
ressource  pour  soutenir  sa  vie,  implore  la  charité  publique,  ne  commet  aucune 
&ute  qui  puisse  motiver  Tapplication  légitime  d'une  peine.  La  loi  ne  saisit 
donc  la  mendicité  pour  en  faire  la  matière  d'un  délit  que  lorsqu'il  y  a  présomp- 
tion qu'elle  n*est  pas  le  produit  delà  misère,  mais  bien  d'habitudes  dépravées 
qui  rassimilant  au  vagabondage* 

.  Cette  présomption,  est  attachée  aux  deux  faits  suivants  :  t<»  la  mendicité 
dans  les  lieux  où.  une  maison  de  dépôt  a  été  établie  pour  recevoir  les  men- 
diants ;  2»  la  validité  des  personnes  qui  se  livrent  habituellement  à  la  mmdi* 
cité.  Ces  faiU  sopt  l'objet  des  art.  274  et  275  : 

c  Art.  274.  Toute  personne  qui  aura  été  trouvée  mendiant  dans  un  lieu  pour 
lequel  il  existera  un  établissement  public  organisé  aûa  d*obvier  à  la  mendicité, 
sera  punie  de  trois  à  six  mois  d'emprisonnement  et  sera,  après  l'expiration  de  sa 
peine,  conduite  au  dépét  de  mendicité.  » 

«  Art.  275.  Dans  les  lieux  où  il  n'existe  point  encore  de  tels  établissements, 
les  mendiants  d'habitude  valides  seront  punis  d'un  mois  à  trois  mois  d'emprison- 
nement. S'ils  ont  été  arrêtés  hors  du  canton  de  leur  résidence,  ils  seront  punis 
d*un  emprisonnement  de  six  mois  &  deux  ans.  » 

.  Ainsi,  la  première  condition  de  la  répression  de  toute  mendicité  est  l'éta* 
blissement  d'un  dépôt  de  mendicité  dans  le  lieu  oii  le  prévenu  a  été  trouvé 
mendiant  ;  car,  suivant  les  paroles  des  auteurs  du  Code,  c  jusqu'à  ce  que  les 
dépôts  de  mendicité  soient  formés,  on  ne  peut  défendre  à  ceux  qui  sont  sans 
ressource  de  demander  Taumône,  encore  moins  les  punir  pour  l'avoir  fait  a 
Suivant  le  décret  du  25  juillet  1808,  qui  ordonne  l'établissement  d'un  dépôt 
dans  chaque  département,  il  suffit  que  ce  dépôt  soit  organisé  et  en  activité 
dans  un  département,  pour  que  la  mendicité  soit  interdite  dans  toute  son  éten- 
due. Mais  il  a  été  reconnu  avec  raison  c  que  si,  conformément  à  l'intention 
qui  a  dicté  le  décret  du  5  juillet  1808,  pour  l'extirpation  de  la  mendicité,  cet 
établissement  est  ouvert  sans  distinction  à  tous  ceux  que  la  misère  pousserait 
à  mendier,  l'art.  274  doit  être  appliqué  de  môme  sans  distinction  à  quiconque, 
au  lieu  de  profiter  de  la  ressource  qui  lui  est  offerte,  préfère  se  livrer  à  la  men- 
dicité ;  mais  que  si,  d'après  les  règlements  qui  le  régissent,  certaines  classes 
d'individus  en  sont  exclues,  la  disposition  dudit  article  cesse  d'être  applicable 
à  ceux  qui  ne  pourraient  s'y  faire  admettre,  quand  même  ils  le  désireraient.  » 
Lorsqu'il  n'existe  aucun  établissement  pour  recueillir  les  mendiants,  la  loi 
ne  punit,  aux  termes  de  l'art.  275,  que  les  meadianis  d'habitude  valides.  Deux 
élémcAts  sont  donc  nécessaires  pour  l'existence  du  délit  :  la  validité  do  l'agent 
et  l'habitude  de  la  mendicité.  La  validité  de  l'agent  :  ainsi  les  individus  invft* 
lides  ont  la  faculté  de  mendier  dans  les  lieux  où  il  n'existe  poini;  de  d^ôt; 
l'habitude  de  mendier  :  ainsi,  le  seul  fait  d'être  trpuvé  ip^ndiiiat  Ae  suffit  pas 


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DB  LA  MBNDIGIT6  (ART.  t82}.  325 

pour  Texistenee  du  dédit  ;  il  faut  qn'ii  soit  constaté  que  le  prévenu  fait  métier 
de  mendicité. 

818.  Le  foil  de  mendicité,  qu'il  y  ait  ou  non  un  dépôt  dans  le  département, 
prend  un  caractère  particulier  de  gravité  et  devient  passible  d'une  pénalité 
^tus  forte^  lorsqu'il  s'y  joint  quelque  circonstance  qui  signale  dans  le  men- 
-dtent  un  agent  dangereux. 

-  «  ÂAT.  276.  Tous  mendiants,  même  invalides^  qui  auront  usé  de  menaces,  ou 
iS6ront  entrés,  sans  permission  du  propriétaire  ou  des  personnes  de  sa  maison, 
soit  dans  une  habitation,  soit  dans  un  enclos  en  dépendant,  ou  qui  feindront  des 
plaies  ou  infirmités,  ou  qui  mendieront  en  réunion,  à  moins  que  ce  ne  soit  le 
mari  et  la  femme,  le  père  et  la  mère  et  leurs  jeunes  enfiints,  l'aveugle  et  son 
conducteur^  seront  punis  d*un  emprisonnement  de  six  mois  &  deux  ans,  » 

Cet  article  a  pour  but  de  protéger  la  liberté  du  domicile  et  la  sûreté  des  per- 
sonnes, surtout  dans  les  campagnes  où  l'isolement  des  habitations  les  expose 
aux  sollicitations  souvent  menaçantes  des  mendiants.  Ce  n'est  plus  l'acte  de 
mendicité  que  la  loi  punit  :  ce  sont  les  menaces,  la  fraude  des  mendiants,  leur 
réunion  qui  les  rend  dangereux,  Tassociation  ou  la  bande  qui  semble  préparée 
à  commettre  des  méfaits.  Kart.  6  de  la  déclaration  du  18  juillet  1724,  dans 
lequel  l'art.  276  a  été  textuellement  puisé,  prononçait  la  peine  des  galères  au 
moins  pour  cinq  années.  Notre  Gode  a  restreint  avec  raison  cette  peine;  puis- 
qu'il ne  s'agit  après  tout  que  d^an  acte  préparatoire  qui  n'a  encore  été  suivi 
d'aucun  fait  matériel  constitutif  d'un  délit. 

324.  D'autres  circonstances  aggravantes  sont  prévues  par  les  art.  277,  278 
et  279  ;  j'ai  déjà  examiné  ces  articles  dont  les  dispositions  sont  communes  aux 
vagabonds  et  aux  mendiants.  Je  crois  inutile  d'y  revenir.  Je  veux  cependant 
m'arcèter  à  l'art.  282  qui  soulève  une  question  importante  : 

«  Art.  282.  Les  mendiants  qui  auront  été  condamnés  aux  peinesi  portées  par 
les  articles  précédents  seront  renvoyés,  après  Texpiration  de  leur  peine,  sous  la 
surveillaDce  de  la  haute  police  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus.  » 

Cette  disposition  se  réfère-t-elle  à  tous  les  condamnés  pour  mendicité  ou 
seulement  à  ceux  qui  font  l'objet  des  art.  277  et  suivants?  On  a  prétendu  que 
la  rubrique  :  Dispositions  commîmes  aux  vagabonds  ei  aux  mendiants  qui  précède 
l'art.  277,  n'est  point  l'intitulé  d'un  paragraphe  distinct  qui  sépare  cet  article 
de  ceux  qui  le  piî^cèdent  ;  que  les  art.  277  et  suivants  se  rattachent  étroitement 
aux  art.  274  et  suivants  et  ne  forment  avec  ceux-ci  qu'un  seul  paragraphe  ;  que 
Part.  278  renvoie,  pour  la  peine  à  infliger  par  cet  article,  à  l'art.  276,  ce  qui 
indique  surabondamment  la  relation  qui  existe  entre  ces  deux  articles,  et  que 
les  mêmes  règles  leur  sont  communes  ;  d'où  l'on  conclut  que  l'art.  282,  qui 
soumet  à  la  surveillance  les  mendiants  qui  auront  subi  les  peines  portées  par 
les  articles  précédents,  se  réfèrent  nécessairement  et  sans  distinction  à  tous  les 
artîeles  qui  composent  le  paragraphe,  et  qu'ainsi  tous  les  mendiants  condamnés 
aune  peine  quelconque,  en  vertu  de  tous  les  articles  qui  composent  ce  para- 


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326  DIX-MBUV.   LEÇ.   «— .  DBS  GBIMES  ET  DÉLITS,  BTC.  (m*  326). 

graphe,  doivent  être  soamisàla  surveillance.  Ces  raisons  de  texte  ne  sont  pas 
tout  à  fait  déterminantes  puisqu'on  peut  leur  opposer  que  la  loi  a  divisé  en 
deux  catégories  les  dispositions  relatives  à  la  mendicité  et  que  l'art.  282,  placé 
dans  la  seconde  catégorie,  ne  doit  pas  exercer  son  antorité  au  delà,  lorsque 
aucune  expression  ne  Tétend.  Mais  il  nous  semble  qu'un  motif  puisé  dans  l'es- 
prit de  la  loi  les  repousse  d'une  manière  catégorique.  Cîomment  admettre  que 
les  simples  faits  de  mendicité,  quand  ils  sont  isolés  de  toute  circonstance  aggra- 
vante, puissent  donner  lieu  à  une  peine  aussi  grave  que  la  surveillance  de  cinq 
ans?  Ne  serait-ce  pas  une  pénalité  hors  de  proportion  avec  un  fait  qui  ne  pré- 
sente pas  même,  comme  le  vagabondage,  le  caractère  d'un  acte  préparatoire 
des  délits?  Ne  serait-ce  pas  assimiler  aux  criminels  les  plus  dépravés  et  les 
plus  dangereux  un  individu  qui  n*est  coupable  que  de  paresse  ou  de  misère? 
L'art.  282,  restreint  dans  son  application  aux  mendiants  punis  en  vertu  des 
art.  277  et  suivants,  est  une  disposition  sage  et  prévoyante  :  étendu  aux  indi- 
vidus frappés  par  les  art.  274,  275  et  276,  il  traiterait  comme  des  malfaiteurs 
des  gens  qui  ne  le  sont  pas  encore,  et  peut-être  ne  le  deviendront  jamais.  A 
la  vérité,  l'art.  463  permet  d*écarter  la  surveillance  ;  mais  ce  n'est  là  qu'une 
faculté  dont  le  juge  peut  omettre  de  se  servir,  et,  s'il  appartient  à  celui-ci  de 
mesurer  la  quotité  de  la  peine  due  au  délinquant,  il  n'appartient  qu'à  la  loi 
d'apprécier  la  nature  de  la  peine  qui  doit  être  appliquée  au  délit. 

DE  LA.  PUBLICATION  OD  DISTaiBUTION  DBS  ÉCSITS  OU  GRAVURES;  SANS  NOM  d'âOTEUR 

OU  D'iMPRDfEUR. 

326. 11  ne  s'agit  point  d'examiner  ici  les  délits  commis  par  la  voie  de  la 
presse.  Ces  délits,  nés  d'un  ordre  politique  qui  n'existait  pas  lors  de  la  rédac- 
tion du  Gode  pénal,  ont  été  prévus,  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  se  sont  révélés, 
par  des  lois  spéciales  qui  forment  encore  à  cet  égard  une  législation  en  dehors 
du  Gode,  soumise  à  des  règles  particulières.  Gelles  de  ces  lois  qui  sont  demeu- 
rées debout  et  qui  régissent  actuellement  cette  matière  sont  les  lois  des  17  et 
26  mai  1819,  qui  contiennent  les  vrais  fondements  de  toute  la  législation  de 
la  presse,  a  la  du  25  mars  1822,  qui  avait  commencé  à  s'écarter  de  ces  prin- 
cipes, la  oî  du  9  août  1848,  qui  y  est  revenue,  celle  du  27  juillet  1849,  le  dé- 
cret du  17  février  1852,  et  enfin  les  lois  du  27  avril  1871  et  du  29  décembre ^875. 

326.  Les  art.  283  à  290  du  Code  pénal  ont  été  en  partie  modifiés,  en  partie 
abrogés  par  ces  différentes  lois  :  il  n*en  reste  plus  que  quelques  fragments. 

L'art.  283  qui  punit  toute  publication  ou  distribution  d'écrits  dépourvus 
de  l'indication  vraie  des  noms,  profession  et  demeure  de  l'auteur  ou  de  l'im- 
primeur, a  été  abrogé,  en  ce  qui  concerne  les  imprimeurs  et  libraires»  par 
les  art.  17  et  18  de  la  loi  du  21  octobre  1814.  L'art.  284  a  également  été 
abrogé  dans  les  mêmes  cas  par  les  art.  15,  16  et  19  de  la  même  loi.  Il  faut 
ajouter  que  les  colporteurs  et  distributeurs,  autres  que  les  libraires,  ont  été 
soumis  à  des  règles  spéciales  de  police  par  les  lois  des  10  décembre  1830, 
16  février  1834  et  par  l'art.  6  de  la  loi  du  27  juiUet  1849,  modifié  par  l'art.  3 
de  la  loi  du  29  décembre  1875.  Néanmoins  cet  article  continue,  de  subsister 


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PUBLIC.  OU  DI8T1IIB.  DB0  ÉCRITS  OU  «RAT.  SANS  NOM  d'aUISUR.     327 

en  06  çoi  concerne  les  distribnteiuti  des  écrits  qui  portent  la  double  omis* 
sion  des  noms  et  demenres  tant  de  Tantenr  que  de  rimprimenr.  Aujonr* 
d'hni  la  loi  de  la  matière  est  Fart  6  de  la  loi  du  27  joîliet  1849,  qui  dispose 
que  :  «  Tous  distributeurs  ou  colporteurs  de  livres,  écrits,  brochures,  gravures 
et  b'thographîes,  doivent  être  porteors  d'une  autorisation  qui  leur  sera  délivrée, 
pour  le  département  de  la  Seine,  par  le  préfet  de  police,  et  pour  les  autres 
départements,  par  les  préfets.  Ces  autorisations  pourront  toujours  être  retirées 
par  les  autorités  qui  les  auront  délivrées.  Les  contrevenants  seront  cotidanmés 
par  les  tribunaux  correctionnels  à  un  emprisonnement  d'un  mois  à  six  mois, 
et  à  une  amende  de  25  à  500  fr.,  sans  préjudice  des  poursuites  qui  pourraient 
être  dirigées,  pour  crimes  ou  délits,  soit  contre  les  auteurs  ou  éditeurs  de  ces 
écrits,  soit  contre  les  distributeurs  ou  colporteurs  eux-mêmes.  >  L'interpré> 
tation  de  cet  article  a  donné  lieu  à  plusieurs  questions  :  la  principale  est  de 
savoir  s'il  ne  comprend,  comme  les  lois  antérieures,  que  les  colporteurs  ou 
distributeurs  de  profession,  ou  s'il  doit  s'étendre  aux  actes  mêmes  isolés  de 
distribution.  Cette  dernière  interprétation,  quoique  contredite  par  l'exposé  des 
motifs  et  par  les  lois  des  10  décembre  1830  et  16  février  1834,  qui  ne  s'appli- 
quaient qu'à  l'exercice  de  la  profession  de  distributeur,  a  prévalu.  La  Cour  de 
cassation  a  jugé  c  que  le  législateur  de  1849  qui,  par  un  ordre  de  faits  nou- 
veaux, a  créé  des  moyens  nouveaux  de  surveillance,  n'a  pas  reproduit  dans 
l'art.  6  de  la  loi  du  27  juillet  les  conditions  de  la  profession  et  n'emploie  que 
des  expressions  générales  et  absolues  ;  qu'il  distingue  ainsi  la  qualité  de  dis- 
tributeur de  la  profession  de  colporteur  ;  qu'en  présence  de  termes  aussi  géné- 
raux, il  n'y  a  plus  lieu  de  rechercher  si  l'agent  de  distribution  exerce  ou  non 
la  profession  de  distributeur,  mais  seulement  si  les  faits  imputés  aux  prévenus 
sont  de  nature  à  constituer  une  distribution  illégale,  b  II  suit  de  là  qu'il 
importe  peu  que  la  distribution  soit  un  acte  accidentel  ou  habituel,  qu'elle  soit 
faite  sur  la  voie  publique  ou  à  domicile  :  la  loi  s'applique  aussi  bien  à  l'au- 
teur qui  colporte  son  propre  écrit  qu'à  l'individu  qui  ne  répand  que  l'écrit 
d'autrui. 

L'art.  285  qui  pose  le  principe  de  la  complicité  des  distributeurs,  lorsque 
récrit  imprimé  contient  quelques  provocations  à  des  crimes  ou  délits,  a  été 
remplacé  par  l'art.  1  de  la  loi  du  17  mai  1819  qui  Ta  établi  depuis  en  termes 
plus  étendus  et  plus  nets  en  déclarant  complice  d'un  crime  ou  d'un  délit,  qui- 
conque par  des  écrits,  des  imprimés,  des  dessins,  des  gravures,  vendus  ou  dis» 
tribués,  mis  en  vente  ou  exposés,  a  provoqué  l'auteur  de  ces  crimes  et  délits, 
à  les  commettre.  L'art.  286,  qui  prescrit  la  confiscation  des  exemplaires  saisis, 
de  l'écrit  anonyme  ne  fait  qu'une  application  partielle  du  principe  général  éta- 
bli par  l'art.  26  de  la  loi  du  26  mai  1819. 

L'art.  287  qui  punit  toute  exposition  ou  distribution  de  chansons,  pamphlets, 
figures  ou  images  contraires  aux  bonnes  mœurs,  se  trouve  implicitement  abrogé 
jpar  l'art.  8  de  la  loi  du  17  mai  1819,  qui  prévoit  en  général  tout  outrage  à  la 
morale  publique  et  religieuse  ou  aux  bonnes  mœurs.  L'art.  288,  qui  formule 
nne  excuse  en  faveur  des  distributeurs  qui  ont  fait  connaître  la  personne  qui 
leur  a  remis  l'écrit  ou  l'imprimeur,  est,  au  contraire,  encore  en  vigueur,  puisr 
que  aucune  loi  ne  Ta  abrogé. 

L'art.  289  a  été  implicitement  abrogé  par  les  lois  sur  la  presse  dans  tous  ^' 


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328      m<'ifBtnr.  lbç.  «•  obs  crimes  kf  déuts,  vrc.  (r<*  327). 

eas  où  cet  Ims  80Dt  appUoables  ;  mais  îl  me  semble  qu'il  a  nécessairement  con- 
eervô  son  empire  dans  les  cas  restreints  où  l'art.  283  s'applique  encore. 

Quant  à  Tart.  290,  il  a  été  formellement  Abrogé  par  Tart.  9  de  la  loi  du  10 
décembre  1830. 

DES  ÀSSOGIiLTlONS  ILLIOITES. 

827.  Le  délit  d'association  illicite  termine,  dans  notre  Gode,  la  série  des 
délits  contre  la  paix  publique.  Gomme  l'association  de  malfûteurs,  le  Taga- 
bondage,  la  mendicité,  la  distribution  d'écrits  clandestins,  l'association  illicite 
est  incriminée  à  raison  du  danger  dont  elle  menace  la  paix  publique  plutôt 
qu*à  raison  du  trouble  qu'elle  produit;  elle  rentre  dans  la  classe  des  actes  prépa- 
ratoires qui  éveillent  l'inquiétude  delà  société  avant  môme  qu'aucun  commen- 
cement d'exécution  d'un  délit  les  ait  suivis. 

On  Ht  dans  la  Théorie  du  Code  pénal  les  lignes  suivantes  :  c  En  thèse  géné- 
rale, la  liberté  d^assoctation  est  un  droit  naturel  ;  isolé,  l'homme  est  frappé 
d'impuissance,  sa  faiblesse  se  révèle  à  chaque  pas  ;  quel  que  soit  le  but  qu'il  se 
piropose  ou  là  carrière  qu'il  parcourt,  soit  qu'il  explore  les  arts,  l'industrie  ou 
les  sciences,  ce  n'est  que  par  Tagrégation  des  lumières  et  des  forces  qu'il  par* 
vient  à  vaincre  les  résistances,  à  dompter  les  obstacles,  à  réaliser  sa  pensée. 
Les  époques  de  civilisation  sont  celles  où  cette  faculté  de  l'association  se  déve» 
ioppe  avec  plus  d*énergie  ;  elle  est  l'immense  levier  sur  lequel  la  vieille  société 
s'appuie  pour  se  dégager  de  ses  langes  et  prendre  un  essor  plus  élevé;  s'il  est 
permis  de  croiref  au  progrès,  c'est  en  ajoutant  foi  à  la  force  d'une  associatioti 
plus  étroite  entre  les  membres  de  la  cité.  L'association,  c'est  la  condition  de  la 
prospérité  et  de  la  vie  môme  de  l'homme  ;  c'est  le  point  de  départ  et  l'avenir 
de  la  société.  Mais  l'exercice  du  droit  le  plus  légitime,  laissé  sans  règles  entre 
les  mains  de  l'homme,  peut  aussitôt  engendrer  des  abus.  Cest  ainsi  que  la  loi 
a  ceint  chacune  de  nos  libertés  d'un  cercle  qui  en  limite  l'étendue.  Il  est  évî* 
dent  que  les  passions  humaines  peuvent  s'emparer  de  l'instrument  puissant  de 
l'association,  qu'elles  peuvent  diriger  contre  la  société  elle-même,  et  redou- 
bler, à  l'aide  de  ses  forces  énergiques,  le  péril  de  leur  œuvre  destructive.  La 
loi  remplit  une  mission  également  sacrée  en  proclamant  le  droit  et  en  répri- 
mant les  écarts.  Elle  peut  donc  punir  les  associations  immorales  ou  dangereu- 
ses :  elle  peut  les  défendre  et  châtier  ceux  qui  enfreignent  ses  dispositions  ;  ce 
pouvoir  dérive  du  principe  même  du  droit  pénal.  > 

La  légitimité  de  l'incrimination  ainsi  démontrée,  il  reste  à  rechercher  dans 
quelles  limites  le  législateur  l'a  appliquée.  La  législation  présente  à  cet  égard 
plusieurs  phases  successives,  car  l'association,  liée  aux  circonstances  politi-^ 
ques,  a  reflété,  quant  aux  mesures  de  police  dont  elle  a  été  l'objet,  les  dififé*. 
rents  systèmes  politiques  des  gouvernements  qui  se  sont  succédé. 

L'Assemblée  constituante  avait  décrété,  en  premier  lieu,  que  les  citoyens 
ont  le  droit  de  s'assembler  et  de  former  entre  eux  des  sooiétés  (LIS  novem- 
bre 1790)  :  la  constitution  du  i4  septembre  1791  garantissait  l'exercice  de  ce 
droit  Mais  elle  fht  contrainte  d'interdire  les  députations  et  les  adresses  des 
clubs,  leur  assistance  aux  cérémonies  publiques  et  la  publicité  de  leurs  débats 
(L.  29-30  septembre  1791).  La  loi  du  13  juin  1793  efifaga  ces  restrictions  et 


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DB$  AaSOClA'riOlfS  ïtLTGITBB  (art.   291).  329 

proclama  le  droit  abdbla  des  citoyens  de  se  réunir  en  société  populaire.  Mais 
cet  état  de  choses  fût  bientôt  modifié,  d'abord  la  constitution  du  5  fructidor  an 
m,  qui  prohiba  toutes  les  associations  contraires  à  Tordre  public  et  toutes  les. 
àlfib'ations  et  correspondances  des  associations  licites,  ensuite  par  la  loi  du  7 
thermidor  an  V,  qui  interdit  toutes  les  associations  poKtiques,  enfin  par  les  art. 
ft91  et  suivants  du  Gode  pénal. 

828.  Le  principe  du  Gode  est  de  soumettre  à  Fautorisation  préalable  du 
gouvernement  toute  association^  quel  que  soit  son  but,  composée  de  plus  de 
vingt  personnes. 

a  Art.  291.  Nulle  association  de  plus  de  vingt  personnes,  dont  le  but  sera  de  se 
réunir  tous  les  jours  ou  à  certains  jours  marqués,  pour  s'occuper  d'objets  religieux, 
littéraires,  politiques  ou  autres,  ne  pourra  se  former  qu'avec  l'agrément  du  gou- 
vernement, et  sous  les  conditions  qu'il  plaira  à  l'autorité  publique  d'imposer  &  la 
société.  Bans  le  nombre  de  personnes  indiqué  par  le  présent  article  ne  sont  pas 
comprises  celles  domiciliées  dans  la  maison  où  l'association  se  réunit.  » 

Il  suit,  en  premier  lieu,  de  ces  termes  que  la  loi  ne  soumet  à  Tagrément 
du  gouvernement  que  les  associations  de  plus  de  vingt  personnes.  De  là  deux 
conséquences  :  l^La  loi  ne  prohibe  que  les  associations  ;  elle  ne  prohibe  donc 
pas  les  réunions  accidentelles  et  temporaires  ;  elle  suppose  une  organisation  et 
un  but  commun.  Cest  surtout  la  communauté  du  but  que  les  associés  se  pro- 
posent d'atteindre  et  auquel  ils  s'engagent  à  coopérer,  qui  constitue  l'associa- 
tion, car  la  délibération  en  commun  et  la  participation  égale  de  tous  les  mem- 
bres à  la  direction  n'en  sont  pas  des  conditions  nécessaires;  ce  .qu'il  importe, 
c'est  la  coopération  à  l'accomplissement  d'une  œuvre  déterminée.  2^  La  loi  ne 
prohibe  que  les  associations  composées  de  plus  de  vingt  personnes.  Mais  il 
importe  peu  qu'elles  se  divisent  en  fractions,  qui  chacune  n'atteindrait  pas 
ce  nombre.  Cette  difficulté,  qui  avait  arrêté  la  jurisprudence,  a  été  tranchée 
par  l'art,  i"  de  Ut  loi  du  10  avril  1834  portant  :  c  Les  dispositions  de  l'art. 
291  sont  applicables  aux  associations  de  plus  de  vingt  personnes,  alors  même 
qu'elles  seraient  partagées  en  portions  d'un  nombre  moindre  et  qu'elles  ne  se 
henniraient  pas  tous  les  jours,  ou  a  des  jours  marqués  ;  l'autorisation  donnée 
par  le  gouvernement  est  toujours  révocable.  »  Il  faut  toutefois  prouver, 
même  en  appliquant  cette  dernière  loi,  que  les  sections  qui  sont  Pobjet 
d*ime  poursuite  sont  des  ftactions  d*une  association  véritable  ou  sont  affiliées 
avec  d'autres  sections  « 

889.  L'art.  Wl  ne  prononçait  qu'une  amende  de  16  à  200  francs  et  cette 
peine  ne  frappait  que  les  chefs  et  les  directeurs.  L'art.  2  ^e  la  loi  du  10  avril 
1834  a  modifié  ces  deux  points,  c  Quiconque  fait  partie  d'une  association  non 
autorisée  sera  puni  de  deux  mois  àun  an  d'emprisonnement  et  de  50  à  1,000 
francs  d'amende  ;  en  cas  de  récidive,  les  peines  pourront  être  portées  au  dou- 
ble. Le  condamné  pourra,  dans  le  dernier  cas,  être  placé  sons  la  surveillance 
de  la  haute  police  pendant  un  temps  qui  n'excédera  pas  le  double  du  maxi- 
mum de  la  peine.  L'art.  463  du  Gode  "pénal  pourra  être  appliqué  dans  tous 
les  cas.  I 


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330         DIZ-NBUY.   LBÇ.  —  DBS  CRIMSB  BT  DÉLITS,  BTG.  (m*  331). 

Uart.  293;  qui  prévoit  la  provocation  à  des  crimes  ou  des  délits  faite  dans 
les  assemblées  de  l'association,  n'a  été  ni  abrogé  ni  modifié  par  la  loi  du  10 
avril  1834.  Il  a  été  momentanément  remplacé,  en  ce  qui  concerne  les  associa- 
tions désigaées  sons  le  nom  de  clubs,  par  Fart.  6  de  la  loi  du  28  juillet  1848, 
qui  contenait  une  disposition  tout  à  fait  identique  ;  mais  comme  cette  loi  ne 
s'appliquait  qu'aux  clubs  et  qu'elle  a  été  d'ailleurs  abrogée  par  le  décret  du 
25  mars  1852,  l'art.  293  paraît  avoir  conservé  toute  sa  force  en  ce  qui  touche 
les  associations  qui  font  l'objet  de  l'art.  291  et  de  la  loi  du  iO  avril  1834. 

830.  Il  nous  reste  à  examiner  l'art.  294. 

«  Art.  294.  Tout  individu  qui,  sans  la  permission  de  l'autorité  municipale,  aura 
accordé  ou  consenti  l'usage  de  sa  maison  ou  de  son  appartement,  en  tout  ou  partie, 
pour  la  réunion  des  membres  d'une  association  môme  autorisée  ou  pour  l'exercice 
d'un  culte,  sera  puni  d'une  amende  de  16  à  200  francs.  » 

Cet  article  présentait  une  lacune  pour  le  cas  où  l'association  n'était  pas 
autorisée.  L'art.  3  de  la  loi  du  10  avril  1834  a  rempli  cette  omission  en  por- 
tant que  c  seront  considérés  comme  complices  du  délit  d'association  illicite,  et 
punis  comme  tels,  ceux  qui  auront  prêté  ou  loué  sciemment  leur  maison  ou 
appartement  pour  une  ou  plusieurs  réunions  d*une  association  autorisée.  »  U 
suit  de  là  que,  si  le  local  est  abandonné  à  une  association  non  autorisée,  le  pro- 
priétaire est  réputé  complice  comme  ayant  fourni  les  instruments  nécessaires 
pour  commettre  le  délit.  Si,  au  contraire,  Tassociation  est  autorisée,  et  que 
seulement  le  propriétaire  n'ait  pas  obtenu  Tautorisation  de  l'autorité  munici- 
pale, la  faute  qu'il  a  commise  étant  plus  légère,  la  peine  prononcée  par  l'art.  294 
a  paru  suffisante. 

881.  La  loi  du  28  juillet  1848  a,  dans  le  court  espace  durant  lequel  elle  a 
vécu,  remplacé  les  art.  291  [et  suivants.  Cette  loi,  après  avoir  proclamé  dans 
son  art  l*"'  le  droit  des  citoyens  de  se  réunir,  divisait  les  réunions  en  publi- 
ques et  non  publiques  :  les  réunions  publiques  ou  clubs  étaient  soumises  à  la 
formalité  d'une  déclaration  préalable  et  à  la  garantie  d'une  publicité  continue 
et  d'une  surveillance  effective.  Les  réunions  non  publiques  n'étaient  soumises 
à  aucune  autre  formalité  qu'une  simple  déclaration  à  l'autorité  municipale,  lors- 
qu'elles n'avaient  pas  un  but  politique;  mais,  lorsque  leur  but  était  politique, 
elles  ne  pouvaient  se  former  qu'avec  l'assentiment  de  l'autorité  municipale. 
Ces  différentes  dispositions  n'étaient  point  applicables  aux  réunions  ayant 
pour  objet  exclusif  l'exercice  d'un  culte  quelconque  ni  aux  réunions  électo- 
rales préparatoires  :  ces  deux  catégories  de  réunions  restaient  complètement 
libres. 

Cet  état  de  choses,  déjà  modifié  par  la  loi  du  22  juin  1849,  qui  avait  snspendu 
l'application  de  la  loi  du  28  juiUet  1848,  a  été  complètement  changé  par  le 
décret  du  25  mars  1852,  dont  voici  le  texte  :  c  Art.  l**.  Le  décret  du  28  juillet 
1848,  sur  les  clubs,  est  abrogé,  à  l'exception  toutefois  de  l'art  13  de  ce  décret 
qui  interdit  les  sociétés  secrètes.  —  Art.  2.  Lee  art  201,  292  et  294  du  CSode 
pénal  et  les  art.  i,  2  et  3  de  la  loi  du  10  avril  1834  seront  apphcabies  aux  réu- 

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DBS  ASSOCIATIONS  ILLICITES  (aRT.   294).  331 

nions  pnbliqaes,  de  qaelqae  nature  qu'elles  soient.  Deax  observations  sur 
les  effets  de  ce  décret  :  !•  Il  maintient  Tart.  13  de  la  loi  du  28  juillet  1848. 
Voici  le  texte  de  cet  article  :  c  Les  sociétés  secrètes  sont  interdites.  Ceux  qui 
seront  convaincus  d'avoir  fait  partie  d'une  société  secrète  seront  punis  d'une 
amende  de  100  à  500  fr.,  d'un  emprisonnement  de  six  mois  à  deux  ans,  et  de 
la  privation  des  droits  civiques  de  un  à  cinq  ans.  »  Il  ne  faut  pas  confondre  les 
sociétés  secrètes  avec  les  sociétés  non  publiques  :  il  est  de  l'essence  des  pre- 
mières de  se  voiler  aux  regards  de  l'autorité  publique,  les  autres,  au  contraire, 
lorsqu'elles  sont  régulièrement  autorisées,  peuvent  vivre  en  debors  de  toute 
publicité.  2*  L'art.  2  du  décret  étend  les  art.  291  et  suiv.  du  Gode  pénal  aux 
réunions  publiques,  de  quelque  natiare  qu'elles  $oienU  U  suit  de  là,  d'abord, 
qu'aucun  club,  aucune  réunion,  même  électorale,  ne  peut  avoir  lieu  sans  auto- 
nsation  ;  il  en  résulte  encore  que  cette  autorisation  s'applique  même  aux  réu- 
nions religieuses.  Ainsi,  il  n'est  plus  possible  de  soutenir,  comme  on  l'avait  fait 
sous  la  Gbarte  de  1830,  que  le  principe  de  la  liberté  de  conscience  créait  une 
exception  à  l'application  de  l'art  291  aux  réunions  qui  avaient  pour  objet  l'exer- 
cice d'un  culte,  et  Fart.  19  de  la  loi  du  28  juillet  1848  a  cessé  d'exister;  les  ter- 
mes absolus  du  décret  ne  permettent  plus  aucune  exception. 

On  doit  toutefois  noter  ici  qu'une  proposition  de  loi  dont  le  rapport  a  été 
déposé  le  15  décembre  1870,  sur  le  bureau  de  l'Assemblée  nationale  et  qu'au- 
cune loi  n'a  suivi,  a  eu  pour  objet  d'abroger  les  art.  291,292,  293  et2949  et  d'y 
substituer  un  régime  qui  peut  se  résumer  ainsi  :  1^  toute  association  pourra 
se  constituer  sans  autorisation,  mais  après  une  déclaration  préalable  ;  2*  sera 
toutefois  réputée  illicite  toute  association  ayant  pour  but  d'attaquer  le  gouver- 
nement ou  de  provoquer  des  atteintes  à  la  liberté  de  l'industrie,  à  la  liberté  des 
cultes,  à  Tordre  public  et  aux  bonnes  mœurs  ;  3<*  les  sociétés  secrètes  conti- 
nuent d*être  interdites  ;  4^  des  mesures  de  surv^Lance  et  de  répression  ont  pour 
objet  de  maintenir  les  associations  dans  les  limites  de  l'dijet  de  leur  fondation. 

YINGTliMS   LEÇON. 

332.  Nous  avons  parcouru  la  longue  série  des  crimes  et  délits  cw^lre  la  chose 
publique.  Nous  allons  commencer  dans  cette  leçon  Texamen  d*une  nouvelle 
catégorie  d'infractions  :  les  crimes  et  délits  contre  les  particuliers.  Ces  infrac- 
tions se  divisent  elles-mêmes  en  deux  classes  :  celles  qui  sont  dirigées  contre  les 
personnes,  et  celles  qui  sont  dirigées  contre  les  propriétés.  Nous  suivons  Tordre 
du  Gode  et  nous  examinons  en  conséquence  immédiatement  les  crimes  et  délits 
contre  les  personnes. 

Les  violences  contre  les  personnes  se  partagent  en  plusieurs  catégories  sui- 
vant le  but  qu'elles  se  proposent  :  on  distingue  la  classe  des  violences  maté- 
rielles qui  mettent  en  péril  la  vie  ou  du  moins  la  sûreté  des  citoyens,  la  classe 
des  violences  qui  constituent  les  attentats  à  la  pudeur,  la  classe  des  violences 
qui  portent  atteinte  à,  la  liberté,  à  Tétat  civil,  à  la  situation  sociale  des  person- 
nes, enfin,  la  classe  des  violences  morales  qui  sont  de  véritables  attaques  con- 
tre leur  honneur  et  leur  réputation.  Je  ne  m^occuperai  aujourd'hui  que  de  la 
première  catégorie  de  ces  infractions  ;  ce  sont  les  plus  graves,  ce  sont  celles 

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332        VINGTIÈMB  LBÇ.  —  DBS  GRIMBS  ÎST  ZNÈLIT8,  BTG.  (n^  335). 

qui,  de  toutes  les  offensesi  menacent  au  plus  haut  degré  Tordre  social  et  sem- 
blent empreintes  de  la  plus  profonde  perversité.  La  première  de  ces  offenses 
est  l'homicide  vobntaire  qui  reçoit  ensuite,  soit  de  la  qualité  des  victimes,  soit 
des  circonstances  qui  raccompagnent,  différentes  aggravations. 

DE  L*H01CICI1)E  VOLONTAIRE. 

833.  Le  Cîode  s'est  borné  à  qualifier  Thomicide  volontaire  sans  le  définir  : 

«  ART.  295.  L'homicide  commis  volontairement  est  qualifié  meurtre,  d 

Mais  ce  texte  renfenne  en  lui«méme  une  véritable  définition.  Il  indique  en 

-effet  que,  pour  qu'il  y  ait  meurtre,  il  faut  :  1»  un  fait  matériel  d'homicide 

(Aomtnig.  codt^,  c'esl«à-dire  un  attentat  contre  la  vie  d'un  être  humain; 

tÎP  la  volonté  de  commettre  cet  homicide.  Ce  sont  là  les  deux  éléments  du 

-crime. 

834.  Il  faut,  en  premier  lieu,  un  attentat  matériel  ayant  pour  but  d'èter  la 
vie  à  un  être  humain.  Tout  acte,  quelle  qu'en  soit  la  nature,  ayant  la  puissance 
de  donner  la  mort,  peut  entrer  dans  les  termes  de  la  loi,  mais  il  faut  un  acte 
matériel ,  les  souffhmces  purement  morales ,  quelque  odieuses  qu'elles 
fussent,  ne  suffiraient  pas.  il  faut  ensuite  que  cet  acte  ait  la  puissance  de  don- 

)^ner  la  mort,  car  oifne  pourrait  qualifier  homicide  ou  du  moins  tentative  d'ho- 
micide un  coup  porté  avec  un  instrument  qui  ne  pourrait  donner  la  mort,  de 
même  qu'on  ne  pourrait  qualifier  tentative  d'empoisonnement  le  fait  d'admi- 
nistration des  substances  qui  ne  peuvent  qu'altéfer  temporairement  la  santé. 
Enfin  j'ai  dit  que  l'attentat  devait  avoir  été  commis  sur  un  être  humain,  car 
.c'est  l'homme,  c'est-à-dire  l'humanité  entière,  que  la  loi  a  voulu  protéger.  Il 
importe  peu  que  la  victime  soit  ou  frappée  d'idiotisme  ou  atteinte  d'infirmités 
ou  de  maladies  qui  ne  lui  laissent  qu'une  existence  incomplète  et  fragile  ; 
il  suffit  qu'elle  existe  pour  qu'il  y  ait  crime. 

885.  Le  deuxième  élément  du  meurtre  est  la  volonté  de  tuer.  Il  importe  de 
définir  nettement  cette  volonté.  On  peut  avoir  la  volonté  de  donner  la  mort 

*à  quelqu'un,  sans  avoir  la  pensée  d'un  crime,  par  exemple,  si  vous  repoussez 
une  attaque  à  main  armée  et  que  vous  ne  puissiez  sauver  votre  vie  qu'en  atta- 
quant la  vie  de  vos  agresseurs,  si  vous  faites  partie  de  la  force  armée  et  que 
vous  receviez  le  commandement  de  faire  feu  sur  l'ennemi.  La  volonté  de  tuer 
n'est  donc  pas  essentiellement  criminelle,  elle  ne  le  devient  que  lorsqu'elle  est 
animée  de  la  fraude,  de  la  perfidie,  du  dol  qui  constitue  le  crime.  H  ne  suffit 

-donc  pas  de  rechercher  si  l'agent  a  eu  la  volonté  de  tuer,  mais  sMl  a  eu 
la  volonté  coupable,  l'intention  frauduleuse  de  commettre  l*homicide;  c'est  la 
fraude  qui  forme  toute  la  crlminahie  de  la  volonté;  et  c'est  en  ce  sens  que  le 
n\ot  volcmtairemenÉ  de  Fart.  295  doit  être  entendu,  car  nous  verrons  tout 

-  à  l'heure  que  le  €!ode  suppose  lui-même,  dans  les  art.  321  et  suivants,  que 
l'homicide  peut  dans  certains  cas  être  commis  volontairement  sans  avoir 
les  caractères  d'un  meurtre. 


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DB  l'hOMXCIDB  TOLOKTAIAS  (ART.    295).  333 

886.  Cette  règle  va  nous  aider  à  résoudre  quelques  problèmes  très-ardus  de 
la  législation  pénale.  Notre  Gode  n'a  point,  comme  l'avait  fait  Tancienne  Juris- 
pmdence,  porté  des  peines  contre  le  suicide  ;  nous  n'avons  donc  point  à  nous 
occuper  de  cet  acte,  quel  que  soit  le  Uàme  qu'il  puisse  mériter.  Mais  comment 
qualifierez-vous  l'acte  de  complicité  de  suicide  f  Sans  doute,  tous  distinguerez 
d'abord  :  s'il  nes'agit  que  de  faits  de  provocation,  d'aide  donnée  aux  prépara- 
tifo,  d'instruments  ou  d'armes  fournis  pour  l'exécution,  vous  reconnaîtrez  faci- 
lement que  ces  actes  d'assistance  échappent  à  la  loi  pénale;  car,  dès  que  le 
fait  principal  ne  constitue  ni  crime  ni  délit,  les  actes  préparatoires  participent 
évidemment  de  la  même  nature.  Mais  vous  hésiterez  peut-être  davantage  si  le 
complice  ne  s'est  pas  borné  à  préparer  le  suicide,  s'il  s'est  chargé  de  l'accomplir 
lui-même,  si,  sur  la  prière  d'ailleurs  bien  constatée  de  la  personne  qui  voulait 
se  toer,  il  a  consommé  l'homicide.  Bet-ce  1&  un  meurtre  dans  le  sens  de  la 
loi?  11  est  évident  que  c'est  un  meurtre,  si  le  consentement  de  la  victime  n'a 
pas  été  libre,  s'il  lui  a  été  arraché  par  des  menaces  ou  par  la  force;  il  est 
encore  évident  que,  dans  le  cas  d'un  double  suicide,  s'il  a  été  exécuté  par  une 
seule  des  deux  personnes  vouées  à  la  mort,  cette  personne,  si  elle  a  survécu, 
pourrait  être  inculpée  de  meurtre,  car,  si  elle  a  attenté  aux  jours  de  la  première 
personne  avant  d'attenter  aux  siens,  il  y  aurait  lieu  d'examiner  si  elle  n'avait 
pas  consommé  le  crime  avant  d'exécuter  une  tentative  sur  elle«môme.  Mais 
écartez  ces  deux  hypothèses  ;  supposez  une  volonté  de  suicide  bien  arrêtée  ' 
dans  l'esprit  de  l'individu  qui  a  succombé;  supposez  que  cet  individu  ait  payé 
un  domestique  pour  le  débarrasser  de  la  vie;  supposez  l'esclave  Philocrate 
donnant  la  mort  à  son  maître  Galas  G-racchus  sur  Tordre  de  cet  illustre  tnbun, 
et  ae  tuant  lui-même  aussitôt.  Cette  assistance  au  suicide  devient-elle  un  acte 
imputable?  Il  est  dair  qu'on  trouve  dans  cette  assistance,  comme  Ta  constaté 
la  jurisprudence,  les  deux  éléments  du  meurtre  :  le  fait  matériel  de  l'homicide 
et  la  volonté  de  tuer.  Mais  la  question  est  de  savoir  si  c'est  bien  là  cette 
volonté  caractéristique  du  crime,  cette  volonté  qui  prétend  nuire  en  donnant 
la  mort,  cette  volonté  criminelle,  en  un  mot,  qui  est  l'élément  nécessaire  du 
meurtre?  Un  doute  grave  s'élève  à  cet  égard.  Sans  doute,  l'intention  qui  a 
animé  l'agent  est  une  intention  coupable,  car  c'est  un  acte  coupable  que  de 
servir  même  d'instrument  à  un  suicide;  mais  là  n'est  pas  la  difficulté; 
il  importe  peu  que  l'assistance  soit  coupable  en  elle-même,  si  elle  n'est  pas 
empreinte  du  degré  de  culpabilité  nécessaire  pour  qu'il  y  ait  meurtre.  Ce  qu'il 
faut,  en  effet,  pour  qu'il  y  ait  meurtre,  c'est  que  l'agent  ait  voulu  commettre 
un  meurtre,  c'est  qu'il  ait  agi  avec  la  fraude  et  l'intention  qui  animent 
le  meurtrier;  car  il  ne  peut  y  avoir  crime  si  l'agent  a  été  animé  d'une  autre 
intention  que  celle  qui  constitue  le  crime.  La  difficulté  est  ici  dans  l'intensité 
de  la  criminalité  de  cet  agent;  il  a  commis  uue  action  coupable,  cela  est  évi- 
dent; mais  chaque  actîpn  immorale  est  empreinte  d'un  degré  différent  de  cul- 
pabilité. N*y  a-t-il  aucune  différence  entre  celui  qui  commet  un  homicide 
en  employant  la  force  contre  la  victime,  et  celui  qui  ne  fait  qu'exécutef 
la  volonté  de  celle-ci  ?  Et  si  l'acte  n'est  pas  le  même,  s'il  ne  respire  pas  lamôiné 
immoralité,  sUl  ne  signale  pas  de  la  part  de  l'agent  le  même  péril  pour  la  sé- 
curité publique,  comment  le  confondre  dans  la  même  incrimination,  dans  la 
même  pénalité? 


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334        TINGTIÈMB  LBÇ.  —  DBS  CRIIUBB  BT  DÉLITS,  BTC.  (n*  337). 

837.  La  môme  qaestioa  se  reproduit  relativement  à  l'homicide  commis  dans 
xm  dael.  Le  duel  constituait,  dans  notre  ancienne  législation,  an  crime  spécial 
et  était  l'objet  de  dispositions  particulières  :  il  n'était  point  considéré  comme 
nn  homicide,  mais  comme  un  crime  de  lèse-majesté.  Ce  qui  le  caractérisait, 
ce  n'était  point  l'attentat  envers  la  personne,  c'était  Foffense  envers  le  souto- 
rain,  car  c'était  empiéter  sur  la  souveraineté  que  de  se  faire  justice  soi-même. 
L'édit  d'avril  1602  portait,  en  parlant  des  duellistes:  c  Nous  les  avons  déclarés 
et  déclarons  criminels  de  lèse-maiesté.  semblablement  ceux  qui  appelleront 
pour  un  autre  ou  qui  seconderont,  accompagneront  ou  assisteront  lesdits  appe- 
lés ;  ordonnons  qu'ils  soient  punis  comme  tels,  selon  la  rigueur  de  nos  ordon- 
nances, sans  que  la  peine  de  mort  et  la  confiscation  des  biens  puissent  être 
modérées  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit*  >  Les  deux  édits  de  Louis  XIV  de 
septembre  1651  et  août  1679  portèrent  au  plus  haut  degré  la  sévérité  des  pei- 
nes. Cette  législation  tomba  à  la  révolution  de  1789.  Le  Gode  pénal  du  25  sep* 
tembre  1791  est  muet  sur  le  duel  ;  la  législation  spéciale,  que  le  dernier  article 
de  ce  Gode  A  abrogée,  n'a  point  été  remplacée.  Aucune  disposition  n'est  venue 
depuis  incriminer  cet  acte.  Le  duel  en  lui-môme,  et  indépendamment  de  ses 
suites,  a  donc  cessé  d'être  prévu  et  puni  par  la  loi.  Toute  la  question  consiste 
à  savoir  si  l'homicide  et  les  blessures,  lorsqu'ils  sont  le  résultat  d'un  duel 
loyalement  accompli,  sont  compris  dans  les  dispositions  du  Gode  pénal  qui 
•  punissent  le  meurtre  et  les  blessures  volontaires. 

La  première  interprétation  qui  suivit  l'application  du  Gode  pénal  fut  que  le 
duel  n'était  pas  compris  dans  ses  incriminations.  M.  Merlin  avait  dit  :  «Qu'ont, 
produit  les  sanglants  édits  de  Louis  XIV  contre  le  duel?  Ils  ne  l'ont  pas 
réprimé;  ils  n'ont  fait  peut-être  qu'en  rendre  l'usage  plus  fréquent:  ce  sont 
ces  considérations  qui  ont  déterminé  l'Assemblée  constituante,  lorsqu'elle 
s'est  occupée  de  la  refonte  des  lois  pénales,  à  ne  pas  comprendre  le  duel  dans 
la  liste  des  faits  qualifiés  crimes  ou  délits...  Le  Gode  pénal  est  muet  sur  le 
duel,  et  il  résulte  assez  clairement  de  son  silence  que  le  duel  ne  doit  pas  être 
considéré  conmie  un  délit  que  les  tribunaux  puissent  poursuivre.  »  La  juris- 
prudence adopta  complètement  cette  opinion  :  onze  arrêts  de  la  Cour  de  casssr. 
tion  établirent  successivement,  comme  un  pnncipe  incontestable;  que,  la  loi 
'pQimi  étant  muette,  ne  pouvait  être  appliquée  à  l'homicide  et  aux  blessures 
qui  en  sont  le  résultat. 

Gette  jurisprudence  a  changé  tout  à  coup  :  deux  arrêts  des  22  juin  et  15 
décembre  1837,  confirmés  ultérieurement  par  un  grand  nombre  d'arrêts  iden- 
tiques, déclarèrent  :  c  Que  les  dispositions  des  art.  295  et  296  du  Gode  pénal 
sont  absolues  et  ne  comportent  aucune  exception;  que  les  prévenus  des  cri- 
mes prévus  par  ces  articles  doivent  être  dans  tous  les  cas  poursuivis;  (fae  si, 
dans  les  cas  prévus  par  les  art,  327,  328  et  329,  les  chambres  du  conseil  et 
les  chambres  d'accusation  peuvent  déclarer  que  l'homicide,  les  blessures  et  les 
coups  ne  constituent  ni  crime  ni  délit,  parce  qu'ils  étaient  autorisés  par  U 
légitime  défense  de  soi-même  ou  d'autrui,  on  ne  saurait  admettre  que  Fhomi- 
cide  commis,  que  les  blessures  faites  et  les  coups  portés  dans  un  combat  sin- 
gulier, résultat  funeste  d'un  concert  préalable  entre  deux  individus,  aient  été 
autorisés  par  la  nécessité  actuelle  de  la  légitime  défense  de  soi-même,  puis- 
que, dans  ce  cas,  le  danger  a  été  entièrement  volontaire,  la  défense  sans  néces* 

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DB  l'homigidb  tolontairb  (art.  295).  •     335 

8itô,  et  que  le  danger  pouvait  être  évité  sans  combat  ;  que  si  aucune  disposi- 
tion législative  n'incriminait  le  duel  proprement  dit  et  les  circonstances  qui 
préparent  ou  accompagnent  cet  acte  homicide,  aucune  disposition  de  loi 
ne  range  ces  circonstances  au  nombre  de  celles  qui  rendent  excusables  le 
meurtre,  les  blessures  et  les  coups  ;  que  c'est  une  maxime  inviolable  de  notre 
droit  public  que  nul  ne  peut  se  faire  justice  à  soi-même;  que  la  justice  est  la 
dette  de*la  société  et  que  toute  justice  émane  du  roi,  au  nom  duquel  cette  dette 
est  payée  ;  que  c'est  une  maxime  non  moins  sacrée  de  notre  droit  public  que 
toute  convention  contraire  aux  bonnes  mœurs  et  à  Tordre  public  est  nulle  de 
plein  droit;  que  ce  qui  est  nul  ne  saurait  produire  d'effet  et  ne  saurait,  à  plus 
forte  raison,  paralyser  le  cours  de  la  justice,  suspendre  Faction  de  la  vindicte 
publique,  et  suppléer  au  silence  de  la  loi  pour  excuser  une  action  qualifiée 
crime  par  elle  et  condamnée  par  la  morale  et  le  droit  naturel;  qu'une  conven- 
tion par  laquelle  deux  hommes  prétendent  transformer  de  leur  autorité  privée 
un  crime  qualifié  en  action  indifférente  ou  licite,  se  remettre  d'avance  la 
peine  portée  par  la  loi  contre  le  crime,  s'attribuer  le  droit  de  disposer  mutuel- 
lement de  leur  vie,  et  usurper  ainsi  doublement  les  droits  de  la  société,  rentre 
évidemment  dans  la  classe  des  conventions  portant  atteinte  à  Tordre  public  et 
aux  bonnes  mœurs.  » 

Cette  nouvelle  jurisprudence,  il  faut  le  reconnaître,  a  été  dictée  par  les  sen- 
timents les  plus  louables  :  le  désir  de  mettre  un  frein  aux  duels  qui,  trop  sou- 
vent encore,  jettent  le  trouble  dans  nos  paisibles  cités,  la  pensée  de  faire  peser 
une  responsabilité  réelle  et  sérieuse  sur  des  agents  qui,  quelque  loyale  que  soit 
leur  conduite,  ne  sont  point  à  Tabri  de  graves  reproches.  Mais,  pour  remplir 
cette  tftche  utile,  la  Cour  de  cassation  n'est-elle  pas  sortie  du  domaine  de  Tin- 
terprétation?  N*a-t-elle  pas  empiété  sur  les  attributions  du  législateur  ?  Est-il 
possible  d'appliquer  Tart.  295,  qui  punit  Thomicide  volontaire,  à  Thomicide 
commis  dans  un  duel  ? 

L'interprétation  de  1837  a  été  principalement  déterminée  par  les  paroles 
suivantes,  prononcées  en  1808  par  le  rapporteur  de  la  commission  du  Corps 
législatif  :  •  Vous  demandez  peut-être  pourquoi  les  auteurs  du  projet  de  loi 
n'ont  pas  désigné  un  attentat  aux  personnes,  trop  malheureusement  connu  sous 
le  nom  de  duel  :  c'est  qu'il  se  trouve  compris  dans  les  dispositions  générales 
qui  vous  sont  soumises.  Le  projet  n'a  pas  dû  particulariser  une  espèce  dans 
un  genre  dont  il  donne  les  caractères.  Si  la  mort  est  le  résultat  de  la  défense 
à  une  irruption  inopinée,  à  une  provocation  soudaine  et  à  main  armée,  elle 
peut,  suivant  les  circonstances  et  la  vivacité  de  Tagression,  être  classée  parmi 
les  crimes  légitimes  et  excusables.  8i  le  duel  a  suivi  immédiatement  des 
menaces,  des  jactances,  des  injures,  si  les  combattants  ont  pu  être  entraînés  par 
Temportement  de  la  passion,  s'ils  ont  agi  dans  Tébullution  de  la  colère,  ils  seront 
classéb  parmi  les  meurtriers  ;  mais  si  les  coupables  ont  médité,  projeté,  arrêté 
à  l'avance  cet  étrange  combat,  si  la  raison  a  pu  se  faire  entendre  et  s'ils  ont 
méconnu  sa  voix,  et,  au  mépris  de  l'autorité,  cherché  dans  un  espoir  homi- 
cide la  punition  qu'ils  ne  doivent  attendre  que  du  glaive  de  la  loi,  ils  seront 
des  assassins.  >  Cette  opinion  du  rapporteur  de  la  commission  a  été  appréciée 
avec  une  grande  netteté  par  M.  Merlin  :  c  Tout  ce  qu'on  peut  conclure  du 
rapport,  a  dit  ce  savant  magistrat,  c'est  que  la  commission  dont  M.  Monseignat 

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336       .VINGTIÈME  LBÇ.  —  DBS  G&IMB8  BT  DÉtlIfi,  ifiTC.  (n«  337). 

était  l'organe,  pensait  comme  loi;  mais  de  ce  qu'ils  ont  cru  tronver  dans  labi 
des  dispositions  qu'elle  ne  renferme  pas,  il  ne  s'ensuit  nullement  qu'ils  aient, 
par  leur  opinion  officiellement  manifestée,  rempli  les  lacunes  que  la  loi  offre 
réellement.  Il  y  a  eu,  après  la  présentation  du  projet  du  Gode  pénal  au  Corps 
législatif,  plusieurs  conférences  entre  le  comité  de  législation  du  conseil  d'État 
et  la  commission  du  Corps  législatif,  et  je  puis  assurer,  pour  avoir  assisté  à 
toutes,  qu'il  n'a  été  question  du  duel  dans  aucune.  Ce  que  la  commission  du 
Corps  législatif  a  dit  du  duel,  elle  l'a  donc  dit  d'elle-même  ;  et  ce  qu'elle  en  a 
dit  est  précisément  le  contraire  de  ce  qui  avait  été  arrêté  verbalement  entre 
les  membres  du  comité  de  législation  du  conseil  d'État  ;  car  il  avaient  bien, 
comme  elle,  pensé  au  duel,  mais,  en  y  pensant,  ils  avaient  cru  devoir  imiter 
à  cet  égard  le  silence  de  TAssemblée  constituante.  » 

La  question  du  duel,  comme  celle  du  suicide,  est  donc  tout  entière  dans  l'in- 
terprétation de  la  loi  pénale.  Il  est  certain  que,  dans  un  duel>  nous  pouvons 
trouver  le  fait  matériel  de  l'bomicide  et  la  volonté  de  donner  la  mort  :  mais 
cela  suf&t-il  pour  que  cet  homicide  prenne  le  caractère  d'un  meurtre,  pour 
que  l'art.  295  soit  applicable  ?  En  d'autres  termes,  la  volonté  de  donner  la  mort, 
qui  anime  le  duelliste,  est-elle  la  volonté  criminelle  que  la  loi  .suppose  et 
punit  dans  le  meurtrier  ?  Que  si  cette  volonté  est  empreinte  de  la  même  per* 
versité,  il  n'y  a  plus  de  question,  le  crime  est  le  môme  dans  les  deux  cas.  Mais 
si  la  conscience  place  quelque  intervalle  entre  les  deux  agents,  si  elle  se  refuse 
à  confondre  celui  qui  se  présente  loyalement  à  un  combat  et  celui  qui  tue 
frauduleusement  sans  combat  et  sans  lutte,  ceini  qui  s'expose  au  péril  qu'il 
fait  courir  et  celai  qui  tend  de  secrètes  embûches,  comment  admettre  que  la 
loi  les  a  confondus  ?  Ce  qui  fait  ici  comme  précédemment  la  difficulté  de  la 
question,  c'est  que  les  deux  agents  sont  coupables;  mais  ils  ne  le  sont  pas  au 
même  degré  et  c'est  en  cela  que  réai4e  toute  l'argumentation  qui  repousse 
l'application  de  la  loi  pénale.  De  ce  que  le  duelliste  est  coupable  de  rébellion 
à  la  loi,  de  violences  graves,  d'homicide  môme,  il  ne  s'en  suit  pas  qu'il  soit 
coupable  d'un  meurtre.  De  ce  qu'il  a  eu  dans  la  chalaur- du  combat  la  volonté 
de  blesser  et  même  de  tuer  son  adversaire,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  ait  été 
animé  de  cette  volonté  perverse  qui  est  l'élémeni  indispensable  du  crime.  On 
veut  faire  abstraction  de  la  convention  qui  précède  ie  duel, .  parce  que  cette 
convention  est  illicite,  comme  s'il  s'agissait  d'un  contrat  dvil  dont  on  vendrait 
faire  prononcer  la  nullité.  Il  s'agit  de  l'appréciation  d'une  action,  et  comment 
faire  une  telle  appréciation  si  l'on  en  retranche  l'une  desi  circonstances,  l'un 
des  faits  qui  la  constitue?  Faire  abstraction  decettecircoostanoe,  c'est  scindée 
en  deux  parties  l'acte  dont  on  veut  évaluer  la  portée  morale,  c'est  substituer 
une  fiction  à  un  fait.  Quand  il  s'agit  de  donner  suite  à  une  convention,  ou 
comprend  qu'on  doit  examiner  si  cette  convention  est  valide  ou  nulle;  mais 
quand  il  s'agit  d'examiner  si  un  acte  est  ou  n'est  pas  punissable,  comment  en 
diviser  les  éléments,  comment  prétendre  en  voiler  une  partie  ?  Est^il  donc 
permis  de  séparer  la  faute  de  l'excuse,  l'offense  du  fait  justificatif  ?  Or,  la  oon* 
vçntion  qui  précède  le  duel  est  le  fait  justificatif  de  rhomicîde,  Ktar  il  en  résuHe 
que  cet  homicide  n'a  pas  élé  commis  avec  perfidie,  avec  fraude,  avec  intention 
criminelle.  Il  reste  une  infraction  très-^rave  à  ia  morale,  mais  il  n'y  a  plus  de 
crime,  car  il  n'y  a  plus  cette  volonté  coupable  qui  oonslitue  un  meurtre! 


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01  l'MifVHDt  vdumTAin  (aat.  299).  337 

Je  dirai  plus  :  le  dael/qoelqae  déplorablee  qm  eoîent  ses  «nies,  ne  oaïue 
point  à  la  société  la  même  alarme  que  le  meurtre  :  on  peut  se  défendra  da 
dnel,  puisqu'il  dépend  de  chaque  citoyen  de  ne  pas  Taocept^r;  on  ne  peut  se 
défendre  des  emivâehes  du  meurtrier.  L'un  n'est  qu'un  ezoés,  un  déploraUe 
abus  de  la  loi  de  liionneur,  qui  est,  après  tput^  Tun  des  fondements  de  la 
dTiHsation  moderne;  l'autre  est  une  agreesloB  barbare  qui  déiruirait  la 
société  elle-même,  si  eUe  n'était  séi^él^ment  réprimée.  U  est  donc  permis 
de  douter  que  la  loi  pénale,  lorsqu'elle  a  puni  le  meurtre»  ait  voulu  punir 
l'homicide  commis  dans  un  duel  ;  il  est  permis  de  douter  qu'eile  ait  youIu 
envetopper  dans  la  même  disposition  et  frapper  de  la  mémo  peiné  deux  actes 
si  différents  par  leur  valeur  morale  et  par  le  trouble  qu'ils  apportent,  à  Tordre 
public. 

8SS.  La  peine  du  meurtre  est»  aux  termes  du  dernier  alinéa  de  l'art.  304, 
la  peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité.  Le  Gode  de  1791  ne  portait  que  ceUe 
de  vingt  ans  de  fers.  Voici  dans  quels  termes  la  oommissioo  du  Ciorps  législatif 
a  motivé  cette  peine  :  m  Le  meurtre  iest  souvent  l'eflét  d'un  premier  mouve- 
ment, d'injures,  de  menaces,  qui  n'autorisaient  pas  &  la  vérité  à  tuer  l'adver- 
saire, mais  qui  ont  pu  allumer  laeolère  de  Tagentet  le  porter  à  donner  des  coups 
qui  occasionnent  la  mort.  Souvent  aussi  des  ooupe  qui  ne  seraient  pas  dange- 
reux par  eux-mêmes,  ordinairement,  le  deviendraient,  soit  par  la  pariio  où  le 
hasard  les  fait  tomber,  soit  par  la  constitution  faible  de  celui  auquel  ils  sont 
portés.  D'un  autre  côté,  le  meurtre  n'est  jamais  prémédité,  et,  s'il  l'est,  il  cesse 
d'être  meurtre,  il  est  assassinat  Ainsi,  si  l'on  veut  établir  une  échelle  propor- 
tionnelle dans  la  punition  des  crimes,  le  meurtre  doit  être  puni  de  la  peine 
immédiatement  au-dessous  de  la  peine  de  Psseassinat.  La  commission  propose 
de  réserver  la  peine  de  mort  pour  l'assassinat,  et  de  n'infliger  au  meurtre  que 
la  peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  qui  sera  infiniment  plus  grave  que  la 
peine  portée  par  la  loi  de  1791,  car  du  terme  fixe  de  vingt  ans  à  la  perpétuité 
la  distaijpe  est  immense,  i 

L'homicide  volontaire  puise  une  aggravation  :  1«  dans  la  qualité  de  la 
victime^  lorsque  cette  victime  est  l'un  des  ascendants  de  l'agent  ou  un  enfimt 
nouveau-né  dénué  de  toute  défense  ;  2<>  dans  les  circonstances  qui  l'accompa- 
gnent, lorsqu'il  est  commis  avec  préméditation  ou  de  guet-apens,  ou  lorsqu'il 
est  précédé  ou  suivi  d'un  autre  crime  ou  délit  ;  3<^  dans  le  mode  de  sa  perpé- 
tration, quand  ce  mode  démontre  la  préméditation.  Le  meurtre  ainsi  aggravé 
prend  la  qualification  de  parricide,  d'infanticide,  d'assassinat,  d'empoisonne- 
ment. Je  vais  successivement  examiner  ces  dififérentes  modifications  de 
l'homicide. 

889.  Le  parricide  est  défini  par  l'art.  299  : 

ff  Akt.  299.  Est  qualifié  parricide  le  meurtre  des  pères  ou  mères  légitimes,  n«tu 
rels  ou  adoptiA,  ou  de  tout  autre  ascendant  légitime.  »  ^ 

Il  résulte  de  ce  texte  que  le  parricide  n'est  qu'un  simple  meurtre  qui  puise 
I.  22 


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S38         YINGTIÈHB  LBÇ.  -*-  DBS  GROfl»  ET  ràUTS,  STO.   (N*  340). 

tooie  son  «ggf«vation  dsns  la  qualité  de  la  victime.  Ainsi  peu  importe  q^e  ee 
meurtre  ait  été  commis  avec  ou  sans  préméditation  :  le  crime  est  le  même.  Il 
en  résulte  en  second  lieu  que  le  meurtre  ne  prend  la  qualification  de  parri- 
cide qae  lorsqu'il  a  été  commis  sur  Tune  des  personnes  désignées  par  Tartide. 
Le  législateur  manifesta  quelque  hésitation  en  ce  qui  concerne  les  pères  et 
mères  adoptifs.  Quelques  membres  du  conseil  d'État  firent  observer  «  que, 
quelque  grand  que  soit  le  bienfiût  de  Tadoption,  il  ne  doit  pas  être  égal  i  celui 
du  don  de  la  vie;  que,  quelque  coupal^e  que  soit  celui  qui  tue  son  bienfaiteur, 
il  Test  moins  cqieâdant  que  celui  qui  tue  son  père.  La  loi  doit  donc  distinguer 
entre  ces  deux  crimes  :  elle  afiîsiblirait  rhorreur  du  parricide  si  elle  les  assi- 
milait. »  Mais  cette  observation  n'eut  pas  de  suite,  et  Texposé  des  motifs  du 
Ck)de  se  borne  à  déclarer  que  :  c  En  plaçant  sur  la  même  ligne  le  père  légitime 
et  le  père  adoptif,  le  projet  de  loi  rend  hommage  à  la  paternité  légale,  conso- 
lante image  de  la  paternité  réelle  ;  il  conserve  oette  grande  et  utile  leçon  de 
morale  que  les  liens  de  la  reconnaissance  ne  doivent  pas  être  moins  sacrés  que 
ceux  de  la  nature.  »  Le  meurtre  commis  par  un  gendre  sur  son  beau-père  et 
sur  sa  belle-mère  n'est  point  un  parricide  ;  mais  lorsque  ce  gendre  ou  tout 
autre  individu  étranger  à  la  famille  a  commis  le  meurtre  de  complicité  avec  les 
enfants  de  la  victime,  cette  circonstance  le  rend  passible  de  la  peine  du  par- 
ricide. Nous  avons  examiné  cette  proposition  lorsque  nous  avons  traité  de  la 
matière  de  la  complicité  ;  quant  aux  peines  du  parricide,  nous  les  avons  égale- 
ment examinées  sur  Fart.  13. 

840.  L'art.  300  définit  l'infanticide  c  le  meurtre  d'un  enfant  nouveau-né  ;  » 
que  faut-il  entendre  par  cette  dernière  expression  T  Quelques  légistes  ont 
enseigné  qu'un  enfant  devait  être  réputé  nouveau-né  pendant  tout  le  fMi$  qui  a 
suivi  sa  naissance»  d'autres  pendant  huit  jours,  d'autres  pendant  trois  jours  seu- 
lement. Un  arrêt  de  la  cour  de  cassation  me  parait  avoir  clairement  posé  la 
limite  ;  il  porte  «  que  la  loi,  en  qualifiant  d'infanticide  et  en  punissant  d'une 
peine  plus  forte  le  meurtre  d'un  enfant  nouveau-né,  n'a  eu  en  vue  qqe  l'hiHni- 
cide  volontaire  commis  sur  un  enfant  nouveau-né,  qui  vient  de  naître,  ou 
dans  un  temps  très-rapproché  de  celui  de  sa  naissance  ;.  que  ses  dispositions 
ne  peuvent  être  étendues  au  meurtre  d'un  enfant  qui  a  déjà  atteint  l'âge  de 
trente  et  un  jours,  et  dont  par  conséquent  la  naissance,  si  elle  n'a  été  légale- 
ment constatée,  n'a  pu,  au  moins  le  plus  souvent,  rester  entièrement  incon- 
nue ;  que  cette  extension  répugne  et  à  la  lettre  de  Tart.  300  et  à  Tesprit  de  la 
législation  sur  l'infanticide,  qui  n'a  voulu  protéger  par  un  châtiment  plus 
.sévère  la  vie  de  l'enfant,  que  lorsqu'il  n'est  pas  encore  entouré  des  garanties 
communes  et  que  le  crime  peut  efiEeicer  jusqu'aux  traces  de  sa  naissance.  >  Il 
suit  de  là  que^  dès  que  la  naissance  est  constatée  ou  que  les  délais  pour  la  con- 
stater sont  expirés,  lorsque  l'enfant  est  entouré  des  garanties  communes,  l'at- 
tentat à  sa  vie  n'est  plus  un  infanticide,  mais  un  simple  meurtre.  Il  est  sans  doute 
inutile  d'ajouter  que,  pour  l'existence  du  crime,  il  est  nécessaire  en  outre  que 
les  éléments  du  meurtre  soient  constatés  :  il  faut  donc  d'abord  un  fait  maté- 
riel d'homicide,  d'où  il  suit  qu'il  est  nécessaire  de  constater  que  l'enfant  est 
né  vivant,  lors  môme  qu'il  ne  serait  pas  né  viable.  Il  faut  en  outre  qu'il  y  ait 
eu  volonté  criminelle  de  le  tuer,  par  conséquent  la  négligence,  le  défaut  de 


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DB  L'hOHMUDB  VOLOMTAIIIB  (aRT.  301)«  339 

i^ins,  Pioipradeiice  même,  ne  vuffiraient  pat  ;  mais  ici  comme  poar  le  parri- 
cide» la  préméditation  est  une  droonstance  indifférent».  Enfin»  il  importe  pen 
qne  l'inÂinticide  ait  été  eommie  par  la  mère  on  par  nn  tiers  :  ce  n'est  point 
contre  la  mère  seulement  qne  Fart.  302  a  prononcé  la  peine  de  mort,  c'est 
contre  tonte  personne  conpid>le  de  crime  ;  c*e8t  Tenfiml  sortont  qne  la  loi  a 
▼onhi  protéger  et  le  besoin  de  protection  est  le  même,  qneis  qne  soient  les 
«gents  qui  attentent  à  ns  Jours. 

84i.  La  troisième  circonstance  aggravante  de  menrtreest  la  préméditation 
<m  le  gneUapens. 

«  Aet.  296.  Tout  meurtre  commis  avec  préméditation  ou  de  guet-apens  est  qua- 
lifié assassinat.  » 

Qn'est-ce  que  la  préméditation?  qu'est-ce  qne  le  guet-apens?  CSes  deux  cir- 
constances sont  définies  par  les  art  297  et  298. 

a  Art.  297.  La  préméditation  consiste  dans  le  dessein  fermé,  ayant  l'actioii, 
d*attent6r  à  la  personne  d'nn  individu  déterminé  ou  même  de  celui  qui  sera  trouvé 
ou  rencontré  quand  même  ce  dessein  serait  dépendant  de  quelque  circonstance  ou 
de  quelque  condition.  » 

<  Art.  298.  Le  guet-apens  consiste  à  attendre  plus  ou  moins  de  temps,  dans  un 
ou  divers  lieux,  nn  individu,  soit  pour  lui  donner  la  mort,  soit  pour  exercer  sur 
lui  des  actes  de  violence.  » 

Remarquez»  d'abord,  qne  le  guet-apens  n'est  qu'une  espèce  de  prémédita- 
tion, car  ses  embûches  la  supposent  nécessairement.  On  peut  donc  dire  que 
c'est  la  préméditation  seule  qui  qu^téri8ej*a88a8sinat  La  préméditation  ren- 
ferme  elie-Sidmé  la'^otbnië'd'é  iuer]  mais  c*est'ïa  volonté  réfléchie  et  délibé- 
rée, la  volonté  cf ni  prépare  les  moyens  d'exécution  et  attencHe  mbmenOaVo' 
îaBle  pour  les  employer,  C'estun  degré  plus  3ëv^  cle  la  criminalité.  La  volonté 
d6  lUtif  l^éU  flVéllI'  élè'  instontanément  excitée  par  une  passion  quelconque, 
elle  peut  avoir  subi  Tempire  de  cette  passion,  sans  que  la  raison  ait  eu  le  temps 
de  la  contenir  et  de  l'apaiser.  La  préméditation  n'a  point  cette  excuse  de  l'em- 
portement; elle  suppose  une  mûre  délibération,  un  parti  pris  de  sang-froid. 
La  distinction  faite  par  la  loi  répond  donc  à  une  distinction  faite  par  la  con- 
science ;  elle  sépare  d'ailleurs  deux  faits  qui  n'ont  pas  le  môme  péril  pour  Tor- 
dre, car  un  crime  prémédité  compromet  plus  gravement  la  sécurité  publique 
qu'un  crime  commis  dans  un  premier  mouvement.  Posons  donc  en  principe 
qu'un  triple  élément  est  nécessaire  pour  l'existence  du  crime  d'assassinat  : 
le  faifc  matériel  de  Thomicide,  la  volonté  criminelle  de  tuer  et  la  prémé 
ditation. 

342.  L'empoisonnement  est,  cpmme  Taasassinat,  un  homicide  volontaine 
<^mmis  avec  préméditation  :  il  ne  prend  un  caractère  spécial  que  dans  le  mode 
4e  son  exécution. 

«  Art.  301.  Est  qualllié  empoisonnement  tout  attentat  à  la  vie  d'une  personne, 
par  l'effet  de  substances  qui  peuvent  donner  la  mort  plus  ou  moins  promptement, 
de  quelque  manière  que  ces  substances  aient  été  employées  ou  administrées  et 
quelles  qu'en  aient  été  les  suites.  » 


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340      yimTiÉMR  uç..*^  l>«»  cnuiiSiJrr  joÉun^  btg*  (n*  342). 

L'aUentfti  à  la  vie suppoM  néoessaifemeBlla  foloQléda  iaer  ;  rempûîsoniw» 
laent  doit  donc  renfermer  en  pgreinier  liea  Ions  les  éléments  dn  meurtre.  Il  est 
difficile  ensuite  que  la  volonté  de  donnev  la  mort  par  le- poison  ne  contienne 
pas  en  elle-même  la  préméditation»  Gar  la  préparation  du.  poiste  etige  des 
délais  et  des  combinaiaons  qui  démontrant  one  déllMfatîea  antérieure.  Oa  lit 
dans  l'exposé  des  motifs  du  Gode  :  ■  Le  crime  d'«mpoisonnement  est  un 
véritable  assassinat,  car  il  suppose  nécessairement  on  dessin  antérieur.  »  tiii 
la  loi  n'a  pas  exprimé  cette  condition,  c*est  parce  qne  les  deux  droonsUBces 
de  la  volonté  et  de  la  préméditation  sont  inséparables  par  la  natoce.  même  .du 
fait.  Il  est  impossible,  en  effet,  que  l'agent  se  soit  procuré  le  poison  et  Tait 
mêlé  aux  aliments  d'une  personne,  sans  qu'eUe  ait  médité  à  l'avance  cette 
action. 

La  principale  difficulté  inhérente  à  cette  incrimination  est  de  savoir  à  quel 
instant  deTexécution  le  crime  doit  être  réputé  commencé  ou  consommé.  Celui 
qui  n'a  fait  que  concevoir  le  dessein  à'un  empoisonnement  n'est  pas  coupable 
aux  yeux  de  la  loi  ;  la  morale  l'accuse  et  le  coadanme,  la  justice  ne  peut  lui 
demander  compte  de  sa  pensée;  mais,  si  oelleHÛ  se  manifeste  par  des  faits, 
la  loi  s'en  saisit;  elle  les  caractérise.  U  fant  eommeneer  par  séparer  les  faits 
extérieurs  et  les  actes  d'exécution.  Concerter  l'empoisonnement  d'une  personne, 
acheter  du  poison,  le' confier  à  l'individu  chargé  de  l'administrer,  ce  n'est 
encore  qne  préparer  l'empoisonnement.  Le  premier  acte  d'exécution  consiste 
à  verser  le  poison  dans  les  aliments  de  la  victime  :  il  y  a  des  dès  lors  tentative  ; 
elle  dure  tant  que  le  coupable  peut  empêcher  la  consommation  du  crime  ou 
qu'un  événement  quelconque  peut  la  suspendre.  Le  Code  pénal  de  1791  con- 
tenait sur  ce  point  une  disposition  formelle  :.  •  Si  toutefois,  avant  l'empoison- 
nement effectué,  ou  avant  que  l'emposionneur  des  aliments  et  breuvages  ait 
été  découvert,  l'empoisonneur  arrêtait  l'exécution  du  crime,  soit  en  suppri- 
mant lesdlts  aliments  on  breuvages,  soit  en  empêchant  qu*on  en  fasse  usage, 
l'accusé  sera  acquitté,  m  Si  cette  disposition  n'a  pas  été  reproduite  dans  notre 
Gode,  c'est  qu'elle  se  troi^vait  expressément  contenue  dans  l'art.  2.  c  Cette  dis- 
position, porte  l'exposé  des  motifs,  éta^t  nécessaire  lorsqu'elle  fut  adoptée, 
parce  qu'alors  il  n'existait  aucune  loi  contre  la  tentative.  Mais  l'art.  2  du  nou- 
veau Gode,  qui  la  prévoit  et  la  définit,  annonce  assez  qu'aucune  tentative  ne 
sera  considérée  comme  le  crime  môme,  lorsqu'elle  aura  été  arrêtée  par  la 
volonté  de  l'auteur,  et  non  par  des  circonstances  fortuites  et  indépendantes  de 
sa  volonté.  »  Dès  que  le  poison  a  été  employé  ou  administré,  le  crime  est  con. 
sommé  ;  l'action  ne  changera  plus  de  caractère,  quelles  que  soient  les  suites 
de  l'attentat,  t  L'empoisonneur,  porte  encore  Texposé  des  motifs,  est  toujours 
présumé  avoir  voulu  donner  la  mort,  alors  même  que  le  défaut  de  quantité  ou 
de  qualité  des  substances  délétères,  la  force  du  tempérament,  les  secours  de 
Fart  ou  d'autres  circonstances  étrangères  au  coupable,  ont  sauvé  Tobjet  de  son 
crime.  »  Cependant,  il  est  nécessaire,  pour  Texistence  du  crime,  et  la  loi  est 
précise  sur  ce  point,  que  la  substance  administrée  ait  pu  donner  la  nwri  ;  car, 
si  elle  n*avait  pas  cette  puissance,  il  est  clair  qu'il  ne  peut  y  avoir  d'empoi- 
sonnement, puisque  la  pensée  du  crime  ne  suffît  pas  pour  le  constituer,  que  le 
fait  matériel  de  rempoisonnement  consiste  précisément  daos  l'administration 
d'une  substance  capable  de  donner  la  mort.  U  en  serait  alors  comme  d'ua 

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DE  i'HOMIGIDB  V0L6NrA1R%  (art. -904).  311 

coup  de  fasil  tiré  avec  une  armé  chargée  i  pondre.  Il  a  ttiéme  été  jugé  qne, 
lbrsq[u'nne  substance  capable  de  déterminer  la  mort  a  été  mélangée  à  une 
autre  substance  qui  a  neutralisé  Tefifet  du  poison,  celui  qui  a  administré  cette 
mixtion,  même  avec  Tintention  d*attenter  à  la  vie  d*une  personne,  n'est  coupa- 
ble ni  du  crime  d'empoisonnement  ni  de  la  tentative  de  ce  erime. 

848.  La  loi  assimile  au  crime  d'assassinat  :  1«  les  actes  de  tortures  ;  %•  la 
concomitance  du  meurtre  avec  un  antre  crime  o«  délit. 

c  Art.  303.  Berônt  punis,  comme  coupaMes  d'assassinat»  tous  Ybalfoiteurs,  queHe 
qtie  soit  leur  détnemlnation,  qui,  pour  Teiéoution  de  leurs  crimes,  enpknent  des 
tortures  ou  commettent  des  actes  de  bsii>aris.  ». 

Cet  article  a  été  introduit  dans  le  Gode  pour  atteinâre  les  lumées  de  bri- 
gands qtii,  pendant  qndques  années,  à  la  suite  des  guerres  eiviies  qui  avaient 
éclaté  sur  quelques  parties  du  territoire^  ont  désolé  la  France.  L'exposé  des 
motifs  porte  :  «  Le  Gode  assimile  anx  assassins  et  punit  comme  tels  tous  mal- 
fidt^rs,  quelle  que  soit  leur  dénomination,  qui  ^  pourFexéciitîon  de  leurs  cri- 
mes, emploient  des  tortures  on  coàimettent  des  acte»  dé  H'barie.  Ces  indivi- 
dus, à  qui  les  moyens  les  plus  horril^sne  ooAtent  rien,  pevrm  qu'ils  arrivent 
à  leurs  fins  et  quelle  portent  la  terreur  et  la  désolation  partout  où  ils  existent^ 
ne  peuvent  être  retenus  par  la  crainte  du  dernier  supplice.  Cette  disposition 
rappellera  à  quelques  habitants  de  nos  provinces,  naguère  défvastées,  ces  ban- 
des féroces,  horriblement  connues  sous  le  nom  de  chasiffsurs  et  garrotteurs, 
noms  affreux,  mais  heureusement  relégués  dans  les  annales  de  nos  guerres 
dviles.  » 

Les  termes  de  Fart.  SOS  sont  évidemment  trop  vagues.  Que  faut-il  entendre 
par  mal&iteurs  f  de  quels  crimes  s'agit-il  f  quels  sont  1^  caractères  des  actes 
de  torture  et  de  barbarie  ?  1)  est  difficile'de  répondre  avec  précision  à  ces  qves-^ 
tiens.  La  dénomination  de  malfaiteurs  parait  supposer  la  perpétration  anté^»: 
rieure  d'autres  méfaits;  cependant  la  loi  n'exige  ni  cette  perpétration  ni 
même  l'existence  d*auciilie  bande -eu  associatioin.  Quant  aux  erimes,  dont  les 
actes  de  barbarie  ne  sont  qu'un  moyen  d'exécution,  il  s^gît  évidemment,  sur- 
tout si  Ton  se  reporte  aux  motifs  du  Godé,  ^e  vois  commis  avec  violence,  de 
pillage,  de  déprédations.  Mais  la  kâ  n'ayant  [point  prénsé  ces  orimfis,  il  en  ^ 
résulte  que  tout  autre  crime  peut  rentrer  dans  lestermeé  de  cette  disposition. 
Ainsi,  les  tortures  employées  pour  consommer  un  attentat  à  la  pudeur,  un 
viol,  pourrait  motiver  son  applteaiîon  ;  car  les  actes  de  bturbarie  ne  sont  pas: 
de  simples  actes  de  violence,  oeeont  des  «dtes  deel3Baaté,4esiM«'nwtériels,- 
tels  que  les  blessures,  les  mutilations.  La  loi  ne.les  a  pas  définis,  elle  lésa 
abandoniiés  à  l'appréciation  du  juge,  mais,  en  dennant  pour  exeaiples  les  actes 
cornsnis  par  les  batideé  de  brigatiésdansles  guenresinviies,  eHe  afàH  oonnaltre 
sa  pensée  générale.  ..      .  • 

M4.  La  dernière  dr^etostanee  aggravante  du  mMurtre  est  prévue  papl'art.  804. 

«  Aiit«  104.  Le  meurtre  esipertsra  la 'peine' doier^  loi^squ*!!  auta  précédé^  • 

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34[2        TIN6TIÉMB.UIÇ. .~  DBS  CgajMXS  BT  DÉUTfi,  BT€.   (m*  344). 

aocom{>agnè  ou  suivi  un  autre  crime.  —  Le  meurtre  emportera  également  la  peine 
oie  mort,  lorsqu'il  aura  pour  objet,  soit  de  préparer,  faciliter  ou  exécuter  un  délit» 
soit  de  favoriser  la  faite  ou  d'assurer  l'impunité  des  auteurs  complices  de  ce  délit. 
—  En  tout  autre  cas,  le  coupable  de  meurtre  sera  puni  des  travaux  forcés  à  per- 
pétuité. » 

Cet  artide  exige  quelques  explications.  Dans  le  Ck)de  de  1810  Part.  304 
était  ainsi  conçu  :  c  Le  meurtre  emportera  la  peine  de  mort,  lorsqu'il  aura 
précédé,  accompagné  ou  suivi  un  autre  crime  ou  délit.  •  Cet  article,  à  raison 
de  la  trop  grande  portée  de  ses  dispositions,  avait  été  Tobjet  de  beaucoup  de 
critiques.  Sn  1832»  le  projet  de  loi  modificatif  du  Gode  proposiT  la  rectifi- 
cation suivante  :  «  Le  meurtre  emportera  la  peine  de  mort  lorsqu'il  aura  eu 
pour  objet,  soit  de  préparer,  faciliter,  ou  exécuter  un  autre  crime  ou  délit  qui 
l'aura  précédé,  accompagné  ou  suivi,  soit  de  favoriser  la  fuite  ou  d'assurer  de 
toute  autre  manière  l'impunité  des  auteurs  ou  complices  dudit  crime  on 
délit.  •  Il  ne  suffisait  plus  dans  ce  système  qu'il  y  eût  concomitance  des  deux 
faits,  il  fallait  que  ces  deux  faits  fussent  liés  par  une  corrélation,  par  un  rap- 
port de  cause  à  effet.  Cette  théorie  fut  combattue  dans  la  discussion  :  t  Cette 
idée,  disait  le  rapporteur,  est  éminemment  juste,  morale  et  philosophique. 
On  comprend  bien  qu'un  crime  ou  un  délit  ne  puissent  aggraver  le  meurtre 
que  quand  ils  ont  eu  pour  but  de  le  préparer  et  de  le  faciliter,  ou  d^en  faire 
disparaître  les  preuves;  mais  votre  commission  a  craint  que  ces  rapporta 
pr  sque  impossibles  à  saisir  ne  se  présentassent  pas  avec  la  netteté  désirable 
à  Tesprit  des  jurés,  et  elle  a  substitué  à  l'article  du  projet  une  disposition 
phis  simple  qui  ne  donnerait  lieu  à  aucune  équivoque.  Le  meurtre  précédé, 
accompagné  on  suivi  d'un  crtme,  serait  puni  de  mort.  Par  là  est  écartée  l'hypo- 
thèse de  la  simultanéité  d'un  délit,  et  il  ne  reste  plus  que  la  concomitance 
d'un  crime  et  d'un  meurtre.  »  Il  y  avait  dès  lors  deux  systèmes  distincts  : 
celui  du  projet,  qui  appliquait  la  peine  de  mort  à  la  corrélaiion  du  meurtre 
avec  un  crime  ou  un  délit;  celui  de  la  commission,  qui  a[^liquait  la  même 
peine  à  la  simple  coneomitanee  du  meurtre  avec  un  fiait  qualifié  crime.  Or,  ces 
deux  systèmes  ont  fini  par  prendre  place  l'un  et  l'autre  dans  l'art.  304  :  la 
simple  concomitance  des  deux  faits  suffit,  quand  le  second  fait  est  un  crime; 
il  faut,  en  outre,  une  corrélation,  un  rapport  de  causalité,  quand  le  second 
fait  n'est  quun  délit.  Voilà  le  sens  de  cet  article. 

Maintenant  que  faut-il  entendre,  dans  le  premier  paragraphe  de  l'article  304» 
par  ces  mois  :  lorsqu'il  aura  précédé,  accompagné  ousidoi  un  autre  crime  ?  IL 
faut  entendre  que  les  deux  crimes  ont  été  commis  dans  le  même  trait  de^ 
temps,  tn  eodem  tratiu  iemporis:  c'est  cette  simultanéité  qui  enaccroit  la  cri- 
minalité parce  qu'il  en  résulte  que  les  deux  crimes  se  confondent  en  quelque 
sorte  dans  une  même  action,  qu'ils  concourent  Tun  avec  l'autre  pour  consU-^ 
tuer  en  quelque  sorte  un  seul  et  même  crime.  Dans  le  deuxième  paragraphe, 
la  silnultanéité  des  deux  faits  existe  également,  mais  il  faut  en  outre  que  le 
meurtre  ait  eu  pour  objet,  ou  de  préparer,  faciliter  ou  exécuter  le  délit,  ou  de 
favoriser  la  fuite  ou  d^assurer  l'impunité  des  auteurs  de  ce  délit.  Ainsi,  l'aggra- 
vation du  meurtre  naît  ici,  nos  plus  seulement  de  la  conoomitaiioe  des  d#qx 
faiu,  mais  du  rapport  qui  unit  l'un  avec  l'autre,  de  la  corrélation  qui  existe 
entre  l'un  et  l'autrey  JLI  est  dair  qu'il  est  néofimaire  de  consteteri  dans  (a  pre* 

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DBS  MSKAGn  (art.  305).  343 

mière  hypothèse,  la  concomitance  des  deax  crimes,  et  dans  la  seconde,  la  cor- 
rélation du  crime  avec  le  délit  :  c'est  ce  senl  rapport,  en  effet,  soit  de  temps, 
soit  de  cause,  qni  forme  l'élément  de  l'aggravation.  Il  est  égalemem  néees* 
saire  de  constater,  dans  l'un  et  l'autre  cas,  les  caractères  constitatifs  soit  du 
crime,  soit  du  délit,  car  ce  n'est  que  lorsque  le  ùâi  concomitant  ou  eorrélatif 
constitue  un  crime  ou  un  délit,  que  la  peine  peut  s'élever. 

DES  HEHâCBS. 

B45.  Le  Cîode  pénal  ne  panit  les  menaces  que  lorsqu'elles  se  manifestent 
avec  des  circonstances  qui  leur  impriment  le  caractère  d'une  résolution  arrêtée 
et  qu'elles  ont  pour  but  un  attentat  contre  les  personnes.  Cest  là  ce  qui 
explique  lajplace  qu'elles  tiennent  dans  Tordre  des  crimes  et  des  délits.  Ainsi, 
les  menaces  simplement  verbales,  qui  n'ont  pas  un  caractère  disiinctif  de  pré* 
méditation,  ne  sont  soumises  à  aucune  peine:  elles  sont  regardées  comme  Tex- 
pression  insignifiante  et  éphémère  de  la  vivacité  et  de  l'irréflexion.  Les  menaces 
ne  tombent  sous  le  coup  de  la  loi  pénale  que  lorsqu'elles  sont  faites  paie  écrit 
ou  qu'elles  sont  accompagnées  d'un  ordre  ou  d'une  condition,  t  De  telles 
menaces,  porte  l'exposé  des  motifs,  lorsqu'elles  sont  écrites,  annoncent  un  des- 
sein prémédité  de  faire  le  mal.  Le  plus  souvent  récrit  oii  elles  se  trouvent 
contient .  un  ordre  quelconque  :  par  exemple,  l'ordre  de  déposer  une  somme 
d'argent  dans  un  lieu  indiqué.  La  personne  menacée  est  dans  une  situation 
d'autant  plus  critique,  qu'elle  ne  peut  pas  se  mettre  continuellement  en  garde, 
et  qu'elle  craint  toujours  que,  si  elle  n'obéit  point  à  l'ordre,  tôt  ou  tard,  et  au 
moment  oh  elle  y  songera  le  moins,  elle  ne  finisse  par  être  victime  du  crime 
dont  elle  est  menacée.  La  terreur  que  ces  menaces  inspirent  ne  nuit  pas  seu- 
lement à  la  tranquillité  de  la  personne  qui  en  est  l'objet,  elle  est  partagée  par 
beaucoup  d'autres  qui  redoutent  pour  elles  le  même  sort.  Ge  que  nous  venons 
d'observer  trouve  également  son  application  si  l'écrit,  au  lieu  de  contenir  l'or* 
dre  de  déposer  une  somme,  contient  celui  de  remplir  une  condition  quelcon- 
que :  en  ce  dernier  cas,  il  y  a  toujours  violence,  et  violence  préméditée,  avec 
dessein  d'obtenir  ce  qu'on  n'a  pas  le  droit  d'exiger.  • 
MB.  L'art.  305  est  ainsi  conçu  : 

«t  Abt.  305.  Quiconque  aura  menacé,  par  écrit  anonyme  ou  signé,  d'assassinat, 
d'empoisonnement,  ou  de  tout  autre  attentat  contre  les  personnes  qui  seraient 
punissables  de  la  peine  de  mort,  des  travaux  forcés  à  perpétuité  ou  de  la  dépor- 
tation, sera  puni  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps,  dans  le  cas  où  la  menace 
aura  été  faite  avec  ordre  de  déposer  une  somme  d'argent  dans  un  lieu  indiqué,  ou 
de  remplir  toute  autre  condition*  » 

Ge  sont  là  les  menaces  les  plus  graves  ;  peut-être  néanmoins  la  peine  est^Ue 
un  peu  exagérée  dans  sa  sévérité  (Voy.  tn/Vd,  n<>  317),  car  les  menaces,  quelles 
qu^eUes  soient,  ne  sont  encore  qu'une  résolution,  un  projet,  un  acte  purement 
préparatoire.  La  loi  exige  du  moins,  pour  l'application  de  cette  peine,  que  les 
menaces  soient  faites  par  écrit,  qu'elles  aient  pour  objet  un  attentat  contrôlée 
peirsonnes,  passible  de  la  peine  de  mon  ou  d'une  peine  perpétuelle,  enfi 

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344       VINaTIÈMB  LBÇ.  —   DBS  CailOBB  KT  DÉUT6,  ETC.   (n*  347). 

qH'ellAs  soient  accompagnées  d'un  ordre  ou  d*ane  condition.  Il  est  éyident 
d'ailleurs  qnB  la  menace  faite  sous  condition  comprend  dans  la  généralité 
de  ses  termes  la  menace  boub  condition  de  ne  pas  faire,  de  s'absteniii  comme 
ceHe  de  faire. 

Lonqoe  la  menace  n'a  été  accompagnée  d*aucun  ordre  on  condition»  on  ne 
peut  Tattribuer  qu'au  désir  de  répandre  Teffroi,  sans  aucun  but  de  s'ap- 
proprier le  bien  d'autrui.  Le  fait  n'a  donc  pas  la  même  criminalité;  de 
là  rart.  306. 

a  Art.  306.  Si  cette  menace  n'a  été  accompagnée  d^aucun  ordre  ou  condition,  la 
peine  sera  d*un  emprisonnement  de  deux  ans  au  moins  et  de  cinq  ans  au  plus,  et 
d'une  amende  de  100  à  600  ft*.  » 

Pal' dit  que  la  menace  purement  verbale  ne  rentrait  point  dans  les  termes  de 
la  loi.  dette  régie  admet  une  exception  pour  le  cas  où  cette  menace  est  accom« 
pagnée  d'oa  oidre  ou  d'une  condition  : 

«  Art.  307.  Si  la  menace  faite  avec  ordre  ou  sous  condition  a  été  verbale,  le 
coupable  sera  puni>  d*un  emprisonnement  de  six  mois  &  deux  ans  et  d'une  amende 
de  25  à  300  fr.  » 

La  menace  même  verbale,  en  effets  lorsqu'elle  se  complique  d'un  ordre  ou 
d'une  condition^  n'est  plus  seulement  un  propos  irréfléchi,  proféré  dans 
un  mouvement  de  colère,  elle  suppose  une  intention  préméditée,  une  combi- 
naison d'action  qui  peut  présenter  quelque  péril.  Ce  péril  est  moindre  toutefois 
que  lorsqu'il  s'agit  d'une  menace  écrite,  parce  que  la  menace  verbale 
suppose  une  moindre  audace  dans  l'agent,  une  combinaison  moins  compli- 
quée dans  son  action.  L*art.  308  a  ajouté  une  surveillance  facultative  dans  les 
deux  hypothèses  des  art.  306  et  307  ;  cette  surveillance  est  de  plein  droit  dans 
l'art.  305. 

Les  règles  que  je  viens  d* exposer  s'appliquent  également  aux  menaces 
d*incendie. 

a  Art.  436.  La  menace  d'Incendier  une  habitation  ou  toute  autre  propriété  sera 
punie  de  la  peine  portée  contre  la  menace  d'assassinat  et  d'après  les  distinctions 
établies  par  les  art.  305,  306  et  307.  » 

Cet  article  ne  fait  donc  qu'ajouter  un  cas  nouveau  aux  cas  prévus  par 
les  articles  305^  306  et  307.  C'est  simplement  une  disposition  complémentaire 
de  ces  articles. 

847.  Les  art.  305,  306,  307  et  308  qui  précèdent  ont  été  partiellement 
modifiés  par  la  loi  du  13  mal  1863.  La  modificatipn  relative  aux  art.  305  et  306 
n'est  qu'une  atténnatîoa  de  la  pénalité.  A  la  peine  des  travi^ux  forcés  à  temps» 
dans  l'art.  8^,  la  loi  a  substifaué  un  emprisonnement  de  deux  à  cinq  ans  et. 
uneamende^e  150  à  1000  iraipics*  A  lapeine  d^empri^onnement.dedeox  i 
cinq. ans  portée  par  l'art.  309.1a  loi  a  substitué  un  em|»risoanement  d'uni  . 
trois  ans.  Bn&n,  elle  a  a^ut^  éw»  les  art.  3ÔS,  à06  e\90l,  U  peip/s  de  la  s«v^. 


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DBS   MENAGES   (ART.   508).  345 

yeillanoe  qui  faisait  l'objet,  dans  Part.  308,  d'une  disposition  particulière. 
Ces  additions  ont  laissé  libre  le  n«  308  du  Godé,  et  la  loi  y  a  pl^cé  une  dis- 
position nouvelle  : 

«  AaT.  308.  Quiconque  aura  menacé  violemment  ou  par  écrit,  de  voies  de  fait  ou 
violences  non  prévues  par  Tart.  305,  si  la  menace  a  été  faite  avec  ordre  ou  sous 
condition,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  six  Jours  à  trois  mois  et  d'une 
amende  de  16  S  100  fr.  ou  de  l'une  de  ces  deux  peines  seulement.  « 

Les  motifs  de  cette  disposition  ont  été  exposés  dans  les  termes  qui  suivent  : 
f  II  suffit,  pour  échapper  aux  peines  légales,  d'entourer  la  menace  d'une  forme 
un  peu  vague,  ou 'de  ne  la  faire  passer  que  sur  un  fait  qui  ne  soit  puni  que 
d^une  peine  correctionnelle.  Or,  pense-t-on  qu'un  homme  menacé,  par  exem- 
ple, d'être  roué  de  coups  ou  d'être  souffleté  publiquement,  s'il  ne  se  soumetpas 
à  telle  ou  telle  exigence,  ne  puisse  éprouver  un  trouble  sérieux,  et  ne  con- 
YÎent-îI  pas  même  dans  ce  cas  de  lui  offrir  la  protection  de  la  lof?  8i  on  la  lui 
refuse,  il  ne  la  demandera  qu'à  lui-même,  il  portera  des  armes  et  de  graves 
accidents  pourront  quelquefois  s'ensuivre.  Nous  avons  eru  qu'une  disposition 
nouvelle  était  nécessaire.  Elle  punit  toutes  les  menaces  écrites  ou  verbales  por- 
tant sur  d'autres  faits  que  ceux  prévus  par  l'art.  308  ;  mais  pour  éviter  d'incri- 
miner de  simples  paroles  irréfléchies,  échappées  à  un  mouvement  de  vivacité 
ou  de  colère,  elle  exige  que  la  menace  ait  eu  lieu  pour  exercer  une  contrainte, 
c'est-à-dire  qu'elle  ait  été  faîte  avec  ordre  ou  avec  condition.  Les  tribunaux 
apprécieront  les  circonstances  diverses  de  nature  à  établir  que  cette  menace 
n'était  pas  une  vaine  jactance,  qu'elle  avait  pour  but  et  qu'elle  était  capable 
d'intimider  sérieueement  la  personne  qui  en  était  l'objet,  i 

DES  COUPS  ET  BLESSURES  VOLONTAIRES. 

848.  L'incrimination  des  coups  et  blessures,  des  violences  et  voies  de  fait 
donne  lieu  à  de  graves  difEcultés,  parce  que  le  résultat  matériel  n'est  pas  né- 
cessairement en  rapport  avec  le  degré  de  l'intention  criminelle.  Le  rapporteur 
du  Corps  législatif  disait  à  cet  égard  :  «  Il  est  difficile  d* apprécier  dans 
cette  partie  la  juste  mesure  de  la  gravité  du  crime  et  de  la  perversité  de  son 
auteur  i  le  nombre  des  peines  est  borné,  les  nuances  des  crimes  sont  aussi 
variées  que  celles  des  caractères.  U  y  a  dans  cette  matière  beaucoup  à  dire  et 
beaucoup  à  supposer;  il  ne  faudrait  rien  laisser  à  supposer,  et  il  est  impossible 
de  tout  dire.  Dans  cette  pénible  altemativCi  commandée  par  la  nature  du  sujet 
et  les  bornes  de  l'esprit  humain,  il  faut  poser  quelques  jalons  sur  une  route 
impossible  à  tracer  et  rattacher  les  espèces  et  leurs  innombrables  variétés  à 
quelques  points  fixes,  à  quelques  principes  généraux  ;  les  juges  feront  le  reste.  » 
Ces  principes  consistent  à  prendre  pour  base  de  la  gravité  des  eoups  et  bles- 
sures le  résultat  matériel  de  ces  Potences,  la  durée  de  k  maladie  cm  l'incapa- 
cité de  travail  qu'elles  ont  occasionnée  :  le  législateur,  soit  qu'il  ait  jugé  cette 
tâche  trop  difficile,  soit  qu'il  ait  craint  Hnexactitude  d'une  autre  base 
n*a  point  cherclié  d^autres  éléments  de  l'intention  criminelle  dont  il  const9 
lu»-mêne  les  nufmœs  diverses^ 

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346        TINGTIÈMB  LBÇ.  —  DES  CRIMES  BT  DÉLITS,  BTG.   (n®  348). 

Le  Gode  distingae  trois  espèces  de  coups  et  blessures  :  1»  les  coups  et  bleS' 
sures  qui  n^ont  occasionné  aucune  maladie  ou  incapacité  de  travail  de  plus  de 
vingt  jours;  2<>  ceux  qui  ont  en  pour  résultat  une  maladie  ou  incapacité 
de  plus  de  vingt  jours  ;  3*  enfin  ceux  qui  ont  occasionné  la  mort. 

La  loi  du  13  mai  1863  a  modifié  cette  division  et  les  effets  qui  y  avaient  été 
attachés.  L'exposé  des  motifs  critique  d'abord  la  disposition  qui  faisidt  du  fait 
un  crime  ou  un  délits  suivant  que  la  maladie  durait  plus  ou  moins  de  vingt 
jours.  «  A  quel  signe,  dit  cet  exposé,  reconnaître  la  perversité  de  Fagent  et 
rintensité  de  sa  volonté  criminelle  ?  Elle  ne  sera  que  très-imparfaitement  révé- 
lée par  le  résultat  matériel  des  blessures  ou  des  coups.  Ce  résultat,  en  effet,  sa 
gravité  ou  son  peu  d'importance  dépendent  de  bien  des  causes  qui  ne  peuvent 
être  imputées  à  l'agent.  Est-ce  à  dire  pour  cela  qu'on  n'en  doit  tenir  aucun 
compte  dans  la  pénalité,  que  les  violences,  les  excès  qui  eurent  des  suites  dé- 
plorables, ne  doivent  pas  être  réprimés  plus  sévèrement  que  les  voies  de 
fait  et  les  violences  légères?  Non,  certes;  c'est  un  principe  inscrit  dans  la  con- 
science humaine  que  le  délit  devient  plus  grave  avec  le  préjudice  :  là  n^est 
point  la  difficulté.  Mais  ce  qui  est  vraiment  difficile,  c'est  d'établir  des  catégo- 
ries pour  la  distribution  des  peines,  en  fixant,  par  avance,  d'une  manière  uni- 
forme, invariable,  les  conditions  de  durée  et  de  gravité  du  mal,  qui  feront  que 
la  blessure  soit  crime  ou  délit.  Que  l'incapacité  de  travail  puisse  motiver  jus- 
tement une  répression  correctionnelle  plus  sévère,  nous  le  reconnaissons 
volontiers  ;  mais  nous  ne  croyons  pas  qu'on  puisse  lui  attribuer  la  vertu  de 
changer  le  caractère  de  l'infraction  et  la  nature  de  la  peine.  Elle  n'a  pas  la  cer- 
titude et  la  fixité  nécessaires  pour  servir  de  limite  entre.deux  juridictions  et  de 
base  à  une  distinction  aussi  fondamentale  que  celle  de  crime  ou  délit.  On  peut 
trop  facilement  en  prouver  Tapparence  et  en  prolonger  la  durée.  Trop  de  causes 
étrangères,  qui  ne  sont  pas  toutes  de  bon  aloi,  peuvent  concourir  à  sa  forma- 
tion :  l'erreur,  l'inhabileté,  l'imprudence,  le  défaut  de  soin,  la  fraude  intéres- 
sée. Le  fait  principal  môme,  hors  les  cas  de  préméditation,  porte  rarement 
avec  lui  un  caractère  marqué  d'immoralité.  Il  y  a  dans  ces  actes  de  violence 
plus  d'irréflexion  et  de  colère  que  de  volonté  criminelle  :  ce  sont  des  faits  de 
rixe  et  d'emportement  où  le  blâme  n'est  pas  toujours  du  côté  de  la  peine  et  que 
le  jury  résiste  à  punir  comme  des  crimes.  •  Ces  considérations  sont  en  général 
exactes,  et  la  critique  qu'elles  font  porter  sur  le  Gode  de  1810  est  fondée;  mais 
il  est  cependant  peut-élre  à  regretter  que,  en  correctionnalisant  les  coups  et 
blessures  qui  ont  occasionné  une  incapacité  de  travail  de  plus  de  vingt  jours, 
la  loi  les  ait  soustraits  à  la  juridiction  du  jury.  Il  semble  que  ce  soient  là  des 
faits  qui,  par  leur  nature,  appartiennent  au  jury  parce  que  leur  criminalité 
dépend  surtout  de  Tintenlion  et  de  la  moralité  des  agents.  Yoici  le  texte  modifié 
des  art.  309,  310,  311  et  312. 

«  ART.  309.  Tout  individu  qui  volontairement  aura  fait  des  blessures  ou  porté 
des  coups  (m  commis  taule  aiUrê  violence  ou  voie  de  fait,  s'il  est  résulté  de  ces 
sortes  de  violenoes  une  maladie  ou  incapacité  de  travail  personnel  pendant  plus  de 
vingt  Jours,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  deux  à  cinq  ans  et  d'une  amende 
de  16  à  2,000  Cr.  Il  pourra  en  outre  être  privé  des  droits  mentionnés  en  Tart.  42 
du  présent  Gode  pendant  cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus,  à  compter  du  Jour 
où  il  aura  subi  sa  peine.  —  Quand  les  viitlenoes  eî^dessus  exprimées  auroni  été 

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COUP»  R  BunoiUB  viNbOHTAïais  (art.  312).  347 

syMês  de  tnuHlaêUmf  ampmkMon  ou  privahoft  de  tueage  d^un  membre^  cécité, 
perte  d^un  œil,  ou  mUret  ûifirmiUs  permanentes,  le  coupable  sera  puni  de  la  réclu- 
sion. —  Si  les  coups  portés  ou  les  blessuras  fiiites  volontairement,  mais  sans  in- 
tention de  donner  la  mort,  l'ont  pourtant  occasionnée,  le  coupable  sera  puni  des 
travaux  forcés  à  temps.  » 

«  Art.  310.  Lorsqu'il  y  aura  eu  préméditation  ou  guet-apens,  la  peine  sera,  si 
la  mort  s'en  est  suivie,  celle  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  ^t  les  violences  ont 
été  suivies  de  mutilation,  amputation  ou  privation  de  Vusage  d^un  membre^  eédté, 
perte  d*un  eril,  ou  autres  infirmités  permanentes,  la  peins  sera  eeUe  des  iranaua 
forcés  à  temps.  Dans  le  cas  prévu  par  le  1**  S  ^^  i'&>^-  309,  la  peine  sera  oelle  de 
la  réclusion.  » 

«  Art*  311.  Lorsque  les  blessures  ou  les  coups,  ou  autres  violences  ou  voies  de 
fait  n'auront  occasionné  aucune  maladie  ou  incapacité  de  travail  personnel  de 
l'eapéce  mentionnée  en  l'art.  309,  le  coupable  sera  puni  d'un  emprisonnement  de 
six  jours  à  deux  ans  et  d'une  amende  de  16  à  200  fr.  ou  de  l'une  de  ces  deux 
peines  seulement.  —  S'il  y  a  ou  préméditation  ou  guet-apens,  l'emprisonnement 
sera  de  deux  à  cinq  ans  et  l'amende  de  50  &  500  flr.  » 

c  Art.  312.  L'individu  qui  aura  volontairement  Ait  des  blessures  on  porté  des 
coups  à  ses  père  ou  mère  légitimes,  naturels  ou  adoptift,  ou  autres  ascendants 
légitimes,  sera  puni  ainsi  qu'il  suit  :  —  de  la  réclusion,  si  les  blessures  ou  les 
coups  n*oni  occasionné  aucune  maladie  ou  incapacité  de  travail  de  l'espèce  men- 
tionnée en  l'art.  309;  —  iftt  masimum  de  la  réclusion  s*il  y  a  eu  incapacité  de 
travail  pendant  plus  de  vingt  jours  ou  préméditation  ou  guet-apens;  —  des  tra- 
vaux forcés  à  temps,  lorsque  Tarticle  auquel  le  cas  se  référera  prononcera  la  peine 
de  la  réclusion;  —  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  si  l'article  prononce  la  peine 
des  travaux  forcés  à  temps.  » 

S49.  Les  modificatioiis  apportées  par  la  loi  nouvelle  ne  diangeant  pas  le 
système  répressif  du  Gode,  elles  en  corrigent  seulement  quelques  applications. 
Ainsi,  la  loi  maintient  la  distinction  entre  Tincapacité  dn  travail  de  plus  ou 
de  moins  de  vingt  jonrs,  qn^que  défectneuse  qu'elle  soit.  Mais,  au  lien  d'en 
faire  la  base  d'une  qualification  différente,  il  n'en  fait  plus  que  la  base  d'une 
pénalité  plus  on  moins  forte.  Les  coups  et  bleaeoree,  lors  même  que  la  mala- 
die qui  en  a  été  la  suite  a  duré  plus  de  vingt  jonrs,  ne  sont  plus  qn*nn  délit.  Le 
jnry  se  trouve  dès  lors  désbérité  du  droit  de  oonnallre  de  ces  faits  qni  cepen- 
dant, je  l'ai  déjà  dit,  à  raison  des  éléments  variables  de  leur  eriminalité,  sem- 
blaient devoir  être  plus  partienlièrement  attribuée  à  cette  juridiction.  Une 
autre  modification  consiste  dans  l'addition  dans  les  art.  310  et  Sii,  comme  cela 
a  été  Ikit  dans  l'art.  228,  de  ces  mots  t  tontes  auttea  violenees  on  voies 
de  fait  »,  afin  d'atteindre  celles  de  ces  violences  qui,  sans  être  des  coups,  ont 
cependant  un  caractère  punissable.  Ainsi^  le  fait  d'avoir  saisi  un  individu  au 
corps,  de  l'avoir  jeté  à  terre,  de  l'avoir  poussé  contre  nn  corps  dur,  de 
lui  avoir  arraché  les  cheveux,  de  lui  avoir  craché  an  visage,  ponrra  désormais 
tomber  sous  l'application  de  ces  articles . 

La  loi  n'a  défini  ni  les  violences  qu'elle  appelle  coupe  et  blessuree,  ni  la 
volonté  qni  doit  accompagner  ces  violences,  ni  la  nature  de  la  maladie  ou  de 
l'incapacité  de  travail.  Lea  coups  et  blessures  n'avaient  peut-être  pas  besoin 
d'être  préoisés,  puisqu'ils  doivent,  pour  être  incriminés  ici,  laisser  des  résnUats 
matériels.  La  YOtonté  conqmnd  deux  éléoenU  distinctt  .:  la  volonté  de 
porter  des  coups  «p  éa  fiûre  des  bleeenree,  ce  qui  ex^ut,  les  mêmes  faiu 


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348        YINGTIÈHB  LBÇ.  >—  DBS  CRQfBS  HT  DÂLITB,  «STCU   (n®   350). 

commis  par  imprudence»  inattention  ou  maladMgse;  et  k  volonté  de  nuiroy 
ce  qui  constitue  la  culpabilité  de  l'agent.  Quant  à  rincapaotté  de  travail,  il  y 
a  lieu  de  remarquer  qu'il  y  a  incapacité  dans  le  sens  de  la  loi  toutes  les  fois 
que  rindividu  malade  ne  peut,  sans  commettre  une  imprudence,  se  livrer  à 
son  travail  habituel,  car  la  loi  parle  du  travail  |>ar«onn«2,  et  Tincapacité  du  tra- 
vail personnel  ne  peut  être  autre  chose  que  Tincapacité  du  travail  habituel. 
Enfin,  la  loi  a  voulu  que  la  durée  de  cette  incapacité  fût  déplus  vingt  jours;  il 
ne  suffirait  paâ  qu'elle  eût  duré  vingt  jours  seulement,  il  faut  vingt  et  un  jours 
au  moins. 

$50.  Viennent  maintenant  les  circonsitances  aggravantes.  La  loi  nouvelle 
a  fait  avec  raison^  de  la  mutilation  ou  de  VinOrmité  permanente,  Félément 
d'une  aggravation  pénale.  U  y  a  là  un  préjudice  assez  grave  pour  qu'il  en  soit 
tenu  compte  dans  la  mesure  de  la  répression.  Mais  il  y  a  peut-être  quelque 
contradiction  à  qualifier  de  crime  les  blessures  qui  ont  eu  ce  résultat  et  à  ne 
punir  que  comme  délit  celles  qui  ont  causé  une  longue  et  douloureuse  mala- 
die, qui  a  pu  se  prolonger  au  delà  de  vingt  jours,  et  qui  peut  laisser  la  victime 
dans  un  état  de  faiblesse  qui  n'est  pas  une*  infirmité,  mais  qui  a  quelquefois 
des  effets  non  moind  graves. 

Le  dernier  paragraphe  de  l'art.  309  a  été  introduit  par  là  loi  du  28  avril 
1832  :  avant  cette  loi,  il  avait  été  jugé  t  que  le  véritable  esprit  de  la  loi  est 
que  celui  qui  a  volontairement  fait  des  blessures  ou  porté  des  coups,  se  rend 
coupable  des  suites  qu'ils  peuvent  avoir,  de  sorte  que,  si  ces  blessures  ou  ces 
coups  donnent  la  mort,  ils  constituent  le  crime  de  meurtre.  >  L'exposé  des 
motifs  de  la  loi  du  ÎS  avril  1882  porte  :  <  Des  bleMunes  faites  sans  Tintention 
de  donner  la  mort,  mais  q«ii  cependant  l'ont  ooeasionnée,  6ont-punies  comme 
le  meurtre  volontaire  ou  l'assassinat  :  cette  sévérité,  qui  résulte  moins  d'un 
texte  précis  de  lia  loi  que  de  la  jurisprudence,  a  jeté  pluaîeiirs  fois  le  jury  dans 
une  cruelle  alternative^  Celui  qui  n'a  pas  voulu' donner  la  mort,  quoique  cou- 
pable des  blessures  qui  l^ont  occasionnée,  ne  petit  être  assimilé  à  celui  qui  a 
frappé,  avec  ou  sans  préméditation,  mats  avec  la  volonité  du  meurtre.  Le  projet 
ne  rend  pas  néanmoins  le  sort  de  celui  qui  s'est  livré  à  des  ^olenoes  étranger 
aux  suites  qu'elles  peuvent  avoir.  Si  la  victime!  de  oes  violences  vient  à  suc- 
comber, quoiqu'elles  ne  fassent  pas  dirigées  eototre  sa  vie,  le  coupable  sera 
condamné  aux  travaux  forcés  à  temps.  » 

Il  y  a  lieu  d'induire  de  là  que  l'élémeat  nécessaire  du  crime  est  que  la  mort 
a  été  occasionnée  par  les  violencea  :-  c'est  ealt6  relation  de  causalité  qui 
aggrave  la  criminalîté  de  l'acte.  Il  faut  doua  qu'elle  soit  constatée  ;  si  la  mort 
est  le  résultat,  non  de  la  violence  même,  mais  d'une  maladie  acciden telle,  elle 
p'est  plus  imputable  à  l'agent^  elle  ne  peut  plus  servir  d'élément  d*aggfava- 
tion.  Dans  quel  délai  la  mort  doit-elle  sistre  les  vîolenceB,  posr  qu'elle  puisse 
en  être  réputée  la  conaéquence?  La  Idi  est  muette  à  cet  égard  ;  mais  l'art  231, 
relatif  aux  violences  exercées  contre  les  foactioimMceii,  porte  que,  t  ei  la 
mort  s'en  est  suivie  dans  les  quarante  jours,  le  coupable  sec*  puni  des  travaux 
forcés  à  temps  ;  •  et  bien  que  cet  article  règle  une  aÉtre  èt^^ce,^  comme  il 
s'agit  d*tae  inerimiiMlàon  pi«sqiie  ideirtique,  pew*.  être  la»rfr>il  décider  que 
cette  régie  doit  éli^  «tendue  à  Fart.  3(M^,  d'oà  il  suivrait  ipie^  fli  la  mort  ne 

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COUPS  ST  «UBWURBS  YOLO^TAIRBS  (ART.  316).  349 

«orvient  qu'après  te  quanuite  jours,  elle  cesse  d'être  imputable  à  l'auteur  des 
coups  et  blesniries. 

851.  Le  crime  s^aggrave  :  !<>  lorsque  les  coups  et  blessures  ont  été  portés 
avec  préméditation  ou  guet-apens,  2*^  quand  ils  ont  été  portés  à  des  ascendants. 

La  préméditation  ou  le  guet-apens  s'applique  aux  coups  et  blessures, 
comme  au  meurtre  ;  mais  cette  circonstance,  quoique  toujours  aggravante,  n^a 
pas  le  même  effet.  Si  quelqu'un  attend  son  ennemi  au  coin  d'une  rue  ou  d'un 
chemin,  avec  une  canne  ou  un  bâton,  dans  le  dessein  de  le  battre,  cette  action 
est  criminelle,  sans  doute,  mais  elle  ne  l'est  pas  au  même  degré  que  l'embus- 
cade qui  aurait  pour  objet  de  tuer.  Il  y  a  guet-apens  dans  l'un  et  l'autre  cas, 
mais  là  pour  frapper  seidement  et  non  pour  tuer,  et  par  conséquent  la  prémé- 
ditation, tout  en  aggravant  le  f^it,  n'en  change  pas  le  caractère. 

Remarquez,  en  ce  qui  concerne  l'art.  312^  que  cet  article  n'applique  l'aggra- 
vation qu'aux  enfants  qui  frappent  leurs  père  et  mère  légitimes,  naturels  ou 
adoptifs,  ou  autres  ascendants  légitimes.  Cette  dispositioa  dérive  du  môme 
principe  que  la  disposition  relative  au  parricide»  JSlie  ne  s'applique  donc  m 
aux  pères  et  mères  qui  portent  la  main  sur  leurs  enfants,  ni  aux  violences 
commises  par  Tun  des  époux  sur  l'autre.  Remarquez  ensuite  que  l'art.  312 
se  réfère  aux  art.  309,  310  et  311  ;  or,  comme  ces  derniers  articles  ne  s'ap- 
pliquent pas  indistinctement  à  toute  espèce  de  mauvais  traitement,  mais 
seulement  à  ceux  qui  ont  été  commis  par  des  coups  ou  blessures  envers  les 
personnes,  il  s'ensuit  que  l'art.  312  ne  peut  également  être  appliqué  qu'à  celui 
qui  aurait  fait  des  blessures  ou  porté  des  coups  à  ses  père,  mère  et  autres 
ascendants  ;  mais  en  même  temps,  il  y  a  lieu  d'observer  que  cet  article,  en  ne 
continuant  pas  les  distinctions  posées  par  les  art.  310  et  341,  pour  le  cas  de 
préméditation,  confond  dans  ses  dispositions  les  coups  et  blessures  commis 
avec  ou  sans  préméditation.  Cette  nuande  de  la  criminalité  disparait  quand  la 
victime  a  la  qualité  prévue  par  l'art.  312.  Pourquoi  cette  confusion  ?  Le  iégis* 
lateur  ne  Ta  pas  dît.  Il  a  fait  paiement  abstraction  dans  le  même  cas  de  la 
circonstance  tirée  de  la  survenance  de  la  mort.  La  raison  de  cette  dernière 
lacune  est  sans  doute  qu'il  avait  épuisé  la  mesure  de  la  pénalité,  et  qu'il  ne 
pouvait  plus,  à  moins  d'appliquer  la  peine  de  mort,  aggraver  la  peine  déjà 
encourue  par  le  prévenu. 

Je  ne  m'arrête  point  aux  articles  313  et  315.  Le  premier  ne  fait  qu'appliquer 
les  règles  de  la  complicité' aux  coups  et  blessures  commis  dans  une  réunion 
séditieuse;  le  second  attribue  aux  tribunaux  correctionnels  la  faculté  d'appli- 
quer la  surveillance  de  deux  à  dix  ans  aux  condamnés  pour  coups  ou  blessures. 
Ces  deux  articles  ne  demandent  aucune  explication. 

•    Mi.  L'art.  3f6  prévoit  une  blessure  spéciale  et  sa  disposition  forme  une 
exception  aux  rètglot  quo  je  viens  de  pai^urir. 

tt  Art.  316.  Toute  personne  coupable  du  crime  de  castration  subira  la  peine  des 
travaux  forcés  à  perpétuité.  —  Si  la  mort  en  est  résultée  avant  l'expiration  des 
quarante  jours  qui  auront  suivi  le  crime,  le  coupable  subira  la  peine  de  mort.  » 

Cette  mutilation,  que  le  Code  de  1791  punissait  dans  tous  les  cas  de  la  peine 
de  n^ort,  est  punie  par  notre  Code  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  perpé- 

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350        VINGTIÈME  LEÇ.  —  DBS  GRIMES  ET  DELITS,  ETC.  (w*  353). 

tulté.  Mais  cette  peine  est  applicable,  et  c'est  en  cela  que  cette  disposition 
forme  une  exception  aux  règles  da  Gode,  quelles  qae  soient  les  suites  de  la 
blessure  et  la  durée  de  la  maladie  qu'elle  a  occasionnée.  Il  n'y  a  d'aggrayation 
que  lorsque  la  mort  est  suryenue  dans  les  quarante  jours  :  ainsi,  la  peine  ne 
change  point,  quelque  longue  que  soit  la  maladie,  si  la  mort  ne  survient  pas  ; 
elle  ne  change  point  encore  si  la  mort  n'est  arrivée  qu'après  une  maladie 
qui  a  duré  plus  de  quarante  jours  :  la  raison  de  cette  limite  est  qu*il  y  a  lieu  de 
présumer  après  ce  délai  que  la  mort  doit  être  attribuée  à  une  autre  cause  qu*à 
la  mutilation  même.  Le  crime  est,  au  surplus,  le  môme,  soit  qu'il  ait  été 
excité  par  la  jalousie,  provoqué  par  la  vengeance  ou  même  inspiré  par  une  in- 
fâme spéculation. 

853.  Une  seconde  exception  aux  règles  relatives  aux  coups  et  blessures  se 
trouve  dans  Tart.  317  qui  punit  l'avortement  : 

«  Art.  317.  Quiconque,  par  aliments,  breuvages,  médicaments*  violences,  ou  par 
tout  autre  moyen^  aura  procuré  l'avortement  d'une  femme  enceinte,  soit  qu'elle  y 
ait  consenti  ou  non,  sera  puni  de  la  réclusion.  —  La  même  peine  sera  prononcée 
contre  la  femme  qui  se  sera  procuré  ravortement  à  eile-môme,  ou  qui  aura  con- 
senti à  faire  usage  des  moyens  à  elle  indiqués  ou  administrés  à  cet  effet,  û  l'avor 
tement  s'en  est  suivi.  —  Les  médecins,  chirurgiens  et  autres  ofiiciers  de  santé, 
ainsi  que  les  pharmaciens  qui  auront  indiqué  ou  administré  ces  moyens,  seront 
condamnés  à  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps,  dans  le  cas  où  Tavortement 
aurait  eu  lieu.  » 

Cet  article  renferme  deux  incriminations  différentes  :  Tune,  qui  concerne 
l'action  de  la  femme  qui  se  fait  avorter  elle-même  ;  l'autre,  relative  à  l'action 
de  tiers  qui  procurent  l'avortement  d'une  femme  enceinte,  action  qui  s'aggrave 
quand  ces  tiers  sont  des  hommes  de  l'art. 

La  femme  est  coupable,  soit  lorsqu'elle  se  procure  l'avortement  à  eUe-méme, 
sans  complices,  soit  lorsqu'elle  consent  à  faire  usage  des  moyens  d'avortement 
qui  lui  sont  indiqués  ou  administrés  par  des  tiers.  Dans  l'un  et  l'autre  cas,  elle 
n'est  responsable  que  n  VavorUment  s*en  est  suivi  :  la  loi  n'a  pas  voulu  qu'on 
pût  poursuivre  de  vaines  tentatives,  presque  toujours  incertaines  et  difficiles  à 
constater. 

Le  concours  des  tiers  pour  procurer  l'avortement  d'une  femme  enceinte 
donne  lieu  à  plus  de  diificultés  :  d'abord  que  faut-il  entendre  par  le  fait 
à'avoir  procuré  ravortemsnt  ?  11  est  clair  que  cette  expression  suppose  l'avorte- 
ment consommé  :  procurer  l'avortement,  c'est  fournir  les  moyens  qui  l'opèrent 
ou  c'est  l'opérer  soi-même.  Mais  suit-il  de  là  qu'il  n'y  ait  crime  qu  autant  que 
l'avortement  ait  été  effectué  ?  Ce  n'est  point  ainsi  que  la  jurisprudence  a  inter- 
prété le  1«'  §  de  l'art.  317.  Elle  a  décidé  que  la  disposition  de  l'art.  2  du  Gode 
pénal,  conçue  en  termes  généraux,  ne  peut  être  restreinte  que  dans  le  cas  et 
pour  les  crimes  à  Tégard  desquels  la  loi  a  exclu  son  application,  soit  en  termes 
formels,  soit  par  des  dispositions  inconciliables  avec  cette  application  ;  qu*il  n'y 
a  point  dans  le  Code  de  disposition  qui  porte  expressément  que  la  tentative  du 
crime  d'avortement  ne  sera  point  considérée  et  punie  comme  si  le  crime  avait 
été  consommé;  que  dès  lors  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  la  tentative  du  crime 
d'avortement  soit  punie,  lorsqu'elle  réunit  les  éléments  de  l'art  2.  Nous  avons 

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dOUJPS  ST  BLBMURB8  TOLOUTAUISB  (aRT.  317)^  351 

objaeté  (ii«  25)  à  cette  déeîeion  que  le  2«  S  de  Tart*  317  ne  punit  la  femme  qui 
eepieeare  àelle-mteie  raTortement»  que  n  ravoriaùent  s'en  est  suivi,  et  que 
le  S*  §  da  màme  article  ne  fait  peier  sur  le  tiers  FaggravatioQ  résultant  de  sa 
qoatlté  que  dam  keascu  i'acùrtement  aurait  eu  lieu.  Comment  admettre  que  la 
tentative  d'ayortement  ne  soit  pas  imputable  à  la  femme  et  soit  imputable  i 
ses  complices  ?  Gomment  admettre  qae  la  qualité  de  médecin  aggrave  la  peine 
an  cas  d*avortement  consommé  et  ne  Taggrave  pas  au  cas  de  tentative  non 
snivie  d'effet  ?  On  répond  que,  dans  le  premier  cas,  le  législateur  a  eu  des  mo- 
UCb  gmves  pour  traiter  avec  indulgence  les  personnes  du  sexe  enceintes,  lors- 
que le  crime  n'a  point  été  consommé,  et  que,  dans  le  deuxième  cas,  la  loi 
a  Toultt  déployer  une  plus  grande  sévérité  lorsque,  par  Teflet  des  moyens  em- 
ployés, Tavortement  a  été  opéré  ;  qu'il  suffit  que  les  moU  exclusifs  de  Tart.  2, 
insérés  dans  les  §§  2  et  3»  n*aient  pas  été  employés  dans  le  §  !•'  pour  qu'une 
interprétation  différente  doive  être  appliquée  à  ce  paragraphe. 

La  loi  punit  ensuite  Tavortement  procuré  par  aliments^  hreuvages,  tnédica' 
menti,  vi^lenœs  ou  par  tout  mutte  moyen,  et  soit  que  la  femme  oit  consenti  ou  non 
à  remploi  de  ces  moyens.  Cette  disposition  donne  lieu  à  deux  observations  : 
Qoe  £Ûit-il  entendre  par  violences  dans  ce  texte  ?  Les  mauvais  traitements 
doivent-ils  être  considérés  comme  un  moyen  d'avortement  ?  Oai,  sans  aucun 
doute,  si  les  mauvais  traitements  ont  été  commis  en  vue  de  procurer  Favorte- 
ment;  mais  si  l'auteur  des  violences  ignorait  que  la  femme  fût  enceinte  et  si 
Tavortement  n*a  été  qu'un  résultat  accidentel  des  voies  de  fait,  il  semble  diffi- 
cile d'en  faire  remonter  la  responsabilité  jusqu'à  cet  agent  :  les  coups  et  bles- 
ures  lui  sont  imputables,  suivant  leur  gravité,  mais  l'avortement  qu'il  a  causé 
involontairement  ne  saurait  lui  être  imputé.  Cependant,  si  cet  avortement  a 
été  la  source  d'une  maladie  de  plus  de  vingt  jours,  il  serait  difficile  de  sona- 
traire  le  coupable  aux  conséquences  de  cette  maladie  :  ce  n'est  plus  comme 
auteur  de  l'avortement  qu'il  serait  alors  poursuivi,  c'est  comme  auteur  d'une 
blessure  qui  aurait  produit  une  maladie  ou  incapacité  de  travail  de  plus  de 
vingt  jours.  Une  seconde  observation  a  pour  objet  cette  disposition  qui  com- 
prend dans  la  même  peine  l'avortement  procuré  avec  ou  sans  le  consentement 
4e  la  femme.  Est-ce  donc  là  une  même  action  ?  Celui  qui  procure  l'avortement 
d'une  Swime,  malgré  elle  et  à  son  insu,  n'est- il  pas  plus  coupable  que  celui 
qui  ne  fait  que  céder  à  la  prière  d'une  femme  qui  veut  cacher  sa  honte  à  l'aide 
d'un  crime?  Dans  le  premier  cas,  n'y  a-t-il  pas  un  double  attentat  commis  à 
la  fois  contre  la  mère  et  contre  l'enfant  ? 

Vous  avez  vu  que  le  fait  d'avoir  procuré  l'avortement  trouve  une  aggrava- 
lion  dans  le  3**  §.  L'exposé  des  motifs  explique  cette  aggravation  en  ces  ter- 
mes :  «  Une  punition  plus  rigoureuse,  celle  des  travaux  lorcés  à  temps,  aura 
lien  contre  les  médecins,  chirurgiens  et  autres  officiers  de  santé  qui  auront 
procuré  à  la  femme  les  moyens  de  se  faire  avorter.  Us  sont  en  effet  plus  cou- 
pables que  la  femme  même,  lorsqu'ils  font  usage,  pour  détruire,  d'un  art  qu'ils 
'  ne  doivent  employer  qu'à  conserver.  Si  la  femme  ne  trouvait  pas  tant  de  faci- 
lité à  se  procurer  les  moyens  d'avortement,  la  crainte  d'exposer  sa  propre  vie, 
en  faisant  usage  de  médicaments  qu'elle  ne  connaîtrait  pas,  l'obligerait  sou- 
vent de  différer  son  crime,  et  elle  pourrait  ensuite  être  arrêtée  par  ses  remords.  • 
Une  seule  question  s'est  élevée  sur  ce  paragraphe  :  c'est  de  savoir  si  les  sageS" 


/ 

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352         YINGTIÈICK  LEÇ.  —  !>»  CRIMES  BT  Dfe.m,  nC.  (M*  354). 

femmes  sont  comprises  dans  la  qualification  générale  â^of/kieres  de  santé.  La 
principale  raison  de  douter  est  qnele  Gode,  qui  a  omis  les  sages-femmes  dans 
fart.  317,  les  a  formellement  désignées  dans  Fart.  878,  à  la  snite  des  méde- 
cins, des  chirorgiens  et  des  officiers  de  santé.  Mais  ce  doute  n'a  point  arrêté  la 
jurisprudence,  qui  a  décidé  que  le  3«  §  de  Fart.  317  comprend,  dans  la  généni- 
liié  de  sa  disposition,  même  les  sages-femmes,  bien  qu'elles  n*y  soient  pas 
nominativement  dénommées,  parce  qu*elles  n'obtiennent  leur  diplôme,  selon 
l'art.  32  de  la  loi  du  19  ventôse  an  XI,  qu^après  avoir  été  examinées  par  les 
jurys  sur  la  théorie  et  la  pratique  des  accouchements,  sur  les  accidents  qui 
peuvent  les  précéder,  les  accompagner  et  les  suivre,  et  sur  les  moyens  d'y 
remédier  ;  qu'elles  se  rendent  en  effet  aussi  coupables  que  les  officiers  de  santé, 
lorsque,  conmie  eux,  elles  font  usage,  pour  détruire,  d'un  art  qu'elles  ne 
doivent  employer  qu'à  conserver;  qu'elles  encourent  donc  dans  ce  cas  la 
même  peine* 

8M.  La  deuxième  partie  de  Fart.  317,  «youtée  par  la  loi  du  28  avril  1832,  a 
eu  pour  objet  de  suppléer  à  une  omission  du  Gode,  relativement  aux  maladies 
ou  incapacités  qui  sont  le  résultat  de  l'administration  volontaire  d'une  sub- 
stance nuisible  à  la  santé. 

Deuxième  partie  de  Fart.  317  :  a  Celui  qui  aura  occasionné  à  autrui  une  maladie 
ou  incapacité  de  travail  personnel»  en  lui  administrant  volontairement,  de  quelque 
manière  que  ce  soit,  des  substances  qui,  sans  ôtrç  de  nature  &  donner  la  mort, 
sont  nuisibles  à  la  santé,  sera  puni  d'un  emprisonnement  d'un  mois  à  cinq  ans  et 
d'une  amende  de  16  à  500  francs;  il  pourra  de  plus  être  renvoyé  sous  la  surveil- 
lance de  la  haute  police  pendant  deux  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus.  —  81  la 
maladie  ou  incapacité  de  travail  personnel  a  duré  plus  de  vingt  jours*  la  peine 
sera  celle  de  la  réclusion.  —  Si  le  coupable  a  commis  soit  le  délit,  soit  le  crime 
spécifié  aux  deux  paragraphes  ci-dessus  envers  un  de  ses  ascendants,  tels  qu'ils 
sont  désignés  en  Fart.  312,  il  sera  puni,  au  premier  cas,  de  la  réclusion,  et,  ia 
second  cas,  des  travaux  forcés  à  temps.  » 

Cet  article  est  la  suite  et  le  complément  de  Fart.  301,  comme  les  art.  309  et 
310  sont  la  suite  et  le  complément  de  Fart.  295.  L'administration  des  substan* 
ces  nuisibles  à  la  santé  dont  il  s'agit  ici  a,  aux  yeux  de  la  loi,  la  même  valeur 
morale  et  produit  le  même  préjudice  social  que  les  coups  et  les  blessures. 
Ainsi,  en  matière  de  substances  nuisibles  administrées,  comme  en  matière  de 
violences  corporelles,  vous  trouvez  une  triple  incrimination  :  si  les  substanoes 
administrées  sont  nuisiMes  à  la  santé  sans  être  de  natmre  à  donner  la  mort,  et 
si  la  maladie  qu'elles  ont  causée  n'a  pas  duré  plus  de  vingt  Jours,  ce  fait  ne 
constitue  qu*un  délit,  dont  la  peine  peut  parcourir  Fimmense  intervalle  d'xm 
mois  à  cinq  ans;  si  les  mêmes  substances  ont  causé  une  maladie  de  plus  de 
vingt  jours,  ce  fait  devient  un  crime  dont  la  peine  est  la  rédusion;  enfin,  si 
les  substances  sont  de  nature  à  donner  la  mort,  leur  administration,  quelles 
qu'en  soient  les  suites,  est  punie  de  mort.  Vous  remarquerez,  toutefois,  que 
le  législateur  a  oublié  dans  cette  nomenclature  le  cas  où  les  substances,  sans 
être  de  nature  adonner  la  mort,  Fatiraient  cependant  occasionnée.  Le  2*  §  de 
Fart.  309  n'a  point  été  étendu  à  cette  nouvelle  hypothèse,  et  la  loi  du  13  mai 
1803  ne  s'y  est  point  appliquée. 


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HOMioira  m  coOTs  involwtaius,  ktg.  (art.  $19}.         353 

La  loi  exige,  pour  TezistaQoe  du  délit  ou  du  erime  :  1«  que  les  sobstaaceg 
aient  été  admiaistrées  volontairement,  c'est-à-dire  avec  intention  de  noire,  car 
on  peat  admijûstrw  toiontairement,  et  sans  commettre  ni  crime  ni  délit,  des 
sabstances  même  nuisibles,  si  on  ne  connaît  pas  leurs  propriétés  ou  si  on  les 
croit  i^opres  à  servir  de  remède;  2*  que  les  substances  soient  nuisibles  à  la  santé 
sans  être  léthifères  ;  la  question  de  savoir  quelles  substances  sont  nuisibles  à 
la  santé  est  une  question  à  la  fois  scientifique  et  de  fSût  dont  il  appartient  aux 
chimistes  de  préparer  la  solution  et  que  les  juges  du  fait  doivent  décider;  il 
importe  seulement  que  la  substance  soit  intrinsèquement  nuisible  :  il  ne  suf* 
ftraitpas  qu'elle  le  fût  devenue  accidentellement;  3*  que  la  substance  admi- 
nistrée ait  occasionné  une  maladie  ou  incapacité  de  travail.  C'est  la  durée,  de 
cette  maladie  en  deçà  ou  au  delà  de  vingt  jours  qui  détermine  le  degré  de  la 
pénalité. 

855.  U  me  reste,  pour  compléter  la  matière  des  coups  ou  blessures,  à  vous 
entretenir  de  deux  incriminations  qui  ne  s'y  rattachent  qu'accessoirement  et 
qui  ne  constituent  même  que  des  actes  préparatoires  des  crimes  et  délits  que 
nous  venons  de  parcourir;  je  veux  parler:  i^  àe  la  fabrication  et  de  la  vente 
des  armes  prohibées  qui  fait  Fobjet  de  Part.  314;  2<>  de  la  vente  des  boissons 
falsifiées  contenant  des  mixtions  nuisibles  à  la  santé. 

L'art.  314  punit  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à  six  mois  c  tout  indi- 
vidu qui  aura  fabriqué  ou  débité  des  stylets,  tremblons,  ou  quelque  espèce  que 
ce  soit  d'armes  prohibées  par  la  loi  ou  par  des  règlements  d'administration 
publique.  >  Le  perieuf  dasditea  armes  est  puni  d'une  amende  de  16  à  200  fr. 
Li'art.  i»  delà  loi  du  24 mal  1884  a  élevé  ces  peines  :  «  Tout  individu  qui 
aurait  fabriqué,  débité  ou  distribué  des  armes  prohibées  par  la  loi  ou  par  les 
rè^ements  d'administration  publique,  sera  puni  d'un  emprisonnement  d'un 
mois  à  un  an  et  d^une  amende  de  16  à  500  fr.  Gelai  qui  sera  porteur  desdites 
armes  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à  six  mois  et  d'une  amende 
de  16  à  200  fr.  >  U  suit  de  là  que  les  armes  prohibées  sont  celles  dont  le  port, 
la  fabrication  et  la  vente  sont  prohibés  par  la  loi  ou  par  des  règlements  d'ad^ 
ministration  publique.  Tels  sont  les  poignards,  pistolets  de  poche,  fusils  et  pis* 
tolets  à  vent,  épées  à  bâton,  bâtons  à  ferrements  et  autres  armes  offensives-, 
•cachées  et  secrètes. 

L'art.  318  punît  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à  deux  ans  et  d'une 
amende  de  16  à  500  fr.  i  quiconque  aura  vendu  ou  débité  des  boissons  falsi«* 
fiées  contenant  des  mixtions  nuisibles  à  la  santé.  •  61  les  boissons  falsifiées 
ne  contiennent  pas  des  mixtions  nuisibles  à  la  santé,  elles  tombent  sous  le 
coup  de  l'art.  475,  n*  6,  du  Cîode  pénal,  qui  porte  des  peines  de  police  contre 
«  ceux  qui  auront  vendu  ou  débité  des  boissons  falsifiées.  •  Ainsi,  lorsque  les 
boissons,  quoique  altérées,  ne  sont  pas  nuisibles,  cette  altération  ne  constitue 
qu'une  simple  contravention  de  police. 

HOICGIDE,  BLBSSUHBS  BT  COUPS  INVOLONTAIRES. 

856.  A  côté  de  l'homicide  et  des  coups  et  blessures  volontaires  qui  vient 
tl'ètre  Tobjet  de  notre  examen,  se  présentent  l'homicide  et  les  blessures 

'•  Digitizedbyt^^Ogle 


354         VINGTliUB  LBÇ.  *-  DBS  CRIMES  BT  DÉLITS,  BTG.  (n*  358). 

sont  ÎQVolontairemenl  commis.  Cet  homicide  et  ces  blessures  ou  sont  pure- 
ment accidentels  et  fortuits,  ou  sont  le  résultat  d'une  imprudence,  d'une 
maladresse,  d'une  négligence,  d'une  faute  enfin.  Dans  la  première  hypothèse, 
l'accident  n'est  imputable  à  personne,  t  Si  l'homicide  a  été  commis,  porte 
Texposé  des  motifs,  ou  si  les  blessures  ont  été  faites  involontairement,  par 
l'effet  de  circonstances  malheureuses  ou  fortuites,  par  une  de  ces  causes  impos- 
sibles à  prévoir,  qui  ne  tiennent  à  aucune  négligence  ou  imprudence  de 
la  part  de  leurs  auteurs,  cet  homicide  casuel  est  un  accident  et  non  un  atten- 
tat; il  est  aussi  étranger  à  la  volonté  qu'à  la  possibilité  de  la  prévoyance;  il 
ne  présente  ni  crime  ni  délit.  »  Et,  en  effet,  dès  qu'aucune  faute  n'est  imputa- 
ble à  l'auteur  de  Taccident,  dès  qu'il  n'a  pu  ni  le  prévoir  ni  l'empêcher,  com- 
ment en  deviendrait-il  responsable? 

Il  n'en  est  plus  ainsi  lorsque,  dans  notre  seconde  hypothèse,  l'homicide  ou 
les  blessures,  quoique  aucune  intention  criminelle  ne  les  accompagne,  sont  le 
résultat  d'un  manque  de  prévoyance  ou  de  précaution.  L'agent  est  coupable, 
non  d'un  crime,  mais  d'une  faute  dont  on  peut  justement  lui  imputer  les  effets, 
surtout  lorsque  cette  faute  a  causé  la  mort  ou  la  maladie  d'un  homme.  La  lot 
distingue,  pour  graduer  la  pénalité,  le  cas  où  la  faute  a  occasionné  la  mort  et 
le  cas  où  elle  n'a  occasionné  que  de  simples  blessures. 

357.  L'art.  319  prévoit  le  premier  cas. 

«  Art.  319.  Quiconque,  par  maladresse,  imprudence,  inattention,  négligence  ou 
inobservation  des  règlements,  aura  commis  involontairement  un  homicide,  ou  en 
aura  involontairement  été  la  cause,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  trois  mois 
à  deux  ans,  d'une  amende  de  50  à  600  fr.  » 

Vous  avez  vu  qu'aux  termes  des  art.  1382  et  1383  du  Gode  civil,  t  tout  fait 
quelconque  de  l'honune  qui  cause  à  autrui  un  dommage  oblige  celui  par  la 
faute  duquel  il  est  arrivé,  à  le  réparer,  et  que  chacun  est  responsable  du  dom- 
mage qu'il  a  causé,  non-seulement  par  son  fait,  lAais  encore  par  sa  négligence 
ou  par  son  imprudence.  »  Cette  responsabilité,  purement  civile,  prend  un 
caractère  pénal  toutes  les  fois  que  le  dommage,  qui  est  la  conséquence  de  U 
faute,  est  un  homicide  ou  une  blessure.  La  sûreté  de  la  vie  de  l'homme  est 
d'un  trop  haut  prix  pour  que  tout  ce  qui  la  menace  ne  soit  pas  l'objet  d'une 
pénalité. 

Toutefois,  pour  qu'il  y  ait  un  délit,  suivant  les  termes  exprès  de  Tart.  319,. 
il  faut,  non*seulement  que  l'agent  ait  été  la  cause  involontaire  de  Thomicide,. 
mais  que  cet  homicide  ait  été  produit  par  Tune  des  fautes  qui  sont  énumérées 
par  cet  article,  et  qui  sont  la  maladresse,  l'imprudence,  l'inattention,  lanégU- 
gaice  et  rinobservation  des  règlements.  Ce  n'est  donc  qu'en  constatant  l'une 
de  ces  fautes  que  la  peine  peut  être  appliquée.  A  défaut  du  concours  de  Tune 
de  ces  cinq  circonstances,  l'homicide  purement  involontaire  ne  constitue 
ni  crime  ni  délit,  et  ne  donne  lieu  à  l'application  d'aucune  peine. 

858.  Le  deuxième  cas  est  prévu  par  l'art.  320  : 

•  Abt.  320.  S'il  n'est  résulté  du  défaut  d'adresse  ou  de  précaution  que  des  bles- 

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HOKIGIMI  BT  COUPS  INTOLCmTAIUS  (aRT.   tti).  355 

sures  ou  coaps,  remprisomiemeiit  sont  de  six  Jours  à  deux  mois  et  l'amende  de 
16  à  100  fr.  » 

Bien  que  cet  ariicle  ne  parle  qne  da  défaut  d'adresse  ou  de  précaution,  il 
n'est  pas  douteux  que  les  blessures  ou  coups  involontaires  proyenant  de  la 
négligence  ou  de  l'inobservation  des  règlements  rentrent  dans  sa  disposition^ 
L'art.  320,  en  efCet,  a  été  rédigé  dans  le  môme  sens  que  l'art.  3 19»  et  ces  deux 
articles  ne  diffèrent  l'un  de  l'autre  que  par  le  degré  de  la  peine  qu'ils  appli- 
quent, suivant  le  résultat  matériel  de  la  âiute. 

CaiMBS  ET  OiUTS  EXCUSABLES  ET  CAS  OU  mS  PEUVENT  ÊTRE  EXCUSÉS. 

859.  L*homicîde  et  les  coups  et  blessures  sont  excusables  : 

i<>  S'ils  ont  été  provoqués  par  des  coups  et  violences  graves  envers  les  per* 
sonnes  (art.  331)  ; 

%o  S'ils  ont  été  commis  en  repoussant  pendant  le  jour  l'escalade  ou  Teffrao- 
tion  des  clôtures,  murs  ou  entrée  d'une  maison  ou  d*im  appartement  halxité 
ou  de  leurs  dépendances  (art.  324)  ; 

3®  S'ils  ont  été  commis  par  Pépouz  sur  l'épouse,  ainsi  qse  sur  le  eomplioe 
surpris  en  flagrant  délit  d'adultère  (art.  324)  ; 

4''  S'ils  ont  été  provoqués  par  un  violent  outrage  à  la  pudeur  (art.  325). 

Le  premier  cas  de  provocation  ûiit  l'objet  de  l'art.  321  : 

tt  Art.  321.  Le  meurtre,  ainsi  que  les  blessures  et  les  coups,  sont  excusables 
s'ils  ont  été  provoqués  par  des  coups  ou  violences  graves  envers  les  personnes.  » 

La  provocation  n'est  point  une  excuse  de  l'homicide  ou  des  violences,  quand 
elle  ne  se  produit  que  par  des  paroles  ;  car,  si  l'injure  excuse  l'injure,  elle  ne 
saurait  justiGer  aucune  voie  de  fait.  La  provocation  ne  prend  point  encore  le 
caractère  d'une  excuse,  lors  même  qu'elle  s'élève  jusqu'à  des  voies  de  fait 
légères,  car  on  peut  admettre  que  ces  voies  de  fait  en  excusent  d'autres  de  la 
même  nature,  mais  comment  pourraient- elles  effacer  la  criminalité  du  meurtre 
ou  des  blessures,  lorsqu'elles  n'ont  pas  mis  la  sûreté  de  l'agent  en  péri!, 
et  qu'elles  n'ont  pu  constituer  qu'un  outrage  ?  Le  Gode  n'admet  l'excuse  que 
lorsqu'il  y  a  eu  une  provocation  violente  et  telle  que  le  coupable  n'ait  pas  en, 
au  moment  même  de  l'action  qui  lui  est  reprochée,  la  liberté  nécessaire  pour 
agir  avec  une  mûre  réflexion  :  sans  doute,  dans  ce  cas  même,  il  a  commis  une 
action  blâmable,  une  action  que  la  loi  ne  peut  se  dispenser  de  punir  ;  mais  il 
n'est  point,  à  ses  yeux,  aussi  coupable  que  si  la  provocation  qui  l'a  entraîné 
n'eût  pas  existé. 

860.  La  loi  n'a  peut-être  pas  défini  avec  assez  de  précision  le  caractère  et  le 
degré  de  gravité  des  faits  auxquels  est  attachée  l'excuse.  Elle  exige  seulement 
des  coups  ou  violences  graves  envers  les  personnes.  Il  est  clair,  d'abord,  que  ce  sont 
des  violences  matérielles  :  une  imputation  injurieuse,  un  outrage  verbal  n'^ 
pas  une  violence  et  encore  moins  une  violence  grave.  L'injure  peut  excit<^ 
colère,  mais  elle  ne  suffit  pas  pour  altérer  tout  à  fait  la  liberté  de  l'esprit 

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356         VINGTlibCB  LflC*  —  l>BB  CaUCBS  BT  DiUTS,  KTC.  (n*  361). 

peat  être  une  circonstance  atténuante,  elle  n'est  point  une  excuse.  Faut-il  que 
les  violences  aient  été  exercées  sur  la  personne  même  de  l'agent  ?  Non,  assu- 
rément :  car  l'excitation  n'est-elle  pas  la  même  si  elles  ont  été  exercées  sur  la 
persotine  de  sa  femme,  de  ses  enfants,  de  ses  proches  ?  Pouvons-nous  voir  d'un 
œil  indifférent  un  acte  de  cruauté  commis  sur  la  personne  même  d*un  être 
auquel  aucun  lien  ne  nous  attache  ?  Et,  si  nous  nous  efforçons  de  l'empêcher 
ou  d'y  mettre  un  terme,  n'existera-t-il  pas  dans  cet  acte  lui-même  une  cause 
légitime  de  provocation  ?  U  faut  seulement  que  les  violences  soient  graves, 
car  c'est  la  violence  de  la  provocation  qui  fait  l'excuse  de  l'injure  ;  c*est  la  vive 
impression  qu*il  ressent  qui  atténue  la  criminalité  de  l'agent.  Il  est  visible, 
toutefois,  que  cette  gravité  doit  prendre  un  caractère  éminemment  relatif;  elle 
varie  nécessairement  à  raison  de  la  position  de  l'agent  et  du  caractère  des 
violences,  de  la  situation  de  la  personne  qui  les  éprouve  et  des  craintes  et  des 
sentiments  divers  qu'elle  devait  ressentir.  Enfin,  il  faut  encore  qu'une  oer- 
taine  simultanéité  d'action  confonde,  en  quelque  sorte,  dans  un  même  acte,  le 
fait  de  la  provocation  et  le  fait  du  délit;  c'est,  en  effet,  la  passion  soulevée  par 
la  provocation  qui  fonde  l'excuse  ;  or,  la  passion  est  un  mouvement  impé- 
tueux qui  éclate  au  moment  même  où  il  s'élève  :  pkœs  un  jour,  places 
même  quelques  heures  d'intervalle,  elle  n'aura  plus  la  même  puissance, 
elle  ne  produira  plus  les  mêmes  effets,  elle  ne  doit  plus  procurer  la  même  at- 
ténuation.. 

Cette  excuse  de  la  provocation  n'est  pas  admise  dans  deux  cas  :  i»  en 
matière  de  parricide  :  ce  Le  parricide,  porte  l'arU  3ÎS,  n'est  jamais  excusable  ;  » 
%<»  au  cas  de  meurtre  commis  entre  époux  (art.  324).  Il  est  évident  que  cette 
double  restriction  a  pour  objet  de  marquer  avec  plus  d'énergie  Thorreur  que 
ces  deux  crimes  inspirent  :  le  législateur  a  voulu  témoigner  que,  lorsque  l'agent 
se  trouve  en  face  soit  de  ses  ascendants,  soit  de  son  époux,  sa  colère  même 
ne  l'excuse  plus  ;  il  doit  s'en  rendre  maître,  parce  que  les  sentiments  qui  Ven- 
chûnent  à  ces  êtres  doivent  être  plus  forts  que  les  ressentiments  qu*ii  éprouve 
momentanément.  On  aurait  pu  peut-être  se  borner  dans  ces  deux  hypothèses 
à  restreindre  les  effets  de  Texcuse  sur  l'application  de  la  peine,  sans  les 
détruire  entièrement:  il  s'agit,  en  effet,  non  d'une  provocation  ordinaire,  mais 
d'une  provocation  par  violences  graves  ;  or,  il  ne  faut  pas  méconnaître  les  lois 
générales  qui  dirigent  les  actions  humaines  :  il  est  certain  que  le  fils  et  l'époux 
ont  le  devoir  impérieux  de  contenir  leurs  ressentiments,  même  en  supportant 
les  violences  graves  du  père  ou  de  la  femme;  mais  cela  Sût-il  que  celui  qui 
n*a  pas  su  mettre  un  frein  à  sa  colère  irritée  par  ces  violences  soit  aussi  cou- 
pable que  celui  qui  s'est  livré  aux  mêmes  actes  sans  aucune  provocation? 
Toute  la  question  est  là,  et  il  est  à  craindre  que  la  loi  n'ait  fondé  sur  une 
injuste  confusion  de  deux  faits  distincts,  la  leçon  morale  qui  se  trouve  édictée 
dans  les  art.  323  et  324. 

861.  L'art  322  assimile  au  fait  de  provocation  l'attaque  dWe  maison 
habitée  : 

«  Aat.  322.  Les  crimes  et  délits  mentionnés  au  précédent  article  sont  également 
excusables,  s'ils  ont  été  commis  en  repoussant  pendant  le  jour  Tescalade  ou  Tef- 

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HomoBB  iT  covn  mvoLoifTAiiisi  (aat.  zu).  357 


ftmo^où  des  clôWMWs,  dian  on  «ntrée  d'mie  mtison  «m  d'wi  ^[>parteiii6&t  habité 
ou  de  leurs  dépendances.  » 

CeBt  la  violation  par  la  force  du  domicile  que  la  loi  permet  de  reponsser 
paria  force.  Cette  violation  par  l'escalade  on  Teffraction  des  clôtures  on  par 
touC  antre  moyen  équivalent^  car  ici  les  termes  de  la  loi  doivent  être  considé- 
rés comme  purement  démonstratifs,  est  un  acte  de  violente  agression,  et  par 
conséquent  rentre  dans  la  classe  des  violences  graves  qui  constituent  la  provo- 
cation. Le  maître  de  la  maison,  si  sa  sûreté  personnelle  et  celle  de  sa  famille 
n'a  pas  été  en  danger,  s'il  avait  d'autres  moyens  de  repoxisser  les  malfaiteurs 
et  de  rendre  leur  tentative  vaine,  n'avait  pas  le  droit  de  commettre  un  homi- 
cide ou  de  faire  des  blessures  ;  il  n'est  donc  pas  à  l'abri  de  toute  peine,  il  est 
seulement  excusable;  car  il  n'appartient  à  personne  de  faire  usage  de  ses  armes 
sans  une  nécessité  absolue,  et  de  tuer  ou  blesser  même  des  gens  qu'on  répute 
malfaiteurs,  par  une  mesure  de  justice  souveraine  que  la  vraie  justice  ne  peut 
reconnaître.  11  en  est  autrement  si  l'attaque  a  eu  lieu,  suivant  les  termes  de 
Fart.  329,  pendant  la  nuit,  parce  que,  dans  ce  cas,  le  maître  de  la  maison  ne 
peut  apprécier  ni  ses  forces  ni  son  but  et  qu'il  se  trouve  dés  lors  en  état  de 
légitime  défense. 

862.  Le  flagrant  délit  d'adultère  de  la  femme  est  aussi  pour  le  mari  une 
cause  de  provocation  : 

«  Art.  324.  Le  meurtre  commis  par  Tépoux  sur  l'épouse,  ou  par  celle-ci  sur  son 
époux,  n'est  pas  excusable^  si  la  vie  de  Tépoux  ou  de  l'épouse  qui  a  comiois  le 
meurtre  n'a  pas  été  mise  en  péril  dans  le  moment  môme  où  le  meurtre  a  eu  lieu. 
Néanmoins,  dans  le  cas  d'adultère  prévu  par  l'art.  336,  le  meurtre  commis  par 
répoux  sur  son  épouse,  ainsi  que  sur  le  complice,  à  l'instant  où  il  les  surprend 
en  flagrant  délit  dans  la  maison  conjugale,  est  excusable.  » 

En  principe,  ainsi  que  je  Pal  déjà  fait  remarquer,  le  meurtre  commis  par 
Fun  des  époux  sur  l'autre  n'est  pas  excusable.  Le  devoir  des  époux  est  de 
n'épargner  aucun  sacrifice  pour  maintenir  entre  eux  une  parfaite  union. 
Cette  règle  atteint  et  l'époux  qui  est  Fauteur  du  meurtre,  et  celui  qui  s'en  est 
rendu  complice.  Mais  la  loi  y  a  posé  une  double  exception  :  !•  si  la  vie  de 
répoux,  auteur  du  meurtre,  a  été  mise  en  péril  an  moment  même  où  Thomi- 
cide  a  été  consommé  :  C9  péril  excuse  le  meurtre,  lors  même  qu'il  n'aurait  pas 
été  dans  la  iiécessité  de  le  commettre  pour  se  défendre;  2^  si  le  meurtre  a  été 
commis  par  l'époux  sur  son  épouse,  ainsi  que  sur  son  complice,  au  moment  où 
il  les  a  surpris  en  flagrant  délh  d'adultère  dans  la  maison  conjugale.  Cette  der- 
nière exception  est  expliquée  dans  Fexposé  dés  motifs  du  Gode  en  ces  termes  : 
s  La  loi  n'excuse  ce  metirîre  que  sous  deux  conditions  :  1*  si  l'époux  l'a  com- 
mis au  même  instant  où  il  a  surpris  Fadultère  t  plus  tard  il  a  et  le  temps  de  la 
réflexion  et  il  a  dû  penser  qu'il  n'est  permis  à  personne  de  se  ftdre  justice; 
2*  s'il  a  surpris  Fadultère  dans  sa  propre  maison.  Cette  restriction  a  paru  né« 
cesftaire.  On  a  craint  que,  6i  le  meurtre,  commis  dans  tout  autre  lieu,  était 
également  excusable,  la  tranquillité  des  familles  ne  fût  tromblée  par  des  époux 
méfiants  et  injustes  qu'aveuglerait  l'espoir  de  se  venger  des  prétendus  égare- 
ments de  leurs  épouses.  » 


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358         VINGTiteB  UBÇ.  —  DES  CftllCSS  BT  DÉLITS,  BTC.  (n*  365). 

368.  Enfin,  la  loi  a  inscrit  parmi  les  fiait»  de  provocation  on  violent  oatra(je 
à  la  padear  : 

«  Art.  32S.  Le  crime  de  castration,  s'il  a  été  immédiatement  provoqué  par  un 
outrage  violent  à  la  pudeur,  sera  considéré  comme  meurtre  ou  blessures  excusables.  » 

Cette  disposition  peut,  à  la  première  vue,  vous  sembler  inutile.  Car  l'art!  321 
ne  consîdëre-t-il  pas  comme  des  faits  de  provocation  toutes  les  violences  graves 
envers  les  personnes?  Et  comment  ne  pas  ranger  parmi  ces  violences  les 
attentats  et  les  outrages  à  la  pudeur  ?  Ces  actes  constituent  donc  une  excuse 
légale  du  meurtre  et  des  blessures.  L'art.  325  n'a  eu  d'autre  objet  que  d'appli- 
t[uer  cette  règle  à  une  blessure  particulière  qui,  si  elle  n'avait  pas  été  spécia- 
lement prévue,  aurait  pu  donner  lieu  à  des  doutes. 

864.  Lorsque  Tezcuse  est  admise,  la  peine  dont  le  crime  est  passible  est 
atténuée  dans  les  proportions  qui  suivent  : 

a  Art.  326.  Lorsque  le  fait  d'excuse  sera  prouvé,  s*il  s'agit  d'un  crime  emportant 
Ta  peine  de  mort,  ou  celle  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  ou  celle  de  la  déporta- 
tion, la  peine  sera  réduite  à  un  emprisonnement  d'un  an  à  cinq  ans  ;  —  s'il  s*agit 
de  tout  autre  crime,  elle  sera  réduite  &  un  emprisonnement  de  six  mois  à  deux 
ans.  —  Dans  les  deux  premiers  cas,  les  coupables  pourront  de  plus  être  mis,  par 
Tarrét  ou  le  jugement,  sous  la  surveillance  de  la  baute  police  pendant  cinq  ans 
au  moins  et  dix  ans  au  plus.  —  B'il  s'agit  d'un  délit,  la  peine  sera  réduite  à  un 
emprisonnement  de  six  jours  à  six  mois.  » 

Cet  article  ne  donne  lieu  à  aucune  observation. 

HOMICIDE,  BLESSURES  ET  COUPS  MON  QUALIFIÉS  GRIMES  MI  DÉLITS. 

866.  L'homicide  et  les  blessures  volontaires  sont  non-seulement  excusables, 
mais  légitimes,  lorsqu'ils  ont  été  commandés  soit  en  vertu  d'un  ordre  légal, 
soit  par  la  nécessité  actuelle  de  la  défense.  L'ordre  légal  ou  la  nécessité  d'une 
légitime  défense  constituent,  non  plus  seulement  des  faits  d'excuse,  mais  des 
faits  justificatifs  qui  effacent  toute  la  criminalité. 

La  première  de  ces  causes  de  justification  est  prévue  par  l'art.  327  : 

«  Art.  327.  Il  n'y  a  ni  crime  ni  délit,  lorsque  l'homicide,  les  blessures  et  les 
eoups  étaient  ordonnés  par  la  loi  et  commandés  par  l'autorité  légitime,  v 

La  loi  a  dû  se  borner  à  poser  ce  principe  sans  prévoir  tous  les  cas  où  il  peut 
être  appliqué.  Elle  soumet  la  justification  de  l'agent  à  une  double  condition  : 
il  faut,  d'abord,  que  l'homicide  ait  été  commis  dans  un  cas  où  la  loi  l'autori- 
sait, il  faut  ensuite  qu'il  ait  été  commandé  par  le  fonctionnaire  qui  avait  le 
droit  d'apprécier  la  nécessité.  Il  est  clair  que,  sans  le  concours  de  Tune  et  de 
l'autre  de  ces  deux  conditions,  la  vie  des  citoyens  serait  abandonnée  aux  vio* 
lencea  des  agents  du  pouvoir  sans  aucune  garantie.  U  est  nécessaire  de  consa- 
crer d'abord  le  droit  et  ensuite  la  légitime  application  de  ce  droit.  On  peut 
citer  comme  exemple  d'homicide  légal  le  fait  du  militaire  qui,  sur  l'ordre  de  ses 
chefs,  tire  sur  les  ennemis  pendant  la  guerre,  ou  sur  des  rebelles,  pendant 
ks  troubles  civils.  Nous  avons  déjà  parlé  de  cette  cause  de  justification  (n»  180). 


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.  BOtfIGIOS  BT  ilOUPS  IMYOLOKTAIRIS  (aRT.    329)«  359 

8M.  La  seconde  cause  de  justification  est  la  nécessité  aanelle  de  la 


tt  Abt.  328.  Il  n'y  a  ni  crime  ni  délit  lorsque  l'homicide,  les  blessures  et  les 
coups  étaient  commandés  par  la  nécessité  actuelle  de  la  légitime  défense  de  soi* 
môme  ou  d*autrui.  » 

c  L*homicide  est  légitime,  dit  l'exposé  des  motifs,  lorsqu'il  est  commandé 
par  la  défense  de  soi-même,  soit  qu'on  ait  été  frappé  on  qu'on  se  trouve  dans 
an  pressant  danger  de  l'être,  et  que,  ne  pouvant  attendre  des  secours  de  la 
loi,  entraîné  par  l'instinct  conservateur  de  son  existence,  on  repousse  la  force 
par  la  force.  •  Toutes  les  législations,  en  effet,  ont  considéré  ce  droit  de 
défense  comme  un  droit  naturel,  que  chaque  membre  de  la  société  peut  reven* 
diquer,  lorsque  la  loi  ne  suf&t  pas  pour  le  protéger.  Mais  quand  y  a-t-il  néces- 
sité actuelle  de  la  légitime  défense  de  soi-même  ou  d'autrui?  CTest  là  ce  que 
nous  devons  examiner.  On  doit,  d'abord,  inférer  des  termes  de  la  loi  qu'elle 
n'a  voulu  protéger  que  la  défense  de  ta  personne,  car  elle  ne  parle  que  de  la 
défense  de  sùi-méme  ou  à*autrui.  Aussi,  lorsque  l'attaque  est  dirigée  contre 
les  biens,  comme  dans  le  cas  prévu  par  le  1«'  §  de  l'art.  322,  l'homicide  peut 
être,  dans  certaines  circonstances,  excusable,  il  cesse  d'être  justifiable.  On  doit 
encore  inférer  du  texte  de  la  loi  que  la  défense,  peur  devenir  légitime,  doit 
être  nécessaire,  c'est-à-dire  commandée  par  un  péril  actuel  :  il  n'y  a,  en  effet, 
de  nécessité  actuelle,  que  celle  où  la  force  appelle  la  force,  oii  le  danger  est 
présent  et  provoque  instantanément  la  défense.  Enfin,  cette  défense  ne  peut 
être  légitime  qu'autant  que  l'agression  est  injuste  :  ainsi  les  rebelles  contre 
lesquels  la  force  légale  serait  employée  ne  pourraient  évidemment  invoquer 
cette  exception,  puisque,  en  état  de  flagrant  délit,  ils  ne  peuvent  se  présenter 
en  état  de  légitime  défense  contre  l'autorité  légale. 

L'art.  329  comprend  dans  les  cas  de  légitime  défense  les  deux  cas  sui- 
vants : 

«  Art.  329.  Sont  compris  dans  les  cas  de  nécessité  actuelle  de  défense  les  deux 
cas  suivants  :  —  1*  8i  Thomicide  a  été  commis,  si  les  blessures  out  été  faites,  ou 
si  les  coups  ont  été  portés,  en  repoussant  pendant  la  nuit  l'escalade  et  l'effraction 
des  clôtures,  murs  ou  entrée  d'une  maison  ou  d'un  appartement  habité  ou  de  leurs 
dépendances  ;  —  2o  Si  le  fait  a  eu  lieu  eu  se  défendant  contre  les  auteurs  de  vols 
ou  de  pillage  exécutés  avec  violence.  » 

Dans  les  deux  cas  dont  il  s'agit,  il  y  a  lieu  de  craindre  les  violences  contre 
les  personnes  et  dans  le  cas  où  ces  violences  ont  été  commises  :  il  y  a  néces*» 
site  actuelle  delà  défense.  Cette  défense  est  légitimée,  soit  pur  une  escalade  ou 
effraction  de  nuit,  parce  qu'une  agression  de  nuit  menace  les  personnes  autant 
4iue  les  propriétés,  soit  par  des  violenoes  commises  même  de  jour^par  des  volenrs 
ou  des  pillards,  parce  que  ces  violences  établissent  l'éiat  de  légitime  défense. 

vmoT  ST  nHiÈm  ibçon. 
B67.  Je  vais  essayer  de  terminer  dans  cette  lefon  Texamen  des  crimes  et 


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860     VINGT  BT  imiÈIIB  LEÇ.  ^  DBS  CRIMXB  KT  DÉLITS,  RG.  (n""  369). 

délite  contre  les  personnes  ;  nous  n'avons  examiné  encore  que  l'àornicide»  les 
coups  et  les  blessures;  à  côté  de  ces  premiers  attentats  il  en  est  plusieurs  antres, 
qui  ont  des  caractères  particuliers  et  sont  soumis  à  des  règles  spéciales.  Û 
importe  de  déterminer  nettement  le  caractère  de  chacun  d'eux  et  de  préciser 
les  éléments  distincts  de  leur  incrimination. 

ATTENTATS  AUX  MOEURS. 

La  Ciode  comprend  sous  ce  titre  et  dans  la  même  section  l'outrage  public  à 
ior  pudeur,  l'attentat  à  la  pudeur  et  le  viol,  l'excitation  des  mineurs  à  la 
débauche,  l'adultère  et  la  bigamie.  Tous  ces  faits  n'ont  de  commun  que  leur 
immoralité  :  ils  diffèrent  par  leur  gravité,  par  les  faits  qui  les  caractérisent,, 
par  leur  but  même.  NouS  suivrons  dam  lecff  examen  l'ordre  même  de  notre 
Qode. 

368.  Le  premier  de  ces  attentats  est  l'outrage  public  à  la  pudeur  : 

«  Art.  330.  Toute  personne  qui  aura  commis  un  outrage  public  &  la  pudeur  sera 
punie  d'un  emprisonnement  de  trois  mois  à  deux  ans  et  d'une  amende  de  16  à200f^.  » 

Qu'est-ce  qu'un  outrage  à  la  pudeur?  La  loi  ne  l'a  pas  défini.  U  faut  tenir 
pour  constant,  d'une  part,  que  cette  expression  ne  peut  s'entendre  de  simples 
injures,  quelque  outrageantes,  quelque  grossières  qu'elles  soient,  elle  ne 
s'applique  qu'à  des  faits  matériels,  à  des  actes  ;  et,  d'une  autre  part,  qu'elle 
renferme  toutes  les  actions  contraires  aux  bonnes  mœurs;  qui  par  leur  licence 
ont  dû  être  l'occasion  de  scandale  pour  l'honnêteté  et  la  pudenr  de  ceux 
qui  fortuitement  ont  pu  en  être  les  témoins.  Ainsi,  tous  les  actes  impudiques 
qui,  sans  attenter  particulièrement  à  la  personne  de  qui  que  ce  soit,  sont  de 
nature  à  blesser  les  regards  et  la  pudeur  de  ceux  qui  en  sont  témoins,  ren- 
trent dans  cette  catégorie.  Mais  il  faut  que  le  délit  ait  été  commis  publique- 
ment :  c'est  la  publicité  qui  fait  sa  criminalité,  car  c'est  le  scandale,  î'oflFense  à 
l'honnêteté  publique  que  la  loi  punit  Cette  publicité  existe  toutes  les  fois  qu» 
l'outrage  est  commis  dans  un  lieu  public,  ou  que,  même  commis  hors  d'un 
Ueu  de  cette  nature,  il  a  pu  frapper  les  regards  du  puMte. 

869.  L'art.  331  prévoit  l'attentat  à  la  pudeur  sans  violence  : 

«  Art.  331.  Tout  attentat  à  la  pudeur,  consommé  ou  tenté  sans  violence  sur  la 
personne  d'an  enAint  de  l'un  ou  de  l'autre  sexe,  élgê  de  moins  de  treize  ans,  sera 
.  puni  de  la  féelusion.  » 

Cet  artiolo  e^  été  inlroddit  dans  le  QoéB  pénal  par  la  loi  du  28  avril  i9S^.  L» 
loi  n'avait  puni  jusque-^là  l'attentat  à  la  pudeur  que  lorsqu'il  avait  été  commis 
avec  violence.  Il  en  résultait  que  la  plupart  des  attentats  commis  sur  de  jennes^ 
enfants,  n'étant  point  acoompagnés  de  violences  physiques,  échappaient  à 
toute  répression.  C'est  là  la  lacune  que  le  législateur  a  voulu  réparer  :  il  punit 
la  séduction  exercée  sur  les  enliuits  de  moins  de  onse  ans,  k  oonruption  pra- 


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D»  ATTSirrAT0  A  LA  PUDBUR  (ART.  331).  361 

tiqnée  sur  léar  Tolonté,  Fentrainemeiit  criminel  qn^lls  subissent.  Par  les  mots 
A' attentat  à  la  pudeur,  qui  sont  peut-^tre  id  assez  inexacts  puisque  Tattentat  sup- 
pose en  général  la  violence,  il  faut  entendre  tons  les  actes  qui  attentent  à  la 
pudeur  de  Tenfant,  qui  ont  pour  effet  de  le  flétrir  et  de  le  corrompre.  Mais  s'il 
y  a  présomption  d'une  violence  morale  que  Tftge  de  moins  de  treize  ans  a  fait 
établir,  cette  présomption  cesse  si  l'enfant  est  d'un  âge  supérieur.  Il  s'ensuit 
que  l'attentat  et  l'âge  de  la  victime  sont  les  deux  conditions  essentielles  du 
crime  prévu  par  Tart.  331. 

870.  Il  faut  ajouter  que  la  loi  du  13  mai  1863  a  introduit  dans  cet  article 
une  modification  importante  en  substituant  l'ftge  de  treize  ans  à  Tàge  de  onze 
ans.  On  doit  applaudir  à  la  pensée  morale  qui,  pour  protéger  l'enfance  contre 
d'odieux  attentats,  en  prolonge  la  durée.  Il  est  bien  de  préserver  l'enfant  le 
plus  longtemps  possible,  aussi  longtemps  qu'il  demeure  enfant,  contre  la 
séduction  qu'on  ne  pratique  à  son  égard  que  pour  le  flétrir  et  le  corrompre.  H 
faut  prendre  garde  néanmoins  que  plus  on  approché  de  l'âge  nubile,  et  plus  il 
y  a  lieu  de  craindre  que  la  volonté  ne  vienne  contredire  la  présomption  de 
contrainte  morale  qui  est  l'élément  du  délit.  Le  péril  est  de  confondre  l'atten- 
tat à  la  pudeur  avec  l'immoralité. 

871.  Un  2<»  §  a  été  ajouté  à  l'art.  331. 

«  Art.  331,  2*  §.  Sera  puni  de  la  môme  peine  l'attentat  à  la  pudeur  commis  par 
tout  ascendant  sur  la  personne  d'un  mineur,  môme  âgé  de  plus  de  treize  ans,  mais 
non  émancipé  par  mariage,  v 

Cette  innovation  rétablit  en  d'autres  termes  une  incrimination  que  Ton 
trouve  dans  notre  ancienne  législatton,  mais  que  notre  législateur  avait  jus- 
qu'ici répudiée,  le  crime  d*inceste.  La  loi  suppose  que  la  contrainte  morale 
que  les  ascendants  peuvent  exercer  se  prolonge  au  delà  de  l'âge  de  treize  ans 
et  résulte  de  la  seule  autorité  personnelle.  Toutefois,  quand  la  victime  a  passé 
cet  âge,  n'est-il  pas  évident  que  l'attentat  sans  violence  n'est  plus  qu'une  séduc- 
tion ?  Ce  n'est  donc  pas  seulement  l'abus  d'autorité  qui  est  puni  ici,  c'est  la 
séduction  personnelle  des  ascendants,  c'est  l'inceste,  fait  odieux  sans  doute, 
mais  dont  la  répression  ne  peut  être  obtenue  qu'en  soulevant  des  scandales 
plus  redoutables  ]^ut-éire  que  Timpunité. 

872.  L'attentat  à  la  pudeur  avec  violence  a  plusieurs  degrés  :  sa  gravité 
dépend  :  1«  de  l'âge  de  la  victime  ;  2<»  du  caractère  même  de  l'attentat  ;  Z^  de 
la  qualité  de  l'agent. 

«  Art.  332,  3*  §.  Quiconque  aura  commis  un  attentat  à  la  pudeur,  consommé  ou 
tenté  avec  violence  contre  des  Individus  de  Tun  6u  de  l'autre  sexe,  sera  puni  de  la 
réclusion.  » 

CTest  là  le  pranier  degré  du  crime.  L'attentat  n'a  point  le  but  détemiiné 
autre  que  d'offenser  la  pudeur,  de  la  peraeinaevar  laquelle  il  est  exercé  :  il 

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362     VINGT  BT  URiiMB  LEÇ.  —  DB8  GRIlO»  ET  fflfcLITS,  ETC.   («•   374). 

suffit  qa*il  ait,  par  le  moyen  d'an  acte  yiotent,  outragé  la  pudeur,  sans  autre 
intention  que  cet  outrage  môme,  pour  qu*il  rentre  dans  les  termes  de  la  loi. 
Ainsi  il  a  été  jugé  que  des  femmes  qui,  après  avoir  dépouillé  une  autre  femme 
de  ses  vêtements,  Pavaient  soumise  à  des  mauvais  traitements,  étaient  coupa» 
blés  d'attentat  à  la  pudeur.  Il  a  encore  été  reconnu  que  des  ouvriers  qui  avaient 
de  force  procédé  à  Texamen  des  parties  sexuelles  de  Tun  d'eui  s'étaient  ren* 
dus  coupables  du  même  crime.  Le  Gode  ne  fait  aucune  distinction  entre  les 
attentats  inspirés  par  le  désir  des  jouissances  sensuelles  et  ceux  commis 
par  tous  autres  motifs,  tels  que  la  haine,  la  vengeance  ou  la  curiosité.  L'at- 
tentat résulte  du  foit  lui-môme,  quelle  que  soit  Tintention  de  celui  qui  le 
commet. 

Mais  l'attentat  reprend  ici  son  caractère  distinctif  :  c'est  la  violence  qui  le 
constitue.  L'attentat  à  la  pudeur,  lorsqu*il  est  commis  sans  violence,  n'est  pas- 
sible d'aucune  peine,  à  moins  qu'il  ne  soit  public  (art.  330)  ou  qu'il  ne  soit 
commis  sur  un  enfant  de  moins  de  onze  ans  (art.  331).  C'est  donc  l'usage  de 
la  force  qui  fait  le  crime  :  elle  outrage  en  violentant  la  volonté.  Il  importe 
peu  que  l'attentat  ait  été  consommé,  tel  que  l'agent  s'était  proposé  de  l'ac- 
complir, ou  qu'il  ait  été  seulement  tenté,  et  ait  rencontré  dans  la  résistance 
de  la  victime  un  obstacle  qui  en  a  empoché  rentier  accomplissement.  Le 
crime  est  le  môme  et  la  loi  a  eu  soin  de  le  réunir  dans  la  môme  disposition. 

873.  L'attentat  à  la  pudeur  avec  violence  prend  un  caractère  distinct  et 
plus  grand  lorsqu'il  a  pour  but  le  viol. 

«  ART.  33t.  Quiconque  aura  commis  le  crime  de  viol  sera  puni  des  travaux  forcés 
à  temps.  » 

Les  caractères  de  ce  crime  sont  les  mômes  que  ceux  de  Pattentat  à  la 
pudeur,  si  ce  n'est  que  le  fait  matériel,  qui  constitue  le  plus  grand  des  atten- 
tats à  la  pudeur,  emporte  avec  lui  un  dommage  irréparable.  De  là  la  sévérité 
plus  grande  de  la  loi.  Il  faut  d'ailleurs,  comme  pour  l'attentat,  que  la  vio- 
lence soit  constatée  soit  par  la  résistance  de  la  victime,  soit  par  les  manœuvres 
frauduleuses  qui  l'ont  enchaînée.  Toute  hésitation  de  la  part  de  celle-ci,  toute 
circonstance  qui  dénoterait  une  sorte  de  complicité  de  sa  part  ferait  disparaî- 
tre la  criminalité  de  l'acte.  Quel  est  le  caractère  de  la  tentative  de  viol?  n'est- 
ce  qu'un  simple  attentat  à  la  pudeur  ?  Il  est  évident  que  la  tentative  caracté- 
risée du  crime  de  viol  ne  doit  pas  être  confondue  avec  les  attentats  à  la  pudeur 
avec  violence,  car  elle  en  diffère  par  la  nature  de  l'acte  et  le  but  que  se  pro- 
pose l'agent.  La  tentative  de  viol,  si  elle  réunit  les  caractères  déterminés  par 
l'art.  2,  est  assimilée  au  crime  môme,  car  elle  réunit  tous  les  éléments  du 
crime;  elle  est  plus  qu'un  attentat,  car  ce  n'est  pas  seulement  l'outrage  qu'elle 
a  pour  but;  elle  conserve  donc  son  caractère  distinct,  bien  qu'elle  ait  rencon- 
tré un  obstacle  qui  a  empoché  son  accomplissement. 

874.  L'attentat  à  la  pudeur  avec  violence  et  le  viol  puisent  une  môme 
aggravation  dans  l'âge  de  la  victime  et  dans  la  qualité  de  l'agent.  8i  le  crime 
a  été  commis  sur  la  personne  d'an  enfant  au-4eflsou8  de  l'âge  de  quinze  an« 

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BBS  ATTENTATS  A  LA  PUDBUA  (aRT.  333).  363 

accomplis,  la  peine  de  l'attentat  à  la  padeor  avec  violence  est  la  peine  des 
travaux  forcés  à  temps  et  la  peine  du  viol  est  le  fnaximvm  de  cettte  peine, 
#*e8t-à-dire  vingt  ans  de  travaux  forcés,  f  An-dessous  de  l'âge  de  quinze  ans» 
porte  l'exposé  des  motifs  du  CSode,  Tinnocence  doit  plus  particulièrement  com- 
mander le  respect  et  faire  taire  jusqu'aux  désirs:  l'emploi  de  la  force  est  d'au- 
tant plus  révoltant  qu'il  offre  une  violation  de  l'instinct  même  de  la  nature 
et  un  abus  de  Fignorance  autant  que  de  la  faiblesse  de  la  victime.  » 

375.  L'aggravation  résultant  de  la  qualité  fait  l'objet  de  l'art.  333  : 

a  ART.  333.  Si  les  coupables  sont  les  ascendants  de  la  personne  sur  laquelle  a  été 
commis  l'attentat,  s'ils  sont  de  la  classe  de  ceux  qui  ont  autorité  sur  elle,  s'ils  sont 
ses  instituteurs  ou  ses  serviteurs  à  gages,  ou  serviteurs  à  gages  des  personnes  ci- 
dessus  désignées,  s'ils  sont  fonctionnaires  ou  ministres  d*un  culte,  ou  si  le  cou- 
pable, quel  qu'il  soit,  a  été  aidé  dans  son  crime  par  une  ou  plusieurs  personnes, 
la  peine  sera  celle  des  travaux  forcés  à  temps,  dans  le  cas  prévu  par  le  §  t**  de 
l'art.  331,  et  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  dans  les  cas  prévus  par  Tarticle 
précédent.  » 

L'aggravation  édictée  par  cet  article  a  quatre  causes  distinctes  :  l'autorité  de 
Tagent  sur  la  victime,  sa  qualité  de  domestique  dans  la  maison  où  le  crime 
est  commis,  l'autorité  attachée  au  titre  de  fonctionnaire  ou  de  ministre  du 
culte,  enfin  l'assistance  qu'il  reçoit  dans  l'exécution. 

Quelles  sont  les  personnes  qui  ont  autorité  sur  la  victime  ?  La  loi  ne  désigne 
nominativement  que  les  ascendants  et  les  instituteurs  ;  il  faut  nécessairement 
comprendre  dans  cette  disposition  toutes  les  personnes  qui  sont  investies  soit 
d'une  autorité  légale,  comme  les  pères  et  mères,  les  tuteurs  et  curateurs,  ioh 
d'une  autorité  de  fait,  comme  celle  du  mari  sur  les  enfants  d'un  premier 
mariage  ou  des  maîtres  sur  les  domestiques,  des  patrons  sur  les  ouvriers.  Il 
importe  peu  que  l'autorité  dérive  de  la  loi  ou  de  la  position  des  personnes, 
il  suffit  qu'elle  existe  et  qu'elle  ait  été  un  des  moyens  qui  ont  facilité  le 
crime. 

La  qualité  de  serviteur  à  gages  est  un  élément  d'aggravation,  non-seulement 
lorsque  le  crime  est  commis  sur  les  maîtres  eux-mêmes,  mais  encore  lors- 
qu'il est  commis  sur  uneMes  personnes  de  la  famille.  L'aggravation  s'étend 
même  au  cas  oii  l'attentat  aurait  été  commis  par  un  domestique  sur  un  autre 
domestique  de  la  même  maison  ;  il  suffît,  eo  effets  d'après  les  termes  précis 
de  Fart.  333,  que  l'agent  ait  cimimis  le  crime  sur  une  personne  soumise  à 
l'autorité  des  individus  dans  la  maison  desquels  elle  était  placée  comme 
domestique:  la  loi  a  voulu  frapper  d'une  peine  plus  forte  l'auteur  d'un  atten- 
tat à  la  pudeur  sur  l'une  des  personnes  qui  sont  protégées  par  l'autorité  du 
dief  de  la  famille,  pour  avoir  ainsi  porté  le  désordre  dans  la  maison  où  il  a 
été  admis. 

A  l'égard  des  fonctionnaires  et  ministres  du  culte,  une  question  grave 
s'élève:  l'aggravation  est-elle  nécessairement  attachée  à  leur  qualité,  ou  n'est* 
<»  <|ae  lorsqu'ils  ont  abusé,  de  leurs  fonctions  pour  oomnaettre  l'attantat, 
qa'Ûs  en  sont  passibles?  U  semble  à  la  première  vue  que  le  crime  ne  doive 
s'aggraver  que  dans  le  cas  où  la  fonction  a  donné  un  ascendant  sur  la  par- 

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364     VINGT  BT  UNIÂMB  LBÇ.   -^  DBS  GRBfBB  BT  DÉLITS,  BTC.  (n^   377). 

sonne^  un  moyen  de  s'introduire  auprès  d'elle,  en  un  mot,  qu'aulant  que  le 
délit  a  été  commis  sous  IHnfluence  des  fonctions  ;  car  ce  ti'est  pas  la  quriité, 
isolée  de  toute  influence,  c'est  l'abus  de  la  position  qui  donne  au  crime  une 
intensité  plus  grande,  dépendant  lorsqu'on  s'arrête  aux  termes  de  la  loi,  on  ne 
peut  s'empêcher  de  remarquer  qu'elle 'attache  l'aggrayation  à  la  seule  qualité 
de  fonctionnaire  ou  de  ministre  du  culte,  sans  distinguer  si  la  fonction  a  ou 
n'a  pas  servi  à  la  perpétration.  11  semble  que  la  loi  ait  voulu  poser  en  principe 
que  les  fonctionnaires  et  les  ministres  doivent  aux  autres  l'exemple  d'une 
conduite  pure  et  sans  tache;  plus  répréhensibles  quand  ils  tombent  en 
faute,  plus  coupables  quand  ils  commettent  des  crimes,  ils  doivent  être  punis 
davantage. 

La  quatrième  cause  d'aggravation  est  l'assistance.  Cette  assistance  peut  être 
prêtée  soit  par  des  complices  qui  n'ont  d'autre  but  que  de  faciliter  l'exécution 
du  crime,  soit  par  des  coauteurs  qui  se  donnent  une  coopération  successive. 
Il  est  évident  que  l'aggravation  s'applique  à  Tun  et  à  l'autre  cas.  Ce  serait  faire 
une  injure  au  législateur  que  de  croire  qu'il  aurait  entendu  infliger  la 
même  peine  à  l'individu  qui,  seul  et  sans  être  aidé  de  personne,  aurait  commis 
ou  tenté  de  commettre  un  viol,  qu'à  celui,  beaucoup  plus  coupable,  qui  se 
serait  fait  aider  dans  son  crime  par  un  ou  plusieurs  complices  dont  les  forces 
réunies  auraient  mis  leur  victime  dans  l'impos^bilité  de  se  défendre,  et  qui 
auraient  encore  pu  assouvir  tour  à  tour  sur  elle  toute  leur  brutalité  et  joindre 
ainsi  la  barbarie  à  l'outrage. 

876.  Les  art  334  et  335  prévoient  l'attentat  aux  mœurs  commis  en  excitant 
la  débauche.  U  est  inutile  de  nous  arrêter  à  l'art.  335,  qui  ne  fait  qu'ajouter  à 
la  peine  prineipale  du  délit  quelques  peines  aoeessoires.  L'art.  334,  qui  définit 
ce  délit,  est  ainsi  conçu  : 

«  Art.  334.  Quiconque  aura  attenté  aux  mœurs»  en  excitant,  favorisant  ou  faci- 
litant habituellement  la  débauche  ou  la  corruption  de  la  jeunesse  de  Tun  ou  de 
l'autre  sexe  au-dessous  de  Tàge  de  vingt  et  un  ans,  sera  puni  d'un  emprisonne- 
ment de  six  mois  à  deux  ans  et  d'une  amende  de  50  à  500  fr.  —  Si  la  prostitution 
a  été  excitée,  favorisée  ou  facilitée  par  leurs  pères,  mères,  tuteurs  ou  autres  per- 
sonnes chargées  de  leur  surveillance,  la  peine  sera  de  deux  aàs  à  cinq  ans  d'em* 
prisonnement  et  de  300  à  1,000  îit,  d'amende.  » 

Ce  texte  a  soulevé  de  nombreuses  difficultés.  H  est  difficile,  quand  on 
se  trouve  en  face  d'actes  immoraux  et  dépravés,  de  ne  pas  diercher,  en  éten- 
dant un  peu  les  termes  de  la  loi,  à  les  comprendre  dans  ses  dispositions  répres- 
sives. Cest  là  nne  tendance  à  laquelle  l'esprit  honnête  des  magistrats  se  laisse 
entraîner  ;  mais  c'est  un  tort  ;  il  n'appartient  pas  au  juge  de  refisire  U  bi  pénale 
et  d'apporter  dans  ses  kiteirprétadons  plus  de  sévérité  que  le  législateur;  sa 
tâche  se  home  à  déclarer  le  sens  véritable  des  textes  qu'il  applique,  il  ne  doit 
jamais  aller  au  delà. 

'  877.  Première  question,  yexdtation  à  la  débanéhe  ne  doii-eUe-êtie  impu- 
table qu'aux  personnes  qui  en  fbnt  métier  et  trafic?  Ou  la  loi  a^^^-elie  veufai 
-oomprendte,  dans  sa  disposition,  non-seulement  les  proxfoètes,  mais  encore 

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DBS  ATTENTATS  A  LA  PUDEUR  (aAT.  334).  365 

ceux  qui  corrompeat  la  jeunesse  pour  satisfoire  leurs  propres  passions?  Cette 
question  a  longtemps  divisé  la  jurisprudence;  elle  est  aujourd'hui  résolue. 
L'exposé  des  motiiis  du  CSode  avait  nettement  indiqué  le  but  du  législateur  : 
f  Le  Gode  prononce  des  peines  de  police  correctionnelle  contre  les  personnes 
convaincues  d'avoir  débauché  ou  corrompu  la  jeunesse  :  il  [est  en  ce  point 
conforme  à  l'ancienne  loi.  »  Or,  les  lois  anciennes  ne  punissaient  que  le  maque- 
rellage  et  non  la  séduction  personnelle.  Le  rapporteur  duGorps  législatif  ajou« 
tait  :  c  £n  noi^s  occupant  des  attentats  aux  piœurs,  comment  ne  pas  signaler 
ces  ôtres  qui  i^e  vivent  que  pour,  et  par  la  débauche,  qui,  rebuts  des  deux  sexes» 
se  font  un  état  de  leur  rapprochement  mercenaire  et  spéculent  sur  l'âge,  l'inex- 
périence et  la  misère  pour  colporter  le  vice  et  alimenter  la  corruption  ?  Des 
législateurs  ne  les  ont  punis  que  du  mépris  public  :  mais  que  peut  le  mépris 
sur  des  âmes  aussi  avilies  7  Punit-on  par  l'infiMViie  des  personnes  qui  en  font 
leur  élément?  C'est  par  des  châtiments,  c'est  par  un  emprisonnement  et  une 
amende  que  le  projet  de  loi  a  cherché  à  atteindre  ces  partisans  habituels  de 
prostitution.  »  Lekngage  delà  loi  ne  fait  que  confirmer  cette  explication.  Quels 
sont  les  agents  qu'elle  punit?  Ce  sont  ceux  qui  excitent,  favorisent  ou  facilitent 
habitujallement  la  débauche  ;  ce  sont  donc  les  agents  de  la  corruption,  ceux  qui 
fournissent  les  moyens  de  rapprochements,  les  intermédiaires,  les  instruments 
de  la  prostitution.  Le  second  alinéa  de  l'article  vient  encore  à  l'appui  de  cette 
interprétation,  car  il  aggrave  la  peine  des  agents  qui  sont  chargés  de  la  sur- 
veillance des  mineurs.  Or,  il  est  évident  que,  sauf  la  qualité,  source  de  l'aggra- 
vation, le  délit  est  le  môme  dans  les  deux  alinéa.  Dès  lors,  comme  dans 
le  second,  la  loi  n'assigne  aux-  mères,  pères  et  tuteurs,  d'autre  rôle  que  celui 
d'entremetteurs,  de  proxénètes,  il  s'ensuit  que,  dans  le  premier,  il  ne  s'agir 
évidemment  que  des  mômes  agents.  H  est,  au  surplus,  admis  aujourd'hui 
sans  contestation  que  l'art.  334  ne  s'applique  qu'aux  personnes  qui  favorisent 
la  débauche  des  mineurs,  non  pour  elles-mêmes,  mais  pour  satisfaire  l'incon- 
tinence d'autrui, 

II78.  Deuxième  question.  Que  faut-il  entendre  par  le  mot  habituellement 
dans  Part.  334?  Est-il  nécessaire  qu'il  y  ait  plusieurs  victimes?  L'habitude 
résulte-t-elle  de  plusieurs  actes  de  corruption  commis  sur  la  môme  personne? 
La  loi  punit  d'une  manière  générale  tous  ceux  qui  trafiquent  de  la  corruption 
de  la  jeunesse,  qui  l'ecxitent  à  la  débauche  et  lui  en  facilitent  les  moyens  pour 
la  livrer  à  la  prostitution,  pourvu  que  la  fréquence  et  la  répétition  des  faits 
prennent  le  caractère  d'une  habitude  criminelle;  or,  cette  habitude  peut  évi- 
demment résulter  soit  des  faits  de  corruption  répétés  à  différentes  époques 
envers  la  môme  personne,  soit  des  mômes  faits  successivement  pratiqués  envers 
des  personnes  différentes. 

879.  Troisième  question.  L'habitude  est-elle  une  circonstance  constitutive 
du  délit  dans  le  deuxième  paragraphe  de  l'art.  334  aussi  bien  que  dans  le  pre* 
mier?  On  avait  pensé  que  les  termes  de  oe  deuxième  alinéa  ne  se  lient  pas 
nécessairement  avec  le  premier  ;  que,  dans  le  premier  alinéa,  ce  délit,  imputé 
à  des  tiers,  ne  pouvait  se  constituer  que  par  une  succession  de  faits,  tandis 

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366     VINGT  BT  UNiâMB  LBÇ.   —  DE»  GRIMB8  BT  DÉLITS,  ETC.   (n*  381). 

que,  dans  le  second,  le  môme  délit,  imputé  aux  pères,  mères  et  tuteurs,  existait 
par  la  perpétration  d'un  seul  fait,  dette  distinction  n'est  pas  fondée.  Le  pre- 
mier alinéa  exige,  pour  l'application  de  la  peine,  que  le  prévenu  ait  excité,  favo- 
risé ou  facilité  habituellement  la  débauche  ou  la  oorruption  de  la  jeunesse,  ia 
circonstance  de  l'habitude  est  donc  un  élément  constitutif  du  délit.  Or  le 
deuxième  alinéa  change-^tp-il  les  conditions  de  ce  délit?  8ubstitue-t-ilune  nou- 
velle incrimination  à  la  première  ?  Nullement  ;  il  ne  fait  que  prévoir  une  cir- 
constance aggravante  du  même  délit  résultant  de  l'autorité  appartenant  aux 
personnes  chargées  de  la  surveillance  des  mineurs  ;  il  ne  modifie  donc  en  au- 
cune manière  les  éléments  de  Tincrimination  et  l'art.  335,  qui  définit  les  inca- 
pacités auxquelles  peuvent  être  accessoirement  condamnés  les  coupables  et  qui, 
en  énonçant  les  cas  prévus  par  les  premier  et  deuxième  alinéa,  ne  les  considère 
que  comme  constituant  un  seul  délit  ;  il  faut  donc  conclure  que  le  législateur 
n'a  pas  fait  de  ce  deuxième  alinéa  un  délit  distinct  et  spécial. 

880.  Quatrième  question.  Est-il  nécessaire,  pour  que  le  délit  existe,  que  le 
mineur  ait  été  flétri  par  la  débauche  ?  Nullement  ;  le  délit  ne  réside  pas  dans 
Pacte  de  corruption  ou  de  prostitution,  mais  dans  l'acte  de  proxénétisme  qui 
tend  à  faciliter,  à  exciter  cette  corruption  ou  cette  prostitution  ;  dès  que  le  pré- 
venu a  prêté  son  entremise  et  a  été  intermédiaire  entre  le  séducteur  et  la  vic- 
time, le  délit  est  consommé  à  son  égard  :  ia  loi  punit  l'excitation  à  la  débauche 
lorsqu'elle  résulte  des  faits  réitérés  qui  constituent  une  habitude. 

Vous  connaissez  maintenant  les  caractères  constitutifs  du  délit  d'attentat 
aux  mœurs.  L'art.  334  n'a  compris  dans  ses  dispositions  que  les  personnes 
qui  s'entremettent  pour  faciliter  et  favoriser  la  débauche  :.il  faut,  pour  l'exis- 
tence du  délit  :  1*  que  la  corruption  ait  été  excitée  au  profit,  non  d'une  pas- 
sion personnelle,  mais  des  passions  d'autrui  ;  2°  qu'il  y  ait  habitude  de  cette 
excitation,  c'est-à-dire  réitération  des  actes  d'excitation  sur  plusieurs  personnes 
et  même  sur  une  seule. 

381.  J'arrive  maintenant,  en  suivant  Tordre  des  articles  du  Code,  à  un  délit 
que  la  loi  a  classé  parmi  les  attentats  aux  mœurs,  mais  qui  conserve  un  carac^ 
tère  particulier  et  des  règles  distinctes  :  le  délit  d'adultère.  L'exposé  des  motifs 
du  Code  explique  sur  ce  sujet  la  pensée  du  législateur  :  «  U  est  une  infraction 
aux  mœurs  moins  publique  que  la  prostitution  érigée  en  métier,  mais  presque 
aussi  coupable  ;  si  elle  ne  suppose  pas  des  habitudes  aussi  dépravées,  elle  pré- 
sente la  violation  de  plus  de  devoirs  :  c'est  l'adultère.  Placé  dans  tous  les  codes 
au  nombre  des  plus  graves  attentats  aux  mœurs,  à  la  honte  de  la  morale,  Topi- 
nion  semble  excuser  ce  que  la  loi  doit  punir  ;  une  espèce  d'intérêt  accompagne 
le  coupable  ;  les  railleries  poursuivent  la  victime.  Cette  contradiction  entre 
l'opinion  et  la  loi  a  forcé  le  législateur  à  faire  descendre  dans  la  classe  des 
délits  ce  qu'il  n'était  pas  en  sa  puissance  de  mettre  au  rang  des  crimes.  >  Mais 
le  législateur  ne  s'est  pas  borné  à  modérer  les  peines  de  ce  délit,  il  en  a  envi- 
ronné la  poursuite  de  formes  et  de  conditions  qui  la  rendent  difficile.  Ces 
conditions  et  ces  formes  sont  inscrites  dans  le  Code  pénal,  à  côté  de  l'incrimi- 
nation. Nous  devons  examiner  :  1*  les  caractères  du  délit;  2^  les  règles  relati- 
ves à  sa  poursuite. 

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ATTBNTATS  AtJX  MOEURS  (aRT.    338).  367 

Le  délit  d'adaltère  n'est  point  défini  par  la  loi.  II  réside  dans  le  commerce 
illicite  d'un  homme  et  d'nne  femme,  lorsque  1  un  de  ces  deux  agents  est 
marié.  II  faut  un  commerce  illicite,  car  on  ne  doit  pas  confondre  tous  les  actes 
immoraux  avec  la  consommation  même  de  Taduitère.  U  faut  le  mariage  de  l'un 
des  coupables  au  moins,  car  c'est  ce  mariage  qui  fait  la  faute.  Enfin,  il  est 
inutile  d'ajouter  qu'il  n'y  aurait  pas  de  délit,  si  Tadultère  était  le  résultat  de 
la  violence  ou  de  Terreur  ;  il  y  a  donc  une  espèce  de  dol  nécessaire  pour  con* 
stituer  le  délit  et  qui  résulte  uniquement  de  la  complicité  de  la  volonté. 

882.  Les  peines  de  Tadultère  sont  portées  par  les  art  337  et  338. 

«  Art.  337.  La  femme  convaincue  d'adultère  subira  la  peine  de  l'emprisonne- 
ment pendant  trois  mois  au  moins  et  deux  ans  au  plus.  » 

a  Art.  338.  Le  complice  de  la  femme  adultère  sera  puni  de  remprisonnement 
pendant  le  môme  espace  de  temps  et  en  outre  d'une  amende  de  100  à  2,000  ft*.  » 

Une  question  s'élève  sur  un  premier  point  :  celui  que  Part.  338  nomme 
complice  est  un  véritable  coauteur.  Mais  en  dehors  de  ce  coauteur,  les  personnes 
qui  ont  aidé  la  perpétration  du  délit,  en  fournissant,  suivant  les  termes  do 
Fart.  60,  les  moyens  de  Je  commettre,  sont-elles  passibles  des  mêmes  peines 
que  les  deux  autres  principaux  ?  Il  ne  peut  à  cet  égard  exister  aucun  doute.  Les 
art.  59  et  60  ont  édicté  une  disposition  générale  qui  se  rattache  à  tous  les  cri- 
mes et  délits  i  moins  qu'une  exception  précise  n'en  repousse  Tapplication.  Ici 
nous  ne  trouvons  aucune  exception  ;  il  faut  donc  tenir  pour  certain,  et  telle 
était  aussi  la  disposition  de  notre  ancienne  jurisprudence,  que  tous  les  agents 
qui,  par  l'un  des  moyens  prévus  par  Fart.  68,  se  sont  rendus  complices  du  dé* 
lit,  peuvent  en  partager  la  responsabilité. 

888.  Gela  posé,  il  faut  expliquer  les  règles  spéciales  qui  s'appliquent  à  la 
poursuite  de  ce  délit.  La  première  de  ces  règles  est  que  l'adultère  ne  peut  être 
dénoncé  que  par  le  mari.  Tels  sont  les  termes  formels  de  l'art  336.  Ainsi, 
nulle  poursuite  n'est  possible  tant  que  le  mari  n'a  pas  lui-même  porté  plainte. 
Quels  sont  les  effets  de  cette  plainte  ?  Si  l'on  se  tient  dans  les  termes  précis  de 
l'art.  366,  on  doit  décider  que  la  plainte  n'a  pas  d'autre  effet  que  de  permettre 
à  l'action  publique,  arrêtée  jusque-là,  de  prendre  son  cours  :  ce  texte,  en  effet» 
ne  donne  au  mari  que  le  droit  exclusif  de  porter  plainte,  il  ne  lui  attribue 
aucune  autre  fachlté.  Mais  l'art.  337  ajoute  que  «  le  mari  restera  le  maître 
d'arrêter  l'effet  de  la  condamnation,  en  consentant  à  reprendre  sa  femme.  »  Et 
il  résulte  de  cette  disposition,  déjà  consacrée  par  l'art.  309  du  Ciode  civil,  que 
le  mari,  au  pouvoir  de  retenir  l'action  publique  enchaînée  réunit  celui  d'anéan- 
tir la  poursuite  et  le  jugement  Or,  ne  peut-on  induire  de  là  que  le  mari,  qui 
suspend  l'exécution  du  jugement,  peut  suspendre  la  poursuite,  qu'il  a  dès  lora 
entre  les  mains  l'action  publique  elle-même  et  que  ce  n'est  pas  le  ministère 
public,  mais  lui-même  qui  l'exerce  ?  Je  ne  crois  pas  que  cette  conséquence 
soit  exacte.  Le  droit  de  remettre  la  peine  suppose  nécessairement  le  droit  de 
remettre  la  poursuite  elle-même  ;  car  on  ne  saurait  admettre  que  le  mari,  qui 
s'est  réconcilié  avec  sa  femme  dans  le  cours  du  procès  et  qui  tient  de  la  loi  le 

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368     VINGT  ET  UNlâtfE  LISÇ.  —  DBB  CRIKBS  BT  PiLlTS,  ETC.  (n^"  384). 

pouvoir  d*annaler  les  effets  dn  jugement,  ne  pût  pas  arrêter  le  procès  et  pré- 
venir le  jagement  môme.  Il  importe  à  Fintérét  du  mariage^  qui  est  le  plus 
grand  intérêt  social,  que  l'adultère  n'acquière  pas  par  on  jugement  une  certi- 
tude judiciaire  et  que  le  pardon  du  mari  soit  toujours  accueilli  comme  une 
preuve  légal9  que  le  délit  n'a  pas  été  conmiis.  Mais  de  là  suit-il  que  le  mari 
doive  être  considéré  comme  investi  de  l'action  publique  ?  Le  ministère  public, 
qui  ne  peut  ni  saisir  la  justice  sans  une  plainte,  ni  continuer  la  poursuite 
après  le  désistement,  conserve,  entre  ces  deux  actes,  la  plénitude  de  Taction 
publique  et  l'exerce  librement  en  faisant  toutes  les  réquisitions  qu'il  juge 
utiles.  Bon  pouvoir  est  restreint,  mais  il  continue  de  subsister  dans  les  limites 
qu'il  reçoit  de  la  loi.  Le  mari,  dans  l'intêrôt  du  mariage,  est  investi  d'une  dou- 
ble prérogative;  mais  il  ne  faut  pas  étendre  ses  droits  au  delà  des  termes  fixés 
par  la  loi.  Les  peines  du  délit  ne  sont  point  établies  dans  un  intérêt  de  ven- 
geance et  au  profit  du  mari,  mais  dans  un  intérêt  de  justice  et  au  profit  de  la 
société. 

De  là  il  suit  1«  que,  s'il  faut  que  le  mari  porte  plainte,  il  n'est  pas  néces- 
saire qu'il  se  porte  partie  civile  au  procès  ;  car  la  loi  n'exige  que  la  plainte , 
elle  n'exige  pas  le  concours  de  Taction  du  mari;  2^  que  le  seul  appel  du  mari, 
après  un  premier  jugement,  ne  peut  saisir  le  juge  d'appel  que  de  l'action  civile 
et  ne  l'autorise  ni  à  prononcer  une  peine,  si  le  juge  de  première  instance  n'en 
a  prononcé  aucune,  ni  à  aggraver  les  peines  encourues  ;  car  si  le  ministère 
public  n'a  pas  appelé,  l'action  publique,  dont  il  a  seul  l'exercice,  est  éteinte; 
le  mari,  qui  n'a  que  le  droit  de  plainte  et  le  droit  de  désistement,  n'a  pas  le 
droit  de  faire  revivre  une  action  éteinte.  Ge  droit  serait  même  contraire  à  l'es- 
prit de  la  loi  qui  ne  lui  a  donné  ces  privilèges  que  dans  l'intérêt  de  l'union  de 
la  famille,  et  qui  ne  lui  en  a  reconnu  aucun  pour  en  perpétuer  la  discorde; 
S^  que  le  ministère  public  peut  appeler  à  mifimd,  lors  même  que  le  mari 
n'appelle  pas  du  jugement  intervenu  sur  la  plainte;  car  ce  défaut  d'appel 
n'équivaut  pas  à  un  désistement,  il  a  saisi  la  justice  et  l'action  suit  son  cours 
jusqu'à  ce  qu'il  use  du  droit  qu'il  a  de  l'arrêter. 

884.  Les  privilèges  dn  mari  s'étendent,  en  partie  du  moins,  jusqu'au  com* 
plice.  Le  complice  ne  peut,  comme  la  femme,  être  poursuivi  que  sur  la  plainte 
du  mari.  Mais  il  suffit  qu'il  ait  dénoncé  sa  femme  pour  que  le  complice  puisse 
être  poursuivi  d'office,  car  dès  que  le  ministère  public  est  saisi  du  délit,  il  peut 
en  poursuivre  tous  les  auteurs.  Le  mari  pourrait-il  dénoncer  le  complice  et 
garder  le  silence  sur  sa  femme?  Non  ;  la  cause  du  prévenu  ^t  indivisible  de 
celle  de  la  femme  ;  la  condamnation  du  complice  serait  la  condanmation 
morale  de  la  femme,  alors  même  qu'elle  ne  serait  pas  comprise  dans  les  pour- 
suites ;  et,  d'ailleurs,  il  ya  ou  il  n'y  a  pas  de  délit;  si  le  délit  existe,  il  est  impos- 
sible d'en  scinder  la  poursuite.  Il  en  est  de  même  en  ce  qui  touche  le  désistement  ; 
le  désistement  du  mari  relatif  à  la  femme  forme  une  fin  de  non-recevoir  rela- 
tivement au  complice,  car  la  réconciliation  du  mari  et  de  la  femme  équivaut 
à  la  preuve  légale  que  l'adultère  n'a  point  été  commis,  et  par  une  consé-, 
quence  nécessaire,  qu'il  n'existe  point  de  coupable  de  ce  délit.  Mais  si  le 
désistement  n'intervient  qu'après  le  jugement  définitif,  son  effet  est  uniquement 
de  faire  cesser  la  peine  de  la  femme  et  ne  s'étend  point  au  complice.  Quand  la 

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ATTENTATS  AUX  MOEURS   (ART.    339).  369 

preuve  de  l'adultère  est  faite,  quand  le  jagement  l'a  judiciairement  constaté, 
Tintérét  de  la  paix  de  la  famille  n'exige  plus  que  le  pardon  du  mari  s'étende 
au  complice. 

386.  La  plainte  du  mari  peut  rencontrer  plusieurs  fins  de  non-recevoir. 
La  première  est  prévue  part  Fart.  336.  Cet  article  porte  que  la  faculté  de 
dénoncer  l'adultère  de  la  femme  cessera  pour  le  mari  «  sMl  est  dans  le  cas 
prévu  par  l'art.  339.  •  Or,  que  prévoit  l'art.  339  ?  que  «  le  mari  qui  aura  entre- 
tenu une  concubine  dans  la  maison  conjugale,  et  qui  aura  été  convaincu  sur 
la  plainte  delà  femme,  sera  puni  d'une  amende  de  100  à  2,000  fr.  »  C'est  une 
incapacité  qui  frappe  le  mari;  il  perd,  à  raison  de  sa  conduite,  son  droit  de 
plainte;  contempteur  des  droits  de  la  famille,  il  ne  lui  appartient  pas  de 
revendiquer  les  mômes  droits  contre  sa  femme.  La  seconde  fin  de  non- 
recevoir  est  la  réconciliation  des  époux  :  cette  réconciliation,  dès  qu'elle  est 
constatée,  et  soit  qu'elle  ait  précédé  ou  suivi  la  plainte,  éteint  cette  plainte^ 
et  la  femme  peut  dès  lors  la  faire  valoir.  Elle  peut  encore  opposer  à  son 
action  son  interdiction,  puisque  le  mari  serait  frappé  d'incapacité  pour  ren- 
dre plainte.  Pourrait-elle  se  faire  une  fin  de  non-recevoir  de  la  connivence 
de  celui-ci  à  l'adultère  même?  Cette  fin  de  non-recevoir  existait  dans 
notre  ancienne  jurisprudence,  mais  aucun  texte  de  nos  lois  nouvelles  né  Ta 
<;onfirmée,  et  l'infamie  du  mari  n'est  point  une  excuse  pour  Tinfamie  de  la 
femme. 

386.  L'art.  339,  dont  je  viens  de  rappeler  le  texte,  définit  le  seul  cas  dans 
lequel  l'adultère  du  mari  peut  être  puni  :  c'est  lorsqu'il  a  entretenu  une  con- 
cubine dans  la  maison  conjugale.  Le  lé&;islateur  a  pensé  que  le  désordre  du 
mari  n'a  ni  les  mômes  dangers  ni  les  mômes  résultats  que  celui  de  la  femme; 
qu'il  ne  pénètre  pas  en  général  dans  la  famille  et  n'y  jette  aucun  trouble  :  ce 
n'est  donc  que  lorsque  cette  considération  générale  cesse  d'exister,  lorsque  le 
désordre  entre  dans  la  maison  conjugale  avec  la  concubine  entretenue  par  le 
mari,  que  la  loi  incrimine  cet  acte.  Les  conditions  de  cette  incrimination  sont  : 
4*  que  l'adultère  du  mari  ait  été  commis  cUins  la  maison  conjugale,  c'est-à-dire 
dans  la  maison  du  mari,  dans  la  maison  commune,  dans  celle  où  la  femme 
peut  être  contrainte  de  demeurer;  2«  que  le  mari  ait  entretenu  une  concubine 
dans  cette  maison  :  ce  n'est  pas  seulement  l'adultère,  c'est  l'intruduction  d'une 
femme  étrangère,  c'est  l'introduction  de  cette  femme  dans  le  domicile  com- 
mun qui  constitue  le  délit  du  mari.  Ce  délit  ne  peut,  au  reste,  être  poursuivi 
que  sur  la  plainte  de  la  femme;  l'art  339  le  dit  expressément.  Mais  la  femme 
n'a  point  le  droit  de  se  désister,  car  l'art.  339  n'a  point  reproduit  la  dernière 
disposition  de  l'art.  337,  seulement  le  mari  peut  opposer  à  l'action  l'excep- 
tion tirée  de  la  réconciliation  ;  c'est  ce  qu'on  doit  inférer  de  l'art.  272  du  Code 
civil. 

387.  Il  nous  reste,  sur  cette  matière,  à  appeler  votre  attention  sur  une  der- 
nière exception  au  droit  commun,  qui  se  trouve  consignée  dans  le  deuxième 
paragraphe  de  l'art.  338,  ainsi  conçu  :  «  Les  seules  preuves  qui  pourront  être 
admises  contre  le  prévenu  de  complicité  seront,  outre  le  flagrant  délit,  c.  lîcs 

I. 


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Cnoô^le 


370     21*  LBÇ.  —  DBS  CailMBS  ET  DÉLITS  CONTRE  LES  PERSONNES  (n*  388). 

résultant  de  lettres  ou  autres  pièces  écrites  par  le  prévenu.  «  Vous  remarquerea 
d'abord  que  cette  disposition  exceptionnelle  n'est  relative  qu'au  complice.  Ainsi, 
Tadultère,  soit  de  la  femme,  soit  du  mari,  est  soumis  aux  mômes  preuves  que 
tous  les  autres  délits.  Ainsi,  la  preuve  du  délit  d'adultère,  à  Tégard  de  la 
femme,  se  fait  de  la  manière  prescrite  par  les  art.  154, 155, 156  et  189  du  Code 
d'instruction  criminelle,  puisque  aucune  disposition  ne  l'a  exceptée  de  la  règle 
générale  et  que  les  termes  et  les  motifs  de  l'art.  338  ne  permettent  pas  de 
l'étendre  au  delà  de  la  personne  du  complice.  Mais,  relativement  à  ce  dernier, 
les  moyens  de  preuve  sont  limités  :  c  11  importait,  a  dit  Torateur  du  Corps 
législatif,  de  fixer  la  nature  des  preuves  qui  pourront  être  admises  pour  établir 
une  complicité  que  la  malignité  se  plaît  trop  souvent  à  chercher  dans  des 
indices  frivoles,  des  conjectures  hasardées  ou  des  rapprochements  fortuits.  Après 
les  preuves  du  flagrant  délit,  de  toutes  les  moins  équivoques,  les  tribunaux  ne 
pourront  admettre  que  celles  qui  résulteraient  des  lettres  ou  autres  pièces 
écrites  par  le  prévenu  ;  c'est  dans  ces  lettres,  en  effet,  que  le  séducteur  dévoile 
sa  passion  et  laisse  échapper  son  secret.  •  Le  flagrant  délit  est  défini  par  l'art.  41 
du  Code  d'instruction  criminelle  ;  quant  aux  lettres  ou  autres  pièces  écrites  par 
le  prévenu,  il  y  a  lieu  de  remarquer  :  1*  que  la  loi  ne  demande  pas  que  les 
lettres  soient  signées  ;  il  suffit  qu'elles  soient  de  son  écriture;  2^  que  ces  mots 
ou  autres  pièces  écrites  par  le  prévenu  embrassent  toutes  les  pièces  quelconques, 
dont  on  pourrait  faire  ressortir  la  preuve  de  la  complicité  ;  on  doit  donc  y 
ranger  l'interrogatoire  signé  du  prévenu,  et  dans  lequel  serait  consigné  l'aveu 
de  l'adultère. 

388.  Il  reste,  pour  terminer  l'examen  des  attentats  aux  mœurs,  à  nous 
occuper  du  crime  de  bigamie.  L'art.  340  est  ainsi  conçu  : 

a  Art.  340.  Quiconque,  étant  engagé  dans  les  liens  du  mariage,  en  aura  contracté 
un  autre  avant  la  dissolution  du  précédent,  sera  puni  de  la  peine  des  travaux  forcés 
à  temps.  L'officier  public  qui  aura  prêté  son  ministère  &  ce  mariage,  connaissant 
Texistence  du  précédent,  sera  condamné  i  la  môme  peine.  » 

Le  crime  de  bigamie  consiste  donc  dans  le  fait  de  contracter  un  nouveau 
mariage  avant  la  dissolution  du  premier.  De  là  les  trois  conditions  constitutives 
du  crime  :  le  lien  d'un  premier  mariage,  le  fait  d'en  contracter  un  autre  avant 
la  dissolution  du  premier,  l'intention  frauduleuse  qui  fait  la  criminalité  de  l'ac- 
tion. Quelques  questions  peuvent  s'élever  à  ce  sujet. 

En  premier  lieu,  si  le  premier  mariage  est  dissous  soit  par  la  mort  naturelle, 
soit  par  l'efTet  d'une  nullité  radicale,  avant  que  le  second  ait  été  contracté,  il 
n'y  a  pas  de  crime,  puisqu'il  n'y  a  pas  deux  mariages  existant  simultanément. 
Mais  si  la  nullité  du  premier  mariage  n'a  pas  encore  été  déclarée,  en  est-il 
encore  ainsi?  11  faut  répondre  affirmativement.  Peut-on  cndamner  un  accusé 
avant  que  la  preuve  du  crime  qui  lui  est  imputé  soit  acquise  d'une  manière 
irréfragable  ?  Non,  sans  doute.  Peut-on  le  condamner  sans  avoir  la  certitude 
que  l'action  qui  constitue  son  crime  prétendu  ne  perdra  pas,  par  un  événe- 
ment qui  peut  survenir,  le  caractère  de  crime?  Non  encore.  Peut-on  le  con- 
damner provisoirement?  Pas  davantage.  Cependant  qu*arriveralt-il  si  le  con- 
damné pour  crime  de  bigamie  faisait  ensuite  déclarer  son  premier  mariage  nul? 

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ARRESTATIONS  ILLÉGALES  (aRT.  341).  371 

Certainement  alors  on  serait  forcé  de  reconnaître  qae  le  prétendu  bigame  a 
été  condamné  comme  tel  avant  que  son  crime  fût  constaté,  qu'il  a  été  condamné 
avant  que  l'action  qui  lui  était  imputée  à  crime  fût  irrévocablement  jugée  cri* 
minelle,  en  un  mot»  qu'il  a  été  jugé  provisoirement.  Mais,  tout  eu  reconnais- 
sant ces  tristes  vérités,  quel  remède  aurait-on  pour  faire  cesser  une  condamna- 
tion qui,  par  l'événement,  se  trouverait  sans  base  ?  La  loi  n'en  a  indiqué  aucune, 
et  les  juges  seraient  sans  pouvoir  pour  suppléer  à  son  silence.  Ainsi  le  condamné 
subirait  la  peine  de  bigamie,  môme  après  la  preuve  solennellement  prononcée 
qu'il  n'est  pas  bigame.  Donc  la  loi,  en  exigeant  le  lien  d'un  premier  mariage, 
a  entendu  parler  d'un  mariage  valide. 

Le  second  mariage,  dont  l'existence  constitue  le  crime,  est  en  lui-môme 
nécessairement  nul  ;  mais  il  faut  néanmoins  qu'il  ait  une  existence  régulière, 
à  moins  que  sa  célébration  n*ait  été  suspendue  par  un  événement  indépendant 
de  la  volonté  de  l'agent  ;  car,  dans  cette  hypothèse,  il  y  aurait  une  tentative 
légale  que  la  loi  assimile  à  la  consommation  môme  du  crime.  Cette  tentative, 
'au  surplus,  ne  résulterait  pas  du  contrat  de  mariage  passé  avant  la  dissolution 
du  premier  mariage,  car  ce  contrat  n'est  pas  un  acte  d'exécution  ;  elle  ne 
pourrait  résulter  que  de  l'acte  de  mariage  devant  l'officier  de  l'état  civil  ou  des 
faits  qui  commencent  l'exécution  de  cet  acte.  Les  publications  requises  par  un 
individu  déjà  marié  ne  suffiraient  pas,  ces  publications  ne  sont  qu'un  acte  pré- 
paratoire et  ne  commencent  pas  l'exécution  de  l'acte  du  mariage. 

L'intention  frauduleuse  est  le  troisième  élément  du  crime.  Le  Gode  pénal 
de  1791  portait  qu'en  cas  de  bigamie  i  l'exception  de  la  bonne  foi  pourrait  être 
admise,  lorsqu'elle  serait  prouvée.  •  Si  notre  Code  n'a  pas  cru  devoir  repro- 
duire cette  exception,  c'est  qu  il  a  cru  inutile  de  l'énoncer  :  elle  est  de  droit 
commun  ;  elle  est  consignée  dans  ce  principe,  antérieur  à  tous  les  codes,  que 
là  où  il  n'y  a  point  de  volonté,  il  ne  peut  y  avoir  de  crime.  La  bonne  foi  de 
l'agent  consiste  dans  la  croyance  où  il  est  que  son  premier  mariage  est  dissous, 
croyance  qui,  pour  effacer  le  crime,  doit  ôtre  fondée  sur  de  très-fortes  probabi- 
lités. Au  surplus,  toutes  les  questions  relatives  à  la  nullité  du  premier  mariage 
appartiennent  à  la  juridiction  civile  et  doivent  suspendre  l'action  criminelle 
jusqu'à  ce  qu'elles  soient  résolues. 

ARRESTATIONS  ILLiOALIS  ET  s6QUBSTRATI0NS  DES  PERSONNES. 

380.  Les  art.  341,  342,  343  et  344  prévoient  le  crime  qui  était  connu  dans 
notre  ancienne  jurisprudence  sous  le  nom  de  charte  privée.  Il  ne  s'agit  point 
ici  des  arrestations  illégales  commises  par  des  fonctionnaires  publics;, cette 
matière,  qui  fait  le  sujet  des  art.  114  et  suivants,  a  fait  l'objet  de  notre  précé- 
dent examen.  Les  dispositions  actuelles  n'ont  trait  qu'aux  attentats  à  la  liberté 
commis  par  des  particuliers.  L'art.  341  définit  en  ces  termes  le  crime  de  déten- 
tion illégale. 

«  Art.  341.  Seront  punis  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps  ceux  qui,  sans 
ordre  des  autorités  constituées  et  hors  le  cas  où  la  loi  ordonne  de  saisir  des  pré- 
venus, auront  arrôté,  détenu  ou  séquestré  des  personnes  quelconques.  » 

U  résulte  de  ce  texte  que  deux  conditions  sont  nécessaires  pour  constituer 

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372   21**  LBÇ.  —  DES  CRIMES  ET  DÉLITS  CONTRE  LES  PERSONNES  (n*  : 

le  crime  :  1^  un  fait  d'arrestation,  de  détention  ou  de  séquestration  ;  2o  Fille- 
galité  de  ce  fait.  Je  dis  un  fait  d'arrestation,  de  détention  ou  de  séquestration; 
car  les  expressions  de  la  loi  indiquent  trois  natures  de  crimes  qui,  quoique 
analogues,  peuvent  exister  isolément  ;  en  effet,  l'arrestation  illégale  peut  exis* 
ter  comme  crime,  sans  avoir  été  suivie  de  détention  ni  de  séquestration,  et 
ces  deux  derniers  faits  constituent  eux-mêmes  des  crimes  distincts  qui  ont 
chacun  des  éléments  qui  leur  sont  propres.  Quant  à  l'illégalité  de  la  détention, 
elle  existe  par  cela  seul  qu'elle  a  eu  lieu  sans  ordre  des  autorités  constituées 
et  hors  le  cas  où  la  loi  ordonne  de  saisir  les  personnes.  Il  faut  vous  reporter 
à  la  loi  de  la  procédure  criminelle  qui  énumère  les  cas  où  il  y  a  lieu  à  l'arres* 
lation  des  inculpés. 

En  général,  tous  les  complices  sont  frappés  des  mêmes  peines  que  l'autear 
principal  ;  il  faut  donc  appliquer  aux  complices  du  crime  prévu  par  l'arti- 
cle 341  les  règles  écrites  dans  les  art.  59  et  60.  La  loi  toutefois  a  pensé  que  les 
règles  pourraient  être  insuffisantes  et  elle  a  créé  un  nouveau  cas  de  com- 
plicité. 

«  Deuxième  paragraphe  de  l'art.  341.  Quiconque  aura  prêté  un  lieu  pour  exé- 
cuter la  détention  ou  séquestration,  subira  la  môme  peine.  » 

La  prestation  d'un  local  est  assimilée  à  la  fourniture  d'instruments  destinés 
à  l'exécution  du  crime.  Il  est  inutile  d'ajouter  que  cette  prestation  doit  avoir 
été  faite  avec  connaissance. 

Les  art.  342,  343  et  344  ont  pour  unique  objet  de  graduer  la  peine  d'après 
les  circonstances  qui  ont  accompagné  la  détention.  La  peine  est  de  deux  à  cinq 
ans  d'emprisonnement,  si  la  personne  arrêtée  a  été  rendue  à  la  liberté  avant 
le  dixième  jour  accompli  et  avant  toute  poursuite.  Elle  est  des  travaux  forcés 
à  temps,  du  onzième  jour  au  trentième.  Elle  est  des  travaux  forcés  à  perpé- 
tuité :  i<>  si  la  détention  a  duré  plus  d'un  mois  ;  2^  si  l'arrestation  a  été  exé- 
cutée avec  un  faux  costume,  sous  un  faux  nom,  ou  sur  un  faux  ordre  de  Pau- 
torité  publique  ;  3^  si  l'individu  arrêté,  détenu  ou  séquestré,  a  été  menacé  de 
la  mort.  Enfin,  la  peine  est  celle  de  mort,  si  les  personnes  arrêtées,  détenues 
ou  séquestrées  ont  été  soumises  à  des  tortures  oorporelles. 

GRIMES  BT   DÉLITS    TBNDA.NT  A  EUPÉGHEA   OD  DÉTRUIRE  LA  PREUVE  DE  l'ÉTAT  GFVIL 
d'un  enfant  ou  a  compromettre  son  EXISTENCE. 

890.  La  loi  a  réuni  sous  ce  titre  des  faits  qui  n'ont  ni  la  même  nature  ni  le 
même  but  :  les  uns  sont  dirigés  contre  l'état  civil  de  l'enfant,  les  autres  contre 
sa  vie.  Mais  ils  ont  un  lien  commun  ;  ils  menacent  l'existence  civile  on  maté- 
rielle de  l'enfant  ;  ils  provoquent  sur  un  être  qui  ne  peut  se  défendre  la  pré- 
voyante protection  de  la  loi.  J'examine  d'abord  les  crimes  et  délits  qui  ont  pour 
but  d'altérer  l'état  civil  de  l'enfant. 

a  Art.  345.  Les  coupables  d^enlèvement,  de  recelé  ou  de  suppression  d'un  enfant, 
de  substitution  d*un  enfast  à  un  autre,  ou  de  supposition  d*un  enfant  à  une  femme 
qui  ne  sera  pas  accouchée,  seront  punis  de  la  réclusion.  ^  La  même  peine  aura 
lieu  contre  ceux  qui,  étant  chargés  d'un  enfant,  ne  le  représenteront  point  aux 
personnes  qui  ont  droit  de  le  réclamer.  » 


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CRIMBS  £T  DÉLITS  CONTRE  LSS  ENFANTS  (aRT.   345).  373 

Le  crime  d'enlèvement^  de  recelé  ou  de  .suppression  d*un  enfant,  connu  dans 
notre  ancien  droit  sous  le  nom  de  suppression  de  part,  comprend  tous  les 
faits  ou  fausses  déclarations  qui  donnent  à  un  enfant  une  famille  à  laquelle  il 
n'appartient  point  et  le  privent  de  celle  à  laquelle  il  appartient,  ou  qui,  par  un 
moyen  quelconque,  lui  font  perdre  Tétat  que  la  loi  lui  garantissait.  Il  faut 
entendre  par  enfant  un  être  organisé  et  vivant,  car  l'enfant  qui  n^est  pas  né 
viable  n'a  pas  d'état  et  ne  transmet  aucun  droit.  L'art.  345  a  essentiellement 
pour  objet  d'assurer  son  état  civil,  et  si  le  législateur  a  eu  en  vue  d'assurer 
l'état  civil  d'un  enfant,  ce  n'a  pu  être  que  datis  la  supposition  que  celui-ci 
serait  vivant.  Cet  article  serait  donc  inapplicable  au  cas  d'inhumation  clandes- 
tine d*un  enfant  mort-né.  C'est  donc  une  condition  constitutive  et  substantielle 
du  crime  que  l'enfant  supprimé  soit  né  vivant.  Il  faut  ensuite  que  la  suppres- 
sion ait  été  effectuée  avec  l'intention  de  changer  son  état. 

Mais  de  cette  interprétation  que  l'art.  345  ne  dispose  que  pour  la  suppres- 
sion d'un  enfant  vivant  et  qu'il  cesse  d'être  applicable  s'il  n'est  pas  établi  que 
l'enfant  supprimé  ait  vécu,  résultait  une  véritable  lacune  dans  la  loi.  Car  la 
femme  récemment  accouchée  qui  ne  représente  pas  son  enfant  et  qui  n'en 
rend  aucun  compte  n'encourait  aucune  peine.  La  garantie  sociale  manquait  i 
l'enfant  qui  vient  de  naître.  La  mère  qu'un  sentiment  de  honte  ou  tout  autre 
mobile  sollicite  au  crime,  pouvait  s'assurer  l'impunité  par  une  suppression 
complète,  car  elle  mettait  la  justice  dans  l'impossibilité  de  s'assurer  si  l'enfant 
avait  vécu.  Pour  remplir  cette  lacune,  la  loi  du  13  mai  1863  a  introduit,  entre 
les  deux  paragraphes  de  l'art.  345,  un  nouveau  paragraphe  qui  forme  le  2«  et 
qui  est  ainsi  conçu  : 

«  S'il  n'est  pas  établi  que  Tenfunt  ait  vécu,  la  peine  sera  d'un  mois  à  cinq  ans 
d'emprisonnement;  s'il  est  établi  que  Tenfant  n'a  pas  vécu,  la  peine  sera  de  six 
jours  à  deux  mois  d'emprisonnement.  » 

On  a  considéré  que  la  non- représentât! on  du  cadavre  ne  supposait  pas  néces- 
sairement une  destruction  volontaire  ;  qu'elle  pouvait  s'expliquer  par  d'autres 
circonstances,  peu  communes  sans  doute,  mais  possibles  ;  que  même  la  des- 
truction volontaire  n'excluait  pas  forcément  l'hypothèse  de  l'enfant  mort-né, 
car  il  pourrait  arriver  que  le  sentiment  de  la  honte,  aveugle,  irrésistible,  et  ne 
laissant  de  place  à  aucun  calcul  de  prudence,  eût  poussé  à  l'anéantissement 
de  tous  les  témoignages  de  la  faute.  On  a  voulu  dès  lors  laisser  à  la  femme, 
accusée  ou  prévenue,  le  bénéfice  de  ces  doutes  et  de  ces  possibilités  et  l'on  a 
dit  :  l'enfant  doit  être  représenté  vivant  ou  mort;  il  faut  à  ce  principe  néces- 
saire une  sanction  pénale.  Si  l'enfant  n'est  pas  représenté,  il  y  aura  crime  ou 
délit  de  suppression  :  crime,  si  la  suppression  est  d'un  enfant  né  vivant;  délit, 
s'il  n'est  pas  établi  que  l'enfant  supprimé  ait  vécu  ou  si  la  preuve  contraire 
est  rapportée.  Pour  le  cas  de  suppression  criminelle  la  sanction  pénale  existait 
déjà  dans  le  !•'§  de  Tart.  345;  elle  restait  à  faire  pour  les  deux  autres  cas  ;  tel 
a  été  l'objet  de  la  disposition  additionnelle. 

L'art.  345  prévoit  une  seconde  hypothèse  du  même  crime  ;  c'est  la  substi- 
tution d'un  enfant  à  un  autre  ou  la  supposition  d'un  enfant  à  une  femme  qui 
n'en  serait  point  accouchée.  Ce  crime  a  lieu  :  1»  quand  une  femme,  après  avoir 
feint  d'être  enceinte,  fait  paraître  au  temps  de  l'accouchement  un  enfant 

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374   21*  LBÇ.  -—  DBS  GRIMES  ET  DÉLITS  CONTRE  LES  PERSONNES  {n^  392). 

qu'elle  dit  provenir  de  son  mari,  pour  frustrer  les  héritiers  légitimes;  3*  quand 
une  femme  enceinte  substitue,  après  son  accouchement,  un  enfant  à  la  place 
de  celui  dont  elle  est  accouchée;  3*»  quand  un  mari  et  une  femme,  qui  n'ont 
point  d'enfant,  en  supposent  un  étranger  qu'ils  disent  être  issu  de  leur 
mariage;  4«  lorsque  des  étrangers  substituent  à  des  pères  et  mères  un  enfant 
étranger  au  lieu  de  leur  enfant  légitime. 

391.  Une  des  plus  grandes  difficultés  de  la  matière  que  je  traite  en  ce 
moment  est  le  jugement  des  questions  d'état  que  soulève  la  poursuite  des  criâ- 
mes de  suppression  ou  de  supposition  d'enfant.  Les  art.  326  et  327  du  Code 
civil  portent  que  les  tribunaux  civils  sont  seuls  compétents  pour  statuer  sur 
les  réclamations  d*état  et  que  l'action  criminelle  ne  pourra  commencer  qu'après 
le  jugement  définitif  sur  la  question  d'état.  La  loi  a  tellemi^nt  craint  de  faire 
dépendre  entièrement  les  questions  d'état  de  simples  témoignages,  qu'elle  a 
proscrit  les  moyens  indirects  qui  seraient  employés  pour  y  parvenir.  Telles 
seraient  les  plaintes  en  suppression  d'état  qui  seraient  portées  devant  les  tri- 
bunaux criminels  avant  qu'il  y  ait  eu  par  la  voie  ci\ile  un  jugement  définitif. 
Les  parties  sont  renvoyées  devant  les  juges  civils.  Cette  décision  est  une  excep- 
tion à  la  règle  générale  qui,  considérant  les  répressions  des  crimes  comme  le 
plus  grand  intérêt  de  l'État,  suspend  les  procédures  civiles  quand  il  y  a  lieu  à 
la  poursuite  criminelle;  mais  cette  exception  s'appuie  sur  la  présomption  que 
la  plainte  n'aurait  pour  but  que  d'éluder  la  règle  du  droit  civil  qui  n'admet  pas 
la  simple  preuve  par  témoins  dans  les  questions  d'état.  (Voy.  les  art.  319,  320 
et  323  du  Code  civil.)  Les  art.  326  et  327  ne  sont  que  la  sanction  de  cette  pro- 
hibition. L'action  criminelle  contre  un  délit  de  suppression  d'état  n'aurait 
pas  seulement  pour  effet  d'en  faire  punir  les  auteurs,  elle  emporterait  néces- 
sairement la  preuve  que  l'état,  dont  le  plaignant  est  en  possession,  n'est  pas 
celui  auquel  il  a  droil.  C'est  là  ce  que  la  loi  a  voulu  empêcher.  La  question 
d'état  constitue  donc  une  question  préjudiciable  à  toute  poursuite  en  suppres- 
sion d'état.  La  juridiction  criminelle  est  frappée  d'une  incompétence  absolue  : 
l'action  criminelle  ne  peut  commencer  qu'après  que  cette  question  a  été  juj;ée. 
Toutefois  il  importe  de  remarquer  que  la  question  d'état  n'est  préjudicielle  à 
l'action  publique  :  l»  que  lorsqu'elle  a  pour  objet  une  question  de  filiation; 
2**  que  lorsque  cette  filiation  est  contestée  et  que  la  poursuite  peut  exercer  une 
influence  directe  sur  l'état  de  l'enfant.  Je  ne  fais  qu'indiquer  ici  ces  règles  de 
la  procédure  ;  ce  n'est  pas  le  lieu  de  les  développer. 

898.  Les  art.  346  et  347  prévoient  deux  faits  de  négligence  qui  peuvent  avoir 
le  même  effet  que  le  crime  : 

«  Art.  346.  Toute  personne  qui,  ayant  assisté  à  un  accouchement,  n'aura  pas 
fait  la  déclaration  à  elle  prescrite  par  l'art.  56  du  Code  civil  et  dans  les  délais 
fixés  par  Tart.  55  du  même  Code,  sera  punie  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à 
six  mois,  et  d'une  amende  de  16  à  300  fr.  » 

«  Art.  347.  Toute  personne  qui,  ayant  trouvé  un  enfant  nouvéau-nô,  ne  l'aura 
pas  remis  à  rofQcier  de  l'état  civil,  ainsi  qu'il  est  prescrit  par  l'art.  56  du  Code  civil, 
sera  punie  des  peines  portées  au  précédent  article.  —  La  présente  disposition  n'est 
point  applicable  à  celui  qui  aurait  consenti  à  se  charger  de  l'enflint  et  qui  aurait 
fait  sa  déclaration  &  cet  égard.devant  la  municipalité  du  lieu  ou  l'enfant  a  été  trouvé;» 

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CRIBfBS  BT  DÉLITS  CONTRE  LBS  BNFANTS  (aRT.    353).  375 

Ces  deax  articles  ne  font  qu'apporter  une  sanction  aux  art.  55»  56  et  58  du 
Gode  civil.  Cesi  donc  dans  ces  derniers  articles  qu'il  faut  rechercher  les  véri- 
tables éléments  du  délit.  Ainsi,  l'art.  56  du  Ck>de  civil  ne  prescrit  que  la  seule 
déclaration  de  la  naissance  :  il  s'ensuit  que  Fart.  346  n'est  point  applicable  à 
celai  qui,  en  déclarant  cette  naissance,  refuse  de  faire  connaître  les  noms  des 
père  et  mère.  Ainsi  cette  obligation  n'est  imposée  qu^à  certaines  personnes  : 
il  8*ensuit  que  Fart.  346  n'est  applicable  qu'aux  mêmes  personnes.  La  môme 
règle  d'interprétation  s'applique  à  l'art.  347  :  cet  article,  en  se  référant 
4  l'art.  58  du  Cîode  civil,  se  renferme  dans  les  termes  de  ce  dernier  article  et  ne 
peut  être  étendu  au  delà. 

893.  Vous  avez  vu  que  le  deuxième  paragraphe  de  l'art.  345  punit  de  la 
peine  de  la  réclusion  ceux  qui,  étant  chargés  d'un  enfant,  ne  le  représenteront 
point  aux  personnes  qui  ont  le  droit  de  le  réclamer.  C'est  là  une  sorte  d'abus 
de  confiance  commis  au  préjudice  des  parents  sur  la  personne  de  l'enfant.  La 
loi  s'occupe  moins  de  l'état  de  l'enfant  que  de  l'enfant  lui-même.  L'art.  348 
prévoit  un  autre  fait  de  la  même  nature  : 

«  Art.  348.  Ceux  qui  auront  porté  à  un  hospice  un  enfant  au-dessous  de  Tàge 
de  sept  ans  accomplis,  qui  leur  aurait  été  confié  afin  qu'ils  en  prissent  soin  ou 
pour  toute  autre  cause,  seront  punis  d'un  emprisonnement  de  six  semaines  à  six 
mois  et  d'une  amende  de  16  à  50  fr.  —  Toutefois,  aucune  peine  ne  sera  prononcée, 
s'ils  n'étaient  pas  tenus  ou  ne  s'étaient  pas  obligés  de  pourvoir  gratuitement  à  la 
nourriture  et  à  l'entretien  de  l'enfant,  et  si  personne  n'y  avait  pourvu.  » 

Cet  article  est  clairement  rédigé  et  ne  demande  aucun  commentaire.  L'abus 
qu'il  prévoit  est  moins  grave  que  celui  qui  fait  l'objet  du  deuxième  paragraphe 
de  l'art.  345,  puisque  les  traces  de  l'enfant  ne  sont  pas  perdues.  11  y  a  lieu  de 
remarquer  toutefois  que  c'est  uniquement  l'engagement  pris  par  les  personnes 
dépositaires  de  l'enlant  qui  constitue  le  délit. 

894.  Les  art.  349  et  suivants  s'occupent  spécialement  d'un  fait  qui  tend  à 
compromettre  l'existence  de  l'enfant,  l'exposition,  qui,  sans  avoir  toute  la  gra- 
yité  de  l'infanticide,  participe  de  son  caractère  moral  et  produit  souvent  les 
mêmes  effets.  L'incrimination  de  la  loi  ne  s'applique  qu'aux  enfants  au-dessous 
de  l'âge  de  sept  ans  accomplis  :  au-dessus  de  cet  âge,  l'enfant  est  réputé  pouvoir 
trouver  en  lui-même  assez  de  force  et  de  ressources  pour  se  défendre 
contre  les  périls  qui  l'environnent.  La  loi  distingue  ensuite,  pour  marquer  les 
différents  degrés  de  la  pénalité,  les  circonstances  qui  ont  accompagné  l'expo- 
sition :  si  elle  a  eu  lieu  dans  un  lieu  solitaire,  ou  non  solitaire,  si  elle  a  été 
«uivie  de  blessures  ou  de  mort.  Le  délaissement  dans  un  lieu  non  solitaire  fait 
l'objet  des  art.  352  et  353. 

a  Art.  352.  Ceux  qui  auront  exposé  ou  délaissé  en  un  lieu  non  solitaire  un 
enfant  au-dessous  de  l'âge  de  sept  ans  accomplis,  seront  punis  d'un  emprisonne- 
ment de  trois  mois  à  un  an  et  d'une  amende  de  16  à  100  fr.  » 

«  Art.  353.  Le  délit  prévu  par  le  précédent  article  sera  puni  d'un  emprisonne- 
ment de  six  mois  à  deux  ans  et  d'une  amende  de  25  à  200  fr.,  s'il  a  été  commis 
par  les  tuteurs  ou  tutrices,  instituteurs  ou  institutrices  de  l'enfant.  » 


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376      21®  LEÇ.  —  DES  CRIMSS  ET  DÉUTS  CONTRE  LES  PERSONNES  (n*  394)» 

Que  faut-il  entendre  par  un  lieu  solitaire  ?  Il  faut  entendre  un  lieu  où  l'en- 
fant ne  peut  pas,  suivant  toute  présomption,  trouver  des  secours,  t  Les  peines» 
dit  l'exposé  des  motifs,  doivent  être  plus  ou  moins  fortes,  suivant  le  danger 
qu'on  a  fait  courir  à  Tenfant;  et  ce  danger  est  plus  ou  moins  grand,  suivant  que 
le  lieu  de  l'exposition  est  ou  n'est  pas  solitaire.  Il  était  impossible  que  la  loi 
donnftt  une  explication  précise  à  cet  égard  ;  elle  s'en  rappone  au  juge,  car  le 
lieu  le  plus  fréquenté  peut  quelquefois  être  solitaire,  et  le  lieu  le  plus  solitaire- 
ôtre  très-fréquenté.  Cela  dépend  des  circonstances.  »  Ainsi,  lorsque  Texpo^fi- 
tion  n'a  pas  eu  lieu  dans  un  endroit  solitaire,  il  y  a  lieu  de  présumer  que 
l'agent  n'a  pas  voulu  compromettre  la  vie  de  l'enfant,  qu'il  n'a  voulu  qu'effacer 
les  traces  de  sa  naissance.  De  là  les  peines  modérées  de  l'art.  352.  Une  antre 
question  est  de  savoir  ce  qu'il  faut  entendre  par  délaissement.  Il  y  a  délaisse- 
ment toutes  les  fois  que  Tenfant  a  été  laissé  seul  et  que,  par  ce  fait  d'abandon^ 
il  y  a  eu  cessation,  quoique  momentanée,  ou  interruption  des  soins  et  de  la  sur- 
veillance qui  lui  sont  dus.  Ainsi  ce  n'est  pas  un  acte  de  délaissement  que  de 
déposer  un  enfant  dans  le  tour  d'un  hospice,  lorsqu'il  est  ceriain  que  l'enfant 
sera  recueilli  et  trouvera  les  soins  qui  lui  sont  nécessaires.  Au  reste,  l'article 
soumet  à  un  châtiment  plus  sévère  les  tuteurs  et  tutrices,  les  instituteurs  et 
institutrices.  Plus  la  loi  les  environne  de  pouvoirs  et  de  droits  sur  l'être 
impuissant  et  faible  qu'elle  leur  confie,  plus  elle  doit  punir  en  eux  un  délais- 
sement qui  réunit  un  abiis  de  confiance  à  la  culpabilité  qu'ils  partagent  avec 
ceux  qui  ne  sont  pas  liés  par  des  obligations  particulières. 

Le  délit  s'aggrave  quand  l'exposition  a  été  faite  dans  un  lieu  solitaire  : 

tt  Art.  349.  Ceux  qui  auront  délaissé  en  un  lieu  solitaire  un  enfant  au-dessous 
de  l'Age  de  sept  ans  accomplis,  ceux  qui  auront  donné  Tordre  de  Texposer  ainsi, 
si  cet  ordre  a  été  exécuté,  seront,  pour  ce  seul  fait,  condamnés  à  un  emprison- 
nement de  six  mois  à  deux  ans  et  d*une  amende  de  16  à  200  fr.  » 

a  Art.  350.  La  peine  portée  au  précédent  article  sera  de  deux  à  cinq  ans  et 
d'une  amende  de  50  à  400  fr.,  contre  les  tuteurs  et  tutrices,  instituteurs  ou  institu- 
trices de  l'enfant  exposé  ou  délaissé  par  eux  ou  par  leur  ordre.  » 

IjE  seule  différence  qui  sépare  ce  délit  de  celui  prévu  par  les  art.  352  et  35$ 
est  la  solitude  du  lieu  de  l'exposition,  t  Cette  disposition,  dit  l'exposé  deamo«> 
tifs,  est  plus  criminelle  si  l'enfant  est  abandonné  dans  un  lieu  solitaire  :  dan» 
le  premier  cas,  les  auteurs  de  cet  abandon  ont  voulu  moins  6ter  la  vie  à  l'en-^ 
fant  délaissé  que  faire  perdre  les  traces  de  sa  naissance.  Mais  l'abandon  dans- 
un  lieu  isolé  et  solitaire  dénote  l'intention  de  détruire  jusqu'à  l'existence  d& 
Pétre  infortuné  destiné  à  perdre  la  vie  par  un  crime,  après  l'avoir  le  plus  sou- 
yent  reçue  par  une  faute.  »■ 

Enfin,  les  conséquences  de  l'exposition  dans  un  lieu  solitaire  retombent  sur 
son  auteur. 

a  Art.  351.  Si,  par  suite  de  l'exposition  et  du  délaissement  prévus  par  les  art.  Zi9 
et  350,  l'enfant  est  demeuré  mutilé  ou  estropié,  l'action  sera  considérée  comme 
blessures  volontaires  à  lui  faites  par  la  personne  qui  l'a  exposé  et  délaissé;  et  si 
la  mort  s'en  est  suivie,  l'action  sera  considérée  comme  meurtre  ;  au  premier  cas, 
les  coupables  subiront  la  peine  applicable  aux  blessures  volontaires  ;  et^  au  second 
cas,  celle  du  meurtre.  » 


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KNLÉVBKBNT  DE  MINBURS  (aRT.    355).  377 

Il  faut  remarquer  que  cette  aggravation  n*est  motivée  que  pour  lamutilationy 
les  blessures  ou  la  mort.  Les  soullrancesde  Tenfant,  quelles  qu'elles  aient  pu 
être»  et  la  maladie  qu'il  a  encourue  ne  sufûraient  pas  ;  il  faut  un  préjudice  per*» 
manent.  On  doit  remarquer  encore  que  la  loi  assimile  au  meurtre  le  délaisse- 
ment dans  un  lieu  solitaire  suivi  de  mort,  parce  qu'elle  suppose  dans  Tagent, 
sinon  la  volonté  de  donner  directement  la  mort,  au  moins  celle  d'exposer 
Tenfant  indirectement  à  une  mort  presque  certaine. 

ENLÈVFMENT  DE  MINEURS. 

395.  L'enlèvement  de  mineurs  se  présente  dans  notre  Gode  sous  deux 
aspects  différents,  suivant  qu'il  est  opéré  à  l'aide  de  la  fraude  ou  de  la  violence, 
ou  à  Taide  de  la  séduction.  Les  art.  354  et  355  s'occupent  de  la  première 
hypothèse  : 

«  Art.  354.  Quiconque  aura,  par  fraude  ou  violence,  enlevé  ou  fait  enlever  des 
mineurs,  ou  les  aura  entraînés,  détournés  ou  déplacés,  ou  les  aura  fait  entraîner,, 
détourner  ou  déplacer  des  lieux  où  ils  étaient  mis  par  ceux  à  l'autorité  ou  à  la  di- 
rection desquels  ils  étaient  soumis  ou  conOés,  subira  la  peine  de  la  réclusion,  s 

«  Art.  355.  Si  la  personne  ainsi  enlevée  ou  détournée  est  une  fille  an-dessous  d» 
seize  ans  accomplis,  la  peine  sera  celle  des  travaux  forcés  à  temps.  » 

Il  importe  de  fixer  d'abord  le  caractère  fondamental  de  ce  crime  :  la  loi  l'a 
considéré,  comme  l'avait  fait  l'ancienne  jurisprudence,  comme  une  atteinte  à 
l'autorité  des  pères,  mères  et  autres  personnes  au  pouvoir  desquels  les  mineurs 
se  trouvent  soumis,  raptus  in  parentes.  Il  importe  peu,  pour  l'existence 
du  crime,  que  l'enlèvement  ait  été  suivi  de  quelque  attentat  sur  la  personne 
môme  du  mineur;  cet  attentat  peut  être  l'objet  d'une  action  distincte,  mais  il 
n'est  nullement  nécessaire  pour  incriminer  l'enlèvement,  qui  prend  unique- 
ment son  caractère  criminel  dans  le  déplacement  illicite  du  mineur  et 
sa  soustraction  à  l'autorité  qui  le  protège.  Il  suit  de  là  qu'il  est  nécessaire  de 
constater  comme  une  circonstance  élémentaire  à  l'autorité  de  que! le  personne 
le  mineur  était  confié  et  de  quels  lieux  il  a  été  déplacé  ou  détourné. 

Le  but  du  crime  ainsi  déterminé,  il  consiste  tout  entier  dans  le  fait  maté- 
riel de  Tenlèvement.  La  loi  a  accumulé  les  mots  pour  comprendre  tous  les 
modes  d'enlèvement;  il  est  clair  que  l'entraînement,  le  détournement  ou 
le  déplacement  ont  la  môme  signification  et  sont  destinés  seulement  à  prévoir 
toutes  les  nuances  du  même  fait.  Ce  fait  consiste  à  enlever  le  mineur  des  lieux 
où  il  se  trouve  placé  sous  l'autorité  de  sa  famille  ou  des  personnes  auxquelles^ 
il  a  été  confié.  Il  faut  toutefois  que  cet  enlèvement  soit  opéré  par  fraude  cumo- 
lence.  La  loi  n'a  pas  défini  ces  deux  circonstinces.  L'orateur  du  Corps  législa- 
tif a  déclaré  que  le  projet  de  loi  punissait  :  •  quiconque  aura  détourné», 
entraîné  ou  déplacé  les  mineurs  par  violence  ou  par  fraude,  et  par  conséquent 
à  l'aide  de  menaces,  de  philtres,  de  liqueurs  enivrantes  ou  de  tous  autres- 
moyens  qui  les  auraient  privés  de  l'usage  de  leur  volonté,  i  On  voit  que- 
la  fraude  couvre,  dans  la  pensée  du  législateur,  une  idée  de  contrainte.  Il  en 
serait  de  môme  de  tous  les  pièges  employés  pour  égarer  les  pas  des  mineurs,» 
pour  leur  faire  croire  qu'ils  sont  attendus  dans  tel  ou  tel  lieu,  qu'ils  s'y  ren-. 
dent  par  un  ordre  supposé  de  leurs  parents  ou  tuteurs. 


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378     21*  LEÇ.  —  DBS  GRIMES  ET  DÉLITS  CONTRE  LES  PERSONNES  (n*  397). 

L'art.  354  s'applîqae  à  tons  les  mineurs  de  vingt  et  un  ans,  pnisqn^il  ne  fût 
ancane  distinction.  La  jurisprucience  a  cependant  excepté  les  femmes  mineures 
mariées,  parce  qne  l'état  de  minorité  légale  cesse  par  le  mariage:  il  faudrait 
étendre  cette  décision  à  tons  les  mineurs  émancipés.  Mais  l'art.  355  fait  une 
cause  d'aggravation  du  cas  où  la  personne  enlevée  est  une  611e  an-dessous  de 
seize  ans  accomplis  :  la  loi  a  pensé  qu'un  tel  enlèvement  n*a  pu  avoir  lieu  que 
pour  abuser  de  la  personne  on  pour  forcer  les  parents  à  consentir  au  mariage, 
et  elle  a  cru  devoir  le  frapper  d'une  plus  énergique  répression. 

896.  Après  le  rapt  de  violence,  la  loi  a  placé  le  rapt  de  séduction. 

«  Art.  356.  Quand  la  fille  au-dessous  de  seize  ans  aurait  consenti  &  son  enlève- 
ment ou  suivi  volontairement  le  ravisseur,  si  celui-ci  était  majeur  de  vingt  et  un 
ans  ou  au-dessus,  il  sera  condamné  aux  travaux  forcés  à  temps.  Si  le  ravisseur 
n'avait  pas  encore  vingt  et  un  ans,  il  sera  puni  d*un  emprisonnement  de  deux  à 
cinq  ans.  » 

Il  ne  s'agit  plus  ici  des  mineurs  en  général  :  la  loi  a  cm  qu'au-dessus  de 
seize  ans  une  fille  est  douée  d'assez  de  force  et  de  raison  pour  se  défendre  de 
la  séduction,  elle  ne  la  défend  que  contre  la  violence  et  la  fraude.  Ce  n'est 
qu'au-dessous  de  cet  âge  qu'elle  la  protège,  en  outre,  contre  la  séduction.  Peu 
importe  alors  que  le  ravisseur  ait  employé  la  violence,  le  dol,  la  fraude  ou 
seulement  la  séduction.  Il  est  indifférent  qu'il  ait  entraîné  de  force  Ift^ictime 
loin  de  son  asile  ou  que  celle-ci  Tait  suivi  sans  contrainte.  Le  consentement 
donné  par  une  fille  au-dessous  de  seize  ans  n'a  aucune  influence  sur  la  nature 
de  la  peine,  il  est  censé  arraché  à  la  timidité  ou  être  l'effet  décevant  des  illu- 
sions et  des  prestiges  dont  il  est  si  facile  d'entourer  l'inexpérience  et  la  crédu- 
lité de  cet  &ge.  Ainsi,  dans  l'espèce  de  l'art.  356,  tout  le  crime  est  dans  le  fait 
matériel  de  l'enlèvement,  soit  qu'il  ait  éié  opéré  par  séduction  ou  violence,  qui 
soustrait  la  jeune  fille  à  la  puissance  des  personnes  sous  la  protection  desquel- 
les elle  est  placée.  Le  fait,  au  reste,  cesse  d'être  qualifié  crime,  si  le  ravisseur 
n'a  pas  Tâge  de  vingt  et  un  ans,  le  législateur  a  pensé  qu'il  était  permis  de  dou* 
ter  qu'il  eût  senti  toutes  les  conséquences  de  son  action. 

397.  L'art.  357  prévoit  une  fin  de  non-recevoir  qui  s'applique  à  tous  les  cas 
d'enlèvement,  soit  qu'ils  soient  prévus  par  l'art.  355  ou  par  l'art.  356  : 

«  Art.  357.  Dans  le  cas  où  le  ravisseur  aurait  épousé  la  fille  qu*il  a  enlevée,  il 
ne  pourra  être  poursuivi  que  sur  la  plainte  des  personnes  qui,  d*aprôs  le  Gode 
civil,  ont  le  droit  de  demander  la  nullité  du  mariage,  ni  condamné  qu'après  que 
la  nullité  du  mariage  aura  été  prononcée.  » 

Écoutez  d'abord  sur  cet  article  l'exposé  des  motifs  du  Code  :  c  Si  le  ravisseur 
a  épousé  la  personne  qu'il  avait  enlevée,  le  sort  des  coupables  dépendra  du 
parti  que  prendront  ceux  qui  ont  le  droit  de  demander  la  nullité  du  mariage. 
S'ils  ne  lu  demandent  point,  la  poursuite  du  crime  ne  peut  avoir  lieu,  autre- 
ment, la  peine  qui  serait  prononcée  contre  le  coupable  rejaillirait  sur  la  per- 
sonne donfr  il  a  abusé,  et  qui,  victime  innocente  de  la  faute  de  son  époux,  serait 
réduite  à  partager  sa  honte.  Il  ne  suffit  pas  même,  pour  que  l'époux  puisse 


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INFRAGTI0N8  AUX  LOIS  SUR  LB8  INHUMATIONS  (ART.   358).         379 

être  ponrsaivi  criminellement,  qne  la  nullité  dn  mariage  ait  été  demandée;  il 
ftint  encore  qne  le  mariage  soit  en  effet  déclaré  nui,  car  il  serait  possible  qu'à 
l'époque  où  l'action  en  nullité  serait  intentée,  il  existât  une  fin  de  non-recevoir 
contre  les  parents,  soit  parce  qu'ils  auraient  expressément  ou  tacitement 
approuvé  le  mariage,  soit  parce  qu'il  se  serait  écoulé  une  année  sans  réclama- 
tion de  leur  part,  depuis  qu'ils  ont  eu  connaissance  du  mariage.  Ces  fins  de 
non- recevoir  sont  établies  par  le  Gode  civil.  En  ce  cas,  dés  que  le  mariage  ne 
pourrait  plus  être  attaqué,  les  considérations  qui  viennent  d'être  exposées  ne 
permettraient  pas  que  la  conduite  de  l'époux  fût  recherchée,  et,  si  l'intérêt  de 
la  société  est  qu'aucun  crime  ne  reste  impuni,  son  plus  grand  intérêt,  en  cette 
occasion,  est  de  se  montrer  indulgente  et  de  ne  pas  sacrifier  à  une  vengeance 
tardive  le  bonheur  d'une  famille  entière.  • 

Il  résulte  de  ces  paroles  et  dn  texte  de  l'article  que,  toutes  les  fois  que  le 
ravisseur  a  épousé  la  fille  qu'il  a  enlevée,  la  poursuite  est  subordonnée  à  deux 
conditions  :  il  faut  que  la  nullité  du  mariage  ait  été  demandée,  il  faut  ensuite 
qu'il  y  ait  une  plainte  formelle  de  la  part  des  personnes  qui  ont  eu  le  droit  de 
former  cette  demande.  Le  ministère  public  ne  peut  donc  intenter  aucune 
action,  à  moins  qu'il  ne  soit  saisi  par  une  plainte,  et  cette  plainte  n'est  valide 
qu'autant  qu'elle  suit  une  demande  en  nullité  du  mariage.  La  poursuite  peut 
alors  être  formée,  mais  elle  est  suspendue  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  prononcé  sur 
la  demande  en  nullité,  puisque  le  prévenu  ne  peut  être  condamné  qu'après 
que  la  nullité  du  mariage  a  été  prononcée. 

Cette  exception  est-elle  personnelle  au  ravisseur  ?  s'étend-elle  également  aux 
complices?  Il  est  évident  qu'elle  n'est  nullement  personnelle  au  ravisseur  :  c'est 
le  mariage  même  contracté  à  la  suite  du  rapt  que  la  loi  a  voulu  protéger, 
puisqu'elle  ne  permet  l'exercice  de  l'action  criminelle  qu'après  que  la  nullité, 
du  mariage  a  été  prononcée.  Cette  disposition  s'applique  donc  non-seulement 
à  l'auteur  principal,  mais  encore  aux  complices  de  l'enlèvement,  puisque 
toute  poursuite  relative  au  fait  qui  a  précédé  le  mariage,  même  restreinte  aux 
seuls  complices,  aurait  pour  résultat  nécessaire  d'affaiblir  le  respect  qui  lui  est 
dû  et  de  porter  le  trouble  dans  la  famille.  La  loi,  dans  une  vue  d'ordre  géné- 
ral, a  subordonné,  dans  cette  circonstance,  l'intérêt  de  la  répression  du  crime 
à  l'intérêt  de  la  stabilité  et  de  l'union  de  la  famille. 

INFRACTIONS  AUX  LOIS  SUB  LES  INHUMATIONS. 

898.  L'art.  77  du  Code  civil  veut  qu'aucune  inhumation  ne  soit  faite  sans 
une  autorisation  de  l'officier  de  l'état  civil  et  avant  vingt-quatre  heures  après 
le  décès.  L'art.  81  exige  en  outre,  dans  certains  cas,  la  visite  d'un  of licier  de 
police.  L'art.  358  apporte  une  sanction  à  ces  dispositions  : 

«  Art.  358.  Ceux  qui,  sans  autorisation  préalable  de  rofficier  public,  dans  le  cas 
où  elle  est  prescrite,  auront  fait  inhumer  un  individu  décédé,  seront  punis  de  six 
Jours  à  deux  mois  d'emprisonnement  et  d'une  amende  de  t6  à  50  fr.,  sans  préju- 
dice de  la  poursuite  des  crimes  dont  les  auteurs  de  ce  délit  pourraient  être  pré- 
venus dans  cette  circonstance.  La  môme  peine  aura  lieu  contre  ceux  qui  auront 
contrevenu,  de  quelque  manière  que  ce  soit,  à  la  loi  et  aux  règlements  relatif  aux 
inhumations  précipitées.  » 


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380     21**  LEÇ.  —  DBS  CRIMES  BT   DÉLITS  CONTRE  LES  PERSONNES  (n*  400). 

Cet  article  s'applique  non-seulement  à  Tinhumation  des  individus  décèdes^ 
mais  encore  à  Tinhumation  des  enfants  dont  la  yie  s'est  éteinte  en  naissant 
ou  avant  de  naître.  Telle  est  la  solution  qui  résulte  d'un  décret  du  4  juillet  1805 
qui  porte  :  «  Lorsque  le  cadavre  d*un  enfant,  dont  la  naissance  n*a  pas  été 
enregistrée,  sera  présenté  à  Toflicier  de  l'état  civil,  cet  ofâcier  n'exprimera 
pas  qu'un  tel  enfant  est  décédé,  mais  seulement  qu'il  lui  a  été  présenté  sans 
vie.  Cet  acte  sera  inscrit  à  sa  date  sur  les  registres  des  décès,  sans  qu'il  en 
résulte  aucun  préjugé  sur  la  question  de  savoir  s'il  a  eu  vie  ou  non.  »  Si  l'acte 
de  présentation  du  cadavre  des  enfants  mort-nés  doit  être  inséré  sur  le  regis- 
tre des  décès,  il  s'ensuit  que  l'inhumation  ne  peut  avoir  lieu  sans  autorisatioo 
et  que  par  conséquent  Tart.  358  s'applique  à  ce  cas. 

L'infraction  prévue  par  cet  article  ne  peut  être  commise  que  par  ceux  qui 
ont  quelque  intérêt  à  Tinhumatton,  qui  sont  chargés  par  leurs  relations  avec 
l'individu  décédé  d'y  faire  procéder,  et  qui  ne  se  sont  pas  conformés  aux  rè* 
glem<>nts.  Aucune  responsabilité  ne  pèse  donc  à  cet  égard,  ni  sur  les  curés  et 
pasteurs  qui  procèdent  à  la  levée  du  corps  et  aux  cérémonies  religieuses  sans 
qu'il  leur  soit  justifié  de  l'autorisation  de  l'officier  de  l'état  civile  ni  sur  les 
maires  et  adjoints  qui  sont  chargés  par  le  décret  du  4  thermidor  an  XIII  de 
surveiller  l'exécution  de  la  loi,  ni  sur  les  préposés  des  pompes  funèbres  et  les 
fossoyeurs.  Celui  qui  a  fait  inhumer,  qui  a  requis  l'inhumation  et  en  a  fait  les 
préparatifs,  est  seul  responsable. 

390.  Le  même  motif  qui  a  prohibé  les  inhumations  précipitées,  c'est-à-dire 
faites  avant  les  vingt-quatre  heures  du  décès,  prohibe  en  même  temps  le  recelé 
des  cadavres.  Ces  deux  actes  peuvent  avoir  pour  but  de  soustraire  à  la  justice 
la  connaissance  du  crime. 

tt  Art.  359.  Quiconque  aura  recelé  ou  caché  le  cadavre  d'une  personne  homicides 
ou  morte  des  suites  de  coups  et  blessures  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  six 
mois  à  deux  ans  et  d'une  amende  de  50  à  400  fr.,  sans  préjudice  de  peines  plus 
graves  s'il  a  participé  au  crime.  » 

Ce  fait  est  beaucoup  plus  grave  que  celui  qui  fait  l'objet  de  l'art.  3^.  Celui 
qui  recèle  ou  cache  le  cadavre  d'une  personne  homicidée  commet  une  espèce 
de  complicité  du  meurtre^  comme  celui  qui  recèle  un  objet  volé  se  rend  cou- 
pable de  complicité  du  vol.  Si  la  loi  ne  punit  cette  sorte  de  complicité  que 
de  peines  correctionnelles,  c'est  que  l'agent  n'a  pas  eu  pour  but  d'aider  le 
meurtrier,  mais  seulement  de  procurer  son  impunité.  Le  défaut  de  déclara» 
tion,  suivi  d'une  inhumation  clandestine,  suffit  pour  constituer  ce  délit. 

400.  Le  dernier  des  délits  prévus  dans  ce  paragraphe  est  le  délit  de  violation 
des  sépultures. 

tt  Art.  360.  Sera  puni  d*un  emprisonnement  de  trois  mois  à  un  an  et  de  16  à 
200  fr.  d'amende,  quiconque  se  sera  rendu  coupable  de  violations  de  tombeaux  ou 
de  sépultures,  sans  préjudice  des  peines  contre  les  crimes  ou  délits  qui  se  seraient 
joints  à  celui-ci.  » 

1  La  loi,  qui  protège  l'homme  depuis  sa  naissance  jusqu'à  sa  mort,  porte 

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DU  FAUX  TÉU0IGNA6B  (aRT.   361).  381 

Texposé  des  motifs,  ne  Tabandonne  pas  au  moment  où  il  a  cessé  de  vivre  et 
«piand  il  ne  reste  de  lui  que  sa  dépouille  mortelle.  Vous  trouverez  dans  le 
projet  une  dispo-sition  contre  ceux  qui,  sans  respect  pour  le  dernier  asile,  vio- 
leraient les  sépultures,  troubleraient  la  cendre  des  morts  ou  profaneraient  les 
tombeaux.  »  Ces  derniers  mots  semblent  expliquer  ce  qu'il  faut  entendre  par 
la  violattoH  des  t&mbeauœ  et  sépuUturet.  Il  faut  entendre,  non-seulement  la  sous- 
traction de  tous  les  objets  qui  ont  pu  être  déposés  dans  la  tombe,  mais  tous  les 
outrages  qui  troubleraient  les  restes  matériels  de  Thomme,  les  coups  portés  ou 
les  pierres  jetées  sur  le  tombeau,  il  faut  toutefois  excepter  les  injures  et  les 
profanations  verbales  :  ce  sont  là  des.  outrages  d'une  autre  nature  qui  pour- 
raient être  atteints  par  les  lois  qui  punissent  les  délits  de  la  parole. 


DU  FAUX  TÉMOIONAOB. 

401.  Le  Ciode  a  placé  ici  le  faux  témoignage  et  le  faux  serment,  parce  que 
ces  deux  actes  sont  le  plus  souvent  dirigés  contre  les  personnes.  Les  art.  361, 
3(fô  et  363  punissent  le  faux  témoignage  en  matière  criminelle,  en  matière 
correctionnelle  et  de  police  et  en  matière  civile.  La  peine  diffère  suivant  la 
matière  dans  laquelle  le  témoignage  est  intervenu  :  c'est  la  gravité  du  préju- 
dice probable  qui  fait  la  base  de  cette  gradation.  Le  crime  a,  dans  tous  les 
cas,  les  mêmes  éléments  et  le  même  caractère.  La  loi  ne  Ta  point  défini  : 
elle  se  borne  à  punir  de  telle  ou  telle  peine  «  quiconque  sera  coupable  de 
faux  téinoignage,  so\i  contre  l'accusé,  soit  en  sa  faveur,  en  matière  criminelle^ 
en  matière  correctionnelle,  •  etc.  Il  faut  donc  que  nous  recherchions  dans 
les  principes  mêmes  de  cette  matière  les  conditions  constitutives  du  délit. 

Il  est  évident,  en  premier  lieu,  qu'il  ne  peut  y  avoir  de  faux  témoignage 
aà  il  n'y  a  pas  de  témoignage  proprement  dit,  c'est-à-dire  une  déposition  faite 
en  justice  sons  la  foi  du  serment.  De  là  il  suit  que  ne  peuvent  être  poursuivies 
de  faux  témoignage  :  1*  les  personnes  qui  ne  sont  entendues  devant  la  cour 
d'assises  qu'en  vertu  du  pouvoir  discrétionnaire  du  président,  car  ces  person- 
nes, aux  termes  de  Tart.  269  da  Gode  d'instruction  criminelle,  ne  prêtent 
point  serment  et  leurs  déclarations  ne  sont  considérées  que  comme  renseigne- 
ments ;  2*  les  individus  antérieurement  condamnés  à  des  peines  entraînant  la 
privation  du  droit  de  porter  témoignage  en  justice  et  dont  les  dépositions  par 
conséquent  n'ont  la  force  que  de  renseignements;  3<*  tous  les  témoins  entendus 
dans  l'instruction  écrite  devant  le  juge  d'instruction,  parce  que  toutes  les  dépo- 
«itions  recueillies  dans  une  information  purement  préparatoire  n'ont  pas  le 
caractère  d'un  témoignage  définitif  dont  le  témoin  ne  peut  plus  se  départir. 
De  Jà  il  suit  encore  que  le  prévenu  ou  Taccusé  qui,  dans  l'intérêt  de  sa  défense, 
fait  une  déclaration  fausse,  ne  peut  Jamais  être  poursuivi  pour  faux  témoi- 
gnage, car  nul  n'est  témoin  dans  sa  propre  cause  ;  c'est  pour  cela  que  les 
accusés  qui,  sous  l'ordonnance  de  1670,  prêtaient  serment  de  dire  la  vérité, 
ont  été  dispensés  par  la  loi  du  8  octobre  1789  de  cet  odieux  serment. 

Il  faut,  en  second  lieu,  un  témoignage  faux,  c'est-à-dire  contraire  à  la  vérité, 
Or,  dans  ce  cas,  un  témoignage  est-il  contraire  à  la  vérité  ?  C'est  lorsque  la  fal- 
sification tombe  sur  les  circonstances  essentielles  du  fait  En  effet,  si  elle  ne 


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382  21*  LBÇ.  —  DBS  GRIMES  ET  DÉLITS  CONTRE  LES  PERSONNES  (n*"  404). 

porte  que  sur  des  circonstances  accessoires,  il  n'en  résulte  ancan  préjadice 
assez  grave  pour  qa'il  y  ait  lien  de  présumer  une  intention  frauduleuse.  Les 
circonstances  essentielles  sont  celles  qui  constituent  le  fait  principal  et  tous 
les  incidents  qui  s'y  rattachent  et  tendent  à  le  prouver. 

402'  Est-il  nécessaire  que  ces  circonstances  soient  positivement  af&rmées  ? 
D*abord  il  est  certain  qu'un  refus  de  répondre  ou  une  simple  réticence  ne  peut 
constituer  un  faux  témoignage.  La  difficulté  s'élève  lorsque  la  réticence  a  pour 
objet  de  dissimuler  un  élément  essentiel  du  procès,  car  dans  ce  cas  elle  équi- 
vaut à  l'expression  d'un  fait  positif  contraire  à  la  vérité;  elle  doit  être  alors 
assimilée  à  une  disposition  négative  qui  aurait  pour  effet  de  dénier  et  de  dé- 
truire une  preuve  du  fait  incriminé  ;  elle  peut  donc  devenir  la  base  d'une  accu- 
sation de  faux  témoignage.  Mais  il  en  serait  autrement  si  cette  réticence  ou 
cette  dénégation  n'excluait  pas  le  fait,  car  il  n'en  résulterait  pas  une  preuve 
contre  la  vériié  de  ce  fait.  Une  autre  distinction  doit  s'appliquer  aux  variations 
et  contradictions  qui  se  révèlent  souvent  dans  un  seul  et  même  témoignage  : 
ces  assertions  contraires  s'expliquent  la  plupart  du  temps,  moins  par  le  dessein 
de  nuire  que  par  le  trouble  et  1  in6rmité  de  la  mémoire.  Il  faut  donc  distin-> 
guer  si  elles  ont  pour  objet  d'affaiblir  et  d'effacer  les  premières  déclarations, 
ou  si  elles  ne  sont  que  le  travail  d'un  esprit  de  bonne  foi  qui  craint  d'altérer 
la  vérité  par  des  affirmations  trop  absolues.  En  général,  il  faut  que  la  fausse 
déclaration,  quelle  que  soit  sa  forme,  ait  pour  résultat  d'affirmer  ou  de  dénier 
un  fait  essentiel  du  procès. 

403.  Enfin,  la  loi  pénale  ne  punit  de  faux  témoignage  que  celui  qui  est 
porté,  soit  contre  Vaccusé  ou  le  ^prévenu,  soit  en  sa  faveur.  U  faut  donc  qu'il  ait 
pu  porter  préjudice,  soit  à  la  défense,  soit  à  l'accusation.  C'est  là  la  condition 
essentielle  du  crime,  et  c'est  à  raison  de  cette  condition  que  toutes  les  dépo- 
sitions faites,  en  matière  de  petit  et  de  grand  criminel,  en  dehors  de  l'au- 
dience, ne  peuvent  servir  d'élément  à  une  accusation  de  faux  témoignage, 
parce  qu'elles  n'apportent  point  aux  parties  un  préjudice  irrévocable.  C'est  par 
suite  de  la  môme  règle  qu'il  faut  décider  que  le  témoin  qui,  même  à  l'au- 
dience, a  fait  une  déposition  mensongère,  ne  peut  être  poursuivi  pour  faux 
témoignage  s'il  la  rétractée  avant  la  clôture  du  débat.  En  effet,  les  différentes 
parties  d'une  déposition  forment  un  tout  indivisible  ;  elle  ne  doit  être  consi- 
dérée comme  complète  que  lorsque  les  débats  de  l'affaire  ont  été  définitivement 
clos.  Or,  en  rétractant  une  déposition  mensongère  avant  qu'elle  ait  porté  à  la 
société  ou  à  l'accusé  un  préjudice  irréparable,  le  témoin,  par  son  retour  à  la 
vérité,  a  volontairement  arrêté  les  conséquences  funestes  que  sa  déposition 
fausse  aurait  pu  avoir  .  Il  serait  aussi  difficile  que  dangereux  d'examiner  si 
cette  rétractation  a  été  l'effet  de  la  crainte  des  peines  portées  par  la  loi,  on  sr 
elle  a  été  le  résultat  d'un  remords  volontaire  ou  de  souvenirs  recueillis  et 
coordonnés  avec  plus  de  maturité  et  de  réflexion  ;  il  suffit  que  la  rétractatioa 
de  la  fausse  déclaration  ait  été  faite  en  temps  utile  pour  que  le  crime  de  faux 
témoignage  n'existe  pas. 

404.  Vous  ne  devez  pas,  au  surplus,  perdre  de  vue  qu'en  cette  matière  H 

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D0  FAUX  TÉUOIGNAGfi   (aRT.   363).  383 

ne  suffit  pas  toajours  qu'il  y  ait  une  déclaration  fausse  faite  en  justice  et  pos- 
sibilité d'un  préjudice  pour  qu'il  y  ait  crime  de  faux  témoignage.  Les  déclara- 
tions contraires  à  la  vérité  ne  sont  pas  nécessairement  le  résultat  du  men- 
songe et  da  dol  :  elles  peuvent  être  la  conséquence  d'une  erreur,  d'un  trouble 
de  la  mémoire,  d'une  illusion  des  sens,  d'une  imagination  égarée.  Il  faut  donc 
que  l'intention  criminelle  du  témoin,  sa  mauvaise  foi,  son  dessein  de  tromper 
la  justice  soient  clairement  constatés.  Il  n'y  a  point  de  crime  de  faux  témoi- 
gnage, s'il  n'y  a  volonté  de  nuire. 

405.  Les  peines  du  faux  témoignage  s'aggravent  dans  quelques  cas.  Elles 
s'aggravent  en  matière  criminelle,  suivant  la  gravité  du  préjudice  qu'il  a 
causé  : 

a  Art.  361.  Quiconque  sera  coupable  de  faux  témoignage  en  matière  criminelle, 
soit  contre  l'accusé,  soit  en  sa  frveur,  sera  puni  de  la  peine  de  la  réclusion.  —Si 
néanmoins  l'accusé  a  été  condamné  à  une  peine  plus  forte  que  celle  de  la  réclu- 
sion, le  faux  témoin  qui  a  déposé  contre  lui  subira  la  même  peine.  » 

Vous  devrez  remarquer,  au  sujet  de  cette  dernière  disposition,  d'abord, 
qu'elle  rappelle  en  quelque  sorte  l'application  de  la  peine  du  talion  :  le  faux 
témoin  est  puni  à  raison  du  mal  qu'il  a  commis  et  par  l'application  d'un  mal 
de  la  même  nature;  si  la  fausse  déposition  a  entraîné  la  peine  de  mort,  c'est 
la  peine  de  mort  qu'il  devra  subir.  £n  second  lieu,  cette  aggravation  n'est 
relative  qu'aux  dépositions  faites  contre  Vaccusé  :  toutes  les  dépositions  faites 
en  sa  faveur,  quelles  que  fussent  les  conséquences  de  l'accusation,  demeurent 
comprises  dans  la  première  disposition  de  l'art.  351. 

406.  La  loi  du  13  mai  1863  a  modifié  les  peines  applicables  en  matière  de 
faux  témoignage.  Dans  l'art.  361,  que  nous  venons  de  lire,  elle  a  substitué  la 
réclusion  aux  travaux  furcés  à  temps.  Dans  les  art.  362  et  363  elle  a  remplacé 
la  réclusion  par  l'emprisonnement. 

tt  Art.  362.  Quiconque  sera  coupable  de  faux  témoignage  en  matière  correction- 
nelle, soit  contre  le  prévenu,  so.t  en  sa  faveur,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de 
deux  ans  au  moins  et  de  cinq  ans  au  plus  et  d'une  amende  de  50  à  2,000  fr.  Si 
néanmoins  le  prévenu  a  été  condamné  à  plus  de  cinq  années  d'emprisonnement, 
le  faux  témoin  qui  a  déposé  contre  lui  subira  la  même  peine.  —  Quiconque  sera 
coupable  de  faux  témoignage  en  matière  de  police,  soit  contre  le  prévenu,  soit  en 
sa  faveur,  sera  puni  d'un  emprisonnement  d'un  an  au  moins  et  de  trois  ans  au 
plus  et  d'une  amende  de  16  à  500  fr.  v 

tt  Art.  3(53.  Le  coupable  de  faux  témoignage  en  matière  civile  sera  puni  d'un 
emprisonnement  de  deux  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de  50  à  2,000  fr.  » 

Voici  les  motifs  qui  ont  été  donnés  à  l'appui  de  cette  atténuation  pénale  i 
■  Sans  nier  la  gravité  du  faux  témoignage  en  lui-même,  puisqu'il  a  toujours 
pour  but  de  tromper  la  justice  et  qu'il  a  pour  résultat  de  faire  acquitter  un 
coupable  et  même  de  faire  condamner  un  innocent,  il  est  impossible  de  ne  pas 
tenir  compte  de  ce  fait  que,  dans  la  plupart  des  cas,  le  jury  refuse  de  le  consi- 
dérer comme  un  crime.  La  statistique  des  cinq  dernières  années  nous  enseigne 


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384      21^LEÇ.  —  DES  GRIMES  ET  DÉLITS  CONTRE  LES   PERSONNES  (n^  408). 

qae,  sur  cent  faux  témoins  poursuivis  devant  la  cour  d'assises,  cinquante-six 
ont  été  acquittés,  quarante  et  un  condamnés  à  des  peines  correctionnelles,  et 
trois  seulement  condamnés  à  des  peines  criminelles.  Nous  avons  vu  là  un 
enseignement  qu'il  n'était  pas  permis  de  négliger,  et  nous  avons  voulu  faire  par 
ht  loi  ce  qui  était  déjà  fait  par  les  mœurs  en  apportant  quelque  adoucissement 
A  l'excessive  sévérité  de  la  peine.  Déjà,  dans  Téconomie  de  la  loi,  les 
taux  témoignages  sont  rangés  dans  des  classes  différentes,  selon  la  juridiction 
devant  laquelle  ils  sont  commis.  Il  est  rationnel  d'en  attribuer  la  connaissance 
aux  cours  d'assises  ou  aux  tribunaux,  selon  que  le  fait  se  sera  produit  en 
matière  criminelle  ou  en  matière  correctionnelle.  On  y  trouvera  cet  avantage 
que  le  crime  ou  le  délit  de  faux  témoignage  sera  déféré  aux  juges  devant  les- 
quels  il  aura  été  commis,  c'est-à-dire  à  ceux  qui  sont  le  plus  aptes  à  le  bien 
connaître  et  à  le  bien  juger.  »  —  Il  est  possible  que  les  peines  du  faux  témoi- 
gnage fussent  trop  rigoureuses,  et  il  eût  été  à  désirer  que,  puisqu'on  les  révi- 
sait, on  fit  disparaître  cette  progression  pénale  qui  rappelle  le  talion,  qui  ne 
tient  compte  que  du  préjudice  matériel.  Mais  il  paraît  regrettable  que  l'appré- 
ciation de  ce  fait  soit  transférée  dans  la  plupart  des  cas  du  jury  au  juge  cor- 
rectionnel. C'est  un  de  ces  faits  moraux  qui  ne  peuvent  être  sainement  appré- 
ciés et  jugés  que  par  le  jury.  Le  nombre  des  acquittements,  dont  on  a  fait  un 
■argument,  tient  ici,  non  à  la  juridiction,  mais  à  la  matière  elle-même  qui 
recèle  toutes  sortes  de  doutes  et  dans  laquelle  la  criminalité  la  plus  apparente 
«'efface  devant  les  explications  de  l'inculpé.  Il  était  une  autre  innovation  qui, 
«n  tenant  compte  d'un  degré  de  la  criminalité,  eût  sans  doute  prévenu  plus 
d'un  acquittement  :  c'était  de  distinguer  si  le  faux  témoignage  a  été  fait 
en  faveur  du  prévenu  ou  contre  lui.  La  loi  a  confondu  dans  une  même  pénalité 
deux  infractions  qui  n'ont  pas  la  même  valeur  :  l'une  n'est  le  plus  souvent 
qu'un  acte  de  complaisance  et  d'ignorance,  l'autre  est  un  acte  de  mécbanceté, 
une  sorte  d'homicide  moral, 

407.  Les  peines  du  faux  témoignage  s'aggravent  lorsque  la  fausse  déposition 
«st  le  résultat  de  la  corruption  : 

<(  ART.  364.  Le  faux  témoin  en  matière  criminelle,  qui  aura  reçu  de  l'argent, 
une  récompense  quelconque  ou  des  promesses,  sera  puni  des  travaux  forcés  à 
temps,  sans  préjudice  de  rapplication  du  2«  §  de  l'art.  361.  Le  faux  témoin  en 
matière  correctionnelle  ou  civile  qui  aura  reçu  de  l'argent,  une  récompense  quel- 
conque ou  des  promesses,  sera  puni  de  la  réclusion.  Le  faux  témoin  en  matière 
de  police  qui  aura  reçu  de  l'argent,  une  récompense  quelconque  et  des  promesses 
sera  puni  d'un  emprisonnement  de  deux  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de  50  à2,000  Ar. 
—  Dans  tous  les  cas,  ce  que  le  faux  témoin  a  ura  reçu  sera  confisqué.  » 

Le  premier  paragraphe  a  été  ajouté  par  la  loi  du  i3  mai  1863.  Cette  cause 
d'aggravation  n'existait  pas  en  matière  criminelle,  sans  doute  parce  que 
la  peine  des  travaux  forcés  à  temps,  qui  était  prononcée  par  l'ancien  art.  361, 
avait  paru  suffisante.  Mais  cette  peine  ayant  été  remplacée  par  la  réclusion,  il 
a  paru  convenable  de  revenir  aux  travaux  forcés  dans  le  cas  où  le  crime 
se  complique  de  la  circonstance  aggravante  des  dons  ou  des  promesses. 

408.  La  subornation  des  témoins  n'est  qu'un  acte  de  complicité  du  faux 

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DU  FAUX  TAiIOIGNAGB  (aRT.   3€6).  9|$ 

témoignage;  maïs  cette  compUeité  eat  Mmmise  à  des  règles  partiaolièiei* 


«  Art.  366.  Le  coupable  de  aubornation  de  témoins  sera  passible  des 
peines  que  le  faux  témoin,  selon  les  distinctions  contenues  dans  les  act.  361,  362f 
.363  et  364.  » 

Cet  article  a  été  gravement  modifié  par  la  loi  du  ^  avril  1832.  Le  Gode 
pénal  de  1810  avait  puni  la  subornation  d'une  peine  supérieure  au  faux  témoi- 
gnage. Ce  crime,  disait-on,  en  renferme  deux,  car  le  suborneur  séduit 
le  témoin  et  perd  Taccusé;  il  faut  donc  lui  infliger  un  degré  de  peine  au-dessus 
de  celle  que  subit  le  faux  témoin.  Le  législateur  de  1832  a  pensé  qu'il  fallait  se 
borner  à  considérer  le  suborneur  comme  complice  du  faux  témoin.  On  peut, 
en  effet,  supposer  des  cas  où  ce  dernier  serait  plus  coupable  que  le  suborneur. 
Uq  père,  par  exemple,  pour  sauver  son  fils,  peut  se  rendre  coupable  du  crime 
de  subornation.  Or,  ne  peut-on  pas  dire  que  la  position  de  ce  père,  entraîné  à 
un  crime  par  sa  tendresse  pour  son  fils,  mérite  plus  d'indulgence  que  celle  du 
faux  témoin  qui  aura  cédé  pour  de  l'argent?  C'est  donc  avec  raison  que 
la  législation  actuelle  considère  la  subornation  et  le  faux  témoignage  comme 
deux  faits  qui  se  confondent  dans  un  même  but  :  un  fait  de  complicité 
par  provocation  et  le  fait  principal  du  faux  témoignage.  D'oiî  il  suit  qu'il  ne 
peut  y  avoir  crime  de  subornation  qu'autant  que  le  fait  matériel  d'un  faux 
témoignage  ou  du  moins  d'une  déposition  mensongère  à  l'audience  est 
constaté. 

Mais  si  la  subornation  est  un  fait  de  complicité,  elle  porte  en  elle-même  un 
caractère  spécial.  Ainsi,  elle  peut  ^tna  commise,  sans  aucun  doute,  par  les 
moyens  énoncés  dans  l'art.  60;  elle  peut  donc,  par  exemple,  être  commise  par 
dons,  promesses,  menaces,  abus  d'autorité  ou  de  pouvoir,  machinations 
ou  artifices  coupables  ;  mais,  comme  la  loi  n'a  pas  défini  la  subornation,  comme 
elle  n'a  pas  limité  les  moyens  qui  peuvent  être  employés  pour  suborner 
le  témoin,  c'est-à-dire  pour  le  porter  à  faire  une  déposition  mensongère»  11  faut 
en  conclure  qu'il  n'est  pas  nécessaire  que  ces  moyens  soient  explicitement 
énoncés  dans  les  arrêts  de  condamnation,  et  qu'il  suffirait  que  l'accusé  fût 
déclaré  coupable  d'avoir  suborné  un  témoin  convaincu  d'une  déposition  fausse, 
pour  devenir  passible  de  l'application  de  la  loi  pénale. 

409.  Le  faux  serment  se  rattache  étroitement  au  faux  témoignage. 

tt  AlRt.  366.  Celui  &  qui  le  serment  aura  été  déféré  ou  référé  en  matière  civile 
et  qui  aura  fait  un  faux  serment,  sera  puni  d'un  emprisonnement  d'un  à  cinq  ans 
et  d'une  amende  de  100  à  3,000  fï*.  » 

Cette  disposition  est  expliquée  dans  l'exposé  des  motifs  du  Code,  c  Une  dis- 
position relative  au  faux  serment,  et  qui  n'existait  pas  dans  la  loi  de  1791,  a 
été  placée  dans  le  nouveau  Gode,  ce  crime  a  été  puni  de  la  dégradation  civi- 
que. Nulle  peine  ne  convenait  mieux  au  crime  de  faux  serment  que  celle-ci, 
qui  consiste  dans  la  destitution  et  l'exécution  du  condamné  de  toutes  fonctions 
ou  emplois  publics  et  dans  la  privation  de  plusieurs  droits  civiques,  tels,  par 
exemple,  que  celui  d'être  juré  ou  témoin.  Le  coupable  de  faux  serment  s'est, 
1.  25 

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386      21*  LBÇ.  — -  DBS  CailMXS  ET  DÉLITS  OONTRB  LBS  PERSONNES  (n*  411). 

«•n  efTel,  renda  indigne  de  jouir  de  ses  avantages.  Cette  peine  infiunante  caa^ 
Tient  à  des  ôtres  vils  et  sans  honnenr  qui,  constitnés  juges  dans  leur  propre 
cause,  ne  répondent  que  par  un  parjure  à  cet  honorable  appel  fait  i  leur 
probité.  • 

Il  fut  fait,  dans  la  discussion  du  Gode,  une  objection  à  cet  article.  L'art  1363 
du  Ck)de  civil  porte  que,  lorsque  le  serment  déféré  ou  référé  a  été  fait,  l'adver- 
saire n'est  point  recevable  à  en  prouver  la  fausseté;  or,  comment  concilier 
Tart.  366  du  Gode  pénal  avec  cet  article  du  Gode  civil?  Gelui  qui  défère  un 
serment  n'attaquera- t-il  pas  ce  serment  comme  faux?  On  a  répondu  que  la 
poursuite  de  ce  crime  appartient  surtout  au  ministère  public  ;  quant  à  la  par- 
tie, ou  le  serment  a  été  déféré  par  elle,  ou  il  Ta  été  d'office  ;  dans  le  premier 
cas  la  partie  ebt  repoussée  par  l'art.  1363.  Gette  disposition  a  pour  but  d'em- 
pocher  que  la  partie,  qui  est  condamnée  par  l'effet  d'une  déclaration  à  laquelle 
elle  a  consenti,  ne  cherche  à  recommencer  le  procès,  sous  le  prétexte  que  la 
déclaration  est  fausse,  ce  qui  ne  manquerait  presque  jamais  d'arriver.  Dans 
le  second  cas,  qui  est  celui  où  le  serment  a  été  déféré  d'office  par  le  juge, 
la  partie  intéressée  peut  être  admise  à  prouver  la  fausseté  de  la  déclaration, 
mais  elle  doit  se  conformer  aux  règles  prescrites  par  le  Gode  de  procédure 
civile. 

càloicnies,  n^juass,  révélation  de  secrbts. 

410.  Les  art.  367,  368,  369,  370,  371,  372,  374,  375  et  377  ont  été  abrogés 
par  Tart.  26  de  la  loi  du  26  mai  1819.  Un  nouveau  système  de  répression  des 
délits  commis  par  voie  de  publication  a  été  substitué  aux  dispositions  du  Gode 
pénal;  trois  articles  de  cette  section  sont  seuls  restés  debout  :  ce  sont  les  arti- 
cles 373,  376  et  378. 

411.  L*art.  373  prévoit  et  punit  le  délit  de  dénonciation  calomnieuse  : 

«  Art.  373.  Quiconque  aura  fait  par  écrit  une  dénonciation  calomnieuse  contre 
un  ou  plusieurs  individus,  aux  officiers  de  justice  ou  de  police  administrative  ou 
judiciaire,  sera  puni  d'un  emprisonnement  d*un  mois  à  un  an  et  d'une  amende  de 
100  &  3,000  fr.  » 

La  dénonciation,  qui  est  un  acte  licite  et  môme  souvent  louable  en  soi, 
quand  elle  a  pour  objet  des  faits  répréhensibles,  devient  criminelle  quand  elle 
a  pour  objet  des  faits  mensongers  et  qu'elle  sert,  non  les  intérêts  de  la  justice, 
mais  ceux  de  la  haine.  Si  une  dénonciation  calomnieuse  est  faite  par  écrit  aux 
officiers  de  justice  ou  de  police,  cette  dénonciation,  quoique  privée,  acquiert 
jnn  degré  de  gravité  par  sa  clandestinité  même,  par  le  caractère  des  fonction- 
naires auxquels  elle  est  adressée,  par  la  possibilité  d'en  faire  un  instrument  de 
persécution  ou  de  poursuites  criminelles  contre  l'innocence. 

Plusieurs  conditions  sont  nécessaires  pour  l'existence  du  délit.  Il  faut  d'abord 
une  dénonciation  et  non  une  simple  déclaration  ;  il  ne  suffit  donc  pas  d'une 
réponse  faite  dans  un  interrogatoire,  d'un  renseignement  donné  sur  une 
demande  qui  le  provoque  ;  il  faut  un  acte  émanant  d'une  volonté  libre  et  spon- 


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CAZ.OMNISS,  UUURB8,  RÉVÉLATION  DB  BBCaÉTS  (arT.   373).  367 

tanée.  U  est  nécessaire,  en  second  lieu^  que  cette  dénonciation  soit  faite  par 
écrit  :  récriture  est  indispensable  pour  constater  les  termes  de  la  dénoncia- 
tion, pour  que  Tacte  écrit,  et  qui  peut  devenir  le  point  de  départ  d'une  prooé- 
dure,  puisse  figurer  parmi  les  pièces.  Mais  la  loi  ne  l'a  assujettie  à  aucune 
forme  particulière,  et  il  a  été  reconnu  qu'une  simple  lettre  adressée  au  minis- 
tère public,  écrite  et  signée  du  prévenu,  était  une  véritable  dénonciation  contre 
ceux  qui  y  étaient  dénommés.  Une  troisième  condition  est  que  cette  dénon« 
dation  écrite  soit  remise  aux  officiers  de  justice  ou  de  police  administrative 
ou  judiciaire.  C'est  cette  remise,  en  effet,  qui  consomme  le  délit  :  la  rédac- 
tion de  la  dénonciation  n'est  qu'un  acte  préparatoire  ;  la  remise  anx  officiers 
compétents  ppur  poursuivre  ou  assurer  en  est  le  résultat  La  police  ou  hk  jua- 
tice  est  mise  en  demeure  de  commencer  ses  investigations  et  d'intenter  son 
action.  L'expression  d'officier  de  justice  doit  naturellement  s'entendre  de  tous 
les  membres  de  l'ordre  judiciaire.  Celle  à' officier  de  police  judiciaire  est  définie 
par  l'art.  9  du  Code  d'instruction  criminelle.  U  ne  peut  y  avoir  de  difficulté 
que  relativement  à  la  qualification  d'o/^cier  de  police  administraHoe.  Cette 
dénomination  un  peu  vague  doit-elle  être  étendue  à  tous  les  fonctionnaires 
qui,  dans  chaque  administration,  sont  investis  d*une  puissance  disciplinaire, 
d'un  droit  de  surveillance  sur  les  préposés  qui  leur  sont  subordonnés  ?  11  faut 
répondre  affirmativement.  Il  est  conforme  à  l'esprit  de  la  loi  de  considérer 
comme  officiers  de  police  administrative  tous  les  fonctionnaires  qui,  dans  les 
administrations  publiques,  exercent  une  autorité  disciplinaire  sur  leurs  subor- 
donnés, et  peuvent  être  entraînés  par  une  dénonciation  calomnieuse  à  frapper 
injustement  de  suspension,  de  destitution,  ou  de  toute  autre  mesure  répressive, 
la  personne  dénoncée.  C'est  d'après  cette  interprétation  qu'il  a  été  décidé 
qu'une  dénonciation  contre  un  curé  remise  à  un  évéque  était  remise  à  un  offi- 
cier de  police  administrative,  attendu  que  les  évéques  ont  le  droit  de  nommer 
«t  instituer  les  curés,  api  es  que  la  nomination  a  été  agréée  par  le  pouvoir 
exécutif;  qu'ils  peuvent  révoquer  les  vicaires  et  desservants,  qu'ils  sont  investis 
d'un  pouvoir  disciplinaire  sur  les  ecclésiastiques  exerçant  leur  ministère  dans 
leur  diocèse,  qu'ils  ont  donc  une  véritable  administration,  et  qu'à  l'égard  de 
leurs  subordonnés,  ils  exercent  un  pouvoir  de  discipline. 

U  ne  suffit  pas  encore,  pour  que  le  délit  existe,  que  la  dénonciation  ait  été 
faite  et  remise  aux  officiers  désignés  par  la  loi,  il  faut  que  cette  dénonciation 
soit  calomnieuse,  c'est-à-dire  qu'elle  impute  des  faits  faux  et  qu'elle  les  impute 
-de  mauvaise  foi.  La  fausseté  des  faits  imputés  est  un  élément  nécessaire  de  la 
calomnie,  et  il  importe  peu  d'ailleurs  que  ces  faits  exposent  la  personne  dénon- 
cée à  une  répression  judiciaire  ou  seulement  à  une  mesure  administrative. 
Il  suffit  qu'ils  puissent  être  un  instrument  de  persécution  contre  Tinnocence. 
Mais  une  question  assez  délicate  est  de  savoir  comment  la  fausseté  de  ces  faits 
doit  être  constatée.  S'ils  ont  le  caractère  d'un  crime  ou  d'un  délit,  la  voie  à 
auivre  est  facile.  On  instruit  sur  le  crime  ou  sur  le  délit  ;  cette  instruction 
constitue  une  procédure  préjudicielle  à  celle  qui  concerne  la  dénonciation  et 
qui  doit  être  portée  devant  les  juges  compétents,  pendant-  que  le  juge  saisi  de 
la  dénonciatiou  surseoit  à  statuer  jusqu'à  ce  que  cette  première  question  soi 
vidée.  Mais  si  les  faits  dénoncés  ont  un  caractère  purement  administratif, 
^mment  reconnaître  leur  vérité  ou  leur  fausseté  ?  L'autorité  judiciaire  est- 

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388      21*  LBÇ.  —  DBS  CRIMES  ET  DÉLITS  OONTRE  LES  PERSONNES  (n""  412). 

•Ile  oompétente  pour  s'enquérir  de  Texactitude  de  cet  acte  et  pour  le  consta* 
ter^  On  a  reconnu  que  la  yérité  ou  la  fausseté  de  ces  foits  ne  peut  être  appré- 
ciée et  déclarée  que  par  l'autoriiié  dans  les  attributions  de  laqueUe  rentre  la 
connaissance  de  ces  faits  ;  qu^elle  a  seule  à  sa  disposition  les  documents  pro- 
pnss  à  en  yéMér  Texistence,  et  que,  dans  bien  des  cas,  l'autorité  judiciaire 
ne  pourrait  se  livrer  à  uhe  semblable  investigation  sans  sortir  des  limites  de 
ses  attributions  Ainsi,  et  par  une  exception  aux  règles  générales  de  la  procé- 
dure, Tautorité  judiciaire  renvoie  dans  ce  cas  à  l'autorité  administrative,  elle 
sépare  les  deux  éléments  du  délit  ;  elle  défère  à  l'administration  la  question 
de  savoir  si  les  faits  imputés  à  l'agent  sont  vrais  on  faux,  elle  surseoit,  en  atten- 
dant que  cette  question  préjudicielle  ait  été  vidée.  Ainsi  l'administration  est 
investie  du  droit  de  constater  Tun  des  faits  constitutifs  du  délit  ;  sa  décision  lie 
lès  tribunaux.  Il  ne  reste  plus  à  ceux-ci  qu'à  apprécier  l'intention  du  prévenu  ; 
Il  est  évident  que  cette  appréciation  leur  demeure  et  ne  pouvait  leur  être  enle- 
vée. Toutefois,  il  importe  de  remarquer  que  ce  n'est  que  lorsque  les  faits 
imputés  ont  été  commis  dans  l'exercice  des  fonctions  et  qu'ils  constituent  des 
fi&its  administratifs,  qu'il  y  a  lieu  de  surseoir  au  jugement  de  la  dénonciation 
calomnieuse  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  été  appréciés  par  l'autorité  administrative. 
Mftis  si  les  faits  sont  étrangers  aux  fonctions,  s'ils  appartiennent  à  la  vie 
privée  des  agents,  les  tribunaux  reprennent  leur  compétence  pour  déclarer  s'ils 
sont  vrais  ou  faux,  puisque  l'autoriié  administrative  n'a  aucun  pouvoir  pour 
apprécier  elle-même  les  faits  qui  ne  sont  pas  administratifs. 

418.  Je  voudrais  encore,  avant  de  finir  cetle  leçon,  et  pour  terminer  la 
série  des  crimes  et  délits  contre  les  personnes,  soumettre  à  votre  examen  un 
article  qui  n'est  pas  sans  importance,  parce  que  le  principe  qu'il  pose  exerce, 
ainsi  que  vous  le  verrez,  une  influence  assez  remarquable  sur  la  procédure 
criminelle.  Il  s'agit  de  l'art.  378,  qui  punit  la  révélation  des  secrets. 

tt*  Art.  378.  Les  médecins,  chirurgiens  et  autres  ofQciers  de  santé,  ainsi  que  les 
pharmaciens,  les  sages-femmes  et  toutes  autres  personnes  dépositaires,  par  état 
ou  profession,  des  secrets  qu'on  leur  confie,  qui.  hors  les  cas  oh  la  loi  les  oblige  à 
se  porter  dénonciateurs,  auront  révélé  ces  secrets,  seront  punis  d*un  emprisonne- 
ment d'un  mois  à  six  mois  et  d'une  amende  de  100  à  500  Dr.  » 

Demandons  d'abord  le  vrai  sens  de  cet  article  à  l'exposé  des  motifs  :  f  Ne 
doit-on  pas  considérer  comme  un  délit  grave,  dit  l'orateur  du  gouvernement, 
des  révélations  qui  souvent  ne  tendent  à  rien  moins  qu'à  comprendre  la  répu- 
tation de  la  personne  dont  le  secret  est  trahi,  à  détruire  en  elle  une  confiance 
devenue  plus  nuisible  qu'utile,  à  déterminer  ceux  qui  se  trouvent  dans  la 
même  situation  à  mieux  aimer  être  victimes  de  leur  silence  que  de  l'indiscré- 
tion d'aulruiy  enfin  à  ne  montrer  que  des  traîtres  dans  ceux  dont  l'état  semble 
ne  devoir  offrir  que  des  êtres  bienfaisants  et  de  vrais  consolateurs?  »  L'ora- 
teur du  Ck)rps  légisiai if  disait  encore  :  t  Cette  disposition  est  nouvelle  dans 
nos  lois  :  il  serait  à  désirer  que  la  délicatesse  la  rendit  inutile  :  mais  combien 
ne  voit- on  pas  de  personnes  dépositaires  de  secrets  dus  à  leur  état  sacrifier 
leur  devoir  à  leur  cauaticité,  se  jouer  des  sujets  les  plus' graves,  démentir  la 

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GALOIINIB0,  UmunS^  hÈYÈLATlim  S»  fllClIBTS  (ART.   378).         M9 

nuJignitô  par  des  révélations  indécentes,  des  anecdotes  scandaleoses,  el 
déverser  ainsi  la  honte  sur  les  individus,  en  portant  la  désolation  dans  ks 
familles  ?  > 

U  résulte  de  ce  texte  et  de  ces  paroles  officielles  que  la  loi  n'a  prévu  que  le» 
révélations  indiscrètes  inspirées  par  la  méchanceté  et  le  dessein  de  diffamer  ei 
de  nuire  :  ellane  s'applique  poin^  aux  déclarations  qui  sont  provoquées  par  la 
justice  elle-même.  De  là  il  suit  que  les  personnes  qui  exercent  les  professions 
(|ésignées  par  cet  article  ne  sont  point  dispensées  de  faire  à  la  justice  la  révéla- 
tion des  faits  à  leur  connaissance,  lorsqu'elles  sont  entendues  comme  témoins, 
et  que,  dans  l'intérêt  de  l'ordre  public,  leurs  dépositions  sont  jugées  néees- 
saijces  pour  parvenir  è  la  découverte  de  la  vérité* 

JiC  principe  de  la  dispense  est  donc  ailleurs  que  dans  Fart.  378.  Un  intérêt 
non  moins  élevé  que  celui  de  la  justice  elle-même  s'oppose,  dans  certains  cas, 
à  ce  que  le  dépositaire  par  profession  d'un  secret,  cité  comme  témoin  le 
révèle  i  la  justice.  Cet  intérêt  est  eehti  da  rhttffianité,  lorsqu'il  s'agit  d'un 
médecin  qui  a  donné  ses  soins  i  un  prévenu,  celui  de  la  religion,  lorsqu'il 
s'agit  du  prêtre  qui  a  reçu  sa  confession,  de  la  défense  même,  lorsqu'il  s'agit 
des  conseils  auxquels  il  a  confié  sa  situation.  La  justice  doit  respecter  le  devoir 
qui  pèse  sur  le  prêtre,  le  médecin,  les  conseils  du  prévenu,  parce  que  i'ae- 
compUssement  de  ce  devoir  est  un  besoin  social,  parce  qu'il  est  indispensa- 
ble de  conserver  à  des  fonctions  sur  lesquelles  la  société  s'appuie,  une  indé» 
pendance  qui  peut  seule  garantir  les  intérêts  qui  leur  sont  confiés.  C'est  une 
nouvelle  limite  posée  au  droit  du  juge  ;  mais  cette  limite,  ce  n'est  pas  la  loi,  c'est 
la  nature  même  des  choses  qui  Ta  faite.  En  effet,  il  ne  s'agit  pas  d*affranchir 
telle  ou  telle  personne  de  l'obligation  de  déposer,  mais  seulement  telle  ou  telle 
profession;  il  ne  s'agit  point  d'instituer,  mais  de  reconnaître  un  élément  néee»* 
«aire  de  la  vie  civile.  Pourquoi  le  devoir  général  de  tous  les  citoyens  est-il 
de  révéler  les  faits  qu'ils  connaissent,  lorsqu'ils  sont  cités  comme  témoina  ? 
C'est  que  toutes  les  considérations  privées  qu'ils  pourraient  opposer  doitenl 
fléchir  devant  l'intérêt  socisl  qui  exige  leur  témoignage;  c'est  que,  n'ayant 
•aucun  Uire  pour  recevoir  les  révélations  qui  leur  scmt  faites,  ils  n\)nt  «uoiun 
droit  de  les  retenir  ;  c'est  que  te  dépêt  de  ces  confidenoeB,  étant  volontaire  el 
non  nécessaire,  n'a  pas  droit  à  la  même  protection.  Mais  quand  tes  révélations 
sont  faites  à  une  personne  préposée  par  la  société  elle-même,  et  pour  porter 
secours  à  une  souffrance*  à  un  intérêt  froistfé,  à  un  droit  opprimé,  cbmtnént 
lui  demander  de  les  trahir?  Ne  seràiti-ce  pas  supprfaner  le  secours  lui-même, 
l'appui  que  toute  souffrance,  que  to«te  lésion  doit  trouver  près  d'elle,  le  béné- 
§LÇ/b,  en  un  mot,  de  la  vie  commune  ?  La  société#qui  a  £ait  ces  institutions 
iiltéiaires,  ne  serait-elle  pas  profondém^it  troublée,  si  elles  étaient  ébranlées? 
llie  SOQt-elles  pas  un  des  éléments  de  Tordre  général  qui  préside  à  toutes  les 
i^ialions  humaines  et  qui  dénne  un  protecteur  commun  i  tant  d'intérêts  op- 
j^^st  G'«st  donc  la  force  même  des  choses  qui  fait  la  dispense  toutes  les  fols 
qia'^\U  est.  la  condition  nécessaire  des  rapports  qui  sont  la  vie  sociale  elle- 
méme* 

}  '418..  Les  professions  auxquelles  la  jurisprudence  a  reconnu  dans  certains 
4MS  et  dans  une  certaine  mesure  la  dispense  de  déposer  sont  celles:  i*  des 

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390     22*  LBÇ.  ^  DES  CRIttBS  Bï  DÉLITS  GONTBE  LM  PHOPRIÉTÉS  (n*  415). 

médecins,  chirurgiens,  sages-femmes  et  pharmaciens  ;  2«  des  ministres  des 
cultes  ;  9«  des  avocats  et  des  avoués  ;  4*  des  notaires.  En  général,  deux  condi- 
tions sont  nécessaires  pour  qu'il  y  ait  dispense  de  déposer,  il  faut  que  la  con- 
lidence  ait  été  reçue  dans  Texercice  des  fonctions,  il  faut  qu'elle  ait  été  faite 
sous  le  sceau  du  secret.  Mais  cette  faculté  de  ne  pas  déposer  ne  dispense  pas 
les  dépositaires  de  secrets  de  comparaître  en  justice  ;  ils  doivent  obéir  i  la  cita- 
tion et  soumettre  leur  cause  de  dispense  à  Tappréciation  du  juge. 

D  me  reste  à  dire  quelques  mots  de  Part.  376.  Cet  article  se  borne  à  poser 
en  règle  générale  que  toutes  injures  ou  expressions  outrageantes,  qui  ne  ren- 
ferment pas  le  double  caractère  de  gravité  résultant  de  Timputation  d'un  vice 
déterminé  et  de  la  publicité,  ne  donneront  lieu  qu'à  des  peines  de  police.  Son 
unique  objet  est  donc  de  renvoyer  à  l'art.  471,  n<>  11,  qui  punit  les  injures  de 
cette  nature. 

y«GT-]>SUXlillB  LKÇON. 

414.  J'ai  terminé  l'examen  des  crimes  et  délits  contre  les  personnes  :  je 
commence  la  série  non  moins  longue  des  crimes  et  délits  contre  les  propriétés. 
La  principale  de  ces  infractions  est  le  vol;  c'est  celle  que  le  Gode  a  placée  en 
tète  de  cette  nouvelle  catégorie  d'actes  punissables.  Je  suivrai  le  même  ordre^ 
et  je  vais  en  conséquence  traiter,  dans  cette  leçon,  de  la  matière  du  vol. 

La  loi  romaine  avait  défini  le  vol  :  Conirectatio  fraudulosa^  lucri  faciendx 
eausA,  véi  ipsiusreivel  etiamusùs  ejitspossessUmisve.  Notre  législateur,  en  adop- 
tant les  deux  principaux  éléments  de  cette  définition,  l'a  modifiée  d'abord  enr 
ce  qu'il  ne  fait  plus  dépendre  le  délit  de  la  seule  pensée  du  lucre,  ensuite  ea 
ce  qu'il  ne  s'étend  plus  à  l'abus  de  l'usage  ou  de  la  possession. 

«  Art.  379.  Quiconque  a  soustrait  frauduleusement  une  chose  qui  ne  lui  appar- 
tient pas  est  coupable  de  vol.  » 

Il  résulte  de  ce  texte  que  trois  éléments  constituent  le  vol  :  il  fiiut  qu'il  y  ait 
soustraction,  que  cette  soustraction  soit  frauduleuse,  qu'elle  ait  pour  objet  une 
chose  appartenant  à  autrui. 

416.  La  soustraction,  contreetaUo,  n'est  pas  seulement  la  simple  appréhen* 
sion  de  la  chose,  la  mise  de  la  main  sur  l'objet  convoité,  c'est  le  déplacement, 
renièvement  de  cette  chose;  il  ne  suffit  pas  qu'elle  soit  appréhendée  contre  le 
gré  du  propriétaire,  il  fauttqu'elle  soit  sortie  de  sa  possession,  qu'elle  passe  de 
cette  possession  dans  celle  de  l'auteur  du  délit.  £n  effet,  l'appréhension  ou  le 
maniement  de  la  chose  n'est  point  une  manifestation  complète  de  la  volonté 
de  l'agent,  puisqu'il  peut  se  désister  ;  c'est  l'enlèvement  qui  consomme  l'acte 
matériel  du  vol.  De  là  il  suit  que  la  soustraction  ne  peut  s'appliquer  qu'aux 
choses  mobilières,  puisque  les  choses  mobilières  peuvent  seules  être  enlevées» 
De  là  il  suit  encore  qu'elle  ne  peut  s'appliquer  qu'aux  choses  corporelles» 
Ainsi,  que  mon  débiteur  m'enlève  frauduleusement  un  acte  sous  seing  privé 
par  lequel  il  a  reconnu  ma  créance,  sur  quoi  s'exerce  la  ewtiréeiaHo?  Ce  n'est 
pas  sur  ma  créance,  elle  n'en  est  pas  susceptible  ;  c'est  uniquement  sur  mon 

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DU  YOL  (aAT.  379).  391 

tilre,  qui  est  bien  une  chose  corporelle.  De  là  il  suit  enfin  que  l'usage  abusif 
ou  le  détouruMnent  d'une  chose  déposée,  louée  ou  prêtée,  n'est  point  un  vol^ 
car  le  vol  ne  se  commet  que  par  la  soustraction;  il  y  a  là  violation  d*un  con- 
trat qui  peut,  dans  certains  cas,  comme  vous  le  verrez,  constituer  un  délit, 
mais  ce  délit  n'est  point  un  vol,  parce  qu'il  n'en  contient  pas  l'élément  essen- 
tiel et  caractéristique. 

