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.4
HARVARD LAW LIBRARY
FROM THE LIBRARY
OF
HETTSTRICIl LAMMASCH
Received May 25, 1922.
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LEÇONS
DR
DROIT CRIMINEL
OOimNANT
LTIPUCATION CmiPLÈTt
KSfCOBES PÉML t\ D'IISTRUCTIOI CRIIIIELLE
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Chaque yolume doit porter la signature de M. De Linagb, ou celle
de M. F. HÉLiE.
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CHEZ LES MÊMES ÉDITEURS :
Traité de llnstmctioB criminelle, par Faustin HAlib. Deuxième édition entiè-
rement revue et considérablement augmentée. 8 vol. in-8. — Tome I. Histoire de
la Procédure criminelle, — Tome II. De V Action publique et de l'Action civile. —
Tome III. De I9 Police Jwdidaite — Ton|e|V. De Vlnstructfon écrite et du Juge d' Ins-
truction, — T»me V. Bêla tniifi en prévention et en actusciion, — Tome VI. Tribu-
naux de Police et Tribunaux correctionnels, — Tome VII. De la Cour (tassL^es et du
Jury. — Tome VIII. Voies de recours et Procédures diverses.
IJ
Traité du Droit pénal, p«^ Bossu V édition, revue et précédée d*une introduc-
duction, par Faustin Uélie. 2 vol. in-8.
Des Délite et des Peines, par Bbgc4ria. Nouvelle édition, précédée d'une intro-
duction et accompagnée d'un commentaire par Faustin Hélie. 1 vol. in-18.
Théorie du Gode pénal, par Ghauviau et Faustin HiuB. S* édition, entièrement
revue et considérablement augmentée, par Faustin Hélie. 6 vol. in-8. 1863.
Revue critique de Législation et de Jurisprudence, par MM. Wolow ski,
Paul Pomt, Faustin H&lie, Léon Audoc, Chaiiles Giraud^ Bbrthaud et Batbie.
GomniL. » TTV. »i caàrà mt.
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LEÇONS
DE
DROIT CRIMINEL
GONTINANT
L'EXPLICATION COMPLÈTE
DES CBBES PÉML ET D'IISTRUCTIOI CMIIIELLE
PAR
BOITARD
PROFESSEUR SUPPLÉANT A LA FACULTÉ DE DROIT DE PARIS
RECUEILLIES PAR GUSTAVE DE LINAGE9 DOCTEUR EN DROIT
ONZIÈME ÉDITION
Revue, complétée et mise en harmonie avec toutes les lois
modiflcatives des àeux Codes.
PAR
FAUSTIN HÉLIE
MEMBRE DE L'iNSTITUT, PRÉSIDENT HONORAIRE A LA COUR DE CASSATION
PARIS
COTILLON ET G", LIBRAIRES DU CONSEIL D'ÉTAT
tiinVIS il U RBfll GUmVI n LAUSUTIM et BS JORISPRmifGI
Bae 0ovni««9 »*> Wirèm «• P«BCIiéMi.
1876
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MAY Z 5 1922
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PRÉFACE
£a ipcMfcatiUtl de û^të 6àà6iA^ %dlti(m de^ ièfùm dêOni» mmâiét
attesffie' Ibw inérftë et tént utfUtéf. JTé nô sais âTlctin livr^ qui con-
tksme, dans'ées limites ânssites/^i^â, ùnô e^iAicitidu {dus dâîre,
pliM G0iiiidète,pl!Q«iû8htï^ d^nstinictloii
crimiMlltt. 6'^ xxh téritUfe cdnïilitotflli^ (foi éclaire fôtià l'es teites
et qtd ftplBiift toates lé^ dllflctiltéd de féti^ intèrprétatic^n. L'auteur
possédait à un rare degré Tart de développer une matière, sans que tfa
parole ceMfttf dlBtie ^rtdsef ef stitA^&cte; et* dÊf dire tbut eé qtU' est utile
en élai^QUtM tout ce qtd ne Test pas. Il avait ^tinottt lé setret, ôii dé-
l)Ouillâiit^ la loi de seft foMiuIés abstraites, de Isl rendre' aôcesMble à
toutes les intidUigeiicéret dlméressef soti: audiboireà la parole nette
et limi^de^qtti en traduisit Mëlbment le sens et Testait.
G'estàJMwMdlseeséminénte^qtialîtés, c'est frralson de Tàdmiràble
inéthèdeqni anime ces* lei;(Mis, que/ ki pensé qtfil n'étaft potfntinutile
d'f attB<)hei( un intiéMr nouveau, en comblant lenM lacunes, en procé-
<lant à «ne l<Pnsiod atltetlvè dé leurs telttes^, ein léS mettant par qfnel*
«laesaddifi^ne, d'aflleurvtrAs^obres, au ùitead de là législàtibn^ nou-
vetle^ e& les èottiplétaiilt eiîfln par retaMën' de tMitès 1^ fois qui ont
iiiodifié no»dsili Godes; Il tû!à paro que ce ii'ëtsLil poiiit ùin tralvall' sté-
likà^pi» dtt iMâttter une lïtUité ^tnelle k ùile às^ivté qui réûbit les
[ihtf saîttM ndiMiiB'jariAqUes soût mie fbrniô d'édposition réeilénieiit
attrayante, et qui initie les esprits k la sciente Ii6ta& lfeU:i^'etf faire' t^sèéiï-
lir les «nnuto^C^tilrltf tuébe ^ttePf ai eseayée, td)cheidlMcife et ingrate,
laais ^i^^m'flpsmièlé trop Qtile à l'ittidb dfi di^t pétifarpdnr (]fue faië
héaité à Ifeotteipmitfre. -
Jo0e|ib-Slbdtt^ Bifltartt, né 'k PWs lè* 1^ âottt l^(tt; f, eât mort te
12 septMEdM' ISSSi Cletee viie Bi'tioU^a été' bien remplie. i;.e C<il%e
Jjouis-Ie-Orand le compte parmi ses élèves les plus brillants et se sou-
rient encore de ses succès dans'lë&f C0iicotii% tiài^erÉltàiieàr It'etift le
DigitizedbfLnOOQlC
TI
malheur, pendant qu'il faisait sa rhétorique, de perdre son père et se
trouva tout à coup, à dix-huit ans, l'unique appui de sa mère. Son
âme ferme et sereine ne fléchit pas sous un pareil poids. Il redoubla
de travaux et acheva ses éludes en consacrant les vacances à subvenir
par des leçons aux nécessités de sa position. En 1823, il remporta au
concours général le premier prix de dissertation française. Le sujet de
la composition était de déterminer le caractère et le principe de la loi.
Le futur légiste, dans cet essai, rendait déjà hommage au principe de
la morale désintéressée auquel il est resté fidèle dans ses doctrines
juridiques.
Quelque temps indécis sur la carrière qu'il devait embrasser, il se
livra enfin à l'étude du droit, sans cesser le travail de ses leçons. Reçu
avocat en 1826, docteur en 1829, il se présenta l'année suivante au
concours ouvert à la Faculté de droit de Paris et fut sur le point d'être
nommé, dès cette première épreuve, professeur suppléant. Un nou-
veau concours s' étant ouvert en 1833, il y parut encore, et, cette fois,
son succès fut complet : il fut nommé en première ligne. professeur
suppléant et chargé du cours de procédure civile et de législation cri-
minelle.
« Cet enseignement, dit un de ses biographes, qui jusqu'alors offrait
aux élèves le moins d'attrait, eut bientôt changé de face. L'ordre et la
méthode mirent dans une si belle lumière les plus arides détails du
sujet, qu'ils devinrent intéressants. Il était impossible de porter plus
loin l'esprit d'enseignement et l'esprit d'initiation. Gomme tous les
esprits qui voient clair dans leurs pensées, Boitard avait un vif senti-
ment de la méthode. Non content d'en donner l'exemple, il en incul-
quait sans cesse le précepte et la nécessité. Il les recommandait encore
en quittant sa chaire pour la dernière fois : parmi les résultats qu'il
était heureux de léguer à ses élèves, il comptait d'abord l'habitude de
l'analyse. On admirait son discernement dans le choix des questions,
dans la découverte et l'exposition des véritables doutes et dans les solu-
tions toujours judicieuses qu'il en présentait. Il satisfait également
ceux qui aiment les théories élevées et ceux qui cherchent avant tout
l'exactitude des détails (1). »
Un autre de ses amis, M. le professeur Alexandre Laplace, a appré-
cié son enseignement en ces termes : « Une fois en chaire, que de dit
Acuités n'eut-il pas à surmonter ! Le désavantage du rôle de suppléant,
la nécessité d'études presque nouvelles, la tiédeur des élèves pour ce
cours et surtout la malheureuse réunion de ces deux branches de
législation si étrangères Tune & l'autre, dont chacun réclame une
(I) Notiw •ur Baitwrd, par le profeiwar PowU
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— VII —
chaire séparée et dans le professeur un genre de talent particnlier,
Boilard n'était pas au-dessous d'une pareille tâche : laborieux avec le
travail facile, doué d'un jugement sûr et prompt et d'une mémoire
étonnante, puissamment secondé par ses fortes études, il complétait
tant d'avantages par un admirable talent oratcare. Après avoir profon-
dément médité son sujet et avoir résumé en de simples notes le résul-
tat de son travail, il hasardait ses leçons avec si peu d'hésitation avec
des expressions si remarquables de propriété, de précision et d'élé-
gance, avec des phrases si pleines et si bien finies, qu'on croyait en-
tendre un discours écrit prononcé avec le charme de l'improvisation.
On reconnaissait aussi cette puissance de méthode, partage d'un esprit
supérieur, qui répand Tordre et la clarté dans les matières les plus
difficiles. Après avoir préparé l'esprit de ses auditeurs par quelques
idées générales et par des résumés historiques aussi intéressants que
rapides, il mettait sous leurs yeux le texte de la loi, analysait les arti-
cles, les mettait en lumière avec les motifis et en faisait jaillir des
questions choisies avec discernement ; puis, dans une discussion claire,
concise et substantielle, il développait cette sagacité et cette pénétra-
tion qui laissent les fausses routes, courent droit au but, découvrent
et exposent les véritables doutes et choisissent une solution qui se
défend toujours par des arguments graves et solides. Enfin on admi-
rait surtout en loi ce talent souple et flexible, qui passait des détails
minutieux de la procédure civile aux considérations les plus élevées
du droit criminel^ si favorable à retendue dfi^sûn. esprit et à la sage
indépendance de son caractère (1). n
Cet enseignement si plein de promesses ne dura pas môme deux
années. Épuisé par des travaux qu'on comprend à peine qu'il ait pu
accomplir en si peu de temps, il tomba tout à coup malade dans le mois
de septembre. 1835 et fut enlevé en quelques jours. Sa mort fut un,
deuil pour ses âèves el pour l'École tout entière. EUe fut surtout un
deuil pour la science qu'il avait ravivée par son talent et qui déjà l'en-
tourait d'une renommée que l'avenir aurait grandie.
« Personne, dit encore M. Poret, dont nous aimons & citer les paro-.
les, personne ne put refuser son hommage k cette mémoire si pure,
£Ue est restée sainte et douloureuse dans le cœur de ceux qui ont
connu Boitard plus parUculièremenû C'était un homme grand, d'une,
noble figure, grave et jeune, imposante et modeste. A la première vue, .
il pouvait paraître froid et réservé ; si vous l'approchiez de plus près,.
voua trouviez un homme doux, simple, aimable et même gai ; maisi
y Google
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— IIH —
au fûttd de. cette gaieté ieraécieiisetileMlidd seisenineiit loufoora. Une
inteUigenœ: oumrte k toutes Im idées, une Ame tenta et.airecttimiHeY
ktt gagnaient votre eoaAaaoo. ViMiSi M euesies ^leotiers tlemandU ita
acmoei,. sûr qu'il scraii ironda avec sîmplieilà. Il étût:de tes; honmieB
qa'0ii n'onUie pss^Noae Tairone amxa cinq années, dont abaeane fut
masquée par la progrès de^ soa* taleot.et.de 8a:répiilatioa.Se<asle déf«-
loppenmtdes.idéesetdamilaidiffirence des.râtnations se ceaservait
le même fond de sentiment.. C'iètaii taujouits lu personoei ^'on w^aii
ainsée d'abond aurec: nn mérite noawauv On poovak applaadir à.ses
suooàs aansanéllstnge d'inqtiiélade.*'aos)Cai»atàreiétail i Vépreuva même
dciiagloiioe. a
Les deux cdhts qne fiiiasit Boifaodv pendant. les. deux années do son
piMiiessosatf «nt été sMnagraphiésiavec im soÛDreiigieuz psèr un de ses
éttres, M, de Linage, qu'aidaient aâduitla pasole savante et facite^et
la méthodie lueide et sûoe 4u jeune professeur; et ses leçons, qui n'ent
étépubliées^qu'aprèa.sa jnorV ont: priai plaça parmi les OBUonres^los plus
éminentea de lai sdonoa^u droit. Cette publicationv à laqueUe il n'amt
jamais songé, et qui est Tenue saisir à som insu> les prenûetisessaisi da
8on aoseignamsQt, le premier esser da'sa pensée^ a tout à ooup<oon->
semé' son nom.
Les leçons de pvecédnie m^ €oni|ilétABSipas 1& eontours d» savant
doyen de- l'Bcefie de drait, M. Ckdmet d'Aage^. sont devennesl» livre
siqae die cette matièoe, juaque^là presquai înaceessible'àirétade.
Les leçons de législation criminelle ont^a; le mémeanocés. CréUdt
un premier pas tenté dans une voie à peu près inexplorée à cette épo-
que^ un premier développement de l^eosèiguement.dtti droitt pénal.
Cette* bràoehe* Ati droit général, qui TÏe$V pas la moins importante
peuf^tpe, pmsqu'elle oentiantia garantie de tous; les drote et la sane-
tion de toutes les lois^ n'avaiit-en Jusqu'alors^ par suibedë Torganisatioxi
des oenrs, qu^un organe-incomplet dansl'Éoole. Blleétait comme reja»
tée des-études et répudié» par la soiienoei alle-méine. On afifectaît de ne
trouver dans le droit pénal qu^me application étroiteideiteatesaridea.
On sa\q)Çonnaità peine qu'ils fomât à lui secd une vastl9 sdence,- il ne
peut/ marcher en effldtqu^en stappu^ant à chaqae pas sur lesantoas
scientes nMnrales'; lié par devmauds intimes au dreit porblicr, U^paiti*
dpé'deatm intérêt politique ei suit tous ae» progrès ventfu il^tooeto
iu leutes^lëiF questfoss^ sooialea^ h tous lésc pacd[iUttne9 q&a seuiè^nt
lea^ miisè^s et les seu&anee» dei*imaianiitd. A ntte ialla étuda> 11 tA--
làitafn enseignement pri«ci|ad ^ la(oréatto»delaiokaire»d^ législatfion
pénale et le cours savamment développé de Téminent professeur qui
occupe cette chaire ont rempli cette lacunet Jfais»aates CDéatioii^aélé
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ti«vi«2t *(pA en 'Ml Pé9«lé la 'QéoHrilé,
sia premiBrsieBMt iqpd nml ^àémMtfè l'intérêt que ce €0«8 pouvadt
moitar, et votre iBOcnoiialisAaoedoMBe reporter sur le jeane^eopiMant
qm eati'iabonl âlaigîr la i^baife ^élPdde^iie ieeTftglementB lui a^^atoiA
cbmBte*
Le mérîle 'de lees laçone, rf TepUlement prépnpfeB, est tioiverseU^
flUDi rocawiL iGe qn frappe «vaut lecrt à le» lectura, c^eet la «Utfté
'de lenejcapiitôtiens, ce sont les lumièreB ^iree etlmnches qu'elles
irfiipaq^eiit sur les maMôlM ^joi es soot TcAjet. La parole âti^iiofeeeeiir
jaillîwiaît laà prédie et ai sttie, il poesédaH si^parfeitemem ht langue du
ésoit, q;iie las tei^esEntous les plus eiade^ s-olfràient d>eUee^inémesà
'Sa pensée pdaf la iormiiter* On 'Ci^eliait ^qm loates ses cbserratieiis
ont été travaillées et déeriles, et Ibn est pris d^étonnement quand on
«ppvmd que Tiniproirisation les a produites avec cette propriété de
mois et celte «lettetéde Tues.
Il précède par voie d'analyse *: au lieu de poser atec autorité les
règles générales du >dreil, ii feiit assister pow ainsi dire son audrtoîro
à leur élaboratien , îi lui fût peser les raisons opposées qui se détnttent
dans la «olution et fait toucher mi 'doigl la l^&nité de œtte solution .
Son argumentation fbnne le jugement<en mémn tempsqu'elle rédaûre.
BUaattadss l^esprit parce qu'elle 1- arrête aux phases diverses de Cha-
que questiea, loi «rend «otnpte des otôections et le oonduit «nâ au
lenne deladisnuBsion, aalieude aohoo'ner à lui imposer une déci^on
toute faite. Quand les textes de la loi fournissent une règle, il pr«itd
soin, pear la ^démontrer et pour en expliquer le sens et la portée, de
rassembler iteos* les^oas analogues'qui retendent ou la restreignent, de
ester toms les articles quide pi^ ou de loin «n Tessentent rappMcation ,
etH arrive ainsi à jeter «ur la tégislation des -vtM d'ensemMe et à
lUdaireppar des rapproehements inaUendus. Celle méthode, qui in-
dique dims le profoseear :1a {deine possession do Isa matiène, est-mer-
vettrasement pnopte à l'expUcaHen des ^textes et à lUndicalion de
Ifqqpint qui les.aiiiÉna.
AlaîB KM necdeît pas demander It ce livrer autse cfaose*que ce lumineux
cemmeii taire de nos ^eodes. On ne doit point y chercher les théories
dndniit péaaL Lo^piofèssevr mîs'égareprtat à travers les différente
ig^sfèmes qui ent ^divisé la seiehco, il ne ecrute ^et n'inlerroge ni les
oondîticmBfleVkiatfafeiDsition des actions, ni les «lémeiïtS'âe la péna^
lîlé, ni les fondemenlSi ou les «tondes des juridictions pénales. Esprit
sssantMlamént pratique, il ne TemmUo pas aux sources de la loi, il se
tecoe À en fray^k' cours, en rendanl ses -atordS'faciles'Ot accessibles
à to». 8oa bot a étéicfinitier leis^ éldvesàdes oedes qni leur étaient
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fermés, de les familianser avec cette partie trop négligée de la légida*
tion, de développer et de mettre eu mouvement l'action de la justice
eriminelle. Ge but a été complètement atteint. Chaque leçon renferme
Texplication la plus nette et la plus lucide des dispositions qui en font
Tobjet. C'est une analyse admirable par sa précision et sa clarté des
articles qui y sont examinés. Ne recherchez ni les investigations scien-
tifiques, il les dédaigne, ni le rapprochement des législations, il le juge
inutile; son plan ne comporte ni ces savants écarts ni cette érudition.
Il lui suffit d'énoncer toutes les notions nécessaires à Tintelligence
et à l'application des codes qu'il commente. La science pure occupe une
région plus élevée, mais son étude n'attire qu'un petit nombre d'adep-
tes. Ces leçons, qui renferment tous les éléments essentiels à la pra-
tique des affaires, s'adressent, au contraire, au grand nombre des élèves
qui doivent recruter les rangs de la magistrature et du barreau.
Quelquefois seulement notre professeur se laisse aller, chemin fai-
sant à l'appréciation théorique de quelques dispositions de la loi, et
ses vues judicieuses et saines font regretter qu'il soit sobre en général
des discussions de cette nature. C'est ainsi qu'en examinant les peines
en général, les faits d'excuse, les circonstances modiflcalives de la cri-
minalité et l'exercice des deux actiojos publique et privée, il se livre à
des dissertations d'un grand intérêt et qui ont souvent été citées. On
comprend, en les lisant, qu'il a dû en coûter à l'esprit scientifique du
professeur de ne pas multiplier ses excursions sur le terrain de la théo-
rie et qu'il n'a cédé qu'à l'idée systématique de féconder son ensei-
gnement en le simplifiant.
Mais, pour réaliser cette idée, il était peut-être inutUe de mettre en
avant deux propositions dont l'exactitude peut être contestée et qui,
placées en tête de la première leçon, semblent avoir pour objet de jus-
tifier le plan du professeur : c L'étude et la connaissance de l'ancien
droit criminel, intéressantes pour le moraliste et même pour l'histo-
rien, me paraissent, dit-il, importer assez peu au jurisconsulte pour
l'application pratique des lois sous lesquelles nous vivons ; on peut en
donner deux raisons. D'abord la nature même des lois pénales indique
sufftsamment que le juge ne jouit pas, dans l'application de ces lois,
de cette latitude d'interprétation dont nous usons tous lés jours en
matière de droit civil. La nature des lois pénales dit assez que tout
doit s'y prendre à la lettre, qu'il n'est pas permis en général d'ag-
graver contre un prévenu la disposition prédse d'un texte à l'aide d'ar-
guments tirés de textes anciens. Ensuite, une autre raisoi ^lus directe
encore parait ôter tout intérêt pratique à l'étude détaillée des ancien-
nes lois criminelles françaises : c'est que nos lois nouvelles ne sont pas,
comme dans les matières civiles» la reproduction plus ou moins fidèle,
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— XI —
{dus oa moins exacte de principes admis autrefois. Dans le droit pénal,
presque tout est nouveau, presque tout a ressenti vivement Tinfluenoe
des temps, des mœurs, des i^olutions. »
Si l'auteur s'était borné à dire que l'étude de l'ancien droit crimi*-
nel n'est pas rigoureusement nécessaire à rapplication pratique de
nos codes, je n'aurais pas pensé à relever cette proposition, quoiqu'elle
me paraisse un peu absolue ; mais je ne puis admettre la double raison
qu'il allègue à l'appui, à savcnr, la rénovation complète du droit cri-
minel et le principe d'interprétation littérale qui exclut le concours
de la doctrine; et c'est parce qu'il me semble dangereux de laisser ces
deux propositions étendre leur ombre malsaine sur ce livre tout
classique, que je crois devoir m'arréter quelques instants sur ces deux
points.
Bst-il vrai, d'abord, que le droit pénal soit un droit nouveau, que
ses sources soient tout entières dans les décrets de l'Assemblée cons-
tituante, et qu'au delà de ces lois on ne trouve que des monuments
curieux pour l'histoire, mais inutiles à la science? Ouvrez le Gode
d'instruction crimindle, parcourez ses principales dispositions et vous
pourrez vérifier aisément que toutes celles qui sont relatives à la mise
en mouvement des actions publique et civile, aux droits et aux obliga*
tions du ministère public et des parties lésées, ont leur germe dans
les ordonnances de 1539 et de 1670; que les formes de l'instruction
écrite remontent, à travers ces mêmes ordonnances, à une source plus
ancienne encore, à la pratique des juridictions ecclésiastiques; que
rinstmction orale et publique, consacrée par la loi des 28 sept.-6 oct.
1791, n'a été qu'un retour aux pratiques qui étaient appliquées en
France avant l'introduction de la procédure secrète au seizième siècle,
qu'une imitation des règles de la procédure grecque et de la procé-
dure romaine ; enfin que les dispositions qui ont pour objet les voies
de recours retrouvent leurs premiers vestiges dans les coutumes féo-
dales.
Laplupart de nos institutions judiciaires n'ont également de moderne
que la forme qui les a reconstituées : l'institution du juge d'instruction
est née de la procédure extraordinaire par récolemcnts et confronta-
' tiens qui fut établie en France dans les premières années du seizième
aiède. L'institution du ministère public, sortie au quatorzième siècle
de la lutte des juridictions royales contre la féodalité, s'est maintenue
avec le même caractère, et on pourrait presque ajouter avec les mêmes
attributions. Nos juges permanents ne font que continuer, souvent avec
la même compétence, les baillages, et les sénéchaussées, et les cours
de parlement. Le jury lui-même, si la définition de ses pouvoirs est
nouvelle, prend son origine dans les héliastes d'Athènes, dans les
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— xn —
jUdiùaifmêUiiàm fUmtioÊMipmpe^ Bbmt, û$aai^ im^ImmÀûmnm
9gppéiéB àBmùmfasAâmé» ia paenisàrp TÊU»,iàmMimcaactmn dB^vm-
Baux et des hommes de fieb au'jiiBtkeÉ aeîgneuiriales^tdaAflda îpÊ&*
stoco'des J>oinrgaoi0 'danato assiMQtdM ooftiÉDiiaea audemiètnetiftele,
4aM 'Caelles des pairade raeoiiaé^dasui les coan féadalea. Enfin, dans
le <;!od6 péoai xnâoie, isi le ayaième de la péaaUté à été nnoiupclé. Tin*
flcûtuioatioa qui juge- et afipîvéoieia moraliléâfli'iaitA, qui ^pose les diC-
Arenits degrés de leur morâuié, qui racfacrche et aaailTse les nuaiioeB
qui les séparent, oettç ininriminailiiiB, en qeiirésiieot tentée ks diifir
eultés duidfoit pénal) a poÉsila'pliiiiast de aesxiigles, de ses distiauïliûns,
de :se8 »f préciaitieas dansr les études (le nos' anoraDs légistes.
Bt c'est là, je rail déjà |dk, ce qtd fait la fsvoe des 1^^
résistent mieux aux efforts des temps lorsque leurs racines les latta-
filuent psofondémeiatau passé. L'humanité .maxdiB' en avant chargée
de i'expéirieoee4lds siôcdes; pourquoi répudiecaxtoelle.oe riche héritage
deleudrs travaux ei de leums oonqaôtesl? Chaque génération appoorteisa
{derre, etrédiftoedelasoience grandit peu à peu ; chaque sîède laisse
éehapper quelque rayein qui :so projette sur les aièoles suivants. Les
lois les plus.'haiibares<<mt recelé le germe de principes quisont devenus
iécends. C'est cette euccession de lents essais^ de ^lifficileB épienves,
de patientes applicaticms^ qui oonstitue le psdgrès deiaifkégislalion,
comme les gsains doisable successiweiiieiti appertdB par les flete ioav
ment l'alluvion. La législation modifibB plus qu'elle ne «ciée^ eileper*
lectionne plus qu'elle n'inviente, eUe dénreleippe fdus qu'elle ne détruit.
Si elle se hasarde queiquefoie dans de téméraires innorvaAione, ses
écarts ne durent pas, et bientôt elle sarient pac quelques piniits aus
j^intipes que le teoips.a apprxHi¥éS| et:^ eoKit les YrAisfondamente
de sa puissance*
lie m*an6terai lun peu plus lontemiMi^ eB)répitantioe que j'aîiexprimé
JÔUeurs, sur la question de riniûrpÉétalipn juridique, car c'est là l^me
des thèses les plus contestées de la jurisprudence criminelle. Cette
fqpnerelle n'est point unfait nou.Teàu,jeijle.ittmaii)teà des temps éloignés ;
elle ne fait qu/e continuer une discussmn quicdivisait, dans la jurispm-
denoexomaine, les pnoculéiens etlesisidâuiens : les (premiers se ittt-
taohant sur ce peint à une doctrine-ancienne, n'admettant d'aixtre mter-
prétation que J'inteipsétation grammaticale; les autres, 'dominés >par
la règle de l'équiléi et plaçant :la> raison de la loiiau-^ssus ide ses
.toKtes, et rinterpflélaition logiqu» au^idessus de la gnsnmaficald. Nos
•anciens lésâtes :s*é(aififUaraUfl^ à ^sefete dentitee doctrine^ et l'ap^li-
squaient sanascrufNale te imalière .pénale. Lorsque Je féoutese Arbuivait
dans les ternies des édita, (lorsque cestertnesétaient «Ascursioudasuf-
flsante, il était de priasipeque leajugespoarfaknty suppléer. »Qn était
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aarbé( josfDA fOMrrmiiâaiim qmàemym^cÉàamsspBÛAmkM
SIC Ml lui Bttii préiiapvrks ordnaQaQflra'devaieiiiapplui^
âafsctme quiairaûbleplaid^jaalogieaMK iB'faît.iiicntiiîiié. Lar^gl»
pafei8éepar'inv9adeDSi«riiDÎiialiste« était tot cnmos Méoir
^neot joma» damenMff.' imiiuBisi^ at^goB lot lois, qui na^ vealent pa«
eatta* impiinilfrr éahQidtdèa ]oc8. ^m prisai dans Isor «ana fa. plua
étanda : Cicnr. êifitÊtr Jh dslida pmSmA^ latmmtterpnMi» 9umi ieèeL
Jam Bodin nfUsite mdme pas à soulenk qua le» jugaa peaniat
appfiipBsr laipune da^ouiri daoa kp^aaa oùliea édîts^na Favaiaiil pai
praiiOQGéeu Talle éUvI^ malguè las cmttaMfiotîoaada qissiqiias ligislaa
et notomnaml dai Buapas, ^ dootnaa qaî donûBSit; toute la.piwtiquai
€?ast à J» ma de aa>déBonlc» jQiiditpia qua>]^^
lèbrediatiiiatiaQ : «Plual» goutiarnaaiaQi approdia ds la i^ubUqnav
ptaialcinaadèraâa j«ear derientàxa; Dans laa^^BUt8:éMpÂiquii8,il
iL'y a poiiU d&loJBv lafiga est à M^mâma saivègla* Dans les IDtata
BOMarchiquas/M fa «na^ )oi, at où lalld esl poécisalaîiigala suit;
oÉ ails na Ifast pas, il an eberdia L^aspritv Daas le gotnacaeoMiit'Vé*
paliiisains iLastdaila{Batava.db la tCOostltutioff^ilaB juges suiisaal
la lettre de la loi. Il n^ & point de citoyen contre qui on puisse m^
tarpréloriiiia loi., quandil s'iagii.die ses bions^ d« son hoaneur ou de
sa,¥i&jBi BèmaïAa at généralisé cattov dbvuièiiei pia|KMitioa an flaûant .
sdiabtaQtîun. de toataa las) former de goumrnisnient : U iieat-qu'ea
motiàM pénalai iriatBspitoatioa ^aoit laufoiuni at .néeaasaiaament. lîtK
tende;.
Qetiei opinion ai été, softout dans œe detBkrs teflÉps, camlMUIiia
arec oDa aartaina vinaciié; Ofl«a dit 4[pia rintarpffétatien logique, qui
aa^ fimdtt aoit sur le; motif; aoit aor riostantioa dédarée ou présasnés
du législataur^ doit s*appttqueD aussi biau à la loi pétfade qu*âi la loi
Giaile2'; qu'aoeune^difléoenoe eàtre les draits qui résubOûtdkB Fana
ou d& Kautna n'est asnsilila ; quelei droUn particulier que .la pbiloa».
phia sEiodemaa voulu placer dafta chaque applioatioa de la^lai pénale
ifeaateiralkiiieQti: que, lorsque laraisom df^pplifation est la mémai
on na^fsiti^plejsa cottfoCTner à la^ loi eii rétenilÂtda cas^ piéfUi au
cas nom prévu; que saaa douta le juge ne doU point hittar contra
untextedair, maie qu*itdait a'aanoier' de Teipirit An législateur, aa-
ptetees dut2D0tifiqui>« dicté. ce mtb,: atina point bésitar luladéve»
lofpea toutea k^^lsisiquail'inteiqptétatienjlogi^' le ooiiduill & câtta
aiteaaion. . > i
Il aati MAmxù qua» ïinleqpnitKtiDn pûMnent litl4i»lav rigoursoaa^
mené antcBdueiasuaiti des conséqueiicas/éttaiigëi^'litoasin^nit admette
que Is^IuiipéDalaisoîtsi ainattiaoèbmaiiit sirooBBoriie qua clûiooii da>
aaa temasijdairraiétee' pda dans sa^sigtaifloàltton ^pkaa absalâBifi qu'il
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— XIV —
laille accepter^dans un texte,- non son sens réel, mais le sens illogique
qu'une locution vicieuse ou sa construction grammaticale lui impo-
sera ? que rapplicatibn générale d'une réglé légale, quand elle est daire-
rement écrite, soit subordonnée à la condition impossible qu'aucune
phrase, aucun mot, ne pourront soulever quelque doute, quelque
difficulté ? Le langage des sciences mtorales est imparfait, et la rédac*
tion de la loi pénale, par cela seul qu'elle tend à généraliser ses for-
mules, manque de précision. Faut-il s'arrêter à chaque disposition,
à chaque période, parce qu'une expression est vague, équivoque, sus-
ceptible de plusieurs significations ?fautril attendre, à chaque ombre
de la loi, que le législateur Tait dissipée? La loi pénale, comme toutes
les lois, a des principes généraux; un ensemble de dispositions qui se
coordonnent entre elles, des textes qui s'animent et se meuvent au
souffle des mêmes règles ; elle est l'œuvre systématique d'une théorie
générale, l'application d'une doctrine qui la domine tout entière. Il
est évident qu'elle ne peut vivre que par le travail d'une inter-
prétation scientifique qui rapproche et coordonne ses termes, qui
explique ses locutions obscures, qui dégage ses maximes et assure
leiu* étendue.
Mais de là suilril qn'U faille lui appliquer les règles qui servent à
l'interprétation de la loi civile ? Celle-ci, qui se borne à régler les rap-
poi'ts des citoyens entre eux, trouve son complément naturel dans
l'-équité d'abord et ensuite dans l'usage. U n'en est point ainsi en ma*
tière pénale. Toute loi pénale est composée de prohibitions et de pré-
ceptes : le législateur prévoit non-seulement les rapports des citoyens
entre eux, mais leurs rapports avec l'État ; il apprécie leurs actes; il
définit ceux qu'il considère comme illicites et dangereux, il les défend
et les punit. Or, n'est-il pas de la nature de toute défense de se ren*
fermer strictement dans ses termes ? Est-ce que, à la limite où elle
expire, il n'y a pas im droit qui commence ? Il importe peu que l'acte
commis sur cette limite participe sous quelque rapport de l'acte pro-
hibé; il suffît que, par un point, par une circonstance quelconque, il
en.difière pour que la prohibition ne l'atteigne pas, car tout :acte qui
n'est pas expressément interdit est nécessairement permis. Où s'ar-
rêtent la sollicitude et la prévoyance de la loi, il y a lieu de présu-
mer que là s'arrête le péril social, et, en exagérant par zèle la portée
de la défense, on tombe dans un autre péril. Il n'appartient qu'au
législateur d'apprécier les actes qui peuvent causer un trouble
social ou constituer ime atteinte grave à la sécurité publique. La
mission du juge n'est ni de venger la morale ni d'apprécier le péril
dont telle ou telle action menace l'ordre ; elle consiste uniquement
dans la rigoureuse application de la loi. Si telle n'était pas la limite
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— XY —
de rinterprétation judiciaire, où sacaient les garaotiee de la Ubené
civile?
La loi pénale crée des devoirs et des obUgations. Chacun de ses
préceptes est une rôgle de conduite poiur les citoyens ; ils y trouvent
la distinction des actes licites et de œuz gui ne le s ont pas ; ils sont
tenus de conformer leurs actions à ses dispositions . Or, cette obliga-
tion ne suppose-t*eIle pas des textes clairs et précis 7 CkHnment se*
raient-ils liés par une prescription vague ou ambiguë? Gomment se-
raient-ils châtiés à raison d'un acte qu'ils ont pu croire légitime 7 II
ne faut pas confondre les devoirs qui dérivent de la conscience et
ceux qui dérivent de la loi : ceux-ci, ayant pour fondement la loi elle-
même, sont étroitement enfermés dans ses termes; en dehors, ils
n'ont pas d'appui, ils n'existent pas. Peut-on suppléer à leurs lacunes
par réquité? L'équité peut être invoquée, comme le faisait la loi ro-
maine, dans l'application de la peine, non dans l'interprétation de la
loi, car elle ne saurait compléter la loi, quand il s'agît de désigner les
actes que la société a le droit de punir . Peut-on y suppléer par des
analogies et des inductions? Non ; car, en matière pénale, on peut
dire que ce n'est pas le juge qui interprète, c'est le citoyen lui-môme,
puisque c'est sur le texte de la loi qu'il doit régler ses actions. Si la
loi contient une lacune, comment serait-il coupable de n'y avoir pas
vu ce qui n'y était pas?
Ces observations amènent à déterminer le véritable caractère de
l'interprétation pénale. Elle ne doit être ni restrictive, puisqu'il n'ap-
partient point au juge d'apprécier les limites de la volonté du légis-
lateur, ni extensive, puisqu'il ne doit pas se montrer plus prévoyant
que la loi, ni fonder une peine sur une présomption ; elle doit être
purement déclarative, c'est-à-dire que, sans rien ajouter ni retrancher
aux textes, elle doit se borner à déclarer le sens qui s'y trouve vir-
tuellement enfermé. Ses éléments sdentiaques sont la nature de la
loi elle-même, le caractère de la matière qui en iàit l'objet, le système
général de ses dispositions, Tensemble de ses textes, la valeur des
termes employés. Elle est à la fois littérale et logique ; littérale, en ce
que toute sa tâche est de traduire exactement le texte de la loi ; logi-
que, en ce qu'elle remonte à la raison de la loi pour en déduire sa
pensée, à la règle pour en vérifier l'application.
Telles sont les seules réserves auxquelles ces leçons doivent donner
lieu. J'ai dû insister trop bnguement sans doute sur ces deux points,
parce que la grande autorité du professeur pouvait accréditer sur l'un
et sur l'autre une opinion à laquelle, je crois, il tenait peu. Les doc-
trines qui remplissent ce livre, sont d'ailleurs si saines, les thèses
qu'il soutient et les règles qu'il pose s'identifient si intimement avec
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— XVI —
k. v<iilri)kt6eprit.de la^ l4i, toiUM IwoptadôM'^a'il étoeC s'àmment
d'un souffle si pur et si généreux, qu*il me paraît merveilleusement
pcogtfe àiinîliâr l'esprit ^eajcnioeg l^giites el fc les intéiresser h Tâtude
du àjooU «liminfiL lu&ibuM dvmon trâvflâ isleraeolnplétement atteint
si >'ai:pu jmlîAaer h oes k$0D8: tonte Tnliiité cpf elles avaient an mo-
inenA^e leur publioaUdUL
Un6»dtt!Biérd addMQU) a étéliitr r it randeune^aUe, qui était déf^
meuM,! ariéti^ md>atitué;UA réBuméiflubsCantiel de toutes lés matières,
de. sortis 4M<duwuae des espUcartiond âé?eIoppées daM lefeite eât
coiiâenate dana uneiimnnle diaifO'^t iluccincte ç[ui les clfeisse aisé-
inoiiti dans la mdmoirei
Pàustin EÂLIfi.
.■•il' '
;- 1 * Il
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LEÇONS
DE
DROIT CRIMINEL
(GODE PÉNAL)
PREMIÈRE LEÇON
INTRODUCTION
1. L*êtTide et la connaissance de l'ancien droit cnminel, intéressantes pent-
être pour le moraliste, ou môme ponr rhistorien, me paraissent, en général,
ne pas importer autant au jurisconsulte pour Tapplication pratique des lois
sons lesquelles nous vivons. On peut en donner deux raisons.
D'abord la nature même des lois pénales indique suffisamment que le juge
ne jouit pas, dans l'application de ces lois, de cette latitude d'interprétation
dont nous usons tous les jours en matière de droit civil. La nature des lois
pénales dit assez que tout doit s'y prendre à la lettre ; qu'il n'est pas permis,
en général, d'aggraver contre un prévenu, contre un accusé, la disposition
précise d'un texte, à l'aide d'arguments tirés de textes anciens. £n un mot, il
n'est pas permis, dans le droit pénal, comme on le fait sans cesse dans le
droit civil, d'aller chercher dans les lois anciennes de quoi combler les lacunes,
de quoi expliquer les obscurités des lois nouvelles.
Ensuite une autre raison, plus directe encore, paraît ôter tout intérêt pra-
tique à l'étude détaillée des anciennes lois criminelles françaises : c'est que
nos lois nouvelles ne sont pas, dans les matières criminelles, comme dans les
matières civiles, la reproduction plus ou moins fidèle, plus ou moins exacte,
de principes admis autrefois. Nous ne trouvons pas ici ce que nous trouvons
à chaque pas dans les autres Godes, une transaction plus ou moins heureuse
entre les anciens principes qui partageaient autrefois la jurisprudence et les
aatenrs. Dans le droit pénal, au contraire, presque tout est nouveau, presque
tout a ressenti vivement Tinfluence du temps, des mœurs, des révolu^ons ;
et, sous ce rapport encore, nous aurons, je le répète, assez peu d'intérêt à con-
sulter le droit ancien.
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2 PREMIÈRE LEÇON. — INTRODUCTION (n® Ï),
Aussi ne m'occuperai-je guère aujourd'hui de l'histoire du droit criminel
antérieur à 1789 que pour vous démontrer la vérité de ces deux propositions,
que pour vous faire sentir, par quelques exemples saillants^ quel immense in-
tervalle sépare, à cet égard, les idées anciennes des textes nouveaux.
Au contraire, à partir de 1789, malgré les nombreuses variations subies, à
diverses époques, par la législation pénale, nous trouvons cependant une filia-
tion de principes, de règles, de procédures, de pénalités, qu'il sera souvent
important de suivre pour la saine intelligence des lois qui nous régissent
maintenant.
Avant 1789, on remarquait dans le droit pénal, d'une manière bien plus
sensible et bien plus fâcheuse encore que dans les autres branches du droit,
l'absence de règles, de fixité, d'uniformité, soit en ce qui touche la nature et
Tapplication des peines, soit en ce qui touche les règles de l'instruction, soit
dans les matières qui forment aujourd'hui l'objet de notre Gode pénal, soit
dans celles que nous trouvons développées dans le Gode d'instruction crimi-
nelle. Occupons-nous tour à tour et brièvement de chacun de ces points.
2. D'abord, dans l'ancienne pénalité régnait un immense, un effrayant ar-
bitraire ; j'en citerai tout à l'heure des exemples. En second lieu, les plus
bizarres inégalités dans l'application des peines étaient admises et reconnues
par les lois et par l'usage. Enfin, nous trouvons des rigueurs exagérées, des
peines mal calculées, qui dépassent à chaque instant le but, et qui, par consé-
quent, le manquent lout à fait.
Pour justifier ces reproches, pour prendre une idée sommaire de la nature
des peines admises autrefois, vous pourrez parcourir un passage de Pothier,
Traité de la procédure criminelle, section V. § 6. Je cite Pothier, attendu que
vous trouvez dans ce passage un résumé assez fidèle des anciens principes de
la législation sur cette matière. Pothier cite les principales divisions de péna-
lités, les principales natures de châtiments admis et pratiqués dans l'ancienne
jurisprudence. Il place en première ligne les peines afflictives capitales ; et
c'est de celles-là surtout, comme étant les plus importantes, que je vais vous
entretenir un instant; ce sont les exemples les plus propres à faire sentir les
vices de l'ancienne législation sur cette matière :
« Lorsque les juges trouvent une preuve suffisante contre l'accusé, ils ren-
dent contre lui une sentence de condamnation, par laquelle ils le déclarent
atteint et convaincu de crime, et le condamnent à la peine que ce crime mé-
rite. — Les juges inférieurs doivent exprimer le crime pour lequel ils rendent
le jugement de condamnation ; ils ne peuvent pas prononcer en termes géné-
raux pour les cas résultant du procès. Pareilles défenses ont été faites aux
ofQciaux, par arrêt du 19 mars 1712. — Les peines sont ou capitales ou afflic-
tives ; non capitales ou seulement infamantes ; ou ni afflictives ni infamantes.
-— Les peines capitales sont celles de la mort naturelle, des galères à perpé-
tuité, du bannissement perpétuel hors le royaume. »
Vous voyez que ces idées sont encore reproduites dans le droit actuel ; vous
y trouverez la peine de mort, celle des travaux forcés, et la déportation qui
répond au bannissement. Mais vous allez voir une immense différence dans
l'application :
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UISTORIQUB OU CODB PÉNAL. 3
I II y a différents genres de peine de mort naturelle ; les jages ne peuvent
condamner qu'à quelqu'un des genres qui sont en usage dans le royaume. »
Mais à part cette première limitation, qui n'est guère qu'une chose d'usage,
et que les lois ne consacrent pas, vous trouverez une désolante latitude dans
cette législation.
« Le genre de peine de mort le plus ordinaire est la peine de la potence.
*- Les gentilshommes ne sont pas condamnés à cette peine, mais à celle de
la décollation. •
Voilà déjà la plus bizarre, la plus singulière des inégalités ; voilà une dis-
tinction sociale qui ne trouve même renouvelée par ce qui devrait les ni*
vêler toutes, l'infamie du crime et la main du bourreau. Voilà un singulier
piivilége, celui qui a pour effet d*inculquer dans l'esprit du peuple cette im-
morale et fausse idée, que la honte s'attache moins à la nature du crime qu*à
la nature même du châtiment.
c La peine de la roue est aussi un genre de peine auquel on condamne pour
les crimes les plus atroces, tels que l'assassinat prémédité, le vol sur les grands
chemins, ou dans les maisons, avec effraction et violence publique : on ne
condamne jamais les femmes à cette peine. — La peine du feu est aussi en
usage pour certains crimes, tels que les sacrilèges énormes, les crimes contre
nature, etc., selon le degré d'atrocité du crime. On condamne quelquefois une
personne à être brûlée vive, quelquefois seulement à être pendue et étran-
glée, et le corps jeté au feu. — Ceux qui ont attenté à la vie de nos rois ont
été condamnés à être écartelés. n
Toutes ces peines, toutes ces mutilations plus ou moins barbares, que les
lois ou l'usage ont ajoutées à la peine de mort, sont des peines dont le vice
est jugé depuis longtemps : ce sont de ces peines dont je disais tout à l'heure
qu'elles ont manqué le but parce qu'elles l'ont dépassé. £n effet, quelque
opinion qu'on puisse adopter sur la légitimité de la peine de mort, et en fai-
sant, à cet égard, la part la plus large aux habitudes et aux exigences so-
ciales, en admettant pleinement la légitimité de celte peine, on ne peut s'em-
pêcher du moins de reconnaître qu'elle est le dernier terme, le nec pliu ultra
des rigueurs humaines : que si cette peine n'effraye pas, ne détourne pas du
crime, le luxe de tortures, l'addition de supplices que le législateur y ajoutera
n'efifrayera pas davantage ; que, de plus, les effets si graves, si sérieux de la
peine de mort, seront en partie détruits ; car, par une impression de pitié ou
de douleur qui est la conséquence inévitable de l'emploi de tels supplices, on
détruira en grande partie l'effet salutaire, l'impression terrible que devait pro-
duire le châtiment. Il est toujours dangereux d'appeler Tintérêt public sur un
grand coupable qu'on punit, et on ne peut guère manquer d'y arriver quand
on ne se contente même pas de la peine de mort. C'est une chose qui fait
peine à voir, que de regarder la justice entrant avec le coupable qu'elle frappe
dans une lutte de raffinement, dans un concours de barbarie où elle a contre
lui le triste avantage d'être la plus habile et la plus forte.
Enfin, quant à l'arbitraire des peines, Pothier en donne un singulier exem^
pie dans le paragraphe suivant. U vient de dire que certains crimes graves,
odieux, étaient punis, non pas seulement de peine de mort, mais de la roue et
du feu ; il ajoute que, par la volonté des juges, quelquefois on cumule en-
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4 PREMIÈRB LEÇON. — INTRODUCTION (n** 3).
semble ces deux peines ; c'est-à-dire qa'après avoir roué le coupaJole, et pen-
dant qu'il est encore vivant, on le jette dans le feu.
« Quelquefois on géminé les peines. Il y a quelques années, la cour condamna
un parricide de ce pays-ci à être roué, et ensuite jeté au feu tout vivant. On
joint quelquefois à la peine de mort celle de faire amende honorable, d'avoir
le poing coupé, ou la langue percée. On ordonne aussi assez souvent que celui
qui est condamné à mort soit préalablement appliqué à la question pour avoir
par lui la révélation de ses complices. »
Voilà une gémination de peines, voilà un redoublement de supplices appli-
qués sans aucune loi, sans aucune autorité légale, en vertu de la prétendue
omnipotence parlementaire, dont les dangers se font évidemment sentir, sur-
tout en cette matière. Heureusement un principe tout contraire domine au*
jourd'hui, et depuis longtemps il est établi dans notre législation pénale
qu'une peine ne peut être appliquée qu'autant qu'elle était à l'avance formelle-
ment exprimée par la loi.
c La conséquence de toutes les peines capitales, c'est, > ajoute encore Po-
thier, sans aucune réflexion sur toutes ces matières, « c'est la confiscation, »
c'est-à-dire la plus odieuse, la plus immorale de toutes les peines, puisqu'elle
ne frappe pas le coupable, mais seulement sa famille, ses enfants, sa postérité.
Je dis qu'elle n'atteint pas le coupable ; car, à coup sûr, la confiscation importe
peu à celui que frappe une peine capitale ; ceux qui souffrent, et ceux qui souf-
frent seuls, ce sont ceux qui ne sont pas coupables.
Quant aux peines non capitales, je n'entrerai pas dans les longues distinc-
tions de l'ancien droit, et dans les exemples qu'en donne Pothier. Vous remar-
querez seulement, en continuant la lecture de ce passage, qu'on prodigue,
avec un luxe effrayant, des peines qui, à la vérité, quoique moins graves que
les précédentes, sont cependant, depuis longtemps. Tune au moins, et l'autre
depuis un temps assez récent, réprouvées et condamnées, c'est-à-dire la peine
du fouet et la peine de la marque, peines qui ont l'inconvénient d'irriter,
d'aigrir, de démoraliser celui qu'elles frappent ; peines qui en font un ennemi
plus dangereux pour la société, sans cependant lui ôter les moyens de nuire ;
peines, en un mot, qui dépravent au lieu de corriger, but essentiel, but natu-
rel de toute pénalité.
8. Ces détails suffisent pour vous faire connaître, au moins en mabse, ce que
j'annonçais dès le principe, l'absence de tout rapport, de toute analogie utile
et applicable entre l'ancien droit, quant à la pénalité, et les matières actuelle-
ment régies par le Gode pénal de 1810.
Ce qui touche à l'instruction criminelle demande un peu plus de détails ;
d'abord, parce que, dans les matières d'instruction, de procédure criminelle,
règne, comme vous le verrez plus tard, un peu plus d'étendue, un peu plus de
latitude d'interprétation ; ensuite, parce que le même arbitraire qui régnait,
quant à la pénalité, quant à l'application des divers châtiments, ne réjiçnait
pas, au moins d'une manière aussi complète, dans la procédure criminelles ^
Cette procédure a été régie avant 1789 par deux ordonnances assez célèbres,
dont la seconde surtout mérite quelques détails ; je veux parler des ordoiLUan^
ces de 1539 et de 1670.
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HISTORIQUB DU CODB PÉNAL. 5
4. li est assez difficile de bien juger aujourd'hui du mérite relatif de Tor-
donnanoe de 1539, dans l'obscurité qui couvre pour nous la marche, les règles
de la procédure criminelle antérieure ; on ne saurait guère dire si cette ordon-
nance fut un progrès, ou au contraire un pas rétrograde. Citons cependant
quelques exemples de nature à faire connaître l'esprit qui y dominait, de na-
ture à faire juger le mérite des reproches qui, cent ans avant 1780, avaient été
élevés contre elle.
L'ordonnance de 1539 a consacré, dans la procédure criminelle française,
un usage qui malheureusement y a duré trop longtemps, le secret le plus com-
plet pendant toute la durée de Tlnstruction.
On lui a reproché également d'avoir formellement, expressément refusé à
Taccuséle droit de faire présenter sa défense par la bouche d'un avocat; c'était
la disposition de l'art. 162.
Cette ordonnance, qui refusait à Taccusé un défenseur, ne lui permettait
même pas, au moins d'une manière formelle, de recourir à un conseil qui pût
le guider, le diriger dans les détails et l'examen de la procédure instruite con-
tre lui.
Enfin, elle obligeait l'accusé contre lequel des témoins étaient produits, de
présenter les reproches qu'il avait à faire valoir contre ces témoins dès que leur
nom lui était notifié ; une fois que la déposition de ces témoins, reçue et écrite
hors de sa présence, lui avait été lue, il était non recevable à en discuter le
mérite, à aflTaiblir par des motifs quelconques l'autorité, la gravité des témoi-
gnages qui avaient été donnés contre lui. Ainsi le voulait l'art. 154.
Ces divers points paraissaient avoir soulevé de la part des parlements une op-
position assez vive; et nous trouvons du reste un témoignage authentique, une
preuve manifeste de la défaveur qui accueillit cette rigueur de procédure,
dans les écrits d*un jurisconsulte fameux, d'un auteur contemporain, dans les
écrits àeDnmonUn, Voici en quels termes il reprochait au chancelier Poyet,
auteur de cette ordonnance, ce refus étrange, cette rigueur nouvelle dans le
droit français, qui refusait à l'accusé le ministère, l'appui d'un défenseur :
Vide, disait Dumoulin, vide tyrannicam impii Poyeti opinionem, vide duritiam
iniquissimam per quam eiiam aufertur defensio ; sed nuncjudicio Deijusto redun-
dat in auetorem.
En efifet, en 1544, cinq ans après la publication de l'ordonnance, dans l'an-
née même où Dumoulin écrivait ceci, le chancelier Poyet était victime, à son
tour, des rigueurs qu'il avait accumulées dans son ordonnance. Accusé de pé-
culat, de concussion, traduit devant une commission de ce même parlement,
au mépris des remontrances duquel il avait publié cette partie de l'ordon-
nance, Poyet voyait citer contre lai une multitude de témoins inconnus, contre
lesquels il n'avait aucun reproche, aucune récusation possible à proposer.
Pour s'enquérir de la vie de ces témoins, de leurs rapports avec lui, pour con-
naître, en un mot> les reproches à l'aide desquels il pourrait affaiblir leurs
dépositions, il demandait du temps, un sursis; il demandait un défenseur. Le
juge chargé de Tenquète lui répondit par ces paroles fameuses : « Patere legem
quam ipse iulisii. C'est toi qui as fait la loi, supporte-la. » Poyet fut condamne.
5 Cependant, malgré la célébrité d'un tel exemple, les principes désastreur
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6 PREMIÈRE LEÇON. — INTRODUCTION (n® 5).
contenus dans rordonnance de 1539 restèrent en pleine vignear jusqu'à l'or-
donnance de 1670, par laquelle Louis XIY voulut publierun corps de législa-
tion^ ou plutôt d'instruction criminelle, comme il avait, trois ans plus tôt, fait
publier un corps de procédure, d'instruction civile. Il est môme à remarquer
que la jurisprudence avait encore enchéri dans un assez grand nombre de par-
lements, sur les rigueurs de l'art. 162, et que, comme cet article, qui refusait
à l'accusé le ministère d'un avocat, était muet sur la question de savoir 6*il
obtiendrait un conseil, non pas pour plaider, mais pour .le guider, les tribu-
naux en avaient conclu qu'il leur appartenait, suivant la nature et la gravité
des cas, d'accorder ou de refuser à l'accusé le droit de communiquer, le droit
de consulter. Nous verrons, tout à l'heure, cette question agitée solennelle-
ment lors de la discussion de l'ordonnance de 1670.
Cette dernière ordonnance a reçu, dans l'origine, d^assez grands éloges. Elle
avait, en effet, le mérite, précieux en tout temps, de contenir un corps com-
plet, régulier, uniforme dans celle de tontes les matières du droit où la régu-
larité, la fixité, l'uniformité importenjb le plus. Aussi, un criminaliste moderne,
séduit sans doute par ce mérite incontestable de l'ordonnance, a-t-il cru pou-
voir dire que cette ordonnance parut ôtre et fut un grand bienfait. Cependant,
sans contester, sans discuter la vérité de cet éloge, il est sûr que, pour l'ad-
mettre, il nous faudra supposer que d'intolérables abus avaient précédé l'or-
donnance. En effet, vous verrez les rigueurs de l'ancien esprit en matière de
procédure criminelle se reproduire à chaque pas dans les détails de cette ordon-
nance. Je procède également par quelques exemples.
L'un des éléments, le premier, le plus simple de tous les éléments de l'ins-
truction, c'est l'interrogatoire qu'on fait subir à l'accusé ; c'est là, vous le sen-
tez, un élément essentiel, un élément nécessaire de toute procédure crimi-
nelle. Il parait que, depuis longtemps, s'était introduit en France, sans aucun
texte de loi, un usage d'une étrange bizarrerie; il consistait à contraindre l'ac-
cusé, avant de subir l'interrogatoire, à prêter serment de la vérité des réponses
qu'on l'appelait à faire. Cet usage le plaçait, «vous le voyez, surtout dans les
affaires graves, dans les matières capitales, entre la nécessité de se parjurer
ou celle de s'accuser lui-môme ; cet usage ne lui laissait que l'insupportable
alternative ou d'une violation de sa foi religieuse, ou d'une sorte de suicide.
Aussi, lorsque dans le projet de l'ordonnance de 1670 on eut inséré, pour l'ac-
cusé, l'obligation de prôter serment, de dire la vérité dans son interrogatoire,
lorsqu'on voulut convertir en loi ce qui jusqu'alors n'était qu'une affaire d'u-
sage, les plus vives, les plus sérieuses réclamations s'élevèrent. Le premier
président du parlement, M. de Lamoignon, réclama vivement l'abolition de cet
ancien usage ; il fit sentir, avec la plus grande force, quel inconvénient il y
avait à placer un accusé dans une telle alternative; à le contraindre, en quel-
que sorte, à se parjurer, pour sauver sa vie, à profaner par là môme l'usage et
l'emploi du serment; il démontra, et ses raisons, fort développées, sont bonnes
à lire dans le procès-verbal de l'ordonnance, il démontra que cette prestation
de serment, imposée à l'accusé, n'avait pour elle l'autorité d'aucune loi, d'au-
cun édit, d'aucune ordonnance ; qu'elle avait pris sa source, à ce qu'il sem-
blait, dans la procédure de l'inquisition, telle qu'elle avait été décrite, en 1360,
dans un livre intitulé : Manuel des inquisiteurs. Cependant, et nonobstant sa
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HISTORIQUIS DU CODB PÉNAL. 7
gravité^ la puissance de ces réclamations, ce qui n'était qu'usage devint loi.
Vous verrez les réponses insignifiantes qui furent faites à M. de Lamoignon.
La nécessité du serment continua d'être imposée, ou plutôt fut formellement
imposée avant tout interrogatoire.
La même rigueur apparaît dans les matières plus importantes pour la sû-
reté de l'accusé, pour la bonne administration.de la justice. Ainsi il ne fut pas
question, dans l'ordonnance de 1670, d'accorder aux accusés ce que l'art. 162
de l'ordonnance précédente leur avait formellement refusé; il ne fut pas
même question, de la part de Lamoignon, qui représente dans tous ces débats,
quoique avec peu de succès, la cause de l'humanité et aussi de la raison, il
ne fut pas question d'accorder à l'accusé le ministère, l'appui d'un avocat.
Mais le projet allait plus loin, et il proposait de refuser à l'accusé, au moins
dans la plupart des cas, le droit de communiquer, même après son interroga*
toire, avec un défenseur, le droit de requérir ses conseils, que l'ordonnance
de 1539 ne lui avait pas refusés, du moins expressément.
Ici reparurent, avec toute leur force, les objections de M. de Lamoignon. Il
disait que refuser à Paccusé le droit de s'éclairer d'un conseil, c'était violer
cette loi de la nature, ce sentiment si puissant qui porte le plus faible, le
moins habile, à recourir à l'appui d'un plus fort, d'un plus habile ; qu'à la
vérité, l'emploi des conseils au profit des accusés, la liberté de communiquer
après leur interrogatoire, pouvaient dans certaines affaires entraver, par quel-
ques lenteurs, l'administration de la justice ; que certains conseils profiteraient
sans doute de leur communication avec l'accusé pour lui suggérer des moyens,
des chicanes sans fondement, à TefiTet de retarder, d'arrêter la procédure ;
mais que cet inconvénient était minime, en présence du danger contraire ;
qu'il valait infiniment mieux entraver par quelques lenteurs la procédure cri-
minelle : s'exposer même au danger de laisser échapper quelques coupables,
que d'exposer, comme on le faisait chaque jour, un innocent à périr faute
d*avoir pu communiquer.
Cependant ces réclamations ne prévalurent pas ; l'usage ancien, défendu, et
durement défendu par M. Pussort, l'emporta encore sur les réclamations d'une
partie des parlements. M. Pussort répondit qu'au moyen des conseils, il n'y
aurait pas possibilité de voir la fin d'un procès; qu'un accusé assez riche pour
payer des avocats trouverait moyen d'entraver éternellement la procédure
dirigée contre lui.
En conséquence, le projet fut maintenu, et maintenu avec la plus étrange,
la plus inconcevable des distinctions. En effet, on fut d'abord bien d'accord, et
la chose était fort sage, qu'avant l'interrogatoire l'accusé ne pourrait commu-
niquer avec personne. On conçoit qu'on ne veuille pas lui laisser les moyens
de consulter un avocat, de préparer, de combiner ses premières réponses.
Mais une fois l'interrogatoire achevé, on se demandait s'il était bon d'autoriser,
dans certains cas, pour l'accusé, le droit de communiquer avec qui bon lui
semblerait, et par conséquent avec un conseil. On distingue, à cet égard, en-
tre les crimes capitaux, ceux qui entraînent les peines dont j'ai parlé tout à
l'heure, et les crimes non capitaux. Le titre XIV de l'ordonnance, art. 8 et 9,
consacra cette distinction. Dans les uns, on permit à l'accusé, de communiquer,
dans les autres, on lui refusa cette faculté, on le laissa sans conseil, voulant
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8 PREMIÈRE LEÇON. — INTRODUCTION (n*" 5).
que le secret fût rigoureasement maintenu jusqu'après la condamnation. Mais
dans quels cas lui permettait-on, dans quels cas lui refasait-on le conseil ?
La réponse ne semblerait pas douteuse : apparemment dans les accusations
capitales, dans celles qui ont pour Taccusé les conséquences les plus terribles,
dans celles dont la gravité peut à l'avance Teffrayer, Tépouvanter, paralyser son
esprit, lui enlever les moyens de se bien défendre. Il est naturel de croire,
qu'avec la force de la peine, va s'accroître et s'augmenter la sollicitude du lé-
gislateur; qu'à cet accusé, découragé d'avance par les conséquences fatales de
son procès, on permettra, précisément à raison de ce péril, de communiquer
avec un conseil qui pourra le défendre. Ainsi le fouet, le bannissement, les
galères à temps, toutes ces peines non capitales, on les infligera sans doute
sans accorder de conseil à Taccusé ; mais du moins son sang ne coulera pas,
mais du moins les supplices que détaille Pothier ne lui seront pas infligés
sans qu'il ait pu recourir aux conseils d'un bomme plus habile, à l'effet de
discuter les charges, de peser la procédure. Eh bien, non ; c'est précisément le
contraire : dans les crimes non capitaux, l'accusé interrogé peut, d'après l'art.
9, réclamer le droit de communiquer, peut obtenir un conseil ; du reste, s'il ne
le réclame pas, l'ordonnance dit formellement que le juge ne lui en donnera
pas. Quant aux crimes capitaux, à ceux qui entraînent la mort, avec ou sans
tortures, les galères perpétuelles, le bannissement à vie, il n'y aura pas pour
lui possibilité d'obtenir non pas un avocat, mais môme un conseiL
La raison en est curieuse, il faut l'entendre donner dans le procès-verbal
par M. Pussort ; il faut l'entendre débattre tout aussi froidement par Pothier.
C'est que, dans le cas de meurtre, d'incendie, d'assassinat, de vol à main ar-
mée, c'est-à-dire dans ces cas graves oiî il s'agit de voir si l'accusé a commis ou
non le fait, il n'a pas besoin de conseil pour avouer ou pour dénier. MM. Pus-
sort et Pothier, qui répètent froidement cette raison, auraient pu y ajou-
ter quelque chose de plus : c'est que, d'après l'ordonnance qui simplifie et
réduit à ce point les moyens de défense de l'accusé, à son aveu se joignait
encore un moyen plus précis et plus simple d'arriver à la vérité. En effet, les
aveux volontaires provoqués par le serment ont-ils manqué? on a la ressource
de la question ; de la question autorisée par l'ordonnance, précisément dans
ces crimes capitaux, à raison desquels cette môme ordonnance refuse formel-
lement à l'accusé tout conseil; de la question, dont Pothier, dans le môme
passage, répète et donne les détails avec un inconcevable sang-froid.
Au reste, ces moyens de tortures, employés contre toute raison, pour arra-
cher, contre un accusé, des preuves que l'instruction n'a pas fournies, sont
encore présentés, justifiés dans l'ordonnance de la plus singulière façon ; jus-
tifiés, je me trompe, car, à propos de l'article môme où la question est établie,
on voit d'abord M. de Lamoignon demander qu'au moins, tout en conservant
la question, on prenne la peine de fixer quelques limites pour en déterminer
la nature et la durée, pour empocher, ce qui arrive dans certains endroits, que
les accusés n'en demeurent estropiés. M. Pussort répond que ces détails se-
raient indécents dans l'ordonnance, et en conséquence on laisse aux juges la
faculté de faire durer la question autant qu'ils le voudront ; Pothier ajoute
seulement qu'un médecin sera présent pour arrêter la question en cas de
danger. M. de Lamoignon ajoute que jamais la question n'a produit de rôsul-
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UISTORIQUJB DU C00£ PÉNAL. 9
tats niiles. Talon en dit autant. M. Possort reconnaît la vérité du fait; et tout
le monde étant bien d'accord que^ dans la pratique, les tortures ne menaient à
rien^ on maintient cependant la question (Pothier, môme section Y, § 3).
Ce qui est inconcevable, c'est ce qui suit : « Cette question dont nous parlons
ici n*est pas celle que les juges ordonnent contre un accusé convaincu et con-
damné, pour lui faire révéler ses complices ; non : c'est la question à laquelle
les juges soumettent un accusé contre lequel les preuves ne paraissent pas
complètes, i Ainsi il faut qu'il y ait déjà un commencement de preuves con-
sidérable ; il faut, de plus, que le crime imputé à Taccnsé soit de nature à en*
traîner la mort. Mais vous sentez que la première de ces conditions a laissé
tout à l'arbitraire, que la conscience du juge décidera, quand et comme il
Fentendra, si le commencement de preuves est déjà considérable* En outre»
cette question a précisément pour danger de suppléer, par les aveux de Tac-
cusé, à l'insuffisance des preuves déjà produites contre lui. La conséquence na-
turelle semblerait être, que, si l'accusé résiste, si les tortures qu'on lui impose
n'arrachent de lui aucun aveu, il sera renvoyé acquitté, puisqu'on effet la
question a été ordonnée à cause de l'insuffisance des preuves. Puisque la ques-
tion, loin de donner aucune preuve nouvelle, n'a fait qu'ajouter une présomp-
tion de plus à l'innocence de l'accusé, il semblerait naturel de le renvoyer de
l'accusation. Pas du tout, l'ordonnance décide qu'alors, si l'accusé a résisté à
la question, s'il n'a fait aucun aveu, on ne pourra pas le condamner à la mort,
mais que toute autre peine peut lui être infligée; parexemple» celle des galères
perpétuelles, vous dit Pothier. Yoilà, à coup sûr, la plus singulière de toutes
les logiques, surtout en matière pénale. On n'a pas de preuves suffisantes, et
précisément, faute de preuves, on a cherché un supplément dans cet étrange
usage de la torture, elle n'a rien produit; l'accusé est condamné non plus à la
mort, mais aux galères I on n'est pas assez convaincu du crime pour lui ôter
la vie, mais on en est assez convaincu pour lui infliger une autre peine I Ai-je
besoin de dire qu'il n'y a pas de milieu possible entre la conviction qui con-
damne, et la conviction, ou môme la simple certitude, qui entraîne forcément
l'acquittement d'un accusé ?
Enfin, une des raisons de M. de Lamoignon pour réclamer, en faveur de
l'accusé, le droit d'obtenir des conseils, c'était, disait-il» que la plupart des
accusés étaient par leur position absolument hors d'état de vérifier les procé-
dures dirigées contre eux, absolument liors d'état de reconnaître les nullités
qui auraient pu se glisser dans les instructions, qui d'ailleurs ne leur sont pas
communiquées par écrit et qu'ils ne connaissent que par une lecture rapide,
instantanée. Pussort et Pothier ont encore trouvé une réponse à cela : c'est
que les juges auront la mission de vérifier la régularité de la procédure. Ainsi,
Pothier dit, section IV, art. 6, § 1 m fine : i Dans les autres crimes capitaux,
oi^ il n'est question que de savoir si un accusé a fait ou non telle <ïhose, on
ne permet pas aux accusés d'avoir un conseil, parce qu'on n'a pas besoin de
conseil pour convenir delà vérité de tels faits.» Et il ajoute : « Mais, comme
les accusés pourraient prétexter qu'ils ont besoin de conseils pour relever les
nullités qui peuvent se trouver dans la procédure et qu'ils ont intérêt de re-
lever, l'ordonnance charge les juges d'y suppléer et d'y faire eux-mêmes cet
examen. >
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10 PREMIÈRE LEÇON. — INTRODUCTION (n® 6).
Voilà, je l'avoue, une bien singulière prévoyance, une bien singulière preuve
d'humanité. L'ordonnance prévoit que des nullités peuvent avoir été commi-
ses, que l'accusé a un ijitérêt capital à les relever, puisque sa vie en dépend ;
et qui charge-t-elle de les découvrir, de les rechercher, de prononcer sur ces
nullités ? Les juges eux-mêmes qui ont commis ces nullités.
A coup sûr, une législation qui refuse à Taccusé et un défen?eur et un con-
seil, une législation qui impose d'abord à sa conscience la torture du serment
avant Tinterrogatoire, puis la torture du corps quand il est interrogé, n'a pas
dû servir de modèle aux lois, bonnes ou mauvaises, qui nous régissent aujour-
d'hui, et ne peut être pour nous que de peu de secours dans l'interprétation
et dans l'explication de ces lois.
6. Et toutefois cette observation ne doit pas être prise dans un sens trop
absolu. Les lois nouvelles, lors même qu'elles inaugurent un système nouveau,
ne naissent pas d'un seul jet: elles ne font en général que remplacer sous une
autre forme les matériaux dont le soi est couvert et qui conservent l'empreinte
qu'ils ont précédemment reçue. Notre législation pénale, par l'esprit dont
elle est animée, par les principes qu'elle développe, et surtout par les formes
de sa procédure, doit être considérée comme ayant commencé une nouvelle
ère en 1789 ; mais ce serait une grave erreur que de croire que toutes ses
dispositions sont de création récente et ont surgi subitement à cette époque.
En matière pénale, l'échelle et la gradation des peines ont été radicalement
changées, mais la plupart des incriminations ont été maintenues ; et c'est dans
l'ancien droit et surtout dans les travaux qu'il a suscités qu'ont été puisées la
division des faits punissables et toutes les règles relatives à leur appréciation.
En matière de procédure, il serait facile de constater que toutes les dispositions
du Gode d'instruction criminelle relatives à l'exercice de l'action publique et
de Faction civile, aux droits et aux obligations du ministère public et de la
partie civile appartiennent à la législation fondée par les ordonnances de 1539
et de 1670 ; que les principales formes de la procédure écrite remontent, à tra-
vers ces mêmes ordonnances, à une source plus ancienne encore, aux règles
du droit ecclésiastique; que les principes de l'instruction orale et publique ne
sont qu'un retour aux principes qui ont régi la France pendant dix siècles,
qu'une reproduction des formes de notre procédure antérieure au seizième
siècle, qu'une imitation des règles plus anciennes encore de la procédure grec-
que et de la procédure romaine ; enfin que les dispositions qui ont pour objet
l'appel et les voies de recours retrouvent leur origine dans les dispositions du
droit féodal. Sans aucun doute, il faut reconnaître que les rédacteurs de nos
Godes ont, en général, profondément modifié les institutions qu'ils emprun-
taient à des législations éteintes; ils les ont appropriées à nos institutions mo-
dernes ; ils les ont mises en harmonie avec nos lois, avec nos mœurs, avec
notre constitution politique. Mais, sous les formes nouvelles qu'elles ont revê-
tues, elles ont conservé en partie leur esprit, leurs tendances, leur autorité. Il
n'est donc pas entièrement inutile de remonter à ces sources de notre droit
moderne, si l'on veut, non se borner à la connaissance des textes, mais en
approfondir les principes et en rechercher la valeur scientifique. Les lois
suivent les mœurs et les habitudes sociales dont les transformations sont
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HISTORIQUE DU GODB PÉNAL. 11
lentes et souvent plus apparentes que réelles, et lors même qu^elles changent
les lois antérieures, elles s'y rattachent par leurs dispositions secondaires;
elles ne font quelquefois que modifier les dénominations, mais elles conser-
vent les choses. Ainsi, et quoique notre législation pénale ait été transformée»
il sera nécessaire de remonter plus d'une fois, pour expliquer ses textes, à
celle qu'elle a remplacée, et nous verrons que cette étude qui, trop étendue, se*
rait, comme on vient de le dire, étrangère à ce cours, sera cependant, dans de
certaines limites, un secours et un véritable appui pour notre examen.
7. Vous comprendrez aisément, d'après les détails qui précèdent qu*en 1789,
lors de la réunion des états généraux, la révision des lois criminelles se trouvât
consignée, comme vœu et comme demande, dans tous les caliiers remis par
les bailliages à leurs commettants. Aussi l'Assemblée constituante, dans une
loi du 24 aoât 1790, posa en principe quelques-unes de ces règles générales qui
servent encore aujourd'hui de base à nos lois criminelles, et entre autres elle
annonça qu'il serait procédé incessamment à la rédaction d'un Gode de lois
pénales mieux appropriées à la nature, à la gravité de chaque délit, d'un CSode
de lois pénales uniformes et communes à tout le royaume.
L'accomplissement de ce vœu, la réalisation de cette promesse ne se fit pas
attendre longtemps. Au milieu de ses immenses travaux, l'Assemblée natio-
nale publia successivement, dans la matière qui nous occupe, deux Godes et
une instruction, qu'il est encore utile, encore nécessaire de consulter souvent
aujourd'hui : d'abord, un Gode d'instruction criminelle, décrété le 16 septem-
bre 1791 et sanctionné le 29 du même mois, puis un Gode pénal, décrété le
25 septembre 1791 et sanctionné le 6 octobre ; enfin une instruction en forme
de loi, destinée à guider les officiers de police îudiciaire et les juges dans l'ap-
plication des lois nouvelles. Gette instruction a pour date le 29 septembre 1791 .
Vous pouvez y joindre aussi une loi du 19 juillet 1791, sur la procédure en
matière de police correctionnelle et municipale, car le premier Gode ne s'ap-
plique qu'à l'instruction criminelle proprement dite.
Ges Godes restèrent en vigueur jusqu'au Gode des délits et des peines publié
le 3 brumaire an lY. Je ne parle pas des tribunaux révolutionnaires, institués
dans l'intervalle, le 10 mars 1793 ; il est trop évident que l'institution de ces
tribunaux, que l'établissement de ces juridictions permanentes et choisies, de
ces commissaires permanents et choisis, décorés dérisoirement du nom de ju-
rés, appartient uniquement à l'histoire de la politique, mais non pas, heureu*
sèment, à l'histoire de la justice en France.
Gomme je l'ai dit, le Gode du 3 brumaire an lY, connu sous le nom de Gçde
des délits et des peines, refondit en grande partie les dispositions des lois pu-
bliées, en matière d'instruction, par l'Assemblée constituante, celles du 19 juil-
let et du 29 septembre 1791 . A l'égard du Gode pénal de l'Assemblée consti-
tuante, il fut presque entièrement maintenu par le Gode du 3 brumaire an IV.
Vous verrez dans ce Gode l'abrogation des lois d'instruction antérieures, dans
l'art. 594, et la consécration des lois pénales antérieures, dans les art. 609 et
610, à l'exception pourtant de quelques dispositions toutes spéciales.
Enfin, en joignant à ces diverses lois celle du 7 pluviôse an IX, qui intro-
duisit dans la police judiciaire un changement important et dont nous aurons à
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12 PREMIÈRE LEÇON. — INTRODUCTION (n° 8).
traiter plus tard, vous connaîtrez à peu près l'état, la statistique, Tensemble
de la législation en cette matière, lorsque le gouvernement du consulat voulut
embrasser la matière du droit criminel dans la publication des Godes dont il
s'occupait à cette époque.
8. En effet, un arrêté du 7 germinal an IX (28 mars 4801) nomma six com-
missaires chargés de rédiger et de présenter un projet de Code criminel. Ce
projet, qui comprenait 1,169 articles, embrassa dans un môme corps ce que
jusqu^alors on avait traité séparément, savoir,* le droit pénal et l'instruction
criminelle, ce qui fait aujourd'hui l'objet de deux Godes distincts et séparés.
Le projet ainsi rédigé fut d'abord soumis aux observations de tous les tribu-
naux d'appel, tels qu'ils étaient institués par la loi du 27 ventôse an Vin. Puis,
les observations de ces tribunaux ayant été rédigées et imprimées, le projet
fut porté, conformément aux règles alors en usage, à la section de législation
du conseil d'État; la discussion y commença le 16 prairial an XII (5 juin 1804).
Cette discussion a présenté un caractère d'étendue, de généralité, qui la dis-
tingue d'une manière assez notable, de la discussion des autres Codes. Ainsi,
par ordre de l'empereur, la discussion dut rouler d'abord sur quelques ques-
tions générales dont il avait exigé la rédaction et la position. Voici quelles fu-
rent les principales de ces questions en ce qui touche la matière de l'instruction
criminelle; j'en citerai d'autres pour le Code pénal.
La première, la plus grave de toutes, était celle-ci : i^ L'institution du jury
sera-t-elle conservée? Elle avait été, vous le savez, introduite en France par
les lois de l'Assemblée constituante.
2<> Y aura-t-il un jury d'accusation et nn jury de jugement ? Le système
des deux jurys emprunté aux États-Unis et à l'Angleterre avait été transporté
en France par les lois de 1791 et de l'an VIII : il y avait un premier jury pour
prononcer la mise en accusation, et un second pour juger. Ce système est aboli
maintenant.
3<> Gomment, dans quelle classe, et par qui les jurés seront-ils désignés ?
4<> Posera-t-on au jury plusieurs questions simples comme sous l'empire
des lois antérieures, ou ne lui posera-t-on, au contr^iire, qu'une question uni-
que et complexe : Un tel est-il coupable ?
5<* La déclaration du jury se formera-elle à Tunanimité on à la simple ma-
jorité des voix?
6<^ EnGn, y aura-t-il des magistrats ambulants chargés d'aller tenir les assi-
ses dans un ou plusieurs départements ? Le sens de cette dernière question
va s'éclairer tout à l'heure.
La discussion commença le 16 prairial an XII (le 5 juin 1804), peu de jours
après le sénatus-consulte qui conférait à Napoléon le titre d'empereur.
Sur la première question, le maintien du jury, surgirent des débats assez
vifs; lo jury trouva dans le conseil d'Etat et d'assez chauds adversaires et
d'opinuUi es défenseurs. Cette discussion se termina d'abord par une solution
affirmâfive : le maintien du jury fut décidé, et les autres questions suivirent
a fi j=ez rapidement.
Amgi, on vota de môme la conservation du jury d'accusation et du jury de
jugement, solution de la deuxième question.
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HISTORIQUE DU GODE PÉNAL. 13
On décida que les jurés seraient pris parmi les membres des collèges électo-
raux ; que plusieurs questions seraient présentées ; que la décision s'arrêterait
à la simple majorité : ceci est contraire au projet.
Enfin, on posa cette dernière question : N*y aura-t-ii plus de magistrats
ambulants chargés d*aUer tenir des assises?
Malgré la solution affirmative donnée, dès l'origine, aux deux premières
questions, elles étaient destinées encore à faire l'objet de longs et nombreux
débats. En effet, la sixième question, une fois posée, ramena la discussion sur
le terrain des deux premières. Pour bien comprendre le sens de cette ques*
tion, il est essentiel de se reporter au système judiciaire qui existait en 1804.
A cette époque, tous savez déjà quelle était Torganisation de la justice civile
en France : elle avait sa base dans la loi du 27 ventôse an YIU. Ainsi il y
avait, dans chaque arrondissement, un tribunal civil, c'étaient les anciens tri-
bunaux de district; et de plus, pour un certain nombre de départements, un
tribunal d'appel, auquel le sénatus-consulte du 28 floréal an XII venait de
donner le nom de cour d'appel. Mais le point dont je n'ai pas parlé, et qui ap-
partient tout à fait à la matière qui nous ocdupe maintenant, c'est l'institution,
l'organisation de la justice criminelle. Elle n'était pas, à cette époque, comme
vous la voyez aujourd'hui, réunie, confondue avec la justice civile; au con-
traire, des tribunaux distincts, séparés, étaient chargés d'administrer l'une et
l'autre.
Ainsi, outre ces tribunaux d'arrondissement et ces tribunaux d'appel, il exis*
tait dans chaque département, et en général au chef-lieu du département,
un tribunal criminel. Ge tribunal était composé d'un président, de deux juges
et de deux suppléants*, c'est ce qui résultait de la loi du 27 ventôse an YIU
(art. 22). Les tribunaux ou cours, que nous appellerons maintenant cours d'ap-
pel, n'avaient donc aucune portion de la justice criminelle, aucune attribution
en matière criminelle. Lea tribunaux d'arrondissement, ou tribunaux civils, ne
participaient que très-partiellement, qu'indirectement, et de loin, à l'adminis-
tration de cette même justice. En effet, les tribunaux d'arrondissement con-
naissaient, en première instance, des affaires correctionnelles ; l'appel de ces
affaires était porté aux tribunaux criminels institués dans chaque département.
De plus, un des membres du tribunal civil d'arrondissement, membre qui se
renouvelait tous les six mois, devait, sous le nom de directeur du jury d'accu-
sation, s'occuper des préliminaires de l'instruction criminelle proprement dite.
Quant à l'appel des jugements de police correctionnelle, quant à la tenue des
assises des jurys de jugement pour juger les matières criminelles, ils apparte-
naient exclusivement au tribunal criminel établi dans chaque département. Tel
était le système du Gode du 3 brumaire an IV, maintenu implicitement par
la loi du 27 ventôse an VIII.
Cette organisation judiciaire était modifiée en partie par le projet de Gode
dont nous nous occupons en ce moment. La commission, qui avait rédigé ce
projet, proposait l'imitation partielle de ce qai était suivi et de ce qu'on obser-
vait encore en Angleterre, de confier la présidence des cours d'assises, la pré-
sidence des jurys de jugement, à plusieurs magistrats chargés annuellement
de tenir ces cours d'assises dans un certain nombre de départements. Ces ma-
gistrats portaient, dans le projet, le nom de préteurs. C'était au gouverner
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14 PREMIÈOE LEÇON. — INTRODUCTION (n* 9).
à désigner tous les ans, à chaque préteur, dans quel ressort et dans combien
de départements il irait présider les assises. Le projet de Gode conservait donc
Texistence des tribunaux criminels, mais il en changeait la composition; il-
leur donnait pour président, dans les affaires de la police correctionnelle, un
propréteur, et pour président, dans les affaires criminelles, ce préteur ambu-
lant chargé de présider successivement trois, quatre ou cinq tribunaux crimi-
nels dans des départements contigus.
Le but était manifeste : à part l'esprit d'imitation de l'Angleterre, qui avait
pu influer sur la rédaction de ce projet, on y trouvait l'avantage de confier la
présidence des cours d'assises et la haute direction des affaires criminelles, à
un magistrat élevé supérieur en position aux présidents des tribunaux crimi-
nels établis dans chaque département, à un magistrat qui, étranger au dépar-
tement, ne pouvant même jamais présider les assises dans le lieu où il était né
ou dans le lieu de son domicile, serait par là môme nécessairement dégagé de
ces influences, de ces préventions locales qu'on avait à redouter dans les pré-
sidents des tribunaux criminels résidant à vie dans le même lieu.
9. La question une fois établie sur ce terrain, une première discussion s'en-
gagea entre la commission qui proposait ce système, et certains membres du
conseil d'État qui voulaient, au contraire, maintenir les tribunaux criminels
dans leur existence actuelle. Mais, au milieu de cette discussion éclata un
incident, survint une proposition qui en changea la base, et qui, d'ailleurs, a
exercé trop d'influence sur l'organisation judiciaire actuelle pour ne pas mé-
riter de nous occuper. Au milieu de ce débat entre le système des préteurs
ambulants et celui des présidents permanents de chaque tribunal criminel
l'empereur souleva une question toute nouvelle, qui partagea fort longtemps
les esprits, et finit par faire changer tout le système. Il proposa la création,
l'institution de corps judiciaires beaucoup plus complets, beaucoup plus im-
posants que ceux qui existaient jusque-là; il demanda la réunion, en un
même corps et dans les mêmes mains, de la justice civile et de la justice cri-
minelle, jusqu'alors isolées, détachées; il demanda que les tribunaux d'appel,
établis, vous le savez, pour un nombre variable de départements, fussent en
même temps chargés et de la justice civile et de la justice criminelle, et qu'on
arrivât ainsi au renouvellement, au rétablissement de ces grands corps judi-
ciaires que l'Assemblée nationale avait détruits, et dont maintenant on ne re-
doutait plus Iq retour et Tinfluence. Cette proposition inattendue changea tout
à fait la face de la discussion et ramena la question du jury, déjà décidée. En
effet, il parut à tous les partisans du jury que ce système de réunion des deux
justices était inconciliable, incompatible avec le maintien du jury. La raison
en est fort simple, disaient-ils; confier aux cours d'appel l'administration de la
justice criminelle aussi bien que de la justice civile, créer, organiser de grands
centres d'action communs à plusieurs départements, c'était éloigner beaucoup
les justiciables de leurs juges ; c'était nécessiter, par exemple, à des jurés, un
déplacement de trente, quarante, cinquante lieues, pour se rendre des extré-
mités du ressort au chef-lieu de la cour devant laquelle devraient se tenir les
assises ; c'était, en d'autres termes, rendre inapplicable, en pratique, l'institu-
tion du jury déjà maintenue. Mais cette considération même fut, pour les
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UfSTOAIQUK D(J COOS PÉNAL. 15
adversaires da jury, une raison de plus d'insister sur la réunion, et pendant
nombre de séances la question continua de marcher parallèlement à celle du
jury ; les adversaires du jury insistant sur la réunion qui devait tendre à le
renverser; les partisans du jury repoussant la réunion comme inconciliable
avec le jury. Ces débats se prolongèrent quelque temps, mais enfin les parti*
sans du jury remportèrent^ et le projet de la réunion fut repoussé.
10. Mais, le 29 décembre 1804, toute cette discussion se trouva ajournée et
interrompue pendant quatre ans ,* Texamen du projet de Ck)de fut abandonné :
on n'y revint qu'en 1808, dans la séance du 8 janvier. Alors, au lieu de repré-
senter au conseil d'État le projet de germinal, on divisa le droit criminel en
deux parties, comme il l'est aujourd'hui, et on soumit d'abord à la délibération
du conseil d'Ëtat la matière de l'instruction criminelle.
Ces nouveaux débats commencèrent, comme les autres, par l'examen des
questions générales, qu'on avait déjà décidées, et dont on reprit une deuxième
fois la discussion ; Napoléon ne manqua pas d'y reproduire son idée favorite)
la réunion des deux justices, les partisans et les adversaires du jury ne man-
quèrent pas d'y prendre part. Gomme point d'histoire, et avant d'indiquer le
résultat, il est bon de voir de quels motifs était appuyé le projet de cette réu-
nion, qui a prévalu en définitive.
Un assez grand nombre de conseillers d'État y voyaient l'avantage d'orga-»
niser des corps plus nombreux, plus imposants, plus propres à se concilier la
considération et le respect publics ; l'empereur, intervenant dans la discussion,
prit la question de plus haut^ et donna des motifs beaucoup plus graves en
£Etveur de la réunion. Voici ses termes :
t 8a Majesté dit que la question n'a encore été traitée que sous le rapport
de la considération qu'il importe d'assurer aux juges. Les uns ont prétendu
que cette considération dépend du nombre, les autres qu'elle dérive de la na-
ture des fonctions. — c Mais il est un autre point de vue beaucoup plus impor-
tant, sous lequel il convient d'envisager la question. — t La réunion de la jus-
tice criminelle à la justice civile ne doit pas seulement avoir pour objet d'éta-
blir des corps dont la dignité impose davantage au public, aux accusés, aux
défenseurs. Sa Majesté, en adoptant cette opinion, s'est surtout décidée par le
désir de donner plus d'intensité à la justice criminelle. — t Dans l'état actuel
des choses, la poursuite des crimes est confiée à un magistrat de sûreté, à un
juge instructeur, au procureur général, fonctionnaires isolés, qui ne trouvent
pas en eux assez de force pour attaquer les coupables puissants. Le tribunal ne
peut les mettre en mouvement, ni ranimer leur énergie ; car il est sans pou-
voir sous ce rapport, et le président le plus ferme dans ses fonctions verrait
commettre un délit, qu'il serait réduit à en être le témoin passif. — « Il faut,
si le ministère public néglige ses devoirs, que la cour criminelle puisse le
mander et lui ordonner de poursuivre. — < Mais on ne doit pas attendre tant
de fermeté de tribunaux composés d'un président et de deux assesseurs, qui
ne sont pas soutenus par la force de l'opinion et que les avocats dominent. Il
est naturel que les juges criminels soient moins considérés que les juges ci-
vils ; la science du droit civil, supposant des connaissances très'étendues, c*^''
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16 PREMIÈRE LEÇON. — INTRODUCTION (n* 11).
cilîe plas d'estime à ceux qui la possèdent que la science très-restreinte du
droit criminel. Les fonctions du juge civil imposent aussi davantage aux avo-
cats ; car, comme ce sont les causes civiles qui font leur fortunç^ il est certain
qu'ils auront toujours plus de ménagement et de respect pour les tribunaux
qui jugent ces sortes d'affaires. »
Après ces considérations^ assez peu dignes de celui qui les prononçait, et
peu exactes, il ajoute : c Le ressort de la justice criminelle n'est donc pas assez
étendu, et dès lors l'ordre civil n'est pas constitué en France, car il n'existe
que lorsque la justice criminelle contient chacun dans le devoir. C'est surtout
dans les pays qui ont une puissance militaire considérable qu'il convient de
l'organiser fortement, afin que dans tous les temps il arrête le torrent de la
force. » — t Voilà le rapport sous lequel la réunion de la justice criminelle de-
vient nécessaire. Il s*agit de former de grands corps, forts de la considération
que donne la science civile, forts de leur nombre, au-dessus des craintes et
des considérations particulières, qui fassent pâlir les coupables, quels qu'ils
soient, et qui communiquent leur énergie au ministère public. Il s'agit, enfin,
d'organiser la poursuite des crimes ; elle est nulle dans l'état actuel des choses. »
Quand on se reporte, en effet, à l'organisation faible, incomplète des tribu-
naux criminels, on ne peut se dissimuler la puissance de ces considérations :
enfin elles triomphèrent et on finit par s'apercevoir qu'il était possible, qu'il
était même facile de concilier le principe salutaire de la réunion avec l'insti-
tution du jury ; qu'en chargeant ces cours impériales, qu'on allait constituer,
de déléguer un ou plusieurs de leurs membres, pour aller tenir des assises
dans les différents départements de leur ressort, on réunirait à la fois et les
avantages du système proposé par la commission, et les avantages du système
de la réunion.
Aussi, en résumé, on décréta tout à la fois et la réunion des deux justices,
et la conservation de l'institution des jurys de jugement. Je dis des jurys de
Jugement, car, pour les jurys d'accusation, on ne les maintint pas : nous en
parlerons plus tard.
Dès lors, pour l'instruction criminelle, le travail ne fut plus qu'une affaire
de détail : on se borna à introduire dans le projet les divers changements que
semblait y nécessiter le nouveau système d'organisation judiciaire ; la discus-
sion marcha fort vite, et le dernier titre du Gode d'instruction criminelle fut
décrété le 6 février 1808 par le conseil d'État, et le 16 décembre 1808 par le
Corps législatif.
11. A l'égard du Code pénal, on procéda de même : la discussion fut pré-
cédée de quelques questions générales. Ces questions sont :
i^ La peine de mort sera-t-elle conservée? La solution fut affirmative.
2» Rétablira-t-on certaines peines perpétuelles ? La solution fut également
affirmative, contrairement à ce qui se pratiquait depuis 1791 : l'Assemblée
constituante, excepté la peine de mort, n'avait pas maintenu d'autres peines
derpétuelles.
a*» Admettra-t-on la confiscation en certains cas ? On reproduisit, contraire-
ment au système de la Constituante, le principe de la confiscation qui heureu-
sement a fini par disparaître de nos lois.
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HISTORIQUE DU GODB PÉNAL. 17
4<* Enfin, admettra-t-on dans Fapplication des peines un truurtmum et on nti-
nimum; en d'antres tennes, une latitude dans laquelle le jnge pourra punir
pins on moins sévèrement le coupable? Cette question décidée affirmativement
était une innovation fort heureuse au système de 1791. En effet, préoccupé
en 1791 des graves inconvénients de l'arbitraire antérieur dans l'application
des peines, on avait voulu éviter à tout prix cet arbitraire, en fixant précisé-
ment, impérativement la nature et la durée de chaque peine. Ce système ne
fat pas conservé en 1808; on fixa un maximum ei un minimum dans des li-
mites sur lesquelles nous reviendrons plus tard, et que l'on a encore écartées
depuis.
Enfin, la discussion du Gode pénal ne fit guère que reproduire, avec les
changements résultant des solutions précédentes, les lois publées en 1791. Le
dernier titre du Ck)de pénal fut publié le 20 février 1810.
12. Toutefois, il est important de remarquer que ces deux Godes, successi-*
vement décrétés par le Corps législatif, ne reçurent pas immédiatement leur ap«
plication, divers décrets impériaux retardèrent jusqu'au 1** janvier 1811 la
mise à exécution du Code d'instruction criminelle et du Gode pénal. En effet,
cette mise à exécution, surtout pour le premier de ces Godes, était absolument
impossible, avant que le principe de la réunion des deux justices, décrété
comme système dans le conseil d'État, eût été organisé, légalisé, introduit
dans la pratique par une loi organique et spéciale. C'est ce qui s'opéra par la
fieimeuse loi du 20 avril 1840 sur les cours impériales, loi qui renferme tout à
fait les bases de Torganisation judiciaire actuelle.
Je vous ferai remarquer, relativement au vote de ces deux Godes, que les
formes tracées par la constitution de l'an VIU, art. 25, ne furent pas suivies ;
c'estrà-dire que la communication au tribunat, exigée impérativement par cet
art. 25, n'eut lieu ni pour le Gode pénal ni pour le Code d'instruction crimi-
nelle. La raison en est simple, c'est qu'un sénatus-consulte de 1807 avait sup-
primé le tribunat et transporté ses fonctions à trois sections du Corps législatif.
8ous ce rapport, la discussion ne suivit pas, dans ces deux cas, l'ordre de la
discussion du Code civil et du Gode de procédure.
Telle est l'histoire, la statistique de la législation pénale, en nous arrêtant
au i** janvier 1811; en d'autres termes, l'origine et la forme des deux Codes,
dont une partie viendra servir de base à nos études. Toutefois, avant d'entrer
dans le détail de ces études et dans l'examen des textes, nous aurons encore
^elques détails historiques à vous donner, car les deux Codes votés en 1808 et
1810 ne l'ont pas été, à beaucoup près, tels qu'ils nous régissent actuellement;
des modifications fort nombreuses, et conçues dans un esprit de sagesse qu'on
ne saurait trop louer, ont été successivement adoptées ; nous en ferons l'his-
torique dans les premiers instants de notre prochaine leçon, et nous commen-
cerons dans la même leçon l'examen des premiers textes du Code pénal.
DEUXIÈME LEÇON.
13. J'ai à vous présenter, dans les premiers moments de cette leçon, quoi*
ques détails historiques sur les variations subies depuis 1810 par la législatioi*
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18 DEUXIÈME LEÇON. — INTRODUCTION (n<» 14).
pénale en France. Toutefois, avant d'entrer dans ces détails, qui d'ailleurs
sont assez courts, j*ai à vous faire remarquer deux omissions de peu d'impor-
tance relatives aux matières de la dernière leçon.
D'abord, en ce qui touche la question dont je vous ai parlé en traitant de
l'ordonnance de 1670, j'ai omis d'indiquer que la question préparatoire avait
été supprimée, antérieurement môme à la révolution, par un édit de Louis XVI
du 24 août 1780. Ôuant à la question préalable, celle qu'on inQigeait au con-
damné pour lui faire dénoncer ses complices, elle a subsisté jusqu*en 1789 et
n'a été abolie que par la loi du 9 octobre 1789, art. 24.
De plus, dans les derniers instants de notre leçon, je vous ai parlé de la loi
du 20 avril 1810 relative à la nouvelle organisation judiciaire. Je vous ai dit
comment le système proposé par l'Empereur, et en définitive consacré par cette
loi, avait longtemps tenu en suspens la question du maintien du jury et la
rédaction du Gode d'instrcution criminelle. Nous reviendrons sur cette loi im-
portante et notamment sur les articles relatifs à la réunion de la justice civile
et de la justice criminelle, et par conséquent spécialement relatifs à Tobjet de
notre cours ; nous reviendrons sur cette matière en traitant de l'institution et
de l'organisation du jury.
14. Ajoutons que le Code pénal et le Code d'instruction criminelle, mis en
vigueur, en activité, à partir du 1 janvier 1811,' ont subi des changements
assez nombreux changements dont il est bon d'avoir au moins une idée gé-
nérale, sauf à les approfondir, à les examiner en détail, à mesure que nous y
conduira l'ordre de nos études.
Le Gode pénal a été successivement modifié par différentes lois dont les
principales sont celles du 25 juin 1824, du 28 avril 1832 et du 13 mai 1863,
qui ont apporté deschansçements, des additions et des atténuations à 155 arti-
cles du Gode. D'autres lois, comme la Charte de 1814 qui a supprimé la con-
fiscation, les lois spéciales qui ont eu pour objet les délits commis par voie de
publication, le décret du 12 avril 1848 qui a aboli l'exposition publique, les
lois du 8 juin 1850 et 30 mai 1854, sur l'exécution de la déportation et des tra-
vaux forcés à perpétuité, la loi du 31 mai 1854 qui a efiFacé la mort civile, la loi
du 25 mai 1864 qui a transformé le délit de coalition, quelques autres lois en-
core qu'il serait inutile d'énumérer, ont corrigé encore tantôt quelques pénali-
tés, tantôt quelques incriminations.
Le Gode d'instruction criminelle a subi des changements non moins con-
sidérables. La Charte de 1814 a supprimé les prisons d'État et les cours spé*
ciales, la loi du 24 mai 1821 a modifié l'art. 351 relatif aux déclarations du'jury
formées à la simple majorité, la loi du 2 mai 1827, en instituant une nouvelle
composition du jury, a remplacé par des textes nouveaux les art. 382, 386 et
suivants, la loi du 4 mars 1831 a changé la composition de la Cour d'assises et
la majorité du jury, la loi du 28 avril 1832, quoique plus particulièrement re-
lative au Gode pénal, a atteint plusieurs articles du Gode d'instruction crimi-
nelle, la loi du 9 septembre 1835 a institué un mode de procédure pour juger
les accusés non présents aux débats, la loi du 13 mai 1836 a réglé le mode
ne délibération des jurés, le décret du 8 mars 1848 a fixé de nouveau la ma-
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HISTORIQUE DU CODE PÉNAL. 19
jorité du jury, le décret du 23 mars 1848 a effacé le minimom da caution-
nement de liberté provisoire, le décret du 18 avril 1848 et la loi du 5 juillet
1852 ont modifié les formes de la réhabilitation, les lois du 7 août 1848, du
4 jain 1853 et du 2 1 novembre 1872 ont imprimé au jury une nouvelle oi^-
nisation, la loi du 10 juin 1853 a prévu les effets des demandes en nullité
contre les arrêts de renvoi, la loi du 21 mars 1855 a établi le mode de rou*
lement des juges de la Ck)ur d'assises, la loi du 4 avril 1855 a attribué au juge
d'instruction la faculté de donner mainlevée du mandat de dépôt, la loi du
13 [juin 1856 a transféré aux Ck)urs d'appel la connaissance de tous les appels
correctionnels, la loi du 17 juillet 1856 a supprimé les chambres du conseil
et transporté leurs attributions aux juges d'instruction, la loi du 20 mai 1863
a abrégé les délais pour le jugement des délits flagrants, la loi du 14 juillet
1865 a introduit de nouvelles dispositions sur la mise en liberté provisoire
des prévenus, enfin la loi du 5 juillet 1867 a étendu la voie de la révision.
Cette aride nomenclature n*a dans ce moment qu'on seul objet, c'est de
démontrer que nos deux Godes ne sont plus aujourd'hui ce qu'ils étaient au
moment de leur promulgation, qu'ils ont subi de profondes altérations, et en
général, on peut le dire pour la plupart de ces modifications, de véritables
améliorations. Toutes ces lois, en effet, ont été successivement incorporées
dans leurs textes; les articles modifiés et corrigés ont pris la place des anciens
articles. Nos législateurs, essentiellement praticiens, et plus disposés à con-
server l'ordre extérieur des Cknies, que de discerner l'esprit différent des di-
verses lois qui se succédaient, les ont jetées les unes et les autres dans ces
moules où elles ont pris un peu de reflet primitif. Il leur a paru que l'ordre
de ces Godes gardait par ce moyen toute son harmonie; ils y trouvaient la
môme classification des matières, la môme série des articles, la même physio-
nomie. Mais cet ordre apparent fait-il autre chose que de dissimuler le dé-
sordre de la législation ? La régularité des articles suffit-elle pour couvrir tou-
tes les anomalies qui résultent de l'assemblage de toutes ces lois qu'animent
des pensées contradictoires? C'est là ce que nous examinerons en exposant
les nouveaux textes : nous avons voulu seulement prémunir les esprits contre
l'idée d'une unité qui n'existe pas et établir au seuil de ce cours que nos deux
Godes sont des œuvres complexes, des édifices superposés les uns sur les
autres.
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CODE PENAL
DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES*
16. « Abt. i*'. L*inft-action que les lois punissent des peines de police est une
contravention. — L'inflraction que les lois punissent des peines correctionnelles
est un délit. — L'infraction que les lois punissent d'une peine afflictive ou infa-
mante est un crime. »
11 ne faut pas longtemps méditer sur ce premier article pour être frappé de
Pextrôme bizarrerie de sa disposition; cet article, tout pratique, comme nous
le verrons bientôt, est fort peu logique, et dans sa rédaction et dans son prin-
cipe. En effet. Tordre naturel des idées semblerait ôtre que de la nature du fait,
de la gravité de Pacte coupable, dérivassent la qualification plus ou moins
grave et la peine plus ou moins forte que le législateur juge à propos de lui
imprimer. Dans cet art. !«' on a suivi une marcbe toute contraire; au lieu de
faire dériver de la gravité du fait la gravité du nom et de la peine, c*est au
contraire de la gravité de la peine, sans s'inquiéter le moins du monde de la
moralité du fait, que le législateur français fait dériver le nom qu'il imprime à
cet acte. Ainsi, pour savoir si un fait est un crime ou s'il n'est qu'un délit ou
une simple contravention, il ne faut pas regarder quel est ce fait, il ne faut pas
chercher jusqu'à quel point il est contraire aux règles, aux principes, aux sen-
timents de la morale, il faut regarder, dans le Gode, de quelle nature de peine
il est puni. Cette division toute pratique, c'est tout ce qu'on peut dire pour la
justifier, correspond en effet aux trois degrés, aux trois ordres de tribunaux
établis par la loi pour la répression des faits illicites. Aux tribunaux de simple
police appartient le jugement des contraventions; aux tribunaux correction-
nels celui des délits; enfin, aux cours d'assises celui des crimes.
16. Un autre intérêt, tout pratique aussi, de Tapplication de cet art. i», se
rencontrera bientôt pour nous dans les art. 2 et 3, qui signalent une distinc-
tion importante entre les crimes et les délits.
Il suit du reste de cet art. i** que certains faits, d'une moralité tout à fait
analogue, tout à fait identique en apparence, pourront cependant ne pas se
trouver classés dans la même catégorie indiquée dans ces trois alinéas. Un fait
qui, jugé sous le point de vue de la morale, semblerait tout à fait pareil à un
autre fait, pourrait n'être qu'un délit, tandis que le second serait un crime.
Quelques exemples vous feront sentir cette distinction.
Dans la pénalité, la gravité du caractère immoral d'un fait n'est pas toujours
la seule règle, n'est pas toujours le seul principe auquel le législateur s'attache
pour déterminer la peine qui s'applique à ce fait. En effet, l'immoralité, la
culpabilité du fait, telle que la conscience nous l'indique, est bien une pre-
mière condition nécessaire pour que ce fait soit punissable et puni ; l'îmmora-
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DIVISION DBg FAITS PUNISSABLES (aRT. 1). 21
Jité est la condition de la justice intrinsèque, de la justice objective, en quel-
que sorte, de la peine prononcée par la loi ; mais, pour établir la mesure de
cette peine, pour en régler fixement la quotité, le législateur s'attache à une
considération d'une autre nature, savoir, au danger, au péril, à la souffrance
sociale qui résolte de ce môme fait. De là résulte que deux faits qui, considérés
en eux-mêmes et quant à l'immoralité de leur nature et de leur auteur, paraî-
traient tont à fait identiques, pourront cependant varier beaucoup quant i la
nature, quant à la gravité de la peine infligée, et se trouver par là même quali-
fiés par des dénominations différentes aux termes de l'art. !•'.
Ainsi supposes, si vous voulez, le cas de faux, et rapprochez de ce hit, de
l'acte d'un faussaire contrefaisant une signature, rapprochez de*ce fait l'acte du
mandataire qui porteur d'un blanc seing que vous lui avez remis, remplit à son
profit le blanc que vous avez laissé dans l'acte ; à coup sûr, il y a une grande
analogie d'immoralité dans la nature de ces deux actes; tous deux ont pour
but de vous dépouiller d*une partie de votre fortune; tous deux y tendent par
des moyens à peu près analogues ; et, si la balance d'immoralité est plus
chargée d'un cOté, c'est, ce me semble, du c6té du mandataire qui, à la faute de
la contrefaçon, a ajouté celle d'un abus de confiance : c'est du côté du man-
dataire qui, nanti par vous de votre signature, a trahi la commission que vous
lui aviez donnée, à l'effet d'en abuser contre vous.
Il y a donc sinon identité complète, au moins forte analogie dans la nature
morale de ces deux faits : et cependant la différence des deux peines est
énorme, et cette différence est tout entière à l'avantage du mandataire ; le fait
dont il s'est rendu coupable est un délit puni d'une peine correctionnelle par
Tan. 407, et d'une peine qui n'arrive pas même au maximum des peines cor-
rectionnelles* Au contraire, le fait du faussaire, tout à fait analogue, et peut-
être moralement moins coupable, est qualifié de crime, et puni de la réclu-
sion par l'art. 150. En un mot, le fait du faussaire rentre dans le § 3 de l'art. 1*>;
le fait du mandataire rentre au contraire dans le § 2 : l'un est un crime, l'au-
tre n'est qu'un délit.