416.  Y  a-t-il  soustraction  dans  le  fait  de  retenir  frauduleusement  un  objet 
appartenant  à  autrui  et  trouvé  par  hasard?  Il  y  a  soustraction  lorsque  l'inten- 
tion frauduleuse  de  s'approprier  la  chose  trouvée  s'est  manife8té^  au  moment 
même  où  l'agent  Ta  appréhendée.  Telle  était  la  décision  de  la  loi  romaine  ; 
Qui  alienum  quidjaeens  huri  faeiendi  causa  tusiuUt  furii  ohUringitur,  Et,  en 
effet,  dans  cette  hypothèse,  l'agent  met  la  main  sur  une  chose  qu'il  sait  ne  pas 
lui  appartenir.  U  ignore  le  nom  du  propriétaire;  mais  qu'importe?  Ge  n'eat 
pas  la  connaissance  du  propriétaire,  c'est  la  connaissance  que  la  chose  ne  noua 
appartient  pas  qui  constitue  la  criminalité  de  la  soustraction.  A  la  vérité,  cet 
agent,  que  le  hasard  seul  fait  criminel,  est  moins  dangereux  que  celui  qui  a 
médité  et  eiécuté  le  délit;  mais  la  peine  a  des  degrés  pour  se  proportionner 
aux  différraites  nuances  des  faits  ;  cette  atténuation  de  la  culpabilité  n*empé- 
cbe  pas  l'existence  du  vol  lui-même.  La  question  est  plus  délicate  lorsque 
l'agent  a  pris  la  chose  trouvée  sans  intention  immédiate  de  se  l'approprier,  et 
lorsque  cette  intention  n'est  née  et  ne  s'est  manifestée  qu'ultérieurement.  Car 
il  y  a  bien  alors  un  fait  d'appréhension  suivi  d'une  rétention  frauduleuse,  mais 
on  cherche  vainement  un  fait  de  soustraction  frauduleuse.  Il  faut  bien  recon-, 
naître  que  la  rétention  même  frauduleuse  ne  constitue  pas  le  vol,  car,  pour, 
qu'il  y  ait  vol,  il  faut  que  la  fraude,  bien  qu'elle  ait  pu  n'être  révélée  que  par 
des  actes  postérieurs,  ait  existé  au  moment  de  la  soustraction  et  s'identiAa 
avec  elle.  Ge  n'est  qu'à  l'aide  d'une  présomption  que  cette  difficulté  peut  être 
résolue.  L'enlèvement  sur  la  voie  publique  d'une  ehose  qui  n'appartient  pas  à 
cehiî  qui  s'en  empare  et  dont  la  propriété  peut  d'ailleurs  s'acquérir  par  l'occu- 
pation, prend  son  caractère  dans  les  faits  et  circonstances  qui  l'ont  suivi:, 
lorsque  la  chose  est  réclamée  par  le  propriétaire,  et  que  celui  qui  s'en  est 
emparé  la  recèle  ou  nie  l'avoir  enlevée,  il  y  a  lieu  de  présumer  que  l'intention 
d'en  faire  son  profit  remonte  au  jour  même  de  l'appréhension.  C'est  donc  dana 
les  faits  qui  suivent  ce  jour  qu'il  fitut  chercher  les  signes  de  l'intention  qui  est 
supposée  avoir  animé  l'agent  au  moment  où  il  a  trouvé  la  chose. 

417.  La  fraude,  qui  constitue  le  deuxième  élément  du  vo\,  est  l'intention 
de  s'approprier  une  chose  que  l'agent  sait  ne  pas  lui  appartenir.  Toutefois  if 
ne  faut  pas  attacher  à  ces  mots  d'appropriation  une  idée  trop  exclusive.  £Ue 
exprime  le  caractère  le  plus  général  du  vol,  mais  elle  n'en  exprime  pas  le. 
caractère  essentiel,  et  peutrêtre  serait-il  plus  exact  de  dire  que  la  fraude  est 
purement  et  simplement  l'intention  de  nuire  à  autrui,  de  dépouiller  un  tien 
de  ce  qui  lui  appartient.  Supposez,  en  effet,  que  je  commette  une  soustraction,^ 
non  pour  m'approprier  l'objet  volé,  non  pour  m'enrichir  aux  dépens  d'autrui, 
mais  pour  le  remettre  à  un  tiers,  pour  faire  même  une  aumône?  Est-ce  que  la 
destination  que  je  donne  à  l'objet  soustrait  change  la  nature  de  La  saustractioa? 


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392      n^  LEÇ.  —  DBS  GRIMB6  BT  ÙÈLlis  CONTRE  LES  PROPRIÉTÉS  (N*  418). 

Est-ce  qu'il  est  plus  permis  de  dépouiller  le  légitime  propriétaire  d'une  chose 
pour  la  transférer  à  autrui  que  pour  la  garder  pour  soi-méiiM  ?  Faudrait-il 
donc  distinguer  les  soustractions  commises  par  cupidité  et  celles  qui  seraient 
^  commises  par  tout  autre  sentiment?  Je  suis  jaloux  d'un  bijoa,  d'un  diamant 
f  que  vous  portez  ;  je  profite  de  robscurité  pour  vous  l'enlever  et  je  le  jette  dans 
la  rivière.  Est-ce  que  cette  soustraction  cessera  d*ôtre  ua  vol  par  cela  seul  que 
c'est  un  sentiment  de  méchanceté  qui  m'a  guidé  ?  Non,  il  n'y  a  point  lieu  de 
distinguer  entre  les  causes  impulsives  de  l'action,  il  suffît  que  l'agent  ait  eu 
pbur  but  de  frustrer  le  propriétaire  de  la  chosa^  de  l'enlever  à  son  détriment. 
Ici  s'élève  cependant  une  grave  question  :  la  nécessité,  quand  elle  est  con- 
statée; la  faim,  quand  elle  est  pressante,  n'est-elle  pas  une  cause  justificative 
de  la  soustraction?  Ne  fait^lle  pas  disparaître  cette  pensée  de  fraude  qui  sup- 
poseune  certaine  liberté,  une  délibération  que  la  misère  supprime?  Nos  anciens 
ttgistes  déclaraient  excusables  les  vols  motivés  par  le  besoin^  et  ils  appli- 
quaient cette  maxime  :  Quod  non  est  Ucitum  iniege  netessitus  facU  UàtHm.  Cette 
excuse  n'a  pas*  cessé  d*exister^  elle  est  écrite  dans  l'art.  463,  qui  permet  au  juge 
de  tenir  compte  de  toutes  lescirconsianceft  atténuantes.  Mais  oe  n'est  là  qu'une 
excuse  et  non  un  fiiit  justificatif.  Le  délit  existe,  et  comment  n'existerait-il  pas? 
ESi^t^ce  que  le  besoin,  la  misère,  la  him,  quelque  cruelles  que  soienjt  leprs  tor- 
tures, peuvent  justifier  une  main  mise  sur  la  propriété  d' autrui?  Est-ce  qu'il 
est  possible  d'imposer  une  sorte  de  charité  forcée  qui  pourrait  être  exigée  par 
ttîiis  ceux  qui  prétendraient  se  trouver  dans  telle  ou  telle  position  ?  Ces  prin- 
cipes peuvent  fléchir  quand  l'humanité  rordonne,  ils  n'en  subsistent  pas 
moins  ;  la  poursuite  du  vol  d'un  pain  par  un  pauvre  aflEamé  serait  inhumaine, 
et  la  plus  minime  de  toutes  les  peines  serait  tout  au  plus  applicable  à  un 
iU  fait  ;  mais  ce  fait,  considéré  en  lui-môme«  n'en  serait  pas  moins  un  vol  et 
passible,  à  ce  titre,  d'une  pénalité. 

41S.  Le  troisième  élément  du  vol  est  (fue  la  chose  soustraite  appartienne  à 
atitrui  ;  car  il  est  clair  que  celui  qui  soustrait  sa  propre  chose  ne  commet  aucun 
délit  :  BÉi  nosttw  furtum  facere  non  postumua.  Cette  règle  est  absolue.  Ainsi, 
lifrs  même  que  la  chose  aurait  été  nMse.  en  gage,  le  propriétaire  qui  la  sous- 
trairait ne  commettrait  point  «n  vol  :  la  loi  romaine  n'est  plus  applicable  à  cet 
égard,  nous  ne  corniaissons  plus  les  vols  d'usage  ou  de  possession;  l'agent 
viole  un  contrat  en  reprenant  sa  chose,  il  ne  commet  point  un  vol,  car  cette 
chose,  quoique  engagée,  n'a  pas  cessé  de  lui  appartenir.  Il  en  est  ainsi  du  saisi 
qui  détourne  les  objets  saisis  sur  lui  et  confiés  à  sa  garde.  L'art.  400  porte  ce 
qui  suit  : 

'  «  Art.  400.  Le  saisi  qui  aura  détruit,  détourné  ou  tenté  de  détourner  des  objets 
saisis  sur  lui  et  confiés  à  sa  garde,  sera  puni  des  peines  portées  en  l'art.  406.  — 
Usera  puni  des  peines  portées  eu  rartiele  401,  si  la  garde  des  objets  saisis  et  par 
U 'détruits  ou  détournés  avait  été  confiée  à  un  tiers.  ~  Celui  qui  aura  recelé 
«Menneat  les  objets  détournés,  le  conjoint,  les  ascendants  et  les  descendants  du 
saisi  qui  l'auront  aidé  dans  la  destructioa  ou  le  détournement  de  ces  objets,  seront 
punis  d'une  peine  égale  à  celle  qu'il  aura  encourue.  » 

BrésuUedecetexte,  quiaétéintrddnitdatisieGodepar  lak)idu28avriU832, 

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DU  YOL  (aht.  400).  393 

^e  le  saiû  qoi  détourne  ou  détrait  les  objets  saisis  sur  loi  ne  commet 
«neuD  voi>  car  la  saisie  n^a  point  changé  la  propriété  de  ces  objets  qui  demea-r 
«ent  entre  ses  mains.  La  loi»  qoi  Toulait  arriver  à  la  répression  de  cet  acte,  a 
donc  dû  faire  denz  hypothèses  :  ou  les  objets  lui  ont  été  confiés  après  la  saisie^ 
^i,  dans  ce  cas,  leur  détournement  a  été  qualifié,  non  de  vol,  mais  d'abus  de 
<»nfiance;  ou  ces  objets  avaient  été  remis  entre  les  mains  d'un  tiers,  'et  alors 
leur  soustraction  par  celui  à  qui  ils  appartiennent  a  été  assimilée  au  vol,  mais 
-ettUB  assimilation,  qui  n'existe  qu  en  vertu  d^une  disposition  spéciale,  a  pour 
«nique  effet  d'étendre  à  ce  cas  les  peines  du  vol  ;  elle  ne  fait  pas  que  Tacte 
lui-^méme  soit  un  vol  ;  elle  crée  une  exception  aux  règles  légales  qui  définis- 
sent et  punissent  ce  délit* 

419.  tJne  autre  conséquence  du  même  principe  est  que  Faction  du  vol  cesse  : 
î®  quand  la  chose  soustraite  n'appartient  à  personne,  quand  elle  est  du  nonk* 
bre  des  res  nullius  qui  appartiennent  au  premier  occupant  :  on  en  trouve  des 
•flxeaipJee  ddns  les  art<  715,  716  et  717  du  Code  civil  ;^«  quand  la  chose,  après 
«voir  appartenu  à  autrui,  a  été  abandonnée  :  telles  sont  toutes  les  choses  qui 
ednt  Jetées  après  avoir  rempli  un  certain  usage  et  qui  peuvent  être  recueillies 
par  celui  qni  croit  pouvoir  s*en  servir  encore;  3^  quand  la  chose  a  été  perdue  par 
^ancien  propriétaire  qui  ne  se  représente  pas  et  qui  n'est  pas  même  connu.  U 
enterait  autrement  si  oe  prepriétaire  pouvait  facilement,  à  l'aide  de  recherches, 
être  trouvé.  Ainsi,  il  a  été  décidé,  relati vendent  à  un  ouvrier  qui  s'était  appro- 
prié oaoe  somme  en  or  <|u'il  avait  trouvée  en  démolissant  un  mur,  que  le  vol 
peut  exister  indépendamment  de  tQute  i^éclamation  du  légitime  propriétaire» 
qàaa  même^ce  proprétaire  ne  serait  point  actuellement  connu  et  quand  il 
«avait ignoré  les  droits  qu'il  avait  sur  la  chose  soustraite;  5<*  quand  le  proprié- 
taire de  la  chose  a  consenti  lui-même  à  son  enlèvement;  il  ne  peut  y  avoir  de 
vol,  en  effet,  qu'autant  qae  la  soustraction  a  été  faite  contre  le  gré  du  pro- 
peîétaiie. 

iMais  il  ne  iMi. point  en  induire  que  l'agent  qui  aurait  dans  une  chose  un 
dvoit  partiel  neicoasmettrait.p^  un  vol»  en  s'emparant  de  cette  chose;  car  il 
est  évidMiti^iB'Ilvieie  la  partie,  de  cet  objet  qni  ne  lui  appartient  pas.  Cette 
dé^sioD  préseiMe  cepeitdaot  quelques  difficultés  en  cç  qui  concerne>  les  cohéri- 
tiers et  leacoasfoâite.  On  ^a  ofe^té,  en  faveur  des  premiers,  que  les  art  792 
et '801  du  CodeioWil'déolarenttpuraet  siniples  les  cohéritiers  qui  ont  diverti  ou 
recelé  les  effets  de  la  succession:  et  cette  déchéance  étant  une  sorte  de  peine, 
on  en  a  conclu  qu'aucune  autre  pénalité  ne  leur  était  applicable;  mais  ces 
deux  articles  ne  sont  relatifs  qa'à  l'intérêt  civil  et  aux  instances  civiieiç;  c*est 
à  iitre  de  restitution  que  la  déchéance  est  encourue;  et  il  n'en  résulte  aucune 
modification  aux  droits  de  l'action  pubUque.  On  a  Objecté  encore  .ta  règle  posée 
par  l'art.  360  du  Gode  pénal,  règle  que  nous  examinerons  tout  à  l'heure  et 
par  laquelle  les  vols  entre  ascendants  et -deseendants  et  entre  époux  soiU 
«xempts  de  toute  poursuite.  Mats  si  l'honnAieiô  publique  a  fait  .interdire  cette 
poursuite  en  certaina  cas  et  à  l'éganl  de  certaines  personnes,  ces  cas  et  ces 
péflBonnes  ont  été  décerminés  par  l'art.  380,  et  les  dispositions  de  cet  artiola 
ne  peuvent  être  étendues.  Il  en  est  de  même  entre  les  coassociés  :  l'associa* 
Ikm  laisse  Béoessaire(nent  une  portion  de  ht  chose  à  un  tiers;  or,  il  n'y  a  que 


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394      n"  LEÇ.  —  DB8  GRIMES  ET  DÉUT8  GONTIUB  LES  PROPRIÉTÉS  (n*  420). 

la  propriété  entière  qai  puisse  faire  disparaitre  le  délit  :  la  règle  g^érale  est 
donc  qne  la  copropriété,  dans  des  effets  mobiliers,  n'exclut  pas  raction  de  vol 
pour  la  soustraction  frauduleuse  da  ces  effets  par  un  des  copropriétaires  an 
préjudice  des  autres. 

420.  La  loi  a  fait  une  exception  à  cette  doctrine  dans  Fart.  380  : 

a  ART.  380.  Les  soustractions  commises  par  des  maris  au  préjudice  de  leurs 
femmes,  par  des  femmes  au  préjudice  de  leurs  maris,  par  un  veuf  ou  une  veuve, 
quant  aux  choses  qui  avaient  appartenu  &  Tépoux  décédé,  par  des  enfants  ou 
autres  descendants  au  préjudice  de  leurs  pères  ou  mères  ou  autres  ascendants,  par 
des  pères  et  mères  ou  autres  ascendants  au  préjudice  de  leurs  enfants  ou  autrea 
descendants,  ou  par  des  alliés  aux  mômes  degrés,  ne  pourront  donner  lieu  qu'à 
des  réparations  civiles*  A  l'égard  de  tous  autres  individus  qui  auraient  recelé  ou 
appliqué  à  leur  profit  tout  ou  partie  des  objets  volés,  ils  seront  punis  comme 
coupables  de  vol.  » 

Cette  disposition  a  été  expliquée  dans  Texposé  des  motifîB:  «  Les  rapporte 
entre  ces  personnes  sont  trop  intimes  pour  qu'il  convienne,  à  roccasion  dln* 
térèts  pécuniaires,  de  charger  le  ministère  public  de  scruter  les  secrets  de 
famille,  qui  peut-être  ne  devraient  jamais  être  dévoilés;  pour  qu'il  ne  soit  pas 
extrêmement  dangereux  qu'une  accusation  puisse  être  poursuivie  dans  des 
affaires  ofi  la  ligne  qui  sépare  le  manque  de  délicatesse  du  véritable  délit  est 
souvent  très-difficile  à  saisir;  enfin,  pour  que  le  ministère  public  puisse  pro» 
voquer  des  peines  dont  l'effet  ne  ee  bornerait  pas  à  répandre  la  consternation 
parmi  tous  les  membres  de  la  famille,  mais  qui  pourrait  encore  être  une 
source  étemelle  de  division  et  de  haine.  >  Il  résuite  de  ces  paroles  et  du  texte 
qu'elles  expliquent  que  le  délit  n'est  pas  seulement  voilé  dans  les  cas  prévas 
par  la  loi,  il  n'existe  pas  :  ce  n'est  plus  un  vol  dont  il  s'agit,  c'est  une  simplo 
soustraction,  et  cette  soustraction  n'est  point  incriminée,  parce  qu'il  sérail 
difficile  de  poser  la  ligne  qui  sépare  en  cette  matière  le  manque  de  délictttesse 
du  véritable  délit.  Mais  c'est  là  une  exception  au  droit  commnn;  il  y  a  donc 
lieu  de  la  limiter  expressément  aux  soustractions  commises  au  préjudice  dos 
personnes  qui  sont  énoncées.  Ainsi,  l'art.  380  ne  couvre  qne  les  soustractions 
et  non  les  délits  concomitants  à  ces  soustractions.  Ainsi,  si  l'agent  a  employé^ 
pour  arriver  à  la  même  fin,  d'autres  moyens  que  la  soustraction,  par  exempter 
s'il  a  commis  un  crime  de  faux,  ce  crime  est  punissable  indépendamment  do 
l'objet  que  son  auteur  a  eu  en  vue. 

La  désignation  des  personnes  qui  peuvent  invoquer  le  bénéfice  de  l'art.  38Q 
est  restrictive,  puisque  la  loi  ajoute  :  «  A  l'égard  de  tous  autres  individus..»  ils 
seront  coupables  de  vol.  »  Ainsi,  le  vol  commis  par  un  frère  au  préjudice  de 
ses  frères  pourrait  être  Tobjet  d'une  poursuite.  La  soustracttoti  commise  par  le 
beau-père  au  préjudice  des  enfiints  de  sa  femme  rentre^t*elle  dans  les  termes 
de  l'art  380?  Oui,  puisque  cet  article  protège  les  soustractions  commises  par  les 
pires  et  mères  ou  autres  ascendants,  et  par  les  alhés  au  même  degré,  et  puis- 
que, aux  termes  des  art.  161  et  162  du  Ck>de  civil,  le  lien  d'affinité  établi  par 
le  mariage  entre  les  deax  éponx  et  les  enfants  du  premier  lit  n'est  pas  détruit 
par  le  décès  de  celui-ci.  Faut-il  oomprendre  dans  l'expression  à*enfa»ts  les 

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D0  VOL  (art.  401).  3K 

en&nts  adùpHft?  Ëridemment,  puisqu'ils  ont  les  mémos  droits  que  les  enfants 
légitimes.  Fant-il  comprendre  les  enfants  naturels  ?  La  soiation  doit  être  dans  ' 
nn  sens  contraire.  L'exception  de  Tart.  380  n'a  évidemment  été  faite  par 
le  législateur  qn'en  considérant  da  lien  de  famille  qui  existe  entre  les  parents; 
or,  il  résulte  de  l'art.  765  du  Cknle  civil  que  la  loi  ne  reconnaît  de  lien  de 
famille  en  faveur  d'enfants  naturels  que  vis-à-vis  de  leurs  pères  et  mères  qui 
les  ont  reconnus;  et  c'est  d'après  ce  principe  que  l'art.  299  du  Gode  pénal, 
après  avoir  qualifié  de  parricide  le  meurtre  des  pères  et  mères  légitimes,  natu- 
rels ou  adoptifs,  ne  donne  la  même  qualification  qu'au  meurtre  des  autres 
ascendants  légitimes. 

Les  soustractions  prévues  par  l'art.  380  n'admettent  point  de  complices^ 
puisqu'elles  ne  constituent  ni  crime  ni  délit,  mais  elles  admettent  des  coau- 
teurs :  tel  est  le  sens  du  dernier  paragraphe  de  cet  article.  L'exception,  en 
effet,  motivée  sur  les  rapports  étroits  de  la  famille,  ne  saurait  profiter  à  l'étranger 
qui  a  coopéré  à  la  perpétration  de  la  soustraction  et  en  a  profité.  Cet  étran- 
ger, ne  se  trouvant  pas  dans  le  cas  de  se  prévaloir  des  considérations  morales 
qui  ont  désarmé  la  loi,  reste  nécessairement  exposé  aux  conséquences  légales 
de  l'acte  qu'il  a  commis  et  dont  l'incrimination,  en  ce  qui  le  regarde,  ne  sau- 
rait être  écartée  par  la  circonstance  qu'un  des  auteurs  de  cet  acte  se  trouve 
dans  une  situation  exceptionnelle  et  protégée.  Ainsi,  les  individus  qui  ont 
recelé  ou  qui  ont  appliqué  à  leur  profit  tout  ou  partie  des  objets  soutraits  pe 
sont  point  punis  comme  complices,  mais  comme  auteurs  principaux  du  vol.  Il 
suit  de  là  que  ceux  qui  n'ont  fait  qu'assister  les  parents  désignés  par  l'art.  380, 
dans  les  actes  d'exécution  des  soustractions,  sans  receler  les  objets  soustraits 
et  sans  en  profiter  personnellement,  ne  sont  passibles  d'aucune  peine,  car  ils 
ne  sont  que  les  complices  d'un  fkit  qui  n'est  pas  punissable. 

421.  Vous  connaissez  maintenant  les  caractères  généraux  du  vol,  vous  sa- 
vez dans  quels  cas  il  peut  y  avoir  soustraction,  dans  quels  cas  cette  soustrac- 
tion peut  être  réputée  frauduleuse,  dans  quels  cas  enfin  il  y  a  soustraction  de 
la  chose  d'autmi.  Lorsque  ces  trois  circonstances  sont  réunies,  il  y  a  vol,  et,, 
si  aucun  autre  fait  ne  vient  compliquer  ce  vol,  il  ne  constitue  qu'un  simple 
délit,  un  vol  simple,  suivant  l'expression  de  la  pratique.  Il  y  a  lieu  dans  ce 
cas  à  l'application  de  l'art.  401  qui  est  ainsi  conçu  : 

«  Art.  401.  Les  autres  vols  non  spécifiés  dans  la  présente  section,  les  larcins  et 
filouteries,  ainsi  que  les  tentatives  de  ces  mêmes  délits,  seront  punis  d'un  empri- 
sonnement d'un  an  au  moins  et  de  cinq  ans  au  plus,  et  pourront  même  l'être  d'une 
amende  qui  sera  de  16  fr.  au  moins  et  de  100  tr,  au  plus.  Les  coupables  pourront 
encore  être  interdits  des  droits  mentionnés  en  l'art.  42  du  présent  Gode,  pendant 
cinq  ans  au  moins  et  dix  ans  au  plus,  à  compter  du  Jour  où  ils  auront  subi  leur 
peine.  Us  pourront  aussi  être  mis,  par  l'arrêt  ou  le  jugement,  sous  la  surveillanoe 
de  la  haute  police  pendant  le  même  nombre  d'années.  » 

Les  vols  non  spécifiés  dans  la  présente  seeHon  sont  ceux  qu'aucune  ciroonstanœ 
aggravante  n'accompagne;  ceux  qui  n'ont  été  spécifiés  par  aucun  fait  de  leur 
exécution,  les  vols  simple»,  en  un  mot.  Ce  sont  ces  vols,  dégagés  de  tous  les 
incidents  qui  les  compliquent  et  les  aggravent,  qui  sont  l'objet  de  l'art  401.  La 


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3t6      22*  LBÇ.  —  DBS  GRIMBS  BT  DÉUT8  GONTRB  LBS  PROPRIÉTÉS  (n*  423). 

ki  assimile  à  ces  vols  lei  larems  ei  fUmUeriê$  :  que  faat-il  entendre  par  ees 
mots?  Les  larcins  et  les  filouteries  sont  des  vols  exéeatôs^  cenz-là  fartive-> 
ment,  ceax-cî  jiar  adresse  ;  mais  ce  Bont  de  véritables  vols,  qui  en  ont  néces* 
saîrement  tous  les  caractères  et  qui  dès  lors  supposent,  comme  le  vol  simple, 
la  soustraction  frauduleuse  de  la  chose  qui  n'appartient  pas  à  l'auteur  de  la 
soustraction. 

422.  J^ arrive  aux  cîrcoDstances  aggravantes  de  ce  vol.  Ces  circonstances 
sont,  soit  la  qualité  de  l'agent,  soit  le  temps  ou  le  lieu  oi!L  le  vol  est  commis, 
soit  les  faits  qui  ont  accompagné  1  exécution.  La  qualité  de  Tagent  est  une 
cause  d'aggravation  quand  il  est  commis  par  les  domestiques,  hommes  de  ser- 
vices à  gages,  ouvriers,  compagnons  ou  apprentis,  par  les  aubergistes  et  hôte- 
liers, par  les  voituriers  et  bateliers.  Le  temps  est  une  cause  d'aggravation  quand 
il  est  commis  pendant  la  nuit.  Le  lieu  est  une  cause  d'aggravation  quand  il  est 
commis  dans  les  maisons  habitées  et  leurs  dépendances,  dans  les  édifices  con- 
sacrés aux  cultes,  sur  les  chemins  publics.  Enfin,  les  faits  d'exécution  sont  une 
cause  d'aggravation  quand  il  est  commis  soit  de  complicité,  soit  avec  effrac- 
tion, escalade  ou  fausses  clefs,  soit  avec  port  d'armes,  menaces  de  violences, 
soit  avec  usurpation  de  titres  ou  de  costumes  ou  suppositions  d'ordre  de  l'au- 
torité. Je  vais  successivement  examiner  chacune  de  ces  circonstances. 

428.  L'aggravation  fondée  sur  la  qualité  de  l'agent  résulte  des  n**  3  et  4  de 
l'art.  386  et  de  Part.  387  de  notre  Code  : 

«  A&T.  386.  Sera  puni  de  la  peine  de  la  réolusiou  tout  indlvi4u  coupable  de  vol 
commis  dans  Tua  des  cas  ci-après...  3"*  Si  le  voleur  est  un  domestique  ou  un 
homme  de  service  à  gages,  môme  lorsqu'il  aura  commis  le  vol  envers  des  personnes 
qu'il  ne  servait  pas,  mais  qui  se  trouvaient,  soit  dans  la  maison  de  son  maître,  soit 
dans  celle  où  il  l'accompagnait;  ou  si  c'est  un  ouvrier,  compagnon  ou  apprenti, 
dans  la  maison,  l'atelier  ou  le  magasin  de  son  maître,  ou  un  individu  travaillant 
habituellement  dans  rhabitation  où  il  aura  volé.  » 

Cette  aggravation  pénale  est  fondée  tout  entière  sur  la  confiance  nécessaire 
qui  doit  établir  entre  le  maître  et  chacune  des  personnes  désignées  par  l'ar- 
Ûcle.  De  là  il  suit  que  eet  article  ne  fait  nulle  distinction  entre  les  domestiques 
à  gages  et  les  personnes  qui  ne  sont  admises  dans  la  maison  que  pour  un  ser- 
vice momentané.  De  là  il  suit  encore  que  cette  disposition  ne  s'étend  pas  aux 
personnes  admises  à  titre  d'hospitalité,  c'est-à-dire  par  l'effet  d'une  confiance 
volontaire. 

Que  faut-il  entendre  par  domestiques?  Dans  l'ancienne  jurisprudence  on 
•distinguait:  «  Les  serviteurs,  dit  Serpillon,  sont  les  valets,  les  laquais,  les 
portiers,  les  cochers,  cuisiniers  et  autres  d'un  état  semblable  ;  sous  la  qualité 
4e  domestique,  sont  compris  ceux  d'un  état  moins  abject,  comme  les  secré- 
taires, agents,  maîtres  d'bôtel  et  autres  gens  à  gages.  *  Cette  distinction 
n'existe  plus;  toutes  les  personnes  attachées  au  service  de  la  personne  ou  de 
la  maiflOB  sont  indifféremment  oempfiaes  sous  la  dénomination  de  domestiques. 
il  faot  toutefois  excepter  les  élèves,  clerés,  secrétaires  et  commis»  puisque  la  loi 
4«  %g  avril  1832  n'a  pas  ajouté  à  l'art.  366  l'addition  qu'elle  a  faite  à  cet  ép^ard 
à-  l'art.  408. 


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DU  YOL  (art*  386).  397 

Le  vol  est  réputé  domestique,  non-setilement  quand  il  est  comsiis  dane  la 
maison  et  aa  préjudice  du  maftre,  mais  encore  :  4«  quand  il  est  commis  dans 
cette  maison  an  préjudice  d'antres  personnes  qne  le  maître  ;  2^  quand  il  est 
commis  dans  une  autre  maison,  où  le  domestique  accompagnait  son  maître. 
La  raison  de  ces  deux  extensions  est  que  tous  les  objets  qui  se  trouvent  dans 
la  maisondu  maître,  étant  confiés  à  sa  surveillance,  sont,  aux  yeux  du  domes- 
tique, réputés  la  propriété  du  maître  lui-même,'  et  que,  lorsqu'il  accompagne 
celui-ci  dans  une  maison  étrangère,  la  responsabilité  de  ses  actes  appartient  à 
ce  dernier.  La  loi  n'exige  pas  d'ailleurs  que  le  propriétaire  de  la  chose  volée 
se  trouve  dans  la  maison  où  le  domestique  Ta  volée;  il  suffit  que  Tagent  ait 
été  revêtu,  dans  le  sens  de  la  loi,  de  la  qualité  de  domestique  dans  cette  mal* 
son.  IL  importe  peu  également  que  le  vol  ait  été  commis  au  préjudice  du  maî- 
tre dans  sa  maison  ou  en  dehors  de  sa  maison.  La  confiance  nécessaire  du 
niaitre^  enetfét,  est  illimitée  et  suit  le  domestique  partout  où  il  peut  en  abuser. 

424.  La  deuxième  espèce  de  vol  domestique  est  prévue  par  la  dernière 
partie  du  n»  3  dé  Part.  386  :  elle  concerne  le  vol  des  ouvriers  dans  la  maison 
du  maître.  Deux  conditions  sont  nécessaires  à  cette  aggravation;  il  faut  que 
le  vol  ait  été  commis  par  un  ouvrier,  compagnon  ou  apprenti,  et  qu'il  ait  été 
commis  dans  la  maison,  l'atelier  ou  le  magasin  du  maître.  Que  faut-il  entendre 
par  ces  dernières  expressions  ?  Il  faut  entendre  le  lieu  où  les  ouvriers  sont 
employés  à  leur  travail  habituel. 

La  loi  assimile  aux  ouvriers  les  individus  travaUlani  habituellement  dans 
rhe^Uaiion  ot)i  ils  ont  volé.  Le  sens  de  ces  expressions  est  sufOsammeat  indi- 
qué pfir .  l'esprit  général  de  la  loi.  L'aggravation  résulte,  en  effet,  ici  comme 
pour  les  ouvriers,  de  la  confiance  que  le  maître  est  forcé  d'accorder  à  l'indi- 
vidu qui  travaille  habituellement  chez  lui.  Il  faut  donc  limiter  l'application  de 
cette  disposition  à  ceux  qu'un  travail  habituel  appelle  dans  la  maison  pour  y 
exécuter  des  travaux  nécessaires;  elle  ne  s'étendrait  pas  dès  lors  aux  personnes 
qui  sont  appelées  à  titre  d'hospitalité  et  par  Peffet  d'une  confiance  volontaire  ; 
elle  ne  s'étendrait  pas  non  plus  aux  individus  qui  n'auraient  été  appelés  que 
pour  un  travail  momentané. 

425...  La  troisième  espèce  de  vols  qui  sont  aggravés  parla  qualité  de  l'agent 
sont  les  vols  des  aubergistes  et  hôteliers. 

«  Abt.  386,  n<*  4.  Si  le  vol  a  été  commis  par  un  aubergiste,  un  hôtelier,  un  voi- 
tuTÎer,  un  batelier  ou  un  de  leurs  préposés,  lorsqu'ils  auront  volé  tout  ou  partie 
des  choses  qui  leur  avaient  été  confiées  à  ce  titre.  » 

Le  Gode  de  1810  avait  ajouté  :  c  Ou  si  le  coupable  a  commis  le  vol  dans 
l'auberge  ou  l'hôtellerie  dans  laquelle  il  était  reçu.  >  Ces  mots  ont  été  effacés 
par  la  loi  du  28  avril  1832,  ce  qui  a  fait  descendre  dans  la  classe  des  vols  sim- 
ples les  vols  commis  dans  les  auberges  par  toute  autre  personne  que  l'aubergiste. 
Les  mots  hMellerie,  auberge,  employés  dans  l'art.  386,  sont  des  expressions 
générales  qui  comprennent,  selon  leur  acception  commune  et  reconnue,  les 
hôtels  et  maisons  ou  parties  d'hôtels  ou  maisons  où  l'on  est  reçu,  moyennant 
un  prix  ou  une  rétribution,  pour  y  prendre  le  logement  ou  la  nourriture.  C'est 

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398    2î*  i*BÇ« i>B8  GBiicBS  St  Délits  oontrb  lbs  propriétés  (n*  427). 

ce  qui  résulte  du  rapprochement  de  l'art.  386  avec  les  art.  73,  154  et  475,  qp! 
assimilent  les  logeurs  et  loueurs  de  maisons  garnies  aux  aube^istes  et  hôte- 
liers, et  leur  appliquent  la  môme  responsabilité.  Cette  disposiUon  est  fondée 
tur  la  confiance  nécessaire  que  le  voyageur  doit  accorder  Untôt  à  un  aubergiste, 
tantôt  à  un  loueur  d'hôtel  garni;  elle  n'a  pas  pu  lui  refuser  dans  un  lieu  la 
garantie  qu'elle  lui  accordait  dans  un  autre,  et  n'a  pas  pu  vouloir  que  le  loueur 
d'hôtel  garni,  coupable  du  vol  des  effets  d'un  voyageur,  fût  puni  d^un  simple 
emprisonnement,  tandis  que  l'aubergiste,  dans  le  même  cas,  subirait  la  réclu- 
sion.  La  responsabilité  est  d'ailleurs  la  môme,  lorsque  la  personne  volée  a  été 
reçue  dans  l'auberge  pour  y  loger,  ou  lorsqu'eUe  y  a  été  reçue  pour  s'y  reposer 
momentanément. 

426.  Le  vol  subit  encore  une  aggravation,  à  raison  de  la  qualité  de  l'agent, 
en  ce  qui  concerne  les  bateliers  et  voituriers.  Vous  venez  de  voir,  dans  le  n»  4 
de  l'art.  386,  que  cette  aggravation  était  appliquée  aux  voituriers,  batelière  et 
leurs  préposés,  lorsqu'ils  ont  volé  tout  ou  partie  des  choses  qui  leur  étaient 
confiées  à  ce  titre.  Ils  sont  placés  dans  la  môme  position  que  les  hôteliers  et 
les  aubergistes.  Cette  règle  a  été  étendue  aux  capitaines,  patrons  et  gens  de 
l'équipage  de  tout  bâtiment  de  mer.  L'art.  15  de  la  loi  du  10  avril  1825  porte: 
«  L'art.  386,  n»  4  du  Code  pénal  est  applicable  aux  vols  commis  à  bord  de 
tout  bâtiment  de  mer,  pour  les  capitaines,  patrons,  subrécargues,  gens  de 
l'équipage  et  passagers;  n  mais  les  bateliers  et  voituriere  ne  sont  pas  passibles 
de  la  môme  aggravation  dans  l'hypothèse  suivante  : 

«  Art.  387.  Les  voituriers,  bateliers  ou  leurs  préposés,'  qui  auront  altéré  ou 
tenté  d'altérer  les  vins  ou  toute  autre  espôce  de  liquides  ou  marchandi^s  dont  le 
transport  leur  a  été  confié,  et  qui  auront  commis  ou  tenté  de  commettre  cette 
altération  par  mélange  de  substances  malfaisantes,  seront  punis  d'un  emprisonne- 
ment de  deux  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de  25  &  500  fr.  —  S'il  n'y  a  pas  eu  mé- 
lange de  substances  malfaisantes,  la  peine  sera  un  emprisonnement  d'un  mois  &un 
an  et  une  amende  de  16  à  100  tr.  » 

Cette  disposition,  il  importe  de  le  remarquer,  diffère,  et  de  l'art.  317  qui 
punit  l'administration  à  une  personne  de  substances  nuisibles  à  la  santé,  et  de 
l'art.  423  qui  punit  la  tromperie  sur  la  nature  de  la  marchandise  :  dans  ces 
deux  articles,  ce  que  la  loi  incrimine,  c'est  un  attentat  sur  les  personnes  ou 
une  fraude  commerciale.  L'art.  387  prévoit  une  espèce  particulière,  un  véri- 
table abus  de  confiance  :  l'agent  profite  de  la  confiance  forcée  que  sa  profes- 
sion commerciale  impose  et  en  abuse  au  détriment  de  ses  commettants.  C'est 
la  protection  de  la  propriété  que  la  loi  a  surtout  en  vue  ici. 

427.  Le  vol  prend  une  seconde  cause  d'aggravation  dans  le  temps  pendant 
lequel  il  est  commis,  lorsqu'il  est  commis  pendant  la  nuit.  Son  exécution,  en 
effet,  révèle  une  plus  grande  audace  et  le  rend  plus  dangereux,  puisqu'il  est 
plus  difficile  de  s'en  garantir.  La  circonstance  de  la  nuit  a  toutefois  un  carac- 
tère particulier  :  seule,  elle  ne  change  point  la  nature  du  vol,  elle  ne  devient 
aggravante  qu'en  se  combinant  avec  une  autre  circonstance  ;  elle  est  donc  en 
elle-même  moins  une  circonstance  aggravante  qu'un  élément  d'aggravation  ; 
elle  produit  ce  dernier  effet  à  Tégard  :  1<^  des  vols  commis  dansjes  champs 


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DU  TOL  (ART.  388).  399 

(art.  388);  2«  des  yoIb  commis  par  deux  ou  plusieurs  personnes  (art.  386); 
3^  des  vols  dans  une  maison  habitée  (art.  386);  4«  des  vols  commis  avec  les 
circonstances  indiquées  par  Tart.  381  ;  5®  des  vols  avec  violence  (art.  385). 
Dans  ces  différents  cas,  la  peine  s'élève  Ji  le  vol  a  élé  commis  la  nuit,  La  seule 
question  que  soulève  ce  texte  est  de  savoir  ce  qu'il  faut  entendre  par  la  nuit» 
La  jurisprudence  la  définit  tout  Pintervalle  de  temps  compris  entre  le  coucher 
et  le  lever  du  soleil.  Peut-être  est-il  plus  rationnel  de  considérer  cette  circons- 
tance comme  une  circonstance  de  fait  que  les  juges  et  les  jurés  doivent  appré- 
cier d'après  les  constatations  du  procès.  La  nuit  n'est  pas  le  coucher  du  soleil^ 
c'est  la  nuit  réelle,  la  nuit  qui  aggrave  la  criminalité  et  le  péril  du  vol  par 
les  voiles  dont  elle  le  couvre. 

428.  L'aggravation  est  fondée  sur  le  lieu  de  la  perpétration  lorsque  le  vol 
est  commis,  soit  dans  les  champs,  soit  dans  les  maisons  habitées  ou  lieux  clos, 
«oit  dans  les  édifices  consacrés  aux  cultes,  soit  sur  les  chemins  publics.  Exami- 
nons ces  quatre  classes  de  vols.  L'art.  388,  profondément  remanié  par  la  loi 
du  28  avril  1832,  s'occupe  du  vol  dans  les  champs  avec  les  diverses  circons- 
tances qui  peuvent  le  compliquer. 

«  Art.  388.  Quiconque  aura  volé  ou  tenté  de  voler,  dans  les  champs,  des  che- 
vaux ou  bétes  de  charge,  de  voiture  ou  de  mouture,  gros  et  menus  bestiaux,  ou 
des  instruments  d*agricalture,  sera  puni  d'un  emprisonnement  d'un  an  au  moins 
et  de  ciuq  ans  au  plus,  et  d*une  amende  de  16  à  5(X)  fr.  » 

Ce  premier  paragraphe,  qui  assimile  le  vol  dans  les  champs  au  vol  simple, 
ne  demande  aucune  explication.  On  peut  seulement  se  demander  ce  que  c'est 
qu'un  vol  dans  les  champs.  On  doit  entendre  par  champs  toute  propriété  rurale 
dans  laquelle  sont  exposés  à  la  foi  publique  les  objets  mentionnés  dans  l'ar- 
ticle ;  conséquemment  on  doit  comprendre  sous  ce  mot  les  terres  labourables, 
les  bois,  les  pâturages  et  autres  propriétés  de  même  nature.  La  loi  ne  fait 
d'ailleurs  aucune  distinction  entre  les  animaux  qui  sont  sous  la  surveillance 
d'un  gardien  et  ceux  qui  ne  sont  pas  surveillés  :  la  surveillance  dans  les 
champs,  en  effet,  n'a  pas  pour  objet  de  garantir  les  animaux  des  entreprises 
des  voleurs,  et  ils  ne  sont  pas  moins,  quoique  surveillés,  sous  la  foi  publique. 

Le  deuxième  paragraphe  de  Fart.  388  ajoute  : 

«  Il  eu  sera  de  même  &  Tégard  des  vols  de  bois  dans  les  ventes,  et  de  pierres  dans 
les  carrières,  ainsi  qu'à  l'égard  du  vol  de  poisson  en  étang,  vivier  ou  réservoir.  » 

Le  mot  ventes  comprend,  dans  le  langage  forestier,  toute  coupe  de  hois  en 
exploitation  ;  il  comprend,  par  conséquent,  des  bois  coupés  et  confiés  par 
l'adjudicataire  à  la  foi  publique.  Les  earrières,  d'après  la  loi  du  24  avril  1810, 
^t  qu'elles  soient  exploitées  à  ciel  ouvert  ou  par  galeries  souterraines,  com- 
prennent toutes  les  dépendances  qui  sont  contiguès  à  l'excavation  et  qui  ser- 
vent à  l'extraction  ou  au  dépôt  des  pierres.  Enfin,  les  étangs,  rivières  et  réser- 
voirs indiquent  tous  les  lieux  qui  renferment  le  poisson  et  en  font  une  propriété 
certaine.  La  pêche  dans  ces  lieux  est  un  vol,  tandis  que  la  pêche  dans  les 
fleuves,  rivières  et  cours  d'eau  n'est  qu'une  contravention  passible  des  dispo- 
sitions de  la  loi  du  15  avril  1829,  sur  la  pêche. 


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400      2V  LBÇ.  —  DBS  GHTIIBS  ET  DÉLITS  OONTRB  LB8  PROPRIÉTÉS  (n*  42ft). 

Le  troisième  paragraphe  de  Tart.  388  s'applique  aux  vols  de  récoltes  : 

«  Quiconque  aura  volé  ou  tenté  de  voler  dans  les  champs  des  récoltes  ou  autrea 
productions  utiles  de  la  terre,  déjà  détachées  du  sol,  ou  des  meules  de  grains  fai- 
sant partie  des  récoltes,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  quinze  jours  &  deux 
ans»  et  d'une  amende  de  16  &  200  fr.  » 

~  On  doit  entendre  par  les  mots  récoltes  ou  parties  de  récoltes,  tous  fruits  ou 
productions  utiles  de  la  terre  qui,  séparés  de  leurs  racines  ou  de  leurs  tiges 
par  le  fait  du  propriétaire  ou  de  celui  qui  le  représente,  sont  laissés  momen- 
tanément dans  les  champs  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  enlevés  et  enfermés  dans  un 
lieu  où  ils  peuvent  être  particulièrement  surveillés.  Il  importe  peu  que  le  vol 
ait  eu  pour  objet  tout  ou  partie  seulement  de  la  récoke;  car  Tart.  388  ne  res- 
treint point  le  sens  du  mot  récâttes  au  produit  d'une  pièce  de  terre;  une  récolte 
partielle  est  évidemment  une  récolte.  Mais  il  faut  que  cette  récolte  ait  été 
détachée  du  sol  par  le  propriétaire;  car  ce  n'est  qu'alors  qu'elle  est  considfoée 
comme  exposée  à  la  foi  publique.  H  faut  aussi  que  les  fruits  n'aient  pas  perdu 
leur  caractère  de  récottes  :  l'art.  388  ne  s'applique  qu'aux  vols  de  récoltes  nom 
engrangées,  laissées  dans  les  champs;  il  ne  s'appliqua  pas  à  des  objets  qui  ne 
sont  plus  récoltes,  mais  seulement  des  fruits  de  la  terre  précédemment  récoltés 
et  enlevés  du  champ.  Ainsi,  il  ne  s'applique  pas,  par  exemple,  à  des  nayets 
récoltas  avant  l'hiver  et  placés  aux  champs  dans  une  fosse  pour  les  préserver 
de  la  gelée,  ou  à  des  pommes  de  terre  qui  avaient  été  enfouies  quelques  mois 
après  la  récolte.  C'est  surtout  aux  récoltes  gisantes  encore  sur  le  sol  après 
qu'elles  viennent  d'être  coupées  que  s'applique  la  loi.  Toutefois,  il  y  a  excep- 
tion pour  les  meules  de  grains.  lia  loi  a  voulu  donner  à  ces  amas  de  grains 
formés  pour  rester  après  la  récolte  dans  le  champ  qui  les  a  produits,  la  môme 
garantie  qu'aux  grains,  tant  en  épis  qu'en  gerbes,  que  le  cultivateur  esl  forcé 
de  laisser  momentanément  sur  la  terre  en  attendant  leur  transport  dans  les 
granges, 

La  peine  de  quinze  jours  à  deux  ans  d'emprisonnement  et  de  16  à  200  fr. 
d'amende  s'aggrave  dans  quelques  cas.  3Le  quatrième  paragraphe  de  l'art.  388 
porte  : 

tt  Si  le  vol  a  été  commis,  soit  la  nuit,  soît  par  plusieurs  personnes,  soit  à  Taide 
de  voitures  ou  d'animaux  de  charge,  l'emprisonnement  sera  d'un  an  à  cinq  ans,  et 
l'amende  de  16  à  500  fr.  » 

Une  question  importante  s'est  élevée  ici.  Chacune  des  circonstances  énon- 
cées donne  lieu  à  l'aggravation.  Mais  que  fkut^il  décider,  si  deux  de  ces  cir- 
constances sont  réunies,  ou  si  les  trois  concourent  à  la  fois?  Le  vol  rentre  alors 
dans  les  termes  de  l'art.  386.  En  eflTet,  le  mot  joit  est,  dans  l'art.  388,  uneoon- 
jonction  alternative  qui  s'emploie  indifféremment  comme  l'autre  conjonction 
déterminative  ou  ;  les  membres  de  la  phrase  sont  donc  disjoints,  et  chaque 
circonstance  suffit  pour  motiver  l'aggravation.  De  là  il  suit  que  le  concours  de 
ces  circonstances  fait  nécessairement  sortir  le  fait  des  termes  de  cet  article; 
et  dès  lors  il  tombe,  par  une  conséquence  évidente,  sous  le  coup  de  l'art  386 
qui  prévolt  les  vols  commis  la  nuit  par  plusieurs  personnes.  II  résulte  bien  de 
là  quelque  contradiction  dans  l'application  de  la  loi.  Ainsi  le  concours  de  la 

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soj  VOL  (art.  369).  401 

«mit  avec  remploi  de  voitures  oud'animaiiz  décharge  ne  produit  aucune 
aggravation,  tandis  que  le  concours  de  la  nuit  avec  la  .complicité  donne  au 
fait  le  caractère  de  crime,  bien  que  dans  Fart.  388  remploi  de  voitures  et  la 
complicité  aient  la  môme  valeur.  Cette  anomalie  est  véritable,  mais  elle  ne 
suffit  pas  pour  écarter  l'art.  386  dans  un  cas  formellement  prévu  par  cet 
article. 

Le  cinquième  paragraphe  de  l'art.  388  prévoit,  non  plus  le  vol  de  récoltes 
détachées  du  sol,  mais  le  vol  de  récoltes  non  encore  coupées  ou  déracinées  : 

«  Lorsque  le  vol  ou  la  tentative  de  vol  de  récoltes  ou  autres  productions  utiles 
de  la  terre,  qui,  avant  d'être  soustraites,  n'étaient  pas  encore  détachées  du  sol, 
aura  eu  lieu,  soit  avec  des  panierâ  ou  des  sacs,  ou  autres  objets  équivalents,  soit 
la  nuit,  soit  à  Taide  de  voitures  ou  d'animaux  de  charge,  soit  par  plusieurs  per^ 
sonnes,  la  peine  sera  d'un  emprisonnement  de  quinze  jours  à  deux  ans,  et  d'une 
amende  de  16  à  200  A*.  » 

L'art.  475  n»  15  punit  d'une  peine  de  police  c  ceux  qui  déroberont,  sans 
aucune  des  circonstances  prévues  en  Tart.  388,  des  récoltes  on  autres  produc* 
tiens  utiles  de  la  terre,  qui,  avant  d'être  soustraites,  n'étaient  pas  encore  déta- 
chées du  sol.  »  Il  résulte  de  la  combinaison  de  ces  deux  articles  que  le  vol  de 
récoltes  sur  pied,  ce  que  l'on  appelle  le  maraudage,  n'est  qu'une  simple  con* 
travention,  lorsqu'il  est  commis  par  une  seule  personne,  de  jour  et  sans 
emploi  de  paniers,  sacs  ou  moyens  de  transport,  mais  qu'il  devient  un  délit 
passible  d'une  peine  correctionnelle,  lorsqu'il  est  compiis  soit  avec  des  paniers 
ou  des  sacs  ou  autres  objets  équivalents,  soit  la  nuit,  soit  à  l'aide  de  voitures 
ou  d'animaux  de  charge,  soit  enfin  par  plusieurs  personnes.  Ici,  chose  assez 
remarquable  dans  l'économie  de  notre  Gode,  c'est  la  quantité  présumée  du 
préjudice  causé  par  le  vol  qui  fonde  sa  qualification. 

Le  dernier  paragraphe  de  Tart.  388  ne  fait  qu'autoriser  l'application  faculta- 
tive aux  coupables  de  le  peine  de  l'interdiction  des  droits  civils  et  de  la  sur- 
veillance pendant  cinq  ans* 

429.  L'art.  389  prévoit  une  espèce  toute  spéciale  de  vols  commis  dans  les 
champs  : 

a  Art.  389.  Tout  individu  qui,  pour  commettre  un  vol,  aura  enlevé  ou  déplacé  des 
bornes  servant  de  séparation  aux  propriétés,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de 
deux  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de  15  à  500  fr.  » 

Cet  article  doit  être  soigneusement  distingué  de  l'art.  456,  qui  prévoit  éga» 
lement  l'enlèvement  et  le  déplacement  de  bornes  servant  de  limites  entre 
différents  héritages.  Dans  ce  dernier  article  ce  que  la  loi  prévoit,  c'est  l'envahis- 
sement de  l'héritage  lui-môme  à  Taide  du  déplacement  des  bornes;  c'est  une 
usurpation  de  terrain,  ce  n'est  point  un  vol  ;  le  vol  ne  s'applique  qu'aux  choses 
mobilières.  Or,  c'est  précisément  l'enlèvement  des  bornes,  ayant  pour  but  la 
perpétration  d'un  vol,  que  prévoit  l'art.  389.  L'objet  de  cet  article  est  donc, 
comme  l'article  qui  le  précède,  de  punir  le  vol  de  récoltes  à  l'aide  dujfiéplace- 
1.  ^^ 

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402      VINGT-DBUXIÈBfB  LEÇ.   *^  DB6  GRIMBS  ET  DÉLITS,   ETC.   (n*  430). 

ment  de  boraes.  Ge  déplacement  n*eet  qa'un  moyen,  nne  manœa?re  employée 
pour  accomplir  la  soastraction.  Cette  manœuvre  est  considérée  comme  une 
circonstance  aggravante  et  imprime  au  vol  le  caractère  d'un  crime. 

4S0.  Le  lieu  de  perpétration  du  vol  est  une  seconde  cause  d'aggravation, 
quand  il  est  commis  dans  une  maison  habitée  ou  dans  une  dépendance  de  cette 
maison.  Toutefois,  il  y  a  lieu  de  remarquer  que  cette  circonstance  de  la  maison 
habitée,  comme  celle  de  la  nuit,  ne  constitue  pas  en  elle-même  une  circons- 
tance aggravante,  mais  seulement  un  élément  d'aggravation.  Elle  ne  devient 
aggravante  que  lorsqu'elle  se  réunit  aux  circonstances  d'effraction,  d'escalade, 
do  fausses  clefs,  de  nuit,  de  complicité.  C'est  ce  qui  résulte  du  n*  4  de  l'art.  381 
et  du  n^  i  de  l'art.  386.  Ainsi,  le  vol  commis  dans  une  maison  habitée,  sans  le 
concours  d'aucune  de  ces  circonstances,  n'est  qu'un  vol  simple  :  il  faut  qu'à  la 
maison  habitée  se  joigne  l'une  de  ces  circonstances,  pour  qu'il  prenne  le  ca- 
ractère d'un  crime. 

Qu'est-ce  qu'une  maison  habitée  aux  yeux  de  la  loi  ? 

a  Art.  390.  Est  réputé  maison  habitée,  tout  b&timent,  logement,  loge,  cabane, 
môme  mobile,  qui,  sans  être  actuellement  habité,  est  destiné  à  ThabitatioD,  et 
tout  ce  qui  en  dépend,  comme  cours,  basses-cours,  granges,  écuries,  édifices  qui 
y  sont  enfermés,  quel  qu'en  soit  Tusage,  et  quand  môme  ils  auraient  une  clôture 
particulière  dans  la  clôture  ou  enceinte  générale.  « 

il  résulte  de  cette  définition  par  forme  démonstrative,  qu'il  faut  considérer 
comme  maison  habitée  tout  bâtiment  qui  sert  à  l'habitation  et  toute  dépendance 
de  ce  bâtiment.  Ainsi,  il  importe  peu  que  la  maison  soit  actuellement  habitée, 
si  elle  est  destinée  à  Tétre,  qu'elle  soit  habitée  par  la  personne  volée  ou  par 
toute  autre  personne,  qu'elle  soit  habitée  accidentellement  ou  d'une  manière 
'  permanente  :  la  loi  n'a  fait  aucune  de  ces  distinctions.  Un  vol  commis  dans 
un  bateau  dans  lequel  se  trouve  une  cabane  destinée  au  logement  est  un  vol 
commis  dans  un  bâtiment  servant  à  l'habitation  ;  mais  un  vol  commis  dans 
une  diligence  ne  rentre  pas  dans  la  même  catégorie,  car  une  diligence  n'est 
pas  destinée  à  l'habitation.  Quant  aux  dépendances,  il  ne  faut  pas  entendre 
par  ce  mot  nne  dépendance  de  destination  :  cette  dépendance  doit  être  de  fait, 
en  sorte  que  celui  qui  habite  la  maison  ou  qui  doit  l'habiter  ait  sous  sa  surveil- 
lance ce  corps  dépendant,  comme  toute  autre  partie  de  la  maison.  Ainsi  un 
jardin  attenant  à  une  maison  en  est  une  dépendance. 

La  loi  a  assimilé  à  la  circonstance  de  maison  habitée,  la  circonstance  que  le 
vol  a  été  commis  dans  des  édifices,  parcs  ou  enclos  non  servant  à  l'habitation  et 
non  dépendant  des  maisons  habitées.  Ce  sont  les  termes  de  l'art.  394.  Que 
faut-il  entendre  par  ces  mots  parc  on  enclos  ? 

«  Art.  391.  £st  réputé  parc  ou  enclos,  tout  terrain  environné  de  fossés,  de 
pieux,  de  claies,  de  planches,  de  haies  vives  ou  sèches,  ou  de  murs  de  quelque 
espèce  de  matériaux  que  ce  soit,  quelles  que  soient  la  hauteur,  la  profondeur,  la 
vétusté,  la  dégradation  de  ces  diverses  clôtures,  quand  il  n'y  aurait  pas  de  porte 
fermant  à  clef  ou  autrement,  ou  quand  la  porte  serait  à  claire-voie  et  ouverte  ha- 
bituellement» > 


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DU  YOL  (art.  383).  403 

«  Abt.  392.  Les  parcs  mobiles  destinés  à  contenir  du  bétail  dans  la  campagne, 
de  quelque  matière  qu'ils  soient  faits,  sont  aussi  réputés  enclos;  et,  lorsqu'ils 
tiennent  aux  cabanes  mobiles  ou  autres  abris  destinés  aux  gardiens,  ils  sont  ré- 
putés dépendants  de  maison  habitée.  » 

Cette  double  définition,  dont  les  termes  sont  aussi  clairs  que  simples,  ne 
demande  ancnne  explication. 

La  loi  pénale  a  encore  assimilé  aux  vols  commis  dans  les  maisons  habitées 
les  yoIb  commis  dans  les  édifices  consacrés  aux  cultes. 

«  Art.  386.  Sera  puni  de  la  peine  de  la  réclusion,  tout  individu  coupable  de  vol 
comcnis  lanuit,  et  par  deux  ou  plusieurs  personnes,  ou,  s'il  a  été  commis  avec  une 
de  ces  circonstances  seulement,  mais  en  même  temps  dans  un  lieu  habité  ou  ser- 
vant à  l'habitation,  ou  dans  les  édifices  consacrés  aux  cultes  légalemeni  étabUs  en 
France.  » 

Cette  dernière  disposition,  reprise  de  la  loi  du  25  avril  1825,  sur  le  sacrilège, 
a  été  introduite  dans  notre  Code  par  la  loi  du  28  avril  1832.  Il  en  résulte  que 
toutes  les  règles  relatives  aux  vols  commis  dans  les  maisons  habitées  s*appli* 
qnent  aux  vols  commis  dans  les  édifices  consacrés  aux  cultes. 

431.  Il  existe  encore  une  espèce  de  vol  qui  s'aggrave  à  raison  du  lieu  où  il 
est  commis  :  c'est  le  vol  sur  les  chemins  publics  : 

«  Art.  383.  Les  vols  commis  sur  les  chemins  publics  emporteront  la  peine  des 
travaux  forcés  à  perpétuité,  lorsqu'ils  auront  été  commis  avec  deux  des  circons- 
tances prévues  dans  l'art.  381.  ^  Ils  emporteront  la  peine  des  travaux  forcés  à 
temps,  lorsqu'ils  auront  été  commis  avec  une  seule  de  ces  circonstances.  —  Dans 
les  autres  cas,  la  peine  sera  celle  de  la  réclusion.  » 

Le  Code  de  1810  punissait  uniformément  de  la  peine  des  travaux  forcés  à 
perpétuité  tous  les  vois  commis  sur  les  chemins  publics  :  ces  vols,  qui  portent 
toujours  un  caractère  de  violence  et  qui  menacent  la  sûreté  individuelle, 
avaient  paru  devoir  dans  tous  les  cas  motiver  cette  peine.  Le  législateur  de  1832 
a  modifié  cette  disposition  trop  absolue  :  il  a  introduit  une  double  distinction 
qui  permet  d'établir  un  rapport  plus  exact  entre  la  peine  et  le  crime.  Tous  les 
vols  commis  sur  un  chemin  public  rentrent  dans  les  termes  de  cet  article,  soit 
qu'ils  aient  élé  commis  avec  ou  sans  violence  :  la  loi  a  voulu  pourvoir  à  la 
sûreté  des  voyageurs  et  de  leurs  effets  :  c'est  la  facilité  que  Tisolement  du  che- 
min peut  donner  au  vol  qui  motive  principalement  l'aggravation.  Que  faut-il 
entendre  par  chemins  publics?  Tous  les  chemins  qui  sont  destinés  à  l'usage 
du  public,  soit  qu'ils  appartiennent  à  l'État,  aux  départements  ou  aux  com- 
munes :  la  loi  ne  distingue  point,  et  d'ailleurs  la  raison  de  décider  est  la 
môme  dans  tous  les  cas. 

432.  Je  viens  de  parcourir  les  cas  où  les  circonstances  aggravantes  sont 
fondées  sur  la  nature  du  lieu  où  le  vol  est  commis.  Je  passe  à  une  autre  série 
de  circonstances  aggravantes  :  celles  qui  procèdent  des  faits  mêmes  d'exécu- 
tion. Tels  sont  la  coopération  de  plusieurs  personnes,  Teffraction,  l'escalade, 
l'usage  de  fausses  clefs,  le  port  d'armes,  la  violence. 


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404      VINGT-DEUXlÊMÈ  LBÇ.   —  DES  GRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.  (N*   433).      * 

La  coopération  de  denx  ou  plasieurs  personnes  au  vol  est  un  élément  d'aggra- 
vation plutôt  qu'une  circonstance  aggravante  ;  car,  de  môme  que  la  nuit  et  la 
maison  habitée,  elle  n'emporte  aggravation  de  la  peine  que  lorsqu'elle  est 
réunie  à  une  autre  circonstance.  Ainsi  le  vol  simple  commis  par  deux  ou  plu- 
sieurs personnes  ne  cesse  pas  d'être  un  vol  simple.  Mais  ce  vol  est  puni,  i^  des 
travaux  forcés  à  perpétuité,  si,  aux  termes  de  l'art.  381,  il  est  en  outre  commis 
avec  les  quatre  autres  circonstaoces  prévues  par  cet  article;  29  des  travaux 
forcés  à  temps,  s'il  esl  en  outre  commis,  soit,  aux  termes  de  l'art.  383,  sur  un 
chemin  public,  soit,  aux  termes  des  art.  382  et  385,  avec  deux  des  circonstances 
éQumérées  par  l'art.  381,  3<^  de  la  réclusion,  aux  termes  de  l'art.  386,  s'il  est 
commis  en  outre,  soit  la  nuit,  soit  dans  une  maison  habitée.  Il  ne  suffit  pas 
dans  ces  différents  cas  de  la  complicité,  il  faut  la  coopération  effective  de 
deux  ou  plusieurs  personnes.  C'est  la  présence  de  deux  ou  plusieurs  agents 
qui  rend  le  vol  plus  grave,  parce  qu'elle  augmente  le  danger.  Ainsi  le  recé-* 
leur  ne  compte  pas  parmi  les  auteurs  du  vol. 

438.  L'effraction  est  un  autre  mode  d'exécution  du  vol,  qui  en  aggrave  le 
caractère. 

«  Art.  393.  Est  qualifié  efftaclion,  tout  forcement,  rupture,  dégradation,  démo- 
irtion,  enlèvement  de  murs,  toits,  planchers,  portes,  fenêtres,  serrures,  cadenas,  ou 
autres  ustensiles  ou  instruments  servant  à  fermer  ou  &  empêcher  le  passage  de 
toute  espèce  de  clôture  quelle  qu'elle  soit.  » 

«  Art.  394.  Les  effiractions  sont  extérieures  ou  intérieures.  » 

ff  Art.  395.  Les  effractions  extérieures  sont  celles  à  l'aide  desquelles  on  peut 
sHntroduire  dans  les  maisons,  cours,  basses-cours,  enclos  ou  dépendances  ou  dans 
les  appartements  ou  logements  particuliers,  rt 

«  Art.  396.  Les  effractions  intérieures  sont  celles  qui,  après  Tintroduction  dans 
les  lieux  mentionnés  en  Tarticle  précédent,  sont  faites  aux  portes  ou  clêtures  du 
dedans,  ainsi  qu'aux  armoires  ou  autres  meubles  fermés.  Bst  compris  dans  la 
classe  des  effractions  intérieures,  le  simple  enlèvement  des  caisses,  boites,  ballots 
sous  toile  et  corde,  et  autres  meubles  fermés,  qui  contiennent  des  effets  quelcon- 
ques^ bien  que  l'effraction  n'ait  pas  été  faite  sur  le  lieu.  » 

Le  caractère  général  de  l'effraction  est  le  forcement  d'une  clôture  destinée  à 
former  obstacle,  soit  à  l'enlèvement  de  l'objet  enfermé,  soit  au  passage  du 
voleur.  S'il  n'y  a  pas  de  forcement  ou  de  rupture,  il  n'y  a  pas  d'effraction.  Ainsi, 
le  simple  déplacement  d'une  traverse  mobile,  qui  retient  les  deux  battants 
d'une  porte,  n'est  pas  une  effraction.  Si  la  chose  forcée  ou  rompue  n'est  pas 
une  clôture,  la  circonstance  aggravante  cesse  également  d'exister.  Ainsi,  le 
déplacement  de  la  terre  dans  laquelle  sont  enfouis  les  objets  volés,  la  rupture 
des  cordes  qui  attachent  ces  mêmes  objets,  ne  sont  pas  non  plus  une  effraction. 
Gela  posé,  il  faut  distinguer  l'eff^raction  extérieure  et  l'effraction  intérieure.  La 
première  a  pour  but  l'introduction  de  l'agent  dans  les  maisons  ou  dépendances. 
De  là  il  suit  que  toute  effraction  qui  n'a  pas  ce  but  ne  rentre  pas  dans  les  ter- 
mes de  la  loi.  Ainsi,  la  dégradation  d'un  mur  pour  enlever  des  tuyaux  de  plomb 
ou  l'enlèvement  des  objets  ou  matériaux  qui  servent  de  clôture,  ne  sont  point 
des  actes  d'effraction;  l'agent  a  dégradé  ou  détruit  des  clôtures,  mais  non  pour 
sHntroduire  dans  le  lieu  qu'elles  enfermaient;  ce  n'est  point  là  un  vol  commis 
A  l'aide  d'effraction.  L'effraction  intérieure  est  celle  que  l'agent  commet,  après 

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DU  TOL  (aUT.  497).  405 

son  iatrodaction  dans  la  mwon,  poar  parvenir  à  Texécaftion  du  toI.  On  a  sou 
tenn  cependant  que  l'efOraction  faite  aox  clôtures  dn  dedans,  non  ponr  appré- 
hender la  chose,  mais  pour  sortir  de  la  maison,  rentrait  dans  les  tenues  de 
l'art.  396  :  qu'est-oe  que  commettre  un  yol?  a-t-on  dit;  c'est  sans  contredit 
appréhende;^  manuellement  la  chose  d'antrui,  avec  Tintentâon,  de  se  l'appro- 
prier; mais  c'est  aussi  emporter  cette  chose,  c^est  aussi  faire  tout  ce  qu'il  faut 
pour  s'en  assurer  et  en  conserver  la  possession.  Appcéhender  manuellement 
l'objet  volé,  ce  n'est,  à  proprement  parler,  que  commencer  le  vol;  le  vol  ne  se 
consomme  véritablement  que  par  l'action  qui  déplace  l'objet  volé,  qui  le  fait 
passer  d'un  lieu  à  un  autre.  Il  y  a  donc  vol  avec  effraction,  non-seulement 
lorsqu'à  l'aide  d'une  effraction,  on  appréhende  manuellement  la  chose  d'autrui, 
mais  encore  lorsqu'à  l'aide  d'une  effraction,  on  déplace,  on  emporte  la  chose 
d'autrui  que  l'on  a  appréhendée  manuellement  sans  effraction.  Getie  doctrine 
est-elle  exacte?  ne  confond-elle  pas  les  actes  d'exécution  du  vol  et  les  actes 
qui  suivent  cette  exécution?  quand  L'agent  a  appréhendé  la  chose,  le  vol  n'e8t41 
pas  consommé?  Tous  les  faits  qui  suivent  n'ont  d'autre  objet  que  de  fad-. 
iiter  la  fuite,  que  d'aasurer  les  bénéQces  du  vol,  mais  ils  sont  étrangers  au 
vol  lui-même,  qui  est  complet  dés  que  la  chose  se  trouve  en  la  possession  de 
l'agent. 

La  dernière  disposition  de  l'àrl.  396  assimile  à  l'effraction  l'enlèvement  des 
meubles  fermés  ;  en  effet,  il  importe  peu  que  l'effraction  soit  commise  dans  la 
maison  ou  en  dehors;  elle  doit  compter  pour  l'évaluation  du  vol,  quel  que  soit 
le  lieu  où  elle  est  commise,  dès  qu'il  est  certain  que  le  vol  n'a  pu  être  con- 
sommé sans  cette  circonstance.  £st->ce  là  une  présomption  ou  faul-il  que  l'effrac- 
tion soit  effectivement  constatée?  La  jurisprudence  a  varié  sur  ce  point;  mais 
peut-être  faut-il  admettre  que,  dans  l'esprit  de  la  loi,  le  simple  enlèvement 
d'un  meuble  fermé  équivaut  à  l'effraction,  bien  que  cette  effraction  ne  soit  pas 
ensuite  constatée,  pourvu  qu'elle  ait  été  indispensable  pour  ouvrir  le  meuble. 
Cependant,  si  l'objet  du  vol  était,  non  la  chose  contenue  dans  le  meuble,  mais 
le  meuble  lui-même  :  supposez  une  boîte  précieuse,  un  coffre  artistement 
ciselé,  il  est  clair  que  la  fermeture  de  ce  meuble  ne  peut  plus  exercer  aucune 
inflaence  sur  le  caractère  du  vol. 

Une  règle  commune  à  tous  les  vols  commis  avec  effraction  soit  intérieure, 
soit  extérieure,  c'est  qu'ils  ne  participent  à  l'aggravation  pénale  qu'autant 
qu'il  est  constaté  que  l'effraction  a  été  commise  dans  une  maison  ou  lieu  clos. 
C'est  ce  qui  résulte  du  texte  môme  des  ari.  395  et  396.  Il  ne  suffit  donc  pas, 
pour  l'application  de  cette  aggravation,  qu'il  soit  déclaré  que  le  vol  a  été 
commis  avec  effraction  intérieure  ou  extérieure;  il  faut  qu'il  soit  déclaré  que 
l'effraction  a  été  commise  dans  un  édifice,  parc  ou  enclos. 

484.  L'escalade  a  été,  de  même  que  l'effraction,  définie  par  la  loi. 

«  ÂHT.  397.  Est  qualifiée  escalade^  toute  entrée  dans  les  maisons,  bâtiments,  cours 
basses-cours,  édifices  quelconques,  jardins,  parcs  et  enclos,  exécutée  par-dessu 
les  murs,  portes,  toitures  ou  tonte  autre  clôture.  » 

Remarquez  :  ces  mots  toute  entrée  exécutée.  Il  suit  de  là  que  l'escalade  n'est 
qu'un  mode  d'introduction;  celui  qui  se  sert  d'une  échelle  pour  enlever  les 

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406        yiNGT-DBUXlÈMB  LBÇ.  —  DBS  GRIHBS  BT  DÉLITS,  BTG.  (n*  435). 

plombs  d'un  toit  ne  commet  donc  pas  nn  vol  atec  escalade.  Il  faut,  comme 
TefiOraction,  qoe  Fescalade  ait  en  lien  dans  un  édifice,  parcs  u  enclos.  Toute- 
fois, la  jurisprudence  a  admis,  en  ce  qui  touche  cette  circonstance,  qu'il  n'est 
pas  nécessaire  d'ajouter  qu'elle  a  été  commise  dans  tel  on  tel  lieu,  parce  que 
l'escalade  suppose  implicitement  l'existence  d'un  lieu  qui  a  pu  être  escaladé. 
Le  î<^  §  de  l'art.  397  assimile  à  cette  circonstance  aggravante  l'entrée  par  une 
ouverture  souterraine. 

«  L'entrée  par  une  ouverture  souterraine,  autre  que  celle  qui  a  été  établie  pour 
servir  d'entrée,  est  une  circonstance  de  même  gravité  que  l'escalade.  » 

485.  L'usage  des  fausses-clefs  est  placé  sur  la  même  ligne  que  reffiractlon  et 
l'escalade. 

«  Art.  398.  Sont  qualifiés  fausses  clefs,  tous  crochets,  rossignols,  passe-partout^ 
clef^  imitées,  contrefaites,  altérées,  ou  qui  n'ont  pas  été  destinées  par  le  proprié- 
taire, locataire,  aubergiste  ou  logeur,  anx  serrures,  cadenas  ou  aux  fermetures 
quelconques,  auxquelles  le  coupable  les  aura  employées,  b 

«  Art.  399.  Quiconque  aura  contrefait  ou  altéré  des  cleft  sera  condamné  &  un 
emprisonnement  de  trois  mois  à  deux  ans,  et  à  une  amende  de  25  à  150  fr.  ^  Si 
le  coupable  est  un  serrurier  de  profession,  il  sera  puni  d'un  emprisouDement  de 
deux  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de  50  à  500  ft*.  —  Le  tout  sans  préjudice  de 
plus  fortes  peines,  s'il  y  échet,  en  cas  de  complicité  de  ce  crime.  » 

Ce  que  la  loi  punit,  c'est  l'usage  des  fausses  clefs  :  l'art  384  porté,  en  effet  : 
f  S'ils  ont  commis  le  crime,  soit  à  l'aide  d'efifraction  extérieure,  ou  d'escalade 
ou  de  fiiusses  clefs,  dans  une  maison,  appartement,  chambre  ou  logement 
habités  ou  servant  à  l'habitation,  ou  leurs  dépendances;  •  ainsi  la  simple 
possession  de  fausses  clefs  n'est  pas  un  délit,  car  ce  n'est  qu'un  acte  prépara- 
toire ;  l'emploi  seul  tombe  sous  le  coup  de  la  loi  comme  acte  d'exécution 
du  vol.  La  loi  assimile  aux  fausses  clefs  celles  qui  n'ont  pas  été  destinées 
par  le  propriétaire  aux  serrures  auxquelles  elles  ont  été  employées.  L'exposé 
des  motifs  explique  cette  assimilation  en  ces  termes  :  «  Une  difficulté  s'était 
présentée  dans  les  cours  criminelles  ;  elles  n'étaient  pas  d'accord  sur  la  ques- 
tion de  savoir  s'il  fallait  considérer  comme  vol  fait  à  l'aide  de  fausses  clefs 
celui  qu'on  aurait  commis  avec  des  clefs  non  imitées,  ni  contrefaites  ni  altérées, 
mais  qui  n'avaient  pas  été  destinées  aux  fermetures  auxquelles  elles  étaient 
employées.  Le  CSode  décide  cette  question  et  prononce  l'affirmative.  En  effet, 
détourner  une  clef  de  sa  destination  pour  l'employer  à  commettre  un  crime 
n'est  autre  chose  que  convertir  une  clef  véritable  en  une  fausse  clef.  En  un  mot, 
toute  clef  n'est  véritable  que  relativement  à  sa  destination.  La  seule  différence 
que  la  loi  admet  entre  cette  clef  dont  il  y  a  eu  abus,  et  une  clef  contrefaite  ou 
altérée,  est  que  celle-ci  est  toujours  une  fausse  clef,  et  que  la  première  ne  le 
devient  qu'au  moment  qu'on  l'emploie  comme  on  aurait  fait  d'une  clef  contre- 
faite. •  Ces  observations  laissent  en  dehors  une  question  qui  n'est  pas  sans 
intérêt.  Si  l'agent  emploie,  pour  ouvrir  la  serrure,  la  clef  même  de  cette  serrure 
qu'il  a  dérobée,  y  a-t-il  usage  d'une  fausse  clef  ?  On  a  dit  que  la  destination 
originaire  d'une  clef  ne  peut  être  réputée  avoir  continué  d'exister,  lorsque  cette 
clef  a  été  égarée  ou  soustraite,  que  par  conséquent  l'usage  qui  en  a  été  fait 


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DU  TOL  (art.  m).  407 

pour  commettre  un  vol  constitue  remploi  d*ane  braise  clef.  Mais  n'est-ce  pas 
là  sortir  des  termes  de  la  définition  légale  ?  Peut-on  dire  que  la  véritable  def 
d'une  serrure,  par  cela  qu'elle  a  été  perdue  ou  dérobée,  cesse  d'être  la  clef  de 
cette  serrure,  cesse  d'avoir  été  destinée  à  Touverture  de  cette  serrure  ?  Le 
frauduleux  emploi  qui  en  est  fait  ne  change  ni  son  caractère  originaire  ni  sa 
destination  ;  et  comment  faire  à  cet  égard  une  nouvelle  assimilation  de 
cette  clef  à  une  fausse  clef,  quand  la  loi  a  pris  soin  d'en  faire  une  première  et 
8*est  arrêtée  là  ?  On  peut  ajouter  que  l'usage  de  la  clef  vraie  ne  décèle  pas  la 
même  criminalité,  la  même  préméditation  que  l'usage  d'une  clef  fausse  ou 
étrangère  ;  c'est  parce  que  cette  clef  est  dans  ses  mains  que  l'agent  est  en  quel- 
que sorte  conduit  à  commettre  le  vol;  c'est  l'occasion  qui  est  la  cause  impul- 
sive de  son  action.  Il  y  a  quelque  distance  de  là  à  la  préparation  d'un  instrument 
spécial  en  vue  de  la  perpétration  du  voK  Quant  à  l'art.  396,  qui  punit  comme 
un  fait  JiM  generis  une  sorte  de  complicité  du  vol,  il  est  clair  que  cette  incrimi- 
nation distincte  ne  peut  enlever  au  fait  de  la  fabrication  des  fausses  clefs  son 
caractère  propre  :  il  n'est  pas  sans  doute  nécessaire  que  les  clefs  aient  été  fabri- 
quées en  vue  de  tel  ou  tel  vol,  et  c'est  pour  éviter  ce  lien  légal  de  complicité, 
souvent  difficile  à  établir,  que  la  loi  a  édicté  cette  disposition  particulière,  mais 
il  importe  du  moins  que  la  fabrication  ait  été  faite  avec  la  connaissance  de  la 
fausseté  des  clefs  et  de  leur  frauduleuse  destination.  C'est  là  ce  qui  constitue 
la  criminalité  de  l'acte  :  si  les  clefs  avaient  été  fabriquées  en  vue  de  tel  ou  tel 
vol,  œ  serait  un  véritable  acte  de  complicité. 

486 .  Le  port  éT armes  est  un  mode  d'exécution  du  vol  qui  en  aggrave  égale- 
ment le  caractère.  Les  art.  381,  382,383, 384,  385  et  386,  n«  2,  prononcent  une 
peine  plus  grave  <  lorsque  le  coupable  ou  l'un  des  coupables  est  porteur  d'armes 
apparentes  ou  cachées.  »  Cette  seule  possession  d*armes  par  l'agent  modifie  le 
caractère  du  vol,  parce  qu'elle  suppose  l'intention  d'en  faire  usage  ou  du  moins 
de  menacer  de  s'en  servir. 

437.  La  violence  est  la  plus  grave  de  toutes  les  circonstances  qui  se  rattachent 
à  l'exécution  du  vol.  On  lit  dans  l'exposé  des  motifs:  c  La  circonstance  qui 
aggrave  le  plus  le  vol  est  la  violence,  parce  qu  alors  le  crime  ofTre  tout  à  la  fois 
un  attentat  contre  la  personne  et  contre  la  propriété.  Ainsi  le  vol  fait  avec  vio- 
lencoy  quoique  nulle  autre  circonstance  n'existe  et  qu'il  n'eût  laissé  aucune 
trace  de  blessure,  sera  puni  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps.  »  Le  seul 
emploi  de  la  violence,  indépendamment  de  toute  autre  circonstance,  suffit  donc 
pour  que  le  vol  soit  qualifié  crime. 

tt  Art.  382.  Sera  puni  des  travaux  forcés  à  temps,  tout  individu  coupable  de 
vol  commis  à  l'aide  de  violence.  Si  la  violence  à  l'aide  de  laquelle  le  vol  a  été 
commis  a  laissé  des  traces  de  blessures  ou  de  contusions,  cette  circonstance  suffira 
pour  que  la  peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité  soit  prononcée.  » 

n  a  paru  logique  et  juste  de  considérer  la  violence  comme  une  circonstance 
assez  aggravante  pour  motiver  seule  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps.  Cette 
peine  devient  perpétuelle  si  les  violences  ont  laissé  des  traces.  U  but  entendre 

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408     YINGT-DBUXIÈMB  LEG.  —  DBB  CRIHES  BT  ÛÈLIT8,  ETC.  (n*"  439). 

par  Tiolences  toutes  les  voies  de  liait  exercées  oontre  les  personnes  pour  parve- 
nir à  la  consomiBation  da  vol. 

488.  L'extorsion  n'est  pas  autre  chose  qu'un  vol  commis  avec  violence  ; 

a  Art.  400.  Quiconque  aura  extorqué  par  force,  violence  ou  contrainte,  la  signa- 
ture ou  la  remise  d'un  écrit,  d'un  acte,  d'un  titre,  d'une  pièce  quelconque,  conte- 
nant ou  opérant  obligation,  disposition  ou  décharge,  sera  puni  de  la  peine  des 
travaux  forcés  à  temps.  » 

Le  vol  consiste  dans  la  signature  surprise  ou  contrainte,  dans  Ta  sottstrac» 
ti'on  de  l'obligation,  de  la  disposition  ou  de  la  décharge.  De  là  il  suit  qu*îl  font 
nécessairement  que  Técrit  extorqué  contienne  obligation,  disposition  ou 
décharge,  car  il  n'y  a  pas  de  vol  où  il  n^y  a  pas  de  préjudice.  Toutefois,  les 
formes  irrêguiières  que  peuvent  avoir  lés  billets  qui  sont  l'objet  de  l'extorsion 
ne  changent  rien  au  caractère  du  crime,  pourvu  que,  malgré  l'état  imparfait 
de  leur  rédaction,  lis  soient  susceptibles  d'obligation. 

489.  La  loi  du  13  mai  1863  a  ajouté  à  cet  article  un  deuxième  paragraphe^ 
ainsi  conçu  : 

«  Art.  400...  2«  §.  Quiconque,  à  l'aide  de  la  menace  écrite  ou  verbale  de  révé- 
lations ou  d'imputations  diffamatoires,  aura  extorqué  ou  tenté  d'extorquer,  soit  la 
remise  de  fonds  ou  valeurs,  soit  la  signature  ou  remise  des  écrits  énumérés 
ci*  dessus,  sera  puni  d'un  emprisonnement  d'un  an  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de 
SOà  1,000  fr.» 

Yoici  comment  ce  paragraphe  additionnel  a  été  expliqué  :  t  A  propos  des 
extorsions  par  violence  ou  contrainte  qui  sont  réglées  par  l'art.  400,  nous  avons 
cru  devoir  nous  occuper  d'un  genre  d'extorsion  qui  ne  se  commet  pas  par  une 
violence  physique,  mais  qui  s'accomplit  au  moins  à  l'aide  d'une  contrainte 
morale.  Le  hasard,  l'occasion,  une  confidence  imprudente,  nous  ipitient  quel- 
quefois à  des  secrets  qui  intéressent  le  repos  des  citoyens,  l'honneur  des 
familles,  la  paix  du  foyer  domestique,  et  dont  la  révélation  peut  amener  une 
poursuite  criminelle,  ou  occasionner  un  scandale.  H  se  rencontre  des  hommes 
assez  vils  pour  profiter  de  la  connaissance  qu'ils  ont  de  ces  secrets  et  pour 
menacer  de  les  dénoncer  ou  de  les  répandre  si  on  ne  consent  pas  à  acheter 
leur  silence.  D'autres,  plus  éhontés,  ne  savent  rien  qui  puisse  compromettre 
la  personne  qu'ils  ont  choisie  pour  victime,  mais  par  des  combinaisons  astu- 
cieuses ils  l'entraînent  dans  une  situation  suspecte  et  difficile  à  expliquer,  ils 
font  naître  des  circonstances  d'où  puisse  résulter  le  soupçon  d'une  action  hon- 
teuse, et,  menaçant  d'exploiter  de  simples  apparences,  ils  arrachent  à  la  fai- 
blesse et  à  la  peur  la  rançon  d'une  calomnie  dont  ils  promettent  de  s'abstenir. 
C'est  ce  qu'on  nomme  vulgairement  le  chantage.  Dans  le  premier  cas,  c'est  le 
chantage  à  l'aide  de  la  menace  de  la  révélation  d'un  fait  vrai;  dans  le  second 
cas,  c'est  le  chantage  à  l'aide  de  la  menace  de  l'imputation  d'un  fait  faux,  n 
parait  difficile  de  ne  pas  voir  un  délit  dans  un  abus  aussi  révoltant.  » 

Quels  sont  les  éléments  de  ce  délit?  Il  faut  distinguer  la  manœuvre  fraudu- 


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DB  l'bxtobsion  (art«  3ftl).  409 

10086  qui  prépare  le  délit  et  le  fait  matériel  qui  le  constitue.  La  manœuvre, 
c'est  la  menace  écrite  ou  verbale  de  révélation  ou  d'imputation  diffamatoire  ; 
le  fait  matériel,  c'est  l'extorsion  qui  conduit  à  la  remise  d'une  somme  d'argent 
ou  d'un  titre  obligatoire.  On  aperçoit  aisément  ces  deux  éléments  quand  le 
fait  se  consomme  ;  cela  est  plus  difficile  quand  il  s'arrête  à  la  tentative.  C'est  la 
seule  menace  qui  suffira  pour  la  constituer.  U  faut  prendre  garde  cependant 
que  cette  menace  ne  peut  être  incriminée  qu'autant  qu'elle  a  pour  but  l'extor- 
sion; il  ne  faut  pas  la  séparer  de  ce  but  qu'elle  poursuit  et  dont  elle  n'est 
qu*un  acte  préparatoire.  Or  qu'est-ce  que  l'extorsion  ?  C'est  un  vol  qui  s'accom» 
plit  à  l'aide  de  violence.  La  menace  doit  donc  avoir  pour  objet  direct  de  voler 
soit  une  somme  d'argent,  soit  un  titre  obligatoire.  C'est  là  ce  qui  lui  donna 
son  caractère  et  sa  criminalité. 

440.  Le  4*  §  de  Fart.  381  prévoit  le  vol  commis  à  l'aide  d'an  faux  titre,  d'un 
faux  costume  ou  d'un  faux  ordre.  Cette  fraude,  qui  facilite  l'introduction  dans 
la  maison  pour  consommer  le  vol,  est  assimilée  par  la  loi  à  l'escalade  et  à 
l'eUraction.  Elle  n'aggrave  donc  le  vol  que  lorsqu'elle  est  jointe  à  la  circons*^ 
tance  de  maison  babitée. 

441  Je  viens  de  parcourir  toutes  les  circonstances  qui,  soit  isolées,  soit 
réunies  l'une  à  l'autre,  aggravent  la  crimininallté  du  vol.  Il  me  reste  à  prévoir 
le  cas  où  ces  différentes  circonstances  concourent  à  la  fois  à  l'aggravation  de 
ce  délit. 

c  Art.  381.  Seront  punis  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  les  individus  coupables 
de  vols  commis  avec  la  réunion  des  cinq  circonstances  suivantes  :  «  1*  si  le  vol  a 
été  commis  la  nuit  ;  —  2?  s'il  a  été  commis  par  deux  ou  plusieurs  personnes  ;  — 
3*  si  les  coupables  ou  l'un  d'eux  étaient  porteurs  d'armes  apparentes  ou  cachées  ; 
^  4*  s'ils  ont  commis  le  crime,  soit  à  l'aide  d'effraction  extérieure  ou  d'escalade 
ou  de  fausses  clefs,  dans  une  maison,  appartement,  chambre  ou' logement  habités 
ou  servant  à  l'habitation,  ou  leurs  dépendances,  soit  en  prenant  le  titre  d'un  fono» 
tionnaire  public  ou  d'un  officier  civil  ou  militaire,  ou  après  s'être  revêtus  de  l'uni- 
forme ou  du  costume  du  fonctionnaire  ou  de  Tofficier,  ou  en  alléguant  un  faux 
ordre  de  l'autorité  civile  ou  militaire;  —  5"*  s'ils  ont  commis  le  crime  avec  violence 
ou  menace  de  faire  usage  da  leurs  armes.  * 

Le  Code  de  1810  portait  la  peine  de  mort  :  le  vol  avec  les  cinq  circonstances- 
avait  paru  au  législateur  de  cette  époque  devoir  être  mis  au  même  rang  que 
l'assassinat.  La  loi  du  28  avril  1832  a  remplacé  cette  peine  par  celle  des  tra- 
vaux forcés  à  perpétuité.  La  raison  de  cette  substitution,,  alléguée  par  l'exposé' 
des  motifs,  est  que  la  loi  qui  punit  de  mort  le  vol  accompagné  de  la  réunion 
«de  plusieurs  circonstances  aggravantes  de  meurtre  fait  courir  un  danger  de 
plus  à  celui  dont  la  propriété  àeule  est  attaquée  :  le  coupable,  n'ayant  pas  une 
plus  grande  peine  à  redouter,  pourra  donner  la  mort  pour  se  débarrasser  d'uu 
témoin.  Cette  raison  avait  été  alléguée  depuis  longtemps  par  toiis  les  publi* 
cistes,  depuis  Jean  Bodin,  et  particulièrement  par  Montesquieu  et  Beccuria. 


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410     VlNGT-TROISlàtfS  LEÇ.  —  DES  CRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.   (n*  443). 

yingt-troisiIeme  leçon. 

448.  Je  comprendrai  dans  cette  leçon  tontes  les  fraudes  qni  produisent,  par 
des  moyens  on  manœuvres  moins  coupables,  les  mômes  effets  que  le  vol,  puis- 
qu'elles tendent  à  spolier  la  propriété  d'autrui.  Je  dis  que  ces  fraudes  sont 
moins  criminelles  que  le  vol,  d*abord,  parce  que  leurs  moyens  d'exécution 
supposent  une  moindre  audace,  ensuite  parce  qu'il  est  plus  facile  de  les  déjouer 
et  de  s*en  garantir.  Le  vol  dont  nous  venons  de  parcourir  toutes  les  espèces 
est,  en  général,  une  attaque  violente  et  imprévue,  il  attente  à  la  propriété  à 
rinsn  du  propriétaire  ou  malgré  sa  résistance,  il  s'en  empare  audacieusement 
par  surprise  ou  par  force. 

Les  fraudes  que  nous  allons  examiner  maintenant  ont  un  tout  autre  carac- 
tère :  c'est  par  la  ruse  qu'elles  procèdent  et  non  par  la  violence  ;  au  lieu  de  sous- 
traire l'objet  qu'elles  convoitent,  elles  se  le  font  remettre;  elles  prennent  la 
peine  de  circonvenir  et  de  tromper  le  propriétaire  au  lieu  d'agir  à  son  insu  ; 
elles  s'attaquent  à  sa  confiance  elle-même,  au  lieu  de  s'attaquer  aux  ferme- 
tures de  sa  maison.  Tels  sont  les  banqueroutes,  les  escroqueries,  les  abus  de 
confiance,  les  abus  de  blanc-seing,  les  contraventions  aux  règlements  sur  les 
maisons  de  jeu  et  les  maisons  de  prêt  sur  gages,  les  entraves  apportées  à  la 
liberté  des  encbères  et  toutes  les  fraudes  relatives  au  cosmierce. 


DES  BANQUEROUTBS. 

4S4.  Le  Gode  pénal  en  cette  matière  se  borne  à  poser  une  peine  et  se  réfère 
au  Gode  de  commerce  pour  les  conditions  de  l'incrimination  et  la  définition 
du  délit  : 

t  Art.  402.  Ceux  qui,  daps  les  cas  prévus  par  le  Gode  de  commerce,  seront 
déclarés  coupables  de  banqueroute,  seront  punis  ainsi  qu'il  suit  :  les  banquerou- 
tiers (Vauduieux  seront  punis  des  travaux  forcés  à  temps  ;  —  les  banqueroutiers 
simples  seront  punis  d'un  emprisonnement  d'un  mois  au  moins  et  de  deux  ans  au 
plus.  » 

a  Art.  403.  Ceux  qui,  conformément  au  Code  de  commerce,  seront  déclarés 
complices  de  banqueroute  frauduleuse,  seront  punis  de  la  môme  peine  que  les 
banqueroutiers  frauduleux.  » 

Reportons-nous  donc  au  Gode  de  commerce  pour  connaître  les  faits  consti- 
tntifs  de  la  banqueroute  simple  et  de  la  banqueroute  frauduleuse.  La  banque- 
route est  la  situation  d'un  commerçant  dont  la  faillite  a  été  précédée  ou  suivie 
soit  de  fautes  graves,  soit  d'actes  frauduleux.  Elle  est  simple  dans  le  premier 
cas  et  frauduleuse  dans  le  second.  Mais,  dans  l'une  et  l'antre  bypotbèse,  deux 
conditions  sont  indispensables  pour  qu'elles  puissent  exister  :  il  faut  que  l'agent 
ait  la  qualité  de  commerçant  et  qu'il  soit  en  état  de  faillite.  Ges  deux  conditions 
sont  formellement  exigées  par  la  loi:  l'art.  585.  G.  com.  porte  :  «  Sera  déclaré 
banqueroutier  simple  tout  commerçant  failU  qui  se  trouvera  dans  les  cas  sui- 
vants... •  L'art.  591  du  même  Gode  porte  également:  «  Sera  déclaré  banque- 
routier frauduleux  tout  commerçant  failli  qui  aura  soustrait,  etc.  •  Ainsi,  la 


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DB  LA.   BAKQUBROirrB  (aRT.    586).  411 

iMOiqueroiite  Bimple  ou  frauduleiise  est  tm  délit  on  crime  spécial  qui  ne  peut 
être  commis  que  par  des  penonnes  commerçantes  en  état  de  faillite.  Ici  se 
présentent  deux  questions  :  qu*est>ce  qu'un  commerçant?  qu'est-ce  que  Fétat 
de  £GdIlite?  Vous  en  avec  déjà  trouvé  la  solution  dans  le  Gode  de  commerce. 
L*art.  1*'  de  ce  Gode  définit  les  commerçants  c  ceux  qui  exercent  le  commerce 
et  qui  en  font  leur  profession  habituelle.  »  Et  Tart.  437  ajoute  que  •  tout  com- 
merçant qui  cesse  ses  payements  est  en  état  de  faillite.  • 

444.  Les  faits  constitutifs  de  la  banqueroute  simple  sont  énumérés  dans 
les  art.  585  et  586  du  Gode  de  commerce. 

«  Art.  585.  Sera  déclaré  banqueroutier  simple  tout  commerçant  failli  qui  se 
trouvera  dans  un  des  cas  suivants  :  ^  1*  si  ses  dépanses  personnelles  ou  les 
dépenses  de  sa  maison  sont  jugées  excessives;  —  2*"  s'il  a  consommé  de  fortes 
sommes,  soit  à  des  opérations  de  pur  hasard,  soit  à  des  opérations  fictives  de 
bourse  ou  sur  marchandises  ;  •»  3"*  si,  dans  rintention  de  retarder  sa  faillite,  il  a 
fait  des  achats  pour  revendre  au-dessous  du  cours  ;  si,  dans  la  même  intention, 
il  s*est  livré  à  des  emprunts,  circulation  d'effets  ou  autres  moyens  ruineux  de  se 
procurer  des  fonds  ;  ^  4*  si,  après  cessation  de  ses  payements,  il  a  payé  un  créan- 
cier au  préjudice  de  la  masse    » 

«  Art.  586.  Pourra  être  déclaré  banqueroutier  simple  tout  commerçant  failli  qui 
se  trouvera  dans  un  des  cas  suivants  :  —  l**  s'il  a  contracté  pour  le  compte  d'au- 
trui,  sans  recevoir  des  valeurs  en  échange,  des  engagements  jugés  trop  considé- 
rables en  égard  à  sa  situation  lorsqu'il  les  a  contractés  ;  —  2*  s'il  est  de  nouveau 
déclaré  en  faillite  sans  avoir  satisftût  aux  obligations  d*un  précédent  concordat  ; 
—  3*  si,  étant  marié  sous  le  régime  dotal,  ou  séparé  de  biens,  il  ne  s'est  pas  con* 
formé  aux  art.  69  et  70;  ^  4*  si,  dans  les  trois  Jours  de  la  cessation  de  ses  paye- 
ments, il  n'a  pas  fait  au  greffe,  la  déclaration  exigée  par  les  art.  438  et  439,  ou  si 
cette  déclaration  ne  contient  pas  les  noms  de  tous  les  associés  solidaires  ;  — >  5*  si, 
sans  changement  légitime,  il  ne  s'est  pas  présenté  en  personne  aux  syndics  dans 
les  cas  et  dans  les  délais  fixés;  ou  si.  après  avoir  obtenu  un  sauf-conduit,  il  ne 
s'est  pas  présenté  à  la  justice;  —  6**  s'il  n'a  pas  tenu  de  livres  et  fait  exactement 
inventaire  ;  si  ses  livres  ou  inventaires  sont  incomplets  ou  irrégulièrement  tenus, 
ou  s'ils  n'offrent  pas  sa  véritable  situation  active  ou  passive,  sans  néanmoins  quMl 
y  ait  fraude.  » 

Je  ne  ferai  sur  ces  deux  articles  que  deux  observations  générales.  Et  pre- 
mier lieu,  ils  divisent  en  deux  séries  les  faits  de  banqueroute  simple,  avec 
cette  formule  diverse  que  les  premiers  seront  poursuivis  et  que  les  autres 
pourront  être  poursuivis.  Gette  distinction  sépare  donc  les  cas  où  la  banque- 
route simple  doit  être  déclarée  de  ceux  où  elle  peut  l'être.  Quel  est  le  but  d'une 
telle  formule?  Il  me  semble  qu'elle  est  parfaitement  inutile,  puisque  les  juges 
ne  sont  jamais  enchaînés  par  la  poursuite  et  que,  lorsqu'il  s*agitd*un  délit, 
ils  doivent  toujours  en  apprécier,  non-seulement  les  éléments  matériels,  mais 
la  moralité.  Notre  seconde  observation  est  que,  en  matière  de  banqueroute 
simple,  il  ne  faut  pas  confondre  l'absence  de  la  fraude  et  l'absence  de  la 
volonté.  Ge  délit  ne  suppose  pas  un  acte  frauduleui,  mais  il  suppose  une  faute 
grave  ;  or,  toute  faute  admet  nécessairement  le  concours  de  la  volonté,  de 
l'intention.  Donc  ce  n'est  point  une  infraction  exclusivement  matérielle;  elle 
ne  se  constitue  que  par  le  double  élément  d'un  fait  matériel  et  d'une  inten- 


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4t2      YINGT-TROISIÈICE  LBÇ.   —  BBS  GRIMBS  ST  DÉLITS,  ETC.  (n*"   446). 

Uon  répréhdnsible.  U  est  done  néoessaire^  en  appréciant  chacon  des  faits  qui 
peavent  fonder  le  délit,  de  rechercher,  eu  dehors  du  fait  Ini-méme  ou  phitôt 
dans  les  éléments  qui  le  composent,  l'existence  de  cette  volonté  qui  ooDstitoe 
lafaQte  et  que  la  loi  a  voula  incriminer,  en  classant  cette  infirâiction  parmi 
les  délits. 

445.  Les  cas  de  banqueroute  frauduleuse  sont  énumérés  dans  Fart.  591  dn 
Gode  de  commerce  : 

«  Art.  591.  Sera  déclaré  banqueroutier  frauduleux  et  puni  des  peines  poitées  au 
Cîode  pénal,  tout  commerçant  failli  qui  aura  soustrait  ses  livres,  détourné  ou  dis- 
simulé une  partie  de  son  actif,  ou  qui,  soit  dans  ses  écritures,  soit  par  ses  actes 
publics  ou  des  engagements  sous  signature  privée,  soit  par  son  bilan,  se  sera  frau- 
duleusement  recounu  débiteur  de  sommes  qu'il  ne  devait  pas.  » 

Ici,  ce  qui  constitue  le  crime,  cen*est  plus  seulement  une  fante  grave,  c'est 
la  fraude,  c'est  la  mauvaise  foi,  c'est  l'intention  de  spolier  les  créanciers.  Cha* 
cun  des  faits  constitutifs,  la  soustraction  des  livres,  le  détournement  ou  la  dis- 
simulation de  l'actif,  la  reconnaissance  des  dettes  supposées,  admet  en  lui- 
même  une  formule  qui  peut  causer  un  préjudice  aux  tiers.  Il  importe  peu  quo 
ces  faits  soient  antérieurs  ou  postérienrs  à  l'ouverture  de  la  faillite;  ils  peuvent 
produire  les  mêmes  effets,  ils  ont  le  même  caractère.  U  faut  seulement  qu'ils 
rentrent  strictement  dans  les  termes  de  l'art.  591 . 

446.  Les  complices  de  banqueroute  fraudulense,  que  punit  (l'art.  403  do 
Gode  pénal,  sont  énnmérés  par  Part.  593  du  Gode  de  commerce  : 

«  Art.  593.  Seront  condamnés  aux  peines  de  la  banqueroute  flranduleuse  :  — > 
1*  les  individus  convaincus  d'avoir,  dans  l'intérêt  du  floiilli,  soustrait,  recelé  ou 
dissimulé  tout  ou  partie  de  ses  bleus,  meubles  ou  immeubles  ;  le  tout  sans  préju- 
dice des  autres  cas  prévus  par  l'art.  60  du  Gode  pénal  ;  —  2«  les  individus  con- 
vaincus d'avoir  frauduleusement  présenté  dans  la-faillite  et  affirmé,  soit  en  leur 
nom,  soit  par  interposition  de  personnes,  des  créances  supposées;  --3*  les  indivi- 
dus qui,  faisant  le  commerce  sous  le  nom  d'autrui,  se  seront  rendus  coupables  des 
faits  prévus  en  Tart.  591.  » 

Une  première  observation  que  suscite  cet  article  est  la  réserve  des  autres 
cas  de  complicité  prévus  par  l'art.  69  du  Gode  pénal.  G'est  donc  dans  cet  arti* 
de  60  que  se  trouvent  en  général  les  éléments  de  cette  complicité.  Ainsi,  tous 
les  actes  soit  de  provocation,  soit  de  fourniture  de  moyens,  soit  d'aide  et  d'as- 
sistance, prévus  par  cet  article,  peuvent  être  incriminés  à  titre  d'actes  decom* 
plicité  de  la  banqueroute  frauduleuse.  Ainsi  le  défaut  d'intention  criminelle 
de  l'auteur  principal  ne  fait  pas  obstacle  à  la  poursuite  et  à  la  condamnation 
du  complice.  Mais,  à  côté  de  ces  actes  généraux,  la  loi  a  cm  devoir  incriminer 
à  part  certains  actes  spéciaux  qui  font  l'objet  de  l'art.  593;  le  but  de  cette 
incrimination  distincte  a  été  d'éviter  la  preuve,  souvent  difficile,  d'un  concert 
frauduleux  entre  le  failli  et  les  tiers.  Ges  derniers  peuvent  donc  être  inculpés 
séparément  à  raison  de  l'acte  de  détournement  qu'ils  ont  commis,  et  sans 
aucune  relation  avec  le  crime  principal.  L'art.  594  contient,  toutefois,  une 
exception  à  ces  dispositions,  lorsqu'il  déclare  que  le  conjoint,  les  ascendants* 

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Di  l'bbcroqubrib*  413 

•oa  descendants  du  hïUk  oaseetlliéfl  anxmômes  degrés  qui  anraieat  détourné» 
dévasté  on  recelé  des  effets  appartenant  à  la  faillite,  sans  avoir  agi  de  compli- 
cité avec  le  failli,  seront  punis  des  peines  du  vol.  » 

447.  Vous  trouverez  daos  Tart.  404  du  Cîode  pénal  une  circonstance  aggra- 
vante de  la  banqueroute  simple  et  frauduleuse. 

a  Art.  404.  Les  agents  de  change  et  courtiers  qui  auront  fait  faillite  seront 
punis  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps  :  s'ils  sont  convaincus  de  banque- 
route frauduleuse,  la  peine  sera  celle  des  travaux  forcés  à  perpétuité.  » 

Les  agents  de  change  et  courtiers  qui  font  faillite  violent  la  règle  de  leurs 
fonctions  qui  leur  défend  (art.  85  et  86  du  Gode  de  commerce)  de  se  livrer  à 
aucun  acte  de  commerce,  et  aggravent  ainsi  l'état  de  faillite  où  ils  se  sont 
placés.  La  même  raison  d'aggravation  s'applique  nécesairement  à  la  banque- 
route frauduleuse. 

DE  L'ESCnOQUERIB. 

448.  L'escroquerie  est  l'un  des  délits  dont  la  poursuite  et  la  constatation 
donnent  lieu  à  plus  de  difficultés.  Il  importe  d'en  discerner  avec  soin  les  élé- 
ments, pour  poser  une  limite  précise  entre  la  fraude  qu'il  saisit  et  les  autres 
fraudes  qui  échappent  à  la  loi  pénale.  L'art,  du  titre  II  delà  loi  du  16-22 
juillet  1791  était  ainsi  conçu  : 

«  Ceux  qui,  par  dol  ou  à  l'aide  de  foux  noms  ou  de  fausses  entreprises,  ou  d'un 
crédit  imaginaire,  ou  d*espérances  et  de  craintes  chimériques,  auraient  abusé  de 
la  crédulité  de  quelques  personnes,  et  escroqué  la  totalité  ou  partie  de  leur  for- 
tune, seront  poursuivis  devant  les  tribunaux  de  district;  et,  si  l'escroquerie  est 
prouvée,  le  tribunal  de  district,  après  avoir  prononcé  les  restitutions  et  les  dom- 
mages-intérêts» est  autorisé  à  condamner,  par  voie  de  police  correctionnelle,  à 
une  amende  qui  ne  pourra  excéder  5,000  livres  et  à  un  emprisonne  ment  qui  ne 
pourra  excéder  deux  ans.  » 

L^incriminatîon  vague  et  indéterminée  de  cet  article  donna  lieu  à  de  multi- 
ples poursuites:  Qu'est-ce^  en  effet,  que  le  dol?  Toutes  les  fraudes  ne  sont-elles 
pas  comprises  dans  ce  mot  ?  La  jurisprudence  essaya,  avec  quelque  peine,  de 
poser  une  distinction  entre  le  dol  civil  et  le  dol  criminel:  le  premier,  qui  ren- 
ferme tous  les  mensonges,  toutes  les  similations,  toutes  les  exagérations  de 
prix  ou  de  valeur,  a  pour  principal  objet  de  servir  les  intérêts  de  celui  qui  sti- 
pule. L'autre  qui,  à  côté  des  mensonges  et  des  simulations,  place  les  manœu^ 
vres  et  les  artifices,  a  pour  principal  objet  de  nuire  aux  intérêts  d*autrui.  Le 
4ol  civil  n'est  qu'une  ruse  commerciale,  blâmable  sans  doute,  mais  dont  il  est 
facile  de  se  préserver  et  que  la  loi  n'aurait  pu  incriminer  sans  préjudicier  au 
commerce  lui-même.  Le  dol  criminel  est  une  fraude  plus  ou  moins  habilement 
tissue  pour  tromper  autrui  et  pour  le  dépouiller.  L'exposé  des  motifs  du  Gode 
a  clairement  établi  cette  distinction  :  c  On  a  tâché,  dans  la  nouvelle  définition 
de  ce  qui  constitue  ledélit  d'escroquerie,  d*éviterles  inconvénients  qui  étaient 
résultés  des  rédactions  précédentes.  Celle  de  la  loi  du  16-22  juillet  1791  était 

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414       VINGT-TROISIÈME  LEÇ.   —  DBS  CRIIIB8  BT  DÉLITS,  ETC.   (n*  449). 

conçue  de  manière  qu'on  en  a  souvent  abusé,  tantôt  pour  convertir  les  procès 
civils  en  correctionnels,  ^^t  par  là  procurer  à  la  parUe  poursuivante  U  preuve 
testimoniale  et  la  contrainte  par  corps,  au  mépris  de  la  loi  générale,  tantôt 
pour  étudier  la  poursuite  de  faux  en  présentant  Taffaire  comme  une  simple 
escroquerie,  et  par  là  procurer  au  coupable  une  espèce  d'impunité,  au  grand 
préjudice  de  Tordre  public.  Cet  abus  cessera  sans  doute  d'après  la  rédaction 
du  nouveau  Code.  La  suppression  du  mot  dol»  qui  se  trouvait  dans  la  pre- 
mière rédaction,  ôtera  tout  prétexte  de  supposer  qu'un  délit  d'escroquerie 
existe  par  la  seule  intention  de  tromper.  En  approfondissant  les  sources  de  la 
définition,  on  verra  que  la  loi  ne  veut  pas  que  la  poursuite  en  escroquerie 
puisse  avoir  lieu  sans  un  concours  de  circonstances  et  d'actes  antécédents  qui 
excluent  toute  idée  d'une  atlaire  purement  civile,  i 

449.  L'art.  405  est  ainsi  conçu  : 

a  Art.  405.  Quiconque,  soit  en  faisant  usage  de  faux  noms  ou  de  fausses  qua- 
lités, soit  en  employant  des  manœuvres  frauduleuses  pour  persuader  l'existence 
(le  fausses  entreprises,  d'un  pouvoir  ou  d'un  crédit  imaginaire,  ou  pour  faire  naître 
l'espérance  ou  la  crainte  d'un  succès,  d'un  accident  ou  de  tout  autre  événement 
chimérique,  se  sera  fait  remettre  ou  délivré  ou  aura,  tenté  de  se  faire  remettre  ou 
délivrer  des  fonds,  des  meubles  ou  des  obligations,  dispositions,  billets,  promesses, 
quittances  ou  décharges,  et  aura,  par  un  de  ces  moyens,  escroqué  ou  tenté  d'es- 
croquer la  totalité  ou  partie  de  la  fortune  d'autrui,  sera  puni  d'un  emprisonne- 
ment d'un  an  au  moins  et  de  cinq  ans  au  plus,  et  d'une  amende  de  50  fr.  au  moins 
et  de  3,000  fr.  au  plus.  » 

Il  résulte  de  ce  texte  que  deux  faits  principaux  sont  nécessaires  pour  con- 
stituer le  délit:  les  moyens  frauduleux  employés  pour  la  délivrance  des  valeurs 
et  cette  délivrance  elle-même.  Les  moyens  sont  1®  l'usage  de  faux  noms  ou 
de  fausses  qualités  ;  2<*  remploi  des  manœuvres  frauduleuses  qualifiés  parla  loi. 

L'usurpation  de  faux  noms  ou  de  fausses  qualités  peut  être  un  crime  de 
faux,  lorsque  le  faux  nom  est  pris  par  écrit  et  lorsque  la  fausse  qualité  donne 
ouverture  à  un  droit  qui  en  est  la  conséquence.  Mais  lorsque  cette  usurpation 
n'est  qu'une  allégation  mensongère  destinée  à  tromper  un  tiers  sur  la  situation 
de  l'agent  et  à  le  revêtir  d'un  crédit  fallacieux,  ce  n'est  là  qu'une  manœuvre 
constitutive  de  l'escroquerie.  Est-il  nécessaire  que  cette  usurpation  ait  pour 
objet  de  persuader  l'existence  de  fausses  entreprises,  d'un  pouvoir  ou  d'un 
crédit  imaginaire,  etc.  ?  Les  expressions  manœuvres  frauduleuses,  qui  ont 
été  substituées,  dans  Tart.  402,  au  motdo/dont  le  sens  était  trop  général  et  trop 
vague,  n'ayant  pas  elles-mêmes  une  signification  assez  précise  pour  que  l'ap- 
plication n'en  pût  pas  devenir  arbitraire,  il  a  été  dans  la  prévoyance  du  légis* 
lateur  de  fixer  les  cas  où  cette  application  doit  être  faite,  en  déterminant  dans 
quel  objet  ces  manœuvres  doivent  être  employées  pour  qu  elles  puissent  former 
une  circonstance  élémentaire  du  délit  d'escroquerie  ;  mais  l'usage  d'un  faux 
nom  ou  d'une  fausse  qualité  portant  toujours  sur  un  fait  simple  qui  ne  peut 
être  susceptible  de  différentes  interprétations,  n'a  dû  être  caractérisé  que  par 
relTet  qui  peut  en  être  résulté,  c'est-à-dire  par  la  confiance  qu'il  a  inspirée  et 
par  Tabus  qni  a  été  fait  de  cette  confiance  en  provoquant  la  remise  frauduleuse 

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m  L'BflcnoQtmuB  (art.  40â).  415 

des  fonds  et  Taleon.  U  s'ensuit  que  le  membre  de  phrase  de  l'art.  405,  dont  les 
termes  sont  c  pour  persuader  Tezistence  de  fiansses  entreprises,  d'un  pouvoir 
ou  d'un  crédit  imaginaire,  ou  pour  &ire  exister  Tespérance  on  la  crainte  d'un 
succès,  d*uo  accident  onde  tout  autre  événement  chimérique,  •  ne  se  rapporte 
qu'à  l'emploi  de  manœuvres  frauduleuses,  et  non  à  l'usage  d'un  faux  nom  ou 
d'une  fausse  qualité.   . 

450.  Les  manœuvres  frauduleuses  sont  les  moyens  employés  pour  surprendre 
la  confiance  des  tiers.  Mais  quels  sont  ces  moyens  7  Que  faut-il  entendre  par 
manœuvres  7  Les  mensonges,  les  promesses,  les  réticenoes  ne  suffisent  pas  ; 
les  manœuvres  supposent  une  combinaison  de  faits  plus  puissante  que  le 
simple  mensonge,  et  capable  d'agir  avec  plus  d'efficacité  sur  l'esprit  des 
hommes.  Il  faut  ensuite  que  ces  manœuvres  soient  frauduleuses,  c'est-à-dire 
que  l'agent  sache  qu'il  en  impose  par  ses  promesses,  par  ses  entreprises,  par lei 
espérances  qu'il  donne,  en  un  mot,  qu'il  soit  de  mauvaise  foi  :  car  s'il  croit 
réellement  à  la  vérité  des  espéraoces  qu'il  donne,  s'il  accorde  aux  idées  chimé- 
riques qu'il  exprime  une  pleine  foi,  il  est  sa  propre  dhpe  en  même  temps 
qu'il  trompe  les  autres,  ou  plutôt  il  ne  trompe  pas,  il  ne  fait  que  communiquer 
des  rêves  mensongers.  Enfin,  il  faut  que  les  manœuvres  aient  pour  but  soit  de 
persuader  l'existence  de  fausses  entreprises,  d'un  pouvoir  ou  d'un  crédit  ima- 
ginaire, soit  de  faire  naître  l'espérance  ou  la  crainte  d'un  succès,  d'un  accident 
ou  de  tout  autre  événement  chimérique.  G  est  là  la  spécialisation  des  manœuvres 
incriminées  ;  ce  sont  celles-là  seulement  et  non  les  autres  que  la  loi  a  voulu 
punir.  Ainsi,  par  exemple,  l'emploi  de  faux  poids  ou  de  fausses  mesures  par 
un  chef  d'atelier,  afin  de  tromper  les  ouvriers  sur  la  tâche  qu'ils  ont  faite,  et 
pour  les  moins  rétribuer,  ne  constitue  point  une  manœuvre  qui  ait  pour  objet 
de  fmre  naître  dans  leur  esprit  la  croyance  d'un  pouvoir  imaginaire  ou  l'espé- 
rance d'un  événement  chimérique,  et  par  conséquent  ne  peut  être  un  élément 
d'escroquerie* 

451.  Le  second  élément  du  délit  est  la  remise  ou  délivrance  des  fonds  ou 
valeurs  ;  c'est  cette  remise  qui  constitue  réellement  l'escroquerie  en  la  sépa- 
rant des  fraudes  légères  et  de  toutes  les  manœuvres  vagues  qui  n'ont  pas  un 
effet  déterminé.  C'est  cette  remise  qui  prouve  la  puissance  des  laits  incriminés, 
puisqu'ils  ont  pu  provoquer  la  confiance  des  tiers.  Les  manœuvres  frauduleuses 
sont  la  cause,  et  la  délivrance  est  l'effet.  Cette  délivrance  est  donc  l'un  des 
éléments  du  délit,  elle  constitue,  non  sa  consommation,  mais  son  existence 
même.  £llo  est  par  conséquent  commune  à  l'escroquerie  et  à  la  tentative 
d'escroquerie. 

452.  Les  objets  dont  les  manœuvres  ont  procuré  la  remise  sont,  aux  termes 
de  la  loi,  des  fonds^  dei  meubles  au  des  obligatûms,  des  dispositions^  billets^  pro- 
messes, quittances  ou  déckargea.  Delà  il  suit  d'abord  que  l'escroquerie,  comme 
le  vol,  ne  s'applique  qu'aux  choses  mobilières.  Mais  quand  ces  choses  sontdes 
actes,  des  conventions,  il  faut  prendre  garde  s'il  s'agit  de  leur  simple  remise 
ûu  consentement  même  qui  les  réalise.  Il  n'est  pas  douteux  que  la  délivrance 
d'un  acte  de  prêt,  ou  d'un  acte  de  vente  renfermant  une  stipidation  du  prix  ne 

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416     VINaT-TROISIÈMB  MÇ.  —  DBS  CRIMBS  ET  DÉLITS,  ETC.  (n^  458). 

rentre  dans  la  remise  des  valears  de  toute  nature  énoncées  dans  l'art.  405. 
Mais  si  les  manœuvres  ont  eu  pour  objet  de  faire  souscrire  l'acte  lui-même,  la 
poursuite  du  délit  sera  soumise  à  une  question  préjudicielle.  En  matière  de 
conTention,  en  efifôt,  il  est  de  principe  que  les  obligations  doivent  être  rédi- 
gées par  écrit,  lorsqu'elles  excèdent  la  somme  de  150  fr.  et  qu'on  ne  peut 
omettre  aucune  preuve  testimoniale  contre  les  stipulations  qui  y  sont  con* 
tenues  (art.  1341  du  Gode  civil).  La  preuve  de  la  fraude  ne  pourrait  donc  être 
faite  contre  l'acte  lui-même  devant  la  juridiction  correctionnelle,  {^  à  moins 
qu'il  n'y  eût  un  commencement  de  preuve  par  écrit  qui  vint  à  l'appui  des  allé- 
gations des  plaignants;  2*  à  moins  que  la  fraude  ne  résidât,  non  dans  le  con- 
trat lui-même,  mais  dans  les  faits  extrinsèques  au  contrat  et  dans  les  manœu- 
vres antérieures  pour  amener  sa  signature  et  sa  remise. 

453.  Il  faut  enfin  distinguer,  pour  terminer  Texplication  de  cette  matière, 
si  les  valeurs  remises  à  Tagent  ont  été  par  lui  dissipées  ou  ne  Vont  pas  été,  en 
d'autres  termes,  si  le  délit  a  été  consommé  ou  ne  Ta  pas  été.  La  délivrance,  en 
effet,  ne  consomme  pas  le  délit,  c*est  l'abus,  c'est-à-dire  le  détournement  ou 
la  dissipation,  qui  le  consomme.  Mais  cette  distinction,  néanmoins,  n'a  pas 
une  grande  importance,  puisque  l'art.  405  punit  celui  qui  a  eteroqué  ou  tenté 
^escroquer,  c'est-à-dire  celui  qui  s'est  fait  remettre  les  valeurs,  soit  qu'il  les 
ait  ensuite  dissipées  ou  non;  s'il  les  a  dissipées,  l'escroquerie  est  coi|sommée; 
si  elles  sont  encore  dans  ses  mains,  ce  n'est  qu'une  tentative  d'escroquerie. 
La  peine,  dans  la  loi,  est  la  même  dans  les  deux  cas  ;  c'est  aux  juges  à  tenir 
compte,  dans  la  distribution  de  cette  peine,  des  circonstances  qui  ont  prévenu 
le  détournement. 

Mais  la  loi  du  13  mai  1863  a  fait  à  l'art.  405  une  addition  qui  modifie  cette 
dernière  solution  :  elle  a  ajouté  après  les  mots  :  «  se  sera  fait  remettre  ou 
délivrer...  •  ceux-ci  :  *  ùuixara  tenté  de  u  faire  remettre  ou  délivrer,  b  Le  rapport 
du  Corps  législatif  explique  cette  addition  en  ces  termes  :  f  La  Cour  de  cas- 
sation a  induit  du  texte  de  l'art.  405,  que  la  remise  des  valeurs  est  une  des 
conditions  constitutives  du  délit,  mais  qu'elle  ne  le  consomme  pas,  que  la  con- 
sommation ne  résulte  que  de  la  dissipation  des  fonds  délivrés,  et  que  les 
manœuvres  ne  constituent  une  tentative  punissable  que  lorsqu'elles  ont  été 
suivies  de  la  remise  effective  des  valeurs.  Il  faut  reconnaître  que  cette  juris- 
prudence emprunte  une  grande  force  au  texte  de  Tart.  405,  qui  ne  punit  la 
tentative  d'escroquerie  que  lorsqu'elle  a  été  commise  par  les  moyens  qui  y  sont 
énumérés,  moyens  qui  comprennent  à  la  fois  les  manœuvres  et  la  remise  des 
fonds.  Aussi  la  doctrine  l'approuve  assez  généralement  en  &isant  remarquer 
que  l'escroquerie  est  un  délit  de  fourberies  et  de  ruses,  qui  se  compose  de 
&its  vagues  et  incertains,  dont  la  moralité  est  difficile  à  apprécier,  et  que  la 
tentative  ne  doit  en  être  punie  que  lorsqu'elle  prend  un  caractère  précis  et  sai- 
sissable,  c'e8t-à-4ire  lorsque  la  remise  des  fonds  a  été  effectuée.  Cependant, 
appelés  à  statuer  législativement  sur  cette  question,  nous  ne  pouvons  pas  con- 
fondre les  manœuvres,  qui  sont  les  moyens  employés  par  l'escroquerie,  avec 
la  remise  des  valeurs,  qui  est  le  but  même  qu'elle  poursuit.  S'il  est  vrai  qu'il 
soit  difficile  d'apprécier  le  cardctère  criminel  des  manœuvres,  tant  qu'elles 
n'ont  pas  abouti  à  la  remise  des  fonds,  toute  la  conséquence  à  en  tirer  serait 

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Ds  l'abus  db  OHmANCB  (art.  40€)«  417 

que  la  tentative  d'escroquerie  n'est  pas  punissable.  H  est  cependant  -des  cad 
'dans  lesqœls  les  manœuvres  ont  6t6  si  diverses,  si  précises,  poussées  si  loin, 
qu'il  serait  impossible  de  se  refuser  à  les  trouver  criminelles,  alors  ménle  que 
la  remise  des  fonds  ne  les  aurait  pas  suivies.  Ne  peut-on  pas,  pour  la  tenta» 
tive  de  ce  déUt  comme  pour  toutes  les  autres,  s'en  rapporter  à  la  prudence  des 
iribunaux  qui  ne  devront  la  reconnaître  que  lorsqu'elle  se  sera  manifestée  par 
un  commencement  d^exécution  sérieuse  et  saisissable,  et  qu'elle  n*a  manqué 
son  effet  que  par  des  circonstances  indépendantes  de  la  volonté  de  son  auteur? 
«  Remarquez  qu'en  ajoutant  dans  Particle  les  mots  additionnels  que  nous 
avons  signalés,  la  loi  n'a  rien  changé  d'ailleurs  à  son  texte  et  a  maintenu  par 
conséquent  toutes  les  conditions  du  délit.  Ainsi,  Tarticle  nouveau,  aussi  bien 
que  Tancien,  définit  le  délit  d'escroquerie  ou  de  tentative  de  ce  délit,  Taction 
dé  celui  qui,  après  avoir  employé  les  manœuvres  qui  y  sont  énumérées,  se  sera 
fait  remettre  ou  délivrer,  ou  aura  tenté  de  se  faire  remettre  ou  délivrer  les 
fonds  ou  valeurs,  et  la  loi  ajoute  :  «  Et  aura  par  un  de  ces  moyens  escroquéou 
tenté  d'escroquer  la  totalité  ou  partie  de  la  fortune  d'autrui.  •  La  tentative  de 
se  faire  remettre  doit  donc  être  à  la  fois  une  tentative  de  détournement.  Elle 
n'est  punissable  qu'autant  qu'elle  est  faite  en  vue  de  l'escroquerie,  en  vue  de 
l'appropriation.  La  loi  exige  une  double  tentative  pour  obtenir  la  remise,  pour 
arriver  à  la  consommation  du  délit,  tentative  de  se  faire  remettre  les  fonds  et 
tentative  de  les  escroquer  ou,  en  d'autres  termes,  il  faut  qoe  l'agent  ait  employé 
les  manœuvres  frauduleuses  pour  se  faire  remettre  les  fonds  avec  le  but  de 
les  escroquer. 

DE  l'abus   de    confiance  COMinS  ENVERS  LES  MINEURS. 

454.  L'art.  406  a  pour  but  de  protéger  la  faiblesse  des  mineurs  contre  les 
ruses  et  les  fraudes  des  usuriers  et  des  prêteurs  sur  gages.  L^exposé  des  motifs 
explique  cette  disposition  en  ces  termes  :  c  Le  Gode  renferme  plusieurs  dis- 
positions nouvelles  sur  les  abus  de  confiance.  L'une  atteint  ceiix  qui  auront 
abusé  des  besoin^,  des  faiblesses  ou  dçs  passions  d'un  mineur,  pour  lui  faire 
souscrire  des  actes  préjudiciables  à  ses  intérêts.  Depuis  longtemps  on  gémis- 
sait de  voir  que  cette  espèce  de  corrupteun^  de  la  jeunesse  pouvait  impuné- 
ment ruiner  les  fils  de  tBimille.  E9  vain  le  Gode  civil  déclare  que  la  sim- 
ple lésion  donne  lieu  à  la  rescision  en  faveur  du  mineur  émancipé  contre 
toutes  sortes  de  conventions.  Ges  hommes  sans  pudeur  se  font  payer  plus 
cher  leurs  avances,  à  raison  des  risques  qu'ils  courent;  ils  prennent  toutes  les 
précautions  pour  éluder  l'application  delà  loi  civile.  Mais  la  crainte  d'une  peine 
correctionnelle  pourra  les  retenir,  et  les  jennes  gens  ne  trouveront  plus  autant 
de  facilité  à  se  procurer  des  ressources  désastreuses  pour  leur  fortune  et  quel* 
quefois  plus  funestes  encore  sous  le  rapport  des  mœurs.» 

«  ÂBx.  406.  Quiconque  aura  abusé  des  besoins,  des  fojiblesses  ou  des  passions 
d'un  mineur,  pour  lui  faire  souscrire,  à  son  préjudice,  des  obligations,  quittances 
ou  décharges,  pour  prêt  d'argent  ou  de  choses  mobilièreSf  ou  d'effets  de  commerce, 
ou  de  tous  autres  effets  obligatoires,  sous  quelque  forme  que  cette  négociation  ait 
été  faite  ou  déguisée,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  deux  mois  au  moins,  de 
deux  ans  au  plus,  et  d*une  amende  qui  ne  pourra  excéder  le  quart  des  restitutions 

II. 


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(^ocJgle 


418     YINGT-TROISliM  LBÇ.  —  DJK  CaiMES  BT  DÉLITS,  ETC.   (n""  455). 

et  des  dommogea-intéréts  qui  sont  dus  aux  parties  lésées,  ni  être  moindre  de 
25  francs.  » 

n  résulte  de  cette  disposition  que^  pour  Texistence  du  délit,  il  faut  1"  que 
l'agent  ait  abusé  des  besoins,  des  faiblesses  ou  des  passions  d'un  mineur:  c'est 
dans  cet  abus  que  consiste  la  criminalité  du  fait.  Gomment  doit-il  être  opéré  f 
La  loi  ne  le  dît  pas;  elle  a  laissé  l'appréciation  de  l'abus  à  la  discrétion  du  juge. 
Il  y  a  lieu  de  remarquer  qu'il  ne  s'agit  pas  ici,  à  proprement  parler,  d'un  abus 
de  confiance,  car  il  importe  peu  que  le  mineur  ait  vu  ou  n'ait  pas  vu  la  fraude  ; 
ce  sont  ses  faiblesses,  ses  passions,  ses  besoins  qui  ont  été  exploités.  %^  Que  le 
mineur  ait  été  amené  à  souscrire  des  obligations,  quittances  ou  décharges.  It 
suit  de  là  que  les  obligations  écrites  sont  les  seules  que  la  loi  ait  prévues  ;  les 
obligations  purement  verbales  ne  rentrent  pas  dans  ses  termes.  Il  suit  encore 
que  les  obligations  souscrites  doivent  avoir  pour  objet  un  prêt  de  choses 
mobilières  ou  d'effets  négociables.  3^  Enfin  que  les  obligations  soient  sous- 
crites au  préjudice  du  mineur.  C'est  contre  cette  lésion  que  la  loi  a  voula 
défendre  son  inexpérience.  Si  donc  il  ne  résultait  de  l'acte  aucun  préjudice,  le 
délit  n'existerait  plus,  il  n'aurait  plus  de  base. 


D£  L'ABUS  DU  BLANG-SBINO. 

455.  Le  blanc-seing  est  une  signature  donnée  en  blanc,  c'est-à-dire  sur  un 
papier  blanc,  pour  approuver  une  écriture  convenue  à  l'avance  et  qui  n'y  est- 
pas  encore  placée.  L'abus  de  blanc*seing  consiste  donc  dans  la  suscription 
au-dessus  de  cette  signature  d'une  écriture,  c'est-à-dire  <i*une  obligation  autre 
que  celle  qui  avait  été  convenue. 

a  Abt.  407.  Quiconque,  abusant  d'un  blanc-seing  qui  lui  aura  été  confié,  aura 
frauduleusement  écrit  au-dessus  une  obligation  ou  décharge,  ou  tout  autre  acte 
pouvant  compromettre  la  personne  ou  la  fortune  du  signataire,  sera  puni  des 
peines  portées  en  l'article  405.  —  Dans  le  cas  où  le  blanc-seing  ne  lui  aurait  pas^ 
été  confié,  il  sera  poursuivi  comme  faussaire  et  puni  comme  tel.  » 

Si  cette  disposition  n'existait  pas,  l'abus  de  blanc-seing  constituerait  un 
véritable  faux,  car  il  consiste  dans  une  supposition  ou  une  contrefaçon  d'acte. 
Mais  le  législateur  Ta  rangé  dans  la  classe  des  délits  toutes  les  fois  que  le 
blanc-seing  a  été  confié  à  celui  qui  en  a  abusé  ;  car,  dans  ce  cas,  cette  con- 
fiance imprudente  a  été  la  source  de  la  falsification,  et  la  personne  lésée  doit 
s'imputer  la  faute  qu'elle  a  commise  et  la  perte  dont  il  lui  était  si  facile  de  se 
préserver.  L'abus  demeure  rangé  dans  la  classe  des  faux  toutes  les  fois  que  le 
blanc-seing  n'a  pas  été  confié  à  l'agent.  Le  premier  point  à  discerner  en  cette 
matière  est  donc  de  savoir  si  le  blanc-seing  a  été  ou  n'a  pas  été  confié  à  la 
personne  qui  en  a  abusé.  U  n'est  réputé  avoir  été  confié  que  lorsqu'il  a  été 
remis  à  cette  pei-sonne  à  titre  de  blanc-seing  et  avec  le  mandat  d'en  faire  un 
usage  déterminé. 

Lorsque  le  blanc-seing  a  été  confié,  l'abus  consiste,  ainsi  que  je  viens  de  le 
dire,  dans  l'inscription  frauduleuse  d'un  acte  au-dessus  de  la  signature.  De  là 
deux  conséquences.  U  faut  qu'il  y  ait  intention  frauduleuse,  c'est-à-dire  inten- 


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DE  LABU8  DE  CONFIANCE  (aRT.  408).  419 

tion  de  faire  usage  de  l'acte  ainsi  fabriqué.  Peu  importe  que  cet  usage  ait  été 
consommé  ;  mais  il  est  clair  que  Tabus  ne  peut  consister  dans  la  seule  fabri- 
cation qu'en  prouvant  que  cette  fabrication  ayait  pour  but  l'exploitation  môme 
de  l'acte,  car,  si  cette  intention  n'existe  pas,  il  n*y  a  plus  de  fraude.  Il  faut,  en 
second  lieu^  que  l'acte  frauduleusement  inscrit  soit  de  nature  à  porter  préju- 
dice :  c'est  ce  qui  résulte  de  ces  termes  de  la  loi  :  f  une  obligation  ou  décharge, 
ou  tout  autre  acte  pouvant  compromettre  la  fortune  ou  la  personne  du  signa- 
taire. 9  Remarquez  ces  deux  conditions,  la  fortune  ou  la  pêrs<mne.  Toutes  les 
obligations  qui  peuvent  donner  lieu  à  une  perte  matérielle  rentrent  dans  la 
première  ;  tous  les  écrits  qui  peuvent'compromettre  l'honneur  ou  la  réputation 
du  signataire  rentrent  dans  la  seconde. 

DB  l'abus  DB  confiance  RÉSULTANT  DU  DÉTOUANCHENT  D'oBJETS  CONFIÉS  • 

456.  L'espèce  de  fraude  que  prévoit  l'art.  408  est  demeurée  pendant  long- 
temps dans  la  classe  des  dois  civils  qui  peuvent  donner  lieu  à  des  dommages- 
intérêts,  mais  qui  ne  motivent  TapplicatioD  d'aucune  peine.  Ce  n'a  pas  été  sans 
hésitation  que  le  législateur  s'est  hasardé  à  chercher  dans  la  violation  de 
certains  contrats  les  éléments  d'un  délit,  et  par  conséquent  la  base  d'une 
poursuite  criminelle.  Les  difficultés  que  cette  matière  a  soulevées  ont  montré, 
en  effet,  qu'il  n'est  permis  à  la  loi  pénale  d'y  pénétrer  qu'avec  une  extrême 
prudence. 

L'art.  29,  titre  II,  du  Code  de  1791,  ne  punissait  que  la  violation  du  contrat 
de  dépôt.  L'art.  408  du  Gode  pénal  ajouta  le  détournement  d'objets  remis  pour 
un  travail  salarié  à  la  charge  d'en  faire  un  emploi  ou  usage  déterminé.  La  loi 
du  28  avril  1832  a  étendu  l'incrimination  au  détournement  d'effets  remis  à  titre 
de  louage,  de  mandat  ou  pour  un  travail  non  salarié  ;  celle  du  13  mai  1863  à 
l'abus  du  nantissement  et  du  prêt  à  usage. 

«  Art.  408. 'Quiconque  aura  détourné  ou  dissipé,  au  préjudice  des  propriétaires, 
possesseurs  ou  détenteurs,  des  effets,  deniers,  marchandises,  billets,  quittances  ou 
tous  autres  écrits  contenant  ou  opérant  obligation  ou  décharge,  qui  ne  lui  auraient 
été  remis  qu'à  titre  de  louage,  de  dépôt,  de  mandat,  de  nantissement,  de  prêt  à 
usage,  ou  pour  un  travail  salarié  ou  non  salarié,  à  la  charge  de  les  rendre  ou 
représenter,  ou  d'en  faire  un  usage  ou  un  emploi  déterminé,  sera  puni  des  peines 
portées  dans  l'art.  406.  —  Si  Tabus  de  confiance  prévu  et  puni  par  le  précédent 
paragraphe  a  été  commis  par  un  officier  public  ou  ministériel,  ou  par  un  domes- 
tique, homme  de  service  &  gages,  élève,  clerc^  commis,  ouvrier,  compagnon  ou 
apprenti,  au  préjudice  de  son  maître,  la  peine  sera  celle  de  la  réclusion.  —  Le 
tout  sans  préjudice  de  ce  qui  est  dit  aux  art.  254,  255  et  256,  relativement  aux 
soustractions  et  enlèvements  de  deniers,  effets  ou  pièces,  commis  dans  les  dépôts 
publics.  A 

Ce  texte  soulève  plusieurs  questions  :  Que  faut-il  entendre  par  détourne- 
ment ou  dissipation  ?  Quels  sont  les  objets  dont  le  détournement  peut  être 
incriminé?  Quels  sont  les  contrats  dont  la  violation  constitue  l'iibus  puni  par 
la  loi  ? 

467.  Les  mois  déUmmer  ou  dùsiper  indiquent  Vaction  de  l'agent  par  laquelle 

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4i2Q     yiNGT-TROISIÂBCS  LBÇ.  —  DBS  GRIMES  BT  DÉLITS,   BTC.    (n""  458). 

ili^apprepjrie  la  chose  qui  lai  a.  été  confiée,  l'actioii  par  laquelle  il  en  dispose 
comme  si  elle  était  sienne.  Or,  cette  appropriation  suppose  deux  fiiits  distincts, 
la  main  mise  snr  la  chose  confiée  et  Tintention  d*en  faire  sa  propre  chose,  la 
dissipation  et  la  frande.  Il  est  clair,  en  effet,  quUl  ne  peut  y  avoir  d'appro- 
pnation  sans  intention  de  détournement,  sans  fraude.  L'afl^ent  qui  se  sert 
momentanément  de  la  chose  qui  lui  a  été  confiée,  peut  manquer  par  là  à  la 
loi  du  contrat,  peut  en  violer  les  termes,  mais  ne  se  rend  pas  coupable  de 
détoumonent,  puisqu'il  n'a  pas  Tintention  de  s'approprier  le  dépôt;  il  peut 
élre  piAsihle  de  dommages-intérêts,  mais  non  d'une  peine.  Cette  importante 
distinction  présente  quelque  difficulté  quand  la  chose  confiée  est  une  somme 
d*argent.  Je  suppose  que  le  dépositaire^  au  lieu  de  remettre  sur-le-champ  cette 
somme  à  son  mandant,  ou  de  la  garder  intacte  entre  ses  mains,  s'en  serve 
pendant  quelque  temps^  avec  l'intention  de  la  restituer  plus  tard.  Il  est  hors 
de  doute  que  ce  simple  retard  ne  constitue  point  le  délit,  car  l'art.  1996  du 
Gode  civil  déclare  que  le  mandataire  doit  l'intérêt  des  sommes  qu'il  a 
emjployées  à  son  usage  à  dater  de  cet  emploi.  Donc,  le  mandataire  qui  se  sert 
des  sommes  qui  lui  ont  été  confiées,  sans  dol  et  sans  fraude,  n'est  passible 
que  de  l'intérêt  de  ces  sommes.  Il  peut  être  infidèle  à  son  mandat,  mais  il  est 
clair  qu'il  n'a  pas  détourné  les  sommes  qu'il  a  entre  les  mains  et  qu'il  est 
disposé  à  rendre.  Mais  je  suppose  maintenant  qu*à  l'époque  du  remboursement 
il  ne  puisse  l'effectuer,  qu'il  soit  devenu  insolvable,  qu'il  soit  tombé  en  état  de 
faillite.  Cette  insolvabilité  est-elle  suffisante  pour  établir  la  fraude  ?  La  fraude 
ne  se  présume  pas,  il  faut  qu'elle  soit  établie  d'une  manière  certaine.  L'insol- 
vabilité peut  mettre  à  la  charge  de  l'agent  une  imprudence  une  faute;  il  a  eu 
tort  de  se  servir  de  deniers  qu'il  n'était  pas  certain  de  pouvoir  rembourser  ; 
mais  si  son  impuissance  a  été  le  résultat  d'un  cas  fortuit,  d'un  événement 
imprévu,  il  me  semblerait  difficile  de  changer,  après  coup,  le  caractère  de 
son  action,  à  raison  du  résultat  inattendu  qu'elle  a  eu,  et  de  confondre  le 
malheur  avec  la  fraude.  Mais  si  l'insolvabilité  du  mandataire  ne  tient  pas  à  des 
causes  imprévues,  s'il  a  pu  penser  que  les  valeurs  dont  il  disposait,  il  lui  serait 
difficiiie  de  les  rendre,  si,  au  moment  de  les  employer,  sa  situation  était 
embarrassée,  on  peut  de  ces  circonstances  tirer  la  preuve  qu'à  ce  moment  même 
it  avait  Tintention  de  s'approprier  les  deniers  qui  lui  avaient  été  confiés,  et  il 
peut,  sans  aucun  doute,  être  déclaré  coupable  du  délit.  Il  suit  de  là  que  toute 
poursuite  pour  abus  de  confiance  doit  être  précédée  d'une  mise  en  demeure 
de  restituer  ;  car  il  ne  peut  y  avoir  de  détournement  frauduleux,  de  détourne- 
ment légalx  qu'autant  que  l'agent  refuse  la  restitution  ou  se  trouve  par  son  fait 
dans  l'in^possil^lité  de  l'opérer. 

4M.  Quels  sont  les  objets  dont  le  détournement  peut  être  incriminé  ?  Ce 
sont  les  effets,  deniers,  marchandises,  billets,  quittances  ou  tous  autres  écrits 
contenant  ou  opérant  obligation  ou  décharge.  Cette  énumération  comprend, 
d'une  part,  tous  les  écrits  opérant  obligation  ou  décharge,  et  d'une  autre  part, 
tous  les  effets  mobiliers.  Il  est  clair  que  le  détournement  de  ces  objets  doit 
avoir  été  fait  au  préjudice  des  propriétaires,  possesseurs  ou  détenteurs,  car 
autrement  il  n'y  aurait  point  de  préjudice.  Ainsi,  dans  une  espèce  où  uti  pro- 
priétaire avait  vendu  une  certaine  quantité  de  blé  à^  ufi^boulanger  qui  9'était 

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DB  L'aBU8  DV  CSONfTANCB  (aRT.  40S).  431 

obligé  à  en  {Miyer  ie  prix  à  nM»iir»  que  te  blé  serait  converti  en  pain,  cv  àer- 
nier  avait  revendu  cette  marchandise  à  un  tiers.  Poursuivi  par  %  premier 
Tendeur  en  abus  de  confiance,  il  a  été  reconnu  que  Tart.  408  n'était  pas  appli- 
cable, puisque  le  blé  ne  lui  avait  été  remis  ni  à  titre  de  dépôt,  ni  pour  un 
travail  salarié  ;  et  que,  s'il  avait  été  convenu  qu'il  eu  ferait  un  usage  ou  emploi 
déterminé,  ce  n'était  pas  comme  mandataire,  mais  comme  propriétaire,  en 
vertu  de  la  vente  qui  lui  avait  été  consentie  .Au  surplus,  les  mots  effîets,  deniers 
et  marchandises^  comprennent  toutes  les  choses  qui  peuvent  faire  l'objet  d'un 
commerce  ;  et  les  écrits,  tous  les  actes  dont  le  détournement  peut  produire  un 
préjudice  matériel.  L'art  408  n'a  pas,  comme  l'art.  407,  compris  dans  ses 
termes  les  actes  qui  peuvent  compromettre  la  réputation  et  l'honneur  d*une 
personne. 

459.  Quels  sont,  enfin,  les  contrats  dont  la  violation  peut  rentrer  dans  les 
termes  de  l'art.  408  ?  C'est,  d'abord,  et  par  une  addition  de  la  loi  du  .28  avril 
1832,  le  contrat  de  louage  :  ainsi  le  preneur  qui  vend  frauduleusement  une 
chose  mobilière  qui  lui  a  été  remise  à  titre  de  louage,  est  passible  des  peines 
de  l'art.  408  :  tel  serait,  par  exemple,  le  preneur  de  bestiaux  à  cheptel  qui  les 
voudrait  à  l'insu  et  sans  la  participation  du  bailleur.  Le  contrat  de  dépôt  «entoe 
également  dans  les  termes  de  l'art.  408.  Il  s'agit  ici  du  dépôt  tel  qu'il  est 
défini  par  l'art  1915  du  Code  dvil,  c'est-à-dire  qui  a  pour  principal  oJyyat  la 
garde  et  la  conservation  de  la  chose.  Le  troisième  contrat,  que  l'art  408  a 
compris  dans  sa  disposition,  est  un  mandat  salarié  ou  gratuit.  Ainsi,  par  exem- 
ple, le  gérant  d'une  société  qui  a  détourné  frauduleusement  au  préjudice  de 
cette  société  et  appliqué  à  son  profit  les  sommes  qui  lui  avaient  été  remises 
pour  en  faire  un  emploi  déterminé,  commet  ie  délit  d'abus  de  confiance.  Il  en 
est  ainsi  des  entrepreneurs  ou  des  ouvriers  qui  détournent  les  marchandises 
on  toutes  autres  choses  qui  leur  ont  été  remises  pour  être  ouvragées  ou  per- 
fectionnées. Tel  serait  encore  le  meunier  qui^  recevant  des  blés  et  s'obligeant 
à  les  rendre  en  liEurines,  moyennant  une  somme  stipulée  pour  le  droit  de  la 
mouture,  les  aurait  vendus. 

Une  addition  faite  par  la  loi  du  13  mai  1863,  a  eu  pour  objet  d'insérer  parmi 
les  contrats,  dont  cet  article  punit,  la  violation,  le  nantissemmt  et  le  prêt  à 
moQS,  Aucune  explication  n'a  été  donnée  à  ce  sujet.  L'abus  du  nantissement, 
c'est  le  détournement  par  le  créancier  de  la  chose  dont  il  est  nanti.  L'abus  du 
prôt  à  usage,  c'est  le  détournement  par  ie  débiteur  de  la  chose  prêtée.  Seule- 
ment, comme  il  avait  droit  de  se  servir  de  cette  chose  qui  peut  être  fongible^ 
il  est  difficile  de  déterminer  où  commence  l'abus. 

4M.  Le  deuxième  paragraphe  de  l'art.  408,  qui  correspond  à  l'art.  388>  aea 
pour  objet  de  faire  une  drconstance  aggravante  du  fait  du  travail  habituel  de 
l'agent  dans  la  maison  ou  l'atelier  du  maître,  au  préjudice  duquel  l'abus  a  été 
commis.  C'est  une  distinction  entre  le  mandataire  accidentel  et  le  mandataire 
habituel  fondée  sur  la  confiance,  volontaire  ou  forcée,  qui  est  accordée  à  l'un 
et  à  l'autre. 

Ce  paragraphe  a  été  étendu  par  la  loi  du  13  mai  1863  de  la  matière  sui- 
vante: 


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422     YINGT-TROISIÈIIB  LRÇ.  —  DBS  CRIMES  ST   DÉLITS,   ETC.   (n""  461). 

«  Bi  i*abu8  de  confiance  prévu  et  puni  par  le  précédent  paragraphe  a  été  com- 
mis par  un  officier  public  au  ministériel  ou  par  un  domestique,  homme  de  service 
à  gages,  élève,  clerc*  commis,  ouvrier,  compagnon  ou  apprenti»  au  préjudice  de 
son  maître,  la  peine  sera  celle  de  la  réclusion.  » 

L^art.  408  ne  prononçait  dans  tous  les  cas  qu'une  peine  correctionnelle.  La 
loi  du  28  avril  1832  aggrava  cette  peine  et  porta  la  réclusion  au  cas  où  le  délit 
est  commis  par  un  homme  de  service  à  gages.  La  loi  nouvelle  a  étendu  cette 
aggravation  au  cas  où  il  est  commis  par  des  officiers  publics  ou  ministériels. 
Ainsi,  lorsqu'un  agent  de  change^  un  notaire,  un  avoué,  dans  les  mains  des- 
quels les  parties  ont  déposé  les  sommes  destinées  à  payer  un  prix  de  vente^  un 
achat  de  fonds  publics  ou  des  droits  d'enregistrement,  abuse  de  ce  dépôt  et 
emporte  ou  s'approprie  les  valeurs  qui  lui  ont  été  confiées,  ce  détournement 
est  un  crime,  parce  que  Tabus  de  confiance  s'aggrave  de  la  qualité  du  coupable 
et  de  la  violation  du  mandat  légal  dont  il  était  investi. 

Vaii.  408  ajoute  enfin  : 

«  Le  tout  sans  préjudice  de  ce  qui  est  dit  aux  art  254,  255  et  256,  relativement 
aux  soustractions  et  enlèvements  de  deniers,  effets  ou  pièces,  commis  dans  les 
dépôts  publics.  » 

Nous  avons  expliqué  (n**  304,  305  et  306),  les  cas  où  s'appliquent  ces  articles, 
et  comment  les  délits  qu'ils  prévoient  diffèrent  de  l'abus  de  confiance. 

DE  LA   SOUSTRACTION  DBS  PIÈGES  PRODUITES  DANS  UNE  CONTESTATION  JUDICIAIRE. 

461.  Cette  dernière  espèce  d'abus  de  confiance  fait  l'objet  de  l'art.  409  : 

tt  Art.  409.  Quiconque,  après  avoir  produit,  dans  une  contestation  judiciaire, 
quelque  titre,  pièce  ou  mémoire,  l'aura  soustrait,  de  quelque  manière  que  ce 
soit,  sera  puni  d'une  amende  de  25  à  300  ft*.  —  Cette  peine  sera  prononcée  par  le 
tribunal  saisi  de  la  contestation.  » 

Bien  que  la  loi  se  serve  ici  du  mot  de  soustraction,  il  ne  s'agit  point  de  la 
soustraction  constitutive  du  vol,  et  ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'elle  ajoute  aus- 
sitôt de  quelque  manière  que  ce  soit.  L'article  prévoit  le  cas  où  une  partie  produit 
une  pièce  à  l'appui  de  la  prétention  qu'elle  élève,  et  où,  lorsque  cette  pièce 
est  devenue  l'un  des  éU^ments  du  procès,  elle  la  fait  disparaître,  soit  en  pre- 
nant communication  du  dossier,  soit  par  tout  autre  moyen.  Elle  abuse  de  la 
confiance  que  la  loi  a  établie  entre  les  parties  en  détournant  un  acte  qui  est 
devenu  commun  entre  elles  par  son  annexion  à  la  procédure.  Un  point  qui 
doit  être  remarqué,  quoiqu'il  ne  touche  que  la  compétence,  c'est  que  la  peine 
pécuniaire  qui  frappe  cet  acte  de  mauvaise  foi  est  prononcée  par  le  tribunal 
saisi  de  la  contestation,  quel  qu'il  soit.  Le  législateur  a  pensé  avec  raison  que 
ce  tribunal  était  le  plus  propre  à  apprécier  la  moralité  d'une  action  qui  n'était 
pas  assez  grave  pour  en  faire  l'objet  d'un  procès  particulier. 


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cONTRAvamnoN  aux  RteuBifBNTs,  BTc.  (art.  410).  423 


CONTRA YEimON  AUX  RÈQLEIIBNTS   SUR  LES  MAISONS  DB  JEU^  LES  LOTERIES  ET  LES 
MAISONS  DB  PRÊT  SUR  GAGES. 

462.  L'art.  475,  n^  h,  punit  d'une  amende  de  police  c  ceux  qui  auront  établi 
OU  tenu  dans  les  rues^  chemins,  places  ou  lieux  publics,  des  jeux  de  loteries 
OU  d'autres  jeux  de  hasard.  »  L'art.  310  s'applique  aux  établissements,  non 
plus  passagers,  mais  permanents. 

a  Art.  4t0.  Ceux  qui  auront  tenu  une  maison  de  Jeux  de  hasard  et  y  auront 
admis  le  public,  soit  librement,  soit  sur  la  présentation  des  intéressés  ou  affiliés, 
les  banquiers  de  cette  maison,  tous  ceux  qui  auront  établi  ou  tenu  des  loteries 
non  autorisées  par  la  loi,  tous  administrateurs^  préposés  ou  agents  de  ces  établis- 
sements, seront  punis  d'un  emprisonnement  de  deux  mois  au  moins  et  de  six  mois 
au  plus,  et  d'une  amende  de  lOO  fr  à  6,000  fr.  » 

Le  fait  que  prévoit  cet  article,  c'est  celui  d'avoir  tenu  une  maison  de  jeu,  c'est 
d'avoir  établi  au  tenu  des  loteries.  La  loi  suppose  un  établissement  spécial,  des 
agents,  l'admission  du  public.  U  ne  faut  pas  confondre  la  publicité  du  lieu  et 
l'admission  du  pul^lic.  L'établissement  peut  être  clandestin  et  rentrer  dans  les 
termes  de  la  loi,  dés  que  des  personnes  étrangères  à  la  spéculation  y  sont 
introduites  ou  sont  admises  à  y  prendre  part.  Que  faut-il  entendre  par  jeux  de 
hasard  ?  La  loi  ne  les  a  pas  déânis  :  ce  sont,  en  général,  tous  ceux  qui  n'exigent 
aucune  opération  de  l'esprit,  et  auxquels  le  hasard  seul  préside.  Il  serait  tou- 
tefois difficile  de  poser  une  distinction  précise  entre  ces  jeux  et  les  jeux  de  corn* 
merce  ;  c'est  aux  tribunaux  qu'il  appartient  de  reconnaître  les  caractères  des 
uns  et  des  autres.  Les  deux  derniers  paragraphes  de  l'art.  410  permettent,  sui- 
vant les  circonstances,  de  prononcer  l'interdiction  des  droits  civils  pendant 
cinq  à  dix  ans,  et  prescrivent  la  confiscation  cle  tous  les  meubles  de  l'établisse- 
ment et  des  fonds  ou  effets  qui  ont  été  exposés  au  jeu. 

463.  Les  loteries  ont  été  supprimées  par  la  loi  du  21  mai  1836,  qui  porte  : 
t  Art.  !«'.  Les  loteries  de  toute  espèce  sont  prohibées.  —  Art.  2.  Sont  réputées 
loteries,  et  interdites  comme  telles,  les  ventes  d'immeubles,  de  meubles  onde 
marchandises  effectuées  par  la  voie  du  sort,  et  auxquelles  auraient  été  réunis 
des  primes  ou  d'autres  bénéfices  dus  au  hasard,  et  généralement  toutes  les  opé- 
rations offertes  au  public  pour  faire  naître  l'espérance  d*un  gain  qui  serait  acquis 
par  la  voie  du  sort.  •  On  dit  dans  l'exposé  des  motifs  de  cette  loi  :  «  Les  carac- 
tères constitutifs  des  diverses  spéculations  que  la  loi  a  pour  but  d'atteindre 
avaient  besoin  d'être  fixés  par  des  dispositions  des  anciennes  lois.  Que  ces 
spéculations  soient  principales  ou  accessoires,  habituelles  ou  isolés,  sous  forme 
de  vente  mobilière  ou  immobilière,  ou  de  souscription  ;  qu'elles  présentent 
un  mélange  apparent  d'opérations  commerciales  et  de  chances  aléatoires, 
toutes  les  fois  qu'elles  choisissent  le  sort  pour  instrument,  elles  rentrent  toutes 
dans  les  prohibitions  de  la  loi.  >  L'art.  3  de  la  même  loi  édicté  les  peines  du 
délit  :  «  La  contravention  à  ces  prohibitions  sera  punie  des  peines  portées  en 
Fart.  410  du  Gode  pénal.  S'il  s'agit  de  loteries  d'immeubles,  la  confiscation 
prononcée  par  ledit  article  sera  remplacée,  à  l'égard  du  propriétaire  de  rim- 


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424     VINGTrTBOI&làMB  LBQ«  —   DiB8  CRIMES  BT  nÉLITS^  BTG.   (n«   465). 

meuble  mis  en  loterie,  par  une  amende  qui  pourra  s'élever  jusqu'à  la  valeur 
estimative  de  cet  immeuble.  En  cas  de  seconde  ou  ultérieure  condamnation, 
l'emprisonnement  et  l'amende  portés  en  l'art.  410  pourront  être  élevés  au  dou- 
ble du  maximum.  Il  pourra  dans  tous  les  cas  être  fait  application  de  Part.  46S 
du  Gode  pénal.  »  L'art.  4  ajoute  :  «  Ces  peines  seront  encourues  par  les  auteurs, 
entrepreneurs  ou  agents  des  loteries  françaises  ou  étrangères,  ou  des  opéra- 
tions qui  leur  sont  assimilées.  Ceux  qui  auront  colporté  ou  distribué  les  billets, 
ceux  qui,  par  des  avis,  annonces,  affiches,  ou  par  tout  autre  moyen  de  publi- 
cation, auront  fait  connaître  l'existence  des  loteries  ou  facilité  l'émission  des 
billets,  seront  punis  des  peines  portées  en  l'art.  4ii  dn  Gode  pénal;  il  sera  fait 
applicatiiHi,  s'il  y  a  lieu,  des  deux  demiôres  dispositions  de  l'article  précédent. 
Bnfin,  l'art.  5  stipule  une  exception  à  toutes  ces  dispositions  :  «  Sont  excep- 
tées des  dispositions  des  art  1  et  2  ci-dessus,  les  loteries  d'objets  mobiliers 
exclusivement  destinées  à  des  actes  de  bienfaisance  ou  à  l'encouragement  des 
arts,  lorsqu'elles  auront  été  autorisées  dans  les  formes  qui  seront  déterminées 
par  des  r^ements  d'administration  publique.  » 

464.  L'art.  411  a  pour  objet  de  proscrire  toute  maison  de  prêt  sur  gages 
qui  n'aurait  pas  été  autorisée  par  le  gouvernement. 

«  Art.  411.  Ceux  qui  auront  établi  ou  tenu  des  maisons  de  prêt  sur  gages  ou 
naûtissement  sans  autorisation  légale,  ou  qui,  ayant  une  autorisation,  n'auront 
pas  tenu  un  registre  conforme  aux  règlements,  contenant  de  suite,  sans  aucun 
blanc  ou  interligne,  les  sommes  ou  les  objets  prêtés,  les  noms,  domiciles  et  pro- 
llMaipna  des  emprunteurs,  la  nature,  la  qualité,  la  valeur  des  objets  mis  en  nan- 
tissement, seront  punis  d'un  emprisonnement  de  quinze  joyrs  au  moins,  de  trois 
mois  au  plus,  et  d'une  amende  de  100  à  2,000  fir.  » 

Nulle  maison  de  prêt  sur  gages  ne  peut  exister  sans  une  autorisation.  L*au- 
torisation  suppose  une  surveillance  active  qui  est  indispensable  aux  transac- 
tions qui  interviennent  entre  le  prêteur  et  l'emprunteur.  L'ouverture  d'une 
semblsd^le  maison,  sans  quo  l'autorité  administrative  en  ait  vérifié  le  but  et 
les  ressources,  est  donc  un  délit.  Mais  après  l'autorisation  même  obtenue, 
une  autre  infraction  est  l'inexécution  des  formes  et  conditions  qui  sont  les 
garanties  des  emprunteurs.  Ainsi,  deux  faits  distincts  sont  réunis  dans  cet 
article  :  d'une  part,  l'établissement  d'une  maison  de  prêt  sans  autorisation  ; 
d'une  autre  part,  l'inexécution  par  une  maison  de  prêt  autorisée,  des  règle- 
ments auxquels  elle  est  soumise.  La  pénalité  relative  à  ces  deux  infractions 
est  I^  même,  bien  que  ces  deux  faits  n'aient  peut-être  ni  la  même  gravité  mo  - 
raie  ni  les  mêmes  périls. 

SNTRAVES  APPOBTÉES  A  LA  LIBBBTÉ  DES  ENCHÈRES. 

465.  Le  légidateur  a  senti  la  nécessité  d'apporter  une  protection  efficace 
aux  encbères  publiques  qui  s'ouvrent  pour  l'adjudication  des  biens  : 

a  Art.  412.  Ceux  qui,  dans  les  adjudications  de  la  propriété,  de  TusufVuit  ou  de 
la  location  des  choses  mobilières  ou  immobilières,  d'une  entreprise,  d'une  fourni- 
ture, d'une  exploitation  ou  d'un  service  quelconque,  aur<mt  entravé  ou  troublé  ift 

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noîsknm  des  BéGuoiSErrs  bblatifs  aux  manufactures  (art.  413).  42& 

liberté  des  fiaobèrw  ou  des  soumissions  par  voies  de  fait,  violences  ou  menaces, 
soit  avant,  soit  pendant  les  enchères  ou  les  soumissions,  seront  punis  d'nn  empri- 
sonnement de  qainse  jours  on  moins,  de  trois  mois  au  plus,  et  d'une  amende  de 
100  flr.  au  moins  et  de  5,000  tr,  au  phis.  —  La  môme  peine  aura  lieu  contre  ceux 
qui,  par  dons  ou  promesses,  auront  écarté  les  enchérisseurs.  » 

Cet  article  détermine  avec  clarté  le  but  de  rincrimînation  et  les  faits  qu'elle 
a  voulu  saisir.  Son  but  a  été  de  protéger  la  liberté  de  toutes  les  adjudications, 
à  quelque  objet  qu'elles  s'appliquent,  même  celles  qui  s'appliquent  à  des  ser* 
vices  publics.  Pour  maintenir  cette  liberté,  la  loi  incrimine  d'une  manière  géné- 
rale tous  les  troubles,  toutes  les  entraves  qui  ont  porté  atteinte  à  cette  liberté» 
Elle  ne  s'occupe  point  de  la  nature  du  fait^  elle  ne  voit  que  son  effet  :  c'est  le 
txouble  ou  Tentrave  apportée  dans  l'opération.  Il  faut  toutefois  que  l'entrave 
ou  le  trouble  soit  causé  par  voies  de  fitit,  violences  ou  meuAces  ;  c'est  là  la  seule 
espèce  de  trouble  que  la  loi  ait  voulu  |nrôvoir,  parce  qu'elle  n'a  entendu  saisir 
que  les  faits  matériels  et  non  les  simples  paroles^  quand  elles  ne.sont  em- 
ployées qu'à  répan4re  des  faits  faux  ou  mensongers  qu'il  est  tot^c^urs  possible 
de  vérifier.  Le  dernier  paragraphe  de  l'article  prévoit  une  seconde  espèce  du 
même  délit  :  ce  ne  sont  plus  les  violences  que  la  loi  incrimine,  ce  sont  les  ma- 
nœuvres frauduleuses,  les  dons  et  promesses;  après  avoir  puni  les  voies  de 
fait,  elle  recherche  et  punit  la  corruption.  Au  reste,  les  éléments  du  délit  de* 
meurent  les  mêmes.  On  a  demandé  si  l'art.  412  s'applique  à  la  surenchère  aussi 
bien  qu'à  l'enchère.  La  réponse  ne  peut  être  douteuse.  La  surenchère,  par  suite 
d'une  saisie  immobilière,  n'est  que  la  continuation  de  la  première  enchère  ; 
le  but  de  Tarticle  est  de  protéger  les  droits  du  débiteur  saisi  et  de  ses  créan- 
ciers, en  punissant  ceux  qui  empêchent  que  les  immeubles  saisis  n'arrivent  à 
lear  véritable  valeur;  or  ce  but  n'est  atteint  que  par  l'efTet  des  enchères  et  des 
surenchères  librement  faites. 

VIOLATION  DES  BÈOLEMENTS  RELATIFS  AUX  MANUFACTURES. 

466.  Les  art.  41 3^  417  et  418  prévoient  plusieurs  fraudes  qui  sont  de  nature 
à  nuire  au  commerce  et  au  principe  de  la  libre  concurrence  ;  ce  sont  la  trom- 
perie sur  les  marchandises  exportées,  l'embauchage  des  ouvriers  et  la  révéla- 
tion des  secrets  de  fobrique. 

La  loi  du  22  germinal  an  II  avait  prononcé  une  amende  qui  pouvait  s'élever 
à  ^iOOO  fr;  pour  la  violation  des  règlements  d'administration  publique  rela- 
tîfis  aux  produits  des  manufactures  françaises  qui  s'exportent  à  l'étranger. 
Le  législateur  de  ^810  a  voulu  consacrer  cette  disposition,  t  Lorsque  les 
fraudes,  dit  Vexposé  des  motifs,  ont  pour  but  de  tromper  sur  la  qualité,  les 
dimensions  ou  la  nature  de  la  fabrication,  à  l'égard  des  produits  de  nos  manu* 
factures  qui  s'exportent  à  l'étranger,  un  si  grand  mal  ne  doit  pas  rester 
impuni. C'est  par  cette  raison  que  la  loi  du  22  germinal  an  II  fut  rendue.  Les 
abus  qu'elle  prit  soin  de  réformer  avaient  été  l'objet  de  vives  réclamations,  et 
il  ne  fallait  rien  moins  que  la  crainte  d'une  juste  peine  pour  en  arrêter  le 
cours."  i 

«  Art.  413.  Toute  tiolation  des  règlements  d*adminislration  publique  relatifli  aux 

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426     yiNGT-TROISIÉMB  LEÇ.   —  DBS  GRI1IB8  ET  DÉLITS,  ETC.  (n"*  46S). 

produits  des  manufactures  françaises  qui  s'exporteront  à  l'étranger,  et  qui  ont 
pour  objet  de  garantir  la  bonne  qualité,  les  dimensions  et  la  nature  de  la  fabrica- 
tion, sera  punie  d'une  amende  de  2,000  fr.  au  moins,  de  3,000  tr.  au  plus,  et  de  la 
confiscation  des  marchandises.  Ces  deux  peines  pourront  être  prononcées  séparé- 
ment ou  cumulativement  suivant  les  circonstances.  » 

Cet  article  ne  s'applique  qu'aux  marchandises  qui  s'exportent  à  l'étranger, 
c'est-à-dire  qui  sont  destinées  à  l'exportation.  Il  faut,  pour  son  application  : 
i»  qu'un  règlement  d'administration  publique  ait  été  rendu  pour  régler  la 
qualité,  les  dimensions  et  la  nature  de  la  marchandise  exportée  ;  2®  que  les 
marchandises  saisies  soient  en  contravention  formelle  aux  prescriptions  de  ce 
règlement. 

467.  La  loi  regarde,  en  second  lien,  comme  coupable  de  délit,  celui  qui, 
dans  la  vue  de  nuire  à  l'industrie  française,  fait  passer  en  pays  étranger  des 
directeurs,  des  ouvriers  ou  commis  d'un  établissement.  Si  chacun  doit  être 
libre  de  faire  valoir  son  industrie  et  ses  talents  partout  où  il  croit  pouvoir  en 
retirer  plus  d'avantage,  il  convient  de  punir  celui  qui  débauche  des  hommes 
nécessaires  à  un  établissement,  non  pas  pour  procurer  à  ces  hommes  un  plus 
grand  bien,  souvent  incertain,  mais  pour  assurer  la  ruine  de  l'établisssement 
même* 

a  Art.  417.  Quiconque,  dans  la  vue  de  nuire  à  l'industrie  française,  aura  fait 
passer  en  pays  étranger  des  directeurs,  commis  ou  des  ouvriers  d'un  établisse- 
ment, sera  puni  d'un  emprisonnement  de  six  mois  à  deux  ans,  et  d'une  amende  de 
50  fr.  à  300  fr.  » 

Cet  article  ne  demande  aucune  explication.  C'est  le  fait  de  nuire  à  l'industrie 
française  par  l'embauchage  des  ouvriers  d'une  fabrique  que  la  loi  a  prévu.  Il  ne 
faut  pas  confondre  ce  fait  avec  l'exploitation  faite  en  pays  étranger,  au  moyen 
d'ouvriers  français,  d'une  branche  quelconque  de  notre  industrie,  si  ces  ouvriers 
n'ont  été  enlevés  par  fraude  à  aucune  fabrique. 

468.  L'art.  418,  modifié  par  la  loi  du  13  mai  1863,  prévoit  et  punit  la  com- 
munication des  secrets  de  fabriques  :  "^ 

tt  Art.  418.  Tout  directeur,  commis,  ouvrier  de  fabrique,  qui  aura  communiqué 
ou  tenté  de  communiquer  à  des  étrangers  ou  à  des  Français  résidant  en  pays  étran- 
ger, des  secrets  de  la  fabrique  où  il  est  employé,  sera  puni  d'un  emprisonnement 
de  deux  à  cinq  ans,  et  d'une  amende  de  500  à  20,000  tr.  —  Il  pourra  en  outre  être 
privé  des  droits  mentionnés  en  l'art.  42  du  présent  Gode  pendant  cinq  ans  au  moins 
et  dix  ans  au  plus,  à  compter  du  jour  où  il  aura  subi  sa  peine.  Il  pourra  aussi 
être  mis  sous  la  surveillance  de  la  haute  police  pendant  le  même  nombre  d'années. 

—  Si  ces  secrets  ont  été  communiqués  à  des  Français  résidant  en  France,  la  peine 
sera  d'un  emprisonnement  de  trois  mois  à  deux  ans  et  d'une  amende  de  16  à  200  fr. 

—  Le  maximum  de  ta  peine  prononcée  par  les  paragraphes  1  et  Zdu  présent  arti- 
cle sera  nécessairement  appliqué  sHl  s'agit  de  secrets  de  fabrique  d^armes  et  mu- 
nitions de  guerre  appartenant  à  l'État,  » 

Il  faut  remarquer  d'abord  que  cette  disposition  ne  s'applique  qu'aux  ouvriers 
ou  commis  employés  dans  la  fabrique  :  c'est  l'abus  d'une  confiance  forcée  que 
la  loi  a  voulu  punir.  La  peine  est  plus  ou  moins  grave  suivant  les  résultats 

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DBS  COAUTIONS  (aBT.   4i8).  427 

pins  on  moioB  prtjnâidables  de  Tâbns.  Si  la  oommonication  ne  préjadioie 
qn'k  la  fabrique,  la  peine  est  légère.  Si  elle  préjadicie  à  Finduatrie  nationale 
en  portant  à  l'étranger  ses  découvertes,  la  peine  s'aggrave.  Avant  la  loi  du 
43  mai  1S63,  l'aggravation  s'élevait  jusqu'à  la  réclusion  :  cette  loi  l'a  réduite 
au  rang  des  peines  correctionnelles  les  plus  élevées.  L'exposé  des  motifs  a 
expliqué  cette  modification  en  ces  termes  :  «  Cette  pénalité  (de  la  réclusion) 
est  d'une  époque  où  le  patriotisme,  surexcité  par  les  circonstances,  était  sin- 
gulièremei)t  ombrageux  en  matière  de  secrets  de  fabrication.  Nous  croyons 
cette  disposition  un  peu  cbangée  par  le  caractère  nouveau  des  relations  inter- 
nationales, par  l'esprit  de  rivalité  pacifique  substitué  à  celui  des  anciennes 
luttes,  et  par  les  conditions  nouvelles  faites  aux  inventeurs.  »  Sans  doute  cette 
révélation  des  secrets  de  la  fabrique  qui  vous  emploie  reste  toujours  un  acte 
condamnable,  un  abus  de  confiance  ;  c'est  pourquoi  l'on  maintient  le  principe 
de  rincrimi nation,  et  Ton  ne  change  rien  au  §  2.  On  ne  méconnaît  pas  non 
plus  que  la  révélation  à  l'étranger  n'ait  quelque  chose  de  plus  grave;  c'est  la 
raison  qui  fait  porter  Temprisonnement  à  cinq  ans,  et  conserver  cette  amende 
si  forte  de  vingt  mille  francs,  qui  est  de  toutes  les  peines  la  mieux  appropriée 
à  cette  infraction.  Mais,  quoique  aggravée,  elle  n'a  pas  l'intensité  morale  d'un 
crime.  »  La  loi  a  ajouté  à  l'article  un  cas  nouveau  :  c'est  celui  où  la  révélation 
porte  sur  des  secrets  de  fabrication  d'armes  et  munitions  de  guerre  apparte« 
nant  à  l'État.  Enfin,  il  reste  à  dire  qu'il  faut  entendre  par  secrets  de  fabrique 
les  moyens  de  fabrication  qui,  inventés  par  ou  pour  un  fabricant,  ne  sont 
appliqués  que  dans  une  ou  plusieurs  fabriques  seulement.  Car  s'ils  sont  géné- 
ralement mis  en  usage,  ce  ne  sont  plus  des  secrets  et  leur  divulgation  cesse 
d'être  criminelle. 

DBS  COALITIONS. 

469.  Cette  matière  est  féconde  en  difficultés,  parce  qu'elle  touche  aux  inté- 
rêts les  plus  puissants  de  l'industrie,  à  la  question  de  la  liberté  du  travail,  aux 
rapports  des  maîtres  et  des  ouvriers.  Lorsque  la  loi  du  2  mars  1791  eut  aboli  les 
maîtrises  et  les  jurandes,  le  législateur  comprit  que  la  liberté  commerciale  et . 
industrielle  pouvait  être  entravée  par  les  coalitions,  et  le  décret  du  14  juin  1791 
eut  pour  objet  de  les  réprimer  :  ce  décret  frappait  d'une  amende  les  refus  de 
travaux  faits  de  concert  entre  les  citoyens  attachés  aux  mêmes  professions, 
«ans  distinguer  entre  la  coalition  des  patrons  et  celles  des  ouvriers.  Le  Code 
rural  du  28  septembre-6  octobre  1791  fit  le  premier  cette  distinction.  Les  arti- 
cles 19  et  20,  tit.  II,  de  cette  loi  portaient  :  «  Art.  19.  Les  propriétaires  ouïes 
fermiers  d'un  même  canton  ne  pourront  se  coaliser  pour  faire  baisser  ou 
fixer  à  vil  prix  la  journée  des  ouvriers  ou  les  gages  des  domestiques,  sons 
peine  d'une  amende  du  quart  de  la  contribution  mobilière  des  délinquants, 
et  même  de  la  détention  de  police  municipale,  s'il  y  a  Ueu.  —  Art.  20.  Les 
moissonneurs,  domestiques  et  ouvriers  de  la  campagne,  ne  pourront  se  liguer 
entre  eux  pour  faire  hausser  et  déterminer  le  prix  des  gages  ou  les  salaires, 
sous  peine  d'une  amende  qui  ne  pourra  excéder  la  valeur  de  douze  journées 
de  travail,  et  en  outre  la  détention  de  police  municipale.  »  La  loi  du  22  ger- 
minal an  II,  qui  a  été  à  peu  près  reproduite  par  les  art.  414  à  415  du  Gode 
pénal,  généralisa  ces  dispositions,  en  maintenant  la  distinction  entre  les  patrons 

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VINGT-TROISIÉBCE  UBÇ.  —  DBS  GBIMBS  ET  DÉLITS,   £TG.  (n"^  470). 

et  les  ouvriers.  Ces  deux  articles  punissent  d*ua  emprisonnement  de  six  jours 
à  un  mois^  et  d'une  amende  de  200  à  3,000  fr.,  c  toute  coalition  entre  ceux 
qui  font  travailler  des  ouvriers,  tendant  à  forcer  injustement  et  abusivement 
rabaissement  des  salaires,  suivie  d'une  tentative  ou  d'un  commencement 
d'exécution  ;  t  et  d'un  emprisonnement  d'un  mois  au  moins  et  de  trois  mois 
au  plus,  t  toute  coalition  de  la  pîart  des  ouvriers  pour  faire  cesser  en  mdme 
temps  de  travailler,  interdire  le  travail,  dans  un  atelier,  empêcher  de  s'y  rendre 
et  d'y  rester  avant  ou  après  certaines  heures,  et  en  générai  pour  suspendre, 
empêcher,  enchérir  les  travaux,  s'il  y  a  eu  tentative  ou  commencement  d'exé» 
cution.  >  Les  chefs  où  moteurs  sont  punis,  toutefois,  d'un  emprisonnement  de 
deux  à  cinq  ans. 

470.  Cesarticies  ont  été  modifiés  une  première  fois  par  une  loi  du  27  novem* 
bre  1849,  dont  voici  le  texte  : 

«  Les  art.  414,  415  et  416  du  Gode  pénal  sont  modifiés  comme  il  suit  : 

a  ART.  414.  Sera  puoi  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à  trois  mois  et  d'une 
amende  de  1 S  &  3,000  fir  :  —  1*  Toute  coalition  entre  ceux  qui  font  travailler  des 
ouvriers,  tendant  à  forcer  rabaissement  des  salaires,  s'il  y  a  eu  tentative  ou  com- 
mencement d'exécution  ;  --  2*  Toute  coalition  de  la  part  des  ouvriers  pour  Mtb 
cesser  en  même  temps  de  travailler,  interdire  le  travail  dans  un  atelier,  empêcher 
de  s'y  rendre  avant  ou  après  certaines  heures,  et  en  général  pour  suspendre,  em- 
pêcher, enchérir  les  travaux,  s'il  y  a  eu  teptative  ou  commencement  d'exécution. 
Dans  les  cas  prévus  par  les  deux  paragraphes  précédents,  les  chef^  ou  moteurs 
seront  punis  d'un  emprisonnement  de  deux  à  cinq  ans.  » 

tt  Art.  415.  Seront  aussi  punis  des  peines  portées  par  l'article  précèdent,  et 
d'après  les  mêmes  distinctions,  les  directeurs  d'atelier  ou  entrepreneurs  d'ouvrage 
et  les  ouvriers  qui,  de  concert,  auront  prononcé  des  amendes  autres  que  celles 
qui  ont  pour  objet  la  discipline  intérieure  de  l'atelier,  des  défenses,  des  interdic*- 
tions,  ou  toutes  prescriptions,  sous  le  nom  de  damnation  ou  sous  quelque  quali- 
fication que  ce  puisse  être,  soit  de  la  part  des  directeurs  d'ateliers  ou  entrepre- 
neurs contre  les  ouvriers,  soit  de  la  part  de  ceux-ci  contre  les  directeurs  d'ateliers 
ou  entrepreneurs,  soit  les  uns  contre  les  autres.  » 

«  ART.  416.  Dans  les  cas  prévus  par  les  deux  articles  précédents,  les  chefs  ou 
moteurs  pourront,  après  l'expiration  de  leur  peine,  être  mis  Sous  la  surveillance 
de  la  haute  police  pendant  deux  ans  au  moins  et  cinq  ans  au  plus.  » 

TjO  seul  objet  de  cette  loi  avait  été  d'établir  une  parfaite  ^alHé  entre  les 
patrons  et  les  ouvriers  relativement  au  délit  de  coalition.  Cette  égalité  n'exis- 
tait, dans  le  système  du  Gode  pénal,  ni  quant  à  la  définition  du  délit,  ni  quant 
à  la  pénalité.  Quant  à  la  définition  du  délit,  l'arL  414  du  Gode  pénal  ne  punis- 
sait les  chefs  d'ateliers  que  lorsqu'ils  avaient  entrepris  de  forcer  injuttement  et 
abusivement  l'abaissement  des  salaires.  L'art.  415,  relatif  aux  coalitions  d'ou- 
▼riers,  n'avait  pas  reproduit  ces  mots.  C'était  admettre  qu'une  coalition  formée 
entre  des  chefs  d'ateliers,  et  ayant  pour  but  de  forcer  l'abaissement  des  salaires, 
-pouvait  ne  pas  être  injuste  et  abusive,  tandis  que  toute  coalition  entre  les 
ouvriers  avait  nécessairement  ce  caractère.  La  loi  aûiit  disparaître  cette  diffé- 
rence. Le  mot  seul  de  oùoiition  implique  l'idée  d'un  pacte  réprébeasible. 
L'art.  123  du  Code  pénal,  relatif  à  la  coalition  des  fonctionnaires  publics,  la 
définit  un  eonetri  de  meeurts  anUrairee  aux  Uns;  or,  qnaad  ce  concert  a  été 


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DBS   GOAUTIONS  {àKT.  416).  429 

établi  pour  féwr  VabaissmeiU  d^  salaires,  il  est  nécessairement  injuste  et 
abimf;  car  forcer  rabaissement  des  salaires,  c'est  pro4aire,  par  un  pacte  aussi 
illicite  que  contraire  à  rhumanitô,  un  abaissement  de  salaire  qui  ne  serait  pas 
résulté  des  circonstances  industrielles  et  de  la  libre  concurrence.  Quant  à  la 
pénalité,  elle  a  été  soumise  à  une  parfaite  égalité. 

Le  principe  de  la  répression  môme  de  la  coalition  avût  été  mis  en  ques- 
tion. Ije  rapporteur  de  la  loi  du  27  novembre  1849  a  répondu  sur  ce  point  : 
«  Lorsqu'il  y  a  une  coalition  établie  pour  exercer  une  pression  soit  de  la  part 
des  chefs  d'ateliers  contre  les  ouvriers,  soit  de  la  part  de  ceux-ci  contre  les 
chefs  d'ateliers,  la  liberté  de  la  concurrence,  et  par  conséquent  la  liberté  cons- 
titutionnelle du  travail^  sont  étouffées  par  cette  coalition.  Un  tel  fait  ne  saurait 
être  toléré.  Conclure  de  la  liberté  que  chacun  a  de  négocier  personnelle- 
ment les  conditions  du  travail  à  la  faculté  de  former  une  coalition  pour  imposer 
à  autrui  ses  conditions,  c'est  faire  un  raisonnement  évidemment  faux.  C'est 
comme  si,  du  droit  que  chacun  a  de  stationner  sur  la  voie  publique,  on  tirait 
la  conséquence  qu'il  peut  se  réunir  à  d'autres  individus  pour  y  former  des 
attroupements.  Les  coalitions  tendent  sous  deux  rapports  à  ruiner  l'industrie 
nationale;  d  abord  elles  amènent  la  suspension  du  travail,  et  elles  diminuent 
ainsi  le  revenu  général  du  pays.  En  second  lieu,  elles  font  souvent  passer  à 
l'étranger  des  commandes  laites  à  l'industrie  française.  «  Au  surplus,  deux 
conditions  étaient  nécessaires  pour  que  la  poursuite  dans  Tune  et  l'autre 
hypothèse  pût  avoir  lieu  :  il  fallait,  d'une  part,  qu'il  y  eût  un  fait  de  coalition 
ayant  pour  objet,  soit  l'abaissement  des  salaires,  soit  la  cessation  du  travail;  et, 
d'une  autre  part,  que  cette  coalitionfùt  suivied'un  commencement  d'exécution. 

471.  La  législation  que  nous  venons  de  mettre  sous  vos  yeux  a  été  changée 
encore  une  fois.  La  loi  du  25  mai  1864,  partant  d'un  autre  principe,  le  prin- 
cipe de  la  liberté  du  travail,  a  remplacé  les  dispositions  précédentes  par  des 
dispositions  moins  restrictives.  Voici  d'abord  le  texte  de  cette  nouvelle  loi  : 

à  Art.  1".  Les  art.  414,  415  et  416  du  Gode  pénal  sont  abrogés.  Us  sont  rem- 
placés par  les  articles  suivants  : 

a  ÂBT.  414.  Sera  puni  d*un  emprisonnement  de  six  jours  à  trois  ans  et  d'une 
amende  de  16  &  3,000  fr.,  ou  de  l'une  de  ces  deux  peines  seulement,  quiconque,  à 
l'aide  de  violences,  voles  de  fait,  menaces  ou  manœuvres  frauduleuses,  aura  amené 
ou  maintenu,  tenté  d'amener  ou  de  maintenir  une  cessation  concertée  de  travail, 
dans  le  but  de  forcer  la  hausse  ou  la  baisse  des  salaires  ou  de  porter  atteinte  au 
libre  exercice  de  Tindustrie  ou  du  travail.  » 

«  ART.  415.  Lorsque  les  fliits  punis  par  l'article  précédent  auront  été  commis 
par  suite  d'un  plan  oonoerté,  les  coupables  pourront  -être  mis,  pav  Tarrét  ou  le 
jugement,  sous  la  surveillance  de  la  haute  police»  pendant  deux  ans  au  moins  et 
cinq  ans  au  plus.  » 

«  Art.  416.  Seront  punis  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à  trois  mois  et  d'une 
amende  de  16  à  300  fr.  ou  de  l'une  de  ces  deux  peines  seulement,  tous  ouvriers, 
patrons  et  entrepreneurs  d'ouvrages  qui,  à  l'aide  d'amendes,  défenses,  prescrip- 
tions, interdictions  prononcées  par  suite  d'un  plan  concerté,  auront  porté  atteinte 
au  libre  exercice  de  l'industrie  ou  du  travail,  ir 

«  Art.  2.  Les  art.  414,  415  et  416  ci-dessus  sont  applicables  aux  propriétaires  et 
fermiers,,  ainsi  qu'aux  moissonneurs,  domestiques^  et  ouvriers' de  la  campagne.  Les 
art.  19  et  20,  tit.  II,  de  la  loi  du  28  septembre-6  octobre  1791,  sont  abrogés.  » 

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430      VINGT-TROISIÈME  LEÇ.   —  DBS  GRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.  (n»  472). 

La  portée  et  l'esprit  de  cette  loi  sont  nettement  exprimés  dans  le  rapport  : 
f  Désormais  la  coalition  des  patrons  ou  celle  des  ouvriers  est  absolument 
libre,  c'est  le  point  de  départ  de  la  loi.  On  a  proposé  de  distinguer  entre  les 
coalitions  justes  et  les  coalitions  abusives  :  nous  n'avons  pas  admis  cette  dis- 
tinction. Abusive  ou  non,  juste  ou  injuste  la  coalition  est  permise.  D'autres 
ont  demandé  que  la  séparation  fût  établie  entre  les  coalitions  factices,  violentes 
ou  frauduleuses,  et  les  coalitions  naturelles,  paisibles  et  sincères,  ec  que,  les 
secondes  étant  licites,  les  premières  ne  le  fussent  pas;  nous  n'avons  pas  davan- 
tage accepté  cette  distinction.  La  coalition  violente,  factice,  frauduleuse,  ne 
tombera  pas  plus  sous  le  coup  de  la  loi  que  la  coalition  naturelle,  paisible  et 
sincère.  Les  auteurs  des  violences  et  des  fraudes  seront  poursuivis  et  punis  ; 
la  coalition  sera  respectée.  Nous  n'avons  pas  voulu  que,  sous  prétexte  de  recher- 
cher le  caractère  d'une  coalition,  et  de  s'enquérir  si  elle  est  juste  ou  injuste, 
abusive  ou  équitable,  violente  ou  paisible,  l'autorité  judiciaire  ou  administra- 
tive pût  reprendre  indirectement  ce  qui  lui  est  retiré  directement.  Ni  la  com- 
mission ni  le  gouvernement,  qui  s'est  associé  à  ses  vues,  n'ont  voulu  faire  une 
œuvre  équivoque,  retenir  en  ayant  l'air  de  donner,  cacher  des  pièges  sous  des 
apparences  de  liberté.  Cette  loi  est  loyale  et  sans  arrière-pensées,  elle  accorde 
ce  qu'elle  promet,  elle  réalise  avec  courage  un  progrès  considérable  poursuivi 
en  vain  depuis  la  Révolution.  Les  anciens  art.  414  et  415  sont  abrogés  : 
l'art,  i*'  le  proclame  en  termes  formels.  Ceux  qui  les  remplacent  ne  modifient 
pas  l'ancien  délit  de  coalition  ;  ils  en  créent  un  nouveau  :  l'atteinte  à  la  liberté 
du  travail.  Loin  d'être  une  restriction  du  droit  de  se  coaliser,  ils  en  sont  la 
garantie.  Que  dirait-on  du  propriétaire  qui  croirait  son  droit  compromis  parce 
qu'on  punit  le  vol?  C'est  ce  qu'il  faudrait  penser  de  ceux  qui  trouveraient  la 
liberté  de  se  coaliser  menacée  parce  qu'on  punit  les  violedces  et  les  fraudes.  » 
L'art.  414  ne  laisse  aucun  doute  sur  ces  solutions  :  le  délit  qu'il  crée  est 
subordonné  à  l'existence  de  deux  conditions  :  1*  il  faut  qu'il  y  ait  des  vio- 
lences, des  voies  de  fait,  des  menaces,  des  manœuvres  frauduleuses  consom- 
mées et  prouvées  ;  2«  il  faut  que  ces  violences  aient  eu  pour  but  de  porter 
atteinte,  par  une  cessation  simultanée  du  travail,  à  la  liberté,  soit  du  patron, 
soit  de  l'ouvrier.  L'art  415  prévoit  une  circonstance  aggravante  du  délit  :  le 
cas  où  la  violence  est  l'acte  de  plusieurs  qui  se  sont  préalablement  entendus 
et  concertés  pour  le  commettre.  Cette  entente  constitue  une  aggravation  de  la 
culpabilité,  et  l'art.  415  donne  au  juge  la  faculté  de  placer  le  coupable  sous  la. 
surveillance  de  la  haute  police.  L'art.  416  enfin  prévoit  l'atteinte  plus  légère 
résultant  des  proscriptions  et  interdictions  prononcées  contre  les  patrons  et 
ouvriers.  Deux  conditions  sont  encore  exigées  ici  :  que  ces  condamnations 
soient  prononcées  en  exécution  d'un  accord  préalable  et  qu'elles  aient  porté 
atteinte  à  la  liberté  du  travail.  La  tentative  ne  suffirait  pas.  Telle  est  la  théo- 
rie de  la  loi  du  25  mai  1864  qui,  comme  vous  le  voyez,  diffère  essentielle- 
ment de  l'ancien  code  et  a  apporté,  en  matière  de  coalitions,  un  système  toute 
nouveau. 

478.  Après  les  coalitions  des  maîtres  contre  les  ouvriers  et  des  ouvriers 
contre  les  maîtres,  la  loi  a  placé  celles  qui  se  forment  entre  les  détenteurs  d'une 
marchandise  pour  en  opérer  soit  la  hausse,  soit  la  baisse. 


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DES  G0AUTX0N8  (aRT.   419).  431 

«  Art.  419*  Tous  ceux  qui,  par  des  faits  faux  ou  calomnieux,  semés  à  dessein 
dans  le  public»  par  des  suroffres  faites  aux  prix  que  demandaient  les  vendeurs  eux- 
mômes,  par  réunion  ou  coalition  entre  les  principaux  détenteurs  d*une  môme  mar- 
chandise ou  denrée,  tendant  à  ne  la  pas  vendre  ou  à  ne  la  vendre  qu'à  un  certain 
prix,  ou  qui,  par  des  voies  ou  moyens  frauduleux  quelconques,  auront  opéré  la 
hausse  ou  la  baisse  du  prix  des  denrées  ou  marchandises,  ou  des  papiers  ou  effets 
publics,  au-dessus  ou  au-dessous  des  prix  qu'aurait  déterminés  la  concurrence 
naturelle  et  libre  du  commerce,  seront  punis  d'un  emprisonnement  d'un  mois  au 
moins,  d'un  an  au  plus,  et  d'une  amende  de  500  fr.  à  10,000  fr.  « 

Cette  disposition,  dont  les  différents  termes  sont  pèut-^tre  trop  vagues  et 
trop  flexibles,  a  été  expliquée  .dans  Texposé  des  motifs  :  «  Elles  n*ont  pas 
échappé  non  plus  à  la  prévoyance  du  Gode,  porte  cet  exposé,  ces  manœuvres 
coupables  qu'emploient  des  spéculateurs  avides  et  de  mauvaise  foi  pour  opé- 
rer la  hausse  ou  la  baisse  du  prix  des  denrées  ou  marchandises,  ou  des  papiers 
ou  effets  publics,  au-dessus  ou  au-dessous  des  prix  qu'aurait  déterminés  la 
concurrence  naturelle  et  libre  du  commerce.  Le  Gode  cite,  pour  exemples  de 
ces  manœuvres,  les  bruits  faux  et  calomnieux  semés  à  dessein  dans  le  publie, 
les  coalitions  entre  les  principaux  détenteurs  de  la  marchandise  ou  denrée  ; 
il  ajoute  toute  espèce  de  voies  ou  moyens  frauduleux,  parce  qu'en  effet,  ils 
sont  si  multipliés,  qu'il  ne  serait  guère  plus  facile  de  les  détailler  que  de  les 
prévenir.  La  disposition  ne  peut  s'appliquer  à  ces  spéculations  franches  et 
loyales  qui  distinguent  le  vrai  commerçant.  Gelles-ci,  fondées  sur  des  réalités, 
sont  utiles  à  la  société.  Loin  de  créer  tour  à  tour  les  baisses  excessives  et  les 
hausses  exagérées,  elles  tendent  à  les  contenir  dans  les  limites  que  comporte 
la  nature  des  circonstances,  et  par  là  servent  le  commerce,  en  le  préservant  de 
secousses  qui  lui  sont  toujours  funestes,  i 

On  aperçoit  facilement  dans  ces  paroles  la  pensée  qui  a  dicté  l'article  ;  mais 
il  est  plus  difficile  de  préciser  les  éléments  du  délit.  Cependant  deux  condi- 
tions principales  sont  exigées  :  d'une  part,  l'un  des  moyens  frauduleux  à  l'aide 
desquels  s'opère  la  hausse  ou  la  baisse,  et,  d'une  autre  part,  l'événement  de 
cette  hausse  ou  de  cette  baisse  opérée  par  ces  moyens.  La  vraie  difficulté  de 
cette  matière  est,  d'abord,  de  définir  chacun  des  moyens  employés,  ensuite  de 
constater  le  lien  qui  unit  l'emploi  de  ces  moyens  et  )e  résultat.  Qu'est-ce  qu'il 
faut  entendre  par  des  faits  faux  ou  calomnieux  semés  à  dessein  dans  le  public,  par 
les  suroffres  faites  au  prix  des  vendeurs,  par  la  réunion  ou  coalition  des  déten- 
teurs d'une  marchandise,  enfin  par  les  voies  ou  moyens  frauduleux  quelconques 
qui  peuvent  être  employés  dans  le  môme  but?  Il  est  évident  que  cette  der* 
nière  formule,  qui  comprend  toutes  les  fraudes,  et  qui  rendrait  peut-être  les 
premières  inutiles,  laisse  à  l'appréciation  du  juge  tous  les  moyens  employés 
pour  produire  la  hausse  ou  la  baisse  des  marchandises  et  des  effets  publics.  Il 
importe  seulement  de«constater  qu'à  l'aide  de  ces  moyens  frauduleux  la  hausse 
on  la  baisse  a  été  opérée.  L'art.  419  ne  prononce  en  effet  de  pénalité  que  dans 
le  seul  cas  où  la  hausse  ou  la  baisse  a  eu  lieu,  ce  qui  exclut  formellement  la 
simple  tentative  du  délit. 

La  peine  s'élève  de  deux  mois  à  deux  ans,  et  l'amende  de  1,000  à  20,000  Ir., 
aux  termes  de  l'art  420,  «  si  ces  manœuvres  ont  été  pratiquées  sur  grains,  gre* 
naiiles,  fieurines,  substances  farineuses,  pain,  vin  ou  toute  autre  boisson,  i  Cest 

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432     VINGT-TROISlèHE  LKÇ.  —  DES  CRIMB8   BT  DÉLITS,  ETC.   (N*   474). 

la  natnn  de  la  marehaadlse  qui  fait  ici  raggravation.  L'État  a  dA  attacher  une 
plus  grande  importance  aux  manœuvres  qai  influent  sur  les  cours  d*ane  den- 
rée qui  fait  la  base  de  l'alimentation  publique,  et  dont  les  prix  peuvent  exercer 
une  influence  directe  sur  la  tranquillité. 

DBS  PAIUS  SUR  LA  HiLDSSB  OU  LA  BAISSE  DES  EFFETS  PUBLICS. 

478.  Notre  Gode  pénal  avait  voulu  interdire  les  jeux  de  bourse  et  frapper 
l'agiotage  qui  opère  sur  des  valeurs  fictives. 

«  Art.  421.  Les  paris  qui  auront  été  faits  par  la  hausse  ou  la  baisse  des  effets 
publics  seront  punis  des  peines  portées  par  l'art.  419.  » 

«  Abt.  422.  Sera  réputée  pari  de  ce  genre  toute  convention  de  vendre  ou  de 
livrer  des  effets  publics  qui  ne  seront  pas  prouvés  par  le  vendeur  avoir  existé  à  sa 
disposition  au  temps  de  la  convention,  ou  avoir  dû  s'y  trouver  au  temps  de  la 
livraison.  » 

c  II  résulte  de  cette  définition,  porte  l'exposé  des  motifs,  que  le  but  de  la  loi 
est  de  réprimer  une  foule  de  spéculateurs  qui,  sans  avoir  aucune  espèce  de 
solvabilitié,  se  livrent  à  ces  jeux,  et  ne  craignent  pas  de  tromper  ceux  avec  qui 
ils  traitent.  La  loi  soumet  le  vendeur  seul  à  la  preuve  qu'elle  exige,  parce  que 
c'est  lui  qui  promet  de  livrer  la  chose.  Mais  si  la  promesse  de  livrer  existe  de 
la  part  des  deux  contractants,  la  preuve  est  nécessaire  pour  l'un  et  pour  l'autre  ; 
car  tous  deux  sont  respectivement  vendeurs  et  acheteurs.  Ce  moyen  de  répres- 
sion, loin  de  nuire  en  aucune  manière  aux  opérations  des  spéculateurs  hon- 
nêtes et  délicats,  les  rendra  moins  périlleuses,  en  les  délivrant  du  concours 
de  ceux  qui,  n'ayant  rien  à  perdre,  osent  tout  risquer.  » 

Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  la  loi  a  voulu  punir  les  marchés  d'effets 
publics  faits  à  terme  et  sans  livraison.  Les  arrêts  du  conseil  du  7  août  1785  et 
du  2'2  sept.  1786,  les  lois  des  28  vendémiaire  et  13  fructidor  an  IV  les  avaient 
déjà  interdits.  L'art.  422  n'a  point  abrogé  ces  lois  ;  il  ne  s'occupe  que  des  con- 
tractants et  non  des  marchés  eux-mêmes.  Il  suppose  frauduleux,  ou  du  moins 
dangereux  pour  Tordre,  les  marchés  à  terme,  et  punit  ceux  qui  les  contrac*- 
tent.  Quant  à  ces  marchés  eux-mêmes,  ils  sont  nuls  et  sans  effet  légal  d'après 
le  texte  formel  des  lois  antérieures.  Cependant,  il  faut  le  dire,  toutes  ces  pro- 
hibitions sont  demeurées  stériles  ;  soit  que  ces  textes  niaient  pas  paru  précis^ 
soit  qu'il  soit  difficile  de  saisir  ces  transactions  illicites,  soit  enfin  que  des 
poursuites  &  ce  sujet  aient  paru  plus  périlleuses  que  salutaires,  les  art.  421  et 
422  n'ont  reçu  qu'une  rare  application. 

DB  LA  TROMPERIE  SUR  LA  NATURE  DBS  CHOSES  VENDUES  ET  DE  LA  VENTE  A  FAUX 
POIDS  ET  A  FAUSSES  MESURES. 

474.  L'art.  423  prévoit  deux  délits  distincts  :  la  tromperie  sur  la  nature  des 
choses  vendues,  et  la  tromperie  sur  la  quantité  des  mêmes  choses  par  usage 
de  faux  poids  et  de  fausses  mesures. 

«  Art.  423.  Quiconque  aura  trompé  l'acheteur  sur  le  titre  des  matières  d'or  ou 
d'argent,  sur  la  qualité  d'une  pierre  fausse  vendue  pour  fine,  sur  la  nature  de 
toutes  marchandises  ;  quiconque,  par  usage  de  £snx  poids  ou  de  fausses  mesures, 

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DE  LA  TROMPKRIB  SUR  LES  CHOSES  VENDUES  (aRT.   423).  433 

aura  trompé  sur  la  quantité  des  choses  vendues,  sera  puni  de  l'emprisonnement 
pendant  trois  mois  au  moins,  un  an  au  plus,  et  d'une  amende  qui  ne  pourra  excé- 
der le  quart  des  restitutions  et  dommages-intérêts,  ni  être  au-dessous  de  50  fr. 
Les  objets  du  délit,  ou  leur  valeur,  s'ils  appartiennent  encore  au  vendeur,  seront 
oonlisqués.  » 

La  loi  du  13  mai  1863  a  ajouté  un  paragraphe  ainsi  conçu  : 

<t  Le  tribunal  pourra  ordonner  Taffiche  du  jugement  dans  les  lieux  qu'il  dési- 
gnera, et  son  insertion  intégrale  ou  par  extrait  dans  tous  les  journaux  qu'il  dési- 
gnera, le  tout  aux  frais  du  condamné*  » 

Lorsqu'il  s'agit  des  matières  d'or  et  d'argent^  soit  des  pierres  précieuses, 
c'est  la  tromperie  sur  Tidentité  de  la  chose  vendue  qui  constitue  le  délit.  Mais, 
hors  ces  deux  cas,  ce  n'est  pas  seulement  le  défaut  d'identité,  ce  sont  les  cir- 
constances qui  changent  la  nature  de  la  marchandise  que  la  loi  a  voulu  saisir. 
Ainsi,  toute  tromperie  opérée  par  ruses  et  artifices,  et  qui  a  pour  objet  d'égarer 
l'acheteur  sur  la  nature  de  la  chose  vendue,  rentre  dans  les  termes  de  la  loi. 

476.  La  tromperie  sur  la  quantité  par  l'emploi  de  faux  poids  ou  de  fausses 
mesures  a  un  caractère  plus  grave.  On  lit  dans  l'exposé  des  motifs  du  Gode  ^: 
c(  Le  Gode  contient  des  dispositions  non-seulement  contre  ceux  qui  font  usage 
de  faux  poids  ou  de  fausses  mesures,  mais  aussi  contre  ceux  qui  se  servent 
d'autres  poids  et  d'autres  mesures  que  ceux  qui  ont  été  établis  par  les  lois  de 
l'État  Ges  deux  actes  n'étant  pas  susceptibles  d'une  assimilation  parfaite,  il- a 
dû  être  établi  quelque  différence  dans  les  peines.  Un  mot  suffira  pour' en  faire 
sentir  la  nécessité.  En  effet,  l'usage  des  faux  poids  et  des  fausses  mesures 
comprend  nécessairement  une  fraude.  Il  n'en  est  pas  de  môme  de  l'usage  des 
poids  et  mesures  anciens;  celui-ci  peut  n'être  pas  accompagné  de  fraude,  et  si 
la  fraude  n'existe  pas,  ce  n'est  point  un  délit,  c*est  une  contravention.  •  Cette 
dernière  hypothèse  fait  l'objet  de  l'art.  426,  qui  renvoie  lui-même  aux  art.  479, 
n<»  6,  480,  n?  2  et  481,  n®  1,  parce  que  les  iaiis  qui  y  sont  prévus  ne  consti- 
tuent qu'une  simple  contravention  de  police. 

Le  délit  prévu  par  le  deuxième  paragraphe  de  l'art.  453  n'existe  qu'autant  qtte 
la  tromperie  sur  la  quantité  des  choses  vendues  a  été  faîte  avec  emploi  de 
faux  poids  et  de  fausses  mesures.  Que  faut-il  entendre  par  faux  poids  et 
fausses  mesures  ?  Il  faut  entendre  les  instruments  de  pesage  ou  de  mesurage 
qui  sont,  non  pas  seulement  irréguliers,  mais  inexacts.  A  la  vérité,  la  loi  du 
4  Juillet  1837,  sur  les  poids  et  mesures,  a  assimilé  les  poids  et  mesures  irrégu- 
liers à  ceux  qui  sont  faux  :  mais  cette  assimilation  n'existe  qu'à  raison  de  la 
contravention  résultant  de  leur  détention  dans  une  maison  de  commerce,  et 
non  à  raison  de  leur  usage. 

476.  L'art.  423  a  été  étendu  par  la  loi  du  26  mUTs  1851,  relative  à  la  vente 
des  denrées  alimentaires  et  médicamenteuses.  Je  crois  devoir  mettre  sous  tos 
yeux  le  texte  de  cette  loi  : 

«  Loi  du  27  mars  1851  :  —  Art.  1.  Seront  punis  des  peines  portées  par  l'art.  423 
du  Gode  pénal,  l""  ceux  qui  falsifieront  des  substances  ou  denrées  alimentaires  ou 
médicamenteuses  destinées  à  être  vendues  ;  2''  ceux  qui  vendront  ou  mettront  en 
vente  des  substances  ou  denrées  alimentaires  ou  médicamenteuses  qu'ils  auront 

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434     VINGT-TROISIÈME  LBÇ.  —  DBS  CRIMES  ET   DÉLITS,  ETC.  (n""  476). 

Alsiflées  ou  corrompues;  3'  ceux  qui  auront  trompé  ou  tenté  de  tromper  sur  la 
quantité  des  choses  livrées  les  personnes  auxquelles  ils  vendent  ou  achètent,  soit 
par  l'usage  de  faux  poids  ou  de  fausses  mesures,  ou  d'instruments  inexacts  ser- 
vant au  pesage  ou  mesurage,  soit  par  des  manœuvres  ou  procédés  tendant  à 
fausser  l'opération  du  pesage  ou  mesurage,  ou  à  augmenter  frauduleusement  le 
poids  ou  le  volume  de  la  marchandise,  môme  avant  cette  opération,  soit  enfin  par 
des  indications  frauduleuses  tendant  à  faire  croire  à  un  pesage  ou  mesurage  anté- 
rieur et  exact.  —  Art.  2.  Si,  dans  les  cas  prévus  par  l'art.  423  du  Code  pénal,  ou 
par  Fart.  1*'  de  la  présente  loi,  il  s'agit  d'une  marchandise  contenant  des  mixtions 
nuisibles  à  la  santé,  Tamende  sera  de  50  &  500  fr.,  à  moins  que  le  quart  des  resti- 
tutions et  dommages-intérêts  n'excède  cette  dernière  somme,  et  l'emprisonnement 
sera  de  trois  mois  à  deux  ans.  Le  présent  article  sera  applicable  même  au  cas  où 
la  falsification  nuisible  serait  connue  de  l'acheteur  od  consommateur.  —  Art.  3. 
Seront  punis  d'une  amende  de  16  à  25  fr.,  et  d'un  emprisonnement  de  six  à  dix 
jours,  ou  de  l'une  de  ces  deux  peines  seulement,  suivant  les  circonstances,  ceux 
qui,  sans  motifs  légitimes,  auront  dans  leurs  magasins,  boutiques,  ateliers  ou* 
maisons  de  commerce,  ou  dans  les  halles,  foires  ou  marchés,  soit  des  poids  ou 
mesures  faux,  ou  autres  appareils  inexacts  servant  au  pesage  ou  mesurage  des 
substances  alimentaires  ou  médicamenteuses  qu'ils  sauront  être  falsifiées  ou  cor- 
rompues. Si  la  substance  falsifiée  est  nuisible  à  la  santé,  l'amende  pourra  être 
portée  à  50  fr.  et  l'emprisonnement  à  quinze  jours.  —  Art.  4.  Lorsque  le  prévenu, 
convaincu  de  contravention  à  la  présente  loi  et  à  l'art.  423  du  Gode  pénal,  aura, 
dans  les  cinq  années  qui  auront  précédé  le  délit,  été  condamné  pour  infraction  à 
la  présente  loi  et  ^  l'art.  423,  la  peine  pourra  être  élevée  jusqu'au  double  du  m<m- 
mum  ;  l'amende  prononcée  par  l'art.  423  et  par  les  art.  1  et  2  de  la  présente  loi 
pourra  même  être  portée  jusqu'à  1^000  fr.,  si  la  moitié  des  restitutions  et  dom> 
mages-intérêts  n'excède  pas  cette  somme  :  le  tout  sans  préjudice  de  l'application, 
s'il  y  a  lieu,  des  art.  57  et  58  du  Gode  pénal.  —  Art.  5.  Les  objets  dont  la 
vente,  usage  ou  possession  constituent  le  délit,  seront  confisqués  conformément  è 
l'art.  423  et  aux  art.  477  et  481  du  Gode  pénal.  S'ils  sont  propres  à  un  usage 
alimentaire  ou  médical,  le  tribunal  pourra  les  mettre  à  la  disposition  de  l'admi- 
nistration, pour  être  attribués  aux  établissements  de  bienfaisance.  S'ils  sont  im- 
propres à  cet  usage  ou  nuisibles,  les  objets  seront  détruits  ou  répandus  aux  frais 
du  condamné.  Le  tribunal  pourra  ordonner  que  la  destruction  ou  effusion  aura 
lieu  devant  rétablissement  ou  le  domicile  du  condamné.  —  Art.  6.  Le  tribunal 
pourra  ordonner  l'affiche  du  jugement  dans  les  lieux  qu'il  désignera  et  son  inser- 
tion intégrale  ou  par  extrait  dans  tous  les  journaux  qu'il  désignera,  le  tout  aux 
frais  du  condamné.  —  Art.  7.  L'article  463  du  Gode  pénal  sera  applicable  aux 
délits  prévus  par  la  présente  loi.  —  Art.  8.  Les  deux  tiers  du  produit  des  amendes 
sont  attribués  aux  communes  dans  lesquelles  les  délits  auront  été  constatés.  — 
Art.  9.  Sont  abrogés  les  art.  475  n*  14,  et  479  n*  5,  du  Gode  pénal.  » 

Il  n'est  pas  inutile  d'arrêter  un  moment  votre  attention  sur  cette  loi  qui, 
en  comblant  nne  lacane  de  Tart.  423,  s'est  incorporée  en  quelque  sorte  dans 
cet  article  qu'elle  a  complété.  Notons,  d'abord,  que  la  loi  du  27  mars  1851,  qui 
ne  s'appliquait  qu'à  la  vente  des  denrées  alimentaires  ou  médicamenteuses, 
a  été  étendue  à  la  vente  des  boissons,  par  une  loi  du  5  mai  1855,  ainsi  conçue  : 
«  Les  dispositions  de  la  loi  da  27  mars  1851  sont  applicables  aux  boissons.  » 
Cela  posé,  il  faut  établir  quelques  règles  qui  dominent  l'application  de  ces 
deux  lois.  La  première  est  qu'elles  ne  s'appliquent  qu'aux  tromperies  sur  la 
nature  de  la  marchandise,  et  non  aux  tromperies  sur  la  qualité.  £n  effet,  on  a 

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DE  LA  TROBIPBRIB  SUR  LES  CH0&B8  VENDUES  (ART.  423).  4«?5 

ra  que  la  tromperie  sur  la  qualité  de  la  chose  vendue  est  restreinte  par  Far- 
licle  423  aux  matières  d*or  et  d'argent  et  aux  pierres  fausses  vendues  pour 
fines,  et  la  loi  ne  Ta  point  étendue  à  la  vente  des  autres  marchandises;  la 
raison  en  est  que  Tacheteur  peut  s*as8urer  de  la  qualité  de  la  marchandise, 
peut  en  débattre  le  prix,  mais,  quant  à  la  nature,  sa  confiance  est  souvent 
forcée.  La  fraude  pratiquée  sur  la  qualité  ne  donne  lieu  qu'à  une  action  civile 
en  rescision  de  la  vente  ou  en  réduction  du  prix.  U  y  a  lieu  cependant  d'ex- 
cepter les  cas  où  la  tromperie  sur  la  qualité  est  assez  grave  pour  affecter  la 
nature  du  produit  et  le  rendre  impropre  à  sa  destination  :  la  jurisprudence  a 
vu  dans  ces  cas  une  véritable  tromperie  sur  la  nature  même  de  la  marchandise. 
Une  autre  règle  est  que  les  lois  des  27  mars  1851  et  5  mai  1855,  de  môme 
que  l'art.  423,  s*étendent,  non-seulement  à  la  vente  en  détail  des  denrées, 
mais  à  la  vente  en  gros  et  à  la  fabrication  en  vue  de  la  vente.  Les  termes  de 
la  loi  du  27  mars  ont,  en  effet,  entendu  comprendre  tous  les  vendeurs  ou  les 
acheteurs,  que  la  vente  soit  faite  en  gros  ou  en  détail,  que  la  marchandise 
soit  exposée  ou  fabriquée  pour  la  vente  dans  les  magasins  ou  ateliers  du  fabri- 
cant ou  du  vendeur.  Une  troisième  règle  est  que,  bien  que  Part.  423  et  la  loi 
du  27  mars  1851«n'aient  énoncé  que  la  vente,  la  même  raison  doit  étendre  Tin- 
crimination  a  réchange,  qui  n'est  qu'un  mode  de  la  vente.  Mais  cette  incrimi- 
nation s'appliquerait-elle  à  rapport  de  la  denrée  fabriquée  par  un  associé  dans 
une  société  commerciale  ?  La  jurisprudence  Ta  décidé  affirmativement  dans 
une  espèce  où  Tassocié  avait  fait  apport  de  vins  frauduleusement  falsifiés  des- 
tinés à  être  vendus  à  des  tiers,  et  la  raison  est  a  que  l'apport  de  ces  vins  fal- 
sifiés dans  la  société,  avec  estimation  de  leur  vsdeur,  ayant  eu  pour  consé- 
quence d'en  transférer  la  propriété  à  l'être  moral  de  la  société,  constituait,  au 
profit  de  ladite  société,  une  aliénation  et  une  vente  qui  soumettaient  le  pré- 
venu aux  obligations  imposées  par  la  loi  au  vendeur  envers  son  acheteur.  > 
On  peut  répondre  que,  si  l'apport  en  société,  de  même  que  la  dation  en  paye- 
ment d'une  chose,  ont  quelques-uns  des  effets  de  la  vente,  ces  contrats  cepen- 
dant en  diffèrent  et  ne  sont  pas  compris  dans  les  termes  de  la  loi  pénale  ; 
ensuite,  que  cette  loi,  qui  a  voulu  assurer  la  sincérité  du  commerce,  s'appli- 
que surtout  aux  ventes  qui  ne  sont  pas  suivies  d'une  vérification  immédiate. 
La  tromperie  sur  la  quantité  des  choses  vendues  n'existe  que  par  le  concours 
de  trois  conditions  :  il  est  nécessaire  que  le  vendeur  ait  eu  l'intention  de 
tromper,  que  la  tromperie  ait  porté  sur  la  quantité  des  choses  vendues,  que  le 
moyen  employé  pour  la  consommer  ait  été  ou  l'emploi  de  faux  poids  ou  de 
fausses  mesures,  ou  des  manœuvres  tendant  à  fausser  l'opération  du  pesage 
ou  du  mesurage,  ou  des  indications  frauduleuses  tendant  à  faire  croire  à  un 
pesage  ou  mesurage  antérieur  et  exact.  La  loi  exige  formellement  l'intention 
de  tromper  ;  elle  ne  punit  que  celui  qui  a  trompé  l'acheteur,  U  faut  que  l'ache- 
teur ait  été  trompé  sur  la  quantité  des  choses  vendues  :  c'est  là  le  préjudice 
matériel.  Enfin,  il  faut  que  la  tromperie  ait  été  opérée  par  l'un  des  moyens 
prévus  par  la  loi,  c'est-à-dire,  par  usage  de  faux  poids  ou  de  fausses  mesures, 
ce  qui  s'entend  de  tous  appareils  ou  instruments  inexacts  servant  au  pesage 
ou  mesurage;  par  des  manœuvres  ou  procédés  tendant  à  fausser  Vopération  :  il 
serait  difficile  de  les  définir  avec  précision  :  le  délit  se  compose  de  trois 
éléments  :  les  manœuvres  ou  procédés  frauduleux  mis  en  œuvre,  l'objet  de  la 

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436     VINGT-TROISIÈME  LEÇ.  —  DBS  CRIMES  ET  DÉLITS,  ETC.  (n*  477). 

fraude  qui  est  de  fausser  le  pesage,  et  enfin  le  résultat,  la  tromperie  sur  la 
quantité.  Enfin,  par  les  indications  ftaudnJeuses  faisant  croire  à  un  pesage- 
antérieur  et  exact  :  il  faut  que  ces  indications  soient  matérielles  et  visibles  : 
un  chiffre,  un  signe  quelconque,  une  dédatetion  verbale  ne  suffirait  pas. 

DBS  CONTREFAÇONS. 

477.  Cette  matière,  qui  comprend  toute  atteinte  aux  droits  des  auteurs  sur 
leurs  inventions,  est  bien  vaste.  Je  vais  essayer  de  la  resserrer  dans  d'étroites 
limites.  J'écarte  d'abord  tout  ce  qui  tend  à  établir  le  droit  même  de  propriété. 
Les  règles  qui  concernent  ce  droit  rentrent  dans  le  domaine  de  la  loi  civile.  Je 
distingue  ensuite  les  contrefaçons  littéraires  et  artistiques  et  les  contrefaçons 
industrielles.  Ces  dernières,  qui  ont  fait  l'objet  des  lois  des  7  janvier  1791  et  & 
juillet  1844,  sont  étrangères  au  Gode  pénal,  et  dès  lors  ne  doivent  point  attirer 
notre  attention. 

Notre  Gode  a  défini  ainsi  le  délit  de  contrefaçon  : 

«  Art.  425.  Toute  édition  d'écrits,  de  composition  musicale»  de  dessin,  de  pein« 
ture  ou  de  toute  autre  production,  imprimée  ou  gravée  en  entier  ou  en  partie  au 
mépris  des  lois  et  règlements  relatifs  à  la  propriété  des  auteurs,  est  une  contre- 
ûiçon  ;  et  toute  contrefaçon  est  un  délit.  » 

«  Art.  426.  Le  débit  d'ouvrages  contrefaits,  l'introduction  sur  le  territoire  fran- 
çais d'ouvrages  qui,  après  avoir  été  imprimés  en  France,  ont  été  contrefaits  chez 
l'étranger,  sont  un  délit  de  Ja  môme  espèce,  » 

Il  résulte  évidemment  de  ces  textes  que,  pour  qu'il  y  ait  délit  de  contre* 
façon,  il  faut  une  reproduction  entière  ou  partielle  d'une  œuvre  artistique  ou 
littéraire  appartenant  à  autrui.  Mais  on  ne  doit  pas  en  induire  que  toute 
reproduction  soit  constitutive  de  la  contrefaçon.  En  premier  lieu,  ce  n'est  pas 
la  reproduction  de  la  pensée  que  la  loi  incrimine,  c'est  la  reproduction  de 
l'ouvrage,  c'est  une  édition  nouvelle  imprimée  ou  gravée  au  mépris  du  droit 
de  l'auteur.  La  pensée,  puisée  dans  la  société,  appartient  à  la  société.  La 
ibrme  de  la  pensée,  l'œuvre  matérielle  est  la  seule  propriété  que  la  loi  protège. 
La  reproduction  elle-même  est  autre  chose  que  l'imitation  et  le  plagiat  :  l'imi- 
tation exclut  la  reproduction,  car  par  cela  seul  qu'elle  suit  le  même  procédé 
ou  traite  le  même  sujet  par  un  procédé  différent,  elle  ne  le  reproduit  pas  exac- 
tement; le  plagiat,  qui  copie  servilement  et  cache  ses  emprunts,  ne  fait,  en 
général,  que  peu  de  tort  à  la  propriété.  Enfin,  la  reproduction  est  entière  ou 
partielle;  or,  la  reproduction  partielle  peut  avoir  quelques  difficultés  :  les  cita- 
tions, d'abord,  quoiqu'elles  soient  une  reproduction  partielle,  ne  rentrent  pas 
dans  les  termes  de  la  loi.  Mais  il  faut  distinguer  les  citations  et  les  emprunts  : 
les  citations  formellement  avouées  ne  comportent  aucune  mauvaise  foi  et  ne 
causent  aucun  préjudice  ;  les  emprunts,  au  contraire,  s'ils  sont  importants, 
peuvent  être  considérés  comme  reproduction  partielle.  Est-ce  reproduire  une 
œuvre  scientifique  que  d'en  faire  un  abrégé?  Oai,  sans  doute,  si,  en  prenant 
la  substance,  les  idées  et  le  plan  de  l'œuvre  principale,  on  la  rend  à  peu  près 
inutile,  si  on  lui  substitue  une  édition  qui,  sans  être  tout  à  fait  identique, 
peut  la  remplacer  dans  le  commerce. 

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DBS  G0NTRBFAÇON8  (aRT.   426).  437 

478.  La  loi  n'a  prévu  qne  la  contrefaçon  qui  s'opère  par  Vimprution  et  la 
gramtre.  Suit-il  de  là  qoe  les  autres  moyens  de  reproduction  soient  licites  ? 
Non,  car  la  loi  a  voulu  protéger  toute  autre  production  de  Tesprit;  ainsi,  la 
reproduction  d'une  œuvre  de  sculpture,  la  copie  d'un  tableau,  sont  des  actes 
de  contrefaçon,  bien  que  les  procédés  employés  ne  soient  pas  prévus  par  la 
loi  :  il  importe  peu,  d'ailleurs,  que  les  œuvres  contrefaites  aient  été  ou  non 
mises  en  vente.  Ce  n'est  pas  seulement  le  préjudice  éprouvé,  c'est  le  préjudice 
possible  qui  fait  l'objet  de  la  garantie  légale.  S'il  en  était  autrement,  il  faudrait, 
quand  une  édition  contrefaite  est  saisie,  n'accorder  de  dommages-intérêts  qu'à 
raison  des  exemplaires  effectivement  vendus.  Ce  serait  éluder  la  loi  et  con- 
sacrer l'impunité.  Le  caractère  de  contrefaçon  s'attacbe  à  toute  fabrication 
illicite  susceptible  de  porter  préjudice  à  l'exploitation  vénale  de  l'auteur. 

479.  Quelles  sont  les  œuvres  que  protège  la  loi?  La  loi  du  19  juillet  1793 
porte  :  «  Art.  1».  Les  auteurs  d'écrits  en  tous  genres,  les  compositeurs  de 
musique,  les  peintres  et  dessinateurs  qui  feront  graver  des  tableaux  ou  dessins, 
jouiront  durant  leur  vie  entière  du  droit  exclusif  de  vendre,  faire  vendre,  dis- 
tribuer leurs  ouvrages  dans  le  territoire  de  la  République,  et  d'en  céder  la  pro- 
priété en  tout  ou  en  partie.  —  Art.  2.  Leurs  héritiers  ou  cessionnaires  joui- 
ront du  même  droit  durant  l'espace  de  dix  ans  après  la  mort  des  auteurs.  — 
Art.  3.  Les  héritiers  de  l'auteur  d'un  ouvrage  de  littérature  ou  de  gravure  ou 
de  toute  autre  production  de  l'esprit  ou  du  génie  qui  appartient  aux  beaux- 
arts,  en  auront  la  propriété  exclusive  pendant  dix  années*  >  Le  décret  du 
h  février  1810  a  étendu  par  son  art.  39  ce  délai  à  vingt  ans.  Les  décrets  des 
1er  germinal  an  XIII  et  8  juin  1806  ont  étendu  ce  droit  de  propriété  aux  œuvres 
posthumes.  A  ces  lois  et  décrets,  auxquels  se  référait  l'art.  425,  il  fiant  ajouter 
la  loi  du  3  août  1844,  le  décret  du  28  mars  1852  et  la  loi  du  8  avril  1854.  La 
loi  du  3  août  1844  est  ainsi  conçue  :  c  Les  veuves  et  les  enfants  des  auteurs 
d'ouvrages  dramatiques  auront  à  l'avenir  le  droit  d'en  autoriser  la  représen- 
tation et  d*en  conférer  la  jouissance,  conformément  aux  dispositions  des 
art  39  et  40  du  décret  du  5  février  1810.  »  Le  décret  du  28  mars  1852 
porte  ce  qui  suit  :  c  ArL  i^,  La  contrefaçon,  sur  le  territoire  français,  d'ou-^ 
Trages  publiés  à  l'étranger  et  mentionnés  en  l'art.  425  du  Gode  pénal,  constitue 
un  oilit.  —  Art  2.  Il  en  est  de  même  du  débit,  de  l'exportation  et  de  l'expé- - 
ditîon  des  ouvrages  contrefaits.  L'exportation  et  rSxprâîGôn'Té  ces  ouvrages" 
sont  un  dent  de  la  même  espèce  que  l'introduction  sur  le  territoire  français 
4'ouvrages  qui,  après  avoir  été  imprimés  en  France,  ont  été  contrefafts  â 
l'étranger-  —  Art.  3.  Les  délits  prévus  par  les  articles  précédents  seront  répri- 
més conformément  aux  art.  427  et  429  du  Gode  pénal.  Kart.  463  du  même 
'Gode  pourra  être  appliqué.  »  Art.  4.  Néanmoins  la  poursuite  ne  sera  admise 
-que  sous  l'accomplissement  des  conditions  exigées  relativement  aux  ouvrages 
publiés  en  France,  notamment  par  l'art.  6  de  la  loi  du  19  juillet  1793.  •  La  loi 
du  8  avril  1854  dispose  que  :  c  les  veuves  des  auteurs,  des  compositeurs  et  des 
artistes  jouiront,  pendant  toute  leur  vie,  des  droits  garantis  par  les  lois  des 
13  janvier  1791  et  19  juillet  1793,  le  décret  du  5  février  1810,  la  loi  du  5  août 
1844  et  les  autres  lois  ou  décrets  sur  la  matière.  La  durée  de  la  jouissance 
accordée  aux  enfants  par  ces  mômes  lois  et  décrets  est  portée  à  trente  ans,  à 

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438      VWGT-TEOWlilfll  Ï-BÇ-  —  DE»  CBIMES  ET  DÉLITS,  ETC.   (n*   481)- 

partir  toit  dfl  déeftf  de  rantenr,  eompositear  ou  artiste,  soit  de  Pextinction 
des  droite  de  la  Teave.  •  Enfin  la  loi  dn  14  juillet  1866  a  porté  à  cinqaante  ans 
la  dorée  de  ces  droite. 

Les  peines  delaeootrefaçon  sont,  anz  termes  des  art  427  et  429  : 1«  Tamende 
de  100  i  2,000  fr.;  2*  la  confiscation  de  l'édition contrekite;  3®  les  indemnités 
an  propriétaire  dn  préjadioe  qn'ii  a  sonffért 

480.  La  contrefaçon  des  oaTrages  dramatiques  a  donné  lien  à  nne  dlsposi- 
tion  particulière  : 

«  Abt.  428.  Tout  directeur,  tout  entrepreneur  de  spectacle,  toute  association 
d'artistes,  qui  aura  foit  représenter  sur  son  théâtre  des  ouvrages  dramatiques  au 
mépris  des  lois  et  règlements  relatifs  i  la  propriété  des  auteurs,  sera  puni  d'une 
amende  de  50  fr.  au  moins,  de  500  fr.  au  plus,  et  de  la  confiscation  des  recettes.  » 

il  ne  s'agit  que  des  représentations  faites  moyennant  un  prix  d'entrée  :  les 
antres,  ne  lésûit  pas  les  droite  des  auteurs,  ne  rentrent  pas  dans  les  termes 
de  la  loi. 

DéUTS  DES  FOUHinSSEUBS. 

481.  Le  Gode  pénal  n'a  prévu,  pour  leur  imposer  une  responsabilité  pénale, 
que  trois  actes  des  fournisseurs  de  l'État,  d'où  peut  résulter  un  préjudice  : 
!•  les  fautes  des  fournisseurs  qui  font  manquer  les  services  dont  ils  sont  char- 
gés; 2^  les  retards  qu'ils  apportent  à  leurs  livraisons  ou  à  leurs  travaux;  3^ les 
fraudes  qu'ils  commettent  dans  les  fournitures  qui  leur  sont  confiées.  Dans  le 
premier  cas,  les  faits  sont  qualifiés  crimes  par  la  loi;  dans  les  deux  autres,  ils 
ne  constituent  que  de  simples  délite. 

«  Art.  430.  Tous  individus  chargés,  comme  membres  de  compagnie  ou  indivi- 
duellement, de  fournitures,  d'entreprises  ou  régies  pour  le  compte  des  armées  de 
terre  et  de  mer,  qui,  sans  y  avoir  été  contraints  par  une  force  majeure,  auront 
fait  manquer  le  service  dont  ils  sont  chargés,  seront  punis  de  la  peine  de  la  réclu- 
sion et  d'une  amende  qui  ne  pourra  excéder  le  quart  des  dommages-intérêts,  ni 
être  au-dessous  de  500  fr.  ;  le  tout  sans  préjudice  de  peines  plus  fortes  en  cas  d'in 
teUigence  avec  Tennemi.  » 

«  Aar.  431.  Lorsque  la  cessation  du  service  proviendra  du  fait  des  agente  des 
fournisseurs,  les  agente  seront  condamnés  aux  peines  portées  par  le  précédent 
article.  Les  fournisseurs  et  leurs  agents  seront  également  condamnés  lorsque  les 
uns  et  les  autres  auront  participé  au  crime.  » 

a  ART.  432.  Si  des  fonctionnaires  publics  ou  des  agents  préposés  ou  salariés  du 
gouvernement,  ont  aidé  les  coupables  &  faire  manquer  le  service,  ils  seront  punis 
de  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps,  sans  préjudice  des  peines  plus  fortes  en 
cas  d'intelligence  avec  Tennemi.  » 

Il  résulte  de  ces  articles  qu'ils  ne  s'appliquent  qu'aux  fournisseurs  des 
armées  de  terre  et  de  mer.  C'est  leur  qualité  de  fournisseurs  qui  transforme 
dans  ce  cas  en  crime  la  simple  infraction  au  service.  Le  fait  matériel  n'est 
autre  chose  que  le  manquement  même  à  ce  service.  Mais  le  sort  d'une  armée 
et  la  destinée  de  l'Ëtet  peuvent  en  dépendre. 

L'arU  433  prévoit  les  simples  retards  et  les  fraudes  sur  les  choses  fournies» 


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DB  l'ingbndib.  439 

«  Art.  432.  Quoique  le  service  n'ait  pas  manqué,  si,  par  négligence,  les  livrai- 
sons et  les  travaux  ont  été  retardés,  ou  s'il  y  a  eu  fraude  sur  la  nature,  la  qualité 
ou  la  quantité  des  travaux  ou  main-d'œuyre  ou  des  choses  fournies,  les  coupables 
seront  punis  d'un  emprisonnement  de  six  mois  au  moins  et  de  cinq  ans  au  plus, 
et  d'une  amende  qui  ne  pourra  excéder  le  quart  des  dommages-intérêts,  ni  être 
moindre  de  100  francs.  » 

Dans  les  deux  cas  préTus  par  cet  article,  le  service  est  mal  exécuté,  mais  il 
ne  manque  pas;  le  préjudice  n'est  pas  le  même,  et  c'est  à  raison  de  cette  diffé- 
rence que  le  fait  n'est  qualifié  que  de  délit.  Le  deuxième  fait,  au  surplus,  est 
le  même  que  celui  que  l'art.  423  a  déjà  prévu;  il  me  suffit  d'y  renvoyer. 

Le  deuxième  paragraphe  de  l'art,  433  porte  : 

«  Dans  les  divers  cas  prévus  par  les  articles  composant  le  présent  paragraphe, 
la  poursuite  ne  pourra  être  faite  que  sur  la  dénonciation  du  gouvernement.  » 

C'est  au  gonvernement,  c'est-à-dire  au  ministre  de  la  guerre  qui  le  repré- 
sente dans  cette  circonstance,  à  apprécier  la  gravité  du  fait  et  le  préjudice  qui 
en  est  résulté  :  les  tribunaux,  qui  n'ont  aucun  élément  pour  faire  une  telle 
appréciation,  ne  pourraient  se  saisir  sans  une  telle  dénonciation. 

VINGT-QUATRIÈME  LBÇON.  ] 

DE  l'iNGENDIB. 

482.  L'incendie  a  un  caractère  mixte  :  il  peut  être  employé  comme  moyen 
d'ôter  la  vie,  mais  le  plus  souvent  il  ne  menace  que  les  propriétés.  Le  Gode  de 
1810,  reproduisant  une  disposition  du  Gode  de  1791,  avait  porté  la  peine  de  mort 
contre  toute  espèce  d'incendie.  Gette  iniquité  a  frappé  l'attention  du  législa- 
teur de  1832  :  «  On  ne  peut  se  dissimuler,  a  dit  le  rapporteur  de  la  loi  du  28 
avril  1832,  qu'il  n'y  ait  entre  les  différents  cas  d'incendie,  quant  au  préjudice, 
quant  à  l'alarme,  quant  à  la  perversité,  un  intervalle  immense.  Toutes  les  rai- 
sons d'équité  exigent  donc  une  différence  dans  les  peines  comme  dans  les 
crimes,  et  votre  commission  les  a  jugées  supérieures  aux  raisons  d'utilité  qu'on 
allègue  pour  maintenir  l'uniformiié  de  peine  portée  par  le  Code  pénal.  Sans 
doute,  l'incendie  est  un  crime  à  part;  la  facilité  de  le  commettre,  la  difficulté 
de  le  prouver,  les  ravages  qu'il  exerce,  la  terreur  qu'il  répand,  appellent  toutes 
les  sévérités  delà  loi.  Dans  les  temps  de  troubles,  un  incendie  peut  devenir  un 
instrument  de  haine  politique,  une  vengeance  organisée  de  parti  ;  les  conspi- 
rations incendiaires  sont  le  plus  redoutable  auxiliaire  de  la  révolte.  Mais  remar- 
quez d'abord  que  la  peine  de  mort  n'a  pas  besoin  d'être  maintenue  pour  cette 
dernière  hypothèse;  elle  est  écrite  dans  l'art.  91  du  Gode  pénal,  qui  applique 
la  peine  capitale  (aujourd'hui  la  déportation  dans  une  forteresse)  au  complot 
lorsqu'il  a  pour  objet  de  porter  la  désolation  dans  une  ou  plusieurs  communes. 
—  Dans  les  temps  ordinaires,  il  peut  être  nécessaire  que  la  peine  de  mort  pro- 
tège la  vie  de  l'homme  lorsque  l'incendie  peut  la  mettre  en  danger;  mais  si  la 
vie  de  l'homme  n'a  pas  même  été  menacée,  l'incendie  n'est  autre  chose  qu'une 
dévastation  avec  circonstances  aggravantes;  et  n'y  a-t-il  pas  une  suffisante 
aggravation  de  peine  à  punir  des  travaux  forcés  à  temps  et  même  des  travaux 
forcés  à  perpétuité  une  simple  dévastation  ?  > 


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440     VINGT-QUATRIÈME  LEÇ.   —  DES   CRIMES  ET   DÉLITS,   ETC.  (n*  484). 

483.  L'art.  434,  rédigé  d'après  ces  motifs,  se  divise  en  six  paragraphes. 

a  AjiT.  434,  §  l*r.  Quiconque  aura  volontairement  mis  le  feu  à  des  édifices,  na* 
vires,  bateaux,  magasins,  chantiers,  quand  ils  sont  habités  ou  servent  à  l'habitation, 
et  généralement  aux  lieux  habités  ou  servant  à  Thabitation,  qu'ils  appartiennent 
ou  n'appartiennent  pas  à  l'auteur  du  crime,  sera  puni  de  mort.  » 

Quand  la  maison  est  habitée  on  sert  à  Thabitation,  il  y  a  présomption  que 
l'incendie  s'attaque  à  la  vie  de  Thomme  et  non  pas  seulement  à  la  propriété; 
il  est  considéré  comme  un  moyen  d^assassinat.  Cependant  la  loi  n'exige  point 
qu'il  y  ait  une  relation  directe  entre  la  volonté  et  le  résultat  de  l'incendie  ; 
elle  n'exige  point,  comme  dans  le  meurtre,  que  l'agent  ait  en  la  volonté  de 
taer;  elle  exige  seulement  qu'il  ait  eu  l'intention  d'incendier  une  maison  ha- 
bitée ;  elle  fait  peser  sur  lui  la  responsabilité  des  résultats  possibles  de  Tin- 
cendie.  Les  deux  éléments  du  crime  sont  donc  d'abord  la  volonté  de  mettre  le 
feu,  ensuite  le  fait  de  mettre  le  feu  à  l'un  des  objets  énomérés  par  la  loi.  Mais 
la  condition  générale,  qui  s'applique  à  tous  ces  objets,  est  qu'ils  consistent  dans 
des  lieux  habités  ou  servant  à  l'habitation. 

484.  Ici  s'élève  une  question  grave.  Faut-il  comprendre  dans  les  lieux  ser* 
vaut  à  l'habitation,  non-seulement  les  lieux  habités,  mais  leurs  dépendances? 
La  jurisprudence  a  résolu  affirmativement  cette  question,  attendu  que,  lorsque 
la  loi  fixe  elle-même  la  signification  des  termes  qu'elle  emploie,  il  n'est  pas 
permis  au  juge  de  restreindre  ni  d'étendre  cette  signification;  que  l'art.  390  dn 
Gode  pénal  détermine  d'une  manière  générale,  sans  limitation  aux  seuls  cas 
de  vol,  le  sens  et  l'étendue  de  l'expression  maison  habitée  employée  dans  ce 
Gode;  que,  d'après  cet  acticle,  on  doit  réputer  maison  habitée,  non-seulement 
tout  bâtiment,  logement,  etc.,  qui  est  destiné  à  l'habitation,  mais  aussi  tout  ce 
qui  en  dépend,  comme  cours,  basses-cours,  granges,  écuries,  édifices  qui  y  sont 
enfermés,  quel  qu'en  soit  l'usage  ;  que  le  législateur,  en  employant  dans  le 
premier  paragraphe  de  l'art.  434,  Texpression  lieux  habités  ou  servant  à  Vhabir 
tatioriy  ne  leur  a  pas  attribué  un  sens  moins  étendu  qu'à  celle  de  maison  habi- 
tée dont  la  définition  se  trouve  dans  l'art.  390,  qui  fait  partie  du  même  chapitre 
que  l'art.  434.  On  a  répondu  que  Fart.  390  n'a  eu  en  vue  et  n'a  pu  avoir  en 
vue  que  le  vol  et  le  danger  dont  il  menace  l'habitation;  il  protège  le  domicile 
et  toutes  ses  dépendances,  parce  qu'il  est  évident  que  les  voleurs,  introduits  dans 
les  cours,  basses-cours,  jardins,  menacent  la  sûreté  des  habitants  aussi  bien 
que  s'ils  étaient  entrés  dans  l'habitation  elle-même;  mais  ce  qui  s'applique  au 
vol  peut-il  s'appliquer  à  l'incendie?  Gomment  comprendre  l'incendie  d'une 
cour,  d'un  jardin,  d'un  enclos?  Gomment  comprendre  que  le  feu  mis  dans  cet 
enclos,  s'il  ne  menace  en  aucune  sorte  la  sûreté  de  Thabitation,  doit  être  puni 
comme  s'il  était  mis  à  cette  habitation  elle-même?  Que  si  le  feu  peut  se  com- 
muniquer de  l'écurie  ou  de  la  grange  à  la  maison  habitée,  il  est  évident,  et  c'est 
l'objet  du  §  7,  que  l'incendie  doit  être  puni  comme  s'il  était  mis  à  la  joiaison 
même;  mais  si  le  bâtiment  incendié  est  hors  de  toute  portée,  comment  la  peine 
sera-t-elle  aggravée  par  cela  seul  que  le  bâtiment  sera  placé  dans  un  enclos  au 
lieu  d'être  en  dehors,  parce  qu'il  sera  réputé  dépendance  de  maison  habitée? 

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DB  l'incendie  (art.  434).  441 

485.  La  pMne  est  la  même  soit  que  les  objets  incendiés  opparHmneni  eu 
n'of^rtiennerU  pas  à  rautenr  du  crime,  parce  que  la  loi,  dans  cette  première 
disposition,  a  sartont  vonla  protéger  la  vie  de  l'homme  ;  or,  lorsqae  la  maison 
est  habitée,  la  circonstance  de  la  propriété  de  cette  maison  devient  indiffé- 
rente :  l'incendie  est  nn  attentat  contre  les  personnes  et  non  contre  les  pro- 
priétés. 

486.  Les  paragraphes  de  Tart.  434  qui  vont  suivre  ont  été  modifiés  en  quel- 
ques points  par  la  loi  du  13  mai  1863.  Le  deuxième  paragraphe  entièrement 
«jouté,  est  ainsi  conçu  : 

a  Abt.  434,  §  2.  Sera  puni  de  la  même  peine  quiconque  aura  volontairement  mis 
le  feu,  soit  à  des  voitures  ou  wagons  contenant  des  personnes,  soit  à  des  voitures 
ou  wagons  ne  contenant  pas  des  personnes,  mais  faisant  partie  d*un  convoi  qui 
en  contient.  » 

On  lit  dans  Texposé  des  motifs  :  c  L'incrimination  nouvelle  proposée  dans 
le  §  2  peut  se  justifier  en  quelques  mots  :  c'est  l'extension  des  termes  de  la 
loi  à  un  cas  nouveau  qui  est  manifestement  dans  son  esprit,  mais  qui  ne  pouvait 
pas  se  trouver  dans  sa  lettre  puisqu'il  est  postérieur  au  Gode.  Assurément  il 
n'était  donné  à  personne  de  prévoir,  en  1810,  qu'un  jour  viendrait  oii  des 
voitures,  mues  par  la  vapeur,  seraient  comme  des  lieux  habités,  et,  formées 
en  convois,  réuniraient  des  milliers  de  personnes.  La  parité  de  fait  et  de  rai* 
eon  n'a  pas  besoin  d*étre  démontrée,  elle  se  voit  :  on  pourrait  prétendre  même 
qu'il  y  a  identité.  Mais  en  matière  pénale  il  ne  faut  rien  laisser  à  l'induction; 
les  termes  de  la  loi  ne  sauraient  être  trop  précis  ni  trop  explicites.  On  les  a 
combinés  de  manière  à  comprendre  dans  la  disposition  :  1<»  les  voitures  parti- 
culières en  môme  temps  que  les  wagons;  %^  les  agents  de  l'exploitation  en 
même  temps  que  les  voyageurs,  sous  le  nom  générique  des  personnes  ;  Z**  Tin* 
cendie  d'une  voiture  ou  wagon  ne  contenant  pas  de  personnes,  mais  faisant 
partie  d'un  convoi  qui  en  contient.  > 

487.  L'art.  434,  après  avoir  considéré  l'incendie  comme  un  instrument  ho- 
micide, le  considère  comme  un  instrument  de  dévastation  : 

«  Art.  434.  Quiconque  aura  volontairement  mis  le  feu  à  des  édifices,  navires, 
bateaux,  magasins,  chantiers,  lorsqu'ils  ne  sont  ni  habités  ni  servant  à  Thabita- 
tion,  ou  k  des  forêts,  bois,  taillis  ou  récoltes  sur  pied,  lorsque  ces  objets  ne  lui 
appartiennent  pas,  sera  puni  des  travaux  forcés  à  perpétuité.  » 

La  gravité  de  la  peine  est  fondée  sur  la  nature  du  crime  qui  peut  produire 
d'incalculables  dommages.  Le  feu,  mis  à  une  récolte  sur  pied  ou  à  une  forêt, 
peut  se  propager  au  loin  et  porter  la  ruine  dans  toute  une  contrée.  Ce  qu'il 
faut  remarquer  surtout  dans  ce  paragraphe,  outre  l'élément  de  la  volonté  sans 
lequel  il  n'y  a  point  de  crime,  c'est  i'énumération  évidemment  restrictive  des 
objets  indiqués  dans  ce  paragraphe  :  ce  n'est  qu'à  ces  objets  que  la  loi  a  voulu 
assurer  la  garantie  de  la  peine  qu'elle  prononce,  à  raison  du  dommage  que 
leur  incendie  peut  occasionner. 

488.  a  Abt.  434,  §  5.  Quiconque  aura  volontairement  mis  le  feu,  soit  à  des  pailles 

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442    yingt-quâtrièmb  lbç.  —  des  cribcbs  et  délits,  etc.  (n*  489). 

ou  récoltes  en  tas  ou  en  meules,  soit  à  des  bois  disposés  en  tas  ou  ^  stères,  soii 
à  des  voitures  ou  wagons  chargés  im  non  chargés  de  marchandises  ou  autres  objets 
mobiliers  et  ne  faisant  point  partie  d'un  convoi  contenant  des  personnes,  si  ces 
objets  ne  lui  appartiennent  pas,  sera  puni  des  travaux  forcés  à  temps.  » 

Le  §  5  ne  diffère  du  précédent  que  par  la  nature  des  objets  qui  y  sont  énumé- 
rés.  8i  la  peine  est  moindre,  c'est  que  Fincendie  mis  à  des  récoltes  en  tas  oa 
en  meules  ne  se  propage  pas  comme  dans  le  cas  où  ces  récoltes  ou  ces  bois  sont 
sur  pied.  Le  dommage  est  moins  considérable.  Ce  n'est  néanmoins  qu'à  des 
récoltes  que  ce  paragraphe  s'applique.  Ces  récoltes  laissées  à  la  foi  publique 
demandaient  une  protection  particulière;  les  autres  objets  mobiliers  ne  rentrent 
pas  dans  la  même  disposition.  Que  faut-il  entendre  par  récoltes?  Tous  fruits 
ou  productions  utiles  de  la  terre  qui,  séparés  de  leurs  racines  ou  de  leurs  tiges, 
par  le  fait  du  propriétaire  ou  de  celui  qui  le  représente,  sont  laissés  momen- 
tanément dans  les  champs  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  enlevés  et  enfermés  dans  un 
lieu  ot  ils  peuvent  être  particulièrement  surveillés. 

Deux  additions  ont  été  faites  à  ce  paragraphe.  L'une,  qui  correspond  à  celle 
qui  a  été  faite  au  §  2,  a  pour  objet  de  punir  l'incendie  des  wagons  ou  voitures 
chargés  d'objets  mobiliers,  et  ne  faisant  plus  partie  d'un  convoi  de  voyageurs. 
L'autre  a  eu  pour  objet  :  1<»  d'introduire  le  mot  pailles  ponr  accorder  à  cette 
denrée  la  même  protection  qu'aux  récoltes,  lorsque  les  pailles  sont  en  tas  ou 
en  meules  dans  les  champs  ;  29  de  modifier  l'ingrimination  relative  aux  tas  de 
bois,  de  manière  que  l'incendie  soit  aussi  bien  punissable  au  cas  oii  les  bols 
sont  entassés  dans  un  lieu  quelconque  où  ils  attendent  d*étre  emmagasinés, 
qu'aux  cas  où  ils  sont  encore  rangés  en  tas  sur  les  lieux  mêmes  où  ils  ont  et 
coupés.  Il  est  évident  que,  dans  Tune  et  Tautre  hypothèse,  les  tas  de  bois  sont 
également  placés  sous  la  protection  de  la  foi  publique. 

489.  L'un  des  éléments  des  deux  crimes  qui  précèdent  est  que  l'objet  incen- 
dié appartienne  à  autrui;  il  était  inutile  de  le  mentionner  puisque  l'incendie, 
dans  ces  deux  paragraphes,  est  un  attentat  à  la  propriété  d'autrui,  puisque  la 
loi  stipule  formellement  la  condition  que  l'objet  incendié  appartienne  à  un 
tiers.  Il  n'en  est  plus  ainsi  dans  les  §§  4  et  6  :  ce  n'est  plus  la  chose  d'autrui 
que  ces  paragraphes  ont  en  vue,  c'est  la  propre  chose  de  l'agent,  lorsque  d'ail- 
leurs l'incendie  de  cette  chose  n'est  pas  un  simple  abus  du  droit  de  propriété, 
lorsqu'il  peut  en  résulter  un  préjudice  pour  les  tiers. 

«  Abt.  434,  §  4.  Celui  qui,  en  mettant  ou  en  faisant  mettre  le  feu  à  des  objets 
énumérés  par  le  paragraphe  précédent  et  à  lui-même  appartenant,  aura  volon- 
tairement causé  un  préjudice  quelconque  à  autrui,  sera  puni  des  travaux  forcés  à 
temps  ;  sera  pimi  de  fa  même  peine  celui  qui  aura  mis  le  feu  sur  Vordre  du  pro^ 
priétaire.  » 

a  Art.  434,  §  6.  Celui  qui,  en  mettant  ou  en  faisant  mettre  le  feu  à  l'un  des  objets 
énumérés  dans  le  paragraphe  précédent  et  à  lui-môme  appartenant,  aura  volon- 
tairement causé  un  préjudice  quelconque  à  autrui,  sera  puni  de  la  réclusion  ;  sera 
puni  de  la  même  peine  celui  qui  aura  mis  le  feu  sur  l'ordre  du  propriétaire.  » 

Les  motifs  de  ces  deux  dispositions,  introduites  par  la  loi  du  28  avril  1832, 
ont  été  exposés  par  le  législateur  :  c  Les  contrats  d'assurance  contre  l'incendie 

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DE  l'ingbndib  (art.  434).  443 

et  les  évaluations  trop  souvent  exagérées  dans  ces  contrats  des  immeubles  qui 
en  sont  Tobjet  ont  donné  naissance  à  un  crime  d'une  nature  toute  particu- 
lière. Le  propriétaire  met  lui-même  le  feu  à  sa  maison  pour  obtenir  de  la  com- 
pagnie avec  laquelle  il  a  traité  le  capital  de  Passurance  ;  il  importe  de  répri- 
mer avec  sévérité  un  tel  attentat,  dont  il  est  si  difficile  de  convaincre  les 
auteurs;  car,  gardiens  de  leurs  propriétés,  ils  cboisissent  le  moment  qui  con- 
vient le  mieux  à  leurs  coupables  projets.  •  La  jurisprudence  avait,  avant  cette 
loi,  assimilé  ce  crime  au  crime  ordinaire  d'incendie,  et  la  peine  de  mort  devait 
atteindre  celui  qui  avait  incendié  sa  propre  maison  dans  la  pensée  de  dépouiller 
une  compagnie  d'assurance,  comme  celui  qui  avait  incendié  la  maison  d'autrui. 
Ces  crimes  ne  sont  pas  les  mêmes;  ils  ne  supposent  pas  la  même  perversité 
dans  leurs  auteurs.  On  pourrait  même  soutenir  non  sans  raison  que  Tincendie 
d'une  propriété  assurée  n*est  en  soi-même  qu'une  simple  escroquerie  :  c'est 
le  danger  résultant  du  moyen  employé  qui  en  aggrave  le  caractère.  La  loi  a 
marqué  un  degré  difEérent  dans  la  peine  d'après  la  nature  et  la  valeur  des 
objets  incendiés. 

Deux  additions  ont  été  faites  à  ces  deux  paragraphes  par  la  loi  du 
13  mai  1863.  Elles  avaient  été  indiquées  par  la  doctrine.  «  Le  crime,  avait-on 
dit,  change-t-il  de  nature  parce  que  le  propriétaire,  au  lieu  de  mettre  lui- 
même  le  feu,  Ta  fait  mettre  par  un  domestique,  par  un  agent,  qui  n'aura  été 
que  son  instrument  et,  pour  ainsi  dire,  son  bras  ?  Cette  espèce  d'incendie,  qui 
n'est  qu'une  escroquerie,  une  sorte  de  vol  avec  circonstances  aggravantes, 
devient-elle  tout  à  coup  la  destruction  de  la  chose  d'autrui,  par  cela  seul 
que  le  propriétaire  a  employé  la  main  d'un  tiers  au  lieu  de  sa  propre  main 
pour  y  mettre  le  feu?  Dans  Tordre  logique  le  propriétaire  est  l'auteur  prin- 
cipal et  son  agent  n'est  que  son  complice.  Dans  l'ordre  légal  il  n'en  est  point 
ainsi.  81  le  tiers  a  agi  sans  contrainte  et  volontairement,  s'il  était  animé  d'une 
pensée  de  nuire,  les  termes  de  la  loi  sont  trop  formels  pour  qualifier  son 
action  autrement  qu'un  incendie  de  la  chose  d'autrui.  Mais  la  qualité  de  pro- 
priétaire cependant  n'est-elle  pas  une  circonstance  intrinsèque  du  fait  et  qui 
modifie  nécessairement  la  pâture  de  l'action  ?  Cette  circonstance  doit  donc 
lui  profiter,  soit  qu'il  ait  agi  comme  auteur  ou  complice,  parce  qu'elle  le  suit 
dans  les  deux  cas,  et  qu*ii  est  impossible  d'en  faire  abstraction  pour  apprécier 
la  criminalité  de  son  action.  »  L'équité  de  cette  proposition  a  entraîné  le 
législateur. 

490.  L'art.  434  est  terminé  par  deux  dispositions  générales  qui  complètent 
le  système  répressif  du  Code  sur  cette  matière. 

«  §  7  de  l'art.  434.  Celui  qui  aura  communiqué  Tincendie  à  l'un  des  objets  énu- 
mérés  dans  les  précédents  paragraphes,  en  mettant  volontairement  le  feu  à  des 
objets  quelconques  appartenant  soit  à  lui,  soit  à  autrui,  et  placés  de  manière  à 
communiquer  ledit  Incendie,  sera  puni  de  la  même  peine  que  s'il  avait  directe- 
ment mis  le  feu  à  l'un  desdits  objets.  » 

Les  caractères  du  crime  sont  clairement  indiqués  ;  il  faut  que  l'agent  ait 
mis  volontairement  le]  feu  à  des  objets  quelconques,  que  ces  objets  aient  ét^ 

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444      VINGT-QUATRIÈMB  LBÇ.  —  DES  CRIIIBS  ET  DÉLITS,  BTG.   (n"*  491). 

placés  de  manière  à  commtinîqaer  l'incendie^  enfin  que  l'incendie  ait  été  com- 
muniqaé.  Est-il  nécessaire,  ponr  Tapplication  de  la  loi,  que  Fagent  ait  voulu 
la  communication  7  Non,  il  suffit  qu'il  ait  voulu  l'incendie  et  que  la  commu- 
nication ait  été  le  résultat  de  cet  incendie,  t  II  est  vrai,  a  dit  l'exposé  des 
motifs,  que,  malgré  toutes  les  précautions  et  quoique  l'incendiaire  n'ait  voulu 
atteindre  que  sa  propre  maison,  il  peut  arriver  que  le  vent  communique  Tin- 
œndie;  il  en  subira  la  responsabilité.  Il  y  a  déjà  une  peine  très-grave  si  l'in- 
cendie s'arrête  à  la  propriété  ;  si  un  accident  porte  le  ravage  un  peu  plus  loin, 
quoique  sa  volonté  n'ait  pas  concouru  à  cette  communication,  comme  déjà  0 
y  avait  crime,  perversité  dans  la  volonté,  il  supportera  la  responsabilité  nou- 
velle des  donmoages  qu'il  pourra  avoir  occasionnés.  •  Il  suit  de  là  que  l'agent 
est  responsable  de  toutes  les  suites  de  son  action,  qu'il  les  ait  voulues  ou  non, 
qu'il  ait  pu  ou  n'ait  pas  pu  les  prévoir,  l'accident  qui  porte  le  feu  sur  la  maison 
voisine  de  la  sienne  qu'il  a  incendiée  aggrave  son  crime  et  fait  peser  sur  lui 
le  crime  d'avoir  volontairement  mis  le  feu  à  une  maison  habitée.  C'est  là» 
peut-être,  une  appréciation  un  peu  rigoureuse  d'une  action  accidentelle.  8i 
l'incendie  de  la  propre  maison  de  l'agent  est  volontaire,  l'incendie  de  la 
maison  voisine,  à  laquelle  les  vents  ont  communiqué  le  feu,  n'est-il  pas  invo- 
lontaire 7  Et  comment  attacher  une  responsabilité  pénale  à  un  acte  qui  n'émane 
pas  de  la  volonté  de  son  auteur  ?  N'est-ce  pas  élever  l'imprévoyance  ou  l'im- 
prudence au  niveau  du  crime  7  qu'importe  que  l'agent  soit  surpris  dans  un 
premier  crime  flagrant,  l'incendie  de  sa  propre  chose  assurée  7  S'ensuit-il, 
parce  qu'une  première  culpabilité  pèse  sur  loi,  qu'on  puisse  retendre  à  des 
faits  qu'il  n'a  ni  voulus  ni  prévus  et  qui  supposent  une  perversité  tout  à  fiiit 
étrangère  à  la  première  7  II  faudrait  peutrétre,  en  distinguant  avec  quelques 
auteurs,  dire  qu'à  l'égard  de  l'incendie  de  l'objet  auquel  le  feu  a  été  commu- 
niqué, la  loi  ne  fait  que  présumer  une  volonté  qui  peut  être  déniée,  et  que 
cette  présomption,  qui  se  fonde  sur  la  communication  effectuée,  peut  être 
détruite  par  la  preuve  que  cette  communication  a  été  purement  accidentelle. 

491.  Le  dernier  paragraphe  de  l'art.  434  porte  : 

a  §  8  de  l'art.  434.  Dans  tous  les  cas,  si  Tinoendle  a  occasionné  la  mort  d'une  ou 
de  plusieurs  personnes  se  trouvant  dans  les  lieux  incendiés  au  moment  où  il  a 
éclaté,  la  peine  sera  la  mort.  » 

Ce  paragraphe  se  réfère  aux  dispositions  précédentes  relatives  aux  incendies 
qui  ne  sont  considérés  que  comme  des  attentats  à  la  propriété.  CSes  incendies 
<îhangent  de  nature,  dès  que,  par  révénement  de  la  présence  d'une  personne 
sur  les  lieux  incendiés,  ils  ont  causé  la  mort  de  cette  personne.  La  loi  rend 
l'agent  responsable  de  cet  événement  qu'il  aurait  dû  prévoir  ;  elle  le  punit  pour 
avoir  employé  un  moyen  de  destruction  capable  de  produire  un  homicide.  H 
faut  toutefois  remarquer  encore  ici  que,  pour  prononcer  la  pdne  de  mort,  le 
législateur  ne  s'est  point  inquiété  de  la  volonté  de  causer  l'homicide.  C'est  un 
dernier  vestige  de  la  barbarie  des  anciennes  lois  et  de  l'épouvante  que  l'incendie, 
par  sa  nature  funeste,  fait  éprouver  au  législateur.  On  a  voulu  refréner  ce 
crime  par  la  terreur  de  la  plus  grave  des  peines,  on  n'est  pas  encore  parvenu 

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DE  L*INGBNDIB  (ART.   437).  445 

i  établir  une  jasie  proportion  entre  la  pénalité  appliquée  et  le  crime  tel  qu'il  a 
été  commis  par  Tagent. 

DB8TBUCTION8   GAUSÂBS  PAR  L*BFPET   d'uNB  MmS. 

4M.  L'art  435  est  ainsi  conçu  : 

«  Art.  435.  La  peine  sera  la  même,  d'après  les  distinctions  faites  dans  l'article 
précédent,  contre  ceux  qui  auront  détruit,  par  l'effet  d'une  mine,  des  édifices» 
navires,  bateaux,  magasins  ou  chantiers.  » 

Cet  article,  en  assimilant  l'explosion  d'une  mine  à  Pîncendie,  applique  à  cette 
explosion  toutes  les  distinctions  établies  en  matière  d'incendie.  Iljsuit  de  là  que 
la  peine  diffère  suivant  que  les  objets  détruits  appartiennent  ou  n'appartiennent 
pas  à  l'agent,  suivant  que  les  lieux  sont  ou  ne  sont  pas  habités^  suivant  que  la 
mine  a  causé  tels  ou  tels  effets.  Il  suit  encore  de  là  qu'il  n'y  a  point  de  crime 
si  l'explosion  n'a  pas  eu  lieu  volontairement.  Si  cet  attentat  a  pour  but  de 
jeter  le  trouble  dans  l'État,  en  excitant  ou  favorisant  la  guerre  civile,  il  rentre 
dans  les  termes  de  l'art.  95. 

Je  n'ai  point  à  m'pccuper  ici  des  menaces  d'incendie  qui  font  l'objet  de 
l'art.  436.  J'ai  examiné  cet  article  en  même  temps  que  les  art.  305,  306  et  307 
auxquelles  il  se  réfère. 

OBSTRUCTIONS  BT  BAtASTATIONS  DB  PROPRIAtÉS. 

498.  Notre  Gode  va  maintenant  faire  passer  sous  nos  yeux,  de  Fart.  437  à 
l'art.  462,  une  série  de  dispositions  qui  ont  un  but  commun,  celui  de  protéger 
la  propriété  mobilière  et  immobilière  contre  toutes  les  destructions,  dévasta- 
tions et  violences  dont  elle  peut  être  l'objet.  Je  m'arrêterai  peu  à  chacune  de 
ces  dispositions  qui  sont,  en  général,  très-claires  et  qui  n'exigent  que  très- 
peu  d'explications.  La  plus  grave  de  ces  incriminations  est  la  destruction  des 
édifices  par  une  autre  cause  que  l'incendie. 

«  Art.  437.  Quiconque  aura  volontairement  détruit  ou  renversé,  par  quelque 
moyen  que  ce  soit,  en  tout  ou  en  partie,  des  édifices,  des  ports,  digues  ou  chaus- 
sées, ou  autres  constructions  qu'il  savait  appartenir  à  autrui  ou  causé  l'explosion 
d'une  machine  à  vapeur,  sera  puni  de  la  réclusion  et  d'une  amende  qui  ne  pourra 
excéder  le  quart  des  restitutions  et  indemnités,  ni  être  au-dessous  de  100  fr.  — 
S'il  y  a  eu  homicide  ou  blessures,  le  coupable  sera,  dans  le  premier  cas,  puni  de 
mort,  et,  dans  le  second,  puni  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps.  » 

La  loi  ne  détermine  pas  les  moyens  de  destruction  employés  :  elle  incrimine 
toutes  les  voies  de  fait,  pourvu  qu'elles  aient  détruit  ou  renversé,  pourvu  qu'elles 
aient  eu  pour  but  la  ruine  de  l'édifice,  lors  môme  que  cette  ruine  n'aurait  été 
que  partielle.  Cette  disposition  s'applique  à  toutes  les  constructions,  c'est-à- 
dire  à  tous  les  ouvrages  élevés  dans  un  but  d'utilité  publique  ou  privée.  Ufaut 
toutefois  que  l'agent  ait  agi  volontairement  et  qu'il  ait  su  que  Tédifice  appar- 
tenait à  autrui.  Le  premier  paragraphe  de  Tarticie  n'est  que  la  reproduction  de 
la  dernière  disposition  de  l'art.  434. 


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446     VINGT-QUATRIÈME  LKÇ.  —  DES  CRIMES  BT  DÉLITS,  ETC.   (n*  495). 

«  Art.  438.  Quiconque,  par  voies  de  fait,  se  sera  opposé  à  la  confection  de  tra- 
vaux autorisés  par  le  gouvernement,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  trois 
mois  à  deux  ans  et  d'une  amende  qui  ne  pourra  excéder  le  quart  des  dommages- 
intérêts,  ni  être  au-dessous  de  16  f)r.  —  Les  moteurs  subiront  le  maximum  de  la 
peine.  » 

La  loi  exige  qu'il  y  ait  eu  opposition  à  la  confection  de  travaux  autorisés 
par  le  gouvernement  et  que  cette  opposition  se  soit  manifestée  par  des  voies 
de  fait.  Il  importe  peu  que  les  travaux  entrepris  soient  définitifs  ou  prépara- 
toires, la  loi  ne  distingue  point  :  ainsi,  lors  même  qu*ilne  s'agirait  que  d'étndes 
de  terrains  et  de  levées  de  plans  sur  des  terrains  qui  ne  sont  point  encore  expro- 
priés, Part.  438  serait  applicable,  sauf  la  réparation  du  dommage  que  les 
études  pourraient  causer.  Cette  disposition  est  tellement  gcnérale  qu'elle 
n*admet  pas,  comme  faisant  disparaître  le  délit,  la  circonstance  que  Tauteor 
des  voies  de  fait  se  prétendrait  propriétaire  du  terrain  sur  lequel  auraient  lieu 
les  travaux;  car  une  pareille  distinction  entraînerait  des  inconvénients  graves 
pour  rintérêt  national  :  des  travaux  urgents  pour  la  navigation,  pour  la  viabi- 
lité, ou  pour  tout  autre  objet  d'utilité  publique,  seraient  suspendus  ou  empêchés 
au  gré  de  ceux  qui  prétendraient  exercer  un  droit  en  opposition  aux  actes  du 
gouvernement.  Celui  qui  se  croit  lésé  par  des  travaux  ainsi  ordonnés  peut 
invoquer  les  lois  protectrices  de  la  propriété  en  recourant  aux  voies  légales, 
soit  pour  arrôtef  le  cours  ultérieur  des  travaux,  soit  pour  obtenir  la  réparation 
du  préjudice  qui  lui  aurait  été  causé. 

494.  L*art.  439,  qu'il  faut  rapprocher  des  art.  173,  255  et  400,  pour  aperce- 
voir les  limites  qui  séparent  ces  différentes  dispositions,  est  ainsi  conçu  : 

a  Art.  439.  Quiconque  aura  volontairement  détruit  ou  brillé,  d'une  manière 
quelconque,  des  registres,  minutes,  ou  actes  originaux  de  l'autorité  publique,  des 
titres,  billets,  lettres  de  change,  effets  de  commerce  ou  de  banque,  contenant  ou 
opérant  obligation,  disposition  ou  décharge,  sera  puni  ainsi  qu'il  suit  :  —  Si  les 
pièces  détruites  sont  des  actes  de  l'autorité  publique,  des  effets  de  commerce  ou 
de  banque,  la  peine  sera  de  la  réclusion  ;  —  S'il  s'agit  de  toute  autre  pièce,  le  cou- 
pable sera  puni  d'un  emprisonnement  de  deux  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de  100 
à  800  fr.  » 

Cet  article  ne  punit  ni  Textorsion,  ni  le  détournement  ni  la  suppression  des 
actes  dans  les  dépôts;  il  ne  punit  que  la  destruction  de  ces  actes,  hors  des 
dépôts,  et  par  toute  autre  personne  que  le  dépositaire.  La  destruction  d'une 
manière  quelconque  comprend  la  lacération  du  titre.  Il  faut  seulement  que 
Tacte  détruit,  soit  qu'il  soit  rangé  dans  la  classe  des  actes  de  Tautorité  publique, 
ou  parmi  les  actes  privés,  contienne  ou  opère  obligation,  disposition  ou  décharge  : 
s'il  ne  produit  pas  cet  effet,  il  n'y  a  plus  de  préjudice. 

495.  Les  art.  440,  441  et  442  s'occupent  du  piUage  des  denrées  ou  mar- 
chandises : 

a  Art.  440.  Tout  pillage,  tout  dég&t  de  denrées  ou  marchandises,  effets,  pro- 
priétés mobilières,  commis  en  réunion  ou  bande,  et  à  force  ouverte,  sera  puni 
des  travaux  forcés  à  temps  ;  chacun  des  coupables  sera  de  plus  condamné  à  une 
amende  de  200  à  5,000  fr.  9 


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DESTRUCTIONS  BT  DÉVASTATIONS  (aRT.  442).  447 

«  Art.  441.  Néanmoins  ceux  qui  prouveront  avoir  été  entraînés  par  des  provo- 
cations ou  sollicitations  à  prendre  part  à  ces  violences,  pourront  n'être  punis  que 
de  la  peine  de  la  réclusion.  » 

«  Art.  442.  Si  les  denrées  pillées  ou  détruites  sont  des  grains,  grenailles  ou 
farines,  substances  farineuses,  pain,  vin  ou  autres  boissons,  la  peine  que  subiront 
les  chefs»  instigateurs  ou  provocateurs  seulement,  sera  le  maximum  des  travaux 
forcés  à  temps  et  celui  de  l'amende  prononcée  par  l'art.  440.  » 

c  Ce  cas,  dit  Texposé  des  motifs,  présente  deux  crimes  à  la  fois  :  1«  raction 
de  piller  ou  dévaster;  2*^  une  sorte  de  rébellion  qui  a  été  employée  pour  en 
faciliter  Texécution.  >  En  effet,  le  crime  n'existe  que  par  la  réunion  de  ces 
trois  conditions:  !<>  pillage  ou  dégât  de  marchandises;  2<>  en  réunion  ou  bande; 
3<*  à  force  ouverte.  Deux  circonstances  peuvent  en  atténuer  ou  en  aggraver 
le  caractère  ;  la  peine  fléchit,  si  Tagent  prouve  qu'il  n'a  fait  que  céder  à  des 
provocations  ;  elle  s'élève,  au  contraire,  si  les  denrées  pillées  on  détruites  sont 
des  grains,  grenailles  ou  farines.  L*art.  440,  au  surplus,  n'a  point  déterminé 
le  nombre  d'individus  nécessaire  pour  former  la  réunion  ou  bande;  mais  ce 
crime  rentrant  par  sa  nature  et  son  objet  dans  la  classe  de  ceux  qui  compro- 
mettent la  sûreté  publique,  il  faut  entendre  et  interpréter  cet  article  suivant 
les  principes  établis  dans  les  art.  211  et  212;  il  suffit  donc  que  le  pillage  ou 
dégât  ait  été  commis  à  force  ouverte,  par  une  réunion  ou  bande  composée  de 
trois  personnes,  pour  que  l'art.  400  soit  applicable. 

496.  L'art.  443  a  eu  pour  objet  de  protéger  les  intérêts  du  commerce  et  des 
manufactures,  en  punissant  les  dommages  volontairement  causés  aux  mar- 
chandises ou  matières  servant  à  la  fabrication.  Il  est  inutile  de  relater  le  texte 
de  l'article,  qui  ne  donne  lieu  à  aucune  difficulté.  Les  éléments  de  l'incrimi- 
nation sont  :  i^  le  moyen  employé  pour  détériorer  la  marchandise,  une  liqueur 
corrosive  ou  tout  autre  moyen;  2<*  la  volonté  de  causer  la  détérioration  ;  S^  enfin 
le  fait  matériel  du  dommage.  Les  œuvres  d'art,  destinées  à  être  mises  dans  le 
commerce,  rentreraient  dans  les  termes  de  l'art.  443. 

497.  Les  articles  qui  suivent,  depuis  Tart.  444  jusqu'à  l'art.  461,  ont  pour 
objet  de  punir  des  faits  de  destruction  qui  se  rattachent  à  l'agriculture  :  tels 
sont  les  dévastations  de  récoltes  sur  pied  ou  des  plants  venus  naturellement  ou 
faits  de  main  d'homme  que  prévoit  l'art.  444;  le  fait  d'abattre  des  arbres  qui 
fait  l'objet  tles  art.  445  et  446  ;  la  destruction  des  greffes  punie  par  l'art.  447  ; 
la  coupe  de  grains  ou  fourrages  appartenant  à  autrui,  que  prévoient  les  art. 
449  et  450;  la  rupture  des  instruments  d'agriculture  punie  par  l'art.  451;  la 
destruction  des  animaux  domestiques  et  des  bestiaux  qui  fait  la  matière  des 
art.  452,  453,  454  ;  la  suppression  des  bornes,  l'inondation  des  propriétés, 
l'incendie  par  imprudence  des  biens  ruraux,  le  défaut  de  précaution  dans  les 
cas  d'épizootie  prévus  par  les  art.  456,  457,  458,  459,  460  et  461.  Toutes  ces 
dispositions  ont  un  but  commun  qui  est  de  protéger  les  propriétés  rurales  qui, 
pour  la  plupart,  sont  exposées  à  la  foi  publique  :  la  loi  ne  recherche  pas  la 
nature  de  l'intention  de  l'agent;  ce  n'est  pas,  dans  tous  les  cas,  comme  dans 
le  vol,  le  désir  de  profiter  du  délit  ;  c'est  plus  souvent  l'envie  de  nuire  même 
sans  profit;  de  là  il  suit  que  la  double  base  de  toutes  ces  incriminations,  sauf 

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448     YINGT-QUÀTRIÈMB  LBÇ.  —  DES  GRIMES  BT  DÉLITS,  ETC.   (n*  49       ^ 

celles  qni  ne  sont  fondées  que  sor  des  faits  d'imprudence;  c'est,  d'une  part,  la 
volonté  de  causer  un  dommage^  et,  d'une  autre  part,  le  dommage  causé.  Ces 
articles,  d^aiileurs,  clairement  rédigés  en  général,  n'ont  soulevé  que  peu  de 
difficultés  dans  la  pratique,  et  je  crois  superflu,  dès  lors,  de  m'arrôter  à  l'exa- 
men de  leurs  textes. 

498.  Je  trouve  toutefois  dans  l'art.  462  une  disposition  générale  qu'il  ne 
faut  pas  passer  sous  silence. 

«  Art.  4G2.  Si  les  délits  de  police  correctionnelle  dont  il  est  parlé  au  présent 
chapitre  ont  été  commis  par  des  gardes  champêtres  ou  forestiers,  ou  des  officiers 
de  police,  &  quelque  titre  que  oe  soit,  la  peine  d'emprisonnement  sera  d'un  mois 
au  moins  et  d'un  tiers  au  plus  en  sus  de  la  peine  la  plus  forte  qui  serait  appliquée 
à  un  autre  coupable  du  même  délit.  » 

Cet  article  est  le  complément  de  l'art.  198.  Le  but  de  ces  deux  dispositions 
est  de  frapper  d'une  peine  plus  grave  les  crimes  et  délits  qui  sont  commis  par 
les  agents  chargés  de  les  surveiller.  U  est  évident  que  ces  agents  sont  plus 
coupables  que  les  autres  lorsqu'ils  commettent  eux-mêmes  les  faits  qu'ils  ont 
pour  devoir  d'empêcher.  L'art.  462  diffère,  au  surplus,  de  Part.  198,  en  ce  qu'il 
ne  punit  pas  seulement  une  participation  à  l'action,  mais  sa  perpétration 
directe  par  l'officier  de  police.  Sa  disposition  s'étend  d'ailleurs  à  tous  les  délita 
correctionnels  contre  la  propriété,  sans  distinguer  si  l'officier  était  spécialement 
chargé  de  surveiller  celle  qui  a  été  l'objet  du  délit.  C'est  son  caractère  général, 
et  non  sa  fonction  spéciale,  qui  motive  l'aggravation. 


LIVRE  QUATRIÈME 

DES    CONTRAVENTIONS    DE    POLICE. 


499.  Vous  avez  vu  que  les  actes  punissables  se  divisent  en  crimes,  délits  et 
confravenHons.  Nous  avons  parcouru  la  longue  série  des  crimes  et  des  délits 
Nous  arrivons  maintenant  à  la  troisième  classe  des  infractions,  à  la  classe  des 
contraventions  de  police. 

Cette  matière,  bien  qu'eUe  n'ait  pas  l'importance  qui  s'attache  à  des  actes 
plus  graves,  a  cependant  un  grand  intérêt.  Les  règlements  de  police  sont  des 
lois  pénales  locales  qui  ont  pour  objet  d'assurer  l'ordre  et  le  bon  aménagement 
de  la  cité.  Si  leurs  prescriptions  ne  sont  pas,  comme  les  lois  pénales  générales, 
les  bases  mêmes  de  la  vie  sociale,  elles  sont  les  conditions  nécessaires  de  la 
commodité  et  de  la  tranquiUité  de  cette  vie;  elles  touchent  en  même  temps 
par  mille  points  différente  aux  intéréte  de  la  propriété  et  de  la  liberté  civile.  Il 
ne  faut  donc  pas  négliger  l'étude  de  cette  matière  :  elle  recèle,  dans  la  sphère 
humble,  mais  immense,  qui  lui  appartient,  des  questions  de  l'ordre  le  plus 

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ékiffè,  et  les  proMèiaM  qn'elle  tovlèT»  ne  eent  pat  les  moine  dilBcUee  pàxmk 
UmB  lee  problèmes  de  la  légieUiion  pAnale. 

500.  Fixons  d*abord  les  caractères  des  infractions  Ide  police.  Nous  recher- 
cherons ensuite  quelles  sont  les  sources  diverses  des  règlements  qui  les  déter- 
minent. 

Les  lois  de  simple  police  ont  pour  objet  de  fdre  jouir  les  habitants  de  cha- 
que commune  d*une  bonne  police^  c'est-à-dire  d'assurer  la  sécurité  de  leurs 
personnes,  la  salubrité  des  lieux  qu'ils  habitent,  la  sûreté  de  leurs  relations 
habituelles  contre  toutes  les  atteintes  légères,  contre  tous  les  troubles  acciden- 
tels qui  pourraient  compromettre  ces  liens  de  la  vie  civile.  La  loi  du  16*24 
août  1790  a  tracé,  dans  des  termes  qui  servent  encore  de  règle  à  cette  matière, 
les  limites,  quelquefois  un  peu  vagues,  du  terrain  de  cette  police. 

c  Tit.  XI,  art.  3.  Les  objets  de  police  confiés  à  la  vigilance  et  à  l'autorité  dee 
corps  municipaux  sont  :  1*  teut  ce  qui  intéresse  la  sûreté  et  la  oommodité  da 
passage  dans  les  rues,  places  et  voies  publiques,  ce  qui  comprend  le  nettoiemeot» 
l'illumination,  l'enlèvement  des  encombrements»  la  démolition  ou  la  réparation 
des  b&timents  menaçant  ruine,  l'interdiction  de  rien  exposer  aux  fenêtres  ou  autres 
parties  des  bâtiments  qui  puisse  nuire  par  sa  chute,  et  celle  de  ne  rien  jeter  qui 
paisse  blesser  ou  endommager  les  passants,  ou  causer  des  exhalaisons  nuisibles  ; 
2*  le  droit  de  réprimer  et  de  punir  les  délits  contre  la  tranquillité  publique,  tels 
que  les  rixes  et  les  disputes  accompagnées  d'ameutement  dans  les  rues,  le  tumulte 
excité  dans  les  lieux  d*8ssemblée  publique,  les  bruits  et  attroupements  nocturnes 
qui  troublent  le  repos  des  citoyens;  —  3*  le  maintien  du  bon  ordre  dans  lee  ea« 
droits  où  il  se  fait  de  grands  rassemblements  d*hommes,  trts  que  les  foires»  mar- 
chés, réjouissances  et  cérémonies  pul^ques,  spectacles,  Jeux,  cafés,  églises  et 
autres  lieox  publics  ;  —  4*  TàB^octioa  aur  la  iLdâlité  du  débit  des  denrées  qui  se 
vendent  au  poids,  à  l'aune  ou  à  la  mesure,  et  sur  la  salubrité  des  comestibles 
exposés  en  vente  publique  ;  —  5*  le  soin  de  prévenir  par  les  précautions  conve- 
nables, et  celui  de  faire  cesser,  par  la  distribution  des  secours  nécessaires,  les 
accidents  et  fléaux  calamiteux,  tels  que  les  incendies,  les  épidémies,  les  épizoo- 
tles,  en  provoquant  aussi,  dans  ces  deux  derniers  cas,  l'autorité  des  administra- 
tions de  département  et  de  district;  ->  6*  le  soin  d'obvier  ou  de  remédier  aux 
événements  flcheux  qui  pourraient  être  causés  par  les  insensés  ou  les  ftirieus 
laissée  en  liberté,  et  par  la  divagation  des  animaux  malfaisants  et  férooes.  » 

Ce  ne  sont  pas  là  toutes  les  matières  qui  peuvent  rentrer  dans  le  domaine  de  la 
police  :  les  besoins  de  la  civilisation,  les  faits  qui  surgissent  à  chaque  moment, 
les  règles  d'ordre  que  peuvent  exiger  les  industries  qui  se  forment,  les  entre- 
prises qui  se  développent,  les  travaux  qui  s*exécutent,  donnent  lieu  chaque 
jour  à  des  mesures  de  prévoyance  nouvelle;  mais  c*estlà  le  cercle  dans  lequel 
la  petite  police  est  appelée  à  se  mouvoir.  Cette  disposition  fixe  avec  clarté  son 
caractère  général  :  les  infractions  qui  ne  rentreraient  pas  précisément  dans  les 
termes  de  cet  article  sont  analogues  aux  faits  qui  y  sont  énumérés;  c'est  la 
même  classe,  la  même  famille  d'infractions. 

Ml.  Ce  caractère  général  posé,  il  faut  examiner  quelles  sont  les  condiUone 
légeles  des  contraventions  de  police,  en  d'autres  termes,  dans  quels  cas  les 
contraventi(mssont  passibles  d'une  peine* 

En  matière  pénale  ordinaire,  toute  incrimination  ne  peut  émaner  que  de  la 
I.  29 


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4S0     YINGT-QUATRllItfB  UBÇ«  «^  lUBB  «Rlim  R  DÉLITS,   ETC.   (n*  502}. 

M  :  U  n'y  a  peint  de  reniement,  de  quelque  autorité  qaUt  ématie,  qui  pusse 
j  suppléer.  Toute  la  puissance  de  la  loi  n^est  pas  trop  haute  pour  dédarer  une 
action  punissable  et  pour  prononcer  une  pénalité. 

En  matière  de  police,  cette  règle  générale  fléchit  :  la  loi  n'a  pas  entièrement 
abdiqué  le  droit  d'établir  des  incriminations,  mais,  après  avoir  établi  les  prîn- 
dpalesi  celles  qui  sont  de  leur  nature  permanentes  et  générales,  elle  a  délégué 
au  pouvoir  réglementaire  des  maires  le  droit  de  faire,  sous  la  dénomination 
d'arrêtés  de  police,  des  lois  pénales  locales  qui  ont  pour  objet  de  pourvoir,  dans 
le  cercle  tracé  par  l'art.  3  tit.  XI,  de  la  loi  du  16-24  août  1790,  aux  besoins 
et  aux  intérêts  de  chaque  commune. 

502.  Le  IV*  livre  du  Gode  pénal  a  eu  pour  objet  de  prévoir  les  faits  de 
police  qui  sont  en  tous  lieux  des  contraventions,  et  dont  la  répression  est  un 
tetérét  général  qui  n'admet  aucuae  exception.  Mais,  en  dehors  de  ces  pie- 
visions  légales  et  uniformes  pour  toutes  les  localités,  il  existe  une  foule  de 
mesures  à  prendre  dans  chaque  localité  respective,  suivant  les  mcsurs  et  les 
usages  des  populations,  les  besoins  locaux,  l'état  de  l'industrie,  les  climats,  les 
saisons.  La  loi  a  délégué  à  l'autorité  municipale  de  chaque  commune,  repré- 
sentée par  le  maire,  le  pouvoir  de  prendre  à  cet  effet  des  arrêtés  de  police  a 
rexécution  desquels  elle  a  attaché  une  sanction  pénale.  Ce  principe  avait 
déjà  été  posé  parrAssembléeconstituante  dans  ses  lois  des  14  décembre  1789  et 
19-22  juillet  1791;  il  a  été  reproduit  par  ParU  13  de  la  loi  du  33  juillet  1837, 
qui  porte  :  c  Le  maire  prend  des  arrêtés  à  l'effet  :  l*"  d'ordonner  les  ttesuivs 
leoales  sur  les  oiijets  confiés  par  les  lois  à  sa  vigilance  et  à  son  autorité  ; 
%•  de  publier  de  nouveau  les  lois  et  règlements  de  police  et  de  rappeler  les 
Citoyens  à  leur  observation.  Les  arrêtés  pris  par  le  maire  sont  immédiatement 
adressés  au  sous-préfet.  Le  préfet  peut  les  annuler  ou  en  suspendre  l'exécution. 
Ceux  de  ces  arrêtés  qui  portent  Règlement  permanent  ne  seront  exécutoires 
qu'un  mois  aprè?  la  remise  de  Tampliation  constatée  par  les  récépissés  donnés 
parle  soua-préfet.  »  Ainsi,  c'est  au  pouvoir  municipal  que  le  droit  de  pren- 
dre des  arrêtés,  que  l'initiative  appartient  :  le  préfet  n'a  qu'un  droit  de  véfor- 
mation  et  de  redressement  de  ces  arrêtés.  Cependant,  à  côté  de  ce  dioii  de 
Tautorité  municipale  et  dans  quelques  matîèzes  spéciales  qui  ont  une  certme 
analogie  avec  les  matières  de  police,  la  loi  a  délégué  soit  au  préfet,  soit  au 
pouvoir  exécutif  lui-même,  le  droit  de  faire  des  règlements,  pourvu  que 
l'objet  de  ces  règlements  rentre  dans  les  mesures  de  police  et  de  sûreté  géné- 
rale qui  intéressent  TËtat.  Je  puis  citer  ici,  comme  exemple  des  matières  sur 
lesquelles  ce  droit  s'est  exercé,  la  police  des  chemins  vicinaux,  la  police  du 
roulage  et  des  voitures  publiques,  la  police  de  la  boucherie  etde  la  boulangerie, 
les  ateliers  et  établissements  insalubres,  la  police  des  cours  d'eau,  etc.  Un 
grand  nombre  d'articles  du  Gode  pénal  renvoient  à  ces  règlements  auxquels 
ils  donnent  une  sanction.  Tels  sont  les  art.  314,  319,  358, 413,  457,  461,  471, 
475  et  479.  Il  faut  enfin  joindre  à  ces  diverses  sources  de  règlements  de  police 
les  anciens  règlements  qui,  émanés  avant  1789  â*une  autorité  régulière  et 
oooipétente,  n'ont  été  abrogés  par  aucune  loi  postérieure  et  ont  contimné,  aux 
termes  de  Fart.  484,  à  régir  quelques  matières  spéciales  et  prineipalement 
quelques  industries. 


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caHnuTSHTiom  hb  mucb  (art.  471).  45t 

MW.  Uiii»RiMi9e  gtofeal  âornin»  lotttM  ks  eontavcntioiis  :  e'itt  qa'attM 
exMtanl  pur  le  taul  iiût  nat&riel  de  la  détobéÎMasce  aux  pmscriyftioM  4e  la 
loi  oa  des  liglemento,  abstnctiai  Mie  de  toate  inténtioii  erindDelle'etde 
toalefraade.  G'eal li  ee  qai  sépare  eelte  dasie  d^infraotîoiia  des  fints  foe  la 
loi  a  qualifiés  criaMS  et  dftUU.  £n  matière  de  oriaie  et  de  d^t»  rinteatiOB 
ooapable  est  un  élément  néeessaire  de  la  egiminalitéj  c*eet-à»dire  du  crime  mi 
du  délit  ;  il  n'y  a  poîat  de  crime»  il  n'y  a  point  de  délit,  où  aoeone  t otonlé 
malyeillante,  où  da  moins  auenne  faute  n'est' constatée.  £ia  matière  de  con- 
traTsatton  matérielle,  ni  l'ouyi,  ni  Terreiir  ni  rignoraaoe  même  ne  sont  vne 
excuse.  Il  importe  peu  que  la  eontcaveaëon  proneane  de  telle  ou  telle  eaose  ; 
elle  est  toute  matérielle.  De  là  il  suit  qae  le  contreremint  ne  peut  aliégaer 
aucune  excuse,  même  sa  bonne  foi  :  les  oontraTontions  n'admettent  pas 
d'excuses,  dès  qu'il  est  eonstant  que  le  rè^eoMOt  émane  d'un  pouvoir  lé^, 
qu'il  a  été  régulièrement  publié  et  qu'il  a  pour  objet  ke  matières  qui  rentrent 
dans  le  domaine  de  la  fcëe».  Il  ne  feint  pes  némmoms  ranger  parmi  les  ftdts 
d'exense  l'exception  de  force  majeure  qui  ferait  éiidemment  disparsitre  la 
eontraventieni  car  comment  imputer  une  négligence,  ana  inatteatîoa,  afie 
désobéissaiice  quelconque  à  celui  qai  n^aarak  lait  qae  eéder  è  une  fioree  âfé^ 
Bîetible^  aune  inflexible  contrainte  ?  L'exception  résultant  de  la  force  mijeure 
s'applique  en  toute  matière  et  même  en  BMtière  de  police. 

M4.  Les  peines  de  simple  police  ont  été  fixées  par  la  loi  même  en  ee  qiil 
eoneeme  les  négligenoes  de  police  qui  émanent  de  l'autorité  municipale  ou 
administratiie.  Ces  règlements  ne  peutent  porter  d'autres  peines  que  eefles 
qui  ont  été  à  l'aYance  déterminées  par  la  loi  :  c'est  là  un  principe  safaitaiw, 
que  r Assemblée  constituante  aTait  posé  dans  la  loi  du  46-12  août  1790  eC  que 
notre  Gode  a  maintenu.  Les  peines  de  police,  en  général,  sont  :  i»  un  empri- 
sonnement qui  ne  peut  é^  moindre  de  tnns  ni  excéder  cinq  jours  (art  M)  ; 
2*  une  amende  de  i  à  15  francs  (art.  166)  ;  d»  la  confiscation  des  diosês  saisies 
en  contravention  (art.  470).  Les  contraventions  aux  règlements  de  rautorité 
municipale  ou  administrative  ne  sont  passibles  que  d'une  amende  de  un  à 
cinq  francs,  sauf  les  cas  de  ré(»dive. 

506.  La  récidive  résulte^  aux  termes  de  l'art.  4^,  d'un  premier  jugement 
prononcé  par  le  môme  tribunal  contre  le  môn^e  contrevenant,  dans  les  dbaie 
mois  précédents.  Les  conditions  de  cette  circonstance  sont  donc  toutes  spécia- 
les :  la  succession  de  deux  contraventions  depolke  dans  le  même  ressort  dans 
Tespaee  d'un  an  peut  seule  la  constituer»  L'effet  de  la  récidive  est  d'aggraver 
la  peine,  mais  seulement  dans  la  limite  des  peines  de  police. 

M6.  Bnfin,  les  conUraventiotts  de  police  sont  divisées  en  trois  classes  qui 
fient  l'objet  des  art.  471, 476  et  476.  L'art.  471  ne  punit  les  contraventions  qu'il 
prévoit,  que  de  la  p^ne  de  1  à  5  flnmcs,  et  rartlde  474  ajoute  :  c  La  peine 
d'emprisonnement  contre  toutes  les  personnes  mentionnées  en  Fart.  47i  aura 
toaiours  lieu#  en  cas  de  récidive,  pendant  trois  jours  au  plus,  s  L'art.  475  pro- 
tiones  oontre  iea  eontraventions  qu'il  énumère  une  amende  de  6  à  10  francs 
et  FM.  4T9  porte  :  <  La  peine  de  l'emprisonnement  pendant  cinq  jours  au  plus 

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45t      VINGT-QUATRltoCB  LIÇ.  ~  OIS  CRIHM  ST  VÈLm,  ETC.   (n«  508). 

aeim  toajoonpronoAoôe  en  cas  de  récidive  centre  Umtee  lespenonnes  meii- 
tionaées  daoe  l'art  47S.  •  Bndln  Tart.  479  porte  contn  les  oontraTeniions  qu'il 
pcéfoit  une  amende  de  il  à  15  franoa,  et  Fart.  482  ajoute  :  c  La  peine 
d'empriaonneineiit  pendant  dnq  jours  mura  toujours  lien  pour  récidlTe  eonlro 
les  personnes  dans  les  cas  «lentionnés  dans  l'art.  479.  »  U  ne  fiiut  pas  toutefois 
IMrdre  de  vue  que  le  2*  paragraphe  de  Fart.  483  porte  :  <  L'art  463  du  Gode 
péaal  sera  applicable  à  toutes  les  contraventions  ci-dessus  indiquées,  s 

i07.  Vous  connaisses  maintenant  les  principes  sur  lesquels  se  fonde  la 
répieasion  gènéntle  des  contraTontions  de  police.  Oes  légères  attmnteSy  ces 
tfOuMes  nûnimes  portés  à  Tordre  et  an  xégime  de  la  cité,  prévus,  soit  par  la  loi 
généimle,  soit  par  des  arrêtés  de  l'autorité  municipale  ou  administrative»  sont 
poursuivis  devant  les  tribunaux  de  police,  dont  nous  examinerons  ultérieu* 
rement  l'organisation,  et  punis  de  peines  qui  ne  peuvent  excéder  cinq  jours 
d'emprisonnement  et  15  firancs  d'amende.  £st*il  nécessaire  maintenant  de  péné- 
trer plus  avant  dans  cette  matière  et  de  bire  passer  sous  vos  yeux  tontes  les 
ooBtraventions  que  la  loi  a  prévnes?Il  nous  paratt  que  cette  étode  vous fsrait 
descendre  dans  des  détails  qui  n'auraient  aucune  utilité  pour  vous.  Qu'importe 
à  l'application  générale  des  règles  du  droit  l'examen  successif  de  tous  ces 
petits  £ut8  de  police  dont  la  r^Nression  est  essentielle  à  l'aménagement  de  la 
cité,  mais  dont  l'appréciation  est  soumise  aux  mêmes  principes  et  dont  la 
répression  trouve  les  mêmes  pénalités  T  H  suffit  que  vous  conceviez  bien  l'ins- 
titution en  elle-même,  l'intérêt  d'ordre  qui  est  sa  base,  les  règles  de  compé- 
tence et  d'incrimination  qui  sont  son  développement  I^  Gode  pénal  d'ailleurs, 
dans  ses  art.  471,  475  et  479,  n'a  prévu  qu'un  petit  nombre  de  contravedtioas. 
l«e  complément  de  ces  articles  est  non-seulement  dans  le  Gode  rural  de  1791 
et  dans  les  anciens  règl^nents,  mais  encore  dans  tous  les  règlements  munici* 
peux  qui  vivent  et  surgissent  chaque  jour  dans  chaque  commune,  et  ce  serait 
un  travail  qui  excéderait  les  limites  de  ce  cours,  que  d'examiner  ces  innom- 
brabhn  arrêtés. 

DBS  MâTIÈRXS  mon  E£aLÂ^^  PAA  Ll  GOINB. 

M6.  Il  me  reste,  pour  terminer  cette  explication  du  Gode  pénal,  à  parier  de 
la  dernière  de  ses  dispositions  : 

c  Abt.  484.  Dans  toutes  les  matières  qui  n'ont  pas  été  réglées  par  le  présent 
Gode  et  qui  sont  réglées  par  des  lois  et  règlements  particuliers,  les  cours  et  les 
tribunaux  continueront  de  les  observer.  » 

L'exposé  des  motifs  du  Qode  explique  cet  article  :  c  Gette  disposition  était 
d'absolue  nécessité.  Elle  maintient  les  dispositions  pénales  sans  lesquelles 
quelques  lois,  des  Godes  entiers,  des  règlements  généraux  d'utilité  reconnue 
resteraient  sans  exécution.  Ainsi,  elle  maintient  les  lois  et  règlements  actuel- 
lement en  Vigueur,  relatib  aux  dispositions  du  Gode  rural  qui  ne  sont  point 
retracées  dans  ce  Gode  ;  aux  taxes,  contributions  directes  pu  indirectes,  droite 
réunis,  de  douanes  et  d'octrois;  aux  tarifs  pour  le  prixde  oertaines  danrtea 

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MATIÈRBS  MON  RÉ6LÈM  PAR  LE  GODB  (aÀT.  484).  453 

on  de  certains  salures;  aux  calamités  publiques,  comme  épidémie,  épisooties, 
contagions,  disettes,  inondations  ;  aux  entreprises  de  services  publics,  comme 
coches,  messageries,  voitures  publiques  de  terre  et  d'eau,  voitures  de  places, 
numéros  ou  indications  de  noms  sur  voitures;  poste  aux  lettres  et  poste  aux 
chevaux;  à  la  formation,  entretien  et  conservation  des  rues,  chemins,  Toies 
publiques,  ponts  et  canaux;  à  la  mer,  à  ses  rades,  rivages  et  ports,  et  aux 
pêcheries;  à  la  chasse,  aux  bois  et  forêts;  aux  matières  générales  de  com- 
merce, affaires  et  expéditions  maritimes,  bourses  ou  rassemblements  com- 
merciaux, police  des  foires  et  marchés;  aux  commerces  particuliers  d'orfèvre- 
rie, bijouterie,  joaillerie,  de  serrurerie  et  des  gens  à  marteau,  de  pharmacie 
et  apothicairerie,  de  poudres  et  salpêtres,  des  arquebusiers  et  artificiers,  des 
cafetiers  et  restaurateurs,  marchands  et  débitants  de  boissons,  de  cabaretiers  et 
aubergistes;  à  la  garantie  des  matières  d'or  et  d'argent;  à  la  police  des  maisons 
de  débauche  et  de  jeu  ;  à  la  police  des  fêtes,  cérémonies  et  spectacles  ;  à  la  con- 
struction, entretien,  solidité,  alignement  des  édifices  et  aux  matières  de  voierie; 
aux  lieux  d'inhumation  et  de  sépulture;  à  l'administration  de  police  et  disci- 
pline des  hospices,  maisons  sanitaires  et  lazarets;  aux  écoles,  aux  maisons  de 
dépôt,  d'arrêt,  de  justice  et  de  peines  de  détention  correctionnelle  et  de  police; 
aux  maisons  ou  lieux  de  fabrique,  manufactures  ou  ateliers;  à  Texploitation 
des  mines  et  des  usines;  au  port  d'armes,  au  service  des  gardes  nationales,  à 
l'état  dvil,  etc.  i  Telles  sont  les  matières  qui  sont  livrées  à  l'empire  soit  de 
lois  spéciales,  soit  dérèglements  particuliers:  ces  matières, au  surplus,  sont  en 
général  plutôt  administratives  que  pénales. 

509.  Que  faut-il  entendre  par  matières  non  réglées  par  le  Gode?  Un  avis 
du  conseil  d'&ai  du  8  févrior  1812  décide  :  t  Que  l'art.  484,  en  ne  chargeant 
les  cours  et  tribunaux  de  continuer  d'observer  les  lois  et  règlements  particu- 
liers non  renouvelés  par  le  Gode  que  dans  les  matières  qui  n'ont  pas  été  réglées 
par  le  Gode  même,  fait  clairement  entendre  que  l'on  doit  tenir  pour  abrogés 
toutes  les  anciennes  lois,  tous  les  anciens  règlements  qui  portent  sur  des 
matières  que  le  Gode  a  réglées,  quand  même  ces  lois  et  règlements  porteraient 
sur  des  cas  qui  se  rattachent  à  ces  matières,  mais  sur  lesquels  le  Gode  est  resté 
muet  ;  qu'à  la  vérité,  on  ne  peut  pas  regarder  comme  réglées  par  le  Gode  pénal, 
dans  le  sens  attaché  à  ce  mot  réglées  par  l'art.  484,  les  matières  relativement 
auxquels  ce  Gode  ne  renferme  que  quelques  dispositions  éparses,  détachées 
et  ne  formant  pas  un  système  complet  de  législation,  et  que  c'est  par  cette  rai- 
son que  subsistent  encore,  quoique  non  renouvelées  par  le  Gode  pénal,  toutes 
celles  des  dispositions  des  lois  et  règlements  antérieurs  à  ce  Gode  qui  sont 
relatives  &  la  police  rurale  et  forestière,  à  l'état  civil,  aux  maisons  de  jeu,  aux 
loteries  non  autorisées  par  la  loi  et  autres  objets  semblables  que  ce  Gode  ne 
traite  que  dans  quelques-unes  de  leurs  branches.  • 


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LEÇONS 


DB 

DROIT  CRIMINEL 

(CODB  D'ursTRircmoH  cauMnnHiLB) 

vingt-ciuquièbie  leçon. 

510.  Je  n'ai  point  à  revenir  sur  les  notions  préliminaires  dont  nous  nous 
sommes  occupés  en  commençant  à  traiter  du  droit  pénaL  Je  vous  ai  indiqué 
à  cette  époque  quels  étaient^  dans  la  législation  antérieure,  les  antécédents 
relatifs  au  droit  criminel,  quels  élaieat  les  divers  actes»  les  divers  monuments 
UgUatifs  auxquels  nous  pourrions  avoir  occasion  de  recourir  dans  Texplicatioii 
de  ce  Cîode.  Ce  sont,  vous  le  savez,  pour  le  drmt  antérieur  à  la  révolotka 
de  1789,  Pordonnance  de  1670,  que  nous  aurons  d'ailleurs  rarement  l'oecaskHI 
de  citer;  pour  le  droit  postérieur,  d*abord  le  Gode  de  procédure  crialndle 
décrété  le  16  septembre  1791  par  PAssemblée  constituante,  et  rinstrudioU 
en  forme  de  loi  pour  Tapplication  de  ce  Gode,  décrétée  le  29  du  même  mois  ; 
plus  tard,  le  Gode  du  3  brumaire  an  lY,  sur  lequel  a  été  calquée  en  grande 
partie  la  rédacti<»i  actuelle  du  Gode  d'instruction  criminelle. 

Vous  sanrex  aussi  qu'en  1804  a  commencé  la  discussion  du  projet  du  Cède 
orhnhiel,  qui  réunissait  et  les  lois  d'instruction  et  les  lois  de  pénalité.  GeUe 
discussion,  après  s'être  longtemps  arrêtée  sur  quelques  points  capitaux  qu'oft 
voulait  fixera  l'avance,  entre  autres  sur  l'institution  et  l'organisation  du  jury, 
fut  suspendue  jusqu'en  1808.  A  cette  époque  les  projets  furent  représentéîs, 
non  plus  mêlés,  oonfondus,  mais  séparément,  Tun  s'occupant  spéciidemen^  de 
rinstruction,  l'autre  spécialement  de  la  pénalité.  On  vota  et  on  décréta,  titre 
par  titre,  les  diverses  parties  du  Gode  d*instruction  criminelle  :  le  dernier  titre 
fut  décrété  vers  la  fin  de  Tannée  1808. 

J'ai  ajouté,  et  il  est  bon  de  le  noter,  que  par  divers  décrets,  la  mise  à  ezé- 
Gotion  de  ces  lois  fut  retardée  pendant  quelque  temps  et  que  le  Gode  pénal  et 
celui  d'instruction  criminelle  ne  devinrent  obligatoires,  exécutoires,  qu'à  partir 
du  !•'  janvier  1811.  Ge  retard,  cette  suspension  ordonnée  par  deux  décrets  eut 
pour  cause  le  besoin  de  coordonner  l'organisation  judiciaire  avec  la  rédaction 
du  nouveau  Gode  d'instruction  criminelle.  Dans  le  cours  de  la  discussion  on 
avait  arrêté  le  principe  de  la  réunion  de  la  justice  civile  et  de  la  justice  cri- 
minelle ;  ce  principe  ne  fut  réalisé,  Torganisation  ne  fut  complétée  que  par  la 
loi  du  20  avril  1810. 

J^ai  encore  ajouté  que  quelques  lois  postérieures  au  Gode  d'instruction  cri- 


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456      TINGT-GINQUliME  LBÇ.  ^  DISPOSITIONS  PRÉLIMINAIRBS  (N*  511). 

minelle  en  ont  modiûô  quelquM  4Cuib;  teifes  sont  les  lois  du  2  mû  1827  et 
4  juin  1853,  sur  Torganisation  dn  jury,  du  9  septembre  1835,  sur  les  cours 
d'assises,  du  13  mai  1836,  snr  les  délibérations  du  jory,  du  l*'  avril  1837,  smr 
l'interprétation  de  la  loi,  du  4  mars  1831  et  21  mars  1855,  snr  la  composition 
des  cours  d'assisea»  dn  iO  juin  1853,  sur  les  pourvois  contre  les  arrêts  de  ren- 
voi, du  4isyril  1856  et  14  jaill^  1865,  silr  la  liberté  pi»viioiro  d|B  ineulpés, 
du  13  juin  1856,  sur  la  }uridictiott  compétente  pottr  statuer  sur  les  appels,  du 
17  juillet  1856,  sur  la  substitution  des  juges  d'instruction  aux  cbambres  du 
conseil,  du  20  mai  1856,  sur  le^  flagrants  délits,  du  17  juin  1866,  sur  les 
crimes  et  délits  commis  à  Tétranger.  J'expliquerai  le  sens  et  les  dispositions 
de.cbacune  de  ces  lois  en  examinant  les  articles  auxquels  elles  se  réfèrent  et 
qu'elles  ont  modifiés. 

DISPOSITIONS  PAÉminUIBES. 

su.  Je  dois  lire  d'abord,  pour  les  confondre  dans  une  explication  com- 
mune, les  quatre  premiers  articles  de  ce  titre  préliminaire,  parce  qu'ils  sont 
relatif  à  une  même  série  d'idées. 

«  Art.  1*.  L'action  pour  rappKcatiou  des  peines  n'appartient  qu'aux  fonctiou- 
bairas  auxquels  elle  est  confiée  par  la  loL  —  L'action  en  réparatiou  du  dommage 
eausé  par  un  crime,  par  un  délit  ou  par  une  cootraventioD,  peut  être  exercée  par 
ftstts  ceux  qui  ont  soufibrt  de  ce  dommage.  » 

«  Ait.  2.  L'action  publique  pour  l'application  de  la  peine  s'éteint  par  la  mort 
du  prévenu.  —  L'action  civile  pour  la  réparation  du  dommage  peut  être  exercée 
contre  le  prévenu  et  contre  ses  représentants.  »  L'une  et  l'autre  action  s'éteignent 
p9iT  la  prescription  ainsi  qu'il  est  réglé  au  livre  II,  titre  VU,  chapitre  v,  Db  hk 

PRBSCRn»TI0N.  « 

«  Art.  8.  L'action  civile  peut  être  poursuivie  en  même  teiips  et  devant  les 
mêmes  Juges  que  l'action  publique.  —  Bile  peut  aussi  l'être  séparément  ;  dans  ce 
cas,  l'exercice  en  est  suspendu,  tant  qu'il  n'a  pas  été  pronaneé  définitivement  sur 
faotton  publique  intentée  avant  ou  pendant  la  poursuite  de  l'action  civile.  » 

m  Art.  4.  La  renonciation  à  l'aetion  civile  ne  peut  arrêter  ni  suspendre  l'exer- 
eieede  l'aetion  publique.  » 

Ces  quatre  articles  sont  consacrés  &  établir,  à  détailler  les  distinctions  impor- 
tantes qui  séparent  dans  le  droit  actuel  l'action  publique  de  l'action  civile. 
Quel  est  d'abord  le  sens  de  cbacun  de  ces  deux  mots?  Quelle  est  l'origine, 
l'idée  première  d'où  découlent  ces  distinctions  ? 

Tout  crime,  tout  délit,  toute  contravention,  en  un  mot,  toute  infraction  à 
une  loi  pénale  quelconque  renferme  nécessairement,  et  par  sa  seule  nature, 
une  atteinte  plus  ou  moins  grave,  plus  ou  moins  sérieuse  à  l'ordre  et  à  l'in- 
térêt public.  Mais  les  infractions  à  une  loi  pénale  ne  contiennent  pas,  ne 
renferment  pas  nécessairement,  mais  peuvent  contenir,  peuvent  renfermer  un 
préjudice,  un  dommage  pour  un  ou  plasieurs  particuliers.  C'est  en  considérant 
les  infractions  à  la  loi  pénale  sous  ce  double  rapport,  dont  le  premier  est  né- 
cessaire, est  essentiel,  dont  le  second  au  contraire  est  accidentel,  qu'on  en  tife 
la  double  conséquence,  qu'on  y  rattache  le  double  effet  indiqué  par  nos  quatre 
articles. 


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DS  j.'action  vvmlxqvib  rr  db  l'acstion  givolb  (akt.  4).        457 

L^ftéHon  omipable,  l'aetion  oontiaiiB  à  tme  loi  pAnde  qmàoonqae,  qu'elle 
Mit  crime,  qu'elle  aoit  délit  oa  oontniTentloti,  est  une  atteinte  à  l'ordre  publie; 
de  là  une  aetion  publique  exercée  par  les  pereonnee  et  euivant  les  règles  que 
nous  aurons  plus  tard  à  détailler. 

Que  si  de  pins  l'action  coupable  a  produit  un  préjudice,  un  dommage  à  une 
partie  priyée,  il  s'ensuit,  au  profit  de  cette  partie,  contre  Tanteur  du  dommage» 
une  aetion  qui  n'a  rien  de  pénal,  une  action  tout  à  fait  d^le^  qui  a  sa  cause, 
son  principe  dans  la  règle  générale  de  l'art.  1382  du  Cîode  oÎTii. 

Ainsi,  Faction  publîqoe,  c'est  la  conséquence  nécessaire  de  tout  crime,  de 
tout  délits  de  toute  contravention;  l'action  privée,  c'est  la  conséquence  posil» 
bk,  accidentelle,  mais  non  pas  la  conséquence  nécessaire  et  forcée  de  tout 
acte  coupable.  C'est  en  ce  sens  apparemment  que  le  Gode  du  3  brumaire  an  IV 
dans  un  titre  préliminaire,  analogue  à  celui  qui  nous  occupe,  mais  beaucoup 
plus  développé,  disait,  art.  4  :  ■  Tout  délit  donne  essentiellement  lieu  à  une 
action  publique  i  ce  qui  sans  doute  ne  voulait  pas  dire  que  le  législateur 
érigeât  qu'à  la  suite  de  tout  délit  fût  exercée  une  action  publique,  mais  ce  qui 
voulait  dire  tout  au  moins  qu*à  la  suite  et  à  raison  de  tonte  espèce  de  déÛt, 
une  aetion  publique  pouvait  être  exercée.  Il  peut  aussi  en  résulter  une  aetion 
privée  ou  civile. 

51S.  Bn  quoi  diffèrent  l'une  de  l'autre  ces  denx  actions,  l'une  publique, 
l'autre  privée  ou  civile?  ISles  diffèrent  sous  quatre  n^ppcurts  : 

1*  Quant  à  leur  ol^t; 

2*  Quant  à  la  qualité  dee  personnes  auzqutf  es  est  accordé  le  droit  d'exercer 
l^rnie  et  Tantre  action  ; 

3«  Quant  il  leur  durée; 

^  Bnfln  quant  à  la  compétence  du  tribunal  devant  lequel  l'une  ou  l'autre 
action  peut  être  portée. 

Examinons  successivement  ces  quatre  pbints  de  différence. 

518.  Elles  diffèrent  d'abord  dans  leor  objet;  et  ceci  est  on  ne  peut  plus 
facile  à  saisir  :  l'action  publique  tend  essentiellement  et  uniquement  à  l'appli- 
cation de  la  peine,  et  cette  application  a  pour  but  l'exemple  au  moyen  duquel 
le  législateur  espère  prévenir  eu  rendre  plus  rare  le  renouvellement  de  l'acte 
qu'il  punit.  Le  but  exemplaire  de  la  peine  n'est  certainement  pas,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit,  le  seul  motif,  la  seule  cause  qui  légitime  l'action  de  la 
justice  pénale,  mais  c'est  la  principale  d'après  laquelie  se  fixe,  se  détermine 
surtout  la  gravité  de  la  peine,  c'est  le  principal  but,  la  principale  pensée  du 
légiriateur  quand  il  punit.  Ainsi,  l'action  publique  tendra  à  l'application  delà 
peine;  et,  au  contraire,  l'action  privée  teadra  uniquement  à  la  réparaticm,  à 
l'iademnM  pécuniaire  du  dommage,  du  préjudice  éprouvé. 

614*  Seconde  difl^renoe,  et  elle  est  i^us  importante  :  l'action  publique  apparu 
tient  aux  fonctionnaires  à  qui  la  loi  a  donné  spécialement  qualité  pour  Texer» 
cer;  l'action  privée  ou  cirile  ne  peut  appartenir  qu'aux  personnes  lésées  par  le 
délit,  ou  au  moins  à  iears  béritters. 

Cette  distinction  n'est  pas  précisément  nouvelle  dans  le  droit  français,  elle 

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458    viifGT-cmo0i*«B  usç-  *—  msMsirioifs  PRiLinufAiiuBi  (n*  514). 

était  déjà  coniacrée,  aa  moiiu  en  partie,  par  des  lois  antérienrea  et  par  For- 
donnance  de  1670.  Cependant,  en  remontant  plna  hant,  nous  trouvons  cette 
distinction  méconnue,  laissée  de  o6té  dans  le  droit  romain.  Vous  y  connaissez 
déjà  la  distinction  fameuse  entre  les  dblictâ  pmvàta  et  les  dbliosa,  pdbuga;  le 
dernier  livre  des  Inslàtutes,  dans  une  bonne  partie  de  ses  titres,  lait  allusion  à 
cette  distinction.  Les  Romains  reconnaissent  des  bbligtà  ou  canasà  varvAVA; 
des  délits  privés  qui,  n'ayant  à  leurs  yeux  porté  atteinte  qu'à  des  intérjMa 
privés,  ne  devaient  donner  lieu  à  nne  poursuite  légale  que  de  la  pari  de  la 
partie  lésée  ;  tel  est,  par  exemple,  le  cas  de  vol  dont  il  est  question  au  i*'  titre  du 
IV*  livre  des  Institutes.  L'action  de  vol  n'appartient,  ne  peut  appartenir  qu'à  la 
personne  qui  a  souffert  du  vol.  Les  détails,  à  cet  égard,  appartiennent  anz  spécia-> 
Utés  du  droit  romain.  Bt  notes  bien  que  cette  attribution  exclusive  de  l'aetion, 
à  raison  d'un  vol  commis,  par  ezemploi  à  la  personne  qui  a  souffert  du  vol,  ne 
tient  pas  seulement  à  ce  qu'en  droit  romain  la  peine  du  vol  est  pécuniaire; 
plus  tard,  lorsqu'à  la  pécuniairo  on  substitue  une  peine  corporelle,  c'est  tou- 
jours un  particulier,  c'est  toujours  la  personne  à  laquelle  le  préjudice  est  causé 
qui  seule  a  droit  d'intenter  l'action.  Ainsi,  vous  verres  au  Digeste,  dans  la 
loi  92  de  FurUi,  que  dans  l'usage  on  avait,  sens  l'Empire,  substitué  à  l'action 
pécuniairo,  à  raison  du  vol,  une  action  pénale  proproment  dite,  une  action 
eztraordinairo;  et  cependant  la  loi  vous  avertit  que  l'action  pour  cela  n'est 
pas  devenue  publique,  nok  quasi punLiooif  sit  njDtciuM;elle  reste  action  privée; 
et  c'est  toujours  un  particulier,  celui  qui  a  souffert  du  vol,  qui  va  poursuivro, 
qui  va  réclamer  en  son  nom,  l'application  de  la  peine  au  coupable. 

Cette  idée,  si  contrairo  à  celles  qui  nous  régissent  maintenant,  cessera  de 
vous  surprendre  quand  vous  vous  attacherez  à  la  seconde  division,  à  ce  que 
les  Romains  appelaient  grimina  ou  judigta  pvblica;  vous  verrez  que,  dans  des 
crimes  d'une  naturo  plus  grave,  d«is  des  attentats  qui  lésant  non-aenlement 
un  intérêt  privé,  mais  qui  attaquent  l'ordro,  la  sécurité  publique  de  la  maniéro 
la  plus  dirocte,  vous  verrez  que  tes  Romains  ne  rocoonaissaient  pas  cette  magis- 
trature spéciale  qui  chez  nous  maintenant  a  mission  de  poursuivro,  au  nom 
de  la  société,  la  réparation  pénale  des  attentats  qui  y  ont  porté  le  déserdro. 
Les  actions  publiques  intentées  à  raison  de  certains  crimes  d'une  nature  fort 
grave  appartenaient  à  chaque  particulier.  C'était  là  la  différence  qui  les 
séparait  des  actions  privées.  Les  unes  et  les  autres  tendent  à  l'application 
d'une  peine;  mais  les  actions  privées  n'appartiennent  qu'aux  personnes  lésées; 
les  actions  publiques  au  contriûro  peuvent  êtro  exercées  par  le  premier 
venu,  chaque  citoyen  peut  se  porter,  en  son  nom  propro,  le  réparateur,  le 
vengeur  de  l'iiijure  faite,  du  tort  causé  à  chaque  citoyen  ;  tel  est,  par  exem- 
ple, le  cas  de  meurtre  et  autres  crimes  de  même  naturo.  Dans  le  paraurapha  i*' 
DepubHcis  Juditiii,  aux  Institutes,  voyei  pourquoi  cette  action  est  ainn 
appelée  :  publiga  autck  dicta  sort,  qtjod  cmvis  ex  populo  Bxxctnno  aoainc 

PLBRUHQUB  DATUS.       / 

Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  que  ce  Système»  en  ce  qui  touche  let  actions 
publiques,  est  tout  à  fait  incompatible  avec  nos  mœurs,  nos  idées,  nos  bftà* 
tndes,  qu'à  pari  même  toute  circonatance  de  temps  et  de  pays,  ua  tel  système^ 
pour  être  tolérable,  suppose  des  vertus  publiques  à  la  pureté  desquelles  il  eot 
bien  difficile  d'espérer  qu'on  puisse  aAtiîndre;  qu'on  a  en  effet  à  craindre  à  la 


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DB  L'ACTfON  FUBLIQfTB  WT  VM  L'aCTIOK  GITILC  (aRT*  4).  4SI 

fois  la  faiblesse,  1«  timiéitft  des  nns,  si  le  coupable  est  puissant,  et,  en  sens 
interse,  des  aceosatioos  passionnées  qui  sont  le  fruit  de  hsines  et  de  yen* 
geances  d'inimitiés,  et  qui  pfoAuisent  à  leur  tour  de  longues  séries  de  haines 
et  de  vengeanoes  ^vées. 

Ge  système  des  actions  pénales  publiques,  confiées  à  chaque  citoyen,  au 
nom,  dans  Tîntérét  et  comme  r^résentant  de  tous,  ce  système  est  maintenant 
presque  complètement  abandonné.  Chez  nous,  d*abord,  vous  voyez  que  les 
premiers  articles  de  notre  Gode  Tout  formeUement  exclu.  Bn  Angleterre  seu<^ 
lement,  dans  la  procédure  criminelle,  on  en  retrouve  encore  quelques  traces  : 
non  point  sans  doute  que  tout  crime  commis  puisse  être  poursuivi  par  le  pre« 
mier  venu,  lors  même  qu'il  y  est  étranger,  mais  en  ce  sens  qu'à  part  toute 
action  du  ministère  public,  action  fort  rarement  exM^cée  dans  les  cours  et 
tribunaux  anglais,  chaque  partie  lésée  par  un  délit,  quelque  grave  qu'il  soit, 
peut  en  poursuivre,  en  son  nom,  la  réparation,  non  pas  seulement  la  tépara» 
tion  civile  et  pécuniaire,  mais  même  la  réparation  pénale,  en  ce  sens  que  la 
partie  plaignante  peut  exiger,  i  diarge,  au  moins  dans  quelques  cas,  de  donner 
caution,  que  sur  sa  réquisition  tes  poursuites  criminelles  soient  commencées 
et  qu^elles  soient  conduites  jusqu'au  terme.  Aussi  n'est-ce  que  dans  des  cas  fort 
rares  que  l'action  publique  vient  se  substituer  à  l'action  pénale  privée.  Par 
exemple,  dans  le  cas  de  meurtre,  il  existe  des  officiers  spéciaux  qui,  seulemenl 
en  cas  de  silence  delà  partie  plaignante,  auront  qualité  d'abord  pour  constater 
le  crime  et  ensuite  pour  en  poursuivre,  en  leur  nom,  la  réparation.  De  même, 
dans  les  crimes  on  attentats  qui  intéressent  directement  la  société  entière,  qui« 
attentent  de  prime  abord  à  l'existence  du  corps  social,  le  pouvoir  central  peut 
alors,  par  exception,  les  poursuivre  par  ses  délégués;  tels  sont,  par  exemple, 
les  cas  de  haute  trahison.  Mais  voue  voyez  qu'en  général,  dans  la  procédure 
anglaise,  c'est  la  partie  privée,  la  partie  qui  a  souffert  qui  poursuit  et  réclame, 
en  son  nom,  l'application  de  la  peine.  Ge  système  n'est  pas  sans  doute  le  sys* 
tème  de  l'action  publique  romaine  :  cependant  il  diffère  bien  aussi  de  l'orga- 
nisation qu'expose  le  Gode  d'instruction  criminelle. 

L'action  publique,  vous  ai-je  dit  d'après  l'art.  {•%  n'est  exercée  que  par  les 
fonctionnaires  auxquels  elle  est  confiée  par  la  loi.  Quels  sont  ces  fonctijon» 
naires?  A  cet  égard  quelques  distinctions  sont  à  faire,  suivant  qu'il  s'agit  d'un 
crime,  d'un  délit  ou  d'une  contravention. 

En  matière  de  contravention  l'exercice  de  l'action  publique  est  exercée  par 
les  fonctionnaires  déùgnés  dans  les  art.  144  et  167,  c'est-à-dire  les  juges  4e 
paix,  commissaires  de  polioe,  maires  et  adjoints  de  maire,  selon  la  nature  des 
lieux  et  la  gravité  des  contraventions  ;  des  officiers  particuliers  remplissent 
les  fonctions  du  ministère  public  près  les  tribunaux  de  police* 

Quand  il  s'agit,  non  plus  de  contravention,  mais  de  délit,  l'action  publique 
est  exercée  par  le  procureur  de  la  République,  et,  dans  quelques  cas  particu- 
liers, par  les  agents  de  l'administration  f<Mrestière  pour  les  délits  qui  la  coaœr- 
nent  :  art.  182, 190  et  Wt  du  Gode  d'instruction  eriminelle. 

Et  enfin,  quand  il  s'agit  de  crime,  la  poursuite  et  l'action  publique  sont 
exercées  exclusivement  par  les  procureurs  généraux  et  procureurs  de  la  Répu« 
blique,  officiers  constituant,  à  proprement  parler,  le  ministère  public,  art.  253, 
272,  284,  288. 


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466     YINOT-GaïQUlÈMB  LBg«  —  DlSMBinOlfl  PaÉUHlNAIBXfl  (n*  516). 

Noos  Terroils  plus  tard  It  portée  de  oette  distinction  phis  en  détail;  noos 
essayerons  également  de  bien  séparer  les  fonctions  da  ministère  public  dans 
les  pourtoites  d*avec  les  fonctions  du  juge  dans  l'instruction. 

516.  Des  principes  qui  précèdent^  qaant  à  la  distinction  des  actions  publique 
et  civile  envisagées,  soit  dans  leur  objet,  soit  dans  les  personnes  à  qui  elles 
appartiennent,  ne  concluez  cependant  pas  que,  dans  les  matières  pénales, 
l'action  soit  nécessairement  portée,  introdidte,  devant  les  tribunaux  chargés 
d'ai^quer  la  peine,  à  la  requête  des  fonctionnaires  que  je  viens  d'indiquer. 
Gela  est  toujours  vrai  quand  il  s'agit  de  crime,  c'est-à-dire  qu'en  matière  de 
crime  la  poursuite  est  nécessairement  dirigée  d'un  bout  à  l'autre  à  la  requête 
du  ministère  public.  Au  contraire,  quand  il  s'agit  de  délit  ou  de  contraven- 
tion, la  peine  ne  peut,  il  est  vrai,  être  appliquée  que  sur  les  réquisitions,  sur 
les  conclusions  de  la  partie  publique,  mais  l'action  peut  être  portée  directe- 
ment par  la  partie  civile  devant  les  tribunaux  correctionnels  ou  de  police.  En 
«n  mot,  le  ministère  public,  alors  même  qu'il  s'agira  de  contravention  ou 
de  délit,  aura  seul  qualité  pour  demander,  pour  requérir  rapplication  de  la 
peine^  mais  il  pourra  la  requérir  incidemment  à  une  action  civile  déjà 
portée  par  la  partie  privée  devant  le  tribunal  correctionnel  ou  le  tribunal 
de  police.  Le  germe  de  cette  distinction  était  déjà  dans  le  Ck)de  du  3  bru- 
maire an  iV  ;  elle  est  exprimée  bien  plus  nettement  dans  divers  articles  du 
Gode  d'instruction  criminelle.  Ainsi  vous  verres  dans  les  art.  64,  §  2, 145 
et  482,  que  l'action  peut  être  introduite  soit  à  la  requête  du  ministère  public, 
soit  à  la  requête  des  particuliers.  Le  tribunal  sera  valablement  saisi,  même 
sur  une  citation  donnée  directement  par  la  partie  lésée.  Mais  la  partie  lésée 
ne  peut  conclure  dans  cette  citation  qu'aux  réparaltoiM  civiles,  sauf  au 
ministère  public  à  conclure  ensuite,  à  Faudienoe,  à  l'application  de  la  loi 
pénale. 

Des  principes  qui  précèdent  résulte  assez  daûnement  la  conséquence  que  les 
deux  actions  publique  et  civile  sont  parfaitement  séparées,  et  par  conséquent, 
en  principe,  parfaitement  indépendantes  l'une  de  l'autre;  que  de  même  que 
la  partie  lésée  peut  agir  en  réparation  sans  l'intervention  du  ministère  public, . 
de  même,  et  à  plus  forte  raison,  le  ministère  public,  agissant  dans  un  intérêt 
général  pour  Tapplication  d'une  peine,  n'est  pas  forcé  d'attendre,  avant  d'agir, 
la  dénonciation  ou  la  plainte  de  la  partie  qui  se  prétend  lésée;  que  le  ministère 
public,  sauf  les  exceptions  que  nous  allons  indiquer,  a  toujours  qualité,  a 
^  toujours  droit  et  devoir  de  poursuivre  d'olBce,  malgré  le  silence  ou  même 
malgré  le  désistement,  la  renonciation  de  la  partie  lésée,  a  toujours  droit  et 
devoir  de  poursuivre  d'ofûce  l'application  de  la  peine.  Le  principe,  vous  le 
trouves  écrit  dans  notre  art.  4  :  La  rmonekiUm  à  Vaetion  eiwk  ne  peut  arrêter 
fU  iutpendre  Pexereiee  de  VacUan  publique.  Vous  le  trouverez  répété  dans 
l'art.  2046  du  Gode  civil  :  t  On  peut  transiger  sur  l'intérêt  civil  qui  résulte 
d'un  délit.  La  transaction  n'empêche  pas  la  poursuite  du  ministère  public.  » 
Tel  est  le  principe  ;  mais  ce  principe  admet  quelques  exceptions  qu'il  est  bon 
d'indiquer  dès  à  présent. 

516.  Ainsi  vous  trouvez  dans  l'art.  336  du  Gode  pénal  que  l'adultère  de 

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Dx  l'ajgtion  FaBUQim  cr  sb  l'aotion  gitilb  (ait.  4).        461 

la  fémiiiei  doamil  lien  à  him  «etion  pteAle,  ne  peut  être  déooiioé  qae  par  la 
flBflri.  n  n'est  pas  nécessaira  sans  doute  qite  le  mari  figure  dans  la  ponrsaîta, 
qu'A  ^eime  prendre  k  qualité  de  panie  ciipiie  ;  mais  il  est  clair  que,  tant  que 
le  mari  n'a  pas  porté  pkinte,  l'action  pnbliqae  afin  d'impliquer  la  peine  est 
nécessairement  suspendue.  Les  motifis  en  sont  d'aUleors  bien  sensibles.  La 
conséquence  parait  même  en  être,  qu'à  défimt  de  plainte  du  mari«  l'action 
puMîque  reste  suspendue  non-seulement  à  l'égard  de  la  femme,  mais  mémo 
à  regard  du  complice;  la  poursuite  est  indivisible,  en  ce  sens  qu'elle  ne 
peut  éclater,  qu'elle  ne  peut  avoir  lieu  contre  le  complice  sans  mettre  au 
grand  jour  le  scandale  que  la  loi  permet  au  mari  d'éviter  en  ne  se  plai- 
gnantpas. 

^  Réciproquement,  dans  le  cas  où  l'adultère  du  mari  constitue  un  délit,  un 
fidt  punissable,  dans  le  cas  de  l'art.  339  du  Gode  pénal,  la  plainte  ne  peut 
vemr  que  de  la  femme.  Encore  un  cas  où  l'action  pénale,  où  l'action  publique 
est  enchainée  jusqu'à  la  plainte  de  la  partie  qui  a  souffert  du  délit. 

De  mdme  aussi,  dans  l'art.  357  du  CSode  pénal,  pour  le  cas  de  rapt  d*une 
mineure,  vous  voyez  que,  si  le  ravisseur  a  épousé  la  fille  enlevée,  la  pom^ 
suite  ne  peut  être  commencée  que  sur  la  dénonciation  des  personnes  qui  ont 
qaidité  pour  draiander  la  nullité  de  ce  mariage,  et  que  de  plus  la  condamna* 
tion  ne  peut  être  prononcée  qu'après  que  la  nullité  du  mariage  a  été  demandée 
et  déclarée. 

Dans  l'art.  433  du  Gode  pénal  vous  trouvez  encore  que  les  crimes  et  AéAitè 
dee  fournisseurs  employés  pour  les  armées  de  l'État  ne  peuvent  être  pour* 
suivis  que  sur  la  dénonciation  du  gouvernement 

Des  exemples  analogues  se  trouvent  encore  dans  des  lois  spéciales  :  tri 
est,  par  exemple,  le  cas  de  délit  de  chasse  ou  de  ]>éche.  Yous  savez  déjà  qu'en 
£sit  de  chasse,  des  délits  ou  contraventions  de  trois  natures  différentes  peu- 
vent être  commis  :  i*  chasse  sans  port  d'armes  ;  2»  chasse  en  temps  prohibé; 
30  enfin,  chasse  même  avec  port  d'armes  et  en  temps  non  prohibé,  mais  sur 
le  terrain  d'autrui.  Il  est  dair  que  les  deux  premiers  actes  constituent  des 
bits  punissables  par  enz^mêmeSy  en  ce  sens  que  l'action  pénale  de  la  part  -du 
ministère  public  n'est  subordonnée  à  aucune  plainte,  à  aucune  dénonciation. 
Au  contraire,  le  troisième  fait,  quoique  qualifié  délit,  quoique  punissable  de 
l'amende,  n'est  cependant  à  peu  près  qu'un  délit  d'intérêt  privé  ;  aussi  ne  peut- 
il  être  poursuivi  et  puni  qu'à  la  réquisition  de  la  partie  civile  suivant  la  loi  du 
3#  avril  i790,  art.  8,  et  la  loi  du  3  mai  (844. 

Ge  que  nous  disons  de  la  chasse,  dites-le  de  même  du  cas  de  pêche,  où  vous 
distinguerez  la  pêche  en  temps  prohibé,  la  pêche  avec  engins  et  filets  défen- 
dus, enfin  la  pêche  sur  le  terram  d'autrui.  Dans  ce  dernier  cas  le  délit  est  d'un 
intérêt  tout  privé  et  sera  poursuivi  sur  la  dénonciation  de  la  partie  int^essée  : 
art  65  et  67  de  hi  loi  du  15  avril  1829,  sur  la  pêche  fluviale. 

Voilà  quelques  exceptions  au  principe  général  diaprés  lequel  l'action  pubK- 
que>  dans  son  exercice,  est  pleinement  séparée,  et  surtout  pleinement  indê» 
pendante  de  l'exercice  de  l'action  civile.  Mais  quelle  étendue  dêvâns-nous 
donner  à  ces  exceptions?  Jusqu'à  quel  point,  dans  les  exemples  qui  précèdent, 
inaction  du  ministère  public  peut-elle  être  paralysée  par  la  volonté  de  la  par- 
tie privée?  Tant  que  l'action  publique,  tant  quePaction  pénale  n'a  plus  été  in* 

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462     YINGT-CniQUlàtfB  LEÇ.  —  DISMSmOffS  PBJfcLIMINAiaBB  (n''  517). 

lêniée,  il  n*y  a  à  cet  égard  auean  doate,  la  Im  subordonne  à  la  plainte  éê  la 
partie  priyôe  le  droit  d'exereer  Taotion  poMitfiie,  le  droit  de  pourenivre  Tap*- 
plication  de  la  peine.  Mais,  eappoees  que  cette  pUîate  toit  réeUemeni  intér* 
leane,  qa*en  con&éqaenee,  robstacle  qoi  Tarrétait  ayant  dtepam,  le  minielère 
publie  ait  agi;  supposez  qu'ensuite,  l'action  publique  se  poursuiTant»  le  par- 
ticulier transige,  se  désiste,  renonce  à  toute  espèœ  de  poursuite.  Dans  ce  osa 
.  l'action  du  ministère  public  sera-tpcUe  arrêtée,  paralysée?  la  volonté  du 
particulier,  qui  pouvait  empêcher  l'exercice  primitif  de  l'action  suffira-fc^e 
pour  éteindre,  pour  anéantir  l'action  déjà  intentée? 

517.  En  principe  général,  il  parait  fort  difficile  d'adopter  l'affirmative;  la 
règle  de  l'indépendance  des  deux  actions,  la  règle  qui  permet,  qui  commande 
même  au  ministère  public  de  poursuivre  l'application  de  la  peine  partout  oft  il 
voit  un.  scandale  à  punir,  un  exemple  à  donner,  un  désordre  à  réparer,  cette 
régie  souffre  exception  dans  les  textes  que  nous  avons  cités,  en  ce  sens  que  le 
ministère  public  n'a  droit  d'intenter  l'action  publique  que  sur  la  plainte  de  la 
partie  privée  ;  mais  une  fois  cette  plainte  intervaaue,  l'obstacle  a  disparu,  le 
ministère  public  a  repris  son  entière  liberté  d'action,  sa  plénitude  de  pouvoir. 
Dépendra-t*il  de  la  volonté,  du  caprice  d'un  particulier,  d'anéantir  ensuite 
cette  action?  Le  fait  coupable  une  fois  déclaré,  le  scandale  une  fois  mis  au 
jour,  pourra-t-on  le  laisser  impuni  ?  C'est  là  ce  qu'il  est  fort  difficile  d'ad* 
mettre  en  thèse  générale.  Cependant  une  jurisprudence  bien  constante,  et 
que  peut-être  il  serait  difficile  de  combattre  avec  de  bonnes  raisons,  lait 
exception  à  ce  principe,  dans  le  cas  de  l'art.  336.  On  reconnaft  universelle- 
ment que  le  mari,  après  avoir  porté  plainte  de  raduitère  de  sa  femme,  peut 
Micore  arrêter,  anéantir  l'action  publîqtte  intentée,  en  déclarant  s'opposer  à 
oe  que  cette  action  aille  plus  loin*  Sn  effet,  l'aduUère,  tel  qu'il  est  envisagé 
par  Fart,  336,  n'est  en  réalité  qu'un  délit  de  pur  iatérêt  privé  ;  cela  ne  résulte 
pas  seulement  de  ce  que  la  loi  subordonne  la  poursuite  à  la  dénonciation  du 
mari,  cela  résulte  encore  plus  clairement  de  la  disposition  qui  permet  au  mari, 
même  iq»rès  la  condamnation,  après  remprisonnement  prononcé,  d'en  £ure 
cesser  l'effet  en  consentant  à  reprendre  sa  femme.  Telle  est  la  disposition  de 
l'art.  309  du  Code  civil  qui,  pour  ce  délit  spécial,  confère  ainsi  au  mari,  à  un 
simple  particulier  une  espèce  de  droit  de  grftce«  En  combinant  ainsi  l'art*  336 
du  Gode  pénal  avec  Fart.  309  du  Code  civil,  ne  peut*-on  pas  dire  que  le  minis-* 
tore  public,  poursuivant  l'adultère  de  la  femme,  &'agit  réellement  que  dans 
rintérêt  unique,  dans  l'intérêt  exclusif  du  mari;  qu'il  ne  fait,  à  proprem^at 
parler,  que  prêter  son  ministère  à  l'action  pénale  que  celui-ci  ne  peut  pas 
exercer  en  son  nom?  C'est  sur  ce  point  qu'on  s'est  fondé,  et  je  crois  avec  rai- 
Sdi,  pour  accorder  au  mari,  quoique  la  loi  ne  s'en  explique  pas  formellement, 
le  droit  de  suspendre,  d'arrêter,  de  mettre  à  néant  l'action  publique,  apiès 
même  qu'elle  a  été  intentée,  commencée  sur  sa  plainte.  Il  y  faut  joindre  ce 
grave  motif,  cet  intérêt  sérieux  qui  a  dicté  déjà  l'art  336,  savoir,  k  facnlté, 
que  la  loi  a  entendu  laisser  au  mari,  d'étouffer  le  scandale,  d'enlever  an^ 
public  la  connaissaoçe  complète  d'un  lait  qui  )eU»  le  dériMmnenr  sur  sa 
famille. 

Peat*être  méme^  en  s'attachant  à  cette  4emière  raison,  nous  faudeapt^il 
faire  un  pas  de  plus  et,  appliquant  la  même  déôsion  à  Fart.  366,  reconnaître 

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un  L'AGTidir  TjsBuqm  sr  m  l'aotiom  Gmts  (abt.  4).       M3 

que  dans  le  cm  où  le  ravigsear  a  ^nsé  la  fille  enleirée,  les  mdnies  personnes 
à  la  plainte  desquelles  rexerdoe  de  l'action  pénale  est  abs^^ument  snbor- 
donné,  pminraient  également  Tsirréter  après  qu'elle  a  été  intentée.  La  volonté 
du  légidateur  dans  Tart.  3S^7  a  été  de  sacrifier  le  désir,  le  besoin  de  la  yen* 
geence  publique  à  l'intérêt  de  la  famille  qœ  va  former,  que  va  réunir  le  ma- 
riage contracté.  Aussi  n'a-t*il  donné  le  droit  de  porter  i^aiote  qu'aux  per* 
sonnes  qui  peuvent  provoquer  la  nullité  de  ce  mariage,  et  autant  surtout 
qu'elles  l'ont  provoquée.  Il  ajoute  que,  bien  que  la  poursuite  puisse  être  corn- 
mencée  par  le  seul  fait  de  la  plainte,  cependant  le  ravisseur  ne  pourra  être 
condamné  qu'après  que  le  mariage  aura  été  annulé.  Or,  comme  il  dépend 
toujours  du  demandeur  en  nullité  de  ce  mariage  de  se  désister  de  sa  demande 
en  mâUté  ;  comme  de  plus  la  condamnation  pénale  ne  peut  être  prononcée 
qu'après  la  nuUité  de  ce  mariage  déeburée,  il  est  clair  que  le  demandeur,  que 
celui  qui  a  porté  plainte  a  toujours  dans  la  main  un  moyen  d'arrêter  la  pour- 
suite du  ministère  public,  et  ce  moyen,  c'est  d'abandonner  l'action  civile  in- 
tentée par  lui  en  nullité  de  mariage. 

Sauf  ces  exceptions  fondées  sur  des  motifs  tout  à  fait  spéciaux,  le  désir 
d'étouifer  et  d'arrêter  après  coup  le  scandale  que  sans  doute  il  aurait  mieux 
valu  de  pas  faire  naître,  nous  devons,  je  crois,  reconnaître  que  dans  les  cas 
même  où  l'action  du  ministère  public  ne  peut  être  exercée  qu'après  la  plainte 
de  la  partie  lésée,  cette  partie,  qui  était  libre  de  ne  pas  se  plaindre  et  par  là 
d'empêcber  l'exercice  de  l'action  publique,  ne  peut  plus  se  désister  valable- 
ment et  arrêter  après  coup  une  action  pénale  valablement  commencée. 

518.  La  troisième  différenoe  indiquée  est  relative  à  la  durée  de  l'action. 

Les  règles  relatives  à  la  durée  de  Tune  et  de  l'antre  action  sont  indiquées 
dans  l'art.  2;  l'une  et  l'autre,  d'après  le  paragrapiie  3,  s'éteignent  par  la  pres- 
cription ;  et  sous  ce  rapport  la  loi  se  borne  à  un  renvoi. 

Cest  une  question  assez  débattue,  que  celle  de  savoir  si  la  prescription  de 
l'action  pénale,  telle  qu'elle  est  étabUe  dans  Veai.  fi37  et  suivants,  s'applique, 
sans  distinctions  ni  limites,  à  la  prescription  de  l'action  civile.  Nous  ren- 
voyons eette  question  à  l'examen  des  art«  637  à  642.  Je  ne  crois  pas  d'ail- 
leurs que  les  distinctions  proposées  à  cet  égard  doivent  être  admises  ;  je  crois 
que  les  art.  637  et  suivants  doivent  être  appliqués  à  la  lettre,  et  qu'une  pres- 
cription commune,  celle  de  dix  ans,  par  exen^le,  dans  les  matières  crimi- 
nelles, anéantit  à  la  fois,  sans  aucune  espèce  de  distinction,  et  l'action  pénale 
et  Tactiott  civile.  Ce  point,  du  reste,  est  débattu  ;  le  siège  de  la  question  se 
placera  tout  naturellement  sous  ces  articles.  Ce  n'est  donc  pas  sous  le  rapport 
de  la  prescription  que  nous  devons  chercher  une  différence  entre  l'une  et 
l'autre  action  ;  cette  différenoe  proposée  ne  me  parait  pas  admissible. 

Mais,  sous  un  autre  rapport,  l'art*  2  indique  une  distinction  tiès-fiadle  à 
comprendre  et  à  motiver  ;  l'action  publique  ne  tend  qu'à  l'application  d'une 
peine,  et  il  répugne  à  la  raison  qu'une  peine  soit  iofiigée  à  un  autre  qu'au 
coupable  :  donc  l'aetion  publique  s'éteint  sans  difficulté  par  la  mort  du  pré- 
venu. 1/aotîon  civile,  au  contraire,  n'eet  que  la  réparation  d'un  préjudice, 
die  tend  uniquement  à  l'acquitlement  d'une  dette  :  donc  l'action  civile  se 
donne  centre  les  béritiers  ou  représentants  du  prévenu.' 


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4M     TINGT-GIHQUlteB  LBÇ.   —  DiaMSmOlli  PBÉUMIMAIRBS  (m^   518). 

Le  principe  d'après  lequel  l'aetion  publique  s'éteîat  par  la  mort  du  coupable 
a  été  constamment  reconnu,  il  ne  Ta  pourtant  pas  toujours  été  sans  distinc- 
tion ni  exception.  Ainsi»  même  sous  l'ordonnance  de  1670,  on  reconnaissait 
certains  crimes  dont  la  poursuite  et  k  punition  survivaient  à  leur  auteur.  Tel 
était  le  cas  de  lèse*majesté,  le  cas  de  duel,  de  rébellion  à  main  armée  aux 
ordre  et  autorité  de  justice,  lorsque  le  coupable  avait  été  tué  en  se  défendant. 
Dans  ces  divers  cas,  et  autres  pareils,  on  autorisait,  par  une  singulière  bizar- 
rerie, une  poursuite  après  la  mort  du  coupable.  Cette  poursuite  était  dirigée 
contre  un  curateur  nommé  dans  certaines  formes,  et  qui  figurait  en  son  nom 
dans  tous  les  actes  de  la  procédure  ;  seulem«it  la  condamnation  était  pro- 
noncée tantôt  contre  la  mémoire,  tantôt  même  contre  le  cadavre  du  coupable^ 
Ia  condamnation  contre  le  cadavre  ccmsistait  à  le  traîner  sur  une  claie  ;  contre 
la  mémoire,  elle  consistait  à  en  prononcer  la  suppression. 

le  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  tout  ce  qu'il  y  a  de  ridicule,  de  déraiscm- 
nable  dans  ce  système,  qui  fait  survivre  la  poursuite  à  la  mort  du  coupable*  Il 
est  clair  que  ces  poursuites  n'atteignent  que  la  famille  du  coupable,  que  de 
pareilles  poursuites  font  rejaillir  sur  la  famille  une  bonté  qui  est  sans  profit 
pour  la  vindicte  puMique.  Le  supplice  infligé  au  cadavre  est  encore  plus  bidenx 
qu'il  n'est  ridicule,  et  l'arrêt  qui  supprime  la  mémoire  est  le  moyen  de  rendre 
cette  mémoire  longue  et  durable.  Voyez  à  cesi3jet  Potbier,  TraUé  de  iafroeé'' 
dure  criminelle,  section  VU.  Ce  principe  a  été  complètement  aboli,  nous 
n'avons  pas  à  nous  y  arrêter  et  nous  pouvons  maintenant  poser  comme  prin- 
cipe constant  l'extinction  de  l'action  publique  par  la  mort  du  prévenu.  A  cet 
égard  la  question  ne  peut  présenter  aucune  difficulté.  Lorsque  le  coupable 
meurt  avant  toutes  poursuites  commencées,  ou  mémeaprès  un  commencsment 
de  poursuites,  mais  avant  toute  condamnation,  il  est  clair  que  dès  ce  moment 
aucune  condamnation  n'étant  jIvm  possible,  l'action  publique  antérieurement 
intentée  s'anéantit. 

A  l'inverse,  si  le  coupable  meurt  avant  Texécution  de  la  peine,  mais  après 
que  la  peine  a  été  prononcée,  et  qu'elle  est  devenue  définitive  par  l'expiration 
de  tous  les  détails  pendant  lesquels  U  pouvait  l'attaquer,  il  est  clair  que  la  moft 
du  coupable  n'anéantit  pas  la  condamnation,  elle  empécbera  sans  doute  l'exé- 
cution,  dans  ce  que  cette  exécution  avait  de  corporellemMit,  de  personneUe- 
ment  applicable  au  coupable  lui-même  ;  mais,  quant  aux  condamnations  pécu- 
niaires pénales,  telles  que  l'amende  qui  lui  a  été  infligée,  il  est  clair  que  sa 
mort  laisse  à  la  condamnation  tousses  effets,  et  que  Tamoide,  une  fois  pronon- 
cée par  une  sentence  tout  à  £ut  définitivci  peut  être  valablement  poursuivie 
contre  ses  béritiers. 

Mais,  entre  ces  deux  cas  extrêmes,  dont  aucun  ne  peut  être  douteux,  vien- 
draient se  placer  des  difficultés  que  le  temps  ne  me  permet  pas  de  discuter  ici, 
mais  que  je  dois  cependant  vous  indiquer. 

Il  peut  arriver  que  le  prévenu  meure,  non  pas  avant  toutes  poursuites,  ou 
même  avant  toute  condamnation,  mais  qu'il  meure  après  une  condamnation 
prononcée  contre  lui,  mais  avant  que  cette  condamnation  fût  devenue  inatta- 
quable. Qe  peut  être,  par  exemple,  une  condamnation  prononcée  par  un  tri- 
bunal corfectionnel  ;  le  .prévenu  avait  dix  jours  pour  appeler,  il  meurt  dans 
ces  dix  jours,  Tappel  estni  encore  possibli»?  ou,  s'il  était  interjeté,  devra-t-on  y 

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DB  lUoTION  FUBLIQim  BT  DB  l'aCTION  CI7ÎLE  (aRT.  4).  465 

doniier  suite?  La  question,  bien  entenda,  ne  présente  d'intérêt  qae  relatite- 
ment  à  Tam^ide  dont  il  avait  été  frappé,  mais  à  Tégard  de  cette  amende,  Tin- 
téiôt  est  assez  grave,  et  la  question  me  paraît  fort  délicate. 

De  même  vous  pouvez  supposer  qu'il  meure,  non  plus  dans  le  cours  des 
délais  d'appel,  mais  après  les  délais  d'appel  expirés,  ou,  pour  mieux  dire,  après 
qu'on  a  statué  sur  son  appel;  il  meurt  ayant  encore  contrôla  condamnation  la 
ressource  du  pourvoi  en  cassation.  La  mort  empêche- t-elle  le  pourvoi;  laisse- 
t^^e,  au  contraire,  à  ses  héritiers  le  droit  de  se  pourvoir  pour  faire  casser  la 
sentence,  si  elle  a  mal  impliqué  la  loi,  et  le  faire  décharger  par  là  de  la  condam- 
nation à  l'amende? 

Ces  questions  sont  assez  délicates  et  se  compliquent  de  la  question  de  savoir 
ce  que  deviendra,  dans  ces  hypothèses  diverses,  l'action  civile  qxd  avait  pu 
être  intentée  par  la  partie  lésée  conjointement  avec  l'action  publique.  Je  les 
laisse  de  côté  un  peu  parce  que  le  temps  me  presse,  et  beaucoup  surtout  parce 
que  les  notions  pour  examiner  ces  questions  nous  manquent  encore  en  grande 
partie  ;  nous  les  reprendrons  plus  loin. 

Yoilà  pour  notre  troisième  différence. 

519.  La  quatrième  et  dernière  différence,  celle  qu'indique  l'art.  3,  est  rela- 
tive aux  règles  de  compétence  établies  pour  l'une  et  l'autre  action. 

L'action  pénale  ou  publique  appartient  essentiellement  aux  tribunaux  cri* 
minels  et  ne  peut  être  portée  que  devant  eux,  elle  ne  peut  être  jugée  que 
par  eux. 

Au  contraire,  l'action  civile  peut  se  porter  indifféremment,  soit  devant  les 
tribunaux  criminels,  et  je  prends  ce  mot  dans  son  sens  générique,  les  cours 
d'assises,  les  tribunaux  .correctionnels  et  les  tribunaux  de  police,  soit  devant 
les  tribunaux  civils.  Elle  peut  être  portée  devant  les  tribunaux  criminels  con- 
jointement avec  l'action  pénale  ;  mais  dans  ce  cas  il  est  nécessaire  que  la 
partie  lésée  se  soit  déclarée  partie  civile,  aux  termes  des  art.  66  et  67,  ou 
que  du  moins  elle  ait,  avant  le  jugement,  formé  contre  le  prévenu  ou  accusé 
une  demande  en  dommages-intérêts.  Voyez  aussi  l'art.  358,  relatif  à  la  procé- 
dure des  cours  d'assises. 

L'action  civile  peut  donc  être  portée  par  la  partie  lésée  devant  les  tribunaux 
criminels  conjointement  avec  l'action  publique,  et  pendant  tout  le  cours  de 
cette  poursuite.  Elle  peut  aussi  être*  portée  isolément,  séparément  devant  les 
tribunaux  civils  ;  et  cela  ne  souffre  aucune  difficulté  lorsque  déjà  le  jugement 
sur  l'action  publique  a  été  rendu  par  les  tribunaux  criminels.  Nous  aurons 
plus  tard  l'occasion  de  nous  demander  quelle  est  à  cet  égard  l'inQuence  d'un 
des  jugements  sur  l'autre,  et  jusqu'à  quel  point  la  chose  jugée  au  criminel 
pour  ou  contre  l'accusé,  peut  avoir  d'effet  sur  l'action  civile  devant  les  tribu- 
naux civils.  En  général  la  loi  ne  parait  guère  y  attacher  d'effet.  Recourez  aux 
art.  358  et  359  combinés  avec  l'art.  3,  vous  y  verrez  la  preuve  que  si  l'action 
civile  est  portée  par  la  partie  lésée  devant  les  tribunaux  civils,  avant  qu'il  ait 
été  statué  sur  l'action  criminelle  par  les  tribunaux  compétents,  alors  il  faut 
faire  une  distinction. 

Tant  que  le  ministère  public  n'intente  pas  l'action  pénale,  le  tribunal  civil 
saisi  de  l'action  civile  conmdt  valablement  de  cette  action. 

I.  30 

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466     YINOT-CINQUlÉliB  LBÇ.  —  t>ISP0SITI0K8  PRÉLIMINAIRBS  (n*  520). 

Au  contraire,  si  avant  Faction  civile  intentée  par  la  partie  privée  devant  un 
tribunal  civil,  ou  bien,  si  dans  le  cours  de  cette  action  civile  le  ministère  public 
forme  une  action  pénale,  Finstance  entamée  relativement  à  Faction  civile  est 
nécessairement  suspendue.  Telle  est  la  règle  de  Fart.  3  ;  c'est  le  sens  de  Fan- 
cienne  maxime  :  c  le  criminel  tient  le  civil  en  état.  •  La  même  question  de 
culpabilité  ne  peut  pas  être  simultanément  débattue,  d'une  part,  devant  nn  tri- 
bunal criminel,  d'autre  part,devant  un  tribunal  civil.  Ces  deux  actions  se  trouvant 
portées  à  la  fois  devant  ces  deux  tribunaux,  il  doit  être  sursis  à  Fexamen  de 
Faction  civile,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  statué  définitivement  sur  Faction  publique. 

Mais  ne  concluez  pas  de  là,  comme  on  pourrait  être  tenté  de  le  faire,  que 
le  jugement  sur  Faction  publique  préjuge  nécessairement  la  question  sur 
Faction  civile;  ne  concluez  pas,  par  exemple,  que,  lorsque  Faccusé  a  été 
acquitté  par  les  tribunaux  criminels,  il  soit  alors  légalement  prouvé,  même  à 
Fégard  de  la  partie  lésée,  que  le  fait  dont  il  est  acquitté  n'a  pas  eu  lieu;  ne 
concluez  pas  qu'on  ne  puisse  devant  un  tribunal  civil  obtenir  la  réparation  du 
préjudice  causé  par  un  crime  ou  par  un  délit,  lorsque  la  personne  accusée  de 
ce  crime  ou  de  ce  délit  a  été  acquitté^  par  le  tribunal  criminel.  La  preuve  du 
contraire  résulte,  de  la  manière  la  plus  directe,  la  plus  manifeste,  de  Farti- 
de  358,  que  nous  analyserons  plus  tard. 

Ainsi  de  la  règle  :  «  le  criminel  tient  le  civil  en  état,  •  règle  consacrée  par 
notre  art.  3,  il  ne  suit  pas  que  le  jugement  à  intervenir  sur  l'instance  crimi* 
nelle  entame,  préjuge  et  décide  nécessairement  le  jugement  à  intervenir  sur 
Finstance  civile.  Si  la  loi  veut  que  l'instance  civile  soit  suspendue  jusqu'après 
le  jugement  criminel,  c'est  uniquement  parce  que,  si  Faction  civile  continnait 
à  marcber,  si  le  tribunal  civil  rendait  une  décision,  cette  décision  pourrait 
exercer,  non  pas  un  préjugé  légal,  mais  une  influence  morale,  qu'il  est  impor- 
tant d'éviter,  sur  les  juges  ou  les  jurés  saisis  de  Faction  criminelle.  Il  ne  faut 
pas  lorsque  le  tribunal,  saisi  de  Faction  civile,  a  condamné  le  défensenr,  on 
lorsque  au  contraire  il  Fa  renvoyé,  il  ne  faut  pas  que  ce  fait,  nécessairement 
connu  des  juges  de  Faction  criminelle,  vienne  faire  pencher  la  balance  pour 
ou  contre  Faccusé;  et  cette  influence  serait  inévitable  si  l'on  permettait  à' 
Faction  civile  de  suivre  son  cours,  d'atteindre  son  terme  avant  que  Faction 
publique  soit  arrivée  au  sien.  Tel  est  donc  Funiquebut,  Funique  sens  de  cette 
règle  qui  suspend  Faction  civile  jusqu'après  le  jugement  criminel.  N'en  con- 
cluez pas,  encore  une  fois,  que  la  chose  jugée  au  criminel  soit  chose  jugée  an 
civil  ou  réciproquement.  Je  n'examine  pas  quanta  présent  la  question;  je 
me  borne  à  vous  avertir  qu'admettre,  comme  certaine,  Finfluence  an  criminel 
de  la  chose  jugée  au  civil,  serait,  au  moins  comme  règle  générale,  nne  erreur 
tout  à  fait  démentie  par  le  texte  de  Fart.  358. 
Voilà  nos  principales  différences  entre  ces  deux  actions.    . 

520.  Il  nous  reste  à  examiner  les  trois  derniers  articles  de  cette  section  uni- 
quement relatifs  à  Faction  publique  et  qui  se  rattachent  à  un  ordre  d'idées 
tout  différent. 

Le  grand  but  de  a  loi  pénale,  c'est  l'exemple,  c'est  d'empêcher,  par  FappU- 
cation  de  la  peine,  le  renouvellement  des  délits  on  des  crimes  que  Fon  entend 
punir;  c'est  nne  idée  bien  connue.  De  là  suit  qu'en  général  la  loi  pénale  est 

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n  l'action  publiqui  n  db  l'action  citilb  (art.  4).       487 

plûtAI  réelle»  plutôt  territoriale,  passei-moi  oe  mot,  qu'elle  n'est  personnelle. 
G'eet-à-dire  que,  ponr  appliquer  une  peine,  on  ne  s'inquiète  pas  de  savoir  si 
eeiui  à  qui  on  l'applique  est  nn  national  ou  un  étranger,  on  s'inquiète  unique- 
ment de  savoir  eh  quel  lien,  sur  quel  territoire,  le  fait  punissable  a  été  commis. 
Le  principe  est  écrit»  non  pas  dans  le  Gode  d'instruction  criminelle,  mais  en 
tète  du  Gode  civil  :  l'art.  3  décide  «  que  les  lois  de  police  et  de  sûreté  obligent 
tous  ceux  qui  habitent  le  territoire.  •  Et  quand  on  parle  de  ceux  qui  habitent 
le  territoire,  il  £aut  entendre  ce  mot  largement,  non  pas  seulement  d'une  habi- 
Ution  proprement  dite,  d'une  résidence  de  quelque  durée,  d'une  résidence 
volontaire  ;  ne  s'agirait^il  que  d'un  passage  ou  d'un  séjour  d'un  instant,  de  It 
part  de  l'étranger  sur  notre  territoire,  toute  action  contraire  à  la  loi  pénale 
française  commise  par  l'étranger  en  France  tombe  nécessairement  sous  le  coup 
de  la  loi  pénale  française.  Nous  ne  nous  occuperons  pas  davantage  de  savoir 
si  ce  séjour  était  volontaire  ou  forcé.  Déjà,  dans  la  discussion  relative  à  la 
peine  de  mort,  nous  avons  repoussé,  comme  fondement  du  droit  général,  cette 
idée  tout  à  fait  arbitraire  de  je  ne  sais  quel  contrat,  je  ne  sais  quelle  convention 
qu'on  supposerait  intervenue  tacitement  entre  tous  les  habitants  d'un  même 
sol  pour  se  soumettre  à  une  loi  pénale  commune.  L'étranger  qui  se  trouve 
momrattanément  en  France,  par  l'effet  d'un  naufrage  ou  de  la  captivité,  n'en 
est  pas  moins  soumis  que  le  Français  lui-même  à  la  loi  pénale  française. 
Ainsi,  voilà  le  principe;  c'est  au  lieu  où  le  délit,  le  crime  a  été  commis  que 
la  loi  s'attache  pour  le  punir;  qu'il  Tait  été  par  un  Français  contre  Français, 
par  un  étranger  contre  un  Français  ou  môme  un  étranger,  le  crime  a  été 
4X)mmis  en  France,  la  juridiction  appartient  à  la  France. 

581.  Mais  si  la  loi  pénale  est  territoriale  en  ce  sens  quene  Bappiiq««  « 
toutes  les  perstmnes  qui  résident  sur  le  territoire,  est-eïle  exclusivement  ter- 
ritoriale 1#8on  autorité  doitelle  expirer  aux  frontières  ?|Ne  peut-elle  s'étendre 
aux  infractions  commises  par  les  régnicoles  en  paye  étranger?  Cette  question, 
l'une  des  plus  graves  de  la  législation  pénale,  avait  été  résolue  par  notre  Gode 
-en  ce  sens  que  l'exterritorialité  de  la  loi  pénale  n'était  admise  que  restricti- 
^ement  et  à  titre  d'exception.  La  loi  du^27  juin  Jlfi^a  élargi  cette  excepUon 
ou  plutôt  lui  a  substitué  la  règle  qui  n'y  était  appliquée  que  dans  quelques  cas 
et  qui  est  devenue  générale.  Les  art.  5,  6  et  7  ont  été  remaniés  et  profondé- 
ment modifiés  par  cette  loi.  Nous  allons  successivement  examiner  le  principe 
de  la  matière,  l'application  que  les  anciens  textes  avaient  donnée  à  ce  principe 
et  l'extension  que  les  nouveaux  textes  lui  ont  apportée. 

11  nous  paraît  que  le  principe  qui  déclare  la  loi  pénale  essentiellement  terrî- 
4oriale  a  reçu  en  général  une  fausse  application  :  que  si  cette  loi  oblige  toutes 
les  personnes  qui  résident  sur  le  territoire,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'elle  ne  puisse 
en  môme  temps,  môme  en  dehors  du  territoire,  obliger  encore  les  citoyens 
^  sont  ses  sujets;  que  si  la  souveraineté  dont  émane  le  droit  de  justice,  t[ue 
ai  l'autorité  de  la  loi  elle-môme  expirent  à  la  frontière,  ce  n'est  pas  une  raison 
pour  que  U  justice  et  la  loi  ne  saisissent,  dans  les  limites  du  territoire,  un 
«rime  qui  a  été  commis  sur  le  territoire  étranger;  enfin  que,  si  la  loi  pénale 
est  territoriale  en  ce  sens  qu'elle  ne  peut  être  appliquée  que  sur  le  territoire^ 
«Ue  peut  néanmoins  régir,  dans  une  cerUine  mesure,  les  actions  des  citoyens 

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Ma     VIN4*-CnfO0I»Œ  MÇ.  ~  0181W8IT10H8  KlÉLIMINAinW  (N^  521). 

pendant  leur  séjour  moBiantanè  à  l'étranger,  et  réprimer  à  leur  retour  les 
infhbCtioDS  qu'ils  ont  pu  commettre.  .  ^     ..    .  , 

La  loi  pénale  est  territoriale  et  personneUe  à  la  fois;  efle  est  territoriale  en 
ce  sens  qtf  elle  saisit  toutes  les  personnes,  quelles  ^ju^eUes  soient  qui  se  trou- 
Tent  sur  le  territoire  ;  elle  est  personneUe  en  ce  sens  qu'elle  smt  les  citoyens 
môme  sur  le  territoire  étranger,  elle  les  suit  pour  régler  leur  capacité  morale 
comme  le  statut  personnel  règle  leur  capacité  civile.  La  loi  pénale  n  est  point 
une  simple  énumération  d'intordictions  et  de  défenses;  elle  pose  les  règles  de 
conduite  des  citoyens,  elle  leur  enseigne  quelles  actions  sont  permises,  queUe» 
prohibées;  eUe  trace  leurs  devoirs  et  leurs  obligations.  C'est  dans  ses  textes 
que  se  trouvent  les  condiUons  attachées  à  leur  droit  de  cité,  les  garanties 
qu'ils  doivent  à  U  société  dans  laquelle  ils  vivent,  les  règles  morales  qu'eUe  a 
dû  leur, imposer  pour  assurer  sa  conservation.  Or  comment  admettre  que  ces 
règles  morales  se  matérialisent  en  quelque  sorte  avec  le  territoire  et  n'aient 
d'autorité  que  jusqu'à  la  limite  de  la  frontière?  CSomment  comprendre  que  les 
citoyens  d'un  pays  changent  de  devoirs  et  de  principes  de  conduite  parce  qu'ils 
èbangent  de  Ueuî  On  prétend  que  ces  lois  ne  sont  pas  pereonneUes  parce 
qu'elles  obUgent  à  la  fois  les  étrangers  et  les  citoyens.  Elles  n'obligent  les 
étrangers  qu'acddenteUement  et  pendant  leur  séjour  sur  le  territoire;  elles 
les  assimilent  alors  aux  citoyens  eux-mêmes  ;  elles  leur  appliquent  des  règles 
qui  ne  sont  faites  que  pour  ceux-ci.  Mais  ces  règles  ne  suivent  point  l'étran- 
ger  au  delà  de  la  frontière,  tendis  qu'elles  suivent  partout  le  citoyen,  elles 
n'exercent  sur  le  premier  qu'un  empire  purement  local,  elles  exercent  un 
empire  incessant  sur  l'autre.  On  objecte  que  ce  dernier  se  trouve  dès  lors  sou- 

^;^  ^P  TT-i-r  ^* —  ^  —  Ar.»Mn  In»  -  la  inî  âi^ju^  lUàva  ot  Ul  lui  du  pays  où 

-  il  réside,  lll^t,  pour  répondre  à  cette  objection,  distinguer  dans  la  législa- 

tion deux  sortes  d'infractions  :  les  délits  de  police  et  les  délits  communs.  Les 
délits  de  police  ne  peuvent  donner  lieu  qu'à  TappUcation  d'une  seule  loi,  celle 
du  pays  de  la  résidence.  Les  délits  communs  trouvent  à  peu  près  dans  toutes 
les  législations  une  répression  générale,  souvent  identique.  Les  peines  et  les 
formes  de  la  procédure  diffèrent,  mais  les  incriminations,  plus  ou  moins  pré- 
voyantes, saisissent  en  général  les  mêmes  faits;  car  la  conscience  humaine 
flétrit  les  mêmes  actes  dans  tous  les  pays,  et  il  n'est  pas  vrai  qu'une  chaîne 
de  montagnes  ou  les  rives  d'un  fleuve  suffisent  pour  dianger  la  nature  d'une 
action.  L'agent  qui  a  commis  un  crime  sur  le  sol  étranger  peut  donc,  suivant 
qu'il  est  poursuivi  devant  les  juges  du  lieu  du  crime  ou  devant  les  juges  de 
son  pays,  être  soumis,  à  l'une  ou  à  Tautre  de  ces  deux  formes  de  procédure^ 
à  l'une  ou  à  l'autre  des  deux  pénalités;  mais  il  n'encourra  qu'une  seule  res- 
ponsabilité; U  ne  rendra  compte  qu'à  la  loi  générale  et  commune  qui,  dans 
toutes  les  contrées  civilisées,  et  sauf  quelques  exceptions,  prévoit  et  punit  les 
mêmes  délits. 

D'autres  objections  ont  été  exprimées.  On  a  soutenu  qu'un  gouvernement  ne- 
pouvant  exercer,  au  delà  de  ses  frontières,  un  acte  de  souveraineté,  ne  peut 
saisir  les  crimes  qui  y  ont  été  commis.  Mais  esWil  vrai  que  cette  poursuite 
étende  l'action  de  la  justice  au  delà  du  territoire  ?  Elle  ne  fait  sur  le  territoire 
étranger  aucun  acte  de  pmssance;  elle  saisit  son  justiciable  sur  son  propre 
territoire  et  c'est  dans  cette  arrestation  qu'elle  puise  le  droit  de  le  juger.  EUe- 

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DE  i'agtion  pubuqub  bt  db  l'àction  gitilb  (art.  4).        469 

n'adresse  même  pour  le  jugement  aacmies  réquisitions  ati  pays  où  le  erime  a 
été  commis.  C'est  par  voie  de  commission  rogatoire,  c'est  par  voie  d'invitation 
qu'elle  procède  vis*à-vis  des  magistrats  et  des  témoins  étrangers.  Il  y  a  plus, 
elle  reconnaît  l'autorité  des  actes  passés  dans  ce  pays,  et  auxquels  le  crime  a 
pu  donner  lieu.  Si  le  prévenu  a  été  jugé,  s'il  a  subi  sa  peine,  eUe  respecte  ce 
jugement,  elle  lui  attribue  le  caractère  de  la  cbose  jugée.  Son  action  cesse 
d'exister.  Le  pays  sur  le  territoire  duquel  le  crime  a  été  commis  ne  serait  blessé 
dans  sa  souveraineté  que  si  l'action  de  la  juridiction  originaire  était  un  obsta- 
cle à  sa  propre  juridiction.  Mais  il  ne  s'agit  pas  de  substituer  les  juges  d'un 
pays  aux  juges  d'un  autre  pays  ;  il  ne  s'agit  pas  de  dépouiller  les  juges  étran- 
gers; non*8eulement  ceux-ci  conservent  leur  juridiction,  mais  ils  l'exercent 
avant  les  autres,  ils  l'exercent  même  exclusivement  s'ils  parviennent  à  sairir 
l'agent.  Il  s'agit  simplement  d'étendre  la  juridiction  originaire  à  un  cas  où 
l'autre  est  sans  action,  au  cas  où  l'agent  s'est  dérobé  aux  poursuites  de  celle- 
ci,  et  s'est  réfugié  dans  son  propre  pays. 

Mais,  ce  pays,  lieu  de  l'origine  et  lieu  du  refuge,  a-t*il  à  la  poursuite  xol 
intérêt  suffisant  ?  Quelle  est  la  lésion  dont  il  se  plaint?  Quelle  est  l'offense 
qu'il  s'agit  de  réprimer  ?^oute  nation  a  intérêt  à  réprimer  les  crimes  commis 
hors  de  son  territoire  lorsque  ces  crimes  l'attaquent  directement  ou  que  leur 
auteur,  s'il  est  un  de  ses  sujets,  vient  se  réfugier  dans  son  seixi^  Ne  ressent- 
elle  pas,  en  effet,  un  certain  trouble,  sa  tranquillité  n'est-elle  pas  inquiétée  ou 
compromise  par  l'effet  de  la  seule  présence  du  coupable  ?  Dès  qu'il  revient  y 
résider,  n'a- Velle  pas  le  droit  de  lui  demander  compte  de  sa  conduite  ?  N'att- 
elle pas  intérêt  à  faire  disparaître  le  scandale  d'un  crime  impuni  ?|ffïous  ne  pré>« 
tendons  nullement  que  chaque  nation  élève  une  jurisprudence^vengeresse  de 
la  morale  universelle  et  prétende  punir  les  crimes,  quel  que  soit  le  lieu  de  leur 
perpétration,  uniquement  parce  qu'ils  blessent  les  lois  de  la  morale.  Il  est  très- 
vrai  que  tous  les  peuples  ont  un  intérêt  général  à  la  répression  des  crimes  ; 
mais  cette  sorte  d'intérêt  ne  suffit  pas  pour  fonder  la  compétence  de  leurs 
tribunaux  ;  il  faut  un  préjudice»  une  lésion  quelconque,  car  les  tribunaux  ont 
pour  mission  principale  la  protection  de  la  société  qui  les  institue.  Mais  cette 
société,  qui  connaît  le  crimci  n'est-elle  pas  lésée  par  l'asile  qu'elle  donne  au 
coupable?  n'éprouve- t-elle  pas  un  préjudice  par  cela  seul  que  l'agent,  qui  a 
révélé  sa  perversité  et  son  audace,  ne  lui  fournit  aucunes  garanties  pour 
l'avenir  ?  Sans  doute  on  ne  doit  point  punir  un  individu  pour  les  crimes  qu'il 
n'a  point  encore  commis,  quelles  que  soient  les  inquiétudes  que  sa  présence 
peut  faire  naître  ;  mais  c'est  à  raison  du  crime  accompli  qu'il  est  saisi  ;  c'est  à 
raison  du  désordre  que  sa  présence,  après  la  perpétration  de  ce  crime,  jette 
dans  la  cité,  c'est  à  raison  de  l'exemple  que  son  impunité  donnerait  ault  mal- 
faiteurs. En  mettant  l'inculpé  en  jugement,  la  nation  à  laquelle  il  appartient 
ne  fait  donc  que  poursuivre  sa  propre  cause,  pourvoira  sa  déjfense  et  soutenir 
ses  intérêts. 

ftfiS.  Après  avoir  posé  le  principe,  nous  arrivons  aux  ^xtea  qui  l'ont  diver- 
sement appliqué.  Arrêtons-nous  d'abord  aux  firt.  5,  6  et  7  du  Gode  de  .1810. 
I^  art*  5  et  6  déclaraient  les  tribunaux  français  compétents  pour  connaître 
les  crijnes  conunis  hors  du  territoire,  soit  par  les  Françaisi  soit  par  le^  étran^* 

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470     TlNGT-CINQUliMB  LEÇ.  —  DISPOSITIONS  PaÉUMINAIRBS  (N*  523). 

gère  contre  la  sûreté  de  TËtat  ou  pour  altérer  ses  monaaies,  papiers  et  bil- 
lets de  banque.  L'art.  7  étendait  la  môme  compétence  aôz  crimes  commis  hors 
du  territoire  par  un  Français  contre  mi  Français  lorsque  le  coupable,  n'ayant 
pas  été  jugé  en  pays  étranger,  était  de  retour  en  France  et  que  le  Français 
lésé  rendait  plainte  contre  lui. 

Dans  les  cas  des  art.  5  et  6,  la  poursuite  n'était  soumise  à  l'égard  des  Fran- 
çais à  aucune  condition  spéciale.  La  loi  n'exigeait  ni  leur  présence  sur  le  ter- 
ritoire, ni  leur  arrestation  ;  la  procédure  pouvait  ôtre  instruite  par  contumace. 
ËUe  ne  demandait  aucune  plainte,  aucune  dénonciation.  CTest  l'État  qui  était 
lésé  :  la  poursuite  devait  avoir  lieu  d'office.  Mais,  en  ce  qui  touche  les  étran- 
gers, la  poursuite  était  soumise  à  deux  conditions  :  il  iiedlait  qu'ils  fussent 
autours  ou  complices  des  crimes  prévus  par  Tart.  6,  et  qu'ils  fussent  arrêtés 
en  France  ou  que  le  gouvernement  eût  obtenu  leur  extradition. 

L'art.  7  disposait  que  c  tout  Français  qui  se  sera  rendu  coupable»  hors  du 
territoire  du  royaume,  d*un  crime  contre  un  Français,  pourra  à  son  retour  en 
France  y  être  poursuivi  et  jugé  s'il  n'a  pas  été  poursuivi  et  jugé  en  pays  étran- 
ger, et  si  le  Français  offensé  rend  plainte  contre  lui.  •  Ainsi,  d'une  part,  l'agent 
qui  avait  commis  le  crime  sur  le  territoire  étranger  n'était  coupable  aux  yeux 
de  la  loi  française  qu'autant  :  i^  qu'il  avait  la  qualité  de  Français  ;  2^  que  la 
partie  lésée  avait  la  même  qualité  ;  3<*  que  le  fait  était  qualifié  crime  par  la 
loi  pénale.  Et  d'autre  part,  la  poursuite  était  subordonnée  à  trois  conditions  ; 
il  fallait  :  que  le  Français  inculpé  fût  de  retour  en  France  ;  2«  qu'il  n'eût 
pas  été  poursuivi  et  jugé  en  pays  étranger;  3<>  que  le  Français  offensé  eût 
rendu  plainte  contre  lui. 

523.  Quelles  sont  maintenant  les  dispositions  de  la  loi  du  27  juin  1866  T 
quels  changements  a-t-elle  apportés  à  notre  Gode  î 
L'art  5,  qui  remplace  l'ancien  art.  7,  est  ainsi  conçu  : 

«  Art.  5.  Tout  Français  qui,  hors  du  territoire  de  la  France,  se  sera  rendu  cou- 
pable d'un  crime  puni  par  la  loi  française,  peut  ôtre  poursuivi  et  jugé  en  France. 
—  Tout  Français  qui,  bors  du  territoire  de  France,  s'est  rendu  coupable  d'un  fait 
qualifié  délit  par  la  loi  française,  peut  être  poursuivi  et  jugé  en  France,  si  le  fait 
est  puni  par  la  législation  du  pays  où  il  a  été  commis.  —  Toutefois,  qu'il  s'agisse 
d'un  crime  ou  d'un  délit,  aucune  poursuite  n'a  lieu  si  l'inculpé  prouve  qu'il  a  été 
Jugé  définitivement  à  l'étranger.  —  En  cas  de  délit  commis  contre  un  particulier» 
français,  ou  étranger,  la  poursuite  ne  peut  ôtre  intentée  qu'à  la  requête  du  mi- 
nistère public:  elle  doit  être  prôcôdée  d'une  plainte  de  la  partie  offensée  ou  d'une 
dénonciation  ofBcielle  à  l'autoritô  française  par  l'autorité  du  pays  où  le  délit  a  été, 
commis.  —  Aucune  poursuite  n'a  lieu  avant  le  retour  de  l'inculpé  en  FrancOt  si 
ce  n'est  pour  les  crimes  énoncés  en  l'art.  7  ci-après.  » 

H  faut  reprendre  successivement  pour  les  examiner,  chacun  des  paragra- 
phes  de  cet  article.  Le  paragraphe  l**  ne  lait  que  généraliser  la  disposition  de 
l'ancien  art.  7.  Tout  crime  commis  par  un  Français  en  pays  étranger  peut 
être  poursuivi  en  France.  Ainsi,  la  loi  n'exige  plus  i«  que  le  crime  ait  étô 
commis  vis-à-vis  d'un  Français;  la  nationalité  de  la  victime  a  cessé  d'être 
nne  condition  de  la  poursuite.  Le  crime  est,  en  effet,  le  même,  quelle  que 
soit  la  qualité  de  celui  quMl  a  atteint  et  la  distinction  de  l'ancien  art.  7  ne 
s'expliquait  que  par  le  sentiment  égOtste  qui  séparait  autrefois  les  peuples  ; 

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DB  L'AGTlOlf  PUBUQI»  BT  DE  l'aCTION  GITILB  (ART.   5).  47l 

%^  qu'il  y  ait  une.  plainte  :  la  poursuite  a  lieu  d'office.  Elle  suppose  cependant 
encore  trois  conditions.  Il  faut  d'abord  que  Tinculpé  ait  la  qualité  de  Français  : 
la  loi  dit  formellement  :  ioui  français.  Elle  n'a  pas  cru  pouvoir  saisir  l'étran* 
ger  qui,  après  avoir  commis  un  crime  à  l'étranger  môme  contre  un  Français; 
se  réfugierait  en  France  :  contre  celui-là,  il  n'y  a  que  Texpulsion  ou  la  me- 
sure de  l'extradition  pour  le  rendre  à  ses  juges  naturels.  Les  Français  seuls 
sont  soumis  à  la  loi  pénale  de  leur  pays  et  les  étrangers,  au  dehors  de  notre 
territoire,  ne  peuvent  en  subir  l'application.  Une  seconde  condition  est  que  l'in- 
culpé n'ait  pas  été  jugé  définitivement  à  l'étranger  :  cette  disposttion  est  Tap- 
plication  de  la  maxime  non  bis  in  idem.  11  suffit  que  les  jugements  étrangers 
existent,  quoique  non  exécutoires  en  France,  pour  que  la  compétence  des 
juges  français  soit  épuisée,  parce  qu'il  répugne  à  la  raison  comme  à  la  jus- 
tice qu'un  prévenu  soit  jugé  deux  fois  pour  le  môme  fait.  Le  jugement  étran- 
ger, quel  qu'il  soit,  a  tout  consommé;  Acquitté  ou  absous,  l'inculpé  profiterait 
du  bénéfice  de  la  chose  jugée,  lors  même  que  l'absolution  serait  motivée  sur 
le  silence  de  la  loi  étrangère.  Condamné,  le  jugement  ne  pourrait  recevoir  en 
France  aucune  exécution,  mais  cette  seule  inexécution  ne  pourrait  autoriser 
une  nouvelle  poursuite.  Une  troisième  condition,  qui  a  été  maintenue,  est 
que  l'inculpé  soit  de  retour  en  France  :  il  est  évident  qu'il  s'agit  d'un  retour 
volontaire  et  non  d'un  retour  forcé  par  une  arrestation  en  pays  étranger.  Car 
la  seule  raison  de  la  compétence  de  la  juridiction  française  est  la  présence  de 
l'agent  sur  le  territoire  ;  or  cette  présence  ne  trouble  l'ordre  et  ne  donne  à  la 
cité  un  intérêt  à  la  répression  que  parce  qu'il  revient  y  exercer  ses  droits  de 
citoyen  et  jouir  de  la  protection  des  lois  qu'il  a  violées.  Le  droit  de  la  juridio* 
tion  suppose  donc  la  présence  volontaire. 

584.  Le  2*  paragraphe  étend  la  compétence  des  tribunaux  français  même 
aux  simples  délits  commis  hors  du  territoire.  Cette  disposition  est  celle  qui, 
dans  la  loi  nouvelle»  a  donné  lieu  aux  plus  sérieuses  difficultés.  On  eût  facile- 
ment admis  l'application  de  l'art.  5  aux  délits  graves  tels  que  les  vols  et  les 
escroqueries,  qui  dans  de  certaines  circonstances  acquièrent  une  importance 
considérable  ;  mais,  quand  on  jette  les  yeux  sur  les  séries  interminables  de 
petits  délits  qui  encombrent  notre  législation,  on  se  rend  difficilement  compte 
d'une  disposition  qui  les  saisit  tous  indistinctement  et  qui  veut  que  la  plus 
légère  de  ces  infractions  commises  en  pays  étranger  puisse  être  réprimée  en 
France.  On  lit  dans  Tun  des  rapports  qui  ont  préparé  la  loi  :  c  Une  fois  le 
principe  admis,  il  semble  assez  difficile  d*en  refuser  l'application  aux  délits. 
La  ligue  qui  chez  nous  sépare  les  crimes  des  délits  est  assez  peu  philosophique/ 
et  les  conséquences  à  en  tirer  peu  concluantes.  Dans  le  plus  grand  nombre  de 
cas  sans  doute  la  peine  est  proportionnée  à  la  perversité  de  l'agent,  mais  il  n'en 
est  pas  toujours  ainsi,  parce  que  la  perversité  de  l'agent  n'est  pas  le  seul  élé^ 
ment  dont  là  loi  pénale  ait  &  tenir  compte  ;  elle  prend  aussi  en  grande  conéi-^ 
dération  le  dogré  d'alarme  que  le  fait  peut  jeter  dans  la  société.  Ainsi  aujour-» 
d'hui,  d'après  la  loi  du  13  mai  1863,  les  coups  volontaires  ne  constituent  un 
crime  qu'autant  qu'ils  ont  entraîné  la  perte  d'un  membre  on  la  inort.  dé  là. 
victime.  Or,  ces  conséquences  diverses  d'un  même  fait  ne  peuvent^^Ues  pas 
tenir,  non  à  la  volonté  de  l'agent;  maisà  la  constitution  physique  de  la  victime 

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4T$    viiîfiT-awomiME  leç,  —  Disposmoiw  puÉLncmAnuss  (n*  524), 

et  au  degré  d'habileté  de  ceux  qai  loi  ont  donné  des  «oins  ?  ne  serait-il  pas 
étrange,  si  le  fait  s*e8t  passé  en  pays  étranger,  quB,  pour  en  poursuivre  Fauteur, 
il  fallût  attendre  que  le  résultat  du  traitement  fût  venu  dire  si  le  fait  constitue 
un  crime  ou  un  délit?  Le  vol  est  tantôt  crimOi  tantôt  délit;  mais  délit  ou 
crime,  il  implique  une  profonde  dégradation  morale  ;  qui  pourrait  nier  le 
danger  de  le  laisser  impuni  ?  La  banqueroute  est  pareillement  tantôt  crime, 
tantôt  délit  ;  mais,  délit  ou  crime,  toujours  également  fléau  du  commerce  et 
féconde  eu  ruines.  L'escroquerie  n*est  jamais  qu'un  simple  délit  ;  mais,  prati- 
quée comme  elle  Test  de  nos  jours  sur  une  vaste  échelle,  sous  prétexte  d'en- 
treprises industrielles,  elle  ruine  des  milliers  de  familles  et  cause  plus  de  mal 
que  les  crimes  les  plus  sévèrement  punis.  U  est  donc  vrai  qu'un  simple  délit 
peut  accuser  dans  son  auteur  une  perversité  égale  et  même  supérieure  à  celle 
de  certains  crimes,  qu'il  peut  surtout  produire  plus  de  ruines  que  les  crimes 
les  plus  odieux.  •  Mais  le  rapport  ajoute  :  «  Et  toutefois,  il  faut  le  reconnaître, 
l'objection  n'est  pas  absolument  dénuée  de  valeur.  Si  dans  la  nombreuse 
nomenclature  de  nos  délits  il  en  est  qui,  par  la  perversité  qu'ils  supposent  et 
par  l'inquiétude  qu'ils  produisent,  peuvent  être  considérés  comme  équivalant 
à  des  crimes,  il  en  est  d'autres  beaucoup  moins  graves  dont  l'impunité  n'aurait 
pas  de  notables  inconvénients.  Le  parti  qui  se  présentait  le  premier  à  l'esprit, 
celui  qui  aurait  le  plus  satisfait  les  jurisconsultes,  était  sans  doute  d'énumérer 
les  délits  dont  l'impunité  serait  dangereuse.  On  Ta  tenté,  mais  il  paraît  qu'on 
a  reconnu  qu'un  tel  triage  présentait  des  difficultés  à  peu  près  insurmontables, 
sans  parler  de  l'inconvénient  qu'il  y  aurait  à  promettre  ainsi  législativement 
^imp^nité  à  certaines  classes  de  délits.  On  a  pensé  que  le  but  pouvait  être 
atteint  par  une  voie  autre  qu'une  énumérution  périlleuse,  c'est-à-dire  en  su- 
bordonnant la  poursuite  des  délits  à  certaines  conditions.  • 

Quelles  sont  ces  conditions  ?  Ce  sont  d'abord  celles  exigées  pour  la  pour- 
suite des  crimes,  c'est-à-dire  que  l'inculpé  soit  de  retour  en  France  et  n'ait 
pas  été  jugé  à  l'étranger.  Ge  sont  ensuite  trois  conditions  nouvelles  :  i^  il  faut 
que  le  fait  soit  qualifié  délit  et  puni  non-seulement  par  la  loi  française  mais 
encore  par  celle  du  pays  oii  il  a  été  commis  ;  2«  il  faut  une  plainte  de  la  partie 
lésée  ou  une  dénonciation  officielle  du  pays  où  le  délit  a  été  commis  ;  3<»  le 
ministère  public  seul  pourra  exercer  la  poursuite  et  sera  le  maître  de  l'intenter 
ou  de  ne  pas  l'intenter. 

La  première  de  ces  conditions,  qui  écarte,  à  la  vérité,  les  petits  délits  de 
police,  donnera  lieu  sans  doute  à  quelques  difficultés  pour  s'assurer  des  textes 
et  du  sens  des  législations  étrangères.  A  une  objection  tirée  de  ce  qu'en 
subordonnant  ainsi  l'application  de  la  loi  française  aux  dispositions  de  la  loi 
étrangère,  on  abdiquait  la  souveraineté,  on  a  répondu  que  tous  les  jours  en 
matière  civile  nos  juges  ont  à  appliquer  les  lois  étrangères,  notamment  pour 
apprécier  bi  capacité  des  étrangers^  la  forme  des  actes  passés  en  pays  étranger, 
l'attribution  des  successions  mobilières  délaissées  par  des  étrangers  et  que, 
dans  l'accomplissement  de  cette  tâche,  ils  ne  rencontrent  pas  de  difficultés 
dont  il  ne  leur  soit  possible  de  triompher,  et  que  jamais  personne  n*avait  ima- 
giné d*y  voir  une  aï>dieation  de  la  souveraineté  française.  La  seconde  condi- 
tion, la  plainte,  qui  est  un  des  principes  de  la  compétence  de  la  juridiction,  et 
que  l'ancien  art  7  exigeait  pour  la  poursuite  des  crimes,  est  sans  doute 

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DB  LA  POLICS  JUDIGIAIHB  (aRT.  8).  473 

une  garantie  que  Faction  n'atteindra  que  les  d^its  réellement  dommageables. 
Mais  il  y  a  lieu  de  remarquer  que  cette  condition  ne  s'applique  qu*auz  délits 
commis  contre  les  particuliers.  Quant  aux  délits  commis  contre  la  chose 
publique,  les  délits  de  la  presse  par  exemple,  la  loi  ne  demande,  pour  les 
poursuivre  en  France,  ni  plainte  ni  dénonciation.  La  troisième  condition,  Tin- 
tervention  du  ministère  public  ne  fait  qu'investir  le  procureur  de  la  Républi- 
que de  la  &culté  de  poursuivre  ou  de  ne  pas  poursuivre  suivant  qu'il  leju* 
gera  à  propos. 
625.  L*art.  1,  qui  remplace  l'ancien  art.  5,  est  ainsi  conçu  : 

a  Art.  7.  Tout  étranger  qui,  hors  du  territoire  de  la  France,  se  sera  rendu  cou-      -^ 
pable,  soit  comme  auteur,  soit  comme  complice,  d'un  crime  attentatoire  à  la  Y  C./^ 
sûreté  de  FÉtat,  ou  de  contrefaçon  du  sceau  de  l'État,  de  monnaies  nationales  , 

ayant  cours,  de  papi^*s  nationaux,  de  billets  de  banque  autoriBés  par  la  loi,  pourra(7A  ^fjf 
être  poursuivi  et  Jugé  d'après  les  dispositions  des  lois  françaises,  s'il  est  arrêté  en 
France  ou  si  le  gouvernement  obtient  son  extradition.  »  x>///9^^V;6t*>  v    Ci  ^ 

Avec  une  rédaction  différente,  cet  article  maintient,  sans  y  rien  changer,/^^* 
les  dispositions  des  art.  5  et  6  du  Gode  de  1810.  Les  crimes  dont  il  s'agit  ici  y^ 
se  préparent  à  l'étranger  pour  être  exécutés  en  France,  et  on  peut  regarder-^  «A/ ^, 
cette  préparation,  quand  elle  est  arrivée  à  la  confection  des  effets  ou  des 
monnaies,  comme  un  commencement  d'exécution  de  l'usage   puisque  leur 
circulation  même  à  l'étranger  se  ferait  ressentir  en  France.  Si  l'article  est 
restreint  au  coupable  étranger,  c'est  que  le  Français  est  déjà  compris  dans 
Fart.  5.  La  seule  différence  entre  le  Français  et  l'étranger,  c'est  que  le  premier, 
s'il  ne  rentre  pas,  peut  être  jugé  par  contumace,  tandis  que  le  second  ne  peut 
être  poursuivi  et  jugé  qu'autant  qu'il  est  arrêté  ou  amené  sur  notre  sol.  Les 
crimes  prévus  par  cet  article  sont  d'ailleurs  les  seuls  pour  lesquels  un  étranger 
puisse  être  poursuivi  en  France,  les  seuls  aussi  pour  lesquels  un  Français 
puisse  être  jugé  par  contumace. 

526.  Reste  à  noter  sur  cette  matière  l'art.  6  ainsi  conçu  : 

a  Abt.  6.  La  poursuite  est  intentée  à  la  requête  du  ministère  public  du  lieu  où 
réside  le  prévenu  ou  du  lieu  où  il  peut  être  trouvé.  —  Néanmoins,  la  cour  de 
cassation  peut,  sur  la  demande  du  ministère  public  ou  des  parties,  renvoyer  la 
connaissance  de  l'affaire  devant  une  cour  ou  un  tribunal  plus  voisin  du  lieu  du 
crime  ou  du  délit.  » 

• 

Cette  disposition  ne  donne  lieu  à  aucune  observation. 


YlNOT-SIXliME  LEÇON. 

LIVRE   PREMIER 

DE  U  POiaCE  JUBIGIAIBE  ET  DES  OFFICIERS  DE  POLICE  OUI  l'eXEEGENT. 

527.  La  poursuite  et  la  répression  des  faits  frappés  par  les  lois  pénales 
supposent  le  concours  et  l'action  successive  de  deux  pouvoirs  distincts  séparés, 

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474      VINGT-SIXIÈMB  LEÇON.  — -  DB  LA.  POLIGB  JUDICIAIRE  (N*  528). 

indépendants  l'un  de  Tautre,  isaToir  :  la  police  et  la  justice.  A  cette  idée  se 
rattache  la  division  générale  du  Gode  d'instraction  criminelle;  le  premier  livre, 
que  nous  abordons  aujourd'hui,  est  relatif  à  la  police,  le  second  à  la  justice. 
Cette  division  n*a  pas  peut-être  été  toujours  trés-fidèlement,  très-scrapuleu- 
sèment  observée  dans  la  distribution  des  matières  de  ce  Gode  ;  toujours  est-il 
qu'elle  en  forme  la  base,  l'idée  générale,  le  principe  fondamental.  Ainsi, 
police  et  justice,  telles  sont  les  deux  actions,  les  deuK  pouvoirs  dont  nous 
devons  examiner  tour  à  tour  le  rôle,  la  nature,  la  mission,  en  tant  qu'elles 
concourent  au  but  que  nous  cherchons  à  atteindre. 

Le  mot  môme  de  police  s'entend  dans  deux  sens  fort  différents,  un  sens 
large,  générique,  usuel  ;  puis  un  sens  spécial,  technique,  le  seul  auquel  nous 
devons  nous  attacher,  u  La  police,  disait  Tart.  16  du  Gode  du  3  brumaire  an  IV, 
est  instituée  pour  maintenir  Tordre  public,  la  liberté,  la  propriété,  la  sûreté 
individuelle.  •  Puis,  à  cette  définition  générale  du  mot  de  police,  le  Gode  du  3 
brumaire  ajoutait  immédiatement  une  division  de  la  police  en  deux  classes  : 
police  préventive  et  police  répressive.  Il  est  clair  que,  sous  le  point  de  vue 
judiciaire,  en  tant  que  la  police  concourt  à  la  recherche,  à  la  découverte,  à  la 
répression  des  délits,  c'est  uniquement  au  second  point  de  vue  que  nous 
devons  nous  attacher;  c'est  uniquement  à  la  police  répressive  ou  à  la  police 
judiciaire  que  sont  relatifs  les  textes  dont  nous  allons  nous  occuper.  Ainsi, 
notons  seulement  pour  ordre  ces  règles  générales  que  posait  le  Gode  du  3  bru- 
maire, et  que  répétait  le  projet  de  notre  Gode;  ces  règles,  écartées  comme 
inutiles  dans  un  Gode  de  droit  positif,  sont  cependant  bonnes  à  rappeler  en 
théorie,  pour  bien  faciliter  l'intelligence  des  textes. 

En  résumé  :  division  générale,  police  et  justice  ;  subdivision  de  la  police, 
d'une  part,  en  police  préventive  ou  administrative,  dont  nous  n'avons  pas  à 
nous  occuper  ;  et,  d'autre  part,  en  police  répressive  ou  police  judiciaire.  G'est 
uniquement  à  cette  seconde  face,  à  ce  second  point  de  vue  que  nous  aurons  à 
nous  attacher.  Aussi,  le  Gode  d'instruction  criminelle,  sans  reproduire  expres- 
sément les  divisions  que  je  viens  de  citer^  en  reconnait-il  implicitement  Tezis- 
tence  en  vous  parlant,  dans  la  rubrique  môme  de  ce  livre  I*',  de  la  Police  ju- 
âiciaire  et  des  officiers  qui  Vexerceni,  La  police  judiciaire  est  prise  évidemment 
ici  par  opposition  à  une  autre  police,  c'est-à-dire  à  la  police  préventive  ou 
administrative. 


CHAPITRE  PREMIER 

DE  LA.  POLICE  JUDICIJLIBS. 

528.  «  Art.*  8.  La  police  judiciaire  recherche  les  crimes,  les  délits  et  les  cou- 
traventions,  en  rassemble  les  preuves  et  en  livre  les  auteurs  aux  tribunaux  char- 
gés de  les  punir.  »  - 

c  La  police  judiciaire,  disait  Tart.  20  dû  môme  Gode  de  brumaire,  recherche 

les  délits,  QUE  hk  POLIGB  ADHUflSTfUTIVS  n'a  PAS  PU  BEPÉGHEU  DE  COMMETTRE,  OU 

rassemble  les  preuves  et  en  livre  les  auteurs  aux  tribunaux  chargés  par  la  lo^ 


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DES  OFFICIERS  DE  POUCE  JUDICIAIRE  (aRT.   9).  475 

de  les  punir.  >  Vous  Toyez  que,  saitf  quelques  mots  retranchés  dans  cet  arti- 
cle par  suite  de  la  suppression  des  divisions  générales,  de  la  loi  de  brumaire, 
Fart  8  du  Gode  d'instruction  criminelle  n*est  guère  que  la  répétition  littérale  de 
l'art.  20  de  cette  loi.  C'est  donc  de  la  police  judiciaire,  c'est-à-dire  de  Faction 
des  pouvoirs  institués  par  la  loi  pour  rechercher  Texistende  des  délits  ou  des 
crimes,  pour  en  rassembler  les  preuves,  pour  en  livrer  les  auteurs  aux  tribu- 
naux chargés  de  les  punir,  c'est  uniquement  de  la  police  judiciaire  que  nous 
avons  à  nous  occuper. 

529.  A  quels  officiers  sont  confiées  les  fonctions  dont  le  détail  fait  la  ma- 
tière de  ce  livre?  Sur  ce  point  la  législation,  depuis  1791,  a  singulièrement 
varié.  Le  cercle  des  officiers  auxquels  appartient  en  premier  lieu  cette  mission, 
cercle  d'abord  très-restreint  sous  le  Gode  de  1791,  a  toujours  été  s'agrandis- 
sant  jusqu'aux  art.  9  et  10  de  notre  Gode  d'instruction  criminelle. 

Ainsi,  sous  l'empire  du  Gode  de  1791,  les  fonctions  de  la  police  judiciaire» 
telles  que  je  viens  de  les  définir,  étaient  concentrées  exclusivement  dans  les 
mains  des  juges  de  paix  et  des  officiers  de  gendarmerie.  Aux  juges  de  paix 
principalement,  aux  officiers  de  gendarmerie  secondairement  et  accessoire- 
ment, appartenait  la  mission  de  rechercher  les  actes  coupables,  d'en  réunir, 
d*en  rassembler  les  preuves,  et  de  diriger  contre  leurs  auteurs  présumés  les 
premiers  actes  de  poursuite.  Je  reviendrai  plus  tard  sur  le  mérite  de  cette  ins- 
titution, sur  les  garanties  que  cette  mission,  exclusivement  confiée  à  dos  ma- 
gistrats locaux,  pouvait  présenter  à  l'ordre,  à  la  sécurité  publique  :  je  me  borne, 
quant  à  présent,  à  Thistorique,  à  l'exposé  des  faits. 

8ous  le  Gode  du  3  brumaire  an  IV,  lors  de  sa  rédaction,  on  reconnut  la  né- 
cessité d'agrandir  le  cercle,  d'ajouter  aux  fonctionnaires  désignés  d'autres  of- 
ficiers plus  nombreux,  plus  élevés,  plus  importants,  auxquels  fussent  attri- 
buées concurremment  les  fonctions  de  la  police  judiciaire.  En  conséquence, 
dans  l'art.  21  de  ce  Code,  on  décidait  que  la  police  serait  exercée,  sous  les 
distinctions  établies  plus  bas,  par  les  commissaires  de  police,  par  les  gardes 
champêtres  et  forestiers,  par  les  juges  de  paix,  par  les  directeurs  des  jurys 
d'accusation,  qui  étaient  des  magistrats  pris  à  tour  de  rôle  dans  les  tribunaux 
civils  de  départements,  par  les  capitaines  et  lieutenants  de  gendarmerie.  Puis 
dans  l'art.  25,  on  ajoutait  que,  dans  les  communes  oii  il  n'y  aurait  pas  de  com- 
missaires de  police,  leurs  fonctions,  quant  à  la  police  judiciaire,  seraient  rem- 
plies par  les  maires  et,  à  leur  défaut,  par  les  adjoints  de  maire.  Vous  voyez, 
en  rapprochant  ces  art.  21  et  25  du  texte  de  notre  art.  9,  que  vous  retrouvez, 
sauf  les  directeurs  des  jurys  d'accusation  qui  ont  été  supprimés,  absolument 
les  mêmes  fonctionnaires  auxquels  la  loi  de  Tan  lY  avait  confié  l'exercice  de 
la  police  judiciaire.  A  ces  directeurs  ont  succédé  les  juges  d'instruction, 
auxquels  il  faut  ajouter  :  i^  les  commissaires  de  police  ;  2®  les  procureurs  de 
la  République  et  leurs  substituts. 

En  résumé  la  police  judiciaire  est  maintenant  exercée  par  les  personnes  dé- 
signées dans  l'art.  9  : 

c  Art.  9.  La  police  judiciaire  sera  exercée  sous  Fautorlté  des  cours  impériales 
et  suivant  les  distinctions  qui  vont  être  établies  :  —  Par  les  gardes  champêtres  et 
les  gardes  forestiers  ;  «-  Par  les  commissaires  de  police;  .^  Par  las  maires  et  les 

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476     YINGT-SlZlilCB  LEÇON.  —  DB  LA  POLIGB  JUDICIAIRE  (n""  530). 

adjoints  de  maire  ;  —  Par  les  procureurs  de  la  République  et  leurs  substituts;  — 
Par  les  juges  de  paix  ;  —  Par  les  officiers  de  goidarmerie  ;  -*  Par  les  commissaires 
géiiéraux  de  police;  —  Et  par  les  juges  d'instruction.  » 

630.  Toutefois,  cette  énumération  générale  et  yague,  à  laquelle  il  faudrait 
encore  ajouter  les  fonctionnaires  désignés  dans  le  texte  de  Tart.  iO,  ne  vous 
laisserait,  si  nous  nous  bornions  à  cette  lecture,  que  des  idées  fort  insuffi- 
santes. Il  ne  faut  pas  croire,  et  les  premiers  mots  de  Tart.  9  suffisent  pour 
nous  en  ayertir,  il  ne  faut  pas  croire  que,  relativement  à  tous  les  actes  de 
police  judiciaire  il  y  ait,  dans  tous  les  cas,  égalité,  concurrence  entre  les  di- 
yers  officiers  énumérés  dans  cet  art.  9;  au  contraire,  ils  varient,  ils  diffèrent 
les  uns  des  autres  sous  des  rapports  assez  nombreux,  dont  les  plus  impor- 
tants vont  bientôt  nous  occuper. 

Ainsi,  il  a  d'abord  cette  différence  que  la  compétence  territoriale  de 
chacun  d'eux  varie  selon  sa  qualité;  que  quelques-uns,  par  exemple  les 
maires,  les  adjoints,  les  commissaires  de  police,  ne  sont  compétents  que 
dans  le  ressort,  que  dans  retendue  de  la  commune  à  laquelle  ils  sont  attachés. 
Pour  d'autres,  au  contraire,  la  compétence  territoriale  embrasse  non  point 
une  simple  commune,  mais  un  canton  ;  telle  est  la  position  des  juges  de  paix. 
Pour  d'autres,  enfin,  elle  s'étend  hors  des  limites  du  canton,  dans  toute 
l'étendue  d'un  arrondissement  ;  telle  est  la  position  du  juge  d'instruction  et  du 
procureur  de  la  Répuplique.  Elle  peut  encore  aller  plus  loin  pour  des  fonc- 
tionnaires d'un  ordre  supérieur. 

Ainsi,  premier  point  de  différence  qui  sépare  les  uns  des  autres  la  plupart 
des  officiers  que  désigne  Tart.  9,  variation  d'étendue  dans  la  compétence  ter- 
ritoriale de  chacun  d'eux. 

Secondement  :  quant  à  la  nature  de  leurs  fonctions,  il  en  est  qui  exercent 
les  fonctions  de  la  police  judiciaire  dans  une  double  qualité,  il  en  est  qui  re* 
çoivent  de  la  loi  une  mission  complexe  quant  aux  rôles  que  nous  examinons 
maintenant;  c'est-à-dire  que,  parmi  les  fonctionnaires  désignés  dans  l'art.  9» 
quelques-uns  agissent  tantôt  en  vertu  d'une  mission  qui  leur  est  propre,  que 
la  loi  leur  confère  directement  et  personnellement  ;  tantôt,  au  contraire,  en 
qualité  de  simples  adjoints,  de  simples  accessoires,  en  un  mot,  en  qualité 
d'auxiliaires  ;  tels  sont,  par  exemple,  les  commissaires  de  police,  les  maires 
et  adjoints  de  maire.  Vous  verrez,  dans  le  détail  des  opérations  confiées  à 
ses  officiers,  que,  relativement  aux  simples  contraventions,  par  exemple, 
ils  agissent  directement  en  vertu  d'un  rôle  que  la  loi  attribue  à  leur  seule 
qualité  ;  et  qu'au  contraire,  en  matière  de  crime  et  de  délit,  ils  n'agissent 
que  par  exception,  en  qualité  d'auxiliaires  du  procureur  de  la  République 
et  de  ses  substituts.  L'art.  11,  combiné  avec  Tart.  48,  établit  clairement  cette 
distinction.  Ainsi,  premier  point  de  la  seconde  différence  :  les  commissaires 
de  police,  les  maires  et  adjoints  de  maire  agissent  tantôt  directement,  en  vertu 
d'une  mission,  avec  une  étendue  de  pouvoirs  qui  leur  est  propre,  person- 
nelle; tantôt,  au  contraire,  en  une  qualité  différente,  accessoire,  secondaire  ; 
c'est-à-dire  comme  simples  auxiliaires  du  procureur  de  la  République;  tel  est 
le  cas  des  art.  48  et  suivants. 

Quelques  autres  de  ces  offîcîors  n'ont  pas  cette  double  qualité;  et  ici  en- 

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DBS  OFFIGIBRB  DB  POLICE  JUDIGUIRB  (aRT.   10).  477 

core  ii  faut  distinguer,  c'eftt-à*dire  que  quelqaèe-Tiiig  d'entre  eux  n'agissent 
jamais  qu'en  Tdrta  d'nne  mission  qui  leur  est  propre  et  personnelle;  tels  sont 
notamment  les  gardes  champêtres  et  forestiers  indiqnés  dans  le  paragraphe  1«' 
de  Part.  16. 

A  l'inverse,  d'autres  de  ces  officiers  n'agissent  jamais  qu'en  qualité  d'auxi- 
liaires; tels  sont  les  juges  de  paix  et  les  officiers  de  gendarmerie. 

Vous  trouverez  ces  détails  dans  les  art.  40  et  suivants. 

Enfin^  parmi  ces  officiers,  il  en  est  qui  sont  à  la  fols  agents  administratifs 
et  agents  judiciaires;  d'autres,  au  contraire,  sont  des  agents  purement,  exclu- 
sivement judiciaires.  Ainsi,  le  procureur  delà  République,  le  juge  d'instruction 
sont  des  agents  dont  le  caractère  est  simple,  unique,  facile  à  saisir;  ils  sont  des 
agents  investis  seulement  d'une  mission  judiciaire.  Au  contraire,  la  plupart  des 
autres  fonctionnaires  mentionnés  dans  l'art.  9  ont  plutôt  le  caractère  admi- 
nistratif que  le  caractère  judiciaire  ;  tels  sont  les  gardes  champêtres  ou  fores- 
tiers, les  conmiissaires  de  police,  les  maires  et  adjoints  de  maire,  les  officiers 
de  gendarmerie,  les  commissaires  généraux  de  police.  Dans  ceux-là^  il  y  a 
plutôt  le  caractère  administratif  que  le  caractère  judiciaire;  c'est  l'autorité 
administrative  qui  nomme,  investit  et  révoque  ces  divers  agents.  Cependant 
notez  bien  qu'à  raison  du  caractère  complexe  que  la  loi  leur  attribue,  ils  dé^ 
viennent  accidentellement,  mais  bien  réellement  officiers  judiciaires.  Notez 
bien  que,  pour  tous  les  actes  qu'ils  auront  à  faire  aux  termes  de  l'art.  9  et  des 
articles  organiques  qui  pourront  suivre,  ils  sont  officiers  de  police  judiciaire 
et  relèvent,  à  ce  titre,  non  plus  de  leurs  supérieurs  administratifs,  mais  au 
contraire  de  leurs  surveillants  judiciaires,  c'est-à-dire  du  procureur  général.  A 
cet  égard,  l'art.  279  du  Code  d'instruction  criminelle  est  formel,  il  déclare  que 
tous  les  officiers  investis  par  l'art.  9  des  fonctions  de  police  judiciaire  sont, 
en  ce  qui  concerne  ces  fonctions,  sous  la  surveillance  directe  du  procureur 
général. 

Yoilà  les  divisions  générales  :  nous  entrerons  bientôt  dans  le  détail. 

531.  Un  mot  encore  sur  l'art.  9,  pour  terminer  ce  chapitre.  Vous  voyez 
dans  l'art.  9  quels  sont  les  officiers  de  police  judiciaire  proprement  dits,  les 
officiers  auxquels  la  loi  a  non-seulement  donné  pouvoir  de  procéder  aux  actes 
dont  nous  allons  parcourir  la  série,  mais  auxquels  même  elle  imprime  for- 
mellement la  qualité  d'officiers  de  police  judiciaire,  et  qu'elle  fait  rentrer,  à  ce 
titre,  dans  la  disposition  générale  de  l'art.  276.  L'art.  10,  au  contraire,  statue 
dans  un  esprit,  dans  un  sens  tout  différent;  il  attribue  non  pas  la  qualité  per- 
sonnelle d'officier  de  police,  mais  la  mission,  la  compétence  pour  faire  cer- 
tains actes  de  police  à  des  officiers  qui  n'en  restent  pas  moins,  même  dans  les 
hypothèses  prévues,  officiers  administratifs,  et  non  point  officiers  de  police 
judiciaire,  à  des  magistrats,  en  prenant  le  mot  dans  son  sens  général,  qui, 
même  en  agissant  dans  le  cercle  des  fonctions  de  la  police  judiciaire,  ne  ren- 
trent pas  sous  la  surveillance  du  procureur  général  et  dans  le  texte  général 
de  l'art.  279.  Ce  sont  les  préfets  des  départements  et  le  préfet  de  police  de 
Paris. 

a  Art.  10.  Les  préfets  des  départements,  et  le  préfet  de  police  à  Paris,  pourront 

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478        yiNGT-SIXIÈMB  LEÇON.  —  DB  LA  POLICB  JUDICIAIRE  (m*  531). 

ftîre  personnellement,  ou  requérir  les  ofllciers  de  police  judidalre,  chacun  en  ce 
qui  le  concerne,  de  faire  tous  actes  nécessaires  à  Teffet  de  constater  les  crimes, 
délits  et  contraventions,  et  d'en  livrer  les  auteurs  aux  tribunaux  chargés  de  les 
punir  conformément  à  l'art.  8  ci- dessus.  » 

L'art.  10  attribue  donc  aux  fonctionnaires  administratifs  qui  y  sont  désignés 
une  double  mission  :  Tune,  la  seconde,  n'a  rien  qui  doive  nous  étonner  ;  on 
comprend  que  la  loi  ait  pu  attribuer  aux  préfets  le  droit  de  requérir  des  offi* 
ciers  de  police  judiciaire  de  procéder  aux  actes  d'instruction  ou  de  poursuites 
nécessaires  à  la  constatation  et  à  la  répression  d'un  délit.  Mais  quant  à  l'autre 
attribution,  infiniment  plus  importante,  que  leur  confie  le  même  article,  elle 
n'est  ni  dans  son  motif  ni  dans  sa  rédaction  à  l'abri  de  la  critique.  La  loi  auto- 
rise les  fonctionnaires  désijgnés,  les  préfets,  à  faire  personnellement  tous  les 
actes  nécessaires  à  l'effet  de  constater  les  crimes.  C'est  certes  là  une  attribution 
fort  notable,  dont  il  est  permis  de  critiquer  retendue. 

En  effet,  quand  vous  verrez  plus  tard  le  soin  extrême  que  le  législateur  amis 
à  attribuer  à  tel  ou  tel  fonctionnaire  le  droit  de  faire  chacun  des  actes  de  la 
police  judiciaire;  quand  vous  verrez,  notamment  aujourd'hui,  que,  craignant 
de  ne  pas  trouver  dans  les  officiers  de  Tadministration  publique  assez  d'indé- 
pendance et  d'impartialité,  la  loi  leur  refuse,  en  général,  le  droit  de  faire  aucun 
acte  d'instruction,  aucune  visite  domiciliaire,  aucune  enquête,  aucune  audi- 
tion de  témoins,  vous  pourrez  alors  être  surpris  que  ce  droit,  formellement 
refusé  aux  officiers  de  l'administration  publique,  exclusivement  attribué  aux 
magistrats  inamovibles,  ait  élé  accordé  sans  distinction,  pleinement,  absolu- 
ment, à  des  fonctionnaires  uniquement  administratifs,  placés  même  en  dehors 
de  la  surveillance  judiciaire,  de  qui  on  peut  craindre  à  ce  titre  la  même  dépen- 
dance, la  même  partialité  qu'on  a  craint  de  rencontrer  dans  les  officiers  même 
du  ministère  public,  présentant,  et  par  leur  position,  et  par  leurs  habitudes 
judiciaires,  et  la  surveillance  à  laquelle  ils  sont  soumis,  plus  de  garanties  que 
les  préfets.  La  chose  est  d'autant  plus  fâcheuse  que  l'art  10  ne  pose  aucune 
limite,  aucune  sorte  de  restriction  au  pouvoir  dont  elle  les  investit,  pouvoir 
dont  l'exercice  sera  heureusement  très-rare.  Ce  n'est  pas  seulement  en  cas  de 
flagrant  délit,  par  exemple,  en  cas  d'extrême  urgence,  qu'il  est  permis  à  ces 
officiers  de  prendre  part  aux  fonctions  de  la  police  judiciaire,  la  loi  les  inves- 
tit pleinement  et  sans  distinction  du  droit  de  faire  tous  les  actes  nécessaires 
à  constater  les  crimes,  les  délits,  à  en  rassembler  les  preuves,  etc.  Le  texte 
est  précis,  mais  peu  en  harmonie  avec  la  défiance  qui  a  été  témoignée  aux  offi- 
ciers même  du  ministère  public. 

Voilà  l'ensemble,  l'idée  générale  des  officiers  de  la  police  judiciaire  et  de  la 
mission  qui  leur  est  attribuée.  Mais  cette  idée  serait  fort  imparfaite,  pleinement 
insuffisante,  si  nous  n'examinions  spécialement  et  tour  à  tour,  à  l'égard  de 
chacun  d*eux,  quel  est  le  degré,  la  nature  du  pouvoir  dont  la  loi  l'investit.  C'est 
l'objet  des  chapitres  suivants. 


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DBS  OFFICOERS  DB  FOUCB  JUDICUIBB  (aBT.  11).  479 

CHAPITRE  II 

DBS  MÀIBES,  DES  ADJOINTS  DE  MAIRE  ET  DES  COMUISSIIBES  DE  POLICE. 

532.  Nous  trotLTons  aa  premier  rang  les  commissaires  de  police,  les  maires 
et  adjoints  de  maire  ;  lears  fonctions  feront  Tobjet  du  chapitre  II.  Mais  remar- 
quez, relativement  à  ces  fonctions,  qu'il  n'est  pas  question  ici  de  toutes  les 
fonctions  dont  les  lois  investissent  les  commissaires  de  police,  les  maires  ob 
aidjoints  de  maire.  D'abord  il  est  évident  que  nous  ne  les  considérons  que  sous 
le  rapport  judiciaire  ;  quant  à  tout  ce  qui  touche  leurs  fonctions  administra- 
tives nous  n'aurons  pas  un  mot  à  en  dire.  Mais»  même  sous  le  rapport  judi- 
ciaire, ne  comptez  pas  trouver  dans  le  chapitre  n  tout  ce  qui  touche  les  ofQciers 
qm  y  sont  désignés.  Ainsi,  par  exemple,  les  commissaires  de  police  envisagés 
eous  le  rapport  judiciaire,  ont  plusieurs  classes  d'attributions  bien  distinctes, 
bien  séparées  Tune  de  Tautre. 

'  fo  Vous  les  verrez  plus  tard,  dans  l'art.  144,  investis  du  droit  de  jouer  le  r61e 
de  ministère  public  devant  les  tribunaux  de  simple  police.  Il  est  clair  que  cette 
fonction  de  ministère  public  devant  les  tribunaux,  à  l'audience,  n'est  pas  une 
fonction  de  police  judiciaire,  mais  une  fonction  relative  à  l'application,  à  l'exer- 
cice du  droit  de  justice  même.  Aussi  est-ce  dans  le  second  livre  et  non  pas 
dans  le  premier  que  les  commissaires  de  police  seront  considérés  comme  ciSi- 
ciers  du  ministère  public  devant  les  tribunaux  de  simple  police. 

2o  Même  en  ce  qui  touche  la  matière  spéciale  de  ce  Uvre,  en  ce  qui  touche  la 
police  judiciaire,  j'ai  déjà  dit  que  les  commissaires  de  police  avaient  deux 
ordres  de  juridiction  bien  distincts  :  premièrement,  les  actes  qu'ils  ont  direc- 
tement et  personnellement  le  pouvoir  de  faire,  les  actes  qui  constituent  leur 
.  compétence  habituelle  et  normale;  secondement,  au  contraire,  les  actes  qu'ils 
ne  font  qu'exceptionnellement,  dans  certains  cas  déterminés,  en  qualité  d'auxi- 
liaires des  officiers  du  ministère  public.  Or,  c'est  seulement  sous  le  premier 
rapport  que  le  chapitre  II  les  considère  ;  on  ne  vous  indique  absolument  ici 
que  les  actes,  que  les  fonctions  de  police  judiciaire  dont  les  commissaires  de 
police  sont  investis  personnellement  et  directement.  Quels  sont  ces  actes  î  Le 
but  du  pouvoir  qui  leur  est  confié  est  de  constater,  de  saisir  à  leur  principe 
non  pas  tous  les  faits  punissables,  mais  uniquement,  remarquez-le  bien,  les 
contraventions  de  simple  police,  c'est-à-dire  les  &its  prévus  et  punis  par  les 
art.  464  et  suivants  du  Gode  pénal  ;  à  cet  égard,  le  texte  de  Part.  1  i  est  formel. 

k  Art.  11.  Les  commissaires  de  police,  et  dans  les  communes  où  il  ny  en  a 
jifbint,  les  maires,  au  défaut  de  ceux-ci,  les  adjoints  de  maire,  rechercheront  les 
^ntraventions  de  police,  même  celles  qui  sont  sous  la  sarveiHance  spéciale  des 
gardes  forestiers  et  champêtres,  à  l'égard  desquels  ils  aaront  conourrence  et  même 
prévention.  —  Ils  recevront  les  rapports,  dénonciations  et  plaintes  qui  seront  rela- 
tif^ aux  contraventions  de  police.  —  Ils  consigneront,  dans  les  procès-verbaux 
qu'ils  rédigeront  à  cet  effet,  la  nature  et  les  circonstances  des  contraventions,  le 
temps  et  le  lieu  où  elles  auront  été  commises,  les  preuve^  oi^  indices  à  la  charge 
.  de  ceux  qui  en  seront  présumés  coupables.  » 

Ainsi,  pour  toutes  les  contraventions  de  policei  même  pour  celles  qne^  par 

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480       TINGT*6IXliaCB  LBÇON.  —  DS  LA  POLIGB  lUDIGIAlRB  (n*  534). 

des  motifs  qui  seront  bientôt  indiqués,  la  loi  a  mises  sous  la  surveillance  spé- 
ciale de  certains  agents  particuliers,  le  commissaire  de  police  a  compétence 
générale,  régulière,  normale,  pour  constater  le  fait,  en  dresser  procès-verbal, 
et  réunir  les  preuves,  sauf  ensuite  à  faire  de  œ  procès-Terbal  l'asage  indiqué 
par  les  articles  qui  suivent. 

588.  Quelle  est  l'autorité,  quel  est  l'effet  de  ces  procès-verbaux  dressés  par 
un  commissaire  de  police  uniquement  pour  les  contraventions  prises  par  oppo* 
aition  aux  crimes  et  aux  délits  ?  Ces  procès- verbaux  font-ils,  relatiyement  aux 
faits  et  contre  les  prévenus  qui  y  sont  désignés,  foi  pleine  et  entière,  font-ils 
foi  jusqu'à  inscription  de  faux?  Non;  vous  verrez,  dans  l'art.  154,  que  les  pro- 
cès-verbaux des  officiers  publics  ne  font  foi  jusqu'à  inscription  de  faux  que 
dans  les  cas,  d'ailleurs  très-rares,  où  la  loi  leur  attribue  expressément  ce  caraC" 
tère.  Or,  aucune  loi  n'attribue  cette  force,  ce  degré  d'autorité  aux  procès-ver- 
baux dressés  par  les  commissaires  de  police  en  matière  de  contravention.  Con- 
cluons donc  que  ces  procès-verbaux,  aux  termes  de  l'art,  164,  font  foi  seule- 
ment jusqu'à  preuve  contraire,  et  peut-être  est-ce  déjà  beaucoup  leur  accordre, 
comme  nous  le  verrons  en  expliquant  cet  article  et  en  en  examinant  les 
motifs. 

684.  La  compétence  territoriale  des"  commissaires  de  police  embrasse,  en 
principe,  toute  l'étendue  de  la  commune  dans  laquelle  ils  sont  établis. 

Elle  peut  embrasser  aujourd'hui,  en  vertu  du  décret  du  28  mars  1852,  toutes 
les  communes  du  canton. 

Je  dois  vous  avertir  qu'aux  termes  des  lois  institutives  des  commissures  de 
police  il  n'en  était  établi  que  dans  les  commîmes  de  plus  de  5,000  habitants; 
que  dans  les  communes  de  5  à  10,000,  il  n'y  avait  qu'un  commissaire  de  police, 
et  que  dans  celles  supérieures  on  en  établissait  un  de  plus  par  10,000  habitants. . 
Mais  l'art.  2  du  décret  du  28  mars  1852  permet  d'en  établir  dans  tous  les  can- 
tons où  il  n'en  existe  pas. 

Ainsi  le  commissaire  de  police  est  compétent  pour  instrumenter  dans  toute 
l'étendue  de  son  ressort,  pour  recevoir  les  plaintes,  les  dénonciations,  et  les 
relater  dans  ses  procès-verbaux.  Du  reste,  peu  importe  que  dans  la  commune 
il  y  ait  pluueurs  commissaires  de  police  ;  dans  tous  les  cas  chacun  d'eux  a 
légalement  compétence  pour  instrumenter  dans  toute  l'étendue  de  la  com- 
mune. 

.  L'acte  d'aucun  d'eux  ne  peut  être  annulé  parce  qu'il  aurait  agi  hors  de  l'ar- 
rondissement à  la  surveillance  duquel  il  est  habituellement  préposé  :  ces 
limites,  ces  circonscriptions  d'arrondissement  ne  bornent  pas  la  compétence, 
elles  indiquent  seulement,  comme  vous  le  dit  l'art.  12,  le  cercle  particulier 
dans  lequel  le  commissaire  est  plus  spécialement  obligé  à  un  exercice  régu- 
lier et  à  l'exercice  habituel  de  ses  fonctions. 

De  là  aussi  la  conséquence  que  tout  commissaire  de  police,  requis  de  rece  - 
voir  une  plainte,  une  dénonciation,  de  dresser  procès- verbal  en  fait  de  con- 
travention à  raison  de  l'absence,  de  l'empêchement  d'un  commissaire  de  la 
même  commune,  ne  peut  pas  refuser  d'agir,  sous  prétexte  que  l'empôche- 
ment  n'est  pts  constaté.  Ce  qui  importe,  avant  tout,  c'est  furgenœ,  c'est  la 


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DES  OFFICnSaS  SE  POUGB   JUDKHAIBE  (ART.  il).  481 

eélérité  de  la  constatation  :  mais  il  est  bien  enteada  qne  cela  ne  s'applique 
qu'entre  des  commissaires  de  ht  mdme  commune,  et  non  pas  entre  commis* 
satres  de-communes  difliâientes. 

Ge  que  nous  disons  des  commissaires  de  police,  soit  relatiToment  à  leur 
compétence  territoriale»  soit  relativement  à  leur  compétence,  en  tant  qu'elle 
se  détermine  par  la  nature  du  fait  incriminé,  nous  le  dirons  également  des 
maires  et  des  adjoints  de  maire  qui  sont  investis  directement  de  fonctions 
absolument  semblables,  soit  dans  les  oonmiunes  qui,  étant  inférieures  à  5,000 
habitants,  n*ont  pas  de  commissaire  de  police,  s<»t  dans  les  communes  où  la 
population  est  supérieure,  mais  oii  le  commissaire  de  police  se  trouve  acciden- 
tellement empoché,  art.  ÎL 

635.  Les  procès-verbaux  dressés,  quels  seront  les  devoirs  de  l'officier  qui 
les  aura  rédigés  ?  Ge  sera,  en  principe,  de  les  transmettre  à  l'officier  chargé  de 
poursuivre  les  contraventions.  Par  exemple,  si  la  plainte  a  été  reçue  par  ua 
maire  ou  un  adjoint  de  maire,  en  cas  d'empêchement  momentané  du  commis- 
suire  de  police,  conmie  le  fait  est  une  contravention,  il  tombe  par  conséquent 
dans  la  juridiction  des  tribunaux  de  police  ;  comme  devant  les  tribunaux  de 
police  c'est  le  commissaire  qui  est  chargé  de  poursuivre  en  qualité  de  minis- 
tère public,  il  est  clair  que  les  maires  et  adjoints  de  maire  transmettront  les 
plaintes  au  commissaire  de  police. 

Quant  aux  commissaires  eux-mêmes,  vous  sentez  qu'il  y  aura  nécessaire- 
ment une  distinction  à  faire.  Ainsi,  dans  les  communes  où  il  y  a  plusieurs 
commissaires,  il  y  a  un  des  commissaires  qui  est  chargé  des  fonctions  du 
ministère  public  près  le  tribunal  de  police  ;  c'est  à  ce  commissaire  que  les 
plaintes  des  autres  devront  être  remises.  Si  c'est  le  commissaire,  chef  du 
canton,  qui  a  constaté  la  contravention,  il  n'aura  pas  à  transmettre  son  procès- 
verbal  ;  les  fonctions  se  trouvant  réunies,  il  gardera  le  procès-verbal  dressé 
par  lui,  pour  agir  ensuite  en  qualité  de  nûnistère  public.  ïi  en  serait  de  même 
dans  les  communes  où  il  n'y  aurait  pas  de  commissaire  de  police,  puisqu'alops, 
art.  144,  les  fonctions  de  commissaire  de  police  sont  conâées  aux  maires  et  aux 
adjoints  de  maire. 

Passons  à  la  seconde  division,  celle  qui  fait  l'objet  des  gardes  champêtres  et 
forestiers. 


CHAPITRE  in 

DES   6ÂBDSS  CHAMPÊTRES   ET  FOaESTlERS. 

536.  Nous  avons  VU  qu'en  fait  de  contraventioA  la  compétence  des  commis- 
saires de  police  était  générale,  universelle,  qu'elle  embrassait  même  les  con- 
traventions, soit  rurales,  soit  forestières.  Cependant  les  atteintes  portées  aux 
propriétés  de  ces  deux  espèces,  propriétés  nécessairement  placées  plus  loin  des 
habitations,  hors  du  cercle  d'action  de  la  police  ordinaire,  les  atteintes  portées 
ii  ces  propriétés  ont  paru  nécessiter  l'institution  d'officiers,  de  fonctionnaires 
I-  31  ' 

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482     YINGT-ftmÉMB  LBÇOK.  —  DB  LA  POUCB  JUDICIAIRE  (n*   537). 

spéciaux  à  portée  de  les  surveiller  sans  cesse  et  de  constater  anssi  les  perpé- 
tuelles contrayentions  dont  elles  peuvent  être  l'objet.  De  là  Finstituiion  des 
gardes  champêtres  et  des  gardes  forestiers  qui,  en  matière  de  contraventions, 
n*ont  d'ailleurs  que  concurrence  avec  le  commissaire  de  police,  avec  le  maire 
et  l'adjoint  du  maire.  Au  contraire,  à  l'égard  des  délits,  la  compétence  des 
gardes  champêtres  et  forestiers  est  universelle,  est  générale,  est  exclusive  de 
toute  autre. 

Ainsi,  dans  l'art.  11,  on  a  attribué  au  commissaire  de  police  compétence 
pour  toutes  les  contraventions  même  rurales  et  forestières,  compétence  en  con- 
cours avec  celle  des  gardes  champêtres  et  forestiers.  Au  conlipaire,  dans  l'art.  16, 
ce  n'est  pas  simplement  pour  les  contraventions,  c'est  aussi  pour  les  délits 
qu'on  attribue  aux  fonctionnaires  qui  y  sont  désignés  la  mission  de  les  recher- 
cher pour  les  constater. 

Peut-être  même  ne  faut-il  pas  se  borner  là,  et,  malgré  la  distinction  éta- 
blie par  l'art.  1*'  du  Gode  pénal  entre  les  trois  classes, .  les  trois  natures  de 
faits  punissables,  peut-être,  dis-je,  devons-nous  entendre,  dans  l'art.  16,  le 
mot  de  délit  dans  un  sens  générique,  et  non  pas  dans  un  sens  technique  ;  peut- 
être  ce  mot  désigne -t-il,  non  pas  seulement  les  délits  proprement  dits,  c'est- 
à-dire  les  faits  punissables  d'un  simple  emprisonnement,  mais  encore  les 
crimes,  c'est-à-dire  les  faits  punissables  de  peines  afHictives  ou  infamantes. 
A  cet  égard  on  peut  s'appuyer  sur  ce  que,  dans  le  Gode  dont  nous  commen- 
çons rétude,  le  mot  délit  est  employé  sans  cesse  dans  le  sens  générique,  et 
par  là  même  inexact  ;  il  est  bon  de  vous  en  donner  avis,  car  sans  cesse  nous 
trouvons  le  mot  délit  embrassant  même  le  mot  crime  dans  le  Gode  d'instruc- 
tion criminelle.  Mais  un  argument  plus  direct  se  trouve  dans  les  derniers 
mots  du  S  4  de  l'art.  16  ;  vous  y  verrez  que  les  gardes  désignés  dans  cet  article 
peuvent  arrêter  tous  les  individus  surpris  en  flagrant  délit,  «  lorsque  ce  délit, 
dit  la  loi,  emportera  la  peine  d'emprisonnement  ou  une  peine  plas  grave  ;  § 
mais  dans  ce  dernier  cas,  c'est  un  crime.  Si  le  délit  est  de  nature  à  entraîner 
une  peine  afOictive  ou  infamantet  l'expression  de  délit  n'est  plus  prise  dans  le 
sens  de  l'art,  l**  du  Gode  pénal.  Tel  parait  être  le  sens  de  l'art.  16,  et  il  faut 
reconnaître  que  les  gardes  champêtres  et  forestiers  ont  qualité  pour  recher- 
cher et  constater  non-seulement  les  contraventions  et  les  délits  proprement 
dits,  mais  encore  les  crimes,  en  tant  que  ces  crimes  se  rattachent  aux  délits 
ruraux  ou  forestiers.  Tel  est,  par  exemple,  le  cas  d'incendie  de  meules  de  blé 
ou  de  forêts. 

537.  Remarquez,  quant  aux  gardes  champêtres,  que  l'art.  16  leur  donne 
mission  de  rechercher,  de  constater  tous  les  actes  coupables  dont  nous  venons 
d'indiquer  la  nature  ;  que  par  là  même  ils  ont  qualité  pour  en  dresser  des 
procès -verbaux,  et  la  loi  le  dit  formellement.  En  d'autres  termes,  les  gardes 
champêtres,  comme  les  commissaires  de  police,  ont  mission  de  constater  les 
&its  coupables  à  l'égard  desquels  la  loi  leur  attribue  compétence^  Mais  s'ils 
ont  mission  de  les  constater,  en  sens  inverse  ils  n'ont  pas  qualité  pour  les 
poursuivre.  C'est  là  une  distinction  importante  sur  laquelle  nous  aurons 
bientôt  occasion  de  revenir.  En  un  mot,  de  ce  qu'ils  sont  officiers  de  police 
judiciaire,  il  ne  faut  pas  plos  conclure  que  toutes  les  fonctions,  que  tous  les 

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DBS  6ARDS8  CHAMPÊTRES  BT  FORSSTIBAS  (aRT.   il).  483 

actes  de  police  judiciaire  leur  soient  attribués,  môme  relatiTement  aux  faits 
pour  lesquels  ils  sont  compétents.  Ainsi,  d'après  Part.  8,  Ut  police  Judiciaire 
recherche  les  crimes^  les  délits  et  les  contraventions^  en  rassemble  les  prewes  et 
livre  les  auteurs  aux  tribunaux  chargés  de  les  punir*  Dans  ces  trois  membres 
de  phrase  vous  trouvez  deux  caractères:  i*  constatation;  2*  poursuite  des 
actes  coupables.  U  s'en  faut  de  beaucoup  que  ces  deux  caractères  se  trouvent 
en  général  réunis  sur  la  même  tête.  Ainsi  les  gardes  champêtres,  comme  les 
gardes  forestiers,  ont  caractère  pour  constater  les  délits  et  non  pas  pour  les 
poursuivre;  nous  verrons  plus  tard  à  quels  fonctionnaires  est  attribuée  cette 
dernière  qualité. 

De  ces  actes  par  eux  constatés  ils  doivent  dresser  procès- verbaux,  art.  16, 
§  2.  Ces  procès-verbaux  doivent  être  déposés  dans  les  mains  du  juge  de  paix 
et  affirmés  le  lendemain  au  plus  tard  du  jour  où  ils  ont  été  dressés^  loi  du 
28  septembre  1791,  titre  i«  sect.  VU,  art.  6  et  7. 

Les  procès-verbaux  de  ces  agents,  lorsqu'ils  ne  donneront  lieu  qu*&  des 
réclamations  pécuniaires  feront  foi,  sauf  la  preuve  contraire.  Ces  procès- 
verbaux  ne  font  donc  pas  foi  jusqu'à  inscription  de  fiiux,  mais  ils  font  foi  jus- 
qu'à preuve  contraire,  c'est  ce  qui  résulte  des  art.  154  et  189  du  Code  d'ins- 
truction criminelle.  Les  procès-verbaux  des  gardes  champêtres  rédigés  dans 
les  formes  voulues  font  foi  jusqu'à  preuve  contraire  en  matière  de  contraven- 
tion et  de  délit.  Au  contraire,  en  matière  de  crime,  comme  la  loi  ne  recon- 
naît pas  de  preuves  légales,  comme  elle  ne  s'adresse  qu'à  la  cohscience,  au 
sentiment  interne,  à  l'intime  conviction  des  jurés,  les  procès-verbaux  des 
gardes,  pas  plus  que  toute  autre  espèce  de  preuve,  ne  sont  de  nature  à  fiiire 
foi,  même  jusqu'à  preuve  contraire;  vous  en  trouverez  la  preuve  manifeste 
dans  le  texte  de  l'art.  342.  En  matière  de  crime,  ces  procès-verbaux  servent 
uniquement  à  l'instruction  et  n'ont  aucune  influence  nécessaire  sur  l'opinion 
du  jury. 

588.  Au  droit  de  constater  des  actes,  les  gardes  champêtres  joignent  le 
droit  d'arrestation  dans  les  limites  indiquées.  Ce  droit  d'arrestation  consiste, 
comme  l'indique  l'arl.  16,  à  conduire  devtint  le  maire  ou  le  juge  de  paix  l'in- 
dividu surpris  par  eux  en  flagrant  délit.  Nous  verrons  plus  tard  ce  qui  con- 
stitue le  flagrant  délit. 

De  même,  quant  aux  visites  domiciliaires  tendant  à  rechercher,  par  exem- 
ple, des  gerbes  de  blé  ou  autres  parties  de  récoltes  qui  auraient  pu  être 
volées,  ce  droit  n'appartient  pas  aux  gardes  champêtres  isolés;  par  le  §  3  de 
l'art.  16,  la  loi  leur  défend  de  s'introduire  seuls  dans  les  maisons,  dépendances 
ou  enclos  dans  lesquels  ils  supposeraient  qu'ont  été  transportés  les  onjets 
volés;  ils  doivent  être  accompagnés  par  un  des  fonctionnaires  indiqués  dans 
le  §  3  de  ce  même  article.  a 

Les  dispositions  de  cet  art.  16  s'appliquent  non-seulement  aux  gardes  cham- 
pêtres des  communes,  mais  même  à  ceux  des  particuliers. 

539.  U  y  a,  vous  pourrez  vous  en  convaincre  en  parcourant  Fart.  16,  une 
très-grande  analogie  entre  les  fonctions  des  gardes  champêtres  relativement 
aux  atteintes  à  la  propriété  rurale,  et  celles  des  gardes  forestiers,  ^lativement 


484'     YINGT-SUIÈHE  LBÇON.  —  DE   LA  POLICE  JUDICIAIRE  (n<^  539). 

aux  atteintes  à  la  propriété  forestière.  £n  effet,  on  traite  conjointement  dans 
la  plupart  des  articles  du  chapitre  m,  et  notamment  dans  le  premier,  des 
fonctions  qui  sont  par  la  loi  attribuées  à  chacun  d*eux.  En  général,  la  com- 
pétence des  gardes  forestiers,  eu  égard,  bien  entendu,  à  la  différence  dans  la 
nature  des  délits  ou  des  crimes,  leur  compétence,  leur  qualité  est  à  peu  près 
la  même  que  celle  des  gardes  champêtres  ;  Fart  16  traite  conjointement  des 
uns  et  des  autres  et  ne  parait  faire  entre  leurs  missions,  entre  leurs  qualités 
aucune  différence  bien  positive. 

Cependant  il  existe,  à  cet  égard,  quelques  différences  qu'il  est  bon  de  noter* 
£ll6  ressortent  en  général  des  lois  particulières  antérieures  ou  postérieures 
au  Cîode  d'instruction  criminelle,  et  notamment  do  celle  <lu  21  mai  1827,  pro- 
mulguée sous  le  nom  de  Gode  forestier.  Les  art.  159  et  suivants  de  cette  loi, 
f^miant  le  titre  XI,  indiquent,  d'une  manière  plus  détaillée  que  le  Gode  d'in- 
struction criminelle,  quelle  est  la  qualité,  la  compétence  spéciale  des  divers 
agents  qui  y  sont  dénommés. 

Vous  remarquerez  d'abord,  quant  au  droit  d'arrestation  indiqué  et  limité 
par  Tart  16,  §  4,  que  ce  droit  se  trouve  étendu,  en  certains  cas,  par  l'art.  163 
du  Gode  forestier;  on  permet  aux  gardes  forestiers  d'arrêter  et  de  conduire 
devant  le  juge  de  paix  tout  inconnu  qu'ils  auront  surpris  en  flagrant  délit.  Le 
droit  se  trouve  donc  étendu,  en  ce  sens  que  l'arL  163  n'exige  plus,  comme 
l'art.  16,  que  le  fait  en  flagrant  délit  duquel  on  est  surpris  soit  de  nature  à 
entraîner  l'emprisonnement,  ou  une  peine  plus  forte.  Mais  Tart.  163  exige, 
dans  la  persopne  surprise,  une  qualité  dont  ne  parle  pas  Fart.  16  :  il  exige 
qu'il  s'agisse  d'un  inconnu;  dans  le  cas  contraire  un  garde  n'a  pas  droit  d'ar- 
restation. 

Quant  à  l'af&nnation  du  procès- verbal  devant  le  juge  de  paix,  affirmation 
à  laquelle  sont  toujours  soumis  les  procès-verbaux  des  gardes  champêtres, 
cette  condition  ne  s'applique  pas  dans  tous  les  cas  aux  procès-verbaux  des 
gardes  forestiers  ;  elle  s'applique  rigoureusement  à  tous  les  procès-verbaux 
des  gardes  particuliers  et  des  agents  inférieurs  de  l'administration  forestière  ; 
au  contraire,  la  loi  en  dispense  les  procès-verbaux  des  agents  supérieurs, 
art.  165,  166  et  189  du  Gode  forestier. 

De  même,  les  procès-verbaux  des  gardes  champêtres  ne  font  foi  que  jusqu'à 
preuve  contraire,  tandis  que  les  procès-verbaux  des  gardes  forestiers,  ou  au 
moins  de  quelques-uns  d'entre  eux,  font  foi  même  jusqu'à  inscription  de  faux  ; 
ces  procès-verbaux  figurent  au  nombre  de  ceux  dont  parlent  les  art.  154  et  189 
4u  Gode  d'instruction  criminelle.  Il  y  a  à  cet  égard,  soit  dans  la  nature  du 
fonctionnaire  rédacteur,  soit  aussi  dans  l'importance  de  la  condamnation  à 
laquelle  peut  donner  lieu  le  procès- verbal,  des  distinctions  dans  lesquelles 
je  n'entre  pas;  je  vous  renvoie  aux  art.  176, 177  et  188  du  Gode  forestier. 

Enfin,  les  procès-verbaux  des  gardes  champêtres  sont  toujours  remis  aux  offi- 
ciers chargés  des  poursuites.  Ainsi,  s'il  s'agit  d'un  délit,  le  procès -verbal  sera 
remis  au  procureur  de  la  République  chargé,  par  l'art.  182  du  Gode  d'instruction 
criminelle,  de  la  poursuite  des  faits  correctionnels;  s'il  s'agit  d'une  simple 
contravention,  le  procès-verbal  sera  remis  au  commissaaire  du  police,  ou  au 
maire,  ou  à  son  adjoint,  art.  144.  Au  contraire,  pour  les  gardes  forestiers  de 
l'Etat,  leurs  procès- verbaux  sont  remis  au  conservateur  ou  à  l'inspecteur  aux- 

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DES  PROCURSUIUS  DB  LA  R£^17BLIQI7B  (ART.  iï).  485 

qnels  appartient,  en  matière  de  contraTentîon  comme  de  délit,  rexercice  de 
l'action  publique  devant  les  tribunaux  correctionnels,  art.  179  et  182  du  Gode 
d'instruction  criminelle.  Vous  verrez  que  les  contraventions  forestières,  com- 
mises au  détriment  de  TÉtat  ou  des  communes,  rentrent,  quoiqu'elles  soient 
de  simples  contraventions,  dans  la  compétence  des  tribunaux  correctionnels. 
Que  si,  au  contraire,  il  s'agit  du  garde  forestier  d'un  particulier,  alors  le  procès- 
verbal  sera  remis^  s'il  s'agit  d'une  contravention,  au  commissaire  de  police 
chargé  de  la  poursuite  devant  les  tribunaux  de  police;  ou  s'il  8*agit  d'un  délit, 
au  procureur  de  la  République  chargé  de  la  poursuite  devant  les  tribunaux 
correctionnels. 

Je  vous  renvoie,  pour  résumer  ces  notions,  au  texte  même  du  chapitre  III. 
Nous  passons  au  chapitre  lY,  qui  traite  du  procureur  de  la  République  et  de 
ses  substituts. 


CHAPITRE  IV 

l>^  PROGUBSURS  BB  LA  RÉPUBLIQUB  BT  DE  LBURS  SUBSTITOTa. 

540.  Jusqu'ici  les  fonctionnaires,  les  officiers  de  police  judiciaire  dont  nous 
nous  sommes  occupés  se  sont  présentés  à  nous  sous  des  caractères  tout  à  fait 
^ciaux.  Ainsi,  dans  les  commissaires  de  police  nous  n'avons  vu,  quant  à  la 
police  judiciaire,  que  des  officiers  chargés  de  constater  les  contraventions,  à 
l'exclusion  des  crimes  ou  des  délits.  Dans  les  gardes  champêtres  ou  forestiers 
nous  avons  vu  des  officiers  de  police  judiciaire  chargés  de  constater  les  con- 
traventions, les  crimes  ou*  les  délits,  mais  seulement  en  tant  que  ces  actes 
portent  atteinte  aux  propriétés  rurales  ou  forestières;  il  n'y  a  pas  cette  lar- 
geur d'attribution,  cette  généralité  de  caractère  que  nous  allons  rencontrer 
dans  les  officiers  aux  attributions  desquels  nous  passons  maintenant. 

Ainsi,  entre  les  officiers  de  police  judiciaire  qui  précèdent  et  les  procureurs 
de  la  République  et  leurs  substituts,  nous  rencontrerons  d'abord  cette  différence 
bien  saillante,  que  la  compétence  des  premiers  est  bornée,  est  spéciale,  soit 
quant  à  la  gravité  des  faits  qu'ils  doivent  constater,  soit  au  moins  quant  à  leur 
nature  ;  au  contraire,  la  compétence  des  procureurs  de  la  République  est  géné- 
rale, en  ce  sens  que  la  mission  que  la  loi  leur  confie  n'est  pas  bornée  à  telle  ou 
telle  nature,  à  telle  ou  telle  gravité  de  faits  punissables,  mais  qu'elle  embrasse, 
au  contraire,  les  crimes  et  les  délits  :  si  elle  laisse  les  contraventions  en 
dehors,c'e8t  par  le  peu  d'importance  de  ces  faits,  etnon  pas  par  le  défautde  pou- 
voir. Ainsi,  voilà  une  première  différence  entre  les  officiers  précédents  et  les  pro- 
cureurs de  la  République;  elle  tient  à  la  généralité  du  caractère  accordé  à  ceux- 
clf  relativement  à  la  nature  des  actes  pour  lesquels  la  loi  leur  a  donné  mission. 

541.  Mais  une  autre  différence  beaucoup  plus  importante,  surtout  parce 
qu'elle  est  bien  moins  connue,  bien  moins  sensible,  bien  moins  facile  à  saisir 
à  la  lecture  des  textes  du  Code,  tient  à  la  nature  des  pouvoirs,  au  caractère 
de  la  mission,  au  mode  d'exercice  des  actes  que  la  loi  a  attribués  au  ministère 


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486     YINGT-SIXIÈHB  LEÇON.  —  DB  LA  POLICE  JUDIdAIRB  (n""  542). 

public.  FlxoDS-noos  biea  sur  cette  idée.  Quels  sont,  d'après  Uart.  8,  les  carae- 
tères,  les  fonctions  de  la  police  judiciaire?  La  loi  en  indique  trois  qui  peuyent 
^  réduire  à  deux  :  rechercher  les  actes  coupables,  en  rassembler  les  preuves, 
en  livrer  les  auteurs  aux  tribunaux.  Les  deux  premiers  membres  de  cette 
phrase  se  rattachent  à  la  constatation  des  faits  punissables;  le  troisième  et 
.dernier  se  rattache  à  la  poursuite.  Ainsi,  constater  des  faits  punissables; 
poursuivre  leurs  auteurs  devant  les  tribunaux  :  telles  sont  les  fonctions  géné- 
rales de  la  police  judiciaire. 

Mais  déjà  nous  avons  dit  que  ces  fonctions  ne  se.  cumulaient  pas,  ne  se 
réunissaient  pas  nécessairement  sur  la  même  tôte,  qu'il  ne  suffisait  pas  d'être 
appelé  par  la  loi  officier  de  police  judiciaire  pour  avoir  le  droit  :  1«  de  cons- 
tater; 2«  do  poursuivre.  Ainsi,  pour  les  commissaires  de  police,  pour  les  gardes 
champêtres  et  forestiers,  nous  avons  vu  formellement  écrit  dans  la  loi  le  droit, 
l'obligation  de  constater,  nous  n'avons  pas  vu,  au  contraire,  un  seul  mot  du 
droit  de  poursuivre,  surtout  en  ce  qui  concerne  les  gardes  champêtres  et  les 
gardes  forestiers.  Eh  bien,  pour  le  procureur  de  la  République,  il  faut  faire  la 
même  distinction,  mais  il  faut  la  faire  en  sens  tout  à  fait  contraire.  Les  agents 
qui  précèdent  ont  droit  de  constater  et  n'ont  pas  droit  de  poursuivre;  le  pro- 
cureur de  la  République,  quelque  haute  que  soit  sa  position,  quelque  grave 
que  soit  son  caractère,  a  droit  de  poursuivre  et  non  pas  de  constater.  Il  a  droit 
et  devoir  de  livrer  aux  tribunaux  l'auteur  présumé  d'un  fait  punissable;  il  a 
droit  de  requérir  la  poursuite,  de  requérir  tels  ou  tels  actes  d'instruction  pro- 
pres à  faire  éclater  la  vérité  qu'il  soupçonne,  mais  il  n'a  pas  le  droit  de  recher- 
cher,  de  rassembler  les  preuves. 

Ainsi,  dans  le  procureur  de  la  République  nous  ne  trouvons,  au  moins  en 
principe,  sauf  deux  exceptions  notables,  qui  se  justifient  d'ailleurs  fort  aisé- 
ment, nous  ne  trouvons  en  principe  que  le  droit  de  poursuivre,  mais  jamais 
le  droit  de  réunir,  de  constater  les  preuves. 

M2.  Cette  idée  de  n'accorder  au  ministère  public  que  le  droit  de  poursuivre, 
à  l'exclusion  du  droit  de  constater,  n'est  pas  nouvelle  en  droit  français,  mais 
elle  a  été  quelque  temps  méconnue  d'une  manière  assez  grave;  il  n'est  pas 
inutile  de  remonter  plus  haut  pour  en  bien  sentir  la  portée. 

Dans  l'ancienne  jurisprudence  criminelle,  dont  nous  sommes  loin  d'approu- 
ver toutes  les  dispositions,  c'était  une  idée  fondamentale  que  la  poursuite  des 
actes  punissables  n'appartenait  point  aux  simples  particuliers  mais  à  une 
magistrature  spéciale,  instituée  à  cet  effet,  savoir  :  au  ministère  public;  le 
droit  de  se  porter  partie  contre  les  auteurs  d'un  crime  ou  délit  étant  le  premier 
attribut  du  ministère  public. 

Mais  de  là  une  conséquence  fort  logique  et  fort  sage,  c'est  que  le  ministère 
public,  étant  partie  nécessaire  dans  toute  poursuite  criminelle,  devait  par  là 
même  être  exclu  du  droit  de  participer  à  un  acte  d'instruction  quel  qu'il  fût 
En  effet,  disait-on,  un  acte  d'instruction,  c'est  une  décision,  c'est  une  sorte  de 
jugement  au  moins  provisoire;  ordonner  qu'une  visite  domiciliaire  sera  faite, 
ordonner  que  des  témoins  seront  entendus,  décerner  un  mandat,  frapper  un 
individu  d'arrestation,  c'est  porter  sur  son  sort  une  décision,  un  jugement, 
provisoire,  si  l'on  veut,  mais  enfin  une  décision.  Or,  décider,  juger,  même  pro- 


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DIS  PROGURBUIU  DB  LA  RtPUBLIQUB  (AAT.  tl).  487 

visoirement^  c'est  on  acte  du  minigtère  da  joge  ;  or,  la  qualité  de  jage  et  celle 
de  partie  sont  des  qualités  incompatibles.  8i  donc  le  ministère  public  est 
nécessairement  Tadversaire  du  prévenu»  s'il  est  inévitablement  partie,  deman- 
deur dans  toute  poursuite  criminelle,  il  s'ensuit  qu'il  ne  peut  être  juge;  et  il 
serait  juge  s'il  pouvait  faire  un  acte  d'instruction,  si  léger  que  fût  cet  acte. 

A  c6té  de  ce  raisonnement  tout  logique  viennent  se  placer  des  considéra* 
tions  d'une  nature  fort  grave  :  au  ministère  public  est  imposée  Tobligation  de 
rechercher  les  faits  punissables,  et,  dès  qu'il  en  soupçonne  l'auteur,  de  pour- 
suivre cet  auteur  présumé  depuis  le  premier  acte  d'instruction  qu'il  requiert, 
jusqu'à  l'exécution  de  la  peine  qu'il  a  sollicitée  contre  lui.  Or,  ne  serait-il  pas 
à  craindre,  si  l'on  confiait  au  ministère  public  le  droit  de  faire  lui-même  des 
actes  d'instruction,  qu'il  ne  se  laissât  influencer,  dominer  dans  l'origine  par 
des  préventions  contre  lesquelles  il  n'aurait  pas  plus  tard  le  courage  de  revenir? 
ne  serait-il  pas  à  craindre  que  le  même  officier,  venant  demander  aux  juges 
la  punition  du  prévenu  contre  lequel  il  a  fait  l'instruction,  ne  parût  pas  devant 
les  juges  avec  cette  plénitude^  cette  franchise  d'impartialité  qui  est  le  premier 
de  ses  devoirs  et  la  plus  belle  de  ses  attributions  ?  De  là  cette  conséquence, 
bien  observée  dans  Tancienne  jurisprudence  criminelle,  qu'au  ministère  public 
appartient,  uniquement,  exclusivement,  le  droit  de  poursuivre;  et  au  juge  an 
contraire,  uniquement,  exclusivement,  le  droit  d'instruire. 

Cette  conséquence  fat  méconnue,  et  bien  à  tort  sans  doute,  dans  le  Gode  cri- 
minel de  1791.  J'ai  déjà  dit  que  les  fonctions  de  la  police  judiciaire  y  furent 
uniquement  confiées  aux  juges  de  paix  et  aux  officiers  de  gendarmerie.  Cette 
attribution  si  illimitée  avait  d'abord  un  inconvénient,  c'était  de  ne  pas  confier 
à  des  mains  assez  puissantes,  à  des  fonctionnaires  assez  haut  placés  la  pre- 
mière poursuite,  la  première  impulsion  nécessaire  pour  rechercher  et  pour 
constater  les  crimes.  Des  juges  de  paix  isolés  par  canton,  n'ayant  pas  pour 
stimulant  les  réquisitions  du  ministère  public,  n'imprimaient  pas  à  la  direction 
des  affaires  dont  ils  étaient  chargés  l'énergie  suffisante  pour  réunir  les  preuves 
nécessaires.  Mais  il  y  avait  un  autre  inconvénient,  c'est  que  les  officiers  du 
ministère  public,  commissaires  du  gouvernement,  ^ent  toujours  chargés  de 
la  poursuite;  seulement,  ils  n'intervenaient  dans  la  poursuite  qu'après  qu'un 
jury  d'accusation  avait  voté  l'accusation  du  prévenu.  On  remarqua  avec  raison 
qu'il  était  contradictoire  de  confier  la  poursuite  aux  agents  du  gouvernement, 
et  de  leur  refuser  toute  espèce  de  part  d'action  dans  la  direction  des  premières 
poursuites;  de  les  charger  spécialement  de  la  recherche  et  de  la  répression 
des  délits  et  des  crimes,  et  de  ne  leur  permettre  d'intervenir,  pour  solliciter 
cette  répression,  qu'au  dernier  moment  d'une  poursuite  déjà  commencée,  et 
peut-être  mal  commencée.  Cependant  le  Gode  du  3  brumaire  an  lY,  en  remé* 
diant  au  premier  défaut,  en  plaçant  les  fonctions  de  l'instruction  dans  des 
mains  plus  puissantes  que  celles  des  juges  de  paix,  avait  aussi  laissé  subsister 
cette  concentration  de  tous  les  actes  de  l'instruction  dans  les  mains  des  officiers 
^u'il  désigne,  il  avait  laissé  le  ministère  publicen  dehors  de  tous  les  actes  préli- 
minaires. On  sentit  ce  défaut  et  une  loi  du  7  pluviôse  anIX  institua  dans  chaque- 
arrondissement  un  substitut  à  l'accusateur  public  appelé  plus  tard  magistrat  de 
•sûreté.  La  principale  mission  de  ce  substitut  était  de  surveiller  les  poursuites,, 
d'y  imprimer  le  mouvement  d'activité  qui  pouvait  y  manquer  jusqu'alors. 

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i9è     VINGT-SIXliMB  LBÇOH.  —  M  LA  VOUCB  /UDICIAMIE  (n*  543), 

Lorsqu'on  rddig<da  le  projet  da  Gode  criminel,  on  se  jeta  dans  Texcès  con- 
traire à  celui  de  1791  ;  on  fdt  si  viYement  frappé  de  l'inconvénient  d'exclure 
le  ministère  pnblicde  Tinstmction  préliminaire;  qne  dans  Part.  480  de  ce  projet 
on  conférait  an  ministère  public,  représenté  par  des  officiers  appelés  magis- 
trats de  sûreté,  le  droit  de  faire  à  lui  seul  tous  les  actes  d'instruction  néces- 
sités par  le  début  de  l'instance.  Au  sein  du  conseil  d'État  de  vives  réclamations 
s'élevèrent;  on  demanda  le  rétablissement  de  cette  distinction  fondamentale 
méconnue  en  1791,  et  que  le  projet  du  Gode' allait  méconnaître  :  on  demanda 
que  la  distinction  entre  le  droit  de  poursuivre  et  le  droit  dé  constater  fût  réta- 
blie; qu%ux  agents  du  gouvernement,  à  la  partie  publique  appartint  exdnsi- 
vement  le  droit  de  poursuivre  ;  qu'aux  agents  judiciaires  proprement  dits,  aux 
magistrats  appartînt  exclusivement  le  droii  d'instruire.  Après  une  longue  et 
vive  discussion  ce  principe  prévalut  enfin  ;  on  décida  en  règle  générale  que  le 
ministère  public  n'aurait  que  le  droit  de  poursuivre  les  délits  et  les  crimes, 
â*en  requérir  la  répression,  de  solliciter,  d'exiger  qu'il  fût  procédé  à  chaque 
acte  d'instruction,  mais  qu'il  n'aurait  pas,  au  moins  en  principe,  le  droit  d'y 
procéder  par  lui-môme.  Ge  droit  fut  réservé  à  un  fonctionnaire  d'une  nature^ 
d*une  position  plus  impartiale,  plus  indépendante:  ce  droit  fut  réservé  au  juge 
d'instruction. 

Ainsi,  comme  idée  générale  devant  servir  de  point  de  départ  aux  explications 
qui  Tont  suivre,  retenons  que,  si  la  qualité  d'officier  de  police  judiciaire,  aux 
termes  de  l'art.  7,  appartient  également,  d'une  part,  au  procureur  de  la  Répu- 
blique, de  l'autre,  au  juge  d'instruction,  cependant  la  mission  de  ces  officiers 
tfest  pas  la  même  :  la  mission  du  procureur  de  la  République  est  de  requérir 
du  juge  d'instruction  tel  ou  tel  acte  de  poursuite  ;  la  mission  du  juge  d'ins- 
truction est  de  procéder  à  ces  actes.  Et  de  même  qu'en  général  le  procureur  de 
République  ne  peut  pas  par  lui-même  procéder  à  l'instruction,  de  même 
aussi  en  général  le  juge  d'instruction  ne  peut  opérer  que  sur  la  réquisition,  sur 
les  conclusions  de  la  partie  publique,  c'est-à-dire  du  procureur  de  la  Répubii* 
4ue.  Je  dis  en  général,  car  nous  verrons  plus  tard,  dans  les  deux  cas  que 
f  ai  indiqués,  dans  les  cas  des  art.  32  et  46,  l'urgence  du  flagrant  délit  intro- 
duire une  exception  remarquable  à  ces  principes  qui  d'ailleurs  sont  fonda- 
mentaux. 

64S.  Il  suit  de  ce  qui  précède  que  nous  aurons  à  considérer  les  procureurs 
de  la  République  sous  deux  points  de  vue  et  dans  deux  qualités  bien  diffé- 
rentes ;  le  premier  relativement  à  leurs  fonctions  habituelles,  régulières,  à 
leurs  fonctions  normales,  si  je  puis  ahisi  parler  ;  le  second  relativement  à  leurs 
fonctions  extraordinaires,  exceptionnelles,  nécessitées  quelquefois  par  l'hypo- 
thèse du  flagrant  délit.} 

Au  nombre  des  fonctions  habituelles  et  régulières  figurent  des  opérations 
de  différentes  natures.  Ainsi  le  procuremr  de  la  République,  en  sa  qualité  de 
partie  publique,  borné,  limité  au  droit  de  réquérir,  au  droit  de  poursuite,  doit  r 

V  Rechercher  d'office  les  crimes  ou  les  délits  commis  dans  son  arrondisse- 
ment, en  rechercher  le  bruit,  l'avis,  la  rumeur  publique;  ce  qui  n'est  pas  en 
rassembler  les  preuves,  par  exemple  appeler  des  témoins  pour  déposer  ;  à  <iet 
égard,  il  doit  rechercher  l'annonce,  la  nouvelle  des  crimes  ou  délits; 

2«  Recevoir  toutes  les  dénonciations,  toutes  les  plaintess  qui  peuvent  lui  être 

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DBS  pRocimsim8  Ds  UL  RÉPtTBuauB  (art.  2^).  489 

adressées,  soit  par  des  fonctionnaires  publics,  soit  par  des  particuliers,  aux 
termes  des  art.  29,  30  et  31,  soit  qne  ces  plaintes  ou  dénonciations,  dont  nous 
Terrons  plus  tard  la  forme  et  le  détail,  se  rattachent  à  des  crimes  on  à  de  sim- 
ples délits; 

3<»  H  doit  immédiatement  transmettre  les  pièces  an  jnge  d'instmction,  avec 
telles  réquisitions  qu'il  juge  convenable  de  fiiire  en  vertu  de  ces  premiers 
documents  ; 

i9  n  doit  correspondre  avec  le  procureur  général,  dont  il  n'est,  à  vrai  dire, 
que  le  substitut,  à  l'effet  d'informer  immédiatement  ceiui-ci  de  tous  les  crimes 
dont  il  vient  de  prendre  connaissance  et  de  recevoir  ses  ordres  sur  la  direc* 
tion  de  la  poursuite,  art.  27.  Non  contents  d'établir  entre  le  procureur  de  la 
République  de  chaque  arrondissement  et  le  procurem*  général,  dans  le  ressort 
duquel  il  edt  placé,  ce  lien  perpétuel  de  correspondance  que  consacre  l'art.  27, 
les  rédacteurs  du  Gode  d'instruction  criminelle^  craignant  que  Téloignement 
do  procureur  général  placé  au  centre  du  ressort  ne  laissftt  quelquefois  les 
procureurs  de  la  République  hors  d'une  surveillance  assez  active,  établirent 
dans  le  chef-lieu  de  chaque  département  un  magistrat  dont  les  attributions 
sont  détaillées  dans  les  art.  284  et  suivants.  CSes  procureurs  au  criminel  ont 
été  supprimés  en  1815;  cependant  la  section  qui  les  concerne  est  encore  con- 
servée, on  ne  sait  trop  pourquoi. 

5^  Le  ministère  public  doit  pourvoir  à  l'envoi  et  à  la  notification  des  ordon- 
nances  et  décisions  rendues  par  le  juge  d'instruction.  Cette  attributîcm  qui 
lui  est  conférée  part  l'art.  28  consacre,  de  la  manière  la  plus  formelle,  la  dis- 
tinction dont  nous  avons  parlé.  Ainsi,  rendre  une  ordonnance,  décerner  un 
mandat,  faire  un  acte  quelconque  d'instruction,  c'est  chose  qui  rentre  dans 
l'office  du  juge,  et  qui  est  tout  à  fait  en  dehors  de  l'office  du  ministère  public. 
Mais,  au  contraire,  pourvoir  à  l'exécution  d'une  ordonnance,  s'assurer  que  les 
témoins  appelés  comparaîtront,  remettre  aux  agents  de  la  force  publique  les 
actes  qu'ils  sont  chaînés  d'exécuter,  ce  n'est  pas  là  l'office  du  juge,  qui  n'agit 
pas.  De  là  la  mission  confiée  par  l'art.  28  au  procureur  de  la  République,  mis- 
sion qui  rentoe  encore  dans  ses  attributions  régulières;  car  voiler  à  l'expédition, 
à  l'envoi,  à  la  notification,  enfin  à  l'exécution  d'une  ordonnance,  c'est  là  ce 
qui  a  rapport  à  la  poursuite  et  non  point  à  l'instruction  ;  cet  acte  rentre  dans 
les  attributions  agissantes  du  procureur  de  la  République,  et  non  pas  dans 
les  attributions  sédentaires  en  quelque  sorte  du  juge  d'instruction. 

Quant  aux  fonctions  exceptionnelles,  irrégulières,  qui  sont  accordées  au 
procureur  de  la  République,  elles  le  sont  :  i<»  dans  le  cas  de  flagrant  délit,  et 
^  même  hors  le  cas  de  flagrant  délit,  dans  le  cas  de  réquisition  de  la  part  d'un 
chef  de  maison,  art.  32  et  56.  Nous  verrons  plus  tard  dans  ces  deux  textes  com* 
ment  le  procureur  de  la  République  y  devient,  par  exception,  instructeur,  et  non 
pas  seulement  partie  publique;  comment,  par  accident  et  seulement  tant  que 
dure  l'urgence,  tant  qu'il  y  a  nécessité  de  saisir  sur  le  lait  les  traces  fugitives  de 
Pacte  qui  vient  d'être  commis,  les  deux  qualités,  naturellement  opposées,  de 
partie  poursuivante  et  de  juge  d'instruction  se  trouvent  mêlées,  confondues 
Sur  la  tête  du  procureur  de  la  République.  Nous  verrons  également  sous 
quelles  limites,  même  dans  ces  deux  cas,  ce  droit  lui  est  accordé,  et  quelles 
précautions  la  loi  a  cru  devoir  y  ajouter  pour  en  empêcher  l'abus. 


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490     vmaiVBBPTlilCB  LBÇON.  —  DB  la  POLIGB  JUDICIAniB  (n^  545). 

Ainsi,  quelques  détails  sur  les  fonctions  ordinaires  du  procureur  de  la  Répu- 
blique d'une  part,  et,  de  Tautre,  l'ensemble,  le  tableau  de  ses  attributions 
extraordinaires  nous  occuperont  dans  la  prochaine  leçon;  cela  nous  conduira 
à  peu  près  jusqu'à  l'art.  55. 

544.  Vous  voyez  que  je  suis^  forcé  de  m'écarter  un  peu,  comme  je  le  ferai 
désormais,  de  ma  méthode  habituelle.  Jusqu'ici  nous  avons  pu,  sans  incon- 
vénient, suivre  la  marche  généralement  adoptée  dans  les  cours  de  droit  fran- 
çais, c'est-à-dire  nous  attacher  à  chaque  article  successivement.  Dès  aujour- 
d'hui j'ai  dû  m'écarter  un  peu  de  cette  marche,  ne  pas  analyser  chaque  article 
en  détail,  m'abstenir  même  d'en  donnw  lecture  ;  ce  n'est  pas  seulement  le 
temps  qui  m'y  force,  c'est  surtout  parce  que  je  crois  que  dans  les  nouvelles 
matières  que  nous  abordons  c'est  le  seul  moyen  de  vous  donner  des  idées 
exactes.  Dans  les  matières  de  l'instruction  criminelle,  le  plus  important  de 
notre  tâche  n'est  pas  d'étudier  chaque  question  de  détail  que  tel  ou  tel  ar- 
ticle peut  faire  naître;  il  faut  soulever  les  masses,  Tensemble,  et  voir  com- 
ment l'instruction  va  marcher,  depuis  son  début  jusqu'à  la  condamnation  et 
à  l'exécution.  Or,  si  nous  nous  appesantissions  sur  les  détails,  nous  perdrions 
beaucoup  de  temps,  et,  en  second  lieu,  au  milieu  de  ces  détails  vous  perdriex 
l'idée  d'ensemble. 

Pour  parer  à  cet  inconvénient,  je  vous  engage  donc  à  lire,  avant  chaque 
leçon,  les  vingt  ou  trente  articles  qui  en  feront  l'objet. 

VINGT-SEPTiiME  LEÇON. 

545.  Nous  avons  commencé  l'explication  du  chapitre  IV;  nous  nous  som- 
mes occupés  de  définir,  au  moins  sous  un  aspect  général,  les  fonctions  du  pro- 
cureur de  la  République,  considéré  comme  officier  de  police  judiciaire.  A 
cet  égard,  il  est  bien  important,  vous  ai-je  dit,  en  vous  attachant  au  prin- 
cipe consacré  dans  le  Gode  d'instruction  criminelle  contrairement  à  la  légis- 
lation intermédiaire  et  conformément  à  la  législation  ancienne,  il  est  bien 
important  de  distinguer,  dans  le  procureur  de  la  République,  un  ordre  de 
fonctions  complexes,  savoir  :  les  fonctions  régulières,  normales,  ordinaires  ; 
et,  au  contraire,  les  fonctions  exceptionnelles,  extraordinaires  dont  il  est  in- 
vesti dans  quelques  cas  spéciaux.  Les  fonctions  habituelles,  régulières  ont 
pour  objet  la  recherche  et  la  poursuite  des  crimes  et  des  délits,  art.  22.  Les 
fonctions  exceptionnelles  ont  pour  objet  certains  actes  de  constatation, 
d'instruction  qui  ne  lui  sont  attribués  que  par  des  motifs  de  nécessité,  et  par 
exception  formelle  au  principe  fondamental  qui  défend  de  cumuler  sur  la 
même  tète  les  fonctions  de  partie  poursuivante  et  les  fonctions  du  juge.  Il 
est  important  que  cette  distinction  entre  la  mission  de  rechercher  et  de  pour- 
suivre, et  la  mission  de  constater  ou  d'instruire,  soit  toujours  présente  à  vos 
esprits  dans  les  explications  qui  vont  suivre. 

Au  premier  ordre  de  fonctions  se  rattachent,  vous  ai-je  dit  en  terminant 
la  dernière  leçon  :  {•  le  droit  de  rechercher  d'office  tous  les  crimes  et  délits, 
de  recevoir  les  dénonciations  et  les  plaintes  qui  tendent  à  lui  en  donner  avis, 


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DB8  PR0GUBBUR8  DB  LA   RÉPUBLIQUE  (aRT.  22).         491 

de  transmettre  ces  dénonciations  et  ces  plaintes  an  jnge  dUnstrnction,  avec 
telles  réquisitions,  telles  conclusions  qu'il  jugera  convenables;  2«  l'obligation 
de  correspondre  avec  le  procureur  général^  conformément  à  Tart.  27;  3<>  enfin, 
Tobligation  de  pourvoir,  d*après  Tart.  28,  à  l'envoi,  à  la  notification  et  à  Texé- 
oution  des  ordonnances  rendues  par  le  juge  d'instruction  dans  les  limites  du 
pouvoir  que  nous  exposerons  plus  tard. 

Au  contraire,  aux  fonctions  exceptionnelles,  extraordinaires,  se  rattache  le 
droit  de  faire  certains  actes  d'instruction  dans  les  cas  déterminés  par  les 
art.  32  et  46. 

Nous  aurons  tour  à  tour  à  examiner,  avec  quelque  détail,  ces  divers  ordres 
de  fonctions.  Aujourd'hui  surtout,  nous  nous  occuperons  de  la  mission  dn 
procureur  de  la  République  en  ce  qui  touche  le  pouvoir  de  recevoir  et  de 
constater  les  dénonciations  et  les  plaintes,  pouvoir  qui  se  rattache  à  ses  attri- 
butions ordinaires  ;  et  de  plus  nous  examinerons  une  partie  des  actes  d'in- 
struction que  peut  et  doit  faire  le  procureur  de  la  République  dans  le  cas 
des  art,  32  et  46.  Toutefois,  avant  de  passer  à  l'examen  de  ces  actes,  aux  dé« 
crets  relatifs  à  l'exercice  de  ces  pouvoirs  qui  font  l'objet  de  la  deuxième 
section,  parcourons  rapidement  les  articles  de  la  première  section  dont  je  me 
suis  borné  jusqu'ici  à  vous  donner  une  idée  générale.  En  un  mot,  après  l'expo- 
sition synthétique  que  je  vous  ai  déjà  faite  des  fonctions  générales  du  procu- 
reur de  la  République,  parcourons  les  détails. 

546.  «  Art.  22.  Les  procureurs  de  la  République  sont  chargés  de  la  recherche 
et  de  la  poursuite  de  tous  les  délits  dont  la  connaissance  appartient  aux  tribunaux 
de  police  correctionaelle,  aux  cours  spéciales  ou  aux  cours  d'assises.  » 

Les  procureurs  de  la  République  sont  chargés  de  la  recherche  et  de  la  poursuite 
(par  opposition  aux  fonctions  de  l'instruction  qui  n'appartiennent  point  à  la 
partie  publique)  de  tous  les  délits,  expressions  évidemment  inexactes,  et  dont  il 
est  important  pour  nous  de  constater  dès  ce  moment  l'inexactitude.  Vous  avez 
va  que  dans  le  langage  du  droit  pénal  actuel  le  mot  délU  a  un  sens  technique, 
qu'il  n'embrasse  que  les  faits  punissables  par  la  loi  de  peines  simplement 
correctionnelles;  ici  au  contraire  le  mot  est  employé  dans  un  sens  générique, 
il  désigne  à  la  fois  ce  que  le  €k>de  pénal  appelle,  d'une  part,  des  crimes,  de 
l'autre,  des  délits.  Remarquez,  une  fois  pour  toutes,  que  très-fréquemment 
cette  inexactitude  de  langage  se  trouvera  dans  le  Gode  que  nous  expliquons; 
cet  avis  sera  bon  pour  dissiper  les  obscurités  que  ferait  naître  quelquefois 
la  réaction  de  ce  Gode,  si  on  y  interprétait  le  mot  délit  d'après  le  sens  tech- 
nique de  l'art,  l**  du  Gode  pénal;  ce  sens  n'a  été  réglé  que  dans  la  rédaction 
du  Gode  pénal  arrêtée  un  an  plus  tard  que  celle  du  Gode  d'instruction  cri- 
minelle. 

647.  L'art.  23  a  pour  but  de  déterminer  à  quels  procureurs  de  la  Répu- 
blique appartiennent  les  fonctions  indiquées  dans  l'art.  22.  Pour  faciliter  la 
recherche  et  la  poursuite  des  crimes  et  des  délits,  on  attribue  concurremment, 
cumulativement  à  plusieurs  procureurs  de  la  République  les  fonctions  indi- 
quées dans  l'art.  22.  Ainsi,  pourront  également  remplir  ces  diverses  fonctions  : 


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492     yiNGT-SBPTIJDiCB  LBÇON.  -—  DE  LA  POLICE  nrDIGIAIRB  (m""  548). 

!•  le  procureur  de  la  République  du  lieu  où  le  crime  a  été  commis  ;  2*  celui  du 
domicile  du  prévenu;  3«  celui  de  la  résidence  accidentelle»  actuelle  du  pré* 
venu. 

Remarquez  au  reste  que  cette  triple  compétence,  cette  concurrence  indiquée 
dans  Tart.  23  ne  doit  s'entendre  que  dans  sa  relation  avec  Tart.  22»  c'est-à-dire 
que  le  droit  déterminé  dans  l'art.  22  appartient  concurremment  aux  trois  pro- 
cureurs de  la  République  désignés  dans  l'art.  23,  mais  qu'au  contraire,  à  Tégard 
des  pouvoirs  exorbitants,  exceptionnels  des  art.  32  et  46,  à  l'égard  de  ces  actes 
d'instruction  que  les  procureurs  de  la  République  sont  autorisés  à  faire  dans 
certains  cas,  ces  actes  ne  peuvent  être  faits  que  par  le  procureur  de  la  Répu- 
blique du  lieu  oii  le  crime  a  été  commis,  et  non  par  les  deux  autres  procu* 
reurs  de  la  République  indiqués  dans  Tart.  23,  qui  ne  parle  que  des  actes  indi- 
qués dans  Tarticle  précédent,  des  actes  de  recbercbe  et  de  poursuite,  et  il  ne 
parle  pas  des  actes  d'instruction  sur  lesquels  Tart.  22  est  muet.  La  raison 
d'ailleurs  en  est  évidente  :  lorsque  la  loi  permet  ou  commande  au  procureur 
de  la  République  de  faire,  par  exception,  certains  actes  d'instruction,  c'est  dans 
le  cas  de  flagrant  délit,  c'est  à  raison  de  l'extrême  urgence;  elle  lui  commande 
alors  de  se  transporter  sur  le  lieu  du  crime.  Or,  il  est  clair  que  cette  mission 
ne  peut  être  conférée  qu'au  procureur  de  la  République  dans  l'arrondissement 
duquel  le  crime  a  été  commis,  tout  autre  serait  incompétent,  puisque  le  trans- 
port sur  les  lieux  dont  parle  l'art.  23  l'entraînerait  nécessairement  hors  de 
son  arrondissement. 

Cette  concurrence  indiquée  dans  l'art.  23  appartient  également  au  juge 
d'instruction  ;  vous  la  voyez  écrite  dans  les  art.  63  et  69  :  seront  donc  ég^e* 
ment  compétents  pour  recevoir  les  plaintes  et  opérer  les  actes  d'instruction, 
le  juge  d'instruction  du  lieu  du  crime,  celui  du  domicile  babiluel,  et  enfin  celui 
de  la  résidence  actuelle  du  prévenu. 

Ce  principe  a  été  puisé  dans  les  art.  76  et  suivants  du  Gode  du  3  brumaire 
an  IV;  et  vous  sentez  que  cette  concurrence  de  compétence  entre  les  trois  offi- 
-ciers  désignés  est  de  la  plus  haute  importance,  parce  que  non-seulement  les 
articles  cités  ont  pour  résultat  de  valider  soit  les  actes  de  poursuite,  soit  les 
actes  d'instruction  faits  par  l'un  des  trois  fonctionnaires  désignés  dans  ces  ar- 
ticles, mais  c'est  que  de  plus  la  compétence  de  l'un  des  trois  procureurs  de  la 
République  ou  de  l'un  des  trois  juges  d'instruction  est  par  suite  attributive  de 
compétence  au  profit  de  tel  tribunal,  de  telle  cour,  de  telle  cour  d'assises.  Ainsi, 
ce  sera  le  juge  d'instruction  qui  se  sera  saisi  de  l'affaire,  aux  termes  des  art.  63 
et  69,  qui  fera  le  rapport  de  cette  affaire  devant  le  tribunal  auquel  il  est  attaché. 
Cette  affaire  sera  portée  ensuite  à  la  cour  d'oii  dépend  ce  tribunal,  puis  ren- 
voyée à  la  cour  d'assises  du  département  dans  le  ressort  duquel  l'instruction  a 
été  faite.  La  compétence  attribuée  concurremment  aux  trois  procureurs  de  la 
République  et  aux  trois  juges  d'instruction  désignés  dans  nos  articles,  appar- 
tiendra par  là  même  aux  tribunaux  et  aux  cours  auxquels  appartiennent  les 
officiers  qui  les  premiers  se  sont  saisis  de  l'affaire. 

548.  Ces  explications  mêmes  vous  mettent  sur  la  voie  d'une  difficulté  de  fkit 
que  pourrait  se  présenter,  ce  serait  le  cas  ot  des  actes  de  recherche,  de  pour- 
suite, d'instruction  auraient  été  &its  à  la  fois,  à  raison  d'un  même  fait  et  contre 

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DES  PAOCURBURS  DE  LA  JKÉPUBUQUB  (aRT.   ^3).  493 

le  même  prévenu,  par  deux  ou  trois  procureurs  de  la  Républicpie,  par  deux  ou 
trois  juges  d'instruction.  U  est  possible»  en  fait,  qu'en  yertu  de  nos  trois  arti- 
cles, le  procureur  de  la  République  et  le  juge  d'instruction  du  lieu  où  le  crime  a 
été  commis,  et,  d'autre  part,  le  procureur  de  la  République  et  le  juge  dlnstrue- 
tion  du  domicile  ou  de  la  résidence  aient  en  môme  temps  opéré,  se  soient  en 
même  temps  saisis  de  Taffaire.  Il  est  pourtant  évident  que  cette  affaire  ne 
peut  être  instruite  par  deux  fonctionnaires  et  devant  deux  tribunaux  à  la  lois. 
Quelle  sera  alors  la  règle  de  préférence,  lequel  devra  se  dessaisir,  lequel  se 
devra  rester  ainsi?  Cette  question  n'est  pas  décidée  par  le  Gode,  mais  il  parait 
raisonnable  d'appliquer  ici  les  prineipes  que  posait  à  cet  égard  le  Gode  du  3  bru- 
maire an  IV,  auquel  on  a  emprunté  le  principe,  et  dont  sans  doute  on  n'a  pas 
entendu  repousser  les  développements  et  les  conséquences.  Or,  Fart.  77  de  ce 
Gode  voulait  qu'en  cas  de  concurrence  l'instruction  appartint  à  celui  qui  le 
premier  aurait  délivré  le  mandat  d'amener.  G'est  donc  par  la  délivrance  du 
mandat  d'amener,  ordre  d'arrestation  dont  nous  expliquerons  plus  tard  la  portée 
exacte,  que  l'un  des  deux  juges  d'instruction  qui  ont  opéré  en  même  temps  se 
trouvera  saisi  et  saisi  définitivement  de  l'affaire.  Que  si  deux  mandats  d'amener 
avaient  été  délivrés  à  la  même  date,  et  à  raison  du  même  fait,  par  deux  juges 
d'instruction  différents,  on  appliquerait  les  art.  78  et  79  du  Gode  de  brumaire; 
on  préférerait^  dans  le  cas  de  concurrence  dans  la  date  des  deux  mandats,  le 
juge  d'instruction  du  lieu  du  crime  aux  deux  autres  juges.  Et  si  le  conflit,  si 
le  concours  s'élève  entre  les  deux  derniers,  on  préférerait  le  juge  d'instruction 
du  domicile  à  celui  de  la  résidence  accidentelle,  actuelle.  Vous  verrez  ces 
principes,  auxquels  le  Gode  ne  parait  pas  avoir  dérogé,  dans  les  art.  76  à 
79  du  Gode  du  3  brumaire  au  IV. 

L'art.  24  règle  également  la  question  de  compétence  dans  le  cas  de  crime 
commis^  dans  les  hypotbèses  des  art.  5,  6  et  7;  je  n'ai  aucun  détail  à  y 
ajouter. 

649.  «  Abt.  25.  Les  procureurs  de  la  République  et  tous  autres  officiers  de 
police  judiciaire  auront,  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions,  le  droit  de  requérir 
directement  la  force  publique.  » 

Sous  ce  rapport  il  y  a  une  différence  notable  entre  les  officiers  de  police 
judiciaire  énumérés  dans  l'art.  9  et  les  simples  agents,  tels  que  des  buissiers, 
par  exemple,  qui  n'ont  pas  par  eux-mêmes  qualité  personnelle  pour  requérir 
directement  l'assistance  de  la  force  publique.  Nous  verrons,  en  traitant  du 
droit  d'arrestation,  au  cbapitre  des  mandats,  nous  verrons  dans  l'art.  99  que 
le  porteur  d'un  mandat  d'amener  a  bien  droit  de  requérir,  pour  l'exécution  da 
ce  mandat,  l'assistance  de  la  force  publique,  mais  que  ce  droit  ne  lui  est  pas> 
personnel,  inbérent,  que  cette  réquisition  ne  ]^ut  être  par  lui  faite  qu'en 
vertu  de  l'ordre  écrit  contenu  dans  son  mandat  ;  c'est  la  disposition  du  §  2  de 
l'art.  99.  Telle  est  la  différence  entre  les  simples  agents,  tels  que  les  buissiers 
porteurs  d'un  mandat  et  les  officiers  de  police  judiciaire  dont  nous  traitons  en 
ce  moment. 

.  Cependant  vous  noterez  une  légère  exception  à  notre  art.  25,  que  nous  avons 
4éjà  vu  dans  le  §  5  de  l'art.  16  :  les  gardes  diampêtres  n'obtiennent  pas  cette 

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494      VINGT-SEPTIÉMB  LEÇON.   —  DB  LA  POLIGB  JODIGIAIBB  (n<^  552). 

assistance  directement;  an  contraire,  d'après  l'art.  164  da  Gode  forestier,  les 
gardes  forestiers  l'obtiennent  directement  sur  lenr  réquisition. 

La  réquisition  de  la  force  publiqae  se  fait  d'une  manière  déterminée  par  la 
loi  :  la  loi  des  26  jaillet-3  août  1791,  art.  32»  indique  la  formule  qui  doit  être 
employée  dans  les  réquisitions  écrites  adressées  par  l'officier  de  police  au 
commandant  de  la  force  militaire  ;  tous  la  trouvez  reproduite  dans  Fart.  58 
d'une  ordonnance  sur  la  gendarmerie,  du  29  octobre  1820,  ordonnance  assez 
importante  et  que  nous  aurons  à  citor  plusieurs  fois  dans  cette  matière. 

560.  «  Art.  36.  Le  procureur  de  la  République  sera,  en  cas  d'empêchement, 
remplacé  par  son  substitut,  ou,  s'il  a  plusieurs  substituts,  par  le  plus  aiîcien. 
S'il  n'a  pas  de  substitut,  il  sera  remplacé  par  un  Juge  commis  à  cet  effet  par  le 
président.  » 

Cet  article  doit  se  combiner  avec  un  décret  du  18  août  1810,  art.  19  à  23; 
vous  y  verrez  que  dans  un  tribunal,  où  il  y  a  plusieurs  susbtituts,  il  y  en  a 
toujours  un  de  désigné  expressément  et  à  l'avance  pour  remplir,  à  la  place  du 
procureur  de  la  République,  les  fonctions  d'officier  de  police  judiciaire.  Telle 
est  la  disposition  de  l'art.  18. 

Quant  à  cette  autre  partie  de  l'article,  s'U  n'a  pas  de  substitut,  la  chose  n'est 
guère  possible  en  droit,  le  procureur  de  la  République  a  toujours  un  substi- 
tut; l'article  ne  trouve  d'application  qu'en  cas  de  vacance  ou  d'empêchement 
du  substitut. 

651.  Reprenons  maintenant  en  détail  la  série  des  idées  que  j'ai  avons  pré- 
senter sur  les  fonctions,  soit  ordinaires,  soit  extraordinaires  du  procureur  de 
la  République.  Parlons  d'abord  des  premières. 

Le  procureur  de  la  République,  considéré  comme  une  sentinelle  avancée  de 
l'ordre  judiciaire,  peut  recevoir,  soit  par  une  dénonciation,  soit  par  une  plainte, 
soit  par  la  rumeur  publique,  l'avis,  la  connaissance  des  crimes  et  des  délita 
dont  la  recherche  lui  est  immédiatement  et  personnellement  confiée.  Par 
quelque  voie,  par  quelque  moyen  que  cette  connaissance  lui  parvienne,  son 
devoir  est  tracé,  d'une  part,  dans  l'art.  27,  de  l'autre,  dans  l'art.  47.  D'après 
l'art.  27,  il  doit  immédiatement  en  donner  avis  au  procureur  général  du  res- 
sort,  dont  il  n'est  à  vrai  dire  que  le  substitut.  Diaprés  l'art.  47,  il  doit  immé- 
diatement transmettre  cet  avis  au  juge  d'instruction  de  son  tribunal,  en  provo- 
quant de  la  part  de  ce  juge  tels  actes,  telle  instruction,  telle  procédure  à 
laquelle  il  peut  être  convenable  de  se  livrer  quant  à  présent.  Ainsi,  sa  pre- 
mière fonction  est  celle-ci  :  dès  que  l'avis  d'un  crime  ou  d'un  délit  lui  par- 
vient, transmettre  ce  premier  avis,  ces  premiers  indices,  cette  dénonciation 
ou  cette  plainte  au  juge  d'instruction  auquel  seul  appartient  le  droit  d'en  ras- 
sembler et  d'en  rédiger  les  -preuves,  mais  qui,  en  général,  n'a  pas  le  droit 
d'opérer  d'office  sans  cet  avis,  sans  ces  conclusions  du  procureur  de  la  Ré- 
publique. 

568.  A  part  ce  devoir  général,  la  loi  a  cru  devoir  consacrer,  dans  les  troii 
premiers  articles  de  notre  section  H,  quelques  règles  sur  l'obligation^impo- 
sée,  soit  à  des  fonctionnaires,  soit  à  des  partiouliers,  de  faire  connaitre  aa 

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018  PROCUREURS  DE  LA  RÉPUBLIOUB  (aRT.  30).         495 

procorenr  de  la  République  les  crimes  ou  les  délits  dont  ils  acquièrent  con« 
naissance  ;  elle  y  joint,  dans  Fart.  31,  quelques  règles  de  forme  sur  la  rédac- 
lion  de  ces  dénonciations. 

558.  Le  Gode  du  3  brumaire  an  ÏV,  auquel  la  plupart  de  ces  règles  ont  été 
empruntées,  distinguait,  art.  83  et  87,  deux  classes  de  dénonciations,  dénon^ 
cMian  offideUe,  dénondatUm  civique.  Le  Code  d'instruction  criminelle  n'a  pas 
r^roduit  ces  mots,  mais  au  fond  la  distinction  entre  ces  deux  classes  de  dé* 
nonciations  est  encore  très-réelle  et  importante  sous  plus  d'un  rapport. 

On  appelle  dénonciation  officielle  celle  qui  a  été  faite  par  un  fonctionnaire 
ou  officier  public  relativement  aux  crimes  ou  délits  dont  il  acquiert  la  con- 
naissance dans  l'exercice  de  ses  fonctions. 

On  appelle  dénoneicUion  civique  celle  qui  est  faite  par  un  particulier,  relati- 
Tement  à  certains  crimes  ou  délits  dont  il  a  été  témoin.  La  première  se  rap- 
porte à  l'art.  29|  la  seconde  à  l'art.  30. 

Entre  ces  deux  espèces,  ces  deux  cas  de  dénonciation,  il  y  a  un  point  com- 
mun, c'est  que  l'une  et  l'antre  sont  commandées  par  la  loi.  Dans  l'art.  30 
comme  dans  l'art.  29,  la  loi  impose,  au  particulier  comme  au  fonctionnaire, 
l'obligation  de  donner  avis  au  procureur  de  la  République  des  crimes  ou  des 
délits  désignés  dans  ces  deux  articles.  Mais,  à  part  ce  premier  rapport,  ce 
point  de  ressemblance  entre  les  deux  cas  de  dénonciation,  il  y  a  au  contraire 
des  distinctions,  des  dissemblances  assez  nombreuses  qui  les  séparent  l'une 
et  l'autre. 

Ainsi,  d'abord,  au  fonctionnaire  public  la  loi  commande  dans  Fart.  29,  de 
faire  connaître  au  procureur  de  la  République  tout  crime  ou  délit  dont  il  a 
acquis  la  connaissance  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  ;  dans  l'art.  30,  au  con- 
traire, on  ne  commande  au  particulier  de  donner  avis  que  des  crimes  ou  dé- 
lits dont  il  a  été  témoin  personnellement,  que  des  faits  qu'il  connaît  directe- 
ment et  de  visu. 

Secondement,  le  fonctionnaire  public  doit  donner  connaissance  de  tous  les 
crimes  ou  délits,  sans  aucune  distinction  dans  leur  nature,  pourvu,  bien  en- 
tendu, que  ces  faits  se  rapportent  à  Tordre  de  fonctions  dont  il  est  chargé, 
sans  quoi  la  dénonciation  d'ofûdelle  deviendrait  purement  civique.  Au  con- 
traire, Tobligation  n'est  imposée  au  particulier,  par  l'art.  30,  que  pour  une 
certaine  nature  de  crimes  ou  de  délits,  savoir  :  pour  les  crimes  ou  délits 
attentatoires,  soit  à  la  sûreté  pubUque,  soit  à  la  vie  ou  à  la  propriété  des  par- 
ticuliers. 

Ces  expressions  d'attentat  contre  la  si/Lreté  publique  sont  un  peu  équivoques, 
elles  ne  sont  nulle  part  nettement  définies;  il  n'existe  môme  pas  dans  le  Gode 
pénal  de  rubrique  générale  relative  au  attentats  contre  la  sûreté  publique. 
Ainsi  la  rubrique  générale  du  livre  III  est  relative  aux  attentats  contre  la 
chote  publique,  ce  qui  peut  ne  pas  paraître  exactement  synonyme  des  atten- 
tats contre  la  ràret^  pubUque,  Du  reste,  la  distinction,  au  fond,  n'a  pas  une 
grande  importance,  à  cause  précisément  de  la  troisième  différence  qu'il  nous 
reste  à  indiquer. 

Troisièmement,  pour  le  fonctionnaire  public,  l'obligation  que  lui  impose  le 
texte  de  l'art.  27  aune  sanction;  cette  sanction  est  dans  ses  rapporu,  dans  sa 

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496     VINaT-SEPTIÈKB  LEÇON.  —  DB  LA  POUGB  lUDIGIAiaB  (n<^  553). 

position  de  fonctionnaire  public,  et  dans  les  diyers  degrés  de  pénalités  qui 
peuvent  l'atteindre  pour  avoir  enfreint,  pour  avoir  violé  son  devoir.  Au  con- 
traire, pour  le  particulier,  il  n'y  a  rien  de  pareil  ;  le  conunaxidement  da 
l'art.  30  est  un  commandement  qui  n'a  pas  de  sanction  pénale;  nulle  part^ 
dans  les  lois  actuelles,  vous  ne  trouverez  de  pénalité  portée  pour  défaut  de 
dénonciation  d'un  crime  dont  vous  aurez  été  même  le  témoin.  Je  dis  dans 
les  lois  actuelles,  car  dans  le  Gode  pénal  de  1810  on  impose  certaines  peines 
pour  défaut  de  dénonciation  de  quelques  attentats  contre  la  chose  publique  ;  par 
exemple,  dans  les  cas  de  complots  ou  autres  pareils,  ou.dans  le  cas  de  fausse 
monnaie  ou  de  fabrication  de  billets  de  banque.  Mais  les  art.  103  à  106,  136 
et  137  de  l'ancien  Cîode  pénal,  qui  portaient  des  peines  pour  défaut  de  dénon«* 
dation,  ainsi  que  les  exceptions  faites  en  faveur  des  parents  des  coupables, 
art.  107,  ont  été  abrogés  en  1832,  et  par  conséquent  l'art.  30  n'a  plus  de  sanc- 
tion pénale  positive. 

Quatrièmement,  la  dénonciation  officielle,  celle  dont  parle  l'art.  29  peut  se 
donner  par  voie  de  simple  avis,  par  correspondance  adressée  par  le  fonction- 
naire ou  officier  public  au  procureur  de  la  République  compétent  pour  irece- 
voir  cet  avis  ;  c'est  ce  qui  résulte  des  termes  de  l'art.  29  :  Sera  tenu  d'bn  don- 
ner AVIS  sur-le-champ  au  procureur  de  la  République^  et  de  transnettre  à  ce 
fnagùtral  tous  les  renseignements.».  Donc  les  fonctionnaires  désignés  par 
l'art.  29  n'ont  pas  besoin  de  se  transporter  de  leur  personne  chez  l'officier  de 
police  judiciairequi  reçoit  la  dénonciation.  Au  contraire,  la  dénonciation  du 
particulier  doit  être,  soit  adressée  par  lui  ou  par  un  fondé  de  procuration  spé- 
ciale, au  chef  du  parquet,  soit  môme  rédigée  par  le  dénonciateur  sous  les  yeux 
du  procureur  de  la  République  ;  et  elle  doit,  en  principe,  être  signée  non- 
seulement  du  procureur  de  la  République)  conformément  à  l'art.  31,  mais 
aussi  du  dénonciateur  ou  de  son  fondé  de  pouvoir  spécial.  Le  Gode  de  bru- 
maire attachait  même  au  refus  de  signature  la  nullité  entière  de  la  dénoncia- 
tion;  cette  dernière  disposition  n'est  pas  répétée  dans  le  texte  de  l'art.  31» 
Mais  la  différence  n'en  est  pas  moins  sensible  ;  faculté  pour  le  fonctionnaire 
public  de  faire  connnaitre  par  correspondance,  et  sans  formalités,  les  faits  dont 
il  acquiert  connaissance;  obligation  pour  le  particulier  de  se  transporter,  par 
lui  ou  par  mandataire,  devant  le  procureur  de  la  République  ou  l'officier  de 
police  qui  le  remplace. 

Ginquièmement,  une  autre  différence,  non  moins  grande,  résulte  de  l'art. 
358  du  Gode  d'instruction  criminelle  :  vous  y  verrez  que  dans  le  cas  où  une 
dénonciation  a  été  faite,  et  où  après  la  poursuite  l'accusé  a  été  acquitté,  il  peut 
obtenir  devant  les  mêmes  juges  des  dommages-intérêts  contre  ses  dénoncia- 
teurs; la  dernière  disposition  de  cet  article  commande  au  procureur  général 
de  faire  connaître  à  l'accusé  qui  le  requiert  le  nom  de  ses  dénonciateurs. 
Rien  de  pareil  n'est  établi  à  l'égard  des  fonctionnaires  publics,  pour  le  cas  de 
dénonciation  officielle.  Ge  n'est  pas,  bien  entendu,  que  cette  dénonciation^  si 
elle  est  calomnieuse,  ne  puisse  jamais  donner  lieu  à  aucune  poursuite  contre 
eux;  mais  cette  poursuite  ne  peut  être  dirigée  que  par  la  voie  de  la  prise  à 
partie,  aux  termes  du  même  art.  358. 

La  raison  en  est  assez  facile,  et  on  comprend  aisément  pourquoi-  l'accusé 
acquitté  obtient  plus  aisément  des  dommages-intérêts  dans  le  cas  de  la  dénon- 

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DU  FLAGRANT  DËUT  (aRT.   32).  497 

dation  de  Fart.  30  que  dans  celui  de  Tart.  29.  D'une  part,  en  effet»  l'art.  29 
commande  impérieusement  au  fonctionnaire  de  dénoncer  les  crimes  ou  les 
délits  dont  il  acquiert  la  connaissance  dans  Texercice  de  ses  fonctions;  il  le 
lui  commande  sous  une  sanction  pénale  qui  peut  être  déjà  assez  forte  à  raison 
de  sa  position  de  fonctionnaire  ou  d'officier  public,  il  lui  commande  surtout 
de  donner  connaissance  non-seulement  des  faits  dont  il  est  absolument  cer- 
tain, des  faits  dont  il  a  été  témoin,  mais  de  tous  les  faits  dont  la  connaissance 
lui  parvient  dans  l'exercice  de  ses  fonctions.  Au  contraire,  Tobligation  imposée 
au  particulier  par  Fart.  30  est  toute  morale;  s*il  s'abstient  de  dénoncer,  aucune 
pénalité  ne  peut  l'atteindre  ;  il  ne  doit  donc  le  fiiire  que  dans  le  cas  de  la  plos 
entière  certitude,  de  la  plus  parfaite  conviction.  U  y  a  plus,  c'est  que  cette 
obligation,  à  laquelle  ne  s'attache  aucune  espèce  de  sanction  pénale,  n'est 
écrite  dans  la  loi  que  pour  les  crimes  ou  les  délits  dont  il  a  été  personnellement 
le  témoin,  que  pour  les  crimes  et  délits  qu'il  déclare  avoir  vu  se  passer  sous 
ses  yeux  ;  il  est  donc  bien  plus  gravement  reprochable,  bien  plus  facilement 
responsable,  quand  en  définitive  Tacquittement  de  l'accusé  vient  établir  ou 
faire  présumer  que  la  dénonciation  était  mal  fondée.  Du  reste,  la  question  de 
savoir  en  quel  cas  l'accusé  acquitté  peut  poursuivre  son  dénonciateur,  la  quea* 
tion  de  savoir  si  le  seul  fait  d'acquittement  donne  lieu  nécessairement  à  des 
dommages-intérêts,  se  rattache  à  une  matière  dont  nous  sommes  loin  encore» 
à  l'an.  358  relatif  à  la  procédure  par  jurés. 

Voilà  donc  les  premières  fonctions,  les  premiers  actes  du  procureur  de  la 
R^ublique  dans  le  cas  oii  une  dénonciation  sera  portée  devant  lui  :  la  rece- 
voir, la  rédiger  dans  les  formes  indiquées  par  Fart.  31,  et  la  transmettre,  selon 
Farticle  47,  au  juge  d'instruction  avec  ses  conclusions.  Plus  tard,  en  voyant 
l'instruction  s'avancer,  en  suivant  dans  leur  marche  ses  diverses  phases,  nous 
verrons  quelle  est,  relativement  à  chacune  d'elles,  la  mission  spéciale  du  pro- 
cureur de  la  République. 

554.  Passons  maintenant  avec  la  loi  à  ce  deuxième  ordre  de  fonctions,  infi- 
niment plus  remarquable,  précisément  parce  qu'elles  sont  extraordinaires, 
exceptionnelles,  précisément  parce  qu'il  importe  de  poser  avec  le  plus  grand 
soin  les  bornes,  les  limites  de  ce  pouvoir  exorbitant  qu'une  impérieuse  néces- 
sité lui  a  fiiit  accorder.  Examinons  dans  quels  cas  le  procureur  de  la  Républi- 
que, quoique  partie  poursuivante,  va  cumuler,  par  exception,  avec  ce  rôle  de 
partie,  le  rôle  au  moins  transitoire  et  temporaire  de  juge.  Ces  cas  sont  ceux  des 
art.  32  à  46  ;  il  faut  les  voir  avec  quelque  détail. 

Vous  sentez  d'abord  que,  pour  laisser  de  côté  un  principe  aussi  grave,  aussi 
rationnel  que  celui  qui  défend  de  confondre  sur  une  même  tète  et  dans  une 
même  main  deux  qualités  qui  semblent  incompatibles,  il  faut  des  raisons  bien 
graves.  Ces  raisons,  la  loi  n'en  admet  que  deux  :  i^  C'est  le  cas  de  flagrant 
délit,  défini  par  Fart.  41,  lors  au  moins  que  le  fait  est  de  nature  à  entraîner 
peine  affiictive  ou  infamante,  c'est-à-dire  lorsque  le  fait  est  un  crime  dans  le 
sens  de  l'art«  !•'  du  Gode  pénal.  Ainsi,  lorsque  la  gravité  du  fait  concourt  avec 
son  actualité,  avec  l'urgence,  avec  la  nécessité  de  constater  dès  à  présent  des 
preuves  qui  pourraient  promptement  s'effacer,  alors,  par  exception,  le  procu- 
reur de  la  République,  dans  les  art.  32  et  suivants,  a  qualité  pour  procéder, 


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LioBgle 


498     VINGTHSEPTiâKB  LEÇON.  -»  DE  LA  POLICE  JUDICIAIRE  (n*  555). 

seul  et  par  lai-méme,  aux  premiers  actes  d'instraction  que  cette  urgence  peat 
commander;  2«  lors  môme  qn*il  ne  s'agit  ni  d'un  crime  ni  d'an  délit  flagrant, 
le  procnrenr  de  la  République  a  qualité  pour  procéder  seul  aux  premiers  actes 
d'instruction  lorsqu'il  en  est  requis  par  un  chef  de  maison  qui  rappelle  à  cons- 
tater un  crime  ou  un  délit,  même  non  flagrant,  qui  a  été  commis  dans  Tinté- 
rieur  de  la  maison.  Telles  sont  les  deux  exceptions  sous  lesquelles  vous  deves 
entendre  le  principe  qui  refuse  au  procureur  de  la  République  toute  participation 
aux  actes  d'instruction. 

Bi  même  nous  nous  bornons  à  cet  aperçu,  vous  pourriez  contester  la  légiti- 
mité de  l'exception;  vous  pourriez  contester  le  motif  de  nécessité  qui  a  fait 
cumuler  dans  ces  deux  cas  les  fonctions  de  partie  poursuivante  et  de  magîs* 
trat  instructeur.  En  effet,  pourriez-vous  dire,  partout  où  il  existe  un  procureur 
de  la  République,  il  existe  un  tribunal  d'arrondissement  auquel  il  est  attaché, 
il  existe  par  conséquent  là,  dans  la  même  ville,  sur  les  lieux,  un  juge  d'ins- 
truction, puisqu'il  y  en  a  toujours  un  au  moins  dans  chaque  tribunal;  dès  lors, 
où  donc  est  la  néœssité  d'autoriser,  de  commander  le  transport  du  procureur 
de  la  République  sur  le  lieu  du  crime  ou  du  délit,  le  juge  d'instruction  étant  là 
présent,  tout  aussi  près,  dans  le  même  lieu  que  le  procureur  de  la  République? 
pourquoi  donc  ne  pas  s'adresser  à  l'instructeur  ordinaire?  pourquoi  ne  pas 
s'adresser  au  juge  d'instruction?  en  quoi  y  a-t-il  plus  d'utilité  à  faire  consta- 
ter l'acte  par  le  procureur  de  la  République  que  par  le  juge  d'instruction?  En 
principe,  cela  est  vrai;  aussi  faut-il  ajouter  qu'il  est  rare  que  le  procureur  de 
la  République  exerce  personnellement,  par  lui-même,  les  fonctions  et  pouvoirs 
exceptionnels  qui  lui  sont  conférés  par  les  articles  que  nous  allons  voir;  et 
cependant  ces  articles  sont,  dans  la  pratique,  de  la  plus  fréquente  application. 
Ceci  n'a  rien  de  contradictoire  ;  ces  articles  sont  fréquemment  appliqués  en  ce 
sens  que  les  actes  d'instruction  qu'ils  autorisent  par  exception  sont  faits  journel- 
lement, non  pas  seulement  par  les  procureurs  de  la  République  dans  des  villes 
où  se  trouve  un  juge  d'instruction,  ou  même  plusieurs,  mais  bien  plus  souvent 
par  les  officiers  auxiliaires  du  procureur  de  la  République,  établis  sur  les  points 
où  ne  se  trouvent  pa^s  de  juges  d'instruction.  Ainsi,  les  fonctions  dont  nous  par- 
lons, la  loi  les  attribue  directement  au  procureur  de  la  République  ;  mais  l'art.  49 
les  étend  à  tous  ses  officiers  auxiliaires,  les  juges  de  paix,  les  officiers  de  gendar- 
merie, les  maires,  adjoints  de  maire,  les  commissaires  de  police,  c'est-à-dire  à 
une  foule  de  fonctionnaires  répartis  dans  des  localités  moins  importantes  et  pla- 
cés bien  plus  près  que  le  procureur  de  la  République  et  juge  d'instruction  du 
théâtre  du  crime  qu'il  s'agit  de  constater,  surtout  quand  il  est  flagrant. 

Ainsi,  rîmportance  pratique  des  notions  et  des  règles  que  nous  allons  par- 
courir peut  bien  se  présenter  quelquefois  pour  le  procureur  de  la  République, 
dans  les  cas  rares  où  le  juge  d'instruction  sera  absent  ou  empêché  ;  mais  elle 
se  présentera  bien  plus  fréquemment,  elle  se  présentera  tous  les  jours  pour  les 
officiers  auxiliaires,  qui  n'exercent  leurs  pouvoirs  que  dans  les  mêmes  limites 
et  sous  les  mêmes  conditions  qui  lui  sont  imposées. 

Nous  allons  passer  à  l'examen  détaillé  de  ces  pouvoirs  et  de  ces  actes, 

555.  La  première  de  ces  deux  exceptions,  celle  qui,  sans  contredit,  présente 
l'application  la  plns'Jréquente,  c'est  celle  de  l'art.  32;  mais,  pour  comprendre 

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mj  VLAQtJMT  DâLiT  (aat,  32).  499 

le  cas  défini  par  Tari.  32,  tous  aurez  à  ie  joindre  à  Part.  4i.  Pour  lotoriser 
alors  le  procureur  de  la  République  ou  ses  auxiliaires,  ce  dernier  mot  ya  tout 
seul,  car  ils  peuvent  faire  tout  ce  qu'il  peut  faire,  pour  autoriser  alors  le 
procureur  de  la  République  à  procéder  aux  actes  d'instruction  que  nous  allons 
parcourir,  l'art.  32  exige  deux  circonstances  :  i^  flagrant  délit,  c'est-à-dire 
extrême  ui|;enoe  :  le^ flagrant  délit  est  défini  par  l'art.  41  ;  2*  faits  de  nature  à 
entrdner  peine  afflictive  ou  infitmante,  crime  proprement  dit  dans  ie  sens 
technique  du  Gode  pénal.  Sous  ces  deux  conditions,  le  procureur  de  la  Répu- 
blique peut  et  doit  agir. 

Quel  sont  les  actes,  que)les  sont  les  opérations  auxquelles,  dans  ce  cas,  il  est 
^autorisé  à  se  liyrer  ?  Ces  opérations  sont  de  diverses  natures  ;  elles  consistent  : 

lo  A  se  transporter  immédiatement  sur  le  théâtre  du  crime  ou  du  délit,  & 
l'effet  d'y  constater  le  corps  du  délit,  son  état,  les  diverses  circonstances  qui 
peuvent  servir  à  en  Cure  connaître  l'auteur; 

2<»  A  appeler  devant  lui  et  à  entendre  les  parents,  les  voisins,  les  domesti- 
ques, tous  ceux  de  la  bouche  desquels  il  peut,  dans  le  premier  moment,  re- 
cueillir les  renseignements  qui  plus  tard  seraient  perdus  ; 

3^  A  procéder  à  des  visites  domiciliaires  pour  recherdier,  soit  l'auteur  pré- 
sumé, soit  les  moyens,  soit  les  instruments  du  délit  ou  les  produits  qui  en  sont 
résultés; 

A^  A  dresser  procès- verbal  de  ces  diverses  opérations  ; 

b^  A  ordonner,  dans  oertains  cas,  l'arrestation  du  prévenu  présent,  ou  même 
à  décerner,  contre  le  prévenu  absent,  un  mandat  d'amener. 

Tels  sont  les  divers  points  de  vue,  les  classifications  générales,  sous  lesquels 
nous  devons  envisager  les  pouvoirs,  la  mission  du  procureur  de  la  République 
dans  ce  moment  d'urgence.  Nous  nous  occupons  aujourd'hui  des  trois  premiers 
points  :  transport  sur  le  lieu  du  délit;  déposition  des  témoins  et  visite  domi- 
ciliaire ;  ce  dernier  point  demande  une  grande  attention. 

556.  A  la  constatation  du  corps  et  de  l'état  du  délit  se  réfèrent  directement 
les  art.  32  et  35. 

D'abord,  une  règle  générale,  c'est  qu'à  l'instant  môme  où  lui  parvient  la 
nouvelle,  à  l'instant  où,  à  raison  de  la  flagrance  du  fait,  il  juge  son  transport 
indispensable,  il  doit  donner  avis  de  ce  finit  et  de  cette  mesure  au  juge  d'ins- 
truction ou  à  l'un  des  juges  d'instruction  du  tribunal.  En  effet,  comme  le  pro- 
cureur de  la  République  n*agit  ici  que  par  exception,  comme  il  est  important  de 
faire  ie  plus  tôt  possible  succéder  la  règle  à  l'exception,  il  est  de  rigueur 
d'avertir  l'un  des  juges  d'instruction,  afin  que  celui-ci  puisse,  aussitôt  que 
possible,  rejoindre  le  procureur  de  la  République  et  se  ressaisir  du  rôle  que 
l'autre  n'a  rempli  que  momentanément.  Telle  est  la  disposition  du  §  2  de 
l'art.  32. 

Cet  avis  une  fois  donné,  le  transport  sur  les  lieux  une  fois  effectué,  l'atten- 
tion du  procureur  de  la  République  se  portera  sur  les  divers  objets  indiqués 
dans  nos  deux  articles. 

Notez  seulement  qu'il  ne  lui  sera  pas  toujours  facile,  toujours  possible  de 
procéder  seul  et  par  lui-môme  à  la  constatation  des  diverses  circonstances  énu* 
mérées  dans  ces  deux  articles  ;  il  aura,  le  plus  souvent,  besoin  d'appeler  à  cet 
«xamen  et  au  procès- verbal  qui  en  sera  la  suite,  certaines  personnes  que  leurs 

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500     YINGT-SEPTlâME  LEÇON.  —  DB  LA  POLICE  JUDICIAIRE  (N®  556). 

Atudes,  lenr  qualité,  lenr  profession,  mettront  à  même  de  mieux  apprécier  le» 
diverses  circonstances  du  crime  qni  vient  d'ôtre  commis.  A  cet  appel  se  réfè* 
rent  les  art.  43  et  44  qui  vous  indiquent  les  règles.  8*il  s'agit  par  exemple, 
d'un  attentat  contre  la  sûreté,  contre  la  vie  des  personnes,  s'il  s'agit  d'assas- 
sinat, d'homicide,  de  blessure,  d'empoisonnement,  il  est  clair  que  le  procureur 
de  la  République  devra  se  faire  assister  d'un  ou  pli»ieurs  officiers  de  santé, 
dont  l'examen  évidemment  est  d'une  grande  importance.  Ainsi,  constater 
l'état  du  corps  de  la^personne  homicidée,  cfaerdier  à  découvrir  comment,  par 
quels  moyens,  par  quels  instruments,  ces  blessures  ont  été  faites  ;  en|cas  d'em* 
paisonnement,  chercher  à  déterminer  la  nature,  la  quantité  des  substances  véné- 
neuses dont  l'emploi  a  été  Heiit,  sont  des  actes  de  la  plus  haute  importance  pour 
la  découverte  du  crhne  et  la  recherche  de  son  auteur.  De  même,  en  cas  de  bles- 
sures^ il  pourra  être  important  d'^n  déterminer  de  suite  la  gravité,  pour  appli- 
quer les  art.  309,  310  et  311  du  Gode  pénal;  la  qualité  du  fait  varie  dans  une 
proportion  fort  grave,  suivant  que  les  coups  et  blessures  ont  entraîné  une  inca- 
pacité de  plus  ou  moins  de  vingt  jours.  Il  est  bon  que  Tattention  des  gens  de 
l'art  soit  appelée  à  ce  sujet,  non  pas  que  leurs  rapports  aient  rien  d'obligatoire, 
vous  savez  que  dans  les  matières  criminelles  la  loi  ne  s'adresse  qu'à  l'intime 
conviction  des.  jurés  ;  l'art.  342  du  Gode  d'instruction  criminelle  le  déclare  for- 
mellement, le  rapport  du  médecin  n'a  pas  plus  que  tout  autre  le  privilège  de 
faire  foi  ;  cependant  ce  *peut  être  non-seulement  dans  l'instruction  prépara» 
toire,  mais  même  en  définitive  aux  yeux  du  jury  un  renseignement  très-im- 
portant que  la  déclaration  faite,  à  l'instant  même  du  crime,  par  les  médecin» 
ou  chirurgiens  appelés. 

La  loi  se  sert,  à  cet  égard,  dans  l'art.  44,  de  l'expression  d'o/{flcter  4e  santé, 
qui  n'est  pas  synonyme  de  celle  de  docteur  en  médecine  ou  en  chirurgie.  Une 
loi  du  17  ventêse  an  XI,  art.  11,  réserve  expressément  aux  docteurs  en  mé- 
decine ou  en  chirurgie  le  droit  de  déposer  comme  médecins  jurés  devant  les 
cours  et  tribunaux  ;  cette  loi  exclut  de  ce  droit  les  simples  officiers  de  santé, 
auxquels  la  loi  n'accorde  pas  la  même  confiance.  Mais  ce  sont  là  deux  idée» 
bien  distinctes  :  autre  chose  est  d'être  appelé  conmie  médecin  juré  dans  une 
cour  d'assises,  autre  chose  est  de  venir,  dans  le  premier  moment,  assister  le 
juge  d'instruction  ou  le  procureur  de  la  République  dans  Finstruction  instan- 
tanée ;  il  n'est  pas  douteux  que  roffîcier  de  santé  ne  puisse  être  appelé  à  ces 
premières  opérations. 

Ce  que  je  dis  ici  des  médecins,  des  chirurgiens,  des  officiers  de  suite,  quant 
à  l'utilité  de  les  appeler,  s'applique,  suivant  la  nature  on  la  circonstance  du 
crime,  à  tout  autre  genre  de  jHnofession.  il  est  clair  que,  quand  il  s'agira  d'un 
vol  avec  effraction,  escalade,  fausses  clefs,  il  pourra  y  avoir  néoesëité,  pour  1& 
procureur  de  la  République  qui  veut  bien  constater  l'état  des  lieux  et  recon- 
naître les  moyens  à  l'aide  desquels  on  a  pu  opérer,  d'appeler  des  maçons,  des 
serruriers;  de  même,  en  matière  de  faux,  des  experts  écrivains  ;  de  même,  en 
cas  de  fabrication  de  fausse  monnaie,  des  orfèvres. 

Notez  seulement  dans  l'appel  de  ces  diverses  personnes  deux  choses  :  la 
nécessité  qui  leur  est  imposée  de  prêter  serment  dans  les  mains  du  procureur 
de  la  République  de  remplir  fidèlement  cette  mission;  cette  prestation  de 
serment  devra  être  constatée  dans  le  procès- verbal  que  dresse  le  procureur 

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DU  FLAaRANT  UfeUT  (ART.   TJ).  501 

•àB  \a  Répoblîqae,  il  ne  parafi  pas  réairitftr  des  art.  43  et  44  que  les  personnes 
ainsi  appelées  âoitent  néeessairement  dfeaser  par  dles*mémes  an  procès- 
-verbal  écrit  dn  résultat  ée  leur  examen  ;  Part.  44  ne  parle  que  d'an  rapport  à 
Mtb,  et  ce  rapport  peni  être  fait  soit  verbalement,  soit  par  écrit.  S'il  est  fait 
verbalMnent,  le  proenrenr  de  la  Hépnbtiqne  le  relatera,  le  constatera  sur  son 
procès-yerbal.  S'il  présentait  une  grande  étendoe,  sUl  renfermât  de  longs 
détails,  si.  surtout  une  controverse  s'engageait  entre  les  experts,  les  médecins» 
ies  ouvriers  appelés,  il  deviendra  nébessaire,  pour  ne  pas  détourner  le  pro- 
<mrear  de  la  République  de  l'opération  à  laquelle  il  se  livre,  de  charger  ces 
personnes  ainsi  appelées  de  faire  un  rapport  écrite  qui  sera  annexa  au  procès^ 
verbsl  du  procureur  de  la  République. 

657.  Le  second  point,  la  seconde  mission,  consistera,  conformément  à 
l'art.  33,  à  appeler  devant  le  procureur  de  la  République,  ou  à  retenir  môme 
de  force,  aux  termes  de  l'art.  34  et  sous  les  pénalités,  qu'indique  cet  article, 
toutes  les  personnes  qui  se  trouvent  présentes  au  lieu  4u  crime  lorsque  le 
procureur  de  la  République  s'y  rencontre  ;  dans  ce  cas,  il  recevra  leurs  décla- 
cations  et  les  renseignements,  et  les  constatera  de  même  sur  son  proeès- 
verbal. 

Notez  qu'à  la  différence  des  e^xperts,  dont  il  est  question  dans  les  art,  43 
«t  44^  les  personnes  ainsi  appelées  n'ont  pas  de  eenn^t  à  prêter  ;  elles  font 
devant  le  procureur  de  la  République  ies  déclarations  indiquées  dans  cet  ar- 
ticle. Sous  ce  rapport,  elles  diffèrent  des  témoins  proprement  dits,  qui  vien«- 
4ront  plus  tard  déposer  devant  le  juge  d'instruction,  et  qui  prêteront  serment 
-conformément  à  l'art.  75.  Nous  aurons  à  examiner  plus  tard,  en  étudiant  ces 
articles,  si  les  procès-verbaux,  constatant  ainsi  de  la  part  du  procureur  do  la 
République  les  déclaration,s  qui  fi'oat  pf^  été  précédées,  de. la  prestation  de 
eerment,  pourront  et  devront  figurer  di^iis  rinstructjon  pré^ratoire.  C'est  un 
point  qui  se  rattache  aux  art. .  71  et  75.  ^ 

S58.  J'arrive  à  notre  troisième  opératioo^  au  troisième  objet  désigné  ici  à 
l'examen  du  procureur  de  la  République,  et  qui  est  de  bien  loin  plus  impor- 
tant que  ceux  qui  le  précèdent;  je  veux  parler  des  visites  domiciliaires,  qu'il 
lui  est  permis,  qu'il  lui  est  même  ordonné  de  faire,  dans  les  cas  déterminés 
par  les  art.  36  et  37.  Ce  dernier  point^a  soulevé,  dans  la  pratique,  des  contro- 
verses assez  importantes  pour  mériter  de  nous  arrêter  plu^  longtemps.  Quels 
■sont  d'abord  les  termes  de  ces  articles  ?  Il  est  important  de  bien  les  peser. 

a  Art.  36.  Si  la  nature  du  crime  ou  du  délit  est  telle,  que  la  preuve  puisse  vrai- 
semblablement être  acquise  par  les  papiers  ou  autres  pièces  et  effets  en  la  posses- 
sion du  prévenu,  le  procureur  de  la  République  se  transportera  de  suite  dans  le 
domicile  du  prévenu,  pouf  y  faire  la  perquisition  des  objets  qu'il  jugera  utiles  à 
la  manifestation  de  la  vérité.  » 

c  Abt.  37.  S'il  existe,  dans  le  domicile  du  prévenu,  des  papiers  ou  effets  qui 
puissent  servir  à  conviction  ou  à  décharge,  le  procureur  de  la  République  en 
Pressera  procès-verbal,  et  se  saisira  desdits  effets  ou  papiers.  » 

L'obligation  imposée  par  ces  deux  articles  au  procureur  de  la  République 

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502      VINGT-SEPTIÈME  LEÇON.  —  DE  LA  POUCE  JUDICIAIRE  (n*  558). 

de  procéder,  dans  les  cas  qalls  indiquent,  à  une  Tisite  domiciliaire,  est  impo- 
sée généralement  et  sans  distinction  de  temps.  Cependant  il  est  impossible, 
en  présence  d'articles  de  loi  qui  certainement  sont  encore  en  vigueur,  de  ne 
pas  limiter,  par  une  distinction  capitale,  l'application  du  texte  des  art.  36  et  37. 
Je  veux  parler  de  Part.  76  de  la  constitution  du  22  frimaire  an  YIII,  acte  an- 
térieur sans  doute  au  Gode  d'instruction  criminelle,  mais  auquel  il  est  bien 
certain  que  nos  deux  articles  n'ont  pas  dérogé  :  des  actes  postérieurs  le  prou- 
veront tout  à  rhenre.  Get  art.  76  s'exprime  ainsi  :  c  La  maison  de  toute  per- 
sonne babitant  le  territoire  français  est  un  asile  inviolable.  Pendant  la  nuit, 
nul  n'a  le  droit  d'y  entrer  que  dans  le  cas  d'incendie,  d'inondation  ou  de  ré- 
clamation faite  de  l'intérieur  de  la  maison.  Pendant  le  jour,  on  peut  y  entrer 
pour  un  objet  spécial,  déterminé  ou  par  une  loi,  ou  par  un  ordre  émané  d'une 
autorité  publique.  • 

Le  §  3  s'applique  évidemment  au  procureur  delà  République;  il  est  clair 
qu'opérant  dans  te  cas  de  l'art.  32,  il  entre  dans  le  domicile  pour  un  objet 
spécialement  déterminé  par  une  loi.  Il  est  clair  aussi  qu'en  cas  de  résistance 
il  a  droit,  aux  termes  de  l'art.  25,  de  requérir  directement  l'emploi  de  la  force 
publique.  Au  contrairCi  dans  le  temps  de  nuit,  il  est  certain  que  le  §  2  de 
l'art.  76  de  la  constitution  de  l'an  YUI  met  un  obstacle  absolu  à  l'exercice  du 
droit  accordé  ou  du  devoir  imposé  par  le  texte  de  l'art.  36  ;  vainement  allé- 
guerait-on, soit  la  gravité  du  fait  qui  est  un  crime,  soit  l'urgence  de  la  con- 
statation lorsqu'il  y  a  flagrant  délit,  s'il  n'y  a  pas  secours  réclamé  de  l'inté- 
rieur, si  au  contraire  il  y  a  de  Tintérieur  refus  de  laisser  pénétrer,  l'obstacle 
est  insurmontable,  le  §  2  de  l'art.  76  est  bien  formel. 

Je  dis  que  cet  article,  quoique  antérieur  au  Gode  d'instruction  criminelle, 
n'est  ni  abrogé  ni  modifié  par  nos  deux  textes;  cela  résulte  :  i«  d'un  décret 
du  4  août  1806  qui  a  pour  objet  de  déterminer  le  temps  de  nuit  ;  2^  ce  qui  est 
plus  important,  parce  qu'il  s'agit  d'un  acte  postérieur,  d'une  ordonnance  du 
29  octobre  1820  sur  le  service  de  la  gendarmerie,  art.  184,  et  dont  les  disposi- 
tions ont  été  confirmées  par  le  décret  du  !•'  mars  1854.  Ges  deux  textes,  et 
notamment  le  dernier,  déterminent  dans  quels  cas  les  officiers  de  gendar- 
merie, considérés  comme  auxiliaires  du  procureur  de  la  République,  peuvent 
ou  ne  peuvent  pas  pénétrer  dans  l'intérieur  du  domicile  pour  y  procéder  à  une 
visite  ;  non-seulement  ils  consacrent  formellement  et  absolument,  dans  les 
mêmes  termes,  la  distinction  établie  par  l'art.  76  de  la  constitution  de  l'an  YIII, 
mais  ils  tranchent  une  question  qui,  sous  l'empire  de  cette  constitution,  au- 
rait pu  être  assez  débattue,  savoir  :  quel  est  au  juste  le  temps  de  nuit  ;  quel 
est  l'intervalle  pendant  lequel  l'entrée  du  domicile  est  interdite,  même  aux 
agents  de  la  force  publique,  même  aux  officiers  de  police  judiciaire.  En  effet, 
dans  les  matières  civiles,  et  en-  prenant  le  Gode  de  procédure,  cette  même 
question  est  résolue  de  deux  manières  différentes.  Aiasi,  dans  l'art.  181,  §  1, 
on  appelle  temps  de  nuit  le  temps  qui  suit  le  coucher  et  qui  précède  le  lever 
du  soleil  ;  temps  de  nuit  en  ce  sens  que  dans  cet  intervalle  aucune  ccmtrainte 
par  corps  ne  peut  être  pratiquée.  Voilà  un  sens  spécial  établi  par  la  loi  pour 
déterminer  l'expression  temps  de  nuit.  Mais  vous  sentez  que  c'est  là  une  excep- 
tion bien  manifeste,  que  dans  l'acceptation  commune  la  nuit  ne  commence 
pas  à  l'instant  otL  le  soleil  disparaît  de  l'horizon;  de  même,  pour  le  matin,  la 

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DU  FU16RANT  DÉLIT  (aBT.   37).  503 

nnit  ne  finit  pas  sealement  au  lever  du  soleil.  Aussi  Fart.  1037,  pour  tous  les 
actes  de  procédure  autres  que  l'exercice  d'une  contrainte,  détermine  autre- 
ment le  temps  de  nuit  ;  il  le  renferme,  selon  les  saisons,  dans  une  durée  beau* 
coup  plus  courte.  Le  décret  de  1806  et  Tordonnance  de  1820  appliquent  à  la 
matière  qui  nous  occupe  Fart.  1037  du  Gode  de  procédure.  Je  vais  me  borner 
à  lire  le  dernier  texte  qui  confirme  formellement  Tart.  76  de  la  constitution 
de  Tan  VIII.  C'est  Tart.  184  de  Tordonnance  de  1829  :  c  La  maison  de  chaque 
citoyen  est  un  asile  où  la  gendarmerie  ne  peut  pénétrer  sans  se  rendre  coupa- 
ble d'abus  de  pouvoir,  sauf  les  cas  déterminés  ci-après  :  —  i^  Pendant  le  jour 
elle  peut  y  pénétrer  pour  un  objet  formellement  exprimé  par  une  loi,  ou  en 
vertu  d'un  mandat  spécial  de  perquisition  décerné  par  Tautorité  compétente.  • 
D'où  il  suit  que  Tofficier  de  gendarmerie,  même  sans  mandat,  peut,  dans  le 
cas  de  flagrant  délit,  pénétrer  dans  le  domicile. 

c  2^  Pendant  la  nuit,  elle  ne  peut  y  pénétrer  que  dans  le  cas  d'incendie, 
d'inondation,  ou  de  réclamation  venant  de  l'intérieur  de  la  maison.  Dans  tous 
les  autres  cas,  elle  doit  prendre  seulement,  jusqu'à  ce  que  le  jour  ait  paru,  les 
mesures  indiquées  à  l'art.  185.  > 

Ceci  modifie  très-clairement  la  généralité  des  termes  de  l'art.  36,  ou  plutôt 
démontre  très-nettement  que  ces  termes  n'ont  jamais  dû  s'entendre  que  sous 
la  restriction  résultant  de  l'art  76  de  la  constitution  de  l'an  YIII. 

Puis  on  ajoute  :  c  Le  temps  de  nuit  est  ainsi  réglé  :  —  Du  !«'  octobre  au 
31  mars,  depuis  six  heures  du  matin  jusqu'à  six  heures  du  soir;  —  du  1®' avril 
au  30  septembre,  depuis  neuf  heures  du  soir  jusqu'à  quatre  heures  du  ma- 
tin t  ;  ce  n'est  que  la  répétition  de  l'art.  1037,  quant  aux  actes  de  procédure. 

Yoilà  donc  déjà,  relativement  au  temps,  une  première  limitation  à  la  géné- 
ralité des  termes  de  l'art.  36.  J'ajouterai,  comme  sanction  de  la  prohibition  qui 
résulte  de  ces  textes,  l'art.  184  du  Gode  pénal,  qui  indique  les  peines  à  appli- 
quer en  cas  de  violation  de  domicile. 

569.  Mais  est-ce  là  la  seule  limite  au  pouvoir  du  procureur  de  la  Républi- 
que et  de  ses  auxiliaires  en  matière  de  visite  domiciliaire,  aux  termes  des 
art.  36  et  37  ?  A  cet  égard,  il  y  a  plus  de  difficulté,  et  il  faut  bien  reconnaître 
que  la  pratique,  assez  généralement,  se  trouve  en  désaccord,  non-seulement 
avec  la  loi,  mais  même  avec  des  ordonnances  très-formelles,  très-spéciales,  et 
notamment  avec  celle  du  29  octobre  1820.  A  ce  sujet,  voici  quelques  questions 
qui  peuvent  s'éleVer. 

Le  droit  accordé  par  les  art.  36  et  37  de  procéder,  dans  le  but  indiqué  par 
ces  articles,  à  des  visites  domiciliairesi  ce  droit  permet-il  au  procureur  de  la 
République  ou  à  ses  auxiliaires  de  pénétrer,  non-seulement  dans  le  domicile 
du  prévenu,  mais  aussi  dans  tous  les  lieux,  dans  l'intérieur  de  toutes  les  mai- 
sons où  il  suppose  qu'ont  pu  ôtre  portés,  qu'ont  pu  être  cachés,  soit  les  instru- 
ments, soit  les  produits  du  crime  dont  il  cherche  à  suivre  et  à  découvrir  le 
oorps? 

Premier  point  :  est-ce  au  domicile  du  prévenu  que  doit  se  borner,  se  ren* 
fermer  la  fitciUté  de  visiter  établie  par  l'art.  37  ? 

.    Secondement,  cette  fàcvàté  de  s'introduire  dans  le  domicile  et  d'y  procéder 
à  des  visites  doit-elle  se  borner  au  cas  de  flagrant  délit^  ou,  au  contraire,  le 

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504      VINGT-SBPTIÈME  LEÇON.   —  DB  LA  POLICE  lUDIClÀlRB  (n""  560). 

procureor  de  la  Répabliqae  ou  ses  auxiliatreB  poarroni-ils  rezereer  poiir  ïê. 
découverte  d'un  crime  qui  ne  serait  pas  flagrant? 

Troisièmement,  ce  droit  peut«il  être  exercé,  ces  visites  peuvent-elles  être 
faites,  toujours  par  le  procureur  de  la  République  et  par  ses  auxiliaires,  je  ne 
parle  pas  du  juge  d'instruction,  ces  visites  peuvent-elles  être  faites  non-sen* 
lement  dans  les  cas  de  crime,  mais  même  dans  le  cas  d'un  simple  délit  non- 
seulement  pour  rechercher  un  fait  punissable  d'une  peine  afflictive  ou  infis- 
mante,  mais  même  pour  rechercher  un  fait  punissable  d'une  peine  simplement 
correctionnelle  ? 

Si  nous  cherchons  dans  la  pratique  la  solution  de  ces  trois  questions,  nous 
les  trouvons,  ou  du  moins  les  deux  dernières,  très-nettement  décidées  dans 
un  acte  officiel  qui  est  une  circulaire  adressée,  sous  la  restauration,  par  le  pro- 
cureur du  roi  du  tribunal  de  la  Seine,  aux  officiers  dépendant  de  lui,  au 
auxiliaires  de  son  ressort.  Voici  quels  étaient  sur  ces  trois  questions  les  ter- 
mes de  cette  circulaire,  qu'il  m*est  impossible  d'approuver,  quoique  d'ailleurs, 
sur  une  foule  de  points,  elle  renferme  des  observations  fort  utiles. 

c  Quoique  la  loi,  disait  le  procureur  du  roi  de  la  Seine,  ne  semble  vous 
charger  de  dresser  des  procès-verbaux  qu'en  cas  db  ceimb  et  de  flaorant  délit, 
cependant  l'usage,  introduit  par  la  nécessité,  veut  que  vous  en  dressiez  aussi 
hors  le  cas  de  flaobant  délit,  et  même  quand  il  s'agit  seulement  d'un  fait 
CORRECTIONNEL.  Si  VOS  procès-vorbaux,  dans  ce  caS|  paraissent  n'avoir  pas  la 
même  force,  ils  servent  au  moins  de  renseignement...  Un  crime  ou  un  déut 
vous  sont-ils  déférés,  vous  devez  vous  transporter  sans  retard  sur  les  lieux, 
en  décrire  scrupuleusement  l'état...  faire  comparaître  devant  vous  le  prévenu, 
l'interroger...  vérifier  sur-le-champ  ses  réponses,  le  confronter,  s'il  est  utile; 
aux  plaignants,  aux  témoins  ou  aux  autres  prévenus...  faire  sans  délai  pbr* 
QcisiTiON  dans  ses  divers  domiciles,  dans  ceux  de  ses  concubines  eu  de  ses 
AFFiois.  > 

Ainsi  les  trois  points  que  nous  avons  posés  comme  questions  sont  égale- 
ment posés  et  décidés  dans  cette  circulaire.  Il  en  résulte  :  P  quant  à  la  ques- 
tion de  savoir  dans  quels  lieux,  dans  quelles  maisons  la  perquisition  peut  être 
faite,  qu'elle  peut  et  doit  être  faite  non- seulement  dans  le  domicile,  mais  dans 
les  divers  domiciles  du  prévenu  et  dans  ceux  de  ses  concubines  ou  affidés; 
2«  qu'elle  peut  et  doit  être  faite  même  dans  le  cas  où  le  crime  n'est  pas  fla- 
grant; 3<>  enfin  qu'elle  peut  et  doit  être  faite  même  dans  le  cas  où  il  s'agit  d'un 
simple  délit.  Examinons  tour  k  tour  ces  trois  points. 

560.  Quant  à  la  première  question,  il  est  clair  que  la  circulaire  ne  la 
tranche  pas  tout  à  fait  formellement  ;  elle  ne  commande  pas,  elle  ne  permet 
pas  aux  auxiliaires  du  procureur  de  la  République  de  faire  indistinctement  des 
perquisitions  dans  tous  les  lieux,  dans  toutes  les  maisons  où  ils  espèrent 
trouver  les  objets  qui  pourraient  être  utiles  à  la  découverte  du  fait.  Û  y  est 
d'abord  question  des  divers  domiciles  du  prévenu,  et  à  cet  égard  il  n'y  a  [as 
de  raison  de  douter  ;  quoique  l'art,  36  parle  du  domicile,  il  est  clair  que  le 
domicile,  ici,  ce  n'est  pas  celui  de  l'art.  102  du  Gode  vivil,  il  est  évident  que 
dans  toutes  les  résidences,  que  dans  tous  les  logements  que  le  prévenu  occupe, 
la  visite  domiciliaire  peut  être  laite  aux  termes  de  l'art.  36.  Quant  aux  lieux 

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DU  FLAGRANT  BÈUT  (aRT.  57).  505 

habités  p«r  ses  concubines  ou  afBdés,  aatoriser  dans  ces  lieux  des  visites  éo^ 
miciliaires,  c'esty  an  premier  aspect,  violer  manifestement  le  texte  de  l'arti- 
cle 36.  Rappelez-vous  bien  que  le  procureur  de  la  République  n'agit,  n'ins- 
tnut,  n'opère  ici  que  par  exception  ;  qu*il  est  en  debors  de  son  rôle,  de  ses 
fonctions  lud>ituelles,  qui  ne  lui  donnent  aucun  pouvoir  pour  constater  des 
déHts.  Cependant,  à  raison  de  Turgence,  les  art.  36  et  37  Tinvestissent  d'un 
pouvoir  spécial,  celui  de  procéder  à  des  visites  domiciliaires  dans  le  domicile 
du  prévenu,  ce  dernier  mot  estj  répété  jusqu'à  une  satiété  fatigante  dans  le 
texte  de  ces  deux  articles  :  dès  lors  peut^on  aller  au  delà?  peut^n  autoriser 
le  procureur  de  la  République,  et  à  plus  forte  raison  ses  auxiliaires,  à  procéder 
à  d'autres  visites?  Oui,  à  ce  qu'il  me  semble,  d'après  la  circulaire  ;  et  jerecon> 
nais  volontiers  que,  bien  qu'elle  soit  en  debors  des  termes  de  la  lof,  il  est 
bien  difficile,  en  pratique,  de  ne  pas  admettre  que  cet  avis  est  fondé,  parce 
que  le  plus  souvent  il  y  aura  contre  les  personnes  déngnées  dans  la  circu- 
laire une  présomption  de  complicité  résultant  du  recel,  aux  termes  de  l'ar- 
tide  62  du  Gode  ptoal.  <>r,  lorsqu'il  y  a  présomption  decomplidté,  il  estdair 
ique  les  personnes  sur  lesquelles  cette  présomption  pèse,  les  concubines  ou 
les  affidés,  sont  des  coprévenus  qui  rentrent  dans  l'application  des  artides  36 
et  37, 

Ainsi,  si  la  circulaire  ne  veut  dire  autre  chose  que  lés  visites  pourront  être 
faites  non-seulement  chez  le  prévenu,  mais  chez  toutes  les  personnes  qu'on 
soupçonne  de  complicité,  d'avoir  recelé,  il  est  clair  qu'on  est  dans  les  termes 
et  dans  l'esprit  de  la  loi.  Mais  on  serait  en  debors  de  son  texte  et  de  sa 
pensée,  si  Ton  permettait  de  faire  des  visites  domiciliaires  chez  les  personnes 
diez  lesquelles  on  soupçonnerait  qu'il  ya  des  objets  cachés  à  leur  insu. 

En  rapprochant  les  art.  87  et  88  des  art.  36  et  37,  cela  devient  encore  plus 
dair.  De  quel  domicile  parle* t-on  dans  les  art.  36  et  37?  Du  domicile  du 
prévenu,  et  par  conséquent  du  domicile  des  prévenus,  s'il  y  en  a  plusieurs. 
Au  contraire,  dans  les  art*  87  et  88  on  parle  des  visites  que  fait  le  juge  d'in- 
struction, auquel  est  régulièrement,  généralement  dévolu  le  pouvoir  d'instruire 
et  de  constater,  et  alors  on  s'exprime  tout  à  fait  autrement;  et  quand  l'art.  87 
a  dit  que  le  juge  d'instruction  pourrait  faire  perquisition  dans  le  domicile  du 
prévenu,  Part.  88  ajoute  formellement  qu'il  aura  le  même  droit  dans  tous  les 
lieux  où  il  supposerait  pouvoir  découvrir  les  objets  provenant  du  crime  ou  du 
délit.  Le  langage  est  tout  différent,  vous  le  voyez^  et  cette  différence  de  lan- 
gage, cette  spécialité  de  l'art.  88  est  une  raison  de  plus  pour  entendre  limita- 
tivement  la  disposition  des  art«  36  et  37.«8ou8  ce  rapport  la  drculairo  me 
parait  plus  équivoque  qu'exacte. 

561.  Mais  deux  autres  questions  nous  restent,  et  la  circulaire  les  résout 
très-nettement  dans  un  sens  que  malheureusement  il  est  plus  diffidle  de 
condlier  avec  la  loi.  Ces  deux  questions,  je  les. répète  :  le  procureur  de  la 
République  ou  ses  auxiliaires  peuvent-ils  procéder  aux  visites  domidliaires  : 
1<>  dans  le  cas  d'un  crime  qui  n'est  pas  flagrant;  2«  dans  le  cas  d'un  simple 
délit,  flagrant  ou  non  flagrant  ?  Oui,  répond  nettement  la  circulaire;  oui,  dès 
qu'un  crime  ou  qu*un  délit  vous  est  connu,  vous  devez  vous  transporter  suf 
les  Ueux  pour  y  procéder  à  toutes  les  opérations  indiquées  dans  les  arU  32 

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506     VINGT-SRPTiâMS  LEÇON.  —  DB  lA  POUCE  JUDIGIAIRB  (n""  561). 

et  suivants.  Et  la  loi  à  la  maio;  nous  devons  répondre  :  Non,  voos  ne  le 
pouvez  pas,  sous  peine  de  violer  de  la  manière  la  plus  directe  tous  les  articles 
de  cette  section  et  les  ordonnances  spéciales  rendues  depuis. 

Prenons  d'abord  Phypothèse  où  il  s'agit  d'un  crime,  mais  d'un  crime  qui 
n'est  pas  flagrant,  d'un  crime  commis  depuis  plusieurs  mois,  depuis  plusieurs 
semaines,  d'un  crime  en  dehors  de  Fart.  41.  L'avis  en  parvient,  par  la  rumeur 
publique,  ou  autrement,  au  procureur  de  la  République;  peut-il  procéder  soit 
à  des  visites  domiciliaires,  aux  termes  de  Tart.  36,  soit  à  tout  autre  acte 
indiqué  dans  cette  section  ?  La  négative  résulte  très-daîrement  des  textes 
combinés  des  art  32  et  41 .  L'art.  32,  conférant  au  procureur  de  la  République 
des  pouvoirs  exceptionnels  relativement  à  l'instruction,  déclare  ne  les  loi 
donner  que  dans  le  cas  de  flagrant  délit,  et  il  est  clair  que  l'art.  36  et  tous  les 
articles  de  cette  section  ne  sont  que  la  conséquence,  la  mise  à  exécution  de 
l'art.  32.  Par  exemple,  si,  hors  le  cas  de  flagrant  délit,  et  cela  résulte  claire- 
ment de  l'arL  33,  il  est  défendu  au  procureur  de  la  République,  et  à  plus  forte 
raison  à  ses  auxiliaires,  de  se  transporter  sur  les  lieux,  si,  dans  ce  cas,  leur 
mission  se  borne  à  avertir  le  juge  d'instruction^  il  est  clair  qu'ils  ne  peuvent 
procéder  à  aucune  des  visites  des  art.  36  et  37  ;  et  si  quelque  chose  est  plus 
fort  que  la  loi,  on  trouverait  même  ces  textes  expliqués  dans  l'ordonnance 
du  29  octobre  1820,  par  les  art.  15b,  157  et  162.  Ces  articles,  reproduits  par 
le  décret  du  1«'  mars  1854,  sont  tellement  formels  qu'il  est  bon  d'en  donner 
lecture. 

D'abord  dans  l'art.  162,  relativement  à  la  première  question,  celle  de  la 
visite  faite  hors  du  domicile  du  prévenu,  voici  quelle  est  l'injonction  adressée 
aux  officiers  de  gendarmerie  :  «  Il  est  expressément  défendu  aux  officiers  de 
gendarmerie  de  s'introduire  dans  une  maison  qui  ne  serait  pas  celle  où  le 
prévenu  aurait  son  domicile,  à  moins  que  ce  ne  soit  une  auberge,  un  cabaret 
ou  tout  autre  logis  ouvert  au  public,  où  ils  sont  autorisés  à  se  transporter, 
môme  pendant  la  nuit,  jusqu'à  l'heure  où  ces  lieux  doivent  être  fermés  d'après 
les  règlements  de  police.  » 

Voilà  pour  la  première  question. 

Maintenant,  quant  à  la  seconde,  celle  de  savoir  si,  dans  le  cas  de  crime 
non  flagrant,  des  visites  domiciliaires  peuvent  être  faites,  voici  la  réponse  que 
fait  l'art.  155  :  t  Les  officiers  de  gendarmerie  sont  tenus  de  renvoyer  sans 
délai  à  notre  procureur  royal  les  plaintes  et  les  dénonciations  qu'ils  ont  reçues 
en  leur  qualitiê  d'officiers  de  police  auxiliaires  ;  leur  compétence  ne  s'étend 
pas  au  delà.  Us  ne  peuvent  faire  aucune  instruction  préliminaire  que  dans  le 
ens  de  flagrant  délit,  ou  lorsque^  s'agissant  d'un  crime  ou  Sun  délits  mais  non 
flagrant^  commis  dans  Vintérieur  dune  maisonf  le  chef  de  cette  maison  les  requiert 
de  le  constater.  » 

L'ordonnance,  sons  ce  rapport,  est  encore  plus  claire  que  la  loi  ;  puis,  dans 
l'art.  156,  on  définit  le  flagrant  délit  comme  la  loi  l'a  fait  par  l'art.  41.  Et 
l'art.  250  du  décret  du  l**  mars  1854  répète  la  même  définition. 

Ainsi,  sur  la  seconde  question,  il  est  impossible  de  reconnaître,  soit  au  pro- 
cureur de  la  République,  soit  à  ses  auxiliaires,  le  droit  de  procéder  en  dehors 
du  cas  de  crime  flagrant,  du  cas  de  crime  actuel,  à  aucune  des  opérations 
énumérées  depuis  l'art.  32. 


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DU   FLAGRANT  0ÉL1T  (aRT.   37).  507 

562.  La  troisième  question  est  celle-ci  :  peuvent-ils,  soit  le  procureur  de 
la  République^  soit  ses  auxiliaires,  procéder  à  ces  diverses  opérations,  et  no- 
tamment aux  visites,  lorsqu'il  y  a  flagrance,  non  pas  d'un  crime,  mais  d'un 
simple  délit  ?  A  cet  égard,  la  lecture  de  l'art.  36  pourrait  soulever  quelque 
incertitude.  En  effet,  il  vous  dit  :  Si  la  nature  du  crime  eu  du  oàur  est  telle.,. 
Mais  d'abord  remarquez  bien  que  l'art.  36  n'est  toujours  que  la  conséquence 
et  la  suite  de  l'art.  32  ;  l'art.  32  est  le  principe,  et  les  pouvoirs  qu'il  accorde 
exceptionnellement  aux  officiers  dont  nous  parlons  ne  leur  sont  accordés  que 
quand  il  s'agit  d'un  fait  de  nature  à  entraîner  peine  afOictive  ou  infamante. 
Or,  si  en  dehors  de  ces  faits  ces  officiers  n'ont  pas  qualité  de  se  transporter 
sur  les  lieux,  d'y  recevoir  les  déclarations,  d'y  dresser  procès-verbal,  à  plus 
forte  raison  n'ont-ils  pas  mission  pour  pénétrer  dans  un  domicile  où  aucun 
crime  n'a  été  commis.  Secondement,  quant  au  mot  de  délit  qui  se  trouve 
dans  l'art  36,  il  est  bien  facile  d'y  répondre,  en  faisant  remarquer  que  dans 
le  Gode  d'instruction  criminelle  le  mot  de  délit  n'avait  pas  le  sens  technique 
qui  lui  a  été  affecté,  une  année  plus  tard,  dans  le  Gode  pénal.  Ainsi,  ce  mot 
désigne  tantôt  à  la  fois  les  crimes  et  les  délits,  art.  22  et  160  de  notre  Gode  ; 
tantôt  seulement  les  crimes,  art.  91,  307  et  308;  tantôt  enfin  il  désigne 
expressément,  uniquement  des  faits  correctionnels,  art.  130.-  Il  n'y  a  donc 
pas  possibilité  d'en  tirer,  dans  l'art.  36,  la  conséquence  qu'en  déduit  la  cir- 
culaire. 

G'est  au  reste  ce  que  reconnaissent  encore  l'ordonnance  de  1820  et  le  décret 
du  1»»  mars  1854.  Ainsi  dans  l'art.  230  du  décret  on  lit  :  «  Toute  infraction 
qui,  par  sa  nature,  est  seulement  punissable  de  peines  correctionnelles,  ne 
peut  constituer  un  flagrant  délit.  Les  officiers  de  gendarmerie  ne  sont  point 
autorisés  à  faire  des  instructions  préliminaires  pour  la  recherche  de  ces 
infractions.  » 

On  ajoute  :  c  Le  FLAORAifT  délit  doit  âTRs  un  véaiTÂBLS  cRnoB,  g'bst-a-dirb 

UNE  JNFRAGTION   CONTRE  LAQUELLE  VHE  PEIMB   AFFLIGTIVE  OU  INFAMANTE   EST  FRO- 
NONGÉS.  > 

Le  rédacteur  de  l'ordonnance,  qui  écrit  pour  les  officiers  de  gendarmerie, 
sait  qu'il  ne  s'adresse  point  à  des  jurisconsultes  ;  en  conséquence,  il  définit  la 
limite  dans  laquelle  doivent  s'exercer  les  attributions  exceptionnelles  confé- 
rées à  ces  officiers,  dans  les  art.  32  et  suivants  et  49  combinés.  Or,  vous  sentez 
que  s'il  en  est  ainsi  pour  les  officiers  de  gendarmerie,  il  en  est  de  même  pour 
les  auxiliaire!  du  procureur  de  la  République,  quels  qu'ils  soient,  et  pour  le 
procureur  de  la  République  lui-même  ;  car,  d'après  l'art.  49,  tous  les  actes  que 
le  procureur  de  la  République  peut  faire  d'après  les  art.  32  et  suivants,  tous 
ses  auxiliaires  peuvent  et  doivent  également  les  faire.  Au  nombre  de  cea 
auxiliaires  sont  les  officiers  de  gendarmerie,  par  conséquent  les  limites  de  la 
compétence  des  uns  comme  oelles  de  la  compétence  des  autres  sont  très- 
nettement  déterminées  par  l'ordonnance  de  1820  et  le  décret  de  1854,  infini- 
ment plus  conformes  que  la  circulaire  en  question  au  véritable  esprit  des 
textes  du  Gode  d'instruction  criminelle. 

568.  Il  n*y  a  à  tout  ceci  qu'une  objection  à  faire  :  c'est  que  l'usage,  fondé 
sur  la  nécessité,  a  introduit  dans  la  compétence  de  ces  officiers  une  marche 

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508     VINGT-HUITIÈMB  LBÇON.  —  DB  LA  POUGB  JUDIGIAIRB  (n^  565). 

tout  à  fait  contraire  à  la  loi.  Cet  usage,  8*il  existe  réellement,  est  la  violation 
la  plos  formelle  des  textes  que  nons  .venons  d'expliquer.  On  peut  dire,  sans 
donte,  que  réserver  an  juge  d'instruction,  siégant  au  chef-lieu  d'arrondisse- 
ment, le  droit  exclusif  de  réunir  les  preuves  des  crimes  non  flagrants  ou  des 
délits  flagrants  qui  ne  sont  pas  des  crimes,  c'est  rendre  la  constatation  de  ces 
faits  quelquefois  impossible  ;  que  la.  nécessité  entraîne  [souvent  les  officiers 
désignés  dans  Tart.  49  à  constater  d'office,  soit  les  délits  flagrants,  soit  les 
crimes  non  flagrants.  Mais  vous  savez  que  la  nécessité  est  une  de  ces  raisons 
avec  lesquelles  on  peut  tout  faire,  tout  excuser,  tout  justifier,  et  c'est  une 
détestable  raison  ;  nous  en  avons  une  bien  meilleure,  c'est  le  texte  très-formel 
du  Gode  d'instruction  criminelle  ;  il  ne  faut  pas  dire  avec  la  circulaire  que  la 
loi  semble  borner  les  fonctions  de  ces  officiers; il  faut  dire  qu'elle  les  borne 
formellement. 

Ces  règles,  telles  qu'elles  sont  tracées,  sont  très-claires,  et  la  solution  des 
trois  questions  que  nous  avons  posées  ne  parait  pas  être  l'objet  d'une  sérieuse 
controverse. 

M4.  Il  faut  cependant  indiquer  ici  que  la  loi  du  W  mai  4863  a  fait  à  ces 
xègles  une  grave  exception.  L'arL  i^  de  cette  loi  est  ainsi  conçu  : 

a  Tout  inculpé  arrêté  en  état  de  flagrant  délit  pour  un  fait  puni  de  peines  cor- 
Tectionnelles  est  immédiatement  conduit  devant  le  procureur  de  la  République 
qui  l'interroge,  et  ,sll  y  a  lieu,  le  traduit  sur-le-champ  à  raudience  du  tribunal. 
Dans  ce  cas,  le  procureur  de  la  République  peut  mettre  Tinculpé  sous  mandat  de 
dépôt.  » 

Cette  loi  suppose  que  l'inculpé  d'un  fait  qualifié  délit  peut  être  mis  en  arres- 
tation lorsque  ce  fait  est  flagrant  ;  elle  transporte  ensuite,  dans  ce  cas,  au  pro- 
cureur de  la  République,  les  fonctions  du  juge  d'instruction  en  lui  donnant, 
dans  ce  cas,  le  droit  d'interroger  Tineulpé,  de  le  laisser  en  état  de  liberté  on 
de  le  mettre  sous  mandat  de  dépôt,  et  de  le  renvoyer  de  la  plainte  ou  de  le 
traduire  devant  le  tribunal  correctionnel.  C'est  Tappiication,  au  cas  où  le  fait 
flagrant  est  un  simple  délit,  d'une  des  attributions  que  les  art.  32  et  40  n'ac- 
cordent au  procureur  de  la  République  qu'au  cas  où  le  fait  est  un  crime.  Nous 
ne  ferons  que  mentionner  encore  cette  disposition  nouvelle  que  nous  aurons 
i  examiner  plus  loin,  quand  nous  traiterons  de  l'arrestation,  de  la  liberté 
provisoire  et  de  la  procédure  des  tribunaux  correctionnels  (voy.  t^,  30«  et 
.35«  leçons). 

YINGT'HCITIÈHB  LEÇON. 

565.  Nous  avons  d*abord  à  nous  occuper  des  dec&ières  attributions  extraor- 
dinaires, exceptionnelles,  conférées  au  procureur  de  la  République,  relative- 
ment à  certains  actes  d'instruction,  dans  les  cas  pai ticuUers  des  art.  3%  et  46. 
Nous  avons  déjà  dit  dans  quels  cas  l'art.  32  l'investissait,  par  exception,  du 
droit  de  procéder  à  certains  actes  dlnstruction  que  nous  avons  déterminés;  tels 
sont,  avons-nous  dit,  Tobligation  :  1<»  de  constata  l'état  du  corps  de  délit; 
2«  de  se  transporter  sur  les  lieux  pour  y  recueillir  à  l'instant  les  déclarations 

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DU  FLAGRANT   DÉUT  (aRT.  37).  509 

des  témoins,  et  les  circonataiioes  de  natare  à  éclairer  sur  le  crime;  d9  de  pro- 
céder à  des  yisites  domiciliaires;  4^  de  dresser  procès-verbaux  de  ces  opéra- 
tions; 5®  en  certains  cas,  le  droit  d'ordonner  l'arrestation  du  prévenu^  on  de 
décerner  contre  lut  un  mandat  d'amener. 

Nous  avons  vu  les  trois  premiers  points;  il  nous  reste  à  examiner  les  deux 
derniers  ;  passons  au  quatrième,  relatif  aux  procès-verbaux  dans  lesquels  le 
procureur  de  la  République  doit  constater  les  dififérentes  opérations  pour  les- 
quelles il  a  mission. 

Uart.  42  détermine  la  forme  de  ces  procès-verbaux  ;  ils  seront  dressés  selon 
les  règles  générales  à  cette  sorte  d'actes,  et  spécialement  aussi  selon  les  règles 
particulières  établies  par  l'art.  42.  Ce  qu'il  y  a  de  remarquable,  de  spécial  dans 
les  termes  de  ce  dernier  article,  pour  les  procès-verbaux  qui  nous  occupent, 
c'est  l'obligation  imposée  au  procureur  de  la  République  d'y  faire  comparaître, 
comme  assistants,  soit  le  commissaire  de  police,  soit  le  maire  ou  l'adjoint  du 
maire,  soit  enfin,  à  leur  dé&ut,  deux  citoyens  de  la  commune  dans  laquelle  il 
dresse  les  prooès-vwbaux.  Cependant  en  cas  d'impossibilité  de  trouver  des 
assistants  de  cette  classe,  et  à  charge  de  déclarer,  de  constater  cette  impossi- 
bilité, les  procès-verbaux  n'en  seront  pas  moins  valables.  Vous  voyez  donc 
qu'ici,  précisément  parce  que  le  procureur  de  la  République  ne  remplit,  dans 
l'espèce,  qu'une  mission  exceptionnelle,  mission  qui  sort  de  ses  pouvoirs  ha- 
bituels, ou  subordonne  l'effet,  la  régularité  de  ses  procès-verbaux  à'^l'inter- 
vention  soit  de  certains  officiers,  soit  au  moins  de  quelques  particuliers,  dans 
tous  les  cas  au  moins  où  l'impossibilité  de  cette  intervention  n'est  pas  cons- 
tatée. Au  contraire  s'il  s'agissait  de  procès-verbaux  dressés  par  un  officier 
agissant  dans  l'exercice  régulier  de  ses  fonctions,  notamment  par  le  juge  d'ins* 
truétion  assisté  du  procureur  de  la  République,  dans  le  cas  de  Fart.  62,  aucune 
assistance  pareille,  aucune  intervention  de  commissaire,  de  maire,  d'adjoint, 
ou  de  citoyens,  ne  serait  requise. 

Ouant  à  l'autorité  de  ces  procès-veiiMUx,  il  fbut  bien  remarquer  qu'ils  ne 
serviront  pas  seulement,  comme  les  actes  de  cette  nature  dressés,  avant  notre 
Gode,  par  les  magistrats  de  sûreté,  de  simi^es  renseignements,  ils  pourront 
figurepr  dans  le  corps  de  l'instruction,  prendre  place  au  dossier,  et  passer,  à  titre 
de  renseignement,  sous  les  yeux  de  la  cour  d'appel  chargée  de  prononcer  la  mise 
en  accusation.  En  un  mot,  ces  procès-verbaux,  régulièrement  dressés,  dans  le 
cas  de  l'art.  32,  et  dans  les  formes  de  l'art.  42,  seront  tout  aussi  valables,  quand 
lejuge  d'instruction  les  adoptera  dans  sa  procédure,  que  les  actes  d'instruction 
que  ce  juge  aurait  lui-même  dressés.  Vous  verres  en  effet,  dans  le  texte  de 
l'art.  60,  que,  lorsque  le  corps  du  délit  auEra  été  constaté  par  le  procureur 
de  la  République,  le  juge  d'instruction  pourra  refaire  les  actes  faits  par  cehii-ci, 
s'ils  lui  paraissent  incomplets.  Si,  au  contraire,  ces  actes  lui  paraissent  com- 
plets, suffisants,  réguliers,  le  juge  d'instruction  les  adoptera  comme  siens, 
par  œia  seul  qu'il  n'aura  pas  jugé  devoir  les  recommencer. 

566.  Le  cinquième  et  dernier  point  présente  un  peu  plus  d'importance.  U 
est  relatif  au  droit  d'arrestation  tM)nféré  au  procureur  de  la  République,  toujours 
par  exception,  dans  le  cas  particulier  de  l'art.  32.  Ce  droit  d'arrestation  se  trouve 
détaillé,  quant  aux  conditions  de  son  exercice,  par  l'art.  40.  Je  dis  encore  et 

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510     VINGT-HUITIÈME  LEÇON.   —  DE  LA  POLICE  JUDICIAIRE  (n*  566). 

je  VOUS  rappelle  que  c'est  là  aae  exception;  nous  verrons  bientôt,  en  étudiant 
le  titre  relatif  aux  mandats,  que  le  droit  de  décerner  un  mandat  d'arrestation 
n'appartient,  régulièrement  et  en  principe,  qu'au  juge  d'instruction.  Toujours 
par  les  mômes  motifs  que  nous  avons  précédemment  indiqués,  la  loi  confère, 
par  exception,  au  procureur  de  la  République  le  droit  d*ordonner  l'arrestation, 
dans  les  cas  indiqués  par  l'art.  40.  Cet  article  subordonne  ce  droit  d'arrestation 
an  concours  de  trois  conditions  :  1®  flagrant  délit;  2<^  fait  de  nature  à  entraîner 
peine  afflictive  ou  infamante;  3«  enfin,  indice  sérieux,  grave,  contre  le  pré- 
venu dont  le  procureur  de  la  République  ordonnera  l'arrestation. 

Vous  remarquerez  d'abord  que  la  première  et  la  troisième  condition  sont  de 
la  plus  grande  simplicité  ;  c'est  seulement  dans  le  cas  de  flagrant  délit  que  le 
procureur  de  la  République,  partie  poursuivante,  peut  ordonner  l'arrestation, 
c'est-à-dire  faire  par  exception  l'office  d'un  juge.  Il  va  aussi  de  soi  que  ce  n'est 
pas  sjar  une  légère  présomption,  et,  par  exemple,  sur  la  seule  foi  d'une  dénon- 
ciation, qu'aucune  preuve  ne  viendrait  appuyer,  que  le  procureur  de  la  Répu- 
blique peut  ordonner  l'arrestation  du  prévenu  qui  se  trouve  présent,  ou  dé- 
cerner un  mandat  d'amener  contre  le  prévenu  qui  est  absent  ;  il  faut  des 
indices  graves,  indices  dont  la  gravité  du  reste  est  nécessairement  abandonnée 
aux  lumières  du  procureur  de  la  République. 

Mais  la  seconde  condition,  celle  qui  résulte  du  texte  même  de  l'art  32 
mérite  un  peu  plus  d'attention.  Pour  que  le  procureur  de  la  République,  agis- 
sant exceptionnellement  dans  le  cas  de  flagrant  délit,  puisse  faire  arrêter  un 
prévenu  présent,  ou  décerner  mandat  d'amener  contre  un  prévenu  absent,  il 
faut  que  le  fait  de  la  prévention  soit  un  véritable  crime,  de  nature  à  entraîner 
peine  afflictive  ou  infamante  ;  l'art.  40  est  à  cet  égard  bien  formel.  Mais  ici  se 
présentent  nécessairement,  et  encore  avec  plus  de  force,  les  observations  par 
lesquelles  nous  terminons  la  dernière  leçon.  Ici  va  se  présenter  entre  la  loi  et 
une  pratique  à  peu  près  inévitable  le  môme  conflit,  la  môme  opposition  que 
nous  avons  précédemment  signalée  entre  le  texte  des  articles  qui  précèdent  et 
la  circulaire  dont  j'ai  cité  quelques  passages. 

En  effet,  supposez  que  le  procureur  de  la  République,  averti  par  la  rumeur 
publique  d'un  flagrant  délit,  se  soit  transporté  sur  les  lieux,  aux  termes  de 
Fart.  32  :  supposez  que  le  fait  de  la  prévention,  le  fait  que  ce  magistrat  vient 
constater  se  soit  présenté,  au  premier  aspect,  comme  un  vol  accompagné  de 
circonstances  aggravantes,  comme  un  vol  avec  effraction,  escalade,  violences 
ou  telles  autres  circonstances  que  vous  voudrez  supposer.  Bous  ce  premier 
aspect  le  fait  est  de  nature  à  entraîner  une  peine  afflictive  ou  infamante,  c'est 
un  vol  qualifié,  c'est  un  ci;^me  :  nul  doute  que  si  des  indices  graves  font 
peser  la  prévention  de  ce  fait  sur  un  individu  présent,  nul  doute  qu'aux  termes 
de  l'art.  40  le  procureur  de  la  République  ne  puisse  et  ne  doive  ordonner  de  le 
saisir  ;  que,  de  môme,  si  des  indices  graves  font  porter  cette  prévention  sur 
un  ina^vidu  absent,  le  procureur  de  la  République  ne  doive,  aux  termes  du 
môme  article,  décerner  contre  lui  un  mandat  d'amener*  Nous  verrons  plus 
tard  les  formes  et  les  conséquences  de  ce  mandat. 

Mais  supposons  que  le  procureur  de  la  République  étant  sur  les  lieux,  ayant 
procédé  aux  recherches  prescrites  par  les  articles  précédents,  les  circonstances 
aggravantes  d'eflraction,  de  violences,  de  fausses  defs  viennent  à  disparaître, 

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DU  FIAGRA27T  DÉLIT  (aRT.   3T).  511' 

que  la  prévention  se  rédaise  à  nne  prévention  de  vol  simple,  puni  d'une  peine 
purement  correctionnelle  qui  n'est  ni  affiictive  ni  infomante.  Le  prévenu  du 
méfait  étant  là  présent,  pris  en  quelque  sorte  sur  le  fait,  faudra-t-ii  donc  que 
le  procureur  de  la  République,  lié  par  l'art.  40,  s'abstienne  d'ordonner  de  le 
saisir?  faudra-t-il  qu'il  le  laisse  échapper?  ou  môme,  s'il  est  absent,  en  fuite, 
à  peu  de  distance,  faudra-t-il  enfin  qu'il  lui  donne  les  moyens  de  s'éloigner 
pour  se  dérober  à  l'action  de  la  justice,  qu'il  s'abtienne  de  décerner  le  man* 
dat?  Évidemment  il  le  faudra,  si  l'on  applique  à  la  lettre  de  l'art.  40  ; 
nous  sommes  ici  dans  une  matière  d'exception,  c'est  par  exception  et  hors  de 
ses  pouvoirs  ordinaires  que  le  procureur  de  la  République  est  autorisé  à  faire 
des  actes  d'instruction,  et  entre  centres  à  décerner  un  mandat  d'amener,  à 
ordonner  une  arrestation.  Cependant  il  est  clair  que  la  pratique,  et  avec  elle 
le  sens  commun,  répugnent  à  une  telle  idée  ;  il  est  clair  que  tous  les  jours, 
sous  nos  yeux,  de  notre  aveu  et  presque  avec  notre  assistance,  on  voit  arrêter, 
non-seulement  sur  un  ordre  du  procureur  de  la  République,  mais  même  par 
le  premier  passant,  un  individu  pris  en  flagrant  délit  de  vol  sur  une  voie  publi- 
que, encore  que  ce  vol  n'entraîne  ni  peine  afflictive  ni  peine  infamante. 

Et  malheureusement  cette  difficulté,  cette  contradiction  du  texte  avec  une 
pratique  inévitable  ne  peut  guère  être  considérée  comme  une  inadvertance 
dans  l'art.  40  ;  ce  que  cet  article  décide  pour  le  procureur  de  la  République, 
vous  le  trouvez,  dans  l'art.  106,  pour  tout  agent  de  la  force  publique,  et  aussi 
pour  tout  particulier  ;  il  y  a  obligation  d'arrêter  et  de  conduire  devant  les  offi- 
ciers de  police  tout  individu  surpris  en  flagrant  délit  de  crime,  en  flagrant 
délit  de  fait  emportant  peine  afflictive  ou  infamante .  Mais  vous  sentez  que  cette 
condition  de  peine  afflictive  ou  infamante  ne  peut  être  observée  dans  l'usage,  et 
c'est  un  malheur;  quelque  précise  que  la  loi  soit  à  cet  égard,  jamais  on  n'ob- 
tiendra d'un  officier  de  police,  ni  même  d'un  particulier,  qu'il  se  contente 
d'observer  l'auteur  d'un  délit,  et  qu'il  se  borne  à  demander  à  un  voleur  son 
adresse.  C'est  là  que  mènerait  l'application  littérale  de  l'art.  40.  Ce  conflit  entre 
la  pratique  et  la  loi  est  une  chose  fâcheuse.  C'est  ici  le  même  vice  que  nous 
avoDS  signalé  précédemment,  le  tort  incontestablement  est  du  côté  de  la  loi, 
qui,  faite  comme  elle  est,  ne  pourra  jamais  être  observée,  jamais  être  respectée 
en  ce  point.  Évidemment  elle  devrait  aller  plus  loin,  et  permettre  l'arrestation 
provisoire,  toutes  les  fois  que  le  fait  en  flagrant  délit  duquel  on  a  été  surpris  peut 
entraîner  un  emprisonnement  de  quelque  durée,  de  quelque  importance. 

Tel  a  été  aussi  précisément  l'objet  de  la  loi  du  20  mai  1863,  dont  nous  avons 
déjà  fait  mention  dans  la  dernière  leçon.  Quoique  cette  loi  n'ait  pas  assez  peut- 
être  défini  les  cas  pour  lesquels  elle  a  été  faite,  il  résulte,  de  ses  motifs, 
qu'elle  doit  être  restreinte  aux  seuls  cas  où  le  délit  est  passible  d'emprisonne- 
ment. 

567.  Ce  droit  d'arrestation  est  accordé  au  procureur  de  la  République  par 
!'art.  40,  et  par  l'art.  106,  aux  agents  inférieurs,  sous  les  trois  conditions  qui 
précèdent,  mais  d'une  manière  absolue.  Ainsi,  vous  ne  voyez  pas,  dans  le 
iexte  de  l'art.  40,  que  la  loi  limite,  à  raison  de  la  qualité  des  personnes,  le 
droit  et  le  devoir  d'ordonner  l'arrestation  ou  de  décerner  un  mandat  d'amener. 
Oevons-nous,  pouvons-nous,  avec  d'autres  textes,  opposer  à  ce  droit  certaines 

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512     VINGT-HUITIÈME  LEÇON.  —  DE  LA  POLICE  JUDICIAIRE  (n®  568). 

limites?  C'est  une  question  qoi  pouvait  s'élever  en  présence  de  Tart.  29  de  la 
Charte,  il  était  ainsi  conçu  :  t  Aucun  pair  ne  peut  être  arrêté  que  de  Tauto- 
rité  de  la  Chambre,  et  jugé  que  par  elle  en  matière  criminelle.  »  Quant  au 
jugement,  pas  de  question.  Mais  les  premiers  mots  de  l'art.  29  fai8aient*ils 
exception  à  la  règle  de  Part.  40  ?  la  prohibition  portée  par  cet  article  d'ah^ter, 
sans  autorisation  de  la  Chambre  des  pairs,  un  des  membres  de  cette  Chambre^ 
faisait-elle  exception  à  l'obligation  imposée  au  procureur  de  la  République 
de  décerner  mandat  d'amener  contre  toute  personne,  en  cas  de  flagrant 
délit? 

Il  est  clair  qu*il  n'y  avait  pas  de  distinction  à  faire,  que  le  mandat  devait 
être  décerné  sans  autorisation  préalable,  même  dans  le  cas  de  l'art.  29.  Le 
doute  qui  pouvait  résulter  de  ce  texte  était  entièrement  levé  par  deux  autres 
articles  de  la  Charte.  En  effet,  la  môme  dispositioUi  la  même  prohibition  d'ar- 
rêter, en  matière  criminelle,  sans  autorisation  de  la  Chambre,  écrite  dans  Tar- 
iicle  29  pour  les  membres  de  la  Chambre  des  pairs,  était  répétée  dans  l'art.  44 
de  la  Charte  pour  les  membres  de  la  Chambre  des  députés  ;  mais  elle  y  était 
subordonnée  à  une  exception  qui  cadre  précisément  avec  notre  art.  40,  excep- 
tion qui,  sans  aucun  doute,  était  sous-entendue  dans  Fart.  29.  L'art.  44  était 
ainsi  conçu  :  •  Aucun  membre  delà  Chambre  ne  peut,  pendant  la  durée  de  la 
session,  être  poursuivi  ni  arrêté  en  matière  criminelle^  soêtf  k  cas  de  flagrant 
délit,  qu'après  que  la  Chambre^  a  permis  sa  poursuite.  »  £h  bien,  l'exception 
introduite  par  Part.  44  à  la  prohibition  d'arrêter  sans  autorisation  de  la 
Chambre,  l'exception  introduite  pour  le  cas  de  flagrant  délit  cadrait  littérale* 
ment  avec  notre  art.  40,  et  était  évidemment,  par  identité  de  motifs,  sous- 
entendue  dans  la  disposition  de  Tart.  29.  Or,  ainsi  qu'on  Ta  déjà  vu,  ce  qui 
existait  sous  la  Charte  existe  encore  aujourd'hui.  C'est,  en  effet,  non-seule- 
ment ce  qui  résulte  de  l'identité  entière  de  position  et  de  motifs,  mais  aussi, 
ce  qui  est  plus  direct,  d'un  article  exprès  du  Code  pénal  ;  l'art.  121  s'exprime 
en  .ces  termes  :  «  Seront,  comme  coupables  de  forfaiture,  punis  de  la  dégrada- 
tion civique,  tous  officiers  de  police  judiciaire,  tous  procureurs  généraux  de  la 
République,  tous  substituts,  tous  juges...  (c'est  la  seconde  partie  de  l'article 
qui  nous  intéresse)  qui  hors  les  cas  de  flagrant  délU  ou  clafMur  publique, 
auront,  sans  les  mêmes  autorisations,  donné  ou  signé  l'ordre  ouïe  mandat  de 
saisir  ou  arrêter  un  ou  plusieurs  ministres,  ou  membres  de  la  Chambre  des 
pairs,  de  la  Chambre  des  députés  ou  du  conseil  d'État,  i  II  est  donc  évident, 
d'après  ce  texte,  que  le  cas  de  flagrant  déliti  au  moins  dans  les  matières  crimi- 
nelles, fait  exception  à  la  règle  qui  veut  une  autorisation,  et  que,  en  consé- 
quence, il  n'y  a  àfiiiredansle  texte  de  notre  art.  40  aucune  exception,  aucune 
distinction  fondée  sur.  la  qualité  des  personnes;  que  dans  le  cas  de  flagrant 
délit  et  dans  les  matières  criminelles,  le  procureur  de  la  République  peut  et 
doit,  lorsqu'il  y  a  des  indices  graves,  ordonner  l'arrestation  ou  décerner  le 
mandat  d'amener  (voyez  le  sénatus-consulte  du  4  juin  1858). 

568.  Ici  se  termine  l'exposé  de  l'ensemble  de  ces  opérations  d'exception 
autorisées  par  le  Coda,  dans  le  cas  de  l'art.  32.  Mais  vous  savez  que  cette 
exception  n'est  pas  la  seule  apportée,  par  notre  texte,  au  principe  général  qui 
borne  le  procureur  de  la  République  à  rechercher,  à  poursuivre,  à  requérir.  De 

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DU  FLAGRAITT  DÉLIT  (xaT.   S7).  513 

môme  qa*il  est  compétent  pour  faire  des  actes  d'instruction  dans  le  cas  de 
Tart.  32,  de  môme  il  Test  aassi  pour  faire  des  actes  de  môme  nature  dans  le 
cas  de  l'art.  46.  Or,  il  n'y  a  pas  identité  entre  Tart.  46  et  Fart.  32,  les  condi- 
tions deTexercicedeces  actes  sont  différentes  dans  l'un  et  l'autre  cas. 

Ainsi,  dans  le  cas  de  l'art.  46,  le  procureur  de  la  République  est  encore,  par 
exception,  investi  des  fonctions  que  nous  venons  de  détailler;  mais  il  faut 
i^  qu'il  s'agisse  d^ifil' fait' commis  dans  Hutérieur  d'une  maison  ;  2**  que  le  pro- 
cureur de  là  République  soit  requis,  par  le  chef  dé  la  maison,  de  venir  cons- 
tater l'existence  du  fait  punissable.  Voilà'  don(5,  dans  lé  icas  de  l'art.  46,  deux 
conditions  que  l'art.  32  n'exige  pas;  fait  punissable  commis  dans  llntérieur 
4'une  habitation,  et  réquisition  du  chef  de  famille,  à  l'effet  de  venir  constater 
cet  acte  punissable . 

Mais  à  l'inverse,  dans  l'art.  46,  les  conditions  exigées  par  l'art.  32  dispa- 
raissent. Ainsi,  on  n'exige  pas  la  circonstance  de  flagrant  délit  exigée  par 
l'art.  32.  De  môme  on  n'exige  pas  que  le  fkit  constitue  un  véritable  crime,  et 
la  réquisition  positive  suffit,  quand  môme  il  ne  s'agirait  que  d'un  simple 
délit,  que  d*un  fait  correctionnel.  En  un  mot,  sans  les  deux  conditions  indi- 
<piées,  le  procureur  de  la  RépûWique  pourra;  '  mômé  ^kors  le  cas  de  flagrant 
délit,  môme  quand  il  tie  s'agîfait  que  d'une  peine  correctionnelle,  venir  pro- 
céder, à  l'intéHeùr  de  la  maison  et  sur  la  réqdisîtitni' du  chef  de  famille,  à  la 
•constatation  dû  fait  qtti  lui  est  ainsi  déféré.  Il  ne  parait  pas  môme  qu'on 
«xf  ge,  dans  ce  cas,  l'avis  immédiat  de  son  transport  au  juge  d'instruction,  avis 
exigé  dans  le  texte  de  Fart.  32. 

'569.  Mais  à  part  les  deux  exceptions  des  art.  ^  et  46,  Id  règle  générale 
s'Hpplique  pleinement;  et  11  s'ensuit  que,  lorsque  dans  les  cas  de  ces  deux 
articles  le  procureur  delà  République  aura  procédé  aux  actes  qu'il  lui  est 
permisse  faire,  une  fois  que  le  pfeinier  moment  '  d'urgence  sera  passé,  une 
fois  que  cette  constatation  immédiate  aura'  été  par  lui  faite,  il  doit  s'arrêter,  il 
doit  aussitôt  transmettre  au  juge  d'instruction  les  actes  par  lui  dressés,  avec 
les  réquisitions  nécessaires  pour  donner  suite  à  la  procédure. 

De  môme,  si  le  juge  d'instruction  averti;  d'après  Fart.  32,  du  transport  du 
procureur  de  la  République,  ou  averti  par  une  dénonciation  ou  par  la  rumeur 
publique,  survient  pendant  le  cours  des  opérations  du  procureur  de  la  Repu* 
biique,  les  fonctions  de  celui-ci  cessent  à  l'instant;  ses  attributions  exception- 
nelies,  qu^il  tenait  dé  la  nécessité,  s'arrêtent;  le  juge  d'instruction  survenant, 
tous  les  pouvoirs  ''d^hstruction  sont  concentrés  dans  ses  mains,  c'est  à  lui 
d'agir)  d'opérer,  d'ester;  le  procureur  de  la  République  rentre  dans  son  rôle 
h^ituel,  qui  est  cëltti  dé  rôquérii'  et  de  conclure.  C'est  désormais  à  ce  rôle  que 
410U8  Te  verrons  borné,  stirtôtit  quand  nous  étudierons  la  marche  habituelle  et 
régulière  du  juge  dinstructfon.  Nous  y  passerons  bientôt,  après  avoir  examiné 
ce  qui  nous  reste  de  Ces  matières  d'exception,  savoir:  les  attributions  confé- 
xèes  aux  officiera  auxiliaires  ;  tel  est  l'objet  du  chapitre  v. 


1. 

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Gêhgk 


514    VINGT-HUITIÈME   LEÇON.  —  DB  LA  FOLIGB  lUDIGIAIRB  (n*  57l). 

CHAPITRE  V 

DES  OFFICIERS  DE  POLICE  AUXILIAIRES  DU  PROCUREUR  DE  LÀ  RÉPURLIQUE. 

570.  Je  VOUS  ai  dit  qu'en  traitant  avec  quelques  détails  de  ces  opération» 
exceptionnelles  autorisées  par  les  art.  32  et  46,  j'y  attachais  de  l'importanoe^ 
non  pas  en  ce  sens  que,  dans  la  pratique,  ces  pouvoirs  d'exception  conférés  au 
procureur  de  la  République  dussent  ou  pussent  souvent  être  exercés  par  lui 
personnellement.  En  effet,  où  se  trouve  un  procureur  de  la  République,  là  se 
trouve  aussi  un  juge  d'instruction  procédant  dans  les  cas  de  flagrant  délit;  il 
sera  asaei  rare  que  le  juge  d'instruction  n'ait  pas,  pour  se  transporter  sur  les 
lieux,  la  même  facilité  que  le  procureur  de  la  République.  Dans  tous  les  cas^ 
en  un  mot,  où  il  s'agira  d'un  crime  flagrant,  commis  dans  le  chef-lieu  d'un 
tribunal  d'arrondissement,  les  articles  précédents  recevront  difficilement  appli- 
cation. Le  juge  d'instruction  est  présent  comme  le  procureur  de  la  République;, 
c'est  plutôt  lui,  à  qui  ces  fonctions  appartiennent  régulièrement,  c'est  plutôt 
lui  que  le  procureur  de  la  République  qui  devra  se  transporter  et  opérer.  Mais* 
vous  savez  tous  que  le  ressort  d*un  tribunal  d'arrondissement  est  trop  étendu 
pour  que  les  flagrants  délits  commis  dans  toute  l'étendue  de  ce  ressort  puis* 
sent  être  immédiatement  constatés  et  les  indices  recueillis  sans  retard,  soit  par 
le  juge  d'instruction,  soit  par  le  procureur  de  la  République,  siégeant  l'un  et 
l'autre  au  chef-lieu.  Aussi  les  attributions  précédentes  auront  de  Timportanœ, 
non  pas  dans  la  main  du  procureur  de  la  République  qui  se  trouve  presque 
toujours  éloigné,  mais  dans  la  main  des  officiers  que  les  art.  48  et  suivants  loi 
donnent  expressément  pour  auxiliaires.  C'est  par  ces  auxiliaires  que  sont 
exercés  tous  les  jours  les  pouvoirs  que  nous  venons  de  détailler,  conformé* 
ment  aux  régies  des  deux  articles  d'exception  qui  précèdent. 

571.  R  est  clair  qu'après  les  détails  déjà  donnés  nous  n'avons  plus  à  répéter, 
pour  la  manière  d'agir  des  auxiliaires,  ce  que  nous  avons  dit  de  la  manière 
d'agir  du  procureur  de  la  République.  Les  pouvoirs  conférés  à  ce  dernier 
appartiennent  également  aux  autres  :  tout  ce  que  nous  avons  dit  et  présenté 
quant  à  l'un  s'applique  de  droit  aux  autres.  Ce  que  nous  aurons  donc  à  dire 
sur  le  chapitre  v  ne  concerne  ni  les  cas  dans  lesquels  les  auxiliaires  peuvent 
agir,  ce  sont  toujours  les  cas  des  art  42  et  46;  ni  les  actes  auxquels  ils  peu- 
vent procéder,  ce  sont  ceux  que  nous  avons  énumérés;  ni  les  formes  et  règle» 
qu'ils  doivent  suivre,  ce  sont  celles  que  nous  avons  exposées;  la  seule  chose 
qu'il  faut  connaître,  c'est  de  savoir  quels  sont  ces  auxiliaires.  L'art  48  les  énu- 
mère,  l'art.  50  y  joint  quelques  autres  additions  ;  ce  sont  les  juges  de  paix,  les 
officiers  de  gendarmerie,  les  commissaires  généraux  et  ordinaires  de  police  ; 
ce  sont  enfin  les  maires  et  adjoints  de  maire.  Disons  quelques  mots  sur 
chacun  d'eux. 

D'abord,  pour  les  juges  de  paix,  je  vous  ai  déjà  dit  que,  dans  le  Gode  d'in- 
struction de  n91  et  dans  le  Gode  du  3  brumaire  an  IV,  les  fonctions  d'officier 
de  police  judiciaire  reposaient  presque  exclusivement  sur  leur  tête.  On  ne 

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DBS  AUnUAIRBS  DU  PaOOURXUR  DS  LA  RÂPITBUQra  (aRT.  48).      515 

tarda  pas  à  8*apefoevoir  que  ces  attributioas  étaient  trop  étendues  pour  que 
ces  officiers  passent  être  chargés,  à  peu  près  eidasiTement,  des  pfemières 
poursuites  contre  les  crimes  et  les  délits*  La  loi  du  7  pluyiôse  an  IX,  venant 
rétablir  en  partie  l'ancienne  distinction  de  partie  publique  et  d'instructeur, 
déchargea  les  juges  de  paix  d'une  portion  des  attributions  de  la  police  judi- 
ciaire, en  les  confiant  à  des  officiers  du  ministère  public  qu'on  appela  plus 
tard  des  magistrats  de  sûreté.  Le  Gode  d'instruction  criminelle  a  encore  res- 
serré à  cet  égard  les  attributions  des  juges  de  paix;  ce  n'est  que  secondaire- 
ment, accidentellement,  comme  auxiliaires  du  procureur  de  la  République, 
qu'ils  sont  chargés  i^  de  recevoir  les  dénonciations  des  crimes  ou  délits 
commis  dans  l'étendue  de  leur  canton  ;  2«  de  procéder,  dans  les  cas  de  flagrant 
délit  et  de  réquisition  d'un  chef  de  maison,  aux  actes  de  procédure  détaillés 
au  chapitre  précédent. 

572.  En  second  lieu,  cette  compétence  exceptionnelle,  dans  les  deux  der- 
niers cas  que  nous  venons  de  signaler,  n-appartient  d'ailleurs  aux  juges  de 
paix  qu'en  concurrence  avec  d'autres  officiers  auxquels  l'exercice  en  sera 
d'ordinaire  plus  général,  plus  facile  et  plus  habituel.  Ainsi,  immédiatement 
après  ou  si  vous  voulez  avec  eux,  viennent  les  officiers  de  gendarmerie.  Déjà 
le  Gode  de  1791  et  aussi  le  Gode  de  brumaire  avaient  attribué  à  ces  officiers 
quelques  parties  des  fonctions  de  la  police  judiciaire.  Le  Gode  d'instruction 
les  met  absolument,  à  cet  égard,  sur  la  même  ligne  que  les  juges  de  paix  ; 
consultez  à  ce  sujet  la  loi  du  28  germinal  an  YI,  art.  194;  et  aussi,  pour  les 
détails  du  mode  d'exercice  de  ces  fonctions,  l'ordonnance  du  29  octobre  1820, 
art.  148  et  suivants,  ordonnance  fort  bien  rédigée,  et  dont  j'ai  cité  quelques 
articles  dans  la  dernière  leçon;  enfin  le  décret  du  1*'  mars  1854,  qui  a  repro- 
duit à  peu  près  tous  les  textes  de  l'ordonnance. 

Remarquez  au  reste  que  ces  attributions  que  nous  avons  détaillées,  que 
cette  mission  qui  substitue  en  certains  cas  les  officiers  de  gandarmerie  au 
procureur  de  la  République  dont  ils  sont  les  auxiliaires,  ne  s'étend  absolument 
qu'à  la  CONSTATATION  des  crimes  et  des  délits,  dans  les  cas  de  flagrant  délit  et 
de  réquisition  d'un  chef  de  maison  ;  que  de  plus  elle  se  borne  aux  officiers  de 
gendarmerie  et  ne  s'étend  ni  aux  simples  gardarmes  ni  même  aux  sous- 
officiers;  ce  sont  là  sans  doute  des  agents  de  la  force  publique,  ce  ne  sont  pas 
des  officiers  de  police  judiciaire. 

Une  exception  toute  récente  et  d'ailleurs  transitoire  a  pourtant  été  faite  à 
ce  principe  par  une  loi  du  23  février  1834.  Gette  loi,  aujourd'hui  abrogée, 
avait  attribué  ces  fonctions  aux  sons-officiers  de  gendarmerie  dans  quatre 
départements  de  l'Ouest,  à  raison  de  l'état  actuel  de  ces  départements.  Le  but, 
la  portée,  le  sens  de  cette  loi,  avaient  été  de  conférer  aux  sous-officiers  de 
gendarmerie  précisément  les  mêmes  pouvoirs  de  constatation  qui,  aux  termes 
des  art.  32  et  46,  sont  attribués  au  procureur  de  la  République  et  aux  officiers 
de  gendarmerie,  ses  auxiliaires. 

578.  Troisièmement^  les  commissaires  généraux  de  police  reçoivent  égale- 
mentj  des  art.  48  et  49,  la  qualité  d'auxiliaires  du  procureur  de  la  République. 
Les  commissaires  généraux  de  police,  bien  distincts  des  coomiissaires  ordi- 

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516   VIN6T-HUIT1ÈMB  LBÇON.  —  DE  l'iNBTRUGTIOR  ÉCRITS  (n*  576). 

iMbires/qai  sont  établis  par  quartiers,  ont  été  institaés  par  la  loi  du  tè  pin** 
viése  an  VIII,  art.  14.  Leurs  attributions  générales  ont  été  déterminées,  d'abord 
par  le  décret  du  5  bnimaire  an  IX,  pnis  par  un  antre  décret  da  23  fructidor 
an  XIU.  des  deux  décrets  sont  surtout  relatif^  à  la  police  préventive  et  admi* 
nistrative  ;  et  quant  à  la  police  judiciaire,  la  seule  qui  doive  nous  occuper, 
leurs  attributions  sont  déterminées  par  nos  art  48  et  49. 

ft74.  Quatrièmement  enfin,  la  loi  complète  te  système  en  attribuant  cette 
même  concurrence,  ces  mêmes  fonctions  1*  aux  commissaires  ordinaires  de 
police,  dans  les  communes  où  ils  sont  établis,  c'est-à^ire  dans  les  communes 
de  plus  de  5,000  babitants;  et  2^  dans  les  Jiatres  Communes,  aux  maires  et 
adjoints  de  maire.  Ces  derniers  forment  en  quelque  sorte  le  dernier  point,  les 
dernières  mailles  du  tissu  le  plus  impénétrable  du  réseau  de  la  police  judi- 
ciaire qui  se  trouve  établi  sur  toute  la  surface  du  territoire.  La  loi  veut  que 
dans  chaque  cimunune  puisse  se  trouver -constatée,  sans  délai,  immédiate- 
ment, Texistence  du  flagrant  délit  qui  ne  pourrait  souvent  être  connue  et 
constatée  trop  tard,  si  Ton  se  bornait  à  donner  pouvoir  au  juge  de  paix  étd)li 
a«  chef-lieu  de  canton  et  distant  souvent  de  plusieurs  lieues.  Ainsi  les  maires 
el  adjoints  de  maire  auront  qualité,  comme  auxiliaires  du  procureur  de  la 
Ittpublique,  pour  procéder  aux  mêmes  actes  que  nous  avons  détaillés. 

575.  J'ajouterai  que  par  cela  même  que  tous  les  officiers  dont  nous  venons 
d'indiquer  les  attributions  exceptionnelles  sont  qualifiés,  par  l'art.  48,  offUiers 
de  police  judiciaire,  il  s'ensuit  qu^ils  sont  placés,  en  cette  qualité,  sous  la  sur» 
vaillance  du  procureur  général,  aux  termes  de  Tari.  279.  Cest  ce  qui  se  trouve 
r^été  expressément,  pour  les  officiers  mômes  de  gendarmerie,  fonctionnaires 
partie  militaires,  partie  administratifs,  partie  judiciaires,  par  la  loi  du  28  ger- 
minal an  VI.  L*art.  195  de  cette  loi  lès  place  expressément,  comme  officiers 
dft  police  judiciaire,  sous  la  surveillance  et  l'autorité  du  magistrat,  de  l'officier 
judiciaire,  du  procureur  de  la  République  de  l'arrondissement 

ai76.  Quant  aux  actes  dressés  par  les  officiers  que  nous  venons  d'indiquer 
dans  les  cas  qui  vous  soiit  connus,  il  es^  clair  que  ces  actes,  quoique  devant 
en  défiiMtive  arriver  au  juge  d'instruction  pour  laire  partie  de  la  procédure 
qu'il  doit  compléter,  il  est  clair,  dis-je,  que  ces  aqtes  ne  passent  pas  directe- 
ment des  mains  des  auxiliaires  qui  les  rédigent  aux  mains  du  juge  dUnstrac- 
tion;  c'est  au  procureur  de  la  République  que  ces  oCficiers  auxiliaires  doivent 
transmettre  tous  les  actes  par  eux  dressés  dans  le  cas  de  nos  deux  articles. 
En  effet,  comme  le  juge  d'instruction  n*a  pas  qualité  pour  -agir  direetemmt, 
ainsi  que  nous  allons  le  développer  dans  un  instant,  ces  actes  ne  doivent  lui 
parvenir  qu'avec. les  conclusions,  les  réquisitions  du  procareur  de  la  Répu- 
blique; ils  doivent  donc,  au  préalable,  passer  dans  les  mains,  de  ^celui*d. 
Ainsi,  toutes  les  dénonciations  reçues  par  ces  officiers,  aux  tesmes.de  l'ar- 
ticle 48,  tous  les  actes  dlnstruction  rédigés  par  eux,  aux  termes  de  l'art  49, 
devront  être  adressé»  par  eux  au  proçureurde  la  EépuhHqva  de  Vanx)ndîsse- 
mant,  lequel,  les  ayant  exai^inés^  les  transmettra  à  son  tour,,  accompagnés 
de  ses  conclusions,  au  juge  d'instruction  desoi(  ttibunaL 


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;»u  J9ffiB  d'insthuction  (abt»  55)»  517 

.    Ainai  devra-Mn  mardiqr,  dans  tous  les  cas  où  le  fait  a«ra  coneerTé  son 

.caractère  crimioiel,  éàUB  tous  les  cas  où  le  fait»  à  raiaoa  duquel  des  actes 
d'instruction  ont  été  dressés,  parait  de  nature  à  eutrainer  peine  afflictive  ou 
jn&niante;  il  faut  que  les  pièces  recueillies  passent  au  juge  d'instruction 

•accompagnées  des  réquisitions  de  la  partie  publique^  du  procureur  de  la  Ré- 
publique. 
Que  si,  au  contraire;  le  fait  avait  dépouillé  ce  caractère,  s'il  ne  présentait 

iplus  queies  signes»  que  les  indices  d'un  simple  délit,  d'un  fait  purement  cor- 
rectionnel, alors  quâ  le. procureur  de  la  République  aurait  le  choix,  ou  de 
suivre  la  marche  précédente,  de  transmettre  les  pièces  au  magistrat  instruc- 
teur, pour  être  procédé  à  une  instruction  plus  complète,  ou  bien,  si  les  preuves 
lui  paraissent  suffisantes,  si  les  indices  lui  paraissent  complets»  il  pourrait 
immédiatement»  et  sans  instruction  préalable,  traduire  directement  le  prévenu 
devant  le  tribunal  correctionnel,  aux  termes  de  Fart.  182.  Vous  verrez  -en 
effet  que,  pour  les  simples  délits,  il  dépend  du  procpreur  de  la  République 
ou  de  requérir  une  instruction  préparatoire,  lorsque  l'affaire  présente  im^er- 
titude,  complication,  gravité  ;  ou,  au  contraire,  de  la  porter  directement  à 
l'audience,  aux  termes  de  Tart.  182,  lorsqu'elle  ne  présente  aucune  gravité. 

>.Ce  demier.casr  cette  .dernière  marche  est  la  plus  fréquente. 

Nous  passons  fuix  qualités  et  aux  fonctions  du  }nge  d'inairuction  ;  telle  est 
la  matière  du  chapitre  vi. 


CHAPITRE  VI 

D«S  JUGSS  D*IIfSTRUGTION« 
SECTION  PREMIÈRE 

OROAITISàTIOR    bu    JUOB   D^inSTROOTION 

,    577.  La  première  section  de  ce  chapitre  n'est  relative  qu*à  Torganiçation 
matérielle  des  juges  d^instruction^  elle  ne  traite  en  aucune  façon  de  leurs  at- 
tributions et  de  leur  compétence. 
Remarquez  que  les  juges  d'instruction  ont  à  peu  près  remplacé  dans  la  pro- 

.  cédure  actuelle  les  magistrats  connus  précédemment,  et  notamment  sous  le 
Gode  de  Tan  IV,  sous  le  nom  de  directeurs  des  Jurys  d'accusation.  Les  direc- 
teurs des  jurys  d'accusation  ont  été  supprimés  par  suite  de  la  nouvelle  orga- 
nisation judiciaire,  par  Tart.  42  de  la  loi  du  20  avril  1810,  et  cet  article,  en 
prononçant  la  suppression  de  ces  officiers,  annonce  que  leurs  fonctions  seront 
exercées  par  les  juges  d'instruction.  Cependant  il  ne  faut  pas  prendre  la  der- 
nière partie  de  cet  article  trop  à  la  lettre  ;  il  y  a  sans  doute  analogie,  mais  non 
pas  identité  entre  les,  attributions  des  anciens  directeurs  des  jurys  d'accusation, 
et  les  attributions  actuelles  de  nos  juges  d'instruction.  Nous  aurons  plus  tard 
occasion  de  signaler,  en  avançant  dans  rétude  de  ce  Code,  les  différences  qui 

^résultent  à  cet  égard  de  la  notable  variation  des  deux  systèmes  de  procédure 
criminelle;  la  suppression  des  jurys  d'accusation,  qui  a  déterminé  celle  de  leurs 
directeurs,  entraine  par  là  même  une  assez  grande  diversité  d'attributions  entre 

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518     VINGT-HUITliMB  LBÇON.  ---  DB  L'INSTRUCTION  ÉCRITB  (n"^  578). 

deux  eorteB  d'ofBders  que  Part.  42  de  la  loi  de  1810  met  pourtant  en  paral- 
lèle. Mai's^  à  part  ces  différences  d'attribntions,  qni  n'empêchent  pas  une  ana- 
logie sensible  entre  les  fonctions  de  ces  deux  classes  d'ofGciers,  il  y  a,  relati- 
vement à  l'organisation,  qui  senle  noas  occupe  en  ce  moment,  une  différence 
assez  grande  «ntre  les  directeurs  des  jurys  d'accusation  et  les  juges  d'instrue- 
tion,  que  la  loi  de  1810  présente  comme  héritiers,  comme  successeurs  de  leurs 
pouvoirs. 

En  effet,  les  directeurs  des  jurys  d'accusation  étaient  des  juges  du  tribunal 
civil,  se  succédant  à  tour  de  rôle,  par  ordre  d'ancienneté,  de  trois  en  trois 
mois.  Ce  système  présentait  dans  la  pratique  de  très-graves  inconvénients. 

D'abord  le»  fonctions  de  l'instruction  ne  peuvent  pas  être,  avec  avantage, 
confiées  indistinctement  à  tous  les  magistrats  d'un  tribunal  civil  ;  il  en  est 
que  leurs  connaissances,  leurs  habitudes,  leur  ftge  surtout,  rendent  absolument 
incapables  d'exercer  avec  succès  les  fonctions  pénibles  et  fort  actives  de  ma- 
gistrats instructeurs. 

En  second  lieu,  outre  cet  inconvénient  d'appeler,  à  tour  de  rôle  et  sans  dis- 
tinction de  capacité,  tous  les  juges  du  tribunal  civil,  c'était  une  autre  fsLute 
plus  grave  que  de  les  fiiire  se  succéder  de  trois  mois  en  trois  mois.  Cette  suc- 
cession rapide  de  magistrats  instructeurs  ne  permettait  pas  souvent  que  la 
procédure  commencée  par  l'un  se  terminât  dans  ses  mains  ;  elle  obligeait  son 
successeur  à  reprendre,  dès  l'origine,  la  connaissance  d'une  instruction  enta- 
mée, instruction  à  laquelle  il  se  trouvait  étranger  ;  de  là  de  grandes  lenteurs 
dans  l'administration  de  la  justice,  lenteurs  préjudiciables  à  la  société,  parce 
que  souvent  elles  compromettaient  les  preuves,  et  au  prévenu,  parce  que  sou- 
vent elles  laissaient  la  mise  en  prévention  se  prolonger  indéfiniment. 

Sur  ces  deux  points  ce  système  a  été  abandonné.  D'abord  les  juges  d'ins- 
truction sont  pris,  comme  les  anciens  directeurs  des  jurys  d'accusation,  dans 
les  membres  du  tribunal  civil,  dont  ils  continuent  d'ailleurs  de  faire  partie. 
Mais,  au  lieu  de  venir  indistinctement  et  à  tour  de  rôle.  Us  sont  directe- 
ment choisis  et  nommés  par  le  pouvoir  exécutif.  Ensuite,  au  lieu  de  siéger 
de  trois  en  trois  moins,  la  loi  veut  que  la  durée  de  leurs  fonctions  soit  de 
trois  années,  elle  permet  même  de  les  continuer.  Telle  est  la  disposition  de 
Fart.  55. 

678.  Le  juge  d'instruction  nommé,  comme  je  l'ai  dît,  parmi  les  membres 
du  tribunal  civil,  continue  après  cette  nomination  de  faire  partie  de  ce  tri- 
bunal. Dans  tout  tribunal  civil  il  y  a  au  moins  un  juge  d'instrucdon,  qui 
garde  son  rang  de  réception,  d'ancienneté,  parmi  les  membres  du  tribunal,  et 
qui  peut  siéger  avec  eux  dans  le  jugement  des  matières  civiles,  quand  il  n'est 
pas  occupé  comme  juge  d'instruction.  Vous  trouverez  ces  détails  dans  le  texte 
du  même  Gode. 

Le  principe  général  est  donc  qu'au  moins  un  juge  d'instruction  est  choisi 
dans  chaque  taibunal. 

Toutefois,  un  décret  du  {•*  mars  1852  a  disposé  t  qu'à  l'avenir  les  fonctions 
de  juge  d'instruction  pourraient  être  conférées  aux  juges  suppléants  des  tri- 
bunaux de  première  instance.  »  Mais  il  faut  ajouter  que  la  loi  du  17  juillet 
1856  a  rectifié  l'art.  56,  en  ces  termes:  t  les  juges  d'instruction  seront 

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DU  JtfOB  d'imSTHUCTION  (aRT.  59).  519 

pris  pftmi  les  juges  titalidres  :  ils  pourront  aussi  être  pris  parmi  les  juges 
«appléants^^  oe  qui  semble  indiquer  que  la  suppléance,  en  matière  d'instruc- 
tion, est  une  mesure  tout  à  fait  exceptionnelle*  Le  même  article  porte  encore, 
dans  son  f  paracpn^he  que,  •  dans  les  tribunaux  où  le  service  Texigera,  un 
juge  suppléant  pourra,  par  décret  impérial,  ôtre  temporairement  chargé 
de  l'instruction  concurremment  avec  le  juge  d'instruction  titulaire.  >  Ce  n'est, 
là  encore,  qu'une  mesure  d'exception  nécessitée  par  les  circonstances  et  qui 
ne  doit  avoir,  suivant  les  termes  de  la  loi,  qu'une  existence  temporaire. 

Un  2*  paragraphe,  ajouté  à  l'art.  55,  porte  que  c  il  pourra  être  établi  plu- 
sieurs juges  d'instruction  dans  les  arrondissements  oii  les  besoins  du  service 
l'exigeront.  »  L'art.  2  du  décret  du  18  août  1810,  portait  :  t  U  y  aura  un  juge 
'd'instruction  près  chaque  tribunal  de  première  instance  composé  d'une  ou  de 
deux  chambres.  U  y  en  aura  deux  près  les  tribunaux  divisés  en  trois  chambres. 
H  y  en  aura  six  à  Paris.  »  Le  nombre  des  juges  d'instruction  de  Paris  a  été  suc- 
cessivement élevé  à  douze  par  la  bi  du  31  juillet  1821,  à  seize  par  l'adjonction 
de  quatre  suppléants  prescrite  par  les  ordonnances  des  19  mai  1825  et  13  juil- 
let 1837,  à  vingt  par  la.ioi  du  23  avril  1841. 

579.  Leurs  fonctions  consistent  principalement  dans  la  constatation,  dans 
la  réunion  des  preuves,  des  indices  des  crimes  ou  délits  commis  dans  l'éten- 
due de  leur  arrondissement.  Ils  sont  même  compétents  à  cet  égard,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit,  non-seulement  pour  les  crimes  ou  délite  commis  dans 
ie  ressort  de  leur  tribunal,  mais  môme  pour  les  crimes  ou  délite  commis 
hors  de  ce  ressort  par  un  individu  qui  s'y  trouve  domicilié  ou  qui  a  pu  y  être, 
arrêté. 

Les  art  415  et  616  sont  également  bons  à  consulter  pour  les  attributions  de 
ces  juges. 

Vous  verrez  dans  l'art.  415  qu'en  cas  d'annulation  d'une  instruction  pour 
vice  de  forme  fort  grave,  les  frais  de  la  procédure  à  recommencer  pourront 
^tre  mis  par  la  Cour  de  cassation,  qu  une  cour  d'appel,  à  la  charge  du  juge 
instructeur  qui  a  commis  cette  nullité.  Mais  cette  disposition  n'a  jamais  été 
appliquée. 

Vous  verrez,  dans  l'art.  616,  que,  outre  les  attributions  spéciales  relatives 
à  l'instruction,  les  magistrate  qui  nous  occupent  sont  encore  investis  d'une 
mission  relative  à  la  visite  des  prisons  et  axL%  moyens  d'assurer,  en  certains 
£9A,  la  liberté  individuelle  contre  les  détentions  arbitraires. 

SECTION  U 

FONCnOMS  DU  JUGE  d'iMSTEUGTION. 

580.  La  section  II  à  laquelle  nous  passons  présente  plus  d'intérêt.  U  s'agit, 
non  de  l'institution,  de  l'organisation  matérielle  de  cette  magistrature,  mais 
au  contraire,  de  ses  attributions. 

Le  principe  général  vous  est  déjà  connu,  c'est  cependant  ici  l'occasion  de 
le  poser  plus  nettement;  il  se  rattache  encore,  comme  tout  ce  que  nous  avons 
dit  du  procureur  de  la  République,  à  la  distinction  capitale  entre  les  fonctions 
de  partie  et  celles  de  juge;  or,  en  matière  criminelle  aussi  bien  qu'en  matière 


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520    VINGT-HUITIÈHB  LBÇON*  —  KB  h'ttWShVmW  ÉCRITE  (n*  581). 

dTile,  il  est  de  règle  que  lès  jnges  dHm  tribunai  ne  peavenl  pas  se  saîsîr  aux- 
mêmes,  ne  peuvent  pas  prendre  directement  et  d'office  la  connaissance  d'une 
affaire  qui  ne  leur  est  pas  soumise.  Gela  est  irrai,  en  matière  criminelfecoimne 
en  matière  ciTile,  des  décisions  définitives,  des  jugements  propremaot  dits^ 
mais  cela  est  vrai  de  plus  des  décisions  provisoires^  temporaires,  préparatoires, 
que  renferment  la  plupart  des  actes  d'instruction  d'une  prooédure  criminelle. 
Ainsi,  de  même  qu'an  tribunal  correctionnel  ou  une  cour  d'assises  ne  peuvent 
pas  statuer  d'office,  par  un  arrêté  ou  un  jugement,  sur  le  sort  d'une  personne 
qui  n'est  pas  poursuivie,  de  même  un  jUge  d'instruction  ne  peut  pas,  d'office,, 
de  son  propre  mouvement,  procéder  à  une  instructiotn  :  les  actes  d'instruc- 
tion, les  viskes  domiciliaires,  les  mandats  d'arrestation,  sont  des  sortes  de 
décisions,  de  jugements  préparatoires  qui  ne  peuvent  pas  être  xeadus. d'office* 
Voili  le  prindpe. 

681.  Cependant,  s'il  est  vrai  de  dire  qu'en  général,- pour  une  instmction 
comme  pour  un  jugement,  il  faut  l'intervention  de  la  partie  publique,  de  la 
partie  poursuivante,  en  un  mot  du  procureur  de  la  R^Hibliqne,  ce  principe 
souffre,  quant  à  l'instruction,  certaines  exceptions  dont  il  faut  nous  occuper. 

D'abord,  nous  trouverons  plus  tard,  dans  l'art.  235,  une  exception  de  1& 
plus  haute  importance,  à  ce  principe  général  :  vous  verrez  l'art.  2^5  conférer 
aux  cours  le  droit  exceptionnel,  mais  très-important,  d'ordonner  d'office  des 
poursuites  à  raison  d'un  crime  contre  lequel  lé  ministère  public  n'aura  pas 
lui-même  dirigé  des  poursuites.  Noua  verrons  dans  quelles  formes  et  d'après 
quelles  règles  doit  être  exercé  par  les  cours  le  droit  important  que  letir  con- 
fère cet  article. 

Mais  à  part  cette  exception  au  principe  que  nous  avons  posé,  exception  dont 
l'examen  est  encore  loin  de  nous,  nous  trouvons  ici,  dans  la  distinction  pre- 
mière de  notre  seconde  section,  dans  les  art.  59  et  60,  une  exception  tout  à 
fait  spéciale  à  la  matière  qui  nous  occupe.  Le  principe  est  celui-ci  :  aucune 
instruction  ne  peut  être  faite,  ne  peut  être  entamée  par  le  juge  d'instruction 
que  sur  la  réquisition,  sur  les  conclusions  du  ministère  public;  ce  principe 
est  écrit  dans  l'art.  61.  L'exception  est  celle-ci  :  dans  le  cas  de  flagrant  délit, 
précisément  à  raison  de  l'urgence,  le  juge  d'instruction  peut  procéder  seul,^ 
d'office,  sans  attendre,  sans  avertir  même  le  procureur  de  la  République,  à 
tous  les  actes  d'instruction  que  l'urgence  lui  parait  commander.  Vous  voyez  que 
le  cas  de  flagrant  délit,  que  la  nécessité  d'opérer  de  suite,  de  ne  pas  laisser  se 
dissiper  les  preuves,  apporte  au  principe  que  nous  venons  de  poser  une  excep- 
tion qui  se  motive  comme  celle  qui  est  relative  au  procureur  de  la  République. 
Ainsi,  le  procureur  de  la  République,  en  principe,  n'est  que  partie  et  ne  peut 
que  requérir  ;  cependant,  en  cas  de  flagrant  délit,  l'art.  32  lui  a  permis  d'ins- 
truire. De  mémoy  réciproquement,  dans  les  matières  et  dans  les  cas  ordinaires, 
le  juge  d'instruction  ne  peut  procéder,  ne  peut  agir  que  sur  la  réquisition,  sur 
les  conclusions  du  ministère  public,  son  principe  d'action,  son  point  de  départ,, 
c'est  toujours  la  poursuite  intentée  par  celui-ci.  Mais  dans  le  cas  de  flagrant 
déli  t  cette  règle  cesse  encore  de  s'appliquer,  et  le  juge  d'instruction  petit,  d'après 
l'art.  59,  procéder  seul  et  directement  à  tous  les  actes  énumétés  dans  les 
art.  32  à  46. 


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DU  lUGB  d'instruction  (iAT.  59).  §21 

Il  08t  dàir,  diaprés  ce  rapprochement,  que  boub  n'aTons  piUEi  encore  à  rentier 
ici  dans  lee  détails  très-snffisants  qui  ont  été  présentés  sur  cette  série  d'articles^ 
Remarquons  oepoddant  quelques  différences  asses  notables  entre  la  position  du 
jnge  d- instruction  opérant  d'office,  en  cas  de  flagrant  délit,  et  laiposition  du 
procureur  de  la  République  et  de  ses  auxiliaires  appelés  à  instmiifeàipeupiès 
dans  les  mêmes  cas.  '    ,       . 

D'abord,  dans  Tart.  32,  comme  dans  l'art.  59,  il  faut  qu'il  y  ait  flagrant  déUt, 
l'urgence  est  une  condition  commune  aux  deux  cas.  Mais,  dans  rart^  32»  la  loi 
yevLi  qu'il  s'agisse  d'un  fait  emportant  de  sa  natuce  peine  afIUctive  ou  tnfa- 
mantO)  qu'il  s'agisse  d'un  fait  criminel,  que  la  granité  do  l'acte  sanoiionne  l'ur- 
gence. Dans  l'art.  59  rien  de  |>areil  ;  dans  tous  les  cas  de  flagraitt  délit,  quand 
même  il  ne  s'agirait  que  d'un  fait  correctionnel,  le'  juge  d'instruction  est  auto- 
risé' à  deiFancer  Taction  du  procureur  de  la  RépnbUqoe,  i^agir  diractement  et 
par  lui  seul* 

Secondement,  dans  Tart.  32,  comme  dans  l'art.  49^  eém'est  pas.udt  simple- 
pouvoir  que  la  loi  confère  au  procureur  de  lai  République  on  à  ses  auxiliaires, 
ses  termes  sontimpératifs,  elle-leor  oemmanda  de seiras^orter  ftnsittêtisur Je^ 
théâtre  du  crime,  poor  procédera  tous  lès  actes  détaillée  dans icetta'aériad'er- 
ticles  que  nous  avons  parcourus.  Au  contraire,  dans  Tart.  59,  ses  l^imesiMit 
facultatifs,  elle  ne  commande  pas,  elle  n'impose  pas  d'obligation,  elle  ne  permet 
an  juge  d'instruction  de  se  transporter  et  d'instruire,  sans  attendre  lès  conclu- 
sions, les  réquisitions  du  ministère  public.  Pourquoi  cela?  Apparemment  parce 
que  le  juge  d'instruction  peut  raisonnablement  supposer  qu'à  raîsondu'flagrakit 
délit,  au  moins  lorsqu'il  s'agit  d'un  crime,  le  fait  pourra,  même  en  son  absence, 
être  constatéi- être  établi  par  les  procès- verbaux  du  procureur  de  la  RépaUique,, 
et  surtout  de  ses  auxiliaires,  plus  rapprochés  que  lui  du  théâtre  du  crime.  Et 
aussi,  en  second  lieu,  parce  que  probablement  il  eût  été  dangereuii  d'obliger  le 
juge  d'instruction,  occupé  de  travaux  de  la  plus  haute  iiâportance,  de  se  dis- 
traire, dans  tous  les  cas,  pour  se  transporter  à  la  nouvelle  d'un  flagrant  délit 
sur  le  lieu,  peut-être  éloigné,  du  crime  ou  du  délit  qui  lui  est  annoncé.  G& 
sera  donc  au  juge,  dlnstruction,  selon  les  circonstances,  selon  Timportance 
des  faits  et  la  proximité  des  lieux,  selon  aussi  .la  gravité  des  aSJEiires  dopt  il  est 
chargé  en  ce  moment,  de  voir  s*ilest  à  propos  d'user  de  l'art.  59,  de  devancer,, 
pour  agir,  les  conclusions  du  ministère  public. 

J'ajoute  enfin  que, dans  l'art.  32,  il  est  enjoint  au  proovrei^r  delà  République^ 
et  par  conséquente  ses  auxiliaires,  se  transportant,  sur  le  lieu  du- crime,  de 
donner  avis  de  ce  transport  au  juge  d'instruction,  afin  qu'il  prisse  s'y  rendre 
le  plus  tôt  possible,  et  faire  cesser,  en  reprenant  son  vériiftble^  r6|e,  ce  dérange- 
ment passager,  cette  interversion  transitoire  des  fonctions  judiciairea.  Au  con- 
traire, l'art.  59,  en  permettant  an  juge  d'instraction  de  se  transporter  d'office^ 
ne  lui  commande  pas  d'avertir  de  ce  transport  le  procureur  de^U. République,. 
ni  de  requérir  sa.psésenoe;  à  cet  égard  eneone  t^sut  est  facuitaitif  de  sa  part. 
Pourquoi  cela?  Parce  que  la  préacocedu  piooiueur  de  UARépnUîquap'est 
nécessaire  que  pour  conclure^  pour  poarsuivnç,  peur  requérir,  et^  précisément 
dans  Tespèce  de  l'art.  59,  on  passe  :à  pieds  joinia  à,raisoa  deJCuffgenoei  sur  la 
nécessité  de  ces  conclusions,  de  ces  réquisitions. 

JOu  reste^  si  le  juge  d'instruction,  ayant  usé  de  ce  potivcâr,.8'étftnt.tiienspoité 

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522     VIRaT-HUITIÈlOB  LEÇON.  —  DB  l'iMSTRUCTION  ÉCRITE  (n*  582). 

sur  le  lien  du  fait^  s'y  tronye  coBcarremmentayec  le  procareur  de  la  République 
on  y  est  rejoint  par  loi,  il  est  clair  que  chacun  rentrera  dans  ses  attributions 
régulières;  que  le  juge  d'instruction  ne  pourra  plus  dès  ce  moment  agir  que 
sur  ses  réquisitions  formelles  dont  ses  procès-verbaux  devront  contenir  men« 
tion  ;  que  de  même,  comme  déjà  nous  l'avons  dit,  le  procureur  de  la.Républi- 
que  devra  s'arrêter  aux  premiers  actes  qu'il  avait  faits  en  l'absence  du  juge 
d'instruction. 

Que  si  le  juge  d'instruction,  au  lieu  de  trouver  sur  les  lieux  le  procureur  de 
la  République  lui-même,  y  trouve  un  de  ses  auxiliaires  énumérés  dans  les  art.  48 
et  50,  le  pouvoir  exceptionnel  de  ses  auxiliaires  cesseniit,  expirerait  inmiédia- 
tement  en  sa  présence,  à  moins  que  le  juge  d'instruction,  ne  leur  donnât  délé- 
gation formelle  de  procéder  à  de  tels  actes,  pendant  que  lui-même  opérerait 
ailleurs.  Et  de  plus,  les  auxiliaires  n'étant  substitués  au  procureur  de  la  Répu- 
blique que  dans  le  droit  de  constater  les  crimes  flagrants,  et  non  pas  dans  le 
droit  de  requérir,  il  est  clair  que  le  concours  sur  le  même  lieu  d'un  officier  de 
gendarmerie,  par  exemple,  et.du  juge  d'instruction,  ferait  expirer  les  devoirs 
du  premier,  qui  n'a  aucune  qualité  de  requérir  des  actes  d'instructions  ;  sa 
qualité  d'auxiliaire  ne  fait  pas  de  lui  un  substitut  complet  de  procureur  de  la 
République. 

688.  Passons  à  la  distinction  n  de  la  même  section,  relative  aux  pouvoirs 
ordinaires  du  Juge  d'instruction.  A  cet  égard,  il  faut  que  je  vous  renvoie,  pour 
tous  les  détails  qui  précèdent,  à  Texamen,  à  la  comparaison  des  textes  ;  pour 
ce  qui  nous  occupe  maintenant,  il  faut  lire  l'art.  61  modifié  par  la  loi  du 
17  juillet  1856  : 

«  Art.  61.  Hors  les  cas  de  flagrant  délit,  le  juge  d'instruction  ne  fera  aucun  acte 
d'instruction  et  de  poursuite  qu'il  n'ait  donné  communication  de  la  procédure  au 
procureur  de  la  République  qui  pourra  en  outre  requérir  cette  communication  à 
toutes  les  époques  de  rinformation,  à  la  charge  de  rendre  les  piôdes  dans  les 
vingt-quatre  heures.  —  Néanmoins  le  juge  d'instruction  délivrera,  s'il  y  a  lieu,  le 
mandat  d'amener,  et  môme  le  mandat  de  dépôt,  sans  que  ces  mandats  doivent  être 
précédés  des  conclusions  du  procureur  de  la  République.  » 

Voilà  à  peu  près  le  seul  texte  qui  nous  soit,  quant  à  présent,  nécessaire. 

Nous  arrivons,  vous  ai-je  dit,  aux  fonctions  régulières,  ordinaires,  habi* 
tuelles  du  juge  d'instruction  ;  et  la  distinction  des  pouvoirs  qui  nous  a  servi  de 
point  de  départ  est  expressément  constatée  par  les  premiers  mots  de  l'art.  61  ; 
l'exception  même  que  contient  le  paragraphe  2  ne  fait  que  mieux  ressortir  la 
portée  de  l'article. 

Cependant  le  paragraphe  l*'  interprété  trop  littéralement  nous  conduirait  à 
l'absurde.  Hors  les  cas  de  flagrant  délit  (qu'il  faut  maintenant  laisser  de  côté),  le 
juged'instruetien  ne  fera  aucun  acte  d^insiruction  et  de  poursuite,  qu'il  n*ait  donné 
eonmunScaHon  de  la  procédure  au  procureur  de  la  Bépublique.  Faut-il  conclure 
de  là  qu'à  chaque  acte,  à  chaque  détail  que  pourra  demander  l'instruction,  à 
chaque  opération  à  laquelle  le  juge  sentira  le  besoin  de  se  livrer,  il  lui  faudra, 
au  préalable,  demander  cet  avis,  appeler  le  procureur  de  la  République  et  enten- 
dre ses  condusioaa  ?  Il  est  clair  qu'une  pareille  marche  serait  une  source  con- 

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DU  JUGB  d'instruction  (art.  61).  523 

tîBtieUe d'entraves,  d'embarras,  de  lenteurs;  qu'elle  rendrait  impossible  tonte 
prooédare  criminelle,  an  grand  détriment  soit  de  la  société,  soit  même,  en 
certains  cas,  dn  prévena.  Anssi,  n'est-ce  pas  en  ce  sens  qn'il  faut  entendre  et 
appbqner  le  texte  de  Tart.  61  ;  ce  n'est  pas,  disje,  dans  le  sens  de  réquisitions, 
de  conclusions  spéciales  posées  par  le  procureur  de  la  République  pour  chaque 
acte  d'instruction. 

Mais  supposez,  par  exemple,  le  procureur  de  la  République  averti  d'un  crime 
ou  d'un  délit  par  une  dénonciation,  dénonciation  conforme  aux  art.  29,  30  et 
31  ;  ou  bien  le  procureur  de  la  République  ayant  constaté,  dans  le  cas  de  l'art. 
32,  l'existence  d'un  crime  ou  d'un  délit  ;  ou  bien  le  procureur  de  la  Répu- 
blique ayant  reçu  de  ses  auxiliaires  les  actes  de  constatation  indiqués  dans  les 
art.  49  et  suivants  :  alors,  avons-nous  dit,  il  transmettra  ces  pièces,  ces  dénon- 
ciations, ces  plaintes,  ces  indices  au  juge  d'instruction  de  son  tribunal,  en 
requérant  de  lui,  d'une  manière  générale,  de  donner  suite  à  l'instruction,  de 
procéder  à  des  auditions  de  témoins,  à  l'interrogatoire  du  prévenu,  à  des  visites 
domiciliaires,  en  un  mot,  à  tous  les  actes  que  les  circonstances  paraîtront  exi- 
ger. Ces  réquisitions  générale  suffiront,  et  il  ne  faudra  pas  qu'après  chaque 
acte  de  procédure  le  juge  d'instruction  vienne  demander  au  procureur  de  la 
République  des  conclusions  spéciales  pour  une  procédure  nouvelle. 

De  même  enfin,  et  c'est  là  probablement  la  pensée  la  plus  directe  de  l'art.  64, 
admettez  que  d'a|vès  l'art.  59  le  juge  d'instruction,  dans  un  cas  de  flagrant 
délit,  se  soit  transporté  sur  les  lieux,  et  y  ait  dressé  les  actes,  les  procès- 
verbaux  que  l'urgence  réclamait,  une  fois  ces  premiers  actes  dressés,  le  juge 
d'instruction,  qui  a  eu  qualité  pour  opérer  d'office,  perd  cette  qualité  et  doit 
s'arrêter.  Pour  donner  suite  à  l'instruction,  pour  passer  outre  à  la  procédure 
qu'il  a  bien  pu  commencer  d'office,  il  faut  qu'au  préalable  il  communique  les 
pièces  au  procureur  de  la  République,  et  qu'il  entende  ses  réquisitions,  ses 
conclusions. 

Ainsi,  dans  tons  les  cas  où  des  actes  ont  été  dressés,  où  des  indices  ont  été 
recueillis,  exceptionnellement  et  à  raison  d'urgence,  des  conclusions  spéciales 
«du  ministère  public  seront  ensuite  nécessaires  pour  donner  au  juge  d*instruc- 
iion  mission  et  qualité  de  poursuivre. 

583.  Mais  le  paragraphe  2  introduit  à  cette  règle  générale,  à  cette  nécessité 
de  conclusions  préalables  une  exception  fort  notable  et  qu'il  est  difficile  d'ap- 
prouver dans  son  entier.  Il  autorise  le  juge  d'instruction,  même  hors  le  cas  do 
flagrant  délit,  ce  qui  est  bien  entendu  dans  l'article,  il  autorise  le  juge  d'ins- 
truction à  décerner,  dans  tous  les  cas  et  contre  tout  prévenu,  d'office,  sans 
«conclusions  préalables,  {•  un  mandat  d'amener;  2«  et,  s'il  y  a  lieu,  même  un 
mandat  de  dépôt.  Il  est  permis  de  douter  de  l'utilité,  de  la  légitimité  de  cette 
'  «zception  ;  il  est  difficile  d'en  concilier  l'esprit  et  la  nature  avec  la  règle  géné- 
rale de  l'art.  61.  En  effet,  d'après  le  paragraphe  1.*,  il  est  clair  que,  hors  les 
-cas  de  flagrant  délit,  le  juge  d'instruction- n'a  pas  qualité  pourprocéder  d'officeà 
un  acte  d'instruction,  si  grave,  si  utile,  si  importante  qu'il  puisse  lui  paraître, 
HBi  simi^e  et  si  peu  préjudiciable  qu'il  soit  d'ailleurs  aux  droits  des  parties. 
Ainsi,  le  juge  d'instruction  ne  pourra  pas,  hors  le  cas  de  flagrant  délit,  procéder, 
sans  conclusions  préalables,  à  une  audition  de  témoins,  à  une  visite  domici- 

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524     VINGT-HUITitalB  LBÇON.  ~  OB  L'iNSTBUCTION  ÉCRITE  («•  584), 

liaire,à  Tud  quelconque  des  actes  que  nous  âllonsvoir  entrer  dans  ses  attriku- 
lions  d'aprë»  les  sections  ou  les  distinctions  postérieiQures.  Kt,  quelque  impeff- 
tantes  que  puissent  être  ces  premières  opérations  de  rinstnietion,  ^eommeune 
audition  de  témoins,  une  visite,  quelque  peu  préjudiciables  qu'elles  soient, 
en  certains  cas,  aux  droits  des  tiers,  la  loi  défend  au  juge  dUnstruQtion-yda 
jamais  y  procéder  d'office.  Au  contraire,  quand  il  8*agit  d'un  acte  aussi  gnate, 
aussi  in)  portant  que  la  mise  en  arrestation  du  prévenu,  la  loi  enlève  à  ce  der- 
nier.la  double  garantie  qui  résulterait  pour  lui  du  concours  ordinairement  exigé 
du  procureur  de  la  République  avec  le  juge  d'instruction  ;  elle  autorise  ce  der- 
nier  À  décerner  dans  tous  les  cas,  d'ofdce  et  si  bon  lui  .semble,  con-seulemeiit 
un  mandat  d'amener,  mais  même  un  mandat  de  dépèt«    * 

Pour  le  mandat  d'amener  peut- être,  à  toute  rigueur,  rpourrait^ou  Justifier 
cette  anomalie,  peut-être  pourrait^on  dire  qu'il  importe^neorabien  plias  d'ar- 
rêter le  prévenu  qui  s'enfuit,  de  l'empêcher  de- se  dérober  pour  ravenir  à  l'ac- 
tion de  la  justice,  que  de  procéder  à. une  audition  de  témoins  qu'on  pourra 
d'ordinaire  entendieplus  tard^  à  une  visite  doaûoiiiaire.qui  donnera  plus  tard 
souvent  les  mêmes  résultats.  Soit,  poor  le  mandat  d'amener,  en  ca  que  ce 
mandat,  quoique  préjudiciable  au  prévenu,  n'autorise  cependant  pas  son  dépôt 
dans  une. maison  d'arrêt,  art.  6€i9.  Le  mandat  d'amener  met  le  prévenn  sous 
la  garde  de  la  force  publique,  mais  il  n'autorise  pas  à  le  mettre  dans  une  mai- 
son d'arrêt.  De  même  le  mandat  d'amener  ne  frappe  le  prévenu,  ne  le  prive 
de  sa  liberté  que  pour  un  espace  de  temps  assez  court,  savoir  pour  vingt-quatre 
heures,  aux  termes  de  l'art.  9;).  i 

Mais,  au  contraire,  le  mandat  de  dépêt  autorise  l'incarcération  du  prévenu; 
ia  durée  des  effets  du  mandat  de  dép6t.est  indéterminée  d'après  la  loi,  elle  est 
indéfinie  dans  la  pratique.  Nous  traiterons  plus  en  détail  de  œ  point  impor- 
tant au  chapitre  des  mandats.  Mais  il  résulte  de  là  qu'en,  autorisant  le  juge 
d'instruction  à  décerner  le  mandat  de  dépôt  sans  réquisitions  préalables,  on  lui 
confère  un  pouvoir  exorbitant  et  assez  peu  en  harmonie  avec  le  principe  géné- 
ral qui  veut  que  tout  acte,  toute  opération  du  juge  d'instruction  présente» 
comme  dauble  garantie,  la  mission  ^u'il  a  de  l'opérer  lui-<même  et  las  conclu- 
sions du  procureur  de  la  République.  Peut-êlire .aurait-il  suffi  de  lautoriser, 
par  exception,  à  déférer  d'office  le  mandat  d'amener,  qui,  plaçant  pour  vingt- 
quatre,  heures  le  prévenu  frappé  à  la  disposition  de  la  justice,  permet  dans  ce 
délai  d'obtenir  les  réquisitious  du  procureur  de  la  République;  quoi  qu'il  en 
soit^  le  texte  est  très-précis,  et  il  est  clair  que  le  mandat  de  dépôt  peut  être,, 
contrairement  au  principe  général,  décerné  sans,  conclusions  préalableSb 

584.  L'art.  62  n'a  besoin  d'aucune  explication  ;  il  vous  suffira  d'en  avôir.pris 
lecture. 

Dans  les  sections  qui  suivent,  et  dont  il  est  bon  de  prendre  un  aperçu  géné- 
ral, la  loL  détaille  diverses  opérations  auxquelles  le  juge  d'instruction  pourra 
se  livrer  «pour  constituer,  pour  réunir  les  éléments  de  la  procédure,  fies  opéra- 
tions consistent  : 

1«  A  rscevoir.  soit  les  dénonciations  dont  nous  avons  déjà  parlé,  soit  aussi 
les  plaintes;  nous  indiquerons  tout  à  l'heure  la  dififérence  de  ces  deux  espMs- 
sions; 

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DU  JOGB  d'instruction  (art.  63).  585 

f  Â  appeler  derant  Itiî  et  à  entendre  les  témoins  du  crime  on  dn  délit,  on 
tons  cenz  qui  à  cet  égard  peuvent  lui  donner  des  renseignements  même  comme 
témoins  non  oculaires  ; 

8^  Â  saisir  et  à  conserver  soit  les  écrits,  soit  les  pièces  de  conviction,  de 
gùdque  nature  qu'elles  soient,  qui  peuvent  servir  à  ét4d>lir  la  vérité  ; 

4®  A  décerner  les  quatre  espèces  de  mandats,  mandai  de  cùmparutioriy  mandat 
d^amener,  mandat  dé  dépôt,  mandai  d^ arrêt  :  la  comparaison  de  ces  quatre  man- 
dats exigera  quelques  détails  ; 

5^  Enfin,  la  procédure  terminée  et  les  différents  interrogatoires  qui  ont  paru 
nécessaires  opérés  par  le  juge  à  Tégard  dn  prévenu,  il  faut  communiquer  cette 
procédure  au  procureur  de  la  République  près  le  tribunal,  à  Teffet  d'obtenit 
ses  conclusions  sur  le  résultat. 

685.  Encore  quelques  mots  sur  la  première  partie  de  ces  pouvoirs,  c'est-à- 
dire  sur  les  plaintes. 

Les  art.  63  et  suivants  sont  relatifs  aux  plaintes  et  donnent  an  juge  d'ins- 
truction qualité  pour  les  recevoir.  Cette  matière  a  une  grande  analogie  avec 
celle  des  dénonciations,  encore  bien  qu*il  n'y  ait  pas  identité  entre  les  deux 
mots  de  plainte  et  de  dénonciation. 

La  dénonciation,'  c'est  Tavis  dMn  fait  criminel  donné  au  ministère  public, 
ou  bien  au  juge  d*instruction,  ou  aux  auxiliaires  du  procureur  de  là  Républi- 
que, soit  par  un  fonctionnaire  dans  le  cas  de  l'art.  29,  soit  par  un  particulier 
dans  le  cas  de  Tart.  30.  Mais,  ni  dans  Fart.  ^9  ni  dans  Part.  30,  on  né]  sup- 
pose que  l'auteur  de  cet  avis,  de  cette  dénonciation,  ait  été  personnellement 
attaqué,  personnellement  lésé  par  le  fait  dont  il  vient  déclarer  Texistence. 

Au  contraire,  la  plainte  est  bien  aussi  une  dénonciation,  un  avis  donné  par 
VLh  particulier  à  une  personne  publique  chargée  de  le  recevoir  ;  mais  elle  pré- 
sente cela  de  spécial,  qu'elle  est  l'avis,  la  dénonciation  d'un  crime  ou  d'un 
délit,  éoianée  de  la  personne  qui  a  souffert  de  ce  crime  on  dé  c»  délit. 

'Aqxiî  appartient  le  droit  de  recevoir  les  plaintes,  les  déclarations  de  la  partie 
lésée?  Il  appartient,  d'après  l'art.  63,  au  juge  d-instruction,  e^est^à-dire  à  l'un 
des  trois  juges  d'instrtictîon  dont  nous  avons  déjà  déterminé  la  compétence. 

Ajoutes  même  que  la  plainte  reçue  par  un  juge  d'instruction  qui  ne  serait 
aucun  des  trois  que  nous  avons  indiqués  ne  serait  pas  pour  cela  nulle  et  non 
avenue  :  tout  juge  d'instruction,  indépendamment  de  sa  compétence,  doit 
recevoir  les  plaintes  qui  sont  portées  devant  lui;  seulement,  s'il  n'est  pas  l'un 
des  trois  juges  d'instruction  déterminés  par  l'art.  63,  il  n'a  pas  qualité  pour 
instruire  en  vertu  de  cette  plainte  ;  il  doit  la  faire  passer,  par  l'intermédiaire 
du  procureur  de  la  République  dé  son  arrondissement,  soit  au  procureur  de  la 
République,  soit  au  juge  d'instruction  de  l'un  des  trois  tribunaux  compétents 
pour  instruire  sur  le  fait, c'est-à-dire  de  l'un  des  tribunaux  indiqués  par  l'art.  63. 

Ainsi,  tout  juge  d'instruction  a  qualité  pour  recevoir  une  plainte  et  pour  la 
faire  rédiger  sous  ses  yeux,  dans  les  formes  prescrites  par  Tart.  31.  8'il  est 
un  de  ceux  indiqués  par  l'art.  63^  la  plainte  communiquée  au  prdcureur  de  la 
République,  il  commencera  l'instruction.  Si,  au  contraire,  il  n'est  pas  un  dé  ces 
trois  juges,  il  la  transmettra  ou  la  fera  transmettre  au  juge  compétent,  art.  69. 