Pourquoi une telle différence de punition entre deux faits qui au premier
aspect semblent si analogues ? Cette différence parait tenir à la seconde des
deux considératio ns que je vous ai indiquées comme guidant le législateur
dans la gradation et la fixation de l'échelle des peines. C'est que le danger,
le péril social est infiniment moins grand dans le cas du mandataire que dans
celui du faussaire ; c'est qu'il vous est facile, avec un peu de prudence, de ne
pas donner aveuglément des signatures en blanc, tandis que vous n'avez pas
le moyen d'empêcher un faussaire de contrefaire la vOtre. C'est, qu'en un mot,
le faussaire inspire plus de crainte à tous, tandis que le mandataire inspire
nfiniment moins de crainte que de haine et de mépris.
Youlez-vous un autre exemple bien plus fréquemment applicable ? Si, à la
lectnre de ce premier article qui divise ainsi les faits pénaux en trois classes,
il TOUS venait à l'esprit de demander dans laquelle de ces trois classes doit être
rangé le vol, il serait impossible de vous donner une réponse absolue et géné-
rale. Le vol n'est jamais contravention (excepté dans les cas prévus par les
n— 9 et 40 de l'art. 47i du Gode pénal), mais il est tantôt délit, tantôt crime,
suivant des différences qui font varier non-seulement la durée de la peine.
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22 dbuxiémj: leçon. — dispositions préliminaires (n* t7).
œaitt mâme sanatare, suivant des diffôraaoes qui font varier ainsi le caractère
et la dénomination légale d'un fait pourtant identique. Or^ ces qualifications
de peines et de noms, ces qualifications qui font du vol tantôt un crime, tan-
6t un simple délit, peuvent tenir, dans des cas assez nombreux, au plus ou
au moins d'immoralité reconnue dans l'auteur d'un tel acte; mais très-souvent
aussi, sans aucune considération, sans aucune raison de cette nature, le vol,
qui par lui-môme n'est qu'un simple délit, uniquement puni de peines cor-
rectionnelles, le vol prend au contraire le caractère criminel, à raison unique-
ment du danger, du péril social, à raison du besoin de rassurer les Individus
et la société contre le péril, contre le danger de certaines tentatives.
Ainsi, vous verrez dans l'art. 383 que le vol prend le caractère de crime et
subit les peines qui y sont attachées, par cela seul qu'il a été commis sur un
chemin public. A coup sûr, le fait que le vol a eu lieu sur un chemin public
ne suppose pas, dans Tauteur de ce vol, une perversité plus profonde, une
immoralité plus déterminée; mais la loi a voulu donner au voyageur une ga-
rantie, une sécurité plus forte, elle l'a donnée au dépens de celui qui, par un
fait moralement le même, a porté cependant une atteinte plus profonde à la
séearité publique. De môme pour le vol commis avec fausses clefs, ou commis
la nuit dans une maison habitée. Je ne suppose pas d'ailleurs que ce vol se
trouve accompagné d'effraction, d'escalade, de circonstances qui, par leur
durée et la difficulté de l'exécution, supposent de la part de l'auteur du vol
une lutte plus longue, plus opiniâtre contre l'action de la loi, et par là môme
une perversité plus profonde.
Ainsi, en résumé, nous ne serons pas étonnés, dans les gradations de peine
que nous citerons, de trouver que le législateur s'attache, pour mesurer la
gravité de la peine : 1® à Timmoralité du fait et de l'agent, condition primitive
intrinsèque pour la justice absolue de la peine; 2^ à la gravité du trouble, à la
gravité du dommrge, de la perturbation apportée par ce fait. C'est là une se-
conde considération qui peut, indépendamment de la première, faire varier
notablement, dans certains cas, la gravité de la peine, et, par suite, la déno-
mination légale du fait.
17. Revenons au texte de l'art. 1*'. La division bizarre qu'il présente est,
.comme je vous l'ai dit, toute pratique; elle n'a, à coup sûr, rien ni de didacti-
que ni de moral ; elle se réfère notamment aux trois ordres de compétences qui
attribuent les contraventions aux tribunaux de police, les délits aux tribunaux
correctionnels, et les crimes aux cours d'assises. Cependant je dois indiquer
défi ce moment, sans attendre l'exposé des règles du Code d'instruction cri-
minelle, une exception fort remarquable à la règle résultant de la combinaison
du § 2 avec l'art. 179 du Code d'instruction criminelle.
Gat article attribue la connaissance des délits aux tribunaux correctionnels
à Pexcluskon des cours d'assises ; les tribunaux correctionnels, statuant sans
jurés, connaissent de tous les délits dont la peine peut aller jusqu'à cinq ans,
et môme, en certains cas, jusqu'à dix ans d'emprisonnement. La conséquence
de cette règle est que tous les délits de la presse, ou, si vous le voulez, pour
prendre le nom général, toutes les infractions de la presse punies par le Code
pénal ou par des lois spéciales de peines, d'amendes ou d'emprisonnement,
entreraient par leur nature même, et en vertu de l'art. 1", dans la compé-
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DIVISION DBS FAITS PUNISSABLBS (aKT. 1). 23
tence des tribunaux correctionnels ; cette conséquence, en effet, a été long-
temps appliquée. Et cependant, si le jury a été choisi, introduit en matière
criminelle comme présentant aux justiciables des garanties d'indépendance
dont on a reconnu la nécessité, il est clair que dans aucune espèce de pour-
suites ou d'actes punissables l'application du jugement par jurés n'était plus
nécessaire qu'en matière de délits de presse.
Aussi la législation a-t-elle, à cet égard, varié plus d'une fois. En effet, la
loi du 26 mai 1819, dérogeant à Tart. 1*' du Gode pénal combiné avec l'art. 179
du Gode d'instruction criminelle, attribua au jury la connaissance des délits
de presse.
Plus tard, une loi du 25 mars 1822 fit un pas rétrograde et rentra dans le
système contraire en rendant aux tribunaux correctionnels la connaissance de
ces mômes délits. Gette loi n'avait peut-être pas d'immenses inconvénients
avec la composition du jury telle qu'elle était faite alors sous l'empire des art.
381 et suivants du Gode d'instruction criminelle. Mais il n'en était plus ainsi
et la juridiction du jury devenait infiniment désirable, depuis que la loi du
2 mai 1827 eut introduit dans cette institution des perfectionnements notables.
Aussi la loi du 8 octobre 1830 a consacré, à cet égard, l'attribution passagè-
rement admise en 1819; elle a restitué au jury, aux cours d'assises, à l'exclu-
sion des tribunaux correctionnels, la connaissance : i^ de tous les délits de la
presse et de tous les délits politiques même non commis par la voie de la
presse. De cette loi résulte, comme vous le voyez, une exception fort notable
aux principes de compétence implicitement établis par notre art. 1«'.
Aujourd'hui cette attribution qui avait cessé d'exister sous le régime impé-
rial, a été reprise par la République. Les art. 83 et 84 de la constitution de
1848 l'avaient consacrée et même étendue, c Art. 83 : La connaissance de tous
les.délits politiques et de tous les délits commis par la voie de la presse appar-
tient exclusivement au jury. — Art. 84 : Le jury statue seul sur les domma-
ges-intérêts réclamés pour faits ou délits de presse. » Une loi du 27 juillet 1849
avait réglementé cette compétence, mais un décret impérial du 31 décembre
1851 portait : t La connaissance de tous les délits prévus par les lois sur la
presse et commis au moyen de la parole est déférée aux tribunaux de police
correctionnelle. » Gette disposition avait été reproduite par l'art. 25 du décret
impérial du 17 février 1852, et un troisième décret du 25 février 1852 ajou-
tait : t Tous les délits doet la connaissance est actuellement attribuée aux
cours d'assises, et qui ne sont pas compris dans les décrets des 31 décembre
1851 et 17 février 1852, seront jugés par les tribunaux correctionnels. >
Enfin une loi du 15 avril 1871 est venue abroger ces décrets et restituer au
jury cette grande attribution. Les art. l*' et 2 de cette loi sont ainsi conçus :
« 1. Ija poursuite en matière de délits commis par la voie de la presse ou par
les genres de publication prévus par l'art. 1 de la loi du 17 mai 1819, aura
lieu, à partir de la promulgation de la présente loi, conformément au chap. 3,
art. 16-23 de la loi du 27 juillet 1849, qui est remis en vigueur sauf les res-
trictions suivantes : — 2. Les tribunaux correctionnels continueront de con-
naître : l^^des délits commis contre les mœurs parla publication, l'exposition,
la distribution et la mise en vente de dessins, gravures, lithographies, pein-
tures et emblèmes; 2<» des déUts de diffamation et injures publiques concerna
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24 DBUXIÂME LBÇON. — DISPOSITIONS PRÉLIMINArRBS (n*" 20).
les particuliers ; 2^ des délits d'injures verbales contre toute personne ; 4*» des
infractions parement matérielles aux lois, décrets et règlements sur la presse. >
Ainsi la compétence du jury si longtemps conservée pour le jugement
des délits de presse, est enûn reconnue. Et en effet le jury est le seul pro-
tecteur efficace des intérêts que la licence des publications peut menacer.
Pour combattre Tabus d*un droit qui tient à Tessence de la liberté, il faut
employer cette institution qui garantit l'indépendance et la sûreté des citoyens,
qui, étrangère aux vengeances, aux craintes, aux espérances, est surtout forte
par la puissance de l'opinion. C'est à la société qu'elle représente à punir les
injures faites à la société ; c'est à l'opinion à punir les crimes et les écarts de
l'opinion.
18. Au reste, cette division en contraventions, délits et crimes, considérée
sous les rapports de la compétence, se représente souvent, et nous aurons à
l'examiner et aussi plus d'une fois à la critiquer, sous quelques faces, en étu-
diant surtout le Gode d'instruction criminelle.
Pour compléter rexplicatioii de cet article, il semblerait naturel de vous
dire, dès à présent, ce que c'est qu'une peine de police, une peine correc-
tionnelle, une peine afflictive ou infamante ; mais les détails, qui forment
à cet égard le commentaire nécessaire de Fart. 1®^ se présenteront à nous
sous les art. 6, 7 et 8 du Gode pénal, et sous Tart. 464 du môme Gode. Ges
articles définissent les trois natures de peines dont s'occupe l'art, i"'.
19. Passons à l'explication de l'art. 2 qui demande beaucoup plue de détails.
Les art. 2 et 3 sont tous deux relatifs à la tentative. Mais avant d'arriver
à l'examen du texte de ces articles, il est bon de rechercher avec soin leur
principe et leur cause, et de présenter à cet égard quelques considérations
théoriques qui ne sont pas d'ailleurs inutiles dans l'application textuelle de ces
articles.
Il est d'abord reconnu que ce que la loi pénale défend et punit, ce n'est pas
le préjudice physique, le fait matériel, quelque fâcheux qu'il ait été, mais
bien la volonté coupable de causer le préjudice. 11 est sans doute certains cas
oii un fait matériel, sans avoir été précédé d'aucune volonté coupable, expose
son auteur à certaines peines : tels sont l'homicide, la blessure, l'incendie,
occasionnés par l'imprudence ou par négligence. Mais les peines que la loi in-
flige à l'auteur d'un accident involontaire ne sont jamais des peines afflictives
ou infamantes, elles sont tout au plus des peines correctionnelles assez légères.
Ainsi, un fait matériel, si fâcheux, si funeste qu'il soit, quand il n'est pas ac-
compagné, précédé de la volonté de causerie préjudice, ne constitue pas, ne
peut pas constituer un crime. La volonté est donc l'élément nécessaire, indis-
pensable de toute criminalité.
20. Mais vous sentez clairement qu'entre la première pensée d'une mauvaise
action et l'accomplissement entier, définitif de cette action, se place, presque
toujours, une série, une chaîne plus ou moins prolongée d'actes, soit internes,
soit externes, dont l'accomplissement du fait est le dernier anneau, le dernier
résultat. Or, dans cette longue chaîne, soit de pensées, soit de préparatifs, soit
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DB LA TBNTATIVK (ART. 2*3). 25
d'actes d'exécution qui, en définitive, viennent aboutir à l'exécution du fait,
viennent se placer des nuances innombrables de moralité, selon que l'auteur
de cette pensée marche d*un pas ferme et sans hésiter vers raccomplissement
de son projet, selon qu'au contraire, ou par crainte ou par conscience, il hé-
site, il recule, il s'arrête. Il est clair aussi que, quelque réelles que soient ces
nuances, sous des rapports purement moraux, elles échappent, pour la plupart,
aux prévisions du législateur. Il est clair que la loi pénale ne pourrait sans
injustice, sans arbitraire, essayer de distinguer, de compter tous les anneaux
de cette longue chaîne qui sépare la première idée, la fatale inspiration du
crime, et le crime accompli.
Mais de ce que la loi ne peut à cet égard marcher pas à pas avec la mora-
lité, établir une gradation de peine en correspondance exacte avec l'aggravation
d'immoralité, s'ensuit-il que dans cette longue série, que dans ce vaste inter-
valle, elle ne puisse saisir aucune nuance, aucun point d'arrêt, auquel elle
puisse et doive attacher une peine? S'ensuit-il que, si le fait matériel ne peut
par lui-même être considéré comme crime, que si la volonté est essentielle
pour constituer la criminalité, il faille réciproquement, pour l'existence de
cette criminalité, la réunion, le concours de la volonté avec le fait ? Si on ne
peut frapper le fait, même accompli, quand il n'y a pas concours de la vo-
lonté, peut-on et doit-on frapper dans certains cas la volonté, quoiqu'il n'y ait
pas accomplissement, perpétration d'un préjudice volontaire et matériel? Ici,
il y a, évidemment, plusieurs grandes distinctions à faire, plusieurs points sur
chacun desquels nous devrons nous arrêter pour examiner soit ce qu'en théo-
rie le législateur en matière pénale peut faire, soit ce qu'en pratique il a fait
dans notre Gode.
D'abord, il est évident que, tant que le crime n'existe que dans la pensée,
tant qu'il n'est qu'un projet encore flottant et indécis, il est impossible de le
saisir et de le punir; le seul cas auquel nous puissions nous attacher, le seul
point sur lequel on puisse concevoir d'abord de l'hésitation, c'est cette période
à hiquelle la conscience a triomphé des scrupules, le désir du crime a triom-
phé de la crainte, et ot, rien d'extérieur n'étant fait encore pour exécuter le
fait, il y a cependant résolution pleine, complète, arrêtée, mais résolution inerte
et à l'état de repos. Cette résolution toute nue, en la supposant prouvée, la loi
pénale peut-elle la rechercher et la punir? La négative parait évidente. Ce n'est
pas que la résolution du crime, en la supposant bien arrêtée, ne constitué^ en
elle-même un acte tout à fait immoral, ce qui justifierait sous ce rapport ce que
nons avons appelé la justice intrinsèque de la punition; mais, d'autre part, il
est sensible que le péril social, que l'inconvénient, que le danger est on ne
peut plus minime; il est évident que, tant que la résolution reste concentrée
dans la pensée de son auteur, ou bien quand elle est communiquée au dehors
par des confidences qui ne tendent pas encore à en faciliter l'exécution, la sé-
curité sociale n'est pas troublée, ou ne peut l'être que fort légèrement par la
divulgation de ces confidences. Ajoutez, et ceci est plus important, qu'en géné-
ral, si le législateur prétendait constater et punir la résolution criminelle, il se
jetterait nécessairement, pour la constater, dans les voies de fiction odieuses,
dans des recherches inquisitoriales qui feraient plus de mal que la peine ne
ferait de bien.
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26 DEUXIÈME LEÇON. — DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES (n* 20).
Aussi, en général^ le fait de la résolation, si pleine, si arrêtée, si irrévoca-
ble qu'on puisse la supposer, est impuni dans notre Gode pénal. On pourrait
cependant vous ci ter quelques articles qui tendraient à jeter du doute sur cette
première proposition ; qui tendraient à faire supposer que dans quelques cas
particuliers le législateur français a puni et frappé la simple résolution.
Tel est d'abord Tart. 89 du Code pénal, relatif au complot formé contre la
sûreté de l'État, Abordons de suite cet article, dont nous aurons d'ailleurs à
parler plus d'une fois aujourd'hui.
c Le complot ayant pour but les crimes mentionnés aux art. 86 et 87, s'il a
été suivi d'un acte commis ou commencé pour en préparer l'exécution, sera
puni de la déportation. > Cette hypothèse n'est pas la nôtre, elle va se repré-
senter dans un instant. « S'il n'a été suivi d'aucun acte commis ou commencé
pour en préparer l'exécution, la peine sera celle de la détention. •
Voilà, à ce qu'il semble, un cas de résolution toute pure, toute nue, de réso-
lution inerte; non-seulement il n'y a pas tentative d'exécution, mais il n'y a
pas un seul acte commencé, un seul fait accompli, pour préparer, même de
loin, l'exécution du projet; et cependant la loi prononce une peine grave, une
peine criminelle : la détention de 5 à 20 ans. Mais le § 3 indique la définition
du complot.
« Il y a complot dès que la résolution d'agir est concertée et arrêtée entre
deux ou plusieurs personnes. •
Ainsi donc, vous le voyez, le nom seul de complot l'indique assez et la défi-
nition vient à l'appui, cet article, dont on peut d'ailleurs critiquer la sévérité,
ne statue pas précisément sur l'hypothèse que nous avons posée; il ne raisonne
pas dans le cas d'une résolution toute pure, dans le cas d'une résolution déga-
gée de tout acheminement même éloigné à Taccomplissement du projet cou-
pable; il suppose qu'il y a eu proposition agréée, concert formé entre deux ou
un plus grand nombre d'individus pour l'accomplissement du crime, c'est-à-
dire qu'il y a eu, non pas préparation, non pas même, ce qui est plus impor-
tant, tentative proprement dite, mais acheminement lointain, indirect si l'on
veut, acheminement pourtant à l'accomplissement du fait.
Ainsi voulez- vous sentir la différence; supposons qu'un individu, ayant formé
à part lui la résolution de commettre seul l'un des faits détaillés dans l'art. 87,
en ait fait l'aveu, la déclaration, la confidence à un tiers, sans que cette confi-
dence ait été accompagnée d'aucune demande, d'aucune proposition d'appui
ni de concours, voilà, si vous voulez, la résolution bien établie par des confi-
dences qui auraient été trahies plus tard; mais cette résolution est inactive,
elle est inerte, elle n'encourt aucune espèce de peine, car ce que l'art. 89 a prévu
et puni, c'est le concert formé entre plusieurs individus, et non pas la simple
résolution connue, divulguée d'une manière quelconque.
On pourrait encore citer, comme incriminant la simple résolution, les art.
305 et suivants du Gode pénal. Vous y voyez que • quiconque aura menacé,
par écrit anonyme ou signé, d'assassinat, d'empoisonnement, ou de tout autre
attentat contre les personnes, qui serait punissable de la peine de mort, des
travaux forcés à perpétuité, ou de la déportation, sera dans le cas où la menace
aurait été faite avec ordre de déposer une somme d'argent dans un lieu indi*
que ou de remplir toute autre condition, puni d'un emprisonnement de 2 à 5
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DE LA TENTATIVE (aRT. 2). 21
ans. u Que si cette menace d*aB8a8smat,d*empoi8onnement,id'iQceDdie,n'a pas
été accompagnée de rinjonctioa de faire une chose, de livrer une chose, la
peine se présente encore, mais avec moins de gravité, dans les art. 306 et 307.
Ainsi, dans les quatre articles qui composent ce paragraphe, nous voyons de
simples menaces, sans aucun préparât!!, sans aucun commencement d'exécu-
tion, punies par la loi. £n faut-il conclure que le législateur, profitant de ce que
la résolution est connue par la déclaration écrite ou verbale de son auteur,
s'en est saisi pour la punir? Évidemment non, ce qu'on punit dans ces quatre
articles, ce n*est pas la résolution, mais la menace; car il est .évident que les
menaces écrites ou verbales, prévues dans ces quatre articles, ne constituent,
n'établissent, ne prouvent en aucune façon la résolution. Il est certain que tous
les jours des menaces verbales, ou môme écrites, pourront être adressées avec
ou sans les conditions prévues par Fart. 305, sans que cependant il y ait de la
part de l'auteur de ces menaces aucune résolution sérieuse, aucun projet réel
de les accomplir plus tard. La loi punit la menace, non pas comme indiquant
la résolution du crime^ ce serait faux, tout à fait faux, mais comme consti-
tuant en elle-même un acte illicite, immoral, et emportant suivant ses moda-
lités, suivant lea distinctions établies dans ces articles, une perturbation, une
atteinte plus ou moins grave à la sécurité de Findividu qu'elle poursuit. En
un mot, la menace est là un délit sm generis absolument indépendant d'une
résolution qu'elle n'établit nuUenaent; la menace est un délit qui pourrait et
devrait être puni, encore qu*il fût prouvé, en fait, qu'elle avait lieu sans aucune
intention réelle, sans aucune intention sérieuse de l'exécuter.
^ns'i, résumons-nous sur ce point, en reconnaissant non pas l'absence d'im-
moralité, non pas T inculpabilité intérieure, consciencieuse d'une résolution
criminelle, une telle résolution est un acte immoral, coupable, mais en recon-
naissant que c'est là un acte qui, réduit à ces termes, est encore trop peu dan-
gereux, et surtout trop difficilement saisissable, pour qu'il n'y ait pas, à le
prévenir, plus d'inconvénients que d'avantages.
21. Mais entre la résolution, telle que nous l'avons supposée jusqu'ici, et
l'accomplissement effectif d'un crime, se présente un point intermédiaire par-
faitement distinct, parfaitement saisissable, un point que le législateur peut
aisément constater, et, par conséquent, punir, je veux dire la tentative. G* est,
en effet de la tentative que s'occupent les art. 2 et 3. La tentative, sous les con-
ditions déterminées par ces deux textes, est généralement punissable et punie.
Toutefois, pour bien saisir ce qu'on doit comprendre sous le nom de tentative,
il est nécessaire de nous attacher d'abord à un point intermédiaire entre la ré-
solution simple, que nous avons envisagée jusqu'ici, et la tentative dont parlent
nos deux textes. Ce point intermédiaire résultant d'actes externes, physiques,
saisissables, c'est la préparation, c'est l'accomplissement d'actes qui, sans
commencer encore l'exécution du délit, tendent néanmoins, de plus ou moins
loin, à faciliter, à préparer ce délit. En un mot, ce sont les actes préparatoires
du crime ou du délit.
Les actes préparatoires, postérieurs à la résolution, antérieurs à l'exécution
et à la tentative, sont-ils punissables, sont-ils punis ? Question de législation
question de droit écrit et positif.
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28 DEUXIÈME LEÇON. — DISPOSITIONS PR&LIMINAIRB8 (m^ 21).
Les caractères punissables de la résolution, les arguments qu'on pourrait ci-
ter pour la punir, se présentent évidents et à un degré bien plus sensible dans
les actes préparatoires. Si la résolution est par elle-même un acte immoral, les
actes qui tendent à en faciliter, à en préparer Taccomplissement, présentent à
un degré bien plus baut ce caractère d'immoralité. Si la résolution est déjà
une menace, une atteinte éloignée à la sécurité sociale, les actes préparatoires
présentent, et bien plus fortement, ce caractère. Cependant, le législateur doit-
il les punir, et les a-t-il punis?
Entendons bien ce que c^est qu*un acte préparatoire ; ceci importe non-seu-
lement pour la solution de la question théorique, mais aussi pour Tapplication
pratique de nos art. 2 et 3. Puisque Part. 2 punit la tentative, et seulement la
tentative, il importe d'en bien séparer les actes préparatoires, qui sont frappés
peut-être en quelques cas par d'autres articles, mais qui, à coup sûr, ne le sont
pas par l'art. 2.
Ainsi, se munir d*éch'elles, d'armes, de pinces, altérer des clefs, ce sont là,
ce peuvent être là des actes préparatoires d'un vol ; mais ce n'est encore, à
coup sûr, ni Tezécution, ni même la tentative du vol. De même, contrefaire
une ordonnance, une signature de médecin, pour se procurer du poison, mêler
ce poison dans un breuvage, ce peut être là une préparation d'empoisonne-
ment, mais ce n'est pas encore la tentative. Acheter des armes, rédiger des pro-
clamations, cela peut être la préparation à un acte de rébellion, mais ce n'est
pas un acte de rébellion, tant qu'on n'arme pas ses complices. Enfin charger
un fusil, l'armer, se mettre en embuscade sur un grand chemin, ce peut être
un acte préparatoire de l'assassinat, mais ce n'en est pas la tentative. Toutes ces
hypothèses et autres de même nature, sont donc entièrement étrangères à la
disposition de l'art. 2. L'art. 2 punit la tentative, c'est-à-dire, comme il le dit
lui-même, le commencement d'exécution. Mais autre chose est préparer, au«
tre chose est commencer l'exécution .
n y a plus : La plupart des faits que j'ai cités, loin de rentrer dans les
actes d'exécution que prévoit l'art 2, sont, par eux-mêmes, ou des actes in-
nocents, indifférents, ou bien des actes punissables, mais punissables en eux-
mêmes, et sans rapport possible, sans rapport démontré avec tel ou tel fait
criminel. Ainsi, acheter une échelle, des pinces, des cordes, des fausses clefs,
altérer des clefs, ce sont là des faits que la loi déclare punissables, au moins
dans certains cas. Ainsi, l'art. 277 du Gode pénal frappe d'une peine correc-
tionnelle le mendiant ou vagabond trouvé muni de ces instruments; ainsi, un
autre article, l'art. 399, frappe d'une peine tantôt correctionnelle, tantôt même '
criminelle, le fait de raltération des clefs. De même, fabriquer une ordonnance
de médecin pour se procurer du poison, ce peut très-bien être un faux ; ache-
ter une échelle, altérer des clefs, ce peuvent être là des actes blâmables; mais
toujours est-il que tous ces actes ne sont pas des tentatives de vol ou d'em-
poisonnement.
En effet, on peut avoir acheté l'échelle, avoir altéré la clef à toute autre fin
que de commettre un vol; on peut très-bien avoir ^Isifié une ordonnance mé-
dicale, avoir acheté du poison, à toute autre fin que d'empoisonner un homme :
ne fût-ce, dans le premier cas, que pour commettre un enlèvement, et, dans
le second, pour commettre un suicide. Toujours est-il qu'on ne voit pas de rela-
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DB LA TBNTATIVB (aRT. 2). 29
tion nécessaire, immédiate, absolue entre la plupart de ces faits et le vol et
J'empoisomiement. Cette relatiou, lors même qu'elle parait assez clairement,
n'a pas cependant ce caractère précis, toujours nécessaire pour TappUcation
d'ane peine criminelle.
Ces actes préparatoires n'annoncent pas même d'une manière certaine une
résolution arrêtée. On a très-bien pu, dans une pensée coupable, mais dans
rincertitnde de l'exécution, se procurer, à tout basard, les moyens qui, plus
tard, serviront à Texécution. — Enfin, il est sensible que, moralement, un
immense intervalle sépare, et doit séparer les actes préparatoires et les
actes d'exécution. — La conscience nous dit assez que tel individu, projetant
un crime de loin, et fort à l'avance, a pu ne pas reculer devant la pensée de
ce crime, a pu même ne pas reculer à l'idée de se procurer les moyens desti-
nés à l'accomplir. Mais placez-le en présence du crime, placez-le en présence
de celui qu'il veut assassiner ou empoisonner; qui vous dit qu'alors la morale
ne se réveillera pas ? Qui vous dit qu'alors la conscience, jusque-là muette,
ne va pas parler plus haut que la passion ? Qui vous dit que la crainte salutaire
de la loi ne va pas, en présence même du crime, en arrêter la tentative ? On,
enfin, que le crime ne s'accomplira pas, parce que l'énergie morale, la puis-
sance nécessaire à son exécution, auront manqué, auront défailli à l'instant
même de frapper 7
Ainsi, il parait difficile, en règle générale, de frapper le simple fait des actes
préparatoires : 1^ à cause de l'immense intervalle qui, dans la morale, sépare
les préparatifs de la véritable exécution ; 2^ à cause de la difficulté de ratta-
cher, d'une manière certaine et positive, tel ou tel acte préparatoire à un fait
inconnu auquel on voudra le rattacher, de la difficulté de deviner, dans telle
ou telle espèce de préparatifs, la résolution criminelle qui seule peut les rendre
coupables. — Aussi les actes préparatoires, bien différents de la tentative, sont-
ils en général impunis dans Je droit français, soit à raison de la difficulté d'ap-
pliquer la peine, soit à raison de la légèreté qu'aurait nécessairement une pa-
reille peine, et qui, par là même, en a£Giiblirait la puissance morale.
Cependant, si nous n'avons pas reconnu tout à l'heure d'exception au prin-
cipe qui laisse la résolution impunie, il n'en est pas de même quant à celui
que nous proclamons maintenant. Nous avons dit : i^ qu'en droit la résolution
doit rester impunie, et qu'en fait elle est impunie dans le Code français ; nous
disons : 2^ que les actes simplement préparatoires doivent rester en général et
restent en général impunis dans la législation. Cependant le même art. 89,
que je vous citais tout à l'heure, contient à cet égard une exception fort re-
marquable.
Avant de lire le texte actuel de l'art. 89, il n'est pas inutile de se reporter
aux textes qu'il a remplacés, relativement au complot, savoir : aux art. 86, 87
et 89 de l'ancien Code pénal de 1810. En comparant au nouvel art. 89 ces
trois anciens articles, vous y trouverez une disposition que l'on a changée
avec raison, et qu'on aurait dû changer encore plus profondément. Ces trois
articles comme celui qui les a remplacés, étaient relatifs : 1® au complot ;
2« aux actes préparatoires de l'exécution du complot ; 3^ enfin à la tentative
d'exécution : ils embrassaient, en un mot, les trois hypothèses que nous nous
attachons à étudier séparément; et je ne sais par quel motif, par une sévér
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30 DEUXIÈME LEÇON. — DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES (n* 21).
absurde en morale et qui manquait son but en politique, on disait que le fait
du complot, le fait des préparatifs, le fait de Texécution seraient tous et indis-
tinctement punis de la peine de mort. — On ne peut guère imaginer une lé-
gislation qui soit à la fois et plus immorale et plus profondément impoliti-
que. Plus immorale, et en ce qu'elle assimile la résolution d*agir manifestée par
un simple concert, et en ce qu'elle l'assimile pleinement, absolument à Tac-
tien déjà opérée, au concert déjà réalisé. Or, tout ce que j'ai dit précédem-
ment démontre assez une chose, d'ailleurs bien sensible elle-même, qu'en
morale il y a une grande distance entre le projet, entre le concert d'un crime,
si arrêté qu'on le suppose, et l'exécution môme de ce crime. H y a une foule
de chances pour que ceux qui se sont concertés pour l'exécution d'un crime, re-
noncent à temps à leur projet. Cette législation était, vous ai-je dit, plus
impolitique encore qu'immorale, et ce dernier point est bien facile à prouver.
En effet, il en résultait que le complot une fois formé, le concert une fois
arrêté, ses auteurs n'avaient plus aucun intérêt à hésiter, à reculer, ils avaient
au contraire tout intérêt à marcher en avant et à chercher, dans l'exécution
du projet, un gage assuré, un gage certain d'impunité. La loi ayant, à l'avance
et à raison du seul fait de complot, épuisé contre eux toutes ses rigueurs, la cul-
pabilité pouvait croître, sans que désormais la pénalité pût augmenter. Ainsi,
à tous égards, cette législation était mauvaise, et c'est avec raison qu'elle a
été modifiée.
D'abord le fait du complot, de la;^solution combinée par un concert, et ren-
fermant, à cet égard, cet acheminement lointain à l'exécution du fait, le com-
plot est puni par l'art. 89 de la peine de la détention. Entre le fait du complot,
de la résolution arrivée à c^ point, et le fait des préparatifs, la morale et l'in-
térêt social présentent, avons-nous dit, une distance assez vaste. Aussi la loi,
en ne punissant que de la détention le fait du complot, a-t-elle ici la possibilité
de ménager, pour une culpabilité qui s'augmente, une pénalité plus forte, et
elle applique la déportation aux actes préparatoires ; c'est-à-dire précisément
à ces actes qui, en général impunis, comme nous l'avons dit tout à l'heure,
sont cependant frappés dans le cas spécial prévu par le § i de l'art. 89. C'est
là l'exception que je vous indiquais.
En effet, l'art. 89, § 1, n'est pas, remarquez-le bien, l'application de l'art. 2;
l'art. 2 s'applique à la tentative ou au commencement d'exécution, et déjà nous
savons qu'autre chose est la tentative, autre chose le simple préparatif.
L'art. 89 décide que si le complot a été suivi d'un acte commis ou commencé
pour en préparer l'exécution, il sera puni de la déportation. Certainement
il y a du vrai dans cette innovation ; cependant peut-être est-il permis de
penser que la distance qui sépare le simple complot et les actes prépara-
toires n'est pas exactement, n'est pas fidèlement représentée dans la loi. En
d'autres termes, peut-être est-il permis de croire que l'art. 89 établit entre les
deux pénalités un intervalle plus vaste, une distance plus étendue que celle
qui sépare les deux faits. Le résultat en est, qu'une distance trop peu éten-
due viendra séparer ensuite la peine des actes préparatoires et la peine de la
tentative, puisqu'une peine perpétuelle se trouve déjà prononcée. Toutefois,
sans entrer dans le détail critique de l'art. 89, tel qu'il est maintenant rédigé,
constatons le fait tel qu'il existe, savoir : que son § 1 renferme un cas spécial
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DE LA TENTATIVE (aRT. 2). 31
tout à fait particulier^ dans lequel les actes préparatoires, bieu distincts de la
tentative, du commencement réel d^exécution, sont cependant punis d^une
peine assez gprave.
22. Maintenant arrivons au troisième cas, à celui de la tentative ; ce cas est
défini par l'art. 2.
« Art. 2. Toute tentative de crime qui aurait été manifestée par un commen-
cement d'exécution, si elle n*a été suspendue ou si elle n'a manqué son effet que
par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, est considérée
comme le crimn même. »
Je vous al donné des exemples d'actes préparatoires, et ]'al évité les exem-
ples dans lesquels les actes préparatoires et la tentative peuvent quelquefois se
montrer confondus. Supposez maintenant qu'ayant acheté le poison, ayant
empoisonné le breuvage, ce qui n'était jusque-là qu'un préparatif incertain,
indécis. Fauteur de ces premiers faits ait remis ou fait remettre le breuvage
dans les mains de celui qu'il avait pour but d'empoisonner; supposez qu'ayant
acheté l'échelle, les pinces, les clefs, il soit entré dans la maison, qu*il ait mis
la main sur le coffre-fort, que le meuble soit déjà forcé ; supposez qu'il ait
déjà saisi son adversaire qu'il attendait sur la route ; dans tous ces cas, il n'y
a pas encore crime consommé; il n'y a pas, à proprement parler, empoisonne-
ment, vol, assassinat; mais la résolution, qui jusque-là pouvait paraître indé-
cise, est formellement manifestée. Non-seulement l'immoralité est plus forte,
en ce sens que presque toute possibilité d'indécision, de repentir a disparu ;
mais le danger social est infiniment plus grand ; le crime va se compléter, va
s'achever. Ainsi les deux caractères constitutifs de la pénalité, les deux carac-
tères auxquels s'attache la justice humaine, se présentent réunis, concourant
à un haut degré, dans l'auteur d'une tentative, d'un commencement d'exécu-
tion manifestée par des actes analogues à ceux que j'ai supposés.
Admettez maintenant que, par un caprice, par un dégoût, par je ne sais
quel accident que vous pourriez supposer, celui entre les mains de qui le breu-
vage a été remis, refuse de le boire ; supposez qu'un accident quelconque, qu'un
bruit force le voleur à s'éloigner ; que celui qui voulait assassiner soit obligé
de se retirer après avoir fait des blessures légères à son ennemi ; le crime ne
s'est pas accompli, il y a eu seulement tentative, commencement d'exécution,
interrompue par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur,
comme le veut l'art. 2, caractère essentiel, et sur lequel nous reviendrons.
Dans ce cas y aara-t-il lieu à l'application d'une peine ? à l'application de
quelle peine ? Quand on a analysé, comme nous venons de le faire, les carac-
tères de la tentative ainsi définie, on comprend à peine qu'il puisse y avoir lieu
à poser la première question ; on ne comprend guère que le législateur puisse
hésiter à frapper et à frapper sévèrement la tentative d'amener le crime à fin.
Cependant il y a eu à cet égard d'assez singulières fluctuations.
Le Gode pénal de 1791 attachait expressément à la tentative d'empoisonne-
ment et d'assassinat la même peine qu'au crime achevé. Mais, par le fait même
de sa disposition formelle et spéciale sur ces deux cas, on était amené à en
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32 DBUXIÂMB LEÇON. — DISPOSITIONS PRÉLIltlNAlRES (n® 22).
) conclure que dans les autres cas la tentative restait impunie. — Une loi du
/ 22 prairial an IV vint y pourvoir et généraliser, pour tous les cas de tentative
/ indiqués maintenant dans Part. 2, la peine d'abord spéciale établie en 1791.
' Non-seulement cette loi voulut que la tentative ainsi caractérisée fût punie,
mais elle Passimila au crime achevé, au crime accompli ; elle voulut que la
tentative interrompue fùt punie comme l'aurait été le crime lui-même. — C'est
.^ cette disposition qui a été reproduite d'abord dans le Gode de 4810, et plus tard,
':' avec une mO(Hficationjassez geu importante, dans le Code de 1832."*^**"'*'**
* ^Tertairiement, dans cette extension delà peine à toute espèce de tentative,
la loi du 22 prairial, et les Codes qui Pont suivie, ont fait une chose juste et
nécessaire ; certainement le hasard ou l'accident qui est venu interrompre la
consommation du crime, qui a empêché son auteur d*en recueillir la honteuse
moisson, certainement ce hasard ne peut être pour lui une occasion, une
source d'impunité. Mais peut-être cependant s'est-on jeté dans l'autre extrême;
peut-être a-t-on dépassé les bornes, car, au lieu de se contenter de punir, et
de punir sévèrement toute tentative, on a assimilé pleinement la tentative au
crime même, le commencement même de l'exécution à l'accomplissement
entier de l'exécution. Pour que cette assimilation fût exacte, pour que la con-
science et la raison l'approuvassent, il faudrait qu'entre la tentative de crime
et l'accomplissement de ce crime il y eût égalité peut-être de préjudice, de tort
maérielt éprouvé, mais, surtout ce qui est plus important, égalité d'immora-
lité, égalité de perversité. Or, quant à l'égalité du tort matériel,'à l'égalité du
préjudice physique, il est visible qu'elle n'existe pas; il est visible que, quand
la tentative a été arrêtée à temps, le préjudice est nul ou est du moins fort
léger pour la victime désignée de ce crime. Au reste, je conçois que, malgré
cette considération d'inégalité, de préjudice, si l'immoralité, si la perversité
étaient évidemment et absolument égales, on se déterminât à Tégalilé de peine.
Mais il n'en est pas ainsi, et l'art. 2 lui-même le suppose assez clairement. Il
était possible encore que, le crime une fois commencé, l'exécution une fois
essayée, le coupable s'arrêtât à temps, soit par l'effet d'un dernier remords,
d'un dernier cri de la conscience, soit par l'effet d'une crainte, d'une terreur
salutaire de la peine. Qu'on ne me dise pas que la chose est impossible, qu'elle
est sans exemple, l'art. 2 lui-même suppose qu'elle est possible, l'art. 2 statue
sur le cas où elle a lieu, cas, pour punir la tentative, il exige qu'elle ait été
interrompue par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur;
il suppose donc, et le cas s'est plus d'une fois présenté, que la tentative peut
être interrompue par des circonstances volontaires, et par là même échapper
à toute pénalité.
La cause de cette disposition se rencontre sans doute dans une confusion
assez fréquente, et qu'il est important d'éviter, entre le crime tenté, le crime
essayé, et vainement essayé, dont parle l'art. 2, avec le crime manqué. Quel-
ques exemples vont vous faire sentir le sens de celte idée.
Le poison a été donné, et non-seulement donné, mais accepté et bu par celui
à qui on l'a présenté ; cependant la force de la constitution, un antidote ad-
ministré à temps, ont paralysé l'effet, ont sauvé la vie de celui qui Pavait bu.
Oe même l'assassinat a été consommé, les coups ont été portés jusqu'au der-
nier moment et en toute sécurité, l'assassin ne s'est éloigné que lorsqu'il
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DB L^ TBNTATITB (aRT. 2). 33
croyait ea victime abBOlnment morte. Bnfin le vol a été commiB, l'argent, see
billets cachée dime le colre-fort ont été enlevée, mais le voleur les a perdtis,
les alaiasé tomb^; le propriétaire les a reconvréa. Dana cet trois eas, y art-ll
tentative de enme, confonnément à Fart. 2 ?
Q est évident qae non ; il est évident qn'îl y a pins : il n'y a pas simplement
un ciime essayé, une exécution commencée, puis interrompue ; il y a exéco»
tien parfaite, entière^ absolue, mais les résultats ont manqué leur effet. Il y a
d*abord la tentative telle qu'elle est définie par notre art. t, mais la tentative,
pins quelque chose qui est fort important : dans le crime manqué, il y a la
tentative, plus l'achèvement ; la tentative, plus Timpossihilité de se repentir,
rimpossibilité de craindre et de s'arrêter à temps.
n y a donc moralement une différence parfaitement saisissable, d'une part,
entre la simple tentative, qui peut-être eût marché jusqu'au bout, mais que
peut*ôtre aussi son auteur eût pu interrompre à temps ; et, d'autre part, le
crime consommé en tant qne son auteur a été maître de le consommer, mais
crime dont il n'a pas recueilli le fruit à raison d'un accident postérieur indé-
pendant de sa volonté. Or, que la loi ég^alise, qu'elle assimile le crime manqué
au crime achevé, qu'elle punisse indifféremment l'auteur du crime qui a per*
sisté Jusqu'au bout, sans avoir à examiner si le préjudice matériel s'est ou non
réalisé, je le comprends pleinement ; mais comme une différence morale assez
sensible sépare la simple tentative de l'achèvement, de la consommation, de
la perpétration définitive, quoique non suivie de succès, il s'ensuit que l'art. î
eût mieux fait, tout en frappant, bien entendu, la tentative, et en la frappant
d'une peine fort sévère, d'établir cependant entre la tentative interrompue et
le crime achevé, accompli, avec ou sans résultats, une différence que la mo-
rale paraissait réclamer, que l'intérêt public pourrait bien exiger aussi. En
effet, quand il s'agit de graduer la pénalité, n'oublions jamais qu'il peut être
important de laisser toujours au coupable une occasion, un motif, un intérêt
quelconque de se repentir; qu'il peut être toujours important pour la séourité
publique de ne jamais épuiser toutes les rigueurs possibles de la loi contre un
coupable qui, de son cété, n'a pas épuisé encore toutes les nuances, parcouru
tous les degrés du crime.
Quelques explications nous restent à donner sur l'application pratique des
art. 2 et 3, et sur une exception apportée par l'art. 317 à l'art. 2, quoique con-^
testée par la jurisprudence. Nous commencerons par là la prochaine leçon.
TROISliME tEÇON.
88. Nous avons présenté, dans la dernière leçon, les principales questions
relatives à la punition dont le législateur peut frapper la tentative ; nous avons
^^stingné : i* la simple résolution, impunie d'une manière absolue dans la loi
française, oomme elle doit l'être, avons-nous pensé, dans toute bonne législa^
tion pénale ; 2^ les actes préparatoires, généralement impunis, frappés cepen-*
dant dans le cas spécial de l*art. 89 ; 9* la tentative ; 4* enfin le crime, soit
manqué, soit consonmé. Nous avons trouvé quelque rigueur, et peut-être
quelque chose d'impolitique dans le système qui établit parité, assimilation
entière entre le crime teoté et le crime manqué ou consommé. Au f^ste, cette
1. 3
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34 TROISIÈME LEÇON. — DISPOSITIONS PHÉLIIONAIRES (n* 23).
assimilation avait déjà été combattue dans le conseil d*État; on y avait môme
décidé, en principe, que la tentative ne serait assimilée au crime consommé
que dajis les cas spéciaux qu'on aurait soin de déterminer plus tard. Cependant
la loi du 22 prairial an lY, que je vous ai citée, a continué à régir la tentative,
sans qu'on voie précisément comment la délibération, comment le parti adopté
n'a pas été suivi en définitive.
11 ne nous reste plus maintenant qu'à faire quelques observations, quelques
rapprochements pratiques sur l'application de l'art. 2, dont je vais d'abord re-
lire le texte : Toute tentative de crime qui aura été manifestée par un eommen'
cernent cCexécution, si elle n'a été suspendue ou si elle n*a manqué son effet que par
4es circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, est considérée comme
le crime même.
Telle est la régie, bonne ou mauvaise, établie en principe par le texte. Ce-
pendant quelques exceptions assez remarquables résultent de plusieurs articles
qu'il est bon, sinon de discuter complètement, au moins de rapprocher de
celui-là. La plus notable de toutes, surtout par les divergences qu'elle a sou-
levées entre la jurisprudence et la doctrine, se rencontre dans Fart 317, relatif
au cas d'avortement. Dans les trois premiers paragraphes de cet article, la loi
frappe de peines plus ou moins graves : 1« les personnes qui auront procuré
l'avortement d*une femme enceinte; 2» la femme elle-même qui se sera pro-
curé l'avortement ; mais la loi ajoute : ou qui aura consenti à faire usage des
moyens à elle indiqués et administrés à cet effet, si l'avortement s'en est suivi;
3<» enfin les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les
pharmaciens qui auront indiqué ou administré ces moyens, seront condamnés
à la peine des travaux forcés à temps, dans le cas ou l'avortbent aurait eu
Liàu.
Sur cet article (voyez infra, n« 353) s'est élevée la question de savoir s'il ne
constituait pas une exception au principe de l'art. 2 ; s'il ne fallait pas conclure
^ de la disposition finale des §§ 2 et 3, que la tentative d'avortement non suivie
de réussite devait rester impunie, et surtout qu'elle ne pouvait pas être assi-
milée au crime lui-même. L'affirmative parait évidente dans le deuxième et
dans le troisième paragraphe, puisque la loi exige formellement que l'avorte-
ment s'en soit suivi. Elle ne parait guère plus douteuse dans le cas du g 1, où
ces expressions, procuré Vavortement, semblent bien s'appliquer à un crime
consommé, à un crime suivi de réussite, et non point à une tentative impuis-
sante.
Cependant la Cour de cassation a cru pouvoir décider : i^ que la tentative
d'avortement, essayée par tout autre que par la femme ou un homme de l'art,
devait être punie comme le crime même, aux termes du § 1 ; et 2<^ que, dans le
cas du troisième paragraphe, la tentative d'avortement essayée par^un méde-
cin, un chirurgien, un homme de l'art, devait, en cas de non-succès, être frap-
pée non pas par le troisième paragraphe, qui veut que l'avortement ait réelle-
ment eu lieu, mais au moins par le premier. En un mot, elle fait du § 1 une
règle générale, d'après laquelle la tentative, par quelque personne qu'elle ait
été pratiquée, pourvu que ce soit toute autre que la femme, doit être punie,
doit être frappée de la réclusion ; et cela parce qu'elle ne doit pas, dit-elle, ad-
mettre facilement une exception à la règle générale posée dans l'art. 2.
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D£ LA TBNTATIYS (aRT. 3). 35
Il est visible que c^tte interprétation torture l'art 317 sans se rencontrer
poor cela le moins du monde dans le système de Tart. 2. En effet de deux
choses Tune: on il faut appliquer Tart. 317, tel qu'il est, c'est-à-dire seulmnent
loisqaUly a avortement; ou bien il fiiut appliquer l'art 2, c'est-à-dire que la
simple tentative, quoique non suivie de réussite, doit être punie comme le crime
lui-même. Donc le médecin, le chirurgien, l'homme de l'art qui aura indiqué,
fourni, administré les moyens, devrait, même en cas de non-succès, être puni
des travaux forcés à temps. Mais comme les derniers mots du § 3 répugnent
nettement à cette conséquence, la Cour de cassation applique à ce cas le § 1 ;
c'est-à-dire qu'elle n'applique ni l'art. 317 ni l'art. 2. Elle n'applique pas l'article
317, qui, dans uu paragraphe spécial, frappe le médecin, et seulement quand
ravortement s'en est suivi. Elle n'applique pas l'art. 2, puisqu'elle punit de la
simple réclusion la tentative, et non pas des travaux forcés à temps.
J'ajouterai que, puisqu'on convient que, dans le § 2, ces mots procure Vavor''
iement, employés pour la femme elle-même, ne doivent et ne peuvent s'en-
tendre que d'un avortement consommé, et non pas d'une tentative non suivie
deréussite, il est contradictoire de dire ensuite que, dans Je §1, ces mots pro^r^
Vavoriement, doivent s'entendre d'une tentative même non suivie de réussite.
Je dirai encore que, soit dans la discussion du conseil d'État soit aussi dans
l'exposé des motifs relatifs à l'art. 317, il aété formellement reconnu que l'in-
certitude et la difficulté de la preuve, en cas de non-succès, en cas de non-
réussite, d'une pareille tentative, devait faire exclure comme trop probléma-
tiques, comme trop dangereuse, l'application de toute pénalité. Je crois donc
que, nouobstant une jurisprudence contraire, il faut 6n adoptant du reste
l'avis de presque tous les commentateurs du Gode pénal, il faut reconnaître que
l'art. 317 constitue une exception formelle au texte de l'art. 2, c'est-à-dire
nous présente un cas où le crime tenté, où le crime même manqué, c'est-à-dire
tenté jusqu'au bout ^^i^ tenté sans succès, non-seulement n'est pas puni d'une
peine égale au crime lui-même, mais n'est frappé d'aucune peine. C'est ce qui
est évident dans les §§ 2 et 3, c'est ce qui parait ne l'être pas moins dans le § 1.
D'autres exceptions, que la jurisprudence a reconnues au principe de l'art. 2,
se présentent et je me borne à les indiquer.
Dans le cas de l'art 365, relatif à la subornation de témoins, on reconnaît
que, lorsque la tentative de snbomation a échoué, ou même lorsque le témoin,
ayant cédé aux pratiques de subornation essayées auprèsde lui, n'a cependant
pas réalisé le crime, n'a cependant pas perpétré la fausse déposition à laquelle
on l'invitait, les peines portées par l'art 365 sont inapplicables au suborneur.
Cette décision spéciale résulte de principes particuliers sur la complicité prin-
cipale, que nous expliquerons dans l'art. 60 du Code pénal.
£nfîn une autre exception, formellement écrite dans la loi, se trouve dans
le §2 de l'art 179, relatif aux tentatives de contrainte ou de corruption prati-
quées sur un fonctionnaire public.
24. Pour terminer ces longues explications sur l'art. 2, je vous ferai remar-
quer que, pour qu'il y ait lieu à appliquer la peine du crime à la tentative, il
faut que le jury ait été consulté, non pas sur la question de savoir s'il y a eu
tentative, mais il faut que la question lui ait été posée conformément au texte
de l'art. 2; c*est-à-dire, qu'on ait provoqué le vote et la décision du jury, non
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36 TROISIÈME LBGON. — DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRBS (n'' 25).
pas sur le mot défini, mais sur la définition; qu'on ait consulté le jury en ces
termes : Y a-t-il eu commencement d'exécution n'ayant été interrompue ou
n'ayant manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté
de l'auteur du fait? Ceci se rattache, au reste, à des principes que nous aurons
à développer plus tard sur la rédaction des questions telles qu'elles doivent être
posées au jury.
25. a Aat. 3. Les tentatives de délits ne sont considérés comme délits que dans
les cas déterminés par une disposition spéciale de la loi. »
Voilà une application que déjà je vous ai annoncée de la division, d'ailleurs
fort bizarre et fort peu logique, de l'art. 1 du Gode pénal. Voilà un intérêt à
distinguer, dans l'application pratique de la loi, le crime et le délit ; la ten-
tative de crime est réputée crime, quand elle réunit ces caractères de l'art. 2 ;
k tentative de délit, quand même elle réunirait ces caractères, n'est pas répu-
tée délit, n'est pas frappée de la même peine, n'est même frappée d'aucune
peine, à moins que la loi pénale ne l'ait formellement, spécialement déclaré.
Cette différence peut surprendre; et, en effet, elle étonna, à la lecture du
projet, quelques membres du conseil d'État, et avant tous, l'empereur. Il de-
manda pourquoi cette distinction entre les tentatives de crime et les tentatives
de délit; pourquoi, si l'on punissait comme crime la simple tentative, ne puni-
rait-on pas aussi, et par la même raison, comme délit la simple tentative de
délit? On répondit que dans les délits il était trop difficile de déterminer nette-
ment ce qui constituait la tentative ; que, par exemple, dans une rixe, de ce
qu'un homme avait levé la main sur son adversaire, on ne pouvait guère con-
clure qu'il fût décidé à le frapper, on ne pouvait voir là réellement une tenta-
tive de délit ; que, de plus, l'intérêt de la société, dans la répression des délits,
était beaucoup" moins grand et pouvait permettre un peu plus de facilité.
Ces réponses sont assez peu satisfaisantes ; je ne vois guère pourquoi les
mêmes principes qui ont fait punir la tentative, dans le premier cas, ne la fe»
raient pas punir aussi, au moins dans certaines hypothèses du second. La pre-
mière de ces réponses, la difficulté de séparer, en matière de simple délit, la
tentative et l'exécution, cette réponse pourrait être bonne, si la distinction
légale entre les crimes et les délits était puisée dans la nature du fait, et non
pas, comme elle l'est, dans la nature et dans la gravité de la peine. Mais, une
fois cette distinction arbitraire consacrée entre le crime puni d'une peine af-
flictive ou infamante, et le délit puni d'une peine correctionnelle, nous devons
nous attendre, vous ai-je dit, à rencontrer séparés, isolés, dans chacune de
ces catégories, des faits qui, par leur nature, des actes nuisibles qui, par le
mode de leur accomplissement, sont ou analogues, ou même identiques les uns
avec les autres.
Ainsi, par exemple, dans les art, 147 à 150 du Gode pénal, vous trouverez
la définition du crime de faux, fait qui, étant puni des peines afflictives ou in-
famantes, rentre par là même dans la disposition de l'art. 2. Voilà des faits
dont la tentative, réunissant les circonstances prévues par l'art. 2, peut se
trouver en certains cas assimilée au crime même, et être punie comme lui.
Vous trouverez dans l'art. 153 des faits tout à fait analogues; par exemple,
celui de l'altération, de la falsification d'un passe-port, fait absSlument identi-
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OB Ul NW-ftÉTROACTlTITÈ DB LA LOI (aBT. 4). 37
que dans ses moyens d'accomplissement, dans ses moyens d'ezécntion, avec
l'altération, la falsification d*nn autre acte public, mais que cependant on n'a
pas cra, et avec raison, devoir frapper dhine aussi forte pénalité.
Ainsi, Faltération on la falsification des actes publics ou privés, indiquée
dans les art 147 et 150, est un crime ; Taltération ou la falsification des actes
désignée dans l'art. 153 n'est qu'un délit, car la peine n'est que correction*
nelle ; et cependant ces faits, dans leur nature, sont tout à foit analogues, et
je ne dis pas dans leur nature morale, je ne dis pas dans le degré de perturba-
Uon sociale qu'ils apportent, mais dans les moyens matériels employés pour
leur exécution. Dès lors la tentative est tout aussi facile à constater dans un
cas qu'elle l'est dans l'autre.
En un mot, nous trouvons ici, et nous trouverons souvent les inconvénients
marqués de cette division tout ail>itraire, de cette division de pur caprice qui»
au lien de classer les faits d'après leur nature intrinsèque, les classe tout à
lait arbitrairement d'après leurs résultats de pénalité. Nous verrons cela d*une
manière biea plus saillante par la combinaison des art. 78 et 79 du Ciode
pénal.
Je vous ai annoncé que les tentatives de délit, quoique impunies en principe,
étaient cependant assimilées au délit même, dans les cas où la loi en dispose-
rait ainsi. Vous en trouverez des preuves dans les art. 400, 401, 405, 414 et
415 du Gode pénal; ils sont relatifs surtout au cas de vol, d'escroquerie et
autres cas analogues, dans lesquels la tentative de délit, très*facile à constater,
indépendamment d'une exécution consommée, a été par le législateur assi*
milée au délit lui-même.
^ S^^- <* ^^' ^* ïluUe contravention, nul délit, nul crime, ne peuvent être punis de
peine qui n'étaient pas prononcées par la loi avant qu'ils fussent commis, v
Rien n'est plus simple que l'application de cette règle; c'est, vous le voyez,
l'application dans le droit pénal d'un principe qui vous est déjà connu, celui
de i'article 2 du Gode civil, celui de la non-rétroactivité des lois. Si jamais ce
principe est facile à légitimer, s'U est surtout facile à appliquer, c'est bien dans
la loi pénale. En effet, encore bien que les lois positives, dans les matières
criminelles, ne créent pas, ne constituent pas la culpabilité morale de tel ou
tel fait, mais se bornent à la déclarer, cependant, comme le degré de pénalité
est arbitraire et varie, selon les cas et les lieux, au milieu de mille circonstances
que nous avons indiquées, il est clair que c'est un devoir impérieux pour le
législateur d'avertir publiquement, solennellement, avant de frapper : Moneat
lex priusquàm feriai
La justice de cette disposition est d'abord de toute évidence, lorsque le fait,
prévaet puni par la loi actuelle, était tout à fait impuni par les lois antérieu-
res. Ce n'est alors que la conséquence de l'art. 1 ; car on nous dit, dans l'art. 4,
que nul crime, nul délit, nulle contravention, ne peuvent être punis de peines
qui n'étaient pas prononcées parla loi avant qu'ils fussent commis. Donc, s'il
n'y avait pas de peines portées, il n'y aurait pas non plus, dans le sens légal
du mot, crime, délit, contravention. Si la loi pénale nouvelle a, non pas frappé
le crime ou la tentative d'un crime ou d'un délit, atteint un fait jusque-là
imprévu et impuni : mais si elle a aggravé une pénalité antérieure, les mêmes
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38 TROISIÈICB LBÇON. — DISPOSITIONS PRÉLXMINAIRBS (n^ 27).
raisons défendent impérieusement de frapper de cette peine les faits anté-
rieurement commis.
Toutefois, une exception, et, il faut bien le dire, une triste exception au prin-
cipe de Part. 4, se trouvait consignée dans un décret impérial relatif à la légis-
lation militaire. Un décret du 1*' mai 4812, décret en dix articles, frappait de
certaines peines d'une excessive gravité les fautes, les crimes militaires com-
mis en général par les chefs de corps, tels que la capitulation, soit par un chef
de corps en campagne, soit par un commandant de place, dans les cas déter-
minés. Puis Tart. 8 du décret ajoutait que, dans tous les cas de crimes ou de
délits militaires non prévus par une loi expresse, les conseils de guerre seraient
autorisés, en déclarant la culpabilité de tel ou tel fait, à appliquer, en leur
âme et conscience, telle peine que bon leur semblera, à la charge de la puiser,
soit dans la législation militaire, soit dans la législation pénale ordinaire. Voilà
une exception flagrante au principe qui défend d'appliquer une peine qui n'est
pas prononcée par la loi, et prononcée expressément, spécialement pour le cas
particulier auquel vous entendez appliquer la peine; car, dire que, d'après ces
deux articles, les conseils de guerre ne peuvent prendre leurs peines que dans
la législation militaire ou ordinaire, c'est, vous le sentez bien, une garantie tout
à fait illusoire. Certainement ils n'appliqueront que les peines établies dans
l'une des deux législations, mais ils prendront à leur gré les peines qui, soit à
raison de leur nature, soit à raison de leur gravité, pourront être sans rapport
avec le fait déclaré punissable. Et lors même que réellement elles seraient en
rapport avec ce fait, elles n'ont avec lui qu'un rapport que le coupable n'a pu
ni deviner ni prévoir. On doit toutefois ajouter qu*un arrêt de la Cour de cas-
sation du 21 mai 1847 a déclaré que le décret du !•' mai 1812 était abrogé :
c Attendu que les garanties constitutionnelles assurées par la Charte, en ce qui
touche la justice criminelle, consistent : 1^ suivant l'art. 4 du Code pénal, en ce
que nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, ni par consé-
quent puni pour un de ces actes de peines qui n'étaient pas prononcées par la
loi, avant quç cet acte fût commis... que le décret du 1*' mai 1812, sur les ca-
pitulations des commandants militaires, a méconnu ce principe essentiel ;
qu'après avoir, par son art 8, donné aux juges la faculté de substituer à la
peine de mort celle de la dégradation, ou même un emprisonnement dont il ne
détermine pas la durée, il va, par son art. 10, jusqu'à les autoriser à appliquer
aux faits non prévus par les lois militaires, celle des peines du Gode pénal,
civil ou militaire, qui leur paraîtra proportionnée au délit; que ce décret se
trouve donc abrogé. •
97. Le principe de l'art. 4 est fort simple pour le cas oii la loi postérieure
est venue constituer une pénalité qui jusque-là n'existait pas. Mais Thypo-
thèse contraire peut se présenter, et Tart. 4, comme tous les textes de la légis-
lation maintenant en vigueur, la laisse, je crois, sans solution. Il est possible
qu'une loi nouvelle, sans effacer complètement des pénalités portées par la loi
antérieure, vienne au moins les modifier, les adoucir; il est possible que le
changement s'opère dans un sentiment d'humanité, d'adoucissement, de sup-
pression de pénalités; alors Jart. 2 du Code civil devra-t-il s'appliquer dans
sa lettre? direz«vous que, les lois n'ayant pas d'effet rétroactif, le fait commis
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DBS DftUTS mUTAlIIBS (aRT. 5). 39
sons Tempire de la loi antérieure doit être régi et frappé par cette loi^ encore
Uea qu'il soit jugé depuis la promulgation d^une loi plus humaine et plus
douce? Certainement les textes pourraient mener là; mais des raisons im-
périeuses empêchent d^ arriver, et elles sont de telle nature, que la question
même, je croiâ, n'a Jamais été sérieusement soulevée dans la pratique. Non-
seulement le sentiment d'humanité, mais aussi un principe impérieux, une
raison paissante n'ont pas permis de penser à appliquer jamais une législa-
tion pénale antérieure et rigoureuse, lorsque, depuis le crime commis, elle a
été modifiée, adoucie. En effet, si la peine ancienne est supprimée ou adou-
cie par la loi nouvelle, c*est^ apparemment, que le législateur ne trouve plus
dans les faits sur lesquels il statue le caractère d'immoralité, de culpabilité
qui avait légitimé pour les législateurs précédents la gravité de la peine an-
cienne ; ou bien que, le caractère d'immoralité restant le même à ses yeux,
le péril social, le second élément pour la fixation de la peine, ne lui parait plus
exiger une répression aussi forte. Alors il serait non-seulement inutile, mais
immoral, mais illogique, d'aller appliquer une peine que le législateur a dé-
clarée inutile, ou môme a déclarée dangereuse. L'intérêt public aussi bien
que la morale veulent qu'on applique alors la nouvelle peine, et non pas la
peine ancienne.
J'ai dit que la législation actuelle est muette sur cette question ; je dois
pourtant vous avertir qu'un décret du 23 juillet 1810, publié un peu avant la
mise en activité du Gode pénal, a statué sur la question, mais statué d'une
manière spéciale, en sorte que nous ne pouvons plus invoquer aujourd'hui
rantoriiè du texte de ce décret. Ce décret a décidé que, pour tous les faits
commis antérieurement à la mise en activité du Gode pénal, la peine an-
cienne serait appliquée si elle était plus douce; ce n'est là que le principe
de l'art. 4 du Gode pénal : mais, qu'à l'inverse, dans tous les cas où la peine
nouvelle serait moins grave que l'ancienne, cette peine nouvelle devrait être
appiiquée de préférence aux faits commis antérieurement à la mise en acti-
vité du Gode.
Ce décret spécial, je le répète, ne tranche pas la question pour les légis-
lations postérieures; mais cependant les motifs qui l'ont dicté sont tels qu'ils
paraissent tout à fait applicables aujourd'hui. Aussi la question ne s'est pas^
je crois, présentée sérieusement dans la pratique. La seule qui se soit élevée,
et dont la solution même fortifie la précédente, est celle-ci : c'est de savoir
quelle législation doit être appliquée lorsque, dans l'intervalle entre le fait
commis et le jugement de ce fait, a existé une législation transitoire qui le
frappait d'une peine plus douce que l'ancienne et que la nouvelle. Eh bien,
alors même il a été décidé, un peu arbitrairement peut-être, mais la faveur
de rhumanité a paru devoir l'emporter dans cette question, qu'encore bien
que la législation pénale la plus dure fût en vigueur à la fois et au moment
du fait accompli et au moment du jugement, cependant le bénéfice de la lé-
gislation intermédiaire, postérieure au fait et^abrogée avant le jugement, n'en
était pas moins acquis à l'auteur du fait; que cet auteur si coupable qu'il fût,
ne devrait pas souffrir des retards volontaires ou forcés qui auraient été mis à
la poursuite et au jugement du fait qu'on lui impute.
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40 TROISIÉMB LBQON. — DISPOSITIONS PRÉUKIirAIRBS (n^ 28).
28. « ART. 5. Les dispositions du présent Gode ne s'appliquent pas aux contra*
ventions, délits et crimes militaires. »
Cet article est assez clair; cependant quelques observations sont encore né-
cessaires pour fixer le sens précis de ces mots, c<mtraventi(ms, délits et crimes
militaires. Les actes, les faits coupables auxquels fait allusion l'art. 5, sont,
comme vous le voyez par cet article, l'objet d'une législation spéciale. Parmi
des actes assez nombreux relatifs à la punition des crimes ou délits militaires,
je citerai particulièrement le décret du 30 septembre 1791 et la loi du 12 mai
1793 ; vous y trouverez la détermination et la punition de la plupart des cri-
mes ou des délits. Plusieurs décrets, soit de la République, soit de l'Empire,
sont venus ensuite ou augmenter ou modifier ces catégories.
Qu'est-ce que l'on entend en général par crimes militaires? quels sont les faits
auxquels l'art. 5 déclare que le Gode pénal est inapplicable ? Dans l'acception
naturelle, dans l'acception du simple mot, on devrait, ce semble, entendre
seulement par crime militaire celui qui, par sa nature même, ne peut être
commis que par des militaires: tels seraient, par exemple, la désertion, l'a-
bandon du drapeau, du poste, les voies de fait envers les supérieurs et autres
laits de même nature. Pour ces actes-là, il est sensible qu'ils sont essentiel-
lement et par leur nature môme crimes ou délits militaires, puisqu'ils ne peu-
vent être commis que par des personnes revêtues de cette qualité de militaires.
Cependant il est certains faits commis par des non-militaires, et qui rentrent
néanmoins dans la disposition, dans le renvoi de l'art. 5; il est d'autres faits
oommis par des militaires, et qui sont crimes militaires, quoiqu'ils puissent
être également oommis par des non-militaires. Je m'explique par quelques
exemples.
D'abord l'embauchage est un fait dont un non-militaire peut très-bien se
rendre coupable; cependant il est de sa nature même un crime essentielle-
ment militaire ; un crime puni par la loi de 1793, un crime qui rentre dans la
compétence des tribunaux militaires.
De même le vol est un fait qui peut aussi bien être commis par un non-
militaire que par un militaire; cependant, le vol commis par un militaire
rentre dans le renvoi exceptionnel contenu dans l'art. 5 ; le vol commis par
un militaire constitue, à raison de circonstances spéciales de pénalité dans les
cas que la loi détermine, soit un crime, soit un délit militaire auquel les ar-
ticles du Gode pénal ne sont pas applicables.
Ainsi vous aurez à ranger, dans le renvoi que contient cet article, les faits
qui, par leur nature même, sont des crimes que la loi militaire doit punir,
soit que ces faits émanent de militaires sous le drapeau, soit même de simples
citoyens. Vous aurez de plus à y ranger, la loi militaire à la main, certains
faits qui ne sont pas, de leur nature, de leur essence, des crimes ou des délits
militaires; qui, pouvant d'ailleurs être commis par de simples citoyens aussi
bien que par des militaires, rentrent cependant, dans ce dernier cas, dans la
prévision spéciale de la juridiction exceptionnelle établie pour les militaires,
et cela à raison de circonstances qu'il est assez facile d'expliquer.
Mais, d'autre part, il ne faut pas conclure de l'art. 5 que le Gode ordinaire,
que nous étudions, soit dans toutes'ses disposition inapplicables aux mill-
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oss PSI1IS8 AFFUcnvBs (art. 6), 41
taires. Ge serait une grave erreur. A part les faits spéciaux doat la législation
militaire s'est saisie pour les punir de peines particolières quand ils éma&ent
de militaires, tous les autres faits punissables commis par des militaires ren-
trent sons l'empire, sous l'application de la loi commune. Ainsi^ la plupart
des faits détaillés, contenus, frappés par le Gode pénal, seront punis des peines
indiquées dans ce Gode quand ils auront été commis par des militaires. Les
faits auxquels l'art. 5 déclare la loi commune inapplicable, ce ne sont pas les
crimes et les délits militaires, mais, ce qui est fort différent, les crimes ou
délits militaires, tels qu'ils sont définis par des lois spéciales. La seule diflé-
rence, différence qui pourrait d'ailleurs être susceptible d'une juste critique,
mais qu'enfin la législation actuelle établit formellement, se trouve dans la
compétence.
Ainsi, tous les faits qui, de droit commun, sont déclarés punissables, de
quelques personnes qu'ils émanent, et dont la loi militaire ne s'est pas ex-
pressément emparée, tous ces faits, émanés d'un militaire, seront frappés
des peines contenues dans le Gode pénal; le militaire, comme citoyen, retombe
nécessairement sous l'application de la loi commune. Mais cette application,
au lieu d'être faite, comme elle semblerait devoir l'être, par les tribunaux or-
dinaires, le sera, dans la plupart des cas, par les conseils de guerre. Les conseils
de guerre sont compétents non-seulement à raison de la nature, du caractère
des faits punissables, mais, ce qui est plus singulier et beaucoup moins logique,
à raison de la qualité, du caractère des personnes en qui l'on prétend punir
ces faits. N'entrons pas, au reste, dans les détails de la compétence étrangère
à la matière qui nous occupe maintenant. Gette compétence n'est nullement
réglée par le texte de l'art 5. J'ai cru devoir me borner à vous donner cet avis
général.
Elle est réglée par le Gode de justice militaire du 4 août 1857, qui a coor-
donné toutes les lois et tous les règlements relatifs à cette matière. Mais cette
loi, loin de restituer aux juges ordinaires la connaissance des crimes et des
délits conmiuns, a posé en termes plus explicites encore que ne l'avait fait la
législation antérieure, que des crimes et délits deviennent militaires toutes les
fois qu'ils sont commis par des militaires. Ainsi la juridiction des conseils de
guerre est, pour le militaire sous les drapeaux, la juridiction de droit commun
dont il est justiciable pour tous les crimes et délits qu'il commet. Ge nouveau
Gode a été appliqué à l'armée de mer par la loi du 4 juin 1858.
LIVRE PREMIER
DES PSDfSS SN MATliRE CRIMIIŒLIJB ET GOEEEGTIONNELLE,
BT DE ISURS EFFETS.
89. G'est dans ce chapitre et dans les suivants que va se trouver expliquée,
précisée la division générale indiquée dans l'art. 1"', au moins la division in-
diquée dans les §§ 2 et 3 de cet article, relatifs à la nature des peines soit cor-
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42 TROISIÂME LEÇON. — DES PEINES EN MATIÈRE GRIICINBLLE (n"" 30).
rectionnelles, soit criminelles; quant à la natnre des peines de simple police,
le législateur ne s'en est pas occupé dans ce livre I®' ; elles sont indiquées dans
les art. 464 et suivants.
« Art. 6. Les peines en matière criminelles ont afllictives et infamantes, ou seu-
lement infamantes.
Vous voyez que eet article, rapproché du § 3 de Tart. !•», nous apprend fort
peu de chose. Le § 3 qualifie de crime tout fait puni par les lois d'une peine
afQictive ou infamante; on nous répète ici que les peines criminelles sont ou
afflictives et infamantes, ou seulement infamantes, c'est-à-dire que toute peine
afQictive est par là môme peine infamante, mais que réciproquement une
peine infamante peut très-bien n'être pas une peine afflictive. Du reste, rem-
ploi de ces mots ne s'éclaircit pas, et nous ne savons pas plus d'après l'art. 6
que d'après l'art, l** ce qui constitue précisément, légalement, la nature soit
d'une peine afflictive, soit aussi d'une peine infamante. A proprement parler,
toutes les peines sont afflictives, en ce sens que toute peine enlève ou tend à
enlever à celui qu'elle frappe la jouissance d'un bien, ou à lui infliger un
certain mal; toutes les peines sont afflictives, mais à des degrés fort différents,
cependant ce n'est pas dans ce sens naturel, dans ce sens général, que nos
deux articles et le Gode pénal emploient le mot de peines afflictives; ils l'em-
ploient sans le limiter, sans le définir nettement. Vainement chercherions-
nous à en donner une définition : c'est par énumération et non pas par une
définition que nous pouvons fixer l'étendue de ce mot. Sont afflictives, dans
le sens technique de ce mot, les peines que le législateur a bien voulu déclarer
telles, sauf à appliquer à ces peines les conséquences que la loi a voulu leur
imprimer. Sont afflictives, et par là môme infamantes, mais cette seconde idée
est fort peu claire, comme nous le verrons sur l'art. 8, sont afflictives dans le
sens positif, dans le sens arbitraire de la loi, les six peines énumôrées dans
l'art. 7.
tt Art. 7. Les peines afflictives et infamantes sont : — 1*" la mort; —2*" les tra-
vaux forcés à perpétuité; — 3" la déportation ; — 4** les travaux forcés à temps ;
— 5* la détention ; — 6» la réclusion. »
Cet article exige d'assez longs détails qui n'excluront pas cependant la né-
cessité de nouvelles explications, dans le cours du chapitre I«% qui détermine
lanature précise et le mode de chacune de ces peines. Nous aurons à examiner,
an moins pour les plus notables d'entre elles, leur mérite, leur utilité, leur
efficacité pénale. Nous laisserons, quant à présent, de côté ces détails relatifs à
chaque peine, prise isolément, pour nous borner à des notions générales sur
les divisions que la loi se borne encore à poser.
80. Les trois premières peines indiquées par Part. 7 sont, de leur essence
même, perpétuelles et indivisibles, la mort, les travaux forcés à perpétuité, la
déportation. Au reste, l'indivisibilité dans la peine, c'est-à-dire l'impossibilité,
pour les tribunaux qui l'appliquent, de la faire varier entre un minimum et un
tnaan'mum, l'indivisibilité de la peine est une conséquence forcée de son carac-
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DBS PBIHBS ▲FFLIGTIVB8 (abT. 7). 43
ière de perpétuité. Qui dit peine perpétuelle, essentieUemeiit perpétnelle, dit
par là môme peine indivisible, peine manquant de ce caractère, de cette qua-
lité que les criminalistes demandent, en général, dans les peines manquant
de cette faculté pour le juge d'en faire varier l'application» en plus ou en moins,
suivant les circonstances du fait, suivant les nombreuses qualités que la cul-
pabilité du coupable parait présenter.
Mais les travaux forcés à perpétuité et la déportation diffèrent de la peine de
mort sous ce rapport qu'elles sont réparables, si plus tard une erreur judi-
ciaire vient à être découverte, réparables, au moins en partie, pour l'avenir;
qn'eUes sont rémissibles, si le repentir et la bonne conduite du condamné
paraissent de nature à légitimer, en sa faveur, Tezercioe du droit de grâce. Ré-
parables et rêmissibles : tel est l'avantage des peines perpétuelles qui n'étent
pas la vie sur la peine de mort; mais toutes sont indivisibles, toutes excluent, de
la part du juge, l'appréciation des circonstances qui, dans d'autres cas, peuvent
ùâre varier l'application de la peine. (Voy. au surplus infrà, les n<>' 50 et 52.)
81. L'Assemblée constituante, tout en admettant la peine de mort, n'avait
pas cru, dans le Cîode pénal de 1791, devoir consacrer l'emploi des autres
peines perpétuelles appliquées dans l'ancienne législation. Elle n'avait pas fixé
aux pelaes des fers, aux peines de la chaîne qu'elle établissait, de maximum
déterminé d'une manière générale, mais elle posait en principe qu'aucune de
ces peines ne pourrait être appliquée à vie. C'était ensuite dans l'énumération
des divers crimes frappés par ce Gode qu'elle indiquait, pour chacun d'eux, le
maasimum possible de la peine. Je ne crois pas que, dans aucun cas, elle pût
s'étendre au delà de trente ans.
Lors de la rédaction du Gode pénal, la question de la perpétuité des peines
fut agitée dans le conseil d'État, et le retour au système des peines perpétuel-
les fut consacré. On trouva qu'une trop large distance*, qu'un intervalle trop
étendu séparait la peine de mort et les peines simplement temporaires;
que des énormes distances qui les séparaient, quant à l'exemple, résultait ou
la nécessité de multiplier beaucoup trop l'application de la peine de mort, ou
bien celle de laisser la société sans garanties répressives suffisantes contre
certains faits qui, ne paraissant pas mériter la peine de mort, sembleraient
cependant en mériter une plus forte que de simples peines temporaires. De là
rintroduction des travaux forcés à perpétuité et de la déportation, peines per-
pétuelles et indivisibles, mentionnées aux n^* 2 et 3 de l'art. 7.
S2. Au contraire, les trois peines contenues aux n^* 4, 5 et 6 sont répara-
bles et rêmissibles comme toutes les peines qui n'ôtent pas la vie, et en même
temps divisibles, c'est-à-dire que non-seulement elles sont temporaires, mais
que la durée n'en est pas uniformément et impérieusement déterminée par la
loi; c'est-à-dire que, sauf quelques cas spécialement déterminés, le juge reste
maître de faire varier l'application de ces peines dans une limite légalement
déterminée pour chacune d'elles.
Ce système est également nouveau ; l'Assemblée constituante n'avait pas cru
non plus devoir Tadopter; elle avait déterminé d'une manière fixe, générale,
absolue, l'étendue des peines temporaires qu'elle établissait; elle ne permet-
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44 TROISIÈBCB LEÇON. •— DBS I>!BINB8 BN BCATIÈRB CRIMINELLE (n*" 32).
tait pas au juge de faire yarieren plus ou ea moins rapplication de chacnne
de ces peines. Le motif qui dicta cette disposition du Gode de 1791 est ma-
nifeste; on sortait alors du système de l'andenne législation, si Ton peut ap-
peler de ce nom les habitudes parlementaires consacrées autrefois en matière
pénale; on sortait d'un système où des lois, des ordonnances, des modifications
avaient bien déterminé telle ou telle nature de peines variables, encore sui-
vant les lieux, mais n'avaient pas déterminé, en général» d'une manière com-
plète, le rapport de chacune de ces peines avec le fait (qu'elle devait frapper. On
sortait, en un mot, d'un système d'arbitraire, d'un système d'omnipotence
qui, dans la plupart des cas, laissait au juge une immense latitude dans la na-
ture et dans le choix de la peine.
Frappé des graves inconvénients d'un tel système, effrayé de l'énormité du
pouvoir laissé aux tribunaux, préoccupé de la nécessité de faire rentrer les
juges dans la légalité, on se jeta, les yeux fermés, dans un système directement
contraire. Pour enlever au juge tout arbitraire, on consacra d'une manière
formelle, entière, absolue, l'arbitraire complet de la loi. Mais il est visible que
ce nouveau système avait aussi ses dangers; qu'une multitude de faits coupa-
bles, en apparence égaux quant à la dénomination légale qui les embrasse,
varient cependant infiniment, à raison de circonstances que le législateur ne
peut prévoir et déterminer; que tout ce qui aura précédé, accompagné, suivi
même le crime ou le délit, que les antécédents du coupable, que la violence
des provocations, que la voix puissante qui l'aura porté au crime, peuvent,
dans certains cas, modifier le fait et l'atténuer fortement. Aussi, en 1808,
s'écarta-t-on de cette idée et établit-on en principe que les peines temporaires
varieraient entre une double limite de minimum et de maximum, dans l'inter-
valle de laquelle les juges auraient à choisir.
Vous remarquerez que de ce système, qui laisse une assez grande latitude
aux juges dans l'application de la peine, résulte, à quelques égards, une légère
altération au principe de la division des pouvoirs entre les jurés et les juges;
les jurés sont juges du fait, les juges sont chargés seulement d'appliquer la loi
à un fait déclaré constant Dans le Gode pénal de 1791, cette division de pou-
voirs restait très-nette; aux jurés l'appréciation entière, l'appréciation absolue
du caractère du fait; aux juges la simple mission de servir d'organes à la loi,
de donner lecture publique du texte pénal établi pour ce cas, et de l'appliquer
sans minimum, sans maximum possible. Au contraire, dans le droit actuel, où
les cours d'assises ont à opter entre une limite assez large dans l'application
de la peine, il est sensible qu'elles sont, à certains égards, juges d'une certaine
partie du fait, non pas du point de savoir si le fait est constant ou non, non
pas de savoir si l'accusé est coupable ou innocent, ce point est déclaré par le
jury ; mais, l'accusé étant déclaré coupable, à la cour d'assises appartient encore
le droit et l'obligation de tenir compte des circonstances, des nuances infinies de
moralité qui pourront commander ou l'application du minimum, ou celle du
maafimum,\oxL enfin celle d'un terme moyen entre ces deux extrêmes de la peine.
Cette idée de fixation d'un minimum et d'un maximum dans la durée des
peines temporaires, a conduit plus tard, en 1824 et surtout en 1832, à des mo-
difications très-importantes dans l'ensemble du système pénal ; je veux dire à
la faculté accordée d'abord à la cour d'assises en 1824, et plus tard au jury en
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DBS PEINS8 AFFLICTITB8 (aRT. 7). 45
4832, de déclarer TexisteDce de circonstances atténuantes en fàvenr de Tac-
casé déclaré coupable, ce qui établit encore une variation beaucoup plus forte
^ma Tapplication de la peine. La dégradation qui en résulte est détaiUée dans
l'art. 463 du Gode pénal dont nous nous occuperons fort en détail^ car c'est une
innovation importante.
83. La peine de la détention est une peine nouvelle intercalée, en 1832,
dans le texte de Part. 7, entre les travaux forcés à temps et la réclusion. Quel
est le but de l'introduction de cette nouveUe peine ? En quoi diffère-t-elle de
la peine temporaire qui la précède, et de la peine temporaire qui la suit ?
Une première diff^ence, firsppante au premier coup d'œil, mais assez peu
réelle, assez peu satisfaisante en résultat, ressortira de la durée, de la fixation
de chacune de ces deux dernières peines. Ainsi, le minimum de la détention,
comme des travaux forcés à temps et de la réclusion, est de cinq ans ; mais le
maximum de la détention est de vingt ans, lorsque le maasimum de la réclusion
n'est que de dix ans. C'est ce que nous venons plus tard en détaillant ces di-
verses peines. Cependant cette différence entre la détention, peine nouvelle
introduite en 1832, et la réclusion, peine conservée dans le nouveau Code, n'a
rien au fond de bien réel, n'a rien du moins qui nous explique pourquoi le
législateur a cru devoir ajouter cette nouvelle pénalité à celles de Fart. 7. En
effet, il est visible que, si la différence consistait seulement dans la durée, on
serait parvenu au même but en prolongeant facultativement jusqu'à vingt ans
le maasimum de la réclusion ; en disant que la réclusion, gardant toujours son
minimum de cinq ans, aura pour maximum vingt ans, on aurait ^atteint le
même résultat. Aussi cette différence, quoique réelle en fait, doit-elle être
laissée de côté comme n'expliquant nullement le motif, la pensée du législateur
dans la création de cette nouvelle peine. -^ Vous verrez également bientôt que
la détention, semblable en cela à la réclusion, entraîne la dégradation civique;
que la détention, semblable encore à la réclusion, soumet les individus qu'elle
frappe à la surveillance de la haute police de l'État.
Jusqu'ici, nous ne trouvons donc que des analogies ; nous ne trouvons pas la
différence que nous cherchons entre les deux peines. Cette différence tient
avant tout à la nature des faits qu'on a voulu frapper par chacune de ces deux
peines. — - On a senti, en 1832, le besoin de créer une dénomination et un
mode d'exécution spécial pour des faits qui, demandant sans doute une ré-
pression assez sévère dans l'intérêt social, ne pouvaient cependant dans la loi»
pas plus que dans la conscience publique, être assimilés l'un à l'autre, et passer
sous le niveau d'une punition de même nature. En effet, la détention créée
par l'art. 7 l'a été pour frapper, en général, les crimes de nature politique, les
crimes qu'il était impossible d'assimiler, dans leurs résultats et dans la ma-
nière de les frapper, à la plupart des faits prévas et punis par le Code pénal.
Aussi, la détention, tout en ayant un maximum beaucoup plus élevé que celui
de la réclusion, tout en présentant, à cet égard, un plus grand caractère de sé-
vérité, en diffère- t*elle en sens inverse, comme n'imprimant pas à celui qu'elle
atteint le même caractère d'infamie, le même caractère de déshonneur, que
les idées communes, en général très-bien fondées, attachent à l'application des
travaux forcés à temps et à la réclusion.
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46 TAOniÈMB LBGON. — DES PEINES EN ICATIÉRB GRIBCINBLLB (n^ 34).
La rédusion consiste, comme nous le verrons, à être employé, dans une
maison de force, à certains travaux déterminés; la détention, à être enfermé
dans nne forteresse d'État ; et, sous ce rapport, la différence de ces deux peines
consiste principalement à placer ceux qu'elles atteignent dans des établisse-
ments séparés, et à les soumettre à un régime intérieur différent. On a senti
qu'indépendamment d'une loi qui distinguât formellement les deux peines, il
était nécessaire de préserver les condamnés politiques du séjour des bagnes et
desimaisons de force, et du contact impur des habitués d'un tel séjour. Aussi,
c'est par ce motif que la détention a été créée, choisie comme tendant à établir
une ligne de démarcation légale entre deux genres, entre deux natures de faits
et de condamnations que l'opinion et la conscience publiques séparent déjà
profondément.
Une autre différence qui tenait à la même idée, c'est que la réclusion entraî-
nait en général, comme vous le verrez dans l'art. 22, l'exposition publique du
condamné. Mais nous verrons plus loin que cette peine accessoire a été abolie
par le décret du 12 avril 1848.
84. Un autre changement assez important a été fait en 1832 au texte de cet
art. 7 ; un dernier paragraphe terminait ainsi l'ancien article : c La marque et
la confiscation générale peuvent être prononcées, concurremment avec une peine
afflictive, dans les cas déterminés par la loi, i
La confiscation générale, par opposition à la confiscation spéciale dont il est
question dans l'art, i 1, la confiscation générale avait déjà été supprimée en
1814. Sous ce rapport, la loi de 1832 n'a fait qu'effiicer de Fart. 7 des mots qui
depuis longtemps n'y avaient aucune application. Je n'ai pas besoin d'indiquer
quels motifs avaient fait supprimer la confiscation générale qui présentait le
plus grand défaut que puisse offrir une pénalité ; celui de n'être pas personnelle,
celui de frapper très-légèrement sur le condamné, et très-fortement, très-du-
rement sur des individus fort innocents. Très-légèrement sur le condamné,
car la confiscation importe, à coup sûr, assez peu à celui que la loi punit de
mort ou de travaux forcés à perpétuité ; elle ne dépouille donc, elle ne punit
donc en réalité que sa famille. Pour justifier cette peine, on dit: Elle établit
un moyen de répression puissant; tel individu que la crainte de la mort ne
retiendrait pas sera souvent arrêté par la crainte de la confiscation qui s'éten-
dra sur sa famille. Il est impossible de présenter en faveur d'une peine un ar-
gument plus misérable, un argument qui vous met à même de punir un inno-
cent pour arrêter un coupable, dans cet espoir du moins.
Quant à la marque, attachée comme accessoire à quelques-unes des peines
indiquées, par exemple aux travaux forcés à perpétuité, et, dans certains cas,
aux travaux forcés à temps, on a également senti la nécessité de céder à des
réclamations aussi légitimes qu'anciennes et de supprimer bette punition ac-
cessoire.
La marque, en effet, réunissait en elle à peu près tous les inconvénients que
présentent isolément différents genres de peines : en première ligne, celui de
n'être pas divisible, celui de ne pas admettre le plus ni le moins, de ne permet-
tre que tout ou rien, de ne pouvoir varier suivant la culpabilité plus ou moins
forte de celui qu'elle atteignait; en second lieu, de n'être pas appréciable.
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DBS PBIMBS INFAMANTES (aRT. 8). 47
c'est-à-dire que ce sapplice produit, sur ceiai qu'il atteint, un effet que le lé-
gislatonr est dans l'impossibilité de mesurer à Tavanee. Tel individu y sera fort
peu sensible; tel autre, au contraire, en sera complètement abattu.
H y a plus, c'est que la marque, comme les peines infamantes de leur na-
ture, je dis de leur nature parce que l'art. 7 établit à cet égard quelques idées
dont il faudra yous prémunir; c'est que la marque, comme la flagellation et
autres pareilles, agit sur celui qu'elle frappe en sens inverse de sa moralité :
elle accable pour toujours le condamné qui conservait encore quelque pudeur,
elle n'est au contraire qu'un jeu pour le coupable endurci.
Ainsi, premier défaut, peine indivisible ; second défaut, peine inappréciable
et agissant sur le coupable en sens inverse de sa moralité; troisième défaut,
peine fort peu rassurante pour la société, et manquant encore, sous ce rap-
port, d'une des qualités les plus désirables dans les peines. Peine peu rassu-
rante pour la société, car la marque n'est pas le moins du monde une cbance
contre l'évasion du coupable qu'on a flétri à l'épaule.
Bien plus, loin d'être rassurante, elle est encore menaçante pour la société,
puisqu'elle tend à fermer, à interdire au condamné qu'elle a ainsi flétri tout
espoir, toute chance de réhabilitation, tout moyen de se repentir efficacement
et de rentrer dans le sein de la société.
Enfin elle est immorale au degré le plus complet, car, loin d'assurer le re-
pentir du condamné, elle le rejette forcément et nécessairement dans le crime.
On a cédé à ces considérations depuis longtemps présentées, et la suppression
de la peine de la marque a été prononcée d'une manière absolue.
35. Terminons tout de suite l'énumération des peines criminelles par l'ex-
plication rapide de l'art. 8
a Aat. 8. Les peines infamantes sont : ~ 1* Le bannissement; — 2* la dégra-
dation civique. »
L'expression de peines a ffUctives présente, vous ai -je dit, beaucoup de vague :
on ne peut pas la définir, on ne peut en connaître la portée que par voie d'é-
nomération. Un défaut plus grave, plus sérieux, me paraît renfermé dans l'ex-
pression de peine infamante. Qu'est-ce au premier aspect, qu'est-ce à la lettre
qu'une peine infamante ? En nous isolant pour un instant de l'énumération
faite par la loi, c'est une peine qui tend à frapper d'infamie celui qu'elle at-
teint, qui tend à lui ôter, à un degré plus ou moins complet, la considération
sociale dont il pouvait jouir avant la peine. Mais d'abord la peine est déclara-
tive d'un fait criminel antérieur, et ce fait criminel doit par lai-méme, si la loi
pénale est bonne^ enlever au condamné ce qu'il avait de considération, d'hon-
neur, de position, d'estime sociale. On ne voit donc guère ce que c'est, sous ce
premier rapport, qu'une peine infamante, car ce n'est pas la peine qui rend in-
fâme, ce n'est pas la peine qui ôte l'honneur, mais bien le fait déclaré, mais
bien le fait attesté par l'application 'de la peine, à moins qu'on ne dise que
dans certains cas la loi juge nécessaire de punir, par des considérations d'une
autre nature, des faits que l'opinion, que la conscience publique ne réprouve
et ne flétrit pas. liais s'il en est ainsi, de deux choses l'xme : ou la loi triom-
phera à cet égard de la conscience publique, et elle arrivera à imprimer v
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48 TROISliMB LEÇON. «- BBS PBIMES BN XATIÂRB CRIMINELLE (n"" 35).
caractère de flétrissare à des faits qui ne sont pas odieux par eux-mômes, et
alors elle aura faussé, elle aura détourné Topinion; ou bieki cet appel fisût par
le législateur à la conscience des justiciables restera impuissant et sans effet,
cette infamie que la loi prononce ne sera pas ratifiée, ne sera pas sanctionnée
par Topinion : alors la peine est impuissante.
On comprend bien, en un mot, que la peine suppose un crime véritable, un
de ces crimes que la raison et la conscience flétrissent elles-mêmes ; on com-
prend bien que cette peine engendre la flétrissure ; mais si elle Tengendre, ce
n'est pas par son essence, par sa nature, pénale c'est par la déclaration, par
la certitude qu'elle donne à tous de la réalité d'un fait que tous réprouvent
d'avance.
On est encore plus embarrassé pour se rendre un compte précis du sens de
ce mot quand on voit quelles sont les peines que la loi qudifie ainsi. Les peines
infamantes sont : 1« le bannissement; 2® la dégradation civique.
L'infamie dont parle ici la loi tient-elle au choix de la peine, ou tient-elle
uniquement à la nature, au caractère, à la qualité du fait auquel cette peine
pourra être appliquée ? A la nature de la peine ? Il est impossible de le com-
prendre. Ainsi, vous voyez dans l'art. 9, que l'emprisonnement est une peine
simplement correctionnelle, c'est-à-dire une peine qui n'est pas infamante ;
or, en rapprochant l'un de l'autre ces deux articles, demandez-vous ce qu'il
y a de plus infamant, de plus déshonorant dans les peines de Fart. 8 que dans
la première peine de l'art. 9. J'ai peine à croire que vous le compreniez. Qu'y
a-t-il de plus infamant à être banni, à être exilé, qu'à être emprisonné? Qu'y
a-t-il de plus infamant à être privé de l'exercice, de Tusage de certains droits
politiques, civils ou de famille, qu'à être frappé d'un emprisonnement qui,
dans un grand nombre de cas, entraîne la privation des mêmes droits ? Ainsi
la dégradation civique, détaillée par l'art. 34, est une peine infamante, l'em-
prisonnement n'en est pas une, et cependant Pemprisonnement, aux termes
de l'art. 42, entraine dans un grand nombre de cas la privation de presque
tous les droits détaillés dans l'art. 34. On ne voit donc pas dans le caractère,
dans la nature, dans la qualité de ces deux peines, ce qu'elles ont par elles-
mêmes de plus infamant, de plus déshonorant que l'emprisonnement. Il y a
bien des peines qui, par leur caractère, par leur nature, sont infamantes; telle
était, évidemment, la marque ; telle était encore l'exposition publique ; mais
ce caractère, je le répète, ne se rencontre pas, au moins d'une manière sensi-
ble, dans le bannissement, ou dans la dégradation civique.
Si l'infamie dont parle la loi n'est pas dans le choix de la peine, n'est pas
dans la manière de punir, nous devrons donc la chercher, ce qui parait fort
rationneli dans la nature, dans le caractère^ dans la, qualité du fait auquel
la loi appliquera ces deux peines. Ainsi ce qui fera que le bannissement, qui,
par lui-même, n'a rien de plus infamant que la prison, ce qui fera que le ban-
nissement sera>angé parmi les peines infamantes, c'est que, apparemment, on
ne l'appliquera qu'à des faits plus odieux, plus infamants que les faits qu'on
ne punit que d'un simple emprisonnement qui n'a rien d'infamant. Cette
idée, qui paraîtrait naturelle, est encore plus rudement déçue. Je vais le prou-
ver par des exemples.
En effet, voyez les art. 127 et 130 du Gode pénal; par exemple, si un maire
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DBS PEINB8 INFAMANTES (aRT. 8). 49
a pris des arrêtés généraux tendant à contrarier des ponToirs judiciaires, tous
verrez qu'un maire, dans un pareil cas, est puni de la dégradation civique,
n vous sera diffidie de voir ce qu'il y a de très-infamant, de très-déshono-
rant dans le fait de l'usurpation de pouvoirs, fait qui n'a rien de bien infa-
mant. Voyez maintenant à quels faits on applique l'emprisonnement ; vous
trouverez dans Fart 401' que le vol est puni d'un an à cinq ans d'emprison-
nement. Ainsi les fonctionnaires dont on parle dans les art. 127 et 130, qui
se seront rendus coupables d'une usurpation de pouvoirs, d'un arrêté pris ou
appliqué mal à propos, sont punis de peines infamantes, de la dégradation
civique ; au contraire, le voleur n'est puni que de peines correctionnelles. Je
le demande maintenant, quand on rapproche la nature de ces deux faits,
quand on consulte, pour apprécier chacun d'eux, la raison, l'opinion, le sen-
timent intime de chacun, quel est celui des deux qui est infamant, odieux,
déshonorant ? de qui rougira-t-on dans sa famille et parmi ses amis ? sera-
ce du maire qui aura violé Fart. 130 ? sera-ce, au contraire, du voleur ? Ge
sera évidemment de ce dernier. Quel est celui avec qui vous rougiriez d'a-
voir eu les plus petites liaisons ? Ce sera certainement le voleur. Dès lors on
ne sait plus oiï est l'infamie dont parle l'art. 8. Cette infamie ne se trouve
ni dans la nature, dans le choix intrinsèque du mode de punir, ni, dans un
grand nombre de cas, dans le caractère, dans la nature même du fait puni et
punissable. Nouvel inconvénient, nouveau résultat fâcheux de cet étrange
arbitraire, de ce singulier despotisme en vertu duquel la loi pénale a pré-
tendu régler non-seulement la mesure et la gravité physique de chaque
peine, ce qui est bien de son ressort, mais encore l'influence, les résultats
de chaque p^ne sur la conscience et sur l'opinion ; nouvel inconvénient de
cette prétention de faire varier l'appréciation morale que chacun de nous
peut faire d'un acte, selon que la loi aura cru devoir flétrir ou non cet acte
d'infamie.
Ceci n'est pas le résultat d'une simple inexactitude de mots, mais de cette
malheureuse inexactitude de la division de l'art. 1*', qui présente encore des
résultats que la raison repousse.
Ainsi, que les fonctionnaires publics punis aux termes des art. 127 et 130
soient dédarés frappés d'une peine infamante; que le voleur, au contraire, ne
soit déclaré frappé que d'une peine correctionnelle, au fond, je m'en inquiète
assez peu, parce qu'en dépit de la loi chacun de nous démêlera quel est l'homme
infâme et déshonoré. Mais rapprochez ces deux articles d'un texte du Code ci-
vil, de celui qui autorise la séparation de corps à raison de toute peine inûi-
mante encourue par l'un des époux, et vous serez frappés des résultats, c'est-
à-dire que la femme du préfet, du sous-préfet, du maire dont parlent les
art. 127 et 130, pourra déclarer que la vie commune lui est insupportable avec
un homme que la loi a frappé d'une telle peine ; tandis que la femme du vo-
leur devra vivre avec lui, parce que, lors même que son fait est infâme, hon-
teux, elle n'est pas juge de tout cela : la loi n'a qualifié ce fait que de délit.
Tel est l'étrange résultat auquel conduisent ces divisions arbitraires signalées
dès l'origine, ces divisions qui, renversant l'ordre logique et moral des idées,
prétendent subordonner arbitrairement la conscience et la croyance publique
à la qualité des dénominations que le législateur juge à propos d'appliquer aux
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50 TROISIÈME LEÇON. — DES PEINES EN MATIÈRE CRIMINELLE (N® 36).
peines. Au reste, dans tout ceci, remarquez bien que nous n'examinons pas
encore la nature ou le mérite du bannissement et de la dégradation civique ;
le seul point qui nous occupe est Texamen du mérite des qualifications sous
lesquelles la loi a classé ces divers actes.
86. Le nouvel art. 8 a supprimé du nombre des peines infamantes la pre-
mière de toutes celles qu'é^umérait le Gode pénal de 1810, le carcan.
Les critiques que j'ai présentées sous le rapport de la division logique nes'ap*
pliquent pas à cette peine. Il est clair que le carcan est de sa nature même une
peine infamante, sauf à voir si c*est une bonne peine, si le législateur a bien
fait de l'introduire, et surtout si, en Tintroduisant, il Taura bien ou mal appli-
quée. Mais le carcan, bien différent en cela du bannissement et de la dégra-
dation civique, est une peine qui, par sa nature même, désigne, à tort ou à
raison, mais désigne celui qu'elle frappe à Tanimadversion publique.
La peine du carcan, indiquée dans Tancien art. 8, a disparu du nouveau texte.
De là vous pourriez conclure que Texposition publique, autorisée sous le nom
de carcan, a cessé d'exister en même temps ; ce serait une erreur. Le nom de
carcan a disparu; mais l'exposition publique lui a quelque temps survécu.
Pourquoi donc a-t-on supprimé dans le texte de Tart. 8 une pénalité que la loi
appliquait encore ? Pour comprendre cette suppression, il faut savoir que le
carcan était prononcé dans le Gode pénal de 1810, tantôt comme peine prin-
cipale, appliquée indépendamment de toute autre pénalité ; tantôt comme
peine accessoire résultant, plus ou moins nécessairement, de certaines con-
damnations afflictives. Au reste, le carcan a été supprimé comme peine isolée,
comme peine principale. Voilà pourquoi il ne parait plus dans l'art. 8. Mais le
carcan, ou du moins l'exposition publique, avait continué d'exister, quoique
avec moins d'étendue, comme conséquence de certaines condamnations. Nous
en parlerons sur Tart. 22.
Mais pourquoi le législateur, conservant l'exposition publique à titre de peine
accessoire, l'avait-il eff'acée, supprimée comme peine principale ? La raison en
est facile à donner. L'exposition publique, à part toutes les objections qui peu-
vent s'élever contre le choix des peines infamantes de leur nature, objections
qui n'avaient pas empêché sa conservation comme peine accessoire, présente,
comme peine principale, un inconvénient, un danger tout particulier. On a re-
connu qu'à part tous les vices iporaux de cette pénalité, il y avait imprudence
et péril social à la prononcer comme peine principale ; à ne mettre aucun in-
tervalle, aucun intermédiaire entre la plus éclatante infamie et la plus absolue,
la plus entière liberté, à faire descendre de Téchafaud public, après une heure
d'exposition, un homme que tout le monde y çivait vu flétrir, un homme que
la société allait inexorablement repousser d'elle ; à le rendre à toute sa liberté,
à tous ses moyens de nuire, dans un moment oi!i toute existence sociale venait
de lui être enlevée, et où il descendait de l'échafaud bien moins corrigé, bien
moins accablé qu'irrité, exaspéré par la pénalité qui venait de l'atteindre. De
là la suppression de l'exposition publique envisagée comme peine principale.
Quant aux motifs qu'on pouvait alléguer contre l'exposition comme peine
accessoire, motifs qui ont enfin triomphé complètement, nous aurons à les
présenter sur le texte de l'art. 22, relatif à cette exposition.
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DB8 PBINE8 AGGBS0OIRB8 (aRT. 10). 51
QUATRliia LEÇON.
37 . Il nous reste peu de chose à dire sur la section préliminaire du livre l^,
«celle qui est relative à la division des peines. Vous savez que nous avons déjà
Yu quelles sont les peines, soit afflictives et infamantes à la fois, soit simple-
ment infamantes. Nous avons critiqué ces dénominations, la dernière comme
vicieuse dans le principe et dans le mot, et la première, celle é^afflictive, comme
vague et peu significative. Nous voici maintenant arrivés à la troisième espèce
de peines.
. « ART. 9. Les peines en matière correctionnelle sont : — 1' remprisonnement &
temps dans un lieu de correction ; — 2* rinterdiction à temps de certains droits
civiques, civils ou de famille; — 3"* l'amende. »
La même critique parait devoir s'appliquer à la dénomination de la troisième
espèce de peines ; mais ce n'est là, je me hâte de le dire, qu'une affaire de
mots. Le moipeine correciionnelle, comme celui dep^'n^ afflietive, est tout à fait
arbitraire ; il ne présente, dans son sens propre et naturel, aucune relation di-
recte avec les peines auxquelles la loi l'applique. Aussi, si par le mot p^'n^eor-
rectionnelle vous entendez une peine qui a pour but de châtier, il est clair que c'est
une redondance, car toute peine tend essentiellement à ce but ; peine et châ-
timent sont des expressions tout à fait synonymes. Sous ce rapport, le mot de
peine correctionnelle, pris dans son sens général et naturel, ne serait qu'un
pléonasme. Que si, au contraire, on entend par là des peines qui auraient pour
but non-seulement de châtier, mais encore de corriger, d'amender, de réfor-
mer le coupable, c'est là une qualité qu'il serait à désirer de trouver dans
toutes les peines, mais que malheureusement nous ne rencontrons dans au-
cune, car les peines que la loi qualifie de correctionnelles, ne le sont pas plus
que les autres, ni en ce sens qu'elles châtient ni en ce sens qu'elles corrigent.
Les trois peines comprises sous ce npm sont : Temprisonnement, rinterdic-
tion de certains droits et l'amende.
Il est clair que, dans l'interdiction partielle de certains droits civils et dans
Tamende, il n*y a aucune tendance au perfectionnement moral du coupable.
Quant à l'emprisonnement, il pourrait, il est vrai, dans un certain système,
dans une certaine direction, devenir un moyen d'amendement et de réforme ;
mais ce système n'existe pas, mais cette direction n'est pas trouvée. Bous ce
rapport, on ne peut guère justifier l'emploi de ce mot. C'est donc uniquement
par énumération, et non pas par définition, que nous pouvons connaître les
peines correctionnelles. Ces peines sont de trois sortes : Temprisonnement à
temps ; l'interdiction à tenlps de certains droits détaillés dans l'art. 42, et enfin
l'amende . Du reste, quant à la durée de l'emprisonnement, quant à l'étendue
ée cette interdiction, quant à l'importance de cette amende, tous ces détails
n'appartiennent pas à la matière qui nous occupe maintenant; nous ne nous
.occupons que de la division, et non pas encore de l'application des peines.
38. « Art. iO. La condamnation aux peines établies par la loi est toi^jours pro-
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52 QUATRIÉMB LEÇON. -*- DBS PBINBS EN MATIÈRE GRIBCINBLLE (n^ 41).
noncée sans préjudice des restitutions et dommages-intérêts qui peuvent être dus
aux parties. »
Cet article consacre un principe de Tinstniction criminelle, c'est la dis-
tinction entre l'action publique tendant à l'application des peines, et Faction
civile ou privée tendant à faire obtenir à la partie lésée par^e délit l'indemnité
pécuniaire du dommage qui lui a été causé. Les règles relatives à chacune de
ces actions sont exposées dans les premiers articles du Gode d'instruction cri-
minelle ; c'est là que nous verrons par qui, devant quels tribunaux, suivant
quelles règles doivent être intentées Tune et l'autre action, l'action publique
et l'action privée. Remarquez au reste, d'après l'art. 52 du Gode pénal, que les
condamnations aux restitutions, aux dommages-intérêts, quoique purement
pécuniaires et civiles de leur nature, ont néanmoins cet effet d'entraîner con-
tre celui qu'elles frappent la voie de la contrainte par corps.