986.  Par  qui  la  plainte  peut^elle  être  faite? 

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526     VINGT-HUITIÈME  LBÇON.  —  DE  l'INSTRUCTION  ÉCRITE  (n*  586). 

Sans  entrer  dans  les  détails  qae  comporterait  cette  matière,  je  vous  renverrai 
à  la  loi  du  29  septembre  i791,  loi  d'instruction  dont  je  vons  ai  déjà  parlé 
comme  servant  de  commentaire  au  Gode  d'instruction  criminelle  que  TAssem- 
blée  constituante  avait  publié  la  même  année.  Ainsi,  vous  y  verrez  que  le  droit 
de  porter  plainte  appartient  soit  au  particulier  personnellement  lésé  par  le  fait 
du  crime  ou  du  délit,  soit  au  mari  à  l'égard  du  crime  ou  des  délits  dont  sa 
femme  a  été  l'objet,  soit  au  père  à  raison  des  crimes  ou  des  délits  dont  son  fils 
mineur  a  été  la  victime. 

Mais  la  définition  de  la  plainte  telle  qu'elle  figure  dans  cette  instruction  de 
l'Assemblée  constituante  mérite  quelque  attention,  en  ce  que,  transportée  par 
vous  dans  le  Gode  d'instruction  criminelle  actuel,  elle  vous  exposerait  à  des 
erreurs.  La  plainte,  disait  l'Assemblée  constituante,  c*esi  Faction  civUe  résul- 
tant du  dommage  causé  par  un  délit.  Gette  définition  était  vraie  sous  l'Assemblée 
constituante,  sous  le  Gode  de  1791  ;  elle  l'eût  été  également  sous  le  Gode  du 
3  brumaire  an  lY;  elle  sérail  inexacte,  elle  vous  conduirait  à  des  erreurs,  elle 
rendrait  impossible,  si  vous  l'admettiez  aujourd'hui,  l'application  des  articles  66 
et  67.  U  est  en  effet  bien  important  de  vous  souvenir,  pour  l'intelligence  de 
cette  matière,  d'une  différence  notable  entre  le  système  des  plaintes,  soit  dans 
les  Godes  de  1791  et  de  l'an  IV,  soit  dans  le  Gode  de  1810.  Dans  les  Godes  de 
1791  et  de  l'an  IV,  toute  partie  plaignante,  toute  partie  qui  venait  dénoncer 
l'existence  d'un  fait  par  lequel  elle  se  disait  lésée,  et  qui,  dans  les  vingt-quatre 
heures,  ne  s'était  pas  désistée,  était  par  là  même  réputée  se  porter  partie  ci- 
vile, était  par  là  même  réputée  prendre  volontairement  un  rêle  actif  dans  l'ina- 
tance  à  laquelle  sa  plainte  allait  donner  lieu.  Ainsi,  on  pouvait  dire  alors  : 
La  plainte  e$t  VacUon  civile  résultant  du  dommage  causé  par  un  délit. 

Un  système  tout  contraire  a  passé  dans  notre  Gode,  et  ce  système  est  plus 
raisonnable,  la  qualité  de  plaignant  est  tout  à  fait  séparée  de  la  qualité  de  par- 
tie civile.  L'art.  63  déclare  d'abord  que  toute  personne  lésée  pourra  porter 
plainte  et  se  constituer  partie  civile,  bien  entendu,  par  une  déclaration  dis- 
tincte, expresse^  spéciale.  L'art.  65,  voulant  à  cet  égard  prévenir  le  doute,  est 
encore  bien  plus  positif,  il  porte  :  «  Les  plaignants  ne  seront  .réputés  partie 
civile,  s'ils  ne  se  déclarent  formellement,  soit  parla  plainte,  soit  par  acte  sub- 
séquent. B 

En  quoi  ce  système,  qui  n'admet  pas  qu'on  se  porte  facilement  partie  civile., 
est-il  préférable  à  l'ancien?  Il  est  bien  aisé  de  le  sentir.  Quiconque  se  porta 
partie  civile  dans  une  instance  criminelle,  assume  par  là  môme  sur  lui  la  res- 
ponsabilité de  l'instance,  et  doit  prendre  à  sa  charge  tous  les  frais  de  la  pour- 
suite criminelle,  dans  le  cas  au  moins  où  le  prévenu  est  acquitté. 

U  y  a  plus,  c'est  que  dans  le  système  primitif  du  Gode  d'instruction  crimi- 
nelle, réformé  seulement  en  1832,  la  partie  civile  était  responsable  des  frais  en 
cas  d'insolvabilité  du  prévenu  condamné.  Vous  consulterez  à  cet  égard  Par. 
ticle  368  du  Gode  révisé  en  1832,  et  vous  verrez  que,  s'il  y  a  dérogation,  et 
dérogation  fort  raisonnable,  quant  au  second  point,  le  premier  est  maintenu; 
la  partie  civile  est  encore  responsable  des  frais,  dans  le  cas  oii  le  prévenu  est 
acquitté. 

Gela  posé,  vous  sentez  que  déclarer  que  quiconque  viendrait  porter  plainte 
serait  par  là  même,  bon  gré,  mal  gré,  partie  civile,  serait  par  là  même  lespOA- 

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DU  lUOB  D*m(ITRU€TION  (aRT.  63).  527 

sable  des  frais  en  cas  d'acquittraient  du  prérvenii,  c^étaît  enleTer  à  la  justioe  le 
moyen  de  connidtre  nombre  de  crimes  on  de  délits  ;  c'était  empêcher  des  indi* 
vidus,  lésés  par  nn  crime  on  un  délit,  de  faire  connaître  ce  crime  anx  magis- 
trats, persaaîdés  qne  leur  plainte,  si  elle  n'amenait  pas  nne  condamnation,  fe- 
rait tomber  snr  enx  tons  les  résultats  de  la  procédure  criminelle.  Ge  système 
est  donc  changé,  la  plainte  est  distincte  de  la  demande  en  dommages-intérêts  ; 
la  qualité  de  plaignant  n'est  plus,  comme  sous  le  Gode  de  Fan  IV,  synonyme 
de  la  qaalité  de  partie  civile.  A  ce  point  se  rattachent  les  différences  qne  nous 
expliquerons  sur  les  art.  66  et  67. 

YINGT-NEUVIÈME   LEÇON. 

587.  Nous  avons  déjà  pris  nne  idée  générale  des  attributions,  des  fonctions 
du  juge  d'instmaion  agissant  à  la  requête  du  ministère  public,  c'est-à-dire  hors 
des  cas  d'exception  déterminés,  autorisés  pour  Thypo thèse  de  flagrant  délit. 
Les  fonctions  du  juge  d'instruction,  considérées  sous  leur  point  de  vue  géné- 
ral, envisagées  dans  leur  ensemble,  embrassent  principalement, 'vous  ai-je  dit  : 
i^  le  droit  de  recevoir  les  plaintes;  2^  celui  d'appeler  et  d'entendre  les  té- 
moins; 3®  de  recueillir,  par  visites  domiciliaires  et  par  tous  genres  de  recher- 
ches, les  pièces  de  [conviction,  de  quelque  natnre  qu'elles  soient;  4®  de  décerner 
les  divers  mandats  d'arrestation;  5»  enfin  de  statuer,  soit  en  ce  qui  concerne  les 
demandes  en  liberté  provisoire,  soit  en  ce  qui  concerne  les  ordonnances  à  ren- 
dre en  vertu  des  poursuites  ou  actes  d'instruction  par  lui  pratiqués.  Déjà  j'ai 
cherché  à  vous  donner  une  idée  générale  de  la  première  de  ces  attributions,  c'est- 
à-dire  du  droit  de  recevoir  les  plaintes;  revenons-y  aujourd'hui  plus  en  détail. 
Nous  traiterons  également,  et  rapidement,  de  l'audition  des  témoins,  de  visi- 
tes domiciliaires  et  enfin  d'une  matière  plus  importante,  de  l'arrestation  et 
du  mandat  au  moyen  duquel  elle  s'opère. 

La  plainte  diffère  de  la  dénonciation  en  ce  que,  au  lieu  d'émaner^  comme 
la  dénonciation,  d'une  partie  étrangère  au  crime  ou  au  délit  qu'on  vient  dé- 
clarer an  magistrat,  elle  émane  d'une  partie  qui  prétend  avoir  été  lésée  par  ce 
crime  on  ce  délit,  soit  personnellement,  soit  d'une  manière  indirecte,  c'est-à- 
dire  par  les  personnes  dont  elle  reçoit  l'injure,  par  les  personnes  qui  ne  peuvent 
éprouver  un  préjudice  sans  qu'elle-même  en  souffre  aussitôt.  C'est  ainsi  que  la 
loi  d'instruction  de  1791,  à  laquelle  je  vous  ai  renvoyés,  autorisait  nn  individu 
à  porter  plainte  non-seulement  des  crimes  ou  délits  commis  ou  tentés  direc- 
tement contre  lui,  mais  aussi  contre  certaines  personnes,  le  mari  pour  les  cri- 
mes ou  délits  commis  contre  sa  femme,  le  père  pour  les  crimes  ou  délits  com- 
mis contre  ses  enfants  nuneurs. 

588.  La  plainte  peut  être  portée,  anx  termes  de  l'art.  63,  devant  le  juge  d'ins- 
truction,comme,  aux  termes  de  l'art.  63,  devant  le  procureur  de  la  République.  Et 
elle  peut  l'être  indifféremment,  soit  devant  les  officiers  de  police  judiciaire  du  lien 
du  crime  on  délit,  soit  devant  les  ofSciers  du  lien  dn  domieile  du  prévenv,  soit 
enfin  devant  ceux  de  la  résidence  actuelle  du  même  prévenu.  Bous  ce  rapport  la 
compétence  de  ces  officiers  de  police  judiciaire  d'un  ordre  supérieur,  la  compé- 
tence du  procureur  de  la  République  et  du  juge  dUnstruction,  pour  recevoir  les 
dénondations  et  les  plaintes,  est  plus  large,  pins  étendue  que  ne  Test  celle  des 

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528     YDfGT-NBUVIÈIIB  LIÇON.  -«  Dl  L'lN8Tftt7GTlON  iCllITB  (n*  590). 

olfiMers  de  pûlke  judiciaire,  appelés  simplemeat  anxiUaivee  da  pvoeiireiar  de 
la  Bjépabliqaé.  Ainsi,  voaàverrto  dans  Fart.  48  que  les  plaintes  oa.déuoncia- 
tionspeuvent  être  légalenient  portées  devant  les  auxiliaires  du  procureur  de  la 
République,  par  ezemi^,  devaot  les  juges  de  paix,  les  commissaires  de  police, 
les  officiers  de  gendarmerie  et  antres  pareils  ;  mais  qu'ils  n'ont  qualité  pour  re- 
cevoir les  plaintes  ou  dénonciations  qu'autant  qu'elles  portent  sur  des  crimes 
ou  délits  commis  dans  le  lieu  même  où  ils  exercent  leurs  fonctions  habituelles. 
Au  contraire,  à  l'égard  du  procureur  de  la  République  et  du  juge  d'instruction , 
non-seulement  ils  sont  investis  de  la  triple  compétence  dont  parlent  les  articles 
cités,  mais,  lors  même  qu'une  plainte  ou  une  dénonciation  serait  portée  devant 
un  juge  dlnstruction  ou  un  procureur  de  la  République  étrangers  aux  trois 
arrondissements  que  j'ai  indiqués,  ils  auraient  encore  qualité  pour  la  rece- 
voir; seulement  avec  cette  différence  que  dans  le  premier  cas  l'officier  instruc- 
teur a  qualité  :  i^  pour  recevoir  la  plainte;  2^  pour  instruire  en  vertu  de  cette 
plainte;  titndis  que  dans  l'autre  cas,  ç*est-i-dire  s'il  n'appartient  à  aucun  des 
trois  arrondissements  désignés,  il  a  bien  qualité  pour  recevoir  la  plainte,  mais 
il  n'a  pas  qualité  pour  instruire.  Il  doit  transmettre  la  plainte  ainsi  reçue  par 
lui  au  juge  d'instruction  compétent.  Ainsi  le  dispose  Tart.  69. 

580.  Quant  aux  formalités  à  suivre  dans  la  rédaction  des  plaintes,  elles  sont 
précisément  celles  Tndiquéès  par  l'art.  91  pour  la  rédaction  des  dénonciations. 
Laissant 'dé  c6ilS  ces  détails  tebbniqùes,  attachons-nous  à  des  observations  d'une 
nature  plus  impértaute. 

En  matière  ne  plainte,  vous  avels  trois  points  importants  à  constater. 

Premièrement,  vous  sentez  qu'en  général  la  plainte  sera  fréquemment  le 
point  de  départ,  la  cause,  l'origine  première  d*une  instraction  criminelle.  La 
déclaration  de  la  partie  lésée  ftiitepar  elle  aux  officiers  de  police  judiciaire 
aura  donné  réveil  à  la  justice,  aura  provoqué  les  premières  poursuites  et  la 
première  instruction.  Cependant  vous  sentez  que  s'il  en  est  ainsi  fréquemment 
et  dans  la  pratique,  cela  n'a  rien  de  nécessaire  et  d'essentiel,  que  les  poursui- 
tes, que  nhstruction,  nesont  nullement  subordonnées  à  l'existence  d'une  plainte 
antérîetire,  que  l'exercice  de  l'action  publique  est  pleinement  indépendante  de 
la  volonté  des  partîôUlierb. 

Ainéi  la  plainte,  qui  ordinairement  sera  le  point  de  départ  de  la  poursuite, 
n'est  cependant  pas  indispensable  à  l'exercice  des  poursuites.  Tel  est  le  prin- 
cipe général.  J'ai  signalé  sur  les  art.  3  et  4  du  présent  Cîode  des  exceptions  à 
ce  principe,  des  cas  tout  à  fait  spéciaux  dans  lesquels  la  plainte  de  la  per- 
soniie  offensée  était  une  condition  indispensable,  sine  quâ  non,  de  l'exeretce  des 
poursuites;  tel  est,  entre  autres,  le  cas  d'adultère  de  la  femme,  art.  336  du 
Code  pénal,  tel  est  aussi  celui  de  l'art  433,  et  cinq  ou  six  autres, 

580.  Secondemmt,  si  la  plainte  ne  doit  pas  nécessaicemant  avoir  lieu  avant 
toute  pounuite,  avaot  tout  acte  d'instruction,  si,  en  d'autres  termes,  rinstruc* 
tion  .pe«t.  arri^ter  k  .son  terme  sans  aucune  plaîQjte  de  la  partie  lésée,  il  n'wi 
faut  pas  conclure  quey.l'iastriiotien  une  .fois  entamée,  cette  plainte  ne  puisse 
phM  avoir  lieu  i  il  p'en  fout  pas  conclure  que  la  plainie  soit  superflue  par  cela 
seul  qtt'«uM>  inatruotion  'OriinineUe  a  été  commencée  sans  aucune  plainte^ 

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DBS  PLAINTES  ET  DÉNONCIATIONS  (aRT.   67).  o29 

Ainsi,  la  plainte  a  fréquemment  pour  bnt,  de  la  part  du  plaignant,  le  désir» 
la  volonté  de  se  porter  partie  civile,  de  réclamer  des  dommages-intérêts  contre 
Paatear  da  crime  on  du  délit.  Si  la  plainte  n'avait  qn*un  objet,  celai  d'avertir 
la  Justice,  elle  serait  inutile,  elle  ne  serait  plus  recevable,  une  fois  que  la  jus- 
tice a  piîs  réveil,  a  pris  Tinitiative.  Mais  fréquemment  la  plainte  interviendra 
même  après  rinslruction  commencée,  à  l'effet  par  le  plaignant,  de  déclarer 
devant  le  juge  d'instruction  qui  reçoit  sa  plainte,  qu'il  entend  se  porter  partie 
civile,  art.  63,  66  et  67.  c  Toute  personne  qui  se  prétendra  lésée,  dit  le  premier 
de  ces  textes,  par  un  crime  ou  par  un  délit,  pourra  en  rendre  plainte  et  se  cons- 
tituer partie  civile,  n  Nous  reviendrons  bientôt  sur  cela. 

Cependant  il  y  a  à  cet  égard  une  distinction  à  faire  ;  la  plainte,  après  l'ins- 
truction commencée,  n'est  pas  toujours  un  préliminaire  indispensable  à  remplir 
de  k  part  de  la  personne'  qui  veut  se  porter  partie  civile.  Les  art.  145,  147, 
182,  et  surtout  l'art.  163  paraissent  autoriser  la  partie  qui  a  souffert  d'une  con- 
travention ou  d'un  délit  à  se  pourvoir  directement,  par  une  citation  ou  par  des 
conclusions  posées  à  l'audience,  a  se  pourvoir  comme  partie  civile,  sans  avoir 
préalablement  porté  plainte.  Gela  a  lieu  soit  dans  les  matières  de  police,  d'après 
les  deux  premiers  articles  cités,  soit  dans  les  matières  de  police  correction- 
nelle, d'après  les  art.  182  et  183.  Au  contraire,  dans  les  matières  criminelles, 
dans  les  affaires  portées  aux  cours  d'assises,  la  loi  parait  considérer  l'existence 
d'une  plainte  préalable,  rédigée  conformément  aux  art.  63  et  suivants,  comme 
un  préliminaire  nécessaire  à  accomplir  de  la  part  de  la  personne  qui  veut  se 
porter  partie  civile.  Ainsi,  dans  les  art.  66,  67  et  35^,  on  considère  la  plainte 
oomme  le  préliminaire  à  remplir  avant  les  conclusions  en  dommages-întérôts 
à  poser  contre  Taccusé. 

691.  Troisièmement  enfin,  et  ce  dernier  point  est  une  différence  assez  im- 
portante entre  le  système  du  Gode. et  celui  qui  a  précédé,  dans  le  système  de 
la  loi  de  1791  et  du  Gode  du  3  brumaire  an  lY,  tout  plaignant  était,  par  le  seul 
fait  de  sa  plainte,  réputé  nécessairement  se  porter  partie  civile.  Quiconque  allait 
porter  plainte  devant  le  juge  de  paix  d'un  crime  ou  d'un  délit  par  lequel  il  se 
disait  lésé  était  censé,  par  là  même,  nonobstant  ioute  déclaration  contraire, 
conclure  à  des  dommages-intérêts,  se  porter  partie  civile  co^ntre  celui  à  qui  il 
imputait  le  fait,  ou  à  qui  plus  tard  ce  fait  serait  imputé.  £a  deux  mots,  la  qua- 
lité de  plaigQant  était  inséparable  de  la  qualité  de  partie  civile,  la  seconde  était 
la  conséquence  inévitdi>le  de  la  première.  Seulement  le  plaignant  avait  une 
ressource  que  lai  donnait  l'art.  92  du  Gode  du  3  brumaire  an  IV,  c'était  de  se 
•désister  de  sa  plainte  dans  les  vingt-quatre  heures  de  sa  date,  et  au  moyen  de 
ce  désistement  la  plainte  était  réputée  non  avenue  ;  toutes  les  conséquences 
que  cette  plainte  eût  dû  entraîner  contre  lui  devenaient  inapplicaoles.  Mais, 
malgré  la  faculté  de  se  désister  de  la  plainte  dans  les  vingt-quatre  heures  qui 
la  suivaient)  ce  système  avait  un  inconvénient  bien  facile  à  démontrer,  c'est 
que  l'existence  seule  de  la  plainte  faisant  forcément  considérer  le  plaignant 
comme  partie  cwile,  faisait  retomber  sur  lui,  en  cas  d'acquittement  de  Taccusé 
poursuivi,  la  totalité  des  frais  de  la  procédure  criminelle.  Or,  la  crainte  d'être 
traité  comme  partie  civile,  et  de  supporter  par  conséquent  tous  les  frais  dans 
le  cas  où  Taccusation  succomberait,  empêchait  d'aller  porter  plainte,  empé- 


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(^o^gle 


530  VINGT-NEUVIÈEB  LEÇON.   —  DB  l'iNSTRUCTION  ÉCRITE   (n*   592). 

chait  la  yictime  d'un  crime  ou  d*un  délit  d'aller  en  donner  avis  aux  magis- 
trats qui  auraient  pu  le  poursuivre. 

Par  ces  motifs,  le  Gode  nouveau,  le  Gode  de  1810  a  repoussé  ce  système  ;  il 
déclare  formellement,  dans  l'arU  66,  que  la  qualité  de  plaignant  n'entraîne  en 
aucune  façon  la  qualité  de  partie  civile  :  •  Les  plaignants  ne  seront  réputés 
partie  civile,  s'ils  ne  le  déclarent  formellement,  soit  par  la  plainte,  soit  par  acte 
subséquent,  ou  s*ils  ne  prennent,  par  l'une  ou  par  l'autre,  des  conclusions  en 
dommages-intérêts,  b  Ainsi  désormais  on  peut  très -bien  porter  plainte  sans 
être  par  là  môme  réputé  se  porter  partie  civile,  sans  encourir  par  conséquent 
l'obligation  d'acquitter  les  frais,  dans  le  cas  même  où  Taccusé  Tiendrait  à  sor- 
tir victorieux  de  l'épreuve. 

692.  Ge  changement  une  fois  établi,  il  s'ensuit  une  différence  assez  notable 
entre  la  nature  et  les  résultats  du  désistement  à  donner  dans  les  vingt*quatre 
heures,  soit  d'après  l'art.  92  de  la  loi  de  brumaire,  soit  d'après  les  art.  66  et  67 
de  notre  Gode  ;  le  désistement  dans  les  deux  cas  produit  des  efifets  tout  à  fiût 
différents.  Dans  le  système  de  brumaire,  en  effet,  le  désistement  n'était  rece- 
yable  que  dans  les  vingt^quatre  heures  de  la  plainte,  et,  donné  pendant  ces 
Tingt-quatre  heures,  il  fainait  considérer  la  plainte  comme  non  avenue;  ainsi 
le  déclarait  Tart  92  ;  sauf,  bien  entendu,  à  l'officier  de  police  à  voir  s'il  était 
convenable,  d'après  la  nature  des  indices  produits  devant  lui,  de  poursuivre 
d'office  le  délit.  Mais  la  plainte  était  e£facée  par  le  fait  du  désistement  donné 
dans  les  vingt-quatre  heures.  Ainsi,  non-seulement  le  plaignant  qui  s'était 
ainsi  désisté  n'avait  pas  à  craindre  de  payer  les  frais  de  l'instance  en  cas  d'ac- 
quittement du  prévenu,  mais  il  n'avait  pas  à  craindre  non  plus  d'être  condamna 
comme  dénonciateur  à  des  dommages-intérêts,  car  il  avait  abdiqué,  par  le  fait 
de  son  désistement,  non -seulement  la  qualité  de  partie  civile,  mais  même  la 
qualité  de  plaignant,  ou  si  vous  le  voulez,  de  dénonciateur. 

L'art.  66  de  notre  Gode  autorise,  comme  l'art.  92  du  Gode  de  brumaire,  le 
désistement  dans  les  vingt-quatre  heures.  Mais  sur  quoi  porte  ce  désistement, 
et  d'où  courent  ces  vingt-quatre  heures  ?  G'est  là  que  la  différence  des  deux 
systèmes,  des  deux  législations  est  bien  sensible.  Le  désistement  dont  parle 
l'art.  66,  est-ce  le  désistement  de  la  plainte,  ou  bien  le  désistement  de  la  qua- 
lité de  partie  civile  ?  Les  vingt-quatre  heures  dans  lesquelles  il  est  permis  de 
se  désister  courent-elles  du  moment  de  la  plainte,  ou  ne  courent-elles  que  du 
moment,  qui  peut  être  bien  postérieur,  ne  courent-elles  que  du  moment  oiï 
l'on  s'est  porté  partie  civile  ?  Sous  l'empire  de  la  loi  de  brumaire,  ces  questions 
étaient  impossibles,  car  les  deux  qualités  étaient  confondues,  le  même  acte 
les  renfermait  toutes  les  deux.  Sous  l'empire  de  l'art.  66,  la  question  n'est 
pas  douteuse,  et  sa  solution  doit  être  toute  différente.  Le  désistement  donné 
dans  les  vingt-quatre  heures,  ce  n'est  pas  le  désistement  de  la  plainte,  c'est 
le  désistement  des  conclusions  en  dommages-intérêts,  c'est  le  désistement  de 
la  qualité  de  partie  civile.  Ainsi,  celui  qui  se  désiste  dans  les  vingt-quatre 
heures  après  avoir  porté  plainte  et  s'être  constitué  partie  civile,  cesse  d'être 
partie  civile,  mais  ne  cesse  pas  d'être  plaignant,  ne  cesse  pas  d'être  dénoncia- 
teur. Il  cesse  d'être  partie  civile,  donc  il  cesse  d'être  tenu  des  frais;  il  ne  cesse 
pas  d'être  dénonciateur,  d'être  plaignant,  donc  il  reste  exposé  aux  dommages- 

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DK8  PLAINTK8  ST  DÉNONCIATIONS  (ART.   67).  531 

interdis  de  raccosé,  si  celiû-ci  est  acqnitté;  il  y  reste  exposé  comme  coupable 
d'une  dénonciation  calomnieuse.  Ost  ce  qui  résulte  clairement  des  derniers 
mots  de  l'art.  66  :  t  Us  pourront  se  départir  dans  les  vingt-quatre  heures  ; 
dans  le  cas  de  désistement,  ils  ne  sont  pas  tenus  des  frais  depuis  qu'il  aura  été 
signifié,  sans  préjudice  néanmoins  des  dommages-intérêts  des  prévenus,  s'il  y 
a  lieu.  1 

Ainsi,  voilà  notre  premier  point  :  le  désistement,  même  dans  les  vingt- 
quatre  heures,  ne  met  pas  le  plaignant  qui  se  désiste  à  Tabri  des  dommages- 
intérêts  ;  il  en  reste  tenu,  s'il  y  a  lieu.  C'est  ce  que  vous  trouvez  dans  la  dis- 
position générale  des  art*  358,  §  4,  et  359,  §§  1  et  3.  Ainsi,  le  plaignant  qui  s'est 
désisté,  même  dans  le  délai  de  vingt-quatre  heures,  reste  tenu  des  dommages- 
intérêts  ;  donc,  en  ce  qui  touche  la  qualiié  de  plaignant,  le  désistement  est  un 
fait  parfaitement  inutile;  donc  ce  n'est  pas  de  la  plainte  qu'on  a  intérêt  à  se 
désister,  ce  n'est  pas  de  la  plainte  qu'on  se  désiste,  c'est  de  la  qualité  de  partie 
civile  qu'on  aura  prise  expressément  ou  indirectement,  dans  le  cas  de  l'art.  66. 
En  effet,  la  conséquence  du  désistement,  nous  dit  cet  article,  est  de  décharger 
son  auteur  de  tous  les  frais  de  procédure  qui  seront  faits  postérieurement  à  la 
signification  du  désistement  ;  c'est  de  décharger  son  auteur  des  condamnations 
aux  frais  dont  il  pouvait  être  tenu,  aux  termes  de  l'art.  368;  c'est  de  déchar- 
ger son  auteur  des  frais  de  procédure  dont  il  pouvait  être  tenuencasd*acquit- 
tement  de  l'accusé. 

De  1&  une  autre  conséquence  :  c'est  que  les  vingt-quatre  heures  accordées 
pour  se  désister  se  comptent,  non  point  à  partir  de  la  plainte,  puisque  ce  n'est 
pas  de  la  plainte  qu'on  se  désiste,  mais  à  partir  du  moment  où  l'on  s'est  porté 
partie  civile  de  l'une  des  deux  manières  indiquées  dans  l'art.  66. 

Le  désistement  une  fois  -signifié  :  i^  au  prévenu  en  sa  personne  ;  2*  au  minis- 
tère public  en  la  personne  du  greffier,  tous  les  frais  postérieurs  restent  étran- 
gers à  la  partie  mile  qui  a  abandonné  cette  qualité  ;  au  contraire,  les  frais 
antérieurs  à  la  signification  du  désistement  continuent  de  peser  sur  elle  mal-  ' 
gré  ce  désistement,  en  ce  sens  qu'en  cas  de  l'acquittement  de  l'accusé  la  par- 
tie sera  condamnée  aux  frais,  conformément  à  l'art.  368.  Et  quand  je  cite  ici 
l'art.  368,  j'entends  parler  de  sa  rédaction  nouvelle,  de  la  rédaction  de  1832,  car 
le  texte  primitif  était  encore  bien  plus  sévère.  Dans  Torigine,  les  frais  de  la 
poursuite  retombaient  sur  la  partie  civile,  non*seulement,  comme  aujourd'hui, 
en  cas  d'acquittement  ou  d'absolution  de  Taccusé,  mais  la  partie  civile  devait 
encore  les  supporter,  dans  le  cas  même  de  condamnation,  lorsque  l'accusé 
était  insolvable  ;  ce  dernier  point  a  disparu  en  1832  ;  daiis  ce  dernier  cas,  les 
frais  restent  à  la  charge  du  Trésor. 

Le  désistement,  vous  ai-je  dit,  se  forme  par  une  signification  faite  tant  au 
prévenu  qu'au  ministère  public  ;  et  nous  venons  de  voir  quelles  seraient  au- 
jourd'hui, soit  quant  aux  dommages-intérêts,  soit  quant  aux  frais,  les  con- 
séquences de  ce  désistement.  Quant  aux  dommages-intérêts,  ces  conséquences 
sont  nulles  ;  quant  aux  frais,  au  contraire,  le  désistement  décharge  la  partie 
civile  de  tous  les  frais  postérieurs  à  sa  signification. 

508.  Une  question  plus  douteuse  et  aussi  plus  débattue  est  de  savoir  quelle 
serait,  quant  aux  conclusions,  quant  aux  droits  de  la  partie  civile,  la  consé- 

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.532  VINGT-NEUyiÈMB  LBQON.    —  DB  L'iNSTRUGTION  ÉGBITE  (n"*  593). 

que&ce  de  oe  désistement,  et  ei  le  désistement,  signifié  dans  les  matières  cri* 
minelles,  conformément  à  Tart.  66,  aura  le  même  effet  que  le  désistement 
dans  les  matières  civiles.  Or,  dans  les  matières  civiles,  conformément  aux 
art.  402  et  405  du  Cîode  de  procédure,  le  désistement  du  demandeur  est  un  aban- 
don de  rinstance,  mais  n'est  pas  un  abandon  du  droit,  à  moins  que  les  termes 
mêmes,  que  les  expressions  de  Tacto  de  désistement  n'indiquent  un  abandon 
du  droit.  Il  résulte,  et  c'«st  un  point  généralement  reconnu,  que  danit  les 
matières  civiles  un  demandeur  qui  s'est  désisté  est  maitre  de  renouveler  plus 
tard  la  même  demande  par  une  instance  nouvelle  ;  sauf  à  lui,  bien  entendu^ 
à  supporter  tous  les  frais  de  la  première.  En  est-il  de  même  dans  les  matières 
erimin^es  ?  le  désistement  de  la  partie  est-il  simplement  un  abandon  de  Tin- 
etance?  est-il  au  contraire  une  renonciation  à  son  droit?  la  partie  qui  s'est 
désistée  pourra-telle  poser  plus  tard  de  nouvelles  conclusions  en  dommages- 
intérêts,  soit  en  intervenant  dans  Tinstance  criminelle  qœ  poursuit  le  minis- 
tère public,  soit  même  en  reproduisant  devant  les  tribunaux  civils  line  action 
toute  dvile,  à  fin  de  dommages-intérêts?  Oui,  elle  le  pourrait,  si  on  appli- 
quait là  les  principes  du  désistement  en  matière  civile  ;  mais  il  paraît  fort  dif- 
ficile d'appliquer  ces  principes  à  la  matière  qui  nous  occupe.  Pour  les  appli- 
quer, on  pourrait  invoquer  l'art.  67  dans  ses  premiers  moto  :  c  Les  plaignants 
pourront  se  porter  partie  civile  en  tout  état  de  cause  jusqu^à  la  clôture  des 
débats.  I  Ce  qui  semble  exclure  contre  le  plaignant  toute  espèce  de  fin  de  non- 
recevoir,  tirée,  soit  de  la  tardiveté  de  son  action,  soit  même  d'un  désistement 
d'nm  action  antérieure.  Cependant  nous  avons  vu  que  dans  les  matières  civi- 
les le  désistement  n'était  pas  l'œuvre  d'une  seule  partie  ;  qu'une  partie  ne  pou- 
vait pas,  par  un  désistement  émané  de  sa  volonté,  enlever  à  son  adversaire  le 
bénéfice  d'un  jugement^  sur  lequel  celui-ci  devait  compter;  en  d'autres  termes, 
queie  désisteo^ent  en  matière  civile  devait,  pour  être  valable,  être  accepté 
par  l'adversaire,  ou  au  refus  de  celui-ci  être  validé  par  les  tribunaux.  La  loi 
n'exige  pas  les  mêmes  conditions  dans  les  matières  criminelles  ;  elle  admet  le 
désistement  par  cela  seul  qu'il  est  signifié  et  sans  exiger  le  concours  de  la 
volonté  du  prévenu.  Dès  lors  il  sembla  naturel  de  conclure  que  le  désistement 
n'est  pas  simplement  l'abandon  actuel  passager  de  l'instance^  mais  qu'il  est 
l'abandon  du  droit;  car  sans  cela  on  pourrait  admettre  que  celui  qui  s'est  porté 
partie  civile,  que  celui  qui  a  entamé  ou  fait  entamer  l'instance  criminelle,  peut 
enleiver  à  son  adversaire  le  bénéfice  du  jugement  sur  lequel  il  avait  droit  de 
CQix^>ter,  sauf  à  renouveler  plus  tard  la  même  action,  la  même  demande  devant 
des  jjugesdelapart  desquels  il  espérait  une  solution  plus  favorable.  Autrement 
par  cela  même  que  dans  les  matières  criminelles  l'acceptation  du  prévenu  est 
nn  &it  inutile  à  la  validité  du  désistement,  il  semble  naturel  de  conclure  que 
le  désistement  est  définitif,  et  qu'on  ne  peut  pas  renouveler,  recommencer 
plus  jLard  la  même  action  en  donunages-iniérêto  qu'on  avait  d'abord  entamée 
et  qu'on  a  ensuite  abandonnée* 

Cet  argument,  qui  consiste  dans  le  rapprochement  de  l'art.  66  avec  l'art  402 
du  Gode  de  procédure,  se  fortifie  singulièrement  quand  on  recourt  à  l'an- 
cienne jurisprudence.  On  voit  en  effet  que,  dans  le  système  de  l'ordonnance 
criminelle  de  1670,  le  désistement  d'un  plaignant  ou  d'une  partie  civile  était 
réputé  définitif  que  celui  qui  s'était  désisté  des  conclusions  civiles  posées  par 

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DIB.L'AUOrriON  DB8  TÉMOINS  (aRT.   71).  .  533  - 

lui  contre  an  accasé,  n'était  plus  maître  de  recommencer,  de  renouveler  pin»  • 
tard  les  poursuites,  à  moins  qu'il  n'eût  formellement  déclaré  dans  son  désis- 
tement ne  se  désister  que  de  la  procédure  actuelle,  sous  toutes  réserves  de 
pouvoir  la  renouveler  plus  tard.  En  principe,  le  désistement  criminel  était 
réputé  l'abandon  de  l'action,  et  Cest  encore  ce  principe  qui  doit,  je  crois,  s'ap- 
pliquer de  nos  jours. 

ftM.  Nous  avons  dit  tout  à  Thenre  que  le  désistement  pouvait  se  faire 
d'après  l'art.  66^  dans  les  vingt-quatre  heures,  depuis  l'instant  où  l'on  s'était 
porté  partie  dvile,  et  non  pas  nécessairement  dans  les  vingts-quatre  heures 
depuis  la  plainte,  car  le  désistement  ne  porte- pas  sur  la  plainte.  Oe  délai  de 
vingt-quatre  heures,  délai  fort  important,  vous  le  voyez,  car  le  désistement 
après  les  vingts-quatre  heures  est  inutile  et  laisse  peser  sur  le  désistant  Uaof 
les  frais  même  postérieurs,  ce  délai  courra,  soit  d'heure  à  heure,  si  dans* 
l'acte  oîi  l'on  s'est  constitué  partie  civile  l'heure  a  été  mentionnée,  soit  au 
moins  de  )our.è  jour,  dans  le  cas  contraire.  G'est-à-dire  que  si,  dans  l'acte 
oà  l'on  s'est  constitué  partie  civile,  l'heure  n'a  pas  été  mentionnée,  les  vingt» 
quatre  heures  données  pour  se  désister  courront  de  la  fin  du  jour  dans  lequel 
cette  déclaration  a  été  faite.  La  rigueur  sur  ce  point  a  même  été  portée,  et 
je  crois  avec  raison,  jusqu'à  dire  que,  si  le  lendemain  du  jour  où  l'on  s'est 
porté  partie  civile  était  un  jour  férié,  les  vingt-quatre  heures  n'en  courraient 
pas  moins  -pour  le  désistement,  parce  que  la  solennité  des  jours  fériés  est  ab- 
solument indifiEérente  à  rezpiration  des  délais  en  matière  criminelle,  parée-' 
qu'un  jour  de  fôte  ou  de  dimanche  on  peut,  comme  les  autres  jours,  signifier 
un  désistement,  et  par  conséquent  un  jour  pareil  est  aussi  fatal  qu'un  autre. 

Ge  délai  se  trouve  môme  abrégé  dans  le  cas  particulier  de  l'art.  67,  et  vous 
y  verrez  que  l'on  n'a  pas  toujours  vingt-quatre  heures  pour  se  désister  de  la: 
qualité  de  partie  civile.  La  loi  vous  dit,  en  effet,  qu'on  peut  se  porter  partie 
civile  en  tout  état  de  cause,  et  même  dans  le  cours  des  débats,  mais  qu'alors 
on  n'a  pas  vingt-quatre  heures  pour  se  désister,  si  avant  ces  vingt-quatre^' 
heures  le  jugement  est  rendu.  Ainsi,  supposez  qu'à  l'audience  même  d'une 
cour  d'assises,  le  plaignant,  qui  jusque-là  ne  s'était  pas  déclaré  partie  civile;, 
vienne  à  prendre  cette  qualité  ;  pourra-t^ii,  après  le  jugement  rendu,  en  allé^ 
guant  qu'il  est  encore  dans  les  vingt-quatre  heures  de  sa  déclaration,  pourra- 
t-ii  se  désister  ?  Non  ;  la  raison  dit  assez,  et  l'art.  67  vous  avertit  formellement 
qu'en  aucun  cas  la  partie  civile  n'est  admise  à  se  désister  après  le  jugement. 
Ge  désistement,  d'ailleurs,  s'il  était  admis,  aurait  assez  peu  d'importance,  car 
il  ne  déchargerait  la  partie  civile  que  des  frais  postérieurs,  et  les  frais  posté- 
rieurs au  jugement  sont  assez  minimes;  les  frais  antérieurs  sont  véritable- 
ment ceux  à  l'égard  desquels  on  peut  avoir  intérêt  à  se  désister. 

595.  Les  art.  68  et  70  ne  présentent  pas  de  difficulté. 

Passons  à  un  autre  point,  à  l'audition  des  témoins. 

Les  fonctions  du  juge  d'instruction,  telles  qu'elles  sont  énumérées  dans  les 
divers  paragraphes  de  oe  chapitre,  sont  à  peu  près  les  fonctions  que  le  Gode 
du  3  brumaire  an  IV  attribuait  au  juge  de  paix,  déclaré  par  ce  Gode  officier 
de  police  judiciaire  le  plus  ordinaire  ;  et  notanunent  les  dispositions  des  art.  71 

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534    VINaT-NBUVlàHB  LBÇON  —  DB  L'INSTRUCTION  ÈOUTB  (n*  595). 

et  suivants,  relatifs  à  Taudition  des  témoins  devant  le  jnge  d'instniction,  pré- 
sentent une  analogie  sensible  avec  les  dispositions  des  art.  111  à  124  dn  Code 
dn  3  brumaire  an  IV.  Cependant,  malgré  cette  analogie  dans  la  nature  des 
fonctions  et  dans  la  manière  de  les  exercer,  des  différences  assez  nombreuses 
séparent  les  formes  de  Tenquête  devant  le  juge  dlnstruction  et  les  formes 
de  Penquôte  qui  s'opérait  devant  le  juge  de  paix,  aux  termes  des  art.  111  et 
suivants  du  Gode  de  Tan  lY. 

Ainsi,  dans  les  art.  71  et  74,  vous  trouvez  la  nécessité  d'une  citation  préa- 
lable par  laquelle  le  juge  d'instruction  fait  appeler  les  témoins  à  déposer 
devant  lui.  Au  contraire,  quoique  en  général  cette  citation  fût  employée  sous 
l'empire  de  la  loi  de  brumaire,  on  permettait  cependant  au  j âge  de  paix  d'en- 
tendre, sans  citation,  les  personnes  ou  les  témoins  que  le  plaignant  ou  le 
dénonâateur  avait  amenés  d'of&ce  avec  lui  ;  c'était  la  disposition  de  l'art*  113. 
Cette  £EUîuité  ne  parait  plus  maintenant  appartenir  au  juge  d'instruction. 

8econdement^dans  l'art.  115  du  Code  de  brumaire,  les  déclarations  ou  dé- 
positions des  témoins  devaient  se  faire  en  présence  du  prévenu.  Il  en  est  au- 
trement dans  notre  art.  74  ;  c'est  en  i'absendb  du  prévenu  que  les  témoins 
sont  appelés  à  déposer.  Sous  ce  second  rapport,  il  est  clair  que  le  changement 
est  au  détriment  du  prévenu. 

Sous  d'autres  faces  qu'il  me  reste  à  indiquer,  le  changement  dans  les  formes 
est  à  l'avantage  du  prévenu. 

Ainsi,  troisièmement,  dans  le  Code  actuel,  l'art.  75  exige  le  serment  des 
témoins  ;  dans  le  Code  de  brumaire,  les  témoins  déposaient  sans  serment 
préalable. 

.  Quatrièmement,  Tart.  79  assure,  par  certaines  pénalités,  l'observation  des 
formes  indiquées  dans  notre  Code  ;  ces  pénalités  se  composent  d'une  amende 
contre  le  greffier,  et  de  la  prise  à  partie,  selon  les  cas,  contre  le  juge  d'instruc- 
tion. Rien  de  pareil  dans  le  Code  de  l'an  IV,  quoique  certaines  formes  eus- 
sent été  tracées  pour  entendre  les  témoins,  aucunes  pénalités  ne  garantis- 
saient l'observation  de  ces  formes. 

Cinquièmement,  dans  le  Code  du  3  brumaire,  non-seulement  il  n'y  avait 
pas  de  pénalités  contre  les  personnes,  mais  l'inobservation  des  formes  n'en- 
traînait, en  aucun  cas,  la  nullité  totale  ou  partielle  de  la  déposition.  Au 
contraire,  dans  l'art.  78  vous  voyez  que  les  interlignes,  les  ratures,  les  ren- 
vois non  approuvés  et  non  paraphés  seront  réputés  non  avenus;  il  y 
a  nullité  non  pas  totale,  mais  au  moins  partielle,  d'une  déposition  irrégu- 
lière. 

Voilà  donc  quelques  changements  qui  ne  sont  pas  sans  doute  d'une  bien 
haute  importance,  mais  qui  présentent  cependant  un  peu  de  garantie  pour 
l'observation  des  formes,  dans  l'intérêt  de  la  vérité  et  de  la  sûreté  du  prévenu. 
Peut-être  n'aurais-je  point  appelé  votre  attention  sur  ces  différences  de  dé- 
tail, si  elles  ne  se  rattachaient  à  une  différence  infiniment  plus  grave  qui 
tient  au  système  tout  entier  de  la  procédure  criminelle,  soit  en  l'an  IV,  sdt 
dans  le  régime  actael. 

Si,  en  effet,  le  Code  d'instruction  criminelle  a  entouré  de  quelques  forma- 
lités, de  quelques  garanties  de  plus,  l'audition  des  témoins  devant  le  jnge 
d'instruction,  il  est  bien  important  de  remarquer  que  ce  changement  tient  à 

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DB  l'audition  DBS  TÉMOINS  (aRT.   71).  535 

ce  qae,  dans  la  procédure  actaelle,  les  dépoli  lions  reçues  par  le  juge  dMns- 
truction,  constatées  dans  son  procès-verbal,  jouent  un  r61e  infiniment  plus 
grave,  entraînent  des  résultats  plus  sérieux  que  dans  le  système  de  la  loi  de 
IViniy.  En  effet,  dans  le  système  de  la  loi  du  3  brumaire  an  IV,  ces  dépositions 
que  le  juge  de  paix  recueillait  et  constatait  n'étaient  pas,  à  proprement  parler, 
de  véritables  témoignages;  c'étaient  de  simples  indices,  de  véritables  rensei- 
gnements destinés  à  guider  Tofficier  de  police  judiciaire  dans  la  direction  des 
procédures,  destinés  à  lui  faciliter  la  recherche  et  la  réunion  de  tous  les  élé- 
ments qui  pourraient  former  plus  tard  la  conviction  de  l'un  et  de  Tautre  jury. 
Non-seulement  ces  dépositions  reçues  et  écrites  par  le  juge  de  paix  ne  pou- 
vaient pas  être  présentées  au  jury  de  jugement  chargé  de  prononcer  sur  le 
sort  de  l'accusé,  elles  ne  pouvaient  pas  môme  être  mises  sous  les  yeux,  dans 
les  mains  du  jury  d'accusation  chargé  de  décider  s'il  y  avait  ou  non  matière 
à  accusation  :  ces  procès-verbaux  ne  sortaient  pas  des  mains  des  officiers  de 
police,  et  le  jury  même  d'accusation  chargé  de  décider  si  le  prévenu  serait 
soumis  à  Texamen  du  jury  de  jugement,  le  jury  d'accusation  ne  statuait  que 
sur  des  dépositions  orales.  Ce  point  est  de  la  plus  extrême  importance.  Ainsi, 
l'art.  238  du  Gode  du  3  brumaire,  indiquant  la  mission  des  jurys  d'accusation, 
disait  :  c  Après  la  lecture  de  cette  instruction,  le  directeur  du  jury,  le  com- 
missaire du  pouvoir  exécutif,  toujours  présent,  fait  celle  de  l'accusation  et  des 
pièces  y  relatives,  autres  qub  les  dâglabations  des  témoins  et  des  interroga- 
toires des  prévenus.  —  Les  témoins  sont  ensuite  entendus  de  vive  voix,  ainsi 
que  la  partie  plaignante  ou  dénonciatrice,  si  elle  est  présente.  —  Gela  fait,  le 
directeur  du  jury  et  le  commissaire  du  pouvoir  exécutif  se  retirent,  après  avoir 
remis  au  juré  toutes  les  pièces,  a  l'exception  des  déclarations  écrites  des 

TÉMOINS.  > 

Ainsi,  vous  le  voyez,  en  l'an  IV  non-seulement  le  jury  de  jugement,  mais 
même,  ce  qui  est  bien  important,  le  jury  d'accusation,  ne  statuaient  sur  la  mise 
en  accusation  que  sur  des  dépositions  verbales,  qu'après  qu'on  avait  appelé  et 
fait  entendre  devant  eux  les  témoins.  Donc  les  témoignages  écrits,  reçus  par  le 
juge  de  paix,  n'étaient  vraiment  que  des  renseignements  et  ne  pouvaient  servir 
à  déterminer  ni  la  condamnation  ni  même  la  mise  en  accusation  du  prévenu. 
Dès  lors  on  conçoit  aisément  que  le  (jode  du  3  brumaire  n'ait  pas  entouré  de 
formalités  bien  gênantes  l'audition  de  ces  témoins  et  la  constatation  de  leurs 
réponses. 

Ge  système  lut  changé  peu  d'années  après  par  l'art.  21  de  la  loi  du  7  pluviôse 
an  IX  :  cet  article  voulut  que  désormais  les  jurys  d'accusation  prononçassent 
la  mise  en  accusation  non  plus  sur  dépositions  verbales,  mais  bien  sur  dépo- 
'«itions  écrites,  et  que  le  procès- verbal  de  l'audition  des  témoins,  dressé  par  le 
Juge  de  paix  d'après  les  art.  111  et  suivants  du  Code  de  brumaire,  fût  remis  aux 
membres  du  jury  d'accusation  pour  déterminer  leur  conviction.  Du  reste  le 
jury  de  jugement  ne  fut  appelé  à  statuer  que  sur  dépositions  verbales. 

Ge  changement  de  système  commencé  par  la  loi  de  Tan  IK,  fut  consommé  par 
le  Gode  de  1808;  le  Gode  de  1808,  en  conservant  les  jurys  de  jugement  supprima 
les  jurys  d'accusation;  ce  ne  fut  plus  à  de  simples  citoyens,  mais  bien  à  des 
magistrats  que  fut  confié  le  soin  de  prononcer  sur  la  mise  en  prévention  et  en 
accusation.  Les  fonctions  des  anciens  jurys  d'accusation,  fonctions  puisées 

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536  VINGT-NEUVIÈBIE  LEÇON.  —  DB  L'INSTRUCTION  ÉCBITB  (n»  597), 

dans  les  institutions  des  jarys  de  l'Angleterre  et  de  TAmérique,  forent  oonfiées, 
parlie  aux  tribunaux  de  première  instance,  partie  aux  cours  impériales.  Nouft 
Terrons  plus  tard,  plus  en  détail,  comment  ce  transport  de  fonctions  s'est  opéré; 
toujours  est-il  qu'au  lieu  de  faire  statuer,  comme  en  Tan  IV,  sur  la  mise  en 
accusation  par  des  jurés  instruits  des  dépositions  verbales,  on  a  con&é  la  mise 
en  accusation  aune  section  de  la  cour  impériale  qui  ne  connaît  rafifaire  que  par 
les  déclarations  écrites,  à  une  section  de  la  cour  impériale,  devant  laquelle 
ne  paraissent  ni  le  plaignant,  ni  le  prévenu»  ni  les  témoins,  art.  218,  222 
et  223. 

Ce  changement  vous  expliquera  assez  comment,  dans  la  législation  actuelle, 
ces  dépositions  de  témoins,  recueillies  par  le  juge  d'instruction,  présentent  un 
caractère  d'importance  infiniment  plus  grave,  et  comment  les  légères  additions, 
les  légers  suppléments  de  formalités  et  de  garanties  ajoutés  à  la  loi  debrumaire^ 
par  le  Gode  d'instruction  criminelle,  ne  correspondent  que  très-fsiblement  à 
cette  différence  énorme  opérée  .dans  l'importance  et  les  résultats  de  ces  pro* 
cès-verbaux. 

596.  Cette  idée  générale  bien  saisie,  nous  n'avons  plus  guère  à  nous  arrêter 
sur  cette  section  très-facile.  Je  vous  ferai  seulement  remarquer,  sur  Tart.  80, 
les  mesures  coercltives  que  le  juge  d'instruction  est  autorisé  à  prendre  contre 
le  témoin  qui  n'obéit  point  à  la  citation.  Il  est  autorisé,  sur  les  conclusions  dvk 
ministère  public,  à  contraindre  par  corps  le  témoin  à  venir  déposer  devant  lui. 
Cette  expression  de  contrainte  par  corps^  employée  par  l'article,  est  un  peu 
équivoque  ;  ce  n'est  pas  la  contrainte  par  corps  comme  on  Fentend  en  matière 
civile  ;  celte  contrainte  par  corps  consistera  à  décerner  contre  le  témoin  qui  a 
désobéi  à  la  citation  un  mandat  d'amener  conformément  à  l'art.  92.  Yousver- 
res.  plus  tard  quelle  est  la  portée  de  cette  mesure,  quand  vous  connaîtrez  ce 
que  c'est  qu*un  mandat  d'amener. 

La  pénalité  prononcée  par  l'art.  80,  qui  est  une  amende  de  100  fr.  contre  le 
témoin  qui  ne  parait  pas,  est-elle  infligée  au  témoin  qui  cité,  comparaît,  mais 
refuse  de  répondre  ?  L'art.  80  ne  paraît  pas  trancher  cette  question  d'une 
manière  très-nette  ;  cependant  on  ne  peut  guère  douter  que  l'amende  ne  doive 
être  infligée,  soit  au  témoin  qui  ne  comparaît  pas,  soit  au  témoin  qui  ne  veut 
pas  répondre.  Cela  résulte  des  premiers  mots  de  cet  article  :  Toute  personne 
citée  pow  être  entendue  en  témoignage  sera  tenue  de  comparaître  et  de  satisfaire 
A  XA  CITATION.  Or,  Satisfaire  à  la  citation,  ce  n'est  pas  seulement  comparaître,, 
c'est  répondre  sur  les  faits  dont  on  a  connaissance,  sur  lesquels  on  est  inter* 
pelle.  D'ailleurs,  les  doutes  que  le  sens  de  ce  texte  pourrait  laisser  sont  entiè- 
rement levés  par  l'art.  304  et  par  sa  combinaison  avec  l'art.  80  qu'il  rappelle; 
l'art  304  déclare  expressément  punissable,  conformément  à  l'art.  80,  soit  le 
témoin  qui  ne  comparaît  pas,  soit  celui  qui  comparait,  mais  pourvenir  dédareE 
qu'il  ne  répondra  pas. 

697.  Les  articles  suivants  sont  très-faciles,  notamment  les  articles  83  et  84, 
relatifs  au  pouvoir  accordé  au  juge  d'instruction  de  délégoier  soit  au  juge  de 
paix  de  son  arrondissement,  soit  an  juge  d'instruction  d'un  arrondissement 
voisin,  le  droit  d'entendre  les  témoins.  Les  formalités  à  suivre  en  pareil  cas». 

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DBS  YlSinS  D0MIGUJAIBE8  (aRT.  89)i  537 

les  notes  à  adresser  au  juge  intersogateur  ne  sont  qae  des  formalités  d'une  in» 
telligence  et  d'un  accomplissement  très-^iaciles. 

608.  Les  art.  87  et  suivants  jusqu'à  l'art.  90  indiquent  rapidement  les  for- 
malités à  suivre  dans  la  recherche  des  écritures  ou  des  pièces  de  conviction 
qui  peuvent  être  importantes  à  la  constatation  du  crime  ou  du  délit  Un  des 
moyens  les  plus  usuels,  les  plus  nécessaires  pour  la  recherche  de  ces  pièces» 
ce  sont  les  visites  auxquelles  le  juge  pourra  et  devra  procéder,  soit  dans  le 
domicile  des  prévenus,  soit  même  dans  le  domicile  des  tiers. 

Vous  savez  que  ce  droit  de  procéder  aux  visites  domiciliaires  n'appartient, 
en  principe,  qu'au  juge  d'instruction  ;  que  le  procureur  de  la  République 
n'exerce  ce  droit  que  par  une  exception  spéciale,  dans  le  cas  déterminé  par  les 
art.  32  et  suivants',  c'estpà*dire  que,  pour  autoriser  le  procureur  de  la  Répu- 
blique ou  son  substitut  à  recherdier,  à  l'aide  de  ces  visites,  les  pièces  dont  U 
est  ici  question,  il  faut  tout  à  la  fois  qu'il  y  ait  flagrant  délit,  que  le  fait  soit 
un  véritable  crime,  enfin  que  dans  tons  les  cas  ces  visites  se  bornent  au  do- 
micile du  prévenu  ou  de  ses  complices,  et  ne  s'étendent  dans  aucun  cas  an. 
domicile  des  tiers*  Toutes  ces  limites,  toutes  ces  conditions,  apposées  par  la 
loi  à  un  droit  exceptionnel,  sont  au  contraire  inapplicables  à  l'exercice  régu- 
lier du  même  droit,  qui  entre  dans  les  fonctions  régulières  et  quotidiennes  du 
juge  d'instruction.  Ge  juge  ]^océdera  donc  à  ces  recherches,  soit  qu'il  y  ait 
ou  non  flagrant  délit,  soit  qu'il  s'agisse  d'un  crime  ou  même  d'un  simple  dé* 
lit,  et  il  y  procédera,  soit  dans  le  domicile  du  prévenu,  soit  dans  tous  les  autres- 
lieux  où  pourraient  être  cachés,  par  exemple,  les  instruments,  les  produits  du 
vol,  du  meurtre,  ou  toute  autre  chose,  art.  87  et  88. 

Seulement  nous  avons  dit  que,  de  même  que  le  procureur  de  k  République 
ne  pouvait  pas,  en  principe,  procéder  par  lui-même  aux  visites  domiciliaires 
qui  sont  des  actes  d'instruction  et  des  actes  de  la  nature  souvent  la  plus  grave,, 
de  même  réciproquement,  le  juge  d'instruction  n'y  pouvait  pas  procéder  lui- 
même  d'office,  hors  le  cas  de  crime  ou  de  délit  tout  à  fait  flagrant.  Le  juge 
d'instruction  ne  peut  procéder  à  une  visite  domiciliaire,  comme  il  ne  le  peut 
en  général  à  tous  actes  d'instruction,  que  sur  conclusions  formelles  du  minis- 
tère public.  Cependant  l'art.  87  parait  contraire  à  cette  idée  que  nous  avons 
énoncée  d'après  le  texte  très-précis  de  l'art.  61.  L'art.  87  autorise  le  juge 
d'instruction  à  procéder  à  ces  visites,  hors  le  cas  même  de  flagrant  délit,  dont 
nous  n'avons  plus  à  parler.  Le  juge  d^instructùm  se  transportera,  s'il  en  est 
requis,  dit  la  loi,  bt  pourra  méub  se  transporter  d'office.  On  semble  ici» 
imposer  au  juge  d'instruction  l'obligation  de  faire  la  visite,  s'il  y  a  conclusion* 
à  cet  égard,  et  aussi  lui  laisser  le  droit  de  la  faire  sans  aucune  conclusion  du 
ministère  public.  L'apparente  difficulté  qui  résulterait  de  la  combinaison  de  ce- 
texte  avec  le  principe  général  de  l'art.  61.  s'évanouit  aisément.  Le  juge  d'ins- 
truction peut-il,  en  effet,  hors  le  cas  d'un  crime  flagrant,  procéder  d'office  i 
une  visite  domidliaire?  Non,  il  n'y  peut  pas  plus  procéder  qu'à  tout  autre- 
acte  d'instruction  hors  le  cas  de  flagrant  délit;  l'art.  61  lui  lie  les  mains,  en 
lui  permettant  seulement  de  décerner  le  mandat  de  dépôt;  c'est  là  l'unique 
exception  à  la  règle.  Que  veut  donc  dire  l'art.  87?  Il  veut  dire  ce  que  nous* 
avons  déjà  dit  sur  l'art.  61,  savoir,  que  les  conclusions  du  ministère  public,. 

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538  VINGT-NEUVIÉMB  LEÇON.  —  DE  l'INBTRUGTION  ÉCRITE  (n*  600). 

qui  doivent  généralement  précéder  tout  acte  d'instruction  ou  de  poursuite, 
doivent  s'entendre  de  conclusions  générales  afin  de  procéder  à  Finstruction  et 
à  la  poursuite,  et  non  pas  de  conclusions  spéciales  que  le  ministère  public 
devrait  venir  reproduire  à  chaque  acte  nouveau.  Nous  avons  dit,  sur  Tart.  61, 
que  toute  instruction  criminelle  serait  impossible,  si  Fintervention  du  minis- 
tère public  devait  se  manifester  pour  chacun  des  actes,  souvent  très-nombreux, 
dont  se  compose  la  contexture  d'une  instruction  criminelle.  Ce  que  veut  dire 
l'art.  87,  c'est  que  le  juge  d'instruction  devra  procéder  à  une  visite  domici- 
liaire, y  procéder,  bien  entendu,  quand  il  aura  été  saisi,  par  des  conclusions, 
par  des  réquisitions  générales  du  ministère  public,  de  l'affaire  ou  de  l'ins- 
truction dans  le  cours  de  laquelle  cette  visite  devient  nécessaire.  Ainsi  il 
pourra  se  transporter  d'office,  c'est-à-dire  sans  conclusions  spéciales  prises 
actuellement  à  l'effet  de  requérir  son  transport;  mais  non  pas  sans  conclu- 
sions générales  prises  antérieurement,  à  l'effet  de  requérir  de  lui  qu*il  procède 
i  l'instruction  de  telle  affaire.  Le  juge  d'instruction  une  fois  saisi  de  l'affaire 
à  la  requête  du  ministère  public,  conformément  à  l'art.  61,  pourra  d'office, 
c'est-à-dire  sans  de  nouvelles  conclusions  spéciales,  se  transporter  au  demi* 
elle  soit  du  prévenu,  soit  des  tiers. 

599.  Remarquez  d'ailleurs  qu*à  raison  de  la  haute  importance  des  actes 
dont  il  est  ici  question,  la  loi  ne  permet  point,  en  principe,  au  juge  d'in^ 
truction  d'autoriser  des  officiers  inférieurs  à  procéder  à  ces  actes  ;  elle  l'au- 
torise seulement,  s'il  y  a  des  perquisitions  à  faire  hors  de  son  arrondisse- 
ment, à  requérir  le  juge  d'instruction  de  l'arrondissement  voisin  de  se 
transporter  lui-même  pour  dresser  procès- verbal;  et  cela  par  la  raison  fort 
«impie  que  nul  juge  d'instruction  n'est  compétent  hors  de  son  arrondisse'* 
ment. 

Quant  aux  formes  à  suivre,  aux  procès- verbaux  à  dresser,  l'art.  89  les 
indique  par  renvoi  :  c  Les  dispositions  des  art.  35,  36,  37,  38  et  39  concernant 
la  saisie  des  objets  dont  la  perquisition  peut  être  faite  par  le  procureur  de  la 
République,  dans  le  cas  de  flagrant  délit,  sont  communes  au  juge  d'instruc- 
tion. »  Le  droit  du  juge  d'instruction  est  un  droit  régulier,  un  droit  plus 
étendu  que  celui  du  procureur  de  la  République,  un  droit  qui  s'exerce  hors  le 
cas  de  flagrant  délit,  hors  le  cas  de  crime,  et  dans  toute  l'étendue  de  son  arron* 
dissement,  mais  qui  s'exerce  d'ailleurs  dans  les  mêmes  formes  que  celui  du 
procureur  de  la  République. 

Passons  au  chapitre  suivant. 


CHAPITRE  VII 

DES  MÂlfDATS  DE   GOMPÀEUTION,   DE  DÉPÔT,   d'AMENEE  ET  D'AfiRÉT 

600.  Il  s'agit  dans  ce  chapitre  de  l'arrestation  préventive;  et  je  n'ai  pas 
besoin  de  vous  dire  de  quelles  garanties  la  loi  a  dû  entourer  les  actes  qui  ten- 
dent à  ce  but.  L'arrestation  préventive  frappe,  dans  bien  des  points  et  de  bien 

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DBS  1CAN0AT8  d'aRRBSTATION  (ART.    97).  539 

des  manières,  le  prévenu  qn'elle  atteint  :  elle  le  frappe  dans  sa  personne  en  Ini 
ôtant  maintenant  sa  liberté;  elle  peut  le  frapper,  elle  le  frappe  souvent  dans 
sa  fortune,  en  l'empêchant  de  veiller  à  ses  intérêts  ;  elle  le  frappe  souvent  et 
d'une  manière  plus  vive  encore,  dans  sa  réputation,  dans  son  honneur,  en 
faisant  peser  sur  lui  des  soupçons  d*une  nature  fâcheuse,  soupçons  qa'un  ac- 
quittement ne  purgera  pas  toujours  de  la  manière  la  plus  complète.  Et  quand 
on  remarque  que  tous  ces  maux  frappent  ensemble,  que  tous  ces  coups  attei- 
gnent à  la  fois  un  individu  qui  n'est  encore  poursuivi  que  par  des  soupçons, 
un  individu  contre  lequel  aucune  instruction  n'a  été  faite,  aucune  condamna- 
tion n'a  été  portée,  on  arrivera  facilement  à  conclure  que  les  ordres  d'arresta- 
tion ne  doivent  être  délivrés  que  dans  le  cas  d'une  imminente  nécessité;  et,  de 
même,  on  sentira  qu'une  fois  délivrés,  leurs  effets  ne  doivent  être  prolongés 
qu'autant  que  le  réclame  l'intérêt  de  l'action  et  de  la  sûreté  publique.  Ainsi 
cette  rapidité  des  poursuites,  qui  tend  à  abréger  la  durée  de  la  détention  pré- 
ventive, est  une  nécessité  commandée,  non-seulement  par  l'intérêt  du  prévenu, 
par  l'humanité,  mais  aussi  par  l'intérêt  de  l'action  publique  ;  plus  la  détention 
préventive  sera  courte,  plus  le  jugement  suivra  de  près  le  fait,  plus  aussi  l'é- 
clat de  la  punition,  l'éclat  du  châtiment  sera  fort^  plus,  en  un  mot,  son  im- 
pression sera  vive  et  durable. 

601 .  C'est  cef tainement  dans  ces  idées  que  vous  verrez  la  loi  graduer  et 
déterminer  l'emploi  des  diverses  sortes  de  mandats  que  nous  aurons  à  énumé- 
rer  dans  ce  chapitre.  Ces  mandats  sont  au  nombre  de  quatre.  Mais,  avant  tout 
définissons  ce  que  c'est  qu'un  mandat. 

C'est,  en  général,  un  ordre  délivré,  soit  par  un  officier  de  police  judiciaire, 
c'est  le  cas  le  plus  fréquent,  soit  même,  dans  des  cas  assez  rares,  par  un  tri- 
bunal tout  entier,  contre  un  individu  soupçonné  plus  ou  moins  gravement 
d'un  crime  ou  d'un  délit.  Cet  ordre  tend  à  placer  le  prévenu  tantôt  en  la  pré- 
sence, tantôt  même  sous  la  garde,  sous  la  main  de  la  justice. 

Je  dis  qu'en  général  les  mandats  sont  délivrés  par  des  officiers  de  police 
judiciaire,  et  régulièrement,  spécialement  par  les  juges  d'instruction.  Us  le 
sont  quelquefois,  dans  des  cas  tout  à  fait  spéciaux,  par  les  tribunaux  eux- 
mêmes;  vous  en  trouverez  des  exemples  dans  les  art.  193  et  214.  \ 

Quelques  mandats  peuvent  aussi  être  délivrés  non  pas  par  le  juge  d'instruc- 
tion, mais  par  le  procureur  de  la  République  ;  tel  est  le  cas  déjà  vu  de  l'art.  40, 
qui  autorise  le  procureur  de  la  République  à  décerner  parfois  un  mandat 
•d'amener.  Nous  verrons  même  plus  tard  le  procureur  de  la  République  auto- 
risé formellement,  par  l'art.  400  et  par  l'art.  1  de  la  loi  du  20  mai  1863,  à  dé- 
<^erner,  dans  un  cas  donné,  un  mandat  d'une  nature  plus  grave,  le  mandat  de 
<lépôt.  Mais  que  les  mandats  soient  di'livrés  par  un  tribunal  tout  entier, 
comme  dans  les  art.  193  et  214,  ou  bien  par  le  ministère  public,  comme  dans 
les  art.  40  et  100,  toujours  est-il  qu'ils  ne  le  sont  ainsi  que  par  exception; 
en  principe,  c'est  au  juge  d'instruction  et  à  lui  seul  qu'appartient  le  droit 
de  décerner  les  diverses  classes  de  mandats  énumérés  dans  la  rubrique  de 
ce  titre. 

Ces  mandats  ont  deux  buts,  vous  ai-je  dit,  de  placer  l'inculpé  tantôt  sim- 
plement en  la  présence  des  juges,  tantôt  sous  leur  main,  en  leor  garde.  £n 

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540  TINOT-NEUYlilCS  LBÇON.  —  IMB  l'INSTHUCTIÛN  ÉCRITE  (n""   604). 

présence  du  juge»  tels  sont  le  mandat  de  companitîon  et  celui. d'amener;  sou» 
la  garde  de  la  justice,  tels  sont  les  mandats  de  dépôt  et  d'arrêt. 

602.  De  ces  quatre  classes  de  mandats,  il  en  est  trois,  la  première  et  le& 
deux  dernières,  que  le  Gode  de  1808  s'est  borné  à  puiser  dans  le  Gode  du 
3  brumaire  an  IV  qui  consacrait  ces  trois  sortes  de  mandats,  mandat  de  com- 
parution, mandat  d'amener,  mandat  d'arrêt  ;  on  les  a  reproduits  à  peu  prè& 
dans  les  mômes  termes  et  avec  les  mômes  effets.  Quant  au  troisième,  le  Gode 
du  3  brumaire  ne  l'admettait  pas;  le  nom  de  mandat  de  dépôt  n'était  pro- 
noncé ni  par  ce  Gode  ni,  je  crois,  par  aucun  acte  de  la  législation  antérieure» 
La  loi  du  7  pluviôse  an  IX  introduisit,  pour  des  cas  tout  particuliers  et  pour 
des  magistrats  qu'elle  instituait,  une  quatrième  sorte  de  mandat,  sous  le  nom 
de  mandat  de  dépôt. 

Gette  origine  historique  du  mandat  de  dépôt  est  importante  à  constater, 
parce  que,  comme  vous  le  verrez  bientôt  en  étudiant  ce  chapitre,  et  comme 
le  sentiront  surtout  ceux  d*entre  vous  qui  seront  appelés  plus  tard  à  la  pra- 
tique judiciaire  du  parquet,  c*est  une  des  difficultés  les  plus  notables  du  Gode 
d'instruction  criminelle  que  de  bien  discerner  la  différence  et  l'emploi  soit  du 
mandat  de  dépôt,  soit  du  mandat  d'arrêt.  Le  mandat  de  dépôt  parait,  en 
général,  une  superfétation  dont  on  conçoit  difficilement  le  concours  avec  le 
mandat  d'arrêt.  Nous  dirons  à  cet  égard  ce  que  fait  la  pratique»  malheureuse- 
ment fort  divergente,  et  ce  que  peut  dire  la  théorie  à  ce  sujet.  Mais,  pour 
arriver  à  l'origine,  et  peut-être  à  la  solution  de  la  difficulté,  constatons  bien 
que  dans  les  législations  antérieures  de  1791  et  de  Pan  IV  on  n'admettait  que 
trois  mandats,  que  le  quatrième  n'a  été  introduit  qu'après  coup,  pour  des  cas 
particuliers  qu'on  a  reproduits,  peut-être  sans  assez  d'examen,  dans  notre 
Gode. 

603.  Occupons-nous  aujourd'hui  de  la  première  classe  de  mandats  entre 
lesquels  la  distinction  théorique  et  pratique  est  facile  :  mandat  de  comparution» 
mandat  d'amener. 

Ges  deux  mandats,  qui  diffèrent  profondément  de  ceux  qui  les  suivent,  se 
distinguent  également  l'un  de  l'autre  par  des  caractères  assez  sensibles. 

604.  Le  mandat  de  comparution  n'est,  à  proprement  parler,  qu'une  espèce 
d'assignation,  je  dirai  presque  d'invitation  adressée  à  un  inculpé,  à  l'effet  de 
de  le  faire  paraître  devant  le  juge  instructeur.  Ge  mandat  délivré  et  signifié  à 
la  personne  qu'il  appelle  ne  lui  impose  aucune  contrainte  physique,  aucune 
obligation  légale;  il  lui  impose  l'obligation  toute  morale  de  paraître  devant  le 
juge  d'instruction  pour  venir  y  répondre  sur  les  faits  qui  lui  sont  imputés,, 
pour  venir  se  disculper  des  soupçons  qui  pèsent  sur  lui. 

Du  reste,  non-seulement  l'agent,  l'officier  porteur  de  ce  mandat  n'a  pas- 
qualité  pour  employer  la  force,  mais  il  ne  peut,*  en  cas  de  refus  de  la  personne 
appelée,  exercer  sur  elle  aucune  contrainte,  aucune  force  coercitive.  Ainsi,  la. 
comparution  est  facultative  de  la  part  de  la  personne  à  laquelle  est  adressé  ce 
mandat,  en  ce  sens  au  moins  que  sa  désobéissance  ou  son  refus  de  comparaî- 
tre n'entraînera  pas,  contre  elle,  immédiatement  et  de  prime  abord,  l'emplo» 
des  mesures  coercitives  que  nécessiteraient  les  antres  mandats. 

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DES  MANDATS  d'aAHBSTATION  (aRT.  97).  541 

605.  Autre  chose  est  donc  le  mandat  de  comparution,  antre  chose  est  le 
mandat  d'amener.  L'officier  porteur  du  mandat  d'amener  ne  se  présente  pas 
sans  doute  entouré  de  la  force  publique  destinée  à  contraindre  le  prévenu  ; 
mais,  si  le  prévenu  auquel  il  adresse  et  signifie  ce  mandat  refuse  d'y  obtem- 
pérer, refuse  de  se  rendre  à  Tinstant  môme  devant  le  juge  qui  Ta  décerné,  ou 
bien  si,  ayant  déclaré  qu'il  est  prêt  à  obéir,  il  cherche  à  s'évader,  à  se  sous- 
traire à  Teiécution  du  mandat,  alors  l'officier  qui  en  est  porteur,  l'officier  qui 
le  lui  a  signifié  peut  et  doit  requérir  l'emploi  de  la  force  publique  pour  exécu- 
ter le  mandat.  Sous  ce  rapport  le  mandat  d'amener^  bien  différent  de  celui  de 
comparution,  renferme  en  lui-même  une  puissance  coercitive,  un  appel  à  la 
force  publique,  qui  se  produira  non  pas  de  prime  abord,  mais  seulement  sur 
le  refus  ou  la  tentative  d'évasion  du  prévenu^  art.  99,  §  1  ;  et  le  §  2  ajoute  que 
dans  le  mandat  d'amener  sera  contenue  la  réquisition  à  la  force  publique  qui 
sera  tenue  de  marcher. 

606.  De  cette  distinction  entre  les  deux  mandats  de  comparution  et  d'ame- 
ner, il  suit  que  l'emploi  de  l'un  ou  de  l'autre,  que  le  choix  entre  les  deux  n'est 
pas  une  affaire  indifférente  ;  que  le  mandat  de  comparution,  s'exercant  avec 
moins  d'éclat,  s'isolant  tout  à  fait  de  tout  emploi,  de  tout  appareil  et  même  de 
toute  menace  de  la  force  publique,  doit  être  préféré  toutes  les  fois  que  ni  la 
position  du  prévenu  ni  la  nature  du  fait  imputé  ne  donnent  lieu  à  des  craintes 
raisonnables  d'un  refus  d'obtempérer  on  d'une  tentative  d'évasion.  Ainsi,  si 
les  antécédents,  les  habitudes,  la  position  du  prévenu,  sont  honorables,  si  sur- 
tout, car  ce  n'est  pas  là  non  plus  une  affaire  de  personnes,  si  surtout  le  fait 
dont  il  est  prévenu  est  d'une  nature  peu  grave,  si  c'est  un  fait  simplement  cor- 
rectionnel, il  serait  ordinairement  prudent  et  convenable  de  ne  décerner 
contre  lui  qu'un  simple  mandat  de  comparution.  Cependant,  comme  c'est  là 
une  appréciation  de  faits,  de  détails,  de  circonstances,  la  loi  n'adresse  à  cet 
égard  aucune  injonction,  aucun  ordre  au  juge  d'instruction,  elle  s'adresse  à 
sa  prudenoe,  à  sa  conscience,  et  ne  lui  impose  pas  l'ordre;  l'art.  91  est  bien 
clair  à  cet  égard.  On  y  décide  qu'il  sera  libre  au  juge  d'instruction  de  ne  dé- 
cerner qu'un  mandatée  comparution  lorsque  Je  prévenu  sera  domicilié,  et  que 
le  fait  de  prévention  ne  sera  qu'un  simple  délit.  Mais  notez  bien  que  ces  deux 
circonstances  doivent  concourir,  attendu  que,  si  l'une  des  deux  manquait,  si  le 
prévenu  était  sans  domicile,  quoique  la  prévention  fiU  d'un  simple  délit,  ou 
réciproquement,  si  la  prévention  était  d'un  crime  quoique  le  prévenu  fût  do- 
micilié, alors  le  juge  d'instruction  devrait  nécessairement  recourir  au  mandat 
d'amener,  de  préférence  au  mandat  de  comparution.  Les  deux  circonstances 
concourant,  il  lui  est,  non  pas  commandé,  mais  permis  de  ne  décerner  contre 
le  prévenu  qu^un  simple  mandat  de  comparution. 

La  loi  ajoute  que,  même  dans  le  cas  de  concours  des  deux  circonstances  que 
je  viens  d'indiquer,  ai  cependant,  sur  un  premier  mandat  de  comparution,  le 
prévenu  a  refusé  ou  négligé  d'obéir,  alors  le  juge  devra  décerner  contre 
lui  un  mandat  d'amener;  que,  de  même,  toutes  les  fois  que  le  fait  sera 
de  nature  à  entraîner  une  peine  afflictive  ou  infamante,  il  y  aura  nécessité 
d'employer  le  mandat  d'amener;  c'est  ce  qui  résulte  déjà  du  premier  para- 
graphe. 


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542  VINGT*NBUVlàlfB  LBÇON.   —  DB  L'INSTRUCTION  ÉCRITB  (n*  607). 

Tel  eet  Tensemble  de  Part.  91. 

Mais  les  tennes  de  cet  article  ont  été  modifiés  par  la  loi  du  14  juillet  1865  : 

«  Abt.  9t.  En  matière  criminelle  oa  correctionnelle,  le  juge  d'instruction  pourra 
ne  décerner  qu'un  mandat  de  comparution,  sauf  à  convertir  ce  mandat,  après 
l'interrogatoire,  en  tel  autre  mandat  qu'il  appartiendra,  tii  l'inculpé  fait  défaut  le 
juge  d'instruction  décernera  contre  lui  un  mandat  d'amener.  » 

Il  résulte  de  ce  nouveau  texte  que  le  juge  d'instruction  a  désormais  la 
faculté  de  ne  décerner  qu'un  mandat  de  comparution  en  toute  matière,  en 
matière  criminelle  aussi  bien  qu'en  matière  correctionnelle,  et  quelles  que 
soient  les  peines^  afflictives  ou  infamantes  ou  correctionnelles,  dont  les  faits 
incriminés  sont  passibles.  C'est  là  une  innovation  importante  ;  elle  aurait  plus 
d'importance  encore  si  le  choix  du  mandat,  même  en  matière  correctionnelle, 
n'était  pas  laissé  à  l'option  du  juge.  C'est  une  simple  faculté  qui  est  ouverte  à 
ce  magistrat  :  les  inculpés,  même  de  simples  délits,  n'y  ont  aucun  droit  formel. 

607.  Quant  aux  effets  du  mandat  de  comparution  et  du  mandat  d'amener, 
décernés  sous  les  distinctions  qui  précèdent,  l'art.  93  les  indique,  et  quant  au 
second  surtout,  il  est  bon  de  s'y  arrêter. 

L'effet  du  mandat  de  comparution  est  d'arriver  à  la  comparution  libre,  vo- 
lontaire, facultative  de  la  pari  de  celui  contre  lequel  ce  mandat  a  été  déUvré. 
Facultative  en  ce  sens,  je  le  répète,  qu'il  n'y  a  pas  immédiatement  et  direc- 
tement possibilité  de  le  contraindre  au  moyen  de  la  force  publique,  sauf, 
en  cas  de  refus,  à  décerner  un  deuxième  mandat  qui  sera  alors  un  mandat 
d'amener. 

Mais,  en  cas  de  mandat  de  comparution,  la  présence  du  prévenu  qui  obtem- 
père au  mandat  étant  tout  à  fait  volontaire,  il  est  clair  que  le  juge  ne  pourrait 
pas,  à  l'instant  où  il  se  présente,  ordonner  sa  détention,  sans  aucun  indice 
nouveau,  et,  par  exemple,  sans  aucun  interrogatoire.  L'acte  d'obéissance  du 
prévenu  au  mandat  de  comparution  est  un  indice,  est  une  présomption  de 
plus  en  faveur  de  son  innocence,  il  ne  peut  donc  pas  entraîner  contre  lui  la 
perte  même  temporaire  de  sa  liberté;  son  effet  est  donc  de  le  mettre,  non  pas 
sous  la  garde,  mais  en  présence  de  la  justice,  pour  y  répondre  de  ses  faits. 
Et  c'est  bien  là  le  but  de  la  loi  quand  elle  décide,  dans  l'art.  93,  que  sur  un 
mandat  de  comparution  le  prévenu  qui  parait  devra  être  interrogé  de  suite, 
c'est-i-dire  qu'on  n'aura  pas  le  droit  de  le  garder  prisonnier  sans  l'avoir  inter- 
rogé; après  l'interrogatoire,  l'art.  94  pourra,  selon  les  cas,  s'appliquer. 

Quant  au  mandat  d'amener,  son  effet  est  encore  plus  important  à  noter. 
Nous  avons  vu,  dans  l'art.  99,  en  quel  sens  l'obligation  de  comparaître  pou- 
vait être  garantie  par  des  mesures  coercitives.  Le  prévenu  contre  lequel  le 
mandat  d'amener  a  été  décerné,  nous  verrons  plus  tard  dans  quelle  forme,  a, 
je  le  suppose,  comparu  soit  volontairement,  soit,  sur  son  refus,  avec  le  secours 
de  la  force  publique,  art.  99  ;  cette  comparution  ou  volontaire  ou  forcée  auto- 
rise-t-elle  à  exercer  sur  lui,  en  vertu  du  mandat  d'amener,  une  violence,  une 
captivité,  une  détention,  soit  indéfinie,  soit  au  moins  temporaire  f  L'art.  ^ 
répond  en  partie  à  la  question;  il  est  clair  que,  si  on  peut  le  retenir  même 
malgré  lui  quand  il  a  obtempéré  au  mandat  d'amener,  cela  peut  se  prolonger 

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DBS  MANDATS  d'aRRESTATION  (ART.    91).  543 

au  delà  de  vingt*qoatre  heures.  Mais,  même  dans  cee  vingt-quatre  heures, 
pendant  lesquelles  on  peut  certainement  le  retenir  et  le  contraindre,  quelle 
est  précisément,  quelle  est  exactement  la  position  de  l'inculpé?  le  déposera- 
t-on  dans  la  maison  d'arrôt  où  doit  être  déposé  tout  prévenu  frappé  d*un 
mandat  de  dépôt,  et  surtout  d'un  mandat  d*arrêt?  Non,  le  droit  de  tenir, 
pendant  vingt-quatre  heures,  à  la  disposition  du  juge,  la  personne  frappée 
d'un  mandat  d'amener  n'entraîne  pas  le  droit  de  la  renfermer  dans  la  maison 
d'arrêt.  La  loi  du  ^8  germinal  an  VI,  sur  le  service  de  la  gendarmerie,  indi- 
que, dans  l'art.  168,  dans  quelle  forme  les  gendarmes  exécuteront  ce  mandat, 
elle  défend  expressément  d'enfermer  le  prévenu  sous  le  poids  d'un  simple 
mandat  d'amener  dans  la  maison  d'arrêt  de  l'arrondissement;  il  doit  être  tenu 
à  la  disposition  de  la  justice  et  sous  la  garde  de  la  force  publique,  non  pas 
dans  une  prison  ou  maison  d'arrêt,  mais  dans  la  maison  commune  ou  dans  le 
palais  de  justice. 

A  part  cette  loi  déjà  ancienne,  vous  trouvez  un  texte  bien  plus  récent  dans 
le  Gode  d'instruction  criminelle,  l'art.  609,  et  ce  texte  est  très-précis,  il  est 
ainsi  conçu  :  c  Nul  gardien  ne  pourra,  à  peine  d'être  poursuivi  et  puni  comme 
coupable  de  détention  arbitraire,  recevoir  ni  retenir  aucune  personne  qu'en 
vertu  soit  d'un  mandat  de  dépôt,  soit  d'un  mandat  d'arrêt  décerné  selon  les 
formes  prescrites  par  la  loi,  soit  d'un  arrêt  de  renvoi  devant  une  cour  d'assises, 
d'un  décret  d'accusation  ou  d'un  arrêt  ou  jugement  de  condamnation  à  une 
peine  afflictive  ou  à  un  emprisonnement,  et  sans  que  la  transcription  en  ait 
été  faite  sur  son  registre,  i  Or,  le  mandat  d'amener  n'est  pas  mentionné,  dans 
l'art.  609,  au  nombre  des  actes  sur  le  vu  desquels  le  gardien  de  la  maison 
peut  recevoir  un  prévenu;  il  s'ensuit  qu'aucun  dépôt  dans  la  maison  d'arrêt 
ne  peut  être  légalement  pratiqué  en  vertu  d'un  simple  mandat  d'amener,  en 
d'autres  termes,  que  la  disposition  de  l'art.  168  de  la  loi  de  l'an  Yl,  sur  la 
gerdarmerie,  est  très-clairement  confirmée  par  l'art.  609  de  notre  Gode. 

TRENTIÈME   LEÇON. 

608.  Nous  avons  commencé  à  traiter  du  droit  d'arrestation  et  du  fonction- 
naire auquel  ce  droit  est  principalement  confié  :  c'est,  avons-nous  dit,  le  juge 
d'instruction.  Parmi  les  mandats  que  le  Gode  énumère,  nous  avons  distingué 
deux  classes  bien  faciles  à  séparer  l'une  de  l'autre,  savoir  ceux  qui  ont  pour 
objet  de  mettre  le  prévenu  en  présence  de  la  justice,  à  laquelle  il  doit  répon- 
dre ;  et  ceux  qui  ont  pour  objet  de  le  placer  sous  la  garde  de  la  justice,  en 
état  d'arrestation  proprement  dite.  A  la  première  classe  se  rattachent  les 
mandats  de  comparution  et  d'amener.  Nous  avons  vu  dans  quels  cas  la  loi 
laissait  à  la  prudence  du  juge  le  choix  entre  ces  deux  mandats,  dans  quels 
cas,  au  contraire,  elle  l'obligeait  à  décerner  le  mandat  d'amener.  Sans  rentrer 
dans  ces  détails,  je  me  borne  à  vous  rappeler  que  le  mandat  d'amener,  quoi- 
que emportant  avec  lui  la  force  coercitive,  art.  99,  n'autorise  cependant  pas  à 
déposer  le  prévenu  dans  une  maison  d'arrêt,  art.  609.  En  un  mot,  le  mandat 
de  comparution  n'est  qu'une  sorte  d'appel,  d'assignation  à  se  présenter  devant 
le  juge;  le  mandat  d'amener  est  un  appel  à  l'appui  et  pour  l'exécution  duquel 
la  force  publique  peut  être  invoquée,  sans  qu'elle  doive  l'être  toujours. 

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544         TRSNTIÈKB  LEÇON.  —  DE  l'iNSTRUGTION  ÉCRITS  (n*  610). 

609.  61  maintenant,  passant  à  la  seconde  classe  de  mandats,  et  aussi  à  la 
plus  importante,  nous  nous  attachions  à  Tordre  que  je  vous  ai  indiqué,  d'après 
l'art.  95,  nous  devrions,  à  Tezamen  des  mandats  de  comparution  et  d'amener, 
faire  succéder  celui  du  mandat  de  dépôt.  Cependant  la  loi,  après  s'être  occu- 
pée, dans  les  trois  premiers  articles  de  ce  chapitre,  des  deux  premiers  mandats, 
passe  immédiatement,  dans  Tart.  94,  au  quatrième  mandat,  je  veux  dire  au 
mandat  d*arrôt;  non-seulement  elle  n'indique  point,  en  troisième  ordre,  l'usage 
et  les  formes  du  mandat  de  dépôt,  mais,  dans  aucune  des  dispositions  de  ce 
chapitre,  dans  aucune  des  dispositions  du  Gode,  elle  ne  s'occupe,  d'une  ma- 
nière nette^  spéciale,  positive,  de  l'emploi  du  mandat  de  dépôt.  De  là  nait, 
sur  l'utilité  de  ce  mandat^  une  incertitude  assez  grave,  et  qui  produit  fréquem- 
ment dans  la  pratique  des  résultats  fâcheux  que  nous  signalerons  tout  à 
l'heure.  Laissons  donc,  pour  le  moment,  de  côté  le  mandat  de  dépôt  dont  la 
loi  ne  s'occupe  qu'accidentellement,  que  transi toirement  ;  suivons  l'ordre  du 
texte  en  ce  qui  touche  le  mandat  d*arrét,  et  voyons  en  quelle  forme,  à  quel 
effet  il  est  décerné. 

610.  L'art.  94,  pour  autoriser  le  juge  d'instruction  à  décerner  un  mandat 
d'arrêt,  suppose,  commande  le  concours  de  trois  conditions  :  i»  interrogatoire 
du  prévenu  par  le  juge  d'instruction  ;  2o  conclusions  du  ministère  public  ; 
d<*  enfin,  fait  de  nature  à  entraîner,  soit  une  peine  aMictive  ou  infamante, 
soit  air  moins  un  emprisonnement.  Telles  sont  les  trois  conditions  que  vous 
trouvez  indiquées  dans  l'art.  94  comme  essentielles,  pour  autoriser  le  juge 
d'instruction  k  décerner  un  mandat  d'arrêt,  fit  ces  trois  conditions  concou- 
rant, la  loi  ne  commande  pas,  mais  permet  au  juge  d'instruction  de  décerner 
ce  mandat. 

Yoici  le  texte  de  cet  article  avec  les  modifications  que  lui  ont  apportées) 
d'abord  la  loi  du  4  avril  1855,  ensuite  celle  du  14  juillet  1865  : 

«  Art.  94.  Après  rinterrogatoire,  mi  en  cas  de  fuite  de  l'inculpé,  le  juge  pourra 
décerner  un  mandat  de  dépôt  ou  d'arrêt,  si  le  fait  emporte  la  peine  de  Temprl- 
sônnement  ou  une  autre  peine  plus  grave.  —  Il  ne  pourra  décerner  le  mandat 
d'arrêt  qu'après  avoir  entendu  le  procureur  de  la  République.  —  Dans  le  cours  de 
l'instruction,  il  pourra,  sur  les  conclusions  conformes  du  procureur  de  la  Répu- 
blique, et  quelle  que  soit  la  nature  de  l'inculpation,  donner  mainlevée  de  tout 
mandat  de  dépôt  ou  d'arrêt,  à  la  charge  par  l'inculpé  de  se  représenter  à  tous 
les  actes  de  la  procédure,  et  pour  l'exécution  du  jugement,  aussitôt  qu'il  en  sera 
•requis.  -^  L'ordonnance  de  mainlevée  ne  pourra  être  attaquée  par  voie  d'oppo* 
aition.  ? 

Occupons-nous  d'abord  du  mandat  d'arrêt.  La  loi  a  maintenu  les  trois  con- 
ditions qu'il  doit  réunir. 

Quel  est  le  motif  de  ces  trois  conditions  ?  fl  importe  de  le  bien  peser,  afin 
de  comprendre  la  préfér^ce  que  nous  auroqs  à  établir  entre  le  mandat  d'arrêt 
et  le  mandat  de  dépôt. 

Le  mandat  d'amener  aura  nécessairement,  pour  le  prévenu  qu'il  ira  frapper, 
des  conséquences  d'une  nature  assez  grave;  il  entraînera  la  conduite,  le 

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BU  MANDATS  d'arresta^xion  (art*  94).  545 

dépôt  du  prévenu  en  une  maison  d'arrêt  où  sa  détention  se  prolongera  presque 
toujours  assez  longtemps;  le  mandat  d'arrêt  continuera  de  frapper  le  prévenu, 
de  le  priver  de  sa  liberté,  jusqu'à  oe  que  l'instruction  soit  terminée,  con- 
formément aux  art.  127  et  128.  Aussi,  précisément  à  raison  de  la  gravité 
des  conséquences^  de  l'importance  des  effets  de  ce  mandat,  la  loi  vent 
que  la  gravité  du  fiiit,  l'importaoce  de  Tinculpation,  à  raison  de  laquelle  il  est 
décerné,  réponde  à  la  gravité,  à  Fimportance  des  effets  du  mandat  ainsi  dé- 
cerné. Aussi  faut-il  1*  que  le  fait  soit  ou  un  véritable  crime  ou  au  moins  un 
délit  de  nature  à  entraîner  emprisonnement.  S'il  s'agissait  d'une  contraven- 
ikm,  ou  même  d'un  délit  punissable  d'une  amende,  quelque  tievé  qu'en  fût 
ie  taux,  il  serait  impossible  de  décerner  un  mandat  d'arrêt.  V  Toujours  à 
raison  de  cette  idée,  à  raison  de  la  gravité  des  conséquences  du  mandat 
d'arrèty  la  loi  veut  que  l'inculpation,  sans  être  encore  prouvée,  sans  être 
encore  parfaitement  établie,  présente  cependant  un  caractère  de  véracité  qui 
rende  nécessaire  l'emploi  de  cette  mesure.  Aussi  veut*elle  qu'au  préalable  le 
prévenu,  ait  été  entendu,  c'est-à-dire  qu'il  ait  été  à  même  d'établir  par  ses 
réponses,  la  fausseté  de  Tinculpation  à  raison  de  laquelle  il  est  arrêté.  3<*  Elle 
vent  encore  que  le  ministère  public  ait  conclu,  c'est-à-dire  qu'une  garantie  de 
plua  soit  venue  se  présenter  pour  établir,  s'il  y  a  lieu,  le  peu  de  fondement 
de  rinculpation,  qu'une  garantie  de  plus  soit  venue  s'ajouter  à  l'examen  du 
juge  dlnstruction  pour  éviter  autant  que  possible  des  méprises  sur  Tindividu 
poursuivi  ou  sur  une  question  d'identité. 

Tels  sont  les  motifs  qui  font  exiger  Tinterrogatoire  du  prévenu  et  les  conclu- 
sions du  ministère  public.  L'emploi  de  ces  formalités  établit  une  analogie  sen- 
sible entre  ce  mandat  et  un  jugement.  Ce  mandat  n'est  décerné  qu'après 
examen,  interrogatoire,  c'est-'à-dire  qu'après  une  sorte  de  défense  du  prévenu; 
il  n'est  décerné  qu'après  les  conclusions  du  ministère  public;  il  y  a  un  rapport 
sensible  entre  un  jugement  proprement  dit  et  cette  sorte  de  jugement  provi- 
soire, de  jugement  d'instruction  que  renferme  ce  mandai,  dette  analogie 
devient  plus  sensible  encore,  lorsqu'on  jette  les  yeux  sur  l'art.  96,  où  vous 
voyez  ^e,  outre  les  formalités  matérielles,  extrinsèques,  que  doit  contenir  le 
mandat  d'arrêt  etque  nous  verrons  tout  à  l'heure,  outre  les  formalités  qui  lui 
sont  communes  avec  tous  les  mandats,  il  doit  contenir  de  plus  l'indication  pré- 
cise du  lait  de  la  prévention  et  la  citation  de  la  loi  qui  déclare  que  ce  £ût  est 
an  crime  ou  un  délit* 

Ainsi,  outre  les  trois  précautions  exigées  pour  décerner  ce  mandat  dans 
l'art.  94,  comme  autant  de  garanties  en  faveur  du  prévenu,  comme  servant  & 
établir  qu'une  détention  assez  longue  ne  lui  soit  pas  infligée  à  la  légère,  la  loi 
veut  encore  que  ce  mandat  soit  motivé,  motivé  en  fait  par  l'indication  du  fait, 
de  la  prévention;  motivé  en  droit  par  la  citation  précise  de  la  loi  qu'on 
prétttoid  y  appliquer.  Bncore  sous  ce  rapport,  une  analogie  sensible  rapproche 
le  mandat  d'arrêt  de  la  solennité  d'un  jugement  ;  le  mandat,  jugement  pro- 
visoire, jugement  d'instruction,  doit  être  motivé  comme  l'est  un  jugement 
<lôfinitif,  un  jugement  de  condamnation.  Bous  ce  rapport  certainement  on 
ne  peut  qu'applaudir  à  la  sagesse  de  la  loi,  en  reconnaissant  de  combien  de 
garanties,  de  combien  de  précautions  elle  a  entouré  l'emploi  d'une  mesure,  qui, 
•dans  ses  résultats,  peut  être  désastreuse  pour  celui  qu'elle  atteint  mal  à  propos. 

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546         TRKNTIÈMB  LEÇON.   —  DB  l'iNSTRUCTION  ÉCRITE  (n*  612). 

61 1 .  Au  contraire,  pour  le  mandat  de  dépôt,  nous  ne  trouvons  dans  les  textes 
aucune  de  ces  garanties;  le  mandat  de  dépôt  ne  doit  être  motivé  ni  en  fait  ni 
en  droit;  le  mandat  de  dépôt  ne  contient  ni  l'indication  des  actes  imputés  au 
prévenu,  ni  l'indication  des  lois  qu'on  entend  invoquer  contre  lui.  La  preuve 
en  est  dans  Tart.  96,  qui,  pariant  des  formalités  communes  à  tous  les  mandats, 
ajoute  qu'outre  ces  formalités,  le  mandat  d'arrôt  contiendra  les  motifs  de  faic 
et  de  droit.  Si  c'est  spécialement  le  mandat  d'arrôt  qui  doit  contenir  les  motifs, 
c'est  qu'assurément  tout  autre  mandat,  et  par  conséquent  le  mandat  de  dépôt 
ne  les  renferme  pas. 

Ainsi,  première  différence  dans  les  formalités,  le  mandat  de  dépôt  peut  être 
décerné  sans  contenir  ni  les  raisons  de  fait,  ni  les  raisons  de  droit  qui  portent 
le  magistrat  à  le  décerner. 

Secondement,  le  mandat  d'arrêt,  d'après  l'art.  94,  ne  peut  être  rendu  que 
sur  les  conclusions  du  ministère  public;  rien  de  semblable  dans  le  mandat  de 
dépôt;  vous  avez  vu,  au  contraire,  dans  l'art.  61,  que  le  juge  d'instruction  est 
autorisé  à  décerner  un  mandat  de  dépôt  d'of&ce  et  sans  aucunes  conclusions 
préalables. 

Vous  ne  voyez  pas  davantage,  dans  tous  les  textes  du  Gode,  que  le  mandat 
de  dépôt  suppose,  comme  préliminaire  indispensable,  l'interrogatoire  préalable 
du  prévenu. 

Ainsi,  en  résumé,  le  mandat  de  dépôt  pourra  être  décerné,  à  la  différence 
du  mandat  d'arrêt  :  l»  d'office  et  sans  conclusions  du  ministère  public; 
2<^  sans  interrogatoire  préalable  du  prévenu,  sans  qu'on  Tait  mis  à  même  de 
faire  valoir  ses  moyens  de  défense  ;  3<*  enfin  sans  Indication  ni  de  moti£s  de 
fait,  ni  de  motife  de  droit,  différence  qui  résulte  très-clairement  des  art.  61, 
94  et  96  combinés.  Vous  le  voyez,  les  différences  de  formalités,  l'inégalité  de 
garanties,  sont  on  ne  peut  plus  sensibles  dans  le  rapprochement  de  ces  deux 
mandats. 

£t  cependant  la  loi  tend  à  les  confondre  ou  plutôt  à  substituer  de  plus  en 
plus  le  mandat  de  dépôt  au  mandat  d'arrêt.  Le  nouveau  texte  de  l'art.  94  sup- 
pose d'abord  que  le  mandat  de  dépôt  n'est  en  général  décerné  qu'après  l'inter- 
rogatoire de  l'inculpé,  comme  le  mandat  d'arrêt.  H  confère  ensuite  au  juge 
d'instruction  le  pouvoir  de  donner  mainlevée,  non  plus  seulement  du  mandat 
de  dépôt,  comme  l'avait  prescrit  la  loi  du  4  avril  1855,  mais  aussi  du  mandat 
d'arrêt.  Il  lui  confère  ce  pouvoir,  quelle  que  soit  la  nature  de  l'inculpation, 
qu'elle  ait  le  caractère  d'un  délit  ou  d'un  crime.  Ainsi  les  deux  mandats  ont 
la  même  fonction  et  les  mêmes  effets,  et  les  motifs  que  nous  allons  indiquer 
et  qui  expliqueraient  la  délivrance  du  mandat  de  dépôt,  n'ont  plus  la  même 
autorité. 

612.  Vous  sentez  que  ce  rapprochement  ne  tranche  en  aucune  façon  la 
question  que  nous  avons  posée,  de  savoir  dans  quels  cas  et  à  quelles  fins  le 
mandat  de  dépôt  pourra  être  décerné.  Aussi,  cette  question,  assez  douteuse, 
à  raison  du  silence  de  la  loi,  reçoit-elle,  dans  la  pratique,  des  solutions  fort 
différentes. 

Dans  certains  tribunaux,  le  mandat  de  dépôt  est  à  peu  près  sans  usage  ;  on 
décerne  les  mandats  de  comparution  ou  d'amener  pour  faire  venir  le  prévenu 

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DBS  MANDATS  d'aRRBSTATION  (aET.   94).  547 

en  présence  da  jage  qui  vent  l'intenoger.  Après  Tinterrogatoire,  et  sur  les 
conclusions  du  ministère  public,  on  convertit,  e'ii  y  a  lien,  le  mandat  d'ame- 
ner en  mandat  d'arrêt,  conformément  à  Tart.  94.  Cette  marche  est  sage,  elle 
est  raisonnable,  elle  donne  au  prévenu,  soit  dans  le  fond,  soit  dans  la  forme, 
toutes  les  garanties  que  les  art.  94  et  96  ont  entendu  donner  en  le  frappant 
d'un  mandat  d'arrêt. 

Dans  d'autres  tribunaux,  au  contraire,  l'usage  du  mandat  d'arrêt  est  extrê- 
mement rare,  et  presque  toujours  le  mandat  de  comparution  ou  d*amener  est 
converti  en  mandat  de  dépôt  ;  c'est-à-dire  que  la  détention  de  vingt-quatre 
heures,  que  le  mandat  d'amener  autorisait,  se  convertit  en  détention  indéfinie 
à  l'aide  d'un  mandat  de  dépôt,  et  sans  emploi  d*un  mandat  d'arrêt.  A  l'aide 
d'un  mandat  de  dépôt,  c'est-à-dire  sans  que  le  magistrat  qui  ordonne  cette 
détention  se  soit  cru  autorisé  d'interroger,  au  préalable,  le  prévenu  contre 
lequel  il  décerne  le  mandat;  c'est-à-dire  sans  que  le  magistrat  qui  décerne  ce 
mandat  se  soit  cru  obligé  de  requérir,  de  demander,  au  préalable,  les  conclu- 
sions du  procureur  de  la  République  ;  c'est-à-dire,  enfin,  sans  qu'en  décernant 
ce  mandat  on  prenne  la  peine  de  le  motiver,  conformément  à  l'art.  96,  c'est- 
à-dire  d'indiquer  le  fait,  d'indiquer  la  loi,  attendu  que  cette  indication  n'est 
exigée  que  dans  le  mandat  d'arrêt. 

Nous  verrons  tout  à  l'heure  quel  peut  être  le  véritable  emploi  du  mandat  de 
dépôt;  mais  il  est  clair  que,  si  l'emploi  que  j'indique  était  exact,  si  l'on  pou- 
vait indifiéremment  convertir  un  mandat  d'amener,  soit  en  mandat  d'arrêt, 
soit  en  mandat  de  dépôt,  il  n'y  aurait  rien  de  plus  inutile,  rien  de  plus  déri- 
soire que  les  art.  94  et  96.  En  effet,  ces  articles  énumèrent,  avec  des  détails 
certainement  fort  sages,  de  quelles  formalités,  de  quelles  garanties  doit  être 
environné,  soit  au -fond,  soit  en  la  forme,  l'emploi  du  mandat  d'arrêt.  Le  motif 
de  ces  précautions  est  sensible,  je  l'ai  indiqué  tout  à  l'heure.  Mais  il  est  clair 
que,  s'il  dépend  du  juge  dlnstruction  de  choisir,  dans  tous  les  cas,  entre  le 
mandat  d'arrêt  et  le  mandat  de  dépôt»  toutes  ces  garanties  disparaissent;  et  ce 
sera  assurément  de  la  part  du  législateur  une  marche  bien  ridicule  que  d'avoir 
astreint  le  mandat  d'arrêt  à  une  foule  de  garanties,  en  Tabsence  desquelles  il 
serait  nul,  s'il  permet  d'employer  à  la  place  avec  la  même  puissance  et  le 
même  résultat,  le  mandat  de  dépôt  qui  ne  présente  aucune  de  ces  garanties. 
Ce  sera  une  chose  bien  étrange  que  de  déclarer  nui  un  mandat  d'arrêt  décerné 
j^ans  conclusions,  sans  interrogatoire  préalable,  ou  rédigé  sans  motifs,  si  Ton 
peut,  avec  un  mandat  de  dépôt  dispensé  de  toutes  ces  formalités,  arriver  au 
môme  résultat,  frapper  le  prévenu  d'une  détention  indéfinie.  Aussi  laut-il 
reconnaître  que,  partout  où  un  pareil  usage  s'est  introduit,  cet  usage  est  un 
abus  manifeste,  une  violation  patente  de  l'esprit,  sinon  encore  du  texte  de  la 
loi.  Voyons  sur  quoi  il  peut  s'appuyer,  nous  chercherons  à  le  combattre  plas 
directement. 

Cet  usage  consiste,  pour  bien  résumer  la  chose  à  confondre  comme  indiffé- 
rents le  mandat  de  dépôt  et  le  mandat  d'arrêt,  à  croire  que  le  mandat  de  dé- 
pôt, dégagé  de  toutes  les  formalités,  de  toutes  les  conditions  précédentes, 
peut  et  doit  produire,  dans  la  pratique,  les  mêmes  effets  quô  le  mandat  d'arrêt*^ 
Et  cet  usage  a  pour  base  le  silence  de  la  loi  sur  l'emploi  du  mandat  de  dépôt, 
et  aussi  quelques  articles  dans  lesquels  elle  fait  marcher  de  front  le  manda\i 

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548         TKENTiâlCB  LEÇON.  -'-  DB  L'INSTRUCTION  ÉGRITB  (n®  612). 

de  dépôt  et  le  mandat  d'arrêt  ;  tels  sont  notamment  les  art.  108  et  ilO  de  ce 
chapitre.  Bn  nn  mot,  comme  la  1(m  n'a  pas  pris  soin  d'indiquer  dans  quels  cas 
le  mandat  de  dépôt  serait  employé,  on  en  conclut  qu'il  peut  être  employé 
comme  le  serait  le  mandat  d'anrôt  ;  sans  quoi,  dit*on,  le  mandat  de  dépôt  est 
absolument  inutile.  £n  effet,  les  mandats  de  comparution  e^  d'amener  suffi- 
sent pour  mettre  le  prévenu  en  présence  de  la  justice  qui  doit  l'interroger  ;  le 
mandat  d'arrêt  suffit  pour  retenir  le  prévenu  sous  la  main  de  la  justice  dans 
une  maison  d'arrêt,  jusqu'à  ce  que  le  juge  d'instruction  ait  statué  sur  les 
i^ultats  de  Tinstruction.  Or,  dit-on,  le  mandat  de  dépôt  est  absolument  inutile 
si  on  ne  l'emploie  pas  indifféremment^  indistinctement  et  dans  les  mêmes  cas 
que  le  mandat  d'arrêt  ;  de  là  la  confusion.  Mais  il  est  dair  qu'à  cette  objection 
Û  y  a  une  réponse  de  la  plus  grande  simplicité  :  si,  pour  tirer  parti  du  mandat 
de  dépôt,  si,  pour  donner  nn  sens  à  ce  mandat,  vous  êtes  forcé  de  l'employer 
dans  les  mêmes  cas  que  le  mandat  d'arrêt,  le  mandat  d'arrêt  ne  sert  plus  à 
rien  ;  de  même  que  l'objection  consiste  à  dire  que  le  mandat  de  dépôt  ne  ser- 
vira plus  à  rien,  de  même  la  réponse  serait  de  dire  que,  dans  le  système 
adopté,  le  mandat  d'arrêt  ne  serait  plus  utile.  Il  est  clair  que,  si  ces  deux 
mandats  ont  une  destination  pareille,  un  résultat  identique,  nn  des  deux  est 
inutile,  et  que  leurs  formalités  étant  différentes,  leurs  conditions  inégales, 
eette  inutilité  accuserait  le  vice  le  plus  singulier,  un  vice  inexplicable  dans  la 
loi.  Aussi  faut-il,  je  crois,  reconnaître,  soit  d'après  l'ensemble  des  articles  du 
Cîode,  soit  d'après  les  détails  de  la  législation  antérieure,  que  cette  confusion, 
cette  égalité  mise  entre  les  deux  mandats  n'est  ni  dans  l'esprit  ni  dans  le  texte 
de.  la  loi.  Constatons  bien  que  dans  les  premiers  articles  du  Cîode,  dans  ceux 
qui  tendent  à  organiser  tout  le  système,  à  en  présenter  l'idée  générale,  il  n'est 
pas  question  du  mandat  de  dépôt.  Gomment  appellera-t-on  le  prévenu  devant 
son  juge?  Soit  par  un  mandat  de  comparution  qui  est  tout  à  fait^olontaire, 
soit  par  un  mandat  d'amener  dont  l'exécution  peut  être  forcée.  Le  prévenu 
ayant  pu  et  ayant  dû  être  interrogé,  comment  convertira-t-on,  s'il  y  a  lieu,  cet 
état  provisoire  en  détention  prolongée  T  Par  un  mandat  d'arrêt,  il  ne  faut  pas 
hésiter  à  répondre.  En  effet,  les  art.  71,  %l  et  93  s'occupent  des  deux  premiers 
mandats;  Fart.  94  suppose  que  le  mandat  d'amener  sera  remplacé,  non  pas 
par  un  mandat  de  dépôt,  mais  bien  par  un  mandat  d'arrêt,  et  il  prend  soin 
d'en  déterminer  les  formes. 

D'ailleurs,  à  part  cette  première  remarque,  qui  tendrait  à  vous  avertir  déjà 
que  l'emploi  du  mandat  de  dépôt  ne  peut  être  que  rare,  accidentel,  excep- 
tilonael,  à  part  celte  première  remarque,  tirée  de  la  lecture  même  de  nos  aix 
premiers  articles,  il  en  est  une  autre  bien  simple  :  le  nom  même  du  mandat 
de  dépôt  emporte  clairement  avec  lui  l'idée  d'une  mesure  temporaire,  provi- 
aoiM,  accidentelle,  l'idée  d'une  mesure  bien  moins  longue  dans  ses  effets, 
bien  différente  dans  sa  nature,  de  celle  qu'emporte  avec  lui  le  nom  de  man- 
dat d'arrêt.  Le  mandat  d'arrêt  indique  assurément,  par  la  force  même  de  son 
nem,  une  détention  bien  plus  durable,  bien  plus  prolongée,  bien  plus  défini- 
tive que  le  mandat  de  dépôt,  qui  renferme  avec  lui  l'idée  du  provisoire  s'il  ea 
fat  jamais. 

Ajotttei  à  ces  remarques  l'art.  61,  qui,  tout  en  défendant  au  juge  d'instruc- 
tion de  jamais  rien  faire  d'office  dans  le  cas  de  flagrant  délit,  lui  permet 

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I>BS  MANBAT8  d'aRRXSTATION  (aBT.  94).  549 

cependant  de  décerner  d*ofioe  le  mandat  de  dépôt,  s'il  y  a  lieu;  s'il  y  a  Ueu, 
c'est-à-dire  en  cas  d'urgence,  en  cas  de  nécessité,  c'est-à-dire  dans  les  cas 
rares  où  il  est  impossible  d'obtenir,  quant  à  présent,  les  conclusions  du  mi- 
nistère public. 

Ainsi,  le  €k>de  seul  suffirait  à  démontrer,  soit  par  le  nom  de  mandat  de  dé- 
pôt, soit  par  la  disposition  d'exception  de  l'art.  61,  qu'en  principe  c'est  pur  le 
mandat  d'arrêt  que  la  détention  doit  être  i^ononcée;  que  l'emploi  du  mandat 
de  dépôt  n'est  qu'un  fait  rare,  un  fait  exceptionnel,  un  fait  contraire  à  la  na- 
ture môme  des  pouvoirs  du  juge  d'instruction,  qui,  en  général,  ne  doit  faite 
d'office  aucun  acte  d'instruction. 

Sans  doute  ces  premières  données  ne  suffisent  pas  pour  vous  indiquer  au 
juste  l'emploi  précis  du  mandat  de  dépôt;  mais  ellea  suffisent  pleinement  pour 
vous  faire  pressentir  la  nature  de  cet  emploi,  et  surtout  pour  démontrer  •com- 
bien on  abuse  de  ce  mandat,  quand  on  en  fait  un  moyen  journalier,  un  moyen 
perpétuel  qui  rend  le  mandat  d'arrôt  inutile,  inapplicable. 

Maintenant,  pour  aborder  plus  directement  la  question,  pour  voir  ce  que 
c'est  enfin  qu'un  mandat  de  dépôt,  et  dans  quels  cas  il  peut  être  employé,il  faut 
remonter  un  peu  en  avant  du  Gode.  Rappelez- vous  que  dans  les  Godes  de  1791 
et  de  l'an  lY  le  nom  de  mandat  de  dépôt  était  absolument  inconnu  :  c'est  une 
remarque  par  laquelle  j'ai  conmiencé,  dans  la  dernière  leçon,  l'explication  du 
présent  chapitre.  En  parcourant,  dans  le  Gode  du  3  brumaire,  les  dispositions 
analogues  à  celles  qui  nous  occupent  maintenant,  vous  y  verrez  que  ce  Gode 
n'admettait,  ne  reconnaissait  que  trois  mandats  :  mandat  de  comparution, 
mandat  d'amener,  mandat  d'arrôt.  Ges  trois  mandats,  dont  la  distinction,  les 
formes,  l'emploi,  étaient  à  peu  près  identiques  avec  ce  qu'ils  sont  maintenant, 
avaient  paru  suffire  à  toute  la  procédure  préparatoire  jusqu'à  la  décision  du 
jury  d'accusation. 

Gependant  une  loi  postérieure,  du  7  pluviôse  an  IX,  en  créant  les  magistrats 
de  sûreté  officiers  du  ministère  public,  vint  ajouter  à  ces  trois  mandats,  les 
seuls  alors  connus,  le  mandat  de  dépôt,  jusqu'alors  sans  aucun  emploi  :  ce 
mandat  de  dépôt,  la  loi  du  7  pluviôse  ne  le  substitua  pas  au  mandat  d'arrêt  ; 
elle  n'autorisa  pas  à  employer,  dans  les  cas  pour  lesquels  était  fait  le  mandat 
d'arrêt,  ce  mandat  de  dépôt  dont  la  rédaction,  dont  les  formes  présentaient 
des  garanties  bien  moindres.  Mais  elle  voulidt  que,  quand  un  prévenu  serait 
traduit  devant  le  magistrat  de  sûreté  officier  du  ministère  public,  quand  le 
directeur  du  jury  chargé  de  l'instruction  serait  absent,  quand  il  n'y  aurait 
pas  possibilité  de  remplir  immédiatement  les  formes  sans  lesquelles  aucun 
mandat  d'arrêt  n'était  possible,  le  prévenu  restât  provisoirement  sous  le  poids 
d'un  mandat  de  dépôt  décerné  contre  lui  par  ce  magistrat  de  sûreté,  art.  7  ; 
elle  voulait  que,  dans  les  vingt-quatre  heures,  le  magistrat  de  sûreté  donnât 
avis  au  directeur  du  jury  de  l'arrestation  et  du  mandat,  afin  que  celui-ci  pût 
procéder  de  suite  à  l'interrogatoire  du  prévenu,  et  en  vertu  de  cet  interroga- 
toire décerner,  s'il  y  avait  heu,  le  mandat  d'arrêt.  En  un  mot,  le  mandat  de 
dépôt,  introduit  par  la  loi  du  7  pluviôse  an  IX,  ajouté  par  elle  aux  trois  man- 
dats déjà  connus,  était  une  mesure  provisoire,  accidentelle,  autorisée  dans 
quelques  cas  rares,  pour  régulariser  la  position  d'un  prévenu  qu'on  ne  pouvait 
pas  mettre  immédiatement  en  liberté,  et  contre  lequel  on  ne  pouvait  pourtant 

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550         TRBNTIÉME  LEÇON.  —  DE  L*INSTRUGTION  ÉCRITE  (n*  612). 

pas  remplir,  &  l'instant  même,  les  formalités  voulnes  pour  décerner  le  mandat 
d*arrét.  De  là  Pobligation  imposée  an  magistrat  de  sûreté  qni  décernait  le 
mandat  de  dépôt,  d'en  avertir,  dans  les  vingt-quatre  heures,  l'officier  chargé 
d'interroger  le  prévenu,  à  Peffet  de  rentrer,  le  plus  tôt  possible,  dans  la  règle 
dont  on  était  sorti. 

Tel  fut  le  mandat  de  dépôt  à  son  origine,  dans  la  loi  du  7  pluviôse  an  IX  ; 
tel  il  fut  encore,  et  ceci  est  bon  à  remarquer,  dans  les  art.  537,  538,  582  et 
quelques  autres  du  projet  de  Code  criminel  qui  a  seul  servi  de  base  à  celui 
que  nous  étudions.  Là  on  distinguait  les  magistrats  de  sûreté  et  les  propré- 
teurs auxquels  on  avait  confié  les  fonctions  de  juges  instructeurs  ;  les  noms 
ont  disparu,  mais  la  chose  est  restée  ;  dans  Tart.  537  de  ce  projet  de  Gode  on 
autorisait,  comme  dans  la  loi  de  Tan  IX,  le  magistrat  de  sûreté  à  décerner 
provisoirement  le  mandat  de  dépôt,  à  charge  d'avis  dans  les  vingt-quatre 
heures,  art.  582.  Gertainemeat  aujourd'hui,  et  sous  l'empire  du  Gode  d'ins- 
truction criminelle,  nous  ne  pouvons  plus  appliquer,  à  la  lettre  et  complète- 
ment, les  dispositions  de  la  loi  de  Tan  IX.  Pourquoi  cela?  G'est  que  dans  la 
loi  de  l'an  IX  le  mandat  de  dépôt  était  décerné,  en  cas  d'urgence,  par  le  ma- 
gistrat de  sûreté  officier  du  ministère  public;  or,  aujourd'hui  les  procureurs  de 
la  République  et  leurs  substituts,  les  officiers  du  ministère  public  ne  paraissent 
pas  autorisés  à  décerner  le  mandat  de  dépôt,  même  en  cas  d'urgence;  l'art.  100 
est  peut-être  le  seul  où  le  droit  de  décerner  un  mandat  de  dépôt  appartienne 
au  procureur  de  la  République.  Mais  ce  changement  dans  les  personnes,  dans 
la  qualité  des  fonctionnaires  qui  peuvent  décerner  ce  mandat,  n'entraîne 
aucun  changement  dans  la  définition  et  dans  la  nature  du  mandat,  et  ce  man- 
dat de  dépôt,  que  le  Gode  n'a  pas  défini,  dont  le  Gode  a  reproduit  le  nom  sans 
en  déterminer  précisément  l'emploi,  reste  par  là  même,  relativement  aux  cas 
dans  lesquels  il  peut  être  employé,  soumis  à  l'empire  des  lois  antérieures.  Le 
mandat  de  dépôt  doit  encore  être  employé  aujourd'hui  dans  les  cas  et  dans  les 
formes  où  il  a  dû  l'être  à  son  origine.  G^est  le  seul  moyen  d*en  faire  usage, 
sans  en  mettre  l'emploi  en  contradiction  formelle  avec  la  définition  et  l'utilité 
du  mandat  d'arrêt. 

En  résumé,  le  juge  d'instruction  pourra  sans  doute  aujourd'hui  décerner 
des  mandats  de  dépôt  dans  les  mêmes  cas  où  les  magistrats  de  sûreté  pou- 
vaient les  décerner  autrefois.  G'est-à-dire  que  si,  par  exemple,  un  prévenu 
est  amené  devant  le  juge  d'instruction,  si  le  procureur  de  la  République  est 
absent,  empêché,  malade,  en  congé,  opérant  loin  du  tribunal,  dans  ce  cas  il 
est  impossible  de  décerner  un  mandat  d'arrêt  ;  car  le  mandat  d'arrêt  exige 
impérieusement  les  conclusions  dû  procureur  de  la  République.  Il  est  égale- 
ment impossible  de  décerner  un  mandat  d'amener,  car  on  ne  peut  raisonna- 
blement décerner  un  mandat  d'amener  contre  un  prévenu  qui  est  là  présent 
et  devant  le  juge.  Que  faire  alors  ?  Décerner  un  mandat  de  dépôt,  sans  con- 
clusions préalables,  parce  que  le  ministère  public  est  absent  ;  sans  interroga- 
toire, parce  qu'il  n'y  a  pas  flagrant  délit  et  que  le  juge  d'instruction  ne  peut 
point  instruire  d'office  ;  mais  décerner  le  mandat  de  dépôt  seulement  pour  un 
temps  fort  court,  sous  l'empire  de  l'urgence,  sous  la  loi  de  la  nécessité  ;  c'est- 
à-dire  à  la  charge  d'interroger,  d'instruire,  de  procéder  régulièrement  dès 
que  la  chose  sera  possible,  dès  que  le  procureur  de  la  République  ou  son 

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MB  MANDATS  D*ARIIKSTATION  (ART.   94).  551 

substitut  sera  présent,  à  la  charge  de  convertir  le  mandat  de  dép6t  en  mandat 
d'arrôt,  aussitôt  que  les  circonstances  auront  permis  cette  conversion. 

Ainsi  entendu  comme  acte  accidentel,  provisoire,  déterminé  ou  commandé 
par  Turgence,  le  mandat  de  dépôt  est  un  acte  fort  raisonnable.  Au  contraire, 
le  mandat  de  dépôt  substitué  au  mandat  d*arrèt,  employé  dans  tous  les  cas  où 
le  mandat  d'arrêt  pourrait  l'être,  employé  pour  entraîner  une  détention  indé- 
finie, pour  laisser  le  prévenu  dans  une  maison  d'arrêt,  sans  qu'on  lui  ait 
même  fait  connaître  de  quel  fait  et  en  vertu  de  quelle  loi  il  est  poursuivi , 
<^e8t  évidemment  heurter  de  front  tous  les  textes  de  la  loi,  c'est  violer  mani- 
festement l'esprit  qui  a  dicté  les  art.  94  et  96.  Sans  doute  le  texte  du  Gode 
ne  suffit  pas  pour  établir  nettement  l'emploi  du  mandat  de  dépôt,  mais  il 
suffît  clairement  pour  établir  l'emploi  du  mandat  d'arrêt  à  Fezclusion  du 
mandat  de  dépôt  dans  tous  les  cas  où  l'on  peut  accomplir  les  formalités  des 
art.  94  et  96. 

C'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  l'emploi  des  quatre  espèces  de  mandats  énu- 
mérés  dans  les  six  premiers  articles,  mandats  dont  trois  sont  très-spéciale- 
ment déterminés  par  le  Gode  d'instruction  criminelle,  et  dont  le  quatrième, 
le  mandat  de  dépôt,  ne  peut  être  bien  expliqué  que  par  l'examen  des  textes 
antérieurs. 

Ces  observations  se  trouvent  d'ailleurs  en  complète  harmonie  avec  la  loi 
nouvelle  du  4  avril  1855,  qui  porte  :  c  Après  l'interrogatoire,  le  juge  pourra 
décerner  un  mandat  de  dépôt.  —  Dans  le  cours  de  l'interrogatoire,  il  pourra, 
sur  les  <x)nclusion8  conformes  du  procureur  de  la  République,  et  quelle  que 
soit  la  nature  de  l'inculpation,  donner  mainlevée  de  tout  mandat  de  dépôt  à 
la  charge  par  l'inculpé  de  se  représenter  à  tous  les  actes  de  la  procédure  et 
pour  l'exécution  du  jugement,  aussitôt  qu'il  en  sera  requis.  —  L'ordonaance 
de  mainlevée  ne  pourra  être  attaquée  par  voie  d'opposition.  • 

On  doit  ajouter  que  la  différence  que  cette  loi  avait  élevée^  entre  les 
deux  mandats  a  été  effacée  par  la  loi  du  14  juillet  1865.  La.  faculté  de 
donner  mainlevée,  restreinte  d'abord  au  mandat  de  dépôt,  a  étéi,  étendue  au 
mandat  d'arrêt.  Gette  faculté  n'avait  été  appliquée  qu'au  seul  mandat  de  dépôt, 
1^ raison  du  caractère  provisionnel  que  nous  venons  de  lui  reconnaître,  et  l'on 
n'avait  pas  cru  pouvoir  l'appliquer  au  mandat  d'arrêt  qui  est  décerné  en 
pleine  connaissance  de  cause  et  qui  semblait,  à  raison  des  formes  qui  l'envi* 
ronnent,  irrévocable.  Mais  il  était  résulté  de  là  un  grave  embarras  dans  la 
pratique.  Lorsqu'un  inculpé  contre  lequel  un  mandat  d'arrêt  avait  été  décerné, 
parce  qu'il  n'avait  pas  été  trouvé  aux  premières  recherches,  venait  ensuite  k 
faire  tomber  par  les  explications  de  son  interrogatoire  les  charges  qui  pesaient 
sur  lui,  le  juge  ne  pouvait  le  rendre  à  la  liberté,  il  y  avait  dans  cette  situation 
différente  de  l'inculpé  sous  mandat  de  dépôt  et  sous  mandat  d'arrêt  une  véri- 
table anomalie  que  le  nouveau  texte  de  l'art.  94  a  fait  cesser. 

Il  suit  de  là  que,  si  le  mandat  de  dépôt  et  le  mandat  d'arrêt  ont  un  carac- 
tère différent,  ils  ont  en  général  le  même  résultat.  Ils  procurent,  en  effet,  l'un 
et  l'autre,  l'arrestation  de  l'inculpé  et  son  écrou  dans  la  maison  d'arrêt  ;  la 
même  autorité  y  est  attachée  pendant  tout  le  cours  de  l'instruction  :  ils  sont 
levés  en  suivant  les  mêmes  formes.  Ge  sont  ces  effets  identiques  qui  motivent 
l'emploi  trop  fréquent  du  mandat  de  dépôt.  Le  juge  d'instruction  trouve  plus 

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552         TRENTIÂtfS  LEÇON.    '^  DK  l'iNSTHUCTIOM  ÉCRITE  (n"^  614). 

commode  de  8*en  serrir;  11  évite  par  ce  moyen  la  commnnicatioii  des  piècee^ 
au  ministère  public  pour  avoir  ses  condosions  ;  il  'évite  l'obligation  quelque* 
fois  embarrassante  au  début  de  l'instruction,  d'articuler  le  fiut  et  de  le  quali- 
fier. Mais  peut-il  dépendre  du  juge,  pour  fiiciliter  les  actes  de  sa  fonction,  de 
mettre  de  côté  les  prescriptions  de  la  loi,  les  garanties  qu'elle  a  voulu  assurer 
à  rinculpé  ?  Que  la  communication  des  pièces  apporte  quelque  retard  dan»  Uk 
procédure,  que  la  qualification  du  fait  soit  quelquefois  difficile,  cela  est  pos- 
sible; mais  la  célérité  du  procès  ne  doit  pas  être  achetée  au  prix  des  garanties 
de  la  justice,  et  la  condition  de  toute  arrestation  doit  être  renonciation  claire 
et  précise  du  délit  qui  la  motive.  Il  est  impossible  d'admettre  que  la  loi,  après 
avoir  édicté  le  mandat  d'arrêt,  après  avoir  établi  les  formes  qui  rendent  sa 
délivrance  plus  difficile  et  plus  prudente,  ait  placé  à  côté  un  autre  mandat 
qui,  sans  réunir  aucune  des  garanties  qui  y  sont  attachées,  puisse  supi^éer 
le  premier,  car  il  s'ensuivrait  qu'elle  n'aurait  entouré  la  détention  de  queU 
ques  formes  tutélaires  que  pour  ne  pas  les  appliquer. 

613.  La  plupart  des  articles  qui  nous  restent  à  expliquer,  s'appliquent,  soit 
aux  formes  à  suivre  dans  la  rédaction,  soit  aux  règles  à  observer  dans  la  no- 
tification et  Texécution  des  quatre  espèces  de  mandats. 

Les  formes  de  rédaction  sont  spécialement  indiquées  dans  les  art.  95  et  96  ; 
les  unes  sont  conmiunes  à  toute  espèce  de  mandats  ;  les  autres,  nous  les  con- 
naissons déjà,  sont  spéciales  au  mandat  d'arrêt.  Les  formes  conmiunes  à  toute 
espèce  de  mandats  sont  indiqaées  dans  l'art.  95  ;  les  trois  mandats  qu'il 
indique  doivent  être  signés  par  celui  qui  les  décerne  et  munis  de  son  sceau  ; 
et  Tart.  96  déclare  les  mtees  formes  applicables  à  la  quatrième  classe,  au 
mandat  d*arrèt«  Signés  et  scellés  par  celui  qui  les  décerne,  la  raison  en  est 
simple,  c'est  le  seul  moyen  de  démontrer,  pour  le  prévenu  et  pour  la  force 
publique  chargée  d'agir  à  l'appui  du  mandat,  que  ce  mandat  est  délivré  par 
un  fonctionnaire  ayant  qualité  poor  y  procéder. 

De  même,  le  prévenu  doit  y  être  ncnnmé  ou  désigné  le  plus  clairement  pos- 
sible ;  c'est  encore  le  seul  moyen  d'arriver  siirement  à  l'exéculion  du  mandat*. 
L'article  n'exige  pas  d'ailleurs  le  signalement  préds,  détaillé  de  l'individu 
frappé  du  mandat*  Cependant  dans  certains  cas,  il  sera  nécessaire  de  recourir 
à  ce  signalement,  si,  ne  connaissant  pas  le  prévenu,  on  est  obligé  d'employer 
une  désignation  indirecte. 

Dans  l'art.  96  on  applique  au  mandat  d'arrêt  les  formes  déjà  connues,  et  on 
y  exige  de  plus  renonciation  des  motifs. 

Il  faut  aussi  la  date  dans  ces  mandats  ;  la  date  n'est  pas  précisément  exigée, 
mais  la  nature  de  ces  dictes  indique  qu'elle  est  nécessaire.  D'ailleurs  l'art.  100 
suppose  que  le  mandat  d'amener,  et,  à  plus  forte  raison,  des  mandats  plus- 
rigoureux  doivent  contenir  la  date  du  jour  auquel  ils  ont  été  décernés. 

614.  Une  seule  question  sur  ces  articles  :  c'est  de  savoir  quel  sera  VeSet 
de  rinobservation  des  formes  qui  y  sont  indiquées.  Une  première  sanction, 
une  première  peine  est  indiquée  dans  l'art.  i\%  c'est  une  amende,  assez 
légère  d^ailleurs,  contre  le  greffier  coupable  de  l'omission  ;  et,  s'il  y  a  lieu, 
l'emploi  de  la  prise  à  partie  contre  l'officier  par  l'ordre  duquel  a  été  décerna 


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DSB  MANDATS  d'aBBBSTATION  (ART.  94).  5S3 

le  mandat.  Mais  est-ce  là  l'unique  sanction,  nne  amende  contre  le  greffier,  et 
l'emploi,  très-rare  et  très-précaire,  de  la  prise  à  partie  ?  6ont-ce  là.  les  seules 
garanties  que  nous  devions  attachera  l'obseryation  des  formes  prescrites?  En 
d'autres  termes,  Pinobsenration  de  ces  formes  entraînera-t-elle,  à  part  l'a- 
mende, la  nullité  des  mandats  décernés  au  mépris  de  ces  formes  ? 

Vous  sentes  qu'ici  la  pénalité  légère,  insignifiante,  prononcée  par  l'art.  112, 
ne  saurait  être  la  matière  d'un  argument  à  contrario  ;  de  ce  que  la  loi  punit 
d'une  très-faible  amende  le  greffier  coupable  de  l'irrégularité,  il  serait  dérai- 
sonnable de.  conclure  que  le  mandat  soit  parfaitement  valable,  encore  bien 
que  contraire  aux  formalités  de  l'art.  95.  Qui,  d'ailleurs,  pourrait  concevoir 
qu'on  déclarât  valable  un  mandat  qui  n'est  pas  signé,  qui  ne  désigne  pas  la 
personne  contre  laquelle  on  le  décerne,  qui  n'indique  pas  le  fonctionnaire 
dont  il  émane?  Ces  formes  sont  substantielles  dans  l'existence  des  mandats  ; 
et,  malgré  le  silence  du  Gode  sur  cette  question,  on  ne  peut  guère  douter 
que  rinobservation  de  ces  formes  n'entraîne  la  nullité  entière  du  mandat.  Je 
dis,  d'ailleurs,  le  silence  du  Code  et  non  pas  le  silence  de  toutes  les  lois 
maintenant  en  vigueur;  en  eSét,  les  art  77  et  suivants  de  la  constitution  du 
22  frimaire  an  YIU  indiquaient  dans  quelles  formes  générales  devaient  être 
rédigés  les  mandats  d'arrestation,  et  prononçaient  la  nullité,  ou  ce  qui  est  la 
môme  chose,  défendaient  impériousemont  l'exécution  d'un  mandat  qui  ne 
serait  pas  conforme  aux  règles  indiquées  dans  ces  articles.  Ainsi,  l'arL  77  de 
la  constitution  de  l'an  YIU  défendait  absolument  l'exécution  d'un  mandat  qui 
ne  contiendrait  pas  de  motifs,  règle  qui  maintenant  se  restreint  au  mandat 
d'arrôt,  mais  qui  le  régît  encore  très-clairement.  Je  dis  qu'elle  le  régit  encore  ; 
car,  bien  que  la  constitution  de  l'an  VUI  ne  soit  plus  maintenant  en  vigueur 
dans  la  plus  grande  partie  de  ses  articles,  cependant  le  maintien,  la  conser- 
vation des  art.  77  à  82  de  cette  constitution  résulte  clairement  de  l'art.  615  du 
présent  Gode.  L'art.  615,  dans  une  disposition  indirecte,  mais  cependant  très- 
claire,  déclare  maintenir  en  vigueur,  relativement  aux  formés  des  ordres 
d'arrestation,  les  art.  77  et  suivants  de  la  constitution  de  l'an  Vin.  £n  efiTet, 
il  déclare  qu'en  exécution  de  ces  cinq  articles,  le  juge  de  paix  de  chaque 
canton  et  certains  autres  officiers  seront  chargés  de  prendre  les  mesures 
nécessaires  pour  conserver  le  principe  de  la  libèrié  individuelle. 

Il  est  donc  manifeste  :  1<»  à  raison  de  la  nature  môme  des  formes  indiquées 
dans  nos  deux  articles,  formes  en  l'absence  desquelles  on  ne  comprend  pas 
de  mandat;  2*  à  raison  des  cinq  articles  que  j'ai  indiqués,  combinés  avec 
l'art.  615  du  présent  Gode  qui  les  maintient,  il  est,  dis-je,  manifeste  que 
l'an.  112  n'est  pas,  à  beaucoup  près,  la  seule  sanction  de  l'accomplissement 
de  ces  formes;  il  est  clair  que  la  sanction  dominante,  c'est  la  nullité  du 
mandat,  la  défense  de  l'exécute^.  On  y  pourrait  joindre  au  besoin  l'art,  609, 
qui  porte  :  c  Nul  gardien  ne  pourra,  à  peine  d'ôtre  poursuivi  et  puni  comme 
coupable  de  détention  arbitraire,  recevoir  ni  retenir  aucune  personne  qu'en 
vertu,  soit  d'un  mandat  de  dépôt,  soit  d'un  mandat  d'arrêt  décerné  sblon 
LES  FORMES  PRBSGRnfis  PAR  hM.  LOI.  i  II  ost  clsir  quo  s'Il  ost  défoudu,  à  peine 
de  crime,  de  procéder  à  l'exécution  d'un  mandat  irrégulier,  c'est  qu'apparem- 
ment ce  mandat  n'est  pas  valable,  c'est  qu'apparemment  l'art.  112  n'est  pas 
la  seule  sanction  apportée  à  notre  article. 


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554         TRENTIÈME  LEÇON.    —  DE  l'INBTRUGTION  £GRITB  (n*  615). 

615.  Les  art.  97  et  snivantg  ne  se  rattachent  pins  aux  formes  matérielles 
de  la  rédaction  des  mandats  ;  ils  se  rattachent,  comme  la  pins  grande  partie 
et  presque  tous  les  textes  qni  terminent  ce  chapitre,  à  l'exécution  de  ces  man- 
dats. 

Kart.  98  pose  un  principe  que  nous  avons  expliqué  dans  une  leçon  de  pro- 
cédure (i),  c'est  que,  tons  les  mandats  décernés  dans  les  formes  précédentes 
sont  exécutoires  dans  toute  retendu^  de  la  République.  Ainsi,  sans  distinction 
d'arrondissement,  le  mandat,  même  à  une  grande  distance,  doit  recevoir  son 
exécution  :  voilà  le  principe.  Cependant,  dans  le  §  2  de  cet  article,  une  dispo- 
sition exceptionnelle  se  présente  et  offre  quelque  difficulté;  on  y  déclare  que, 
si  un  mandat  de  dépôt  ou  d'arrêt  est  jprésenté  hors  de  Tarrondissement  de 
l'officier  qui  Ta  décerné,  l'individu  arrêté  en  vertu  de  ce  mandat  sera  conduit 
devant  le  juge  de  paix  ou  devant  le  maire  ;  que  ces  officiers  devront  donner 
leur  visa  sur  l'original  du  mandat,  sans  pouvoir  d'ailleurs  en  arrêter  Texé* 
cution.  Ce  visa  n'est  pas  un  pareatis  ;  ce  visa  demandé  au  juge  de  paix  dans  le 
canton  duquel  on  exécute  le  mandat  n'a  pas  pour  but  d'attribuer  à  ce  mandat 
une  force  exécutoire  que  le  paragraphe  i«'  lui  imprimait  déjà  dans  tout  le  ter^ 
ritoire.  La  preuve  que  ce  visa  n'est  pas  un  pareatis,  la  preuve  qu'il  ne  tient 
point  au  défaut  d'autorité,  c'est  que  le  visa  n'est  demandé  et  n'est  accordé 
qu'après  l'arrestation  opérée  en  vertu  du  mandat  En  effet,  l'officier  porteur 
du  mandat  l'exécutera,  opérera  l'arrestation,  à  quelque  distance  qu'il  soit  de 
l'arrondissement  du  juge  qui  l'a  décerné  ;  puis  ensuite,  avant  de  songer  à 
effectuer  le  transport  du  prévenu,  il  le  conduira  devant  le  juge  de  paix  pour 
obtenir  le  visa.  Quel  est  donc  le  but,  l'effet,  la  nature  de  ce  visa?  peut-il  être 
refusé  en  certains  cas?  Le  juge  de  paix  ou  le  maire  sont-ils  au  contraire  abso* 
lument  tenus  de  le  donner  1  Les  derniers  mots  de  l'art.  98  défendent  absolu- 
ment au  juge  de  paix  d'empêcher  l'exécution  du  mandat;  d'où  on  pourrait, 
d'oii  on  devrait,  ce  semble,  conclure  que  le  juge  de  paix  n'a  pas  droit  de 
refuser  son  visa,  sous  prétexte  des  vices  de  formes,  des  irrégularités  du  man- 
dat qui  lui  est  ainsi  soumis,  ou  sous  toute  autre  raison  qu'il  pourrait  alléguer. 
Mais,  si  tel  est  le  sens  des  derniers  mots  de  notre  article,  si,  en  effet,  le  visa  est 
un  acte  absolument  forcé,  si  le  juge  de  paix  n'a  pas  qualité  pour  le  refioLser, 
comment  concevoir  qu'on  le  lui  demande  ?  quelle  sera  l'utilité  d'un  pareil  visa, 
s'il  doit  être  donné  absolument  et  dans  tous  les  cas  ?  U  est  clair  que  dès  ce 
moment  il  n'est  plus  qu'une  très-inutile  formalité. 

Une  autre  difficulté  nous  arrête  ;  le  mandat,  je  le  suppose,  est  irrégulier,  et 
la  question  est  de  savoir  si,  à  raison  de  ce  vice  de  forme,  le  juge  de  paix  peut 
et  doit  refuser  le  visa.  L'art.  609,  que  je  citais  tout  à  l'heure,  vous  disait  que 
le  geôlier,  le  gardien  d'une  maison  d'arrêt  ne  peut  recevoir  le  prévenu,  si  on 
ne  lui  excipe  point  un  mandat  régulier  ;  et  dès  lors  comment  concevoir  qu'on 
obligeât  un  juge  de  paix,  un  maire  ou  son  adjoint,  à  concourir  à  l'exécution 
d'un  mandat  dont  les  vices  leur  sont  démontrés,  mandat  auquel  un  agent 
inférieur,  un  gardien^  un  geôlier  ne  peut  pas  obéir,  à  peine  de  se  rendre  cou- 
pable ?  D'ailleurs,  les  art.  616  et  617  prescrivent  au  juge  de  paix  de  s'assurer 

(t)  Voy.  tome  II,  Code  de  procédure  civile,  n»  322 

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DBS   MANDATS  d'aRRBSTATION  (aRT.   98).  555 

de  l'exécation  des  mesures  établies  pour  garantir,  pour  protéger  la  liberté  in- 
dividuelle. Gomment  alors  concevoir  que  le  juge  de  paix  n*ait  pas  le  pouvoir 
de  refuser  son  visa? 

Aussi  faut-il  reconnaître  que,  nonobstant  les  derniers  mots  de  Partiel  e, 
le  juge  de  paix  peut  et  doit  refuser  son  visa  :  i«  si  le  mandat  est  vicieux  dans  la 
forme;  2*  si  le  porteur  du  mandat  est  un  individu  sans  qualité;  3®  enfin,  si  Tîn- 
dividu  auquel  on  prétend  appliquer  ce  mandat  ne  parait  point  être  celui  que  le 
mandat  désigne.  Quand  il  s'agit  d'exécuter  hors  de  l'arrondissement  de  l'offi- 
cier auteur  du  mandat,  on  accorde  au  juge  de  paix  le  droit  de  vérifier  la  forme 
matérielle  du  mandat,  la  qualité  de  celui  qui  le  porte,  et  enfin  la  qualité  du 
prévenu  qu'on  veut  arrêter. 

Que  si  cependant  le  jage  de  paix,  peu  éclairé,  refusait  mal  à  propos  son  visa, 
la  ressource  serait  de  conduire  le  prévenu  devant  le  procureur  de  la  Républi- 
que de  l'arrondissement,  à  l'effet  de  faire  statuer  dans  les  formes  indiquées 
par  l'art.  616,  in  fine. 

Que  si,  à  cette  faculté  de  refuser  le  mandat,  on  oppose  les  derniers  mots  de 
l'art.  98,  par  lesquels  le  juge  de  paix  ne  peut  refuser  le  visa,  nous  dirons  que 
ces  derniers  mots  doivent  s'entendre  seulement  en  ce  sens  que  le  juge  de  paix 
n'a  pas  droit  de  substituer  son  opinion,  sa  conviction  personnelle  à  l'opinion 
du  magistrat  qui  a  décerné  le  mandat;  que,  par  exemple,  quelque  convaincu 
qu'il  soit  personnellement  de  l'innocence  de  l'individu  contre  lequel  le  man- 
dat est  décerné,  il  ne  peut,  sans  violer  son  devoir^  refuser  de  viser  ce  mandat; 
en  un  mot,  qu'il  n'a  pouvoir  de  vérification  que  quant  à  la  forme,  quant  à 
la  qualité,  quant  à  Tidentité,  mais  nullement  quant  au  mérite  du  fond,  nulle- 
ment quant  à  la  probabilité  ou  à  la  preuve  déjà  acquise  des  faits  à  raison  des- 
quels est  décerné  le  mandat.  C'est  en  ce  sens,  et  seulement  en  ce  sens,  qu'il 
faut  dire,  avec  la  loi,  que  le  juge  de  paix  ne  peut  point  empêcher  l'exécution 
du  mandat,  c'est-à-dire  l'exécution  du  mandat  décerné  et  irrégulièrement  dé- 
cerné. 

L'art.  99  vous  est  déjà  connu. 

616.  Les  art.  100  jusqu'à  103  sont  relatifs  à  une  certaine  hypothèse  dont  je 
vais  vous  entretenir;  l'art.  100  contient  une  exception  à  la  règle  du  §  i*'  de 
l'art.  98,  et  les  articles  suivants  règlent  divers  points  qui  se  rapportent  à  cette 
exception. 

En  principe,  tous  les  mandats,  et  notamment  les  mandats  d'amener,  doivent 
être  exécutés  dans  toute  l'étendue  du  territoire  de  l'État;  en  principe,  le 
portear  d'un  mandat  peut  partout,  en  cas  de  résistance,  invoquer  à  son  appui 
l'aide  de  la  force  publique,  en  vertu  de  la  réquisition  que  doivent  contenir  les 
trois  derniers  mandats.  Cependant,  l'art.  100  contient  à  cette  règle  une  excep- 
tion assez  remarquable  pour  le  mandat  d'amener,  lorsque  trois  circonstances 
concourent,  c'est-à-dire  lorsqu'après  deux  jours  depuis  la  date  du  mandat 
d'amener  le  prévenu  est  trouvé  hors  de  l'arrondissement  de  l'officier  qui  l'a 
décerné,  et  à  plus  de  cinq  myriamètres  du  domicile  de  cet  officier;  alors  la 
circonstance  d'éloignement  de  localité  et  la  circonstance  des  dates  venant  à 
concourir,  la  loi  ne  veut  pas  qu'à  raison  d'un  mandat  d'amener,  décerné  sans 
interrogatoire  et  sur  des  indices  peut-être  fort  légers,  on  inflige  au  prévenu 

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556        TRBNTI&MB  LEÇON.  —  DE  L'INSTRUCTION  ÉGRITB  (n«  616). 

désigné  dans  ce  mandat  la  nécessité  d^un  Yoyage  assez  long,  assez  pénible,  et 
nécessairement  ignominieux.  Dans  ce  cas  on  autorise  le  prévenu  à  se  refuser 
à  Texécution  du  mandat.  <  Ge  prévenu,  dit  Part.  100,  pourra  n*étre  pas  con- 
traint de  se  rendre  an  mandat;  »  c'est-à-dire  évidemment,  malgré  cette 
rédaction  vicieuse,  ne  pourra  pas  être  contraint  de  se  rendre  à  l'exécution  du 
mandat.  U  faut  entendre  cet  article  dans  le  sens  de  Tart.  74  du  Gode  du 
3  brumaire,  d'où  cette  disposition  a  été  tirée.  Seulement^  si  le  prévenu  ne 
peut  être  contraint,  c'est-à-dire  si  on  ne  peut  pas  lui  imposer  un  trajet  de 
cette  importance,  sous  la  présomption  légère  qui  résulte  d'un  mandat  d'ame- 
ner, ce  n'est  pas  à  dire  que  sa  mise  en  liberté  en  sera  la  conséquence  ;  il 
pourra  seulement  demander,  en  refusant  de  suivre  le  porteur  du  mandat 
d'amener,  à  être  conduit  devant  le  procureur  de  la  République  de  l'arrondis- 
sement oii  on  le  trouve,  et  le  procureur  de  la  République  substituera  à  ce 
mandat  d'amener,  qui  entraînerait  un  déplacement,  un  mandat  de  dépôt, 
sous  le  poids  duquel  le  prévenu  restera  dans  la  maison  d'arrêt.  Voilà  le  cas 
auquel  je  faisais  allusion  précédemment,  dans  lequel  le  procureur  de  la  Répu- 
blique est  autorisé  à  décerner  directement  un  mandat  de  dépôt.  Mais  ici 
môme,  vous  le  voyez,  le  mandat  de  dépôt  n'est  présenté  par  la  loi  que 
comme  une  mesure  provisoire  que  la  nécessité  seule  peut  commander  et 
excuser. 

Ënûn,  pour  qu'on  épargne  au  prévenu  la  nécessité  d'un  déplacement,  pour 
qu'on  le  laisse  sous  le  poids  d'un  mandat  de  dépôt  dans  l'arrondissement  où 
il  [se  trouve,  il  faut  qu'à  la  présomption  résultant  contre  lui  de  l'existence 
d'un  mandat  d'amener  ne  se  joignent  pas  les  circonstances  prévues  dans  le 
paragraphe  2.  Ainsi,  si  le  procureur  de  la  République  devant  lequel  le  pré- 
venu se  fait  conduire  pour  demander  la  conversion  du  mandat  d'amener  en 
mandat  de  dépôt,  le  trouve  nanti  d'instruments,  de  papiers  de  nature  à  faire 
présumer  qu'il  est  l'auteur  du  crime  ou  du  délit,  le  mandat  d'amener  devra 
être  exécuté,  et  le  procureur  de  la  République  ne  pourra  pas  le  retenir  dans 
l'arrondissement  sous  le  poids  d'un  mandat  de  dépôt. 

Les  quatre  articles  suivants  ont  pour  but  de  régler  la  position  du  prévenui 
lorsque  le  procureur  de  la  République  décerne  ce  mandat  de  dépôt.  Les  trois 
circonstances  du  paragraphe  i*'  de  l'art.  100  concourant,  le  prévenu  en  a 
invoqué  le  bénéfice,  et  le  procureur  de  la  République  a  décerné  le  mandat  de 
dépôt,  à  l'effet  de  lui  épargner  le  transport.  Immédiatement  ce  procureur  de 
la  République  devra  avertir  de  cette  arrestation  l'officier,  le  juge  d'instruction 
qui  avait  décerné  le  mandat  d'amener  ainsi  paralysé.  U  devra  l'avertir  de 
cette  arrestation,  pour  que  le  juge  d'instruction  puisse  aussitôt  procéder  aux 
mesures  qui  lui  sembleront  nécessaires.  En  général,  si  un  mandat  d'amener 
a  été  décerné,  c'est  que  le  prévenu  n'avait  pas  été  interrogé,  c'est  qu'il  n'avait 
pas  encore  paru  devant  le  juge,  c'est  que,  en  un  mot,  il  y  avait  plainte, 
dénonciation,  rumeur  publique,  mais  qu'il  n'y  avait  pas  instruction  véritable- 
ment commencée.  Or,  comme  la  loi  ne  veut  pas  que  pour  un  simple  interro- 
gatoire qui  peut  dissiper  tous  les  soupçons,  le  prévenu  soit  forcé  à  faire  un 
voyage,  alors  le  juge  d'instruction  qui  s'est  saisi  de  l'affaire,  en  décernant  le 
mandat  d'amener,  transmettra  au  juge  d'instruction  dans  le  ressort  duquel 
est  détenu  le  prévenu  la  plainte  et  les  autres  pièces  qu'il  a  dans  les  mains;  il 

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DBS  MANDATS  d'aRRBSTATIOK  (aRT.  104).  557 

les^  Ini  transmattra  en  requérant  de  lui  remploi  de  tontes  les  voies  d*instrac- 
tion  qui  sont  maintenant  en  son  pouvoir,  notamment  l'interrogatoire  du  pré- 
venu. Cette  voie  d'instruction  étant  opérée,  cet  interrogatoire  ayant  eu  lieu, 
les  pièces  et  procès-verbaux  seront  renvoyés  par  le  juge  qui  les  a  dressés  au 
juge  d'instruction  saisi  de  Tafiàire,  en  un  mot,  à  l'auteur  du  mandat  d'amener. 
Dès  lors  plusieurs  partis  se  présentent. 

Promièrement,  il  est  possible  que  le  juge  d'instruction  saisi  le  premier  de 
l'affaire,  et  hors  l'arrondissement  duquel  le  prévenu  a  été  arrêté  et  déposé,  se 
détermine,  sur  le  vu  de  l'interrogatoire,  à  lancer  un  mandat  d'arrêt  ;  alors 
l'art.  104,  §  i<',  est  appliqué.  Le  mandat  d'arrêt  étant  décerné  par  le  juge  d'ins- 
truction saisi  de  l'affaire,  sur  le  vu  de  l'interrogatoire  du  juge  d'instruction  du 
lieu  de  l'arrestation,  ce  mandat  devra  être  pleinement  exécuté,  et  le  prévenu, 
détenu  jusque-là  sous  le  poids  d'un  mandat  de  dépôt,  sera,  en  vertu  du  man-  * 
dat  d'arrêt,  transporté  dans  le  lieu  où  l'afEûre  a  commencé  d'être  instruite. 
Yoilà  la  première  hypothèse. 

Secondement,  il  est  possible  que  le  Juge  d'instruction  ne  croie  pas  devoir 
convertir  le  mandat  de  dépêt  en  mandat  d'arrêt;  il  est  possible  que,  les  pièces 
lui  étant  adressées,  les  pièces  se  trouvant  complètes  avant  que  la  conversion 
ait  eu  lien,  il  statue  par  une  ordonnance,  conformément  aux  art.  127  et  sui- 
vants. Telle  est  l'hypothèse  du  paragraphe  2  de  l'art.  104  :  «  S'il  n'est  pas 
exprimé  dans  le  mandat  d'arrêt  que  le  prévenu  sera  ainsi  transféré,  il  restera  en 
la  maison  d'arrêt  de  l'arrondissement  dans  lequel  il  aura  été  trouvé,  jusqu'à  ce 
qu'il  ait  été  statué  par  le  juge  d'instruction,  conformément  aux  articles  127, 
128, 129,  130, 131, 132  et  133  ci-après.  • 

Ceci  présente  une  petite  difficulté.  En  effet,  du  paragraphe  2  de  Fart.  104 
vous  pourriez  conclure  que  la  décision  du  juge  entraînera,  dans  tous  les  cas, 
la  translation  du  prévenu  de  la  maison  d'arrêt  du  lieu  où  il  est  arrêté  dans  la 
maison  d'arrêt  établie  près  le  tribunal  du  juge  d'instruction  saisi  d'abord  de 
l'affaire.  Cependant  il  est  clair  qu'il  n'en  est  pas  tonjour»  ainsi.  Le  juge  d'ins- 
truction, conformément  à  l'art.  104,  pourra  prendre  plusieurs  partis. 

U  est  possible  que  l'instruction  démontre  au  juge  rinnocence  du  prévenu, 
ou  du  moins,  ce  qui  est  la  même  chose,  qu'elle  n'établisse  pas  contre  lui  d'in- 
dices suffisants  de  culpabilité  ;  alors  il  prononcera  son  élargissement,  et,  sur 
l'expédition  de  cette  ordonnance,  le  prévenu  devra  être  relaxé  du  mandat  de 
dépôt  dont  il  a  été  frappé  jusque4à. 

Il  en  sera  de  même  si  le  juge,  au  lieu  d'être  convaincu  de  l'innocence  du 
prévenu,  trouve  que  la  présomption  se  réduit  à  une  contravention  ou  à  un 
délit  de  nature  à  n'être  puni  que  d'une  amende  ;  dans  ce  cas,  le  mandat  de 
dépôt  doit  perdre  toute  force  d'exécution. 

Il  peut  aussi  trouver  qu'il  y  a  contre  le  prévenu  indices  suffisants  d'un  véri- 
table crime,  auquel  cas  il  décerne  contre  lui,  d'après  l'art.  134,  une  ordonnance 
de  mise  en  prévention.  Dans  ce  cas  y  a-t-il  lieu  au  transport  du  prévenu?  Gela 
ne  parait  pas  nécessaire,  l'ordonnance  transportera  l'affaire  à  la  cour,  chambre 
des  mises  en  accusation  ;  mais,  comme  la  cour  ne  statue  que  sur  les  pièces, 
comme  le  prévenu  ne  parait  pas  devant  elle,  il  est  fort  inutile  d'opérer,  quant 
à  présent,  le  transport  du  prévenu  ;  il  sera  toujours  temps  de  l'opérer  lorsque 
la  cour  aura  admis  et  prononcé  la  mise  en  accusation. 

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558        TRBNTIÂBCS  LBÇON.   —  DJS  l'INSTADGTION  ÉCRITK  (N*  617). 

Dans  quel  cas  donc  8'opérera  le  transport,  aux  termes  du  paragraphe  2  de 
l'art.  104?  Ce  sera  lorsque  le  juge  d'instruction  aura  admis  contre  le  prévenu 
l'existence  d'indices  suffisants  pour  le  traduire  devant  le  tribunal  correctionnel, 
comme  prévenu  d'un  délit  emportant  Temprisonnement.  Alors  le  tribunal 
devant  lequel  il  doit  être  traduit,  c'est  le  tribunal  auquel  appartient  le  juge 
d'instruction  qui  avait  décerné  le  mandat  d'amener.  Donc,  à  ce  moment»  le 
transport  doit  s'opérer,  et  c'est  là  véritablement  le  cas  d'appliquer  le  paragra- 
phe 2  de  l'art.  104. 

Voilà  quelles  sont  les  mesures  exceptionnelles  auxquelles  donne  lieu  ce 
cas  particulier  d'un  mandat  d'amener  décerné  contre  un  individu  qui  n'est 
arrêté  que  plus  de  deux  Jours  après,  dans  un  arrondissement  étranger,  à  plus 
de  dix  lieues  de  distance  du  juge  d'instruction  qui  avait  décerné  le  mandat 
d'amener. 

Nous  laissons  de  côté  l'art.  105  pour  le  moment. 

617.  L'art.  106  est  en  dehors  des  matières  du  mandat  ;  loin  d'ôtre  relatif 
aux  formes  ou  à  l'exécution  des  mandats  d'arrestation,  il  indique  au  contraire 
un  cas  où  l'arrestation  doit  s'opérer  sans  aucun  mandat,  sans  intermédiaire 
d'agents  de  la  force  publique  et  par  le  premier  venu,  par  un  simple  particulier; 
et  il  est  ainsi  conçu  : 

tt  ART.  106.  Tout  dépositaire  de  la  force  publique,  et  môme  toute  personae,  sera 
tenu  de  saisir  le  prévenu  surpris  en  flagrant  délit,  ou  poursuivi,  soit  par  la  cla- 
meur publique,  soit  dans  les  cas  assimilés  au  flagrant  délit,  et  de  le  conduire 
devant  le  procureur  de  la  République,  sans  qu'il  soit  besoin  de  mandat  d'amener, 
si  le  crime  ou  délit  emporte  peine  afflictive  ou  infamante.  » 

Cet  article  présente  une  disposition  très-remarquable,  et  malheureusement, 
je  crois,  tout  à  fait  inapplicable.  Déjà,  en  expliquant  l'art.  40,  j'ai  fait  remar- 
quer qu'il  élait  très-bizarre  que  la  loi  bornât  le  droit  d'arrestation,  accordé  au 
procureur  de  la  République  dans  le  cas  de  flagrant  délit,  au  cas  oii  il  s'agirait 
d'un  véritable  crime  ;  j'ai  annoncé  que  la  même  singularité  se  retrouvait  dans 
l'art  106  ;  elle  s'y  retrouve,  en  effet,  de  la  manière  la  plus  singulière.  La  loi 
permet,  elle  ordonne  même  à  tout  agent  de  la  force  publique,  bien  plus,  à  tout 
particulier,  l'arrestation  immédiate  en  cas  de  flagrant  délit.  Rien  de  plus  simple 
jusque-là;  mais,  de  plus,  elle  modifie  ce  droit  d'arrêter,  en  le  restreignant  au 
cas  où  il  s'agit  d'un  véritable  crime.  D'où  il  suivrait  que  ni  un  particulier  ni 
un  agent  de  la  force  publique  n'auraient  le  droit  d'arrêter  sur  la  voie  publique 
un  voleur  ordinaire  pris  en  flagrant  délit.  J'ai  dit  déjà  que  la  singularité  d'une 
semblable  disposition  la  rendait  inexécutable  en  pratique;  que  nul  n'excuserait 
un  agent  de  la  force  publique  qui,  en  présence  de  cet  article,  aurait  refusé 
d'arrêter  un  voleur  ordinaire  pris  en  flagrant  délit. 

Il  est  d'autant  plus  difficile  de  se  rendre  compte  de  l'insertion  des  derniers 
mots  de  l'article,  qu'ils  ne  figuraient  ni  dans  la  rédaction  du  projet  ni  dans  les 
Godes  antérieurs.  Ainsi,  dans  l'art.  62  du  Gode  de  brumaire  an  IV,  voua 
trouvez  la  même  disposition  ;  mais  vous  ne  la  trouvez  pas  modifiée  par  cette 
inconcevable  restriction  des  derniers  mots  de  notre  article.  La  même  dispo* 
silion  reparaît  dans  le  projet  de  Gode  criminel,  art.  579  ;  elle  se  retrouva 

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0B8  MANDATS  d'aRRBSTATION  (aAT.   108).  559 

encore  dans  la  présentation  de  l'article  au  conseil  d'État,  excepté  qu'on  y  avait 
ajouté  cette  restriction  :  c  Si  le  crime  ou  délit  emporte  la  peine  de  la  détention 
ou  une  peine  plus  grave.  •  Or,  la  peine  de  la  détention,  c'était  dans  le  système 
du  projet  de  Gode,  la  peine  de  Femprisonnement.  Rédigé  ainsi,  Farticle  était 
fort  raisonnable  ;  il  était  tout  simple  que  Tarrestatiou  fût  permise  et  com- 
mandée, en  cas  de  flagrant  délit,  toutes  les  fois  qu'il  s'agirait  d'un  fait  de 
nature  à  entraîner  Temprisonnement,  on  une  peine  plus  grave.  Je  n'ai  pas  pu 
trouver  comment  et  pourquoi  ces  mots  de  détention  ou  d^emprisùnnemeni  avaient 
été  définitivement  remplacés  par  cet  équivalent  fort  inexact  :  Si  le  délit  ou  le 
crime  emporte  peine  afjlictive  ou  infamante.  La  conséquence  littérale  en  est 
très-claire  :  c'est  que  le  flagrant  délit,  fût-il  de  nature  à  entrainer  un  empri- 
sonnement, c'est  que  le  flagrant  délit,  même  dans  ce  cas,  ne  serait  pas  de 
nature  à  autoriser  l'arrestation.  Mais  il  est  impossible  que  la  pratique  se  con- 
forme à  cette  loif  et  ce  serait  un  grand  mal  si  elle  s'y  conformait. 

618.  L'art.  105  est  relatif  au  mandat  d'amener;  il  indique  à  l'offîcier  por« 
tour  de  ce  mandat  les  formes  à  remplir  en  cas  d'absence  du  prévenu  frappé 
du  mandat.  On  ne  parle  pas  du  mandat  de  comparution  par  une  raison  fort 
simple  :  le  mandat  de  comparution  se  notifie  comme  une  assignation  ordi- 
naire, conformément  à  l'article  68  du  Code  de  procédure  civile.  Le  mandat 
d'amener  est  un  appel  à  comparaître,  mais  'un  appel  à  l'aide  duquel  la  puis- 
sance publique  peut  être  utilement  invoquée  ;  de  là  des  formalités  plus  spé- 
ciales. L'art.  105  déclare  qu'en  cas  d'absence  du  prévenu,  le  mandat  d'amener 
sera  présenté  au  maire  ou  à  l'adjoint  ou  au  commissaire  de  police  du  domicile 
du  prévenu,  pour  que  le  visa  soit  apposé  sur  l'original  de  l'acte  de  notifi- 
cation. 

D'après  l'art.  97,  dans  tous  les  cas,  la  copie  du  mandat  doit  être  laissée  au 
prévenu  auquel  il  faut  d'ailleurs  en  représenter  l'original. 

L'art.  108  se  distingue  essentiellement  de  l'art.  99  ;  l'art.  99  permet  au  porteur 
du  mandat  d'amener  d'invoquer,  s'il  y  a  lieu,  l'appui  de  la  force  publique. 
Au  contraire,  dans  le  cas  de  mandat  d'arrêt  ou  de  dépôt,  c'est  une  obligation 
pour  l'officier  cbargé  du  mandat  de  se  faire  assister,  dès  le  principe,  d'une 
force  suffisante  pour  en  assurer  Texécution. 

L'art.  108,  parlant  du  mandat  d'arrêt  ou  du  mandat  de  dépêt,  ne  recevra 
guère,  dans  la  pratique,  d'application  qu'au  mandat  d'arrêt.  En  efifet,  le  mandat 
de  dépôt,  au  moins  quand  il  est  bien  décerné,  c'est-à-dire  quand  on  le  borne 
à  l'emploi  exceptionnel  dans  lequel  nous  l'avons  renfermé,  le  mandat  de  dépôt 
•  ne  se  décerne  guère  que  contre  un  prévenu  présent  devant  le  juge  ;  dès  lors 
les  formalités  de  l'art.  108  seront  d'une  assez  rare  application.  Aussi  l'art.  187 
ne  trace- t-ii  pas  les  mêmes  formalités  pour  le  mandat  de  dépôt.  Pourquoi  f 
Parce  que  précisément  il  suppose  que  le  mandat  de  dépôt  ne  sera  pas  décerné 
contre  un  absent  ;  il  suppose  que  ce  mandat  sera  employé  dans  les  cas  excep* 
tionnels  prévus  dans  la  loi  du  7  pluviôse  an  IX. 

619.  Maintenanty  comment  s'exécuteront,  contre  le  prévenu  présent,  soit  le 
mandat  de  dépôt,  soit  le  mandat  d'arrêt?  Ces  mandats  seront  remis  soit  à  un 
huissier,  soit  à  un  autre  agent  de  la  force  publique.  Le  mandat  sera  présenté 

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560     TRENTE  ET  UNIÉlOE  LEÇ.  ^  DE  LA,  ÏABSMA  PROVISOIRE,  ETC.  (n*  620). 

au  prévenu,  et  l'exécation  aura  Uea  immédiatement  après  lai  avoir  remis  une 
copie  da  mandat.  Il  faudra  le  conduire  dans  la  maison  dVrôt  désignée  par 
le  mandat. 

Remarquez  que  le  mot  uàisoii  d'arrAt  est  technique  ;  qu'il  ne  faut  pas  le 
confondre  dans  la  loi,  comme  on  le  fait  dans  la  conversation,  avec  le  mot  de 
PRISON.  L'art.  603  distingue  très-expressément  trois  lieux  de  détention  bien 
séparés  :  les  maisons  d* arrêt,  les  maisons  de  justice,  et  les  prisons. 

La  maison  d'arrêt,  c'est  une  maison  établie  près  de  chaque  tribunal  d'ar- 
rondissement pour  y  déposer  les  prévenus  qui  se  trouvent  sous  le  môme  poids 
d'un  mandat  de  dépOt  ou  d'arrêt  ;  ce  sont  les  seules  personnes  qui  doivent 
être  dans  les  maisons  d'arrêt  proprement  dites. 

La  maison  de  justice,  c'est  encore  une  prison  dans  le  sens  générique,  mus 
non  pas  dans  le  sens  légal  et  technique  du  mot  ;  c'est  une  maison  établie  près 
de  chaque  cour  d'assises  pour  y  renfermer  les  individus  frappés  d'une  mise  en 
accusation.  Immédiatement  avant  l'ouverture  des  assises,  on  transporte  les 
prévenus  dans  ces  maisons  de  justice. 

Enfin,  les  prisons  sont  destinées  à  ceux  qui  sont  frappés  de  certaines 
peines. 

La  copie  du  mandat  est  remise  au  prévenu  après  que  l'original  lui  a  été 
présenté.  A  plus  forte  raison  faut-il  présenter  l'original  de  ce  mandat  au  gar- 
dien ou  geôlier  de  la  maison  d'arrêt  ;  cela  résulte  clairement  des  art.  608  et 
609  déjà  cités.  L'exhibition  au  gardien  ou  geôlier  est  nécessaire,  car  il  doit 
non-seulement  s'assurer  de  la  vérité  de  la  signature,  mais  vérifier  si  le  mandat 
est  bien  conforme  aux  règles,  aux  conditions  prescrites  dans  les  articles  que 
nous  avons  parcourus. 

Du  reste,  l'original  du  mandat  n'est  pas  déposé  dans  les  mains  du  gar- 
dien qui  doit  copier  sur  un  registre  à  ce  destiné  le  mandat  entier,  et  donner 
de  plus  à  l'officier  porteur  du  mandat,  une  reconnaissance  de  la  remise  du 
prévenu. 

Quant  à  l'original  même,  ainsi  que  la  reconnaissance  donnée  par  le  gardien 
de  la  remise  du  prévenu,  ils  seront  déposés,  par  l'officier  porteur  du  mandat, 
au  grefife  du  tribunal  du  juge  d'instruction  par  lequel  le  mandat  aura  été 
délivré. 

TeUessont  les  dispositions  des  art.  97,  107, 110, 111,  auxquels  il  faut  joindre 
les  art.  603  à  614. 


TRENTE   ET   UNIÈME  LEÇON. 

CHAPITRE  VIII 

DE  LA   LIRERTÉ   PROVISOIRE  ET  DU   GAUTIONNEiaNT. 

680.  Nous  avons  vu  au  chapitre  précédent  d'après  quelles  règles  et  suivant 
quelles  formes  s'opérait  l'arrestation  du  prévenu  dans  le  cours  de  l'instruction 
préparatoire.  Cette  arrestation  une  fois  opérée,  une  fois  régularisée,  s'il  y  a  lien, 
par  le  mandat  d'arrêt  décerné  conformément  à  l'art.  91,  cet  état  de  détention 

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DE  LA   LIBERTÉ  FROYISOIRB  AVBG  OU  SANS  CAUTION  (aRT.    tl3).      561 

préalable  se  prolongera,  en  principe,  jiu(iu'à  la  clôture  de  rinstmction.  Nous 
verrons  dans  le  chapitre  a  que  l'instraction  une  fois  terminée,  le  juge  qui  y  a 
procédé  doit  statuer  sur  reusemble  et  les  résultats  de  Tinstruction.  Le  juge 
d'instruction  a  remplacé  dans  cette  fonction  la  chambre  du  conseil  qui  était 
une  des  sections  du  tribunal  de  première  instance  statuant  en  la  chambre  du 
conseil,  hors  de  l'audience  publique.  L'instruction  une  fois  terminée,  le  juge 
d'instruction  statue  sur  le  sort  du  prévenu.  Nous  aurons  à  voir  plus  tard  quels 
différents  genres  de  décisions  il  peut  rendre  et  quels  en  seront  les  résultats  ; 
toujours  est-il  qu'en  principe  l'effet  du  mandat  d'arrêt  une  fois  décerné  dure 
et  se  prolonge  jusqu'à  la  décision  du  juge  d'instruction,  soit  qu'il  prononce  la 
mise  en  liberté,  soit  qu'il  renvoie  le  prévenu  devant  un  tribunal  de  police  cor- 
rectionnelle, soit  enfin  qu'il  le  renvoie  devant  la  chambre  d'accusation. 

Mais  quoiqu'on  principe  général  les  effets  du  mandat  d'arrêt,  c'est-à-dire 
la  détention,  se  prolongent  jusqu'à  la  décision  du  juge  d'instruction,  cette 
règle  souffre  pourtant  une  exception  dans  les  cas  déterminés  par  le  chapitre  vm, 
qui  doit  faire  l'objet  de  notre  présente  leçon.  La  loi  permet,  dans  certains 
cas,  d'accorder  au  prévenu,  pendant  la  durée  de  l'instruction,  le  bénéfice  de  la 
liberté  provisoire,  sous  des  conditions,  et  avec  des  charges  dont  nous  verrons 
bientôt  le  détail. 

621.  La  liberté  provisoire  des  inculpés,  moyennant  promesse  ou  caution  de 
se  représenter  en  justice,  est  une  institution  qu'on  retrouve  dans  toutes  les 
législations  criminelles,  même  les  plus  anciennes.  Elle  existait  plus  ou  moins 
étendue  dans  les  lois  athéniennes,  dans  les  lois  romaines  et  dans  notre  ancienne 
législation. 

Jousse  résumait  la  pratique  de  son  temps  en  ces  termes  :  c  L'élargissement 
provisionnel  est  celui  qui  s'accorde  par  le  juge  à  l'accusé  en  connaissance  de 
cause,  par  provision  et  pendant  l'instruction  du  procès,  à  la  charge  par 
l'accusé  de  se  représenter  à  toutes  assignations.  Dans  les  grands  crimes  on  ne 
doit  jamais  élargir  l'accusé  par  provision  pendant  le  jugement  du  procès, 
pour  peu  qu'il  y  ait  de  preuves.  Mais  dans  les  cas  qui  ne  sont  pas  absolument 
graves,  ou  qui  paraissent  excusables,  les  accusés,  quoique  décrétés  originaire- 
ment de  prise  de  corps,  peuvent  être  élargis  par  provision,  sur  une  requête 
présentée  à  cet  effet  et  communiquée  à  la  partie  publique  et  à  la  partie  civile. 
Gela  s'observe  ainsi  tous  les  jours,  surtout  à  l'égard  des  accusés  qui  sont 
d'un  rang  distingué,  à  l'égard  des  femmes  et  filles  de  condition  honnête  et 
domiciliées,  lorsqu'il  n'y  a  aucun  soupçon  de  fuite.  Dans  ces  cas,  on  élargit 
Taccusé  à  sa  caution  juratoire  de  se  représenter  à  toutes  assignations.  Quand 
il  y  a  règlement  à  l'extraordinaire,  il  ne  parait  pas  que  les  premiers  juges  puis- 
sent élargir  par  provision  un  accusé  décrété  de  prise  de  corps,  mais,  à  l'égard 
des  accusés  décrétés  d'ajournement  personnel  seulement,  il  parait  que  les  pre- 
miers juges  peuvent  toujours  les  renvoyer  en  état  d'assignés  pour  être  ouïs, 
après  leur  interrogatoire,  même  dans  le  cas  où  le  procureur  du  roi  est  partie. 
11  y  a  plusieurs  cas  où  l'on  oblige  l'accusé  qu'on  élargit  de  donner  caution,  ce 
qui  n'a  ordinairement  lieu  que  quan  Jeette  caution  est  demandée  par  la  par- 
tie civile,  pour  sûreté  de  ses  dommages-intérêts.  La  caution  présentée  par 
raccusé  doit  être  bonne  et  solvable.  Quelquefois,  on  se  contente  de  la  caution 
I,  36 

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562      TRENTE  BT  UNIÈBIB  LEÇON.  —  DE  l'iNSTRDCTION  ÉCRITE  (N*  62l)- 

juratoire  de  TaccuBé,  lorsque  cet  accusé  est  une  personne  riche  ou  d'un  rang 
distingué,  ou  lorsqu'il  est  dans  Fimpossibilité  de  trouver  une  caution  à  cause  de 
sa  pauvreté.  • 

Ainsi,  dans  cette  législation,  le  cautionnement  n'était  qu'une  garantie  subsi- 
diaire et  ne  se  rapportait  qu'aux  dommages-intérêts  de  la  partie  civile.  Cette 
règle  était  exprimée  par  cette  maxime  :  FicUfjussor  non  potest  se  obUgare  ad 
pmiam  corporaUm.  L'élargissement,  quand  il  pouvait  avoir  lieu,  c'est-à- 
dire  quand  l'instruction  n'était  pas  réglée  à  l'extraordinaire,  avait  lieu  en 
général  sans  caution  et  sur  la  simple  promesse  de  l'accusation,  sur  sa  caution 
juratoire,  de  se  représenter  à  toutes  assignations  et  d'élire  domicile  dans  le 
lieu. 

La  législation  de  1791,  en  renversant  les  ord.  de  1539  et  de  1670,  reprit  les 
règles  antérieures  de  ces  ordonnances.  La|con8titution  proclama,  chap.  V,  lit.UI, 
art.  12,  que  c  nul  homme  arrêté  ne  peut  être  retenu  s'il  donne  caution  suffi- 
sante, dans  tous  les  cas  où  la  loi  permet  de  rester  libre  sous  cautionnement,  b 
La  loi  de  19-22  juillet  1791,  tit.  U,  art.  43,  portait,  en  conséquence,  que  le 
prévenu  d'un  délit  correctionnel  serait  retenu  pour  être  jugé  par  le  tribunal 
correctionnel  ou  admis  sous  caution  de  se  présenter.  La  caution  ne  pouvait 
être  moindre  de  3,000  ni  excéder  20,000  livres.  Cette  dernière  disposition  fut 
promptement  modifiée.  L'art.  18,  tit.  Vde  la  loi  des  15-29  septembre  1791,  dis- 
posait qu'en  matière  correctionnelle,  le  prévenu  était  laissé  en  liberté  jusqu'au 
jugement,  et  qu'en  matière  criminelle,  si  le  délit  n'était  passible  que  d'une 
peine  infamante»  l'accusé  pouvait  fournir  caution  suffisante  de  se  représenter, 
c  auquel  cas  il  était  laissé  à  la  garde  de  ses  amis  qui  l'avaient  cautionné.  » 
L'instruction  du  29  septembre  1791  portait  à  ce  sujet  :  c  Si  le  délit  n'est  pas 
de  nature  à  donner  lieu  à  une  peine  afllictive,  mais  seulement  à  une  peine 
infamante,  le  prévenu  pourra  néanmoins  être  envoyé  à  la  maison  d'arrêt;  mais 
il  pourra  aussi  en  être  dispensé,  au  cas  qu'il  puisse  trouver  des  amis  qui  veuil- 
lent répondre  pour  lui  qu'il  se  représentera  à  la  justice  s'il  en  est  requis,  et 
donner  caution  de  cette  promesse.  La  somme  de  cette  caution  ne  peut  être 
fixée  d'une  manière  invariable  ;  elle  doit  être  laissée  à  l'arbitrage  de  l'officier 
de  police.  Le  principe  qui  doit  le  diriger  est  qu'un  tel  cautionnement  ne  doit 
pas  être  illusoire  et  de  simple  forme,  ni  tendre  à  soustraire  ainsi  les  accusés  à 
la  justice;  mais,  au  contraire,  qu'il  doit  être  d'une  assez  grande  importance 
pour  n'être  jamais  donné  que  par  des  personnes  bien  convaincues  que  le  pré- 
venu est  incapable  de  rompre  son  engagement  ;  car  c'est  un  contrat  sacré  que 
celui  qui  se  forme  par  le  cautionnement  entre  le  prévenu  qui  évite  ainsi  le 
malheur  de  la  détention,  et  les  amis  qui  lui  donnent,  en  le  cautionnant,  la  plus 
haute  preuve  de  leur  confiance  et  de  leur  estime.  • 

Le  Gode  du  3  brumaire  an  lY  restreignit  ces  dispositions.  L'état  de  liberté 
absolue  des  inculpés  de  simples  délits  cessa,  et  la  faculté  du  cautionnement 
s'étendit  à  cette  classe  de  prévenus.  L'art.  222  portait  :  c  Lorsque  le  délit  qui  a 
donné  lieu  au  mandat  d'arrêt  n'emporte  pas  une  peine  afflictive,  mais  seule- 
ment une  peine  infamante  ou  moindre,  le  directeur  du  jury  met  provisoire- 
ment le  prévenu  en  liberté,  si  celui-oi  le  demande,  et  si,  en  outre,  il  donne 
caution  solvable  de  se  représenter  en  justice  toutes  les  fois  qu'il  en  sera  requis.  • 
Le  montant  du  cautionnement  était  fixé  à  la  somme  de  3,000  livres. 


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DE  LA  LIBERTÉ  PROVISOIHE  AYBG  OU  SANS   CAUTION  (aRT.   itS).      563 

La  loi  du  29  thermidor  an  IV  apporta  Immédiatement  des  modifications 
nouvelles.  U  est  nécessaire  d'en  reproduire  le  texte  : 

«  Abt.  i.  Le  cautionnement prescritpar l'article  222  du  Gode  du3  brumaire  an  IV 
aura  lieu  ainsi  qu'il  est  prescrit  par  les  articles  suivants.  —  Art.  2.  Lorsque  le 
délit  aura  pour  objet  des  larcins,  filouteries  ou  simples  vols,  le  directeur  du  Jury 
admettra  le  prévenu  sous  caution  de  se  représenter.  Cette  caution  devra  être  d'une 
somme  triple  de  la  valeur  des  effets  volés;  elle  sera  fixée  sur  cette  base  par  le 
directeur  du  jury,  et  jamais  elle  ne  pourra  être  au-dessous  delà  somme  de  3,000  fr.« 
valeur  fixe.  --  Art.  3.  En  toute  autre  matière  qui  n'emporterait  pas  une  peine 
afflictive,  mais  seulement  une  peine  infamante,  le  directeur  du  Jury  admettra  égale- 
ment le  prévenu  sous  caution  de  se  présenter.  La  caution,  dans  ce  cas,  ne  pourra 
être  moindre  de  2,000  francs,  ni  excéder  6,000  francs,  valeur  fixe.  ^  Art.  4.  Lorsque 
le  délit  n'emportera  pas  peine  infamante,  mais  seulement  des  peines  correction- 
nelles, le  directeur  du  jury  admettra  également  le  prévenu  sous  caution  de  se 
représenter.  La  caution,  dans  ce  cas,  ne  pourra  être  moindre  de  1,000  francs,  ni 
excéder  le  triple  de  l'amende  à  laquelle  le  délit  pourra  donner  lieu.  —  Art.  5.  En 
aucun  cas,  le  directeur  du  jury  ne  pourra  mettre  provisoirement  en  liberté,  sous 
caution,  les  gens  sans  aveu  et  les  vagabonds.  » 

Tel  fut  le  dernier  état  de  la  législation  avant  le  Gode  d'instruction  criminelle. 
La  mise  en  liberté  sous  caution  était  un  droit  absolu  :  i^  pour  les  inculpés  de 
délits,  sauf  les  gens  sans  aveu  et  les  vagabonds;  2^  poor  les  inculpés  de  cri- 
mes passibles  d'une  peine  infamante  seulement. 

622.  Les  rédacteurs  du  Gode  bésitèrent  longtemps  lorsqu'ils  furent  appelés 
à  poser  les  limites  de  la  mise  en  liberté  sous  caution.  Ils  se  décidèrent  enfin, 
après  une  longue  délibération,  à  enfermer  la  liberté  provisoire  dans  le  cercle 
de  la  police  correctionnelle.  M.  Treilhard,  qui  avait  combattu  cette  restriction, 
n'apporta,  pour  la  justifier  dans  l'exposé  des  motifs  du  Gode,  qu'une  raison 
très-controversable^  en  elle-même,  et  qui  ne  s'applique  que  très-indirectement 
à  la  liberté  provisoire  :  «  Lorsque  le  fait,  porte  cet  exposé,  n'emportera  ni  peine 
afflictive  ni  peine  infamante,  l'inculpé  pourra  obtenir  sa  liberté  provisoire  en 
donnant  caution  ;  mais  cet  avantage  est  entièrement  refusé  aux  vagabonds  et 
aux  repris  de  justice,  parce  que  leur  personne  ne  présente  aucune  espèce  do 
garantie.  La  liberté  provisoire  sera  également  refasée  toutes  les  fois  qu'il  s'agira 
d'un  fait  qui  emporte  peine  affilctive  ou  infamante  :  c'est  surtout  dans  ces  occa< 
sions  que  l'exemple  de  la  peine  infligée  est  utile  à  la  société,  et,  si  l'on  admet- 
tait ici  des  libertés  provisoires  sous  caution,  il  serait  bien  à  craindre  que  les 
hommes  opulents  ne  trouvassent  toujours  le  moyen  de  se  soustraire  à  l'appli- 
cation des  peines  qu'ils  paraissent  cependant  mériter  plus  que  les  autres,  parce 
que,  jouissant  de  tous  les  avantages  de  la  société,  ils  étaient  plus  fortement 
obligés  à  ne  pas  en  troubler  l'harmonie.  •  Le  principe  posé  par  le  Gode^  et  que 
les  art.  113, 114  et  115  ont  nettement  formulé,  est  donc  celui-ci  :  la  mise  eu 
liberté  sous  caution  est  ouverte  à  tous  les  prévenus  lorsque  le  fait  incriminé 
n'emporte  qu'une  peine  correctionnelle,  quelle  que  soit  la  nature  de  cette  peine. 
La-loi  exclut  de  cette  mesure  :  i^  les  vagabonds;  2»  les  repris  de  justice;  3*  les 
prévenus  de  faits  qualifiés  crimes. 

Ges  dispositions  ont  été  modiQées  par  les  lois  des  4  avril  1855  et  14  juillet 
1865  dont  nous  allons  maintenant  étudier  les  textes, 

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564      TRENTE  BT  UNIÈME  LEÇON.  —  DE  l'iNSTRUCTION  ÉCRITE  (n*  624). 

G*est  en  s'appnyant  sur  le  caractère  de  la  détention  préalable  qne  nous  avons^ 
précédemment  établi,  c'est  en  partant  de  ce  principe  qne  cette  détention,  qaî 
n'est  légitime  que  parce  qu'elle  est  nécessaire  à  Tinstruction  ou  à  la  sûreté 
publique,  doit  cesser  aussitôt  que  cette  nécessité  peut  être  contestée,  que  la 
loi  nouvelle  a  introduit  dans  notre  Gode  de  graves  modifications  au  régime  de 
la  liberté  provisoire.  Ces  modifications  ont  eu  pour  objet  :  !<>  d'étendre  à  tous 
les  inculpés,  soit  de  délits,  soit  môme  de  crimes,  la  faculté  de  l'élargissement 
provisoire  ;  2^  d'établir  l'élargissement  avec  la  seule  condition  d'un  engage- 
ment de  se  représenter  à  tous  les  actes  de  la  procédure;  3®  de  fonder,  en  faveur 
des  inculpés  de  délits  passibles  d'un  emprisonnement  de  moins  de  deux  ans, 
le  droit  formel  d'obtenir  leur  mise  en  liberté  cinq  jours  après  l'interrogatoire  ; 
4^  de  placer,  à  côté  du  cautionnement,  qui  n'est  plus  qu'une  condition  secon- 
daire et  subsidiaire  de  la  liberté  provisoire,  la,  caution  personnelle  d'un  tiers. 
Il  faut  examiner  ces  difiërentes  ixmovatiopQ. 

623.  Il  est  d'abord  une  disposition  générale,  qui  domine  toute  la  loi.  Elle 
n'a  point  établi  un  droit,  mais  une  simple  faculté  d'élargissement  qu'elle  a 
déposée  entre  les  mains  du  juge  d'instruction  ;  sauf  l'exception  introduite  en 
faveur  des  petits  délits  dont  la  peine  ne  s'élève  pas  jusqu'à  deux  ans,  il  n'y  a 
point  de  droit  pour  les  inculpés.  Le  juge  est  armé  d'un  pouvoir  discrétionnaire  ; 
il  dispose  souverainement  de  la  liberté.  Il  peut,  suivant  qu'il  le  juge  à  propos, 
décerner  le  mandat  de  comparution  ou  le  mandat  d'amener;  il  peut  laisser 
l'inculpé  libre  après  son  interrogatoire,  ou  le  mettre  sous  mandat  de  dépôt  ; 
il  peut  donner  mainlevée  de  ce  mandat  ou  le  maintenir  ;  il  peut  admettre  ou 
rejeter  la  requête  à  fin  d'élargissement;  il  peut  enfin  soumettre  cet  élargisse- 
ment à  la  condition  d'une  caution  ou  l'accorder  avec  la  simple  promesse  de  se 
représenter.  La  loi  tout  entière  n'est  qu'une  série  de  facultés  que  le  juge 
exerce  à  son  gré.  C'est  parce  qu'elle  n'édifiait  que  ce  pouvoir  facultatif  qu'elle 
a  osé  le  faire  aussi  large  ;  c'est  parce  qu'elle  tenait  en  réserve  une  infranchis- 
sable barrière,  la  volonté  du  juge,  qu'elle  a  ouvert  toutes  les  portes.  On  lit 
dans  l'exposé  des  motifs  :  c  La  liberté  d'appréciation  laissée  au  juge  est  la 
donnée  fondamentale  du  projet.  La  justice  ou  l'opportunité  de  la  détention 
préalable  ne  sera  jamais  qu'une  question  de  fait  à  décider  dans  chaque  espèce 
par  des  considérations  particulières,  c'est  le  domaine  du  juge.  On  peut  se  fier 
à  sa  discrétion  et  à  ses  lumières,  à  Tamour  du  devoir,  au  sentiment  de  la  res- 
ponsabilité. > 

624.  Gela  dit,  nous  arrivons  à  l'examen  des  dispositions  de  la  loi.  La  pre- 
mière de  ces  dispositions  est  celle  qui,  effaçant  la  restriction  précédemment 
faite  par  le  Gode,  applique  la  mise  en  liberté  provisoire  en  toute  matière,  c'est- 
à-dire  aux  inculpés  de  délits  et  de  crimes,  quelle  que  soit  la  nature  de  l'incal- 
pation,  quel  que  soit  le  caractère  des  faits  incriminés.  On  lit  dans  le  rapport 
du  Gorps  législatif  :  c  Le  projet  ne  pose  aucane  limite.  Que  dans  la  classifica- 
tion des  infractions  et  des  peines  la  loi  pose  des  règles  absolues  et  ne  laisse 
de  liberté  au  juge  que  dans  les  limites  invariables  d'un  minimum  et  d'an 
maximum,  cela  se  comprend  à  merveille,  l'égalité  devant  la  loi  le  vent  et  la 
justice  n'en  peut  souffrir,  là  surtout  où,  par  l'admission  des  circonstances 
atténuantes,  le  juge  peut  mettre  la  condamnation  en  harmonie  avec  toutes  lés 

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DE  LA  LIBERTÉ  PROVISOIRE  AVEC  OU  SANS  CAUTION  (aRT.    113).      565 

flinances  du  fait.  Mais  ce  caractère  inflexible  ne  peut  être  assigné  à  la  déten- 
tion préventive.  La  nécessité  seule  la  légitime  :  c'est  une  question  de  fait  varia- 
Me  au  gré  de  circonstances  impossibles  à  prévoir  et  dont  le  magistrat  instruc- 
teur est  le  premier  et  meilleur  appréciateur.  Tel  délit  Pexige  impérieusement, 
tandis  que,  sans  danger  pour  l'instruction,  un  inculpé  de  crime  pourra  en  être 
affranchi.  »  Ainsi,  point  d'exception  pour  les  vagabonds  et  les  non  domiciliés; 
point  d'exception  pour  les  repris  de  justice  et  les  prévenus  en  état  de  récidive; 
point  d'exception  dans  le  cas  des  crimes  les  plus  graves.  La  liberté  provisoire 
ost  ouverte  à  tous. 

Mais  cette  disposition,  quelles  que  soient  ses  promesses,  est  en  réalité  entourée 
4e  restrictions  qui  en  circonscrivent  l'application.  La  liberté  provisoire,  dans 
les  cas  de  crime  et  de  délit  passible  d'un  emprisonnement  de  deux  ans  au 
moins,  est  livrée,  comme  on  Ta  vu,  au  pouvoir  discrétionnaire  du  juge,  et  si 
elle  est  accessible  à  tous,  c'est  avec  la  condition  que  le  juge  en  ouvre  ou  en 
ferme  l'accès  à  son  gré  ;  et,  dans  les  cas  de  crime  seulement,  cette  liberté,  si 
elle  a  été  accordée  pendant  l'instruction,  ne  se  prolonge  pas  au  delà;  elle  cesse 
ûe  droit  à  l'arrêt  de  la  chambre  d'accusation  qui  saisit  la  cour  d'assises. 

La  première  de  ces  restrictions,  la  faculté  mise  à  la  place  du  droit,  est  sans 
aucun  doute  le  principal  motif  delà  généralité  de  la  disposition.  La  loi  a  voulu 
que  cette  faculté,  qu'elle  remettait  à  la  conscience^  aux  lumières,  à  la  prudence 
ûa  juge,  fût  librement  exercée  ;  elle  ne  lui  a  apporté  d'autre  frein  que  Toppo- 
sition  ou  l'appel.  Il  y  a  lieu  cependant  d'examiner  si  ce  pouvoir  qui,  parce 
qu'il  est  discrétionnaire,  ne  doit  pas  être  arbitraire,  ne  rencontre  pas  quelques 
jalons  pour  le  guider.  La  loi  a  pris  au  milieu  des  inculpés  une  catégorie,  celle 
des  inculpés  passibles  d'un  emprisonnement  de  moins  de  deux  ans,  et  elle  leur 
a  accordé  la  liberté  de  droit.  Ne  peut-on  pas  induire  de  laque,  pour  suivre  la 
pensée  du  législateur,  il  y  aurait  lieu  de  diviser  les  autres  inculpés  en  plusieurs 
catégories  et  de  les  soumettre  à  des  règles  diverses?  Les  faits  incriminés  sont 
passibles  ou  d'un  emprisonnement  de  deux  ans  et  plus,  ou  des  peines  de  la 
réclusion^  de  la  détention,  du  bannissement  et  de  la  dégradation  civique,  ou  de 
ceUe  des  travaux  forcés  à  temps  ou  d'une  peine  perpétuelle  et  de  la  peine  capi- 
tale, n  est  certain  que  le  juge  ne  peut  pas  appliquer  à  toutes  ces  hypothèses 
les  mêmes  précautions. 

A  la  vérité,  dans  le  système  de  notre  législation,  le  titre  de  la  prévention 
n'est  point  une  indication  exacte  de  la  gravité  du  fait.  La  dénégation  des  cir- 
constances aggravantes  et  l'admission  des  circonstances  atténuantes  transfor- 
ment les  incriminations.  Les  classifications  légales  sont  en  quelque  sorte 
brisées  et  les  faits  les  plus  distincts  par  leur  cari^tère  juridique  tombent  tout  à 
coup  au  même  niveau.  Les  premières  qualifications,  presque  fictives,  traver- 
sent rarement  l'instruction  et  le  débat  sans  y  laisser  quelques-unes  de  leurs 
prévisions.  Et  c'est  par  ce  motif  que  nous  émettions,  longtemps  avant  la  loi 
nouvelle,  le  vœu  c  que  le  législateur  pût  attribuer  la  faculté  de  mise  en  liberté 
provisoire  aux  prévenus  de  faits  qui,  bien  que  qualifiés  crimes  par  la  loi,  sont 
séparés  des  délits  par  le  titre  de  la  peine  plus  que  par  son  intensité,  par  la 
qualification  légale  des  actes  plus  que  par  leur  gravité  intrinsèque.  •  Mais  la 
seule  conséquence  qui  ressorte  de  cette  modification  incessante  des  qualifiea«> 
4ions  primitives^  c'est  qu'il  faut  se  garder  en  cette  matière  des  règles  absolues. 

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566     TRENTE  ET  ITNIÈaiB   LEÇON.  —  DE  l'iNSTRUGTION  ÉCRITE  (n*  624). 

li  ne  s'agit  qae  de  chercher  quelques  présomptions  morales  qui  peuvent  tou- 
jours  être  contredites  par  les  faits,  pour  servir  de  base  aux  décisions. 

Enfin,  en  matière  de  crime,  la  liberté  provisoire  a  un  terme  qui  a  été  mar- 
qué par  la  loi.  L'article  126  est  ainsi  conçu  :  «  Si  l'inculpé  est  renvoyé  devant 
la  cour  d'assises,  il  sera  mis  en  état  d'arrestation  en  vertu  de  l'ordonnance  de 
prise  de  corps  contenue  dans  l'arrêt  de  la  chambre  des  mises  en  accusation, 
nonobstant  la  mise  en  liberté  provisoire.  » 

L'exposé  des  motifs  explique  ainsi  cette  disposition  :  «  Le  gouvernement  a 
pensé  qu'il  ne  convenait  pas  qu'un  homme  accusé  d'un  crime  fût  laissé  libre 
jusqu'au  jour  du  jugement.  La  conscience  publique  s'étonnerait  à  bon  droit  de 
cette  liberté  trop  prolongée.  Mais  il  a  semblé  que  son  terme  naturel,  assigné 
par  la  prudence  et  par  la  régie,  devait  être  dans  l'ordonnance  de  prise  de  corp» 
de  la  chambre  d'accusation.  A  ce  moment,  en  effet,  l'arrêt  de  cette  chambre 
élève  contre  l'accusé  un  préjugé  si  grave  qu'il  serait  téméraire  de  lui  laisser  le 
choix  d'attendre  son  jugement  ou  de  s'y  dérober.  »  Il  est  à  regretter  que  la 
loi  n'ait  pas  repris  un  amendement  proposé  dans  la  discussion  de  la  loi  du 
4  avril  1855  et  qui  avait  pour  objet  de  permettre  à  la  chambre  d'accusation  en 
décernant  l'ordonnance  de  prise  de  corps,  d'en  suspendre  l'exécution  jusqu'au 
huitième  jour  qui  précéderait  l'ouverture  des  assises.  Ce  n'était  là  qu'une 
faculté  conforme  par  conséquent  au  système  de  la  loi,  et  qui  eût  permis  de 
rendre  plus  efficace  la  disposition  qu'elle  a  édictée  en  faveur  des  inculpés 
de  crimes.  Il  y  a  lieu  de  remarquer,  en  effet,  que  l'article  126,  en  faisant  cesser 
la  liberté  provisoire  à  l'ordonnance  de  prise  de  corps,  soumet  tous  les  accusés 
^la  détention  depuis  cette  ordonnance  jusqu'à  l'audience  de  la  cour  d'assises, 
et,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin,  jusqu'au  rejet  du  pourvoi  ou  jusqu'à  l'arrêt  qui 
statue  après  cassation  sur  le  renvoi,  de  sorte  que  cette  détention  préventive, 
qui  pourra  s'étendre  à  plusieurs  mois,  réduit  le  bienfait  de  l'élargissement  facul- 
tatif à  la  durée  de  l'instruction  écrite. 

L'article  126  permet-il  du  moins  aux  accusés  qui  n'ont  encouru  qu'une  peine 
correctionnelle,  soit  par  l'admission  des  circonstances  atténuantes,  soit  parce 
que  les  circonstances  aggravantes  ont  été  écartées,  de  réclamer  leur  mise  en 
liberté  pendant  l'instance  du  pourvoi  ?  Il  paraît  difficile  de  l'admettre.  Il  n'y  a 
plus  de  liberté  provisoire,  aux  termes  de  cet  article,  après  l'ordonnance  de 
prise  de  corps,  et  l'effet  de  cette  ordonnance  n'a  point  cessé  ;  il  se  prolonge 
jusqu'à  ce  que  l'arrêt  de  condamnation  soit  devenu  définitif.  Est-il  possible 
d'en  annuler  l'application  au  cas  où  la  cour  d'assises  n'a  prononcé  qu'une 
peine  correctionnelle,  où  le  fait  n'a  pris  au  débat  que  le  caractère  d'un  délit  ? 
On  aperçoit  bien  la  raison  d'équité  qui  ne  veut  pas  que  l'accusé,  qui  n'a  com- 
mis qu'un  délit  ou  qu'un  fait  qui  n'a  que  la  valeur  d'un  délit,  subisse  une 
forme  rigoureuse  réservée  aux  accusés  de  crimes  ;  mais  on  cherche  vainement 
un  texte  où  rattacher  cette  distinction.  L'article  126  plane  avec  ses  termes 
absolus  sur  toute  la  procédure  postérieure  à  l'ordonnance  de  prise  de  corps  ; 
et  l'on  ne  voit  pas  d'ailleurs  comment  les  liens  de  cette  ordonnance  pourraient 
être  relâchés,  puisque  l'article  116,  qui  explique  et  confirme  le  sens  de  l'arti- 
cle 126,  n'a  point  placé  la  cour  d'assises  parmi  les  juridictions  qui  peuvent 
statuer  sur  la  liberté  provisoire.  A  la  vérité,  l'article  121  semble  prévoir  le  ca 
où  la  demande  serait  formée  par  un  prévenu  ou  par  tm  accusé  ;  mais  ce  mo 

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DB  LA  LIBERTÉ  PROYISOIRE  AVEC  OU  SANS  CAUTION  (arT.    113J1      567 

laissé  là  sans  doute  par  inadvertance  ne  parait  pas  suffisant  pour  ébranler  un 
texte  formel. 

625.  La  disposition  la  plus  importante  de  la  loi  du  i4  juillet  1865  est  ceUe 
qui,  en  toute  matière,  autorise  le  juge  à  ordonner  que  Tinculpé  sera  mis  provi- 
soirement en  liberté,  à  la  seule  condition  de  prendre  l'engagement  de  se  repré- 
senter à  tous  les  actes  de  la  procédure.  Nous  avions  dit  antérieurement  :  «  Il 
est  regrettable  que  le  législateur  n'ait  pas  autorisé  dans  les  cas  les  plus  favo- 
rablesUa  liberté  provisoire  même  sans  caution.  On  trouve  cette  institution  dans 
la  loi  romaine,  dans  notre  ancien  droit  et  dans  la  plupart  des  législations  mo- 
dernes. Il  y  a  des  circonstances  où  la  position  sociale  du  prévenu,  la  minimité 
du  délit,  la  nature  des  faits,  permettent  sans  aucun  péril  pour  la  justice  de  le 
laisser  en  liberté  sous  la  simple  promesse  de  se  représenter.  Pourquoi  exiger 
alors  une  caution  si  cette  garantie  n'est  pas  nécessaire?  Pourquoi  charger  la 
liberté  provisoire  de  conditions  onéreuses  dont  on  peut  se  passer  ?  Le  caution- 
nement, tel  qu'il  est  en  général  appliqué,  suppose  des  ressources  pécuniaires, 
du  crédit,  de  l'aisance.  Ce  senties  personnes  riches  qui  jouissent  de  son  béné- 
fice, les  pauvres  en  profitent  peu.  Ne  serait-il  pas  possible,  pour  établir  l'égalité 
dans  la  mise  en  liberté  provisoire,  de  déclarer  le  cautionnement  facultatif  et 
d'attribuer  au  juge  le  droit  de  dispenser  le  prévenu  de  toute  caution  lorsqu'il 
trouve  des  garanties  suffisantes  dans  sa  position  personnelle,  son  domicile,  sa 
profession,  ses  antécédents,  enfin  dans  la  nature  môme  du  fait  qui  lui  est  im- 
puté ?»  La  loi  nouvelle  a  réalisé  cette  pensée. 

Elle  vivait  déjà  au  surplus  dans  notre  législation.  L'article  131  du  Gode  en 
avait  fait  une  première  application  ;  mais,  plus  timide  que  l'ancien  droit,  il 
l'avait  restreint  aux  délits  qui  n'entraînent  pas  la  peine  de  remprisonnement* 
Quelques  lois  spéciales  avaient  été  plus  loin  :  l'article  9  de  la  loi  du  7  juin  1848, 
sur  les  attroupements,  portait  :  «  La  mise  en  liberté  provisoire  pourra  toujours 
être  accordée,  avec  ou  sans  caution.  •  L'article  18  de  la  loi  du  28  juillet  1848, 
sur  les  clubs,  portait  également  :  «  La  liberté  provisoire  pourra  dans  tous  les 
cas  être  accordée  avec  ou  sans  caution.  » 

Mais  ce  qui  n'avait  été  introduit  dans  notre  législation  qu'à  titre  d'exception 
est  devenu  une  règle  générale.  L'article  94  porte  : 

«  Art.  94.  Dans  le  cours  de  l'instruction,  il  (le  juge}  pourra,  sur  les  conclusions 
conformes  du  procureur  de  la  République,  et  quelle  que  soit  la  nature  de  l'incul- 
pation, donner  mainlevée  de  tout  mandat  de  dépôt  ou  d'arrêt,  à  la  charge  par  l'in- 
culpé de  86  représenter  à  tous  les  actes  de  la  procédure  et  pour  l'exécution  du  juge- 
ment, aussitôt  qu'il  en  sera  requis.  » 

L'article  113  ajoute: 

«  En  toute  matière,  le  juge  d'instruction  pourra,  sur  la  demande  de  l'inculpé  et 
sur  les  conclusions  du  procureur  de  la  République,  ordonner  que  l'inculpé  sera 
provisoirement  mis  en  liberté,  à  charge  par  celui-ci  de  prendre  l'engagement  de 
se  représenter  à  tous  les  actes  de  la  procédure  et  pour  l'exécution  du  Jugement 
aussitôt  qu'il  en  sera  requis.  » 

Cette  mise  en  liberté  pure  et  simple,  qui  reproduit  l'ancienne  caution  jura- 

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568      TRBNTÎB  ET  UNIÂICB  LEÇON.  —  DE  l'iTISTRUCTIOM  ÉCRITE  (N^  625). 

toire,  n'est  qu'une  conBéquence  de  la  nécessité  des  choses.  Si  la  détention 
préalable,  à  raison  de  la  position  de  Tinculpé,  de  sa  moralité  reconnue,  ou  du 
caractère  des  faits  incriminés,  n'est  indispensable  ni  à  la  sûreté  publique  ni  à 
rinstruction,  le  cautionnement,  qui  n'est,  on  le  verra  tout  à  l'heure,  que  Téqui- 
valent  de  la  détention,  est  inutile.  Gomment,  en  effet,  la  garantie  d'une  cau- 
tion serait-elle  nécessaire  si  la  garantie  de  la  détention  ne  Test  pas  ?  Pourquoi 
substituer  cette  caution  à  la  détention  là  où  il  n'y  a  pas  lieu  de  détenir  ?  Or,  il 
faut  reconnaître  qu'il  y  a  des  cas,  et  ces  cas  sont  nombreux,  où  l'inculpé  peut 
demeurer  libre  sans  aucun  péril,  ni  pour  l'ordre,  ni  pour  la  justice  :  c'est  quand, 
retenu  par  les  relations  de  la  famille,  par  les  habitudes  du  foyer,  par  les  né- 
cessités du  travail,  par  tous  les  liens  qui  emprisonnent  la  vie  de  chaque  indi- 
vidu, il  ne  peut  songer  à  une  fuite  qui  serait  Tezil,  la  misère  et  le  malheur  ; 
c'est  quand  les  faits  poursuivis  n'ont  pas  de  complices  ou  ne  sont  pas  de  nature 
à  se  répéter;  c'est  quand  ces  faits  n'ont  pas  un  caractère  tellement  odieux  que 
la  présence  de  l'inculpé  soit  un  scandale  dans  la  cité. 

La  loi  exige  d'ailleurs  quelques  conditions  qui  ont  une  certaine  importance. 
Elle  n'accorde,  en  premier  lieu,  la  mise  en  liberté  que  sur  la  demande  de  Tin- 
culpé.  Il  en  était  de  môme  dans  notre  ancien  droit,  c  Les  accusés,  dit  Jousse, 
peuvent  être  élargis  par  provision  sur  une  requête  présentée  à  cet  effet  et 
communiquée  à  la  partie  publique  et  à  la  partie  civile.  •  C'est  là  une  première 
différence  qui  sépare  le  cas  prévu  par  cet  article  du  cas  prévu  par  rarticle  94  : 
le  juge,  dans  cette  dernière  hypothèse,  agit  d'office  lorsqu'il  laisse  l'inculpé  en 
liberté  ou  donne  mainlevée  du  mandat,  tandis  qu'il  ne  prononce  dans  la  pre- 
mière que  sur  la  requête  qui  lui  est  adressée. 

La  loi  veut,  en  second  lieu,  que  la  mise  en  liberté  ne  soit  prononcée  que 
sur  les  conclusions  du  procureur  de  la  Eépublique,  On  trouve  ici  une  deuxième 
différence  avec  l'hypothèse  de  l'article  94,  dans  laquelle  la  mainlevée  du  man- 
dat n'est  donnée  que  sur  les  conclusions  conformes  du  procureur  de  la  Répu- 
blique. Pourquoi  cette  différence?  Pourquoi  le  juge,  qui  est  lié  parles  conclu- 
sions dans  l'article  94,  ne  Test-il  plus  dans  l'article  113?  La  raison  en  est 
simple:  dans  le  cas  de  l'article  94,  le  juge  qui  agit  de  lui-même  et  sans  être 
provoqué  par  aucune  demande  ne  fait  qu'un  acte  d'instruction,  et  la  loi  a  pu, 
dans  ce  cas,  subordonner  cet  acte  à  la  double  adhésion  du  juge  et  du  minis- 
tère public.  Dans  le  cas  de  l'article  113,  le  juge,  statuant  sur  la  requête  de 
l'inculpé,  fait  acte  de  juridiction,  et  son  ordonnance  peut  être  frappée  d'oppo- 
sition devant  la  chambre  d'accusation.  Il  n'est  donc  plus  arrêté  par  les  conclu- 
sions, il  se  borne  à  les  prendre  et  prononce  ensuite,  quelle  que  soit  leur  te- 
neur, dans  toute  l'indépendance  de  sa  juridiction  sur  la  requête. 

La  loi  exige,  en  troisième  lieu,  que  l'inculpé  prenne  Vengagement  de  se  repré- 
senter à  tous  les  actes  de  la  procédure  et  pour  l'exécution  du  jugement  Cet 
engagement,  qui  fait  revivre  l'ancienne  caution  Juratoire,  ne  nous  parait 
point  une  forme  vaine  et  dénuée  de  toute  efficacité.  L'inculpé,  à  qui  la  loi  té- 
moigne quelque  confiance,  n'a  point  d'intérêt  à  la  tromper,  et  doit  tenir  à  s'en 
montrer  digne.  S'il  est  fidèle  à  la  promesse  solennelle  qu'il  a  faite,  il  prouve 
qu'il  ne  redoute  pas  la  justice  et  il  s'attire  quelque  droit  à  sa  bienveillance. 
S'il  y  est  infidèle,  ce  manque  de  foi  ne  fait  qu'aggraver  sa  position. 


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DB  LA  LIBERTÉ  PR0VI80IRB  ATEG  OU  SANS  CAUTION  (aRT.    113).      569 

6M.  Le  pcavoir  digcrétionnaîre  du  juge  rencontre  une  limite.  Le  deuxième 
paragraphe  de  Tarticle  113  édicté,  en  faveur  des  inculpés  de  délits  passibles 
d'un  emprisonnement  inférieur  à  deux  ans,  la  mise  en  liberté  du  droit,  cinq 
jours  après  Tinterrogatoire.  Cette  innovation  a  été  une  transaction  avec  Topi- 
nion,  très-fortement  soutenue,  qui  demandait  rapplication  absolue  de  la  liberté 
provisoire  à  tous  les  inculpés  de  faits  qualifiés  délits.  Le  rapporteur  a  fait 
remarquer  avec  raison  que  la  détention  préventive,  qui  ne  doit  point  avoir 
le  caractère  d'une  peine  préalable,  mais  qui  constitue  seulement  une  mesure 
de  précaution,  n'est  nécessaire  qu'à  l'égard  des  inculpés  qui^  à  raison  de  la 
gravité  du  délit,  peuvent  être  présumés  vouloir  se  dérober  soit  à  l'instruction, 
soit  à  l'application  de  la  peine.  Or^  cette  présomption  n^existe  pas  en  ce  qui 
concerne  les  inculpés  qui  ne  sont  menacés  que  d'une  peine  dont  le  maximum 
n'atteint  pas  deux  années  d'emprisonnement,  et  dont  le  minimum  peut  des- 
cendre à  six  jours.  Gomment  croire,  en  effet  que,  pour  fuir  une  telle  préventioni 
l'inculpé  va  quitter  son  foyer,  sa  famille,  toutes  ses  ressources  ?  La  présomp- 
tion de  la  comparution  en  justice  est  si  forte  qu'elle  fonde  un  véritable  droit 
à  la  liberté,  car  il  n'y  a,  répétons-le,  qu'une  nécessité  absolue  d'ordre  ou  de 
justice  qui  puisse  le  suspendre.  Nous  ajouterons  à  tous  les  motifs  qui  ont  été 
apportés  à  l'appui,  une  considération  morale  qui  nous  semble  importante  : 
c'est  qu*il  importe  de  ne  pas  jeter  inutilement  dans  les  prisons  des  personnes 
dont  la  criminalité  est  encore  incertaine  et  auxquelles  la  justice  n'impute  que 
des  actes  d'une  valeur  secondaire.  11  importe  de  ne  pas  entacher  leur  vie  de 
cette  note  d'infamie  avant  que  la  justice  ait  déclaré  qu'elle  était  méritée. 
Les  détentions,  si  courtes  qu'elles  soient,  sont  toujours  funestes  à  ceux 
qu'elles  frappent,  soit  en  privant  la  famille  des  ressources  de  leur  travail,  soit 
en  leur  infligeant  une  flétrissure  encore  imméritée,  soit  en  jetant  dans  leur 
âme  des  semences  de  corruption,  soit  enfin  en  l'abaissant  par  une  humiliation 
dont  elle  ne  peut  se  relever. 

Ce  droit  à  la  liberté  provisoire  est  d'ailleurs  soumis  à  plusieurs  conditions. 
Il  ne  s'exerce  que  cinq  jours  après  l'interrogatoire,  c'est-à-dire  après  six  jours 
à  compter  du  jour  de  l'arrestation,  car  il  a  été  formellement  reconnu  dans  la 
discussion  de  la  loi  que  l'interrogatoire  que  mentionne  l'article  113  est  celui 
qui  doit  avoir  lieu  dans  les  vingt-quatre  heures.  Le  délai  de  cinq  jours  après 
cet  interrogatoire  a  été  donné  pour  que  le  juge  puisse  prendre  tous  les  rensei- 
gnements qui  lui  sont  nécessaires,  et  il  le  peut  facilement  dans  ce  délai  puisque 
la  voie  télégraphique  a  été  mise  à  la  disposition  des  parquets,  et  puisqu'il  n'a 
pas  décerné  le  mandat  de  comparution  sans  avoir  déjà  procédé  à  un  commen- 
cement d'information.  Que  s'il  reconnaît,  même  avant  les  cinq  jours  expirés, 
que  rinculpé  doit  profiter  du  droit,  il  ne  doit  pas  attendre  l'échéance  du  délai, 
car  la  loi  a  voulu  que  l'application  de  cette  liberté  de  droit  fût  sérieuse  et  réelle 
et  que  le  juge  se  pénétrât  de  son  esprit  pour  la  mettre  en  action. 

Une  seconde  condition  est  que  les  inculpés  soient  domtcUiés,  La  mise  en 
liberté  de  droit  emporte,  en  effet,  comme  celle  qui  n'est  que  facultative,  la 
condition  de  se  représenter  à  tous  les  actes  de  la  procédure  et  pour  l'exécution 
du  jugement.  Or,  cette  condition,  dès  qu'elle  n*a  plus  pour  garantie  de  son 
aco<MnpUssement  l'appréciation  libre  du  juge,  doit  en  trouver  une  autre  qui 
est  le  domicile.  De  quel  domicile  s'agit-il  ici  ?  C'est  le  domicile  de  fait,  le  lieu 

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570     TRENTE  ET  UNIÈME  LEÇON.  —  DE  l'iNSTRUCTION  ÉCRITE  (n^  6Î7). 

OÙ  l'incnlpé  réside  habituellement,  où  il  a  son  établissement  et  ses  ressources, 
où  il  travaille,  où  il  est  fixé.  C'est  cette  demeure  fixe,  cette  résidence  cimentée 
par  un  certain  temps,  qui  constitue  la  garantie  légale.  Mais  on  ne  doit  pas  la 
confondre  avec  la  dernière  habitation,  qui  n'est  qu'un  fait  isolé  ^uand  elle  ne 
s'est  pas  continuée  suffisamment  pour  manifester  l'intention  de  s'y  fixer.  La 
loi  n'a  voulu  exclure  que  ceux  qui  ne  sont  attachés  à  aucun  lien  par  la  famille 
et  par  le  travail,  qui  n'ont  aucun  foyer,  aucune  demeure  continue  et  habi- 
tuelle, aucun  établiss^ent,  d'abord,  parce  qu'ils  ne  fournissent  aucun  gage 
de  leur  moralité,  ensuHe  parce  que  les  réquisitions  de  la  justice  ne  sauraient 
où  s'adresser  et  n'auraient  aucune  assurance  d'être  obéies. 

Une  dernière  condition  est  que  les  inculpés  ne  soient  en  récidive  ni  de 
crime  ni  de  délit.  Nous  avons  déjà  indiqué  par  quel  motif  cette  exclusion  ne 
s'applique  qu'aux  inculpés  passibles  d'un  emprisonnement  inférieur  à  deux 
ans  :  la  liberté  n'étant  que  facultative  à  l'égard  de  tous  les  autres,  il  n'a  pas 
paru  nécessaire  d'imposer  des  limites  au  pouvoir  discrétionnaire  du  juge, 
tandis  qu'étant  ici  de  droit,  il  était  indispensable  d'indiquer  les  individus 
auxquels  elle  ne  s'appliquait  pas.  Ces  individus  sont  c  les  prévenus  déjà  con- 
damnés pour  crime,  et  ceux  déjà  condamnés  d'un  emprisonnement  de  plus 
d'une  année  •  ;  ce  qui  doit  s'interpréter  en  ce  sens  que  la  loi  a  voulu  exclure  : 
joious  les  condamnés  pour  crime,  quelle  que  soit  la  peine  encourue  ;  2<»  tous 
les  condamnés  pour  délit  à  un  emprisonnement  de  plus  d'un  an. 

627.  Il  nous  reste  à  parler  de  la  liberté  avec  caution.  La  mise  en  liberté 
sous  caution  n'est  plus  qu'un  assurément  subsidiaire.  Elle  n'intervient  que 
lorsque  l'arrestation  a  été  jugée  nécessaire,  que  le  mandat  a  été  mis  à  exécu- 
tion, et  que  le  juge  n'a  pas  pensé,  après  l'interrogatoire  de  l'inculpé,  pouvoir 
le  remettre  en  liberté  sans  que  sa  représentation  fût  assurée  ;  le  cautionne- 
ment est  la  garantie  de  cette  représentation.  L'inculpé  ne  recouvre  qu'une 
liberté  conditionnelle  ;  le  lien  du  cautionnement  l'attache  et  le  retient  dans  le 
ressort  du  tribunal  saisi  ;  il  est  rendu  à  ses  travaux,  à  ses  affaires,  mais  la 
justice  ne  fait  que  rel&cher  la  chaîne  dont  elle  tient  le  bout  ;  il  reste  à  sa  dis- 
position. La  loi  garantit  ainsi,  sans  déployer  une  inutile  rigueur,  les  droits  de 
la  justice  ;  elle  assure,  en  laissant  l'inculpé  en  liberté,  l'exécution  du  juge- 
ment. Il  suit  de  là  que  le  caractère  général  de  la  mise  en  liberté  sons  caution 
est  de  remplacer  la  garantie  de  l'emprisonnement  préalable  par  la  garantie  du 
cautionnement,  de  substituer  à  la  détention  qui,  appliquée  aux  prévenus,  est 
une  mesure  de  sûreté,  une  autre  mesure  de  sûreté,  de  changer  le  gage  dont 
la  justice  a  besoin  sans  en  diminuer  la  valeur.  Ainsi  cette  institution  n'afifai- 
blit  point  ^'action  publique.  Elle  ne  supprime  une  détention  rigoureuse  qu'en 
la  remplaçant  par  une  garantie  non  moins  efficace. 

De  ce  principe  on  peut  déduire  deux  conséquences  :  la  première  que  la 
mise  en  liberté  sous  caution  ne  doit  être  appliquée  que  dans  les  cas  où  la 
détention  préalable  serait  jugée  nécessaire  ;  la  deuxième,  que  la  condition  de 
son  application  est  qu'elle  présente  une  garantie  analogue  à  celle  de  l'empri- 
sonnement. Le  premier  point  ne  peut  soulever  aucune  contestation.  Si  la 
détention  préalable  de  l'inculpé  à  raison  de  sa  moralité,  de  sa  position  sociale 
ou  du  peu  de  gravité  du  fait,  n'est  pas  indispensable  à  la  poursuite,  le  caa* 
tionnement,  qui  n*est  que  l'équivalent  de  l'emprisonnement,  est  évidemment 

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DE  LA  LIBERTÉ  PBOYISOIRE  AVEC  OU  BANS  CAUTION  (aRT.    113)*      571 

superflu.  Le  second  donne  lieu  à  plus  de  dif6cultés.  Gomment  assimiler  la 
perte  de  la  liberté  et  la  perte  d*une  somme  pécuniaire  ?  Gomment  être  assuré 
que,  pour  éviter  l'exécution  d'une  peine  corporelle,  le  prévenu  ne  sacrifiera 
pas  le  cautionnement  qui  a  été  déposé  7  II  est  clair  que  la  solution  du  problème 
ne  peut  être  que  dans  le  taux  du  cautionnement. 

Le  cautionnement  doit  être  proportionné  aux  moyens  pécuniaires  du  pré^ 
venu,  il  doit  être  en  rapport  avec  la  gravité  du  fait  imputé,  il  ne  doit  s'appli- 
quer qu'aux  domiciliés.  La  liberté  sous  caution,  en  effet,  puise  ses  garanties 
dans  trois  sources  différentes,  dans  la  position  personnelle  du  prévenu,  dans 
ses  ressources  pécuniaires,  dans  le  caractère  plus  ou  moins  grave  du  fait  qui 
lui  est  imputé.  Elle  le  retient  par  le  lien  du  domicile,  par  le  dépôt  d'une  partie 
de  sa  fortune,  par  l'intérêt  réel  qu'il  a  de  purger  la  prévention,  quelle  qu'en 
soit  rissue.  Le  domicile  est  la  première  condition  de  toute  liberté  provisoire. 
La  mise  en  liberté  suppose  l'engagement  de  se  représenter,  et  par  conséquent 
une  résidence  fixe.  Le  taux  du  cautionnement  doit  être  une  garantie  sans 
être  un  obstacle  à  la  liberté  ;  il  doit  être  un  lien  pour  tous  et  non  un  privilège 
pour  quelques-uns.  Il  Jaut  donc  qu'il  soit  proportionné  aux  ressources  du  pré- 
venu. L'égalité  de  la  somme  conduirait  à  l'inégalité  de  la  loi;  elle  créerait 
parmi  les  inculpés  des'  classes  qu'elle  admettrait  à  participer  à  ses  bienfaits 
et  des  classes  qu'elle  en  éloignerait.  Elle  serait  pour  les  uns  inaccessible  et 
pour  les  autres  inefficace.  M.  Livingston,  dans  le  Gode  de  la  Louisiane,  a  par- 
faitement précisé  la  difficulté  :  c  Le  montant  du  cautionnement  ne  saurait 
être  proportionné  par  la  loi  aux  circonstances  de  chaque  cas  particulier;  c'est 
un  des  points  les  plus  importants  et  les  plus  délicats  de  l'exercice  du  pouvoir 
judiciaire.  Il  doit  être  balancé  de  manière  à  ne  pas  permettre  qu'un  délin- 
quant riche  échappe  à  la  loi  moyennant  le  payement  d'une  peine  pécuniaire, 
ni  que  ce  privilège  soit  en  dehors  de  la  portée  du  pauvre.  Afin  d'en  faire  une 
garantie  certaine  de  la  comparution  de  la  partie,  il.  doit  être  déterminé  par 
les  considérations  suivantes  :  i^  la  nature  de  la  punition  à  infliger  en  cas  de 
condamnation  ;  %^  la  situation  pécuniaire  de  la  personne  accusée.  Si  l'offense 
est  punissable  par  les  travaux  de  force,  l'emprisonnement  ou  la  privation  des 
droits  civils,  le  désir  d'échapper  à  la  punition  étant  plus  grand,  doit  être  con-* 
trebalancé  par  une  plus  forte  garantie.  La  fortune  de  l'accusé  doit  aussi  être 
prise  en  considération.  Le  pauvre  peut  être  surchargé  par  l'imposition  d'un 
cautionnement  qui  serait  de  nulle  garantie  pour  la  comparution  du  riche.  11  est 
de  l'essence  du  cautionnement  d'être  variable;  c'est  sa  mobilité  qui  fait  son 
égalité  et  sa  puissance.  » 

tM,  Gela  posé,  résumons  les  dispositions  de  la  loi  sur  ce  point.  Trois  inno- 
vations importantes  ont  été  introduites  dans  notre  Gode;  la  suppression  du 
minimum  du  cautionnement,  la  caution  personnelle  d'un  tiers,  l'affectation  du 
cautionnement  à  la  représentation  de  l'inculpé,  à  l'amende  et  aux  frais. 

La  suppression  du  .minimum  du  cautionnement,  qui  a  conduit  à  sa  sup- 
pression facultative,  est  la  plus  considérable  de  ces  mesures.  L'ancien  art.  119 
du  Gode  avait  fixé  le  maximum  de  ce  cautionnement  au  double  de  l'amende 
ou  au  triple  du  dommage,  et  son  minimum  à  500  francs.  Gette  disposition 
présentait  un  double  inconvénient  :  le  minimum  était  trou  élevé  et  le  maxi* 

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572     TRENTE  ET  UNlàUB  LEÇON.  —  DE  L'INSTRUCTION  ÉCRITE  (n^  629). 

mum  trop  bas.  En  fixant  le  minimum  à  500  francs,  le  législatenr  déshériterait 
de  la  liberté  provisoire  tonte  la  population  pauvre,  celle  qui  avait  le  plus 
besoin  peut-être  de  la  liberté,  parce  que  le  travail  lui  est  plus  nécessaire.  En 
limitant  le  maximum  au  doubie  de  l'amende  et  au  triple  du  dommage,  il 
n'atteignait  pas  la  classe  riche  et  fixait  au  cautionnement  une  seule  base, 
erronée  quand  elle  est  prise  isolément,  la  gravité  du  fait  incriminé.  C'était 
confondre  le  cautionnement  avec  la  peine.  L'un  et  l'autre  ont  un  principe  dis- 
tinct, une  source  différente.  Le  cautionnement  n'est  qu'une  garantie  de  la 
représentation  du  prévenu  à  la  justice  et  ne  peut  avoir  qu'un  seul  but,  c'est 
d'assurer  cette  représentation.  Il  substitue  la  sûreté  pécuniaire  à  la  sûreté  per- 
sonnelle ;  mais  l'une  et  l'autre  ont  le  môme  objet,  la  présence  du  prévenu  an 
débat.  Le  cautionnement  doit  donc  se  préoccuper  principalement  de  la  situai 
tion  personnelle  de  ce  prévenu,  de  sa  fortune,  de  ses  ressources,  de  la  force  du 
lien  qu'il  établit. 

Telles  sont  les  considérations  qui  ont  dicté  le  décret  du  24  mars  1848.  Ce 
décret  est  ainsi  conçu  :  c  Le  gouvernement  provisoire,  sur  le  rapport  du  mi» 
nistre  de  la  justice  :  vu  l'art.  119  du  Gode  d'instruction  criminelle,  portant  que 
le  cautionnement  que  doivent  fournir  les  prévenus  de  délits,  lorsqu'ils  obtien- 
nent la  liberté  provisoire,  ne  peut  être  au-dessous  de  500  francs  ;  considérant 
que  cette  disposition  consacre  une  flagrante  inégalité  parmi  les  prévenus  ; 
qu'elle  a  pour  résultat  d'exclure  de  la  liberté  provisoire  tous  ceux  qui  ne  peu- 
vent déposer  une  somme  de  500  francs  ;  que  les  garanties  de  la  représentation 
devant  la  justice  d'un  prévenu  peuvent  se  puiser,  non-seulement  dans  sa  for- 
tune, mais  dans  sa  position  personnelle,  dans  son  domicile,  dans  ses  antécé- 
dents, enfin  dans  la  nature  même  du  fait  qui  lui  est  imputé  :  décrète  :  le  pre- 
mier paragraphe  de  l'art  117  est  abrogé.  >  Ce  décret,  l'un  des  bienfaits  du 
gouvernement  provisoire,  n'a  point  détruit  le  cautionnement  ;  il  s'est  borné 
à  en  effacer  le  minimum.  Son  but  a  été  de  le  rendre  accessible  aux  classes 
pauvres,  en  donnant  la  facilité  d'en  proportionner  le  taux  aux  plus  minhnes 
fortunes,  aux  situations  les  moins  aisées.  U  a  permis-  au  juge  de  l'abaisser  in- 
définiment, de  le  réduire  aux  proportions  les  plus  minimes,  lorsqu'il  trouve 
dans  la  personne  ou  la  position  du  prévenu  des  garanties  suffisantes  de  sa 
représentation  en  justice. 

Cette  suppression  a  été  maintenue  par  la  loi  du  14  juillet  1865,  et  cette  loi 
a  fait  plus  ;  elle  a  effacé  le  maximum  déterminé  par  le  2«  paragraphe  de  Tar» 
tide  119.  On  lit  dans  l'exposé  des  motifs  :  «  Il  est  de  l'essence  du  cautionne- 
ment que  cette  limite  ne  soit  pas  fixe,  qu'elle  s'élève  ou  s'abaisse  avec  la  posi- 
tion de  l'inculpé,  la  nature  de  l'infraction  et  la  gravité  de  la  peine.  Le  chiffre 
du  cautionnement,  comme  le  cautionnement  même  et  comme  la  mise  en 
liberté,  doit  être  laissé  à  l'arbitrage  du  juge.  • 

629.  En  ce  qui  concerne  le  mode  du  cautionnement,  la  loi  a  moins  innové 
qu'elle  n'a  simplifié  ce  qui  existait  déjà.  Elle  reconnaît,  comme  faisait  le 
Gode,  deux  modes  distincts  :  le  cautionnement  en  espèces  qui  peut  être  fourni 
soit  par  l'inculpé,  soit  par  un  tiers  ;  le  cautionnement  d'une  tierce  personne 
qui  prend  l'engagement  de  faire  représenter  l'inculpé  à  toute  réquisition^  ou^ 
à  dé&ut,  de  verser  la  somme  déierminée.  Cet  engagement  se  trouve  dégagé 

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DE  LÀ  LIBERTÉ  PROYISOlRB  AVEC  OU  SANS  CAUTION  (aRT.  US).     573 

de  la  garantie  immobilière  qui  raccompagnait  dans  Vancien  article  117  et  qni, 
à  raison  de  rinscription  hypothécaire  qni  en  était  la  conséquence,  avait  été 
une  perpétuelle  entrave.  Il  ne  consiste  plus  que  dans  une  simple  garantie 
personnelle  de  la  représentation  de  Tinculpé.  Le  juge  apprécie  la  solvabilité 
de  la  tierce  personne  qui  prend  cet  engagement  :  toute  personne  peut  être 
admise,  aux  termes  de  Tarticle  129,  pourvu  qu'elle  soit  solvable.  c  En  s'abs- 
tenant,  dit  l'exposé  des  motifs,  de  reproduire  les  dispositions  du  Gode  relatives 
au  cautionnement  immobilier,  le  projet  de  loi  n'entend  pas  exdure  cette  preuve 
de  solvabilité;  il  la  laisse  dans  le  droit  commun.  Ce  sera  un  moyen  entre  plu- 
sieurs, au  lieu  d*6tre  comme  aujourd'hui  le  moyen  légal  et  unique.  Aucun 
incident  plus  que  celui-ci  ne  demande  par  son  objet  d'être  mené  simplement 
et  vite  ;  on  en  faisait  une  procédure  semée  de  contestations  (art.  2018,  2019, 
2040  Gode  civil).  Gomment  s'étonner  que  la  liberté  sous  caution  ne  soit  pas 
entrée  dans  nos  mœurs*  » 

Le  juge  détermine  ensuite  le  montant  du  cautionnement  c  suivant  la  na- 
ture de  Taffaire,  i  dit  l'article  120;  il  faut  ajouter  :  suivant  les  ressources  et 
la  moralité  de  l'inculpé.  La  somme  déterminée  peut  être  fournie  en  espèces 
môme  par  un  tiers  ;  mais  dans  le  cas  où  ce  tiers  propose  seulement  sa  caution 
personnelle,  ce  n'est  qu'au  cas  où  l'inculpé  fait  déCtut,  qu'elle  doit  être  versée 
au  Trésor. 

tM,  Enfin  une  dernière  modification  a  eu  pour  objet  de  définir  le  but  du 
cautionnement  et  l'emploi  auquel  il  est  affecté.  Le2«  paragraphe  de  l'article  114 
est  ainsi  conçu  :  «  Le  cautionnement  garantit  :  i^  la  représentation  de  l'inculpé  à 
tous  les  actes  de  la  procédure  et  pour  l'exécution  du  jugement  ;  29  le  payement 
dans  l'ordre  suivant  :  i^  des  frais  faits  par  la  partie  publique  ;  29  de  ceux  avancés 
par  la  partie  civile;  3®  des  amendes.-  » 

L'objet  du  cautionnement  est  de  garantir  la  présence  de  l'inculpé  à  tous  les 
actes  de  la  procédure  et  pow  Vexécution  du  jugement.  Ld  cautionnement,  nous 
l'avons  établi,  remplace  la  détention  ;  il  est  destiné  à  suppléer  à  la  sûreté  de 
œtte  mesure  par  le  gage  qu'il  apporte,  sa  mission  doit  se  borner  à  assurer  sa 
représentation  en  justice.  Telle  était  la  seule  obligation  que  la  caution  sous- 
crivait avant  la  loi  :  c  La  caution,  portait  l'ancien  article  120,  fera  sa  soumis- 
sion de  payer  le  montant  du  cautionnement  en  eas  que  le  prévenu  soit  constitué 
en  défaut  de  se  représenter,  »  Et  l'art.  122  modifié  par  la  loi  du  14  juillet  1865, 
dit  également  :  t  Les  obligations  résultant  du  cautionnement  cessent  si  l'in- 
culpé se  présente  à  tous  les  actes  de  la  procédure  et  pour  l'exécution  de  ce 
jugement.  »  Ainsi  ce  n'est  que  le  défaut  de  cette  représentation  qui  engage  la 
responsabilité  de  la  caution,  et  pourvu  que  le  prévenu  se  soit  représenté  à 
toutes  les  réquisitions  de  la  justice,  elle  est  entièrement  dégagée. 

Mais,  si  le  prévenu  fait  dé&ut,  la  responsabilité  de  la  caution  s'engage  et 
le  cautionnement  s'affecte  aussitôt.  Dans  le  système  du  Gode  on  distinguait 
le  défaut  de  représentation  du  prévenu  aux  actes  de  la  procédure,  et  son  défiiut 
de  représentatif^  q  à  l'exécution  du  jugement.  Dans  la  première  hypothè^,  le 
cautionnement  était  affecté  au  payement  des  réparations  civiles,  des  amendes 
et  des  frais  ;  mais,  ces  sommes  acquittées,  le  surplus  était  restitué.  Dans  la  se- 
conde, la  restitution  n'avait  pas  lieu  tant  que  la  peine  n'était  pas  exécutée. 

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574      TRBNTB  ET  UNIÈME  LEÇON.  —  DE  l'iNSTRUGTION  ÉCRITE  (n*   63l). 

dette  interprétation  de  Tarticle  Ul  avait  été  consacrée  dans  nn  arrêt  de  la 
Cour  de  cassation  du  19  octobre  1821  (1),  renda  dans  une  espèce  où  le  pré- 
venu, après  avoir  ùài  défaat  à  l'audience^  avait  formé  apposition  et  s'était^ 
représenté  ultérieurement.  La  loi  nouvelle  ne  Ta  pas  odoptée,  et  elle  a  pris 
une  sorte  de  terme  moyen  qu'elle  a  trouvé  dans  les  articles  13,  23  et  24  de  la 
loi  belge  du  18  février  1852. 

Elle  a  divisé  le  cautionnement  en  deux  parts  :  Tune,  comme  le  porte  Par- 
ticle  114,  qui  garantit  la  représentation  de  l'inculpé;  l'autre,  qui  garantit  le 
payement  des  frtfis  et  des  amendes.  Cette  dernière  garantie  ne  s'étend  plus 
aux  réparations  civiles  :  le  législateur  a  pensé  avec  raison  que,  si  la  détention 
préventive  se  justifie,  c'est  seulement  quand  elle  sert  un  intérêt  public,  et 
qu'appliquée  à  un  intérêt  privé,  elle  est  odieuse.  L'art.  114  ajoute  :  c  L'ordon- 
nance de  mise  en  liberté  détermine  la  somme  affectée  à  chacune  des  deux 
parties  du  cautionnement.  »  La  première  partie  est,  sauf  le  cas  d'acquitte- 
ment, acquise  à  l'État,  suivant  les  termes  de  l'artide  122,  c  du  moment  que 
rinculpé,  sans  motif  légitime  d'excuse,  est  constitué  en  défaut  de  se  repré- 
senter à  quelque  acte  de  la  procédure  ou  pour  l'exécution  du  jugement.  •  La 
deuxième  est,  en  cas  de  condamnation,  affectée  aux  frais  et  à  l'amende,  et 
restituée  en  cas  d'acquittement  ou  d'absolution. 

631.  La  loi  du  14  Juillet  1865  s'est  bornée,  en  ce  qui  concerne  la  désigna* 
tion  de  la  juridiction  compétente  pour  prononcer  sur  la  liberté  provisoire,  à 
recueillir  la  règle  établie  par  la  jurisprudence.  Cette  règle  est  que  la  mise  en 
liberté  peut  être  demandée  et  ordonnée  devant  tout  tribunal  saisi  de  la  cause 
et  pexfdant  tout  le  temps  qu'il  en  est  saisi. 

U  n'appartient  donc  qu'au  juge  d'instruction  d'y  statuer,  tant  qu'il  demeure 
saisi  de  l'instruction,  tant  qu'il  n'a  pas  rendu  Tordonnance  de  mise  en  pré- 
vention. Ce  premier  point  est  formdlement  établi  par  l'article  114  rectifié  par 
la  loi  du  17  juillet  1856  et  par  les  articles  113  et  116  rectifiés  par  la  loi  du 
14  juillet  1865.  Lorsque  le  juge  s'est  dessaisi  par  son  ordonnance,  son  poufoir 
est  transféré  à  la  juridiction  qu'il  a  saisie.  L'articlallO  porte  :  «  La  mise  en  li- 
berté provisoire  pourra  être  demandée,  en  tout  état  de  cause  :  à  la  chambre 
des  mises  en  accusation  depuis  l'ordonnance  da  juge  d'instruction  jusqu'à 
l'arrêt  de  renvoi  devant  la  cour  d'assises  ;  au  tribunal  correctionnel,  si  Taffaire 
y  a  été  renvoyée;  à  la  cour  (chambre  des  appels  correctionnels),  si  l'appel  a 
été  interjeté  du  jugement  sur  le  fond,  b  II  suit  de  ces  derniers  mots  que,  dans 
le  cas  de  renvoi  devant  la  police  correctionnelle,  c'est  au  juge  saisi  du  fond  de 
l'affaire  qu'appartient  la  compétence.  Ainsi,  lors  môme  que  des  appels  inci- 
dents auraient  été  portés  devant  la  cour,  c'est  au  tribunal  à  statuer,  tant  qu'il 
n'a  pas  été  dessaisi.  S'il  s'est  déclaré  incompétent  sur  le  fond,  il  s'est  par  là 
même  dessaisi  et  ne  peut  plus  ordonner  la  mise  en  liberté. 

Ces  désignations  avaient  déjà  été  faites  par  la  jurisprudence  et  le  législateur 
n'a  fait  que  les  enregistrer.  Mais,  puisqu'il  intervenait,  il  semble  qu'il  aurait 
dû  les  modifier.  N'est-il  pas  extraordinaire  que  cette  question  de  la  liberté 
provisoire  soit  renvoyée  de  tribunal  en  trU)unal,  et  jugée  tantôt  par  le  juge 

(l)  J(mrru  du  Pal.,  tome  XVI.  p.  920. 

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DE  LA  LIBERTÉ  PR0V180IRB  AVEC  OU   SANS   CAUTION  (aRT.    il3).      575 

d'instruction,  tantôt  par  la  chambre  des  appels  de  la  cour?  CiOmment  arriver 
à  des  règles  fixes,  à  des  conditions  uniformes,  quand  la  juridiction  est  incer- 
taine et  dépend  du  jour  où  la  demande  est  formée?  £t  c'est  le  plus  précieux 
des  biens  des  citoyens,  c'est  leur  liberté  qui  se  trouve  subordonnée  aux 
hasards  d'une  compétence  mobile  !  Gomment  attendre  la  même  appréciation, 
la  même  solution  du  juge,  du  tribunal  et  de  la  cour?  N'edit-il  pas  mieux  valu, 
en  reprenant  le  principe  qui  se  trouvait  dans  Tancien  article  114,  et  en  lui 
donnant  une  application  nouvelle,  déclarer  que  le  juge  d'instruction  et  sur 
rappel  la  chambre  d'accusation  auraient  en  cette  matière  une  compétence 
exclusive?  U  s'agit  d'une  mesure  qui,  quelle  que  soit  l'époque  où  elle  est  pro- 
noncée, appartient  par  sa  nature  à  l'instruction;  pourquoi  ne  pas  la  laisser  à 
la  juridiction  qui  est  chargée  de  l'instruction  ? 

Au  surplus,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  la  chambre  d'accusation,  le 
tribunal  et  la  cour,  qui  ne  font  qu'exercer  le  pouvoir  qui  appartenait  jusque- 
là  au  juge  d'instruction,  peuvent,  comme  le  juge,  admettre  les  prévenus  à  la 
liberté  provisoire,  soit  avec  caution,  soit  avec  le  seul  engagement  de  se  repré- 
senter. L'article  116  ne  fait  aucune  distinction  entre  ces  deux  modes  d'élar- 
gissement et  les  laisse  l'un  et  l'autre  à  la  disposition  de  la  juridiction  compé- 
tente, quelle  qu'elle  soit;  et  l'article  120,  qui  se  réfère  à  tous  les  cas  où  la 
liberté  est  accordée,  n'établit  les  formes  de  cautionnement  que  «  dans  le  cas 
où  la  liberté  provisoire  aura  été  subordonnée  au  cautionnement.  > 

L'art.  116  admet  une  exception  à  la  règle  qu'il  a  posée.  Son  deuxième  pa- 
ragraphe est  ainsi  conçu  :  c  Lorsque  le  condamné,  pour  rendre  son  pourvoi 
admissible,  conformément  à  l'article  421,  voudra  réclamer  sa  mise  en  liberté, 
il  portera  sa  demande  devant  la  cour  ou  devant  le  tribunal  qui  aura  prononcé 
la  peine.  »  Ici  encore,  le  législateur  a  suivi  la  jurisprudence  et  il  Ta  suivie 
jusque  dans  une  sorte  d'anomalie  qu'elle  avait  consacrée.  Le  premier  para- 
graphe de  l'article  n'accorde  compétence  qu'à  la  juridiction  saisie  au  moment 
où  la  demande  est  formée,  le  deuxième  l'accorde,  au  contraire,  à  une  juridic- 
tion dont  le  pouvoir  est  épuisé  et  qui  s'est  complètement  dessaisie.  Ne  fallait- 
il  pas  mieux,  comme  nous  le  disions  tout  à  l'heure,  et  puisque  le  dessaisis- 
sement de  la  juridiction  n'était  pas  un  obstacle  à  sa  compétence,  renvoyer  la 
demande  au  juge  d'instruction,  seul  compétent  pour  prononcer  sur  un  acte 
qui  appartient  à  l'instruction  ? 

Une  question  s'élève  ici.  L'article  421  n'admet,  comme  équivalent  de  la 
mise  en  état,  que  la  liberté  sous  caution.  Est>ce  que  la  liberté  ne  pourra  pas, 
dans  ce  cas,  être  accordée  avec  le  seul  engagement  de  se  représenter  ?  Il  nous 
parait  évident  que  l'article  421,  qui  n'a  point  établi  les  conditions  de  la  liberté, 
se  réfère  aux  articles  qui  ont  stipulé  ces  conditions.  Le  système,  dont  il  était 
une  application,  n'existe  plus;  il  a  été  remplacé  par  d'autres  dispositions  :  ces 
dispositions  nouvelles,  qui  établissent  les  règles  communes  de  la  liberté  pro- 
visoire, dominent  tout  le  Gode  et  par  conséquent  l'article  421.  Il  suffit  donc 
désormais,  pour  que  le  prévenu  soit  en  état,  que  son  élargissement  ait  été  au- 
torisé conformément  à  ses  dispositions. 

632.  Les  formes  de  la  demande  en  liberté  provisoire  sont  très-simples*  Le 
prévenu  dépose  au  greffe  de  la  juridiction  compétente  une  requête  tendant  à 

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576      TRBNTB  BT  UNIÈME  LEÇON.  —  DE  l' INSTRUCTION  ÊGRITB  (n*  633). 

ce  que  la  liberté  loi  soit  accordée.  Cette  requête  n'est  soumise  à  aucune  forme 
particulière.  Il  peut  fournir  à  l'appui  des  observations  écrites  (art.  117).  La 
requête  est  communiquée  par  le  juge  d'instruction  au  ministère  public  pour 
qu'il  donne  ses  conclusions  et  notifiée  par  le  .requérant  à  la  partie  civile,  s'il 
y  en  a  en  cause,  à  son  domicile  ou  à  celui  qu'elle  aura  élu,  pour  qu'elle  puisse, 
dans  le  délai  de  vingt-quatre  heures  à  partir  du  jour  de  la  notification,  pré- 
sentei*,  ^i  elle  le  veut,  des  observations  écrites  (art.  118).  Cette  dernière  dispo- 
sition, qui  reproduit  l'ancien  article  116,  était-elle  nécessaire?  on  comprend 
que  la  loi  ait  dû  mettre  la  partie  civile  en  cause  lorsque  la  liberté  n'était  ac- 
cordée que  moyennant  un  cautionnement,  et  que  le  dommage  causé  par  le 
délit  était  l'un  des  éléments  du  taux  de  ce  cautionnement.  Mais  pourquoi  cette 
intervention  quand  la  mise  en  liberté  peut  avoir  lieu  sans  cautionnement,  et 
quand  ce  cautionnement,  s'il  est  exigé,  ne  garantit  plus  le  dommage  ?  pour- 
quoi, lorsque  la  mainlevée  du  mandat  de  dépôt  ou  du  mandat  d'arrêt  a  lieu 
sans  le  concours  de  cette  partie,  faire  ultérieurement  de  ce  concours  une  con- 
dition de  la  mise  en  liberté  ?  Serait-ce  que,  le  cautionnement  pouvant  garantir 
les  frais  avancés  par  la  partie  civile,  il  a  paru  convenable  de  l'appeler  pour 
qu'elle  pût  s'opposer  à  l'élargissement  sans  caution  ou  sans  une  caution  suf- 
fisante ?  Mais  la  somme  de  ces  avances  est  trop  minime  pour  qu'on  puisse  en 
faire  un  obstacle  sérieux  à  l'élargissement.  Il  semble  que,  dans  le  cas  des  ar- 
ticles 113  et  114,  comme  dans  celui  de  l'article  94,  la  partie  civile  devait  rester 
en  dehors  de  cette  procédure  incidente  :  il  s'agit  d'une  mesure  d'instruction, 
qui  se  fonde  sur  des  intérêts  plus  élevés  que  les  siens,  et  qu'elle  ne  doit  pas 
contrôler.  Il  est  statué  sur  la  requête,  comme  nous  l'avons  vu,  soit  par  le  juge 
d'instruction  s'il  n'a  pas  encore  rendu  l'ordonnance  de  renvoi,  soit  par  la  juri- 
diction saisie  de  l'affaire,  suivant  les  termes  de  l'art.  116.  Cette  juridiction, 
quelle  qu'elle  soit,  prononce  en  chambre  du  copseil,  le  ministère  public 
entendu  (art.  117). 

688.  La  décision  rendue  sur  la  requête  peut  être  attaquée,  soit  par  le  mi- 
nistère public,  soit  par  la  partie  civile,  soit  par  l'inculpé.  Ce  recours,  que  la 
jurisprudence  avait  fait  sortir  du  silence  de  la  loi,  a  reçu  une  sanction  ex- 
presse. Si  l'ordonnance  de  mainlevée  prévue  par  l'article  94  ne  peut  être  atta- 
quée, c'est  qu'elle  ne  constitue  qu'un  acte  d'instruction,  mais  il  s'agit  ici  d'un 
acte  delà  juridiction  du  juge.  L'article  119  est  ainsi  conçu  :  «  L'opposition  ou 
appel  devra  être  formé  dans  ,un  délai  de  vingt-quatre  heures  qui  courra  contre 
le  procureur  de  la  République,  à  compter  du  jour  de  l'ordonnance  ou  du  ju- 
gement, et  contre  l'inculpé  et  la  partie  civile,  à  compter  du  jour  de  la  notifi- 
cation. L'opposition  ou  l'appel  sera  consigné  sur  un  registre  tenu  au  greffé  à 
cet  effet.  Le  procureur  général  aura  le  droit  d'opposition  dans  les  formes  et 
les  délais  prescrits  par  les  trois  derniers  paragraphes  de  l'article  135.  >  U  y  a 
lieu  de  remarquer  sur  cet  article  :  1*  que,  conformément  à  l'article  135,  qu'il 
faut  rapprocher  de  celui-ci,  la  notification  doit  être  faite  à  la  partie  civile  et  à 
l'inculpé  non  détenu  dans  les  vingt-quatre  heures  de  la  décision,  au  domicile 
par  eux  élu  ;  2*  que,  si  l'inculpé  est  détenu,  la  notification  est  remplacée  par  la 
communication  qui  lui  est  faite  par  le  greffier  ;  3*  que  le  procureur  général  n'est 
investi  que  du  même  droit  d'opposition  que  l'article  135  lui  a  conféré  contre 

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iM  XA  LiamTÉ  'PJiansoHiB  avsg  &a  bam»  CAUs^ioir  (art.  il 3).    577 

les  ordonnancés  àa  jnge  d'instraetion  :  il  rexeree  dans  les  mêmes  fonogs  et 
dans  les  mêmes  délais.  Quant  au  droit  d'appel  contre  le  jugement  du  tribunal 
correctionnel,  il  n'a  point  été  dérogé  aux  règles  du  droit  commun  et  il  y  a  lieu 
de  s'étonner  d'un  tel  oulfU  dans  une  matière  qai  exige  célérité;  4<»  enfin,  que 
le  pourvoi  en  cassation,  dans  les  cas  où  il  est  admis,  doit  être  formé  dans  les 
délais  prescrits  par  ^article  373,  puisque  l'article  ild  n'y  a  apporté  aucune 
dérogation. 

Lorsque  Tinctilpé  est  admis  à  la  liberté  provisoire,  il  y  a  lieu  de  distinguer 
ai  son  élargissement  est  prononcé  sans  caution  ou  avec  caution. 

Dans  le  premier  cas,  il  souscrit  au  greffe  un  acte  par  lequel  il  prend  l'enga- 
gement de  se  représenter  à  tous  les  actes  de  la  procédure  et  pour  l'exécution 
du  jugement,  aussitôt  qu'il  en  sera  requis  (art.  113).  Il  lait  en  qiême  temps 
-élection  du  domicile  dans  le  lieu  de  la  poursuite.  L'article  121  porte  :  «  préa- 
lablement à  la  mise  en  liberté,  avec  ou  sans  cautionnement,  le  demandeur 
devra,  par  acte  reçu  au  greffe,  élire  domicile,  s'il  est  inculpé,  dans  le  lieu  où 
«iégele  juge  d'instruction;  s'il  est  prévenu  ou  accusé,  dans  celui  où  siège  la 
Juridiction  saisie  du  fond  de  l'afiaire.  t  Cette  élection  de  domicile  tîetit  lien 
de  la  personne  môme  du  prévenu;  c'est  à  ce  domicile  élu  que  tous  les  actes 
de  l'instruction  doivent  être  notifiés,  que  les  ajournements  doivent  être 
donnés. 

Dans  le  deuxième  cas,  l'inculpé  doit  ou  verser  le  cautionnement  ou  présenter 
la  caution  qui  doit  répondre  de  sa  représentation.  L'article  121  est  ainsi  conçu. 
«  Si  le  cautionnement  consiste  en  espèces,  il  sera  versé  entre  les  mains  du 
receveur  de  l'enregistrement,  et  le  ministère  public,  sur  le  vt  du  récépissé, 
fera  exécuter  l'ordonnance  de  mise  en  liberté.  6*il  résulte  de  l'engagement 
d'un  tiers,  la  mise  en  liberté  sera  ordonnée  sur  le  vu  de  l'acte  de  soumission 
reçu  au  greffe.  •  Ainsi  l'élargissement  doit  être  immédiatement  ordonné  par 
le  ministère  public  sur  le  vu  de  l'acte  qui  constate  le  versement  du  caution- 
nement ou  l'engagement  de  le  verser  sans  qu'il  y  ait  lieu  à  discussion  par  la 
partie  civile  ni  à  aucun  retard.  La  loi  a  voulu  que  cette  procédure  fût  simple 
et  rapide  afin  que  la  liberté  provisoire  pût  être  etfîcace. 

^M,  La  liberté  provisoire,  après  qu'elle  a  été  régulièrement  accordée,  prend 
fin  dans  les  cas  suivants  : 

1*  Lorsque  l'inculpé  est  constitué  en  défaut  de  se  présenter  à  quelque  acte 
de  la  procédure  ou  pour  l'exécution  du  jugement.  Il  faut  que  le  défaut  soit 
bien  constaté,  c'est-à-dire  qu'il  y  ait  eu  d'une  part  réquisition  formelle  de  se 
représenter  et,  d'une  autre  part,  infraction  volontaire  à  cette  réquisition;  car 
toute  absence  motivée  par  un  empêchement  légitime  ne  constituerait  pas  le 
prévenu  en  défaut.  Ce  défaut,  qui  est  ainsi  apprécié  par  les  juges,  ne  les 
oblige  pas,  mais  leur  donne  seulement  la  faculté  d'ordonner  la  détention  : 
L'article  125  est  ainsi  conçu  :  c  Si,  après  avoir  obtenu  sa  liberté  provisoire, 
l'inculpé  cité  ou  ajourné  ne  comparât  pas,  le  juge  d'instruction,  le  tribunal  ou 
la  cour,  selon  les  cas,  pourront  décerner  contre  lui  un  mandat  d'arrêt  ou  de 
dépôt,  ou  une  ordonnance  de  prise  de  corps.  » 

ï^  Lorsque  des  circonstances  nouvelles  rendeuit  la  détention  nécessaire, 
Tart.  iio  porte,  en  effet:  «  La  mise  an  liberté  aura  lieu  sans  préjudice  du 

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578     TRBNTE-DBCJXIÈHB  LEÇON.  —  DE  L'INSTRUCTION  ÉCRITE  (m*  636). 

droit  qne  conserve  le  juge  dlnstraction,  dans  la  saite  de  l'infonnation,  de 
décerner  un  nouveau  mandat  d'amener,  d'arrêt  ou  de  dépôt,  si  des  circon- 
stances nouvelles  et  graves  rendent  cette  mesure  nécessaire.  •  Et  Tarticle 
ajoute  :  «  Toutefois,  si  la  liberté  provisoire  avait  été  accordée  par  la  chambre 
des  mises  en  accusation  réformant  Tordonnance  du  juge  d'instruction,  le  juge 
d'instruction  ne  pourrait  décerner  un  nouveau  mandat  qu'autant  que  la  coor, 
sur  les  réquisitions  du  ministère  public,  aurait  retiré  à  l'inculpé  le  bénéfice  de 
la  décision.  • 

3<»  Lorsque  l'inculpé  est  renvoyé  en  état  d'accusation  devant  la  cour  d'as- 
sises. Nous  avons  vu  [n^  625)  qu'aux  termes  de  l'article  126,  tout  accusé  de 
faits  qualifiés  crimes  doit  être  mis  en  état  d'arrestation,  nonobstant  la  mise 
en  liberté  provisoire. 

4<»  Lorsqu'il  intervient  un  jugement  ou  arrêt  définitif  sur  la  prévention, 
il  y  a  lieu  de  remarquer  seulement  ici  Tapplication  que  subit  le  cautionne- 
ment. 

635.  Si  le  prévenu  a  fait  défaut  et  néanmoins  a  été  renvoyé  de  la  poursuite, 
acquitté  ou  absous,  le  jugement  ou  l'arrêt,  bien  que  la  loi  ait  déclaré  dans  ce 
cas  la  première  partie  du  cautionnement  acquise  à  FËtat,  peut  ordonner 
restitution  de  cette  partie  du  cautionnement.  La  non-culpabilité  équivaut  à  un 
motif  légitime  d*excuse  (art.  122).  Et  quant  à  la  deuxième  partie,  elle  est  res- 
tituée dans  tous  les  cas  d'acquittement,  d*absolution  ou  de  renvoi  des  pour- 
suites (art.  123).  Ce  n'est  qu'en  cas  de  condamnation  qu'elle  est  affectée  aux 
frais  et  à  l'amende.  Le  surplus,  s'il  y  en  a,  est  restitué  (art.  123).  L'exécution  de 
ces  dispositions  est  confiée  soit  à  l'administration  de  l'enregistrement,  soit  à  la 
caisse  des  dépôts  et  consignations,  et  les  réclamations  qui  peuvent  s'élever 
vidées  en  chambre  du  conseil.  L'article  124  porte  à  cet  égard  ce  qui  suit  : 
«  IjO  ministère  public,  soit  d'office,  soit  sur  la  provocation  de  la  partie  civile, 
est  chargé  de  produire  à  l'administration  de  l'enregistrement,  soit  un  certi- 
ficat de  greffe  constatant,  d'après  les  pièces  officielles,  la  responsabilité  encou- 
rue dans  le  cas  de  Tarticle  122,  soit  l'extrait  du  jugement  dans  le  cas  prévu 
par  l'article  123,  §  2.  Si  les  sommes  dues  ne  sont  pas  déposées,  l'administra- 
tion de  l'enregistrement  en  poursuit  le  recouvrement  par  voie  de  contrainte. 
La  caisse  des  dépôts  et  consignations  est  chargée  de  faire  sans  délai  aux 
ayants  droit  la  distribution  des  sommes  déposées  ou  recouvrées.  Toute  contes- 
tation sur  ces  divers  points  est  vidée  sur  requête,  en  chambre  du  conseil, 
comme  incident  de  l'exécution  du  jugement.  » 


TRENTE-DEUXIÈME  LEÇON. 

CHAPITRE  IX 

ItONCTlONS  DES  JUGES   D'iNSTRUCTION  QUAND  LA  PROCÉDURE  EST  GOMPLiTE. 

686.  Nous  avons  parcouru,  dans  les  huit  premiers  chapitres  du  livre  premier, 
les  diverses  opérations  définies  par  l'art.  8,  et  qui  constituent,  d'après  cet  arti- 

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JURIDICTION  DU  JUGE  D'INSTRUCTION   (àRT.    127).  579 

de,  les  attributions  de  la  police  judiciaire.  Nous  avons  vu  à  quels  officiers,  et 
suivant  quelles  distinctions  de  fonctions,  était  confié  le  soin  de  rechercher  les 
crimes,  les  délits,  les  contraventions,  de  recevoir  les  dénonciations  et  les  plaintes 
qui  y  sont  relatives,  afin  d'en  rassembler,  d'en  réunir  et  d*en  constater  les 
faits.  Le  rôle  principal  dans  ces  attributions,  dans  Tezercice  de  ces  devoirs, 
appartient  au  juge  d'instruction,  comme  nous  l'avons  vu.  L'instruction  une 
fois  terminée,  les  différentes  preuves  une  fois  réunies,  quel  est  l'office,  quel 
est  le  rôle  par  lequel  le  juge  d'instruction  va  accomplir  sa  mission  et  terminer 
ses  pouvoirs  ? 

Autrefois,  sous  l'empire  des  Godes  antérieurs  à  celui  de  1808,  c'était  aux 
directeurs  du  jury  qu'était  confié  le  soin  de  tirer  des  conséquences  des  actes 
d'instruction  faits  par  eux-mêmes  ;  c'était  à  eux  de  décider,  après  la  réunion 
et  la  constatation  des  divers  indices,  s'il  y  avait  ou  non  lieu  de  traduire  le  pré- 
venu devant  le  jury  d'accusation  ;  c'était  à  eux,  en  cas  d'affirmative,  que  la  loi 
confiait  le  soin  de  rédiger  l'acte  d'accusation,  sur  les  questions  duquel  le  jury 
d'accusation  était  appelé  à  se  prononcer.  Mais  les  juges  d'instruction,  quoique 
substitués  en  général  au  rôle  et  aux  fonctions  des  directeurs  du  jury,  n'avaient 
pas  reçu  d'abord  à  cet  égard  la  môme  nature  de  pouvoirs.  Il  appartient  au 
juge  d'instruction  de  rechercher  et  de  constater  les  indices  et  les  preuves  des 
délits  et  des  crimes  ;  il  ne  lui  appartenait  pas  d'en  tirer  les  conséquences,  et  de 
décider  si  les  poursuites  seront  ou  non  continuées.  Ce  pouvoir  était  dévolu  au 
tribunal  de  première  instance  dont  ce  juge  d'insiruction  fait  partie  ;  c'était  à 
ce  tribunal  de  statuer  sur  les  résultats,  les  conséquences  de  toutes  ces  pour- 
suites préparatoires. 

La  chambre  du  conseil  ou  d'instruction,  ainsi  constituée  dans  le  sein  de  cha- 
que tribunal  pour  statuer  sur  les  poursuites  commencées,  a  été  supprimée  par 
la  loi  du  17  juillet  1856.  Cette  loi  a  simplement  substitué  la  juridiction  du  juge 
d'instruction  à  celle  de  la  chambre  du  conseil  :  ce  juge  réunit  aujourd'hui  à 
ses  pouvoirs  d'instruction  les  pouvoirs  juridictionnels  qu'exerçait  le  tribunal 
réuni  en  chambre  du  conseil  :  il  instruit  la  procédure  et  statue  par  une  ordon- 
nance sur  l'instruction  qu'il  a  édifiée,  pour  lui  assigner  les  suites  dont  elle  est 
susceptible.  On  a  allégué,  pour  appuyer  cette  grave  modification  apportée  à 
notre  Gode,  qu'elle  a  pour  effet  de  simplifier  les  formes  et  d'abréger  les 
délais  :  cela  est  vrai  ;  mais,  en  simplifiant  la  procédure,  n'a-t-elle  pas  enlevé 
aux  prévenus  une  garantie,  celle  de  la  chambre  du  conseil,  qui,  placée  en 
dehors  des  préventions  qui  peuvent  égarer  le  juge,  pouvait  éclairer  et  tempérer 
son  action?  Quoiqu'il  en  soit,  l'art.  127,  modifié  par  la  loi  du  17  juillet  1856, 
est  ainsi  conçu  : 

«  Art.  127.  Aussitôt  que  la  procédure  sera  terminée,  le  juge  d'instruction,  la 
communiquera  au  procureur  de  la  République  qui  devra  lui  adresser  des  réqui- 
sitions dans  les  trois  Jours  au  plus  tard.  » 

Ainsi,  l'instruction  une  fois  terminée,  le  juge  d'instruction,  avant  de  statuetr, 
prend  préalablement  les  conclusions  du  ministère  public. 
-   Ici  se  retrouve  le  principe  général  que  les  juges  n'ont  pas  qualité  pour  sta- 
tuer d'office  sur  une  opération  quelconque  d'une  procédure  criminelle;  aussi, 

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580     THENTB-DSUXlilCE  LEÇON.  —  DE  l'iNSTRUCTION  ÉGRITB  (n""  638). 

le  juge  d'instraclioii  doit-il  communiquer  la  procédure  au  ministère  public, 
qui  prendra,  comme  l'indique  l'article,  telles  conclusions  qui  lui  paraîtront 
convenables.  Il  communique  au  ministère  public  toutes  les  pièces  de  PinstniC' 
tion  qu'il  a  faite,  et  c'est  sur  le  vu  de  ces  pièces  que  le  ministère  public  pré-* 
sente  ses  réquisitions.  Ces  réquisitions  sont  sous  la  forme  de  conclusions  écrites; 
l'art.  127  exige  de  la  part  du  ministère  public  des  réquisitions  qui  seront 
faites  sur  le  vu  de  la  procédure  qui  lui  aura  été  communiquée  à  l'avance. 
Cette  communication  de  la  procédure  était  d'ailleurs  déjà  écrite  dans  l'art.  H 
déjà  expliqué  ;  vous  y  voyez  que  toute  instruction  criminelle  terminée  doit 
être  communiquée  au  ministère  public,  qui  ne  peut  la  retenir  plus  de  trois 
jours  dans  ses  mains. 

637.  Quels  sont  mûntenant  les  diffîrents  partis  que  peut  prendre  le  juge 
d'instruction;  quelles  vont  être  les  conséquences  de  rinstruction  ?  C'est  à  ce 
point  qu'il  est  important  de  nous  arrêter. 

D'abord  il  est  possible  que  la  procédure  ne  paraisse  pas  au  procureur  de  la 
République  réunir  des  éléments  suffisants  pour  le  règlement  de  l'instruction. 
Dans  ce  cas,  avant  de  prendre  les  réquisitions  qui  vont  être  indiquées  plus 
loin,  il  peut  requérir  le  juge  d'instruction  de  continuer  la  procédure  et  de 
réunir  les  divers  éléments  qui  lui  semblent  manquer;  par  exemple,  de  pro- 
céder soit  à  une  visite  des  lieux,  soit  à  une  visite  domiciliaire,  d'avoir  recoure 
à  tel  interrogatoire  ou  à  telle  mesure  d'instruction.  Il  faut,  en  effet,  que  la 
procédure  contienne  les  documents  nécessaires  pour  apprécier  le  véritable 
caractère  du  fait  et  réunisse  assez  d'indices  pour  asseoir  raisonnablement  une 
prévention. 

Gela  dit,  plusieurs  partis  peuvent  se  présenter  :  le  juge  d'instruction  peut^ 
sur  le  vu  de  la  procédure,  mettre,  par  une  ordonnance  de  non-lieu,  le  prévenu 
à  l'abri  de  toute  poursuite.  U  peut  aussi  rendre  une  ordonnance  portant  qu'il 
y  a  lieu  de  le  poursuivre,  et  le  renvoyer  soit  en  police  simple,  soit  en  polios 
correctionnelle;  ou  enfin  reconnaître  prévention  suffisante  d'un  fait  empor* 
tant  peine  afflictive  où  infamante,  d'un  véritable  [crime.  Ainsi,  deux  hypo- 
thèses :  la  première  est  celle  d'un  ordonnance  de  non-lieu,  et  cette  hypothèse 
va  nous  présenter  deux  cas  distincts;  la  seconde  est  celle  d'une  ordonnance 
portant  qu'il  y  a  lieu  à  poursuiJirre;  cette  ordonnance  entraine  des  pourstûtos 
ultérieures,  d'une  nature  plus  ou  moins  grave  ;  elle  offre  trois  degrés  de  pour- 
suites, trois  cas  différents. 

638.  L'hypothèse  d'une  ordonnance  de  non-lieu  est  celle  prévue  dans  l'ar- 
ticle 128,  et  celle-là  même  peut  se  réaliser  dans  deux  cas  ;  l'art.  128  les  pré- 
voit d'ailleurs  tous  deux  ;  il  est  ainsi  conçu  : 

a  Art.  128.  Si  le  juge  d'instruction  BSt  d'avis  que  le  fait  ne  présente  ni  crime, 
ni  délit,  ni  contravention,  ou  qu'il  n'existe  aucune  charge  contre  rinculpé.  il  dé- 
clarera par  une  ordonnance  qu'il  n'y  a  pas  lieu  à  poursuivre,  et,  si  l'inculpé  avait 
Mé  arrêté,  il  sera  mis  en  liberté.  » 

Ainsi,  première  hypothèse  :  ordonnance  pure  et  simple  de  non-lieu,  ordon- 
^Wice  qui  met  l'inculpé  à  l'abri  de  toute  poursuite,  au  moins,  q^ant  à  présent* 

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JimnHGTION  DU   JUM  Dl'iNSTRUGTiôN  (aRT.   itS).  581 

J'ajoute  cette  dernière  réserTe  pour  ne  pas  préjuger  une  question  fort  délicate, 
la  plus  grave  de  ce  chapitre,  savoir  :  à  quel  point  les  ordonnances  du  juge 
d'instruction  sont  ou  ne  sont  pas  susceptibles  de  recours  dans  l'intérêt  de  la 
partie  civile  ou  du  ministère  public  ;  c'est  une  question  que  nous  verrons  sur 
Part.  135.  Toujours  est^il  qu'au  moins,  quant  à  présent,  et  en  réservant  Teza- 
mea  des  questions  de  recours,  deux  cas  se  présentent  dans  lesquels  une  ordon- 
nance de  non-lieu  peut  intervenir  ;  c'est  lorsque  l'innocence  du  prévenu  est 
démontrée,  soit  en  droit,  soit  en  fait. 

fin  droit,  c'est  le  premier  cas  de  l'art.  128,  c'est  lorsque  le  fait,  en  le  suppo- 
sant prouvé,  en  admettant  sa  réalité,  n'est  pas  un  fait  prévu  par  les  lois 
pénales,  lorsqu'il  ne  constitue  ni  crime,  ni  délit,  ni  contravention.  Cest  là 
évidemment  la  première  question  que  le  juge  doit  se  poser  ;  car,  si  le  fait 
n'est  pas  un  délit,  un  méfait  prévu  par  la  loî,  la  question  de  savoir  si  le  pré- 
venu en  est  coupable  est  une  question  indifférente. 

Le  second  cas  est  celui  où,  le  fait  imputé  au  prévenu  constituant  un  acte  ' 
punissable,  il  ne  s'élèverait  pas  contre  lui  de  charges  suffisantes  pour  passer 
outre  à  la  prévention.  Il  est  clair  que  dans  ce  cas  le  juge  a  une  grande  latitude 
de  pouvoir;  il  est  clair  que,  pour  ordonner  des  poursuites  ultérieures,  pour 
renvoyer  le  prévenu  devant  la  chambre  des  mises  en  accusation,  il  ne  doit 
pas,  il  ne  peut  pas  exiger  des  preuves  complètes  de  culpabilité  ;  il  ne  s'agit 
pas  encore  de  condamner,  par  conséquent  des  preuves  irrécusables  ne  sont 
pas  nécessaires  ;  il  s'agit  de  savoir  si  les  poursuites  doivent  être  continuées,  et 
par  conséquent  d'apprécier  la  gravité,  l'importance  des  indices,  des  probabi- 
lités déjà  recueillies.  Ce  sont  là  des  questions  de  fait  dans  lesquelles  une 
grande  latitude  de  pouvoir  est  accordée  au  juge  d'instruction,  et  par  là  même 
une  grande  responsabilité  morale  lui  est  imposée. 

£n  supposant  que  sur  l'une  des  deux  questions  posées,  soit  de  droit,  soit  de 
fait,  le  juge  d'instruction  décide  la  négative,  qu'il  reconnaisse  dans  le  fait 
allégué  un  fait  légalement  innocent  ;  ou  bien,  qu'en  y  trouvant  un  fait  coupa- 
ble, il  ne  trouve  pas  d'indices  suffisants  pour  autoriser  la  mise  en  prévention, 
il  déclarera,  dit  la  loi,  qu'il  n'y  a  pas  lieu  à  suivre,  et,  si  l'inculpé  avait  été 
arrêté,  il  sera  mis  en  liberté.  C'est-à-dire  que  l'ordonnance  annulera  les  man- 
dats, soit  de  dépôt,  soit  d'arrêt,  sous  le  poids  desquels  le  prévenu  a  été  frappé. 
Du  reste,  sur  l'article  135,  nous  verrons  que  cette  ordonnance  de  mise  en 
liberté  ne  recevra  pas  immédiatement  son  exécution,  étant  soumise  à  un 
recours. 

Voilà  la  première  hypothèse,  l'ordonnance  pure  et  simple  portant  qu'il  n'y 
a  pas  lieu  à  suivre. 

689.  La  substitution,  dans  le  cas  de  l'art.  128,  de  l'avis  d'un  seul  juge  à 
l'avis  de  la  chambre  du  conseil,  a  donné  lieu,  dans  le  rapport  de  la  loi  du 
17  juillet  1856,  aux  réflexions  suivantes  :  «  En  maiière  de  procédure,  ce  qui 
simplifie,  ce  qui  abrège,  ce  qui  accélère  est  généralement  utile.  Lé  projet 
offre  tous  ces  résultats.  La  qualification  du  fait  sera  plus  simple,  plus  rapide, 
lorsqu'elle  appartiendra  exclusivement  au  juge  d'instruction.  Dans  la  pratique 
déjà,  le  juge  d'instruction  a  presque  toujours  une  grande  prépondérance  ;  il 
n'en  peut  être  autrement.  L'examen  attentif  auquel  il  s'est  livré  lui  a  révélé 

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582     TRENTB-DBUZIÈMB  LBÇON.  —*  DB   L^INSTRUCTION  ÉCRITE  (n^  641). 

la  qualification  véritable  ;  aassi  la  plupart  du  temps  ses  deux  collègues  signaient 
une  ordonnance  préparée  par  lui,  et  Tavis  de  la  chambre  du  conseil  se  rédui* 
sait  à  une  simple  formalité.  Le  projet  ne  fait  donc  que  consacrer  ce  qui  se 
passe  la  plupart  du  temps  dans  la  pratique.  Si  le  fait  constitue  un  crime,  il  ne 
faut  qu'une  voix  (ancien  art.  133  du  Gode  d'instruction  crim.)  dans  la  chambre 
du  conseil  pour  renvoyer  le  prévenu  devant  la  chambre  des  mises  en  accusa- 
tion. Or  cette  voix  peut  être  et  sera  certainement  celle  du  juge  d'instruction. 
Sous  ce  rapport,  le  projet  de  loi  ne  lui  donne  rien  de  nouveau  :  seul  il  ren- 
voie, seul  il  renverra  devant  la  chambre  d'accusation.  »  On  doit  néanmoins 
faire  remarquer  que  toute  cette  argumentation  repose,  soit  sur  ce  que  la 
chambre  du  conseil  ne  remplissait  pas  rigoureusement,  ce  qui  est  contestable, 
k  mission  qui  lui  était  confiée,  soit  sur  ce  que  l'art.  133  ayant  déjà  donné 
prépondérance  à  la  voix  du  juge  d'instruction,  on  ne  fait  qu'avancer  plus  loin 
dans  la  même  voie.  On  aurait  pu  répondre  que,  si  la  fonction  était  négligem- 
ment remplie,  la  conséquence  était,  non  qu'elle  était  inutile,  mais  qu'elle 
devait  être  autrement  exercée  ;  et  quant  à  l'art.  133,  que  Tanomalie,  consacrée 
par  cet  article,  loin  de  devenir  la  règle,  aurait  dû,  comme  l'avaient  demandé 
tous  les  criminalistes,  être  effacée  du  Ciode. 

640.  La  deuxième  hypothèse  est  celle  d'une  ordonnance  portant  qu'il  y  a 
lieu  à  poursuivre  ;  mais  la  nature  et  les  effets  de  cet(^  ordonnance  varient 
dans  plus  d'un  degré  selon  la  nature  du  fait  et  la  gravité  des  poursuites  que  la 
chambre  du  conseil  autorise.  Ainsi,  lorsque  le  juge  reconnaît  l'existence  des 
deux  circonstances  dont  le  concours  est  indispensable  pour  continuer  les 
poursuites,  savoir  :  l'existence  suffisamment  probable,  les  indices  suffisamment 
graves  d'un  fait  coupable,  et  d'un  fait  que  la  loi  déclare  crime,  délit  ou  con- 
travention, lorgy  dis-je,  que  ces  deux  circonstances.  Tune  de  fait,  l'autre  de 
droit,  viennent  à  concourir,  il  y  a  lieu  d'ordonner  la  continuation  des  pour- 
suites. Mais  ce  fait  peut  être  une  simple  contravention,  il  peut  constituer  un 
délit,  enfin  présenter  les  caractères  d'un  véritable  crime.  Au  cas  de  contra- 
vention s'applique  l'art.  129,  au  cas  de  délit  les  art.  130  et  131,. au  cas  de 
crime  les  art.  133  et  134;  examinons  tour  à  tour  ces  diverses  hypothèses  : 

641.  Premier  cas.  Si  le  fait  ne  présente  que  les  caractères  d'une  simple 
contravention,  il  est  clair  qu'involontairement  sans  doute,  et  trompés  par  les 
premières  apparences,  le  juge  d'instruction  et  le  ministère  public  se  sont  jetée 
dans  une  voie  irrégulière.  En  général,  toutes  ces  formes  de  l'instruction  pré- 
paratoire que  nous  avons  analysées  jusqu'ici  ne  sont  guère  tracées  par  la  loi, 
ne  doivent  guère  être  employées  dans  l'usage  qu'en  matière  de  véritables 
crimes  ;  tout  au  plus  peut-on  et  doit^on  quelquefois  y  recourir  lorsqu'il  s'agit 
de  délits,  c'est-à-dire  de  faits  justiciables  des  tribunaux  correctionnels.  Vous 
verrez  plus  tard  que  tout  crime,  tout  fait  justiciable  des  cours  d^assises  suppose 
essentiellement,  avant  la  compétence  de  la  cour  d'assises,  avant  qu'elle  soit 
saisie,  suppose  essentiellement  l'accomplissement  des  formes  de  cette  instruc^ 
tion  préparatoire.  Yous  verrez  au  contraire  qu'en  lait  de  délits,  on  peut,  en 
général,  saisir  de  prime  abord  et  sans  procédure  préalable,  les'  tribunaux 
correctionnels,  et  cela  par  une  citation  donnée  au  prévenu,  soit  à  la  requête 

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JURIDICTION  BU  jvw  d'ikstruction  (aat.  (31).  583 

da  ministère  pnblic,  soit  à  la  requête  de  la  partie  civile.  Cependant  il  arrÎTera 
assez  souvent,  mâme  en  matière  de  délits,  qu'on  remplisse  les  formes  d'une 
procédure  préparatoire.  Au  contraire,  il  est  tout  à  fait  opposé  au  vœu  de  la 
loi,  comme  au  vœu  de  la  raison,  d'entrer  dans  ces  formes  longues  et  compli- 
quées quand  il  ne  8*agit  que  de  simples  contraventions.  Si  donc  le  juge  ne 
voit  dans  le  résultat  de  la  procédure  que  les  indices  d*une  contravention,  il 
sera  établi  qu'on  a  fait  fausse  route  et  on  en  sortira  aussitôt,  en  renvoyant 
directement  Tafifaire  et  le  prévenu  devant  le  tribunal  de  police  qu'on  aurait  dû 
saisir  directement.  Tel  est  le  vœu  de  Fart.  129:  c  8*il  est  d'avis  que  le  fait  n'est 
qu'une  simple  contravention  de  police,  l'inculpé  sera  renvoyé  au  tribunal  de 
police,  et  il  sera  mis  en  liberté  s'il  est  arrêté.  »  Et  ajoutez,  avec  la  loi,  que  la 
mise  en  liberté  de  l'inculpé  devra  être  prononcée,  dans  tous  les  cas,  précisé- 
ment parce  qu'il  n'est  pas  dans  le  vœu  de  la  loi  d'autoriser  une  détention  préa* 
lable  à  raison  de  contraventions  d'une  nature  aussi  légère.  Ainsi,  sans  distii»- 
guer  dans  ce  cas  si  la  contravention  est  punie  d*une  simple  amende  ou  même 
d'un  emprisonnement,  on  devra  dans  toutes  les  hypothèses,  prononcer  la  mise 
en  liberté  de  Tinculpé.  Il  est  évidemment  dérisoire  de  frapper  d'une  détention, 
d'un  emprisonnement  préalable  une  personne  inculpée  d'un  fait  qui  ne  peut 
entraîner,  au  maximum,  qu'un  emprisonnement  de  cinq  jours,  et  tel  est  le 
maximum  en  matière  de  simple  police. 

Le  paragraphe  2  ajoute  :  •  Les  dispositions  du  présent  article  et  de  l'article 
.  précédent  ne  pourront  préjudicier  aux  droits  de  la  partie  civile  ou  de  la  partie 
publique,  ainsi  qu'il  sera  expliqué  ci-après,  b  Ces  derniers  mots  font  allusion 
à  l'art.  135,  c'est-à-dire  à  la  faculté  d'opposition  à  la  mise  en  liberté  du  pré- 
venu, faculté  d'opposition  accordée  au  ministère  public  et  à  la  partie  civile. 

Sur  ce  paragraphe  s'élève  encore  la  question,  tout  à  l'heure  indiquée  et 
renvoyée  à  Fart.  135,  de  savoir  si  la  voie  de  recours  ouverte  par  l'art.  135,  sous 
le  nom  d'opposition,  est  le  seul  moyen  accordé  pour  faire  tomber  les  ordon  - 
nances  de  la  chambre  du  conseil  ;  nous  la  verrons  également  sur  cet  article. 

642.  Deuxième  cas.  Ce  n'est  pas  une  contravention,  c'est  un  délit  dont  le 
juge  croît  trouver  dans  la  procédure  des  indices  suffisamment  établis.  Alors 
encore  la  marche  est  très-simple  :  il  renvoie  directement  le  prévenu,  sans  un 
nouveau  degré  d'instruction,  devant  le  tribunal  de  police  correctionnelle  com- 
pétent pour  juger  des  délits. 

Il  est  bon  de  remarquer  qu'en  général  ce  tribunal,  devant  lequel  on  prononce 
le  renvoi,  est  précisément  le  môme  que  celui  devant  lequel  l'instruction  est 
faite,  c'est-à-dire  que,  dans  les  tribunaux  peu  nombreux,  il  arrivera,  le  plus 
souvent,  que  le  prévenu  renvoyé  en  police  correctionnelle  reparaîtra  devant  le 
même  juge  par  lequel  ce  renvoi  aura  été  prononcé  ;  le  même  juge  qui  aura 
prononcé  ce  renvoi,  conformément  à  l'art.  130,  se  trouvera  fort  souvent  faire 
partie  du  tribunal  correctionnel  devant  lequel  il  renvoie  le  prévenu. 

A  ces  matières  ne  s'applique  pas,  et  peut-être  est-ce  à  tort,  la  règle  impor- 
tante de  l'art.  257.  L'art.  257  redoutant,  dans  l'esprit  des  juges  chargés  de 
statuer  en  définitive,  les  préventions  que  peut  y  avoir  fait  naître  la  connais- 
sance de  l'instruction  préparatoire,  défend,  à  peine  de  nullité,  de  faire  siéger 
dans  une  cour  d'assises  aucun  des  juges  qui  ont  pris  part  à  rinstmction  pré- 

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564      TRBNTE-rÔmiXIÈMB  LEÇON.   «-  BE  L'mBTRlTGTKlN  ÉCRITB  (n''  643). 

paratoire,  ou  bien  qui  ont  siégé  dans  la  chambre  des  misée  en  accusation.  €ee 
article  ne  statue  <iue  sur  la  composition  des  cours  d'assises,  et  à  raison  dn 
grand  nombre  de  magistrats  dont  se  compose  une  cour^  Texécution  de  cet  ar- 
ticle est  facile.  Quant  aux  tribunaux  de  première  instance,  nous  ne  trouTon» 
aucune  règle  pareille  ;  les  mêmes  juges  qui  statuent  sur  la  mise  en  prévention; 
peuvent  ensuite^  comme  juges  correctionnels,  statuer  définitivement  sur  le- 
8<>rt  du  prévenu.  Peut-être  est-il  à  regretter  qu'on  n'ait  pas  organisé  des  pré- 
cautions analogues  à  celles  qui  ont  été  prises  pour  les  cours  d'assises  ;  mais, 
en  premier  lieu,  les  poursuites  ayant  moins  dlmportance,  on  ne  Ta  pas  ftdt  ; 
et  en  second  lieu,  c'est  parce  que  le  petit  nombre  des  juges  de  police  correo* 
tionnelle  eût  rendu  cette  organisation  difficile. 

Lors  de  la  discussion  de  la  loi  du  17  juillet  4856,  la  commission  du  Corps 
législatif  avait  émis  Tavis  d'étendre  au  jugement  des  délits  correctionnels  l'em- 
pêchement établi  par  l'art,  tbl,  à  l'égard  du  juge  d'instruction.  U  avait  paru 
que,  ce  juge  étant  seul  chargé  désormais  de  la  responsabilité  de  la  mise  en 
prévention,  il  ne  pouvait  siéger  an  jugement  sans  que  son  impartialité  ttt 
suspecte.  Un  amendement,  proposé  par  un  député  et  accepté  par  la  Ck)mmis- 
sion,  portait  que  le  juge  d'instruction  ne  siégerait  pas  dans  les  affaires  qu'il 
aurait  iDstruites.  Mais  le  conseil  d'État  a  refusé  d'admettre  cet  amendement. 

Ainsi,  en  trouvant  dans  le  fait  les  caractères  d'un  délit,  le  juge  renverra  le 
prévenu  devant  le  tribunal  correctionnel  compétent. 

643.  «  Art.  130.  8i  le  délit  est  reconnu  de  n^iture  à  être  puiU  par  des  peines 
correctionnelles,  le  prévenu  sera  renvoyé  au  tribunal  de  police  correcttoonelle.  — 
Si,  dans  ce  cas,  le  délit  peut  entraîner  la  peiuf)  de  remprisonaenient,  le  prévenu, 
s'il  est  en  arrestation,  y  demeurera  provisoirement.  » 

«  ÂaT.  131.  Si  le  délit  ne  doit  pas  entraîner  la  peine  de  l'emprisonnement,  le 
prévenu  sera  mis  en  liberté,  à  la  charge  de  se  représenter,  à  jour  fixe,  devant  le- 
tribunal  compétent.  » 

Sur  ces  deux  articles  deux  questions  s'élèvent,  d'ailleurs  assez  faciles. 

D'abord,  si  le  délit  ne  doit  être  puni  que  d'une  amende,  comme  le  suppose 
l'art  134,  la  mise  en  liberté  pure  et  simple  doit  être  ordonnée  d'office  et  immé- 
diatement; mais  elle  doit  l'être  à  la  charge  par  le  prévenu  de  se  représenter 
à  jour  fixe  devant  le  tribunal  correctionnel,  c'est-à-dire  que  l'ordonnance  de 
mise  en  liberté  devrait,  d'après  les  termes  de  l'art.  131,  contenir  l'indication 
précise  du  jour  auquel  le  prévenu  devra  se  représenter  devant  le  tribunal  cor— 
rectionnel.  Mais  vous  sentez  que  cette  indication  faite  à  l'avance  n'est  pas 
toujours  possible  ;  elle  sera  souvent  difficile,  alors  même  que  les  juges  dn  tri- 
bunal correctionnel  seront  précisément  ceux  qui  prononcent  ce  renvoi  ;  elle- 
séra  presque  toujours  impossible,  lorsque  ces  juges  seront  différents  ;  il  sera 
à  peu  près  impossible  de  savoir  à  quel  jour  précis  raffkire  dont  le  renvoi  est 
prononcé  pourra  être  utilement  appelé  devant  le  tribunal  correctionnel.  Il  est 
clair  que  dans  ce  cas  l'ordonnance  prononcera  de  même  la  mise  en  liberté^ 
immédiate,  en  contenant  injonction  au  prévenu  de  se  représenter  au  jour  qu'on 
lui  fera  connaître  plus  tard,  au  moyen  d'une  citation  spéciale.  Cette  obligation 
d'indiquer  le  jour,  dans  l'art.  13! ,  n^est  après  tout  qu'une  affaire  d'économie  ; 
si  on  peut  désigner  lé  jotu*,  on  le  fera  ;  sinon  on  mentionnera  dans  l'ordon» 

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2viiii>iCTioir  mr  maB  DmsTRueriON  (art.  134).  56& 

nanee  l'obligâthm  de  se  réprésenter,  et  lejoor  de  la  représentation  sera  indi- 
gné par  une  citation  postérieure. 

Ensuite,  dans  le  cas  du  §  2  de  Tart.  130,  on  décide  que  le  prévenu,  s'il  est 
en  état  d'arrestation,  y  demeure  provisoirement;  l'emprisonnement  préventif 
est  autorisé  dans  tous  les  cas  de  délit  de  nature  à  entraîner  une  condamnation 
d'emprisonnement.  Mais  qu'arriverait-il  si  le  jyge  d'instruction,  reconnaissant 
dans  le  fait  des  indices  suffisants  d'un  délit  de  nature  à  entraîner  la  peine 
d'emprisonnement,  renvoyait  devant  le  tribunal  correctionnel  un'préVenu  qu'au- 
cun mandat  n'aura  encore  frappé  ?  Supposez,  par  exemple,  que  le  juge  d'ins- 
truction, ayant  movalement  appréoié  la  nature  du  délit,  n'y  ayant  vu  qu^un 
fait  punissable  d'une  simple  amende,  n'ait  pas  cru  devoir  ordonner  l'arresta* 
tion  préventive,  pourra*t>il  alors,  après  Tordonnance  de  renvoi,  s'il  reconnaît 
que  te  fait  est  passible  d'empiiflonnement,  réparer  son  erreur  en  décernant  un 
mandat  d'arrêt  r  Le  doute  vient  de  ce  que  le  jparagraphe  2  de  Tart.  130  ne 
s'explique  que  sur  le  cas  où  le  prévenu  est  déjà  arrêté.  Il  est  clair  que  dans 
l'espèce  le  juge  d'instruction  ne  pourra  pas,  en  principe,  après  Tordonnance  de 
renvoi  intervenue,  frapper  le  prévenu  d'un  mandat  quelconque;  la  raison  en 
est  simple  :  c'est  que  le  juge  d'infraction  s'est  dessaisi  de  toutes  ses  fonctions, 
de  toutes  ses  attributions  relatives  à  cette  affabre;  l'ordonnance  de  renvoi  a 
transféré  au  tilboxial  correctionnel  auquel  ellesoumet  raflaîre  la  connaissance 
de  tout  ce  qui  te  coneeme;  donc  le  juge  d'instruction  ne  peut  plus,  après  l'or- 
donnance, décerner  un  mandat  contre  le  prévenu  sur  lequel  il  n'a  pas  d'ac- 
tion. Pour  éviter  cet  inconvénient  et  pour  remplir  cette  lacune,  il  faudrait,  en 
pareil  cas,  enjoindre  aujuged'instructiony  dans  PordOnnance  même  de  renvoi, 
de  frapper  d'un  mandat  d'arrêt  le  prévenu  contre  lequel  est  prononcé  ce  renvoi.^ 

L'art.  132  ne  présente  aucune  difficulté.  Il  décide  que,  dans  tous  les  cas  de 
renvoi  à  un  tribunal  de  police  simple  ou  correctionnelle,  le  procureur  de  la 
République  doit  dans  les  vingt^uatre  heures  au  plus  tard,  coter  les  pièces  et 
les  renvoyer  au  greffe  du  tribunal  qui  doit  prononcer. 

644.  Nous  arrivons  au  troisième  cas  de  notre  seconde  hypothèse,  troisième 
cas  qui  lui-môme  se  subdivise  en  plusieurs  autres. 

Nous  avons  parcouru  jusqu'ici  la  partie  la  plus  simple'  de  ce  titre,  soit  par  la 
clarté  des  textes,  soit  aussi  par  le  peu  d'importance  des  matières  sur  lesquelles 
le  juge  d'instruction  a  à  statuer.  Un  rôle  beaucoup  plus  important  lui  est 
assigné  dans  les  art.  133  et  suivants  ;  il  va  s'agir  là  du  cas  où  l'on  trouve  d^s 
indices  suffisants,  non  pas  seulement  d'une  contravention  ou  d'un  délit,  mais 
d'un  fait  qualifié  crime  ;  et  cette  grande  différence  dans  la  nature  du  fait  dont 
on  a  recueilli  les  indices  suffira  sans  doute  pour  nous  expliquer  la  diversion 
des  règles  qui  font  Tobjet  de  ces  articles. 

«  Art.  133. 6i  le  Juge  dinstruotion  estime  que  le  foit  est  de  nature^  à  être  puni 
de  peines  afflicttves  on  infltmautes*  et  que  la  prévention  contre  l'inculpé  est  suf- 
flsaiâment  étubUe,  il  ordonnera  que  les  pièces  d'instruction,  le  procès-verbal  con- 
stataiit  le  corps  du  délit,  et  un  état  des  pièces  servant  à  conviction*  seront  trans- 
nUs,  sans  délai,  par  le  procureur  de  la  République  au  procureur  général  près  la 
cour,  pour  être  procédé  ainsi  qu'il  sera  dit  au  chapitre  des  mises  en  accusation. 
^  Les  pièces  de  conviction  resteront  au  tribunal  d'instruction,  sauf  ce  qui  sera 
dit  aux  art.  248  et  291.  » 

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586     TRENTB*DEOZlâlŒ  LEÇON.  —  DB  L'INSTRUCTION  ÉGRITB  (n"*  646). 

«  Art.  134.  Dans  les  cas  de  l'art.  133,  le  mandat  d'arrdt  ou  de  dépôt  décerné 
centre  le  prévenu  conservera  sa  force  exécutoire  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  statué 
pour  la  cour.  Les  ordonnances  rendues  par  le  juge  d'instruction  en  vertu  des  dis- 
positions des  art.  128,  129,  130,  131  et  133.  seront  inscrites  à  la  suite  du  réquisi- 
toire du  procureur  de  la  République.  Elles  contiendront  les  noms,  prénoms,  âge, 
lieu  de  naissance,  domicile  et  profession  du  prévenu,  l'exposé  sommaire  et  la 
qualification  légale  qui  lui  sera  imputée,  et  la  déclaration  qu'il  existe  ou  n'existe 
pas  de  charges  suffisantes.  » 

Ces  deux  articles  ont  pour  objet  de  consacrer  le  nouveau  piincipe  qui  sub- 
stitue le  juge  d'instruction  à  la  chambre  du  conseil,  pour  Btalaer  sur  la  pré- 
yention  et  la  régler  par  une  ordonnance.  Il  suit  de  là  que  le  juge  réunit  une 
double  qualité  :  il  est  juge  d'instruction  chargé  d'instruire  la  procédure  et  a 
juridiction  pour  apprécier  cette  procédure  et  statuer  sur  la  mise  en  prévention 
et  sur  la  compétence.  L'art.  134,  en  soumettant  Tordonnance  à  certaines  formes, 
a  voulu  donner  quelques  garanties  à  la  décision  qu'elle  renferme. 

645.  L'ancien  art.  133  contenait  une  disposition  singulière,  il  suffisait  de 
ravis  d'un  seul  des  juges  de  la  chambre  du  conseil  pour  que  la  prévention  f&t 
admise  et  l'affaire  renvoyée  devant  la  chambre  d'accusation.  Ainsi,  le  jnge 
d'instruction  qui  siégeait  dans  cette  chambre  pouvait  toujours  faire  prévaloir 
son  avis,  quand  il  soutenait  la  prévention,  et  l'interventioa  de  cette  juridiction 
pouvait  réclairer>  mais  ne  l'assurait  pas.  On  a  pu  dire  en  conséquence,  comme 
je  Tai  rappelé,  que  la  loi  du  17  juillet  1856  n'innovait  pas  en  réunissant  les 
pouvoirs  de  la  chambre  du  conseil  à  ceux  du  juge  d'instruction,  puisque  déjà 
ce  juge  les  exerçait  dans  ce  qu'ils  avaient  de  plus  rigoureux.  Néanmoins  il  faut 
répéter  qu'on  doit  regretter  l'influence  d'un  pouvoir  modérateur  qui,  par  la 
discussion  des  faits  de  la  prévention,  pouvait  modifier  des  mesures  quelquefois 
trop  hâtivement  ou  trop  légèrement  prises. 

Si  la  solution  négative  est  adoptée,  c'est  l'art.  128  qui  s'applique;  si  le  juge 
ne  trouveras  dans  le  fait  des  indices  de  prévention  suffisants,  il  ordonnera  la 
mise  en  liberté.  Si,  au  contraire,  il  croit  cette  prévention  établie,  il  rendra, 
conformément  à  l'art.  134,  une  ordonnance  contre  le  prévenu.  Cette  ordon- 
nance maintient  les  mandats  de  dépôt  ou  d'arrêt  sous  le  poids  desquels  il  a 
dû  attendre  la  décision. 

646.  Il  est  possible  qu'en  fait,  à  l'époque  où  intervient  la  décision,  le 
prévenu  soit  déjà  arrêté;  dans  cette  hypothèse  cette  décision  ne  change  rien 
à  sa  position,  il  reste  détenu  comme  11  l'était  auparavant,  attendant  que  la 
cour  ait  statué  définitivement  sur  la  conséquence  de  la  prévention.  Et 
môme  cette  ordonnance  n'entraîne  pas  son  transport  d'une  maison  de  jus* 
tice  dans  une  autre.  En  effet,  comme  la  cour  statue  également  en  secret, 
sur  pièces,  sans  entendre  ni  les  témoins  ni  le  prévenu,  on  ne  déplace  pas  le 
prévenu  ;  il  était,  jusqu'à  k  décision,  dans  la  maison  d'arrêt  de  l'arrondisse* 
ment  du  tribunal,  il  restera  dans  le  même  état,  dans  cette  maison  d'arrêt, 
pendant  que  la  chambre  d'accusation  délibérera  sur  la  prévention,  et  le  trana- 
port  ne  s'effectuera,  aux  termes  de  l'article  292,  qu'après  qne  la  mise  en  accu- 
sation aura  été  prononcée. 


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JURIDICTION  DU  JUôB  d'iNSTRUGTIOK  (aRT.   134).  587 

Il  faut  saisir  nn  peu  tout  Tensemble  de  cette  marche  de  la  jHrocédure  crimi- 
nelle :  nn  tribunal  d'arrondissement  a  procédé  à  Tinstruction  par  un  de  ses 
membres,  par  le  juge  d'instruction  ;  pendant  tout  ce  temps  le  prévenu  a  été, 
dans  une  maison  d'arrôt  située  prés  de  ce  tribunal,  soumis  aux  interrogatoires 
nécessaires  pour  compléter  Tinstruction.  Cîomroe,  au  contraire,  le  prévenu  n*a 
pas  à  répondre  devant  la  cour,  il  est  fort  inutile  d*opérer  son  déplacement,  ce 
qui  serait  d'une  part  une  grande  vexation  pour  lui,  et  ce  qui,  en  second  lieu, 
multiplierait  les  chances  d'évasion. 

Lorsqu'au  contraire  la  cour  aura  décrété  l'accusation;  lorsque,  en  consé- 
quence, elle  aura  renvoyé  le  prévenu  devant  la  cour  d'assises,  le  transport 
s'opérera,  aux  termes  de  Tart.  292,  de  la  maison  d'arrêt  dans  laquelle  il  était 
jusque-là,  dans  la  maison  de  justice  établie  devant  la  cour  d'assises.  Mais  vous 
voyez  qu'au  moyen  de  cette  marche  on  évite  un  déplacement  inutile;  car  il 
peut  y  avoir  là,  il  y  a  le  plus  souvent  trois  lieux,  trois  points  bien  distincts  : 
d'abord,  le  tribunal  d'arrondissement  ;  secondement,  la  cour  dont  le  siège  peut 
être  fort  éloigné  de  ce  tribunal,  enfin,  la  cour  d'assises  dont  le  siège  peut 
n*étre,  ni  au  même  lieu  que  le  tribunal,  ni  au  même  lieu  que  la  cour.  En  effet, 
il  y  a  une  cour  d'assises  par  département,  siégeant  en. général  au  chef-lieu  de 
département. 

Si,  au  contraire,  il  n'était  pas  détenu  antérieurement,  soit  parce  que  le  juge 
d'instruction  n'avait  pas  décerné  de  mandat,  soit  plutôt  parce  que  le  prévenu 
s'était  jusque-là  soustrait  à  Texécution  du  mandat,  l'ordonnance  de  prise  de 
corps  décernée  par  la  chambre  d'accusation  et  contenant  l'indication  du  fait 
pour  lequel  il  est  poursuivi,  les  noms  et  le  signalement  du  prévenu,  sera  désor- 
mais le  titre  en  vertu  duquel  les  agents  de  la  force  judiciaire  devront  arrêter 
ce  prévenu. 

647.  De  même  que  le  prévenu  n'est  pas  transporté  de  sa  personne  au  chef- 
lieu  de  la  cour  chargée  de  prononcer  la  mise  en  accusation,  de  même  encore, 
pour  éviter  les  inconvénients  sans  résultat  et  des  chances  de  perte  qui  pour- 
raient être  très-fîuïheuses,  on  n'envoie  point  au  chef-lieu  de  la  cour  les  pièces 
de  conviction  qui  ont  été  réunies  par  le  juge  d'instruction  et  par  le  procureur 
de  la  République.  On  envoie  à  la  cour  :  1<»  les  pièces  d'instruction  ;  2<*  le  pro* 
ces- verbal  constatant  le  corps  du  délit  ;  3*  enfin  un  détail  écrit  des  pièces  de 
conviction.  Quant  à  ces  pièces  elles-mêmes,  par  exemple,  les  instruments,  les 
armes  au  moyen  desquelles  aura  été  commis  le  crime,  ou  bien  les  objets  pro- 
venant du  pillage  ou  du  vol,  ces  divers  objets  restent  déposés  au  greffe  du  tri- 
bunal d'arrondissement. 


648.  La  fin  de  l'art  134  est  ainsi  conçue  :  Sauf  ce  qui  sera  dit  dans  les  arii- 
eles  248  et  291. 

Il  y  a  là  deux  renvois,  dont  l'un  est  fort  clair  et  Tautre  fort  équivoque.  Le 
renvoi  à  l'art.  291  est  fort  clair  ;  vous  verrez  dans  cet  article  que,  lorsque  la 
mise  en  accusation  a  été  prononcée,  lorsqu'en  conséquence  le  prévenu  a  été 
renvoyé,  sous  le  nom  désormais  d' accusé,  devant  la  cour  d'assises  compétente, 
on  doit  transporter  au  greffe  de  cette  cour  d'assises  les  pièces  de  conviction  qui 


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588      TRBNTE-DBtJZIÉME  LBÇON.  -—  DE  L*INSTRUGTiaN  ÉCRITE  (n*^  650). 

doivent  étt^  présentée*  à  l'audience,  et  qui  jasqae-là  étaient  restées  an  greffe 
da  tribunal  d'arrondissement  qui  instruisait. 

Quant  à  fart.  248^  il  est  question  du  cas  où,  après  un  arrêt  de  cour  impériale 
qui  renvoyait  le  prévenu  de  la  prévention,  sont  survenues  de  nouvelles  charges 
qui  autorisent  à  reprendre  les  poursuites.  Cet  article  ne*parle  pas  de  pièces  de 
conviction  contre  le  prévenu,  il  est  en  conséquence  à  peu  près  étranger  au  para- 
graphe 2  de  Fart.  133  ;  je  crois  qu'au  lieu  de  248,  vous  devez  lire  dans  le  para- 
graphe 228.  D'après  l'art.  228,  en  effet,  vous  verrez  que  la  chambre  d'accusa- 
tion, à  laquelle,  en  principe,  ne  sont  pas  représentées  les  pièces  de  conviction, 
peut  cependant  ordonner  l'apport  de  ces  pièces.  •  Les  juges  pourront  ordonner, 
s'il  y  échet,  des  informations  nouvelles.  —  Ils  pourront  également  ordonner, 
s'il  y  a  lieu,  l'apport  des  pièces  servant  à  conviction  qui  seront  restées  déposées 
au  greffe  du  tribunal  de  première  instance.  »  En  modifiant  ainsi  l'indication 
du  numéro  de  renvoi,  nous  trouvons  dans  ces  deux  art.  228  et  291  un  sens 
précis  et  po^tif,  une  véritable  exception  à  la  règle  du  paragraphe. 

649.  Voilà  les  différents  partis  que  peut  prendre  le  juge  d'instruction,  soit 
qu'il  renvoie  absolument  le  prévenu  et  ordonne  sa  mise  en  liberté,  soit  qu'il 
l'adresse,  selon  la  nature  des  cas,  à  Tune  des  juridictions  que  nous  avons  indi- 
quées. Datis  ces  divers  cas,  quelle  est  la  nature  de  ces  décisions?  sont- elles 
souveraines  ?  peuvent-elles,  au  contraire,  être  attaquées? 

A  cette  question  générale  il  y  a  ceJrtains  cas  où  la  réponse  est  hcîle,  il  en 
est  d'autres  où  elle  est  malheureusement  fort  douteuse,  où  elle  a  soulevé  des 
divergences  très-fàcheuses  dans  une  matière  aussi  grave. 

D'abord,  il  est  évident  que  dans  l'hypothèse  des  art.  133  et  134  aucune  diffi- 
culté réelle  ne  peut  s'élever.  Lorsque  le  juge,  en  vertu  de  l'art.  133,  déclare 
qu'il  y  a  dans  l'affaire  prévention  suffisante  d*un  fait  qualifié  crime,  chacun 
sait  très-bien  que  sa  décision  n'est  pas  souveraine;  cette  décision  noA-ctètiite- 
ment,  ce  qui  est  évident,  n'emporte  pas  condamnation  contre  le  prévenu,  mais 
ne  le  place  même  point  en  état  d'accusation;  l'état  d* accusation,  je  vous  invite 
à  bien  noter  cela,  ne  résulte  pas  d'une  ordonnance  du  tribunal  de  première 
instance,  il  ne  résulte  que  de  1  arrêt  de  la  cour,  chambre  des  mises  en  accusa- 
tion, qui,  reconnaissant  dans  la  prévention  une  gravité  suffisante,  ordonne 
que  le  prévenu  sera  traduit  à  la  cour  d'assises.  Aussi  l'ordonnance  de  prtae  de 
corps  est  dans  tous  les  cas  décernée  par  la  cour  et  c'est  sur  le  vu  de  l'instrac- 
tion  que  la  cour  décide  souverainement  s'il  y  a  lieu  ou  non  à  mettre  en  accu* 
sation. 

650.  La  question  n'est  vraiment  difficile  que  dans  les  autres  hypothèses, 
dans  celles  où  le  juge,  en  vertu  des  art.  128, 129  et  131,  a  cru  devoir  ordonner 
la  mise  en  liberté  du  prévenu,  soit  parce  qu'il  n'a  trouvé  contre  lui  aucune 
charge  sérieuse,  soit  du  moins  parce  que  les  charges  dont  il  a  admis  ta  réalité 
ne* lui  ont  paru  qu'entMner  un  renvoi  en  police  simple  ou  en  police  correc- 
tionnelle. Dans  ces  divers  cas,  l'ordonnance  née  de  la  procédure  p'est  pas  direc- 
tement adressée  à  la  cour.  Dans  ces  divers  cas,  exîste-t-il  contre  l'ordonnance 
un  moyen  de  recours  quelconque?  L'art.  135  répond  en  partie  à  la  question, 
mais  il  y  répond  par  ttn  remède  tellement  incomplet,  tellement  insuffisant, 

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juaiDiGTiON  DU  JUGE  d'instruction  (art.  136).  589 

qae  des  doutes  fort  graves  s'élèvent  sur  la  nature  et  la  portée  de  cette  ordon- 
nance. Voyons  d'abord  quel  remède,  quel  recours  Part.  135  a  ouvert;  nous 
verrons  ensuite  si  c'est  là,  si  ce  peut  être  le  seul  moyen  d'appel. 

«  Art.  1^5.  Le  procureur  de  la  République  pourra  former  opposition,  dans  tous 
les  cas,  aux  ordonnances  du  juge  d'instruction.  La  partie  civile  pourra  former 
opposition  aux  ordonnances  rendues  dans  les  cas  prévus  par  les  art.  114,  128,  129, 
131  et  539  du  présent  Gode»  et  à  toute  ordonnance  faisant  grief  à  ses  intérêts 
oivils.  le  prévenu,  ne  pourm  former  opposition  qu'aux  ordonnances  rendues  en 
vertu  de  Tart.  114  et  dans  \§  cas  prévu  par  L'art.  539..  L'opposition  devra  être 
formée  dans  un  délai  de  vingt-quatre  heures,  qui  courra  contre  le  procureur  de 
la  République,  à  compter  du  jour  de  Tordonnance,  contre  la  partie  4»ivile  «t  contre 
le  prévenu  non  détenu,  à  compter  de  la  signification  qui  leur  sera  faite  de  l'or* 
donnance  au  domicile  par  eux  élu  dans  le  lieu  où  siège  le  tribunal,  contre  le  pré* 
venu  détenu,  à  compter  de  la  communication  qui  lui  est  donnée  de  l'ordonnance 
par  le  greffier.  La  signification  et  les  communications  prescrites  par  le  paragraphe 
précédent  seront  faites  dans  les  vingt-quatre  heures  de  la  date  de  l'ordonnance. 
L'opposition  sera  portée  devant  la  chambre  des  mises  en  accusation  de  la  cour, 
qui  statuera  toute  affaire  cessante* L  es  pièces  seront  transmises  ainsi  qu'il  est  dit 
en  l'art.  133.  Le  prévenu  détenu  gardera  prison  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  statué  sur 
l'opposition,  et  dans  tous  les  cas  jusqu'à  l'expiration  du  délai  d'opposition.  Dans 
tous  les  cas  le  droit  d'opposition  appartiendra  au  procureur  général  près  la  cour. 
Il  devra  notifier  son  opposition  dans  les  dix  jours  qui  suivront  l'ordonnance  du 
Juge  d'instruction.  Néanmoins,  la  disposition  de  l'ordonnance  qui  prononce  la  mise 
en  liberté  du  prévenu  sera  provisoirement  exécutée.  » 

Vient  ensuite  l'article  suivant  qui  est  sans  intérêt. 

«  Art.  136.  La  partie  civile  qui  succombera  dans  son  opposition  sera  condamnée 
aux  dommages- intérêts  envers  le  prévenu.  » 

Il  y  a  donc  dans  l'art  135  une  voie  de  recours  ouverte  au  ministère  public 
ou  à  la  partie  cfvile>  non  pas  précisément  contre  l'ordonnance  rendue  en  fa- 
veur du  prévenu,  mais  au  moins  contre  l'élargissement  ordonné  dans  la  déci- 
sion du  juge  d'instruction.  Le  procureur  de  la  République  et  la  partie  civile 
peuvent  attaquer  cet  ordre  d'élargissement,  cette  ordonnance  de  mise  en  liberté, 
dans  les  troi3  cas  prévus  par  une  opposition  formée  dans  les  vingt-quatre 
heures. 

D'abord,  qu'est-ce  que  c'est  que  cette  voie  d'opposition,  quel  est  au  juste  le 
moy^a  de  recours  ouvert  ici,  soit  à  la  partie  publique,  soit  à  la  partie  privée  ? 

Bn  vous  attachant  à  ce  nom  dPoppogUUm,  vous  pourriez  penser  que  l'ordon- 
nance devra  être  attaquée,  par  la  partie  publique  ou  la  partie  privée,  devant 
le  tribunal  même  de  qui  cettoofâonnanoe  émane:  En  effet,  l'opposition,  dans 
le  sena  technique  du  mo»t,  dans  les  matières  pémdes  œmiàe  dans  les  matières 
cijviles,  est  uùe  voie  de  recours  qui  nous  permet  d'attaquer  une  décision  rendue 
en  notre  absence  devant  le  tribunal  môme  de  qui  cette  décision  émane.  Est-ce 
dans  «e  gens  que  le  nom  d'opposition  est  pris  dans  l'art.  135?  A  œt  égard  il  ne 
ûiut  pas  hésiter  :  non,  ce  n'est  pas  là,  dans  l'art.  135,  le  sens  du  mot  opposiHon  ; 
non,  ce  n'est  pas  devant  la  ehambre  du  conseil,  devant  le  tribunal  de  première 
instance  que  doit  être  attaquée,  par  la  partie  publique  ou  par  la  partie  civile, 
l'ordonnance  de  mise  en  liberté.  La  raison  en  est  simple  :  c'est  que^d'nne  part 

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590      TRKNTK-DBUXIÈMK  LBÇON.   —  DB  l'INoTRUCTION  ÉCRITS  (n*  651). 

à  l'égard  du  ministère  public,  l'ordonnance  n'est  pas  rendue  par  défaut;  elle 
n'est  pas  rendue  par  défaut,  car  elle  n'a  pu  l'être  que  sur  ses  réquisitions,  con- 
formément à  l'art.  125.  Maintenant,  à  l'égard  de  la  partie  civile,  il  est  vrai  de 
dire  qu'elle  n'a  pas  paru,  qu'elle  n'a  pas  posé  de  conclusions,  que  sous  ce  rap- 
port on  pourrait  considérer  l'ordonnance  comme  rendue  contre  elle  par  défaut. 
Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que,  môme  à  l'égard  de  Ja  partie  civile,  il  n'y 
a  pas  d'opposition  proprement  dite.  En  effet,  l'opposition  ^consisterait  à  venir 
devant  le  juge,  où  l'on  n'a  pas  paru  d'abord  présenter  des  moyens  pour  empê- 
cher la  mise  en  liberté  ;  or  la  partie  civile  n'y  pourrait  pas  plus  conclure  sur 
son  opposition  qu'avant  son  opposition. 

Au  reste,  nous  pourrions  nous  épargner  le  détail  de  ces  motifs,  car  l'ar- 
ticle 135  et  le  paragraphe  2  de  l'art.  229  déclarent  formellement  que  l'opposi- 
tion dont  il  est  question  dans  l'article  135  est  portée  devant  la  cour  de  la  Ré- 
publique, chambre  des  mises  en  accusation.il  faut  donc  dire  que  cette  opposition 
est  un  véritable  appel,  c'est-à-dire  un  recours  porté  contre  la  sentence  d'un 
tribunal  inférieur  devant  des  juges  d'un  degré  et  d'un  pouvoir  supérieurs. 

651.  Supposez  maintenant,  ce  qui  est  possible,  que  dans  les  vingt-quatre 
heures  indiquées  par  l'art.  135  pour  former  cette  opposition,  ou  si  vous  voulez» 
cet  appel  contre  l'ordonnance  de  mise  en  liberté,  supposez,  dis -je,  que  dans 
les  vingt-quatre  heures,  à  compter  de  l'expiration  du  jour  de  l'ordonnance, 
le  procureur  de  la  République  n'ait  pas  formé  opposition,  et  de  même  la  partie 
civile  dans  les  délais  tracés  par  la  loi  ;  quelle  en  sera  la  conséquence  ?  La  con-> 
séquence  est  facile,  c'est  qu'à  l'expiration  des  délais,  l'ordonnance  de  mise  en 
liberté  s'exécute,  le  préveau  doit  être  élargi,  art.  135,  §  2  :  le  préoenu  gardera 
prison  jusqu'à  l'expiration  du  susdit  délai.  Donc  par  le  seul  fait  de  l'expiration 
du  délai  sans  opposition,  l'ordonnance  doit  être  exécutée.  Mais  en  faut-il  con- 
clure que  dès  ce  moment  la  poursuite  soit  purgée,  que  dès  ce  moment  toute 
protestation  soit  interdite,  toute  garantie  soit  assurée  au  prévenu  ainsi  mis  en 
liberté?  pourra- t-on,  au  contraire,  reprendre  la  prévention  et  diriger  contre 
lui  des  poursuites  nouvelles? 

C'est  là  une  question  d'une  haute  importance  et  sur  laquelle  Fart.  135,  mal- 
heureusement, est  tout  à  faitmuet.  D'abord,  il  est  impossible  d'admettre,  d'une 
manière  complète,  générale,  et  personne,  je  crois,  ne  l'a  essayé,  que  l'ordon- 
nance de  mise  en  liberté,  rendue  dans  les  trois  cas  cités  et  notamment  dans  le 
cas  de  Tarticle  128,  que  l'ordonnance  de  mise  en  liberté  non  attaquée  dans  les 
vingt-quatre  heures,  mette  désormais  le  prévenu  à  l'abri  de  tontes  nouvelles 
poursuites.  On  en  trouve  une  raison  déterminante  dans  l'art.  246.  Vous  y  verrez 
en  effet  que,  quand  la  cour  d'appel,  chambre  des  mises  en  accusation,  a  décidé 
qu'il  n'y  aurait  pas  lieu  à  suivre,  a  renvoyé  le  prévenu  des  poursuites,  vous  y 
verrez  que,  cet  arrêt  une  fois  intervenu,  la  poursuite  ne  peut  plus  être  reprise, 
à  moins  que  de  nouvelles  charges  ne  surviennent  contre  ce  prévenu.  Donc, 
même  après  l'arrêt  de  la  cour  d'appel,  le  prévenu  n'est  pas  placé  à  l'abri  de  toute 
poursuite,  comme  il  le  serait  après  un  arrêt  d'acquittement,  aux  termes  de 
l'art  360.  Après  l'arrêt  de  la  cour  d'appel,  si  de  nouveaux  indices  venaient  à  écla- 
ter, de  nouvelles  poursuites  peuvent  être  dirigées  contre  la  même  personne  et 
à  raison  du  même  fait.  Or,  si  l'arrêt  de  la  cour  d'appel  chambre  des  mises  en 
accusaUon,  n'est  pas  souverain,  n'est  pas  définitif  en  £av«ur  du  prévenu,  Uesi 

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JURIDICTION  DU  JUGE  D'iNBTRUCTION  (aRT.    136).  591 

clair,  d  forti&ri,  que  rordonnanoe  du  tribnnal  d'arrondissement,  émanée  des 
juges  inférieurs,  ne  peut  avoir  plus  d'autorité  et  plus  de  force.  Il  n'y  a  de 
définitif,  en  faveur  du  prévenu,  il  n'y  a  garantie  pleine,  complète  contre  des 
poursuites  nouvelles  que  Tarrét  d'acquittement^  aux  termes  de  l'article  360; 
jusque-là,  quoique  renvoyé  des  poursuites,  il  peut  être  repris  d'après  l'art.  246, 
si  de  nouveaux  indices  viennent  à  se  manifester.  Ainsi,  aucun  doute  sérieux 
sur  ce  premier  point. 

Mais  vous  sentez  que  la  question  n'est  pas  pleinement  résolue,  et  à  beau- 
coup près.  En  effet,  de  ce  qu'on  peut,  en  cas  de  nouvelles  charges,  reprendre 
les  poursuites  contre  le  prévenu,  d'après  l'art.  246,  s'ensuit-il  qu'on  ne  puisse 
pas  les  reprendre,  même  sans  des  charges  nouvelles,  dans  le  cas  de  l'art.  1357 
De  ce  que  la  loi,  dans  Fart.  246,  a  donné  des  garanties  d'ailleurs  assez  faibles 
au  prévenu  renvoyé  par  un  arrêt  de  cour  d'appel,  il  ne  s'ensuit  nullement 
que  les  mêmes  garanties,  que  la  même  protection,  doivent  couvrir  le  prévenu 
mis  en  liberté  par  le  juge.  Ici  donc  la  question  réparait,  celle  de  savoir  si, 
nonobstant  l'ordonnance  non  attaquée  dans  les  vingt-quatre  heures  par  le 
procureur  de  la  République  d'office,  ou  le  procureur  général  par  ses  réquisi- 
tions, pourront  reprendre  les  poursuites  contre  le  prévenu  ainsi  élargi. 

On  invoque  pour  la  négative,  et  la  jurisprudence  de  la  Cour  de  cassation 
paraît  s'être  fixée  dans  ce  sens,  on  invoque  le  texte  de  l'art.  135.  Cet  article,  dit- 
on,  a  ouvert  une  voie  de  recours  au  ministère  public  ou  à  la  partie  civile  con- 
tre les  ordonnances  rendues  en  faveur  du  prévenu  ;  il  a  déterminé  le  délai  de 
ce  recours,  il  est  de  vingt-quatre  heures;  on  a  également  déterminé  dans  l'ar- 
ticle 229  la  forme  de  ce  recours  dont  on  a  fait  un  véritable  appel .  Donc  hors 
ces  cas,  c'est-à-dire  après  les  vingt-quatre  heures,  le  procureur  général,  sauf 
le  cas  prévu  par  le  dernier  paragraphe  de  l'art.  1351,  ne  pourra  plus  ordonner 
de  poursuites  nouvelles,  la  cause  demeurant  en  état  contre  le  prévenu. 

Cette  interprétation,  confirmée  par  le  nouveau  texte  de  l'article  135,  estévi- 
denmient  fondée.  Il  est  de  principe,  aux  termes  de  cet  article,  que  la  voie  de 
l'opposition  est  ouverte  contre  les  ordonnances  du  juge  d'instruction,  soit 
qu'elles  ordonnent  ou  refusent  la  mise  en  liberté  du  prévenu,  soit  même  que  ce 
prévenu  soit  ou  ne  soit  pas  en  état  d'arrestation.  U  est  encore  de  principe  que 
le  droit  d'évocation  de  la  chambre  d'accusation  ne  s'applique  qu'au  cas  où 
l'instruction  commence  et  n'a  pas  reçu  son  complément  par  une  ordonnance 
définitive  du  juge  d'instruction.  D  résulte  de  là  d'une  part»  que  lorsque  l'ordon- 
nance n'a  pas  été  fn^pée  d'opposition,  elle  devient  définitive  et  acquiert,  par 
conséquent,  force  de  chose  jugée,  et,  d'une  autre  part,  que  la  chambre  d'accu- 
sation, lorsque  les  délais  de  cette  opposition  sont  passés,  ne  peut,  sauf  le  cas 
de  charges  nouvelles,  être  régulièrement  saisie  d'une  affaire  qui  se  trouve  défi- 
nitivement jugée.  Est-il  à  craindre  que  cette  autorité,  dont  les  ordonnances 
de  première  instance  sont  investies^  soit  une  entrave  à  l'action  publique  et  que 
les  juges  en  abusent  pour  étouffer  les  poursuites  ?  Gomment  pourraient-ils  en 
abuser?  l'opposition  du  procureur  de  la  République,  et  même  celle  de  la  partie 
civile,  ne  suffit-elle  pas  pour  suspendre  l'effet  de  leur  décision?  Et  l'art.  135« 
dans  le  dernier  paragraphe  que  la  loi  du  17  juillet  1856  lui  a  annexé,  ne  permet» 
il  pas  encore  au  procureur  général,  pendant  dix  jours,  d'attaquer  l'ordon- 
nance? Accorder  en  outre  à  os  magistrat  le  droit  de  reprendre  les  poursuites  pen- 

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592     TRENTE-TROIBlâME  LBÇON.   —  DBS  TRIBUNAUX  DB  VOhlCR  (n*  652). 

dant  un  temps  indéfini,  quoiqu'il  ne  Boit  parrenu  aacunêB  nouTelles  (diarges, 
ce  serait  multiplier  les  épreuves  sans  nécessité,  créer  des  entraves  à  la  liberté 
civile,  et  aggraver  le  sort  des  prévenus.  U  faut  donc  concUnre  que  c'est  avec 
raison  que  Tautorité  de  la  chose  jugée  a  été  reconnue  aux  ordonnances  du  juge 
dHnstruction,  non  suivies  d'opposition  dans  les  délais  de  la  loi. 

Ici  se  termine  tout  ce  que  nous  avons  à  dire  de  relatif  à  Tinstruction  prépa- 
ratoire. 


TBINTS-TBOISliME  LBÇON. 

LIVRE    DEUXIÈME 

DE   LÀ   JUSTICE. 

TITRE  PREMIER 

DES    TRIBUNAUX    DE    POLICE. 

652.  Nous  commençons  le  second  livre  du  Code  d'instruction  criminelle^ 
c'est-à-dire  que  nous  passons  à  la  deuxième  branche  de  la  division  générale 
qui  nous  a  «ervi  de  point  de  départ.  Vous  savez  qu'empruntant  les  termes  de 
l'art.  20  du  Gode  du  3  brumaire  an  IV,  nous  avons  dit  que  l'objet  de  la  justice 
répressive  supposait  deux  opérations  simultanées^:  i  <» celle  de  la  police  judiciaire  ; 
2*  celle  de  la  justice  proprement  dite.  La  mission  de  la  police  judiciaire,  avons- 
nous  dit,  d'après  l'art.20  du  Ck>de  de  l'an  IV,  et  d'après  l'art.  8  du  Gode  de  1808, 
est  de  rechercher  l'etistence  des  faits  punissables,  d'en  réunir  les  indices  à  la 
charge  de  leurs  auteurs,  et  de  livrer  ces  d«niieT8  aux  tribunaux  institués  pour 
les  punir.  Telle  a  été  la  matière  du  premier  livre  relatif  à  l'action  de  la  police 
judiciaire.  Nous  passons  maintenant  à  la  répression  proprement  dite,  à  la 
répression  de  la  justice,  à  l'examen  de  la  constitution  et  de  la  procédure  des 
triiranaux  institués  pour  établir  la  preuve  des  crimes,  des  délits  et  des  contra- 
ventions, et  leur  appliquer  les  châtiments  prévus  par  le  Gode  pénal. 

Déjà  V9US  connaissez  tous  la  division  générale  des  tribunaux  institués  pour 
les  matières  de  pénalité.  Vous  savez  tous  que  cette  division  est  tripartite,  et 
que  ses  trois  membres  répondent  chacun  à  la  division  des  faits  punissables, 
telle  qu'elle  est  graduée  dans  les  articles  du  Gode  pénal.  La  division  des  faits 
punissables,  en  crimes,  délits  et  contraventions  correspond  à  la  division  des 
tribunaux  en  cours  d'assises,  tribunaux  de  police  correctionnelle  et  tribunaux 
de  simple  police.  Nous  avons  vu  même  que  la  seule  utilité  de  celte  division  en 
trois  branches  des  actes  punissables  était  de  distinguer  la  compétence  des  tri- 
hunaux  institués  pour  punir  chacun  d'eux  ^  utilité  pratique  qui  n*a  pas  paru 
devoir  justifier  à  nos  yeux  la  bisarrerîe  et  les  résultats  souvent  fâcheux  de 
cette  division  tout  à  fait  arbitraire.  Toujours  est»il  qu'elle  existe,  et  qu'à  défant 
■d'autres  avantages  elle  a  celui  d'une  parfaite  clartés  Nous  prendrons  pour  point 

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COMPOSITION  DS8  TRIBUNAUX  DB  POLIGB    (ART.   450).  593 

de  départ  le  fait  de  cette  correspondanee,  et  nous  examinerons  d^abord  IMns- 
titation  des  procédures  et  des  tribunaux  auxquels  appartiennent  Texamen  et 
la  punition  des  contraventions;  c'est  l'objet  du  chapitre  premier. 


CHAPITRE  PREMIER 

DES  TRIBUNAUX  BB  SIMPLE  POLICE. 

653.  n  s'agit  ici  des  tribunaux  de  police  simple  et  de  police  municipale, 
par  opposition  aux  tribunaux  de  police  correctionnelle,  auxquels  appartien- 
nent la  connaissance  et  le  jugement  des  délits,  d'après  le  chapitre  n  du  présent 
titre. 

L'institution  des  tribunaux  de  police  municipale  appartient,  comme  la  plu- 
part des  institutions  judiciaires  qui  nous  régissent,  en  matière  criminelle 
comme  en  matière  civile,  appartient,  dis-je,  à  l'Assemblée  constituante  ;  une 
loi  des  19-22  juilletl  791  instituait,  dans  son  titre  I«',  des  tribunaux  de  police 
municipale  chargés  de  la  connaissance  et  de  la  punition  des  contraventions. 
Ces  tribunaux,  dans  l'origine,  pouvaient  prononcer  des  peines  assez  fortes  ; 
mais  plus  tard,  d'après  Tart.  450  du  Gode  du  3  brumaire  an  lY,  ils  eurent 
seulement  qualité  pour  appliquer  des  peines  non  supérieures  à  trois  journées 
d*emprisonnement,  et,  en  fait  d'amende,  des  peines  non  supérieures  à  la  va- 
leur de  trois  journées  de  travail. 

A  quelle  autorité  ce  droit  était-il  déféré?  quel  était  le  tribunal  compétent 
pour  appliquer  ces  pénalités?  La  loi  de  1791  avait,  dans  son  titre  !•',  attribué 
les  fonctions  de  la  police  municipale  aux  corps  municipaux  institués  dans 
chaque  commune.  Le  tribunal  de  police  municipale  se  composait,  en  général, 
de  trois  officiers  municipaux,  de  trois  membres  du  corps  municipal  chargé  de 
l'administration  et  de  la  surveillance  des  intérêts  de  la  commune.  Ge  nombre, 
qui  était  en  général  de  trois,  s'élevait  à  cinq  dans  les  communes  de  soixante 
mille  habitants;  il  était  de  neuf  à  Paris,  art.  42  et  43  de  la  loi  de  1791. 

Telle  était  l'institution  primitive. 

Quant  aux  règles  de  procédure  à  suivre,  elles  seraient  maintenant  sans 
iutérôt,  remplacées  qu'elles  ont  été  par  le  texte  qui  nous  occupe. 

Mais  on  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  que  cette  compétence,  attribuée  en 
matière  judiciaire  aux  officiers  municipaux  par  la  loi  de  1791,  dépassait,  dans 
la  plupart  des  communes,  la  capacité  des  officiers,  des  fonctionnaires  auxquels 
cette  charge  était  confiée.  On  ne  tarda  point  à  sentir  que  la  plupart  étaient 
complètement  incapables  de  remplir,  avec  une  vigilance  et  une  habileté  suffi- 
santes, les  fonctions  cependant  assez  simples  de  la  police  municipale  telle  que 
la  loi  de  1791  l'avait  réglée.  Aussi  le  Gode  du  3  brumaire  changea-t-il  tout  à 
fiait  la  compétence  en  cette  matière,  et  transféra-t-il  aux  juges  de  paix, 
Institués  dans  chaque  canton  par  les  lois  antérieures,  la  connaissance  des 
contraventions  telles  que  la  loi  ïie  1791  les  avaient  définies.  8ous  le  Gode  du 

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594     TRENTE-TROISIÈME  LEÇON.  —  DES  TRIBUNAUX  DE  POLICE  (n*   653). 

3  brumaire  an  IV,  la  définition  des  contraventions  resta  la  môme,  mais  la 
compétence  fut  enlevée  aux  corps  municipaux  auxquels  la  loi  de  1791  l'accor- 
dait et  transférée,  dans  chaque  canton,  au  jugi»  de  paix  du  canton,  que  ses  habi- 
tudes judiciaires  rendaient  certainement  plus  capable  d'instruire  régulièrement 
les  affaires  de  cette  nature. 

Tel  était  l'état  des  choses  lorsque  intervint  le  Gode  de  1808,  et  ce  Gode,  il 
est  bon  de  noter  ce  point  pour  rintelligence  complète  de  ce  qui  va  suivre,  ce 
Gode  essaya  de  concilier,  de  confondre  dans  la  compétence  des  tribunaux  de 
police  les  deux  législations  antérieures.  Voici  quels  étaient  à  cet  égard  les 
termes  de  l'orateur  du  gouvernement  :  c>  Nous  devons  profiter,  disait-il  au 
Gorps  législatif,  de  Texpérience  du  passé;  en  assurant  aux  juges  de  paix  la 
connaissance  exclusive  de  celles  de  ces  affaires  de  police  qui  peuvent  deman- 
der des  hommes  plus  exercés,  pourquoi  ne  laisserions-nous  pas  aux  maires  le 
droit  de  connaître  des  contraventions  qui  sont  plus  à  leur  portée,  qu'ils  répri- 
meront plus  tôt  et  tout  aussi  bien  que  les  juges  de  paix?B 

Le  Gode  de  1808  puisa  donc  à  la  fois  aux  deux  sources,  à  la  loi  de  1791  et 
au  Gode  du  3  brumaire  an  IV,  en  attribuant,  comme  Tavait  fait  celui-ci,  la 
connaissance  des  contraventions  aux  juges  de  paix  institués  dans  chaque 
canton;  à  la  loi  de  1791,  en  accordant,  dans  certains  cas,  aux  officiers  muni- 
cipaux, c'est-à-dire  aux  maires,  le  droit  de  connaître  de  certaines  contraven- 
tions commises  dans  l'étendue  de  leur  commune. 

.  Ainsi,  au  lieu  du  système  exclusif  qui,  en  1791,  avait  attribué  aux  officiers 
municipaux  la  plénitude  de  la  compétence,  qui,  en  l'an  IV,  s'était  jeté  dans 
une  idée  toute  contraire,  en  .attribuant  uniquement  cette  même  compétence 
aux  juges  de  paix,  on  voulut,  en  1808,  essayer  d'un  système  mixte,  et  attribuer, 
sauf  les  distinctions  que  nous  allons  bientôt  parcourir^  aux  juges  de  paix  et 
aux  maires  une  sorte  de  concurrence,  une  sorte  de  compétence  simultanée, 
si  non  pour  toutes  les  contraventions,  au  moins  pour  un  assez  grand  nombre 
d'entre  elles. 

Nous  verrons  bientôt  à  quelles  règles  de  détail  cette  concurrence  a  été  sou- 
mise par  le  Gode  de  1808.  Gependant,  avant  d'entrer  dans  ces  détails,  qui  sont 
de  peu  d'intérêt  pratique,  mais  qui  sont  nécessaires  à  l'intelligence  des  textes 
il  est  bon  de  vous  avertir  de  ce  que  déjà  la  plupart  de  vous,  ceux  au  moins  qui 
habitent  dans  les  communes  rurales,  ont  été  à  portée  de  remarquer,  c*eet  que 
cette  concurrence,  annoncée  dans  le  discours  de  présentation,  cette  concur- 
rence, détaillée  dans  les  articles  que  nous  allons  voir,  n'existe  en  réalité  que 
sur  le  papier  et  dans  le  texte  du  Gode;  c'est  qu'en  fait,  dans  l'immense  majo- 
rité de  nos  communes  rurales,  les  maires  ne  prennent  jamais  connaissance  des 
contraventions  de  police;  c'est  qu'en  fait,  aujourd'hui  comme  sous  le  Gode  de 
l'an  IV,  c'est  uniquement  par  les  juges  de  paix  qu'est  exercé  le  droit  de 
juger  ces  contraventions. 

La  raison  en  est  assez  simple  :  l'expérience  qui  a  été  faite  depuis  1808  a- 
justifié  à  peu  près  complètement  le  système  adopté  par  le  Gode  du  3  brumaire 
an  IV,  elle  a  démontré  que,  dans  l'immense  majorité  des  communes,  il  était 
impossible  de  confier  aux  maires,  avec  quelque  espoir  de  succès,  la  juridiction 
de  police  municipale.  D'abord,  parce  qu'il  sera  rare  de  trouver  dans  ces  com- 
munes, surtout  dans  celles  qui  ne  sont  pas  chef-lieu  de  canton,  un  maire  qui 

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COMPÉTENCE  DBS  TRIBUNAUX  DE  POLICE  (aRT.    137).  595 

soit  en  état,  non-senlement  de  bien  constater  les  ftiits,  non-seulement  d'y  bien 
appliquer  la  loi,  mais  dMmprimer  à  sa  décision  la  forme  régulière  et  technique 
d'un  jugement.  Ensuite,  c'est  qu'en  supposant  même,  ce  qui  sera  rare,  mais 
possible,  qu'on  trouve  des  maires  ayant  cette  capacité,  on  en  trouvera  diffici- 
lement qui,  à  des  fonctions  tout  à  fait  gratuites  et  déjà  assez  pénibles,  veuil- 
lent ajouter  les  embarras  de  cette  compétence  en  matière  de  police  municipale, 
veuillent  s'exposer  aux  petites  haines,  aux  mécontentements,  aux  tracasseries 
locales  que  l'exercice  de  ce  pouvoir  doit  entraîner.  C'est  qu'enfin,  en  admet- 
tant qu'on  rencontre  à  la  fois  dans  les  maires  de  petites  communes  et  cette 
capacité  et  cette  bonne  volonté  réunies,  on  trouvera  fort  difficilement  dans  la 
commune  des  citoyens  qui  soient  en  état  d'exercer  les  fonctions  de  greffier, 
c'est-à-dire  de  rédiger  régulièrement  les  jugements  qui  seraient  rendus  par  le 
maire. 

Aussi  le  gouvernement  n'a-t-il  essayé  d'organiser  cette  juridiction  des  maires 
en  concurrence  avec  celle  des  juges  de  paix  que  dans  un  fort  petit  nombre  de 
communes.  Un  usage  universel  a  fait  considérer  cette  concurrence  comme 
absolument  facultative,  et  a  laissé  en  fait  dans  les  mains  des  juges  de  paix 
Texercice  exclusif  de  la  juridiction  de  simple  police,  comme  cet  exercice  s'y 
trouvait  déjà  concentré  en  point  de  droit  sous  l'empire  du  Gode  du  3  bru- 
maire an  lY.  Enfin  la  loi  du  27  janvier  1873  a  supprimé  le  tribunal  de  police 
des  maires. 

Ainsi  le  changement  assez  notable  annoncé  dans  l'exposé  des  motifs,  détaillé 
avec  assez  d'étendue  dans  l'ensemble  des  dispositions  que  nous  allons  voir,  ce 
changement  n'existait  guère  que  dans  la  lettre,  et  était  à  peu  près  indifférent 
dans  le  fait  et  dans  la  pratique. 

Cette  pratique  a  été  sanctionée  par  la  loi  du  27  janvier  1873,  qui  a  eu  pour 
objet  d'établir  l'unité  de  juridiction  dans  chaque  canton. 

664.  «  Art.  137.  Sont  considérés  comme  contraventions  de  police  simple,  les 
faits  qui,  diaprés  les  dispositions  du  quatrième  livre  du  Gode  pénal,  peuvent  donner 
lieu,  soit  à  15  fr«  d'amende  ou  au-dessous,  soit  à  cinq  jours  d'emprisonnement  ou 
au-dessous,  qu'il  y  ait  eu  ou  non  coaûscation  des  choses  saisies,  et  quelle  qu'en  soit 
la  valeur.  » 

Dans  l'art.  137,  la  loi  a  déterminé,  vous  le  voyez,  non  pas  la  compétence 
spéciale  du  juge  de  paix  ou  celle  du  maire  prises  par  opposition  l'une  à  l'autre, 
mais  uniquement  la  compétence  générale  des  tribunaux  de  simple  police,  que 
cette  juridiction  soit  exercée  par  l'un  ou  par  l'autre. 

D'après  quelles  règles  cette  compétence  doit-elle  se  déterminer  ?  L'art.  13* 
répond  à  cette  question.  La  compétence  des  tribunaux  de  simple  police 
détermine  d'après  le  maximum  possible,  le  maximum  légal  que  le  fait  de  la 
prévention  peut  entraîner.  En  effet,  supposez  qu'un  tribunal  de  simple  police, 
saisi  d'un  fait  qui  de  sa  nature  constituait  un  délit,  ait  cependant,  par  applica- 
tion des  derniers  mots  de  l'art.  463  du  Code  pénal,  fait  ce  qu'un  tribunal  de 
police  correctionnelle  aurait  pu  faire,  c'est-à-dire  réduit  la  peine  soit  à  trois 
jours  d'emprisonnement,  par  exemple,  soit  à  10  ou  12  fr.  d'amende.  Certaine- 
ment il  n'aura  prononcé  en  ce  cas  qu'une  peine  inférieare  à  la  limite  indiquée 
par  l'art.  137;  cependant  il  aura  prononcé  sans  compétence;  il  aura  dépassé 

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596     TRBNTE-TROISlàMB  LBÇON.  *-  PB8  TRIBUHAUX  IMI.  POUGK  (n*"  655). 

ses  pouvoirs;  car  la  compétence  ne  se  règle  pas  par  la  quotité,  par  l'impor- 
Unce  de  la  peine  qui  en  fait  a  été  appliquée,  elle  se  règle  uniquement  par  la^ 
quotité»  rimportance  de  la  peine  qui  en  droit  pouvait  être  affligée,  si  le 
maximum  eût  été  appliqué.  Ce  n'est  donc  pas  dans  le  texte  du  Jugement^ 
dans  le  montant  de  la  condamnation  prononcée  que  nous  devrons  trouver 
l'élément  pour  décider  la  question  de  compétence,  mais  bien  dans  la  natnra 
du  fait  comparé  à  la  peine  que  la  loi  permettait  d'infliger.  C'est  ce  qui  résulte- 
formellement  des  termes  deTart.  137. 

Il  est  bon  de  débattre  ce  point,  parce  que,  plus  tard,  dans  Vart.  172,  sur  une 
question  analogue,  mais  qui  n'est  pas  identique  à  celle-ci,  nous  verrons  que  le- 
Gode  adopte  une  règle  différente  ;  quand  il  s'agira  de  savoir  dans  quels  cas  les 
jugements  de  police  sont  ou  ne  sont  pas  susceptibles  d'appel,  on  ne  cherchera 
pas  quel  était  le  maximum  possible  de  la  peine  qui  devait  être  portée,  on  cher- 
chera seulement  quel  est  le  montant  précis  de  la  peine  appliquée.  Ainsi  la 
détermination  de  la  compétence  entre  les  tribunaux  de  simple  police  et  ceux  d& 
police  correctionnelle  dépend  tout  à  fait  de  la  peine  légale,  et  de. la  peine  légale 
prise  en  son  maximum.  Par  cela  seul  qu'un  fait  peut,  d'après  la  loi,  entraîner 
plus  de  cinq  jours  d'emprisonnement  ou  plus  de  15  fr.  d'amende,  ce  fait  s» 
trouve  en  dehors  de  la  compétence  des  tribunaux  de  police.  Au  contraire, 
pour  décider  si  un  jugement  de  police  est  ou  n'est  pas  susceptible  d'appel,  it 
ne  faudra  pas  se  demander,  par  exemple,  si  le  fait  qui  a  été  déclaré  constant 
pouvait  ou  ne  pouvait  pas  entraîner  la  peine  de  l'emprisonnement,  il  faudra  s& 
demander  seulement,  d'après  l'art.  172,  si  cette  peine  a  été  appliquée.  Cette 
différence  ressortira  d'ailleurs  plus  clairement  du  texte  de  l'art.  172,  quand 
nous  y  arriverons. 

655.  Dans  l'art.  137  pris  dans  son  ensemble,  se  présente  d'ailleurs  non  paa^ 
une  difGculté  grave,  mais  une  équivoque  qu'il  peut  être  à  propos  de  prévenir. 
Sont  ctmsidérés  comme  contravontions  de  poliee  simple  les  faits  qui,  d'après  ks 
dispo$iti(ms  du  QtrATniÈHB  livre  nu  Gode  tèv^l,  peuvent  donner  lieu,  soit  à  i^  fir. 
d'amende  ou  au-dessousy  soit  à  cinq  jours  d* emprisonnement  ou  au-dessous.  Re- 
marquez bien  que  iâ  portée  principale,  le  sens  direct  de  la  pensée  du  législa* 
teur  porte  ici  tout  entier  sur  la  seconde  disposition,  et  non  pas  sur  la  première» 
En  d'autres  termes,  pour  savoir  si  un  tribunal  de  police  est  compétent,  il 
ne  s'agit  pas  précisément  de  chercher  si  le  fait  de  la  prévention  est  ou  n'est 
pas  puni  par  le  quatrième  livre  du  Code  pénal,  il  s'agit  de  savoir  si  la  peine 
infligée  à  ce  fait,  soit  d'après  le  livre  IV  du  Code  pénal,  soit  aussi  d'après 
toute  autre  loi  ou  tout  autre  règlement  obligatoire,  si  la  peine  qui  y  est 
infligée  dépasse  ou  ne  dépasse  pas  15  fr.  d'amende  et  cinq  jours  d'emprison- 
nement. 

Ainsi  c'est  à  la  quotité  de  la  peine  que  la  loi  déclare  infliger  au  fait,  qu'il  faut 
uniquement  s'attacher  pour  régler  la  confpélence  ;  peu  importe  d'ailleurs  que 
cette  peine  soit  établie  ou  dans  le  Code  pénal  ou  dans  tout  autre  texte  de  la 
loi.  C'est  ici  énonciativement  et  non  pas  dans  un  sens  limitatif  que  le  texte  vous 
parle  des  faits  qui  sont  punis  de  la  peiné  qu'il  détermine  d'après  les  disposi- 
tions du  quatrième  livre  du  Code  pénal  ;  c'est  énonciativement,  parce  que  ce 
quatrième  livre,  plus  spécialement  consacré  aux  peines  de  simple  police, 

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GOMPÉTBNGB  DIB  TRIB0NÀUZ  DE   POLICB  (aRT.   137).  597 

•contient^  en  effet,  la  très-grande  majoHté,  mais  non  pas  la  totalité  des  peines 
^ai  peayent  être  infligées  par  les  tribunaux  de  police. 

Aiasi,  par  exemple,  l'art.  484  du  Gode  pénal,  qui  n'appartient  à  proprement 
parler  à  aucun  livre,  qui  est  le  dernier  du  Cîode,  formant  une  disposition  géné- 
rale, qui  s'applique  à  toutTensemble  du  texte;  l'art.  484  déclare  que  sur  toutes 
les  matières  non  réglées  par  le  présent  Code,  les  lois  et  règlements  actuelle- 
ment en  vigueur  continueront  d*étre  appliqués  par  les  juges.  £h  bien,  il  est 
dair  que  les  lois  et  règlements  relatifs  aux  matières  de  police,  les  lois  et  règle- 
ments soit  postérieurs,  soit  môme  antérieurs  au  Cîode  pénal,  et  sur  les  matiè- 
res desquelles  le  Gode  pénal  n'aura  rien  statué,  continueront  d'être  appliqués 
par  les  tribunaux'de  police,  en  tant  qu'ils  prononceront  des  peines  inférieures 
À  la  limite  détermina  par  Fart.  137. 

Voilà  un  premier  cas  dans  lequel,  même  à  part  les  dispositions  du  qua- 
trième livre  du  Gode  pénal,  les  tribunaux  de  police  seront  compétents  pour 
connaître  de  faits  punissables,  et  leur  appliquer  les  peines  dans  la  limite  de 
l'art.  137. 

De  même,  ce  n'est  pas  seulement  par  des  lois  proprement  dites,  c'est  quel- 
•quefois,  c'est,  journellement,  en  vertu  de  décisions,  d'arrêts,  de  réglemente 
soit  de  l'autorité  administrative,  soit  même  de  l'autorité  municipale,  que  les 
tribunaux  de  police  sont  appelés  à  appliquer  des  peines.  G'est  là  une  remarque 
importsnte,  car  c'était,  avant  le  Gode  pénal,  l'occasion  d'une  discussion  fort 
grave  et  fort  indécise,  de  savoir  jusqu'à  quel  point  et  dans  quelles  limites  les 
tribunaux  de  police  étaient  tenus  d'appliquer  aux  particuliers  des  peines  qui 
n'étaient  point  écrites  dans  la  loi,  mais  que  rautorité  administrative  avait 
infligées  comme  sanction  à  certains  règlements  tenant  à  la  police  publique. 
Cette  question  indécise,  débattue  avant  le  Gode  pénal,  a  cessé  de  l'être  en 
Tertu  dé  plusieurs  articles  de  ce  Gode.  Quelques*uns  des  articles  du  quatrième 
livre  autorisent,  dans  un  assez  grand  nombre  de  cas,  tantôt  l'autorité  admi- 
nistrative, tantôt  même  l'autorité  municipale,  à  faire  des  règlements  dans 
l'intérêt  de  la  police  ou  de  la  sûreté  pi^lique,  et  à  infliger  d'avance  des  peines 
aux  contrevenants.  Ces  règlements  devront  être  appliqués  par  les  tribunaux 
-de  police,  bien  entendu  dans  la  limite  de  la  pénalité  déterminée  par  l'arti- 
cle 137. 

Pour  rendre  ce  point  plus  précis,  vous  pourrez  vous  reporter  à  l'art.  471, 
K  4,  5,  8  et  15  du  Gode  pénal,  et  de  même  à  l'art.  475,  §§  1,  2,  3  et  4  du 
même  Gode.  Vous  verrez  qu'il  résulte  de  ces  textes  que  dans  l'état  présent 
du  droit  l'autorité  administrative  et  l'autorité  municipale  n'ont  pas,  d'une 
manière  générale  et  absolue,  le  droit  de  faire  des  règlements  obligatoires  et 
^'infliger  des  pénalités  que  les  tribunaux  puissent  ou  doivent  appliquer;  mais 
4iue  ce  droit  d'infliger  des  pénalités  appartient  certainement  aux  autorités 
administratives  dans  les  cas  spécialement  déterminés  par  les  divers  paragra* 
phes  que  je  viens  de  citer. 

Posons  une  espèce  pour  ne  pas  rester  dans  le  vague.  Le  premier  exemple 
qui  se  présente  est  celui  de  l'art.  471,  §  4  : 

f  Seront  pnnis  d'amende,  depuis  1  fr.  jusqu'à  5  fr.  inclusivement  (il  s'agit 
4'une  peine  ion  légère),  ceux  qui  auront  embarrassé  la  voie  publique,  en  y 

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598     TRBNTB-TBOI&liMB  LEÇON.   —  DJB8  TRIBUNAUX  DB  POUCE  (n""  656). 

déposant  ou  y  laissant  sans  nécessité  des  matériaux  on  des  choses  quelcon- 
ques qui  empêchent  ou  diminuent  la  liherté  ou  la  sûreté  du  passage  ;  ceux 
qui,  en  contravention  aux  lois  et  règlements,  auront  négligé  d'éclairer  les 
matériaux  par  eux  exposés  ou  les  excavations  par  eux  faites  dans  les  rues  et 
places.  » 

Yoilà  des  pénalités  qui  ne  seront  pas  infligées,  dans  tous  les  lieux  et  par 
tous  les  tribunaux,  d'une  manière  égale  et  uniforme  ;  il  faudra  nécessairement, 
pour  infliger  des  pénalités  de  police,  en  vertu  de  ce  paragraphe,  se  reporter 
dans  chaque  lieu  aux  règlements  ou  arrêtés  émanés  dé  Pautorité  locale.  Mais 
il  est  clair  aussi  que  ces  règlements  ou  arrêtés,  une  fois  rendus  et  promulgués 
dans  chaque  lieu,  seront  obUgatoires  pour  les  particuliers  et  pour  les  tribu* 
naux,  comme  s'appuyant  sur  le  texte  du  paragraphe  4  de  Fart.  471,  et  seront 
obligatoires  à  tel  point  que,  par  cela  seul  que  Tautorité  municipale  aura 
imprimé  dans  son  arrêté  telle  injonction  ou  telle  prohibition,  la  peine  sera 
applicable  aux  contrevenants,  quand  même  elle  ne  serait  pas  contenue  dans 
l'arrêté.  Par  cela  seul  que  l'arrêté,  s'appuyant  sur  le  texte  de  la  loi,  aura  fait 
tel  ou  tel  règlement,  le  contrevenant  à  ce  règlement  se  trouve  puni  d'avanca 
pour  la  première  disposition  de  Fart.  471  :  c  Seront  punis  d'amende  depuis 
1  fr.  jusqu'à  5  fr.  inclusivement.  • 

Il  en  est  de  même  dans  les  autres  paragraphes  cités,  et  par  exemple  dans 
Tart.  475  :  c  Seront  punis  d'amende,  depuis  6  fr.  jusqu'à  10  fr.  inclusivement: 
1«  ceux  qui  auront  contrevenu  aux  bans  de  vendanges  ou  autres  bans  auto- 
risés par  les  règlements.  •  Il  est  clair  que  là  encore  pour  les  bans  de  ven» 
danges,  il  y  aura  des  variations  sensibles  à  raison  de  la  différence  des  loca- 
lités. A  Tautorité  locale  appartient  exclusivement  le  droit  de  déterminer  à 
quelle  époque  commence,  pour  chaque  particulier,  le  droit  de  procéder  à  la 
vendange  au  moins  dans  les  terrains  non  clos.  Ces  bans  une  fois  publiés,  sans 
qu'on  ait  à  distinguer  si  la  pénalité  de  l'art,  475  a  été  ou  non  formellement 
rappelée,  la  contravention  entraine,  en  vertu  de  l'art.  475,  la  pénalité  déterminée 
par  la  loi. 

Ainsi  deux  points  bien  constants  à  cet  égard,  c'est  que  les  autorités  admi- 
nistratives ou  municipales  n'ont  pas  maintenant; d'une  manière  générale  et 
absolue,  le  droit  qu'avant  le  Gode  de  1808  nombre  de  Jugements  leur  avaient 
reconnu,  celui  de  faire  indéfiniment,  indistinctement  des  règlements  de 
police,  dont  les  pénalités  devaient  être  appliquées  aux  contrevenants  par  les 
tribunaux.  Mais  ce  droit,  qui  ne  leur  appartient  pas  en  toute  matière,  par  cela 
s^ul  qu'il  s'agit  d'un  intérêt  de  police,  leur  appartient  incontestablement,  et 
aussi  uniquement,  dans  les  cas  déterminés  par  divers  paragraphes  du  Cîode 
pénal  qui  leur  confèrent  formellement  ce  droit. 

§   !•'.  —  Du  TRIBUNAL  DU  JUQK  DB  PAIX  GOMME  JUOB  DE  «POLICE. 

656.  Voilà  pour  la  compétence  des  tribunaux  de  police  prise  en  masse 
et  sans  distinction.  L'art.  138  indique  maintenant  la  division  fondamentale 
de  la  matière,  compétence  pa  r  concurrence  entre  le  juge  de  paix  et  le  maire. 

Dans  quelles  proportions  et  suivant  quelles  distinctions  cette  concur- 
rence existait-t-elle  avant  la  loi  du  27  janvier  1873  ?  Avant  d'entrer  à  oet 

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GOMPÉTBN  GB  DE8  TRIBUNAUX  DE   POLIGB  (aRT.    139).  599 

égard  dans  les  détails  de  Part.  139,  il  est  bon  de  nous  attacher  à  une  idée  gé- 
nérale qui  servira  à  tout  simplifier  : 

~  En  principe,  le  jnga  de  paix  est  compétent,  d'après  les  art.  139  et  140, 
pour  toute  espèce  de  contravention  commise  dans  l'étendue  de  son  can- 
ton. La  concurrence  du  maire  n'était  jamais  une  préférence,  et  le  concours 
n'existait  que  pour  certains  cas  déterminés.  Ainsi,  quels  que  soient  le  lien,  la 
nature,  la  gravité  de  la  contravention  commise,  les  parties  de  l'une  d'elles 
peuvent,  d'après  le  texte  du  Gode,  la  déférer  au  juge  de  paix.  Seulement, 
dans  certaines  contraventions,  en  raison  des  circonstances  qui  seront  plus  lard 
détaillées,  la  loi  accordait  aux  maires  de  quelques  communes,  non  point  un 
droit  exclusif,  mais  un  simple  droit  de  concurrence  avec  le  juge  de  paix.  La 
juridiction  du  juge  de  paix  reste  donc  la  règle  générale,  uniforme  et  sans 
aucune  exception  ;  les  maires  n'avaient  avec  lui  qu'une  simple  concurrence,  et 
cette  concurrence  n'existait  que  dans  les  cas  expressément  déterminés  par  les 
articles  qui  vont  bientôt  suivre.  Aussi  l'art.  139  n'a-t-il  pas  pour  but  de  vous 
apprendre  dans  quels  cas  le  juge  de  paix  est  compétent;  d'après  l'art.  140,  le 
juge  de  paix  est  compétent  pour  toute  espèce  de  contravention;  l'art.  139, au- 
jourd'hui abrogé,  tendait  seulement  à  énumérer  les  cas  dans  lesquels  la  concur- 
rence des  maires  n'existait  pas,  tendait  à  énumérer  les  cas  dans  lesquels  le  juge 
de  paix  est  non-seulement  compétent,  mais  exclusivement  et  seul  compétent, 
à  l'exclusion  des  maires  de  communes.  Voici  quels  sont  ses  termes  :  les  uns 
tiennent  au  lieu  oii  la  contravention  a  été  commise,  les  autres  au  lieu  du 
domicile  ou  de  la  résidence  des  prévenus  et  des  plaignants,  les  autres,  enfin, 
à  l'importance  ou  à  la  nature  spéciale  de  certaines  contraventions  dont  on  n'a 
pas  entendu  permettre  aux  maires  de  prendre  connaissance  : 

«  Art.  139.  Les  juges  de  paix  connaîtront  exclusivement  :  —  1*  Des  contraven- 
tions commises  dans  retendue  de  la  commune  chef-lieu  du  canton;  —  2*  Des  con- 
traventions dans  les  autres  communes  de  leur  arrondissement,  hors  le  cas  où  les 
coupables  auront  été  pris  en  flagrant  délit,  les  contraventions  auront  été  commises 
par  des  personnes  non  domiciliées  ou  non  présentes  dans  la  commune,  ou  lorsqueles 
témoins  qui  doivent  déposer  n'y  sont  pas  résidents  ou  présents;  —  3**  Des  contra- 
veutions  à  raison  desquelles  la  partie  qui  réclame  conclut,  pour  ses  dommages- 
intérêts,  &  une  somme  indéterminée  ou  à  une  somme  excédant  15  fr.  ;  —  4*  Des 
contraventions  forestières  poursuivies  à  la  requête  des  particuliers  ;  —  5*  Des  in- 
jures verbales  ;  —  6*  Des  affiches,  annonces,  ventes,  distributions  ou  débits  d'ou- 
vrages, écrits  ou  gravures  contraires  aux  mœurs;--  7*  De  l'action  contre  les  gens 
qui  font  le  métier  de  deviner  et  pronostiquer,  ou  d'expliquer  les  songes.  » 

657.  {•  Des  contraventions  commises  dans  Vétendue  de  la  commune  chef-lieu 
du  canton.  Pourquoi  cela?  Ceci  doit  s'entendre  par  relation  avec  l'article  166, 
qui  n'accorde  la  concurrence  dont  nous  avons  parlé  jusqu'ici  qu'aux  maires 
des  communes  qui  ne  sont  pas  chefs-lieux  de  canton.  La  raison  en  est  facile  à 
saisir  en  principe  :  on  a  bien  senti  en  1808,  comme  on  l'avait  fait,  en  l'an  lY, 
que  les  juges  de  paix  présentaient,  pour  la  bonne  administration  de  la  justice 
de  simple  police,  infiniment  plus  de  garanties  que  n'en  peuvent  présenter  les 
maires.  Si  cependant  on  s'était  déterminé  à  accorder  aux  maires  cette  juridiction 
en  certains  cas,  c'est  par  un  motif  de  célérité  et  par  suite  d'économie  ;  c'est 
qu'ils  sont  plus  rapprochés  et  que  leur  juridiction  paraissait  à  ce  titre  plus  com- 

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600      TRBNTB-TR0I6IÈMB  LBÇON.  —  DBS  TRIBUNAUX  DE  POUGB  (N*  659). 

mode.  Or,  il  est  datr  que  cette  raison  reste  sans  application  anx  maires  des 
communes  dans  lesquelles  doit  siéger  le  juge  de  paix.  Le  juge  de  paix,  dôs 
lors,  est  tout  aussi  près  des  justiciables,  tout  aussi  près  du  lieu  de  la  contra- 
vention que  le  maire,  il  est  tout  naturel  d'appliquer  au  premier  la  compé- 
tence exclusive.  Ainsi  la  concurrence  dont  nous  avons  parlé  n'appartient  dans 
aucun  cas  au  maire  d'un  cbef-lieu  de  canton,  précisément  parce  que  dans 
cette  hypothèse  disparaissent  tous  les  motifs  qui  ont  fait  donner  aux  maires 
la  compétence  exceptionnelle  que  noas  avons  annoncée.  C'est  donc  à  raison  du 
lieu  où  la  contravention  a  été  commise  que  le  droit  exclusif  d'en  connaître  est 
accordé  au  juge  de  paix. 

658.  2*»  Ifès  contraventions  dans  les  autres  communes  de  leur  arrondissemenê^ 
lorsque,  hors  le  cas  où  les  coupables  auront  été  pm  en  flagrant  délit,  les  contra- 
ventions auront  été  commises  par  des  personnes  non  domiciliées  ou  non  présentes 
dans  la  commune,  ou  lorsque  les  témoins  qui  doivent  déposer  n^y  sont  pas  résidents 
ou  présents. 

Ce  second  paragraphe  est  d'une  rédaction  un  peu  compliquée,  mais  cepen- 
dant il  ne  présente  aucune  difGculté  sérieuse  ;  d'ailleurs  les  doutes  légers  se 
résoudraient  d'eux-mêmes  à  la  lecture  de  l'art.  166,  qui  traite  la  môme  ques- 
tion d  une  maDière  plus  nette  et  plus  précise.  De  l'ensemble  de  ce  paragraphe, 
dont  nous  pouvons  nous  épargner  le  détail,  il  résulte  que,  même  pour  les  con- 
traventions commises  hors  de  là  commune  du  chef -lieu  de  canton,  le  juge 
de  paix  est  encore  le  seul  compétent,  1«  lorsque,  les  prévenus  et  les  plaignants 
ne  sont  pas  domiciliés  dans  la  commune;  2**  lorsque,  les  prévenus  et  les  plai- 
gnants s'y  trouvant  domiciliés,  les  témoins  de  la  contravention  n'y  seraient 
pas  présents  ou  résidents.  En  d'autres  termes,  pour  que  le  maire  d'une  com- 
mune qui  n'est  pas  chef-lieu  de  canton  ait  le  droit  de  connaître,  en  concur- 
rence avec  le  juge  de  paix,  d'une  contravention  commise  dans  l'étendue  de  sa 
commune,  il  faut  que  les  parties  prévenues  aussi  bien  que  les  parties  plai- 
gnantes soient  domiciliées  dans  cette  commune  ;  il  faut  de  plus  que  les 
témoins  de  cette  contravention  y  soient  également  ou  domiciliés  ou  présents. 
La  raison  en  est  la  même  que  celle  du  premier  paragraphe  ;  c'est  que,  si  les 
parties  ou  les  témoins  habitent  hors  de  cette  commune,  l'avantage  unique  de 
la  compétence  du  maire  disparait  tout  à  fait;  autrement  il  faudrait  se  résigner 
à  des  citations  assez  éloignées,  à  des  délais  assez  prolongés,  la  compétence  du 
maire  ne  présenterait  plus  assez  d'avantages.  Ainsi  la  compétence  du  maire 
exigeait,  en  général,  ces  deux  circonstances.  Il  en  est  un  cependant  excepté,  le 
cas  de  flagrant  délit,  c'est-à-dire  que  la  concurrence  existait  pour  le  maire  d'une 
commune  qui  n'est  pas  chef-lieu  de  canton,  à  raison  de  contraventions  com- 
mises dans  rétendue  de  cette  commune,  même  par  des  personnes  qui  n^y  sont 
pas  résidentes,  lorsque  les  contrevenants  sont  pris  en  flagrant  délit  et  traduits 
immédiatement  devant  le  maire  de  la  commune.  Alors  on  retombe  dans  le 
but  de  la  loi,  dans  le  but  de  célérité  et  d'économie. 

669.  Voilà  les  deux  cas  où  la  loi  attribuait  au  juge  de  paix  une  compétence 
exclusive  de  celle  des  maires,  à  raison,  soit  du  lieu  de  la  contravention,  soit 
du  domicile  ou  de  la  résidence  des  parties  ou  des  témoins.  Dans  les  autres 
paragraphes  de  ce  même  article,  le  législateur  s'attache  à  un  point  de  vue  dii^ 

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COMPÉTENCE  DBS  TAIBUNAUX  DE  POUCE  (A.RT.  139).  601 

férent,  c'est-à-dire,  soit  à  Fimportanee,  soit  à  la  nature  de  certaines  contra- 
ventions, dont  la  connaissance  est  par  ce  nouveau  motif  absolument  refusée 
aux  maires  des  communes. 

Le  juge  de  paix  copnaît  également  :  S*»  Des  oontraiœnUonM  à  raison  desquéUes 
la  partie  qui  réclame  conclut j  pour  ses  dommages-inUréiSf  à  une  somme  indétermi" 
née  ou  à  unejomme.  excédant,  15  francs. 

Ce  paragraphe  est  facile,  .il  butc^ependant  encore  bien  éviter  toute  confu- 
sion. Vous  voyez  que  la  loi  s'occupe  du  cas  oii  la  partie  civile  réclamerait,  à 
raison  de  la  contravention,  des  dommages-intérêts  indéterminés  ou  supérieurs 
à  15  fr.  Ce  n*est  pas  dire  qu'on  ne  puisse,  en  simple  police,  conclure  à  des 
dommages-intérêts  sans  aucune  distinction  dans  la  quotité  de  la  somme,  au, 
contraire,  il  résulte  formellement  des  textes  qu*on  le  peut.  Ainsi,  quoique  la 
compétence  des  juges  de  police,  en  matière  de  condamnations  pécuniaires,  en 
matière  d'amende,  se  borne  à  un  maximum  de  15  fr.,  cela  n'est  vrai  que  pour 
l'amende,  et  un  juge  de  paix,  siégeant  comme  juge  de  police,  peut  condamner  le 
prévenu,  à  titre  de  domiftageerintérèts,!  nuia  «omme  à  laquelle  i}  n'y  a  pas  de 
maximum  légal.  Qn  pourrait  très-bien,  en  simple  police,  à  raison  du  dom- 
mage causé  par  la  contravention,  être  condamné,  au  moins  en  premier  ressort, 
à  plusieurs  centaines  de  francs  de  dommages-intérêts.  Seulement  le  fait  que 
la  demande  de  dommages-intérêts  dépassait  15  fr.,  enlevait  au  maire  toute 
qualité  pour  connaître  de  cette  demande,  et  faisait  rentrer  cette  demande 
dans  la  compétence  exclusive  du  Juge  de  paix. 

Ainsi^  s'il  faut  nous  attacher  à  la  quotité  de  l'amende  pour  distinguer  la 
compétence  de  simple  police  d'avec  la  compétence  de  police  correctionnelle,  il 
ne  faut  jamais,  dans  le  même  but,  nous  attacher  à  la  quotité  des  dommages- 
intérêts  réclamés  ;  cette  quotité  indifférente  à  la  distinction  de  compétence 
entre  les  tribunaux  de  simple  police  et  ceux  de  police  correctionnelle,  ne  devient 
importante  que  pour  distinguer  la  compétence  de  simple  police  entre  les  juges 
de  paix  et  le»  maires. 

Voilà  donc  une  troisième  condition  qui,  pour  toute  espèce  de  contraven- 
tion, vient  resserrer  dans  des  limites  de  droit  fort  étroites  la  compétence  déjà 
très-restreinte  en  fait  de  simples  maires  de  communes. 

660.  4^  Des  contraventions  forestières  poursuimes  à  la  requête  des  particuliers. 
Si  on  prenait  ce  paragraphe  à  la  lettre  et  en  l'isolant  des  autres,  on  en  tirerait, 
A  coxiiTBARio,  uue  couséquence  qui  serait  parfaitement  fausse.  Gomme  la  loi 
déclare  ici  que  le  juge  de  paix  est  exclusivement  compétent  pour  les  contra- 
ventions forestières  poursuivies  par  les  particuliers,  l'argument  a  contrario 
vous  mènerait  à  dire  que,  quand  la  contravention  forestière  est  poursuivie, 
non  pas  à  la  requête  des  particuliers,  mais  à  la  requête  de  l'État,  le  juge  de 
paix  n*est  plus  exclusivement  compétent,  c'est-à-dire  que  le  maire  et  le  juge 
de  paix  le  sont  à  la  fois.  Ge  serait  une  très-fausse  conséquence,  et  un  exemple, 
de  plus  du  péril  des  arguments  de  cette  nature.  Si  la  loi  vous  dit  ici  que  les 
juges  de  paix  sont  exclusivement  compétents  pour  les  contraventions  forestières 
poursuivies  à  la  requête  des  particuliers,  c'est  que,  quand  des  contraventions 
foresUères  sont  poursuivies  dans  Fintérét  de  TËUt  et  à  la  requête  de  ses  agents, 
elles  sortent  également  et  de  la  compétence  des  juges  de  paix  et  de  la  compé- 

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602      TRENTE-TROISIÈME  LEÇON.   —  DES  TRIBUNAUX  DE  POLICE  (n^  662). 

teace  des  maires.  En  d'autres  termes,  c'est  que  les  simples  contraventions  fores- 
tières, quelque  minime  qu'en  soit  La  peine,  ne  rentrent  dans  la  juridiction  de 
simple  police  que  quand  elles  sont  poursuivies  à  la  requête  des  particuliers. 
Toute  contravention  forestière  commise  contrairement  aux  intérêts  de  l'État 
appartient  exclusivement  à  la  juridiction  des  tribunaux  de  police  correction- 
nelle, ainsi  que  le  déclare  d'ailleurs  Fart.  179.  (Test  là,  vous  le  voyez,  une 
exception  assez  remarquable  à  faire  à  l'art.  137.  C'est  là  l'exemple  unique,  je 
crois,  d'un  fait  qui,  ne  donnant  matière  qu'à  un  emprisonnement  de  moibs  de 
cinq  jours  ou  môme  à  une  amende  de  moins  de  15  fr.,  ne  peut  ôtre  jugé  par 
les  tribunaux  de  simple  police. 

La  raison  en  est  facile  :  les  contraventions  de  cette  nature  commises  dans  les 
bois  de  l'État  sont  de  tous  les  jours  et  de  presque  tous  les  instants  ;  or,  la  loi 
n'a  pas  à  la  résidence  de  chaque  juge  de  paix  un  agent  forestier  qui  puisse  à 
tout  instant  requérir  la  poursuite  et  la  punition  de  ces  contraventions.  Et  si 
on  avait  appliqué  aux  contraventions  forestières  commises  contre  l'État  la 
règle  de  compétence  de  Tart.  137,  il  eût  fallu,  au  grand  détriment  de  l'admi- 
nistration,  que  les  agents  forestiers  fussent  sans  cesse  voyageant  de  canton 
en  canton  pour  déférer  aux  juges  de  paix  les  contraventions  forestières,  qui 
seraient  portées  à  moins  de  frais  devant  les  tribunaux  correctionnels  du  lieu 
où  ils  résident. 

Que  si,  au  contraire,  la  contravention  forestière  est  poursuivie  par  un  parti 
culier,  alors  elle  reste  affaire  de  simple  police;  mais  la  loi  en  refuse  la  con- 
naissance aux  maires. 

661.  5<^  De$  injures  verbales. 

Ici  encore  le  maire  était  pleinement  incompétent,  le  juge  de  paix  est  seul 
compétent.  Toutefois  il  y  a  une  remarque  à  faire,  non  pas  pour  distinguer  la 
compétence  du  maire  et  celle  du  juge  de  paix,  la  distinction  est  clairement 
écrite,  mais  remarquez  que,  même  à  Tégard  du  juge  de  paix,  cette  compétence 
n'existe  pour  les  injures  verbales  qu'autant  que  ces  injures  sont  considérées 
comme  contraventions.  Il  arrive,  au  contraire,  fréquemment  que,  soit  à  raison 
de  la  gravité  de  l'outrage  qui  dégénère  en  calomnie,  soit  à  raison  de  la  qualité 
de  la  personne  à  laquelle  est  adressé  Toutrage,  cet  outrage,  bien  que  pure- 
ment verbal^  n^est  plus  simplement  une  contravention,  mais  devient  un  véri- 
table délit. 

Ainsi  le  paragraphe  5  ne  s'entend  évidemment  que  des  injures  verbales  qui 
sont  des  contraventions  ;  l'incompétence  du  juge  de  paix  est  complète,  aux 
termes  de  rai*t.  137,  pour  les  injures  verbales  qui  seraient  de  véritables  délits. 
Vous  pourrez  consulter  à  cet  égard  les  art.  376  et  471,  §  2  du  Gode  pénal;  vous 
y  verrez  la  distinction  écrite  entre  les  injures  verbales  qui  sont  ou  des  délits 
ou  des  contraventions. 

66a.  J'en  dirai  autant  du  paragraphe  6:  ici  encore  on  dédare  le  juge  de  paix 
exclusivement  compétent  pour  les  contraventions  résultant  des  actes  qui  y 
sont  indiqués,  il  connait  encore  : 

6o  Des  affiÀeSj  annonces,  ventes^  disiribuUons  m  débits  d'otmages,  écrits  au 
gravures  contraires  auss  mcntrs.  Dans  la  plupart  des  cas,  les  actes  de  cette  nature, 

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GOMFÊTSNGB  DES  TRIBUNAUX  DB  POLICE  (aRT.   140).  603 

les  distributioiiB  de  ces  écrits,  ouvrages,  gravores  ne  sont  pas  de  simples  con- 
traventions, mais  constituent,  au  contraire,  de  véritables  délits  :  il  est  clair 
que  dans  ces  cas  le  paragraphe  est  inapplicaUe. 

Vous  aurez  de  môme  à  comparer,  sur  ce  point,  les  art.  284  et  288  du  Cîode 
pénal  avec  Tart.  475,  §  13,  du  même  Gode,  et  la  distinction  est  toujours  facUe 
à  établir.  Dans  Tart.  475,  §  13,  vous  verrez,  en  le  rapprochant  des  art.  284  et 
288,  la  distinction  entre  les  actes  de  cette  nature  qui  sont  des  délits,  et  ceux 
qui  ne  sont  que  des  contraventions  ;  à  ceux  qui  ne  sont  que  des  contraven- 
tions s'appliquera  le  paragraphe  6. 

663.  De  V action  contre  les  gens  qui  font  le  métiei*  de  deviner  et  de  pronostiquer 
ou  d'expliquer  les  songes. 

Il  est  clair  que,  encore  ici,  le  juge  de  paix  sera  exclusivement  compétent 
dans  tous  les  cas.  Mais  si,  au  moyen  de  cette  prétendue  science,  il  y  a  eu  un 
délit  de  commis,  et  c'est  ce  qui  arrive  très-fréquemment  de  la  part  des  devins 
ou  prophètes,  délit  d'escroquerie,  il  y  aura  compétence  des  tribunaux  correc- 
tionnels, puisque  ce  serait  un  délit.  Il  faudra  toujours  distinguer  le  déUt  ou  la 
contravention  ;  il  faudra  toujours  se  souvenir  de  ce  que  j'ai  dit  en  commençant 
à  expliquer  Tart.  139,  que  cet  article  ne  tendait  pas  à  établir  la  compétence 
des  tribunaux  de  police  prise  par  opposition  à  la  compétence  des  tribunaux 
correctionnels  ;  mais  qu'au  contraire  cet  article,  supposant  connue,  d*après 
Part.  137,  la  compétence  des  tribunaux  de  police,  s'occupait  seulement  à  déter- 
miner entre  les  deux  ordres  de  tribunaux  de  simple  police,  dans  quels  cas  le 
juge  de  paix  était  exclusivement  compétent,  dans  quels  cas,  au  contraire,  la 
compétence  se  partageait  entre  le  juge  de  paix  et  le  maire  concurremment. 

604.  a  Art.  140.  Les  juges  de  paix  connaîtront  aussi,  mais  concurremment 
avec  les  maires,  de  toutes  autres  contraventions  commises  dans  leur  arrondisse- 
ment. »  (Abrogé  par  la  loi  du  27  janvier  1873.) 

Cet  article  complète  les  idées  que  nous  venons  d'exposer. 

Vous  devez  bien  voir  maintenant,  et  c'est  là  le  point  capital  de  cette  matière, 
en  quel  sens  il  y  a  concurrence,  au  moins  en  droit,  entre  les  juges  de  paix  et 
les  maires  pour  les  simples  contraventions.  Mais  en  fait  cette  concurrence  est 
sans  application;  presque  partout  les  juges  de  paix  jugent  seuls;  le  gouverne- 
ment n'a  organisé  la  juridiction  des  maires  que  dans  des  cas  rares. 

665*  La  juridiction  des  juge  sde  paix,  considérés  comme  juges  de  police,  est 
détaillée  dans  les  art.  141  à  166.  Les  premiers  de  ces  articles  n'ont  pas  même 
besoin  d'être  lus  ;  je  vais  en  présenter  une  analyse. 

Dans  i'art.  141  on  suppose  qu'il' n*y  a  dans  la  commune  qu'un  juge  de  paix; 
dans  ce  cas,  lui  seul  fait  le  service  de  ce  tribunal  de  police,  et  il  a  pour  gref- 
fier son  greffier  ordinaire. 

Que  si,  au  contraire,  vous  supposez  avec  Tart.  142  une  grande  ville  dans 
laquelle  il  existe,  malgré  l*unité  de  commune,  plusieurs  juges  de  paix,  le  ser- 
vice du  tribunal  de  police  sera  fait  alternativement  par  chacun  d'eux,  en  com- 
mençant par  le  plus  ancien.  Dans  ce  cas,  les  juges  de  paix  tiendront  successi- 
vement des  seesiontf  qui  ont  été  déclarées  devoir  être  trimestrielles,  art.  13  de 
la  loi  du  28  floréal  an  X. 


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604     TRENTB-TROISIÈIOE  UEÇON.  -^  I»S  TAIBUNAUX  DE  POUGE^  (N*  667). 

Seulement,  dans  ce  dernier  cas,  voas  sentes  que  chaque  juge  de  paix  sié» 
géant  successivement,  il  Caut  au  tribunal  de  police  un  greffier  spécial  et  par- 
ticulier ;  on  ne  pourrait  pas  sans  inconvénient  faire  passer  de  trois  mois  en 
trois  mois,  dans  les  mains  du  greffier  du  juge  de  paix  qui  vient  prendre  le  ser- 
vice, on  ne  pourrait  pas  faire  passer  sans  cesse  de  mains  eu  mains  le  dépét 
des  archives  du  tribunal  de  police  municipale  ;  il  serait  impossible  de  dresser 
un  état  complet  de  la  remise  des  minutes.  Ainsi,  lorsqu'il  y  aura  plusieurs 
juges  de  paix  dans  la  môme  commune,  il  faudra  un  greffier  spécial  pour  le 
tribunal  de  police,  greffier  dans  les  mains  daquel  restera  concentrée  la  sur* 
veillance  des  minutes  du  tribunal  ;  loi  du  30  fructidor  an  X,  art.  1  et  4. 

Si  môme,  à  raison  de  l'importance  de  la  localité,  c'est  ce  qui  a  lieu  par 
exemple  à  Paris,  le  gouvernement  jugeait  à  propos  d'établir  deux  sections  pour 
la  police,  d'établir  non  pas  deux  tribunaux,  mais,  si  vous  voulez,  deux  cham- 
bres dans  le  tribunal  de  police,  il  faudrait  alors  nommer  à  ce  greffier  spécial 
un  adjoint  qui  ferait  le  service  dans  la  chambre  dans  laquelle  le  greffier  ne 
peut  pas  le  faire,  art.  143. 

666.  Les  tribunaux  de  police,  de  môme  que  les  tribunaux  d'une  importance 
plus  haute,  ne  statuent  jamais  d'office.  G^est  un  principe  général,  dans  nos  ju- 
ridictions pénales  comme  dans  les  matières  civiles,  que  les  juges  n'oat  pas 
qualité  pour  se  saisir  eux-mêmes  des  faits  punissables.  Ici  donc,  comme  dana 
les  tribunaux  criminels  proprement  dits  ou  dans  les  tribunaux  correctionnels^ 
il  faut  un  ministère  public.  Les  fonctions  du  ministère  public  sont  remplies 
par  le  commissaire  de  police  de  la  commune,  et,  s'il  y  en  a  plusieurs,  par  Vun 
d'eux  désigné  à  cet  effet  par  le  procureur  général  du  ressort.  Que  s'il  n'y  a  pas 
de  commissaire  de  police,  ces  fonctions  sont  remplies  par  le  maire  ou  son  ad- 
joint, art.  144. 

667.  L'art.  145  est  un  peu  plus  remarquable  ;  il  est  la  conséquence  de  ce 
principe  que  j'énonçais  tout  à  l'heure  que  les  tribunaux  de  police  n'ont  pas  qua- 
lité pour  aller  eux-mêmes  auprès  des  coupables  se  saisir  d'office  de  la  connais- 
sance des  contraventions.  Ils  ne  peuvent  être  saisis  qu'à  la  requête  d'une  partie 
poursuivante;  mais  cette  partie  peut  ôtre,  indifféremment,  soit  le  ministère 
public,  soit  la  partie  lésée  par  la  contravention,  art.  135,  §  1.  Vous  retrouverez 
la  môme  idée  dans  une  matière  plus  importante,  pour  les  tribunaux  de  police 
correctionnelle,  art.  182.  Vous  verrez  que  quoique  en  principe  les  peines,  si 
légères  qu'elles  soient,  ne  puissent  ôtre  appliquées  chez  nous  qu'à  la  poursuite 
du  ministère  public,  cependant  les  tribunaux  de  police  simple  et  môme  les 
tribunaux  de  police  correctionnelle  peuvent  ôtre  saisis  de  la  connaissance^  de 
Fexamen  d'une  contravention  ou  d'un  délit,  ncm-seulement  à  la  requête  éa 
ministère  public,  mais  môme  à  la  requête  de  la  partie  lésée.  Gela  n'empêche 
pas  que,  pour  appliquer  la  peine,  les  conclusions  du  ministère  public  soient 
nécessaires  dans  raffaire.  Mais  toujours  est-il  que  le  tribunal  n*est  pas  néces- 
sairement saisi  à  la  requôte  du  ministère  public  ;  il  pourra  Tôtre,  dans  Tun  et 
l'autre  cas,  par  une  citation  donnée  à  la  requôte  de  la  partie  lésée,  sauf  au  mi* 
nistère  public  à  intervenir  dans  l'instruction  pour  donner  ses  condusions  qaant 
à  rapplication  de  la  peine. 


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GOMPÉTBNGll  DBS  TRIBUNAUX  DB. POLICE  (aRT.    145).  605 

Ge  principe  est  commun,  voua  al*jfi  dit»  aux  matières  de  simple  police  et 
aux  matières  plus  graves  de  la  police  porrectionnelie.  J'ai  cité  à  cet  égard,  et 
nous  le  verrons  plus  tard,  Tart.  182.  Nous  aurons  souvent  è  faire  cette  assi*^ 
milation  entre  ces  deux  espèces  de  procédures  ;•  et,  en  général,  il  eat  bon  de* 
vous  avertir^  ne  fût->ce  que  pour  soutenir  votre  attention,  (jue,  si  je  m'attache 
avec  quelque  dâtail  aux  règles  de  procédure  des  triLunaux  de  simple  police, 
c'est  que  ces  règles  de  procédure  seront  presque  tontes  déclarées  communes  - 
aux  tribunaux  de  police  correctionnelle.  Ainsi  l'intérêt  des  formes  souvent 
minutieuses,  détaillées  dans  les  articles  de  ce  titre  pour  les  affaires  minimes 
dont  connaissent  les  juges  de  paix,  cet  intérêt  s'aggrave  et  s'agrandit  quand 
on  songe  que  ces  mêmes  formes  sont  suivies,  pour^la  plupart»  dans  les  affaires 
plus  j^érieuses  dont  connaissent  les  tribunaux  de  police  correctionnelle,  affaires 
dont  la  gravité  peut  aller,  vous  le  savez,  jusqu'à  cinq  ans  d'emprisonnement, 
et  même  en  cas  de  récidive,  jusqu'à  dix  ans. 

Quant  au  paragraphe  1  de  l'art.  145,  et  au  principe  qu'il  présente  pour  les 
deux  ordres  de  tribunaux,  il  est  bon  de  remarquer  que  ce  principe*  est  horné, 
soit  aux  tribunaux  de  simple  police,  soit  aux  tribunaux  de.police  correction- 
nelle. Quand,  au  contraire,  il  s'agira  de  matières  criminelle»  proprement  dites, 
des  cours  d'assises^  vous  verrez  que,  pour  appliquer  une  peine  criminelle,  non- 
seulement  les  conclusions  du  ministère  public  sont  nécessaires,  mais  que  le 
tribunal  criminel,  que  la  cour  d'assises  ne  peut  jamais  être  saisie  du  droit 
d'examiner  l'affaire'  à  la  requête  de  la  partie  lésée*  La  cour  d'assises  n'est 
jamais  saisie  qu'à  la  poursuite,  qu'à  la  requête  du  ministère  public,  c'est-à- 
dire  par  l'acte  d'accusation  dressé  par  le  procureur  général,  en  vertu  de  l'arrêt 
de  mise  en  accusation  déjà  rendu  par  la  cour. 

Ainsi  Tart.  145  est  commun  à  tous  les  tribunaux  de  police;  il  est,  au  con- 
traire, inapplicable  aux  matières  criminelles  proprement  dites. 

668.  U  y  a  dans  les  derniers  mots  de  l'art.  145  une  rédaction  qui  peut  sur- 
prendre :  la  loi  semble  se  contenter,  pour  qu'une  personne  soit  valablement 
citée  devant  un  tribunal  de  police,  d  une  notiGcation  faite  au  choix  du  pour- 
suivant, soit  au  prévenu,  à  l'auteur  du  fait,  soit,  si  on  le  préfère,  à  la  per- 
sonne civilement  responsable  de  ce  fait.  Les  cas  de  responsabilité  civile  sont 
indiqués  au  Gode  civil,  à  propos  des  quasi-délits.  Mais  est-ce  en  ce  sens  qu'il 
faut  vraiment  entendre  l'article  ?  Si,  par  exemple,  il  s'agit  d'une  contraven- 
tion commise  par  un  fils  ou  par  un  domestique,  et  dont  le  père  ou  le  maître 
puisse  être  déclaré  responsable,  art.  1384,  suffira-t-il,  dans  ce  cas,  pour 
saisir  le  tribunal  de  police  relativement  à  l'un  et  à  l'autre,  de  citer  non  pas 
tous  les  deux,  mais  simplement  l'un  des  deux  ?  D'après  la  disposition  de  notre 
paragraphe,  on  serait  porté  à  le  penser.  Cependant  un  tel  résultat  n'est  pas 
raisonnable  ;  on  ne  conçoit  pas  qu'une  partie  puisse  être  condamnée  comme 
civilement  responsable  du  fait  d'une  autre  personne,  quand  cette  autre  per- 
sonne a  seulement  été  citée,  et  que  la  partie  prétendue  responsable  ne  l'a  pas 
été.  Il  serait  encore  plus  bizarre  de  condamner  le  domestique  ou  le  fils  mineur 
comme  personnellement  auteur  du  fait,  si  Ton  s'était  borné  à  citer,  soit  le 
maitre,  soit  le  père,  pour  l'actionner  en  dommages-intérêts.  U  faut  ajouter 
que,  dans  l'art.  182,  pour  la  police  correctionnelle,  la  loi  se  sert  d'une  rédao- 

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606     TRBNTB-TROraiillB  LBQON.  »    DBS  TRIBUNAUX  DB  POLIGB  (n*  669). 

tion  fort  différente,  sans  qu'on  puisse  trouver  de  motif  raisonnable  de  cette 
différence.  Elle  vous  dit  que  le  tribunal  de  police  correctionnelle  sera  saisi, 
i  soit  par  la  citation  donnée  directement  au  prévenu  et  aux  personnes  civile- 
ment responsables  du  délit.  •  Je  penserais  donc  qu'ici  la  rédaction  de  l'ar- 
ticle 183,  c'est-à-dire  l'obligation  de  donner  cumulativement  citation  devant 
le  tribunal,  soit  au  prévenu  lui-même,  soit  à  la  personne  civilement  respon- 
sable de  ces  faits^  doit  également  s'appliquer,  et  dans  les  tribunaux  de  simple 
police,  et  dans  les  tribunaux  de  police  correctionnelle. 

Que  si  cependant  nous  voulons  absolument  donner  un  sens  à  notre  article, 
si  nous  voulons  observer,  au  moins  dans  certains  cas,  la  disjonctive  dont 
l'insertion  nous  embarrasse,  nous  dirons  qu'il  y  a  des  cas  où  la  citation  ne 
pourra  pas  être  donnée  à  l'un  et  à  l'autre,  que  la  citation  ne  sera  donnée  qu'à 
la  personne  responsable  civilement,  et  non  pas  à  l'auteur  du  fiiit.  Supposez, 
par  exemple,  un  dégât  commis  par  un  enfant  de  sept  à  huit  ans,  qui  est  l'au- 
teur matériel  de  la  contravention  ;  on  se  bornera  à  citer  son  père,  son  tuteur, 
son  instituteur,  non  pas  comme  prévenu,  comme  auteur  du  fait,  mais  comme 
civilement  responsable  du  fait  de  cet  enfant.  Je  comprends  alors  que,  quand  il 
y  aura  impossibilité  d'appeler  le  prévenu,  lorsqu'il  n'y  aura  pas  moyen  de  le 
condamner,  ou,  pour  mieux  dire,  que  l'auteur  du  fait  sera  dans  un  âge  tel 
qu'il  n'y  aura  pas  moyen  d'y  voir  un  prévenu,  on  se  bornera  à  citer  devant 
le  tribunal  la  personne  civilement  responsable.  C'est  à  ce  cas,  mais  unique* 
ment  à  ce  cas,  que  s'applique  la  disjonctive  de  l'article  ;  dans  tous  les  autres, 
je  ne  verrais  pas  moyen  de  condamner  deux  personnes,  dont  Tune  seule  aurait 
été  citée  en  vertu  de  cet  article,  ou  de  considérer  les  deux  personnes  comme 
suffisamment  averties  par  la  citation  donnée  à  l'une  d'elles  seulement. 

669.  Passons  aux  articles  suivants. 

Les  citations  sont  données  par  le  ministère  public  ou  par  la  partie  qui 
réclame  des  dommages-intérôu  ;  mais  à  quel  délai  î  L'art  146  répondra  à 
cette  question. 

«  Art.  1 46.  La  citation  ne  pourra  être  donnée  à  un  délai  moindre  que  vingt- 
quatre  heures,  outre  un  jour  par  trois  myriamètres,  à  peine  de  nullité  tant  de  la 
citation  que  du  jugement  qui  serait  rendu  par  défaut.  Néanmoins  cette  nullité  ne 
pourra  être  proposée  qu'à  la  première  audience,  avant  toute  exception  et  défense. 
—  Dans  tous  les  cas  urgents,  les  délais  pourront  être  abrégés,  et  les  parties  citées 
à  comparaître  même  dans  le  jour,  et  à  heure  indiquée,  en  vertu  d'une  cédule  dé 
livrée  par  le  juge  de  paix.  » 

La  sanction,  c'est  la  nullité,  nullité  proposée  à  La  première  audience,  des 
mots,  à  la  premUre  audience,  sont  un  peu  équivoques,  ils  peuvent  s'entendn 
en  deux  sens.  A  la  première  audience,  c'est-à-dire  que  la  personne  citée  à  un 
délai  moindre  que  le  délai  légal  de  l'art.  146,  peut,  en  comparaissant,  opposer 
immédiatement  la  nullité  de  la  citation  ;  ou  bien,  et  surtout  en  ce  sens  que  si 
la  personne  citée  à  un  délai  moindre  que  vingt-quatre  heures  n'a  pas  compam, 
et  a,  en  conséquence,  été  condamnée  par  défaut,  elle  pourra,  à  la  première 
audience  qui  suivra  son  opposition,  invoquer  la  nullité  du  jugement  par  défaut 
rendu  contre  elle. 


0 

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GOMPÉTBNGB  DBS  TRIBUNAUX  DB  POLIGB  (aRT.    153).  607 

670.  L'art.  147  permet  de  saisir  Je  tribunal  nonnseulement  par  unecitation, 
comme  Ta  supposé  l'art.  145,  mais  môme  par  un  simple  avertissement. 

Mais  remarquez  que,  si  un  simple  avertissement  a  été  donné  à  la  requête 
d'une  partie  et  par  le  juge  de  paix,  cet  avertissement  ne  tient  pas  lieu  de  cita- 
tion dans  tous  les  cas.  Si  la  partie  avertie  comparaît,  certainement  on  procé- 
dera comme  s'il  y  avait  eu  citation;  mais  si  la  partie  ne  comparaît  pas,  il  serait 
impossible  de  la  condamner  par  défaut,  comme  dans  l'art.  149;  si  cette  partie 
ne  comparaît  pas,  il  faudra  lui  donner  une  citation  régulière. 

671.  Le  jugement  par  défaut  est  ici,  comme  en  matière  civile,  susceptible 
d'opposition;  les  art.  150  et  151  détenninent  les  délais  et  les  formes  de  cette 
opposition.  La  forme  est  double  :  ce  peut  être,  soit  une  déclaration  au  bas  de 
l'acte  de  signification  du  jugement,  soit  un  acte  signifié  dans  les  trois  jours  de 
cette  notification,  outre  un  jour  par  trois  myriamètres.  L'opposition  entraîne 
par  elle-même  citation  tacite.  Ainsi,  par  cela  même  que  la  partie  défaillante 
déclare  s'opposer  à  l'exécution  du  jugement  par  défaut,  elle  cite  par  cela  seul 
son' adversaire  à  comparaître  à  la  première  audience 

Que  si  la  partie  n*a  pas  formé  opposition  dans  les  trois  jours,  ou  si,  sur  l'op* 
position  formée  par  elle,  elle  n'a  pas  comparu  à  la  pins  prochaine  audience, 
le  jugement  par  défaut  n'est  plus  attaquiJ[)le  par  la  voie  d'opposition,  sauf 
rappel,  d'après  Fart.  172,  s'il  y  a  lieu,  et  le  pourvoi  en  cassation,  aux  termes 
de  l'art.  407. 

678.  L'art.  152  consacre,  en  matière  de  police,  une  faculté  qui  n'appartient 
au  prévenu  que  sous  certaines  distinctions  en  matière  correctionnelle,  c'est 
celle  de  se  faire  représenter  par  un  fondé  de  procuration.  Le  Gode  n'a  pas 
reproduit  les  dispositions  peu  raisonnables  des  lois  antérieures  qui  défen- 
daient de  se  faire  représenter  en  simple  police  par  un  homme  de  loi. 

673.  «  ART.  153.  L'instruction  de  chaque  afîaire  sera  publique,  à  peine  de  nul- 
lité. —  Elle  se  fera  dans  Tordre  suivant  ;  —  Les  procès-verbaux,  s'il  y  en  a, 
seront  lus  par  le  greffier;  —  Les  témoins,  s*il  en  a  été  appelé  par  le  ministère 
public  ou  par  la  partie  civile,  seront  entendus,  s*il  y  a  lieu  ;  la  partie  civile  prendra 
ses  conclusions  ;  —  La  personne  citée  proposera  sa  défense,  et  fera  entendre  ses 
témoins,  si  elle  en  a  amené  ou  fait  citer,  et  si,  aux  termes  de  l'article  suivant,  elle 
est  recevable  à  les  produire  ;  —  Le  ministère  public  résumera  Taffaire  et  donnera 
ses  conclusions  ;  la  partie  citée  pourra  proposer  ses  ebservations.  —  Le  tribunal 
de  police  prononcera  le  jugement  dans  l'audience  où  l'instruction  aura  été  ter- 
minée, et  au  plus  tard,  dans  l'audience  suivante.  » 

Les  procès-verbaux,  s'il  y  en  a,  seront  lus  par  le  greffier.  Ce  premier  point  est 
fort  important  ;  il  se  rattache  à  la  distinction  de  deux  classes  de  procès-ver- 
baux que  nous  allons  voir  dans  l'art.  154. 

S'il  n*a  pas  été  dressé  de  procès-verbaux,  le  greffier  devra  lire,  à  la  place, 
la  citation  destinée  à  informer  le  tribunal  de  police  des  faits  de  la  prévention. 

Les  témoins,  s*il  en  a  été  appelé  par  le  ministère  public  ou  par  la  partie  civile, 
seront  eritendus,  s'il  y  a  lied  ;  la  partie  civile  prendra  ses  conclusions.  Ceci  se 
réfère  encore  à  la  distinction  de  Fart.  154,  qui,  dans  certains  cas,  rend  abso- 
lument inutile  Taudition  des  témoins  en  réputant  la  contravention  sufQsam* 

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608     TRENTB-TROI^ÈMB  LBÇON.  —  DBS  THIBUNAUZ  Dit  FOUGB  (n*  674). 

ment  prouvée  par  Tezistence  môsie  d'un  procès -verbal.  Noua  verrons  ceci 
dans  un  instant. 

Vient  ensuite  la  défense  de  la  personne  citée  ;  puis  les  condusions  du  minis- 
tère public  ;  et  enfin  faculté  pour  le  prévenu  de  prendre  la  parole  le  dernier, 
et  de  proposer  ses  observations  même  après  les  conclusions  du  ministère 
public. 

Vous  voyez  qu'ici  il  y  a  une  différence  notable  entre  la  procédure  civile  et 
la  procédure  pénale.  £n  principe,  dans  les  matières  civiles,  aucune  des  parties 
n'est  recevable  à  parler  après  les  conclusions  du  ministère  public.  Au  con- 
traire, dans  les  matières  de  simple  police,  et  à  plus  forte  raison  dans  celles  de 
police  Gorreciionnelle  et  de  cours  d'assises,  le  prévenu  et  l'accusé  ont  essen- 
tiellement, et  dans  tous  les  cas,  le  droit  de  parler  les  derniers. 

La  fin  de  l'article  n'a  pas  besoin  d'explication. 

674.  L'art.  i54  présente  plus  d'intérêt,  il  se  rattache  aux  deux  paragraphes 
sur  lesquels  je  me  suis  arrêté  dans  l'art.  153. 

tt  ART.  154.  Les  contraventions  seront  prouvées  soit  par  prooès-verbaux  ou  rap- 
ports, soit  par  témoins,  &  défaut  de  rapports  et  procôs-verbaux,  ou  &  leur  appui. 
—  Nul  ne  sera  admis,  à  peine  de  nullité,  à  faire  preuve  par  témoins  outre  ou  contre 
le  contenu  aux  procès-verbaux  ou  rapports  des  ofQciers  de  police  ayant  reçu  de  la 
loi  le  pouvoir  de  constater  les  délits  ou  les  contraventions  jusqu'à  inscription  de 
faux.  Quant  aux  procès-verbaux  et  rapports  faits  par  des  agents,  préposés  ou 
oflQciers  auxquels  la  loi  n*a  pas  accordé  le  droit  d'en  être  crus  jusqu'à  inscription 
de  foux,  ils  pourront  être  débattus  par  des  preuves  contraires,  soit  écrites,  soit 
testimoniales,  si  le  tribunal  juge  à  propos  de  les  admettre.  » 

U  résulte  de  ce  texte  que  dans  tous  les  cas  et  quelle  que  soit  la  nature  de  la 
contravention,  elle  est  susceptible  d*étre  prouvée,  même  en  l'absence  de 
témoins,  par  Texistence  d'un  procès-verbal  conforme  aux  conditions  de  la  lot. 
Il  paraîtrait  en  résulter  également  qu'en  l'absence  de  procès-verbul,  la  preuve 
testimoniale  suffit  toujours  pour  établir  Texistence  d'une  contravention.  En 
général  ce  dernier  point  est  vrai  ;  en  général  la  rédaction  d'un  procès-verbal 
n'est  pas  une  condition  nécessaire,  soit  à  la  poursuite,  soit  à  la  preuve  d'une 
contravention  de  police.  Cependant  quelques  exceptions  paraissent  admises 
dans  l'usage^  à  raison  de  certaines  contraventions  spéciales,  dont  la  loi  a  for- 
mellement exigé  la  preuve  par  la  voie  de  procès-verbaux.  Telles  sont,  par 
exemple,  les  contraventions  commises  dans  les  matières  de  douane  et  de  per- 
ception de  contributions  indirectes,  et  quelques  autres  de  même  nature.  Mais, 
à  part  quelques  exceptions  déterminées  par  les  lois  spéciales^  la  preuve  testi- 
moniale, même  en  l'absence  de  tout  procès- verbal,  est  un  moyen  suffisant  pour 
établir  les  contraventions.  Concentrons-nous  dans  une  partie  plus  importante 
de  cet  article,  c'est-à-dire  dans  la  puissance  des  procès-verbaux  comme 
moyen  de  preuve. 

Remarquez  d'abord  qu'à  cette  distinction  s'applique  une  observation  précé- 
demment faite,  c'est  que  l'art.  154,  relatif  à  la  preuve  des  contraventions,  s'ap- 
plique également  à  la  preuve  des  délits.  L'art,  189,  que  nous  verrons  plue 
tard,  déclare  que  la  preuve  des  délits,  devant  les  tribunaux  correctionnels,  se 

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PROGÉDURB  DEVANT  LES  TRIBUNAUX  DB  POLICE  (aRT.  154).    609 

fera  de  la  manière  prescrite  aux  art.  154, 155  et  156.  C'est  vraiment  Taxt.  .189 
qui  donne  de  rintôrét  à  Fexamen  de  Tart.  154. 

L'art.  154  divise  en  deux  grandes  classes  les  procès- verbaux  ou  les  rapporta 
qui  peuvent  être  produits  devant  un  tribunal  de  police.  Ces  procès-verbaux  ou 
rapports  sont  des  écrits,  des  relations,  des  déclarations  rédigées,  dans  certaines 
formes,  par  des  officiers,  des  agents,  des  préposés  auxquels  la  loi  a  spéciale* 
ment  accordé  cette  qualité.  Ces  procès- verbaux  se  divisent  en  deux  classes, 
et  déjà  nous  avons  indiqué  cette  division  en  ce  qui  touche  les  officiers  de  police 
judiciaire. 

Il  y  a  d'abord  certains  officiers  aux  procès-verbaux  desquels  la  lo  a  donné  le 
privilège  de  faire  foi  en  justice  jusqu'à  inscription  de  faux.  G'estrà-dire  que 
non-seulement  la  partie  publique  ou  privée  qui  se  présente  appuyée  d*un 
procès-verbal  de  cette  nature  est  dispensée  de  toute  09pèce  de  preuve,  mais 
c'est  que,  de  plus,  le  prévenu  n'est  pas  admis  à  établir  la  fausseté,  Tinexacti* 
tude  de  ce  procès* veiri)al,  soit  par  la  preuve  testimoniale,  soit  même  par  des 
preuves  écrites.  Un  tribunal  de  police  devant  lequel  est  produit  un  .procès- 
verbal  de  nature  à  faire  foi  jusqu'à  inscription  de  faux  ne  doit  pas  recevoir  la 
preuve  contraire  proposée  par  le  prévenu,  sauf  à  celui-ci  à.  entrer  dans  OQtte 
procédure  difficile  et  chanceuse  écrite  dans  les  art.  314  et  suivants  .du  Cîode 
de  procédure.  A  part  cette  voie,  dont  l'emploi  suspendra  l'instruction  devant 
le  tribunal  de  police,  le  prévenu  n'est  pas  admis  à  débattre  la.  vérité  de  ce 
procès-verbal. 

J'ai  déjà  indiqué  quelques-uns  de  ces  agents  auxquels  appartenait  le  privi- 
lège d'imprimer  la  foi  à  leurs  procès- verbaux  jusqu'à  inscription  de  faux.  J'ai 
désigné  notamment  les  gardes  forestiers,  voua  pouvez  y  ajonter  les  agents  des 
douanes,  loi  du  9  floréal  an  VII,  art.  12  ;  et  de  môme  les  préposés  pour  la 
perception  des  contributions  indirectes,  décret  du  l***"  germinal  an  XUI,  ar- 
ticle 26. 

Ainsi,  gardes  forestiers,  agents  des  douanes,  agents  de  l'administration  des 
contributions  indirectes  peuvent,  dans  les  cas  et  dans  les  formes  déterminés 
par  la  loi,  rédiger  des  procès-verbaux  dont  la  vérité  ne  peut  être  combattue, 
que  par  la  voie  de  l'inscription  de  faux. 

La  plupart  des  procèe-verbaux  ou  rapports  rédigés  par  les  autres  officiers 
ne  jouissent  pas,  à  beaucoup  près,  de  la  môme  faveur.  Ainsi  les  procès- ver- 
baux ou  rapports  d'un  garde  champêtre,  d'un  gendarme  ou  môme  d'un  officier 
de  gendarmerie,  d'un  officier  de  police  judiciaire,  n'ont  pas  reçu  de  la  loi  le 
privilège  de  faire  foi  jusqu'à  inscription  de  faux. 

Quelle  est,  en  fait,  et  lorsqu'ils  sont  produits  devant  un  tribunal  de  police, 
l'autorité  de  ces  derniers  procès- verbaux?  L'art.  154  laisse  à  cet  égard  une 
immense  latitude  au  tribunal  ;  et  il  serait  faux  de  dire  que  ces  procès- ver- 
baux, ne  faisant  pas  foi  jusqu'à  inscription  de  faux,  feraient  cependant  foi, 
dans  tous  les  cas,  jusqu'à  preuve  contraire.  Il  serait  faux  de  dire  que  la  partie 
publique  ou  privée,  produisant  contre  le  prévenu  le  procès- verbal  d'un  gen- 
darme, d'un  garde  champêtre,  d'un  officier  de  gendarmerie,  produit  une  pre^ive 
qui  ne  peut  être  combattue  que  par  une  preuve  opposée.  La  loi  laisse  unie 
latitude  très-grande  aux  tribunaux  de  police.  C'est-à-dire  qu'ils  pourront,  à 
leur  gré,  faire  de  ce  procès-verbal  une  preuve  complète  contre  laquelle  aucune 
I.  39 

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610      TRENTE-QUATRIÈME  LEÇON.   —   DBS  TRIBUNAUX  DE  POUCS  (n*  675). 

preuve  ne  serait  admise  ;  ou  bien  admettre  le  prévenu  à  débattre,  soit  par 
écrite  soit  par  témoins,  la  vérité  de  ce  procès- verbal  ;  ou  bien,  enfin,  mettre 
le  prévenu  dans  une  position  plus  favorable  encore  et  exiger,  à  l'appui  de  ce 
procès-verbal,  des  preuves  testimoniales  de  la  part  de  celui  qui  le  produit. 

Âinsi^  relativement  aux  procès-verbaux  qui  ne  font  pas  foi  jusqu'à  inscrip- 
tion de  faux,  il  est  vrai  de  dire  que  la  loi  n'en  a  nullement  déterminé  le  carac- 
tère et  rautorité.  Les  trois  points,  les  trois  distinctions  que  je  viens  d'indi- 
quer, la  triple  alternative  que  la  loi  laisse  aux  tribunaux  de  police  résultent  de 
quelques  termes  de  l'art.  154.  Ainsi  on  vous  a  dit  :  Les  contraiferUions  seront 
prouvées,  soit  par  procès-verbaux  ou  rapports^  soU  par  témoinSy  à  défaut  de  rap- 
ports et  procès-verbaux,  on  a  leur  appui.  Donc  un  tribunal  peut  regarder  la 
contravention  comme  prouvée,  par  cela  seul  qu'un  procès-verbal  ou  rapport 
est  produit  devant  lui.  Il  peut  aussi,  d'après  les  derniers  mots  de  ce  même 
paragraphe,  ou  a  leur  appui,  exiger  que  la  partie  qui  produit  le  procès-verbal 
le  corrobore  par  la  preuve  testimoniale  ;  il  peut  encore,  et  cela  résulte  des  der- 
niers mots  de  l'article,  considérant  le  procès-verbal  comme  prouvant  le  fait 
quant  à  présent,  autoriser  pourtant  la  preuve  contraire. 

Ainsi  retenez  bien  ces  deux  distinctions,  dont  l'une  renferme  une  subdivi- 
sion importante,  distinctions  que  je  vous  recommande  parce  qu'elles  s'appli- 
quent même  aux  matières  de  police  correctionnelle. 

Les  procès-verbaux  ou  rapports  font  foi  jusqu'à  l'inscription  de  faux,  c'est- 
à-dire  n'admettent  aucun  débat,  aucune  preuve  contraire  devant  le  tribunal, 
et  cela  dans  les  cas  spéciaux  où  la  loi  a  accordé  à  tel  préposé,  à  tel  agent,  à 
tel  officier  le  droit  d'être  cru  jusqu'à  inscription  de  faux.  J'ai  indiqué  à  cet 

OKam  loft--pirlIlOlp€liM[  pOlllvOa — ■"      —  -  -  - 

A  l'égard  des  autres  agents  auxquels  la  loi  commande  ou  permet  de  dresser 
des  procès-verbaux,  l'autorité  de  ces  procès-verbaux  dépend  tout  entière  de 
l'arbitraire  du  tribunal,  qui  peut  à  son  gré  considérer  la  contravention  comme 
prouvée  par  le  rapport  du  préposé,. et  refuser  même  au  prévenu  le  droit  de 
débattre  la  véracité  du  rapport.  Ceci  résulte  des  derniers  mots  de  l'article 
d'après  lesquels  ces  rapports  peuvent  être  débattus  par  écrit  ou  par  témoins, 
si  le  tribunalj  dit  la  loi,  juge  à  propos  de  les  admettre  ;  donc  il  peut  les  refuser. 

De  même  qu'il  peut  les  refuser,  il  peut,  en  considérant  le  fait  comme  prouvé 
par  le  rapport,  admettre  la  preuve  contraire.  C'est  ce  qui  résulte  des  mêmes 
mots. 

Enfin  le  tribunal  peut  faire  encore  plus  pour  le  prévenu  et  exiger  des  té- 
moins à  l'appui  du  procès-verbal,  aux  termes  des  derniers  mots  du  §  i^^  du 
même  article. 

TRENTE-QUATRIÈME   LEÇON. 

676.  Nous  devons  continuer  et  terminer  aujourd'hui  l'explication  des  arti- 
cles qui  règlent  l'instrucUon  des  tribunaux  de  simple  police.  Arrivons  donc 
aux  art.  155  et  suivants,  relatifs  à  la  preuve  testimoniale;  il  y  a  très-peu 
d'observations  à  cet  égard;  l'extrême  simplicité  de  ces  dispositions,  le  peu 
d'importance  pratique  de  ces  matières,  nous  permettent  de  les  passer  rapide- 
ment en  revue. 


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PROCÉDURB  DEVANT  LES  TRIBUNAUX  DE  POLICE  (aRT.  156).    611 

J'ai  déjà  dit,  sur  Part.  i54,  que  les  règles  assez  importantes  tracées  par  cet 
article  sur  Tautorité  des  procès-verbauz  étaient  également  applicables  aux 
matières  correctionnelles.  Nous  avons  occasion,  en  rappelant  ce  principe  dans 
les  matières  correctionnelles,  non  pas  de  l'expliquer  de  nouveau,  mais  d*en 
apprécier  la  justesse  et  le  mérite  ;  quant  au  sens  môme  du  texte,  il  n'est  pas 
contesté. 

676.  Les  art.  155  à  158  sont  relatifs  à  la  preuve  testimoniale  et  aux  formes 
dans  lesquelles  cette  preuve  doit  se  présenter,  lorsque  le  tribunal  juge  à  propos 
de  Fadmettre,  conformément  à  Part.  154. 

Les  témoins  sont  appelés  en  cette  matière,  comme  dans  les  matières  civiles, 
par  une  citation.  8ous  ce  rapport,  Finstruction  de  police  devant  le  juge  de 
paix  diffère  de  Pinstniction  de  police  qui  avait  lieu  devant  le  maire  ;  nous  le 
verrons  sur  Part,  i  70. 

Les  témoins  appelés  prêtent,  à  peine  de  nullité,  un  serment  dont  Part.  155 
a  déterminé  les  formes.  Cette  prestation  de  serment  doit  d'ailleurs  être  consta- 
tée, soit  dans  le  texte  du  jugement,  soit  au  moins  dans  les  notes  prises  à 
Paudience  par  le  greffier  et  qui  constituent  le  plumitif  de  Paudience.  Encore 
bien  que  la  loi  n'attache  pas  à  l'inobservation  de  cette  mention  la  peine  de 
nullité,  il  semble  cependant  que  la  nullité  doive  en  être  la  conséquence.  En 
effet,  dès  que  Pomission  du  serment  entraîne  la  peine  de  nullité,  aux  termes 
de  Part.  155,  il  s'ensuit  que  la  prestation  de  ce  serment,  étant  une  formalité 
capitale  et  irritante,  doit  être  constatée  soit  dans  le  procès-verbal  de  l'au- 
dience, soit  au  moins  dans  le  texte  du  jugement  qui  vient  terminer  la  contes- 
tation. 

677.  L'art.  156  vous  indique  quels  sont  les  témoins  dont  Paudition  est 
prohibée;  ce  sont  certains  parents  du  prévenu.  Cet  article  est  important  parce 
qu'il  est  général  et  s'applique,  non-seulement  aux  matières,  de  simple  police, 
mais  aussi  aux  matières  de  police  correctionnelle.  Vous  verrez  à  cet  égard 
Part.  189  qui  renvoie  au  texte  de  Part.  156.  il  faut  même  ajouter  que  les  dis- 
positions de  Part.  156  sont  également  communes  aux  matières  criminelles 
proprement  dites;  c'est-à-dire,  que  les  mêmes  personnes  dont  Part.  156  re- 
pousse le  témoignage  dans  les  matières  de  police  sont  également  inadmissi- 
bles à  témoigner  devant  les  cours  d*assises  dans  les  matières  criminelles.  Sous 
ce  rapport.  Part.  322  reproduit  à  peu  près  littéralement,  sauf  quelques  addi- 
tions légères,  le  texte  tout  entier  de  Part.  156. 

Vous  remarquerez  dans  cet  article,  trop  clair  pour  que  j'aie  besoin  d'en 
donner  lecture,  que  la  loi  déclare  inadmissibles  à  témoigner  les  parents  du 
prévenu  aux  degrés  déterminés.  Il  semblerait  naturel,  par  une  analogie  qui 
paraît  fort  simple,  d'établir  la  même  prohibition,  la  même  inadmissibilité  i 
Pégard  des  parents  de  la  partie  civile.  De  même  que  la  nécessité  de  s'assurer  de 
Pimpartialité  des  témoins  fait  exclure  de  la  cause  les  parents  du  prévenu  aux 
degrés  déterminés;  de  même,  à  ce  qu'il  semble,  on  devrait  ici,  comme  on  le 
lait  dans  les  matières  civiles,  exclure  ou  déclarer  reprochables  les  parents  de 
la  partie  civile  aux  degrés  déterminés.  Cependant  Part.  156,  et  par  consé- 

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612      TRBNTE-QUATRIÈME  LBÇON.  —  DE8  TRIBUNAUX  DE  POLICE    (n«  678). 

qnent  art.  189,  qui  se  borne  à  le  répeter,  ne  contiennent  point  cette  exdu- 
sion.  De  môme,  dans  les  matières  infiniment  plus  graves,  dans  les  procédures 
qui  s'instruisent  devant  les  cours  d'assises,  Tart.  322  n'interdit  pas  le  témoi'* 
gnage  aux  parents  de  la  partie  civile,  quelque  rapprochés  quUls  soient  en 
degré.  Gela  s'explique  assez  aisément  :  c'est  que  dans  les  matières  pénales, 
quelque  légères  ou  quelque  graves  qu'elles  soient,  la  partie  civile  ne  joue 
qu'un  rôle  secondaire,  n*a  qu'une  importance  secondaire  à  celle  du  minis- 
tère public.  Dans  les  matières  pénales,  la  grande  question,  le  point  capital 
ce  n'est  pas  la  question  d'indemnité,  la  question  pécuniaire  qui  sera  pour  la 
partie  civile  la  conséquence  de  la  condamnation,  c'est  l'intérêt  social,  c'est 
l'action  publique,  c'est,  eu  un  mot,  la  question  pénale  qui  s'agite  entre  le 
ministère  public  et  le  prévenu  ou  l'accusé.  Cette  idée  une  fois  admise,  on  n'a 
eu  aucun  égard,  en  ce. qui  touche  l'incapacité  ou  rinadmissibilité  des  témoins 
appelés,  à  leurs  rapports  de  parenté  si  rapprochés  qu'ils  soient  avec  la  partie 
civile,  qui  ne  joue  qu'un  rôle  secondaire  dans  la  question.  Sauf,  bien  en- 
tendu, aux  juges  dans  les  matières  de  police  simple  ou  correctionnelle,  aux 
jurés  dans  les  matières  criminelles,  à  avoir  tel  égard  que  de  raison  aux  motifs 
de  suspicion,  aux  présomptions  d'influence  que  peut  faire  naître,  relative- 
ment à  la  déposition  d'un  témoin  à  charge,  son  degré  de  parenté  avec  la 
partie  civile. 

678.  Les^art.  157  et  158  sont  très- faciles.  Le  premier  est  relatif  à  l'obliga- 
tion pour  les  témoins  de  comparaître  devant  le  tribunal. 

«  Art.  157'.  tenômoîns  qui  ne  ïati«ltwpont  pas  à  la  citation  pourront  y  être  con* 
traints  par  le  tribunal,  qui,  à  cet  effet  et  sur  la  réquisition  du  ministère  public- 
prononcera  dans  la  même  audience,  sur  le  premier  défaut,  l'amende,  et  en  cas 
d'un  second  défaut,  la  contrainte  par  corps.  » 

Satisfaire  à  la  citation,  comme  nous  l'avons  dit  sur  l'art.  80,  ce  n'est  pas 
seulement  comparaître,  c'est  aussi  venir  déposer  de  ce  qu'on  sait.  La  pénalité 
de  notre  article  s'appliquera  donc  également  et  au  témoin  qui  ne  vient  pas  sur 
la  citation,  et  au  témoin  qui  vient,  mais  refuse  de  déposer.  Alors  le  tribunal 
de  police,  comme  le  tribunal  de  police  correctionnelle  et  la  cour  d'assises,  peut 
frapper  d'une  amende  le  témoin  récalcitrant. 

Mais  à  quelle  amende  le  tribunal  de  police  peut>il  condamner  le  témoin  dé* 
faillant?  Sera-ce,  comme  quelques  auteurs  Font  pensé,  à  une  amende  dont  le 
maximum  ne  pourra  pas  dépasser  15  fr.,  par  argument  de  l'art.  137?  Au  pre^ 
mier  coup  d'œil  cette  opinion  parait  assez  raisonnable  ;  on  ne  voit  pas  pour- 
quoi le  tribunal  de  police  pourrait  infliger  au  témoin  une  pénalité  accessoire 
supérieure  à  la  pénalité  principale  pour  laquelle  il  a  seulement  compétence. 
Cependant  on  peut  objecter,  d'une  part,  que  cette  amende  de  15  fr.  contre  le 
témoin  défaillant  serait  une  pénalité  absolument  arbitraire;  dans  aucun  texte 
nous  ne  trouvons  le  refus  de  comparaître  et  de  déposer  de  la  part  d'un  témoin 
puni  d'une  amende  de  cette  nature.  Ensuite  nous  avons  déjà  un  texte,  celui 
de  l'art.  80,  punissant  d'une  amende  de  100  fr.  le  refas  de  comparaître  ou  de 
déposer.  La  force  de  cette  amende  est-elle  une  raison  pour  refuser  au  juge  de 
laix  le  droit  de  l'appliquer?  Non.  Le  refus  de  comparaître  devant  un  tribunal 

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PBOCÉDURB  DBYANT  LB8  TRIBUNAUX  DR   POUCB  (aRT.  159).    613 

de  police  n'est  pas  une  contravention  ;  c'est  à  raison  de  Tobligation  imposée  à 
tout  citoyen  de  comparaître  sur  une  citation,  que  la  pénalité  est  appliquée. 
8i  Ton  objecte  que  le  juge  de  paix  n'est  pas  compétent  pour  infliger  des  amen- 
des sopérieures  à  15  fr.,  la  réponse  sera  facile  :  les  tribunaux  civils  ne  sont 
jamais  compétents,  en  tant  que  tribunaux  civils,  pour  infliger  dee  amendes  ; 
et  cep^idant  nous  avons  tu,  dana  le  Gode  de  procédure,  le  droit  d'infliger  des 
amendes  aux  témoins  qui  ne  comparaissent  pas  accordé  non-seulement  au 
tribunal  civil  devant  lequel  se  ùûi  une  enquête,  mais  même  au  juge-commis- 
saire délégué  par  ce  tribunal  à  l'effet  d'entendre  les  témoins.  Donc  si  le  tribu- 
nal civil,  incompétent  en  principe  pour  infliger  une  pénalité,  n'en  a  pas  moins 
le  droit  de  frapper  d'amende  le  témoin  défaillant,  il  est  clair  que  l'objection 
précédente  perd  sa  force,  et  que  le  juge  de  paix»  quoique  simple  jnge  de  police, 
pourra  infliger  au  témoin  défaillant  qui  ne  produit  pas  d'excuse  Tamendes'éle- 
vaut  jusqu'à  100  fr.,  d'après  l'iu't.  80.  On  ajoute  que  sur  le  second  défaut  le  juge 
de  police  pouma  employer  la  contrainte  par  corps.  Il  est  évident  qu'ici  ce  ne 
peut  être  le  sens  de  contrainte  par  corps  comme  en  matière  civile  :  ordonner 
cette  contcainte,  ce  ne  serait  pas  arriver  au  but  auquel  tend  la  loi,  qui  est  de 
le  faire  comparaître.  I.a  contrainte  par  corps,  c'est-à-dire  sans  doute  que  le 
juge  de  paix  pourra,  s'il  est  nécessaire,  décerner  contre  le  témoin  défaillaiit 
un  mandat  d'amener  destiné  à  le  contraindre  à  se  présenter,  bon  gré  mal 
gré,  devant  la  justice.  S'il  refuse  de  répondre,  on  ne  peut  qu'appliquer  l'ar* 
ticle  80. 

L'art.  i58  est  relatif  à  la  décharge  de  Tamende  de  la  part  du  témoin  qui  jus- 
tice plus  tard  d'une  impossibilité  de  comparaître. 

679.  Voilà  les  principales  règles  de  cette  instruction  de  police;  la  marche  de 
cette  instruction  une  fois  tracée,  les  art.  159  et  suivants  en  déterminent  les 
résultats,  et  ces  résultats  varient  selon  les  hypothèses. 

La  première  hypothèse  est  celle  de  Tarti  159,  l'innocence  légale  du  fait  quel- 
que dommageable  qu'il  soit. 

a  Art.  159.  Si  le  fait  ne  présente  ni  délit,  ni  contravention  de  police,  le  tribunal 
annulera  la  citation  et  tout  c^  qui  aura  suivi,  et  statuera  par  le  môme  jugement 
sur  les  demandes  en  dommages-intérêts.  » 

Il  n'y  a  guère  d'important  ou  de  contre versable  dans  cet  article  que  le  sens 
de  ces  derniers  .mots;  quant  au  fond  même  de  la  disposition,  il  est  Êusile. 
'  En  effet,  la  question  principale  qui  s'agite  devant  le  tribunal,  c^eet,  vous  aî- 
je  dit,  la  question  de  pénalité  ;  lé  premier  point  à  examiner  de  la  part  de  ce 
tribunal,  c'est  donc  de  savoir  si  les  faits  allégués  ou  même  les  faits  approuvés  â 
la  charge  du  prévenu  eoBstituent  des  faits  punissables,  aux  termeeldesart.  k%à 
et  suivants  du  Gode  pénal.  Aussi,  en  supposant  l'existence  des  faits,  en  sj^h 
posant  leur  preuve  bien  établie,  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  si  ces  faits  ne 
rentrent  pas  dans  les  prévisions  formelles  de  la  loi  pénale,  quelque  nuisibles, 
quelque  dommageables,  quelque  bl&mables  qu'ils  puissent  être,  le  tribunal  ««t 
sans  qualité  pour  leur  appliquer  une  peine  ;  c'est  là  un  principe  élémentaite 
du  droit  pénal.  Si  donc  le  fait  ne  présente  pas  de  contravention  de  police,  et 
qu'on  n'y  trouve  pas  ces  caractères  plus  graves  dont  va  s'occuper  l'article  160, 

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614      TftKNTB-QUATRlèMB  LBÇON.  —  DBS  TRIBUNAUX  DB  POLICB   (n*  679). 

le  tribunal,  dit  la  loi^  annulera  la  citation,  et  en  conséquence  renverra  le 
prévenu. 

Mais  on  ajoute  :  et  êtatuera  par  le  même  jugement  sur  les  demandes  en  dommà- 
QBs-nrrÉRÉTs.  Expressions  équivoques  et  auxquelles  se  rattache  une  question 
assez  délicate,  celle  de  savoir  quelles  sont  ces  demandes,  quels  sont  ces  dom- 
mages-intérêts sur  lesquels  peut  et  doit  statuer  le  tribunal  de  police  dans  le  cas 
môme  oii  il  renvoie  le  prévenu  de  la  poursuite,  non  pas  parce  que  le  fait  n'est 
pas  constant,  mais  farce  que  le  fait  ne  présente  ni  délit  ni  contravention  de 
police. 

Point  de  doute  sur  un  premier  cas,  c'est  celui  où  le  prévenu  aurait  formé 
contre  la  partie  civile  une  demande  en  dommages-intérêts,  à  raison  de  la  pour- 
suite qu'elle  a  mal  à  propos  dirigée  contre  lui.  Il  est  clair  que  la  citation  don- 
née à  la  requête  de  la  partie  civile,  que  la  poursuite  dirigée  par  celle-ci  a 
causé  au  prévenu,  soit  un  préjudice  matériel,  soit  un  préjudice  moral  d'une 
nature  plus  ou  moins  grave  et  toujours  aisément  appréciable.  Le  prévenu  ac- 
quitté ou  renvoyé  peut  donc,  et  c'est  le  principe  général  dans  les  matières 
pénales,  obtenir  du  même  tribunal  une  condamnation  immédiate  en  des  dom- 
mages-intérêts. En  des  dommages-intérêts  contre  la  partie  civile,  car  il  est  clair 
que  jamais  indemnité  ne  peut,  même  en  cas  de  renvoi,  être  obtenue  contre  le 
ministère  public  ;  sauf  le  cas  de  prise  à  partie,  lorsqu'il  y  aurait  eu  non  pas 
simplement  erreur,  mais  prévarication  et  mauvaise  foi  de  sa  part  ;  alors  ce 
seraient  des  règles  de  compétence  spéciales. 

Ainsi  il  y  a  un  premier  point  certain  :  faculté,  obligation  même  pour  le  tri- 
bunal de  police  de  statuer  sur  les  dommages-intérêts  que  le  prévenu  renvoyé 
de  la  poursuite  demande  au  tribunal  contre  la  partie  civile. 

Ce  premier  point,  quoique  certain,  pourrait  cependant  vous  surprendre . 
En  eETet,  le  tribunal  de  police  n'est  compétent  que  pour  des  matières  pénales, 
n*est  compétent  que  comme  tribunal  de  répression  ;  or,  dans  l'espèce,  il  est 
constaté  qu'aucune  contravention  n'a  été  commise,  et  en  conséquence  on  ren* 
voie  le  prévenu  ;  la  question  que  nous  soumettons  maintenant  au  tribunal,  aux 
termes  de  ces  derniers  mots,  n'est  pas  une  contravention,  c'est  une  question 
toute  civile,  c'est  l'indemnité  pécuniaire  que  réclame  un  prévenu,  à  raison  des 
dommages  qu'une  poursuite  mal  fondée  a  nécessités,  a  entraînés  à  son  pré- 
judice. Cependant  ce  principe  a  été  généralement  admis,  et  cela  par  deux  rai- 
sons fort  simples  : 

La  première,  c'est  qu'il  serait  trop  onéreux  de  contraindre  un  prévenu,  mal 
à  propos  poursuivi  par  une  partie  civile,  d'aller  ensuite  intenter,  devant  le 
tribunal  du  domicile  de  cette  partie  civile,  une  action  civile  ordinaire  ;  ce 
serait  une  charge  par  trop  lourde  imposée  à  un  prévenu,  que  d'aller  le  con- 
traindre à  plaider,  loin  de  son  domicile,  en  réparation  du  dommage  mal  à 
propos  causé  en  le  traduisant  sans  raison  devant  un  tribunal  de  répres- 
sion. 

La  seconde  raison,  c'est  que  nul  tribunal  n'est  mieux  à  portée  que  celai 
même  qui  a  été  saisi  de  la  plainte  et  qui  vient  d'en  proclamer  l'injustice,  nul 
n'est  mieux  à  portée  d'apprécier  le  dommage  causé  par  cette  plainte  au  pré- 
venu, et  de  mesurer  en  consé(iuence  le  taux  de  l'indemnité  à  laquelle  il  peut 
avoir  droit. 


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PROCÉDURB  DBVAffT  LB8  .TfOBUHAUX  DE  POLICE  (AAT.    159).        615 

Ainsi,  point  de  doute,  ni  quant  an  droit,  ni  quant  à  ses  motifs,  sur  la  faculté 
^*a  le  prévenu,  aux  termes  des  derniers  mots  de  notre  article,  d'obtenir  des 
dommages-intérêts  contre  la  partie  civile  qui  Ta  poursuivi  à  tort. 

Mais,  à  rinverse,  le  tribunal  pourrait-il,  tout  en  déclarant  que  le  fidt  ne 
constitue  pas  une  contravention,  et.  en  s'abstenant  en  conséquence  de  pronon- 
cer une  peine  contre  le  prévenu,  le  tribunal  pourrait-il  adjuger  à  la  partie  civile 
les  dommages-intérêts  réclamés  par  elle,  attendu  que  le  fait,  quoique  n'étant 
pas  une  contravention,  peut  cependant  avoir  été  dommageable  et  être  parfai- 
tement établi  ?  Le  tribunal  pourrait-il,  refusant  de  faire  droit  aux  conclusions 
du  ministère  public,  attendu  que  le  fait  n'est  pas  un  fait  punissable,  faire  droit, 
au  contraire,  aux  conclusions  de  la  partie  civile,  attendu  que  le  fait  est  con^ 
tant  et  qu'il  a  causé  un  préjudice  à  cette  partie  ? 

Le  texte  de  Part.  159  parait  conduire  à  l'affirmative  ;  le  tribunal  statuera, 
dH  l'article,  sur  les  demandes  en  dommages-intéréiSj  ce  qui  semble  désigner  à 
la  fois  et  la  demande  du  prévenu  contre  la  partie  civile,  et  la  demande  de  la 
partie  civile  contre  le  prévenu.  Cette  induction  se  fortifierait  du  texte  de 
Tart.  191,  dans  lequel  vous  trouvez  et  la  même  hypothèse  reproduite  et  les 
mêmes  expressions  répétées.  Elle  pourrait  s'appuyer  encore  sur  les  art.  358 
et  366,  relatifs  non  plus  aux  matières  de  police,  mais  bien  aux  cours  d'assises. 
D  est  bon  de  vous  avertir  dès  à  présent,  relativement  à  ces  deux  derniers 
articles,  que  c'est  pour  les  cours  d'assises  un  droit  certain  et  incontestable  que 
celui  de  condamner  l'accusé  à  des  dommages-intérêts  envers  la  partie  civile, 
quand  bien  même  le  jury  aurait  répondu  négativement  à  la  question  de  culpa* 
bilité.  C'est  un  point  qui  résulte  formellement  des  deux  curt.  358  et  366  que  le 
droit  de  prononcer  des  dommages-intérêts  comme  indemnité  du  préjudice 
causé  par  le  fait  de  l'accusé,  dans  le  cas  même  où  Taccusé  est  renvoyé  acquitté 
à  raison  de  la  réponse  négative  du  jury.  Mais  ce  droit  qui  incontestable» 
ment  appartient  aux  cours  d'assises,  appartient-il  également  aux  tribu- 
naux de  police  d'après  l'art.  159,  aux  tribunaux  correctionnels  d'après  l'arti- 
cle 191  ? 

Il  y  a  de  graves  raisons  d'en  douter,  quelques  raisons  de  textes,  et  surtout 
'  une  assez  grave  raison  de  principe. 

La  raison  de  principe,  la  voici  :  c'est  que  le  tribunal  de  police  n'est  qu'un 
tribunal  de  répression,  c'est  que  dès  lors  il  n'a  qualité  que  pour  appliquer  des, 
peines;  et  s'il  peut,  en  certains  cas,  prononcer  des  peines  pécuniaires  et  civi- 
les, c'est  seulement  comme  corollaire,  comme  accessoire  des  pénalités  encou- 
rues par  le  prévenu. 

L'action  civile  en  réparation  du  dommage  causé  ne  peut  être  portée  devant 
le  tribunal  de  police  que  comme  conséquence,  comme  accompagnement  de 
l'action  pénale,  de  l'application  de  la  loi  pénale  ;  dès  lors,  s*il  juge  que  le  fait 
n'est  pas  une  contravention,  qu'en  conséquence  il  n'y  avait  pas  d'action 
pénale  à  porter  devant  le  juge  de  police,  on  ne  sait  plus  d'où  dériverait  la 
qualité  de  ce  juge  pour  prononcer  une  condamnation  pécuniaire.  Dès  lors, 
comment  pourrait-il,  renvoyant  le  prévenu  des  fins  de  l'action  pénale,  le  con 
damner  pécuniairement,  sans  empiéter  par  là  même  sur  la  compétence  des 
tribunaux  civils,  sur  la  compétence  de  la  juridiction  ordinaire?  Première 
objection. 


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61&     TRENTE-QfJATRIÈMB  LEÇON.  •—  DES  TRIBUNAUX   DE  POLICE  (N^  680). 

La  seconde  objection  se  tire  d'an  texte  formel,  de  Tart.  212;  dans  cet  article 
il  est  encore  question  de  l'instruction  de  police,  non  plus  de  police  simple, 
mais  de  police  correctionnelle,  portée  en  cour  d*appel,  et  on  déclare  que^ 
lorsque  la  cour  ou  le  tribunal  d'appel  croiront  devoir  renvoyer  le  prévenu, 
«ttendu  que  le  fait  ne  constitue  pas  un  délit,  ils  devront  statuer  en  même  temps 
sur  $€8  dcmmages^inUrétSf  c'est-à-dire  uniquement  sur  la  demande  en  dom- 
mages-intérêts du  prévenu  contre  la  partie  civile,  et  nullement,  à  l'inverse, 
«ir  la  demande  de  la  partie  civile  contre  le  prévenu.  L'expression  de  l'art.  212, 
tes  dommages^Méréis,  se  référant  uniquement  au  prévenu,  n'est  plus  en 
Jlèoord  avec  les  expressions  générales  des  l'art.  159  et  191;  Cependant  c'est,  je 
crois,  au  texte  de  Fart.  212  qu*il  faut  s'attacher  ;  ce  texte  est  tout  à  fait  limi- 
tatif, tout  à  fait  restrictif,  et  s*accorde  parfaitement  avec  ce  principe  général 
qui  interdit  aux  tribunaux  de  répression  de  s'immiscer,  sans  attribution  for- 
àielle,  dans  les  questions  purement  pécuniaires,  exclusivement  réservées  àia 
connaissance  des  tribunaux  civils. 

'  Une  preuve  qui  est  plus  prés  de  nous,  mais  qui  n*est  pas  la  moins  forte,  se 
tire  du  texte  même  de  l'art.  159.  Il  y  a  dans  ce  texte  des  expression»  fort 
remarquables,  qui  semblent  protester  contre  la  généralité  des  expressions  qui 
le  terminent. 

Que  vous  dit-il  en  effet  ?  G*est  que  le  tribunal  devra,  dans  Thypothèse  pré- 
Tue  par  Farticle>  annuler  la  citation  et  tout  ce  qui  en  est  ensuivi  ;  annuler  la 
citation  donnée,  dans  la  plupart  des  cas,  à  la  requête  de  la  partie  civile.  Or, 
comprendrait-on  qu'aux  termes  de  cet  article,  le  tribunal  de  police  dût  annuler» 
dût  déclarer  non  avenue  la  citation  donnée  par  la  partie  civile,  et  toute  l'ins- 
truction qui  a  suivi,  et  qu'en  même  temps  il  eût  qualité  pour  accorder  des 
dommages-intérêts  demandés  par  cette  partie  civile  dans  le  corps  de  cette  cita- 
tion f  Gomprendrait-on  que  le  tribunal  pût  et  dût,  aux  termes  des  derniers 
mots  de  cet  article,  accorder  des  dommages-intérêts  réclamés  dans  im  acte 
que  cet  article  même  lui  commande  d'annuler  et  de  réputer  désormais  non 
avenu  ? 

'  Il  me  parait  donc  évident  que  le  texte  de  l'art.  212,  que  le  texte  même  de 
l'art.  159^  doivent  servir  de  correctif  à  la  généralité  de  ces  mots,  les  demandes^ 
en  dommageS'intérêtSf  et  que  la  faculté  d'accorder  des  dommages-intérêts  contre 
vn  prévenu  renvoyé  des  poursuites  est  ane  faculté  exceptionnelle  qui  n'appar- 
tient qu'aux  cours  d'assises,  parce  que  l'art.  358  la  leur  attribue  formellement, 
et  par  des  motifs  qui  vous  seront  expliqués  plus  tard. 

680.  cr  Art.  160.  Si  le  fait  est  un  délit  qui  emporte  une  peine  correctionnelle 
ou  plus  grave,  le  tribunal  renverra  les  parties  devant  le  procureur  de  la  Répu- 
blique. « 

La  première  hypothèse  est  donc,  dans  l'art.  159,  innocence  légale,  impunité 
légale  due  au  fait,  quelque  constant  et  quelque  dommageable  qu'il  soit.  La 
seconde  hypothèse  est  dans  l'art.  160  ;  le  fait  est  également  constant,  il  est 
puni,  mais  puni  d'une  peine  supérieure,  soit  à  cinq  jours  d'emprisonnement, 
soit  à  15  fr.  d'amende.  Dans  ce  cas,  le  tribunal  de  police  ne  pourrait  appliquer 
la  peine  sans  dépasser  les  limites,  le  maximum  de  sa  compétence  ;  la  marche 

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PA0GÉD17RE  DEVANT  LB8  TRIBUNAUX  BE  POLICE  (aRT.    16t)«        617 

à  suivre  est  tracée  par  Tart.  160  ;  il  renvoie  les  parties  devant  le  procureur  de 
la  République,  qui  alors  pourra  provoquer  une  instruction  qui  aura  lieu  dans 
les  formes  détaillées  au  livre  I«';  ou  bien^  s'il  juge  inutile  une  instruction  pré- 
lifflinairey  saisir  directement  le  tribunal  correctionnel  dans  les  formes  indi- 
quées par  Part.  182. 

Voici  la  troisième  hypothèse,  celle  où  la  compétence  du  tribunal  est  par- 
faitement justifiée,  et,  en  conséquence^  où  il  faut  déclarer  le  fait  et  appliquer 
la  peine. 

«  Art.  161.  Si  le  prévenu  est  convaincu  de  contravention  de  police,  le  tribunal 
prononcera  la  peine,  et  statuera  par  le  môme  jugement  sur  les  demandes  eu  res- 
titution et  en  dommages>intérôts,  » 

Pas  de  difficulté  sérieuse  sur  cet  article.  Je  vous  ferai  seulement  remar- 
quer que  ses  dernières  expressions  doivent  nous  servir  à  lever  encore  les 
doutes  qui  pourraient  résulter  des  derniers  mots  de  Tart.  159.  Quoique  Far- 
licle  159  emploie  le  pluriel  pour  des  dommages-intérêts,  nous  avons  dit  que 
cela  né  pouvait  s'entendre  que  de  la  demande  formée  par  le  prévenu  contre  la 
partie  civile,  et  sans  réciprocité.  Eh  bien,  dans  Part.  161,  la  même  généralité 
d'expressions  est  employée  :  les  demandes  en  dommages-intérêts  ;  or,  de  quelles 
demandes  s'agit-îl?  S'agit-il,  dans  Tart.  161,  de  la  demande  du  prévenu  contre 
la  partie  civile,  et  aussi  de  la  demande  de  la  partie  civile  contre  le  prévenu? 
Non,  évidemment  ;  puisque  le  prévenu  est  condamné,  il  est  bien  dair  qu'il 
ne  peut  pas  avoir  de  dommages-intérêts  à  réclamer.  Ainsi,  dans  cette  géné- 
ralité d'expressions  qui  nous  embarrassaient  dans  l'art.  159,  nous  retrouvons 
que  les  mêmes  mots  ne  désignent  qu'une  seule  espèce  de  demande,  celle  de 
la  partie  civile  contre  le  prévenu. 

681 .  «  Art.  162.  La  partie  qui  succombera  sera  condamnée  aux  frais,  môme 
envers  la  partie  publique.  —  Les  dépens  seront  liquidés  par  le  jugement.  » 

La  partie  qui  sticcombera,  soit  le  prévenu,  soit  môme  la  partie  civile.  Dans 
tous  les  cas,  le  Trésor  ne  reste  point  chargé  des  frais  ;  en  cas  de  condamna- 
tion du  prévenu,  celui-ci  doit  supporter  les  frais  avancés  par  les  deux  parties 
adverses,  et,  au  contraire,  en  cas  de  renvoi  du  prévenu,  la  partie  doit  rem- 
bourser les  frais  faits,  soit  par  le  prévenu,  soit  par  le  ministère  public. 

J'ajoute  que,  dans  le  cas  où  c'est  le  prévenu  qui  succombe,  dans  le  cas  où 
c'est  à  lui  qu'on  applique  la  condamnation  de  frais  prononcée  par  cet  arti- 
cle, la  loi  accorde  la  contrainte  par  corps  pour  sûreté  du  remboursement  de 
ces  frais.  Vous  verrez  à  cet  égard  l'art.  467  et  surtout  l'art.  409  du  Gode  pénal, 
sauf  à  en  rapprocher,  relativement  à  Vexécution  de  la  contrainte,  les  art.  33  et 
suivants  de  la  loi  du  17  avril  1832  sur  la  contrainte  par  corps,  modifiés  par  l'ar- 
ticle 8  de  la  loi  du  13  décembre  1848  et  par  les  lois  des  22  juillet  1867  et  19  dé- 
'cembre  1871.  Ces  lois  consacrent  et  développent  les  modifications  indiquées 
déjà  au  Code  pénal,  relativement  à  la  durée  de  la  contrainte,  dans  le  cas  où 
la  partie  condamnée  justifierait  qu'elle  est  insolvable. 

082.  L'art.  163  ne  fait  que  reproduire  avec  plus  de  détail  un  principe  élé- 
mentaire : 


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618      TABNTB-QUATRIÉME  LEÇON.  —  DB8  TRIBUNAUX  DE  POLICE  (n^  684). 

c  ÂBT.  163.  Toat  Jugement  définitif  de  condamnation  sera  motivé,  et  les  termes 
de  ia  ioi  appliquée  y  seront  insérés,  à  peine  de  nullité.  —  Il  y  sera  fait  mention 
s*il  est  rendu  en  dernier  ressort  ou  en  première  instance.  » 

Noos  avons  vu  ce  principe  posé  dans  Fart.  7  de  la  loi  du  20  avril  1810  ;  la 
même  règle  reparait  dans  notre  article,  mais  avec  un  peu  plus  de  détail.  Ici, 
dans  les  matières  de  police,  et  précisément  parce  que  la  loi  n*a  pas  de  garan- 
ties bein  sûres  de  la  parfaite  connaissance  des  lois  dans  les  juges  de  police» 
pour  éviler  les  erreurs  que  leur  ignorance  pourrait  causer,  elle  les  astreint» 
i  peine  de  nullité,  à  insérer  dans  leurs  jugements  le  texte  précis  de  la  loi 
appliquée  par  eux.  C'est  donc  tme  sanction  de  plus  à  l'obligation  générale  de 
motiver,  imposée  à  tous  les  juges,  soit  criminels,  soit  civils.  Quand  je  dis  à 
tous  les  juges-criminels,  je  mets  en  dehors,  il  est  bien  clair,  la  décision  des 
jurés. 

«  Art.  164.  La  minute  du  jugement  sera  signée  par  le  Juge  qui  aura  tenu  Tau- 
dienoe,  dans  les  vingt-quatre  heures  au  plus  tard,  à  peine  de  25  fr.  d'amende 
contre  le  greffier  et  de  prise  à  partie,  s'il  y  a  lieu,  tant  contre  le  greffier  que  contre 
le  président.  » 

683.  «  Art.  165.  Le  ministère  public  et  la  partie  civile  poursuivront  Texécu- 
tion  du  jugement,  chacun  en  ce  qui  le  concerne.  » 

En  ce  qui  concerne  les  amendes,  le  payement  en  est  poursuivi  par  l'admi- 
nistration des  domaines  et  de  Tenregistrement.  Des  lois  spéciales^  règlent  celle 
matière. 

Quant  à  la  partie  civile,  ce  sont  des  condamnations  purement  pécuniaires 
qui  se  poursuivront  par  les  voies  ordinaires. 

n  est  clair  que  si,  dans  le  cours  des  procédures  dirigées  par  Padministration 
ou  par  la  partie  civile  pour  obtenir  le  recouvrement  des  amendes  ou  le  paye- 
ment des  dommages-intérêts,  quelques  difficultés,  quelques  débats  venaient  à 
s'élever,  ces  questions  d'exécution  n'appartiendraient  point  au  tribunal  de 
police,  mais  au  tribunal  civil.  Les  questions  d'exécution  d'une  condamnation 
pécuniaire  prononcée  par  un  tribunal  de  répression  n'en  sont  pas  moins  des 
questions  civiles,  et  les  tribunaux  de  répression  n'ont  aucune  qualité  pour  en 
connaître. 

§  2.  —  De  la  juridiction  des  maires  comme  juobs  de  police. 

684.  La  juridiction  des  maires  a  été  abolie  par  la  loi  du  27  janvier  1873,  qui 
<a  attribué  aux  seuls  juges  de  paix  la  juridiction  de  police  dans  chaque  can- 
ton. Les  observations  qui  suivent  n'ont  donc  qu'un  intérêt  purement  histo- 
rique. 

L'art.  166  était  relatif  à  la  détermination  de  la  compétence  des  maires  en 
cette  matière;  mais  cet  article  était  par  U  môme  la  répétition  pure  et  simple 
des  dispositions  générales  de  l'art.  139.  En  effet,  puisque  l'art.  139  a  déter- 
miné les  cas  dans  lesquels  la  juridiction  de  police  appartenait  exclusivement 
«ux  juges  de  paix,  il  s'ensuit  que  tous  les  cas,  toutes  les  natures  ou  hypo- 
thèses de  contraventions  qui  ne  sont  pas  indiqués  dans  le  texte  de  l'art.  139 

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TRIBUNAUX  DE  POLICE  DBS  MAIRES  (aRT.    166).  619 

rentraient  par  là  même  dans  la  compétence  des  maires.  La  compétence  des 
maires  comme  juges  de  police  embrassait  toutes  les  contraventions  que 
l'art.  139  n'en  a  pas  exceptées,  par  une  attribution  exclusive  de  la  connais- 
sance aux  juges  de  paix. 

J'ajoute  d'ailleurs  que,  même  dans  ces  matières,  que  Part.  139  attribuait 
aux  maires  en  ne  les  leur  retirant  pas,  ils  n'avalent^  comme  je  l'ai  déjà 
dit,  qu'une  simple  concurrence  avec  les  juges  de  paix;  que  le  juge  de  paix  est 
compétent  pour  toutes  les  contraventions  comme  le  maire,  mais  qu'il  Test 
spécialement  et  exclusivement  pour  toutes  les  contraventions  déterminées  par 
l'art  139. 

Voilà  pour  ce  qui  touche  le  droit  ;  quant  au  fait,  vous  savez  qu'on  peut 
s'épargner  tous  les  détails,  attendu  que  la  prétendae  concurrence  des  maires 
considérés  comme  juges  de  police  n'était  qu'une  affaire  de  théorie  qui,  en  pra- 
tique, ne  s'est  pas  réalisée.  Dans  la  totalité  peut-être  de  nos  communes^  les 
maires  n'exercent  en  aucune  façon  la  juridiction  de  police  dont  l'art  166  leur 
attribue  la  concurrence.  Cette  juridiction  a  été  organisée  dans  un  très-petit 
nombre  de  communes,  et  je  ne  sais  pas  même,  en  fait,  jusqu'à  quel  point  elle 
a  pu  s'y  maintenir. 

Les  art.  17  et  168  simplifient  les  formes  établies  pour  la  juridiction  des 
juges  de  paix.  Voilà  leur  bat. 

Le  juge  de  paix  a  pour  ministère  public,  soit  le  commissaire  de  police,  soit 
le  maire  ;  au  contraire,  si  c'est  le  maire  qui  siège  comme  juge  de  police,  le 
ministère  public  est  rempli  par  son  adjoint.  8i  c'est  l'adjoint  qui  siège,  c'est 
un  membre  du  conseil  municipal  qui  remplit  les  fonctions  de  ministère 
public. 

De  même  pour  les  greffiers,  comme  les  maires  n'en  n'ont  pas,  il  eût  été 
impossible  d'appliquer  la  disposition  de  l'art.  141  ;  le  maire  propose  donc  au 
tribunal  de  police  correctionnelle,  qui  l'agrée  et  reçoit  son  serment,  un  citoyen 
de  la  commune  appelé  à  remplir  les  fonctions  de  greffier.  C'est  là  une  dif- 
ficulté de  plus  qui  empêche  cette  juridiction  d'être  mise  en  pratique. 

D'après  les  art.  160  et  170,  au  lieu  d'appeler  les  parties  et  les  témoins  par 
des  citations  comme  devant  le  juge  de  paix,  on  les  appelait  par  un  simple 
avertissement  dont  la  loi  a  laissé  les  formes  libres.  Et  cet  avertissement,  au 
lieu  d'être  notifié  par  un  huissier  qu'on  trouverait  difficilement  hors  du  chef- 
lien  de  canton,  était  notifié  par  une  personne  dont  le  choix  sera  libre  au  maire, 
qui  s'adressera  ou  au  garde  champêtre  ou  à  un  simple  particulier. 

Du  reste,  cet  avertissement  parement  facultatif  donné  par  le  maire  valait 
citation  pour  les  parties  et  pour  les  témoins,  c'est-à-dire  qu'on  pouvait  juger  par 
défaut  devant  le  tribunal  du  maire  le  prévenu  qui  ne  comparaîtrait  pas  sur  ce 
simple  avertissement.  Au  contraire,  ?e  juge  de  paix  ne  peut  statuer  par  défaut 
que  contre  celui  qui  ne  comparait  pas,  bien  qu'appelé  par  une  citation. 

Au  reste,  les  formes  de  l'instruction  étaientles  mêmes;  l'art.  171  est  un  article 
de  renvoi  et  rappelle,  dans  sa  seconde  partie,  la  plupart  des  dispositions 
d'instruction  que  nous  avons  précédemment  expliquées.  Vous  remarquerez 
qu'il  mentionne  les  art.  149,  150, 151  et  153,  etc.,  laissant  de  côté  l'art.  152. 
On  ne  se  rend  guère  compte  de  cette  omission  ;  il  est  clair  que  l'art.  152, 
bien  que  non  reproduit  dans  le  texte  de  l'art.  171,  n'était  pas  moins  appU- 

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'620      TRENTE-QUATRIÈICE  LEGOK.   —  DES  TRIBUNAUX  DE  POLICE    (H^  685). 

cable  devant  le  maire  que  devant  le  juge  de  paix  ;  il  y  avait,  à  plus  forte  raison, 
lieu  à  la  même  faculté  devant  le  trihanal  du  maire,  qni  était  en  général  plus 
simple  et  plus  libre  dans  ses  formes.  11  en  était  de  même  pour  les  art.  16t 
à  164^  relatifs  à  la  rédaction  du  jugement. 

VOIES    DE  BEGOURS  CONTRE  LES  nJGEMENTS  DE    POLICE. 

685.  Ce  paragraphe  est  relatif  à  la  fois  à  F  un  et  à  l'autre  de  ceux  qui  pré- 
cèdent,  mais  il  est  un  peu  plus  important. 

Relativement  à  la  matière  qui  va  nous  occuper,  le  Gode  d'instruction  crimi- 
nelle contient  une  dérogation,  ou  plutôt  une  innovation  importante  à  la  légis- 
lation antérieure  :  le  Gode  du  3  brumaire  an  lY,  avait  trouvé  instituée  et 
avait  confirmé  la  juridiction  de  police  en  la  faisant  toutefois  passer  en  d'autres 
mains  ;  inais  enfin  il  avait  consacré  la  division  antérieure  de  la  juridiction  en 
juridiction  de  simple  police  et  juridiction  de  police  conrecttonnelle,  distinction 
qui  remontait  à  une  loi  des  19-22  juillet  1791.  Ainsi  le  Gode  du  3  brumaire 
an  IV  avait  consacré  le  principe  d'une  juridiction  simple,  rapide,  économique, 
pour  les  simples  contraventions.  Mais,  précisément  dans  le  désir  d'éviter  de 
multiplier  les  frais  et  d'entraver  par  des  lenteurs,  par  des  discussions  hors  de 
propos  le  jugement  d'affaires  si  simples  de  leur  nature,  le  Gode  du  3  brumaire 
avait  interdit  et  dans  tous  les  cas  et  sans  distinction,  la  faculté  d'appeler  des 
jugements  en  matière  de  police.  Ges  jugements  étaient  en  dernier  ressort  et 
ne  pouvaient  être  attaqués  que  par  le  recours  en  cassation,  dans  les  cas  de 
violation  et  d'infraction  à  la  loi. 

Le  Gode  d'instruction  criminelle  n'a  pas  admis  le  même  principe  ;  on  a 
pensé  que,  si  légères  que  fussent  les  pénalités  qui  pouvaient  être  prononcées 
par  les  tribunaux  de  police,  on  devait  cependant,  au  moins  dans  la  plupart 
des  cas,  ouvrir  aux  parties  la  voie  de  l'appel  pour  faire  réformer  ces  juge- 
ments ;  et  de  là  est  venue  la  distinction  établie  dans  le  texte  de  l'art.  172.  H 
était  arrivé,  en  effet,  que  sous  le  Gode  du  3  brumaire  des  condamnations 
pécuniaires  considérables  avaient  été  prononcées  par  des  tribunaux  de  police, 
sans  pouvoir  être  réformées  par  des  tribunaux  supérieurs.  En  fait,  le  Gode  du 
8  brumaire,  comme  le  Gode  actuel,  limitait  bien  à  un  maximum  pécuniaire 
irès-faible  le  montant  des  amendes  que  les  tribunaux  de  police  étaient  autO" 
risés à  prononcer;  mais  il  ne  limitait  pas  plus  que  le  Gode  actuel  le  montant 
des  dommages-intérêts  que  pouvaient  adjuger  ces  tribunaux.  H  est  donc 
arrivé,  sous  le  Gode  du  3  brumaire,  ce  qui  pourrait  arriver  sous  la  législation 
actuelle,  qu'un  juge  de  police  condamnait  un  prévenu  à  des  dommages-inté- 
rêts, s'élevant  à  plusieurs  milliers  de  francs  ;  et  l'appel  étant  interdit,  l'exagé- 
ration des  dommages-intérêts  ne  pouvant  être  un  moyen  de  cassation,  il  en 
jpésultait  qu'une  partie  pouvait  être,  dans  les  matières  de  police,  condamnée, 
par  exemple,  &  10,000  fr.  de  dommages-intérêts  ;  (je  prends  ce  chiffre  parce 
qu'il  s*est  présenté),  pouvait  être  condamnée  par  un  juge  de  paix  qui,  dans 
toute  autre  matière,  n'aurait  pu  statuer  que  jusqu'à  concurrence  de  100  fr.  en 
dernier  ressort.  Gette  anomalie  a  paru  peu  raisonnable,  et  le  Gode  a  accordé  le 
droit  d'interjeter  appel,  par  l'art.  172,  dont  la  rédaction  et  la  disposition  sont 
assez  simples.  Voici  son  texte  : 


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POURVOI  CONTRE  LBS  JUGEMENTS  (aRT.  172).  621 

«  Art.  172.  Les  jugements  rendus  en  matière  de  police  pourront  être  attaqués 
par  la  voie  de  l'appel,  lorsqu'ils  prononceront  un  emprisonnement,  .ou  lorsque  les 
amendes»  restitutions  et  autres  réparations  civiles  excéderont  la  somme  de  5  fr., 
outre  les  dépens.  » 

L'art.  172,  par  innovation  au  droit  antérieur,  consacre  le  droit  d'appel;  mais 
il  ne  le  consacre  pas  d'une  manière  pleine,  complète,  absolue;  il  le  subor- 
donne à  la  condition  d'une  certaine  gravité,  d'une  certaine  importance  dans 
la  condamnation  prononcée.  Ainsi,  par  cela  seul  qu'un  emprisonnement  est 
prononcé,  quelque  minime  qu'en  soit  la  durée,  l'appel  est  autorisé.  Premier 
principe.  Secondement,  quand  même  il  n'y  aurait  pas  d'emprisonnement 
prononcé,  par  cela  seul  que  la  condamnation  purement  pécuniaire  dont  est 
frappé  le  prévenu  dépasse  5  fr.,  dans  lesquels  n'entrent  pas  les  dépens,  l'appel 
est  également  autorisé.  Cette  limite  est  bien  faible,  mais  il  n'y  a  rien  de  plus 
clair. 

686.  Cependant,  de  cet  article  se  tire  une  conséquence  bizarre  :  supposez 
avant  tout  que  le  prévenu  ait  été  acquitté,  complètement  acquitté,  qu'il  n'y  ait 
6u  ni  emprisonnement  ni  amende  prononcés  contre  lui  ;  le  ministère  public 
prétend  que  c'est  à  tort  qu'il  a  été  acquitté,  que  c'est  à  tort  que  le  tribunal  a 
déclaré  non  constante  une  contravention  qu'il  prétend  bien  établie.  Le  minis- 
tère public  pourra-t-il,  attendu  que  cette  contravention  était  de  nature  à 
entraîner  l'emprisonnement,  interjeter  appel?  Gela  paraîtrait  assez  naturel; 
mais  cela  ne  peut  pas  se  soutenir  en  présence  de  l'art.  172.  En  effet,  ce  texte 
ne  subordonne  pas  le  droit  d'appeler  à  l'importance  des  condamnations  aux- 
quelles le  ministère  public  avait  conclu,  à  l'importance  éventuelle  de  la  con- 
damnation qui  pouvait  être  encourue;  ce  texte,  bien  contraire  en  cela  aux 
principes  du  droit  civil,  mesure  le  taux  du  premier  ou  du  dernier  ressort,  non 
pas  sur  le  montant  de  la  demande,  mais  sur  le  montant  de  la  condamnation 
prononcée,  il  autorise  l'appel  seulement  s'il  y  a  condamnation  à  un  empri- 
sonnement ou  à  une  somme  de  plus  de  5  fr.  Or,  dans  l'espèce,  il  y  a  acquit- 
tement; donc,  il  n'y  a  pas  d'appel  possible.  Je  n'en  saurais  donner  de  bien 
bonnes  raisons;  peut-être  faut-il  dire  que  la  loi,  jalouse  avant  tout  de  la  8im*> 
plicité,  de  la  célérité,  de  l'économie,  a  sacrifié  à  cet  avantage  l'intérêt  de  la 
vindicte  publique,  intérêt  très-peu  compromis,  intérêt  très-peu  sérieux  dans 
une  matière  d'une  nature  aussi  peu  grave.  Aussi,  si  la  conséquence  de  l'ar- 
ticle 172  était  seulement  d'interdire  au  ministère  public  le  droit  d'appeler  dans 
le  cas  d'acquittement  du  prévenu,  je  considérerais  cette  exception  aux  princi- 
pes comme  suffisamment  expliquée  par  le  motif  qui  précède. 

Mais  allons  plus  loin;  supposez,  c'est  ma  seconde  hypothèse,  que  le  prévenu 
ait  été  non  point  acquitté,  comme  je  l'admettais  tout  à  l'heure,  mais  bien  con- 
damné à  un  emprisonnement  ou  à  des  réparations  de  plus  de  5  fr.;  le  prévenu 
n'appelle  pas,  mais  le  ministère  public,  jugeant  que  la  peine  est  trop  faible, 
veut  interjeter  appel  à  minimd,  le  pourra-t-il  d'après  l'art.  172?  On  serait 
d'abord  tenté  de  le  penser,  car  l'art.  172  autorise  le  droit  d'appeler,  sans  dis* 
tinction  entre  le  ministère  public  et  le  prévenu,  toutes  les  fois  qu'il  y  a,  soit  un 
emprisonnement,  soit  une  condamnation  de  plus  de  5  fr.  Mais  cela  est  inad- 
missible; car  si  le  ministère  public  ne  peut  point  appeler,  dans  l'intérêt  de  la 

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622      TRENTE-QUATRIÈBIB  LEÇON.  —  DES   TRIBUNAUX  DE  POLICE  (n*  686). 

vindicte  publique,  lors  môme  que  le  tribunal  a  complètement  refusé  de  satis- 
faire à  cet  intérêt,  à  plus  forte  raison,  le  ministère  public  doit-il  être  désarmé 
du  droit  d'appeler,  lorsque  cet  intérêt  et  ses  exigences  ont  été  compris  en  partie 
par  le  tribunal  de  police.  De  ce  que,  en  cas  d'acquittement  du  prévenu,  le  mi- 
nistère public  ne  peut  point  appeler,  et  c*est  ce  que  consacre  la  lettre  même 
de  l'art.  172,  il  s'ensuit  à  fortiori  qu^il  ne  peut  pas  appeler  en  cas  de  condam- 
nation insuffisante,  qu'il  ne  peut  pas  appeler  à  minimâ;  il  s'ensuit,  en  résumé, 
que  jamais  le  ministère  public  ne  peut  appeler  en  matière  de  police.  Il  n'y  a 
pas  grand  inconvénient  à  le  décider  ainsi;  ces  contraventions  sont  si  minimes 
qu'on  conçoit  très-bien  qu'on  ait  fait  taire  des  exigences  si  légères  devant  le 
grand  intérêt  d'en  finir  avec  des  questions  de  si  peu  d'importance. 

Mais  le  même  raisonnement  pour  le  ministère  public  va  se  présenter  relati- 
vement à  la  partie  civile,  sans  pouvoir  se  légitimer  de  même.  Ainsi,  supposez 
que  dans  la  cause,  et  c'est  ce  qui  a  lieu  fréquemment  en  matière  de  simple 
police,  supposez  qu'il  y  ait  une  partie  civile  ayant  conclu  à  des  dommages- 
intérêts,  et  que  nonobstant  cela  le  tribunal  ait  prononcé  le  renvoi  du  prévenu, 
aux  termes  de  l'art.  159.  Dans  ce  cas,  la  partie  civile  pourra-t-elle  appeler,  le 
pourra-t-elle,  attendu  qu'elle  a  conclu  à  des  dommages-intérêts  considéra- 
bles? Il  semble  que  non,  d'après  le  texte  de  l'art.  172;  car,  encore  une  fois, 
ce  texte,  bien  contraire  en  cela  à  toutes  nos  règles  de  procédure  ordinaire,  me- 
sure la  compétence  du  dernier  ressort,  non  pas  sur  ce  que  les  parties  ont  de- 
mandé, mais  sur  ce  que  les  juges  ont  accordé.  L'art.  172  déclare  que  l'appel 
sera  permis  quand  les  condamnations  seront  ou  à  l'emprisonnement  ou  à  une 
pénalité  de  plus  de  5  fr.  Or,  dans  l'espèce,  il  y  a  acquittement,  donc  point  d'appel 
possible.  Cette  conséquence  littérale,  rigoureuse,  de  l'art.  172  est  d'autant  plus 
forcée,  qu'il  faut  bien  se  souvenir  que  l'art.  172  succède  à  une  législation  qui, 
dans  aucun  cas  et  au  profit  d'aucune  partie,  n'autorisait  l'appel  des  décisions 
d'un  tribunal  de  simple  police.  £t  quand,  après  une  législation  qui  ne  permet- 
tait jamais  d'appeler,  il  en  survient  une  seconde  qui  dit  :  L'appel  sera  permis 
dans  le  cas  d'emprisonnement  ou  dans  le  cas  de  condamnation  à  plus  de  5  fr.; 
c'est  à  fortiori  qu'il  faut  dire  :  donc,  dans  tous  les  cas  prévus  par  cet  article,  le 
principe  contraire  reste  en  vigueur,  aucun  appel  n'est  possible. 

Voilà  la  conséquence  littérale  de  l'art.  172.  Dire  qu'on  la  suivra  dans  la 
pratique,  dire  qu'elle  soit  raisonnable,  je  ne  l'oserais.  Il  est  clair  même  qu'il 
est  impossible  de  combiner  rationnellement  les  deux  résultats  auxquels  mène 
notre  article.  En  effet,  si  le  prévenu  condamné  à  plus  de  5  fr.  de  dommages- 
intérêts  peut  appeler,  pourquoi  la  partie  civile  qui  a  conclu  à  50  fr.,  à  500  fr., 
par  exemple,  pourquoi  ne  pourrait-elle  pas  appeler  quand  on  a  acquitté  le 
prévenu,  ou  qu'on  ne  l'a  pas  complètement  satisfaite?  Est-ce  que  l'intérêt  n'est 
pas  le  même  ;  est-ce  que  le  même  intérêt  qu'a  le  prévenu  à  n'être  pas  con- 
damné, la  partie  civile  ne  l'a  pas  elle-même  à  se  faird  payer?  Il  est  clair 
qu'il  y  a  parité  de  position,  et  dans  cette  parité  de  position  entre  le  prévenu 
qui  lutte  pour  ne  pas  payer  les  500  fr.  et  la  partie  civile  qui  lutte  pour  les  faire 
payer,  on  ne  voit  point  pourquoi  la  partie  civile  ne  pourrait  pas  appeler 
comme  le  prévenu  condamné.  Aussi,  dans  l'usage,  tout  en  refusant  au  minis- 
tère public  le  droit  d'appeler  d  minimà  des  condamnations  de  police,  ne 
porte-t-on  pas  la  conséquence  de  l'article  jusqu'à  refuser  le  même  droit  à  la 


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POURVOI   GONTRB  LES  JUGEICBNTS  (aRT.   174).  623 

jNurtie  civile.  Ces!  là,  j'en  convienB,  faire  prévaloir  la  raison  sur  un  texte,  on 
ne  peut  s'en  plaindre  ;  mais  toujours  est-il  que  le  texte  est  bien  clair  et  que 
sa  conséquence  est,  à  tort  ou  à  raison,  de  refuser  le  droit  d'appeler  à  tout 
autre  qu'au  prévenu. 

687.  a  ART.  173.  L'appel  sera  suspensif.  » 

C'est  le  droit  commun. 

Dans  les  matières  pénales,  même  dans  celles  desimpie  police,  il  ne  faut  pas 
dire  seulement,  avec  Tart.  173,  l'appel  est  suspensif,  c'est-à-dire  Texécutîon 
ne  peut  avoir  lieu  quand  l'appel  est  interjeté;  il  faut  dire,  ce  qu'on  ne  dirait 
pas  dans  le  droit  civil,  le  délai  d'appel  est  suspensif,  l'exécution  est  interdite 
non-seulement  quand  il  y  a  appel  interjeté,  mais  tant  qu'on  est  dans  le  délai 
d'appel,  et  par  cela  seul  qu'une  éventualité  d'appel  se  présente  encore.  G*est 
le  principe  posé  pour  les  matières  correctionnelles  par  le  paragraphe  2  de 
Fart.  203. 

Le  préjudice  causé  par  l'exécution  d'un  jugement  qui  serait  plus  tard 
réformé  sur  l'appel,  est  un  préjudice  irréparable  :  lorsqu'on  vertu  d'un  juge- 
ment môme  de  police,  non  encore  attaqué  par  appel,  vous  auriez  emprisonné 
le  prévenu,  la  réformation  postérieure  du  jugement  ne  lui  rendrait  pas  les 
instants  de  liberté  que  l'exécution  lui  a  fait  perdre.  Nous  dirons  donc  :  ce 
n'est  pas  seulement  Fappel  interjeté  qui  est  suspensif,  c'est,  comme  dans 
toutes  les  matières  pénales,  le  délai  d'appel  tant  qu'il  dure  encore,  bien  qu'on 
n'en  ait  pas  usé. 

688.  Le  délai  d'appel  est  déterminé  dans  l'art.  174;  et  il  est  assez  court 
pour  que  la  suspension  de  l'exécution  ne  présente  pas  d'inconvénient. 

a  Art.  174.  L'appel  des  Jugements  rendus  par  le  tribunal  de  police  sera  porté 
au  tribunal  correctionnel  :  cet  appel  sera  interjeté  dans  les  dix  jours  de  la  signi- 
fication de  la  sentence  à  personne  ou  à  domicile  ;  il  sera  suivi  et  jugé  dans  la  mtaie 
forme  que  les  appels  des  sentences  des  Juges  de  paix.  » 

Vappel  des  jugements  rendus  par  le  tribunal  de  police  sera  porté  au  tribunal 
eœrrectionnel.  Bien  entendu  au  tribunal  correctionnel  dans  le  ressort  duquel 
on  a  statué.  Qu'est-ce,  au  juste,  qu'un  tribunal  correctionnel?  Nous  en  avons 
déjà  parlé  en  traitant  l'organisation  des  tribunaux  de  répression  :  nous  en 
reparlerons  dans  la  prochaine  leçon  en  expliquant  la  rubrique  du  chapitre  u. 

Cet  appel  sera  interjeté  dans  les  dix  jours  de  la  signification.  Interjeté,  soit 
par  une  assignation,  par  une  citation  donnée  par  le  prévenu  à  la  partie  civile, 
soit,  comme  l'autorise  le  texte  de  l'art.  203,  par  une  déclaration  au  greffe  du 
tribunal  qui  a  statué.  En  effet,  l'art.  174  n'indiquant  pas  la  forme  précise  dans 
laquelle  on  doit  appeler,  il  est  facile,  il  est  légitime  de  se  reporter  aux  règles 
de  Tart.  203  pour  les  appels  à  former  des  jugements  de  poUce  correction- 
delle. 

689.  L'art,  175  est  relatif  à  la  faculté  de  faire  entendre  en  appel  les  témoins 

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624      TRENTE-QUATRIÈBCB  LBÇON.    —  DBS  TRIBUNAUX  DB   POLICE  (n^   690). 

déjà  entendus  en  premier  ressort,  et  môme  de  nouveaux  témoins  non  entendus 
en  première  instance.  C'est  là  une  règle  générale.  Nous  savons  que,  bien  qu'il 
ne  soit  pas  permis  d'invoquer  de  nouveaux  moyens,  il  est  permis  d'invoquer 
de  nouvelles  preuves. 

L'art.  176  rend  communes  à  rinstruction  de  l'appel  les  dispositions  de  pro- 
cédure établies  dans  la  section  précédente. 

690.  «  Art.  177.  Le  ministère  public  et  les  parties  pourront,  s'il  y  a  lieu,  se 
pourvoir  en  cassation  contre  les  jugements  rendus  en  dernier  ressort  par  le  tri- 
bunal de  police,  ou  contre  les  jugements  rendus  par  le  tribunal  correctionnel,  sur 
rappel  dos  jugements  de  police.  —  Le  recours  aura  lieu  dans  la  forme  et  dans  les 
délais  qui  seront  prescrits,  n 

Nous  avons  déjà  vu,  sur  l'art.  172,  que  la  loi  avait  introduit  contre  les 
jugements  de  police  un  premier  moyen  de  recours,  Tappel,  moyen  ordinaire, 
simple,  régulier.  L'art.  177  consacre  un  second  moyen,  une  autre  voie  de 
recours,  voie  exceptionnelle,  extraordinaire,  dont  il  importe  de  préciser  et  les 
cas  d'emploi  et  les  délais  ;  cette  voie  est  la  voie  de  cassation. 

Il  est  à  remarquer,  sur  cette  matière,  que  le  Ck)de  du  3  brumaire,  en  inter* 
disant  Tappel  des  jugements  de  simple  police,  c'est-à-dire  en  fermant  aux 
parties  la  voie  la  plus  simple,  leur  avait  réservé  le  pourvoi  en  cassation,  voie 
exceptionnelle,  extraordinaire.  Et  quelque  chose  de  cette  apparente  bizarrerie 
se  retrouve  encore  dans  le  Gode.  Le  Gode  autori^  bien  le  droit  d'appeler,  mais 
seulement  dans  des  cas  et  au  profit  de  personnes  déterminées  ;  et,  au  con- 
traire, pour  le  pourvoi  en  cassation,  il  est  autorisé  sans  distinction  de  valeur, 
sans  distinction  de  personnes;  quelque  minime  que  soit  la  condamnation/ 
fût-elle  en  deçà  des  limites  auxquelles  l'art.  172  subordonne  l'emploi  de 
l'appel,  le  pourvoi  en  cassation  reste  ouvert. 

Vous  pourriez  en  demander  la  cause  :  pourquoi  donc  la  voie  exception- 
nelle reste-t-elle  ouverte  dans  ces  cas  si  peu  importants?  C'est  qu'au-dessus 
de  l'intérêt  privé,  en  vue  duquel  seul  est  écrit  l'art.  172  relatif  à  la  voie  de 
l'appel,  plane  la  question  de  l'intérêt  public,  question  capitale  dans  toutes  les 
matières  pénales.  Or,  l'intérêt  public,  dans  les  matières  pénales  surtout,  c'est 
que  la  législation  relative  à  ces  matières  soit  appliquée  d'une  manière  régu- 
lière, fixe,  uniforme  ;  c'est  qu'elle  n'aille  pas  variant  et  se  dégénérant  à  travers 
les  interprétations  capricieuses  des  tribunaux  du  plus  bas  étage.  Aussi,  pré* 
dsément  comme  garantie  contre  l'inexpérience  ou  l'ignorance  de  ces  tribu* 
naux,  la  loi  ouvre-t-elle,  dans  tous  les  cas,  le  pourvoi  en  cassation  :  de  là 
Part.  n7. 

Mais  il  est  bien  entendu  qu'en  autorisant  le  pourvoi  en  cassation,  la  loi  ne 
l'autorise  1«  que  pour  infraction  à  la  loi,  c'est-à-dire  pour  en  maintenir  l'appli- 
cation régulière,  uniforme  ;  et  2*  qu'à  défaut  de  la  voie  ordinaire,  c'est-àrdire 
contre  les  jugements  rendus,  soit  en  dernier  ressort  par  les  tribunaux  de 
police,  c'est-à-dire  pour  les  condamnations  inférieures  à  5  fr.,  soit  au  moins 
par  les  tribunaux  correctionnels  jugeant  comme  tribunaux  d'appel  des 
matières  de  police.  En  d'autres  termes,  si  un  juge  de  paix  avait  prononcé 
une  condamnation  à  un  ou  deux  jours  d'emprisonnement,  la  voie  d'appel 

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POURVOI  CONTRE  LES  JUGEMENTS  DE  POLICE  (aHT.  177).     625 

serait  ouverte  au  prévenu,  aux  termes  de  l'art.  17*^.  Que  si  ce  prévenu,  négli- 
geant d'user  de  la  voie  d'appel,  laissant  passer  les  dix  jours  que  l'art.  174 
lui  donnait,  prétendait  se  pourvoir  en  cassation,  il  n'y  serait  pas  admis  ;  car 
ce  n'est  jamais  que  contre  les  décisions  inattaquables  par  les  voies  ordinaires, 
contre  les  décisions  rendues  en  dernier  ressort,  que  le  pourvoi  en  cassation 
est  admis.  Ge  principe,  consacré  par  le»  lois  générales  de  la  matière,  Test,  de 
plus,  dans  le  Gode  même  que  nous  étudions,  par  l'art.  407  :  «  Les  arrêts  et 
jugements  rendus  en  dernier  ressort,  »  et  vous  le  retrouverez  d'une  manière 
spéciale  dans  l'art.  177.  Le  ministère  public  et  les  parties  (ici  on  parle  générale- 
ment, au  lieu  de  parler  spécialement  du  prévenu,  comme  on  le  fait  implicite* 
ment  dans  l'art.  172),  pourront,  sHl  y  a  lieu,  se  pourvoir  en  cassation  contre  les 
jugements  rendus  en  dernier  ressort  par  le  tribunal  de  police  (c'est-à-dire  con- 
tre les  jugements  à  l'égard  desquels  l'art.  172  n'autorise  pas  le  droit  d'appe- 
ler), ou  contre  les  jugements  rendus  par  le  tribunal  correctionnel,  sur  rappel  des 
jugements  de  police  (car  les  jugements  rendus  par  le  tribunal  correctionnel  sur 
cet  appel  sont  nécessairement  des  jugements  en  dernier  ressort). 

Vous  verrez  dans  l'art.  192  qu'un  tribunal  correctionnel,  saisi  d'un  fait 
qu'on  prétend  être  un  délit  et  ne  trouvant  dans  ce  fait  bien  analysé  que  les 
caractères  d'une  contravention,  lé  jugera  immédiatement.  Le  tribunal  correc- 
tionnel jugera  donc  contradictoirement  en  premier  et  en  dernier  ressort;  pas 
d'appel,  donc  pourvoi  en  cassation. 

De  môme,  si  c'est  une  cour  d'assises  qui,  par  impossibilité,  trouve  dans 
les  faits  l'existence  d'une  contravention,  elle  devra,  aux  termes  de  l'art.  365, 
appliquer  la  peine  due  à  la  contravention.  Dan?  ce  cas  encore  elle  statue 
en  dernier  ressort,  et  en  conséquence  son.  arrêt  est  soumis  au  pourvoi  de 
cassation. 

691.  Le  recours  aura  lieu  dans  la  forme  et  dans  les  délais  prescrits.  Dans  les 
délais,  ces  mots  pourraient  vous  embarrasser  ;  car,  d'une  part,  l'examen  du 
tribunal  de  police  est  terminé,  et,  d'autre  part,  en  examinant  les  règles  du 
pourvoi  en  cassation,  vous  y  trouvez  bien  les  formes  indiquées  par  les  der- 
niers mots  de  l'article,  mais  vous  n'y  trouvez  pas  les  délais.  Aucun  article  ne 
détermine  dans  quels  délais  le  pourvoi  devra  être  formé  contre  une  décision 
de  dernier  ressort,  en  matière  de  police  simple,  et  cette  difficulté,  si  elle  est 
réelle,  n'est  pas  spéciale  aux  matières  de  police,  elle  se  représente  également 
dans  les  matières  correctionnelles.  Ainsi,  l'art.  216  répète  la  décision  de 
l'art.  177,  et  n'indique  pas  plus  pour  les  matières  correcCionnelles  que  pour 
les  matières  de  police  le  délai  fatal  du  pourvoi  en  cassation.  Cependant  la 
question  ne  fait  pas  l'objet  d'un  doute  sérieux;  il  y  a  certainement  assez  mau- 
vaise rédaction  dans  les  art.  177  et  216,  contenant  un  renvoi  auquel  rien  ne 
répond  formellement  ;  mais,  dans  le  silence  de  la  loi,  il  y  a  une  analogie  na- 
turelle qui  fait  disparaître  la  difficulté.  U  faut  remarquer  que  les  dispositions 
des  art.  177  et  216,  autorisant  le  pourvoi  en  cassation,  sont  empruntées  au 
Gode  du  3  brumaire  ;  que  ce  Code,  sans  fixer  expressément  dans  les  articles 
correspondants  le  délai  du  pourvoi  dans  ces  deux  matières,  déclarait  que  oe 
délai  serait  le  même  que  celui  qui  serait  fixé  pour  les  matières  criminelles;  que 
la  même  règle  est  applicable  au  pourvoi  formé  dans  les  matières  de  police,  soit 

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626      TRENTE-CINQ.   LEÇON.  —  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n^  693). 

d*aprè's  Part.  177,  soit  d'après  Fart.  216  ;  mais^  précisément  parce  que  les  arti- 
cles 177  et  216  nous  disent  qu'on  devra  suivre,  pour  ce  pourvoi,  les  délais  pres- 
crits plus  tard^  et  que  d^ailleurs  au  titre  des  Demandes  en  cassation  aucune 
fixation  de  délai  n'est  indiquée,  il  est  nécessaire  de  se  reporter  au  seul  article 
qui  détermine  un  délai,  c'est-à-dire  à  l'art.  373.  Cet  article  ne  parle  que  pour 
les  cours  d'assises,  que  pour  les  cours  criminelles^  mais  enfin  c'est  le  seul  ar- 
ticle qui  détermine  un  délai  général,  un  délai  régulier  pour  le  pourvoi  en  cas- 
sation. Et  puisque  les  art.  477  et  216  ne  nous  renvoient  pas  spécialement  au 
délai  à  fixer  au  titre  de  la  Cassation,  mais  simplement  au  délai  qui  sera  plus 
tard  prescrit,  prenons,  dans  le  silence  de  la  loi,  le  seul  délai  qu'elle  ait  prescrit. 

Ainsi,  dans  la  pratique  et  dans  la  doctrine,  on  n'hésite  point  à  cet  égard;  le 
délai  du  pourvoi  en  cassation,  auquel  renvoie  implicitement  l'art.  177,  c'est  le 
délai  fixé  par  les  matières  criminelles  dans  les  art.  373  et  374. 

Dans  rhypothèse  de  Part.  373,  le  point  de  départ  du  délai  est  I'arrêt  pro- 
noncé, expression  qu'il  est  difficile  d'appliquer  aux  tribunaux  de  police.  L'ar- 
rêt PRONONCÉ,  c'est  parfaitement  raisonnable  dans  les  matières  criminelles, 
parce  que  l'accusé  est  toujours  là  ;  mais  cela  ne  serait  pas  suffisant  dans  les 
matières  de  simple  police,  où  le  prévenu  peut  n'être  pas  là,  soit  parce  qu'il  se 
fait  remplacer,  soit  parce  qu'il  est  jugé  par  défaut.  Je  crois  que  nous  devons 
emprunter  à  l'art.  373  le  délai  de  trois  jours,  mais  non  pas  son  point  de  départ; 
que  le  point  de  départ,  au  lieu  d'être,  comme  en  matière  criminelle,  la  pro- 
nonciation de  l'arrêt,  prononciation  que  l'accusé  ne  peut  point  ignorer,  sera, 
au  contraire,  dans  les  matières  de  police,  la  signification  à  personne  ou  à 
domicile,  au  moins  dans  les  cas  où  le  jugement  n'a  pas  été  rendu  en  présence 
et  à  la  face  du  prévenu  condamné. 

092.  L'art.  178  n'a  besoin  d'aucune  explication. 


TRENTE-CINQUIÈME  LEÇON. 

CHAPITRE  II 

DES   TRIRUNAUX  EN   MATIÈRE   CORRECTIONNELLE. 

698.  Nous  passons  aujourd'hui  des  contraventions  aux  délits,  de  la  juridic- 
tion de  simple  police  à  la  juridiction  de  police  correctionnelle.  La  base  de 
cette  distinction,  relativement  à  la  compétence,  n'a  pas  besoin  d'être  repro- 
duite, c'est  celle  que  nous  avons  déjà  expliquée  sous  les  premiers  articles  du 
Gode  pénal.  Au  reste,  cette  distinction  entre  ces  deux  classes  de  juridictions 
de  police,  police  simple  ou  municipale,  et  police  correctionnelle,  cette  distinc- 
tion n'est  pas  nouvelle;  elle  a  été  instituée  par  la  loi  des  19*22  juillet  1791  que 
j'ai  déjà  citée  en  commentant  les  matières  de  la  police  municipale.  Cette  loi,  ' 
sans  consacrer  formellement,  avec  le  sens  précis  qu'elles  ont  reçu  plus  tard, 
les  expressions  maintenant  usitées  de  contraventions  ou  de  délits,  distinguait 
cependant,  quant  à  la  pénalité,  entre  les  deux  sortes  de  juridictions  dont  nous 

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COMPÉTENCE  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (aRT.    170).  627 

traitons  maintenant  séparément.  C'est  elle  qui  ayait  attribué  la  juridiction  de 
police  municipale  aux  corps  municipaux,  ainsi  que  nous  l'avons  dit;  elle  avait, 
au  contraire,  investi  de  la  juridiction  de  police  correctionnelle  les  Juges  de 
paix.  Les  juges  de  paix,  réunis  au  nombre  de  trois,  ou  de  deux  juges  de  pdx 
et  d*un  assesseur,  ou  enfin  d'un  juge  de  paix  et  de  deux  assesseurs,  les  juges 
de  paix  connaissaient,  au  moins  en  première  instance,  des  matières  de  police 
<Mrrectionnelle  proprement  dite.  Plus  tard  vint  le  Gode  du  3  brumaire  an  IV, 
et  ce  Gode  retira,  comme  nous  l'avons  vu,  aux  officiers  municipaux,  la  connais- 
sance des  délits  de  simple  police,  et  en  investit  uniquement  et  exclusivement 
les  juges  de  paix.  Dès  lors,  en  attribuant  les  délits  de  simple  police  aux  juges 
de  paix,  qui  avaient  jusque-là  qualité  pour  examiner  des  matières  de  police 
correctionnelle,  on  fut  amené  à  l'institution  de  nouveaux  tribunaux  appelés 
spécialement  à  connaître  de  ces  dernières  matières.  Aussi  le  Gode  du  3  bru- 
maire institue  dans  les  art.  167  et  suivants  des  tribunaux  correctionnels  pro- 
prement dits.  L'art.  167  décide  qu'il  y  aura  par  département  trois  tribunaux 
correctionnels  au  moins  et  six  au  plus. 

I^  loi  du  27  ventôse  an  VIII,  loi  importante  dans  l'histoire  de  notre  orga- 
nisation judiciaire,  posa  des  bases  différentes  :  ce  sont  celles  adoptées  par  le 
Gode.  Gette  loi  attribua  aux  tribunaux  civils  d'arrondissement  le  droit  de 
connaître  en  première  instance  des  matières  correctionnelles.  Dès  ce  moment 
cessa  l'existence  des  tribunaux  spéciaux  que  le  Gode  de  l'an  IV  avait  insti- 
tués à  cet  effet.  Vous  aurez  à  joindre  à  cette  loi  la  loi  du  20  avril  1810  et  le 
décret  du  18  août  suivant.  Ge  dernier  décret  décide  que  dans  les  tribunaux 
civils  d'arrondissement  composés  d'une  seule  chambre,  cette  chambre  con- 
naîtra des  affaires  correctionnelles  dans  une  ou  plusieurs  audiences  spéciale- 
ment indiquées  à  cet  effet  ;  et  que  dans  tous  les  tribunaux  composés  de  plus 
d'une  chambre,  il  y  aura  une  chambre  spécialement  affectée  au  service  de  la 
police  correctionnelle.  Ainsi,  à  Paris,  assez  longtemps  la  sixième  chambre  a 
été  affectée  à  ce  service,  et  depuis  la  loi  du  31  juillet  et  l'ordonnance  du 
!•'  août  1821,  la  loi  du  9  et  Tord,  du  13  juillet  1837,  et  la  loi  du  6  juillet  1862, 
une  septième,  une  huitième  chambre  et  enfin  une  neuvième  et  une  dixième 
chambre  ont  été  ajoutées  à  ce  tribunal  de  la  Seine  qui  compte  quatre  cham- 
bres spécialement  affectées  au  service  de  la  police  correctionnelle. 

Voilà  l'indication  des  lois  relatives  à  l'organisation. 

694.  Qaant  à  la  compétence  de  ces  tribunaux,  elle  est  indiquée  d'une 
manière  générale  par  l'art.  179. 

«  Art.  179.  Les  tribunaux  de  première  instance  en  matière  civile  (on  adopte 
donc  là,  quant  à  rorganisation,  le  principe  de  la  loi  de  Tan  VIII)  connaîtront  en 
outre,  sous  le  titre  de  tribunaux  correctionnels,  de  tous  les  délits  forestiers  pour- 
suivis à  la  requête  de  TAdoiinistration,  bt  ob  tous  lbs  d6uts  dont  la  pbinb  bxgjeds 
CINQ  jours  o'bmprisonnbmbnt  bt  quinzb  francs  d'ambndb.  » 

I 

G*est  par  ces  derniers  mots  qu'il  aurait  fallu  commencer  ;  c'est  de  la  compé* 
tence  générale,  habituelle,  ordinaire  de  ces  tribunaux  qu'on  aurait  dû  s'oc- 
cuper d'abord.  Leur  compétence  comprend  tons  les  faits  qualifiés  délits,  c'est- 
à-dire  tous  les  actes  frappés  par  le  Gode  pénal  d'une  amende  supérieure  à 

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TRENTE-CINQ.   LEÇON.   —  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n**  695). 

15  fr.  et  d'un  emprisonnement  supérieur  à  cinq  jours.  Voilà  pour  le  mini- 
mum. Quant  au  maximum,  il  n'a  guère  de  limites,  en  ce  sens  que  Tempri- 
sonnement,  quelle  qu'en  soit  la  durée,  Famende^  quelle  qu'en  soit  la  quotité, 
ne  cessent  jamais  d'être  des  peines  purement  correctionnelles,  et  doivent, 
par  conséquent,  ôtre  toujours  appliqués  par  les  tribunaux  correctionnels. 
Cependant,  si  dans  les  articles  préliminaires  du  Gode  pénal,  le  premier  livre 
relatif  à  la  détermination  de  la  nature  des  peines  n'a  pas  fixé  de  maximum 
légal  à  l'amende,  il  a  déterminé,  vous  le  savez,  un  maximum  à  l'emprison- 
nement; le  maximum  de  la  peine  de  l'emprisonnement  est  en  général  de  cinq 
,  ans  ;  par  exception,  dans  le  cas  de  récidive,  il  peut  ôtre  porté  à  dix  ans,  en 
vertu  des  art.  57  et  58  du  Ck)de  pénal.  Mais,  quelle  qu'en  soit  la  durée,  ce 
maximum  ne  met  point  un  terme  à  la  compétence  des  tribunaux  correction- 
nels, mais  à  retendue  possible  de  la  peine  de  l'emprisonnement  ;  pour  quelque 
durée  que  cette  peine  soit  prononcée,  elle  reste  toujours,  par  sa  nature  même, 
peine  correctionnelle,  et  doit  être  appliquée  par  les  tribunaux  dont  il  est  ici 
question. 

U  en  serait  autrement  si  la  circonstance  de  récidive,  au  lieu  d'entraîner, 
comme  dans  les  art.  57  et  58,  une  prolongation,  une  augmentation  de  la  péna- 
liié  ordinaire,  au  lieu  d'autoriser,  par  exemple,  à  porter  au  double  du  maximum 
un  emprisonnement  de  cinq  ans,  dénaturait  la  pénalité  ;  si  la  récidive  avait 
pour  résultat  de  faire  sortir  le  fait  de  la  catégorie  des  simples  délits,  pour 
le  classer  dans  la  catégorie  des  véritables  crimes.  Ainsi,  vous  trouvez  dans 
l'art.  200  du  Gode  pénal  un  fait  qui,  pour  la  première  et  la  seconde  fois,  n'est 
puni  que  comme  un  simple  délit,  et  qui  ensuite  est  rangé  dans  la  catégorie 
des  crimes.  On  vous  dit  d'abord  dans  l'art.  199  :  «  Tout  ministre  d'un  culte 
qui  procédera  aux  cérémonies  religieuses  d'un  mariage,  sans  qu'il  lui  ait  été 
justifié  d'un  acte  de  mariage  préalablement  regu  par  les  ofûciera  de  l'état 
civil,  sera,  pour  la  première  fois,  puni  d'une  amende  de  16  à  100  fr.  (peine 
purement  correctionnelle).  »  On  ajoute  ensuite,  dans  l'art  200  :  t  En  cas  de 
nouvelles  coniraven lions  de  l'espèce  exprimée  en  Tarticle  précédent,  le  ministre 
du  culte  qui  les  aura  commises  sera  puni,  savoir  :  —  Pour  la  première  réci- 
dive, d'un  emprisonnement  de  deux  à  cinq  ans  (peine  encore  purement  cor- 
rectionnelle) ;  —  et,  pour  la  seconde,  de  la  détention.  »  11  est  clair  qu'ici  le 
fait  qui,  pour  la  première  fois  ou  pour  la  première  récidive,  n'était  qu'un 
simple  délit,  devient,  par  le  fait  de  la  dernière  récidive,  un  véritable  crime, 
et  sort,  par  conséquent,  de  la  compétence  des  tribunaux  correctionnels.  Mais 
c'est  là  une  espèce  tout  à  fait  exceptionnelle,  et,  en  général,  comme  nous 
l'avons  vu  en  expliquant  les  règles  relatives  à  la  récidive,  la  récidive  a  pour 
effet  d'entraîner  l'aggravation  d'une  des  peines  de  même  nature,  mais  non 
pas  de  changer,  de  dénaturer  la  qualité  des  peines  et  la  qualité  légale  du  fait. 

Voilà  donc  l'idée  la  plus  générale  sur  la  compétence  habituelle  des  tribu- 
naux de  police  correctionnelle, 

695.  Ils  ont  de  plus  qualité,  vous  dit  l'art.  179,  pour  connaître  de  Ums  les 
délits  forestiers  poursuivislà  la  requête  de  V Administration.  Si  ces  expressions, 
délits  forestiers^  devaient  se  prendre  à  la  lettre  et  dans  le  sens  technique  de 
l'article,  elles  seraient  parfaitement  inutiles.  En  effet,  les  tribunaux  correc- 

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COMPÉTENCE  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS    (aRT.     179).  629 

tionnels  ayant  qualité  pour  connaître  de  tous  les  délits^  de  quelque  nature 
qu'ils  soient,  très-peu  importe  que  le  délit  soit  ou  ne  soit  pas  forestier^  très- 
peu  importe  quMl  soit  poursuivi  à  la  requête  de  l'Administration  ou  à  celle 
d'un  particulier.  Ce  que  la  loi  veut  dire  ici  par  le  mot  délit,  ce  n^est  pas  un 
délit  proprement  dit^  le  fait  punissable  de  peines  supérieures  à  15  fr.  d'amende 
ou  cinq  jours  d'emprisonnement,  c'est  la  contravention.  Vous  devez  sans  hési- 
ter lire  dans  Tarticle  comme  s'il  y  avait  :  de  toutes  les  contraventions  fores- 
tières poitrsuivies  à  la  requête  de  F  Administration. 

Ainsi  les  tribunaux  de  police  correctionnelle  sont  compétents  pour  tous  les 
délits,  et,  au  nombre  de  ces  délits,  pour  les  délits  forestiers,  à  la  requête  de 
quelque  personne  qu'ils  soient  pouruivis.  Que  si  l'on  se  trouve  dans  un6 
matière  forestière,  mais  dans  une  hypothèse  de  contravention,  et  non  point 
dans  une  hypothèse  de  délit,  alors,  par  exception,  par  extension  de  leur  com- 
pétence ordinaire,  ces  tribunaux  auront  qualité  si  la  contravention  est  pour- 
suivie par  l'Administration,  et  non  point  par  un  particulier.  C'est  ce  que  déjà 
nous  avons  conclu  a  contrario  du  paragraphe  4  de  l'art.  139  ;  nous  avons  vu 
qu'on  y  déclarait  les  juges  de  paix  compétents  pour  connaître  des  contraven- 
tions forestières  poursuivies  par  des  particuliers  ;  et  je  tous  ai  avertis  que  si, 
au  contraire,  elles  étaient  poursuivies  par  l'État  et  dans  Tintérêt  de  l'État^ 
quoique  ce  ne  fût  qu'une  peine  de  simple  police,  elle  serait  appliquée  par  les 
tribunaux  correctionnels.  J'ai  motivé  cette  exception,  comme  on  l'a  fait  en 
l'insérant  dans  le  Gode,  sur  le  désir,  ou  plutôt  sur  le  besoin  d'éviter  à  Tadmi- 
nistration  forestière,  qui  a  de  nombreuses  contraventions  à  constater  et  à 
poursuivre,  de  lui  éviter  la  nécessité  d'avoir  des  agents  spéciaux  dans  les 
chefs-lieux  de  canton,  ou  d'en  avoir  journellement  voyageant  près  des  juges 
de  paix.  On  a  pensé  que  la  répression  serait  plus  facile,  plus  rapide  et  moins 
coûteuse,  en  attribuant,  par  exception,  aux  tribunaux  de  police  correctionnelle 
la  connaissance  de  ces  contraventions. 

Ce  n'est  pas^  au  reste,  la  seule  hypothèse  dans  laquelle  une  peine  de  simple 
police  puisse  être  prononcée  par  un  tribunal  de  police  correctionnelle  :  ce 
tribunal  n'est  compétent  que  pour  les  délits;  si  cependant  on  a  porté  devant 
lui  une  poursuite  relative  à  un  fait  qui  se  présentait  comme  délit,  et  que  ce 
fait,  après  les  débats,  n'offre  plus  que  les  caractères  d'une  simple  contraven- 
tion ;  alors,  au  lieu  de  renvoyer  l'affaire  au  tribunal  de  police  auquel  elle 
appartenait,  le  tribunal  correctionnel  est  autorisé,  au  moins  sous  certaines  dis* 
tinctions^  à  statuer  immédiatement  et  à  statuer  sans  appel.  Yous  verrez,  à  cet 
égard,  la  règle  et  les  distinctions  dans  l'art.  192  du  présent  titre. 

696.  Voilà  des  exceptions  à  la  juridiction  des  tribunaux  correctionnels,  en 
ce  sens  que  cette  juridiction,  qui,  en  principe,  n'embrasse  que  les  délits,  com- 
prend, dans  quelques  cas  spéciaux,  même  de  simples  contraventions.  Nous 
avons  à  signaler  maintenant,  à  cette  même  juridiction,  des  exceptions  en  sens 
inverse  et  d'une  nature  plus  importante,  nous  avons  à  signaler  des  cas  de 
véritables  délits,  d'actes  punissables  par  la  loi  de  peines  correctionnelles,  et  que 
cependant  des  dispositions  spéciales  ont  fait  sortir  de  la  compétence  des  tribu- 
naux dont  nous  nous  occupons. 

En  première  ligne  figurent,  parmi  ces  actes,  tous  les  délits  commis  par  la 

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630      TRENTE-CINQ.   LEÇON.   —  DBS  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n*  696). 

Toie  de  la  presse.  La  loi  du  8  octobre  1830,  terminant  des  variations  asses 
nombreuses  dans  la  législation  antérieure,  avait  attribué  au  jury,  c'est-à-dire 
aux  cours  d'assises,  la  connaissance  des  actes  coupables  commis  par  la  voie  de 
la  presse,  lors  même  que  la  pénalité,  ce  qui  arrive  le  plus  souvent,  était  pure- 
ment correctionnelle.  Ainsi  les  délits  de  la  presse,  quelque  légère  qu*en  puisse 
être  la  punition,  comme  les  actes  d'une  nature  plus  grave,  étaient  essentielle- 
ment, et  à  raison  de  leur  nature  même,  de  la  compétence  des  cours  d'assises. 
Cette  exception  avait  cessé  en  vertu  du  décret  du  17  février  1852  qui  avait  fait 
entrer  tous  les  délits  de  la  presse  dans  la  compétence  de  la  juridiction  correc- 
tionnelle. Mais  ce  décret  a  été  abrogé  par  la  loi  du  15  avril  1871, qui  a  été  elle» 
même  modifiée  par  la  loi  du  29  décembre  1875. 

De  même,  certains  délits,  au  lieu  d'appartenir  à  la  juridiction  correctionnelle, 
sont  attribués  aux  cours  par  quelques  décrets,  et  ces  dispositions  d'exception 
sont  fondées  sur  la  qualité,  sur  la  position  des  personnes  auxquelles  les  délits 
sont  imputés,  et  non  plus,  comme  tout  à  l'heure,  sur  la  nature  même  du  délit. 
Ainsi,  dans  les  art.  479  et  483  du  présent  Gode,  vous  verrez  que  les  délits  im- 
putés à  certains  membres  de  Tordre  judiciaire  sont  jugés  non  pas  par  les 
tribunaux  correctionnels,  quoique  le  fait  soit  puni  de  peines  simplement  correo 
tionnelles,  mais  bien  par  les  cours.  Ces  articles  indiquent  et  les  règles  de  com- 
pétence et  les  règles  de  procédure  à  appliquer  en  de  pareils  cas. 

La  loi  du  20  avril  1810,  art.  10,  attribue  également  compétence  aux^cours^ 
à  Texclusion  des  tribunaux  correctionnels,  pour  les  délits  commis  par  certains 
fonctionnaires  étrangers  même  à  Tordre  judiciaire,  fonctionnaires  désignés 
d'ailleurs  dans  Tart.  10  de  cette  loi  :  t  Lorsque  de  grands  officiers  de  la  Légion 
d'honneur,  des  généraux  commandant  une  division  ou  un  département,  des 
archevêques,  des  évêques,  des  présidents  de  consistoire,  des  membres  de  la 
cour  de  cassation,  de  la  cour  des  comptes  et  des  cours,  et  des  préfets,  seront 
prévenus  de  délits  de  police  correctionnelle,  les  cours  en  connaîtront  de  la 
manière  prescrite  par  Tart.  479  du  Gode  d'instruction  criminelle,  t 

Enfin,  relativement  aux  délits  commis  soit  par  des  membres  de  l'Université, 
soit  par  des  étudiants,  Tart.  160  du  décret  du  15  novembre  1811  renferme  la 
même  disposition  :  «  Nos  procureurs  généraux  pourront  requérir,  et  nos  cours 
ordonner  que  des  membres  de  l'Université  ou  étudiants,  prévenus  des  crimes 
ou  délits,  soient  jugés  par  lesdites  cours,  ainsi  qu'il  est  dit,  pour  ceux  qui 
exercent  certaines  fonctions,  à  la  loi  du  20  avril  1810,  et  au  Gode  d'instruction 
criminelle,  art.  479.  » 

Remarquez  cependant  :  sur  ce  dernier  article,  1^  que  cette  attribution  aux 
cours  n'est  pas  générale,  n'est  pas  absolue  comme  les  deux  dont  je  viens  de 
parler  tout  à  Theure,  elle  est  facultative  ;  c'est-à-dire  que  Taitribution  aux 
cours  de  la  connaissance  de  ces  actes  peut  être  requise  par  le  ministère  public 
et  ordonnée  par  les  cours  ;  mais  il  n'y  a  pas  pour  cela  incompétence  formelle^ 
directe,  absolue,  prononcée,  quant  à  la  juridiction  des  tribunaux  correctionnels. 

Notez  bien  :  i^  que  cet  art.  160  du  décret  de  1811  va  beaucoup  plus  loin  dans 
son  texte  que  les  deux  lois  citées  toute  Theure.  Dans  les  deux  lois  précédentes 
il  ne  s'agit  que  de  délits,  on  se  borne  à  retirer  aux  tribunaux  correctionnels  la 
connaissance  de  certains  délits,  à  Tefifet  de  l'attribuer  directement  aux  cours. 
Au  contiaire,  Tart.  160  parle  non-seulement  de  délits,  mais  aussi  de  crimes 

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COMPÉTENCE  DES    TRIBUNAUX  GORHECTIQNNELS  (aRT.     t80).  631 

commis  par  les  personnes  qui  y  sont  dénommées.  A  cet  égard  il  m'est  impos* 
sible  de  penser  que  Fart.  160  soit  encore  en  vigaem*.  Depuis  que  le  principe 
général  de  la  joridictîon  des  jurés  a  été  consacré  de  nouveau  dans  les  régies 
de  notre  droit  public,  depuis  qu'on  a  écrit  derechef  le  principe  que  nul  ne  peut 
être  distrait  de  ses  Juges  naturels,  je  ne  pense  pas  qu'on  puisse  enlever  aux 
personnes  indiquées  dans  Fart.  160  le  bénéfice  du  jugement  par  jurés,  pour  y 
substituer  la  juridiction  directe  de  la  cour.  A  cet  égard,  de  nouveaux  principes 
ayant  été  posés,  le  système  même  du  jury  ayant  reçu  depuis  4811  une  orga- 
nisation et  des  règles  complètement  nouvelles,  je  n'hésite  pas  à  voir,  soit  dans 
ces  nouvelles  lois  de  juridiction,  soit  surtout  dans  les  articles  généraux  des 
constitutions,  une  dérogation  à  l'article  du  décret,  et  par  conséquent  une  res- 
titution à  la  compétence  ordinaire  des  cours  d'assises  des  crimes  commis  par 
les  personnes  désignées  dans  cet  article. 

Quant  aux  délits,  il  n'y  a  aucune  raison  de  penser  que  l'art.  160  ne  puisse 
recevoir  encore  son  entière  application. 

697.  «Art.  180.  Ces  tribunaux  pourront,  en  matière  correctionnelle,  prononcer 
au  nombre  de  trois  juges.  » 

Ce  n'est  ici  que  l'application  aux  tribunaux  civils  siégeant  en  matière  correc- 
tionnelle des  règles  déjà  posées  pour  ces  mêmes  tribunaux  siégeant  en  matière 
civile  ;  vous  savez  que  le  minimum  des  juges  siégeant  et  décidant  est  de  trois. 
Cependant  il  faut  remarquer  que  précisément  dans  ce  cas  que  nous  venons 
d'indiquer,  ce  cas  où  les  tribunaux  de  police  correctionnelle  connaîtraient 
comme  juges  d'appel,  dans  l'hypothèse  de  l'art.  200,  ils  devront  être  au  nom- 
bre de  cinq.  Sous  ce  rapport,  il  faut  ajouter  à  notre  art.  18(t  l'art.  40  de  la  loi 
organique  du  20  avril  1810  :  •  Les  juges  ne  pourront  rendre  aucun  jugement, 
s'ils  ne  sont  au  nombre  de  trois  au  moins  ;  sur  Tappel  en  matière  correction- 
nelle, ils  seront  au  nombre  de  cinq,  i 

Remarquez  d'ailleurs,  relativement  à  ces  juges  correctionnels,  que  vous  ne 
trouvez  dans  l'art.  180  aucune  exclusion  pareille  à  celle  que  Fart  237  prononce 
contre  les  membres  des  cours  d'assises.  Vous  verrez  dans  ce  dernier  article 
qu'il  est  défendu  de  faire  siéger  dans  une  cour  d'assises  Tun  des  juges  qui  ont 
pris  part  à  l'instruction,  l'un  des  juges  qui  auraient  voté  sur  la  mise  en  accu- 
sation. Rien  de  pareil  en  police  correctionnelle  ;  on  peut  très- valablement  faire 
siéger  et  voter  dans  ce  tribunal  le  juge  qui  a  fait  l'instruction  ou  les  juges  qui, 
dans  la  chambre  du  conseil,  ont  prononcé  le  renvoi  du  prévenu  en  police  cor- 
rectionnelle, aux  termes  des  art.  127  et  suivants.  Certainement  cette  double 
mission  n'est  pas  sans  inconvénient,  certainement  le  danger  des  préventions 
que  la  loi  a  redoutées  dans  l'art.  257  reparait  dans  le  cas  de  l'art.  180  ;  il  est 
toujours  périlleux  d'appeler  au  jugement  d'un  prévenu  des  hommes  qui  vien- 
nent siéger  dans  le  tribunal  avec  une  opinion  déjà  faite,  au  moins  en  partie, 
sur  la  culpabilité  de  ce  prévenu.  Il  a  paru  difficile  d'éviter  cet  inconvénient 
dans  les  matières  de  police  correctionnelle,  parce  que  le  petit  nombre  de  la 
plupart  des  tribunaux  civils  ne  permettrait  pas  de  trouver  dans  leur  sein  un 
nombre  de  juges  suffisant  pour  éviter  cette  double  mission.  Au  contraire, 
l'art.  257  ne  s'appliquant  qu'aux  cours,  il  était  toujours  facile  de  trouver  dans 

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632      TRENTE-CINQ.    LEÇON.   —  DES   TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS   (N**  698). 

la  cour^  pour  composer  la  cour  d'assises,  des  membres  qui  n'auraient  pas  pris 
part  à  la  mise  en  accusation.  L'inconvénient  est  réel  ;  on  a  reculé  cependant 
devant  des  difficultés  plus  ou  moins  graves  d'exécution. 

698.  a  Art.  181.  S'il  se  commet  un  délit  correctionnel  dans  Tenceinte  et  pen- 
dant la  durée  de  Taudience,  le  président  dressera  procès-verbal  du  fait,  entendra 
le  prévenu  et  les  témoins,  et  le  tribunal  appliquera,  sans  désemparer,  les  peines 
prononcées  par  la  loi.  —  Cette  disposition  aura  son  exécution,  pour  les  délits  cor- 
rectionnels commis  dans  l'enceinte  et  pendant  la  durée  des  audiences  de  nos  cours, 
et  même  des  audiences  du  tribunal  civil,  sans  préjudice  de  l'appel  de  droit  des 
jugements  rendus  dans  ces  cas  par  les  tribunaux  civils  ou  correctionnels.  » 

Il  s'agit  ici  de  la  faculté  accordée  non-seulement  aux  tribunaux  civils  sié- 
geant en  matière  correctionnelle,  mais  môme,  comme  l'ajoute  le  second  para- 
graphe, au  tribunal  civil  siégeant  en  matière  civile,  et  à  plus  forte  raison  aux 
cours,  de  réprimer,  de  punir  immédiatement  et  séance  tenante  les  délits  commis 
nendant  la  durée  de  l'audience  et  dans  l'enceinte  de  la  salle  d'audience.  Les 
formes  rapides  de  procéder  que  la  loi  indique  ici  n'ont  pas  besoin  d'explication. 

Remarquez  cependant  sur  cet  article  qu'il  s'applique  à  tous  les  délits,  de 
quelque  nature  qu'ils  soient,  commis  dans  l'enceinte  et  pendant  la  durée  de 
l'audience.  Il  ne  s'agit  pas  seulement  des  délits  qui  auraient  été  commis  con- 
trairement au  respect  dû  aux  fonctionnaires  judiciaires  ou  à  l'exercice  de  la 
justice,  il  s'agit  de  tous  les  délits,  de  quelque  nature  qu'ils  soient,  commis  par 
des  particuliers  contre  des  particuliers  pendant  le  cours  de  l'audience.  Cette 
faculté  de  les  punir  tous  appartient  aux  tribunaux  indiqués  dans  notre  article, 
mais  non  pas  à  tous  les  juges  ni  àUous  les  tribunaux.  Ainsi,  cet  article  ne 
pourrait  être  appliqué  ni  par  les  juges  de  paix  ni  par  les  juges  de  commerce 
qui  n'ont  pas  qualité  pour  punir,  aux  termes  du  présent  texte,  tous  les  délits 
commis  à  leur  audience.  Ces  deux  observations  doivent  se  combiner  afin  de  les 
bien  comprendre  toutes  les  deux.  En  effet,  en  rapprochant  l'art.  18i  des  arti- 
cles 504  et  505,  vous  noterez  entre  ces  trois  textes  une  différence  assez  impor- 
tante :  d'après  les  art.  504  et  505,  -tous  les  juges,  soit  les  juges  ordinaires 
comme  ceux  dont  on  parle  ici,  soit  les  juges  d'exception  comme  les  juges  de 
paix  ou  juges  de  commerce,  ont  qualité  pour  punir  immédiatement  les  délits 
commis  à  leur  audience,  en  tant  que  ces  délits  portent  atteinte  au  respect  dû 
a  l'exercice  de  la  justice  et  aux  fonctionnaires  qui  la  rendent.  Mais  c'est  uni- 
quement dans  cette  limite  que  s'exercent  les  pouToirs  conférés  à  toute  espèce 
de  juges  par  les  art.  504  et  505.  Si  au  contraire  le  délit  ne  porte  point  atteinte 
îiu  respect  dû  à  la  justice,  on  n'est  plus  dans  les  termes  des  art.  504  et  505, 
mais  dans  les  termes  de  Tart.  481. 

Ainsi  tout  délit  contraire  au  respect  de  la  justice  pourra  être  réprimé  immé- 
diatement par  le  juge  ordinaire  ou  par  le  juge  d'exception  à  l'audience  duquel 
il  aura  été  commis.  Au  contraire,  s'il  s'agit  d'un  délit  d'une  nature  différente, 
par  exemple,  d'un  vol  commis  à  l'audience,  il  pourra  être  puni  aux  termes  de 
l'art.  481,  mais  seulement  par  les  tribunaux  désignés  dans  cet  article;  le  juge 
de  paix^  le  juge  de  commerce,  n'auraient  pas  qualité  pour  punir  directement 
et  par  eux-mêmes  un  acte  ée  cette  nature  commis  à  leur  audience. 

La  loi  ajoute  :  Sans  préjudice  de  Vappel  de  droit  dès  jugements  rendus  dans  ces 
Cks  par  les  tribunaux  civils  et  correctionnels.  Dans  ces  caSy  c'est-à-dire  si  le  juge- 

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PROCÉDURE  DEVANT  LES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (ART.    182).       633 

ment  a  été  rendu  par  des  juges  sujets  à  l'appel.  6i  le  délit  s'était  commis  à 
l'audience  d'une  cour,  et  avait  été  de  suite  puni  par  la  cour,  le  jugement  inter- 
venu serait  à  Tabri  de  tout  appel. 

689.  a  Abt.  182.  Le  tribunal  sera  saisi,  en  matière  correctionnelle,  de  la  con- 
naissance des  délits  de  sa  compétence,  soit  par  le  renvoi  qui  lui  en  sera  fait  d'après 
les  art.  130  et  160  ci-dessus,  soit  par  la  citation  donnée  directement  au  prévenu 
et  aux  personnes  civilement  responsables  du  délit  par  la  partie  civile,  et,  à  l'égard 
des  délits  forestiers,  par  le  conservateur,  inspecteur  ou  sous-inspecteur  forestier, 
ou  par  les  gardes  généraux,  et,  dans  tous.les  cas,  par  le  procureur  de  la  Répu- 
blique. » 

Cet  article  est  assez  important  en  ce  que  dans  la  première  partie  il  résume 
des  principes  qui  vous  sont  déjà  connus,  et  consacre  dans  la  deuxième  une  dis- 
tinction, un  contraste  fort  important  entre  la  juridiction  correctionnelle  et  la 
juridiction  criminelle  des  cours  d'assises.  Gomment  un  tribunal  correctionnel 
est-il  saisi,  est-il  investi  de  la  qualité  nécessaire  pour  connaître  d'un  délit? 
Nous  savons  déjà  que  c'est  un  principe  général  du  droit  criminel  français  que 
la  séparation  de  la  qualité  de  partie  poursuivante  d'avec  la  qualité  de  juge; 
nous  savons  déjà  que,  de  même  que  la  partie  qui  poursuit  n*a  pas  qualité 
pour  requérir  une  peine,  de  môme  les  magistrats  institués  pour  appliquer  des 
peines  ne  peuvent  pas  les  appliquer  d'office.  Déjà  nous  avons  vu ,  en  exami- 
nant rinstruction  préparatoire,  quelle  conséquence  importante  avait  été  déduite 
de  ce  grand  principe;  nous  la  trouvons  ici  écrite  de  nouveau  dans  l'art.  182, 
mais  surtout  dans  sa  seconde  partie.  Le  tribunal  correctionnel,  institué  pour 
réprimer  et  pour  punir  les  délits,  ne  peut  cependant  dans  aucun  cas  les  répri- 
mer et  les  punir  d'office  ;  il  est  nécessaire  que  le  délit  soit  porté  à  sa  connais- 
sance, soit  soumis  à  sa  répression  de  l'une  des  manières  indiquées  dans  le 
texte  de  notre  article. 

La  première  de  ces  manières  est  le  renvoi  prononcé,  nous  dit  k  loi,  d'après 
les  art.  130  et  160.  Un  mot  sur  l'indication  de  ces  deux  articles. 

D'après  l'art.  130,  c'est  fort  simple,  c'est  le  renvoi  prononcé  par  le  juge 
d'instruction  au  tribunal  de' police  correctionnelle,  renvoi  fondé  sur  ce  que  le 
fait  établi  dans  l'instruction  ne  présente  que  les  caractères  d'un  délit;  alors 
l'ordonnance  de  renvoi  contient  pour  le  prévenu,  si  elle  le  laisse  en  liberté, 
obligation  de  se  représenter  à  jour  fixe  à  Taudience  du  tribunal.  Dans  le  cas 
contraire  le  prévenu  reste  sous  la  main  de  la  justice,  et  il  sera  conduit  devant 
le  tribunal  au  jour  indiqué  pour  l'audience. 

Quant  à  Tart.  160,  l'indication  de  la  loi  est  ici  fort  inexacte  :  il  n'est  pas 
vrai  de  dire  que  le  tribunal  correctionnel  soit  saisi  par  un  renvoi,  aux  termes 
de  Tart.  150;  l'art.  160  suppose  une  prétendue  contravention  portée  devant 
un  juge  de  paix;  et  le  juge  de  paix,  découvrant  dans  le  fait  les  caractères  d'un 
délit,  doit  renvoyer  le  délit  et  le  prévenu  non  pas  devant  le  tribunal  de  police 
correctionnelle,  mais  bien  devant  le  procureur  de  la  République  ;  c'est  là  ce  que 
décide  l'art.  160.  Ainsi,  dans  le  cas  de  l'art.  160,  le  renvoi  aura  lieu  devant  le 
procureur  de  la  République,  et  ce  sera  à  ce  magistrat  de  saisir  la  police  correc- 
tionnelle par  une  citation  qu'il  fera  donner  en  son  nom  au  prévenu.  Dans  ce  cas 
la  police  correctionnelle  sera  saisie,  non  pas  par  le  renvoi  du  juge  de  paix, 

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634      TRENTE-CINQ.   LEÇON.  —  DBS  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n* 

comme  le  supposent  les  premiers  mots  de  Tarticle,  mais  bien  par  une  cita- 
tion donnée  soit  à  la  requête  du  ministère  public,  soit  à  la  requête  de  la 
partie  civile.  Ainsi,  Fart.  160  doit  disparaître  de  cette  première  partie  dn 
texte. 

A  Tin  verse,  un  autre  cas  de  renvoi  assez  important  est  omis  dans  notre 
article  et  doit  y  être  ajouté,  c*est  celui  prévu  dans  l'art.  230,  celui  où  une  cour, 
chambre  des  mises  en  accusation,  appelée  à  statuer  sur  la  prévention  d*un 
crime,  ne  trouverait  plus  dans  ce  fait  que  les  caractères  d'un  délit,  et  le  ren- 
verrait directement  devant  un  tribunal  de  police  correctionnelle.  J'aimerais 
mieux  lire  ainsi  notre  texte  :  Diaprés  les  art,  130  et  230. 

Remarquez,  du  reste,  que,  quand  le  juge  d'instruction  ou  quand  la  cour, 
chambre  des  mises  en  accusation,  renvoient  un  prévenu  sous  la  suspicion  d*un 
délit  devant  un  tribunal  de  police  correctionnelle,  cette  qualification  donnée 
par  l'ordonnance  ou  par  Tarrét  de  renvoi  n'a  rien  d'obligatoire  pour  le  tribunal 
saisi.  Ainsi,  le  juge  d'instruction  par  une  ordonnance,  ou  la  cour  par  un  arrêt, 
ont  renvoyé  un  prévenu  de  délit  devant  un  tribunal  correctionnel,  le  tribunal 
correctionnel  reconnaît  à  l'audience  et  dans  le  cours  des  débats  que  le  fait 
n'est  pas  un  simple  délit,  mais  qu'il  s'y  joint  des  circonstances  qui  y  impri- 
ment le  caractère  de  crime,  eh  bien  !  dans  ce  cas,  le  tribunal  correctionnel  ne 
sera  lié  ni  par  l'ordonnance  ni  même  par  l'arrêt.  Dès  qu'il  reconnaît,  à  tort  ou 
à  raison,  le  caractère  d'un  crime,  il  doit  s'arrêter,  car  toute  compétence  lui 
manque.  L'art.  193  vous  dit  que  dans  ce  cas-là  le  tribunal,  au  lieu  de  juger, 
renverra  le  prévenu  devant  le  juge  compétent. 

La  seconde  manière  de  saisir,  la  plus  simple,  la  plus  fréquente,  au  moins 
dans  les  délits  de  peu  d'importance,  est  la  voie  de  la  citation.  Vous  devez 
bien  voir  où  est  la  différence  :  le  renvoi  dont  il  est  question  dans  la  première 
partie  de  l'article  suppose  qu'on  s'est  livré,  à  raison  de  ce  fait,  à  la  série  d'in- 
structions préparatoires  qui  font  la  matière  du  premier  livre,  c'est-à-dire  aux 
opérations  de  la  police  judiciaire.  Or,  en  général,  ces  opérations  longues, 
compliquées  de  l'instruction,  ne  doivent  être  employées  que  pour  les  crimes, 
elles  ne  doivent  l'être  pour  les  délits  que  dans  les  cas  où  un  caractère  de 
gravité  viendrait  s'ajouter  à  des  difficultés  assez  sérieuses.  Hors  ces  cas- là,  le 
vœu  de  la  loi  n'est  pas  qu'on  procède  à  une  instruction  préparatoire  en 
matière  de  simple  délit;  le  vœu  de  la  loi  n'est  pas  que  le  juge  d'instruction 
et  moins  encore  la  cour  soient  appelés  à  statuer  préparatoirement  sur  des  faits 
de  cette  nature.  Ce  sera  donc,  le  plus  souvent,  pour  des  délits  clairs  et  sim- 
ples, par  une  citation  et  non  par  ordonnance,  surtout  par  arrêt  de  renvoi,  que 
les  tribunaux  de  police  correctionnelle  seront  saisis  de  la  connaissance  des 
délits. 

A  la  requête  de  qui  cette  citation  peut-elle  être  donnée?  C'est  ici  que  se 
rattache  la  distinction  que  nous  avons  annoncée.  Elle  ne  peut  l'être  que  par 
une  des  parties»  soit  publique,  soit  privée,  auxquelles  la  loi  donne  qualité  pour 
poursuivre.  La  partie  publique,  c'est,  avant  tout,  le  procureur  de  la  Républi- 
que. En  second  lieu,  pour  les  délits  intéressant  spécialement  l'administration 
forestière,  les  agents  déterminés  dans  le  texte  de  notre  article.  Enfin,  pour 
les  délits  n'intéressant  que  les  particuliers,  ce  peuvent  être  aussi  les  parties 
lésées  par  le  délit. 


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PROGÉDURB  DEVANT  LES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (aRI*.    182).      635 

Notez  bien  ici  ce  dernier  point  :  il  en  résulte  que,  quoique  le  tribunal  n'ait 
pas  qualité  pour  appliquer  d'office  une  pénalité  quelconque  à  des  délits  que 
personne  n'a  poursuivis,  il  n'est  cependant  pas  nécessaire,  pour  donner  ce 
pouvoir  au  tribunal,  que  le  ministère  public,  chargé  principalement  de  la  pour- 
suite des  actes  punissables,  ait  saisi  le  tribunal.  Le  tribunal,  très-fréquemment 
saisi  par  le  procureur  de  la  République,  aux  termes  des  derniers  mots  de  notre 
article,  peut  également  être  saisi,  être  investi  d'une  entière  compétence  par 
une  citation  donnée  à  la  requête  de  la  partie  civile,  sans  aucune  intervention 
du  ministère  public.  Ces  deux  idées  se  concilient  fort  bien. 

C'est  ici  qu'est  la  grande  différence  entre  les  matières  de  police,  soit  simple, 
soit  correctionnelle,  et  les  matières  criminelles  proprement  dites  : 

Dans  les  matières  criminelles  le  ministère  public  est  essentiellement  partie 
principale.  Sans  doute  la  partie  lésée  peut  bien  porter  plainte,  la  partie  lésée 
peut  bien  se  porter  partie  civile  et  se  joindre  au  ministère  public  ;  mais  la 
partie  lésée  ne  peut  jamais,  en  son  nom  propre  et  personnel,  saisir  directement 
la  cour  d'assises  ;  les  cours  d'assises  ne  sont  saisies,  soit  qu'il  y  ait  ou  qu'il  n'y 
ait  pas  plainte  de  la  partie  lésée,  que  par  l'acte  d'accusation  dressé  par  le  pro- 
cureur général,  en  vertu  de  l'arrêt  de  renvoi  prononcé  par  la  cour. 

Au  contraire,  les  tribunaux  de  police,  soit  simple,  soit  correctionnelle, 
peuvent  être  indifféremment  saisis  par  le  ministère  public  ou  par  la  partie 


700.  En  matière  correctionnelle,  les  règles  qui  précèdent  reçoivent  une  no- 
table exception,  qui  a  été  consacrée  par  la  loi  du  20  mai  1863,  lorsque  l'inculpé 
a  été  saisi  en  état  de  flagrant  délit.  Voici  le  texte  de  cette  loi  : 

«  Loi  du  20  mai  1863.  Art.  1.  Tout  inculpé  arrêté  en  état  de  flagrant  délit  pour 
un  fait  puni  de  peines  correctionnelles  est  immédiatement  conduit  devant  le  pro- 
cureur de  la  République  qui  l'interroge,  et  s'il  y  a  lieu,  le  traduit  sur-le-cbamp 
à  l'audience  du  tribunal.  Dans  ce  cas  le  procureur  de  la  République  peut  mettre 
l'inculpé  sous  mandat  de  dépôt.  —  Art.  2.  S'il  n'y  a  point  d'audience,  le  procu- 
reur de  la  République  est  tenu  de  faire  citer  l'inculpé  pour  l'audience  du  lende- 
main. Le  tribunal  est  au  besoin  spécialement  convoqué.  —  Art.  3.  Les  témoins 
pourront  être  verbalement  requis  par  tout  officier  de  police  judiciaire  ou  agent  de 
la  force  publique.  Ils  sont  tenus  de  comparaître  sous  les  peines  portées  par  l'art.  157, 
G.  instr.  cr.  —  Abt.  4.  Si  Tinculpé  le  demande,  le  tribunal  lui  accorde  un  délai  de 
trois  Jours  au  moins  pour  préparer  sa  défense.  —  Art.  5.  Si  l'affaire  n*est  pas  en 
état  de  recevoir  jugement,  le  tribunal  en  ordonne  le  renvoi  pour  plus  ample  inlor- 
.mation  à  Tune  des  plus  prochaines  audiences,  et,  s'il  y  a  lieu,  met  l'inculpé  pro- 
visoirement en  liberté  avec  ou  sans  caution.  —  Art.  6.  L'inculpé,  s'il  est  acquitté, 
est  immédiatement  et  nonobstant  appel  mis  en  liberté.  —  Art.  7.  La  présente  loi 
n'est  point  applicable  aux  délits  de  presse,  aux  délits  politiques,  ni  aux  matières 
dont  la  procédure  est  réglée  par  des  lois  spéciales.  » 

Jusqu'ici  deux  voies,  comme  nous  l'avons  dit,  s'ouvraient  pour  la  poursuite 
des  délits  correctionnels  :  la  voie  de  l'instruction  préalable  et  la  voie  de  la  cita- 
tion directe.  La  loi  du  20  mai  1863  ajoute  un  troisième  mode  de  poursuite  : 
c'est  la  traduction  immédiate  et  sans  citation  de  l'inculpé  devant  le  tribunal, 
lorsque  cet  inculpé  est  saisi  en  état  de  flagrant  délit,  et  que  le  Mt  est  puni  des 
peines  correctionnelles.  La  loi  laisse  dans  ce  cas  au  ministère  public  l'op- 


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636      TRENTE- CINQ.  LEÇON.    —  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS   (n*  700), 

tien  entre  le  renvoi  de  Tincutpé  devant  le  juge  d'instruction,  le  renvoi 
devant  le  tribunal  par  voie  de  citation  directe,  ou  sa  traduction  immédiate  à 
Taudience.  Cette  faculté  toutefois  n'exclut  pas  le  droit  de  IsûBser  Pinculpé  en 
liberté,  car,  puisqu'il  peut  le  mettre  sous  mandat  de  dépôt,  il  peut  aussi  ne  pas 
décerner  ce  mandat.  Elle  n'exclut  pas  non  plus  le  droit  de  faire  citer,  non- 
seulement  avec  le  délai  de  trois  jours,  mais  avec  le  délai  de  vingt^quatre  heures, 
ainsi  que  l'art.  2  le  permet  expressément. 

La  pensée  de  la  loi  a  été  de  créer  un  mode  spécial  de  saisir  d'urgence  le  tri- 
bunal correctionnel.  Voici  les  termes  de  l'exposé  des  motifs  :  «  Dans  les  grands 
centres  de  population,  et  à  Paris  particulièrement,  malgré  tous  les  règlements 
(le  police,  se  réunissent  de  tous  les  points  du  territoire  français  les  récidi- 
vistes, les  gens  en  rupture  de  ban,  les  filous,  voleurs  et  escrocs  de  tous  genres. 
Avec  des  gens  sans  feu  ni  lieu  et  sans  moyens  d'existence,  la  levée  du  mandat 
de  dépôt  serait  imprudente;  le  juge  d'instruction,  une  fois  saisi,  le  dossier  ne 
peut  sortir  de  ses  mains  que  par  une  ordonnance  de  non-lieu  ou  de  renvoi 
devant  la  police  coiTectionnelle,  et  il  résulte  de  cette  procédure,  trop  minu- 
tieusement suivie,  que  le  procès  le  plus  clair  et  le  plus  simple  ne  reçoit  juge- 
ment qu'après  onze  ou  douze  jours  d'arrestation  au  moins,  souvent  un  mois  et 
quelquefois  plus.  Cependant  la  nature  de  ces  faits,  le  nombre  et  l'activité  des 
agents  de  police  font  que  les  délinquants  sont  fréquemment  ^surpris,  soit  au 
milieu  de  la  perpétration,  soit  immédiatement  après,  poursuivis  pcH*  la 
clameur  publique  ou  encore  nantis  des  effets,  armes,  instruments  ou  papiers 
démontrant  qu'ils  sont  auteurs  ou  complices,  en  un  mot,  en  état  de  flagrant 
délit,  tel  qu'il  est  défini  par  l'art.  41.  L'agent  constate  le  fait,  la  partie  lésée 
reconnaît  les  objets,  les  témoins  sont  prêts  à  déposer,  les  preuves  sont  acca- 
blantes, l'assignation  devient  inutile,  la  plupart  du  temps  il  y  a  aveu  com- 
plet :  pourquoi  une  instruction,  pourquoi  une  procédure,  quand  la  présenta- 
tion immédiate  de  l'inculpé  à  la  barre  du  tribunal  et  l'instruction  orale  de 
l'audience  suffisent  pour  amener  une  solution  définitive?  Il  faut  donc,  en 
matière  de  flagrant  délit,  parvenir  à  saisir  directement  et  immédiatement  le 
tribunal,  b 

Il  suit  de  là  que  cette  procédure  sommaire  et  d'urgence  n'est  applicable  que 
lorsque  les  conditions  qui  sont  indiquées  se  trouvent  réalisées.  La  loi  en 
écarte  les  délits  de  presse,  les  délits  politiques  et  les  délits  spéciaux.  Il  faut 
en  écarter  également,  non-seulement  tous  les  délits  qui  ne  sont  pas  flagrants 
et  dont  les  auteurs  n'ont  pas  été  arrêtés  au  moment  môme  de  leur  perpétration, 
mais  aussi  tous  les  délits,  môme  suivis  d'une  arrestation  immédiate,  qui  néces- 
sitent une  instruction.  Si  le  tribunal  ne  se  trouve  pas  suffisamment  éclairé,  il 
ordonne  un  plus  ample  informé,  et  l'afiTaire  reprend  sa  marche  ordinaire.  L'in- 
culpé peut  lui-même  réclamer  un  délai  pour  préparer  sa  défense,  pour  recherr 
cher  et  produire  des  témoins  à  sa  décharge,  et  ce  délai,  à  moins  que  le  fait  ne 
soit  évident,  ne  peut  lui  être  refusé. 

Vous  voyez  qu'il  importe,  pour  conserver  à  cette  loi  son  esprit  et  sa  portée, 
(le  la  ramener  sans  cesse  aux  cas  restreints  pour  lesquels  elle  a  été  faite.  Bi 
elle  doit  abréger  la  durée  de  la  détention  préventive,  elle  ne  doit  pas  multi- 
plier les  arrestations  et  supprimer  la  défense.  C'est  en  la  conciliant  avec 
les  formes  de  notre  Code,  c'est  en  la  réservant  pour  les  cas  exceptionnels 

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PROCÉDUBE  DEVANT  LES  TRIBUNAUX  GOHREGTIONNBLS  (aRT.  184).   637 

OÙ  le  délit  flagrant  autorise  Tarrestation,  qu'elle  pourra  ôtre  utilement  appli- 
quée. Il  ne  faut  pas  non  plus  perdre  de  vue.  que,  postérieurement  à  cette  loi, 
la  loi  du  14  juillet  1865,  sur  la  liberté  provisoire,  en  a  singulièrement  res* 
treint  Futilité. 

701.  a  Art.  183.  La  partie  civile  fera,  par  Tacte  de  citation,  élection  de  domi- 
cile dans  la  ville  où  siège  le  tribunal  :  la  citation  énoncera  les  faits  et  tiendra  lieu 
de  plainte.  » 

Cet  article  et  les  deux  ou  trois  suivants  sont  assez  faciles  ;  nous  n'aurons 
guère  à  insister  avec  quelque  détail  que  sur  les  deux  articles  qui  doivent  ter- 
miner cette  leçon. 

La  partie  civile,  dit  la  loi^  fera  élection  de  domicile  dans  la  ville  où  siège 
le  tribunal,  sans  distinction,  comme  on  le  fait  dans  l'art.  68,  si  elle  a  ou 
n'a  pas  son  domicile  dans  l'arrondissement  communal  du  tribunal  saisi  de 
l'affaire. 

Quelle  serait  pour  la  partie  civile  la  portée  du  défaut  d'élection  de  domi- 
cile dans  la  citation  donnée  à  sa  requête?  Ce  ne  serait  pas  ici,  comme  dans 
les  matières  civiles,  la  nullité  de  la  citation  ;  l'art.  6i  du  Gode  de  procédure 
prononce  cette  nullité,  mais  il  n'y  a  aucune  raison  pour  Fétendre  à  ces  ma- 
tières ;  tout  ce  qu'on  peut  dire,  c'est  que,  si  la  partie  civile  qui  ne  demeure 
pas  dans  le  même  lieu  où  siège  le  tribunal  n'a  pas  fait  Félection  ordonnée  par 
Fart.  183,  le  prévenu  sera  dispensé  à  son  égard  des  notiGcations  dont  il  peut 
être,  en  général,  tenu  envers  cette  partie,  et,  par  exemple,  de  la  notification 
exigée  dans  Fart.  187. 

La  citation  énoncera  les  faits,  les  faits  de  la  prévention.  La  loi  ne  parle  ici 
que  de  la  citation  donnée  à  la  requête  de  la  partie  civile,  mais  il  est  clair  qu'il 
faut  généraliser,  il  est  clair  que  la  citation  donnée  par  le  ministère  public 
doit  également  contenir,  et  contenir,  à  peine  de  nullité,  les  faits  de  la  pré- 
vention. Il  est  impossible  d'admettre  comme  régulière  une  citation  qui  n'an- 
nonce point  au  prévenu  qu'elle  appelle  quels  sont  les  faits  pour  lesquels  on  le 
poursuit,  et  qui  le  laisse  par  conséquent  dans  l'Impossibilité  de  préparer  sa 
•  défense. 

702.  a  Art.  184.  Il  y  aura  au  moins  un  délai  de  trois  Jours,  outre  un  jour  par 
trois  myriamôtres,  entre  la  citation  et  le  jugement,  à  peine  de  nullité  de  la  con- 
damnation qui  serait  prononcée  par  défaut  contre  la  personne  citée.  —  Néanmoins 
cette  nullité  ne  pourra  ôtre  proposée  qu'à  la  première  audience,  et  avant  toute 
exception  ou  défense.  » 

Le  délai  de  la  citation  est  de  trois  jours  au  moins,  aux  termes  de  Fart.  184, 
plus  le  délai  de  distance;  mais  la  loi  qui,  dans  Fart.  146,  attache  à  l'inobser- 
vation des  délais  la  nullité  de  la  citation,  ne  reproduit  pas  ici  la  même  peine. 
Si  les  délais  n'ont  pas  été  observés,  la  citation  n'en  est  pas  moins  valable  ; 
seulement,  si  sur  cette  citation  à  délai  trop  bref  le  prévenu  ne  comparait  pas, 
il  y  aura  nullité  de  la  condamnation  qui  pourrait  être  rendue  contre  lui  par 
défaut.  Si  donc  le  prévenu  comparait  sur  cette  citation  à  délai  trop  bref,  et 
si,  ayant  comparu,  il  consent  à  se  défendre  au  fond,  le  vice  de  la  citation  est 
absolument  couvert,  le  jugement  rendu  contre  lui  sera  valable. 

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638      TRENTE-CINQ.   LEÇON.   —  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n*  703). 

Supposez,  aa  contraire,  que  sur  une  citation  donnée  à  délai  trop  bref,  et 
dans  laiquelle,  par  exemple,  on  n^aura  pas  observé  le  délai  de  distance  voulu 
par  Tart.  184,  le  prévenu  comparaisse,  demande  une  prolongation,  et  que  sur 
le  refus  que  le  tribunal  ferait  de  la  lui  accorder,  il  déclare  ne  pas  vouloir 
plaider  au  fond,  alors  la  condamnation  prononcée  contre  lui  sera  nulle.  Car 
notez  bien  que  comparaître,  ce  n*est  pas  seulement  être  de  sa  personne  à 
Taudience,  c'est  aussi  entamer,  engager,  soutenir  la  discussion  du  fond.  Un 
prévenu  présent  à  l'audience  peut  très-bien  être  condamné  par  défaut  lorsqu'il 
déclare  ne  pas  vouloir  se  défendre  quant  au  fond  de  Taffaire.  A  ce  moyen, 
fréquemment  employé  devant  les  tribunaux  correctionnels,  se  trouve  attaché 
l'avantage  indiqué  dans  les  art.  187  et  188,  celui  de  gagner  du  temps  pour 
former  opposition  et  avoir  le  temps  de  rassembler  ses  moyens  de  défense. 

Néanmoins  cette  nullité  ne  pourra  être  proposée  qu*à  la  première  atuUencef  et 
avant  toute  exception  ou  défense. 

C'est-à-dire  que  si  le  prévenu,  condamné  par  défaut  après  la  citation  à  un 
délai  trop  bref,  forme  opposition  à  ce  jugement,  aux  termes  de  Fart.  187,  il 
devra,  avant  tout  moyen  d'opposition,  invoquer  le  moyen  résultant  de  Tart. 
184  ;  c'est  ce  que  déjà  nous  avons  vu  dans  les  matières  de  simple  police. 

703.  «  Art.  185.  Dans  les  affaires  relatives  à  des  délits  qui  n'entraineront  pas 
la  peine  d'emprisonnement,  le  prévenu  pourra  se  faire  représenter  par  un  avoué  ; 
le  tribunal  pourra  néanmoins  ordonner  sa  comparution  en  personne.  » 

Vous  devez  rapprocher  cet  article  de  l'art.  152  pour  en  observer  les  diffé- 
rences. 

Premièrement,  dans  les  matières  de  simple  police,  il  est  toujours  permis  au 
prévenu  de  ne  comparaître  que  par  un  mandataire  ;  cette  faculté  lui  appartient 
quand  même  il  s'agirait  d'une  contravention  de  nature  à  emporter  l'empri- 
sonnement. Au  contraire,  en  police  correctionnelle,  oii  Femprisonnement,  à 
raison  de  sa  durée,  peut  avoir  une  gravité  bien  plus  grande,  la  loi  ne  permet 
pas  au  prévenu  de  se  faire  représenter:  il  peut  sans  doute  se  fiiire  assister^  si 
bon  lui  semble,  mais  il  doit  comparaître  en  personne. 

Secondement,  dans  le  cas  môme  où  le  délit  n* entraine  point  l'emprison- 
nement, et  où,  en  conséquence,  le  prévenu  peut  se  faire  représenter,  la  loi  ne 
lui  laisse  pas  toute  liberté  dans  le  choix  de  ce  représentant,  elle  le  force  à  se 
faire  représenter  par  un  avoué;  nul  autre  mandataire  ne  pourrait  être  en- 
tendu. Dans  le  cas  môme  où  un  avoué  le  représente,  le  tribunal  peut  ordonner 
sa  comparution  en  personne.  G<?s  deux  dispositions  n'ont  rien  d'opposé  Tune 
h  l'autre  :  le  prévenu,  dans  les  matières  indiquées  par  l'article,  est  valable- 
ment représenté  par  l'avoué  qu'il  a  constitué  ;  seulement,  si  le  tribunal  a  besoin 
de  l'interroger,  s'il  veut  recueillir  de  sa  bouche  les  renseignements  nécessaires 
à  l'affaire,  i)  ordonnera  sa  comparution,  il  l'ordonnera  comme  il  pourrait  le 
faire  dans  les  matières  civiles,  d'après  l'art.  119  du  Gode  de  procédure*  Mais 
il  faut  dire  que,  si  le  prévenu  ne  se  présente  point  au  tribunal,  le  jugement 
rendu  contre  lui  ne  sera  pas  pour  cela  un  jugement  par  défaut,  mais  bien  un 
jugement  contradictoire.  Ce  sera  un  jugement  contradictoire,  parce  qu'il  a 
comparu  par  l'avoué  son  représentant,  jugement  contradictobre  dans  lequel  le 


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PROCÉDURE  DEVANT  LES   TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (aRT.    t88).      639 

prévenu  n'aura  pas  répondu,  mais  dans  lequel  il  avait  assurément  la  faculté 
de  ne  pas  répondre. 

Ainsi,  distinguez  le  cas  où  le  prévenu  aurait  voulu  se  faire  représenter 
contrairement  aux  termes  de  Farticie,  par  exemple,  dans  une  matière  de 
nature  à  entraîner  l'emprisonnement,  auquel  cas  le  jugement  serait  néces- 
sairement par  défaut  ;  et  au  contraire  le  jugement  rendu  contre  le  prévenu 
qui  s'est  fait  représenter,  dans  le  cas  où  Tanicle  le  permet,  mais  qui  a  refusé 
de  comparaître  ;  le  jugement  est  alors  contradictoire,  comme  il  Test  dans  les 
matières  civiles,  nonobstant  le  refus  de  la  partie  de  se  présenter  en  personne 
et  d'obéir  au  jugement  rendu  en  vertu  de  Tart.  119  du  Gode  de  procédure. 

704.  «  Art.  186.  Si  le  prévenu  ne  comparait  pas,  il  sera  jugé  par  défaut.  » 

Comparaître,  ce  n'est  pas  seulement  comparaître  en  personne,  mais  c'est 
se  défendre. 

705.  Les  art.  187  et  188,  assez  faciles  pour  ce  qui  touche  simplement  l'expli- 
cation du  texte,  méritent  des  observations  plus  étendues  en  ce  qui  concerne 
le  système  général  que  la  loi  a  cru  devoir  adopter.  Occupons-nous  d'abord  du 
sens  de  ces  deux  textes,  sens  très-facile  à  déterminer  ;  nous  nous  occuperons 
ensuite  de  la  bonté  de  l'idée  qu'ils  ont  consacrée. 

a  Art.  187.  La  condamnation  par  défaut  sera  comme  non  avenue,  si,  dans  les 
cinq  jours  de  la  signification  qui  en  aura  été  faite  au  prévenu  ou  à  son  domicile, 
outre  un  jour  par  cinq  myriamôtres,  celui-ci  forme  opposition  à  l'exécution  du 
Jugement,  et  notifie  son  opposition  tant  au  ministère  public  qu'à  la  partie  civile. 
—  Néanmoins  les  frais  de  l'expédition  de  la  signification  du  jugement  par  défaut 
et  de  l'opposition  demeureront  à  la  charge  du  prévenu.  i> 

a  Art.  188.  L'opposition  emportera  de  droit  citation  à  la  première  audience  :  elle 
sera  non  avenue,  si  l'opposant  n'y  comparait  pas  ;  et  le  jugement  que  le  tribunal 
aura  rendu  sur  l'opposition  ne  pourra  être  attaqué  que  par  la  partie  qui  l'aura 
formée,  si  ce  n'est  par  appel,  ainsi  qu'il  sera  dit  ci-après.  —  Le  tribunal  pourra,  ' 
s'il  y  échet,  accorder  une  provision,  et  cette  disposition  sera  exécutoire  nonobstant 
l'appel.  » 

Le  délai  de  l'opposition  est  de  cinq  jours  non  francs  :  l'art.  1033  du  Gode  de 
procédure  ne  s'applique  point  à  ces  matières. 

Le  point  de  départ  de  cette  opposition,  c'est  la  signification  du  jugement;  la 
manière  de  la  former,  c'est  de  la  notifier  au  ministère  public  et  à  la  partie 
civile,  à  son  domicile  élu,  aux  termes  de  Part.  183  ;  d'où  il  suit  qu'on  est  dis- 
pensé à  son  égard  de  toute  notification  dans  le  cas  où  elle  n'en  a  pas  élu. 

Cette  notification  a  pour  but  de  faire  tomber  le  jugement  par  défaut  avant 
toute  discussion. 

La  condamnation  par  défaut  sera  comme  non  avenue,  si,  dam  les  cinq  jours  de 
la  signification  qui  en  aura  été  faite  au  prévenu  ou  à  son  domicile,  outre  un  jour 
par  cinq  myriamètres,  celui-ci  forme  opposition  à  Vex(^cution  du  jugement,  et 
notifie  son  opposition  tant  au  ministère  public  qu'à  la  partie  civile.  Toutefois 
cette  rédaction  doit  se  combiner  avec  celle  de  l'art.  188.  L'opposition  a,  il  est 
vrai,  poiir  effet  de  faire  regarder  comme  non  avenu  le  jugement  par  défaut  ; 
mais  si,  sur  l'opposition,  l'opposant  ne  comparaît  pas  à  l'audience  qu'elle  indi- 

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640      TRENTE-CINQ.  LEÇON.  —  DBS  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n*  707). 

que  ou  qu'elle  est  réputée  indiquer^  ropposition  elie^môine  est  non  avenue,  et 
par  conséquent  la  condamnation  par  défaut  reprend  toute  sa  force.  Ainsi, 
quand  Tart.  187  vous  dit  que  par  le  seul  effet  de  Topposition  la  condamnation 
par  déSaut  est  mise  au  néant,  ce  n'est  là  qu*un  effet  conditionnel.  Oui,  par 
TefiTet  seul  de  Topposition,  la  condamnation  par  défaut  est  effacée,  mais  à  con- 
dition que  le  prévenu  comparaîtra  et  viendra  plaider  sur  son  opposition  ;  dans 
le  cas  contraire  le  jugement  de  condamnation  sera  confirmé;  et  comme  dans 
ces  matières,  ainsi  que  dans  les  matières  civiles,  on  n'admet  pas  deux  oppo- 
sitions successives,  la  voie  de  Tappel  sera  la  seule  qui  restera  ouverte  au  pré- 
venu. 

706.  Il  faut  ajouter  que  la  loi  du  27  juin  1866  a  annexé  à  Tart.  187  un  para- 
graphe ainsi  conçu  : 

a  Toutefois  si  la  signification  n'a  pas  été  faite  à  personne  ou  s*il  ne  résulte  pas 
d*actes  d'exécution  du  jugement,  que  le  prévenu  en  a  eu  connaissance,  ropposition 
sera  recevable  jusqu'à  l'expiration  des  délais  de  la  prescription  de  la  peine.  » 

Cette  disposition,  que  la  jurisprudence  de  la  Cour  de  cassation  avait  déjà 
admise  par  voie  d'interprétation,  est  favorable  à  la  défense  et  conforme  aux 
règles  de  la  plus  stricte  justice.  Elle  consiste  à  assimiler  deux  situations  iden- 
tiques :  celle  du  condamné  auquel  on  n'a  pas  fait  de  signification,  et  celle' du 
condamné  qui,  involontairement,  n'a  pas  connu  la  signification.  Il  était  trop 
rigoureux  que,  faute  d'une  opposition,  qu'il  ne  lui  a  pas  été  possible  de  régu- 
lariser, la  condamnation  par  défaut  devint  irrévocable. 

Une  autre  modification  a  encore  été  introduite  dans  le  même  article  :  la 
charge  des  frais,  qui  était  de  droit  contre  le  condamné  par  défaut,  est  devenue 
purement  facultative  : 

«  §  2*  de  l'art.  187  :  Los  firais  de  l'expédition,  de  la  signification  du  jugement 
par  défaut  et  de  l'opposition  pourront  être  laissés  à  la  charge  du  prévenu.  » 

On  lit  dans  le  rapport  :  •  La  modification  du  paragraphe  3  de  rart.187  a  entraîné 
une  remarque  sur  le  paragraphe  2  du  môme  article.  Ce  paragraphe  mettait  dans 
tous  les  cas  les  frais  de  l'expédition,  de  la  signification  et  de  l'opposition  à  la 
charge  du  prévenu  opposant.  U  a  paru  à  la  commission  que  cette  disposition 
impéi^ative  n'avait  plus  sa  raison  d'être,  lorsqu'il  est  admis  que  le  condamné 
a  pu  ignorer  de  bonne  foi  la  signification,  que  la  signification  a  pu  être  faite 
avec  incurie,  avec  une  négligence  dont  le  prévenu  ne  pouvait  être  responsable  ; 
il  faut  faire  de  la  question  de  frais  une  question  facultative  laissée  à  la  pru- 
dence des  magistrats,  b 

707.  Le  paragraphe  2  de  l'art.  188  contient  une  disposition  peu  difficile,  mais 
dont  les  termes  pourraient  vous  embarrasser.  Le  tribunal  powra,  s'il  y  échet, 
accorder  une  provision,  et  cette  disposition  sera  exécutoire  nonobstant  l'appel. 

Nous  avons  bien  vu,  dans  les  matières  civiles,  des  exemples  de  jugements 
provisoires,  par  exemple,  de  ces  condamnations  alimentaires  accordées  à  un 
demandeur  contre  un  défendeur  dans  le  cours  de  certaines  instances,  ou  dans 

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PROGÊDUHB  DEVANT  LES  TRIBUNAUX  GORRBGTlONNBLS    (aRT.    188).      641 

le  cas  où  le  tribunal,  dans  Thypothèse  d'une  reveadication,  ordonne  provifioi«- 
rement  le  séquestre  de  Timmeuble  revendiqué.  Mais  si  les  exemples  de  juge-' 
ments  provisoires  sont  faciles  daoe  les  matières  civiles,  on  en  comprend  moins 
l'intérêt  ou  l'existence  dans  les  matières  correctionnelles.  A  qui  donc  et  contr/e 
qui  le  tribunal  pourra-t-il,  aux  termes  de  l'art.  188,  accorder  une  proYision  7 
Évidemment  ce  sera  contre  le  prévenu  que  le  jugement  provisoire  sera  rendu  ; 
ce  sera  contre  le  prévenu,  que  la  condamnation  de  provision  sera  portée.  £t 
envers  qui  ce  jugement  le  ûondamnera-t^il  ?  Envers  la  partie  civilOi  car  la,j[>re-. 
mière  condition  pour  appliquer  le  paragraphe  2,  c'est  qu'il  y  ait  une  partie 
civile  en  cause. 

Mais  quel  sera,  en  matière  correctionnelle,  le  bat  de  cette  provision,  de  cette 
prestation  précuntaire  provisoire,  qu'on  doit  forcer  le  prévenu  d'accorder  à  la 
partie  civile  ?  Le  voici  :  il  B'agit  dans  l'espèce  d'un  prévenu  qui  a  fait  défaut  et 
qui^  sur  son  opposition,  revient  plaider  le  fond  de  la  cause,  sauf  à  attaquer  plus 
tard  le  jugement  par  la  voie  de  Tappel.  Or,  ce  premier  défaut,  suivi  d^une, 
opposition  daus  les  délais  de  l'art.  187»  fait  craindre  au  législateur  qu'il  n'y  ait 
de  sa  part  une  tactique,  c'est-à-dire  qu'il  n'ait  pris  le  parti  d'éluder,  de  retarder,, 
par  tous  les  moyens  possibles,  le  jugement  qui  le  menace,  à  Tefifet  d'empêcher 
la  partie  civile  dénuée  de  ressources  pécuniaires  de  procéder  contre  lui  à  l'ins'^ 
truction  qui  doit  le  faire  condamner.  Ainsi,  la  partie  civile  avait  fait  assi*. 
gner  des  témoins,  par  exemple,  pour  le  jour  indiqué  dans  sa  première  cita-' 
lion  :  ces  assignations  ont  été  inutiles,  puisque  le  prévenu  n'a  pas  compara  ; 
sur  l'opposition  du  prévenu,  voilà  de  nouvelles  citations  à  faire,  de  nouveaux 
frais  à  avancer.  Plus  tard,  si  en  cause  d'appel  le  même  prévenu  condafnné  fail 
défaut,  il  y  aura  encore  des  frais  avancés  inutilement,  des  fraie  à  renouveler 
sur  son  opposition  en  cause  d'appel;  il  y  a  donc  telle  position  où  la  partie  lésée 
par  le  délit  pourrait  être  dans  l'impossibilité  de  satisfaire  à  ces.  déboursés  suc-f 
cessifs.  C'est  à  ce  cas  que  veut  pourvoir  le  paragraphe  2  ;  c'est  dans  ce  cas  que 
le  tribunal  pourra  condamner  le  prévenu  à  une  provision  envers  la  partie 
civile,  aux  termes  de  notre  paragraphe.  Et  comme  ce  bénéfice  serait  absolu* 
ment  illusoire,  si  le  prévenu,  au  moyen  d'un  appel,  pouvait  invoquer  l'effet 
suspensif,  le  prévenu  sera  teau  d'obéir  à  cette  condamnation  provisoire  no- 
nobstant l'appel  interjeté  soit  de  la  provision,  soit  du  fond.  Tel  est  le  sens 
des  derniers  mots  de  l'article. 

706.  Voilà  pour  les  détails  de  ces  deux  articles,  revenons  maintenant  sur  le 
fond  de  la  disposition  importante  qui  s'y  trouve  consacrée. 

Le  système  de  la  loi  est  celui-ci  :  le  prévenu  a  fait  défaut;  une  condamna- 
tion correctionnelle  a  été  la  conséquence  de  ce  défaut,  je  ne  dis  pas  la  consé- 
quence nécessaire,  car  l'art.  186  dit  bien  qu'on  jugera,  mais  non  pas  qu'on 
condamnera  nécessairement  le  défaillant.  Le  prévenu  qui  fait  défaut  pourrait 
donc,  à  toute  rigueur,  être  renvoyé  absous  par  le  tribunal  ;  mais  ce  cas  néces- 
sairement sera  rare,  et  quoique  le  tribunal  doive,  en  cas  de  défaut,  vérifier, 
autant  qu'il  le  peut,  les  preuves  de  la  prévention,  cette  vérification  étant  fort 
difficile,  le  défaillant,  en  fait,  sera  presque  toujours  condamné.  Supposons 
donc  qu'il  Tait  été,  c'est  l'hypothèse  de  l'art.  187,  quel  délai  lui  donne-t-on 

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642      TRENTE^GINQ.   LEÇON.  —  DBS  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n**  708). 

pour  former  opposition  ?  C'est  le  délai  de  cinq  jours  à  compter  de  la  notifica- 
tion faite  à  son  domicile  ou  à  sa  personne  du  jugement  qui  le  condamne.  A  ce 
texte,  pour  en  bien  comprendre  les  conséquences,  il  faut  ajouter  Tart.  203  qui 
donne  pour  interjeter  appel  d'un  jugement  correctionnel  un  délai  de  dix  Jours, 
à  partir  de  la  notification  du  jugement  par  défaut  ou  à  compter  de  la  pronon» 
dation  du  jugement  contradictoire;  ce  dernier  cas  ne  nous  concerne  pas. 
Voilà  donc  les  faits  comme  ils  résultent»  d'une  part,  de  Part.  187,  de  l'autre, 
de  l'art.  203.  Or,  la  plus  légère  analyse,  la  plus  faible  attention,  portée  sur 
ces  faits,  nous  démontre  que  dans  cette  disposition  se  rencontre  la  dernière 
injustice,  se  rencontre  le  plus  extrême  danger  à  l'égard  du  prévenu. 

En  effet,  quelle  est  l'origine,  le  début  de  la  poursuite  ?  Une  citation  donnée, 
aux  termes  de  l'art.  182,  à  la  personne  ou  au  domicile  du  prévenu.  8î  elle  Ta 
été  à  la  personne,  aucun  inconvénient,  aucun  danger;  le  prévenu  a  été  averti^ 
il  a  pu  prévoir  et  mesurer  les  conséquences  de  son  défaut.  Mais  vous  savez 
très-bien  que,  dans  la  plupart  des  cas,  les  citations  ne  sont  pas  et  ne  peuvent 
pas  être  remises  par  le  porteur  à  la  personne  ;  dans  la  plupart  des  cas,  dans  les 
matières  correctionnelles  comme  dans  les  matières  civiles,  la  citation  est  remise 
au  domicile,  et  parvient  comme  elle  peut  à  celui  auquel  elle  s'adresse.  On 
conçoit  donc  aisément  que,  soit  par  l'effet  d'une  méprise,  d'une  erreur  dans 
la  citation,  soit,  ce  qui  est  plus  facile  encore,  par  l'effet  d'une  absence  acciden- 
telle, momentanée  du  prévenu  cité,  on  conçoit,  dis-je,  que  la  citation  ne  lui 
parvienne  pas  ou  qu'elle  ne  lui  parvienne  pas  à  temps.  Le  tribunal  est  saisi 
par  une  citation  et  par  une  citation  à  trois  jours  ;  les  trois  jours  peuvent  donc 
s'écouler  sans  que  le  prévenu,  s'il  est  absent,  s'il  est  en  voyage,  s'il  n'a  pas 
chez  lui  une  famille  en  état  de  l'avertir,  sans  que  le  prévenu  ait  soupçon  de 
la  citation  laissée  à  son  domicile.  Trois  jours  se  passent,  et  le  jour  de  l'audience 
arrive;  à  l'audience  défaut,  et  en  conséquence  condamnation  à  peu  près 
nécessaire,  car,  bien  que  le  tribunal  doive  vérifier  les  preuves  et  s'assurer, 
avant  de  juger,  de  la  culpabilité  du  prévenu,  c'est  là  une  obligation  qu'il  ne 
peut  remplir  que  très-imparfaitement  quand  le  prévenu  n'est  pas  présent  ;  les 
allégations  de  la  prévention,  n'étant  pas  combattues  par  l'intéressé,  n'étant 
pas  démenties  par  des  témoins  contraires,  n'étant  pas  éclaircies  par  des  expli- 
cations, paraîtront  presque  toujours  convaincantes,  la  condamnation  s'ensuivra 
presque  toujours.  Quant  à  la  notification  du  jugement  qui  sera  faite  à  son 
domicile,  nous  le  supposons  absent,  cette  notification  ne  l'avertit  donc  pas. 
Pour  arriver  là,  nous  n'avons  à  supposer  que  cinq  ou  six  jours  d'absence. 
La  notification  une  fois  faite  au  domicile  du  prévenu  absent,  cinq  jours  s'écou- 
lent, et,  d'après  l'art.  187,  l'opposition  n'était  plus  possible  avant  la  loi  du 
27  juin  1866".  Cinq  jours  encore  s'écoulent,  et  d'après  l'art.  203,  l'appel  est  in- 
terdit ;  c'est-à-dire  après  quinze  jours  d'une  absence  complète  le  prévenu  peut 
se  trouver  frappé,  à  son  insu,  d'une  condamnation  correctionnelle  à  cinq  ans 
d'emprisonnement,  sans  avoir  eu  le  moindre  soupçon  des  poursuites  dont  il 
était  l'objet,  et  sans  avoir  maintenant  aucun  moyen  possible  d'en  obtenir  la 
réformation. 

Il  est  clair  que,  quand  d'un  système  si  brusque,  si  irréfléchi,  qui  expose  à 
une  condamnation  si  grave  un  homme  qui  n'a  pas  été  et  qui  n'a  pas  pu  être 
entendu,  on  rapproche  au  contraire  les  précautions  multipliées  prises  dans  les 

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.     PROCéDURB  DEVANT  LES  TRIBUNAUX  GOBABGTIONNBUS   (aRT.    188).      643 

matières  civiles  contre  le  défaillant  qui  ne  comparaît  pas,  on  ne  comprend 
pas  comment  le  législateur  a  pu  être  si  prodigue  de  garanties^  lorsqu'il  s* agit 
d'intérêts  pécuniaires,  et  en  être  si  sobre  ou  plutôt  si  avare  quand  il  s'agit  de 
pénalités  d'une  nature  aussi  grave  que  peuvent  Fétre  celles-là.  Ainsi,  en 
matière  civile,  Tajouniement  est  donné  à  huitaine,  et  non  pas  k  trois  jours , 
comme  ici,  et  si,  à  cette  huitaine,  le  défendeur  n'a  pas  constitué  avoué  et  ne 
comparait  pas^  s'il  est  condamné  par  défaut,  comme  la  loi  suppose  qu'il  n'a 
pas  été  averti,  eUe  ne  veut  pas  que  la  condamnation  devienne  définitive  ;  elle 
ne  se  borne  pas  à  lui  donner  pour  son  opposition  un  délai  de  huitaine;  elle 
vent  que  l'opposition  reste  ouverte  tant  que  le  jugement  ne  sera  pas  exécuté, 
art.  158  et  159  du  Qode  de  procédure,  c'est-à-dire  tant  que  la  solennité  d'une 
vente  de  meubles,  d'une  notification  de  saisie  immobilière,  n'aura  pas  néces- 
sairement, inévitablement  averti  ou  le  défendeur,  ou  sa  famille,  on  ses  amis 
des  poursuites  dont  il  va  être  victime.  Voilà  déjà  une  étrange  incompatibilité 
entre  ce  luxe  de  précautions,  d'ailleurs  fort  sages,  que  nous  trouvons  dans  les 
matières  civiles,  et  ce  défaut  absolu  de  garanties  qui  nous  frappe  ici  dans  les 
matières  pénales. 

Mais,  pour  nous  renfermer  dans  les  matières  mêmes  que  nous  étudions  main- 
tenant, on  est  encore  plus  embarrassé  lorsqu'au  système  des  art.  180  et  188, 
relatif  aux  condamnations  correctionnelles,  on  oppose  tout  l'ensemble  du  sys- 
tème tracé  par  le  Gode  même  que  nous  examinons  pour  les  condamnations 
criminelles.  Faisons  ce  rapprochement,  et  alors  nous  verrons  s'il  est  possible 
de  trouver  des  motifs  de  différence  entre  les  deux  cas. 

Dans  les  matières  correctionnelles,  le  tribunal  est  saisi  par  une  citation. 
Nous  avons  vu  combien  ce  moyen  est  insuffisant  pour  garantir  que  le  prévenu 
qui  ne  comparait  pas  avait  été  réellement  averti. 

Dans  les  matières  criminelles,  ce  n'est  pas  par  une  citation  que  le  prévenu 
est  averti;  il  y  a  d'abord  ou  une  rumeur  publique,  ou  une  plainte,  ou  une  dé- 
nonciation qui  ont  pu  donner  à  la  personne  qui  en  était  l'objet  le  soupçon  ou 
l'avis  de  la  prévention  qui  pesait  sur  elle.  A  la  suite  de  cette  dénonciation,  de 
cette  plainte,  de  ces  bruits  publics,  sont  intervenus  un  ou  plusieurs  mandais, 
puis  les  interrogatoires  du  juge  d'instruction,  l'appel  de  tous  les  témoins,  les 
visites  domiciliaires,  la  discussion  et  l'ordonnance  du  juge.  Voilà  déjà  une 
multitude  d'opérations  dont  une  foule  de  personnes  ont  été  averties,  personnes 
en  rapport  plus  ou  moins  direct  avec  le  prévenu,  personnes  à  qui  il  est  facile 
de  l'avertir. 

Ce  n'est  pas  tout  :  l'ordonnance  du  juge  l'a  frappé,  je  le  suppose,  de  prise 
de  corps  comme  suffisamment  prévenu;  l'instruction  passe  de  là  à  la  cour, 
chambre  des  mises  en  accusation  ;  nouvel  examen,  nouvelles  solennités,  nou- 
velles poursuites.  La  chambre  d'accusation  admet  l'accusation,  et  comme  le 
prévenu  n'est  pas  présent,  on  rend  contre  lui,  d'après  les  art.  465  et  466,  une 
ordonnance  portant  injonction  de  se  représenter,  ordonnance  qui  est  publiée 
à  haute  voix,. qui  s'affiche  à  la  porte  de  son  domicile  et  dans  le  lieu  où  le 
crime  a  été  commis. 

*  Voilà  déjà  bien  des  moyens  d'avertir,  autant  que  possible,  le  prévenu.  Qu'a< 
près  toutes  ces  solennités  il  ne  comparaisse  pas,  que  va-t-on  faire  ?  L'appeler 
devant  la  cour  d'assises;  là,  contumax,  il  sera  condamné  à  peu  près  nécessai- 

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644      TRENTE-CINQ.   LEÇON.   —  DES   TRIBUNAUX  CORRECTIONNBIiS  (N*  IOS). 

rement.  Mais  la  condamnation  sera-t-elle  déGnitive,  sera-t-elie  susceptible 
d*ôtre  mise  à  exécution,  après  dix  jours^  comme  ici,  après  dix  ans,  après  vingt 
ans?  Jamais;  l'arrêt  decontamace  une  fois  rendu, de  deux  choses  Fuiie  :  ou  le 
condamné  sera  arrêté  dans  les  vingt  ans  de  l'arrêt  intervenu,  et  alors,  par  le 
seul  fait  de  sa  comparution,  vous  voyez  s'évanouir  l'arrêt,  avant  même  qu'il 
l'ait  attaqué  ;  ou  bien,  il  ne  reparaîtra  qu'après  les  vingt  ans,  et  alors,  sans 
doute,  Tarrêt  ne  tombera  pas,  mais  l'arrêt  ne  s'exécutera  pas,  parce  qull  y  a 
prescription.  Ainsi,  même  après  toutes  ces  précautions,  toutes  ces  garanties 
de  publicité,  toutes  ces  solennités,  on  n'arrive,  en  dernier  résultat,  et  ceci  peut 
paraître  assez  bizarre,  qu'à  une  condamnation  qui  n'aura  pas,  qui  ne  pourra 
pas  avoir  d'effet  contre  la  personne  du  condamné,  à  une  condamnation  qui 
tombera  dans  les  vingt  ans  par  le  seul  fait  de  sa  comparution  ou  de  son  arres- 
tation, à  une  condamnation  qui,  au  contraire,  après  vingt  ans,  sera  mise  au 
néant  comme  prescrite.  Je  dis  mise  au  néant;  il  y  avait  lieu  d'en  excepter  ce- 
pendant la  mort  civile  encourue  après  cinq  ans  ;  mais  c'était  là  une  disposition 
spéciale,  exceptionnelle,  et  qui  n'existe  plus  aujourd'hui.* 

Quand  maintenant,  de  ces  immenses  délais,  à  l'expiration  desquels  aucune 
pénalité  n'est  encourue,  on  rapproche  le  délai  de  dix  jours  accordé  au  pré- 
venu pour  se  pourvoir  par  opposition  ou  par  appel  contre  un  jugement  par 
défaut,  on  est  dans  l'impossibilité  de  concevoir  comment  le  législateur  a  pu 
tracer  à  la  fois  deux  systèmes  aussi  opposés.  Dira-t-on,  pour  expliquer  la  diffé- 
rence, que  les  peines  criminelles  étant  infiniment  plus  graves  que  les  peines 
correctionnelles,  il  a  fallu  multiplier,  dans  un  cas,  des  garanties  dont  on  pou- 
vait au  contraire  se  dispenser  sans  danger  dans  l'autre?  Mais,  d'abord,  il  est 
clair  que  si  énorme  que  soit  cette  distance  entre  la  pénalité  des  cours  d'assises 
et  celle  des  tribunaux  correctionnels,  il  est  clair  que  si  vaste  qu'elle  soit,  elle 
ne  correspond  en  rien  à  la  différence  bien  autrement  large  des  garanties  pro* 
diguéeb  dans  un  cas  et  absolument  refusées  dans  l'autre.  D'ailleurs,  cette  dif- 
férence, dans  nombre  de  cas,  est  absolument  nominale.  Et  quand,  par  exem- 
ple, pour  une  peine  de  bannissement  ou  de  dégradation  civique,  on  verra 
accorder  toutes  les  garanties  possibles,  tandis  que  pour  une  peine  de  cinq  ans, 
de  dix  ans  d'emprisonnement,  on  verra  dix  jours  accordés  pour  l'attaquer,  il  est 
clair  que  ce  raisonnement  sera  inapplicable.  Dix  ans  d'emprisonnement  sont, 
pour  l'immense  majorité  des  hommes,  une  peine  infiniment  plus  grave  que  cinq 
ans  de  bannissement,  et  surtout  que  la  dégradation  civique  prononcée  isol^ 
ment  et  séparément. 

Ainsi,  je  ne  vois  rien  pour  justifier  cette  rigueur  des  anciens  art.  187  et  188. 

Maintenant,  comment  parer  aux  înconvénienlsénormesqui  peuvent  résulter, 
dans  certains  cas,  de  l'application  littérale  des  art.  187  et  188,  inconvénients 
qui  pourraient  résulter  pour  un  homme  par&itement  innocent  de  rimpossi- 
bilité  de  se  soustraire,  après  quinze  ou  vingt  jours  d'absence,  à  une  pénalité 
ainsi  prononcée?  Je  ne  vois  que  deux  remèdes  ou  plutôt  deux  palliatifs  très* 
insuffisants,  mais  que  les  magistrats  ne  doivent  pas  négliger  : 

Le  premier,  c'est  d'appliquer  très-rigoureusement  et  avec  le  plus  grand  soin 
Part.  186)  c'est  de  ne  prononcer  de  défaut,  dans  les  matières  correctionnelles, 
qu'autant  que  la  culpabilité  est  parfaitement  démontrée;  c'est  de  ne  pas  porter 
légèrement,  contre  un  prévenu  qui  ne  comparaît  pas,  une  condamnation  qui 

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r" 


PROCÉDURE  DEVANT  LES  TRIBUNAUX    CORRECTIONNELS  (auT.    189).      645 

en  dix  jours  peat  échapper  à  toutd  atteinte  et  du  tribunal  et  de  la  conr  d'appel. 
La  seconde  précantioiiy  qni  est  plus  grave  et  plus  importante,  s'adresserait 
non  plas  au  tribunal  qui  aurait  condamné  par  défaut,  mais  bien  au  ministère 
public;  elle  consistera,  de  la  part  du  ministère  public,  à  ne  faire  notifier  qu'avec 
une  extrême  réserve  les  condamnations  par  dé^etut  obtenues  contre  le  pré- 
venu du  tribunal  correctionnel.  En  effet,  les  dix  jours  ne  courent  pas  de  la 
prononciation  du  jugement,  mais  de  la  notification  qui  en  est  faite  à  son  do- 
micile. Ge  sera  donc  au  ministère  public,  s'il  veut  éviter  au  prévenu  l'énorme 
danger  auquel  Texposeraient  les  deux  articles  cités,  ce  sera  à  lui  de  peser  si 
l'absence  du  prévenu  paraît  être  ou  n'être  pas  l'effet  d'une  préméditaLion  et 
d'un  calcul;  et  lorsqu'on  croit  que  cette  absence  n'est  que  l'effet  du  hasard, 
dans  tous  les  cas  où  l'on  peut  penser  qu'il  ne  connaît  pas  les  poursuites  diri- 
gées contre  lui,  il  faudrait  retarder  la  notification  jusqu'à  l'époque  de  son  re- 
tour, époque  où  l'on  pourra  la  faire  à  sa  personne.  Dans  ce  cas  au  moins  le 
délai  si  bref  ne  courra  que  d'une  époque  oil  le  prévenu  sera  véritablement  en 
mesure  de  se  pourvoir.  Mais  ces  précautions,  bonnes  à  prendre,  ne  justifient 
pas  la  rédaction  primitive  de  nos  deux  articles.  La  rectification  de  la  loi  du 
27  juin  1866  a  affaibli  ces  dangers. 


TRENTE-SIXIÈME  LEÇON. 

709.  Vous  ne  trouverez  guère,  depuis  l'art.  189,  auquel  nous  nous  sommes 
arrêtés,  jusqu'à  l'art.  198  inclusivement,  que  des  dispositions  de  renvoi  ou  des 
répétitions  presque  littérales  d'une  partie  des  textes  qui  régissent  la  procédure 
en  matière  de  simple  police  ;  nous  nous  bornerons  donc,  sur  ces  dix  premiers 
articles,  à  de  courtes  observations,  réservant  pour  l'appel  la  plus  grande  partie 
de  cette  leçon. 

L'art.  189,  par  exemple,  ne  contient  que  des  renvois  à  plusieurs  textes  anté- 
rieurs ;  et,  nonobstant  ces  renvois,  on  a  cru  devoir  répéter  encore,  dans  quel- 
ques-uns des  articles  qui  suivent,  les  dispositions  qui  déjà  se  trouvent  suf- 
fisamment empruntées  aux  matières  de  simple  police  par  le  texte  général  de 
l'art.  189. 

Je  dis  que  l'art.  189  est  un  article  de  renvoi  :  c'est  ainsi  qu'il  déclare  appli- 
cables aux  tribunaux  de  police  correctionnelle  les  dispositions  établies  pour  les 
tribunaux  de  simple  police  relativement  à  la  preuve  des  délits,  c'est-à-dire  re- 
lativement à  l'autorité  des  divers  procès-verhaux  sous  les  distinctions  posées 
dans  l'art.  154.  De  même,  relativement  à  la  preuve  testimoniale,  à  la  forme 
dans  laquelle  elle  est  reçue,  à  la  prestation  de  serment,  et  enfin  aux  diverses 
causes  qui  peuvent  empêcher  d'entendre  les  témoins,  aux  termes  de  l'art.  i5à. 

Remarquez  seulement  que  de  l'art.  189  résulte  la  consécration,  en  cette 
matière,  du  principe  de  l'audition  des  témoins  à  l'audience  :  par  cela  même 
qu'il  renvoie  à  l'art.  155 ,  il  en  résulte  qu'en  général  les  enquêtes  sont 
publiques  ;  qu'en  général  on  ne  doit  pas ,  en  matière  correctionnelle,  se 
borner  à  lire  à  l'audience  les  dépositions  écrites.  Cette,  règle  reçoit  cepen- 
dant quelques  exceptions  assez  remarquables  dans  plusieurs  cas  qu'il  est  bon 
d'indiquer. 


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646      TRENTB-BIXiâMS  LEÇON.  —  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (N^  7il). 

Par  exemple,  si,  parmi  les  témoins  appelés,  se  trouvent  des  militaires  en 
activité  de  service,  l'impossibilité  de  les  déplacer  force  le  législatear  à  se  con- 
tenter d*une  déposition  écrite.  La  loi  du  18  prairial  an  II  indique  dans  quelle 
forme  on  devra  obtenir  et  requérir,  dans  ce  cas,  la  déposition  du  témoin. 
Première  exception  à  la  nécessité  de  Taudition  publique  des  témoins  à  Tau  - 
dience. 

De  même,  dans  les  art.  510  et  suivants,  on  indique  certaines  formes  spé- 
ciales dans  lesquelles  sera  reçue  la  déposition  de  quelques  grands  fonction- 
naires. La  déposition,  dans  ce  cas,  s'il  n'y  a  pas  eu  une  ordonnance  spéciale 
autorisant  Tassignation  pour  venir  déposer  à  Taudience,  se  fera  par  écrit  et 
eera  seulement  lue  à  l'audience  dans  les  formes  tracées  par  les  art.  510  et  sui- 
vants. 

De  même,  dans  Tart.  514,  non  plus  à  raison  de  la  qualité  de  la  personne, 
mais  à  raison  de  certaines  fonctions  publiques,  vous  verrez  que  les  fonction- 
naires désignés  dans  cet  article  doivent,  comme  les  témoins  ordinaires,  com- 
paraître et  déposer  à  Taudience,  lorsque  l'instruction  s'opère  dans  le  lien 
même  oil  ils  exercent  leurs  fonctions. 

Dans  le  cas  contraire,  c'est  encore  par  écrit  que  la  déposition  est  reçue,  et 
on  se  borne  à  en  donner  lecture. 

Enfin,  pour  les  préfets  dont  le  témoignage  serait  nécessaire  hors  de  leurs 
départements,  est  intervenu  le  décret  spécial  du  4  mai  1812. 

Tels  sont  les  cas,  outre  ceux  d'impossibilité  physique  résultant,  par 
exemple,  de  maladies,  dans  lesquels  reçoit  exception  la  règle  des  art.  155 
et  189. 

710.  L'art.  190  trace  l'ensemble  de  la  procédure,  l'ensemble  de  Tinstruo- 
tion  publique  devant  les  tribunaux  correctionnels.  Ces  dispositions,  cette 
marche,  sont  en  générai  claires  et  faciles.  Remarquez  seulement  que  quand, 
d  ins  le  cours  de  cet  article,  on  vous  dit  qu'à  un  certain  moment  de  l'instruc- 
tion les  témoins  seront  entendus  et  les  reproches  proposés  et  jugés,  s'il  y  a 
lieu,  vous  ne  devez  pas  interpréter  ce  mot  de  reproches  d'après  la  définition 
ou  l'explication  fort  large  qu'on  lui  donne  en  matière  civile.  Vous  avez  vu, 
dans  l'art.  283  du  Gode  de  procédure,  un  très-grand  nombre  de  causes  de 
reproches  contre  les  témoins  appelés  ;  j'ai  à  peine  besoin  de  dire  que  ces 
causes  de  reproches  multipliées  à  tort  peut-être  dans  les  matière^  civiles,  ne 
peuvent  pas  se  transporter  dans  les  matières  criminelles.  Les  seuls  motifs  de 
reproches  auxquels  l'art.  190  fasse  allusion,  ce  sont  ceux  indiqués  plus  haut 
dans  l'art.  156,  établissant  des  motifs  de  reproches  à  raison  de  la  parenté, 
mais  à  un  degré  plus  restreint  qu'ils  ne  le  sont  en  matière  civile.  Voilà  les 
seuls  reproches  auxquels  il  fout  appliquer  les  expressions  de  l'art.  190. 

711.  Les  art.  191,  192  et  193  ne  sont  que  la  répétition  de  dispositions  déjà 
connues. 

Ainsi,  d'après  1  art.  191,  si  le  fait  n'est  réputé  ni  délit,  ni  contravention,  si 
le  fait  n'est  pas  au  nombre  de  ceux  que  la  loi  pénale  prévoit  et  frappe,  le 
tribunal  devra  annuler  l'instruction  préparatoire,  la  citation  et  tout  ce  qui  a 
suivi;  il  devra,  en  conséquence,  renvoyer  le  prévenu,  et  statuer,  ajoute  la  loi, 

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PROCÉDURE  DEVANT  LES  TRIBUNAUX   CORRECTIONNELS  (aRT.   192).      647 

sur  les  demandes  en  dommages-intérêts,  c'est-à-dire,  comme  nous  l'avons 
4éjà  décidé  sur  Part.  159,  sur  les  demandes  en  dommages-intérêts  dirigées 
par  le  prévenu  absous  contre  la  partie  civile;  mais  non  pas,  réciproquement, 
sur  les  demandes  en  dommages-intérêts  de  la  partie  civile  contre  le  prévenu. 
Tout  caractère  pénal  étant  refusé  au  fait  de  la  prévention,  la  partie  civile 
doit  s'imputer  d'avoir  saisi  d'une  question  purement  pécuniaire,  d'une  ques- 
tion purement  civile,  un  tribunal  correctionnel  sans  qualité  pour  en  con- 
naître. La  discussion  à  laquelle  nous  nous  sommes  livrés  et  les  raisons  que 
nous  avons  données  à  cet  égard,  sont  toutes  communes  à  Tart.  159  et  à 
l'art.  191.  La  décision  littérale  se  trouve,  au  reste,  dans  les  derniers  mots  de 
l'art.  212,  qui,  statuant  sur  la  môme  question,  parle  spécialement  des  dom- 
mages-intérêts du  prévenu,  et  non  pas  en  général  de  tous  les  dommages- 
intérêts. 

718.  a  Art.  192.  Si  le  fait  n'est  qu'une  contravention  de  police,  et  si  la  partie 
publique  ou  la  partie  civile  n*a  pas  demandé  le  renvoi,  le  tribunal  appliquera  la 
peine  et  statuera,  s'il  y  a  lieu,  sur  les  dommages-intérêts.  —  Dans  ce  cas,  son 
Jugement  sera  en  dernier  ressort.  » 

Si  le  fait  n'est  qu'une  contravention,  il  est  clair  qu'on  a  mal  à  propos  saisi 
le  tribunal  correctionnel  d'un  fait  qui,  par  sa  nature,  appartenait  uniquement 
au  tribunal  de  police  ;  s'ensuit-il  que  le  tribunal  correctionnel  doive,  indis- 
tinctement et  dans  tous  les  cas,  déclarer  son  incompétence  et  renvoyer  l'af- 
faire au  tribunal  de  police  ?  La  loi  ne  l'exige  pas  ;  ce  serait  occasionner  des 
lenteurs  inutiles  à  propos  d'une  affaire  fort  simple,  et  le  tribunal  correctionnel, 
qui,  en  général,  est  juge  d'appel  des  matières  de  simple  police,  semble  avoir,  à 
plus  forte  raison,  qualité  pour  statuer  sur  une  contravention  que,  par  méprise, 
on  a  portée  devant  lui. 

Cependant  ce  premier  point  de  vue  n'est  pas  suffisant  ;  car  vous  savez  que 
si  l'on  a  porté  par  erreur  une  simple  contravention  devant  un  tribunal  correc- 
tionnel, autoriser  le  tribunal  correctionnel  à  y  statuer  dans  tous  les  cas,  et  i 
y  statuer  en  dernier  ressort,  c'est  enlever  aux  parties  le  bénéfice  des  deux 
degrés  de  juridiction  que  la  marche  ordinaire  leur  assurait.  En  bonne  règle, 
l'affaire  eût  dû  aller  en  première  instance  devant  le  tribunal  de  police,  en 
appel,  s'il  y  avait  lieu,  devant  le  tribunal  correctionnel.  Aussi  la  loi,  sans 
ordonner  absolument  au  tribunal  de  se  dessaisir,  dans  cette  espèce,  veut-elle 
cependant  qu'il  le  fasse  lorsque  la  partie  publique  ou  la  partie  civile  oppose  ce 
moyen  d'incompétence  et  conclut  formellement  au  renvoi. 

On  est  surpris  seulement  de  trouver  dans  l'article  que  si  le  tribunal  doit  se 
dessaisir,  c'est  uniquement  à  la  requête  de  la  partie  publique  ou  de  la'partie 
oivile  ;  il  semblerait  naturel  que  le  tribunal  pût  se  dessaisir  aussi  lorsque  le 
prévenu,  traduit  mal  à  propos  devant  lui,  demande  à  être  renvoyé  devant  le 
tribunal  de  police,  qui  était  seul  compétent,  lorsque  le  prévenu  allègue  pour 
obtenir  ce  renvoi  un  motif  très-légitime,  savoir,  le  désir  de  profiter  des  deux 
degrés  de  juridiction.  Cette  demande  parait  d'autant  plus  juste,  la  distinction 
qui  résulte  du  silence  de  la  loi  paraît  d'autant  moins  explicable,  que  le  minis- 
tère public  ou  la  partie  civile,  qui  sont  nécessairement  demandeurs,  ont  une 

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648      TRENTE-SIXIÈME  LEÇON. DBS  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n*  713). 

lante  à  s'imputer,  ils  ont  en  tort  de  saisir  d'une  affaire  de  simple  police  le 
Iribonal  correctionnel.  Mais  le  préyenu  n'a  rien  à  se  reprocher,  le  prévenn 
d'une  simple  contravention  a  été  traduit,  bon  gré,  mal  gré,  devant  un  tribunal 
incompétent  ;  pourquoi  donc  serait-ce  prrécisément  à  lui  qu'on  refuserait  le 
droit  d*invoquer  cette  incompétence?  J'avoue  que  je  n'en  connais  aucun 
motif  même  spécieux  ;  et  il  me  semble  que  l'omission  du  prévenu,  dans  le 
texte  de  l'art.  192,  est  une  pure  inadvertance  dont  on  ne  doit  tirer  aucune 
conclusion  contos  lui.  Cependant  il  est  bon  de  noter  aussi  que,  comme  il  n'est 
pas  indiqué  formellement  dans  Tarticle  si  le  tribunal  avait  refusé  de  renvoyer 
i'afifaire  à  sa  demande,  il  serait  impossible  de  voir  dans  ce  refus  un  moyen  de 
cassation,  puisque  aucune  loi  ne  serait  violée.  Voilà  le  fait  ;  mais  c'est  là,  à 
xâes  yeux,  un  vice  dans  la  loi  ;  c'est  là  le  fait  d'une  inadvertance  et  non  pas 
une  distinction  fondée  sur  un  motif  qui  peut  être  expliqué. 

Voilà  un  cas  où  les  tribunaux  correctionnels  sont  autorisés  à  connaître  des 
contraventions  et  à  n'appliquer  que  des  peines  de  simple  police. 

Ajoutez  que  si  la  prévention  constituait  tm  délit,  et  que,  dans  les  antécé- 
dents ou  les  circonstances  qui  ont  accompagné  ce  délit,  le  tribunal  crût  voir 
des  circonstances  atténuantes,  il  pourrait  alors,  aux  termes  des  derniers  mots 
de  l'art.  463  du  Ckxie  pénal,  n'appliquer  à  ce  fait,  qui  est  cependant  déclaré 
46lit,  que  des  peines  de  simple  police.  C'est  une  des  conséquences  de  ce  sys- 
tème important  des  circonstances  atténuantes,  que  nous  avons  déjà  expliqué 
et  que  nous  retrouverons  bientôt  en  traitant  du  jury* 

De  même,  si  le  fait  imputé  au  prévenu  est  une  contravention,  mais  une 
^ntravention  forestière,  poursuivie  à  la  requête  de  Vadministration,  il  est  clair 
que  Tart.  192  ne  s'applique  pas  ;  c'est-à-dire  que  le  tribunal  de  police  correc- 
tionnelle est  ici  compétent,  et  uniquement  compétent,  quoiqu*il  s'agisse  d'une 
simple  contravention.  Nous  avons  expliqué  sur  l'art.  139,  §  4,  et  sur  l'art  179, 
les  motifs  de  cette  exception. 

Ainsi,  trois  cas  dans  lesquels  le  tribunal  de  police  correctionnelle  appliquera 
valablement  des  peines  de  simple  police  : 

1»  S'il  s'agit  d'une  contraventiea  forestière  poursuivie  à  la  requête  de 
l'État; 

2*  8*il  s'agit  même  d'un  délit  proprement  dit,  mais  dans  lequel  le  tribunal 
déclare  l'existence  de  circonstances  atténuantes,  art.  463,  dernier  para- 
graphe; 

d*"  Enfin,  si  le  fait,  présenté  comme  délit,  ne  parait  constituer  réellement 
qu'une  contravention.  Mais  alors  la  compétence  du  tribunal  est  subordonnée 
aux  conditions  de  l'art*  192,  c'est-à-dire  au  silence  du  ministère  public  et  de 
la  partie  civile  :  ajoutons,  si  vous  voulez,  au  silence  même  du  prévenu. 

71d.  «  Art.  193.  Si  le  fait  est  de  nature  à  mériter  une  peine  afOictive  on  infa- 
mante, le  tribunal  pourra  déceraer  de  suite  le  mandat  de  dépêt  ou  le  mandat 
d'arrêt^  et  il  renverra  Je  prévenu  devant  1(9  Juge  d'instruction  oompétent.  » 

Il  est  clair  qu'ici  le  tribunal  n'a  qu'à  reconnaître  purement  et  simplement 
son  incompétence;  le  fait,  présenté  d'abord  comme  un  simple  délit,  se  trouve 
entouré,  par  le  résultat  de  l'instruction  publique,  de  circonsUnces  aggravantes 

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PROCÉDURE  DEVANT  LES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS    (aRT.    197).      649 

qui  lui  impriment  le  caractère  de  crime.  Dès  lors  le  tribunal  n'a  plus  qualité 
pour  en  connaître;  sa  mission  est  indiquée  par  l'art.  193.  Il  ne  parait  même 
pas  qu'il  y  ait  à  distinguer  à  cet  égard  entre  le  cas  où  le  tribunal  a  éLê  saisi 
soit  par  une  citation  directe  aux  termes  àes  derniers  mots  de  Fart.  182,  soit 
même  par  une  ordonnance  de  renvoi  après  une  instruction  opérée  conformé- 
ment au  premier  livre  du  Gode. 

714.  L'art.  194  ne  fait  qu'admettre  un  principe  connu  :  l'obligation  de 
mettre  les  frais  à  la  charge  du  prévenu,  même  envers  la  partie  publique.  Ces 
mots,  que  vous  avez  déjà  vus>  et  que  j'ai  omis  d'expliquer  dans  les  matières 
de  simple  police,  font  allusion  à  une  loi  antérieure,  diaprés  laquelle  les  frais 
de  toutes  poursuites  faites  à  la  requête  du  ministère  public  restaient,  dans 
tous  les  cas,  à  la  charge  du  trésor,  soit  que  le  prévenu  fût  abaous,  acquitté  ou 
condamné.  C'est  précisément  pour  abroger  cet  usage  essentiellement  vicieux 
qu*on  déclare  qu'en  cas  de  condamnation  soit  du  prévenu,  soit  de  la  partie 
civile^  la  partie  ainsi  condamnée  sera  tenue  des  frais  soit  envers  la  partie 
adverse,  soit  aussi  envers,  le  ministère  public.  Il  .n'y  a  là  aucun^  difficulté  ;  ce 
n'est  que  le  transport.dans  les  matières  pénales  de  la  règle  générale  de  l'arti- 
cle 130  du  Gode  de  procédure. 

915.  L'art.  195  est  relatif  à  la  rédaction  du  jugement  de  condamnation.  Ce 
jugement  devra  être  motivé.  Motivé  en  fait  en  relatant  dans  son  texte  les  actes 
qui  donnent  naissance/ qui  donnent  lieu  à  la  condamnation  prononcée.  Motivé 
en  droit,  en  ce  sens  que  d'abord  on  devra  lire  à  l'audience  le  texte  de  la  loi 
pénale,. et  que  de  pfais  ce  texte  devra  être  inséré  par  le  greffier  dans  le  juge- 
ment. Mais  ici  cette  insertion,  au  lieu  d'être  exigée,  comme  dans  les  matières 
de  simple  police,  it  peine  de  nullité  de  la  ooodamhation,  ii'est  exigée  qu'à 
peine  d'une  amende  contre  le  greffier.  U  en  est  de.méi^e  des  arrêts  des  cours 
d'assises;  la  sanction  de  relater  le.  texte  n'est  également  qu'une  amende,  et 
non  pas,  comme  en  matière  de  police,  la  noUitéi  J^ai  donné  sur  l'art*  163  les 
raisons  de  cette  dififérenoe. 

716.  L'art.  196  n*est  que  la  reproduction  d'une  disposition  commune  non- 
seulement  aux  tribunanx  de  police,  mais  même  aux  tribunaux  civ^s.  Le  même 
texte  est  à  peu  près  complètement  reproduit  dans  le  Gode.de  procédure. 

L'art.  197  est  également  la  répétition  des  matières  de  simple  police. 

Quant  aux  difficultés  qui  s'élèveraient  dans  l'exécution  des  condamnations 
pécuniaires  prononcées,  j'ai  déjà  dit  qne  ces  questions  n'étaient  pas  du  ressort 
du  juge  pénal,  mais  seulement  du  ressort  du  juga  civil. 

Le  recouvrement  des  amendes  et  confiscations  sera  fait,  au  nom  du  pro- 
cureur de  la  République,  par  le  directeur  de  la  régie  des  droits  d'enregistre- 
ment et  des  domaines. 

Quant  au  recouvrement  des  frais  de  justice  avancés  par  l'administration  de 
l'enregistrement,  il  est  fait  directement  à  la  requête  de  Tadministration,  arti- 
cle 174  du  décret  du  18  juin  1811. 

Enfin  l'art.  i98  renferme  l'obligation  pour  le  procureur  de  la  République 
d'envoyer,  dans  le  délai  de  quinze  jours,  un  extrait  du  jugement  au  procu- 

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650      TRENTE-SIXIÈHE  LEÇON.  —  DES  TRIBUNAUX  GOBREGTIONNELS  (n**  718). 

reur  général.  Ceci  se  rattache  soit  au  paragraphe  4  de  l'art.  202,  soit  aussi  à 
Fart.  205.  . 

717.  Passons  à  la  matière  de  Tappel. 

c  Art.  199.  Les  jugements  rendus  en  matière  correctionnelle  pourront  être  atta^ 
qués  par  la  vole  de  l'appel.  » 

Ici,  vous  le  voyez,  le  principe  est  général  ;  il  n'est  pas  subordonné,  comme 
dans  l'art.  172,  au  plus  ou  moins  de  gravité  de  la  condamnation.  Ainsi,  par 
cela  seul  que  la  condamnation  aura  été  rendue  en  matière  correctionnelle,  par 
cela  seul  qu'elle  aura  porté  sur  un  délit,  le  jugement  sera  sujet  à  Tappel.  Je 
dis  par  cela  seul  qu'elle  aura  porté  sur  un  délit  ;  car  si  le  jugement,  quoique 
émané  d'un  tribunal  correctionnel,  ne  constatait  et  ne  frappait  qu'une  simple 
contravention  de  police,  alors  ce  jugement  ne  serait  pas  susceptible  d'appel, 
quand  même  il  prononcerait  une  peine  supérieure  à  celle  indiquée  dans  Tar- 
ticle  172.  C'est  ce  qui  résulte  de  l'art.  192,  §  2  ;  le  tribunal  correctionnel,  sta- 
tuant en  matière  de  police,  punissant  une  simple  contravention,  statue  néces- 
sairement en  dernier  ressort. 

718.  A  quelle  juridiction  appartient  l'appel  autorisé  par  l'art.  190  contre 
toute  espèce  de  jugement,  tant  sur  la  compétence  et  l'instruction  que  sur  le 
fond  ?  Cette  juridiction  a  plusieurs  fois  varié.  Dans  le  système  de  la  loi  du 
19-22  juillet  1791,  le  tribunal  de  police  correctionnelle  était  composé  de  trois 
juges  de  paix,  et  l'appel  de  ses  jugements  était  porté,  non  point  au  tribunal  iden- 
tiquement composé,  mais  au  tribunal  de  district  où  siégeaient  trois  juges 
(tit.  li,  art.  61).  Dans  le  système  de  la  constitution  du  5  fructidor  an  UI,  déve- 
loppé par  le  Code  du  3  brumaire  an  IV,  le  tribunal  de  police  correctionnelle 
était  composé  d'un  juge  du  tribunal  civil  président,  et  de  deux  juges  de  paix, 
et  l'appel  était  porté  devant  le  tribunal  criminel  du  département  composé  de 
cinq  juges  (Gode  3  brumaire  an  lY,  art.  198  et  266).  Dans  le  système  du 
Code  d'instruction  criminelle,  les  appels  étaient  portés  des  tribunaux  d'arron- 
dissement au  tribunal  chef-lieu  de  département,  et  du  tribunal  chef-lieu  au 
tribunal  chef-lieu  du  département  voisin  ;  dans  les  départements  où  siège  une 
cour,  les  appels  étaient  portés  devant  cette  cour,  et  il  en  était  encore  ainsi 
des  appels  des  tribunaux  chefe-lieux  des  départements  voisins,  lorsque  la  dis- 
tance n'était  pas  plus  forte  que  celle  du  chef-lieu  d'un  autre  département  (an- 
ciens art.  200  et  201). 

La  loi  du  13  juin  1856  est  venue  modifier  cet  état  de  choses  ;  elle  a  centra- 
lisé tous  les  appels  entre  les  mains  des  cours.  L'art.  200  est  abrogé,  et  l'arti- 
cle 201  est  rectiiSié  en  ces  termes  : 

<  Abt.  201,  L'appel  sera  porté  &la  Cour.  » 

Le  motif  de  cette  innovation  a  été  d'instituer  l'unité  de  la  juridiction  qui 
«tatue  sur  les  appels,  c'est  de  rétablir  une  règle  que  la  difficulté  des  commu- 
nications avait  fait  fléchir  en  1810,  et  qui  reprend  son  empire  à  raison  de  ces 
communications  devenues  aujourd'hui  plus  faciles,  c  Le  gouvernement,  dit 

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APPEL  DES  JUGEMENTS  CORRECTIONNELS  (aRT.    202).  651 

l'exposé  des  motifs,  attentif  à  ces  menreilleax  changements  survenus  dans 
rétat  de  la  viabilité,  et  dans  les  moyens  de  locomotion,  a  jugé  qu'il  était  sage 
et  opportun  de  rendre  à  l'organisation  judiciaire,  pour  les  matières  correc- 
tionnelles, le  caractère  d'unité  et  de  simplicité  qu'il  a  et  qu'il  a  toujours  eu 
pour  les  matières  civiles  ;  le  projet  de  loi  est  l'expression  de  cette  pensée.  La 
volonté  de  ne  pas  trop  éloigner  le  juge  du  justiciable  fut,  lors  de  la  publication 
du  Gode,  la  considération  déterminante  ;  elle  n'aurait  pas  eu  cette  influence 
sur  l'esprit  du  législateur  si,  alors  comme  aujourd'hui,  il  y  avait  eu  des  routes 
nombreuses  et  bien  entretenues,  des  bateajix  à  vapeur  et  des  chemins  de  fer.  i 
Cependant  cette  loi  a  quelques  inconvénients.  Le  plus  grave  est  de  rendre 
l'audition  des  témoins  difficile  en  appel.  Le  législateur  a  senti  cette  difficulté 
et  il  a  essayé  de  remplacer  cette  audition  par  les  notes  d'audience  qui  sont 
tenues  par  le  greffier  et  dans  lesquelles  sont  analysées  les  dépositions  des 
témoins.  En  conséquence,  et  pour  imprimer  à  ces  notes  une  foi  plus  grande, 
il  a  ajouté  k  l'art.  189  une  disposition  nouvelle  : 

«  Art.  199.  §  2.  Le  greffier  tiendra  note  des  déclarations  des  témoins  et  des 
réponses  du  prévenu.  Les  notes  du  greffier  seront  visées  par  le  président  dans  les 
trois  jours  de  la  prononciation  du  jugement.  » 

C'est  évidemment  pour  suppléer  aux  dépositions  orales  que  la  loi  a  voulu 
donner  aux  notes  d'audience,  qui  sont  une  sorte  de  procès-verbal  du  premier 
débat,  un  développement  plus  étendu,  une  authenticité  plus  marquée.  Nous 
le  constatons  avec  regret,  car  il  ne  nous  semble  pas  que  les  jugements  sur 
pièces  vaillent  les  jugements  rendus  sur  un  débat  oral,  que  l'analyse  des 
témoignages  puisse  remplacer  les  témoign  âges  eux-mêmes,  et  que  des  preuves 
ainsi  affaiblies  puissent  conduire  à  une  bonne  justice.  Elle  vient  élargir 
encore  la  voie  dangereuse  où  la  jurisprudence  s'était  déjà  engagée  en  décidant 
que  le  juge  d'appel  n'est  pas  tenu  d'entendre  les  témoins  que  le  prévenu  ou  la 
partie  civile  demandent  à  faire  citer.  En  généralisant  et  en  rendant  plus  cer- 
taine la  constatation  des  premières  dépositions,  elle  déclare  en  quelque  sorte 
l'inutilité  du  transport  des  mêmes  témoins  en  appel;  en  fournissant  au  juge  un 
moyen  plus  efficace  de  les  remplacer,  elle  semble  l'inviter  à  ne  pas  les  appe- 
ler. Néanmoins,  il  ne  faut  pas  exagérer  la  portée  de  cette  disposition  :  si  le 
législateur  a  prévu  que  les  notes  d'audience  suppléeraient  plus  fréquemment 
aux  témoignages,  et  s'il  a  voulu  ajouter  à  ce  procès-verbal  de  nouvelles  garan- 
ties de  vérité,  il  n'a  point  modifié  les  règles  relatives  à  l'admission  des  preuves, 
il  n'a  point  restreint  le  pouvoir  du  juge  d'appel  d'ordonner  la  comparution 
personnelle  des  témoins.  Le  droit  de  la  juridiction  est  le  même  et  son  exercice 
rencontre  seulement  quelques  entraves  de  plus  qui  le  gênent  sans  doute,  mais 
sans  le  détruire. 

719.  «  Art.  202.  La  faculté  d'appeler  appartiendra  :  —  1*  Aux  parties  préve- 
nues ou  responsables  ;  —  2*  A  la  partie  civile,  quant  à  ses  intérêts  civils  seule- 
ment; —  3*  A  l'administration  forestière;  —  4»  Au  procureur  de  la  République 
près  la  Ck)ur.  »(Loi  du  13  juin  1856.) 

Le  droit  d'appel  appartient,  dans  les  délais  et  dans  les  formes  qui  seront 

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652      TRENTE-SIXIÈME  LEÇON.  —  DES  TRIBUNAU::  CORRECTIONNELS  (n*  179). 

plas  tard  déterminés  :  1«  aux  parties  prévmaes.  La  loi  de  brumaire,  art.  153, 
s'exprimait  autrement,  elle  parlait  delà  partie  condamnée.  Dans  qnelle  inten- 
tion, dans  quel  but  a-t-oiv  changé  cette  rédaction?  à  quoi  bon  dire  que  la 
partie  prévenne,  lors  môme  qu'elle  n'est  pas  condamnée,  aura  droit  d'inter- 
jeter appel  ?  quel  peut  être,  eu  pareil  cas,  son  intérêt,  et  par  conséquent  sa 
qualité?  Il  est  clair  que  le  changement  n-est  pas  fait  sans  but;  il  est  clair 
qu'en  substituant  le  mot  de  prévenu  à  celui  de  condamné,  on  a  entendu  au- 
toriser rappel  en  matière  correctionnelle,  même  au  profit  du  prévenu  renvoyé, 
acquitté,  absous.  Dans  quel  intérêt^  Ce  ne  peut  être  assurément  quant  aux 
questions  de  pénalité,  mais  ce  peut  être  quant  aux  questions  de  dommages- 
intérêts,  quant  aux  questions  de  réparations  civiles  auxquelles  il  a  droit  de 
conclure.  Ainsi,  un  prévenu,  poursuivi  à  la  fois  par  le  ministère  public  et  par 
une  partie  civile,  a  été  renvoyé  acquitté;  pourra- t«dl,  dans  ce  cas,  interjeter 
appel,  à  Teffet  d'obtenir  du  tribunal  ou  de  la  cour  d'appel  des  dommages- 
intérêts  contre  la  partie  civile  qui  l'a  mal  à  propos  attaqué,  dommages-in- 
térêts auxquels  il  aura  conclu,  mais  conclu  inutilement  devant  le  tribunal  de 
première  instance  ?  L'affirmative  est  certaine,  et  c'est  là  l'utilité  de  la  sub- 
stitution, du  changement  de  rédaction  apporté,  en  1808,  au  texte  antérieur 
de  la  loi  de  brumaire. 

Ainsi,  le  prévenu,  même  acquitté,  pourra  appeler,  lorsqu'on  première 
instance,  il  aura  demandé,  sans  pouvoir  les  obtenir,  des  dommages-intérêts 
Contre  la  partie  civile.  II  pourra  appeler  pour  faire  réformer,  en  appel,  le  juge- 
4nent  de  première  instance  qui  lui  a  refusé  des  dommages-intérêts.  Il  pourra 
appeler,  parce  que,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  la  loi  veut  éviter  au  prévenu,  mal 
è  propos  attaqué,  la  nécessité  d'aller  poursuivre  devant  un  tribunal  éloigné  des 
réparations  civiles  contre  la  partie  civile. 

i^  Aux  parties  prévenues  ou  responsables.  Aux  parties  responsables,  soit 
qu'elles  aient  été  condamnées  comme  civilement  responsables  des  actes  du 
prévenu,  soit  même  qu'elles  ne  l'aient  pas  été,  mais  qu'elles  aient,  comme  le 
prévenu  lui-même,  conclu  inutilement  à  des  dommages-intérêts  contre  la 
partie  civile  qui  les  a  mal  à  propos  attaquées. 

Remarquez  que  le  droit  d'appel  peut  être  exercé  non  pas  seulement  d'une 
manière  simultanée  par  le  prévenu  et  par  les  parties  responsables,  mais  par 
chacune  de  ces  parties  séparément.  Et  comme  il  est  de  règle  que  l'appel, 
comme  Faction  de  chaque  partie,  ne  peut  profiter  ou  nuire  qu'à  cette  partie, 
il  est  clair  que  l'appel  interjeté,  par  exemple,  par  la  partie  responsable,  sera 
sans  aucun  effet  sur  le  jugement  du  prévenu.  Supposez  qu'un  domestique  ait 
été  traduit  en  police  correctionnelle  comme  l'auteur  d'un  délit,  que  son  maître 
y  ait  été  appelé  en  même  temps  comme  responsable,  dans  le  cas  où  cette  res- 
ponsabilité résulte  de  l'art.  1884  du  Gode  civil.  Le  délit  est  déclaré  cionstant, 
le  domestique  prévenu  est  condamné,  et  de  plus  le  maître  est  condamné, 
comme  responsable,  à  des  dommages-intérêts  envers  la  partie  civile.  Le  pré- 
venu n'interjette  point  appel  ;  le  maître  interjette  appel;  il  pourra,  sur  cet  appel, 
débattre  la  vérité,  la  réalité  des  faits  qu'on  a  considérés  comme  délit  ;  mais 
ces  débats  seront  sans  influence  sur  la  condamnation  du  prévenu  lui-même. 
Ainsi,  si  dans  l'espèce,  sur  l'appel  du  maître  condamné  comme  responsable,  les 
juges  d'appel  reconnaissent  que  le  délit  n'existe  pas,  ils  devront  décharger  le 

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APPBL  DES  JUGBMBNT8  CORRECTIOÏWELS  (aRT.  202).       653 

maître  appelant  des  coDdamnations  civiles  dont  il  a  été  frappé;  mais  la  con- 
damnation pénale  portée  contre  le  domestique»  contre  le  prévenu,  n'en  gar- 
dera pas  moins  toute  sa  force.  Yainement  dirait-on  que  dans  ce. cas  les  faits, 
déclarés  constants  en  première  instance,  ont  été  reconnus  faux  en  appel  ;  la 
chose  jugée  dans  les  deux  cas  ne  l'a  pas  été  entre  les  mêmes  parties,  et  la 
chose  jugée  en  appel  au  profit  du  maître  n'en  reste  pas  moins  jugée  souverai* 
nement  en  première  instance  contre  le  domestique  qui  n'a  pas  appelé. 

De  môme,  à  l'inverse,  si  c'était  le  prévenu  qui  eût  appelé,  et  que  la  partie 
responsable  n'eût  pas  interjeté  appel,  la  décharge  prononcée  en  appel  des  con- 
damnations pénales  dont  le  prévenu  était  frappé  n'aurait  nul  effet  à  Tégard  de 
la  partie  responsable  qui  a  acquiescé  en  n'appelant  pas. 

720.  2^  A  la  partie  civile ^  quanta  ses  intérêts  civils  seulement;  soit  que  k 
partie  civile  interjette  appel  parce  que  le  prévenu  a  été  acquitté,  et  qu'en  con- 
séquence tous  dommages -intérêts  lui  aient  été  refasés,  soit  que,  le  prévenu 
ayant  été  condamné,  la  partie  civile  appelle  pour  obtenir  des  dommage^ 
intérêts  qui  lui  ont  été  refusés,  ou  pour  obtenir  des  dommages-intérêts  plus 
forts  que  ceux  qu'on  lui  a  réellement  accordés.  Mais,  dans  tous  les  cas,  la 
question  que  soulève  l'appel  de  la  partie  civile  est  une  question  purement 
pécuniaire,  une  simple  question  d'indemnité  qui  ne  peut  avoir  aucun  effet  sur 
la  partie  pénale  de  la  condamnation.  C'est  ce  que  vous  indiquent  les  derniers 
mots  de  ce  paragraphe.  De  là  naissent  quelques  difficultés  que  nous  exami- 
nerons plus  tard,  en  revenant,  vers  la  fin  de  cette  leçon,  sur  l'effet  général 
d'un  appel  interjeté. 

721.  3^  A  Vadminisiration  forestière;  dans  les  cas,  bien  entendu,  où,  à 
raison  de  la  nature  de  la  contravention  ou  du  délit,  l'administration  forestière 
s'est  trouvée  partie  en  première  instance. 

Ce  paragraphe  3  soulève  une  question  assez  délicate  et  que  les  textes  laissent 
indécise,  celle  de  savoir  dans  quelle  qualité,  à  quel  titre,  dans  quel  but  l'admi- 
nistration forestière  se  porte  appelante  du  jugement  de  première  instance.  Il 
n'y  a  pas  de  doute  qu'elle  ne  puisse,  sur  son  appel,  obtenir  des  dommages- 
intérêts  du  préjudice  causé  par  la  contravention  ou  par  le  délit;  il  n'y  a  pas 
de  doute  qu'elle  ne  puisse,  comme  toute  personne  publique  ou  privée,  appeler, 
quant  à  ses  intérêts  civils,  aux  termes  du  paragraphe  2.  Mais  l'appel  de  l'admi- 
nistration forestière  n'aura-t-il  pas,  de  plus,  pour  effet  d'autoriser  le  tribunal 
à  prononcer  les  condamnations  pénales  portées  par  le  Gode  forestier  pour  les 
délits  qu'il  a  prévus?  La  loi  ne  le  dit  pas^  et  la  raison  d'hésiter,  c'est  qu'en  gé- 
néral le  ministère  public,  le  procureur  de  la  République,  a  seul  qualité  pour 
invoquer  l'application  de  pénalité  et  de  condamnation  proprement  dite.  Ce- 
pendant, si  l'administration  forestière  n'appelait  réellement  que  comme  partie 
civile,  et  quant  à  ses  intérêts  civils,  si  son  appel  ne  permettait  pas  au  tribunal  de 
statuer  même  sur  la  pénalité,  le  paragraphe  3  serait  inutile.  L'administration 
forestière  serait  alors  dans  la  position  de  toute  autre  administration  lésée  par 
un  délit  et  poursuivant  en  appel,  comme  elle  l'eût  fait  en  première  instance,  l'in- 
demnité pécuniaire  du  dommage  causé  par  ce  délit.  Il  y  a  plus,  quand  dans  le 
paragraphe  2  on  a  8oin  de  nous  avertir  que  l'appel  de  la  partie  civile  ne  porte 

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654     TRENTE-SIXIÈME  LEÇOX.  —  DBS  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n*  723). 

que  sur  ses  intérêts  civils,  quand,  au  contraire,  dans  le  paragraphe  3,  on  parle 
sans  la  même  restriction  de  l'appel  interjeté  par  Fadministration  forestière, 
on  semble  bien  décider,  dVne  manière  indirecte  sans  doute,  mais  cependant 
bien  certaine,  queTappel  de  Tadministration  forestière  autorise  le  tribunal  non- 
seulement  à  statuer  sur  la  réparation  civile  du  dégât,  mais  aussi  à  statuer  sur 
la  pénalité  encourue  par  le  délit.  Ge  dernier  parti  me  semblerait,  en  somme, 
plus  conforme  à  l'ensemble  de  Tart.  202. 

722.  La  faculté  d'appeler  appartiendra  encore,  savoir  :  d'après  le  paragraphe  4, 
au  procureur  de  la  République  du  tribunal  qui  a  jugé,  et,  d'après  le  paragraphe  5, 
au  procureur  général  près  la  cour  compétente  pour  l'appel.  Ainsi,  soit  le  minis- 
tère public  inférieur,  soit  le  ministère  public  supérieur,  ont  également  qualité 
pour  interjeter  appel,  mais  cependant  ces  deux  appels  ne  doivent  point  se  con- 
fondre l'un  avec  l'autre,  ces  deux  appels  ne  sont  point  soumis  à  des  règles 
identiques.  Vous  verrez  dans  Fart.  203  que  l'appel  interjeté  d'après  le  para- 
graphe 4  doit  l'être  dans  les  dix  jours,  et  dans  l'art.  205  que  l'appel  interjeté 
d'après  le  paragraphe  5  peut  l'être  tantôt  pendant  un  mois,  tantôt  même  pen- 
dant deux  mois,  selon  les  distinctions  que  poseront  ces  articles. 

723.  Revenons  sur  une  question  générale  que  soulèvent  les  divers  para- 
graphes de  l'art.  202,  celle  de  savoir  quelle  est,  en  matière  correctionnelle,  la 
conséquence  de  l'appel  interjeté  soit  par  le  ministère  public,  soit  par  le  pré- 
venu, soit  par  la  partie  civile.  Je  ne  parle  pas  ici  de  l'effet  suspensif  accordé  à 
l'appel,  avec  une  force  particulière,  par  le  paragraphe  2  de  l'art.  203,  nous  ex- 
pliquerons plus  tard  ce  point,  mais  de  l'effet  dévolutîf,  de  la  mission  que  l'ap- 
pel interjeté  confère  au  tribunal  ou  à  la  cour  qui  en  sont  saisis.  Il  est  bon 
de  nous  arrêter  un  peu  sur  ce  point  important. 

Supposons  d'abord  l'appel  interjeté  par  un  prévenu  frappé  de  condamnation, 
c'est  le  cas  le  plus  fréquent.  Quelle  est  la  mission,  la  fonction  du  tribunal  ou 
de  la  cour  devant  lesquels  cet  appel  est  interjeté  ?  Évidemment  les  juges  d'appel 
ont  le  pouvoir  d'examiner  de  nouveau  tous  les  faits  débattus  en  première 
instance,  à  l'effet,  soit  de  diminuer  la  peine,  soit  même  d'acquitter  ou  d'ab- 
soudre entièrement  le  prévenu.  Voilà  incontestablement  la  conséquence  de  l'ap- 
pel d'une  condamnation  pénale  interjeté  par  le  condamné,  aux  termes  du  pa- 
ragraphe 1.  Mais  l'effet  de  l'appel  est-il  dévolutif,  pleinement  dévolutif,  en  ce 
sens  que  la  cause  entière  soit  remise  en  question,  en  ce  sens  que  le  tribunal  et 
la  cour  procèdent  par  jugement  nouveau,  et  qu'ils  puissent,  en  conséquence, 
quand  même  le  ministère  public  n'aurait  pas  appelé,  aggraver,  au  détriment 
du  prévenu  même  qui  interjette  appel,  la  condamnation  de  première  instance? 
Ainsi,  une  condamnation  à  six  mois,  par  exemple,  d'emprisonnement  a  été 
prononcée  ;  appel  du  prévenu  seulement,  silence  du  ministère  public  ;  le  tri- 
bunal d'appel,  qui  pourrait  assurément  soit  acquitter  le  prévenu,  soit  réduire 
l'emprisonnement,  pourra-t-il  également  l'augmenter  ?  Je  ne  le  pense  pas  ; 
l'appel  interjeté  par  le  prévenu  seul,  dans  le  silence  du  ministère  public,  ren- 
ferme de  la  part  de  ce  dernier  un  acquiescement  à  la  condamnation,  et  je  ne 
sais  comment  la  cour  ou  le  tribunal  d'appel  pourraient,  d'office  et  sans  con- 
clusions du  ministère  public,  aggraver  une  pénalité  qui  a  paru  suffire  à  ce 
dernier.  Ge  point,  au  reste,  est  bien  reconnu  dans  l'usage,  et  on  tient  généra-* 

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APPEL  DES  JUGEMENTS  CORRECTIONNELS  (aRT.  202).       655 

lement  ponr  certain  que  Tappel  interjeté  par  le  prévenu  tout  seul  ne  donne 
pouvoir  aux  juges  qui  en  sont  saisis  que  pour  améliorer^  mais  non  pas  pour 
aggraver  la  punition. 

Ge  premier  point  établi,  passons  à  la  deuxième  hypothèse,  sur  laquelle  la 
jurisprudence  est  moins  fixée,  et  surtout,  je  crois,  moins  logique  : 

Condamnation  du  prévenue  six  mois  d'emprisonnement;  appel  du  ministère 
public,  silence  du  prévenu  ;  appel  du  ministère  public  à  Teffét  de  faire  aggra- 
ver une  condamnation  qu'il  trouve  insuffisante,  appel  a  miniha,  comme  on  le 
dit|  dans  l'usage,  a  lONiifA  poena  ad  majorbm.  Les  juges  d'appel  pourront-ils,  sur 
l'appel  A  HmnfA  interjeté  par  le  ministère  public,  pourront^ils,  quoique  le 
prévenu  n'ait  nullement  appelé,  réformer  la  condamnation  en  faveur  de  ce 
dernier,  c'est-à-dire  TacquitLer,  ou  simplement  mitiger  sa  peine  ?  Plusieurs 
arrêts  ont  décidé  l'affirmative  par  une  faveur  assez  naturelle  pour  le  prévenu, 
mais  p(vr  une  faveur  que  la  logique  a  de  la  peine  à  avouer.  En  effet,  si  Ton 
reconnaît  que  l'appel  du  prévenu  tout  seul,  concluant  à  la  réduction  de  sa 
peine  ou  à  l'acquittement,  ne  saisit  pas  les  juges  de  la  totalité  de  l'affaire,  si 
l'on  reconnaît  que  l'appel  du  prévenu  tout  seul  ne  peut  .que  lui  profiter  et  ne 
peut  jamais  lui  nuire,  on  ne  comprend  pas  comment  l'appel  interjeté  formelle* 
ment  a  hinima  par  le  ministère  public  tout  seul,  comment  l'appel  dans  lequel 
le  ministère  public  a  conclu  expressément  à  une  aggravation  de  peine,  pour- 
rait avoir  pour  résultat,  soit  l'acquittement,  soit  la  midgation  de  la  peine  en 
faveur  du  prévenu,  qui  a  acquiescé  en  n'appelant  pas.  J'insiste  encore  sur 
cette  circonstance,  c'est  que  l'appel  du  ministère  public  est  interjeté  expressé- 
ment A  MiNiuA,  c'est  que  le  ministère  public  a  formellement  conclu  à  l'aggra- 
vation de  la  pénalité. 

8i  l'on  suppose,  au  contraire,  que  le  ministère  public,  ayant  seul  appelé, 
ayant  déclaré  son  appel  dans  les  formes  prescrites  par  l'art.  203,  l'ait  déclaré 
sans  indiquer  qu'il  appelait  a  hinima,  sans  indiquer  qu'il  sollicitait  de  la  cour 
ou  du  tribunal  d'appel  une  aggravation  de  peine,  la  décision  devrait  être  diffé- 
rente. Alors  il  serait  vrai  de  dire  que  l'affaire  tout  entière  est  dévolue  à  la  cour 
ou  au  tribunal  d'appel,  avec  la  môme  étendue,  la  même  plénitude  de  pouvoir 
qu'elle  l'était  au  juge  de  première  instance.  Pourquoi  7  C'est  que  le  ministère 
public  n'a  pas  seulement  qualité  pour  appeler  a  minima,  pour  conclure  à  des 
pénalités  plus  fortes  ;  le  ministère  public  a  également  qualité  pour  conclure  ad 
MmoRBM,  c'est-à-dire  pour  conclure»  en  appel,  à  la  réduction  d'une  peine  qui 
lui  parait  trop  forte,  pour  conclure,  en  appel,  à  l'acquittement  du  prévenu  qui 
lui  parait  mal  à  propos  condamné.  Le  ministère  public  n'est  pas  nécessaire- 
ment un  instrument  de  pénalité,  il  est  institué  pour  garantir  les  intérêts  de  la 
société^  et  l'intérêt  général  souffre  aussi  bien  de  la  condamnation  d'un  inno- 
cent que  de  l'acquittement  d'un  coupable.  Or,  si  le  ministère  public  peut  appe- 
ler AD  viTiORBM  comme  A  MINIMA,  il  s'eusuit  que  quand  il  appelle  indéfiniment, 
sans  spécifier  dans  son  appel  s'il  demande  une  aggravation  ou  une  réduction 
de  peine,  la  cour  ou  le  tribunal  d'appel  sont  saisis,  par  cet  appel  général,  delà 
plénitude  de  la  cause,  et  peuvent  user  de  la  même  étendue  de  pouvoir  dont  le 
tribunal  de  première  instance  aurait  pu  user. 

Sur  ces  trois  premiers  points,  voici,  en  résumé,  quelle  serait  notre  réponse  : 
Appel  du  prévenu  tout  seul,  nécessairement  ad  mihorem;  appel  du  prévenu 

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656     TRENTE-SIXIÈME  LEÇON.  —  DES  TRIBUNAUX  OORRECTIONNBLS  (n*  723). 

tout  seul,  sans  appel  du  ministère  public,  plein  pouvoir  pour  la  cour  ou  le  iri* 
bunal  d'appel  de  maintenir  le  premier  jugement  ou  de  le  réformer  dans  un 
sens  favorable  au  prévenu;  mais  non  pas  pouvoir  d*aggra ver,  dans  aucun  cas» 
et  sans  conclusions  de  la  partie  publique,  les  pénalités  dont  il  était  firappé. 
Secondement,  appel  du  ministère  public  ;  il  faut  ici  distinguer  :  si  Tappel  est 
interjeté  ▲  hinima,  il  ne  peut  profiter  au  prévenu,  mais  il  pourra  très-bien  lui 
nuire;  si,  au  contraire,  Tappel  du  ministère  piublic  est  indéfini,  dans  lesbypo* 
thèses  pareilles,  on  a  formellement  décidé  que  la  cour  ou  le  tribunal  d'appel 
pourraient  également  soit  aggraver,  soit  adoucir,  selon  les  résultats  des  débats 
engagés  sur  l'appel,  la  position  du  prévenu. 

Enfin,  reste  à  examiner  la  question  de  l'appel  interjeté  par  la  partie  civile 
toute  seule,  bien  entendu  quant  à  ses  intérêts  civils  seulement.  Ges  derniers 
mots  qui  ne  sont  que  la  conséquence  de  principes  bien  certains,  d'après  les- 
quels la  partie  civile  ne  peut  jamais  conclure  à  des  pénalités,  ces  derniers 
mots  peuvent  donner  lieu  à  quelque  difficulté. 

Supposez,  par  exemple,  qu'en  première  instance  le  prévenu  ait  été  acquitté^ 
et  qu'en  conséquence  on  ait  refusé  à  la  partie  civile  les  dommages-intérêts 
qu'elle  avait  demandés  contre  lui  ;  appel  de  la  partie  civile,  quant  à  ses  intérêts 
civils  seulementy  appel  de  la  partie  civile  sans  appel  du  ministère  public.  En  un 
moty  le  ministère  public  a  acquiescé  à  la  sentence  qui  acquitte  le  prévenu;  la 
partie  civile  n'acquiesce  pas  et  vient  réclamer,  en  appel,  les  dommages-inté- 
rets  refusés  en  première  instance.  D'abord,  y  sera-UeUe  recevable?  Qui,  d'après 
le  paragraphe  2  de  l'art.  202.  Mais  quelle  sera,  dans  ce  cas,  la  mission  du  tri* 
bunal  d'appel?  Il  y  a  un  principe  bien  constant,  c'est  que,  dans  les  matières  pé- 
nales, quel  qu'en  soit  le  plus  ou  moins  de  gravité,  les  tribunaux  de  répression 
n'ont  qualité  pour  accorder  des  indemnités  qu'accessoirement  à  des  condamna- 
tions pénales,  qu'accessoirement  à  l'existence  d'un  crime  ou  d'un  délit  constaté 
par  eux.  Or,  ici  le  tribunal  de  première  instance  n'a  pas  reconnu  l'existence  du 
délit,  car  il  a  acquitté  le  prévenu;  cette  sentence  d'acquittement  est  devenue 
définitive  par  l'acquiescement  du  ministère  public  ;  et  Tappel  de  la  partie  ci- 
vile, d'après  le  paragraphe  2  de  l'art.  202,  ne  permet  pas  au  tribunal  d'appel 
de  revenir  sur  cet  acquittement;  dès  lors,  comment  concevoir  la  mission  du 
tribunal  d'appel  ?  Le  prévenu  est  acquitté,  définitivement  acquitté,  et  le  minis- 
tère public  n'a  pas  attaqué  la  sentence,  le  tribunal  d'appel  n'a  plus  d'occasion, 
plus  de  possibilité  de  le  condamner  ;  comment  donc  pourra-t-on,  en  l'absence 
de  toute  condamnation  pénale,  prononcer  des  condamnations  civiles  au  profit 
de  la  partie  civile  appelante  ?  Cette  difficulté  a  arrêté  nombre  de  tribunaux, 
sous  Tempire  même  de  la  loi  de  brumaire,  et  il  s'ensuivit  un  avis  du  conseil 
d'État,  provoqué  par  le  ministre  de  la  justice,  sur  la  question  de  savoir  si  un 
tribunal,  saisi  de  l'appel  d'une  partie  civile  après  l'acquittement  du  prévenu, 
avait  qualité  pour  réformer  les  dispositions  du  premier  jugement,  même  en 
ce  qui  concerne  la  pénalité.  J'avoue  que  je  comprends  à  peine  qu'une  telle 
question  ait  été  posée  ;  je  comprends  à  peine  qu'en  présence  des  textes  anté- 
rieurs, et  que  le  Gode  actuel  n'a  fait  que  répéter,  on  ait  pu  hésiter  sur  le  point 
de  savoir  si  un  tribunal  d'appel,  saiù  par  une  partie  civile,  pourrait  réformer 
d'office  le  jugement  de  première  instance,  même  quant  à  la  partie  pénale. 
L'avis  du  conseil  d'État,  du  12  novembre  1806,  a  déclaré  formellem«it  qu'il 

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APPBL  DBS  JUGBMSNTS  G0RHÊGTI0NNEL6  (âRT.  202).       657 

ne  le  pouvait  pas.  Mais  quel  sera  donc  l'effet  de  l'appel  ?  Le  doute  à  cet  égard 
pourrait  résulter  de  cet  a«?i8  même,  qui,  en  décidant  au  fond,  avec  la  plus 
grande  raison,  que,  dans  ce  cas,  la  partie  pénale  sera  souveraine,  que  Tac- 
quittement  sera  définitif,  a  laissé  néanmoins  se  glisser  dans  ses  considérants 
des  dispositions  qui,'8Î  on  les  prenait  à  la  lettre,  rendraient  inapplicable  le  §  2. 
Voici,  à  cet  égard,  ce  que  porte  cet  avis,  dans  un  des  paragraphes  dont  il  se 
OQmpose,  il  indique  quelle  sera,  pour  un  tribunal  d'appel  saisi  par  la  partie 
.civile  seulem^t,  la. fission  à  remplir  après  un  jugement  d'acquittement 
.  opéré  en  première  instance  :  t  Alors,  dit-ii,  comme  le  ferait  un  tribunal  auquel 
on  porterait  la  question  des  dommages-intérêts,  la  cour  doit  tenir  pour  cons- 
tants les  faits  et  les  motifs  qui  ont  déterminé  le  chef  du  jugement  relatif  au 
délit,  parce  que  ce  jugement  étant  passé  en  force  de  chose  jugée,  il  a  tous  les 
.  droits  d'une  vérité  incontestable.  »  Je  ne  sais  quelle  était  au  juste,  en  écrivant 
ces  paroles,  la  pensée  du  rédacteur  de  Tavis,  mais,  s'il  y  faut  donner  toute  .a 
force  de  ces  expressions,  voici  quelle  en  sera  la  conséquence  : 

Il  y  a  chose  jugée  en  première  instance,  c'est  que  le  délit  n'existe  pas;  il  y 
a  chose  jugée  en  première  instance  et  souverainement  jugée,  car  il  n'y  a  pas 
eu  d*appel  de  la  part  du  ministère  public,  c'est  que  le  prévenu  est  innocent  ; 
donc,  si  ce  fait  de  l'innocence  du  prévenu,  de  la  non-existence  du  délit,  est 
considéré  comme  vérité  absolue,  si  la  cour  saisie  de  l'appel  doit  tenir  ce  fait 
pour  absolument  constant,  il  est  clair  que  l'appel  n'est  pas  possible.  En  effet, 
que  vient  demander  en  appel  la  partie  civile,  aux  termes  du  §  â?  Une  indem- 
nité, une  réparation  du  dommage  qui  lui  a  été  causé  par  le  délit  qu'elle  allè- 
gue et  qu'elle  offre  de  prouver.  Il  est  clair  que  s'il  n'y  a  pas  déht,  si  le  délit 
n'est  pas  prouvé,  s'il  est  môme  prouvé  que  le  prévenu  n'est  pas  coupable,  il 
n'y  a  pas  d'indemnité,  de  réparation  possible.  Or,  il  a  été  déclaré,  en  première 
instance,  que  le  prévenu  n'était  pas  coupable;  cette  déclaration,  d'après  l'avis 
du  conseil  d'État,  est  devenue  souveraine  par  le  défaut  d'appel  du  ministère 
public  ;  cette  déclaratipn  devenue  souveraine  doit  être  considérée  comme  cons- 
tante et  certaine  par  la  cour  d'appel.  Or,  si  la  cour  d'appel  est  tenue  de  recon- 
naître qu'il  n'y  a  pas  de  délit,  il  est  clair  qu'il  ne  lui  est  pas  possible  d'accorder 
des  dommages-intérêts  à  la  partie  civile  qui  appelle.  Si  telle  est  la  pensée  de 
cet  avis,  il  est  clair  que  cette  pensée  est  fausse.  Du  reste,  à  part  ces  considé- 
rants, la  décision  est  très-facile. 

Qu'a-t-il  été  jugé  en  première  instance?  Qu'il  n'y  avait  pas  délit,  ou  que  ce 
délit  n'était  pas  le  fait  du  prévenu.  A  l'égard  de  qui  cette  décision  a-t-elle  été 
rendue?  A  l'égard  de  deux  personnes  :  1®  du  ministère  public  concluant  à  l'ap- 
plication de  la  peine;  2^  de  la  partie  civile  concluant  accessoirement  à  des 
dommages-intérêts.  De  ces  deux  parties,  l'une  a  acquiescé,  c'est  le  ministère 
public  ;  l'autre  a  interjeté  appel,  c'est  la  partie  civile.  A  l'égard  de  la  partie 
qui  a  acquiescé,  et  quant  aux  conclusions  que  posait  cette  partie,  c'est-à-diie 
quant  aux  conclusions  pénales,  il  y  a  chose  jugée,  déûnitivement  et  souverai- 
nement jugée.  Voilà  le  fond  de  l'avis  rendu,  avec  grande  raison,  parle  conseil 
d'État;  aucune  poursuite,  aucune  réquisition  de  pénalité  n'est  plus  possible 
contre  le  prévenu.  Mais  pourra-t-on,  avec  les  mots  que  je  viens  de  citer,  oppo- 
ser à  la  partie  civile  appelante  que  la  chose  est  souverainement  jugée,  a  force 
de  chose  jugée,  a  force  de  vérité?  Non,  évidemment;  car  à  son  égard  il  n'y  a 

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658     TRENTE-SEPT.  LEÇON.  —  DBS  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n*  724). 

pas  chose  jugée;  il  n'y  a  pas  chose  jagée^  car  elle  a  appelé,  dans  les  délais  que 
lui  ouvrait  l'art.  203,  par  les  conclusions  qu'autorisait  Tart.  202.  La  partie 
civile  dira  donc,  ici,  précisément  ce  qu'elle  dirait  devant  un  tribunal  civil,  si 
à  la  voie  criminelle  elle  avait  préféré  la  voie  civile;  elle  dira  :  Il  y  a  chose 
complètement  jugée  à  l'égard  du  ministère  public  qui  a  succombé  et  qui  n*a 
pas  appelé;  mais  à  mon  égard  et  sous  le  rapport  des  dommages-intérêts  que 
je  réclame,  il  n'y  a  pas  chose  jugée  ;  car,  si  j'ai  succombé  en  première  instance, 
j*ai  interjeté  à  temps  mon  appel.  En  vain  dira-t-on  que  le  même  fait  ne  peut 
pas  être  déclaré*  non  constant  à  l'égard  du  ministère  public,  et  constant,  au 
contraire,  à  l'égard  de  la  partie  civile.  On  sait  très-bien  que  si  les  faits  sont 
ou  ne  sont  pas,  que  si  leur  existence  ou  leur  non-existence  est  Indivisible  par 
elle-même,  cela  n'est  pas  vrai  sous  le  rapport  de  ^application  de  la  chose 
jugée.  On  sait  très-bien  que,  dans  les  matières  civiles,  comme  dans  les  ma- 
tières pénales,  un  môme  fait  peut  tour  à  tour  être  déclaré  vrai,  puis  être  dé- 
claré faux,  par  deux  jugements  qui  s'exécuteront  également,  chacun  à  l'égard 
des  parties  qui  ont  figuré  dans  le  jugement. 

Ainsi,  dans  l'espèce  de  la  partie  civile  interjetant  appel,  la  cour  pourra  en- 
core, nonobstant  la  première  sentence,  déclarer  certains  et  reconnus  les  faits 
que  cette  sentence  a  au  contraire  déclarés  faux.  Seulement,  de  la  déclaration 
de  la  vérité  de  ces  faits  on  ne  pourra  induire  aucune  application  de  pénalité  à 
l'égard  du  prévenu;  mais  on  pourra  très-bien  induire,  on  pourra  très-bien 
faire  dériver  de  Tapplication  de  la  condamnation  les  dommages-intérêts  aux- 
quels la  partie  civile  a  pu  conclure. 

Tels  sont  les  effets  généraux  de  Tappel,  à  l'égard  des  trois  parties  princi- 
pales qui  peuvent  y  figurer,  sous  le  rapport  de  l'effet  dévolutif.  Reste  mûnte- 
nant  l'effet  suspensif  de  l'appel  régi,  en  matière  pénale,  par  des  principes  par- 
ticuliers que  nous  expliquerons  dans  la  prochaine  leçon. 

TRENTE-SEPTIÈME    LEÇON. 