89. a Art. 11. Le renvoi sous la surveillance spéciale de la haute police»
ramende et la confiscation spéciale, soit du corps du délit, quand la propriété
appartient au condamné, soit des choses produites par le délit, soit de celles qui
ont servi et qui ont été destinées & le commettre, soit des peines communes aux
matières criminelles et correctionnelles. »
Nous avons encore fort peu de chose à dire sur cet article. Le renvoi sous la
surveillance de la haute police est organisé par Tart. 44. Nous en parlerons en
son lieu. En général, ce renvoi peut être la conséquence de toutes les peines
criminelles, la dégradation civique exceptée ; vous le verrez indiqué dans les
art. 44 et suivants. Quant aux peines correctionnelles infligées à raison de dé-
lits, elles n'entraînent que dans des cas spécialement désignés la surveillance
temporaire du condamné par la haute police de l'État.
40. La confiscation spéciale est conservée, par opposition à cette confisca-
tion générale autorisée par le dernier paragraphe de l'ancien art 7 et suppri-
mée dans la révision du Gode, en vertu de la disposition de l'art. 46 de la
Charte de i814. L'abolition de la confiscation, vous ai-je dit, ne s'entend que
de la confiscation générale, peine supprimée, peine abolie conome imperson-
nelle, comme frappant la famille du coupable bien plus encore que le coupa-
ble lui-même. Mais cette abolition reste étrangère à la confiscation spéciale, et
l'art. 11 vous indique à quels cas s'applique cette confiscation, soit du corps du
délit, soit des choses produites par le délit, soit de celles qui ont servi ou qui ont été
^tinées à le commettre. Vous trouvez des exemples de la confiscation spéciale,
appliquée au corps du délit, dans les art. 176, 286, 287 du Gode pénal; il y a
d'ailleurs bien d'autres cas. Vous trouvez des cas de confiscation des choses
produites par le délit dans les art. 364 et 428. Vous en trouvez enfin, pour les
choses qui ont servi ou qui ont été destinées à le commettre, dans l'art. 314,
relatif à la confiscation des armes, des objets, des instruments prohibés.
41 . Quant à l'amende, qui est une peine commune aux matières criminelles
et aux matières correctionnelles, vous la trouvez prononcée beaucoup plu8>
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DE Lk PBDIB DB MOBT (ABT. 12). 53
fréquemment en matière correctionnelle qn'en matière criminelle. C'est sur*
lont dans les matières correctionnelles qu'il a pn paraître utile de fortifier par
nne amende ce que la sanction pénale, personnelle, corporelle, pouvait présen»
ter d'incomplet. Quant aux matières criminelles où la peine est inûunante et
plus forte, vous trouyea parfois des amendes ; mais elles sont plus rarement
prononcées. Vous sentes que le système de Tamende, dans les matières crimi»
aelles, ne peut s'appliquer qu'au cas des peines temporaires ; quant aux peines
perpétuelles qui font encourir la mort civile, ajouter une amende à la peiœ^
-ce ne serait pas frapper directement et uniquement les héritiees aux mains de
^î passent ces biens, système évidemment inadmissible. (Yoy. infirà, n* 88.)
Ainsi, vous trouvez très-fréquemment Tamende ajoutée aux peines correction*
nelles ; vous la trouverez encore, mais plus rarement^ ajoutée aux peines cri-
mîn^s temporsires.
CaaL/^PITRE PREMIER
DES PEINES EN MÀTliBE CRIMINELLE.
42. Nous allons trouver dans ce chapitre le mode d'exécution, le détail des
diverses pénalités que nous nous sommes bornés à classer, à envisager en massé
dans les art. 7 et 8, le mode d'exécution et de détail, soit des peines afflictives
•et infamantes, soit des peines simplement infamantes.
Vous comprendres aisément que la plupart de ces textes ne se prêtent pas i
la nature de développements, d'explications que présentent et qu'exigent le
plus souvent les matières du droit ou de la procédure civile. En général, ces
textes sont fort clairs, le mode d'exécution qu'ils présentent est fort simple
et ne donne matière qu'A d'assez rares questions d'application et de pratique.
Nous pourrions donc sans inconvénient en parcourir rapidement un asses
grand nombre, pour lesquels souvent la lecture suffira, et si quelques-uns nous
arrêtent, et nous arrêtent assez longtemps, ce sera bien moins en ce qui ton*
che les difficultés pratiques de l'application de telle ou telle peine, qu'en ee
qui touche son mérite théorique, son efficacité pénale. C'est en ce sens que
nous aurons à nous occuper aujourd'hui : 1« de la peine de mort, dont parle
l'art. 12 ; %'^ et d'une manière beaucoup plus étendue, de la peine de la dépor*
tation, définie, détaillée par l'art. 17.
Lee arL 12, 13 et 14 sont relatifs à l'application de la peine de mort, et leur
texte, surtout leur texte actuel, ne présente, à ma connaissance, aucune dlffr-
culté'pratique. Je dis leur texte actuel, car, avant la révision de 1832, unèdiri^
position particulière de Fart. 13 donnait lieu à une difficulté que je n'aurai plus
maintenant qu'à indiquer.
48. « ÂaT. 12. Tout condamné à mort aura la tète tranchée. »
Vous savez tons quelles théories, quels débats a soulevés depuis assez long
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54 QUAT. LEÇ. — DBS PEINES EN MAT. GRUC. — UT. I. GHAP. I (n"» 43).
temps PapplicaUon de la peine de mort, non-seolement dans son rapport avec
tel on tel fait, dans la spécialité de telle on telle application, mais encore dans
sa généralité. En nn mot^ Yons savez tons qne depuis assez longtemps a été
débattu, et chaque jour plus vivement, le point de savoir s'il est des crimes,
quelque énormes qu'on les suppose, que la société ait le droit de frapper, de
punir de mort Je n'ai certes pas la pensée de présenter et de discuter ici les
objections très-nombreuses soulevées par les adversaires de la peine de mort :
ces objections demanderaient, ne fÙt-ce que pour être présentées, une ou
môme plusieurs leçons de développements, elles se rattachent, d'ailleurs, à bien
des sources différentes, et je me bornerai à indiquer les principales et à n'en
discuter peut-être qu'une seule.
Ainsi, quelques-unes ont été empruntées, et le sont encore fréquemment, au
système religieux, d'autres à des systèmes politiques. Les unes et les autres
étant des objections tout & fait spéciales, nous pouvons, je crois, les laisser de
côté. Je vais cependant en donner quelques exemples ; en voici un tiré d'une
croyance, d'un système religieux.
La société, si loin que puisse s'étendre le droit de punir, ne peut pas porter
ce droit jusqu'à précipiter, jusqu'à abréger le terme des jours comptés à chaque
homme pour son épreuve sur la terre ; elle ne peut pas, si sévèrement qu'elle
puisse frapper ici-bas, compromettre son avenir par une mort anticipée. Cette
objection, comme je l'annonçais, est tout à fait spéciale : elle tient essentielle-
ment à un système, et à un système religieux tout particulier. Ainsi, pour
beaucoup d'individus, même pour ceux qui adoptent tel ou tel système, telle
ou telle croyance religieuse, cette objection pourrait n'en pas être une ; mais
on peut la réfuter d'ailleurs fort aisément. Il est clair qu'en la prenant à la
lettre, qu'en refusant à la société, et à plus forte raison à l'individu, le droit
d'abréger, de précipiter, dans le cas de la plus patente nécessité, le terme des
jours d'un autre homme, on anéantit directement le droit de légitime défense,
droit consacré à la fois et par la raison et par la loi ; on rend inadmissible la
défense légitime non-seulement pour l'individu, mais aussi pour la société qui,
apparemment, n'aura pas plus de droit en matière de guerre défensive qu'en
matière de pénalité, de compromettre, de vouer à une mort anticipée une
foule d'individus pour qui le jour de la mort naturelle n'est pas venu. Aussi
cette objection, sans l'examiner en elle-môme et dans ses détails, parait se
réfuter suffisamment par ses conséquences.
D'autres objections se rattachent à des systèmes d'organisation sociale que
nous devons laisser aussi de côté. Ainsi, l'homme, n'ayant pas le droit de dis-
poser lui-même de sa vie, n'a pu céder valablement ce droit à la société ; la so-
ciété, l'État, n'exercent sur l'individu que les droits qu'ils tiennent de lui, en
vertu d'un pacte formel ou tacite : ces droits ne peuvent être que ceux de l'in-
dividu sur lui-même. Si le suicide est un acte coupable, nul individu ne peut
céder sa vie ; donc la société n'a pas ce droit. Il est sensible que cette objection
repose encore sur une hypothèse tout à fait gratuite ; elle rattache non-seule-
ment le droit de punir, mais tous les droits, tous les devoirs et tous les pou-
voirs sociaux à l'existence, ou plutôt à l'hypothèse d'une convention dont rien
n'atteste, et dont tout dément la réalité. Certes 1 ni le droit de punir ni les
pouvoirs sociaux ne dérivent d'une convention; personne n'a jamais vu, n'a
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DB LA F8INX DB IfOHT (aRT. 12). 55
jamais la^n'a jamais pu supposer sérieusement une convention pareille. Certes !
l'étranger qu'un accident, qu'un naufrage, qu'un* fait absolument involon*
taire a jeté un instant sur nos c^s, et qui s'y rendra coupable d'un crime,
* sera puni par la loi du pays, quoiqu'il n'y ait eu de sa part ni convention ex-
presse, ni volonté, ni convention tacite de se soumettre à cette loi. Ce n'est
pas d'un pacte purement imaginaire, d'un contrat tout à fait hypothétique que
nous devons faire dériver la source du droit de punir, et de ses effets.
Aussi, laissant de côté toutes ces objections, aimerais-je mieux m'arréter à
celle sur laquelle s'étendent plus volontiers les adversaires de la peine de mort,
à celle dont l'examen peut d'ailleurs nous conduire à fixer, sur cette matière
difficile, quelques principes et quelques idées.
La société, ditron, étant une collection, un ensemble d'individus, ne peut
pas avoir, en matière pénale plus qu'en toute autre, plus de droits que n'en au-
rait chacun des individus dont elle se compose ; à part toute idée de pacte et
de contrat, le pouvoir social ne fait qu'exercer, dans l'intérêt public et dans
l'intérêt privé, les divers droits appartenant à chacun des membres dont il se
compose. Si donc le droit de tuer n'appartient individuellement à aucun des
membres, à aucun des individus composant la société, ce droit ne doit pas, ne
peut pas appartenir davantage à la société, à la collection, à l'État ; et de là
on passe & un exemple. Ainsi, un individu est attaqué, ses jours sont mis en
péril par une agression, dans laquelle vous supposerez toutes les circonstances
d'injustice et d'immoralité que vous voudrez réunir ; vous supposerez, si vous
voulez, pour rendre l'objection plus sensible, un père attaqué et mis en danger
de mort par son fils. Le droit de défense peut-il aller jusqu'à tuer ? Oui sans
hésiter, répondent les partisans de ce système; oui, l'individu peut tuer, en
état de légitime défense ; mus de là ne suivra pas que la société le puisse ja-
mais. Nous verrons tout à l'heure comment ces deux idées peuvent s'allier.
Oui, l'individu peut tuer, quand ses jours sont en péril, quoique le droit de vie
et de mort n'appartienne à aucun homme sur un autre homme ; c'est qu'en
tuant en état de défense, son but n'est pas d'ôter la vie, son but direct n'est
pas d'attenter à la personne d'un autre homme, mais uniquement de défendre,
de protéger, de sauver la sienne. En un mot, il ne viole pas directement la
personne de son semblable, il exerce le droit, il accomplit le devoir de proté-
ger, de défendre la sienne.
Mais, supposez la lutte terminée, supposez l'agresseur mis en fuite, ou
arrêté, ou désarmé ; si odieuses, si coupables qu'aient été les circonstances
de l'agression, de l'attaque, il est clair que la personne attaquée ne pei^ plus,
dès ce moment, frapper sans commettre un crime, que l'homicide, que le
meurtre qui, tout à l'heure, était pour elle un acte légitime, parce qu'il était
un acte nécessaire, devient immédiatement, et à l'instant même, un acte illé*
gitime, un acte coupable, un véritable assassinat, par cela même qu'il est un
acte inutile.
Ainsi, le droit de tuer, dit-on dans cette objection, appartient sans doute, en
toute rigueur, à l'individu placé par une agression non méritée en état de lé-
gitime défense; mais ce droit, qui n'a son fondement que dans la nécessité,
6'arrête et cesse avec elle; une fois l'agresseur vaincu, chassé, désarmé, ce
droit n'existe plus, le meurtre serait un crime. Or, ajoute-t-on, toutes les fois
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56 QUAT. LEÇ. — DK3 PEIIÎBS KN MAT. GRIlil, — LIV. I. CHAP. I (n* 43).
qu'un coupable, si graud qu'on suppose son crime, est oonduiA, est amené de»
Tant un tribunal, Tagression a cessé, il a été vaincu, il a suocombé dans la
lutte ; il a succombé, soit devant la force privée de celui qu'il attaquait, soit
au moins, après le crime manqué ou commis, devant la force publique mise à
sa poursuite et qui Ta arrêté. Or, si l'individu ne pouvait tuer qu'à son corps
défendant et à raison de la nécessité, si d'ailleurs la société n'a de droits que
ceux de Tindividu, la conséquence nécessaire est que le cas de légitime dé-
fense, le cas de nécessité n'existant jamais pour le pouvoir social, le meurtre,
de sa part, ne peut jamais être légitime. La société a bien d'autres moyens de
pourvoir à sa sûreté que de faire tomber la tète d'un coupable ; quand il est
là, devant elle, arrêté et enchaîné, forcément inoffénsif, il n'y a plus d'idée de
défense, plus d'idée de nécessité, il n'y a plus de nécessité, ni par conséquent
légitimité de la mort. La société peut le désarmer, peut le rendre inoffensif par
une détention aussi longue que son crime aura pu le mériter ; elle n'a pas le
droit de s'assurer par la mort contre les chances d'évasion ; elle n'a pas le droit
de faire tomber sur la tête du condamné le danger résultant de la faiblesse de
ses verrous ou de la négligence de ses gardiens.
Telle est, en résumé, l'objection la plus forte, la plus sérieuse que j'aie vu
développer contre l'application de la peine de mort. Vous voyez en peu de
mots à quoi elle peut se réduire : la société n'a de droits, n'a de pouvoirs, en
matière de pénalité, que les droits et pouvoirs des individus, des unités dont
elle est la collection. L'individu peut tuer, sans doute, en cas de légitime dé-
fense, et quand il n'y a pas pour lui d'autre moyen de protéger sa vie ; mais
cette nécessité ne se présente jamais pour le pouvoir social, au moins lors-
qu'il s'agit de juger un coupable arrêté. Si la nécessité n'existe pas, si elle est
d'ailleurs le seul fondement du droit, il faut conclure que le droit n'existe pas
davantage.
Avant d'examiner le mérite intrinsèque de cette objection, avant de la dis*
enter, de la détailler en elle-même, essayons un peu ses conséquences ; c'est
peut-être la meilleure épreuve que nous puissions lui faire subir. La société,
dit-on, n'a de droits que ceux de l'individu, et les droits de l'individu s'arrê-
tent et cessent à l'instant où la lutte est terminée, à l'instant où a cessé le
danger. Or, quand l'agression a cessé par la chute ou la fuite de l'agresseur, je
n'ai pas, sans aucun doute, le droit de le tuer, il faut reconnaître absolument
ce fait qui sert de point de départ à l'objection ; c'est seulement dans le cas de
légitime défense, dans le cas de nécessité, que la loi comme la morale me
permettent de tuer pour me sauver la vie. Mais aurais-jele droit de l'arrêter, de
le retenir, de le prendre pour esclave, de le contraindre à certains travaux, en
retour, en expiation du mal qu'il m'a fait ou qu'il a voulu me faire subir ? Cer-
tainement non. L'agresseur une fois renversé, désarmé, une fois en mon pou-
voir ou dans celui de la force publique, j'ai perdu le droit de le tuer ; mais il
faut dire aussi que je n'ai pas contre lui le plus léger de tous les droits, la
moindre cause qui puisse légitimer une agression même minime de ma part.
Or, si les droits de la société sont bornés dans ce cas à ceux de l'individu ; si
ces droits ne sont, comme ceux de l'individu, que des droits de légitime dé-
fense ; s'ils consistent seulement à enlever au coupable la acuité de nuire, non-
seulement nous ne pourrons pas légitimer la peine de mort, mais encore nous
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DB UL PKRfB DB MORT (aRT. U). 57
ne pourrons pas légitimer la pins petite rignenr^ le plus liger châtiment qai
aura on tout autre but que celui d'enlever an coupable la faculté, le moyen
de nuire. Ainsi tous verres bientôt que la condamnation aux travaux forcés,
à la réclusion, à remprisonnement, ne tend pas seulement à enlever au cou-
pable une liberté dont il a mésusé, et dont probablement il mésuserait encore ;
elle le force de plas i certaine tâche, à certains travaux plus ou moins durs»
plus ou moins pénibles, suivant la gravité et la nature de la condamnation.
Mais il est clair que ces travaux sont une peine, et seulement une peine; il est
dair que si l'on ne tendait qu'à enlever au coupable le pouvoir de mal faire,
l'emprisonnement suffirait. Il faut donc opter, c'est-à-dire, ou reconnaître que
la société peut exercer des pouvoirs que l'individu n'exercerait pas, et nous
rechercherons plus tard la source et la mesure de ces pouvoirs; ou bien, si on
déclare que la mesure des droits sociaux est, dans tous les cas, bornée aux
droits individuels, il faut refuser au pouvoir social, non-seulement le droit de
firapper de mort, mais le droit d'sjouter la peine la plus légère, la plus insi-
gnifiante rigueur à la détentioi^, à la privation de la liberté, qui suffit toujours
et par elle-même pour enlever au coupable le pouvoir dont il a mal usé.
Il y a plus, cette doctrine qui réduit, vous le voyez, la pénalité tout entière
à enlever au coupable le pouvoir de récidiver nous mènerait, dans certains cas,
à des conséquences véritablement ridicules. Ainsi, supposez que, par un acei^
dent quelconque, un assassin, un faussaire, aient été mutilés, estropiés, et tel-
lement mutilés, que de la part d'aucun d'eux le crime qu'il a commis ne puisse
être recommencé; ira-t-on dire que la société ne pouvant plus craindre ni les
coups du premier ni les fieilsifications du second, le pouvoir de nuire leur étant
absolument enlevé, aucune peine ne doit plus leur être appliquée? Un tel ar-
gument serait évidemment dérisoire ; ce qui prouve manifestement que dans
la pénalité il y a autre chose que Tidée, que le besoin d'enlever à celui qu'elle
atteint le pouvoir, le moyen de récidiver. Et ce qu'il y a de plus, vous le con-
naissez, déjà nous en avons parlé en essayant de poser brièvement les princi-
pes, la base de tout système pénal; l'analyse des mêmes faits va nous y con-
duire. Partons précisément du môme point d'où est partie l'objection, suivons
pas i pas les divers actes qui ont pu s^accompUr, et nous retrouverons peut-
être les mêmes bases, les mêmes principes, dont nous sommes déjà partis pour
expliquer la pénalité.
Deux actes d'agression ont en lieu simultanément entre deux individus sé-
parés : le premier, de la part d'un assassin agissant volontairement, avec pré-
méditation et dans toute la conviction de la gravité de son crime; le second,
de la part d'un fou furieux, d'un homme dont la raison égarée ne mesurait
plus, ne calculait plus aucun de ses actes. Dans les deux cas, sans doute, la
personne attaquée pourra, à son corps défendant, et seulement à son corps
défendant, c'est-à-dire en toute nécessité, pourra se défendre, et se défendre
jusqu'à tuer. Dans les deux cas, la raison et les textes disent assez que celui
qui a tué, quand c'était le seul moyen de préserver sa vie de l'agression qu'il
subissait, est à l'abri de tout reproche et légal et même moral. Cependant, y
anrart-il parité dans les deux cas? Désignerons-nous par les mêmes mots, par
les mêmes termes, le résultat de chacun de ces actes? dirons-nous du fou qui
a été tué dans une agression dont il ne seotait pas la moralité, dirons-nous de
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58 QUAT. LBÇ. — DBS FEIlfBS BN MAT. GRUC. — LIV. I. GHAP. I (n* 43).
lai, ce qu'à coup sûr noos n'hésiterons pas à dire de l'antre, qu'il a subi la peine,
et la peine méritée par son injuste agression? Non; on plaindra les égare-
ments de la raison de l'un, on déplorera comme un cas forluit, inévitable, la
mort qu'il a subie sans la mériter; on dira, au contraire, que l'autre n'a reçu
que le châtiment qu'il méritait.
n y a donc dans la conscience humaine, en matière de pénalité, il y a autre
chose que la nécessité de la défense, au moins de la défense actuelle, de la
défense motivée et immédiate. Ce qu'il y a, c'est l'immoralité, c'est le démé-
rite de tel ou tel fait, démérite en parallèle et à côté duquel nous plaçons tou-
jours, et même involontairement, l'idée de peine. Ainsi, il y a dans le droit de
punir autre chose que la nécessité de la défense ; il y a la faute, il y a le délit,
il y a le crime commis par l'individu sur lequel vient tomber la peine. Au reste,
cela justifie ce que nous avons dit précédemment en indiquant le mal moral
comme la source, comme la base première de toute pénalité ; mais nous avons
ajouté que cette base n'était pas la seule, que ce principe n'était pas exclusif ;
en d'autres termes, que la pénalité ne devait pas, ne pouvait pas se mesurer
uniquement sur la culpabilité morale de oelui qu'elle atteignait, sur l'appré-
ciation que fait la conscience du fait coupable qu'il s'agit de punir. Nous avons
dit qu'il fallait prendre pour seconde base, pour seconde limite, la nature du
danger, la nature du péril social, le degré de nécessité qui pouvait se présen-
ter de réprimer par une peine plus ou moins forte un fait plus ou moins dan-
gereux.
Gela posé, il y aura donc, non-seulement dans l'application de la peine de
mort, mais dans toute espèce de pénalité, deux questions à résoudre, deux
faits à examiner : i^ le fait proposé est-il moralement d'une nature assez
grave, d'une immoralité assez patente? 2« le danger, le péril social est-il as-
sez grand, pour légitime^ aux yeux de la conscience l'application de telle ou
telle peine? A la première question nous ne trouvons aucune règle fixe, au-
cune règle précise pour la résoudre, c'est uniquement dans le sentiment
moral, dans la conscience humaine que peut se trouver sa solution. Non-
seulement nous n'avons pas de règles, en morale, pour établir si tel fait en
lui-môme, eu égard à sa moralité, même abstraction faite de tout danger
social, mérite ou non la peine de mort, mais cette mesure précise, qui nous
manque quant à la mort, nous manque également quant à toute autre es-
pèce de peine. C'est donc une question de pure conscience, de pur senti-
ment interne, que celle-ci : peut-on rencontrer dans les archives criminelles,
ou peut-on supposer la possibilité d'un crime auquel, moralement, l'applica-
tion de la mort ne paraisse pas être une peine trop grave? Je crois que le-
témoignage de l'histoire, que la conscience du genre humain, répondent assez
nettement à la question : Oai, il est des crimes, et malheureusement nous
n'avons pas besoin de nous reporter à cet égard dans l'avenir; oui, il est des
crimes, rares heureusement, pour lesquels la mort n'est pas une peine trop
forte.
Mais de ce que, pour tel ou tel crime, tel ou tel empoisonnement, tel ou
tel parricide, tentés ou acoomplis>vec toutes les circonstances les plus odieu-
ses, de ce que, moralement, la peine de mort ne semblera pas trop forte, ne
concluons pas nécessairement et toujours que le législateur ait le devoir, ait
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0B LA PBINB DB MORT (aRT. 12). 59
Le poitYoir de Fappliqaer. CiOnsnltons maintenant le second élément, et si
nous vivions dans une société de telle sorte, dans un état de mœurs arrivées
à ce point, qne ce crime ne fût qu'one rare et merveilleuse exception ; si le
danger social, eu égard à l'état présent de la société, était ou nul ou tout au
moins fort léger, alors encore la peine de mort, cessant d'être nécessaire,
deviendrait par là même inapplicable.
Tous pouvez rattacher aisément tout ceci à Tobjection par laquelle j'ai com-
mencé, et saisir maintenant quel est le vice, le côté faible de cette objection .
A entendre ses partisans, le droit de défense, pour la société, est la base ex-
clusive du droit de punir. Nous avons déjà vu quels seraient les conséquen-
ces, les résultats d'une telle idée; mais il ne faut pas être surpris du vice de
ces conséquences, en remarquant que l'idée elle-même n'est pas exacte.
Quand on l'examine de près, le droit de défense n'est pas, vous ai-je dit, la
base, le fondement véritable du droit de punir ; et surtout, le droit de dé-
fense n'est pas, et ne peut pas être pour la société, ce qu'il est pour l'individu,
le droit de défense actuel et immédiat ; le droit de défense, c'est le moyen de
sauver, coûte que coûte, sa vie injustement attaquée. Pour la société, au con-
traire, le droit de défense n'est pas cela, le droit de défense ne s'applique pas
à l'individu désarmé, arrêté, enchaîné et désormais impuissant, le droit de
défense s'applique à l'avenir, il s'applique à l'intimidation, et quand la so-
ciété frappe pour se défendre, ce n'est pas pour se défendre contre celai qu'elle
frappe, mais bien pour se défendre contre le retour, contre le renouvellement
des crimes qu'elle a proscrits et qu'elle a punis.
Lee auteurs de l'objection indiquée reconnaissent et constatent bien ce der-
nier fait; ils avouent bien qu'en réalité, lorsque la société punit, ce n'est ni
par principe de vengeance, ni pour empêcher un crime maintenant commis
et sur lequel le présent n'a plus d'atteinte; ils reconnaissent bien que, quand
la société punit, c'est dans la pensée principale, dans la pensée dominante
de prévenir par l'efGroi le retour des crimes qu'elle redoute; mais ils lui con-
testent ce droit. Vous n'avez pas, dîsent-ils, le droit de faire tomber un tête
pour intimider, ou pour prévenir par l'intimidation le retour des crimes
futurs ; vous n'avez pas le droit d'offrir un individu, si coupable que vous le
supposiez, comme une sorte de victime, de sacrifice, d'holocauste à la sécu-
rité sociale.
Tout cela vient de ce qu'on isole perpétuellement les ^eux idées, les deux
éléments qui servent de base à toute la pénalité. CSertes, vous n'avez pas le droit
d'infliger la peine de mort comme moyen purement, comme moyen simple-
ment de sécurité sociale; mais le droit que vous n'avez pas pour la peine de
mort, vous ne l'avez pour aucune. Vous ne pouvez pas sans doute, unique-
ment pour vous défendre, pour vous protéger contre des crimes futurs, infli-
ger une peine, si grave ou si légère qu'elle soit, à un individu qui ne l'a pas
méritée. Mais si le démérite est constant, s'il est de telle nature en lui-
même, de telle gravité, que la conscience de tous les temps et de tous les
hommes ne reconnaisse pas la peine de mort comme trop grave; s'il est cons-
tant en fait, attendu l'état des mœurs, des temps, des lieux, que la terreur
de cette peine est le seul moyen qui puisse, par intimidation, prévenir le re-
tour du fait, nous trouvons, alors les deux conditions concourant, culpabilité
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60 QUAT. LBÇ, — DBS PBINB8 EN MAT. CBIM. — LIV. I CHAP. I. (n* 43).
Boffîsanto dana celai qae nous frappons, nécessité soffîsante pour assurer par
un exemple, et par un exemple mérité, la sécurité sociale.
Voilà ce qu'on peut dire, je crois, pour répondre à Tobjection, pour établir
non pas la nécessité entière, non pas la perpétuité de la peine de mort, 1
Dieu ne plaise! mais pour éidilir que, dans certains cas, dans certains lieux,
il peut être légitime, au moins avec une extrême réserve, de l'appliquer à
certains crimes.
Quant à la question de savoir jusqu'à quel point, dans le droit français, elle
est sagement appliquée; jusqu'à quel point, dans l'avenir, on peut espérer
de la voir disparaître ; c'est là une question qui tient au second des deux
points de vue que j'ai indiqués, une question dont la solution est variable
comme l'état des lieux, des temps et des mœurs.
Remarquons d'ailleurs qu'une opinion publique bien marquée, bien incon-
testable, répugne non pas d'une manière absolue et complète à toute applica-
tion de la peine de mort à un crime quelconque, mais répugne à son usage
fréquent, répugne à son abus; qu'une opinion constante réclame, sinon l'abo-
lition immédiate, au moins la suppression graduelle, et dans l'avenir, sans
doute, la suppression définitive d'une peine qui peut se légitimer à la rigueur,
mais dont on ne peut cependant se dissimuler les graves inconvénients.
Tel est en résumé l'état de la question.
La peine de mort a été abolie par la révision de 1832 dans neuf des cas où
elle était appliquée, et l'art. 463 permet encore de la supprimer dans tous les
autres, eu égard aux circonstances : elle a en outre été abrogée par le décret
du 26 février 1848 en matière politique. La peine de mort, réduite à un nom-
bre de cas beaucoup moindre, rendue dans l'application infiniment moins
fréquente, et encore, je le crois, prononcée par notre Gode dans des cas beau-
coup trop nombreux, dans des cas où, tout écrite qu'elle est dans la loi, il
est permis de penser, d'espérer, et presque avec certitude, que nous ne la
verrons plus jamais appliquée; mais elle est encore conservée, et le sera pro*
bablement assez longtemps pour des crimes si énormes, que la conscience ne
répugne pas à la voir appliquer, et où les nécessités sociales ne permettent
pas encore d'en prononcer l'abrogation.
En terminant, je ferai remarquer qu'indépendamment de sa légitimité, on
trouve dans l'application de cette peine des qualités et des vices ; mais elle
présente surtout, il faut le reconnaître, un grave défaut, c'çst celui d'être
indivisible, de n'avoir ni maximum ni minimum, de ne pouvoir se propor-
tionner, commme le font les peines temporaires, aux diverses nuances de cul-
pabilité individuelle que peut présenter chaque espèce de crime. La consé-
quence de cette qualité, qualité négative, la conséquence de la nature même
de la peine de mort, c'est qu'elle doit être réservée, dans toute bonne législa-
tion, au petit nombre de crimes qui occupent le maximum de l'échelle pénale,
de l'échelle criminelle; c'est que, puisqu'elle n'a pas de mimmum possible,
puisqu'elle est la plus forte des peines, sans qu'il y ait un moyen d*en atté-
nuer l'application, il ne faut l'appliquer, soit dans la légisUtion, soit dans les
jugements, qu'au très-petit nombre de faits dans lesquels on ne sent jamais
l'utilité d'une atténuation. En second lieu, elle est irréparable et irrémissible;
c'est encore un vice qui ne doit en permettre l'application que dans les faits
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JOB TRATAUZ WGHCÈS (ART. 15). 61
qm par leur natora penTent se constater aTee la pins entière oerttlnde. Son
avaotage dominant, qui peut senl faire passer sur les inconvénients qni pré-
cèdent^ c'est qu'elle est exemplaire au plus haut degrés lorsqu'au moins elle
n'est appliquée que dans les circonstances rares, solennelles, et qu'approuve
la conscience publique. Enfin, elle est appréciable, elle est égale, autant du
moins que peuvent l'être les peines, c'est-à-dire que pour tout individu elle
est une peine, et une peine grave, mais ce n'est là, je le répète, qu'une consi-
dération fort secondaire.
Quant au mode, nous n'avons rien à dire sur celui qui est indiqué dans les
art. 12, 13 et 14.
44. a ÂBT. 13. Le coupable condamné à mort pour parricide sera conduit sur
le lieu de l'exécution en chemise, nu-pieds et la tète couverte d'un voile noir. —
S sera exposé sur l'échaftnid pendant qu'un huissier fôra au peuple lecture de
l'arrêt de eondanmation« et il sera immédiatement exéoulé à mort. »
Je ferai remarquer seulement dans Tart. 13, la suppression de Tandenne
peine delà mutilation du poing pour le parricide. Cette peine a été supprimée
et avec raismi : elle était vraiment indigne de figurer dans le Gode d'un peu-
ple civilisé. La mort, en admettant la légitimité de cette peine dans certains
cas, doit être au moins le maximum, le nec plus uHrà de la justice humaine.
Du reste, les mutilations, graves ou légères, qu'on y ajouterait dépassent le
but ; j'en ai déjà parlé en commençant ce cours. En effet, est-il raisonnable
de supposer, que celui que l'idée de la mort n'a pas détourné d'un forfait, en
soit épouvanté par la crainte de supplices accessoires que le législateur y
aura ajoutés ? La chose est fort peu probable. Ensuite ce supplice produit plus
de mal que de bien, car l» il intimide assez peu ; 2^ il habitue les témoins
de ces tristes scènes à des idées, à des images, à des procédés dont il faut les
écarter; 3» enfin, il atténue les effets salutaires de l'exemple. Aussi cette peine
est supprimée, et les détails de la peine du parricide ne sont plus qu'un appa*
reil assez insignifiant
Cette suppression ôte tout intérêt à la question de savoir si le complice du
parricide devait être puni de la môme peine, c'est-à-dire subir l'amputation
comme le parricide lui-même. Quelque singulière que puisse paraître une telle
question, il faut cependant dire que la jurisprudence l'avait résolue affirmati-
vement. La question n'a plus d'intérêt pour ce cas particulier ; eUe se présen-
tera pourtant dans d'autres espèces, et avec les mêmes raisons de douter, sur
les art. 59 et suivants.
« Abt. 14. Les corps des suppliciés seront délivrés à leurs familles, si elles les
réclament, à la charge par elles de les faire inhumer sans aucun appareil. »
Je n'ai rien à dire sur cet article, tout le monde comprend le motif qui a
dicté cette disposition.
46. « Abt. 15. Les hommes condamnés aux travaux forcés seront employés
aux travaux les plus pénibles; ils traîneront à leur pied un boulet, ou seront atts-
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62 QUAT. LBÇ. — DBSPBINB6 BN MAT. CRIM. — U7. I. CHAP. I (n* 46).
chés deux à deux avec une chaîne, lorsque la nature du travail auquel ils seront
employés le permettra. »
La seule question purement théorique à laquelle cet article pouvait donner
lieu sera ce doute que j*ai indiqué, et qui a été soulevé récemment par quel-
ques criminalistes, de savoir si la société a le droit d'infliger des travaux à
celui qu'elle détient. Je ne crois pas que cette question puisse être l'objet d'un
doute ; la résoudre négativement, c'est borner le droit de punir à retirer au
coupable les moyens de nuire. C'est, je crois^ mal appliquer les bases de la
pénalité.
Je dois ajouter que l'art. 15 a été modifié par la loi du 30 mai 1054. Aux
termes de l'art. 1*' de cette loi, cette peine doit être subie à l'avenir dans des
établissements créés sur le territoire d'une ou de plusieurs possessions fran-
çaises autres que l'Algérie. Les art. 2 et 3 portent que c les condamnés seront
employés aux travaux les plus pénibles de la colonisation et à tous autres tra-
vaux d'utilité publique. Us pourront être enchaînés deux à deux et assujettis à
traîner le boulet à titre de punition disciplinaire ou par mesure de sûreté, t
L'art 6 déclare que • tout individu condamné à moins de huit années de tra-
vaux forcés sera tenu, à l'expiralion de sa peine, de résider dans la colonie
pendant un temps égal à la durée de sa condamnation. 81 la peine est de huit
années, il sera tenu d'y résider toute sa vie. » L'art. 10 ajoute que c tous cri-
mes ou délits commis par les condamnés seront jugés par un tribunal maritime
spécial établi dans la colonie. •
46. a Art. 16. Les femmes et les fllles condamnées aux travaux forcés n'y seront
employées que dans rintërieur d'une maison de force. »
De cet article il suit que la condamnation aux travaux forcés à perpétuité,
prononcée contre une femme ou une fille, se convertit, dans l'exécution, en
une réclusion perpétuelle ; et cependant la réclusion perpétuelle ne figure pas
à l'art. 7 dans l'échelle des peines. En effet, cette réclusion perpétuelle ne sera
là qu'un mode d'exécution de la condamnation aux travaux forcés à perpétuité,
la seule légale, la seule que les cours d'assises puissent prononcer. Aussi, bien
que ne subissant par le fait que la peine de la réclusion, mais la subissant en
vertu d'une condamnation aux travaux forcés à perpétuité, la mort civile en
était la conséquence, aux termes de l'art. 18 du Gode pénal. La mort civile,
qui ne résultait jamais de la réclusion, résultait de cette condamnation pro-
noncée contre les femmes ou filles, qui ne subissent cependant en fait que la
réclusion.
Ajoutez que l'art. 22 défendait aux cours d'assises de dispenser de l'exposi-
tion publique les individus condamnés aux travaux forcés à perpétuité. Or, en-
core bien que cette condamnation prononcée contre une femme ne s'exécute
pas à la lettre, comme cependant c'est la condamnation légale, l'art. 22 devait
être appliqué, l'exposition publique devait avoir lieu.
Mais les observations qui précèdent doivent être modifiées sous un triple
rapport, par suite de la législation nouvelle.
1« L'art. 4 de la loi du 30 mai 1854 porte que • les femmes condamnées aux
travaux forcés pourront être conduites dans un des établissements créés aux
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INB LA DiPORTATlON (aRT. 17). 63
colonies ; elles seront séparées des hommes et employées à des trairatox en
rapport avec leur Age et a^ec leur sexe. » U y a lien de remarquer que la
transportation, dans ce cas, n'est que iacoltative : elle est un des modes de
rexécation de la peine.
i^ Nons verrons tout à l'heure que la mort ciyile a été abrogée par la loi du
31 mai 1854.
9» Enfin, l'exposition publique a été abrogée par le décret du 12 avril 1848.
47. L'art. 17 demande d'assez longs détails, soit relativement aux change-
ments pratiques qu'il a subis, soit relativement à l'importante question de pé-
nalité qu'il soulève encore tous les jours, c'est-i-dire l'utilité, le mérite d'un
système de déportation. Nous en commencerons aujourd'hui l'examen, qu'il
nous sera Impossible de terminer dans cette leçon.
« Art» 17. La partie de la déportation consistera & être transporté et & demeu-
rer à perpétuité dans un lieu déterminé par la loi, hors du territoire continental
du royaume. — Si le déporté rentre sur le territoire du royaume, il sera, sur la
seule preuve de son identité, condamné aux travaux forcés & perpétuité. — Le
déporté qui ne sera pas rentré sur le territoire du royaume, mais qui sera saisi
dans les pays occupés par les armées françaises, sera conduit dans le lieu de sa
déportation. ^ Tant qu'il n'aura pas été établi un lieu de déportation, ou lorsque
les communications seront interrompues entre le lieu de la déportation et la mé-
tropolCi le condamné subira à perpétuité la peine de la détention. »
Examinons la nature de la peine de la déportation.
Vous trouverez d'abord une différence assez sensible, quant au mode, quant
à la nature même de la peine, ent^e la déportation et les travaux forcés à per-
pétuité. La déportation telle qu'elle est organisée par le § 1"' de l'art. 17,
n'impose à celui qu'elle frappe ni la nécessité d'un travail physique, ni le ré-
gime spécial auquel le règlement et l'organisation des maisons de force assu-
jettissent ceux qui y sont détenus.
Vous savez, au reste, que cette peine, établie dans le Gode pénal de 1810,
est restée sans exécution aucune. Jusqu'en 1832, les individus condamnés à
la déportation restaient à la disposition et sous la main du gouvernement,
dans un état provisoire, et jusqu'à ce qu'un lieu de déportation eût été déter-
miné ; état provisoire en apparence, mais définitif en réalité, car aucune dé-
portation n'a été effectuée, exécutée, faute d*un territoire convenable, dans ce
long intervalle. La conséquence de cet état àe choses était de mettre, dans
l'application d'une peine légalement prononcée, un arbitraire dont les incon-
vénients étaient fort sensibles. Le second résultat, favorable du reste au con-
damné, était que la mort civile, attachée par l'art. 18 à la condamnation dont
nons parlons, n'avait pas lieu; car, d'après l'art. 26 du Gode civil, la mort civile
ne commençant qu'à partir de l'exécution, la déportation ne s'exécutant pas,
la mort civile ne commençait pas ; conséquence reconnue et par les tribunaux,
et par les jurisconsultes. Ainsi, lorsqu'on 1831, on présenta à la Ghambre des
députés le projet de réforme qui a modifié le Gode pénal de 1810, on proposa de
rayer du Gode la peine de la déportation telle qu'elle était organisée par l'art. 17 ;
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64 QUATR. LBÇ. — DS8 PBIRBS EN UAT. GRIM . -^ LTV. I. CHAP. I (n<» 48).
de substituer à une peine nominale^ dont Tezéention était impossible et
laissée tonte dans l'arbitraire^ une peine légale précise, déterminée ; d'eifa-
oer de Part 1, § 3, le nom de déportation, d'y substituer celui de détention
perpétuelle.
Si ce système avait été admis^ on aurait eu^ tous le voyez, deux systèmes
de détention : Fun, la détention perpétuelle, celle du § 3 de l'art. 17 ; l'autre,
la détention temporaire, n'entraînant que des inc^acités partielles» prescrit,
par l'art. 20. Cette proposition ne fut pas admise et nous aurons à recher-
cher pourquoi les Chambres préférèrent conserver comme principe la condam-
nation ida déportation.
Le mot de déportation resta donc dans Tart. 7; le g !•' de l'art. 17 fut
conservé, sauf un léger changement ; et voici quel en est le résultat : c'est
que le mot de déportation a été maintenu dans les cinq ou six articles aux-
quels l'ancien Gode pénal appliquait la déportation. Par conséquent, toutes
les fois qu'est commis un fait prévu par Tun de ces articles, qui sont les arti-
cdeB 82, 84,89,94, 98, et quelques autres, toutes les fois qu'est commis un crime
prévu par l'un de ces articles, la condamnation que la cour d'assises doit pro-
noncer est celle de la déportation ; condamnation qui devait entraîner la mort
civile, à compter du jour où le condamné entrerait dans la forteresse dé-
signée pour lieu de détention. En effet, la détention qui devait servir de
moyens d'exécution à la déportation, n'est plus ce qu'elle était avant 1832, un
moyen provisoire, temporaire en apparence, un état dans lequel restait le con-
damné, en attendant que la déportation s'exécutât réellement; cette détention
était devenue le mode régnlier, le mode légal d'exécuter la déportation,
aux termes des §§ 1 et 4 de l'art. 17. Donc, à partir du moment où cette exé-
cution s'opérait, l'art. 26 du Code civil était appliqué, la mort civile devait
commencer.
48. Avant 1832, il y avait une singularité, une irrégularité qu'il faut recon-
naître; on condamnait à la déportation ; mais, faute d'un territoire, faute d'une
colonie convenable, le gouvernement ne déportait pas. C'était là une irrégula-
rité, une inexécution de la loi que la nécessité pouvait paraître justifier ; depuis
la chose est plus étrange encore ; ce n'est plus une inexécution, une infraction
à la loi, c'est la loi qui semble prendre à tâche de se contredire et de se violer
elle-même. Elle veut que les cours d'assises condamnent publiquement, solen*
nellement, à la déportation un homme qu'on veut et qu'on doit se borner à
détenir; elle veut qu'on condamne publiquement à séjourner à perpétuité
hors du territoire continental du royaume un individu^à qui, en vertu de cet
ârrét, il est expressément défendu de faire faire une demi-lieue en mer.
Il y a donc une singulière anomalie entre les §§ 1 et 4 de l'art. 17. Quelle en
peut être la cause? i^ Pourquoi n'exécutait-on pas de fait, et pourquoi main-
tenant n'a-t-on plus le droit d'exécuter légalement les condamnations à la
déportation ? Telle est la première question. 2* Pourquoi, en présence de cette
inexécution de fait, consacrée maintenant par un article formel, a-t-on per-
sisté, contrairement à la proposition du gouvernement, à conserver dans la
loi une peine qui n'est plus qu'une dérision, au moins sous ce rapport?
La première question est assez facile à résoudre. Pourquoi, de fait, la dé-
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]>E LA. dAportation (art. 17). 65
portation ne s'est-elle pas ex^ootée de 1810 à 1832 ? Pourquoi, de droit, ne peut-
die pas 8'ez6cut8^ depuis i832? La raison en est assez simple, ûe deax cho-
ses l^ane : ou Fexôcution d'ane pareille coodamnaiion, la déportation, ne pour»
rait avoir lieu qne dans une des colonies actaelles de -la France, ou dans une
colonie nouvelle, dans un établissement pénal spéeialement fondé pour y re-
cevoir, pour y établir des déportés.
Quant à la première alternative, il est bon de remarquer que la déportation
n'est généralement appliquée par le Gode pénal qu'à des attentats du nombre
de ceux qu'on qualifie ordinairement du nom de crimes politiques ; les cinq ou
six articles cités, et qui renferment à peu près tous les cas de déportation, s'ap-
pliquent tous à des attentats plus ou moins directs à la sûreté de l'État, à des
crimes politiques. Or, d'une part, le transport des condamnés dans les colo-
mes actuelles, à Feffet de les y laisser libres, car la déportation, remarquez-le
bien, n'est paf une détention sur une terre éloignée, le transport des condam-
nés politiques dans une des colonies actuelles à l'effet 4e les y laisser libres, a
présenté un double inconvénient : i^ d'ajouter un danger de plus à la situatioA
déjà agitée, déjà menaoée, de la plupart des colonies de la France ; 2^ de per-
mettre au déporté, à qui ta liberté doit être laissée, mais qui doit cependant
rester dans le lieu de la déportation, de lui permettre, de lui ouvrir des voies
d'évasion, que la fréquence des communications commerciales, que le défaut,
l'impossibilité d'une surveillance perpétuelle, rendraient assez faciles. 'Ces
deux raisons ont empêché de songer sérimsement à traaspoiter dans les colo-
nies maintenant exœtantes les condamnés à la déportation.
Quant à la seconde alternative, quant à fonder une colonie spéciale pour y
exécuter la peine portée dans l'art. 17, un tel projet serait une folie qui n'est
venue encore dans Tesprit de personne. La déportation, telle qu'elle est dans nos
lois, bornée à des crimes purement politiques, dont le nombre est extrême-
ment restreinty.ae frappe, année moyenne et sauf les agitations politiques,
qne quelques indiyidus, et ce n'est pas pour si peu de condamnés qu'on fera
l'entreprise d*nne colonie pénale proprement dite. Tenter d'ailleurs une pa*
reille entreprise, on ne le pourrait ûiire sans restreindre les déportés à des tra-
vaux matérids de colonisation, que l'art* 17 interdit de faire peser sur eux;
car la plus sensible différence, la première entre la déportation et la peine
des travaux forcés, c'est de ne point imposer à l'individu déporté la nécessité
de certains travaux. Quel motif a donc pu porter, a donc pu décider les deux
Chambres à consacrer dans la loi pénale une peine dont on proposait Taboli-
tion et dont chacun senti^itJi)ienque Texécution réelle seraità peu près impos-
sible?
Une idée tout à fait étrangère aux cas des art. 82, 84 et suivants a préaidé,
je le crois, à la décision qui nous occupe. L'influence d'une opinion publique
pnissante, marqtiée^ attestée tout récemment encore par le vœu de plusieurs
conseils généraux de départements, a sans doute décidé la Chambre à mainte-
nir provisoirement dans la loi la peine de la déportation. On ne peut, en effets
se dissimuler que cette peine, réellement exécutée, ne soit souveut et vive-
ment demandée, et par des motifs graves et différeujis; on ne peut se dissii-
muler que la déportation ne soit réclamée comme un vœu public, comme un
besoiiff presque populaire, non pas, Inen entendu, pour les attentats politique
I. 5
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66 QUATR. LEÇ. — DBS PBINE8 BN MAT. CRIM. — LIV. I, CHAP. I (n® 48).
auxquels elle est maintenant appliquée, mais pour oes faite bien plus dange-
reux, bien plue effrayante, bien plus généralement réprouvés, pour ces faite
qui résultent tous les jours de passions bien plus tenaces et surtout bien plus
coupables. C'est cette espèce de déportation qui a pris dans la législation an*
glaise le nom de transportatian.
Les populations jalouses avant tout de leur sécurité, demandent la transpor»
tetion des condamnés comme une garantie salutaire, comme un gajg^e ef&cace
qui puisse les mettre à Tabri de dangers toujours renaissante : !<> en cas d*éva*
sion des condamnés à perpétuité; 2<» en cas de libération des condamnés à
temps, soit à la peine des travaux forcés, soit à la peine de la réclusion. En
effet, écarter du sol du pays les individus qui Tout troublé et qui probablement
le troubleront encore par des crimes qui, en tout temps et en tous lieux, sont
réprouvés et flétris, les en écarter, non pas par un bannissement qui est illu-
soire à cause de la facilité du retour, qui est immoral parce qu'il rejetterait
sur nos voisins des individus aussi dangereux cbez eux que cbez nous, puis-
qu'on vole et qu'on assassine partout, mais par une transporUtion qui les fixe
toujours à quelques milliers de lieues du pays; essayer ainsi d'établir par la
fondation d'une colonie pénale une sorte d'amortissement du crime au profit
du pays, c'est là un vœu formé depuis cinquante ans. C'est probablement pour
satisfaire à ce vœu qu'on a conservé en principe la peine de la déportetion,
pour ménager probablementi*e8poir, la possibilité, l'éventualité de la voir orga-
niser et appliquer un jour, non pas au petit nombre de crimes auxquels elle
convient fort mal et auxquels elle s'applique maintenant, mais à ces crimes de
tous les jours, de tous les instante, contre lesquels chacun demande une garantie.
D*autres motifs viennent encore à l'appui de ce vœu, dont nous aurons biea-
tôt à examiner la raison et les chances de succès. C'est que quelques théo-
riciens s*occupant de droit pénal voient dans Torganisation d'un système de
déportetion analogue à celai qu'applique l'Angleterre : 1* le ny)yen d'arriver à
la suppression de la peine de mort, ou du moins un moyen de la rendre infini*
ment plus rare; 2» ils pensent qu'en écartent les condamnés pour vol, pour
faux, pour des actes pareils, qu'en écartant les condamnés du lieu de leur
crime, des yeux témoins de leur infamie, en les transportant sur une terre
nouvelle, en leur y donnant des moyens de travail et d'existence, on peut ar-
river au second but, au but raisonnable de toute pénalité, de corriger, d'amé-
liorer, d'amender une nature coupable.
Tels sont les divers motifs qui tous les jours encore font émettre le vœu de
voir constituer une déportetion qui, je ne puis trop le dire, n'aurait rien de
commun avec celle que nos Codes ont prononcée, mais n'ont point organisée.
C'est pour ne pas décourager un tel vœu qu'on a cru devoir conserver la peine
purement nominale de la déportetion.
Ce qui nous reste à examiner maintenant, c'est de savoir jusqu'à quel point
oes déairs sont légitimes, jusqu'à quel point ces vues sont raisonnables ; com-
ment une déportetion réellement exécutée pourrait satisfaire au besoin très-
généralement senti de se préserver du danger des récidives qui nous affligent
et nous effrayent chaque jour.
Ce point demandant de fort longs détails tirés les uns du raisonnement, les
jiutres de faits malheureusement très-positifs, sur le résultet de la déportation,
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DB LA DÉPORTATION (aRT. 17). 67
telle que les Anglais l'ont établie, c*est i cela que noos consacrerons la pre*
mière moitié de la leçon prodiaiae.
ClHQUliMS LEÇON.
49. Ayant d'entrer dans Texamen de la question^ qui va faire Tobjet de
cette leçon, il n'est pas inutile de connaître les modifications successives qui
«e sont introduites sur ce point dans la législation. Une loi du 8 juin 1850
intervenue à la suite de nos troubles politiques, a restitué à la peine de la
déportation sa vie et son exécution, et Ta réglementée dans les termes sui-
vants : fl Art. i« Dans tous les cas où la peine de mort est abolie par Fart. 2
4e la Cjonstitution (de 1848), cette peine est remplacée par celle de la dépor-
tation dans une enceinte fortifiée, désignée par la lot bors du territoire coa-
4ineotal de la R^ubllque. Les déportés y jouiront de toute la liberté compa-
iibJe avec la nécessité d*assurer la garde de leurs personnes. Us seront soumis
à un régime de police et de surveillance déterminé par un règlement d*ad-
ffliinisration publique; —Art. 2. En cas de déclration de circonstances atté-
nuantes, si la peine prononcée par la loi est celle de la déportation dans une
•enceinte fortifiée, les juges appliqueront celle de la déportation simple ou celle
4e la détention ; mais, dans les cas prévus par les art. 86, 96 et 97 du Gode
^nal, la peine de ladéportation simple sera seule appliquée ; — Art. 4 et 5. La
vallée de Vaithau, aux fies Marquises, est déclarée lieu de déportation pour
l'application de l'art 1" et l'île de Noukahiva pour l'exécution de Fart. 17 ; —
Art. 6. Le gouvernement déterminera les moyens de travail qui seront donnés
4mx condamnés, s'ils le demandent. Il pourvoira à l'entretien des déportés qui
aie subviendraient pas à cette dépense par leurs propres ressources ; — Art. 7.
Dans les cas où les lieux établis pour la déportation viendraient à être changés
par la loi, les déportés seraient transférés des anciens lieux de déportation dans
les nouveaux; — Art. 8. La présente loi n'est applicable qu'aux crimes commis
postérieurement à sa promulgation. > Ac6té de ces dispositions nouvelles, qui
xèglent le mode d'exécution de la déportation, il faut mentionner plusieurs me-
sures qui semblent assigner à cette peine une plus large mission. Une loi du 29
Juin 1848, déplorable conséquence des événements politiques, avait disposé ce
qvâ suit : « Seront transportés, par mesure de sûreté générale, dans les posses-
sions françaises d'outre-mer autres que celles de la Méditerranée les individus
actuellement détenus qui seront reconnus avoir pris part à Tinsurrection du
23 juin. Les femmes et les enfants des individus ainsi transportés hors du
territoire seront admis à partager le sort de leurs maris et de leurs pères. •
La loi du 24 janvier 1850 déclara que ces individus seraient transférés en
Algérie et y trouveraient un établissement disciplinaire.. Ces mesures ont
ité reprises et étendues après les événements du 2 décembre 1851 qui ont
renouvelé ces transportations. L'art. 1** du décret du 8 décembre 1851
des a continuées en portant : « Tout individu placé sous la snrveillance
de la haute police, qui sera reconnu coupable du délit de rupture de ban,
|K>arra être transporté, par mesure de sûreté générale, dans une colonie pè-
.nltentiaire, i Gayenne ou en Algérie. La durée de la transportation sera d^
cinq années au moins et de dix au plus. > L'art. 2 ajoute : « La môme m
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68 CINQ. LEÇ. — DES PEINES EN MAT. CRIM. — LÏV. I. CHAP. I (n* 50).
sure sera applicable aux individus reconnus coupables d'avoir fait partie d'une^
société secrète. ■ Un autre décret du 28 mars 1852 divise les transportés en
colonies pénitentiaires et leur assigne des concessions de terres. Enfin la loi
du 27 février 1858 a autorisé rintemement en Algérie des condamnés pour
crimes et délits prévus par les art. 5 et 6 de cette loi, et les individus déjà
internés dans un département ou expulsés du territoire et que des faits gra-
ves signaleraient de nouveau comme dangereux pour la sûreté publique. On
voit que ces dispositions ont commencé à jeter dans la législation pénale une
espèce particulière de déportation, la transportation, qui, ainsi qu'on le verra
plus loin, a été ensuite appliquée aux condamnés aux travaux forcés. A Tégard
de la transportation comme de la déportation, la question relative aux effets
de la peine, à ses inconvénients et à ses avantages, est à peu près la môme.
. , . ^i 1 '
60. Cette question de Putilité, dumérke de l^déportattd1!i, réclamée si sou-
vent en France, peut être examinée sous deux rapports : t* sous celui de la
facilité, ou môme de la possibilité matérielle de sbn exécution; 2* sous celai
de son utilité, de son efficacité pénale. De ces deux points, le deuxième seul
se rattache d'une manière directe, immédiate, à Tobjet de nos études; cepen-
dant nous ne pouvons point omettre entièrement le premier; car, s'il était
démontré que la peine de la déportation, fût-elle bonne, fût-elle utile comme
moyen de pénalité, est en ftiit à peu près impraticable chez nous, toute ques>
tion d'application disparaîtrait de ée moment.
Occupons-nous donc d'abord et en peu de mots, de la question de savoir
si la déportation est une e.xécution faeile, ou môme d'une exécution possible.
En un mot, supposons-la consacrée réellement dans la loi, et considérons son
mode d'application : nous nous attacherons ensuite et avec plus de détail, à
voir ce qu'elle est comme peine, comme efficacité répressive, c'est le point de
vue qui nous concerne de plus près.
Quand on demande que la peine de la déportation soit appliquée réelleilient
aux individus dont on redoute la libération et l'évasion, entend-on demander
que leur transport s'opère ou dans une des colonies actuelles, ou dans une
colonie à fonder? Il n'y a évidemment pas de milieu entre ces deux partis.
Dans une colonie actuelle, l'impossibilité de réaliser un tel vœu est mani-
feste; et c*est cette impossibilité qui, plus que toute autre raison, a jusqu'ici
empêché en fait l'exécution ou l'application de cette peine. Supposez en fait
la déportation prononcée et réellement appliquée à tous les individus que
frappe maintenant dans nos Godes la peine des travaux forcés ou la peine de
la réclusion, et demandez-vous quelle colonie française pourrait résister aux:
•désordres qui résulteraient pour elle du transport de vingt ou trente mille
condamnés, qui viendrait s'effectuer dans son âein, du transport immédiat,
dansl'une de nos faibles colonies, de (ous les condamnés que renferment main-
tenant nos bagnes et nos maisons de force. De deux choses Tune : la première
hypothèse, et c'est la véritable, c'est que la colonie serait trop faible pour y
résister, et que leur introduction ne serait pour elle, qu'un signal de boule-
Tersement et de mine ; ou bien, si vous la supposes plus forte, si vous la sup-
posez, ce qui n'est pas, en état de lutter contre une telle cause, contre une
puissance de désorganisation, elle profitera de sa force pour se refuser abso-
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DE LA DÉPORTATION (aRT. 17). 69.
loment à rintrodoction d*an tel système ; elle aimera mieux se séparer de
la mère-patrie ; elle aimera mieaz briser violemment les liens qui l'attachent
à la Prancc, que de recevoir toutes les années dans son sein des essaims de
coupables qui viendront y apporter le désordre. Cette hypothèse n'est pas une
<;himère ; elle s'est déjà réalisée, et Ton. sait que Tusage où était l'Angleterre
de transporter ses condamnés dans les colonies de TAmérique du Nord fut»
de la part de ces colonies. Tune des causes dominantes. Tune des causes capi-
tales de leur révolte et de leur séparation. A part» d'ailleurs, toute idée de
latte de la part de la colonie, la morale et la justice empêchent de purger la
population française du séjour des condamnés dont elle veut se libérer, en les
jetant en foule, en masse sur une autre population française aussi et qui n'a
pas moins de droits que celle de la mère^patrie à la sollicitude et à la protec-
tion du législateur.
Opposera-t-on enfin que, pour prévenir ces dangers, on peut très-bien re-
fuser aux déportés sur le sol de la colonie une liberté dont ils abuseraient,
qu'on peut très-bien les y retenir captifo comme on les retient en France f
Alors la question change de face ; alors il ne s*agLt plus de la déportation
Celle que la loi la prononce, telle que nous Tavons considérée jusqu'ici, de la
déportation envisagée comme moyen de correction et de colonisation ; il n'y
« plus rien de pareil ;<» serait alors simplement transporter à grands frais à
quelques milliers de lieues de nous nos bagnes et nos maisons de force ; il
n'y a plus dès brs aucune espèce d'utilité : le système est déplacé, mais le
même système s'applique, seulement il s'applique loin des yeux du peuple,
la peine est écartée des regards de ceux qu'elle aurait pour but d'instruire et
d'intimider, dès lors son effet diminue. De plus, les moyens de surveillance,
les moyens de répression, qui abondent dans nos villes et dans nos ports,
manqueront à quelques milliers de lieues de nous. Et, je le répète, ce n'est
pins dès lors la déportation, c'est Temprisonnement, c'est la réclusion, ce sont
les travaux forcés pratiqués avec plus de frais, plus de difficultés, avec moins
de surveillance et de répression. Quant à la déportation proprement dite, telle
enfin que l'Angleterre a essayé de la pratiquer, elle est inconciliable avec l'é-
tat actuel des colonies que nous possédons.
8'Bgirait-il donc d'effiectner la déportation sur un sol nouveau, de transpor-
ter les condamnés sur une terre jusque-là libre, jusque-là inculte, et d'y
fonder avec eux et par eux une colonie toute nouvelle ? D'abord œ sont là des
projets qu'il est plus facile de mettre en avant que de réaliser. Trouver à un
immense intervaUe, de manière à prévenir toute chance, toute probabilité
raisonnable d'évasion, tine terre, jusque-là inconnue, ou jusque-là libre, dont
l'occupation, dont la possession, dont la conservation, nous soient faciles, est
un premier problème, un premier obstacle étranger au droit pénal et qui ne
«e réalise pas tous les jours. Supposez-le d'ailleurs réalisé, supposez cette
terre découverte, sutiposez-y la réunion, le concours de toutes les circons-
tances qui doivent être exigées en pareil cas, de nouvelles difficultés vont en-
core nous arrêter ; la colonisation, nous ne le savons que trop à nos dépens,
•est une entr^mse ooùteuse, lente et difficile : la plupart de celles que la
France a tentées eut échoué plus ou moins rapidement. Pense-t-on qu'on
sera plus heureux, quand, au lieu de coloniser aveo des colons libres et vo-
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70 CINQ. LBÇ. — DES PEINES EN BIAT. CRIM. — LIV. I, CHAP. I (n* 51).
lontaires, on colonisera avec des condamnés ? Pense-t-on qne la terre, ordi-
nairement indocile, rebelle aux mains libres et intéressées de ses colons,
sera pins prospère et plus féconde sous les mains impures des hôtes non-
Teaux qui la cultiveront ? 8onge-t-on d'ailleurs combien il sera difficile d'éta-
blir entre une colonie purement pénale et ses voisins présents et à venir des
relations d'amitié? combien les méfiances, les occasions de rupture et de guerre
seront fréquentes, et en pareille rencontre la mère-patrie trouvera-t-elle dans
les colons déportés des défenseurs ou des ennemis? Il est arrivé à l'Angleterre
même d'y trouver des ennemis.
Ainsi, effectuer la déportation soit dans une ancienne, soit dans une nou-
velle colonie, est une entreprise difficile, impraticable peut-être, et en tous cas
fort conjecturable, fort incertaine, fort douteuse.
61. Laissons donc de côté cette première partie de la question, qui présente
déjà des objections assez graves contre le système de la déportation, et atta-
chons-nous à sa seconde face, à celle qui se rattache tout à fait au droit cri-
minel ; demandons-nous quel est son mérite, son utilité, son efficacité, en la
supposant facile et possible et en ne l'examinant tout à fait que dans le sys-
tème pénal.
Le premier avantage qu'invoquent à cet égard ses partisans, c'est de pou-
voir conduire, ou immédiatement ou par degrés à la suppression, à l'abolition
de la peine de mort. Certainement cet avantage serait grand s'il était réel ; il
serait réel, il serait assuré, si les peines pouvaient n'avoir pour but que d'en-
lever à celui qu'elles frappent la possibilité de compléter, de renouveler sa
faute. Mais nous avons déjà dit que la peine n'était pas, ne pouvait pas être
une pure et simple suppression de la faculté de faire le mal ; qu'elle avait non-
seulement pour but d'enlever au condamné qu'elle atteint la faculté de se
rendre de nouveau criminel, mais aussi d'intimider, d*effrayer par l'autorité
de l'exemple ceux qui pourraient dans la suite être tentés de l'imiter. C'est sur
cette idée que reposent non-seulement tout le système de nos peines, mais
aussi tous les systèmes pénaux reconnus et employés partout jusqu'à ce jour.
Or, si la peine des travaux forcés à perpétuité, infiniment plus dure, plus
rigoureuse, plus cruelle même que la déportation, ne parait cependant pas
encore assez préventive, assez effrayante pour détourner par la terreur tous
ceux qui seraient tentés de se rendre coupables, cet effet qu'une peine plus
dure ne peut pas produire, une peine plus douce le produirait-elle ? Si, tout
en conservant, tout en inscrivant dans les lois la plus dure des peines après la
mort, le législateur n'a pas cru pouvoir encore effacer la peine de mort, pense-
t-on qu'en substituant à cette peine celle de la déportation, il serait plus heu-
reux, que cette peine imprimerait une terreur plus forte et qu'elle prévien-
drait des crimes pour lesquels la peine des travaux forcés ne suffit pas ? Ainsi
puisque dans la gradation actuelle, travaux forcés à perpétuité et déportation, od
se croit encore forcé de placer la peine de mort en tête de l'échelle pénale, je
ne comprends pas comment, en supprimant le premier degré, la peine des
travaux forcés à perpétuité, on arrive plus aisément, plus sûrement à la sup-
pression de la peine de mort. Nous en avons au reste un exemple de fait :
l'Angleterre pratique, et sur une échelle assez vaste, la peine de la déportation
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DB LA- DÉPORTATION (aRT. 17). 71
telle gne ses partisans la conçoÎTent et la Tantent, et cependant l'Angleterre
n'a jamais cru qne la déportation dût autoriser, dût permettre la suppression
delà peine de mort ; loin de là^ elle la prononce bien plus fréquemment, elle
l'applique môme plus fréquemment que noDS, eu égard du moins aux diffé-
rences de population. A cet égard il faut s'attacher, non pas aux condamna-
tions à mort prononcées, elles le sont en Angleterre jusqu'à un nombre im-
mense, mais aux condamnations à mort réellement exécutées. On n'exé-
cute guère qu'un quinzième ou un vingtième de cellee prononcées par les
tribunaux. On ne peut donc espérer trouver au moins actuellement, dans
la peine de la déportation, un moyen de terreur assez puissant, un moyen
préventif assez efficace pour arriver à une suppression, à une abolition que
nul sans doute ne peut s'empêcher de désirer, la suppression de la peine de
mort.
Mais du moins la peine de la déportation aurait,dit«on, l'avantage de rendre
les crimes moins fréquents, en éloignant du sol du pays la plupart des coupa-
bles de qui viennent ordinairement les grands crimes, la plupart de ceux que
des premières condamnations ont flétris et portés en quelque sorte à de nou-
veaux crimes. Pour bien s'entendre sur ce premier effet, il est bon de se de-
mander à quels actes^ à quels condamnés on voudrait appliquer la peine de la
déportation : serait-ce aux condamnés & vie, à perpétuité» et seulement à
ceux-là ? serait-ce, au contraire, et aux condamnés à vie et encore aux con-
damnés à temps, lorsqu'il s'agit d'un fait sérieux et d'une peine grave ? Appli-
quer la déportation seulement aux condamnés à vie, et par exemple seulement
à ceux que frappe dans la législation actuelle la peine des travaux forcés à per-
pétuité, ce ne serait rien faire pour le but auquel nous tendons. Son but, son
principal avantage est, ditpon, d'écarter du pays, de repousser du sein de la so-
ciété de^ hommes dont on ne peut plus guère, dans l'avenir, attendre raisonna-
blement que de mauvaises actions, que des crimes. Mais vous sentez combien
cette raison est faible, si on l'applique à celui qu'une condamnation perpétuelle
a frappé. En effet, les évasions sont assez rares, elles le sont surtout de la part
deà condunnés à vie, que la nature, que la gravité de leur condamnation sou-
met à un régime particulier, à une surveillance spéciale. Ainsi, pourrait-ont
raisonnablement, pour prévenir le danger possible de quelques évasions rares
et improbables, créer, organiser à travers tous les obstacles signalés précé-
demment, un système de déportation appliqué seulement aux condamnés à
vie ? On n'en verrait pas l'utilité. Contre le retour de leurs crimes on a une
garantie assez sûre, la perpétuité de la peine qui les frappe, la privation éter-
nelle de leur liberté et des moyens de nuire, privation à laquelle ils ne trouvent
que bien rarement le moyen de se soustraire. Aussi la véritable utilité, la
véritable application serait d'étendre la déportation non-seulement aux con-
damnés à vie, mais surtout aux condamnés temporaires. C'est en effet de la
part de ceux-là que le danger est grave, imminent, quotidien ; c'est de la part
de ceux-là que, soit après des évasions assez rares, soit, ce qui est bien plus
fréquent, après des libérations qu'amène chaque jour la nature temporaire de
leur peine, on a à redouter et on subit en réaUté des récidives perpétuelles.
Les raisons de ces récidives sont bien connues : il est malheureusement
vrai que le système de peines maintenant oi^janisé n'a rien de correctif en lui-
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72 CINQ. LEÇ. — DES PEINES EN MAT. GRIlf. — LIV. I. CHAP. I (n* 52)
Blâme ; qu'il ne tend pas le moins da monde à l'amélioFation, à la réforme
morale de celai qu'il atteint ; que, loin de sortir repentant ou corrigé des ba-
gnes ou des maisons de force, le condamné n'en sort que plus incorrigible, plus
corrompu, plus instruit surtout des moyens de renouveler les mêmes actes, ou
des actes plus coupables. Vous remarquerez» d'ailleurs, qu'à part la déplorable
mstruction qu'il a trouvée dans le contact de gens plus criminels ou plus
adroits que lui, repoussé qu'il est par la déGance unWerselle et par suite privé
de presque tous moyens d'existence, il se trouve trop souvent rejeté par le
besoin, par le désespoir, dans l'impénitence et dans le crime. C'est de la part
des condamnés à temps, après la durée de leur peine expirée que, les réci-
dives sont redoutables et fréquentes ; c'est à l'égard des condamnés à temps,
plus qu'à l'égard de tous autres, qu'on sentirait la nécessité d'un système de
déportation bien organisé et sérieusement appliqué.
Toutefois, môme sur ce terrain, en examinant de bien près la question, on
arrive bien promptement à en reconnaître les illusions. En effet, pour éviter
ces récidives, malheureusement trop fréquentes, que ferons^nous ? quel genre,
quelle durée, quelle nature de dép^tation appUqueroBS-Doas ? sera-ce une
déportation temporaire? sera-ce une déportation perpétuelle? Nous bornerons-
nous à décider, par exemple, que celui qui aurait dû être condamné à cinq ans,
à dix ans, à quinze ans de réclusion, le sera désormais à cinq ans, à dix ans, à
quinze ans de déportation ; qu'une déportation temporaire plus ou moins lon-
gue remplacera désormais une réclusion temporaire plus ou moins longue? Si
c'est là le parti qu'on veut prendre, il est manifeste qu'on manque le but. Le
temps de la déportation terminé, le déporté reparaitra-t-il meilleur, repentant,
corrigé ? sera-t-ii accueilli par la confiance publique ? les moyens d'existence
abonderont-ils devant lui ? Gela serait possible sans doute, si une colonie pé-
nale était une école de morale, si elle renfermait des moyens pénitenciers
autres que ceux- que présentent nos maisons de force actuelle. -Mais il est clair
qu'il n'en peut pas être, qu'il n'en sera jamais ainsi. Le séjour du déporté dans
la colonie pénale l'aura laissé en contact, en rapport de tous les jours avec les
mêmes individus, avec les mêmes criminels dont les conseils et les exemples
le corrompent dans nos prisons actuelles ; seulement à ce contact, à ces conseils,
à ces exemples, appartiendront plus d'efficacité, plus d'autorité encore, parce
que la demi^tberté que comporte nécessairement l'existence d'une colonie pé-
nale ne permet pas cette garde, cette surveillance, cette gêne de tous les in-
stants, qui pèsent maintoiant sur nos condamnés : parce que, dans une colonie
pénale, dans une société de ce genre plus ou moins bien organisée, les ooca*
sions de crimes sont infiniment plus fréquentes, les moyens de surveillance,
de répression, plus rares et plus incomplets. N'espérons donc pas, la chose est
impossible, que le déporté, revenant après cinq ans ou vingt ans de séjour,
arrive meilleur, plus repentant, plus corrigé, moins porté au mal ou moins
puissant à le faire, qu'il ne sort maintenant des prisons et des bagnes où la loi
aetuelle lé renferme.
Un antre parti se présente, celui de (aire durer perpétuellement la dépor-
tation contre l'individu qu'une peine grave aura frappé, celte peine fût-elle
actuellement, simplement temporaire ; de décider, par exemple, que tous les
actes que nous punissons maintenant des travaux forcés à temps ou de la lé-
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DB LA DÉPORTATION (aRT. 17). 73
doBiOD; en vn mol» qae tons les aetes que la loi fnppe dWe peine afflictiTe,
d'une peine criminelle proprement dite, entraîneront la déportation perpé-
tuelle de oeini qui s'en rendra coupable. Cette idée ou celte règle aurait cer-
tainement pour effet d'atteindre le bnt auquel nous tendons, de préyenir le
danger des récidiTCs que nous redoutons. Mais à quel prix ratteindrait-elle ?
BUe l'atteindrait, en supprimant toute différence, toute gradation dans la na-
ture et dans la durée des peines; elle l'atteindrait, en bouleversant un sys-
tème de gradation qui est essentiel à toute législation pénale; en ne laissant
jdns qu'un degré entre la peine de mort et les condamnations de simple po-
lice; en enlevant au coupable tout motif, tout intérêt de s'arrêtera moitié
chemin et de rétrograder dans la route du crime; en frappant également
Pauteur d*un vol assez léger et l'auteur de vingt vols commis avec effraction,
avec violence, avec toutes les ciroonbtances qu» vous pouvez y ajouter. Or, s'il
est essentiel à tout système pénal de faire varier et de graduer les peines, en
les appropriant le mieux possible à la variété infinie des délits on des crimes
qu'eues ont pour objet de châtier, il est sensible qu'une déportation perpé-
tuelle, appliquée indistinctement à tous les crimes, de quelque intensité et de
quelque nature qu'ils soient, manqiM absolument le but et que, pour éviter
le danger des récidives, on s'expose à punir d'une manière infiniment trop
grave des âûts, coupables sans doute, mais bien moins coupables que d'autres.
On enlève à la société Tune de ses plus puissantes garanties, ceUe qui tient
précisément à cette crainte qui, à chaque échelon, à chaque degré dans le
crime, montre au coupable un intérêt pour s'arrêter.
Ainsi, en consultant même la théorie pénale de la déportaUon, on est assez
embarrassé de voir à quels faits et de quelle manière on pourrait l'appliquer
pour atteindre un résultat heureux, pour obtenir sans de trop grands sacri-
fiées, «ans de trop grandes injustices, le rempart qu'on veut élever contre le
danger des récidives, dont on est si journellement et à si juste titre effrayé.
Que si maintenant nous sortons de ces conditions théoriques, et, à ce
titre, conjecturales, si nous voulons sous ees deux points, de vue considérer la
d^rtation effectuée, la mise en pratique, nous verrons que les résultats
qu'elle a produits jusqu'ici sont, de l'aveu à peu près unanime des parties les
plus intéressées, exactement conformes aux solutions, aux résultats auxquels
cee oonsidératÂons tontes théoriques nous ont conduits.
En effet, l'Angleterre, forcée de renoncer à l'usage de déporter dans les co-
lonies de l'Amérique devenue libre, a précisément renoontié, à quatre ou cinq
mille lieues d'elle, à ses antipodes, un terrain réunissant toutes les conditions
désirables pour l'ess^ de ce système tant vanté alors et depuis ; elle a fondé à
Botany-Bay, dans la Nouvelle-Galles du Sud, ce grand système de colonie
pénale. Peu nous importe de rechercher eu détail ce qu'est la colonie envisa-
gée comme colonie pénale ; on y trouve à la fois des colons libres et des colons
condamnés ; je vous dirai seulement que, malgré tous les moyens de surveil-
lance, d'entretien que l'Angleterre peut avoir sous la main, les résultats de
l'entreprise au sein de la colonie sont extrêmement loin de ce que. vantent, de
ce que désirent parmi nous les partisans de la déportation. Depuis la présence
même des colons libres, et indépendamment du nombre des colons condamnés^
la colonie de Botany-Bay, placée de l'aveu de ses fondateurs sous toutes les
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74 CINQ. LBÇ. — DBS PBINBS ES MAT. CRIIC. — LIV. I. CHAP. I (n* 51).
conditions de localité favorables à sa prospérité, a été en peu d'années affamée
trois fois, et tellement affamée, qu'on n'a pu la sauver, en attendant les secours
d^Ëurope, qu'en rationnant les colons comme on rationne les marins d'un
vaisseau naufragé. Cela suffirait pour montrer que ce moyen ne présente pas,
sous le rapport politique, de grandes garanties de succès.
Mais, encore une fois, cette question n'est pas la nôtre. C'est sous le rapport
pénal quant à son efficacité répressive, que nous devons envisager la dépor»
tation; c'est-à-dire que c'est au cœur de l'Angleterre même qu'il faut regarder
pour voir comment, en essayant de purger le sol de la mère -patrie aux dépens
de la colonie, elle est arrivée à diminuer notablement chez elle le nombre des
crimes dont nous espérons prévenir le retour. Or, il s'en faut bien que, depuis
que le système de la déportation a été introduit en Angleterre, le nombre des
crimes de tout genre y est diminué, et en 1832 une commission nommée dans le
Parlement, après avoir relevé les détails de statistique qui relevaient cette aug-
mentation, ajoutait que sa principale cause tenait à l'inefficacité du système de
|a déportation; qu'une opinion généralement répandue dans les plus basses
classes du peuple était que la déportation est, pour la plupart de ceux qu'elle
atteint, un moyen d'aisance, une voie presque assurée de fortune; et qu'on avait
acquis à peu près la certitude que plusieurs crimes avaient été commis par des
personnes réduites à la misère, sans aucun intérêt, sans aucune passion, sans
autre idée que celle de se faire déporter et aller chercher aux terres australes,
par un voyage fait aux frais de l'État, des chances de fortune et de bonheur
que ne présentait pas l'Angleterre. Vous sentez que si de pareils faits sont
exacts, et je le répète, c'est une commission nommée par le Parlement qui les
déclare, si de tels faits sont exacts, s'il est possible de penser que la déporta-
tion ait été dans quelques cas, à raison des chances d'avenir qu'on croit y
trouver, si elle a été une occasion directe de certains crimes, il faut bien recon-
naître qu'il y a tout lieu de craindre que, dans un très-grand nombre de cas,
elle ne soit qu'une fragile et impuissante barrière.
Toutefois, il importe de reconnaître que, depuis 4832, l'état des choses s'est
beaucoup modifié en Angleterre. Les attaques, qui n'ont cessé de s'élever dans
le Parlement jusqu'à 1838, avaient surtout pour objet le système de Vassigna-
tion, qui consistait à soumettre les condamnés déportés, après de certaines
épreuves, à une sorte de domesticité obligatoire ou d'esclavage mitigé. Ce sys-
tème fut remplacé en 1812 par le régime de prohaiian. Voici en quoi il consis-
tait : le transporté, à son arrivée dans la colonie, était enfermé dans des stations
pénales où il était occupé à des travaux pour le compte du gouvernement. Le
temps de cette première période, considéré à la fois comme une punition, une
épreuve, n'était pas limité. En quittant la station pénale, le condamné rece»
vait un laissez-pas sera pour entrer au service d'un colon. Un traité, fait sous
l'autorité du gouverneur de la colonie, réglait les conditions de ce servîee qui
comportait un salaire et pouvait durer plus d'une année. Ge délai expiré, le
condamné n'était plus tenu qu'à la résidence dans la colonie jusqu'à l'expira-
tion de la peine. Les résultats de ce second système n'ayant pas été satisfai-
sants, on a commencé en 1847 à combiner le régime cellulaire avec la dépor-
tation. Après divers essais, on est arrivé à une idée qui se résume en ces
termes : l'association, dans un ordre successif, de l'emprisonnement séparé, du
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DB LA D]fi3>0RTATI0N (aRT. 17). 75
travail en oMnmiiii et de la transportation. La peine se trooTe ainsi divisée en
trois périodes, dont les denx premières sont destinées à servir de préparation
à la troisième. Le condamné subit d'abord à Pontonvilie Tépreuve du régime
cellolaire ; il est ensuite soumis à Portiand à la discipline sévère du travail
commun; puis, cette double prabaHon terminée dans la mère-patrie, il est
conduit dans une colonie avec un permis de séjour et y demeure jusqu'à
l'expiration de sa peine. La durée des premières épreuves varie suivant la gra-
vité de la condamnation encourue et suivant le caractère et la conduite du
condamné. Les résultats obtenus par ce mode nouveau ont été reconnus excel-
lents, et c'est là le système qui, en combinant Tisolement, le travail, la disci-
pline, réducation professionnelle et morale, constitue aujourd'hui le système
pénal anglais.
Appliquons maintenant brièvement à la peine de la déportation, considérée
théoriquement et abstraction faite du mode d'exercice, les* moyens d'analyse
que nous avons employés à l'égard des diverses peines que nous avons exa-
minées.
Cette peine offre, quand on l'examine avec soin, la plupart des inconvénients
que nous avons signalés dans chacune des peines prises isolément, sans offrir
presque aucun de leurs avantages.
Au premier rang des qualités que nous avons considérées comme nécessai-
res, ou du moins comme désirables dans l'institution des peines, nous avons
dit qu'elles devraient être, autant que possible, égales et apprécid>les; égales,
c'est-à-dire frappant non pas précisément du même coup, la chose rigoureuse-
ment prise est absolument impossible, mais frappant d'une manière à peu près
analogue, à peu près semblable, tous les individus qu'elle atteint; apprécia-
bles, c'est-à-dire de telle nature que le juge, que la société, en la prononçant,
sachent au juste quel degré de souffrance elle inflige, quel degré de bonheur
elle retire. Or, la déportation est de toutes les peines, peut-être, la plus iné-
gale et la plus Inappréciable.
La plus inégale, en ce que, si, dans quelques cas assez rares, pour quelques
individus, elle est une source d'effroi, un moyen puissant de répression, elle
n'est au contraire pour d'autres qu'une chose tout à fait indifférente, ou même,
en certains cas, un objet de désirs. Ainsi, la commission du Parlement britan-
nique, tout en déclarant que la déportation inspirait une vive terreur à cer-
taines classes de coupables, par exemple aux laboureurs, à des hommes atta-
chés au sol, à la patrie, unis au pays par des habitudes sédentaires, par des
liens permanents de Camille et d'affection, reconnaît que, pour tous ceux au
contraire qui ne mènent qu'une vie errante et vagabonde, pour les criminels
d'habitude, pour les voleurs de métier, c'était la chose du monde la plus indif-
férente et souvent la plus désirée.
Elle est, en outre, la plus inappréciable ; car, en cessant même d'examiner
rinègalîté qui résulte de la condition, de la position spéciale des individus
qu'elle atteint, elle varie par elle-même et à raison de circonstances impossi-
bles à prévoir et à des degrés vraiment surprenants. Ainsi, il est à désirer
qu'on sache, quand une condamnation est appliquée, quelles seront les consé-
quences qu'elle produira, quel degré de bien elle enlèvera, quel degré de mal
elle infligera. Or, la déportation pour les uns, non-seulement en espémnce,
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76 CINQ. LBÇ. — DBSPBINBa ES MAT. CKIIC. — LIV. I. CHAP. I (n« 51).
maifl en fait et ea réalité, c'est la liberté, c'est Taisance, c'est presque la fortune.
Les condamaés transportés par l'Angleterre dans cette colonie pénale y tron-
yent des moyens d'existence, de bonheur, que TAngleterre ne leur offrait pas ;
il s'y trouve aussi des occasions de crimes assez fréquents et des moyens de
répression très-souvent impuissants. Des tableaux publiés par les gouverneurs
même de la colonie attesteat qu'entre les condamnés, auxquels on s'efforce de
laisser une assez grande liberté, il existe une lutte, un concert à peu près
général contre tous les efforts de la justice pour découvrir un crime et pour en
déterminer les auteurs : les témoins ne veulent pas déposer, les officiers de jus-
tice peuvent à peine faire leur devoir. Aussi, pour ies coupables, être dépor-
tés à la Nouvelle-Galies, c'est faire un voyage qui leur présente quelques dian-
^s de fortune, qui leur offre au bout du compte une liberté d'action qui rend
ce séjour fort pré£érable pour eux à celui de la métropole. Pour d'autres, au
<»ntraire, la condamnation à la déportation, c'est la mort, la mort sous bien
des formes, la mort imprévue, appliquée sans loyauté et sans distinction*
Ainsi, de 1787 à 1795, on a constaté que, sur 5,000 et quelques centaines de
ecmdamnés embarqués, plus du dixième était mort en route, par la famine, par
la peste, par des maladies contagieuses qu* entraîne le séjour d'individus en-
tassés sur des vaisseaux. Obligé que l'on est de les tenir attachés, presque en-
chaînés, il est fréquent, il est perpétuel que les germes des maladies contagieu-
ses contractées dans les prisons se développent dans le voyage, et que les
condamnés y meurent par centaines. Aussi œ moyen prétendu d'humanité,
ce moyen qui devait conduire & l'abolitiony à la suppression de la peine de
mort, entraine indirectement des morts infiniment plus nombreuses que celles
que les tribunaux prononceraient directement, mais avec cette différence
^qu'elles sont appliquées indistinctement par le hasard et sans aucune gradation,
-sans aucune nuance de culpabilité.
Si la peine de la déportation n'est ni égale ni appréciable, je n'ai guère be-
soin d'ajouter qu'elle n'est pas, qu'elle ne peut pas être exemplaire ; c'est-à-
dire que le seul avantage auquel on pourrait tendre, en Tachetant à un prix si
•cher, lui manque dans la plupart des cas. Elle est exemplaire, nous dit le Par*
lement anglais, pour ceux qui tiennent au sol, pour ceux que leurs habitudes,
leurs affections, leur famille y rattachent et y lient impérieusement ; c'est-à*
•dire elle est exemplaire pour la classe de la population du sein de laquelle le
crime ne sort que rarement et par accident. Quant à ceux de qui les crimes
sont fréquents, quant à ceux avec qui la société est en état permanent de
garde et d'hostilité, loin d'être un moyen d'épouvante, elle est, le fait est bien
constaté, ou un sujet d'indifférence, ou bien de désirs coupables.
Jje n'entends pas dire, sans doute, que l'organisation actuelle de notre péna*
lité, que le système des bagnes et des maisons de force soit le dernier degré
de perfection en matière de peines; ce système est bien loin de répondre aux
exigences que l'humanité et la raison commandent. Mais chercher un correc-
tif à ce système dans l'introduction difficile, dans l'établissement peut-être
impossible d'une déportation réellement effectuée, c'est aller acheter à grand
prix, à grand hasard, un remède qui ne fera peut-être qu'augmenter le mal.
Néanmoins ces critiques, reproduites par d'autres criminalistes, n'ont pas
-empêché ie législateur de tenter un nouvel essai d'application de cette peine»
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ME LA MORT CIVILS (aRT. 18). 77
Nons ayons déjà tu (suprà), o» 49, que la loi du 8 juin 4850 ayait remplacé la
peine de mort, abolie en matière politique, par la déportation, de n'était là
tontefoia qn^nne application partielle de cette peine; mais le décret da
27 mars 1852 et la loi du 30 mai 1854 en ont fait une application générale en
déclarant que la transportatîon à la Guyane' française et depuis dans la Ga-
lédonie serait désormais un mode ordinaire d'exécution de la peine des tra^
Taux forcés. Cette transporta tion est une mesure imitée au fond de la lé<-
glslation anglaise, bien que le législateur n'ait pas emprunté les dernière»
améliorations apportées récemment par celte législation dans son oi^ganiBa*'
tion. La loi du 30 mai 1854 se borne à ordonner la transportatîon à la
Guyane des condamnés aux trayanx forcés, de les assujettir a«x trayaux de
la colonisation et d'établir en principe qu'ils pourront obtenir des oonoessiona
de terrains après ayoir subi leur peine.
Aux termes de l'art. i«' de cette loi, cette peine doit être subie à l'avenir
dans des établissements créés sur le territoire d'une ou de plusieurs possessions
françaises autres que l'Algérie. Les art. 2 et S portent que c les condamnés
seront employés aux travaux les plus pénibles de la colonisation et à tons
autres travaux <i'utili té publique. Ils pourront être enchaînés deux à deux et
assujettis à traîner le boulet à titre de punition disciplinaire, ou^par mesure
de sûreté. > Les femmes condamnées aux travaux forcés pourront, aux termes
de l'art. 4, être conduites dans un des établissements créés aux colonies; elle»
seront séparées des hommes et employées à des travaux en n^ori avec leur
âge et leur sexe. L'art. 6 déclare que « tout individu, condamné. à moins de
huit années de travaux forcés, sera tenu, à l'expiration de sa peine, deiésîder
dans la colonie pendant un temps égal à la durée de sa condamnation. 6i la
peine est de huit années, il sera tenu d'y résider toute sa vie «. L'art. 10
ajoute que c tous crimes et délits commis par les condamnés seront jugés par
un tribunal maritime spécial, établi dans la colonie. » L'an. 1*' autorise lego«-
vemement à accorder aux condamnés : 1* la permission de travailler, soit
pour les habitants de la colonie, soit pour Tadminisr ration locale ; %^ une
conceseion de terrain et la faculté de le cultiver pour leur propre compte. Las
comptes rendus publiés en 1867 et 1869 de la première application de ce
nouveau mode d'exécution de la peine des travaux forcés, attestent toutes les
difficultés qui l'ont entravée. L'administration de la marine termine son der-
nier rapport en ces termes : « Dans les deux colonies, la moraiisatîon des con-
damnés fait des progrès réels. A la Guyane, la transportatioa, éprouvée par
Les maladies et par les mécomptes de la production, est dans une situation qui
conseille une grande prudence. A la Nouveils-Calédonie, les résultats acquis
permettent d'espérer que la col(Miisation pénale pourra se développer avec des
ehances sérieuses de succès. >
62. A Anr. 18. Les condamnations aux travaux forcés à perpétuité et à la dôpor->
tation emporteront mort civile. (Abrogé par la loi du 31 mai 1854.)
« Néanmoins le gouvernement pourra accorder au condamné à la déportation
l'exercice des droits civiU ou de quelques-uns de ces droits. (Modifié par la loi du
8 juin 1850.) »
L'art» 18 forme, vous le voyez, une sorte d'appendice aux art. 22, 23 e^
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78 CINQ. LEÇ. — DES PEINES EN MAT. CRIM. — LIV. I. CHAP. I (n® 54).
du Gode civil. Le Gode civil n'avait attaché la mort civile qu'à la condamna-
tion à la mort naturelle, en annonçant que la mort civile pourrait sans doute
résulter plus tard d'autres condamnations» mais que : 1<> ces condamnations
devraient être afflictives et perpétuelles; 2* qu'il faudrait, de plus, que la loi
y attachât formellement cet' effet En effet, l'art 18 attache précisément la
mort civile aux seules condamnations afflictives et perpétuelles que recon-
naisse le droit pénal français : peine de mort naturelle, peine de travaux forcés
à perpétuité, peine de la déportation : telles sont les condamnations qui em-
portaient mort civile.
Je n'ai point à entrer dans l'examen des faits, dansledétail des textes relatifs
â rétendue de la mort civile, qui d'ailleurs, ainsi que je le dirai plus loin, a été
4d>rogée par la loi du 31 mai 1854. L'art. 25 du Gode civil déterminait quelles
sont les conséquences de la mort civile, ou plutôt en quoi elle consistait. £n ef-
fet, la mort civile, bien qu'appartenant par son principe au droit pénal, appar-
tient, du moins par son organisation, par sa description, au Gode civil. Aussi
ne m'attacherai-jepointà discuter ici des questions qui vous ont été présentées,
détaillées sous l'art. 25. Le seul point qui doive nous occuper est d'examiner
d'un peu plus haut quelle est la nature, quelle est la portée, quel est le mérite
de cette peine de la mort civile, qui, bien qu'aujourd'hui abolie (Voy. n® 57),
conserve, au point de vue historique, un véritable intérêt.
53. Toutefois, avant d'entrer dans cet examen, une objection se présente
contre les mots mômes que je viens d'employer, c'est cette règle ou ce prin-
cipe souvent répété : que la mûrt civile n'est pas une peîne: c'est une règle qu*on
invoque assez souvent dans l'explication des matières du Gode civlL U y a dans
ces mots une équivoque, une ambiguïté dont il est important de nous défier.
La mort civile n'est pas une peine, dit-on; c'est un état, c'est une consé-
quence, c'est le résultat légal et nécessaire de certaines condamnations. Quand
on emploie ce langage, veut- on dire que la mort -civile, ne consistant pas,
«omme la plupart des peines proprement dites, dans un fait d'exécution di-
recte; physique, matérielle sort par là même de certaines règles tracées pour
ies peines proprement dites ? Gela est vrai. Ainsi, vous voyez dans l'art. 32 du
Oode civil que la prescription de la peine ne réintègre pas le condamné dans
€es droits civils pour l'avenir, en d'autres termes, que la prescription de la
peine n'entraine pas pour le condamné prescription de la mort civile* En effet,
la mort civile ne gft point dans une exécution active et matérielle; dès lors la
prescription contre l'application réelle et physique de la peine est absolument
indifférente quant à la question de mort civile* De plus, vous ne trouvez pas
dans l'art. 7 la mort civile classée au nombre des peines : autre raison, au
moins apparente, pour dire, comme on le foit fréquemment, quejla mort civile
n'est pas une peine. Ajoutez que, lorsqu'une cour d*assisse prononce une con-
^damnation à mort, aux travaux forcés à perpétuité ou à la déportation, elle
n'a pas à prononcer de condamnation à la mort civile, et toujours par la môme
maison. La condamnation une fois exécutée, c'est l'affaire de la loi de faire
<x>mmencer la mort civile, c'est l'affaire de la loi de faire naître directement
-contre le condamné les incapacités résultant de l'art. 25 du Gode civil. Si c'est
•seulement en ce sens qu'on veut dire que la mort civile n'est pas une peine,
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DB LA XORT CIVILS (aRT. 18). 79
en ce sens qa'elle n'a pa§ bemn d'être expressément prononcée, qu'elle est la
conséquence directe, naturelle, tacite de certaines condamnations exécutées,
alors l'expression peut être vraie, peut être exacte, et je ne répugnerais pas à
l'employer.
Mais si ces expressions : La mort eMU n'ést pas une pHne, devaient être
prises à la lettre et dans un sens absolu, si, entendues ainsi, elles ne pouvaient
détourner nos yeux de Texamen attentif des conséquences graves de l'art 25,
«e serait une erreur qu'on ne saurait trop déplorer. En effet, la mort cirile
n'est pas sans doute comprise dans l'énumération pénale des art. 7 et 8 ; mais
l'exposition publique n'y est pas comprise non plus, et personne n'a imaginé
de dire que l'exposition publique n'est pas réellement une peine. Ni l'expo-
sition publique ni la mort civile ne figurent dans rénumération des peines
criminelles, parce qu'elles ne sont que des peines accessoires, secondaires ;
«lies ne sont que des corollaires plus ou moini^ nécessaires, plus ou moins in-
dispensables de certaines condamnations ; ce n'est certainement pas parce que
dans la mort civile il n'y a rien de pénal qu'elle est omise dans l'art. 7 ; c'est
parce que la mort civile n'est jamais prononcée seule et directement ; c'est
parce qu'elle résulte, par la seule puissance de la loi, de quelque antre con-
damnation.
De plus, nous voyons, dans l'art. 8, la dégradation civique rangée au nom-
bre des peines ; la dégradation civique consiste dans la déchéance des droits
indiqués dans les différents paragraphes de l'art. 34 du Code pénal. Or, la
dégradation civique est une peine, l'art. 8 est formel à cet égard ; cette peine
consiste dans la privation partielle des droits politiques, civils et de famille.
Tous ces droits, la mort dvile les enlève également à celui qu'elle atteint :
maie elle lui enlève en même temps, et de plus, des droits bien autrement
chers, des droits bien autrement précieux. Gomment donc, en reconnaissant
que la dégradation civique, privation partielle, est cependant une peine, hési-
ieraifr-on à dire que la mort civile, privation totale, complète et étemelle, est
également une peine?
Enfin, en sortant même des textes, demandoas-nous qu'est-ce an fond que
punir, qu'est-ce qu'une peine ? Punir, c'est enlever un bien, c'est infliger un
mal en vertu d'un certain fait et pour en prévenir le retour. Or, dira-t-on par
iiasard, que m'enlever ma fortune en déclarant ma succession ouverte, que
èriser mon mariage, que me frapper de toutes les incapacités détaillées dans
l'art 25, dira-t-on que ce n'est pas me punir ; quand on le fait, d'une part
parce qu'on m'a déclaré coupable d'un grand crime et qu'on veut me cb&tier ;
d'autre part, parce qu'on veut à tout prix prévenir par l'effet de l'exemple le
renouvellement d'un pareil crime ?
N'hésitons donc point & dire, sans condamner absolument cette locution,
«xacte à quelques égards, que la mort civile tCest pas une peine, n'hésitons pas
-à dire que, dûis le sens du droit pénal, dans la matière qui nous occupe, la
mort civile dont parle Tart. 48, placé, comme vous le voyes, sous k rubrique
générale dwpeînst en matière erimineUe, la mort civile présente un caractère
pénal et un caractère pénal au premier chef.
54. Aussi n'est-ce pas à discuter si la mort civile est ou n'est pas une peine
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80 CINQ. LEÇ. — DES PEINES EN MAT, CRIM. — LIV. I. CHAP. I. (n® 46).
que nous devons nous arrêter, la chose est trop évidente ; ce qui doit nous
occuper, c'est de chercher quel est le mérite, quelle est Tutilité de celte peine,
ce qu'on peut dire, ou pour la combattre, ou pour la justifier ; car elle est
encore de celles dont le mérite, dont l'approbation, dont l'utilité sont le plus
fortement contestés. Rappelons-nous toujours que la pénalité doit réunir des
qualités sur lesquelles tous les criminalistes à peu près sont d'accord, non pas
en ce sens que toute peine doive nécessairement les présenter réunies, mais
en ce sens qu'il faut, autant que possible, tâcher d*en réunir le plus grand
nombre dans les peines que l'on établit. Eh bien, nous trouvons dans la mort
civile vivement et fortement attaquée, la plupart des inconvénients, la plupart
des défauts que chaque peine isolée peutprésenter, sans rencontrer en balance,
en compensation avec ces défauts, des qualités suffisantes pour en autoriser le
maintien.
Ainsi, 1* la mort civile est indivisible ; elle n'est pas susceptible de plus ou
de moins, de minimum ou de mawvnum, soit quant à sa durée, soit quant^à
son intensité. L'indivisibilité dans une peine n'est pas sans doute par elle-
même une raison péremptoire, une raison «uffîsante pour la rejeter et l'abolir ;
cependant rindivisibilité est un vice, et un vice reconnu par la loi ; vous en
sentez le motif : c'est que la culpabilité varie suivant une multitude de cir-
constances que le législateur ne peut p»s saisir et déterminer d'avance. On a
donc senti le besoin de laisser aux tribunaux le droit de proportionner, au
moins dans certaines limites, l'application de la peine, au degré, à l'étendue
de la culpabilité. De là la règle du minimum ou du maaimum introduite dans
le Code pénal, règle augmentée, livorisée enec»^, en 1832, par la nouvelle
rédaction de l'art. 463. Or, il est clair que cette possibilité de graduer, de varier
l'application et l'étendue de la peine, dans sa durée ou dans son intensité,
manque absolument en matière de mort civile, qui n'admet ni plus ni moins,
qui n'admet pas de degrés.
2<» La mort civile présente-t-elle, en échange, en compensation de ce pre-
mier désavantage, la qualité d'être égale et appréciable? Cette qualité lui
manque encore, elle lui manque au souverain degré, rien de plus inappréciable,
de plus inégal que l'application d'une pareille peine. Ainsi, pour tel individu,
déclarer sa succession ouverte, et le dépouiller de sa fortune, briser son ma-
riage, établir entre lui et sa famille tous les obstacles civils créés par l'art. 25,
multiplier contre lui les incapacités de toute nature détaillées par cet article,
c'est à coup sikr le frapper, je ne dis pas injustement, je ne dis pas trop forte-
ment, mais le frapper rudement, cruellement. Pour d'autres^ au contraire, et
tel est le cas du plus grand nombre de ceux sur lesquels a porté la mort civile,
c'es bien la plus indifférente et lu plus légère des peines. Pour nombre d'indi-
vidus, pour les criminels de métier, et pour ceux avec lesquels la lutte sociale
est de tous les instants et de tous les jours, déclarer leur succession ouverte,
leur mariage rompu, les frapper de l'incapacité de tester, de légnmr, de rece-
voir, est une peine qui leur est parfaitement indifférente, si indifiérente, que
la plupart d'entre eux vivront et mourront sous le poids de ces incapacités sans
se douter seulement qu'ils en avaient été frappés un seul instant. Sous ce rap-
port, elle est inégale, inappréciable, double inconvénient à ajouter à celui de
son indivisibilité.
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. UB LA MOBT GITILB (aRT. 18). 8f
£Ue m préaeele d'antres eoeor* : ell» eti ia^rtonneile, c'ett^à-dira qa*eUe
Dnippe, non pas aenlement dans sesiéanltala indirects, dans ses conséquences
&oigùè6B, les parents de celai qui s'est rendu coupable, mais qu'elle les frappe,
ee certains cas, immédiatement, directement, tout aussi rudement que le
soiqMtUe iai-mème. Ainsi déclarer, comme le Hait l'art* 25 du Gode civil, que
le mariage du condamné sera dissous» c*est frapper directement et d'un coup
absolument égal, et le condamné et son conjoint* Évidemment ici la peine
porte à la fois sur deux personnes, Tune coupable et grandement coupable,
l'autre innocente et parfaitement innocente. Qu'une condamnation de cette
nature autorise à demander la dissolution du mariage, je le comprendrais ai-
sément; mais qu'elle rompe le mariage, qu'elle brise forcément les liens de
Vèpoux du condamné, c'est là ce qui se comprend et qui se justifie le moins,
lorsque surtout nous songeons que l'une des peines qui conduisent à la mort
civile est chez nous la déportation, et que la déportation est appliquée à un
assez grand nombre d'actes que le déshonneur et l'infamie publique ne pour-
suivent pas. On ne comprend guère comment l'épouse, par exemple, d'un con-
damné politique ne pourrait pas, si bon lui semble, conserver les liens qui
l'unissent à son époux. Cependant l'art. 25 est formel.
Indivisibilité, inégalité, impersonnalité de la peine, ce sont là sans doute de
grands défauts; mais est-ce au moins ime peine morale? est-ce enfin une
peine exemplaire? Encore deux points à examiner relativement à la mort civile.
Est-ce une peine bien morale que celle qui partage aux enfants la dépoulUe
anticipée du père? J'ai peine à le conceyoir; de deux choses Tune : ou les en-
fants répudieront ce triste bienfait, ou ils n'accepteront qu'en aj^rence et
pour la forme la succession à laquelle la loi les appelle, et feront passer à leur
père condamné et frappé de mort civile les revenus que cette succession pro-
duira; la loi sera éludée. Ou bien, au contraire, ils' en profiteront, ils s*en ap-
pliqueront le bénéfice, ils se regarderont comme héritiers, comme maîtres ;
ils refuseront à leur père frappé par la mort civile les plus légers secours sur
les biens qu'ils se sont partagés, £t je demande alors comment l'opinion, com-
ment la conscience publique qualifierait de tels faits; je demande ce que c'est
qu'une peine, ce que c'est qu'une loi dont Texécution stricte couvre de déshon-
neur, de réprobation, celui qui s'en prévaut.
Enfin, la mort civile rachète-t-elle au moins tous ces désavantages par l'a-
vantage de l'exemplarité? a-t-eUe, par la solennité des coups qu'elle inflige,
cette puissance de terreur qui garantit à tout prix la société contre les atten-
tats qu'elle redoute? La réponse est facile. Je n'imagine guère coomient celui
que ni la peine de mprt ni les deux autres peines perpétuelles n'auront arrêté
sur le chemin du crime, je n'imagine guère comment il reculera, comment il
hésitera à l'idée des incapacités que prononce l'art. 25. Joignez-y d'ailleurs
que ces incapacités, très*sensibles pour quelques-uns, indifférentes pour la
plupart, peuvent imposer, sans doute, dans quelques cas, à celui qu'elles frap-
pent, de rudes et sévères privations; mais ce n'est là qu'une peine tout à fait
négative, qu'une peine tout à fût invisible, qui ne frappe en rien le public,
qui n'agit pas sur les yeux de la masse; ces sonfifrances, si vives, si réelles
qu'elles puissent être, restent quelquefois inconnues, obscures, ensevelies, et
reflet exemplaire est manqué.
I. * ^
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92 8IZ. LEÇ. — DBS PBNJ» SK MAT. CRIlf . •*» LIV. I. CHAP. I (n* 55).
Pourquoi donc, e» présence de toas cet ineanvémeats, mainteBant et depuis
assez longtemps peu contestés, a-t-on persisté, en 1810» à rétablir dans nos
lois la peine de mort civile, car nous n'hésitons pins à lai appliquer ce nom?
Pourquoi surtout, lorsqu'en 1832 œs inconvénients furent présentés, la propo-
sition laite aux Chambres de rayer ces incapacités» de supprimer de nos lois le
nom de la mort civile et ses effets; pourquoi cette proposition fut-elle, non
point sans doute formellemen| rejetée, mais indéOniment ajournée ? Cest à
Fexamen de ces questions que nous consaorerons la première partie de notre
ffochaîne leçon.
SIXIÈME LEÇON*
66. Nous aTons vu, sur Tart. 16, combiné avec Part. 25 du Gode civil dans
quels cas et par suite de quelles ccndamnations la mort civile est encourue.
Après avoir examiné les divers sens et le mérite de cette assertion vulgaire,
que la mort civile nVst point une peine, nous avons cherché quelles sont les
qualités bonnes ou mauvaises que peut présenter cette peine ou cet état comme
on voudra l'appeler. Nous avons reproché à la mort civile de renfermer en elle
la plupart des inconvénients, des défauts, des vices que présentent, isolés l'un
de l'autre, les divers genres de pénalités, sans compenser ces défauts par au*
eune espèce d'avantage.
t^'après cela, on peut être étonné de voir un criminalîste se portant Tapo*
légiste, le défenseur de l'institution de la mort civile, taxer d'inconséquence
les jurisconsultes qui, regardant comme juste, comme politique, comme non
contraire & la morale publique la peine de mort naturelle, prétendent trouver
tant de défauts dans la peine ou dans l'état de la mort civile. Cette inconsé-
quence, ce reproche, l'avons-nous réellement encouru? 8onl-ce bien deux
opinions, deux doctrines inconciliables, que celle qui admet la justice, la légi-
timité de la peine de mort naturelle, celle qui repousse au contraire la peine
ou l'état de mort civile? La réponse est bien facile*
Si des jurisconsultes professent à la fois l'une et l'autre doctrine, défendent
ou admettent la légitimité de la mort natarelle, tout en combattant celle de la
mort civile, la raison en est fort simple : c'est que la mort naturelle, nécessité
qu^il faut sans doute subir comme condamnation pénale, présente au moins
en elle, comme compensation à ses graves défauts, comme réponse aux puis-
santes objections qui l'attaquent, des avantages précieux en matière de pénalité.