724.  Nous  avons  vu  par  quelles  personnes  et  devant  quels  tribunaux  l'appel 
des  jugements  rendus  en  matière  correctionnelle  peut  être  interjeté  :  les 
art.  203  et  suivants,  jusqu'à  la  fin  du  présent  chapitre,  s'occupent  :  !•  du 
délai;  2«  de  la  forme  dans  laquelle  cet  appel  doit  être  interjeté;  3*  enfin,  les 
articles  suivants  indiquent  dans  quelle  forme  l'instruction  sur  l'appel  doit  avoir 
lieu,  quels  peuvent  être  le  résultat,  la  teneur  du  jugement. 

L*art.  203  est  relatif  au  délai  d'appel,  et  donne  lieu  &  cet  égard  à  quelques 
observations  assez  importantes. 

«  Art.  203.  Il  y  aura,  sauf  rexception  portée  en  l'art.  205  ci-après,  déchéance 
de  l'appel,  si  la  déclaration  d'appeler  n'a  pas  été  faite  au  greffe  du  tribunal  qui 
a  rendu  le  jugement,  dix  jours  au  plus  tard  après  celui  où  il  a  été  prononcé,  et^ 
si  le  jugement  est  rendu  par  défaut,  dix  jours  au  plus  tard  après  celui  de  la  signî- 
iication  qui  en  aura  été  foite  à  la  partie  condamnée  ou  à  son  domicile,  outre  un 
jour  par  trois  myriamètres.  —  Pendant  ce  délai  et  pendant  l'instance  d'appel,  il 
sera  sursis  à  l'exécution  du  jugement,  n 

Ainsi,  en  principe  général,  le  délai  d'appel,  en  matière  correctionnelle,  est 

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APPBL  DBS  JUaBMSNTS  GORIiBGTIONNBLB  (aRT.   203).  659 

de  dix  jours.  Mais  le  point  de  départ  de  ces  dix  jours  varie  selon  qne  le  juge- 
ment a  été  rendu  contradictoirement  ou  par  défaut.  Dans  le  premier  cas,  le 
point  de  départ,  en  faveur  de  quelque  partie  que  le  jugement  ait  été  rendu,  est, 
sans  distinction,  le  jour  de  la  prononciation  du  Jugement.  Ainsi,  peu  importe 
que  dans  ce  cas  il  y  ait  eu  ou  non  signification,  le  délai  courra,  sans  significa- 
tion, du  jour  même  du  jugement,  puisque  les  parties  présentes  à  Paudience  en 
ont  eu  nécessairement  connaissance. 

Au  contraire,  si  le  jugement  est  par  défaut,  la  loi  exige,  pour  faire  courir  le 
délai  d'appel,  la  signification  à  la  partie  cùndamnéey  ou  à  son  domicile,  delà 
-seulement  courront  les  dix  jours.  Il  est  d'abord  évident  que  ces  derniers  mots 
ne  s'appliquent  qu'au  prévenu  ou  à  la  partie  civile,  que  dans  tous  les  cas  ils 
sont  inapplicables  à  l'égard  da  ministère  public  ;  en  ce  qai  touche  le  ministère 
public,  nécessairement  présent  à  l'audience,  le  jugement  est  toujours  contra- 
dictoire. Le  délai  de  dix  jours  pour  interjeter  appel  court  de  la  prononcia- 
tion ;  et  si,  par  hasard,  un  prévenu  avait  été,  par  défaut,  soit  acquitté,  soit 
condamné  à  une  peine  que  le  ministère  public  jugeait  insuffisante,  les  dix 
jours  de  l'appel  ouvert  au  ministère  public  courraient  de  la  prononciation  sans 
aucune  signification.  La  preuve  qu'il  n'y  a  rien  à  notifier  au  ministère  public, 
c'est  que  la  loi  ne  parle  que  d'une  signification  à  la  partie  condamnée,  ou 
à  son  domicile;  expressions  inapplicables  au  procureur  de  la  République.  Ce 
sera,  soit  à  la  partie  civile,  soit  au  prévenu,  que  nous  appliquerons  ces  der- 
niers mots. 

Si  une  condamnation  a  lieu  par  défaut  contre  le  prévenu,  il  fondra,  pour 
faire  courir  le  délai,  que,  soit  à  la  requête  du  ministère  public,  soit  à  la  requête 
de  la  partie  civile,  la  signification  de  ce  jugement  ait  été  faite  au  prévenu 
condamné. 

Si,  au  contraire,  c'est  la  partie  civile  qui  n'a  pas  comparu  et  qui,  en  consé- 
quence, a  succombé  quant  aux  réparations  civiles  auxquelles  elle  avait  conclu 
dans  la  citation,  alors  le  délai  d'appel  sera  de  dix  jours  pour  la  partie  civile,  à 
compter  de  la  notification  que  le  prévenu  aura  faite,  soit  à  la  personne,  soit 
au  domicile  de  cette  partie. 

Ces  délais  emporteront  déchéance  d'après  l'art.  203,  et  cette  déchéance  doit 
«'entendre  ici,  comme  en  matière  civile,  comme  dans  l'art.  444  du  Gode  de 
procédure,  dans  un  sens  rigoureux  et  absolu;  c'est-à-dire  que  l'appel  inter- 
jeté postérieurement  aux  dix  jours  doit  être  déclaré  non  recevable,  même 
d'office,  et  quoique  la  partie  intéressée  à  le  contester  néglige  d'opposer  ce 
moyen. 

72tt.  Enfin  nous  avons  vu  dans  le  paragraphe  2  de  l'art.  443  du  Gode  de 
procédure  qu'on  distinguait,  quant  au  délai  de  l'appel,  entre  l'appel  principal 
et  l'appel  incident.  Nous  avons  vu  que,  si  le  délai  de  l'appel  était,  en  général, 
de  trois  mois,  la  déchéance  résultant  du  défaut  d'appel  dans  ce  délai  ne  s'ap- 
pliquait qu'à  l'appel  principal,  et  qu'en  conséquence  l'intimé  pouvait,  en  tout 
état  de  cause,  même  après  l'expiration  des  trois  mois,  interjeter  appel  inci- 
dent. Gette  distinction  entre  l'appel  principal  et  l'appel  incident  ne  paraît  point 
applicable  à  la  décision  de  l'art.  203  ;  ses  termes  sont  absolus,  ils  déclarent,  de 
la  manière  la  plus  positive,  que  le  défaut  d'appel  dans  les  dix  jours  en- 

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660      TRSNTB-SEPT.  LEÇON.  —  DE8  TRIBUNAUX  GORaEGTIONNELS  (N^  727). 

trafne  déchéance  à  l'égard  de  toute  partie,  sauf  Fexception  de  Tarticle  205, 
excepUoQ  qui  n'a  rien  de  commun  avec  la  question  qui  nous  occupe.  Aussi 
déoide-t-on  généralement  qu'il  n'y  a  pas  à  distinguer  en  matière  correction- 
nelle, comme  en  matière  civile,  entre  les  appels  soit  principaux,  soit  incidents; 
en  d'autres  termes^  que.  l'appel  même  incident  doit  être  interjeté  dans  les  dix 
jours. 

726.  Le  paragraphe  2  présente  un  principe  important  que  uoufl  avons  déjà 
rencontré,  et  ce  principe  demande  des  explications  assez  étendues. 

Pendant  ee  délai  (c'est-à-dire  pendant  le  délai  des  dix  jours  accordés  pour 
appeler)  et  pend(kni  Vinstance  d'appel,  il  sera  sursis  à  VexécutUm  du  jugement. 

Ainsi,  le  jugement  de  première  instance  ne  pourra  pas  s'exécuter  non-seu- 
lement une  fois  qu'il  y  aura  appel  inteijeté,  mais  même  avant  Tappel  inter- 
jeté, par  cela  seul  qu'on  est  encore  à  temps,  qu'on  est  encore  daAs  le  délai 
utile  pour  l'interjeter;  l'exécution  est  suspendue,  elle  ne  peut  avoir  lieu.  £n 
d'autres  termes,  quand,  en  matière  pénale,  on  dit  que  l'appel  est  suspensif, 
ces  expressions  ont  un  sens  bien  plus  large,  bien  plus  étendu  que  dans  les 
matières  civiles  ;  ce  n'est  pas  seulement  l'appel  qui  est  suspensif,  c'est  le  délai 
même  de  rappel.  Retenez  bien  cette  première  distinction,  d'ailleurs  très-facile. 
Nous  avons  vu,  dans  le  Gode  de  procédure,  que,  bien  que  l'art.  457  déclarât 
l'appel  suspensif,  cependant  il  résulte  de  l'art.  459  qu'on  peut,  pendant  les 
délais  d'appel,  exécuter  le  jugement  de  première  instance,  tant  que  la  partie 
condamnée  n'en  a  pas  interjeté  appel.  Ge  qui  est  suspensif,  en  matière  civile, 
ce  n'est  pas  la  possibilité,  l'éventualité  d'un  appel,  c'est  le  fait  d'un  appel 
réellement  interjeté,  appel  qui  doit  remettre  toute  l'affaire  en  question  devant 
les  nouveaux  juges.  Au  contraire,  en  matière  pénale,  le  seul  fait  qu'un  appel 
est  encore  possible  suffit  pour  empêcher  l'exécution  du  jugement  de  première 
instance,  ainsi  que  le  décide  notre  texte  ;  donc,  quand  même  il  n'y  aurait  pas 
instance  d'appel,  quand  même  il  n'y  aurait  pas  appel,  par  cela  seul  qu'on  est 
dans  le  délai  déterminé  par  l'art.  203,  le  jugement  ne  peut  pas  s'exécuter. 

Le  motif  de  cette  décision  est  bien  facile  à  saisir,  c'est  que,  dans  les  ma- 
tières civiles,  le  préjudice  que  peut  causer  l'exécution  d'un  jugement  s'ana- 
lyse, en  définitive,  en  un  intérêt  pécuniaire;  le  préjudice  que  peut  avoir  causé 
l'exécution  à  la  partie  condamnée  en  première  instance,  et  qui  triomphe  en 
appel,  ce  préjudice  n'est  qu'un  préjudice  d'argent  qui  peut  être  réparé.  Au  con- 
traire, dans  les  matières  pénales,  le  préjudice  que  causerait  au  prévenu 
condamné  l'exécution  d'un  jugement  qui  serait  réformé  sur  l'appel,  ce  préju- 
dice serait  irréparable  en  définitive;  huit  jours,  dix  jours,  un  mois  d'empri- 
sonnement qu'il  aurait  pu  subir  en  vertu  du  jugement  de  première  instance 
lui  causeraient  un  tort  qu'aucune  indemnité  pécuniaire  ne  pourrait  réparer,  et 
pour  lequel  d'ailleurs  aucune  indemnité  ne  pourrait  souvent  lui  être  accordée. 

727..  Rien  de  plus  facile  que  cette  règle,  soit  dans  ses  motifs,  soit  dans  son 
texte;  ce  qui  nous  importe  maintenant,  c'est  d'en  bien  préciser  l'étendue; 
pour  cela,  il  faut  l'examiner  dans  différentes  hypothèses,  savoir  :  i^  dans  le 
cas  de  condamnation;  2<>  dans  le  cas  d'acquittement  prononcé  en  première 
instance. 


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APPSL  DBS  JUGEMENTS  CORRECTIONNELS  (aRT.  203).       661 

Sous  une  antre  face,  il  faut  Texaminer  1<>  quant  à  la  condamnation  pénale  ; 
2^  quant  aux  réparations  civiles  adjugées  dans  l'hypothèse  d'une  condamna- 
tion de  première  instance. 

Enfin,  sous  un  autre  point  de  vue,  il  faat  examiner  cette  règle  de  l'effet  sus- 
pensif, soit  quant  au  délai  d*appel  de  l'art.  203,  soit  aussi  quant  au  délai 
exceptionnel  d'appel  indiqué  dans  l'art.  205,  que  nous  verrons  tout  à  l'heure. 

Nous  avons  donc  à  cet  égard  différents  cas  â  parcourir;  les  uns  ne  font 
que  confirmer  la  règle,  les  autres  renferment  quelques  exceptions  à  cette 
règle. 

728.  Prenons  d'abord  l'hypothèse  que  le  paragraphe  2  de  l'art.  203  a  eu 
principalement  en  vue,  celle  de  la  condamnation  du  prévenu.  Le  prévenu  a  été 
condamné  par  les  premiers  juges,  et  il  est  encore  dans  le  délai  d'appel.  Il  doit 
être  sursis,  tant  que  dure  le  délai  de  l'appel,  &  l'exécution  du  jugemeint  ;  et  il  ' 
doit  y  être  sursis,  car  le  paragraphe  2  est  général  :  i^  quant  aux  condamnations 
pénales  dont  il  a  été  frappé  ;  2^*  même  quant  aux  réparations  civiles  auxquelles 
il  a  été  condamné  envers  la  partie  lésée. 

Il  doit  y  être  sursis  quant  aux  condamnations  pénales.  Ainsi,  si  avant  le 
.  jugenaent,  si  pendant  l'instruction,  le  prévenu  était  resté  libre,  s'il  n*avait  été 
frappé  d*aucun  mandat  de  dépôt  ni  d'arrêt,  il  doit,  après  même  qu'une  con- 
damnation en  première  instance  à  un  emprisonnement  plus  ou  moins  iongauhi 
été  prononcée  contre  lui,  il  doit  encore  rester  libre,  nonobstant  cette  condam* 
nation,  dans  le  délai  de  dix  jours  indiqué  par  l'art.  203.  Lui  enlever;  dans  ces 
dix  jours,  avant  même  qu'il  ait  appelé,  lui  enlever  la  liberté  qu'il  avait 
jusque-là,  ce  serait  exécuter  un  jugement  de  première  instance  pendant  le 
délai,  d'appel,  et  l'art.  203  le  défend. 

De  même,  si  le  prévenu,  quoique  mis  en  état  d'arrestation,  avait  cependant 
obtenu  la  liberté  provisoire  sous  caution,  dans  le  cas  et  de  la  manière  indiquée 
par  les  art.  il3  et  suivants,  de  même,  placé  par  cette  ordonnance  en  état  de 
liberté  provisoire,  il  devrait,  nonobstant  le  jugement  de  condamnation  inter- 
venu, jouir  encore  de  sa  liberté' pendant  toute  la  durée  du  délai  d'appel. 

Supposez,  enfin,  toujours  dans  le  même  cas,  que  le  prévenu  ait  été  mis  en 
arrestation  dans  la  durée  de  l'instruction  préalable,  qu'il  ait  été,  par  le  juge-.> 
ment  de  première  instance,  condamné  à  un  emprisonnement  correctionneL 
Alors  encore  le  jugement  ne  devra  point  s'exécuter,  tant  que  les  dix  jours  de 
l'appel  seront  ouverts  ;  c'est-à-dire  que  le  prévenu  devra  restar  dans  la  maison 
d'arrêt  où  il  était  pendant  l'instruction,  et  non  pas  être  transféré  dans  la  prison,  ' 
dans  la  maison  de  forde  proprement  dite,  en  vertu  du  jugement  de  condamna- 
tion. Nous  en  verrons  d'ailleurs  une  raison  plus  décisive  dans  le  paragraphe  1^' 
de  l'art.  207,  qui  est  d'éviter  des  translations  inutiles  d'une  maison  d'arrêt, 
dans  une  nouvelle  maison  d'arrêt.  ,    . 

Voilà  donc  en  quel  sens  nous  devons  résoudre  la  première  hypdthèso,  celle 
d'un  emprisonnement  prononcé  contre  le  prévenu  par  un  jugement  de  preimère 
instance;  il  est  possible  d'exécuter  ce  jugement  dans  les  dix  jours  accordés 
pour  appeler,  soit  que  le  prévenu  fût  en  liberté  parce  qu'aucun  mandat  ne  IV 
vait  atteint,  soit  qu'il  y  Mt  parce  qu'il  avait  obtenu  sa  mise  en  liberté  provi* 
soire,  soit  qu'il  y  fût  sous  le  poids  d'un  mandat  d'arrêt 


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662      TRENTE-8BPT.  LEÇON.  —  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n*  729). 

Il  ne  faut  pas  distinguer,  à  eet  égard,  entre  le  cas  où  le  préTenn  aurait  ou 
non  acquiescé  au  jugement  de  condamnation.  Supposez,  par  exemple,  que  le 
prévenu  frappé  d'un  emprisonnement  correctionnel  déclare,  dans  les  dix  jours 
indiqués  par  Tart.  203,  qu'il  n'entend  point  interjeter  appel,  qu'il  renonce  i 
toute  pensée  d'appel  de  ce  jugement,  peu  importe.  La  loi  n'admet  point,  en 
matière  pénale,  cette  renonciation  anticipée  au  droit  de  la  défense.  Le  prévenu 
ne  peut  pas,  même  par  un  acquiescement  formel,  se  dépouiller  du  bénéfice 
du  délai  de  dix  jours  que  la  loi  lui  donne  pour  interjeter  appel.  Voilà  notre  pre* 
mier  point. 

Secondement,  dans  la  même  hypothèse  de  condamnation,  nous  devons 
examiner,  non  plus  comme  tout  à  l'heure  les  condamnations  pénales,  mais  de 
plus  les  condamnations  civiles,  les  indemnités  pécuniaires  adjugées  par 
le  même  jugement  à  la  partie  civile  contre  le  prévenu.  La  partie  civile 
pourra-t-elle,  attendu  que  dans  Tespèce  il  ne  s'agit  que  d'une  question  d'ar- 
gent, pourra-t-elle,  dans  le  délai  de  dix  jours,  et  tant  que  le  prévenu  n'aura 
pas  interjeté  d'appel,  exécuter  sur  ses  biens  la  condamnation  prononcée 
à  son  profit  ?  Ici  sans  doute  on  pourrait  en  douter  ;  comme  il  ne  s'agit  que 
d'une  question  d'argent,  on  pourrait  incliner  à  appliquer  les  principes  suivis 
en  matière  civile.  Mais  l'art.  203  ne  distingue  pas;  il  veut  que  tant  que  dure 
le.  délai  d'appel,  tant  que  durent  les  dix  jours  accordés  par  le  paragra- 
phe i^,  toute  exécution  soit  impossible,  toute  condamnation  soit  arrêtée  ; 
donc  la  partie  civile  ne  pourra  pas  plus  poursuivre,  dans  ces  dix  joues,  le 
payement  des  dommages-intérêts  qu'elle  a  obtenus,  que  le  ministère  public 
ne  pourrait,  dans  ces  dix  jours,  poursuivre  l'emprisonnement  prononcé  contre 
le  prévenu. 

Ainsi  doit  s'entendre  l'application  de  notre  paragraphe  2  au  cas  de  condam- 
nation du  prévenu,  soit  qu'on  envisage  ce  cas  relativement  aux  condamna- 
tions pénales,  soit  qu'on  l'envisage  de  plus,  relativement  aux  condamnations 
civiles. 

729.  Voyons  maintenant  le  cas  d'acquittement.  Le  prévenu  a  été  acquitté; 
mais  le  jugement  qui  l'a  acquitté  est  susceptible  d*appel,  et  peut  être  attaqué, 
dans  les  dix  jours,  soit  par  le  ministère  public,  soit  par  la  partie  civile,  chacua 
eu  ce  qui  le  concerne.  Relativement  à  la  partie  civile,  il  n'y  a  aucune  ques- 
tion, aucune  hypothèse  possible  d'exécution  ;  relativement  au  ministère  public, 
il  peut,  au  contraire,  y  en  avoir.  En  effet,  si  le  prévenu,  avant  le  jugement  qui 
vient  de  l'acquitter,  était  en  état  de  détention,  s'il  était  sous  le  poids 
d'un  mandat  de  dépêt  ou  d'arrêt,  devra-t-il,  à  raison  du  principe  de  l'effet 
suspensif  accordé  au  simple  délai  d'appel,  garder  prison  jusqu'à  l'expiration 
des  dix  jours  pendant  lesquels  le  procureur  de  la  République  peut  appeler? 
Ici  la  question  est  tout  inverse,  ici  ce  n'est  plus  l'intérêt  du  prévenu  qui  peut 
déterminer  l'effet  suspensif;  au  contraire,  Teffet  suspensif,  si  nous  l'ad- 
mettons, sera  une  garantie  donnée  à  la  société  aux  dépens  du  prévenu.  C'est- 
à-dire  que,  pour  assurer  mieux  l'efficacité  de  l'action  pénale,  l'effet  de  l'appel 
qui  peut  être  interjeté  contre  le  prévenu,  le  paragraphe  2  de  l'art.  203  semble 
conduire  à  cette  conséquence  que  le  prévenu  acquitté  n'en  devra  pas  moins 
garder  prison  pendant  les  dix  jours  qui  sont  ouverts  au  ministère  public  pour 

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AFPBL  DBS  JUGEMENTS  CORRECTIONNELS   (aRT.    205).  663 

interjeter  appel.  En  effet,  cette  conséquence  n'était  pas  doutense  lors  de  la 
rédaction  primitiTe  du  CSode  d'instruction  criminelle  ;  elle  était  évidemment 
dans  l'esprit  du  législateur;  je  dis  plus,  elle  était  dans  le  texte  primitif  de 
Tart.  206,  qui  maintenant  a  disparu  du  Gode.  En  jetant  les  yeux,  dans  vos 
nouvelles  éditions,  sur  Tancien  texte  de  l'art.  206,  vous  verrez  que  le  légis- 
lateur, dans  un  but  qui  s'expliquera  bientôt,  annonçait,  comme  une  faveur 
pour  le  prévenu,  que  sa  mise  en  liberté  ordonnée  par  jugement,  lui  serait 
accordée  lorsqu'aucun  appel  n'aurait  été  motivé  dans  les  dix  jours  de  ce  juge- 
ment. Nous  verrons,  plus  tard,  en  quoi  il  pouvait  y  avoir  faveur  et  exception 
pour  le  prévenu;  mais  toujours  est-il  que,  dans  le  texte  de  l'art.  206  qui 
reproduisait  lé  principe  de  l'art.  203,  l'effet  suspensif  du  délai  d'appel  s'ap- 
pliquait aussi  bien  contre  le  prévenu  que  pour  lui,  en  telle  sorte  que  le  pré- 
venu, acquitté  en  premier  ressort,  ne  pouvait  obtenir  sa  liberté  qu*après  les 
dix  jours  écoulés.  Le  nouvel  art.  206  a  modifié  en  faveur  du  prévenu  la  règle 
de  l'effet  suspensif,  et  déclaré  non  pas  que  le  prévenu  acquitté  en  premier 
ressort  serait  mis  immédiatement  en  liberté,  mais  qu'il  serait  mis  en  liberté, 
lorsque  trois  jours  se  seraient  écoulés  sans  qu'aucun  appel  eût  été  déclaré, 
art.  206.  <  La  mise  en  liberté  du  prévenu  acquitté  ne  pourra  être  suspendue 
lorsqu'aucun  appel  n'aura  été  déclaré  dans  les  trois  jours  de  la  prononciation 
du  jugement.  «  Ici  donc  on  a  inséré  une  véritable  exception  au  texte  du  para- 
graphe 4  de  l'art.  203  ;  on  a  essayé  de  concilier  ensemble,  par  une  sorte  de 
terme  moyen,  la  garantie  due  à  la  société  pour  l'efficacité  des  condamnations 
pénales  qui  pourront  être  prononcées  en  appel,  on  a,  dis-je,  essayé  de  con-  ' 
cilier  la  nécessité  de  cette  garantie  avec  l'intérêt  du  prévenu. 

La  chambre  des  députés  était  même  allée  plus  loin;  lorsqu'on  1832  on  dis- 
cuta le  projet  de  révision  de  nos  deux  CSodes  criminels,  on  proposait  de  substi- 
tuer à  l'art.  206  une  disposition  portant  que  le  prévenu  acquitté  en  police 
correctionnelle  serait  mis  aussitôt  en  liberté;  sauf,  bien  entendu,  au  minis- 
tère public  son  droit  d'interjeter  appel  dans  les  déUiis  ordinaires.  Cette  pro- 
position fut  repoussée  par  la  chambre  des  pairs  ;  on  pensa  que  c'était  enlever 
au  droit  d'appel  toute  son  efficacité,  que  de  permettre  au  prévenu  de  se  sous- 
traire, aussitôt  après  l'acquittement,  par  la  fuite,  à  la  condamnation  qu'il 
pourrait  encourir  sur  l'appel  ;  de  là  ce  terme  moyen. 

Voilà  donc  notre  seconde  hypothèse,  celle  de  Tacquittement  du  prévenu, 
voilà  l'exception  apportée  par  l'art.  206  à  la  règle  de  l'art.  203. 

780.  Heste  maintenant  une  troisième  question  plus  délicate,  la  dernière  de 
celles  que  j'ai  annoncées  ;  cette  question  ne  naîtrait  pas,  si  le  délai  d'appel 
était  uniquement  le  délai  de  dix  jours  indiqué  dans  l'art.  203  ;  mais  l'art.  203 
lui-même,  en  fixant  à  dix  jours  le  délai  général  de  l'appel,  annonce  qu'il 
existe,  à  cet  égard,  une  exception  spéciale  déterminée  dans  l'art.  205.  Pre- 
nons d'abord  lecture  de  ce  second  texte. 

a  Art.  205.  Le  procureur  général  près  la  Cour  devra  notifier  son  recours,  soit  au 
prévenu,  soit  à  la  personne  civilement  responsable  du  délit,  dans  les  deux  mois 
à  compter  du  jour  de  la  prononciation  du  jugement,  ou,  si  le  jugement  lui  a  été  lé- 
galement notifié  par  Tune  des  parties,  dans  le  mois  du  jour  de  cette  notification, 
sinon  il  sera  déchu.  » 


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664      TRENTK-SEPT.  LBÇON,  —  0BS  TRIBUNAUX  GORRECTIONNELS  (N*  730). 

En  combiDant  ensemble  les  art.  203  et  205^  il  en  résulte  que  le  délai  d'appel, 
qui,  en  général,  est  de  dix  jours  seulement,  s'étend,  au  contraire,  soit  à  deux 
mois,  soit  au  moins  à  un  mois,  selon  la  distinction  de  Fart.  205>  à  regard  du 
ministère  public,  non  pas  près  du  tribunal  qui  a  jugé,  mais  près  du  tribunal 
ou  de  la  cour  qui  doit  connaître  de  Fappel.  Ainsi,  supposez  un  jugement  en 
matière  correctionnelle,  une  [condamnation  correctionnelle  prononcée  par  nn 
tribunal  de  simple  arrondissement  ;  l'appel  est,  en  général,  porté  an  tribunal 
du  chef-lieu  du  département.  Alors  le  délai  d'appel  sera  de  dix  jours  :  i^  pour 
toutes  les  parties  privées,  soit  la  partie  civile,  soit  le  prévenu;  2»  de  dix  jours 
aussi  pour  le  procureur  de  la  République  près  le  tribunal  d'arrondissement, 
près  le  tribunal  qui  a  jugé.  Au  contraire,  le  procureur  général  aura  pour  délai 
non  pas  seulement  dix  jours,  mais  tantôt  un  mois,  tantôt  deux  mois,  seLoa 
la  distinction  établie  dans  l'art.  205. 

Le  motif  de  cette  prolongation  est  fiicile  à  comprendre  ;  c'est  que  le  procu- 
reur général,  n'étant  averti  de  l'existenoe  du  jugement  qu'à  une  époque  assez 
éloignée  de  celle  ot  il  est  rendu,  ne  pouvait  pas  être  renfermé,  quant  à  son 
appel,  dans  un  simple  délai  de  dix  jours. 

Ainsi,  le  délai  d'appel  est  de  dix  jours  dans  les  quatre  premiers. numéros  de 
l'art.  202  :  il  est,  au  contt'aire,  d'un  mois  ou  de  deux  mois  dans  le  dermer 
paragraphe  du  même  article. 

Gela  posé,  examinons  une  nouvelle  question. 

Un  jugement  correctionnel  a  été  rendu  en  première  instance,  et  nous  avons 
TU  comment,  dans  les  dix  jours  suivants,  ce  jugement  ne  pouvait  pas  ôtre 
exécuté  ;  mais  ces  dix  jours  sont  écoulés,  s'ensuit-il  qu*à  partir  du  onzième 
jour,  on  pourra  exécuter  le  jugement?  Supposez,  par  exemple,  que  dans  le 
jugeaient  de  première  instance  le  prévenu,  jusque-là  en  liberté,  ait  été  con- 
damné à  un  emprisonnement  de  quelques  mois,  pourra-t-on,  le  dixième  jour 
expiré,  à  l'instant  même  où  le  prévenu  a  perdu  le  droit  d'appeler,  pourra-t-on 
procéder  contre  lui  à  Texécution  de  la  condamnation  ? 

Ici  encore  nous  pouvons  subdiviser,  comme  déjà  nous  levons  fait,  et  exa« 
miner,  tour  à  tour,  ce  qui  touche  à  la  condamnation  civile  dont  il  a  pu  être 
frappé  au  profit  de  la  partie  plaignante,  et  la  condamnation  pénale,  c'est-à- 
dire  Femprisonncment. 

.Pour  la  condamnation  civile  U  n'y  a  pas  de  question  ;  il  est  dair  que  les  dix 
jours  accordés  au  prévenu  pour  interjeter  appel  de  cette  condamnation  civile, 
étant  maintenant  écoulés,  cette  condamnation  a  acquis  entre  lui  et  la  partie 
civile  force  de  chose  jugée  ;  il  n'y  a  plus  de  fait,  il  n'y  a  plus  d'événement 
possible  que  puisse  enlever  à  la  partie  civile  le  bénéfice  de  la  condamnation 
aux  dommages-intérêts  qui  lui  ont  été  adjugés.  Donc,  après  ces  dix  jours,  la 
'  partie  civile  pourra  immédiatement,  attendu  que  le  prévenu  condamné  n'a 
pas  interjeté  appel,  procéder  à  l'exécution. 

Mais  pourra-t-on  de  même  procéder  contre  lui  à  des  poursuites  tendant  à 
l'emprisonnement  ?  La  raison  de  douter,  c'est  qu'en  ce  qui  touche  la  condam- 
nation pénale,  le  délai  d'appel  n'est  pas  expiré.  Il  est  expiré  sans  doute  à  l'égard 
du  prévenu  ;  il  est  expiré  de  même  à  l'égard  du  procureur  de  la  République 
près  du  tribunal  qui  a  jugé;  mais,  à  l'égard  du  procureur  général  près  de 
la  cour  d'appel,  le  délai  n'est  pas  expiré,  car  il  reste  encore  ou  quinze  jours 

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APPEL  PBS  iUGBMBNTS  G0RREGTI0NNBL8  (aRT.  205).      665 

et  ploa,  on  môme  six  aernaines  et  plus  à  s'êconler  jusqu'à  Texpiration  de  ce 
délai.  Pourra-t-on  donc,  le  délai  d*appel  existant  encore,  la  possibilité  d'an 
appel  pouvant  se  réaliser,  procéder  à  l'exécution  de  la  condamnation? 

On  peut  invoquer,  pour  l'affirmative,  le  paragraphe  2  de  Tart  203,  car  ce 
n'est  pas  pendant  tous  les  délais  d'appel,  c'est  seulement,  dira-t-on,  pendant 
le  délai  indiqué  dans  l'art.  203,  c'est-à-dire  pendant  dix  jours,  qu'il  doit  être 
sursis  à  l'exécution  du  jugement. 

D'autre  part,  pour  la  négative,  on  pourra  dire  que  le  paragraphe  2  de  l'arti- 
cle 203  ne  parle  que  du  délai  de  dix  jours,  parce  que  c'est  le  seul  délai  qui  Tût 
encore  déterminé  pour  l'appel,  mais  que  ce  paragraphe  ne  fait  que  reproduire 
un  principe  général,  absolu,  principe  d'après  lequel,  dans  les  matières  pénales, 
la  possibilité  du  recours  est  par  elle-même  suspensive.  On  ajouterait  que  ce 
principe  est  tellement  capital,  que  même  dans  les  voies  extraordinaires,  dans 
le  recours  exceptionnel  résultant  du  pourvoi  en  cassation,  le  seul  fait  que  le 
pourvoi  est  ouvert,  quoique  non  encore  formé,  suffit  pour  suspendre  l'exécu- 
tion du  jugement.  On  ajoutera  enfin  un  argument  plus  direct  tiré  de  l'ancien 
texte  de  l'art.  206  dont  il  est  bon  de  nous  occuper  maintenant  L'art.  205  ve- 
nait de  déterminer,  en  faveur  du  ministère  puUic,  pour  interjeter  appel, 
un  délai  supérieur  à  celui  de  dix  jours;  intervient  l'ancien  art.  206  dans 
lequel  le  législateur  s'exprime  ainsi  :  <  La  mise  en  liberté  du  prévenu  acquitté 
ne  pourra  être  suspendue,  lorsqu'àucun  appel  n'aura  été  déclaré  ou  notifié 
dans  les  dix  jours  de  la  prononciation  du  jugement,  i  Donc,  c'est  par  une 
exception  spéciale  au  cas  d'acquittement,  c'est  par  une  faveur  toute  particu- 
lière à  l'égard  du  prévenu  acquitté  que  l'ancien  art.  206  faisait  fléchir,  dans  les 
délais  de  l'art.  205,  le  principe  général  de  l'effet  suspensif.  Donc,  hors  le  4:aB 
d'acquittement,  hors  le  cas  d'exception  que  détermine  l'art.  206,  le  principe 
de  l'effet  suspensif  reste  le  même  sous  l'empire  de  l'art.  205  comme  sous 
l'empire  de  l'art.  203  ;  donc  le  jugement  ne  peut  s'exécuter.  C'est,  je  crois,  i 
ce  point  qu'il  faudrait  s'arrêter;  il  faudrait  dire  que,  tant  que  dure  le  dâai  > 
d'appel  au  profit  du  ministère  .public,  en  vertu  de  l'art.  205,  la  condamnation 
n'est  pas  définitive,  et,  comme  le  ministère  public  a  qualité  non-seulement 
pour  interjeter  appel  a  minima,  mais  aussi,  comme  nous  l'avons  vu,  pour  inter- 
jeter appel  AD  MrriOREM,  comme  il  est  possible,  tant  qu'on  est  dans  les  deux 
mois,  que  le  ministère  public  interjette  un  appel  en  faveur  du  prévenu,  il  est 
assez  simple,  dans  ce  cas,  d'appliquer  la  règle  générale  de  l'effet  suspensif,  de 
laisser  au  prévenu  sa  liberté. 

De  môme,  si  le  prévenu  était  en  état  de  détention  préalable  après  le  juge- 
ment, il  serait  raisonnable  encore  de  le  laisser,  dans  tout  le  cours  de  ce  délai 
de  l'art.  205,  dans  la  maison  d'arrêt  établie  près  du  tribunal  qui  l'a  jugé,  au  . 
lieu  de  le  transférer  de  suite  en  prison.  Et  qu'on  n'objecte  pas  qu'il  y  a 
là  danger  pour  le  prévenu;  on  pourrait  dire,  en  effet,  que  plus  tard  commen* 
cera  l'exécution  véritable,  plus  tard  coBunencera  à  courir,  en  faveur  du  pré* 
venu,  le  temps  de  l'emprisonnement  auquel  il  a  été  coiMiatnné.  Maie  cette 
objection  n'est  pas  fondée,  attendu  que,  d'après  l'art.  24  du  Gode  pénal,  la 
durée  de  l'emprisonnement  commencera  à  courir  du  jour  même  du  jugement 
qui  l'a  prononcé,  encore  qu'il  y  ait  eu  plus  tard  soit  appel,  soit  pourvoi  . 
du  ministère  public.  Ainsi,  si  l'on  adoptait  cette  opinion,  d'ailleurs  contesta- 

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TRENTB-SEPT.  LEÇON.  —  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n®  732). 

ble,  qui  tendait  à  appliquer  Fart.  203,  §  %  au  délai  m6me  indiqué  dans  l'art.  205, 
cette  opinion  n'aurait  rien  de  funeste  au  prévenu  en  état  de  détention  préa- 
lable, puisque  la  durée  de  son  emprisonnement  n*en  courrait  pas  moin» 
du  jour  du  jugement  ;  c'est-à-dire  qu'on  lui  compteraiti  en  déduction  de  son 
temps  de  prison ,  la  semaine  ou  le  mois  qu'il  aurait  pu  passer  dans  la  maisoD 
d'arrêt. 

731.  «  Art.  204.  La  requête  contenant  les  moyens  d'appel  pourra  être  remise, 
dans  le  môme  délai,  au  môme  greffe  ;  elle  sera  signée  de  l'appelant,  ou  d'un 
avoué,  ou  de  tout  autre  fondé  de  pouvoir  spécial.  —  Dans  ce  dernier  cas,  le  pou- 
voir sera  annexé  à  la  requête.  —  Cette  requête  pourra  aussi  être  remise -directe- 
ment au  greffe  de  la  Cour.  » 

Remarquez  bien^  sur  Tart.  203,  d'abord  comment  s'interjette  l'appel.  En 
matière  civile,  c'est,  vous  le  savez,  par  une  assignation  que  donne  l'appelant  à 
l'intimé  ;  en  matière  correctionnelle,  il  en  est  tout  autrement  :  séparez  donc 
bien  ces  deux  points.  En  matière  pénale,  au  lieu  d'interjeter  appel  par 
une  citation  ou  assignation,  on  l'interjette  par  une  simple  déclaration  faite  au 
greffe  du  tribunal  qui  a  rendu  le  jugement. 

Quant  à  la  requête  dont  parle  l'art.  204,  et  qui  peut,  je  dis  peut  et  non  pas 
doit,  et  qui  peut  être  déposée  par  l'appelant,  soit  au  greffe  du  tribunal  qui  a 
jugé,  soit  au  greffe  de  la  cour  à  laquelle  appartient  l'appel,  cette  requête  n'est 
pas  un  mode,  une  forme  d'interjeter  appel;  cette  requête  est  facultative  de  la 
part  de  l'appelant  :  elle  sert  à  développer  ses  moyens  d'appel  et  à  fournir  att 
juge-rapporteur  les  éléments  du  rapport  qui,  d'après  l'art.  209,  doit  former 
l'ouverture  de  la  procédure  d'appel.  Ainsi  la  requête  est  purement  facultative, 
en  ce  sens  que,  quand  une  fois  l'appel  a  été  déclaré  au  greffe,  c'est  à  l'appelant 
à  voir  s'il  lui  convient,  pour  plus  de  sûreté,  de  faire  déposer  à  l'un  des  greffes 
indiqués  une  requête  qui  déclarera  les  juges;  mais  cette  requête  n'est  pas 
exigée  à  peine  de  déchéance  de  l'appel. 

732.  Les  art.  205  et  206  se  rapportent  au  délai  exceptionnel  accordé  au 
ministère  public  près  les  tribunaux  supérieurs,  ils  ont  déjà  été  expliqués.  Je 
passe  à  l'art.  207. 

Lorsque  la  requête  aura  été  remise,  elle  devra  être  transmise,  dans  les  vingt- 
quatre  heures  de  l'appel  interjeté,  du  greffe  du  tribunal  qui  a  jugé  au  greffe 
du  tribunal  compétent  pour  l'appel. 

De  même,  s'il  n'y  a  pas  eu  requête,  le  procureur  de  la  République  près  du 
tribunal  qui  a  jugé  transmettra,  dans  les  vingt-quatre  heures  de  l'appel  inter- 
jeté, au  greffe  du  tribunal  d'appel,  la  déclaration  d'appel  et  les  pièces  de^ 
la  procédure;  et,  comme  dans  les  causes  d'appel  la  procédure  est  publique 
aussi  bien  qu'en  première  instance,  comme  le  prévenu  doit  également  y  com- 
paraître, y  répondre,  y  débattre  ses  moyens,  on  ordonnera,  d'après  le  paragra- 
phe 2  de  l'art.  207,  sa  translation  d'une  maison  d'arrêt  dans  une  autre. 

Ce  paragraphe  2  de  l'art.  207  vient  encore  à  l'appui  de  ce  que  je  disais  tout 
à  l'heure  ;  il  fournit  une  raison  de  ne  point  exécuter  la  condamnation  de  pre- 
mière instance  pendant  le  délai  d'appel  del'arL  205.  En  effet,  si  vous  exécutez, 
après  dix  jours,  la  condamnation  à  l'emprisonnement,  si  vous  transférez  t» 

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APPEL  DBS  JUGEMENTS  GORRBCTIOUMBLS  (aRT.  209).      667 

condamné  dans  la  prison,  il  tous  faudra  plus  tard,  Tappel  intervenant  de  la 
part  du  procureur  général,  ordonner  une  translation  nouvelle  de  cette  prison 
dans  la  maison  d'arrêt  du  tribunal  supérieur  :  ce  Bont  des  frais,  des  déplace- 
ments, et  enfin  des  chances  d'évasion  qu  il  faut  éviter. 

Les  formes  de  la  translation  des  prévenus  comme  des  condamnés  sont  réglées 
par  le  décret  du  18  juin  1811. 

733.  L'art.  208  ne  fait  que  répéter,  pour  les  jugements  par  défaut  rendus 
en  cause  d'appel,  les  dispositions  déjà  vues  dans  les  articles  187  et  188  ;  les 
règles  de  l'opposition  sont  les  mômes,  soit  en  cause  d'appel,  soit  en  première 
instance. 

734-  «  Art.  209.  L'appel  sera  jugé  à  l'audience,  dans  le  mois,  sur  le  rapport 
d'un  conseiller.  » 

Ce  rapport  constitue  la  principale  différence  entre  la  procédure  d'appel  et  la 
procédure  de  première  instance.  Ce  rapport,  fait  à  l'ouverture  même  de  Tau- 
dience,  constitue  Télément,  le  point  de  départ  des  débats  qui  vont  survre. 

Je  vous  ferai  remarquer  que  si,  d'après  l'art.  180,  les  juges  en  matière  cor- 
rectionnelle peuvent  siéger  au  minimum  de  trois,  cette  règle  ne  s'applique 
point  à  l'instruction  sur  l'appel  ;  le  Gode  est  muet  à  cet  égard  ;  mais  l'art.  40 
de  la  loi  du  20  avril  1810  et  l'art.  2  du  décret  du  6  juillet  suivant  yeulent 
qu'en  cause  d'appel  le  tribunal  de  la  cour  soit  composé  de  cinq  juges  au  moins. 
Ainsi,  soit  que  l'appel  fût  porté  à  un  tribunal  civil,  aux  termes  de  l'ancien 
art.  200,  ce  tribunal  civil  devait  siéger  au  minimum  de  cinq  juges  ;  soit  que 
l'appel  soit  porté  à  une  cour,  chambre  des  appels  de  police  correctionnelle, 
cette  cour  siège  au  môme  nombre.  Ce  dernier  point  est  bon  à  noter,  car  c'est 
une  exception  à  la  règle  générale,  d'après  laquelle  le  minimum  de  sept  est 
exigé  pour  toutes  les  séances  des  cours.  En  matière  civile,  les  cours  ne  peuvent 
statuer  qu'à  un  minimum  de  sept  juges  :  et  cette  règle  est  tellement  positive, 
que,  lors  môme  que  les  besoins  du  service  font  porter  des  affaires  civiles  à  la 
chambre  des  appels  de  police  correctionnelle,  il  faut  alors  que  cette  chambre, 
quoique  siégeant  ordinairement  à  cinq  juges,  se  constitue  de  manière  à  être 
composée  de  sept  juges,  afin  de  se  conformer  à  l'art.  27  de  la  loi  du  27  ventôse 
an  VllI,  loi  organique  sur  l'ordre  judiciaire  (1). 

735.  L'art.  210  indique  les  formes  de  l'instruction,  c'est-à-dire  l'audition 
du  prévenu,  l'audition  de  la  partie  civile,  celle  des  témoins,  les  conclusions  du 
ministère  public  et  la  réponse  du  prévenu. 

Les  art.  211,  212,  213  et  214  ne  sont  que  la  répétition  des  textes  qui  ont 
passé  sous  vos  yeux.  L'art.  211  est  la  reproduction  de  l'art.  189  ;  puis  dans  les 
art.  212,  213  et  214,  on  prévoit  les  cas  de  contravention,  de  délit,  de  crime,  et 
on  indique  la  môme  marche  que  celle  de  première  instance. 

(i)  Il  y  a  sur  ce  point  un  avis  du  conseil  d'État  du  18  janvier  1813.  Cet  avis,  se 
fondant  sur  la  combinaison  des  art.  2  et  il  du  décret  du  6  juillet  1810,  décidé  que 
les  affaires  civiles  ainsi  portées  à  la  chambre  des  appels  de  police  correctionnelle 
pourront  être  jugées,  sans  acjyonction,  par  les  cinq  magistrats  composant  cett» 
chambre.  Voy.  Toutefois  Tord,  du  24  septembre  1828. 


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668      TRENTE-SEPT.  LEÇON.  —  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS  (n*  731). 

786.  Dans*  Fart.  215  se  trouve  une  disposition  facile  aussi,  mais  plus  remar- 
quable. Lorsque,  dans  le  jugement  attaqué  par  Tappel,  se  trouvent  des  vices 
de  forme,  des  irrégularités  entraînant  la  nullité  du  jugement,  on  pourrait  croire, 
au  premier  aspect,  que  le  premier  degré  d'instruction  se  trouvant  vicié,  il  y  a 
lieu,  non  pas  à  trancher  le  fond  sur  l'appel,  mais  à  renvoyer  l'affaire  devant  un 
autre  tribunal.  La  loi  ne  le  veut  pas  ainsi  ;  et,  pour  ne  pas  compliquer  de  trop 
de  lenteurs  Tlnstruction  d'affaires  ordinairement  assez  simples,  elle  veut  que 
la  cour  d'appel,  en  annulant,  pour  la  forme,  le  jugement  de  première  instance, 
statue  immédiatement  quant  au  fond. 

Cette  idée,  consacrée  par  Fart.  115,  il  faut  la  pousser  plus  loin  :  supposez 
que  le  premier  tribunal  correctionnel  se  soit  déclaré  incompétent,  appel  de  la 
part  de  Tune  des  parties,  par  exemple  de  la  partie  civile  ;  si  le  tribunal  ou  la 
cour  d'appel  reconnaissent  que,  mal  à  propos,  les  premiers  juges  se  sont  décla- 
rés incompétents,  devront-ils  renvoyer  l'affaire  à  de  nouveaux  juges  de  même 
degré  ?  Non  ;  ils  doivent  retenir  l'affaire  et  juger  le  fond.  Ici  on  sautera  par- 
dessus le  premier  degré,  pour  plus  de  célérité,  et  la  mission  des  juges  d^appel 
est  de  statuer  sur  l'appel,  et  non  pas  d'indiquer  aux  parties  des  juges  qui  n'ont 
plus  qualité  pour  les  juger.  On  ne  peut  ni  les  renvoyer  devant  le  premier  tri- 
bunal ni  les  renvoyer  devant  d'autres  juges  de  môme  degré;  eux-mêmes 
seraient  incompétents. 

737.  «  Art,  216.  La  partie  civile,  le  prévenu,  la  partie  publique»  les  per-* 
sonnes  civilement  responsables  du  délit,  pourront  se  pourvoir  en  cassation  contres 
l'arrôt.  » 

Les  formes  auxquelles  sont  soumis  ces  pourvois  sont  déterminées  dans  les 
art.  427  et  suivants. 

Quant  au  délai  du  pourvoi  de  cassation,  il  n'est  pas  plus  réglé  pour  les 
matières  correctionnelles  que  pour  celles  de  police  ;  j'entends  qu'il  n'est  pas 
réglé  par  un  article  formel,  mais  on  y  applique  sans  hésiter,  dans  le  silence  de 
la  loi,  la  disposition  de  l'art.  373;  cet  article,  quoique  situé  sous  la  rubrique 
des  cours  d'assises  et  se  référant  à  des  matières  criminelles,  étant  le  seul 
dans  le  Gode  qui  détermine  le  délai  général  pour  le  pourvoi  en  cassation,  a 
paru  seul  applicable  aux  matières  de  police  et  aux  matières  de  police  correc- 
tionnelle ;  le  délai  de  pourvoi  sera  donc,  dans  tous  les  cas,  un  délai  de  trois 
jours  francs. 

Ici  se  termine  Tinstruction  de  ces  affaires  assez  simples,  relatives,  soit  aux 
contraventions,  soit  aux  délits  ;  des  tribunaux  de  police  correctionnelle  nous 
avons  maintenant  à  passer  aux  cours  d'assises. 


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FOHMB  DX  LA  MISB  £N  ACCUSATION  ( ART.   217).  669 

TITRE  DEUXIÈME 

DES  AFFAIRES  QUI  DOIVENT   ÊTRE  SOUMISES  AU  JURY. 

738.  Uordre  de  nos  matières  d'examen,  si  nous  devions  le  suivre  tout  à  fait 
à  tt" lettre,  nous  amènerait  à  l'explication  des  art.  310  et  suivants.  Ces  articles 
sont  relatifs  à  l'examen  public^  aux  débats  de  l'audience  qui  ont  lieu  devant 
les  cours  d'assises  ;  mais  vous  savez  qu'avant  d'arriver  ainsi  des  tribunaux  de 
police  correctionnelle  aux  cours  d^assises,  avant  d'entrer  dans  l'étude  des 
règles  relatives  aux  débats  devant  ces  cours^  quelques  notions  préliminaires 
sont  absolument  nécessaires.  Elles  le  sont  parce  que  le  temps  ne  nous  permet 
'  pas  d'étudier  analytiquement  et  par  articles  la  longue  série  de  textes  qui  nous 
séparent  encore  de  l'art.  310;  il  nous  faut  donc^en  peu  de  mots,  nous  appliquer 
d'abord  à  combler  cette  lacune,  à  remplir  cet  intervalle  qui  sépare  les  fonctions 
premières,  l'instruction  préparatoire  de  la  police  judiciaire,  que  nous  avons 
étudiées  au  premier  livre,  avec  l'ouverture  des  débats  criminels  qui  font  l'ob- 
jet des  art.  310  et  suivants.  Secondement,  il  nous  faut  également  donner  quel- 
ques notions  générales,  d'une  part,  sur  la  composition  des  cours  d'assises 
proprement  dites,  d'autre  part,  sur  la  formation  du  jury,  en  opposant  la  cour 
d'assises  au  jury,  quoique  le  jury,  réuni  aux  conseillers,  forme,  à  proprement 
parler,  la  cour  d'assises. 

Ainsi  deux  choses  à  examiner  :  !<>  que  se  passe- t-il  depuis  le  point  où  nous 
avons  laissé  l'instruction  préparatoire,  dans  les  art.  127  et  suivants,  jusqu'au 
point  où  l'affaire  criminelle  est  prise,  est  réglée  par  les  art.  310  et  suivants? 
2o  comment  s'organise,  se  compose  le  jury,  comment  se  composent  les  cours 
d'assises  appelées  à  surveiller  ses  opérations  ?  Nous  allons  consacrer  au  pre- 
mier de  ces  deux  points  les  derniers  moments  de  cette  leçon. 


CHAPITRE  PREMIER 

DES   MISES   EN   ACCUSATION. 

789.  En  ce  qui  touche  l'instruction  préparatoire,  nous  avons  vu  que,  pour 
les  affaires  de  police  simple  et  les  alKûreiB  correctionnelles,  il  n'était  pas,  en 
général,  dans  le  vœu,  dans  la  pensée  de  la  loi  que  ces  affaires  fassent  précédées 
des  opérations  de  police  judiciaire  détaillées  dans  le  premier  livre.  Il  est  non 
pas  nécessaire,  mais  il  est  à  désirer  qu'en  général  les  affaires  non-seulement 
de  police  simple,  mais  même,  autant  que  possible,  de  police  correctionnelle, 
soient  déférées  aux  tribunaux  compétents  sur  ime  simple  citation,  en  vertu 
de  l'art.  182,  et  non  pas  par  xm  jugement  de  renvoi  qui  suppose  une  instruc- 
tion préalable.  Pourquoi  cela?  C'est  que,  d'une  part,  le  jugement  de  ces 
affaires  est,  dans  la  plupart  des  cas,  d'une  assez  grande  simplicité  ;  c'est  qu'il 
est  fort  rare  qu'elles  présentent  une  obscurité  de  telle  nature  qu'une  instruc- 
tion préalable  soit  nécessaire.  En  second  lieu,  c'est  que,  dans  la  grande  majo- 

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670      TRENTB-SKPT.  LEÇON.  —  DES   CHAMBRES  D*ACCUBATION  (n*  740). 

rite  des  cas,  la  pénalité  encourae  dans  les  matières  de  police  môme  correc- 
tionnelle est  d^une  nature  si  peu  grave,  que  Tinstraction  préparatoire,  lorsque 
surtout  elle  frappe  au  provisoire  le  prévenu  d'une  détention ,  aggraverait 
beaucoup  sa  position  ;  c'est  qu'une  instruction  préalable  qui  retiendrait  pen- 
dant un  mois,  deux  mois,  en  état  de  détention  un  prévenu  qui,  en  définitive, 
ne  serait  condamné  qu'à  quelques  semaines  d'emprisonnement,  aurait  tout  à 
fait  manqué  le  but  de  la  loi.  Il  en  est  tout  autrement  dans  les  matières  oclmi** 
nelles  auxquelles  nous  arrivons  maintenant;  plusieurs  motifs  peuvent  en  être 
assignés. 

D'abord,  la  gravité  de  la  plupart  des  condamnations  que  les  cours  d'assises 
sont  appelées  à  prononcer,  la  longueur  du  temps  pendant  lequel  sont  infligées 
même  les  peines  temporaires  les  plus  légères,  puisque  le  minimum  est  toujours 
de  cinq  ans  et  que  le  maximum,  ordinairement  de  vingt  ans,  est  souvent  illi* 
mité  ;  cela  rend  fort  léger  et  presque  insignifiant  l'inconvénient,  réel  d'ailleurs, 
d'une  détention  préalable  qui  se  prolonge  pendant  l'instruction. 

En  second  lieu,  la  plupart  de  ces  affaires  sont  difficiles;  des  recherches,  des 
informations,  des  opérations,  des  auditions  de  témoins,  des  visites  domiciliûres 
et  mille  autres  opérations  préalables  sont  absolument  nécessaires  à  la  recher- 
che de  la  vérité.  Arriver  brusquement  et  de  plein  saut  dans  les  débats,  ce 
serait  s'exposer,  dans  la  plupart  des  cas,  à  n'acquérir  sur  l'affaire  aucune  con- 
viction sérieuse  et  solide. 

Enfin  il  faut  songer  aussi,  dans  l'intérêt  môme  des  prévenus,  que  la  publicité 
des  débats  criminels,  la  solennité  dont  la  loi  les  entoure  est  si  grande,  que 
c'est  déjà  une  peine  grave,  une  flétrissure  pour  un  homme  d'y  être  soumis, 
quand  môme  il  en  sortirait  un  arrêt  d'acquittement.  La  procédure  criminelle^ 
telle  qu'elle  a  lieu  devant  les  cours  d'assises,  peut  bien  se  terminer  par  on 
acquittement,  mais  elle  renvoie  rarement  à  l'abri  de  tout  soupçon  le  prévenu 
qu'elle  décharge  de  toute  espèce  de  pénalité.  De  là  nécessité  de  ne  pas  soumet- 
tre légèrement  un  prévenu  à  des  débats  de  cette  nature,  nécessité  de  ne  l'y  tra- 
duire que  quand  il  y  a,  je  ne  dirai  pas  preuve  acquise,  mais  déjà  probabilité 
bien  puissante  contre  son  innocence  pour  sa  culpabilité. 

Aussi,  partout  où  cette  distinction  des  matières  correctionnelles  ou  de  péna- 
lités légères  avec  les  matières  criminelles  ou  des  pénalités  plus  graves  a  été 
admise,  et  surtout  partout  où  l'on  a  consacré  le  principe  de  la  procédure  par 
jurés  et  de  la  publicité  des  débats,  on  a  pris  soin  de  faire  précéder  l'ouverture 
de  ces  débats  d'une  espèce  de  jugement  préalable  qui  élevât  déjà  un  préjugé 
grave  pour  la  culpabilité  de  celui  qu'on  y  aoumet. 

740.  A  cet  égard,  il  est  bon  de  nous  reporter  en  arrière,  et  de  voir  quels  ont 
été  les  différents  systèmes  de  mise  en  accusation  depuis  le  Gode  criminel  de 
1791  jusqu'à  nos  jours.  Il  faut  môme  dire,  en  quelques  mots,  à  quelle  source 
avait  été  puisé  le  système  de  1791  et  de  l'an  IV. 

Vous  savez  que  le  Ck)de  criminel  du  29  septembre  1791  avait  puisé  dans  les 
exemples  de  l'Angleterre  et  des  États*Unis  la  procédure  par  jurés,  qu'il  l'a 
transportée  plus  ou  moins  fidèlement  dans  les  institutions  judiciaires  de  la 
France.  Il  faut  donc,  pour  bien  comprendre  la  marche  de  la  législation  à  cet 
égard,  et  aussi  pour  vous  mettre  au  fait  de  certaines  idées  qui  jouent  main- 

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^  FOHMB  DB  LA  MI8B  EN  ACCUSATION  (aRT.   2t7).  671 

tenant  un  très-grand  rôle  dans  les  controverses  relatives  an  jugement  par 
jurés;  il  faut  donc  nous  reporter  un  instant  au  point  de  départ,  et  voir  quelle 
est,  en  cette  matière,  Tinstitution  anglaise,  bien  on  mal  reproduite  ou  modifiée 
en  France. 

En  Angleterre,  les  fonctions  de  la  police  judiciaire,  ces  fonctions  prélimi- 
naires, indispensables,  dont  nous  avons  tracé  le  tableau  en  étudiant  le  premier 
JUvre,  sont  confiées  à  divers  offîciers.  Ainsi  les  shérifs,  les  hauts  et  petits  con- 
stables,  les  Juges  de  paix,  les  coroners,  exercent  la  plupart  des  attributions  de 
la  police  judiciaire.  v 

Rechercher  la  trace  des  délits  ou  des  crimes,  en  dresser  des  procès- verbaux, 
faire  arrêter  les  prévenus,  entendre  les  témoins  :  telles  sont,  dans  tous  les 
temps  et  dans  tous  les  pays,  les  fonctions  à  peu  près  inévitables  de  la  police 
judiciaire.  Lorsque,  chez  nous,  ces  actes  sont  presque  toujours  exercés  d'office 
à  la  requête  des  officiers  du  ministère  public,  ils  le  sont  bien  plus  en  Angle- 
terre à  la  requête  de  la  partie  lésée,  parce  que  la  procédure  anglaise  n'admet 
que  par  exception  et  dans  certains  cas  déterminés,  l'action  de  la  partie  publi- 
que; la  poursuite  est  confiée  très-souvent,  comme  elle  Tétait  à  Rome,  à  la 
partie  lésée. 

Ces  diverses  recherches  une  fois  faites,  l'instruction  une  fois  terminée,  le 
prévenu,  atteint  déjà  de  soupçons  assez  graves,  doit,  avant  d'être  soumis  au 
jugement  des  assises,  avant  d'être  soumis  aux  débats  publics  et  définitifs,  le 
prévenu  doit  être  mis  en  accusation.  L'accusation  ne  peut  être  prononcée  que 
par  le  grand  jury  ou  jury  d'accusation.  Ge  jury  se  compose  tantôt  de  douze 
jurés,  tantôt  de  plus,  jusqu'au  nombre  de  vingt-trois.  Mais,  dans  tous  les  cas, 
quel  qu'en  soit  le  nombre,  la  mise  en  accusation  ne  peut  être  prononcée  que 
par  douze  voix;  c'est-à-dire  que,  si  le  jury  d'accusation  se  compose  de  douze 
jurés,  l'unanimité  est  nécessaire;  s'il  se  compose  de  treize  ou  d'un  plus  grand 
nombre,  elle  ne  l'est  plus. 

Le  jury  d'accusation  est  composé  à  peu  près  librement  au  choix  et  sans  tirage 
au  sort  par  le  shérif,  espèce  de  magistrat  judiciaire  du  comté,  choisi  par  les 
principaux  propriétaires  de  son  comté  ;  la  partie  lésée,  assistée  de  ses  témoins, 
se  pr^enteen  personne  devant  le  jury  d'accusation  ;  le  prévenu  n'y  paraît  pas, 
l'audience  n'est  pas  publique*  La  partie  plaignante  expose  les  circonstances  du 
crime;  elle  fait  entendre  à  l'appui  les  témoins  ;  elle  dépose  toutes  les  preuves, 
tous  les  procès- verbaux,  toutes  les  pièces  de  conviction  qui  peuvent  éclairer  le 
jury.  Si,  par  le  résultat  de  ces  débats,  le  jury  se  trouve  convaincu,  il  déclare, 
au  bas  de  l'acte  d'accusation  présenté  par  la  partie  civile,  qu'il  y  a  lieu  à  accu- 
sation; en  d'autres  termes,  que  le  bill  est  prouvé.  Si,  au  contraire,  e  jury 
n'est  pas  convaincu,  si  douze  voix  ne  se  trouvent  pas  pour  prononcer  l'accusa- 
tion, il  déclare  que  le  bill  n'est  pas  prouvé,  que  l'accusation  n'est  pas  démon- 
trée fondée.  Dans  ce  dernier  cas,  la  décision  est  définitive  en  faveur  du  prévenu. 
Dans  l'autre  cas,  les  débats  devant  les  assises  ou  devant  le  petit  jury  ou  jury 
de  jugement  commencent  immédiatement.  En  effet,  on  a  soin,  dans  l'usage, 
de  convoqpier  simultanément  le  grand  jury  ou  jury  d'accusation,  et  ensuite 
le  petit  jury  ou  jury  de  jugement. 

Tel  fut  le  système  que  trouvèrent  établi  les  législateurs  de  1791,  lorsqu'ils 
se  décidèrent  à  consacrer,  dans  les  institutions  françaises,  la  procédure  par 

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672      TRENTE-SEPT.   LEÇON.  —  DBS  CHAMBRES  D  ACCUSATION  (n*  740). 

joréB,  non-seulement  pour  le  jugement,  comme  cela  existe  aujourd'hui  parmi 
nous,  mais  aussi  pour  Taccusation.  Alors  les  fonctions  de  la  police  judiciaire 
furent  confiées,  soit  aux  juges  de  paix,  soit  aux  officiers  de  gendarmerie. 
L'instruction  préalable  était  transmise  à  un  membre  du  tribunal  de  district 
investi  temporairement  du  titre  de  directeur  de  jury  d'accusation. 

Ainsi,  dès  cette  époque,  au  lieu  d'attribuer,  comme  on  le  fait  en  Angleterre, 
la  poursuite  et  la  rédaction  de  l'acte  d'accusation  à  la  partie  même  qui  vient  se 
plaindre  du  crime,  on  suivit  l'ancienne  idée  française;  on  préféra  confier  cette 
poursuite  et  la  rédaction  de  cet  acte  à  des  magistrats  spéciaux  institués  à  cet 


Le  directeur  du  jury  d'accusation,  sur  ie  vu  de  la  procédure,  décidait  s'il  y 
avait  lieu  que  ie  prévenu  fût  traduit  en  accusation  ;  et  quand  il  avait  ainsi 
décidé,  le  jury  d'accusation,  composé  de  huit  jurés,  était  convoqué  pour  enten- 
dre le  directeur  du  jury,  prendre  connaissance  de  l'acte  d'accusation,  et  enten- 
dre verbalement  lés  dépositions  des  .témoins  produits  par  l'accusation.  Si, 
alors,  le  jury  d'accusation,  votant  à  la  simple  majorité,  trouvait  l'accusation 
fondée,  il  ordonnait  le  renvoi  du  prévenu  devant  le  jury  de  jugement.  Si,  au 
contraire,  une  majorité  ne  se  trouvait  pas,  si  cinq  voix  ne  se  prononçaient  pas 
pour  la  mise  en  accusation,  la  décision  rendue  ainsi  en  faveur  du  prévenu  était 
souveraine,  inattaquable;  souveraine,  sauf  cependant  le  pourvoi  en  cassation, 
en  cas  de  violations  des  formes  prescrites  à  peine  de  nullité. 

Vous  voyez  quelles  étaient  la  procédure  et  la  mission  du  jury  d'accusation, 
emprunté,  sauf  des  différences  de  formes  assez  légères,  au  système  du  jury 
.anglais.  Débats  sans  publicité,  ou  plutôt  audition  de  toutes  les  charges  de  l'ac- 
cusation sans  la  comparution  dii  prévenu,  sans  la  connaissance  de  ses  moyens 
de  défense;  décision  définitive  en  sa  faveur,  lorsqu'il  n'y  avait  pas  majorité 
pour  l'accusation  et  que  la  décision  était  régulière  en  la  forme  ;  décision  con- 
tre lui  rendue  à  la  majorité  simple,  tendant  au  renvoi  devfluat  le  jury  de  juge- 
ment. 

Le  Gode  du  3  brumaire  an  IV  ne  fit  guère  que  reproduire  ce  système  avec 
de  légères  variations. 

Une  loi  déjà  citée,  du  7  pluviôse  an  IX,  tout  en  conservant  nommément 
le  jury  d'accusation,  introduisit  de  graves  changements  dans  la  mani&re  de 
procéder*  Ainsi,  les  fonctions  du  directeur  du  jury  d'accusation,  qui  était  juge 
proprement  dit,  menoboe  id'un  tribunal  civil,  ces  fonctions  furent  confiées,  au 
moins  en  très*grande  partie^  à  des  substituts  des  commissaires  du  gouverne- 
ment, en  d'autres  termes,  à  des  substituts  de  ce  qu'en  a  appelé  depuis  des  pro- 
cureurs généraux.  Ce  fat.donc  à  des  officiers  du.  ministère  public  qu'appar- 
tmrent,  depuis  Tan  IX,  pour  une  bonne  portion,  les  attcîbations  des  directeurs 
du  jury. 

Un  changement  plus  important  consistait  à  refuser  au  jury  d'accusation  le 
droit  d'entendre  les  témoins^  et  à  décider  que  le  jury,  d'aocusation  jugerait  sur 
le  vu  de  la  procédure  écrite  seulement.  Or,  faire  disparaître  du  jury  d'accusa- 
tion la  procédure  verbale,  la  procédure  orale  qui  esc  de  l'essence  du  jugement 
parjurés,  c'était  porter  à  l'institution  des  jurys  d'accusation  un  coup  qui  devait 
bientôt  en  entraîner  complètement  la  ruine.  Aussi,  lorsque  dans  le  commen- 
cement de  la  discussion  de  notre  Ck)de  on  se  posa  ces  questions  générales  que 

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FORMB  Ni  LA  M18B  EN  ACCUSATION  (aKT.   217).  673 

nous  avons  traitées  dans  la  première  leçon  sur  le  Gode  pénal  :  Y  anra-t-il  des 
jurys  ?  et  spécialement  y  aura-t-il  des  jurys  d'accusation  et  des  Jurys  de  juge- 
ment ?  lorsque,  après  de  longs  débats,  l'opinion  des  partisans  du  jury  prévalut, 
elle  ne  prévalut  que  sur  le  deuxième  point,  et  les  jurys  d'accusation  furent 
supprimés.  Sous  ce  rapport,  la  loi  du  20  avril  1810  et  le  Gode  d'instruction 
criminelle  ont  introduit  un  nouveau  système,  celui  qui  maintenant  est  en 
pleine  vigueur;  le  voici  en  peu  de  mots. 

Lorsque  les  opérations  préalables  de  la  police  judiciaire,  détaillées  dans  le 
premier  livre,  ont  été  déterminées,  lorsqu'on  conséquence  le  juge  d'instruction, 
aux  termes  de  l'art.  133,  a  frappé  le  prévenu  d'une  ordonnance  de  mise  en 
prévention,  la  procédure  entière  doit  être  renvoyée  immédiatement  par  le  pro- 
cureur de  la  République  au  procureur  général  de  la  cour  du  ressort.  Dans  les 
dix  jours  de  la  réception  de  ces  pièces,  le  procureur  général  doit  faire,  par  lui 
ou  par  ses  substituts,  rapport  de  cette  procédure,  rapport  de  l'afifaire  crimi- 
nelle à  la  chambre  des  mises  en  accusation,  qui  est,  vous  le  savez,  instituée 
dans  toutes  les  cours.  Gette  chambre  entend  le  rapport  du  procureur  général  ; 
elle  prend  lecture  de  toutes  les  pièces,  de  toute  la  procédure  écrite  ;  elle  n'en- 
tend ni  le  prévenu,  ni  la  partie  plaignante,  ni  les  témoins  de  l'un  ou  de  l'autre  ; 
elle  délibère  et  statue  à  huis  clos.  Seulement  l'art.  217,  §  2,  réserve  au  prévenu 
et  à  la  partie  civile  la  faculté  de  faire  remettre  à  la  cour  tels  mémoires  qu^ils 
jugeront  convenables. 

Si,  sur  l'examen  de  la  procédure  écrite,  la  cour  trouve  charges  suffisantes 
d'un  fait  qualifié  crime,  elle  ordonne  la  mise  en  accusation,  elle  renvoie  le 
prévenu  devant  la  cour  d*a6 sises  compétente.  En  conséquence  de  cet  arrêt,  le 
prévenu,  qui  jusque-là  a  dû  rester  dans  la  maison  d'arrêt  du  tribunal  de  pre- 
mière instance,  doit  être  immédiatement  transporté  dans  la  maison  de  justice 
établie  près  la  cour  d'assises  compétente.  J'ai  déjà  distingué  les  maisons  d'ar- 
rêt, les  maisons  de  justice  et  les  prisons. 

L'arrêt  de  mise  en  accusation  oblige  le  procureur  général  à  dresser  immé- 
diatement, en  vertu  de  cet  arrêt,  un  acte  d'accusation  ;  et  il  est  absolument 
interdit  au  procureur  général  de  poursuivre,  devant  une  cour  d'assises,  à  peine 
de  dommages-intérêts  et  de  prise  à  partie,  une  personne  contre  laquelle  un 
arrêt  de  mise  en  accusation  n'aurait  pas  été  décerné. 

Dans  le  cas  contraire,  c'est-à-dire  si  la  cour  ne  trouve  pas  dans  l'instruction 
écrite  des  charges  suffisantes,  elle  ordonne  la  mise  en  liberté  du  prévenu. 
Mais  cet  arrêt,  en  faveur  du  prévenu,  n'a  rien  de  définitif  ;  il  n'empêche  pas  de 
reprendre,  plus  tard,  contre  lui,  une  nouvelle  instruction  et  de  nouvelles  pour- 
suites. Les  art.  246  et  247  déclarent  que  le  prévenu,  à  l'égard  duquel  la  cour  a 
reconnu  qu'il  n'y  avait  lieu  à  suivre,  ne  pourrait  être  poursuivi,  plus  tard, 
qu'en  vertu  de  charges  nouvelles.  Mais  l'art.  247  permet  de  reprendre  fort 
aisément  les  poursuites  contre  le  prévenu  mis  en  liberté  en  vertu  de  ce  pre- 
mier arrêt. 

Ainsi,  de  deux  choses  l'une  ;  ou  la  cour  renverra  le  prévenu  qui  sera  mis 
en  liberté,  sauf  poursuites  nouvelles  dans  les  dix  ans,  à  raison  de  charges  nou- 
velles. Ou  bien,  dans  le  cas  contraire,  elle  ordonnera  son  renvoi  dans  une 
autre  maison  de  détention  pour  être  jugé  à  la  prochaine  cour  d'assises. 

Enfin,  il  y  a  la  rédaction  de  l'acte  d'accusation. 

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674  TBENTB-HUIT.  LEÇON.   —  DBS  COURS  d' ASSISES  (n*  742), 

Nous  ne  noas  arrêterons  pas  aux  premiers  points  de  ces  notions  préliminai- 
res ;  nous  voulons  particulièrement  nous  occuper  de  la  formation  des  cours 
d'assises  et  du  jury. 


TRENTE-HUITIÈME  LEÇON. 

CHAPITRE  II 

DE  LA   FORMATION   DES  COURS   D* ASSISES. 

741.  Nous  avons  à  parler  aujourd'hui  de  la  composition»  de  Torganisation 
des  cours  d'assises,  soit  en  ce  qui  touche  les  cours  proprement  dites,  c'est-à- 
dire  les  magistrats  appelés  à  y  siéger,  soit  en  ce  qui  touche  les  jurés  qui  for- 
ment aussi  partie  intégrante,  partie  véritable  des  cours  d'assises.  Toutefois, 
vous  savez  qu'avant  d'entrer  dans  l'examen  des  diverses  règles  qui  ont  été 
suivies  à  cet  égard  depuis  1791,  nous  devons,  non  pas  remonter  à  l'origine 
ancienne,  à  l'origine  historique  du  jury,  question  fort  débattue,  mais  assez 
peu  importante,  soit  en  pratique,  soit  môme  dans  la  théorie  ;  la  seule  excur- 
sion que  nous  devions  faire  à  cet  égard  en  dehors  du  droit  positif  concerne 
le  jury  anglais,  sur  lequel  en  matière  de  jury  de  jugement,  et  plus  encore  en 
matière  de  jury  d'accusation,  étaient  calquées,  dans  l'origine,  les  institu- 
tions admises  en  France  lors  de  1791. 

742.  Pour  bien  comprendre  à  cet  égard  la  division  des  pouvoirs  et  l'orga- 
nisation des  cours  d'assises,  du  jury  en  Angleterre,  il  faut  partir,  comme 
nous  le  ferions  en  France,  de  la  division  du  territoire  sous  le  rapport  de 
l'organisation  judiciaire.  Or,  sous  le  rapport  judiciaire,  comme  en  général  sous 
le  rapport  administratif,  l'Angleterre  proprement  dite,  distraction  faite  non- 
seulement  de  l'Ecosse  et  de  l'Irlande,  mais  môme  du  pays  de  Galles,  se  divise 
en  quarante  comtés.  Dans  chacun  de  ces  comtés  sont  tenues,  de  la  manière 
et  à  l'époque  qui  seront  indiquées  plus  tard,  des  assises. 

Ces  comtés  sont  répartis  eux-mêmes  en  six  grandes  fractions  ou  circuits.  On 
appelle  circuit  un  certain  nombre  de  comtés.  Ge  nom  vient  de  ce  que  reten- 
due du  territoire,  les  divers  comtés,  agglomérés  entre  eux  pour  former  un  cir- 
cuit, sont  parcourus  périodiquement  par  les  juges  chargés  de  tenir  les  as- 
sises. 

D*autre  part,  à  Londres,  siègent,  outre  un  assez  grand  nombre  de  juridic- 
tions dont  nous  n'avons  pas  à  parler,  trois  grandes  cours  à  chacune  desquel- 
les appartiennent  des  attributions  qui,  bien  que  se  confondant  quelquefois 
dans  la  pratique,  sont  cependant  séparées  en  théorie  ;  ce  sont  :  1*  la  cour  du 
banc  de  la  reine,  plus  spécialement  appelée  à  connaître  des  affaires  criminel- 
les ;  2^  la  cour  des  plaids  communs,  plus  spécialement  occupée  des  affaires 
civiles;  3^  enfin  la  cour  de  l'échiquier,  plus  spécialement  appelée  à  juger  des 
questions  qui  intéressent  le  fisc  et  des  questions  administratives. 

Ainsi,  telles  sont,  non  pas,  à  beaucoup  près,  les  seules  juridictions  de  l'An- 
gleterre ou  de  Londres,  mais' telles  sont  les  trois  grandes  cours,  les  trois  hautes 

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DB  LA   FORMATION  DES  COURS  d'aSSISSS  (aRT.  251).  675 

juridictions,  les  trois  seuls  corps  judiciaires  dont  nous  ayons  à  nous  occuper 
en  traitant  seulement  du  jury. 

Ge  sont  là,  dis-je^  trois  grandes  cours,  non  pas  par  le  nombre  de  leurs 
membres,  comme  nous  le  verrons  bientôt,  mais  par  Timportance  de  leurs 
attributions,  et  par  la  position  éminente,  soit  quant  au  savoir,  soit  quant  à 
l'autorité,  des  membres  qui  sont  appelés  à  siéger. 

Je  dis  que  la  grandeur,  que  Timportance  de  ces  trois  cours  ne  tient  point 
au  nombre  de  leurs  membres;  chacune  d'elles,  en  effet,  se  compose  seule- 
ment de  quatre  membres,  trois  juges  et  un  président.  Ainsi  les  trois  cours 
que  j'ai  indiquées  renferment  neuf  juges  et  trois  présidents,  en  tout  douze 
membres  seulement. 

A  ces  douze  membres  des  trois  grandes  cours  d'Angleterre  appartient  la 
mission  de  tenir  les  assises  dans  les  quarante  comtés  répartis  en  six  circuits. 
A  cet  égard,  à  deux  époques  de  Tannée,  deux  juges  spécialement  commis- 
sionnés  à  cet  effet  se  rendent  dans  chaque  circuit,  l'un  pour  Tadministration 
de  la  justice  civile,  l'autre  pour  Tadministration  de  la  justice  criminelle;  c'est 
seulement  des  opérations  du  dernier  que  nous  avons  à  nous  occuper. 

Chaque  circuit  est  parcouru,  deux  fois  par  an,  par  deux  juges  de  l'une 
des  trois  cours  de  Londres,  dont  l'un  a  pour  mission  spéciale  d'aller  tenir  les 
assises  dans  chacun  des  comtés  du  circuit  oii  il  est  envoyé,  d'aller  tenir  les 
assises  pour  les  matières  criminelles. 

Les  douze  juges  d'Angleterre  sont  nommés  par  la  couronne,  et  la  petitesse 
de  leur  nombre  permet,  d'une  part,  de  ne  faire  porter  ces  choix  que  sur  les 
jurisconsultes  les  plus  connus,  les  plus  éminents  du  pays  ;  en  second  lieu, 
d'entourer  leurs  fonctions  d'un  éclat,  d'une  importance,  qui  dépassent  de  bien 
loin  tout  l'éclat  qui  peut  entourer  les  juridictions  françaises  les  plus  élevées. 

Au  jour  indiqué  dans  chaque  ville  pour  la  tenue  des  assises,  au  jour  désigné, 
connu  d'avance  par  la  commission  même  qui  a  envoyé  le  juge  dans  le  circuit, 
se  trouvent  réunis,  dans  la  ville  où  doivent  s'ouvrir  les  assises  :  1*  les  jurys 
d'accusation;  2«  les  jurys  de  jugement;  3<^  les  témoins;  4*  les  prévenus; 
5^  enfin  tous  les  officiers  qui  doivent  assister  le  juge  dans  les  opérations  de 
la  cour. 

Pour  le  jury  d'accusation,  nous  n'avons  plus  à  en  parler  ;  il  opère  sans  l'as- 
sistance et  hors  la  présence  du  juge  ;  il  opère  sous  la  présidence  d'un  de  ses 
membres;  mais  les  débats  devant  le  petit  jury  ou  le  jury  de  jugement  s'ou- 
vrent immédiatement  après  la  décision  du  jury  d'accusation.  Le  point  sur  le- 
quel nous  devons  maintenant  nous  fixer,  est  donc  la  composition  de  ces  petits 
jurys,  de  ces  jurys  de  jugement  appelés  à  composer  la  cour  d'assises  avec  le 
juge  qui  parcourt  le  circuit. 

La  liste  des  petits  jurys  est  formée  pour  chaque  comté  séparément  par  le 
shérif,  ou  du  moins  elle  l'est  en  son  nom  et  sous  sa  responsabilité.  Le  shérif 
est,  dans  chaque  comté,  le  premier  magistrat,  soit  judiciaire,  soit  adminis- 
tratif. L'origine  de  cette  magistrature  est  fort  ancienne,  et  il  parait  que  pri- 
mitivement les  shérifs  étaient,  dans  chaque  comté,  élus  par  les  habitants.  Plus 
tard,  cet  usage  a  cessé,  au  moins  presque  partout,  et  maintenant  les  shérifs 
sont  nommés  directement  par  la  couronne,  sur  la  présentation  qui  en  est 
fiaite  parles  douze  grands  juges. 

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676  TRBNTIhHUÏT.   LEÇON.  —  DB8   COUBS  d'aSSISES  (n®  74^). 

Ainsi,  voilà  la  première  idée  que  vous  devez  prendre  de  ce  magistrat  qui 
joue,  comme  nous  Talions  bientôt  voir,  un  rôle  fort  important  dans  la  com- 
position du  jury  anglais.  Nommé  maintenant  par  la  couronne,  sur  la  présen- 
tation des  douze  grands  juges,  ajoutez-y  cependant  que  le  shérif  de  chaque 
comté  doit  appartenir  &  ce  comté,  doit  y  posséder  une  fortune  immobilière 
d'une  valeur  assez  grande  pour  servir  de  garantie  à  son  administration. 
Ajoutez-y  que  les  fonctions  de  shérifs  sont  purement  annuelles,  purement 
gratuites,  et  qu'enfin  leurs  fonctions  expirées,  ils  ne  sont  rééligibles  qu'après 
trois  ans  d'intervalle. 

U  est  bon  de  noter  tous  ces  points,  de  bien  déterminer  le  caractère  de  cette 
magistrature  à  laquelle  appartient  en  grande  partie  le  choix  des  jurés.  Nous 
aurons  à  voir  plus  tard  si  les  comparaisons  que  l'on  a  cherché  à  établir  chez 
nous  correspondent  bien  au  point  de  départ  qu'on  a  voulu  d'abord  adopter. 

A  une  époque  déterminée  de  l'année,  chaque  petit  constable  ou  magistrat 
de  paroisse,  magistrat  de  localité,  doit  dresser,  pour  sa  paroisse,  la  liste  de 
tous  les  habitants  capables  de  remplir  les  fonctions  de  jurés.  Les  conditions  à 
cet  égard  sont  fort  simples  :  il  suffit  d'avoir,  d'une  part,  plus  de  vingt  et  un 
ans  et  moins  de  soixante-dix;  de  plus,  de  jouir  d'un  revenu  supérieur  à  dix 
livres  sterling.  Dans  certaines  localités,  il  suffit  d'ôtre  locataire  d'une  maison 
entière  en  son  nom^  et  de  posséder,  en  outre,  une  fortune  mobilière  ou  immo- 
bilière constituant  cent  livres  de  capital  dans  certaines  villes  comme  à  Lon- 
dres, et  quarante  livres  dans  les  localités  moins  importantes.  En  un  mot, 
l'âge  de  vingt  et  un  ans  à  soixante-dix  et  un  taux  de  fortune  peu  élevé  :  telles 
sont  les  deux  conditions  requises  pOur  être  porté  sur  cette  liste  primitive,  sur 
cette  liste  générale  du  jury. 

Une  fois  composée,  ou  du  moins  une  fois  complétée,  rectifiée,  car  on  se 
borne  à  revoir  chaque  année  le  travail  ou  la  liste  de  Tannée  précédente,  une 
fois  complétée,  rectifiée  par  les  additions,  et  les  retranchements  que  le  temps 
a  nécessités,  une  fois  composée,  elle  est  affichée  à  la  porte  de  Tégïise  du  lieu,, 
remise  aux  maios  d'un  officier  du  lieu,  par  exemple  au  sacristain  de  l'église 
dans  la  plupart  des  paroisses,  avec  obligation  de  la  communiquer  gratuitement 
à  toute  personne.  Cette  affiche,  cette  communication  forcée,  imitée  plus  tard 
chez  nous,  ont  pour  objet,  vous  le  voyez,  de  permettre  à  toute  personne  omise 
d'y  faire  insérer  son  nom  ou  de  permettre  à  toute  personne  de  contester  l'in- 
sertion d'un  nom  indu.  Cette  affiche  et  ce  dépôt  se  prolongent  pendant  vingt 
jours,  délai  destiné  à  admettre  et  à  régler  les  réclamations. 

Ces  vingt  jours  expirés,  on  adresse  de  chaque  paroisse  au  shérif  du  comté 
ces  listes  particulières  ;  et  ces  listes  particulières,  revues  par  lui  ou  en  son 
nom  et  réunies  Tune  avec  Tautre,  composent  la  liste  générale  des  jurés  pour 
Tannée  qui  suivra,  composent  la  liste  générale  des  jurés  du  comté,  car  les 
listes  des  jurés  sont  faites  pour  chaque  comté,  et  non  pas,  bien  entendu,  par 
circuit. 

Le  shérif  une  fois  muni  de  ces  listes  est  averti,  lors  de  Touverture  des 
assises,  de  Tépoque  à  laquelle  il  deviendra  nécessaire  d'extraire  de  cette  liste 
générale  une  liste  particulière  ou  liste  de  service.  En  d'autres  termes,  cette 
liste  générale  de  toutes  les  aptitudes  n*est  pas  la  liste  d'oiîi  l'on  extraira,  pour 
le  besoin  de  chaque  affaire,  le  nombre  de  jurés  destinés  à  siéger.  Entre  la  liste 

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DE  LA  FORMATION  DBS  G0VR8  d'aSSIBES  (aRT.    251).  677 

générale,  ainai  remise  aaz  mains  du  shérif,  et  la  liste  particalière,  qui  devra 
être  formée  pour  chaque  affaire,  il  y  a  une  liste  intermédiaire  sur  laquelle  il 
est  hon  de  s'arrêter.  C'est  une  liste  qu'on  nommerait  chez  nous  liste  de  sei^ 
▼ice,  liste  qui,  en  Angleterre,  varie  de  quarante-huit  à  soixante- douze  noms. 
Ainsi,  peu  avant  Tépoque  de  l'ouverture  des  assises,  le  shérif  est  chargé 
d'extraire  de  la  liste  générale  une  certaine  quantité  de  noms,  parmi  lesquels 
on  extraira  ensuite,  au  sein  même  de  la  cour  d'assises,  les  noms  des  Jurés 
destinés  à  juger  dans  chaque  affaire. 

Celte  liste  de  service  de  quarante-huit  ou  de  soixante-douze  noms  n'est  pas 
extraite  par  la  voie  du  sort  de  la  liste  générale.  Je  ne  sais  si  primitivement  il 
était  d'usage  de  recourir  au  sort,  toujours  est-il  qu'en  fait,  dans  l'état  pré- 
sent, c'est  le  shérif  qui  choisit  directement  sur  la  liste  générale  les  quarante- 
huit  noms  qui,  dans  l'usage,  sont  adressés  par  lui  à  la  cour  d'assises  pour  le 
service  de  la  session. 

Ce  mode,  blâmé  par  quelques-uns,  a  été  défendu  par  le  plus  grand  nombre. 
Ce  qu'on  peut  dire  en  faveur  du  sort,  c'est  sa  complète  impartialité.  D'autre 
part,  on'  répond  que  le  sort  destiné  à  extraire  d'une  liste  générale  une  liste 
particulière,  que  le  sort  est  un  électeur  qui  n'est  impartial  que  parce  qu'il  est 
absolument  aveugle  ;  en  telle  sorte  que,^  si  dans  la  liste  générale  se  trouve  une 
majorité  soit  incapable,  soit  prévenue,  il  y  a  tout  à  parier  que  le  sort  amènera 
le  même  vice,  la  même  majorité  dans  la  liste  particalière.  Première  raison 
pour  interdire  au  sort  l'extraction  de  liste  particulière  sur  la  liste  générale. 

On  allègue,  en  second  lieu,  pour  justiBer  ce  droit  si  grave,  si  important, 
mis  aux  mains  du  shérif,  on  allègue  que  le  shérif,  par  sa  position,  par  le  peu 
de  durée  de  ses  fonctions,  parce  qu'elles  sont  gratuites,  parce  qu'enfin  il  n'est 
pas  rééligîble  ;  on  allègue,  dis-je,  que  le  shérif  est  dans  la  position  la  plus 
indépendante,  et  probablement  la  plus  impartiale  ;  qu'en  [conséquence,  il  n'y 
a  que  peu  ou  point  de  danger  à  lui  permettre,  non  pas  de  désigner  sur  la  liste 
générale  les  jurés  qui  siégeront  pour  chaque  affaire  déterminée,  mais  de  dési- 
gner les  quarante-huit  ou  les  soixante-douze  jurés  entre  lesquels  le  sort  dési- 
gnera lui-même  plus  tard  les  douze  qui  seront  appelés  à  juger. 

On  pourrait  ajouter  une*  raison  plus  décisive  encore,  c'est  que,  s'il  peut  y 
avoir,  en  pratique,  quelques  .inconvénients,  rares  d'ailleurs,  à  confier  à  un 
homme,  à  un  magistrat  même  d'une  position  indépendante,  une  action  aussi 
directe  sur  le  choix,  sur  la  nomination  des  jurési  ces  inconvénients  se  trou- 
vent atténués,  amortis,  rendus  presque  insensibles  en  Angleterre  par  l'extrême 
facilité  des  récusations,  dont  nous  allons  parler  tout  à  l'heure.  En  effet,  en 
ouvrant  à  l'accusé  la  plus  grande  latitude  pour  récuser  les  jurés,  on  rend  par 
là  même  à  peu  près  impossible,  en  pratique,  tout  choix  fait  à  l'avance,  dans 
un  esprit  de  faveur  comme  dans  un  esprit  d'animosité. 

Supposons  maintenant  la  cour  d'assises  constituée,  les  quarante-huit  noms 
ainsi  adressés,  par  le  shérif,  au  magistrat  chargé  de  présider  la  cour,  sur  cette 
liste  de  quarante-huit  noms  on  va  en  extraire  douze  seulement,  les  noms  des 
douze  jurés  appelés  à  statuer  dans  l'affaire.  Il  parait  que  tout  récemment 
encore,  nonobstant  d'anciennes  règles  que  l'usage  avait  abolies,  ces  douze 
noms  pris  parmi  les  quarante-huit  ne  l'étaient  pas  par  la  voie  du  sort,  mais  à 
la  volonté  du  greffier.  £1  parait  que  le  greffier  de  la  cour,  sans  que  d'ailleurs 


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678  TRENTE-HUIT.    LEÇON.   —  DBS  COURS   d'aSSISBS  (n*  74Î). 

personne  réclamât  contre  cet  osage,  tirait  à  peu  près  au  hasard,  désignait  à 
sa  volonté  et  sans  solennité  aucune,  les  douze  Jurés  qui  devaient  constituer  le 
jury  de  jugement.  Un  acte  du  22  juin  1825,  qui  a  modifié  dans  des  points 
fort  importants  la  législation  en  cette  matière,  a  exigé,  dans  son  paragraphe  26, 
que  sur  la  liste  des  quarante-huit  on  tir&t  par  la  voie  du  sort  les  douze  jurés 
de  jugement. 

Voilà  donc  nos  trois  listes  formées  :  liste  générale  dressée  par  les  petits 
constables,  remise  dans  la  main  du  shérif  et  formant  simplement  la  liste  des 
aptitudes  ;  liste  particulière  ou  de  service  dressée  pour  la  session  par  le  shérif 
pour  la  cour  d'assises,  et  extraite  de  la  liste  générale  par  le  choix  tout  à  fait 
libre  du  shérif;  enfin  la  liste  de  douze  jurés,  liste  extraite  à  l'audience  par  la 
voie  du  sort  de  la  liste  de  service. 

Cette  liste  des  douze  jurés  une  fois  formée,  commence  cette  faculté  de  ré- 
cusation qui,  ainsi  que  je  Tannonçais,  rend  à  peu  près  impossible,  dans  la  prar 
tique,  tout  concert  frauduleux,  tout  choix  de  collusion,  soit  par  Paccusé,  soit 
contre  lui.  En  effet,  les  douze  noms  une  fois  extraits  sont  lus  à  Taccusé,  qui 
d'ailleurs  a  été  averti  d'avance,  par  une  notification  personnelle,  des  quarante- 
huit  noms  portés  sur  la  liste  de  service  ;  il  est  sommé  de  déclarer  s'il  les 
accepte  pour  juges,  ou  si,  au  contraire,  il  entend  les  récuser. 

On  distingue  à  cet  égard  deux  classes  de  récusations  :  la  récusation  géné- 
rale, frappant  la  liste  entière  des  quarante-huit;  puis  les  récusations  indivi- 
duelles, frappant  un  ou  plusieurs  des  jurés  tombés  au  sort. 

L'accusé  est  admis  à  récuser  toute  la  liste  formée  par  le  shérif,  quand  il 
allègue  et  qu'il  prouve  que  le  shérif  a  un  intérêt  direct  ou  indirect  dans  l'af- 
faire ;  que  Tun  de  ses  parents  à  un  certain  degré  y  a  lui-môme  quelque 
intérêt  ;  que  l'un  des  jurés  a  été  porté  sur  la  liste  à  la  sollicitation  de  la  partie 
adverse;  ou  enfin,  quand  il  établit  un  signe  quelconque,  un  fait  quelconque  de 
partialité  dans  la  composition  de  la  Uste  ;  alors  la  liste  entière  est  récasée. 
Cette  récusation  est  d'ailleurs  assez  rare. 

Secondement,  il  y  a  des  récusations  individuelles,  et  celles-là  sont  d'un 
usage  plus  fréquent,  des  récusations  portant  sur  tels  jurés  expressément  dési- 
gnés par  l'accusé.  Ces  récusations  individuelles  sont  elles-mêmes  de  deux 
natures,  elles  sont  ou  péremptoires,  ou  motivées. 

On  appelle,  en  cette  matière,  récusation  péremptoire  celle  qui  a  pour  objet 
d'écarter  le  juré  récusé,  sans  que  le  récusant  ait  aucun  motif  à  alléguer  à 
l'appui.  Or,  sur  la  liste  des  quarante-huit  l'accusé  est  admis  à  en  récuser 
ainsi  de  ,vingt  à  trente-cinq,  selon  la  nature  des  affaires.  Le  maximum  s'ap- 
plique, par  exemple,  aux  affaires  de  haute  trahison,  dans  lesquelles  la  foculté 
de  récusation  est  plus  étendue. 

Enfin,  les  récusations  individuelles  motivées  sont  illimitées  dans  leur  nom- 
bre ;  c'est-à-dire  que,  quand  l'accusé,  au  lieu  de  se  borner  à  dire  qu'il  ne  veut 
pas  de  tel  juré,  allègue  contre  ce  juré  une  cause  formelle  de  récusation,  il  est 
admis  à  le  faire,  quand  môme  il  aurait  épuisé  le  nombre  des  récusations 
péremptoires.  Mais,  bien  entendu,  les  motifs  qu'il  allègue  ne  sont  pas  admis 
sans  être  pesés;  la  récusation  n'a  d'effet  qu'autant  que  les  causes  sont  trou- 
vées et  sont  reconnues  assez  graves  pour  faire  craindre  la  partialité.  Le  juge- 
ment des  motifs  allégués  pour  ces  récusations  appartient  non  pointa  la  cour^ 


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DE  LA  FORMATION  DES  COURS  o' ASSISES  (ART.   251).  679 

mais  à  des  arbitres  nommés  ;  et  lorsque  sont  sortis  de  Fume  deux  noms  de 
jurés  qui  n'ont  pas  été  récusés;  c*est  à  ces  deux  jurés  et  à  ceux  qui  les  sui- 
vront qu'appartient  le  jugement  des  motifs  de  récusation. 

Vous  voyez  que  cette  faculté  de  récuser,  soit;  la  liste  entière  pour  de 
purs  soupçons  de  partialité,  soit  de  vingt  à  trente*cinq  jurés  sur  quarante- 
huit,  sans  en  donner  aucun  motif^  soit  toute  la  liste,  la  liste  prise  individuel- 
lement, à  la  charge  d'en  donner  des  motifs,  vous  voyez  que  cette  faculté 
paraît  être  un  contre-poids  suffisant,  un  remède  bien  assuré  à  la  crainte  que 
pourrait  inspirer  le  pouvoir  donné  au  shérif  de  composer  à  son  gré  la  liste  des 
quarante-huit  jurés. 

Que  si,  par  Teffet  de  ces  récusations,  soit  péremptoires,  soit  motivées,  la 
liste  de  quarante-huit  était  épuisée,  ou  s'il  n'y  restait  plus  assez  de  noms  pour 
compléter  un  jury,  on  prendrait  alors,  par  la  voie  du  sort,  dans  les  habitants 
mêmes  de  la  ville  où  se  tiennent  les  assises,  le  nombre  nécessaire  pour  com- 
pléter les  douze  jurés  qui  doivent  siéger. 

Telles  sont  les  règles  générales  qui  tiennent  à  Torganisation  du  jury  anglais. 
C'est  à  ce  point  que  nous  nous  arrêtons,  car  faire  un  pas  de  plus  en  avant,  ce 
serait  entrer  dans  des  débats  dont  nous  n'avons  pas  encore  à  nous  occuper. 

Ainsi,  la  cour  d'assises  en  Angleterre  se  compose,  d'une  part,  de  l'autorité 
judiciaire,  représentée  par  l'un  des  douze  membres  des  trois  grandes  cours  qui 
siègent  à  Londres,  et  opèrent  deux  fois  par  au  dans  le  circuit;  d'autre  part, 
des  douze  jurés  extraits  de  la  liste  de  service  dressée  ainsi  que  nous  Tavons 
établi. 

743.  Passons  maintenant  à  l'histoire  de  cette  même  organisation  en  France, 
et  voyons  d'abord  comment  TAssemblée  constituante  a  organisé,  a  réglé  le 
système  de  jugement  par  jurés,  toujours  quant  à  la  composition,  dont  nous 
avons  uniquement  à  nous  occuper. 

Vous  savez  que  la  loi  des  16-24  août  1790,  qui  ne  faisait  que  répéter  une 
résolution  déjà  prise»  avait  consacré,  au  moins  pour  les  matières  criminelles, 
le  jugement  par  jury.  Le  Gode  d'instruction  criminelle  des  16-29  septem- 
bre 1791  s'occupa  de  réaliser  ces  promesses  et  d'établir  complètement  Tins- 
titution. 

On  commença  par  décider  que  la  qualité  de  juré  appartiendrait  à  tout  citoyen 
réunissant  les  conditions  requises  pour  être  électeur,  vous  le  verrez  sur  les 
détails  que  je  vais  donner  du  titre  XI  du  Gode  des  16-29  septembre  1791,  je 
me  bornerai  à  citer  les  lois  étrangères  à  celles-là.  Dans  ce  titre  XI,  relatif  à  la 
formation  du  jury,  on  commençait  par  reconnaître,  en  principe,  que  les  jurés 
seraient  pris  parmi  les  icitoyens  ayant  les  qualités  requises  pour  être  élec- 
teurs, expressions  un  peu  équivoques  et  qu'il  est  bon  d'expliquer  par  la  légis- 
lation de  cette  époque.  On  ne  disait  pas  que  les  jurés  seraient  pris  parmi  les 
électeurs,  c'eût  été  dire  trop  peu,  mais  parmi  les  citoyens  capables  d'être  élec- 
teurs. Pour  comprendre  la  différence,  il  faut  vous  rappeler  que  la  constitution 
des  ^14  septembre  1791  instituait  deux  degrés  d'élection;  il  y  avait  des  assem- 
blées primaires  composées  de  citoyens  actifs  appelés  à  nommer  non  pas  direc- 
tement les  membres  des  assemblées  législatives,  mais  appelés  à  nommer  les 
électeurs  en  les  choisissant  dans  une  certaine  catégorie.  Les  électeurs  pou- 


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680  TRENTE-HUfT.  LBÇON.  —  DES  COURS   d'aSSISBS  (n*  743). 

Taient  donc  être  pris  par  les  assemblées  primaires  au  nombre  des  citoyens 
ayant  plas  de  vingt-cinq  ans,  et  jouissant  d'un  certain  revenu;  ce  revenu  était 
déterminé  par  la  constitution  de  4791,  titre  lîl,  chapitre  l**,  section  II,  art.  7. 
L'Age  était  de  vingt-cinq  ans,  le  revenu  devait  être  de  200  livres  ou  de  150 
livres  selon  les  lieux.  Ainsi,  quoique  les  assemblées  primaires  ne  pussent  choi- 
sir parmi  les  personnes  jouissant  du  revenu  indiqué  qu'un  nombre  d'électeurs 
proportionné  à  la  population  du  lieu,  il  est  clair  que  les  jurés  étaient  pris  non 
pas  seulement  parmi  les  électeurs  choisis  par  les  assemblées  primaires,  mais 
parmi  toutes  les  personnes  que  ces  assemblées  auraient  pu  choisir,  parmi  tou- 
tes les  personnes  ayant  atteint  vingt-cinq  ans  et  jouissant  soit  de  200  livres  de 
revenu  dans  les  villes  de  plus  de  6,000  âmes,  soit  de  150  livres  dans  les  villes 
d'une  population  plus  faible. 

Chaque  individu  placé  dans  cette  position  devait,  avant  le  15  décembre  de 
chaque  année,  se  faire  inscrire  comme  juré  sur  un  registre  tenu  à  cet  effet  par 
le  secrétaire-greffier  de  chaque  district.  Et  la  peine  de  Tomisslon  de  cette  in- 
sertion était  la  privation,  pendant  deux  ans,  de  tout  droit  de  suff^rage  dans  les 
assemblées  publiques.  Ainsi,  ce  n'était  pas  à  l'administration,  aux  officiers 
publics  que  la  loi  imposait  l'obligation  d'inscrire,  elle  voyait  dans  la  fonction 
^  de  juré  l'accomplissement  d'un  devoir  bien  plus  que  l'exercice  d'un  droit,  et  en 
conséquence  elle  frappait  d'une  punition,  purement  civique  il  est  vrai,  tout 
citoyen  qui,  capable  d'être  juré,  ne  se  serait  pas  chaque  année  fait  inscrire 
comme  juré  sur  la  liste  particulière  de  son  district. 

Cette  liste  particulière  une  fois  formée  dans  chaque  district,  c'est-à-dire  dans 
chaque  arrondissement,  par  Tinscription  opérée  à  la  requête  de  chaque  citoyen, 
était  adressée  par  le  procureur-syndic  qui  était  à  peu  près  l'administrateur  en 
chef  du  district,  au  procureur  général  syndic  qui  était  à  peu  près  le  premier 
administrateur  du  département,  et  qui  formait  la  liste  générale  du  jury  de  son 
département  par  la  réunion  des  listes  de  district.  Nous  dirons  tout  à  l'heure 
nn  mot  de  plus  de  ces  fonctions. 

Vous  voyez  que  cette  marche  était  déjà  à  peu  près  calquée,  soit  quant  à  la 
base  même  de  la  capacité,  soit  quant  à  la  réunion  des  listes  de  détail  et  une 
liste  générale,  sur  ce  qui  est  établi  en  Angleterre.  Formation  des  listes  parti- 
culières dans  les  localités,  et  puis  réunion  de  ces  listes  partielles  dans  les 
mains  de  l'administrateur  de  la  fraction  du  territoire  dans  laquelle  se  tenaient 
les  assises,  dans  les  mains  de  l'administrateur  du  département,  appelé  alors 
procureur  général  syndic.  Ainsi  se  trouvait  constituée  la  liste  générale,  la  liste 
des  capacités  ou  des  aptitudes. 

'  Retenez  bien  ces  points,  parce  que,  quoique  les  détails  de  l'organisation  et 
de  la  formation  aient  changé,  nous  retrouverons  toujours,  dans  tout  le  système 
du  jury,  les  mêmes  difficultés,  les  mêmes  questions.  Formation  d'une  liste 
générale,  et  transition  à  établir  entre  cette  liste  générale,  qui  n'est  qu'une  liste 
^es  capacités,  et  la  liste  particulière  des  douze  jurés  de  jugement,  c'est  là  la 
plus  grande  difficulté. 

Gomment  l'Assemblée  constituante  avait-elle  résolu  cette  difficulté?  En 
attribuant  au  procureur  général  syndic  un  pouvoir  assez  analogue,  mais  non 
pas  tout  à  fait  pareil  à  celui  que  la  loi  anglaise  donne  encore  à  ses  shérifs. 
Tous  les  trois  mois  le  procureur  général  syndic  devait  adresser  au  président 

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DU  JURY  BT  OB  6A  COMPOSITION  (aRT.    382).  681 

du  tribunal  criminel,  pour  le  service  des  sessions  da  trimestre,  une  liste  de 
service  extraite  directement  par  laide  la  liste  générale  qui  se  trouvait  déposée 
dans  ses  mains.  Bous  ce  rapport,  quant  au  pouvoir  confié  au  procureur  général 
syndic  d'extraire,  sans  employer  la  voie  du  sort,  la  liste  de  service  de  la  liste 
générale,  il  y  avait  une  grande  analogie  entre  sa  position  et  celle  du  shérif. 
Mais  la  liste,  au  lieu  d'être  de  quarante-huit  noms,  comme  l'est  en  général  la 
liste  de  service  anglaise,  était  de  deux  cents.  Il  nous  semble  que,  plus  la  liste 
est  nombreuse,  moins  la  faculté  du  choix  est  dangereuse,  précisément  parce 
que  les  choix  sont  alors  moins  faciles. 

De  plus  cette  liste  de  deux  cents,  qui  devait  être  dressée  par  le  procureur 
général  syndic,  ce  qui  n'a  aucun  rapport  avec  les  procureurs  généraux,  les  offi- 
ciers du  ministère  public,  cette  liste  de  deux  cents  n'avait  d*effet  qu'autant 
qu'elle  était  présentée  par  lui  au  directoire  du  département,  espèce  de  conseil 
d'administration,  et  approuvée  par  ce  directoire. 

Ainsi,  voilà  déjà  deux  différences  entre  le  pouvoir  du  procureur  général 
syndic  et  le  pouvoir  du  shérif,  différences  qui  existent  à  l'avantage  de  ce  der- 
nier. 

La  liste  de  deux  cents  ainsi  dressée  par  l'administrateur  du  département,  et 
approuvée  par  ce  conseil  d'administration  qu'on  appelait  directoire,  était 
adressée  au  président  du  tribunal  criminel  et  soumise  à  l'accusateur  public. 
L'accusateur  public  pouvait,  sur  ces  deux  cents  noms,  en  récuser  un  dixième, 
c'est-à-dire  vingt,  sans  alléguer  aucun  motif  à  l'appui  de  ces  récusations. 

Il  est  bon  de  remarquer,  toutefois,  que  tous  les  fonctionnaires  que  nous  avons 
nommés  jusqu'ici  étaient  électifs,  que  tous  étaient  nommés,  dans  les  formes 
indiquées  par  la  constitution  de  1791,  par  les  électeurs  d'alors;  de  sorte  que 
les  jurés  étaient  pris  dans  la  catégorie  des  électeurs;  la  liste  générale  des  jurés 
était  dressée  par  des  magistrats  électifs,  les  procureurs-syndics  de  chaque  dis- 
trict. Sur  cette  liste  générale  l'extraction  était  faite  au  choix  par  un  magistrat 
électif,  et  élu  par  les  mêmes  personnes,  le  procureur  général  syndic.  Cette  liste 
était  présentée  au  directoire  du  département  et  discutée  par  lui.  Or  les  mem- 
bres des  directoires  étaient  encore  élus  dans  les  mêmes  formes.  Enfin,  une 
récusation  d'un  dixième  appartenait  à  l'accusateur  public,  qui  était  encore  un 
magistrat  électif.  Vous  verrez,  sur  les  formes  de  ces  élections,  la  loi  du  22  dé- 
cembre 1789,  section  II,  art.  i,  2,  14,  20  et  93. 

Voilà  donc  la  liste  générale  réduite  peut-être  à  cent  quatre-vingts  noms,  par 
les  récusations  péremptoires  de  raccùsateur  public.  Voilà  donc  la  liste  générale 
remise  aux  mains  du  président  du  tribunal-criminel.  Les  sessions  avaient  lieu 
alors  tous  les  mois,  à  partir  du  15  de  chaque  mois.  Le  1*'  du  mois  on  devait 
extraire  par  la  voie  du  sort  de  cette  liste  de  deux  cents  ou  de  cent  quatre-vingts, 
si  l'accusateur  public  avait  exercé  ses  récusations,  on  devait  extraire  par  la 
voie  du  sort,  longtemps  avant  l'ouverture  des  débats,  les  noms  des  douze  jurés 
^t  devaient  prendre  part  à  ces  débats.  Ces  noms,  extraits  par  le  sort,  en  pré- 
«ence  du  président  et  de  quelques  fonctionnaires,  étaient  notifiés  à  l'accusé,  et 
il  avait  le  droit  de  les  récuser  péremptoirement,  ainsi  que  ceux  que  le  sort 
désignerait  ensuite,  jusqu'au  nombre  de  vingt,  art.  10  et  11,  titre  XI,  loi  des 
16-29  septembre  1791 .  Là  ne  se  bornait  pas  son  droit,  il  pouvait  encore  récuser 
avec  motifs,  à  peu  près  sans  limite.  Cette  récusation  devait  s'exercer  dans  les 

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682  TRENTH-HUIT.   LBÇON.  —  DES  COURS  D*AS8I8BS  (n*  744). 

vingt>qnatre  heures,  et,  à  défaut  de  récusation  ainsi  pratiquée,  le  jury  était 
constitué  longtemps  avant  Touverture  des  débats.  On  assignait  alors  le  5  au 
plus  tard,  pour  le  15  du  mois,  les  jurés. 

Voilà  donc  la  formation  du  jury  tel  qu'il  existait  à  cette  époque,  formation 
par  le  pouvoir  administratif  constitué  tout  à  fait  par  élection  ;  faculté  pour  Tac- 
cusé  de  récuser  péremptoirement  jusqu'à  concurrence  de  vingt  jurés  et  au 
delà,  en  motivant  ses  causes  de  récusation. 

744.  Comparons  maintenant,  en  terminant,  cette  organisation  de  1791,  la 
première  organisation  française  en  cette  matière,  avec  celle  de  l'Angleterre  qui 
lui  avait  servi  de  modèle,  et  voyons  quelles  similitudes  ou  quelles  différences 
elle  pouvait  présenter. 

On  peut  dire  d'abord  que  l'Assemblée  constituante,  en  organisant  le  jury 
sur  les  bases  que  nous  venons  d'indiquer,  était  entrée  plus  complètement 
qu'on  ne  l'avait  fait  en  Angleterre  dans  l'idée  primitive,  dans  la  pensée  domi- 
nante, dans  le  caractère  essentiel  de  l'institution  du  jury.  Quelle  est  en  effet 
cette  pensée,  ce  caractère  ?  qui  est-ce  qui  sépare  essentiellement  les  jugements 
par  jurés  des  jugements  rendus  directement  par  des  magistrats? 

£n  général,  on  croit  trouver  ce  caractère  distinctif,  cette  séparation  réelle 
entre  les  jugements  par  jurés  et  les  jugements  d'une  magistrature,  dans  la 
division,  dans  la  distinction  des  questions  de  fait  et  des  questions  de  droit.  Le 
jugement  par  jurés  a,  dit-on,  pour  essence,  pour  caractère  principal  d'attribuer 
les  questions  de  fait  à  la  décision  des  masses,  à  la  décision  du  sens  commun, 
en  réservant  les  questions  de  droit  à  la  décision  des  magistrats,  eu  d'autres 
termes,  à  la  décision  de  la  science. 

Certainement  ce  caractère  est  vrai  dans  la  plupart  des  cas  ;  mais  est-ce  là  le 
caractère  dominant,  capital  de  l'institution  du  jury  ?  Il  est  permis  d'en  douter. 
D'abord,  quand  on  remonte,  je  ne  dirai  pas  à  l'origine  primitive  du  jury,  c'est 
une  question  historique  assez  mal  connue,  mais  quand  on  remonte  à  des  temps 
où  il  était  en  pleine  activité,  on  voit  qu'avec  cette  existence  ne  dominait  pas, 
dans  toute  son  exactitude,  la  séparation  des  questions  de  fait  de  celles  de  droit. 
Cette  distinction,  toute  simple  qu'elle  nous  parait,  avec  nos  habitudes  actuel- 
les, suppose  cependant  un  travail  trop  délicat  pour  qu'on  ait  pu  le  faire  dans 
les  temps  mi-bart)ares  oii  le  jury  se  trouvait  déjà  en  plein  usage,  au  moins  en 
Angleterre.  En  second  lieu,  môme  de  nos  jours,  c'est  une  idée  qui  vous  trom- 
perait souvent  que  celle-là  qui  consisterait  à  supposer  quele-jury  n'est  jamais 
appelé  qu'à  décider  des  questions  de  fait,  qui  consisterait  à  penser  que  même 
aujourd'hui  aucune  question  de  droit  n'est  décidée  dans  les  réponses  des 
jurys.  Il  arrive,  au  contraire,  dans  un  très-grand  nombre  de  cas,,  que  nous 
signalerons  bientôt,  que  la  question  adressée  aux  jurés,  quoique  paraissant 
une  question  de  fait,  renferme  cependant  de  véritables  questions  de  droit. 
Cette  distinction  des  questions  de  fait  et  des  questions  de  droit  est  donc  une 
idée  admise  après  coup,  c'est  une  distinction  qui,  môme  aujourd'hui,  soit  chez 
nous,  soit  surtout  en  Angleterre,  se  trouve  souvent  démentie  dans  la  prati- 
que, à  peu  près  comme  se  trouvait  démentie  dans  la  procédure  romaine  la 
môme  division  de  pouvoir  entre  le  préteur  et  le  judex.  Ce  n'est  donc  pas  là  le 
caractère  essentiel,  constitutif  élémentaire  du  jury;  ce  n'est  pas  dans  ce  but 

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DU  JURY  BT  DB  8A  COMPOSITION  (aRT.    382).  683 

qu*il  a  été  introduit,  institué,  puisqu'il  Ta  été  non  pas  certainement  par  les 
divisions  de  la  science^  mais  bien  par  F  usage,  par  l'habitude,  qui  n'ont  pas  pu 
établir  des  distinctions  aussi  larges,  aussi  savantes. 

lie  caractère  dominant  du  jury,  celui  qui  le  recommandait  avant  tout  à 
l'Assemblée  constituante,  comme  cadrant  parfaitement  avec  les  idées  politi- 
ques qu'elle  proclamait,  c'est  Tintervention  directe,  immédiate  de  la  société 
dans  les  affaires  qui  l'intéressent  le  plus  ;  c'est  le  jugement  par  le  pays,  c'est 
le  concours  de  chaque  citoyen,  dans  l'exercice  journalier  des  actes  qui  protè- 
gent la  sécurité  sociale,  et  constituent  ainsi  non  pas  sans  doute  l'unique  but, 
mais  au  moins  le  principal  but  de  toute  justice  pénale.  C'est  avant  tout  sous 
ce  rapport  que  le  jury  a  été  envisagé,  soit  dans  les  premiers  temps  où  il  a  été 
pratiqué,  soit  surtout  par  l'Assemblée  constituante. 

Or,  en  se  plaçant  sous  ce  point  de  vue,  il  est  sûr  que  l'Assemblée  consti- 
tuante, imprudente  peut-être,  mais  au  moins  très-conséquente  avec  elle- 
même,  entre  bien  plus  pleinement,  bien  plus  complètement  dans  la  pensée 
constitutive  du  jury  que  ne  le  faisaient  les  règles  de  l'organisation  anglaise. 
En  effet,  non-seulement  elle  adopta,  quant  aux  règles  de  capacité,  quant  aux 
conditions  requises  pour  figurer  sur  les  listes,  des  bases  plus  larges,  mais  elle 
conféra  tous  les  pouvoirs  d'organisation,  de  composition,  à  des  magistrats 
électifs  eux-mêmes;  elle  fit  dériver  de  la  môme  source  et  la  capacité  voulue 
pour  être  juré,  et  tous  les  pouvoirs  nécessaires  soit  pour  composer,  soit  pour 
réduire  la  liste  des  jurés.  ^ 

Notez  bien  que  je  me  borne  ici  à  constater  les  faits;  quant  à  savoir  si  l'As- 
semblée nationale,  en  suivant  uniquement  ce  point  de  vue,  exact  en  principe, 
fit  bien  ou  fit  mal,  c'est  là  une  question  tout  à  fait  différente  et  que  nous  n'a- 
vons guère  à  approfondir.  Certainement,  en  subordonnant  toutes  ces  règles  à 
un  point  de  vue  tout  à  fait  exclusif,  en  dépassant  tout  ce  que  les  Anglais 
avaient  fait  après  bien  des  siècles  d'expérience,  on  pourrait  dire  qu'elle  alla 
trop  loin,  et  qu'elle  s'exposa  à  mêler  complètement  le  pouvoir  judiciaire  avec 
le  pouvoir  politique  en  les  puisant  tous  deux  à  la  môme  source;  qu'elle  s'exposa 
surtout  à  faire,  dans  certains  cas,  de  la  voix  du  jury  ainsi  composé,  l'écho  d'un 
emportement  populaire,  et  surtout  d'une  passion  locale.  Mais  quoiqu'il  en 
soit,  il  est  bon  de  noter  le  fait,  ne  fût-ce  que  pour  l'opposer  à  ce  qui  a  suivi, 
savoir,  que  l'Assemblée  constituante,  allant  môme  plus  loin  que  l'Angleterre, 
ne  suivit  qu'un  seul  point  de  vue  en  constituant  le  jury,  l'idée  de  conférer  la 
puissance  juridique  directement  aux  mains  du  jury.  Et  cela  est  vrai  non-seu- 
lement sous  le  rapport  de  la  composition  môme  du  jury,  cela  est  plus  sensible, 
et  peut-ôtre  plus  dangereux  encore,  sous  le  second  point  de  vue  dont  nous 
aurons  à  parler;  c'est-à-dire  relativement  à  la  composition  dçs  tribunaux  au- 
près desquels  fonctionnait  le  jury. 

Nous  venons  de  voir  qu'en  Angleterre,  à  côté  de  l'organisation  du  jury,  à 
côté  de  l'intervention  des  citoyens  dans  les  affaires  criminelles,  se  trouvait 
placé  un  magistrat  en  qui  d'ordinaire  l'éminence  du  savoir  se  réunissait  à 
l'éminence  des  fonctions,  un  magistrat  qui,  par  le  petit  nombre  môme  des 
membres  des  cours  auxquelles  il  appartenait,  par  l'inamovibilité  de  sa  position^ 
puisqu'il  ne  peut  être  atteint  que  par  une  décision  du  pouvoir  législatif,  exer- 
çait en  Angleterre  l'influence  la  plus  sensible  sur  les  décisions  du  jury.  En 

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684  TBBNT£-HUIT.   LEÇON.  — «  DBS  COURS  d'aSSISBS  (n*  745). 

«ffet»  non-sealement  dans  les  matières  cmles,  mais  mdme  dans  les  matières 
criminelles^  les  juges  d'Angleterre  exercent^  à  tort  ou  à  raison,  une  très-grande 
autorité  sur  la  marche  des  débats,  sur  la  décision  définitive.  Fn  1791  on  fat 
loin  d'établir  rien  de  pareil  ;  la  raison  en  était  simple  :  TAssembiée  consti- 
tuante venait  de  frapper  les  parlements;  elle  les  avait  détraits,  touchée  qu'elle 
était  des  anciennes  invasions  de  ces  grands  corps  judiciaires  dans  4e  domaine 
des  pouvoirs  politiques.  Or,  il  est  sensible  que  la  même  assemblée  qui  venait 
de  détruire  toute  puissance  judiciaire,  qui  avait  organisé  en  Irès-grand  nom* 
bre  des  tribunaux  électifs  locaux,  se  renouvelant  au  bout  de  quelques  années, 
ne  pouvait  songer  à  établir  aucune  magistrature  pareille  à  celle  qui  existait 
en  Angleterre.  On  voulut  à  cette  époque  organiser  la  justice  sans  avoir  de 
magistrature,  et  cela  fut  très-sensible  dans  la  formation  des  tribunanx  crimi* 
nels.  Au  lieu  de  créer  des  magistrats  chargés  de  tenir  les  assises,  on  institua, 
dans  chaque  département,  un  tribunal  criminel  qui  ne  se  composait  que  d'un 
seul  juge  permanent^  le  président;  quant  aux  autres  membres  du  tribunal, 
on  les  puisait  de  six  mois  en  six  mois,  à  tour  de  rôle,  parmi  les  différents 
juges  des  tribunaux  de  district.  Le  président  et  les  juges  de  ces  tribunaux 
étaient  également  des  juges  temporaires  et  électifs.  Aussi  la  puissance  judi- 
ciaire dans  les  mains  des  magistrats  était  tout  à  fait  inaperçue  ;  la  puissance 
judiciaire  criminelle  se  trouva  concentrée  exclusivement  dans  les  mains  da 
jury,  sans  présenter  aucun  de  ces  contre-poids,  aucun  de  ces  essais  d'équili- 
bre que  présentait  le  système  anglais,  et  qu'on  a  tenté  de  réaliser  chez  nous 
plus  tard. 

Bien  que  le  système  de  1791,  maintenu  par  le  Ck>de  du  3  brumaire  an  TV, 
ne  Tait  pas  été  sous  l'Empire,  bien  que  l'organisation  du  jury  ainsi  tracée  ait 
été  complètement  détruite  dans  le  Gode  de  1808,  nous  verrons  cependant 
qu'on  ne  le  renversa  que  pour  se  jeter  dans  un  excès  directement  contraire, 
c'est-à-dire  pour  anéantir  complètement  Tidée  constitutive  du  jury,  en  se 
bornant  à  en  garder  le  nom. 

745.  Dans  le  jury  tel  qu'il  fut  établi  dans  le  Gode  de  1808,  mis  en  vigueur 
à  partir  du  !•'  janvier  18i  1,  dans  ce  jury,  nous  aurons  également  deux  points 
à  considérer  :  i^  la  composition  du  pouvoir  judiciaire,  de  la  cour  d'assises 
proprement  dite;  2*  la  composition  du  jury.  Ces  deux  points  méritent  en 
effet  d'être  examinés  séparément,  parce  que  l'un  est  pleinement  en  vigueur, 
parce  que  l'autre,  au  contraire,  a  subi,  dans  le  système  présent,  des  modifica- 
tions importantes. 

D'abord,  en  ce  qui  touche  le  premier  de  ces  deux  points,  celui  qui  est 
encore  en  vigueur,  sauf  quelques  modifications,  la  plupart  des  règles  actuelles 
se  trouvent,  soit  dans  notre  Gode,  soit  aussi  dans  la  loi  du  20  avril  1810. 

Le  projet  du  Gode  criminel  avait  tenté  d'établir  en  France  pour  la  tenue 
des  assises,  un  système  très-analogue  à  celui  des  assises  anglaises.  On  pro- 
posait^ tout  en  conservant  dans  chaque  département  les  cours  ou  les  tribu- 
naux criminels  qui  s'y  trouvaient  alors  établis,  d'avoir  en  outre,  pour 
toute  la  France,  un  certain  nombre  de  magistrats  criminels  d'un  ordre  supé- 
rieur, auxquels  on  donnait  le  nom  de  prétbubs.  On  proposa  d'instituer  ces 
préteurs  dans  un  nombre  que  le  projet  ne  déterminait  pas,  mais  qui  devait 

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DIT  JURY  BT  DE  SA   G0HP06ITI0N  (aRT.    382).  685 

être  fort  inférieur  à  celui  des  départements.  Chaque  préteur  aurait  reçu  plu- 
sieurs fois  par  an  la  mission  d'aller  présider  les  cours  criminelles  et  tenir 
les  assises  dans  un  certain  nombre  de  départements.  En  deux  mots,  c'était 
de  réunir  un  nombre  plus  ou  moins  grand  de  départements  en  des  espèces 
de  circuits,  et  de  conférer,  pour  chaque  semestre  ou  pour  chaque  trimestre, 
à  chaque  préteur,  le  droit  d'aller  présider  les  assises  dans  les  divers  circuits. 

Cette  proposition  avait  pour  but  de  remédier  à  un  inconvénient  fort  sen- 
sible, c'était  l'état  d'affaiblissement,  de  considération  dans  lequel  était  tombée 
l'administration  de  la  justice  pénale.  On  espérait  qu'en  concentrant  Texercice 
de  la  justice,  en  confiant  la  présidence  des  assises  à  des  magistrats  supérieurs 
et  étrangers  à  chaque  localité,  on  donnerait  à  la  justice  à  la  fois  et  plus  de 
solennité  et  en  même  temps  plus  de  force. 

Lorsque  cette  nouvelle  institution  fut  présentée  au  conseil  d'État,  vous 
savez  tous  qu'une  question  bien  plus  grave  y  fut  soulevée,  celle  de  savoir  si 
Ton  conserverait  le  jugement  môme  par  jurés.  Cette  question  fut  longtemps 
discatée,  et  devint  même  l'objet  de  plusieurs  débats,  après  avoir  été  décidée 
plusieurs  fois  affirmativement.  Dans  le  cours  même  de  ces  discussions  il  fut 
proposé  une  marche  toute  nouvelle,  qui  tendait  à  supprimer  l'intervention 
des  préteurs  et  en  même  temps  celle  des  tribunaux  criminels.  L'empereur 
proposa  de  supprimer  les  tribunaux  criminels  dans  chaque  département,  de 
confier  aux  cours  d'appel  l'exercice  de  la  justice  criminelle  et  de  la  justice 
civile;  et  d'autre  part,  comme  il  fallait  combiner  avec  l'institution  du  jury, 
qu'on  avait  définitivement  admise,  la  réunion  dans  la  même  main  de  la  jus* 
tice  criminelle  et  de  la  justice  civile,  on  décida  que  chacun  de  ces  grands  corps 
judiciaires,  qu'on  allait  constituer  sous  le  nom  de  cours  impériales,  délégue- 
rait, à  diverses  époques  de  l'année,  un  certain  nombre  de  ses  membres  pour 
aller  tenir  les  assises  des  départements  de  son  ressort.  Ainsi,  sans  établir  sur 
ce  point  une  centralisation  complète»  sans  vouloir  que  les  assises  se  tinssent 
au  chef-lieu  de  chaque  cour  impériale,  ce  qui  eût  entraîné  d'énormes  dépla* 
céments  pour  les  témoins  et  pour  les  juges,  ce  qui  d'ailleurs  aurait  eu  le  dan- 
ger de  mettre  le  châtiment  trop  loin  du  lieu  oiL  le  crime  avait  été  commis,  on 
voulut  que  les  sessions  des  assises  eussent  lieu,  comme  par  le  passé,  dans  le 
chef-lieu,  soit  administratif,  soit  au  moins  judiciaire,  de  chaque  département. 
£a  un  mot,  on  voulut  qu'il  y  eût  des  assises  dans  chacun  des  départements, 
mais  que  ces  assises  fussent  tenues  par  des  délégués  d'un  corps  puissant  par 
le  nombre  et  la  considération  de  ses  membres,  et  principalement  par  Tautorité 
dont  on  sentait  le  besoin  de  l'investir. 

Ces  idées  furent  admises  et  organisées  par  la  loi  du  20  avril  1810  et  le  décret 
du  6  juillet  suivant 

D'a^Hrès  le  Code  d'instruction  criminelle,  art.  251  et  259,  il  est  tenu,  dans 
chaque  département,  des  assises  de  trois  mois  en  trois  mois  au  moins. 

Les  assises,  qui  se  tiennent  en  général  au  chef«lieu  de  département,  se 
tiennent  plus  exactement  dans  les  lieux  où  siégeaient,  avant  181i,  les  cours 
ou  les  tribunaux  criminels.  Ainsi,  à  l'art.  258  doit  se  joindre  l'art.  17  de  la  loi 
du  20  avril  1810.  J'ai  cité  l'exemple  de  Châlons,  de  Saint-Omer,  qui,  sans 
être  chefs'lieux  de  département,  sont  cependant  des  endroits  oii  se  tiennent 
les  cours  d'assises. 


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686  TRENTE-HUIT.   LEÇON.  •—  DBS  COURS  d'ASSISES  (n^  746). 

Ces  assises,  sont  présidées,  dans  toasles  départements,  par  an  conseiller  de 
la  cour  da  ressort.  Ge  conseiller  est  choisi,  soit  par  le  ministre  de  la  justice, 
soit,  quand  le  ministre  de  la  justice  n*a  pas  fait  cette  désignation  dans  un  certain 
délai,  par  le  premier  président  de  la  cour  dans  le  ressort  de  lacpielle  doivent  se 
tenir  les  assises. 

Le  conseiller  présidant  les  assises  devait  avoir,  d'après  le  CSode,  quatre 
assesseurs,  savoir,  dans  le  lieu  où  siégeait  la  cour,  quatre  conseillers  de  cette 
même  cour,  et,  dans  les  autres  départements  du  ressort,  quatre  juges  du 
tribunal  d'arrondissement  dans  le  chef-lieu  duquel  se  tiendraient  les  assises. 
Dans  tous  les  cas,  ces  quatre  juges  ou  ces  quatre  conseillers,  nommés  pour 
former  la  cour  d'assises  conjointement  avec  le  président,  étaient  choisis,  ou 
par  le  ministre  de  la  justice,  ou,  à  son  défaut,  par  le  premier  président  de  la 
cour. 

C'est  quant  à  ce  nombre  qu'il  y  a  eu  un  changement  :  la  loi  du  4  mars  1831, 
tout  en  conservant  la  distinction  ancienne  entre  les  assises  tenues  aux  chefs- 
lieux  de  cours  ou  dans  les  autres  villes,  a  voulu  que  les  assises  ne  fussent  plus 
composées  que  de  trois  conseillers  dont  Tun  président,  ou  que  d'un  conseiller 
et  de  deux  juges.  Du  reste,  ces  membres  de  la  cour  d'assises  sont  toujours 
nommés  comme  par  le  passé,  soit  par  le  ministre  de  la  justice,  soit,  à  son  dé- 
faut, par  le  président  de  la  cour. 

A  cette  composition  doit  s'ajouter  le  procureur  général  ou  l'un  de  ses  sub- 
stituts, quand  les  assises  se  tiennent  au  chef-lieu  de  la  cour;  ou  au  contraire, 
le  procureur  de  la  République  ou  l'un  de  ses  substituts,  quand  ce  n'est  pas 
dans  le  chef-lieu  de  la  cour.  Dans  les  art.  252  et  253  vous  verrez  toutes  ces  dif- 
férences. 

Enfin,  il  faut  encore  ajouter  à  cette  composition  le  greffier,  soit  de  la  cour, 
soit  du  tribunal  où  siège  la  cour  d'assises. 

Voilà  le  système  établi,  quant  à  la  composition  même  de  la  cour  d'assises, 
dans  la  loi  de  1810;  il  est  fort  simple. 

746.  Maintenant,  ce  qui  est  plus  important  à  examiner  séparément,  c'est  la 
formation,  la  composition  même  du  jury.  Ici  nous  allons  trouver  un  point  de 
vue  tout  à  fait  opposé  à  celui  qui  avait  entraîné  un  peu  trop  loin  peut-être 
l'Assemblée  constituante.  ▼ 

Le  Code  d'instruction  criminelle,  le  Gode  de  1808,  dans  son  art.  382,  déter- 
minait, dans  sept  paragraphes,  quelles  étaient  les  personnes  ayant  qualité  pour 
les  fonctions  des  jurés.  Sans  nous  appesantir  sur  les  détails  de  capacité  de  cet 
article,  il  est  bon  de  noter  deux  paragraphes  très-remarquables  qui  rangent 
parmi  les  personnes  aptes  à  être  jurés,  certains  employés  ou  fonctionnaires 
civils,  à  raison  de  leur  seule  qualité.  Ainsi,  dans  l'art.  382,  §  3,  vous  voyez 
figurer  des  fonctionnaires  de  l'ordre  administratif,  et  surtout  dans  le  ^  7, 
ainsi  conçu  :  c  Parmi  les  employés  des  administrations  jouissant  d'un  traite- 
ment de  4,000  fr.  au  moins.  »  Cette  dernière  disposition  était  déjà  d'une  sin- 
gulière bizarrerie.  En  effet,  si  le  jugement  par  jurés  n'est  autre  chose  qu'une 
garantie  d'indépendance  complète  de  la  part  des  personnes  auxquelles  on  confie 
l'administration  de  la  justice  pénale,  il  est  singulier  que  le  titre  môme  d'em- 
ployé jouissant  d'un  certain  traitement  soit  par  lui-même  une  cause  d'aptitude 
à  figurer  dans  la  liste  des  jurés.  C'était  déjà  J'annonce  d'une  marche  tout  à  fait 

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DU  JURY  ET  DE  SA  COMPOSITION  (aRT.    38î).  687 

contraire  à  celle  de  FAssemblée  constituante.  Cette  idée  consiste  à  donner  an 
ponvoir  exécutif  le  droit  de  créer  des  aptitudes  à  figurer  sur  la  liste  du  jury. 

Du  reste,  ce  point  importe  assez  peu  en  présence  des  règles  bien  autrement 
Importantes  que  consacraient  les  articles  suivants. 

D'abord,  quand  une  loi,  s'occupant  du  jury,  comme  s'occupant  de  Télection 
ou  de  tout  autre  droit  politique,  quand  une  loi  détermine  les  conditions  aux- 
quelles sera  attaché  Texercice  de  ce  droit  politique,  la  conséquence  naturelle 
que  ces  conditions  soient  bien  ou  mal  choisies,  la  conséquence  naturelle 
à  tirer,  c'est,  d'une  part,  que  toutes  les  personnes  qui  réunissent  ces  qualités 
pourront  être  aptes  à  exercer  la  fonction  attachée  à  ces  qualités  ;  c'est,  d'autre 
part,  que  toutes  les  personnes  en  qui  ces  conditions  ne  concourent  pas  seront 
inhabiles  à  exercer  le  droit  conféré.  Eh  bien,  d'abord,  quant  au  second  point 
de  yue,  il  paraît  tout  à  fait  confirmé  par  les  derniers  mots  de  l'art.  382  qui 
s'exprime  ainsi  :  c  Aucun  juré  ne  pourra  être  pris  que  parmi  les  citoyens 
sus-désignés,  sauf,  toutefois,  ce  qui  est  dit  art.  386.  »  Mais  cette  règle,  qui 
serait  bien  inutile,  si  elle  était  une  règle,  n'est  précisément  écrite  à  la  fin  de 
l'art.  382  que  pour  amener  une  exception  qui  la  détruit.  On  vient  de  dire, 
dans  sept  paragraphes  de  l'art.  382,  les  différentes  conditions  exigées  pour 
être  juré,  de  là  la  conclusion  naturelle  que  hors  de  tes  conditions  on  ne 
pourra  pas  l'être.  Eh  bien,  cependant  vient  une  exception,  c*est  que  tout 
citoyen  pourra  demander  au  préfet  et  obtenir  de  l'administration  la  faveur 
d'être  inscrit  sur  les  listes  du  jury,  sans  remplir  ces  conditions. 

Ainsi,  voilà  d'abord  les  règles  bonnes  ou  mauvaises  de  l'art.  382  violées 
en  ce  sens  qu'en  dehors  de  toutes  les  capacités  indiquées  dans  cet  article  on 
pourra,  sur  la  simple  demande,  et  en  vertu  d'une  autorisation  uniquement 
administrative,  être  admis  à  figurer  sur  les  listes  du  jury. 

Quant  à  l'autre  idée,  qui  consisterait  à  dire  que  tout  citoyen  jouissant  des 
conditions  voulues  par  la  loi  doit  avoir  l'espoir,  la  chance  d'être  appelé,  à  tour 
de  rôle,  sur  les  listes  du  jury,  elle  se  trouve  également  démentie  par  l'ar- 
ticle 387.  En  effet,  sur  cette  liste  générale  formée  en  vertu  de  l'art  382,  et 
comprenant  toutes  les  personnes  indiquées  dans  cet  article,  le  préfet  de  chaque 
département  devait,  d'après  l'art.  387,  dresser  une  liste  de  soixante  personnes 
destinées  à  remplir  à  chaque  session  les  fonctions  de  jurés.  Or,  il  est  clair 
que,  quand  sur  une  immense  quantité  de  personnes  capables,  on  cbnfère  à 
un  fonctionnaire  le  droit  de  choisir,  sans  contrôle,  un  petit  nombre  de  per- 
sonnes, c'est-à-dire  soixante  sur  quelques  centaines  ou  peut-être  quelques 
milliers,  on  rend  illusoires  toutes  les  conditions  de  capacité  de  l'art.  382. 

Ainsi,  quoique  l'art.  382  du  Gode  impérial  déterminât,  d'une  manière  posi- 
tive en  apparence,  à  quelles  conditions,  à  quelles  qualités  seraient  attachés 
le  titre  et  les  devoirs  de  juré,  il  faut  noter,  d'une  part,  que  cet  article  n'a  rien 
de  limitatif,  parce  que  l'art.  386  permettait  de  placer  sur  les  listes,  dans  un 
nombre  illimité,  des  personnes  étrangères  aux  conditions  de  l'art.  382,  et 
d'autre  part,  parce  que  même  parmi  les  personnes  réunissant  les  conditions 
requises,  l'administration  était  libre  dechoisir  ou  d'exclure  qui  bon  lui  semblait. 

Voilà  le  point  de  départ  de  la  composition  da  jury.  Mais  il  y  a  plus,  pour 
bien  sentir  jusqu'à  quel  point  l'institution  telle  que  nous  l'avons  présentée 
avait  été  dénaturée  dans  ce  chapitre  du  Gode,  il  est  bon  d'analyser. l'art.  387 

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688  TRENTB-HUIT.  LSÇON.  —  DBS   COURS  D*A8SISE6  (n*^  746). 

presque  moi  pour  mot.  Dans  les  diverses  dispositions  dont  se  compose  cet 
article,  vous  n'en  trouverez  pas  une  qui  ne  soit  à  peu  près  destructive  de  tout 
système  de  jugement  par  jurés. 

D*abord,  j*ai  déjà  dit  qu'extraire  un  nombre  de  soixante  personnes  de  quel* 
ques  milliers  de  capacités,  c'est  se  réserver  la  liberté  de  faire  acception  des 
préventions,  des  amitiés,  des  haines,  des  inimitiés,  en  un  mot  le  droit  de  faire 
acception  d'une  foule  d'idées  qui  doivent  rester  étrangères  à  la  confection  des 
listes.  Ghosir  soixante  personnes  sur  deux  mille,  c'est  en  vérité  choisir  des 
juges,  c'est  colorer  du  nom  de  jugement  par  jurés  un  jugement  par  commis- 
saires. 

En  second  lieu,  à  qui  appartient  ce  pouvoir?  est-ce  conune  en  Angleterre, 
à  un  shérif,  c'est-à-dire  à  un  magistrat  annuel,  gratuit,  non  rééligible  ?  C'est, 
au  contraire,  à  un  magistrat  permanent,  mais  révocable,  à  un  magistrat 
salarié,  et  dans  une  position  tout  à  fait  différente  de  celle  du  shérii  anglais. 
Cette  extraction  d'une  liste  particulière  sur  la  liste  générale,  extraction  confiée 
au  préfet,  se  trouve  bien  encore  dans^le  système  qui  a  succédé  à  celui-là;  mais, 
quoiqu'on  puisse,  à  la  rigueur,  critiquer,  môme  dans  ce  système,  elle  s'y 
retrouve  avec  des  conditions  de  nombre  telles,  que  l'inconvénient  se  réduit 
presque  à  un  vice  de  théorie  plutôt  qu'à  un  vice  de  pratique. 

Poursuivons.  La  loi  vous  dit  que  le  choix  de  soixante  sera  fait  non  pas  sur 
la  hste  générale,  car  on  n'exigeait  pas  qu'il  en  fût  dressé,  mais  que  ce  choix 
sera  fait  par  le  préfet.  A  quelle  époque  ?  Dans  les  quinze  jours  qui  précéderont 
l'ouverture  de  la  session  ;  c'est-à-dire  à  une  époque  où  l'on  connaît  d'avance 
et  pertinemment  quelles  affaires  seront  portées  devant  les  assises,  et  quelles 
personnes  y  seront  traduites.  Nouvel  inconvénient,  qui  est  immense,  facilité 
de  créer  u^e  liste  selon  la  nature  des  causes  et  la  qualité  lavorable  ou  défavo- 
rable des  personnes. 

Ce  n'est  pas  tout  :  la  liste  de  soixante  ainsi  faite  par  un  fonctionnaire 
dépendant,  et  faite  en  pleine  connaissance  des  affaires  et  des  personnes  pour 
lesquelles  elle  était  dressée,  est  envoyée  par  ce  fonctionnaire  au  ministère  de 
la  justice  et  au  président  de  la  cour  d'assises,  art.  388,  et  ce  président  de  la 
cour  d'assises  doit  immédiatement  réduire  cette  liste  de  soixante  à  trente-six; 
c'est-à-dire  que  sur  la  liste  de  soixante,  déjà  dressée  librement  par  le  préfet, 
le  président  peut  lui-même  retrancher  vingt-quatre  membres.  Or,  à  cette 
époque  la  magistrature  n'était  pas  encore  inamovible.  C'était  donc,  après  avoir 
confié  la  discrétion  la  plus  absolue,  quant  à  la  formation  de  la  liste,  à  un 
agent  de  l'autorité,  que  l'on  conférait  à  un  second  agent,  revêtu,  il  est  vrai, 
d'un  Utre  judiciaire,  un  second  pouvoir  d'élimination  sur  cette  liste  de 
soixante. 

Maintenant  cette  liste  de  soixante,  la  voilà  réduite  à  trente-six.  Eh  bien, 
sur  cette  liste  de  trente-six  seront  encore  exercées,  avant  l'ouverture  des 
débats,  d'après  l'art.  401,  les  récusations  du  ministère  public  et  de  l'accusé; 
c'est-à-dire  que  sur  cette  liste  de  trente-six  le  ministère  public  pourrait  encore 
en  récuser  douze,  et  réduire  oette  liste  à  vingt-quatre.  En  sorte  que,  sur  ce 
nombre  immense  de  personnes  aptes  à  être  jurés,  l'autorité  publique  choisit 
en  dernier  résultat  vingt-quatre  jurés,  parmi  lesquels  l'accusé  pourra  en  récu- 
^r  douze* 


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DU   JURY  ET  DB  SA  GOICPOSITION  (aRT.  382).  689 

Il  Mt  impossible  de  choisir  un  système  pins  opposé  à  tonte  idée  de  jury  de 
jugement  indépendant,  impartial,  et  surtout  réputé  tel,  que  celui  que  Pon  avait 
adopté  dans  le  Gode  de  1808. 

Ajoutez  encore  la  disposition  de  l'art.  394,  d'après  lequel  la  notification  de 
la  liste  des  trente-six  jurés,  si  importante  pour  l'accusé  à  raison  des  récusa- 
tions qu'il  peut  avoir  intérêt  d'exercer,  ne  peut  se  faire,  à  peine  de  nullité, 
que  la  veille  au  plus  tôt  de  Touverture  des  débats;  c*e8t*>à-dire  que  l'accusé, 
si  intéressé  sous  le  système  impérial  à  récuser,  l'accusé  n'avait  que  quel- 
ques heures,  entre  la  notification  de  la  liste  et  l'instant  où  s'ouvraient  les 
débats,  afin  de  prendre  les  renseignements  nécessaires  pour  pratiquer  ses 
récusations.  Cet  article  est  encore  en  vigueur,  mais  son  inconvénient  est  à  peu 
près  réduit  à  rien,  parce  que  maintenant  la  liste  des  jurés,  se  tirant  à  l'au- 
dience publique  de  la  cour  dix  jours  au  moins  avant  Touverture  des  assises, 
on  connaît  longtemps  à  l'avance,  ne  fût-ce  que  par  les  journaax,  les  noms 
des  jurés  qui  doivent  prendre  part  à  la  session.  Cette  publicité  rend  la  dis- 
position de  l'art.  395  insignifiante  et  par  là  môme  beaucoup  moins  dange- 
reuse. 

En  résumé  :  dans  le  système  du  Gode  de  1808,  formation  d^une  liste  de 
soixante  par  le  préfet,  peu  de  jours  avant  l'ouverture  des  débats,  réduite 
ensuite  à  trente-six,  sur  lesquels  les  jurés  qui  devaient  siéger  se  tiraient  au 
sort. 

Ge  système  a  été  complètement  réformé  par  la  loi  du  î  mai  1827,  et  rem- 
placé ultérieurement  par  les  lois  des  7  août  1848  et  4  juin  1853,  qui  seront 
expliquées  dans  notre  prochaine  leçon. 

TRENTE-NEUVIÈME   lEÇON. 

747.  L'art.  65  de  la  Charte  de  1814,  reproduit  dans  la  Charte  de  1830,  sous 
le  n^  56,  s'exprimait  ainsi  relativement  au  jury  :  «  L'institution  des  jurés  est 
conservée.  Les  changements  qu'une  plus  longue  expérience  ferait  juger  néces- 
saires ne  peuvent  être  effectués  que  par  une  loi.  >  Ainsi,  en  conservant  en  1814 
le  principe  de  l'institution  des  jugements  parjurés,  écrit  dans  les  Godes  main- 
tenus par  la  môme  Charte,  on  annonçait  comme  éventuels,  comme  possibles 
les  changements  dont  plus  tard  Texpérience  démontrerait  la  nécessité  :  or,  il 
n'était  pas  besoin  d'une  bien  longue  expérience  pour  s'apercevoir  qu'il  n'exis- 
tait, sous  le  nom  de  jury,  dans  le  Gode  de  180^  qu'une  institution  tout  à  fait 
étrangère  aux  idées  fondamentales  du  jugement  par  jurés.  Aussi,  sans  parler 
ici  de  quelques  changements  de  détail  opérés  dans  la  matière  du  jury  dans 
l'intervalle  de  1814  à  1827,  passerons-nous  immédiatement  à  la  loi  du  2  mai 
1827,  qui  a,  je  ne  dirai  pas  corrigé,  amélioré;  mais,  pour  être  plus  exact,  qui 
a  fait  réellement  revivre  en  France  Tinstitution  du  jury,  qui  n'existait  que  de 
nom  dans  le  Gode  impérial. 

Cette  loi  du  2  mai  1827  s'est  écartée  des  règles  tracées  dans  le  Gode  impérial  et 
exposées  dans  la  dernière  leçon,  1<>  en  ce  qui  touche  les  conditions  d'aptitude 
nécessaires  pour  siéger  dans  le  jury;  2<»  ce  qui  est  plus  important,  en  ce  qui 
touche  la  composition,  la  rédaction  des  listes  qui  tendent  à  composer  le  jury. 
C'est  de  ces  deux  pointSi  et  notamment  du  dernier,  que  nous   allons  nous 

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690  TRENTB-NBUV.   LEÇON.  —  DBS  COURS  D*A8SI8B8  (n^  748). 

occuper.  Je  vous  avertis  seulement  que  cette  loi,  votée  d'abord  comme  loi  iso- 
lée, a  depuis  pris  place  dans  le  Gode,  où  elle  a  été  textuellement  insérée  lors 
de  la  révision  et  de  la  publication  nouvelle  qui  ont  eu  lieu  en  1832. 

De  plus,  des  changements  postérieurs  à  la  loi  de  1827  ont  été  apportés 
encore  depuis  1830,  soit  à  Tinstitution  ou  à  l'organisation  du  jury,  soit  aux 
règles  de  procédure  qui  concernent  la  manière  de  voter,  et  notamment  la  ma- 
jorité à  laquelle  le  jury  décide.  Nous  les  ferons  connaître  tout  à  Theure. 

748.  Dans  les  art.  381  et  suivants  vous  trouverez  Tindication  des  conditions 
nécessaires  pour  siéger  dans  un  jury.  D'après  Tart.  381,  la  première  de  ces 
conditions  est  Tâge  de  trente  ans  et  la  jouissance  des  droits  civils  et  des  droits 
politiques.  D'après  Fart.  382,  ce  sont  des  conditions  qui  ne  doivent  pas  con- 
courir, mais  dont  Tune  isolément  suffit  pour  donner  à  celui  qui  la  possède  la 
qnalité  de  juré. 

Dans  le  système  de  la  loi  du  2  mai  1827,  doivent  figurer  dans  la  liste  per- 
manente du  jury,  en  première  ligne,  tous  les  électeurs.  La  qualité  d'électeur 
dépendant  de  la  quotité  du  cens  est  Tune  des  conditions,  la  condition  la  plus 
ordinaire  qui  rend  apte  à  siéger  dans  le  jury.  Cette  qualité,  insérée  dans  la  loi 
de  1827,  répétée  dans  la  révision  de  1832,  a  eu  depuis  beaucoup  plus  d'éten- 
due, beaucoup  plus  de  portée  qu'en  1827.  En  e£fet,  le  cens  électoral  fixé  à 
300  fr.  a  été  abaissé  à  200  par  la  loi  du  29  avril  1831,  art.  1»;  et  il  est  clair 
que  cette  innovation  a  réagi  sur  la  matière  du  jury,  et  qu*en  conséquence  le 
paragraphe  2  de  l'art.  382  avait  pris  infiniment  plus  d'étendue  depuis  la  loi  de 
1831,  qu'il  n'en  avait  sous  l'empire  de  la  loi  de  1827. 

Dans  les  paragraphes  suivants  de  l'art.  382  figuraient  de  nouvelles  catégo- 
ries de  personnes  appelées  à  figurer  sur  la  liste  générale  du  jury. 

C'étaient,  d'abord  les  électeurs  ayant  leur  domicile  réel  dans  le  département, 
mais  leur  domicile  politique  dans  un  autre;  nous  reviendrons  plus  tard  sur  ce 
point  en  parlant  de  la  formation  des  listes. 

Venaient  ensuite,  à  part  toutes  conditions  de  cens  électoral,  les  personnes 
des  qualités  désignées  dans  les  n«s  2,  3,  4  et  5  du  paragraphe  3;  passons-les 
rapidement  en  revue  :  •  i^  Les  fonctionnaires  publics  nommés  par  le  roi  et 
exerçant  des  fonctions  ora^tuites.  •  Vous  trouvez  «ci  un  changement  assez 
notable  à  l'^ancien  système.  Si,  en  effet,  on  admet  encore  dans  le  jury,  à  raison 
de  leur  seule  qualité,  des  fonctionnaires  publics  à  la  nomination  du  roi,  on  en 
écarte  tous  les  fonctionnaires  salariés,  on  les  écarte  en  ce  sens  du  moins  que 
leur  qualité  de  fonctionnaires'  publics  ou  la  quotité  de  leur  traitement  ne 
seront  jamais  un  titre  pour  figurer  sur  la  liste  du  jury.  Au  reste,  cette  classe 
de  fonctionnaires  publics  est  maintenant  assez  peu  nombreuse;  elle  l'était 
plus  avant  les  lois  toutes  récentes  qui  ont  attribué  à  certains  électeurs  le 
droit  de  nommer  soit  les  conseillers  généraux  de  département,  soit  les  con- 
seillers d'arrondissement,  soit  enfin  les  conseillers  municipaux.  Ces  fonctions, 
qui  en  1827  étaient  à  la  nomination  du  roi,  et  rentraient  en  conséquence  dans 
notre  texte,  sont  maintenant  électives  et  en  dehors  de  l'art.  382.  Mais  le  texte 
s'applique  encore  aux  maires,  au  moins  dans  les  communes  oii  la  populatioa 
est  assez  forte  pour  que  la  loi  réserve  au  président  de  la  République  le  droit 
'  n  nomination  directe. 


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DU  JURT  ET  DB  SA  COMPOSITION  (aRT.  382).  691 

A  Fégftrd  des  fonctionnaires  chargés  d'intérêts  collectifs  qui  ne  sont  pas  les 
intérêts  de  TËtat,  ces  fonctionnaires,  bien  que  nommés  par  le  gonvemement» 
ne  sont  pas  compris  dans  les  termes  de  Tart.  382.  Tels  seraient  les  adminis- 
trateurs d'hospices  et  d'établissements  publics,  ce  n'est  pas  l'hypothèse  de 
l'art.  382. 

Dans  le  n*  3  étaient  déclarés  aptes  à  être  jurés  les  officiers  des  armées  de 
terre  et  de  mer  en  retraite.  Mais  on  subordonnait  cette  aptitude  à  une  double 
condition  ;  on  exigeait  :  !<>  une  pension  de  retraite  d'un  chiffre  assez  élevé  pour 
faire  penser  que  l'obligation  d'aller  figurer  comme  juré  ne  serait  pas  trop  oné- 
reuse à  l'officier  en  retraite;  2<»  un  certain  séjour,  une  espèce  de  stage  dans 
le  département;  ce  séjour  est  de  cinq  ans,  pour  s'assurer,  d'abord  qu'il  est  à 
poste  fixe  dans  le  département,  et  aussi  pour  s'assurer,  et  Vest  le  principal 
motif,  qu'il  a  repris  pendant  assez  longtemps  les  habitudes  de  la  vie  civile  pour 
avoir  perdu  les  habitudes  de  la  vie  passive  qu'il  a  pu  contracter  dans  le  séjour 
des  camps. 

Venaient  ensuite  les  docteurs  etlicenciés  de  Tune  des^quatre  facultés  de  droit, 
de  médecine,  des  sciences  et  des  belles-lettres  ;  des  membres  et  correspondants 
de  l'Institut  et  autres  sociétés  savantes  reconnues  par  le  gouvernement.  £t  pour 
quelques-uns  d'eux  à  leur  qualité  devaient  se  joindre  dix  ans  de  domicile  réel 
dans  le  département,  ou  au  moins  l'insertion  sur  le  tableau  des  avocats  et 
autres  conditions  du  même  genre. 

Enfin  arrivaient  les  notaires  qui  ont  exercé  pendant  trois  ans. 

Voilà  la  partie  la  plus  facile  des  innovations  apportées  par  la  loi  de  1827  à 
la  composition  du  jury,  aux  conditions  nécessaires  pour  figurer  sur  les  listes. 

749.  Un  point  de  beaucoup  plus  important,  auquel  noas  devons  nous  atta- 
cher, forme  la  matière  de  tous  les  autres  articles  de  cette  loi,  je  veux  parler  de 
la  composition  des  listes. 

Vous  vous  rappelez  d'abord  qu'avant  cette  loi  aucune  liste  générale  ne  de- 
vait être  dressée  de  tous  les  individus  qui,  dans  le  département,  réunissaient 
les  qualités  voulues  pour  être  électeurs.  Si  cette  liste  existait,  ce  qui,  dans  la 
pratique,  pouvait  être  plus  commode,  la  loi  n'imposait  aucune  obligation  de 
la  rectifier,  de  la  renouveler,  de  la  remanier  périodiquement  ;  elle  ne  confé- 
rait, d'ailleurs,aux  personnes  appelées  à  y  figurer,  aucun  droit  de  réclamer  dans 
le  cas  d'omission,  parce  que  ces  registres  n'avaient  rien  de  public.  Ainsi,  avant 
1827,  le  préfet  de  chaque  département  choisissait,  sur  une  liste  complète  ou 
incomplète,  récemment  ou  anciennement  rédigée,  des  personnes  du  départe 
ment  présentant  les  qualités  voulues  ;  choisissait  les  soixante  noms  qui  subis- 
saient ensuite  l'élimination  de  vingt-quatre  par  le  président  de  la  cour  d'as 
sises. 

Au  contraire,  le  principe  de  la  loi  de  1827  est  la  permanence,  est  la  publicité 
d'une  liste  générale  indiquant  toutes  les  personnes  qui,  dans  le  département, 
ont  qualité,  d'après  l'art.  382,  pour  exercer  les  fonctions  de  jurés. 

Dans  ce  système  on  trouve  :  i^  Rédaction  d'une  liste  générale  permanente, 
publique,  remaniée  périodiquement  et  comprenant  toutes  les  personnes  dont 
l'articie  382  a  désigné  les  qualités  ;  nous  verrons  tout  à  l'heure  comment  se 
forme  cette  liste. 

2*  liste  annuelle  de  servicei  destinée  à  indiquer  dans  cette  liste  générale, 

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692  TRENTB-NBUV.  LBGON.  —  DES  COURS  d'a88ISBS  (M*  750). 

dont  nous  venons  de  parler,  quelles  personnes  pourront  être  appelées  chaque 
année  à  remplir  effectivement  les  fonctions  de  jurés  ; 

3«  liste  de  session^  extraite  de  la  liste  de  service»  dans  les  formes  que  nous 
verrons  également  ; 

i^  Enfin,  liste  de  jugement,  si  on  peut  l'appeler  ainsi,  ne  comprenant  que 
les  noms  des  doute  jurés  qui  doivent  prendre  part  à  telle  on  telle  affaire* 

n  faut  nous  attacher  à  la  formation  de  ces  quatre  listes. 

7S0.  La  loi  du  2  mai  1327  n'a  guère  fait  que  renvoyer,  pour  la  formation  de 
ces  listes,  à  la  loi  du  29  juin  1S20,  à  celle  dn  5  février  1817.  Cette  loi  du  29  juin 
1820  a  indiqué  dans  qn&lle  forme,  à  quelle  époque,  et  par  quels  fonctionnaires 
devraient  être  rédigées  les  listes  électorales  relatives  à  chaque  département. 
En  1827,  voulant  faire  servir,  comme  nous  le  verrons  [dus  tard,  la  liste  électo- 
rale à  un  double  but,  voulant  qu'elle  servît  à  la  fois  et  de  liste  électorale  et  de 
liste  du  jury,  on  renvoya  pour  la  formation  des  listes  permanentes  du  jury  aux 
règles  tracées  pour  la  formation  des  listes  électorales  dans  la  loi  du  20  jidn  1820. 
Oela  était  fort  raisonnable,  car  les  personnes  appelées  à  figurer  sur  la  première 
partie  de  la  liste  du  jury  étant  précisément  les  électeurs  du  département,  il 
était  tout  simple  qu'une  seule  et  même  liste,  dressée  par  les  fonctionnaires 
indiqués  en.matière  électorale,  servit  à  la  fois  et  pour  convoquer  les  électeurs 
et  pour  prendre  parmi  eux  les  jurés.  Mais  lorsqu'on  1832  on  inséra  dans  le 
Gode  cette  loi  de  1827,  il  est  étrange  qu'on  y  ait  répété  le  renvoi  très-raison- 
nable qu'elle  faisait  à  la  loi  de  1820.  La  loi  de  1827  se  référait,  pour  le  jury, 
aux  règles  électorales  de  la  loi  de  1820,  parce  qu'alors  cette  loi  était  en  pleine 
vigueur  pour  les  listes  électorales.  Mais  depuis,  en  1828  et  notamment  en  1831 , 
des  lois  toutes  nouvelles  ont  déterminé  les  formes  dans  lesquelles  se  rédi- 
geraient les  listes  électorales.  La  loi  qui  alors  était  en  pleine  et  entière 
vigueur  pour  rédiger  les  listes  électorales,  ce  n'est  plus  la  loi  du  29  juin  1820, 
c'est  la  loi  du  19  avril  1831,  dont  nous  allons  tout  à  l'heure  donner  une  analyse, 
Ainsi,  ce  ne  peut  être  que  par  inadvertance  que  dans  le  paragraphe  3  de  Tar- 
ticle  382  on  renvoie,  pour  la  rédaction  des  listes  du  jury,  à  la  loi  de  1820;  ce 
renvoi  était  bon  dans  la  rédaction  primitive  de  la  loi  de  1827,  on  aurait  dû  le 
rectifier  en  transportant  la  loi  de  1827,  dans  l'édition  du  Gode  de  1832,  puis- 
qu'alors  la  loi  de  1820  n^existait  plus. 

Nous  devons  donc  dire  que  la  première  partie  de  la  liste  générale  dn  jury, 
n*étant  guère  autre  chose  que  la  liste  des  électeurs  du  département,  était  faite 
dans  les  formes,  aux  époques,  et  par  les  fonctionnaires  désignés  dans  la  loi  du 
19  avril  1831. 

Quels  étaient  ces  formes,  ces  époques,  ces  fonctionnaires  ?  Le  voici  en  peu  de 
mots: 

La  liste  générale  du  jury,  qui  est  en  même  temps  la  liste  des  électeurs,  est, 
vous  ai-je  dit,  permanente  et  publique.  Mais,  bien  qu'elle  soit  permanente,  il 
est  nécessaire  que  tous  les  ans  e  lie  soit  remaniée,  et  cela  dans  deux  objets  : 
1^  pour  effacer  chaque  année  de  la  liste  générale  toutes  les  personnes  qui  de- 
puis  l'année  dernière  auront  perdu  les  qualités  nécessaires  pour  siéger  dans  le 
jury  ;  2«  à  Tinverse,  pour  insérer  sur  la  liste  de  l'année  toutes  les  personnes 
non  comprises  dans  la  liste  pré  cédeute,  mais  qui  depuis  cette  époque  auron 

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DU  JURY  BT  DE  SA  COMPOSITfOlf  (arT.  382).  693 

acquit  les  qualités  et  ûiit  les  justificatioas  néoessaires  pour  y  figurer.  Aussi,  du 
i*r  au  iO  juin  de  chaque  année,  les  maires  de  toutes  les  communes  devaient  se 
réunir  au  chef-lieu  de  canton,  sous  la  présidence  du  maire  de  la  commune 
chef-lieu  de  canton.  Le  bot  de  cette  réunion  des  maires,  de  cette  réunion  des 
magistrats  locaux  était  de  réviser  la  liste  de  l'année  précédente,  non  pas  à  l'effet 
d'y  opérer  immédiatement  et  par  eux-mêmes  tous  les  changements  nécessaires, 
mais  à  l'effet  d'indiquer  à  l'autorité  supérieure  quels  changements  devront  être 
faits  dans  la  commune  de  chacun  d'eux,  soit  par  la  Toîe  de  retranchement, 
soit,  au  contraire,  par  la  Yoie  d'addition. 

Ge  travail  préparatoire  était  fait  par  les  magistrats  locaux,  par  les  maires, 
réunis  au  ehef-lieu  de  i^anton  et  assistés  des  percepteurs.  En  effet,  la  quotité 
du  cens  jouant  un  rôle  capital  dans  cette  première  opération^  l'assistance  des 
percepteurs  était  de  toute  nécessité  pour  les  maires. 

Ge  travail  une  fois  fait  était  trainsmis  par  la  réunion  des  maires  du  canton 
au  sous-préfet,  et  par  le  sous-préfet,  qui  pouvait  y  joindre  ses  observations, 
au  préfet  du  département,  auquel  appartenait  la  rédaction  de  la  liste. 

La  première  opération,  vous  ai-je  dit,  avait  lieu  tous  les  ans,  du  1"  au  10  juin, 
et  la  dernière  partie  du  mois  de  juin  était  accordée  pour  faire  passer  la  lisfto 
au  préfet  avec  les  observations  du  sous-préfet.  Ainsi,  au  !«*  juillet  commen- 
çait dans  chaque  département,  de  la  part  du  préfet,  Topération  qui  consiste 
à  réviser,  à  remanier,  à  compléter  les  listes  de  l'année  précédente,  opération 
qui  a  pour  première  base  les  propositions,  les  observations  des  maires  dea 
communes. 

Le  préfet  avait  là  deux  opérations  bien  distinctes  : 

1^  L'addition,  môme  d'office,  de  toutes  les  personnes  non  inscrites  sur  lea 
listes  précédentes  et  qui  se  trouvent  avoir  les  qualités  voulues  pour  figurer  sur 
la  liste  actuelle,  soit  que  ces  personnes  n'aient  acquis  ces  qualités  que  depuia 
la  dernière  rédaction,  soit  qu'elles  eussent  antérieurement  ces  qualités,  maia 
que  par  oubli  on  ait  jusqu'alors  omis  de  les  y  comprendre  ; 

2^  A  l'inverse,  le  préfet  devait  retrancher  de  la  liste,  d'abord  toutes  les  per- 
sonnes décêdées  depuis  la  dernière  formation,  et  ensuite  toutes  celles  dont  la 
radiation  aura  été  ordonnée  par  l'autorité  compétente.  Nous  verrons  plus  tard 
encore  quelle  est  cette  autorité.  Vous  sentez  que  pour  ces  deux  cas  de  radia- 
tion, soit  des  personnes  décédées,  soit  des  personnes  q^Iun  arrêt  aurait  décla- 
rées incapables  de  figurer  sur  cette  liste,  l'opération  est  toute  simple,  toute 
matérielle. 

A  l'égard  de  ceux  en  qui  la  perte  de  la  capacité  serait  moins  apparente,  moina 
manisfoste,  le  préfet  devait  non  pas  opérer  la  radiation,  mais  annoncer,  mais 
indiquer  qu'elle  sera  opérée  &ute  pwr  les  intéressés  de  se  pourvoir  dans  lea 
délais  légaux. 

Pour  toutes  ces  opérations,  pour  tous  ces  remaniements,  la  loi  accorde  au 
préfet  un  délai  de  six  semaines,  à  compter  du  1»  juillet,  époque  où  les  travaux 
des  maires  devaient  se  trouver  dans  ses  mains,  jusqu'au  15  août,  auquel  ce 
remaniement  doit  être  terminé. 

Au  15  août  cette  liste  générale,  ainsi  remaniée  par  le  préfet,  devait  être 
affichée  dans  toutes  les  communes  du  département  dont  la  population  égale 
six  cents  habitants.  Bile  devait  de  plus,  outre  l'affiche  extérieure  qui  est  près- 

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694  TRENTB-NEUV.   LBÇON.  —    DBS  COURS  d'aSSISES  (n*  750). 

crite  par  la  loi,  être  déposée  an  secrétariat  de  la  préfecture  et  au  secrétariat  de 
chaque  mairie,  afin  que  communication  de  la  Ûste  soit  donnée  gratis  à  toute 
personne  qui  la  requiert. 

Quel  est  le  but  de  cette  affiche,  de  ce  dépôt,  de  cette  communication?  CTest 
de  mettre  les  parties  intéressées  à  môme  de  réclamer,  soit  contre  des  additions 
mal  fondées,  soit  contre  des  omissions. 

Et  quelles  sont  en  cette  matière  les  parties  intéressées?  Il  est  bon  d'y  faire 
attention;  ce  sont  d'abord,  sans  aucun  doute,  les  personnes  qu'on  aurait  mal  à 
propos  omises  ou  mal  à  propos  ajoutées  sur  la  liste.  Ces  personnes  ont  évidem- 
ment qualité,  soit  pour  se  faire  rayer,  si  on  leur  impose  une  charge  à  laquelle 
elles  ne  sont  pas  appelées,  soit,  au  contraire,  pour  se  faire  inscrire  si  elles  en 
ont  le  droit. 

Mais  un  point  plus  important  relativement  à  ces  réclamations,  c'est  que  le 
droit  de  réclamer  contre  les  erreurs  de  la  liste  n'appartient  pas  seulement  aux 
personnes  que  concernent  ces  erreurs.  Ainsi,  tout  électeur,  tout  juré  de  l'ar- 
rondissement électoral  auquel  appartient  l'électeur  ou  le  juré  mal  à  propos 
inscrit,  ou  mal  à  propos  omis,  a  qualité  pour  réclamer,  en  son  nom,  contre 
cette  insertion  ou  contre  cette  omission.  En  un  mot,  le  droit  de  réclamer 
contre  les  erreurs  de  la  liste  n'appartient  pas  seulement  aux  parties  elles- 
mêmes,  il  appartient  encore  aux  tiers,  pourvu  qu'ils  justifient  d'une  qualité 
qui  leur  donne  un  intérêt  même  indirect  à  réclamer.  Et  la  loi  attribue  ce 
droit  aux  jurés  appartenant  au  même  arrondissement.  A  cet  effet,  il  est  ou- 
vert à  la  préfecture  un  registre  pour  recevoir  les  réclamations  des  parties  in- 


J*ajoute  que  la  loi  ne  se  contente  même  pas  de  la  publicité  précédente, 
de  l'affiche  et  du  dépôt,  à  l'égard  de  toutes  personnes.  Cette  publicité  suffit 
pour  mettre  en  demeure  de  réclamer  les  personnes  qui  ont  été  indûment 
ajoutées;  elle  ne  suffit  pas  pour  mettre  en  demeure  les  personnes  qui  ont  été 
rayées.  La  radiation  d'un  électeur  ou  juré  par  le  préfet  sur  la  liste  générale 
doit  être  directement  notifiée^  à  personne  ou  à  domicile,  à  l'électeur  ou  juré 
ainsi  rayé. 

Au  15  août  commencent  les  réclamations,  et  les  réclamations  peuvent  être 
faites  dans  les  quinze  derniers  jours  du  mois  d'août  et  pendant  tout  le  mois 
de  septembre  ;  le  registre  des  réclamations  n*est  clos  que  le  30  septembre.  Elles 
sont  faites  en  premier  ressort  devant  le  conseil  de  préfecture,  en  appel  et  en 
dernier  ressort  devant  la  cour  à  laquelle  appartient  le  département  de  la  liste 
duquel  il  est  question. 

Le  30  septembre,  la  clôture  du  registre  est  prononcée,  mais  la  clôture  des 
listes  n'a  pas  encore  lieu.  Pourquoi?  C'est  qu'il  faut  bien  laisser  entre  la  clô- 
ture du  registre  ouvert  aux  réclamations  et  la  clôture  définitive  de  la  liste  gé- 
nérale un  délai  pour  statuer,  soit  en  conseil  de  préfecture,  soit  en  appel,  sur 
les  réclamations  présentées  dans  les  derniers  jours  de  septembre.  Ainsi,  la  liste 
générale  ne  sera  close  que  le  16  octobre  ;  et  on  pense  que  ces  seize  jours  suf- 
firont, en  générai,  pour  porter  les  réclamations  soulevées,  même  à  la  fin  de 
septembre,  soit  au  conseil  de  préfecture,  soit  en  appel  à  la  cour.  En  général, 
ce  délai  suffit,  parce  que  les  affaires  de  cette  nature  portées  à  la  cour,  doivent, 
d'après  la  loi  de  1831,  y  être  jugées  en  dehors  du  rôle,  et  toute  affaire  cessante. 


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DU  JURY  ET  DE  SA  COMPOSITION  (aRT.    382).  695 

Le  20  octobre,  les  dernières  rectifications  sont  affichées  et  la  liste  générale 
demeure  désormais  inattaquable. 

Cette  liste  générale  servait  donc  dans  sa  première  partie,  soit  aux  élections 
qui  auront  lieu  pendant  l'année  qui  va  suivre,  soit  aussi  au  service  de  la  liste 
du  jury,  mais  pendant  l'année  qui  suivra  à  partir  du  1^' janvier,  car  pour  le 
jury  il  y  a  une  règle  différente  de  celle  des  élections. 

Quant  à  la  seconde  partie  de  cette  même  liste,  rédigée  dans  les  mêmes  for- 
mes, et  comprenant  non  plus  les  personnes  payant  le  cens  électoral,  mais  les 
personnes  des  qualités  désignées  dans  l'art.  382,  cette  seconde  partie  de  la  liste 
ne  servira  pas,  comme  la  première,  pour  les  élections  et  le  jury,  mais  seule- 
ment pour  le  jury,  toujours  pendant  l'année  suivante. 

Ainsi  se  rédige  cette  liste  générale,  publique  et  permanente,  qui  reste  dépo- 
sée à  la  préfecture  et  dans  les  mairies  pour  qu'il  en  soit  donné  communication 
à  toutes  les  personnes  intéressées. 

Voilà  la  première  des  garanties  données  par  la  loi  de  1827  et  le  Gode  de  1832 
à  la  pureté,  à  la  sincérité,  à  l'exactitude  de  la  liste  générale  des  électeurs  et 
des  jurés. 

Encore  une  observation  sur  cette  liste  générale.  Sa  destination  double,  en 
ce  qu'elle  sert  à  la  fois  aux  élections  et  au  service  du  jury,  est  la  cause  d'une 
légère  difficulté  dont  il  est  bon  de  vous  avertir  ;  cette  destination  double  néces- 
site la  division  de  la  liste  en  deux  parties,  une  première  partie  comprenant  les 
électeurs  du  département  qui  par  là  même  sont  jurés,  une  seconde  partie 
comprenant  uniquement  les  jurés  non  électeurs,  c'est-à-dire  les  personnes  dé- 
signées dans  les  derniers  numéros  de  l'art.  382.  Au  premier  coup  d'oeil  cela  est 
fort  simple;  cependant  il  y  a  sur  la  première  partie  quelques  remarques  à  faire. 

Cette  première  partie  comprend,  d'après  la  loi  de  1831,  tous  les  électeurs  du 
département,  c'est-à-dire  toutes  les  personnes  payant  200  fr.  de  contributions 
directes,  ayant  l'âge  de  vingt-cinq  ans,  et  ayant  leur  domicile  politique  dans 
le  département.  Mais  précisément,  quoique  le  cens  soit  le  même  pour  l'élec- 
tion et  pour  le  jury,  les  conditions  de  domicile  et  les  conditions  d'âge  ne  sont 
pas  les  mêmes;  et  vous  sentez  que  cette  première  partie  de  la  liste  générale  « 
parfaitement  exacte  pour  le  service  des  élections,  ne  l'est  pas  complètement 
pour  le  service  du  jury.  Ainsi,  pour  le  service  des  élections,  pour  avoir  la  qua- 
lité d'électeur,  la  condition  d'âge,  était  vingt-cinq  ans;  pour  avoir  celle  de 
juré,  la  condition  d'âge,  c'est  trente  ans.  Nous  trouverons  donc  sur  cette  pre- 
mière partie  de  la  liste  générale  bien  des  personnes  qui  y  seront  placées  très- 
régulièrement  en  qualité  d'électeurs,  mais  qui  n'auront  pas  droit  d'y  figurer 
en  qualité  de  jurés;  bien  des  personnes  qui,  devant,  d'après  cette  liste,  être 
convoquées  au  collège  électoral,  ne  pourront  cependant  pas,  à  peine  de  nul- 
lité aux  termes  de  l'art.  381,  être  appelées  pour  faire  partie  d'un  jury. 

La  même  difficulté  s'élève  relativement  au  domicile.  En  effet,  la  liste  géné- 
rale des  électeurs  comprend,  non  pas  toutes  les  personnes  qui  ont  leur  domi- 
cile réel  dans  le  département,  mais  toutes  celles  et  seulement  celles  qui  y  onl 
leur  domicile  politique.  Ainsi,  cette  première  partie  de  la  liste  générale,  n'en- 
fermant que  les  électeurs  du  département,  ne  comprendra  pas  toutes  les  per- 
sonnes à  qui  leur  cens  donne  le  droit  et  impose  l'obligation  de  siéger  dans  le 
jury.  En  effet,  on  siège  dans  le  jury  du  département  oii  l'on  a  son  domicile 


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696  TRBNTB-MEUY  LEÇON.  —  DBS  G0UB8  d'aSSISBS  (n^   751}. 

réel,  on  vote,  au  contraire,  dans  le  collège  électoral  du  département  où  Ton  a 
fait  élection  de  domicile  politique. 

Gomment  parer  à  ce  double  inconvénient,  à  cette  inexactitude»  soit  en  plus, 
soit  en  moins,  que  doit  présenter  la  première  partie  de  la  liste  générale^  quand 
on  voudra,  du  service  des  électionS|  la  transporter  au  service  du  jury  t  D'abord, 
quant  à  ce  qu'elle  contient  de  plus,  la  difficulté  est  assez  légère.  Ainsi,  la  pre- 
mière partie  de  la  liste  générale  comprend  des  personnes  que  leur  &ge  rend 
habiles  à  être  électeurs,  mais  laisse  inhabiles  à  être  jurés,  ce  sont  les  person- 
nes qui  ont  vingt-cinq  ans  et  n'en  ont  pas  trente.  £h  bien,  il  s'ensuit  que, 
quand  le  préfet  se  servira  de  cette  première  partie  de  la  liste  générale  pour 
composer  la  liste  de  service,  il  devra  éviter  d'insérer  dans  la  liste  de  service 
les  personnes  qui  figurent  dans  la  liste  générale,  sans  cependant  avoir  trente 
ans  d'âge.  En  un  mot,  le  préfet  composant  la  seconde  liste,  celle  de  service, 
ayant  sous  les  yeux  la  première  partie  de  la  liste  générale,  ne  devra  transpor- 
ter de  la  liste  générale  sur  la  liste  de  servioe  que  les  personnes  de  la  première 
qui  ont  trente  ans  d'âge.  De  même,  pour  les  personnes  qui  sont  sur  la  première 
partie  de  la  liste  générale  sans  avoir  dans  le  département  leur  domicile  réel, 
mais  uniquement  parce  qu'elles  y  ont  leur  domicile  politique  ou  domicile 
électoral,  le  préfet,  en  rédigeant  sa  liste  de  service  ne  devra,  dans  aucun  cas, 
employer  sur  la  liste  de  service  les  personnes  qui  sont  dans  cette  catégorie. 

Occupons-nous  mainetnant  de  ce  que  contient  cette  première  partie  de  la 
liste  générale.  Elle  contient  les  électeurs  du  département  seulement  ;  dont  elle 
ne  contient  pas  les  personnes  qui,  payant  200  fr.  de  contributions  directes^ 
ayant  même  leur  domicile  réel  dans  le  département,  n'y  ont  pas  leur  domicile 
politique  ;  comme  elles  n'y  ont  pas  leur  domicile  politique,  elles  ne  peuvent 
pas  y  être  appelées  aux  fonctions  d'électeurs;  elles  ne  peuvent  pas,  par  consé- 
quent, figurer  sur  la  première  partie  de  la  liste.  Donc  on  s'exposerait  ûnsi, 
avec  une  rédaction  exacte  de  la  liste  d'élection,  à  n'avoir  qu'une  rédaction  fau- 
tive et  incomplète  de  la  liste  de  servioe  du  jtfry.  La  loi  a  prévu  ce  cas  et  y  a 
remédié  dans  le  paragraphe  3  de  l'art.  382  :  c  La  seconde  partie  comprendra  : 
i^  les  électeurs  qui,  ayant  leur  domicile  réel  dans  le  département,  exercent 
leurs  droits  électoraux  dans  un  autre  département.  »  Vous  voyez  que,  quand 
on  aura  composé  la  première  partie  de  la  liste  avec  les  électeurs,  et  seulement 
les  électeurs  du  département,  on  insérera  en  tète  de  la  seconde  partie  les  éleo» 
teurs  qui,  ayant  leur  domidle  réel  dans  le  département,  exercent  leurs  droits 
électoraux  dans  un  autre  département.  Ce  paragraphe  tranche  donc  directe- 
ment la  difficulté;  il  pourvoit  à  ce  qu'on  appelle  à  faire  le  service  du  jury  les 
personnes  qui,  ayant  leur  domicile  réel  dans  le  département  où  se  fait  la  liste, 
n'auraient  cependant  pas  pu  être  inscrites  sur  la  première  partie  de  cette  liste, 
parce  qu'elles  n'y  remplissent  pas  de  droits  électoraux. 

Ainsi,  soit  en  ce  qui  concerne  l'excédant  de  la  liste  électorale  sur  la  liste  du 
jury,  soit,  au  contraire,  en  ce  qui  concerne  l'excédant  de  la  seconde  sur  la  pre. 
ifière,  vous  voyez  qu'il  est  aisé  de  pourvoir  en  pratiquée  cette  double  diffi- 
culté qui  n'est  qu'apparente.  Mais  toute  cette  législation  a  été  modifiée, 

,  751.  Les  principes  qui  viennent  d'être  exposés  n'ont  point,  en  général,  cessé 
d'être  applicables  ;  mais  la  composition  de  la  liste  des  jurés  a  subi  plusieurs 


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DIT  JOHY  KT  OB  8A  C0MP08ITI0M  (aRT.  Mi).  697 

modifioationa.  La  loi  da  7aoAt  1848  andiappeléàfair»  partie  de  laliste  générale 
tons  les  eitoyena  àf^  de  trente  ans,  jouissant  dee  droits  dvils  et  politiques, 
non  frappés  d'incapacités  et  sachant  lire  et  écrire.  La  loi  du  4  juin  1853  a  res- 
treint cette  liste  en  soumettant  les  conditions  d'aptitude  des  jurés  à  un  exa- 
men plus  rigoureux.  Le  décret  du  14  octobre  1870  a  abrogé  cette  loi  et  remis 
en  vigueur  celle  du  7  août  1848.  Enfin  la  lot  du  21  nôyembre  1872  est  venue 
apporter  à  cette  institution  des  modificati<ms  nouvelles. 

Cette  dernière  loi  déclare  d'abord  quels  sont  les  citoyens  généralement  aptes 
à  remplir  les  fonctions  de  jurés;  elle  étaUit  ensuite  les  modes  de  désignation 
de  ceux  qui»  parmi  ces  citoyens,  sont  portés  sur  les  listes  du  jury.  Trois  opéra- 
tions sont  prescrites  pour  arriver  à  la  composition  du  jury  qui  siège  aux  assi- 
ses :  la  formation  de  la  liste  annuelle,  de  la  liste  trimestrielle  et  la  formation 
du  jury  de  jugement.  Occupons-nous  d'abord  de  la  liste  annuelle. 

Listes  préparatùires  des  commissions  cantonales.  Aux  termes  de  la  loi  du 
21  nov.  1872,  il  est  formé  chaque  année  une  liste  des  citoyens  dans  lesquels 
sont  pris  les  jurés  qui  font  le  service  des  assises.  La  formation  de  cette  liste- 
annuelle  est  confiée  à  deux  commissions  et  est  le  résultat  de  leur  travail  successif» 
La  première  ne  dresse  qu'une  liste  préparatoire.  Elle  est  composée  dans  chaque 
canton  du  juge  de  paix,  président,  de  ses  suppléants  et  des  maires  de  toutes  les 
communes.  Les  maires  sont  remplacés  par  les  conseillers  municipaux  ou  des^ 
adjoints  dans  les  cantons  formés  d'une  seule  commune  ou  dans  les  communes 
divisées  en  plusieurs  cantons.  A  Paris  la  commission  se  compose  dans  chaque 
quartier  du  juge  de  paix  et  du  maire  de  l'arrondissement,  d'un  conseiller  muni- 
cipal et,  en  outre,  de  quatre  personnes  désignées  par  ces  premiers  membres 
parmi  les  jurés  de  Tannée  précédente  résidant  dans  le  quartier.  La  mission 
de  ces  commissions,  qui  se  réunissent  dans  la  première  quinzaine  du  mois 
d'août,  au  chef-lieu  de  leur  circonscription,  est  de  choisir  parmi  les  habitants 
ceux  qui  leur  paraissent  le  plus  aptes  à  remplir  les  fonctions  de  juré- 
(L.  21  nov.  1872, 8,  9, 10)  ;  ces  listes  préparatoires  doivent  contenir  un  nombre 
de  noms  double  de  celles  fixées  pour  le  contingent  de  chaque  canton  :  ce  con- 
tingent est,  pour  le  département  de  la  Seine,  de  3,000  jurés  et,  pour  les  autres^ 
départem^ts,  d'un  juré  par  500  habitants,  sans  toutefois  que  le  nombre  puisse 
ê^re  inférieur  à  400  et  supérieur  à  600  (art.  6).  Le  nombre  des  jurés  est  ré- 
parti par  arrêté  du  préfet  et  par  arrondissement  et  par  canton,  proportionnel- 
lement au  tableau  officiel  de  la  population. 

Listes  dittnitiioes  des  eofmnissiims  d'unondissemetU»  La  seconde  commissioi» 
dresse  la  liste  définitive.  Elle  est  composée  dans  chaque  arrondissement  du 
président  du  tribunal  civil,  des  juges  de  paix  et  des  conseillers  généraux  de  l'ar- 
rondissement. Elle  est  composée  à  Paris  du  président  ou  d'un  juge  du  tri-^ 
bunal,  du  juge  de  psix  de  l'arrondissement  et  de  ses  suppléants,  du  maire  et 
des  quatre  conseillers  municipaux  de  l'arrondissement.  Cette  commission  est 
chargée  de  dresser  la  liste  annuelle  du  jury.  Elle  se  réunit  dans  chaque  arron- 
dissement dans  le  courant  de  septembre.  Elle  puise  les  éléments  de  sa  liste 
dans  les  listes  préparatoires,  mais  elle  peut  inscrire  des  personnes  qui  n'y  ont 
point  été  portées,  pouryu  qu'elles  n'excèdent  pas  le  quart  des  noms  proposéa 
dans  chaque  canton.  Elle  peut  également  modifier,  dans  la  limita  du  quart,  I» 
contingent  de  chaque  canton  fixé  par  le  préfet,  sans  modifier  le  contingent  de 

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TRENTK-NKUV.   LEÇON.  —  DES  COURS  d'aSSISBS  (n*  752). 

rarrondissement.  Une  liste  spéciale  du  jjirés  suppléants,  pris  parmi  les  jnrés  de 
la  ville  où  se  tiennent  les  assises,  est  également  dressée  chaque  année,  en  de- 
hors de  la  liste  annuelle  (art.  12,  13,  14  et  15).  Ces  listes  sont  transmises 
avant  le  l^^  décembre,  au  greffe  de  la  cour  ou  du  tribunal  chargé  de  la  tenue 
des  assises.  C'est  sur  ces  documents  que  sont  dressées  :  1^  la  liste  annuelle  du 
département  par  ordre  alphabétique,  conformément  aux  listes  d'airondisse- 
ment;  2<*  la  liste  spéciale  des  jurés  suppléants  (art.  15  et  16). 

752.  Inscnpiion  des  citoyens  sur  les  listes.  On  vient  d*ezposer  le  mode  de 
formation  des  listes  ;  il  faut  indiquer  maintenant  quels  sont  les  citoyens  que  les 
commissions  peuvent  y  inscrire.  L'art,  l^^de  la  loi  du  2i  nov.  1872  dispose  que 
fl  nul  ne  peut  remplir  les  fonctions  de  juré,  à  peine  de  nullité  des  déclarations 
de  culpabilité  auxquelles  il  aurait  concouru,  s'il  n'est  &gé  de  trente  ans  accomplis, 
s'il  ne  jouit  des  droits  politiques,  civils  et  de  famille,  ou  s'il  est  dans  un  des 
cas  d'incapacité  ou  d'incompatibilité  établis  par  les  deux  articles  suivants.  • 
La  première  condition  de  l'inscription  est  la  qualité  de  Français.  Les  formes 
suivant  lesquelles  cette  qualité  s'acquiert  ou  se  perd  sont  établies  par  les 
art.  8  et  10  du  G.  civ.,  2,  3,  4,  5  et  6  de  la  loi  du  22  frim.  an  VIII,  les  lois 
des  25  mars  1849,  11  déc.  1849  et  12  fév.  1851.  L'inscription  d'un  étranger, 
quelque  irrégulière  qu'elle  soit,  ne  peut  avoir  aucun  effet  si  cet  individu  n'est 
pas  appelé  à  faire  partie  du  jury  de  session  ou  si,  compris  dans  ce  jury,  dans 
une  liste  de  plus  de  trente  jurés,  il  n'a  point  siégé  parmi  les  douze  jurés  de  juge- 
ment ;  mais  s'il  a  fait  partie  de  ces  douze  jurés  ou  s'il  a  concouru  à  leur  tirage 
lorsque  trente  jurés  seulement  étaient  présents,  la  condamnation  est  frappée 
de  nullité.  Cette  nullité  ne  peut  toutefois  être  invoquée  que  par  l'accusé  dé- 
claré coupable.  Il  en  est  ainsi  pour  les  deux  autres  conditions,  à  savoir  l'&ge 
de  trente  ans  et  la  jouissance  des  droits  politiques,  civils  et  de  famille.  Le  défaut 
d'une  de  ces  conditions  ne  produit  une  nullité  qu'autant  que  le  juré  irrégu- 
lièrement inscrit  a  siégé  dans  le  jury  de  jugement  et  cette  nullité  n'existe 
que  quand  il  y  a  eu  déclaration  de  culpabilité.  Une  observation  qui  s'applique 
aux  trois  conditions  d'aptitude  est  que  l'inscription  sur  la  liste  établit  Jine  pré- 
somption de  l'aptitude  du  juré  et  que  c'est  à  celui  qui  la  conteste  à  apporter 
la  preuve  de  son  allégation. 

Causes  d'incapacité.  Il  ne  suffît  pas  pour  être  juré  de  réunir  la  qualité  de 
Français,  l'âge  de  trente  ans  et  la  jouissance  des  droits  politiques,  civils  et  de 
famille,  il  faut  encore  n'être  atteint  d'aucune  des  causes  d'incapacité  ou  d'in- 
compatibilité prévues  par  la  loi.  Les  causes  d'incapacité,  énumérées  dans 
l'art.  2  de  la  loi,  sont  diverses  par  leur  nature  et  se  résument  dans  les  cinq 
classes  suivantes  :  Sont  incapables  d'être  jurés  :  1«  Tous  les  condamnés  pour 
faits  qualifiés  crimes  à  quelque  peine  que  ce  soit;  2^  tous  les  condamnés  pour 
délits,  soit,  s'ils  sont  militaires,  à  la  peine  des  travaux  publics,  soit,  quelle  qu  e 
soit  leur  qualité,  à  un  emprisonnement]de  trois  mois  au  moins.  L'incapacité  est 
limitée  à  cinq  ans  en  faveur  des  condamnés  à  moins  de  trois  mois  et  des  con- 
damnés pour  délits  politiques.  Elle  pèse  sur  tous  les  condamnés  à  l'amende  et 
à  Temprisonnement,  quelle  qu'en  soit  la  durée,  pour  vol,  escroquerie,  abus  de 
confiance,  soustractions  de  deniers  publics,  attentats  aux  mœurs,  usure,  ou- 
trage à  la  morale  publique  et  religieuse,  vagabondage,  mendicité  et  tous  les 

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DU  JURY  ET  DB  SA  OOMFOSITION  (aRT.   382).  699 

délits  énoncés  au  n«  5  de  Tari.  2  ;  Z^  ceux  à  qui  les  fonctions  de  juré  ont  été 
interdites  en  vertu  de  Fart.  396  de  notre  Ciode  et  de  l'art.  42.  G.  pén.  ;  i^  ceux 
qui  sont  sans  mandat  d'arrêt  ou  de  dépôt  ou  qui  sont  en  état  d'accusation  ou 
de  contumace;  5<»;  les  notaires,  greffiers  et  officiers  ministériels  destitués, 
les  faillis  non  réhabilités,  les  interdits,  les  individus  pourvus  d'un  conseil  ju- 
diciaire, et  ceux  qui  sont  placés  dans  un  établissement  public  d'aliénés. 

L'application  de  ces  incapacités  est  soumise  aux  régies  suivantes  :  i^  Elles 
sont  absolues  en  ce  sens  que  les  opérations  du  jury  auxquelles  aurait  pris  part 
un  individu  frappé  d'incapacité  sont  annulables,  s'il  en  est  résulté  une  décla- 
ration de  culpabilité  (L.  21  nov.  1872, 1  );  2<>  les  incapacités  sont  de  droit 
étroit,  elles  ne  doivent  donc  pas  être  étendues  au  delà  de  leurs  termes  précis  ; 
ainsi,  par  exemple,  la  déchéance  qui  atteint  Tofficier  ministériel  ou  le  failli  ne 
s'étend  pas  à  Tofficier  suspendu,  à  l'héritier  du  failli,  au  débiteur  en  décon- 
fiture; B^les  incapacités,  qui  sont  la  conséquence  d'une  condamnation  pénale, 
cessent  par  la  réhabilitation  (G.  ins.  crim.,  634). 

Causes  d^ exclusion.  L'art.  4  de  la  loi  exclut  des  fonctions  de  juré  i  les  do- 
mestiques et  serviteurs  à  gages,  et  ceux  qui  ne  savent  pas  lire  et  écrire  en 
français  ;  »  ces  deux  classes  d'individus  ne  sont  pas  frappées  d'incapacité,  mais 
seulement  d'une  interdiction  accidentelle  qui  doit  cesser  quand  la  cause  dis- 
paraît. La  première  de  ces  interdictions  est  fondée  sur  ce  que  le  juré  doit  jouir 
d'ime  entière  indépendance  et  être  à  l'abri  de  toute  influence.  Elle  s'applique 
à  la  fois  aux  domestiques  attachés  au  service  de  la  personne  et  de  la  maison. 
La  deuxième  s'applique  non-seulement  aux  individus  qui  ne  savent  pas  lire 
et  écrire,  mais  à  ceux  qui  ne  connaissent  pas  la  langue  française  :  la  loi  n'exige 
d'ailleurs  que  le  premier  degré  d'instruction,  la  lecture  et  l'écriture  ;  mais  ce 
premier  degré  doit  être  complètement  acquis.  Il  ne  résulte  d'ailleurs  aucune 
nullité  de  la  participation  d'un  domestique  à  gages  ou  d'un  individu  illeltré, 
s'il  jouit  de  ses  droits  politiques  et  civils,  aux  opérations  du  jury.  Il  appartient 
à  la  cour  d'assises,  si  la  cause  d'exclusion  est  vérifiée,  d'écarter  de  la  liste  le 
juré  en  qui  elle  se  trouve.  La  loi  ne  s'est  point  occupée  des  infirmités  qui  peu- 
vent rendre  les  jurés  impropres  à  l'exercice^ de  leurs  fonctions,  par  exemple  la 
cécité  ou  la  surdité.  Il  appartient  encore,  soit  à  la  cour  d'assises,  par  la  voie 
des  dispenses  ou  des  excuses,  soit  aux  parties,  par  la  voie  de  la  récusation, 
d'éloigner  les  impotents  et  les  malades. 

Causes  éTincompatibiliié.  Les  incompatibilités  sont  de  deux  espèces  :  les 
unes,  prévues  par  l'art.  383,  sont  permanentes;  les  autres,  prévues  par  l'art.  372, 
sont  purement  accidentelles.  Les  incompatibilités  permanentes  sont  énumé- 
rées  dans  l'art.  3  de  la  loi  du  21  nov.  J872,  qui  a  remplacé  l'art.  383  :  ce  sont 
celles  qui  résultent  des  fonctions  de  député,  de  ministre,  membre  du  Gonseil 
d'État,  membre  de  la  Gour  des  comptes,  sous-secrétaire  d'État  ou  secrétaire 
général  d'un  ministère,  préfet  et  sous-préfet,  secrétaire  général  de  préfecture, 
conseiller  de  préfecture,  membre  de  la  Gour  de  cassation  ou  des  Cours  d'appel, 
juge  titulaire  ou  suppléant  des  tribunaux  de  commerce,  officier  du  ministère 
public  près  les  tribunaux  de  première  instance,  juges  de  paix,  commissaires  de 
police,  ministre  d'un  culte  reconnu  par  l'État,  militaire  de  l'armée  de  terre  et  de 
mer  en  activité  de  service  et  pourvu  d'emploi,  fonctionnaire  ou  préposé  du 
service  actif  des  douanes,  des  contributions  indirectes,  des  forêts  de  l'État  et 

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700  TRENTB-NBUT.  LBÇOM.  —  DM»  COURS  I>'A86I8BS  (n*  753). 

de  radminisuation  des  télégraphes,  institateur  primaire  oommiuai.  »  L'appli- 
cation de  ces  incompatilûlités  donne  lieu  aux  obserYatioas  qui  soivimt  : 
lo  Elles  doivent  être  rigoureusemenl  restreintes  dans  leurs  termes,  puisr 
qu  elles  ne  sont  qme  des  exceptions  à  la  régie  qui  oblige  les  citoyens  à  subir  la 
charge  de  jury  ;  2*  elles  cessât  nécessairement  avec  la  fonction  d*où  eltos 
dérivent  ;  3^  la  participation  aux  opérations  du  jury  d'un  fonctionnûre  incom- 
patible, comme  celle  de  l'incapable,  ne  produit  de  nullité  qu'autant  qu'il  a 
siégé  an  jury  de  jugement  ou  figuré  parmi  les  trente  jurés  qui  <Hit  formé  ce  jury 
et  qu'il  y  a  eu  une  déclaration  de  culpabilité. 

Les  incompatibilités  accidentelles,  prévues  par  l'art.  39i,  n'ont  d'effet  que 
dans  les  affaires  oii  le  juré  a  rempli  k  fonction  d'officier  de  police  judidUâTe, 
d'interprète  ou  d'expert,  oii  il  a  figuré  comme  lémoin,  où  il  a  été  partie.  Il 
n'est  écarté  qu'à  raison  de  la  prév«ition  qui  a  pu  se  former  dans  son  esprit.  Il 
faut  entendre  par  offimer  dt  p^iee  /«dicmire  les  officiers  qui  ont  procédé  à 
quelque  acte  de  leur  fonction  même»  à  la.  rédaction  d'un  procès-verbal  ou 
d'une  plainte  ;  par  témeèu,  tous  œux  qui  ont  été  entendus  dans  l'affaire»  même 
eu  dehors  de  l'audience,  dans  l'instruction  écrite;  parcatperts,  ceux  qui  ont 
exprimé  une  opinion  sur  l'un  des  points  de  la  cause,  fùt*oe  dans  la  pre- 
mière instruction  et  même  sans  «voir  prêté  serment;  enfin  par  partîu, 
les  dénonciateurs»  les  plaignants,  les  parties  civiles,  et  les  défenseurs 
qui  a'identifient  avec  les  parties  et  qui  ont  été  chargés  de  la  défense  dans 
la  cause  même.  Les  incompatibilités  prévues  par  l'art.  392  ne  doivent 
point,  d'ailleurs»  être  étendues  au  delà'  de  ses  termes  :  ainsi,  point  d'in^ 
compatibilité  pour  les  jurés  à  raison  de  leur  parenté  ou  alltanoe,  soit  entre 
eux,  soit  avec  les  juges,  soit  avec  les  témoins,  soit  avec  les  parties  elles- 
mêmes. 

Came$  de  âùpense  ou  «i'eaMmption.  L'art.  5  de  la  loi  porte  :  «  Sont  dispensés 
des  fonctions  de  juré:  i^  les  septuagénaires;  2*  ceux  qui  ont  besoin  pour 
vivre  de  leur  travail  manuel  ou  journalier;  3^  ceux  qui  ont  rempli  les  mê^ 
mes  fonctions  pendant  l'année  courante  ou  précédente.  »  Les  septuagénaires 
et  les  citoyens  qui  vivent  de  leur  travail  manuel,  lorsqu'ils  ne  réclament  pas, 
sont  parfaitement  aptes  à  siéger  elt  il  en  est  ainsi  des  jurés  qui  ont  déjà  siégé. 
Ce  que.défend  le  troisième  cas  de  dispense,  c'est  raecompUssement  de  la  fonc- 
tion deux  ans  de  suite  :  il  importe  peu  qu'elle  ait  été  remplie  dans  les  assises 
ordinaires  ou  extraordinaires.  On  doit  continuer  d' appliquer  le  §  4  de  Ifart. 
391  portant  :  t  Ne  seront  pas  considérés  comme  ayant  satis&it  aux  réquisi- 
tions ceux,  qui  auront  avant  l'ouverture  de  la  session,  fait  admettre  des]  ex- 
cuses dont  la  cour  d'assises  aura  jugé  les  causes  temporaires.  »  La  di^nse 
ne  s'applique  qu'à  Taccomplissement  effectif  de  la  fonction.  Elle  s'applique 
d'ailleurs  aussi  bien  aox  jurés  suppléants  qu'aux  titulaires. 

7&8.  Tirage  de  Uk  lisU  de  seMton.  Cette  liste,  composée  de  36  jurés  titulaire» 
et  de  4  jurés  suj^lémentaires,  est  prise  dans  les  listes  annuelles  de  chaque 
départemMikt.  Elle  est  composée  par  un  tirage  au  sort  qui  a  lieu  en  an- 
diaice  publique  de  la  cour  d'appel  ou  du  tribunal  chef-lieu  du  département 
(L.  21  nov.  1872»  18).  de  tirage  se  fait  par  la  main  du  président  qui  tire  de 
l'urne,  où  tona  les  noms  des  Jurés  de  la  liste  annuelle  sont  déposés,  les  noms 

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DU  JURT  BT  DB  flA  OOKPOSITION  (aRT.    S8Î).  701 

des  36  jurés  titulaires,  et  de  Tnme  spéciale  où  ils  sont  placés,  les  4  jurés  sup- 
pléants. Cette  opération  doit  avoir  lieu  en  audience  publique  ;  c'est  là  une 
forme  substantielle  dont  le  défaut  pourrait  vicier  la  formation  du  jury.  H  est 
procédé  en  même  temps  conformément  à  l'article  390,  en  remplacement  des 
jurés  portés  sur  la  liste  annuelle  qui  seraient  décédés  ou  atteints  d'incapacités 
ou  d'incompatibilités  légales  (art  17  de  la  loi).  Ce  remplacement  est  ordonné 
par  la  cour  ou  le  tribunal  et  seulement  quand  il  est  nécessaire.  Il  y  a  lieu 
d'écarter  également  les  noms  des  jurés  qui  ont  rempli  cette  fonction  Tannée 
courante  ou  précédente.  Tous  les  incidents  qui  peuvent  s'élever  dans  le  cours 
de  cette  opération  sont  vidés  par  la  cour  ou  le  tribunal  et  non  par  le  prési- 
dent seul. 

7S4.  Notification  aux  jurés.  Le  procés-verbal  du  tirage  du  jury  de  session 
est  transmis  par  le  ministère  public  :  1*  au  préfet  pour  qu'il  le  fasse  notifier 
par  extrait  aux  jurés  désignés  ;  2**  au  président  des  assises.  Tje  préfet  notifie 
à  chacun  d'eux  l'extrait  de  la  liste  qui  constate  que  son  nom  y  est  porté, 
huit  jours  au  moins  avant  l'ouverture  des  assises  (art.  389).  Cette  notification 
peut  être  faite  soit  par  la  gendarmerie,  eoit  parun  huissier  (Dec,  18  juin 
1811,  71).  L'agent  remet  au  juré  ou  à  la  personne  trouvée  à  son  domicile  co- 
pie de  l'extrait  et  de  l'acte  qui  le  notifie,  et  il  fait  signer  sur  l'original  la  cons- 
tatation de  cette  remise.  Si  la  notification  n'a  pas  été  régulière,  le  juré  qui  ne 
se  pfésente  pas  n'est  passible  d'aucune  peine  ;  s'il  se  présente  néanmoins,  il 
est  considéré  comme  régulièrement  convoqué.  Si  plusieurs  des  jurés  désignés 
par  le  sort  n'avaient  reçu  aucune  notification,  et  que  moins  de  30  jurés  fussent 
présents,  la  cour  d'assises  devrait,  non  procéder  au  remplacement  des  absents, 
remplacement  qui  suppose  l'empêchement  des  jurés  remplacés,  mais  ordon- 
ner la  notification  omise  et  surseoir  jusqu'à  ce  qu'elle  eût  été  accomplie. 

Formation  définitive  de  la  liste.  L'article  19  de  la  loi  du  21  nov.  1872  est  ainsi 
conçu  :  •  Si,  au  jour  indiqué  pour  le  jugement,  le  nombre  des  jurés  est  réduit 
à  moins  de  30  par  suite  d'absences  ou  pour  toute  autre  cause,  ce  nombre  est 
complété  par  les  jurés  suppléants,  suivant  l'ordre  de  leur  inscription  ;  en  cas 
d'insuffisance,  par  des  jurés  tirés  au  sort  en  audience  publique,  parmi  les  jurés 
inscrits  sur  la  liste  spéciale  ;  subsidiairement  parmi  les  jurés  de  la  ville  iqecrîts 
sur  la  liste  annuelle  • .  Le  premier  acte  de  la  cour  d'assises  est  donc  de  pro- 
céder à  la  formation  définitive  du  jury  de  la  session  en  statuant  sur  les  causes 
d'absence,  sur  les  excuses  ou  les  dispenses.  Ce  n'est  pas  le  président,  c'est  la 
cour  d'assises  qui  préside  à  cette  opération,  en  siégeant  en  audience  publique. 
Les  parties  n'ont  pas  le  droit  de  critiquer  les  arrêts,  qui  admettent  ou  rejet- 
tent les  demandes  des  jurés,  à  moins  qu'ils  ne  s'appuient  sur  des  motifs  de 
droit. 

Les  règles  que  la  cour  d'assises  doit  suivre  en  statuant  sur  les  excuses  sont 
prescrites  par  les  art.  396,  397  et  398.  L'amende  de  500  francs  prononcée  par 
le  2*  paragraphe  de  l'art.  396  peut  être  réduite  à  200  francs,  sans  préjudice  des 
autres  dispositions  de  cet  article  (L.  21  nov.  1872,  20).  Les  arrêts,  lorsqu'ils  se 
fondent  sur  des  appréciations  de  faits,  peuvent  n'être  pas  motivés  ;  il  suffît 
qu'ils  déclarent  que  les  moyens  proposés  sont  ou  ne  sont  pas  légitimes.  Ces 
arrêts  ont  un  effet  différent  suivant  qu'ils  prononcent  sur  des  excuses  tempo- 

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702  TRENTE-NEUV.    LEÇON.  —  DES  COURS  d'aSSISBS  (n*  753). 

raires  oa  permanentes.  Les  premières^  qaand  elles  sont  admises,  libèrent  le 
juré  pendant  la  session  ;  les  antres  ont  pour  effet  de  le  dispenser  de  siéger 
pendant  tout  le  temps  que  son  inscription  peut  l'appeler,  c'est-à-dire  pendant 
Tannée.  La  cour  d'assises  peut  surseoir  à  statuer  sur  les  jurés  défaillants  ;  elle 
peut  aussi  les  condamner  par  défaut,  sauf  à  rabattre  son  arrêt  si  le  juré  se 
présente  ou  s'il  fait  parvenir  une  excuse  légitime.  Les  jurés  défleullants  peu- 
vent présenter  ultérieurement  leurs  excuses  (art.  397),  mais  la  compétence  de 
la  cour  d'assises  pour  y  statuer  cesse  avec  la  session.  Dans  ce  cas  l'excuse 
doit  être  portée  devant  les  assises  du  trimestre  suivant. 

Après  cette  opération  préliminaire,  la  cour  d'assises  forme  la  liste  définitive 
de  la  session  ;  on  a  déjà  vu  que  si  le  nombre  des  jurés  est  réduit  à  moins  de 
trente,  il  y  a  lieu  de  compléter  la  liste,  car  trente  jurés  idoines  sont  nécessaires 
pour  procéder  à  laconstitution  du  jury  de  jugement.  U  y  a  lieu  de  procéder,  s'il 
y  a  moins  de  trente  jurés  présents,  au  remplacement  des  absents,  quoique  la 
cour  ait  simplement  sursis  à  prononcer  sur  les  excuses  par  eux  proposées,  car 
la  formation  de  la  liste  est  indépendante  du  jugement  des  excuses.  Il  y  a  lieu 
de  compléter  la  liste,  quel  que  soit  le  nombre  des  jurés  manquant  à  l'appel,  et 
lors  même  que,  par  des  circonstances  extraordinaires,  les  jurés  présents  se- 
raient réduits  à  quelques-uns.  Nous  avons  déjà  dit  qu'il  n'appartient  pas  à  la 
défense  de  critiquer  ces  opérations  ;  mais  s'il  était  établi  que  les  remplace- 
ments ont  été  multipliés  sans  motifs  et  dans  le  but  d'altérer  la  composition  du 
jury,  il  pourrait  y  avoir  lieu  à  cassation,  car  il  n'appartient  pas  à  la  tour 
d'assises  de  refaire  la  liste  du  jury  et  de  modifier  les  éléments  de  la  juri- 
diction. 

La  liste  ne  doit  être  complétée,  s*il  y  a  lieu,  que  jusqu'au  nombre  de  trente, 
La  liste  est  complétée,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  en  appelant  d'abord  les  quatre  jurés 
suppléants  suivant  l'ordre  de  leur  inscription,  et,  en  cas  d'insuffisance,  par  des 
jurés  tirés  au  sort  en  audience  publique  parmi  les  jurés  inscrits  sur  la  liste  an- 
nuelle (L.  21  nov.  1872, 19).  Les  formes  du  tirage  au  sort  et  de  la  publicité  sont 
substantielles  dans  cet  appel  des  jurés  complémentaires  et  doivent  être  consta- 
tées à  peine  de  nullité.  Le  mode  de  tirage  consiste  à  tirer  les  noms  des  jurés  de 
l'urne  où  sont  déposés  les  noms  de  tous  les  citoyens  qui  doivent  y  concourir.  Il 
n'est  i^as  nécessaire  qu*il  ait  lieu  en  présence  des  accusés.  Le  président  tire  un 
nombre  de  jurés  égal  au  nombre  des  jurés  absents  ou  dispensés  ;  il  peut  même, 
en  prévision  des  absences  ou  des  empêchements  qui  peuvent  se  produire  par- 
mi ceux  qu'il  appelle,  en  tirer  un  plus  grand  nombre,  pourvu  qu'il  suive  exac- 
tement l'ordre  dans  lequel  les  noms  sont  sortis  de  l'urne.  Les  jurés  ainsi  appelés 
conservent  leurs  fonctions  pendant  tout  le  cours  de  la  session  et  prennent 
part  à  toutes  les  affaires  qui  sont  jugées  postérieurement  à  leur  appel,  à  moins 
que  les  jurés  qu'ils  remplacent  ne  se  représentent,  car  ils  ne  pourraient  con- 
tinuer de  siéger  à  la  place  de  ceux  qu'ils  ne  font  que  suppléer.  Cependant  si, 
lors  même  que  les  jurés  qu'ils  ont  remplacés  reviennent,  le  nombre  des  jurés 
se  trouve  inférieur  à  trente,  ils  doivent  continuer  leur  service,  car  ils  ont 
été  appelés,  non  pour  remplacer  tel  ou  tel  juré,  mais  pour  compléter  le 
jury. 

Notification  de  la  liste  des  jurés.  Cette  notification,  prescrite  par  l'art.  395,  est 
une  forme  essenUelle  de  la  procédure,  car  l'accusé  ne  peut  exercer  son  droit 

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DU  JURY  JBT  DE  SA  COMPOSITION  (arT.    382).  703 

de  récusation  8*il  ne  connaît  pas  les  noms  des  jurés.  S'il  y  a  plusieurs  accusés, 
elle  doit  être  faite  à  chacun  d'eux.  La  nullité  que  Tomission  de  cette  forma- 
lité entraine  est  prononcée  lors  môme  que  l'accusé  n'a  fait  aucuDe  réclamation. 
La  notification  est  réputée  régulière,  quelle  que  soit  la  liste  notifiée,  soit  la 
liste  originaire  des  36  jurés  titulaires  et  des  4  suppléants,  soit  la  liste  rectifiée 
au  premier  jour  de  la  session,  soit  enfin  la  liste  originaire  augmentée  des  jurés 
appelés  en  remplacement  ;  des  arrêts,  trop  nombreux  pour  être  cités  ici,  ont 
consacré  ce  point.  Mais  il  y  a  nullité  —  si  la  liste  rectifiée  notifiée  ne  con- 
tient pas  les  noms  de  trente  jurés  capables  ;  —  si  l'un  des  jurés  de  la  liste  pri- 
mitive ou  rectifiée  omis  dans  la  notification  qui  a  été  faite  de  cette  liste  a  con- 
couru au  tirage  au  sort  et  fait  partie  du  jury  de  jugement. 

La  liste  des  jurés  doit  être  notifiée  <  la  veille  du  jour  déterminé  pour  la  for- 
mation du  tableau  >  et  la  notification  est  «  nulle  si  elle  est  faite  plus  tôt  ou  plus 
tard.  »  La  fixation  de  ce  délai  a  eu  pour  objet,  d'une  part,  de  prévenir  les  sollici- 
tations, et  d'autre  part  d'assurer  à  la  défense  le  temps  nécessaire  pour  préparer 
ses  récusations.  La  publicité  du  tirage  de  la  liste  trimestrielle  6te  toute  im- 
portance à  la  notification  prématurée.  Il  n'y  a  plus  que  la  notification  tardive 
qui  puisse  produire  one  nullité,  puisqu'elle  peut  apporter  une  entrave  au 
droit  de  récusation  (Gass.,  il  oct.  1849).  Elle  est  réputée  tardive  lorsqu'elle 
est  faite  le  jour  même  de  la  formation  du  tableau  ;  mais  il  suffit  qu'elle  soit 
faite  lav  eille,  lors  même  qu'il  ne  serait  pas  écoulé  vingt-quatre  heures  entre  la 
remise  de  l'exploit  et  la  formation  du  tableau.  Si  elle  n'a  été  faite  que  le  jour 
môme,  la  nullité  résultant  de  cette  tardivité  est  d'ordre  public  et  ne  peut  être 
couverte  par  le  silence  et  l'adhésion  de  l'accusé.  Cette  tardivité  se  constate 
par  la  production  de  la  copie  de  l'exploit  de  notification. 

Les  formes  de  la  notification  sont  celles  qui  sont  communes  à  tous  les  ex- 
ploits :  l'exploit  doit  spécialement  constater  :  i^  Sa  date,  qui  est  une  forme 
essentielle,  puisque  l'art.  395  fixe  le  jour  de  la  notification;  elle  ne  pourrait 
être  suppléée,  si  elle  a  été  omise,  que  par  les  énonciations  mêmes  de  l'exploit 
qui  doit  se  soutenir  par  lui-môme  ;  2^  la  remise  de  la  copie  à  l'accusé  lui-môme 
(C.  proc.  civ.,  61,  68  et  70).  La  notification  a  été  déclarée  nulle  :  lorsqu'elle 
a  été  faite  à  un  détenu  en  parlant  au  concierge  de  la  prison  ;  lorsqu'elle  a 
été  faite  à  son  coaccusé ,  et  môme  à  son  défenseur.  La  remise  doit  être  con- 
statée en  déclarant  qu'elle  a  été  faite  en  parlant  à  la  personne  de  l'accusé.  Il  y 
a  nullité  si  le  parlant  d  a  été  laissé  en  blanc.  Il  a  été  admis  que  les  mots 
parlant  à  la  personne  sont  suffisants  môme  lorsqu'ils  ont  été  imprimés  à  l'a- 
vance dans  l'exploit  (Gass.,  30  mai  1850,  4  avril  1856).  On  doit  toutefois  faire 
observer  que  les  formules  imprimées  à  Tavance  ne  donnent  aucune  certitude 
de  l'accomplissement  de  la  formalité;  elles  afiGEiiblissent  l'affirmation  de  l'exploit 
et  enlèvent  à  la  procédure  une  partie  de  ses  garanties.  S'il  y  a  plusieurs  accu- 
sés, l'exploit  doit  indiquer  que  la  notification  et  la  remise  ont  été  faites  indi- 
viduellement et  séparément  à  chacun  d'eux.  Cependant  la  notification  même 
collective  est  régulière,  si  les  différents  accusés  sont  distinctivement  dési- 
gnés dans  l'acte  et  si  le  coût  des  différentes  copies  est  relaté  ;  si  l'acte  men- 
tionné «  que  la  copie  a  été  remise  aux  accusés  en  parlant  à  chacun  d'eux  » 
ou  qu'elles  (mt  été  faites  en  parlant  à  leurs  personnes  (Gas8./.2  juiU.  1846).  » 
Au  surplus,  la  nullité  est  restreinte  à  ceux  des  accusés  qui  sont  présumés  n'a- 

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704  TRENTB-NBDV.  LBÇON.  —  DES  COUBS  D*A«8»1W  (N*  754). 

voir  pas  reçu  de  copies  ;  elle  ne  profite  pas  aax  autres.  La  notification  pent  être 
faite  même  nn  jonr  férié,  si  ce  jonr  est  la  veille  de  Teavertare  des  débats 
(Gass.y  5  déc.  1850).  Il  n'est  pas  nécessaire  qae  l'exploit  constate  <pie  la  remise 
a  été  faite  entre  les  deux  gnichets  de  la  prison.  Enfin,  les  surcharges  et  ra- 
tnres  n'opèrent  de  nullité  que  lorsqu'elles  portent  sur  des  mots  énonçant  Pob- 
servatioQ  de  formalités  essentielles. 

Fiïrmes  de  la  copie.  11  importe  peu  que  la  liste  notifiée  soit  imprimée  on 
manuscrite,  placée  en  tète  de  Fe'kploit  ou  annexée  à  cet  acte,  pourvu  qu'elle 
soit  exacte.  Elle  doit  contenir  toutes  les  désignations  propres  à  constater  l'in- 
dividualité de  chaque  juré,  leurs  noms  et  prénoms,  leur  qualité  ou  profession, 
leur  âge  et  leur  domicile.  Si  ces  désignations  sont  incomplètes  ou  inexactes, 
il  peut  en  résulter  un  grief  sérieux  dans  le  cas  où  ces  irrégularités  sont  assez 
graves  pour  égarer  Taocusé  dans  l'exercice  de  son  droit  de  récusation.  C'est 
la  Cour  de  cassation,  chargée  de  relever  toutes  les  irrégularités  des  procé- 
dures, qui  apprécie  la  gravité  et  les  effets  probables  de  ces  omissions  ou  de  ces 
erreurs.  La  nullité  n'est  prononcée  que  lorsqu'il  y  a  présomption  qu'une  en- 
trave a  été  apportée  à  la  défense,  et  qu'il  en  est  résulté  un  préjudice  réel.  Cette 
règle  a  été  consacrée  par  de  très-nombreux  arrêts. 

755.  Tirage  des  douze  jurés,  -La  liste  des  jurés  de  la  session  étant  définiti- 
vement  formée  et  étant  signifiée  à  chacun  des  accusés  la  veille  du  jour  où  ils 
sont  traduits  aux  assises,  il  reste  à  constituer  le  jury  de  jugement  qm  doit 
statuer  sur  chaque  accusation.  Le  jury  est  composé  de  douze  jurés  (art.  994). 
Ce  nombre  essentiel  à  la  constitution  de  la  juridiction  ne  peut  être  ni  res- 
treint, ni  dépassé,  à  peine  de  nullité. 

Jurés  suppléants.  A  côté  de  ces  jurés  peuvent  cependant  s'asseoir  des  jurés 
suppléants  qui,  lorsque  la  cour  d'assises  les  a  jugés  nécessaires,  sont  destinés 
à  remplacer  ceux  des  douze  jurés  qui  seraient  empêchés  de  suivre  les  débats 
(art.  394).  Karrêt  qui  ordonne  l'adjonction  est  rendu  a^ant  le  tirage  des  jurés, 
et  comme  il  en  résulte  une  restriction  du  droit  de  récusation,  ce  n'est  que 
lorsqu'elle  est  absolument  nécessaire  que  cette  mesure  doit  être  prise.  La 
défense  peut  réclamer  toute  son  opportunité  au  moment  du  tirage  du  jury  de 
jugement.  Il  serait  convenable  que  la  cour  ne  rendît  son  arrêt  qu'en  présence 
de  l'accusé  et  après  l'avoir  interpellé  de  présenter  ses  observations  (IV.  de 
Vinst*  crim.,n*  3234).  L'arrêt  n'est  pas  d'ailleurs  rendu  publiquement;  il  peut 
être  rendu  même  après  le  tirage  des  jurés,  si  le  droit  de  récusation  n'en 
reçoit  aucune  entrave;  il  peut  être  rétracté.  Le  juré  suppléant  ne  prend  la 
place  d'un  juré  titulaire  que  lorsque  celui-ci  est  empêché,  soit  pour  cause  de 
maladie,  soit  pour  cause  d'incapacité.  S'il  n'a  pas  été  tiré  de  juré  suppléant  et 
qu'un  empêchement  se  produise  parmi  les  jurés  de  jugement,  la  cour  d'as- 
sises, si  la  continuation  des  débats  est  impossible,  doit  constater  l'incident  et 
renvoyer  l'affaire  à  un  autre  jour  ou  à  une  autre  session. 

FcTfMsdu  Ifra^e.  La  jurisprudence  a  admis  que  le  tirage  des  douze  jurés  peut 
avoir  lieu  soit  devant  le  président  seul,  soit  devant  la  cour  d'assises  entière. 
Dana  l'un  et  l'autre  cas  l'opération  est  régulière  et  la  défense  ne  peut  y  puiser 
aucun  grief.  Lorsque  des  incidents  contentieux  s'élèvent  dans  l'opération,  il 
n^appartient  qu'à  la  cour  d'assises  d'y  statuer;  et  cette  règle  a  amené  la  cour 
d'assises  dans  la  plupart  des  sièges  à  présider  tout  entière  au  tirage  des  jurés. 

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m;  JURY  KT    DB  SA  COMPOSITION  (ART.   382).  70S 

La  loi  exige  d'ailleurs  la  présenee  du  ministère  pnbiic  et  celle  des  accuses 
(«rt.  399).  Le  défenseur  a  le  droit  mais  non  l'obligation. d'y  assister;  lorsqu'il 
est  présent^  il  peut  exercer  lui-même  au  nom  de  Paccusé  le  droit  de  récusa* 
tion.  Mais  si  Taccusé  a  réclamé  son  assistance  et  s'il  n'avait  pas  été  fait  droit 
à  sa  réclamation,  il  pourrait  en  résulter  un  grief^  puisque  la  défense  a  été 
entravée.  S'il  n'entend  pas  la  langue  française^  il  doit  être  assisté  d'un  inter- 
prète, à  moins  qu'il  n'en  ait  une  connaissance  suffisante  pour  exercer  ses  ré- 
cusations. La  partie  civile  peut  assister  au  tirage.  Le  greffier  est  tenu  de  dres- 
ser un  procès-verbal  de  l'opération  qui  a  lieu  dans  la  chambre  du  conseil;  il 
doit  être  signé  par  lui  et  par  le  président. 

Les  formes  intrinsèques  du  tirage  sont  l'appel  des  jurés,  le  dépôt  dans  une 
urne  des  noms  des  jurés  présents,  et  le  tirage  au  sort  de  douze  noms  non 
récusés  par  le  ministère  public  et  l'accusé.  L'appel  doit  se  renouveler  pour 
chaque  aiSaire;  il  est  fait  en  présence  de  l'accusé  et  doit  constater  la  présence 
de  tr^OLte  jurés  idoines  au  moins.  Le  président, à  mesure  que  chaque  jui^  répond 
à  l'appel,  dépose  dans  l'urne  son  nom  inscrit  sur  un  papier.  Il  n'est  pas  permis 
de  substituer  à  ce  mode  légal  tout  autre  mode.  Les  noms  des  jurés  présents, 
•an  nombre  de  trente  au  moins,  ayant  été  déposés  dans  l'urne,  le  tirage  des  douze 
ost  opéré  par  la  voie  du  sort.  Le  président  tire  successivement  les  noms  des 
jurés  et  les  proclame.  Les  récusations  s'exercent  à  mesure  que  chaque  nom  est 
extrait.  Le  tableau  du  jury  de  jugement  se  compose  des  douze  premiers  noms 
qni  sont  sortis  de  l'urne  et  qui  ont  été  acceptés  sans  récusation  par  le  mi- 
nistère public  et  l'accusé.  Ce  jury  est  acquis  à  l'accusation  comme  à  la  dé- 
fense. Il  n'est  pas  permis  sous  aucun  prétexte  d'en  modifier  la  composition. 
Il  peut  se  trouver  toutefois  annulé  par  le  fait  lorsque,  pour  une  cause  légale, 
la  cour  d'assises  renvoie  l'affaire  à  un  autre  jour  ou  à  une  autre  session,  ou 
lorsque  la  maladie  d'un  des  jurés  apporte  un  obstacle  à  la  continuation  des 
débats.  L'annulation  peut  même  en  être  prononcée  lorsqu'une  irrégularité 
grave  a  été  commise  dans  le  tirage. 

DraU  de  réms<Uion.  Ce  droit,  qui  est  le  complément  de  l'institution  du  jury 
et  son  accessoire  indispensable,  est  soumis  par  l'art.  399  aux  règles  suivantes  : 
10  les  récusations  ne  sont  faites  qu'en  présence  des  jurés  ;  2«  elles  sont  pé- 
remptoires  et  ne  peuvent  être  motivées ;.3<^  le  nombre  des  récusations  est  de 
9  à  12  pour  chacune  des  parties,  suivant  que  le  nombre  des  jurés  s'élève  de 
30  à  36.  Les  récusations  sont  faites  au  moment  oii  le  président  extrait  chaque 
nom  de  l'urne;  il  doit  procéder  avec  lenteur  et  mettre  entre  chaque  nom  un 
intervalle  afin  de  laisser  aux  parties  le  temps  d'apprécier  si  elles  doivent  ré- 
cuser. Elles  peuvent  d'ailleurs  s'aider  de  notes  écrites  et  il  leur  faut  le  loisir 
de  les  consulter.  S'il  y  a  un  juré  suppléant  et  s'il  n'y  a  que  trente  jurés,  les  ao 
cusés  exerceront  neuf  récusations  et  le  ministère  public  huit;  s'il  y  a  deux  ju- 
rés suppléants,  les  récusations  sont  réduites  à  huit  pour  les  deux  parties.  Le 
président  doit  avertir  les  accusés,  avant  l'opération  du  nombre  des  récusa- 
tions qu'il  leur  appartient  d'exercer. 

S'il  y  a  plusieurs  accusés  le  nombre  des  récusations  demeure  le  même.  Ils 
peuvent  se  concerter  pour  les  faire  toutes  ou  eh  partie  (art.  402, 403)  ;  ils  peu- 
vent charger  un  seul  d'agir  au  nom  de  tous;  ils  peuvent  même  délier  cette 
mission  à  l'un  des  défenseurs.  S'ils  ne  se  concertent  pas,  il  y  a  lieu  de  diviser 
I  '  ^      45    , 

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706  QUARANTlAlfB  LBÇON.   —  DBS  OOURS  D*A|ISI8B8  (N^  755). 

proportiomieUément  entre  eux  le  ncmibre  des  récusations  à  exercer  ;  le  prêsi*^ 
dent  règle  par  le  sort  le  rang  des  aocasés,  divise  les  récusations  suivant  leur 
nombre  et  ne  laisse  chacun  d'eux  ex^t^r  que  celles  qui  lui  appartiennent.  8! 
la  nombre  des  accusés  est  supérieur  à  celui  des  récusajtions,  il  est  clair  que  les 
derniers  se  trouTent  dans  Timpossibilité  d'en  exercer^  à  moins  que  le  droit 
n'ait  pas  été  épuisé  par  les  premiers.  Les  incidents  qui  peuvent  s'élever  dans  le 
cours  du  tirage  sont  vidés  soit  par  le  président,  soit  par  la  cour  d'assises,  mais 
par  cette  oour  seulement,  s'ils  ont  un  caractère  contentieux. 

Chef  du  jury.  Le  président  ou  chef  du  jury  est  celui  des  douze  jurés  sorti  le 
premier  par  le  sort  ou  désigné  par  eux  fart.  347).  Le  remplacement  8*opère 
par  une  décision  de  la  majorité  des  jurés;  le  consentement  du  premier  Juré 
est  inutile;  ces  mots  de  Fart.  342  t  du  consentement  de  ces  derniers  »  ne  se 
réfèrent  qu'au  juré  qu'ils  désignent.  Ce  remplacement  n'est  soumis  à  aucune 
fonnalité  ;  il  suffit  qu'il  soit  constaté.  La  délégation  peut  n'être  que  partielle 
et  être  limitée  à  la  lecture  de  la  déclaration  à  l'audience.  Les  fonctions  du  chef 
des  jurés  consistent  à  présider  leur  délibération^  à  rédiger  la  déclaration,  à  la 
signer  et  à  en  donner  lecture. 

Serment  des  jurés,  La  prestation  par  chaque  juré  du  serment  prescrit  par 
l!art.  342  est  substantielle  et  son  omission  emporterait  la  nullité  de  )a  procé* 
dure,  car  les  jurés  qui  n'ont  pas  prêté  serment  n'ont  aucun  caractère  pour 
juger.  C'est  le  serment  qui  fait  le  juré.  Il  est  donc  nécessaire  que  le  procès* 
verbal  des  débats  le  constate  formellement.  Les  termes  de  la  formule  sont  sa- 
cramentels et  ne  peuvent  être  modifiés  à  peine  de  nullité.  Le  juré  qui  refuse- 
rait de  le  prêter  serait  incapable  de  siéger,  à  moins  que,  appartenant  à  un 
culte  différent,  il  ne  réclame  l'application  des  rites  de  son  culte.  Le  serment  est 
prêté  publiquement  à  l'ouverture  de  l'audience. 

Ainsi  se  trouve  formée  la  liste  des  jurés. 

Vous  voyez  que,  si  le  système  peut  encore  par  quelque  côté  prêter  le  flanc 
à  la  critique,  s'il  ne  satisfait  pas  complètement  à  tout  ce  que  la  théorie  peut 
exiger,  il  y  a  cependant  une  immense  amélioration  dans  ses  dispositions  rap- 
prochées du  système  tout  à  fait  illusoire  du  Gode  de  1808.  Vous  voyez  qu'en 
comparant  la  formation  des  listes  prescrites  par  le  Gode  de  1808  avec  ceUe  qui 
est  maintenant  en  vigueur,  il  est  vrai  de  dire  que  cette  dernière  renferme  des 
corrections,  des  améliorations  au  système  qu'elle  a  remplacé,  et  même  qu'elle 
a  vraiment  en  France  ressuscité  le  jury,  qui,  en  vérité,  n'y  existait  plus  de- 
puis la  rédaction  du  Gode  impérial. 

Nous  sommes  donc  arrivés  maintenant  i  la  fin  de  la  confection  des  listes  et  i 
l'ouverture  des  débats  ;  c'est  à  ce  point  que  nous  aurons  à  prendre  l'article  310. 


QUARANTIÈME    LEÇON. 

CHAPITRE  IV 

8EGTI0N  PREMIÈRE 
DE   L*SXAMEN. 
755.  Avant  d'entrer  dans  le  texte  des  articles,  il  est  bon  de  vous  avertir  que 

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PROCÉIKIBB  J>BTANT  lA  QOUR  d'aSSIBBS  (aRT.  3t2).  707 

Ja  portée  de  la  phipart  d'onlie  eaxeet  très-fadleà  laieir,  que  fort  peu  domient 
lieu  à  des  débats  d*liitcq[»rÂtiitiom'tant  soit  peu  douteu»  ;  nous  pourrons  même 
nous  abst^iir  de  lire  nue  boane  partie  de  oesrarticles. 

L'accusé  c<mparaittaiibt^.  C'est  de  la  liberté  de  ses  membres  et*  de  son  ceife 
qu'il  est  ici  question^  cex  M  est  entouré  de  gardes. 

a  Aht.  310.  L'accusé  comparaîtra  libre,  et  seulement  accompagné  de  gardes 
pour  Tempècher  de  3*évader.  Le  président  lui  demandera  son  nom,  ses  .prénoms, 
son  égOf  sa  profession^  sa  demeure  et  le  lieu  de  sa  naissance.  » 

756.  Relativement  au  conseil  qui  devra  assister  Faccusé,  îrfaut  vous  repor- 
ter aux  art.  294  et  ^5,  relatifs  à  la  nécessité  d'une  nomination  de  conseil,  soit 
par  l'accusé,  soit  au  moins  pour  lui.  Le  président  des  assises,  dans  les  opéra- 
tions préliminaires  qui  sont  indiquées,  soit  par  les  art.  266  et  suivants,  soit 
par  les  articles  29i  et  suivants,  est  chargé,  entre  autres  opérations,  d'inter- 
peller Paccusé  sur  la  question  de  savoir  s'il  a  fait  choix  d'un  oonseîi.  CSette 
interpellation  doit,  à  peine  de  nullité,  être  faite  à  l'époque  indiquée  par  Far- 
ticle  293,  c'est-à-dire  quelque  temps  avant  l'ouverture  des  débats.  Si  l'accusé 
ne  déclare  pas  le  conseil  dont  il  a  fait  choix,  le  président  doit  également,  à 
peine  de  nullité,  hd  en  nommer  un  d'office.  L'art.  295  indique  dans  quel  bar- 
reau ou  dans  quel  cercle  de  personnes  le  conseil  peut  être  ou  choisi  par  Taocusë 
ou  désigné  d'office. 

C'est  à  ce  conseil  que  s'adresse  l'avis  indiqué  par  l'art.  31  i,  avis  dont  rémis- 
sion à  l'audience  ne  peut  devenir  la  matière  d'une  nullité. 

Qu'arriverait-il  si,  nonobstant  cette  formalité  que  dans  l'usage  on  se  borne  & 
remplir  en  rappelant  au  conseil  l'art.  311,  en  citant  le  numéro  de  l'article  sans 
en  répéter  le  texte  à  Taudienoe,  qu'arriverait-il  si,  nonobstant  cela,  le  prési- 
dent ou  la  cour  trouvaient  que  dans  les  débats  ou  dans  la  défense  le  conseil  est 
allé  au  delà  des  limites  dans  lesquelles  Fart.  311  le  renfermait?  A  part  les 
injonctions,  les  réprimandes  ou  autres  peines  disciplinaires  établies  par  des 
décrets  ou  des  lois  spéciales,  le  président  ou  la  cour  pourraient-ils  aller, 
nonobstant  les  art.  294  et  295,  jusqu'à  interdire  la  parole  au  conseil  ainsi 
nommé?  Le  président  de  la  cour  d'assises  a  la  pleine  police  de  l'audience;  il 
est  donc  difficile  de  lui  contester,  en  principe,  le  droit  de  retirer  la  parole  au 
conseil  qui  en  aurait  trop  complètement  abusé.  Mais,  comme  la  loi  veut  par- 
dessus tout  qu'à  tous  les  instants  des  débats  Faecusé  ait  un  conseil,  le  président 
ne  devrait  exercer  ce  droit,  d'abord,  qu'à  toute  extrémité,  et  secondement,  en 
nommant  à  Faecusé  un  autre  avocat.  Il  est  d'ailleurs  bon  de  rappeler  que  œtte 
nomination  d'un  conseil  destiné  à  remplacer  celui  à  qui  serait  retirée  la  parole 
ne  peut  se  faire  que  dans  le  cas  de  la  plus  absolue  nécessité,  qu'un  conseil 
même  présent  depuis  Fouverture  des  débats  est  néanmoins  assez  mal  instruit 
de  l'affaire,  et  ne  peut  remplacer  que  d'une  manière  incomplète  le  conseil  qui 
avait  mission  de  défendre  l'accusé.  Ce  ne  sont  là,  vous  le  sentez,  que  des 
principes  très-généraux,  nécessairement  subordonnés  aux  faits  et  à  l'appli- 
cation. 

757.  L'art.  312  est  relatif  au  serment  des  jurés.  Ce  sermeftt  est  exigé  à  peine 
de  nullité. 


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708  QUARANTIÉMB  LBÇON.   —  DES  COURS  D^ASSISBS  (n^  758). 

Cependant,  quant  aux  derniers  mots  de  cet  article  :  c  Chacun  des  jurés, 
appelé  individuellement  par  le  président,  répondra,  en  levant  la  main^  je  lb 
JURE,  à  peine  de  nullité  ;  •  remarquons,  une  fois  pour  toutes,  que  l'omission 
des  formalités  exigées  par  la  loi,  à  peine  de  nullité,  dans  la  procédure  publique 
devant  les  cours  d'assises,  remarquons,  dis*je,  que  cette  omission  n'entraîne 
pas  nécessairement  Tannulation  de  Tarrét  rendu  par  la  cour  d'assises.  En  règle 
générale,  l'omission  d'une  formalité,  exigée  par  la  loi  à  peine  de  nullité,  ne 
peut  être  invoquée  que  par  l'accusé  en  cas  de  condamnation.  Dans  le  cas 
contraire,  dans  celui  d'acquittement,  le  ministère  public  n'est  pas  admis  à  se 
prévaloir,  contre  Taccusé  acquitté,  de  l'omission  d'une  formalité,  puisque  lui- 
môme  n'a  pas  réclamé  contre  cette  omission.  Vous  trouverez  cette  distinction 
dans  les  art.  408  et  409.  Ces  articles  spécifient  les  cas  où  la  cassation  peut  être 
prononcée,  soit  à  la  requête  du  ministère  public,  soit  à  la  requête  de  l'accusé  ; 
et  vous  verrez  que  les  voies  de  nullité  ouvertes  à  ce  dernier  sont  infiniment 
plus  larges  qu'elles  ne  le  sont  en  faveur  du  ministère  public. 

758.  Une  partie  de  notre  article  demande,  non  pas  précisément  dans  son 
interprétation,  mais  dans  son  application  pratique,  quelques  observations  un 
peu  plus  importantes.  J'entends  parler  de  cette  partie  du  serment  dans  laquelle 
les  jurés  sont  appelés  à  promettre,  sous  la  foi  du  serment,  de  ne  communi- 
quer avec  personne  jusqu'après  leur  déclaration  ;  c*est  là  une  partie  du  ser* 
ment  exigé  par  Tart.  312.  La  conséquence  forcée  de  l'ensemble  de  ce  texte, 
c'est  que,  si  dans  la  formule  du  serment  lue  par  le  président  aux  jurés  on 
avait  omis  ce  membre  de  phrase  relatif  à  la  promesse  de  ne  pas  communiquer, 
cette  omission  entraînerait  la  nullité  des  débats  et  de  la  condamnation,  encore 
bien  qu'aucune  communication  n'ait  eu  lieu  du  jury  avec  l'extérieur.  C'est  à 
la  non*prestation  du  serment  de  l'art.  312,  dans  toutes  ses  parties  et  pris  d'un 
bout  à  l'autre,  que  la  loi  attache  avant  tout  la  peine  de  nullité. 

En  ce  qui  touche  cette  promesse  de  ne  pas  communiquer,  le  motif  de  la  loi 
est  évident  ;  de  même  que  les  jurés  doivent  arriver  à  l'audience  purs  et  déga- 
gés de  tout  préjugé  antérieur,  de  même  aucune  autre  idée,  aucun  fait^  aucune 
discussion  que  celle  qui  aura  lieu  à  l'audience  et  dans  les  débats  ne  doit  venir 
influencer  la  décision  à  rendre  sur  le  sort  de  Taccusé.  Leur  laisser  la  liberté 
entière  de  communiquer  dans  le  cours  des  débatp,  c'est  les  exposer  à  mille 
influences,  soit  favorables,  soit  contraires,  qui  ne  pourraient  être  contrôlées 
ni  par  Taccusation  ni  par  la  défense.  De  là  l'exigence  du  serment  de  l'art.  312. 

Mais  ce  qui  est  bien  bizarre^  c'est  qu'en  présence  de  ce  motif  d*ane  nature 
si  claire,  en  présence  de  ce  texte,  dont  les  expressions  sont  si  positives,  il 
arrive  très- fréquemment,  dans  l'usage,  que  les  communications  sont  parfaite- 
ment libres  aux  jurés  avec  le  public  dans  les  intervalles  qui  séparent  lee 
diverses  séances  d'une  même  affaire  ;  c'est  que,  par  exemple,  lorsqu'une 
affaire  est  de  nature  à  durer  plusieurs  jours,  les  jurés  communiquent  librement 
dans  l'intervalle  des  séances,  au  mépris  de  la  prohibition  formelle  de  l'art.  3i2  ; 
c'es^^  en  un  mot,  que  l'omission  de  la  prestation  de  serment  relative  à  la  non* 
communication  entraînerait  nullité  de  l'arrêt,  mais  que  la  violation  patente 
et  publique  de  ce  serment  s'opère  sous  les  yeux  de  la  cour,  sotis  les  yeux  de 
tout  le  public,  sans  qu'il  soit  possible  d'en  faire  un  moyen  de  nullité. 


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CnOOigle 


PROGÉDURK  DEVANT  LA  COUR  D*ASSISB8  (ART.   S12).  709 

Sur  qaoi  peut  s'autoriser  cette  pratique  vicieuse  en  elle-môme,  et  contraire 
évidemment  à  Tesprit  de  Tart.  312?  C'est,  selon  quelques  auteurs,  sur  Tart.  353. 
Cet  article  décide,  dans  sa  dernière  partie,  que  le  président  né  pourra  suspen- 
dre les  débats  que  pendant  les  intervalles  nécessaires  pour  le  repos  des  jurés, 
des  juges,  des  témoins  et  des  accusés.  Mais,  d*abord,  il  n'y  a  aucune  incompa- 
tibilité entre  Timpossibilité,  la  prohibition  de  communiquer  que  les  jurés 
doivent  garantir  par  serment,  et  la  nécessité  de  suspendre  les  débats,  quand 
leur  prolongation,  leur  continuation  deviendrait  trop  pénible  pour  ceux  qui 
doivent  y  prendre  part.  H  y  a  plus,  c'est  que  le  même  art.  353,  qui,  dans  la 
seconde  partie,  ne  parle  pas  du  tout  de  rendre  aux  jurés  leur  liberté,  mais  seu- 
lement de  suspendre  les  débats,  le  même  article  décide,  dans  sa  première 
partie,  que  les  débats  entamés  devront  être  continués,  sans  interruption  et  sans 
communication  d'aucune  espèce,  jusqu'à  la  décision  du  jury.  Ainsi^  dans  la 
première  phrase  de  cet  article,  il  y  a  deux  règles:  i<>  continuation  des  débats 
sans  interruption  aucune;  2®  prohibition  absolue  de  communiquer  avec  le 
dehors  depuis  le  moment  où  les  débats  sont  ouverts  jusqu'au  moment  où  le 
jury  est  venu  prononcer  son  verdict.  Puis,  la  seconde  partie  de  l'article,  sen- 
tant bien  que  dans  certaines  affaires  la  continuation  des  débats  est  impossible, 
autorise  le  président  à  suspendre  les  débats  quand  la  nécessité  le  demande, 
mais  ne  l'autorise  nullement  à  ùiire  cesser  la  prohibition  de  communiquer, 
prohibition  absolue  dans  l'art.  353,  comme  elle  était  absolue  dans  l'art.  312. 
Ainsi  me  parait- il  impossible  d'admettre,  avec  quelques  auteurs,  que  l'art.  353 
légitime  suffisamment  comme  texte  la  violation  patente  et  cependant  jour- 
nalière du  serment  exigé,  à  peine  de  nullité,  dans  l'art.  312. 

D'autres  auteurs  n'invoquent  pas  ce  moyen  ;  ils  reconnaissent  franchement, 
pleinement  que  les  art.  312  et  353  contiennent,  de  la  part  de  la  loi,  la  mani- 
festation formelle  qu'elle  n'entend  pas  permettre  aux  jurés  de  communiquer 
avec  le  dehors,  jusqu'à  ce  que  les  débats  se  soient  terminés  par  un  verdict. 
Mais  ils  ajoutent  que  la  pratique  a  cependant  bien  fait  de  s'écarter  de  ces 
règles,  et  cela  par  ces  deux  raisons  :  i^  parce  que  l'art.  353  ne  prononce  pas 
la  peine  de  nullité  ;  2^  parce  qu'il  y  aurait  à  retenir  les  jurés  renfermés  pen- 
dant toute  la  durée  d'une  a£GELire,  des  obstacles  de  localités,  des  causes  de  gêne 
à  peu  près  insurmontables.  C'est  dire,  en  d'autres  termes,  qu'un  fait  prétendu 
insurmontable,  à  tort  ou  à  raison,  prévaut,  à  bon  droit,  sur  le  texte  exprès  de 
la  loi.  Ces  deux  raisons  méritent  d'être  examinées,  car  la  matière  est  assuré- 
ment fort  grave. 

D'abord,  quand^  pour  légitimer  la  pratique  en  pleine  vigueur,  on  s'appuie 
sur  ce  que  l'art.  353  ne  prononce  pas  la  peine  de  nullité,  cela  peut  établir,  tout 
au  plus,  que,  si  un  pourvoi  en  cassation  était  fondé  sur  un  pareil  motif,  la 
Cour  de  cassation  ne  devrait  pas  casser.  Mais,  de  ce  que  l'art.  353  n'a  pas 
ajouté  à  sa  disposition  impérative  une  sanction  de  nullité,  s'ensuit-il  que  l'on 
doive,  dans  tous  les  cas,  sans  distinction,  regarder  cet  article  comme  s'il 
n'existait  pas?  de  ce  que  la  loi,  en  s'adressànt  au  président  et  lui  enjoignant 
de  ne  permettre  aucune  communication,  n'a  cependant  pas  ajouté  qu'en  cas 
de  communication  il  y  aumit  nullité,  il  n'est  pas  logique  de  conclure  que  le 
président  doit  effacer  œt  article,  et  permettre  toute  communication.  En  second 
lieu,  la  question  même  de  nullité  n'est  pas  parfaitement  claire  :  l'art.  %3  a 

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7Ifir         QUARAKtlÈMn.  LB^IO»»  —  096  CaURl  b'A0BI9B0  (n«  750]. 

omM^  il  est  vrai,  d^ajovter  la  peine  denalMté,  mais  l'art.  142  Ta  prononcée,  et 
ilesi^en  vérité,  de  la  dernière  bizarrerie  de  prononcer  la  ni^tô  d*nne  procé- 
da» kmqa'on  n'a  pas  prêté  aennenlde  ne  point  commanlqaer  et  de  déclarer 
cette' mélna  pnooédnm  valable  quand  on  anra  libveoient  et  publiquement 
commnûqnéi 

Qsantl  1«  difEoolté  èe  fait  de  retenir  lesj  jurés  en^Nmés,  gardés  à  vue 
prea^pae,  s'il  fkut'le  dire,  pendant  tonte'  fat  durée  d'une  procédure  criminelle, 
cette  dificnlté  n'est  guère  qu'imaginaire.  Il  Unt  â*ttboid  remarquer  que  ce 
n'est. qne  dans,  des  cas  exCraordinaires,  qoi^  se  préseiiteti«  rarement,  qu'une 
pieeédJDBre  crlniinelle  se  prolonge  pendant  plusieurs  jours^  et  qu'on  se  trouve 
ainsi,  dans  la  prélendiie<  nécessité  d»  laisser  le»  jurés  communiquer  et  s'éloi- 
^erdiaque  aoir  pour  Devenir  le  lendemain  matin.  En  second  lieu,  cette  diffi- 
cnlté:  exister partottty  eikn'a  rien  de  spéciale  à  bi  France,  et  cependant  la  pro- 
Inbaffon  de  communiquer,  soit  en  Amérique,  soit  en  Angleterre,  est  observée 
à  lattottre  et, avec  la  demièra  rigueur: 

Ainsi,,  soit  en  droite  soit  en  fait,  je  ne  vois  rien,  je  le  répète,  qui  puisse  légî- 
timet  laviolatian  petenlie  et  quotidienne  du  vovu/  de  la  loi^  manifesté,  et  par  de 
fort  bonnes  rabonsv  dans  les  art.  312  et  353.  * 

JD  y  a^plus^  c^eet  que  dans  un  article  qui  ne  parle  pas  davantage  de  nullité, 
danauiiifartielerquise  borne  à  répéter,  pour  un  cas  partîcnlier,  la  disposition 
des  art.  312  et  3^  on.  exécute  à  la  rigueur  cette  disposition  ;  j'entends  parler 
dB»  deux  premiers  paragraphes  de  l'art.  343  :  «  Les  jurés  ne  pourront  sortir  de 
leur  chambre  qu'après  aaroir  formé  leur  déclcratien.  L'entrée  n'en  pourra  être 
permise  pendant  leur  délibération,  pour  quelque  cauae  que  ce  soit,  que  par 
le  piéaidèntet.  par  écrit,  i  On  reconnaît  bien;  qu'une  fois  que  le  résumé  du 
prénient  a.  été  fait,  une  fois  qu'en  conséquence  les  jurés  se  sont  retirés  dans 
lenr^b&mbre  penr  y  délibérer  et  pour  y  former  leur  vote,  alors  il  est  interdit 
à  tXMt  juré- d'en  sertir,  ii  est  interdit  à  toute  personne  étrangère  d'y  pénétrer. 
On  renonniit  bien  alors,  d'après  Fart.  343,  qu^il  faut  tenir  la  main  à  l'exécu- 
tion httèrale  de  la  Id,  et  que  soua  aucun  prétexte  on  ne  doit  exposer  les  jurés, 
doDtila  délibération  est  commencée,  à  une  influence  extérieure;  mais  il  est 
ciair  que  cette  inflUiMiee  était  tout  aussi  puiseante  la  veille,  l'avant-veille, 
dasM-le»  intervaiiee  des  débats  commencés  devant  eux,  qu'elle  sera  après 
ces  débats  dos,  et:  quand  leur  déiibêration  sera  déjà  entamée.  Ainsi,  l'art,  343 
fomrmt  uub  troisièmeprenv&de  là  volonté  du  législateur,  volonté  qui  est  bien 
certaine,  de  soustraire  les  jurés  à  toute  suggestion,  à  toute  menace,  à  toute 
ixifloenee  extériemre;  soit  favorable,  soit  ceùtndre  à  l^aocusé. 

759i  «  AiPrt:  318^  Iteméfdiatement  après,  le  pi^éèideùt  avertira  Taccusé  d'Ôtre 
attentif  i  ce  qu'il  va  entendre.  Il  ordonnera  aa  grefier  de  K»e  l'arrêt  de  la  cour 
pertant.vsnvoi  à  la.  cour  d'assises,  et  Tacte  diaccusation.  Leigreffier  fera  cette  lec- 
ture à. haute  veii».» 

Lebet  de:catte  leetnreest  mantfeste, l'identilé  de Ifaaeaeé une  fois  constatée 
par  sa  réponse  àlcquesiioil  de  L'art  810,  lACbnstitsBtîendtt;  juryune  foiscom-^ 
iMtéa  par  la  prédation  da  serment  de  li'art  312,  le  poiaC  de  dé|part  des  débats 
c'eatirexpoeé  de  raffairo  fiai,  soit  pour  l'ascnsé,  soit  pour  les  témoins,  soit  pour 

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mocatoimB  dbvaiit  la  cour  d'assubs  (art.  313).  711 

Id  j vy»  Boît  enfin  pour  le  public.  Uexposô  de  rafi&dre  résaltera  de  la  double 
lecture  de  l'art  313,  lecture  deFarrôt  de  renvoi,  on  de  rarrôtde  mise  en  accor 
eation  dont  j'ai  déjà  indiqné  Tobjet,  et  lecture  de  Facte  d'accusation  dressé, 
en  vertu  de  cet  arrêt,  par  le  procureur  général,  qui  est  nécessairement  partie 
poufstûvante. 

760.  La  loi  ajoute  qu'après  cette  double  lecture^  le  président  rappellera  à 
l'accusé  ce  qu'il  vient  d'entendre  ;  qu'ensuite  le  procureur  général  exposera 
robj[et  de  raccusation.  Un  des  commentateurs  du  Gode  d'instruction  criminelle 
loue  beaucoup  ces  deux  dernières  dispositions  ;  il  dit  que  le  législateur,  prévoyant 
avec  raison  que  le  trouble  de  Taccusé,  dans  les  premiers  instants  de  l'audience, 
a  pu  le  rendre  inàttentif  à  cette  double  lecture,  Tart.  313  veut  que  les  faits  de 
l'accusation  lui  soient  encore  retracés  :  1<»  par  1^  président,  d'après  T^t,  314; 
i^  parle  procureur ^énéral^  d'après  l'art.  315.  Cependant,  dans  l'usage,  aipi 
moins  à  Paris,  on  n'observe  à  la  lettre  aucun  de  ces  deux  articlesp  et  peut-étr^ 
est-ce  avec  raison.  On  ne  voit,  en  effet,  aucune  importance  réelle,  aucun  mor 
tif  sérieux  de  suivre  ces  deux  dispositions. 

Ainsi,  quand  la  double  lecture  de  l'arrêt  de  renvoi  et  de  l'acte  d'accusation, 
qui  ne  font  l'un  et  l'autre  que  retracer  les  mêmes  faits,  les  mêmes  charges,  a 
été  faîte  à  l'accusé,  on  ne  voit  pas  trop  pourquoi  le  président  rependrait  la 
parole'pour  rappeler  àraccusé  les  faits  déjà  entendus.  Le  président  se  borne, 
dans  l'usage,  à  dire  à  Taccusé  d'après  TarL  314  :  Vous  venez  d'entendre  de 
quoi  vous  êtes  accusé,  vous  allez  entendre  les  charges  qui  seront  produites 
contre  vous. 

Quant  à  l'exposé  qui,  d*après  l'art.  315,  devrait  être  fait  par  le  procureur 
général,  on  n'y  voit,  dans  la  plupart  des  cas,  aucune  utilité.  Vainement  dit-oa 
que  le  txouble  de  l'accusé  a  pu  l'empêcher  d'être  attentif,  il  n'y  aurait  aucune 
raison  pour  qu'il  prêtât  plus  d'attention  à  un  troisième,  à  un  quatrième  exposé^ 
qu'à  la  première  et  la  seconde  lecture. 

Il  ne  faut  pas  oublier,  d'ailleurs,  que  ces  deux  lectures  faîtes  sont  la  lecture 
de  deux  actes  qui  spnt  depuis  longtemps  dans  les  mains  de  l'accusé,  car  ces 
deux  actes  lui  ont  été  signifiés,  à  peine  de  nullité,  avant  l'ouverture  des  débats. 
Aussi  l'exposé  du  procureur  général  ou  de  l'officier  du  parquet  qui  le  rem- 
place est-il  fait  que  dans  les  affaires  d'une  nature  importante  et  compliquée. 

Il  faut  même  remarquer  qu'il  est  assez  dans  l'intérêt  de  l'accusé  que  le  pre- 
mier rôle,  dans  les  débats,  ne  soit  pas  ainsi  constamment  attribué  à  l'accusa- 
tion. Il  n&  faut  pas  que,  quand  on  a  déjà  lu  à  l'audience  l'arrêt  de  renvoi  et 
l'acte  d'accusation  dressé  en  vertu  de  cet  arrêt,  il  vienne  encore  s'y  joindre, 
de  la  part  du  procureur  général,  un  exposé  qui  serait  nécessairement  à  charge, 
et  qui  viendrait  encore  aggraver,  dès  ces  premiers  moments,  les  préventions 
que  cette  lecture  a  pu  faire  naître  contre  l'accusé.  C'est  dopc^  je  crois,  avec 
raison  qu'on  n'applique  guère  l'art.  315  que  dans  les  cas  oii  la  complication 
et  l'importance  de  l'affaire  peuvent  rendre  nécessaire  d'appeler  plus  spéciale- 
ment sur  certains  détails  Taftention  des  jurés  et  celle  de  l'accusé. 

761.  Aprèr  cet  exposé,  quand  il  y  a  lieu,  le  procureur  général  présentera 
la  liste  des  témoins  à  entendre,  soit  à  sa  requête,  soit  à  celle  de  la  partie  civile, 
soit  à  celle  de  Taccusé. 


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712  QUARAMTlilCB  LBÇON.  — •  DX8  COURS  d'aSSISBS  (m*  761). 

Cette  liste  est  lae  à  haute  yoix  par  le  greffier.  Elle  ne  peut  eontenir  que  les 
noms  des  témoins  dont  la  désignation  a  été  notifiée,  an  moins  vingt-qaatre 
heures  à  l'aTance,  soit  à  Taccasé  par  le  procureur  général  ou  la  partie  ciYile, 
soit  à  rinverse,  au  procureur  général  par  l'accusé. 

Quel  est  le  but  de  cette  uotification  antérieure  aux  débats,  eVexigée  par 
le  §3  de  Tart.  315?  Elle  a  pour  but  de  mettre  soit  Taccusé,  à  Tégard  des  té- 
moins à  charge,  soit  le  ministère  public,  à  Tégard  des  témoins  à  décharge,  en 
mesure  de  s'enquérir,  avant  l'ouyerture  de  l'audience  ou  avant  l'audition  des 
témoins,  des  causes  de  récusation,  ou  tout  au  moins  des  causes  de  suspicion 
légitime  qui  peuvent  militer  contre  ces  témoins.  Ainsi,  vous  verrez  dans 
l'art.  322  que  certains  témoins  ne  doivent  pas  être  entendus  ;  vous  verrez  dans 
Tart.  319,  §  2,  que  l'accusé  a  droit  de  dire  non-seulement  contre  la  déposition» 
mais  contre  la  personne,  contre  la  moralité  des  témoins,  tout  ce  qu'il  peut 
juger  utile  et  intéressant  pour  sa  défense.  Dès  lors,  ce  délai  de  vingt-quatre 
heures  était  nécessaire  pour  permettre  aux  parties  de  recueillir  les  renseigne* 
ments  convenables. 

Remarquez,  au  reste,  que  cette  disposition  de  Tart.  315  n'empêcherait  pas 
défaire  entendre,  dans  le  cours  des  débats  d'une  certaine  longueur,  des  témoins 
dont  les  noms  n'auraient  pas  été  lus  dans  la  liste  primitive.  Cette  notification 
doit  précéder  de  vingt-quatre  heures,  non  pas  l'ouverture  des  débats,  mais 
l'audition  des  témoins  dont  on  doit  notifier  le  nom.  Ainsi,  dans  un  débat  qui 
durerait  cinq  ou  six  jours,  on  pourrait,  le  quatrième  jour  du  débat,  faire  en- 
tendre, soit  à  charge,  soit  à>  décharge,  un  témoin  dont  le  nom  aurait  été  no- 
tifié vingt-quatre  heures  avant  son  audition. 

Il  y  a  cependant  à  cela  un  inconvénient,  c'est  que  le  témoin  ourra  déjà 
connaître  la  première  partie  du  débat.  Mais  ce  n'est  là  qu'un  inconvénient 
assez  léger;  car  bien  que,  d'après  la  disposition  de  l'art.  317,  les  témoins  doi- 
vent déposer  séparément,  bien  que  les  derniers  témoins  ne  doivent  pas  assis- 
ter à  la  déposition  de  ceux  qui  les  précèdent,  cette  précaution  paraît  en  elle- 
même  n'avoir  pas  une  grande  importance,  parce  que,  dans  les  débats  qui  du- 
rent plusieurs  jours,  l'audience  étant  publique,  les  témoins  entendus  le  second 
jour  peuvent  connaître,  oralement  ou  par  la  lecture  des  journaux,  les  débats. 

Ajoutez  même  que  dans  l'art.  315  il  n'est  question  que  des  témoins  propre- 
ment dits,  c'est-à-dire  des  personnes  qui  viendront  à  l'audience  déposer  sous 
la  loi  du  serment.  Il  faut  joindre  à  cet  article  les  art.  268  et  269,  qui,  bien 
que  rangés  par  la  loi  parmi  ceux  qui  concernent  les  opérations  préalables  à 
l'ouverture  des  débats,  se  rattachent  néanmoins  par  leurs  textes  à  l'ensemble 
même  de  ces  débats.  Ainsi,  d'après  l'art.  268,  c  le  président  est  investi  d*un 
pouvoir  discrétionnaire,  en  vertu  duquel  il  pourra  prendre  sur  lui  tout  ce 
qu'il  croira  utile  pour  découvrir  la  vérité.  »  Et  l'art.  269  ajoute  :  t  II  pourra, 
dans  le  cours  des  débats,  appeler,  même  par  mandat  d'amener,  et  entendre 
toutes  personnes,  i  C'est-à-dire  toutes  personnes,  sans  ejsaminer  s'il  y  a  eu 
notification  ou  assignation  préalable.  Seulement,  d'après  le  §  2  de  ce  dernier 
article,  les  témoins  ainsi  appelés  ne  prêteront  pas  serment,  et  leurs  déclara- 
tions seront  considérées  comme  de  simples  renseignements.  Cette  seconde 
condition  n'a  pas  d'importance.  Quant  à  ces  témoins  ainsi  appelés,  la  diSé- 
ence  c'est  qu'ils  ne  prêteront  pas  serment. 


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FROCIÉDURB  DEVANT  LA  COUR  d' ASSISES  (aRT.   317).  713 

76S.  Les  art.  316,  317  et  suivants  sont  relatifs  à  Taudition  des  témoins. 

D'après  les  art.  316,  317,  vous  trouvez  consacrée  cette  précaution  dont  je 
pariais  tout  à  l*henre,  précaution  bonne  en  elle-même,  mais  dont  on  ne  doit 
pas  s'exagérer  Timportance;  les  témoins  une  fois  appelés  sur  la  liste  générale 
de  l'art.  315,  le  président  les  fera  tous  retirer  dans  une  pièce  à  ce  destinée.  U 
pourra  même,  s'il  trouve  convenable  de  les  isoler  l'un  de  l'autre,  de  les  em- 
pêcher de  communiquer  d'ayance  sur  leurs  dépositions,  il  pourra  même  les 
séparer. 

768.  D'après  le  §  2  de  Fart.  317,  le  serment  une  fois  prêté  par  chaque  témoin, 
le  président  lui  demande  son  nom,  ses  prénoms,  etc.,  s'il  est  parent  ou  allié, 
soit  de  l'accusé,  soit  de  la  partie  civile.  De  ce  que  le  président  doit  demander 
au  témoin  s'il  est  parent  ou  allié,  soit  de  la  partie  civile,  soit  de  l'accusé,  ne 
concluez  pas  que  la  réponse  affirmative  à  l'une  de  ces  deux  questions  soit  contre 
le  témoin  une  cause  de  récusation;  il  faut  à  cet  égard  distinguer  :  d'après 
l'art  322,  la  loi  interdit  le  témoignage  à  certains  parents  ou  alliés  de  l'ac- 
cusé, dont  les  degrés  sont  spécifiés  dans  cet  article.  Quant  aux  parents  ou 
alliés  de  la  partie  civile,  il  n'existe  à  leur  égard  aucune  espèce  d'incapacité. 
Ainsi,  quand  même  le  témoin  répondrait,  dans  l'espèce  de  notre  article,  qu'il 
est  parent  de  la  partie  civile  au  degré  le  plus  rapproché,  ou  quand  même  cela 
8C|)rait  prouvé,  à  part  toute  réponse  de  sa  part,  il  ne  devrait  pas  moins  être  en- 
tmidu;  sauf  à  l'accusé,  si  c'est  un  témoin  à  charge,  ou  à  la  partie  civile,  selon 
les  cas,  sauf  aux  parties  intéressées  à  contester  la  déposition  de  ce  témoin,  et 
à  tirer,  quant  à  la  crédibilité  de  son  témoignage,  telles  inductions  que  de 
raison  de  sa  proximité  de  degré  avec  la  partie  civile. 

J'ai  déjà  expliqué,  sur  l'art.  156,  pourquoi  la  loi  ne  transportait  pas  ici  les 
dispositions  de  l'art.  283  du  Gode  de  procédure  ;  pourquoi,  en  écartant  du 
témoignage  certains  parents  de  l'accusé,  elle  permettait  de  faire  comparaître, 
même  à  titre  de  témoins  à  charge,  les  parents  de  la  partie  civile  au  degré  le 
plus  rapproché.  C'est,  vous  ai-je  dit,  parce  que  la  partie  civile  ne  joue,  dans 
les  matières  criminelles,  qu'un  rôle  accessoire  et  secondaire;  la  partie  princi- 
pale, c'est  le  ministère  public;  l'intérêt  dominant,  c'est  l'intérêt  de  l'action 
publique;  tout  autre  intérêt  s'efface  devant  celui  de  la  question  pénale;  et,  par 
conséquent,  la  loi  permet,  sauf  aux  jurés  à  y  avoir  tel  égard  que  de  raison,  de 
faire  entendre  les  parents  de  la  partie  civile,  même  au  degré  le  plus  rapproché. 

764.  Gela  fait,  dit  la  loi,  c  les  témoins  déposeront  oralement.  »  Ces  dernier» 
mots  méritent  encore  quelque  attention,  t  Les  témoins  déposer<mt  oralement  >  ; 
mais  il  serait  possible  qu'un  témoin  entendu  dans  le  cours  de  l'instruction 
préparatoire,  qu'un  témoin  dont  la  déposition  a  été  constatée  par  écrit  se  trou- 
vât  dans  l'impossibilité  de  compandtre  et  de  déposer;  il  serait  possible  que 
dans  l'intervalle  le  témoin  entendu  fût  mort,  ou  que  son  éloigoement,  qu'une 
maladie  grave  le  mît  dans  l'impossibilité  de  comparaître.  Dans  ce  cas,  pour- 
rait-on lire  à  l'audience  la  déposition  écrite  reçue  par  le  juge  d'instruction? 
L'art  317  parait  s'y  opposer;  il  ne  parait  admettre  devant  les  cours  d'assises 
qu'une  déposition  orale,  et,  si  Ton  devait  s'attacher  à  cette  idée,  il  serait  biea 
aisé  d'en  comprendre  les  motifs  :  c'est  qu'un  témoin  qui  vient  déposer  vorba- 

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714  QUARANTI&ICE  UBQON«  —  DB8  G0UR8  d'a88I8B8  (N^  765). 

lement^  selon  le  vœu  de  la  loi,  peut  être  examiné,  pressé,  toormenté  mâme 
par  raccosé,  d*ane  jMirt,  par  le  ministère  public,  de  Tautre;  c'est  qu'il  est 
possible  de  le  faire  varieri  de  le  conyaincre  d'imposture»  en  le  mettant  en  oon* 
tradiction  avec  lui-même,  d'après  les  moyens  donnés  par  Vart.,  319.  Rien  de 
pareil  à  l'égard  de  ces  témoignages  muets  résultant  d'une  déposltiou  écrite, 
que  raocusé  n'a  aucun  moyen  direct  de  contrôler.  Cependant  on  décide^  dans 
la  pratique,  qu'il  est  permie  de  lire  à  l'audience  les  déportions  écrites  des  té- 
moins entendus  dans  Tinstruction  préliminaire,  et  qu'on  ne  peut  faire  eompa* 
raitre  devant  la  cour  d'assises.  Et  on  s'appuie  notamment,  sur  ce  que  le  Gode 
n'apas.répété  la  disposition  formelle  de  l'art  363  du  Ck>de  du  3  brumaire  .an  IV, 
article  qui  prohibait,  de  la  manière  la  plus  positive,  la.  lecture  à  l'audience  de 
la  déposition  écrite  d'un  témoin  qui  ne  serait  pas  présenjL  dans  les  débats  pu- 
blics du  tribunal  criminel.  Je  ne  sais  jusqu'à  quel  point  cet  argument  est  bien 
décisif;  je  ne  sais  jusqu'à  quel  point  on  peut  s'écartor  ainsi,  par  un  argument 
de  pure  omission,  de  la  disposition  de  l'art.  317  :  c  Les  témoins  déposeront 
on^em^t*  »  Quoiqu'il  en  soit  sur  cette  question  qui,  endroit,  me  panift  con- 
troversable,  il  est  bon  de  dii^  qu'elle  a  été  résolue  dans  un  sens  contmife.à  la 
loi  de  brumaire. 

705.  «  Art^  Sll8.  Le  président  fera  tenir  note,  par  le  greiEfier,  des  additions, 
changements  ou  variatiens  qui  pourraient  exister  entre  la  déposition  d'un  témoin 
et  ses  précédentes  déclarations.-^  Le  procareur  générai  et  l'accusé  pourront 
requérir  le  président  de  ftkire  tenir  les  notes  de  ces  changemeats/  additions  et 
variations.  »  .. 

Relativement  à  Paccomplissement  des  formalités  précédentes,  j'ai  omis  une 
observation  qui  va  trouver  ici  sa  place  tout  naturellement,  c'est  que  faccom- 
plissêinent  des  formalités  prescrites  dans  les  articles  que  nous  avons  expliqués 
doit  être  constaté  par  un  procès^verbal  rédigé  par  le  greffier,  aux  termes  de 
l'art.  372.  de  procès-verbal  doit  être  rédigé  à  l'audience  même,  au  fnr  et  à 
mesure  que  s'accomplissent  les  solennités  qu'il  a  pour  but  de  constater.  J'in- 
siste sur  cepoint,  palace  qife  sous  le  Gode  de  1608  s'était  introduit  l'usage  vicieux 
d'imprimer  à  Tavancé  des  modèles  de  procès-verbaux,  dans  lesquels  on  con- 
statait comme  accomplies  la  plupart  des  formalités  exigées  par  les  articles  que 
nous  parcourons.  Le  §  3  du  nouvel  art.  372  a  déclaré  formellement  que  ces 
procès*verbaux  ne  pourraient  pas  'être  imprimés  à  l'avance,  qu'ils  devraient 
être  manuscrits  et  rédigés  à  l'audience  même  par  le  greffier. 

Cet  art.  372,  en  ce  qui  nous  occupe^  ajoute  que  ce  procès-verbal  devra  con- 
tenir la  mention  de  Taccomplissement  des  solennités  légales,  mais  qu41  ne 
devra  pas  peur  cela  retracer  rhistoriqué  littéral  des  débats  de  la  cour  d'assises, 
et  notamment  que  le  procès-verbal  du  greffier  ne  constatera  pas,  même  en  su]h> 
stanee,  les  dépositions  des  témoins  appdés.  On  constatera,  par  exemple,  que 
chaque 'témoin 'a  obnipairu  dans  Tordre  indiqué  par  l'art.  3i7;  que  chacun  s 
prêté  Égrinent,  et  qu'ensuite  il  a  déposé  ^  mais  on  ne  dira  pas  dé  quels  faits  il' 
a  déposé.  PodrqUoi  cela?  Pkrce  que  les  jurés  n'étant  instruits  des  dépositions' 
dès  témoins  qu'en  ibs  entendant  éux'^mêmes,  la  rédaction  d'un  procès- verbal 
est  inutile  ;  c'eàt  à  eux,  quand  Ils  voudront  juger,  de  se  référer  à  leurs  souve-' 
nirs;  c'est  à  eux  dé  prendre  dès  notes  sur  les  dépositions,  aux  termes  de  l'at- 
ticleSW.' 

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PROGÊDUAB  DXVANT  LA  COUR  d'ABSISBS  (AAT.   319).  71$ 

Ajoutes  d'ailleurs  que  si  quelque  nullité  se  glissait  dans  le  cours  des  débats, 
si^  en  conséquence,  l'arrôt  de  la  cour  d'assises  venait  à  être  cassée  la  nouvelle 
cour  d'assises  à  laquelle  serait  renvoyée  Faffaire  n'en  pourmit  toujours  con^ 
naître  que  par  une  procédure  publique,  et  que  môme  sous  ce  rapport  il  est 
encore  inutile  de  dresser  procès- verbal  des  dépositions  des  témoins. 

Ainsi,  en  principe,  le  greffier  ne  note  pas  les  dépositions* 

Mais  il  pourrait  arriver  que  le  témoin  fùt  am^né»  par  la  discussion,  dans  des 
contradictions,  dans  des  variations  de  nature  à  faire  suspecter  sa  bonne  foi* 
Dans  ce  cas  le  greffier  quî,  en  général,  ne  mentionne  pas  les  dépositions^ 
devrait,  d'après  Tart.  318,  noter,  sur  Tordre,  du  président  les  variations,  Les 
contradictions  qui  se  rencontreraient  entre  les  dépositions  du  témoin  dans 
l'instruction  écrite  et  la  déposition  publique  qu'il  vient  de  faire  dans  rinstruc* 
tion  orale.  Pourquoi  cela?  Il  y  en  a  bien  des  motifs  :  d'abord,  c'est  que  cette 
constatation  faite  par  le  greffier,  sur  l'ordre  du  président,,  donne  plus  dlmpor* 
tance,  plus  de  solennité  à  ces  variations  du  témoin^  et  en  fait  ressortir  la  gra^ 
vite  aux  yeux  du  jury.  C'est,  en  second  lieu,  parce  qu'elle  avertit  le  témoin 
que  la  trace  de  ses  paroles  ne  sera  pas  fugitive,  qift'elle  va  être  constatée  dans 
un  procès- verbal  qui  pourra  servir  plus  tard  aux  poursuites  de  faux  témoignage 
qu'il  aura  pu  mériter.  L'avis  que  ces  variations  vont  être  constatées  pourra 
lui  être. utile  pour  le  faire  reculer  devant  le  parjure  qu'il  allait  commettre. 
Enfin,  s'il  va  jusqu'au  bout,  si  nonobstant  l'avis  solennel  que  lui  donne  le  pré« 
sident,  aux  termes  de  l'art.  318,  il  persévère  dans  ses  variations,  te  rapproxûie- 
ment  de  ses  deux  dépositions  écrites,  l'une  devant  le  juge  d'instruction,  l'autre 
à  Taudience  de  la  cour  d'assises,  sera  un  élément  précieux  pour  l'accusation  de 
faux  témoignage  qui  pourra  être  dirigée  contre  lui. 

Au  reste,  sur  cette  matière  de  faux  témoignage,  et  quant  aux  conséquences 
très-graves  qu'elle  peut  avoir,  non-seulemeut  pour  le  faux  témoin,  mais  aussi 
pour  la  procédure  dans  le  cours  de  laquelle  intervient  le  faux  témoignage,  nous 
aurons  bient6t  à  voir  les  art.  330  et  331,  en  y  rattachant  la  disposition  égale- 
ment importante  de  Fart.  445. 

766.  D'après  la  première  disposition  de  Tart.  319,  le  président,  après  chaque 
déposition,  doit  demander  au  témoin  si  c'est  de  l'accusé  présent  qu'il  a  entendu 
parler;  formalité  assez  inutile,  puisque,  dès  le  point  de  départ,  le.  président  a 
dû  demander  si  l'accusé  était  connu  du  témoin. 

767.  Les  §g  ^  3  et  4  de  l'art.  319  demcuoi^ent  assez  d'atteution. 

Vous  remarquerez  qu'en  général  les  témoins^  devant  les  cours  d.'asnse8> 
comme  dans  les  enquêtes  civiles,  ne  doivent  point  être  interrogés  en  détail^ 
fait  par  fait,  de  manière  à  ce  qu'il  puisse  leur  suffire  de  répondre  par  oui  ou 
paf  non;  une  pareille: manière  d'interroger  pourrait  induire- un  témoin,  surtout 
si  c'est  un  homme  de  peu  d'intelligence,  à  répondre  machinalement  par  tme 
affirmation  ou  par  une  négation.  Qn  doit  engager  le  téD(U)in  à  dire  d'abondance,. 
pROFJuo  MOTu,  tout  co  qu'il  sait  sur  l'afEûre  ;  sauf  ensuite  à  procéder  par  ques« 
tions  spécialeB. 

768.  A  qui  appartient  la  mission  d*intarroger  ainsi  eha^ue  témoin,  doit 

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716  QUARANTIÈICB  LEÇON.   —  DBS  G0UR8  d' ASSISES   (Vl*  768). 

charge,  soit  à  décharge?  La  loi  française  la  donne  an  président;  c'est  à  lui 
qu'appartiennent  la  direction  des  débats  et  le  droit  direct,  quoique  non  exclusif, 
d'interroger  les  témoins.  Peut-être  cette  pratique  n'est-elle  pas  à  l'abri  de 
toute  critique.  Elle  a  d'abord  pour  inconvénient  de  faire  jouer  au  président, 
dans  la  discussion  des  faits,  un  rôle  un  peu  trop  actif,  et  qui,  dans  certains 
cas,  peu  compromettre  aux  yeux  du  public  son  rôle  obligé  de  complète  impar- 
tialité. En  second  lieu,  elle  astreint  le  président  à  une  étude  anticipée  et  fort 
détaillée  de  l'affaire,  étude  qu'il  sera  fort  difficile  à  un  président  d'assises,  dans 
une  session  très-longue,  de  faire  d'une  manière  suffisante.  Peut-être  la  méthode 
suivie  à  cet  égard  en  Angleterre  mène-t-elle  plus  sûrement  et  plus  vite  à  la 
vérité.  La  partie  publique  et  la  partie  civile,  lorsqu'elle  poursuit  directement 
en  son  nom,  ont  la  mission  directe  d'interroger  les  témoins.  De  même  et  à 
son  tour,  Taccusé,  par  lui  ou  par  son  conseil,  interroge  directement  soit  les 
témoins  à  charge,  soit  les  témoins  à  décharge.  Les  jurés,  comme  la  cour  elle- 
même,  ne  jouent  que  le  rôle  d'auditeurs  passifs  et  désintéressés  ;  c'est  entre 
les  parties  intéressées  que  se  font  :  1^  l'examen  des  témoins,  examen  de  la  par- 
tie poursuivante;  2*  le  contre-examen  par  l'accusé.  Cette  méthode  a  d'assez 
grands  avantages;  elle  évite  les  pertes  de  temps,  les  lenteurs  que  suscite  dans 
nos  cours  d'assises  l'application  littérale  de  Fart.  319.  Il  y  a  mieux  :  c'est  que 
très-souvent,  dans  la  pratique,  on  est  obligé  de  laisser  de  côté  la  disposition 
littérale  de  la  loi. 

Ainsi,  en  admettant  même  que  le  président  ait  pu  connaître  les  affaires  dont 
il  était  chargé  assez  bien  pour  adresser  aux  témoins  toutes  les  questions  de 
détail  d'où  peut  jaillir  la  vérité,  il  arrivera  souvent  que  l'accusé,  que  la  partie 
civile  auront  à  faire,  soit  à  un  témoin  à  charge,  soit  à  un  témoin  à  décharge, 
des  interpellations  que  le  président  n'aura  pas  foites.  L'art.  319  permet  à  l'ac- 
cusé d'adresser  aux  témoins  toutes  les  questions  qu'il  jugera  convenables  ; 
mais  au  lieu  de  lui  permettre  de  poser  directement  ces  questions,  d'interpeller 
le  témoin,  par  exemple,  sur  une  circonstance  qui  pourra  le  mettre  en  contra- 
diction avec  lui-même  ou  avec  un  autre,  la  loi  oblige  l'accusé  on  son  conseil 
à  recourir  dans  ce  buta  l'intermédiaire  du  président;  c'est-à-dire  que,  le 
témoin  entendu,  il  faut  s'adresser  au  président  et  lui  déclarer  publiquement 
qu'on  le  prie  de  faire  pour  l'accusé  telle  question  au  témoin.  Or,  si  la  loi  exige 
qu'on  ne  s'adresse  au  témoin  que  par  ce  détour,  ce  n'est  pas  pour  imposer  au 
président  un  rôle  tout  à  fait  passif,  pour  en  faire  l'écho  forcé  de  la  voix  de  l'ac- 
cusé; c'est  qu'elle  entend  accorder  au  président  un  droit  de  contrôle  sur  ces 
questions,  aux  termes  de  l'art.  270.  Mais  vous  sentez  que,  quelle  qu'ait  été 
l'étude  du  président,  quelle  que  soit  sa  connaissance  de  l'ensemble  de  l'affaire, 
il  est  très-possible  qu'il  ne  sente  pas,  dès  le  premier  abord,  la  portée  de 
l'interpellation  que  l'accusé  veut  faire  au  témoin;  peut-être  l'accusé  ou  son 
conseil  ont-*ils  à  dessein  présenté  cette  interpellation  sous  une  forme  obscure 
et  détournée.  Pourquoi  cela?  Précisément  pour  empêcher  le  témoin  de  con- 
certer ses  réponses  et  d'altérer  la  vérité  pour  s'accorder  avec  ce  qu'il  a  déjà 
dit.  Or,  si  le  président,  ne  voyant  pas  la  portée  directe  de  la  question,  la 
défère  à  l'accusé,  et  si  l'accusé  est  obligé  de  répondre,  le  but  de  la  défense 
est  manqué;  le  témoin  présent  à  ce  débat  a  tout  le  temps  de  voir  oCi  l'on 
veut  le  mener  et  46  concerter  sa  réponse.  Aubm,  dans  l'usage,  s'écarte-t-on 

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PROCtoURB  DEVANT  LA  COUR  d'A88I8B8  (aBT.   321).  717 

fort  MUTent  de  tout  cela  ;  il  arrive  rarement  que  le  prMdent  ne  dise  pas  an 
témoin  :  Répondez  à  la  question  qui  voua  est  faite,  sans  répéter  Ini-môme  la 
question. 

Gela  est  aussi  imposé  à  la  partie  civile»  mais  on  laisse  fort  souvent  tout  ce 
détour  de  côté. 

A  regard  des  jurés,  des  membres  de  la  cour,  du  procureur  général,  ils  peur 
vent,  sans  détour,  interpeller  le  témoin,  sans  faire  passer  la  question  par 
Torgane  du  président  :  il  leur  suffît  de  demander  la  parole  au  président  de  la 
cour. 

769.  Les  art.  320  et  321  ne  présentent  pas  d'importance;  notez  seulement 
sur  le  §  2  de  Tart.  321  une  faculté  assez  importante. 

En  principe,  dans  toute  espèce  de  procès,  chaque  partie  doit  supporter  les 
frais  qu'elle  entend  faire  pour  elle-même.  Ainsi,  si  un  accusé  croit  utile  à  sa 
cause  de  citer  des  témoins  à  décharge,  il  doit,  en  général,  avancer  les  frais  de 
citation.  Quel  sera  le  sort  de  ces  avances,  et  en  sera-t-il  remboursé?  S'il  suc- 
combe, évidemment  non  ;  loin  d'être  remboursé  de  ses  frais,  il  est  condamné 
aux  frais  envers  la  partie  publique.  Si,  au  contraire,  l'accusé  est  acquitté,  lui 
remboursera-t-on  les  frais  des  citations  faites  à  ses  témoins  à  décharge,  aux 
termes  de  l'art.  321  ?  Oai|  d'après  l'art.  368,  s'il  y  a  partie  civile  en  cause  ;  en 
cas  d'acquittement  de  l'accusé,  la  partie  civile  est  condamnée  envers  lui  à  tous 
les  frais  de  la  procédure.  Mais  s'il  n'y  a  pas  de  partie  civile,  le  ministère  public 
ni  la  société  qu'il  représente  n'auront  pas  plus  en  matière  criminelle  qu'en  ma* 
tière  civile  de  remboursement  à  faire,  à  supporter  envers  l'accusé. 

Gela,  selon  moi,  est  loin  d'être  juste  et  raisonnable  ;  appliquez  ici  ce  que 
nous  avons  déjà  dit  sur  les  art.  130  et  131  du  Gode  de  procédure,  relativement 
aux  frais  faits  en  matière  civile,  quand  le  ministère  public  est  partie.  Quoi- 
qu'on ne  puisse  qualifier  le  ministère  public  de  plaideur  téméraire,  toujours 
est-il  que  quand  la  société  a  cru  devoir  diriger  contre  une  personne  une  accu- 
sation qui  ne  réussit  pas,  il  serait  de  toute  raison  d'indemniser  cette  personne 
au  moins  des  frais  de  justice.  Mais,  je  le  répète,  c'est  seulement  contre  la  partie 
civile,  s'il  y  en  a  une,  et  non  contre  le  trésor,  qu'est  accordée  la  répétition  des 
frais. 

770.  Remarquez,  au  reste,  que,  bien*qu'en  principe  l'art.  321  mette  à  la 
charge  des  accusés  les  citations  des  témoins  qu'ils  veulent  faire  entendre,  la 
plupart  des  accusés  sont  dans  l'impossibilité  d'avancer  les  frais  d'une  seule 
citation,  et  la  loi  n'entend  pas  cependant  les  priver  du  bénéfice  de  témoins  à 
décharge.  A  cet  égard  ils  ont  deux  moyens.  D'abord,  si  l'accusé  est  parfaite- 
ment sûr  de  la  bonne  volonté  des  témoins  à  décharge  qu'il  désire  faire  entendre, 
il  les  priera  de  venir  sans  leur  faire  remettre  d'assignation,  et  alors  à  l'audience 
il  avertira  le  président  que  dans  l'auditoire  sont  des  personnes  qu'il  désire 
faire  entendre,  et  que  le  président  fera  entendre,  en  vertu  de  l'art.  269,  sans 
prestation  de  serment.  Maie  ce  mode  est  sujet  à  de  graves  inconvénients,  le 
témoin  peut  ne  pas  paraître,  il  n'encourt  aucune  pénalité;  il  peut  n'avoir  pas 
pu  pénétrer  dans  l'auditoire.  Aussi  la  loi  accorde-t-elle  un  moyen  plus  sur  et 
plus  efficace;  elle  autorise  le  procureur  général  à  faire  assigner  à  sa  requête 


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718  QUARANTlàMB  LEÇON.  —  DBS  COURS  d'ASSISBS  (n"*  772). 

les  tâmaihs  à  décharge  dont  i'accnsô  ou  son  conseil  lui  présente  la  liste.  Elle 
Faotorise  et  ne  Vj  oblige  pas,  car  il  serait  impossible  au  ministère  public  de 
&ire  assigner  nn  grand  nombre  de  témoins,  qui  le  plus  souvent  seraient  inu- 
tiles. Mais  si  le  ministère  public  n'est  pas  soumis  à  une  obUgation,  il  est  investi 
d'un  droit  dont  il  refusera  rarement  l'usage  ;  et  quand  le  conseil  de  Taccosé 
dédare  qu'il  est  impossible  à  l'accusé  de  faire  assigner,  et  qu'il  y  a  deux,  trois, 
quatre  ou  cinq  témoins  nécessaires  à  la  défense,  il  est  sans  exemple  que  le 
ministère  public  se  soit  refusé  à  appliquer  la  disposition  bienveillante  de  l'ar- 
ticle 321. 

771 .  L^art.  322  énumère  les  personnes  qui  ne  peuveut  être  entendues  comme 
témoins,  ajoutant  cependant  que  l'audition  de  ces  personnes  ne  sera  pas,  même 
en  cas  de  condamnation,  une  cause  de  nullité  de  l'arrôt,  lorsque  aucune  des 
parties  intéressées  ne  se  sera  opposée  à  leur  audition. 

Je  n'ai  pas  de  détails  à  présenter  sur  cet  article,  car,  un  paragraphe  excepté, 
il  ne  fait  que  répéter  les  dispositions  de  l'art  156.  Les  personnes  qu'on  écarte 
ici  du  droit  de  témoignage  devant  la  cour  d'assises  sont  précisément  les  mêmes 
auxquelles  l'art.  156  a  refusé  ce  droit  devant  les  tribunaux  de  police,  et  l'ar- 
ticle 189  devant  les  tribunaux  de  police  correctionnelle. 

Seulement  vous  trouvez  dans  le  §  5  de  l'art.  322  une  disposition  qui  n'était 
ni  dans  l'art.  156,  ni  dans  l'art.  189;  la  loi  exclut  du  droit  de  témoignage  les 
dénonciateurs  dont  la  dénonciation  est  récompensée  pécuniairement  par  la 
loi.  Cette  disposition  a  été  puisée  dans  les  législations  antérieures,  et  je  ne 
sais  pas  trop  quelle  est  maintenant  son  application.  En  effet,  la  loi  n'exclut  pas 
du  droit  de  déposer  tout  dénonciateur  ;  elle  n'exclut  même  pas  les  dénoncia- 
teurs salariés,  tels  sont  les  agents  de  la  police  administrative;  elle  n'exclut  que 
les  dénonciateurs  dont  la  dénonciation  est  récompensée  pécuniairement  par 
la  loi  ;  et  je  serais  embarrassé  de  dire  dans  quels  cas  on  récompense  une  dénon- 
ciation. Cette  disposition  fut  portée  à  une  époque  où  avaient  cours  les  assi- 
gnats, et  on  trouve  imprimé  sur  les  assignats  :  «  La  loi  punit  le  contrefacteur, 
et  récompense  le  dénonciateur.  •  Je  ne  sais  même  s'il  n'existe  pas  quelque 
disposition  de  même  nature  dans  la  législation  relative  aux  marchandises 
introduites  en  fraude  des  douanes.  Mais,  à  part  cela,  je  ne  sais  trop  quelle  pour- 
rait être  Tapplicalion  du  §  6  de  notre  article. 

772.  «  Art.  323.  Les  dénonciateurs  autres  que  ceux  récompensés  pécuniaire- 
ment par  la  loi  pourront  être  entendus  en  témoignage,  mais  le  Jury  sera  averti 
de  leur  qualité  de  dénonciateur.  » 

Sur  ces  deux  passages  relatifs  aux  dénonciateurs,  et  dont  le  premier  sera  de 
peu  d'usage,  ou  peut-être  de  nul  usage,  une  observation  est  importante,  et  si 
je  la  fais,  ce  n'est  guère  que  pour  l'art.  323,  car  pour  l'art.  322  elle  n'aura 
guère  d'application  pratique  ;  Le  jury,  d'après  l'art.  323,  devra  être  averti  de  la 
qualité  de  dénonciateur.  Par  qui  en  sera-t-il  averti  ?  Ëvidemn^nt  la  personne 
intéressée  à  l'avertir  c'est  l'accusé,  qui  a  intérêt  à  affaiblir,  par  cet  avis  donné 
au  jury,  la  gravité  du  témoignage.  Mais  l'accusé  ne  connaît  pas  son  dénoncia- 
teur ;  pendant  le  cours  des  débats  il  peut  sans  doute  le  soupçonner,  mais  il 

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PAOCÉDUIIB  DEVANT  LA.  COUR  d'aS8I8B8   (ART.    3^7).  719 

n'en  a  aucune  preave  légale  attestant  que  la  dénonciation  Tient  de  telle  per- 
sonne. L'art.  358  oblige  bien  le  procnreur  général  qui  a  en  main  la  dénon'* 
ciation  dgnée  de  son  auteur,  à  en  faire  connaitre  l*antenr  à  Taccnsé,  mais 
c'est  seulement  à  l'accusé  acquitté,  c'est  seulement  après  l'ordonnance  d'ac- 
quittement; ni  dans  le  cours  des  débats  tant  qu'ils  durent^  ni  même  après  les 
débats  finis,  quand  il  y  a  eu  condamnation,  le  procureur  général  n'est  tenu  de 
faire  connaitre  à  l'acousé  la  personne  qui  l'a  dénoncé.  Ainsi,  ce  n'est  pas  par 
le  principal  intéressé,  par  l'accusé,  que  pourra  être  rempli  le  vœu  de  l'art.  323. 
Mais  il  faut  remarquer  que  si,  d'après  l'art.  358,  le  procureur  général  n'est  pas 
tenu  de  faire  connaître  le  dénonciateur  avant  l'acquitteinent,  il  n'en  a  pas 
moins  le  droit  très-certain  de  le  faire  coni^tre  auparavant  ;  et  si  le  dénoueia- 
teur  est  en  même  temps  appelé  comme  témoin,  il  est  de  la  loyauté  du  procu- 
reur général  de  laisser  de  côté  Tart.  358,.  qui  se  borne  à  loi  conférer  une  faculté, 
pour  obéir  à  l'art.  323,  qui  lui  impose  une  obligation  formelle,  celle  d'avertir 
le  jury  de  Ja  qualité  du  témoin. 

773.  Les  art.  324,  325  et  326  ne  présentent  aucune  difficulté. 

«  ART.  327.  Le  président  pourra,  avant,  pendant  ou  après  raudltion  d'un  témoin, 
faire  retirer  un  ou  plusieurs  accusée,  et  les  examiner  séparément  sur  quelques 
circonstances  du  procès  ;  mais  il  aura  soin  de  ne  reprendre  la  suite  des  débats 
généraux  qu'après  avoir  instruit  cbaque  accusé  de  ce  qui  se  sera  fait  en  son 
absence,  et  de  ce  qui  en  sera  résulté.  » 

Cette  disposition  est  d'une  application  pratique  fort  importante.  Vous  com- 
prenex  que  pour  rompre  le  concert  qui  pourrait  exister  entre  plusieurs  accusés, 
afin^  joier  le  fait  dont  tous  se  seraient  rendus  coupables,  il  pourra  être 
important  de  les  isoler,  de  les  détacher  l'un  de  l'autre  à  refifet  de  les  soumet- 
tre à  des  interrogatoires  séparés.  De  même  il  pourra  être,  bon,  pendant  qu'on 
interroge  un  témoin,  il  pourra  être  nécessaire  quelquefois  de  rappeler  des  rela- 
tions, antérieures  du  témoin  et  de  l'accusé,  d'empêcher  an  accusé  d'assister, 
soit  &  l'interrogatoire  de  son  coaccusé,  soit  à  la  déposition  d'un  témoin  à 
chairs.. 

QeitB  faculté  appartient  au  président,  elle  n'est  qu'une  conséquence: de  ladis- 
positiflin  générale  de  l'art.  268.  Seulement  il  ne  faut  pas  que  cette  précaution, 
nécessaire  dans  l'intérêt  de  la  vérité,  tourpe  au  détriment  de  la  défense  ;  il  ne 
faut  pas  qu'elle  laisse  les  accusés,  qu'on  a  fait  ainsi  retirer  de  l'auditoire, 
dans  l'ignorance  de  ce  qui  s'y  est  passé.  Cette  ignorance  n'existera  pas,  car  si 
le  président  pent  faire  retirer  l'accusé,  il  ne  peut  pas  faire  retirer  le  conseil 
chargé  de  la  défense  ;  le  conseil  assistera  aux  dél>ats  d'un  bout  à  l'antre* 
D'autre  part,  il  ne  suffira  pas  même  qu'en  l'absence  d'un  accusé  son  conseil 
ait  assisté  i  l'interrogatoire  des  autres,  il  faudra  qu'on  communique  à  l'accusé 
lui-miême  le  détail  de  ce  qui  a  été  demandé  et  répondu  en  son  absence.  Mais 
on  ne  lui  communique  pas  ce  détail  à  l'instant  même  où  il  rentre  dans  la 
salle  ;  si  l'on  devait  l'en  entretenir  aussitêt,  autant  eùt-il  valu  ne  pas  le  âdre 
sortir  ;  ce  n'est  pas  là  ce  que  dit  la  loi  :  la  loi  dit  que  le  président,  après  avoir 
isolé  les  accusés  l'un  de  l'autre,  ou  les  avoir  isolés  des  témoins,  ne  devra 

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720  QUARANTIÈME  LBÇON.  -*-  OB8  COURS  b'a88I8BS  (N^  775)' 

reprendre  la  suite  des  débats  généraux  qu'après  avoir  informé  raccosé  de  ce 
qui  s'est  passé.  Ainsi,  par  exemple,  deux  accusés  se  trouvant  dans  la  position 
de  Part.  327,  on  pourra  faire  retirer  le  premier  et  interroger  le  second,  puis 
faire  centrer  le  premier  et  Tinterroger  à  son  tour,  sans  Favertir  de  ce  qu*a  dit 
l'autre  ;  mais  ensuite  on  ne  pourra  recommencer  les  débats  qu^aprè»  avoir 
averti  l'accusé  de  ce  qui  s'est  passé. 

774.  Les  art.  328  et  329,  relatifs,  Tun  à  la  faculté  pour  toutes  les  parties 
présentes  de  prendre  des  notes,  Tautre  à  la  présentation  des  pièces  de  convic- 
tion, sont  fort  aisés. 

775.  Les  art.  330  et  331  présentent  plus  d'importance  ;  ils  se  rattachent  pré- 
cisément à  cette  matière  detPart.  318  dont  nous  avons  déjà  parlé  ;  on  suppose 
que  dans  le  cours  des  débats  un  témoin  est  suspecté  de  faux  témoignage. 

a  Art.  330.  Si,  d'après  les  débats,  la  déposition  d'un  témoin  parait  fausse,  le 
président  pourra,  sur  la  réquisition,  soit  du  procureur  général,  soit  de  la  partie 
civilCf  soit  de  l'accusé,  et  môme  d'office,  faire  sur-le-champ  mettre  le  témoin  en 
état  d'arrestation.  Le  procureur  général,  et  le  président  ou  Tun  des  juges  par  lui 
commis,  rempliront  à  son  égard,  le  premier,  les  fonctions  d'officier  de  police  judi- 
ciaire; le  second,  les  fonctions  attribuées  au  juge  d'instruction  dans  les  autres  cas. 
— ^Les  pièces  d'instruction  seront  ensuite  transmises  à  la  cour  d'appel,  pour  y  être 
statué  sur  la  mise  en  accusation.  » 

a  Art.  331.  Dans  le  cas  de  l'article  précédent,  le  procureur  général,  la  partie 
civile  ou  l'accnsé,  pourront  immédiatement  requérir,  et  la  cour  ordonner,  même 
d'office,  le  renvoi  de  l'affaire  à  la  prochaine  session.  » 

des  articles  sont  importants  et  leur  explication  demande  quelques  détails. 

St,  diaprés  les  débats,  la  déposition  d^un  (émoinparait  fausse  :  d'après  les  débats, 
non  pas,  bien  entendu,  d'après  Tensemble,  d'après  la  totalité  des  débats  ;  il 
ne  faut  pas,  en  effet,  pour  appliquer  Fart.  330,  que  la  clôture  des  débats  soit 
prononcée  conformément  à  l'art.  335,  ce  serait,  pour  le  témoin  inculpé,  un 
moyen  trop  facile  de  se  soustraire  aux  poursuites.  Si  le  témoin  entendu  est 
placé  en  contradiction  formelle  soit  avec  des  dépositions  antérieures  déjà  &i* 
tes  par  lui,  soit  môme  avec  des  dépositions  d'autres  témoins  déjà  connues  de 
la  cour,  le  président  pourrait  et  devrait,  d'après  l'art.  330,  ordonner  aussitôt 
l'arrestation  du  prévenu. 

Cette  arrestation  peut  être  ordonnée  soit  à  la  réquisition  d'une  des  parties 
de  l'affaire,  soit  même  d'office  par  le  président.  D'office  par  le  président;  ce 
n*est  là  qu'une  application  des  règles  ordinaires.  En  effet,  quoique  aucune 
décision  ne  puisse  être  rendue,  dans  les  matières  criminelles,  que  sur  la 
requête  du  ministère  public,  nous  savons  que  cette  règle  souffre  exception  en 
cas  de  flagrant  délit.  Nous  savons  qu'en  cas  de  flagrant  délit  le  juge  d'instruc- 
tion, par  exemple,  peut  agir  d'office,  et  décerner  de  suite  des  mandats  :  c'est 
précisément  ce  que  fera  le  président;  il  y  a  à  l'audience  flagrant  délit  de  faux 
témoignage  ;  il  pourra >donc,  môme  d'office,  sans  réquisition  du  ministère 
public,  ordonner  l'arrestation. 

Le  procureur  général  et  le  président  ou  Vun  des  juges  par  lui  oommts  rewp/i- 
r<mt  d  son  égard,  le  premier,  les  fonctionè  croffUner  de  poUoe  judiciaire^  le  second 
les  fonctions  attribuées  au  juge  d'instruction  dans  les  autres  cas.  C'est-à-dire  que 

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FROۃBUBB  DBVANT  LA  ^GOUR  d'a8SI8B8   (aRTI  33  i}.  J21 

ie  proonrear  général  remplira»  dans  cette  spécîilitô,  le  réiô  que  joue  dans 
riiiBtraction  ordiÉialre  le  proonrear  de  la  République.  De  même  le  pi^siédut 
remplira  le  rôle  que  joué 'dans  les  prooédmres  ordmaires  &e  juge  d'iastmotion. 

LBS.piicês  làPinêtrucHon  serwit  ensuite  soumises  à  là  œwr^  pour  p  être  sêatnést^ 
iamiseénaettjuaiiim.' 

Ce  dernier  paragraphe  contient  une  dérogation  très^remarqnableaax  rèf^es 
ordinaires  de  rinstmction,  il  supprime  le  premier  degré  qpe  nous  atons 
noté  dans  le  ehapitré  iz  du  Ityrè  l*'.  En  général,  après  rinstraction  préparn- 
loire  terminée,  après  que  les  preuves  d'un  crime  ont  été  réunies»  le  juge  d'ine- 
iructioa  statue;  et  c^est  seulement  plus  tard,  et  dans  nue.  sorte  de  deuxième 
4egré,  que  Fafiàire^et  portée  à  la  cour,  diamfbre  des. mises  en  aceasation.  Isi 
on  supprime  le  pfemier  degré,  on  supprime  la  décision  du  juge  d'iastmotioi^. 
Pourquoi  o^?  Ce  changement  nie  tient  pas  à  là  nature  même  du  crime»  la 
poursuite  du  faux  témoignage  découyert  hors  de  l'audience  doit  être  jin^troite 
dans  les  règles  ordinaires,  et  parcourir  les  deux  degrés  dUnstmction  ;  cela  tient, 
non  pas  à  hi  nature  même  du  crime,  mais  à  la  qualité  des  officiers  qui  ont  été 
chargés  de  le  constater.  Le  crime  a  été  constaté,  daàs' un  graild.siombre  de 
cas,  à  la  requête  du  procureur  général  et  notamment  par.un  conseiller  de 
cour;  e?est*à-dire  par  un  officier  qui  n'a  pas  qualité  pour  aller  faireiin  rapport 
devant  le  tribunal 'd'arrondissement  auquel  il  n'appartient  pas;  d'est  donc 
directement  à  la  cour,  à  laquelle  apj[>artient  le  président  de  la  oour  d'assîlses, 
que  sera  fait  le  rapport  voulu  par  1©§  i». 

La  disposition  de  l'art  331  est  plus  importante  encore,  parce  qu^ella  se 
rattache  de  plus  près  à  la  matière  qui  nous  occupe.  Elle  nous  indique  quel 
pourra  être  avec  l'affaire,  dans  laquelle  intervient  cet  incident,  le  rapport  de 
ces  premières  poursuites  dirigées  contre  le  faux  témoin,  ou  présumé  tel. 

Les  parties  intéressées  pourront  requérir,  et  la  cour  ordonner,  même  d'of- 
fice, le  renvoi  (fe  l^âire,  à  la  prochaine  session.  Il  pourra  donc  arriwr  que  le 
soup<^n,  que  la  prévention  d'un  fsxa.  témoignage  rendu  devant  les  assises  fasse 
surseoir  à  tous  débats  ultérieurs,  et  fasse  renvoyer  à  une  autre  session  l'examen 
de  raccusation  dans  le  cours  de  laquelle  est  intervenu  le  faux  témoignage. 

A  qui  appartient  le  pouvoir  de  prononcer  ce  renvoi?  Ici  ce  n'est  plus  au  pré- 
sident, à  qui  appartiennent  cependant  exclusivement,  sans  rintenrention  de  la 
cour,  la  plupart  des  opérations  dont  nous  avons  traité  jusqu'ici,  c'est  à  la  cour 
d'assises  elle-même,  c'est  à  elle  seule,  et  non  plus  au  président  qu'est  accordé 
ce  droit,  parce  que  ce  droit  est  une  exception, une  dérogation  de  laplus  haute 
importance  aux  principes  de  la  matière.  Renvoyer  à  la  prochaine  session  l'af- 
faire maintenant  pendante,  ce  n'est  pas  seulement  imposer  à  l'apcusé  une  dé- 
tention de  quelques  mois  plus  longue,  c'est  aussi  déroger  à  l'art.  353,  d'après 
lequel  les  débats  une  foi»enlaméie|doiv^n^,se  ccHitin^er  et  s'achever  sans  inter- 
ruption. C'est  également  enlever  à  l'accusé  le  bénéfice  des  jurés  que  le  sort  lui 
Si  donnés^  la  chance  d'être  jugé,  l'affaire  étant  en  état.  Il  peut  cependant  y 
avoiD  de  très-bonnes  raisons  pour  autoriser  cette  dérogation  ;  bien  plus^  ces 
raisons  peuvent  ètare  dans  Pintérêt  de  l'accusé  lui-même,  si  le.  prévenu,  e;^, 
par  exemple,  un  témoin  à  charge  ;  mais  ce  n'est  pas  au  présid^t^  c'esf  ^Â.la 
-cour  elle^mèmey  précisémmt  à  cause  de  l^r  gravité,  que  la  kÀ  sJ^^fji^  la 
mission  de  les  apprécier.  .  :    !.  i'  y  ,i  !.. 


722     QUARANTE  ET  UNIÈME  LEÇON.  —  DES  GOITRS  d' ASSISES  (n^  776). 

Remarquez,  d'ailleurs,  que,  dans  ce  cas  ce  n'est  pas  d'une  maniôre  néces- 
saire, impérative,  c'est  en  termes  purement  facultatifs  que  la  loi  s'est  exprimée. 
La  cour  pourrait  donc  aussi,  quand  môme  ce  renvoi  serait  demandé,  ne  pas 
juger  rinfluence  du  témoignage  qu'elle  a  présumé  faux,  assez  forte,  assez 
grave  pour  autoriser  un  renvoi.  Dans  ce  cas,  qu'arriverait-il?  £1  faut,  à  c^ 
égard,  vous  reporter  à  l'art.  444. 

Supposez  que,  nonobstant  la  prévention  de  faux  témoignage,  nonobstant 
l'appûcation  des  règles  de  l'art.  330,  la  cour  ait  cru  devoir  passer  outre  à  l'exa- 
men et  aux  débats;  dans  ce  cas,  si  l'accusé  est  acquitté  dans  ce  môme  débat, 
la  question  de  faux  témoignage,  qu'on  aura  plus  tard  à  juger,  restera  sans  au- 
cune influence  sur  son  sort.  Ainsi,  supposez  que  le  préveniï  de  faux  témoi- 
■  gnage  soit  un  témoin  à  décharge,  que  l'accusé  ait  été  acquitté  encore  bien 
qu'après  son  acquittement  le  témoin  à  décharge  ait  été  condamné  comme  faux 
témoin,  le  bénéfice  de  l'acquittement  n'en  est  pas  moins  définitif  et  ne  peut 
ôtre  enlevé  à  l'accusé.^ 

Au  contraire,  l'accusé  a  été  condamné  parce  que  la  cour  n'a  pas  voulu  user 
du  pouvoir  de  l'art.  331,  et  renvoyer  Taffaire  à  la  prochaine  sessioxL  Dans  ce 
cas,  quelle  sera,  sur  la  condamnation  portée  contre  l'accusé,  l'influence  d» 
l'affaire  de  faux  témoignage  dirigée,  bien'entendu,  contre  un  témoin  à  charge? 
Cette  influence  est  de  plusieurs  sortes  : 

D'abord,  par  cela  seul  qu'un  accusé  ayant  été  condamné,  il  y  a  contre  on 
témoin  à  charge  prévention  de  faux  témoignage,  l'exécution  de  la  condamna- 
don  doit  ôtre  suspendue.  Voilà  le  premier  point  que  décide  l'art.  445,  par  cela 
seul  que,  après  la  condamnation,  on  a  mis  en  prévention  de  fi&ux  témoignage^ 
on  a  frappé  d'un  mandat  d'arrêt  un  des  témoins  entendus  contre  l'accusé,  il 
doit  ôtre  sursis  à  l'exécution. 

Que  si  le  prévenu  de  faux  témoignage  est  acquitté,  alors  la  première  con- 
damnation garde  toute  sa  force.  On  y  avait  sursis  jusqu'à  ce  qu'on  eût  statué 
sur  le  sort  du  témoin  prétendu  faux;  si  le  témoin  est  acquitté,  la  condamnation 
s'exécutera. 

81,  au  contraire,  le  faux  témoin  est  condamné,  la  cour  de  cassation  devra 

-annuler  l'arrôt  de  condamnation  rendu  contre  le  premier  accusé,  pour  le  faire 

juger  de  nouveau.  Et,  à  cet  effet,  on  le  renverra  devant  une  cour  d'assises  qui 

ne  devra  être  ni  celle  devant  laquelle  il  a  d'abord  comparu,  ni  celle  devant 

laquelle  a  été  condamné  le  fiaiux  témoin. 

Ajoutez  d'ailleurs  que  le  faux  témoin  ne  pourra  ôtre  entendu,  môme  à  titre 
de  renseignement,  dans  cette  nouvelle  affaire. 

Voilà  ce  que  décide  l'art.  445,  qui  forme  le  complément  de  l'art  331. 

QUARANTE  ET  TJIfltlfE    LEÇON. 

776.  Nous  avons  vu  les  dispositions  relatives  au  témoignage  devant  la  cour 
d'assises  :  trois  ou  quatre  articles  seulement,  articles  assez  faciles,  nous  restent 
pour  exposer  ce  qui  concerne  l'ensemble  des  débals  dans  la  procédure  de  la 
cour  d'assises. 

lies  art.  332  et  333,  auxquels  nous  nous  sommes  arrêté,  sont  relatifs,  le  pre- 
mier, à  la  nomination  d'un  interprète  donné  à  l'accusé  ou  au  témoin  qui  ne 

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PROGÉDURB  DBYANT  LA  COUR  D*ASSIS8S  (aRT.    835).  723 

parleraient  pas  ou  qui  n'entendraient  pas  la  langue  française,  le  second  à  l'in- 
terprète donné  au  sourd-muet  qui  ne  saurait  pas  écrire. 

Remarquez,  sur  Tinterprète  qui  doit  être  donné  en  vertu  de  Fart.  332,  que 
la  nomination  de  cet  interprète  et  que  la  prestation  de  serment  sont  exigées  à^ 
peine  de  nullité;  en  second  lieu,  que  la  loi  permet  aux  parties  qui  figurent 
dans  le  débat  de  récuser  Tinterprète,  en  confiant  à  la  cour  Tappréciation  des 
motifs  de  la  récusation.  La  loi  a  abandonné  à  la  cour  l'arbitrage  des  questions 
relatives  aux  causes  de  la  récusation.  Cependant  on  peut  citer,  au  moins 
comme  règles  d'analogie,  les  dispositions  de  l'art.  322;  on  comprend  que  les 
personnes  dont  l'art.  322  écarte  le  témoignage  doivent  également  être  écartées 
du  rôle  d'interprète. 

Quant  à  l'art.  333,  on  distingue  si  le  sourd-muet  sait  ou  ne  sait  pas  écrire  : 
dans  le  dernier  cas  seulement,  un  interprète  doit  lui  être  donné  ;  dans  le  pre- 
mier cas,  les  questions  lui  sont  adressées  par  écrit;  il  y  répond  dans  la  même 
forme,  et  le  greffier  en  donne  lecture. 

777.  «  Art.  334.  Le  président  déterminera  celui  des  accusés  qui  devra  être 
soumis  le  premier  aux  débats,  en  commençant  par  le  principal  accusé,  3*il  y  en  a 
un.  —  Il  se  fera  ensuite  un  débat  particulier  sur  chacun  des  autres  accusés,  it 

Cet  ordre  des  débats  entre  divers  accusés,  ordre  dont  la  fixation  appartient 
au  président,  ne  doit  pas  se  prendre  tout  à  fait  à  la  lettre.  Lorsque,  par  exem- 
ple, soit  parce  que  Tun  des  accusés  joue  dans  l'affaire  un  rôle  principal,  soit 
par  tout  autre  motif,  le  président  a  décidé  qu*on  commencerait  par  lui,  il  n'en 
fiiut  pas  conclure  que  tous  les  témoignages,  que  tous  les  faits  relatifs  à  cet 
accusé  doivent  être  exposés  et  débattus  avant  de  passer  aux  accusés  qui  sui- 
vent. Ainsi,  Tordre  qui  est  ici  déterminé  doit  s'entendre  seulement  en  ce  sens 
que  chacun  des  témoins  relatifs  à  cet  accusé  sera  appelé  ;  mais,  après  que  le 
témoin  aura  déposé  sur  les  faits  qui  concernent  le  premier  accusé,  il  sera  inter- 
rogé, immédiatement,  sar  les  faits  qui  concernent  les  autres.  En  un  mot, 
lorsqu'un  témoin  est  appelé  dans  Taffaire  où  plusieurs  accusés  se  trouvent 
impliqués,  il  doit  déposer  à  la  fois  sur  les  faits  relatifs  à  chacun  d'eux  :  il  n'est 
pas  rappelé  dans  le  débat  autant  de  fois  qu'il  y  a  d'accusés  ;  on  ne  le  renvpie 
qu'après  avoir  entendu  sa  déposition  sur  tous  les  accusés.  Voilà  la  marcha 
indiquée  par  l'art.  334  :  interrogatoire  successif  de  chacun  des  accusés  ;  appel 
des  témoins  relatifs  au  premier;  et  puis,  lorsque  quelques-uns  de  ces  témoins 
ont  à  déposer  sur  des  faits  qui  concernent  ceux  qui  suivent,  on  les  fait  déposer 
immédiatement  sans  interruption  ni  renvoi. 

778.  «  Art.  335.  A  la  suite  des  dépositions  des  témoins,  et  des  dires  respectifs 
auxquels  elles  auront  donné  lieu,  la  partie  civile  ou  son  conseil,  et  le  procureur 
général,  seront  entendus  et  développeront  les  moyens  qui  appuient  Taccusation. 
—  L'accusé  et  son  conseil  pourront  leur  répondre'.  La  réplique  sera  permise  à  la 
partie  civile  et  au  procureur  général;  mais  l'accusé  ou  son  conseil  auront  tou- 
jours la  parole  les  derniers.  —  Le  président  déclarera  ensuite  que  les  débats  son^ 
terminés.  » 

La  marche  de  tout  cet  article  est  très-eimple  et  ne  présente  qa'tin  point 

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724     QUARANTE  BT  UNlàlfB  LEÇON.  —  DES  COURS  d'aSSISBS  (n^  780). 

important;  très^facile  d'aillenre,  c'est  k  droit,  pour  raconsé  on  son  conseil^  d'a- 
voir toujours  la  parole  les  derniers. 

A  partir  ;de  cet  article^  commence'  utie  série  dé  4î8iM)sitioiis  qni,  sans  pré- 
senter de  très-grandes  difficultés  d'application,  méritent  cependant  pfaw  d'at- 
tention et  de  détails  dans  leor  développement. 

779.  ff  Art.  336.  XjO  président  résumera  Taffaire.  •*  U  fera  remarquer  aux  juïés 
les  principales  preuves  pour  ou  contre  Taccusé.  —  Il  leur  rappellera  les  fonctions 
qu'ils  auront  à  remplir.  —  Il  posera  les  questions  ainsi  qu'il  sera  dit  ci-après.  » 

Ce  résumé  que  la  loi  confie  au  président  a  pour  but  de  retracer  au  jury  tout 
l'ensemble  des  débats  qui  viennent  de  s'agiter  devant  lui. 
«  Il  fera  remarquer  aux  Jurés  les  principales  preuves  pour  ou  contre  Vaccùsé,  • 
Mais  dans  quels  éléments  le  président  puisera-t-il  Ces  preuves;  sera-ce 
uniquement  dans  les  plaidoiries  respectives,  dans  le  réquisitoire  du  ministère 
public,  la  plaidoirie  de  la  partie  civile  et  la  défense  de  l'accusé?  Non  ;  la  loi 
ne  dit  pas  que  le  résumé  du  président  sera  uniquement  le  résumé  des  moyens 
plaides  pour  ou  contre  à  l'audience  ;  le  résumé  du  président  aura  pour  but  de 
résumer  toutes  les  preuves  résultant  des  débats,  soit  pour^  soit  contre  l'accusé. 
Ainsi,  le  président  ira  cbercher  les  éléments  de  son  résumé  dans  tous  les  dé- 
bats qui  viennent  d'intervenir»  encore  bien  que  quelques  preuves^  quelques 
indices  résultant  de  ces  débats  aient  été  omis  dans  les  plaidoiries  respectives. 
Mais,  d'autre  part,  c'est  uniquement  dans  les  débats,  dans  les  faits  qui  vien- 
nent d'être  exposés  et  débattus  à  Taudience  que  le  président  prendra  les  faits 
qui  composeront  son  résumé.  Si,  par  exemple,  il  faisait  connaître  dans  le  ré- 
sumé un  fait  échappé  aux  débats  et  établi  dans  la  procédure  écrite  antérieure, 
il  est  clair  qu'il  sortirait  à  la  fois  des  bornes  dans  lesquelles  l'article  le  ren- 
ferme et  de  celles  que  la  raison  commande.  Des  bornes  de  la  raison,  car  les 
débats  étant  terminés,  la  partie  publique,  la  partie  civile  et  Taccusé  ne  pou- 
vant plus  avoir  la  parole,  ce  serait  léser  les  intérêts  ou  plutôt  les  droits  de  quel- 
qu'un d'entre  eux  que  d'alléguer,  après  la  clôture  des  débats,  un  fait  qu'aucun 
d'eux  ne  pourrait  plus  discuter  ni  réfuter. 

780.  Cest  une  question  souvent  élevée  que  celle  de  savoir  si  ce  tésunié  ne 
doit  être  que  la  reproduction  abré^  des  moyens  présentés  dans  les  débats, 
ou  bien  s*il  doit  on  s'il  peut  nième  laisser  apercevoir  aux  jurés  ropinion  per- 
sonnelle dû  président  qui  fielit  ce  résumé.  Cette  question,  souvent  posée,  réso- 
lue diversement;  est  moins  uile  <|ttestion  légale  qu'une  question  morale  :  quel- 
que parti  qu'on  adopte,  il  n'y  a  pas  de  sanotion.  En  supposant  même  que  le 
p;>ésident  ne  dût  pas,  dans  l'esprit  de  la  loi,  laisser  voir  son  opinion  sur  l'af- 
faire, les  débats  étant  clos,  la  parole  étant  intefdite  à  tous,  il  est  clair  qu'il  n'y 
aura  aucune  réfutation,  aucune  discussion,  aticune  nullité  possible  dans  le 
silence  de  la  loi,  s'il  laisse  voir  son  opinion.  Il  est  vrai  même  de  dire  que, 
bien  qu'en  général  il  soit  à  désirer  que  cette  opinion  ne  se  manifeste  pas,  il 
est  cependant  impossible  qu'elle  ne  résulte  pas  parfois  de  l'ensemble  même 
du  résumé.  Dans  un  grand  nombre  d'affaires,  la  conviction  sera  si  complète, 
^48  preuves  pour  ou  contre  seront  tellement  saillantes,  que  le  rapprochement 

Vs-bmf  f9e'  le  préeidtent  aura  fldt  do  ces  prenves  montrera  clairement  au 

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PAOCtopai  DBYANT  LA.  GOUH  o'ASfilSBS  (ART,  337).  725 

joiy  duquel  «liiftfMt  le  psésideol»  C'est  ih  mqs  doute  aa  JincoiiYéinient  des 
résiuoés^  c!est  là  l^olyectioa  la.  plaa  fonte  qn»  font  cojotre.  o^  système  les  adver* 
sçdres  a^sez  nombreux  qu'il  a  rencoptrés  ;  il  offre  au  présideat  les  moyens  de 
faire  sentir  aux  >ttréiB,  sauvent  mâme  involontairement  et  malgré  lui,  son  opi- 
nion personnelle^  efc^  cette  opinion  une  fois  connue,  il  n*est  plus  viui  de  dire 
que  l'opinion  des  jurés  soit  détachée  de  toute  influence.  En  effet,  si»  dans  les 
art.  312,  343  et  353ii  la  loi  interdit  aux  jurés  tout^  communication  au  dehors, 
si  elle  atteste  par  là  le  désir  de  faire  que  leur  verdict  soit  l'expression  pure  et 
simple  de  leur  conviction  personnelle,  on  ne  comprend  guère  un  système  de 
résulté  qui,  laissant  presque  toujours  apercevoir  Topinion  dn  président, 
exerce  par  là  même  sur  le  jury  une  influence  asses  forte,  ou  pour  nûeux  dire« 
la  |)ius  paissante  des  influences. 

Tout  ce  qu'on  peut  dire  pour  les  résumés,  c'est  qu'il  est  important,  dans  des 
débats  prolongés,  de. remettre  sous  les  yeux  du  jury  les  fûts  capitaux  qu'il 
aurait  pu  perdre  de  vae« 

Cependant,  on  pourrait  répondre  qu'il  y  a  dans  c^  système  plus  d'inconvé- 
nients que  d'avantages  ;  qu'il  enlève  à  l'accusé  le  bénéfice  d'avoir  la  parole  le 
dernier  ;  qu'enfin,  si  l'on  suppose  que  le  jury,  après  ayoir  entendu  les  plaidoi- 
ries respectives,  n'«st  pas  en  état  de  se  former  une  conviction  personnelle, 
cela  irait  non  pas  seulement  à  modifier,  mais  à  supprimer  l'institution  même. 

781.  Il  posera  les  guesUans  amsi  qu'Usera  dit  diaprés  : 

Ce  n'est  pas  à  la  cour,  mais  au  président  qu'est  confiée  l'opération  délicate 
de  la  position  des  questions;  sanf,  bien  entendu,  les  réclamation/9,  soit  du  mi- 
nistère public,  soit  de  l'accusé,  sur  le  résultat  de  ce^te.  position  dont  npus 
allons  parler  tout  à  l'heure.  X)u  reste,  la  position  des  questi^pns  de  la  part  du 
président  est  une  opération  qui  se  fait  sur.  le  vu  même  de  l'acte  d'accusation. 
Bn  général,  et  sauf  l'exception  résultant  de  l'art.  338,  les  questions  posées  au 
jury  ne  sont  guère  que  les  .questions  comprises  dans  le  résumé  par  lequel  on 
termine  tout  acte  d'accusation.  Aussi  est-ce  parfois  par  un  renvoi  pur  et  sim« 
pie  à  l'acte  d'accusation  que  ces  questions  sont  posées,  car  l'acte  d'accusation 
est  remis  au  jury,  aux  termes  de  l'art.  341. 

Voici  dans  quels  termes  se  pose  la  question  résiiltant  de  l'acte  d'accusation. 

a  Art.  337.  La  question  résultant  de  Tacte  d'accusation  sera  posée  en  ces  termes: 
L'^CQUsé  est-il  coupable  d'avoir  commis  tel  meurtre,  tel  vpl  ou  tel  autre  crime, 
avec  toutes  les  circonstances  cpa^prises  dans  le  résumé  de  l'acte  d'accusation.  » 

7t38.  Ces  expressions  det  Tart^  337  cofitiennent  «qe  dérogation  fort  remar- 
qiiable  à  la  législation  antérieure.  D'après  le  Codo  d^  i791j  et:  notamment 
d'après  c^ui  du  3  brumaire  an  lY,  vsxt.  3|74.  et  377«  U  était  défiandu  de  poser 
au  jury  aucune  question  coniptoxe  ;•  sur  chaque  crime,  sur  chaque, accusation, 
la  question  principale  devaût  se,  décomposer  en  questions  qui  ne  présentassent 
ûhaoune  qu'une,  idée  i^mpl»,  nniqu^  indépendante  de  ^)i^.au^e.  Ainfi,  par 
exemple»  s'agissaitril  d'un  menrtre,  le  jury  a^aitdû  être  interrogé  en  ces  ter- 
me» :  1<>  Tel  fait  estril^constant  ?  l"»  L'accusé  en  est-il  l'auteur?  3»  À-t-il  agi 
volontairement  ?  4*  A*t-il  agi  avec  intention  de  nuire  f  TeUe  était  la  décompo- 

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726     QUABANTE  BT  UNIÂME  LEÇON.  —  DS8  COURS  D  ASSISES  (n*  782). 

BÎtion  la  plus  simple,  la  plus  élémentaire  à  laquelle  pût  donner  lieu  une  ques- 
tion qaelconqne  de  criminalité  :  1^  existence  matérielle  dn  fait,  c'était  le  pre- 
mier point  à  constater;  Î9  perpétration  matérielle  de  ce  fait  par  Taccnsé, 
citait  le  second  point  ;  3«  volonté  de  l'accusé  ;  4^  enfin,  intention  coupable. 
Ces  deux  derniers  points  se  confondent  souvent,  mais  non  pas  cependant  dans 
tous  les  cas. 

On  a  reproché  à  ce  système  de  décomposition  des  questions  d'entraîner, 
dans  certains  cas,  pour  le  jury,  des  difficultés  inextricables.  £n  effet,  dans 
des  affaires  d'une  assez  grande  importance,  oi^  figuraient,  d'une  part,  on 
grand  nombre  d'accusés,  d'autre  part,  un  grand  nombre  d*imputa,tion8  de 
faits  sur  chacun  des  accusés,  on  avait  vu  le  nombre  des  questions,  soit  des 
faits  principaux,  soit  des  circonstances  aggravantes,  s'élever  parfois  à  plu- 
sieurs centaines  ou  même  à  plusieurs  milliers.  D'ailleurs,  les  jurés,  fort  em- 
barrassés sur  la  distinction  de  la  double  question  de  volonté  et  d'intention 
criminelles,  rendaient  souvent,  sous  ce  système,  des  réponses  opposées,  con- 
tradictoires l'une  avec  l'autre.  Aussi  quoique  plus  logique  en  apparence,  cette 
manière  de  poser  les  questions  a  été  repoussée  par  notre  Gode.  Vous  ne  trou- 
vez dans  l'art.  337  rien  de  pareil  à  cette  disposition  de  l'art.  377  du  Gode  de 
brumaire  :  c  II  ne  peut  être  posé  aucune  question  complexe.  •  Au  contraire, 
Part.  337  donne  une  formule  évidemment  complexe,  car  la  formule  de  cet 
article  enveloppe,  en  une  question  unique,  non-seulement  les  quatre  questions 
qu'on  aurait  dû  poser  sous  la  loi  de  brumaire,  mais  une  foule  d'autres  questions 
qui  auraient  dû  aussi  être  posées  séparément.  Ainsi,  on  devra  demander  au 
jury,  par  exemple,  dans  une  accusation  de  meurtre  :  L'accusé  est-il  coupable 
d'avoir  commis  tel  meurtre,  avec  toutes  les  circonstances  mentionnées  dans  le 
résumé  de  l'acte  d'accusation  ?  Question  complexe  s'il  en  fut  jamais,  puisque 
d'une  part,  le  fait  principal  enferme  déjà,  dans  une  question  unique,  les  quatre 
questions  dans  lesquelles  la  loi  de  brumaire  l'avait  décomposée,  et,  en  second 
lieu,  les  circonstances  aggravantes  du  même  fait  qui  peuvent  être  en  assez 
grand  nombre. 

Ge  système  a  l'avantage  d'éviter  dans  la  réponse  du  jury  ces  contradictions 
qui  résultaient  assez  souvent  de  la  décomposition  infinie  des  questions.  Cepen- 
dant il  a  aussi  son  mauvais  côté,  ses  inconvénients,  et  on  pouvait,  à  quelques 
égards,  regretter  le  principe  de  la  décomposition  qui,  du  reste,  a  été  remis  en 
vigueur  par  la  loi  du  13  mai  1836. 

£n  effet,  lorsque  la  question  complexe  est  posée  au  jury  aux  termes  de 
l'art.  337,  sa  réponse  sera  unique,  unique  pour  Taffirmative  ou  bien  pour  la  né- 
gative. Lorsque  la  réponse  du  jury  est  affirmative  sur  la  question  complexe 
qui  lui  est  posée,  elle  est  nécessairement  affirmative  sur  chacun  des  points 
dans  lesquels  on  eût  pu  décomposer  cette  question?  Ainsi,  quand  le  jury, 
interrogé  sur  le  point  de  savoir  si  l'accusé  est  coupable  de  meurtre  répond  : 
Oui,  il  est  coupable,  c'est  répondre  implicitement  :  1^  le  fait  du  meurtre  est 
constant  ;  2<*  c'est  bien  l'accusé  qui  a  tué  ;  3^  il  a  tué  volontairement,  et  non 
point  en  état  de  démence  ;  4<*  il  a  tué  non-seulement  volontairement,  mais 
animé  par  une  volonté  coupable,  car  il  serait  possible,  à  tout  prendre,  quoique 
dans  des  cas  assez  rares,  que  l'homicide  volontaire  ne  constituât  pas  un  véri- 
table crime  ;  par  exemple,  dans  le  cas  de  légiUme  défense  on  de  provocation. 

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PROGftDUBE  DBVAMT  LA  COUR  d'a88ISB8  (aRT.   357).  727 

Ainsi,  aqjoord^hui,  répondre  affirmativement  à  une  question  de  meurtre,  c*es  t 
répondre  affirmativement  à  chacune  des  quatre  questions  dans  lesquelles  la 
logique  pourrait  décomposer  la  question  complexe  de  Tarticle.  Dans  ce  cas,  il 
n^aura  pas  grand  inconvénient  à  la  position  d'une  question  complexe,  préci- 
sément parce  que  la  réponse  affirmative  du  jury  sur  l'ensemble  est  nécessai- 
rement une  réponse  affirmative  sur  chacun  des  détails.  Tout  ce  qu'on  pourrait 
craindre  serait  que  l'analyse  logique  de  la  question  complexe»  sa  décomposi- 
tion dans  les  quatre  éléments,  dans  lesquels  nous  l'avons  divisée»  n*eùt  pas 
été  faite  exactement  par  tous  les  jurés.  Tout  ce  qu'on  pourrait  dire,  ce  serait 
qu'un  juré  s'imaginât,  par  exemple,  que  quand  on  lui  demande  :  L'accusé  est- 
il  coupable  d'avoir  commis  tel  meurtre  ?  cette  question  fût  l'équivalent  de  celle- 
ci  :  L'accusé  a-t*il  tué  telle  persoime?  Ge  serait  Là  une  grave  erreur;  le  juré 
ne  verrait  dans  la  question  complexe  posée  que  deux  des  quatre  membre  s 
dans  lesquels  elle  se  décompose;  il  ne  se  croirait  interrogé  que  sur  l'existence 
matérielle  d'un  fait  commis  par  l'accusé;  il  ne  verrait  pas  l'autre  partie  de  la 
question,  désignée  par  ces  mots  :  Est-il  coupable  ?  il  ne  verrait  pas  la  question 
d'imputabilité,  la  question  d'intention,  de  volonté  criminelle,  qui  est  au  fond 
de  notre  question  complexe,  comme  elle  était  expressément  dans  les  questions 
de  la  loi  de  brumaire. 

Ge  serait  là  un/premier  danger,  rare  dans  l'application,  parce  qu'il  serait 
difficile  qu'un  juré  ne  sentît  pas  qu'il  est  aussi  appelé  à  répondre  sur  la  mo» 
ralité  du  fait  de  l'accusation.  Gependant  cette  erreur  a  été  commise.  Ainsi, 
quand  un  jury  a  répondu  en  ces  termes  :  c  Oui,  l'accusé  est  coupable  d'avoir 
commis  tel  meurtre,  mais  il  était  en  état  de  démence,  )»  il  est  manifeste  que 
oe  jury  n'a  pas  compris  la  question  de  la  loi  ;  il  est  manifeste  que  dans  sa 
réponse  est  une  contradiction  choquante  ;  si  l'accusé  avait  commis  le  meurtre 
en  état  de  démence,  il  n'était  pas  coupable  de  l'avoir  commis;  et  en  répondant 
ainsi  :  Oui,  coupable,  mais  en  état  de  démence,  le  jury  ne  corrige  que  par  une 
contradiction  la  réponse  de  culpabilité.  Mais,  je  le  répète,  cette  erreur  est  rare, 
peu  supposable,  et,  précisément  quand  elle  existera  dans  la  forme,  elle  sera 
presque  toujours  corrigée  en  réalité,  par  cette  addition  contradictoire,  qui  ser* 
vira  du  moins  à  en  prévenir  le  danger. 

Mais  c'est  dans  l'hypothèse  inverse,  dans  l'hypothèse  d'une  solution  néga- 
tive de  la  question  de  culpabilité,  que  le  système  des  questions  complexes 
devient  une  source  d'embarras  et  de  dangers. 

Ainsi,  nous  avons  bien  dit  que  la  réponse  affirmative  à  la  question  générale, 
lois  du  moins  que  cette  réponse  émane  d'un  jury  raisonnable  et  bien  conduit, 
renfermait  nécessairement  la  solution  affirmative  de  chacune  des  questions  de 
détail;  mais,  à  l'inverse,  par  cela  seul  que  le  jury,  procédant  intérieurement 
à  la  décomposition  de  la  question  complexe,  arrive  à  la  n%ative  sur  l'une  des 
quatre  questions  de  détail,  il  doit  donner  à  l'audience  une  réponse  négative  sur 
l'ensemble  de  la  question.  Ainsi,  voici  un  jury  consulté  sur  la  question  de 
savoir  si  l'accusé  est  coupable  de  tel  meurtre;  chaque  juré  devra  se  demander^ 
avant  la  réponse  à  la  question  complexe  :  Y  a-t-il  un  crime?  Est-ce  l'accusé 
qui  en  est  l'auteur?  L'a-t-il  commis  volontairement?  L'a-t-il  commis  avec 
intention  '^  l  peut  se  faire  que  le  jury  réponde  :  Oui,  il  y  a  un  meurtre  ;  il  est 
pnmvé  que  l'accusé  l'a  commis;  mais  il  ne  l'a  point  commis  volontairement, 

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728     QUARAUn  BT  XmtÈaŒhB40H.  «^  DBS  IS0OR8  D^âMI»  (M*  782). 

il  était  en  état  do  démepeo;  Si,  daas  les  opératîMis  intérieiires  mixqiiéUe» 
chaque  juré  doit  se  livret,  il  arrite-  eela,  la  réponse  générale  sera  celle*^  : 
Non,  raocnsé  n.*en  est  pas  coupable*  Mais  cette  réponse  est  la  seule  qu'il 
fasse  comiaitre  à  randience,  et  dès  lors  on  ignorera  toujours  si  la  réponse  néga- 
tive du  jmy  est  détenainée,  soit  paiee  q«'i  ses  yent  le  meartre  n^est  pa» 
prouvé,  foit  parée  qu'il  n'est  pas  prouvé  que  Tacousé  soit  l'auliBur  du  meuttre, 
le  meurtre 'étant  prouvé^»  soit  parce  qa'il  n^est  pas  démoàtré  qtte  l'accusé  ait 
commis  le  meurtre  volontairement  ou  dans  une  intention  criminelle.  Quel 
qpiel  soit  le  motif  de  la  réponse  négative,  l'acquittMneftt  doit  en  être  la  suite. 

iHaie  vous  savea  déjà  que  les  quostieus  de  pénalité  ne  sont  pas  les  seulea 
questions  qui  s^aglient  devant  les  cours  d'assises;  à  cétéde  ces  questions  de 
pénalité  s'agitent,  4ans  nombre  de  cas,  des  questions  de  dommagés^intfaéts. 
Dans  ooioasi  Quct  déoidera>^t-on  lorsqu'une  réponse  négative  a  été  faite  par  le 
jury  à  la  question  générale  que  le  président  lui  avait  posée?  La  cour  pouiTa*-t- 
eUe  encore*^  sans  violer  la  chose  jugée,  accorder  à  la  partie  civile  des  4onmia« 
gCB4ntéréts  centre  Faocusé  déclaré  non  coupable  f 

£n  fait,  et  en  présence  des  textes,  la  question  pratique  n'est' pas  douteuse  ; 
les  art.  358  et  800  autorisent  formellement  la  cour  d'assises  à  condtttQuei^  Pac< 
cusé,  même  acquitté,  à  des  dommages-intérêts.  Cette  décision  est-elle  bien 
raisonnable?  £st-il  juste  de  condamner  à  des  dommages-Intérêts,  envers  la 
partie  civile,  raoeoi^  acquitté  du  fait  de  l'aocusation?  Oui,  cela  est  riâsohna-» 
ble,  cela  n'a  rien  de  contradictoire,  si  l'accusé  est  acquitté  parce  qu'il  a  corn-- 
mis  le  (ait  sans  intention  criminelle,  par  exemple,  par  une  simple.impradenee. 
Maj^,  si  l'accusé  est  acquitté  parce  qu'il  n'a  pas  commis  le  fiât,  ou  même 
parce  que  le  fait  n'a  jamais  été  conunis,  il  est  contradictpire  de  l'acquitter  de 
la  poursuite  criminelle,  et  partant  de  le  condamner  à  des  dommageff^-intéréCs. 
Cette  contradiction  n'est  Jamais  manifeste,  mais  elle  est  toujours  possible.  En 
ua  mot,  lorsque,  sous  la  loi  de  brumaire,  on  posait  au  jury  des  queétioos  de 
détail)  et  que,  par  exemple,  le  jury  devait  répondre  :  Non,  le  meurtre  n'est 
pas  oonstaut;  ou  bien  :  Non,  le  meurtre  étant  constant,  ce  n'est  pas  raoewè 
qui  l'a  commis,  il  est  clair  qu'on  n'aurait  pas  pu,  sans  violer  directement  l'au- 
torité de  la  chose  jugée,  accorder  à  la  partie  civile  des  demmages-intéréta 
contre,  un  accusé  que  le  jury  venait  de  déclarer  formellement  n'être  pas  Tau- 
teur/.dtL.faitdontse  plaigdaitia  partie  civile.  Maintenant,  au  eontniire,  comme 
on  ne  sait  jamais  quel  motif  a  détennitaé  la  tépoBM  négative  du  jury,  il  n'y- a 
japnàis  oontradicticm  fbrmefie,  mais  il  y  a  toujours  contradiotioii'pessiiile  entre 
la,répfmae  du  jury  et  la  décision  que  pourra  rendre  la  courj  Mats,  d^une 
part,  attendu  que^  sur  1&  réponse  négative,  l'accusé  aura  été  acquitté;  que,, 
d'anire  part, en  vertiide l'ar^..  366, on  ^aura condamiié  àdeadommages-inté* 
rôtay  il  sera  .toujoura  possible  de  dire  :  Mais  peut-<étiB  le  jury,  en  répondant 
négativement,  a  en^du  décider  que  Taoeusé  n'était  pas  l'auteur  du  fiiit.  Or, 
si  cbla.a  été  (|écidé,  même  à  l'égçnLdela  partie  civile  qui  étaili  bien  partie  dans 
ripatànoe,  de  quel  droit  vient^ou  maintMan^,  en  coiitrafdietioa  av^ae  la>éponse 
du  jury,  déclarer  le  Mt  oenateiit>  dédarer  <(oe  r^ccusé  en  est  l'auteur,  car 
oit  le  dédara  dairement  quand  on  le  comiaînne  k  desjdomntages-ântéite? 

Voilà  donc  Finoonvéïiiént  de  icette  répoBsé  négative  générale,  considérée 
non  pas  sous  le  n^port  des  conséquences  de  pénalité,  puisque,  quelle  que 


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.    r.     IlftOflfcMW&.UFiMr  hâi  eMHJA  D*AB8Iil8  <A]tT«  337);  <.  129 

8ott  la  îùtm$,  l'^Lcgnitlei&ettt  en  ett  tonjôvre  l*  golté,  ixxaiHf  ooiisidèrôe  qvant 
au  oombioaidenB  dâ  ces  eomôqueuces  de  pénafité  avec  868  coinéciaeDces  sons 
la  Hppoii  deS'donniagea-iàtérèftd.  fit  peot-étroi  paàr  iàmer  à  cea  (Uffîcnliét 
asèw  Bériehues,  i  ces  cmttcadîctionB  poMibles  entre  deux  décisions  sur  le 
même  îùi,  anraiWon  p^,  non  pas  raoïtrer  dans  la  décomposition  de  détail  que 
commandait  la  loi  de  iNnunaire,  mais  interroger  séparément  le  jury  :  1«  sor 
reâdstence-  saatéoeUe'dit'ftit  i  impmter  à  Pacensé;  2*  sur  la  moralité  sous 
Tempire  de  laquelle  Taccasé  avait  commis  le  fait.  Peut^tre  anrait^on  pa 
demander  :  i«  I/ac6Qsé  est*il  Tanteur  de  ce  fait?  2*  L'a^tuil  commis  Volomtai- 
reinantet  danabne  intention  couJ>aMe?  distinguer,  en  un  mot,  les  deux  gran* 
des  parties  de  la  question,  celle  du  lait  matériel,  celle  de  la  moralité.  Cette 
théoôrie  a  été  eonsaciée  par  la:  loi  du  13  mai  i836,  qui  sera  rapportée- plus 
Idin. 

783.  Sous  uji  autre  point  de  vue,  la  formule  indiquée  par  l'art.  337  mérite 
encore  beaucoup  plus  d'attention.  Yous  voyez  quelle  marche  indique  cet  arti- 
cle. La  queêtim  sera  posée  en  ee$  tetmee  :  L'aecusé  esM  capable  d'awHr  commît 
tel  meurtre,  ta  vol,  où  td  crâne,  at^c  Ufutés  les  eirtxmstemeee  cMphees  doM  h 
ritumi  de  Vrn^  ^aecitêatùmt  Est^-çe  bien  là,  en  effet,  laformulo  dtms  laquelle, 
doivent  être  interrogés,  dans  laquelle  sont,  en  pratique,  interrogés  Ie&  jurés? 
Demander  à  un  jury  si  Taceusé  a  commis  tel  meurtre  ou  tel  vol,  est-ce  lui 
poser  une  simple  question  de  fait;  ou  ne  serait-ce  pas  aussi  lui  poser  une  ques* 
tioiL  de  droit'?  Déjà  je  vous  ai  dit  quelle  était,  à  cet  égard,  la  distinction  pré- 
sentée, un  peu  légèrement  peut«4tte,  comme  séparant  profondément  la  mission 
du  jury  de  celle  de  la  cour  :  c'est  de  considérer  le  jury  comme  juge  unique  des 
questions  dé  fait-,  et  seuleihent  des  questions  de  fait;  la  cour,  au  contraire, 
comme  juge  unique  des  questions  de  droit,  et  seulement  des  quesftions  de  droit. 
Celte  idée  vnôe,  en  principe,  en  général,  doit^lle  se  prendre  à  la  lettre,  d'une 
maniàré  ci^Bhplète  et  absiolue?  Sst-il  vrai  que  le  jury,  juge  uiiique  et  souve» 
rain  du  fait,  depuis  la  suppression  de  Fart.  351,  ne  soit  absolument  juge  que 
du'fitttf     — 

'iyabord>  entendons  bien  ceci:  il  n'est  pas  juge  réellement,  uniquement,  du 
fait  matériel,  il  est  aussi  liaisî;  comme  nous  venons  de  le  dire,  et  exclusive- 
ment saisi,  de  l'appréttiatiott  moi^ale,  de  la  qualification  dé  conscience  qu'il 
ddil  donner  à  cet  aqte.  Mais' sa  misaioin  va^t-elle  plus  loin?  ést^l  chargé  de 
décider 'non«seulement  que  tel  flEut  exista  <que  l'accusé  l'a  commis,  qu'il  Ta 
coanSH^  eif  ce^naissanoe  de  cause  et  dans  une  pensée  coupable?  eist-i)  aussi 
chargé  de^écider  si'ce  fait  est'  un  crime,  isice  fait  constitue  tel  crime  prévu 
pair "laltiif  En  un  mo^  le  jury,  moontestabiément  appelé  à  prononcer  sur 
l'exislence  et  sur  la  moralU»  dé  l'acte,  est^l  appelé  &  le  qualiflpr  légale» 
menty  eet-it  appelé  à  déoidier  si  cet  acte  rentre  ou  ne  rentre  pas  dans  la  classe 
des  faHs  prévus  et  punis  par  la  loi  pénale?  Si,  en  effet,  il  y  est  app^,  il  ne 
sert  plus  vrai  de  dire  que  le  jury  est  unicjuemeDt  juge  du~fail;'il  sera  néces- 
saire de  reconnaître  que  le' jury  rempltt^aussi/ à  certains  és^s,  une  mis- 
sion de  droiu 

Sur  cette  question  assez  importante,  les  textes  et  la  pratique  vont  bien  krin 
d'être  d'accord.  D'une  part,  en  effet,  si  nous  regardons  les  art  364  et  365,  noos 

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730     QUARANTE  BT  UNliUB  LSÇON.  •—  DBB  GOI7R8  d'a88I8BB  (N*  783). 

y  yoyons  que  lordqae  le  lait,  déclaré  constant  par  le  Jary,  parait  à  la  cour 
n'être  pas  défendu  par  nne  loi  pénale,  elle  absoudra  Taccusé.  Que  si,  au 
contraire,  la  cour  reconnaît  dans  les  faits  déclarés  constants  par  le  jury  des 
actes  prévus  et  punis  par  la  loi  pénale,  elle  prononcera  la  peine  établie  par  la 
loi.  Ainsi,  des  art.  364  et  365  11  résulte  que  ce  n'est  pas  au  jury,  mais  à  la 
conr  d'examiner  si  tel  fait,  établi  contre  l'accusé,  est  ou  n*est  pas  puni  par  la 
loi  pénale,  que  ce  n'est  pas  au  jury,  mais  à  la  cour  de  s'occuper  de  la  qualifi- 
cation légale  du  fait. 

L'art.  342,  qui  contient  une  instruction  aux  jurés  sur  la  nature  de  leurs 
deyoirs,  mène  absolument  au  même  résultat.  La  loi,  dit  cet  article,  ne  demande 
pas  compte  aux  jurés  des  motifs  de  leur  décision;  elle  ne  leur  adresse  qu'une 
question  unique  :  Avezrvous  une  intime  conviction*>  Or,  le  système  de  l'intime 
conviction  se  comprend  bien  quand  il  est  appliqué  à  des  questions  de  fait;  il 
ne  se  comprend  plus  quand  il  est  appliqué  à  des  questions  de  droit,  à  des 
décisions  de  textes  dont  la  connaissance  est  étrangère  au  jury.  Il  serait 
étrange,  en  effet,  qu'on  allât  dire  à  un  juré,  à  qui  Tart*  342  semble  interdire 
de  songer  au  droit  pénal  :  Avez- vous  une  intime  conviction  non-seulement  que 
tel  bomme  est  l'auteur  volontaire  de  tel  fait,  mais  aussi  qu'en  accomplissant 
tel  fait,  il  s'est  placé  sous  le  coup,  sous  la  prévention  de  tel  article  de  la  loi 
pénale?  L'intime  conviction  se  comprend  pour  les  questions  de  fait  et  de 
sens  commun,  elle  ne  se  comprend  pas  pour  les  questions  de  droit  et  de 
science. 

Voilà  ce  qu*on  peut  dire  pour  refuser  au  jury  la  mission  de  qualifier  légale* 
ment  les  faits  dont  il  semble  être  purement  Tapprédateur  moral. 

D'autre  part,  l'art.  337  parait  lui  confier  directement  cette  appréciation 
légale;  car,  quand  on  dit  :  La  cour  posera  au  jury  la  question  ainsi  qu'il  suit  : 
Un  tel  est-il  coupable  d'avoir  commis  tel  meurtre?  il  est  clair  qu'on  l'inter- 
roge non-seulement  sur  une  question  de  fait,  non-seulement  sur  le  point  de 
savoir  si  tel  fait  a  été  accompli,  mais  aussi  sur  le  point,  souvent  fort  délicat, 
de  savoir  si  ce  fait  constitue  ou  non  ce  que  la  loi  pénale  a  qualifié  de  meurtre. 
Au  premier  aspect,  on  ne  saisit  pas  très-bien  l'intérêt  de  la  question,  on  ne  le 
saisit  pas  très-bien,  parce  que  les  exemples  donnés  par  l'art.  337  paraissent 
d'une  nature  si  claire  qu'on  ne  voit  pas  conmient,  les  faits  étant  établie,  il  y 
aurait  moyen  d'bé&iter  sur  la  qualification  légale.  Gomment,  dit-on,  tout  le 
monde  ne  saît-il  pas  bien  ce  que  c'est  qu'un  meurtre,  ce  que  c'est  qu'un  vol? 
ne  sont- ce  pas  là  des  mots  qui  appartiennent  au  langage  ordinaire  autant  et 
plus  qu'au  langage  légal  ?  ne  sont-ce  pas  là  des  mots  sur  le  sens  desquels  tout 
juré  a  nécessairement  qualité  et  mission  pour  répondre?  Non,  ce  ne^sont  pas 
des  mots  qui  appartiennent  au  langage  ordinaire,  tout  aussi  pleinement,  tout 
aussi  complètement  qu*au  langage  légal;  et  tel  homme,  assea  bien  instruit 
d'ailleurs  du  sens  des  mots  du  langage  ordinaire,  pourra  très-bien  se  tnunper 
sur  le  sens  technique,  sur  le  sens  pénal  de  ces  expressions,  si  simples  en 
apparence,  de  msd&trb  et  de  vol,  à  plus  forte  raison  des  expressions  plue  diffi- 
ciles, plus  tethniques,  telles  que  celles  de  faux,  de  FORFArruas,  et  une  foule 
d'autres.  Une  légère  analyse  du  sens  des  mots,  vol,  meuhtbe,  pour  nous  ren- 
fermer dans  cette  espèce,  va  nous  éclairer. 

Supposez,  par  exemple,  qu'on  interroge  un  Jury  en  ces  termes  :  Un  tel  est- 

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PROGÈDUBB  DEVANT  LA  GOUR  d'aSSISBS  (aRT.   337).  731 

il  coupable  d'aToir  cosunis  tel  meurtre?  Voilà,  en  apparence,  une  question 
simple,  iacile,  une  question  qui  est  purement  de  fait,  ou  du  moins  dans 
laquelle  la  qualification  légale  est  d' une  nature  si  claire,  au  premier  aspect,  que 
personne  ne  pourra  s'y  tromper.  Mais  cependant  qu'est-ce  qu'un  meurtre? 
sommes-nous  bien  sûrs  que  chaque  juré  soit  en  état  de  se  poser  cette  ques- 
tion» et  surtout  en  état  de  la  résoudre?  D'abord  on  en  pourra  trouTor,  pent- 
ôtre,  pour  qui  les  mots  de  meurtrb  et  d'HOMicoDE  présenteront  le  même  sens. 
Ce  serait  là  une  première  et  grave  erreur.  L'homicide, ^  c'est  le  fait  matériel; 
le  meurtre,  c'est  le  fait  volontaire  ;  l'idée  de  meurtre  suppose  toujours  la 
volonté  ;  il  n*en  est  pas  de  même  de  l'idée  d'homicide;  l'homicide,  c'est  le  fait 
qui  a  produit  la  mort,  sans  volonté  de  la  donner;  le  meurtre,  c'est  le  fait  qui 
a  également  produit  la  mort,  avec  volonté  de  la  donner.  Mais,  en  ne  suppo- 
sant pas  même  cette  confusion,  facile  à  éviter,  entre  l'homicide  et  le  meurtre, 
en  supposant  que  chaque  juré  connaisse,  je  ne  sais  comment,  la  définition  du 
meurtre  écrite  dans  l'art.  295  du  CSode  pénal,  article  qui  définit  le  meurtre  un 
homicide  commis  volontairement,  croyez- vous  qu'il  n*y  ait  pas  lieu  d'hésiter 
sur  l'application  de  cette  question?  Il  y  a  si  bien  lieu  d'hésiter  qu'avant  la 
révision  de  1832,  une  question  fort  débattue  était  de  savoir  ce  que  c'était,  au 
juste,  que  ce  meurtre,  que  cet  homicide  commis  volontairement.  Ainsi,  un 
homme  a  fait  des  blessures  très- volontairement,  et  sachant  qu'il  les  lait»  il  a 
fait  ces  blessures  dans  l'intention  de  blesser,  mais  sans  intention  de  donner 
la  mort,  cependant  la  mort  s'en  est  suivie  :  y  a-t-il  un  meurtre»  aux  termes 
de  l'art.  295?  Quelque  singulière  que  paraisse  cette  réponse,  la  cour  de  cassa- 
tion décidait  cependant,  avant  la  loi  de  1832,  qu'il  y  avait  meurtre  toutes  les 
fois  que  la  mort  était  la  suite  de  blessures  portées  volontairement,  quoique 
sans  intention  de  la  causer.  C'était  là,  je  crois,  même  avant  la  loi  de  1832  qui 
est  venue  dissiper  tous  les  doutes,  c'était  là  une  décision  vicieuse.  Mais,  à 
coup  sûr,  si  la  cour  de  cassation  s'était  trompée,  à  plus  forte  raison  un  juré 
pouvait-il  tomber  dans  la  même  erreur.  8i,  au  contraire,  ce  sens  de  la  cour 
de  cassation  était  celui  de  la  loi  ;  si,  par  homicide  volontaire,  la  loi  entendait 
bien  J'homicide  qui  était  la  suite  de  blessures  volontaires,  mais  sans  inten- 
tion de  tuer,  on  eût  trouvé  un  grand  nombre  de  jurés  qui  n'auraient  pas  par- 
tagé cet  avis,  et  qui  n'auraient  appliqué  le  mot  de  meurtre  qu'au  cas  où  la 
mort  aurait  été  la  suite  des  blessures  eûtes  non  pas  seulement  avec  la  volonté 
de  blesser,  mais  avec  celle  de  tuer. 

Voilà  donc,  dans  une  des  expressions  les  plus  élémentaires  du  droit  criminel 
la  preuve  d'un  doute,  non-seulement  pour  les  jurés,  non-seulement  pour  les 
hommes  qui  parlent  le  langage  commun,  mais  pour  ceux  mêmes  qui,  par  état, 
doivent  connaître  le.  mieux  le  langage  lé^al. 

Quelle  question  devrait-on  donc,  en  pareil  cas,  poser  au  jury?  sera-t^on  à 
l'abri  de  tout  danger,  quand  on  lui  aura  demandé,  comme  le  veut  l'art.  337  : 
Un  tel  est-il  coupable  de  meurtre?  Non  ;  car  s'il  n'y  a  pas  l'intention  de  causer 
la  mort,  qui  vous  dit  que  dans  ce  jury  la  majorité  légale  ne  va  pas  entendre 
par  le  meurtre  ce  que,  à  tort  ou  à  raison,  la  cour  de  cassation  entendait  par  ce 
mot  avant  la  loi  de  1832?  qui  vous  dit  que  ce  jury,  trouvant  que  l'accusé  a 
blessé  volontairement,  et  que  ces  blessures  ont  entraîné  la  mort,  ne  va  pat 
déclarer  coupable  de  meurtre  un  homme  qui,  aux  termes  du  §  2  de  Tart.  309 

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732     QUARANTE  ET  CKliilR  LBÇON.   *^  0BB  GôtmS  D'ASSISES  (R^  788). 

du  Gk>de  pénal,  ne  doit  plus  ciertainement  être  déclaré  eonpable  qu^  de  bies- 
saras  graye8?Ira->t*on  plus  loin?  décomposera-t-on  la  qttestion?  demandera- 
^on  an  jury,  non  paç  fi  raoênsé  est  coupable  de  menrbre,  muis  s'il  est  àcmptàie 
d'hetniclàB  volontaire?  Qn  n'en  sera  guère  phis  awnôé,  car  tel  juré' pourra 
yaSJt  comme  la;  eour  de  cassation,  un  bomîdde  toléntaire  dans  les  blessatêB 
volontaires'dont  le  résultat  a  été  la  mort;  et  cependant  le  f  ^  de  rartidese 
refuse-à  cette- interprétation; il  dit  qa^  si  les  bleésifres  volontairement  fûtes 
ont  causé  la  mort,  sans  que  la'  personne  qui  blessait  eût  Pintëntion  de  la  causer, 
i)  n'y  aura  pas  meurtre,  mais  matière  à  une  peine  moitis  sÀvère  que  celle  da 
meurtre.  Ainsi  la  véritable  question  à  poser  au  jury,  si  l*on  yeut  éviter  d'ez- 
posjsr  l'accusé  aux  erreurs  les  plus  graves,  serait  celle-ci  :  L'accusé  est^l  cou- 
pable d'avoir  fart,  avec  la  volonté  de  donner  la  mort,  des  blessures  qui  ont 
causé  la  mort?  Voilà  la  seule  forme  de  question  qui  puisse  préserver  Paecusé 
d'erreurs  d'autant  plus  faciles  à  supposer  qu*elies  ne  seraient,  de  la  part  du 
jury,  que  la  reproduction  d'une  interprétation  longtemps  admise  par  la  cour 
suprême. 

Ce  que  je  dis  du  meurtre,  je  le  dirais  de  même  pour  le  vol.  En  apparence, 
rien  n'est  plus  clair,  plus  simple  que  l'idée  de  vol.  Bli  bien,  demandez  à  un 
jury  :  Un  tel  a-tril  commis  un  vol  ?  qui  vous  dit  que  le  sens  du  mot  vol,  dans 
l'esprit  de  tous  les  jurés,  sera  précisément  ce  qu'il  est  dans  la  loi?  Ce  mot 
a^t-il  un  sens  déterminé,  caractéristique,  qui,  même'  dans  le  langage  ordi- 
nairsi  le  distingue?  Par  exemple)  un  dépdt  a  été  fait,  et  le  dépositaire  a 
vendu  de  mauvaise  foi  l'objet  du  dépôt; y  a-t-il  un  vol?  Les  Romains  eussent 
répondu  affirmativement,  et  parmi  nous  beaucoup  de  gens  qualifient  cela  de 
y(A;  cependant  ce  n'est  pas  un  vol,  ce  n*est  pas  le  fait  prévu  par  Tart.  379  du 
Qode  pénal,  sous  le  nom  de  vol  ;  c'est  le  fait  prévu  par  Fart.  408^  sous  le 
nom  d'abus  de  confiance,  et  puni  d'une  peine  tout  à  fait  différente  de  ceUe 
du  vol. 

Vous  voyez  donc  que,  pour  les  mots^  les  plus  usuels,  il  y  aurait  grave  danger 
à  interroger  le  jury  dans  les  formes  indiquées  par  l'art.  837,  c^est-à-dire  &  lai 
conftsr  non^seulement  la  déclaration  matéririle  et  l'appréciation  morale  da 
fait,  mais  aussi  sa  qualification  légale,  constituant  une  question  de  droit  qui 
n'appartient  point  au  ji^.  11  est  donc  vrai  de  dire  que,  sottsxe  rapport,  les 
inductions  tirées  des  art.  342, 384  et  365,  inductions  qui  réservent  à  la  eour  la 
solution  des  questions  de  droit,  doivent  prévaloir  sur  le  texte  de  l'art.  337,  qui 
semblerait  confier  au  jury  la  mission  de  qualifier  légalement  les  actes  qui  lui 
sont  souinis.  C'est,  en  effet,  ce  qu'on  Mt  aseez  souvent,  mais  non  pas  toujours, 
dans  la  pratique  ;  et  c-est  en  ce  sens  que  la  pratique  n'est  guère  plus  d'accord 
avec  elle-même,  que  ne  paraissent  l'être  entre  eux  les  art.  837;  d'une  part,  et, 
de  l'autre,  les  art.  342;'»4  et  365.  ' 

:  Ainsi)  dann  la  pratique^  on  ne  pose  jabuds  la  question  de  cette  manière  :  un 
Ul  est^il  coupAâ^  de  menirtre?  De  même,  pour  levoU  on  inteitoge  non  point 
sar  le  fart  du  vet,  expression  oemplenie  qui  a  qfuelque  dissed^bscur,  mais  sur 
leDitt.  dé  soustraction  firauduleuse,  éxpressloa  ttn  peu  plus  olaire.  Bn  «a  mot, 
on  substituera  dans  les  d^x  cas  de  Part.  887  la  définition  légale  à  Fetpres* 
sien  définie,  c'est  te  parti  le  plas  irïmple.     - 

Au  coîitraire,  lorsqu'à  côté  d'un  vol  vienneat  se  grouper  des  civeonstanees 

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PROC&DURB  DEVANT  LA  COUR  d'aBSISB»  (ART.  337).       733 

aggravantes»  par  exemple,  lorsqa'un  homme  est  accusé  d'avoir  volé  avec  eaca- 
lade,  effraction,  fausses  clefs,  a^  lieu  de  substituer  aux  expressions  légales, 
BSCiiLADE,  BFFR^GTiON,  FAUSSES  G^Fs,  IcB  défîuitions  quo  la  loi  a  données  de  ces 
mots,  on  se  borne  ordinairement  à  laisser  les  mots  eux-mêmes,  et  on  demande 
aux  jurés  ;  Un  tel  esi-il  coupable  d'avoir  soustrait  frauduleusement  avec  telle 
circonstance  aggravante,  par  exemple,  à  l'aide  de  fausses  défis?  Y  a-t-il  un 
inconvénient?  est-ce  avec  raison  qu'on  laisse  au  jury  la  qualification  légale  du 
fait?  De  raison  logique,  il  n'y  en  a  paf  ;  car,  puisque,  quand  il  s'agit  du  meur^ 
tre  ou  du  vol,  quand  il  s'agit  du  âiit  principal,  on  substitue  dans  la  question 
posée  une  définition,  on  définit,  il  semble  qu'il  y  aurait  même  raison  de  pro- 
céder ainsi  pour  les  circonstances  de  ce  fait  ;  et  puisque  la  loi,  dans  les  art.  394 
à  399  du  Ciode  pénal,  a  pris  la  peine  de  définir  ce  qu'elle  entend  par  escalade, 
par  efiraction,  par  fausses  clefs,  il  serait  simple  de  substituer  ces  articles  à  ces 
mots  plus  ou  moins  vagues,  d'BscALÂDE,  d'EFFRAcnoN,  de  fausses  clefs. 

Voulez-vous  un  exemple  de  la  confusion  qui  peut  en  résulter?  Pourquoi  la 
circonstance  de  fausses  clefs  est-elle  une  circonstance  aggravante  de  la  pénalité? 
Apparemment  parce  que,  quand  un  voleur  pénètre  dans  une  chambre,  trou- 
vant la  clef  sous  sa  nftaioi  ou  à  la  porte,  il  y  a  une  imputa^on  de  négligence^  à 
faire  au  propriétaire  ;  le  voleur,  a  eu  moins  d'efforts  à  faire  ;  il  a  eu  moins  à  se 
roidir  contre  l'action  de  la  loi;  il  a  au  moins  de  préparatifs  à  faire.  Eh  bien, 
supposez  que  dans  une  maison  garnie,  par  exemple,  un  individu  commette  un 
vol,  se  servant,  pour  entrer  dans  une  chambre,  non  pas  de  la  clef  affectée  à  cette 
chambre,  mais  d'une  clef  servant  à  une  chambre  voisine,  et  ouvrant  également 
celle-là,  est-ce  là  se  servir  d'une  fausse  def  ?  et  le  jury,  que  répondra-t-il  si 
on  lui  dit  :  Le  vol  a-t-il  été  commis  avec  fausses  clefs? Il  est  très-possible  que 
le  jury  dise  :  Mais  cet  homme  a  pris  dans  la  maison  une  clef  qu'il  n'a  pas 
apportée  ai  fabriquée;  il  est  entré  dans  la  chambre  et  a  commis  un  vol;  il  est 
coupable,  sans  doute  ;  mais  est*'il  aussi  coupable  que  celui,  qui  longtemps  à 
l'avance,  a  fabriqué  des  clefs  ou  des  crochets?  la  négligence  des  propriétaires, 
des  maîtres  de  la  maison,  n'a-t-elle  pas  été  pour  lui  un  enconragement  ?  On 
pourra  très-bien  faire  ce  raisonnement  «t  répondre  :  Oui,  coupable  de  vol, 
mais  non  point  avec  fausses  defs.  Cette  réponse  sera  contraire  à  la  lot,  parce 
que  la  loi  voit  un  vol  commis  avec  fausses  clefs  dans  tout  vol  commis  avec  une 
clef  qui  u'est  pas  destinée  à  la  porte  ouverte.  C'est  là  une  interprétation  rigou- 
reuse; nuûs  enfin  elle  est  écrite.  Il  est  clair  que  quand,  au  lieu  d'interroger 
le  jury  sur  la  question  de  savoir  si  la  porte  a  été  ouverte  par  l'un  des  moyens 
indiqués  dans  l'art.  398  du  Code  pénal^on  l'interroge  sur  la  question  de  savoir 
si  elle  a  été  ouverte  avec  fausses  defs,  on  s'expose  à  avoir  du  jury  xme  réponse 
qui,  par  ignorax^ce  de  la  loi,  ne  sera  pas.  l'expression  exacte  de  la  vérité.  loi^ 
sans  doute,  le  danger  est  moindre  que  dans  l'hypothèse  précédente,  parce  qu'il 
s'ensuivra  l'application  d'une  pénalité  moins  forte^  et  iion  pas  l'application 
d'une  pénalité  beaucoup  plus  forte,  comme  dans  le  cas  de  meurtre  ;  mais  il 
n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  peipie  sera  toujours  ou  moins  fprte  ou  plus 
forte,  qu'elle  ne  le  serait  par  ^application  exacte  de  la  législation.  Il  serait 
donc  à  désirer  qu'en  matière  de  circonstance^  a^ravaptes,  con^me  en  matière 
de  faits  prindjpaùx,.  on  interrogent  le  jury,. non  .pas  avec  l'expression  tedini^ 
que,  l'expression,  légale,  mais  avec  la  définition  que  la  loi  en  i^  donnée^  par 

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734     QUARANTE  BT  UNIÈME  LEÇON.  -^  DES  COURS  d' ASSISES  (n*  783). 

que  cette  définition,  lors  môme  qn^elle  ne  serait  pas  d*nne  clarté  parfaite, 
sera  toujours  plus  près  du  langage  commun,  sera  toujours  plus  intelligible 
pour  le  jury  que  l'expression  technique,  sur  laquelle  il  est  exposé  à  de  graves 
erreurs. 

Je  dis  qu'on  le  devra  faire  ainsi  dans  tous  les  cas  où  il  y  a  une  définition 
légale;  mais  il  est  des  cas  où  cette  définition  n^existe  pas,  où,  par  oubli  ou 
par  d^autres  motifs,  le  législateur  a  employé  une  expression  plus  ou  moins 
technique,  sans  dire  précisément  quel  sens  il  y  attachait.  Alors,  de  toute 
nécessité,  le  jury  sera  interrogé  non-seulement  sur  l'existence  du  fait,  mais 
encore  sur  sa  qualification  légale  ;  alors,  de  toute  nécessité,  le  jury  sera  en 
partie  saisi  d'une  question  de  droit,  en  ce  sens  qu'il  aurlL  à  apprécier  un  fait  et 
à  lui  donner  le  nom  qui  le  fait  rentrer  sous  le  coup  de  la  loi  pénale. 

Ainsi,  dans  Tart.  2  du  Gode  pénal,  nous  avons  vu  que  la  loi,  dans  certains 
cas,  assimilait  la  tentative  de  crime  au  crime  accompli  :  elle  veut  pour  cela  que 
la  tentative  ait  été  manifestée  par  un  commencement  d'exécution,  et  n'ait 
manqué  son  effet  que  par  des  circonstances  indépendantes  de  la  volonté  de 
son  auteur.  Dans  une  pareille  hypothèse,  que  demandera-t-on  au  juré  ?  lui 
demandera-t-on  :  Y  a-t-il  eu  tentative  ?  Non  ;  on  lui  demandera  s'il  y  a  eu 
commencement  d'exécution  de  tel  fait,  et  si  cette  exécution  n'a  manqué  son 
effet  que  par  des  circonstances  étrangères  à  la  volonté  de  l'accusé.  Mais  la 
question  ainsi  posée,  et  elle  doit  l'ôlre  ainsi,  la  question  ainsi  posée  est  assez 
délicate  ;  elle  renferme  une  appréciation  qui  rentre  à  quelques  égards  dans  le 
droit. 

Ainsi,  nous  avons  dit  que  la  loi  voulait,  pour  constituer^  la  tentative,  un 
commencement  d'exécution;  et  nous  nous  sommes  appliqué  à  séparer  du 
commencement  d'exécution,  essentiel  à  la  tentative,  les  préparatifs  d'exécution 
qui  ne  constituent  pas  la  tentative.  Nous  avons,  à  cet  égard,  posé  quelques 
exemples,  mais  nous  n'avons  pas  plus  que  le  législateur  réussi  à  établir  des 
règles  générales  ;  nous  n'avons  pas  trouvé  de  ligne  de  démarcation  entre  ces 
préparatifs,  qui  ne  sont  pas  encore  un  crime,  et  ce  commencement  d'exécution 
qui  constitue  un  véritable  crime.  U  est  clair  qu'en  pareil  cas  c'est  à  la  con- 
science du  jury  à  décider  non-seulement  si  l'accusé  a  matériellement  et  volon- 
tairement commis  tel  fait,  si,  par  exemple,  il  a  acheté  telle  arme,  s'est  muni 
de  telle  échelle,  s'est  rendu  dans  tel  lieu,  a  appliqué  cette  échelle  à  telle  fenê- 
tre ;  mais  il  a  de  plus  à  décider  si  ces  actes  matériels  sont  de  simples  prépara- 
tifs ou  une  exécution  commencée.  Du  parti  que  le  jury  prendra  dans  cette 
alternative,  de  la  solution  qu'il  donnera  à  cette  question  délicate,  de  la  qua- 
lification qu'il  croira  devoir  imprimer  à  ces  actes,  dépendront  pour  l'accusé 
les  conséquences  les  plus  graves,  l'acquittement,  si  dans  ces  actes  le  jury  ne 
voit  que  des  préparatifs,  la  condamnation,  s'il  y  voit  une  exécution'  commencée. 

De  môme,  dans  l'art.  333  du  Gode  pénal,  vous  voyez  que  la  peine  du  crime 
de  viol,  qui  est,  en  général,  des  travaux  forcés  à  temps,  s'élève  cependant  à  la 
peine  des  travaux  forcés  à  perpétuité  dans  plusieurs  cas  indiqués,  et  notam- 
ment si  le  coupable  a  été  aidé  ou  assisté  par  une  ou  plusieurs  personnes.  La 
loi  ne  dit  pas  ici  quelle  est  cette  aide,  cette  assistance  à  laquelle  elle  attache 
cette  énorme  aggravation  de  peine  :  est-ce  une  assistance  directe,  actuelle, 
immédiate,  ou  bien  est-ce  une  assistance  indirecte,  détournée,  éloignée? 

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PROCÉDURE  DfiVANT  LA   COUR  d'aSS1«B8  (aRT.   337).  735 

Fournir  une  échelle,  faire  la  garde  pendant  qu'un  crime  se  commet,  c*est  se 
rendre  coupable  de  complicité  par  assistance  et  par  aide  ;  est-ce  dans  le  même 
sens  que  ces  mots  sont  pris  dans  Fart.  333?  Gela  est  plus  que  douteux  ;  et,  en 
général,  on  n'entend  cet  article  que  de  Taide  actuelle,  immédiate  et  sur  le  lien 
même  où  se  commet  le  crime.  Cependant  la  loi  ne  l'a  pas  dit,  et  tous  sentez 
que  quand  on  pose  au  jury  la  question  dans  les  termes  de  la  loi  :  L'auteur  du 
crime  a-t-il  été  aidé  ou  assisté  par  une  autre  personne?  le  jury  a  qualité  non- 
seulement  pour  rechercher  l'existence  des  faits  d'aide  ou  d^assistance,  mais 
aussi  pour  qualifier  ces  faits  et  pour  décider  si,  en  droit,  ces  faits  constituent 
l'assistance  ou  l'aide  que  l'art.  333  a  entendu  frapper. 

De  ce  résumé  imparfait  de  la  question  que  soulève  l'art.  337,  vous  pouvez 
conclure  qu'en  général  le  jury,  juge  unique  et  souverain  de  l'existence  maté- 
rielle et  de  la  qualité  morale  des  faits,  se  trouve  quelquefois,  soit  par  l'effet 
d'une  pratique  vicieuse,  soit  par  une  conséquence  littérale  de  la  loi,  appelé  à 
quelque  chose  de  plus;  qu'il  se  trouvé  appelé  non-seulement  à  déclarer  les 
ûûts,  non-seulement  à  attester  Tintention  coupable  d'où  ils  sont  dérivés,,  mais 
aussi  à  qualifier  lég§Llement  ces  faits,  à  déclarer  qu'ils  rentrent  dans  la  prévi- 
sion de  telle  loi  pénale,  et  par  conséquent  qu'ils  tombent  sous  le  coup  de  telle 
pénalité.  Dans  ces  cas,  il  est  vrai  de  dire  que  la  division  vulgaire  se  trouve 
faussée,  que  le  jury  n'est  plus  purement  le  juge  des  questions  de  fait,  mais 
qu'il  se  trouve,  indirectement  et  à  quelques  égards,  appelé .  à  accomplir  une 
mission  plus  difficile,  à  décider  des  questions  de  droit. 

Gela,  au  reste,  n'a  rien  de  bien  étonnant;  car,  dans  la  terre  classique  du 
jury,  en  Angleterre,  ce  n'est  pas  là  seulement  sa  mission  accidentelle,  c'est,  je 
constate  un  fait  sans  l'approuver  ni  le  combattre,  c'est  sa  mission  de  tous  les 
jours.  Le  jury  anglais  n'a  pas  sans  doute  à  appliquer  la  peine  ;  c'est  là,  en 
Angleterre  comme  chez  nous,  la  mission  réservée  à  la  cour;  mais  le  jury 
anglais  est  consulté  sur  la  qualification  légale  de  l'acte  ;  on  lui  pose  comme 
question  non  pas  seulement  le  fait  physique,  ouïe  fait  intentionnel,  on  lui  pose 
comme  question  si  tel  accusé  est  coupable  de  tel  acte,  en  mettant  dana  ces 
derniers  mots  le  mot  de  la  loi  pénale.  Et  comme,  en  Angleterre,  la  langue 
judiciaire,  la  langue  technique,  est  infiniment  plus  éloignée  que  chez  nous  du 
langage  ordinaire,  cette  mission  est  plus  délicate,  plus  difficile,  et  présente  par 
conséquent,  à  un  degré  plus  haut,  les  périls  que  nous  avons  signalés.  Pour 
éviter  ces  périls,  on  a  deux  remèdes  :  le  premier,  c'est  qu'avant  le  vote  le  juge 
qui  tient  les  assises  explique  aux  jurés,  dans  une  sorte  de  commentaire,  le  sens 
du  mot  technique  sur  lequel  ils  sont  interrogés.  Le  second,  c'est  que,  quand 
le  jury  se  trouve  trop  embarrassé  pour  savoir  si  tel  fait,  reconnu  constant,  con- 
stitue bien  le  crime  sur  lequel  on  Ta  interrogé,  il  rend  ce  que  dans  l'usage  on 
appelle  un  verdict  spécial,  c'est-à-dire  qu'au  lieu  de  venir  dire  :  Oui,  l'accusé 
est  coupable  de  tel  crime,  ou  bien  :  Non,  l'accusé  n'est  pas  coupable  de  tel 
crime;  le  jury,  reconnaissant  l'existence  de  certains  faits,  mais  n'osant  pas, 
en  droit,  affirmer  ou  nier  que  ces  faits  reconnus  constituent  le  crime  en  ques- 
tion, vient  déclarer  :  Oui,  l'accusé  a  commis  tel  et  tel  acte,  qu'on  décrit  dans  le 
plus  grand  dét^l;  c'est  alors  à  la  cour  à  décider  si  l'acte,  ainsi  décnt  dans  ce 
verdict  spécial  du  jury,  constitue  ou  ne  constitue  pasle  fait  de  la  loi  pénale  sur 
lequel  il  était  interrogé. 

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736     QUARANTE  ST  UNlftlTB  LBÇON.  —  DES  G0UR8  D'ASSmS  (n""  784). 

Mais  ce  sont  là,  vous  ie  voyez,  des  remèdes,  des  palliatifs  i  un  mal  très- 
réel;  ce  mal  consiste  à  interroger  le  jnry  sur  (tes  points  qn'il  ne  peat  guère 
connaître,  à  lui  sonmettre  une  question  de  droié  à  laipielle  il  est  étranger.  On 
n'arrive  à  éluder  le  mal  que  par  un  verdict  spécial  qui  rejette  sur  la  cour  la 
question  de  droit;  ou  bien  par  un  verdict  général)  affirmsftif  ou  négatif,  déter- 
miné par  les  explications,  les  commentaires  que  la  cour  a  donnés  sur  le  seos 
légal  et  technique  du  mot.  Mais  ces  explications,  ces  commentaires,  outre  qu'ils 
présentent  le  danger  de  n'être  pas  compris,  ont  encore  nnconvénient  de 
déplacer  la  responsabilité,  en  faisant  statuer  le  jury  sur  un  point  qu'il  ne  con- 
naît pas,  et  qu'il  décide  de  confiance  sur  une  autorité  qui  lui  est  étrangère. 

784.  Nous  avons  vu  dans  quels  termes  devaient  être  posées,  d'après 
Tart.  337,  les  questions  que  le  président  adresse  au  jury,  d'après  les  faits  admis 
dans  Tarrét  de  renvoi,  relatés  dans  l'arrêt  de  mise  en  accusation  et  résumés 
dans  les  paragraphes  qui  terminent  Pacte  d'accusation.  Ce  ne  sont  pas  là,  au 
reste,  les  seules  questions,  les  seuls  faits  sur  lesquels  la  cour  d'assises,  par 
l'organe  de  son  président,  puisse  ou  doive  interroger  le  jury  ;  à  la  disposition  de 
l'art.  337,  Part.  33S  ajoute  une  règle  fort  remarquable,  et  qui  permet  au  pré- 
sident, qui  lui  enjoint  même  de  poser  au  jury  certaines  questions  non  ren- 
fermées dans  le  résumé  de  l'acte  d'accusation,  ou  même  dans  l'arrêt  de  renvoi; 
void  ses  termes  : 

'  a  Airr.  338.  S'il  résulte  des  débats  une  ou  plusieurs  circonstances  aggravantes, 
non  mentionnées  dans  l'acte  d'accusation,  le  président  ajoutera  la  question  sui- 
vante: <^  L'accusé  &-t-il  commis  le  crime  avec  telle  ou  telle  circonstance  Y  » 

Il  arrive  assez  fréquemment  que  les  témoins  entendus  à  Taudience,  les  faits 
•qui  y  soi^  discutés  mettent  en  lumière  non-seulement  des  faits  que  Tinstrue- 
tion  préliminaire  n'avait  pas  fournis,  mais  même  des  faits  nouveaux,  distincts, 
séparés  de  ceruxsur  lesquels  avait  porté  l'acte  d'accusation.  Ces  faits  nouveau!, 
distincts,  non  ùom^Hs  dans  l'acte  d'accusation,  peuvent-ils  ikire  la  matière  de 
c(uestkm8  spédaies  adressées  directement  au  jury  ?  Oui,  quand  ces  foits  peu- 
vent être  considérés  comme  des  circonstances  aggravantes  des  actes  qui  for- 
maient déjà  la  base  de  l'accusation:  non,parconséquent|  dans  le  cas  contraire. 

En  effet,  il  est  possible  que,  dans  le  cours  des  débats,  on  acquière  contre 
l'accusé  des  indices  plus  ou  moins  graves,  des  preuves  en  apparence  com- 
:plètes,  de  crimes  parisiitement  distincts,  entraînant  par  eux-mêmes  despéna- 
-lités  spéciales.  Ce  n'est  pas  là  le  cas  de  l'art.  388;  cette  hypothèse,  importante 
à  régler,  l'a  été  par  l'art*  379.  Lorsque,  dans  le  cours  des  débats,  on  acquiert 
icontre  ràodttsé  des  indices  de  crimes  emportant  une  peine  plus  grave  que  le 
£Kit  pour  lequel  il  eSt  maintenant  poursuivi,  il  est.  nécessaire'  di»  renvoyer  à 
.une  lnstnicti>(m  préOininaire  l'examen  deœs  faits  nouveaux,  eau£à  en  foire 
-phis  tard  l'objet  d'une  accusation,  ef^'  par  suite,  d'un  débat  distinct.  Si,  au  con- 
traire, les  faits  iiopyeanx.se  ratitachentan  fait  actuel  àdinis  dans  l'atite  d'accu- 
saiioii^  de  manière. à  entraîne^  un»  aggravation  delà  peihè  que  méditaient 
déjà  ces  faiitfa,  àldrs>  bu^  qua  non  mentionnées  dans  Tacte^  dWusation,  les 
questions  qui  y  sont  relatives  doivent  être  posées  au  >my.    '•  ' 

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PROCiDURE  DEVANT  LA  COUR  o'aSSISES   (aRT.    338).  737 

Cette  disposition  avait  besoin  d'être  formellement  insérée  ;  elle  contient  une 
ezeeptioQ  (rè»*reniarqaable  aux  règles  générales  de  la  mission  et  des  pouvoirs 
de  la  cour  d'assises  et  da  jury.  En  général,  d'après  Fart.  271,  aucune  accusa* 
tien  ne  peut  être  portée  aux  assises,  ne  peut  être  soumise  à  un  jury,  si  elle 
n'a  subi,  au  préalable,  l'épreuve  des  procédures  préparatoires  dont  nous  avons 
parcouru  l'ensemble;  et  cependant  ici  on  va  soumettre  au  jury  des  questions 
relatives  à  des  faits  que  l'accusation  n*avait  pas  spéci&és,  des  qpiestions  relati- 
ves à  des  faits  sur  lesquels  l'accusé  n'a  pas  été  appelé  d'avance  à  se  défendre, 
à  des  faits  qu'on  ne  lui  a  pas  notifiés,  et  sur  lesquels  par  conséquent  il  n'a  pas 
été  en  mesure  d'appeler  des  témoins  à  décharge. 

En  présence  de  ces  graves  inconvénients,  il  semble  que  la  disposition  de 
Tart.  338  n'est  pas  d'une  parfaite  justice;  qu'on  a  sacrifié  au  besoin,  au  dé- 
sir de  la  vindicte  publique,  parce  que  plus  tard  ces  mômes  faits  ne  pour* 
raient  plus  être  poursuivis,  rintérét,  bien  légitime  aussi,  des  garanties  dues  à 
l'accusé,  lorsqu'on  pose  contre  lui  des  questions  qu'il  n'a  pas  pu  prévoir, -qu'il 
n'a  pas  pu  débattre  d'avance.  Remarquez,  d'ailleurs,  que  ces  questions  sont 
posées  à  l'instant  où  les  débats  sont  irrévocablement  déclarés  clos,  à  l'ins- 
tant où  l'accusé  ne  peut  plus  élever  aucune  discussion,  ne  peut  plus  faire  en- 
tendre aucun  témoin. 

Ainsi,  dans  l'usage,  pour  remédier  autant  que  possible  à  l'inconvénient  grave 
qui  résulte  pour  l'accusé  de  la  position  de  questions  qui  sont  pour  lui  tout  à 
fait  imprévues,  a-t-on  soin,  lorsque,  dans  le  cours  des  débats,  viennent  à  se 
révéler  des  indices,  des  faits  de  ce  genre,  d'avertir  Taccusé  et  son  conseil  qu'il 
est  dans  l'intentionde  la  cour  de  poser,  à  la  fin  des  débats,  cerf  aines  questions 
subsidiaires,  relatives  à  tdles  ou  telles  circonstances.  Alors  le  mal  est  non  pas 
évité,  mais  au  moins  pallié,  diminué,  en  ce  sens  que  l'accusé,  sans  avoir  pu 
prendre  à  l'avance  les  mesures  nécessaires  pour  se  détendre,  peut  du  moins, 
pendant  les  débats,  donner  quelques  explications  relatives  à  ces  circonstances» 

785.  Mais  que  faut*il  entendre  au  juste  par  ces  circonstances  aggravantes 
qui  peuvent,  d'après  notre  article,  devenir  la  matière  de  questions  spéciales? 
Ce  sont  d'abord  un  assez  grand  nombre  de  faits  qui,  punis  par  eux-mêmes  et 
isolément  de  pénalités  fort  légères,  qui,  même  indifférents,  impunis  par  la  loi, 
quand  ils  sont  isolés,  deviennent  cependant,  par  leur  concours  avec  certains 
crimes  ou aveccertains  délits,  l'occasion  d'une  pénalité  très-forte.  Tels  seraienf, 
par  exemple,  les  faits  de  l'escalade,  de  l'effraction,  de  l'emploi  de  fausses  clefs, 
faits  qui,  licites  en  eux-mêmes,  alors  qu'ils  ne  se  rattachent  à  aucun  projet 
coupable,  deviennent  cependant,  quand  ils  ont  servi  à  l'exécution  d'un  acte 
coupable,  et  notamment  d'un  vol,  des  circonstances  aggravantes  qui  exercent 
sur  la  pénahté  de  ce  vol  une  influence  très-marquée. 

Ainsi,  le  vol,  qui  par  iui-iûôme  n'est  qu'un  délit  puni  de  l'emprisonnement, 
devient  crime  par  le  seul  fait  de  la  concomitance  de  Tune  des  trois  circonstances 
que  je  viens  d'indiquer.  Et  si  le  nombre  des  circonstances  aggravantes  était 
fort  étendu,  si,  par  exemple,  un  vol  se  trouvait  accompagné  des  cinq  circons- 
tances aggravantes  énumérées  dans  l'art.  38i  du  Code  pénal,  il  se  trouverait 
crime,  et  crime  an  premier  chef,  puni  d'une  peine  at'fiictive  perpétuelle,  des 
travaux  forcés  à  perpétuité. 

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738      QUARANTE  ET   UNIÈME  LEÇON.  —  DES  COURS  d'aSSISBS   (n*  787). 

Il  y  a  plus,  on  considérerait  encore  comme  circonstances  agfniTantes  des 
faits  qui  constituent  par  eux-mômes  de  véritables  délits,  qoi,  par  eux-mêmes, 
et  indépendamment  de  tout  autre  fait,  seraient  déjà  Tobjet  d'une  asses  forte 
pénalité,  mais  qui  viennent  de  plus  aggraver  puissamment  la  pénalité  d*iin 
autre  fait.  Ainsi,  un  accusé  est  traduit  aux  assises  sous  une  accusation  de 
meurtre  :  la  peine  du  meurtre  serait  celle  des  travaux  forcés  à  perpétuité  ; 
dans  le  cours  des  débats  on  acquiert,  ou  Ton  croit  acquérir  la  preuve  qu*à  la 
suite  de  ce  meurtre,  au  moyen  de  ce  meurtre,  un  vol  a  été  commis  ;  certai- 
nement le  vol  par  lui-même  serait  déjà  la  matière  d^une  pénalité,  mais  le  vol 
joint  au  meurtre,  le  vol  dont  le  meurtre  a  été  le  moyen  aggrave,  de  la  manière 
la  plus  notable,  la  pénalité  du  meurtre;  le  meurtre  suivi  du  vol  qu'il  a  été 
destiné  à  préparer  est  puni  non  plus  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  mais  de 
la  peine  de  mort,  art.  304  du  Gode  pénal.  Voilà  encore  ici  un  de  ces  faits 
qui,  bien  que  constituant  des  délits  par  eux-mêmes,  prennent  cependant,  i 
cause  de  leur  adjonction  avec  un  crime  d'une  nature  déjà  fort  grave,  un  carac- 
tère bien  plus  sérieux  que  celui  du  simple  délit.  Voilà  encore  de  ces  circons- 
tances aggravantes  que  le  président  est  autorisé  à  poser,  aux  termes  de 
J'art.  338. 

786.  Les  art.  339,  340  et  341,  également  relatifs  à  la  position  des  questionSp 
se  réfèrent  à  des  principes  que  nous  avons  déjà  expliqués  avec  assez  de  détail, 
en  nous  occupant  des  art.  64, 65  et  66  du  Gode  pénal.  Gependant  l'application 
fréquente  de  ces  matières  dans  la  pratique,  la  confusion  très-fréquente  aussi 
qui  est  faite  entre  les  différentes  dispositions  de  ces  articles  m'obligent  à  ren* 
ii*er  dans  quelques  détails,  même  sous  le  point  de  vue  pénal  :  quant  au  point 
de  vue  d'instruction,  de  procédure,  nous  n'en  avons  point  parlé  ;  c'est  ici  le 
lieu  d'en  traiter. 

787.  Il  est  question  dans  l'art.  339  des  matières  dont  nous  nous  sommes 
occupé  sous  l'art.  65  du  Gode  pénal,  à  savoir,  des  faits  d'excuse.  L'art.  63 
déclare  qu'aucun  fait  ne  peut  être  excusé,  ni  la  peine  mitigée  que  dans  les  cas 
prévus  par  la  loi.  L'art.  339  s'occupe  d'organiser,  sous  le  rapport  de  rinstmc- 
tion  ou  de  la  procédure  criminelle,  la  règle  du  droit  pénal  en  fait  d'excuse. 

Qu'est-ce  d'abord  qu'une  excuse  ?  Nous  avons  dit  qu'il  fallait  entendre  par 
ce  mot  certaines  circonstances  prévues,  définies  littéralement  par  la  loi,  et  qui, 
lorsque  leur  existence  est  reconnue,  ont  pour  effet  d'atténuer  dans  une  propor- 
tion très-forte  la  culpabilité  d'un  accusé  déclaré  coupable.  Je  dis  d'atténuer, 
et  non  pas  d'effacer,  car  l'excuse  diminue  la  peine,  mais  n'en  exempte  jamais 
l'accusé.  Ainsi,  l'excuse  suppose  comme  première  condition  la  culpabilité 
déclarée,  la  pénalité  encourue;  elle  aura  seulement  pour  effet  de  rendre  beau- 
coup plus  légère  l'application  de  cette  pénalité.  J'en  ai  cité  pour  exemple  le 
cas  de  meurtre  commis  après  une  provocation,  et  le  cas  de  meurtre  commis  par 
le  mari  sur  sa  femme  ou  son  complice  dans  le  cas  de  flagrant  délit  d'adultère. 
î«ii  dans  l'un  ni  dans  l'autre  cas  le  fait  d'excuse  même  établi  n'efface  complè- 
tement, soit  la  culpabilité  morale,  soit  non  plus  la  culpabilité  légale  du  meur- 
trier; mais  le  fait  d'excuse  une  fois  déclaré  constant  atténue  cette  culpabilité 
oi  en  fait  décroître  la  peine  dans  une  proportion  très-forte.  Par  exemple,  au 

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PROCÊDURB  DEVANT  LA   COUR   d'aSSISBS  (aRT.    339).  789 

liea  de  la  peine  da  meurtre,  peine  criminelle  de  la  nature  la  plus  haute,  dans 
les  deux  cas  que  j*ai  cités,  on  n'appliquera  qu'une  simple  peine  correctionnelle, 
un  emprisonnement  plus  ou  moins  long. 

Vous  trouverez  Ténumération  des  excuses  consacrées  par  la  loi  pénale  dans 
les  art.  321  et  suivants  du  Gode  pénal.  Vous  trouverez  l'indication  des  con* 
séquences  pénales  de  Texcuse  admise  dans  Tart.  326  du  même  Gode. 

Vous  remarquerez  donc,  une  fois  pour  toutes,  que  l'excuse  est  un  fait  défini 
par  la  loi,  et  que,  hors  les  cas  d'excuse  formellement  déclarés,  aucune  circons* 
tance  ne  peut  être  admise  comme  telle. 

788.  L'excuse  vient  se  placer  dans  le  droit  pénal  entre  deux  faits  importants 
aussi,  entre  deux  dispositions  qu'il  est  bon  de  ne  pas  confondre  avec  elle. 
Ainsi,  il  serait  possible  qu'un  accusé,  sous  une  prévention  de  meurtre,  par 
exemple,  alléguât  que  s'il  a  tué  même  volontairement,  c'était  en  état  de 
démence,  c'était  sous  Tempire  d'une  force  à  laquelle  il  n'a  pu  résister  ;  en  un 
mot,  qu'il  invoquât,  comme  défense,  dans  le  cas  où  le  fait  est  établi,  non  pas 
des  excuses  proprement  dites,  aux  termes  de  Tart.  65,  mais  bien  l'état  de 
démence  ou  l'influence  d'une  force  irrésistible,  aux  termes  de  l'art.  64.  Sont- 
ce  là  des  excuses  ?  la  démence,  la  force  majeure  sont-elles  des  excuses  vérita- 
bles? Gertainement,  dans  le  langage  commun,  il  n'y  aurait  rien  d'absurde  à 
répondre  affirmativement;  mais,  dans  le  langage  légal,  dans  le  sens  technique 
du  mot  d'excuse,  l'état  de  démence,  la  force  majeure,  ne  sont  pas  des  excuses, 
mais  des  circonstances  bien  plus  graves,  bien  plus  favorables  que  les  excuses. 
L'état  de  démence  prouvé  n'a  pas  pour  effet  d'atténuer,  de  diminuer  la  culpa- 
bilité morale  ou  légale,  il  a  pour  effet  de  l'effacer,  de  Ja  faire  compK'tement 
disparaître  ;  il  n'y  a  pas  de  responsabilité  possible,  devant  la  conscience  ou 
devant  la  loi,  de  la  part  d'un  homme  qui  n'a  pas  le  sentiment,  l'instinct  de 
ses  actes.  Ainsi,  l'excuse  atténuera  la  peine,  la  démence  prononcée  empêchera 
l'application  de  toute  peine.  Voilà  pour  la  différence  pénale. 

Quant  aux  différences  qui  tiennent  à  la  procédure,  à  l'instruction,  elles  sont 
importantes  aussi. 

Le  jury  doit  éire  formellement  interrogé  sur  l'existence  des  excuses  ;  le 
jury  ayant  déclaré  d'abord  la  culpabilité  d'un  accusé  pourra  ajouter  ensuite, 
sur  la  question  qui  lui  en  sera  faite,  que  l'accusé  se  trouve  dans  tel  ou  tel  cas 
d'excuse  prévu  par  la  loi.  Au  contraire,  le  fait  de  la  démence,  le  fait  de  la  force 
majeure  ne  forment  pas  la  matière  d'une  question  spéciale  à  poser  au  jury. 
Quand  on  lui  demande  :  Un  tel  est-il  coupable  de  tel  fait?  et  qu'il  a  la  convic- 
tion que  l'accusé  était  en  démence,  il  doit  répondre  simplement  :  Non,  il  n'est 
pas  coupable.  La  réponse  du  Jury  quant  à  la  démence  n'a  pas  besoin  d'être 
provoquée  formellement;  toute  question  de  culpabilité  suppose  le  point  de 
savoir  si  le  coupable  était  en  état  de  raison  ou  en  état  de  démence. 

De  mêmft,  supposez  que  l'auteur  d'un  meurtre  traduit  devant  la  cour  d'assi- 
ses allègue  non  pas  l'état  de  démence,  non  pas  l'absence  de  volonté,  mais 
allègue  que  c'est  en  état  de  légitime  défense  qu*il  a  porté  les  coups  ou  commis 
l'homicide;  dans  ce  cas,  y  a-t-il  excuse? c'est-à-dire  y  a-t-il  cause  atténuante 
de  la  peine?  dans  ce  cas,  y  a-t-il  excuse  ?  c'est-à-dire  nécessité  de  demander 
au  jury,  par  une  question  spécVale  et  expresse,  si  l'accusé  était  ou  n*étaàt  pas 

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740      QUARANTE  ET  UNlilCB  LEÇON.  —  DES  COURS  D* ASSISES  (N^-790). 

en  état  de  légitime  déienae  ?  Non,  il  n'y  a  pas  d'excuse,  il  y  a  une  circons- 
tance qui,  dans  le  droit  pénal,  efface  toute  possibilité  de  punir,  et  qui,  sous  le 
point  de  vue  de  la  procédure,  est  tacitement  comprise  dans  cette  phrase: 
Kaccusé  est-il  coupable  ?  Tout  juré  raisonnable  doit  sentir,  quand  la  îégttitne 
déténse  est  alléguée  et  prouvée  parles  débats,  qu'il  doit  répondre  négativement 
à  la  question  complexe  qui  lui  est  posée  :  Non,  laccnsé  n'est  pas  coupable. 

Ainsi,  vous  distinguerez  bien  les  excuses  proprement  dites,  prévues  dans  le 
texte  de  l'art.  65  du  Cîode  pénal,  et  les  textes  spéciaux  auxquels  cet  article  fait 
allusion,  avec  le  cas  de  démence,  le  cas  de  force  majeure  dont  parle  l'art.  65,  et 
même  avec  le  cas  de  légitime  défense  et  autres  pareils,  dont  parlent  les  ar- 
ticles 327,  3^8  et  329  du  Code  pénal. 

789.  Sous  un  autre  rapport,  l'excuse  diffère  également  d'un  autre  ordre  de 
matières  qu'on  est  accoutumé  à  confondre  avec  elle  ;  c'est  dans  l'école,  c'est 
aux  examens,  ce  n'est  pas  dans  les  livres  ni  dans  la  pratique  que  cette  confu- 
sion a  lieu  :  l'excuse  est  trop  souvent  confondue  avec  les  circonstances  atté- 
nuantes qui  ne  présentent  avec  elle  qu'un  rapport  trôs-éloigné,  très-indirect. 
Tout  à  l'heure,  en  traitant,  sous  l'article  suivant,  des  circonstances  atténuantes, 
nous  verrons  quelles  différences  nombreuses  et  profondes  séparent  l'excuse 
proprement  dite  avec  les  circonstances  atténuantes. 

790.  Quant  au  texte  de  l'art.  339,  je  n'ai  guère  à  y  faire  remarquer  qu'un 
changement,  fort  grave,  il  est  vrai,  apporté,  en  1832,  je  ne  dirai  pas  à  la 
législation  antérieure,  mais  du  moins  à  l'interprétation  qu'une  jurisprudence, 
que  je  crois  vicieuse,  avait  apportée  à  cette  législation.  Dans  la  révision  de 
1832  on  n'a  fait  qu'ajouter  i  l'art.  339  ces  mots  :  A  peine  de  nullité.  On  a  dit  : 
Toutes  les  fois  que  l'accusé  aura  demandé  la  position  d'une  question  d'eicuse, 
toutes  les  fois  qu'il  aura  allégué  comme  excuse  un  fait  que  la  loi  déclare  tel,  le 
présifient  devra,  à  peine  de  nullité,  poser  cette  question. 

Pourquoi  ces  mots  :  A  peine  de  nullité,  ont-ils  été  ajoutés  dans  Tarticie?  Le 
voici  :  sous  l'empire  du  Code  de  1808,  sous  la  rédaction  primitive  de  l'art.  339,  il 
arrivait  fréquemment,  ce  qui  sans  doute  arrivera  encore  maintenant,  qu'un 
accusé  alléguait  pour  excuse  un  fait  déclaré  tel  par  la  loi,  mais  un  fait  dont 
les  débats  ne  semblaient  point  établir  la  réalité.  Un  accusé  de  meurtre,  par 
exemple,  alléguait  à  tout  hasard  que  s'il  avait  commis  un  meurtre,  c'était 
sous  l'empire  d'une  provocation  violente,  art.  321  du  Gode  p^nal.  Souvent, 
alors,  le  président  se  refusait  à  poser  au  jury  cette  question  d'excuse,  allé- 
guant que  les  débats  n'avaient  fourni  à  cet  égard  aucun  indice.  C'était  là  un 
grand  abus  de  pouvoir  ;  c'était  là  un  très-mauvais  raisonnement  :  car  le  point 
do  savoir  si  les  débats  ont  rendu  vraisemblable  ou  non  le  fait  d'excuse  allégué 
par  l'accusé,  ce  point  est  une  question  de  fait  qui  rentre  tout  entière  dans  les 
attributions  du  jury,  et  dont  le  président  ni  la  cour  ne  peuvent  connaître  sans 
usurpation  de  pouvoirs.  Déclarer  q}ie  la  question  d*excuse  ne  sera  pas  posée 
parce  que  le  fait  d'excuse  n'est  ni  vrai  ni  vraisemblable,  c'est  évidemment  se 
faire  juge  du  fait,  c'est  empiéter  sur  les  pouvoirs  du  jury.  L'unique  mission 
du  président  et  de  la  cour  est  de  voir  si  le  fait  allégué  par  Taccusé  comme 
^xcuBfr  rentre  ou  non  dans  les  art,  321  et  suivants  du  Gode  pénal,  sauf  ensuite 

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*     PHOCiDURE  DBYANT  LA  COUR  D' ASSISES  (aRT.   S41).  741 

-aa  jury,  lorsque  cette  question  lai  aura  été  posée,  à  décider  si  les  faits  d'èz- 
^sose  ont  été  prouvés  par  les  débats. 

Aucun  abus  de  ce  genre  n*est  plus  possible;  car,  depuis  Tinsertioa  dans 
l'article  de  ces  mots  :  A  peine  de  nullité ,  il  s'ensuit  que  toutes  les  fois  que  Tae- 
4sasé  aura  proposé  le  fait  d*excuse  le  plus  invraisemblable,  le  fait  d'excuse  le 
plus  étranger  aux  débat?,  par  cela  seul  que  ce  fait  sera  Tun  de  ceux  auxquels 
la  loi  a  donné  la  qualité  d'excuse,  le  président  devra  poser  la  question.  S'il 
se  refusait  à  la  poser,  il  s'ensuivrait  que  la  condamnation  de  l'accusé  serait 
nulle,  aux  termes  de  l'art.  339.  En  un  mot,  l'article  n*a  fait  que  restituer  au 
jury  la  décision  de  questions  que  lui  avait  enlevées,  je  ne  dirai  pas  la  législa- 
tion, mais  la  jurisprudence  antérieure. 

791.  «  Art.  340.  Si  raccusë  a  moins  de  seize  ans,  le  président  posera,  à  peine 
de  nullité,  cette  question  :  —  «  L'accusé  a-t-il  agi  avec  discernement  ?  » 

Cette  question  est  de  la  plus  haute  importance.  Ici  encore  on  ajoute  dans 
rarticle  la  peine  de  nullité  de  la  condamnation,  en  cas  d'omission  de  cette 
question  ;  c'est  là  le  changement  qui  a  été  fait. 

Remarquez,  d'ailleurs,  que  lorsque,  dans  l'art.  339(  la  nullité  n'est  pronon- 
cée pour  omission  de  la  question  d'excuse  qu'autant  que  l'accusé  a  formelle- 
xneût  requis  la  position  de  la  question,  au  contraire,  dans  Tart.  340,  c'est  d'of- 
fice, et  sans  réclamation  de  l'accusé,  que  le  président  doit  poser  la  question. 
Il  y  aurait  nullité  de  l'arrôt  de  condamnation,  si  un  accusé  mineur  de  seise 
ans  avait  été  condamné,  sans  que  la  question  de  discernement  eût  été  posée 
même  d'office  i  son  égard. 

Quant  à  l'influence  de  cette  question,  vous  savez  déjà  quelle  elle  est;  ce 
n'est  que  l'application,  dans  la  procédure  criminelle,  de  l'art.  66  du  Gode  pé- 
nal. La  réponse  négative  du  discernement  de  la  part  du  jury  entraînera,  d'à* 
près  Tart.  66,  l'acquittement  de  l'accusé,  sauf,  dans  ce  cas,  les  précautions  que 
pourra  prendre  la  cour,  aux  termes  de  ce  même  article.  Au  contraire,  si  la 
question  de  discernement  est  résolue  d'une  manière  affirmative,  l'accusé 
sera  condamné,  mais  à  des  peines  beaucoup  moins  fortes  que  celles  qu'il  eût 
encourues,  s'il  était  majeur  de  seize  ans,  art.  67  du  Code  pénal. 

Remarquez,  de  même,  que  la  question  de  discernement  ainsi  posée  au  jury 
doit  être  résolue  contre  l'accusé  à  la  majorité  de  sept  voix;  nous  expliquerons 
cela  avec  plus  de  détail  sur  l'art.  347. 

792.  «  Art.  341.  En  toute  matière  criminelle,  môme  en  cas  de  récidive,  le  prési- 
dent, après  avoir  posé  les  questions  résultant  de  Tacte  d^accusatidn  et  des  débats, 
avertira  le  jury,  à  peine  de  nullité,  que,  s'il  pense  à  la  majorité,  qu'il  existe,  en 
faveur  d'un  ou  de  plusieurs  accusés  reconnus  coupables,  des  circonstances  atté- 
nuantes, il  devra  en  faire  la  déclaration  dans  ces  termes  :  ^  «  A  la  majorité,  il  y  a 
des  circonstances  atténuantes  en  faveur  de  l'accusé,  v  Ensuite  le  président  remettra 
les  questions  écrites  aux  jurés,  dans  la  personne  du  chef  du  jury  ;  et  il  leur  re* 
mettra  en  même  temps  l'acte  d'accusation,  les  procès- verbaux  qui  constatent  les 
délits,  et  les  pièces  du  procès  autres  que  les  déclaratious  écrites  des  témoins.  —  Il 
fera  retirer  Taccusé  de  l'auditoire  (1).  » 

(1)  Article  tel  qa'ila  été  modifié  par  la  loi  du  10  juin  1853. 

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742      QUARANTE  BT  UNIÈME  LEÇON.  —  DES  COURS  D'aSSISES  (n^*79^}. 

Toute  cette  rédaction  a  remplacé,  en  i832|  une  disposition  autrefois  fort  im- 
portante de  i*art«  341,  disposition  qui  maintenant  n'a  plus  qu'un  intérêt  his- 
torique. Cet  intérêt  est  cependant  trop  récent  pour  que  nous  n'en  parlions 
pas,  j'en  dirai  tout  à  l'heure  quelques  mots  sur  l'art.  347;  hornons-nous, 
quant  à  présent,  à  l'explication  du  nouvel  article,  ou  du  moins  de  sa  première 
partie,  car  la  fin  ne  présente  aucune  dirficulté.  Il  s'agit  ici  de  ce  système  à 
peu  près  nouveau,  des  circonstances  atténuantes,  introduit,  en  1832,  dans 
l'art.  463  du  Gode  pénal.  Quoique  ce  système  ne  soit  pas  difficile  à  saisir,  je  ne 
saurais  cependant  le  recommander  trop  vivement  à  votre  attention,  attendu 
les  erreurs  continuelles  dans  lesquelles  on  tombe,  sur  cette  matière,  dans  l'ap- 
plication de  tous  les  jours.  J'ai  déjà  donné,  en  expliquant  l'art.  65  du  Gode 
pénal  pour  ce  qui  touche  au  droit,  d'assez  longs  détails  ;  je  vais  encore  les 
résumer  aujourd'hui,  mais  sous  une  forme  plus  rapide,  et  je  compléterai  cette 
matière  par  les  notions  relatives  à  l'instruction  criminelle,  notions  dont  je  n'ai 
pas  parlé  sur  l'art.  65. 

Je  vous  ai  dit  qu'en  général,  dans  l'ancienne  jurisprudence,  avant  1791,  les 
peines  étaient  à  peu  près  arbitraires;  qu'en  1791,  les  rédacteurs  du  Gode  pénai 
de  TAssemblée  constituante,  frappés  des  immenses  dangers  de  l'arbitrùre 
absolu  dans  les  peines,  s'étaient  jetés  dans  un  excès  directement  contraire,  et 
fort  dangereux  aussi.  Au  principe  de  l'arbitraire  absolu,  ils  substituèrent  le 
principe  opposé,  celui  de  la  fixité,  de  la  précision  la  plus  complète  dans  les 
peines.  Ghaque  crime,  chaque  délit  se  trouva  classé  dans  ce  Gode,  et  taxé  à 
des  peines  temporaires  absolument  fixes,  et  pour  l'application  desquelles  au- 
cune latitude  n'appartenait  aux  juges. 

On  ne  tarda  pas  à  sentir  que  cette  méthode  était  pleine  d'inconvénients;  que 
la  loi  pénale,  ne  pouvant  prévoir  et  frapper  les  crimes  qu'en  masse,  à  l'avance 
et  indistinctement,  ne  pouvait  pas  entrer  dans  ces  nuances  infinies  de  mora- 
lité qui  séparent  l'un  de  l'autre  deux,  trois  des  crimes  du  même  nom;  qu'en* 
tre  deux  meurtres,  deux  vols,  deux  faux  ou  tout  autre  crime,  il  y  avait,  sous 
l'identité  de  nom,  sous  l'apparente  ressemblance  de  ces  deux  crimes,  il  y  avait 
cependant  d'énormes  différences  pratiques  dont  il  fallait  tenir  compte.  Aussi, 
dans  la  rédaction  du  Gode  de  1808,  essaya-t-on  d'écarter  en  partie  ce  système, 
en  introduisant  le  principe  d'un  minimum  et  d'un  maximum  dans  les  peines; 
c'est-à-dire  que,  sans  rendre  au  juge  un  arbitraire  absolu  dans  l'application  des 
peines,  on  lui  permit,  au  moins  dans  la  plupart  des  cas,  de  faire  varier,  dans 
des  limites  déterminées  d'avance,  la  gravité  et  l'étendue  de  la  peine  à  appli- 
quer. On  ne  crut  même  pas  cette  latitude  suffisante,  et  plus  tard,  une  loi  spé- 
ciale du  25  juin  1824  permit  aux  cours  d'assises,  au  moins  i  l'égard  de  certains 
crimes,  de  déclarer  l'existence  de  circonstances  atténuantes,  et  d'appliquer 
ainsi,  non-seulement  le  minimum  de  la  peine  légale,  mais  même  une  autre 
peine  inférieure  d'un  degré  à  la  peine  légale.  Mais  ces  circonstances  atténuan- 
tes ne  furent  admises,  sous  la  loi  de  1824,  que  pour  un  très- petit  nombre  de 
crimes;  les  autres  restèrent  sous  l'empire  du  droit  commun.  De  plus,  c'était  à 
la  cour  d'assises,  après  la  déclaration  du  jury,  de  rechercher  l'existence  des 
circonstances  atténuantes.  En  un  mot,  la  cour  d'assises  était  encore  saisie  de 
quescions  de  fait  à  l'exclusion  du  jury. 

En  1832  on  a  élargi  et  complété  ce  système  ;  c'est  l'objet  de  l'art.  463  du  Ck>de 

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PROGÉBURB  DS7ANT  LA  COUR  D*À8SISB8  (aRT.   341).  743 

pénal.  On  a  senti  qu'obliger  ainsi  le  jury  à  rendre  un  verdict  définitif  sur  un 
crime  dont  la  peine  légale,  même  àson  minimum,  serait  trop  dure  à  ses  yeux, 
c'était,  le  plus  souvent,  arriver  à  l'impunité,  c'était  amener  le  jury  à  se  mentir 
à  lui-môme,  à  déclarer  non  coupable  un  accusé  dont  la  culpabilité  était  bien 
démontrée,  et  le  déclarer  non  coupable  précisément  pour  éviter  Tapplicatioa 
d'une  peine  trop  sévère.  Pour  se  soustraire  à  ce  danger,  on  a  autorisé  le  jury,, 
dans  toute  espèce  de  crime,  et  en  déclarant  l'accusé  coupable,  à  reconnaître 
et  à  constater  Texistence  de  circonstances  atténuantes  en  faveur  de  cet  accusé, 
circonstances  atténuantes  qui,  déclarées  par  le  jury,  auront  pour  effet  de  con- 
traindre la  cour  à  descendre  d'un  degré  dans  l'application  de  la  peine,  et  de 
lui  permettre,  si  elle  le  veut,  de  faire  plus  encore,  descendre  de  deux  degrés 
au  moins  dans  les  peines  de  même  nature. 

L'idée  que  je  vous  donne  de  la  conséquence  de  cette  déckration  a  besoin, 
pour  être  appliquée,  d'être  étudiée  dans  le  texte  même;  Tart.  463  indique 
clairement  quel  sera,  pour  chaque  espèce  de  peine,  Teiïetde  cette  déclaration. 
Mais,  pour  en  donner  un  exemple,  pour  vous  faire  comprendre  cette  obli- 
gation de  descendre  d'un  degré,  cette  faculté  de  descendre  de  deux  degrés 
dans  des  peines  de  même  nature,  je  vais  vous  citer  un  cas  de  pénalité  :  suppo^ 
sez,  par  exemple,  que  le  crime  déclaré  constant  par  le  jury  fût  de  nature  à 
entraîner  la  peine.des  travaux  forcés  à  temps;  si  le  jury  se  bornait  à  cette 
réponse  affirmative,  la  cour  pourrait  appliquer,  du  maximum  au  minimum,  de 
cinq  à  vingt  ans  de  travaux  forcés.  Voilà  le  pouvoir  d'appréciation  qui  résulte- 
rait pour  la  cour  du  texte  primitif  du  Gode  pénal  de  1808.  Maintenant,  suppo- 
sez que  le  jury,  en  déclarant  l'accusé  coupable  d'un  tel  crime,  ait  en  môme 
temps  déclaré  qu'il  existait  en  sa  faveur  des  circonstances  atténuantes;  alors 
il  y  aura  impossibilité  pour  la  cour  d'appliquer  la  peine  légale  des  travaux  for- 
cés à  temps,  il  y  aura  nécessité  pour  elle  de  descendre  d*un  degré,  c'est-à-dire 
de  prendre,  non  pas  la  détention,  qui,  dans  l'échelle  générale  des  peines,  vient 
de  suite  après  les  travaux  forcés,  mais  bien  la  réclusion.  Pourquoi  cela? 
Parce  que  la  détention  est  une  peine  qui  n'est  point  de  la  même  nature,  qui 
n'appartient  point  au  même  ordre  d'idées  que  la  peine  des  travaux  forcés.  La 
cour  devra  donc,  en  pareil  cas,  appliquer  tout  au  plus  la  peine  de  la  réclusion. 
Elle  pourra  même  faire  plus  encore,  et  si,  partageant  à  cet  égard  l'opinion  da 
jury,  elle  reconnaît  que  Taccusé,  quoique  déclaré  coupable,  est,  par  ses  antécé- 
dents, par  les  circonstances  qui  l'ont  poussé  au  crime,  tout  à  fait  digne  d'intè 
rôt,  elle  pourra  descendre,  si  elle  le  veut,  jusqu'à  la  peine  d'emprisonnement^ 
c'est-à-dire  jusqu'à  une  peine  purement  correctionnelle. 

De  même,  si  la  peine  légale  du  crime,  était  non  pas  des  travaux  forcés  à 
temps,  mais  des  travaux  forcés  à  perpétuité,  la  cour  ne  pourrait  appliquer,  en 
cas  de  circonstances  atténuantes,  que  les  travaux  forcés  à  temps,  et  pourrait, 
ai  bon  lui  semblait,  appliquer  même  la  simple  réclusion  :  ceci  suffit  pour  vous 
faire  comprendre  quel  est,  quant  à  la  pénalité,  le  résultat  des  circonstances 
atténuantes  déclarées  par  le  jury. 

798.  Maintenant  en  quoi  diffèrent  ces  circonstances  atténuantes,  dont  parle 
l'art.  341,  des  excuses,  dont  nous  parlions  sur  l'art.  339?  Les  différences  sont 
de  plusieurs  sortes  et  toutes  également  sensibles. 


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744      QUARANTE  ET  UNIÂME  LEÇOH.  —  DBS  COURS  û'aSSISES  (n*793). 

D'abord,  les  excuBes  sont  expressément,  sont  littéralement  définies  par  la 
loi.  An  contraire,  la  loi  n'a  pas  dit  et  n*a  pas  pa  dire  quelles  circonstances 
seraient  atténuantes,  tout  pouvoir  à  cet  égard  appartient  au  jury.  Le  jury 
déclarera,  en  général,  à  raison  de  l'intérêt  que  lui  inspire  l'accusé  bien  que 
coupable,  souvent  aussi  sans  aucun  intérêt  pour  Taccusé,  mais  à  raison  seule- 
ment de  la  gravité  de  la  peine  à  l'application  de  laquelle  il  répugnera,  le  jury 
déclarera  qu'il  existe  des  circonstances  atténuantes.  Non-seulement  ce  qui 
constitue  ces  circonstances  n'est  pas  déterminé  légalement  et  d'avance,  mais 
ne  l'est  pas  non  plus  dans  la  réponse  du  jury.  In  jury  déclare  généralement^ 
vaguement  qu'il  existe  des  circonstances  atténuantes,  sans  avoir  à  dire  le 
moins  du  monde  quelles  sont  ces  circonstances,  en  quoi  elles  lui  paraissent 
consister.  Voilà  donc  déjà  une  différence  très-sensible  de  principes  entre  les 
excuses  légales,  écrites  dans  les  art  321  et  suivants  du  Gode  pénal,  et  les  cir- 
constances atténuantes  dont  parle  notre  art.  341. 

De  plus,  l'excuse,  précisément  à  raison  de  sa  nature,  précisément  parce 
qu'elle  est  définie  et  écrite  d'avance  dans  la  loi,  doit  être  de  la  part  de  la  cour 
Tobjet  d'une  question  spéciale  posée  par  elle  au  jury;  le  jury  ne  peut  répondre 
sur  l'existence  d'un  fait  d'excuse  qu'autant  que  cette  question  lui  a  été  for- 
mellement pusée.  Au  contraire,  jamais  on  n'interroge,  jamais  on  ne  doit  inter- 
roger le  jury  sur  le  point  de  savoir  s'il  existe,  en  faveur  de  l'accusé  coupable, 
des  circonstances  atténuantes;  c'est  d'office,  de  son  propre  mouvement,  sans 
y  être  appelé  par  aucifne  question,  que  le  jury  doit  déclarer  ces  circonstances; 
son  silence  suffit  pour  les  exclure;  s'il  entend  les  admettre,  c'est  de  lui-même 
et  sans  question  que  cette  déclaration  doit  émaner. 

Pourquoi  cela?  c'est  qu'en  admettant  dans  la  loi  la  faculté  par  le  jury  de 
déclarer,  dans  toute  espèce  de  crime,  l'existence  de  circonstances  atténuantes, 
on  ne  s'est  pas  dissimulé  les  dangers  de  ce  système  ;  on  a  senti  que,  nécessaire 
dans  bien  des  cas,  il  serait  cependant  bien  souvent  appliqué  mal  à  propos:  que 
bien  souvent,  par  faiblesse,  par  entraînement,  par  mauvaise  honte,  le  jury  se 
laisserait  aller  à  déclarer,  sans  motifs  solides,  des  circonstances  atténuantes. 
Or,  le  danger  de  ces  déclarations  eût  été  bien  plus  grave,  si  le  jury  avait  été, 
à  cet  égard,  provoqué  par  une  question  formelle;  si,  en  s'adressant  formelle- 
ment à  lui,  en  exigeant  de  sa  part  une  réponse  positive,  on  eût  augmenté  ses 
hésitations  et  son  embarras.  On  a  craint,  en  un  mot,  qu'en  s'adressant  au 
jury  par  une  question  formelle,  on  ne  provoquât  sa  clémence,  et  sa  clémence 
appliquée  mal  à  propos;  on  a  craint  que  des  questions  formelles  n'entraînas* 
sent  ce  résultat;  que  la  déclaration  des  circonstances  atténuantes  ne  devint  de 
style  dans  les  réponses  du  jury,  et  que  toutes  les  peines  ne  se  trouvassent  en 
fait  descendre  ainsi  d'un  degré. 

Cependant,  à  côté  de  cette  nécessité  de  ne  point  provoquer,  par  une  ques* 
Uon  formelle,  la  délibération  du  jury  sur  cette  matière,  se  trouve  une  précau- 
tion nécessaire  :  c'est  que  le  jury  pourrait  très-bien  ignorer,  en  fait,  le  pouvoir 
qui  lui  appartient;  le  jury,  n'étant  pas  interrogé  sur  la  question  de  savoir  s'il 
existe  des  circonstances  atténuantes,  pourrait  se  taire  à  cet  égard,  non  pas 
parce  que  la  base  de  ces  circonstances  atténuantes  n'existe  pas,  mais  parce 
qu'il  ignore  Tart.  341,  parce  qu'il  ignore  quelle  est  l'utilité,  quel  est  l'effet  de 
cetce  déclaration.  Aussi,  sans  lui  poser  formellement  la  question,  sans  l'obliger 


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PROCÉDURE  DEVANT  LA  COUR  d'aSSISKS  (aRT.    347).  745 

4  répondre,  comme  on  }'y  oblige  en  matière  d'excuse,  doit-on,  à  peine  de 
nullité,  l'avertir  que  s'il  croit  que  des  circonstances  atténuantes  existent  pour 
l'accusé,  il  doit  le  déclarer.  Mus  vous  sentez  qu'il  y  a  une  grande  différence 
entre  cet  avis,  qui  n'exige  aucune  réponse,  et  une  question  qui  nécessite- 
rait une  décision  formelle  de  la  part  du  jury.  Telle  est  la  disposition  de  l'arti- 
cle 341  ;  telle  est  la  deuxième  différence  entre  les  circonstances  atténuantes  et 
l'excuse. 

Sous  un  troisième  rapport,  c^est-à-dire  quant  au  résultat^  les  deux  systèmes 
sont  encore  fort  différents.  L'excuse  prévue  par  la  loi,  Texcuse  déclarée  cons- 
tante par  le  jury,  exerce  dans  l'application  de  la  peine  une  influence  bien  plus 
grave  que  les  circonstances  atténuantes.  Ainsi,  par  exemple,  que  dans  un 
cas  de  meurtre  les  circonstances  atténuantes  soient  déclarées,  la  peine  serait 
ordinairement  celle  des  travaux  forcés  à  perpétuité;  elle  pourra,  tout  au  plus, 
par  la  volonté  formelle  de  la  cour  d'assises,  descendre  jusqu'à  la  réclusion^ 
c'est-à-dire,  par  exemple,  jusqu'à  dix  ans  de  réclusion.  Au  contraire,  que  dans 
ce  même  cas  de  meurtre  une  excuse  soit  déclarée,  aux  termes  de  l'art.  321  du 
Gode  pénal,  la  peine  alors  descendra  non  pas  d*un  degré  seulement  ou  de  deux 
degrés  tout  au  plus,  au  lieu  d'ôtre  une  peine  criminelle,  elle  sera  une  peine 
simplement  correctionnelle  aux  termes  de  Fart.  326  du  Code  pénal.  Il  est 
donc  yrai  de  dine  que  les  faits,  en  petit  nombre,  que  la  loi  déclare  constituer 
des  excuses,  réduisent  les  peines  dans  une  proportion  bien  plus  forte  que  ne 
le  font  jamais  les  circonstances  atténuantes. 

Voilà  non  pas  tout  à  fait  les  seules,  mais  au  moins  les  principales  différences 
entre  les  excuses  et  les  circonstances  atténuantes  ;  elles  sont  assez  marquées, 
assez  grandes  dans  leur  principe  et  dans  leur  résultat,  pour  que  vous  puissiez 
éviter  à  cet  égard  toute  confusion. 

794.  Il  existe  encore  dans  ce  ebapitre  une  disposition  qui  mérite  toute  votre 
attention  ;  elle  est  relative  au  point  de  savoir  à  quelle  majorité  le  jury  rend  ses 
verdicts.  Ce  point  demande  quelques  explications,  non  pas  seulement  de  textes, 
mais  aussi  d'antécédents.  A  ce  point  se  rapportent  les  art.  347  et  351.  Il  ne 
reste  plus  de  ce  dernier  que  son  numéro,  car  il  a  été  supprimé;  mais  il  est  bien 
important  d'en  connaître  la  disposition.  L'ancien  texte  du  Code  s'exprimait 
ainsi  :.  «  La  décision  du  jury  se  formera  pour  ou  contre  l'accusé,  à  la  majorité, 
à  peine  de  nullité.  En  cas  d'égalité  de  voix,  l'avis  favorable  à  l'accusé  prévau- 
dra. »  Dans  la  matière  du  jury  il  y  a  peu  de  points  qui  aient  plus  varié  en  pra- 
tique, qui  prêtent  plus  à  la  controverse  en  théorie,  que  celui  de  savoir  com- 
ment doit  se  former  le  compte  de  la  décision  d'un  jury.  A  quel  nombre  de  voix 
son  opinion  doit-elle  s'arrêter,  soit  contre  l'accusé,  soit  pour  lui? 

Dans  la  pratique  anglaise,  dans  celle  des  États- Onis,  il  n'y  a  eu  à  cet  égard 
aucune  espèce  de  variation  ;  il  existe  un  principe  constant,  surprenant  sans 
doute  pour  nos  habitude^  judiciaires,  mais  dont  il  ne  parait  pas  qu'on  ait  res» 
senti,  dans  ces  deux  pays,  de  graves  inconvénients,  puisqu'on  l'a  constamment 
conservé  ;  ce  principe,  c'est  que  l'unanimité  du  vote  des  douze  jurés  est  une 
condition  essentielle,  indispensable  non-seulement  de  la  condamnation,  mais 
aussi  de  l'acquittement;  l'unanimité  est  nécessaire  non-seulement  pour  con- 
damner, mais  pour  absoudre;  aucune  décision  du  jury  n'est  rendue  qu'à 

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746      QUARANTE  BT  UNIÈUB  LBÇON.    -^  DBS  GOUBS  d'aSSISBS  (n*  794). 

rananimité.  Il  s'ensuit  qae  tant  qu'on  n'arrive  pas,  dans  le  sein  du  jury,  à 
réunir  les  voix  des  douze  jurés  à  un  avis  conforme,  aucune  réponse  n*e8t 
donnée,  et  les  lois  anglaises  mettent  la  plus  grande  rigueur  à  tenir,  pendant 
tout  ce  débat,  les  jurés  absolument  séparés  de  toute  communication  aa 
dehors. 

Sans  entrer  dans  les  controverses  que  peuvent  soulever  le  mérite  ou  les 
dangers  de  ce  système,  d'ailleurs  extrêmement  débattu,  je  me  borne  à  les  noter 
et  à  y  joindre  l'historique  des  systèmes  variables  adoptés  chez  nous. 

En  1791  et  en  l'an  IV  on  emprunta  à  l'Angleterre  l'institution  du  jury, 
mais  on  ne  crut  pas  devoir  adopter,  chez  nous,  le  principe  de  Tunanimité  ; 
on  y  substitua  un  principe  moins  logique  sans  doute,  et  qui,  au  premier 
abord,  pourrait  sembler  plus  facile  à  appliquer,  mais  qui  n'a  pas  pu  être  suivi 
bien  longtemps.  Ge  principe,  c'est  que  dix  voix  sur  douze  étaient  nécessairea 
pour  la  condamnation,  et  qu'en  conséquence  trois  voix  sufGsaient  pour  l'ac- 
quittement. Ce  fut  donc  à  la  majorité  de  dix  contre  deux,  à  la  majorité  des 
cinq  sixièmes  des  voix  que  furent  rendues  les  condamnations  sous  l'empire 
du  Gode  de  1791  et  de  celui  de  Tan  IV.  Il  suflisait,  au  contraire,  pour  les 
acquittements,  de  trois  voix.  On  s'aperçut  bientôt  que  c'était  multiplier,  hors 
de  toute  proportion,  les  chances  d'acquittement;  que  c'était  d'ailleurs  une 
étrange  manière,  pour  un  accusé,  de  rentrer  dans  le  sein  de  la  société,  que 
d'y  rentrer  sous  le  poids  d'une  décision  dans  laquelle  neuf  voix  contre  trois 
avaient  publiquement  déclaré  sa  culpabilité.  L'unanimité  des  ^Étals-Unis  et 
de  l'Angleterre  présentait  bien  moins  de  chances  pour  l'impunité. 

Une  Ici  du  19  fructidor  an  V,  art..33,  essaya  d'introduire  dans  le  système 
du  jury,  tel  qu'il  était  consacré  par  la  loi  de  Tan  IV,  le  principe  de  l'unanimité  ; 
elle  exigea  que  les  décisions,  soit  pour  la  condamnation,  soit  pour  l'acquitte- 
ment, fussent  rendues  à  l'unanimité  des  voix.  Mais,  pour  éviter  un  inconvé- 
nient qui,  en  théorie  du  moins,  semblait  ôtre  la  conséquence  d'un  pareil 
système,  pour  éviter  l'entêtement  de  divers  jurés  décidés,  l'un  à  absoudre, 
l'autre  à  condamner,  et  persistant  tous  deux  dans  leur  volonté,  persistance  qui 
rendrait  toute  décision  impossible,  on  voulut  qu'à  défaut,  par  les  jurés  de 
s'être  accordés  à  l'unanimité  pendant  les  vingt-quatre  heures  de  leur  déiibé* 
ration,  la  décision,  pour  ou  contre,  pût  être  rendue  après  les  vingt-quatre 
heures  à  la  simple  majorité.  Ainsi,  dans  les  vingt-quatre  heures  à  partir  do 
moment  où  le  jury  s'était  retiré  pour  délibérer,  il  ne  pouvait  décider  pour  oa 
contre,  qu'à  l'unanimité;  c'était  le  système  anglais.  Mais,  pour  que  l'incerti- 
tude, pour  que  l'indécision,  inconvénient  possible  de  la  règle  de  l'unanimité, 
ne  se  prolongeât  pas  indéfiniment,  on  permit,  après  les  vingt-quatre  heures, 
une  décision  à  la  simple  majorité. 

J'ai  dit  que  cet  inconvénient  de  l'inoertitude  du  système  de  l'unanimité  est 
un  inconvénient  théorique,  et  il  parait,  en  effet,  n'être  que  tel.  En  pratique, 
il  est  à  peu  près  sans  exemple  que  les  délibérations  des  jurés  anglais  se  pro« 
longent,  je  ne  dirai  pas  pendant  plusieurs  jours,  mais  même  pendant  plusieurs 
heures.  11  y  a  plus,  c'est  que  d'ordinaire  le  jury  anglais  ne  se  retire  pas  pour 
délibérer;  il  émet  son  vote,  après  les  débats  finis,  dans  la  salle  même  où  ont 
eu  lieu  ces  débats.  G'est  seulement  quand  à  ce  premier  moment  on  ne  trouve 
pas  l'unanimité  qu'on  se  retire  pour  discuter  alors,  sauf  un  très«petit  nombre 

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PROCÉDURE  DEVANT  LA  COUR  D* ASSISES  (aRT.   347).  747 

de  cas,  la  délibération  n'est  pas  publique.  On  cite  comme  un  exemple  extraor- 
dinaire une  délibération  qui  se  prolonge  pendant  plus  d*un  jour. 

Quoiqu'il  en  soit,  le  projet  du  Gode  d'instruction  criminelle  voulut  essayer 
de  la  règle  d'unanimité.  Dans  ce  projet  on  proposa  que  toutes  les  décisions 
fussent  rendues,  non-seulement  dans  les  vingt-quatre  heures,  mais  môme 
après  les  vingt-quatre  heures,  à  Tunanimité  des  jurés.  Cette  idée  ne  fut  pas 
admise,  et  on  substitua  à  cette  proposition  une  règle  difGcile  à  expliquer  ; 
d'après  Tancien  art.  347,  c'était  à  la  simple  majorité  que  devait  s'arrêter  la 
décision  du  jury,  pour  ou  contre  Paccusé.  Le  premier  mot  n*est  pas  bien  vrai; 
j'aimerais  mieux  dire  :  Pour  la  condamnation,  puisqu'on  cas  de  partage  l'avis 
favorable  à  Taccusé  prévalait.  Ainsi,  en  1811,  à  six  voix  contre  six,  l'accusé 
était  acquitté,  à  sept  voix  pour  la  condamnation,  cinq  voix  pour  Tabsolution, 
il  devait  s'ensuivre,  à  ce  qu'il  semble,  que  l'accusé  fût  condamné.  Cependant 
l'art.  347  se  trouvait  modifié  pour  les  art.  341  et  351  combinés.  La  disposition 
dont  il  s'agit,  de  l'art.  341,  a  été  remplacée  par  un  texte  qui  n'a  aucun  rap- 
port à  la  matière;  la  disposition  de  l'art.  351  a  complètement  disparu.  Voici 
quelles  étaient  les  dispositions  de  ces  deux  textes  :  on  avertissait  le  jury, 
d'après  l'art.  341,  à  Tinsunt  oi^  il  se  retirait,  que  si  son  vote  contre  l'accusé 
n'était  arrêté  qu'à  la  simple  majorité  de  sept  contre  cinq,  il  devrait  en  avertir 
la  cour  en  faisant  connaître  son  vote,  afin  que  la  cour  fût  appelée  à  en  déli- 
bérer, conformément  à  Tart.  351.  Ainsi,  supposez,  dans  une  accusation  quel- 
conque, un  accusé  déclaré  coupable  par  sept  Jurés  contre  cinq,  la  cour  devait 
en  être  avertie,  le  jury  devait  répondre  :  Oui,  l'accusé  est  coupable,  mais  il 
n'est  déclaré  tel  qu'à  la  simple  majorité.  Et  alors,  pour  entraîner  la  condam- 
nation de  l'accusé,  il  fallait  qu'une  certaine  partie  de  la  cour,  déterminée  par 
l'art.  351,  se  joignit  à  la  majorité  du  jury,  majorité  formée  par  la  condamna- 
Jtion.  Mais  quelle  était  cette  partie?  C'est  ici  que  le  système  du  Gode  devenait 
tout  à  fait  inconcevable.  Le  nombre  des  jurés  était  de  douze;  la  simple  majo- 
rité était  de  sept  contre  cinq  ;  le  nombre  des  conseillers  appelés  à  délibérer 
en  conséquence  de  cette  déclaration  était  de  cinq.  Eh  bien,  supposez  que  sur 
cinq  conseillers  appelés  à  délibérer,  deux  seulement  se  déclarassent  pour  la 
culpabilité,  et  trois,  au  contraire,  pour  l'innocence  de  l'accusé,  quelle  en  était 
la  conséquence?  La  conséquence  naturelle,  logique,  c'eût  été,  à  ce  qu'il 
semble,  l'acquittement  de  l'accusé  ;  car,  puisque  le  législateur  ne  trouve  pas 
que  sept  voix  contre  cinq  soient  suffisantes  pour  comdamner  l'accusé,  à  plus 
forte  raison,  devrait-on  l'acquitter,  lorsque  son  innocence  semblait  encore 
mieux  établie,  puisque  la  majorité  de  la  cour,  trois  contre  deux,  venait  déclarer 
cette  innocence,  de  concert  avec  la  minorité  du  jury.  Eh  bien,  c'était  le  con- 
traire; en  pareil  cas,  d'après  l'art.  351,  l'accusé  était  condamné.  Pourquoi 
cela?  Parce  que  les  voix  de  la  minorité  de  la  cour,  c'est-à-dire  deux  voix  réu- 
nies aux  voix  de  la  majorité  du  jury,  c'est-à  dire  sept  voix,  formaient  le 
nombre  neuf;  parce  que,  de  l'autre  cêté,  on  ne  trouvait  que  la  minorité  du 
jury,  c'est-à-dire  cinq  voix  réunies  à  la  majorité  de  la  cour,  c'est-à-dire  trois, 
en  tout,  huit  voix  contre  neuf.  On  arrive  à  ce  résultat  inconcevable,  que 
quand  la  décision  de  la  cour  était  venue  fortifier  les  doutes  qui  résultaient 
déjà  en  faveur  de  l'accusé,  de  ce  partage  du  jury,  il  y  avait  cependant  con- 
damnation. En  d'autres  termes,  pour  que  dans  cette  division  de  sept  jurés 

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748      QUARANTE  BT  UNIÈME  LEÇON.   —  DES  COUBS  d'aSSIBEB  (n«  794). 

contre  cinq,  la  délibération  de  la  cour  entraînât  l'acquittement,  il  fallait  qne 
quatre  des  cinq  membres  de  la  cour  se  fussent  joints  à  la  minorité  du  jury, 
c'est-à-^lire  que  la  réunion  de  toutes  les  voix  votant  pour  l'acquittement 
dépassât  le  nombre  de  toutes  les  voix  votant  pour  la  condamnation.  C^est  ce 
qui  arrivait  quand  un  seul  des  quatre  conseillers  se  joignait  à  la  majorité. 

Ce  système^  qui  a  été  suivi  pendant  environ  dix  ans,  était  manifestement 
<»)ntrflire  à  toute  raison,  et  une  loi  du  24  mai  1821  vint  y  substituer  un 
«ystème  plus  raisonnable,  mais  présentant  aussi  quelques  vices  :  on  déclarait 
que,  dan«  ce  cas,  il  suffisait,  pour  l'acquittement  de  Taccusé,  que  la  majorité 
de  la  cour  ne  se  fût  pas  prononcée  contre  lui  ;  on  décidait,  par  exemple,  que 
deux  voix  se  réunissant  aux  sept  voix  pour  la  condamnation  et  trois  Yoix  âttX 
cinq  voix  pour  racquittement,  Taccusé  serait  acquitté.  Ce  n'était  là  que  rendre 
une  décision  tout  à  fait  conforme  à  la  raison. 

Mais  ce  nouveau  principe,  qui  remplaça  l'art.  351,  présentait  encore  ut 
inconvénient  fort  grave,  c*était  de  confondre  les  pouvoirs  entre  la  cour  et  le 
jury  ;  c'était  de  dénaturer  le  principe  même  du  jury,  en  appelant  la  cour  à 
voter  sur  la  culpabilité  ou  l'innocence  de  l'accusé,  sur  une  question  de  fait, 
det  inconvénient  théorique  se  ressentait  vivement  et  immédiatement  dans  la 
pratique.  En  déplaçant  les  pouvoirs,  il  avait  pour  résultat  de  déplacer  aussi  la 
fesponsabilité,  d'appeler  la  cour  à  exercer  des  fonctions  que  Tinstitution  du 
jury  réservait  au  seul  jury.  De  là  qu'arrivait-il?  C'est  que  dans  toutes  les 
questions  graves,  soit  par  les  doutes  que  présentait  l'afiaire,  soit  aussi  par 
l'importance  de  la  peine,  les  jurés  se  concertaient  toujours  pour  ne  décider 
qu'à  sept  contre  cinq,  c'est-à-dire  pour  rendre  un  vote  qui  ne  fût  pas  définitif, 
et  dont  en  conséquence  la  responsabilité  ne  pesait  pas  sur  leur  tète.  De  jour 
en  jour  il  arrivait  plus  fréquemment  que,  dans  toute  affaire  de  quelque  impor- 
tance, les  jurés,  d'accord  entre  eux,  remettaient  indirectement  à  la  cour  la 
décision  du  sort  de  l'accusé.  Cet  usage  ne  tendait  à  rien  moins  qu'à  ruiner 
l'institution  du  jury,  en  transportant  directeibent  à  la  cour  la  décision  de 
toutes  les  questions  de  fait.  Aussi,  le  principe  de  1821  a-t-il  complètement 
disparu,  et  une  loi  du  4  mars  1831,  dans  laquelle  on  a  puisé  le  nouvel  arti- 
cle 347,  décide-t-elle  que  désormais  au  jury,  et  au  jury  seul,  appartiendra  la 
décision,  la  souveraine  décision  des  questions  de  fait  ;  que  seulement  pour  la 
condamnation  de  l'accusé  huit  voix  contre  quatre  seront  le  minimum  néces- 
saire. En  conséquence,  l'accusé  sera  acquitté  non- seulement,  comme  autre- 
fois, à  six  voix  contre  six,  mais  même  à  sept  voix  contre  cinq.  L'accusé  sera 
acquitté  toutes  les  fois  que  contre  lui  ne  sera  pas  formée,  dans  le  sein  du 
jury,  une  majorité  de  plus  de  sept  voix.  Ainsi  le  déclare  Tart.  347  :  t  La  déci- 
sion du  jury  se  formera  contre  l'accusé  à  la  majorité  de  plue  de  sept  voix,  i 
fit  le  §  3  ajoute  :  «  Dans  l'un  et  dans  l'autre  cas,  la  déclaration  du  jury  con* 
statera  cette  majorité,  à  peine  de  nullité,  sans  que  jamais  le  nombre  de  voix 
puisse  y  être  exprimé.  > 

Cette  règle  a  été,  depuis  cette  époque  encore,  l'objet  de  plusieurs  modifica- 
tions. La  loi  du  9  septembre  1835  avait  reporté  les  décisions  du  jury  à  la 
majorité  simple.  Le  décret  du  gouvernement  provisoire  du  6  mars  1848 
abrogea  cette  loi  et  ajouta  :  «  Abt.  4.  La  condamnation  aura  lieu  à  la  majonrilé 
de  neuf  voix.  La  décision  du  jury  portera  ces  mots  :  Oui,  l'aecuêé  est  ewpabïe 

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PROGÉDURB  DEVANT   LA  COUR  d'aSSISBS  (aRT.  347).  749 

à  la  majcrité  de  plus  de  huit  voiXy  à  peine  de  nullité.  >  Une  loi  da  18  octo- 
bre iSkS  vînt  à  son  tour  abroger  ce  dernier  décret  :  «  La  déclaration  da  jury 
se  formera  sur  le  fait  principal,  sur  les  circonstances  aggravantes,  sur  les 
questions  d'excuse  ou  de  discernement  à  la  majorité  de  plus  de  sept  voix,  i 
La  déclaration  des  circonstances  atténuantes  avait  lieu  à  la  simple  majorité. 
Enfin  une  loi  du  10  juin  1853  est  venue  modifier  encore  ce  dernier  état  de 
choses.  En  voici  le  texte  : 

«  La  décision  du  jury,  tant  contre  Taccusé  que  sur  les  circonstances  atténuantes, 
se  forme  à  la  majorité.  La  déclaration  du  jury  constate  cette  minorité,  sans  que 
le  nombre  de  voix  puisse  y  ôtre  exprimé  :  le  tout  à  peine  de  nullité.  » 

Ainsi,  après  de  nombreuses  oscillations,  la  loi  est  revenue  à  son  point  de 
départ,  sauf  Tititervention  des  juges  dans  la  délibération  du  jury  qui  a  été 
définitivement  supprimée.  Il  faut  aujourd'hui  sept  voix  pour  condamner  ;  il 
faut  également  sept  voix  pour  admettre  les  excuses  et  les  circonstances  atté- 
nuantes. Celte  simple  majorité  est-elle  une  garantie  suffisante  que  les  déci- 
sions du  jury  sont  empreintes  de  la  certitude  juridique  qu'elles  doivent  con- 
stater? C'est  là  une  question  théorique  que  nous  ne  voulons  pas  examiner. 
Nous  devons  nous  borner  à  expliquer  les  dispositions  de  notre  Code  et  à  en 
faciliter  Tenlente.  ^ 

995.  Les  questions  posées  et  remises  aux  jurés,  ils  se  rendent  dans  leur 
chambre  pour  y  délibérer  (art.  342).  S'il  leur  a  été  adjoint  des  jurés  sup- 
pléants en  vue  de  la  longueur  présumée  des  débals,  le  procès-verbal  doit 
constater  qu'ils  n'ont  pris  aucune  part  à  la  délibératiop;  car  ils  ne  peuvent 
ôtre  admis  à  délibérer  que  s'ils  suppléent  quelqu'un  des  membres  titulaires. 
Le  chef  des  jurés  est  le  premier  juré  sorti  par  le  sort  ou  celui  qui  est  désigné 
par  eux,  du  consentement  dii  ce  dernier  (art.  342);  avant  de  commencer  la 
délibération,  le  chef  des  jurés  leur  fait  lecture  de  rinstruction  contenue  en 
Tart.  342,  laquelle  doit  être  en  outre  affichée  en  gros  caractères  dans  le  lieu 
le  plus  apparent  de  leur  chambre.  Mais  cette  double  formalité  n'est  point  pres- 
crite à  peine  de  nullité,  et  la  loi  n'oblige  point  à  la  constater. 

Aux  termes  de  l'art.  344,  t  les  jurés  délibèrent  sur  le  fait  principal  et 
ensuite  sur  chacune  des  circonstances.  •  Le  chef  du  jury  lit  succei<sivement 
chacune  des  questions  posées,  et  le  vote  a  lieu  ensuite  au  scrutin  secret,  tant 
sur  le  fait  principal  et  les  circonstances  aggravantes,  que  sur  l'existence  des 
circonstances  atténuantes  (art.  345).  Il  est  procédé  de  même  et  au  scrutin 
secret  sur  les  questions  qui  sont  posées  dans  les  cas  prévus  par  les  art.  339  et 
340  (art.  346). 

790.  Le  vote  au  scrutin  secret,  établi  par  la  loi  du  9  septembre  i835,  a  été 
organisé  par  la  loi  du  13  mai  1836.  Voici  le  texte  de  cette  loi  : 

«  Art.  !•'.  Le  jury  votera  par  bulletins  écrits  et  par  scrutins  distincts  et  succes- 
sifs, sur  le  fait  principal,  d'abord,  et,  s'il  y  a  lieu,  sur  chacune  des  circonstances 
aggravantes,  sur  chacun  des  faits  d'excuse  légale,  sur  la  question  de  discerne- 
ment, et  en  tin  sur  la  question  d^s  circonstances  atténuantes  que  le  chef  du  jury 
sera  tenu  de  poser  toutes  les  fois  que  la  culpabilité  de  l'accusé  aura  été  reconnue.  » 

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750      QUARANTE  ST  UNIÂMB  LEÇON.  —  DBS   COURS  D*A8SISES   (n^  798). 

«  Art.  2.  A  cet  effet,  chacun  des  jurés,  appelé  par  le  chef  du  jury,  recevra  de 
lui  un  bulletiu  ouvert,  marqué  du  timbre  de  la  cour  d'assises  et  portant  ces  mois  : 
Sur  mon  honneur  et  ma  conscience,  ma  déclaration  esL..  Il  écrira  à  la  suite  ou 
fera  écrire  secrètement  par  un  juré  de  son  choix  le  mot  oui,  ou  le  mot  non  sur 
une  table  disposée  de  manière  à  ce  que  personne  ne  puisse  voir  le  vote  inscrit  au 
bulletin.  Il  remettra  le  bulletin  écrit  et  fermé  au  chef  du  jury  qui  le  déposera 
dans  une  urne  ou  boite  destinée  à  cet  usage.  » 

«  Art.  3.  Le  chef  du  jury  dépouillera  chaque  scrutin  en  présence  des  jurés  qui 
pourront  vérifier  les  bulletins.  Il  en  consignera  sur-le-champ  le  résultat  en  marge 
ou  à  la  suite  de  la  question  résolue,  sans  néanmoins  exprimer  le  nombre  des 
suffrages,  si  ce  n'est  lorsque  la  déclaration  afQraiative  sur  le  fait  principal  aura 
été  prise  à  la  majorité.  La  déclaration  du  jury,  en  ce  qui  concerne  les  circon- 
stances atténuantes,  n'exprimera  le  résultat  du  scrutin  qu'autant  qu'il  sera  alBr- 
matif.  » 

«  Art.  4.  S'il  arrivait  que  dans  le  nombre  des  bulletins  il  s'en  trouvât  sur  les- 
quels aucun  vote  ne  fût  exprimé,  ils  seraient  comptés  comme  portant  une  réponse 
favorable  à  l'accusé.  Il  en  serait  de  même  des  bulletins  que  six  jurés  au  moins 
auraient  déclarés  illisibles.  » 

«  Art.  5.  Immédiatement  après  le  dépouillement  de  chaque  scrutin,  les  bulle- 
tins seront  brûlés  en  présence  du  jury.  » 

«  Art.  6.  La  présente  loi  sera  afOchée  en  gros  caractères  dans  la  chambre  des 
délibérations  du  jury.  » 

Toutes  ces  formes,  qui  d*ailleurs  sont  tracées  dans  les  termes  les  plus  clairs 
et  les  plus  précis,  sont  abandonnées  à  la  conscience  des  jurés.  Il  n'est  point» 
en  effit,  dressé  de  procès-verbal  de  leur  délibération.  La  loi  s*est  bornée  à  les 
faiie  avertir  par  le  président  des  assises  des  formalités  qu'ils  doivent  suivre  et 
à  prescrire  l'affiche  de  ses  prescriptions  dans  leur  chambre. 

797.  Les  jurés  ne  peuvent  sortir  de  leur  chambre,  aux  termes  de  l'art.  343, 
qu'après  avoir  formé  leur  déclaration.  lis  ne  pourraient  donc  l'ajourner  sous 
le  prétexte  qu'ils  ne  se  trouvent  pas  assez  éclairés.  L'entrée  de  cette  chambre 
ne  peut  être  permise,  pendant  leur  délibération,  pour  quelque  cause  que  be 
soit,  que  par  le  président  et  par  écrit.  Le  président  est  tenu  de  donner  au  chef 
de  la  gendarmerie  de  service  l'ordre  spécial  et  par  écrit  d'en  faire  garder  les 
issues;  ce  chef  est  dénommé  et  qualifié  dans  Tordre.  La  cour  peut  punir  le 
juré  contrevenant  d'une  amende  de  500  fr.  au  plus  (art.  343).  Tout  autre  qui 
aura  enfreint  l'ordre,  ou  celui  qui  ne  l'a  pas  fait  exécuter,  peut  être  puni 
d*un  emprisonnement  de  vingt-quatre  heures  (art.  343;.  Ces  dispositions^  qui 
ont  pour  but  de  garantir  Tindépendance  des  jurés  contre  les  influences  exté- 
rieures, n'ont  d'ailleurs,  si  elles  étaient  inexécutées,  aucun  effet  sur  le  sort  de 
la  procédure;  elles  ont  une  sanction  spéciale  qui  suffit  à  leur  observation,  sauf 
le  cas  toutefois  où  une  communication  avec  le  dehors  serait  constatée  ;  car 
dans  ce  cas  le  jugement  lui-même  pourrait  être  vicié. 

798.  Si  le  président  peut  permettre,  dans  les  circonstances  qu'il  apprécie, 
rentrée  de  la  chambre  du  jury,  s'ensuit-il  qu^il  puisse  y  pénétrer  lui-même? 
La  jurisprudence  avait  d'abord  décidé  «  qu'aucun  motif  ne  peut  autoriser  le 
président  à  ^'introduire  dans  la  chambre  du  jury  pour  lui  donner  en  secret  des 
éclaircissements;  que  cette  manière  de  procéder  est  à  la  fois  contraire  à  la 

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PROGÈDURB  DEVANT  LA  COUR   D' ASSISES  (aRT.  349).  751 

publicité  du  débat,  à  la  liberté  et  au  secret  de  la  délibération  des  jurés  et  au 
droit  de  la  défense,  i  Mais  elle  a  cru  depuis  pouvoir  poser  une  distinction  : 
Le  président  de  la  cour  d'assisns  ne  peut,  à  peine  de  nullité,  entrer  dans  la 
chambre  des  jurés  pour  leur  donner  des  explications  qu'ils  n'auraient  pas' 
demandées  ;  mais  ii  n'en  est  plus  ainsi,  lorsque  ce  sont  les  jurés  eux-mêmes 
qui,  par  Torgane  de  leur  chef  et  par  écrit,  invitent  le  président  à  venir  leur 
donner  un  éclaircissement  nécessaire  à  leur  délibération.  Cette  distinction  a 
été  critiquée  par  la  plupart  des  criminalistes,  et  il  faut  avouer  qirelle  n'a  pas 
de  fondement.  Si  les  éclaircissements  donnés  d'office,  mais  en  secret,  par  le 
président  aux  jurés  sont  une  violation  de  la  publicité  du  débat,  du  secret  de 
leur  délibération  et  du  droit  de  la  défense,  comment  ces  mêmes  éclaircisse- 
ments cesseront-ils  d'avoir  tous  ces  effets,  par  cela  seul-que  les  jarés  ont  prié 
le  président  de  venir  les  leur  donner?  Je  crois  que  tous  les  renseignements  que 
les  jurés  doivent  recevoir  doivent  être  donnés  en  publique  audience,  contra- 
dictoirement,  en  présence  des  parties,  en  présence  de  la  défense  qui  peut  et 
doit  les  contrôler.  Gomment  admettre  des  renseignements  qui  ne  sont  pas 
contredits,  des  éléments  de  décision  qui  ne  sont  pas  éclairés  par  la  discussion? 
L'art.  343  n'a  eu  qu'un  objet  :  c'est  de  pourvoir  aux  besoins  personnels  des 
jurés,  que  la  durée  de  la  délibération  peut  faire  naître;  il  fallait  prévenir  les 
accidents  et  donner  le  moyen  d'y  porter  secours  sans  qu'une  communication 
toute  matérielle  pût  engendrer  des  abus.  De  là  le  droit  accordé  au  président, 
droit  accordé  dans  1  intérêt  de  la  situation  des  jurés,  et  qui  ne  doit  pas  servir 
à  influencer  d'une  manière  quelconque  leur  décision . 

799.  Lorsque  leur  délibération  est  terminée,  t  les  jurés  rentrent  dans  l'au- 
ditoire et  reprennent  leurs  places.  Le  président  leur  demande  quel  est  le  résul- 
tat de  leur  délibération.  Le  chef  du  jury  se  lève,  et  la  main  placée  sur  son 
cœur,  dit  :  «  Sur  mon  honneur  et  ma  conscience,  devant  Dieu  et  devant  les 
hommes,  la  déclaration  du  jury  est  :  «  Oui,  l'accusé,  etc.  Non,  l'accusé,  etc.  i 
(art.  348;.  La  prononciation  de  cette  formule  et  son  inscription  en  tête  de  la 
déclaration  ne  sont  pas  d'ailleurs  prescrites  à  peine  de  nullité.  Elle  ajoute  à  la 
solennité  de  la  déclaration,  et,  sous  ce  rapport,  il  est  bon  de  robserver,  mais 
elle  est  extrinsèque  à  la  déclaration  elle-même. 

800.  Aux  termes  de  Tart.  349,  «  la  déclaration  du  Jury  sera  signée  par  le 
chef  du  jury  et  remise  par  lui  au  président,  le  tout  en  présence  des  jurés.  Le 
président  la  signera  et  la  fera  signer  par  le  greffier,  i  De  là  il  suit  :  1*  qu'elle 
doit  être  rédigée  par  écrit;  2®  que  la  signature  du  chef  du  jury  est  une  forme 
essentielle,  c'est  cette  forme  qui  donne  à  la  déclaration  1  authenticité  qui  la 
rendra  irréfragable.  Les  signatures  du  président  et  du  greffier  ne  sont  que  la 
légalisation  de  la  signature  du  chef  du  jury. 

801.  C'est  le  chef  du  jury  qui  donne  lecture  de  la  déclaration  (art.  348). 
Cependant  les  art.  348  et  349  ne  sont  pas  violés  parce  que  le  chef  du  jury  se 
trouvant  dans  l'impossibilité  physique  de  lire  à  l'audience  la  déclaration,  signe 
cette  déclaration  dans  la  chambre  des  délibérations  et  sous  les  yeux  des  Jurés 
et  fait  désigner  par  eux,  dans  la  forme  prescrite  par  l*art.  342,  un  autre  juré, 
lequel  lit  la  déclaration  au  lieu  et  place  du  chef,  et  la  remet  ensuite  au  prési- 

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752      QUARANTE  ET  UNIÈME  LEÇON.   —  DE»  COURS  d'aSSIBBS  (n*  803). 

dent.  La  lecture  doit  toujours  être  faite  en  présence  des  douse  jurés  ;  c^est  la 
garantie  qu'elle  est  Texpression  véritable  de  leur  opinion. 

SOS.  La  cour  d'assises,  avant  de  rendre  son  arrêt  en  prenant  pour  base  la 
déclaration  du  jury,  doit  examiner  :  i*  si  cette  déclaration  est  régulière  ; 
2®  si  les  jurés,  tout  en  observant  les  fonnes  légales,  ne  se  sont  pas  trompés  an 
fond. 

Aux  termes  de  l'art.  350»  c  la  déclaration  du  jury  ne  peut  Jamais  être  sou- 
mise à  aucun  recours.  >  Mais  cette  disposition  ne  s'applique  qu'à  une  déclara- 
tion régulière.  La  déclaration  n'existe  pas  encore,  elle  ne  peut  être  réputée 
acquise  à  Taccusé,  si  elle  n*a  pas  répondu  à  tous  les  chefs  d*accusation|  on  si 
elle  laisse  subsister  dans  ses  réponses  des  ambiguiiés  ou  des  contradictions 
qui  ne  permettent  pas  d'en  faire  la  base  d'un  jugement.  De  là  le  pouvoir  de  la 
cour  d'assises  d'en  demander  au  jury  lui-même  la  rectification,  s'il  y  a  lien. 
Ce  pouvoir  n'est  explicitement  exprimé  par  aucune  disposition  de  la  loi.  L'ar- 
ticle 414  du  Gode  du  3  brumaire  an  iV  portait  :  •  En  cas  de  contravention  de 
la  part  des  jurés  à  Tune  des  règles  qui  leur  sont  prescrites,  leur  déclaration  est 
nulle,  et  le  tribunal  criminel  est  tenu,  à  peine  de  nullité  du  jugement  qui  pour- 
rait intervenir  sur  le  fond,  de  la  rejeter  du  procès,  en  leur  ordonnant  de  se  reti- 
rer sur-le-champ  dans  leur  chambre  pour  en  former  une  nouvelle.  >  8i  cette 
disposiiion  n'a  pas  été  reproduite  par  le  Gode,  on  peut  dire  que  l'art.  352  la 
présuppose  lorsqu'il  prévoit  que  les  jurés,  (ont  en  observant  les  formes,  se 
seraient  trompés  au  fond.  11  résulte  d'ailleurs  des  art.  241,  337  et  345,  que  les 
jurés  doivent  répondre  d'une  manière  complète  et  catégorique  sur  toutes  les 
circonstances  du  crime,  et  par  conséquent  leur  déclaration  est  viciée  toutes 
les  fois  qu'elle  restreint  ou  modifie  les  questions  qui  lui  ont  été  posées.  Le 
renvoi  des  jurés  dans  leur  chambre  est  donc  devenu  une  forme  ordinaire  de  !a 
procédure.  G'est  la  force  des  choses  qui  Ta  créée.  Ge  n'est  point  une  atteinte  à 
la  première  déclaration,  puisque  le  jury  garde  toute  sa  souveraineté  soit  pour 
y  persister,  soit  pour  la  modifier.  Ne  vaut-il  pas  mieux  d'ailleurs  que  ce  soit 
le  jury  lui-même  et  non  le  juge  qui  soit  appelé  à  interpréter  sa  propre  décla- 
ration, incomplète,  obscure  ou  équivoque?  11  n'appartient,' au  reste,  qu'à  la 
cour  d'assises  d'ordonner  le  renvoi  du  jury  dans  la  chambre  de  ses  délibéra- 
tions ;  le  président  seul  n'a  pas  ce  pouvoir. 

•  808.  L'erreur  du  jury  sur  le  fond,  si  la  cour  d'assises  croît  à  son  existence, 
entraine  non  plus  le  renvoi  des  jurés  dans  leur  chambre  pour  délibérer  de 
nouveau,  maiis  le  renvoi  de  l'affaire  à  la  session  suivante  pour  être  soumise  à 
de  nouveaux  jurés.  Tel  est  l'objet  de  l'art.  352,  qui  a  été  modifié  par  la  loi  du  9 
juin  1853: 

«  Art.  352  rectifié.  Dans  le  cas  où  l'accusé  est  reconnu  coupable  et  si  la  cour  est 
convaincue  que  les  jurés,  tout  en  observant  les  formes,  se  sont  trompés  au  fond» 
elle  déclare  qu'il  est  sursis  au  Jugement,  et  renvoie  l'affaire  à  la  session  suivante, 
pour  y  être  soumise  À  un  nouviau  Jury,  dont  ne  peut  faire  partie  aucun  des  jurés 
qui  ont  pris  part  h.  la  déclaration  annulée.  Nul  n*a  le  droit  d»*  provoquer  cette 
mesure.  La  cour  ne  peut  l'ordonner  que  d'oflice.  immédiatement  après  que  la 
déclaration  du  jury  a  été  prononcée  publiquement.  Après  la  déclaration  du  second 

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paooAdure  devant  la  goor  B'A88fSK8  (art.  888).  •  «753 

jui«f ,  la  Goar  n»  p«ttt  ordonner  un  nonreaii  renvoi,  même  quand  oette  dMaratlon 
«•rait  conforme  à.  la  premiàro*  » 

i  >  '       .  '  1- 

La  rectifioati«n  de  la  loi  du  2}^m  1853  n'a  eu  pour  ol^ot  qneda  supprimer 
la  QonditioD  de  Vunanàniié  àes  jugeB  qui  était  exigée  par  Tancien  article  pour 
que  las  jugea  pussent  prononcer  le  sursis.  Cette  attribution  de  la  cour  d'assises 
€0t  ua  dernier  recours  contre  les  erreuiB  possibles  du  jury.  Sa  abaissant  le 
clûffre  de  la  majorité  qui  forma,  la  dédarationi  des  juiés,  la  l^gàslateur  a-  cru 
nécessaire  d'instituer  une  sorte  de  voie  de  raaomrs  contre  lesdédaratiomc  iivé- 
fléchies  ou  passionnées.  La  cour  d'assises  ne  juge  poiot^  elle  dédare  seule- 
ment que  dans  son  esprit  il  y  a  doute.  Elle  peut  d'ailleurs  user  de  cette 
faculté  à  l'égard  d'un  seul  accusé,  à  l'égard  d'une  seule  circonstance  de  Taccu- 


804.  Après  la  lecture  de  la  déclaration,  si  aucune  Réclamation  ne  s'élève  de 
la  pari  de  la  coui  d'assises,  le  président  £ait  oomparailre  l'accusé,  et  le  ^effier 
lit  en  sa  présence  la  déclaration  déjà  lue  par  le  chef  du  jury  (%rt.  3&7}.  Gatte 
déclaration  n'est  irréfragable  et  définitivement  acquise  que  quand  elle  a  été 
hie  offtciellement  à  l'accusé  et  que  celui^d  n'a  point  réclamé  contre  eHe  avant 
les  conclusions  du  ministère  publie. 

805.  Â  la  suite  de  cette  lecture,  il  y  a  lieu  de  procéder  soit,  en  cas  de  décla- 
ration de  non -culpabilité,  à  l'acquittement  de  l'accusé,  soit,  en  cas  de  décla- 
ration de  culpabilité,  à  son  absolution  si  le  fait  n'est  pas  puni  par  la  loi  pénale, 
soit  enfin  à  sa  condamnation.  Lorsque  l'accusé  a  été  déclaré  non  coupable,  le 
président  prononce  qu'il  .est  acquilté  de  l'accusation,  et  ordonne  qu'il  sait  jnis 
«n  liberté,  s'il  n'est  retenu  pour  antre  cause  (art  318). 

800.  Lorsque  l'accusé  a  été  déclaré  coupable,  le  ministère  public  ftih  ses 
réquisitions  pour  ^application  de  la  loi.  La  partie  civile  prend  ses  coirclusions 
pour  ses  restitutions  et  dommages-intérêts  (art.  362).  Le  président  demande 
alors  à  l'accusé  s'il  n'a  rien  à  dire  pour  sa  défense,  l'accusé  ou  son  conseil  ne 
peut  plus  soutenir  que  le  fait  est  faux,  il  y  a  chose  jugée  sur  ce  point;  il  peut 
soutenir,  ou  que  le  fait  n'est  pas  défendu  ou  qualifié  crime  ou  délit  pa^  la  loi, 
ou  que  la  peina  dont  le  ministère  pnblic  a  requis  l'application  n'est  pas  en  pro- 
portion avee  la  grayité  intrinsèque  é»  l'aetioUr  on  qu'il  ne  doit  donner  iia«  à 
aucuns  doonnages^^intéréts  envers  lu  partie  civile,  ou  enfin  que  ceile^d  évalue 
trop  haut  les  dommages-intérêts  qu'elle  réclame  (art  363). 

Les  juges  délibèrent  et  opinent  à  voix  basse,  ils  peuvent  se  retirer  dans  la 
chambre  du  conseil  (art.  369),  mais  rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'ils  délibèrent 
séance  tenante.  Si  la  cour  reconnaît  que  le  fait  dont  l'accusé  est  déclaré  cou- 
pable n'est  pas  défendu  par  la  loi  pénale,  elle  prononce  son  absolution  (art.  164). 
Cette  absolution,  qui  diffère  essantielleniient  de  l'acquittement,  puisque  l'une 
suppose  une  certaine  culpabilité^  l'autre  l'entière  innocence  de  l'accusé,  doit 
être  prononcée  par  la  cour  d'assises  et  non  par  le  président  seul;  il  y  a  lieu, 
en  effet,  à  l'examen  de  la  loi  pénale  pour  constater  son  inapplication,  et  par 
conséquent  un  arrêt  est  nécessaire,  fii.le  fait,  tel  qu'il  résulte  de  la  déclaration 

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1S4    QUARAim  ST  HHiiin  uiçoii.  —  dbs  ooubs  d'assisbs  (m*  807). 

da  jary»  tombe  flous  Papplieaiioa  de  la  loi  pénale»  ht  oonr  d'assises  applique  les 
peines  portées  par  ceiie  loi.  Il  y  a  lien  de  remarqner  :  i*  que  la  cour  d'assisea 
demeure  compétente  pour  appliquer  ces  peines,  même  dans  le  cas  où»  d'après 
les  débau,  le  fait  aurait  cessé  d'être  de  sa  compétence  (art.  365)  ;  2*  que  la  cour 
d'assises  ne  peut  rien  ajouter  aux  faits  déclarés  par  le  jury  :  elle  ne  peut  que 
faire  l'application  de  la  loi  pénale  aux  faits  qui  sont  admis  par  son  verdict  ; 
3*  enfin,  que  celte  cour  n'esi  pas  liée  par  les  qualifications  données  aux  faits 
par  l'arrêt  de  la  chambre  d'accusation  ;  elle  doit  les  qualifier  elle-même  d'après 
.a  déclaration  du  jury»  qui  est  souverain  en  ce  qui  touche  rexistence  et  le  ca- 
raetêre  des  £du  qui  ont  fait  la  matière  de  l'accusation. 

807.  n  reste  un  point  à  vous  expliquer  pour  compléter  la  matière  du  juge- 
ment de  la  cour  d'assises.  Cette  cour,  soit  que  Faccusé  soit  acquitté,  absous  on 
condamné,  est  appelée  à  statuer  sur  les  demandes  en  dommages-intérêts,  les 
restitutions  et  les  frais. 

Les  dommages-intérêU  fmt  l'objet  des  art.  358, 359  et  366.  U  but  les  mÊfUn 
sous  vos  yeux. 

«  Abt.  358.  La  cour  statuera  sur  les  dommages-intérôts  respectivement  préten- 
dus, après  que  les  parties  auront  proposé  leurs  Gns  de  non-rer«voir  ou  leurs  dé- 
fenses, et  que  le  procureur  géuéral  aura  été  eoteudu.  —  La  cour  pourra  néanmoins, 
si  elle  le  juge  convenable,  commettre  Tan  des  juges  pour  entendre  les  parties, 
prendre  connaissance  des  pièces  et  faire  son  rapport  à  l'audience  où  les  parties 
pourront  encore  présenter  leurs  observations,  et  où  le  ministère  public  sera  en- 
tendu de  nouveiu.  —  L'accusé  acquitté  pourra  aussi  obtenir  des  dommages-inté- 
rêts contre  ses  dénonciateurs,  pour  fait  de  calomnie.  » 

c  AaT.  359.  Les  demandes  en  dommages- intérêts  formées  soit  par  raccusé  contre 
ses  dénonciateurs  de  la  partie  civile,  soit  par  la  partie  civile  contre  Taccusé  ou  le 
oendamné,  seront  portées  à  ta  cour  d'assises.  —  La  partie  civile  est  tenue  de  for- 
mer sa  demandera  dommages-intérêts  avant  le  Jugement;  plus  tard  elle  sera  non 
recevable.  —  Ii  en  est  de  même  de  l'accusé,  s'il  a  connu  son  dénonciateur.  — :  Oans 
le  cas  où  Taccusé  n'aurait  connu  son  dénonciateur  que  depuis  le  jugement,  mais 
avant  la  fin  de  la  session,  il  sera  tenu,  sous  peine  de  déchéance,  de  porter  sa 
demande  à  la  cour  d'assises  :  s'il  ne  Ta  connu  qu'après  la  clôture  de  la  session,  sa 
demande  sera  portée  au  tribunal  civil.  ~  A  l'égard  des  tiers  qui  n'auraient  pas 
été  partie  au  procès,  ils  s'adresseront  au  tribunal  civil.  » 

c  AaT.  3(>6.  Oans  le  cas  d'abMlution  comme  dans  le  cas  d'acquittement  ou  de 
condamnation,  la  cour  statuera  sur  les  dommages-intérêts  prétendus  par  la  partie 
civile  ou  par  l'accusé  ;  elle  les  liquidera  par  le  même  arrêt,  ou  commettra  l'an  des 
juges  pour  entendre  les  parties,  prendre  connaissance  des  pièces,  et  faire  du  tout 
son  rapport,  ainsi  qu'il  est  dit  à  l'art.  358.  s 

Tels  sont  les  textes  qui  régissent  la  matière  des  dommages-Intérêts  devant 
la  cour  d'assises.  Cette  cour,  après  avoir  appliqué  la  pénalité,  est  chargée 
d'appiécier  la  quotité  du  préjudice  privé  causé  par  le  même  fait.  La  bondam- 
nation  aux  peines  éublies  par  la  loi  est  toujours  prononcée,  en  effet,  sans  pré- 
judice des  restitutions  et  des  dommages-intérêts  qui  peuvent  être  dus  aux  par- 
ties. La  cour  d'assises  doit  donc  mesurer  le  préjudice  qu'elles  ont  souffert  et 
la  somme  de  la  réparation  qu'il  est  Juste  de  leur  accorder. 

Cette  attribution  de  la  cour  d'assises  se  comprend  facilement  quand  l'accusé 

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PROCÉDURE  DEVANT  LA  COUR  d'aSSISBS  (aRT.   366).  75S 

est  déclaré  coupable,  et  même  quand  il  est  absous,  parce  que  le  fait,  déclaré 
constant  à  la  charge  de  l'accusé,  devient  la  source  naturelle  d*une  rèpamtita 
que  la  juridiction  criminelle  est  parfaitement  en  mesure  d'apprécier.  AasBÎv 
toutes  les  fois  que  cette  réparation  dérive  d'un  fait  qui  a  les  caractères  &ma 
crime,  d*un  délit  ou  d'une  contravention,  les  tribunaux  de  police,  les  tribvr* 
naux  correctionnels  et  la  cour  d'assises  ont  la  même  compétence.  Mais  cm»- 
ment  expliquer  cette  attribution,  lorsque  l'accusé  est  purement  et  simplement 
acquitté,  lorsque  cet  acquittement  fait  disparaître  le  délit?  Dans  ci^tte  bypo^ 
thèse,  vous  avez  vu  que  les  tribunaux  de  police  et  les  tribunaux  oorrectionnet» 
sont  désarmés;  dès  que  l'action  publique  est  éteinte  par  le  renvoi  du  prévena 
de  la  poursuite,  ils  ne  peuvent  plus  apprécier  le  dommage  de  la  partie  civile,  il» 
se  trouvent  en  présence  d'un  fait  purement  civil,  ils  sont  incompétents.  Pour-^ 
quoi  n*en  est-il  pas  ainsi  devant  la  cour  d'assises?  pourquoi  cette  cour  demeure* 
t-elle  compétente  pour  statuer  sur  les  dommages-intérêts  de  la  partie  civile 
après  l'acquittement,  c'est-à-dire  après  qu'elle  n'est  plus  saisie  de  ractioi» 
publique?  On  voit,  dans  la  discussion  du  projet  du  Gode  d'instruction  crimi- 
nelle, que  M.  Berlier,  l'un  des  principaux  rédacteurs,  proposait  de  renvoyer 
devant  les  tribunaux  civils  la  demande  en  dommages-intérêts  formée  par  la 
partie  civile  toutes  les  fois  que  l'accusé  était  acquitté.  Il  n'y  avait  plus  en  eflei 
qu'une  action  civile  isolée  de  l'action  publique  et  qui,  dès  lors,  d'après  les  prin- 
cipes de  la  compétence,  appartenait  aux  tribunaux  civils.  MM.  Gambacérès  et 
Treilhard  s'y  opposèrent  néanmoins  ;  ils  pensèrent  qu'il  était  utile  de  faire  dans 
ce  cas  une  exception  au  droit  commun,  qne  les  juges  criminels  ayant  sous  les 
yeux  l'affaire  tout  entière,  il  était  plus  simple  de  la  leur  laisser  juger  en  entier 
que  d'en  renvoyer  une  partie  devant  un  tribunal  civil  :  tel  est  le  motif  qui  a 
fondé  l'exception  introduite  par  l'art.  358.  Il  est  très-Trai  que  le  droit  d'obtenir 
des  réparations  ne  se  puise  plus  dans  un  délit,  mais  dans  une  faute,  puisque 
l'acquittement  a  eflacé  le  délit;  mais  tous  les  éléments  du  d^bat  sont  devait 
les  juges  criminels,  et  c'est  pour  éviter  une  nouvelle  instance,  un  nouveau 
pro^s,  c'est  pdur  arriver  à  une  plus  prompte  expédition  de  l'affaire,  qa»  le 
législateur,  dérogeant  à  une  règle  générale,  a  voulu  que  les  juges  criminels^ 
dans  ce  cas  exceptionnel,  prononçassent  sur  un  intérêt  purement  civil  qui  n^ 
se  rattachait  plus  par  aucun  lien  à  Tintérét  pénal.  Toulefuis.  il  est  bien  entendu 
que  ce  droit,  qui  constitue  une  attribution  dérogatoire  au  droit  commun,  ne 
peut  être  étendu  à  d'autres  faits  qu'à  ceux  qui  ont  été  l'objet  de  Taccusation*. 

808.  Il  ne  faut  pas  confondre  les  restitutions  et  les  dommages-intérêts,  Lesi 
premières  ont  pour  objet  les  choses  mêmes  dont  le  plaignant  a  été  dépouillé  ^ 
les  autres  sont  la  réparation  du  préjudice  qu'il  a  soufl'ert.  Les  demandes  for* 
mées  par  le  plaignant  pour  atteindre  ce  double  but  sont  indépendantes  l'une* 
de  l'autre.  Seulement,  comme  les  effets  dont  la  restitution  est  demandée  oni^ 
en  générai,  le  caractère  de  pièces  de  conviction,  leur  restitution  ne  peut  êtlre* 
ordonnée  qu'à  la  fin  du  procès.  C'est  l'objet  de  la  disposition  finale  de  l'art.  366*, 
Cependant,  au  cas  de  contumace  de  l'un  des  accusés,  l'art.  474  permet  à  la 
cour  d'assises  d'en  faire  la  remise  aux  propriétaires,  mais  à  la  charge  de  les 
représenter^  s'il  y  a  lieu. 


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756       QUARANTE-DBUXIÈMB  LEÇON.   —  V0IB8  DE  RECOURS  (N^  81l)^ 

a09.  L*art.  368  dispose  que  «  Paccnsé,  ou  la  partie  civile  qui  succombera, 
sera  condamné  aux  frais  envers  l'État  et  envers  Tautre  partie.  Dans  les  affaires 
soumises  au  jnry^  la  partie  civile  qui  n'aura  pas  succombé  ne  sera  jamais  tenue 
éês  frais,  i  Nous  nous  bornerons  à  induire  ici  de  ce  texte  une  double  consé- 
quence :  1»  que  tout  arrêt  de  condamnation  doit  prononcer  contre  le  con- 
damné le  remboursement  des  frais;  c'est  la  conséquence  de  sa  culpabilité  ;  II 
a  donné  lieu  à  la  poursuite;  il  doit  en  supporter  les  dépens;  2*  que  la  partie 
civile  ne  doit  supporter  la  môme  condamnation  que  lorsqu'elle  succombe  dans 
sa  poursuite.  Le  règlement  sur  les  frais  de  justice  du  18  juin  1811  avait  dis- 
posé que  les  parties  civiles,  soit  qu*eHe$  succombent  ou  noriy  étaient  personnelle- 
méat  tenues  des  frais.  La  loi  du  28  avril  1832,  en  introduisant  le  2*  §  de  Tar- 
ticle  268^  a  eu  pour  objet  d'eflkoer  cette  disposition  évidemment  contraire  â 
réquité.  8i  la  partie  civile  a  eu  raison  de  poursuivre,  si  sa  poursuite  a  été 
reconnue  fondée,  il  n'est  pas  juste  de  mettre  les  frais  à  sa  charge  ;  autrement 
ce  aecait  empêcher  la  plainte  de  toutes  les  personnes  lésées  par  un  crime. 


QUARANTE-DEUXIÈME    LEÇON. 

TITRE  TROISIÈME 

DES  MAN1&RE8  DE  SE  POURVOIR  GONTBE  LES  ARRÊTS  ET  iUOSMSMTS. 

CHAPITRE  PREMIER 

DES   NULLITÉS   DE   l'iNSTRUCTION  ET   DU   JUGEMENT. 

SIO.  Nous  avons  achevé  la  matière  du  jugement.  Vous  avez  suivi  /a  procé- 
dure dans  toutes  ses  phases  jusqu'à  ce  que  l'œuvre  de  la  justice  ait  été  ac- 
complie. Vous  connaissez  toutes  les  formes  des  débats  qui  précèdent  le  juge- 
ment des  contraventions,  des  délits  et  des  crimes.  Mais  tout  est-il  terminé 
quand  le  jugement  en  dernier  ressort  est  rendu?  N'existe-t-il  aucune  voie  de 
recours  contre  les  arrêts  définitifs  des  juges  du  fait?  La  législation  serait  tout 
à  fait  imprévoyante  si  elle  avait  omis  d'organiser  cerecours,  car  ne  peut-il  pa* 
arriver  que  les  juges  aient  méconnu  on  violé  la  loi  pénale  ;  ne  peut-il  pv 
arriver  qu'ils  aient  appliqué  des  peines  arbitraires  ou  foulé  aux  pieds  les  droits 
de  la  défense;  ne  peut-il  pas  arriver  même  qu'ils  se  soient  trompés  au  fond  ei 
que  leur  erreur  se  trouve  démontrée  par  des  faits  qui  ont  surgi  postérieure- 
ment à  leurs  arrêts?  De  là  les  voies  de  cassation  et  de  révision. 

811.  Le  recours  en  cassation  existait  déjà,  quoique  restreint  et  réduit  à 
quelques  cas  de  nullité,  dans  notre  ancienne  législation.  II  résulte,  de  deux 
ordonnances  de  1331  et  de  1344,  que  les  arrêts  de  parlement  pouvaient  être 
atuqués  par  la  voie  de  la  proposition  d'erreur,  en  vertu  de  lettres  expédiées. 
à  cet  effet,  par  le  conseil  du  roi  ;  ces  lettres  énonçaient  les  erreurs  reprochées 
aux  arrêts  et  étaient  adressées  à  la  cour  dont  les  arrêts  émanaient,  et  qui  seule 

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DU  BSCOURS  BN  CASSATION  (aHT.   407).  757 

pouvait  les  réformer.  Les  parties  étaient  condamnées  à  l'amende  lorsqu'elles 
succombaient  dans  ce  recours.  L'ordonnance  de  1539  disposait  que  la  propo- 
sition d'erreur  était  la  seule  voie  ouverte  contre  les  arrêts  des  cours  souve^ 
raines.  Ce  ne  fut  que  vers  la  fin  du  xvi*  siècle  que  ces  arrêts  commencèrent  à 
ôtre  attaqués  pour  violation  des  ordonnances.  L'art.  209  de  Tordonnance  di» 
Blois,  de  1579,  déclarait  que  «  les  jugements,  sentences  et  arrêts  qui  se  seront 
donnés  contre  la  forme  et  teneur  d'icelies  (des  ordonnances),  nuis  et  de  nu^ 
effet  et  valeur.  >  L'art.  12  del'édit  du  15  janvier  1597  portait  en  conséquence 
que  les  arrêts  pourraient  être  cassés  et  rétractés  par  les  voies  de  droit.  Ge» 
voies  de  droit  étaient,  aux  termes  de  l'ordonnance  de  1667,  la  voie  de  la  re*- 
quéte  au  conseil  du  roi,  qui,  par  une  attribution  nouvelle,  connaissait  de  ces 
demandes  et  y  statuait.  Tel  a  été  le  principe  de  la  cour  de  cassation. 

81S.  Cette  cour  a  été  Tune  des  premières  créations  de  rasswabiée  eonsti-  * 
tuante  (décret  du  26  mai  1790)  et  Tune  des  plus  importantes.  L'institution 
d'une  cour  suprême  et  régulatrice  assure,  en  effet,  l'unité  de  la  jurisprudence, 
en  soumettant  toutes  les  juridictions  à  une  règle  commune  et  unique. 

Ce  n*est  point  ici  le  lieu  de  vous  exposer  l'organisation  de  cette  cour  qui  « 
conservé,  à  peu  de  chose  près,  sa  constitution  primitive  à  travers  toutes  les 
vicissitudes  politiques  qui  ont  agité  ce  pays  depuis  Tépoque  de  sa  fondation. 
Je  n'ai  à  vous  entretenir  que  de  ses  attributions  et  même  de  la  partie  de  ses 
attributions  seulement  qui  se  rattache  aux  matières  criminelles. 

813.  L'art  407  du  Gpde  d'instruction  criminelle  porte  : 

a  AfiT.  407.  Les  arrêts  et  jugements  rendus  en  dernier  ressort,  en  matière  cri- 
minelle, correctionnelle  et  de  police,  ainsi  que  rinstruction  et  les  poursuites  qui  les 
auront  précédés,  pourront  être  annulés  dans  les  cas  suivants  et  sur  des  recours 
dirigés  d'après  les  distinctions  qui  vont  être  établies.  » 

Cet  article  pose  en  principe  l'ouverture  du  recours  en  cassation  en  matière 
criminelle,  correctionnelle  et  de  police.  Cette  voie  de  recours  domine  toutes 
les  juridictions  répressives.  Remarquez  toutefois  qu'elle  ne  constitue  point  un 
troisième  degré  de  juridiction  ;  la  cour  de  cassation  n'examine  point  les  faits 
qui  ont  été  jugés  par  les  juges  du  fait,  et  l'appréciation  que  ces  juges  en  ont 
faite  est  souveraine  ;  c'est  une  voie  extraordinaire  de  recours  qui  n'a  pour 
objet  que  de  vérifier  la  saine  application  des  lois,  soit  dans  l'instruction,  soit 
dans  le  jugement.  Le  législateur  a  délégué  à  la  cour  de  cassation  l'interpréta- 
tion souveraine  de  la  loi  ;  elle  a  le  pouvoir  d'annuler  tous  les  actes  qui  lui  sem- 
blent contraires  à  son  texte  et  à  son  esprit.  Mais  là  s'arrêtent  ses  pouvoirs, 
elle  n'est  pas  juge  des  faits,  elle  n'est  juge  que  de  l'application  qui  a  été  faite 
des  lois. 

Cette  matière  se  divise  en  trois  points  que  je  vais  successivement  examiner 
1»  Contre  quels  arrêts  et  jugements  et  recours  est- il  ouvert  ?  2®  quelles  per- 
sonnes peuvent  l'exercer?  3<*  quelles  sont  les  ouvertures  à  cassation? 

814.  En  général,  le  pourvoi  n'est  ouvert  que  contre  les  jugements  en  der- 

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TjB       jQCARAHTE'DEUXliMB  LBOCW.  —  TOI»  DE  HBOOORS  {»•  816j. 

■îer  B»?oit  et  àêûnlût».  Cest  la  eooièqntnet  do  prindps  même  de  la  t 
lîoa.  En  éSfit,  il  est  évident  qa'il  n'y  a  lien  d'employer  eetle  voie  extraordi- 
«ave  de  reeonn  qae  lonqne  le  jagement  qu'il  s*a«it  de  faire  annuler  ne  peut 
éim  auaqoé  pir  une  voie  ofdinaire  telle  que  Topposition  ou  1  appel.  Ainsi, 
êaat  qu'il  ezisie  une  voie  l^ale  de  réformation,  le  recours  en  cassation  n*e8t 
pas  fftpopvable. 

Oe  là  il  soit  :  f  que  les  ju^çements  ou  arrêts  rendus  par  défaut  ne  peuvent 
é^Tt  dèlérès  i  la  cour  de  cassation  tant  que  le  délai  de  l'opposition  n*est  pas 
«sf*ré  ;  mais  le  pourvoi  esirecevable  lorsque  le  jugement  pur  dé&iut  est  devenu 
définitif  par  l'expiration  do  délai  de  l'opposition  ;  î*  que  les  jugements  même 
eouimdicioires  ne  peuvent  également  être  robjetd*on  pourvoi,  tant  que  la  voie 
^  l'appel  est  ouverte.  11  faut,  iFuivint  les  termes  de  l'art.  407,  que  les  juge- 
ments et  arrêts  suieot  en  dernier  ressort. 

Le  recours  est  ouvert,  en  vertu  de  cette  règle,  1*  contre  les  jugements  en 
dcrnifr  re>sort  et  définiûfs  des  tribunaux  de  police  ;  f  contre  les  jugements 
des  tribunaux  de  police  correctionnelle  sutoant  sur  l'appel  des  jugements  des 
tribunaux  de  simple  police  ou  sur  l'appel  des  jugements  do  tribunal  correc- 
Monuel,  dans  les  cas  prévos  par  les  art.  200  et  SOI,  ou  enfin  contre  les  juge- 
menu  qui,  quuique  émanant  d'un  tribunal  de  p«ilice  correction nelle,  n'ont 
cependant  statué  que  sur  une  simple  contravention,  dans  le  cas  prévu  par 
fart.  VJi;  3*  contre  les  arrêts  des  cbambres  d'appel  de  police  correctionnelle  ; 
4*  Cintre  les  arrêts  des  cours  d'assises. 

Sltt.  Cette  règle  admet  toutefois  des  exceptions.  L*art.  416  est  ainsi  conçu  : 
«  Le  recours  en  cassation  c*»nire  les  arrêts  préparaluires  et  d*instrnciioo,  ou 
les  jugements  en  demeir  ressort  de  cette  qualité,  ne  sera  ouvert  qu'après 
rarrét  ou  jugement  définitif:  l'exécation  rolonuire  de  tels  arrêts  ou  jugements 
pré^iaraioires  ne  poorra.  en  aucun  cas,  être  opposée  comme  Su  de  non-rece- 
woir.  La  présente  disposition  ne  s'applique  point  aux  jugements  et  arrêts  rendus 
sur  la  compétence.  »  l>e  là  il  faut  induire  que  le  pour</oi  peut  être  immé- 
diatement dirigé  :  I*  oooire  les  ju;^emenis  et  arrêts  incidents  qui  ne  sont  pas 
purement  préparatoires  et  d'instruction  ;  2*  contre  les  jugements  et  arrêts  de 
compétence. 

t^ue  faut-il.  en  premier  lieu,  considérer  comme  jugements  préparatoires  et 
(Pinstruction  7  Vuus  devez,  à  déraut  d*aucun  texte  dans  notre  Gode/ recourir  à 
Fart.  452  du  Gode  de  procédure  civile,  qui  porte  :  t  Suntréputés  préparatoires 
les  iU;^emenis  rendus  pour  l'instruction  de  la  cause,  et  qui  tendent  à  mettre  le 
procès  en  état  de  recevoir  ju^ment  définitif;  sont  réputés  interlocutoires  les 
jugements  rendus  lorsque  le  tribunal  onlonne,  avant  dire  droit,  une  preuve, 
une  vérilicaiion,  ou  une  instruction  qui  préjuge  le  fond.  >  D'après  cette  dis- 
ûnction,  on  doit  cunHidérer  comme  préparatoire  le  jugement  qui,  par  exemple, 
statue  sur  une  demande  en  disjonction  de  poursuites  dirigées  contre  plusieurs 
Individu.'*,  ou  qui  joint  comme  connexes  deux  plaintes  portées  par  deux  per- 
sonnes contre  le  même  individu,  ou  qui  passe  outre  au  jugement  du  fond  no- 
nobstant l'ai  légitiou  d'une  demande  de  renvoi  pour  cause  d  ?8U8picion  légitime 
on  qui  onlonne  rapport  au  greffe  de  certainc^s  pièces,  ou  qui  statue  sur  une 
récusation  du  juge,  ou  qui  admet  rinterveution  d'une  partie  civile,  etc.  On 

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DU  RSGOUnS  BN  CASSATION  (aRT.  WI).  759 

doit,  ta  contraire,  considérer  comme  interloeatoirefi  les  jugements  qui»  tm 
une  plainte  on  ane  violation  de  dépOt,  admettent  la  preove  testimoniale  da  d6- 
p6t,  on  qui  ordonneiit,  avant  faire  droit,  la  visite  des  lieux  ou  la  vérification 
de  certains  faits,  ou  qui  admettent  le  prévenu  d*un  délit  de  chasse  à  prou- 
Ter  qne  le  terrain  sur  lequel  il  a  chassé  était,  ou  entièrement  clos,  ou  sa  pro- 
priété personnelle,  ou  qui  statuent  sur  une  demande  en  liberté  provisoire,  etc 
Dans  ces  dernières  hypothèses,  la  décision  doit  être  réputée  déHnîtivt| 
lorsqu'elle  est  rendue  en  dernier  ressort,  parce  qu'elle  statue  sur  le  fond 
du  droit  ou  préjuge  une  question  de  droit  de  laquelle  dépend  la  solution  du 
procès. 

Les  jugements  et  arrêts  sur  la  compétence  peuvent  également  être  immé- 
diatement attaqués  par  la  voie  de  la  Cjtssation.  La  raison  de  cette  exception 
est  qu*un  intérêt  public  s'attache  i  l'ordre  des  juridictions,  et  qu'il  importe 
qu'un  prévenu  ne  soit  pas  traduit  devant  un  juge  qui  n'a  pas  de  pouvoirs  pour 
le  juger.  Cette  règle,  néanmoins,  ne  reçoit  pas  d'exécution  devant  la  cour 
d'assises  ;  lorsque  Taccusé  ne  s'est  pas  pourvu  contre  l'arrêt  de  la  chambre 
d'accusation  qui  l'a  renvoyé  devant  cette  cour,  le  pourvoi  qu'il  forme  ulté- 
rieurement cesse  d'être  suspensif.  C'e^it  ce  que  décident  Tart.  7  de  la  loi  du 
9  septembre  18S5  et  la  loi  du  10  juin  1853. 

B16.  Il  résulte  de  ce  qui  vient  d*être  dit  que  les  arrêts  des  chambres  d'ac- 
cusation sont,  comme  je  l'ai  d'ailleurs  déjà  fait  remarquer,  susceptiblcH  d'être 
attaqués  par  la  voie  de  cassation.  Cette  voie  est  ouverte  contre  ceux  de  ces 
arrêts  qui  ont  une  caractère  définitif,  en  ce  sens  qu'ils  terminent  l'instruction 
dont  la  chambre  d'accusation  est  saisie,  ou  qu'ils  statuent  définitivement  sur 
la  question  qui  a  été  portée  devant  elle.  En  thès^^  générale,  les  arrêts  qui  sont 
susceptibles  d'acquérir  1  autorité  de  la  chose  jngee  peuvent  seuls  être  attaqués 
parce  recours  £n  effet,  Q*est  parce  qu'il  n'existe  plus  aucun  moyen  légal  de 
reprendre  les  points  qu'ils  ont  résolus,  c'est  parce  que  les  questions  qu'ils 
déddent  sont  définitivement  décidées,  que  le  recours  est  ouvert;  car  il  en 
résulte,  soit  pour  Taccusaiion,  soit  pour  la  défense,  un  droit  acquis  ou  un 
grief  irréparable.  Que  si,  au  contraire,  les  décisions  de  ces  arrêts  sont  provi- 
soires ou  purement  indicatives,  si  elles  ne  lient  pas  les  juges  de  renvoi  et  que 
ces  juges  aient  le  pouvoir  d'apprécier  de  nouveau  les  faits  qui  ont  déjà  été 
appréciés  et  d'asseoir  sur  ces  faits  une  décision  dilTérente,  il  n'y  a  point  de 
droit  définitivement  acquis,  point  de  grief  qui  ne  puisse  être  réparé.  Or,  la  loi 
qui  a  considéré  le  recours  en  cassation  comme  un  recours  extraordinaire  et 
ne  Ta  point  soumis  aux  mêmes  règles  que  l'appel,  tend  sans  cesse  à  le  res- 
treindre et  ne  l'ouvre,  par  conséquent,  que  daus  le  cas  où  l'intervention  de  la 
cour  de  cassation  est  indispensable  pour  assurer  les  droits  des  parties  et  main- 
tenir la  saine  application  de  ses  textes.  Tel  est  le  véritable  sens  des  arti- 
cles 408,  413  et  416.  C'est  d'après  cette  interprétation  qu'il  faut  décider  que 
tous  les  arrêts  qui  prononcent  sur  des  exceptions  ou  des  fins  de  non-recevoir 
peuvent  être  l'objet  d'un  pourvoi  ;  qu'il  eu  est  de  même  de  ceux  qui  ont  omis 
ou  refusé  de  statuer  sur  un  chef  des  réquisitions  du  ministère  public  ou  des 
conclusions  des  parties,  des  arrêts  qui  seraient  une  fausse  application  des 
règles  de  la  procédure,  car  cette  applicalion  peut  avoir  pour  effet  de  suspendro 

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7W  •     OUARANTE-DlBlIXrtMEf  MCOK4  ^^  TOlB»"  Effl  HKCODRB  ^  (n»  81 8). 

OU  d'annuler  l'action  publique  ou  les  droits  du  préyeou  ;  enfin,  des  tfrél» 
FMidas»  comme  je  l'ai  déjà  dit,  en  matière  de  liberté  proviBOire,  car  ilsatatoent 
définitivement  sur  le  maintien  ou  le  refus  de  cette  liberté. 

-817.  Quelles  sont,  en  second  lieu,  les  personnes  qui  peuvent  se  ponrroir 
eB>eas8ation?  En  général,  la  voie  du  recours  en  cassation  appartient  à  Cous 
ceux  qui  ont  été  parties  dans  un  arrêt  ou  dans  un  jugement  en  dernier  res- 
sort. Ainsi,  toute  personne  qui  n'a  pas  figuré  comme  partie  dans  le  procès  ne 
pcnt  jamais  se  pourvoir  ;  par  exemple,  un  maires  ne  pourrait  se  pourvoir  centre 
un  jugement  de  poHce  dans  lequel  il  n'aurait  figuré  ni  comme  partie  ni  conane 
offloier  da  ministère  public.  Ge  premier  point  posé,  il  ne  suffit  pas  d'aroir 
qualité  pour  se  pourvoir,  il  faut  avoir  intérêt.  Les  art.  411  et  414  dm  Gode 
d^instruction  criminelle  déclarent  que,  lorsque  la  peine  prononcée  est  la 
même  que  celle  portée  par  la  loi  contre  le  crime,  le  délit  ou  la  contravenl&on, 
l'annulation  de  l'arrêt  ou  du  jugement  ne  peut  être  demandée  sous  le  seul 
piétezte  qu'il  y  a  eu  erreur  dans  rapplication  de  la  lot.  11  suit  de  là  qu'il  iont 
UB  intérêt  direct.  Ainsi,  par  exemple,  la  compétence  des  tribunaux  ordinaires 
élaut  de  droit  commun,  un  accusé  ne  pourrait  se  faire  un  moyen  de  cassation 
de  ce  qu'il  aurait  été  traduit  devant  une  cour  d'assises  au  lieu  d'être  traduit 
devant  un  conseil  de  guerre.  De  même  un  accusé  ne  pourrait  se  faire  un 
meyen  de  cassation  de  œ  qu'il  aurait  été  condamné  par  erreur  comme  cou- 
pable de  deux  crimes,  tandis  que  le  jury  n'aurait  déclaré  sa  culpabilité  qu'à 
l'égard  d'un  seul,  si  l'arrêt  ne  lui  a  appliqué  que  la  peine  applicable  au  fait 
reconnu  à  sa  charge. 

818.  Le  pourvoi  n'est  même  pas  ouvert  dans  tous  les  cas  a  toutes  les  parties 
qui  ont  figuré  dans  l'instance.  La  loi  a  établi  des  droits  distincta  à  l'égard 
!•  des  prévenus  et  accusés  ;  %^  des  parties  civilement  responsables  ;  3<»  du 
ministère  public;  4^  des  parties  civiles. 

Les  prévenus  ou  accusés  peuvent  se  pourvoir  contre  tons  les  jugements  et 
arrêts,  rendus  en  dernier  ressort,  qui  portent  des  condamnations  contre  eux  • 
Ge  droit,  consacré  par  les  art.  177,  216  et  379,  n'a  point  de  restriction;  il  peut 
s'exercer,  quelque  minime  que  soit  la  peine  prononcée.  La  loi,  eu  matiàre 
criminelle,  veut  même  que  l'accusé  ou  le  condamné  soit  averti  de  sou  droit 
de  recours,  afin  qu'il  ne  puisse  le  laisser  périr  par  ignorance  ;  les  art.  i9& 
et  371  ont  des  dispositions  formelles  à  ce  sujet.  Il  n'y  a  d'exception  que  pour 
le  condamné  par  contumace  ;  l'art  473  n'accorde  le  recours  contre  les  arrêts 
par  contumace  qu'au  ministère  public  et  à  la  partie  civile;  le  pourvoi  formé 
par  un  contumax  contre  l'arrêt  qui  le  condamne  est  non  recevable,  même 
lorsque  ce  pourvoi  est  fondé  sur  l'incompétence.  Le  contumax  est  dans  une 
sorte  de  rébellion  contre  la  justice  ;  il  ne  peut  profiter  de  ses  garanties  que 
larequ'il  se  soumet  à  ses  décrets.  On  a  cependant  argué  à  cet  égard  des  arti- 
cles 468  et  469  qui  portent:  •  Art.  468.  Aucun  conseil,  aucun  avoué  ne 
pourra  se  présenter  pour  défendre  l'accusé  contumax.  Si  Taccusé  est  absent 
du;  territoire  européen  de  la  France,  ou  s'il  est  dans  l'impossibilité  absolue  de 
s%  rendre,  ses  parenis  ou  ses  amis  pourront  présenter  son  excuse  et  enpfaûéer 
la  légitimité.  —  Art.  469.  Si  la  cour  trouve  l'excuse  légitime,  ^e  ordonnent 

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'     S9  MGOUMI  BH'0A88ATrOM  (ART.  407).  761 

qu'il  sera  Bonis  au  jugement  de  Taoeasé  et  an  séquestre  de  sea  hiens  pendant 
nn  temps  qui  sera  fixé^  en  égard  à  la  nature  de  Texcase  et  à  la  distance  de» 
lieux.  I  De  là  on  avait  induit  que  les  parents  ou  amis  pouvaient  se  ponrveîr 
contre  Tarrél  qui  rejetait  Texcuse.  C'est  une  erreur:  lorsque  le  droit  de  pré- 
senter l'excuse  n'a  point  été  dénié,  l'appréciation  de  Texcase  elle-même  n'est 
qu'une  question  de  fait  dont  la  solution,  quelle  qu'elle  soit,  ne  peut  donner 
ouverture  à  cassation. 

Les  personnes  civilement  responsables  peuvent  se  pourvoir  toutes  les  foia 
que  le  jugement  ou  l'arrôt  porte  des  condamnations  contre  elles.  L'art.  216 
contient  une  disposition  formelle  à  ce  sujet,  et,  lors  même  que  cette  disposition 
ne  serait  pas  écrite,  leur  recours  est  de  plein  droit,  dès  qu'elles  sont  condam- 
nées,  à  raison  du  grief  qui  résulte  pour  elles  de  cette  condamnation. 

Le  droit  de  recours  appastieat  également  au  ministère  public.  S'il  s'agit, 
d'un  jugement  de  police  en  dernier  ressort,  c'est  l'officier  qui  a  rempli  les  > 
fonctions  du  ministère  public  près  le  tribunal  qui  a  le  droit  de  se  pourvoir 
(art.  477).  Si  le  jugement  émane  d'un  tribunal  correctionnel,  ce  droit  appar- 
tient, soit  au  procureur  de  la  République  près  le  tribunal,  soit  au  proearenr 
général.  Enfin,  si  l'arrêt  a  été  rendu  soit  par  une  chambre  d'accusation,  soit' 
par  une  cour  d'assises,  ce  droit  peut  être  exercé  soit  par  le  procureur  de  la> 
République  près  la  cour*  d'assises,  en  ce  qui  touche  les  arrêts  de  cette  ceur, 
soit  par.  le  procureur  général  en  ce  qui  touche  les  arrêts  de  la  chambre  d'ac- 
cusation,  et  les  arrêts  de  la  cour  d'assises  siégeant  au  chef*lieu  de  la  cour.' 
Dans  tous  les  cas,  le  droit  de  pourvoi  appartient  au  ministère  public,  soit  que* 
le  prévenu  ou  raccusé  ait  été  renvoyé  ou  acquitté,  soit  qu'il  ait  été  condamné,  • 
car  il  agit  dans  l'intérêt  de  la  société,  dans  l'intérêt  de  la  justice,  et,  toutes  les 
fois  qu'il  croit  cet  intérêt  lésé,  il  peut  agir.  Toutefois,  il  ne  peut  attaquer  les^ 
ordonnances  d'acquittement  légalement  rendues  par  le  président  de  la  cour* 
d'assises,  que  dans  l'intérêt  de  la  loi  et  sans  préjudicier  à  la  partie  acquittée^ 
(art.  409). 

Enfin,  la  partie  civile  peut  se  pourvoir,  mais  comme  son  droit  est  unique- 
ment fondé  sur  l'intérêt  qu'elle'a  dans  son  procès,  il  est  très*-restreint.  En 
matière  correctionnelle  et  de  police,  la  partie  civile  peut  se  pourvoir,  même 
sans  le  concours  du  ministère  public,  contre  les  jugements  et  arrêts  qui  lèsent 
ses  intérêts.  L'art.  413  porte,  en  effet,  que  «  les  voies  d'annulation  exprimées 
en  l'art.  408  sont,  en  matière  correctionnelle  et  de  police,  respectivement 
ouvertes  à  la  partie  poursuivie  pour  un  délit  ou  une  contravention,  au  minis- 
tère public  et  à  la  partie  civile,  contre  tous  jugements  et  arrêts  en  dernier 
ressort,  sans  distinction  de  ceux  qui  ont  prononcé  le  renvoi  de  la  partie  ou^ 
sa  condamnation.  >  Cet  article  ne  fait  d'exceptioa qu'en  ce  qui  touche  la  vio-^ 
lation  des  formes  prescrites  pour  assurer  la  défense  du  prévenu  :  cette  viola-' 
tion  ne  peut  être  invoquée  que  par  le  prévenu  lui-même.  Il  en  est  autrementi 
en  matière  de  grand  criminel.  En  premier  lieu,  la  loi  a  dénié  à  la  partie  civile^ 
le  droit  de  se  pourvoir  contre  les  arrêts  des  chambres  de  mise  en  accusation  : 
ce  droit  n'appartient  qu'à  l'accusé  et  au  ministère  public;  du  moins,  le  pourvoi 
de  la  partie  civile  n'est  admis  que  lorsqu'il  est  réuni  au  pourvoi  du  ministère 
public.  En  second  lieu,  le  droit  de  recours  de  cette  partie  contre  les  arrêts  deb 
cours  d'assises  est  limité  par  l'art.  412  qui  est  ainsi  conçu  :  t  Dans  aucun  oa»,' 

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762       OUARANTB-DSDXIJDn  LBQON.  —  TOItt  Dl  RnSOURS  (■*  StO). 

la  partie  dvite  ne  pourra  poursiiîyre  rannuiation  o'une  ordonitanoe  d'acquit- 
tement 00  d*on  arrêt  d'absolution  ;  mais  si  Parrèt  a  prononcé  contre  elle  des 
condamnations  civiles,  supérieures  aux  demandes  de  la  partie  acquittée  on 
absoute,  cette  disposition  de  Farrét  pourra  être  annulée  sur  la  demande  de  la 
partie  civile.  » 

810.  A  ces  règles  générales,  la  loi  a  créé,  dans  Tint^rét  delà  justice,  deux 
eiceptiuns  qui  font  Fobjet  des  art.  442  et  441.  L'art.  441  estaîusi  conçu  : 

«  Abt.  441.  Lorsque,  sur  rexbibitîon  d*un  ordre  formel,  à  lui  donné  par  le  mi- 
nistre de  la  justice,  le  procureur  général  près  la  oour  de  cassation  dénoncera  à  1a 
section  criminelle  des  actes  Judiciaires,  arrêts  ou  Jugements  contraires  à  la  loi,  ces 
actes,  arrêts  ou  Jugements  pourront  être  annulés,  et  les  officiers  de  police  ou  les 
Juges  iioursuivis,  s'il  y  a  lieu,  de  la  manière  exprimée  au  chap.  m,  du  tit.  iV  du 
présent  livre.  » 

Quel  est  le  sens  de  cette  disposition  ?  L'attribution  qu'elle  oonfl&re  doit-elle 
être  restreinte  au  droit  d'annuler  dans  le  seul  intérêt  de  la  loi?  cette  attribu- 
tion au  contraire  est-elle  illimitée  dans  ses  effets?  11  serait  diriicile  de  circons- 
crire le  droit  d'annuler,  conféré  par  Fart.  44 1,  dans  tes  étroites  limites  de 
Fintérêt  de  la  loi,  c*est-à-dire  de  n'y  voir  qu'un  moyen  de  signaler  aux  jugea 
leurs  erreurs  de  droit  sans  toucher  aux  intérêts  des  parties,  et  sans  modifier 
la  situation  uù  les  jugements  les  ont  placés.  En  effet,  cet  article  n*a  point 
réservé  lee  droite  drs  parties  intéressées,  et  Tart.  442,  que  j'examinerai  tout  à 
l'heure,  et  qui  confère  au  procureur  général  de  la  cour  de  cassation  un  droit 
analogue  à  celui  que  Tari.  441  coi  fère  au  ministre  de  la  justice,  ajoute  cette 
lestriciion  :  «  L'arrêt  ou  le  jugement  sera  cassé,  sans  que  les  parties  puissent 
^'en  prévaloir  pour  s'opposer  à  son  exécution.  »  Il  est  évident,  puisque  ees 
deux  articles  s'appliquent  l'un  et  l'autre  aux  matières  criminelles,  puisqu'ik 
ont  pour  objet  l'un  et  l'autre  l'annulation  des  jugements  irréguliers,  et  puis- 
que le  i^econd  seulement  contient  la  réserve  des  parties,  il  est  évident  que  le 
premier  n'a  pas  entendu  faire  la  même  réserve;  que  l'annulation  qu'il  pro* 
nonce  pf^ut  dès  lors  s'étendie  au  delà  de  l'intérêt  de  la  loi. 

Dans  quels  cas  et  sous  quels  rapports  cette  annulation  peut-elle  préjudicisr 
on  proflter  aux  parties?  La  jurisprudence  a  beaucoup  varié  sur  ce  point.  Bile 
avait  d'abord  étendu  les  termes  de  l'art.  441  au  delà  de  leurs  limite-^  raisonna- 
bles, elle  les  a  ensuite  restreints  de  manière  à  les  rendre  stérile:*,  enlin  elle 
est  arrivée  à  considérer  celte  disposition  comme  ouvrant  une  voie  extraordi- 
naire de  cassation,  qui  peut  être  utile  aux  intérêts  de  la  justice  sans  préjudicier 
aux  intérêts  des  parties,  qui  peut  dégager  la  marche  des  procédures  criminelles 
des  actes  qui  l'entravent  ou  l'égarent,  sans  porter  atteinte  aux  droits  acf^nîs 
par  la  cbot^e  jug^e  Le  législateur  a  voulu  attribuer  au  ministre  le  pouvoir 
quelquefois  nécessaire  de  dénoncer,  pour  les  faire  annuler,  des  actes  qui  ont 
violé  la  loi,  lors  même  que  ces  actes  ont  acquis  un  caractère  déiinitit.  C'est 
un  moyen  de  réparer  des  erreurs  autrement  irréparables,  une  voie  exception- 
nelle de  recours  destinée  à  remplacer  les  recours  onhnaires  lorsqu'ils  ont  été 
omis  ou  négligés.  Il  n'est  pas  inutile  que  le  gouvernement,  lorsqu'il  vient  à 
découvrir  qu'un  acte  judiciaire  est  vicié  d'abus  on  de  prévarication,  puisse  en 

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DU  BBCOURS  ES  CASSATION  (aRT.    44%).  763 

faire  cesser  les  effets  en  en  provoquant  Tannulation.  Supposez  qnMne  juridic- 
tion se  soii  Yiolemment  saisie  d'une  affaire  qui  ne  lui  appartient  pas.  oo  qu'elle 
ait  réfnsé  de  statuer  sur  une  affaire  de  sa  compétence.  Supposez  qu'un  juge- 
ment ait  appliqué  quelque  pénalité  arbitraire,  ou  puni  comme  crime  on  délit 
on  fait  innocent;  faudra-t-il  donc,  si  le  ministère  public  et  le  prévenu  ont 
négligé  de  se  pourvoir,  que  ces  décisions  illégales  restent  debout,  qu'elles 
gardent  leur  antiirité,  qu'elles  soient  exécutéi^s?  L'art.  441  a  précisément  pour 
bnt,  an  mtitns  dans  certains  cas  oi^  Tintérét  de  la  justice  est  plus  hautement 
compromis,  de  suppléera  la  négligence  des  parties.  Mais  quelles  doivent  être 
les  limites  de  son  application f  La  loi  ne  les  a  point  posées;  il  faut  donc  les 
chercher  dans  le  dniii  commun.  Le  principe  de  la  chose  jugée,  fondé  sur  un 
double  intérêt,  fait  naître  des  droits,  soit  au  profit  des  parties  qui  ont  figuré 
au  procès,  soit  au  profit  de  la  société.  Or,  on  peut  admettre  que  TËtat,  par 
suite  d*un  intérêt  plus  élevé,  ou  d'une  impérieuse  nécessité,  soit  amené  à 
déroger  à  ce  principe  dans  quelques  cas  où  la  chose  jugée  lui  parait  préjudicter 
aux  intérêts  de  la  justice.  Mais  quels  doivent  être  ces  cas?  Il  faut  distingue 
entre  les  droits  acquis  aux  parties  et  les  droits  acquis  à  l'État.  L'État  peut 
renoncer,  en  c^  qui  le  concerne,  au  bénéfice  de  la  chose  jugée,  il  peut  en  pro- 
voquer la  suspension  dans  tes  circonstances  où  elle  n'aurait  pour  effet  que  de 
consacrer  l'erreur  on  d'arrêter  le  cours  de  la  justice.  Mais  il  est  évident  que 
cet  abandon  ne  peut  s'étendre  aux  droits  que  la  chose  jugée  a  acquis  aux  par- 
ties. Ces  droits  sont  irrévocables.  Il  importe  peu  que  Tart.  441  ait  gardé  le 
silence  sur  le  maintien  de  cette  partie  du  ju^men t.  Faudrait-il  admettre  que 
le  jugement  qui  a  prononcé  l'acquittement  d'un  accusé  et  qui,  lors  même  qu'il 
est  attaqué  dans  les  délais,  ne  peut  être  cassé  que  dans  l'iniërêt  de  la  loi.  puisse 
être  annulé  au  préjudice  de  cet  accusé,  lorsque  le  recours  aura  été  formé  par 
ordre  du  ministre?  8i  l'on  recule  devant  cette  conséquence,  il  faut  s'arrêter  à 
une  limite,  et  il  n'en  est  pas  d'autre  que  la  chose  jugée. 

880.  L'art.  442  n'a  ni  le  même  caractère  ni  les  mêmes  effets  que  l'art.  441. 

«  ART.  442.  Lorsqu'il  aura^été  rendu  par  une  cour  d'appel  ou  d'assises,  ou  par 
un  tribunal  correctionnel  ou  de  police,  un  arrêt  ou  jugement  en  dernier  ressort, 
sujet  à  casHation  et  contre  lequel  nôanuiotns  aucune  des  parties  n'aura  réclamé 
dans  le  délai  déterminé,  le  procureur  général  prés  la  cour  de  cassation  pourra 
aussi  d'oflice,  et  nonobstant  Texpi ration  du  délai,  en  donner  connaissance  à  la 
cour  de  cassation  :*rarrôt  ou  le  Jujçement  sera  casié,  sans  que  les  parties  puissent 
s'en  prévaloir  pour  s'opposer  à  son  exécution.  » 

Ge  n'est  plus  le  ministre,  c'est  le  procureur  général  près  la  cour  de  cassa- 
tion qui  seul  a  lo  droit  de  saisir  la  cour  dans  cette  nouvelle  hypothèse.  Ge  n'est 
plus  dans  l'intérêt  des  parties,  c'est  dans  le  Sful  intérêt  de  la  loi  que  le  recours 
peut  être  exercé.  Cette  attribution  n'a  été  créée  qu'en  vue  de  l'interprétation 
générale  des  lois  :  il  ne  faut  pas  qu'une  interprétation  erronée  subsiste,  il  ne 
faut  pas  qu'une  règle  légale  reste  froissée.  6i  les  parties  n'ont  pas  d^intérêt  à 
attaquer  la  décision  illégale,  ou  si  elles  ont  négligé  de  le  faire,  il  importe  que, 
dans  un  iuiérêi  général,  tout  en  maintenant  lesetîets  de  cette  décision  dans 
Tespèce  où  elle  a  été  rendue,  la  règle  soit  rappelée^  rinierprétauon  soit 

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764       QUARANTE-DHUXIÈW  LEÇON.  —  V0IB8   DE  RECOURS  (n«  822). 

éclairée.  Le  procareur  général  prend  la  défense  non  des  parties,  mais  de  la  loi. 
Telle  est  l'idée  qui  sert  de  hase  au  pourvoi  dans  Tintérôt  de  la  loi. 

On  trouve  encojne  x^e  application  des  mômes  principes  dans  Tart.  409  da 
Gode  d'instruction  criminelle,  qui  porte  que,  c  dans  le  cas  d'acquittement  de 
Vaccusé,  l'annulation  de  Tordonnance  qui  Taura  prononcé  et  de  ce  qui  l'aura 
précédé  ne  pourra  être  poursuivie  que  dam  Vintérét  de  la  loi  et  sans  préjudicier 
à  la  partie  acquittée.  •  Ainsi,  dans  cette  hypothèse,  le  pourvpi  peut  être  exercé 
non-seulement  par  le  procareur  général  près  la  cour  de  cassation,  mais  par  le 
ministère  public  prés  la  cour  4*««6i«es.  Mais  cette  faculté  n'existe  que  pour  le 
seul  cas  d'acquittement,  elle  ne  peut  être  étendue  soit  aux  arrêts  de  condam- 
nation, soit  aux  arrêts  d'absolution.  La  loi  a  voulu  donner  le  mtyyen  de  ré- 
parer, dans  l'intérêt  général  de  l'application  des  principes  du  droit,  les  solu- 
tions entachées  d'erreur,  sans  toucher  aux  droits  acquis  par  les  parties,  et 
oomme  les  ordonnances  d'acquittement  sont  à  l'abri  de  toute  censure,  il  a  fallu 
donner  au  ministère  public  qui  avait  concaui'u  aux  débats  le  droit  de  sai« 
sir  des  nullités  qui  auraient  échappé  au  procureur  général  près  la  cour  de 
cassation. 

821,  Nous  arrivons  maintenant  à  rehercher  quelles  sont  les  ouvertures  de 
cassation,  quels  sont  les  moyens  d'annulation  qui  peuvent  être  invoqués  à 
l'appui  des  pourvois. 

En  thèse  générale,  toutes  les  ouvertures  de  cassation  consistent,  ou  dans 
une  violation  ou  dans  une  fausse  application  de  la  loi  ;  en  effet,  soit  que  les 
juges  aient  méconnu  les  règles  de  leur  compétence  ou  franchi  les  limites  de 
leur  autorité,  soit  qu'ils  aient  négligé  d'observer  les  formes  judiciaires,  soit 
qu'en  statuant,  ils  se  soient  mis  en  contradiction  avec  les  textes  de  la  loi  ou 
qu'ils  en  aient  faussement  appliqué  les  dispositions,  soit  qu'ils  aient  repris  une 
poursuite  déjà  souverainement  jugée,  il  y  a  dans  tous  ces  cas  violation  ou 
fausse  application  des  lois  d'instruction  ou  des  lois  pénales,  mais  ce  principe 
donne  lieu  à  de  nombreuses  difficultés  dans  l'application. 

Aux  termes  de  l'art.  3  de  la  loi  du  27  novembre  1790,  pour  donner  ouver- 
ture à  cassation,  il  fallait  qu'il  y  eût  contravention  easpresse  au  texte  de  la  M^ 
mais  cette  disposition  trop  restrictive  fut  modifiée  par  l'art.  255  de  la  consti- 
tution du  5  fructidor  an  m,  qui  dispose  que  «  le  tribunal  de  cassation  casse  les 
jugements  qui  contiennent  quelque  contravention  expresse  à  la  loi,  »  L'art,  i** 
de  la  loi  du  20  avril  1810  pose  la  limite  des  pouvoirs  des  juges  du  fait  :  «  La 
justice  est  rendue  souverainement  par  les  cours  impériales  ;  leurs  arrêts,  quand 
ils  sont  revêtus  des  formes  prescrites  à  peine  de  nullité,  ne  peuvent  être  cassés 
que  pour  une  contravention  expresse  à  la  loi.  »  La  contravention  est  expresse 
toutes  les  fois  que  le  jugement  et  la  loi  sont  en  opposition  et  se  détruisent 
réciproquement.  On  peut  induire  de  là  que  trois  conditions  sont  principale- 
ment requises,  pour  qu'un  moyen  de  cassation  puisse  être  accueilli  :  1**  qu'il 
y  ait  une  loi  vivante  que  les  juges  devaient  appliquer  ;  2^  que  leur  jugement 
contienne  une  disposition  en  contradiction  avec  cette  loi  ;  3°  qu'il  n'y  ait  rien« 
dans  les  faits  particuliers  de  l'espèce,  qui  puisse  faire  disparaître  cette  contra- 
,vention. 

SS8.  Gela^osé,  abordons  les  textes  de  notre  Gode  : 

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DU  RECOURS  EN  CASSATION  (ART.    408).  765 

a  AxT.  40a.  Lorsque  Pacousé  aura  saM  nae  condamnation,  et  que,  soU  dans 
l'^rrôt.da  JlL  oour  qai  aura  ordonné  soa  renvoè  devant  tme  cour  d'attisée,  soit 
dans  rinfitruction  et  dans  la  procédure  qui  auront  été  faites  devant  eeite  dor* 
nière  cour,  soit  dans  l'arrêt  môme  de  condamnation»,  il  y  aura  eu  violation  ou 
omission  de  quelques-unes  des  formalités  que  le  présent  Gode  prescrit  sous  peine 
de  nullité,  cette  omission  ou  violation  donnera  lieu,  sur  la  poursuite  de  la  partie 
condamnée  ou  du  ministère  public,  à  l'annulation  de  rarrôt  de  condamnation  et 
de  ce  qui  Ta  précédé,  à  partir  âii  plus  ancien  acte  nul.  —  Il  en  sera  de  méme^ 
tant  dans  les  cas  d'incompétence  que  lorsqu'il  aura  ôtç^ômls  bu  refusé  de  pro- 
noncer, soit  sur  une  ou  plusieurs  demandes  de  l'accusé,  soit  sur  une  ou  plusieurs 
réquisitions  du  minist&r&puMic,  tendant  à  user  d^ae  faeuité  6iu  d^tn  droit  accordé 
par  la  loi,  bien  que  la  peine  de  nullité  ne  fût  pas  textuellement  attachée  à  l^bsenoe 
de  la  formalité  dont  l'exécution  aura  été  demandée  on  requise^  » 

«  Art.  413.  Les  voies  d'annulation  exprimées  en  Tart*  408>  sont,  w<iRatièi6  oor,. 
rectionnelie  ou  de  police,  respectivement  ouvertes  à  la  partie  poursuivie  pour  jm 
délit  ou  une  contravention,  au  ministère  public  et  à  la  partie  civile,  s'il  y  en  a 
une,  contre  tous  arrêts  ou  jugements  en  dernier  ressort,  sans  distinction  de  ceux 
qui  ont  prononcé  le  renvoi  de  la  partie  ou  sa  condamnation.  » 

Prenons  d'abord^  comme  le  fait  la  loi,  les  arrêts  des  chambres  d'accusation. 
Dans  quel  cas  le  pourvoi  est-il  ouvert  contre  ces  arrêts  ?  Vous  avez  vu  que 
le  président  des  assises  doit,  aux  termes  de  FarU  296,  avertir  Taccusé,  dans 
l'interrogatoire  préliminaire  auquel  il  procède^  de  la  faculté  qui  lui  est  ouverte 
de  former  une  demande  en  nullité  contre  l'arrêt  de  renvoi.  La  même  faculté 
appartient,  aux  termes  de  l'art.  298,  au  procureur  général.  L'art.  299  ajoute  : 
«  La  déclaration  de  Taccusé  et  celle  du  procureur  général  doivent  énoncer 
Pobjetde  la  demande  de  nullité.  Cette  demande  ne  peut  être  formée  que  con- 
tre l'arrêt  de  renvoi  â  la  cour  d'assises  et  dans  les  trois  cas  suivants  :  1«  si  le 
fait  n'est  pas  qnaliGé  crime  par  la  loi  ;  2*  si  le  ministère  public  n'a  pas  été 
entendu;  3*  si  Tarrôt  n'a  pas  été  rendu  par  le  nombre  de  juges  fixé  par  la  loi.  > 
La  loi  du  10  juin  1853  à  modifié  cet  article  pour  joindre  aux  moyens  de  nul- 
lité qu'il  prévoit,  un  quatrième  moyen,  déjà  prévu  d'ailleurs  par  l'art.  408,  et 
tiré  de  l'incompétence.  Il  ne  feut  pas  induire  des  termes  limitatifs  de  l'art.  299, 
et  de  cette  dernière  loi  qui  les  a  reproduits,  que  tout  autre  moyen  de  nullité, 
hors  des  termes  de  ces  deux  textes,  serait  interdit.  Tel  ne  peut  être  le  seni 
de  la  loi,  puisqu'il  n'y  aurait  alors  de  recours  ni  contre  les  arrêts  de  non-lieu, 
ni  contre  les  arrêts  de  renvoi  à  la  police  simple  et  correctionnelle.  L'art.  299 
ne  s'est  occupé  que  de^'arrêl  de  renvoi  et  des  principales  causes  de  nullité 
que  l'accusé  peut  faire  valoir  contre  cet  arrêt.  Il  n'a  point  dérogé  aux  autres 
règles  légales. 

Ainsi  l'art.  7  de  la  loi  du  20  avril  1810  dispose  que  «  les  arrêts  qui  ne  seront 
pas  rendus  par  le  nombre  de  juges  prescrit,  ou  qui  ont  été  rendus  par  des 
juges  qui  n'ont  pas  assisté  à  toutes  les  audiences  de  la  cause,  ou  qui  n'ont  pas 
été  rendus  publiquement,  ou  qui  ne  contiennent  pas  de  motifs,  sont  déclarai 
nuls.  *  Il  résulte  de  cet  article,  qui  s'applique  à  tous  les  arrêts,  que  les  arrêts 
des  chambres  d'accusation  sont  nuls,  1*  à  défaut  d'assistance  des  juges  &  toutes 
les  séances  où  Taffaire  a  été  portée;  Î9  à  défaut  dé  motifs.  Des  deux  autres 
causes  de  nullité,  l'une  a  été  reproduite  par  l'art.  299,  l'autre  ne  s'applique  j^as 
aux  arrêts  des  chambres  d'accusation.  L'art.  234  veut  également  qu'il  soit  fait 

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766       QUARANTB-DBUXIÈMB  LIÇON.  —  VOIES  DB  RECOURS  (n*  823). 

mention  dans  les  arrêts  de  la  chambre  d'accusation,  à  peine  de  nullité,  du 
nom  de  chacun  des  jnges  qui  ont  oonconm  à  cet  arrôt.  Enfin,  Tart.  408  déclare^ 
comme  tous  Tenez  de  le  voir,  qn*il  y  a  nullité  de  la  procédure  lorsque,  dans 
l*arréi  de  la  chambre  d'accnsaiion,  il  y  aura  eu  violation  ou  omission  de  quel- 
ques-wies  des  formalités  que  le  Gode  a  prescrites  sous  peine  de  nuUitéi  et 
qu*il  en  sera  de  même»  tant  dans  les  cas  d'incompétence  que  lorsqu'il  aura  été 
omis  on  refusé  de  prononœry  soit  sur  une  demande  de  l'accusé,  soit  sur  une 
réquisition  du  minisién  pablie.  tendaot  à  user  d'une  faculté  ou  d'un  droit 
accordé  par  la  loi. 

11  faut  conclure  de  tous  ces  textes  que  le  pûunroi  «ot  o^^mH  rnntra  \m  arréu 
de  la  chambre  d'accusation  :  1*  à  raison  de  la  fausse  qualificatîou  des  &its 
f  à  raison  de  la  violation  des  formes  prescri  tes  par  la  loi  ;  3*  à  raison  de  rincom- 
pétence  ;  4*  à  raison  de  la  fausse  interprétation  de  la  loi  ;  5*  à  raison  du  r«jet 
ou  de  l'admission  des  exceptions  préjudicielles  ou  des  fins  de  non-recevoir  ; 
6*  à  raison  dès  refus  ou  omissions  de  statuer  sur  les  demandes  des  parties  ou 
les  réquisitions  du  ministère  public  ;  7*  enfin,  à  raison  des  vices  de  leur  rédac- 
tion .  résultant  de  l'omission  des  énonciations  qu'ils  doivent  nécessairement 
contenir. 

888.  Faut-il  ajouter  à  ces  moyens  de  nullité,  qui  sont  fondés  sur  la  loi 
même,  les  vices  qui  résulteraient  de  la  procédure  antérieure  à  i'arrét  ?  Une 
première  règle  est  que  l'arrêt  de  la  chambre  d'accusatioUi  quand  il  a  acquis 
l'autorité  de  la  chose  jugée,  couvre  toutes  les  irrégularités  de  la  procédure 
antérieure.  L'art.  408,  en  effet,  n*ouvre  le  pourvoi  que  contre  cet  arrêt  et  non 
contre  les  actes  de  cette  procédure  ;  ces  actes  ne  peuvent  donc  être  attaqués 
isolément,  ils  ne  peuvent  donc  l'être,  s'il  y  a  lieu,  qu'en  attaquant  l'arrêt  lui- 
même  qui  prononce  sur  rinsnruction  écrite.  Mais  il  faut  inférer  de  cette  règle  : 
i^  que  l'arrêt  de  la  chambre  d'accusation  doit  relever  les  nullités  dont  Tins* 
truction  serait  entachée,  puisque»  auirement,  il  y  a  chose  jugée  à  cet  égard  ; 
2*  que  si  cet  arrêt  omet  de  les  relever,  ou  les  écarte  irrégulièrement,  il  doit  y 
avoir  ouverture  à  cassation.  En  effet,  ainsi  que  l'a  fait  remarquer  un  crimina- 
liste,  •  déclarer  que  les  vices  de  la  procédure  antérieure  à  l'arrêt  de  renvoi 
sont  couveru  par  le  défaut  de  pourvui  contre  cet  arrêt,  c'est  reconnaître  que 
ces  vices  peuvent  faire  l'objet  d'un  pourvoi,  et  qu'il  suffit  que  l'arrêt  se  les  soit 
appropriés  en  maintenant  une  procédure  irrégulière,  pour  qu'il  puisse  être 
par  cela  même  attaqué.  8i  l'arrêt  les  couvre,  ils  n'étaient  donc  pas  couverts 
avant  cet  arrêt  ;  s  il  y  a  chose  jugée  sur  ces  v:ces,  depuis  que  l'arrêi  est  devenu 
définitif,  il  était  donc  permis  de  les  faire  valoir  avant  qu'il  eûi  acquis  ce  carac« 
tère  ;  en  un  mot,  si  le  dé&ut  de  pourvoi  les  efface,  le  pourvoi  pouvait  donc 
les  faire  valoir.  «  La  véritable  difficulté  de  la  matière  est  de  distinguer  les  for- 
mes dont  la  violation  peut  fonder  un  pourvoi,  et  celles  dont  l'infraction,  quels 
que  soient  ses  effets,  ne  peut  motiver  le  recours.  Il  est  clair  que  la  nullité  ne 
peut  résulter  que  de  la  violation  ou  de  l'omission  de  formes  qui  sont  essentiel- 
les, soit  à  l'exercice  de  l'action  publique,  soit  aux  droiis  de  la  dèiense.  Il  y  a 
ouverture  à  cassation,  d'une  part,  lorsque  les  mesures  d'instruction  ordonnées 
ou  annulées  forment  un  obstacle  à  l'action,  et  lorsque,  d'une  autre  part,  le  pré« 
venu  n'a  pa«  été  interrogé,  ou  été  illégalement  arrêté,  lorsque  sou  droit  de 
défense  a  éié  méconnu  on  violé 


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DU  RBGOURS  BN  CASSATION  (aRT.   408).  767 

8i4.  Les  jngemenU  des  tribunaux  de  police  ou  de  police  correctionnelle  sont 
soumis  à  une  première  règle  :  c*est  que,  les  moyens  de  nullité,  pris  dans  la 
procédure  de  première  instance,  et  que  Ton  a  négligé  de  faire  valoir  dcTsat 
le  juge  d'appel,  ne  peuvent  être  relevés  devant  la  cour  de  cassation.  Cette  règle 
a  été  posée  par  Tart.  2  de  la  loi  du  29  avril  1806,  qui  porte  :  «  Le  prévenu  ext 
police  correctionnelle  ne  sera  pas  recevable  à  présenter,  comme  moyen  de 
cassation,  les  nullités  commises  en  première  instance,  et  qu*il  n'aurait  pas  op^ 
posées  devant  la  cour  d'appel,  en  exceptant  sealement  la.  nullité  pour  cause 
d'incompétence.  >  La  Jurisprudence  a  décidé  que  cet  article  n'avait  point  été 
alMTogé  par  le  Gode  d'instrnctlon  criminelle,  et  qu'il  était  encore  aujourd'hui 
en  pleine  vigueur  ;  elle  a  admis  en  même  temps  que  la  même  règle  devait  être 
étendue  aux  matières  de  police. 

Les  arrêts  en  matière  criminelle  sont  soumis  à  une  règle,  non  pas  identique; 
mais  analogue.  Il  est  de  principe,  en  effet,  qu'on  ne  peut  en  cette  matière  pro-- 
poser  un  moyen  nouveau  devant  la  cour  dé  cassation  lorsqu'on  a  omis  de  le 
faire  devant  les  juges  du  fond.  Ainsi,  il  a  été  reconnu  que,  lorsqu'un  accusé 
ne  s'est  pas  pourvu,  dans  le  délai  de  la  loi,  contre  l'arrêt  de  la  chambre  d'accu- 
sation qui  le  renvoie  devant  la  cour  d'assises,  il  ne  peut  ultérieurement  se  faire 
un  moyen  de  cassation  d'une  nullité  de  procédure  dont  l'appréciation  apparte- 
nait à  la  chambre  d'accusation.  Il  a  été  reconnu  encore  que  l'accusé  qui  ne 
s'est  pas  pourvu  contre  l'arrêt  de  renvoi  ne  peut,  après  sa  condamnation  par  la 
cour  d'assises,  faire  Taluir  les  nullités  dont  serait  entaché  cet  arrêt  Ces  déci- 
dons ne  sont  que  la  conséquence  des  art.  296  et  373  qui  fixent  les  délais  du 
pourvoi  ;  ces  délais  expirés,  Taccusé  est  déchu  de  toute  voie  de  recours  contre 
la  décision  que  son  silence  a  revêtue  de  la  force  de  chose  jugée. 

885.  Les  jugements  et  arrêts  définitifs  peuvent  être  attaqués  :  {•  pour  irré- 
gularité dans  rinstruction,  ce  qu*on  appelle  les  voies  de  nullité;  2®  pour  viola- 
tion ou  fausse  application  de  la  loi  pénale. 

Les  voies  de  nullité  ont  pour  objet  les  vices  de  forme  et  les  irrégularités 
commises  dans  la  procédure  criminelle.  Aucune  condamnation  ne  doit  être 
prononcée  que  sur  une  procédure  régulière  et  dans  laquelle  tous  les  droits  de 
la  défense  ont  été  respectés.  Un  jugement  qui  n'a  pas  été  précédé  d'une  instruc- 
tion légale  n'est  pas  un  jugement,  et  ce  principe  doit  être  appliqué  avec  la 
plus  rigoureuse  exactitude  dans  une  matière  qui  met  en  suspens  tous  les 
droits  les  plus  précieux  de  chaque  prévenu,  sa  fortune,  son  honneur,  sa 
liberté. 

Ainsi,  les  jugements  et  arrêts  sont  nuls  :  i«  s'ils  n'ont  pas  été  rendus  par  le 
nombre  de  juges  prescrit  par  la  loi  (art.  7  de  la  loi  du  20  avril  1810)  ;  2*  lors- 
qu'ils Font  été  par  des  juges  qui  n'ont  pas  assisté  à  toutes  les  audiences  ; 
3*  lorsqu'ils  n'ont  pas  été  rendus  publiquement;  4*  lorsqu'ils  ne  contiennent  pas 
de  motifs  (mémo  loi)  ;  ^  lorsque  le  ministère  public  n'était  pas  présent  ou  n'a 
pas  donné  ses  conclussions  ;  6*  lorsque  h*%  témoins  entendus  n'ont  pas  prêté  le 
serment  prescrit  par  la  loi  (art  155  et  317).  La  même  nullité  s^étend  en 
matière  correctionnelle  et  de  police  à  la  violation  des  règles  relatives  à  la 
preuve  :  ainsi,  par  exemple,  l'instruction  et  le  jugement  sont  nuls,  si  des  pro- 
cès-verbaux faisant  foi  jusqu'à  inscription  de  faux  ont  été  détruiu  par  la  preuve 

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768        QUARANTE-DBUXIÉMB  LBÇON.  —  VOIES  DB  RECOURS  (n*  826). 

contraire^  «i  l'autorité  de  procès-verbaux  faisant  foi  josqu'à  tceuve  conêfaire 
a  été  méconmie.  Ainsi  encore^  en  matière  oorrectionneUe  comme  en  matière 
,  criminelle»  Tinstniction  et  le  jugement  sont  également  nuls»  si  les  formes  pres- 
crites pour  la  défense  ont  été  méconnues  ou  violées,  si  le  prévenu  a  été  con- 
damné sans  avoir  été  entiendu,  s'il  n'a  pas  connu  en  temps  utile  le  sujet  de  la 
prévention  et  les  actes  qui  la  fondaient^  s'il  n*a  pas  été  mis  à  même  de  contre- 
dire les  allégations  de  la  partie  publique  ou  de  la  partie  civile. 

Il  est  toutefois  Tune  de  ces  voies  de  nuUité  qui  demande  quelques  éclaircis- 
sements. Nous  avons  vu  quelle  Ueuxième  paragraphe  de  l'art.  408  veut  qu'il 
y  ait  lieu  à  l'annulation,  «  lorsqu'il  aora  été  omis  pu  refusé  de  prononcer,  soit 
smr.uAO.  ou  plusieurs  demandes  de  l'accusé,  soit  sur  une  ou  plusieurs  réquiai» 
tiens  du  ministère  public,  tendant  à  user  d'une  faculté  ou  d'un  droit  accordé 
par  la  loi^  bien  que  la  peine  de  nullité  ne  fût  pas  textuellement  attachée  à 
l'absence  de  la  formalité  dont  l'exécution  aura  été  demandée  ou  requise.  » 
Oette  disposition  est  l'une  des  plus  importantes  de  notre  Code.  Elle  n'oblige 
pcHnt  les  juges  à  statuer  dans  tel  ou  tel  sens  ;  ils  restent  Les  maîtres  de  leur 
décision  ;  mais  elle  les  oblige  à  statuer,  c'est-à-dire  à  examiner  toutes  les  réqui- 
sitions ou  les  conclusions  des  parties,  et,  s'ils  les  rejettent»  è  les  rejeter  par 
des  décisions  motivées.  C'est  là  l'une  des  plus  fortes  garanties  de  notre  procé- 
dure, l'un  des  éléments  les  plus  puissants  de  la  justice,  car  il  en  résulte  la 
faculté  d'invoquer  toutes  les  iormes  et  toutes  les  garanties,  et  la  nécessité 
d'apprécier  toutes  les  demandes.  Il  ne  faut  pas  aller  cependant  jusqu'à  croire 
qu'une  formalité.  puîAse  devenir  nécessaire  à  peine  de  nullité»  par  cela  seul 
que  Bou  observation  est  demandée  ou  requise  par  l'accusé  ou  le  ministère 
public.  Non,,  la  formalité  garde  son  caractère»  mais  le  juge  est  tonu  d'examiner 
si  son  observation  est  nécessaire  ou  inutile  dans  le  procès.  Ainsi,  un  accusé 
demande  à  faire  entendre  des  témoins  et  le  juge  peut  décider  que  oette  con- 
dition seraii  sans  oljet.  Un  autre  accusé  demande  à  faire  sortir  un  témoin  de 
l'audience  pour  faire  des  interpellations  dans  son  absence  et  provoquer  une 
contradiction  dans  sa  déposition  ;  cette  réclamation  peut  être  accordée  ou  reje- 
tée, mais  il  doit  y  être  statué.  Il  ne  fiant  pas,  au  reste,  confondre  les  réquisi- 
tions ou  conclusions  et  les  simples  ebeervations  ou  les  moyens  employés»  eoit 
par  le  miniatève  public»  soit  par  la  défense  :  les  juges  ne  sont  Venus  do  pro- 
noncer que  lorsqu'ils  en  sont  formellement  requis  ou  qu'il  y  a  des  conclusions, 
mais  ils  doivent  statuer  sur  tous  les  che£s  des  réquisitions  ou  des  conclusions. 
Ils  ne  doivent  cependant  statuer  que  lorsque  la  demande  ou  La  réquisition 
est  autorisée  par  la  loi  ;  ainsi»  si  l'accusé  demande  qu'un  témoin  soit  entendu 
en  vertu  du  pouvoir  discaréti4Minaire  du  président»  ou  que  les  oondusions  du 
ministère  public  soient  insérées  an  jugement,  ou  que  son  cc^révenu  soit 
entendu  comme  témoin»  il  n'y  a  pas  lieu  d'y  statiier»  puisque  ces  demandes  ne 
sont  pas  L'exercice  d'un  droit  autorisé  par  la  loi. 

886.  La  violation  ou  la  fausse  application  de  la  loi  pénale  est  La  source  la 
plus  féconde  de  la  cassation.  Mais  ici  s'élève  une  grave  question  :  la  cour  de 
oassation  n^'est  instituée  que  pour  réprimer  la  violation  de  la  loi  ;  elle  ne  peut 
oonuaitre.  du.  him  on  du  mal  ^gé  ;  elle  sortirait  de  ses  attribution^  si  elle 
•entrait  dans  l'appiéciiition.des  faits»  si  elle  exerçait  son  examen  et  sa  censure 

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DU  RECOURS  BN  CASSATION  (ART.   408),  769 

■9QX  de^  décisions  rendues  par  les  trilmnanx  ordinaires  sur  des  matières  qui 
sont  abandonnées  à  leur  diqeemement  et  à  leur  conscience.  Peut-elle  donc, 
pour  apprécier  si  la  loi  pénale  a  été  bien  ou  naal  appliquée,  rechercher  si  les 
&it8  ont  été  bien  ou  mal  qualifiés,  en  d'autres  termes,  s'ils  ont  été  Meo  ou 
mal  appréciés  ?  Cette  difficulté,  qui  est  une  question  de-  division  de  pouvoirs 
entcela  cour  de  cassation  elles  cours  d'appel,  a  donné  liéuàdes  solutions  quel* 
^efois  contradiotoires.JBn  principe,  lalimite  qui  sépare  lesattributàons  de  ces 
iconrs  est  celle  qui  sépare  le  fait  et  le  droit,  llappréciation  des  actes  incriminés 
«t  l'appliication  faite  à  ces  actes  des  dispositions  de  la  loi.  L'appréciation  des 
cours  est  souveraine;  ce  qu'elles  ont  déclaré  constitua  la  vérité  judiciaire  ;  la 
cour  de  cassation  ne  peut  connaître  du  bien  ou  du  mal  jugé  de  leurs  arrêts. 
Elle  ne  forme  point  un:troi8ième  degré  de  juridiction.  En  fait,  il  est  difficile 
de  concilier  ce  principe  avec  l'examen  qui  appartient  à  cette  cour.  Voici  en 
^uels  termes  nous  avpns  essayé  «de  résoudre  ce  problème  : 

c  Si  les  attributions  de  la  cour  de  cassation  ont  été  nettement  circonscrites, 
il  importe  qu'elle  les  exerce  tout  entières  et  qu'à  la  suite  de  distinctions  plus 
ou  moins  subtiles,  le  contrôle  qu^,  dans  Tintàrét  de  Tunité  de  l'interprétation 
de  la  loi,  elle  étend  sur  tous  les  jugements,  ne  devienne  pas  illusoire.  Elle  ne 
peut  pénétrer  dans  l'appréciation  des  faits,  elle  ne  peut  examiner  s'ils  sont 
prouvés  ou  s'il^ne  le  sont  pas,  les  admettre  ou  les  rejeter;  elle  s'incline  devant 
la  décision  des  juges,  quelle  qu'elle  soit;  elle  lui  reconnaît  la  force  de  chose 
jugée.. Mais,  suit-il  de  là  qu'elle  ne  puisse  examina  l'application  qu'ils  ont 
faite  de  la  loi  aux  faits  qu'ils  ont  eux-mêmes  reconnus  constants?  Leur  droit 
«st  de  juger  que  ces  faits  existent  ou  n'existent  pas;  mais  quand  ils  ont  jugé 
<iu'ils  existent,  la  qualification  qu'ils  leur  donnent  fait-elle  elle  même  partie  de 
ce  droit  d^appréciation?  Estrce  que  cette  qualification  est  autre  chose  que  le 
rapport  des  actes  incriminés  avec  la  loi  qui  formule  cette  incrimination  ?  Est- 
ce  que  ce  rapport,  qui  peut  être  contesté,  ne  renferme  pas  nécessairement 
ane  qi^estion  de  droit  ?  Est-ce  que  la  chambre  d'accusation,  qui  déclare  que 
tel  &it  qu'elle  constate  et  qui  contient  les  éléments  d'un  délit,  ne  constitue 
cependant  aucun  délit,  ne  commet  pas  une  contravention  expresse  à  la  loi  ? 
que  si  Terreur  des  juges  se  trouve  dans  la  constatation  même  des  faits,  s'ils 
rejettent  une  circonstance  qui  est  prouvée  ou  en  admettent  une  qui  ne  l'est 
pas,  il  n'y  a  rien  à  dire  ;  ils  rendent  souverainement  la  justice.  Mais  si  cette 
erreur  consiste  h  qualifier  délit  un  fait  qui  n'en  a  pas  les  caractères,  ou  à  refu- 
se cette  qualification  à  un  fait  qui  en  renferme  les  éléments,  comment  échap* 
perait-elle  à  la  censure.de  la  cour  ?  On  prétend  qu'elle  ne  peut  examiner  la 
qualification  sans  examiner  les  fiûts;  cela  est  vrai,  mais  elle  n'examine  que 
les  faits  qui  ont  été  retenus  etconstatés  par  L'arrêt  et  ne  les  examine  que  pour 
rechercher  et  établir  leur  véritable  rapport  avec  la  loi  ;  elle  entre  donc  dans 
l'appréciation  du  fait  non  pour  contester  les  déclarations  de  l'arrêt  relatives  à 
son  existence  matérielle  et  à  sa  moralité,  mais  pour  contester  les  conséquences 
légales  que  cet  arrêt  a  tirées  de  ce  fait  après  l'avoir  constaté  ;  en  un  mot,  ce 
n'est  pas  te  fait  qu'elle  apprécie,  c'est  uniquement  l'application  qui  lui  a  été 
faite  de  la  loi,  après  qu'il  a  été  reconnu  et  déterminé.  On  prétend  qu'il  faut 
distinguer  e^tre  les  matières  qui  ont  été  définies  par  la  loi  et  celles  qui,  n'ayant 
été  réglées  par  aucune  disposition  légale,  ont  été  abandonnées  au  discerne- 

I.  DigitjzedbyCjOûfilC 


770       QUARANTE-i-DEUXIÈMB  LBÇON.  —  V0IK8  DB  RECOURS  (n*  827). 

ment  et  à  la  conscience  des  juges.  Telle  est  la  distinction  qui  a  été  pendant 
on  gtemps  la  règle  de  la  jurisprudence.  Mais  où  se  trouve  sa  base  et  quel  est 
le  texte  qui  l'a  établie?  Est-ce  que  la  loi  pénale  ne  peut  pas  être  enfreinte  par 
l'application  qui  en  est  faite,  aussi  bien  dans  les  cas  où  les  éléments  du  délit 
sont  définis  que  dans  les  cas  où  ils  ne  le  sont  pas  ?  La  loi  incriminant  le  toI 
et  l'escroquerie  n'a  défini  ni  les  caractères  de  la  soustraction,  ni  ceux  des 
manœuvres  qui  sont  l'un  des  éléments  de  ces  délits;  s'ensuit-il  que  Tarrôt  qui 
considérera  comme  une  soustraction  la  rétention  d'un  objet  prêté,  ou  assimi- 
lera à  des  manœuvres  les  paroles  mensongères,  n'aura  pas  violé  les  art.379  et 
405  du  Gode  pénal  ?  Faut-il  abandonner  à  la  conscience  des  juges  l'apprécia- 
tion légale  de  ces  deux  circonstances,  par  cela  seul  que  la  loi  n'en  a  pas  indi- 
qué les  éléments  ?  Est-ce  que  là  où  la  loi  ne  s'est  pas  positivement  expliquée, 
la  doctrine  n'a  pas  posé  des  règles  qui  suppléent  à  ses  dispositions  ?  Est-ce 
que  le  même  intérêt  ne  s'attache  pas  à  ces  règles  et  aux  textes  ?  Est-ce  qu'il 
peut  être  plutôt  permis  de  violer  l'esprit  de  la  loi  que  ses  termes,  et,  sous  le 
prétexte  de  leur  généralité,  d'en  faire  une  arbitraire  application?....  En  défini- 
tive, la  cour  de  cassation,  si  elle  avait  abdiqué  le  droit  d'examiner  les  qualifi- 
cations imposées  parles  juges  aux  faits  qu'ils  constatent,  aurait  répudié  Tune 
de  ses  attributions  les  plus  utiles.  Il  ne  doit  pas  être  permis  aux  cours  et  tri- 
bunaux de  se  soustraire  par  des  déclarations  en  fait,  dans  les  matières  les  plus 
délicates,  à  la  haute  surveillance  sous  laquelle  la  loi  a  voulu  les  placer.  Ba 
instituant  la  cour  de  cassation  et  en  lui  déléguant  l'interprétation  souveraine 
des  lois,  l'Assemblée  constituante  a  fondé  l'unité  de  la  jurisprudence,  l'appli- 
cation uniforme  des  dispositions  légales  à  tous  les  citoyens,  le  maintien  des 
règles  doctrinales  qui  dominent  toutes  les  lois  et  forment  leur  utile  et  salu- 
taire complément.  Est-ce  donc  en  matière  criminelle,  est-ce  quand  il  s'agit 
de  savoir  si  un  prévenu  est  légalement  mis  en  accusation  ou  condamné  que 
cette  grande  institution,  manquant  à  sa  mission,  serait  forcée  de  s'arrêter 
impuissante  en  face  d'une  infraction  flagrante  de  la  loi  pénale?  Quelles  seraient 
les  garanties  de  la  justice,  si  les  juges,  abandonnés,  comme  on  le  voudrait;  à 
leur  conscience,  étaient  les  maîtres  d'imposer  aux  mêmes  faits  telle  ou  telle 
qualification  différente,  là  d'en  faire  arbitrairement  la  matière  d'un  délit,  ici 
de  les  exclure  non  moins  arbitrairement  des  termes  de  la  loi?  N'est-ce  pas 
surtout  en  matière  do  justice  pénale  que  les  règles  doivent  être  uniformes,  car 
si  les  mêmes  faits  n'étaient  pas  passibles  de  la  même  répression,  si  le  même 
acte  était  considéré  tantôt  comme  punissable, tantôt  coidme  innocent,  quel 
trouble  n'en  résulterail-il  pas  dans  la  conscience  publique  ?  où  serait  la  règle 
de  la  conduite  des  citoyens  ?  Or,  pour  que  les  mêmes  faits  puissent  être  unifor- 
mément qualifiés,  il  faut  que  la  cour  de  cassation,  autant  du  moins  que  cela 
est  possible,  puisse,  dans  tous  les  cas  et  sans  distinction,  appliquer  son  con- 
trôle à  toutes  les  qualifications  légales,  c'est-à-dire  à  toute  application  de  la 
loi  pénale  à  des  faits  déclarés  constants.  •  (Traité  de  iHnstr.  crim,,  t.  VI,p.  475.) 

827.  Nous  devons  encore  appeler  votre  attention  sur  quelques  articles  qui 
peuvent  donner  lieu  à  de  graves  difficultés. 

«  Art.  410.  Lorsque  la  nullité  procédera  de  ce  que  l'arrêt  aura  prononcé  une  peine 
ttutpe  que  celle  itfipliquée  par  la  loi  à  la  nature  du  crime,  l'annulation  de  l'arrêt 

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DU  RECOURS  BN  CASSATION  (aRT.  414).  771 

pourra  être  poursuivi  tant  par  le  minietère  public  que  par  la  partie  condamnée.  » 
a  Art.  411.  Lorsque  la  peine  prononcée  sera  la  màme  que  celle  portée  par  la  loi 

qui  s'applique  au  crime,  nul  ne  pourra  demander  l'annulation  de  l'arrêt,  sous  le 

prétexte  qu'il  y  aurait  erreur  dans  la  citation  du  texte  de  la  loi.  »         ^ 
ff  Art.  414.  La  disposition  de  l'article  111  est  applicable  aux  arrêts  et  jugements 

en  dernier  ressort  rendus  en  matière  correctionnelle  et  de  police.  » 

Quel  est  le  sens,  quelle  est  la  portée  de  ces  dispositions?  Si  l'on  s*attacbe 
an  texte  de  Tart.  411,  il  semblerait  que  la  loi  n'ait  voulu  soustraire  à  la  cas- 
sation que  les  arrêts  ou  jugements  en  dernier  ressort  entachés  d'une  simple 
erreur  de  citation  de  la  loi  pénale  et  prononçant  d'ailleurs  la  peine  applicable 
au  crime  ou  délit.  L'erreur  qu'il  prévoit,  c'est  l'erreur  dans  la  citation  du 
texte  de  la  loi  ;  ce  qu'il  prescrit,  c'est  que  cette  erreur  de  forme  ne  serve  pas 
de  prétexte  pour  demander  l'annulation  de  l'arrêt.  Ainsi ,  supposez  qu'un 
prévenu  ait  été  condamné  pour  vol;  quoique  le  fait  ait  les  caractères  d'une 
escroquerie  et  non  d'un  vol,  on  ne  saurait  justifier  le  jugement  en  disant  qu'il 
y  a  dans  la  cause  délit  d'escroquerie,  s'il  n'y  a  pas  délit  de  vol,  et  que  la  peine 
prononcée  n'excède  pas  celle  de  l'escroquerie,  car  la  condamnation  ne  saurait 
avoir  pour  base  légale  an  délit  dont  le  prévenu  n'aurait  pas  été  déclaré  cou- 
pable. Cette  hypothèse  ne  rentre  donc  pas  dans  les  termes  de  Tart.  44 1,  parce 
qu'il  y  a  une  fausse  qualification  du  fait  et  par  suite  une  fausse  application  de 
la  loi  pénale,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  une  simple  erreur  dans  la  cita- 
tion du  texte  de  la  loi.  Toutefois,  la  jurisprudence  a  singulièrement  étendu  le 
texte  de  cet  article  :  elle  en  fait  en  général  l'application  toutes  les  fois  que  la 
peine  prononcée  peut  être  justifiée  par  l'existence  de  quelques-uns  des  faits 
reconnus  constants  par  le  jugement,  lors  même  qu'il  y  aurait  eu  erreur,  non 
pas  dans  la  citation,  mais  dans  la  qualification  des  autres  faits.  Ainsi,  sup- 
posez qu'un  prévenu  soit  condamné  à  la  peine  de  cinq  ans  d'emprisonnement 
pour  le  double  délit  de  vol  et  d'escroquerie;  il  se  pourvoit  parce  que  les  faits 
qualifiés  d'escroquerie  ne  renferment  pas  les  caractères  légaux.  La  cour  de 
cassation,  tout  en  reconnaissant  l'erreur,  rejette  le  pourvoi  parce  que  la  décla- 
ration légale  de  culpabilité  sur  le  vol,  est  un  fondement  snffisant  de  la  peine 
prononcée.  Ainsi,  dans  une  autre  espèce,  un  individu,  accusé  tout  à  la  fois 
de  recelé  et  de  complicité  de  vol  domestique,  est  acquitté  sur  un  chef  et  déclaré 
coupable  par  le  jury  sur  l'autre.  Mais  la  cour  d'assises,  en  prononçant  la  peino 
de  la  réclusion,  le  condamne  comme  s'il  avait  été  coupable  sur  les  deux  chefs. 
Il  se  pourvoit  à  raison  de  cette  erreur,  mais  son  pourvoi  est  rejeté  parce  quo 
chacun  des  chefs  étant  passible  de  la  réclusion,  il  n'avait  pas  d'intérêt.  Est-co 
là  le  sens  de  l'art.  411  ?  ne  s'agit-il  donc  que  d'une  application  erronée  d'une 
loi  pénale  ?  ne  s'agit-il  pas  plutôt  de  l'un  des  éléments  qui  ont  servi  à  la 
mesure  de  cette  peine,  élément  qui  aurait  dû  être  rejeté  des  débats  et  n'au- 
rait pas  dû  servir  à  l'appréciation  du  juge?  On  dit  :  mais  nulle  loi  n'est  violée, 
puisque  la  peine  appliquée  n'excède  pas  la  peine  dont  le  fait  reconnu  constant 
était  passible.  Gela  est  vrai,  mais  la  mesure  delà  peine  aurait-elle  été  la  même, 
si  l'erreur  avait  été  dégagée  et  reconnue?  La  loi  n'est  pas  matériellement 
violée,  mais  la  règle  de  la  justice  est  enfreinte,  et  ce  n'est  qu'en  étendant  les 
termes  de  Tarticle  41  i  au  delà  de  leur  sens  véritable,  qu'on  parvient  à  consacrer 
cette  infraction.  t        '     \ 

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772       QUARANTE-DEUZiâUB  LEÇON.  — >  YOÎES  DE  RECOURS  (n*  830). 

828.  Les  formes  de  la  procédare  devant  la  coar  de  ^cassation  sont  très- 
simples  :  il  suffira,  poar  les  connaitre,  de  lire  attentivement  les  art.  4^7  et 
suivants.  Ces  articles  ne  demandent  aucune  explication. 

DBS  DBHANDBS  BN  RÉVISION. 

829.  A  côté  de  la  voie  de  la  cassation,  notre  Gode  a  placé  la  voie  de  la 
révision  :  ces  deux  voies  de  nullité  n'ont  de  commun  que  la  juridiction 
chargée  de  les  accueillir,  c*est-à-dire  la  cour  de  cassation  et  le  but  où  elles 
tendent,  Fannulation  des  arrêts  ;  la  révision  en  matière  criminelle  est  la  dis- 
cussion  d'une  condamnation  prononcée  en  dernier  ressort,  et  qui  aurait'Sé 
dôtêrmmee  par  une  erreur,  non  de  droit,  mais  de  fait.  L'ordonnance  de  1670, 
tit.  XXXV,  art.  32,  avait  admis  les  lettres  de  révision  de  procès.  L'Assem» 
blée  constituante  ne  crat  pas  que  cette  institution  fût  compatible  avec  Tinsti- 
tutron  du  jury.  La  Convention  fut  amenée,  par  un  procès  qui  présentait  deux 
jugements  contradictoires  et  un  innocent  condamné,  à  créer  une  exception 
au  principe  de  l'irréfragabilité  des  décisions  du  jury;  le  déy^t  â^^  jf}  ff«î  1793 
admit  la  révision  au  seul  cas  où  deux  condamnations  seraient  inconciliables 
entre  elles.  Notre  Code  a  ajouté  à  ce  premier  cas,  qui  fait  Tobjet  de  Tart.  443, 
deux  autres  cas  qui  font  la  matière  des  art.  444  et  445.  La  loi  du  29  juin  1867 
n'a  fait  qu^étendre  les  limites  de  leur  application. 

830.  Le  premier  cas  de  révision,  qui  est  prévu  par  Part.  443,  est  celui  où 
deux  condamnations,  successivement  prononcées  pour  le  même  crime  ou  pour 
le  même  délit,  ne  sauraient  se  concilier,  et  seraient  la  preuve  de  Tinnocenoe 
de  Tun  ou  de  l'autre  des  condamnés.  Ainsi,  un  vol  est  commis,  et  Paul  est 
condamné  comme  en  étant  Fauteur  :  six  mois  après,  Philippe  est  poursuivi  pour 
le  même  vol  et  en  est  reconnu  coupable  :  voilà  deux  hommes  condamnés  sur 
des  poursuites  distinctes  et  sans  complicité  pour  le  même  crime,  et  il  devient 
évident  que  Tune  des  deux  condamnations  est  erronée.  Dans  une  telle  con- 
jecture, la  justice  et  l'humanité  réclament  une  nouvelle  instruction  et  de  nou- 
veaux débats  qui,  devenus  communs  aux  deux  condamnés  mis  en  présence 
Tun  de  l'autre,  puissent  signaler  celui  qui  a  été  victime  de  Terreur. 

Trois  conditions  sont  nécessaires  pour  autoriser  la  surséance  et  la  révision 
pour  cause  de  deux  condamnations  inconciliables  ;  il  faut  :  !•  que  les  denx 
condamnés  ne  Paient  pas  été  parle  môme  arrêt;  2®  que  la  condamnation  ait 
été  prononcée  ponr  le  même  fait;  3^  que  les  condamnations  ne  puissent  se 
concilier,  en  sorte  qu'il  en  résulte  nécessairement  la  preuve  de  l'innocence  de 
Tun  des  condamnés.  Ainsi  il  y  a  inconciliabilité  d'arrêts  donnant  lieu  à  cas* 
sation  et  à  renvoi,  lorsque  deux  individus  ont  été  condamnés  par  deux  déci- 
sions distinctes  et  pour  un  même  fait  qui  ne  pouvait  être  imputé  qu'à  un  seul 
individu  ;  lorsque  deux  arrêts  ont  condamné  deux  accusés,  par  exemple,  pour 
le  seul  fait  d'avoir  tiré  un  coup  de  fusil,  dans  le  but  de  donner  la  mort  à  un 
individu;  lorsque  pour  un  crime  commis  j»ar  deux  jndividiig  seulement,  trois 
individus  ont  été  con^mnés  par  deux  arrêts  distincts.  Mais  il  n*y  aurait  pas 
kiconciliabilité,  si,  par  un  premier  jugement,  trois  individus  avaient  été  con- 
damnés pour  vol,  et  que,  par  un  jugement  postérieur,  un  autre  individu  eût 
^té  condamné  pour  le  même  crime,  s'il  n'était  pas  constaté  que  le  vol  n'eût 

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DU  RECOURS  EN  RÉVISION  (ART.  445).  773 

été  oommis  que  par  trois  personnes.  An  reste,  l'art.  443  s'applique  à  toutes 
les  juridictions,  bien  que  ces  termes  soient  restrictifs  :  c'est  une  voie  de 
recours  ordinaire,  sans  doute,  mais  ouverte  contre  tous  les  jugements,  puis- 
que la  raison,  la  loi  et  la  justice  commandent  évidemment  dans  les'  mômes 
circonstances  l'application  de  la  même  mesure. 

881.  Le  second  cas  de  révision  prévu  par  Tart.  444  est  encore  plus  frap- 
pant ;  'un  homme  passe  pour  avoir  été  tué,  et  son  prétendu  meurtrier  est 
condamné;  cependant  l'individu  supposé  mort  se  représente  et  efface,  par  sa 
seule  présence,  toute  idée  du  crime  qui  a  été  la  base  de  la  condamnation  ;  on 
sent  assez  que,  s'il  en  est  temps  encore,  il  faut  se  hâter  de  briser  les  fers  du 
condamné,  sans  autre  condition  que  celle  de  reconnaître  l'existence  et  Tiden- 
tité  de  la  personne  prétendue  homicidée.  Ge  deuxième  cas  de  révision  est 
prévu  par  l'art.  444.  Trois  conditions  sont  requises  pour  son  application  ;  il 
faut:  1®  que  la  condamnation  ait  eu  lieu  pour  homicide  ;  2^  que  les  pièces  re- 
présentées l'aient  été  postérieurement  à  la  condamnation  ;  3«  qu'il  y  ait  dans 
ces  pièces  des  indices  suffisants  sur  l'existence  de  la  personne  supposée  homi- 
cidée. La  cour  de  cassation  a  l'appréciation  souveraine  des  indices;  elle  n'est 
point  appelée  à  faire  la  reconnaissance  de  l'identité,  elle  doit  la  renvoyer  à  la 
cour  qu'elle  saisit  par  le  renvoi,  mais  elle  déclare,  sur  le  vu  des  pièces,  s'il  y  a 
lieu  à  révision,  si  les  indices  sont  suffisants  pour  qu'il  y  ait  lieu  de  présumer 
une  erreur  de  la  justice  • 

832.  Le  troisième  cas  de  révision  est  celui  où,  après  une  condamnation,  un 
ou  plusieurs  des  témoins  qui  ont  déposé  à  la  charge  du  condamné  sont  eux- 
mêmes  convaincus  de  faux  témoignage  porté  dans  la  même  affaire.  Ici  l'erreur 
de  la  condamnation  ne  se  montre  pas  avec  la  même  évidence  que  dans  les 
autres  cas,  car  il  est  strictement  possible  que  le  faux  témoignage  n'ait  pas 
seul  dicté  la  déclaration  du  jury  ;  le  degré  d'influence  qu'il  a  pu  obtenir  ne 
saurait  se  calculer  dans  une  procédure  qui  ne  laisse  point  de  trace  ni  aucunes 
données  sur  les  clauses  qui  ont  amené  la  conviction.  Mais  si  l'erreur  de  la  con- 
damnation ne  résulte  pas  évidemment  de  la  seule  drconstance  d'un  faux 
témoignage,  depuis  reconnu  et  puni,  du  moins  faut-il  convenir  que  ce  fait  est 
assez  grave  pour  établir  une  suffisante  présomption  que  l'accusé  a  été  victime  • 
d'une  horrible  calomnie.  Dans  une  telle  position,  ce  serait  être  sourd  à  la  voix 
de  l'humanité,  que  de  ne  pas  recourir  à  une  nouvelle  instruction,  dégagée 
des  funestes  éléments  qui  ont  corrompu  la  première.  Tel  a  été  le  but  de  l'ar- 
ticle 445.  Cet  article  ne  s'applique  qu'aux  témoins  à  charge,  ce  qui  n'exclut 
pas,  toutefois,  les  témoins  cités  à  la  requête  même  de  l'accusé.  Il  suppose  une 
poursuite  en  faux  témoignage,  intentée  .contre  ces  témoins,  après  et  depuis 
la  condamnation  ;de  l'accusé.  Ge  dernier  [peut-il  provoquer  cette  poursuite? 
L'art.  445  n'accorde  au  condamné  aucune  action  pour  la  poursuite  des  témoins 
qui  ont  déposé  contre  lui  ;  cet  article  suppose  uniquement  l'existence  d'une 
c  poursuite  faite  par  le  ministère  public,  et  suivie  de  la  mise  en  accusation 
ou  de  l'arrestation  des  témoins  inculpés.  >  Il  serait  sans  doute  trop  rigoureux 
de  conclure  de  là  que  la  voie  de  la  plainte  est  dans  tous  les  cas  fermée  au 
condamné,  qu'il  lui  est  interdit  de  dénoncer  ^les  témoins  qui  ont  déposé  à  sa 

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774        QUARANTË-DEUXIÉMB  LBÇON.  —  VOIES  DE   RECOURS  (n^  833). 

charge,  il  faut  du  moins  reconnaître  que  les  poorsuites  qu'il  exerce  contre 
eux  sont  soumises  aux  règles  générales  qui  régissent  Faction  de  tous  les  plai» 
gnants.  On  ne  pourrait  s*écarter  de  ces  règles  sans  aggraver  le  sort  des 
témoins  dénoncés,  alors  que  plus  exposés  à  la  calomnie»  la  position  du  cou- 
damoé  leur  laisse  moins  de  garantie  pour  la  réparation  du  préjudice  que  sa 
dénonciation  leur  aura  causé. 

883.  Le  décès  du  condamné  dans  les  cas  prévus  par  les  art.  444  et  445,  ou 
de  l'un  des  condamnés,  dans  le  cas  prévu  par  l'art.  443»  est-il  un  obstacle  à  la 
révision?  L'art.  447  avait  résolu  cette  question  grave.  Cet  article  détermine  le 
cas  et  les  formes  de  la  révision  du  procès  d'un  individu  mort  depuis  sa  con- 
damnation. Ce  cas  est  unique;  il  n'a  lieu  que  dans  la  circonstance  prévue  par 
Tart.  444.  8i  donc  un  accusé  avait  été  condamné  pour  homicids  et  fût  mort 
depuis  sa  condamnation  ;  si,  depuis  la  mort  du  condamné,  Tindividu  prétendu 
homicide  se  présente,  Terreur  sera  évidente,  et  le  procès  sera  révisé,  la  con- 
damnation annulée  autant  qu'il  sera  possible  ;  la  mémoire  de  cet  innocent,  si 
malheureusement  condamné,  sera  réhabilitée,  réparation  tardive  à  la  vérité, 
insuffisante,  mais  qui  procurera  au  moins  quelque  consolation  à  ses  amis,  à 
sa  famille,  à  la  société.  On  s'est  demandé  avec  inquiétude  s'il  ne  serait  pas 
possible  défaire  application,  même  après  le  décès  du  condamné,  des  art.  443 
et  445,  dont  je  viens  de  vous  entretenir.  Une  condamnation  postérieure  à  celle 
du  condamné  décédé  ne  sera-t-elle  jamais  incondliable  avec  la  première  con- 
damnation ?  Les  faux  témoins  dont  les  dépositions  auraient  déterminé  la  con- 
damnation ne  pourront*ils  pas  être  reconnus,  jugés  et  condamnés  après  la 
mort  de  leur  victime?  Pour  résoudre  la  question,  il  ne  faut  pas  oublier  que, 
dans  les  circonstances  prévues  par  ces  articles,  la  loi  exige  de  nouveaux  dé- 
bats. Dans  l'espèce  prévue  par  l'art.  443,  de  nouveaux  débats  sont  nécessaires 
pour  vérifier  si  le  crime  n'a  pu  être  commis  que  par  un  seul,  et  pour  décou- 
vrir lequel  des  deux  condamnés  est  le  seul,  le  vrai  coupable.  Dans  l'espèce 
prévue  par  Fart.  445,  il  faut  de  nouveaux  débats  pour  juger  si  les  faux  témoi- 
gnages ont  seuls  produit  la  conviction.  U  est  possible  que  les  faux  témoigna- 
ges portés  en  haine  d'un  accusé  aient  concouru  à  sa  condamnation,  mais 
que  la  conviction  des  jurés  ou  des  juges  ait  été  opérée  par  d'autres  preuves  i 
sa  charge.  Si  de  nouveaux  débats  sont  nécessaires  dans  toutes  ces  circons- 
tances, comment  seraient-ils  formés,  lorsque  la  partie  principale,  l'accusé,  ne 
pourra  paraître,  lorsqu*il  ne  pourra  être  confronté  aux  témoins  et  à  ses  coac- 
cusés, les  interpeller,  être  interpellé  lui-même  et  lorsque  l'instruction  orale  et 
publique  sera  ainsi  privée  des  principaux  avantages  qui  la  rendent  préférable 
à  l'instruction  secrète  et  par  écrit?  De  là  cette  conclusion  qu'il  pourrait  arri- 
ver que  des  condamnations  prononcées  contre  des  accusés  présentassent,  de- 
puis qu'ils  seraient  morts,  des  incertitudes,  mais  qu'il  serait  impossible  de  les 
vérifier,  parce  que  les  débats  seraient  impraticables.  Or,  une  révision  opérée 
sans  débat  n'aurait  pour  résultat  que  des  doutes  et  consacrerait  Tinstahilité 
des  jugements.  Néanmoins,  et  même  à  l'égard  du  condamné  décédé,  la  loi 
du  29  juin  1867,  sans  s'arrêter  au  seul  cas  où  il  serait  matériellement  prouvé 
que  la  condamnation  aurait  été  la  suite  d'une  erreur,  a  ouvert,  dans  tous  les 
cas,  à  la  famille,  la  voie  de  la  révision. 


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0U  FAUX  (art.  463;.  775 

QUABANTE-TBOISliliS    LEÇON. 

TITRE  IV 

DE  QUELQUES  PBOGÉDUBES  PABTICULliRES 

CHAPITRE  PREMIER 

DU    FAUX. 

884.  Les  art.  448  à  464  ont  pour  objet  les  précautions  qui  sont  nécessaires 
pour  constater  rétat  matériel  des  pièces  arguées  de  faux  et  pour  le  déplace- 
ment des  pièces  de  comparaison,  ([ui  se  trouvent  dans  les  mains  des  dépo- 
sitaires publics  ou  des  particuliers  ;  ils  contiennent  aassi  les  formes  qui  doi- 
vent être  employées  en  matière  de  faux  incident.  Il  vous  suffira  de  lire  ces 
articles  dont  j'ai  déjà  eu  occasion  de  vous  entretenir.  J*attirerai  seulement  un 
moment  votre  attention  sur  Part.  463.  Cet  article  porte  que  c  lorsque  les  actes 
authentiques  auront  été  déclarés  faux,  en  tout  ou  en  partie,  la  cour  qui  aura 
connu  des  faux  ordonnera  qu'ils  soient  rétablis,  rayés  ou  réformés  et  du  tout 
il  sera  dressé  procès-verbal.  >  Quel  est  le  but,  quel  est  le  caractère  de  cette 
mesure  ?  Elle  a  pour  but  de  prévenir  Tabus  qui  pourrait  être  fait  des  actes  au- 
thentiques qui  ont  été  déclarés  faux,  si  cette  précaution  ne  leur  était  pas 
appliquée.  En  effet,  leur  forme  intrinsèque  leur  donne  l'apparence  d'un  titre 
ayant  force  exécutoire,  les  expéditions  qui  en  seraient  délivrées  fourniraient 
aux  individus  qui  enseraient  porteurs  un  titre  apparent  àTexercice  des  droits 
résultant  de  ces  actes  :  c'est  pour  mettre  obstacle  à  l'usage  abusif  et  &llacieux 
qui  pourrait  en  être  fait,  que  l'art.  463  a  ordonné  que  le  procès-verbal  serait 
dressé  par  le  greffier  du  rétablissement  et  de  la  radiation  ou  réformation  dont 
ces  actes  doivent  être  l'objet,  après  que  l'arrêt  qui  les  a  déclarés  faux  est  de- 
venu définitif  et  a  acquis  la  force  de  chose  jugée.  Ce  mode  de  procéder  n'a 
pas  pour  résultat  de  détruire  et  d'anéantir  l'existence  matérielle  des  actes  au- 
thentiques qui  ont  été  déclarés  faux,  mais  il  a  pour  effet  de  les  frapper  d'un 
signe  de  réprobation  qui  avertisse  de  leur  fausseté  et  leur  enlève  le  caractère 
de  titre  authentique  et  obligatoire  en  faveur  du  condamné,  sauf  aux  tiers  qui 
n'ont  pas  été  parties  au  procès  criminel,  dans  lequel  les  actes  authentiques 
ont  été  déclarés  faux,  à  faire  valoir  leurs  droits,  s'il  y  a  lieu,  devant  les  tribu- 
naux compétents.  L'accomplissement  de  la  formalité  prescrite  par  l'art.  463  a 
également  pour  but  et  pour  effet  d'interdire  à  tous  dépositaires  des  actes  pu- 
blics et  authentiques  déclarés  faux  de  délivrer  expédition  de  ces  actes  sans 
transcription  du  procès-verbal  et  de  l'arrêt  par  suite  desquels  lesdits  actes  ont 
été  rétablis,  rayés  ou  réformés. 


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778      QUARANTB-TROISIÈMB  LBÇON.  -^  PROCÉDURES  PARTICULIlftRBS  (n*  835)^ 

CHAPITRE  II 

DES    CONTUMACES. 

835.  J'ai  déjà  effleuré  cette  matière  (Yoy,*  st^Mtk.  n.  80Î),  en  Yons  pariant 
des  jugements  par  défaut  en  matière  correctionnelle.  Je  vais  essayer  devons 
Texpliquer  le  plus  succinctement  possible* 

Lorsque  Taccusé  s'est  dérobé  aux  recherches  de  la  justice  ou  n'a  pas  été 
trouvé,  la  première  formalité  qu'il  faut  remplir  est  la  signification,  soit  à  son 
dernier  domicile,  soit  au  parquet  du  procureur  de  la  République,  suivant  les 
règles  prescrites  par  les  art.  68  et  69  du  Ck>de  de  procédure  civile,  de  l'arrêt 
qui  le  renvoie  devant  la  cour  d'assises  et  de  l'acte  d'accusation  (art,  465). 

Dix  jours  après  cette,  notification,  le  président  de  la  coor  d'assises  rend  une- 
ordonnance  portant  qu'il,  sera  tenu  de  se  représenter  dans  un  nouveau  délai- 
de dix  jours,  sinon  qu'il  sera  suspendu  de  l'exercice  de  ses  droits  de  citoyen, 
que  ses  biens  seront  séquestrés,  que  toute  action  en  justice  lui  sera  interdite» 
qu'il  sera  procédé  contre  lui,  et  que  toute  personne  est  tenue  d'indiquer  le  lie» 
où  il  se  trouve  (art.  465). 

Cette  ordonnance  est  publiée  à  son  de  trompe  ou  de  caisse  le  dimanche  sui* 
vaut,  et.  affichée  à  la  porte  du  domicile  de  l'accusé,  à  celle  du  maire  et  à  celle 
de  l'auditoire  de  la  cour  d'assises  (art.  466). 

Après  un  nouveau  délai  de  dix  jours  à  compter  de  cette  publication,  il  est 
procédé  au  jugement  de  l'accusé  contumax  (art.  467).  Les  formes  du  jugement 
sont  brèves  et  rapides.  Aucun  conseil  ne  peut  se  présenter  pour  le  défendre.. 
Ce  n'est  que  dans  le  cas  où  l'accusé  est  absent  du  territoire  européen  de  la 
France,  ou  se  trouve  dans  l'impossibilité  absolue  de  se  présenter,  que  ses 
parents  et  amis  peuvent  allégiÂ^r  cette  excuse  et  en  plaider  la  légitimité 
(art.  468).  Si  l'excuse  est  trouvée  légitime,  il  est  sursis  au  jugement  et  au 
séquestre  pendant  un  délai  qui  est  fixé  eu  égard  au  fait  de  Texcnae  (art.  469)^ 
Hors  ce  seul  cas,  la  cour  d'assises,  composée  des  seuls  juges  et  siégeant  sans 
assistance  et  sans  intervention  de  jurés,  prononce  sur-le-champ  sur  Vacousa- 
tion .:  il  est  procédé  i  la  lecture  de  l'arrêt  du  renvoi,  de  l'acte  de  notification  de 
l'ordonnance  de  se  représenter  et  des  procès-verbaux  dressés  pour  en  constater 
la  publication  et  l'affiche.  Après  cette  lecture  et  après  s'être  assurée  que  tontes 
les  formalités  prescrites  par  la  loi  ont  été  strictement  accomplies,  la  cour 
examine  l'accusation  et  statue.  81  l'instruction  n'est  pas  conforme  à  la  loi,  elle 
la  déclare  nulle  et  ordonne  qu'elle  sera  recommencée  à  partir  du  plus  ancien 
acte  nul;  si  l'instruction  est  régulière,  elle  prononce  à  la  fois  sur  l'accusation 
et  sur  les  intérêts  civils  (art.  470).  Toutefois  la  cour  d'assises  n'est  nullement 
tenue  de  condamner  :  elle  apprécie  le  fait  et  ses  circonstances  et  prononce 
dans  sa  conscience  et  d'après  la  preuve  écrite  qu'elle  possède  ;  rien  ne  s'op- 
pose à  ce  qu'elle  prononce  un  acquittement.  Peut-elle  déclarer  l'existence  des 
circonstances  atténuantes  ?  Il  a  para  à  la  jurisprudence  que  le  droit  de  faire 
cette  déclaration  en  matière  criminelle  n'appartient  qu'au  jury,  que  cette 
attribution  est  limitative  et  ne  peut  dans  aucun  cas  être  étendue  aux  juges  de 

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DBS  CONTVMAGBfl  (aRT.  476).  777 

la  cour  d'assises,  que  l'existence  de  ces  dreonstances  ne  peut  d'ailleurs  être 
reoonnne  que  par  le  résultat  d'an  débat  oral  et  contradictoire  que  repoussa 
l'art.  468,  qui  ne  puise  les  éléments  du  jugement  par  contumace  que  dan» 
Finstruction  écrite. 

886.  8i  le  contumax  est  condamné,  ses  biens  sont,  à  partir  de  Texécution 
de  l'arrêt,  considérés  et  régis  comme  biens  d'absent,  et  le  compte  du  séquestre 
est  rendu  à  qui  il  appartiendra,  après  que  la  condamnation  est  devenue  irrévo- 
cable par  Texpiration  du  délai  donné  pour  purger  la  contumace  (art.  471).  Une 
nouvelle  affiche  de  L'extrait  de  condamnation  sera  apposée  au  milieu  d'une 
place  publique  de  la  ville  par  la  main  de  l'exécuteur  des  arrêts  criminels 
(art,  472).  Il  peut  être  accordé,  pondant  le  séquestre,  des  secours  à  la  femme, 
aux  enfants,  au  père  et  à  la  mère  de  l'accusé,  s'ils  sont  dans  le  besoin.  Cîes 
secours  sont  réglés  par  1,'autorité  administrative  (art.  475).  Mais  il  ne  peut  se 
pourvoir  en  cassation  ;  ce  recours  n'est  accordé  qu'au  procureur  général  et  à  la 
partie  civile  (art.  473).  Au  surplus,  la  contumace  d'un  accusé  ne  suspend  ni 
ne  retarde  de  plein  droit  l'instruction  à  l'égard  de  ses  coaccusés  présents 
(art  474). 

887.  Maintenant,  quels  sont  les  e£fets  de  la  condamnation  par  contumace? 
Ils  sont  réglés  par  l'art.  476. 

«  Art.  476.  Si  l'accusé  se  constitue  prisonnier,  ou  s'il  est  arrêté  avant  que  la 
peine  soit  éteinte  par  prescription,  le  jugement  rendu  par  contumace  et  les  pro- 
cédures faites  contre  lui  depuis  Tordonnance  de  prise  de  corps  ou  de  se  représenter 
seront  anéantis  de  plein  droit,  et  il  sera  procédé  à  son  égard  dans  la  forme  ordi- 
naire. ^  8i  cependant  la  condamnation  par  contumace  était  de  nature  à  emporter 
la  mort  civile,  et  si  Taccusè  n'a  été  arrêté  ou  ne  s*est  représenté  qu'après  les  cinq 
ans  qui  ont  suivi  l'exécution  du  jugeaient  de  contumace,  ce  Jugement,  confprmé- 
m^t  à  l'art.  30  du  Gode  civil,  conservera,  pour  le  passé,  les  effets  que  la  mort 
civile  aurjuit  produits  dans  Tintervalle  écoulé  depuis  Texpi ration  des  cinq  ans  jus* 
qu'au  jour  de  la  comparution  de  l'accusé  en  justice.  » 

Remarquez,  d'abord,  que  la  dernière  disposition  de  cet  article  n'a  plus  d'ap- 
plication depuis  que  la  mort  civile  a  été  supprimée  (Voy.  n«  65).  La  condam- 
nation n'a  plus  d'effets  qui  soient  irrévocablement  acquis  après  les  cinq  ans 
(Voy.  toutefois  l'art.  3  de  la  loi  du  31  mai  1854).  Les  arrêts  de  contumace  n'ac* 
quièrent  donc  Aujourd'hui  un  caractère  définitif,  dans  toutes  leurs  dispositions, 
qu'après  le  temps  fixé  pour  la  prescription,  c'est-à-dire  après  vingt  ans  écou<» 
lés.  Si,  dans  cet  intervalle,  l'accusé  se  constitue  prisonnier  ou  s'il  est  arrêté, 
toute  la  procédure  tombe,  et  il  est  de  nouveau  procédé  contre  lui.  Cependant, 
il  est  bien  entendu  que  la  représentation  du  contumax  n'anéantit  que  les  actes 
postérieurs  à  l'acte  d'accusation  :  tous  les  actes  de  la  procédure  écrite  conti- 
nuent de  subsister;  il  n'y  a  que  ceux  qui  tiennent  à  la  procédure  orale  qui 
doivent  nécessairement  recommencer.  L'accusé  ne  pourrait  acquiescer  à  Far- 
rôt  par  contumace,  lors  même  que  cet  arrêt  n'aurait  prononcé  contre  lui  que 
des  peines  correctionnelles;  sa  volonté  ne  suffit  pas  pour  faire  vivre  un  arrêt 
que  la  loi  déclare  anéanti.  Mais  la  loi  ne  fait  tomber  que  la  condamnation  par 
contumace  ;  si  l'arrêt  avait  prononcé  l'acquittement  ou  l'absolution,  il  aurait 
force  de  chose  jugée  et  ferait  obstacle  à  toute  poursuite  nouvelle. 


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778     QUARANTE-TROISIÈME  LEÇON.  —  PROCatoURBS  PARTICULIERES  (n"  841). 

838.  Il  me  reste  à  vous  signaler  sar  cette  matière  une  forme  particulière 
de  la  procédure. 

«  Art.  477.  Dans  les  cas  prévus  par  l'article  précédent,  si,  pour  quelque  cause 
que  ce  soit,  des  témoins  ne  peuvent  être  produits  aux  débats,  leurs  dépositions 
écrites  et  les  réponses  écrites  des  autres  accusés  du  a^éme  délit  seront  lues  à 
Taudience;  il  en  sera  de  même  de  toutes  les  autres  pièces  qui  seront  Jugées  par  le 
président  être  de  nature  à  répandre  la  lumière  sur  le  délit  et  les  coupables.  » 

Cette  disposition  a  été  édictée  en  prévision  dn  temps,  quelquefois  très-long, 
qui  a  pu  s'écouler  entre  le  jour  de  l'arrêt  par  contumace  et  le  jour  de  la  repré- 
sentation de  Taccusé.  U  peut  arriver  que  les  témoins  n'existent  plus  ou  ne 
soient  plus  présents,  que  la  procédure  orale  soit  impossible,  et  il  a  fallu  néces- 
sairement lui  substituer  alors  la  procédure  écrite.  C'est,  dans  cette  hypothèse, 
une  forme  substantielle  que  la  lecture  de  toutes  les  pièces,  et  l'omission  d'une 
seule  déposition  emporterait  la  nullité  du  nouvel  arrêt. 


CHAPITRE  III 


DES  GRIMES  COMMIS  PAR  DES  JUGES,   HORS  DE  LEURS  FONCTIONS  ET  DANS 
L*£XERGIGE  DE  LEURS   FONCTIONS. 

8S9.  Les  art.  479  et  suivants  établissent  une  garantie  pour  les  magistrats 
de  Tordre  judiciaire.  Cette  garantie  ne  consiste  pas,  comme  celle  qui  protégeait 
les  fonctionnaires  de  l'ordre  politique  et  les  agents  de  l'ordre  administratif, 
dans  une  autorisation  de  poursuivre  émanée  d'un  antre  pouvoir  ;  elle  est  tout 
entière  dans  la  juridiction  plus  élevée  qui  doit  juger  le  fuit,  s'il  ne  constitue 
qu'un  simple  délit,  et  qui  doit  procéder  à  l'instruction,  s'il  a  les  caractères 
d'un  crime. 

840.  Si  le  fait  incriminé  n'est  qu'un  délit,  la  cour  est  seule  compétente  pour 
en  conndtre,  et  elle  ne  peut,  aux  termes  des  art.  479  et  483,  être  saisie  que 
par  la  citation  du  procureur  général.  Cette  attribution  a  été  étendue  :  1*  par 
l'art.  10  de  la  loi  du  20  avril  1810,  aux  grands  ofâciers  de  la  Légion  d'honneur, 
aux  généraux  commandant  une  division  ou  un  département,  aux  archevêques, 
aux  évêques,  aux  présidents  des  consistoires,  aux  membres  de  la  cour  de  cas- 
sation, de  la  cour  des  comptes  et  des  cours  prévenus  de  délits  de  police  cor- 
rectionnelle; 2*  par  l'art.  idO  du  décret  du  15  novembre  1811,  aux  membres 
de  l'Université. 

841.  Si  le  fait  incriminé  a  les  caractères  d'un  crime,  il  faut  distinguer  si  ce 
crime  a  été  commis  hors  des  fonctions  ou  dans  leur  exercice*  Dans  la  pre- 
mière hypothèse,  l'art.  480  prescrit  que  c  le  procureur  général  près  la  cour  et 
le  premier  président  de  cette  cour  désigneront,  le  premier,  le  magistrat  qui 
exercera  les  fonctions  d*ofûcier  de  police  judiciaire  ;  le  second,  le  magistrat 
qui  exercera  les  fonctions  déjuge  d'instruction,  i  Les  pièces  sont  transmises 

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DBS  DÉLITS  GOMIUS  ▲  LAUJMBNGB  (aRT.   507).  779 

aa  ministre  de  la  Jostice^si  le  fait  est  imputé  à  un  membre  des  cours,  et  oe 
DÛnisire  les  transmet  à  la  cour  de  cassation  qui,  aux  termes  de  l!art.  482,  dési« 
gne,  en  dehors  du  resort  de  la  cour  à  laquelle  appartient  le  membre  inculpé, 
la  juridiction  qui  doit  Juger. 

842.  Si  le  crime  a  été  commis  dans  l'exercice  des  fonctions,  il  faut  distin- 
guer si  Tofûcier  appartient  à  la  catégorie  des  officiers  énumérés  par  Fart.  483, 
ou  de  ceux  qui  sont  désignés  par  Tart.  485.  Dans  le  premier  cas,  aux  termes  de 
l'article  484,  i  les  fonctions  ordinairement  dévolues  au  juge  d'instruction  et 
au  procureur  de  la  République  seront  inmiédiatement  remplies  par  le  premier 
président  et  le  procureur  général,  chacun  en  ce  qui  le  concerne,  ou  par  tels 
autres  officiers  qu'ils  auront  respectivement  et  spécialement  désignés  à  cet 
effet.  •  8i  le  magistrat  inculpé  appartient  à  la  catégorie  énumérée  dans  l'art.  485, 
le  crime  est  dénoncé  soit  au  ministre  de  la  justice,  qui  donne,  s'il  y  a  lieu, 
ordre  au  procureur  général  près  la  cour  de  cassation  de  le  poursuivre,  soit 
directement  à  la  cour  de  cassation  elle-même.  L'instruction  est  suivie  par  cette 
cour  jusqu'à  l'arrêt  de  non-lieu  ou  de  mise  en  accusation,  suivant  les  formes 
tracées  par  les  art  487  et  suivants.  Il  me  parait  inutile  de  vous  retracer  ces 
formes  qu'il  vous  suffira  de  lire  et  qui  sont,  il  faut  le  dire  à  la  louange  de  la 
magistrature,  bien  rarement  appliquées.  Veuillez  seulement  bien  remarquer 
que  les  formes  ordinaires  ne  sont  modifiées  qu'en  ce  qui  concerne  Tinstruction  : 
les  juges  définitifs,  les  juges  du  fond,  demeurant  les  mêmes,  sauf  que  la  cour 
de  cassation  peut  désigner  la  cour  d'assises  qui  lui  paraît  placée  en  dehors 
de  toutes  les  influences  qui  pourraient  entacher  l'impartialité  du  jugement. 


CHAPITRE  IV 

DSS  DÉLITS  CONTRAIRES  AU  RESPECT  DU  AUX  AUTORITÉS  CONSTITUÉES. 

843.  J'ai  déjà  donné  quelques  explications  sur  les  art.  504  et  505  en  rappro- 
chant ces  articles  de  l'art.  181  (Voy.  suprà,  n«  794).  Les  dispositions  de  ce 
chapitre  ne  font  qu'appliquer  un  -principe  qui  tient  essentiellement  à  toutes 
les  juridictions  et  que  nous  trouvons  dans  la  législation  romaine  :  Omnibus 
magistraUbus  seeundùm  jus  poiestaiis  concessum  est  juridictionen  suam  defen- 
dere  pœnoli  judido  {L,  un.  Dig.,  si  quisjus  sic).  Suivant  l'art.  378  du  projet  de 
Gode,  correspondant  à  l'art.  504,  avant  d'employer  les  voies  de  rigueur,  i  le 
président  ou  le  juge  devait  avertir  ou  faire  avertir  les  perturbateurs  de  rentrer 
dans  l'ordre,  et,  s'ils  n'obéissaient  pas  à  cet  avertissement,  leur  enjoindre  de 
'se  retirer.  •  Mais  cette  disposition  fut  effacée,  sur  l'pbservation  faite,  à  U 
séance  du  conseil  d'État  du  12  vendémiaire  an  XIII,  par  le  premier  consul, 
•  que  l'avertissement  préalable  est  inutile,  qu'il  convient  beaucoup  mieux  au 
bon  ordre  et  à  la  dignité  des  tribunaux,  qu*on  expulse  d'abord  ceux  qui  don- 
nent des  signes  d'approbation  ou  d'improbation,  qui  excitent  quelque  tumulte. 
La  rigueur  qu'on  déploie  en  ce  cas  ne  blesse  pas  les  droits  du  citoyen,  car  ils 
ne  consistent  pas  à  troubler  l'exercice  de  la  justice.  • 


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780     QUAAANTB-TROISIÉICB  LBÇON.  -*  PROCÉDURES  PARTICULIÈRES  (m"^  847). 

844.  Je  dois  d'abord  vous  faire  remarquer  que  les  art.  504  et  505  ont  virtuel- 
lement modifié  les  art.  11,  89,  90  et  91  du  Gode  de  procédure  civile,  puisqu'ils 
ae6)rdent  à  Tautorité  judiciaire  un  pouvoir  plus  étendu  dans  les  drconstanoes 
que  ces  derniers  articles  avaient  prévues  et  prescrivent  un  mode  spécial  de 
procéder. 

845.  Il  résulte  des  art.  504  et  505,  que  la  loi  a  divisé  en  deux  classes  dis- 
tinctes les  troubles  qui  peuvent  survenir  dans  tous  les  lieux  où  se  fait  publique- 
ment une  instruction  judiciaire  :  lorsqu'il  s*agit  seulement  d'un  trouble  pro- 
venant soit  des  signaux  publics  d'approbation  ou  d'improbation,  soit  d'un 
tumulte  quelconque,  tous  les  magistrats  de  Tordre  judiciaire  ou  administratif 
sont  investis,  également  et  indistinctement,  du  droit  de  faire  expulser  les  per- 
turbateurs, et,  si  ceux-ci  résistent  à  leurs  ordres  ou  rentrent  après  leur  expul- 
sion, d'ordonner  qu'ils  seront  arrêtés  et  conduits  dans  la  prison  d'arrêt  pen- 
dant vingt-quatre  heures  (art.  504  et  509).  L'usage  de  ce  pouvoir  n'est  qu'une 
mesure  de  police  qui  n'exige  aucun  jugement;  car  il  suffit,  pour  sa  légalité  et 
son  exécution,  qu'il  en  soit  fait  mention  dans  le  procès-verbal.  Tout  magistrat 
peut  donc  la  prescrire  en  vertu  de  la  fonction  qu'il  remplit. 

848.  Si,  au  contraire,  le  tumulte  survenu  dans  l'audience  a  les  caractères 
sôit  d'une  contravention,  soit  d'un  délit,  soit  même  d'un  crime,  la  compétence 
subit  quelques  modifications.  S'il  s'agit  d'une  contravention  ou  d'un  délit, 
0  les  peines  pourront  être,  séance  tenante  et  immédiatement  après  que  les 
faits  auront  été  constatés,  prononcés,  savoir  :  —  celles  de  simple  police  sans 
appel,  de  quelque  tribunal  ou  juge  qu'elles  émanent  ;  —  et  celles  de  police  cor- 
rectionnelle, à  la  charge  de  l'appel,  si  la  condamnation  a  été  portée  par  un 
tribunal  sujet  à  appel  ou  par  un  juge  seul  •  (art.  505).  Le  législateur  a  voulu, 
en  édictant  cette  disposition,  imprimer  dans  les  esprits,  par  la  punition 
prompte  et  sévère  qu'elle  commande,  le  respect  qu'on  doit  aux  actes  publics 
de  rinstruction  judiciaire,  ainsi  qu'aux  magistrats  qui  se  livrent  à  cette  ins- 
truction. Il  suit  de  là  que  le  juge  ou  le  tribunal,  qui  s'acquitte  de  ce  nouveau 
devoir  de  son  office,  se  trouve  nécessairement  transformé  en  juridiction  de 
police  ou  correctionnelle,  et  lors  même  qu'il  ne  constituerait  qu'une  iurldiction 
civile,  l'appel  de  ce  jugement,  s'il  y  a  lieu,  doit  être  porté  au  juge  supérieur 
de  répression. 

847.  Si  le  fait  est  qualifié  crime,  le  juge  ou  le  tribunal  se  borne  à  faire  arrê- 
ter le  délinquant  et  à  dresser  procès-verbal;  il  ne  le  juge  pas,  il  le  renvoie 
seulement  devant  la  juridiction  compétente  pour  le  juger  (art.  506).  Il  n'y  a 
d'exception  à  cette  règle  générale  que  dans  le  cas  où  le  crime  aurait  été  corn* 
mis  à  Taudience  de  la  cour  de  cassation,  d'une  cour  d'appel  ou  d'une  cour 
d'assises  ;  la  position  élevée  de  la  juridiction  a  paru  dans  ce  cas  une  garantie 
suffisante  pour  le  prévenu  :  c  La  cour,  porte  l'art.  507,  procédera  au  jugement 
de  suite  et  sans  désemparer;  elle  entendra  les  témoins,  le  délinquant  et  le  con- 
seil qu'il  aura  choisi  ou  qui  lui  aura  été  désigné  par  le  président;  et,  après 
avoir  constaté  les  faits  et  ouï  le  procureur  général  ou  son  substitut,  le  tout  pu- 
bliquement, elle  appliquera  la  peine  par  un  arrêt  qui  sera  motivé.  • 

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DE  h'wukVBUXNT  DS8  PliCBS  d'uNJB  AFFAIRB  (aRT.  524).  781 

CHAPITRE  V 

D£  LA.  MÀNliRE  DONT  SOm*  REÇUS,  EN  MATIÈRE  CRIMINELLE,  CORRECTION- 
NELLE ET  DE  POLICE,  LES  DÉPOSITIONS  DES  PRINCES  ET  DE  CERTAINS 
FONCTIONNAIRES  DE  l'ÉTAT. 

848.  n  YOQs  snffîra  de  lire  les  art.  610  à  517.  Il  faut  y  joindre  le  décret  da 
4  mai  1812.  Aucune  question  ne  8*éiève  sur  ces  dispositions^  gui  ne  consistent 
qu'à  régler  la  forme  extérieure  du  témoignage. 


CHAPITRE  VI 

DE  LA  RECONNAISSANCE  DE  l'iDENTITÉ  DES  INDIVIDUS  CONDAMNÉS, 
ÉVADÉS  ET  REPRIS. 

849.  Les  art.  518,  519  et  520  établissent  une  procédure  particulière,  qui  avait 
déjà  été  édictée  par  une  loi  du  22  frimaire  an  YHÏ,  et  qui  a  pour  objet  de  con- 
stater ridentité  des  condamnés  qui  sont  repris  après  leur  évasion.  Remarquez 
bien  qu'il  ne  s'agit  point  d'un  jugement,  d'une  condamnation,  mais  d'une 
simple  vérification.  Telle  condamnation  s'applique-t-elle  à  tel  individu  ?  Voilà 
la  seule  question  à  juger.  La  loi  pose  avec  raison  la  règle  générale  que  «  la 
reconnaissance  de  l'identité  d'un  individu  condamné,  évadé  et  repris,  sera 
faite  par  la  cour  qui  aura  prononcé  la  condamnation.  »  En  effet,  les  juges  qui 
ont  prononcé  sont  seuls  aptes  à  constater  rindividualîté  du  condamné  ;  quand 
ces  vérifications  émanent  d'une  conr  d'assises,  elles  sont  faites  sans  assistance 
des  jurés;  les  jurés  n'étant  plus  les  mêmes  que  ceux  qui  ont  jugé  seraient 
inaptes  à  prononcer  ;  quant  aux  juges,  lors  môme  qu'ils  n'ont  pas  siégé,  ils 
peuvent  trouver  dans  la  procédure  écrite  les  indices  et  les  preuves  de  l'indi- 
vidualité. 6i  c'est  un  contumax  qui  nie  son  identité,  faut-il  lui  appliquer  les 
règles  de  l'art.  519  ?  Gela  a  paru  douteux,  car  cet  article  ne  s'applique  qu'au  cas 
des  condamnés  contradictoires  évadés  après  leur  condamnation.  La  jurispru- 
dence s'est  prononcée  néanmoins  pour  la  compétence  exclusive  des  juges  de  la 
cour  d'assises,  par  suite  d'une  extension  évidente  des  art.  518  et  519.  Mais 
comme  l'accusé  peut  dans  ce  cas  reproduire  devant  le  jury  la  négation 4e  son 
identité,  cette  jurisprudence  ne  peut  lui  porter  qu'un  faible  préjudice  (Voy. 
au  surplus  sur  ces  articles  nos  précédentes  observations,  n«  98). 


CHAPITRE  VII 

manière  DE  PROCÉDER  EN  CAS  DE'  DESTRUCTION   OU  d'eNLÈVEMENT  DES 
PIÈGES  OU  DU  JUGEMENT  d'uNE  AFFAIRE.  , 

860.  Les  mesurea  indiquées  par  les  art.  521,  522,  523  et  524,  sont  étran- 
gères à' la  procédure.  Elles  ont  seulement  pour  but  de  remédier  à  la  perte  des 
dossiers  et  des  actes. 

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782      QUARANTE-TROISIÈBCB  LBÇON.  —  PROCÉDURES  PARTIGULlâRBS  (n«  853). 

TITRE  V 

DES  RÈGLEMENTS  DE    JTJ6ES  ET    DES  RENVOIS  d'uN  TRIBUNAL    A  UN  AUTRE. 

CHAPITRE  PREMIER 

DES    RÈGLEMENTS    DE    JUGES. 

861.  Les  règlements  de  jnges  ont  pour  objet  de  faire  cesser  les  conflits  soit 
positifs,  soit  négatifs  de  juridiction,  qui  s'élôvent  entre  deux  tribunaux.  Le 
conflit  est  positif  quand  deux  tribunaux  se  sont  simultanément  saisis  de  la 
môme  affaire  ;  il  est  négatif  quand  deux  tribunaux  se  sont  successivement 
déclarés  incompétents  pour  statuer.  H  appartient  en  général  à  la  cour  de  cas- 
sation de  régler  de  juges  :  elle  est  le  r^ulateur  souverain  des  compétences  : 
c'est  là  l'une  de  ses  principales  et  de  ses  plus  hautes  attributions. 

868.  Il  est  quelques  cas  où  le  règlement  de  juges  peut  être  prononcé  par 
un  tribunal  correctionnel  ou  par  une  cour  ;  ces  cas  sont  prévus  par  l'art.  S40 
qui  porte  : 

«  ART.  540.  Lorsque  deux  juges  d'instruction  ou  deux  tribunaux  de  première 
instance,  établis  dans  le  ressort  de  la  même  cour,  seront  saisis  de  la  connaissance 
du  môme  délit  ou  de  délits  connexes,  les  parties  seront  réglées  de  juges  par  cette 
cour,  suivant  la  forme  prescrite  au  présent  chapitre  ;  sauf  le  recours,  s*il  y  a 
lieu,  à  la  cour  de  cassation.  ~  Lorsque  deux  tribunaux  de  police  simple  seront 
saisis  de  la  connaissance  de  la  môme  contravention  ou  de  contraventions  con- 
nexes, les  parties  seront  réglées  de  juges  par  le  tribunal  auquel  ils  ressortissent 
l'un  et  Tautre  ;  et,  s'ils  ressortissent  à  différents  tribunaux,  elles  seront  réglées 
par  la  cour  d'appel,  sauf  le  recours,  s'il  y  a  lieu,  à  la  cour  de  cassation.  » 

Hors  ces  deux  cas,  il  n'appartient  qu'à  la  cour  de  cassation  de  statuer  sur 
les  conflits.  Elle  possède,  dans  toute  sa  plénitude,  rattributlon  générale  de 
régler  les  compétences,  et  dans  tous  les  cas  où  cette  attribution  n'a  pas  été 
restreinte,  comme  dans  Fart.  540,  par  une  exception  formelle,  le  droit  de  pro* 
céder  par  voie  de  règlement  de  juges  lui  est  exclusivement  dévolu.  C'est  ce  qui 
résulte  formellement  des  art,  526  et  527. 

868.  U  faut  lire  attentivement  ces  deux  articles  : 

«  Abt.  526.  n  y  aura  lieu  k  être  réglé  de  juges  par  la  cour  de  cassation,  en  ma- 
tière criminelle,  correctionnelle  ou  de  police,  lorsque  des  cours,  tribunaux  ou  juges 
d'instruction,  ne  ressortissant  point  les  uns  aux  autres,  seront  saisis  de  la  con- 
naissance du  môme  délit  ou  de  délits  connexes,  ou  de  la  môme  contravention.  » 

«  Art.  527.  Il  y  aura  lieu  également  à  ôtre  réglé  de  juges  par  la  cour  de  cassa* 
tion,  lorsqu'un  tribunal  militaire  ou  maritime,  ou  un  ofQcier  de  police  militaire, 
ou  tout  autre'  tribunal  d'exception,  d'une  part,  une  cour  impériale  ou  d'assises, 
un  tribunal  jugeant  correctionnellement,  un  tribunal  de  police  ou  un  juge  d'instruc» 
tion,  d'autre  part,  seront  saisis  de  la  connaissance  du  môme  délit  ou  de  délits  con- 
nexes, ou  de  la  môme  contravention.  » 

Il  ne  tant  pas  vous  arrêter  à  ces  mots  de  l'art.  526:  ne  ^e$$crti$9ani  pas  les 

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DES  RENVOIS  D*DN  TRIBUNAL  A  UN  AUTRE  (aRT.  542).      783 

uns  aux  autres.  La  Yoie  da  règlement  pent  être  ouverte  entre  deux  jurMic- 
lions  ressortissant  Tnne  à  l'autre  ;  car  il  peut,  dans  ce  cas  même,  y  avoir 
conflit.Par  exemple,  la  chambre  d'accusation  renvoie  une  affaire  devant  un 
tribunal  correctionnel  qui  ressortit  à  la  cour,  et  ce  tribunal  se  déclare  incom- 
pétent. Un  tribunal  correctionnel  renvoie  le  jugement  d'une  contravention  de- 
vant le  juge  de  police  qui  déclare  son  incompétence.  Voilà  des  cas  où  le  conflit 
existe  entre  les  deux  tribunaux  qui  ressortissent  Tun  à  Fautre.  En  général, 
il  y  a  lieu  à  règlement  de  juges,  toutes  les  fois  qu'un  jugement,  non  suscep- 
tible d'être  réformé,  arrête  le  cours  de  la  justice.  Ainsi,  et  c'est  le  cas  le  plus 
fréquent,  le  juge  d'instruction  renvoie  un  prévenu  de  délit  devant  la  juridic- 
tion correctionnelle,  et  cette  juridiction  se  reconnaît  incompétente  parce  que 
le  fait  lui  parait  avoir  le  caractère  d'un  crime.  Il  y  a  là  conflit  négatif  qui  ne 
peut  être  décidé  que  par  la  cour  de  cassation.  Autre  hypothèse  :  la  juridiction 
ordinaire  se  déclare  incompétente,  parce  que  le  prévenu  a  la  qualité  de  mili- 
taire, et,  d'une  autre  part,  le  conseil  de  guerre,  saisi  par  le  venvoi,  se  déclare 
également  incompétent,  parce  que  cette  qualité  de  militaire  du  prévenu  ne  lui 
parait  pas  bien  établie.  11  est  évident  que  la  cour  de  cassation  seule  peut  déci- 
der ce  conflit.  Nous  pourrions  multiplier  les  exemples.  Un  seul  point  est  à 
noter,  c'est  qu'il  n'y  a  lieu  à  règlement  que  lorsque  les  décisions  qui  entravent 
la  justice  ne  peuvent  plus  être  réformées  ;  car,  tant  qu'elles  n'ont  pas  de  force 
de  chose  jugée,  la  procédure  doit  suivre  son  cours. 


CHAPITRE  II 

DES  RENVOIS  d'uN  TRIBUNAL  A  UN  AUTRE. 

864.  La  faculté  de  prononcer  le  renvoi  des  affaires  d'un  tribunal  à  un  autre 
constitue  peut-être  la  plus  haute  des  prérogatives  et  Tattribution  la  plus  impor . 
tante  de  la  cour  de  cassation. 

«  Abt.  542.  En  matière  criminelle,  correctionnelle  et  de  police,  la  cour  de  cas- 
sation peut,  sur  la  réquisition  du  procureur  géoéral  près  cette  cour,  renvoyer  la 
connaissance  d'une  affaire  d'une  cour  impériale  ou  d'assises  à  une  autre,  d*un  tri- 
bunal correctionnel  ou  de  police  à  un  autre  tribunal  de  même  qualité,  d'un  juge 
d'instruction  à  un  autre  juge  d'instruction,  pour  cause  de  sûreté  publique  ou  de 
suspicion  légitime.  Ce  renvoi  peut  aussi  être  ordonné  sur  la  réquisition  des  parties 
intéressées,  mais  seulement  pour  cause  de  suspicion  légitime.  » 

Ainsi  la  cour  de  cassation  a  le  droit,  lorsqu'elle  en  est  régulièrement  requise, 
de  dessaisir  les  juridictions  qui  sont  à  la  fois  compétentes  et  légalement  saisies 
et  de  transporter  les  afiaires  et  les  prévenus  devant  les  juridictions  du  même 
ordre  qu'elle  désigne.  C'est  là  le  droit  le  plus  étendu  peut-être  qui  existe 
dans  l'organisation  judiciaire  ;  car  il  n'applique  pas,  il  ne  protège  pas  les 
règles  légales,  il  les  suspend.  C'est  l'intérêt  même  de  la  justice  qui  a  com- 
mandé cette  dérogation  extraordinaire  aux  lois  de  la  compétence  ;  car  il  peut 
se  présenter  des  circonstances  où  l'intérêt  de  la  justice  ne  trouve  pas  des  garan- 
ties suffisantes  dans  les  lieux  où  elle  devrait  être  rendue.  Deux  causes  géné- 
rales peuvent  motiver  cette  mesure  :  la  sûreté  publique  et  la  suspicion  légitime. 


784      QUARANTB-TROUIJbCB  LEÇON.  —  DBS  OOORS  8PÉGIALES^(n*  857). 

866.  Les  circonstaneea  qui  peuvent  compromettre  la  Bùretê  publique  ne  eoat 
pas  de  nature  à  être  définies  et  déterminées  d'une  manière  positive:  c'est  au 
gouvernement  à  les  apprécier  et  fc  les  indiquer  ;  c'est  à  la  cour  de  cassation  â 
les  examiner  et  à  les  peser.  On  a  dit  que»  lorsqpu'une  demande  de  cette  nature 
est  formée,  la  cour  de  cassation  encourrait  une  gvave  responsabilité,  si  elle  la 
rejetait  sans  de  fortes  raisons^  £n  dEét,  le  renvoi  demandé  par  le  gouvernement 
ne  suspend  pas  le  cours  de  la  justice,  puisqu'il  ne  porte  atteinte  à  aucune 
des  juridictions  ,  et  puisque  la  cour  de  cassation  a  seule  le  droit  de  cboisir  et 
de  désigner  le  tribonal  devant  lequel  le  renvoi  doit  ôtne  fait.  Néanmoins  il  ne 
fiLudrait  pas  poser  en  principe  que  la  cour  doit  oràonner  le  renvoi  dè&  qu'il  est 
demandé  par  le  gouvernement  ;  car  il  eût  mieux  valu^  dans  ce  sens^  donner  an 
gouvernement  lai-môme  le  droit  de  renvoyer  les  accusés  d'une  juridiction  à 
une  autre.  La  oeur  est  dépositaire  des  intérêts  de  Tordre  et  des  intérêts  de  la 
défense;  elle  doit  peser  avec  soin  les  motifs  allégués  de  part  et  d*autr^  et  ne 
se  prononcer  qu'après  l'examen  le  plus  attentif. 

866.  Les  renvois  peur  cause  de  suspicion  légitime  sont  plus  fréquents.  Ils 
peuvent  être  demandés  soit  par  le  ministère  public,  soit  par  les  parties  inté^ 
ressées.  On  peut  citer,  comme  exemples  des  cas  où  ils  peuvent  être  demandés, 
les  suivants:  --  lorsqu'une  instruction  se  fait  avec  une  négligence  préjndi* 
ciable  à  Tordre  public  ;  —  lorsque  le  juge  d'instruction  a  déclaré  que  dans  son 
opinion  le  prévenu  est  innocent,  et  qu'il  refuse  de  le  mettre  en  état  d'arresta- 
tion ;  —  lorsqu'une  plainte  est  portée  à  raison  de  dilapidations  qui  ont  donné 
lieu  à  des  remplacements  ou  avertissements  parmi  les  magistrats  de  la  localité; 
—  lorsqu'un  tribunal  ne  peut  se  composer  à  raison  de  Tempêcbement  des 
juges  ou  des  récusations  dont  ils  sont  Td>jet;  —  lorsque  Topinion  publique 
d'une  localité  est  vivement  excitée  à  raison  du  fait  poursuivi,  et  que  les  juges 
sont  ihiéressés  dans  la  poursuite  soit  par  leurs  affinités,  soit  par  leurs  opinions 
qu'ils  ont  émises  ;  — >  lorsque  le  fait  incriminé  intéresse  vivement  une  localité, 
de  sorte  que  tous  ses  habitants  prennent  indirectement  part  au  procès  ;  — 
lorsque  des  sollicitations  nombreuses  ont  été  adressées,  soit  aux  juges,  soit 
aux  jurés,  de  sorte-  que  leur  impartialité  puisse  être  suspectée,  etc.  La  conr 
de  cassation  a  Tappréciation  des  eauses  de  suspicion  comme  de  sûreté  publi- 
que. La  procédure  dans  Ton  et  Tsfutre  cas  se  fait  dans  les  formes  habituelles 
à  cette  cour.  Les  art.  543  et  suivants  Texposent  dans  des  termes  qu*il  sufîBt 
de  lire. 


TITRE  VI 

.    DES  C0VR8  SPÉCJÀIiSS. 

86*7.  Ces  cours,  qui  avaient  été  créées  par  le  Gode  de  1808  pour  juger  cer- 
tains crimes  (crimes  de  rébellion  armée,  de  fausse  monnaie  et  d'assassinat 
commiB'par  des  attroupemenu)  et  certains  prévenus  (les  vagabonds,  gens  sans 
^veu  et  récidivistes)  ont  été  supprimées  par  Tart.  54  de  la  Charte  de  1814. 

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DE  LA  RÉHABIUTATION  DBS  GONDilMNÉS  (aRT.  619).  785 

TITRE   VII 

DB  QDBLQUBS  OBJITS  d'iNTÉrAt  PUBLIC  ET  DB  8URBTÉ  GÉNAeàLE. 

CHAPITRE   PREMIER 

DU  DÉPÔT  GÉNÉRAL  DE  LA  NOTICE  DBS  JUGEMENTS. 

8i58«  Les  art.  600,  601  et  602  ont  pour  objet  une  mesure  de  prévoyance  : 
renvoi  aux  ministres  de  la  justice  et  de  l'intérieur  de  la  notice  de  tous  les 
jugements  et  arrêts,  en  matière  criminelle  et  ;correctionnelle,  a  pour  but  la 
constatation  de  criminalité  et  particulièrement  des  récidives. 


CHAPITRE  II 

DES  PRISONS,  MAISONS  d'aRRÉT  ET  DE  JUSTICE. 

8tfO.  Les  art.  603  et  suivants  vous  ont  déjà  été  expliqués  en  môme  temps 
que  les  formes  de  Tarrestalion.  U  serait  inutile  de  reproduire  ici  ces  précé- 
dentés  explications. 

CHAPITRE  III 

DES  MOYENS  d' ASSURER  LA  LIBERTÉ  INDIVIDUELLE  CONTRE  LES  DÉTENTIONS 

ILLÉGALES. 

860.  Vous  trouverez  également  l'explication  des  art  615,  616,  617  et  618 
dans  notre  commentaire  des  art.  119,  120,  121  et  122  du  Gode  pénal. 


CHAPITRE  IV 

DE   LA  RÉHABILITATION  DES   CONDAMNÉS. 

861.  Le  germe  de  cette  institution  se  irouvait  diCns  Tancieime  législation  ; 
mais  les  lettres  de  réhabilitation  dont  parlent  les  art»  5, 6  et  7  du  tit.  XVI  de 
rordonnance  de  1670  émanaient  purement  du  droit  de  grâce;  leur  concession 
n'était  soumise  à  aucunes  conditions  légales.  Les  anciens  auteurs  les  définis- 
saient: 0  Le  rétablissement  du  condamné  dans  ses  biens  et  bonne  renommée 
lorsqu'il  a  satisfait  à  la  peine  et  que  la  tache  et  note  d'infamie  qui  lui  restent 
l'empêchent  d'agir  civilement,  et  lui  ôtent  les  moyens  d'exister.  »  L'Assemblée 
constituante  recueillit  cette  pensée  et  lui  imprima  une  puissance  nouvelle.  La 
réhabilitation  cessa  de  prendre  sa  source  dans  un  acte  de  clémence,  elle  fut  un 
acte  de  justice,  elle  eut  pour  but  de  restituer  à  la  société  ses  membres  que  le 
crime  avait  dégradés,  mais  que  la  peine  avait  régénérés.  Les  formes  étaient 
I. ■  ,        50  , 

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786      QUARANTE-TROISIÈME  LEÇON.  —  RÉHABILIT.  DBS  CONDAMNÉS  (n*  863). 

simples  et  solennelles  (L.  16-29  septembre  1791)  :  le  conseil  de  la  commune 
était  chargé  de  vérifier  et  d'attester  la  bonne  conduite  du  condamné  ;  puis  deux 
magistrats  municipaux  le  présentaient  au  tribunal  criminel,  en  proférant  à 
haute  voix  ces  mots  :  «  Cet  homme  a  expié  sa  faute  en  subissant  sa  peine  ;  sa 
conduite  est  irréprochable  aujourd'hui  ;  nous  demandons,  au  nom  du  pays,  qpie 
la  tache  de  son  crime  soit  effacée,  i  Le  président,  sans  délibération,  pronon- 
çait aussitôt  :  c  Sur  l'attestation  et  la  demande  de  votre  paya,  la  loi  et  le  tribn- 
nal  efifacent  la  tache  de  votre  crime.  » 

862.  Notre  Gode  a  substitué  à  ces  formes  publiques  une  procédure  écrite. 
II  résulte  des  art.  619  et  suivants  que  le  condamné  doit  former  une  requête  ; 
cette  requôte,  accompagnée  des  attestations  et  des  pièces  à  Tappui,  est  déposée 
au  greffe  de  la  cour  et  publiée  dans  les  journaux  judiciaires;  le  procureur  gé- 
néral donne  ensuite  des  conclusions,  et  la  cour  émet  un  avis  qui  est  Tadmis- 
sion  ou  le  rejet.  8i  cet  avis  est  favorable,  les  pièces  sont  transmises  au  ministre 
de  la  justice  qui  soumet  la  demande  au  souverain  et  fait  expédier  les  lettre 
de  réhabilitation.  Il  résulte  de  ces  dispositions  que  la  réhabilitation  ne  dérive 
point,  comme  la  grâce,  de  la  clémence  du  souverain,  mais  de  sa  justice;  qu'elle 
a  pour  but,  non  de  faire  cesser  les  peines  puisqu'elles  sont  subies,  mais  de 
faire  cesser  tous  les  effets  du  jugement.  Elle  constitue  elle-même  un  véritable 
jugement  qui  intervient  après  des  épreuves  déterminées  et  qui  restitue  au 
condamn  étous  ses  droits  pour  l'avenir. 

863.  Une  loi  du  3  juillet  1852  a  modifié  les  conditions  et  les  efifets  de  la 
réhabilitation.  En  voici  le  texte  : 

a  Le  chapitre  iv  du  titre  VII  du  livre  I(  du  Gode  d'instruction  criminelle  est 
abrogé  :  il  est  remplacé  par  les  articles  suivants  : 

«  ART.  619.  Tout  condamné  à  une  peine  afQictive  ou  infamante  ou  à  une  peine 
correctionnelle,  qui  a  subi  sa  peine  ou  qui  a  obtenu  des  lettres  de  grâce^  peut  être 
réhabilité. 

a  ART.  620.  La  demande  en  réhabilitation  pour  les  condamnés  à  une  peine 
afilictive  ou  infamante,  ne  peut  être  formée  que  cinq  ans'après  le  Jour  de  leur 
libération.  —  Néanmoins,  ce  délai  court  au  profit  des  condamnés  à  la  dégradation 
civique»  du  jour  où  la  condamnation  est  devenue  irrévocable  ou  de  celui  de  l'expi- 
ration de  la  pe;ne  de  Temprisonnement,  si  elle  a  été  prononcée.  —  Il  court,  au 
profit  du  condamné  à  la  surveillance  de  la  haute  police  prononcée  comme  peine 
principale,  du  jour  où  la  condamnation  est  devenue  irrévocable.  —  Le  délai  est 
réduit  à  trois  ans  pour  les  condamnés  à  une  peine  correctionnelle. 

«  Art.  621.  Le  condamné  à  une  peine  affiictive  ou  infamante  ne  peut  être  admis 
à  demander  sa  réhabilitation,  s'il  n'a  résidé  dans  le  même  arrondissement  depuis 
cinq  années,  et  pendant  les  deux  dernières,  dans  la  même  commune.  —  Le  con- 
damné &  une  peine  correctionnelle  ne  peut  être  admis  à  demander  sa  réhabilita- 
tion s'il  n'a  résidé  dans  le  môme  arrondissement  depuis  trois  années,  et,  pendant 
les  deux  dernières,  dans  la  môme  commune.  » 

«  Art.  622.  Le  condamné  adresse  la  demande  en  réhabilitation  au  procureur 
impérial  de  l'arrondissement,  en  faisant  connaître  :  1*  la  date  de  sa  condamnation  ; 
2*  les  lieux  où  il  a  résidé  depuis  sa  libération,  s'il  s'est  écoulé  depuis  cette  époque 
un  temps  plus  long  que  celui  fixé  par  l'art.  620. 


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DE  LA  RÉHABILITATION   DBS  CONDAMNÉS   (aRT.    634).  787 

«  Art.  S23.  Il  doit  justifier  du  payement  des  frais  de  Justice,  de  l'amende  et  des 
dommages- intérêts  auxquels  il  a  pu  6tre  condamné,  ou  de  la  retenue  qui  lui  en  a 
été  faite.  -*-  A  défaut  de  cette  justification,  il  doit  établir  qu'il  a  subi  le  temps  de 
la  contrainte  par  corps  déterminé  par  la  loi,  ou  qae  la  partie  lésée  a  renoncé  à  ce 
moyen  d'exécution.  —  S'il  est  condamné  pour  banqueroute  frauduleuse,  il  doit 
Justifier  du  payement  du  passif  de  la  faillite  en  capital,  intérêts  et  frais,  ou  de  la 
remise  qui  lui  en  a  été  faite. 

«  Art.  624.  Le  procureur  impérial  provoque  par  Tintermédiaire  du  sous-préfet 
des  attestations  délibérées  par  les  conseils  municipaux  des  communes  où  le  con- 
damné a  résidé,  faisant  connaître  :  1«  la  durée  de  sa  résidence  dans  chaque  com- 
mune, avec  indication  du  Jour  qu'elle  a  commencé  et  de  celui  auquel  elle  a  fini; 
2*  Ba  conduite  pendant  la  durée  du  séjour;  3*  ses  moyens  d'existence  pendant 
le  même  temps.  ^  Ces  attestations  doivent  contenir  la  mention  expresse  qu^elles 
ont  été  rédigées  pour  servir  à  l'appréciation  de  la  demande  en  réhabilitation.  — 
Le  procureur  impérial  prend  en  outre  l'avis  du  maire  des  communes  et  du  juge  de 
paix  du  canton  où  le  condamné  a  résidé,  ainsi  que  celle  du  sous-préfet  de  l'ar- 
rondissement. 

«  Art.  625.  Le  procureur  impérial  se  fait  délivrer  :  !•  une  expédition  de  l'arrêt 
de  condamnation  ;  ^*  un  extrait  des  registres  des  lieux  de  détention  où  la  peine  a 
été  subie  constatant  quelle  a  été  la  conduite  du  condamné.  Il  transmet  les  pièces 
avec  son  avis  au  procureur  général. 

o  Art.  626.  La  cour  dans  le  ressort  de  laquelle  réside  le  condamné  est  saisie  de 
la  demande.  Les  pièces  sont  déposées  au  greffe  de  cette  cour  par  les  soins  du  pro- 
cureur général. 

a  Art.  627.  Dans  les  deux  mois  du  dépôt,  l'affaire  est  rapportée  à  la  chambre 
d'accusution  ;  le  procureur  générai  donne  ses  conclusions  motivées  et  par  écrit.  Il 
peut  requérir  en  tout  état  de  cause,  et  la  cour  peut  ordonner,  même  d'oflice,  de 
nouvelles  informations,  sans  qu'il  puisse  résulter  un  retard  de  six  mois. 

«  Art.  628.  La  cour,  le  procureur  général  entendu,  donne  son  avis  motivé. 

«  Art.  629.  Si  l'avis  de  la  cour  n'est  pas  favorable  à  la  réhabilitation,  une  nou- 
velle demande  ne  peut  être  formée  avant  l'expiration  d'un  délai  de  deux  années. 

«  Art.  630.  Si  l'avis  est  favorable,  il  est,  avec  les  pièces  produites,  transmis  par 
le  procureur  général,  et  dans  le  plus  bref  délai  possible,  au  ministre  de  la  Justice, 
qui  peut  consulter  la  cour  ou  le  tribunal  qui  a  prononcé  la  condamnation. 

a  Art.  631.  L'empereur  statuera  sur  le  rapport  du  ministre  de  la  justice. 

a  Art.  632.  Des  lettres  de  réhabilitation  seront  expédiées  en  cas  d'admission  de 
la  demande. 

a  Art.  633.  Les  lettres  de  réhabilitation  sont  adressées  à  la  cour  qui  a  délibéré 
l'avis.  Une  copie  authentique  en  est  adressée  à  la  cour  ou  au  tribunal  qui  a  pro- 
nonce  la  condamnation.  Ces  lettres  seront  transcrites  en  marge  de  la  minute  de 
l'arrêt  ou  du  jugement  de  condamnation. 

a  Art.  634.  La  réhabilitation  fait  cesser  pour  l'avenir,  dans  la  personne  du  con- 
damné, toutes  les  incapacités  qui  résultaient  de  la  condamnation.  —  Les  interdic- 
tions prononcées  par  l'art.  612  du  Code  de  Commerce  seront  maintenues,  nonobs- 
tant la  réhabilitation  obtenue  en  vertu  des  dispositions  qui  précèdent.  —  Aucun 
individu  condamné  pour  crime,  qui  aura  commis  un  second  crime  et  subi  une 
nouvelle  condamnation  à  une  peine  afilictive  ou  infamante,  ne  sera  admis  à  la  réhabi- 
litation.  —  Le  condamné  qui,  après  avoir  obtenu  sa  réhabilitation,  aura  encouru 
une  nouvelle  condamnation,  ne  sera  plus  admis  au  bénéfloe  des  dispositions  qui 
précèdent,  v 


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788      QUARANTE-QUATRIÈMB  LEÇON.  —  DE  LA  PRESCRIPTION  (n*  865)* 
QUARANTE-QUÀTRiiME  ET  DERNIÈRE  LEÇON. 

TITRE  Vm 

CHAPITRE  V 

DE    LÀ    PRESCRIPTION. 

864.  n  noas  reste  à  dire  quelques  mots  sur  la  matière  de  la  prescription. 
Elle  se  rapporte,  comme  vous  le  savez^  aux  art.  635  et  suivants  du  Godedlns- 
truction  criminelle. 

Les  règles  de  la  prescription  dans  les  matières  criminelles  ont  souvent  varié, 
soit  quant  à  son  point  de  départ,  soit  quant  à  sa  durée,  soit  quant  aux  faits  ou 
aux  crimes  auxquels  elle  s'applique  ou  ne  s'applique  pas.  Mais  l'historique  de 
ces  variations  serait  de  peu  d'importance  dans  une  matière  tout  à  fait  arbi^ 
traire,  où  aucun  principe  ne  détermine  nettement  quelle  doit  être  la  durée  de 
telle  ou  telle  prescription,  et  à  quel  point  telle  ou  telle  poursuite  est  encore 
possible.  Je  ferai  seulement  remarquer  que  la  loi  actuelle,  à  la  différence  de 
la  jurisprudence  antérieure,  a  proclamé,  absolument  et  sans  réserves,  le  prin- 
cipe de  la  prescription  des  peines  et  de  la  prescription  des  actions  pénales  à 
regard  de  tous  les  crimes  et  de  tous  les  délits.  Il  n'y  a  plus  chez  nous,  comme 
autrefois,  des  crimes  imprescriptibles;  autrefois,  en  effet,  quelques  exceptions^ 
en  fort  petit  nombre  sans  doute,  avaient  été  admises.  Ainsi,  d'après  un  édit 
de  1679,  contre  le  duel,  on  avait  décidé  que  la  peine  du  duel  était  imprescrip- 
tible. La  jurisprudence  était  môme  allée  jusqu'à  dire  qu'à  raison  de  cette  im- 
prescriptibilité  dont  la  loi  frappait  le  duelliste,  les  crimes  commis  par  lai, 
même  étrangers  au  duel,  étaient  imprescriptibles  aussi,  si  on  les  poursuivait 
avec  le  duel;  de  même  le  crime  de  parricide,  d'après  une  loi  romaine  observée, 
il  parait,  dans  quelques-uns  denos  anciens  parlements.  Enfin  le  crime  de  lèse- 
majesté  était  autrefois  déclaré  imprescriptible.  Vous  pourrez  voir  en  tête  du 
chapitre  de  la  Prescription,  dans  le  petit  Traité  de  Procédure  crimin$Ue  qu'a 
laissé  Pothier,  le  résumé  des  anciennes  idées  à  cet  égard.  Cet  historique  n'a 
plus  maintenant  d'importance  pratique. 

865.  Dans  le  chapitre  v,  dont  nous  commençons  l'explication,  il  y  a  deux 
idées  fondamentales,  deux  matières  qu'il  faut  bien  di stinguer  :  \^  prescription 
contre  les  peines,  à  l'effet  de  se  libérer  des  condamnations  qui  ont  été  pronon- 
cées ;  2«  ce  qui  est  bien  distinct,  ce  qui  est  soumis  à  des  règles  tout  à  fait  sépa- 
rées, prescription  contre  les  actions,  à  l'effet  d'éviter  les  poursuites,  les  juge- 
ments, les  arrêts  à  intervenir.  Ainsi,  on  peut  prescrire  :  1<»  contre  l'action  à 
laquelle  on  s'est  exposé  en  commettant  ou  un  crime  ou  un  délit;  2^  après  même 
qu'en  conséquence  d'un  crime  ou  d'un  délit  on  a  été  condamné,  on  peut  pres- 
crire contre  l'exécution,  contre  l'application  de  la  peine  ainsi  prononcée.  Les 
art.  635,  636  et  639  sont  relatifs  à  ce  dernier  ordre  d'idées,  ^'est-à-dire  à  la 
prescription  contre  la  peine  prononcée,  à  la  prescription  contre  l'exécution  d'un 
arrêt  ou  d'un  jugement.  Au  contraire,  les  art.  637,  638  et  640  sont  relatifs  à  1& 

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DB  LA  PRBSGRIPTIOn  DBS  PBINBS  (ART.   635).  789 

•prescription  contre  les  poursuites,  à  la  prescription  contre  Faction  résultant  de 
l'existence  d'un  crime  ou  d'un  délit. 

Nous  parlerons  d'abord  de  la  prescription  contre  les  peines»  contre  les  con- 
damnations, qui,  en  matière  criminelle^  fait  l'objet  de  l'art.  635,  et  qui,  [en 
matière  correctionnelle,  fait  l'objet  de  l'art.  636. 

866.  a  Art.  635.  Les  peines  portées  par  les  arrêts  ou  jugements  rendus  en  ma- 
tière criminelle  se  prescriront  par  vingt  années  révolues,  &  compter  de  la  date  des 
aiTêts  ou  jugements.  —  Néanmoins  Je  condamné  ne  pourra  résider  dans  le  dé- 
partement où  demeureraient,  soit  celui  sur  lequel  ou  contre  la  propriété  duquel 
le  crime  aura  été  commis,  soit  ses  héritiers  directs.  —  Le  gouvernement  pourra 
assigner  au  condamné  le  lieu  de  son  domicile.  » 

Ainsi,  vingt  ans  après  la  condamnation  prononcée,  la  loi  veut  que  le  con- 
damné ait  prescrit  contre  l'exécution,  contre  Tapplication  de  la  peine.  Les  vingt 
ans  courent,  la  loi  vous  le  dit,  à  compter  de  la  date  de  Tarrôt  ou  du  jugement; 
je  reviendrai  tout  à  l'heure  sur  la  rédaction  de  ces  mots.  Les  vingt  ans  cou- 
rent à  compter  de  l'arrêt,  bien  entendu  si  le  condamné  s'est  soustrait  par  la 
fuite  à  l'exécution,  à  l'application  de  cet  arrêt.  Il  est  évident  qu'on  ne  prescrit 
pas  sous  les  verrous  à  l'effet  d'acquérir  sa  liberté.  C'est  ici  une  prescription 
contre  la  peine,  et  la  première  condition  '  pour  que  cette  prescription  coure, 
c'est  que  la  peiné,  passez-moi  le  mot,  ne  possède  pas  le  condamné.  Ainsi,  ce 
ne  sera  pas  tout  à  fait,  comme  la  loi  vous  le  dit,  à  compter  de  la  date  des  arrêts 
ou  jugements  que  courra,  dans  tous  les  cas,  la  prescription  de  vingt  ans  pour 
se  libérer  de  la  condamnation.  Gela  est  vrai  sans  doute  dans  un  arrêt  prononcé 
par  contumace,  et  j'avoue  que  c'est  là  le  cas  où  la  prescription  s'applique  le 
plus  fréquemment  ;  dans  un  arrêt  par  contumace,  c'est  en  effet  par  vingt  ans, 
à  partir  de  l'arrêt,  que  le  condamné  prescrira  contre  toute  espèce  de  pénalité. 
Que,  si,  au  contraire,  l'arrêt  de  condamnation  a  été  contradictoire,  ce  sera 
seulement  du  moment  oi!i  le  condamné  se  sera  dérobé  à  la  peine  que  com- 
menceront à  courir  utilement  pour  lui  les  vingt  ans  à  l'expiration  desquels  au- 
cune peine  ne  pourra  plus  le  fhipper. 

867.  La  loi  vous  dit  :  A  compter  de  la  date  dés  arrêts  on  jugements.  Ged  pré- 
sente quelque  bizarrerie  ;  à  compter  de  la  date  des  arrêts,  on  le  comprend,  car 
les  décisions,  les  condamnations  rendues  en  matière  criminelle  émanent  de 
cours  d^assises,  et  portent  par  conséquent  le  nom  d'arrêts.  Mais  si  les  cours 
d'assises  seules  décident  en  matière  criminelle,  si  les  décisions  des  cours  d'as- 
sises sont  nécessairement  des  arrêts  dans  le  sens  légal  du  mot,  que  veut-on 
dire  ici  par  ces  jugements  qu'on  oppose  aux  arrêts,  et  dans  lesquels  on  suppose 
que  des  condamnations  criminelles  auront  pu  être  portées?  On  ne  peut  guère 
entendre  ceci  que  des  décisions  des  tribunaux  extraordinaires,  auxquelles 
n'appartient  pas  le  nom  d'arrêts,  par  exemple,  des  décisions  des  conseils  de 
guerre,  portant  des  peines  criminelles  contre  les  militaires  soumis' à  leur  juri- 
diction, et  qui  cependant  ne  portent,  dans  la  pratiqué  et  dans  là  loi,  que  le 
nom  de  jugements.  £n  effet,  l'art.  635  parait  régir  à  la  fois  la  prescription  con- 
tre les  condamnations  criminelles  ordinaires  et  contre  les  condamnations  pro- 
noncées pour  crimes  militaires. 


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790      QUARANTE-QUATRIÈMB   LEÇON.   •—  DE  LA  PRESCRIPTION  (N^  870). 

868.  Pourquoi  la  loi  veat-eiie  qu'après  vingt  ans  depuis  le  jugement  ou 
l'arrêt,  ou  qu'au  moins  après  vingt  ans  depuis  Févasion,  la  peine  soit  pres- 
crite ?£lle  pense  que  vingt  ans  d'exil,  vingt  ans  de  fuite,  d'angoisses^  d'inquié- 
tudes ont,  en  général,  sufli  amplement  à  la  vindicte  publique.  Elle  pense  sur- 
tout, et  avec  raison  dans  la  plupart  des  cas,  que  vingt  ans  écoulés  dans  la  vie 
d'un  homme  ont  enlevé  en  lui  ce  qu'il  pouvait  avoir  de  dangereux  pour  la  so- 
ciété, soit  par  l'influence  de  l'âge  qui  a  diminué  ses  moyens  de  nuire,  soit 
aussi  parce  que,  dans  un  grand  nombre  de  crimes,  les  mômes  circonstances, 
les  mêmes  passions  qui  l'avaient  porté  à  le  commettre  auront  dispara,  se  se- 
ront amorties  avec  le  temps. 