I^le est, avons-nous dit, une peine appréciable, une peine aussi égale que peut
l'être un châtiment; elle est au saprème degré suppressiv^du pouvoir de nuire,
quant au coupable qu'elle atteint; elle est enfin au suprême degré exemplaire,
quant aux témoins aux yeux desquels die est appliquée. Au contraire, rien
de tout cela dans la mortdvile, inégale, inappréciable au suprême degré, dans
la mort civile qui ne supprime en rien le pouvoir de nuire dans celui qu'elle
atteint; qui ne diminue en rien la fiiculté de faire le mal, en augmente au
contraire le désir et la volonté. Elle est enfin absolument inexemplairè, en ce
sens que les souffrances, que les tourments qu'elle impose sont purement
négatife et n'ont rien qui agisse sur la multitude; en ce sens enfin, avons*
nous dit, que la mort civile n'étant dans le droit présent que la conséquence
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DB UL KKMIT GtYlLB (arT. 18). 83
de trotf peines fort gravM par eUee-mémes, il est impossihle d'admettre que
celui qni ne sera pas arrêté deirant la pensée d'une de ces trois peines, puisse
s'arrêter ou recider datant la p«isée de la conséquence, devant la pensée de
la mort civile.
56. Qael est doue le motif, c'est & ce point que nous nous sommes arrêtés,
<inl, soit en 1803, lors de la discussion du projet du Gode civil, a porté le légis»
lateur à rétablir la mort civile, abolie depuis 1791, soit en 1332 Ta porté à re-
pousser ou à i^onmer la proposition faite aux Chambres de la faire disparaître
de nos lois?
Il est difficile, je crois, de trouver rien de plus léger, de plus insignifiant, de
plus futile que les motifs donnés en passant au conseil d'État pour le main-
tien de cette peine. Ce n'est pas lors de la rédaction du Gode pénal en 1808,
^«e Ja question s'est agitée, c'est lors de la rédaction du Gode civil. Toujours
est*ii que le motîfqui en 1803 fit emprunter à la législation romaine la peine,
appelons-ia désormais de ce nom, la peine de la mort civile jusque-là abdie
fut, disait-on, que la loi ne pouvait pas raisonnabl^aient considérer encore
conmie vivant celtti que la société a pour toujours retranché de son sein; d*où
la conséquence que toute peine perpétuelle devait faire considérer et réputer
mort celui qu'elle atteignait ; et que, cette fiction, œtte suppression de la mort
une fois admise, le législateur et le jurisconsulte n'avaient plus qu'à en dé*
duireetà en appliquer les conséquences. La raison se refuse, disait-on, au
eonseil d'État, à ce qu'aux yeux de la loi soit encore réputé vivant celui qu'une
condamnation perpétuelle a frappé. G est-à^dire que nous voyons ici la loi
procédant en quelque sorte par jeu de mots, établir une pénalité immense,
as&ise sur une fiction, appuyée, bâtie, sur une métaphore; et ensuite le légis-
lateur, dans le texte de l'art. 25, a déduit, a traduit en syllogisme inflexible
les conséquences de ce prétendu axiome qui consiste à croire et à dire qu'un
homme plein de vie est un mort
6iau moins cette logique du conseil d'État était restée d'accord avec elle-
même; si, en partant de cette idée déraisonnable, qu'un homme vivant doit
être réputé mort, on y était resté fidèle; si, s'attachant toujours à faire pro-
duire à la fiction dans l'ordre social et civil les conséquences, les effets que
produit la réalité dans l'ordre physique et naturel, on avait eu soin de n'atta-
cher ia perpétuité du résultat qu'à la perpétuité de la cause, le mal eût été
moindre. Mais, en vous reportant au chapitre de la mort civile, vous voyez
aisément que ce principe, déjà faux, déjà vicieux en lui-même, a été aban-
donné, violé avec autant de légèreté qu'il avait été admis et consacré. Ainsi
la mort civile est l'image, la fiction, la reproduction de ia mort naturelle ; d'où
isL conséquence que, la mort naturelle étant nécessairement perpétuelle, la
mort civile ne peut et ne doit être la conséquence et l'effet que d'une peine
perpétuelle elle-même. Voilà le point de départ ; et cependant jetez les yeux
«ur les art. 29 et 30 du Gode civil, vous voyea tout de suite comment ce point
de départ est abandonné. Ainsi une condamnation a éié prononcée, mais par
contumace, à l'une des trois peines auxquelles le législateur a attaché celte
conséquence d'emporter la mort civile; les cinq ans de grâce se sont écoulés ;'
à l'expiration de ces cinq ans la mort civile est eneenrue : plus tard le con-
damné reparait, sa comparution dans les vingt ans suivie d'uniScquittement
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S4 SIX. LEÇ. — DES PEINES EN MAT. GRIIT. -*> LIV. I. GHAP. I (n* 5ti).
00 d'une absolution fait tomber la condamnation prononefte contre Inî, et fait
évanouir, à compter de son retour, la mort civile qui résoiCait de cette con-
damnation. Mais Tart. 30 ajoute qne le jugement conservera pour le passé
toutes les conséquences que la mort civile avait produites depuis l'expiration
des cinq ans jusqu'au retour; c'est-à-dire, en d'autres termes, qu'en dépit
dn principe, en dépit de la fiction, malgré Tassimilation qui a servi de
point de départ, on admet que la mort civile peut cesser; on viole ainsi
l'analogie sur laquelle on s'était fondé. Ce n'est pas moi qai viendrais me
plaindre de voir la mort civile cesser pour l'avenir, lorsque l'innocence
de celui qu'elle frappait est reconnue; à coup sûr un tel résultat, si incon-
séquent en luinmôme, vaut toujours mieux que la logique poussée à ses
dernières conséquences, si elle fût allée jusqu'à dire que l'acquittement, que
Tabsolution n'aurait pas pu rendre la yie civile. Mais voyez comment ce résul-
tat déjà si illogique, si inconséquent, est imparfiu t. Ainsi l'innocence ducontu-
(nax revenu après les cinq ans est solennellement proclamée, la plénitude de kk
vie civile lui est restituée, lui est rendue, mais seulement pour l'avenir; c'est-
à-dire que sa succession ouverte ne lui est pas restituée ; que son mariage dis-
sous ne se renoue pas ; que ses actes nuls ne se valident point ; c'est-à-dire
qu'une cause temporaire a produit des effets définitifs; c'est-à-dire qu'une pé-
nalité sans remède, une pénalité irrévocable se trouve maintenant infligée
à un homme dont l'innocence a été soleanellmnent, souverainement proda*
mée?
Dira-t-on que les conséquences passées de la mort civile doivent peser sur
lui, non pas comme résultat d'un crime dont il est déclaré innocent, mais
comme résultat, comme peine, comme châtiment de sa contumace? Il est dair
que ce raisonnement ne vaudrait rien : d'abord parce que la contumace peut
être un fait absolument involontaire de la part de celui qu'une procédure crî-
Qiinelle a frappé en son absence ; en second lieu parce que, quand même sa
contumace serait volontaire, quand même il se serait dérobé à l'appel de la
justice, lorsqu'il était maître de venir y répondre, c'est là un fait auquel la loi
n'attache pas de pénalité propre, c'est là un fait qui serait absolument impunt
s'il s'agissait dans l'espèce de toute autre peine qu'une des trois peines perpé-
tuelles.
Cependant le résultat est constant: c'est-à-dire que, dans ce cas de con-
damnation par contumace non suivie d'une comparution dans les cinq ans de
l'exécution par efBgie, la mort civile a produit des effets irrévocables; ce qui
évidemment est contraire à la fois et à la logique, même en admettant le prin-
cipe sur lequel on s'appuyait, et plus encore à l'humanité et à la raison. On
pe peut certainement pas s'expliquer pourquoi un homme reconnu innocent
est privé sans retour de sa succession.
Pourquoi donc, ces résultats bien connus et bien jugés, n'a-t-on pas admis
en 1832, au milieu d'une révision de détails conçue en générai dans un esprit
extrêmement sage, la proposition faite aux Ghambres de supprimer de la loi
française la mort civile attachée comme conséquence aux trois condamnations
dont nous parlons? Si cette proposition n'a pas eu de suite, ce n'est pas, re-
marquons-le bien, que l'institution de la mort civile ait trouvé dans le sein
des Chambres des défenseurs ostensibles et avoués; mais la proposition étani
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DB Lk VOM GIVILB (aKX. U). 85
Jkite à propos de la tévition du Code pénal, et les elfoU de la mort dvile sa
trouTaot détorminés noo pas dans le Gode pénal, mais bien dans le CSode civile
on a craint, a-t-on dit, de se jeter, i propos du droit pénal, dans les détails
d'one matièro qui appartenait plutôt an droit civiL On a opposé que, tont en
supprimant le titre et le nom de mort tivile, ce qui était à coup sur très-aisé^
on s'imposerait la nécessité d*y substituer des régies plus ou moins étendues
pour doniiner Tétat, la position, les droits du condamné qui n'encourait plus
la mort civile. En un mot, on n*a pas voulu, & propos d'une discussion pure-
ment péaale, d'une révision qui ne s'appliquait qu'au droit criminel, on n*a
pas voulu empiéter sur les matières du droit civil auxquelles cette proposition
paraissait plutôt se référer. La proposition a donc été plulét ajournée que for-
mellement repoussée. Cependant il faut remarquer que cette objection n'était
pas bien forte. Il est vrai qu'en fait, le chapitre de la mort civile appartient
actuellement au Gode civil, mais l'institution en elle-même appartient à la fois
et an droit civil et au droit pénal; il n'y aurait pas plus d'inconvénients que
d'avantages à la voir réglée par l'un que par l'autre Gode. Il y a plus: c'est
qu'nne peine, moins forte sans doute, mais assez analogue dans son principe
à celle de la mort civile, je veux parler de la peine de la dégradation dvi-
que, qui consiste à infliger au coupable des incapacités plus ou moins éten-
dues, que cette peine, bien qu'ayant une grande influence sur l'application
du droit civil, est cependant déterminée, réglée, organisée par le Gode pénal.
Yous trouverez dans lart. 34, et de même dans l'art. 42 du Gode pénal, le dé-
tail d'incapacilés qui se rattachent au droit civil par leur application et au
droit eriminel par la pénalité, par leur cause et leur principe.
Ainsi Vioconvénient était assez léger; on pouvait, je crois, sans empiéter
d'une matière sur l'antre, sans mêler, sans confondre en rien la distinction
logique des deux législations, s'occuper de la mort civile pour l'abolir et pour
y substituer les dispositions spéciales que cette abolition pouvait nécessiter,
on pouvait, dis-je, s'en occuper sans danger à propos du Code pénal. J'avoue
que j'aurais mieux aimé voir cette abolition prononcée immédiatement, voir
les dispositions qu'elle nécessitait insérées dans le Gode pénal, que de voir
ajourner ou reculer indéfiniment, par une sorte d'exception dilatoire, une ré-
forme qui paraissait urgente et dont personne même ne contestait sérieuse-
ment la nécessité.
57. Les observations qui paécèdent ont porté leurs fruits. La loi du 9 juin 1650
avait déjà aboli la mort civile appliquée aux condamnés pour crimes politi-
ques^ en déclarant que c en aucun cas, la condamnation à la déportation
n'emporte la mort civile; elle entraîne la dégradation civique. » La loi du
31 mai 1854 a généralisé cette abrogation. En voici les dispositions : c Art. i.
La mort civile est abolie. — 2. Les condamnations à des peines afflictives per*
pétuelles emportent la dégradation civique et Finterdiction légale établies par
les art. 28, 29 et 31 du Gode pénal. — 3. Le condamné à une peine afûictive
perpétuelle ne peut disposer de ses biens en tout ou en partie, soit par dona-
tion entre-vifs, soit par testament, ni recevoir à ce titre, si ce n*est pour cause
d'aliments. Tout testament fait par lui antérieurement à sa condamnation
contradictoire devenue définitive est nul. Le présent article n'est applicab'^
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86 SIX. L£Ç. — DES nsINBS EN MAT. GR11C. *-* LIV. I. CIUP. I (n"" 58).
au condamné par contumace que cinq ans après Texécntion par effigie. —
4. Les effets de la mort civile cessent pour FaTenir à Tégard des condamnés-
actuellement morts civilement, sauf les droits acquis aux tiers.
On doit remarquer que Fart. 3 de la loi nouvelle a ajouté aux incapacités
de la dégradation civique et de Tinterâiction légale, la prohibition de disposer
de ses biens. Cette disposition a été expliquée en ces termes dans Fexposé des
motifs : « Les effets civils des condamnations perpétuelles sont déterminées par
•les articles 2 et 3 ; ils consistent dans la dégradation civique, Vétat d'interdic-
tion légale, rincapacité de donner ou de recevoir soit par donation entre-vifs^
soit par testament. La dégradation civique, incapacité perpétuelle qui survit à
la grâce, dépouille le condamné de tous droits civils et politiques, lui enlèye
les prérogatives de la famille et le marque d*une tache d'infamie qui ne peut
être effacée que par la réhabilitation. L'état d'interdiction légale constitué par
les articles 29 et 31 du Gode pénal frappe les biens et la personne du con-
damné pendant la durée de sa peine. En dehors des conséquences de la mort
civile que nous avons repoussées comme incompatibles avec notre ordre social
et nos mœurs, et de celles qui lui sont communes avec la dégradation civique
et rétat d'interdiction légale, nous n'avons trouvé que trois thèses qui pour-
raient servir de base à un régime intermédiaire : la déchéance de l'autorité
maritale, celle de la puissance paternelle, l'interdiction de donner et de rece-
voir. A l'égard du condamné époux et père de famille, au moment de sa con-
damnation contradictoire ou par contumace, Tinterdiction légale ou Tappli ca-
tion qui lui est faite des règles sur l'absence paralysent l'exercice de Fautorit'é
conjugale et celui de la puissance paternelle. 8i la peine est entièrement subie^
cette suspension du droit équivaut à une iiHerdiction absolue. La question ne
prend donc de l'intérêt que dans l'hypothèse d'une grftce. Faut-il que le graciô^
soit privé de l'administration de ses biens et de la double autorité que la loi
et la nature lui ont donnée sur sa femme et sur ses enfants? Mais alors sur
quelles personnes déverser ces importantes attributions ? Gomment organiser
cet état nouveau sans précédent législatif, que la science du droit n'a ni élu-
cidé ni défini ?j Ne s'exposerait-on pas à des complications, à des embarras in-
finis qui auraient pour double conséquence la destruction de l'harmonie de
nos codes et l'introduction d'un étranger dans le sein de la famille ? Au con-
traire, l'interdiction du droit de disposer ou de recevoir à titre gratuit consti-
tuait une incapacité précise, circonscrite, d'une application facile : nous n'avons
point hésité à vous proposer de la prononcer et nous avons reproduit les termes
du 3» paragraphe de l'art. 25 du Gode civ. Droit naturel ou droit civil, la fa-
culté de disposer à titre gratuit est bien certainement un de ces droits dont la
société peut dépouiller sans injustice et sans cruauté celui qui l'a offensée par
un crime infâme. Le testament, cet acte solennel d'une volonté suprême, qui
substitue ses prescriptions aux lois de TÉtat, peut-îl être imprudemment aban-
donné aux inspirations du crime? La faculté de recevoir ne pouvait-elle pas
elle-même devenir un bénéfice d'infamie ou favoriser d audacieuses eft men-
songères protestations contre l'autorité de la chose jugée ? L'article 3 n'est
donc qu'un juste hommage rendu à la plus saine morale. »
68. Le § 2 de l'art. 18 modifie un peu la rigueur du paragraphe premier :
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PB LA MORT avfui (art. 18). 87
Néanmoins, lyoate-i-il, le gouuemenunt p9wrrm aeoorder au eendamné à la dé'
forUUûm i'êggereicô des droits cwili ùu de quelques-uns de ces droits. Ce ^Miraf^-
phe est an pea différeat de celui que oonleDait le Gode de 1810 ; il eet bon de
les CQmiMtfer: c Néanmoins, dieait la première rédaction, le gontemement
pourra accorder au déporté, dans le lieu de la déportation» l'exerciœ des droits
civils, on de qnelqnes-nns de ces droits. >
Quel était en 1810, dans la rédaction primitive, le motif de cette faculté con-
tenue dans le § 2 ? On se berçait alors de Fidée de réaliser en fait, d'appliquer
la peine de la déportation que le Code avait prononcée. On songeait sérieuse-
ment dans un avenir plus ou moins prochain à purger Vancien monde aux dépens
du nouveau : c'était Vexpression dont on s*êtait servi dans la discussion du
conseil d'État. Dès lors on avait senti qu'ayant le projet de coloniser les con
damnés à la déportation, c'eût été un mauvais moyen de fonder des colonies,
d'organiser des sociétés. nouvelles, que de briser à l'avance et d*une manière
absolue toata possibilité de liens de famille; qu'emp^her entre les déportés
toute société intérieure et civile, base de toute société politique, c'était un
mauvais moyen d'organiser ces colonies; que de même enlever aux déportés,
considérés comme morts civilement, toute possibilité d'avoir des enfants légi-
times et d'exercer sur eux l'autorité paternelle, c'était rompre par sa base
l'existence des sociétés qu'on espérait fonder par la colonisation des déportés.
Aussi réservait-on au gouvernement le droit d'accorder au déporté dans le lieu
de la déportation l'exercice des droits civils ou de quelques-uns de ces droits.
Jusqu'en 1832, il est visible que ce second paragraphe a dû rester sans exé-
cution, aucune condamnation à la déportation n'ayant pu emporter mort
civile; toutes les condamnations de ce genre ayant laissé aux coupi^les qu'elles
frappaient la plénitude de leurs droits civils, cette disposition exceptionnelle
et secondaire était absolument inutile.
Au contraire, depuis 1832, la déportation légalement exécutée par une dé-
tention perpétuelle emportant la mort civile, y avait-il lieu d'appliquer le
§ 2 ? le gouvernement pouvait-il, aux termes de ce paragraphe, accorder au
condamné, dans le lieu de sa détention, l'exercice des droits civils ou de quel-
ques-uns de ces droits ? A ne considérer que le texte primitif, on aurait pu en
douter; car la raison qui, en 1810, avait dicté cette exception ne se présente
plus en 1832, puisque la déportation ne pouvait plus s'exécuter de fait et réelle-
ment ; puisque Tart. 17 interdisait quant à présent toute tentative, tout essai
de colonisation pénale, on ne voyait pas une grande utilité à conserver ou à
restituer partie des droits civils aux condamnés détenus dans l'intérieur d'une
forteresse. Cependant il n'est pas douteux que cette faculté n'appartienne en-
core au gonvemement, bien que rintérèt en fût infiniment moindre. C'est la
raison du changement qui a été fait et qui n'a pu être fait que dans ce but à
la rédaction de l'art. 18.
Le deuxième paragraphe de l'art. 18 se trouve d'ailleurs remplacé par l'ar-
ticle 4 de la loi du 31 mai 1854 ainsi conçu: Le gouvernement peut relever
le condamné à une peine afflictive perpétuelle de tout ou partie des incapa-
dtéa prononcées par ^article précédent. Il peut lui accorder l'exercice dans le
lieu d'exécution de la plénitude des droits civils ou de quelques-uns de ces
droits, dont il a été privé par son état d'interdiction légale. Les actes faits pw-
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88 SIX. LBÇ. — DES PEKNB8 B!f HAT. CMÎU. ~ UV. I. CHAP. I (m* 60).
le condamné, dans le lieu d'exécntion de la peine» ne peuvent engager les
biens qu'il possédait au jour de sa condamnation, ou qui lui sont échus à titre
gratuit depuis cette époque. » Gettedisposition ne s'applique pas aux condamnés
à la déportation, pour crimes commis antérieurement à sa promulgation: il
faut dans ce cas se référer à l'art. 3 de la loi du 8 juin 1850.
69. Les art. 19, 20 et 21 ne demandent que fort peu de détails.
L'art. 19 Gxe la durée légale ou civile de Tune des condamnations tempo-
raires, c'est-à-dire de la condamnation aux travaux forcés à temps. Le minir
mum est de cinq ans et le maximum de vingt ans. C'est dans cette limite que les
cours d'assises pourront et devront, selon les circonstances, les antécédents,
les habitudes, la moralité du condamné, faire varier la condamnation. Nous
reviendrons plus tard sur les motifs qui ont dicté cette théorie générale de
fixation d'un minimum et d'un maximum.
60. J*ai déjà parlé, sur Tart 7, de la peine introduite en 1832 sous le nom
de détention, peine intermédiaire entre celle des travaux forcés à temps et
celle de la réclusion. Il est évident que la peine de la détention est moins sé-
vère, est moins rude que la peine des travaux forcés à temps; elle ne suppose
ni le séjour flétrissant dans l'intérieur d'un bagne, ni l'obligation des travaux
prescrits par Part. 15; elle suppose simplement pour le condamné qu'elle a
frappé le séjour dans une forteresse avec pleine liberté de communiquer, soit
dans l'intérieur, soit avec les personnes du dehors; pleine liberté consacrée
par l'art. 20 en principe, sauf aux règlements, aux ordonnances à en détermi-
ner l'usage. Mais il est clair que ces règlements, ces ordonnances seraient en
contradiction formelle avec l'art. 20, si, ne se bornant pas à assujettir la com-
munication du condamné avec sa famille ou ses amis aux précautions de po-
lice ou de surveillance nécessaires, on allait lui interdire ces communications,
ces visites, sous un prétexte imaginaire de police et de sûreté. Le texte de Tar-
ticle 20 est formel à cet égard et ne laisse pas de doute :
a Abt. 20. Quiconque aura été condamné à la détention sera renfermé dans Tune
des forteresses situées sur le territoire continental du royaume, qui auront été dé-
terminées par une ordonnance du roi, rendue dans la forme du règlement d'admi
nistration publique. »
Ces derniers mots indiquent un décret discuté et arrêté en Conseil d'État,
c'est le sens que présentent dans nos lois ces expressions qui s*y trouvent as-
sez fréquemment répétées.
§ 2. Il communiquera avec les personnes placées dans rintérieur du lieu de la
détention ou avec celles du dehors.
Yoilà le principe, voilà une des circonstances qui distinguent essentiellement
ce cas de condamnation de celui des travaux forcés à temps, et même de la
réclusion.
Conformément aux règlements de police établis par une ordonnance du roi.
On comprend très-biev a nécessité de ces règlements en ce qui touche les
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MB .LA DÈTSMTION Wt hM UL HÉCLimON (aRT. tï). 89
hevNf aaxqneiia» U sera pemis-de pénétrer dans la forteresse» mais ces règle-
ments 06 penvenl, soas aucun prétexte, porter atteinte au principe par lequel
§ 3. La détention ne peut ôtre prononcée pour moins de cinq ans ni pour plus
de vingt ans, sauf le cas prévu par Tort. 33. »
n s'agit dans l'art. 33 du cas d*un condamné au bannissement; on y déclare
que le banni qui, avant l'expiration de sa peine, sera rentré sur le territoire du
royaume, sera condamné à la détention pour un temps au moins égal au temps
de bannissement restant à courir, et qui ne pourra en excéder le double.
Uexamen de cet article, le rapprochement qui s'ensuit doit nous conduire à
limiter un peu le sens que paraîtrait présenter la lettre de notre g 3. On nous
dit : La détention nepeut être prononcée pour moins de cinq ans ni pour plusdevingt
ans, sauf le cas prévu par Vart, 33. Notez bien que cette exception résultant de
fart. 33 ne s'applique qu'au minimum, et non point au maakmum de la peine ;
que le texte de l'art. 33 ne peut jamais avoir pour résultat d'entraîner contre
un banni qui a rompu son ban une condamnation supérieure à vingt ans de
détention. £n effet, le minimum du bannissement étant de cinq ans, et le
maximum de dix ans, il est certain que le double de la peine du bannissement
ne peut jamais mener à une détention de plus de vingt ans ; mais il est pos-
sible qu'un banni reparaisse sur le territoire du royaume, ayant encore un an^
deux ans, un mois, deux mois de bannissement à subir ; alors il devra être
condamné à la détention pour un temps au moins égal à celui qui restait à
courir, c'est-à-dire à un mois, à deux mois, à un an, à deux ans de détention,
ou, au plus, à un temps double ; c'est-à-dire qu'il pourra résulter, de la dispo-
eition de l'art. 33, que les cours d'assises prononceront une condamnation à la
détention inférieure à cinq ans, mais non pas qu'elles prononceront dans au-
cun cas une condamnation à la détention supérieure à vingt ans.
Toutefois, il faut encore ajouter à cette limite du maximum de la peine éta-
blie par l'art. 20, comme à celle de l'art. 19, les dispositions de l'art. 36, pour
le cas de récidive. Nous verrons que la circonstance de récidive, au moins dans
certaines hypothèses, autorise à appliquer les peines criminelles dont nous
nous occupons bien au delà du maximum que la loi détermine ici ; mais c'est
là on cas tout particulier.
61* « Abt. 21. Tout individu, de l'un ou de l'autre sexe, condamné à la peine
de la réclusion, sera enfermé dans une maison de force et employé à des travaux
dont le produit pourra être en partie appliqué à sou profit, ainsi qu'il en sera
réglé par le gouvernement. La durée de cette peine sera au moins de cinq années,
et de dix ans au plus. »
Nous ivenona de comparer la peine de k détention, à la peine des travaux
forcés à tempe ; noua avons va que la première est infiniment plus douce, com-
parée à la peine de la réclusion, qui la suit immédiatement dans le texte de
l'art. 7, elle présente un peu plus de difficulté, non pas qu'il y ait là d'obstacle
ou d'embarras sérieux^ mais cependant il arrive assez souvent d'entendre dans
vos examens confondre l'une avec l'autre, ou du moins très^mal séparer cea
deux peines; la nuance est cependant fiunle à établir.
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90 SIX. L9Ç. — DES PSOTES JW MAT. GUlf. — LIT. J, OHAF. I (n* 61).
. En générai, quand on deœuido la différence entre la peine de ht détention,
dont s'occupe Tart. 20, et celle de la réoUuRon, dont s'ooenpe l'art. 21, la ré*
pense est celle-ci : c'est que le maximum de la détention est de vingt an%
tandis que le maximum de la réclusion n'est que de dix ans, aux termes de
l'art. 21. Le fait est vrai ; mais si c*était là le seul caractère de différence entre
la détention et la réclusion, il serait impossible de s'expliquer pourquoi, en
1832, on a introduit dans la loi la peine de la détention. En effet, si on avait
Tonlu seulement constituer une peine autre que celle des travaux forcés à
temps, et dont le maximum pût aller jusqu'à vingt ans, il aurait suffi de dé-
clarer que la réclusion, conservant cinq ans pour minimum, pourrait avoir
vingt ans pour maximum; il n'aurait pas fallu pour cela créer une dénomina*
tion et une exécution toute nouvelle. Aussi cette différence est-elle toute se*
condaire et de fort peu d'importance ; la peine de la détention en effet peut
être plus dure que celle de la réclusion, en ce qu'elle peut, à la différence de
l'autre, s'élever jusqu'à vingt ans. Mais, sous plusieurs autres rapports, la peine
de la détention est d'une nature plus douce que celle de la réclusion ; en un
mot, elle peut être plus sévère, plus forte dans sa durée ; elle est toii^^urs
moindre dans son intensité, dans son application pénale actuelle.
Ainsi la peine de la réclusion suppose, comme celle des travaux forcés,
obligation de travail et interdiction de communiqner ; au contraire, la peine
de la détention ne suppose ni l'une ni l'autre.
La peine de la réclusion suppose le séjour dans une maison de force, au mi-
lieu de tous les criminels que l'opinion repousse et flétrit ; il en est autre-
ment de la détention.
Enfin, et c'est ici la principale différence, la peine de la réclusion, aux termes
de l'art. 22, entraînait, au moins en principe, l'exposition publique dont nous
allons nous occuper, conséquence qui ne pouvait jamais s'attacher à la peine
de la détention.
En d'autres termes, la peine de la détention^ quoique rangée légalement an
nombre des peines afflictives et infamantes, n'entraîne pas cependant les effets
de ces peines, cette nature et ce degré d'infamie qui s'attachent toujours né-
cessairement à la peine de la réclusion, à cause des faits pour lesquels elle a
été constituée.
Le motif qui n'a pas permis d'appliquer à la détention la conséquence de
l'exposition publique, qui n'a pas permis de confondre dans l'intérieur d'une
maison de force les condamnés à la détention avec lee condamnés ordinaires^
est précisément que la peine de la détention a été introduite en vue de crimes
politiques, auxquels les condamnations ordinaires et le mode d'exécution ha-
bituel avaient paru tout à fait inapplicables. De môme que la morale et la con-
science ne confondent jamais les uns avec les antres les anteurs de ces crimes,
que la loi doit punit tous, mais qu'il est impossible de raettue svr le même
rang, de même, on a voulu coastitner dans la pénalité, appliquer à chaque
classe de crimes une peine différente : aux crimes privés, aoz crimes ordi-
naires, la peine de la réclusion est appliquée; pour ces crimes politiques contre
lesquels il faut bien se mettre en garde, mais qu'il est impossible de confondre
avec les autres, on a senti le besoin d'instituer une pénalité toute spéciale ;
c'est dans ce but qu'a été introduite et organisée la peine de \m détention*
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»E L'BXFOBITiOlf PVBUOOB (aHT. tt). 91
Aîflsj tfpHqmiÊ'ywam à ne ]ms eonfcmdra la déUmtîoii» non-Benlenient dan»
sa dwrée, où la âialinetioii est faoile, mais assez insignifiante, mais dans son
îBtensité et dam sa aatafe, a^ree la peine de la rédusion, qui s'exécute toni
difléremaent, parce qu'elle s'appliqae à «ne nature de crimes tout à fait dif*
lérents.
68. Une] conséqaenoe œmmane anx tceis peines qoi précèdent, traTanz
forcés à temps, détention et réclosion, c'est la snrveiUance de la hante police
après rexpiratioa de la peine, anx termes de Tart. 47, que nous expliquerona
en son lien.
63. L'art. 22, henreosement abrogé a^nrdliai, demande pins de détails;
nons voulons expliquer les changements qu'il a éprouvés dans la législation
de 1832.
« Aat. 22. Quiconque aura été condamné à l'one des peines des travaux forcés
é perpétuité, des travaux forcés à temps ou de la réclusion, avant de subir sa
peine, demeurera pendant une heure exposé aux regards du peuple sur la place
publique. Au-dessus de sa tête sera placé un écriteau portant, en caractères gros-
et lisibles, ses noms, sa profession, son domicile, sa peine et la cause de sa cou-
damnation. — En cas de condamnation aux travaux forcés à temps ou à la rédu-
sien» la cour d'assises pourra ordonner, par son arrêt, que le couds mné, s'il n'est
pas en état de récidive, ne subira pas l'exposition publique. — Néanmoins» Tex-
position publique ne sera jamais prononcée à l'égard des mineurs de dix-huit ans
et des septuagénaires.
Je vous ai fût remarquer, sur l'art. 8, le changement qui distingue la nou-
velle rédaction de l'ancienne, consistant dans la suppression de la peine du
carcan. On entendait, par carcan, l'exposHion publique du condamné, opérée
conformément au texte de l'ancien art. ^. La peine du carcan ou l'exposition
publique avait lieu, tous ai-je dit, dans deux cas bien distincts, tantôt comme
une peine spéciale, principale, indépendante de toute autre ; tantôt comme
une peine accessoire, comme le résultat, comme la conséquence légale de cer-
taines pénalités. J'ai dit et je ne répéterai point quels motifs ont décidé, en
1832, à supprimer le carcan ou l'exposition publique, considérée comme peine
principale et isolée.
La question a paru plus douteuse en ce qui touche l'exposition publique,
c'est le mot que nous emploierons désormais, l'expression de carean ayant
disparu de nos lois, la question a paru plus douteuse relativement au main-
tien ou à l'abolition de la peine de l'exposition publique, considérée comme
purement accessoire, instituée comme un résultat, comme une conséquence
légale attachée à certaines peines.
D'une part, on disait pour son abolition, que cette peine a le défont de dé-
moraliser, d'abattre, de désespérer celui qu'elle atteint; qu'elle a un résultat
plus f&cheux, celui d'être souverainement inappréciable, c'est-à-dire d'agir sur
les condamnés, non -Seulement d'une manière inégale, ce que le législateur ne
peut pas prévoir, mais d'agir en général à contre-sens de la manière dont une
peine doit agir, de peser plus lourdement, à mesure qu'on est meias coupable,
d'agir sur le condamné en sens lUTerse de sa moralité. H est sensâ>le, en effets
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92 SIX. LEÇ. *— DBS PBIKES KH MAT. CUIf . «— . LIY. I. CHAP. I (n* 63).
que l'exposition publique qui abat^ qui désespère le oondamné enoore i
sible aux regrets ou aux remords, effleure à peioe Je coupable endurci qui se
joue de cette solennité si terrible pour l'antre. C'était là le principal argument
qu'on faisait valoir pour en demander la pleine et entière abolition. On ne
niait pas que, dans certains cas, à l'égard de certains crimes, ou plutôt de cer-
tains condamnés, elle ne pût être efficace ; mais on disait que plus le con-
damné était endurci, moins il se soucierait de cette peine.
D'antre part, on opposait, pour maintenir Texposition publique, qu'elle est
exemplaire au plus haut degré, et qu'elle est, en générai, sauf les exceptions
que j'indiquais tout à l'heure, fort redoutée du plus grand nombre des con-
damnés , enfin, qu'elle a pour avantage de donner aux châtiments la même
publicité que la faute, et 'd'avoir presque le même éclat, la même solennité
que la peine de mort, sans présenter comme elle ce triste dénoûment qui
affiiiblit souvent par la compassion l'effet de l'exemple.
Au milieu de ces considérations opposées tendant à obtenir, les unes l'abo-
lition, les autres la conservation absolue de la peine de l'exposition publique,
un parti moyen fut pris, qui répondait à une assez grande partie des objec-
tions présentées.
D'après le texte de l'ancien art. 22, l'exposition publique était La consé-
quence légale, nécessaire, inévitable de toute condamnation aux travaux
forcés à perpétuité, à temps ou à la réclusion. Dans ce système se montrait
avec toute sa force l'objection, que j*élevais tout à l'heure, consistant à dire
que, cette exposition n'agissant qu'à des degrés fort différents, selon les cir-
constances et la position personnelle des coupables, la loi, forcée de frapper en
masse, s'exposait par là même à frapper fort souvent en aveugle. Pour éviter
cet inconvénient, on proposa d'abord de déclarer que la peiné de l'exposition
publique, au lieu d'être, comme par le passé, la conséquence nécessaire, iné-
vitable des trois condamnations auxquelles l'attachait l'art. 22, n'en serait
plus que la conséquence possible, que la conséquence facultative ; c'est-à-dire
que les juges, placés plus près et mieux que le législateur pour apprécier les
nuances du fait, les circonstances, les individualités, auraient la faculté d'atta-
cher la peine de l'exposition publique aux trois condamnations indiquées, dans
les cas où ils jugeraient que cette peine pourrait produire d'heureux effets ;
qu'ils pourraient, ayant égard aux chances, aux probabilités de repentir que
pouvait présenter la position du condamné, lui épargner Tapplication de cette
peine, pour ne pas le démoraliser et le désespérer à tout jamais. Ainsi le sys-
tème primitif de correction proposé en 1S32 était celui-ci : déclarer que Texpo-
sition publique ne serait plus, comme par le passé, la conséquence nécessaire
d'aucune peine ; que cette exposition n'aurait lieu qu'autant qu'une disposi-
tion formelle de l'arrêt de condamnation y aurait expressément assujetti le
condamné. Cette idée était assez heureuse ; mais elle présentait des inconvé-
nients qui ont empêché de l'adopter pleinement, quoiqu'on en ait, du reste,
tiré parti.
On objecta qu'il y avait peut-être quelques dangers, nçn pas précisément à
donner aux juges un pouvoir si large, mais à poser un principe que l'exposi-
tion publique n'aurait lieu qu'en vertu de la volonté des juges et de leur dé-
daration expresse et formelle ; que les juges reculeraient trop souvent dans
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DB I.'UFOSITIOK POaUQVB (âST- 2t). 93
l'exercice d'on detoir de cette Betsre, dens la crainte d'être aeenséa d'une ez*
trtoe rigoeiir oa soapçoBiiée de partialité; que peut-être, tout en adopunt le
fond de cette idée» Talait-il mieux enreiiTerter rappKcation et prendre le 8y»>>
tème contraire, c'est-à-dire déclarer que l'exposition publique serait la conté*
qnence légale, la conséquence itatnrelie de chacune de ces Vnâb peines, sauf
aux juges à en dispenser, à en relever le coAdanné par une dtsposhton forraeUe
de leurs jugements; qu'en d'autres termes, il valait mieux, tout en laissant
aux juges la latitude de pouvoir proposée, laisser la sévérité du eôté de la loi et
mettre l'indolgenee du côté des personnes, du cété des juges.
C'est, en définitive, ce système qui prévalut au moins comme principe, et
voici quel en fut le résultat : par cela seul qu'un accusé était condamné à l'une
des trois peines, aux travaux forcés à perpétuité, ou à temps, ou à la réclusion,
la conséquence légale, la conséquence naturelle, c'est que le condamné doit
snbirrexposition publique. Dans le silence de rarrèt à cet égard, la loi venait
y suppléer, et l'arrêt n'avait pas plus besoin de prononcer formellement l'expo*
sitioQ publique, qu'il n'y a lieu de prononcer, par exemple, la mort civile dans
le cas de l'art. 18; seuleme^it si les juges estiment, à raison de mille circons*
tances dont ils sont seuls appréciateurs, que cette application naturelle de la lot
serait plus préjudiciable qu'utile, ils pouvaient, au moins en principe, en dis*
penser le condamné par une clause expresse de l'arrêt. Les arrête de cour d'as>
sises, portant condamnation à l'une de ces trois peines, n'auront donc à parier
de l'exposition publique que pour en dispenser.
Tel fut au moins le principe, principe qui, une fois posé, admettait trois ex-
ceptions*, de ces excitions, deux sont consacrées par le texte même de notre
article, une troisième résultait de l'art. 165.
Le motif qui fit laisser aux juges cette latitude de pouvoir, cette fiàcolté de
dispenser de Texposition publique, était la crainte de desespérer trop profon-
dément, par l'édat d'un tel châtiment^ un c(mdamné qui présenuit encore
d'assez fortes chances da repentir et d'amélioration. U est clair que cette con-
sidération était inapplicable an cas de condamnation aux travaux forcés i per-
pétuité. La nature même de la peine laisse la société à peu près sans intérêt à la
réformation morale du condamné, et surtout l'extrême gravité du fait àraison
duquel a été prononcée la peine diminue infiniment les chances de repentir et
de correction morale. Aussi n'est-ce seulement qu'en cas de condamnation aux
travaux forcés à temps ou è la réclusion, qu'existait pour les juges la feculté de
&ire remise de l'exposition publique. Gela résulte de l'art. 22, g 2. Donc l'ex-
position publique était la conséquence forcée, nécessaire d'une condamnation
aux travaux forcés à perpétuité, sauf le cas du § 3, dont nous parlerons tout à
l'heure.
Une seconde exception avait lieu dans le cas de récidive. Vous verres la réci-
dive définie par Tart. 56 du Gode pénal. Lors donc qu'une des deux condam-
nations dont parle l'art. 22, une des deux condamnations pour lesquelles les
juges peuvent prononcer d'ordinaire la dispense de l'exposition publique, était
prononcée contre un condamné en état de récidive, cette dispense ne pouvait
pas être appliquée. La récidive paraît attester d'une manière malheureusement
trop précise la puissance des penchants coupables du condamné, pour que la
faible chance de son repentir, de son amélioration pût entrer en balance '^
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94 SIX. LEÇ. — DBS PEIVBS BN MAT. CHUT. — LIV. I. CHAP. I (n* 64).
les avasiagM toat à foit exemplaires que présente l'éctat de rexposition publi-
que. Les motifs qui ne permettaient pas de dispenser de Texpositlon publique
le oondamné en état de récidive étaient analogues à ceux qui ne permettaient
pas d'en dispenser le condamné à perpétuité.
Une troisième exception, un troisième cas dans lequel, à raieon de la nature
du faiti Texposition publique devait être subie par le condamné, sans que les
ju^s pussent en donner dispense, se trouvait dans Tart. 165 relatif an crime
de (aux; on y déclarait que ioutfamiaxre condamné soit aus travaux forcés, soit
à la récltuion, subira Vesposition pfÊblique, disposition qui sentit vide de sens si
«lie n'entendait pas dire qu'il la sdlnra nécessairement, si elle n'entendait pas
fefuser absolument au juge la faculté de Ten dispenser. 8i cette faculté pouvait
rester au juge en cas de condamnation pour faux, Tart. 165 ne serait qu'une
répétition insignifiante des premiers mots de l'art. 22. Les mottft; d'ailleurs,
s^expliquaient assez facilement : le crime de faux suppose ordinairement, dans
celui qui k commet, une série de calculs, une lenteur de préméditation, qui en
aggravent lacidpabilité morale. De plus, les faussaires appartiennent ordinaire-
ment à une certaine dasse de la société, ils sont un peu plus haut placés que
ne le sont habituellement les oondamnés ordinaires, comme les condamnés
pour vols avec drosBsfiauces aggravantes, auxquels s'applique le plus souvent
Fart. 22. Dès lors on avait pensé qu'à raison même de la position spéciale du
•coupable de faux, la peine de l'exposition publique serait à ses yeux une ag-
gravation fort redoutable, un châtiment fort exemplaire et tout à fait propre à
le détourner du crime.
il est juste d'ajouter cependant que si, en général, le crime de faux se pré-
sente dans la pratique de nos cours d'assises avec cette lenteur de prémédita-
tion qui en augmente beaucoup la gravité, ce n'est pas toujours le cas qui se
présente. Il arrive assez souvent que des hnx sont signalés, poursuivis et re^
connus à la charge d'individus à qui l'on doit imputer bien moins souvent cette
série de calculs, cette lenteur de préméditation si coupable, qu'une légèreté,
une étourderie, une faute de jeunesse avec laquelle cadrerait assez mal la sévé-
rité de l'art. 165. Ce cas se trouve compris dans les dispositions nouvelles de
l'art. 463. Ainsi supposez, par exemple, qu'un faussaire soit traduit devant
une cour d'assises dans la position que je signale et qui se présente encore
-assez fréquemment; que les circonstances qui l'ont déterminé à commettre
«m faux que son &ge, que son expérience, soient tout à fait de nature à atté-
nuer la gravité de sa £aute; alors l'art. 463 permet au jury de déclarer l'exis-
tence de circonstances atténuantes en faveur du condamné. Ces circonstances,
ainsi déclarées, donneront lieu à une réduction de peine qui le dispensera for-
cément de l'application des art. 22 et 165 ; c'est un point que nous exposerons
en détaillant plus tard l'immense changement apporté dans l'ancien droit
pénal par cette faculté concédée au jury de déclarer des circonstances atté-
nuantes. C'est peut-être, en somme, à cette faculté, à cette rédaction nouvelle
de Tart. 463 que se rattache la plus importante des innovations pénales intro-
duites en 1832.
04. Nous venons de signaler, dans les trois cas précédents, les hypothèses
«où iacour d'assises n'avait pas la faculté de dispenser de l'exposition publique.
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DB l'iEXTOSITION JTOlUQtaB (aET. 22). 95
Des exceptions en sens inverse se présentent dans le § 3 de notre article; c'est-
à-dire que, si nous avons va jBsqu'ici l'exposition publique indiquée comme
conséquence nécessaire ou facultative de certaines condamnations, nous trouve*
fons dans te § 3 [denx hypothèses particulières où l'exposition publique, dans
le silence même de Tarrèt, ne pouvait pas être appliquée au condamné. Deux
motifs de nature différente ont déterminé cette nouvelle exception : Néan»
mâfns, dit la loi, Vexp&sitwn publique ne sera Jamais prononéée à Pégard des
mineurs de disp-ftait ans et des sq^ttuahénaires.
Le mot profumc^ n'était pas bien exact, f aurais mieux aimé dire qu'elle ne
mnïi jamais appliquée; car l'exposition publique, conséquence légale de oer-
Caines pénalités, n'avait pas même besoin d'être prononcée. Quoi qu'il en soit,
la loi dispensât ici, sans distincUon et d*une manière absolue de l'exposition
publique, les mineurs de dix-huit ans et les septuagénaires, quelles que fus-
sent la nature, la gravité, de la condamnation prononcée contre eux.
Le motif principal était d'éviter l'effet moral, Teffet extérieur d'une peine de
cette nature à nn individu dont IMnetpérience peut atténuer nn peu la culpa-
bilité, et à qui son âge, pour le mineur de dix-huit ans, laisse l'espoir d'obtenir
plus tard sa grâce ou une commutation de peine. Quant au septuagénaire et
à la dispense qui le concernait, le motif est bien moins relatif à l'individu lui-
même, qui ne peut s'excuser sur l'inexpérience, qu'à Teflet moral et fâcheux
que produirait snr les masses l'exposition publique d'un vieillard de cet âge.
On a cru devoir bien moins an vieillard qu'à la vieillesse, et à la compassion
qu'elle mérite, lors même qu'elle est coupable, d'éviter l'effet moral d'une
peine dégradante appliquée à cette âge. Ici Les deux dispenses ne tiennent plus
aux circonstances; elles tiennent à l'égard de l'un, à l'espoir si peu probable
qu'il soit, d'une réformation postérieure, à l'égard de l'autre, au désir de sous-
traire aux yeux du peuple, trop souvent sans compassion, le spectacle triste et
hideux d'un vieillard attaché sur la place publique et exposé aux moqueries de
la foule.
Les réflexions qui précèdent démontrent combien les réformes sont timides,
et avec quelles précautions elles pénètrent dans la législation. Toutes ces cri-
tiques, toutes ces distinctions souvent reproduites ailleurs, n'ont été résolues
et aplanies que par le décret du 12 avril 1848, qui est ainsi conçu : « Le gou-
vernement provisoire : vu l'art* 22 du Gode pénal; considérant que l'exposi-
tion publique dégrade la dignité hnmaine, flétrit à jamais le condamné et lui
ête, par le sentiment de son infamie, la possibilité de la réhabilitation; que
cette peine est empreinte d'une odieuse inégalité, en ce qu'elle touche à peine
le criminel endurci, tandis qu'elle frappe d'une atteinte irréparable le con-
damné repentant; que le spectacle des expositions publiques éteint le senti-
ment de la pitié et famifiarise avec la vue des crimes, décrète : — La peine de
l'exposition publique est abolie. •
Ici se termine l'explication du détail des diverses peines criminelles perpé-
tuelles on temporaires, énumérées dans l'art. 7. A partir de l'art. 23 com-
mence donc un nouvel ordre d'idées, une nouvelle série d'articles relatifs, non
pins à la détermination de la durée ou de la nature de chacune de ces peines,
mak S ^rtaines règles relatives à leur mode d'exécution et à leur durée. Nous
1 ea occuperons dans la prochaine leçon.
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96 SEPT. LSÇ. — DBS PKNBS Es'uJLT. GRIM. --* LIT. I. GHAP. I (n* 65).
SEPTiiHE LEÇON.
M, Nous avons parcouni les articles relatiiiB à rappUcaUon des peines aiiio
tives et iufamantes, perpétuelles ou temporaires, éaumérées dans l'art. 7.
Avant de s'occuper des peines siiçplement infamantes, des deux peinesénonoées
dans Tart. 8, le Gode pénal contient quelques détails relatifs soit à certaines
conséquences, à certains résultats accessoires des peines afOictives temporaires,
dont nous nous sommes occupés, soit à certaines règles d'exécution et d'appli-
cation de ces peines. Ainsi, dans les art. 22 (celui-ci est déjà expliqué) 28 et 29,
le législateur a déterminé certains résultats attachés par lui comme accessoires
des trois condamnations aux peines temporaires afflictives. Dans les art 23 à
27, il présente certaines règles relatives au mode d'exécution et d'applicatioa
de ces peines. Nous allons donc nous occuper de ces détails avant de passer,
avec le texte, à l'explication des règles relatives à Tart. 8.
Les art. 23 et 24, les premiers que nous rencontrions relativement à Tappli-
cation, à Texécution des peines temporaires dont nous avons parlé, s'occupent
de déterminer un point fort important, savoir, la manière de calculer la durée
de ces diverses peines. Ces deux articles introduisent des changements as^ez
importants aux règles suivies avant 1832.
L'ancien art. 23 décidait que la durée de la peine des travaux forcés à temps
et de la réclusion compterait du jour de l'exposition, exposition dont les règles
étaient tracées par l'art. 22. Vous voyez que cette règle était déjà assez vicieuse
avant 1832, parce qu'elle ne s'appliquait qu'aux deux peines auxquelles la loi
attachait, comme conséquence, l'exposition publique, la loi restant muette sur
la manière de calculer la durée de la peiue du bannissement et de la peine
de l'emprisonnement. Quant au bannissement, il y était suppléé par l'ancien
art. 35, d'après lequel la durée de cette peine commençait à se compter du
jour où la condamnation était devenue irrévocaole. A Tégard de Temprisonne-
ment, la loi était absolument muette; mais, depuis 1832, le vice de Part. 23
devenait plus sensible, ou, pour mieux dire, sa rédaction ne pouvait être main-
tenue. £n effet, outre que c'était un mauvais point de départ pour calculer la
durée des peines qu'une époque qui n'a par elle-même rien de fixe, rien de
légalement déterminé, comme est celle de l'exposition, d'oii il résultait qu'en
retardant plus ou moins longtemps l'exposition du condamné, on retardait
aussi, tout en le tenant sous les verroux, le point de départ de sa peine; outre,
dis-je, le vice de l'ancien art. 23, résultant de ce qu'il laissait de l'arbitraire
dans le calcul de la durée de la peine, cet article devenait inconciliable avec
les dispositions du nouvel art. 22. En effet, puisque l'exposilion publique n'est
plus la conséquence forcée, le résultat nécessaire des peines afflictives tempo-
raires, puisqu'il était permis aux cours d'assises, en prononçant une condamna-
tion aux travaux forces à temps ou à la réclusion, de dispenser le condamné
de l'exposition publique, on se serait trouvé, dans le cas où cette dispense était
prononcée, sans point de départ légal pour faire courir la durée de la peine.
Ajoutez que la condamnation à la détention n'entraîne jamais la peine de l'ex-
position publique. On manquait donc encore de point de départ pour cal-
culer la durée d'une pareille condamnation. Sous tous ces rapports, l'art. 23,
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BU MON BB unm nÉCDTioif (amt. 13)* 97
déjà ^cieox et iiKSom^t aTuU iSâ2, réclamait vne réforme devemie indis»
pensable depuis les changements apportés à cet art. 22. Aussi art-on pris, pont
calculer la durée des peines, un point de départ qui -est tout à la fois plus ra*
tionnel^ et surtout plus généralement applicable à toutes les peines sans dis-
tinction, aux peines criminelles et même aux peines correctionnelles, comme
nous Texposerons tout à rhenre.
« Art. 23. La durée des peines temporaires comptera du Jour où la (wndsmn»»
tion sera devenue irrévocable. »
Cet article, sans être encore à Tabri de toute critique, ainsi que nous essa-
yeTons de le ftiire ^oir, est néanmoins une amélioration notable, une amélio*
ration sensible de la règle ancienne ; appliquons-nous à le bien saisir ; les con-
séquences qui en résultent^ sans être fort difficiles, présentent néanmoins des
complications qui nous obligent d'entrer dans quelques détails.
66. D'abord, à quelles peines temporaires s'applique notre art. 23 ? Est-ce
seulement aux peines temporaires prononcées en matière criminelle; est-ce
aussi aux peines temporaires purement correctionnelles? Est-ce uniquement
anx peines énumérées dans les art. 7 et 8 ; ou bien, est-ce aussi aux peines ou
à quelques-unes des peines indiquées dans Part 9?
Au premier aspect, il semblerait naturel de répondre que Part. 23 ne s'ap-
plique qu'aux peines afilictiYes ou infamantes, qu'aux peines des art. 7 et 8. En
effet, il est placé dans un chapitre dont la rubrique générale est celle-ci : Des
peines en matière orimineUe ; et, en opposant la rubrique de ce chapitre à celle
du chapitre n, Des peines en matière correctUmnelle, on serait tenté de croire
que l'art. 23, comme tous les articles de ce premier chapitre, est exclusive-
ment relatif au calcul de la durée des peines criminelles proprement dites,
des peines afQictiyes ou in&mantes. Cette conséquence serait fausse et l'erreur
facile à démontrer, en rapprochant de Tart. 23 le texte de celui qui le suit.
Encore bien que l'art. 23, considéré isolément, paraisse ne s'appliquer qu'aux
peines criminelles proprement dites, vous verrez cependant que dans l'art. 24
on fait en partie exception à la règle de l'art. 23, pour le cas où il s'agit d'une
condamnation à l'emprisonnement, c'est-à-dire d'une condamnation correc-
tionnelle. Or, si on a jugé l'art. 24 nécessaire pour modifier en matière d'em-
prisonnement les conséquences naturelles de l'art. 23, c'est évidemment
que la matière d'emprisonnement se trouvait comprise, dans la pensée du
législateur, dans le texte de l'art. 23 ; il serait bien inutile de poser une excep-
tion, si le principe ne s'appliquait pas.
Ainsi tenons pour constant» et l'examen de l'art* 24 le démontrera plus tard,'
que l'art. 23, bien qu'inséré dans le chapitre des peines en matière crimi-
nelle, s'applique également en principe, et, sauf les exceptions résultant de
l'art* 24, à la condamnation de l'emprisonnement, la seule condamnation cor*
reciionnelle sur laquelle la question puisse s'élever. En effet, les condam-'
nations correctionnelles étant : i« l'emprisonnement, peine temporaire dont il
ost important de calculer la durée; 2o l'amende, sur laquelle ne s'élève pas de
question de durée; 3* l'interdiction à temps de certains droits civiques, civile
et de famille, à l'égard de laquelle il y a un point de départ particulier, il en
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96 SEPT. LBÇ. — DBS PBINS8 EN HAT. GBItf . LIT. I. GHAP. I (n* 67).
résulte qae, des trois espèces de condamnations eoirectionnelles, celle à Vem-
prisonnement est la seule dont nous ayons à nous occuper dans les tenues de
Paru 23.
67. Ce premier point une fois fixé, attachons-nous I* à appliquer la dispo-
sition de l'art. 23, Î9 à en apprécier le sens et le mérite. La durée des peines
temporaires comptera du jour où la condamnation sera devenue irrévocable. On
oommencera à calculer le cours de la peine du jour oil la condamnation sera
devenue irrévocable. Faisons d*abord l'application de cette disposition aux
peines temporaires en matière criminelle, savoir, aux travaux forcés à temps,
à la détention, à la réclusion, et enfin an bannissement : telles sont les quatra
peines criminelles à Tégard desquelles s'élève la question de calcul de durée.
Quant à la dégradation civique, vous verrez plus tard pourquoi je ne la comr
prends pas dans cette énumération. A l'égard de ces quatre peines, nous ea
compterons donc la durée à partir du jour oii la condamnation sera devenue
irrévocable.
Qu'entend-on ici désigner par ces mots : devenue irrévocable? à quelle na-
ture, à quelle classe de condamnations devons-nous appliqueroes expressionsf
£st-ce aux condamnations contradictoires seulement, ou bien est-ce aussi aux
condamnations par contumace ? Il est visible que l'art. 23 est absolumentinap*
plicable aux condamnations par contumace prononcées en matière criminelle.
En effet, d'après les art. 476 et 635 du Ck>de d'instruction criminelle, le con-
damné par contumace a vingt ans pour se représenter ; c'est un principe qui
déjà vous est connu, on en parle dans la première année du cours de CSode
civil. De deux choses l'une : ou il se représente dans les vingt ans depuis
l'arrêt de condamnation, et alors, aux termes de Tart. 476, sa comparution
volontaire ou forcée fait évanouir immédiatement la condamnation prononcée
contre lui, donc il n'y aura pas lien d'en calculer alors la durée; ou bien il ne
reparait qu'après les vingt ans, et alors, la peine étant prescrite aux termes de
l'art. 635, il n'y a plus ni exécution ni poursuites possibles contre lui; l'art, ta
dst encore inapplicable. Aussi, ce n'est pas dans les condamnations crimineilea
prononcées par contumace que nous devons chercher l'application de ces mots,
devenue irrévocable, employés par l'art. 23.
Essayons donc de les appliquer aux condamnations criminelles prononcées
contradictoirement, et voyons à quel moment ces condamnations deviennent
irrévocables.
Au premier aspect, on éprouve quelque embarras à l'application de ces mots.
En effet, les condamnations criminelles étant prononcées par les cours d'assi*
ses et les cours d'assises statuant souverainement et sans appel, il semble que
leurs arrêts de condamnation sont irrévocables par eux-mêmes et à l'instant où
ils sont rendus, et qu'alors ces mots devenue irrévocable ne présentent pasd'ap-
pUcation facile et rigoureuse. Cependant, quoique les oours d'assises pronon-
cent sans appel, quoiqu'elles jugent souverainement, elles ne jugent pas irré-
vocablement dans toute la plénitude de l'acception de ce mot. Sans doute il n'y
a pas lieu à appeler d'une condamnation criminelle, mais il y a lieu, soit au
profit de l'accusé condamné, soit an profit de la partie publique, i se pourvoir
en cassation dans les trois jours de l'arrêt de condamnation, aux termes de
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ou UOOI DR I.B17R SXÈGUTKMt (aRT. 23). 99
l'art. 373 du Gode d*instniction crimineile. C'est donc évidemment des dtiais
du pooiToi en cessation que nous devons entendre ces mots, devenue trr^vo*
eabk; c'est évidemment dans les délais de ce pourvoi qne reposera le surns,
rintervalle pendant lequel la durée de la peine ne commence point à courir.
Cela posé, plusienrs hypothèses peuvent se présenter : i* Il eet possible que,
dans les trois jours francs, depuis Tarrét de condamnation, il n'y ait pas eu de
pourvoi en cassation ; 2* il est possible que, dans les délais voulus, il y ait eu
pourvoi de la part du condamné; 3* il est possible enfin qu'il y ait eu pourvoi
de la part du ministère public* Ces trois cas donnent matière à examen.
Le premier est on ne peut plus simple. Dans le délai de trois jours, U n'y a
pas eu de pourvoi; donc, à Texpiration de ce délai, la condamnation est de*
^enue irrévocable, et, à partir de ce délai, la durée des cinq ans, des dix ans
auxquels l'accusé a été condamné commence à courir à son profit, sans qu'on
ait à examiner si on n'exécute ou si on n'exécute pas immédiatement contreluL
Second cas. Le condamné s'est pourvu en cassation; tant que son pourvoi
n'est pas jugé, tant qu'il est peniknt devant la Cour de cassation, il est clair
que la condamnation n'est pas devenue irrévocable, que la durée de la peine
ne commence pas à courir. Mais ce pourvoi peut avoir des résultats différents.
H est possible que la Cîour de cassation, reconnaissant que la Cîour d'assises
a bien appliqué la loi, rejette le pourvoi du condamné; c'est du moment du
r^et de ce pourvoi que l'arrêt sera devenu irrévocable, c'est de ce moment
que la peine comptera. U est clair qu'alors le pourvoi du condamné lui a
porté préjudice; il est clair que la peine ne commence à courir que d*un in-
tant postérieur à celui où elle eût couru s'il ne s'était pas pourvu. Mais puis-
qu'il s'est pourvu mal à propos, c'est évidemment à hii qu'il doit imputer cette
fiinte; il n'y a là rien que de fort simple et de fort raisonnable.
Supposez, au contraire, que la Cour de cassation, sur le pourvoi du con-
damné, ait cassé l'arrêt de la Ciour d'assises ; de deux choses Tune : ou elle l'a
cassé parce que la Cour avait appliqué une peine à un fait légalement inno-
cent; alors 11 n'y a pas lieu à nouvelles poursuites, è nouvelle action, et alors
il n'y a pas de durée de peine à calculer; ou, au contraire, la Cour de cassa*
tien a cassé Tarrét non parce que le fait puni par la Gour d'assises était un fait
innocent, mais pairce que la Gour avait appliqué une peine trop forte où la
loi ne prononçait qu'une peine d'un degré inférieur; parce que, par exemple,
on anraît prononcé la peine des travaux forcés contre un fait que la loi ne firap*
paitque de la peine delà réclusion; et qu'alors il y a lieu à renvoyer devant une
autre Gour pour l'application de la peine ; ce que la Gour de cassation ne peut
et ne doit pas faire elle-même. Dans ce cas, le délai de la nouvelle peine ne
conrra donc contre le condamné que du jour où cette seconde condamnation
sera devenue irrévocable ; ce sont les termes de la loi. Mais on ne peut se dissi-
muler que, dans cette dernière hypothèse, ces termes, cette décision de la loi,
ne soient d'une extrême injustice. En effet, pendant la durée de ce pourvoi, et
pendant l'intervalle qui va s'écouler jusqu'à ce que la seconde condamnation
soit devenue irrévocable, le condamné est resté dans la maison de justice, il
est resté sous les verroux, c'est-à-dire que le vice, que l'erreur commise par
la Ciour d'assises dans sa première condamnation va reculer d'autant le point
de départ de sa peine, et par conséquent le priver d'autant de sa liberté. G'est
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100 8BPT. LSÇ. -— DBS PBINBS SN HAT. ORIM. LIT. I. CHAP. I (n^ 67).
eons^qnenoe fofcée dn texte de Fart. 23; mais on ne pent guère 8*empécher de
reconnaître qne cette conséquence ne soit fort dore ; au reste, elle n'est pas
douteuse ; oatre qu'elle résulte directement de notre teite, nous verrons
qu'elle résulte encore plus clairement, à eontrariOf de ce que la loi va décider
tout à l'heure dans une hypothèse pareille, quand il s'agira d'une condamna-
tion correctionnelle. C'est précisément pour bien comprendre l'opposition de
ces trois hypothèses que nous avons besoin de parcourir séparément chacun
de ces cas.
Reste notre troisième cas, celui où, dans le délaf de l'art. 373 du CSode d'ins-
truction, le procureur général s'est pourvu en cassation : tant qu'il n'est pas
statué sur son pourvoi, Tarrét de la Cour d'assises n'est pas encore devenu irré-
vocable ; c'est seulement après l'arrêt à intervenir que la durée de la peine
pourra compter pour le condamné.G'est ici encore que l'on ne peut se dissi-
muler qu'il y ait une grande dureté, une grande iniquité de résultat. En effet,
le procureur général s'est pourvu contre l'arrêt de la Cour d'assises, préten-
dant que la peine appliquée au condamné était une peine inférieure à la peine
légale ; son pourvoi, je le suppose d'abord, est rejeté, il est reconnu que la
peine appliquée est la peine légale, il est reconnu que la Cour d'assises a bien
appliqué la loi. Cependant ce ne sera que du moment de l'arrêt de rejet qui
a imprimé à la condamnation un caractère irrévocable, ce ne sera que de ce
moment que la durée de la peine commencera à compter : c'est-à-dire que le
pourvoi du procureur général aura eu pour résultat de retenir quelques mois
de plus sous les verrouz le condamné frappé d'un arrêt contre lequel il ne s'é-
tait pas pourvu.
De même si, sur le pourvoi du procureur général, l'arrêt est cassé comme
ayant appliqué une peine trop douce au condamné, la durée de la nouvelle
peine prononcée parla Cour d'assises à laquelle il sera renvoyé ne commencera
à courir que du moment où ce nouvel arrêt sera devenu irrévocable. C'est en-
core là une grande dureté pour le condamné ; car, enfin, si la première cour
d'assises s'est trompée en appliquant la peine, ce n'est certes pas une faute
qui lui soit imputable ; que l'erreur de cette cour soit réparée, qu'on applique
par un second arrêt la peine des travaux forcés à celui que d'abord on n'avait
condamné qu'à la réclusion, on le comprend ; mais toujours faudrait-il que
l'erreur de la première cour d'assises, et les délais du pourvoi qui en ont été la
suite, n'eussent pas pour résultat de prolonger d'un temps plus ou moins long
la captivité du condamné à qui on n'a aucune faute à imputer.
Enfin, dans le dernier cas que cette division peut présenter, l'iniquité est
encmre plus saillante. Supposez, par exemple, que la Cour d'assises ait appli-
qué, non pas une peine inférieure, mais une peine supérieure à la peine lé-
gale; il y a eu pourvoi, non pas de la part du condamné, qui ignorait peut-être
l'erreur de la Cour d'assises, mais de la part du procureur général, qui peut se
pourvoir pour faire casser un arrêt injustement sévère. Dans ce cas. l'arrêt de
la Cour d'assises est cassé, et le condamné renvoyé devant une nouvelle cour;
et voilà que l'erreur commise à son préjudice par la première cour d'assises
aura pour résultat de reculer encore de quelques mois le point de départ du-
quel doit se compter la durée de la seule pensée.
Je le répète, quoique ces conséquences résultent forcément soit du texte de
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00 xÔBB ex unjR nÉeonoK (art. 24). lOl
Vert ÎB, 8oU fortoal de la décision toate diiéreDte que nom allons voir saitre
poorle cas d'emprisonnement, dans Fart. 24, ces conséquences sont fortdnres;
et c'est donc en ce sens que l'art. 23, tout en améliorant notablement le sys-
tème du Gode de 1810, ne me parait pas encore à l'abn de toute espèce de cri^
tique, de tonte espèce de reproche. Tout ceci va se confirmer par Toppositioa
qui se trouve entre les principes précédents incontestablement applicables dans
Im matières criminelles, et Tezception qui va suivre dans les matières correc-
tionnelles.
68. « Art. 24. Néamnoios* à Tégard des condamnations à l'emprisonnement
prononcées contre les individus en état de détention préalable, la durée de la
peine, si le condamné ne s'est pas pourvu, comptera du Jour du Jugement ou de
Tarrèt, nonobstant l'appel ou le pourvoi du ministère public, et quel que soit le
résultat de cet appel ou de ce pourvoi. Il en sera de même dans le cas où la peine
aura été réduite, sur l'appel ou le pourvoi du condamné. »
Pour bien comiNrendre le texte de cet article, et les modifications qu'il apporte
aux conséquences du précédent, posons nne espèce: un prévenu se trouve en
état de détention, sous le poids d*un mandat de dépôt, par exemple, la pré-
vention qui pèse sur lui est d'une nature purement correctionnelle, elle ne peut
donner lieu qu'à une condamnation à remprisonnement. Cette condamnation
intervient en effet; il est frappé d'un an d'emprisonnement par un tribunal cor-
rectionnel. Les condanmations des tribunaux correctionnels, à la différence
de ceUes des cours d'assises, sont sujettes à l'appel, et les délais de cet appel
varient selon qu'il est interjeté ou par le condamné ou par le ministère public;
nous verrons plus tard tous ces détails» je me borne aujourd'hui à prendre le
point le plus saillant, et à vous citer l'art. 205 du Cîode d'instruction crimi**
Délie, qui accorde dans certains cas au ministère public deux mois pour inter*
jeter i^;>pel des jugements rendus en police correctionnelle. On ;a senti que la
ligueur de l'article précédent, appliqué sans distinction aux oondamnations à
l'emprisonnement dans la matière qui nous oocupe, serait d'une iniquité à la*
quelle il fallait absolument parer.
Sn effet, la condamnation à l'emprisonnement a été d'un an, vous pouvea
même la supposer plus courte; or, admettons que l'art. 23 fût seul, vous ver-
ries que la durée de cette condamnation ne commencerait à courir que de
Toxpiration des délais accordés au ministère public pour interjeter appel. Or,
il aérait on ne peut plus dur qu un individu qui se trouvait en état de déten-
tion préalable, qui a été frappé par un tribunal correctionnel d'un emprison*
nouent de trois ou quatre mois, ne vit la durée de cet emprisonnement
commencer qu'à partir du jour où le ministère public ne peut plus appeler ;
c'est-i-dire qu'il fût exposé à attendre deux mois en prison l'instant à partir
duquel on commencera à compter la durée de remprisonnement dont il eet
frappé. En réalité, quoique sous le poids d'un mandat de dépôt et d'une Bira«^
pie prévention, plutôt que d'une condamnation qui n'est pas définitive, en
réalité, il est en prison, il souffre tout autant que si on exécutait réellement
contre lui la condamnation prononcée ; c'est précisément par suite de l'état où
U est avant l'exécuUon de la condamnation, état fort analogue à celui où cette
exécution le placerait, et anasi pajrce qne les délais d'appel sont fort longs f
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102 SEPT. LBÇ. ~ DBS PBINBS SN VAT. GiUlf. UT. !• GHAP. I (m* 68).
.pareils cas, qu'on a jagé nécessaire de foire ici exception aux règles prée^
.dentés.
- D'après cela, en reportant sur la condamnation à Temprisonnement les trois
iiypothèses que nous avons posées sur les condamnations criminelles, nous
sentirons fort aisément la différence de principe, la différence de résultat.
D'abord, admettons que dans le délai fixé pour Tappel il n'y ait pas eu d'ap*
pel, ni de la part du condamné, ni de la part du ministère public. Si nous
appliquons Fart. 23, nous dirons que la durée de l'emprisonnement prononcé
en premier ressort ne commencera à courir que de l'expiration des délais
d'appel ; au contraire, appliquant l'exception qui résulte de l'art. 24, nous
dirons que cette durée commencera à courir du jour du jugement de première
instance, encore bien que ce jugement fût lui-môme susceptible d'appel. Ge
que nous disons ici de l'appel en supposant un jugement correctionnel rendu
en premier ressort, nous le dirons également du pourvoi en cassation, en sup*»
posant un jugement correctionnel rendu en dernier ressort. Les jugements en
dernier ressort ou les arrêts rendus en matière correctionnelle peuvent être
attaqués par la voie de la cassation, aux termes de l'art. 205 du Cîode d'ins*
tmction criminelle. Si le pourvoi n'a pas eu lieu, c'est du jour du jugement ou
de l'arrêt, et non pas de l'expiration des délais de pourvoi, que devront se
calculer les jours et les mois de la peine. Nous parlons de l'appel ; et tout ce
que nous disons est sous-entendu pour le pourvoi que l'art. 24 assimile à
l'appel.
Deuxième cas. Dims les délais fixés, il y a eu appel interjeté par le condamné
à l'emprisonnement ; dans ce cas, de quel moment comptera la durée de la
peine ? il n'y a pas de question, si, sur l'appel du condamné, le jugement est
réformé, et réforme de telle sorte qu'il soit renvoyé libre de la prévention ;
alors il n'y a pas de peine, ou du moins pas d'emprisonnement ; par conséquent,
point de durée à appliquer. Ainsi, si on déclare la prévention mal fondée, ou
si on le condamne simplement à une amende, il n'y a plus de question possible
sur les art. 23 et 24. Mais son appel peut avoir un autre résultat ; il est possible
que, sur l'appel, on le condamne encore à un emprisonnement, mais en ré-
duisant la durée de l'emprisonnement prononcé en première instance ; alors
à partir de quel jour comptera-t-on la durée de l'emprisonnement dont il est
frappé par le jugement ou par l'arrêt d'appel ? Si nous appliquions, comme
tout à l'heure, le texte de l'art 23, nous dirions que cette condamnation ne
commencera à courir qu'à compter du jour où le jugement ou l'arrêt d'appel
sera irrévocable. Eh bien, ce serait inique ; car, puisque la condamnation a été
téàntt» sur son appel, c'est quMl a bien fait d'appeler, c'est que la première
condamnation était trop dure ; il serait fort injuste de faire peser sur lui l'er-
reur des premiers juges, en reculant ainsi le point de départ de sa peine.
Aussi le § 2 de l'art. 24 répond à la question, et vous dit : Il m sera de mime
dems le cas oii la peine aura été réduite sur Vappd ou U pourvoi da condamné ;
c'est-à-dire, la durée comptera du jour du premier jugement, dans le cas où
la peine aura été réduite sur l'appel du condamné. Ainsi, il a été condamné &
six mois d'emprisonnement le !•» février, il a interjeté appel et par un juge-
ment ou arrêt rendu le !•' avril, c'est-à-dire deux mois après, cette condamna-
tion a été réduite à trois mois. Ces trois mois commenceront à courir, non pas
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DU iiODB M unm MxÈcxmw (art. t4). 103
du i* «vril. Jour auquel la seconda eondamnotion est prononeée» oo mftme
de l'expiration des.dàaîs pendant lesquels on pourrait se poorvoir, mais Um
do i* féTrier, jour de la première condamnation ; c^est-à-dire qne sur ces
trois mois d'emprisonnement dont il est frappé, il n'en snbira plus qu'un seoL
Pourquoi cela? Parce qu'il était en état de détention préalable, condition né»
oessaire de Texception, et qu'il est juste de lui compter, dans ces trois mois,
les deux mois de détention qu'il a subis en attendant le jugement d'un appel
déclaré bien fondé. Vous voyex qu'ici on modifie d'une manière fort équitable
ce que présentait et ce que présente encore de très-dur, dans les matières cri-
minelles, Tapplication littérale de l'art 23.
Enfin, troisième bypotbèse, il y a eu appel, non pas de la part du condamné,
mais de la part du ministère public. £b bien, cet appel, toujours en matière
d'Muprisonnement, ne devra et ne pourra porter au condamné aucune espèce
de préjudice. Gela est érident si l'appel du ministère public a eu pour objet de
faire adoucir la peine qu'il déclarait, qu*il reconnaissait trop sévère ; mais de
même, si sur Tappel du ministère public la peine a été aggravée, cette erreur
des premiers juges, dont la condamnation était trop fiiible, ne doit pas retom»
Jber sor le condamné qui n'en est pas la cause. Ainsi la première condamnation
était à quatre mois d'emprisonnement, le ministère public a interjeté appel
à mmimé, prétendant que la p«ne était trop fidbie. Ëa effet, le juge, pat
Tarrèt d'appel, a p<ffté la peine à un an d'emprisonnement; sur cette année
d'emprisonnement, on devra, d'après l'art. 24, imputer au condamné le temps
intermédiaire écoulé depuis la {uremière condanmation jusqu'à la sentence
d'appel.
69. Telles sont les modifications apportées par le texte de Tart 2é, pour le
cas de condamnation k l'emprisonnement contre un individu en état de déten-
tion préalaMe.
Aetenes bien les modifications apportées sous ces conditions è la rigueur
des principes résultant de l'art. 23; mais vous remarquerez que ces modifiée*
Cîons, conçues dans un esprit fort sage et fort équitable, ne vont que mieux
confirmer, que mieux établir la justesse des conséquences que nous avons
tirées précédemment du texte de Fart. 23. Il résulte clairement de la combi-
naison de ces deux articles, que la rigueur que nous avons roprw^ée à Tart. 23,
dans les matières crimineUes, est un kit incontestable ; car l'art 24, pcévoyan
précisément pour les matières correctionnelles les hypothèses que nous avons
posées, introduit pour ces matières des exceptions dont la conséquence est de
jeter plus de jour et de clarté sur la règle en matière criminelle.
Telles sont les règles à suivre pour calculer la durée des peines, soit dans les
matières criminelles, pour les quatre peines temporaires que j'ai indiquées^
travaux forcés k temps, détention, réclusion, banoissement; soit dans les ma«
tières correctionnelles, pour l'emprisonnement. Quant à la dégradation civi«
que nous verrons tout à Fheure que ce n'est pas une peine temporaire pco<«>
prement dite, et qne, sous ce rapport, l'art 23 n'y est pas applicable; il en est de
même pour les matières correctionnelles; ce n'est absolument qu'en matière
d'emprisonnmnent qne les art 23 et 24 sont applicables. Il est clair qu'en mm^
tière d'amende, il n'y a*pas de calcul de cette nature. Et quant à la privatior
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104 SBPT. LEÇ. -* DBS FEINB8 JBN UA.T. GRIX . LIT. I. GHAP. I (n"^ 70).
da certains droits, dont j'ai parlé aux termes de Tart. 9, eette interdiction h
temps des droits civiques, civils on de famille énamérés dans l'art. 42, n'a
jamais pour point de départ répoq^ie indiquée par l'art. 23. Cette privation,
cette interdiction partielle et temporaire, ne commence à courir que du jour
où la peine a été subie. Vous en trouverez la preuve dans l'art. 410 du Gode
pénal et dans quelques autres.
Passons aux articles suivants, relatifs également à certaines conséquences,
à certains corollaires des peines dont nous avons déjà parlé.
l O. a Art. 25. Aucune condamnation ne pourra être exécutée les jours de fêtes
nationales ou religieuses ni les dimanehesi »
Cet article, comme les deux suivants, demande fort peu de détails ; une
simple lecture suffirait. Cependant on peut se demander, sur ce texte de
l'art. 25, quelle est retendue précise qu'il faut lui donner, et s'il s'applique,
comme Tart 23, tant aux condamnations correctionnelles qu'aux condamna^
tions crimin^es. Ainsi, est-il tellement défendu d'exécuter, aux jours indi<*>
qués par cet article, les condamnations pénales, que la justice répressive soit
tout à fait désarmée au milieu des solennités publiques dont parle notre ar-
ticle? n est évident que cet article, , pris à la lettre, appliqué à toute espèce
d'exécution dans le sens le plus général, mènerait à des conséquences absurdes,
à des conséquences que le sens commun le plus grossier dévouerait; il est
sûr, par exemple, qu'une exécution à mort, qu'une exposition publique, aux
termes de Fart. 22, ne peut être pratiquée dans les jours désignés par l'art. 25.
Mais suivrait- il de là, par exemple, qu'un jugement correctionnel portant con-
damnation à l'emprisonnement ayant été rendu contre un individu qui n'est
pas maintenant détenu, cet individu ne pourrait être arrêté un jour de fête
religieuse ou nationale? 11 est impossible d'admettre un tel résultat: on com*
prend que la loi pour ne pas contrister par le spectacle d'une exécution pu-
blique la solennité des fêtes nationales ou religieuses, ait interdit dans de pa»
reils jours les exécutions proprement dites. Mais, comme jamais on n'a pensé
qu'un mandat de dépôt, qu'un mandat d'arrêt, qu'un mandat même d'amener
ne pût être exécuté dans de pareils jours, à fortiori pourrait*on -et devrait-on
arrêter, en vertu d'une condamnation criminelle ou correctionnelle, le con-
damné qu'on rencontrerait dans ces jours ? En un mot, ceci ne s'applique
qu'aux condamnations dont la publicité serait vraiment un scandale, et le ré-
sultiU de l'art. 25 ne peut être d'assurer à un malfoiteur condamné une espèce
de sauf-conduit de plein droit dans les jours désignés par l'art. 25. Cet article
ne peut mettre de bornes aux droits et aux devoirs d'arrestation, aux droits et
aux devoirs des agents de la force publique de mettre sous la main de la justice
un malfaiteur condamné, mais seulement aux genres d'exécutions proprement
dites que je vous signalais tout à l'heure. J'ajoute, d'ailleurs, quant aux con-
damnations correctionnelles, que cet article est sous la rubrique des peines en
mat^e criminelle, et que, sauf un motif spécial et d'extrême extension, nous
ne devons pas l'étendre à d'autres espèces de peines ; nous avons trouvé ce
motif dans l'art. 23, mais nous ne voyons ni dans cet article ni dans les autres
aucun motif d'étendre cette restriction.
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DU MODS dB LBUR EZftCUTIOK (aAT. H). 105
71. « Abt. 26. L'exécution se fera sur Tune des plaees publiques du lieu qui
sera indiqué, par l'arrêt de otutdamnatioiL m
Le sens môme du mot ewéeuHan, dans cet article, détermine la signification
que nous doTOns lui donner dans son emploi un peu équivoque dans Particle
précédent.
L'arrêt peut indiquer le lieu de l'exécution ; cependant je dois vous rappeler
qu'aux termes de Tart. 372, § i«, du Gode d'instruction criminelle, il y a une
légère modification à cet article ; dans ce cas, la loi détermine à l'avance et
précisément le lieu dans lequel sera exécuté par effigie le condamné par con-
tumace. En cas de condamnation par contumace, l'art. 26 du Gode pénal nd
s'applique point ; il n'appartient point à la Gour d'assises de déterminer préci-
sément le lieu de l'exécution. L'exécution par effigie, consistant dans l'affiche
dont parle cet article, doit se faire sur l'une des places publiques de la ville
chef-lien de l'arrondissement où le crime aura été commis. C'est ici une légère
modification au cas particulier de condanmation par contumace.
72. tt ART. 27. Si une lemme condamnée à mort se déclare, et s'il est vérifié
qu'elle est enceinte, elle ne subira sa peine qu'après sa délivrance. »
Je n'ai pas besoin d'insister sur les motifs de cet article ; je ferai remarquer
cependant qu'il abroge implicitement une loi antérieure, et dont la disposition
étût plus favorable ; cette loi, du 23 germinal an III, défendait non-fleulement
d'exécuter UlUO condamnation à mort avant la vérification dont parle notre
article, mais encore de mettre en jugement une femme accusée d'un crime
capital, avant d'avoir vérifié qu'elle ne fût pas enceinte. Peut-être serait-il à
désirer que cette disposition plus généreuse eût été maintenue ; il est, au reste,
à penser qu'en pareil cas, le silence de la loi trouverait un supplément dans
le sentiment des bienséances du ministère public chargé de la poursuite ; qu'on
éviterait de traduire à la Gour d'assises, sous le poids d'une accusation capi-
tale, une femme dont l'état de grossesse serait vérifié ; qu'on surseoirait, non-
seulement à l'exécution de la condamnation, mais aussi aux débats, s'il n'y
avait pas eu encore condamnation; et cependant la loi du 23 germinal an lU
esl considérée comme abrogée. Mais c'est là une question de bienséance et de
convenances.
78. « Art. 28. La condamnation à la peine des travaux forcés à temps, de la
détention, de Ta réclusion et du bannissement, emportera la dégradation civique.
La dégradation civique sera encourue du jour où la condamnation sera devenue
irrévocable, et, en cas de condamnation par contumace, du Jour de l'exécution
par efQgie. »
Nous trouvons encore dans cet article et dans le suivant, plus importants
que ceux qui les précèdent, nous trouvons encore certains accessoires attachés
par la loi aux peines criminelles dont nous nous sommes occupés jusqu'ir'
La dégradation civique a été indiquée dans le texte de l'art. 8, comme pef
ICI
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106 8BPT. LBÇ. — DBS PJONBS SN MAT* CRIIC. UY. I* G8AP. I (n« 73).
•implement infiunante; mais dans Tart. 8, en citant la dégradation cÎTiqoe» le
législateur entend parier surtout de la dégradation ciyii{ue prononcée isolé-
ment, et comme condamnation principale attachée directement à tel ou tel
crime. Ce n'est pas encore sous ce point de vue que nous avons à nous occo-
per de la dégradation civique ; il en sera question dans l'art. 34. Ici elle est
envisagée, non pas comme peine principale prononcée directement, mais
comme conséquence tacite et légale de certaines condamnations. Ces condam-
nations auxquelles la loi attache de droit, et sans même que l'arrêt en ait
parlé, la dé^pradation civique, ce sont les trois condamnations afflictives tem*
poraires et la première des peines infamantes, savoir : le bannissement»
La dégradation civique, comme son nom l'indique assez, est une privation
plus ou moins étendue de certains droits civiques, civils et de famille. Noua
entrerons, en expliquant Tart. 34, dans les détails de cette privation, et aussi
dans l'examen des avantages et des défauts d*une pareille pénalité ; je me
contente, quant à présent, de vous renvoyer à cet article. La dégradation civi-
que résulte donc, dans les quatre cas indiqués par notre article, du bit même
de la condamnation à l'une de ces peines.
L'étendue de cette dégradation est déterminée dans l'art* 34; mais ni Tarti-
de 28 ni l'art. 34 ne tranchent une question qui pourrait se présenter et vous
causer quelque embarras, celle de savoir quelle est la durée de la dégradation
civique encourue comme peine accessoire, comme résultant de l'une des
condamnations énumérées par l'art. 28.'
J'ai dit tout à l'heure que la dégradation civique n'est pas une peine tempo*
raire ; qu'elle soit une peine accessoire comme dans le cas de l'art. 28, qu'elle
soit une peine principale comme dans le cas de Fart. 8 et de quelques autres
textes, elle n'est jamais peine temporaire proprement dite, elle n'est jamais du
nombre de celles où Tart. 23 peut recevoir son application. Cependant, si la
dégradation civique n'est pas proprement temporaire, ce n'est pas non plus, à
parler exactement, une peine perpétuelle comme les trois premières de Tart. 7.
J'aimerais mieux dire qu'elle est indéfinie, c'est-à-dire que les tribunaux n'en
déterminent jamais et n'en peuvent pas déterminer d^avance la durée, qu'elle
ait lieu principalement ou accessoirement. La dégradation civique est indéfi-
nie, c'est-à-dire que, pVononcée ou parla loi ou p'Iur l'arrêt, sans détermination
à l'avance de sa durée, elle peut cependant cesser par la réhabilitation obtenue
par le condamné, après un intervalle plus ou moins long.
Vous trouverez dans les art. 619 et 620 du Ciode d'instruction criminelle les
indications relatives à la réhabilitation ; vous y verrez que tout condamné à
une peine affiictive ou in&mante pourra, après avoir subi sa peine, obtenir sa
réhabilitation ; et l'efifet de cette réhabilitation est précisément de le restituer,
de le rétablir dans les droits que la dégradation civique lui avait enlevés ind^
finiment. La réhabilitation accordée a précisément pour résultat de faire ces-
ser les effets de la dégradation civique; elle peut être demandée, en général,
cinq ans après l'expiration des peines auxquelles elle est attachée par l'art. 28;
car remarques que nous ne nous occupons aujourd'hui que de la dégradation
civique encourue accessoirement; nous ne nous occupons de la réhabilitation
que comme moyen de faire cesser cette espèce, ce cas particulier de dégrada-
tion civique. L'art. 619 déclare qu'en cas de condamnation aux travaux forcés
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ou IIODI SB UDR SZACUTION (aAT. t9). 107
i teàipe, à ia détention on à la fMiuioQ» k condamné poncra, cinq ans aprèe
tYoir subi sa peino, domandar ta réhabilitaiîon ; ce n'est pas à dire, bien en»
leodo, qoe cette réhabilitation devra néoeesairesaent loi être accordée.
A ré^d du bannissement, qui entraine aussi, comme accessoire, comme
conséquence, la dégradation mvique, l'art. 619 ne nous dit pas i quelle époque
le banni, i^Mrès Pexpiration de sa peine, pourra solliciter sa réhabilitation, et
Cure cesser par là même les incapacités dont il était frappé. On serait tenté de
conclure de ce silence qu'immédiatement après Fezpiration de la peine, le
banni rentré en France, et auquel la loi n*a déterminé aucun délai, pourrait
solliciter et obtenir, s'il y avait lieu, sa réhabilitation. Mais Fart. 620 ajoute
que nul ne pourra obtenir sa réhabilitati<m s'il n'a demeoré pendant cinq ans
dans le même arrondissement communal pour y être soumis à l'examen, à la
snrreillance que suppose nécessairement la concession d'une réhabilitation*
Or, il est clair que le banni n*a pu, tant qu'a duré sa peine, accomplir cette
condition, forcé de vivre hors de France ; s'il a résidé de fait dans un arrondis^
sèment français, ç*a été de sa part un acte punissable, aux termes de l'art. 23*
n est Gkdr que ce temps ne peut pas lui compter dans les cinq ans de l'art 620.
Nous dirons donc que, dans les quatre cas indiqués par Tart. 28, dans tous
les cas où la dégradation civique est encourue accessoirement, un intervalle
de cinq années au moins a dû s'écouler entre l'expiration de la peine et la
demande en réhabilitation sur laquelle la cour sera appelée à prononcer.
J'ajouterai que, bien qu'en général la dégradation civique soit plutôt indéfinie
que perpétuelle, en ce sens qu'elle peut cesser par la réhabilitation, cependant
l'art. 634 du Ciode d'instruction criminelle fait implicitement une exception i
ce principe, en déclarant que le condanmé pour récidive ne pourra jamais être
réhabilité. Donc, à cet égard, la dégradation civique prend véritablement un
caractère de perpétuité.
Quant au point de départ de la dégradation civique, il est indiqué fort clai-
rement à ia fin de l'art 28 ; je n*ai pas besoin de m'y arrêter.
74. « Art. 29. Quiconque aura été condamné à la peine des travaux forcés à
temps, de la détention ou de la réclusion, sera, de plus, pendant la durée de sa
peine, en état d'interdiction légale ; il lui sera nommé un tuteur et un subrogé
tuteur pour gérer et administrer ses biens, dans les formes prescrites pour les
nominations des tuteurs et subrogés tuteurs aux interdits. »
Encore ici un accessoire, une conséquence attachée par la loi k certaines
pénalités. En quoi diffère cette interdiction légale prononcée par l'art. 29 de la
dégradation civique prononcée par l'art 28 ? Les différences sont de plusieurs
sortes.
!• La dégradation civique enlève pleinement» absolument, quoique non pas
d'une manière irrévocable, les droits qu'elle retire an condamné. Ainsi vous
verres dans Fart. 34 que la dégradation consiste dans la privation de tels et tels
droits, par exemple dans la privation dn droit de vote, d'élection et autres
pareils ; en un mot, elle enlève, non-seulement l'exercice, mais la jouissance,
mais l'existence même du droit dans la personne qu'elle atteint. Au contraire,
^interdiction légale, comme l'indique assez son nom, l'interdiction légale
comme Tinteidiction jndlciaire dont il est question à la fin du livre I*' du Ce
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106 8BPT. LEÇ. *-* DBS I>BINB8 BN MAT. GRIX. LIT. I. GHAP. 1 (m® 75).
dTÎl, n'enlèye pas la jomssanoe du droit, n'enlèYe pas le droit lui-même an
condamné qu'elle atteint ; elle lui en retire, elle loi en interdit l'exercice direct
et personnel. Telle est la conséquence nécessaire du mot interdiction employé
ici par la loi.
2® La dégradation ne frappe, n'atteint, n'enlève que les droits spécialement
déterminés dans le texte de l'art. 34; au contraire, l'interdiction légale, comme
rinterdiction judiciaire, enlève au condamné l'exercice, non pas de tel ou tel
droit, mais de tous ses droits sans exception, sans restriction; elle en confère
l'exercice au tuteur nommé conformément à notre article, sauf à requérir les
assistances, les homologations voulues par le droit civil.
D'autres différences résultent encore du rapprochement de nos deux textes.
La dégradation civique résultant de l'art. 28 est une peine indéfinie ; elle ne
cesse que par la réhabilitation après un temps plus ou moins long, mais tou-
jours après un certain intervalle depuis que le condamné a subi sa peine. En
tl'autres termes, le condamné frappé de la dégradation civique, accessoirement
à une autre peine, ne peut jamais rentrer dans la jouissance des droits que
lui enlève l'art. 34 immédiatement après avoir subi les condamnations qui
avaient produit cette privation. Au contraire, l'interdiction légale, comme
le déclare formellement l'art. 29, commence et finit avec la peine ; c'est pen-
dant la durée de sa peine que le condamné dont parle l'art. 29 est frappé de
cette interdiction ; une fois sa peine expirée, il rentre, de droit, sans même
avoir, comme l'interdit judiciairement, sans même avoir de demande en main-
levée à former, il rentre de droit dans la plénitude de l'exercice de ses facultés
civiles.
Enfin, la dégradation dvique est attachée par l'art. 28 à quatre peines, sa-
voir : aux trois peines temporaires afflictives et au bannissement, c'est-à-dire
à la première des peines criminelles purement infamantes. Au contraire, l'in-
terdiction légale attachée par Part. 29 aux trois peines temporaires afflictives,
n'est pas attachée à la condamnation au bannissement. Le banni n'est pas
soumis à l'état d'interdiction légale ni à la nomination du tuteur et du subrogé
tuteur dont parle l'art. 29.
Yoilà les différences notables, caractéristiques, entre la privation acces-
soire dont parle l'art. 28, et la privation, accessoire aussi, dont parle l'art. 29 ;
mais, à d'autres égards, l'intelligence de l'art. 29 demande d'assez longues
explications, que je vais me borner à vous indiquer, sauf à les développer plus
tard.
7S. D'abord, quelle est la portée, quelle est l'étendue prédse de cet état
d'interdiction légale prononcée par l'art. 29 contre certains condamnés ? Cet
état est-il régi absolument et sans exception par les artides du Gode civil qui
déterminent l'état des interdits judiciairement ; ainsi les art. 502 et suivants,
relatids à l'interdiction judiciaire, sont-ils pleinement applicables à l'interdic-
tion légale prononcée à titre de pénalité ? De même, les artides relatifs à la
tutelle des interdits judiciairement, devront-ils s'appliquer de droit à la tutelle
des interdits légalement? D'un autre côté, à quel genre de condamnation et>
quelle position, à quelle classe de condamnés l'artide doit^il s'appliquer?
Faut^il l'appliquer, 1» aux individus condamnés contradictoirement à l'une
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DU MQM DB LIVR ntCOTlâir (aRT. 29). 109
d66 trois peiaes ûMUquées dans Tari. 29, «t sabifiMail réollemeat cette peine ?
8v la première queetioa, raffiniMUtive n'est paa douteuse ; mais, 2« l*ôtat
d'iiitordictioiL légale prenoncée par Tari. 20 doit-il s'appliquer avec ses consé-
qnences aux indiiddas condamnés contradictoirement et qui se sont évadés
depuis la condamnation, aux individus qui ne subissent pas réellement la
peine prononcée contre eux, et sur lesquels paraissent manquer en conséquence
les termes de Tart 29 pendant la durée de sa peine, et de TarL 30, am*^ qu'U
aura $ubi sa peine ? Enfin, qaéL sera Tétat, la position des individus condam»
nés à l'one des trcMs peines indiquées dans Tart. 29, mais condamnés par cou-
tomace et non pas contradictoirement? C'est cette dernière question qui
méflrite véritablement de l'intérêt et du soin, non pas qu'on puisse, je crois,
hésiter raisonnablement sur la question de savoir si l'art. 29 leur est applicable.
Bncore bien que le texte, au premier aspect, ne distingue pas, nous pouvons
prendre pour certain que Fart 29 est inapplicable au condamné par contu-
mace. L'état du oontumaz et la régie de ses biens resteront soumis, dans les
trois cas indiqués dans cet article, aux principes développés dans les art. 465
et suivants du Ciode d'instruction criminelle, principes dont l'application n'est
pas d'ailleurs sans difficulté, et qui mériteront de nous arrêter quelques
instants.
Nous commencerons donc la prochaine leçon par l'examen de la nature de
l'interdiction légale prononcée par l'art. 29, et par l'explication de l'art. 471 du
CSode d'instruction criminelle. Prenes lecture par avance des art. 469 à 478 du
Ciode d'instruction criminelle relatife à la contumace.
HUiriiMS LBÇON.
76. Nous nous sommes arrêtés à l'explication de l'art. 29, relatif à l'état
â*interdicti(m légale qu'il établit comme conséquence des trois condamnations
anx travaux forcés à temps, à la détention et à la réclusion. J'ai indiqué quelles
différences s^Murent, soit dans sa nature, soit dans sa durée, soit dans ses
causes, Finterdiction légale de l'art. 29, de la dégradation civique dont parle
Part. 28. Dans sa nature, en ce que l'interdiction légale enlève seulement au
condamné l'exercice de ses droits, tandis que la dégradation civique le prive
des droits eux-mêmes, mais de droits moins nombreux et moins importants.
Cette difB&rence résulte d'ailleurs textuellement des arL 1 et 2 du titre IV du
Code pénal de 4791, que j'ai omis de vous citer dans la dernière leçon. C'est
dans ces deux artides qu'on a puisé, soit lapeme accessoire de la dégradation
civique, soit celle de l'interdiction légale, et, relativement à cette dernière,
Vart. 2 disait : t Quiconque aura été condamné à cette peine ne pourra, pen-
dant sa durée, exercer par lui-même aucun droit civil. • Quant aux causes
d'où la loi fait dériver ces deux peines, nous avons remarqué que ces causes
étaient moins nombreuses dans le cas de l'art. 29 que dans celui de l'art. 28 ;
que le bannissement auquel l'art. 28 attache la dégradation civique n'emporte
pas Finterdiction légale aux termes de l'art. 29. Enfin, quant à la durée, la
dégradation civique est indéfinie ; au contraire, l'interdiction légale cesse de
droit avec la peine dont elle était la conséquence: l'art. 29 est formel à cet
égard.
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1 10 HUIT. LBÇ. — OBB PBI1« KK MAT. Cftllf* LIT. I. GHAP. I (n« 78).
77. Quelles questions nons restent à examiner relativement à la matièro de
l'interdiction l4;ale : 1« Quelles sont les consôquences de cette interdiction f
2* Â quelle nature, à quelle classe de condamnations cette interdiction légale
doit-elle s'attacher, s'appliquer?
78. D'abord, quels en sont les efléts ?
Dans le silence de l'art. 29 à cet égard, il est naturel, il est nécessaire de
nous reporter, pour déterminer les résultats de Tinterdiction légale, aux régies
tracées par le Gode ciyil sur l'interdiction judiciaire, les mômes incapacités
dont rinterdit judiciairement se trouve atteint par les art. ft02 et 509 du Gode
civil, ces mômes incapacités devant frapper, à ce qu'il semble, l'interdit léga-
lement, aux termes de l'art. 29. La même nullité, agissant par les mômes
principes, atteindra les actes passés par l'un et par l'autre pendant la durée
de l'interdiction.
Je n'admettrais pas môme i cet égard une distinction que la jurisprudence
parait cependant autoriser entre les actes entre-vifs et les actes testamentaires.
On s'accorde i reconnaître que tons les actes entre-vifs, passés par l'interdit
légalement pendant la durée de sa peine, sont nuls comme le seraient les actes
d'un interdit judiciairement, sont nuls par une conséquence forcée des art. 502
et 509 ; mais on a déclaré valable le testament fait pendant la durée de sa peine
par l'interdit légalement. Il m'est impossible de trouver dans le texte de
l'art. 29 rien qui puisse autoriser cette distinction. L'interdiction légale, c'est
la suspension, la privation temporaire de Texercice de tous les droits ; ainsi le
voulait l'art. 2 du titre IV du Gode de 1791 ; notre Gode n'a fait que reproduire
ses expressions et ses principes; on ne comprend pas pourquoi l'interdit léga-
lement serait à cet égard dans une position plus favorable que l'interdit judi-
ciairement Au reste, en appliquant le texte à la lettre, en prononçant d'après
ce texte la nullité du testament de l'interdit légalement, il est bien entendu
que cette nullité ne s'applique qu'au testament qu'il aurait fait pendant la
durée de sa peine; que s'il avait testé avant la condamnation, et qu'il vint à
mourir pendant que dure encore la peine, le testament serait assurément va-
lable ; car il n'a perdu que l'exercice du droit de faire son testament, et non
pas la capacité, non pas le droit d'en avoir un. En un mot, sa position parait
devoir être, à tous égards, la position et l'état d'un interdit judiciairement.
Quant à la tutelle dont parle l'art. 29, tutelle qui doit être organisée pour
lut sur le plan et d'après les règles de la tutelle de Tinterdit judiciairement, il
semble que, par suite de cette assimilation, nous devons élargir un peu le
texte des derniers mots de Tart. 29. Ainsi, on ne suppose dans l'art. 29 que
Texistence d'une tutelle dative pour l'interdit légalement. Il hd sera nommé,
dit la loi, un tuteur et un subrogé tuteur pour gérer et administrer ses biens, dan$^
les formes prescrites pour les nominations des tuteurs et subrogés tuteurs aux in--
terdits. Mais vous pouvez vous rappeler que, dans le premier livre du Gode
Civil, U tutelle d'un interdit n'est pas toujours dative, qu'il y a, dans certains
cas, pour l'interdit judiciairement, une tutelle légale. Vous la trouvez indiquée
dans l'art. 506 : • Le mari est de droit tuteur de sa femme. • Il y a, ce semble,
môme raison pour appliquer la tutelle légale à l'interdit légalement et à l'in |
terdit judiciairement.
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DO IfOOB DE LBUB BXACUTION (aRT. 29). 111
De même, dans Tart. 508, vous yoyez qa>n général on ne pent être tenu
de garder pendant pins de dix ans la tnteUe d'an interdit; il y a^ ce semble,
nuson à pen près pareille de le décider pour Finterdit légalement, dont l'inter-
diction, comme la peine, pent se prolonger, en certains cas, bien an delà de
dix ans. H semble donc qn'après ce délai le tutenr pourrait demander et obte-
nir sa décharge.
U est, du reste, évident qne, parmi les articles de Tinterdiction an CSode
dvil, il en est qnelqnes-nns d'inapi^icables, par la «nature môme des choses, à
la matière qui nous occupe; tels sont les art. &03 et 504, qui se rapportent
éTidemment au cas d'une démence et d'une interdiction proprement dite, et
qui sont par là mtoe étrangers à notre matière. Tel est enfin l'art. 510 relatif
à l'emploi qui doit être fait des revenus de l'interdit, revenus qui doivent être
avant tout destinés à adoudr son sort et à accélérer sa guérison. Loin que cet
article puisse recevoir la moindre application à l'interdit légalement, l'art. 3i
du Gode pénal défend absolument de remettre à l'individu, pendant la durée
de sa peine, aucune portion, si légère qu'elle soit, de ses revenus.
Une seule question resterait à examiner, il suffit presque de la poser pour
la résoudre. En 1832 on proposa d'ajouter, par un amendement exprès, que le
tuteur à l'interdit, dans le cas de Fart. 29, pourrait être autorisé à prélever,
sur les revenus de l'interdit, les sommes nécessaires pour secourir les person-
nes auxquelles Finterdit devait des aliments, comme les enfants, les ascendants.
On répondit avec raison qu'un tel amendement était inutile, que la législation
existante pourvoyait entiteement à ce besoin. H faut même aUer plus loin et
dire que le tuteur pourrait, avec les formalités voulues, prélever non-seule-
ment de quoi fourmraux pensions alimentaires que l'interdit pourrait devoir,
mais même prélever les sommes nécessaires à l'établissement, aux constitu-
tions de dot des enfants de l'interdit, et cela aux termes de l'art. 511 du Gode
civil, évidemment applicable à cette matière. On eût pu ajouter que, dans le
projet primitif discuté en 1808, l'art. 1020 contenait formellement une dispo-
sition de ce genre qui lut rayée du projet comme inutile, la matière étant
suffisamment prévue par le Gode civil. N'hésitons donc pas à dire que, dans
l'interdiction légale comme dans l'interdiction judidiaire, le tuteur de l'interdit,
&a remplissant les formalités de l'art. 511, peut valablement pourvoir, non-
seulement au soutien de la famille, mais même à l'établissement des enfants
de l'interdit. L'argument à contrario que l'on avait voulu tirer de l'art. 475 du
Gode d'instruction criminelle, est sans application, sans aucune portée; nous
le verrons tout à l'heure sur une question qui va se présenter.
Enfin, il est clair que l'art. 512 du Gode civil est inapplicable à l'interdiction
légale. Cet article dit que l'interdiction cesse avec les causes qui l'ont déter-
minée; mais que, pour obtenir mainlevée de l'interdiction, il faudra intenter
une action soumise aux mêmes formalités que celles qui sont prescrites pour
fidre prononcer l'interdiction. Dans Finterdiction légale, rien de pareil; elle
cesse de plein droit, sans demande en mainlevée, par le seul fait de l'expira-
tion de la peine; telle est la conséquence de Fart. 29.
Ainsi, en résumé, en prindpe général, nous appliquerons à Finterdiction
légale établie par Fart. 29 toutes les règles de Finterdiction judiciaire, à l'ex-
ception seulement de celles que la nature des choses, que la différence réel'
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i 12 HUIT. LBÇ. — DBS PJffNXS SN MAT. GfUlC. UV. I. GHAP. I (n« 79).
des positions montrent absolument inapplicables d'une matière à l'autre.
79. Un point plus important, auquel nous passons maintenant, est de savoir
à quelle nature de condamnations l'interdiction légale doit être précisément
attachée, non pas à quelles peines, car Tart. 29 répond clairement à la ques-
tion, ce sont les trois dernières peines afflictives temporaires; mais Tinterdic*
tion légale résulte-t«eUe indifférenmient, soit d'une condamnation contradic-
toire, soit aussi d'une condamnation par contumace à cbacune des peines
afflictives temporaires indiquées par l'art. 29?
A l'égard des condanmations contradictoires, il n'y a aucune difficulté ; soit
que le condamné subisse réellement sa peine ou qu'il s'y soit dérobé par la
fuite, par cela seul que la condamnation est contradictoire, définitive, inatta-
quable, rétat d'interdiction légale pèse sur le condamné, détenu ou fugitif^
sans aucune espèce de distinction.
Mais en est-il de même de l'individu condamné par contumace à l'une des
trois peines indiquées par notre article? Le doute à cet égard pourrait résulter
des termes généraux de l'art. 29 : Quiconque aura été condamné, expressions
qui ne distinguent pas entre les condamnations contradictoires et les condam-
nations par contumace. Cependant vous trouverez au Gode d'instruction crimi-
nelle un chapitre spécial relatif à la matière des contumaces sous les art. 465
à 478, et parmi les articles de ce chapitre l'art 471 semble introduire, pour la
matière qui nous occupe, une disposition spéciale, une règle qui exclut l'appli-
cation de l'art. 29. Voici les termes de cet art. 471, dont il est important de
bien pénétrer le sens, sujet k quelques discussions : c Si le contumaz est
condamné, ses biens seront, à partir de l'exécution de l'arrèi, considérés et
régis comme biens d'absent; et le compte du séquestre sera rendu à qui il
appartiendra, après que la condamnation sera devenue irrévocable par l'expi-
ration du délai donné pour purger la contumace. » Il est clair d*abord que
l'art. 29 du Gode pénal et que l'art 471 de l'autre Gode doivent l'un et l'autre
trouver leur application; qu'aucun des deux ne peut être considéré comme
une abrogation, comme une modification de l'autre. En effet, ces deux articles
existaient et s'appliquaient simultanément avant môme la rédaction du Gode
pénal de 1810 ; ces deux articles se rencontraient dans la loi de 1791 et le Gode
du 3 brumaire an IV combinés, au moins ils s'y trouvaient quant au fond. De
même on a reconnu dans la discussion récente, lors de la révision des lois
pénales, on a reconnu dans la Ghambre l'existence et l'application simultanée
de l'art. 29 et de l'art. 471. On a reconnu formellement, précisément sur la
question dont je vous parlais tout à l'heure, sur le droit qu'aurait le tuteur de
distraire des revenus de l'interdit certaines sommes à titre d'aliments, on a
reconnu que la matière de la contumace était régie par des principes abso-
lument étrangers à la matière de l'art. 29.
Nous dirons donc que l'art. 29 ne reçoit d'application, quant à l'interdiction
légale et à la nomination du tuteur, qu'aux condamnés contradictoirement su-
bissant leur peine ou ne la subissant pas; qu'au contraire, les condamnés par
contumace sont sous l'empire de l'art. 471, ne sont pas conséquemment frap-
pés d'interdiction légale, et qu'il ne leur est pas, qu'il ne peut pas leur être
nommé de tuteur diaprés l'art. 29. En effet, ces deux idées sont inséparables,
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ou Moes DB LBUR héguoion (art. 29). 1 13
et dès lors que, d'après Fart. 471, on ae nomme pas de tttleur aa contnmax,
la conséquence nécessaire, c'est qu'il n'est pas firâppé d'interdiction.