869.  Quel  est  Teffet  de  cette  prescription  de  vingt  ans,  et  contre  quoi  court- 
eUe? 

Remarquez  que  ces  arrêts  ou  jugements,  dont  il  est  ici  question,  ont  pu 
porter  deux  ordres,  deux  espèces  de  condamnations  bien  distinctes  :  1®  condam- 
nation pénale,  candamnation  criminelle  proprement  dite  portée  contre  la  per- 
sonne, dans  l'intérêt  de  la  vindicte  publique  ;  2^  condamnation  civile,  pécu- 
niaire, résultant  de  l'action  de  la  partie  lésée,  action  dont  nous  avons  déjà 
jfréquemment  parlé.  Quel  sera  l'effet  de  ces  vingt  ans  écoulés  depuis  l'arrêt  ? 
auront-ils  également  effet  pour  l'un  et  pour  l'autre  chef  de  condamnation  por- 
tée dans  cet  arrêt?  Non;  la  loi  fait  ici  très-nettement  une  distinction,  qui,  au 
contraire,  est  beaucoup  plus  douteuse  dans  le  cas  de  l'art.  637  ;  ici,  c'est 
uniquement  contre  la  peine,  contre  la  disposition  pénale  de  l'arrêt  ou  du  juge- 
ment que  la  prescription  4e  vingt  ans  a  ses  effets.  Au  contraire,  k  l'égard  de 
la  condamnation  civile  prononcée  contre  le  coupable  au  profit  de  la  partie 
lésée,  la  prescription  est  régie  par  l'art.  642,  qui  n'est  qu'un  renvoi  aux  prin- 
cipes de  la  loi  civile.  Cette  condamnation  pécuniaire  constitue,  pour  la  partie 
civile,  contre  le  condamné,  une  véritable  créance,  créance  qui  se  prescrira  par 
trente  ans  écoulés  sans  poursuites,  aux  termes  de  l'art.  2262  du  Gode  civil. 

Il  y  a  donc  séparation,  indépendance  complète  entre  la  prescription  de  la 
peine  et  la  prescription  de  la  condamnation  pécuniaire. 

De  ûiême,  si  la  prescription  de  la  peine  venait  à  être  interrompue  parce  que 
le  condamné  évadé  serait  repris,  cela  n'empêcherait  pas  la  prescription  de  la 
condamnation  pécuniaire  de  courir  à  son  profit.  Et,  réciproquement,  si  la  par- 
tie civile,  en  vertu  de  cette  condamnation  pécuniaire,  fait  des  actes  de  pour- 
suite interruptifs  de  la  prescription,  ces  actes  n'interrompront  pas  la  prescrip- 
tion de  la  peine  qui  en  est  pleinement  indépendante. 

Si  j'insiste  sur  ce  point,  sur  cette  séparation  complète  de  la  condamnation 
pénale  et  de  la  condamnation  civile,  en  matière  de  prescription,  c'est  que  dans 
l'hypothèse  de  l'art.  647  cette  distinction  ne  parait  pas  tracée  par  la  loi,  et 
que  dans  cet  article  la  question  est  très-controversée. 

870.  Néanmoins  le  condamné  ne  pourra  résider  dans  le  département  où  demeu- 
reraient, soit  celui  sur  lequel  ou  contre  la  propriété  duquel  le  crime  aurait  été 
commis,  soit  ses  héritiers  directs.  —  Le  gotuoei^nement  pourra  assigner  au  oon- 
damrU  le  lieu  de  son  domicile.  —  On  comprend  aisément  le  motif  de  cette  dis- 
position. Nonobstant  la  prescription  qui  a  mis  le  condamné  à  l'abri  de  la 

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DB  LA  PRBSGRIPTION  DES  FBINE8  (aRT.   637).  791 

peine,  son  séjour  pourrait  être  une  cause  d'inquiétudes,  une  occasion  de  rixes 
ou  de  irengeances  privées  entre  lui  et  les  personnes  à  la  sûreté  desquelles  »on 
crime  avait  attenté.  De  là  prohibition  formelle  de  résidence  dans  le  départe* 
ment,  et  même  faculté  pour  PËtat  de  lui  assigner  un  autre  lieu. 

Dans  la  plupart  des  cas  ce  paragraphe  sera  inutile,  car  dans  la  plupart  des 
peines  criminelles  la  surveillance  de  la  haute  police,  aux  termes  des  art.  44  et 
suivants  du  Gode  pénal,  suit  pendant  toute  sa  vie  le  condamné  qui  a  subi  sa 
peine,  et  à  plus  forte  raison  le  condamné  qui  Ta  prescrite.  Cependant  la  sur- 
veillance de  la  haute  police  est  instituée,  par  l'art.  44,  pour  les  peines  afflic- 
tives  temporaires  ;  il  a  fallu  pourvoir,  dans  Fart.  635,  au  cas  où  Ton  aurait 
prescrit  contre  une  peine  afflictive  perpétuelle;  Tart.  44  n'avait  pas  pu  suppo- 
ser cela.  De  même,  dans  le  cas  de  bannissement,  la  surveillance  de  la  haute 
police  n*est  que  temporaire,  d'après  Fart.  48  ;  et  dans  le  cas  où  la  condamna* 
Uon  au  bannissement  aura  été  prescrite,  les  paragraphes  2  et  3  de  notre  article 
s'appliquent,  et  s*appliquent  plus  complètement  que  l'art.  48.  Ce  point,  au 
reste,  pour  le  bannissement,  aura  assez  peu  d'importance,  parce  que  le  para- 
graphe 2  de  notre  texte  suppose  évidemment  des  crimes  privés,  des  crimes 
contre  des  particuliers,  et  le  bannissement  est»  en  général,  la  peine  de  crimes 
politiques,  de  crimes  d'une  nature  toute  différente  pour  lesquels  le  para- 
graphe 2  serait  de  peu  d'application. 

871.  a  Art.  636.  Les  peines  portées  par  les  arrêts  ou  Jugements  rendus  en  ma- 
tière correctionnelle  se  prescriront  par  cinq  années  révolues,  à  compter  de  U  date 
de  Tarrôt  du  jugement  rendu  en  dernier  ressort  ;  et  à  Tégard  des  peines  pronon- 
cées  par  les  tribunaux  de  première  instance,  à  compter  du  jour  où  ils  ne  pourront 
plus  être  attaqués  par  la  voie  de  l'appel.  » 

L'art.  636  est  tout  à  fait  dans  le  même  ordre  d'idées  que  l'art.  635;  c'est 
toujours  de  la  prescription  de  la  peine,  de  la  condamnation  prononcée,  et  non 
pas  de  la  prescription  de  la  poursuite,  de  l'action,  qu'il  est  question  ;  seule- 
ment, à  raison  de  la  moindre  importance  des  condamnations  pénales  en  ma- 
tière correctionnelle,  la  prescription  est  renfermée  dans  une  durée  beaucoup 
plus  courte  :  elle  est  de  cinq  ans. 

Qnant  au  point  de  départ,  il  est  fort  simple  :  pour  les  jugements  en  dernier 
ressort  ou  les  arrêts,  le  point  de  départ,  c'est  la  date  des  jugements  ou  arrêts. 
Quant  aux  jugements  de  première  instance,  le  point  de  départ  est  l'instant 
où  le  jugement  n'est  plus  réformable,  au  moins  par  les  voies  ordinaires,  c'est- 
à-dire  après  l'expiration  des  deux  mois  après  lesquels  le  droit  d'appel  est  inter- 
dit au  ministère  public  près  du  tribunal  compétent  pour  connaître  de  l'appel. 

878.  Les  art.  635  et  636,  que  nous  venons  d'expliquer,  indiquent  par  quels 
délais  sont  prescrites  les  condamnations  pénales  portées  soit  en  matière  cri- 
minelle, soit  en  matière  correctionnelle.  Dans  les  art.  637  et  638,  auxquels 
nous  passons  maintenant,  il  est  question  de  la  prescription  non  plus  contre  la 
condamnation,  contre  la  peine  prononcée,  mais  de  la  prescription  à  l'efifet  de 
se  libérer  des  poursuites,  de  se  libérer  de  l'action.  De  même  que  dans  l'art.  635 
on  traitait  d'abord  de  la  prescription  contre  une  condamnation  criminelle, 
de  même  dans  l'art,  637  le  législateur  s'occupe  de  la  prescription  de  Faction 

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792      QUARANTJB-QUATRIÈMB  LEÇON.  —  DE  LA  PRBS(31IPTI0N  (N*  875). 

résultant  d'an  crime  proprement  dit,  etTart.  638  correspond  de  son  côté,  pour 
la  prescription  de  l'action  correctionnelle,  à; Fart.  636,  relatif  à  la  prescription 
de  la  peine  en  matière  de  délit. 

873.  Les  arU  637  et  638,  sons  les  distinctions  qui  y  sont  exprimées  entre 
les  crimes  et  les  délits,  indiquent  pour  la  prescription  contre  Faction  un  délai 
plus  court  que  ne  Test,  dans  les  deux  textes  précédents,  celui  de  la  prescrip- 
tion contre  la  peine.  D*après  l'art.  637,  la  prescription  contre  Faction  résultant 
d'un  crime  est  de  dix  ans  ;  d'après  Fart.  638,  la  prescription  contre  Faction 
résultant  d'un  délit  est  de  trois  ans.  Dans  les  deux  cas  le  point  de  départ  de  la 
prescription  est  le  même  ;  c'est,  en  principe,  le  jour  où  le  crime,  ou  le  délit, 
ont  été  commis.  Ce  peut  être  aussi  une  époque  postérieure,  sayoir  le  dernier 
acte  d'instruction  ou  de  poursuite,  lorsqu'il  en  a  été  fait. 

874.  Du  reste,  les  expressions  de  Fart.  637  ne  méritant  guère  de  grands 
détails  ;  je  ne  m'arrêterai  que  pour  vous  faire  remarquer  une  rédaction  émi- 
nemment vicieuse  dans  le  premier  paragraphe  de  cet  article.  Ainsi,  quand  la 
loi  vous  dit  :  «  L'action  publique  et  Faction  civile  résultant  d'un  crime  de 
nature  à  entraîner  la  peine  de  mort  on  des  peines  afflictives  perpétuelles,  ou 
de  tout  autre  crime  emportant  peine  afflictive  ou  infamante,  se  prescriront 
après  dix  années  révolues...  >  11  est  évident  qu'il  n'y  a  dans  ces  ligues  qu'un 
pléonasme  fort  inutile,  et  qu'il  aurait  sufE  de  dire  :  L'action  publique  et  l'ac- 
tion civile  résultant  d'un  crime  se  prescriront  après  dix  ans  .révolus....  Tont 
ce  que  la  loi  ajoute  dans  l'intervalle  est  une  énumêration  fort  déplacée  des 
circonstances  qui  constituent  le  crime. 

875.  Deux  points  seulement  méritent  votre  attention  dans  cet  article  ;  le 
premier  consiste  en  une  simple  observation  qui  tend  à  le  faire  bien  appliquer, 
le  second  se  rattache  à  une  question  fort  débattue. 

Le  point  de  départ  de  la  prescription  contre  l'action,  d'après  les  art.  637  et 
638,  c'est  en  général  le  jour,  Finstant  où  le  crime  a  été  commis.  Je  dis  en 
général,  c'est-à-dire,  lorsque  depuis  le  crime  il  n'a  pas  été  fait  d'acte  d'ins- 
truction ou  de  poursuite.  Cependant  il  faut  distinguer,  à  cet  égard,  entre  les 
crimes  instantanés,  comme  le  sont  la  plupart  des  crimes  qui  s'accomplissent 
par  un  fait  unique,  isolé,  et  auxquels  s'applique  sans  dif&culté  le  texte  de  Fart. 
637,  et,  au  contraire,  les  crimes  successifs,  consistant  dans  une  série  d'actes 
qui  reculera  souvent  pendant  un  temps  assez  long  le  point  de  départ  de  la 
prescription.  Prenez,  par  exemple,  le  cas  de  séquestration  ou  de  détention  illé- 
gale de  personnes,  prévu  et  puni  par  Fart.  341  du  Gode  pénal.  Prenez  de  môme 
le  cas  de  rapt,  d'enlèvement  avec  ses  divers  détails  prévus  par  les  art.  354  et 
suivants  du  même  Gode.  Dans  ces  crimes,  et  quelques  autres  de  même  nature, 
quel  sera  d'après  Fart.  637,  le  point  de  départ  de  la  prescription  ?  après  corn* 
bien  de  temps  le  ravisseur  ou  Fauteur  de  la  détention  illégale  sera-t-il  à  l'abri 
de  toutes  poursuites?  En  supposant,  d'après  le  paragr.  1»  de  Fart.  637,  qu*ii 
n'ait  pas  été  Mi  d'acte  d'instruction  ou  de  poursuite,  la  prescription  en  sa  faveur 
sera  de  dix  ans;  mais  ces  dix  ans  ne  courront  pas  du  moment  où  il  a  retenu, 
du  moment  où  il  a  séquestré,  du  moment,  enfin,  où  il  a  enlevé;  ce  sont  li  de 

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DB  LA  PRB8GHIPTI0N  DBS  PBINB8  (ART.    637).  793 

ceB  crimes  snocesBifB  qui  se  prolongent  autant  que  dure  la  détention,  la  séques- 
tration illégale  ;  autant  de  temps  aussi  que  la  personne  enlevée  est  dans  les 
mains  du  ravisseur;  le  délai  commencera  donc  à  courir  seulement  &  partir  du 
moment  où  la  perpétration  du  crime  aura  cessé,  à  partir  du  moment  où  la 
personne  détenue,  enlevée,  aura  recouvré  sa  liberté;  ce  sera  là  le  dernier 
moment  du  crime,  ce  sera  là  le  point  de  départ  de  la  prescription. 

n  y  a  bien  quelques  autres  crimes  dans  lesquels  l'action  coupable  parait  se 
prolonger,  mais  dans  lesquels  cependant  il  n'y  a  pas  crime  successif,  dans  les- 
quels, par  conséquent,  l'observation  que  nous  venons  de  faire  ne  s'applique 
pas.  Ainsi,  pour  le  vol,  pour  la  bigamie,  on  s'est  demandé  si  le  point  de  départ 
de  la  prescription  serait  l'instant  même  où  aurait  été  commis  le  vol,  Tinstant 
même  où  le  second  mariage  aurait  été  célébré,  le  premier  n'étant  pas  dissous. 
Eh  bien,  quelques  personnes  ont  pensé  que,  tant  que  le  voleur  tenait  en  ses 
mains  la  chose  volée,  tant  que  l'union  vicieuse  de  bigamie  continuait  à  durer 
en  fait,  le  crime  de  vol,  le  crime  de  bigamie,  duraient  et  se  prolongeaient,  et 
qu*en  conséquence  il  n'y  avait  pas  matière  à  faire  courir  encore  la  prescrip» 
tion.  Cette  doctrine  a  été  repoussée  comme  inexacte  ;  le  vol  et  la  bigamie  n'ont 
pas  été  considérés  comme  des  crimes  successifs,  mais  comme  des  crimes 
instantanés.  Le  vol  ne  consiste,  d'après  la  loi,  que  dans  la  soustraction  fraudu- 
leuse de  la  chose;  cette  soustraction  opérée,  tout  est  consommé,  le  crime  est 
parfait,  la  prescription  court.  De  même  la  bigamie  ne  consiste  pas  dans  le 
commerce  adultérin  qui  suivra  plus  ou  moins  longtemps  la  célébration  du 
mariage  vicieux,  la  bigamie  consiste  dans  la  célébration  môme  de  cet  acte 
vicieux,  et,  dès  le  moment  de  la  célébration,  le  crime  est  consommé,  la  près* 
cription  doit  courir. 

C'est  sous  ces  distinctions  qjae  vous  devez  appliquer  les  derniers  mots  du 
paragr.  1*',  donnant  pour  point  de  départ  à  la  prescription,  contre  les  pour- 
suites, l'instant  de  la  consommation,  de  l'achèvement  du  crime  ou  du  délit. 

876.  Sous  un  autre  rapport,  les  premiers  mots  du  même  art  637  méritent 
encore  plus  d'attention  :  LacUon  publique^  Taotion  crnLB,  etc.  En  expliquant 
l'art.  663,  nous  avons  dit  que  les  condamnations  criminelles,  de  la  prescrip- 
tion desquelles  s'occupe  cet  article,  se  référaient  souvent  à  deux  chefs  :  1^  à 
une  condamnation  pénale,  criminelle  proprement  dite;  2*  à  une  condamna* 
tion  civile  pécuniaire  au  profit  de  la  partie  lésée.  Et  nous  avons  remarqué, 
d'abord,  que  l'art.  635  ne  s'occupait  que  de  la  prescription  de  la  peine,  et  que 
l'art.  642  réservait  formellement  pour  les  condamnations  civiles  les  principes 
de  la  prescription  ordinaire.  Ainsi,  d'une  part,  lorsque  le  condamné  prescrira 
par  vingt  ans  contre  la  peine,  d'après  l'art.  635,  il  ne  prescrira  que  par  trente 
ans  les  condamnations  civiles,  en  vertu  des  art.  642  du  présent  Code  et  2262  du 
Code  civil,  combinés.  De  même,  ces  deux  prescriptions  étant  séparées,  indé- 
pendantes, nous  avons  dit  que  les  actes  interruptifs  faits  à  l'égard  de  l'une  reste- 
raient indifférentes  pour  l'autre.  Que  si,  par  exemple,  le  condamné  évadé  était 
arrêté  dans  les  vingt  ans,  cette  arrestation  mettrait  obstacle  à  la  prescription 
de  la  peine,  mais  serait  sans  influence  sur  la  prescription  de  la  condamnation 
civile.  Que  de  même,  si  la  partie  civile,  en  vertu  de  cette  condamnation,  faisait, 
pour  conserver  ses  droits,  un  des  actes  interruptifs  autorisés  par  le  Code  civil, 

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794      QUARANTE-QUATRIÈME  LEÇON.    —  DE  LA  PRESCRIPTION  (n^  876). 

art.  2243  et  suiyants,  cette  interruptioa  de  prescription  quant  à  la  peine  péca* 
niaire  serait  indifférente  sur  ce  qui  concerne  la  condamnation  pénale.  Au  con- 
traire, quand  il  s'agit  non  plus  de  la  prescription  contre  une  condamnation 
pénale  ou  pécuniaire  prononcée,  mais  de  la  prescription  contre  une  condamna* 
lion  à  intervenir,  de  la  prescription  contre  les  poursuitesi  contre  les  actions  résul- 
tant d^un  crime  ou  d'un  délit,  l'art.  637 parait  mettre  sur  la  même  ligne,  paraît 
soumettre  à  une  prescription  commune  l'action  publique  en  application  d'une 
peine,  etracliontivile  en  dommages-intérêts,  actions  qui  au  contraire,  dans  Tari. 
635,  étaient  soigneusement  séparées  et  soumises  à  des  prescriptions  différentes. 

Ainsi,  supposez  un  cas  de  meurtre,  d'assassinat,  d'incendie,  donnant  matière, 
aux  termes  des  art.  i*',  2  et  3  du  présent  Gode,  à  deux  actions  séparées,  Vac^ 
tion  pénale  du  ministère  public.  Faction  civile  de  la  partie  lésée.  Dix  ans  s'é- 
coulent sans  poursuite  depuis  le  crime  consommé;  à  l'expiration  de  ces  dix  ans, 
le  coupable  spra  à  Tabri  de  toute  espèce  de  poursuite,  de  toute  espèce  d'action 
publique.  Sera-t-il  également  protégé,  également  à  couvert  contre  l'action 
civile,  contre  la  demande  de  réparations  pécuniaires  à  laquelle  le  crime  a  pu 
donner  lieu  au  profit  des  personnes  qui  en  ont  été  victimes  ?  Oui,  au  premier 
aspect,  aux  termes  de  l'art.  637  ;  oui,  car  d'après  cet  article  l'action  publique 
et  l'action  civile  résultant  d'un  crime  seront  prescrites  par  dix  ans,  à  compter 
du  jour  du  crime  ou  délit  Cependant  cette  opinion,  qui  parait  toute  conforme 
au  texte  de  l'art.  637,  a  trouvé  de  nombreux  contradicteurs,  et  n'est  pas  à  Ta:- 
bri  d'assez  sérieuses  objections. 

D*une  part,  en  effet,  la  règle  générale  tracée  dans  l'art.  2262  du  Gode  civil, 
c'est  que  les  créances,  c'est  que  les  actions  personnelles,  sans  en  distinguer  la 
source,  ne  se  prescrivent  que  par  trente  ans.  Voilà  la  règle  générale.  Cette 
règle  est  même  conservée  pour  les  créances  criminelles  reconnues  par  des  arrêts 
dans  Fart.  642  du  Gode  d'instruction  criminelle.  Or,  si  en  général  une  créance, 
si  une  action  personnelle  ne  se  prescrit  que  par  trente  ans,  pourquoi  donc  la 
créance  de  la  personne  blessée,  la  créance  des  héritiers  de  la  personne  assas- 
sinée, en  réparation  du  préjudice  qui  leur  a  été  causé,  serait-elle  renfermée, 
quant  à  son  exercice,  dans  un  délai  de  dix  ans  ?  Ne  serait-ce  pas  un  bien 
étrange  privilège  que  d'accorder  à  celui  qui  est  débiteur  par  l'effet  d'un  crime, 
la  faveur  d'une  prescription  infiniment  plus  courte  que  celle  que  l'on  donne  à 
celui  qui  est  débiteur  par  l'effet  d'un  contrat  ou  d'un  quasi-contrat  ? 

£n  second  lieu,  on  peut  dire  encore  que  dans  les  créances  ordinaires,  daràS 
les  créances  qui  ne  se  rattachent  qu'à  un  contrat,  qui  sont  distinctes  de  toute 
idée  de  crime,  le  créancier  a  des  moyens  plus  faciles,  plus  nombreux  d'inter- 
rompre à  tout  instant  la  prescription  qui  court  contre  lui.  La  loi  lui  a  tracâ, 
dans  les  art.  2242  et  suivants  du  Gode  civil,  un  assez  grand  nombre  d'actes 
interruptifs,  au  moyen  desquels  il  pare  à  la  prescription.  Au  contraire,  la  par* 
tie  lésée  par  un  crime  ou  par  un  délit  pourra-t-elle  faire  ces  actes  d'instrno» 
tion,  procéder  à  ces  actes  de  poursuite  dont  parle  l'art.  637  ? 

Cette  dernière  raison  ne  serait  pas  une  objection  bien  grave,  parce  que,  si 
la  partie  civile  ne  peut  pas,  dans  les  dix  ans,  procéder  elle-même  à  ces  actes 
d'instruction  qui  interrompraient  la  prescription,  elle  peut,  prenant  la  yoie 
civile,  interrompre  par  ce  moyen  la  prescription  de  l'action  piécuniaire  ;  c'est 
du  moins  ce  qui  parait  résulter  des  principes  généraux. 


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DB  LA   PBBSGMPTION  DES  ACTIONS  PUBUQUB  BT  GIYILB  (aRT.   637).       795 

Mais  la  première  objection  est  plus  grave^  et  on  ne  s'y  appuie  aussi  forte- 
ment que  pour  écarter  l'application  du  texte  de  Tart.  637  •  Cependant,  quelque 
sérieuse  que  paraisse  cette  objection,  quelque  bizarre  que  semble  un  système 
qui  traite  plus  fairorablement  la  personne  qui  doit  par  suite  d'un  crime  que  la 
personne  qui  doit  par  suite  d'un  contrat,  c'est,  je  crois,  à  ce  système  que  nous 
devons  nous  attacher  fermement  et  sans  hésiter.  Voici  les  motifs  qui  doivent 
nous  déterminer. 

Ce  n^est  pas  tout  de  dire,  en  effet,  qu'il  est  singulier  que  le  législateur,  dans 
l'art.  637,  ait  accordé  au  criminel^  contre  les  poursuites  même  purement  civi- 
les, la  faveur  d'une  prescription  plus  courte,  il  faut  trouver  un  autre  sens  à 
l'art.  637,  il  faut  expliquer,  d'une  manière  ou  d'une  autre,  ces  mots  action 
civile,  littéralement  écrits  dans  cet  article.  Or,  comment  les  explique-t-on 
dans  le  système  qui  ne  veut  pas  soumettre  à  la  prescription  de  dix  ans  l'action 
civile  résultant  d'un  crime  ?  comment  les  explique- t-on  dans  le  système  qui 
tend  à  appliquer  là  la  règle  générale  de  l'art.  2262  du  Gode  civil  ?  Le  voici.  On 
se  dit,  Taction  civile  est  bien  soumise,  dans  l'article  637,  à  la  prescription  de 
dix  ans,  aussi  bien  que  l'action  publique  ;  mais  cela  ne  peut  raisonnablement 
s'entendre  que  de  Taction  civile  que  la  partie  lésée  porterait  devant  les  tribu* 
naux  criminels  aux  termes  du  paragr.  1"  de  l'art.  3  du  présent  Gode.  Et  en 
second  Heu,  Taction  civile  sera-t-elle  ou  non  prescrite  après  dix  ans,  depuis  le 
crime  ?  Oui,  dit-on,  elle  sera  prescrite  par  dix  ans,  en  ce  sens  qu'après  dix  ans 
la  partie  lésée  ne  pourra  plus  saisir  de  son  action  les  tribunaux  criminels.  Mais 
elle  durera  même  après  dix  ans,  elle  se  prolongera  pendant  trente  ans,  con- 
formémert  à  la  règle  générale,  en  ce  sens  que,  même  après  les  dix  ans  et  pen- 
dant ces  trente  années  la  partie  lésée  pourra  porter  son  action  civile  devant  les 
tribunaux  civils.  A  ce  système,  il  y  a  plusieurs  réponses. 

D'abord  le  texte  précis,  formel,  impératif  de  l'art.  637  :  dire  que  l'action 
civile,  aussi  bien  que  Faction  publique,  sera  prescrite  après  dix  années,  c*est 
dire  qu'elle  sera  éteinte;  ce  n'est  pas  dire  assurément  qu'après  les  dix  années 
on  aura  perdu  la  faculté  d'en  saisir  un  tribunal,  mais  gardé  le  droit  d'en  saisir 
un  autre.  Ge  serait  un  étrange  langage  pour  annoncer  qu'une  action  dure, 
pour  annoncer  qu'on  peut  valablement  la  porter  pendant  trente  ans  devant  les 
tribunaux  civils,  ce  serait  un  étrange  langage  que  de  dire  :  Après  dix  an»  elle 
est  prescrite. 

Ensuite,  ce  n'est  pas  là  une  simple  inadvertance  du  Gode  qui  aurait  glissé 
dans  l'article  le  mot  d'action  civile  à  côté  de  celui  d'action  publique.  Il  faut 
songer  que  la  même  question  de  concours  entre  la  peine  et  la  réparation  civile 
s'est  présentée  au  législateur  dans  les  deux  articles  précédents  ;  or,  dans  ces 
deux  articles,  il  a  soigneusement  évité  la  confusion,  il  a  pris  soin  de  vous  dire 
que  si  par  vingt  ans,  par  exemple,  on  prescrivait  contre  la  peine  prononcée, 
c'était  par  trente  ans  seulement,  art.  642,  qu'on  prescrivait  contre  les  dom- 
mages-intérêts adjugés  par  jugement.  Or,  est-il  vraisemblable  qu'après  avoir 
si  soigneusement  distingué  entre  la  condamnation  prononcée,  entre  la  peine 
et  les  indemnités,  le  législateur  ait  confondu,  par  inattention,  par  oubli,  l'ac- 
tion civile  et  l'action  publique  dans  l'art.  637  ? 

En  outre,  cette  égalité  de  prescription,  qui  parait  si  bizarre  entre  l'action 
civile  et  l'action  publique,  n'est  pas  de  droit  nouveau;  la  question  avait  été 

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796      QUARANTB-QUATRlâMB  LEÇON.  —  DB  LA  PRB8CIUPTI0!f  (»*  876). 

«oulevée  autrefois  ;  autrefois  on  avait  demandé  que,  pendant  trente  ans^  on 
pût  intenter  l'action  pécuniaire,  encore  bien  qu'alors  pendant  Tingt  ans  sea- 
lement  pût  être  intentée  Faction  pénale.  Tous  verrez  dans  Pothier,  qu'après 
des  débats  approfondis  on  avait  décidé  que  les  vingt  ans  qui  formaient  alors 
la  prescription  de  Faction  publique,  serviraient  également  de  terme  à  Faction 
pécuniaire.  L'art.  637,  en  confondant  les  deux  prescriptions,  en  les  soumet- 
tant à  une  durée  commune,  ne  fait  donc  que  reproduire  un  droit  antérieur, 
tsonsacrer  un  droit  bien  établi,  et  il  ne  peut,  en  conséquence,  s'expliquer  par 
une  inadvertance  qui  permettrait  des  distinctions. 

Enfin,  et  ceci  est  plus  grave,  expliquer,  comme  on  essaye  de  le  foire,  l'ar- 
ticle 637,  c*est  lui  ûter  toute  espèce  de  sens,  toute  espèce  de  portée.  Que  lait- 
on, en  effet,  dans  le  système  contraire,  dans  le  système  qui  veut  appliquer  là 
Fart.  2262,  que  fait-on  de  ces  mots  :  VacUon  publique  et  Vaeticn  civile  se  pre$~ 
criront  après  dix  années  ?  On  dit  :  Oui,  Faction  ôivile  se  prescrira  par  dix  ans, 
en  ce  sens  qu'après  dix  ans  on  n*en  pourra  plus  saisir  les  tribunaux  criminels, 
sauf  à  en  saisir,  dans  les  trente  ans,  comme  d'une  action  ordinaire,  les  tribu- 
naux civils.  En  d'autres  termes.  Fart.  637  veut  dire  seulement,  en  décidant 
que  Faction  civile  est  prescrite  après  dix  ans,  qu'on  ne  peut  plus,  après  dix 
ans,  porter  Faction  civile  devant  une  cour  d'assises  comme  accessoire  de  Faction 
criminelle.  Mais  cela  était  bien  inutile  à  dire,  puisque  après  dix  ans  le  crime 
est  prescrit,  puisque,  après  dix  ans,  aucune  poursuite,  aucune  condamnation 
pénale,  ne  sont  plus  possibles  ;  il  était  bien  évident  qu^on  ne  pouvait  plus 
porter  l'action  civile  devant  un  tribunal  criminel,  puisqu^il  n'y  avait  plus  de 
tribunal  criminel  compétent.  En  effet,  aux  termes  de  Fart.  3  de  notre  Gode, 
Faction  civile  résultant  d'un  crime,  peut  bien  se  porter  sans  doute  devant  un 
tribunal  criminel,  mais  c'est  seulement  comme  appendice,  comme  accessoire, 
comme  adjonction  de  Faction  pénale  ;  or,  si  après  dix  ans  Faction  pénale  n'est 
plus  possible,  il  eût  été  sans  doute  bien  inutile  de  déclarer  qu'on  ne  pourrait 
plus,  après  dix  ans,  faire  de  l'action  civile  Faccessoîre  et  l'appendice  d'un 
principal  qui  dès  lors  n'existait  plus. 

Ainsi,  si  ces  mots,  action  eivUe,  ont  un  sens  dans  Fart.  637,  ils  n'ont  pas, 
ils  ne  peuvent  pas  avoir  d'autre  sens,  que  celui-ci,  savoir,  qu'après  les  dix  an- 
nées depuis  le  crime  il  n'y  aura  plus  d'action  civile,  d'action  en  réparation 
possible,  non-seulement  devant  les  tribunaux  criminels,  cela  était  évident 
quand  même  la  loi  ne  l'aurait  pas  dit,  mais  môme  devant  les  tribunaux  civils; 
<^était  là  le  seul  point  qui  eût  besoin  d'être  dit,  c'est  là  aussi  le  seul  point  sur 
lequel  porte  Fart.  637^ 

Reste  maintenant  la  singularité,  la  bizarrerie  de  cette  courte  prescription 
accordée,  dit-on,  comme  faveur  à  celui  des  débiteurs  qui  semUe  en  mériter 
le  moins.  Cette  objection  a  de  la  réalité  ;  cependant  il  ne  faut  pas  se  dissi- 
muler qu'elle  peut  aussi  recevoir  plus  d'une  réponse.  En  effet,  pourquoi  donc 
après  dix  ans,  le  législateur  veut-il  que  Faction  pénale  soit  prescrite  ?  pour- 
quoi veut-il  qu'après  dix  ans  la  vindicte  publique  reste  désarmée  devant  le 
coupable  ?  Apparemment  parce  que  l'immense  majorité  des  crimes  ne  pouvant 
se  constater  que  par  des  preuves  testimoniales,  preuves  douteuses,  équivo- 
ques, périssables  de  leur  nature,  la  loi  n'a  pas  voulu,  dans  des  matières  aussi 
graves,  abandonner  l'honneur,  la  vie,  la  sûreté  des  citoyens  à  une  preuve 

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DB  LA  PRESCRIPTION   DBS  ACTIONS   PUBLIQUB  BT  CIVILS  (aRT.   637).       797 

aussi  indécise  que  le  serait»  après  dix  ans  passés»  la  mémoire  des  témoins 
qu'il  faudrait  entendre  sur  rafiCûro.  Ce  n'est  pas  U  peut-être  Tunique  moUf^ 
c'est  à  mes  yeux  le  fnotif  dominant^  le  motif  capital  de  la  prescription  de  dix 
aas  en  matière  de  crime.  Or,  ces  mômes  moyAis  qui  tendraient  à  établir 
le  crime  pour  obtenir  une  condamnation,  ces  mômes  moyens  qui,  après  dix 
ans,  sont  repoussés  par  la  loi  comme  douteux,  comme  dangereux,  seraient  pré* 
cisément  ceux  que  û  partie  lésée,  ou  prétendue  telle,  viendrait  invoquer  après 
dix  ans,  pour  établir  le  chme,  non  pas  sans  doute  à  Teffèt  d'amener  une  con- 
damnation pénale,  mais  à  l'effet  d'appliquer  des  dommages-intérêts.  Mais  s» 
cette  preuve  testimoniale,  si  cette  preuve  d'actes  qui  rarement  peuvent  être 
observés  avec  attention,  avec  soin,  est  repoussée  comme  insuffisante,  après  dix 
ans,  pour  constater  le  crime  à  l'effet  de  faire  condamner,  pourquoi  donc 
seraitrelle  suffisante,  pourquoi  donc  serait-elle  probante,  quand  il  s'agit  d& 
constater  le  môme  crime,  à  l'effet  d'obtenir  de  Targent? 

Supposez  d'ailleurs  qu'on  ait  fait  la  distinction,  supposez  qu'on  applique 
la  distinction  précédente  entre  l'action  civile  devant  les  tribunaux  criminela 
et  l'action  civile  devant  les  tribunaux  ordinaires  ;  voyez  à  quels  résultats  elle 
mènerait  ;  elle  mènerait  à  prouver,  devant  un  tribunal  civil,  un  fait  qui,  de 
sa  nature,  devait  être  décidé  par  des  jurés  ;  elle  mènerait  à  proclamer,  par  la 
voie  de  l'autorité  judiciaire,  l'existence  d'un  crime,  l'existence  d*un  coupable 
dont  l'impunité  parfaite  serait  désormais  assurée,  grave  scandale,  et  nouvelle 
raison  qui  a  pu  porter  la  loi  à  reculer  devant  la  distinction,  car  c'est  assuré- 
ment un  grand  mal  quand  l'autorité  judiciaire  est  réduite  à  déclarer  que  tel 
homme  est  coupable,  qu'il  est  assassin,  incendiaire,  mais  qu'elle  ne  le  punira 
pas.  D'autre  part,  après  dix  ans,  la  loi  ne  veut  pas  frapper,  quelles  qu'eussent 
été  ses  raisons  de  le  faire  ;  j'en  conclus  qu'après  dix  ans  la  loi  ne  doit  pas 
vouloir  flétrir,  vouloir  déshonorer.  Or,  dire  qu'après  dix  ans  aucun  homme 
ne  peut  être  recherché,  mais  permettre  cependant  de  proclamer,  en  justice, 
qu'il  est  incendiaire  ou  assassin,  c*est  manquer  le  but,  c'est  se  contredire  soi- 
môme,  c'est  manifester,  d'un  côté,  un  fait  sur  lequel,  de  l'autre,  on  tendait  à 
jeter  le  voile. 

Je  crois  donc  que  ces  raisons  répondent  en  très-grande  partie  à  la  bizarrerie 
imputée  au  système  de  l'art.  637.  Je  crois  que,  quand  môme  ces  raisons  ne 
suffiraient  pas  complètement  pour  justifier  la  théorie  de  l'art.  637,  le  sens  de 
la  loi  est  cependant  incontestablement  qu'il  y  a  là  une  exception  formelle 
à  l'art.  2262,  et  qu'en  conséquence,  après,  dix  ans,  on  ne  peut  pas  plus  devant 
un  tribunal  civil  que  devant  un  tribunal  criminel  intenter  une  action,  môme 
purement  pécuniaire,  à  raison  des  dommages-intérêts  qui  ont  pu  ôtre  causé» 
par  un  crime. 

On  a  cherché,  il  est  vrai,  à  éluder  dans  un  autre  sens  ce  que  présente  de 
rigoureux  l'art.  637,  et  un  système  spécieux  proposé  à  cet  égard  mérite  encore 
de  vous  occuper,  car  il  ne  doit  pas  demeurer  sans  réponse. 

On  a  dit,  supposons,  d'après  les  termes  de  l'art.  637,  le  tribunal  civil  saisi, 
après  dix  ans,  d'une  réclamation  pécuniaire,  il  devra  la  déclarer  non-recevable, 
comme  se  rattachant  à  un  crime.  Mais  si  ce  crime  est  présenté  en  justice  non 
pas  tant  comme  fait  criminel  que  comme  fait  préjudiciable,  pourquoi  donc 
ne  permettrait-on  pas  à  la  partie  lésée  d'isoler,  de  détacher  de  sa  réclamation 

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798     QUARANTB-QUATRIÈMB  LBÇON.   —  DB  LA  PRBSCRIPTION  (n*  877). 

toute  circonstance  de  fait  d'où  rÔBalteraît  un  caractère  criminel,  et  de  se 
plaindre,  par  exemple,  d'une  simple  imprudence,  d'une  simple  négligence 
donnant  lien  à  des  dommages-intérêts  ?  Pourquoi,  par  exemple,  tout  en 
déclarant  non  recevable,  après  dix  ans,  Faction  pécuniaire  intentée  à  raison 
d'un  meurtre  ou  d'un  incendie  Yolon taire,  ne  permettrait-on  pas  à  la  partie 
lésée,  aux  héritiers  de  la  personne  homicidée,  à  la  personne,  enfin,  dont  la 
maison  a  été  incendiée,  d'alléguer  qne  par  négligence,  imprudence,  par  un 
fait  quelconque,  qu'elle  n'approfondirait  pas,  son  auteur  a  été  tué,  sa  maison 
a  été  incendiée,  et  que,  tout  crime  à  part,  elle  demande  des  dommages- 
intérêts  r 

Ce  système  n'est  pas  non  plus  admissible;  vainement  youdrait-on,  dans 
l'exploit  introductif  d'instance,  et  dans  le  début  de  la  discussion,  établir  nue 
simple  imprudence,  une  simple  inadvertance  isolée  de  toute  action,  de  tonte 
pensée  de  crime  ;  il  est  clair  que  les  témoins  entendus  ne  pourraient  pas  isoler, 
détacher  l'intention  criminelle  du  fait  matériel,  et  qu'on  verra  reparaître,  sons 
ces  poursuites  menteuses  et  déguisées,  le  caractère  véritable  d'une  action 
déshonorante  que  la  loi  doit  repousser. 

Il  y  a  plus,  un  peu  de  connaissance  de  quelques  textes  du  Gk>de  pénal  eût 
suffi  pour  empêcher  de  produire  ce  système  ;  en  effet,  la  plupart  des  faits  qui, 
précédés  d'une  intention  coupable,  constitueraient  des  crimes  dans  le  droit 
pénal,  la  plupart  de  ces  faits  commis  sans  intention  coupable,  mais  par 
imprudence,  par  négligence,  constituent  des  délits,  et,  dès  qu'ils  sont  des 
délits,  ils  retombent  de  Tart.  637  dans  Tart.  638,  c'estrà-dire  dans  une  pres- 
cription de  trois  années,  applicable  à  Taction  civile  aussi  bien  qu'à  l'action 
publique. 

Ainsi,  pour  l'assassinat,  par  exemple,  voudrait-on  le  transformer  en  homi- 
cide par  imprudence,  alors  ce  serait  un  délit  d'après  l'art.  319  du  Gode  pénal. 
Or,  d'après  l'art.  638,  Taction  civile  et  l'action  publique  résultant  d'un  délit 
se  prescrivent  par  trois  ans.  De  même  pour  le  cas  d'incendie  volontaire,  vou- 
drait-on transformer  ce  crime  en  délit  résultant  de  rimprudence,à  l'effet  d^éviter 
l'application  de  l'art.  637  ?  on  verrait  tout  de  suite  que,  d'après  l'art.  458  du 
Gode  pénal,  Tincendie  causé  par  une  imprudence  quelconque  est  un  délits  un 
délit  puni  de  l'emprisonnement,  et  qu'on  retombe  encore,  de  ce  c6té,  dans  la 
prescription  de  trois  ans  de  l'art.  638  pour  les  deux  actions  indiquées  dans 
Part.  638. 

Ainsi,  de  quelque  c6té  qu'on  se  tourne,  on  trouve  toujours  comme  barrière 
le  texte,  raisonnable  ou  non,  mais  positif,  de  l'art.  637. 

877.  Les  art.  639  et  640  sont  très-faciles,  et  d'ailleurs  d'une  importance 
pratique  assez  légère  ;  tous  deux  sont  relatifs  &  la  prescription  des  contraven- 
tions. Dans  l'art.  639  il  s'agît  de  la  prescription  contre  les  peines  de  police  ; 
dans  Part.  640  de  la  prescription  contre  l'action,  soit  publique,  soit  civile,  résul- 
tant d'une  contravention. 

Dans  le  premier  cas  la  prescription  est  de  deux  ans,  d'après  l'art.  640  ;  et 
le  point  de  départ  de  ces  deux  ans,  c'est  l'arrêt  ou  le  jugement  s'il  était  en 
«lernier  ressort,  l'expiration  du  délai  d*appel  s'il  était  en  premier  ressort.  Bn 
(i'aatreii  termes,  le  point  de  départ  de  la  prescription  contre  une  peine  de  simple 

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DB  LA  PRESCRIPTION  DES  ACTIONS  PUBLIQUE  ET  CIVILE  (aRT.    641).       799 

^        police^  c*eBty  diUon,  le  jour  de  l'arrêt,  c'est-à-dire  de  la  décision  de  la  cour; 
I        VOUS  devez  tons  savoir  le  sens  technique  de  ce  mot.  Mais  comment  donc  une 
cour  peut-elle  statuer  sur  une  contravention  ?  comment  une  contravention 
I        peut-elle  être  punie  par  un  arrêt?  n'est-elle  pas  jugée  en  premier  ressort  par 
les  juges  de  paix?  en  appel,  en  dernier  ressort  par  les  tribunaux  civils,  qui  ne 
rendent  pas  d'arrêt?  C'est,  en  effet,  le  principe;  cependant  il  peut  arriver  que 
,        devant  une  cour  d'assises  un  fait  présenté  d'abord  comme  crime,  ou  plus  tard 
,        comme  délit,  ait  perdu  tout  caractère  de  gravité,  et  que  ce  fait  ne  présente 
plus  qu'une  simple  contravention.  De  même,  il  est  possible  qu'une  cour  saisie 
à  titre  d'appel  d'un  prétendu  délit,  ne  voie  dans  ce  fait  qu'une  simple  contra- 
,        vention,  et  qu'en  conséquence  elle  le  retienne  et  lui  applique  la  peine  descon- 
^        traventions  de  police.  Gela  arrive  très-rarement  devant  une  cour  d'assises,  mais 
^        assez  fréquemment  devant  une  cour  à  la  chambre  des  appels  de  police  correc- 
I        tionnelle.  Tel  est  le  sens  de  ce  mot  d'arrêt  dans  l'art.  639. 
I  Quant  à  l'art.  640,  il  constate  également  deux  points  de  départfaciles  à  retenir  : 

La  prescription  contre  Taction  publique  et  l'action  civile  résultant  d'une 
contravention  s'accomplit  au  bout  d'une  année,  si  dans  cet  intervalle  il  n'est 
,  pas  intervenu  de  condamnation.  Mais  ici  le  délai  court  toujours  du  moment  de 
la  contravention,  et  n'est  pas  reculé,  n'est  pas  prolongé  par  les  actes  d'ins- 
truction et  de  poursuite,  qui,  au  contraire,  prolongent  dans  les  art.  637  et  638 
le  point  de  départ  de  la  prescription  des  crimes. 

Que  s'il  est  intervenu  une  condamnation  de  première  instance,  seulement 
alors  le  délai  de  la  prescription  est  d'une  année,  à  compter  du  jour  où  cette 
condamnation  a  été  attaquée  par  la  voie  de  l'appel,  aux  termes  de  l'art.  174. 

878.  «  Art.  641.  En  aucun  cas,  les  condamnés  par  défaut  ou  par  contumace 
t  dont  la  peine  est  prescrite,  ne  pourront  être  admis  à  se  présenter  pour  purger  le 
I         défaut  ou  la  contumace.  » 

i 

I 
I 
I 

; 
\ 

I 


Ce  principe  nous  est  déjà  connu  ;  il  est  bon  cependant  de  le  considérer  sépa- 
rément et  pour  le  cas  de  contumace,  c'est-à-dire  pour  les  matières  criminelles, 
et  pour  le  cas  de  défaut,  c'est^-dire  pour  les  matières  simplement  correc- 
tionnelles. 

Vous  savez  qu'en  cas  de  condamnation  par  contumace  le  délai  pour  se  re- 
présenter est  de  vingt  ans  ;  c'est  ce  qui  résulte  de  l'art.  635  combiné  avec 
l'art.  476,  au  chapitre  des  Contumaces,  Le  condamné  par  contumace  a  vingt 
ans  pour  se  représenter  ;  sa  représentation  volontaire  ou  forcée  dans  les  vingt 
'  ans  fait  évanouir  de  suite  l'arrêt  de  contumace.  Elle  fait  évanouir  également 
ses  résultats,  sauf  cependant,  pour  le  passé,  la  mort  civile  quand  la  peine 
prononcée  était  de  nature  à  l'entraîner  et  que  la  comparution  n'a  lieu 
f  qu'après  cinq  ans.  Cette  exception  est  également  écrite  dans  l'art.  476  ;  elle 
'  résulte  d'ailleurs  de  Tarticle  30  du  Gode  civil  (Voy.  la  loi  du  31  mai  1854}. 
I  Que  si,  au  contraire,  le  condamné  par  contumace  ne  reparait  qu'après  les 

ï  vingt  ans,  alors  il  a  prescrit  contre  sa  peine,  alors  il  ne  peut  plus  être  pour- 
suivi, retenu  ni  condamné,  et,  dès  qu'il  n'est  plus  possible  de  le  condamner, 
'  il  est  clair  qu'il  n'est  plus  possible  de  le  juger.  Donc,  même  de  son  coiisente- 
I  ment,  il  ne  pourrait  pas,  après  les  vingt  ans,  être  traduit  devant  une  cour 
i        d'assises,  car  les  questions  de  pénalité  ne  sont  pas  dans  le  domaine  des  vo- 

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800      QUARANTE-QUATRIÈME  LEÇON.  —  DK  LA  PRESCRIPTION  (n*  88i). 

lontés  et  des  intérôts  privés.  Il  rentrera  donc,  après  vingt  ans,  sous  le  poid» 
d'une  peine  qu'il  ne  peut  plus  subir^  mais  qu'il  ne  peut  non  plus  faire  e£bcer. 
La  conséquence  en  est  grave. 

Ainsiy  dans  le  cas  de  mort  civile,  art.  3i3  du  Cîode  civil,  il  ne  pouvait  de- 
mander à  démontrer  son  innocence,  à  l'effet  de  rentrer,  môme  pour  l'avenir 
dans  la  vie  civile.  D'ailleurs,  en  prescrivant  contre  la  peine  à  raction  de 
laquelle  il  s'est  soustrait  vingt  ans,  il  n'avait  pas  prescrit  contre  la  mort  civile, 
qui  tenait  plus  à  son  état  qu'elle  ne  tenait  à  la  pénalité,  contre  la  mort  cÎYile 
à  laquelle  Û  ne  s'était  pas  soustrait,  car  eUe  s'était  imprimée  à  sa  personne  et 
l'avait  suivi  partout  (Voy,  la  loi  du  31  mars  1854). 

De  même,  môme  quant  aux  condamnations  qui  ne  sont  pas  de  nature  à  en- 
traîner la  mort  civile,  l'expiration  des  vingt  ans  n'enlève  pas  toute  importance 
à  la  peine  ;  quoique  la  peine  ne  s'exécute  plus  après  les  vingt  ans,  la  peine  ne 
s'exécutera  pas,  mais  elle  subsistera  ;  elle  subsistera  en  ce  sens  qu'en  cas  de 
nouveau  crime,  elle  constituerait  occasion,  matière  à  appliquer  les  peines  de 
la  récidive,  aux  termes  des  art.  57  et  58  du  Gode  pénal. 

879.  Quant  aux  condamnations  paa  défaut,  expression  réservée  aux  matiè- 
res correctionnelles,  elles  sont  régies  par  des  principes  différents.  Ainsi,  le 
temps  après  lequel  le  défaut  ne  peut  plus  ôtre  purgé  est  loin  de  coïncider 
avec  le  temps  de  la  prescription.  Après  dix  jours  depuis  la  signification,  le  ju- 
gement par  défaut  n'est  plus  attaquable,  art.  188  et  189,  et  cependant  ce  sera 
seulement  cinq  ans  après  cette  époque  que  la  prescription  sera  accomplie, 
d'après  l'art.  636.  C'est  là  un  mal  signalé  sous  les  art.  188  et  189,  et  indiquant 
les  palliatifs  d'ailleurs  très-insuffisants  qu'y  pourra  quelquefois  apporter  la 
pratique. 

880.  L'art.  642  a  été  expliqué  sur  l'art.  635.  C'est  la  confirmation  des  prin- 
cipes de  l'art.  2262  du  Code  civil,  en  matière  pénale. 

881.  «  Art.  643.  Les  dispositions  du  présent  chapitre  ne  dérogent  point  aux 
lois  particulières  relatives  A  la  prescription  des  actions  résultant  de  certains  délits 
ou  de  certaines  contraventions.  » 

Cet  article  n'est  guère  qu'un  renvoi,  et  il  suffit  d'indiquer  ici  quelques-unes 
des  matières  les  plus  usuelles  soumises,  par  des  lois  spéciales,  à  des  règles 
particulières  de  prescription.  Ces  matières  sont  : 

Les  délits  commis  en  matière  de  chasse;  d'après  la  loi  du  3  mai  1844, 
art.  12,  le  délai  de  la  prescription  est  fixé  à  trois  mois. 

De  même,  pour  les  délits  ou  contraventions  commis  en  matière  rurale,  le 
délai  d'un  mois  est  également  consacré  par  la  loi  des  28  septembre,  6  octobre 
1791,  tit.  I",  sect.  VII,  art.  8. 

Enfin,  en  matière  forestière,  l'art.  185  du  Code  forestier  prescrit  un  délai, 
tantôt  de  trois  mois,  tantôt  de  six  mois,  selon  les  distinctions  qu'il  établit  pour 
la  prescription  des  actions  résultant  des  délits  ou  contraventions. 

L'art.  186  du  môme  Gode  consacre,  au  contraire,  les  principes  ordinaires  de 
prescription  en  matière  de  délits  à  l'égard  des  malversations  des  agents  fores- 
tiers, inspecteurs  de  l'administration,  etc. 


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DE  LA  PRESCSIIFTION  BBS  ACTIONS  PUBUQUB  ST  CIVILE  (aRT.    643).       801 

Remarquez  en  fait  que,  si  Fart.  643  renvoie  aux  lois  spéciales  pour  certai- 
nes prescriptions  particulières,  au  premier  rang  desquelles  figurent  celles  que 
je  viens  d'indiquer,  il  n'y  renvoie  que  pour  les  actions  résultant  de  certains 
délits  ou  de  certaines  contraventions;  c'est-à-dire  qu'il  n*y  renvoie  que  pour 
la  prescription  contre  la  poursuite,  contre  la  peine  à  appliquer,  et  non  pas 
contre  la  peine  appliquée,  contre  la  peine  prononcée.  U  faut  en  conclure  que, 
môme  pour  les  matières  spéciales,  au  moins  pour  celles  qui  sont  régies  par  les 
lois  antérieures  du  Gode  que  nous  étudions,  la  prescription  des  peines,  bien 
différente  de  la  prescription  des  actions,  reste  soumise  aux  règles  des  art.  635 
et  636,  et  n'est  pas  comprise  dans  le  renvoi  de  Tart.  643,  qui  se  réfère  unique- 
ment aux  actions. 

882.  Ici  se  termine  le  Gode;  un  mot  cependant  encore  avant  de  nous  sé- 
parer. 

I<?ous  avons  atteint  le  terme  de  nos  leçons,  trop  t6t  pour  moi  à  qui 
votre  attention  et  votre  zèle  ont  rendu  les  heures  passées  ensemble  bien 
courtes  ;  trop  tôt  surtout  pour  la  matière  de  nos  études  communes,  qu'il  m'en 
coûte  de  laisser  incomplètes.  En  effet,  ce  que  je  regrette  en  descendant  de 
cette  chaire,  je  l'annonçais  en  y  montant.  Renfermer  dans  les  bornes  d'un 
cours  annal  Fexplication  complète  et  détaillée  de  nos  deux  Godes,  c'est  un 
espoir,  vous  le  savez,  que  je  n'ai  jamais  ni  conçu  ni  manifesté.  Si  cependant 
ces  explications  partielles  où  la  nécessité  m'a  renfermé  vous  ont  mis  en  état 
de  subir  des  examens  honorables;  si  surtout,  ce  qui  est  bien  [plus  important, 
vous  y  avez  puisé  l'habitude  de  l'analyse,  le  sentiment  de  la  méthode,  le  goût 
des  études  solides;  si,  démentant  pour  vous  des  préjugés  que  j'ai  combattus 
dès  le  principe,  elles  ont,  dans  vos  esprits  du  moins,  réhabilité  le  nom  d'une 
science  trop  négligée;  si,  enfin,  tout  incomplets  et  morcelés  qu'ils  ont  été,  ces 
travaux  vous  ont  démontré  le  besoin  d'en  faire  déplus  larges;  alors  je  ne 
<;raindrai  pas  que  nos  entretiens  soient  restés  stériles,  et  au  sentiment  pénible 
qui  préside  à  ces  paroles  d'adieu  ne  se  mêlera  pas,  de  ma  part,  la  crainte  ou 
la  pensée  d'être  resté  trop  au-dessous  de  la  tâche  que  j'avais  à  remplir  auprès 
de  vous. 


FIN 


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TABLE    ET  RÉSUMÉ 

DES  LEÇONS   DE  DROIT  CRIMINEL 

D'APRÈS  L'ORDRE  DES  MATIÈRES. 


GODE  PÉNAL 


PBBMIÊBB  UBÇOIV.  1 

Introduction. 

1.  L^étade  de  Tancien  droit  criminel 
n'importe  que  secondairement  an  juris- 
consulte, parce  que  la  législation  nouvelle 
s'en  est  écartée  et  que  l'iuterprétation  ne 
peut  y  puiser  ses  décisions. 

8.  L'ancienne  législation  pénale  était 
bart)are.  Les  peines,  arbitrairement  appli- 
quées, étaient  inégales  et  exagérées.Les  sup- 
plices et  les  mutilations,  les  peines  infaman- 
tes et  les  confiscations  y  étaient  prodionés. 

8.  La  procédure  établie  par  les  ord.  de 
1539  et  de  1670  mérite  une  étude  plus  at- 
tentiye  que  les  lois  pénales. 

4.  L*ord.  de  1539  consacrait  le  secret  de 
l'instruction,  supprimait  les  conseils 'de 
l'accusé  et  l'obligeait  à  alléguer  les  repro- 
ches contre  les  témoins  au  moment  de  la 
lecture  des  dépositions.  Elle  reprenait  la 
pratique  de  la  question. 

6.  L'ord.  de  1670,  mieux  rédigée  que 
celle  de  1539,  maintenant  le  même  système 
et  les  mômes  pratiques,  le  serment  de  Tac- 
cosé  avant  l'interrogatoire,  la  suppression 
des  conseils,  la  procédure  par  récolements 
et  confrontations  des  témoins,  le  secret  de 
l'inatruction  et  la  torture. 

O.  Néanmoins  ces  deux  ordonnances 
nous  ont  légué  des  règles  qui  ont  été  re- 
cueillies par  nos  Godes,  notamment  l'insti- 
tution du  ministère  public,  les  caractères 
des  actions  publique  et  civile,  nnstraction 
préalable  et  les  voies  de  recours. 

9.  La  révision  des  lois  criminelles  était 
demandée  de  toute  part  en  1789.  L'Assem- 
blée constituante  décréta  la  loi  des  16-29 
septembre  1791  sur  la  procédure  criminelle^ 
et  le  Gode  pénal  des  2ô  8ept-6  octobre  1791. 
Ces  premières  lois  furent  suivies  du  Gode 
des  délits  et  des  peines  du  3  brumaire  an  IV. 


8.  Le  7  germ.  an  IX,  six  commissaires 
sont  nommés  pour  préparer  un  nouveau 
Code  criminel.  Les  questions  relatives  au  Jury 
et  à  l'organisation  Judiciaire  sont  posées. 

9.  Discussien  de  la  question  de  la  rén- 
nion  dans  les  mêmes  corps  judiciaires  des 
deux  Justices  civile  et  criminelle  et  de  la 
question  du  jury. 

10.  Cette  discussion,  après  un  ajourne- 
ment de  plusieurs  années,  est  reprise  en 
1808.  On  décréta  la  réunion  des  deux  Jus- 
tices, la  suppression  du  jury  d'accusation 
et  le  maintien  du  iury  de  Jugement. 

11.  On  procéda  de  la  même  manière 
pour  le  Gode  pénal  :  les  questions  furent  po- 
sées sur  la  peine  de  mort,  les  peines  per- 
pétuelles, la  confiscation,  l'application  d'un 
minimum  et  d'un  maximum  dans  les  peines. 

18.  Les  deux  Godes  pénal  et  d'instruc- 
tion criminelle,  rédigés  par  un  comité  du 
conseil  d'Etat  et  adoptés  par  le  Gorps  légis- 
latif, ne  furent  mis  en  vigueur  qu'à  partir 
du  1»  janvier  1811. 

DBUXlfiMB  liBÇOlV.  18 

Dispositions  patLiMiNAïass  do  godb  pénal. 

18.  Ajournement  de  ce  qui  concerne 
l'organisation  Judiciaire  qui  sera  examinée 
plus  loin. 

14.  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que 
les  deux  Godes  ont  été  plusieurs  fols  modi- 
fiés depuis  leur  promulgation  et  que  de 
nombreuses  lois  ont  successivement  rem- 

5 lacé  une  partie  de  leurs  textes.  Indication 
e  ces  lois. 

16.  Les  infractions  punissables  sont  di- 
visées en  crimes,  déiiu  et  contraventions. 
Cette  division  n'est  qu'une  règle  de  compé- 
tence qui  correspond  aux  cours  d'assises, 
aux  tribunaux  correctionnels  et  aux  tribu- 
naux de  police. 
16.  Le  légisialeur,  po«r  mesurer  la 

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804 


TABLE  ET  RÉSUMÉ 


gravité  des  peines,  doit  s'attacher  :  V  à 
rimmoralité  du  fait  et  de  l'agent;  2«  à  la 
gravité  da  trouble  et  du  dommage  caasé. 

19.  La  règle  qui  divise  les  infractions 
entre  nos  trois  juridictions  répressives  avait 
reçu  une  extension  en  oe  qui  concerne  les 
délits  de  la  presse  et  politiques  attribués 
au  Jury.  Le  décret  du  17  février  1852  les  a 
restitués  aux  tribunaux  correctionnels. 

18.  A  la  division  des  infractions  en  cri- 
mes, délits  et  contraventions  correspondent 
les  peines  afïïictiyes,  correctionnelles  et  de 
police,  qui  seront  expliquées  plus  loin. 

19.  Les  art.  2  et  3  punissent  les  slm- 

{>les  tentatives,  d'où  il  suit  que  ce  que  ia 
ol  punit,  ce  n'est  pas  seulement  le  fait  ma- 
tériel, mais  aussi  la  volonté  coupable  de 
causer  le  préjudice. 

20.  11  n'y  a  de  tentative  punissable  que 
lorsque  la  pensée  du  crime,  qui  est  à  elle 
seule  insaisissable,  s'est  manifestée  par  des 
faits  extérieurs  qui  décèlent  une  volonté 
formelle  et  par  un  commencement  d'action. 
Toutefois,  en  matière  de  complot,  la  loi 
n'exige  que  la  résolution  d'agir  consentie 
entre  plusieurs. 

81.  Il  y  a  lieu  de  distinguer  les  actes 
préparatoires  et  les  actes  d'exécution  :  les 
actes  purement  préparatoires  sont,  de 
même  que  la  résolution  d'agir,  en  dehors 
de  toute  répression. 

29.  Le  loi  punit  le  tentative  comme  le 
crime  consommé  quand  elle  s*est  manifes- 
tée par  un  commencement  d'exécution  et 
n*a  été  suspendue  ou  n'a  manqué  son  effet 
gue  par  des  circonstances  indépendantes 
ae  ia  volonté  de  son  auteur. 

TBOISIAMB  LEÇOM.  83 

DispoemoNS    PRttwniAiRBs. 

88.  La  règle  qui  assimile  la  tentative  lé- 
gale an  crime  consommé  reçoit  quelques 
exceptions,  par  exemple,  en  matière  d'a- 
yortement  et  de  subornation  de  témoins  : 
la  loi  pénale  ne  punit  que  l'avorlement  ae- 
eompli  et  la  subornation  suivie  d'effet. 

84.  En  matière  de  tentative,  il  y  a  lieu 
de  soumettre  an  jury  et  de  constater  dans 
les  jugements  toutes  les  clreonst  caraetérls- 
tiqaes  de  la  tentative  légale. 

86.  Les  tentatives  de  délits  ne  sont  con- 
sidérées comme  délits  que  dans  les  cas  déter- 
minés par  une  disposition  spéciale  de  la  loi. 

86.  La  loi  pénale  n'a  pas  d'effet  rétro- 
actif. Aucune  infraction  ne  peut  étie  punie 
de  peines  qui  n'étaient  pas  prononcées  avant 
qu'elle  fftt  commise. 

89.  Mais  lorsqu'une  loi  nouvelle  atténue 
ou  adoucit  les  peines  portées  par  k  loi 
anelenne,  il  y  a  lien  d'appliquer  les  peines 
nouvelles  aux  laita  commis  antérieurement, 
puisque  ces  peines  suffisent  à  la  sûreté  de 
la  société.  Il  en  serait  même  ainsi  lorsque 
cette  loi  n'aurait  été  que  transitoire. 

88.  Les  diqiositions  du  Gode  ne  s'appli- 


quent pas  aux  crimes  et  délits  militaires  qui 
sont  prévus  par  le  Code  de  justice  militaire 
du  4  août  1857  et  le  Code  de  justice  mari- 
time du  4  juin  18S8.  La  loi  comprend  sons 
cette  débominatlon  non-seulement  les  in- 
fractions à  la  discipline^  mais  les  crimes  et 
délltf,  même  commis  par  les  militaires  et 
les  personnes  assimilées  aux  miiitairee. 

UVRE  I^'.  —  Des  peines  en  matièbb  cbi- 

MUCBLLE. 

89.  Les  peines  sont  criminelles^  correc- 
tionnelles ou  de  police.  Les  peines  crimi- 
nelles sont  ou  affllctives  et  infamantes  ou 
seulement  infamantes.  Les  peines  afQictlves 
et  infamantes  sont  la  mort,  les  travaux  for- 
cés à  perpétuité»  la  déportation,  les  travaux 
forcés  à  temps,  la  détention  et  la  rédosion. 

80.  Les  trois  premières  peines  sont  per- 
pétuelles et  indivisibles  ;  mais  la  première 
seule  est  irréparable;  les  autres  sont  répa- 
rables et  rémissibles. 

81.  Le  Code  pénal  de  1791  n'avait  pas 
admis  de  peines  perpétuelles  ou  à  vie  ;  les 
peines  les  plus  longues  s'arrêtaient  à  un 
maximum  de  vingt  ans.  C'est  le  Code  actuel 
qui  a  introduit  les  peines  des  travaux  for- 
cés à  perpétuité  et  de  la  déportation. 

88.  Les  peines  des  travaux  forcés  à 
tamps,  de  la  détention  et  de  U  réclusion 
sont  non-seulement  réparables  et  rémissi- 
bles, mais  divisibles,  cW-à-dire  suscepti- 
bles d'une  durée  plus  ou  moins  longue. 
Ces  peines  sont  Tapplication  du  sysâme 
adopté  par  le  Code,  qui  admet  on  maxi- 
mum et  un  minimum  dans  les  peines  et 
laisse  aux  juges  l'appréciation  du  degr^  de 
répression  que  mérite  l'agent. 

38.  La  détention  et  la  réclusion  difTèrent 
par  leur  durée,  par  le  mode  de  leur  exécu- 
tion et  par  la  mission  diverse  qui  leur  a  été 
assignée  :  les  premières  s'appliquent  anx  cri- 
mes politiques,  l'autre  aux  crimes  communs. 

34.  Abolition  de  la  peine  de  la  coolls- 
cation  générale  et  de  la  peine  de  lamarf^ae. 

85.  Les  peines  infamantes  sont  le  ban- 
nissement et  la  dégradatk)n  dvique.  Le 
terme  infamantes  est  Inexact,  puisque  Fin- 
famie  ne  vient  pas  de  la  peine,  et  les  deux 

freines  ainsi  qualifiées  n'emportent  pas  une 
nliimie  plus  grande  que  les  autres.  Cette 
division  n'est  donc  dans  le  Code  qu'une 
mesure  d'ordre. 

86.  La  peine  du  carcan  a  été  supprima 
du  nombre  des  peines  infamantes. 

QUJLVWQÈIIB  liBÇOlH.  M 

89.  Les  peines  correctionnelles  sont  : 
1*  l'emprisonnement;  3»  rinterdictlon  de 
certains  drolU  civiques;  3*  l'amende. 

88.  I^a  condamnation  pénale  est  Imi- 
jours  prononcée  sans  préjudice  des  dom- 
mags&4ntéréts  dus  aut  parties.  De  IA  la 
distinction  de  l'action  publique  et  de  l'ae- 
tien  civile. 

80.  Le  renvoi  sous  le  surveillanee  de  la 
police  ei&  me  peine  aecessoire  eommaoe 


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d'après  l'ordrb  des  matières. 


805 


aax  malières  eriodiiena  et  eorreelkNroelle. 

40.  La  £onflBcation  spéciale,  maintenue 
après  raboliUoQ  de  la  confiscation  générale, 
ne  s'applique  qu'au  corps  du  délit  ou  aux 
choses  qui  ont  seryi  à  le  commettre. 

41.  L'amende  est  une  peloe  accessoire 
en  matière  criminelle,  tantôt  accessoire, 
tantôt  principale  en  matière  correctionnelle, 
et  plus  particulièrement  appropriée  à  la  na- 
ture de  celle-ci. 

Chap.  I*'.  —  Des  peimbs  km  MATiÈRa  cami- 

NELLB.  53 

'  48.  Les  articles  du  Gode  relatifs  à  l'ap- 
plication de  la  peine  de  mort  ne  présentent 
aucune  difQcufté  pratique,  mais  les  diffi- 
cultés naissent  quand  on  examine  le  mé- 
rite théorique  de  cette  peine. 

48.  La  société,  qui  a  le  droit  de  se  dé« 
fendre,  peut  appliquer  la  peine  de  mort  aux 
actes  qui  la  mettent  en  péril  lorsque  cette 
peine  est  le  seul  moyen  d'assurer  la  sécu- 
rité publique  :  ce  n'est  que  sa  nécesité  qui 
fait  sa  légitimité. 

44.  Aux  termes  de  l'art.  12,  le  condamné 
à  mort  a  la  tête  tranchée.  L'art«  13  avait 
ajouté  pour  le  parricide  la  mutilation  du 
poing,  que  la  loi  du  28  a?ril  1833  a  effacée, 
en  ne  maintenant  dans  ce  cas  qu'un  appa- 
reil Insignifiant. 

48.  Les  condamnés  aux  travaux  forcés 
sont  employés  aux  travaux  les  plus  pénibles. 
La  loi  du  31  mai  1854  a  ordonné  leur  trans- 
lation dans  les  colonies  françaises  où  Us 
sont  employés  aux  travaux  de  colonisation. 

46.  La  peine  des  travaux  forcés  se  con- 
vertit à  regard  des  femmes  en  une  réclu- 
sion. Elles  peuTont  cependant  être  transfé- 
rées dans  un  des  établissements  créés  aux 
colonies. 

49.  La  peine  de  la  déportation  consiste 
A  être  transporté  et  à  demeurer  à  perpétuité 
dans  un  lieu  déterminé  par  la  loij  hors  du 
territoire  continental  de  la  France.  Cette 
peine,  non  appliquée,  a  été  maintenue  dans 
le  Gode  pénal  et  elle  est  appliquée  aux  cri- 
mes politiques. 

48.  Mais  le  motif  véritable  de  son  main- 
ti^n,  lors  de  la  discussion  où  elle  fut  mise 
en  question,  en  1832,  a  été  d'en  faire  la 
base  d'un  nouveau  régime  pénal  qui.  en 
éloignant  les  grands  criminels  du  sol  du 
pays,  puisse  conduire  à  l'adoucissement  des 
peines,  à  ia  moralisatlon  des  condamnés  et 
à  la  suppression  de  la  peine  de  mort. 


CIEVQUIÉME  LEÇOM. 


67 


Continuation  db  l'exahin  j>is  peines  en 

■ATIÈBE  CaXHINBLLE. 

49.  La  peine  de  la  déportation  dans  une 
enceinte  fortifiée,  hors  du  territoire  conti- 
nental de  la  France  remplace  la  peine  de 
mort  dans  les  cas  où  elle  était  appliquée  à 
des  crimes  politiques.  Mais,  à  coté  de  la 
déportation,  des  lois  politiques  ont  institué 
la  transportation  et  l'ont  appliquée  à  des 


individus  bt&nfs  par  mesure  de  sûreté  gé- 
nérale. 

60.  Effectuer  la  déportation  dans  une 
colonie  est  une  entreprise  diffioile,  impra- 
ticable peut-être,  en  tons  cas,  incertaine  et 
douteuse. 

61.  Son  application  ne  produirait  pas 
les  résultats  qu'on  semble  en  attendre. 
Ainsi,  la  trasporlation  anglaise  n'a  pas  Jus- 

I  qu'à  présent  donné  des  résoltata  satlsfoi- 
sants.  Cette  peine  est  inégaie,  ses  effets  ne 
sont  pas  appréciables  et  son  exemplarité 
est  presque  nulle. 

88.  Les  condamnations  aux  travaux  for- 
cés à  perpétuité  et  à  ia  déportation  empor- 
taient la  mort  civile,  avant  que  cette  peine 
eût  été  abolie. 

58.  Si  la  mort  civile  n'avait  pas  le  carac- 
tère d'une  peine  proprement  dite  dans  le 
sens  du  Code  pénal,  elle  en  avait  évidem- 
ment les  effets  par  les  déchéances  et  les 
Incapacités  dont  elle  frappait  le  condamné. 

64.  La  mort  civile  était  une  peine  indi- 
visible, non  susceptible  de  plus  ou  de  moins  ; 
inégale,  frappant  cruellement  les  uns,  indif- 
férente aux  autres  ;  impersonnelle,  en  ce 
qu'elle  atteignait  les  enfants  et  la  femme  ; 
immorale,  en  ce  qu'elle  brisait  les  liens  de 
famille  ;  non  exemplaire,  puisqu'elle  ne  se 
manifestait  par  aucun  signe  extérieur. 

SlXlriBHB  UBÇOIV.  83 

CONTINUAnON  DB  l'eXAMBN  DBS  PEINES 
CaiHlNELLBS. 

66.  Il  n'y  a  pas  de  contradiction  à 
penser,  d'une  part,  que  la  mort  civile  doit 
être  abolie,  et,  d'une  autre  part,  que  la  mort 
naturelle  est  une  peine  nécessaire  qui  doit 
être  maintenue. 

66.  Si  la  mort  civile  n'a  pas  été  abrogée 
par  la  loi  du  28  avril  1832,  c'est  que  les 
effets  de  cette  peine  ayant  été  réglés  par  le 
Code  civil,  cette  matière  a  paru  étrangère 
à  la  révision  du  Gode  pénal. 

89.  Abolition  de  la  mort  civile,  d'abord 
en  ce  qui  concerne  les  condamnés  pour 
crimes  politiques  par  la  loi  du  9  Juin  1850, 
ensuite  en  ce  qui  concerne  tous  les  con- 
damnés par  la  loi  du  31  mal  1854.  Cette 
peine  est  remplacée  par  la  dégradation  ci- 
vique et  rinterdiction  légale. 

88.  Le  gouvernement  peut  relever  les 
condamnés  de  tout  ou  partie  des  incapacités 

Srononcées  par  la  loi  ;  il  peut  leur  accorder, 
ans  le  lieu  d'exllation,  la  plénitude  des 
droits  dont  l'interdiction  les  a  privés. 

69.  La  peine  des  travaux  forcés  à  temps 
a  une  durée  qui  s'étend  du  minimum  de 
cinq  ans  au  maximum  de  vingt  ans. 

60.  La  peine  de  la  détention  dont  la 
durée  peut  s'étendre  de  cinq  à  vingt  ans, 
consiste  dans  la  résidence  forcée  dans  une 
forteresse,  avec  faculté  de  communication 
au  dehors.  Cette  peine,  comme  celle  de  la 
déportation,  ne  s'applique  qu'aux  crimes 
politiques. 


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TABLE  ET  RËSUICÉ 


61.  La  peine  de  la  réclaslOD,  dont  la 
dar<fe  est  de  cinq  à  dix  ans,  consiste  à  être 
enfermé  dans  une  maison  de  force  et  à  dtre 
employé  à  des  travaux. 

08 .  Une  conséquence  commune  aux  trois 
peines  des  travaux  forcés  à  temps,  de  la 
déportation  et  de  la  réclusion,  c'est  la  sur- 
Teillance  de  la  police  après  l'expiration  de 
la  peine. 

68.  La  peine  accessoire  de  l'exposition 
publique  avait  été  maintenue,  avec  de  no- 
tables restrictions  cependant,  par  la  loi  du 
38  avril  1832. 

641.  Elle  a  été  abolie  par  le  décret  du 
gouvernement  provisoire  du  12  avril  1848. 

•EPTIÊMB  liBÇON.  97. 

De  l*£Xécdtion  dbs  peines. 

65.  La  durée  des  peines  temporaires 
compte  du  Jour  où  la  condamnation  est  de- 
venue irrévocable. 

66.  Cette  règle  s'applique,  non-seule- 
ment aux  peines  criminelles,  mais  encore  à 
la  peine  d'emprisonnement. 

67.  La  condamnation  est  réputée  irrévo- 
cable :  P  lorsque  le  délai  du  recours  en  cas- 
sation expire  sans  qu'aucun  pourvoi  ait  été 
formé  i  À»  du  Jour  où  la  Cour  de  cassation, 
au  cas  de  pourvoi.  Ta  rejeté. 

68.  Par  une  exception  à  cette  rèfife, 
l'art.  24  du  Code  pénal  fait  courir  les  peines 
d'emprisonnement  contre  les  détenus,  du 
Jour  du  Jugement  ou  de  l'arrêt,  nonobstant 
l'appel  on  le  pourvoi  du  ministère  public  et 
nonobstant  rappel  ou  le  pourvoi  du  con- 
damné, si  la  peine  a  été  réduite  sur  son  re- 
cours. 

69.  L'exception  qui  précède  ne  s'appli- 
que qu'aux  matières  correctionnelles,  elle 
n'a  pas  été  étendue  aux  peines  criminelles. 

96.  Les  peines  qui  s'exécutent  publique- 
ment, comme  aujourd'hui  encore  la  peine 
de  mort,  comme  naguère  l'exposition,  ne 
peuvent  être  exécutées  les  Jours  fériés. 

71.  Les  exécutions,  soit  réelles,  soit  par 
effigie,  en  cas  de  contumace,  ont  lieu  sur 
l'une  des  places  publiques  de  la  commune 
Indiquée  par  l'arrêt. 

98.  Les  femmes  condamnées  à  mort  ne 
subissent  leur  peine,  si  elles  sont  enceintes, 
qu'après  leur  délivrance. 

98.  La  dégradation  civique  est  attachée 
comme  peine  accessoire  aux  peines  des  tra- 
vaux forcés  à  temps,  de  la  détention,  de  la 
réclusion  et  du  bannissement.  Elle  consiste 
dans  une  privation  plus  ou  moins  étendue  de 
certains  droits  civiques,  civils  et  de  famille. 

94.  L'interdiction  légale  est  une  consé- 
quence des  peines  des  travaux  forcés,  de  la 
détention  et  de  ia  réclusion.  Elle  consiste, 
comme  l'Interdiction  judlclsire.  à  retirer  au 
condamné,  pendant  la  durée  de  sa  peine, 
l'administration  et  la  gestion  de  ses  biens. 

95.  Application  à  l'interdiction  légale 
des  règles  et  des  dispositions  relatives  à 
rinlerdiction  judiciaire. 


HUIVlftHB  liBÇOnr.  1 1 1 

CONTimiATiOlT DÉ  L'EXicCTlON  DES  PEIN BB • 

96.  La  dégradation  civique  et  l'interdic- 
tion légale  par  leurs  effets  et  par  leurs  du- 
rée :  la  première  emporte  privation  jusqu'à 
réhabilitation  des  droits  civiques,  civils  et 
de  famille  ;  la  seconde  ne  fait  que  suspen- 
dre, pendant  la  durée  de  la  peine,  quelques- 
uns  de  ces  droits  seulement. 

9f.  Les  effets  de  l'interdiction  légale  se 
trouvent  réglés  par  le  Gode  civil. 

98.  Les  mêmes  incapacités  dont  les 
art.  602  et  509  du  Gode  civil  frappent  l'in- 
terdit Judiciairement,  doivent  frapper  l'in- 
terdit légalement. 

99.  L'interdiction  légale  est  la  eonsé- 
ouence  de  toutes  les  condamnations  contra- 
dictoires aux  peines  indiquées  par  l'art.  29; 
mais  elle  ne  s'étend  pas  au  condamné  par 
contumace  à  Tune  de  ces  peines. 

86.  Les  biens  du  condamné  contumax 
sont  régis  comme  biens  d'absent  par  l'ad- 
ministration des  domaines,  avec  obligation 
de  restituer  les  fruits  au  contumax  de  re- 
tour dans  les  vingt  ans,  on  à  ses  héritiers  à 
Texpi ration  des  vingt  ans. 

81.  Les  biens  du  condamné  loi  sont 
remis  après  qu'il  a  subi  sa  peine,  mais  au- 
cune portion  de  ses  revenus  ne  peut  lui 
être  remise  pendant  la  durée. 

88 .  Le  bannissement,  dont  la  durée  est 
de  cinq  à  dix  ans,  consiste  dans  la  transla- 
tion du  condamné  hors  do  territoire,  avec 
défense  d'y  rentrer  pendant  sa  durée. 

88.  Cette  peine,  qui  serait  Immorale, 
appliquée  à  des  crimes  communs,  puis- 
quelle  aurait  pour  effe^  de  rejeter  les  mal- 
faiteurs chez  les  peuples  voisins,  doit  être 
maintenue  en  ne  l'appliquant  qu'à  des  cri- 
mes privilégiés  d'un  ordre  secondaire. 

84.  La  loi  du  28  avril  1842  a  subsUtaé 
la  peine  de  la  détention  à  celle  du  bannis- 
sement, dans  les  cas  de  connivence  et  d'in- 
telligences coupables  avec  les  ennemis  de 
lÉtat. 

85.  Considérée  théoriquement,  la  peine 
du  bannissement  est  inégale,  peu  exem- 
plaire, et  n'est  pas  susceptible  d'une  appré- 
ciation exacte. 

86.  Le  banni  qui  rompt  son  ban  est 
puni  de  la  détention  pendant  le  double  de  la 
durée  du  bannissement  restant  à  courir. 

87.  Cette  condamnation  est  prononcée 
par  la  Cour  d'assises,  sans  assistance  de 

iurés,  et  sur  la  seule  preuve  de  l'identité. 
jCs  motifs  qui  ont  porté  à  supprimer  Is 
jury  dans  les  reconnaissances  d'Identité  pré- 
vues par  l'art.  ôl9du  C.  d'inst.  cr.  sont 
peu  concluants,  car  la  rupture  de  ban  n'est 
pas  exclusive  de  toute  moralité  et  de  tonte 
intention. 

88.  La  dégradation  civique,  considérée 
comme  peine  principale,  a  les  mêmes  effets 
que  lorsqu'elle  est  raccessoire  d'une  antre 
peine. 

89.  Elle  n'est  plus  accompagnée  des 


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d'aPRAS  L*0IU)RB  DBS  MATIÈRBS. 


807 


solennités  que  la  loi  ds  1791  avait  prascriiss. 

90.  Les  locajpacités  qa'eUe  inflige  n'étant 
pas  dlTlsibles,  u  en  résulte  que  l'ensemble 
06  ces  déchëaoces  n'a  pas^  dans  tous  les 
cas  où  elles  sont  appliquées,  une  parfaite 
analogie  avec  les  faits  qu'elles  punissent* 

mBVVltMX  IiBÇOM.  125 

GORTINOATION.  —  Db  l'EZËGOTIO!!  DBS  FBINB8 

91.  Critique  de  Tensemble  des  incapaci- 
tés contenues  dans  Tart.  84  et  qui  consti- 
tuent la  dégradation  civique,  particulière- 
ment de  l'Incapacité  d'être  entendu  comme 
témoin  dans  un  procès  criminel. 

92.  La  dégradation  civique,  prononcée 
principalement,  peut  être  accompagnée 
d'un  emprisonnement  dont  la  durée  irex- 
cède  pas  cinq  ans,  mais  cette  seconde  peine 
n'est  que  facultative. 

98.  Toutefois,  si  le  coupable  n'a  pas  la 
qualité  de  Français,  la  peine  d'emprisonne- 
ment est  toujours  prononcée. 

94.  Tous  les  arrêts  portant  condamna- 
tion à  des  peines  criminelles  sont  rendus 
publics  (art.  36) . 

95.  La  peine  de  la  confiscation  étant 
supprimée,  les  art.  37, 38  et  39  n'ont  pins 
aucun  objet. 

Chap.  II.  —  Des  pbinxs  bn  matièrb  gor- 

BEGTIONNELLB.  132 

96.  Les  peines  en  matière  correction- 
nelle sont  remprisonnement,  l'interdiction 
de  certains  droits  et  l'amende  (art.  9). 

99.  La  durée  de  l'emprisonnement  est  de 
six  jours  à  cinq  ans.  Le  Jour  d'emprisonne- 
ment est  de  vingt-quatre  heures,  le  mois  de 
trente  jours.  La  peine  consiste  à  être  en- 
fermé dans  une  maison  de  correction  et 
employé  \  l'un  des  travaux  établis  dans 
cette  maison  (art.  40). 

98.  La  loi  ne  laisse  pas  aux  Juges  la  fa- 
culté de  fixer  la  durée  de  l'emprisonnement 
dans  ses  limites  légales;  elle  détermine  dans 
chaque  espèce  de  délit  un  maximum  et  un 
minimum  spécial,  sauf  à  leur  donner  la  fa- 
culté, suivant  les  termes  de  l'art.  463,  d'a- 
baisser la  peine  même  au-dessous  de  six 
Jours. 

99.  Les  produits  du  travail  des  détenus 
sont  attribués,  partie  à  la  maison,  partie  à 
lui-même,  pour  lui  être  remisa  sa  sortie,  ou 
pour  adoucir  sa  position. 

100.  L'interdiction  partielle  de  certains 
droits  énumérés  par  l'art.  42,  laisse  aux 
tribunaux  la  faculté  de  les  interdire  en  tout 
ou  en  partie,  en  les  appropriant  à  la  nature 
du  délit. 

101.  Les  tribunaux  ne  peuvent  pro- 
noncer ces  incapacités  que  dans  les  cas  où 
la  loi  en  autorise  expressément  l'application 
(art.  43). 

109.  Aux  incapacités  énumérées  par 
l'art.  34,  d'antres  ont  été  i^outées  par  des 
lois  spéciales.  La  loi  du  22  mars  1831  a  atta- 
ché à  certaines  condamnations  l'incapacité 


du  service  de  la  garde  nationale  \  la  loi  du 
21  mars  1832,  celle  du  service  militaire;  la 
loi  du  15  mars  1860,  celle  de  tenir  école; 
la  loi  do  31  mal  1850  et  le  décret  du  2  fé- 
vrier 1852,  celle  de  voter  dans  les  élections  ; 
la  loi  du  4  juin  1853,  celle  d'être  Juré,  etc. 

GHAP.    III.  —  GONDAMNATIORS  COMMUNES  AUX 
CBIMES  BT  DÉLITS.  —  SORVBILLANCB.       138 

108.  La  peine  de  la  surveillance  est 
commune  aux  matières  criminelle  et  cor- 
rectionnelle ;  elle  consistait,  dans  le  Gode  de 
1810,  à  imposer  au  condamné  soit  une  cau- 
tion de  bonne  conduite,  soit  la  mise  à  la 
disposition  du  gouvernement.  Elle  consistait, 
sous  la  loi  du  28  avril  1832,  à  laisser  au 
condamné  la  faculté  du  choix  de  sa  rési- 
dence, sauf  sa  déclaration  préalable  et  l'in- 
terdiction de  certains  lieux  (art.  44  et  45). 

104.  La  surveillance  a  été  organisée  en 
dernier  lieu  par  le  décret  du  8  décembre  1 851, 

2ui  donnait  au  gouvernement  le  droit  de 
xer  la  résidence  du  condamné,  et  en  cas 
de  rupture  de  ban,  d'ordonner  sa  transpor- 
tation.  Il  a  été  abrogé  le  24  octobre  1870. 
Système  de  la  loi  du  23  Janv.  1874. 

DIXliEIIBl4BÇOM.  141 

105.  Les  condamnés  aux  travaux  forcés 
à  temps,  à  la  détention  et  à  la  réclusion, 
sont  soumis  de  plein  droit  à  la  surveillance 
pendant  toute  la  vie  (art.  47). 

100.  Les'condamnés  au  bannissement  y 
sont  soumis  de  plein  droit  pendant  un  temps 
égal  à  la  durée  de  la  peine  qu'ils  ont  subie 
(art.  48). 

109.  Les  condamnés  pour  crimes  ou 
délits  qui  intéressent  la  sûreté  de  l'Etat, 
doivent  être  renvoyés  sous  cette  surveillance 
par  les  arrêts. 

108.  Il  appartient  dans  ce  dernier  cas 
aux  tribunaux  ue  fixer  la  durée  de  la  surveil- 
lance et  de  la  prononcer  soit  à  vie,8oit  à  terme* 
Nouveau  système  de  la  loi  du  23Janv.  1874. 

109.  Les  crimes  ou  délits  Intéressant  la 
sûreté  de  l'Etat  et  auxquels  l'art.  47  attache 
la  surveillance,  sont  prévus  par  les  art.  75 
et  suiv.,  82  et  sulv.  du  Gode  pénal. 

110.  En  dehors  des  cas  déterminés  par 
les  art.  47, 48  et  49,  la  surveillance  ne  peut 
être  appliquée  qu'en  vertu  d'une  disposition 
formelle  de  la  loi.  Ainsi,  en  matière  cor- 
rectionnelle, elle  n'est  appliquée  qu'aux  dé- 
lits auxquels  la  loi  l'a  attachée. 

111.  Il  y  a  dans  le  Gode  quatre  cas 

{)révus  parles  art.  100,  108,  138  et  144,  où 
a  surveillance  est  prononcée  comme  peine 
principale  contre  les  individus  qui  sont 
exemptés  d'autres  peines,  soit  parce  qu'ils 
ont  dénoncé  leurs  complices,  soit  parce 
qu'ils  les  ont  quittés. 

119.  Les  condamnés  pour  crimes  ou 
pour  délits  peuvent,  quand  11  y  a  lieu  à  res- 
titution, encourir  des  indemnités  qui  sont 
déterminées  par  le  Juge  (art.  51) . 

118.  Ges  indemnités  ne  peuvent  être 
appliquées  par  le  Juge,  même  du  consente- 


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808 


TABLE  BT  RÉSUMÉ  DBS  MàTIÈRBS. 


ment  dec  parties,  à  aveane  œmnre  qneloon- 
qae. 

114.  Les  condamnations  péonniaires  en- 
eoarues  en  matière  répressive,  peuvent  être 
poursuivies  par  la  vole  de  la  contrainte  par 
corps  (art.  52}. 

1 15.  En  cas  de  concurrence,  les  restitu- 
tions et  dommages- Intérêts  obtiennent  pré- 
férence sur  Tamende  (art.  54). 

1 16.  Les  individus  condamnés  Mor  en 
même  crime  on  pour  un  même  délit  sont 
tenus  solidairement  de  toutos  les  condam* 
nations  pécaniairet  qu'ils  ont  encounies 
(art.  55). 


(isAP.  IV.  —  PiniES  DE  LA  aicioiVB. 


152 


119.  Influence  de  la  récidive  sur  les 
condamnations  pour  crimes  et  délits  : 
échelle  d'aggravation  établie  par  Part  56. 

li  8.  Le  condamné  à  une  peine  afflictlve 
et  infamante,  qui  commet  un  second  crime, 
passible  de  la  dégradation  civique,  est  puni 
du  bannissement, 

lie.  La  peine  s'élève  également  d'un 
degré  dans  les  paragr.  6  et  7  du  même  ar- 
ticle :  au  lieu  de  la  déportation,  la  peine  des 
travaux  furcés  à  perpétuité;  au  Heu  do  cette 
dernière  peine;  la  peine  de  mort. 

ISO.  Dans  les  paragr.  2  et  8,  la  loi  fran- 
chit au  contraire  un  échelon  et  passe  du 
bannissement  à  la  détention,  et  de  la  réclu- 
sion aux  travaux  forcés  à  temps,  cette  dou- 
ble disposition  a  sa  raison  dans  la  nature 
particulière  des  crimes. 

181.  Dans  les  paragr.  4  et  5,  la  loi  pro- 
nonce la  même  peine  et  se  borne  à  relever 
jusqu'au  double.  Dans  le  paragr.  7  l'aggra- 
fation  suppose  deux  peines  successives  des 
travaux  forcés  à  perpétuité  :  si  la  première 
n'est  que  des  travaux  forcés  à  temps,  11  n'y 
n  pas  d'aggravation. 

122.  La  récidive  ne  résulte  que  de  la 
perpétration  d'un  second  crime,  après  une 
condamnation  afflictlve  ou  infamante  :  il  ne 
sufflrait  pas  que  le  premier  fait  soit  quali- 
fié crime,  s'il  n'a  pas  été  puni  d'une  peine 
afflictlve  ou  infamante. 

183.  Il  ne  sufflrait  pas  non  plus  de  la 
succession  des  deux  crimes,  il  faut  que  le 
second  crime  Intervienne  aorès  une  con- 
damnation :  les  crimes  antérieurs  décou- 
verts ensuite  ne  pourraient  servir  d'élé- 
ment à  la  récidive  :  c'est  la  criminalité  per- 
sistant après  une  condamnation  qui  fonde 
l'aggravation. 

184.  Mais  il  est  nécessaire,  pour  éta- 
blir la  récidive  criminelle,  que  la  première 
condamnation  ait  prouvé  sur  un  fait  quali- 
fié crime,  et  puni  comme  crime,  sans  clr- 
constances  qui  l'atténuent. 

185.  L'art.  57  modlfléparlaloidulSmal 
1863  pré  volt  le  cas  où  le  condamné,  pour 
un  fait  qualifié  crime  d'une  peine  correc- 
tionnelle, commet  un  délit  ou  un  crime  n'en- 
traînant encore  qu'une  peine  correction- 
nelle ;  il  subit  le  maximum  de  cette  peine 
oui  peut  être  portée  Jusqu'au  double.  Si  le 


crime  est  rédoit  à  la  valeur  d'un  délit  par 
refretdeseirconstanoes  attéoaantas,  la  peine 
est  le  maximum  de  TemprisoDaement.  ai  le 
fait  était  passible  des  travaux  forera,  oa 
une  année  de  cette  peine  si  le  fait  éUit 
passible  de  la  réclusion. 

186.  Le  cas  prévu  par  l'art.  28  est  œlal 
où  Je  premier  fait,  qualifié  délit,  a  inotlvé 
une  Gondamoation  d'un  emprisonnement 
de  plus  d'un  an  :  la  peine,  en  cas  de  nou- 
veau délit,  on  de  crime  puni  d'une  peine 
correctionnelle,  est  la  même  que  eelie  de 
l'article  précédent 

18V.  Les  eondanmés  en  réel^ve  sont 
soumis  à  la  surveillance  de  cinq  ans  à  dix 
ans. 

188.  Le  dernier  paragr.  de  Fart.  463, 
qui  permet  de  réduire  en  matière  eorrec- 
tionnelle  l'emprlsonnemeot  à  six  Jours  et 
même  au-dessous,  et  l'amende  à  16  fr.  et 
même  au-dessous,  permet  Implicitement  la 
suppression  de  la  surveillance. 

189.  Après  avoir  examiné  les  peines 
et  leur  application,  il  y  a  lieu  d'examiner 
les  faits  qui  constituent  la  criminalité  des 
agents,  et  les  circonstances  qui  ^aggravent 
ou  l'atténuent. 

OKMïïÈmaa  IiBçoiv.  lai 

LIVRE  IL  —  Deb  MeasoMims  FUNiasABCESy 

BXCUSABLIS  OU  RBSTORSABLES. 

180.  Il  y  a  lieu  de  distinguer,  dans  la 
perpétration  des  crimes  et  des  délits,  les  co- 
auteurs et  les  complices  :  les  coauteurs 
agissent  de  concert  et  prennent  à  l'action 
une  part  égale;  les  complices  y  participent, 
mais  secondairement  et  souvent  indirecte- 
ment 

181.  Trois  espèces  de  complicité,  sui- 
vant qu'elle  est  constituée  par  des  actes 
antérieurs  à  l'infraction,  par  des  actes  si- 
multanés et  concomitants^  ou  par  des  actes 
postérieurs. 

188.  Les  complices  sont  punis  de  la 
même  peine  que  les  auteurs  principaux  du 
crime  ou  du  délit  (art.  59). 

188.  La  même  peine  ne  doit  s'entendre 
toutefois  que  de  la  peine  de  droit  :  la  loi 
n'exige  pas  que  la  peine  ait  la  même  me- 
sure :  les  circonstances  personnelles  au  com- 
plice peuvent  en  modifier  l'intensité. 

184.  La  mort  ou  l'acquittement  de  Tan- 
teur  principal  ne  fait  pas  obstacle  à  la  con- 
damnation du  complice,  à  moins  que  le  fait 
incriminé  ne  soit  pas  constant  II  y  a  quel- 
ques cas  où  la  même  peine  ne  frappe  pas 
rauteur  et  le  complice  :  ce  sont  des  excep* 
tiens  que  le  Code  a  faites  à  l'art.  59. 

18tt.  L'art.  60  considère  comme  com- 
plices :  r  ceux  qui  ont  provoqué  l'action 
ou  donné  des  instructions  pour  la  commet- 
tre ;  2*"  ceux  qui  ont  fourni  des  instruments 
pour  y  servir  ;  3*  ceux  qui  ont  avec  con- 
naissance aidé  sa  perpétration. 

180.  II  suit  de  là  que  dans  les  questions 
de  complicité  posées  au  Jury  il  ne  faut  pas 


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GODB  PâNAL.  —  COMPLICITÉ.  EXCUSES. 


809 


demander  si  Taccusé  eet  comsilioe,  mais  s'il 
a  provoqué  ou  aidé  de  telle  oa  telle  ma- 
nière, par  tel  ou  tel  acte  de  provocatioD 
ou  d*as8istaoce. 

189.  Une  suffit  pas,  pour  eonstUnerla 
proTocation,  qu'il  y  ait  conseil,  insUgattOD, 
exhortation  à  raccomplissement  de  l'acte, 
ii  faut  qu'il  y  ait  encore  dea  dons,  des  pro- 
messes, des  menaces,  des  abus  de  l'auto- 
rite. 

188.  L'art.  60  comprend  dans  sa  dispo- 
sition trop  générale  des  degrés  inégaux  de 
criminalité,  des  actes  principaux  et  des 
actes  secondaires  de  complicité.  Ainsi,  les 
actes  antérieurs,  tels  que  la  remise  d'ins- 
truments, la  fourniture  de  moyens  d'action 
soDt  placés  sur  la  même  ligne  que  les  actes 
personnels  d'assistance. 

189.  Le  dernier  §  de  l'art.  60  prévoit 
les  actes  d'assistance  dans  les  faits  qui  pré- 
parent, qui  facititentou  qui  consomment  le 
crime  ou  le  délit.  Difficulté  de  séparer  avec 
précision  ces  actes  de  complicité  des  actes 
de  coopération. 

1410.  Le  fait,  soit  d'avoir  fourni  des 
instruments,  soit  d'avoir  préparé  ou  facilité 
l'action,  ne  constituent  des  actes  de  com- 
plicité qu'autant  que  l'agent  a  agi  avec 
connaissance,  c'est-à-dire  ait  su  qu*il  s'a 
gissait  de  la  perpétration  d'un  fait  coupable  c 
Il  n'est  pas  nécessaire  quil  ait  connu  toutes 
les  circonstances  de  ce  fait. 

DOUBUÈMB  liEÇOm.  174 

CONTINUATIOII  OB  LA  OOMPLlCITlL 

1411.  L'aggravation  de  peine,  qne  moUve 
la  situation  personnelle  de  l'auteur  princi- 
pal s'étend  aux  complices.  Ainsi,  dans  un 
faux  commis  par  un  officier  public,  dans 
i'homicide  d'un  père  commis  par  le  fils, 
l'aggravation  résultant  de  la  qualité  s'ap- 
plique au  complice. 

148.  La  complicité  peut  encore  résulter 
de  faits  postérieurs  à  l'accomplissement  de 
l'action. 

1418.  Ainsi  ceux  qui,  connaissant  la  con- 
duite criminelle  de  malfaiteurs,  leur  four- 
nissent habituellement  logement,  lieu  de 
retraite  ou  de  réunion,  sont  punis  comme 
complices  (art.  61). 

lAék.  Ainsi  ceux  qui  ont  recelé  des  cho- 
ses obtenues  à  l'aide  d'un  crime  ou  d'un 
délit»  sont  encore  punis  comme  complices 
(arL  62).  Cette  assimilation  des  auteurs 
des  vols  et  des  receleurs  des  choses  volées 
peut  être  Justement  critiquée. 

lékft.  L'art.  63  n'applique  pas  d'ailleurs 
la  peine  de  mort  aux  receleurs,  et  elle  ne 
leur  applique  les  peines  perpétuelles  qu'au- 
tant qu'ils  ont  eu  connaissance  au  temps 
du  recelé  des  circonstances  auxquelles  ces 
peines  sont  attachées.  Cette  restriction,  éta- 
blie par  la  loi  du  28  avril  1832,  prouve  que 
l'assimilation  qui  fonde  l'art.  62  n'est  pas 
complote. 


VMBinAHB  EdHÇOW.  184 

Faits  jostificatIfs  de  la  contsauitë  et  de 

LA  DémilGB. 

140.  Il  n'y  a  ni  crime  ni  délit  lorsque 
le  prévenu  était  en  état  de  demeure  au  tenps 
de  l'action  ou  lorsqu'il  a  été  contraint  par 
une  force  àlaquelle  lln'a  pn  résister  (art.  64). 
La  culpabilité  suppose,  d'une  part»  Tintelli- 
gence  de  l'acte,  et  d'une  autre  part,  la  li- 
berté de  s'en  abstenir. 

149.  Effets  de  l'ivresse  sur  la  volonté. 
Il  y  a  lieu  de  distinguer  l'ivresse  complète 
et  l'ivrease  partielle^  Tivresie  volontaire  et 
l'ivresse  involontaire.  Elle  peut,  dans  cer- 
tains cas,  modifier  la  culpabilité.     -      "  • 

149 .  L'état  de  somnambulisme  dégage 
nécessairement  l'agent  de  toute  respoosabl- 
11  té  à  raison  des  actes  commis  dans  cet 
état. 

149.  La  monomanie,  isolée  de  la  dé- 
mence proprement  dite,  n'est  pas  destruc- 
tive de  toute  criminalité;  elle  n'efface  pas 
la  volonté  tout  entière  et  laisse  par  consé* 
quant  à  un  certain  degré  la  reqionsabiUté 
de  l'agent. 

180.  La  contrainte,  qui  peut  être  une 
cause  de  Justification  des  actions,  peut  ré- 
sulter» non-seulement  d'une  force  physique, 
mais  encore  d'une  cause  morale. 

1  ftl.  L'obéissance  passive  à  l'ordre  d'un 
supérieur  peut  être  une  cause  de  contrainte; 
par  exemple,  le  soldat  qui  exécute  Tordre 
de  son  chef.  Il  est  clair  toutefois  que 
la  contrainte  est  plus  on  moins  présumée 
suivant  la  position  plus  ou  moins  élevée  de 
l'agent. 

Ift8.  Les  questions  de  contrainte  et  d« 
démence  sont  comprises  dans  la  question  de 
culpabilité  posée  au  Jury. 

158.. Nulle  peine  ne  peut  être  mitigée, 
nul  crime  ou  délit  ne  peut  être  excusé  si  ce 
n'est  dans  les  cas  où  la  loi  le  permet 
(art  66). 

154.  Il  y  a  lieu  de  distinguer  les  faits 
d'excuse  et  les  faits  Justificatifs  :  les  pre* 
miers,  comme  la  provocation,  atténuent  la 
culpabilité  sans  l'efficer  entièrement;  lea 
autres,  comme  la  démence»  la  contrainte, 
la  légitime  défense,  l'efllscent  tout  à  fait. 

QUATOBZlfiME  Ia^ÇO^.         200 

Faits  d'excuse  et   circonstances  atté  • 

RUANTES. 

155.  Le  principe  de  l'art.  65  a  reçu  de 
la  loi  du  28  avril  1833  une  large  extensldn  ; 
le  système  des  circonstances  atténuantes 
formulé  dans  l'art.  463  n'en  est  qu'une  ap* 
plication. 

156.  Dans  l'ancienne  législation,  les 
peines  étaient  arbitraires  el  laissées  à  la  dis- 
crétion des  Jujges  :  la  législation  de  1791, 
réagissant  contre  ce  régime,  n'avait  édicté 
que  des  peines  fixes,  inflexibles,  que  les 
Juges  ne  pouvaient  atténuer. 

159.  Les  inconvénients  de  ce  dernier 


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810 


TABLB  ET  RÉSUMÉ  DBS  MATIÈRES. 


système  ont  porté  les  rédsetears  da  Code  1  tenee  et  le  mode  d'exister  de  l'État  On  diB- 
peaal  à  donner  à  chaque  peine  un  minimum  1  tingae  parmi  ces  faits  ceux  q[ai  sont  publics  : 
et  un  maximum,  mais  ces  deux  limites  fu- 1  les  peines  qui  leur  sont  applicables  sont  la 
rent  trop  étroitement  posées,  et  la  loi  du  25   déportation,  la  détention,  le  bannissement, 


juin  1824  commence  à  faire  descendre  dans 
quelques  cas  le  minimum  de  la  peine. 

158.  La  loidu28  arrU  1832  a  généralisé 
cette  faculté  d'atténuation  ;  l'art.  463,  qui 
la  eontenait  déjà  en  germe,  a  été  étendu 
à  tous  les  erimes  et  délits,  et  la  constata- 
tion des  circonstances  atténuantes  a  été  con- 
férée an  Jury. 

me.  II  y  a  entre  l'admission  des  excuses 
et  celle  des  circonstances  atténuantes  des 
dJilérences  notables  ;  les  excuses  sont  des 
feits  prévus  et  définis  applicables  à  cer- 
tains cas;  les  circonstances  atténuantes  sont 
des  faits  indéfinis  qui  peuvent  s'appliquer 
à  tons  les  cas  et  qui  vont  se  traduire  dans 
une  faculté  d'atténuation  pénale. 

1 60.  L'admission  des  circonstances  ag- 
gravantes n'est  pas  un  obstacle  à  la  décla- 
ration des  circonstances  atténuantes  :  les 
premières  s'attachent  au  fait  et  en  sont  des 
dépendances  matérielles  ;  les  autres  sont 
des  faits  moraux  modiflcatifs  de  la  crimi- 
nalité de  l'agent. 

161.  Lorsque  l'accusé  n'a  pas  sefse  ans 
aoeomplis,  il  y  a  obligation  de  demander  au 
Jury  s'il  a  agi  avec  discernement. 

168.  Les  art.  66  et  67  ordonnent  que 
l'accusé  mineur  de  seize  ans  sera  acquitté, 
s'il  a  agi  sans  discernement,  mais  conduit 
dans  une  maison  de  correction  jusqu'à  vingt 
ans  ;  et,  s'il  a  agi  avec  discernement,  rédui- 
sent d'un  degré  les  peines  légales. 

163.  L'art.  68  fait  une  exception  aux 
règles  delà  compétence  et  traduit  le  mineur 
de  seiie  ans,  accusé  de  crime,  devant  la  ju- 
ridiction correctionnelle,  si  le  crime  n'est 
pas  passible  de  la  peine  de  mort  ou  d'une 
peine  perpétuelle,  et  si  l'accusé  n'a  pas  des 
complices  pius  âgés. 

164.  Les  condamnés^  Agés  de  plus  de 
soixante  ans,  n'encourent,  au  lieu  des  tra- 
vaux forcés  à  perpétuité  ou  de  la  déporta- 
tion, que  la  réclusion  ou  la  détention  éga- 
lement perpétuelle.  La  loi  du  80  mai  1854  a 
abaissé  à  soixante  ans  la  limite  de  cette  at- 
ténuation attachée  jusque-là  à  l'Age  de 
soixante-dix  ans. 

atJilVUAlIB  liBÇOW.  215 

iNGRmiRATlON    DBS  FAITS  PUNISSABLES. 

16(1.  Les  faite  punissables  sont  divisés 
eo  crimes  et  délits  contre  la  chose  publique, 
oontre  les  personnes  et  contre  les  pro* 
priétés. 

LIVRE  111.  —  CaiiiBs  et  délits  comtrb  la 

CBOSR  PUBLiQDE. 

166.  Les  crimes  et  délite  contre  la  chose 

E oblique  sont  ceux  qui  sont  dirigés  contre 
\  personnalité  du  corps  social,  contre  l'exis- 


la  dégradation. 

16V.  Il  y  a  entre  les  crimes  communs 
et  les  crimes  politiques  cette  différence  qae 
les  crimes  communs  sont  partout  des  cri- 
mes, tandis  que  les  crimes  politiques  n'ont 
qu'une  criminalité  relative. 
Sbct.  I**.  —  CbImbs  bt  délits  GomaB  la 

SDRBTi  ^h^alBORE.  Oftf^ 

168.  Le  port  d'armes  contre  la  France 
commis  par  un  Français  qui  n'a  pas  perdu 
cette  Qualité  est  puni  de  mort  par  l'art  75, 
et  de  la  déportetlon  par  la  loi  du  9  jain 
1850. 

160.  Les  actes  qui  rentrent  dans  les 
termes  de  l'art.  75  sont  tous  les  faite  de  ser- 
vice ou  d'hostilité  commis  sous  lesdrapeaax 
d'une  puissance  étrangère,  sans  une  auto- 
risation régulière. 

190'  Le  crime  de  trahison  envers  l'État, 
avec  les  différente  caractères  qu'il  peut  ré- 
véler, fait  l'objet  des  art.  76  et  sulvanU. 
Tous  ces  faite  supposent  la  même  crimina- 
lité. ^^'T.     ^.- 

IVl.  Les  art.Mêt^prévoient  les 
actes  qui  peuvent  exposer  TEtat  à  une  dé- 
claration de  guerre  ou  les  Français  à  des 
représailles  :  c'est  le  résultet  que  la  loi  cou- 
siaère  et  punit  ici,  Indépendamment  de  la 
gravité  des  actes. 

II  —  GrIVBS  GONTRB  la  SURBTÉ  ÎRTJf- 


Sbct. 


BIBOBE. 


/^ 


199.  Le  crime  qui  consistait  dans  la 
non-révélation  des  crimes  d'Eut,  puni  par 
les  art.  103  et  suiv.,  a  été  aboli  par  la  loi 
du  28  avril  1832,  et  ces  articles  ont  été 
abrogés. 

198.  La  proposition  fkite  et  non  agréée 
de  former  un  complot,  c'est-à-dire  la  simple 
pensée  criminelle,  fait  l'objet  de  l'art  89  : 
Il  est  nécessaire  du  moins  qu'il  y  ait  une 
proposition  sérieuse  d'un  projet  arrêté  à  l'a- 
vance. 

194.  Il  y  a  complot,  aux  termes  du 
même  article,  par  cela  seul  que  la  résolution 
d'agir  a  été  consentie  et  arrêtée  entre  plu- 
sieurs personnes,  et  que  le  complot  ait  eu 
pour  objet  les  crimes  mentionnés  aux  art. 
86  et  87.  S'il  n'a  été  suivi  d'aucun  acte,  la 
peine  de  la  détention. 

195.  S'il  a  été  suivi  d'un  acte  même 
préparatoire  commis  ou  commencé  pour  son 
exécution,  la  peine  est  la  déportation.  La 
loi  do  24  mai  1834  a  incriminé  isolémeot 
tous  les  actes  préparatoires  et  en  a  fait  des 
délite  distincte  :  l'achat  d'armes  et  de  muni- 
tions, la  distribution  des  armes,  etc. 

1 96.  L'art.  90  punit  de  la  détention  la 
résolution  formée  par  un  seul  individu  de 
commettre  le  crime  de  l'art.  86,  lorsau'il  a 
fait  un  acte  matériel  préparatoire  de  l'exé- 
cution. 


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GODE  PENAL.  -«    CRIMS8  CONTRE  LA  CHOSE  PUBLIQUE. 


811 


199.  L*art.  86  puait  de  la  pefaie  du  par- 
ricide Tattentat  contre  la  vie  ou  la  per- 
sonne du  souyerain;  de  la  peine  de  mort 
l'attentat  contre  la  Tie  des  membres  de  la 
famille  régnante;  de  la  déportation  Tatten- 
tat  contre  leur  personne.  Il  faut  entendre 
par  attentat  toutes  les  violences  qualifiées 
crimes  par  la  loi. 

198.  L'art.  86  prévolt  également  le  délit 
d'offenses  commises  publiquement  envers  le 
cbef  de  TËtat  et  les  membres  de  sa  famille. 
Tous  les  faits  qui  constituent  l'outrage  et 
rinjure  sont  constitutifs  de  Toffense. 

199.  Les  attentats  tendant  à  changer 
le  gouvernement  ou  à  exoiter  la  guerre  ci- 
vile, pré? us  par  les  articles  87  et  91,  ne  sont 
plus  punis  que  de  la  déportation,  aux  termes 
de  la  loi  du  tO  Juin  1853. 

180.  Il  faut  entendre  par  attentat,  dans 
le  sens  de  ces  deux  articles,  un  acte  de  vio- 
lence tel  qu'une  attaque  à  force  ouverte, 
une  prise  alarmes.  L'attentat  est  constitué 
par  une  tentative  et  par  un  simple  acte 
d'exécution. 

181.  La  loi,  en  employant  des  termes 
vagues,  a  voulu  saisir  tous  les  faits  qui  peu- 
vent mettre  l'État  en  péril  et  le  menacer 
d'un  désordre  grave;  mais  il  est  nécessaire 

Sue  ces  actes  aient  pour  but  la  destruction 
e  la  forme  politique  ou  la  guerre  civile. 
188.  Les  art.  92  et  suiv.  prévoient 
quelques  faits  spéciaux,  la  levée  sans  ordre 
de  troupes  armées,  l'usurpation  d'un  com- 
mandement, les  réquisitions  de  la  force  pu- 
blique, la  destruction  des  magasina  ou  arse- 
naux. 

188.  L'organisation  de  bandes  armées 
pour  commettre  un  attentat,  prévue  par  l'art. 
96,  ne  doit  pas  être  confondue  avec  d'autres 
faits  analogues  :  les  bandes  ne  sont  ni  des 
rassemblements  armés,  ni  des  réunions  ac- 
cidentelles, ni  des  attroupements;  c'est  une 
troupe  organisée  pour  l'attaque  ou  la  ré- 
sistance. Les  individus  qui  les  ont  quittés 
au  premier  avertissement  sont  exempts  de 
toutes  peines  autres  que  la  surveillance. 

184.  Le  2*  §  de  l'art.  96  établit  une 
règle  de  complicité  spéciale  en  incriminant, 
non-seulement  le  fait  de  fournir  des  armes, 
mais  la  participation  à  des  actes  prépara- 
toires et  les  simples  intelligences  avec  les 
commandants  de  bandes. 

185.  La  complicité  par  recelé,  prévue 
par  l'art.  99,  n'a  lieu  qu'autant  que  le  rece- 
leur a  connaissance  du  but  et  du  caractère 
des  bandes  et  qu'il  a  fourni  des  logements  à 
la  bande  même. 

1 86.  Les  art.  5  et  suiv.  de  la  loi  du  34 
mai  1834,  divisant  l'attentat  dans  les  divers 
actes  qui  l'exécutent,  ont  prévu  séparément 
le  fait  de  porter  des  armes  dans  un  mouve- 
ment insurrectionnel,  d'y  commettre  des 
actes  de  pillage,  d'envahissement,  d'attaque, 
d'v  dresser  des  barricades,  briser  les  lignes 
télégraphiques,  etc. 

189.  La  loi  entend  par  armes,  aux  ter- 
mes de  l'art.  10l|  toutes  machines,  tous 


instruments  et  ustenttlei  tranchants,  per* 
gants  ou  contondants. 

i^BlZlAMH  liBÇOJV.  233 

Sect.  I'*.  —  GaniBs  contre  l'EXERacE 

DES  DROITS   CIVIQUES;    ATTENTATS  A    LA 
LIBERTÉ. 

188.  Le  Gode  pénal  prévoit  comme  cri- 
mes et  délits  contre  la  constitution,  quel- 

Sues  délits  qui  se  rattachent  à  l'exercice 
es  droits  civiques  :  les  actes  de  violences 
avant  pour  but  d'empêcher  les  citoyens 
d^exercer  leurs  droits  (art.  109  et  110). 

189.  Les  art  111  et  112  punissent  la 
falsification  des  votes  ;  ce  délit  n'est  punis- 
sable que  lorsqu'il  est  flagrant. 

190.  L'art.  113  ne  prononce  qu'une 
amende  contre  l'achat  et  la  vente  des  suf- 
frages. Hais  cette  disposition  a  été  modifiée 
par  la  loi  du  15  mars  1849. 

191.  La  loi  du  15  mars  1849  et  le 
décret  du  2  février  1852  ont  apporté  de  nou- 
velles dispositions  relativement  aux  élec- 
tions. Ces  dispositions  prévoient  :  1*  les 
votes  illégalement  émis;  2*  les  moyens  de 
violence  on  de  corruption  employés  pour 
altérer  la  vérité  des  suffrages  ;  3'*  la  viola- 
tion des  scrutins.  Tous  les  actes  qui  tendent 
à  fausser  les  inscriptions  ou  les  votes  ren- 
trent dans  la  première  de  ces  dispositions. 

198.  La  seconde  comprend  l'entrée  dans 
l'assemblée  électorale  avec  armes  appa- 
rentes ou  cachées,  les  troubles  apportés  aux 
opérations  électorales,  l'irruption  dans  les 
collèges  avec  violences,  les  faits  de  corrup- 
tion, d'achat  ou  de  vente  de  votes. 

198.  La  troisième  catégorie  comprend 
les  violences  commises  sur  le  scrutin  même, 
les  voies  de  fait,  l'enlèvement  de  l'urne,  la 
dispersion  des  bulletins. 

SbGT.  il  —  ÂTTBRTATS  A  LA  LIBERTÉ. 

194.  La  loi  pénale  apporte  une  sanction 
au  principe  que  personne  ne  peut  être  ar- 
rête que  dans  les  cas  nrévus  par  la  loi  et 
suivant  les  formes  qu'eue  a  prescrites. 

198.  Les  actes  arbitraires  attentatoires 
à  la  liberté  individuelle  sont  punis  de  la 
dégradation  clvioue.  Il  v  a  acte  arbitraire  si 
l'arrestation  a  été  ordonnée  par  un  fonc- 
tionnaire incompétent,  si  elle  a  été  ordonnée 
hors  des  cas  qu'elle  est  permise,  si  elle  a  été 
exécutée  sans  les  formes  légales;  mais,  pour 
qu'il  y  ait  délit,  il  faut  en  outre  qu'elle  ait 
été  commise  abusivement. 

196.  L'art.  114  punit,  outre  les  actes 
attentatoires  à  la  liberté,  les  actes  attenta- 
toires aux  draits  civiques  des  citoyens,  mais 
ses  termes  trop  vagues  ne  précisent  aucun 
des  faits  qu'il  a  voulu  punir. 

199.  L'obéissance  hiérarchique  est  une 
cause  de  Justification,  quand  l'agent  a  agi 

{)ar  ordre  de  ses  supérieurs,  en  attentant  à 
a  liberté  d'un  citoyen,  dans  un  cas  du  res- 
sort de  ceux-d. 
198.  lacriminatiott  des  actes  arbitraires 


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812 


TABLE  ET  RÉSTHCi  DBS  1CAJIÉRB8. 


faiUv  ord<mnés  par  an  mlDislr«;  Iw  gob- 
diUoDs  de  cette  incriminatioo  oot  cessé 
d'exister  (art.  115, 116  et  118). 

199.  L'art.  487  a  eu  pourbnt  de  fixer 
le  minimum  des  dommages-intérêts  dans  les 
cas  de  détention  arbitraire,  de  manière  que 
cette  condamnation  civile  dq  devienne  pas 
tout  à  fait  illusoire. 

999.  Les  art  615  et  616  du  G.  d'insL 
crimi  indiquent  les  moyens  de  faire  cesser 
les  détentions  arbitraires  dans  des  prisons 
Illégales.  L'art.  189  du  G.  p.  apporte  à  ces 
articles  une  sanction  incomplète  en  incri- 
minant les  fonctionnaires  qui  s'ont  pas  dé- 
féré aux  réclamations  des  détenus. 

991  •  L'art.  120  a  pour  ot^et  de  donner 
une  sanction  à  l'art.  609  du  G.  d'Inst.  crim., 
qoi  incrimine  le  gardien  qoi  re^it  et  retient 
nne  personne  sans  mandat  ni  jagement. 

999.  Cet  article  prévolt,  en  second  ileo, 
le  refos  du  gardien  de  représenter  le  déteno 
dont  la  représentation  est  régnlièiament 
draiandée,  et  d'exbiber  les  registres  de  la 
prison.  L'art.  613  da  G.  d'inst.  crim.  men- 
tionne toutefois  l'ordre  du  Juge  qui  peut 
défendre  toute  communication. 

999.  L'art.  132,  qui  se  réfère  à  l'art. 
276  du  G.  d'inst.  crim.,  défend  de  traduire 
derant  la  Gour  d'assises  un  accusé  dont  la 
mise  en  accusation  n'aurait  pas  été  admise 
dans  les  formes  prescrites  par  la  loi. 

994.  Los  fonctiOBoaires  politiques,  qui 
sont  les  ministres,  les  membres  du  Corps 
légtelatif  et  du  GonaeU  d'Étal,  ne  pouYani 
être  traduits  en  justice  sans  autorisation, 
sauf  le  cas  de  flagrant  délit,  les  Juges  et  offi- 
ciers du  ministère  publia  qui  ne  suspendent 
pas  les  poursuites  Jusqu'à  cette  autoriaa- 
tion,  sont  punis  de  la  dégradation  civique 
(art  727). 

SbCT.  m.  —  GOAUtlOlf  DB  FONCTIONNAIRES. 

99tt.  Les  art.  123,  124  et  125  prévolent 
le  concert  de  mesures  contraires  aux  lois 
pratiqué  par  des  fonctionnaires  ou  des 
corps  dépositaires  de  l'autorité  publique. 
Dans  le  cas  où  ce  concert  a  pour  objet  un 
complot,  la  pkis  rigoureuse  des  peines  est 
appliquée^ 

999.  L'art.  127,  placé  an  môme  point 
de  vue,  punit  la  délibération  par  laquelle 
des  fonctionnaires,  pour  suspendre  un  ser- 
vice, donneraient  umultanément  leurs  dé- 
m}salons« 

SSGT.  IV.  —  EuPIÈTEIfBNT  DES  AUTORlTléS. 

99V .  La  séparation  du  pouvoir  admlnls- 
tratlf  et  du  pouvoir  judiciaire,  établie  par 
la  loi  des  16-24  août  1790.  trouve  une  sanc^ 
tlondans  l'art  127,  qui  punit  tout  acte  du 
pouvoir  judiciaire  tendant  à  arrêter  ou  sus- 
pendre les  lois  ou  les  ordres  de  Tautorlté 
administrative. 

999.  L'art.  128  maintient  le  droit  de 
l'autorité  administrative  d'élever  des  con- 
fliu.  Il  y  a  deux  sortes  de  conflits  :  conflits 
d'attribution  et  de  JnridicUon.  U  s'agit  ici 


du  premier,  qui  est  positif  on  négatif.  L'art . 
2  de  l'ord.  du  6  juin  1829  a  étafii  les  deux 
cas  dans  lesquels  il  est  permis  de  revendi- 
quer une  affàûre  dont  la  juridiction  répres- 
sive est  saisie. 

909.  L'art  129  apporte  nne  sanotioo  à 
l'art  n  de  Ja  Const  du  23  frimaire  an  Vlfl» 
aujourd'hui  abrogé,  qui  portait  que  les  agents 
du  gouvernement  ne  peuvent  être  pounulTia 
pour  des  faits  relatift  à  leurs  fonctions  sans 
une  autorisation  du  Conseil  d'fitat. 

919.  Les  an.  130  et  134  ont  pour  objet 
de  défendre  le  pouvoir  judiciaire  eontre  les 
entreprises  de  radminlstcatien  ;  ils  se  ber- 
nent à  prohiber  toute  ingérenee  dans  les 
affaires  judiciaires. 

DlX-SEPTlâMB  UBÇOIV.  2i8 

EXAHEM  DO  CRin  DE  FAUX. 

911.  Caractères  du  crime  de  fausse 
monnaie  prévu  par  l'art.  132  :  la  loi  réunit 
dans  la  mime  disposition  la  contrefaçon  des 
monnaies,  l'altération  de  ces  monnaies,  leur 
émission  sans  connivence  avec  le  faussaire, 
leur  exposition  dans  un  lieu  public,  et  enfin 
leur  introduction  sur  le  territoire.  Il  faut 
dans  tous  las  cas  qu'il  y  ait  intention  frau- 
duleuse et  que  les  monaaies  contrefaites 
aient  cours  légal.  La  peine  diffère  suivant 
que  la  monnaie  est  d'or,  d'argent  on  de 
cuivre. 

919.  fin  général,  la.  grossièreté  de  la 
oontrefaçou  n'est  pas  une  excuse.  Cepen- 
dant la  simple  coloration  de  monnaie  d'ar- 
gent ou  de  cuivre,  pour  tromper  sur  leur 
valeurt  n'est  punie,  suivant  l'art.  134,  mo- 
difié par  la  loi  du  18  mai  1863,  que  d'une 
peine  correctionnelle. 

919%  L'art.  132  étend  aux  monnaies 
étrangères  la  protection  établie  en  faveur 
des  monnaies  françaises.  Cette  dispositiOB 
s'étend  même  aux  papiers-monnaie  qui  ont 
cours  forcé. 

914.  Les  peines  du  crime  de  fausse 
monnaie  ne  rappliquent  point  à  ceox  qui, 
ayant  reçu  pour  bonnes  les  monnaies  con- 
trefaites, les  ont  remises  en  drcuiation» 
même  après  en  atoir  reconnu  les  vieesi  ce 
fait  constitue  une  excuse  légale,  et  ils  ne 
sont  passibles  que  d'une  simple  amende 
(art  435). 

919.  Les  révélateurs  sont  exempts  de 
toute  peine,  si  la  révélation  a  précédé  la  con- 
sommation du  crime  (art  138). 

919.  La  contrefi^n  des  effets  publics 
et  des  billets  de  banque  est  punie,  comme 
la  fausse  monnaie  d'or  et  d'argent,  des  tra- 
vaux forcés  à  perpétuité.  Celui  qui  remet  en 
circulation  des  billets  annulés,  en  effaçant 
le  signe  de  l'annuiatlon,  rentre  dans  les 
termes  de  la  loi. 

919.  La  loi  assimile  au  môme  crime  la 
oontrefa^n  du  soeau  de  l'Etat  et  celle  des 
timbres  nationaux,  des  marteaux  de  l'Etat 
savant  aux  marques  forestières,  des  poin- 
çons servant  à  marquer  l'or  et  l'argent.  La 


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CODB  PÉNAL.  — "GRniB  DE  FAVX. 


«13 


loi  da  16  oetobre  1849  ne  ponit  pas  d^one 
peina  p éenniaire  l'asaige  des  '  timbrea^poste 
ayant  eenrt  (art.  1S9  et  140).'    . 

818;  L'art  141  prévient  l'usage  abusif 
des  vrais  timbres,  marteaux  ou  poinçons. 
Le  fatt  d'enlever  les  écritares  de  vieux  pa- 
piers timbrés  ne  rentre  pas  dans  ses  termes. 
Il  en  est  autrement  «i  faU  de  transposer 
sur  un  arbre  l'empreinte  du  marteau  de 
l'État  placée  sur  un  antre* 

91^.  Les  art  142  et  148  prévoient  la 
contrefaçon  des  marques  apposées  par  le 

Souvemement  sur  les  denrées  et  marchan- 
Jses,  la  contrefaçon  des  timbres-poste  et 
l'usage  frauduleux  des  vrais  timbres  et  mar- 
ques ;  la  COQ VttffiÇon  des  marques  de  fabri- 
que et  de  commerce  est  prévue  et  punie  par 
les  lois  des  28  juillet  1834  et  23  juin  18S7. 

8SO.  Le  faux  en  écriture  est  une  altéra- 
tion de  la  vérité  faite  dans  une  écriture  avec 
Intention  et  possibilité  de  nuire  à  autrui. 

%9 1 .  L'altération  matérielle  de  la  vérité, 
'qui  est  le  premier  élément  du  faux,  doit 
s'entendre  de  toute  altération  faite  dans  un 
acte  des  clauses,  des  énonciations  ou  des 
faits  que  cet  acte  avait  pour  objet  de  rece- 
voir ou  de  constater. 

998*  L'intention  criminelle,  qui  est  le 
deuxième  élément  du  crime,  consista  dans 
le  dessein  de  nuire  à  l'aide  du  faux.  II  im- 
porte peu  que  cette  intention  menace  des 
intérêts  privés  ou  publics»  qu'elle  compro- 
mette la  fortune  d^sutrul  ou  sa  réputation, 
qu'eiie  ait  pour  mobile  l'intérêt  de  l'argent 
ou  la  haine  et  la  méchanceté. 

208.  La  troisième  condition  du  crime  de 
faux  est  que  le  fait  seit  préjudiciable,  qu'il 
puisse  apporter  quelque  dommage  à  autrui, 
qu'il  compromette  un  intérêt  ou  un  droit. 
C'est  cette  lésion  frauduleusement  causée 
qui  fait  le  crime.  De  là  il  suit  que  les  alté- 
rations commises  dans  les  actes  qui  ne  peu- 
vent être  la  base  d'aucun  droit  et  d'aucune 
action,  échappent  à  rincrfmlnation. 

824.  Tous  les  faux  en  écritures  se  com- 
mettent, soit  par  contrefaçon  ou  altération 
d'écritures,  soit  par  fabrication  de  eonven- 
tiotts  ou  par  leur  insertion  après  coup  dans 
les  actes,  soit  par  addition  ou  altération  de 
clauses  qu'ils  avaient  pour  objet  de  consta- 
ter. Le  faux  en  écriture  privée  est  puni  de 
la  réclusion  (art.  iSO). 

225»  Il  faut  dans  tous  les  cas  qu'il  y  ait 
un  acte  préjudiciable  s  l'agent  qui  ne  signe 
que  d'une  croix,  ou  qui  conduit  la  main 
passive  d'un  tiers,  ne  commet  de  faux  que 
si  la  possibilité  d'un  préjudice  existe. 
.  220.  D  y  a  contrefaçon  de  signature 
quand  on  souscrit  ii^  acte  du  nom  d'une 
personne  à  qui  on  l'attribue  A  son  insu.  Il 
importe  peu  que  la  signature  soit  exacte- 
ment Imitée,  c'est  l'usurpation  du  nom  du 
tiers  que  la  loi  punit 

229.  La  fabrication  de  conventions  a 
lieu  par  supposition  d'écrits  ou  par  supposi- 
tion de  personnea.  Il  y  «  suppositten  d'écrits 


quand  l'agent  fabrique,  avec  l'iotentten  de 
le  faire  passer  pour  vrai,  uo  acte  quelconque. 

228.  n  y  a  supposition  de  personnes, 
lorsque  l'agent  suppose  la  présence  d'une 
personne  dans  un  aete,  pour  créer  des  en- 
gagements soit  contre  cette  personne,  soit 
contre  dee  tiers  (art.  145). 

229.  Il  y  a  faox  {«r  insertion  après 
coup  de  conventions,  dispositions,  obligatioDS 
ou  décharges  dans  les  actes  toutea  les  fols 
que,  par  une  interoahition  de  dimosltlonfl 
faites  dans  les  actes  après  leur  eloture,  on 
en  altère  le  sens  primitif.  Ainsi,  toute  addi- 
tion faite  dans  ua  acte  à  l'insu  de  l'une  des 
parties  et  avec  l'intention  de  lut  nuire,  ren- 
tre dans  les  termes  de  la  loi. 

280.  L'altération  de  faits  et  de  déclara- 
tions dans  les  actes  qui  ont  pour  objet  de 
les  recevoir,  peut  avoir  lieu,  soit  par  l'alté- 
ration même  de  l'écriture  de  ces  actes,  soit 
par  de  fausses  déclarations  faites  devant  les 
ofûciers  oui  les  rédigent.  Il  faut  toutefois, 
pour  qu'il  y  ait  crime,  que  la  fausse  men- 
tion porte  sur  les  faits  et  les  circonstances 
que  racte  a  pour  mission  d'énoncer. 

281.  Le  faux  en  écriture  prend  trois 
circonstances  aggravantes,  selon  qu'il  est 
commis  en  écriture  commerciale,  en  écri- 
ture publique,  ou  par  des  offlciers  publics. 

288.  Les  faux  en  écriture  de  commerce 
sont  punis  des  travaux  forcés  à  temps.  Il 
faut  entendre  par  écritures  de  commerce 
celles  qui  émanent  d'un  commerçant,  ou 
qui  ont  pour  objet  une  opération  commer- 
ciale. Ainsi,  la  lettre  de  change  est  une  écri- 
ture essentiellement  commerciale.  Le  billet 
à  ordre  n'a  ce  caractère  qu'autant  qu'il  porte 
la  signature  d'un  commerçant  ou  qu'il  s'ap- 
plique à  une  opération  de  commerce. 

888.  Les  faux  en  écriture  publique  sont 
punis  de  la  même  peine.  Il  faut  entendre 
par  écriture  publique  tout  acte  émané  d'un 
fonctionnaire  ou  crâne  autorité  ayant  un 
caractère  public. 

884.  Lorsque  le  faux  en  écritures  pu- 
bliques est  commis  par  un  fonctionnaire 
public,  la  peine  est  eaUe  des  travaux  forcés 
A  perpétuité  (art  147).  Ce  faux  est  commis 
dans  l'exercice  des  fonctions,  lorsque  l'offi- 
cier altère  un  aeie^  une  mention,  qu'il  avait 
mission  de  faire  on  de  constater. 

888.  Cette  fabrication  a  lieu  lorsque 
l'ofllcier  dénutore  ou  détruit  les  conventions 
qu'il  constate,  lorqu'il  suppose  des  signa- 
tures ou  des  comparutions  de  personnes  qui 
n'ont  pas  eu  lieu,  lorsqu'il  fabrique,  en  vertu 
de  leur  qualité,  des  actes  faux^ .  . 
.'  886.  Lea  officiers  publics  commettent 
une  autre  espèce  de  faux,  le  fîmx  intellec- 
tuel (art.  146),  qui  consiste  dans  l'altération, 
non  des  écritures,  mais  de  la  substance  des 
actes,  en  y  insérant  des  clauses  non  couve- 
nues,  en  écrivant  des  contentions  autres 
que  celles  que  les  parties  ont  dictées. 

889»  Le  faux  intellectuel  s'opère  soit  en 
écrivant,  des  coareiitiOBa  antrea  que  cetk' 


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814 


TABLE  BT  RÉ8UKÉ  DBS  MATIÈRES. 


qui  ont  été  traeées  par  les  parties,  soit  en 
constatant  comme  vrais  des  faits  faax,  ou 
comme  avancés  des  faits  qui  ne  Tétaient  pas. 
Toutefois,  si  les  faits  faux  sont  constatés 
comme  vrais  du  consentement  des  parties, 
il  y  a  simulation  et  non  plus  crime  de  faux 

988.  Lies  simples  particuliers  qui  ont 
eoopéré  au  faux  commis  par  un  officier  pu- 
blie, sont  punis  des  travaux  forcés  à  temps 
(art.  147). 

989.  La  fabrication  d'un  acte  faux  et 
l*usage  de  cet  acte  constituent  deux  crimes 
distincts,  Indépendants  l'un  de  l'antre.  II 
faut,  pour  gu'ii  y  ait  crime  d'usage,  que  la 

Séce  falsifiée  renferme  les  éléments  d'un 
ux  punissable,  et  que  l'usage  ait  été  fait 
avec  connaissance  de  la  fausseté  de  la  pièce 
(art.  148  et  151). 

940.  Les  faux  commis  dans  les  passe- 
ports, dans  les  permis  de  chasse,  dans  les 
feuilles  de  route  et  dans  les  certificats  de 
maladie,  d'indigence  et  de  bonne  conduite, 
ne  constituent  que  de  simples  délits,  à  rai- 
son du  préjudice  restreint  quMls  causent. 

941.  La  fabrication,  la  falsification  et 
l'usage  d'un  faux  passe-port  ou  d'un  permis 
de  chasse,  constituent  un  délit  puni  d'un 
emprisonnement  de  six  mois  à  trois  ans 
(art.  158). 

949.  L'usage  du  passe-port  ou  du  permis 
consiste  dans  l'exhibition  qui  en  est  faite 
quand  elle  est  requise.  La  seule  possession 
ne  suffit  pas. 

948.  La  supposition  de  noms>  soit  dans 
un  passe-port,  soit  sur  les  registres  des  lo- 
geurs et  aubergistes  est  également  un  délit 
(art.  154). 

94M.  L'offieier  public  qui  a  délivré  le 
passe-port  sous  un  nom  supposé  est  respon- 
sable :  V  s'il  ne  connaissait  pas  l'individu 
et  s'il  a  omis  de  se  faire  attester  son  nom; 
2»  s'il  a  été  instruit  de  la  supposition  du 
nom.  La  même  incrimination  a  été  étendue 
à  l'officier  qui  fait  délivrer  le  passe-port 
(art.  155). 

945.  La  falsification  et  l'usage  des  feuilles 
de  route  sont  soumis  aux  mômes  règles  que 
les  passe-ports.  La  peine  s'aggrave  toutefois 
et  s^éièfe  de  deux  à  cinq  ans,  si  la  falsifica- 
tion a  eu  pour  résultat  de  toucher  des  frais 
de  route  supérieurs  à  100  fr.  (art.  U6»l58). 

946.  Les  faux  commis  dans  les  certifi- 
cats constituent  des  fanx  ordinaires,  toutes 
les  fois  quMis  contiennent  obligation  ou  dé- 
charge et  qu'il  peut  en  résulter  un  préjudice 
À  des  tiers,  car  ie  caractère  de  faux  ne  peut 
dépendrede  la  forme  de  l'écriture  (art.  162). 

949.  Mais,  hors  ce  cas.  les  fanx  certifi- 
cats ne  constituent  qu'un  oéiit.  Tels  sont  les 
certificats  de  maladie  fabriqués  sous  le  nom 
d'un  médecin  pour  se  rédimer  d'un  service 

Ïmblio.  Il  faut  que  la  maladie  soit  fausse,  que 
e  nom  d'un  homme  de  l'art  soit  usurpé, 
que  to  certificat  ait  pour  but  de  procurer 
l'exemption  d'un  aerviee  pobUe  (art  159). 


949.  Si  c'est  le  médecin  lui-même  qu^ 
délivre  le  faux  certificat,  il  est  nécessaire* 
pour  qu'il  soit  punissable,  que  la  maladie 
soit  fausse,  qu'elle  soit  propre  à  fonder  une 
dispense  et  que  le  certificat  soit  délivré  dana 
ce  but.  La  peine  s'éiève  s'il  a  été  mu  par 
dons  ou  promesses  (art.  160). 

949.  Quant  aux  certificats  de  bonne 
conduite,  indigence  et  autres  circonstances 
propres  à  appeler  la  bienveillance,  leur  Ul- 
orication  sous  le  nom  d'un  offider  public, 
est  un  délit  puni  d'un  emprisonnement  de 
six  mois  à  deux  ans  (art.  161);  fabriqués 
sous  le  nom  d'un  particulier,  la  peine  est 
de  qninse  Jours  à  six  mois. 

Di]i:-inJiniEMB  IiBçom.       274 

CaiMBS  BT  DELITS  DBS  FOIfCTIORHAmBS. 

950.  On  entend  par  forfaiture  le  crime 
commis  par  un  fonctionnaire  public  dans 
l'exercice  de  ses  fonctions. 

§  L  —  Soustractions  cohhisu  par  les  ut- 

POSITAIRBS    PUBLICS. 

951.  Le  Gode  prévient  deux  sortes  de 
soustractions  :  celles  qui  sont  commises  par 
les  comptables  et  celles  qui  sont  commises 
par  les  autres  fonctionnaires.  L'art.  169 
s'applique  à  tous  les  comptables  qui  sont 
dépositaires,  en  vertu  de  leurs  tonetioaa,  de 
deniers,  d'effets  ou  de  valeurs.  La  peine  eet 
proportionnée  au  montant  des  valeura  (art. 
nO-172). 

959.  L'art.  173  s'applique  à  la  sous- 
traction des  actes  et  titres  dont  les  fonc- 
tionnaires sont  dépositaires  :  la  loi  punit, 
non-seulement  la  soustraction,  mais  la  des- 
truction et  la  suppression. 

§  U.  —   CONCDSSIONS. 

959.  La  concussion  est  toute  perception 
illégale  faite  avec  connaissance  de  l'Illégalité 
par  les  officiers  préposés  à  une  perception 
publique.  Les  éléments  du  crime  sont  rabna 
de  l'autorité,  l'illégalité  de  la  perception  et 
la  connaissance  de  l'illégalité  par  l'agent.  La 
peine  portée  par  l'art.  174  est  la  réclusion 

Sour  les  officiers  et  l'emprisonnement  de 
eux  à  cinq  ans  pour  leurs  commis.  La  loi 
du  13  mai  1863  a  réduit  ces  peines  au  cas 
où  les  sommes  indûment  perçues  n'excèdent 
pas  300  fr. 

§  m.  —  InVIXTIOn    DANS   LBS    AFFAttlS 
INGOMPATIBLBS. 

954.  L'art.  175  incrimine  tout  fonction- 
naire qui  prend  un  intérêt  dans  les  entre- 
prises dont  il  a  la  surveillance  ou  dans  les 
affaires  qu'il  se  charge  d'ordonnancer  ou 
de  liquider.  Le  seul  fait  de  la  participation 
du  fonctionnaire  constitue  le  délit. 

955.  L'art.  176  prévoit  un  autre  fait  ana- 
logue au  précédent,  c'est  l'immixtion  d'un 
commandant  ou  d'un  préfet  dans  le  com- 
merce des  grains  ou  des  boissons:  c'est 
encore  le  seul  fait  de  la  participation  dans 
ce  commerce  qui  fait  le  délit. 


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C^oogle 


GODB  PÉNAL. 


GRIME  DBS  FONCTIONNAIRES. 


815 


g  IV.   —  COMUFTION  MS  F0NGTI0NR1»E8 
PDBUGS. 

856 .  Le  fonctionnaire  qui  fait  trafic  des 
actes  de  sa  fonction,  qui  fait  ou  s'abstient 
de  faire  tel  ou  tel  de  ces  actes,  dans  un  in- 
térêt illicite  et  à  prix  d'argent,  se  rend  cou- 
pable de  corruption.  Il  faut,  pour  que 
rart.  177  soit  applicable:  l*que  ragent  ait 
la  qualité  de  fonctionnaire  ;  S**  que  des  offlres 
aient  été  agréées  ;  3"  que  ces  offres  aient 
pour  objet  un  acte  de  la  fonction. 

S57.  Sont  compris  dans  les  mêmes  dis- 
positions les  experts  et  arbitres  qui  agréent 
des  offres  on  promesses  pour  rendre  une 
décision  ou  donner  une  opinion. 

258.  Le  crime  de  corruption  prend 
deux  circonstances  aggrayantea  :  1«  quand 
il  a  pour  objet  un  fait  passible  d'une  peine 
plus  forte  que  la  dégradation  civique  ;  2** 
quand  il  est  commis  par  un  juge  pronon- 
çant en  matière  criminelle  (art.  178,  182). 

259.  L'agent  de  la  corruption  est  puni 
d'une  peine  différente,  suivant  qu'elle  a  été 
ou  non  suivie  d'effet.  La  tentative,  non  sui- 
vie d'effet,  ne  constitue  qu'un  délit.  Si  les 
offres  sont  agréées,  la  même  peine  frappe 
le  corrupteur  et  le  préposé,  soit  qu'il  s'a- 
gisse d'un  acte  commis  ou  d'une  abstention. 
Les  voies  de  fait  et  les  menaces  qui  opèrent 
contrainte  sont  assimilées  aux  dons  et  pro- 
messes qui  opèrent  corruntion  (art.  179). 

260.  Tout  juge  ou  administrateur  qui 
se  décide  par  faveur  pour  une  partie  ou  par 
Intimité,  est  coupable  de  forfaiture  (art. 
283). 

§  V.  —  Abus  d'autoritiL 

261.  Les  abus  d'autorité  divisés  en 
classes  :  contre  les  particuliers  et  contre  la 
chose  publique.  Le  premier  des  abus  contre 
les  particuliers  est  la  violation  du  domicile. 
L'inviolabilité  du  domicile  est  un  principe 
général;  U  loi  a  prévu  les  cas  ou  il  est 
permis  d'y  pénétrer.  L'art.  185  punit  toute 
introduction  hors  de  ces  cas  et  contre  le  gré 
du  citoyen. 

262.  Le  deuxième  abus  est  le  déni  de 
justice.  Ily  a  déni  de  justice  quand  les  juges 
refusent  déjuger.  L'art.  185  punit  la  persis- 
tance dans  le  refus,  la  violation  du  devoir 
de  la  fonction. 

268.  Le  troisième  abus  est  l'exercice  de 
violences  sans  motif  légitime,  c'est-à-dire 
qui  ne  sont  pas  motivées  par  la  nécessité 
d'accomplir  la  fonction.  Les  agents  qui  ex- 
cèdent les  limites  de  la  force  indispensable 
à  l'exécution  de  l'acte  tombent  sous  les  tei^ 
mes  de  l'art.  186. 

264,  Le  quatrième  abus  est  la  suppres- 
sion ou  l'ouverture  des  lettres.  L'art.  187 
ne  s'applique  qu'aux  violations  commises 
par  les  agents  de  l'administration  qui  vio- 
lent le  secret  des  lettres  dans  une  intention 
frauduleuse. 

265 .  Les  abus  d'autorité  contrôla  chose 
publique,  prévus  par  l'art.  188,  sont  les  or- 
dres ou  réquisitions  qui  auraient  pour  objet 


de  diriger  la  fwce  publique  contre  les  lois, 
la  perception  des  impôts  ou  les  mandats  de 
justice. 

266.  Les  règles  du  Gode  civil,  relatives 
à  la  tenue  des  registres  de  l'état  civil,  trou- 
vent une  sanction  pénale  dans  les  art.  192^ 
193, 194  et  195. 

269.  Les  fonctionnaires  qui  commencent 
d'exercer  leurs  fonctions  avant  d'avoir  prêté 
serment,  ou  qui  les  continuent  après  avoir 
été  remplacés,  commettent  une  usurpation 
de  pouvoir  que  punissent  les  art.  196  et  197. 

268.  Les  fonctionnaires  qui  s'associent 
aux  crimes  et  délits  qu'ils  sont  chargés  de 
surveiller  sont  passibles  d'une  aggravation 
des  peines  attachées  à  ces  crimes  et  délits  ; 
car,  outre  la  criminalité  qui  en  résulte,  ils 
trahissent  leur  mission  et  se  servent  de  leur 
autorité  pour  favoriser  les  actes  qu'ils  dol- 
fent  préfenir.  Tel  est  l'objet  de  l'échelle 
pénale  de  l'art.  198. 

§  VI.  -^  DÉUTS  DVMINISTftRB  DES  CULTES. 

260.  Les  ministres  des  cultes  qui  pro- 
cèdent aux  cérémonies  rdigieuses  d^un  ma- 
riage, sans  qu'il  leur  ait  été  justifié  de 
l'acte  civil  de  mariage,  commettent  un  abus 

aue  les  art.  199  et  200  mettent  an  rang  des 
éliU< 

296.  Les  critiques,  censures  ou  provo- 
cations dirigées  contre  Tautorité  publique 
dans  un  discours  pastoral  prononcé  publi- 
quement, constituent  également  un  délit 
(art.  201). 

291.  Les  mêmes  censures,  insérées  dans 
une  instruction  pastorale»  sont  punies  de 
peines  plus  graves  (art.  205  et  206). 

292.  Les  art.  206  et  208  ont  pour  objet 
la  correspondance  des  ministres  des  cultes 
avec  la  cour  de  Rome;  la  loi  considère 
comme  un  délit  les  relations  entretenuee 
avec  le  gouvernement  étranger,  mais  elle 
ne  les  punit  que  lorsqu'elles  ont  lienàl'insu 
du  gouvernement. 

DnL-mUWlÉME  I4BÇOIV.         298 

Rébellion,  ouraAess  et  violences. 

298.  A  la  suite  des  frais  de  forfaiture 
et  des  abus  d'autorité  viennent,  dans  l'ordre 
du  Code,  des  infractions  qui  sont  dirigées 
contre  l'autorité  publique  et  contre  la  paix 
publique. 

Rébellion, 

294.  La  rébellion  est  toute  attaque  ou 
résistance  avec  voies  de  fait  contre  les  offi- 
ciers publics.  U  faut  que  l'attaque  on  résis- 
tance ait  lieu  envers  les  agents  désignés  par 
la  loi,  qu^eile  se  produise  par  des  violences 
ou  voles  de  fait,  qu'elle  ait  pour  objet  de 
les  repousser  au  moment  où  Ils  agissent 
pour  l'exécution  des  lois  (art.  209). 

295.  La  résistance  est-elle  un  délit 
quand  elle  ne  fait  que  repousser  l'exécution 
d'un  acte  illégal  ?  Il  y  alleu  de  distinauerr 
si  l'ofilcier  public  agit  dans  l'exercice  de  sea 


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816 


TABLB  ET  I^UUÉ  DES  MATliRBS. 


fonetionff  6*11  eit  porteur  d'un  titre  exéca- 
tolre,  IHrrégnlerfté  de  l'opératioD  ou  da 
titre  ne  serait  pas  une  excuse  ;  mais  s'il 
agit  sans  mandat  et  sans  titre,  bore  deecas 
préfus  parla  ioi,  et  saosoliserTer  les  formes 

Sa'ellea  prescrites,  la  présomption  de  léga- 
té  ne  protège  plas  ses  actes. 

996.  La  rébellion  prend  les  caractères 
d'un  oriBM  lorsqu'elle  est  commise  par  plus 
de  Tingt  personnes  ou  aYoo  port  d'armes 
(art.  211). 

99  V .  Il  faut  entendre  par  réunion  armée 
toute  réuBioo  d'iodl vidas  pour  un  crime  ou 
un  délit*  lorsque  plus  de  deux  personnes 
portent  des  armes  ostensilAes  (art.  214), 

•98.  Lescondamnéspeorrélwliion  sont 
passibles  de  l'amende  et  de  la  sunreiHance. 
Ceux  qui  se  sont  retirés  au  premier  avertis- 
sement  sont  exempts  de  la  peine  (art,  218, 
218,221). 

990.  La  loi  assimile  aax  rebelles  les 
émeutes  gui  peuvent  éclater  dans  les  ate- 
liers pubilcst  les  hospices  ou  les  prisons 
(art.  219). 

980.  Les  crimes  commis  pendant  une 
rébeUlony  en  dehors  des  violences  constitu- 
tives de  la  rébellion,  conservent  les  peines 
qui  leur  sont  propres  (art,  216)« 

881.  n  ne  faut  pas  confondre  les  réu- 
nions, 4ue  forme  une  rébellion,  avec  les 
attroupements  sur  la  voie  publique,  que  la 
loi  du  7  Juin  1848  punit  de  peines  plus  ou 
moins  fortes^  suivant  quils  sent  plus  ou 
moins  menaçants  pour  la  tianquIUité  pu- 
blique. 

OeTBAOES  R  VIOLBRCBS, 

888.  Les  outrages  et  violences  prévus 
par  le  Code  sont  ceux  qui  s'attaquent,  non 
plus  aux  actes  de  l'autorité,  mais  aux  fonc- 
tionnaires eux-mêmes  dans  rexereice  de 
leurs  fonctions, 

888.  L'art.  222  punit  tout  outrage  par 
paroles  tendant  à  Inculper  l'honneur  on  la 
délicatesse,  adressé  à  un  magistrat  de 
Tordre  administratif  ou  Judiciaire,  dans 
rexerciee  ou  à  l'occasion  de  ses  fonctions, 
n  n'est  pas  nécessaire  que  l'injure  soit  pu- 
blique et  proférée  en  présence  du  magistrat. 
La  loi  du  13  mai  1868  a  étendu  cet  article 
aux  outrages  par  écrits  ou  dessins  non  pu- 
blics. 

884.  La  peine  est  aggravée  sL  l'outrage 
a  eu  lieu  à  randience  d'un  tribunal. 

885.  Quand  l'outrage  ne  se  manifSsste 
<Itte  par  gestes  ou  menaces,  la  peine  est 
moindre,  parce  qu'il  est  moins  déterminé 
(art.  223). 

886.  Les  art.  224  et  225  prévoient  le 
cas  où  l'outrage  est  fait  soit  a  un  officier 
ministériel»  à  un  agent  dépositaire  de  la 
force  publique,  à  un  commandant  de  la 
force  publique,  et  à  tout  citoyen  chargé 
d'un  service  public. 

889.  L'oifensenr  peut  être  condamné  à 
faire  réparation  :  cette  sorte  de  satisfaction 
ne  doit  pas  être  eon/ondue  avec  l'amende 


honorable  que  l'aoeleBiie  législation  mettait 
au  nombre  des  peines  (art.  226). 

888.  Lorsque  l'outrage  s'aggrare  par 
des  violences  et  voles  oe  fait,  la  peine 
d'emprisonnement  peut  s'élever  de  deux  A 
cinq  ans.  La  loi  joint  à  cette  peine  l'iatar- 
diction  de  résider  'dans  le  lieu  où  siège  le 
magistrat  (art.  228  et  229) . 

888.  Les  voles  de  fait  prennent  ua  ca- 
ractère plus  grave:  1**  si  elles  ont  eu  liea 
à  une  audience;  2"  si  elles  ont  été  la  cause 
d'effusion  de  sang  v  3*  si  elles  ont  causé  la 
mort  dans  les  quarante  Jours  ;  4*  si  elles  ont 
été  faites  avec  préméditation  :  5'  si  elles  ont 
été  faites  avec  l'intention  de  donner  la  mort 
(art.  280-238). 

RSFUI  D'un  SERVICE  nU  UfGALBUEMT. 

880.  Le  refus  du  commandant  qui,  lé- 
galement requis,  refuse  d'agir,  constitue  un 
délit  passible  d'un  emprisonnement  d'un  à 
trois  mois  (art.  234). 

881.  Les  témoins  et  les  Jurés,  dont  la 
non-comparution  est  punie  d'amende  par  le 
Gode  d'inst.  crim.,  sont  soumis, à ;nn  em- 

Prisoonement  de  six  Jours  à  deux* mois  si 
excuse  allouée  est  reconnue  fausse  (art. 
286), 

EtàSIOH  de  DârERDS. 

888.  Uévasion  n'est  pas  un  délit  ((oand 
elle  n'est  accompagnée  ni  de  bris  de  prison 
ni  de  violences  ;  mais  ces  voies  de  fait  cons- 
tituent un  délit  quand  les  détenus  les  em- 
ploient pour  s'évader  fart.  245). 

888.  Cette  disposition  ne  s'applique  pas 
aux  condamnés  aux  travaux  forces  oétanns 
dans  les  bagnes,  ou  à  la  Guyane  ;  des  lois 
spéciales  leur  appliquent  une  continuation 
de  la  peine  pour  le  lait  de  l'évasion. 

884.  La  peine  de  l'évasion  se  cumule 
aveu  les  autres  peines  et  ne  sert  pas  d'élé- 
ment à  l'aggravation  pénale  de  la  récidive. 

808.  La  loi  pénale,  en  ce  qui  concerne 
l'évasion,  s'adresse  surtout  aux  fhoteurs  et 
complices,  qui  sont  punis  de  peines  plus  ou 
moins  graves,  sQlTsnt  que  invasion  est  le 
résulut  de  leur  négligence  ou  de  leur  conni- 
vence (art.  288). 

288.  Les  peines  qui  s'appliquent  aux 

Sereonnes  qui  ont  favorisé  revaslon  s^éten- 
eut  non-seulement  aux  préposés  et  gardiens, 
malsl  toutes  autres  personnes;  seulement 
elles  sont  alors  moins  fortes,  parce  que  le 
deroir  spécial  de  la  fonction  n'aggrave  plus 
le  fait.  ' 

889.  Les  art.  241  et  248  prévoient,  an 
cas  d'évasion  stoc  bris  ou  Tiolence^  la  com- 
plicité de  ceux  qui  ont  fonmi  des  instru- 
menU  ou  des  armes. 

888*  .La  corruption  pratiquée  sur  les 

5 ardions  est  punie  comme  tout  autre  acte 
e  corrupUon  (art.  242),  et  l'évasion  fait 
poser  sur  ces  iàutenrs  la  responsabilité  de 
fa  partie  civile  (art.  244). 
888.  U  peine  de  la  négligODce,  en  eu 


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CODE  PÉNiX.   —  VAGABOnDASB,   MSMDICITÉ. 


817 


l 


d'érasfon*  C6»e  longue  TéTadé  est  r^ptiB 
dans  les  qaaitre  mois  (art.  247). 

800.  Le  recel  des  détenus  éYadëa  et  de 
tout  prévenu  de  crime  est  qualifié  délit.  Il 

Îf  a  toutefois  une  exception  pour  l'épouse, 
es  ascendants  et  desceodaots,  et  les  frères 
et  sœurs  de  l'agent. 

EnLÈVEH£NT  ]>E  pièces  dans  les  DEPOTS 
PUBLICS. 

aoi .  Le  bris  de  scellés  régulièrement  ap- 
posés emporte  contre  les  gardiens  une  peine 
correctionnelle  (art.  2)9). 

802.  La  peine  s'éiève  jusqu'à  deux  ans 
si  le  bris  de  scellés  s'applique  à  des  papiers 
et  effets  d'un  prévenu  de  crime  emportant 
peine  capitale  ou  perpétuelle  (art.  250). 

808.  Le  délit  s*aggrave  et  la  peine  s'é- 
lève encore  si  le  bris  de  scellés  a  été  fait  à 
dessein  et  que  le  gardien  y  ait  participé.  Le 
vol  commis  à  l'aide  d'un  bris  de  scellés  est 
considéré  comme  commis  avec  effraction 
(art.  253). 

304.  Les  soustractions  de  pièces  dans  les 
dépôts  publics  sont  un  crime  puni  de  la  ré- 
clusion (art.  254).  Les  gardiens  négligents 
sont  punis  d'une  peine  correctionnelle. 

805.  Le  notaire  qui,  après  avoir  cédé 
son  étude,  prétend  ne  restituer  ses  minntes 
à  son  successeur  qu'avec  un  supplément  de 
prix,  stipulé  secrètement  en  dehors  du  prix 
porté  au  contrat,  ne  rentre  pas  dans  les  ter- 
mes de  la  loi. 

806.  Le  clerc  de  notaire  qui  soustrait 
un  titre  dans  l'étude  de  son  patron  n'est 
passible  que  de  réclusion  et  non  des  tra- 
vaux forces  (art.  173  et  254). 

DÉGRADATION  DE  MONUMENTS. 

809.  L'objet  de  l'art.  257  a  été  de  pro- 
téger les  monuments  publics  contre  les  mu 
tiia tiens  et  dégradations,  sa  disposition  s'é- 
tend aux  œuvres  d'art  et  à  toutes  les  cons- 
tructions utiles. 

Usurpation  de  titres, 

808.  L'immixtion  sans  titre  dans  une 
fonction  publique  ou  la  perpétration  d'un 
acte  de  cette  fonction  est  qualifiée  délit,  sans 
préjudice  de  la  peine  de  faux,  s'il  y  a  lieu 
(art.  258). 

809.  L'usurpation,  non  plus  du  pouvoir, 
mais  de  ses  insignes,  d'un  costume»  d'un 
uniforme,  d'une  décoration,  est  également 
qualifiée  délit  (art.  259). 

810.  La  loi  du  28  mai  1858  ai^onté  à 
l'art.  259  un  2*  §,  qui  punit  d'une  amende 
de  500  à  lOiOOO  fr.  ceux  qui,  sans  droit  et 
en  vue  de  s'attribuer  une  djl^tinction  bono- 
rifique,  ont  pqbliquement  pris  un  titre  ou 
modifié  leur  nom.  L'addition  du  titre  ou  du 
nom,  la  publicité,  l'iotentlon  de  s'attribuer 
une  distinction  :  tels  sont  les  trois  éléments 
de  oe  délit» 

Entraves  a  l'exercice  des  cultes. 

811.  Le  libre  exercice  des  coites  est  un 
I. 


dmit?  toute yaiù de f^it oueontrainiêexer* 
cée  pour  l'entraver  est  un  délit  (art.  260), 
818.  L'art  260  nincrimine  que  les 
voies  de  fait  et  les  menaces  des  particu- 
liers, et  11  ne  s'étend  pas  aux  faits  relatifs 
à  la.  célébration  des  létes  et  dimanches 
qui  sont  prévus  par  la  loi  du  18  novembre 
1814. 

818.  Les  troubles  causés  dans  les  tem- 
ples peuvent  constituer  un  délit  lorsqu'ils 
ont  produit  un  empêchement,  un  retard  ou 
une  interruption  de  rexercice  du  culte. 

Association  de  malfaiteurs. 

814.  Les  dettes  d'assodation  de  malfsl- 
teurs,  de  vagabondage  et  de  mendicité  ont 
un  caractère  commun  ;  ils  constituent  une 
menace  contre  la  paix  publique. 

815.  L'association  de  malfaiteurs  con« 
siste  dans  l'organisation  de  bandes  dirigées 
contre  les  personnes  ou  les  propriétés  avec 
convention  du  partage  du  produit  des  mé- 
faits. Il  suffit  de  faire  partie  de  la  bande 
pour  être  réputé  malfaitenr  (art.  266). 

Vagabondage, 

816.  Le  vagabondage  est  la  situation 
des  Individus  qui  n'ont  ni  domicile  certain 
ni  moyens  de  subsistance,  et  qui  n'exercent 
habituellement  ni  métier  ni  profession  (art* 
270). 

819.  La  première  oendition  du  délit  est 
l'absence  d'un  domicile  certain.  Il  ne  s'agit 
pas  du  domicile  d'origine,  mais  du  domicile 
d'habitation,  d'un  domicile  actuel,  fixe  on 
non.  Les  deux  autres  éléments  sont  le  dé« 
faut  de  moyens  d'existence  et  de  profession 
qui  rendent  l'agent  dangereux  pour  la  so- 
ciété. 

818.  Les  peines  prononcées  par  lesart, 
271,  272  et  273  révèlent  le  caractère  par- 
ticulier du  délit  de  vagabondage,  délit  qui 
demanderait  des  mesures  préventives  plutôt 
que  répressives. 

819.  Le  oondamné  pour  vagabondage 
peut  étre^en  cas  de  circonstances  atténuan- 
tes, dispensé  de  la.  peine  accessoire  de  la 
surveillance. 

880.  Les  condamnés  âgés  de  moins  de 
seize  ans,  sont  exempts  de  la  peine  d'em- 
if>ri8onnement  ;  mais,  au  lien  de  les  mettre 
dans  une  maison  de  travail  et  d'éducation, 
la  loi  se  borne  à  les  mettre  sous  la  surveil- 
lance de  la  police. 

^8^1.  Le  délit  s'aggrave  si  l'agent  est 
nanti  de  valeurs  dont  il  ne  peut  justifier 
la  source,  s'il  est  trouvé  travesti,  porteur 
d'armes  ou  d'instruments  propres  aux  crl- 
mefll^  ou  s'il  a  commis  des  actes  de  violence 
(art.  269), 

MbndicitIE, 

828.  La  mendicité  n'est  point  un  délit: 
elle  ne  le  devient  que  dans  les  lieux  où  est 
établi  un  dépèt  de  mendicité  ou  à  l'égai^d 
des  individus  valides  qui  en  ont  l'habitude 
(art.  271,  272). 


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818 


TABLE  ET  RÉSUMÉ  DB8  MATIÈRES. 


'  828.  La  mendieUé  derlent  encore  od 
délit  lorsqu'elle  se  commet  en  réunion,  ou 
avec  des  infirmités  feintes,  ou  avec  menaces 
et  Tiolation  du  domicile  (art.  286). 

884.  Les  condamnés  ponr  mendicité 
avec  circonstances  aggravantes  sont  ren- 
voyés sous  la  surveillance  de  la  police. 

DlSTSIBCTlON  d'^BITS. 

888.  Les  délits  commis  par  la  voie  de  la 
presse  sont  prévus  et  punis  par  les  lois  des 
17  mai  1819,  25  mars  1822,  9  août  1848, 
27JuUiet  1849  et  par  le  décret  du  17  février 
1852. 

880.  L'art  283  continue  de  subsister 
en  ce  qui  concerne  les  distributeurs  des 
écrits  qui  sont  publiés  sans  nom  d*auteor 
et  d'imprimeur.  La  distribution  d'écrits  ne 
peut  être  faite  sans  autorisation,  aux  termes 
de  l'art.  6  de  la  loi  du  28  Juillet  1849. 

Associations  ilucitbs. 

88  9 .  L'association  est  d'un  droit  naturel, 
mais  son  exercice  peut  être  réglé  de  ma- 
nière à  prévenir  les  associations  immorales 
et  dani^ereuses. 

888.  Le  principe  du  Code  est  de  sou- 
mettre à  l'autorisation  préalable  du  gouver- 
nement toute  association,  quel  que  soit  son 
objet,  composée  de  plus  de  vingt  person- 
nes (art.  291).  11  importe  peu  d'ailleurs 
qu'elles  se  fractionnent  en  portions  d'un 
nombre  ou  moindre  on  qu'elles  ne  se  réu- 
nissent pas  À  des  Jours  marqués;  la  loi  du 
10  ayrll  1834  a  eiiacé  ces  premières  condi- 
tions du  délit. 

889.  La  peine  du  délit,  qui  ne  frappait 
que  les  chefs  et  directeurs,  a  été  étendue 

la  loi  du  10  avril  1834  à  tous  les  mem- 


! 


par  J 
bres. 

880.  Ceux  qui  prêtent  ou  louent  sciem- 
ment leur  maison  pour  la  réunion  d'une  as- 
sociation illicite,  sont  considérés  comme 
complices. 

88  t.  Les  sociétés  secrètes  sont  punies 
par  l'art,  id  de  la  loi  du  28  Juillet  1848. 
Les  réanioos  publiques,  de  quelque  nature 
qu'elles  soient,  sont  interdites  par  l'art.  2 
do  décret  dn  25  mars  1852. 

TI.liCiTIÊHE  liBÇOW.  383 

OaiMBs  GOirras  lbs  PBasoNRBS. 

888.  Après  les  crimes  et  délits  contre  la 
cbose  publique,  viennent  dans  l'ordre  du 
Ck)de  les  crimes  et  délits  contre  les  parti- 
culiers, et  d'abord  les  violences  contre  les 
personnes. 

888.  Le  meurtre  est  l'homicide  commis 
volontairement  (art.  295). 

884.  Il  faut  donc,  en  premier  lieu,  un 
attentat  matériel  ayant  pour  but  d'ôter  la 
vie  d'un  être  humain.  <>  \  .(?pÎ9*> 

885.  Il  faut^  en  deuxième  lieu,  la  vo- 
lonté de  tuer,  c'est-à-dire  la  volonté  ani- 
mée de  la  fraude,  de  la  perfidie,  du  dolqui 
constitué  le  crime. 


880.  Ainsi,  la  eomplielté  do  suielde 
qui  n'est  point  un  crime,  n'eet  point  par 
elle-même  une  complicité  de  meurtre,  si  ce 
fait,  bien  qu'lmmoiai^  n'a  pohit  été  inspiré 
par  la  fraude.  , 

889.  Ainsi  encore,  l'homicide  cominis  ' 
dans  un  duel,  lequel  ne  peut,  quelque  re-  ' 
grettable  qu'il  soit,  être  assimile  à  un  crime  j 
de  meurtre.  ' 

888.  La  jurisprudence^  qui  coneidère 
l'homicide  et  les  blessures  faites  dans  an 
duel  comme  un  homicide  et  des  blessures 
volontaires,  est  fondée  sur  une  fausse  appré- 
ciation de  la  volonté  criminelle  constituliTe 
du  crime.  — — — — 

880.  La  peine  dn  meurtre  est  celle  des 
travaux  forcés  à  perpétuité. 

840.  Le  parricide  est  le  meurtre  des 
pères  ou  mères  légitimes,  naturels  ou  adop- 
tifo  (art.  299), 

341 .  L'infanticide  est  le  meurtre  d'an 
enfant  nouveau-né  (art  800).  L'enfant  »t 
réputé  nouveau-né  tant  que  les  délais  pour 
déclarer  sa  naissance  ne  sont  pas  expirés. 

848.  L'assassinat  est  le  meurtre  commis  i 
avec  préméditation  ou  de  guet-apens.  La  I 

Siréméditation  est  le  dessein  formé  à  l'avance  l 
e  tuer.  Le  guet-apens,  espèce  de  prémé-  I 
ditation,  consiste  à  attendre  ia  victime  dans  1 
un  certain  lieu.  * 

848.  L'empoisonnement,  qui  est  un  ho- 
micide volontaire  avec  prémédllatlon»  osi 
tout  attentat  à  la  vie  d'une  personne  par 
l'effet  de  substances  mortifères  (art.  301). 
Le  crime  est  consommé  dès  que  le  poison 
est  employé  ou  admlnis'ré,  quelles  que  soient 
les  suites. 

844.  La  loi  assimile  à  l'assassinat  les 
actes  de  torture  et  de  barbarie;  tels  étaient, 
à  l'époque  de  la  rédaction  du  Gode,  les 
actes  des  Chauffeurs  et  des  Garrotteurs 
(art.  803). 

845.  La  loi  établit  enfin  comme  une  cir- 
constance aggravante  du  meurtre  le  fait 

2u'il  a  été  précédé,  accompagné  ou  sulTl 
'un  autre  crime,  ou  qu'il  a  eu  pour  objet 
de  préparer  ou  d'exécuter  un  délit  ou  de 
favoriser  l'Impunité  des  auteurs  du  délit 
(art.  304). 

La  peine  de  l'assassinat  et  de  tontes  les  cir- 
constances aggravantes  du  meurtre  est  la 
peine  de  mort. 

840.  Les  menaces  ne  sont  incriminées 
par  la  loi  que  lorsqu'elles  se  manifestent 
avec  des  circonstances  qui  leur  impriment  le 
caractère  d'une  résolution  arrêtée,  et  qu'elles 
ont  pour  but  un  attentat  contre  les  per- 
sonnes. 

847.  La  menace  d'attentat  contre  une 
personne  est  pnnie  par  l'art.  305^  modifié 
par  la  loi  du  13  mal  1863,  d'un  emprison- 
nement de  deux  à  cinq  ans,  lorsqu'elle  est 
faite  par  é«it  à  un  ordre  et  sans  condition. 
La  peine  est  réduite  d'un  à  trois  ans,  si  la 
menace  n'a  été  accompagnée  d'aucun  ordre 
ou  condition.  La  peine  se  réduit  encore  si 
la  menace  a  été  verbale.  La  menace  dln- 


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GODB  PÉNAL.  — -  GRIMES  CONTRE  LES  PERSONNES. 


819 


candie  est  atsiinilée  à  eelle  d'anaieinat. 
8A8.  La  menace  verbale  oa  par  écrit  de 
TOlea  de  fait  oa  violences,  avee  ordre  ou 
sons  eonditloD,  est  punie  de  six  jours  à  trois 
mois  d'emprisonnement  ou  d'une  amende 
(art  308). 

849.  Les  coups  et  blessures  volontaires, 
incriminés  par  les  art.  809  et  suiv.,  don- 
nent lien  à  des  peines  plus  ou  moins  graves, 
suivant  les  résultats  occasionnés.  La  loi  du 
18  mai  1863,  en  qualiflant  ces  faits  de  dé- 

*lits,  les  a  renvoyés  dans  la  plupart  des  cas 
devant  la  juridiction  correctionnelle. 

850.  L'incapacité  de  travail  ou  la  ma- 
ladie de  plus  de  vingt  jours,  occasionée  par 
ies  violences,  entraîne  une  agsravatlon  de 
la  peine,  mais  ne  change  pas  la  quallfica- 
Uon  du  dëUt. 

851.  Le  délit  s'aggrave  en  premier  lieu 
lorsqu'il  est  résulté  des  coups  et  blessures 
une  mutilation  on  une  infériorité  perma- 
nente, on  s'ils  ont  occasionné  la  mort, 
même  sans  intention  de  la  donner. 

858.  Une  seconde  cause  d'aggravation 
est  la  préméditation  oo  le  gnet-apens.  Une 
troisième  cause  est  cniand  les  coups  et 
blessures  ont  été  portés  à  des  ascendants 
(art.  312). 

858.  Le  crime  de  castration  est  puni  de 
travaux  forcés  à  perpétuité  et  de  fa  mort 
si  la  mort  en  est  résultée  dans  les  quarante 
jours  (art.  316). 

854.  L'avortement  procuré  à  une  femme 
enceinte  est  un  crime  puni  de  la  réclusion  ; 
la  peine  s'élè? e  aux  travaux  forcés,  si  le 
coupable  est  un  homme  de  l'art.  La  femme 
n'est  punissable  que  si  l'avortement  qu'elle 
a  voulu  se  procurer  s'en  est  suivi.  I^s  au- 
tres personnes  sont  responsables  de  la  sim- 
ple tentative  (art«  317). 

855.  Le  2«  §  ajouté  à  l'art.  317  a  eu 
pour  objet  de  suppléer  à  une  omission  du 
Gode,  relativement  aux  maladies  cauiées 
par  une  substance  nuisible  à  la  santé.  SI  la 
maladie  ou  incapacité  de  travail  dure  plus 
de  vingt  jours,  le  fait  prend  le  caractère  de 
crime,  et,  s'il  est  commis  envers  un  ascen- 
dant, la  peine  s'élève  jusqu'aux  travaux  for- 
cés. U  faut,  en  tout  cas,  que  les  subetances 
aient  été  volontairement  administrées,  qu'el- 
les soient  nuisibles  et  qu'elles  aient  causé 
une  maladie. 

856.  La  fabrication  et  la  vente  des  ar- 
mes prohibées,  prévues  par  l'art  314,  et  la 
vente  de  boissons  falsifiées,  contenant  des 
mixtions  nuisibles  à  la  santé,  prévue  par 
l'art.  318,  sont  des  actes  préparatoires  des 
crimes  et  des  délits  qui  viennent  d'être 
énumérés. 

a 5 7. L'homicide  commis  et  les  blessures 
faites  Involontairement  par  l'effet  de  cir- 
constances fortuites  qu'aucune  faute  n'a 
prpduites  ne  sont  passibles  d'aucune  peine. 

859.  Mais  si  l'homicide  ouïes  blessures 
ont  été  le  résultat  d'une  maladresse,  d'une 
imprudence,  d'une  inattention,  d'une  né- 


gtlgenee,  enfin  d'une  faute  quelconque,  l'a- 
gent est  responsable. 

859.  S'il  y  a  un  homicide,  la  peine  est 
de  trois  mois  à  deux  ans  ;  s'il  n'y  a  que 
blessures,  la  peine  est  de  six  jours  à  deux 
mois  outre  une  amende  (art  320). 

860.  La  loi  admet,  &  l'égard  de  l'homi- 
cide et  des  blessures,  des  causes  d'excuse 
et  de  justification  particulières.  La  première 
excuse  est  la  première  provocation  :  l'agent 
ne  peut  invoquer  l'excuse  que  lorsqu'il  a  été 
provoqué  par  des  coups  ou  des  violences 
graves.  Les  paroles  les  plus  outrageantes 
et  les  voies  de  fait  légères  ne  suffisent  pas 
(art.  321). 

801.  Mais  les  violences  graves  sont  une 
excuse,  soit  qu'elles  aient  été  commises  sur 
l'agent,  ou  sur  ses  enfants,  sa  femme,  ses 
proches,  des  tiers  même.  Toutefois  l'excuse 
n'est  pas  admise  en  cas  de  parricide  et  en 
cas  de  meurtre  commis  entre  époux  (art. 
323,  324). 

868.  La  violation  du  domicile  par  l'es- 
calade ou  l'effraction  des  clôtures  pendant 
le  jour  est  également  une  cause  d'excuse 
pour  l'homicide  et  les  blessures. 

868.  Bien  que  le  meurtre  commis  par 
l'un  des  époux  sur  l'autre  ne  soit  pas  excu- 
sable, il  y  a  exception  au  cas  de  flagrant 
délit  d'adultère  de  la  femme  t  le  mari  qui 
surprend  sa  femme  et  son  complice  est  ex- 
cusable du  meurtre  qu'il  commet. 

864.  Enfin,  un  violent  outrage  à  la  pu- 
deur est  une  excuse  du  crime  de  castration 
(art.  325). 

865.  L'admission  de  l'excuse  comporte 
l'atténuation  des  peines  même  les  plus  fortes 
jusqu'à  nn  emprisonnement  de  six  mois  à 
cinq  ans  (art  326). 

866.  Les  causes  de  justification  sont 
l'ordre  lécai  et  la  nécessité  d'une  légitime 
défense.  Il  n'y  a  ni  crime  ni  délit  quand 
l'homicide  ou  les  blessures  ont  été  com- 
mandées par  une  autorité  (art.  327). 

86f .  U  n'y  a  ni  crime  ni  délit  quand 
l'homicide  ou  les  blessures  étalent  comman- 
dés par  la  nécessité,  actuelle  de  la  légitime 
défense  de  soi-même  ou  d 'autrui  (art.  328). 
Il  faut  toutefois  que  la  défense,  pour  être 
légitime,  soit  motivée  par  un  péril  actuel. 
L'art  329  assimile  au  cas  de  la  légitime 
défense  le  fait  de  repousser  pendant  la  nuit 
l'escalade  ou  reflnraction  des  clôtures,  et  le 
fait  de  repousser  des  vols  ou  pillages  com- 
mis avee  violences. 

VIlVOT-UnriÉMB  liEÇOIV.         361 

Crimes  et  délits  coiitrb  lbs  personubs 
{suite).  —  Attentats  aux  nouas. 

868,  Après  les  coups  et  blessures,  vien- 
nent les  attentats  aux  mœurs,  qui  compren- 
nent l'outrage  public  à  la  pudeur,  l'attentat, 
le  viol,  l'excitation  à  la  débauche,  l'adul- 
tère et  la  bigamie. 

868.  L'outrage  public  à  la  pudeur  non 
défini  par  l'art  330  consiste  dans  des  faits 


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820 


TABLB  ET  KÂSimÉ  DBS  MATIÈRES. 


matériels  et  impndiqaes  qui  oat  été  <hi  ont 
pu  être  un  sujet  de  ecandile  pour  rhonoô- 
teté  et  la  pudeur  de  ceux  qui  en  ont  été 
les  témoins. 

370.  L'art.  331  punit  de  la  réclusion 
tout  attentat  à  la  pudeur  sans  violence  sur 
un  enfant  de  moins  de  treiie  ans  :  il  faut  en- 
tendre ici  par  attentat  à  la  pudeur  tous  les 
actes  matériels  qui  ont  pour  objet  de  0étrir 
et  de  corrompre  l'enfant.     .  ^   ,  , 

871.  La  loi  avait  d'abord  fixé  à  cette 
incrimination  la  limite  de  onse  ans  t  la  loi 
du  13  mai  1863  a  porté  cet  Âge  à  treize 
ans. 

B7  2.  Si  cette  sorte  d*attentat  est  commis 
par  un  ascendant,  la  peine  est  applicable 
jusqu'à  la  majorité  et  rémancipatlon  de  la 
victime. 

878.  L'attentat  à  la  pudeur  avec  vio- 
lence est  puni  de  la  réclusion  (art.  332). 
C'est  l'usas e  de  la  force,  violentant  la  vo- 
lonté, qui  fait  le  crime. 

814.  Si  l'attenUt  à  la  pudeur  a  pour 
but  le  viol,  il  est  puni  des  travaux  forcés  à 
temps  :  c'est  le  plus  grave  des  attentaU  à  la 

'   ir,  puisqu^il  peut  eu  résulter  pour  la 


pudeur^  ^      > 

victime  un  irréparable  dommage. 

895.  L'attentat  à  la  padenr  et  le  viol 
prennent  une  aggrwaAion  dans  l'âge  de  la 
victime  t  si  elle  a  moins  de  quinze  ans,  la 
peine  est,  dans  le  premier  cas»  les  travaux 
forcés  à  temps,  et,  dans  le  deuxième,  le 
maximum  de  cette  peine. 

896.  Une  autre  aggravation  résulte  de 
la  qualité  de  l'agent  :  s'il  est  ascendant  de 
la  victime,  s'il  avait  autorité  sur  elle,  s'il 
était  son  serviteur  ou  son  instituteur,  s'il  est 
enfin  fonctionnaire  ou  ministre  d'un  culte, 
la  peine  est  celle  des  travaux  forcés  à  per- 
pétuité. U  môme  peine  s'applique  enuore  au 
cas  où  il  a  été  aidé  par  des  complices  <art. 
888).  Cet  article  est  applicable  à  l'autorité 
de  fait  eomme  à  l'aulorlté  de  droit  ;  au  do- 
mcstiQue  qui  est  dans  la  famille, quoiqu'il  ne 
soit  pas  celui  de  la  personne;  au  foncUon- 
Mire  et  au  ministre  du  culte,  lors  même 
qu'ils  ne  se  sont  point  servis  de  l'autorité  de 
leurs  fonctions. 

899.  L'attentat  aux  mœurs  qui  a  pour 
objet  d'exciter,  de  favoriser  ou  de  fecihter 
la  débauche  des  mineurs,  fait  l'objet  de 
rart   334  et  constitue  un  délit. 

89  8.  Ce  délit  ne  doit  être  Imputé  qu'aux 
proxénètes,  aux  personnes  qui  en  font  mé- 
tier :  il  ne  s'étend  pas. aux  personnes  qw 
pratiquent  une  honteuse  séduction  pour  sa- 
tisfaire leurs  propres  passions. 

899.  Mate  il  n'est  pas  nécessaire,  pour 
qu'il  y  ait  habitude,  qu'il  ]r  «H  plusieurs  vic- 
times :  l'habitude  peut  résulter  d'actes  de 
corruption  sur  une  seule  personne. 

880.  Le  délit  s'eggravesUa  prostitution 
a  été  excitée,  favorisée  ou  facilitée  par  les 
pères,  mères,  tuteurs  et  surveillanU. 

881  II  n'est  pas  d'ailleurs  nécessaire, 
pour  l'existence  du  délit,  que  le  mineur  ait   quM«on  d  état 
S&nétrl  par  la  débauche,  le  délit  réside  dans  '     898.  •  -  - 


l'acte  de  proxénétism0«  dans  l'entremlM  de 
l'agent. 

888.  L'adultère  consiste  dans  le  com- 
merce Illicite  d'un  homme  et  d'une  femoie, 
lorsque  l'ua  de  ces  deux  acents  est  marié» 

868.  Les  peines  de  l'adultère  sont  por- 
tées par  les  art.  837  et  888  contre  U  ftmme 
et  son  compUce.  lï  fautentendre  ici  par  oon»» 

S  lice,  non  U  personne  qui  fournit  les  moyens 
6  commettre  le  délit,  mais  le  eoantenr. 

884.  L'adultère  ne  peut  être  dénoncé 
que  par  le  mari.  Mais  lorsqu'il  a  portépUinte, 
le  ministère  publie  exerce  librement  ractioa 
publique.  Le  mari  peut  cependant  se  désis- 
ter; il  peut  aussi  faire  cesser  la  peine  €o 
pardonnant. 

885.  La  plainte  du  mari  ouvre  l'action 
contre  le  complice,  mais  celui- cl  ne  peut  ôtre 
poursuivi  seul.  Le  désistement  lui  praftte 
avant  le  Jugement  et  non  après, 

886.  Le  mari  est  non  reoevable  s'il  a 
entretenu  une  concubine  dans  la  maiaoa 
conjugale  (art.  886  ei839). 

889.  Le  fait  d'entretenir  une  coneubioe 
dans  la  maison  conjugale  est  de  la  part  du 
mari  un  délit  que  la  loi  n'a  toutefois  puni 
que  d'une  amende.  La  femme  a  dans  ce  cas 
le  droit  de  porter  plainte. 

888.  En  matière  d'adultère,  Its  seules 
preuves  admissibles  contre  le  complice  sont 
le  flagrant  délit  et  les  écrits.  La  Jurispru- 
dence a  admis  aussi  les  aveux. 

889.  Le  crime  de  bigamie  consiste  dans 
le  fait  d'un  agent  qui,  déjà  engagé  dans  les 
liens  d'un  mariage,  en  contracte  on  second 
{art.  350).  Il  faut  donc  le  lien  d'un  premier 
mariage,  le  fait  d'en  contracter  un  autre 
avant  la  dissolution  du  premier,  entln  l'in- 
tention qui  fait  la  criminalité. 

Séqcestsation  pis  pkrsoxnbb. 

890.  Le  crime  de  charte  privée  fait 
l'objet  de  l'art.  341.  Il  faut,  pour  le  consti- 
tuer, un  fait  d'arrestation,  de  détention  ou 
de  séquestration,  et  que  ce  fait  soit  illégaU 
La  peine  des  travaux  forcés  à  temps  s  ap- 
plique même  aux  complices  et  à  ceux  qui 
ont  prêté  le  lieu. 

CaiVES  «T  piLcrs  contbb  L'airPAirr. 


891.  L'art.  345  prévolt  les  actes  qui  ont 
pour  but  d'altérer  rétat  civil  d'un  enfant  ; 
tels  sont  :  l'enlèvement,  le  recelé  ou  la  sup- 
pression de  l'enfant,  la  substitution  d'un 
enfant  à  un  autre,  la  supposition  d'un  en- 
fant à  une  femme  qui  n'est  pas  accouchée. 
La  loi  du  13  mal  1864  a  ajouté  une  double 
incrimination  pour  le  cas  où  il  n'est  pas 
établi  que  l'enfant  supprimé  ait  vécu  et  où 
il  est  établi  qu'il  n'a  pas  vccu. 

898.  SI  la  poursuite  des  crimes  de 
suppression  ou  de  supposition  d'enfant  sou- 
lève une  question  d'état,  Taction  criminelle 
est  suspendue,  aux  termes  des  art.  326  et 
327  du  Gode  dvll,  Jusqu'au  jugement  de  la 
d'état. 
Les  art  846  et  847  prévoient  deux 


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CODE   PÉNAL. 


CBIBIBS  GONTRB  LB8  PROPRIÉTÉS. 


821 


faits  de  négligence  :  le  fait  de  ne  pee  déclarer 
la  naiflsance  d'un  enfant  guand  on  a  assisté 
à  i'accoacbement,  et  le  fait  de  ne  pas  re- 
mettre à  l'ofûcier  de  Tétat  cItU  l'enfant 
nouyeau-né  qo'on  a  trouvé.  Les  consé- 
quences graves  de  ces  deux  omissions  en 
ont  fait  deox  délits. 

394.  Le  fait  de  porter  à  nn  hospice  un 
enfant  qui  a  été  confié  à  l'agent  est  un  délits 
lorsque  celui-ci  s'était  chargé  de  le  nourrir 
(art.  348). 

395.  L'exposition  ou  délaissement  dans 
un  lieu  non  solitaire  d'un  enfant  an-dessous 
de  sept  ans  est  un  délit  passible  d'un  empri- 
sonnement de  trois  mois  à  un  an.  La  durée 
de  la  peine  s'accroît  silo  délit  est  commis  par 
les  tuteurs  et  instituteurs  (art.  352  et  368). 
Elle  s'aggrave  encore  si  l'exposition  a  eu  lieu 
dans  un  lieu  solitaire  où  Teofant  ne  pou- 
vait trouver  du  seoours.  La  peine  est  celle 
du  meurtre  si  k  mort  s'en  est  suivie  (art. 
351). 

396.  L'enlèvensent  des  mineurs  par 
fraude  ou  violence,  prévu  par  l'art.  3&4,  est 
puni  de  la  réclusion.  Cette  espèce  de  rapt, 
raptus  in  parentett  est  consommée  par  le 
seul  détournement 

307«Le  rapt  d'une  mineure  de  seize  ans 
(rapt  de  séduction)  est  puni  de  l'emprison- 
nement ou  des  travaux  forcés  à  temps,  soi- 
▼ant  que  le  ravisseur  est  mineur  ou  majeur 
(art.  356). 

399.  Hais  si  le  ravisseur  a  éponsé  la 
illie  qu'il  a  enlevée,  Il  ne  peut  plus  être 
poursuivi  qu'au  cas  où  la  nullité  du  ma- 
riage est  prononcée  (art.  357). 

899.  L'inhomation  d'un  individu  décédé 
sans  l'autorisation  préalable  de  l'officier  pu- 
blic est  punissable,  lors  môme  qu'il  s'agit 
d'un  enfant  mort-né  (art.  858). 

400.  Le  recelé  du  cadavre  d'une  per- 
sonne homicidée,  pour  assurer  l'impunité 
du  crime,  est  puni  d'un  emprisonnement 
de  six  mois  à  deux  ans  (art.  359). 

401.  L'art.  860  prévoit  la  violation  des 
tombeaux  ou  sépultures  { il  faut  entendte 
non-seulement  la  soustraction  des  objets 
déposés  dans  la  tombe,  mais  les  outrages 
matériels  qui  troubleraient  les  restes  de 
l'homme. 

PàUX  TÉMOIGNàGB. 

4L03.  Le  crime  de  faux  témoignage  sup- 
pose une  déposition  faite  en  partie  sous  la 
foi  du  serment  et  une  déposition  contraire 
à  la  vérité.  Ainsi  les  personnes  entendues 
sans  prestation  de  serment  ne  peuvent  être 
poursuivies  pour  faux  témoignage. 

403.  Un  refus  de  répondre  ou  une 
simple  rélicence  ne  constitue  pas  un  faux 
témoignage.  Les  variations  et  contradictions 
ne  peuvent  être  incriminées  que  lorsqu'elles 
ont  pour  but  d'égarer  la  Justice. 

404.  Le  faux  témoignage  n'est  puni  que 
lorsqu'il  est  porté  contre  le  prévenu  ou  en 
sa  faveur,  c'est-à-dire  lorsqu^l  porte  préju- 
dice à  l'accusation  ou  à  la  défense. 


405.  L'Intention  criminelle  du  témoin 
de  mauvaise  foi,  son  dessein  de  tromper  le 
Juge,  est  un  élément  nécessaire  du  faux  té- 
moignage. 

406.  Les  peines  du  faux  témoignage 
s'aggravent  suivant  la  gravité  du  préjudice 
qu'il  a  causé  ;  en  matière  criminelle,  la 
peine  est  la  réclusion  ou  la  peine  que  si 
fausse  déposition  a  fait  appliquer. 

4:07.  En  matière  correctionnelle  et  de 
police,  et  en  matière  civUe,  la  peine  est  un 
emprisonnement  de  deux  à  cinq  ans  et  d'un 
an  à  trois. 

408.  Les  peines  s'aggravent  lorsque  la 
fausse  déposition  est  le  résultat  de  la  cor- 
ruption. 

409.  La  subornation  des  témoins  n'est 
qu'un  acte  de  complicité  du  faux  témoignage*, 
le  suborneur  est  puni  des  mêmes  peines 
(arL  865). 

410.  Le  faux  serment,  quand  il  a  été 
déféré  en  matière  citlle,  est  puni  d'un  em- 
prisonnement d'un  à  cinq  ans  et  d'une 
amende  de  100  fr.  à  8,000  fr. 

GaLOMNIB  et  BtVtLkTlOJi  DE  SECRETS. 

411.  Les  art.  367  et  suir.  sur  la  ca- 
lomnie sont  abrogés  par  l'art.  26  de  la  loi 
du  26  mai  1819.  Les  art.  878^  376  et  378  ont 
seuls  été  maintenus  dans  ce  chapitre. 

41  S.  L'art.  373  prévient  le  délit  de  dé- 
nonciation calomnieuse  ;  il  faut  une  dénon- 
ciation par  écrit  aux  officiers  de  justice  ou 
de  police,  qui  impute  avec  mauvaise  foi  des 
faits  faux  et  préjudiciables. 

418.  L'art.  378  incrimine  les  personnes 
qui  révèlent  des  secrets  dont  elles  sont  dé- 
positaires par  état  ou  profession.  Tels  sont 
les  hommes  de  l'art,  les  prêtres,  les  avocats 
et  avoués,  les  notaires.  11  suit  de  là  que, 
lorsqu'ils  sont  cités  en  Justice,  Us  sont  dis- 
pensés de  déposer  sur  les  faits  qui  leur  ont 
été  confiés  dans  l'exercice  de  leur  profes- 
sion. 

414.  Deux  conditions  sont  nécessaires 
pour  qu'il  V  ait  dispense  de  déposer,  il  faut 
que  la  confidence  ait  été  reçue  dans  l'exer- 
cice de  leurs  fonctions,  Il  faut  qu'elle  ait 
été  faite  sous  le  sceau  du  secret. 

V1N«T-1NBUXIAHB  liBÇOIV.  897 

Grimes  et  dAlits  coittre  les  PRorRiÉTts. 

415.  Le  vol  est  la  soustraction  fraudu- 
leuse d'une  chose  appartenant  à  autrui 
(art  379). 

416.  La  soustraction,  cmtrectatiOf  n'est 
pas  seulement  l'appréhension  de  la  chose, 
c'est  la  mise  de  la  main  sur  l'objet  conYoité, 
c'est  le  déplacement,  l'enlèvement  de  cet 
objet,  sa  prise  de  possession. 

419.  Il  n'y  a  pas  de  soustraction  dans  le 
fait  de  retenir  frauduleusement  un  objet  ap- 
partenant à  autrui  et  trouvé  par  hasard, à 
moins  que  l'intention  frauduleuse  ne  se  ma- 
nifeste au  moment  de  l'appréhension. 


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822 


TABLE  ET  RÉSUMÉ  DES  MATliRES. 


418.  La  fraude,  qui  constitue  le  dea- 
lième  élément  du  toI,  est  l'intentioa  de 
s'approprier  une  chose  f  ue  l'agent  sait  ne 
pas  lui  appartenir. 

419.  Le  troisième  élément  est  qae  la 
chose  soustraite  appartienne  à  autrui  :  ainsi, 
le  saisi  qui  détourne  des  choses  saisies  sur 
lui  ne  commet  aucun  7ol. 

480.  L'action  du  yol  cesse  :  V  quand 
la  chose  soustraite  n'appartient  à  personne  ; 
t'  quand,  après  a?olr  appartenu  à  autrui, 
elle  a  été  abandonnée  ;  3"  quand  elle  a  été 
perdoe  par  l'ancien  propriétaire  qui  ne  se 
représente  pas.  Mais  un  droit  partiel  sur  la 
chose  n'exclut  pas  le^ol  de  la  partie  appar- 
tenant à  autrui. 

481.  L'art.  880  a  fait  une  exception  en 
fiYeur  des  soustractions  commises  par  les 
maris  au  préjudice  de  leurs  femmes,  les 
femmes  au  préiadice  de  leurs  maris,  les  en- 
fants au  préjudice  des  ascendants  et  les  as- 
cendants au  préjudice  des  enfants.  Ces 
soustractions  ne  constituent  ni  crime  ni 
délit.  Mais  les  complices  non  parents  sont 
responsables. 

4831.  Les  larcins  et  filouteries  sont  des 
vois  exécutés,  soit  furtivement,  soit  par 
adresse,  mais  qui  doivent  réunir  les  élé- 
ments constitutifs  du  vol.  Les  peines  du 
vol  simple  sont  un  emprisonnement  d'un 
à  cinq  ans,  avec  surveillance,  amende  et 
suspension  des  droits  civiques. 

438.  Les  circonstances  aggravantes  sont 
prises  soit  de  la  qualité  de  ragent,  soit  du 
temps  ou  du  lieu  où  le  vol  a  été  commis, 
soit  des  faits  qui  ont  accompagné  l'exécution. 

484.  L'aggravation  résuite  de  la  qualité 
lorsque  l*agent  est  domestique  dans  la  mai- 
son ou  ouvrier  dans  l'atelier  où  il  a  commis 
le  vol  (art.  386).  Le  vol  esc  réputé  domes- 
tique quand  il  est  commis  dans  la  maison 
du  maître  au  préjndice  de  tiers  ;  ou  dans 
une  autre  maison  où  l'agent  accompagnait 
son  maître. 

485.  La  loi  assimile  aux  ouvriers  les  in- 
dividus trayaillant  habituellement  dans 
l'habitation  où  ils  ont  volé;  elle  ne  s'appli- 
que pas  aux  individus  qui  ne  prêtent  qu  un 
travail  momentané. 

486.  Les  aubergistes  et  hôteliers  subis- 
sent également  une  aggravation  à  raison  des 
vols  commis  sur  les  choses  qui  leur  ont  été 
confiées.  La  même  disposition  est  étendue 
aux  voituriers  et  bateliers. 

487.  Les  voituriers  et  bateliers  sont 
également  responsables  des  altérations  com- 
mises dans  les  vins  et  marchandises  qu'ils 
transportent  ;  ces  altérations  sont  assimi- 
lées au  vol,  mais  le  caractère  de  ce  délit 
n'est  pas  aggravé  (art.  387). 

488.  Une  antre  cause  d'aggravation  ré- 
sulte du  temps  dans  lequel  le  vol  est  com- 
mis ;  commis  pendant  la  nuit,  cette  circon- 
stance est  un  élément  d'aggravation. 

489.  Une  troisième  cause  d'aggravation 
résulte  du  lieu  où  le  vol  est  commis  ;  toute- 
fois quand  ie  vol  est  commis  dans  les 


champs,  c'est-à-dire  dans  un  lieu  où  les  bes- 
tiaux on  les  récoltes  sont  exposés  à  U  foi 
publique,  le  fait  ne  change  pas  de  caractère» 
et  le  degré  de  la  peine  d  emprisonnement 
varie  seulement  suivant  les  circonstanees 
qui  accompagnent  le  vol  (art.  388). 

430.  Le  déplacement  ou  renlèvement 
de  bornes  servant  de  séparation  aux  pro- 
priétés, est  assimilé  au  vol  (art.  389). 

481.  Mais  le  vol  commis  dans  nn  liea 
habité  puise  dans  cette  circonstance  un  élé- 
ment d  aggravation.  La  loi  considère  comme 
maison  habitée  tout  bfttimeot  qui  sert  à 
l'habitation  et  tonte  dépendance  de  ce  bA- 
timent  ;  elle  étend  même  cette  qualification 
aux  édifices,  parcs  et  enclos,  non  senraot  à 
l'habitation,  mais  dépendant  d'une  maison 
habitée  (art.  390,  391,  392),  et  des  édifices 
consacrés  aux  cultes. 

438.  Les  vols  sur  les  chemins  publics 

Sarticipent  dans  une  plus  grave  proportion 
e  l'aggravation  pénale  :  la  loi  a  touIu  pour- 
voir, sur  des  chemins  isolés^  à  la  sûreté  des 
voyageurs  et  de  leurs  effets  (art.  383}. 

433.  La  coopération  de  deux  ou  plu- 
sieurs personnes  &  un  toI  est  un  élément 
d'aggravation  ;  mais  il  ne  sufQt  pas  que  l'a- 
gent ait  un  complice,  il  faut  un  coauteur. 

434.  L'effraction  est  une  circonstance 
aggravante  ;  elle  consiste  dans  le  forcement 
d  une  clôture  destinée  à  faire  obstacle  à 
l'enlèvement  de  l'objet  enfermé  ou  au  pas- 
sage du  voleur  (art.  893,396).  Elle  est  ex- 
térieure ou  intérieure  :  extérieure  pour  fa- 
ciliter l'introduction  ;  intérieure,  la  consom- 
mation du  vol. 

485.  L'escalade  est  une  autre  circon- 
stance aggravante  :  elle  consiste  dans  l'en- 
trée dans  une  clôture  quelconque  par-des- 
sus les  murs  ou  les  pierres.  L'entrée  par 
une  ouverture  souterraine  est  assimilée  à 
l'escalade  (art  397). 

436.  L'usage  des  fausses  clefs  est  placé 
sur  la  même  ligne  :  tes  fansses  clefs  soat 
tous  crochets,clefs,qui  n'ont  pas  été  desti- 
nés aux  serrures  auxquelles  Vag^t  les  a 
employées.  La  fabrication  des  fausses  defe 
est  un  délit  (art.  398,  399). 

489.  Le  port  d'armes  est  un  mode  d'exé- 
cution du  vol  qui  en  aggrave  également  le 
caractère.  Il  suffit  qu'un  seul  des  agents  ail 
porté  des  armes  apparentes  ou  cachées. 

438.  La  violence  est  la  plus  grave  des 
circonstances  aggravantes  du  vol.  Le  crime 
est  à  la  fols  un  attentat  contre  la  personne 
et  contre  la  propriété  (art.  382).  La  peine 
s'élève  alorsjusqu'aux  travaux  forcés  a  per- 
pétuité. 

439.  L'extorsion  est  une  sorte  de  toi 
commis  par  force,  violence  ou  contrainte  : 
elle  a  pour  objet  de  surprendre  la  signature 
ou  la  remise  d'un  acte  contenant  obllgatioo 
(art.  400). 

440.  La  loi  du  13  mai  1853  a  étendu 
l'art.  400  à  l'extorsion  commise  &  l'aide  de 
la  menace  écrite  ou  verbale  de  révélationa 
ou  d'Imputations  diffamatoires.  * 

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CODE  PÉKAL.  —  FIUUDB89  B8CR0QUBRIE8. 


441.  L'emploi  d'un  faox  tUr«»  d'un  faux 
costume  ou  d*un  faux  ordre  pour  commettre 
on  Tol,  est  un  élément  d'ag^aTation. 

442.  Le  Yol  commis  avec  les  cinq  clr- 
conataoces  prévues  par  l'art.  881,  puni»  par 
le  Gode  de  1810,  de  la  peine  de  mort,  nW 
plus  passible,  depuis  la  loi  du  28  avril  1832, 
que  des  travaux  forcés  à  perpétuité. 

TI!V«T-TB01S1AHB  liBÇ01¥.  410 

BàNQDXaODTIS,  I8GR0QUERIB8,  PaàCDIS. 

448.  Les  atteintes  à  la  propriété  résul- 
tent non-seulement  des  vols,  qui  sont  des 
attentats  violents  et  non  prévos,  mais  de 
diyerses  fraudes  qui,  avec  d'autres  moyens^ 
ont  le  même  résultat. 

444.  La  plus  grave  de  ces  fraudes  est  la 
banqueroute,  qui  est  la  situation  d'un  com- 
merçant dont  la  faillite  a  été  précédée  on 
suivie  %oit  de  &utes  graves,  soit  d'actes 
frauduleux  (art.  402  et  403}. 

445.  Les  faits  constitutifs  de  la  banque- 
route simple  sont  énumérés  par  les  art. 
585  et  586  du  Code  de  comm. 

446.  Les  faits  constitutifs  de  la  ban- 
queroute frauduleuse  sont  énoncés  dans 
rart.  591  dn  môme  Gode. 

447.  Les  faits  de  complicité  de  ban- 
queroute frauduleuse  sont  définis  par  l'art. 
593  du  Code  de  comm. 

44 A.  Les  agents  de  change  et  courtiers 

Î[ui  font  faillite  sont  passibles  des  travaux 
orcés  (art.  404). 

449.  La  loi  distingue  le  dol  civil  et  le 
dol  criminel  :  le  dol  civil  n'est  qu'une  ruse 
commerciale,  blâmable  sans  doute,  mais 
dont  chacun  peut  se  préserver  ;  le  dol  cri- 
minel est  une  fraude  plus  ou  moins  habile- 
ment tissue  pour  tromper  autrui  et  pour  le 
dépouiller. 

450.  L'art.  405,  qui  définit  et  punit  le 
délit  d'escroquerie,  énonce  les  différents 
moyens  frauduleux  qui  peuvent  être  em- 
ployés pour  dépouiller  autrui.  Le  premier 
de  ces  moyens  est  l'usage  de  faux  noms  et 
de  fausses  qualités. 

451.  Le  deuxième  moyen  d'escroquerie 
est  l'emploi  de  manœuvres  frauduleuses. 
Que  fant-il  entendre  par  manœuvres  ?  Les 
paroles,  les  promesses,  les  réticences  ne 
suffisent  pas  :  les  manœuvres  supposent 
une  combinaison  de  faits  capable  d^gir  ef- 
ficacement sur  les  esprits. 

458. 11  faut  ensuite  que  ces  manœuvres 
aient  été  assez  puissantes  pour  procurer  la 
remise  des  fonds  ou  des  valeurs  qui  sont 
l'objet  de  l'escroquerie. 

458.  L'escroquerie  ne  s'applique  qu'aux 
choses  mobilières  :  les  objets  qu'elle  a  en 
vue  sont  des  fonds,  des  meublei*,  des  obli- 
gations, des  billets,  promesses,  quittances 
ou  décharges. 

454.  Avant  la  loi  du  13  mai  1863,  la 
délivrance  des  valeurs  ne  constituait  que  la 
tentative  ;  le  délit  n'était  consommé  que  par 


leur  détournement.  La  loi  nouvelle  incri- 
mine le  fait  de  se  faire  remettre  on  de  ten* 
ter  de  se  faire  remettre;  d'où  il  suit  que 
c'est  désormais  la  simple  remise,  et  non 
plus  la  dissipation,  qui  consomme  le  délit. 

455.  L'art.  406  a  pour  but  de  protéger 
la  faiblesse  des  mineurs  contre  les  fraudes 
des  usuriers  et  des  préteurs  sur  gages  :  il 
punit  quiconque  abuse  de  leurs  passions 
pour  leur  faire  souscrire  des  obligations 
onéreuses.  La  peine  est  on  emprisonnement 
qui  peut  s'élever  à  deux  ans  et  une  amende. 

456.  L'art.  407  punit  l'abus  d'un  blane- 
seing.  Le  blanc-seing  est  une  signature  don- 
née en  blanc  pour  approuver  une  écriture 
qui  doit  être  placée  au-dessus.  L'abus  con> 
siste  dans  nne  obligation  frauduleusemen. 
placée  10  lieu  de  l'écriture  convenue.  Cet 
abus,  qui  renferme  un  faux,  est  puni 
comme  tel,  quand  le  blanc-seing  n'a  pas  été 
confié  il  l'agent. 

459.  L'abus  de  confiance,  préyo  par 
l'art.  408,  et  gn'il  faut  distinguer  du  dol 
civil  consiste  dans  le  détournement  par  un 
tiers,  des  fonds,  marchandises,  eifets,  qui 
lui  avaient  été  remis  à  titre  de  mandat,  de 
dépôt,  de  prêt,  ou  pour  un  usage  déterminé. 

*  458.  il  faut  entendre,  dans  l'art.  408, 
par  détournement  et  dissipation,  l'action 
par  laquelle  l'agent  s'approprie  la  chose  qui 
lui  a  été  confiée,  il  faut  donc  qu'il  y  ait  à 
la  fols  main  mise  sur  cette  chose,  et  inten- 
tion d'en  faire  sa  propre  chose. 

458.  Les  objets  dont  le  détournement 
peut  être  incriminé  sont  les  effets,  deniers, 
marchandisea,  billets  et  tous  écrits  opérant 
obligation  ou  décharge.  Il  faut  que  le  dé- 
tournement ait  été  fait  au  préjudice  des 
propriétaires. 

460.  Les  contrats,  dont  la  violation 
rentre  dans  les  termes  de  l'art.  408,  sont  les 
contrats  de  louage,  de  dépôt,  de  mandat, 
de  nantissement,  de  prêt  à  usage. 

461.  L'abus  de  confiance,  qui  n'est  pas- 
sible que  d'un  emprisonnement  de  six  mois 
à  deux  ans,  devient  passible  de  la  réclusion 
s'il  est  commis  par  un  ouvrier  dans  la  mai- 
son du  mallre,  par  un  officier  public  ou 
ministériel,  par  un  domestique. 

468.  Celui  qui  a  détourné  une  pièce, 
après  l*avolr  produite  dans  une  contestation 
Judiciaire,  commet  une  sorte  d'abus  de  con- 
fiance passible  d'une  amende  (art.  409) . 

BIaisoiis  db  jbu  bt  db  pbét  sua  gages. 

468.  Le  fait  d'avoir  tenu  une  maison  de 
\eu,  et  d'avoir  établi  des  loteries  est  prévu 
par  l'art.  410. 

464.  Les  loteries  sont  prohibées  par  la 
loi  du  21  mai  1836,  et  l'art.  3  de  cette  loi 
étend  l'art.  410  aux  loteries  étrangères.  Il 
n*y  a  d'exception  que  pour  les  loteries  de 
bienfaisance  autorisées  par  radministration. 

465.  L'art.  411  punit  tout  établissement 
d'une  maison  de  prêt  sur  gages  sans  auto- 
risation. 


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824 


TABLB  BT  RÉSUMÉ  DBS  MATIÈRES. 


'       ENTAàWS  A  Là  LIBVMIÉ  MS  IHCBkREfl. 

466«  l'art.  412  a  pour  objet  de  protéger 
la  liberté  des  adjudicataires  :  il  puDft  les 
troubles  et  les  eotraves  qui  portent  atteinte 
à  cette  liberté. 

Violation  des  règlembiits  inddstribu. 

469.  L'art.  413  punit  d^uoe  amende  la 
violation  des  règlemeoU  reiatirs  aux  pro- 
duits des  manufaotures  exportés  à  rétranger. 

408.  L'embauchage  des  ooTriers  pour 
les  faire  passer  en  pays  étranger  est  l'ob- 
jet de  l'art.  417. 

469.  L'art.  418  prévoit  la  violation  des 
secrets  de  fabrique  :  c'est  l'abus  de  con* 
fiance  commis  piir  les  ouvriers  ou  commis 
eaq>ioyés  dans  une  fabrique.  La  peine  est 
plus  ou  moins  grave,  suivant  les  résultats 
plus  on  moins  préjudiciables  de  l'abus. 

490.  La  législation  relative  aux  coali- 
tions a  été  plusieurs  fols  modifiée.  Les  pre- 
mières lois  sur  cette  matière  sont  la  loi  du 
14  Juin  1791,  des  28  sept,  et  6  oct.  1791 
(Ut.  U,  art.  19  et  20),  la  loi  du  22  germi- 
nal an  II,  et  les  art.  414  et  416  du  Gode  pé- 
nal de  1810. 

471.  Ces  textes  ont  été  une  première 
fols  rectifiés  par  la  loi  du  27  novembre  1849, 
qui  avait  eu  pour  but  d'établir  nne  parfaite 
égalité  entre  les  patrons  et  les  ouvriers,  re- 
lativement au  délit  de  coalition. 

478.  Une  nouvelle  loi  du  25  mai  18S4  a 
pris  une  autre  base  :  le  principe  de  la  liberté 
au  travail.  La  coalition  des  patrons  et  des 
ouvriers  est  libre.  La  loi  ne  punit  que  les 
violences  et  les  fraudes. 

476.  L'article419  prévoit  les  coalitions 
qui  se  forment  entre  les  détenteurs  d'une 
maorehandise  pour  opérer  soit  la  baus&e^ 
soit  la  baisse  des  prix.  Il  faut,  pour  consti- 
tuer le  délit,  l'emploi  de  moyens  fraudu- 
leux et  l'événement  de  cette  hausse  eu  de 
cette  baisse. 

474.  Le  Code  a  voulu  interdire,  dans 
ses  art.  421  et  422,  l'agiotage  qui  opère  sur 
des  valeurs  fictives.  Les  paris  sur  la  hausse 
ou  la  baisse  des  effets  publics  sont  prohibés. 

TaOHPSaiB  S€R  les  choses  VÏND€BS. 

475.  L'art  428  prévoit  deux  délits  :  la 
tromperie  sur  la  nature  et  la  qualité  des 
choses  vendues,  et  la  tromperie  sur  la  quan- 
tité des  mêmes  choses  par  usage  de  faux 
poids  et  de  fausses  messures  ;  aux  peines 
d'emprisonnement  et  d'amende,  la  loi  du 
18  mai  1863  a  ajouté  l'afOche  du  Jugement. 

496.  11  faut  entendre,  dans  le  deuxième 
paragraphe  de  l'art.  428,  par  faux  poids  et 
fausses  mesures  des  instruments  de  pesage 
ou  de  mesurage,  non  pas  seulement  irrégo- 
liers,  mais  inexacts. 

497.  La  loi  du  27  mars  1852  a  modifié 
l'art.  428  en  ce  qui  concerne  la  vente  des 
denrées  alimentaires  et  médicamenteuses, 
la  loi  du  6  mai  185S,  en  ce  qui  concerne  les 
boissons.  Ces  deux  lois  punissent  les  firaudes 


sur  la  nature  et  la  qatotité  des  choses  ven- 
dues. 

GONTKEPàÇONB. 

478.  Le  délit  de  contrefaçon  consiste 
dans  la  reproduction  entière  on  partielle 
d'une  œuvre  artistique  ou  littéraire  appar- 
tenant à  autrui.  L'imitation,  )e  plagiat,  les 
citations,  les  emprunts  môme  ne  sont  pas 
une  contrefaçon. 

479.  Il  y  a  contrefaçon,  noo-senlement 
dans  la  reproduction  des  œuvres  de  l'esprit, 
qui  s'opère  par  Timpression,  mais  par  tous 
les  autres  moyens,  la  sculpture,  la  peinture, 
la  gravure.  Le  délit  s'étend  à  toute  fabrica- 
tion illicite  susceptible  de  préjudtcier  à 
l'exploitation  vénale  de  l'auteur. 

480.  Le  droit  de  propriété  des  œnvres 
Intellectuelles  s'étend  à  la  veuve  et  aux  en- 
fants^ et  la  loi  lenr  donne  pendant  un  cer- 
tain temps  les  mêmes  droits  qu'à  l'auteur. 

481.  La  contrefaçon  des  ouvrages  dra- 
matiques a  lieu  par  la  représentation^  sur 
un  théAtre,  des  ouvrages  publiquement. 

D]£uT8  ass  FSvamssEims. 

486.  Les  art.  480  et  suiv.  prévoient  : 
1*  les  fautes  des  fournisseurs  de  l'Etat  qui 
font  manquer  les  services  dont  ils  sont 
chargés  ;  2**  les.  retards  qu'ils  apportent  à 
leurs  livraisons  et  travaux  ;  3"  les  fraudes 
qu'ils  commettent  dans  leurs  faurnltures. 

VINil  V-aUATBlAHB  MASÇQK.  439 

Incendie. 

488.. Le  crime  d'incendie  a  un  carac- 
tère mixte  :  il  attaque  à  la  fols  les  person- 
nes et  les  propriétés. 

484.  Quand  l'incendie  s'attaque  à  une 
maison  habitée  ou  servant. à  rhabitatloo,  il 
y  a  présomption  qu'il  menace  la  vie  de 
l'homme,  et  non  pas  seulement  la  pro- 
priété, et  la  peine  est  la  mort  (art.  481, 

1 1")- 

486.  La  Jurisprudence  a  compris,  dans 
les  lieux  servant  à  rbabitaiion,  non-seule- 
ment les  lieux  habités,  mais  encore  leurs 
dépendances. 

486.  La  peine  est  la  même,  soit  que  les 
objets  incendiés  appartiennent  ou  n'appar- 
tiennent pas  à  l'auteur  du  crime. 

487.  La  peine  est  encore  la  même  lors- 
que le  feu  a  été  mis  à  des  voitures  ou  wa- 
gons contenant  des  personnes  ou  faisant 

rirtie  d'un  convoi  qui  en  contient  (art.  434, 
8)' 

488.  L'incendie,  quand  II  n'est  plus  un 
instrument  homicide,  mais  un  instrument 
de  dévastation^  est  puni  des  travaux  forcés 
à  perpétuité;  tel  est  l'incendie  mis  à  des 
édifices,  navires,  chantiers  qui  ne  sont  ni 
habités  ni  servant  à  l'habitation,  quand  ils 
n'appartiennent  pas  à  l'agent. 

486.  La  peine  descend  aux  travaux  for- 
cés à  temps  si  le  feu  a  été  mis  à  des  récoltes 


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CODE  PÉNAL.   —  CONTRAVENTIONS  DE  POLICE. 


825 


en  meules,  des  bois,  ou  sur  des  voitures 
ctuirgées  de  marchandises. 

490.  Si  les  objets,  incendiés  appartien- 
nent à  ragent^  et  qu'il  peut  néanmoins,  par 
exemple»  en  cas  d'assurance,  en  résulter 
un  préjudice  ponr  autrui,  le  fait  n*ést  plus 
qu'une  grave  escroquerie,  et  la  peine  est  soit 
celle  des  travaux  forcés  à  temps,  soit  celle 
de  la  réclusion,  suivant  la  nature  des  objets 
(art.  434,  §§  4  et  6). 

491 .  Le  fait  de  mettre  le  feu  à  des  ob- 
jets placés  de  manière  à  communiquer  l'in- 
cendie  à  des  édifices,  est  puni,  si  la  com- 
munication a  eu  lieu,  comme  si  le  feu  avait 
été  mis  à  ces  édifices. 

498.  Si,  dans  tous  les  cas,  l'incendie  a 
occasionné  la  mort  d'une  ou  de  plusieurs 
personnes  se  trouvant  sur  les  lieax,  la  peine 
de  mort  est  appliquée  (art.  434). 

49S.  Les  distinctions  et  les  peines  sont 
les  mêmes  lorsque  la  destruction  a  été  ef- 
fectuée par  une  mine. 

DiSTROCTION  DB  PROPRIÉTÉS. 

494.  Les  art.  347  et  suiv.  prévoient  les 
destructions,  dévastations  et  voles  de  fait 
dirigées  contre  la  propriété  mobilière  et 
immobilière.  Si  les  voies  de  fait  s'opposent 
à  la  confection  de  travaux  autorisés  par  le 
gouvernement,  cette  opposition  constitue  un 
délit  (art.  437,  438). 

495.  L'art.  439.  qui  punit  la  destruction 
de  titres,  ne  s'applique  ni  à  l'extorsion,  ni 
au  détournement  de  ces  titres,  ni  à  la  sup- 
pression des  actes  dans  les  dépôts,  qui  fout 
l'objet  d'autres  dispositions  de  la  loi;  il  ne 
punit  que  la  destruction  des  actes,  hors 
des  dépôts.  11  faut  seulement  que  l'acte 
détruit  contienne  obligation,  disposition  ou 
décharge. 

49e.  Les  art.  441,  442  et  443  prévoient 
le  pillage  des  denrées  ou  marchandises  :  il 
faut,  pour  leur  application,  qu'il  y  ait  non- 
seulement  pillage  ou  dégftt  de  marchan- 
dises, mais  encore  réunion  en  bande  et  em- 
ploi de  la  force  ouverte.  La  peine  fléchit  au 
cas  de  provocation  ;  elle  s^aggrave  si  les 
denrées  sont  des  grains. 

497.  Les  dommages  volontairement  cau- 
sés aux  marchandises  ou  matières  servant 
à  la  fabrication  font  l'objet  de  l'art.  443. 

499.  Les  art.  444  et  suiv.  ont  pour  ob- 
jet de  protéger  les  propriétés  rurales  expo- 
sées à  la  foi  publique,  en  punissant  les  dé- 
vastations de  récoltes  sur  pied,  le  fait 
d'nbattre  des  arbres,  de  détruire  des  gref- 
fes, de  couper  des  blés,  de  rompre  des  ins- 
truments d'agriculture. 

499.  L'art.  462,  qu*il  faut  conférer  avec 
l'art.  198,  aggrave  les  peines  lorsque  l'agent 


a  la  qualité  de  garde  champêtre  ou  fores- 
tier, ou  d'officier  de  police  ;  cette  qualité, 
qui  leur  donne  l'obligation  de  surveiller,  les 
rend  plus  coupables  quand  ils  participent 
aux  délits. 

LIVRE  IV.  —  Contraventions  de  police. 

500.  Les  contraventions  forment  la 
troisième  classe  des  faits  punissables. 

501.  Les  matières  de  la  police  sont  dé- 
finies par  l'art.  4,  titre  XI  de  la  loi  des 
16-24  août  1790  :  elles  ont  pour  objet  de 
procurer  aux  citoyens  l'ordre  et  le  bon 
aménagement  de  la  cité. 

SOS.  Les  contraventions  de  police  sont 
établies  par  la  loi  et  par  des  arrêtés  que  les 
maires,  auxquels  la  loi  a  délégué  ce  pou-      ^^ 
voir,  peuvent  prendre  sur  les  matières  qui         s. 
constituent  cette  police.  ^ 

508.  Ainsi,  le  quatrième  livre  du  Code 
pénal  prévolt  les  infractions  de  police  géné- 
rale; et  l'art.  11  de  la  loi  du  18  Juillet  1837 
délègue  aux  maires  le  droit  de  prendre  des 
arrêtés  sur  les  objets  confiés  à  leur  vigilance 
et  à  leur  autorite. 

504.  Les  contraventions  existent  par  le 
seul  fait  de  la  désobéissance  aux  prescrip- 
tions de  la  loi  et  des  règlements,  abstrac- 
tion faite  de  toute  intention  criminelle  et 
de  toute  fraude. 

505.  Les  peines  de  police  sont  :  1*  un 
emprisonnement  d'un  à  cinq  Jours  ;  2^  une 
amende  de  1  à  15  fr.  ;  3**  la  confiscation  des 
choses  saisies  en  contravention. 

506.  Il  n'y  a  récidive,  en  cette  matière, 
que  lorsqu'un  premier  jugement  prononcé 
par  le  môme  tribunal,  dans  les  douze  mois 
précédents,  prononce  une  peine  contre  le 
contrevenant.  La  récidive  aggrave  la  peine 
dans  les  limites  des  peines  de  police. 

507.  Le  Code  pénal  divise  les  contra- 
ventions en  trois  classes,  qui  sont  Tobjet  des 
art.  471,  475  et  479,  et  qui  sont  passibles 
d'une  amende  de  1  à  5  Ar.,  de  6  à  10  fr.  et 
de  11  à  15  fr.  L'emprisonnement  est  né- 
cessaire en  cas  de  récidive. 

ft08.  Les  contraventions,  outre  le  Gode 
pénal  et  les  arrêtés  journaliers  des  maires, 
résultent  encore  des  anciens  règlements  qui 
ont  été  maintenus  dans  certaines  matières. 

509.  L'art.  484,  qui  termine  le  Code, 
dispose  que,  dans  toutes  les  matières  qu'il 
n'a  pas  réglées,  les  règlements  existants  con- 
tinueront à  être  observés.  Ces  matières  sont 
énumérées  dans  l'exposé  des  motifs. 

510.  Il  faut  entendre  par  matières  non 
réglées  par  le  Code  celles  sur  lesquelles  il 
ne  contient  que  quelques  dispositions  épar- 
ses  détachées  et  ne  formant  pas  un  système 
complet  de  législation. 


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TABLE  ET  RESUME 

DES  LEÇONS  DE  DROIT  CRIMINEL. 

D'APRÈS  L'ORDRE  DES  MATIÈRES. 

GODE  D'INSTRUCTION  CRIMINELLE 


VIMCïT-OIlHaUlAlUB  liBÇOM.  455 

Dispositions  pbAliminairbs  du  Code. 

511.  La  Code  d'instrucUon  criminelle 
rédigé  en  1808,  promulgué  en  1810  et  mis 
en  activité  ie  !•'  JanTier  1811,  a  été  Tobjet 
de  nombreuses  modifications  qui  seront  in- 
diquées BOUS  les  articles  qu'elles  concernent. 

518.  Les  quatre  premiers  articles  éta- 
blissent les  caractères  de  l'aciion  publique 
et  de  Taction  clyile  et  les  différences  qui  les 
séparent. 

513.  Biles  diffèrent  quanta  leur  durée, 
à  ta  qualité  des  personnes  qui  les  exercent, 
et  à  la  compétence  des  juges  devant  lesquels 
elles  sont  portées. 

514.  L'action  publique  a  pour  objet 
l'application  des  peines,  l'action  civile,  la 
réparation  du  dommage  causé. 

515.  L'action  publique  est  exercée  par 
des  fonctionnaires  délégués  à  cet  effet  par  la 
loi  ;  Taction  civile  appartient  aux  personnes 
lésées  nar  le  délit. 

516.  Les  deux  actions  sont  indépen- 
dantes Tune  de  l'autre,  et  la  renonciation  à 
l'action  civile  ne  peut  arrêter  l'action  publi- 
que. 

517  •  Il  y  a  cependant  des  exceptions  à 
ce  principe  :  il  y  a  un  certain  nombre  de 
délits  qui  ne  peuvent  être  poursuivis  que 
sur  la  plainte  des  parties  lésées  :  tels  sont 
l'adultère,  ie  rapt  d'une  mineure,  certains 
faits  de  chasse,  la  diffamation. 

518.  Hais,  dans  ces  cas  même,  si  la 
plainte  a  été  portée,  11  ne  dépend  plus  en 
général  du  plaignant  de  faire  cesser  la  pour- 
suite par  sou  désistement. 

519.  Les  deux  actions  s'éteignent  par 
la  prescription,  mais  elles  ne  s'éteignent  pas 
Tune  et  ['autre  par  le  décès  du  prévenu. 
Ce  décès  éteint  Taction^ubllque,  mais  laisse 
vivre  l'action  civile,  qOl  se  poursuit  contre 
les  héritiers. 

580.  L'action  publique  ne  peut  être 
portée  que  devant  les  tribunaux  criminels; 


l'action  civile  peut  être  portée,  soit  devant 
les  tMbonaux  criminels,  accessoirement  à 
l'action  publique,  soit  isolément  devant  les 
tribunaux  civils.  Dans  ce  dernier  cas  le  cri- 
minel tient  le  civil  en  état,  c'est-à-dire  que 
l'action  civile  est  suspendue  Jusqu'à  ce  qu'il 
ait  été  statué  sur  l'action  publique. 

581.  La  loi  pénale  oblige  tous  ceux  qui 
habitent  le  territoire.  Français  ou  étrangers  ; 
elle  est  territoriale  en  ce  sens  qu'elle  s'ap- 
plique à  toutes  les  infractions  commises  sur 
le  territoire. 

588.  Mais  elle  n'est  pas  exclusivement 
territoriale  ;  les  art.  5,  6  et  7,  avaient  déjà 
étendu  son  autorité  à  quelques  infractions 
commises  à  l'étranger.  La  loi  du  27  Juin 
1866  a  élargi  cette  exception;  les  art.  5,  6 
et  8  ont  été  étendus;  les  Français  peuvent 
être  poursuivis  en  France,  à  raison  des  cri- 
mes et  même  des  délits  qu'ils  commettent 
à  l'étranser. 

588.  Les  arL  5, 6  et  7  du  Gode  de  1810 
ne  s'appliquaient  qu'aux  crimes  commis  par 
les  régnicoles  en  pays  étranger  et  soumet- 
taient la  poursuite  en  France  à  des  condi- 
tions qui  la  rendaient  difficile. 

584.  La  loi  du  27  Juin  1866  a  supprimé 
quelques-unes  de  ces  conditions  ;  elle  n'exige 
plus  ni  la  nationalité  de  la  victime  ni  la 
plainte  ;  elle  veut  seulement,  quand  il  s'a- 
git d'un  crime,  que  le  prévenu  soit  Fran- 
çais, qu'il  n'ait  pas  été  Jugé  à  l'étranger  et 
qu'il  soit  de  retour  en  France. 

585.  A  r^ard  des  simples  délits  com- 
mis par  des  Français  à  l'étranger  et  qu'elle 
autorise  à  poursuivre  en  France,  sans  dis-- 
tinguer  leur  nature  ou  leur  gravité,  elle 
exige  seulement,  outre  les  conditions  stipu- 
lées pour  les  crimes  :  1*  que  le  fait  soit  qua- 
lifié délit  par  la  loi  française  et  la  loi  étran- 
gère; t"  qu'il  y  ait  plainte,  s'il  s'agit  d'un 
délit  contre  un  particulier  ;  S"*  que  le  minis- 
tère public  intervienne. 

58e.  La  loi  du  37  juin  1866  n'a  rien 


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828 


TABLE  ET  RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES. 


Changé  à  TancieD  art.  5  (aujourd'hui  art.  7] 
qui  s'applique  aux  crimes  contre  la  sû- 
reté de  PÉtat  et  de  fausse  monnaie  qui  se 
préparent  à  l'étranger  pour  être  exécutés 
en  France. 

587 .  L'art.  6  contient  aussi  une  excep- 
tion aux  règles  de  la  compétence.  La  Cour 
de  cassation  peut  renvoyer  la  connaissance 
<de  ces  crimes  et  délits  devant  une  cour  ou 
un  tribunal  plus  voisin  des  frontières. 

POLICB    JUDICIAIRE. 

5S8.  La  police  et  la  Justice  sont  deux 
institutions  distinctes;  la  police  est  admi- 
nistrative ou  Judiciaire. 

529.  La  police  Judiciaire  recherche  les 
crimes,  les  délits  et  les  contraventious  et  en 
livre  les  auteurs  aux  tribunaux  (art.  8). 

580.  Elle  est  exercée,  sous  rantorité 
des  Goura  d'appel,  par  les  gardes  cham- 
pêtres et  forestiers,  les  commissaires  de 
police,  les  maires,  les  juges  de  paix,  les 
officiers  de  gendarmerie,  les  officiers  du 
ministère  public  et  les  Juges  d'InstnictioD 
(art.  9). 

581.  Tous  ces  officiers  n'ont  ni  la  même 
<lualité  ni  les  mêmes  pouvoirs  :  on  distin- 
gue ceux  qui  sont  les  auxiliaires  du  procu- 
reur de  la  Répub.  et  au-dessus,  le  procureur 
lui-même  et  le  juge  d'instruoUon. 

532.  L'art.  10  étend  les  pouvoirs  de  la 
police  judiciaire  aux  préfets  i  ces  fonction- 
naires sont  investis,  saris  doute  pour  les  cas 
d'urgence  et  de  flagrant  délit,  quoique  la  loi 
ne  le  dise  pas,  du  droit  de  faire  les  actes 
nécessaires  à  la  constatation  dea  crimes. 

588.  Les  commissaires  de  police,  les 
maires  et  les  adjoints  recherchent  et  cons- 
tatent les  contraventions  de  poUoe  (art.  11). 

584L.  lis  dressent  des  procès-verbaux  de 
ces  contraventions  qui  font  foi  Jusqu'à 
preuve  contraire. 

535.  La  compétence  des  commissaires 
4e police  peut  embrasser  tout  ie  canton; 
celle  des  maires  ne  s'étend  qu'à  la  com- 
mune. 

586.  Les  procès- verbaux  sont  transmis 
à  l'officier  chargé  de  poursuivre  les  contra- 
ventions. 

5  8  9 .  Les  gardes  champêtres  et  forestiers 
ont  qualité  pour  rechercher  et  constater  les 
contraventious  et  les  délits  qui  se  ratta- 
chent à  la  j[>ollce  rurale  et  forestière  (art  16). 

586.  Ils  dressent  des  procès-verbaux 
qu'ils  affirment  vrais  et  sincères  et  qui  font 
foi  jusqu'à  preuve  contraire. 

5M.  Les  gardes  champêtres  ont  le  droit 
d'arrêter  les  délinquants  surpris  en  flagrant 
délit  et  de  les  conduire  devant  le  maire  ou 
le  juge  de  paix. 

540.  Les  gardes  forestiers  tiennent  du 
Code  forestier  du  21  mai  1827  des  droits 

S  lus  étendus  :  ils  peuvent  arrêter  et  con- 
uire  devant  le  juge  de  paix  tout  délinquant 
surpris  en  flagrant  délit,  et  leurs  prooès- 
verbaux  fout  foi  jusqu'à  inscription  de  faux. 


5411.  Les  procureurs  et  leurs  subtUtots 
sont  investis,  en  ce  qui  concerne  la  police 
Judiciaire,  d'une  compétence  générale  poar 
la  recherche  des  délits  et  des  crimes. 

542.  H^is,  à  la  différence  des  officiers 
de  police  judiciaire^  qui  ont  le  droit  de  cons- 
tater et  non  de  poursuivre,  ces  magistrats 
ont,  en  général,  ie  droit  de  poursuivre  et 
non  de  constater. 

548.  C'est  que  le  ministère  public,  étant 
partie  poursuivante,  ne  peut  procéder  à  des 
actes  d'instruction  qui  n'appartiennent  qu'ao 
juge;  le  droit  de  poursuivre  et  le  droit 
d'instruire  constituent  deux  fonctions  dis- 
tinctes, et  cette  distinction  ne  cesse  qu'au 
cas  de  flagrant  délit. 

544.  Le  procureur  recherche  d'office 
les  crimes  et  les  délits,  reçoit  les  dénon- 
ciations et  les  plaintes,  transmet  les  pièces 
au  Juge  d'instruction  avee  ses  réquisitions 
ot  rend  compte  de  ses  actes  an  procurenr 
générai. 

545.  Pour  se  faire  une  idée  exacte  des 
fonctions  du  procureur,  H  'est  nécMtaire, 
au  iieu  de  suivre  pas  à  pas  les  artldes  dn 
Gode,  de  les  étudier  dans  leur  ensemble. 

TIl¥«ff.)ifiPTli;ifB  TLBÇON.    A90 

FoRcnoisa  vo  pnocosBint. 

540.  Le  procureur  a  des  foncttons  habi- 
tueiles,  qui  sont  la  recherche  et  la  poursuite 
des  crimes  et  délits,  et  des  fonctions  excep- 
tionnelles qui  sont  de  procéder,  dans  les 
cas  d'urgence,  à  la  constatation  de  oea  faits 
(art.  32  et  46). 

547.  Il  est  chargé  de  la  recherche  et  de 
la  poursuite  da  tous  les  crimes  et  de  tous 
les  délits  qui  sont  de  la  compétence  des 
Cours  d'assises  et  des  tribunaux  correction- 
nels (art.  22). 

548 .  Sont  également  compétents  le  pro- 
cureur du  lieu  du  crime,  celui  du  domi- 
cile du  prévenu  et  celui  desarésidenee 
(art.  22).  Cette  ooQ(àpéteince  entraîne  ceile 
aes  tribunaux. 

549.  En  cas  de  concurrence^  i'insliuo- 
tion  appartient  au  juge  qui  a  le  premier  dé- 
livré ie  mandat  d'amener. 

550.  Le  procureur  et  Us  officiers  de 
police  judiciaire  ont  le  droit  de  requérir  la 
force  publique  (art.  25) . 

551.  Le  procureur  peut  être  remplacé 
par  ses  substituts  (art.  26). 

558»  Dès  que  l'avis  d'un  crime  ou  d'un 
délit  lui  parvient,  il  doit  transmettre  ce 
premier  indice,  quelle  que  soit  sa  forme, 
au  juge  d'instruction  qui  seul  a  le  droit 
d'en  réunir  les  preuves. 

558.  Les  foncUonnaires  et  même  les 

1>articulier6  ont  l'obligation  de  lui  dénoncer 
es  crimes  et  délita  dont  ils  aequièrent  la 
connaissance. 

554.  Entre  la  dénonciation  officielle  des 
fonctionnaires  et  celle  des  citayens  il  y  a 
quelques  diflérenoes;  la  première  est  plus 


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DE  D*1NSTR.    CRIM.   —  DU  JUGE  D'INSTRUCTION. 


829 


spécialement  piesorite  et  ne  peat  doooer 
lieu  à  des  dommagee-iotérôts  ;  la  seconde 
n'a  aucune  sanction  et  donne  lieu,  en  cas  de 
calomnie^  à  une  reeponsabillté  pénale. 

555.  Le  procureur  peut  par  excep- 
tion, dans  les  cas  de  flagrant  délit,  cu- 
muler avec  les  fonctions  de  la  poursuite 
celles  de  l'instruotlon;  Cette  attribution  a 
lieu  :  1*  dans  les  cas  de  crimes  flagrants  ; 
2"  dans  les  cas  de  réquisition  d'un  chef  de 
maison. 

550.  Elle  consiste  :  1*  à  se  transporter 
sur  le  lieu  du  crime;  !^o  à  entendre  les  té- 
moins ;  8*  à  procéder  à  des  visites  dans  la 
maison  du  prévenu;  4'  à  dresser  procès- 
Terbal  de  ces  opérations;  V  à décenier  dans 
certains  cas  un  mandat  d'amener  (art.  3^). 

55  f.  Il  doit  donner  avis  de  son  trans- 
port au  juge  d'instruckion  et  se  faire  accom- 
pagner, s'ii  y  a  iieu,  d'hommes  de  l'art  ca- 
pables de  constater  le  corps  du  délit. 

558.  Il  peut  retenir^  même  avec  con- 
trainte, les  personnes  présentes  au  lieu  du 
crime jpour  recevoir  leurs  déclarations. 

55^.  Il  peut  procéder  à  la  visite  du  do- 
micile du  prévenu  pour  y  saisir  les  objets 
utiles  àla  manifestation  delà  vérité  (art.  83). 

560.  La  pratique  a  étendu  les  limites 
fixées  par  la  loi  et  permis  les  visites  dans 
d'autres  lieux  que  le  domicile  du  prévenu, 
quand  le  crime  n'est  plus  flagrant,  et  même 
quand  le  fait  n'est  qu  un  délit. 

56  t .  La  loi  ne  défend  pas  les  visites 
au  domicile  des  complices  du  prévenu,  mais 
elle  ne  permet  pas  de  les  étendre  au  domi- 
cile des  personnes  qui  ne  sont  pas  suspec- 
tes de  complicité. 

568.  Le  procureur  ne  peut  procéder 
à  une  visite  aomiciliaire  que  dans  le  cas 
d'un  crimeflagrant.  Il  en  est  par  conséquent 
ainsi  de  ses  auxiliaires. 

568.  Ni  le  procureur  ni  les  auxiliaires 
ne  peuvent  procéder  à  ces  opérations  en 
cas  de  flagrance,  non  d'un  cri  me»  mais  d'un 
simple  délit. 

564.  Dans  ces  diverses  hypothèses,  la 
loi  borne  formellement  les  visites  de  ces  of- 
ficiers aux  cas  où  elles  sont  faites  au  domi- 
cile d'un  prévenu  de  crio^e  flagrant. 

565.  La  loi  du  20  mai  1863,  sur  les  fla- 
grants délits,  étend  toutefois  le  droit  d'ar- 
restation au  cas  où  le  fait  flagrant  est  qua- 
lifié délit  par  la  loi. 

VIMCnr-HUITlâHB  ItBÇOlV.    608 

Continuation  dks  ponctions  do  paocn- 
rbur  et  ime  sbs  auxiliaibbs.  —  du  iogb 
d'instruction. 


Les  procès-verbaux  dressés  dans 
les  cas  de  flagrant  délit  sont  rédigés  dans 
la  forme  des  prpcès-verbaux  d'information 
et  deviennent,  si  le  Juge  d'inslructlon  les 
adopte,  des  pièces  de  rinstruction. 

569.    Le  procureur  peut,  en  cas  de 
flagrant  délit  seulement,  ordonner  l'arres- 


tation de  l'inculpé  en  délivrant  un  mandat 
d'amener. 

568.  Lors  même  que  lloculpé,  à  raison 
de  sa  qualité,  ne  peut  être  mis  en  Jugement 
sans  autorisation,  il  peut,  en  cas  de  flagrant 
délit,  être  arrêté  avant  cette  autorisation. 

569.  En  cas  de  réquisition  faite  de  l'in- 
térieur d'une  maison,  le  procureur  procède 
lors  même  que  le  fait  n'est  ni  un  crime, 
ni  un  délit  flagrant. 

GhAF.  .V«  — i  OFnCiEBS  AUXJUAIBBS.      . 

570.  Les  pouvoirs  du  procureur  ont 
été  étendvs  aux  officiers  de  police  auxi- 
liaires pour  que  tous  les  crimes  commis 
dans  l'arrondissement  puissent  être  aussitôt 
saisis  et  constatés. 

591.  Les  officiers  de  police  auxiliaires 
du  procureur  sont  les  Juges  de  paix,  les  of- 
ficiers de  gendarmerie,  les  commissaires  de 
police,  maires  et  adjoints.  Us  ont,  en  cas 
de  flagrant  délit,  les  mômes  attributions 
que  le  procureur. 

578.  Celte  délégation  dans  Tarme  de 
la  gendarmerie  ne  s'applique  qu'aux  offi- 
ciers ;  elle  ne  s'étend  pas  aux  sous-officiers 
et  gendarmes. 

578.  liCS  commissaires  généraux  de  po- 
lice quand  Ils  sont  institués,  entrent  dans  la 
classe  des  auxiliaires  du  procureur. 

574.  Les  commissaires   ordinaires  de 

Eollce,  dans  les  communes  où  Ils  sont  éta- 
lid,  et  les  maires  et  adjoints,  dans  les  au- 
tres communes,  ont  les  mêmes  fonctions. 

575.  Tous  les  officiers  de  police  judi- 
ciaire sont  placés,  en  cette  qualité^  sous  la 
surveillance  du  procureur  général  (art.  279). 

576.  Leurs  procès-verbaux  doivent  être 
remis  au  procureur. 

Chap.  VI.  —  Du  JOGE  d'instruction. 

577.  Le  juge  d'instruction,  dans  cha- 
que arrondissement,  est  pris  parmi  les 
membres  du  tribunal  civil. 

578 .  Il  peut  être  pris  parmi  les  Juges 
suppléants  ;  il  peut  en  être  établi  plusieurs. 

579.  Ses  fonctions  consistent  princi- 
palement dans  la  réunion  des  preuves  et 
des  indices  des  crimes  et  des  délits;  mais 
ce  ne  sont  pas  là  les  seules. 

580.  Le  Juge  d'instruction  ne  peut  pas, 
d'office  et  de  son  propre  mouvement,  pro- 
céder aune  inslruction  ;  il  faut qu'ii  soit  sais!. 

581.  Toutefois,  dans  le  cas  de  flagrant 
délit,  le  Juge  d'instruction  peut  procéder 
seul  et  sans  réquisition  à  tous  les  actes  de 
la  première  information. 

588.  En  règle  générale,  le  Juge  ne  fait 
aucun  acte  d'instruction  qu'il  n'ait  commu- 
niqué la  procédure  au  procureur.  Toutefois, 
cette  communication  ne  doit  pas  se  renou- 
veler à  chacun  des  actes  du  juge  (art.  61). 

588.  Le  juge  peut  délivrer  soit  un  man- 
dat d'amener,  soit  un  mandat  de  dépôt, 
sans  conclusions  préalables. 


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830' 


TàBLB   et  RÉ8U1CÉ  DBS  MATIÈRES. 


584.  Le  Jage  reçoit  les  plaintes,  appelle 
et  entend  les  témoins,  procède  aux  saisies 
des  pièces  de  conTlctioo,  décerne  les  man- 
dats d'arrestation  et  interroge  les  prévenus. 

585.  Si  le  jage  est  compétent  pour  re- 
cevoir les  dénonciations  et  les  plaintes,  il 
ne  peut  instruire  avant  de  les  avoir  com- 
muniquées an  procureur. 

586.  Toute  personne  lésée  par  un  crime 
ou  un  délit  peut  porter  plainte  et  se  rendre 
partie  civile. 

vimcïv-mbcviAhb  liBçonr.  sse 

GONTIHOATIOH  DBS   FOUCTIONS  DU  JVGB 
D*IMSTA0CTION. 

587.  Le  jugedMnstmcUon  doit  admettre 
les  plaintes  lors  même  que  les  crimes  et  dé- 
lits ont  été  commis  non  contre  le  plaignant, 
mais  contre  les  personnes  placées  sous  son 
autorité,  sa  femme,  ses  enfants. 

588.  Le  juge  d'instruction  compétent 
pour  recevoir  toutes  les  plaintes  ne  doit 
Instruire  qu'à  l'égard  des  crimes  et  délits 
commis  dans  son  arrondissement.  Quant  à 
ceux  commis  dans  le  lieu  du  domicile  ou  de 
la  résidence,  il  doit  renvoyer  au  Juge  com- 
pétent (art.  69). 

589.  Les  plaintes,  quoiqu'elles  soient  le 
point  de  départ  ordinaire  des  poursuites, 
ne  sont  pas  essentielles  à  leur  exercice. 

590.  Les  plaintes  peuvent  intervenir 
après  les  poursuites  commencées,  mais  elles 
doivent  précéder  les  demandes  en  domma- 
ges-intérêts. 

591.  Les  plaignants  ne  sont  réputés 
parties  civiles  que  s'ils  le  déclarent  formel- 
lement (art.  66). 

598.  Le  désistement  de  la  qualité  de 
partie  civile  fait  dans  les  vingt-quatre  heu- 
res décharae  des  frais,  mais  non  des  dom- 
mages-intérêts du  prévenu. 

598.  Le  désistement  emporte,  non-seu- 
lement Tabandon  de  l'instance,  mais  la  re- 
nonciation à  l'action. 

594.  Les  frais  ne  cessent  de  peser  sur 
la  partie  civile  que  si  le  désistement  inter- 
vient dans  les  vingt-quatre  heures  depuis 
l'acte  de  vonstitutionae  partie  civile. 

595.  Les  témoins  sont  entendus  par  le 
juge  d'instruction,  sur  citation,  avec  pres- 
tation de  serment,  en  l'absence  du  prévenu, 
et  leurs  dépositions  sont  constatées  par  un 
procès- verbal. 

596.  Le  juge  peut  décerner  un  mandat 
d'amener  contre  les  témoins  qui  n'obéissent 
pas  à  la  citation  (art.  80). 

599.  Il  peut  déléguer,  soit  au  juge  de 

Saix  de  son  arrondissement,  soit  au  Juge 
'instruction  d'un  autre  arrondissement,  le 
droit  d'entendre  les  témoins  (art.  83, 84). 

598.  Il  procède  aux  visites  domiciliaires 
qoi  sont  nécessaires  pour  la  recherche  des 
pièces  de  conviction. 

S98.  Les  formes  des  perquisitions  sont 
le*  mêmes  que  celles  qui  sont  prescrites  au 
procureur. 


GBAP.  yi?«  —  lUNDàTS  D'AiaEtTATION. 

600.  La  détention  préventive  est  une 
mesure  nécessaire,  quelque  regrettable  que 
soit  son  application. 

601.  Le  mandat  est  un  ordre  délivré 

Sar  le  juge  contre  un  individu  soupçonné 
'un  crime  ou  d'un  délit.  Il  y  a  quatre 
classes  de  mandats. 

60 S.  Les  mandats  de  comparution,  d'a- 
mener et  d'arrêt,  ont  leur  origine  dans  le 
Gode  du  3  brumaire  an  IV,  et  le  mandat  de 
dépôt  dans  la  loi  du  7  pluviôse  an  IX. 

608.  Le  mandat  de  comparution  et  le 
mandat  d'amener  se  distinguent  Tnn  de 
l'autre  par  leurs  effets. 

604.  Le  mandat  de  comparution  n'est 
qu'une  assignation  adressée  à  l'inculpé  à 
l'effet  de  l'amener  devant  le  Juge  d'inatruo- 
tion. 

605.  Le  mandat  d'amener,  qui  a  le 
même  but,  emporte  la  faculté  d'employer 
des  moyens  de  contrainte  pour  son  exéca- 
tion. 

606.  La  loi  du  14  juillet  1865  demie  tu 
Jfige  la  faculté  de  ne  décerner  que  te  man- 
dat de  comparution  eu  toute  matière^  sauf 
à  convertir  ce  mandat,  après  l'interroga- 
toire, en  tel  autre  mandat  qu'il  appartiendra 
(art.  91). 

609.  L'effet  du  mandat  de  comparaUon 
est  une  comparution  libre  et  volontaire; 
l'effet  du  mandat  d'amener  est  une  compa- 
rution forcée.  Toutefuis  ce  mandat  ne  donne 
pas  le  droit  de  retenir  l'inculpé  dans  une 
prison. 

TBBÎinPiÉlUS  liBÇOW.  542 

CORTIHOATION  BBS  FOMCnOZIS  MJ  JOCB 
n'iNSTaOCTIO!!. 

608.  Les  caractères  des  mandats  de 
comparution  et  d'amener  étant  flxéf,  il  y  a 
lieu  de  passer  à  l'examen  des  autres  voMt- 
dau. 

609.  En  suivant  l'ordre  de  la  loi,  le 
mandat  d'arrêt  est  celui  qui  s'oflfre  le  pre- 
mier à  l'examen  (art.  94). 

610.  La  délivrance  du  mandat  d'arrêt 
suppose  trois  conditions  :  l'interrogatoire  de 
l'inculpé,  les  eonclustons  du  ministère  pu- 
blic,  un  fait  passible  de  l'emprisonnement 
ou  d'une  peine  plus  grave. 

611.  Le  mandat  de  dépôt  peut  être  dé- 
cerné d'office,  sans  conclusions  du  minis- 
tère publie  et  sans  indication  du  fait. 

618.  Le  mandat  de  dépôt,  quoique  la 
pratique  en  ait  étendu  l'usage,  n'est  quHm 
mandat  provisoire  dont  la  loi  du  4  avril  1855 
permet  ae  donner  mainlevée.  La  fecnlté  de 
donner  cette  mainlevée  a  été  appliquée 
même  au  mandat  d'arrêt  par  la  loi  da  14 
juillet  1865. 

613.  Les  mandats  ont  des  formes  com- 
munes :  ils  doivent  être  datés,  signés  et 
scellés,  et  l'inculpé  doit  y  éUe  clairement 


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CODE  d'iNSTR.  CHM.  —   DU  JUGE  d'iNSTRUCTION. 


831 


désigné.  Lm  mandaU  d'arrêt  doWênt  en 
outre  éDODcerle  fait  et  }^J^^^^^^^\^„, 

614.  Les  mandats  irrégullers  ne  sont 
pas  susceptibles  d'exécution. 

eift.  Les  mandats  sont  exécutoires  dans 
tout  le  territoire.  Toutefois,  liors  de  1  ar- 
rondissement où  ils  ont  été  délivres,  lis 
doivent  être  Tiaés  par  le  juge  de  paix  ou  le 
maire  du  lieu  de  l'exécution  (art.  M). 

616.  Néanmoins  le  préyenu.  trouvé 
hors  de  Varrondlssement,  peut  n  être  pas 
contraint  de  se  rendre  au  mandat  d'amener 
et  peut  être  retenu  sans  mandat  de  depot 
Jusqu'à  ce  que  la  nécessité  de  sa  transla- 
tion soit  reconnue  (art.  100). 

617.  L'art.  106  donne  le  droit  à  tout 
dépositaire  de  la  force  publique,  et  même 
à  toute  personne»  d'arrêter  les  prévenus  de 
folts  qualifiés  crimes  en  état  de  flagrant 
délit,  et  sans  mandats.  • 

618.  Lorsque  le  prévenu  nest  pas 
trouvé,  le  porteur  du  mandat  d'amener  ou 
du  mandat  d'arrêt  se  borne  à  le  notifier  en 
[Usant  viser  l'original  de  l'exploit  («jt.  105). 

616.  Si  le  prévenu  est  trouvé,  il  est 
conduit,  en  cas  de  mandat  d'amener,  de- 
vant lejage;  en  cas  mandat  de  dépôt  ou 
d'arrêt«  dans  la  maison  d'arrêt. 

TBBNTB-UmiKMB  I.BÇ01V.      560 

GlUP.  vin.  —  Db  LA  LIBERTÉ  PROVISOIRE. 

6tBO.  La  loi  permet  d'accorder  au  pré- 
venu, pendant  la  durée  de  l'instruction,  le 
bénéfice  de  la  liberté  provisoire. 

681.  La  liberté  provisoire  des  inculpés, 
moyennant  promesse  ou  caution  de  se  re- 
présenter, est  une  Institution  ancienne  qu'on 
retrouve  dans  toutes  les  législations. 

688.  Les  dispositions  du  Code  sur 
cette  matière,  très-restreintes  d'abord,  ont 
été  modifiées  et  élargies  par  les  lois  des 
4  avril  185&  et  U  Juillet  1865. 

688.  Le  Juge  d'instruction  est  Investi 
du  pouvoir  de  prononcer  l'élargissement 
provisoire  de  tous  les  prévenus  soit  de  dé- 
lits, soit  même  de  crimes. 

684L  La  liberté  provisoire  peut  être  ap- 
pliquée en  toute  matière,  quelle  que  soit 
la  nature  de  l'inculpation.  Toutefois,  en  ma- 
tière criminelle,  elle  prend  fin  à  l'arrêt  de 
renvoi  devant  la  Cour  d'assises. 

685.  Elle  peut  être  accordée  avee  ou 
sans  caution.  La  loi  du  14  Juillet  1865  au- 
torise le  Joge  à  ordonner  que  l'inculpé  sera 
mis  en  liberté  en  prenant  l'engagement  de 
se  représenter  à  tous  les  actes  de  la  procé- 
dure. 

686.  La  mise  en  liberté  est  de  droit  en 
faveur  des  inculpés  de  délits  passibles 
d'un  emprisonnement  inférieur  à  deux  ans, 
cinq  Jours  après  Tinterrogatoire. 

687.  La  liberté  sous  caution  est  une 
garantie  subsidiaire  qui  a  été  maintenue 
pour  les  cas  où  la  garantie  sans  caution  pa- 
rait insuffisante.  Le  cautionnement  doit 


être   proportionné  aux  moyens  du  pré* 
venu  et  à  la  gravité  de  l'inculpation. 

688.  Trois  dispositions  nouvelles  ont 
été  introduites  dans  le  cautionnement  :  la 
suppression  du  minimum,  la  caution  per- 
sonnelle d'un  tiers  et  l'affectation  du  cau- 
tionnement à  la  représentation  de  l'inculpé, 
à  l'amende  et  aux  frais. 

689.  Le  cautionnement  d'une  tierce 
personne,  qui  prend  l'engagement  de  ftire 
représenter  l'inculpé  à  toute  réquisition,  a 
été  simplifié  et  rendu  pratique  par  la  loi 
du  14  Juillet  1865. 

680.  Le  cautionnement,  qui  remplace 
la  détention  préventive,  a  pour  objet  :  1*  la 
représentation  de  l'intulpe  à  tous  les  actes 
de  la  procédure  et  pour  l'exécnUon  du  Ju- 
gement; 2"  le  payement  des  frais  et  des 
amendes. 

681.  La  mise  en  liberté  peut  être  de- 
mandée devant  tout  tribunal  saisi  de  la 
cause,  et  ce  tribunal  est  compétent  pendant 
tout  le  temps  qu'il  est  saisi  (art.  116). 

688 .  L'inculpé  dépose  une  requête  ten- 
dant à  ce  que  la  liberté  loi  soit  accordée. 
Cette  requête  est  communiquée  au  minis- 
tère public  et  notifiée  à  la  partie  civile,  et 
le  Juge  saisi  statue  (art.  117}. 

688.  La  décision  peut  être  attaquée  par  le 
minlstèarepublic,la  partie  civile  ou  l'inculpé. 

684.  La  liberté  provisoire  régulièrement 
accordée  prend  fin  :  1»  lorsque  l'inculpé 
est  constitué  en  défaut  de  se  représenter; 
%•  lorsque  des  circonstances  nouvelles  ren- 
dent la  détention  nécessaire;  3»  lorsque 
l'inculpé  est  mis  en  accusation  ;  4<*  lorsqu'il 
intervient  un  Jugement  par  défaut. 

685.  Eo  cas  de  condamnation,  le  cau- 
aonnement,  après  payement  de  l'amende 
et  des  ftais,  est  restitué. 
VBBMTB-DBlîXIEHB    liBÇOlV. 

57g 
Ghap.  IX.    —  Fonctions  du  juob  d'dis- 

TROCTION  QUAND  LA  PROCiDURB  K8T  GOM- 
PLÈTB. 

686.  Le  Juge  d'instruction  a  été  in- 
vesti par  la  loi  du  17  Juillet  1856  des  fonc- 
tions de  l'ancienne  Chambre  du  conseil 
pour  apprécier  les  résultats  de  l'informa- 
tion. iO 

687.  Il  est  donc  appelé,  soit  à  rendre 
une  ordonnance  de  non-lieu,  soit  à  ordon- 
ner le  renvoi  devant  le  tribunal  de  police, 
le  tribunal  de  police  correctionnelle  ou  la 
chambre  d'accusation. 

688.  Il  y  a  lieu  à  l'ordonnance  de  non- 
lieu,  soit  lorsque  le  fait  n'est  pas  prévu  par 
la  loi  pénale,  soit  lorsqu'il  n'y  a  pas  d'in- 
dices suffisants  de  culpabilité. 

680.  Dans  le  cas  ou  le  fait  peut  consti- 
tuer un  crime,  l'art.  135  qiil  fait  dépen- 
dre le  renvoi  devant  la  chambre  d'accusa- 
tion du  seul  avis  du  Joge  d'instruction, 
n'a  fait  qu'admettre  directement  ce  que 
l'ancien  art.  133  avait  indirectement  admis. 

640.  Pour  prononcer  le  renvoi  devant 
une  Juridiction  répressive,  deux  conditions 
sont  nécessaires  :  la  constatation  d'un  fait 


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832 


TABLB  ST  RÉSUMÉ  JUSS.  MATIÈRES. 


BODlsBaMe  et  des  Indieei  sufOnDta  de  cmU 
pablUtë. 

e41.  Si  le  fait  o'a  que  les  caractères 
d*ane  contravention  de  polic««  i'incnlpéest 
reDToyé  devant  le  tribunal  de  police^  en 
état  de  liberté. 

64L8«  SMl  a  les  earaetères  d-un  délit, 
rinculpé  est  renvoyé  devant  le  tribunal 
correctionnel,  et  est  mis  en  liberté  si  le 
fait  n'est  passible  que  d'une  amende. 

649.  Si  Tincnlpé  est  en  état  de  déten- 
tion» et  que  le  fait  soit  passible  d'emprison- 
nement, il  y  reste  provisoirement. 

e44.  le  Juge  dnnstruetion  réunit  une 
double  qualité:  il  est  Juge  d'InttruoUon, 
chargé  a  instruire  la  procédure  et  furidlO'- 
tion  pour  apprécier  cette  procédure  et  sta- 
tuer sur  la  mise  en  prévention  (art.  133). 

e^ft.  Cette  mise  en  prévention»  qui  était 
prononcée  autrefois  par  la  chambre.du  con- 
seil, à  une  seule  voix  de  Diinorlté«  U  est  vrai, 
est  prononcée  aiUonrd'Imi,  depuis  la  loi  du 
17  Juillet  m^par  le  seul  Juge  d'InstructiOD. 

64^6.  Si  le  prévenu  est  détenu,.  Il  de- 
meure dans  la  maison  d'arrêt  pendant  rexa- 
meo  qui  est  fait  par  la  chambre  d'accusa- 
tion» et  n'est  transféré  qoe  pourcoroparaltre 
devant  la  juridiction  à  laquelle  ii  estrenvoyé. 

64^9.  Il  n'y  a  lieu  de  transporter  à  la 
cbamtee  d'aocosation  que  les  pièces  de 
l'instruction  et  les  procès-verbaux  eoDsta- 
tant  le  corps  du  délit.  Les  pièces  de  convic- 
tion restent  au  greffe. 

•48.  Néanmoins  la  chambre  d'aceusa- 
tlon  peut  ordoimer  l'apport  des  pièces  de 
conviction.  , 

640.  Lorsque  le  }ttge  déclare  qu'il  y  a 
prévention  suffisante  d'un  fait  qualiaécrime, 
aon  ordonnance  est  aussitèt  décernéo  à  la 
Cour  d'appel  qui  prononce  sur  la  mise  en 
accusation. 

650.  Liorsque  le  juge  ordonne  la  mise 
en  liberté  du  préveau  ou  son  renvoi  en  po- 
lice correetlonnella,  son  ordonnance  peut 
être  atuquée  par  la  voie  de  l'opposition, 
recours  qui  a  les  caractères  d'un  véritable 
appel  (art.  135). 

651.  Si  l'ordonnance  n'est  frappée  d  au- 
cune opposlUon»  eUe  s'exécute  et  ficquiert 
l'autorité  de  la  chose  jugée,  sauf  le  cas  de 
survensBce  de  charges  nouvelles. 

Livre  II.  —  Da  la  justice. 
Titre  I.  — TRtiWNAinL  de  policb. 

CHAP.  I*'.  —  OlSTaiBUMAUlDISIMPLB  POLÏCB. 

658.  Les  tribunaux»  de  police  «nt  été 
institués  pour  Juger  les  simples  contraven- 
tions. .        ,    ^ 

658.  Les  tribunaux,  qui  avaient,  en 
1791,  un  caractère  exclusivement  munici- 
pal, ont  été  transformés  et  remis  entre  les 
mains  des  Juges  de  paix  par  les  Codes  de 
l'an  IV  et  de  1810. 


654*  La  compétence  des  tribunaux  de 
police  comprend  toutes  les  contraventiona 
punissables,  d'un  emprisonnement  de  cinq 
jours  et  au-dessous  et  d'une  amende  de 
15  fr.  et  au-dessous':  c'est  le  maximun 
légal  qui  fait  la  limite. 

655.  U  importe  peu  que  les  contraven- 
tions soient  prérues  par  la  loi  ou  par  des 
règlements  :  Ja  loi  a  délégué  le  pouvoir  ré- 
glementaire en  matière  de  police  et  les  ar- 
rêtés légalement  pris  sont  passibles  des 
peines  établies  par  le  Code. 

6^6.11  y  a,  dans  le  système  du  Code^ 
deux  tribunaux  de  police  :  celui  qal  est 
tenu  par  le  Juge  de  paix  et  celui  qui  est 
tenu  par  le  maire  :  la  compétence  de  Fun 
et  de  l'autre  n'est  pas  la  même  ;  celle  du 
juge  de  paix  est  plus  étendue. 

657.  Les  Juges  de  paix  connaissent  des 
contraventions  commises  dans  l'étendue  de 
la  con»mune  chef-lieu  de  canton  (art.  139). 

'658.  Ils  connaissent  exclusivement  des 
conlraventiODS  commises  dans  les  autres 
:  communes  de  leur  canton,  lorsque  les  con- 
trevenants n'y  demeurent  pas  ou  que  les 
témoins  n'y  sont  pas  présents  ; 

659.  Des  contraventions  à  raison  des- 
quelles ia  partie  réclame  des  dommages- 
intérêts  supérieurs  à  15  francs  ; 

660.  Des  QORtraveiUjons  feresUôres 
poursuivies  à  la  requête  des  particuliers  ; 

661.  Des  injures  verbales  non  publi- 
ques ; 

668.  Des  affiches,  annonces,  ventes, 
distributions  ou  débits  d'ouvrages,  écrits  ou 
gravures  contraires  aux  ii.œurs; 

668.  De  l'action  contre  les  gens  qui  font 
le  métier  de  deviner  et  de  pronostiquer  ou 
d'expliquer  les  songes. 

664L.  Us  connaissent,  concunemment 
avec  les  maires,  de  toutes  les  autres  con- 
traventions (art.  140). 

665.  Le  service  d'un  tribunal  de  police 
est  fait  par  le  Juge  de  paix  et  un  greffier. 
S'il  y  a  plusieurs  Juges  de  paix,  ils  font  le 
service  alternativement. 

86.  Les  fonctions  du  ministère  public 
sont  remplies  par  le  commissaire  de  police 
(art.  144). 

669.  Le  tribunal  de  police  est  saisi  par 
le  ministère  public  ou  par  la  partie  lésée. 

666.  La  citation  doit  être  donnée  non- 
seulement  au  prévenu,  mais,  s'il  y  a  Heu,  & 
ta  personne  dvilement  responsable  (art.  1 4â  \ 

664K  La  citation  ne  peut  pas  être  donnée 
à  un  délai  moindre  que  U  heures  (art.  134}. 

676.  Mais  le  tribunal  peut  être  saisi, 
non^seulement  par  une  citation,  mais  par 
un  simple  avertissement.  Seulement,  si  la 
partie  ne  comparait  pas,  une  citation  devra 
être  donnée  pour  qu'elle  puisse  être  Jugée 
par  défaut. 

691.  Le  jugement  par  défliut  est  sus- 
ceptible d'opposition.  Cette  opposition  doit 
être  faite  dans  les  trois  Jours  de  la  signifl- 
cation  ;  elle  emporte  citstion  à  la  première 
audience  (art.  160  et  151). 


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CODE  d'iNSTR.   CRIM.  —  TRIBUNAUX  CORRBCTIONNBLS. 


833 


6  92.  Le  f révena  peut  se  faire  repr<f- 
se.nter  par  un  fondé  de  procurât  ion  (art.  I5?). 

673.  Lesfurmesderaiidience  consiMent 
dans  ia  lecture  (ies  procès- ver  baux.  Tau- 
dUlon  des  t^molDS.  les  explications  de  la 
personne  ciléi)  et  les  conclusions  du  mi- 
nistère public  (art.  1&3). 

694.  La  prenve  des  ccntraTentlons  fo 
fait  soit  par  procès^verbaux,  soit  par  té- 
moins, l.es  procès-yerbanx  font  foi  suivant 
les  pouvoirs  délégués  aux  ofneiers,  jusqu'à 
Inscription  de  faux  ou  jusqu'à  preuve  ron- 
traire.  Dans  ce  dernier  cas,  Ils  peuvent  être 
débattus  pur  toutes  preuve8(art.  15i). 

695.  Les  procès-verhaux  des  gardas  fo- 
restiers, des  agents  des  douane?,  contribu- 
tions indirectets  et  des  octrois,  font  foi  jus- 
qu'à inscription  de  faux  ;  ceux  des  officiers 
de  police  judiciaire  ne  fout  foi  que  Jusqu'à 
preuve  contraire. 

TBi:]VVE.aUAVBIÈME  liEÇOIV 

609 

Continuation  des  tribunaux  de  police. 

696.  Les  fornaesde  la  preuve  testimo- 
niale devant  les  tribunaux  de  police  sont 
très-simples. 

699.  Les  témoins  sont  appelés  par  cita- 
tion, ils  prêtent  serment  et  cette  prestation 
doit  être  constatée  (art.  155}. 

698.  L'un.  156  prohilio  roudltion  de 
certains  parents  du  prévenu.  La  loi  ne 
prohibe  pas  ceux  de  la  partie  civile. 

699.  Les  témoins  ont  l'obligation  de 
comparaitre  ;  ils  peuvent  y  être  cunirainls 
par  une  amende  et  même  par  corps  (art.  Ui). 

680.  Si  le  fait  ne  présente  ni  délit  ni 
contravention,  le  tribunal  annule  la  citation 
et  statue  surlesdommrges-intéréts  du  pré- 
venu, mais  il  est  dans  ce  cas  incompétent 
pour  statuer  sur  ceux  delà  partie  lésée  (art. 
i59j, 

681.  SI  le  fait  est  un  délit,  le  tribunal 
Jie  déclare  incompétent.  Si  enfin  le  fait  est 
une  ceutravention,  il  prononce  les  peines  et 
statue  sur  les  dommages-iutérèls  de  la  uar- 
tie  (art.  1G2). 

;  68li.  La  partie  qui  succombe,  soit  le 
prévenu,  soit  ia  partie  civile,  demeure  char- 
gée des  frajfl. 

688.  Tout  jugement  de  condamnation 
doit  être  motivé  à  peine  de  nullité  (art.  16a). 

684.  L'exécution  du  Jugement  se  fait  à 
la  requête  du  ministère  public  ou  de  la 
partie  civile,  suivant  qu'il  s'sglt  des  peines 
ou  des  réparations. 

685.  Les  tribunaux  de  police  tenus  par 
les  maires  ont  une  compétence  plus  res- 
treinte et  les  formes  sont  simplifiées  (art. 
167  et  I6«i. 

686.  Les  jugemenu  de  police  peuvent 
être  attaqués  par  la  vo'e  de  l'appel  lors- 
qu'ils prononcent  un  .emprisonnement  ou 
que  les  condamnations  pécuniaires  excèdent 
S  francs  outre  les  dépens  (art.  172). 


689.  Si  le  prévenu  est  renvoyé  de  la 
poursuite,  le  jugement  no  peut  élre  attaqué 
(wrla  voie  de  i'appoL 

688.  Lappel  est  suspensif  et  nul  acte 
d'exécution  ne  peut  avoir  lieu  pendant  le 
délai  (art  17a). 

689.  Ce  délai  ef  t  de  dix  jours  à  comp- 
ter de  ia  signification  du  jugement  (art.  173). 

600.  Les  témoins  peuvent  être  entendus 
de  nouveau  en  appel,  s'il  y  a  lieu  (art.  174). 

691.  La  voie  de  la  cassation  est  égale- 
ment ouverte  aux  parties  contre  les  juge- 
ments lenduo  en  dernier  ressort  (art.  177). 

692.  Les  formes  et  les  délais  de  ce  re- 
cours sont  ceux  oui  iont  prescrits  pour  les 
matières  criminelles. 

693.  Le  juge  de  paix  doit  envoyer,  cha- 
que tnmesire,  au  procureur  t'extrait  des 
jugements  portant  peine d*empri.«onnement 
rendus  par  le  tribunal  de  police  (art.  178). 

TRENVE-Cl^QUIÊME  E.EÇOIV. 

635 

Chap.  II.  —  Tribunaux  oorrectionnels. 

694.  Les  tribunaux  civils  connaissent 
des  matières  correctionnelles,  et,  dans  ceux 
qui  oi*t  plusieurs  chambres,  une  de  ces 
chambres  est  consacrée  à  ce  service. 

695.  La  Juridiction  correctionnelle  con- 
naît de  tous  les  faits  qualifiés  délits  et  dont 
ia  peine  excède  cinq  jours  d'emprisonne- 
ment ei  15  francs  d'amende. 

696.  Elle  connaît  en  outre  de  toutes  les 
contraventions  furef>tières  poursuivies  à  la 
requête  deFadministration  (art.  179).    ^ 

699.  Cette  attributif  n  générale  a  quel- 
ques exceptions  :  les  délits  des  magistrats  et 
de  quelques  hauts  fonciionnaires  sontdé- 
féiés  à  la  chambre  civile  des  Cours  d'sppel. 
Une  autre  exception,  qui  avait  pour  objets 
ies  délits  de  la  presse  et  les  déirts  politi- 
ques, a  cessé  par  le  décret  du  17  février 
1852. 

698.  Les  tribunaux  correctionnels  pro- 
noncent au  nonil)re  de  trois  Juges  et  sur 
l'appel  au  nombre  de  cinq  (art.  180).  Le 
juge  d'instruction  n'est  pas  exclu. 

699.  Us  connaissent  des  délits  commis 
&  leur  audience  et  les  jugeiit  sans  désempa- 
rer (art.  181). 

900.  Le  tribunal  correctionnel  est  saisi 
«oit  par  l'ordonnance  de  renvoi  du  jugu 
d'instruction,  soit  par  voie  de  la  citation 
directe  (art  182). 

901 .  La  loi  du  20  mai  i86d  a  créé  un 
nouveau  mode  de  comparution,  lorsque  l'in- 
culpé est  saisi  en  état  de  flagrant  délit  :  il 
peut  éire  traduit  immédiatement  devant  le 
tribunal. 

902.  La  citation  de  la  partie  civile  doit 
énoncer  les  faits  et  contenir  élection  de  do- 
micile (art.  183). 

908.  Le  délai  de  la  citation  est  de  trois 
jours  au  moins.  Mais  la  citation  donnée  à  un 


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834 


TABLE  BT  RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES. 


délai  trop  bref  n'est  pas  nulle  ;  le  préTenu 
peut  demander  un  délai,  seulement  il  ne  peut 
étro  condamné  sur  cette  citalion  (art.  184). 

904.  Le  préfenu  est  tenu  de  compa- 
raître en  personne  quand  le  délit  est  passi- 
ble d'emprisonnement;  il  peut  se  faire  re- 
présenter par  un  avoué  quand  il  n'est  pas- 
sible que  d'amende. 

905.  Si  le  prévenu  ne  comparait  pas, 
c'est-à-dire  s'il  ne  se  défend  pas,  il  est  Jugé 
par  défaut  (art.  186). 

900.  Le  Ju:;ement  pnr  défaut  est  sus- 
ceptible d'opposition  :  le  délai  de  Toppo- 
tition  est  cinq  Jours  francs  à  partir  de  la 
slgniilca tien  du  Jugement.  Le  jugement  est 
non  avenu  dès  que  Topposition  est  notifiée. 

907.  La  loi  du  27  juin  1866  a  ajouté  à 
l'art.  187  un  paragraphe  qui  dispose  que,  si 
la  notification  du  jugement  par  défaut  n'a 
pas  été  faite  à  personne  ou  n'en  a  pas  eu 
connaissance,  le  prévenu  peut  former  op- 
position Jusqu'à  l'expiration  des  délais  de  la 
prescripiion. 

708.  Le  tribunal  peut  accorder  à  la  par- 
tie lésée  uneprovi:  ion  exécutoire  nonobstant 
appel  (art.  1S8). 

700.  Les  Jugements  prononcés  par  dé- 
faut en  matière  correctionnelle  peuvent 
facilement  consacrer  des  erreurs  à  raison  de 
la  procédure  sommaire  qui  les  suit  :  il  y  a 
donc  lieu  de  ne  les  prononcer  qu'après  exa- 
men et  de  les  notifier  avec  exactitude. 

TBENTE-SIXI1ÈHB  L.EÇ01¥.    C43. 

CORTIIIUATION  MB  TRIBUNAUX  COaEBCTIOllHELS. 

710.  Application  aux  tribunaux  correc- 
tionnels des  formes  édictées  pour  les  tribu- 
naux de  police  relativement  à  la  preuve  et 
à  l'audition  des  témoins. 

7 1 1.  Les  formes  de  l'instruction  publi- 

2ue  de  l'audience  sont  tracées  par  l'art  i92. 
es  témoins  ne  sont  reprochables  que  pour 
cause  de  parenté. 

912.  Si  le  fait  ne  constitue  pas  un  délit 
ou  une  contravention,  le  tribunal  annule  la 
citation  et  statue  sur  les  dommages-intérêts 
du  prévenu  (art.  191). 

918.  Si  le  faii  n'est  qu'une  contrayen- 
tlon  de  police  et  si  le  renvoi  n'a  pas  éié  de- 
mandé, le  tribunal  prononce  la  peine  et 
statue  sur  les  dommages-intérêts  de  la  par- 
tie lésée  (art.  192). 

914.  Si  le  faitestqoaliflé  crime,  le  tribu- 
nal décerne  un  mandat  de  dépôt  et  renvoie  le 
prévenu  devant  le  Juge  d'instruction(art.  193). 

9lft.  En  cas  de  condamnation  ,  le  pré- 
venu ou  la  partie  civile  ont  la  charge  des 
frais  (art.  195). 

916.  Le  Jugement  doit  être  motiré  en  fait 
et  en  droit  (art.  196). 

919.  Les  Jugements  sont  exécutés  à  la 
requête  du  ministère  public.  Les  amendes 
et  confiscations  sont  recouvrées  par  l'admi- 
tttsf ration  de  l'earegisiremeut. 


918.  Les  jugements  rendus  en  matière 
correctionnelle  peuvent  être  attaqués  par  la 
voie  de  l'appel. 

919.  L'appel  est  porté  à  la  Cour  d'appel 
(loi  du  13  Juin  1866).  Les  dépositions  dot 
témoins  peuvent  être  suppléés  en  appel 
par  les  notes  d'audience  tenues  par  le 
greffier  (art.  l89). 

9SO.  La  faculté  d'appel  appartient  au 
prévenu,  aux  personnes  responsables»  à  la 
partie  civile,  au  procureur  et  au  procureor 
général  (art.  202). 

921.  Le  prévenu,  même  acquitté,  peut 
appeler  s'il  avait  demandé  des  dommagea- 
intérêts.  Les  parties  responsables,  condam- 
nées ou  non,  peuvent  également  appeler  à 
raison  des  dommiiges-IntéiéLs. 

922.  L'administration  forestière  pent 
appeler,  soit  comme  partie  civile,  soit  comme 
partie  principale  quand  elle  a  poursuivi 
seule,  et  dans  ce  cas  son  appel  permet  de 
statuer  sur  la  peine. 

923.  L'appel  du  procureur  et  celui  da 
procureur  général  ne  sont  soumis  ni  aux 
mê:nes  formes  ni  aux  mêmes  délais. 

924.  Los  effets  de  l'appel  diffèrent  sui- 
vant Ja  qualité  de  l'appelant  :  l'appel  da 
prévenu  seul  saisit  Je  juge  d'appel  de  tonte 
la  cause,  avec  la  condition  de  ne  paa  ag> 
graver.  L'appel  du  miniâtôre  public  porte 
l'affaire  tout  entière  en  appel.  L'appel  de 
la  partie  civile  est  restreint  à  des  iut^réu 
civils  seulement. 


TBBXTR-SEPTUÈMB  LBCOIV. 

[Appbls  coRaEcnomiELS.  —  Mise 

EN  AGCUSATIOH. 


6ô6 


925.  L'appel  doit  être  interjeté  dans  les 
dix  jours  qui  suivent  le  Jour  où  le  Jugement 
a  été  prononcé  (art.  202). 

926. 11  n'y  a  pas  lieu  de  distinguer  en- 
tre l'appei  principal  et  l'appel  Incident. 

929.  Pendant  ce  délai  et  pendant  l'ins- 
tance d'appel  il  est  sursis  à  l'exécution  da 
Jugfiment. 

928.  Cette  régie  du  sursis  a  diflâents 
effets  dans  le  cas  de  condamnation  et  dam 
le  cas  d'aquittement. 

929.  Si  le  prévenu  a  été  condamné»  il 
est  sursis,  pendant  tout  le  délai  de  l'appel, 
à  l'exécution  du  Jugement,  soit  en  ce  qui 
concerne  les  condamnations  pénales,  soit 
les  condamnations  civiles  (art.  203). 

9ao.  Si  l'acquittement  du  préyenn.a 
été  prononcé  et  qu'il  fût  détenu,  il  est  sur- 
sis, mais  pendant  trois  Jours  seulement, 
à  sa  mise  en  liberté  lorsqu'auctm  appel  n'a 
été  interjeté. 

981.  Le  délai  d'un  ou  de  deux  moit^ 
accordé  par  l'art.  205  à  l'appel  du  procureur 
général,  ne  doit  apporter  aucune  exception 
à  la  régie  du  sursis. 

982.  Il  doit  être  déposé  au  greffe  une 
requête  contenant  les  moyens  d*appel  ;mai8 


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CODE  DINSTR.    CRIM.   —  COURS  D  ASSISES. 


835 


le  dépôt  de  cette  reqnôte  est  facultatif  fart. 
208). 

988.  Les  pièces  de  la  procédure  avec 
la  requête  sont  transmises  au  greffe  de  ht 
Gour  d'appel. 

984.  Les  Jugements  par  défaut  rendus 
en  appel  sont  rendus  dans  les  mômes  formes 
que  ceux  de  première  instance  (art.  208). 

935.  L'appel  est  jugé  dans  le  mois  8ur 
rapport.  Ce  raport  est  une  forme  substan- 
tielle :  11  est  fait  par  l'un  des  cinq  conseil- 
lers qui  siègent  eu  appel  (art  309). 

986.  Les  formes  de  Tinstruction  à  l'au- 
dience sont  les  mômes  en  appel  qu'en  pre- 
mière instance  (art.  210). 

989.  Lorsque  le  Juge  d'appel  est  saisi  à 
raison  de  quelque  vice  de  forme,  il  peut,  en 
évoquant  le  fond,  retenir  l'affaire  et  y  sta- 
tuer (art.  215). 

938.  Le  recours  en  cassation  est  ouvert 
à  toutes  les  parties  contre  l'arrêt  définUjf 
(art.  216). 

TiT.  n.  —  Des  affaibbs  sooiiins  ad 

iUBT. 

980.  Les  affaires  soumises  au  jury  sont 
soumises  à  une  iustruction  préparatoire  qui 
est  la  mise  en  accusation. 

940.  La  mise  en  accusation  est  une  es- 
pèce de  Jugement  préalable  qui  ne  laisse 
arriver  devant  le  Jury  que  les  prévenu»  con- 
tre lesquels  s'élèvent  de  graves  muices  de 
culpabilité. 

941.  La  mise  en  accusation  qui  est  pro- 
noncée en  Angleterre  par  le  grand  Jury  et 
qui  rétait  eous  la  Gonst.  -de  179i«  par  le 
Jury  d'accusation  en  France,  est  aujourd'hui 

Srononcée  par   une  chambre   des   Cours 
'appel  qui  prend  le  nom  de  chambre  d'ac- 
cusation. 

VBBNVE-nUITlAaiB  liBÇOIV 

Formation  i»b  la  cooa  ^'assises. 

948.  L'organisation  du  Jury  a  été,  an 
moins  en  partie,  empruntée  à  la  législation 
anglaisa  par  la  loi  des  16-29  septembre 

948.  Les  assises  en  Angleterre  sont  te- 
nues par  l'un  des  Juges  de  grandes  cours  : 
les  doute  Jurés  qui  y  siègent  sont  tirés  par 
la  voie  du  sort  sur  une  liste  formée  par  le 
shérif,  après  l'épuisement  de  toutes  les  ré- 
cusations. 

944.  La  formation  du  Jury  en  France 
a  été  soumise  à  des  lois  différentes  ;  dans  le 
système  de  la  loi  des  16-29  septembre  1791, 
le  Jury  était  formé  par  on  pouvoir  adminis- 
tratif élu,  avec  la  faculté  de  récuser  vingt 
jurés  sans  motifs,  et  au  delà  de  ce  nombre 
en  motivant  les  récusations. 

948.  Le  caractère  dominant  du  Jury  est 
le  Jugement  par  le  pays,  l'Intervention  de  la 
société  dans  le  Jugement  des  affaires  criml- 
--"--  C'est  là  le  principe  de  l'organiaaUôn 


671 


du  jury  anglais^  et  bien  plus  encore  le  prin- 
cipe *du  Jury  de  1791. 

946.  Dans  le  Code  de  1810.  la  composi- 
tion de  la  Cour  d'assises  et  le  jury  changè- 
rent de  forme  :  la  Cour  était  présidée  par  un 
conseiller  de  la  Cour  d'appel  désigné  par 
le  ministre  de  la  justice  et  ai^sisté  de  quatre 
conseillers  ou  Juges  nommés  pour  former  la 
Cour  d'assises. 

949.  Dans  le  même  Code,  le  préfet  était 
chargé  de  former,  peu  de  Jours  avant  Vour 
verture  des  débats,  une  liste  de  60  jurés  ;  le 
président  des  assises  réduisait  ensuite  cette 
liste  à  86,  parmi  lesquels  les  Jurés  de  Juge- 
ment étaient  tirés  au  sort. 

VBE1VVE-3VEIJWIÉME   I^BÇOIV. 

687 

COVPOSITION  nu  iORT. 

948.  La  loi  du  2  mai  1827  a  reconstitué 
le  Jury. 

949.  Sa  composition  a  eu  pour  base, 
dans  le  système  de  cette  loi  :  l*  les  élec- 
teurs ;  2*  les  hommes  qui,  par  leur  position, 
étalent  réputés  capables  de  juger. 

950.  La  loi  établissait  :  i»  une  liste  gé- 
neraie  permanente  et  publique  ;  2«  une 
liste  annuelle  de  service  ;  3.  une  iiste  de 
session  extraite  de  la  liste  de  service. 

951.  La  liste  générale  du  Jury  était 
dressée  au  chef-lieu  de  chaque  canton  par 
les  maires  des  communes  du  canton.  Ce  tra- 
vail préparatoire  était  révisé  par  le  préfet 
et  rendu  public  pour  la  réclamation  des 
parties  intéressées  ;  après  les  rectiflcatlons 
opérées,  elle  devenait  permanente  pour  uae 
année. 

958.  Les  lois  des  7  août  1848, 4  Juin  18S3 
et21  nov.  1872  ont  modifié  cette  organisation. 
D'après  cette  dernière  loi,  qui  a  été  abrogée, 
les  Français  sachant  lire  et  écrire  sont  aptes 
à  être  Jurés,  s'ils  ne  sont  pas  dans  les  cas 
d'incapacité.d'incompatlbilitéoudedispense 
prévus  par  la  loi.  Im  listes  préparatoires 
sont  composées  par  les  maires,  présidés  par 
le  juge  de  paix  du  canton. 

958.  Une  commission  présidée  par  le 
préfet  ou  le  sous-préfet  et  composée  des 
Juges  de  paix  de  chaque  arrondissement, 
choisissait  sur  les  Haies  préparatoires  la  liste 
délinitive  qui  sert  au  service  annuel. 

954.  Sur  cette  liste  annuelle,  le  préai- 
dent, aolt  de  la  première  chambra  de  la 
Cour  d'appel,  soit  au  tribunal  eivll,  tire 
en  audience  publique,  pour  chaque  aeeslon, 
quarante-deux  noma  qui  forment  la  liste  de 
la  session. 

^  955.Celtelistedequarante-denxJuréaest 
complétée,  s'il  y  a  lieu,  par  des  Jurés  sup- 
plémentaires tirés  en  audience  publique. 

QUABANVUàME  I.RÇOIV.         700 

Di  l'kxavbn. 

95«.  Uaaeosé  comparait  libre,  e'e8t4l 
dhre  libre  da  a«a  membrea  et  dt  loo  oorps. 


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J 


836 


TilBLB  ET  RÉ8U1CÉ  DBS  MATIÈRBS. 


noD  chargé  delienst  mais  entouré  de  gardes 
(art.  310). 

959.  Un  conseil  est  donné  à  l'accusé  et 
ce  conseil  dait  l'assidter  pendant  tous  les 
débats  (»rt.  311). 

9ft8.  Les  iurés  prêtent  le  serment  pres- 
crit, à  peine  de  nullité,  par  l'art.  813. 

9511.  Les  Jurés  ne  doivent  commiiniqtier 
avec  personne.  Néaiimoins  la  nécessité  a 
établi  ded  Intervalles  entre  les  audiences 
dans  lesq'iels  les  commun  lent  Ions  sont  pos- 
sibles, et  l'on  s'en  remet  en  dehors  des  au- 
dience* à  la  conscience  des  jurés  (art.  812). 

900.  Le  greffler  donne,  avant  toute  dU- 
cusslon,  lecture  de*  Tarrét  de  reoyoi  et  de 
l'actA  d'accusation  (ait.  313). 

961.  Le  procureur  général  peut  faire, 
aprè«  cette  lecture,  l'exposé  de  l'objet  de 
l'accusation  (art.  315). 

908. 11  présente  ensuite  la  liste  des  té- 
moins à  entendre  et  qui  ont  été  notiflés  eoit 
à  i'accujté,  «oit  au  ministère  public.  Cette 
liste  e-t  lue  par  le  greffier. 

968.  Les  témoins  se  retirent  dans  une 
pièce  à  ce  destinée,  et  le  président  peut  les 
isoler  les  uns  de^  autres  (aiL  316,  317). 

964.  Les  témoins  prêtent  serment  (art. 
317)  (  ils  peuvent  être  repous^éi  s'ils  sont 
parents  ou  alliés  au  degré  prohibé;  ils  peu- 
vent aussi  être  récusés  (art.  319,  32!Q. 

965.  Les  témoins  dép'>iient  oralement. 
Néa moins  il  est  admis  par  la  luriHM^idencv 
que  les  dépositions  dei  témoins  enleiidus 
dans  rinstruction  et  qui  ne  comparaissent 
pas,  peuvent  être  lues. 

966.  Il  est  tenu  note  des  variations  qui 
peuvent  e\i»terdans  les  dépositions  (art.3  U). 
Ces  notes  sont  insérées  dans  le  procèi-verbai 
des  débats  qui  est  prescrit  par  l'art.  372. 

969.  Le  président  doit  demander  après 
chaque  déposition  si  c'est  de  l'accusé  pré- 
sent que  le  témoin  entend  parler  (art.  319). 

968.  Les  témoins  doivent  être  entendun 
et  ne  doivent  être  interrogés  qu'après  qu'iU 
ont  terminé  leur  déposition. 

9€W.  C'est  au  président  qu'il  appartient 
de  les  interroger.  Mais  les  parties  intéressée'* 
ODt  le  droit  de  leur  poser  des  quastions,  et 
les  membres  de  la  Cour  et  les  jurés  peuvent 
aussi  les  interpeller. 

990.  L'accusé  avance  les  frais  de  cita- 
tion de  ses  témoins  et  n'e«t  remboursé  qu'au 
oas  où  11  est  aoqoltlé  et  où  il  y  a  une  partie 
civile  en  cause  (art.  831). 

991.  N«*anmoln9,  si  l'accusé  ne  peut 
faire  cette  avance,  les  témoins  sont  cités  à 
la  charge  du  Trésor. 

998.  La  déposition  des  témoins  prohibés 
on  des  dénonciateurs,  lorsque  l'accusé  ne 
s'y  est  pas  opposé,  n'entraîne  aucune  nullité. 

998.  Lursque  tes  dénonciateurs  sont  eh- 
tendus  en  témoignage^  les J unes  doivent  être 
avertis  de  leur  qualité. 

9941.  ijea  témoins  peuvent  être  enHradas 
s^rémeni  les  lut  des  autres,  et  la  pnésf 


dent  peut  aussi  examiner  les  accusés  en 
l'absence  les  uns  des  autres,  pourvu  qu'il 
inittruise  les  accusés,  éloignés  momentané- 
ment de  l'audience,  de  ce  qui  s'est  fait  en 
leur  absence  (art.  327). 

998.  Toutes  les  parties  peuvent  pren- 
dre des  notes.  Les  pièces  de  convie Uoo  sont 
représentées. 

776.  Lorsqu'un  témoin  est  soupçonné 
de  faux  témoignage,  son  arrestation  peat 
être  ordonnée,  une  instruction  est  aussitôt 
commencée  et  Taifaire  est  renvoyée  à  nne 
autre  session  (art.  830, 331). 


716 


aUABAîVTE-UlVlElVE 

SqITB  DB  L^BXAMBIt. 


999.  Si  l'accusé  ou  un  témoin  n'enten- 
dent pas  la  langue  française,  un  interprète 
est  nommé.  Il  en  est  ainsi  dans  le  cas  dû 
soiird-muet  qui  ne  sait  pas  écrire  (art.  333, 
333). 

998.  Le  préttdenit  détetmine  l'ordre  sui- 
vant lequel  sont  examinés  les  accusés. 

998.  A  la  suite  des  dépositions  des  té- 
moms,  la  partie  civile,  le  ministère  public  et 
l'accusé  et  son  conseil  présentent  les  moyens 
de  l'accusation  et  de  la  défense.  L'accusé  a 
la  parole  le  dernier  (art.  335). 

980.  Le  préaident  résume  l'affaire  et 
f«U  remarquer  les  principales  preuves  pour 
ou  contre  Taccusé. 

98 1 .  Ce  résumé t  qui  doit  être  un  tableau 
fidèle  et  impartial  des  débats,  pourrait  être 
supprimé  sans  de  graves  inconvénients. 

988.  Le  président  pose  les  questions  ré- 
sultant du  dispositif  de  l'arrêt  de  mise  eo 
accusation. 

988.  La  position  des  questions  an  Jury 
à  donné  lieu  à  plusieurs  systèmes  :  les  quoi» 
lions  d^abord  trés-divlsées  sous  le  Code  du 
3  brumaire  an  IV,  ont  été  rendues  com- 
plexes par  notre  Code  et  ont  été  de  nouveao 
divisées  par  la  loi  du  13  mai  1836. 

984.  Le  Jury  est  le  Juge  unique  et  sou- 
verain de  l'exUtenoe  matérielle  et  de  la  mo- 
ralité des  faits;  les  faits  et  toutes  leurs  cir- 
constances doivent  donc  lui  être  soumis; 
mais  comme  la  séparation  du  fait  et  du  droit 
est  quelquefois  impossible,  il  arrive  que  le 
Jury  est  appelé  dans  certains  cas  à  apprécier 
le  caractère  légal  des  làita  incriminés. 

988.  Ces  questions  doivent  reproduire, 
non-seulement  les  faits  Incriminés  par  Tar- 
rêt.  mais  an^i  les  faits  résullant  des  débats 
qui  viennent  aggraver  ou  atténuer  les  pre- 
miers. 

986.  Gela  se  pratique  surtout  A  l'égard 
des  circonstances  aggravantes  qui  sont  des 
faits  légèrement  punis  ou  exempts  de  toute 
pénaliiéf  qusnd  on  les  considère  Isoiémenti 
mais  dont  te  concours  avec  les  faits  princi- 
paux a  Imprimé  à  ceux-ci  une  crlmloalité 
plus  Intense. 

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CODE  d'INST.  CRIM.  —  POURVOI  BN  CASSATION. 


837 


989.  Cela  se  pratique  également  k  l'é- 
gard des  faits  attéottants,  des  faits  d'excuse. 

988.  Il  faut  entendre  par  excuses  cer- 
taines circonstances  prévues  et  définies  par 
la  loi,  qui  out  pour  effet  d'atténuer  la  cuipa- 
lillité.  ^ 

989.  Il  y  a  lien  de  distinguer  les  ex- 
cuses romme  la  proyocation,  et  les  causirs 
de  justification,  coname  la  démence  :  les  pre- 
mières doivent  seules  ôtre  soumises  aujury  ; 
les  autres  sont  compromises  dans  l&questlôu 
de  culpabilité. 

900.  Il  y  a  lieu  de  distinguer  au9Si  les 
excuses,  qui  sont  des  faits  précis  et  définis, 
et  les  circouMances  atténuâmes,  qui  s'ap- 
pliquent à  des  faits  vagues  et  non  définis. 

991 .  Toutes  les  fois  que  Taccusé  allègue 
on  fait  d'excuse,  la  question  doit  ôtre  posée 
au  jury  à  peine  de  nullité  (art.  339). 

992.  Si  l'accusé  a  moins  de  seize  ans, 
la  question  s'il  a  agi  avec  diseerDement  doit 
être  posée  (art.  340).  • 

99a.  En  toute  matière  criminelle,  même 
en  cas  de  récidive,  les  Jurés  sont  autorisés 
k  déclarer  quM  existe  des  circonstances  at- 
ténuantes en  faveur  de  l'accusé,  et  cette  dé- 
claration a  pour  ellèe  une  atténuaton  des 
peines  légales  (art.  341). 

994.  Mais  fi  n'est  posé  au  jury  aucune 
question  sur  ces  circonstances  :  le  jury  est 
seulement  averti  du  droit  dont  il  e«t  iiivest> 
de  les  déclarer. 

99ft.  Le  Jury  rend  aujourd'hui,  depuis, 
la  loi  du  14  juin  1858,  ses  décisions  à  U 
simple  majorité  :  «ous  la  législation  précé- 
dente^ qui  avait  admis  diverses  coitfhlnaf- 
sons,  la  nrajorité  avait  été  défiûitivement 
fixée  à  huit  voix. 

996.  Lorsque  les  questions  ont  été  po^ 
sées,  les  jurés  se  retirent  dans  leur  chambre 
pour  procéder  à  leur  délibération  (art.  842). 

999.  Les  jurés  votent  par  huUetins 
écrits,  et  par  sorutins  distincts  etcuceessifs 
et  secrètement  sur  le  fait  principal,  les  cir- 
constances aggravantes,  les  faiU  d'exouse  et 
les  circonstances  atténuantes.  C'est  la  loi  du 
13  mai  1886  qui  a  organisé  le  mode  de  leur 
délibération. 

998.  Les  jurés  ne  peuvent  sortir  de  leur 
chambre  qu'aprèà  avoir  formé  leur  décision. 
Toute  communication  pekidant  leur  délibé- 
ration est  iutefdito. 

999.  Le  président  ne  peut  lal-méme 
entrer  dans  la  chambre  des  jui'és,  à  moins 
que  ceux-ci  ne  l'aient  Invité  à  s'y  rendre 
pour  leur  donner  des  explications  sur  les 
questions  posé.es. 

800.  Lorsque  leur  déclairatlèn  est  for- 
mée, les  Jurés  rentreut  à  l'audience  et  leur 
chef  en  donne  lecture  (art.  348). 

801*  La  déclaralion  doit  être  rédigée 
par  écrit  et  signée  du  ebef  du  jury  (art. 

809<  Lo  chef  du  jury  pest  être  tai^é 


dans  la  lecture  de  la  déclaration  par  un 
autrejuré. 

803.  La  déclaration  du  jury  n'est  sou- 
mise à  aucun  recours  (art.  850),  mais  la 
Cour  d'assises  peut  néanmoins  examiner  si 
elle  rat  riîguiière  dans  sa  forme  et  renvoyer 
le  jury  à  rectifier  les  irrégularités. 

804:.  La  Cour  d'assises  a  également  le 
droit,  au  cas  où  i'aceusé  est  reconnu  cou- 
pable et  où  elle  croit  que  le  jury  s'est  iromôél 

?*/**o".!fî^*''  ï*«ff*i»  A  une  autre  âésditQ 

(art*  852).  :  .  , 

.  80&.  Après  la  lecture  de  la  dëclaratlon, 
le  président  fait  comparaitre  l'accusé,  et  le 
greffier  en  donne  une  nouvelle  lecture.  Après 
cet«e  lecture  la  déclaration  devient  irréfra- 
gahle. 

8O0.  Si  l'accusé  est  reconnu  non  cou- 
pable, le  président  prononce  son  acquitte* 
meut  (art,  858). 

809.  S'il  est  déclaré  coupable,  il  est 
procédé,  après  avoir  entendu  ief  minis- 
tère pQblicet^l'aeoBBé,  à  l'application  de  la 
loi  pénale. 

808.  Cette  application  faite,  la  Cour 
d'assises  peut  ôtre  appelée,  sur  les  conclu- 
sions des  parties,  A  statuer  sur  les  demandes 
en  dommages-intérêts,  qui  peuvent  étro  for* 
mées  même  contre  l'accusé  acquitté  (art. 
358,  359  et  366).  Néanmoins  les  demandes 
contre  l'accusé  acquitté  doivent  être  res- 
*  ff *"!*•  aux  faits  que  Tacquitement  n'a  paa 

809.  ïl  ne  faut  pas  confondre  les  rcstl- 
ttttions  -et  les  dommages-intérêts.  Les  pre- 
mières ont  pour  objet  les  choses  dont  le 
plaignant  a  été  dépouillé;  les  autres  le.pré- 
Jndice  qu*îl  a  souffert.  • 

810.  Le«  frais  de  la  poursuite  sont  pais 
a  la  chargé  de  la  partie  qui  succombe,  l'ac- 
cusé ou  la  partie  civile  (art.  868). 

aUABAlirTB-DEUXIÉHB      ub- 

VON.  756 

TiT.  lïl.  —  VonSS  DB  RBCOCBS  CONTRE  LB8 
ARRÊTS  ET  JUGEMENTS. 

811.  La  loi  a  ouvert  deux  yoles  de  re- 
cours contre  les  arrêts  et  jugements  défini- 
tifs :  la  vole  de  la  cassation  et  la  voie  de  la 
révision. 

812.  Notre  ancienne  législation  conte- 
nait déjà  le  germe  de  l'institution  de  la 
Cour  de  cassation  dans  les  requêtes  pour 
proposition  d'erreur  qui  pouvaient  être  por- 
tées au  conseil  du  roi. 

818.  La  cour  de  cassation,  créée  par  lo 
décret  de  l'Assemblée  constituante  du  26 
mai  1790,  a  pour  mission  d'Interpréter  lea 
lois  et  de  maintenir  l'unité  dans  leur  applU 
cation, 

M%4k^  Le  recours  en  oascatlon  est  ouvert 
en  maMère  crimioeliesCorrectioiMieUe  et  dtf. 
police  (art.  W3j.  .,...; 

815»  La  pourvoi  d^bsI  peribi8.4u6  coatro 

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838 


TABLE  ET  RÉSUMÉ  DBS  MATIÈRES, 


l€s  arréU  et  Jugements  déftoltlfs  et  en 
dernier  ressort. 

810.  Toutefois  le  pounroi  peut  être 
immédiatement  dirigé  ;  1*  contre  les  arrêts 
et  jugements  incidents  qui  ne  sont  pas  pu- 
rement préparatoires  et  d'instruction;  3* 
contre  les  jugements  et  arrêts  de  compé- 
tence, La  distinction  des  Jugements  prépa- 
ratoires et  interlocutoires  est  étaJblie  par 
l'art.  452  C.  pr.  dr. 

819.  Le  recours  en  cassation  s'applique 
également  aux  arrêts  de  ia  chambre  d'accu- 
sation et  aux  arrêts  de  liberté  provisoire. 

818.  Le  recours  appartient  à  tous  ceux 


qui  ont  été  parties  dans  le  Jugement  ou 
rarrêt. 

810.  Mais  les  droits  de  tontes  les  par- 
ties ne  sont  pas  identiques  :  les  prévenus 
ou  accusés  peuvent  se  pourvoir  contre  tous 
les  Jugements  et  arrêts  rendus  en  dernier 
ressort  qui  portent  des  condamnations  con- 
tre eux  (art.  177,  216  et  379).  11  n'y  a  d'ex- 
ception que  pour  les  contumax.  Les  parties 
responsables  ne  peuvent  se  pourvoir  que 
lorsqu'il  y  a  condamnation  contre  elles.  Le 
droit  de  recours  appartient  dans  tous  les 
cas  au  ministère  public.  Il  n'appartient  aux 
parties  civiles  qu^en  ce  qui  concerne  leurs 
intérêts  pécuniaires. 

820.  L'art.  441  apporte  une  exception 
à  ces  règles  dans  l'intérêt  de  la  Justice.  Il 
attribue  au  ministre  de  la  justice  le  droit  de 
déférer  à  la  Cour  de  eassaiion  les  arrêts, 
Ingemeots  et  actes  Judiciaires  contraires  à 
la  loi.  L'annulation  dans  ce  cas,  quoique 
non  restreinte  au  seul  intérêt  de  la  loi,  ne 
peut  préjudicier  aux  droits  acquis. 

881.  L'art.  442  confère  au  procureur 
générai  de  la  Cour  de  cassation  un  droit 
analogue  ;  mais  ce  droit,  formellement  limité 
à  l'intérêt  de  la  loi,  n'a  qu'un  effet  pure- 
ment doctrinal. 

888.  Toutes  les  ouvertures  en  cassation 
consistent  dans  une  violation  ou  dans  une 
fausse  application  de  ia  loi. 

883.  Ainsi,  le  pourvoi  est  ouvert  contre 
les  arrêts  de  la  chambre  d'accusation  à  rai- 
son :  1*  de  la  fausse  qualification  des  faits; 
2*  de  la  violation  des  formes  prescrites  par 
la  loi  ;  3*  de  l'Incompétence;  4*  de  la  fausse 
Interprétation  de  la  loi;  5*  du  rejet  ou  de 
radmisslon  des  exceptions  ;  6*  des  refus  ou 
omissions  de  statuer;  7  des  vices  do  leur 
rédaction. 

884.  Les  vices  résultant  de  la  procédure 
antérieure  à  l'arrêt  peuvent  encore,  s'ils  ont 
été  relevés  par  cet  arrêt  ou  s'ils  ont  été 
irrégulièrement  écartés,  donner  ouverture  à 
cassation. 

885.  En  matière  de  police  correction- 
nelle, aucun  moyen  de  nullité  ne  peut  être 
proposé  en  cassation,  s'il  n'a  déjà  été  soumis 
devant  les  jugés  du  fond. 

886.  Les  jugements  et  arrêts  peuvmit 
être  attaqués  :  1*  pour  Irrégularités  de  l'in- 
struction; 2*  pour  violation  ou  fausse  appll- 
MtloQ  do  U  loi  péotla.  Us  sont  nuU  1 1*  si 


les  Juges  n'étaient  pas  au  nombre  prtaerlt  ; 
2*  s'ils  n'ont  pas  assisté  à  toutes  les  au- 
diences ;  3*  s'ils  n'ont  pas  été  randus  pii« 
tiliqueraent;  4*  s'ils  ne  sont  pas  motivés; 
5»  si  le  ministère  public  n'a  pas  été  eo- 
tendu  ;  6*  si  les  témoins  n'ont  pas  Brèté 
serment;  si  l'autorité  des  procès- verbiax 
n^  pas  été  observée;  8*  s'il  a  été  omis  ou 
refusé  de  prononcer  sur  les  demandes  du 
prévenuousur  les  réquisitions  du  ministère 
public. 

889.  Quand  il  s'agit  de  la  fausse  appli- 
cation de  la  loi  pénale,  ia  Cour  de  cassation 
n'est  saisie  que  de  la  violation  de  ia  loi,  et 
non  du  bien  ou  du  mal  Jugé.  Elle  peut  exa- 
miner les  qualifications;  mais  elle  est  tenue 
de  respecter  les  appréciations  de  fait  qui 
sont  souveraines. 

888.  L'erreur  dans  l'appMcatlon  de  la 
loi  pénale  n'entraîne  pas  nullité,  lorsque  la 
condamnation  prononcée  peut  s'appuyer  sur 
une  autre  disposition  légale  (art.  4 1 1  et  4  IA), 

889.  Les  formes  do  ia  procédure  de  cas- 
sation sont  simples  et  suffisamment  indi- 
quées par  les  art.  417  et  suiv. 

8SO.  La  voie  de  la  révision  est  portée, 
comme  le  pourvoi,  devant  la  Cour  de  cassa- 
tion ;  mais  elle  en  diffère  essentiellement 
par  son  but,  ses  formes  et  ses  effets  (art. 
443,  444  et  44S). 

881.   Il  y  a  trois  cas  de  révision  :  le 

Sremier  (jirL  Ait)  «ci  cAlui  où  deux  con- 
amnation»,   prononcées  pour   le    même 
crime,  ne  peuvent  ee  concilier. 

8 8 8. Le  second  cas  (art.  444}  est  celui 
où  la  personne  'dont  la  mort  a  motivé  la 
condamnation  d'un  agent  pour  meurtre,  re- 
paraît et  accuse  l'arrêt  d'erreur. 

888.  Le  troisième  cas  (art.  445)  est 
celui  où,  après  une  condamnation,  les  té- 
moins qui  ont  déposé  à  charge  sont  con- 
vaincus de  faux  témoignage. 

884.  Le  décès  du  condamné  dans  les 
cas  prévus  par  les  art.  444  et  445,  ou  de 
l'un  des  condamnés  dans  le  cas  prévu  par 
l'art.  443  n'est  plus,  depuis  la  loi  du  29 Juin 
1857,  un  obstacle  à  la  révision. 

atJABANVB-TBOniâMB 
ÇON. 


768 


TiT.  IV.  —  Procédubes  FiancoLitass. 

886.  Les  art.  448  à  464  ont  pour  oUet 

Sueiques  précautions  nécessaires  en  matière 
e  faux,  pour  constater  l'état  matériel  des 
pièces  arguées  de  faux,  et  quelques  formes 
spéciales  du  faux  incident.  Il  suffit  de  lire 
ces  articles. 

886.  Lorsque  l'accusé  est  contumu,  la 
loi  prescrit  la  notification  de  l'arrêt  et  la  pu- 
blication de  l'ordonnance  du  président  pres- 
crivant la  représentation  de  l'accusé  (art. 
465  et  466). 

887.  Si  la  contumax  est  cendamné,  ses 
biens  sont  régis  eomme  biens  d'absent  (art. 
471). 

888*  La  condamnation  par  eontomMe 

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CODB  d'iNSTR.   CRIII.  —  PRESCRIPTION. 


839 


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tombe  8i  Taceasé  se  représente  ou  s'il  est 
arrêté  avant  que  Ja  peiue  soit  éteinte  par  la 
preacripiion  (art.  476). 

839.  Si,  au  moment  de  la  représenta- 
tion les  témoins  entendus  dans  l'instruc- 
tion, sont  a bi^ents  ou  décédés,  leurs  déposi- 
tions doivent  élre  lues  à  peiné  de  nullité 
(art.  477). 

84kO.  Une  autre  procédure  particulière 
est  Instituée  parles  art.  479  et  sulv.  :  elle 
a  pour  objet  de  porter  la  poursuite  des  dé- 
lits devant  les  Cours  d'appel,  lorsque  les 
inculpés  appartiennent  à  Tordre  Judiciaire. 

841.  La  connaissance  des  faits  qualifiés 
délits  n'appartient  qu*à  ia  Cour  d'appei,  si 
ie  fait  est  imputé  soit  aux  membres  de 
l'ordre  Jud  ici  a  ire.  soit  aux  généraux  de  divi- 
sion, aux  évêques,  aux  membres  de  l'Uni- 
versilé. 

84L2.  .SI  le  fait  est  qualiaé  crime,  le 
premier  présidenl  et  le  procureur  général  de 
la  Cour  iiiâtruisent,  et  la  Cour  de  cassation 
statue  et  désigne  ia  Juridiction  qui  doit 
Juger. 

848.  Les  formes  de  l'instruction  diffè- 
rent suivant  la  quaiité  dei'inculpé;  mais 
dans  tous  les  cas,  si  l'instruction  est  modi- 
fiée, les  Juges  du  fond  demeurent  ies  mêmes. 

844.  Les  art.  504  et  50&  attribuent  aux 
diiférentes  juridictions  le  pouvoir  de  répri- 
mer les  troubles  et  déiordres  commis  à  leurs 
audiences. 

845.  il  en  r^Ssulti»  d'abord  aue  les  art. 
il,  89,  90  et  91  du  C.  de  pr.  civ.  se  trou- 
vent abrogés  en  ce  qui  touche  ies  Juridic- 
tions réprejtsives. 

846.  La  loi  divise  en  deux  classes  les 
troubles  des  audiences  :  s'il  ne  s'agit  que  de 
signes  d'approbation  ou  d'improbation,  ou 
de  tumultes,  l'expulsion  des  perturbateurs 
est  une  mesure  que  tous  les  juges  peuvent 
appliquer. 

849.  Si  les  troubles  ont  les  caractères 
d'un  fait  punissable,<le  Juge  peut  les  répri- 
mer sur-le-champ,  si  ce  fait  est  une  con- 
travention ou  un  délit. 

848.  Si  ce  fait  constitue  un  crime,  le 
juge  se  borne  à  faire  arrêter  le  délinquant 
et  à  dresser  procès-verbal. 

848.  Les  art.  5iO  à  516  ont  pour  objet 
de  régler  la  forme  extérieure  des  témoi- 
gnages des  princes  et  de  certains  fonction- 
naires. 

8ftO.  Les  art.  518,  519  et  520  établissent 
une  procédure  parlicuiière  pour  constater 
l'identité  des  condamnés  évadés  et  repris  : 
cette  identité  est  vérifiée  par  la  Cour  d'as- 
sises sans  assistance  des  jurés. 

851.  Les  art.  521  et  suiv.  ont  pour  but 
de  remédier  à  la  perte  des  dossiers  et  des 
actes  de  procédure. 

TiT.  V.  —  RÈGLBaBNTS  DB  IDGBB. 

858.  Les  règlements  de  juges,  attribués 
par  les  art  52G  et  suiv.  à  la  Cour  de  cas- 
sation, ont  pour  objet  de  faire  cesser  ies 
conflits  de  juridiction.  Les  conflits  sont  po- 


sitifs quand  deux  tribunaux  sont  saisis  delà 
même  affaire  ;  négatifs  quand  deux  tribu- 
naux se  sont  déclarée  incompétents. 

868.  Si  le  conflit  s'établit  entre  deux 
juges  d'instruction  ou  deux  tribunaux  du 
même  re:}sort,  le  conflit  peut  être  vidé  par 
ia  Cour  d'appel.  Hors  ces  deux  cas,  il  n'ap- 
partient qu'à  la  Cour  de  cassation  de  statuer. 

854.  Il  y  a  lieu  en  général  à  règlement 
de  Juges  toutes  les  fois  qu'un  jugement, 
passé  en  force  de  chose  jugée,  arrête  le 
cours  de  la  justice  (art.  526  et  627). 

865.  En  matière  criminelle,  correction- 
nelle et  de  police,  la  Cour  de  c^issation  peut 
renvoyer  la  connaissance  d'une  affaire  d^une 
juridiction  à  une  autre,  pour  cause  de  sû- 
reté publique  ou  de  suspicion  légitime  (art. 
o42}. 

866.  Lorsqu'il  s'agU  de  la  sûreté  pu- 
blique, la  Cour  doit  apprécier  les  circons- 
tances qui  peuvent  compromettre  cette  sû- 
reté. 

859.  Lorsqu'il  s'agit  de  sosplclon  légi- 
time, la  Cour  fAit  la  même  appréciation, 
mais  il  y  a  cette  différence  que,  dans  un  cas, 
c'est  le  gouvernement  qui  forme  la  demande; 
dans  l'autre,  ce  sont  les  parties  intéressées. 

TiT.  VL  —  Couas  spécialbs. 

858.  Les  cours  spéciales,  établies  par 
le  Code  civil,  ont  éié  aboUes  par  l'art.  54 
delà  charte  de  1814. 

TiT.  VU.  —  Hbsdbbs  d'iutérêt  public. 

868.  Les  art.  60o,  ooi  oi  002  ont  pour 
objet  l'envoi  et  la  garde  des  notices  des  ju- 
gements et  arrêts  en  matière  criminelle  et 
correctionnelle. 

860.  Les  art.  603  et  suiv.  déjà  expli- 
qués établissent  des  mesures  de  surveil- 
lance dans  les  priions. 

861.  Les  art.. 615  et  suiv.  ont  pour 
objet  de  donner  les  moyens  de  faire  cesser 
les  détentions  illégales. 

868.  La  léhabiiitation  des  condamnés 
est  une  institution  qui  existait  déjà,  sous 
une  forme  restreinte,  dans  l'ancien  droit  et 
que  l'Assemblée  constituante  a  développée. 

868.  A  la  procédure  publique  établie 
par  la  loi  de  1791,  le  Codo  d'inst.  crim.  a 
substitué  une  procédure  écrite. 

864.  La  loi  du  3  juillet  1851  a  modifié 
les  conditions  et  ies  effets  de  ia  réhabiUta- 
tion. 

€|UABAI«TB.aC7iàTBlAlfB   I.B 
ÇOM.  788 

Tn.  Vin.  —  Db  LA  pbiscbiption. 

865.  Tous  les  crimes  et  délits  peuvent 
être  couverts  par  la  prescription.  11  n'y  a 
plus  de  crimes  inprescriptibfes. 

866.  Il  y  a  deux  sortes  de  prescription  : 
contre  ies  peines  et  contre  Ta  et  fon. 

869.  Les  peines  en  matière  criminelle 
se  prescrivent  par  vingt  ans  è  compter  des 
arrêts  (art.  695). 


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840 


TABLB  BT  BÈ6UMÉ  BÉS  MATIÈRBS. 


8es«  SI  J'erU  «as  dtt  7  «  à  compter  de 
la  dHte  des  &riéH fil  jugements  9,  teiteder- 
nièi-e  expression  ne  peut  i'ftpplfqiDer  qu'aux 
Jugf'.nifuis  des  conaeila  de  guerre.  " 

809.  Les.  motifs  de  cette  prescription 
sont  pr»s  de  re  que  l*ap|»lieaiiDn  de  la  peine 
D'eM  plus  utiie  aprèi  vingt  ans,  de  i^exil 
et  dfs  àngoîAsos  du  condamné,  de  la  dispa- 
rition du  danger  causé  par  le  crime. 

87d..'5)jj8ni  aux  elTeis  de  la  prescrip- 
tion, il  y  a  lieu  de  distinguer  entre  la  con- 
daninatiun  péoule  et  la  coodamnation  pécu- 
niaire, c 

871.  Le  condamné  qui  a  proscrit  sa 
peine  peut  être  tournis  à  l'tnterdlciion  de 
résider  dans  les  lieux  du  erime. 

892.  Les  peines  en  matière  correction- 
nelle se  prescrivent  par  cinq  ans  à  partr  de 
la  da'e  des  arrêts  ou  jùgemonts  («r(.  636). 

89a.  Les  Art.  636  et  608  ont  pour  otijet 
la  piescripLloo/nop  plus  des  petuo^,  mais 
de  l'nction. 

874L.  La  prescription  contre  Taction 
crimineile  e^t  de  dix  ans,  et  eonire  raclioQ 
coneciionnelle  est  de  trois  ans. 

875.  I.e  même  délai  s'applique  à  la 
prescrIptioD  de  l'action  publique  et  de  Tac- 
tion  civile. 

876.  Le  point  de  départ  est  le  }our  df^ 
la  perpétration  du  crime  ou  du  délit.  Il  n'y 


a  d'cxcoptieni  cet  égard  qu'en  oe  qui  con- 
cernçdes  déiilo  fuccessifi  dont  la  perpétra- 
tiun  se  continue  et  ^e  prolonge.     . 

1877.  Bien  qu'il  puisse  paraître  singulier 
que  Faction  civile  ait  une  prescriptioa  plus 
eoitrto  devant  -la  juridietion  pénale  que 
(fevant  la  luridiction  civile,  la  loi  est  for- 
melle et  n'admet  aucun  doute  (art.  637). 

878.  La  prescription  dos  peineè  en  ma- 
liéire  de  police  est  de  deux  ans;  la  pre&èrip- 
lion^de  Taetfon  est  d'an  an,  s'il  n'osc  inter- 
venu aucune  condamnation  (art.  640). 

879.  Les  condamnés  par  défaut  ou  par 
contamace  ne  peuvent,  après  la  preserrption 
acquise,  être  admis  à  purger  la  conlutuace 
ou  lo  défaut  (art.  6U). 

880.  11  y  a  lieu  de  remarquer  que  le 
condamné  parcontumace  peut  (te  représenter 
pendant  vingt  ans,  tandis  que  le  condamné 
par  défaut  ne  peut  plus  attaquer  le  juge- 
ment dix  jours  aprèi  la  signiQcatlon. 

881.  Les  condamnations  civiless  pronon 
cées  par  les  Jugements  et  arrêts  rendus  au 
criromel  se  prescrivent  suivant  les  règles  du 
Code  civil.      .    ^ 

882.  Les  prescriptions  portées  par  les 
lois  spéciales  sont  maintenues. 

888.  Paroles  d'adieu  du  professeur  à 
ses  élève?. 


CoauiL.  —  Typ.  et  atér,  de  Gain  vils. 


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