80. Mais quel est précisément le sens de l'art 471 ? quelle sera» pendant la
durée de la contumace, c'est-à-dire jusqu'à l'expiration des vingt ans, quelle
sera la règle à suivre pom* l'administration des biens du condamné par contu-
mace, pour les fruits qui en seront perçus, enfin pour les actes par lui passés?
Voilà trois points dont les deux premiers surtout ont donné lieu à une contro-
verse dont il est bon de vous dire quelques mots.
D'après l'art. 471, les biens du condamné par contumace seront considérés et
régis comme bims d'a6«ent. 8i nous prenions ces mots isolément, en les déta-
chant de ce qui les suit, nous en conclurions qu'à partir de l'exécution par
effigie de la condamnation par contumace» les héritiers présomptifs du oon»
damné obtiendraient la possession de ses biens. Telle serait la conséquence
de ces mots, considérés et régis comme Mens d'ahsmt, expliqués isolément, inter-
prétés parles dispositions du Gode civil au titre Z^e Vabsence, Cependant, pour
comprendre cette disposition, pour nous bien convaincre que cette interpréta-
tion qui se présente au premier aspect ne serait pas exacte, il ûtut jeter un
coup d'œil en arrière sur la législation antérieure à cet article.
Le point de départ de cette question, firéquemmentet tout récemment encore
controversée, est dans l'art. 47à du Gode de brumaire an lY : cet article dé-
clarait qu'en cas de contumace, les biens du condamné seraient régis par l'ad-
ministration des domaines, et que les revenus perçus par cette administration
entreraient irrévocablement dans les caisses de l'État, et ne pourraient être ren-
dus ni au contumax de retour, ni même à ses héritiers. Ainsi, pour punir le
contumax, pour assurer plus efficacement le retour du condamné, la loi de
brumaire le frappait d'une véritable confiscation de tous les fruits et revenus
perçus ou échus pendant la contumace. Tel était le droit en vigueur lors de la
rédaction du Gode civil : séquestre de tous les biens du contumax dans les
mains de l'administration des domaines, perception des fruits pour le compte
de rÉtat qui ne les rendait jamais.
Lors de la rédaction du Gode civil, on eut à s'occuper de cette question dans
l'art. 28 de ce Gode, à propos de la mort civile, et on déclara que les biens des
individus condamnés par contumace à des peines emportant mort civile, se-
raient, pendant les cinq ans de grftoe, eonsidérés et régis comme biens d'ab-
sent. Il parait que la pensée des rédacteurs du Gode était de confier l'adminis-
tration des biens, non plus à l'administration des domaines, mais aux héritiers
présomptifs du contumax; c'est là du moins ce qui parait résulter clairement
de toute la discussion au conseil d'État sur cet article. Il s'ensuivait d'ailleurs
forcément que l'attribution à l'État des fruits perçus dans l'intervalle ne pou-
vait plus avoir lieu, puisque ce n'était plus l'État qui régissait.
Mais, dès lors, une bizarrerie bien étrange résultait du texte de l'art 28 du
Gode civil comparé avec celui de l'art. 475 de la loi de brumaire. En eïïei, l'art. 28
ne s'appliquait qu'aux cas de condamnations perpétuelles, qu'aux condamna-
tions de nature à entraîner la mort civile après l'expiration des cinq ans de
grâce; l'art. 475 du Gode de brumaire restait en pleine vigueur pour les con-
damnations temporaires sur lesquelles l'art. 28 du Gode civil, relatif à la mort
I. 8
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114 HUIT. LEÇ. — DES PEINES EN IfAT. GRIIf. LIT. I. CHAP. I (n* 80).
civile, n'avait rien en à statuer. Cette conséquence était bien étrange, car il
s'ensaivait qae la loi traitait d'une manière plus favorable le condamné par
contumace à une peine perpétuelle emportant mort civile, que le condamné
par contumace à une peine temporaire n'emportant pas mort civile. Au profit
du premier, Tart. 28 ordonnait la restitution des fruits perçus pendant son ab*
sence ; à Tégard du second, la confiscation des fruits avait lieu d'après Parti»
de 475. Cette conséquence avait été aperçue, cette bizarrerie avait été relevée
dans le sein même du conseil d*État, lors de la discussion du Code civil, mais
on n'avait pas cru devoir la corriger, ne voulant pas introduire dans le droit
criminel une modification qui résulterait ainsi d'une disposition générale du
Code civil. Plus tard cette modification fut apportée par l'art. 471; cet article,
dans sa première partie, ne fait que reproduire le texte de l'art. 28 : t Ses
biens (du contumax) seront considérés et régis comme biens d'absent; » mais
il ajoute : t Et le compte du séquestre sera rendu à qui il appartiendra, après
que la condamnation sera devenue irrévocable par l'expiration du délai donné
pour purger la contumace. » La pensée des rédacteurs, dans l'art. 474, a été
d'abroger la confiscation des fruits prononcée par l'art. 475 de la loi de bru-
maire; on 8*en expliquait, d'ailleurs, formellement, dans Texposé des motifs
au Corps législatif.
Ainsi, il est bien sûr que maintenant, dans le cas de condamnation à une
peine temporaire comme à une peine perpétuelle, le contumax de retour, soit
dans les cinq ans s'il s'agit d'une peine perpétuelle, soit dans les vingt ans s'il
s'agit d'une peine n'emportant pas mort civile, doit reprendre les fruits sans
confiscation possible, sauf tout au plus l'application de l'art. 127 du Gode civil.
La question n'est donc plus de savoir si l'État gardera les fruits, la négative
est clairement décidée par l'art. 471 ; la question est de savoir si les biens du
contumax seront administrés et régis, soit par l'administration des domaines,
comme sous le Code de l'an lY, soit au contraire par ses héritiers présomptifs,
comme l'avait entendu, à ce qu'il semble, l'art. 28, et comme il semblerait
naturel de le conclure de ces mots, seront régis comme biens d'absent. En deux
xnots, le séquestre dont parle l'art. 471 pour les condamnés par contumace à
des peines afflictives temporaires, est-ce l'administration des biens par les
héritiers présomptifs du contumax? est-ce, au contraire, comme sous l'empire
du Code de brumaire, Tadministration des biens par la régie des domaines,
mais sans confiscation des fruits? Je crois qu'il faut reconnaf tre, aujourd'hui
comme sous l'empire du Code de brumaire, que les biens du contumax seront
administrés par l'État, sauf, bien entendu, l'obligation de restituer les fruits
soit au contumax de retour dans les vingt ans, soit à ses héritiers présomptift
à l'expiration des vingt ans. Encot*e bien que l'art. 471 n'ait rien dit de formel
à cet égard, encore bien qu'on pût être tenté d'attribuer l'administration aux
héritiers présomptifs, en vertu des expressions de l'article, cependant il est à
croire d'abord que la loi, se servant du mot séquestre, entend parler du sé-
questre ancien, du séquestre tel que l'organisaient les lois antérieures, du
séquestre attribué à l'Etat par le Code du 3 brumaire an IV. Secondement, le
but du séquestre dont parle cet article, tout le monde est d'accord i cet égard,
est qu'en mettant sous les mains de l'État les biens du contumax, on s'assure
qu'il ne pourra pas lui être envoyé des secours de nature à prolonger son état
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DU MODE DB LBUR EXÉCUTION (aRT. 29). 115
de résistance à la loi. Ajoatez que, d'après le §2 de Part. 472, Pextrail de la
coodamnation par contumace doit être transmis au directeur de Fenregistre»
ment et des domaines. A quoi bon cette transmission, si ce n'est pour l'avertir
que la loi lui confère l'administration de ces biens? Enfin, l'art. 475 est plus
formel encore; il décide que pendant la contumace des secours pourront être
accordés à la famille du condamné, et que ces secours seront réglés par l'au-
torité administrative. Or, il est dair que si les biens du contumax étaient
confiés à ses héritiers présompti£S| ce ne serait pas à l'autorité administrative,
mais bien à l'autorité judiciaire de déterminer quelle somme, quelle quotité
de revenus ces héritiers présomptifs, enfants ou ascendants du contumax,
sont autorisés à retenir pour subvenir à leurs besoins personnels.
En résumé, nous déciderons que, dans le cas de condamnation par contu-
mace à Tune des trois peines de l'art. 29, il n*y aura pas lieu à la nomination
d'un tuteur, parce qu'il n'y a pas d'interdiction légale, mais que les biens du
contumax seront administrés et régis par l'administration des domaines, dans
la forme établie pour la régie des biens d'absent; que cette administration
percevra les fnitta, non plus, comme autrefois, au profit et au compte de l'État,
mais à la charge de les restituer, soit au contumax alors qu'il reparaîtra, soit
à ses héritiers présomptifs, sll ne reparait pas dans le délai prescrit pour
purger la contumace, c'est-à-dire dans le délai de vingt ans déterminé par
l'art. 635 du Gode d'instruction criminelle.
Un seul point nous reste à examiner, c'est de savoir quel sera, pendant la
durée du séquestre, pendant la durée de la contumace, le sort des actes passés
par le contumax, par le condamné en fuite. La réponse, en droit, ne peut pas
être douteuse; nous partons de cette idée que l'art. 29 est inapplicable aux
condamnations par contumace ; donc il n'y a pas d'interdiction, donc les actes
passés par le condamné sont des actes valables. H est bien vrai que l'art. 465
du Gode d'instruction criminelle le suspend, à cause de sa contumace, de
l'exercice des droits de citoyen, de l'exercice des droits politiques et civiques,
mais ne le suspend pas de l'exercice des actes de droit civil, et à plus forte
raison des actes de droit des gens.
Ainsi, nous pouvons poser en principe que, la loi ne frappant pas de l'inter-
diction légale le condamné par contumace à l'une des peines de l'art. 29, les
actes de ce condamné sont valables.
Mais de cette validité, conclurons-nous qu'il ait le droit de faire cesser le
séquestre, de dépouiller de ses biens l'administration des domaines eh les
aliénant, de paralyser ainsi les précautions de la loi qui a voulu l'empêcher
de faire arriver jusqu'à lui des secours? Non; ces actes seront valables, mais
sans pouvoir porter atteinte au séquestre de l'administration, qui ne doit se
dessaisir qu'après le- retour du contumax, ou après l'expiration de vingt ans.
Ces actes seront valables sans porter atteinte au séquestre, c'est-à-dire qu'ils
auront tout leur effet contre lui après son retour ou après l'expiration du délai
pour purger la contumace.
Ainsi doivent, je crois, se rapprocher et se concilier les dispositions des ar-
ticles 92 du Gode pénal et 471 du Gode d'instruction criminelle.
' 61. Une simple lecture suffit pour les art. 30 et 31.
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116 HUIT. LEG. r— DBS PEINES EN MAT. CaiM. LIV. I. GHAP. I (n*» 83).
« Art. 90. Les biens da condamné lui seront remis après qu'il aura subi sa
peine, et le tuteur lui rendra compte de son administration. »
a Art. 31. Pendant la durée de la peine, il ne pourra lui être remis aucune
somme, aucune provision, aucune portion de ses revenus. »
*
Ici se terminent les dispositions relatives aux peines afflictives et infaman-
tes, considérées soit en elles-mêmes, soit dans leurs conséquences, dans leurs
accessoires. Nous passons maintenant à i'énumération des peines simplement
infamantes, c'est à savoir le bannissement et la dégradation civique.
82. « Art. 32. Quiconque aura été condamné au bannissement, sera transporté»
par ordre du gouvernement, hors du territoire du royaume. — La durée du ban-
nissement sera au moins de cinq années et de dix ans au plus. »
« Art. 33. Si le banni, avant Texpiration de sa peine, rentre sur le territoire du
royaume, il sera, sur la seule preuve de son identité, condamné à la détention
pour un temps au moins égal à celui qui restait à courir jusqu'à l'expiration du
bannissement, et qui ne pourra excéder le double de ce temps. »
Telles sont les deux dispositions relatives & la peine du bannissement, la
première des deux peines purement infamantes énoncées dans Tart. 8.
Je n'ai pas besoin de faire remarquer, sans doute, en combien de points le
bannissement, peine purement infamante, diffère de la déportation, peine
afflictive et infamante. Ce n'est pas seulement quant à sa durée, et en ce sens
que dans nos lois la déportation est essentiellement perpétuelle et le bannis-
sement nécessairement temporaire, c'est aussi et plus encore dans son mode
d'exécution. Le bannissement est le simple transport du condamn é hors du
territoire du royaume, avec défense d'y rentrer pendant la durée de la peine;
ce nest pas, comme la déportation, son transport dans un lieu déterminé,
avec obligation d*y rester et mesures coercitives destinées à l'y retenir. Ainsi,
le bannissement laisse au banni le choix de son séjour hors des frontières da
royaume, et par là même des facilités pour rompre son ban, contre lesquelles
l'art. 73 a cru devoir se prémunir par une peine accessoire.
8B. Le bannissement a été jugé par les publicîstes d'une manière tout à fait
contradictoire ; il a été regardé par les uns comme une peine digne des plus
grands éloges, et par les autres comme une peine illusoire, et surtout profon-
dément immorale.
Voici comment s'exprime Beccaria, l'un des criminalistes les plus distingués
du dernier siècle; il disait: c Celui qui trouble la tranquillité publique, qui
n'obéit pas aux lois, qui viole les conditions sous lesquelles les hommes se
supportent et se défendent réciproquement, doit être exclu de la société,
c'Q8t-à*dire banni. » Beccaria, emporté par des désirs d'amélioration, par un
sentiment de philanthropie souvent inconsidéré, faisait ainsi du bannissement
une sorte de peine applicable à tous les crimes, une sorte de panacée univer-
selle suffisante à gnérir tons les maux du corps social.
Au contraire, un publiciste contemporain dit que l'universalité de la peine
du bannissement, c'est-à-dire son introduction chez tous les peuples, dé-
montre bien chez toutes les nations Tégoïsme delà loi; au lieu de noos-
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DU BANNI88BICBNT (aRT. 53). 117
^regarder comme tine immense famille, nous rejetong sana pitié stir nos voi*
sins nn mal redonté, car le délit tient moins à la demenre da coupable qn'à
ses inclinations perverses; il ne trouve dans ses passions ni ressource ni
amélioration.
Entre ces opinions fort opposées. Tune qui admet et recommande, l'autre
qui flétrît et repousse la peine du bannissement, quelle est celle que nous
•devons admettre? Pour répondre à cette question, au lieu de l'examiner en
pure théorie, ce qui a peu d'intérêt, occupons-nous de la peine du bannisse*
ment comparée avec les crimes qu'elle doit punir.
n est slSur d'abord que les critiques élevées contre cette peine, critiques qui
reposent avant tout sur son immoralité, sur ce qu'il n'est pas permis à un
peuple de rejeter sur ses voisina les coupables dont il veut se délivrer; il est
clair que ces critiques seraient très-fondées dans une législation qui ferait
du bannissement une peine applicable aux crimes ordinaires, aux attentait
soit contre la sûreté des personnes, soit contre la sûreté des propriétés : le
. bannissement serait alors une peine immorale au premier chef; il ne serait
vraiment qu'un échange de malfaiteurs opéré de nation à nation : il serait par
là même impraticable, car il est sûr que tous les États puissants interdiraient
aussitôt l'entrée de leurs frontières aux bannis que voudraient y rejeter leurs
voisins.
Si, au contraire, le bannissement ne figure dans une législation que comme
une peine applicable à des crimes tout à fait locaux, à des crimes dont le dé-
placement du condamné rendra le renouvellement impossible ou improbable,
à des crimes qui ne supposent pas dans leur auteur ce degré d'immoralité que
frappe d'ordinaire la loi pénale, il est clair, dis-je, que les reproches élevés
contre cette pénalité seront absolument sans application, sans réalité. C'est en
«ffét, je me hâte de le dire, à des actes de cette nature que la loi française
applique à peu près exclusivement la peine du bannissement; c'est aux crimes
appelés d'ordinaire crimes j)olitique8, et crimes politiques d'un ordre très-
secondaire, que la peine du bannissement est à peu près bornée par nos lois.
8ous ce rapport, les considérations précédentes perdent infiniment de letfr
force. Dans la plupart des cas, l'éloîgnement du coupable suffit pour rendre
impossible, non-seulement dans le pays dont il est banni, mais encore dans le
pays où il va séjourner le renouvellement des crimes qui ont entraîné la oonh
damnation. Vous en trouverez des exemples dans les art. 84, 85, iOÎ, 110>
115, 124, et cinq ou six autres du Gode pénal.
S4. Je ferai seulement remarquer que la loi du 28 avril 1832 a modifié à
cet égard la législation antérieure, et substitué dans trois articles du Gode de
18101a peine de la détention à celle du bannissement ; je veux parler des ail^
78, 81, g 2, et 82 du Gode pénal. En général, les crimes compris dons céb
trois articles, et que le Gode de 1810 frappait du bannissement, n'étaient pas
des crimes politiques purement intérieurs, mais c'étaient des actes de conni^
yence, d'inteirgence plus ou moins coupables avec des puissances étrangôreb
eu ennemies du pays. On a senti que frapper de pereils actes de la simple peine
du bannissement, c'était une mesure absolument illusoire; que se contenter
de bannir celui qui a livré a une puissance étrangère certains actes, certaiïtt
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118 HUIT. LEG. — DBS PEINB8 EN MAT. GRIM. LIV. I. GHAP. I (n*^ 86).
plans, certains secrets importants à la sûreté de son pays, ce n'était pas le pu-
nir, mais renvoyer recevoir en pleine sécurité le prix de sa trahison. Dès lors,
on a substitué, et avec grande raison, la peine grave et efficace de la détention
à la peine du bannissement, absolument illusoire dans de telles hypothèses.
85. Les premières considérations pour ou contre le bannissement étant
éclaircies selon la nature des faits auxquels il s'agira de l'appliquer, il est juste
de remarquer que cette peine n'est pas à l'abri de certains reproches de détail i
elle a le grand défaut d'être peu appréciable, fort inégale, et par là même
assez peu exemplaire. Dans certaines positions, le bannissement est une peine
fort dure pour celui qu'elle atteint, pour celui dont elle rompt tous les liens
avec son pays, sa famille, ses parents, ses amis, et dans d'autres positions le
bannissement est une peine à peu près illusoire, si par ses relations avec l'étran-
ger, par son état, sa fortune, le banni peut se créer un nouvel état, une nou-
velle fortune. Ce sont là des inconvénients qui doivent faire que cette peine ne
soit employée que dans des cas assez rares, plutôt pour enlever à celui qu'elle
atteint la faculté de renouveler l'acte qui en est la cause, que pour le punir
véritablement, car le châtiment résultant du bannissement est d'un effet problé-
xnatique et subordonné à la position de Tindividu qu'il atteint
86. J'ai dit que de la nature même du bannissement, qui ne concentre pas
le banni dans un lieu déterminé» qui lui permet de séjourner à quelques Ueuea,
à la porte même de la France, résultaient pour celui-ci des facultés de retour
contre lesquelles on avait cru devoir se prémunir. Ainsi s'explique le texte de
l'art. 33, relatif au banni qui rompt son ban, au banni qui rentre en France
avant l'expiration de sa peine; la loi le frappe alors de la peine de la déten-
tion ; mais cette détention prend dans cet article un cacactère qui mérite quel*
que attention.
Nous avons dit que la détention proprement dite, annoncée par l'art. 7 et
expliquée par Fart. 20, avait un minimum de cinq ans et un m/oximum de vingt
ans. 11 est clair que cette règle du minimum et du maximum de la détention
proprement dite est inapplicable à notre art. 33 ; dans ce cas, la détention a
pour maximum le double de la durée du bannissement qui restait à courir,
c'est-à-dire que très-rarement elle aura vingt ans pour maximum ; il faudrait
supposer pour cela que le bannissement eût été prononcé pour dix ans, et que
le banni fût rentré en France le jour même où il en était sorti. Ainsi le maxi-
mum de la détention spéciale, dont parle l'art. 33, variera dans les limites
fort nombreuses selon le temps qui restait encore à courir pour le bannisse-
ment. A l'inverse, on pourrait dire que la détention de l'art. 33 n'a pas de mi-
nimum, n'a pas au moins de mi&%imum fixe et général ; ce minimum, c'est le
temps qui restait à courir pour l'expiration de la peine, c'est-à-dire qu'il pour-
rait être d'un ou deux jours si c'était à la veille, à l'expiration de sa peine que
le banni fût rentré en France. Ainsi, sous ce rapport, la détention dont parle
l'art. 33, relativement à sa durée, diffère essentiellement de la détention ordi-
•naire. Du reste, elle s'exécutera de la même manière, c'est-à-dire qu'elle con-
sistera à renfermer le banni dans une des forteresses déterminées, conformé-
ment aux règles de l'art. 20.
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DU BANNIflfiBMBNT (art. 33). 119
87. L'ezéoQtion de cette peine est très-simple ; mais il faut appeler Yotre
attention sur ces mots de Tart. 33 : il sera, sur la seule preuve de son identité,-
Iliant d'abord rapprocher ces mots des art 518 et 519 du Gode d'instraction
criminelle relatifs aux formalités à suivre pour les constatations, pour les re-
connaissances dldentité. L'art. 518 dit: « La reconnaissance de Tidentilé
d*un condamné, évadé et repris, sera faite par la cour qui aura prononcé sa
condamnation. — Il en sera de même (et c'est ce^econd paragraphe qui s'ap*
plique à notre article), il en sera de même de l'identité d'un individu con-
damné à la déportation ou au bannissement qui aura enfreint son ban et sera
repris ; et la cour, en prononçant l'identité, lui appliquera de plus la peine at-
tachée par la loi i son infraction. > Et l'art. 519 ajoute : t Tous ces jugements
seront rendus sans assistance de jurés (cependant, vous le voyez, il s'agit d'une
condamnation criminelle, d'une condamnation i une peine afflictive ou infa-
mante), après que la cour aura entendu les témoins appelés tant à la requête
du procureur général qu'à celle de l'individu repris, si ce dernier en a fait
citer. — L'audience sera publique, et l'individu sera présent, à peine de nul»
Uté. >
De ces deux articles combinés avec l'art. 33, nous avons à tirer plusieurs
conséquences.
D'abord, c'est que la peine prononcée par l'art. 33 contre le banni qui a
rompu son ban, ne peut jamais être prononcée par contumace. Cette condam-
nation a cela de spécial, qu'elle ne peut être prononcée que contradictoirement:
cela résulte clairement des derniers mots de l'art. 5i9.
Un autre point beaucoup plus important, et malheureusement bien moins
facile à justifier, est la disposition de l'art. 519, déclarant que les jugements
dont il parle, et notamment celui de l'art. 33, seront rendus parla cour d'assi-
ses sans assistance de jurés. C'est ici une exception on ne peut plus notable à
ce principe général qui assure à toutes les condanmations criminelles la garan*
tie du ^gement par jurés.
Quel peut être ie motif d'une exception si saillante ? pourquoi, dans le cas
qui nous occupe, et encore plus dans le cas de la déportation, art. 18, § 2, pour-
quoi le banni et le déporté qui auront rompu leur ban pourront-ils, sur la seule
preuve de leur identité, déclarée sans assistance de jurés, être condamnés, le
banni à la détention, le déporté aux travaux forcés à perpétuité ? C'est, ont dit
quelques auteurs, qu'il n'y a aucun motif pour assurer dans ce cas tes garanties
ordinaires, qu'il n'y a aucun motif pour exiger dans cette hypothèse, dans une
procédure si simple, Tintervention du jury. La cour d'assises qui a prononoé
la première condamnation est donc la seule compétente pour connaître de cette
contravention, ce n'est là que l'application de l'article, elle doit prononcer sans
Fasaistance de jurés, car ici il n'y a pas de faits à apprécier, il n'y a pas d'in-
tention à débattre. Quelle serait la mission des jurés ? Tout le procès se résume
dans la connaissance du fait matériel. Si l'art. 519 refuse en pareil cas à l'ac^
cosé le bénéfice de la procédure par jury, c'est parce qu'il n'y a dans l'espèce
qu'on fait matériel à aj^récier, qu'un fait dénué de tout calcul d'intention,
de tonte apiuréciation de moralité.
J'avoue que ces raisons me paraissent de la dernière laiblesse : de ce qu'il
n'y a, dit-on, qu'un fait matériel à juger, est-ce là une conséquence, est-ce
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120 HUIT. LEÇ. — DES PEINES EK MÀT. GRIM. LIY. I. GHAP. I (n^ 87).
une raison pour exclure la procédare par jarés ? Mais les faits matériels sont
avant tout des faits qui rentrent dans la compétence^ dans la nature des ques-
tions sur lesquelles les jurés sont appelés à statuer. Dans le partage, dans la
division actuelle de la solution des questions criminelles, nous verrons plus
tard que la loi attribue aux jurés, et seulement à eux, la solution des questions
de &it, à la cour d'assises seule la solution des questions de droit. Or, si les
jurés sont avant tout essentiellement les juges du fait, c'est expliquer d'une
façon très-singulière la décision de l'art. 519, que de dire qu'on exclut les jurés
parce qu'il n*y a là qu'une question de fait. C'est précisément parce que la
question est de fait, qu*il me paraît important de les admettre.
Dira-t-on que, les jurés se renouvelant et se renouvelant par le sort, ceux
qu'on appellerait pour constater l'identité ne seraient plus les mêmes que ceux
qui avaient assisté à la première procédure et prononcé le premier verdict ? Je
le comprends ; mais qu'on remarque bien que la cour d'assises appelée à con«'
Btater l'identité, aux termes de l'art. 518, n'est plus que nominalement la même
cour d'assises qui a déjà jugé ; qu'on remarque bien que le roulement, le re-
nouvellement; périodique qui forme les cours d'assises n'appellera jamais à
oonstater l'identité des juges devant lesquels le prévenu a ooœparu et a été
condamné une première fois ; que quand par hasard un ou plusieurs de ces
juges se trouveraient appelés dans la même cour d'assises, il est clair qu'après
trois, quatre ou cinq ans, leurs souvenirs personnels ne seront que des guides
absolument insignifiants pour constater l'identité d'un prévenu dont les traits
se seront depuis longtemps effacés de leur mémoire.
Mais, à part toutes ces considérations» il y en a une plus importante : les
art. 518 et 519 excluent, dit-on, dans l'espèce, l'intervention du jury, parce
qu'il ne s'agit que d'un fait matériel, de l'identité de l'individu traduit devant
la cour, parce qu'il n'y a ni intention, ni volonté ni moralité à constater. Cette
assertion est absolument fausse, et si ce motif a dicté l'art. 518, tant pis pour
ses rédacteurs.
Conçoit-on, en effet, une procédure criminelle pouvant entraîner la peine
de la détention ou des travaux forcés à perpétuité ; conçoit-on, dis-je, une
pareille procédure, dégagée de toute question d'intention et de moralité?
eonçoit-on^ne, dans ce cas, ou dans aucun autre, un juge, puisse et doive
appliquer une condamnation sans avoir à examiner s'il y a eu volonté, inten-
lion, pensée coupable de la part de celui qu'on condamne ? Or, dans l'espèce,
je suppose l'identité du banni bien constatée, je la suppose établie par les té-
moins et par l'aveu même du banni ; s'ensuit-il qu'on doive, aux termes de
Fart. 33, sur la seule preuve de son identité, sans se poser aucune question
d'intention de volonté, de moralité, s'ensuit-il qu'on doive prononcer contre
lui l'énorme aggravation de peine prononcée par l'art. 33 ? Et si ce banni,
arrêté avant l'expiration de sa peine, en deçà de nos frontières, allègue que
c^eat par un accident, que c'est par une tempête qu'il a été jeté sur les côtes
françaises ; s'il allègue que l'autorité étrangère, et nous en avons des
exemples, l'a expulsé de sa frontière, l'a fait conduire sur le territoire
français, est-ce qu'il n'y aura pas là, à part la question d'identité, une ques-
tion d'intention morale, de liberté à examiner ? Cette dernière hypothèse n'est
pas impossible, elle Test si pea, ^e, le 44 septembre 4816, une eîrculaire dv
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DB LA DtoRADATION GITIQXJB (aRT. 34). 121
ministre de la jnsUoe annonçait à tons les procarenrs généraux qne les pays
▼oisins de la France se refusant à recevoir nos bannis, rejetant sur notre ter-
ritoire les bannis qui essayaient de pénétrer cbez eux, les condamnés au ban-
nissement deyaient rester provisoirement emprisonnés ; l'hypotbèse est donc
possible.
Et à part ce cas, dans lequel le banni alléguera que, s*il a rompu son ban,
c'est sous la contrainte d'une force majeure qui Ta rejeté sur nos frontières,
hypotbèse dans laquelle Tart. 33 sera évidemment inapplicable, n*y a-t4l pas
une foule de circonstances, de nuances de moralité, qui devront être exami*
nées, môme à Tégard du banni qui très-sciemment et très-librement aura
rompu son ban ? Par exemple, croit-on que la question étant soumise à un
jury, ce que défend Tart. 519, croit-on qu'un jury confondrait le banni qui sera
rentré en France dans l'intention d'y commettre un crime, ou sans aucun mo-
tif d'y rentrer, et le banni qui y sera revenu parce que son père ou sa mère
allait mourir et qu'il voulait lui fermer les yeux ? Il est clair qu'en supposant
dans de telles hypothèses le banni traduit devant un jury, en supposant qu'il
y eût un j«ry qni, s'attachant à la lettre, pût le déclarer coupable, il n'y aura
pas un jury, pas un Juré qui n'ait grand soin d'ajouter: Oui, il est coupa*
ble d'avoir rompu son ban, maïs avec des circonstances atténuantes, qui
n'ajoutât cette déclaration, autorisée par l'art. 463 du Gode pénal, et qui ne
réduisit à un degré très-sensible la gravité de la peine que le fait matériel eût
Mitrainée.
Qu^on n'essaye donc plus de justifier les art. 5i8 et 519, et de légitimer une
exception inexplicable et contraire, je le répète, à tous les principes de notre
droit criminel, en disant qu'il n'y a dans l'espèce qu'un fait matériel, sans
intention, sans volonté, sans moralité à examiner. Qu'on reconnaisse franche-
ment qu'il y a là, comme partout ailleurs, comme dans toute espèce de crime,
une question de moralité susceptible de mille appréciations différentes, et
que par conséquent ii y avait là, comme partout ailleurs, un besoin, une né-
cessité de garantie que les art. 83 et 519 ont enlevés au banni sans pitié et
flans raison.
88. « Art. 34. La dégradation civique consiste : !• dans la destitution et l'ex-
tiusion des condamnés de toutes fonctions, emplois ou offices publics ; ~ 2* dans
la privation du droit de vote, d'élection, d'éligibilité, et en générai de tous les droits
civiques et politiques, et du droit de porter aucune décoration ; — 3* dans l'inca-
pacité d'être juré, expert, d'être employé comme témoin dans les actes, et de dé-
poser en justice autrement que pour y donner de simples renseignements ; —
4"* dans l'incapacité de faire partie d'aucun conseil de famille et d'être tuteur,
curateur, subrogé tuteur ou conseil Judiciaire, si ce n'est de ses propres enfants,
et sur l'avis conforme de la famille ; — 5<* dans la privation du droit de port d'ar-
mes, du droit de faire partie de la garde nationale, du droit de servir dans les ar-
mées françaises, de tenir école, ou d'enseigner et d'être employé dans aucun éta-
Wssement d'instruction, à titre de professeur, maître ou surveillant. »
Dttis Tart. 34, il est question de la seconde peine parement infamante, c'est-
à-dire de ia dégradation civique, nous pouvons aujourd'hui ea dire quelques
mots.
Déjà nous avonf tridté de la dégradation civique, consîdéi^ comme peino
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122 HUIT. LEÇ. ~ DBS PBINE8 EKUAT. CRIM. LIV. I. GHAP. I (n^ 90).
accessoire, comme résoltat des trois condamnations énumérées dans Part. 28.
L'art. 34 énumère les différents droits dont Ja privation constitue la dégra-
dation civique, et il s'applique égaleosent à la dégradation prononcée comme
peine principale dont nous n'avons pas encore parlé.
Nous avons dit, sur Tart. 28, que la dégradation civique était une peine in-
définie, qu'elle ne cessait que par la réhabilitation prononcée après les délais
Indiqués par Tart. 619 du Gode d'instruction criminelle. Quant à la dégradation
civique prononcée comme peine principale, nous n'avons pas indiqué sa durée ;
sa durée est également indéfinie^ elle ne cesse que par la réhabilitation, et
cette réhabilitation peut être demandée et obtenue cinq ans après que la dé*
gradation civique est devenue irrévocable.
89. Remarquez d'ailleurs que la dégradation civique, considérée comme
peine principale, résulte de l'arrêt même de la condamnation qui la prononce.
Elles n'est plus subordonnée, comme elle l'était sous le Gode pénal de 1791, à
certaines solennités qui tendaient à la rendre publique. L'art. 31 du titre P'
du Gode pénal de 1791 disposait ainsi : c Le coupable qui aura été condamné
à la peine de la dégradation civique, sera conduit aa mitiou de la plooo pu-
blique où siège le tribunal criminel qui l'aura jugé. Le greffier du tribunal
lui adressera ces mots à haute voix : Votre pays vous a tbouvé gonvauigu
d'une action INPAME, la loi et LB tribunal vous DÂaRADBNT DE LA QUALITÉ OB
CITOYEN FRANÇAIS. Le coudamué sera ensuite mis au carcan au milieu de la
place publique, il y restera pendant deux heures exposé aux regards du
peuple. Sur un écriteau seront tracés, en gros caractères, ses noms, son do-
micile, sa profession, le crime qu'il a commis et le jugement rendu contre
lui. > Toutes ces solennités, dont la loi de 1791 entourait la dégradation ci-
vique, et qui tendaient à en faire une peine infamante, non-seulement de
droit, mais aussi de fait, toutes ces solennités ont disparu, et je ne pense pas
que nous devions les regretter. Nous ne le devons pas, surtout maintenant
que la dégradation civique, au lieu d'être la conséquence de crimes graves»
est, au contraire, attachée par la loi à un assez grand nombre de faits dont la
nature répugnerait absolument à la solennité du châtiment prescrit par la loi
de 1791.
90. Cette peine, introduite par le Gode de 179i , a été reproduite dans le
Gode pénal de 1610, et depuis dans celui de 1832 ; elle n'y a cependant pas
passé, au moins en 1808, sans des objections assez graves dont nous exami-
nerons bientôt le mérite.
Ainsi, certaines personnes alléguaient, comme nous le verrons, avec de
graves raisons, que le système de la dégradation civique aurait souvent pour
résultat de manquer absolument son but; c'est-à-dire que, dans certains cas,
en essayant, en tendant à ravir on droit à celui que l'on condamne, on ne
ferait que lui accorder une faveur et une dispense. Vous voyez quelques exem-
ples frappants de ce résultat dans le texte de l'art. 34. Cependant, la dégra-
dation civique fut introduite, et en 1832, loin de revenir sur les inoonvéntents
que présente en certains cas ce genre de peine, on a multiplié, étendu le
cercle des incapacités qui sont la conséquence de la dégradation civique; on
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DE LA DâGRAJDATION CIVIQUB (aRT. 34). 123
a même appliqué ce genre de pénalité à certains faits auxquels, jusque-là^
elle n'était pas étendue. Vous verres des exemples de dégradation civique
prononcée dans les art. 111» 114, 119, 121, 126, 127 et quelques autres du
Gode pénal.
La dégradation civique consiste, posons aujourd'hui ces préliminaires, dans
la privation que la loi inflige au condamné de certains droits civiques, civils
et de famille. Le détail de ces privations, de ces incapacités, se trouve dans
l'art. 34. On ne peut, en principe général, contester au législateur le droit
d'employer, pour punir, la privation de certaines capacités. La privation d'un
bien, la souffrance d'un mal sont deux idées qui conviennent également à
l'idée de pénalité. Il est incontestable qu'il est des droits, et des droits nom-
breux, dont la privation est un mal fort réel. On conçoit donc que le législa-
teur emploie, dans certains cas, la privation d'un droit, comme étant par elle*
même une peine réelle et une peine grave ; mais quand on procède ainsi,
quand la loi essaye de punir, non par une peine corporelle comme l'empri-
sonnement, mais par une peine toute négative, par une privation de certains
droits, ii y a à prendre certaines précautions que peut-être on a trop négligées
en organisant la dégradation civique.
D'abord, il faut bien faire attention d'éviter cet inconvénient qu'on signalait
en 1808 dans le conseil d'État, il faut bien faire attention de n'aller pas, en
essayant de punir, accorder une véritable faveur. Or, c'est à ce résultat qu'on
arrive évidemment dans les §g 4 et 5 de notre art. 34, au moins pour la plu-
part des incapacités qu'on prononce; quand on déclare un individu incapable
de la tutelle, incapable du service militaire, il est clair qu'on lui accorde une
dispense, au lieu de lui infliger une peine. Si cependant cette dispense est
fondée sur des motifs d'absolue nécessité, elle sera juste. Si vous déclarez
indigne de tutelle un voleur, personne ne songera à vous faire Tobjection que
j'indiquais; mais si vous déclarez incapable de tutelle un fonctionnaire qui a,
non pas malversé dans l'exercice de ses fonctions, mais empiété sur un pou-
voir parallèle^ par ignorance ou par ambition, il est clair que dans ce cas vous
lui infligerez une pénalité qui n'a aucun rapport avec son crime : vous ne faites
que lui accorder une dispense; la cbose est sensible pour la tutelle, et encore
plus pour le service militaire.
Une seconde précaution, qui est également à observer quand on procède par
privation de tel ou tel droit, est d'établir autant que possible, de l'analogie
entre le crime qu'on veut punir et le droit qu'on ravit à raison de ce crime.
Sous ce rapport, il n'y a rien de plus juste, par exemple, que de frapper de la
privation du droit de vote, d'éligibilité, le fonctionnaire qui, comme le prévoit
l'art. 41, aura été surpris falsifiant les billeU d'un scrutin; là il y a violation
d'un devoir civique; on conçoit que la loi le punisse par la privation de cer-
tains droits civiques. Que si, au contraire, la loi inflige des déchéances, des
incapacités sans aucun rapport avec le crime qu'elle entend punir, l'à-propos
de la peine et son but seront manques. Si, par exemple, pour empiétement
de pouvoir d'un fonctionnaire, elle promet la déchéance du droit de port
d'armes et du droit de chasse, la privation est ridicule.
Troisièmement, enfin, un point fort important et qu'on a négligé souvent
dans cet article, c'est d'avoir soin que ces privations, qu'on entend infliger i
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124 NBUV. LEÇ. — DES PEINES EN MAT. CRIM. LIV. I. CHAP. I (n* 91).
un coupable à titre de pénalité, n'aient pas pour résultat de frapper directe-
ment un tiers qui est innocent, sans toucher le moins du monde l'individu
qu'on entend punir. Ainsi, quand vous déclarez, par exemple, que l'individu
frappé de dégradation civique ne sera pas admis à déposer en justice, il est
clair que ce n'est pas lui que vous punissez; très-peu lui importe, en réalité,
d'être admis ou de n'être pas admis à déposer en justice des faits qui intéres-
sent un tiers : celui qu'on punit par cette disposition, c'est le tiers tout à fait
innocent qui aurait besoin de ce témoignage, et qui, faute de ce témoin, se
trouvera peut-être dans l'impossibilité d'établir son droit.
Ainsi, la loi doit éviter, en procédant par privation de droits, i^ d'accorder
une dispense là où elle entend frapper d'une peine ; 2* d'infliger des pénalités,
des privations qui sont sans aucun rapport avec Tacte qu'elle entend punir;
3^ enfin de frapper indirectement des tiers.
Ces premiers points indiqués, vous pourrez relire les dispositions diverses
de l'art. 34, et vous verrez que quelques-unes des privations qu'il indique,
fort à propos infligées à certains crimes, le sont fort mal à d'autres; il pèche
sous plus d'un rapport contre les règles que nous venons d'indiquer.
NEUVIÈME LEÇON.
91 . Nous avons commencé à nous occuper de la dégradation civique con-
sidérée comme peine principale; c'est, vous le savez, la seconde et la dernière
des peines purement infamantes indiquées dans l'art. 8. Cette peine consiste,
avons-nous dit, dans la privation de certains droits, des droits politiques, ci-
viques, et même de quelques droits de famille. Nul doute qu'en principe une
pareille manière de punir ne soit légitime, nul doute que le législateur ne
puisse s'emparer de certains droits pour les retirer à celui qu'un crime anté^
rieur rend indigne' de les exercer. Mais, dans l'application de cette peine faite
par le législateur à des crimes de nature fort différente, il y a, avons-nous
dit, plusieurs règles à considérer ; rappelons-les d'abord rapidement, et exa-
minons en quelques mots jusqu'à quel point le législateur les a suivies.
D'abord, cette manière indirecte de punir, résultat de la privation complète
d'un assez grand nombre de droits, présente un inconvénient qui ne suffit pas
sans doute pour faire proscrire cette peine, mais qui en resserre, qui en limite
beaucoup l'utilité. C'est que les droits dont l'art. 34 prononce la privation sont,
pour un fort grand nombre de coupables, des droits très-indifférents, des droits
très-insignifiants ; pour d'autres, au contraire, et surtout pour ceux qui appar-
tiennent à la classe sociale la plus élevée, ces droits peuvent avoir le prix le
plus grand. De là cette conséquence que la dégradation civique prononcée
comme peine principale est une peine peu appréciable, et surtout extrême-
ment inégale; d'où il suit qu'en général il est fort sage ,en détaillant les divers
droits' dont cette peine emporte la privation, en appliquant surtout cette péna-
lité à tel ou tel crime spécial, il est très-bon d'établir, autant que possible, de
l'analogie entre les abus que le législateur entend punir, et les droits qu'il
enlève au coupable, précisément dans l'intention de le punir. Que si cette
analogie n'existe pas, que si l'on prive le coupable d'un droit sans aucun rap-
port avec celui dontil vient d'abuser, on s'expose à ne frapper, dans nombre
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AE LA DÉGRADATION GIYIQUB (aRT. 34). 12$
de csis, qu'une peine fort insignifiante; nous en yerrons bientôt des exemples.
Nous avons dit^ de plus, que cette peine complexe^ telle que le législateur
l'a organisée, avait souvent un inconvénient qu'on avait remarqué et objecté
dans roriginOi c*est qu'en annonçant l'intention de punir, 1& volonté de retirer
un droit, le législateur confère souvent une véritable dispense, une véritable
exemption ; c'est qu'en voulant punir oejui qu'il déclare coupable, il arrive
souvent : !<> qu'il ne le frappe nullement; 2* qu'il le frappe sans rapport avec
l'acte coupable; Z^ que la peine, qui n'efOeure pas le coupable, va porter de
tout son poids sur des tiers qui lui sont étrangers : nous en verrons quelques
exemples.
En effet, quand vous voyez dans les §§ 4 et 5 de l'art. 34, au nombre dea
droits dont le dégradé civiquement se trouve dépouillé, figurer l'incapacité de
servir dans la garde nationale ou dans l'armée, ou l'incapacité d'être tuteur ou
curateur, il est clair que dans ces hypothèses ce sont de véritables dispenses, de
véritables exemptions qu'on accorde au dégradé civiquement bien plutôt qu'on
ne lui inflige un véritable châtiment: il est clair que, loin de lui ravir un
droit, on le soulage d'une charge fort onéreuse, et que cette charge doit être-
remplie, doit être accomplie par des tiers, c'est-à-dire qu'on ne touche pas le
coupable et qu'on va frapper des innocents.
Ce n'est pas que j'entende blâmer à tous égards les §§ 4 et 5 relativement
aux exemples que je viens de signaler : certainement il est des crimes, et en
assez grand nombre, dont la nature est telle qu'elle se refuse à ce qu'on con-
fie à celui qui s'en est rendu coupable un poste et des armes; il est des cri-
mes de telle nature, frappés de la dégradation civique, qu'il devient absolu-
ment impossible de confier une tutelle à celui qui s'en est rendu coupable.
Mais remarquez bien que, dans ces cas, quand la loi déclare le coupable inca-
pable d'une tutelle, incapable de service militaire, ce n'est pas vraiment une
peine qu'elle lui inflige, c'est une précaution, et une précaution fort sage,
qu'elle prend dans l'intérêt social; c'est une mesure de défense, et non point
une mesure de punition.
Quelle est la conséquence de tout ceci? C'est que, si parmi tous les crimes
que le législateur a frappés de la dégradation civique, nous en rencontrons
quelques-uns dont la nature ne répugne nullement à l'exercice des fonctions
dont parlent les §§ 4 et 5; si, parmi ceux que la loi dégrade civiquement,
nous trouvons des coupables qui pourraient servir dans les rangs de Tarmée,
sans que la sûreté de l'État en reçût aucune atteinte, ni l'honneur de l'armée
aucune souillure ; si nous trouvons des coupables dont le crime est de telle na-
ture qu'il n'y aurait aucun danger à leur confier une tutelle, nous dirons alors
que la dégradation civique, organisée comme elle l'est, est une peine qui leur
convient fort mal; que les déclarer incapables de tutelle, incapables de service
militaire, ce n'est réellement que leur accorder une exemption que ne récla-
xnait nullement l'intérêt de la sûreté soit privée, soit publique. Nous allons en
trouver quelques exemples en parcourant plusieurs des cas auxquels le Gode
pénal attache la dégradation civique.
Avant de citer des articles à cet égard, résumons-nous sur cette peine, en.
disant que, légitime en elle-même, le est cependant fort difficile de l'apprécier
d'une manière générale, d'une manière absolue, non à cause de son extrêma
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126 NBUV. LEÇ. — DBS PEINES EN MAT. CRIM. LIV. I. CHAP. I (n« 91).
complexité, à cause de Tinfinie yariété des droits dgnt l'art. 34 prononce U
privation ; et qu'à raison même de cette variété il arrivera fréquemment que
la dégradation civique sera, sur plusieurs points, et à cause des crimes auxquels
on l'infligera, une peine illusoire et produisant des résultats indifférents pour
le coupable, et dangereux souvent pour des tiers.
Dans l'art, lil, la loi punit de la dégration civique celui qui, chargé du
dépouillement d'un scrutin, aura frauduleusement dénaturé, aura vicié ce sera-
tin. Voilà un cas où la loi prononce principalement la dégradation civique. Or,
parmi les incapacités de l'art. 34, il en est certaines qui conviennent on ne
peut mieux à la nature du crime que l'art. 111 prévoit et punit : frapper de
l'incapacité de tout emploi et de toute fonction publique, frapper de la privation
de l'exercice des droits politiques, celui qui 8*est rendu coupable de l'abus,
de la violation de ces droits, que punit l'art. 111, c'est une mesure dont on ne
peut sans doute contester la sagesse et l'opportunité. Peut-^tre sera-t-on moins
convaincu de l'opportunité des §§ 4 et 5 appliqués à ce même genre de crimes;
peut-être s'expliquera-t-on moins bien comment la falsification ou la soustrac-
tion de billets d'un scrutin frappe celui qui s'en est rendu coupable de l'inca-
pacité surtout du service militaire. On ne voit pas trop jusqu'à quel point l'in-
térêt social serait compromis, si cette privation n'existait pas ; on sent, au
contraire, parfaitement qu'il y a là une dispense qui n'est pas peut-être légiti-
mée par des motifs assez graves.
La chose devient plus sensible quand on applique le même rapprochement
aux art. 127 et 130; là encore vous trouvez des exemples de dégraidation civi-
que prononcée. Dans l'art. 127, on déclare coupables de forfaiture, et on punit
à ce titre de la dégradation civique, les juges, les procureurs généraux, etc.,
qui se seront immiscés dans Texercice du pouvoir législatif, soit par des règle-
ments contenant des dispositions législatives, soit en arrêtant ou en suspen-
dant l'exécution d'une ou de plusieurs lois, soit en délibérant sur le point de
savoir si les lois seront publiées ou exécutées. On comprend encore très-bien
que, pour ce crime, qui est tout à fait politique, pour ce crime commis dans
l'exercice de fonctions judiciaires, la loi frappe celui qui s'en est rendu coupa<-
ble des incapacités prononcées dans les deux premiers paragraphes de notre
article; mais il devient impossible de comprendre comment le fonctionnaire
qui a bouleversé la division des pouvoirs en s'immisçant, juge ou procureur gé-
néral qu'il était, dans des actes législatifs, comment il devient, par ce seul
fait, incapable, de gérer une tutelle, incapable de service militaire. H ne s'agit
pas là seulement de l'inconvénient d'une peine sans rapport aucun avec le
crime ; il ne s'agit pas là seulement d'une peine illusoire, inefficace ; mais
c'est que le poids de cette peine retombe tout entier sur les tiers ; c'est que I»
magistrat fonctionnaire, que punit l'art. 427, est réellement soulagé, exempté
des charges fort pesantes énumérées dans les §§ 4 et 5 de Part. 34, et qu'il
faudra bien que quelqu'un supporte à sa place le poids de ce service militaire,
ou le fardeau de cette tutelle.
Il n*y a donc ni analogie entre le crime et la peine, ni garantie, dans la na.
ture de ce prétendu châtiment, qu'il n'y aura pas abus dans les fonctions
dont une personne est chargée. Sous ce double rapport, il y a un inconvénient
à l'extrême complexité de la peine. Cet inconvénient disparaîtrait si le légis-
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]« LA uteaADATiON cvnQxm (art. 34). 127
latenr, aa Uea de procéder en masse, en aeeomalant dans l'art. 34 des dé*
chéaoces, des privations sans aucun rapport l'une avec l'autre, avait procédé,
comme nous verrons tout à Theure qu'il l'a fedt dans Fart. 42, en autorisant
les cours d'assises à appliquer séparément tel ou tel genre de déchances^ telle
ou telle nature de privations, en ayant soin de les approprier du mieux pos-
sible à la nature du crime ou du délit qu'on entendait punir. Cette complexité,
que nous blâmons dans l'art 34, on parait l'avoir sentie, et on a pris soin de
l'éviter dans l'art. 42.
Les mêmes observations s'appliquent en grande partie au § 3 de l'art. 34.
Ainsi, on déclare que la dégradation civique, au nombre des droits dont elle
dépouiUe celui qui en est firappé, lui enlève celui d'être juré-expert, d'être
employé comme témoin dans les actes, de déposer en justice autrement que
pour y donner de simples renseignements. D'être employé comme témoin dans
les actes, cela se comprend, cela est fort juste, quand le crime auquel la loi
attache la dégradation civique est de nature à élever des doutes raisonnables,
sérieux, sur la véracité, sur la crédulité du coupable. Par exemple, l'art. 366
frappe de dégradation civique la partie qui, dans les matières civiles, s'est ren*
due coupable c(e parjura, io^ portia qsi. Bar un sarment déféré par son adver-
saire, a prêté ce serment plus tard reconnu faux. On comprend très-bien que,
quand la*nature même du crime élève les doutes les plus graves sur la crédi-
bilité, sur la sincérité du coupable, la loi ne lui permette pas d'exercer plus
tard, dans un acte public, cette espèce de ministère semi-officiel, semi-public,
qui consiste à venir garantir par le poids de son témoignage l'authenticité
d'un acte. Que si, au contraire, vous appliquez cette incapacité au cas prévu
par l'art. 1^7, à cet abus de pouvoir des fonctionnaires qu'on y désigne, vous
serez peut-être fort en peine de vous expliquer comment on déclare incapable
d'êti-e témoin dans un acte public le fonctionnaire ou le juge, par exemple,
qui, par une décision générale et réglementaire, a contrevenu à l'art. 5 du
Gode civil. La chose paraîtrait peu importante, s'il ne s'agissait que du cou-
pable; mais remarquez ici que l'intérêt d'un tiers est en jeu, que la consé-
quence de cette incapacité sera la nullité de l'acte auquel le magistrat dégradé
aura participé comme témoin, nullité dont les résultats porteront uniquement
sur les parties intéressées dans l'acte, parties qui peut-être ignoraient complè-
tement l'état de la dégradation et d'incapacité du témoin qu'elles employaient.
La même objection se présenterait avec beaucoup plus de force sur la der-
nière des incapacités dont parle le § 3; elle se présenterait si les derniers
mots de ce paragraphe ne réduisaient presque cette incapacité à un non-sens;
je veux parler de rinadmissibilité prononcée par le § 3 in fine, comme consé-
quence de la dégradation civique', inadmissibilité, non pas à figurer comme*
témoin dans un acte authentique, dans un acte public, mais à venir déposer
en justice. C'est là un genre de pénahté qui a été généralement admis dans
la législation moderne. C'est de cette inadmissibilité à témoigner en justice,
prononcée à titre de peine, que Bentham a dit avec grande raison, < que Ir
loi, pour faire une égratignure à un coupable, passait une épée dans le corps
d'un innocent. »
£n effet, vous refiasez d'entendre conmie témoin celui qui peut-être a seul
assisté au fait que j'ai intérêt à établir judiciairement. Par une telle mesure,
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128 NBUV. LEÇ. — DBB PBINBS BN MAT. QRIM. LIV. I. GHAP. I (n* 9t).
qai frappe-t*on? Évidemment ce n'est pas le témoin qu'on refuse d'entendre,
et qui n'a pas personnellement le plus petit intérêt à être entendu, c'est la
partie qui avait besoin de son témoignage, et qui, faute de ce témoignage, est
dans rimpossibilité d'établir et d'obtenir son droit.
Cette critique serait vraie, serait fondée, si les derniers mots de notre § 3
ne rendaient i peu près incompréhensible Fincapacité qu'il parait d'abord pro*
noncer. En effet, on fait bien figurer dans ce paragraphe au nombre des inca-
pacités qu'entraîne la dégradation civique celle de déposer en justice; mais on
ly oute : autrement que pour y donner de simples renseignements. Donc le dégradé
elviquement n'est pas absolument pri^é du droit, ou plutôt n'est pas absolu-
ment déchargé du devoir de déposer, seulement sa déposition n'est qu'un sim-
ple renseignement. Mais cette modification détruit absolument le sens de la
règle à c6té de laquelle on la place.
En effet, quelle différence réelle, quelle différence légale, existe-t-il main-
tenant entre une déposition proprement dite et de simples renseignements ?
Cette différence, elle eût été réelle, elle eût été sensible, alors que les tribu-
naux admettaient le système des preuves légales, dont je vous parlerai dans
le Cours de procédure; alors qu'on tenait pour règle que tesUs unw, testis
nuUus, alors qu'on comptait les témoignages sans s'inquiéter beaucoup de les
pesée Mais maintenant que l'art. 342 du Gode d'instruction criminelle laisse
à cet égard toute liberté à la conscience des jurés, maintenant qu'on leur dit :
Vous pourrez tenir pour vrai tel fait, quoiqu'un seul homme en ait déposé;
vous pourrez ne pas le tenir pour vrai, quand même vingt témoins d*accord
en auraient unanimement déposé; maintenant, en un mot, qu'on ne s'adresse
absolument qu'au sens intime, qu'à la conscience du jury, il n'y a plus de
différence réelle entre la déposition proprement dite et les simples renseigne-
ments.
11 y a bien une différence physique, matérielle, ostensible; mais cette diffé-
rence même semble être un mal, c'est que le témoin appelé en justice et frappé
de dégradation civique ne sera pas entendu sous la foi du serment; c'est là que
sera la distinction entre la déposition proprement dite, précédée du serment
du témoin, et les simples renseignements donnés par une personne que son
indignité empêche de prêter serment ; mais cette différence même est inex-
plicable. En effet, de deux choses l'une : ou le fait à raison duquel la dégra-
dation a été encourue est de nature à inspirer des doutes sur la bonne foi du
témoin; ou, au contraire, ce fait n'a aucun rapport avec 1%. véracité, la bonne
foi, la sincérité de ce témoin. Dans ce dernier cas, par exemple, dans l'hypo-
thèse de l'art. 127, si le fait à raison duquel Paul a été dégradé civiquement
est an fait qui n'est pas de nature à inspirer des doutes sur sa crédibilité, pour*
quoi donc refuser de l'entendre sous la foi du serment, pourquoi mettre une
différence entre sa déposition et celle d'un autre, si, tout frappé qu'il est d'une
condamnation, il parait être de toute aussi bonne foi ? Ou bien, si le fait à rai-
son duquel la condamnation a été prononcée est de nature à le rendre suspect,
comme dans le cas de l'art. 366, si, à cause du fait dont il s'est rendu coupa-
ble, vous avez de bonnes raisons de craindre qu'il ne vienne mentir, refuser
de l'entendre sous la foi du sermenti c'est enlever encore une sanction, encore
une garantie à la puissance de son témoignage. Sn effet, cet individu qui déjà
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Dn LA DÉGRADATION GIVIQUB (aAT. 35). 129
a nolé le sennent, ou qui B'est rendu coupable de tout autre fait de nature i
jeter de la méfiance sur la fol de ses paroles, appelé à déposer plus solennelle-
ment, et sous Tempire du serment, peut-être déposera-t-il plus gravement,
plus sincèrement, plus exactemocit que s'il dépose sans jurer ; on ne s'explique
donc guère la cause de cette disposition qui, tout en autorisant à faire entendre
en justice le dégradé civiquement, ne lui permet pas de protester par serment
de la vérité de ses paroles.
Voilà les principales observations relatives aux incapacités, aux privations
de droits dont parle Tart. 34. Je ne puis, en terminant, que répéter que cette
peine, qui peut avoir, dans les différentes fractions de cet article, d'assez grands
avantages, est bien rarement à Tabri de toute critique, de tout inconvénient,
organisée qu*elle est d'une manière si large, si complexe, constituant des in-
capacités si peu en rapport, soit les unes avec les autres, soit chacune d'elles
avec les crimes qu'elle peut avoir pour but de punir.
98. Au reste, quaod j'ai dit, en commençant, que cette peine présentait
par-dessus tout l'inconvénient d'être inégale, inappréciable, je n'ai fait qu'a-
vancer une proposition que le législateur lui-même reconnaît et consacre. la
nouvelle rédaction de Fart. 35 prévoyant, en effet, que dans nombre de cas la
dégradation civique, prononcée comme peine principale, pourrait être tout à
fait illusoire, donne aux cours d'assises un moyen de l'aggraver, de l'augmen-
ter, d'en rendre le poids plus sensible et plus réel, en y ajoutant un empri-
sonnement dont le maximum n'excédera pas cinq ans.
« ART. 35. Toutes les fois que la dégradation civique sera prononcée comme
peine principale, elle pourra être accompagnée d*un emprisonnement dont la durée,
fixée par Tarrôt de condamnation, n'excédera pas cinq ans. — Si le coupable est
un étranger ou un Français ayant perdu la qualité de citoyen, la peine de l'em-
prisonnement devra toujours être prononcée. »
Cette peine additionnelle de l'emprisonnement présente, vous le voyez, deux
caractères assez remarquables : le premier, c'est qu'elle est tout à fait facul-
tative, c'est qu'il dépend des cours d'assises de prononcer, soit la dégradation
civique seule, soit la dégradation civique accompagnée d'un emprisonnement
plus ou moins long. Le second caractère, qui n'est qu'une conséquence du pré-
cédent, c'est que la peine d'emprisonnement dont la loi fixe le maximum à cinq
ans, n'a pas de minimum légal ; c'est que le texte ne détermine aucune durée
au-dessous de laquelle les tribunaux ne puissent pas fixer l'emprisonnement.
H semble donc qu'ils pourraient descendre, non-seulement jusqu'à six jours,
minimum ordinaire de l'emprisonnement correctionnel, mais même au-dessous
de six jours, au taux des peines de police, car il ne s'agit pas ici de l'emprison-
nement correctionnel dont parle l'art. 40. Au reste, il est sensible qu'une pa-
reille question ne se présentera pas; que, toutes les fois que les cours d'assises
croiront devoir ajouter la peine de l'emprisonnement, cet emprisonnement ne
sera jamais de la courte durée qui s'applique aux peines de police, ou môme
au minimum des peines correctionnelles.
98. Le deuxième paragraphe de l'art. 35 est conçu dans le même système,
I. 9
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130 NEUY. LBÇ. — DBS PBINB8 BN MAT. GRIIC. UT. I. CHAP. I (n^ 94).
c'e8t-à-dire qu'il a pour bat de rendre efficace et réelle la peine de la dégra«-
dation civique, dans les cas où, prononcée seule, elle manquerait de cescarac^
tères. Mais, à la différence du premier paragraphe, où le législateur s'en rap»
porte à la conscience ou à la sagesse des juges, il détermine ici impérativement
des cas dans lesquels Temprisonnement subsidiaire doit être appliqué avec
elle. La raison en est sensible ; il s'agit dans ce paragraphe du cas où le cou-
pable qui a encouru la dégradation civique est un étranger, ou bien est un
Français ayant perdu la qualité de citoyen. La dégradation civique consistant
principalement et presque uniquement, dans la privation des droits politiques
et civiques, il est clair que c*est une peine insignifiante, une peine absolument
dérisoire appliquée aux personnes dont parle le § 2 ; très-peu importe à un
étranger d*étre privé de droits qui ne lui appartiennent pas, très-peu importe
même à un Français qui a cessé d'être citoyen. Ces derniers mots paraissent
devoir s'expliquer par l'art. 4 de la constitution du 22 frimaire an VIU, car vous
savez que nos Godes actuels sont tout à fait muets sur la manière dont s'ac-
quiert et se perd le titre de citoyen. Alors Temprisonnement devra toujours
être prononcé.
Il est seulement singulier qu'à côté de cette disposition impérative, le légis-
ateur ait omis de déterminer un minimum. On conçoit très-bien que, quand il
dépend des juges d'appliquer ou de ne pas appliquer l'emprisonnement subsi-
diaire, on les laisse maîtres, quand ils l'appliquent, de descendre, pour en fixer
la durée, aussi bas que bon leur semble. Mais quand, au contraire, la loi pro-
nonce impérativement cet emprisonnement subsidiaire, quand elle reconnaît
elle-même, à raison de la qualité du coupable, que la dégradation civique est
par elle-même une peine illusoire, on ne comprend guère qu'ella n'ait pas pris
soin de déterminer un minimum au-dessous duquel la cour d'assises ne puisse
pas descendre dans l'échelle de l'emprisonnement. Cependant ce minimum
n'est pas déterminé, il ne nous appartient pas de le fixer. Au reste, la question
ne s'élèvera guère en pratique, d'abord, parce que, le cas échéant, il est clair
que les juges ne seront guère tentés de descendre à quelques jours d'empri-
sonnement contre le condamné étranger, ou privé des droits de citoyen fran-
çais : en second lieu, parce que la peine de la dégradation civique n'étant guère
prononcée par nos lois que pour l'abus de fonctions publiques, dont les ci-
toyens seuls peuvent être revêtus, le cas même prévu par le § 2 ne se présen-
tera que dans des hypothèses fort rares. Mais il pourrait se présenter, par
exemple, dans le cas de l'art. 366, dans le cas du faux serment prêté en ma-
tière civile. Au contraire, dans les art. 111, 114, 127, 130, et plusieurs autres
auxquels la loi attache la dégradation civique, les crimes qu'elle punit de cette
peine ne peuvent guère être commis que par des fonctionnaires, et par consé-
quent par des Français ayant la qualité de citoyen.
94. L'art. 36 est relatif à la publicité des arrêts portant condamnation aux
peines criminelles, il n'y a aucune remarque à faire.
« Abt. 36. Tous arrêts qui porteront la peine de mort, des travaux forcés à per
pétuité et à temps, la déportation, la détention, la réclusion, la dégradation civi-
que et le bannissement, seront imprimés par extrait. — Ils seront afQchés dans la
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DB L'BMt»RlSONNBMBNT (aRT. 40). 131
ville centrale du département, dans ceUe où Tarrét aura été rendu, dans la com-
mune du lieu où le délit aura été commis, dans celle où se fera l'exécution, et
dans celle du domicile du condamné. »
95. Quant aux art. 37, 38, 39, ils avaient pour objet d'organiser la peine de
la confiscation. La suppression de cette peine a entraîné, lors de la dernière
TéYiaion, la suppression de tous les articles qui s'y rattachaient, leurs numéros
seulement ont été conservés dans le Gode pénal, pour éviter le bouleversement
des numéros auxquels on était depuis longtemps accoutumé.
CHAPITRE II
DES PEINES EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE*
96. Vart. 9 indique comme peines, en matière correctionnelle, l'empri-
sonnement, l'interdiction de certains droits et l'amende ; cependant ces trois
peines ne figurent pas toutes dans le chapitre ii; les règles que vous y trouvez
sont purement relatives à Temprisonnement et à Tinterdiction ; le législateur
n'y parle pas de l'amende. La raison en est facile à donner : c'est que l'amende
indiquée dans l'art. 9 comme peine en matière correctionnelle, n'est pas une
peine exclusivement applicable à ces matières : au contraire, l'art. 11 vous a
déjà dit que l'amende était une peine commune et aux matières criminelles
et aux matières correcUonnelies. Aussi n'est-ce pas dans le chapitre u, où l'on
s'occupe uniquement des peines correctionnelles proprement dites, qu'on
s'occupe de l'amende, mais, au contraire, dans le chapitre m, relatif à cer-
taines condamnations qui peuvent être également appliquées, soit en matière
de crimes, soit en matière de délits. Sous ce rapport, le chapitre n est en cor-
rélation assez exacte avec l'art. 9 et le chapitre ni est en pleine corrélation
avec l'art. 11.
Nous avons très-peu de détails à donner sur les art. 40 et 42, qui présentent
peu de difficultés ; cependant quelques rapprochements sont nécessaires pour
les bien comprendre, surtout l'art. 42.
97. « Art. 40. Quiconque aura été condamné à la peine de l'emprisonnement
sera renfermé dans une maison de correction : il y sera employée Tun des travaux
établis dans cette maison, selon son choix. — La durée de cette peine sera au
moins de six jours, et de cinq années au plus, sauf les cas de récidive ou autres,
où la loi aura déterminé d'autres limites. —La peine à un jour d'emprisonnement
est de 24 heures ; celle à un mois est de 30 jours. »
des derniers mots, relatifs au calcul des peines, ne présentent aucune dif-
ficulté. U est évident que l'application ordinaire du calendrier grégorien était
inadmissible en matière de condamnation à l'emprisonnement ; il ne fallait
pas qu'en cas de condamnation à trois mois, à quatre mois d'enprisonne-
ment, une circonstance tout à fait accidentelle vint faire varier la position du
condamné.
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132 NEUV. LEÇ. — DES PEINES EN MAT. COKR. UV. I. CHAP. II (n° 98).
Quant à la manière de calculer la durée de remprisonnement, nous en avons
traité sur les art. 23 et 24. Je vous ai dît que ces articles s'appliquaient même
à la peine de l'emprisonnement, à laquelle d'ailleurs Tart. 25 est nominale-
ment relatif : je n'ai donc rien à ajouter à cet égard.
Quant au mode de Texécution de la condamnation, il consiste, nous dit
l'art. 40, à renfermer le condamné dans une maison de correction. La diffé-
rence entre les maisons de correction dont parle Tart. 40, et les maisons de
force dont parlent les art. 16 et 21, comme devant servir à renfermer les con-
amnés à la réclusion, cette différence est plus nominale que réelle ; il n'y a
guère de différence de fait entre les maisons de force et les maisons de cor-
rection. Vous trouvez, au reste, quelques détails, à cet égard, dans une ordon-
nance du 2 avril 1817, précisément relative à Torganisation des maisons cen-
trales de détention. L'art. 1«' de l'ordonnance détermine quelles seront en
France les maisons centrales de détention destinées à recevoir : 1<> les condam-
nés à la réclusion ; 2^ les condamnés à l'emprisonnement; il résulte claire-
ment de cet article, que c'est dans les mêmes maisons que s'exécutent, et la
condamnation de l'art. 21, qui est criminelle, et le condamnation de l'art. 40,
qui est correctionnelle. Cependant l'art. 1<^' ajoute qu'on devra prendre soin
de renfermer dans des quartiers séparés de ces maisons de détention, d'une
part, les condamnés criminellement, de l'autre, les condamnés correctionnel-
lement ; mais il paraît que cette séparation est encore très-loin d'être effectuée
dans toutes les maisons de détention. Du reste, aux termes mômes de l'ordon-
nance, on ne renferme dans les maisons de détention, dans les maisons de
force, que les condamnés correctionnellement à un emprisonnement de plus
d'une année ; quant aux autres, on les retient en général dans les maisons
d'arrêt, dont nous parlerons plus tard.
98. La durée de cette |>eine est au moins de six jours, et au plus de cinq
ans : voilà les limites légales de la condamnation à l'emprisonnement. Mais il
ne faut pas croire que les juges aient à opter, en général, entre ce maximum
et ce minimum, comme il ont à opter, dans les matières criminelles, entre le
maximum et le minimum de cinq et de vingt ans. La différence, quand il s'agit
d'opter entre cinq et vingt ans, est bien loin de correspondre avec la distance
qui sépare six ou sept jours de cinq ans d'emprisonnement. Aussi la loi, qui,
dans les matières criminelles, laisse en général au juge l'option pleine et en-
tière eiitre le maximum et le minimum, ne laisse guère cette option dans les
matières correctionnelles. Les limites que l'art. 40 détermine sont des limi-
tes légales plutôt que des limites judiciaires ; c'est-à-dire, que rarement le
juge aura à opter, au moins en principe, entre six jours et cinq ans. Par exem-
ple, quand la loi prononce la peine de l'emprisonnement, elle a soin de dé*
terminer pour chaque espèce de délit un maximum et un minimum spécial ;
elle dira que le maximum variera d'un an à deux ans, ou d'un mois à deux
mois. Ce sont là des limites que le législateur semble indiquera l'avance comme
devant lui servir à lui-même. Quant aux limites judiciaires, elles s'exerceront
pour chaque délit séparément. Ainsi, en parcourant les articles fort nombreux
en matière cerrectionnelle, vous y verrez la loi fixer un maximum et an mini'
mum spécial.
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DE L'EICPBISOmiBMBNT. (aRT. 41). 133
Cependant il faut ajoater que Tart. 463, dans sa denriëre disposition, per-
mettant aux tribunaux correctionnels, lorsqu'ils reconnaissent l'existence de
circonstances atténuantes, de réduire indéfiniment la durée de Temprison-
nement, il faut, dis-je, ajouter que malgré tous les degrés de minimum que
le législateur a pu fixer en matière correctionnelle, les tribunaux auraient la
{acuité de descendre au-dessous de ce minimum, et de réduire la peine de
Temprisonnement au-desaoas même de six jours. C'est ce qui résulte des
termes de Fart 463. Ainsi, en général, il y aura bien pour chaque délit en
particulier un minimum d'emprisonnement déterminé parla loi; mais les juges
resteront libres, tout en constatant le délit, de reconnaître Texlstence de cir-
constances atténuantes, et de s'affranchir par là du minimum que la loi dé-
termine. Quant au maximum que le législateur aura fixé, il est clair que les
tribunaux ne peuvent jamais le dépasser ; c'est donc seulement dans ce dernier
sens que mon observation restera pleinement vraie; sous l'autre %ce, l'obser-
vation, vraie en principe, fléchit néanmoins dans la pratique, à cause des
derniers mots de Fart. 463.
Sauf les cas de récidive ou autres où la loi aura déterminé d* autres limites ; en
effet, nous verrons dans les art. 57 et 58 que le cas de récidive fait exception au
maximum précédent; que la loi permet au juge, dans les cas de récidive que
détermine cet article, car il ne faut pas prendre le motlrop généralement, dans
les cas de récidive que détermine l'art. 58, d'élever la peine du délit à une
durée double de celle que la loi prononçait. Ainsi, si le délit commis en réci-
dive était du nombre de ceux que la loi punit d'un maximum de cinq ans
d'emprisonnement, les tribunaux correctionnels pour élever la peine à dix
ans. C'est en ce sens que le maximum ordinaire de la peine peut se trouver
dépassé de fort loin dans le cas de récidive. Nous expliquerons plus tard les
principes sur cette matière.
99. a Abt. 4!. Les produits du travail de chaque détenu pour délit correction-
nel seront appliqués, partie aux dépenses communes de la maison» partie & lui
procurer quelques adoucissements, s'il les mérite, partie à former pour lui, au
temps de sa sortie, un fonds de réserve; le tout ainsi qu'il sera ordonné par des
règlements d'administration publique. »
Cet article, purement réglementaire, est relatif à l'emploi des produits du
travail des condamnés. Cette matière a été réglée d'une manière pins nette et
plus précise par l'art. 12 de l'ordonnance du 2 septembre 1817. En effet, vous
voyez dans notre art. 41 que, parmi les modes d'emploi du produit du travail,
se trouve, pour l'administration, la faculté de donner des adoucissements au
condamné, s'il les mérite. L'art. 12 de l'ordonnance semble avoir fait dispa-
raître cet emploi du travail, il décide que le produit du travail sera divisé en
trois parties : un tiers appartiendra à la maison, un tiers sera remis au dé-
tenu; un dernier tiers lui appartiendra également, mais sera tenu en réserve
pour lui être remis à sa sortie de la maison.
100. Les art. 42 et 43, relatifs à l'interdiction ^partielle de certains droits,
<lemandent des développements plus étendus. J'ai déjà dit quels avantages ce
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134 NEUV. LEÇ. — DES PEINES EN MAT. CORR- ÛV. I. CHAP. II (n« 101)..
genre de punition^ prononcé par l'art. 42, me paraissait présenter sur la péna-
lité complexe de l'art. 34^ dans le cas de dégradation civique. En effets il vous
suffit de jeter les yeux sur les premiers mots de Tart. 42, pour saisir la diffé-
rence de ce système entre les deux articles; il dit :
tt Art. 42. Les tribunaux, jugeant correctîonuellemuet^ pourront, dans certains
cas, interdire, en tout ou en partie, l'exercice des droits civiques, civils et de fk-
mille suivants : — !• De vote et d'élection ; — 2* D'éligibilité ; — 3« D'être appelé
ou nommé aux fonctions de juré ou autres fonctions publiques, ou aux emplois
de l'administration, ou d'exercer ces fonctions ou emplois; — 4** Du port d'armes;
— 5* De vote et de suffrage dans les délibérations de famille; — 6" D'être tuteur^
curateur, si ce n'est de ses enfants, et sur l'avis seulement de la famille; —
7* D'être expert ou employé comme témoin dans les actes ; — 8* De témoignage
en justice, autrement que pour y faire de simples déclarations. i>
Cette interdiction, qui peut être totale ou partielle, suivant la nature et la
gravité des cas qu'on entend punir, présente d'assez grands avantages com-
parée à la disposition de l'art. 34. J'ai indiqué là des motifs sur lesquels je
ne reviendrai pas. Il dépendra donc, en général, des tribunaux correctionnels,
soit d'appliquer en totalité les déchéances, les privations énumérées dans
l'art. 42, soit de prendre, au nombre de ces privations, celle dont l'application
paraîtra mieux appropriée à la nature du délit qu'on veut punir.
101 . Mais les premiers mots de l'art. 42, interprétés à la lettre, pourraient
vous entraîner dans quelques erreurs. La loi dit : Les tribunaux jugeant cor-
rectionnellement, pourront, dans certains cas, interdire, en tout ou en partie.
D'où il semble résulter : i^ que cette interdiction n'est jamais que facultative,
que les tribunaux correctionnels, en constatant et en punissant un délit, ne
sont jamais contraints d'ajouter à la peine principale l'interdiction totale ou
partielle des droits énumérés dans l'art. 42 ; 2^ que, quand les tribunaux ju-
gent à propos d'appliquer ces interdictions, ils restent dans tous les cas maîtres
d'isoler et de choisir celles qu'ils entendent appliquer ou rejeter. Gela est vrai
dans certaines hypothèses, et faux dans plusieurs autres. Ainsi il résulte du
texte même de l'art. 42 que les tribunaux, condamnant correctîonnellement,
ne sont pas par cela même maîtres d'appliquer, même en partie, les]déchéances
de l'art. 42; ils ne le peuvent, dit la loi, que dans certains cas. Quels sont ces
cas ? L'art. 43 éclaircit déjà la question.
a Art. 43. Les tribunaux ne prononceront l'interdiction mentionnée dans l'ar-
ticle précédent que lorsqu'elle aura été autorisée ou ordonnée par une disposition
particulière de la loi. i»
Les tribunaux ne pourront donc appliquer en tout ou en partie les dé-
chéances de l'art. 42, que dans les délits à propos desquels la loi aura formel-
lement rappelé la disposition de cet article. Dans tous les cas où le législateur^
prévoyant ou punissant un délit, est muet sur la question d'interdiction, il
est absolument défendu aux tribunaux de prononcer, en tout ou en partie, les
privations de l'art. 42.
Lors môme que le législateur, prévoyant et frappant un délit, se réfère spé-
cialement à l'art. 42, il ne s'y réfère pas toujours d'une manière purement fa-
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DB l'interdiction DES DROITS (aRT. 43). 133
caitatiye; il ne se borne pas toujours à permettre aux tribunaux d'appliquer,
si bon leur semble, ces déchéances, comme on aurait pu le conclure, sans
doute, des expressions de Tart. 42 : les tribunaux jugeant correetionnellemmt
pouRBOMT...; il y a des cas où le législateur leur commande d'appliquer ces
déchéances. 8ous ce rapport, l'art. 42 est déjà rectifié par le texte même de
Tart. 43. Les tribunaux ne prononceront Vinterdiction mentionnée dans V article
précédent, que lorsqu'elle aura été autorisée on ordonnée par une disposition
particulière de la loi. Autorisée va très-bien avec les expressions facultatives
deTart. i2; ordonnée va plus loin que cette expression et la modifie. Dans les
cas où le législateur, au lieu d'autoriser les tribunaux à prononcer cette in-
terdiction, leur ordonne de la prononcer, il ne leur laisse pas le choix que
Vart. 42 semble leur donner ; le choix entre les incapacités de Tart. 42 ap-
partient aux tribunaux correctionnels, quand Tinterdiction n'est que facul-
tative, quand la loi leur permet de la prononcer, quand elle les y autorise.
Lorsqu'au contraire elle est impérative, le législateur détermine expressément,
parmi ces incapacités, quelles sont celles dont il entend frapper l'auteur du
délit qu'il punit.
A cet égard, la doctrine des art. 42 et 43 se complète par le rapprochement
de divers articles du Gode pénal auxquels ces deux textes font allusion. Ces
articles, d'ailleurs, sont assez peu nombreux. Vous trouvez des cas où l'inter-
dictîon est : 1^ impérative» c'est-à-dire que les tribunaux doivent l'appliquer ;
2^ purement partielle, où elle ne porte que sur quelques-uns des cas de
l'art. 42, mais où elle y porte d'une manière tout à fait impérative de la part
du législateur.
^ Ainsi, dans Vart. 187, vous trouvez une hypothèse dans laquelle l'interdic-
tion est fort différente de la conséquence qui résulterait des termes de l'art. 42 ;
vous trouvez à la fois le concours de ces circonstances : interdiction impéra-
tive, interdiction partielle. Il s'agit de la suppression ou de l'ouverture de let-
tres confiées à la poste, suppression ou ouverture commise par un agent de
l'administration ; on y déclare qu'il sera puni d'une amende déterminée, et on
ajoute : < Le coupable sera, de plus, interdit de toute fonction ou emploi pu-
blic pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, i Ici vous voyez que se
présente la double exception que j'indiquais : d'abord il n'y a rien de facultatif
de la part du tribunal ; il doit, en constatant le délit, prononcer contre le cou-
pable l'interdiction spéciale déterminée par la loi ; mais, au lieu d'avoir le
choix entre les divers droits énumérés dans l'art. 42,[il ne doit prononcer que
l'interdiction des fonctions énoncées par l'art. 187.
De même dans l'art. 197 : là encore l'interdiction est spéciale, elle porte
uniquement sur les droits indiqués dans le § 3 de l'art. 42; et le tribunal ne
peut pas se refuser à la prononcer.
Dans Part. 123, les tribunaux restent maîtres, il est vrai, d'appliquer ou de
ne pas appliquer l'interdiction mentionnée dans cet article; mais le législateur
leur enlève le choix que l'art. 42 leur donnait. Us peuvent ne point user de la
faculté de l'art. 123 ; mais, s'ils en usent, c'est pour tels droits déterminés,
savoir : pour les droits indiqués dans les n«* 1, 2 et 3 de l'art 42.
Au contsaire, dans les art. 401, 405, 406 et 410, vous trouvez l'application
pleine et exacte des dispositions du g {•' de Tort. 42, c'est-à-dire, d'une part,
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136 NEUV. LEÇ. — DES PEINES EN MAT. CORB. LIV. I. CHAP. II (n* 102).
que les tribunaux restent maîtres d'appliquer ou de ne point appliquer les dé-
chéances prononcées par cet article ; en second lieu, qu'en se prêtant à les
appliquer, ils peuvent, à leur choix, soit les appliquer toutes ensemble ou
cumulativement, soit au contraire choisir, parmi les divers paragraphes de
l'art. 42, quelles sont les privations qu'il leur paraît convenable d'appliquer à
l'espèce. Vous y joindrez encore l'art. 335.
lOâ. Le détail des diverses privations ênumérées dans l'art. 42 ne présente
guère d'intérêt: ce sont, en général, celles que vous trouvez' ênumérées dans
l'art. 34; seulement les droits dont l'art. 42 permet aux tribunaux de dépouil-
ler, dans certains cas, les condamnés correctionnellement, ces droits sont
moins nombreux que ceux détaillés dans l'art. 34.
Ainsi, au nombre des incapacités qu'entraîne la dégradation civique, nous
avons signalé celle du droit de faire partie de la garde nationale, de l'armée,
celle de tenir école. Au contraire, aucune de ces incapacités, qui sont la con-
séquence de toute condamnation criminelle, ne se trouve comprise dans
l'art. 42; vous y trouvez bien le port d'armes, mais absolument rien de ce qui
constitue le reste du g 5 de l'art. 34.
Cependant, il serait faux d'en conclure que jamais une condamnation cor-
rectionnelle ne puisse entraîner, contre celui qu'elle atteint, les trois der-
nières incapacités de Tart. 34 ; que, par exemple, les condamnations correc-
tionnelles ne soient jamais, pour celui qu'elles ont atteint, une cause d'exclusion
du service militaire. A cet égard, le silence du Gode pénal doit être suppléé
par des lois spéciales. Par exemple, en ce qui touche le service de la garde
nationale, la loi du 22 mars 1831 attacherait, non pas à toutes les|condamnations,
mais à certaines Condamnations correctionnelles d*une nature grave, Tinca-
padté de ce service. On ne peut appliquer à cette incapacité aucune des criti-
ques que je présentais sur l'art. 34, parce qu'elle est fondée sur des condamna-
tions dont la nature est telle, que la sûreté publique exige absolument cette
exclusion. On conçoit que le condamné pour vol, pour escroquerie, pour
attentat aux mœurs, fut exclu du service de la garde nationale : c'est une
mesure de sûreté publique.
Les mêmes principes ont dicté, à plus forte raison, la disposition de l'art. 2
de la loi du 2i mars 1832, relative au recrutement de l'armée. On conçoit que
les condamnés auxquels les tribunaux ont retiré l'exercice des droits de
l'art. 42, soient déclarés incapables de prendre place dans les rangs de l'armée.
Enfin, la loi sur l'instruction primaire du 28 juin 1833, art. 4, attache à
certaines peines correctionnelles l'incapacité, non pas identique, mais au
moins anedogue à celle qui résulte des derniers mots de l'art. 34. On conçoit
que des condamnations pour vol rendent celui qui en a été frappé indigne
de tenir une école; cette incapacité n'est relative qu'aux fonctions d'in-
stituteur primaire, parce qu'il ne s'agissait dans cette loi que du degré d'in-
struction.
Au surplus, les incapacités ou déchéances de droits, appliquées isolément
à l'exercice de certaines fonctions, sont devenues un accessoire commun des
peines qui sont infligées à quelques délits, et même des peines d'un^certain de-
gré. La loi du 21 novembre 1872 déclare incapables d'être jurés, non-seulement
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DE LÀ SURYEILLAlf GB (aRT. 45). 137
les individus qui ont été condamnés à des peines afflictives ou infamantes,
mais ceux qni ont été condamnés à des peines correctionnelles pour fait qoa-
lifié crime par la loi, ceux qui ont été condamnés à un emprisonnement de
trois mois au moins, ceux qui ont été condamnés, quelle que soit la durée
de Temprisonnement, pour vol, escroquerie, abus de conBance, soustractions
commises par des dépositaires publics, attentats aux mœurs, outrages à la
morale publique et religieuse, attaque contre le principe de la propriété et
les droits de la famille, vagabondage ou mendicité, délit d'usure. L'art. 8 de
la loi du 31 mai 1850 et Tart. 15 du décret du 2 février 1852 défendent Tins-
cription sur les listes électorales des individus compris dans les mêmes caté-
gories et condamnés pour les mêmes faits. L'art 56 de la loi du 15 mars 1850
déclare Incapables de tenir une école publique ou libre, ou d'y être employés,
les individus qui ont subi une condamnation pour crime ou pour un délit
contraire à la probité ou aux mœurs, et les individus privés par jugement de
tout ou partie des droits mentionnés en l'art. 42. On trouve encore des dispo-
sitions analogues dans l'art. 9 de la loi du 13 juin 1851 sur la garde nationale.
Il y a lieu de remarquer que ces incapacités sont encourues de plein droit, en
Tertu des lois qui viennent d'être rappelées, et lors même qu'elles n'ont pas été
judiciairement prononcées. Elles ne sont point considérées comme des peines,
mais comme des déchéances légalement attachées au fait de telles condamnations.
Nous devons dire quelques mots sur la première des condamnations dont il
est question dans le chapitre ni, de la surveillance de la haute police.
CHAPITRE III
D£S PEINES ET DES AUTRES CONDAMNATIONS QUI PEUVENT ÊTRE PRONONCÉES
POUR GRIMES OU DÉLITS.
108. Le chapitre m est, comme je l'ai dit, en corrélation étroite avec l'art. 1 1 ,
c'est-à-dire qu'on y traite des condamnations ou des peines qui sont ou qui
peuvent être communes et aux matières criminelles et aux matières correo
tionnelles. Au premier rang de ces peines, ou, si vous voulez, de ces mesures
figure la surveillance de la haute police de l'État : c'est uniquement des art. 44
et 45 que nous aurons à parler aujourd'hui.
Cette mesure, qui succède à la peine, qui sai3it le condamné au moment
même oii son châtiment s'achève, a été pendant longtemps une institution
particulière à la loi française. Les Godes des autres nations qui Tout généra-
lement admise aujourd'hui, ont longtemps hésité à se l'approprier. Les objec-
4ionB étaient que le crime semblait complètement expié par l'exécution de la
peine^ que la surveillance était une deuxième peine imposée au même fait, et
qu'elle était surtout une entrave au travail et par conséquent à la bonne con-
duite du condamné libéré. Mais ces objections s'attaquent au mode de la sur-
veillance plus qu'à la surveillance elle-même qui ne doit être qu'une garantie
de bonne conduite^ une sorte de tutelle, un patronage exigé d'an agent dont
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138 NEUV. LEÇ. — DES PEINES ACCESSOIRES. LIY. I. CHAP. III (n"" 103).
la condamnation laisselaprôs elle une juste défiance. Elle n'est point, à propre-
ment parler, une peine, mais la privation d'un droit, une incapacité qui pèse
sur le coupable à la suite du châtiment.
La surveillance a été soumise par le Gode pénal de 1810, par la loi du
28 avril 1832, par le décret du 8 décembre 1851 et enfin par la loi du 23 jan-
vier 1874, à quatre formes différentes, à quatre modes d'exécution entière-
ment distincts.
Voici le système du Gode de 1810 : tout arrôt de condamnation à une peine
qui avait pour conséquence d'emporter la surveillance de la haute police devait
déterminer la somme jusqu'à concurrence de laquelle devait s'engager, après
la condamnation subie, la caution du condamné ; c'est-à-dire que tout con-
damné à Tune de ces peines pouvait, après avoir subi sa peine, présenter
caution de bonne conduite jusqu'à concurrence de la somme indiquée à l'a-
vance par l'arrêt; moyennant cette caution, et sauf l'engagement qu'elle con-
tractait, il recouvrait, après sa peine subie, le plein exercice de sa liberté.
Au contraire, faute par lui de fournir ce cautionnement, il restait à la dispo-
sition du gouvernement, qui pouvait, non pas le retenir au bagne ou dans
une maison de force, mais déterminer impérativement, non-seulement les
lieux où il lui serait interdit d'aborder, mais précisément un lieu d'où il lui se-
rait interdit de sortir. Dans le cas où le condamné qui ne trouvait pas de cau-
tion serait sorti du lieu de résidence à lui indiqué, dans le cas où il aurait
rompu son ban, le gouvernement pouvait, sans jugement, le faire détenir
pendant cinq années.
Tel était le système des anciens art. 44, 45 et 46. Ce système péchait en bien
des points :
D'abord il frappait, de la manière la plus dure, par l'obligation d'une rési-
dence déterminée et indéfinie dans un lieu donné, le condamné qui ne trou-
vait pas caution, et qui cependant peut-être présentait en lui des garanties
morales de bonne conduite.
Il avait de plus l'inconvénient de laisser la société sans protection contre le
condamné, souvent beaucoup plus dangereux, qui parvenait à trouver et à
donner caution. Il est vrai qu'on avait pourvu à ce dernier inconvénient en
déclarant, par un décret de 1812, que le gouvernement était maître d'accepter
ou de refuser le cautionnement; que, de sa part, c'était une chose tout à fait
facultative; et qu'en conséquence, le condamné, encore bien quïl ofiTrît le cau-
tionnement déterminé par l'arrêt, pourrait être astreint par le gouvernement
refusant ce cautionnement, à résider dans un lieu donné. Mais il est clair que
ce décret, qui remédiait bien à l'inconvénient que je signale, n'y remédiait
qu'avec la violation la plus manifeste de la loi qui donnait an condamné le
droit d'offrir et de faire accepter le cautionnement déterminé par l'arrêt. Le
texte disait en effet que, faute par le condamné d'offrir le cautionnement, il
serait mis à la disposition du gouvernement, et astreint à résider dans le lieu
déterminé ; d'où il suivait clairement que, s'il trouvait le cautionnement, au-
cune de ces mesures n'était applicable.
La loi du 28 avril 1832 a aboli ce système et toutes ces dispositions. D'après
cette loi, voici en quoi consiste la surveillance; tout peut à cet égard se réduire
à trois points : 1« obligation pour le condamné, à l'instant de l'expiration de sa
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DE LA eURYBILLAlTGB (aRT. 45). 139
peine, de déclarer à l'avance dans quel lieu il entend se fixer, ce qni évidem-
ment loi laisse, an moins en principe, la facnlté de choisir Ini-méme le lien
de sa future résidence; 2^ facnlté pour le gonyemement, non pas de lui déter-
miner le lieu de sa résidence, ce qni serait contraire à la disposition précé-
dente, mais an moins de lui interdire spécialement l'accès de tels ou tels lieux
expressément désignés. On comprend le motif de cette interdiction surtout
quand il s'agit d'une condamnation pour crime contre les personnes; il y aurait
danger et inconvénient à permettre à certains condamnés, après avoir subi
leur peine, d'aller fixer leur résidence dans le lieu où habitent la personne^ou
les héritiers de la personne qui a été victime du crime. L'esprit de cet article
se trouve dans le texte de l'art 635 du Gode d'instruction criminelle. Mais si
tel est le motif de ce droit d'interdiction accordé à l'administration, il en résulte
évidemment que l'esprit de la loi serait violé, si, sous ce prétexte de lui inter-
dire l'accès de tel ou tel lieu, on multipliait ces interdictions de manière à le
forcer à résider dans un ou deux départements indirectement désignés.
Ainsi, 1" faculté pour le condamné de choisir sa résidence, sauf l'exception
qui permet au gouvernement de lui interdire, par exemple, une ou deux villes,
un ou deux départements ; 2^ obligation pour lui de la déclarer à l'avance ;
3<> cette résidence une fois fixée par le choix du condamné suivi de sa déda-
ration, ce choix n'a rien d'immuable, n'a rien d'irrévocable; il reste maître
de changer plus tard la résidence qu'il a choisie et déclarée dans l'orîgine, à
charge par lui d'avertir trois jours à l'avance le maire de la commune où ii
réside, et qu'il veut quitter. Mais ce n'est pas là une autorisation qu'il vient
demander, c'est un avis qu'il vient donner, et qui tend à lui faire obtenir pour
ce déplacement une feuille de route, qu'on ne peut pas plus lui refuser qu'on
ne peut refuser un passe-port.
Ainsi, la surveillance de la haute police a pour but principal, presque uni-
que, de laisser à l'administration les yeux ouverts sur le condamné libéré, de
laisser toujours à sa connaissance précise le lieu qu'il habite présentement.
Du reste, aucune gêne, aucune prohibition, sauf l'interdiction résultant des
premiers mots de l'art. 44, interdiction fort légitime en principe, tant qu'il
n'en sera pas abusé.
J'ajoute qu'en cas de désobéissance par le condamné libéré à Tune des dis-
positions précédentes, par exemple, en cas de changement de résidence non
précédé de la déclaration exigée par l'art. 44, il encourt un emprisonnement
que l'art. 45 fixe à un maximum de cinq ans. Mais cet article, au lieu d'être
appliqué d'office et directement par l'administration, comme dans le texte
primitif de l'art. 45, doit être prononcé, comme toute condamnation correc-
tionnelle, par les tribunaux correctionnels. Il est sensible d'ailleurs qu'on ne
devrait pas, et qu'on ne pourrait pas condamner, pour infraction de ban, celui
qui serait sorti passagèrement pour deux ou trois jours, et ce, sans avis préa-
lable, de la commune de sa résidence.
104. Ge deuxième système de surveillance a été abrogé par le décret
du 8 décembre 1851, qui contenait les dispositions suivantes :
t Art. 3. L'effet du renvoi>ous la surveillance de la haute police sera > '
venir de donner au gouvernement le droit de déterminer le lieu dans lec
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140 NBUV. LEÇ. — DBS PEINES ACCESSOIRES. LIV. I. GHAP. III (n^ 104).
condamné devra résider après qu'il aura subi sa peine. L'administration dé-
terminera les formalités propres à constater la présence continue du condamné
dans le lieu de sa résidence, i
f Art. 5. Tout individu placé sous la surveillance de la haute police, qui
sera reconnu coupable du délit de rupture de ban^ pourra être transporté par
mesure de sûreté générale dans une colonie pénitentiaire, à cayenne ou en
Algérie. La durée de la transportation sera de cinq années au moins et de
dix ans au plus. •
Ge. troisième système était simple, mais de la plus extrême rigueur: plus de
cautionnement comme sous le Gode de 1810, plus de faculté de changer de
résidence comme sous la loi du 28 avril 1832, mais résidence fixe et obligée,
et, en cas d'infraction, pouvoir arbitrairement laissé au gouvernement d'or-
donner la transportation du condamné dans une colonie pénitentiaire. Gette
législation, qui a reçu pendant dix-neuf ans, son exécution, a été enfin
abrogée par un décret du 24 octobre 1870, qui porte, dans son art. !•', abroga-
tion du décret du 8 décembre 1851, et dans son art. 2 c que l'effet du renvoi
sous la surveillance de la haute police sera ultérieurement réglé. »
La loi du 23 janvier 1874 est venue réaliser la promesse du décret et a établi
un quatrième mode de surveillance qui est actuellement en vigueur. Voici les
termes de Part, l*' de cette loi.
« L'effet du renvoi sous la surveillance de la haute police sera de donner au
gouvernement le droit de déterminer certains lieux dans lesquels il sera interdit
au condamné de paraître après qu'il aura subi sa peine. Le condamné devra dé-
clarer, au moins quinze jours avant sa mise en liberté, le lieu oîi il veut fixer sa
résidence; i défaut de cette déclaration, le gouvernement la fixera lui-môme. Le
condamné à la surveillance ne pourra quitter la résidence qu'il aura choisie ou qui
lui aura été assignée, avant l'expiration d'un délai de six mois, sans l'autorisation
-du ministre de Tintérieur. Néanmoins les préfets pourront donner cette autorisa-
tion : fo dans les cas do simples déplacements dans les limites mêmes de leur
département; 2*" dans les cas d'urgence, mais à. titre provisoire seulement. —
Après l'expiration du délai de six mois, ou avant même l'expiration de ce délai,
si Tautorisation nécessaire a été obtenue, le condamné pourra se transporter dans
toute résidence non interdite, à la charge de prévenir le maire huit jours à l'a-
vance. Le séjour de six mois est obligatoire pour le condamné dans chacune des
résidences qu'il choisira successivement pendant tout le temps qu*il sera soumis à
la surveillance, à moins d'autorisation spéciale donnée conformément aux disposi-
tions précédentes, soit par le ministre de l'intérieur, soit par les préfets. Tout
condamné qui se rendra à sa résidence recevra une feuille de route réglant Titi-
néraire dont il ne pourra s'écarter et la durée de son séjour dans chaque lieu de
passage. Il sera tenu de se présenter dans les 24 heures de son arrivée devant le
maire de la commune où il devra habiter. »
La surveillance ainsi établie se résume en trois points : i^ faculté pour le
gouvernement d'interdire au condamné, après qu'il a subi sa peine, Taccès et
le séjour de certains lieux, qui, dans Tesprit de la loi, doivent se limiter à
quelques grands centres de population ; 2® obligation pour le condamné de dé-
signer à Favance le lieu oii il veut fixer sa résidence; 3» faculté pour le con-
damné de changer de résidence, mais seulement, après six mois d'habitation
dans le lieu qu'il a choisi, et avertissement donné au maire huit jours avant
«on départ. Ge n'est pas une autorisation qu'il demande, c'est un avis qu'il
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DE LA SURYBILLANGB (aRT. 4ô). 141
donne, pour faciliter la sarveillanoe qui le suit dans l'état de demi-liberté qui
lui efit fait La pénalité attachée àrinfraction de ces dispositions est indiquée
dans l'art. 45 que la loi nouvelle n'a nullement touché.
Dans les articles suivants^ il n'est plus question de l'organisation du système
de la surveillance, mais du détail des peines auxquelles elle est attachée. C'est
une matière toute distincte que nous renvoyons à la prochaine leçon.
DIXIÈME LCÇON.
106. Nous avons expliqué quelles sont les mesures qui constituent actuelle-
ment, depuis la loi du 23 janvier 1874, la peine accessoire de la surveillance;
nous avons vu que cette loi, en interdisant aux condamnés l'accès de certains
lieux^ en les obligeant à résider six mois au moins dans les communes qu'ils
auront choisies pour leur habitation, en les soumettant i chaque changement
de résidence i avertir l'administration de leur départ, de leur itinéraire et de
leur arrivée au lieu de leur nouvelle habitation, ne leur avait octroyé qu'une
liberté très-restreinte, une faculté de locomotion très-étroitement réglée. Nous
devons examiner maintenant à quelles peines principales est attachée cette
peine accessoire^ si les juges peuvent en exempter les condamnés, et comment
elle prend fin.
Une première règle, posée par le !«' paragraphe du nouvel art 46, rectifié par
la loi du 30 janvier 1874, est que i la durée de la surveillance ne peut, en
aucun cas, excéder vingt années. » 11 a paru qu'il était prudent et humain de
laisser voir au condamné un terme à sa peine, et que ce terme, d'ailleurs,
qui ajoute vingt ans à une peine déjà longue, était assez éloigné pour que la
société soit entièrement rassurée.
106. La surveillance est attachée de plein droit pendant vingt années après
qu'ils auront subi leur peine, aux condamnés aux travaux forcés à temps, à la
détention et à la réclusion^ c'est*à*dire aux peines criminelles temporaires.
Quant aux peines perpétuelles, la surveillance ne peut s*y appliquer pendant
leur durée. Mais la loi a dû prévoir le cas où elles sont abrégées par la grâce;
et le 4« paragraphe de Tart. 46 porte : < Tout condamné à des peines perpétuel-
les, qui obtiendra commutation ou remise de sa peine, sera, s'il n'en est autre*
ment disposé par la décision gracieuse, de plein droit sous la surveillance de
la haute police pendant vingt ans. » L'art. 47 ajoute que i les condamnés au
bannissement seront de plein droit sous la même surveillance pendant un
temps égal à la durée de la peine qu'ils auront subie. » Voilà les divers cas oh
la surveillance est encourue de plein droit, mais cette expression de plein droity
bien que la loi nouvelle l'ait conservée, a cessé d'être tout à fait exacte, ainsi
que nous allons le constater.
La !oî, en eflfet, a apporté un puissant correctif, une grave amélioration à
cette ancienne disposition du Code. Le 2« paragraphe de l'art. 46 porte :
« Néanmoins Tarrôt ou le jugement de condamnation pourra réduire la durée
de la surveillance ou même déclarer que les condamnés n'y seront pas soumis. »
Et l'art. 47, après avoir étendu la surveillance aux condamnés au bannr^
ment, ajoute également : c A moins qu'il n'en ait été disposé autreme^^
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142 DIX. LBG. — - DBS PEINES AGGBSSOIRBS. LIY. I. GHAP. III (n* 107).
Tarrèt ou le jugement de condamnation. • Ainsi les juges peuvent soit réduire
le temps de la surveillance, soit même la supprimer entièrement. Ils doivent
examiner dans chaque affaire la situation de chacun des condamnés et s'il
leur paraît qu'à Tégard de quelques-uns la mesure de la surveillance est
inutile, ou, que sa durée de vingt années est trop rigoureuse, ils peuvent ou
déclarer que le condamné n'y sera pas soumis à Texpiration de sa peine^ ou
que sa durée sera réduite dans des proportions dont ils sont les souverains
appréciateurs. Dans les cas oii ils gardent le silence Teffet légal est produit,
et les condamnés demeurent sous la surveillance, soit pendant vingt ans,
dans le cas de l'art 46, soit pendant un temps égal à la durée de la peine dans
le cas de rart«47.
Le législateur a voulu attacher à ce droit de rédaction ou de dispense une
sorte de sanction. Il a craint que la cour d'assises n'apportât pas une attention
suffisante à l'application de la faculté qu'elle peut exercer et qu'elle gardât le
silence sur ce points moins par un calcul réfléchi, que par négligence ou
inadvertance. Il a voulu obliger les juges à délibérer sur ce point. Le 2« para-
graphe de Fart. 47 porte que i si l'arrêt ou le jugement ne porte pas dispense
ou réduction de la surveillance, mention sera faite, à peine de nullité, qu'il en
a été délibéré. » Il y a donc nullité lorsque l'arrêt prononce le maximum
de vingt ans de surveillance sans mentionner que c'est à la suite d'une déli-
bération spéciale. La mention générale que l'arrêt a été délibéré conformé-
ment à la loi ne suffirait pas ; il faut une mention spéciale. Ce n'est qu'après
avoir constaté cette délibération que l'arrêt produit aujourd'hui l'effet de faire
appliquer la surveillance au condamné; elle ne devient de plein droit qu'après
avoir été maintenue par arrêt.
107. Une autre disposition de la loi nouvelle est également favorable aux
condamnés.' Jusqu'à présent la surveillance ne cessait que par la réhabilita-
tion ; elle était considérée, non comme une peine, mais comme une incapacité,
qui n'avait son terme que dans l'application de l'art. 634. Le nouvel art. 48
dispose que t la surveillance pourra être remise ou réduite par voie de grâce. »
Cette faculté pourra soulager quelques-unes des misères que les condamnés
libérés traînent après eux, lors même que leur conduite ne mérite aucun re-
proche. Une seconde disposition sera peutrêtre plus utile encore parce qu'elle
est plus accessible; elle porte que la surveillance c pourra être suspendue
par mesure administrative* i Et l'art. 2 de la loi ajoute que des règlements
fixeront les conditions sous lesquelles, après un temps déterminé, elle pourra
être suspendue. De l'ensemble de ces textes il résulte que le législateur, tout
en prescrivant quelques règles, en a laissé aux tribunaux et à l'administration
l'application à peu près discrétionnaire, et que les mesures que la loi a inau-
gurées peuvent être dures ou humaines, mauvaises ou salutaires, suivant
qu'une pratique éclairée comprendra la mission de patronage qui I/ii a été
déférée.
Une disposition nouvelle a été ajoutée à rart.48: c La prescription de la peine
ne relève pas le condamné de la surveillance à laquelle il est soumis. En cas
de prescription d'une peine perpétuelle, le condamné sera de plein droit sous
la surveillance de la haute poUce pendant vingt années. La surveillance ne
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DB LA SURTBILLANCaS (aRT. 50). 143
produit son effet qne da jonr où la prescription est accomplie. • Cette solution,
qui met un terme à une longae controverse^ est la conséquence du principe
qui refuse à la surveillance le caractère d'une peine proprement dite. £Ue est
imprescriptible parce qu'elle n'est considérée que comme une déchéance, une
incapacité. Et toutefois^ par une contradiction singulière, la loi admet qu'elle
puisse être remise par voie de grâce. La véritable raison de cette disposition
est que notre législateur n'a pas accueilli l'idée que Tagent qui a prescrit sa
peine se trouva dans une meilleure situation que celui qui Ta subie. U a voulu
les soumettre l'un et l'autre aux mômes mesures de précaution.
1<^. La loi du 23 janvier 1874, n'a point touché à l'art. 49 qui dispose que :
« Seront renvoyés sous la môme surveillance ceux qui auront été condamnés
pour crimes ou délits qui intéressent la sûreté intérieure ou extérieure de
l'État. 1 Faut-il induire de son silence à cet égard que la surveillance pratiquée
antérieurement à cette loi» doit être continuée dans les cas qu'elle a indiqués;
que cette surveillance doit être appliquée de plein droit et à vie, quand la
peine est afQictive et infamante, et que la faculté de réduction et de dispense
ne s'y étend pas ? Nous aurions peine à l'admettre. On ne doit pas supposer
que le législateur ait voulu édicter deux surveillances distinctes, l'une pour les
condamnés communs, l'autre pour les condamnés politiques, et qu'il ait en-
tendu réserver pour ceux-ci les sévérités qu'il adoucissait pour les autres.
L'art. 49 renvoie les condamnés dont il parle sous la même surveillance, et ces
mots ont dû faire penser aux rédacteurs de la loi qu'ils^ posaient des règles
générales qui enveloppaient tous les cas de surveillance. Les dispositions des
nouveaux articles 46, 47 et 48 s*étendent nécessairement aux cas prévus par
rart. 49.
100. Devront étrerenvoyéssùus la même surveillance ceux qui auront été condamr
nés pour crimes ou délits qui intéressent la sûreté intérieure ou extérieure de
VÉtat. Quels sont ces crimes ou ces délits ?yous les trouverez spécifiés dans la
première partie du livre III du Gode Pénal. Ainsi, dans les art. 75 et suivants
jusqu'à l'art. 85, vous trouverez énumérés les crimes ou les délits qui intéres-
sent la sûreté extérieure de l'État. A partir de Tart. 86 jusqu'à l'art. i08 inclu-
sivement, vous trouvez détaillés les crimes ou délits qui intéressent la sûreté
intérieure de l'État. C'est à ces divers articles que se réfère la surveillance pro-
noncée par notre art. 49.
Pour crimes ou délits. En général, ces délits sont en assez petit nombre ; les
actes coupables par lesquels on peut compromettre la sûreté, le salut du pays,
sont des actes bien plus souvent frappés de peines criminelles que de peines
correctionnelles. Cependant il est certains cas où les actes de cette nature sont
de simples délita. Vous en trouvez des exemples dans les art. 82, § 3, 86, § 3,
et 89, § 4. Il y a là des peines correctionnelles attachées à des faits rentrant
dans la classe de ceux que prévoit l'art. 49. A ces peines correctionnelles de>
vrait donc être attachée la surveillance, dont le mawimum et le minimum se-
raient à peu près à l'arbitraire des tribunaux.
110. « Abt. 50. Hors les cas déterminés par les articles précédents, les con-
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144 DIX. LEÇ. — DBS PBmSS AGGB8SOIAE8. LIV. I. CHAP. III (n"" 111).
damnés ne seront placés sous la surveillance de la haute police de l'État que dans
le cas où une disposition particulière de la loi l'aura permis. »
Ainsi, mémeen dehors de ces hypothèses, c'est-à-dire quand même il s'agi-
rait, par exemple, d'un délit non attentatoire à la sûreté de l'État, la surveil-
lance pourrait encore en certains cas être prononcée jmais l»il faudrait qu'elle
le fût ; elle n'aurait pas lieu de plein droit, dans le silence du jugement on ne
pourrait pas l'appliquer ; 2® les tribunaux ne pourraient, hors des cas géné-
raux indiqués par les textes précédents, prononcer la surveillance que quand
la loi l'a formellement attachée au délit qu'il s'agit de punir. Ici la loi ne pro-
cède plus par catégories, en s'attachant soit à la nature de la peine, soit à la
classe générale dans laquelle rentre le fait, mais en s'attachant à tel ou tel fait,
à tel ou tel cas, à tel délit particulier, et en décidant que dans ce cas la sur-
veillance devra être prononcée comme accessoire de la peine. Vous en trouvez
d'assez nombreux exemples dans [le Gode Pénal, dans les art. 221, 246, 303,
313, 315, 326, etc., etc. : je ne les donne que pour exemples.
La loi vous dit que les tribunaux ne peuvent, hors des cas précédentes, pro-
noncer la surveillance que quand la loi l'a permis. Ce n'est pas même dire
tout à fait assez : dans les articles que je viens de vous citer, la loi se borne,
en général, à permettre aux tribunaux d'appliquer la surveillance ; mais quel-
quefois elle va plus loin, elle ne se borne point à le leur permettre, elle le
leur commande : nous en verrons aujourd'hui un exemple dans l'art. 58,
dans ses derniers mots. Ainsi, nous devons dire que, hors les cas déterminés
par les art. 47, 48 et 49, les tribunaux ne peuvent prononcer la surveillance
que quand la loi le permet ou l'ordonne expressément ; et nous ajouterons
que, dans chacun de ces cas où la surveillance est prononcée par la loi, soit
en termes exprès, soit en termes facultatifs, elle en détermine la durée, et que
par conséquent il n'y a pas Heu, pour ces cas isolés, à la question de durée que
soulève l'art. 49 pour les cas généraux qu'il détermine ; ainsi, dans l'art. 58,
par exemple, oii la loi ordonne que, dans le cas de récidive, dans le cas qu'il
prévoit, les coupables seront mis, ici c'est impératif, sous la surveillance spé-
ciale du gouvernement, elle en détermine la durée pendant cinq ans au moins,
et dix ans au plus. 11 n'y a donc pas lieu pour ces divers cas à la question que
soulève et que ne décide pas l'art, 49.
111. Avant de terminer cette matière de la surveillance, ajoutons que, dans
les quatre articles qui précèdent, la loi ne considère la surveillance du gou-
vernement que comme une condamnation accessoire d'une autre peine, que
comme la conséquence, le corollaire, soit nécessaire, soit facultatif, d'une autre
pénalité. Cependant il n'en est pas toujours ainsi ; il est des cas^ fort rares il
est vrai, mais enfin il est des cas où la surveillance est prononcée en dehors
de tous les articles qui précèdent, c'est-à-dire est prononcée directement,
isolément, sans qu'aucune autre peine doiv e ou puisse ôtre appliquée ; par
exemple, vous trouvez, dons les art. 100, § 2, 108, § 2, 138, § 2, et 144, des
cas où la surveillance doit être prononcée, quoique aucune pénalité ne soit
appliquée. Tous ces cas sont fort analogues entre eux ; il sufBra de vous faire
connaître celui de l'art. 108.
Dans l'art. 108 on déclare exemptés des peines prononcées contre les au-
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BBS AHfiNDES) mSTlTUTIOMS XT FRAIS (aRT. 51). 145
teors de complots on d'antfies -crimes attentatoires à la sûreté de TËtat, ceux
qui les auront ùài connaître, etc. Et cependant on ajoute que, tout en n'ap-
pliquant pas les pénalités qu'ils <mt enooarues, on pourra cependant les con*
damner à rester, soit à vie, soit à temps, sous la sonreiliance de la hante po»
lice. Je choisis cet exemple,, qui est analogue avec les autres articles, parce
qu'il nous donne, outre Thypothèse que j'indiquais tout à l'heure, celle d'un
cas où la durée de la surveillance peut varier en telle sorte, qu'elle sera ou
temporaire ou perpétuelle, suivant la volonté de la cour qui l'appliquera.
Voilà, je crois, les quatre articles, les quatre seuls cas dans lesquels la sur*
vaillance puisse 4tre prononcée isolément et principalement : elle est en g^
nkal la conséquence^le corollaire d'une autre pénalité.
118. Dans les art. 51 et suivants, nous passons à une matière toute dilié*
rente ; il s'agit encore de condamnatioBs communes soit aux matières crimi-
nelles, soit aux matières correctionnelles ; ce sont les restitutions, la con-
fiscation spéciale, car la confiscation générale est abolie, l'amende, les
dommages-intérêts, les frais de justice qui peuvent être prononcés contre la
partie condamnée. Voili encore des accessoires, des corollaires de condam**
nations qui s'appliquent également aux deux ordres d'idées, en cas de crime
comme en cas de délit.
« Art. 5t. Quand il y aura lieu h restitution, le coupable pourra être condamné
en outre, envers la partie lésée, si elle le requiert, k des indemnités dont la dé-
termination est laissée à la justice de la cour ou du tribunal, lorsque la loi ne
les aura pas réglées, sans que la cour ou le tribunal puisse, du consentement
même de ladite partie, en prononcer l'application à une oeuvre quelconque. «»
Cet article, comme ceux qui suivent, ne demande que quelques remarques.
L'art. 51 est fort simple ; on conçoit très-bien que la partie lésée par un délit
ou par un crime puisse et doive obtenir, contre l'auteur du crime ou du délit,
une condamnation pécuniaire destinée à Tindemniser. Ce n'est là, au reste,
que la conséquence des principes dont nous aurons plus tard à développer
l'application, savoir, la distinction entre l'action publique et l'action civile.
La question s'élève, et se place sur les premiers articles du Code d'instruction
criminelle.
Envers lapartie Usée, si elle le requiert: en effet, les tribunaux criminels, pas
plus que les tribunaux civils, ne peuvent appliquer d'office une condamnation
de dommages*intérêtB au profit d'une personne qui ne les demande pas. Il
faut lequérir la condamnation; c'est-à-dire, en d'autres termes, se porter partie
civile. Nous verrons plus tard dans quelle forme on prend cette qualité et
quels en peuvent être les dang&rs ou les avantages, car il y a des uns et des
autres. Il faut des conclusions précises de la partie lésée, pour que le tribunal
puisse lui adjuger des réparations.
A l'égard de» rastitotioûs, œ qui est tout différent des dommages-intérêts,
à l'égard- de la remise des objets qui ont été. volés, il ne parait pas que des
oonclusions fonnelles soient nécessaires ; nous verrons dans l'art. 366 du Code
d'instruction cruninelle, que la loi autorise et ordonne que la remise des obf
jets volés soit faite d'office sans conclusions : c'est un point qui arpartient à
la procédure du jury.
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146 DIX. LEG. — • DBS PEINES ▲GGBSS0IRS8. LIT. I. GHAP. III (n^ 1 13).
Le principe de Tart. 51 est le principe des art. 2 et 3 du Gode d'instruction
criminelle ; mais sa rédaction pourrait donner lieu à quelques embarras ; elle
est en effet fort singulière. La loi vous dit que, quand il y aura lieu à restitu-
tion, par exemple, à la remise des objets volés à Tune des parties quand il y
AURA LIEU A BE8TITUTI0N, lô coupabU poutTa être condamné en outre; mais est-ce
que cette faculté, est-ce que cette obligation de condamner le coupable à ré-
parer en argent, autant que faire se peut, le préjudice qu'il acausé, se bornent
aux causes, aux affaires dans lesquelles il y a matière à restitution ? Ainsi,
par exemple, par négligence, ou môme par le fait d'une volonté criminelle,
un homme en a blessé et grièvement blessé un autre ; voilà une cause où évi-
demment il n'y a pas matière à restitution. Il n'y a rien à rendre ; est-ce
donc que, prenant Tarticle à la lettre, nous devrons dire dans ce cas qu'il ne
peut être déterminé ni accordé des dommage^intérèts. Cette conséquence
serait fausse, et cependant la lettre de l'article paraît l'autoriser. Cette obser-
vation fut faite au conseil d'État en 1808 ; c'est M. Merlin qui soulevait la
question ; on lui répondit que l'article était mal rédigé, mais qu'on avait inséré
ces mots pour que ies tribunaux n'allassent pas penser qu'ils ne devaient pas
adjuger de dommages-intérêts dans les cas où il y avait lieu à restitution ; en
d'autres termes, pour avertir les tribunaux qu'ordonner la restitution, dans
les cas où il y avait lieu, ce n'était pas donner à la partie une indemnité suf-
fisante, qu'une restitution n'est pas une indemnité. Autrement, on a voulu
avertir les tribunaux que, tout en prononçant la restitution, comme ils doivent
toujours le faire, ils peuvent et doivent de plus condamner à la réparation
pécuniaire du préjudice. On convint cependant que ^l'article serait changé,
attendu que la rédaction était vicieuse. Ce changement n'a pas été fait ; mais
il est bien sûr que l'article ne doit pas être pris à la lettre. Ainsi, soit qu'il y
ait ou non matière à restitution, il n'est pas douteux que la partie lésée ne
doive, si elle le requiert, obtenir du tribunal qui condamne l'indemnité pécu-
niaire dont parle l'art. 51 .
113. Quant aux derniers mots de cet article, qui défendent aux tribunaux
d'appliquer cette indemnité à une œuvre quelconque, même du consentement
de la partie qui la demande, ces mots ont eu pour but, a-t-on dit dans la
môme séance, de prévenir les écarts d'une assez fausse délicatesse qui empê-
cherait la partie lésée de requérir directement pour elle, à son profit, les
dommages-intérêts, l'indemnité du préjudice à elle causé ; d'empêcher qu'on
ne demandât, par exemple, une somme quelconque de dommages-intérêts
applicables aux hospices, aux pauvres, aux églises, à telle autre céuvre que
vous voudrez supposer. On a craint que, par une fausse délicatesse, une
partie à laquelle des dommages-intérêts seraient nécessaires, que l'état de
sa fortune ne mettrait pas à même de s'en passer, n'osât pas cependant les
demander pour elle et les demandât en laissant aux tribunaux la faculté de
les appliquer à telle ou telle œuvre. Il y avait aussi à craindre que les dom-
mages-intérêts ne fussent un peu trop facilement et trop largement appliqués
par les tribunaux, et que, sous la couleur de faire une bonne œuvre, on ne
s'assurât une vengeance contre la partie vis-à-vis de laquelle on conclut aux
dommages-intérêts.
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DBS AMENBBS, BJBSTITUTIOMS BT FRAIS (aRT. 53). 147
114. a Abt. 52. L'exécution des condamnations à l'amende, aux restitutions»
aux dommages-intérôts et aux frais, pourra être poursuivie par la voie de la con-
trainte par corps. »
Nous avons vu, dans l'explication du Code de procédure, que la contrainte
par corps n'était plus admise, en matière civile, même comme voie excep-
tionnelle, et dans certains cas spécialement déterminés ; dans les matières
criminelles, quelle que soit la nature de la condamnation pécuniaire, la con-
trainte par corps est, au contraire, la voie directe d'en poursuivre l'exécution.
Remarquez, d'ailleurs, que cette contrainte par corps est parfaitement dis-
tincte de la peine d'emprisonnement qui aura pu être appliquée pour châtier
le délit.
Le principe de l'art. 52 a été appliqué par la loi du 17 avril 1832 sur la
contrainte par corps et par celles du 13 décembre 1848 et du 22 juillet 1867.
a Abt. 53. Lorsque des amendes et des frais seront prononcés au profit de Tfitat,
3i, après l'expiration de la peine afûictive ou infamante, l'emprisonnement du con-
damné, pour l'acquit de ces condamnations pécuniaires, a duré une année com-
plète, il pourra, sur la preuve acquise, par les voies de droit, de son absolue in-
solvabilité, obtenir sa liberté provisoire. — La durée de Temprisonnement sera
réduite à six mois, s'il s'agit d'un délit; sauf, dans tous les cas, & reprendre la
contrainte par corps, s'il survient au condamné quelque moyen de solvabilité. »
L'art. 53 modifiait cependant le principe de l'art. 52, en ajoutant que, lors-
qu'après un certain temps, le condamné pour dettes justifierait de son insol-
vabilité, il pourrait obtenir son élargissement. Cette disposition a été modifiée
et successivement atténuée par la loi du* 17 avril 1832, par la loi du 13 dé-
cembre 1848, et enfin par la loi du 22 juillet 1867 qui est aujourd'hui la règle
de la matière.
La loi du 22 juillet 1867, qui a supprimé la contrainte par corps en matière
civile et commerciale, ne l'a maintenue que par exception en matière criminelle,
correctionelle et de police. Aux termes des art. 43, de cette loi la con-
trainte par corps peut être appliquée comme moyen d'exécution lorsqu'il y a
eu condamnation à des amendes, restitutions et dommages-intérôts, en m§i-
tière criminelle, correctionnelle et de police. Une autre loi de décembre 1871
a étendu cette application au recouvrement des frais.
Quelle est la durée de cette contrainte ? Cette durée est ûi.ée par l'art. 9 de
la loi du 22 juillet 1867, ainsi qu'il suit ; de 2 jours à 20 jours, lorsque l'amende et
les autres condamnations n'excèdent pas 50 fr. ; de 20 à 40 jours, lorsqu'elles
n'excèdent pas 100 fr. ; de 40 à 60 jours, lorsqu'elles n'excèdent pas 200 fr. ; de 2
à 4 mois, lorsqu'elles n'excèdent pas 500 fr. ; de 4 à 8 mois, lorsqu'elles n'excè-
dent pas 2,000 fr. ; d'un an à deux ans, lorsqu'elles s'élèvent à plus de 2,000 fr.
En matière de police, la durée de la contrainte ne peut excéder 5 jours.
La contrainte restreint son effet, lorsque le débiteur justifie de son insolvabi-
lité. Elle cesse lorsqu'il fournit caution. Elle ne s'applique pas aux mineurs de
16 ans. Elle se réduit en faveur des sexagénaires.
Au reste, la contrainte par corps employée comme moyen d'exécution vis-
à-vis des condamnés insolvables ne doit point être considérée comme une
peine. EUe n'est qu'une voie d'exécution, un moyen de recouvrement. 81 la
preuve de l'insolvabilité ne suffit pas pour faire ouvrir au condamné les porte
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148 DIX. LEÇ. ~ DBB PEINBS DELA RÉGIDITE. LIV. I. GHAP. IV (n* 117).
deda prison, c'est qne la loi a TOttlu soumettre cette insolvabilité à l'éprenve
â\me certaine détention.
115. a Art. 54. En cas de concurrence de Tamende avec les restitutions et les
dommages-intérêts, sur les biens insuffisants du condamné, ces dernières con
damnations obtiendront la préférence. «
Il est fort simple, en effet, que les dommages-intérêts, réparation d'un pré-
judice effectif causé à la partie privée, passent, en cas d'insuffisance, avant
l'amende que vient réclamer le Trésor à titre parement pénal. Mais remarquez
que cette préférence, accordée ici à la partie privée on civile pour ces domma-
ges-intérêts, sur la créance du Trésor pour l'amende, ne «'applique point à la
créance du Trésor pour les frais de justice ; les frais dont parle Tart. 52 et dont
ne parle pas Fart. 54, loin d'être primés par les donmiages-intérêts, jouissent
au contraire d*un privilège constitué par une loi du 5 septembre 1807 ; cette
loi et la place du privilège vous seront indiquées dans votre cours de troisième
amée.
116. « Art. 55. Tous les individus condamnés pour un môme crime ou pour un
même délit seront tenus solidairement des amendes, des restitutions, des domma-
ges-intérêts et des frais. »
Vous trouvez ici une exception aux principes du droit commun, une excep-
tion à l'art. 1202 du Gode civil, dans lequel vous verrez qu'en principe la soli-
darité, c'est-à-dire le droit pour le créancier de plusieurs personnes de pouvoir
demander à Tune d'elles seulement la totalité de ce qu'elles lui doivent toutes
ensemble, vous y verrez que la solidarité n'a pas lieu de plein droit, qu'elle
doit être stipulée; mais que cependant il y a lieu à solidarité quand la loi
la prononce formellement. L'art. 55 du Gode pénal est du petit nombre de
ceux dans lesquels la loi prononce formellement la solidarité entre plusieurs
débiteurs.
Vous remarquerez, du reste, que notre article ne parle que de la solidarité
pour amendes, frais, dommages -intérêts, restitutions en matière du crime ou
de délit. La même disposition n'est pas expresse pour le cas de contravention.
On examinera nécessairement, dans vos cours de Gode civil, le point de savoir
si la solidarité prononcée par l'art. 55, en cas de crime ou de délit, a lieu éga-
lement en cas de contravention ; ce n'est au fond qu'une question d'ar-
gent et de payement, c'est une question de droit civil, bien plus que de droit
pénal.
Nous passons à la question de récidive, qui achèvera tout ce que renferme
le livre premier.
CHAPITRE IV
DES PEINES DE LÀ RÉCIDIVE POUR CRIMES ET DÉLITS.
117. « Art. 56. Quiconque ayant été condamné à une peine afllictive ou infa-
mimta, aura commis un second crime emportant, comme peine principale, la dé-
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ÉLÉimrrs de la régidivs (art. 56). i49
gradation civique, sera condaumé i la peme du bannissement* — 8i le second
crime emporte la peine dn baimissement, il sera condamné à la peine de la dé-
tention. — Si le second crime emporte la peine de la réclusion, il sera condamné
à la peine des travaux forcés à temps. — Si le second crime emporte la peine de
la détention, il sera condamné an maximum de la même peine, laquelle pourra
être élevée jusqu'au double. — Si le second crime emporte la peine des travaux
forcés k temps, il sera condamné au maximum de la même peine, laquelle pourra
être élevée jusqu'au double. — Si le second crime emporte lapeine de la dépor-
tation, il sera condamné aux travaux forcés à perpétuité. — Quiconque, ayant
été condamné aux travaux forcés à perpétuité, aura commis un second crime em-
portant la même peine, sera condamné à la peine de mort. — Toutefois, Tindivids
condamné par un tribunal militaire ou maritime ne sera, en cas de crime ou da
délit postérieur, passible des peines de la récidive, qu'autant que la première con-
damnation aurait été pronon(M&e pour des crimes ou délits punissid)les d'après les
lois pénales ordinaires. »
Quelle est, en matière de crime ou le délit, l'influence de la récidive, et pour-
quoi le législateur en a-t-il fait Tobjet de dispositions spéciales et d*un chapitré
particulier ? Ces dispositions ont, en général, pour but d'aggraver la pénalité
enoourue par celui qu'une première condamnation avait frappé avant un se-
cond crime ou un second délit ; elles ont pour objet de détourner, d'épouvanter,
par une sanction pénale plus forte, celui qu'une première condamnation avait
déjà signalé à la méfiance de la société.
Du reste, par quels moyens la loi fortifie-t-elle la sanction pénale en cas de
récidive ? Ceci exige quelques détails et, avant tout, quelques distinctions.
Quatre cas peuvent se présenter: i^'û est possible que le premier fait fût un
crime, ayant été frappé d'une condamnation afflictive ou infamante, et qu'alors
le second fait soit encore un crime; 2^ il est possible que le premier fait fût un
crime, et que le second ne soit qu'un simple délit ; 3<^ le premier fait peut n'a-
voir été qu'un délit, et le second être un crime ; 4« enfin, le premier fiiit,
comme le second, peuvent n'être tous deux que des délits. Les règles de la ré-
cidive pourront varier dans chacune de ces hypothèses. L'art. 56 se rapporte
au premier cas ; l'art. 57, au second ; l'art. 58, au quatrième cas ; quant au troi-
sième, celui d'une condamnation correctionnelle suivie d'un crime, la loi est
restée et devait rester muette ; il n'y avait véritablement pas d'intérêt à aggra-
ver alors xme pénalité que la nature même des faits aggravait assez par elle-
même. Nous reviendrons tout à l'heure sur ce point.
118. Prenons d'abord la première hypothèse, celle de l'art. 56, sur laquelle
la loi donne le plus de détails, celle d'une condamnation criminelle, suivie
ensuite d'un autre crime.
Quiconque ayant été condamné (nous reviendrons tout à l'heure sur la force
de ce mot) àunepeineafflictiwou in/'amante (voilà bien la conndamnation cri-
minelle), aura eomnUs un second crime (voilà bien notre cas) emportant^
comme peine principale la dégradaHon civique, sera condamné à la peine du
bannissement.
Dans ces premiers mots, vous pouvez voir déjà la pensée et un peu le sys-
tème de la loi en matière de récidive. Le second crime, au lieu d'être puni
seulement de la peine qu'il méritait par lui-même, est frappé d'une pénalité
plus forte à 'raison de la condamnation qui Pavait précédé. Mais à quel degré,
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150 DIX. LEÇ. — DES PEINES DE LA RÉCIDIVE. LIV. I. CHAP. IV (n* 120).
dans quelle proportion la pénalité s*accroît~elle à raison de la récidive ? Pou-
vons-nous, à cet égard, établir une règle générale, formuler en deux mots la
proportion dans laquelle la loi fait croître la peiné à cause de la récidive ? Non,
car la lui suit à cet égard des règles fort différentes ; il est aisé, d'ailleurs, de
s'expliquer, en y regardant de près, le motif de ces différences.
119. Dans le premier paragraphe, la loi part de Téchelon le plus bas des
condamnations criminelles, de la dégradation civique, c'est-à-dire de la seconde
des peines purement infamantes; dans ce cas, si le second crime est de nature
à entraîner par lui-même la dégradation t;ivique, on appliquera la peine plus
élevée d'un degré, savoir: le bannissement. Ainsi, vous trouvez dans ce § 1^'
que la loi monte d'un degré. Vous en trouvez autant dans le § 6 : Si le second
crime emporte la peine de la déportation, il sera condamné aux trauvaux forcés à
perpétuité. De même, vous en trouvez un autre exemple dans le § 7 : Qui--
conque, ayant été condamné aux travaux forcés à perpétuité, aura commis un
second crime emportant la même peine sera condamné à la peine de mort. En
effet, dans ces trois paragraphes, la loi monte immédiatement du n« 1 au n<> 2
de l'art. 8, du n» 3 au n® 2 et du n« 2 au n» 1 de l'art. 7.
120. Mais cette marche qui consiste, pour aggraver la peine à cause de la
récidive, à monter d'un degré, d*un échelon dans la série des peines, cette
marche n'est pas celle que la loi a toujours suivie, celle qu'elle pouvait tou-
jours suivre ; dans d'autres cas elle franchit, à cause de la récidive, non pas
seulement un degré, mais deux degrés de pénalité, c'est ce qui arrive dans le
%^: Sile second crime emporte la peine du bannissement^ il sera condamné à la
peine de la détention. Or, la détention n'est que l'avant-dernière des peines de
l'art. 7 ; la détention par sa durée est plus sévère que la réclusion, car elle
peut s'élever jusqu'à vingt ans. Pourquoi donc la loi, qui dans le premier
paragraphe se contente de monter d'un degré, en franchit-elle deux, par
exemple, dans le second? La raison en est facile à trouver, elle se rattache à
ce que déjà nous avons dit sur le but et la nature de la peine de la détention,
peine réservée, à raison même de son mode d'exécution, à une nature toute
spéciale, toute particulière de crime. Or, il y a analogie de nature entre les
peines de la dégradation civique, du bannissement et de la détention, en ce
sens qu'en général c'est à des actes de môme ordre que ces diverses pénalités
sont appliquées; mais il n'y a pas analogie de nature entre le bannissement
et la réclusion, le bannissement comme la détention s'appliquant surtout à
des actes politiques : la réclusion, au contraire, s'appliquant presque unique-
ment à des crimes d'intérêt tout à fait privé.
. Le même motif doit vous expliquer l'autre hypothèse, celle du § 3; quand
la loi, par exemple, monte de la peine de la réclusion à la peine des travaux
forcés à temps, elle saute ici le degré intermédiaire, savoir : la détention,
précisément parce que la détention n'est pas en fait une peine de même ordre,
de môme nature que la peine de la réclusion, parce que l'une et l'autre ne
sont pas instituées pour les mêmes catégories d'actes et de personnes cou-
pables.
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tLÉHSNTS.IXB LA BÉCIDTVE (aRT. 56). 151
181. Voilà donc déjà deux hypothèses : l'une, où la loi se borne à aggraver
la pénalité d^un degré ; l'antre, an contraire, où elle franchit dénz degrés. H
y a encore nn troisième cas/c'est celui où la loi reste, malgré la récidive, dans
le même degré, dans le môme numéro de pénalité, en se contentant d'en
aggraver la durée. Ici encore il sera facile d*en comprendre les motifs. Par
exemple, lé second crime était de nature à être puni de la détention; si nous
voulions trouver plus haut une peine du même ordre, il nous &udrait prendre
la déportation ; mais entre la détention, qui varie de cinq à vingt ans, et la
déportation, qui n'est au fond qu'une détention essentiellement perpétuelle,
Fintervalie a paru beaucoup trop grand. Certainement, quelle que soit en
matière pénale la gravité de la récidive, cette gravité ne répondait pas bien à
la distance énorme qui sépare en £ait d'une détention de cinq, de dix ou même
de vingt ans, d'une détention nécessairement perpétuelle. Dans ce cas donc,
la loi veut que, si le second crime emporte par lui-même la peine de la dé-
tention, la récidive nécessite l'application du maximum de cette peine, c'est-
à-dire de vingt ans, et que même les juges aient la faculté d'élever ce maxi-
mum jusqu'au double, s'il est nécessaire. Vous voyez que là la sévérité de la
répression est déjà assez forte, sans qu'on ait à monter à une peine essentiel-
lement et légalement perpétuelle.
La même considération s'applique aux travaux forcés à temps et avec, plus
de force. Entre les travaux forcés à temps, qui varient de cinq à vingt ans, et
les travaux forcés à perpétuité, il y avait de même un intervalle que la réci-
dive n'a pas paru devoir faire franchir. Aussi applique-t-on la même disposition
que dans le cas de détention; là encore, la peine à appliquer, à cause de la
récidive, sera le maximum, avec faculté pour les tribunaux de l'élever jusqu'au
double.
Enfin, le second crime était de nature à entraîner la plus forte dès peines
après la mort, savoir : les travaux forcés à perpétuité; dans ce cas, l'ancien
Gode pénal prononçait l'aggravation, prononçait par conséquent la seule peine
supérieure, la peine de mort, ici encore la distance a paru trop forte entre les
travaux forcés, même à perpétuité, et la peine de mort, qu'on n'a voulu ap-
pliquer qu'avec une extrême réserve; aussi n'y a-t-il pas dans ce cas aggra*
vationde peine, au moins en principe. Supposez, par exemple, qu'un individu,
frappé d'une condamnation aux travaux forcés à temps, ait ensuite commis
un crime punissable par lui-même des travaux forcés à perpétuité, la circon-
stance de récidive n'aggravera pas l'application de la peine; ce n'est toujours
que la peine des travaux forcés à perpétuité qui devra lui être appliquée.
Pourquoi cela? C'est que la distance est déjà assez vaste entre la première et
la seconde condamnation, pour être en général un préventif suffisant contre
les chances de récidive.
Si cependant la première condamnation était également une condamnation
aux travaux forcés à perpétuité, alors l'aggravation s'appliquerait, la peine de
mort serait prononcée. Ainsi, l'aggravation qui consiste à monter du n^ 2 au
n^ 1 de l'art. 7, ne pourra s'appliquer qu'à celui qui, déjà condamné aux tra-
vaux forcés à perpétuité, aura, postérieurement à cet arrêt, commis un nou-
veau crime punissable de la même peine. '
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152 DIX. LEÇ. — D8S PBIIISS OE LA BÉCIOITS. LIT. I. CHAP. lY (n^ 123).
122. Le dernier paragraphe de Fart. b6 statae sur une question fort impor-
tante, et sur laqueUe jusque-là la jurisprudence était restée en suspens. En
effet, nous avons vu, par ies premiers mots de l'art. 56, que la peine de la ré-
cidive s'appliquait à celui qui se rendait coupable d'un second crime, après
une condamnation, non pas précisément pour un premier crime, mais après
une condamnation afflictive ou infamante. En général, ces expressions sont
synonymes: dire qu'on est condamné pour un crime, ou qu'on T^st à une
peine afflictive ou in&mante, c'est une même idée. Gepen<hint cette idée, et
par suite cette locution, devenait dangereuse dans le cas où un individu frappé
à raison d'un crime militaire, se rendait ensuite eoiq[>able d'un crime, aux
termes du § i*'; dans ce cas, les peines de la récidive et l'aggravation pro-
noncée par l'art. 56 devraient-elles s'appliquer, encore bien que la condam-
nation primitive quoique afflictive et infamante, en ses termes, eût été appli-
quée à un fait qui, d'après les lois ordinaires, ne constituait pas un crime?
Par exemple, supposez un cas de vol dans la chambrée, vol qui, d'après les
lois ordinaires, ne serait qu'un délit, et qui, d'après les lois militaires, en-
traînera une peine afflictive; supposez des voies de fait même fort légères
envers un supérieur, voies de fait qui, d'aj^ès les lois ordinaires, seraient à
peine un délit et qui seraient punies très-sévèrement d'après les lois mili-
taires; ce ne sera donc plus à la nature de la condamnation, mais à la nature
du fait qui a motivé cette condamnation, qu'on devra s'attacher pour décider
si l'art. 56 est ou non applicable. C'est cette question, sur laquelle la jurispra*
dence avait hésité et varié, que le dernier paragraphe de l'art. 56 est venu
trancher, comme la raison, du reste, demandait qu'elle fût tranchée.
128. Revenons un peu sur les premiers mots de cet article : Quicùnque,
ayant étécondamné à une peine afflictive ou infamante, aura commis un second
erime. Remarquez d'abord que ce que la loi punit comme récidive, ce n'est
pas la succession de deux crimes identiques ou différents, c'est Taccomplisse-
ment, la perpétration d'un second crime après une condamnation prononcée
a raison d'un premier crime. Il est évident, par exemple, que si après une
condamnation criminelle prononcée vous yenez à découvrir que le condamné
s'était rendu, avant cette condamnation, coupable d'un crime aussi grave ou
plus grave, il est évident que dans ce cas il n'y a pas matière aux peines de
la récidive; la récidive n'a lieu, dans le sens lé^^al du mot, que pour celui
qui commet un crime ou un délit, non pas après un autre crime ou délit,
mais après une première condamnation, ce qui est fort différent. Le texte de
l'art. 56 est d'ailleurs bien précis : Quiconque, aïant été condamné.
Du reste, la loi ne distingue pas, et nous ne devons pas distinguer si la
peine prononcée par le premier arrêt dure encore, ou si elle est adievée. La
peine de la récidive s'applique à celui qui a commis un crime, soit pendant
la durée de sa peine, soit après Tavoir subie. Bien plus, aurait-il prescrit sa
peine aux termes de l'art 635 du Code d'instruction criminelle, il reste en-
core sous le poids de l'art. 56; aurait- il obtenu sa réhabilitation, aurait-il
obtenu commutation de peine ou grâce entière, il n'en sera pas moins vrai de
dire qu'il a été condamné à une peine afflictive ou infamante, et que tout
crime postérieur le constitue en état de récidive.
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ÉtÉKDDITS DB LA BÉCIDIVB (aRT. 57). 153
184. Mais il faut qu'il y ait eu condamnation à l'une de ces peines, et non
pas seulement déclaration de enlpabilité par le jury de Tun des faits aux-
quels la loi attache une peine afflictive ou in&manté ; ceci^ dans certains
cas, peut, être fort différent. Supposez qu'un mineur dé moins de seise ans ait
été traduit en cour d'assises, ^ue la réponse du jury ait été affirmative sur la
question de culpabilité, et encore sur la question de discernement qui doit
nécessairement lui être posée; le voilà bien déclaré coupaUe d'un fait puni
par la loi d'une peine afflictive et infamante, d'un vol avec effraction, par
exemple, coupable d'avoir agi avec discernement, et c^ocidant la peine qui
lui sera applicable né sera pas la peine afflictive prononcée pour le cas de vol
avecefi&action; ce sera, aux termes de Tart. 67, un emprisonnement plus ou
moins long, suivant la nature du fait dont il est déclaré coupable. Le mineur
de seize ans déclaré coupable d'un crime commis avec discernement n'est ce-
pendant pas condamné aux peines qu'il aurait encourues après seize ans à
raison de ce crime; il n'est condamné qu'à un emprisonnement dont la durée
varie, mais sans que les variations de durée puissent changer la nature de la
peine, puissent faire de l'emprisonnement une peine afflictive et infamante.
Aussi ne peut-on pas comprendre que la jurispfiidence ait hésité comme elle
l'a fait, ait varié sur cette question, et décidé quelque temps que l'art. 56 s'ap-
pliquerait dans cette hypothèse. Il est clair que dans l'espèce que j'ai posée,
dans celle de l'art. 67, encore bien que le fait fût un crime, la condamnation n'é-
tant pas afflictive ou infamante, on n'est pas dans les termes de l'art. 56, et que,
conséquemment, si ce mineur, sorti ou évadé plus tard, vient à commettre un
nouveau crime, U y a lieu de lui appliquer peut-être l'art. 58, mais jamais as-
surément Tart. 56.
De même, si le jury avait déclaré la culpabilité de l'accusé, en joutant
qu'il ne s'était rendu coupable qu'avec des circonstances atténuantes, et si,
à raison de cette décision subsidiaire du jury la peine était descendue, d'après
Fart. 463, aux peines correctionnelles, on ne serait pas encore dans les ter-
mes de l'art. 56, et l'accusé, quoique déclaré par le jury coupable^ d'un fait
criminel, n'ayant cependant pas été condamné à une peine afflictive ou infa-
mante, n'aurait ri^n à craindre, en cas de récidive, des dispositions de
l'art. 56.
125. L'art. 57 statue sur le second cas que j'ai indiqué.
L'art. 57, rectifié par la loi du 13 mai 1863, est ainsi conçu :
« Quiconque, ayant été condamné pour crime à une peine supérieure d*ime année
d*emprisoDDement aura commis un délit ou un crime qui devra n*ôtre puni que de
peines correctionnelles, sera condamné au maximum de la peine portée par la loi,
et cette peine pourra être portée jusqu'au double. »
La récidive correctionnelle donne lieu à trois hypothèses : !• lorsqu'un in-
dividu déjà condamné et à raison d'un délit a commis un crime; 2^ lorsqu'un
individu, déjà condamné pour crime, a commis un délit; 3® lorsqu'un indi-
vidu, déjà condamné pour délit, a commis un second délit.
La première hypothèse ne produit aucune aggravation pénale : la pein
dont le crime est passible, quand sa qualification est maintenue, suffit po
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154 DIX. LEÇ. — DBS PEINES DE LA RÉCIDIVE. LIV. I. GHAP. IV (n^ 125).
que le jage puisse^ en rappliquant avec ane mesure plus ou moins large,
tenir compte de cet élément de la criminalité : l'aggravation est absorbée par
cette peine.
La deuxième hypothèse est celle de l'art. 57 : le délit, objet de la seconde
poursuite, a été précédé d*un crime, nous avons vu tout à l'heure que la loi
du 28 avril 1832 avait remplacé, dans l'art. 56, ces mots : « quiconque ayant
été condamné pour un crime » par ceux-ci : c quiconque ayant été condamné
à une peine afflictive, infamante ». Or cette substitution faite dans le texte de
l'art. 56 n'ayant pas été étendue à l'art. 57, il en était résulté que la juris-
prudence avait assigné un sens différent à ces deux articles : tandis que, dans
le premier de ces articles, elle ne s'attachait, pour reconnaître l'existence de
la récidive, qu'à la nature de la peine prononcée, il suffisait, pour son applica-
tion dails le second, que le fait eût la qualification de crime, lors même que
la peine prononcée était purement correctionnelle. C'est cette anomalie que
la loi du 13 mai 1863 a voulu faire cesser. Elle a fixé une limite à l'applica-
tion de l'aggravation : il faut que le premier fait, qualifié crime, ait motivé
une peine supérieure à une année d'emprisonnement.
La loi a fait une autre addition : elle a ajouté après ces mots c aura commis
un délit » ceux-ci « ou un crime qui devra n'être puni que de peines correc-
tionnelles. » Vous voyez de suite qu'il s'agit du cas où, par suite de l'admis-
sion des circonstances atténuantes, ou d'excuses légales, le fait qualifié crime
a été puni par des peines correctionnelles. Notre législateur a assimilé le crime
puni de peines correctionnelles à un délit correctionnel, il lui a paru que ce
n'est pas la poursuite, mais le résultat qu'il fallait considérer, que le fait de-
venait délit par l'effet de la condamnation et que la récidive dans ce cas
n'était plus qu'une variété de la récidive de délit à délit.
L'application dans ce dernier cas du maximum de la peine portée par la loi
peut donner lieu à quelques difficultés. Lorsque le fait, objet de la nouvelle
poursuite, est qualifié délit, les droits de la juridiction correctionnelle sont
clairement établis : elle peut prononcer le maximum de la peine portée par la
loi et même porter ce maximum au double ; elle peut aussi, si elle reconnaît
des circonstances atténuantes, réduire la peine d'emprisonnement jusqu'à six
jours, et dans le cas ot le maximum de la peine légale est inférieur à une année,
substituer même à l'emprisonnementune simple amende de police. La récidive
en matière correctionnelle ne donne lieu qu'à une aggravation facultative.
Quand le fait, qualifié crime par la poursuite, ne devient délit que par la
déclaration du jury, il faut distinguer d'abord si cette transformation est la
conséquence de l'admission d'une excuse légale, par exemple, la provocation
en cas de meurtre ou de ce que les circonstances aggravantes, auxquelles la
qualification criminelle était attachée, ont été écartées. Dans ces deux cas, le
fait reconnu constant n'a d'autre caractère que celui d'un délit ; la Cour
d'assises se trouve donc investie, comme la juridiction correctionnelle, si les
circonstances lui semblent atténuantes, du droit de réduire même en cas de
récidive les peines d'emprisonnement et d'amende au niveau que nous avons
indiqué.
Mais si le crime conserve son caractère de crime et ne doit être puni par
des peines correctionnelles qu'à raison des circonstances atténuantes décla-
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ÉLÉMENTS PB I.A RÉGIDIYB (aRT. 57). 155
rëes, une grave difficulté se présente. Cette difficulté vient de ceci : lorBC[a*an
accusé est en état de récidive, l'aggravation pénale attachée à cet état s'in-
corpore §vec la peine simple applicable à la nouvelle infraction, et c'est sur
cette peine ainsi aggravée que s'exerce l'action des circonstances atténuantes.
Or, dans l'hypothèse créée par la loi, l'atténuation est déjà en tout ou en partie
consommée au moment où l'aggravation vient s'incorporer à la peine ; la
déclaration des circonstances atténuantes» qui a fait descendre le crime au
niveau du délit, a déjà eu son effet quand la Cîour d'assises est appelée à me-
surer la peine.
S'il s'agit d*un crime passihle de la réclusion, la déclaration du jury, affir-
mative des circonstances atténuantes, a suffi pour le rendre passible des
peines de l'art. 401, c'est-à-dire pour le faire descendre au rang des délits, et
ce n*est dans ce cas qu'un premier degré d'atténuation. La Cour d'assises, qui
n'a pas encore usé du droit d'atténuation que l'art. 463 lui a également départi,
peut donc réduire la peine à son minimum légal; ce droit, elle le retient, elle le
conserve et rien ne s'oppose à ce qu'elle puisse l'exercer. Objectera-t-on qu'il
est paralysé par le texte impératif de l'art* 57 ? La réponse est qu'en matière
correctionnelle, l'art. 463 étend son atténuation même en cas de récidive. Or
la Cîour d'assises se trouve, par la déclaration du jury, en face d'un fait qui peut
être puni des peines de l'art. 401. Quel est l'effet de la récidive? C'est d'élever
la peine au maximum et non d'en changer la nature. Or la peine portée au
maximum et l'aggravation attachée à cette peine sont l'emprisonnement. La
Cour d'assises qui n'a pas encore usé de son droit d'atténuation et qui peut en
user, aux termes de l'art. 463, dans tous les cas où la peine d'emprisonne-
ment est prononcée par le Code pénal, peut donc la réduire à son minimum
légal qui est dans le cas d'une année d'emprisonnement. Je sais qu'on peut
dire que les derniers paragraphes de l'art. 463 ne sont applicables que dans
le cas où la Cour d'assises exerce, comme juridiction correctionnelle, la plé-
nitude du droit d'atténuation, tandis que ce droit a déjà ici été en partie exercé
par le jury. La réponse est qu'il ne s'agit pas d'appliquer ces textes, puisque
l'atténuation ne peut descendre au-dessous d'un an, mais que, puisque la ma-
tière est devenue correctionnelle, il est impossible de ne pas invoquer Id
règle qui veut qu'en cette matière l'aggravation ne soit que facultative.
Enfin, s'il s'agit d'un crime passible des travaux forcés, ce crime ne peut
descendre au rang des délits que par un double degré d'atténuation : il faut
que le jury déclare les circonstances atténuantes et que la Cour s'associe à
. cette déclaration. Or que résulte-t-il de ces deux déclarations ? Il en résulte
que le droit de la Cour d'assises est complètement épuisé, elle ne peut plus
qu'appliquer la loi, et cette loi est le maximum, c'est-à-dire cinq ans d'empri-
sonnement. Cette conséquence est très-rigoureuse et peut-être le législateur
ne s'en est pas rendu compte, car on ne peut s'expliquer la distance énorme
qui sépare ces deux hypothèses^ mais le texte est trop formel pour qu'un
doute sérieux soit possible.
126. a Art. 58. Les coupables condamnés correctioRnellement à un emprison-
nement de plus d'une année seront aussi, en cas de nouveau délit ou de crime qui
devra n'être puni que de peines correctionnelles, condamnés au maximum de la
peine portée par la loi, et cette peine pourra être portée jusqu'au double. »
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156 DIX. LEÇ. — • DBS PEINES DE LA RECIDIVE* LIV. I.^GHAP. IV (N^i2S).
H y a lieu de remarquer d'abord que, dans cet article comme dans Tart. 57^
l'aggravation pénale de la récidive n'est appliquée qu'au seul cas oii la pre-
mière condamnation emportait un emprisonnement de plus d'une année.
Pour que la récidive devienne une cause d'aggravation, il faut que la pre-
mière condamnation dénote un délit grave, un agent dangereux.
Il y a lieu de remarquer ensuite que la règle que nous posions tout à
Pheure, à savoir, que la récidive de délit à crime ne motive aucune aggrava-
tion spéciale, trouve ici une sorte de restriction. En effet, lorsque le crime
n*est puni que d'une peine correctionnelle, cette peine est portée au maximum
et peut être élevée Jusqu'au double. On pourrait penser que, si la récidive de
délit à crime ne donne lieu à aucune aggravation, il en doit être encore ainsi
lorsque, par suite de circonstances atténuantes, le crime n'est puni que de
peines correctionnelles. Mais si, dans le système du Cîode, la récidive de délit
à crime n'aggravait pas la situation de l'accusé, c'est que le crime était puni
de peines afflictives ou inflEunantes. Mais depuis l'introduction de circonstan-
ces atténuantes, il arrive souvent qu'un crime est puni de peines correction-
nelles. Or, lorsqu'on déclare en état de récidive celui qui a été condamné à
un an d'emprisonnement parce qu'il a encouru une condamnation nouvelle
à trois ou six mois, comment ne pas appliquer la même règle à celui qui,
ayant déjà subi une condamnation de plus d'un an, ne peut invoquer en sa
faveur que la circonstance d'avoir été traduit une seconde fois devant une
Cour d'assises pour crime, au lieu de l'être devant un tribunal correctionnel
pour délit ?
127. Un 2« § ajouté à l'art. 57 porte :
, a Le condamné sera de plus soumis à la surveillance spéciale de la haute police
pendant cinq années au moins et dix ans au plus. »
La même disposition était déjà attachée à l'art. 58, cette mesure rigoureuse
peut être remise par l'effet des circonstances atténuantes, comme nous le
dirons tout à l'heure ; mais seulement dans le cas où le maximum de la peine
n'est pas appliqué.
' 128. Avant de quitter cette matière, en ce qui concerne surtout les art. 57
et 58, il faut indiquer une modification de la plus haute importance pratique
à la rigueur très-grande en apparence des art. 57 et 58. Avant la révision de
1832, on hésitait sur la question de savoir si l'art. 463, qui autorisait les tri-
bunaux à réduire à un taux très-bas les condamnations correctionnelles, en
cas de circonstances atténuantes déclarées par eux, on hésitait sur le point de
savoir si cette faculté s'appliquait même au cas de récidive. Ce doute a été
levé par le dernier paragraphe de l'art. 463, qui modifie de la manière la plus
grave et la plus fréquemment applicable la rigueur des art. 57 et 58. Vous y
verrez, en effet, à côté de ces dispositions fort dures de nos deux articles, qoA
si les circonstances paraissent atténuantes, les tribunaux correctionnels sont au-
torisés, MÊME EN CAS DE RÉCIDIVE (c'cst par CCS demiers mots qu'on a enlevé le
doute), à réduire V emprisonnement soit à six jours, soit même au-dessous de six
jourSf et Vamende soit à seize francsy soit même au-^Ussous de seize francs ; c est-
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iLÉIflNT8 DK LA RÉCIDIVE (aRT. 57). 157
à-dire à se borner, malgré la circonstance de récidive et à raison des circon»
stances favorables que présentera la cause, à se borner, soit à Tapplication
de pénalités moins fortes que celles du délit, soit même à Tapplication de
pénalités inférieures de la même nature qujs celles de simple police, c'est-
à-dire de pénalités inférieures à six jours de prison et à seize francs d'amende.
Au reste, Fart. 463, en accordant aux tribunaux correctionnels cet immense
pouvoir de réduire la pénalité presque à rien, n'a statué que sur deux cas,
d'emprisonnement et d'amende ; il leur permet de réduire à quelques jours
Temprisonnement, et l'amende à quelques francs. Mais l'art. 58 ne prononce
pas seulement par le renvoi qu'il contient, l'emprisonnement et l'amende en
cas de récidive, il prononce de plus impérativement la surveillance spéciale
du gouvernement pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. Et de là s'est
élevée, depuis 1832, la question de savoir si la faculté de réduction accordée
aux tribunaux par les derniers mots de l'art. 463, pour l'emprisonnement et
pour Tamende, leur permettrait même de dispenser le condamné en état de
récidive de la surveillance portée par les derniers mots de l'art. 58. Encore
bien qu'un arrêtait décidé la négative, ait interprété limitativement les expres-
sions de l'art. 463, il est bien difficile d'admettre que ce soit là l'esprit de la
loi; d'admettre que les tribunaux, autorisés, même en cas de récidive, à ne
frapper le coupable que de quelques jours d'emprisonnement, seront cepen-
dant forcés d'attacher, soit à cet emprisonnement, soit même à cette amende
si faible qu'ils peuvent substituera Temprisonnement, une surveillance de cinq
ans de la police du gouvernement, contre la nécessité de laquelle proteste
assez hautement le jugement correctionnel qui déclare que les circonstances
sont atténuantes, et qui n'applique que quelques jours de prison ou quelques
francs d'amende. Je crois donc qu'en vertu de l'art. 463, paragraphe dernier,
le tribunal correctionnel, dans le cas même de récidive, constatant par son
jugement que les circonstances de la cause sont atténuantes, peut réduire la
pénalité dans la proportion de l'art. 463, non-seulement en ce qui concerne
Temprisonnement et l'amende, mais même, malgré les derniers mots de
l'art. 58, dispenser le condamné d'une surveillance qu'il serait ridicule d'atta-
cher à une condanmation* aussi insignifiante que celle de cinq jours d'empri-
6onnem«it, ou de quinze francs d'amende. Cette solution est au surplus con-
sacrée aujourd'hui par la jurisprudence.
189. Nous avons terminé ce qui touche à l'explication des diverses pénali-
tés, de leur nature et de leur durée. Dans le second livre du Gode pénal, que
nous avons également à expliquer, la loi s'attache à un autre élément fort dif«
férent, mais fortimportant aussi, de la pénalité ; au lieu de considérer le crime
ou le délit dans sa nature et dans sa peine, elle le considère dans l'agent,
dans l'auteur auquel il est imputé, et détaille les diverses circonstances qui
peuvent aggraver ou modifier à son égard l'application de la pénalité. La pre-
mière de œs circonstances est relative à la complicité, matière difficile et im-
portante, par laquelle nous commencerons la prochaine leçon, qui y sera en-
tièrement consacrée.
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158 ONZ. LEÇ. — DBS P1ER80NNE8 PUNIS8., BZGUS. OU RB6P0NS. (N^ 130).
ONZIÈME LEÇON.
LIVRE DEUXIÈME
DES PERSONNES PUNISSABLES, EXCUSABLES OU RESPONSABLES, POUR
GRIMES OU POUR DÉLITS.
130. Nous passons au livre n, dont la rubrique assez générale fait connaî-
tre clairement Tobjet. Nous cessons de considérer Facte en lui-môme, dans
son existence pbysique et matérielle, nous examinons l'agent qui Ta produit,
nous étudions les diverses circonstances qui constituent, qui atténuent, ou
môme qui effacent toute espèce de culpabilité. Au premier rang de ces circon-
stances figure la complicité. C'est à la recherche des règles de cette matière, c'est
à leur examen que sont consacrés les art. 59 et 60, articles importants qui né-
cessitent de longs détails, et auxquels ne suffira pas notre leçon d'aujourd'hui :
nous nous occuperons spécialement des art. 59 et 60.
Qu'est-ce en général que la complicité ? Le premier sens, la première idée
qui s'attache à ce mot, c'est celle du concours de plusieurs personnes rassem-
blées pour agir de concert dans un but coupable, pour commettre, avec une
participation plus ou moins simultanée, un acte que la loi qualifie crime ou
délit. Toutefois, cette idée générale du mot de complicité manque d'exacti-
tude. Ce mot présente, dans le système de nos lois pénales, un sens plus
technique, un sens plus rigoureux qu'il importe de bien préciser, de bien
définir.
£n efiet, il ne faut pas croire qu'il y ait complicité dans l'acception bien
exacte du mot, dans le sens technique que va lui donner l'art. 60, toutes les
fois qu'il y a concours, réunion de plusieurs personnes, de plusieurs volontés
pour Taccompiissement d'un acte coupable. Par exemple, deux individus, unis
ensemble, sont entrés dans une maison habitée, ils ont brisé un coffre, un se-
crétaire, ils ont volé ensemble. Dira-t-on que dans ce cas il y a vol commis de
complicité? On pourra le dire sans doute, dans l'acception vulgaire et usuelle
du mot ; mais dans ce cas il n'y a pas de complicité proprement dite ; des
deux coupables dont nous venons d'indiquer l'acte, il n'y en a aucun qui
soit, à vrai dire, le complice de l'autre. U n'y a pas d'un côté un auteur prin-
cipal, et de l'autre un auteur secondaire, accessoire; tous deux sont vo-
leurs, tous deux sont coauteurs, codélinquants; il n'y a pas là de véritable
complicité.
Ainsi, autre chose est, en droit pénal, la qualité de complice, dans le sens
technique du mot, autre chose est la qualité de codélinquant ou de coauteur.
La différence est sensible, elle résulte directement du texte môme des art. 59
et 60. Dans l'espèce que je viens de poser, il est clair que, pour punir les deux
individus qui se sont rendus en môme temps coupables de vol, il n'y a pas
besoin d'article spécial, il n'y a pas besoin d'avoir recours à un système de
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DB LA COMPLICITÉ (aRT. 59-^0). 159
complicité; cbacun d'eux est Toleor^ à chacun des deux s'appliquera^ lelon la
nature du fait, la peine établie pour le \oi par les art. 381, 382 et stÛTants.
En on mot^ chacun tombe ici, par la nature môme de son fait, sous l'empire
de la loi qui punit le vol, sans qu'on ait besoin, pour la lui appliquer, d'aucun
détour, d'aucune assimilation, d'aucune définition de complicité.
La théorie de la complicité est donc parfaitement inutile à l'égard des indi-
vidus qui, réellement et par eux-mêmes, ont pris une part directe à 1 action
qu'il s'agit de punir^ ils sont coauteurs. C'est ce que suppose l'art. 60, qui,
définissant daus ses trois paragraphes divers cas de complicité, vous parle
dans son § 3, par exemple, de ceux qui auront avec connaissance, aidé ou assisté
Fauteur ou les auteurs de raction, La loi distingue donc très-formellement le
complice d'avec Tauteur, puisqu'elle suppose qu'une action peut avoir plu-
sieurs auteurs, peut avoir été faite simultanément par plusieurs personnes,
sans qu'il y ait là complicité. En d'autres termes, lors môme qu'un vol ou un
autre crime a été commis simultanément par plusieurs, il y a là des auteurs,
des coauteurs, des codéJinquants, il n'y a pas encore de complices, sans quoi
ces mots du g 3 seraient absolument vides de sens. Vous retrouverez le môme
langage dans Tart. 59 : Les complices d'un crime ou d'un délit seront punis de la
même peine que les auteurs.
En un mot, la pluralité d'auteurs n'entraîne pas, ne nécessite pas la com-
plicité. Plusieurs exemples rendront ceci fort sensible ; et il imp<orte, en effet,
de distinguer quelquefois dans la pratique le cas de coauteurs ou de codélin-
quants du cas de complices ; préparons donc à l'avance les éléments de cette
distinction. Je citais tout à l'heure l'exemple du vol ; d'autres crimes peuvent
vous présenter le même caractère.
.Deux individus d'accord entre eux en ont assailli, renversé, frappé, tué
ensemble un troisième; il est clair que, dans ce cas, des deux assaillants, des
deux meurtriers, aucun n'est le complice de l'autre ; chacun d'eux est meur-
trier, chacun d'eux est assassin. On n'a pas besoin, pour les punir, des art. 59
et 60, on leur applique directement la peine de l'assassinat ou du meurtre,
aux termes des art. 302 et 304.
De môme, un seul a blessé, a frappé, a porté les coups; mais l'autre avait
renversé et tenu immobile la personne qu'il s'agissait de frapper. Le second
n'est pas encore ici le complice du premier ; tous deux sont coauteurs, co-
meurtriers, coassassins, tous deux ont pris une part directe, active, immédiate
à la perpétration du crime accompli.
De môme encore, en cas de brigandage à main armée, vous supposerez une
voiture arrêtée ; parmi les brigands, les uns arrêtant les chevaux, arrêtant le
postillon, d'autres les voyageurs, d'autres fouillant et volant. 11 est clair que,
quel que soit le nombre des codélinquants, quelle que soit la diver;5ité des
actes de chacun, il y a concours, concert, action simultanée de tous, dans un
but commun, le vol de vive force, le brigandage proprement dit : ils ne sont
pas de véritables complices. '
Vous pouvez donc déjà comprendre que le mot de complicité, qui jusqu'ici
n'est connu pour nous que négativement, suppose bien une participation à
l'acte, au crime, au délit accompli, mais une participation éloignée, détournée,
médiate, indirecte seulement. Jusqu'à quel point et dans quel cas des actes
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!60 ONZ. LEÇ. — DBS PERSONNES PDNI8S., EXCUS. OU RE6P0NS. (n* 132).
indirects, des actes détournés seraient-ils punis comme constituant la com-
plicité? C'est là ce que les art. 60. 61 et 62 ont pour but de faire connaître.
131. Avant d'entrer dans les détails de l'art. 60, le principal, le plus im-
portant de tous pour la définition de la complicité, remarquons que, parmi les
circonstances fort nombreuses énumérées par la loi comme constituant la
complicité, on peut compter trois espèces d'actes bien distincts. La complicité
résulte tantôt d'actes antérieurs au crime ou délit accompli, c*est ce qui a lieu
notamment dans les§§ i et 2 de Tart. 60. Elle peut résulter d'actes simultanés^
d'actes concomitants avec le crime ou le délit accompli, c'est ce qui a lieu dans
un au moins des cas du troisième paragraphe de Tart. 60. Enfin elle peut
résulter, au moins d'après la loi, car la chose est bizarre au premier aspect^
elle peut résulter d*actes postérieurs au crime ou délit accompli. La loi admet,
je ne me charge pas de la justifier logiquement, que l'on peut après coup,
par des actes postérieurs, se rendre complice d'un crime qui était déjà entiè-
rement accompli ; tel est le cas de l'art. 62, tel parait être môme l'une des
hypothèses du § 8 de Tart. 60. Ainsi^ des actes antérieurs, des actes simul-
tanés^ des actes même postérieurs, peuvent dans divers cas et sous les dis-
tinctions qui vont suivre, constituer d'après la loi des éléments de complicité.
L'art. 60 et ceux qui le suivent sont, comme je l'ai dit, des articles de dé-
finition ; ils tendent à vous faire connaître quel est le sens technique, le sens
légal du mot de complicité. En général, les définitions sont parfaitement libres,
et le mot de complicité, pris en lui-même, est une expression assez vague
pour que le législateur puisse^ à sa volonté, y comprendre où en exclure des
&its sur le caractère desquels on pourrait rester dans le doute sans la défini-
tion de la loi. Mais il faut songer qu'ici, bien que Tart. 60 ne soit qu'un article
de pure définition, il n'en est pourtant pas des définitions pénales comme des
définitions de conversation ou de grammaire; il faut songer qu'à la suite de
ces définitions, bien ou mal faites par les art. 60, 61 et 62, devront ndtre et
s'appliquer de sérieuses pénalités. Par conséquent, en étudiant dans ces trois
articles les divers sens, les acceptions fort larges que le législateur a données
au mot de complicité, nous ne devons pas perdre de vue le résultat, la consé-
quence de cette latitude d'acception, nous ne devons pas perdre de vue qu'à
ohacune de ces acceptions est attachée une peine dont la gravité varie selon
les cas. Ainsi, je ne dis pas pour bien comprendre, mais au moins pour bien
juger le mérite des dispositions des trois paragraphes de l'art. 60, il faut avant
tout connaître les résultats, les conséquences de la complicité. En d'autres
termes, l'art. 59, qui vous indique la conséquence de toute complicité, et
l'art. 60, qui définit la complicité, ne peuvent pas s'expliquer, se juger sépa-
rément l'un de l'autre. Pour savoir si la gravité des peines dont l'art. 50 frappe
le complice est bien raisonnable, il faut savoir ce que c'est qu'un complice, et
l'art. 60 nous le dit; et, d'autre part, pour savoir si l'art. 60 n'a pas été trop
loin dans sa définition des complices, il ne faut point oublier la gravité de la
peine dont le complice est puni par l'art. 59. Cette corrélation une fois établie,
voyons d'abord la disposition, et déternûnons le véritable sens de l'art. 59.
189. « AaT. 59. Les complices d'un crime ou d'un délit seront punis de la môme
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DE LA COMPLICITÉ (aRT. 50). 161
peine que Jee auteurs Bièiaee de ce crime oa de ce délit, aenf les cas où la loi en
aurait disposé autrement. »
U est clair, d'après le texte de cet article, que, pour appliquer les pénalités
. qui en résultent implieitement, il faut qu'il y ait en un crime, qu'il y ait eu un
délit réellement commis. Ainsi, supposez une personne ayant accompli l'un
des actes de complicité définis par l'art 60, par exemple, ayant provoqué par
dons» par promesses, par menaœs, à Tacoomplissement d'un crime; ce crime
lui était promis, mais cependant il n'a pas été commis, pourra-ton alors,
attendu que les fiaits prévus par l'art. 69 se rencontrent, attendu qu'il y a eu
des dons, des promesses, des menaces tendant à déterminer au crime, pourra-
tron appliquer à Tauteur de ces dons, de ces promesses, de ces menaces, la
peine qu'il eût encourue si le crime avait été commis? Non. La loi punit le
complice d'une action, c'est-à-dire d'une action réellement accomplie; elle le
punit de la même peine que l'auteur de cette action; elle suppose donc qu'il
y a en perpétration^ exécution, accomplissement véritable. La preuve en ré-*
suke, d'ailleurs, encore plus clairement des derniers mots de l'art. 60; après
ses définitions de la complicité, qui toutes supposent un crime ou un délit
réellement accompli, cet article ajoute : t Sans préjudice des peines qui seront
spécialement portées par le présent Gode contre les auteurs de complots ou de
provocations attentatoires à la sûreté intérieure ou extérieure de l'État, mémb
Dans LB CAS ou LH CaniB qui AtAIT l'OBJBT DBS CONSPimÀTBURS ou DBS raovoGA-
TBUA8 n'auaa pas ÉTé COMMIS. » Il résultc donc clairement de ces derniers mots,
qu'en général, et sauf la nature du crime à laquelle ils sont relatifs, pour
appliquer l'art. 59 à l'auteur d'un fait de comfdicité défini par l'art. 60, il faut
qne l'acte coupable ait été accompli, exécuté, il faut qu'il y ait l'auteur d'un
crime on d'un délit.
Au reste, ceci doit se modifier par la disposition générale de l'art. 2. Vous
aTCz vu que la tentative de crime, interrompue par des circonstances étran-
gères à la volonté de son auteur, était réputée le crime même; donc si, en
vertu des promesses ou des menaces dont parle l'art. 60, un crime a été tenté,
et que l'exécution n'en ait été interrompue que par un cas fortuit, le crime
n^est pas accompli, mais il est réputé tel aux termes de l'art. 2. Le complice
est donc punissable comme l'auteur principal l'est lui-même.
Premier point Pour appliquer les peines résaltant de la complicité aux
termes des art. 59 et 60, la première condition, c'est que le crime ou le délit
ait été réellement accompli, ou qu'au moins il soit réputé tel aux termes de
l'art. % pour les crimes, et de l'art. 3 pour les délits, en vertu d'une tentative
à laquelle son auteur n'a pas renoncé volontairement.
Igft. Second point. Les complices, dit Tart. 59, cftin crime ou cPun délit seront
punis de la même peine que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit. Delà même
peine, c'est-à-dire de la même peine de droit, mais non pas nécessairement
d'une peine égale ou de la même peine de lait. Ainsi, dans tous les cas où la
loi laisse aux cours d'assises ou aux tribunaux le choix, la latitude entre un
mMmum et un mawimum, ce n'est pas violer l'art. 59 que d'appliquer, par
exemple,le maximum à l'auteur principal et le minimum an complice; ou même,
ï- DigitizedbyCnOëgle
162 ONZ. LEÇ. -* DES PBRSONKES PDNISS., BZCU8. OC RJBSPONB. (n« 134).
réciproquement, le maximum au complice et le minimtun à l'auteur princi*
pal. De la même peine, c'est ici la môme peine de droit du môme article de loi,
parce que Tart. 59 regarde le complice comme ayant lui-môme commis le fait
qu'il a aidé, encouragé, facilité.
De môme, supposez que Tautear principal, déclaré coupaUe par le jury, soit
néanmoins dans un des cas d'excuse autorisés par le CSode pend, par exemple»
dans le cas de l'art. 324, § 2, qui déclare excusable le meurtre du mari sur la
femme, en cas de flagrant délit d'adultère dans la maison conjagale. Ici il y a
uniaitd*excuse déclaré par le jury en faveur de Fauteur principal; ce fait
d'excuse, qui a pour effet d'atténuer, dans une proportion très-forte, la gravité
de la peine encourue, ce fait d'excuse profitera-t-il au complice? Non, certes.
Le complice, qui n'a pas pour lui la circonstance toute personnelle qui tend
ici à excuser le meurtre, sera puni comme le complice, et par conséquent
comme l'auteur d'un meurtre ordinaire.
De môme encore, supposez que le jury ait déclaré, en faveur de Tauteur prin-
cipal, les circonstances atténuantes de l'art 463, cette déclaration fait décroî-
tre la peine; mais cette décroissance, fondée sur des considérations toutes par-
ticulières, tontes personnelles à l'auteur principal, ne profitera point au
complice.
En un mot, de la même peine, c'est la môme peine légale, c'est la môme peine
de droit, c'est celle de l'article du Cîode pénal qai a pour but de punir tel fait,
tel meurtre, tel vol, abstraction faite des circonstances personnelles qui peuvent ^
modifier cette pénalité.
184. Enfin, troisième remarque : Sur l'art. 59, j'ai dit tout à l'heure que,
pour appliquer cet article, ponr punir le complice de la môme peine que Fau-
teur principal, il fallait qu'il y eût ou un crime ou un délit commis, ou au
moins réputé tel aux termes des art. 2 ponr les crimes et 3 pour les délits ;
faut-il conclure de là qu'il n'y a lieu & condamner le complice qu'autant qu'il
y a condamnation, déclaration de culpabilité à l'égard de Fauteur principal ? et,
par exemple, faat-il en conclure que, si la mort de Fauteur principal a r«idu
toutes poursuites criminelles impossibles à son égard, elles deviennent par là
môme impossibles à Fégard du complice? faut-il en conclure que, si la déck*
ration du jury a été négative à Fégard de Fauteur principal, affirmative à
Fégard du complice, il y ait contradiction, opposition entre ces deux réponses,
et que Faoquittement de l'accusé principal entraîne nécessairement Facquitte-
ment du complice? Non. La mort de Fauteur principal n'empôche ni les pour-
suites ni la peine méritée par le complice; l'acquittement môme de Fauteur
principal n'entraîne pas l'acquittement du complice. Arrôtons-nous sur ces deux
points. Le premier, au reste, ne présente pas de difficultés au premier aspect.
La mort de Fauteur principal empoche contre lui la possibilité de toutes
poursuites criminelles ; mais il n'y a pas de raison, ni en fait ni en droit, pour
que celte mort empoche de poursuivre le complice. La loi dit que le complice
sera puni de la même peine que l'auteur principal, c'est-à-dire évidemment
de la peine encourue, de la peine méritée par l'auteur principal ; que si la
mort^Fa soustrait, Fa dérobé à cette peine, il n'y a aucune raison pour qu'elle
y dérobe le complice.
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DB LA COMPLICITÉ (aRT. 59). 163
Quasi aa second point, on ne conçoit gaère, an premier aspect, qu'an jary,-
consulté sur la culpabilité de Tauteur principal, réponde négativement, puis
affirmativement sur les accusés de complicité. U semble que, la déclaration
du jury sur la première des questions établissant légalement la non^exis-.
tenoe du crime ou du délit, il s'ensuive nécessairement qu'il n'y a pas de
complicité possible d'après le premier de nos principes. Pour lever cette contra-
diction, qui n'est absolument qu'apparente, il faut remarquer que les ques-
tions posées au jury ne sont plus, sous le Gode actuel, comme elles l'étaient
sous les lois antérieures, des questions essentiellement simples, mais an con-
traire des questions complexes. Ainsi, dans la question qu'on pose, et qu'on
doit poser maintenant au jury, d'après les art. 337, 338, 339 et 340 du Gode
d'instruction criminelle, d*aprè8 l'art. 337 surtout, la question est celle-ci :
1 L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel meurtre, tel vol ou tel autre crime
avec toutes les circonstances comprises dans le résumé de l'acte d'accusation T »
Or, il est manifeste qu'une pareille question est complexe ; qu'elle en renferme
nécessairement plusieurs. Ainsi, demandera un jury si tel accusé est coupable
de tel meurtre, c'est lui demander : i^ Y a-t^il eu un homicide commis ; le
fait physique, matériel, le corps du délit est-il réel? 2^ cet homicide a-t-il le
caractère de meurtre, a-t-il été commis volontairement? d^ cet homicide vo-
lontairement commis, ce meurtre a-t-il été commis par tel individu? i^ enfin,
est-il coupable d'avoir commis ce fait, c*est^-dire était-il dans ces circonstan-
ces de lumière d'esprit, de raison, de moralité, dans toutes ces conditions i|^-
térieures qui impriment au fait matériel, au fait physique, la condition de cul-
pabilité légale? Dans cette question, même dé^ée de toute circonstance
aggravante proprement dite, il y en a donc trois ou quatre : l'existence maté-
rielle du fait ; la volonté qui a causé ce fait; la part matérielle de raccusé
dans la perpétration de ce fait; enfin le rôle moral de sa volonté dans tous ces
actes. Or, quand le jury, ainsi consulté par une question multiple et complexe,
répond : < Non, l'accusé n'est pas coupable, » nul ne peut savoir laquelle de
ces questions a déterminé la réponse négative; nul ne peut savoir si le jury
entend dire, non. Il n'y a pas eu d'homicide; ou bien, il y a eu homicide,
mais non point volonté, et par conséquent il n'y a pas eu meurtre; ou bien,
il y a eu homicide, homicide volontaire, il y a eu meurtre, mais il n'est pas
démontré que l'accusé en soit l'auteur ou bien, enfin, il en est l'auteur, mais
il n'était pas dans des circonstances, dans une position, dans des conditions
de telle nature qu'il soit possible de lui imputer moralement et légalement le
fait qui émane de lui. Donc, quand le jury, ayant répondu négativement sur
le premier point à l'égard de l'auteur principal, répond ensuite affirmative- •
ment sur le complice, il n'y a pas incohérence, contradiction, contrariété
dans ses réponses : Non,tel n'est pas coupable ; oui, tel autre est coupable d'à'
voir, par dons, promesses ou menaces, déterminé à ce fait. Ge sont là deux
réponses qui se concilient parfaitement; car il est très-possible que le jury
regarde comme constant l'accomplissement du fait, son caractère criminel,
mais non pas l'imputation physique ou morale de ce fait à l'accusé principal.
Ainsi, encore bien qu'il n'y ait pas possibilité de punir comme complice
celui qui a encouragé, aidé, facilité des projets de crime qui n'ont pas eu de
suite, on peut très-bien punir comme complice c^ui qui a encouragé, aidé,
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164 ONZ. LBÇ. — DBS PKRSONmS PUmSS., BZGU8. OU RBSPONS. (n* 135).
assisté on individu cependant déclaré non conpaJble. Car la déclaration de non
coupable n'indiqae point la non-existence du fait.
Si^ au contraire, notre législation, celle du Gode de Tan lY, exigeait
qpHon décomposât dans ses éléments les plus simples la question à soumettre
au jury, s'il fallait lui demander : 1« Tel fait est-il constant? 2^ a*t-il été com-
mis volontairement ? 3<» est-il constant que Paul en soit Fauteur? et ainsi de
suite; il est clair alors que la question posée ne pourrait pas s'élever; que, si
le jury répondait négativement à la première de ces questions : Non, le fait
n*estpa8Constant| il serait impossible de répondre ensuite, sans contradiction,
affirmativement quant au complice.
Ainsi, le système de nos questions complexes, le sens toujours incertain de
la réponse du jury alors qu'elle est négative, empêche qu'il y ait contradic-
tion entre la déclaration de rianocence de Taccusé principal et la déclaration
de la culpabilité du complice.
J'arrive à une remarque sur les derniers mots de Fart. 59 : Sauf les cas où
la loi m aurait disposé autrement. Vous trouverez, en effet, à ce principe d'iden-
tité de peine entre le complice et l'auteur principal, des exceptions dans
les art 63, 67, 138, 144 et quelques autres d'assez peu d'importance ;
les deux premiers sont les plus remarquables. Joignez-y môme les arti*
des 241 et 245 combinés où le complice est puni plus gravement que l'auteur
principal.
186. « Aax. 60. Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime
ou délit, ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir,
machinations ou artifices coupables, auront provoqué à cette action, ou donné des
instructions pour la commettre; — Ceux qui auront procuré des armes, des ins-
truments, ou tout autre moyen qui aura servi à raction, sachant qu'ils devraient
y servir; —Ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les
auteurs dans les faits qui l'auront préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l'auront
consommée ; sans préjudice des peines qui seront spécialement poi^s par le pré-
sent Ck>de contre les auteurs de complots ou de provocations attentatoires à la
sûreté intérieure ou extérieure^de l'État» même dans le cas où le crime qui était
l'objet des con^irateurs ou des provocateurs n'aurait pas été commis. »
Les caractères de la définition de la complicité énumérés dans l'art. 60 pa-
raissent avoir été puisés, au moins indirectement, dans les textes du droit
romain. £n effet, en rapprochant cet art. 60 du § 11 du titre I*' du livre IV des
institutes', vous trouverez la plus complète analogie, la plus complète identité,
entre les caractères déterminés des deux côtés. Toutefois, sans examiner ici le
mérite ou les vices de la législation pénale romaine, je ferai remarquer que,
puiser dans les définitions de ce § 11 les éléments de la complicité, c'est puiser
à une source très-peu sûre, attendu que le§ 11 est relatif à l'action du vol,
donnée non-seulement contre le voleur, mais contre celui qui, par ses dons,
ses promesses, ses inatructions, par les armes ou par les instruments qu'il a
fournis au voleur, s'est constitué son complice. On comprend aisément cette as-
similation dans les textes de la loi romaine, là où il s'agit d'un vol et d'une
action de vol, c'està-dire d'une action pécuniaire qui s'élève tantôt au double,
tantôt au quadruple de la yaleur de l'objet volé. Mais si l'assimilation peut pa-
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DK LA coupLîort (aut. «0). 165
raiire exacte entre le complice et le voleur, là où il ne s'agit qne d'une indem-
nité pécuniaire, peut-être la généralisation de cette idée, de cette assimilation,
sera-t-elle moins tatisfiûsante quand it s'agira, non plus seulement du vol et
d'une indemnité pécuniaire^ mais de toute espèce de crime, de toute espèce de
délit, et surtout de l'application de peines proprement dites, et de peines fort
graves. Le défiiut deviendra surtout sensible dans le cas des art. 62 et 63, dans
le cas de cette complicité exorbitante, admise par la loi française, complicité
qui peut même se constituer, qui peut se composer d'actes postérieurs à la
perpétration du crime ou du délit.
156. Remarquez d'abord, sur le § 1*% que, toutes les fois qu'une question
de complicité est portée devant une cour d'assises, le jury ne peut point être
interrogé avec cette expression insignifiante et équivoque : Un tel est-il com-
plice t A une question ainsi posée^ la déclaration, même affirmative, serait
absolument nulle, et ne pourrait emporter l'application d'aucune peine. Il
faut demander au jury : Un tel a-t-il, par dons, ou par promesses, ou par me-
naces, etc., provoqué à telle action? Je n'entends pas qu'il faille cumuler toutes
ees expressions de la loi; selon que la complicité aura paru résulter ou de dons
on de promesses^ ou de menaces, ou de toute autre circonstance, c'est sur œ
fait sp^ial que la déclaration du jury devra être provoquée. Autrement, une
réponse affirmative à cette question générale : Un tel est-il complice t laisse-
rait tout à fait incertain le point de savoir si le jury a entendu le mot de com-
plice dans le même sens que la loi l'entend, laisserait incertain le point de
savoir quels caractères de complicité il a découverts, ou a cru découvrir dans
la personne ainsi frappée. C'est donc dans les circonstances, c'est dans les dé-
finitions indiquées dans l'art. 60, que doit être puisée la rédaction de la ques-
tion de complicité soumise par la cour d'assises au jury.
157. Vous remarquerez, en second lieu, qu'il résulte de Tensemble de ce
premier paragraphe, qu'un conseil, une instigation, une exhortation, si vive
et si pressante qu'elle soit, à l'accomplissement d'un acte coupable, n'est pas
dans le sens légal un acte de complicité; il faut qu'à ces exhortations, à ces
instigations morales, fort coupables sans doute, viennent s'ajouter les dons, les
promesses ou les menaces, ou les abus d'autorité dont parle l'art. 60.
Il est pourtant une exception à cette règle; il est un cas, ou plutêt il est
quelques cas, mais rentrant tous dans la même idée, il est des cas dans le Gode
pénal où la simple instigation, ot la simple provocation suffit pour constituer,
sinon la complicité proprement dite, au moins des faits tout à fait anologues
et des peines tout à fait identiques. Vous les trouvez dans les art. 202, 203,
205 et 206 du Gode pénal, et vous remarquerez que, dans ces quatre articles
où il s'agit de certaines provocations verbales ou écrites adressées par des mi-
nistres du.culte à une masse de citoyens, on sort du droit commun non-seule-
ment en qualifiant, en punissant comme complicité des provocations oue ni
dons, ni promesses ni menaces n'ont accompagnés, mais aussi en punissant
ces provocations de peines plus ou moins sévères, alors même que les actes en
vue desquels elles ont été faites n'ont été ni accomplis ni tentés. Ainsi, r
un double rapport, les art. 202 et 205 s'écartent du droit commun des ar
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166 ONZ. LEÇ. — * DBS PBRS0VNB8 PUNIS8., EZGUS. OU RBSPONS. (m* 138).
et 60. An reste, il n'y a pas, à proprement parler, contradiction avec Fart. 59,
en ce <iae la provocation, non suivie d'effet, déclarée punissable par les art.
202 et 205, n'est cependant pas punissable comme l'auraient été les actes qu'elle
avait pour but de préparer ou de faciliter.
138. Une autre remarque plus importante sur l'art. 60, mais qui est de
pure théorie, est relative à l'extrême généralité de cet article. Vous voyez qu'on
enferme ici, sous une définition commune, un fort grand nombre de caractères
constitutifs de la complicité. La loi française, voulant éviter des distinctions
généralement admises par les législations étrangères, n'a pas établi de nuances,
de degrés, de classifications dans les diverses espèces de complicité. Il est ce-
pendant difficile de méconnaître que dans le cercle du premier paragraphe se
trouvent encadrés un assez grand nombre de faits que l'art. 59 va punir et
frapper de la même peine, encore bien que ces faits, comparés l'un avec
l'autre, ne présententni le même péril social ni la même immoralité.'
Ainsi, on distingue parfois la complicité en ce sens qu'elle est plus ou moins
directe, ou au contraire plus ou moins secondaire, plus on moins médiate,
qu'elle a exercé sur la perpétration du crime une influence plus ou moins
puissante. Cette différence est réelle, et peut^tre la loi eût-elle dû ne pas la
méconnaître. Par exemple, la provocation lente, préméditée, celle qui a fait
naître la première pensée du crime dans l'esprit de celui qui s'en est ensuite
rendu coupable, la provocation qui l'a déterminé, encouragé par des dons ou
des promesses, qui a combattu tous ses doutes, résolu ses objections, vaincu
son irrésolution, peut-elle être raisonnablement comparée et assimilée à un
encouragement donné dans un moment de dépit, de colère, à l'exécution d'un
crime déjà résolu et au moment de s'accomplir ? Les deux j^ovocateurs sont
assurément coupables; mais cependant il est vrai de dire que, sans le second,
sans l'encouragement, sans la promesse, sans les renseignements qu'il a donnés,
le crime déjà médité, déjà résolu, n'en fût pas moins, sans doute, arrivé à aon
but; que, sans le premier, au contraire, il est certain que le crime n'aurait pas
été commis. L'assimilation du second provocateur avec le coupable lui-même
est évidemment trop sévère ; l'assimilation du premier n'est au contraire rien
que de raisonnable.
On a eu tort peut-être, pour éviter des distinctions de pratique quelquefois
embarrassantes, de comprendre dans la généralité d'une définition commune
des cas de complicité, d'instructions, d'encouragements, de promesses qui dif-
fèrent essentiellement et profondément les uns des autres.
Les mêmes observations peuvent également s'appliquer, et n'ont pas besoin
d'être renouvelées en détail, sur les cas de complicité indiqués au § 2. Ce para-
graphe suppose également des circonstances de complicité résultant des faits
antérieurs à Taccomplissement de l'acte coupable. C'est encore un des cas
que vous trouvez indiqués dans le § 4, déjà cité des Institutes : ici on déclare
complices, et punissables comme tels, ceux qui auront procuré des armes, des
instruments ou tout autre moyen qui aura senH à Paction, sacfiant quHls devaient
y servir.
Ajoutez à notre paragraphe l'art. 341, qui, pour un cas particulier où son
application pouvait sembler un peu douteuse, Ta expressément confirmée. Il
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DB LA COlCPUGlTft (aRT. 60). 167
ft*agit» dans l'art. 341, du crime de déteolion on de eéquestratioa arbitraire; on
panit des travaux fbrcéa à temps celai qui a commis ce crime, et ou ajoute
dans le § 2 que la même peine s'appliquera à celui qui aura prêté le lieu de
détention ou de séquestration. Vous voyez que l'idée est tout à foit analogue
à oelle du § 2 de l'art. 60.
169. Le troisième paragraphe, au contraire, embrasse dans sa définition de
complicité des actes dont les uns paraissent être antérieurs, dont les autres
sont certainement concomitants, et dont les derniers enfin paraissent être
postérieurs à raccompUssement du crime ou du délit,' Dans les trois cas, il
s'agit d'une participation bien plus rapprochée, bien plus directe qu'elle ne
l'est dans Thypothèse du § !•' de l'art. 60. Dans les trois cas, le complice, sans
mettre précisément et absolument la main à rœuyre commise, s'en rapproche
cependant d'infiniment plus près que dans les hypothèses qui précédent, et
s'en rapproche si bien que, dans nombre de cas, on pourra être fort embar-
rassé quand on voudra distinguer le cas de complicité défini par ce paragra-
phe, du cas du coauteur ou du codélinquant. Quelques exemples vont bientôt
le faire sentir.
Sont donc réputés complices, aux termes de ce dernier paragraphe, ceux qui
auront, avec eonnaissancê, je reviendrait tout à l'heure sur ce mot, ceux qui au-
rani, avec ccnnaissanee, aidé ou assisté Vauteur au les auteurs de Vaetion, dans
Us faits qui Vaurcnt préparés eu facilitée.
Aidé au assisté Vauteur de Faction, dans les faits qui Vauront préparée. Par
exemple, si vous êtes allé, de concert avec celui qui projetait un vol, recon-
naître les lieux, le terrain, la maison dans laquelle il voulait commettre ce vol;
examiner, calculer le plus ou moins de facilité d'accès que présentait cette
maison.
Dans les faits qui Vauront faeilitée, -Ptit exemple, à ce qui me semble, car ceci
est plus douteux, si, lorsque Ton vole à l'intérieur, l'autre fait le guet au dehors.
Ou dans ceux qui Vauront eonsommée» Si, par exemple, vous avez aidé le vo-
leur à emporter ce qu'il a volé.
Voilà des cas d'assistance, soît dans les faits qui préparent, soit dans ceux
qui ftuâlitent, soit dans ceux qui consomment le crime.
A l'égard des pruniers fûts, il n'y a pas de difficulté réelle. On sent très*
bien que celui qui, quelques jours on quelques heures avant le vol, est venu
avec le voleur étudier et reconnaître les lieux ; qui, les examinant avec lui,
lui a donné des instructions dont parlent les premiers mots du dernier para-
graphe, <m sent très^bien que celui-là est un complice et no^Lpas un coauteur.
Mais quant aux seconds, la question est plus délicate, elle est même peut-être
insoluble en théorie à l'égard de celui qui a aidé l'auteur du fait dans les actes
qui l'ont facilité.
Ainsi, l'un fait le guet à ht porte ou dans la me, pendant que l'autre commet
le vol à l'intérieur. Est-ce un cas de complicité r Assurément oui, aux termes
du § 3 de l'art. 60 ; car, à proprement parler, celui-là n'a pas volé ; ses yeux,
sa présence, sont restés étrangers à l'accomplissement du fût. lui-même, mais
il a concouru à le faciliter, il devrait être puni comme complice ; cependant la
j urispmdence considère généralement, non point comme simple complice^
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168 ONZ. LEÇ. — - DBS VEBMVVVS PDKBW.i SIGUS. OU RB8P0N8. (n^ 140).
mais comme un codélinqaant ou coauteur^ celai qui a Mi la garde pendant
qu'on Yolait à rintérieur.
Quel est Tintérét de la distinction ? quelle est Futilité de la question t Cette
utilité est grande en certains cas, parce que le concours de plusieurs personnes
pour commettre un vol est, dans quelques hypothèses, non pas dans toutesr
une circonstance aggravante de la peine encourue par ce vol. Vous pourrez
voir, entre autres, les art. 381, 382, 385 et 386 du Gode pénal ; vous y yeerez
que, lorsque le vol a été commis par deux ou plusieurs personnesy et qu'à
eette circonstance du concours de plusieurs viennent s'en ajouter quelques
autres, la peine du vol varie et s'accroît selon la nature et le nombre des cir-
constances qui concourent à ce fait. Supposez, par exemple, qu'un vol ait été
commis, dans une maison habitée, par une seule personne pénétrant à Tinté*
rieur» mais que cette personne ait été aidée, assistée d'une autre personne
qui, pendant ce temps, faisait le guet à la porte. Y a-t-il là deux voleurs? y
a-t^il vol commis par plusieurs ? Si nous le décidons ainsi, comme le décide
la jurisprudence, nous appliquerons la peine de la réclusion à Tun et à Tautre,
aux termes de Fart. 386. Si, au contraire, nous attachant aux termes de
l'art. 60, nous répondons : Non, le vol n'a réellement été commis que par un
seul individu, mais il était aidé, assisté par un tiers qui facilitait le vol, sans
pourtant y prendre part, nous appliquerons au voleur la peine du vol simple,
celle de Tart. 401, et par suite la même {^ine au complice qui l'a facihté.
Ce sont là de ces questions que la pratique seule peut résoudre, car il est
impossible en théorie, avec les textes actuels, d'établir une délimitation pré-
cise, une ligne de séparation tranchée entre le dernier cas de complicité du
g 3 de l'art. 60, et le cas de coauteur, de codélinquant dans l'art. 386. Cette
distinction très-rélle, très-sensible, très-&cile à saisir dans les deux premiers
cas de l'art. 60, menace au contraire de s'échapper, devient presque insaisis-»
sable au moins dans les deux dernières hypothèses du § 3 du même artide.
140. Terminons tout ceci par une question assez grave que soulèvent deux
expressions que j'ai laissées de côté, l'une dans le § 2, et l'autre dans le § 3;
cette question s'applique aux hypothèses posées dans le premier paragraphe.
Le fait d* avoir fourni des armes, des instruments, des moyens quelconques
qui ont eervi à l'action, leCait d'avoir préparé, facilité l'exécution de cette ac-
tion, ne constitue une véritable complicité, n'entraîne l'application de l'art. 59
qu'autant que ce £ût a eu lieu avec eonnaissanoe, vous dit le § 3; qu'autant que
ces armes, que ces instruments ont été fournis pour commettre l'action par
quelqu'un sachant qu'iU devaient y servir, vous dit le § 2. Rien de phas raisan-
nable, rien de phis facile à comprendre que ce principe. Il est clair que» si
j'ai prêté une arme ou un instrument pour un usage Intime, ou dans im but
que j'ignorais, je ne puis être responsable des actes coupables commis ensuite
par celui qui l'a reçu.
Mais de quelle nature est la connaissance exigée par ces deux paragraphes
pour entraîner la complicité ? n'est-il question, dans ces deux textes^ que de
la connaissance par le complice du projet concerté d'un fidt coupable quel-
conque? ou bien, £aut-il aussi que cette connaissance ait compris, ait enbrassé
tous les faits accessoires qui sont venus augmenter, grossir, aggraver la cul^
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QB tu GOifflilCiTt (iJlT. 60). 169
pabîlité de Tauiev^ &it? Par exemple, on tiers a piété assistance aux aetes
qui ont fiuuiité an yd, en oonsentànt à faire la gavde^ àâdre le gaet au dehors
pendant qv'on volait an dedans ; le projet concerté entfe le moteur et son com-
plice était mûfoement nn yel simple, nn toI sans violence, sans eftraction,
sans escalade^ un vol déponnm îe tontes drconstanoea aggravantes, et par
conséquent parement correctionnel; mais, après avoir pénétré dans nne pre-
mière enceinte, fort de l'assistance eztérienre qni la garantissait de tonte sur-
prise, le volear a commis une escalade, one effraction, il a dénaturé le fait,
et ee ûût, de simple délit, est devenu an véritable crime, punissable de la
peine destravaeoxforcés à temps. Cette peine sera-t^lle, auxtermesde Tart. 59,
appliquée au complice qui n'a pas connu, ou à l'égard duquel il n'est pas prouvé
qu'il ait connu les drconstances aggravantes qui ont ainsi dénaturé le fût ?
Cette peine lui sera-t-elle appliquée si le jury, reconnaissant dans l'auteur
principal les drconstances d'effraction ou d*esoalade, a formeltoEnent dédaré
que ces drconstances n'existaient pas à l'égard du complice, c'est-à-dire
qn'ellee n'étaient pas connues de lui ? Le fiût s'est ainsi' présenté sur une dé*
daratioo pareille, et la Cour de cassation, i^^filiqnant id la lettre de l'art. 59,
adéddéqne par cela seul que le complice avait eu connaissance qu'il partid-
paità nnacte coupable, toutes les conséquences, toutes les circonstances dont
cet acte s'aggravait devaient retomber et peser sur sa tète ; que celui qui avait
aidé, comme complice, un vol qu'il croyait vol simple, devait être puni comme
complice d'un vol qualifié, quand des drconstanœs aggravantes étaient venues
s'y ajouter à son insu.
PÔut-étie cette jurisprudence est-elle au fond Texpression réelle, exaote de
la v<^nté du légidatenr. L'art. ()3, que nous expliquerons bientôt, lui donne
en effet un ^ypui, un argument auqirâl il est dsfifidle de répondre. Cependant
s'il est vrai que tette jurisprudence soit réellement conforme à l'esprit de la
loi, tout ce qu'il Saut en conclure, c'est que le blâme doit remonter id plus
haut que la jurisprudence, qu'il doit aller frapper le législateur lui-même. S'il
est indispensable, pour constituer la complicité, qu'il y ait connaissance de
la part du complice, j*avoue que je ne comprends pas pourquoi cette connais-
sance, absolument exigée pour les faits qui constitœnt la pénalité, n'est pas
également nécessaire, également indispensable, pour iee fiaits qui l'aggravent.
Ainsi on est parfaitement d*accord, et la loi est formelle à cet égard, que
celui qui fiait la garde, le guet, copyant aider par là un £ait que la loi pénale
ne frappait pas, croyant aider, par exemple, un rendez-vous, et qui aura par
cette assistance fadlité un vol commis à son insu, il est certain que celai-là
n'est abteîat d'aucune espèce de pdne ; il a cm aider un fait que la loi pénale
ne firappait pas: ancilne loi, ancnne peine ne peut l'atteindre. Pourquoi donc
en sendt*-il autrement s'il a cru aider un fait que la loi punissait comme délit,
et qWen réalité ce fiait» à son insu, ait revêtu le caractère de crime? Une fois
dons cette routa, il est difficile de s'arrêter.
Par exemple, s- il est vrai de diire, comme peut-être la loi Ta entendu, que
la simple connaissance du fait originaire, du fiiit primitif, rend le complice
respmuablâ dé tous les actes accessoires qui l'ont aggravé, il faudra dire que
celui tgaàa prêté une arme, un bâton, par exemple, à un bemme qui voulait
battre se» ennemi dans un guettons, il faudra dire que celui qui a prêté le
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170 ONZ. LBÇ. — DBS PSR80NNB8 PUmflS., EZGU8. OU RB8P0NS. (m* 141).
b&ton, tachant qnll devait servir à battre^ sera puni comme assassin, si le
bâton est devenu rinstmment d'nn assassinat. Il faudra dire que celui qui,
par menaces, promesses» par des encouragements illicites» a ezdté à un vol
dont l'accomplissement lui paraissait facile, devra être puni de mort, si, pour
accomplir ce vol, la personne qu'il y avait excitée avait commis un meurtre,
car telle est la peine de Tart 304.
Cependant il est clair que, si la loi, sinon dans les art. 59 et 60, au moins
parargument de Vjàri. 03, autorise cette conséquence, elle est contraire à toute
raison; car qui oserait dire que celui qui a encouragé par ses promesses, ou
qui a facilité le vol en fournissant les moyens de le commettre, qui oserait
dire que celui-là l'aurait encouragé, assisté, facilité, s'il avait su que, pour
commettre ce vol, il fallait aussi commettre un meurtre ? N'esUil pas très->pro-
iiable que sa conscience se serait soulevée à cette idée, et qu'à défaut de con-
science, la peur l'aurait arrêté ; qu'il aurait renoncé à Tacte qui d'abord lui
semblait facile et n'était frappé que d'une peine légère ? Cependant la juris*
prudence me parait, dans cette décision fort rigoureuse, n'avoir guère été que
l'interprète de la loi. Si ces mots sachant quHls devaient y servir, dans le § 2 de
Tart. 60, si ces mots, avec oonnaissance dans le § du mtoie article, présentent
de l'incertitude, de l'équivoque, le texte des art. 62 et 63 vient lever cette
équivoque d'une manière malheureusement bien dure, en semblant annoncer
que, dans l'esprit de la loi» le complice répond de tout, quelle que soit la gra-
vité du fait, par cela seul qu'il a su dans Torigine aider, encourager un acte
coupable.
Nous renvoyons à la prochaine leçon l'examen de la question asses grave
que présente l'article, dans le cas où la peine vient à s'aggraver sur la tète de
l'auteur principal à raison d'une circonstance à lui personnelle. Cette question
s'élève dans plusieurs hypothèses. Amsi le complice du parricide^ le complice
d'un faux en écriture publique commis par un officier public, le complice d'un
attentat à ht pudeur, dans le cas de l'art 333, devront-ils être punis des peines
portées par ces articles, ou simplement des peines portées ordinairement à
raison de l'un de ces crimes? Cette question fort débattue une fois vidée, nous
examinerons le dernier cas de com|Âieité, celui qui résulte d'actes postérieurs
au crime ou au délit, et notamment du recel.
DOUZltoa LEÇON.
141. Nous avons examiné les divers cas de 'complicité détaillés dans l'art. 60,
et se composant d'actes dont les uns sont antérieurs, les autres simultanés,
quelques autres enfin postérieurs au crime ou au délit. Nous avons vu qu'en
f^énéral, et sauf quelques exceptions indiquées, l'art. 59 déclarait applicabls a»
complice la même peine qu'à Tauteur principal. C'est sur ce dernier point que
nous devons encore nous arrêter un instant, avant de passer à la densière es-
pèce de complicité proprement dite, résultant du recel on des actes analogues.
Avant donc d'examiner les art. 61, 62 et 63, qui doivent terminer la matière
de la complicité, fixons-nous complètement sur le sens de l'art. 59yî relative-
ment à une question importante et débattue. Noos avons déjà vu dans quel
sens il fallait entendre et appliquer, au moins dans unaesea grand nombre de.
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DB LA GOMPUGITft (aRT. 60). 171
cas, ridentité de peine entre l'auteur principal et le complice, nous a^ons tu
que cette identité devait s'entendre de la même peine de droit, mais non pas
nécessairement du même degré de pénalité de fait Nous aTons vu aussi quelle
serait en cette matière l'influence d'une excuse ou de circonstances atté-
nuantes déclarées par le jury, au profit soit de l'auteur principal, soit du com-
plice.
Mais il est dans le droit certains cas dans lesquels la pénalité, infligée ordi-
nairement et en général à certains crimes, s'augmente, s'aggrave, non pas à
raison de circonstances qui ont accompagné le crime même, mais à raison
d'une qualité tout à fait inhérente, tout à fait personnelle à l'auteur de ce
crime. Ainsi nous savons déjà que, quand le crime ou le délit se trouve frappé
d'une pénalité plus forte, à raison de circonstances qui sent inhérentes à l'acte
lui-même, nous savons déjà que cette aggravation de peine doit retomber sur
le complice, au moins lorsqu'il a connu, et sans doute aussi, avons- nous dit,
bien qu'à regret, et sans doute aussi, dans l'esprit de la loi, lorsqu'il n'a pas
connu l'existence de ces drconstanoes. Mais autre chose que des circonstances
aggravantes proprement dites, par exemple, l'effraction, les fausses clefs, ou
d'autres moyens pareils employés dans un vol ; autre chose est des circons-
tances aggravantes qui, ne tenant en rien à l'exécution du crime en lui-même,
se rattachent exclusivement à la personne de celui qui l'a commis. Des exem-
ples assez fréquents des cas où la question s'élève vous en feront mieux
sentir le sens et l'importance.
Ainsi, dans le cas de l'art. 13 de l'ancien Gode ptoal de 1810, la loi ajoutait
le supplice de l'amputation de la main à la peine de mort dont elle frappait le
parricide dans l'art. 302. Sous l'empire de cette loi s'est présentée plusieurs
fois la question de savoir si le complice du parricide devait, aux termes de
l'art. 59, subir, avant la peine de mort, cdle de l'amputation de la main, aux
termes de l'art. 13. La suppression de cette pénalité a enlevé, sous ce rapport,
tout intérêt à la question. Cependant, sous une autre £ice, on pourrait encore
trouver de l'intérêt à demander si le complice du parricide sera nécessaire-
ment puni'comme lui. Mais ce cas, qui ne se présente que fort rarement, exi-
gerait, pour être bien compris, d'assez longues explications; bornons-nous
à dire que la question s'est présentée sous l'ancien art 13, et prenons d'antres
cas très-simples où elle pourra se présenter encore.
Dans l'art. 147 du Gode pénal, on dit que le faux en écriture publique est
puni de la peine des travaux forcés à temps; on suppose dans cet article le
&UX commis par un coupable ordinaire; dans les art. 145 et 146, le fiiux
commis en écriture publique, par un fonctionnaire public altérant ou déna-
turant les actes de son ministère, est puni de la peine des travaux forcés à
perpétuité. Ici, vous le voyez, les deux faits matériels sont identiques; que le
faux dans un acte public ait été commis ou par un officier public ou par un
particulier, c'est toujours au fond le même crime, le crime de faux; seule-
ment, dans le cas des art. 145 et 146^ la pénalité s'aggrave dans une propor-
tion très-forte, à raison de la qualité du fonctionnaire public qui se rencontre
dans l'auteur du fait. De là la question de savoir, et cette question s'est pré-
sentée souvent, si, en cas de faux commis par un officier public dans un acte
de son ministère, la peine applicable au complice qui n'est pas officier public
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172 DOUZ. LSÇ. — DBS PBA80NNB8 PUNIS8., BXGU8. OU RB8P0N8. (n* 141).
sera celle des art. 445 et 146, on celle de l'art. 147; si Timmense aggravation
de peine, que les deax premiers articles font dépendre d'une qaalité tonte per-
sonnelle à l'auteur principal, pèsera sur le complice,- auquel cette qualité
n'appartient pas.
De même dans Tart. 317, que nons avons déjà cité, sont exposées les
peines indiquées pour l'avortement ; la peine, s'il s'agit d'un médecin, chi-
rurgien, officier de santé, est celle des' travaux forcés; s'il s'agit d'un parti-
iiulier, la peine est celle de la réclusion. Même question dans ce cas, si l'avor-
tement a été causé, procuré par un homme de l'art, mais aidé, assisté par
un complice auquel cette qualité n'appartient point; la peine des travaux
forcés doit incontestablement être appliquée au premier, mais appliquerons-
nous la même peine au second, ou ne le frapperons-nous que de la peine de la
réclusion f
Enfin, dans les art. 332 et 333, il est question du crime de viol ; dans le pre-
mier, ce crime est puni des travaux forêés à temps, et quelquefois môme du
mawimum des travaux forcés à temps, quand le crime a été commis ou tenté
sur la personne d'un enfant de moins de quinze ans. Au contraire, dans
l'art. 333, on déclare que, si le coupable est un ascendant, un instituteur, un
domestique de la personne sur laquelle le crime a été commis, la peine, au
lieu d'être celle des travaux forcés à temps, aux termes de l'article précédent,
sera celle des travaux forcés à perpétuité. L'art. 333 indique d'ailleurs d'autres
qualités que celles d'ascendant, d'instituteur, de domestique. Même question
sur ce dernier cas, celle de savoir si, lorsque le crime a été commis à l'aide
d'un complice, la peine applicable au complice, auquel n'appartiennent point
les qualités de l'art. 333, doit cependant s'aggraver, à raison d'une qualité toute
personnelle à l'auteur du crime.
Vous le voyez, une haute importance s'attache à ces questions que la pra-
tique a souvent présentées, et qui sont destinées sans doute à être soulevées
bien des fois. Malheureusement la Jurisprudence a plus d'une fois varié sur
quelques-unes, et, à l'égard de celles sur lesquelles elle parait fixée, elle l'est
dans un sens auquel il est bien difficile de s'attacher.
Ainsi, sur la question du parricide, la Ck)ur de cassation a décidé que l'am-
putation préalable, sous l'ancien art. 13, devait s'appliquer au complice^ aux
termes de l'art 59.
De même, dans le cas des art. 332 et 333, elle a décidé que le complice d'un
viol accompli ou tenté par l'une des personnes de la qualité désignée dans
l'art. 333, devait subir, quoique n'ayant pas cette qualité, la conséquence que
la loi y attachait dans l'art. 333.
Au contraire, dans le cas de &ux, relativement aux art« 145, 146elt 147, la
jurisprudence a varié deux ou trois fois ; on a d'abord décidé que le simple
particulier, oomplice d'un faux commis en écriture publique par un officier
publie, serait puni de la peine des travaux forcés & perpétuité, mais quatre ou
cinq arrêts postérieurs ne lui ont appliqué que l'art. 147, c'est-ft-dire la peine
des travaux forcés à temps. Enfin, des décisions plus récentes ont encore ap-
pliqué à ce cas le texte de l'art. 59, et appliqué au complice la même peiné
qu'à l'auteur principal, encore bien que l'aggravation de peine dans la per*
sonne de Tauteor principal tint uniquement à une qualité tout individuelle.
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hM LA GOacpuciTÉ (aat. 60). 173
Je ne mû si cea déeiaioiiB rigonreuBes tout bien cimfoniies à Tesprit de la
loi ; je ne sais s'il est possible de les concilier a^ec d'autres décisions bien
constantes qu'on adopte et qu'on prononce tous les jours sur l'application de
l'art. 59. L'argument unique pour appliquer au oomplice l'aggravation de
peine, tenant à une qualité personnelle à l'anteur principal, l'argiynent uni-
que est celui-ci : l'art. 59 déclare, sans distinction ni exception, qu'on doit
appliquer au complice la même peine qu'à l'auteur principal; done, si l'au-*
teur principal est passible de la mutilation prescrite par Tart. 13, des travaux
forcés à perpétuité prononcés dans les art. 146 et 333, peu importe que cette
aggravation tienne à des circonstances qui lui sont propres ; la même peina
doit dans tous les cas être appUquée à son complice. Certainement l'art 59 Ur
vorise assex cette opinion, certainement, pris à la lettre, il parait autoriser ce
résultat. Mais cependant est*ee bien là oe qu'a voulu, ce qu'a àt vouloir le lé-
gislateur ? est-ce bien dans cet esprit que l'art. 59 a été rédigé? Quelle a été sa
pensée f Elle est fort simple : dans une idée que déjà il est permis de trouver
trés-rigoureuse, le rédacteur de l'art. 59 a établi une assimilation complète
entre le complice d'un fait et l'auteur même du iîBdt ; il a voulu, par une dis*
position générale, s'épargner la peine de répéter, après cbaque article relatif
à un crime, que la peine prononcée ccmtre Tautear de ce>crime serait appli-
cable à son complice. L'art. 59, allant déjà bien loin, selon moi, a dit en un
mot que celui qui avait encouragé, aidé, facilité le crime, devait être traité
comme si lui-même l'avait commis, comme si lui-même en eût été l'auteur,
que dès lors la peine portée pour l'auteur d'un crime serait également appli-
quée à son complice. Mais déclarer que celui qui a aidé, encouragé, facilité
un crime, doit être réputé l'avoir commis lui-même, doit être traité comme si
lui-même l'eût commis, c'est déjà sans doute aller bien assez loin. Or, dans
la question qui nous occupe, et avec la solution qu'on y donne en général, il
est évident qu'on va plus loin ; dans l'espèce des art. 13, 147, 317 et 333, on
punit le oomplice, non pas comme on le punirait si lui-même eût commis ce
crime, mais on le punit d'une manière infiniment plus grave. Si lui-même eût
commis l'assassinat, cet assassinat n'étant pas celui de son père, il ne serait
pas parricide ; si lui-même eût commis le 6mx, n'étant pas officier public, il
ne serait puni que des travaux forcés à temps, et ainsi de suite. Pourquoi,
lorsqu'il a, non pas commis le crime, mais encouragé, mais aidé, facilité la
perpétration, serait*il puni plus rigoureusement que s'il y eût mis la main, et
cela à raison d'une qualité qui lui est complètement étrangère ? Je le répète,
si la lettre de l'art. 59 parait, on ne peut le nier, favorable au système de ri-
gueur que la jurisprudence a généralement suivi, il est bien difficile de penser
que tel ait été véritablement l'esprit de l'article ; il est bien difficile de ne pas
supposer que ces cas tout spéciaux, tout particuliers, ces cas fort rares des
quatre ou cinq articles que nous avons cités, aient écbappé à l'extrême géné-
ralité de la rédaction de l'art. 59.
Mais de plus, si l'on veut s'attacber à la lettre de l'art. 59, et faire abstrac-
tion de ce que je crois être bien certainement son but et son esprit, îl faudrait
s'y attacher d'un bout à l'autre, et c'est ce qu'il est impossible de faire, ce que
personne n'a jamais faîL Ainsi l'art.. 59 déclare que la même peine subie par
l'auteur principal sera infligée au complice, et on. l'applique en oe sens que
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174 DOUZ. LBÇ. — DBS PBR80NNBS PUNI88., EXGU8. OU RBSPONS. (n"^ 141).
raggrataUon de peine résultant d'ane circonstance tonte personnelle, tonte
spéciale an premier, est également appliquée au second. Eh bien, mûntenant,
supposons que des circonstances toutes spéciales, toutes individuelles à l'auteur
principal, aient déterminé dans la loi, non point une aggravation, mais au
contraire une diminution de peine en faveur de l'auteur principal, et voyons
si Ton décidera que cette diminution profite au complice. Si l'on veut l'appli-
quer en quelque sorte, les yeux fermés, il faudrait que, toutes les fois que par
une circonstance, même spéciale, la peine se trouverait soit aggravée, soit
diminuée à Tégard de l'auteur principal, cette aggravation devrait nuire, cette
diminution devrait profiter au complice. Ge sera sans doute un système assez
peu raisonnable, mais ce sera du moins nn système conséquent ; ce sera, puis-
qu'on veut le foire ainsi, une application précise, littérale de Fart. 59. Suppo-
sons donc que l'auteur principal d un crime soit dans l'un des cas d'excuse que
la loi a déterminés ; qu'il s'agisse par exemple, du cas de meurtre commis par
le mari dans Thypothèse de l'art. 234, c'est-à-dirè dans celle du flagrant délit
d'adultère commis dans la maison conjugale, décidera-t-on que, parce que,
dans ce cas, le meurtre est excusable, à raison d^une circonstance toute per-
sonnelle au meurtrier offensé, l'allégement, la diminution de peine qui profite
à l'auteur principal profitera au complice ? Personne ne l'a jamais proposé.
De même, le jury a déclaré que l'auteur principal était coupable, mais il a
ajouté qu'il existait en sa faveur des circonstances atténuantes ; ces circons-
tances atténuantes, qui, aux termes de l'art. 463, diminuent la peine dans une
forte proportion, au profit de celui à l'égard duquel on les a déclarées, ces cir-
constances atténuantes profiteront-elles au complice? Non, certes, et la raison
en est simple : ces circonstances atténuantes sont essentiellement personnelles,
elle ont été déclarées à l'égard de l'auteur principal, et non point à l'égard du
complice. Ces circonstances at^nuantes que le jury a reconnues, ce sont peut-
être les sollicitations, les provocations, les promesses qui constituent la com-
plicité, aux termes de l'art. 60, et qui ont déterminé l'auteur principal, à l'in-
stigation du complice ; il serait par trop absurde que la diminution de peine
prononcée dans ce cas au profit de l'auteur principal, lorsque c'est le complice
qui l'a encouragé et déterminé au crime, il serait par trop absurde que cette
diminution de peine profitât au complice.
Je prends des circonstances encore plus spéciales, plus individuelles, plus
personnelles àl'auteur même, et je vois quelle jipplication la loi a pu en faire.
Nous allons voir bientôt, dans les arrt. 66 et 67, que, lorsqu'un accusé est âgé
de moins de seize ans, et que le jury le déclare coupable d'avoir agi avec dis-
cernement, alors, à raison de la faiblesse de l'&ge, de l'inexpérience qu'elle
peut laisser supposer, il y a lieu, non pas sans doute à acquittement, puisque
le discernement a été déclaré, mais bien à une réduction très-forte, très-sen-
sible dans la peine. Vous trouverez les proportions de cette réduction établies
dans l'iurt. 67. Voilà bien dans ce cas une diminution de peine accordée par la
loi, à raison d'une circonstance essentiellement personnelle à l'auteur principal
du fait, c'est à savoir de son âge. Déclarera-t-on dans ce cas, par application
de l'art. 59, que l'auteur principal d'un crime qui emportait la peine de mort,
les travaux forcés à perpétuité» ou autre peine de cette gravité, n'étant, à rai-
son de Bon;,âge, condamné par la Cour d'assises qu'à un emprisonnement plus
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DB LA GOWLICIT* (ART. 60). 175
OU nwias long, déciareni*t-on alors, par appHeationde Tart. 59, qne, la peine
de i'antanr (»incipal devani être appliquée à son complice, le bénéfice de la
rédaction de peine prononcée an profit du mineur de seise ans sera appli-
eMe an complioe ? La loi, dans l'art 68, déclare la négative de la manière la
plus précise; elle déclare en termes implicites, mais qui n*ont par là même
qne pins de force, elle dédare que cette réduction de peine est absolument
étreogére au complice. Pourquoi cela ? Éridemment parce qne la drcoustance
spéciale, personnelle, individuelle, ne peut entrer en ligne de compte dans le
calcul de la peine.
Enfin voilà un dernier exemple. Nous avons vu que, quand il s'agit de cri-
mes contre les personnes, la relation de parenté qui unit le coupable avec la
victime du crime est une cause d'aggravation dans la peine; tel est le cas du
parricide dans Fart. 13; tel est encore, dans d'autres articles, le cas de vio-
lence, de voie de fidt conmiises par un descendant envers son ascendant;
dans ces cas la peine s'aggrave, à raison des liens de parenté qui unissent le
coupable avec la victime. Au contraire, quand il s^git de certains attentats
contre la propriété, quand il s'agit de vol, ces mêmes liens, cette même pa^
rente, qoi, dans l'espèce de l'art 13, motivait une aggravation de peine,, vien-
nent motiver non pas seulement une réduction, mais même une suppression
de la peine. La position est donc identique, mais inverse. De même que la loi
punit d'une peine beaucoup plus sévère à raison de cette qualité le fils parri-
cide, ou le fils qui lève la main contre l'auteur de ses jours, de même elle dis-
pense de toute pénalité, dans l'art. 380, le fils qui a dérobé au père, comme le;
père qui a dérobé au fils, et quelques autres personnes. En un mot, à un pro-
che degré de parenté, dans les cas déterminés par l'art. 380, on déclare que
les soustractions frauduleuses ainsi commise entre proches parents, comme
mari et femme, ne donnent lieu à aucune action pénale. Est-ce à dire que le
complice d'une pareille soustraction pourra invoquer le bénéfice de l'art. 380,
en disant que, comme aucune peine ne peut être appliquée à l'auteur princi-
pal, qne, comme l'auteur principal n'a pas volé, que, comme le complice, aux
termes de l'art. 59, ne peut être puni que de la même peine que l'auteur prin-
cipal, il n'y a pas Jieu à son égard à l'application de la peine ? Il est dair
qu'un tel raisonnement est dérisoire, et les derniers mots de l'art, 380 le re-
poussent formellement.
Or, si l'art. 59, malgré la généralité de ses termes, reçoit une limitation si
senaibie dans toutes les circonstances qui tendent à alléger la peine, si les dr-
constanoee personnelles, spéciales, qui entraînent une réduction, ou même
rimpunité complète, ne profitent jamais au complice, pourquoi donc voudrait-
on qu'il en fût autrement de celles qui aggravent, qui augmentent, qui dou-
blent la pénalité? J'avoue que, soit en m'attachant à l'esprit, au but de l'art 60,
soit en suivant l'application qu'on est obligé de Caire dans tous les cas que
j*ai indiqués, l'appUcation que la loi même en fait expressément dans les
art. 68 et 380, § 'A il m'est impossible de comprendre comment on s'est atta-
ché de préférence à un système, littéral au premier coup d'œil, mais dérai-
sonnable, mais inhumain, quand on l'examine au fond et dans son véritable
esprit.
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176 DOUZ. LBG. — DBS PSRflOMlfBS PUNIfli.» EZGU8. OU RB8PON8. (n^ 143)*
142. Ici 86 termine ce que noua aYion8 à dire sur les eu de complicité pro-
piemeat dite, indiqués dans les trois paragraphes de Tart. 60; arrivons main-
tenant à cette complicité, souvent improprement dite, qui, aux termes des
articles 61 et 62, se compose d'actes accomplis après le crime ou le délit
achevé.
J'ai dit qu'il 8*agit id, dans la plupart des cas auxquels s'appliqueront ces
articles, d'une complicité improprement dite; il est hon de nous fixer sur ce
point. En effet, le mot de complicité implique et porte en lui-même l'idée d'un
concours, d'une participation, d'une coopération plus ou moins directe du oom-
pUce à l'acte de l'auteur principal. Or, il est trôs-possible de coopérer de plus
ou moins loin i un fait, en en faisant naître le projet, en l'encourageant, en
en préparant, en en facilitant, en en assistant l'exécution. Mais la raison com-
prend*elle bien qu'on se rende complice d'un fait, qu'on y participe, qu'on y
coopère après que ce fiait a été accompli, parfaitement achevé, non-seulement
sans votre concours, mais encore absolument à votre insu? A la rigueur, et
dans le sens littéral du mot, on ne conçoit pas de vraie complicité, de vrai
concours, de vraie participation àun acteirrévocablement et définitivement ac-
compli. Ge n'est pas, an reste, qne j'entende critiquer ou blâmer par là, à tous
égards, et dans tous les cas, la rédaction des art. 61 et 62 : ce dernier surtout
mérite à d'autres égards des reproches trop fondés pour qu'il soit nécessaire
d'en élever d'inutiles.
143. « ART. 61. Ceux qui, connaissant la conduite criminelle des malfaiteurs
exerçant des brigandages ou des violences contre la sûreté de TÉtat, la paix pu-
blique, les personnes ou les propriétés, leur fournissent habituellement logement,
lieu de retraite ou de réunion, seront punis comme leurs complices. »
Certainement, au premier aspect, on pourrait dire qu'il n'y a pas là compli-
cité, concours dans le sens littéral du mot, et la critique serait vraie, si le mot
haJntudlement ne se trouvait pas dans l'article pour en justifier le disposition.
Ge n'est pas le fait d'un lieu de retraite fourni accidentellement une seule Sois
qui constitue ici la complicité et la pénalité qui s'y rattache, c'est la fréquence,
c'est le retour, c'est l'habitude d'un pareil fait. Or, il est sensible que cette hap
bitude, une fois établie, peut bien être considérée comme une complicité véri*
table, et que, par une raison fort simple, elle devient^ dans les rapports de
celui qui donne le lieu de retraite avec ceux qui le reçoivent, un véritable en-
couragement, une aide, une facilité, une assistance, éloignée si Ton veut, mais
enfin une assistance dans les méfaits dont la bande se rend coupable. Cette
habitude constitue, en effet, une promesse tacite, mais bien manifeste, de re-
cevoir les auteurs du méfait, de leur donner asile et retraite après que de nou-
veaux méfaits auront été accomplis. Je conçois donc qu'on puisse les considé-
'rer comme complices; mais je n'en conclus pas qu'on ait bien fait dans tous
les cas de les frapper de la môme peine, aux termes de l'art. 59. Ceci se ratta-
che à une question plus générale dont nous avons parlé, savoir, la justesse de
l'assimilation entre l'auteur principal et le complice. En supposant que cette
assimilation soit fondée, je ne répugnerais nuUement à considérer comme
complices, aux termes de l'art. 61, les coupables des crimes ou des délits qui
s'y trouvent indiqués.
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DB tA COMPLICITÉ (art. 6î). 177
144. L'art. 62 s'explique au contraire plus difficilement, an moins dans une
grande partie des cas auxquels peut s'appliquer la généralité de ses termes.
Commençons par en lire et en bien peser les termes.
c Art. 62. Ceux qui sciemment auront recelé, en tout ou en partie» des choses
enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, seront aussi
punis comme complices de ce crime ou délit. »
Ici il n'est plus question de l'habitude du recel, do la fréquence du retour
des actes qui le constituent; par conséquent, il n'y a plus ni cette promesse
tacite, qu'on pourrait, à toute rigueur, considérer comme un encouragement
et surtout une promesse antérieure et formelle qui rentrerait dans les diTers
cas de l'art. 68. Une fois la question ainsi posée, c'est-à-dire une fois que nous
nous plaçons dans Thypothése du recel d'un objet volé, commis en connais*^
sance de cause par un tiers qui n'en avait pas Thabitude, qui, du reste, n'a-
vait pas avant le vol ofiért on promis ce recel, alors les critiques que nous
présentions tout à l'heure contre l'application à ce cas du mot ée complicité
reviennent avec toute leur force.
Le vol était commis, accompli, consommé; le voleor, en l'exécutant, n'avait
nuUement compté sur une facilité de recel qui ne lui était pas promise; tout,
en un mot, était achevé; le crime était parfiait, la peine était encourue, sans
que celui qui plus tard est venu s'offrir pour receleur, ou a consenti an recel,
sans que celui-là eût, je ne dis pas la plus légère part, mais même la plus lé-
gère connaissance dans les actes coupables qui ont été accomplis. Que plus
tard, après ces actes commis, il reçoive et cache les objets volés, c'est un acte
coupable, personne n'en doute ; mais est-ce un acte de complicité ? conçoit-on
une complicité, une coopération ewpost facto? J'avoue que la chose m'est im-
possible. Et quand, ensuite, on regarde la p^ne et le rapport moral qui la
fonde, est-il convenable d'assimiler pleinement le reoéleur au voleur, de le
punir tout à fait et dans tous les cas comme le voleur? car telle est la consé-
quence de la qualification de complice que lui applique d'abord l'art. 62.
La loi, disons-nous, déckure le receleur complice, et par là même, en combi-
nant les art. 59 et 62, lui applique la peine du vol : rien de plus positif, rien
de plus dair comme principe ; nous reviendrons bientôt sur les détailÉ de l'ap-
plication. Mais, à part ce qu'il y a d'illogique à déclarer cimiplice ou coopérant
celui à l'insu duquel le fait s'est pleinement accompli, examinons, oe qui est
plus important, s'il est moral, s'il est convenable d'assimiler complètement et
dans tous les cas le receleur au voleur. Cette assimilation n'est pas nouvelle,
nos anciennes lois l'ont laite à l'exemple de quelques lois romaines. Quels
motifs peut-on en donner ? Pour les uns, c'est par motif de pure utilité, c'est
que, s'il n'y avait pas de receleur, il n'y aurait pas de vdeur; pour d'autres,
c'est, dit-on, que le receleur met obstacle à l'action de la Justice, à la pourw
suite; pour d'autres enfin, c'est que le receleur ne reçoit pas gratuitement
l'objet volé, il prend une part sur le vol, et il assume par là sur sa tète uae
responsabilité et civile et pénale.'
Ces raisons et la décision qu'elles ont fondée ne sont pas nouvelles. Voyons
en quels termes les appréciait Montesquieu, Esprit des lois, liv. XXIX, dLxii:
« Les lois grecques et romaines punissaient le receleur du vol comme le voleur
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178 DOUZ. LEÇ. — DBS PERSONNE^ PUNI8S., EZCU8. OU RS8P0NS. (n* 144).
la loi française fait de même. Celles-là étaient raisonnables, celle-ci ne Fest
pas. Chez les Grecs et chez les Romains, le volear étant condamné à une peine
péconiaire, il fallait punir le receleur de la même peine; car tout homme
qui contribue de quelque façon que ce ;soit i un dommage, doit le réparer.
Mais parmi nous, la peine du vol étant capitale, on m*a pas pu, sans outbsr
LES choses^ punir LE RECELEUR COMME LE VOLEUR. Golui quî reçoît le vol pcut,
en mille occasions, le recevoir innocemment, celui qui vole est toujours cou-
pable : l'un empêche la conviction d'un crime déjà commis, l'autre commet ce
crime ; tout est passif dans Tun, il y a une action dans l'autre ; il faut que le
voleur surmonte plus d'obstacles, et que son àme se roidisse plus longtemps
contre les lois. Ijos jurisconsultes ont été plus loin : ils ont regardé le receleur
comme plus odieux que le voleur : car sans eux, disent-ils, le vol ne pourrait
être caché longtemps. Gela, encore une fois, pouvait être bon quand la peine
était pécuniaire : il s'agissait d'un dommage, et le receleur était ordinaire-
ment plus en état de le réparer; mais, la peine devenue capitale, il aurait fallu
se régler sur d'autres principes. »
Il est singulier qu'en présence de cette critique si nette et si fondée de l'an-
cienne assimilation, elle ait été reproduite si littéralement, si aveuglément par
le Gode. Nous verrons même, il faut bien le dire, que dans les détails d'appli-
cation de la peine du recel la loi exagère encore ce qu'il nous est permis de
trouver déjà assez vicieux.
Quanta ces raisons banales que le receleur est le plus souvent la cause du
Tol ; que, s'il n'y avait pas de receleur, il n*y aurait pas de voleur ; que le re-
celeur met obstacle à l'action de la justice ; qu'il reçoit le plus souvent une
très-forte part dans le vol : il est bien facile de se convaincre de leur inexac-
titude.
La première de ces raisons, en effet, est absolument fausse : sur trente
Toleurs, vingt-neuf sont eux-mêmes leurs propres receleurs; ils tâchent de dé-
penser, de consommer, d'employer les choses volées; ils ne se soucient nulle-
ment d'en partager le bénéfice avec le receleur.
Quand on dit ensuite que le receleur entrave Taction de la justice, empêche
la découverte du vol et du voleur, on dit une chose parfaitement vraie. Quelle
en est la conséquence ? G'est que le recel peut être soit un crime, soit un
délit ; c'est que le recel est une cbose coupable. Mais la conséquence est-elle
qu'il y ait assimilation, qu'il y ait parité entre le recel et le vol, entre le re-
celeur et le voleur ? Les différences sensibles, capitales, qui séparent Tun et
l'autre, sont indiquées dans ce que je viens de vous lire ; mais le Gode pénal
lui-même se chargerait au besoin de répondre à l'argument En effet, si celui
qui met obstacle à l'action de la justice, si celui qui, en cachant chez lui la
chose volée, rend la découverte et la poursuite plus difficiles, est par là même
réputé Toleur et puni comme tel, il en fluudrait conclure que celui qui cache
et reçoit chez lui, que celui qui aide à enlever, à ensevelir le corps d'un
homme assassiné, se rend par là même complice de l'assassinat et doit être
puni comme tel ; il faudrait décider que celui qui cache, qui reçoit chez lui,
•n pleine connaissance de cause, le meurtrier, l'assassin, entravant l'action de
la justice, lui facilitant des moyens de fuir, doit être puni comme complice,
comme meurtrier, comme assassin. Jetez les yeux maintenant sur l'art. 248
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DB LA GOMPUGITÉ (aRT. 62). 179
da Gode pénal, et vons Terrez que, (ont en punissant arec grande raison celui
qui donne asile à l'assassin, qui met obstacle aux recherches de la justice, on
établit une différence immense entre la pénalité due au crime de l'un et au
simple délit qu'on reproche à l'autre, c Ceux qui auront recelé ou fait receler
des personnes qu'ils savaient avoir commis des crimes emportant peine afIUc*
tive, seront punis de trois mois d'emprisonnement au moins, et de deux ans
au plus, I quelle que soit la durée, la nature de la peine encourue par les per-
sonnes recelées, et qui peut varier depuis Cinq ans de réclusion jusqu'à la
peine de mort. Quant à celui qui aura caché ou aidé à cacher, non pas le
meurtrier, l'assassin, mais le cadavre de la personne assassinée, qui, par là
même, aura fait tout ce qui était en son pouvoir pour arrêter l'action de la
justice, on ne s'avise certes pas de le déclarer coupable de meurtre ou d'as-
sassinat, on ne s'avise pas de l'assimiler au meurtrier. L'art. 359 établit contre
lui un emprisonnement de six mois à deux ans, et une amende de cinquante
à quatre cents francs. Ainsi cette considération que le receleur a empêché,
eooune le dit Montesquieu, la c(mviciion d'un crime déjà commis, cette consi-
dération n'a pas conduit les auteurs mômes du Gode pénal à assimiler le re-
eéleur, dans le cas des art. 359 et 248, à l'auteur du crime ou du meurtre.
La troisième raison est plus sérieuse : c'est que le plus souvent le recel
n'est pas gratuit, c'est que les receleurs stipulent une part très-forte dans le
vol. Je conçois alors que le recel soit plus sévèrement puni, parce que les mo-
tifii sont plus odieux et que la tentation du recel est plus forte. Mais, même
dans ce cas, 7 a-t-il raison suffisante d'assimiler le receleur au voleur, et de
l'assimiler avec toute la portée que l'art. 63 va donner à cette assimilation ?
Ainsi, qu'on le déclare punissable comme le voleur, qu'on déclare la peine du
vol applicable à celui qui a recelé l'objet volé en s'appropriant ou en se faisant
céder une bonne partie de cet objet, il n'y a rien de plus juste. Mais un objet
a été volé à l'aide de violence, d'effraction, de fausses clefs : celui qui a recelé
doit-il être passible de l'aggravation de peine résultant de circonstances que
peut-être il ignore, que peut-être il connaît, mais qu'il ne se serait pas décidé
à employer lui-même, quand même il les connaîtrait ? Cest ici le cas de dire,
avec Montesquieu, que, quand même le receleur a pris part au vol, il y a tou-
jours entre le voleur et lui cette différence, que le premier a eu à surmonter
plus d'obstacles, que son àme a dû se roidir plus longtemps contre la sanction
de la loi.
Nous verrons Fart. 63 plus vicieux encore. Nous nous plaçons jusqu'ici dans
l'hypothèse d'un receleur qui prend part dans le produit des objets volés ; on
comprend alors qu'il soit puni comme voleur quoique peut-être il soit un peu
dur de le punir toujours comme tel. Mais supposées, ce qui est possible, un
reeel commis sans intérêt, sans partage des produits du vol. Par quel motif? Par
une faiblesse, par une complaisance coupable, par une amitié aveugle qui de-
vient un délit portée jusque-là, mais qui n'est pas un vol, qui ne peut pas être
assimilée avec les actes dont nous parlons. Allez plus loin : supposez un recel
commis précisément pour empêcher les recherches de la justice, mais un re-
cel commis par un parent, par un frère, pour empêcher la découverte du vol
conmiis par son frère. Dans ces divers cas, l'art. 62 fléchira-t-il ? Non, il ne
flédiirapas; car l'esprit de l'art. 62 compr^d dans une même assimilation le
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180 DOUZ. LEÇ. — DES PERSONNES PUNI88., EXCU8. OU RESPONS. (n« 145),
recel d*habitade^ je recel salarié, et enfin le recel donné par amitié, par corn*
plaisance, le recel souffert par une complaisance trop facile, mais que la lot
n^a pas le droit de punir aussi sévèrement* La chosQ est d*autant plus étrange,
que la loi, qui n'a pas eu soin de distinguer ces nombreuses espèces de reoels,
si différents par leur moralité, a fait au contraire^ pour, le dernier ^sasqM
j'indique, une distinction formelle dans le second alinéa de l'art. 248. AinAî,
quand cet article applique une peine, légère sans doute, mais enfin une peine
raisonnable, à celui qui a cacbé l'auteur d'un crime, il s'empresse d'ajouter qu'à
certain degré de parenté toute peine sera inapplioable; et que d'après l'art 62
auci^ne exception, aucune distinction pereille n'est faite ; et cependant la. peine
est plus grave. Je sais bien que» dans la plupart des cas, le mal ne sera p«»
grand ; je sais que difficilement on trouvera un jury disposé à déclarer <x>n*
pable de recel, et par consétjuent complice aux termes de l'art. 62, le proche
parent qui, par un devoir que la loi désapprouve, mais enfin par un sentiment
de devoir, aura recelé, pour entraver l'action de la justice, et sans nul moti^
d'iutérôt, les objets volés par son parent. Mais c'est une triste loi que celle
qu'on ne peut défendre qu'en disant que le jury la violera. En second lieu, il
faut dire que plus d'une fois, se croyant renfermés dans la lettre de la loi, les
jurés ont déclaré et déclareront peut-être coupables les receleurs placés dans
la circonstance la plus favorable. H pourra arriver, par exemple, que la femme
soit passible de la peine des travaux forcés à perpétuité, d'après le § !«' de
Part. 63, pour avoir recelé les objets volés par son mari, qui aura en même
temps commis un meurtre. Ainsi, il y a ce danger d'une application trop lit-
térale de la loi par le jury ; il y a un danger inverse, grave aussi, celui de la
conscience du jury se révoltant contre la sévérité de la loi et en affaiblissait
l'autorité par de trop fréquentes sdisolutions.
145. Je crois qu'il n'est pas possible d'admettre dans toute sa plénitude l'as-
similation faite entre le voleur et le recéleor. Mais, quelque opinion qu'on
adopte sur cette assimilation, telle qu'elle est écrite dans la loi, il est impos-
sible d'hésiter un instant sur les conséquences que la loi en tire dans le texte
de l'art. 63, dont nous pouvons prendre connaissaqce, bien que nous n'ayons
d'abord besoin que du § 2.
< ART. 63. Néanmoins, la peine de mort, lorsqu'elle sera applicable aux auteurs
des crimes, sera remplacée, à l'égard des receleurs, par celle des travaux forcés
à perpétuité. — Dans tous les cas, les peines des travaux forcés à perpétuité ou
de la déportation, lorsqu'il y aura lieu^ ne pourront être prononcées contre les
receleurs, qu'autant qu'ils seront convaincus diavoir eu,*au temps du recelé, con-
naissance des circonstances auxquelles ht loi attache les peines de mort, des tra**
vaux fixées à perpétuité et de la déportation; sinon ils ne subiront que la peine
des travaux forcés & temps. »
Le recel, avons-nous dit, est assimilé au vol, bien entendu quand le receJ a
eu lieu sciemmmt^ et l'art. 62 le déclare lui-môme. Mais quelle est la portée et
l'application de ce mot dans l'art. 62?. D'abord, il est manifeste, par l'applica-
tion môme de ce mot, que celui qui cache, qui recèle chez lui des objets d'une
origine inconnue, n'est nullement responscàble ni pénalement, ni civilement,
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BB LA CO]CPUGIf!È (aRT. 63). 181
da tort caofié par le dôlit qu'il igaorait An contrairet il est manifeste qu'on
pnxûra comme Yoleor celui qui aura reçu chez lui des objets volés, sachant
qu'ils pro?enaient d'un vol. Point de doute sur ces deux cas. Jusqu'ici^ en
effet, nous supposons un vol simple, un vol non qualifié, en un mot, un vol
que prévoit efc définit l'art. 40i.
Mais supposez, maintenant, que les objets enlevés et portés par le voleur
chez un tiers qui les a reçus, supposez qu'ils aient été volés à l'aide de circons-
tances que la loi déclare .aggravantes, à Taide de fausses clefs, d'efi&aotion,
d'escalade, toutes drconstances qui, à la peine d'une année à cinq aunéee
d'emprisonnement, font substituer la peine beaucoup plus forte de cinq ft
vingt ans de travaux forcés; dans oe cas, le receleur a reçu la chose sachant
qu'elle provenait d'un vol; mais il n'est pas prouvé qu'il ait connu les circons»
tances d'effraction, d'escalade, de fiBLUSses clefs, à l'aide desquelles le vol a été
commis. L'auteur principal étant déclaré coupable de vol avec escalade, le
receleur étant déclaré coupable d'avoir caché des objets, sachant qu'ils prove-
naient d'un vol, mais sans connaître les circonstances du vol, quelle peine lui
appliquerons-nous ? sera-*ce la peine de l'art. AOl, c'est-à-dire le punirons-nous
sôulemMit à proportion de ce qu'il a connu? sera-ce, au contraire, d'après
l'art. 59, de la peine des travaux forcés à temps? le punirons-nous de circons*
tances auxquelles peut-être il n'aurait pas pris part, quand même il les aurait
connues, mais de circonstances qu'il n'a pas même soupçonnées? Il faut le dire
à regret, nous lui appliquerons la peine des travaux forcés à temps. Gela ne
sésulte pas seulement du texte de l'art* 62, qui ne mènerait nultement à ce
résultat s'il était seul ; nous dirions que la loi exigeant que le recel ait eu lieu
4ci0mment, — sdemmMi doit s'entendre non-seulement du fait même du vol,
mais de toutes les circonstances qui l'ont accompagné,— et quelamêmeloi exi-
geant la connaissance du receleur pour constituer la pénalité, la raison comme
la justice veulent aussi qu'on exige cette circonstance pour aggraver cette
même pénalité; malheureusement le § 2 de Fart. 63 vient détruire complètement
ee raisonnement si simple qui s'appuierait sur Tart* 62 et sur le sens commun.
Ikms tous les cas, les peines des tramuœ forcés à perpéluité ou de la déportation,
lorsqu'il y aura Ueu, ne pourront être prononcées contre les receleurs, qu^autant
quHls seront convaincus d'avoir eu, au temps du recelé, connaissance des circon*
stances auxqu^les la loi attache les peines de mort, des travausf fbrcés à perpétuité
et de la déportation ; sinon, ils ne subiront que lapeine des travaux forcés à temps.
Ainsi, la loi exige que le receleur ait connu, non-seulement le fait même du
délit ou du crime, mais aussi les circonstances dont il a été accoinpagoé ; elle
l'exige, non pas dans tous les cas et pour toutes les peines, mais seulement
<]uand il s'agît d'appliquer au receleur, en l'assimilant au voleur, Tune des pei-
nes perpétuelles indiquées dans l'art. 63. Ainsi, c'est seulement quand il s'ar
gira 4e le punir des travaux forcés à perpétuité ou de k déportation, vons.
verrez plus tard pourquoi je ne parle pas de la mort, c'est seulement quand il
s'agira dé le punir de l'une de ces deux peines qu'on exigera qu'il soit con-
vaincu d'avoir eu, lors du recel, connaissance des circonstances qui entraînent
l'application de cette peine. Que s'il s'agit au contraire d'une simple peine
temporaire, si grave qu'on la suppose, il résulte à contrario, mais il résulte
évidemment du § 2 de l'art. 63, que la loi entendie punir de la même pein
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182 DOUZ. LEÇ. — DBS PERSONNES PUNIBS., XZGUS. OU RB8F0NS. (n* 145).
que le voleur lai-môme, qu^elle entend faire peser snr lui tont le poids des
circonstances aggravantes, sans s'inquiéter le moins du monde de savoir s'il les
a connues ou ignorées. Gela est d'une monstrueuse injustice, mais cela est
établi par le § 2 de notre article.
Trouve-t-on maintenant des motifs, même apparents, pour colorer les déci-
sions de la loi ? J'avoue que je ne le puis pas ; la loi semble même prendre à
tftche de démontrer l'absurdité du système en y faisant une exception. Ainsi i
qu'on pose la question suivante à un homme : Quelqu'un a recelé un objet
volé, sachant qu'il était volé, mais dans l'ignorance complète des circonstances
aggravantes dont ce vol était accompagné ; faut-il appliquer au receleur Tag-
gravation de peine? Cet homme ainsi consulté répondra: je crois, non; il pen-
sera sans doute que la connaissance des circonstances aggravantes sera indis-
pensable pour appliquer au receleur l'aggravation de peine qui en résulte*
Quelque parti qu'on prenne, on se décidera sans doute à en adopta un et à y
tenir. Eh bien, pas du tout : la question ainsi posée et soumise au l^slateur^
il n*y répond ni oui ni non; il répond oui et non. Oui, l'aggravation sera ap-
pliquée au receleur, môme à raison des circonstances qu'il a complètement
ignorées, pourvu que cette aggravation n'entraîne pas l'application des peines
perpétuelles ; que si, au contraire, la conséquence de cette aggravation est
d'entraîner des peines perpétuelles, la conséquence n'aura pas lieu, l'aggra-
vation ne frappera pas le receleur.
Rien n'est plus bizarre que ce système. Si l'assimilation entre le voleur et le
reoélear est raisonnable, si le receleur, par cela seul qu'il a su recevoir, ca-
cher un objet volé, répond par là môme de toutes les aggravations qui ont pu
entourer le vol, il faut être conséquent, aller jusqu'au bout et dire que celui
qui a caché un objet volé est passible de la peine de mort, si le vol a été com-
mis au moyen d'un meurtre. Ou bien, si on recule, comme le fait la loi, de-
vant l'absurdité de cette conséquence, il faut reconnaître que le principe est
faux ; il faut reconnaître que le receleur, dans la personne de qui la connais-
sance est exigée, doit avoir connaissance non-seulement du vol môme, mais de
toutes les circonstances qui l'ont accompagné; que la môme raison qui exige-
rait qu'il ait reçu sciemment, milite non-seulement pour le fait, mais pour
toutes les aggravations du fait.
Ainsi l'art. 63, dans le § 2, en reculant devant son principe, pour le cas ott
la peine est trop dure, reconnaît lui-mômo manifestement l'iniquité de ce
principe.
Enfin, dirait<K>n que le principe, bon pour le cas où la peine n'est que tem-
poraire, deviendrait mauvais et faux pour le cas oii elle est perpétuelle T Nous*
l'avons déjà dit, et on ne saurait trop le dire, ce qui fait la justice ou l'injustice
en matière pénale, ce n'est pas la légèreté, ou au contraire la gravité de la
peine ; c'est le rapport précis, parfait entre la peine qu'on applique et le fait
auquel on entend l'appliquer. Or, si ce rapport manque dans lestrois cas prévus
par le § 2 de l'art. 63, il manque dans tous les cas; dès que l'assimilation n'est
pas toujours vraie, elle est toujours fausse, et c'est ce que nous devons, je crois,
déclarer. Voilà pour le cas du § 2 de l'art. 63.
Le § !•', qui appartient à la rédaction nouvelle, donne lieu aux mômes cri-
tiques, et vient combattre dans sa racine, non plus seulement l'extension d'à»-
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DB L4 COMPLICITÉ (aRT. 63]. 183
similatîon dont je -viens de parler, mais vient combattre dang son principe,
absolument de la même manière, rassimilation qne faisait Fart. 62. Cette cri-
tique, que le législateur va faire devant vous de sa doctrine, est encore plus
puissante que celle que Montesquieu en a faite. L'art. 62 a pour objet d'éta-
blir que celui qui recèle est assimilé au voleur, surtout lorsqu'il a eu plmne
connaissance des circonstances qui accompagnent le vol. J'insiste sur cette der-
nière circonstance ; car si la loi assimile le receleur au voleur, même quand
le receleur n'a pas connu, à plus forte raison, Tassimilation doit être la même
quand le receleur a connu. La loi serait excusaMei convenable, si elle punis-
sait comme le voleur le receleur qui a su tout ce qu'avait finit le voleur. Eh
bien, le § 1*' de Tart. 63 vient lui-même réfuter cette idée, vient combattre,
même dans ce cas, l'assimilation que Montesquieu avait déjà repoussée. Que
décide-t-il en foit ?
§ !•'. Néanmoins, la peine de fnort, lorsqu'elle est appUeable aux auteurs des
orimee, sera remplacée^ à P égard des receleurs par celle des travaux forcés à per-
pétuité.
Pour poser une hypothèse, supposez un vol commis au moyen d'un meur«
tre, c'est le cas de Tart. 304, c'est un des cas où la loi punit le vol suivi de
meurtre de la peine de mort, les deux faits étant complexes. Le meurtrier,
voleur en même temp^ dépose le produit du vol dans les mains d'un tiers qui
le reçoit, ayant pleine connaissance, non-seulement que l'objet est volé, mais
que pour voler on a tué, on a assassiné le détenteur. Quelle peine applique-
rons-nous ? Sous le Gode de 1810, on eût appliqué la peine de mort, consé-
quence forcée de l^assimilation établie par les art. 59 et 62 combinés ; on eût
appliqué la peine de mort, parce que le principe est celui-ci : le receleur, sur-
tout quand il a connu toutes les circonstances du crime, est assimilé pleine-
ment au voleur. £n 4832, on recule devant la conséquence, on s'effraye à cette
idée de punir de mort un homme .qui n'a pas assassiné; on recule devant la
conséquence, et par suite on prend un parti moyen, on déclare que le rece-
leur, ayant connu le vol et le meurtre, sera puni des travaux forcés à perpétuité.
A tout prendre, la loi vaut certainement mieux comme elle est, le législateur
a mieux fait d*étre inconséquent que d'être cruel jusqu'au bout Mais il est dif-
ficile de se critiquer plus sévèrement qu'on ne le fait dans le § 1*' de l'art. 63.
De deux choses l'une : ou celui qui recèle en pleine connaissance de cause est
moins coupable que le voleur, et alors il ne doit pas être frappé aussi sévère-
ment ; ou bien il est aussi coupable, et la môme peine doit l'atteindre. Si vous
reculez devant cette idée, il ne faut pas seulement reculer quand il s'agit de la
peine de mort, mais devant toutes les peines, car l'assimilation est toujours
bonne ou toujours mauvaise. On ne sait plus où s'arrêter quand on rapproche
les deux paragraphes de l'art. 63 l'un de l'autre. Voilà un receleur qui a connu
non-seulement le fait coupable^ mais encore toutes les circonstances, et ce-
pendant, m^Jgré cela, la loi ne veut pas Tassimiler au coupable dans le § i*'de
l'art. 63. Voilà un receleur qui n'a pas connu les circonstances, et cependant
dans le § 2 on le punit comme si lui-même les avait commises. Il est impos-
sible de concevoir un pareil résultat ; Fun ayant la plus parfaite connaissance,
et dans le plus grand détail, de tout ce qui s'est fait, s'étant associé, autant
qu'on peut s'associer après coup, à un acte maintenant commis ; et lautre
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184 TRBIZlàlCE LRÇ. — DS8 BXGU8E8 (n* 146).
n'ayant pas connu les circonstances aggravantes, croyant recevoir on objet
provenu d'un larcin^ tandis qu'il y a eu voi, vol avec escalade ; Tun ne sera
pas puni comme l'auteur, l'autre sera puni comme lui.
£n un mot, si dans la balance pénale le lot du receleur est aussi lourd, aussi
pesant que celui du voleur, il faut que dans tous les cas la peine des deux soit
la même. Si, au contraire, le lot du receleur est plus léger, peu importe qu'il
s'agisse d'appliquer la peine de mort ou une peine temporaire. Si le receleur
est moins coupable, moins dangereux, il faut le frapper moins lourdement
dans tous les cas, et ne pas entrer dans les inconséquences du système de 1810
lorsqu'on est rentré dans la rédaction de 1832.
Ici se termine tout ce que nous avions à dire sur la matière de la com*
plîcit^. Dans les articles qui précèdent, nous venons de voir des personnes
étrangères à Taccomplissement, à la perpétration physique et matérielle d'un
fait, punies comme si elles l'avaient commis. Dans ceux qui vont suivre, au
contraire, nous verrons la culpabilité, et par suite la pénalité, appliquées à
l'auteur réel du fait, se réduire, se diminuer, s'effacer même devant des dis-
tinctions dont les unes sont définies et précisées par le législateur, et dont les
autres, au contraire, sont abandonnées à la défense, à la conscience des jurés
et des juges.
TREIZIÈME LEÇON.
146. Nous passons aux art. 64 et 65, relatifs à un ordre d'idées qu'on peut
considérer comme précisément inverse de celui dont nous venons de nous
occuper. Dans les art. 59 è 63 vous avez vu, en vertu des principes de la com-
plicité, la peine de certains crimes ou délits appliquée à des personnes qui
réellement, physiquement, n'ont pas pris une part directe à la perpétration
du fait pour lequel elles sont punies. Au contraire, dans l'art. 64 nous allons
voir Fauteur reconnu, l'auteur déclaré du fait matériel qui a causé un dom-
mage, mis à Tabri de toute espèce de peine. Dans l'art. 65 nous verrons, non
pas l'impunité de Tauteur du fait pleinement et complètement proclamée,
mais au moins la peine dont la loi frappe en général le fait qui a été commis,
réduite dans des proportions assez fortes, et selon les circonstances dont nous
aurons à exposer le détail.
Quel est d'abord l'esprit, le cas de l'art. 64?
a Art. 61. Il n'y a ni crime, ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence
au temps de ractioQ, ou lorsqu'il a été contraint par une force & laquelle il n'a pu
résister. »
Le principe est fort simple, l'application est délicate en théorie, elle est sou*
vent très-difficile en pratique. Le principe, dis-je, èét fort simple : en effet, le
dommage matériel, le mal physique, causé par un homme à un autre, si grave,
si terrible qu'on le suppose, n'est après tout en lui-même qu'un malheur à
déplorer; pour qu'il y ait de plus un crime à punir, pour que l'intervention de
la justice pénale à propos de l'acte nuisible soit légitimé, il faut dans l'auteur
du fiait, dans l'agent qu'on veut punir, une condition essentielle, c'est-à-dire
la volonté. Et quand je dis volonté, j'entends avec le législateur une volonté
qui sait et qui peut; d'un côté, j'entends intelligence, de l'autre, liberté ; Intel-
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SB LA SÉMnCB (art. 64). 18S
ligenoe de l'acte auquel oa concourt et liberté de s'en abstenir : telles sont
les deux conditions dont le concours est nécessaire dans Te^ent, dans Fauteur
du fait pour légitimer à son égard Tapplication d'une peine quelconque. Ces
deux conditions sont fort claires; ntais les cas que peut embrasser chacune
d'elles sont difficiles à détermina, soit d'ayance et en théorie^ soit après
coup et dans la pratique. Je n'entends pas d'ailleurs entrer ici dans les déve-
loppements fort étendus que présenteraient les questions soulevées par les
deux parties de cet article, j'indiquerai cependant la plupart de ees difficultés*
Ainsi, à la condition d'intelligence exigée dans Fauteur du fait par la pre-
mière partie de Fart. 64 se rattachent des discussions fameases soulevées sur
la criminalité, sur la culpabilité des actes commis, soit en état d'ivresse, soit
en état de somnambulisme, soit enfin dans Fétat qu*on appelle généralement
état de monomapie.
De même, à la question de liberté se rattachent : !<> les ca« de contrainte
physique; 2^ les cas de contrainte morale, et, parmi ces derniers, la question
fort délicate et fort dé{>attue de l'obéissance passive, c'est-à-dire de FimputS/-
bilité morale et pénale des actes faits par un inférieur en obéissant à son
supérieur, et notamment dans le cas, dans les règles de la hiérarchie militaire.
Disons quelques mots de ces diverses questions, sans espérer les présenter
avec tous les détails qu'elles demanderaient.
147. Relativement à Facte commis dans Fétat d'ivresse, il n'y a rien de plus
discordant, rien de plus divergent que les opinions ou plutôt les décisions émi-
ses relativement à ces actes par les diverses législations auxquelles nous pou-
vons recourir.
Ainsi, vous trouvez dans les lois romaines quelques textes gui considèrent
rivresse comme constituant une sorte d'excuse> une cause d'atténuation de la
peine encourue. Ces textes ne pronon^nt pas, sans doute, l'impunité d'un tel
fiût; mais tous paraissent voir dans l'ivresse, sans entrer d'ailleurs dans des
détails bien précis, tous paraissent voir dans Fivresse une cause d'atténuation
ou d'excuse. Voyez les lois 11, § 2 de Pœnis, et 6, § 1, de Re militari, au Di-
geste,
De même plusieurs Godes confiemponMns, rédigés dans la fin du dernier
siècle ou dans celui-ci, en Allemagne, voient dans Fétat d'ivresse, pendant le-
quel un aete coupable a été commis, tantôt une cause de complète impunité,
tantôt un simple motif d*excuse ou d'atténuation. Ces Codes et les juriscon-
sultes qui les ont commentés entrent, à cet égard, dans des détails assez
nombreux entre Fivresse habituelle et Fivresse accidentelle. Voyez le Ck>de
pénal prussien et le Gode pénal bavarois.
Au contraire, dans la législation anglaise, Fivresse n'est jamais considérée
comme de nature à atténuer la peine du crime ou du délit commis dans un tel
état; loin delà, Blackstone déclare que la législation anglaise voit plutôt dans
Fivresse une cause d'aggravation de la peine. Quoi qu'il en soit de la justesse
de cette dernière opinion, qu'il serait bien facile de combattre, nous n'avons
dans nos Godes fran(^ais rien de positif, rien de précis sur la question ; c'est
aux art. 64 et 65 que se rattachent nécessairement les doutes que la matière
peut faire naître.
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186 TREIZliMB LBÇ. — BBS EXCUSES (n* 147).
Qaelque complet que soit sur une question si grave le silence du Gode pénale
je ne sais si, aujourd'hui surtout, nous devons, nous pouvons en faire un
reproche aux rédacteurs de ce Gode; je ne sais pas si, après tout, le silence
de la loi sur une question de cette nature n'est pas le parti le plus sage que
peut prendre le législateur, dans des questions qui varient à l'infini, selon la
diversité des faits, et qu'il est bien difficile d'embrasser dans la généralité d'une
règle commune. Quelques exemples vous feront sentir à cet égard la difficulté
et les dangers d'une r^le, et aussi la solution positive que pourraient recevoir
en pratique quelques-uns des cas de cette nature.
Prenez d'abord Thypothèse la plus favorable de toutes, le cas d'une ivresse
tout à fait accidentelle et d'ailleurs absolument complète, entière ; le cas d'une
ivresse qui a enlevé i celui qui y est tombé Tintelligence, le sentiment, la con-
science de ses actes présents, qui lui a enlevé Tintelligence, à tel point qu'il
n'aura même pas à son réveil le souvenir des actes accomplis par lui pendant
l'ivresse; ou que, s'il a quelques traces, quelques restes de ses souvenirs, il les
aura, comme nous avons au réveil le souvenir confus des actes ou des idées
qui se sont succédé pendant le sommeil. En se plaçant dans une telle hypo*
thèse, et elle est possible, il est certain que l'ivresse, sans enlever au corps, à
l'homme physique la possibilité d'agir, peut enlever à l'homme moral, à
l'homme intellectuel Tintelligence et le sentiment de ce qu'il fait, je dis que,
dans un tel cas, le silence de la loi n'a rien de vraiment embarrassant, car
nous sommes tout à fait dans l'esprit de Fart. 64, et, quoiqu'il n'y ait pas dé-
mence dans le sens technique du mot, c'est-à-dire quoiqu'il n'y ait pas état
durable, permanent, habituel, il est cependant clair qu'il n'y a pas eu intelli-
gence, sentiment, conscience de l'acte, et que, hors de ces circonstances, au-
cune peine ne peut être appliquée.
Quel jurisconsulte, par exemple, oserait déclarer coupable de meurtre, c'est-
à-dire coupable d'homicide commis volontairement, un homme qui, dans un
état d'ivresse tel que celui que je suppose, aura en fait commis un homicide?
Il y aura, si l'on veut, négligence, imprudence, imputabilité civile ; mais où il
n'y a pas eu l'intention de crime, volonté de tuer, volonté d'agir en connais-
sance de cause, il y aura impossibilité de déclarer l'accusé coupable, impos-
sibilité d'appliquer la peine ordinaire de Thomicide volontaire, la peine du
meurtre.
Enfin, dirait-on ce qu'on dit souvent en tels cas, que l'ivresse n'est pas une
excuse, et que, d'après l'art. 65, les excuses ne peuvent s'appliquer qu'autant
qu'elles sont écrites formellement dans la loi ? Gela est vrai pour les excuses,
comme nous le verrons plus tard; aussi n'est-ce point comme excuse que nous
présentons ici le cas d'ivresse. L'excuse suppose, comme nous le verrons, une
culpabilité, un fait punissable dont elle vient atténuer la gravité de la peine ;
ici il n'y a rien de punissable : parce qu'il n'y a pas de volonté, il y a impos-
sibilité de déclarer l'accusé coupable.
A cette hypothèse toute favorable à laquelle suffit Part. 64, opposez mainte-
nant l'hypothèse contraire, celle d'une ivresse qui non-seulement n'est pas
complète, n'est pas entière, celle d'une ivresse qui non-seulement n'a pas
éteint, assoupi, endormi pour un temps le sens moral, mais qui, au contraire,
était calculée, préméditée de la part de l'auteur du fait; supposez cette ivresse
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DS LA BÉMBNCS (aRT. 64). 187
partielle procurée avec intenUon, soit poar se donner Fandace nécessaire à
raccomplîssement da fait, soit pour étourdir la conscience sur le remords ou
sur les terreurs de la peine à Tenir. Il est clair que là, l'iYresse est un fait
absolument indifférent, qu'elle ne peut influer ni sur la déclaration de culpa-
bilité, ni sur l'application et la gravité de la peine.
Mais entre ces deux hypothèses, sur lesquelles on ne sera guère arrêté lors-
que les faits seront bien constants, bien établis, viennent se placer, se jeter
un nombre infini de cas, de variétés, de nuances que le législateur ne peut
saisir à l'avance.
Le plus souvent Tivresse ne sera pas celle que nous avons supposée dans le
premier cas; elle n'aura pas enlevé absolument, complètement à Fauteur de
Facte rintelligence de ce qu'il faisait, mais elle aura étourdi, affaibli son intel-
ligence, son sens moral; elle n'aura pas paralysé, mais elle aura affaibli en lui
la force de résistance morale au moyen de laquelle il aurait pu repousser les
tentations et l'idée même du crime qu'il a commis. Alors, sans doute, il a agi
volontairement; on ne peut dire que l'état partiel d'ivresse, d'étourdissement,
d'ignorance où il s'était placé, soit une raison pour le déclarer non coupable.
Alors, sans doute, on aurait pu regretter dans le Giode pénal de 1810 le silence
absolu de la loi, silence qui n'aurait pas laissé départi moyen entre un acquit-
tement complet ou une condamnation tout aussi pleine, tout aussi forte que
celle que l'on porterait contre un homme qui a agi de sang-froid. Mais depuis
qu'en 1832 Fart. 463, que nous expliquerons sous Fart. 65, a introduit au
profit du jury le droit de déclarer des circonstances atténuantes, puisées li-
brement par lui dans tous les détails, dans tous les accidents, dans tous les
éléments du fait, nous trouvons là le plus sûr, le plus puissant de tous les
remèdes à l'inconvénient que nous signalons : ce sera au jury, en reconnais-
sant que Fivresse partielle a cependant laissé subsister la volonté, en déclarant
en conséquence Faccusé coupable du crime, à ajouter cependant, si bon lui
semble, la déclaration de circonstances atténuantes, précisément à raison de
l'état d'étourdissement, d'affaiblissement, qui, sans éteindre la volonté, sans
endormir tout à fait le sens moral, a cependant diminué le pouvoir de résis-
tance et permet de douter qu'en état de raison et de sang-froid le môme acte
eût été commis par Faccusé. Cette déclaration de circonstances atténuantes
laissera subsister la culpabilité, laissera subsister la nécessité d'appliquer une
peine ; mais cette peine se diminuera, s'affaiblira dans des proportions assez
fortes.
Voilà pour le premier cas; et vous voyez que les législateurs qui ont essayé
d'embrasser dans des règles positives les modifications que Fétat d'ivresse peut
apporter à la culpabilité, ont peut-être entrepris une tâche supérieure à leurs
forces, en essayant de soumettre à Favance des règles fixes, générales, ce qui
dépend de la variété infinie des faits et des circonstances.
148. Je passe au second cas, à celui de?, actes commis en état de sommeil,
en état de somnambulisme, et à celui-là quelques mots suffiront.
Vous devez vous étonner qu'on puisse sérieusement s'arrêter à ce cas ; aussi
n'en aurais-je pas parlé si des jurisconsultes, si des auteurs qui ont traité de
la médecine légale n'avaient discuté sérieusement la question de responsabî
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1^8 TREIZIÈME JLEQ. *- 0B8 BZflUSBS (n« 149).
lité, non-seulement civile^ mais même morale et pénale du Bomnambulisme.
Il est clair que les actes commis par un homme dans Têtat de sommeil échap-
pent de notre part à toute espèce d'observation; qu'il nous est impossible d'y
voir autre chose que des actes physiques matériels; qu'il nous est impossible
de deviner si un degré de volonté à coopéré à la perpétration de ces actes,
YouJoir les assujettir à une responsabilité quelconque, fut-elle purement ci-
vile, c'est une tentative téméraire et insensée; vouloir les assujettir aune
r^ponsabilité pénale, déclarer, par exemple, ^ue Thomme qui en état de
sommeil^ aurait commis un meurtre, devrait être puni comme meurtrier^ s'il
avait eu avec sa victime des inimitiés capitales, attendu, diraitron, que ce
Grime commis dans le sommeil n'est que le résultat de ses projets, de ses pré-
méditations, de ses pensées ordinaires, c'est arrivera un résultat qu'on est
embarrassé de qualifier, c'est rappeler tout à fait le mot de cet empereur ro-
main envoyant au supplice un homme qui avait rôvé l'assassiner : Si tu n'ch-
vais pas pensé le jour, àissltril, à m'assassiner, tu n'y aurais pas rêvé pendant
la nuit. Je ne vois là que des actes matériels, dont l'auteur est à l'abri, je ne
dirai pas de toutes poursuites pénales, la question ne peut faire de doute, mais
aussi, et par la môme raison, de toute espèce de poursuites, de responsabilité
même purement civile. Au reste, vous sentez que de telles questions ne s'é-
lèvent guère que dans les livres, que l'état dont je parle est heureusement
assez rare, et les faits que je suppose tellement insupposables, que la pratique
ne présentera guère de telles questions à juger, que la pratique ne soumettra
guère au jury le jugement d'actes commis pendant l'état du sommeil.
149. Malheureusement on n'en peut pas dire autant de notre troisième cas,
celui de monomanie. U y a peu d'années que quelques exemples se sont présen-
tés; le cas est difficile en théorie et l'est peut-ôtre plus encore dans la pratique.
Quels sont d'abord les actes commis en cet état, quels sont donc ces faits
qu'on est convenu de désigner par le nom de faits de monomanie ?
Si vous preniez le mot de monomanie à la lettre, dans son étymologie, la
question serait tranchée d'avance ; le nom de monomanie présenterait à vos
esprits l'idée d'une démence, d'une folie partielle, d'une folie qui, concen-
trée sur un objet unique, n'en est pas moins une démence dans l'acception
du mpt. En effet, en nous isolant des matières criminelles, de l'objet pénal
que nous traitons, il arrive bien souvent, vous le savez, qu'une personne,
raisonnable dans les rapports ordinaires et journaliers de la vie, est
cependant affectée par un dérangement plus ou moins explicable de ses facul-
tés intellectuelles, affectée d'un genre de folie qui ne se rapporte qu'à un
certain nombre de faits, qu'à un certain nombre d'idées. Or, si ce genre de
folie porte sur l'accomplissement d'actes prohibés par la loi pénale, il est
clair que ces actes, en vertu de l'art. 64, seraient à l'abri de toute atteinte :
l'art. 64 déclare innocents les actes commis en état de démence ; il n'exige
pas que la démence soit perpétuelle quant à sa durée, et pas davantage qu'elle
soit universelle quant aux objets qu'elle embrasse. Ainsi, s'il n'y avait foUe vé*
ritable, concentrée sur une seule série d'objets, sur un ensemble d'actes tou-
jours uniformes, mais prohibés par la loi pénale, il est clair que l'auteur de
ces actes échapperait à la peine comme étant en état de démence. Mais le
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DI LA DilIBKCB (aRT. 64). 189
jmi de monomanie, dans leA auteurs qui traitent de médecine légale, ne s'ap*
pliqae point à ces cas : la monomanie exige on dérangement partiel, physique
et intellectuel de quelque organe ; des exemples yous feroat comprendre le
sens précis du mot»
Supposez un homme jusque-là en plein état de raison, n'ayant donné aucun
Hgne, aucun indice de démence ou de fureur, homme d*aiâenrs d'une ¥Îe
restée jusque-là tout à fait irréprochable ; supposez, dis-je, que tout à coup
sans intérêt, sans passion, sans motif connu ou supposable, il aille assaasiner,
égorger, je ne dis pas un homme ayeequi on pourrait lui supposer des que*
relies antérieures et inconmies, mais un enfimt dont il ne saurait pas le nom,
et qu'il n'a jamais tu ; il a commis le crime do sang^-firoid, peut-éire àveepié-^
méditation, mais sans motifs connus, sans causes 8iq>posables, il l'a commis
sans autre mobile, sans autre cause admissible, par je ne sais quelle soif, quel
instinct de sang qui l'y a porté, absolument par le même besoin qui porte
une béte féroce, un tigre à dédiirer, quand même il .est assoupi. Y a-t-il lA
démence, ou bien y a-t-il eu contrainte, dans le sens même de l'article ? fiù
un mot, y a-t-il là crime f Y a*t-il, an contraire, idbsenoe de yolonté, d'intel-
Ugence, de liberté, et par conséquent matière à Facquittement?
. Vous sentez que, quand de pareilles hypothèses se présentent, la défense
ne manque pss de se rejeter dans l'art. 64 ; d^étabiir que raoensé, par la nature
même du fait qu'il a commis, par cette idée générale que l'homme n'agit pas
sans motifs, que l'accnsé doit être réputé ou en état de démence, ou sous
l'empire d'une puissance irrésistible, interne, qui l'a entraîné à cet acte. Que
de pareilles défenses soient reproduites, soient présentées, certes il n'y a pas
de raisons d'en faire un grave blâme au défenseur. Mais au fond sont-elles
bien justes, bien raisonnables ? De ce qu'aucun motif ne nous apparaît, de ce
qne nous reconnaissons même qu'il n'en enste aucun, ou au moins aucun de
ceux qui déterminent les crimes ordinaires ; de coque, en un mot, il est bien
constant que le crime eoinmisn'a d'autre mobile que cet affreux instinct du
meurtre, s'ensuit-il qu'il y ait démence, qu'il n'y ait pas liberté, et que par
coiuéquent il n'y ait pas crime f La question est fort délicate et dépendra
beaucoup des faits. Pour ftiire la part à l'humanité tout autant qu'à la raison,
il faut commencer par reconnaître qu'un tel acte peut rentrer quelquefois,
suivant les circonstances, dans le cas de démence prévu par l'art. 64. Gertai-
nsoient il est possible qu'un homme^ jusque-là sain d'esprit, atteint brusque-
ment de je ne sais quel vertige, débute dans la folie par un acte de férocité ;
il est possible que ce meurtre Inexplicable ne soit que l'indice d'une fàreur
qui commence. Mais en est-il l'indice nécessaire ? tout fait de cette nature
Buppose-t^ii nécessairement la démence, et doit*il par cela même être suivi
d'un acquittement ? C'est ce qu'il parait impossible dVidmettre comme un sys-
tème général. En effet, pourquoi l'art. 64 défend-il de voir un crime ou un
délit où la volonté et rintelligence ont manqué ? C'est apparemment, c'est
évidemment parce qu'il n'y a là qu'un acte matériel commis par un homme,
comme il aurait pu l'être par une bête, commis par un homme qui n'a su ce
qu'il iîBÛsait, qui Fa peut*être su phynquement, mais qui, moralement, n|a
pas mesuré l'étendue et la portée de cet acte. Or, cette circonstance existe-t-^'
dans la supposition f De ce qu'il n'y & &i intérêt d'argent, ni intérêt de
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190 TRBIZIÀMB LBÇ. — DBS EXGU8R8 (n« 149).
geance, ni intérêt de colère^ pour expliquer ce crime, B'enroit-il qu'il n'y ait
pas de motifo, et que le crime, par là môme, soit un acte physique à peine
connu de celui qui l'a exécuté ? Non certes, le monomane, celui qui tue sans
autre mobile que celui de voir couler du sang, n*est pas moins éclairé que
celui qui tue dans un emportement de colère, de passion, de jalousie ; l'un et
Fautie ont parûiitement pu sentir ce qu'ils £ai8aient ; dans l'un et l'autre le
sens moral était attaqué, mais dans Tun et l'autre il était suffisant pour résister
i l'entraînement, tous deux ont senti Timportancede l'acte moral qu'ils allaient
faire, tous deux ont pu sentir que l'acte était coupable, tous deux ont senti le
remords après l'accomplissement du crime, et surtout la crainte de la peine.
Or, où il y a sentiment du mal qu'on fait, et effort pour se cacher ; où il y
a remords, et surtout crainte de la peine, apparenunent qu'il n'y a pas de
démence ; où Ton sait que ce que Ton fait est mal, moralement, où l'on prend
des précautions 4)our parer la peine, on atteste clairement qu'on n'est pas
dans l'état de démence, de fureur, d'imbédUité, prévu par le premier cas de
l'art. 64.
Dira*t-on maintenant que, s^il n'y a pas démence dans le sens exact du mot,
si le monomane a compris qu'il faisait mal, si, en un mot, l'intelligence ne
lui a pas manqué, dira-t-on au moins que la liberté lui a manqué? dirait-on
que s'il n*était pas dans le premier cas de l'art. 64, dans un état de démence
même instantanée, même partielle, il était dans cet état de contrainte à la-
quelle on ne peut pas résister, et qu'au moins, sous ce deuxième rapport, il
échappe encore à l'application de la peine?
Si cette idée était vraie, si cette défense était juste, et elle se rattache au
sens que nous devons donner aux derniers mots de rartido, je ne sais pas
vraiment s*ily aurait au monde un crime puiiissable.
De quelle contrainte, en effet, entendent parler les derniers mots de l'ar-
ticle 64? Évidemment et sans difficulté de la contrainte étrangère, externe,
de celle dont nous ne sommes pas la cause, et qui nous force à agir malgré
nous. Voilà le premier sens. C'est de la contrainte physique, fort rare en fait,
presque insupportable, comme nous le verrons bientôt; ou même de la con*
trainte morale, mais de la contrainte morale exercée sur nous par des tiers ou
par des fiuts que nous n'avons pas pu dominer ou prévoir. Mais s'agit-il dans
l'artide 64 de cette contrainte morale qu'exerce sur un homme devenu cou-
pable une passion à laquelle il n'a pas pu résister; de cette contrainte monde
qui se produit à sa naissance sous la forme d'un désir timide et mollement
combattu, au contraire caressé, encouragé et qui, devenu plus fort, a fini par
exercer sur celui qui ne l'a pas combattu un empire irrésistible? Si c'était là
le sens de Tart. 64, il n'y aurait pas, je le répète, de crime punissable. Il fiiut
bien croire, en effet, pour l'honneur de l'homme, de l'humanité, qu'au mo-
ment de Taccomplissement d'un grand crime, il n'y a jamais de sang-froid com*
plet, jamais pleine et entière liberté morale; il faut bien admettre que celui
qui se porte à assassiner, ne s'y est porté que par degré, et qu'au dernier
moment il ne peut plus vouloir s'arrêter et reculer, mais^en ceci encore, en
quoi l'acte du monomane diffère-t-ilde celui de l'assassin? Celui qui assassine
par colère, par passion, par jalousie, celui-là aussi, au moment de firapper,
n'est plus le maître de s'arrêter; celui-là est sous l'empire d'une contrainte
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DB LA IXtlflDfCB (aRT* 64). 191
devenue irrésistible, sons l'empire d'une ooatnûnte qui rentrtfne, qui le do*
mine en esclave : il n'est ni pins ni moins éclairé, ni pins ni moins libre qne
le monomane.
En un mot, la monomanie par elle-même, lorsqu'elle est bien séparée de
tout fait de folie proprement dite, — c'est là qu'est la question ou la difficulté
de fait, — la monomanie par elle-même ne me parait rentrer ni dans le cas de
démence ni dans le cas de contrainte des deux hypothèses de l'art. 64.
150. Nous avons maintenant à nous occuper du cas de la contrainte, du
défaut de liberté dont nous venons de dire un mot à propos delà monomanie,
mais sur lequel il est bon de nous arrêter avec un peu de détails.
il iCy a ni crime ni délit lorsque le prévenu a été contraint par une force à la^
quelle il n^apas pu résister, La cause, le motif est connu ; voyons les cas d'ap-
plication. ♦
De quelle force est-il icf question ? Quelle est cette contrainte irrésistible qui
enlève à l'acte matériel si dommageable, si sanglant qu'on le puisse supposer,
tout caractère de criminalité, toute application de pénalité? Point de doute,
lorsqu'il s'agit d'une force physique, directe, immédiate, qui vous a contraint
malgré vous à frapper ou à faire l'acte coupable. Mais vous sentez que de tels
cas n'arriveront pas, qu'on ne prendra pas votre bras pour vous forcer à frap-
per, à incendier, à voler.
Ce n'est donc pas à des cas de contrainte physique, directe, immédiate, que
nous devons borner l'application du deuxième cas de l'art. 64, nous l'enten-
drons de même du cas de contrainte morale, c'est-ft-dire du cas où, pour vous
soustraire à l'imminence d'un péril grave, d'un péril sérieux, pour plier sous
une^loi toute-puissante, le besoin, le sentiment de la conservation^ vous aurez
commis un fait que la loi pénale prévoyait et punissait.
La chose ne souffrira pas de doute, pas de difficulté d'application pratique,
lorsque, pressé par le besoin de votre conservation, vous aurez, pour l'assurer,
sacrifié la vie même de celui qui mettait la vôtre en péril. En un mot, dans le
cas des art. 327 et 328, qui ne sont guère que l'application spéciale des der-
niers mots de l'art. 64, dans ce cas, l'homicide sera suffisamment justifié, l'ho-
micide sera dépouillé de tout caractère punissable, par cela seul qu'il aura
été commis en état de légitime défense. Lorsque le mal qufvons pressait était
grave, sérieux, lorsqu'il s'agissait, non pas de simples provocations, fût-ce
même par des violences, mais lorsque votre vie était réellement en péril,
vous avez pu sacrifier sans hésiter la vie de celui qui mettait la vôtre en péril.
Meus ce cas de légitime défense, bien différent de celui d'excuse dont nous
parlerons sur l'art 65, est-il le seul sur lequel les termes de l'art. 64 puissent
s'appliquer? Autrement, serez-vous punissable comme meurtrier, lorsque,
pour obéir au sentiment de la conservation, vous aurez sacrifié, non pas la
vie de celui qui mettait la vôtre en péril, mais la vie d'un tiers parfaitement
innocent, absolument étranger au danger que vous couriez ? De telles hypo-
thèses sont rares; on peut cependant les supposer, elles ne sont pas sans s'être
présentées quelquefois. Dans le cas où elles se présenteraient, les termes de
l'art. 63 paraissent encore s'appliquer : la puissance de la contrainte, lorsque*
cette contrainte vient du dehors, lorsque le danger est grave, sérieux, lors
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192 TREIZliMB LBÇ. — DBB BZGU8B8 (n* 151).
qu'il y ya de la Tie^ la puissanoe de la contrainte est bien loin sans donte
d'excuser moralement, de décharger de tonte responsabilité de conscience ce*
lui qui a sauvé sa vie aux dépens de celle d'un autre; mais la loi ne peut guère
y voir matière à pénalité, la généralité de ses termes parait en exclure Tappli-
cation.
151. Au reste, ce n'est pas là encore que peut se borner l'art. 64, et, pour
l'appliquer, nous ne devons pas nous borner à prendre des exemples de con-
trainte physique ou de contrainte morale, résultant de l'imminence d'un péril
actuel, auquel vous ne pouviez vous soustraire. La contrainte morale, celle
de Fart. 64, peut être encore d'une autre nature; elle peut résulter du con-
cours, de l'opposition, du conflit de deux devoirs, et c'est à ce point que se
rattache la question si débattue et si insoluble en théorie, de Tobéissance
passive.
Exemple : Jusqu'à quel point le soldat, qui, dans l'exécution des ordres par
lui reçus, a commis un fait punissable d'après la loi criminelle, jusqu'à quel
point esi-il responsable, je ne dis pas morâlement, mais môme pénalement,
jusqu'à quel point est-il responsable devant la justice humaine ?
Certainement, à toute rigueur, la théorie peut arriver à resserrer, un peu le
cercle immense qu'embrasse une telle question ; mais en réalité, ce seront
toujours là des questions de fait, des questions de pratique, et non pas des
questions de doctrine. En doctrine, je ne puis, à cet égard, répondre qu'un
mot, c'est que la hiérarchie militaire, c'est que l'obéissance absolue que, par
des motifs impérieux, l'inférieur doit à son supérieur militaire, ne doit pas ce-
pendant, ne peut pas aller jusqu'à faire d'un être rationnel, d'un être moral,
une machine qui puisse et qui doive obéir aveuglément, c'est qu'il est des cas
difficiles à déterminer d'une manière absolue et générale, où l'homme doit re-
prendre le discernement, où la justice humaine adroit de demander compte à
l'inférieur de l'exécution d'un acte dont il a pu, dont il a dû apprécier et sentir
toute la criminalité.
Mais quand il s'agit de fixer ces faits, de lesdétenniner à l'avance d'une ma-
nière précise, générale, que les circonstances ne pourront jamais faire varier,
la question devient presque insoluble ; elle variera en pratique selon bien des
circonstances que nous ne pouvons toutes prévoir, mais dont il est possible
d'indiquer quelques-unes. Elle pourra et devra varier pour le jury, à qui cette
question sera soumise, d'abord selon la position et l'éducation, le plus ou
moins de lumière de Fauteur du fait qui a obéi; elle variera selon que Fexécu-
tîon de l'ordre était plus ou moins nécessaire; elle variera en temps de guerre
et en temps de paix; elle variera enfin et le plus souvent, quant au rapport,
quant au degré d'infériorité qui soumettait celui qui a reçu et qui a exécuté
l'ordre à celui qui le donnait. Il est clair que la responsabilité sera tout autre
à regard d'un agent d'un rang élevé vis-à*vis d'un agent qui lui était supé-
rieur, qu'à l'égard d'un agent du dernier degré qui n'a guère pu ni raisonner
ni connaître la portée de ce qu'il faisait.
Je n'ai vu nulle part, dans les auteurs qui ont essayé de débattre ces ques-
tions, la possibilité de solutions qui puissent déterminer nettement et d'avance
la limite d'une obéissance, qui cependant, tout le monde le reconnaît, doit
iiécessairement avoir et admettre des limites. C'est au jury, en présence de
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DB LA CONTRAINTE (aRT. 64). 193
l'article 64, à se poser cette question : les circonstances étaient-elles de telle
nature, l'obéissance tellement impérieuse, l'acte ponvait-il présenter dans sa
moralité un caractère d'ambiguïté et d'incertitude tel qu'on puisse raisonna-
blement dire que celui qui l'a exécuté a agi sous la contrainte morale qui
enlève au fait toute pénalité? dans ce cas, la déclaration de non coupable sera
la conséquence de Fart. 64. Dans le cas contraire, l'article sera inapplicable.
152. Voilà pour le cas où les cirtonstanees de l'art. 64 enlèvent au fait toute
criminalité, et remarquez comment, dans ces hypothèses, on arrive, en ma-
tière criminelle, à l'application de cet article ; notez bien qu'on ne soumet,
pas, qu'on ne doit pas soumettre au jury la question de savoir si l'accusé était,
au moment de l'acte, en état de démence ou de contrainte, une pareille rédac-
tion serait insignifiante, elle serait même déraisonnable ; la question à sou-
mettre au jury est uniquement celle-ci : Un tel est-il coupable d'avoir commis
tel ou tel acte? En effet, comme maintenant la position des questions est com-
plexe, comme en adressant au jury la question ainsi conçue : Un tel est-il coupa'
bief lai cour d'assises ne lui demande pas : Un tel a^t-il commis le fait? mais
bien : Est-il coupable de l'avoir commis ? comme le jury est interrogé à la foiset
sur Texistencc matérielle de l'acte, et sur la part que l'accusé y a prise, et sur
l'immoralité qui seule peut rendre l'accusé responsable, il est clair que les
questions de démence, que les questions de contrainte sont implicitement ren-
fermées dans la généralité de la question : Un tel est-il coupable ?
Ainsi, de même que ce serait une manière peu logique, ou plutôt une ma*
nière contradictoire de questionner le jury que de lui demander : Un tel est-il
coupable? était-il en état de démence ? de môme, de la part du jury, ce seraitune
réponse peu logique que celle-ci, qui pourtant a été faite : Oui, l'accusé est cou-
pable (f avoir commis tel vol, tel meurtre; mais il était en état de démence. La
réponse est contradictoire, illogique ; car, s'il était en état de démence, il n'y
avait pas culpabilité; dès lors la réponse devait être celle-ci : Non, V accusé
n'est pas coupable. Mais, quelque bizarre que soit la forme de répondre prise
par nu jury, qui se trompe évidemment sur la question qu*on lui pose et sur
l'étendue de ses devoirs, quelque bizarre que soit la forme, le résultat n'est
pas douteux; quand le jury répond : Oui; V accusé est coupable; mais il était
en état de démence^ il est clair qu'il dit en réalité : I^on, k^cousé n'est pas cou-
pable.
153. U en est autrement dans les cas de l'art. 65, dans le cas d'excuse ou
d'atténuation, dont il nous reste à parler. Cet article, qui défend au juge tout
adoucissement dans la peine, aux jurés toute déclaration d'excuse hors des cas
prévus et consacrés par la loi, diffère de l'art. 64, en ce que ce dernier suppose
l'absence de pénalité,tandis qu'ici il n'y a qu'atténuation; en ce que dans l'art. 64
il n'y a pas de questions spéciales à poser au jury, tandis qu'ici il faudra en
poser une.
« Art. 65. Nul crime ou délit ne peut être excusé, ni la peine mitigée, que dans
les cas et dans les circonstances où la loi déclare le fait excusable, ou permet de
lui appliquer une peine moins rigoureuse. j>
Nous avons à examiner sur cet article trois points bien distincts : le pre-
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194 TREIZIÈME LEÇON. — DES EXCUSES (n* 153).
mier est fort simple et n^exige que la citation de quelques textes^ c*est le cas
de mitigation de la peine ; le second demande plus de détails, et présente plus
de difficultés^ c'est le cas d'excuse, dont parle également l'art. 65; le troisième
présente une grande importance, c'est le cas des circonstances atténuantes.
Ainsi, 1<* quels sont les cas où la peine est mitigée? 2<> quels sont les cas dans
lesquels le fait est excusable, et quels sont en droit pénal le sens et la portée
du mot excuse ? 3<» enfin nous devons rattacher à cet article Texplication d'un
système auquel il ne nous renvoie pas, mais qui s'y trouve nécessairement com-
pris de la manière la plus positive, le système important des circonstances
atténuantes, tel qu'il est développé par l'art. 463. Occupons-nous aujourd'hui
de la mitigation de la peine et de l'excuse.
En ce qui touche la mitigation ou l'adoucissement de la peine, vous trou-
vez des exemples d'application dans les articles qui suivent immédiatement,
dans les cas des art. 67, 69 et 70 du Gode pénal. Vous y verrez la peine xpi-
tigée, dans les cas prévus par ces arlicles, par des raisons que nous explique-
rons bientôt et que d'ailleurs la lecture même de ces textes fait assez com-
prendre.
154. Mais, à Tégard des excuses, la matière présente plus de difficulté.
Qu'est-ce au juste qu'une excuse, et quelle esûa différence entre les cas d'excuse
de l'art. 65 et les cas de non-culpabilité de l'art. 64? La première qui se pré-
sente, celle qu'on indique généralement, celle à laquelle je viens de me référer
comme étant vraie, au moins dans nombre de cas, c'est celle-ci : dans le cas
de Fart. 64, par cela seul que le fait a été commis en état de démence ou de
contrainte, il n'y a point de crime, point de délit, il n'y a innocence complète
aux yeux de la loi pénale, il n'y aura pas de peine possible applicable ; au con-
traire, dans le cas de l'art. 65, il y a un crime, mais ce crime se trouvant
accompagné d'antécédents ou de faits qui en modifient la gravité, la peine dimi-
nue dans les proportions que la loi pénale prendra soin de déterminer. La pre-
mière différence entre les art. 64 et 65, quant àPexcuse, est donc celle-ci :
c'est que dans l'art. 64 toute criminalité, toute pénalité disparaît; an contraire,
dans l'art. 65, la criminalité et la pénalité subsistent, seulement le crime est
excusable, et par conséquent la peine est moins forte. Cette différence cadre
sans doute très-bien avec les articles du Gode pénal où le mot d'excuse est
formellement articulé. Dans les art. 321 et suivants nous verrons que la loi
énumère certaines circonstances d'un acte coupable comme atténuant, comme
diminuant la criminalité et la pénalité de ces actes, mais sans l'effacer tout à
fait.
Ainsi vous voyez dans l'art. 321 que le meurtre est excusable quand il a été
provoqué par une violence grave envers le meurtrier. Ce n'est pas le cas
de contrainte de l'art. 64, ce n'est pas le cas de légitime défense de l'art. 327 :
il n'y avait pas nécessité de tuer, donc, en tuant, on a encouru une pénalité ;
mais il y avait au moins de graves raisons qui atténuent, qui modifient le
crime, et par conséquent la peine. Cet art. 321, indiquant un cas d'excuse qui
diminue la peine, cadre très-bien avec la définition qu'on donne généralement
dans l'excuse.
De même, l'art. 324, déclarant excusable le meurtre de l'époux sur l'épouse
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DBS FAITS d'excuse (aRT. 65). 195
en cas de flagrant délit d'adultère dans la maison conjugale^ n'enlève pas par
là même à ce meurtre tout caractère de criminalité, et par conséquent toute
pénalité; le meurtre, quoique excusable, est punissable et sera puni; seule-
ment la peine, d'après l'art. 326, sera une peine d'emprisonnement et non
point la peine ordinaire du meurtre.
Dans le cas où laloi articule expressément de cas d'excuses, il y a atténuation,
il n'y pas abolition complète de la peine.
Cependant, en parcourant le Gode pénal, on rencontre d'autres cas dans
lesquels, par des circonstances assez nombreuses, assez diverses, et qu'il serait
difficile de formuler d'une manière générale, la loi ne se borne pas seulement,
comme dans Tart. 326, à diminuer la pénalité, mais dans lesquels elle l'efface,
eQe la fait disparaître quelquefois complètement. Ces cas, d'ailleurs, ne ren-
trent pas dans l'art. 64^ dans les cas d'inculpabilité morale et légale, dans le
cas de violence, de contrainte ou de démence. Par exemple, dans les art. 114
et i90 du Gode pénal, vous voyez que certains actes arbitraires, certains actes
coupables commis par des fonctionnaires, môme dans l'ordre civil, sont punis
de peines que la loi détermine dans ces deux articles; mais néanmoins la peine
ne sera pas appliquée au fonctionnaire coupable, s'il établit que l'acte accom-
pli par lui l'a été en exécution de l'ordre d un supérieur. Là, sans doute, où
nous sommes en dehors de la hiérarchie militaire, où nous sommes en dehors
de ces règles d'une obéissance presque aveugle, presque absolue, que la sûreté
des choses nécessitait, nous ne sommes pas dans l'hypothèse de cette con-
trainte, de cette force à laquelle on n'a pu résister. Certes, personne ne dira
que le fonctionnaire qui, en ayant reçu l'ordre, accomplit, dans la connaissance
de leur immoralité, les actes définis par les art. H4 et 190, personne ne dira
qn^il était sous l'empire d'une contrainte à laquelle il n'ait pu résister; en pareil
cas personne n'est contraint, car si les fonct?ons que vous avez vous obligent
quant à présent à tel acte, vous êtes libre de les quitter et le soldat n'en est
pas là. Cependant la loi déclare dans ce cas que la peine ne sera pas applicable
et cela par des motifs qu'il est facile d'expliquer. Est-ce le cas de l'art. 65 on
de l'art. 64? On est évidemment dans le cas de l'art. 63, on est dans le cas
d'excuse, quoique la loi ne se serve pas de ce mot ; c'est-à-dire qu'il ne suf-
fira pas de demander au jury : Vaccusé est-il coupable ? Il faudra, en le consul
tant, lui soumettre en môme temps et subsidiairement la question de savoir
si le fait, bien que coupable, ne doit pas être exempté de la peine précisément
à raison de ce qu'il a été commandé : la peine, bien qu'encourue par le fonc-
tionnaire accusé, ne doit pas se reporter plus haut, et frapper, au lieu de l'in-
férieur qui a exécuté Tordre, le supéiieur qui l'adonné.
Des exemples plus frappants encore se trouvent dans les art. 100, 108 et 213
du Gode pénal, vous en avez également un dans l'art. 138. Vous voyez dans
Fart. 138 qu'il est question du crime de fausse monnaie, et la loi, après avoir
établi dans les articles qui précèdent certaines pénalités contre les auteurs de
ce crime, porte : f Les personnes coupables des crimes mentionnés aux art. 13^
et 133, seront exemptes des peines, si, avant la consommation de ces crimes
et avant toutes poursuites, elles en ont donné connaissance et révélé les au-
teurs aux autorités constituées, ou si même, après les poursuites commencées,
elles ont procuré l'arrestation ces antres coupables. Elles pourront néanmoins
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196 TREIZIÈME LEÇON, — DES EXCUSES (m® 154).
être mises, pour la vie ou à temps, sous la surveillance spéciale de la haute
police. > Dans ce cas il est clair qu'on n'est pas dans l'art. 64 ; il s'agit d'un
homme évidemment coupable, coupable d'un crime grave, du crime de fausse
monnaie. L'a-t-il commis sachant ce qu'il faisait? Évidemment. L'a-t*il commis
en pleine liberté, sans aucune contrainte ? Évidemment encore : il n*est donc
pas dans le cas de Tart. 64. Cependant le fait qu'avant toutes poursuites il a
donné connaissance du crime et a fait connaître ses auteurs^ ïexempte de la
peine, expression remarquable. Il est coupable, personne n'en doute, mais
dans un motif qui n'est pas, à vrai dire, un motif de faveur ou d'atténuation
de son crime, dans un motif de pur intérêt public ; le législateur lui fait remise
de la peine, remise tantôt complète, tantôt facultative à quelques égards. On
n'est pas là dans le cas de l'art. 64, on est dans le cas de l'art. 65 ; il s'agit
d'une excuse, ou, si vous voulez, d'un pardon, d'une remise, d*une exemption
de la peine que le législateur, par des motifs de pur intérêt public, et non
d'indulgence véritable pour le coupable, va octroyer à celui qui a commis le
crime. Nous voilà encore dans un de ces cas où il faut procéder comme en cas
d'excuse, où il faut nécessairement soumettre au jury les deux questions que
voici : Un tel esi-il coupable d^avoir commis le crime de fausse monnaie, tel qu*il
est défini par les art, 132 et suivants ? Ensuite : Â-t-il avant toutes poursuites
fait connaître à Vautorité judiciaire le crim^ et ses auteurs ? Cette deuxième
question, résolue, comme la première, affirmativement, entraînera tantôt
l'exemption absolue de la peine, tantôt la. simple surveillance de la haute po-
lice, aux termes des derniers mots de l'art. 138.
Ces exemples une fois posés, comment donc définirons- nous l'excuse ? car
il est bien clair que, dans le sens le plus large du mot, nous trouvons des cas
d'excuse, non-seulement dans l'art. 321, mais aussi dans les art. 100, 108, 138,
114, 120, nous trouvons là des cas d'excuse, c'est-à-dire des circonstances qui
tantôt diminuent, tantôt empêchent l'application de la peine à un coupable
dont le crime est bien constant, bien reconnu, à un coupable qui a agi libre-
ment. C'est que nous ne devons pas entendre le mot d'excuse, dont se sert
l'art. 65, dans le sens restreint, étroit, limité qu'on lui donne généralement,
en un mot, dans le sens des art. 321 et 326. Dans les art. 321 et suivants, le
mot d'excuse a un sens techniqae qu'il ne paraît avoir ni dans l'art. 65 du
Gode pénal, ni dans l'art. 339 du Code d'instruction criminelle. Qu'est-ce donc
maintenant qu'un fait d'excuse, et à quoi distinguerons-nous les actes excu-
sables dans le sens général du mot, dans le sens de l'art. 65, d'avec les actes
împunissables, d'avec les actes innocents dans le sens de Tart. 64 ? La diffé-
rence sera toujours celle-ci, que, dans le cas de l'art. 64, la question est toute
en fait, la question est toute du ressort du jury, qui n*a même pas besoin
d'être formellement consulté pour savoir si l'accusé est coupable ; s*il est dans
les cas de l'art. 64, le jury n'a qu'à apprécier des faits matériels et des faits
moraux ; des faits matériels, a-t-il agi î des faits moraux, a-t-il voulu et a-t-il
su ? Au contraire, dans les cas de l'art. 65 et dans les articles de renvoi que
je viens de citer, la position est tout autre. En supposant même que la consé-
quence soit l'acquittement de l'accusé, soit le renvoi de l'accusé, cependant il
n'est pas vrai de dire qu'il n'y ait pas crime, il y a crime, et crime commis
par lui ; le jury l'aura formellement déclaré dans les art. 100, 108, 138, 114
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DBGT FAIT3 D^KXOUSB (aRT. 65). 197
et 190, eomme dans les art. 321, 324 et 325. Mais, dans tons las eis pr6?as
par Tart. 65, la cour d'assises aura en besoin de poser formellement an jnry la
question de savoir si l'on se trouve dans les circonstances prévues par la loi,
c'est-à-dire si, à raison de la provocation, à raison de l'ordre reçu, si, enfin,
à raison de la révélation postérieure, il y a lieu à excuser, à remettre la peine,
à pardonner. Dans tous les cas, on aura constaté d'une part le crime de
l'accusé, de l'autre on aura atténué, ou même on aura annulé la peine ; mais
il y aura un coupable convaincu, quoique quelquefois impuni ; il y aura un
coupable, ce qui n'est pas dans l'art. 64, oti la réponse du jury est une ré-
ponse purement négative et non pas une réponse de culpabilité suivie d'une
réponse d'excuse.
Ge qui nous reste maintenant est la partie la plus importante du sens de
l'art 65, combiné avec l'art. 463. Nous y consacrerons la première partie de
la prochaine leçon.
QTJÂTORZiÈMl LEÇON.
155. Nous avons vu, dans la dernière leçon, les premières applications du
principe de l'art. 65, d'après lequel aucune peine ne peut être mitigée, aucun
crime ou délit excusé, que dans les cas où la loi déclare le fait excusable ou
permet de mitiger la peine. Gomme exemple de mitigation de peine autorisée
par la loi, ou commandée par elle, nous avons cité les art 66, 67 et suivants ;
comme exemples d'excuses proprement dites, nous avons cité les art. 321, 324,
825; nous y avons joint l'art. 463, dans lequel il y a une sorte d'excuse, encore
bien que la loi n'y applique pas cette expression. Enfin, je vous ai dit que
dans certains cas la peine était ou mitigée» ou même complètement remise, à
raison de faits qui, sans être à proprement parler des excases, jouaient cepen-
dant ce rôle dans la procédure criminelle ; j'ai cité les art. 114, 190, 100, 108,
138 et 213. Dansées divers cas, il y a plutôt pardon, remise, exemption de la
peine, que véritable excuse ; mais toujours est-il qu'il y a peine légale, ques-
tion à poser formellement au jury et dont la conséquence sera tantôt un adou-
cissement, tantôt une suppression de la peine.
Tels étaient en 1810 les seuls cas d'application de l'art. 65 : lors de la révi-
sion de 1832, la lettre de cet article n*a nullement été cbangée ; mais en res-
tant identiquement, matériellement ce qu'il était dans la première rédaction
du Gode, l'art. 65 a reçu pourtant d'une manière implicite et détournée une
extension de sens, une extension d'application fort remarquable par l'art. 463.
Ainsi nous avons à nous occuper du système nouveau des circonstances atté-
nuantes, système organisé par l'art. 463, et qui rentre d'une manière directe
dans Vapplication, dans la portée de Fart 95. En effet, ces circonstances décla-
rées, dans les cas et la manière que nous expliquerons, auront pour effet
d'entraîner des adoucissements notables dans l'application de la peine. Mais,
pour bien comprendre le but et l'étendue de cette innovation, il est nécessaire
de remonter assez baut et de parcourir, soit dans l'ancienne, soit dans la nou-
velle législation pénale, les différents systèmes adoptés quant à la détermina-
tion de la peine.
156. Déjà je vous ai dit qu'avant le Gode de 1791, les peines étûent arl
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198 QUATORZIÂMB. LEÇON. *— DBS EXCUSES (n"" 156).
traire ; TordoKinaiice de 1670 s!occapait uniquement de l'instruction, de la
procédure criminelle ; elle ne fixait pas, ne déterminait pas Tapplication des
pénalités. Cette application restait donc à peu près entièrement soumise à Tar*
bitraire, à la convenance des tribunaux criminels. Ce système était mauvais,
sans doute, et je suis loin de Tapprouver ou de le regretter ; cependant il est
bon peut-être pour Fintelligence de ce qui va suivre, de constater dès à présent
quels avantages il pouvait présenter alors.
Le système des peines arbitraires abandonné, je ne dirai pas au caprice,
mais à la volonté des tribunaux criminels, peut offrir cet avantage, que le juge,
placé en face de l'accusé, en face du fait individuel, peut apprécier la gravité
morale de tel fait, et établir Timportance de telle culpabilité d'une manière
plus sûre, plus précise que le législateur ne peut le faire à Tavance. La loi
procédant nécessairement par catégories générales, par dispositions fort éten-
dues, ne peut pas tenir compte des nuances infinies qui séparent dans le fait,
dans la réalité, tel vol de tel autre vol, tel crime de tel autre crime. Ce que la
loi ne peut faire, le juge peut et doit le faire ; placé en présence de Tindivi-
dualité, mis à môme d'apprécier les plus légères circonstances qui ont précédé
ou accompagné le fait, il peut, quand la peine est arbitraire, proportionner le
plus ou moins de gravité de la peine au plus ou moins de gravité morale que
présente le fait, au plus ou moins de culpabilité qu'il rencontre dans l'individu
placé sous ses yeux.
Mais, à côté de cet avantage réel, se trouvaient des inconvénients immenses,
qui suffirent pour faire proscrire tout à fait le principe de l'arbitraire des
peines.
Le juge, sans doute, sous le rapport que nous indiquons, peut être plus
éclairé, en ce sens qu'il apprécie en détail toutes les circonstances qui peuvent
se présenter dans l'affaire ; mais, si sous ce rapport il peut avoir plus de lu-
mière, il est bien à craindre aussi qu'il n'ait pas autant d'impartialité. Le lé-
gislateur, par cela même qu'il statue à l'avance par une disposition générale,
sans avoir sous les yeux et dans l'esprit aucun fait individuel, statue d'unema-
nière impartiale, désintéressée ; au contraire, tout à fait libre d'appliquer une
peine grave ou une peine insignifiante, le juge, dominé dans l'application de
la peine par TinQuence des circonstances dont il prend connaissance, gardera
difficilement cette impartialité et ce désintéressement judiciaire, essentiel
à la bonne application d'un système pénal ; il est à craindre que, connaissant
parfaitement, ou croyant connaître parfaitement les circonstances du fait
qui lui est soumis, il ne se laisse entraîner tantôt à une excessive indul-
gence, tantôt à une excessive sévérité, dans tel cas à absoudre pleinement,
dans tel autre à condamner trop fortement. Il est à craindre, en un mot, qu'il
ne se croie investi d'une plénitude de pouvoirs, d'un droit de lier et de délier,
de pardonner, d'excuser un crime en faveur du repentir ; qu'il ne se croie
investi d'un pouvoir qui n'appartient pas, qui ne peut pas appartenir au juge
ordinaire.
Il y a un autre inconvénient bien plus grand : à part ces mouvements
de colère, de vengeance, ou, en sens inverse, à part ces mouvements d*'une
indulgence excessive, ce système pècbe sous un second rapport, c'est qu'il
manque complètement du seconc^ but de la justice pénale, c'est-à-dire de
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DBS FAITS d'excuse (aRT. 65 ET 463). 199
rexemplarité. L'an des objets de la jastice pénale est, avons -nons dit, de
dêtonmer, d'effrayer par l'exemple les individus qui pourraient être tentés
d^imiter le coupable puni. Or, quand la peine est arbitraire, ce but est complè-
tement manqué : tantôt, par exemple, on punira d'une peine extrêmement
forte celui qui, avant de commettre le crime, n'aura pas connu, n'aura pas pu
connaître l'exemple d'une peine aussi forte appliquée à un fait pareil ; tantôt,
an contraire, à raison de circonstances tout à fait personnelles, les juges, à tort
ou à raison, auront puni un fait grave, un fait dangereux d'une peine insi-
gnifiante et, laisseront, par là môme, la société peu armée contre le retour du
môme péril.
Ainsi, dans le régime des peines arbitraires, il y a à craindre : !• que le juge
ne s* écarte trop facilement de la justice sous les impressions du moment, dont
il est difficilement le maître ; 2^ que la peine ne soit pas exemplaire, précisé-
ment parce qu'à chaque pas, à chaque jour, à chaque fait elle varie dans sa
nature et dans son intensité ; précisément parce que ce grand précepte n'est
jamais suivi, moneat lex priusquam feriai.
Aussi, dans le Code pénal de 1791, fut-on vivement frappé des inconvé-
nients de Tarbitraîre dans les peines ; et, comme il arrive trop souvent, le
législateur, préoccupé des vices de la législation qu'il voulait abolir, se jeta
pleinement dans une idée toute contraire, et substitua à l'arbitraire absolu,
que les anciens usages accordaient aux tribunaux, des régies de pénalité
fixes, générales, absolument invariables. On détermina, pour chaque crime,
pour chaque délit, une peine dont les tribunaux ne pourraient s*écarter ni
en plus ni en moins, une peine dont la nature, dont l'étendue, dont la durée,
n'étaient susceptibles de varier dans aucune hypothèse et en faveur d* aucun
accusé.
Certainement, ce principe tout à fait opposé de peines fixes, inflexibles, in-
variables, annoncées à l'avance, présentait au premier coup d' œil un assez grand
avantage, c'est celui d'être exemplaire au souverain degré. Et, en effet, si la
justice n'était que de l'utilité, si dans l'application des peines la société ne son-
geait qu'à faire une guerre défensive, il n'y aurait certainement rien de mieux
que d'attacher, àl'avance à chaque fait déterminé une peine aussi déterminée ;
que d'annoncer à l'avance à chacun de ceux que pourrait tenter un crime,
quelle est, à un jour près, la durée de la peine à laquelle il doit s'exposer. Mais,
d'autre part, il est clair que ce système, sacrifiant tout au besoin d'être exem-
plaire, pèche sous un autre rapport ; c'est précisément celui que j'indiquais
tout à l'heure. Le législateur, statuant ainsi à l'avance, et d'une manière
générale, est nécessairement impartial ; mais il faut bien reconnaître que,
dans nombre de cas, il est nécessairement aveugle. Le législateur ne peut
pas, par des catégories générales et inflexibles, embrasser d'une manière
également sage et juste, la variété infinie des nuances qui, dans la pratique,
sépareront l'un de l'autre des faits frappés de la même peine. Par exemple,
il est sensible qu'entre le vol d'un objet d'une valeur légère, le vol d'un pain,
commis sans préméditation, sous l'influence de la faim la plus pressante, et
celui de 100,000 écus, commis après une longue préméditation, par un homme
consommé et habitué dans le crime, il existe une énorme différence morale.
Est-ce donc que la loi pénale pourra sans injustice, sans de graves inconvô-
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200 QUATOBZIÂMB LEÇON. — DES EXCUSES (n^ 156).
nients, appliquer nne peine égale à des faits qui, l^alement synonymest sont
cependant moralement très-distants Tan de l'autre ? De môme, dans tous les
crimes^ il est évident que mille circonstances, les antécédents, la position de
l'accusé^ les exemples, les conseils qui ont pu le déterminer au mal^ il est
sensible que tout cela exerce moralement sur la gravité de sa faute une in-
fluence dont le législateur ne peut pas tenir compte à Tavance. Sous ce rap-
port, on voit donc que le système de la loi de 1791 présentait un premier in-
convénient, n avait au reste un avantage, c'était de séparer, de maintenir
nettement dans la pratique la division théorique entre les pouvoirs du jury et
des tribunaux ; c'était de borner le jury à la pure déclaration de Texistence
du fait et de sa moralité, et de ne laisser aux juges, aux tribunaux chargés
d'appliquer la peine, aucune espèce d'examen, d'appréciation de la nature des
faits déclarés par le jury.
Mais des inconvénients de ce système, et môme de l'avantage que nous ve-
nons de signaler, il résultait que la qualité exemplaire que nous trouvons dans
ce Code arrivait promptement à se perdre. Ainsi nous avons reconnu que la
fixité, que l'invariabilité, que l'inflexibilité des peines présente l'avantage de
les rendre souverainement exemplaires. Gela est vrai sans doute en théorie;
pais notez bien que, dans la pratique, quand on applique l'institution du jury»
c'est ce qu'on faisait en 1791, cet avantage s'évanouira le plus souvent. En
effet, l'application de ces lois inflexibles, invariables, n'est pas. et ne peut pas
être confiée à des agents aveugles, tout à fait dociles ; elle est confiée à un
jury, chargé de déclarer le fait auquel le juge appliquera la loi. Or, le jury
connaissant nécessairement à l'avance, quelque défense qu'on lui en ait pu
faire, le jury, connaissant et ne pouvant pas ne pas connaître à l'avance la
conséquence légale de sa déclaration sur le fait, sera presque toujours arrêté
quand cette conséquence lui paraîtra trop dure. Si la loi que vous avez faite
est bonne pour le fait le plus grave, elle sera nécessairement trop sévère pour
un fait qui moralement ne présentera pas la môme gravité : le jury répugnant
à l'application d'une loi inflexible, sachant d'ailleurs que l'application de cette
loi sera la conséquence nécessaire, inévitable de sa réponse, le jury aimera
mieux se débarrasser, par un mensonge, du fardeau trop pesant d'une respon-
sabilité qu'il ne veut pas subir; le jury, convaincu de la culpabilité, mais
trouvant trop sévère la peine prononcée par la loi, aimera mieux assurer à
l'accusé la plus complète impunité ; et l'on sait très-bien que ce résultat ne
s'est présenté que trop souvent.
Ainsi, en résumé, le principe des peines générales, inflexibles, invariables,
consacré en 1791 par opposition à la législation ou à la jurisprudence ancienne,
présente bien pour avantage: 1<» la division exacte des pouvoirs entre les jurés,
juges du fait, et les tribunaux chargés uniquement d'appliquer la loi; 2<* l'a-
vantage d'une pénalité éminemment exemplaire, éminemment propre à pré-
venir et à empêcher le crime. Mais dans la realité il ne pouvait pas pécher,
dans un grand nombre de cas, contre les règles de la justice : il ne pas, dans un
grand nombre de cas, ne pas frapper un fait d'une peine ou trop forte ou trop
faible, et le résultat en était, quand la peine était trop forte dans sa proportion
avec la faute, d'assurer l'impunité complète, la liberté absolue d'un coupable»
ltf7. On sentit, en effet, assez promptement les vices de ce nouveau régime.
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DBS GIAGONSTANCBS ATTÉNUANnS (aBT. 65 ST 463). 20t
et loraqu'en 1804 on commença la discussion da nooTeau Gode criminel, un»
des premières qaestions générales soumises an conseil d'État fut celle-ci : Y
aura-t-il un minimum et un maximum légal dans les peines ? kdsséra-t-on aux
tribunaux criminels après la déclaration du jury contre l'accusét leur laissera-^
t-on le droit de faire varier, dans une certaine latitude, l'étendue, l'application
delà peine encourue par l'accusé? La réponse ne fut pas douteuse, Taffirmative
fut déclarée ; et sous ce rapport on se trouva mélanger en partie et le système
antérieur à 1791 et le système du Gode de 1791. En empruntant à ce dernier la
détermination générale de la nature et de l'étendue de chaque peine, on ren»
ferma dans des limites assez étroites l'arbitraire que cependant on consentit à
laisser au juge ; mais, d'autre part, on laissa au juge -^ne certaine latitude,
un certain arbitraire, précisément pour lui permettre de mesurer, d'approprier
la gravité delà peine à la gravité du délit, au moins dans une mesure et dans
les limites données. Aussi, en rapprochant l'un de l'autre le Gode pénal de 1810
et celui de 1791, verrez-vous dans ce dernier les peines fixées d'une manière
inflexible, vingt ans de fers, vingt ans de chaînes, c'est toujours une loi fixe
sans minimum, sans maceimum; et, au contraire, dans le Gode pénal de 1818
vous trouvez presque toujours ;une assez grande latitude d'application laissée
au juge entre le minimum et le maximum de chaque peine.
Ge principe, une fois posé, renferme une innovation importante que je dois
signaler dès à présent, quoiqu'elle appartienne plutôt à la matière de l'instruc-
tion criminelle. En eifet, l'institution du jury étant admise, la conséquence en
était que la déclaration du fait et de la moralité appartenait exclusivement au
jury consulté sur ce fait; mais que, d'autre part, le fait une fois déclaré cons-
tant, l'accusé une fois reconnu coupable, l'application du droit au fait était
l'office et le seul office du juge. G'est ainsi qu'on se représente en général la
division des pouvoirs entre le jury et le tribunal : au jury, la connaissance du
fait; au tribunal celle du droit et uniquement du droit. A partir de 1810, et une
fois le système du minimum et maximum admis, cette division se trouve un
peu faussée ; la connaissance du fait n'est plus uniiquement, n'est plus exclusi-
vement dans la compétence du jury; au jury, sans doute, appartient toujours
le droit de déclarer l'accusé coupable, de déclarer l'existence, la réalité du fait;
mais, cette déclaration une fois donnée, il faut bien que la cour d'assises, pour
appliquer une peine plus ou moins forte, pour user de cette latitude entre le
maximum et le minimum, il faut bien que la cour d'assises ait pris elle-même
connaissance du fait ; il faut bien qu'elle ait suivi, qu'elle ait écouté les débats,
qu'elle ait examiné toutes les circonstances qui ont pu ou aggraver, ou atté-
nuer, ou affaiblir la culpabilité de l'accusé. En un mot, le juge n'est plus, dès
ce moment, l'homme de la science, l'homme du droit dans le sens exclusif du
mot, il n'a plus seulement pour mission de tirer la conséquence logique, inexo-
rable de deux prémisses également inflexibles, la réponse affirmative du jury
et puis le droit ; il faut, de plus, qu'en prenant pour mafjeure la déclaration dn
jury, en prenant pour mineure l'article de la loi, il se demande jusqu'à quel
point, avec quelle gravité, avec quelle étendue il doit appliquer ce dernier ar-
ticle, suivant que l'accusé, d'après les circonstances du fait, lui parait plus ou
moins coupable, plus ou moins excusable.
Gependant, à part ce léger inconvénient qui fiftussait la théorie primitive, le
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202 QUATORZIÈICB LEÇON. — DES EXCUSES (n*» 157).
système de la division des pouvoirs, on ne peut guère se refuser à reconnaître
que Tadoption d'un minimum et d'un maximum, dans les peines, réunissant
ensemble l'avantage de Timpartialité de position qui appartient au législateur,
et aussi des lumières qui résultent de l'ensemble de TafTaire, lumières qui ne
peuvent appartenir qu'au juge, on ne peut guère se dissimuler que le mélange
de ces deux principes ne fût une innovation fort heureuse.
Cette innovation n'a cependant pas paru suffire, et, tout en la maintenant,
on a fait un nouveau pas dans le système dont elle était le début; on a trouvé
que, tout en modifiant avec raison dans ce sens le principe de rinflexibilité
des peines établi en 1791, le législateur de 1810 n'avait pas encore fait assez.
Voici, en un mot, en quoi le système du maximum et du minimum a paru en-
core trop rigide, trop sévère, et par là même insuffisant.
D'abord on n'a pas trouvé que la différence qui sépare le minimum et le
maximum des peines fût en général aussi large, aussi étendue que pouvait
être l'intervalle qui dans la moralité, au jugement de la conscience, sépare
l'un de l'autre deux faits désignés par le même nom et frappés de la même
peine. On a pensé que deux faits identiques, qualifiés du même nom, pou-
vaient souvent, l'un être puni à peine assez gravement par le morimMm et l'au-
tre être puni beaucoup trop sévèrement par le minimum, La conséquence en
était, et elle s'est reproduite souvent sous l'empire du Gode de 1810, que plus
d'une fois le jury, malgré cette latitude de pouvoirs laissée à la cour d'assises,
trouvant encore le minimum de la peine trop dur dans l'espèce paticulière
pour l'accusé traduit devant lui, le dérobait, l'arrachait à l'application de ce
minimum par une déclaration de non-culpabilité ; il est arrivé, malgré cette
latitude de pouvoirs, que sous le Gode de 1810, comme sous celui de 1701 , la
gravité de la peine a eu pour résultat l'impunité.
A part cette objection, qui ne manque déjà pas d'une certaine force, un vice
beaucoup plus sérieux se trouvait dans le système du minimum et du maximum
tel qu'on l'avait admis en 1810. Ge système donnait en effet assez de latitude
au juge dans l'application de la peine ; mais cette latitude consistait, remar-
quez-le bien, non pas à faire varier, à faire décroître la nature de la peine en
faveur du coupable qui paraissait digne d'intérêt, elle consistait uniquement à
en faire varier la durée, l'étendue, et jamais la nature. Ainsi le Gode de 1810
ne permettait pas aux cours d'assises, à raison de l'intérêt que semblaient pré-
senter la position, les antécédents du coupable et tous les détails de l'affaire,
le Code pénal ne permettait pas au juge d'appliquer une pénalité du degré in-
férieur ; il lui permettait uniquement d'en faire varier la durée, tout en restant
dans la même nature de peine. De là la conséquence que, dans les peines
perpétuelles, le système du minimum et du maximum n'avait pas été admis
la peine de mort n'en était pas susceptible ; les peines des travaux forcés à
perpétuité et de la déportation ne l'avaient pas admis davantage. En un mot,
cette latitude laissée au juge entre le maximum et le minimum de chaque
peine, quand il s'agissait d'une peine temporaire, lui manquait absolument
dans les trois peines afilictives perpétuelles. Dans ces trois peines il se trouve
précisément, sous le Gode de 1810, dans la même position où il était place
pour tous les cas et pour toutes les peines sous le Gode de 1791. Dès lors
toutes les objections faites depuis 1791 contre l'inflexibilité des peines se re-
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DBS CIBG0M6TAMGSS ATTÉNUANTBS (âRT. 65 BT 463). 203
présentaient dans les trois cas posés, dans le Gode de iSlO; elle s*y repré*
sentaient avec d*aatant plus de force que le Gode pénal avait condamné loi-
môme le principe de Tinflexibilité des peines en faisant varier la durée des
peines temporaires; et certes, si le principe est fâcheux, si ces résulats sont
dangereux^ ils le sont d'autant plus que la peine inflexible est en elle-même
plus sévère; s'il y a à craindre que la terreur ne mène à Timpunité, s'il y a à
craindre que le jury, convaincu de la culpabilité de Taccusé, n'aime cependant
mieux le déclarer innocent que d'entraîner contre lui Tapplication d'une peine
inflexible, c'est surtout quand la peine est à vie, quand Tapplication est la
peine de mort. Aussi de nombreux exemples d'acquittement ont attesté trop
souvent que la conscience du jury répugnait à ce système ; trop souvent des
accusés, évidemment coupables, ont été déclarés innocents, par ce seul et ma-
nifeste motif, que le jury, instruit d'avance de la conséquence d'une déclara-
tion de culpabilité, aimait mieux mentir lui-même que renvoyer l'accusé à
une peine trop sévère, que les juges ne pourraient pas se refuser d'appliquer.
De là un nouveau changement, de là un nouveau pas, et un pas fort impor-
tant, fait d'abord en 1824 et plus tard en 1832, dans ce système de latitude
qu'on avait déjà conmiencé à aborder pour l'application et pour la détermina-
tion des peines.
La première idée de l'amélioration, de l'innovation, maintenant fort grave,
dont il me reste à vous entretenir, la première idée paraît se trouver, au
moins en germe, dans l'art. 463 du Code de 1810. Get article, tout à fait renou-
velé aujourd'hui, autorisait les tribunaux correctionnels, il n'est pas question
du jury ni des matières criminelles, cet article autorisait lés tribunaux cor-
rectionnels dans tous les cas oii les peines d'emprisonnement ou d'amende
étaient prononcées par le Gode, lorsque le préjudice causé n'excédait pas
25 francs, et que les circonstances paraissaient atténuantes, à descendre dans
l'application de la peine au-desâous du minimum légal, à substituer, môme si
bon leur semblait, l'amende à l'emprisonnement, ou à n'appliquer que l'une
ou l'autre de ces deux peines prononcées conjointement par la loi.
Ainsi dans le cas même de vol, de vol simple, par exemple, où le minimum
légal serait d'une année d'emprisonnement, les tribunaux pouvaient, en re-
connaissant et en déclarant qu'il existait des circonstances atténuantes aban-
données à leur conscience, pouvaient réduire la peine à quelques jours d'em-
prisonnement, ou môme substituer l'amende à Temprisonnement. La loi du
25 juin 1824 parait avoir puisé dans cet article l'idée de transporter dans les
matières criminelles les circonstances atténuantes, bornées jusque-là aux
matières correctionnelles ; pour -un certain nombre de crimes, elle autorisa
les cours d'assises, après que l'accusé aurait déclaré coupable par le jury,
à déclarer qu'il existait en faveur de ce coupable des circonstances atténuuntes,
et, en vertu de cette déclaration, à réduire la peine au-dessous du minimum
légal, c'est^è-dire à descendre, par exemqle, d'un degré dans l'application des
peines.
Au premier rang de ces réductions figure le cas d'infanticide. De nombreux
acquittements, dans les cas d'une culpabilité manifeste, avaient assez dé-
montré quelle répugnance éprouvait le jury à provoquer une condamnatiou
à mort contre une mère, déclarée par lui conpable d'infanticide. L'art. 5 de la
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204 Q0ATORZIÉMB LBÇÔN. — - DBS EXCUSES (n"" 157).
loi de 1824, prévoyant oe cas, autorisait les cours d^assises, après une décla-
ration de culpabilité de ce genre, à déclarer à leur tour des circonstances
atténuantes, et à faire descendre la peine d'un degré, aux travaux forcés à
perpétuité.
La loi de 1824 conférait donc aux cours d'assises un pouvoir de plus et,
quoique conçue dons un but d'humanité, elle avait le défaut de violer d'une
manière on ne peut plus sensible, le principe de la division de pouvoirs dont
j'ai déjà parlé tout à l'heure. En effet, ce n'était pas aux jurés, institués juges
du fait, c'était au contraire aux cours d'assises, après la déclaration de culpa-
bilité, que cette loi conférait le pouvoir de rechercher et de déclarer s'il existait
en faveur du coupable des circonstances atténuantes. C'était bien évidemment
sous ce rapport les constituer juges, non pas sans doute de la matérialité, mais
au moins de la moralité et de la gravité du fait; premiej inconvénieni de cette
loi, qui d'ailleurs avait un but tout à fait louable.
Un second inconvénient, c'est qu'elle était bornée dans son application : le
droit de déclarer les circonstances atténuantes, accordé par cette loi aux cours
d'assises, ne l'était que pour un petit nombre de crimes expressément spécifiés
par les art. 5, 6, 7 et suivants de la loi ; dans tous les autres cas les principes
ordinaires du Gode pénal s'appliquaient, lesjuges n'avaient de latitude qu'entre
le maximum et le minimum. C'était là une amélioration, louable sans doute,
mais encore bien insuffisante.
Aux reproches élevés contre le Code p^nal de 1810, ajoutons que dans la
pratique cette innovation manquait presque toujours son but. Le but principal
était de ne plus mettre les jurés dans cette alternative fâcheuse où la loi suc-
combe presque toujours, dans cette alternative qui neleur laisse pas de moyen
terme entre une pénalité qui leur paraît trop sévère, et l'acquittement com-
plet d'un accusé que cependant ils reconnaissent bien être coupable. C'était là
le but, c'était là l'esprit principal de la loi. Or, comme la déclaration des cir-
constances atténuantes n'appartenait point au jury, mais à la cour ; comme les
jurés, consultés sur la culpabilité, ignoraient toujours si la cour consentirait à
admettre des circonstances atténuantes en faveur de l'accusé déclaré cou-
pable, comme, d'ailleurs, il faut bien le dire, l'immense majorité des jurés
ignorait complètement la loi de 1824, et les cas dans lesquels il serait permis
aux cours d'assises d'atténuer la peine, la loi manquait souvent son effet. Les
jurés, ayant d'un côté une réponse à rendre sur la culpabilité, voyant de
l'autre dans le Code pénal la peine de mort, les travaux forcés ou d'autres
peines trop sévères, ignorant que la cour pouvait modiGer la peine, ne sachant
pas même si elle y consentirait, les jurés, depuis 1824, comme avant, échap-
paient souvent, par un acquittement complet et mensonger, à une nécessité
de condamnation à une peine trop sévère. Cette lutte du sentiment moral
contre la loi, cette lutte qu'on avait voulu éviter, soit en 1810, soit en 1824, se
renouvelait encore trop souvent ; il est inutile de dire que presque toujours
la loi avait le dessous. De là l'innovation beaucoup plus complète admise en
1882, et qui forme le nouvel art. 463 du Code pénal. Voici quel eat son
système.
1S8. Au jury appartient le droit de déclarer l'existence des circonstances
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DBS CmCOMSTANCBS ATT£NUANTB8 (aRT. 65 BT 463). 205
atténuantes, et cette déclaration faîte d'office a pour résultat, non pas seule-
ment de borner au minimum de ta peine légale la punition infligée par la conr
d'assises, mais de contraindre la cour à descendre d'un degré an moins dans
l'application de la peine. Par le seul fait de la déclaration des circonstances,
ce n'est pas seulement la durée, l'étendue, c'est la nature de la peine qui se
irouYe changer et décroître. £n général, cette déclaration force la cour d'as-
sises à n'appliquer que la peine d'un degré inférieur, et lui permet de plus, si
bon lui semble, de descendre de deux degrés. Voilà l'idée générale de l'ar*
ticle 463, idée qui, dans l'application, doit pourtant se combiner avec les dis-
positions spéciales de cet article; quelques exemples vous la feront comprendre.
Voici les termes du commencement de l'article : « Les peines prononcées
par la loi contre celui ou ceux des accusés reconnus coupables, en %veur de
qui le jury aura déclaré les circonstances atténuantes, seront modiâées ainsi
qu'il suit. > Vous voyez d'abord dans ces premiers mots que cet article main-
tenant rentre implicitement dans les termes généraux de notre art. 65. c Si la
peine prononcée par la loi est la mort, la cour appliquera le peine des travaux
forcés à perpétuité ou celle des travaux forcés à temps. > Ainsi, il y a nécessité
pour la cour d'assises dans rbypothése, par exemple, où il s^agirait d'un assas-
sinat puni par la loi de la peine de mort, il y a nécessité de descendre d'un
degré, de n'appliquer que la peine des travaux forcés à perpétuité; elle peut
même, si bon lui semble, descendre d'un degré de plus et n'appliquer que la
peine des travaux forcés à temps. Je dis d'un degré de plus, et cependant la
peine des travaux forcés à temps ne figure pas dans l'art. 7 immédiatement
après la peine des travaux forcés à perpétuité; elle en est séparée par la dépor-
tation; mais la détention et la déportation sortent du catalogue, de la liste
générale des peines, elles sont instituées pour un ordre de crimes tout parti-
culier, et on n'y a pas égard quand il s*agit de cette décroissance; la loi n'a
pas égard à cette intercalation des peines. Ainsi vous voyez quel sera en gêné*
rai l'ordre de décroissance des peines; il y aura nécessité par la cour d'affaiblir
la peine, de descendre dans l'échelle; seulement suivant les cas, elle pourra
descendre plus on moins.
Les différences du nouvel art. 463 avec la loi de 1824, maintenant abrogée
dap en entier, sont sensibles : d'une part, les circonstances atténuantes, dont
parlait -la loi de 1824 n'étaient admises que pour un petit nombre de crimes,
spécialement déterminés dans les articles de cette loi; maintenant, au con-
traire, cette déclaration est admise, et elle pourrait produire son effet dans
tous les cas. D'autre part, cet effet, tel qu'il est déterminé par l'art. 463, est
généralement plus large, plus étendu, plus favorable qu'il ne l'était sous la loi
de 4824. En troisième lieu, ce qui est surtout à noter, c'est que la déclaration
des circonstances atténuantes, confiée à la cour d'assises par la loi de 1824,
est maintenant attribuée, réservée an jury seul, ce qui a un double avantage :
10 d'éviter au jury cette incertitude, que je signalais tout à l'heure, sur l'usage
que ferait la cour du pouvoir de déclarer ou de ne pas déclarer ces circonstan-
ces; 2<* de rentrer dans le principe, c'est-à-dire de retirer à la cour d'assises
instituée juge du droit, un pouvoir uniquement de fait que la loi de 1824 lui
avait confiée. Certainement on n'est pas rentré par là dans le système de la
division de la loi de 1794 ; des motifs d'humanité empêchaient de rentrer plei-
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206 QUATORZIÈBCE LKÇOX. — DES EXCUSES (n* 159).
nement dans ce système, si précis et si net ; mais du moins on s'en est rappro-
ché en ne confiant plus à la cour d'assises i'examén et la déclaration de
circonstances qui sont essentiellement des circonstances et des détails de faits.
Voilà l'historique et Tétat présent de cette innovation fort grave, fort impor-
tante, qui n'est certainement pas sans abus et sans danger, mais dont les avan-
tages dépassent à coup sûr, et dépassent de bien loin les inconvénients.
159. Avant de quitter cette matière, rapprochons un peu le système de cir-
constances atténuantes dans leur nature et dans leur effet, et le système des
excuses dont nous avons déjà parlé sous l'art. 65. Quelle différence y a-t-il en-
tre les coupabbles déclarés excusables et les coupables en faveur desquels le
jury a déclaré des circonstances atténuantes ? La différence des deux sys-
tèmes est grande, et il importe d'éviter la confusion.
D'abord, en ce qui concerne les excuses, l'art. 65 s*appiique à la lettre ; nul
fiiit ne peut être déclaré excusable que dans les cas où la loi l'a spécialement
déclaré tel ; on ne peut admettre pour excuses que les faits que le Gode pénal
déclare expressément causes d*excuse, par exemple, le cas de violente provo-
cation dans l'art. 321, le cas de flagrant délit d'adultère dans le cas de l'art. 324 :
voilà des faits que la loi déclare spécialement être des excuses, et c'est seule-
ment dans ces cas, ou dans d'autres cas pareils, que le jury consulté sur cette
question peut répondre affirmativement. Au contraire, les circonstances atté-
nuantes ne sont pas prévues, déterminées, spécialisées par le législateur
comme le sont et comme doivent l'être les excuses ; non -seulement la loi n'a
pas dit d'avance quelles circon tances étaient atténuantes, mais elle n'a pas pu
le dire, il y aurait eu contradiction. En effet, pourquoi la loi investit-elle le
jury du pouvoir de déclarer des circonstances atténuantes? Précisément parce
qu'elle reconnaît que dans chaque affaire criminelle il y a des détails, des
nuances, des spécialités que le législateur ne peut pas prévoir et régler d'a-
vance ; c'est pour suppléer à l'impuissance nécessaire, inévitable du législateur
sur les spécialités de tel ou tel fait, qu'il autorise le jury mieux placé et plus
près de ces spécialités, à déclarer des circonstances atténuantes ; il est donc
clair qu'il n'a pas pu en déterminer d'avance la cause et la nature ; ce sont des
choses accidentelles dont le jury est le seul juge.
Ainsi, première différence entre les excuses et les circontances atténuantes;
les excuses sont des faits légaux, prévus, spécifiés, hors desquels le jury n'en peut
admettre et déclarer aucune; les circonstances atténuantes sont des faits moraux
que la loi ne peut pas spécifier, atteindre, prévoir, que la conscience du jury, pla-
céeen présencede tel fait, de tel homme, peut seule comprendre et seule déclarer.
Autre différence: quand il s'agit d'excuses, le jury est spécialement consulté,
sa réponse est spécialement provoquée, toutes les fois qu'un accusé, traduit
devant le jury, allègue qu'il était dans un des cas d'excuse posés par la loi, la
cour d'assises doit, à peine de nullité, poser au jury la question du fait d'où
l'accusé veut faire dériver son excuse. D'abord a-t-il été provoqué, art. 324 ?
était-il dans le cas de l'art. 324 ? Le jury est spécialement consulté sur la ques-
tion d'excuse, art. 339 du Gode d'instruction criminelle. Au contraire, pour les
circontances atténuantes, le jury n'est pas consulté, aucune question expresse,
spéciale, directe, ne lui est posée à cet égard. Pourquoi ? D'abord, parce que
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DBS CIBC0NSTANCB8 ATTÉNUANTES (aRT. 65 ET 463). 207
toujours, quelle que soit la nature du fait, il a droit de déclarer les circonstan-
ces atténuantes ; c^est maintenant un pouvoir inhérent à l'institution môme
du jury ; dès lors inutile d'en faire une question spéciale. D'autres motifs pour
ne pas le consulter directement sur Texistence de circonstances atténuantes
peuvent encore être donnés, nous les présenterons sur l'art. 341 du Gode
d'instruction criminelle ; nous verrons aussi comment la loi^ tout en défen-
dant de poser au jury la question de savoir s'il y a des circonstances atténuan-
tes, garantit cependant Faccusé contre le préjudice qui pourrait résulter pour
lui de l'ignorance où les jurés pourraient être de leur pouvoir à cet égard. On
ne pose pas la question au jury, mais on l'avertit, au moment de se retirer
dans la chambre des délibérations, du pouvoir qui lui appartient à cet égard.
Vous verrez que cet avis n'est pas la même chose qu'une question formelle.
L'effet des excuses déclarées coostantes par le jury est déterminé par l'arti-
cle 325 pour les excuses proprement dites des art. 321, 324 et 325; quant aux
excuses improprement dites, leur effet est déterminé par les art. 114, 190, 100,
408, 138 et 213. L'effet des excuses déterminé par l'art. 326 est de faire des-
cendre le fait de la classe de crime, et de crime au premier chef, car il est
question d'un meurtre, est de faire descendre un meurtre dans la classe des
simples délits, est de réduire la peine des travaux forcés à perpétuité à un sim-
ple emprisonnement d'une durée plus ou moins étendue. Les [circonstances
atténuantes n'ont pas à beaucoup près cet effet, n'entraînent pas pour l'accusé
un résultat aussi favorable ; jamais la déclaration ne peut réduire à un em-
prisonnement la peine des travaux forcés à perpétuité. La réduction est moins
iorte, mais cependant elle est sensible, elle est importante, elle est déterminée
selon chaque cas par l'art. 463.
160. J'ajouterai que le jury peut déclarer les circonstances atténuantes,
môme en faveur d'un accusé qu*il a déclaré coupable avec circonstances ag-
gravantes. Il y a au premier aspect bizarrerie, apparence de contradiction à
déclarer que tel accusé est coupable, avec toutes les circonstances énoncées
dans l'acte d'accusation, avec toutes les circonstances aggravantes qui peuvent
augmenter sa peine ; et puis à ajouter immédiatement que cependant il existe
en sa faveur des circonstances atténuantes. Au premier aspest cela est bizarre,
inconséquent, contradictoire, mais Tinconséquence ou la contradiction n'est
que dans les mots ; en réfléchissant à ce que c'est, dans le droit pénal, qu'une
circonstance aggravante d'une part, et de l'autre une circonstance atténuante,
vous irons convaincrez bien vite que ce sont là deux réponses qui se concilient
parfaitement. En effet, déclarer, par exemple, que tel homme est coupable de
vol avec escalade, effraction, fausses clefs, avec toutes les circonstances aggra-
vantes que vous voudrez supposer, ce n'est pas se mettre dans l'impossibilité de
déclarer aussitôt que cependant il existe en sa faveur des circonstances atté-
nuantes. Les circonstances aggravantes, escalade, effraction, fausses clefs et
mille autres pareilles, sont des faits légaux, matériels, sensibles, des accessoi-
res, des moyens à l'aide desquels le crime a été commis et qui en augmentent
la pénalité ^ les circonstances atténuantes ne nient, ne combattent nullement
l'existence des précédentes ; ce sont des faits moraux, de conscience, dont le
jury est unique appréciateur. On conçoit que le jury puisse dire : Tel homme
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208 QUATORZiâMB LEÇON. — DBS BXGUSE8 (n* 160).
a commis tel vol avec escalade, effraction,. fausses clefs, par l'emploi des moyens
qui doivent élever contre lui Tapplication de la peine, mais cependant il Ta
^mmis dans des circontances, sous l'influence d'exemples, de conseils, de
provocations, de besoins qui diminuent à nos yeux la culpabilité morale du
âiit. Il y aura donc d'abord déclaration affirmative sur tous les faits matériels
4e l'acte d'accusation, soit sur le fait principal, il a volé, soit sur le fait acces-
soire, il a volé avec l'emploi de fausses clefs, d'échelle, etc., et ensuite décla-
ration toute morale de circonstances atténuantes, qui entraînera une réduction
plus ou moins forte dans la peine.
Voilà ce que nous avions à dire de principal sur l'art. 65. Cette question
des circonstances atténuantes demanderait encore quelques détails, nous les
renvoyons à l'art. 337 du Gode d'instruction criminelle, car il faut que nous
•terminions aujourd'hui le livre U du Gode pénal.
161. La plupart des articles qui nous restent ou plutôt les seuls articles qui
méritent quelque attention ne sont guère qu'une application, que des exem-
ples du principe général posé par l'art. 65 ; déjà je vous les ai cités.
Les peines, quoique fixe en général, peuvent être mitigées dans certains.
<SSLS à raison de circonstances tout à fait personnelles à l'accusé, et indépen-
damment des questions d*excuses ou de circonstances atténuantes dont nous
avons parlé. La première de ces circonstances, c'est l'âge, c'est la jeunesse de
l'accusé de la part de qui le fait a été déclaré être constant ; les art. 66, 67, 68
et 69 sont relatifs à cette hypothèse. L'âge exerce encore une influence sur
l'application de la peine, mais en sens inverse, c'est dans le cas où l'âge avancé
du coupable entraine contre lui l'application d'une peine moins grave et moins
pénible.
Un mot d'abord snr les art. 66 et 67. La loi veut que, lorsque l'accusé a
moins de seize ans, c'est-à-dire, bien entendu, moins de seize ans accomplis,
on a élevé sur ce point des controverses qui ne méritent pas d'être discutées;
lorsque l'accusé a moins de seize ans révolus, on consulte le jury sur cette
question : A-t-il agi avec discernement?
Je fais remarquer que dans l'art. 66 la question est assez mal posée ; oa
croirait qu'on demande au jury si l'accusé a agi «an^ discernement, et que, pour
^tre acquitté, il faut que le jury donne une déclaration négative du discerne-
ment; c'est l'inverse qu'il faut poser. On ne demande pas au jury : A-t-il corn*
mis le crimesans discernement? question qui supposerait que la majorité du jury
a besoin de se déclarer en faveur de l'accusé; non; on lui demande: A-t-il
commis le fait, et Va-t-il commis avec discernement ? Il faut que sept jurés au
moins, sur douze, répondent affirmativement pour qu'il soit condamné.
Deux cas peuvent donc se présenter ; dans lesdeux cas le jury a répondu :
Oui, Vaccusé est coupable de tel fait ; mais dans un cas il répond : Il ne Vapas
commis avec discernement ; dans l'autre : Il Va commis avec discememenL Dans
le premier cas, l'accusé est acquitté ; dans le second, il ne Test pas, mais la
peine éprouve une réduction très-sensible; la peine ne peut jamais être une
peine criminelle, elle ne peut être qu'une peine d'emprisonnement.
162. Faisons une seule remarque sur ces deux articles.
Au premier aspect, on ne conçoit guère le sens de cette réponse du jury :
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DES GiaG0N8TANGB8 ATTÉNUANTES (aRT. 6S BT 463). 209
Oui, raecusé est coupable éPttvoir commis te fait avec discernement, 11 semble qu'il
y ait là on pléonasme, car, s'il est coupable, c'est qu'apparemment il savait ce
qu'il faisait : puisque le jury, répondant que l'accusé est coupable, ne répond
pas seulement sur un fait matériel, mats ausisur un fait moral, il semble bien
inutile, quand on a déclaré l'accusé coupable, de répondre et d'ajouter qu'il a
su ce qu'il faisait. Or, si cette réponse, il est coupable d'avoir volé avec discerne-
ment, était un pléonasme, il s'ensuivrait que celle-çL, il sst coitpable d'avoir volé
sans discernement^ serait contradictoire. A cet égard, il faut s'entendre, c'est
une l^ére équivoque qui se dissipera facilement.
Certainement il ne faut pas conclure, en prenant à la lettre l'argument que
je présente, que le jury ne soit consulté et ne réponde que sur un fait maté-
riel ; il faut tenir ferme à câtte idée, que, quand le jury répond : Oui, V accusé
est coupable, il ne répond pas seulement sur un fait matériel, mais aussi sur
un fait de moralité et de liberté. Ainsi lediscernement sur lequel on le consulte
en outre, quand l'accusé a moins de seize ans, n'est-il point un discernement
dans le sens tecbnique du mot. Un exemple vous le fera comprendre.
Ira-t-on, par exemple, traduire devant les assises, en vertu des art. 66 et 67,
un enfant qui, à Tâge de cinq ou six ans, aura escaladé une haie de trois ou
quatre pieds pour commettre un vol ? il est évident que le jury répondrait :
Non, Vaceusé n'est pas coupable, parce qu'il n'a pas su ce qu'il faisait. Mais un
pareil fait n'arrivera jamais. Mettons maintenant en présence du Jury un en-
fant de treize om quatorze ans ; on lui demande : Vaceusé est-il coupable ? on
conçoit que le jury réponde : Oui, Vaceusé est coupable, en ce sens qu'il a su et
senti qu'il faisait mal. Mais autre chose estsentir qu'on faisait mal, comme on
peut sentir à treize ans, autre chose est le sentir comme à vingt ou vingt-cinq
ans : c'est donc alors qu'on posera au jury une telle question : Vaceusé est-il
coupable d-un tel fait T La réponse du jury pourra être celle-ci : Out, il est cou-
pable; quoiqu'il n'ait que treiie ou quatorze ans, il a su qu'il faisait mal.
Mais de ce qu'il a senti que l'acte qu'il faisait était mauvais, s'ensuit-il qu'il
«n a complètement senti l'étendue et la portée, et s'il faut le punir, ce qui est
poBsible, s'ensuit*il qu'il faille lui appliquer la même peine qu'à un homme
d'un âge plus avancé ? Quel est donc le but de la question subsidiaire de dis-
cernement qui, à peine de BuUité, doit être posée à l'égard d'un accusé de
moins de seize ans? La question a ce sens : cet accusé, mineur de seize ans,
qui a agi sentant qu'il faisait mal, comprenait-il bien la portée, l'étendue du
mal qu'il luisait, savaitril qu'il s'exposait à une pénalité grave et sérieuse? Si
le jury répond non, il n'y aura pas de contradiction dans sa réponse, car un
^uSaat a très-bien pu connaître le mal sachant que c'était ]e mal, sans en avoir
la peroepti(»i assez nette, assez précise, assez complète, pour qu'il puisse et
doive ôtrecondamné, alors l'art. 66 sera appliqué ; la conséquence delà réponse,
«'est l'acquittement ; il a été déclaré coupable, mais s'il n'y a pas eu sept voix
pour déclarer qu'il a agi avec discernement, il sera acquitté, sauf la mesure de
la cour d'assises, qui pourra ordonner qu'il sera dé^tenu dans une maison de
correction. C'est là certainement une mesure qui peut être coitsidérée comme
pénale en ce qu'elle 6te k l'enfant sa liberté, mais qui, dans son but et dans
le droit, n'est pas unemesure pénale. On ordonne la détention de Tenfanlquand
4m présume que sa famille ne peut pas l'élever. Dans le droit ce n'est pas une
I 14
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210 QUATORZIÈME LEÇOK. — DES EXCUSES (n* 164).
peine en ce sens par exemple que, si l'enfant, ayant dépassé seize ans, vientà
commettre un acte pour leqnel il soit déclaré coupable, jamais on ne pourra
invoquer contre lui le premier jugement rendu d'après Tart. 66, pour appli-
quer au second acte les peines de la récidive. Ainsi il a été déclaré coupable
de vol, mais sans discernement ; en conséquence on a ordonné sa détention
pendant un an, deux ans dans une maison de correction; après sa liberté
recouvrée, il commet un nouveau vol, on ne lui appliquera pas les peines de
la récidive, on n*est pas dans les termes de l'art. 56. Au contraire, le jury a
répondu affirmativement aux deux questions : Oui, il est coupable et avec dis--
cernement; alors il y a pénalité; mais la pénalité suit une échelle de décrois-
sance que vous comprendrez facilement en lisant les articles cités.
163. L'art. 68 a été emprunté à la loi du 25 juin 1824, dont il formait Tartî-
cle 1*'. La loi veut que, dans la plupart des cas où un mineur de seize ans est
accusé d*un crime, il ne soit point traduit à la cour d'assises, comme le de-
manderait la nature du fait, mais seulement devant les tribunaux correction-
nelsv 8a pensée est de lui épargner la triste solennité, les vives impressions
et notamment l'espèce de déshonneur qui s'attache toujours à la publicité, à
l'éclat d'une poursuite en matière criminelle proprement dite, devant un jury
et devant les assises.
Cependant il y aurait quelque chose à dire contre cet article; c'est qu'on fait
tourner parfois contre le mineur les chances de la condamnation, parce qu'aux
yeux de la loi la procédure par jurés présente plus de garanties.
Remarquez que, quand la loi ordonne de traduire devant les tribunaux cor-
rectionnels l'accusé prévenu d'un crime, et qui a moins de seize ans, elle y
fait deux exceptions: !• lorsque ces crimes sont de nature à entraîner la peine
de mort et autres peines qu'elle indique ; 2« lorsque, quelle que soit la nature
du crime, l'accusé a des complices âgés de plus de seize ans, qui sont présents,
le complice majeur de plus de seize ans entraînera le mineur devant la cour
d'assises, si elle est compétente pour juger le majeur. J'ai déjà dit que les cir-
constances personnelles à Fauteur principal n'atténuaient en aucune sorte le
pénalité du complice.
L'art. 69 statue également pour le mineur de moins de seize ans ; sa simple
lecture suffit.
164. Dans les art. 70 et 71, les seuls dont j'ai à parler, car les trois dernier»
n'ont pas besoin de détails, tous trouvez une réduction, une atténuation en sen»
inverse. Vous voyez dans l'art. 70 que le septuagénaire ne peut pas être frappé
d'une condamnation aux travaux forcés à perpétuité, à la déportation ou eex
travaux forcés à temps. La loi du 30 mai 1854 a étendu cette atténuation jus-
au'aux sexagénaires, à raison de la transportation des condamnés à la Guyane.
On indique dans l'article suivant quel genre de condamnation sera substituée
ces premières peines. L'art. 71 présente, à cet égard, deux cas assez remar-
quables et que Je vous signale. La loi veut que, quand un septuagénaire a été
déclaré coupable d'un crime qui entraînerait, par exemple, la déportation oa
les travaux forcés à perpétuité, on ne prononce contre lui aucune de ces deux
peines, on piononce une peine également perpétuelle, mais qui sera, dans le
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CRIlfSS ET BÉLITS CONTRB LA SÛRETÉ DE L'ÉTAT (aRT. 75). 211
premier cas, la détention, et dans le second, la réclasion. G'e^t un faible adou-
cissement dans la nature de la peine et non pas dans sa durée. Mais cet adou-
cissement donne lieu à une remarque.
Nous avons vu dans Part. 7 que la loi n'admettait que trois peines perpé-
tuelles, et cependant vous voyez qu'en vertu de Part. 71 les tribunaux crimi-
nels prononceront^ dans certains cas, des peines perpétuelles qui ne sont pas
ênumérées dans Part. 7, savoir, la détention k perpétuité contre le sexagé-
naire qui a encouru les travaux forcés à perpétuité. Quelle était la conséquence
de ces pénalités avant la loi du 31 mai 1854 ? était-ce d'emporter la mort civile ?
C'est la question à laquelle je voulais arriver : la mort civile étaitrelle la consé-
quence de deux condamnations à perpétuité prononcées contre le septuagénaire,
en vertu de Tart. 71 ? Nous avons déjà vu qu'une certaine détention à perpé-
tuité emportait la mort civile, c*est celle qui, aux termes de Fart. 27, avait la
peine de la déportation; mais alors on avait un texte formel: la déportation
emportait la mort civile (art. 18 du Gode pénal), elle l'emportait du jour de
son exécution (art. 26 du Gode civil). Lorsque la déportation s'exécutait par la
détention, il s'ensuivait que, dès l'instant que le condamné à la déportation
était détenu, la mort civile commençait contre lui. Mais cette conséquence
était inapplicable au sexagénaire dans le cas de l'art. 71 ; il était bien frappé
d'une peine perpétuelle, détention à perpétuité dans un cas, réclusion à perpé-
tuité dans l'autre, mais Fart. 18 n*avait pas attaché la iport civile à la déten-
tion ou à la réclusion, même prononcée à perpétuité dans le cas de l'art. 71.
La suppression de la mort civile a d'ailleurs été à cette question son intérêt.
Lee trois arUcles suivants n*ont pas besoin de détails; il suffira de les lire.
QtJINZlÈHE^ LEÇON.
166. Nous allons parcourir maintenant la longue série des incriminations
de la loi pénale; j'essayerai de vous exposer avec le plus de précision possible
les caractères particuliers de chaque classe d'infractions, les éléments consti-
tutifs de chaque espèce de crime et de délit. Je ne m'arrête point à la classi-
fication générale des actions punissables. Gette classification, qui peut être
importante au point de vue théorique et comme indication du système du lé-
gislateur, n'a qn*un médiocre intérêt dans la pratique. Notre (iode a divisé
les faits punissables en deux classes principales: contre la ehote publique
et contre les particuliers; il a subdivisé ensuite la première de ces classes en
crimes contre la sûreté de fÉtat, contre la constitution, contre la paix publique;
et la seconde, en crimes contre les personnes et contre les propriétés.
LIVRE TROISIÈME
CEIHSS ET DÉLITS CONTBE LA CHOSE PUBLIQUE.
166. On entend par délits contre k chose publique ceux qui sont dirigés
contre la personnalité du corps sociali c'est-à-dire contre l'existence et le mode
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212 QUINZIÈME LEÇON* — DBS GRIMES BT DÉLITS ETC. (N« 166).
d*ezister d'an État. Parmi ces délits, les uns ont un caractère politique, les
autres n'ont pas ce caractère. Quels faits sont réputés politiques ? Cette ques-
tion est importante, puisque tous les faits politiques, qu*ils soient qualifiés
crimes ou délits, peuvent ôtre attribués au jury ; elle a encore un autre intérêt
à raison des pénalités qui ne sont pas les mêmes, quand le crime est ou n'est
pas d*une nature politique. L'art. 7 de la loj du 8 octobre 1830, pour établir
une règle de compétence, â défini les faite de cette nature: t Sont réputés
fdlînquês~tèâr délits prévus: !• par les chapitres I (crimes et délits contre la
sûreté de l'État) et II (crimes et délits contre la constitution) du titre !«' du
livre UI du Ciode pénal; l^ par les paragraphes 2 et 4 de la section III (troubles
apportés à Tordre public par les ministres des .ciUjbes) et par la section VU du
fÈapTïïê'in (associations ou réunions illicites) des mêmes livre et titre; 3«par
Fart. 9 de la loi da 25 mars 1822 (port ou exposition de signes séditieux). •
Ce dernier délit est aujourd'hui puni par Tart. 6 du décret du 11 août 1848.
A cette définition, il fout ajouter, pour avoir une idée complète du délit poli-
tique dans notre législation : i^ Tattentat et l'offense que la loi du 10 juin 1853
avaient introduits dans l'art. 86 du Gode pénal ; 2^* les crimes et délits prévus
par les art. 5, 8 et 9 de la loi du 24 mai 1834, relative aux faits insurrection-
nels ; 3<> les délits commis par la voie de la presse et les autres moyens de
publication, qui font l'objet des lois du 17 mai 1819, 11 août 1848, 27 juillet 1849,
et 23 avril 1871 ; 4<> les crimes et délits prévus par la loi du 15 mars 1849,
et le décret du 2 février 1852 et relatifs à la liberté des élections ; 5» les délits
relatifs aux sociétés secrètes et aux dubs, prévus par la loi du 28 juillet 1848
et le décret du 25 mars 1852 ; 6« les crimes et délits prévus par la loi du
7 juin 1848, sur les attroupements. En ce qui concerne les faits qualifiés
crimes, la peine de mort a été remplacée par la déportation dans^une enceinte
fortifiée hors' dii terrûoir^ jcûotinental da la France (loi du 9 juin 185Ô) ; puis
ati- dessous de cette peine, l'échelle den peines criminelles en matière politique
se trouve ainsi formée : la déportation simple, la détention, le bannissement
et la dégradation civique. ' "" ' '
.-•, • ' • • '■ *
167. La raison de cette différence dans les pénalités est qtie les crimes poli-
tiques et les crimes communs diffèrent essentiellement dans leur caractère
propre et dans leurs éléments. Les crimes communs sont partout des crimes^
car il n'y a point de société qui pût vivre s'ils n'étaient réprimés ; les crimes
politiques, qui ne s'attaquent qu'à la forme sociale d'un peuple, n'ont qu'une
criminalité relative ; ils ne sont crimes qve sur le territoire soumis à la sou-
veraineté de ce peuple. Les premiers sont empreints d'une inuooralité absolue, .
car ils sont réprouvés non-seulement par la loi sociale, mais encore par la loi
morale ; les autres, qui dérivent des institutions variables de la société, sont
plutôt du domaine de la loi sociale que de la loi morale. C'est ce qui a fait
dire à un publiciste célèbre c que l'immoralité des crimes politiques n'est ni
aussi claire ni aussi immuable que celle des crimes privés ; elle est sans cesse
traversée ou obscurcie par les vicissitudes des choses humaines ; elle varie
selon les temps, les événements, les droits et les mérites du pouvoir ; elle chan-
celle à chaque instant sous les coups de la force, qui prétend la façonner selon
ses caprices ou ses besoins, i Toutefois, vous ne devez pas induire de là que
^'// f' 0 -^y < y '''• DigirizedV^<t>0.gl£. •
CaniSS BT DÉLITS GONTRB LA. SUBBTÈ ME h'ÈtJLT (aRT. 75). 213
Ton ne paisse trouyer, dans la catégorie des crimes politiques, des attentats
qui égalent par leur perversité les crimes communs. Ils sont la violation d'an
devoir social, et tout devoir social contient en lui-môme un lien moral; ainsi,
toute attaque illégale contre la constitution de TËtat, contre son mode d'exis-
tence comme société civile, est un acte immoral, puisqu'il est une violation du
devoir imposé à Thomme comme membre de la société. Le publiciste que
BOUS citions tout à Fheure a dit encore : < Quelques personnes sont allées
jusqu'à penser que, moralement parlant, il n'y avait point de délits politiques,
que la force seule les créait et que les bonnes ou les mauvaises cbances déci-
daient seules d'une prétendue culpabilité. Je ne partage en aucune façon cette
idée. La tentative de changer le gouvernement établi, n'entrainÀt-elle aucun
crime privé, peut réunir au plus haut degré les deux caractères généraux du
crime, l'immoralité de l'acte môme et la perversité de Tintention. Peu importe
alors que son but soit politique, elle n'en constitue pas moins un vrai crime
qui doit ôtre puni et peut l'être très-justement. > Cette restriction s'applique
nécessairement aux crimes qui réunissent dans une môme action l'élément
politique et l'élément commun : tels sont les attentats contre les personnes
ou contre les propriétés qui seraient commis dans un but politique. La crimi-
nalité relative de l'intention révèle peut-être une modification dans Timmora-
lité de l'agent, mais ne change pas le caractère intrinsèque du crime. Ce qui
demeure vrai en définitive, c'est que dans nulle matière les éléments du délit
ne sont plus difficiles à établir qu'en matière politique, c'est que dans nulle
matière la justice légale n'est plus exposée à s'égarer. C'est à raison des écueils
qui sont sous ses pas, qu'une échelle de peines particulières, dont aucune n'est
ineffaçable, a été introduite ici par une législation sage et prévoyante, et l'on
doit regarder cette disposition comme l'un des progrès les plus précieux de la
loi oénale.
SECTION PREMIÈRE
DES CRIMES BT I>£UTS CONTRE LÀ SÛRETÉ EXTÉRIEURE DE l'ÊTAT.
168. L'art. 75 du Code pénal est ainsi conçu :
t ART. 75. Tout Français qui aura porté les armes contre la France sera puni de
mort. 9
U est inutile de vous rappeler d'abord qu'aux termes de l'art. 5 de la consti-
tution de 1848 et de l'art. 1*' de la loi du 9 lujJLlgSSTa peine' 3e mort pro-
noncée par cet article a été remplacée par celle de lajd^pflrtatiûadana une
enceinte fortifiée hors dujerritoire continental de la France. Cette observation
cToit être étendue à tous les crimes réputés politiques.
L'art. 75 soulève quelques difficultés, U est cerUin d'abord qu'il s'applique
en général à tous les Français, sans distinguer entre ceux qui étaient mili-
taires, lorsqu'ils ont abandonné leur patrie pour la combattre et ceux qui ne
l'étaient pas; cependant, comme les premiers sont spécialement atteints p^
la loi militaire, il est évident que c'est surtout les simples citoyens que l'arti
a eus en vue. Maie puisque c'est la qualité de citoyen qui fait le crime
214 QUINZIÈME LEÇON. — DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (n« 169).
s'ensuit que, lorsque l'agent à perdu cette qualité, Tacte hostile ne lui est plus
imputable. Supposez, par exemple, qu'il se soit fait naturaliser dans le pays
dont il suit le drapeau, commet-il encore un crime en portant les armes
contre la France ? La réponse est dans l'art. 4 de la constitution du 22 fri-
maire an YIII, et dans Fart. 17 du Gode civil, qui disposent que la qualité de
Français se perd : !• par la naturalisation acquise en pajrs. éiraxigfixs ; 2^ par
l'acceptation non autorisée Je fonctions publiques conférées par un gouverne-
filent ^fàngéf;^"ënfln pâi' louf êîàKïïssèméh fTaï t d ans un pays étranger sans
espoir de retour. A la vérité, deux décrets des 6 avril 1809 et 26 août ISfl ont"
SiênSvL les dispositions de l'art. 75 « même à ceux qui auraient obtenu des
lettres de neutralisation en pays étranger. > Mais ces décrets, nés des cir-
constances politiques, sont impuissants à abroger les règles de la loi : si la
naturalisation en pays étranger brise le lien civil, elle brise en même temps
le lien politique ; car comment comprendre que le naturalisé, devenu sujet
d'une nouvelle patrie, puisse rester en même temps sujet de l'ancienne et soit
soumis à des devoirs envers l'une et l'autre ?
1((9. Une autre difficulté est de savoir quels sont les actes qui rentrent dans
les termes de l'art. 75. L'art. 2 du décret du 5 avril 1809 porte : t Seront con-
sidérés comme ayant porté les armes contre nous, tous ceux qui auront servi
dans les armées d'une nation qui était en guerre contre la France ; ceux qui
seront pris sur les frontières ou en pays ennemi porteurs de congés des com-
mandants militaires ennemis ; ceux qui, se trouvant au service militaire d'une
'pttlBBance étrangère, néTont pas quitté ou ne le quitteront pas pour rentrer
en France aux premières hostilités survenues entre la France et la puissance
qu'ils ont servie ou qu'ils servent ; ceux enfin qui, ayant pris du service mili-
taire en pays étranger, rap})elé8 en France par un décret publié dans les for-
mes prescrites pour la publication des lois, ne rentreront pas conformément
audit décret, dans le cas toutefois oii, depuis la publication, la guerre aurait
éclaté entre les deux puissances. > L'art. 27 du décret du 29 août 1811 porte
encore : « Notre décret du 6 avril 1809 continuera d'être exécuté notamment à
l'égard des Français qui étant entrés sans notre autorisation au service d'une
puissance étrangère, y sont demeurés après la guerre déclarée entre la France
et cette puissance. Ils seront considérés comme ayant porté les armes contre
nous, par cela seul qu'ils auront continué à faire partie d'un corps militaire
destiné à agir contre l'empire français ou ses alliés. » Enfin l'art. 4 de l'ordon-
nance du 10 avril 1823, relative à l'expédition d'un corps militaire en Espagne,
déclare que t tout Français qui continuerait, après le commencement des hos-
tilités, à faire partie des corps militaires destinés à agir en Espagne contre les
troupes françaises ou leurs alliés, sera poursuivi conformément à l'art. 2 du
décret du 6 avril 1809, à l'art. 27 du décret du 26 août 1811 et à l'art. 75 du
Gode pénal. » Quelle que soit la précision de ces différents textes, on doit les
considérer, moins comme une interprétation de la loi pénale, qui ne peut être
interprétée par des décrets et des ordonnances, que comme énonçant des me-
sures d'intimidation et des menaces destinées à rappeler aux Français leurs
obligations envers leur pays. Il serait impossible d'admettre, en efiTet, que le
I fait prévu par )a loi « d'avoir porté les armes contre la France peut s'étendre,
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GRIUES ET 0ÉUT8 GONTAB LA. 8URBTÉ DB l'ÂTAT (aRT. 84). 215
«(Ht au fait de ne pas rentrer en France aux premières hostilités, après avoir
pris du service militaire à l'étranger, soit au fait de faire partie d'an corps de6«*
Une à agir contre les alliés de la France. Ce serait aiibatituer ^u frit prévu et
puni par la loi, soit une simple présomption, soit un fait tout à fiait distinct.
H en est autrement diTcâsnôuveau d'fiosùlîte" prSvù par l'art. 3 delà loi du
10 avril 1825 portant : « Seront poursuivis et jugés comme pirates : 1* tout
Français on naturalisé Français qui, sans Tautorisation du roi, prendrait com-
mission d'une puissance étrangère pour commander un navire ou bâtiment
<le mer armé en course ; 2^ tout Français ou naturalisé Français qui, ayant
obtenu, même avec l'autorisation du roi, commission d*une puissance étrangère
pour commander un navire ou bâtiment de mer armé, commettrait des actes
d'hostilité envers des navires français, leurs équipages et chargements'^ Ce
dernier fait rentre évidemment dans les termes de Tesprit de Fart. 75.
170. Les art. 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82 et 83 prévoient une série d'actes qui
ne sont que des espèces diverses d'un même crime : le crime de trahison envers
rÉtat au profit d'une puissance étrangère, les machinations et manœuvres qui
ont pour objet, soit de provoquer des hostilités, soit de livrer à des ennemiB
des villes, forteresses, ports, arsenaux, les correspondances nuisibles à la si-
tuation politique ou militaire de la France, la révélation aux agents étrangers
des secrets d'État, le recelé en temps de guerre des espions et des soldats de
l'ennemi ; tous ces faits ont un caractère uniforme, une même criminalité ; ils
ae difTèrentquepar la matérialité des circonstances qui les constituent. On peut
reprocher au Ciode de n'avoir pas spécifié ces circonstances avec assez de pré-
cision ; lien résulte quelque incertitude à l'égard des faits que les incriminations
peuvent atteindre ; mais il ne faut pas perdre de vue que tous ces faits, quels
qu'ils soient, ne peuvent être saisis par la loi qu'autant qu'ils sont animés
d'une intention coupable : il ne faut pas confondre l'imprudence ou la légèreté
avec le crime.
171. Les art. 84 et 85 prévoient cependant des faits qui peuvent être, en
certains cas, plutôt des actes d'imprudence que des actes de trahison. En voici
« AaT. 84. — Quiconque aura, par des actioas h^ostiles non approuvées par le
gouvernement, exposé l'État à une déclaratrôn de i^uerrg, sera puni du bannisse-
l&ônT, '^,'"Sria guerre s'en est suivie, de la déportation. — Art. 85. Quiconque
aura, par des actes non approuvés par le gouvernement, exposé les Français &
éprouver des représailles, sera puni du bannissement. » — — —
Vous remarquerez d'abord que, dans ces deux articles, qui constituent une
sorte d'exception dans le Gode pénal, ce n'est point l'intention de Taçent que
la loi inculpe, c'est à peu près exclusivement le TaiTmatérieï : préoccupé de
l'intérêt de maiiîtenîr dé Bonnes relations avec Tës'pays voisins, notre législa-
teur a voulu punir les actes qui pourraient les troubler, sans rechercher si ces
actes avalent le caractère d*un crime ou d'une simple imprudence, il lui a paru
que la gravité^dês cbnieqiiences ne permeEtait pas de é^rrfflèTà l'élément in-
tentionnel. Ce n'est pas même les actions hostiles qu'il incrimine ; il les incri*-
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I
/ 216 QUINZIÉMS^LBGOIf. — - DB8 CRIICBS ET DÉLITS, ETC. (n* 172).
mine si peu qu'il ne les a pas même définies ; peu lui importe que ces actions
soient des violences, des déprédations ou tous autres faits ; il ne recherche
qu'une seule chose, c^e?^jij^Js.§Ç^iQ.°^ gofltdfl nnhire à owpoBer-yétaiè-fme
déclaration de guerre^u les Français à des représailles. Ce n*est pas la gra-
nité des actes qu'il mesure, c'est uniquement leur résultat, c'est Peffet qu'Us
ont produit, c'est le préjudice qu'ils ont causé.
SECTION II
DES CmVES CONTRE LA SÛRETÉ INTÉRIEURE DE l'ÉTAT.
172. Parmi les crimes politiques, les plus graves sont ceux qui s'attaquent,
soit à la personne même du chef de l'État, soit à la forme du pouvoir social. Ge
sont dyiic cuirf-t!r'qti1"&'ppenènt â un plus haut degré la sollicitude du légis-
lateur, et qui provoquent les incriminations les plus précises et les plus pré-
voyantes.
Le Gode pénal de* 1810 avait porté cette prévoyance à Texcès, lorsqu'il avdl
puni, comme un délit ou un crime, suivant les circonstances, la non-révélation
des complots ou crimes projetés contre la sûreté intérieure 'ou extérieure de
PÉlSf.Te's'art.TDS; Ï04, 105, 106 et 107, qui avaient établi les différents degrés
9e cette incrimination, ont été abrogés par la loi du 28 avril 1832; r sans
doute, déclare l'exposé des motifs, c'est un devoir rigoureux pour tout citoyen^
s'il apprend qu'un crime se prépare, soit contre les particuliers, soit contre les
princes de l'État, de donner au pouvoir, par de salutaires avertissements, les
moyens de protéger contre toute atteinte les lois, la constitution du pays et
les existences menacées ; mais ce devoir, la conscience seule doit la iiire
remplir, la menace d'une pénalité n'y fait rien. Les peines contre la non-tévé-
lalion ont'toujours été réprouvées par les mœurs puUiques ; elles ^sont évi-
demment sans efficacité. La non-révélation appellera donc totspTurs'sùflin
citoyen la plus grave responsabilité morale; mais elle cessera de figurer dans
le Gode pénal comme un crime ou délit. »
178. Au-dessus du fait de non-révélation, les premiers actes que l'on trouve
en remontant l'échelle de la criminalité sont lajproposition faite et non agréée
de former un complot, et le complot lui-même. J'ai déjà eu l'occasion de vous
en(retenîr de ces deux dTsposîltôïfé de~ notre Gode en traitant de la tentative
(voy. n<^ 22 et 23). Je n'ajouterai que quelques mots à ces premières obser-
vations.
Le quatrième paragraphe de l'art. 89 est ainsi conçu :
'^ . ^ 7 « S'il y a eu proposition faite et non agréée de former un complot pour arriver
aux crimes mentionnés dans les articles 86 et 87^ celui qui aura fait* une telle pro-
position sera puni d'un emprisonnement crun an à cinq ans. Le coupable sera do
plus interdit en tout ou en partie, des droits mentionnés en Tart. 42. »
Gette disposition, qui incrimiae la résolution d'agir, c'est-à-dire la simple
pensée criminelle, aussitôt et par cela seul qu'elle a été communiquée, a été,
on l'a déjà vu, fortement critiquée. « Quant à la simple proposition, a dit un
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n
V-
CRIICE8 GONTRB LÀ SURBTÉ DE l'ÉTAT (aRT. 84-85). 217
«^ 't criminaliste/à la proposition non agréée, est-il nécessaire de démontrer que
— ' oet acte ne aevriut jamais se trouver Inscrit au catalogue des crimes? De sim-
^ ' pies paroles^rapportées par ceux-là mômes auxquels elles auraient é)^ dites,
/ . <* / àes paroles ^*il est si facile de noïUentendre, de mal interpréter, dedénaturer
• à dessein, enfin un acte qui de sa nature n'admet guère de témoignage impar-
" '^ tial et digne de foi, comment oser le 'qualifier de crime t comment s'assurer
i/ii '''^^.qûe la proposition étaif sérieuse, qu'elle exprimait une résolution criminelle
— ^,^^ plutôt qu'un désir bl&mable. qu'elle était Pexpression d'un projet arrêté, plus
V fo encore que l'explosion^unjnouvemen^^ une boutade de Tanimosité
I,; >î: ei de la liainèf »" Ces réflexions, peut-ôtre trop absolues, démontrent du
./ ^ ^ moins la nécessité de contenir rincrimination dans les termes les plus précis :
^ ^^ ^ ce ne sont point des paroles vagues et frivoles, des paroles de haine ou de
^ ^'^' colère que la loi a voulu saisir, c'est la proposition formelle et résolue d'un
^-'H V r complot, la proposition sérieuse d'un projet arrêté à l'avance, c'est la commu-
' c"^ nication d'un plan et des moyens d'exécution, Tindication du but. Si ce carac-
^ ' tère ne se trouve point dans la communication, elle n'est plus saisissable.
v< ^ ^ Deux modifications ont été apportées par la loi du 28 avril 1832 au quatrième
,r paragraphe de l'art. 89. En premier lieu, la proposition non agréée était qua-
^^ " lifiée crime, elle a reçue la qualification de simple délit ; elle était punie de la
r réclusion, la peine actuelle est un emprisonnement d'un an à cinq ans. La se-
5 ..conde modification touche des faits auxquels se rapporte la proposition non
^. ^ . agréée. lie Gode pénal avait prononcé la réclusion, si la proposition avait pour
5 . /^objet l'attentat prévu par l'art. 86, et le bannissement, si elle avait pour objet
^ ^ l'attentat prévu par l'art. 87. Le projet de la loi modificative n'avait conservé
A- ^-^ . cette incrimination que dans le premier cas. c La proposition non agréée, dî-
\' ^ sait le rapporteor de cette loi, d'un complot contre la constitution oul'établis-
« •- . sèment politique, n'a rien de bien alarmant; c'est le rêve d'une mauvaise
^ * ^ passion, le propos d'un mécontent, une provocation peut-être que dissuade et
,.' "/ décourage .le premier refus. La proposition non agréée d'un complot contrôla
\ , ^^ vie du roi ou des membres de sa famille a un caractère bien plus grave j^ ici r
k /' l'exécution est plus facile, le but plus net et plus circonscrit, les moyens plus
^ \. sùrs^fplus prompts, les occasions plus fréquentes et plûadéclslves. > Cette
«^ . 4^ distinction ne fut pas adoptée : on ne se rendit pas compte de la distance qui
' «J^ sépare un complot contre la vie du souverain, dans lequel l'exécution peut
^ .suivre immédiatement la résolution, et un complot contre la forme politique
)^ . / d'un État, dont l'exécution demande des forces considérables et de longs pré-
^ \ paratifs ; il parut qu'un même péril existait dans ces deux hypothèses distinc-
'^ ^^ tes, elles furent réunies dans les mômes dispositions. , '., ^
; ' :^ 174. ai la proposition est agréée, le complot existe : ]' « ' »
« Art. 89. Le complot ayant pour but les crimes mentionnés aux art. 86 et 87, s'il
a été suivi d'un acte commis ou commencé pour en préparer l'exécution, sera puni
de la déportation. S'il n'a été suivi d'aucun acte commis ou commencé pour en
préparer Texécution, la peine «era celle de la détention^ Il y a complot dés que
la résolution d'agir est concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs personnes. »
Il résulte de ce texte qu'il y a complot par cela seul que la résolution d'ai
a été conoerlée et weètée entre plusieurs personnes : peu importe que ce
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^
218 QUINZIÈME LEÇON. — DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (n* 175).
résolution ait été suivie d'un acte commis ou commencé pour en préparer
l'exécution ; ce commencement d'exécution est une circonstance aggravante
du crime^mai's "n'est point nécessaire £otrrta:OTnistlttïfr;'6ne à seulement pour
conséquence une aggravation de la pénalité. Ge qui constitue le crime, c'est
la volonté criminelle manifestée avant tout acte d'exécution par un concert
entre diverses personnes. Je vous ai fait remarquer précéedmment que c'était
là une notable exception aux règles qui concernent la tentative. Le danger
social a paru trop grave pour que la répression pût attendre qu'il y eût ten-
tative caraclérisée ; t car une tentative heureuse rendrait la répression im-
possible, et l'existence seule du complot est unincalculabie danger. > Au reste^
cette incrimination exceptionnelle, que commande, suivant l'expression de
M. Berlier, dans l'exposé des motifs, le salut suprême de l'État, n'est pas
une disposition nouvelle ; elle était écrite dans la loi romaine : Quisquis cum
militibus vel privatis, vel barbaris scelestam inierit factionemy aut factionis ipsiia
susceverit sacramentum, vel cogitaverit (eddem enim severitate voluniatem sceleris
qud ^ff'ectum puniri jura voluerunt), ipsequidem utpote nuyestatis reus, gladio
feridtur. (L. 5, ad. leg. jul. majastatis.) Cr ^ S'.
Le Gode pénal de 1810 prononçait la peine de mort contre le simple com-
plot ; c'est là Tune dès'^spôsTtTdns'qurTuT'ônf ini^ntÇTês" plus "sévères crlff^"
que's. Car comment appliquer une peine irréparable à une incrimination
qui ne saisit aucun fait matériel, qui ne repose que sur deux volontés mani«
festées avec plus ou moins de précision, et dans jfljngflp la ingtiçA rpn^Antj.a
par conséquent des chances si noinbxeuges dletiSir ? La loi d^ 1832 a substitué
à*1c;ette poinë celle de la détention; mais elle a maintenu les conditions d'exis-
tence du crime : ces conditions sont, d'après le texte même de l'art. 89 :
1« qu'il y ait une résolution d'agir ; 2» que cette résolution ait été concertée
et arrêtée entre deux ou plusieurs personnes ; %^ qu'elle ait eu pour objet les
crimes mentionnés aux articles 86 et 87.
176. Le complot prend un caractère plus grave « s'il a été suivi d'un acte
commis ou commencé pour en préparer l'exécution. »
Remarquez, en premier lieu, qu'il ne s'agit ici que d'actes préparatoires ; en
effet, le complot n'est lui-même qu'un acte préparatoire de l'attentat; l'exécu-
tion du complot, c'est l'attentat. Tous les actes qui font partie de cette exécu-
tion, qui la commencent ou la consomment, sont donc des actes, non plus du
complot, mais de l'attentat. Mais comment distinguer les actes préparatoires
«t les actes d'exécution? Les premiers comprennent tous les préparatifs :
l'achat des armes et des munitions, la désignation et la possession des lieux
destinés aux réunions des associés, au dépôt du matériel, à l'exécution même,
mais les discours et les^ écrits ne peuvent jamais constituer l'acte extérieur.
Les seconds commencent par l'action elle-même, ils en font partie, ils en sont
un accomplissement plus ou moins considérable : telle serait la réunion des
conspirateurs, leur marche sur le lieu de l'attaque, l'attaque elle-même, etc.
La difficulté de rattacher, par on lien direct, soit à un complot, soit à une
tentative d'attentat, les actes isolés de préparatifs ou d'exécution, a motivé la
loi du 24 mai 1834. Le rapporteur de cette loi en a expliqué le but en ces
termes : c Les préparatifs les plus dangereux de rinsurrection sont impunis,
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CRIMBS CONTRE LA. SURRTÉ DS l'ÉTAT (aRT. 89). 219
sHls ne sont pas les indices d'un complot ; les actes les plus flagrants d'insur-
rection sont impunis, s'ils ne contiennent pas un attentat. Approvisionner des
armes et des munitions^ confectionner des cartouches et fondre des balles, ce
n'est rien si Taccusation ne prouve pas un complot pour l'exécution duquel
ces redoutables préparatifs aient été faits. Mais quelle n'est pas en matière de
complot et d'attentat la difQcuUé de la preuve judiciaire ! Si vous voulez
prouver la résolution d*agir en elle-même, le concert qui la prépare et la dé-
termination qui la constitue, il faut non-seulement pénétrer les plus intimes
secrets de la vie privée^ il faut encore sonder toutes les profondeurs de la con-
science et de la volonté. 81 vou^ voulez déduire la résolution d'agir d'un fait
qui la suppose, il faut procéder par voie d'argumentation et de conjecture. La
première preuve est presque impossible, la seconde est presque aussi péril-
leuse que difficile, car, si elle ne suffit pas aux esprits timides, elle égare les
esprits prévenus... Au-dessous de ces attentats et de ces complots, se placent
des actes dangereux et criminels qu'il est difficile de leur assimiler compléte-
menty et que la sûreté de TÉtat commande ceaendant de ne pas laisser im-
punis. Ils forment la matière du projet de u/i. Incriminer et punir, à titre
d'in£ractioa à des lois de police et de sûreté, les actes qui préparent l'insurrec-
tion, telle est la pensée qui a présidé à la rédaction du projet. Ce système
d'incrimination nous a paru efficace et irréprochable. Poursuivez un approvi-
sionnement d'armes à titre d'infraction à la loi qui défend de détenir des
armes, la preuve est faite dès que l'approvisionnement est prouvé. Poursuivez
au contraire cet approvisionnement d'armes à titre de complot, il faut prouver
encore que c'est dans un but criminel, avec la résolution concertée et arrêtée
d'atteindre ce but, que cet approvisionnement a été fait. » Ces observations
expliquent suffisamment les quatre premiers articles de la loi du 24 mai 1834,
qui sont ainsi conçus :
« Loi du 24 mai 1834. Art. l. Tout individu qui aura fabriqué, débité ou distri-
bué des armes prohibées par la loi ou par des règlements d'administration pu-
bliques, sera puni d*un emprisonnement d'un mois & un an et d'une amende de
16 à 500 fr. — Celui qui sera porteur desdites armes sera puni d'un emprisonne-
ment de six jours à six mois et d^ane amende de 16 a 200 fr. — Art. 2 Tout indi-
vidu qui, sans y être légalement autorisé, aura fsbriqué, débité ou distribué de
la poudre, ou sera détenteur d'une quantité quelconque de poudre de guerre, ou
de plus de deux kilogr. de toute autre poudre, sera puni d'un emprisonnement
d'un mois à deux ans, sans préjudice des autres peines portées par les lois. —
Art. 3. Tout individu qui, sans y être légalement autorisé, aura fabriqué ou con-
fectionné, débité ou distribué des armes de guerre, des cartouches et autres mu-
nitions de guerre, ou sera détenteur d'armes de guerre, cartouches ou munitions
de guerre, ou d'un dépôt d'armes quelconques, sera puni d'un emprisonnement
d'un mois à deux ans et d'une amende de 16 à 1,000 fr. — La présente disposition
n'est point applicable aux professions d'armurier et de fabricant d'armes de com-
merce, lesquelles resteront seulement assujetties aux lois et règlements particuliers
qui les concernent. — Art. 4. Les infractions prévues par les articles précédents
seront jugées par les tribunaux de police correctionnelle. Les armes et munitions
fabriquées, délivrées, distribuées ou possédées sans autorisation seront confisquées.
Les condamnés pourront, en outre, être placés sous la surveillance de la haute
police pendant un temps qui ne pourra excéder deux ans. En cas de récidive, les
peines pourront être élevées jusqu'au double. »
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220 QUINZliMB LBGON. -^ DBS GRIIIBB BT DÉLfXS, BTG. (n"" 177).
176. U me reste à parler, pour épaiser la matière des actes préparatoires,
d'un acte que la loi pénale a assimilé an complot, quoiqu'il émane d'un indi*
vidu isolé.
ce Art. 90. Lorsqu'un individu aura formé seul la résolution de commettre l'un
des crimes prévus par l'art. 86, et qu*un acte, pour en préparer rexécution, aura
été commis ou com£àVm)ô'*par lui seul et sans assistance, la peine sera celle de la
détention. »
Cet article n'existait pas dans rancien Gode. Le rapporteur de la loi du
28 avril 1832 a dit, pour l'expliquer : c Votre commission a assimilé au com-
plot des actes préparatoires qui accompagnent une résolution d'agir indivi-
duelle et propose d'appliquer également à ce crime la détention à temps. Il ne
faut pas oublier que ce fait éuit qualiGé d'attentat et puni de mort par le Gode
pénal. » Il est peut-être douteux qu'un acte pur^nent préparatoire rentrât dans
les termes de l'ancien art. 88 et pût constituer un attentat. Quoi qu'il en soit,
la loi punit ici, comme dans Tart. 89, la résolution d'agir manifestée, non
plus par le pacte des conjurés, mais par un acte extérieur purement indivi-
duel. Get acte extérieur n'a point les caractères d'une tentative, car, s'il cons-
tituait un oommencement d'exécution, il serait incriminé comme attentat. U ^ ""
n'est qu*un acte préparatoire des actes d'exécution, mais il faut qif il soit, y^ v *
matériel : les cris ou les discours ne euffiraieoLpas. L'art. 90 ne se réfère d'ail- / ^ -
leurs qu^aùx crimes prévus par l'art. 86 : il est clair que l'effort isolé d'un ^ ' '
simple individu ne présente aucun danger'quând'ils'ag^it des crimes men- /•.
tlbnnè's dans' l'art, il. / \ * / ' /* / . / ; • / '^ / '^v !^ i-
177. Il &ut passer maintenant des actes préparatoires aux actes d'exécution, / /' ^ ,<
du complot à l'attentat. Les art. 86, 87 et 88, qui vontj en premier lieu, faire ' ^
l'objet de notre examen, ont éprouvé quelques vicissitudes. Gomme ils ont y v
pour but de défendre les formes politiques du gouvernement, ils ont subi le t^ '' '^
contre-coup de toutes les révolutions qui sont venues successivement modifier .V ^
cette forme. ^ '
L'art. 86 du Gode pénal de i810 qualifiait crime de lèse-majesté, Tattentat
ou le ciHnplot contre la vie ou la personne de l'empereur, et punissait ce crime
des peines du parricide. La loi du 28 avril 1832 a supprimé les qualifications
de lèse-majesté et a conservé, pour l'attentat contre k vie ou la personne du
roi, la peine du parricide ; elle a en même temps attaché à l'art. 86, comme
un dérivé du même acte, le délit d'offense publique envers la personne du roi.
Get article, explicitement abrogé par .l'établissement du gouvernement répu-
blicain, a été rétabli par la loi du 10 juin 1853, dans les termes suivants :
tt Abt. 86. L'attentat contre la vie ou la personne de l'empereur est puni de la
peine du parricide. — L'attentat contre la vie des membres de la famille impé-
riale est puni de la peine de mort. — L'attentat contre la personne des membres
de la famille impériale est puni de la peine de la déportation dans une enceinte
fortifiée. — Toute offense commise publiquement envers la personne de l'empe-
reur est punie d*un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de
500 à. 10,000 fr. Le coupable peut, en outre, être interdit de tout ou partie des
droits mentionnés en Tart. 42 pendant un temps égal à celui de Temprisonnement
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GBIMES CONTRE LA 8URBTÉ DB l'ÉTAT (aHT. 86). 221
auquel il a été condamné. Ce temps court à compter du jour où il a subi sa peine.
— Toute offense commise publiquement envers les membres de la famille impé-
riale est punie d*un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de
100 fr. à 5,000 fr. »
Cet article se trouve de nouveau implicitement effacé par les événements
politiques ; mais comme son texte, quoique dénué d^application, continue de
figurer dans le Gode, et qu*un intérêt historique peut s'y attacher, nous n'effa-
çons pas le commentaire qui Texpliquait.
Que faut-il entendre par un attentat ? Cette expression peut soulever quel-
ques difficultés dans les art. 87 et 91, ainsi qu'on verra tout à l'heure; mais
ici son sens est clair, an moins en ce qui concerne l'attentat contre la vie ;
c'est l'assassinat, le meurtre, l'empoisonnement, les blessures qui peuvent
occasionner la mort. Il est plus difficile d'expliquer l'attentat contre les per-
sonnes. 11 est évident que cette expression, interprétée lato sensu, peut com*
prendre tous les actes de violence personnelle, quels que minimes et légers qu'ils
soient. Est-ce là ce qu'a voulu la loi quand elle a édicté la peine de mort ? Est-
ce là la signification juridique du mot attentat? Ce mot n*emporte-t-il pas
ridée d'une violence grave qui, si elle n'est pas dirigée contre la vie, est diri-
gée contre la sûreté ou la Hberté de la personne ? On trouve d'ailleurs, dans
,ç l'art. 305 du Gode pénal, une sorte de définition de cette expression. Get arti-
cle punit des travaux forcés « quiconque aura menacé par écrit, d'assassinat,
d'empoisonnement, ou de tout autre attentat contre les personnes, qui serait
punissable de la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité ou de la dépor-
. tation. » Ne peut-on pas induire de ces termes que, dans le système de la loi,
les attentats contre les personnes sont au moins des faits qu'elle a qualifiés
crimes ? La loi n'exige pas, du reste, que la cause de l'attentat soit une cause
.politique, les conséquences sont les mêmes, quel que soit le motif de l'acte.
^' ^ Ces dispositions s'appliqueraient-elles au président de la République, chef
du pouvoir exécutif ? Auraient-elles la mission nouvelle de protéger sa vie et
4 f^ sa personne? non, car le droit commun suffit à cette protection. Ces deux articles
/' ; doivent être considérés comme un débris des lois de lèse-majesté, dont le but
était de maintenir et de garder la majesté du trône, le pouvoir du souverain.
Bien que l'intérêt social ne soit pas moins grave relativement à la sûreté per-
sonnelle de ce premier magistrat, il n'est pas nécessaire de recourir à une pro-
tection privilégiée. La loi commune est suffisamment armée et d'ailleurs les
textes se ploieraient difficilement à une telle application.
178. La loi du 28 avril 1832, par une disposition qui n'était point à sa place,
avait annexé dans un paragraphe additionnel à l'art. 86, le délit d'offense pu-
bUque envers la personne du roi. La loi du 10 juin 1853 a repris cette addition
et l'a éiendue aux offenses envers les membres de la famille impériale. U eet
évident que cette offense n'a pas le caractère d'un attentat : la loi ne lui a
point donné cette qualification. G'est la relation de la matière qui l'a fait pla-
cer à côté des attentats.
Déjà les lois de la presse avaient puni l'offense envers le chef de l'État.
L'article l^nie là^lôTTu Trjuillet 1849 porte ; « L'art. 2 du décret du 11 août
1848 (qui punissait l'offense envers l'assemblée nationale) est applicable p
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222 QUINZIÈME LEÇON. — DES GRIMES ET DÉLITS, ETC. (n® 180).
offenses envers la personne du président de la république. • Mais cette loi ne
frappe que les offenses commises par voie de publication, c'est-à-dire par la
voie de la presse, ou par des discours proférés dans des lieux publics. Le 2* §
de Fart. 86 a eu pour objet d'ajouter à cette publicité spéciale et limitée une
publicité indéfinie : tous les moyens par lesquels l'offense devient publique
permettent de la saisir.
Quant au caractère intrinsèque des délits, la loi ne Ta point indiqué : elle a
pensé qu'il lui suffisait d'employer un mot qui comporte avec lui une significa-
tion un peu vague peut-être, mais au fond certaine. Tous les faits qui consti-
tuaient Toutrage et Tinjure constituent en môme temps Poffense. C'est donc
à la définition des deux premiers délits qu'il faut se reporter pour définir le
dernier.
y 179. Les art. 87 et 91 prévoient plusieurs autres cas d'attentat. L'art. 87 a
été rectifié par la loi du 10 juin 1853:
a Art. 87. L'attentat dont le but est, soit de détruire ou de changer le gouver-
nement ou Tordre de successibilité au trône, soit d'exciter les citoyens ou les habi-
tants à s'armer contre Tautorité impériale, est puni de la déportation dans une
enceinte fortifiée. »
« Art. 91. L'attentat dont le but sera, soit d'exciter la guerre civile en armant
ou en portant les citoyens ou habitants à s'armer les uns contre les autres, soit
de porter la dévastation, le massacre et le pillage dans une ou plusieurs commu-
nes, sera puni de mort. Le complot ayant pour but l'un des crimes prévus au pré-
sent article, et la proposition de former ce complot, seront punis des peines portées
en l'art. 89» suivant les distinctions qui y sont établies. »
Un mot d'abord sur ce dernier article. La peine de mort qui y est édictée
est remplacée, aux termes de la loi du 8 juin 1850, par la déportation dans une
enceinte fortifiée ; et quant à l'incrimination relative au complot tendant à
l'exécution des crimes prévus par Tart. 91, il est clair que les règles que nous
avons précédemment énoncées sur cette matière s'appliquent nécessairement
ici.
180. La première question que ces deux articles soulèvent est de savoir ce
qu'il faut entendre ici par attentat. Il faut entendre un acte de violence^ un acte
matériel, tel qu'une attaque à force"ouvérTê7 une' prise" d'armes ; c'est ce qui
rt8nll8"3inén8 naîûrel du mot attentat, c'est ce qui résulte de la signification
que difféfelils articles du Cud», Ht um&mment les art. 277 et 305 lui ont don-
née ; c'est ce qui résulte enfin du texte de l'art. 88. Ce dernier article est ainsi
conça:
« Art. 88. L'exécution ou la tentative constitueront seules l'attentat. » ^r > « r '**/
Cet article, en effet, a eu pour objet d'abroger une disposition du Code f r
de 1810, qui réputait attentat tout acte extériieur"commÎ8 où commencé pour' ,
parvèlitriTeïécution . L'exposé des motifs de la loi de 1832 porte : < La mani- -y * ^"
f^atiou pai des actes extérieurs d'une résolution criminelle, mais avant le ^
commencement d'exécution, ne saurait être assimilée à l'attentat lui-même. '^{If/r
C'est à l'attentat, c'est-à-dire à Vennéeution dé^à commencée, que la peine capitale
sera réservée. » Il soit de là que, pour qu'il y ait tentative légale, il faut . ; - -
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/ Vc^ ^-v CRIMES CONTRE LA SURBTÉ DE l'ÉTAT (aRT. 91). />. ,/' 223 •'#"'' *
qu'il y ait commencement d'exécution de Pacte constitntif de l'attentat. En
effet, en substituant la tentative à un acte commis ou commencé, et en pla-
çant sur la même li^ne la tentative et l'exécution, le nouvel art. 88 n'a pu * ' * .''
entendre qne la tentative équivalente à l'exécution, c'est-à-dire celle qui est con-
sidérée comme le crime même par l'art. 2 du Gode pénal. S'il en était autre- *!
ment, et si la loi avait voulu établir pour ce cas une tentative spéciale et hors f*'*^*i
du droit commun, elle s'en serait expliquée et ne se serait pas servie d'une C<//u
expression dentelle avait elle-même fixé le sens légal. Cette interprétation de ^
l'art. 88 résulte encore clairement des art. 89, 90 et 91, deuxième paragraphe; ^ '^ „ .
en effet, d'après les art. 89 et 91, le complot est puni de la déportation, lors- '^'' '* ' <
qu'il y a eu un acte commis et commencé pour préparer l'exécution des at- ////
tentais prévus par les art. 86, 87 et 91. Il en est de même dans les cas prévus - > , y ^
par Tart. 90, qui punit également de la détention un acte commis ou corn» - \ }
mencé pour préparer l'exécution de l'attentat prévu par l'art. 86. Donc il ne
suffit pas d'un acte commis ou commencé, ou d'une tentative quelconque,
pour constituer les attentats prévus par les art. 87 et 91 ; donc il faut la tenta-
tive caractérisée que l'art. 2 assimile au crime même. Donc la tentative, c'est
le commencement d'exécution ; l'exécution, c'est raccompIIs"sëmen t mêmeda.
l'attentat.
181. Il est plus difficile peut-être de préciser avec exactitude les différents
buts de l'attentat, lesquels constituent dans chaque hypothèse l'un des élé-
ments du crime. Dans quels cas l'attentat doit-il être réputé avoir pour but de
changer le gouvernement, d'exciter les citoyens, soit à s'armer contre l'auto-
rité souveraine, soit à la guerre civile ? Un acte isolé, un effort individuel et
par là même impuissant, aura-t-il ce caractère ? Ëst-il nécessaire qu'il ait me-
riacô d^un péril v^îlàbTeT^rïïrepolitîqlïeTWiit^ mettre sur la même ligne le
soulèvement d'un jarti puissant, ou l'attaqué Insensée "dé quelques indivi-
dus? Là loi, en" se servant d'expre'ssîons'vagues et Indéfinies, y '^^otthi g«t8irj_
tous lesTaits qui pourraient mettre TÉiaLeapèdl, tous les actes qui ËtP]&ifiaL
lë "menacer d'un désordre grave et sérieux; il est nécessaire, toutefois, que ces
actes aient pour but la destruction de la forme politique ou la guerre civile;
c'est làla conSitîon principale de l'incrimination, c'est ce qui constitue l'at-
tentat.
18S. Cependant la loi, après avoir incriminé en thèse générale, et sans les
définir, tous les faits qui, par leur gravité et leur but, peuvent rentrer dans la
classe des attentats, a cru devoir spécialement déterminer quelques-uns de ces
faits. Tel est l'objet des art. 92, 93, 94 et 95, qui prévoient la levée sans ordre
l ^ ,.-Ae troupes armées, l'usurpation d*un commanStement militaire, les réquisitions
■ ^ illégitimes delà force publique, la destruction des magasins, arsenaux et vais-
seaux de rfifat. Tel est encore l'objet des art. 96, 97, 98, 99 et 100, qui sont
* » • relatifs à l'organisation des bandes armées, y ous devons nous arrêter un mo-
ment à ces'^rniers articles. Les autres ne demandent aucune explication.
188. L'organisation de bandes armées est assurément l'un des actes prépa-
///y-ratoires de l'attentat les plusj^rayes et les plus périlifiuxT Le législateur a dû
rstrprôoccupêrparticulièrement.
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224 QUINZ. LEÇ. — DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (aRT. 96, N* l83).
c Art. 96. Quiconque, soit pour envahir des domaines, propriétés ou deniers
publics, plans, villes, forteresses, portes, magasins, arsenaux, ports, vaisseaux ou
bâtiments appartenant à TÉtat, soit pour piller ou partager des propriétés publi-
ques ou nationales^ ou celles d*une généralité de citoyens, soit enfin pour faire
attaque ou résistance envers la force publique agissant contre les auteurs de ces
crimes, se sera mis à la tôte de bandes armées, oii y aura exercée une fonction ou
commandement quelconque, sera puni de mort. I» (de la déportation simple. Loi
du 8 juin 1850, art. 2). ~ "
Qu'est-ce qu'une bande armée dans le sens de cet article? Il est à remar-
quer d'abord qu'il ne faut point confondre les bandes dont il s'agit : l» avec
les réunions prévues par les art. 210 et suivants, puisque ces réunions, pure-
ment accidentelles, ne sont point organisées; 2'» avec les bandes de malfaiteurs
qui font l'objet des art. 265 et suîvalfi~tF,'^uisque ces bandes sont des associa-
tions formées contre les personnes ou les propriétés ; 3° avec les bandes pré-
vues par l'art. 45U et quT'ont "pour but le pillage des denrées mobilières;
4<» enfin avec les attroupements armésquifontFoljjeVde Ta loi du 7 juin 1849,
puisque ces attroupements ne supposent ni organisation ni commandement.
Les bandes dont parle l'art. ÏÏB~rie "sbntnî des rassemblements armés,jii des
réunions accidentelles de rebelles, ni des attroupements tumultueux, ni des
issocîàîîôris'démarfaîteurs formées pour "commettre des crimes: c'est une
troupe^ organisée pour l'attaque ou la résistance, une troupe munJad'.arjooLesjet
de chers._
Tlest nécessaire, en second lieu, pour l'existence du crime, que cette orga-
nisation ait eu pour but l'un des faits énumérés par l'art. 96. Cette énuméra-
tion excita quelques réclamations lors de la rédaction du Gode. La commission
du Corps législatif fit remarquer c qu'on n'y trouvait pas le cas où une bande
armée aurait attaqué ou dévasté les propriétés d'une généralité de citoyens. Cette
désignation paraît devoir principalement concerner les propriétés communales
ou celles de la masse des habitants d'un lieu; mais, quelque punissables que
soient les invasions contre cette espèce de propriété ou autres analogues, on
ne peut s*empècher d'y reconnaître une gravité moindre, que lorsque les voies
de fait auront pour objet des propriétés publiques et nationales. > Le conseil
d'État repoussa toute distinction c parce qu'il s'agissait ici non d'attroupements
irréfléchis, mais de bandes organisées. Or, un crime de cette nature, dirigémême
contre des propriétés communales^ est si dangereux par le fait et par l'exemple,
il est susceptible d'avoir promptement tant d'imitateurs, qu'il y aurait beau-
coup d'inconvénients à le distinguer des crimes qui menacent la sûreté de
rÉtat au premier degré. »
La peine portée par Tart. 96 n*est applicable qu'à celui « qui sesierii misa la
tête de bandes armées, ou qui aura exercé une fonction ou commandement
quelconque. » Ce commandement, cette fonction est donc la circonstance, non
pas aggravante, mais constitutive du crime. Quant aux individus qui ont fait
partie des mêmes bandes, sans y exercer aucun commandement ni emploi, il
faut distinguer s'ils ont été saisis sur les lieux, ou s'ils n'ont été saisis qu*en
dehors du lien de la réonien séditieuse. Dans le premier cas, l'Art. 98 porte la
peine de la déportation, qui n'est plus en proportion avec le fait, depuis que
cette peine a pris la place de la peine de mort dans Tart. 96. Dans le second
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GRJMX8 CONTRE LA. SURETE I» l'IbTAT (aRT. 100). 225
cas, les conpablds sont passibles des dispositions de l*art. 100, qui est ainsi
conçu:
« Art. 100. Il ne sera prononcé aucune peine pour le fait de sédition contre
ceux qui, ayant fait partie de ces bandes sans y exercer aucun commandement et
sans y remplir aucun emploi ni fonctions, se seront retirés au premier avertisse-
ment des autorités civiles ou militaires ou même depuis, lorsqu'ils n'auront été
saisis que hors des lieux de la réunion séditieuse sans opposer de résistance et
sans armes. Ils ne seront punis dans ces cas que des crimes particuliers qu'ils
auraient personnellement commis, et néanmoins ils pourront être renvoyés, pour
cinq ans ou au plus jusqu'à dix, sous la surveillance spéciale de la haute police. »
Cette disposition a été expliquée par l'exposé des motifs dans les termes
suivants : c Lorsque quelques-uns de ces crimes seront commis ou tentés par
des bandes séditieuses, il faudra infliger les peines avec la juste circonspection
que commandent des affaires aussi complexes. Dans cette multitude de cou-
pables, tous ne le sont pas au même degré, et Thumanité gémirait si la peine
capitale était indirectement appliquée à tous, hors les cas où la sédition serait
dirigée contre la personne ou Tautorité du prince, ou aurait pour objet quel*
ques crimes approchant de cette gravité. Les chefs et directeurs de ces bandes,
toujours pins influents et plus coupables, ne sauraient être trop punis; en dé-
portant les autres individus saisis sur les lieux, on satisfera aux besoins de la
société, sans alarmer l'humanité. On pourra même user d'une plus grande
indulgence envers ceux qui n'auront été arrêté que depuis, hors des lieux de
la réunion séditieuse, sans résistance et sans armes; la peine de la sédition
sera sans inconvénient remise à ceux qui se seront retirés au premier aver-
tissement de Tautoritô publique. Ici la politique s'allie à la justice; car, s'il
convient de punir les séditieux, il n'importe pas moins de dissoudre les sédi-
tions. »
Cette disposition est une véritable excuse pour le fait de sédition : elle n'ex-
clut donc pas la poursuite et la mise en accusation ; mais le fait que l'accusé
s'est retiré au premier avertissement des autorités, et même auparavant, par
conséquent, peut être proposé par Taccusé oomisie excuse, et si les conditions
énoncées par la loi sont constatées, il y a lieu à Texemption de la peine pro-
noneée par cet article.
184. Le 2« § de l'art. 96 établit une régie de complicité spéciale à l'égard
des faits prévus par le § l*r:
« ÂaT. 96. 2* §. Les mêmes peines seront appliquées à ceux qui auront dirigé
rassociation« levé ou fait lever, organisé ou fait organiser les bandes, ou leur
auront sciemment et volontairement fourni ou procuré des armes, munitions et
instruments de crimeSp ou envoyé des convois de subsistances, ou qui auront de
toute autre manière pratiqué des intelligences avec les directeurs ou commandants
des bandes. »
Cette disposition s'écarte des règles générales de la complicité établies par
l'art. 60: 1° en ce qu'elle inculpe non-seulement la fourniture d'armes et
d'instruments pour commettre le crimes mais la participation à des ac('
purement préparatoires ou à des actes tout à fait secondaires; 2<> en ce qu*<
I. 15
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2S6 QUINZIÉMS LEÇON. ~ DBS GRIMXB BT DÉLITS, RPC. (ART. 99, N"" 185).
ctnsidôre ccxniine iln acte de «(Hapiieilô le fait d'aToir de tonte autre manière
pratiqué des intelligences avec les chefs des bandes, incrimination bien vagae
et bien illimitée.
[^'organisation des bandes armées est incriminée dans un deuxième cas qui
présente une véritable aggravation.
c Art. 97. Dans le cas oh V\m ou piusieurs das crimes mentionnés aux art. 86,87
et 91 auront été exécutés ou simplement tentés par une bande, la peine de mort
sera appliquée, sans distinction de grades, à tous les individus faisant partie de la
bande et qui auront été saisis sm* le lieu de la réunion séditieuse. Sera puni des.
mômes peines, quoique non saisi sur le lieu, quiconque aura dirigé la sédition ou
aura esiereé dans la bande un emploi ou commeodemeiU quelconque. »
Il s^agit dans cet article d'opérer avec la bande armée non plus seulement
Tenvahissement d*une place, 4'une forteresse, d'un poste, mais l'exécution ou
la'tentative de run des attentats prévus par les art. 86, 87 et 81. La sévérité
de la loi s^accroit en même temps que le péril social. Ge ne sont plus seulement
ceux qui y ont fait partie de la bande, sans distinction de grades.; l'art. 98
n'est point applicable à ces derniers. Il est nécessaire toutefois qu'ils aient été
saisis sur îe lieu de la réunion séditieuse, car, s'ils ont été saisis hors de ce
lieu, ils peuvent invoquer l'excuse formulée par Fart. iOÛ.
185. « Art. 99. Ceux qui, connaissant le but et le caractère desdites bandes,
leur auront^ sans contrainte, fourni des logements, lieux de retraite ou de réunion,
seront condamnés à la peine des tfavaux forcés à temps. »
Ge fait ée complicité par recel déjà prévu dans des citxsonstances ana4oguea
par les art 61, 969 et 28, exige : 1* que le receleur ait eu connaissance du bat
et du caractère de la bande ; 2^ qu'il ait fourni des logements à cette bande
elle-même ; d'où il suit qu'il doit avoir logé, non point un seul individu, mais
plusieurs formant au moins une partie' de la bande.
18#. La législation ne s'est pas bornée à ineriminer séparément quelques-
mna des faits qai peuvent conatitaer l'acte matériel de l'attentat : elle a éh^
composé cet acte, et de ses divers fragments eHe a formé autont de crimee
spéciaux : tel a été le but de la loi du 24 mai 1834 que jVii déjà en partie
analysée.
« Le 24 mai 1834. a Art. 5. Beront punis de la détentibn les> individus qui, dans
un mouvement insurrectionnel, auront porté, soit des armes apparentes ou cachées
on d^ munitions, soit un unifiorme ou costume ou autres insignes civils oa mili-
taires. Si les individus, porteurs d'armes appelantes ou cachées on de munitions,
étaient revêtus d'un uniforme, d'un costume ou d'autres insignes civfts ou mili>-
tairesi ils seront punis de la déportation. Les individus qui auront fait usage de
leurs armes seront punis de mort. »
a Art. 6. Seront punis des travaux forcés à temps les individus qui, dans un
mouvement insurrectionnel, se seront emparés d'armes ou de munitions de toute
espèce, soit à l'aide de violences ou de menaces,' soit par le pillage de boutiques,
postes, magasins, arsenaux ^t autres établissements publics, soit par le désarme-
ment des agents de la fdroe publiée. Chacun des coupables sera de plus condamné
à une amende de 200 à &00 fr. »
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GRIMBS dONTRB LA. SUimi J)S l'ÉTAT (arT. 99), 227
« Art. 7. JBeront ponis 4b la mâme peine les Itidmtlus qnU àaxLii un moBvenent
inaurrectionoel, auraient envahi, à Taide de violences ou menaces, une maison
habitée ou servant à l'habi talion, b
« ART. 8. Seront punis de la détention les individus qui, dans un mouvement
insurrectionnel, auront, pour- faire attaque ou résistance envers la force armée,
envahi ou occupé des édifices, postes et autres établissements publics. La peine
sera la même à l'égard de ceux qui, dans le même but, auront occupé une maison
balbitée ou non habitée, avec lensonsentement un propriétiive «a do looataîre, et
à régaord du propnétaire eu ds loeataive qui, oomnissant le but des insurgés, leor
aura prooivé aans contrainte rentrée de ladite maisea. »
« Art. 9. Seront punis de la détention les individus qui, dans un mouvemant
insurrectionnel, auront Mi ou aidé à faire des barricades, des retranchements ou
tous autres travaux .ayant i^our ol^t d'entraver ou d'arrêter Taxercies de la force
publique ; ceux ^i auront esiiiècbé, à l'aide de violences ou de menaces, la oonvo-
cation ou la réunion de la Xoroe publique, ou qui aunont provoqué ou flicUité le
rassemblement des insurgés, soit par la distributien-d'erdresou die proolamatioMl,
soit par Je port de drapeaux ou autres signaux de ralliement, soit par tous autres
moyens d'appel; ceux qui' auront brisé ou détruit un ou plusieurs télégraphes, ou
qui auront envahi, à l'aide de violences ou de menaces, un ou plusieurs postes
télégraphiques, ou qui auront intercepté, par tout autre moyen, avec violences ou
menaces, les communications ou la correspondance avec les divers dépositaires
de l'autorité publique. »
Vous voyez que ces divers articles de la loi du 24 mai 1834 ont pour but de
définir des actes partiels dlusurreciion. Le législateur ne recherche point si
le mouvement insurrectionnel a eu pour objet ou pour résultat un ou plusieurs
des crimes prévus par les art. 86, 87 et 91 du Gode pénal ; il ne caractérise
point le mouvement, il se borne à préciser les incriminations et à renfermer
le débat sous la forme d'un fait personnel à l'accusé. La définition du mouve-
ment insurrectionnel eût agrandi le cercle de l'accusation et introduit dans le
débat, outre la preuve de la prise d'armes, fait personnel à l'accusé, et celle
du mouvement dont Taccnsé faisait partie, la preuve d'un but ou d'un résultat
général qu'il est quelquefois difficile de constater. On a voulu rendre les pour-
suites plus faciles en scindant les accusations ; chaque fait matériel de l'in-
surrection peut devenir la matière d'une poursuite séparée et l'accusation n^a
à se préoccuper ni du caractère de cette insurrection, ni de ses prpjets, elle ne
saisît, elle ne poursuit qu'un acte isolé et individuel.
Je ne veux pas entrer dans le détail de toutes ces incriminations qui ont, au
reste, un objet identique et sont goomiseB aux mêmes règles. Il me parait né-
cessaire seulement, dans l'intérêt des principes du droit pénal, de relever une
déviation àeesfHciacipes. il n'y a crime, que loosqué le &it matériel se* trouve
uni à une inteaëon criminelle; c'esl-Vdire quand ces deux éléments ceexis-
tent : la matérialité du fait et l'intentioanalité de l'agent. L'aocusatioa est
donc tenue d'établir ces deux foits qui constituent le crime, car elle est teone
de prouver to«s les éléments constitutifs du crime qu'elle impute i l'agent.
La loi du 24 mai 1834 tend évidemment à modifier cette règle : elle établit
contre le prévenu une véritable présomption, résultant de sa présence dmns
un mouvement insurrectionnel et de la circonstance qu'il a été trouvé ave
les rmes. A la vérité la loi ne punit pas le seul fait matériel : 1 e jury démet
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228 SBIÏ. LBÇ. — DES CRIMB8 ET DÉLITS, ETC. (N* 188).
JQge de rintention. Mais, à la différence des accusations communes, c'est à
l'accusé qu'il incombe d'établir qu*il n'a pas agi criminellement , la présomp-
tion sufQt pour la mise en accusation ou plutôt Tintenlion résulte, jusqu'à
preuve contraire, du fait matériel de la prise d'armes dans un mouvement in-
surrectionnel.
187. Il me reste, pour terminer cette matière, à vous donner Texplicatioii
d'une expression qui est sans cesse employée dans les articles que je viens de
parcourir et dont il est nécessaire de fixer le sens légal. L'article iOl est ainsi
conçu :
« Art. 101. Sont compris, dans le mot amies^ toutes machines, tous instru-
ments ou ustensiles tranchants, perçants ou contondants. Les couteaux et les ci-
seaux de poche, les cannes simples ne seront réputés armes qu'autant qu'il en
aura été fait usage pour tuer, blesser ou fï'apper. »
Toutes les lois pénales ont essayé de définir ce qu'il faut entendre par
armes, parce que le port ou la simple détention des armes a été considéré
dans tous les temps comme une circonstance aggravante des faits dont la
violence est le principal élément. On trouve dans le Digeste cette définition :
Arma sunt omnia tela, hoc est, et fastes et lapides ; non solum gladii, hastœ,
fram^œ id est, rompheœ (L. 3, § 2, De vi et vi armata). Gaïus s'est servi de
termes plus larges : Teîa appellatione et ferrum et fustis et lapis et denique omne
quod nocencH causa fiabetur, significatur (L. 54, § % Dig. De furtis). Il résulte
toutefois de ces derniers mots que c'était surtout l'usage des instruments ou
l'intention d'en faire un usage nuisible qui dans la loi romaine leur imprimait
le caractère d'armes : omne quod nocendi acusâ habctur.
L'art. 101 fait une distinction entre les armes proprement dites et les us-
tensiles d'un usage habituel : les premières emportent la présomption d'une
intention criminelle par cela seul qu'elles se trouvent dans les mains de
l'agent; les autres ne sont réputées armes qu'autant qu'elles ont été employées
à tuer, à blesser ou à frapper. A la possession des unes est attachée la pré-
somption de l'usage; à l'égard des autres, il est nécessaire que l'usage soit
prouvé. On a demandé dans laquelle de ces deux catégories doivent être
rangés les bâtons et les pierres : la jurisprudene n'a pas hésité à les classer
dans la première.
SEIZIÈME LEÇON.
188. Le Gode pénal a compri sous le titre de crimes et délits contre la con-
stitution plusieurs incriminations qui n'ont entre elles aucun rapport direct,
et qui ne se rattachent même qu'accessoirement aux droits que la constitu-
tion a pour but de garantir. Nous suivons, quoiqu'il soit peu méthodique,
l'ordre qu'il a suivi ; cet ordre auquel vous êtes habitués rendra vos études
plus faciles, et d'ailleurs il est plus propre peut-être à vous faire saisir son
véritable esprit.
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VIOLATION OBB DROITS CÎYIQUBS»
SECTION PREBnÉRE
DES CRIMBS ST DÉLITS RELATIFS A L'EXERaCB DES DROITS CIVIQUES.
Le Gode pénal ne contient sur ce sujet qu'un petit nombre de dispositions,
il n'a prévu que les violences exercées^ l'achat et la falsification des votes.
Les lacunes ont été remplies par deux lois récentes* dont je vous ferai con-
naître les dispositions principales. Examinons d'abord les articles du Gode
pénal.
Les art. 109 et liO prévoient Tempôcbement apporté à Texercice des droits
civiques :
■ Art. 109. Lorsque, par attroupement, voies de fait ou menaces, on aura empê-
ché un ou plusieurs citoyens d'exercer leurs droits civiques, chacun des coupables
sera puni d'un emprisnonement de six mois au moins et de deux ans au plus, et
de rinterdiction du droit de voter, d'être éligible pendant cinq ans au moins, dix
ans au plus. »
« ART. 110. Si ce crime a été commis par suite d'un plan concerté pour être
exécuté, soit dans tout l'empire^ soit dans un ou plusieurs départements, soit dans
un ou plusieurs arrondissements communaux, la peine sera le bannissement. »
Le fait que punissent ces deux articles est la violence employée pour em-
pêcher le vote des citoyens dans une élection : la circonstance aggravante de
ce fait est la préméditation, la délibération antérieure d'un plan propre à pro-
duire cet empêchement, soit dans plusieurs lieux, soit même dans un seul.
On lit dans l'exposé des motifs du Gode : « Tonte personne qui trouble on
empêche l'exercice des droits civiques se rend coupable, mais son délit s'ag-
grave et peut même s'élever au rang des crimes, s'il est le résultat d'un plan
concerté pour être en même temps exécuté dans divers lieux ; dans ce dernier
cas, l'ordre public, plus grièvement blessé^ réclame aussi une plus sévère pu-
nition. »
189. Les art. 111 et 112 punissent la falsification des votes :
« ART. 111. Tout citoyen qui, étant chargé dans un scrutin du dépouillement des
billets cont^iant les suffrages des citoyens, sera surpris falsifiant des billets, ou
en soustrayant de la masse, ou en y ajoutant, ou inscrivant sur les billets des
votants non lettrés des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés, sera
puni de la peine de la dégradation civique. »
« Art. 112. Toutes autres personnes coupables des faits énoncés dans rartlde
précédent seront punies d'un emprisonnement de six mois au moins et de deux
ans au plus. »
II résulte de ces deux articles qu'il y a délit toutes les fois que le vœu des
dtoyens est dénaturé par des falsifications, soustractions ou additions de bil-
lets ; et les coupables manœuvres acquièrent un nouveau degré de gravité
lorsqu'elles sont l'ouvrage des scrutateurs, «ux-mêmes, car il y a dans ce cas
violation de dépêt et abus de confiance. Yous avez remarqué sans doute que
la loi ne saisit que celui qui est surpris falsifiant : il faut donc que le délit soit •
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230 sBiz. LBÇ. — DSB isHiiias sv DÉuen, nre. (uuevt. 113» n<» 191).
flagrant poar qu'il existe. Pourquoi cette dérogation aux règles ordinaires ?
C'est que^ quelque grave quia soit uoo tdle iofiniction, on a craint d'ouvrir
une issue trop facile à de tardives et téméraires recherches pour des faits qui
ne laissent plus de traces, quand le scrutin est détruit et qu'on a terminé les
opérations qui s'y rapportent. Combien, dans cette matièrei les espérances
trompées, les prétentions évanouies et la passion pofitique ne féraîent-eties
pas naitre d'accusations hasardées, s'il était permis de les porter après coup
et hors le cas où le coupable est surpris en flagrant délit? Ainsi, aussitôt que
le résultat a été proclamé et rassemblée dissoute, toute imputation d'une
fraude commise dans le scrutin serait tardive.
190. L'art. 113 punit l'achat ou la vente des suffrages :
« Art. 1T3. Tout citoyen qui aura, dans une élection, acheté ou vendu un suffrage
à un prix quelconque, sera puni d'interdiction des droits de citoyen et de toute
fonction ou emploi public pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. Seront,,
en outre, le vendeur et Tacheteur du suffrage, condamnés chacun à une amende
double de la valeur des choses reçues ou promises. »
Cet aritcle mériti? itn reprociie qu'on n'adress» pa» hébitueliement au Code
pénal : la peine de l'amende, quelque élevée qu'elle soit, n'est pas en propor-
tion avec )a gravité^du délit. Il s*agit ici d'un pacte honteux, d'un âiit de cor-
ruption, et si Ton se reporte au système général du Gode, on est surpris qu'une
peine corporelle n'ait pas été appliquée. Nous verrons tout à l'heure que cette
lacune a été réparée.
191. lies articles qui précèdent ont paru insuffisants lorsque les droits poU-
tiqoetfdes citoyens, en se développant, ont pris une grande importance, et Ton
a dtt se préoccuper d*asKurer, par une sanction plus efficace, la sincérité, la
pureté et la liberté des élections. Tel a été l'objet de Ik loi du 13 mars 18W,
du décret du ^ Kvrier 1852 et de Ik loi du 3(y novembre 1*876.
Ces lois, dont la seconde n'est, en général, en ce qui concerne les dis-
positions répressives, que la reproduction de la première, prévoient trois or-
dres de faits qui englobent au moins en partie les trois incriminations du Code
péBAl : i^ les To|^ itlégalemeat émis ;. 2<' lea mioyeojs de vlolenpe ou de eo^
n^ioa «mployés, pouc itérer la vécitô dea soffcages ; 3« 1& violaUM des acnih
ÛJUL
fi* pMHièfe série â» ce» fisMts eonprend IHnoeripftîoii sur la Itete étectorala
sous un faux nom ou sous une fausse qualité, Tinscriptibn sur deur ou plu-
sieurs listes et par conséquent le vote multiple, la dissimulation d'Une inca-
pacité, enfin Paltôration des bulletins dans un scrutin. Cette dernière disposi-
tion doit nous arrêter un moment parce qu'elle modifie l'art 111. En voici le
texte :
« Décret dû 2 févr. 185Î. « Art. 35. Quiconque, étant chargé dimr un scrutîh de
r0oevoi^, compter ou dépouiller les bulletin» contenant le» sum^affsedès oHoyenSi
aoM souauiMt, a|outé ou altéré desk buUetitn, ou la un nomr antre que eelui ii»''^
crti, sera puai d'un. empriaoBnement d^un aoi àjoinq aoA>alidf«m«Meiide de Wi
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YÏQUMTIW nmi QMUTft. Qf^lûlISS (aRX. iït^^ 2)1
Oflk af Ufite» iptt rapiedttîl idemlîqaMiiQttt. Ae&.tirnia» de. Vavt iO% de 1ju1o> dn
i& VMra 1649, donne liea à deux oinerYatioiig. it prend évidemment la plaoe
ée Part. ÏH du Gode pénal; puisque prévoit les mémee faits ; mais il iafs^e
«nbsister Tart. H2, qui Ei^ppKqne anx personnes qui n"ont aucune fonction
dans rassemblée électorale. Ensuite il fait aux termes de Tart. fit une addi-
tion importante. La question s'était élevée de savoir si le fait par les scruta-
4«ttrs de Ureun autre nom que eeld qui étaib iBscnl s«r un ImUetin de vote
rentrait daBs les. tannée de Tatt. lil. L& jii»s{»riidance a'éteit proi|oiM6e po«r
l'alficinatiive, « altendaqae les art. idl et iirE, urtatiai^anx fcandee coausieet
daMteséleelîona, ami poar ob)et, daas lesidivera «la qulila émmèrent^ é'4ui-
avec par laaaneliQtt d'un» peine la sineénlié de L*éleelion ; qn/e te aerail. m^
«fumaitce le aensde iBuira disposilîoae.eti lend^e vaiiie 1a pcé^wyaiice de te lo{>
qaBdPeiLfefiafier UappUcfttîon à Uactauiiii, sans pester direeleaieiit sur ks JmI-
lets, aurait néanmoins pour effet d'altérer le dépeuitiemenl d« samtiA; qm lie
ffid&age. iiigCEÎt aor le bnUeiin n* entre en ligne de compte et ne poodiût. eon
effet légal que par la lecture à haute voix qu'en fait le président ou I'ub d^
scrutateurs, et par 1* annotation qui est faite sur les feuilles de dépouillement
par suite de celte lecture ; qu^en lisant un nom autre que celui qui y est réel-
lement inscrit, on falsifie 1q bulletin quant & Teffec qu'il doit produire. « Gettp
sôlutjion étant peut-être coatiostable, car il est dput^u;c qu'une l^ture eijronëc^
&i|iidale<iqej. puisse être oonsidévée oomme U falsification d'un b^Upti^. «^
que les ft«riii60.d.']iDe loi pénale puissent ôtie étendue aou&le. prétexte 4^-rQSr
Çrit qui les anime. Mais la question se trouve aujourd'hui tranchée par la loi
nouvelle.
On doit également noter la disposition suivante qu! se trouve dans la niéme
Toi:
« AnT. 96;. La mdmt peine sera aj^fîqHée & teat individu qel, ohsv^A'par un
4i8cieiir d'éarirasea eaftmge, «ura insccil »ir la Jiiilieftft» un QOBbavtre qae ûilui
qui litiL âtaife dMgfté^ »
C'est là une fraude que la loi a eu raison de punir, car elle est aussi préju*
diciable ^ue i'additioa ou la sonelriMÉioa d/an vole» ^eUe eon/ient b& outeiun
fmtahle abma de oonfiaoee.
ifiif, La,deq;zLèine sér^ deftitfi comprend 1^ moyens de violence^ouv de cori
iim^tiep cimplosféapoac aUérer i^ (linéarité des si^ffragea. On y trouve.prévua e(
Iffm^, Venti}éa d4n# l'^seq^blée éiect^piale avec iMimps apparentée ou. c^c^éeis^
lÂtA(H4>W ap9prtA«iaz opératioy}^ élecU>xal|^ p«x att/ioupem^nliis^ elameur^ on
4pniftnsfaralioiu inemiçantea, TijnrupiLoa dan^ uja collège éiectoi)al copsownée
on tentée avec violence. Ce dernier fait prend même le caractère d'un crim<^ et
^ gani d^ U^ i;éQ|juj^iofQ». si les coupables éti^ient pQi;teurs. d'arin^ps, ou. i$i le
aofu^n a été vM>lé,, et de U peine^i» tcavisjo^ forcés k teipps^ si lecrû^e s^. été
«fpipiis 1^ soijtA i'w plan qonci^rtâ.
Pem. de Q^s disposî^ioQg, les art. 38 et 39,, Q;iodiaent les.^rU 109 et 113 du
(nPdep^na) ; ie^d^M 4^8 Ipre les rapporter textaeUemeot. I^;art, ^9 qui prévolt
a^WBie L'axt, iû^des «files de violence conunis aoi: un ou plusieurs électeifrF
^ ainsi conpu;
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-232 BBIZ. LBÇ. — DBS GAIMBS BT DÉLITS (aRT. 113, N® 193).
c Art. 39. Ceux qui, soit par voiee de finit, violences ou menaces contre un
électeur, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'ezposer à un dom-
mage sa personne» sa famille ou sa fortune, Tauront déterminé à s'abstenir de
voter, ou auront influencé au vote, seront punis d'un emprisonnement d un mois
& un an et d'une amende de 100 à 1,000 fr. : la peine sera double si le coupable
est fonctionnaire public. »
i^ Cette disposition se rapproche singulièrement de celle de l'art. 109, mais
elle n'est pas cependant tout à fait identique. Ce qu'elle prévoit, c'est l'intimi-
dation exercée sur un électeur en le menaçant soit de destitution, soit de priva-
tion de travail, s'il vote dans tel ou tel sens. L'art. 109 prévoit, non l'influence
exercée sur le vote, mais l'émpécfaementde voter. Supposez que par les menaces
je contraigne un électeur à donner son vote à tel candidat^ l'article 30 serait ap-
plicable ; supposez que je l'empêche de se rendre à l'assemblée en employant
le même moyen, l'art. 109 reprend sa force.
L'art. 38 du décret du 2 février 1850 tonche directement à l'art. 113 du Gode
pénal.
« Art. 38. Quiconque aura donné, promis ou reçu des deniers, effets ou valeurs
quelconques, sous la condition soit de donner ou procurer un suffrage, soit de s'abs-
tenir de voter, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une
amende de 500 à 5,000 fr. Seront punis des mômes peines ceux qui, sous les
mômes conditions, auront fait ou accepté l'offre ou la promesse d'emplois publics
ou privés. 6i le coupable est fonctionnaire public, la peine sera du double. »
IjO fait que punit cet article est, comme l'avait prévu l'art. Il 3 du Code pénal,
l'achat ou la vente d'un suffrage, mais l'incrimination rédigée avec plus de soin
est plus en harmonie avec la nature du délit et saisit plus exactement les di-
verses nuances. La peine paraît aussi mieux proportionnée à la gravité du fait.
Vous aurez remarqué sans doute cette disposition, qui a pris place également
dans l'art. 39, et qui de la qualité de fonctionnaire public fait une circonstance
aggravante. Cette aggravation est fondée, car elle a pour élément, à côté du
fait de corruption, le fait non moins grave de l'abus de pouvoir.
108. La troisième catégorie de faits comprend les violences exercées sur le
scrutin même : la violation du scrutin faite avec violence, les voies de fût
ayant pour objet d'empêcher les opérations électorales, l'enlèvement de
l'urne contenant les suffrages réunis et non dépouillés. Ces actes, qui font
l'objet des art. 43, 45 et 46 du décret, prennent, comme ceux qui sont prévus
par les art. 38 et 39, une aggravation dans la qualité de l'agent. La violation
du scrutin devient un crime quand ses auteurs sont des membres du bureau
ou agents de l'autorité préposés à la garde des bulletins, et la peine est la
réclusion.
Les art. 109 et suivants du Code pénal et les dispositions pénales du décret
du 2 février 1852 s'appliquent à toutes les élections soit politiques, soit lo-
cales. Quant aux art. 109 et suivants, aucun doute ne peut exister ; ils sont
illimités, aucune restriction n'est possible. Le doute n'était né qu'en ce qui
concerne les dispositions de la loi nouvelle ; et, en efifet, toutes ces dispositions
se réfèrent exclusivement aux élections politiques ; elles ne font aucune men-
tion des élections communales et départementales, et il est de principe que
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ATTENTATS A LA LIBERTÉ (aRT. 114). 233
les lois pénales doWent ôtre renfermées dans leurs termes et ne peuvent être
étendîmes, par voie d'analogie, à des cas qu'elles n'ont pas exprerâément pré-
YQS. Mais un décret da 6 juillet 1852 parait avoir résolu cette question^ en
disposant par son art. 2 que, c jusqu'à la loi définitive qui doit régler l'orga-
nisation départementale et munidpale, les élections auront lieu conformément
aux lois existantes.
SECTION 11
ATTENTATS A LA UBBRTÉ.
194. La législation s*e8t occupée des cas dans lesquels un citoyen peut être
privé de sa liberté : les lois des 16 janvier, 10 février 1791, 22 juin, 20 juil-
let 1791, 16-29 septembre 1791, 3 brumaire an IV, 28 germinal an IV, 22 fri-
maire an Vin, 16 thermidor an X, 4 août 1806, 3 mars 1810, 29 octobre 1820,
sont venues successivement tantôt restreindre et tantôt étendre le droit d'ar-
restation. Boit que le pouvoir ait pensé qu'il était dangereux dans l'intérêt de
l'ordre de définir avec trop de précision les cas de détention, soit que cette
matière échappe par sa nature à des règles rigoureuses, il est bien difficilei
au milieu de tant de textes un peu confus, de reconnaître avec netteté Tap*
plication du principe posé par la constitution de 1791, que « personne ne peut
être arrêté que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle a pres-
crite. •
195. Cependant, quelque vagues et flexibles que soient les facultés ouvertes
par la loi, il existe une limite où elles s'arrêtent. C'est là que s'élève l'abus
du droit, l'attentat à la liberté individuelle. La loi pénale a dû prévoir cet
attentat, mais elle n'a peut-être pas déployé, en le réprimant, toute la fermeté
qu'elle manifeste à Té^ud des autres crimes. Le l*'' § de l'art. 114 porte :
« Art. 114. Lorsqu'un fonctionnaire public, un agent ou un préposé du gouver-
nement aura donné ou fait quelque acte arbitraire attentatoire soit à la liberté
individuelle, soit aux droits civiques d'un ou de plusieurs citoyens, soit à la
charte, il sera condamné à la peine de la dégradation civiqtie. »
Qu'est-ce qu'un acte arbitraire, qu'est-ce qu'un acte attentatoire à la liberté
individuelle, dans le sens de cet article ? Il est difficile de répondre, car si,
d'une part, une incrimination aussi vague semble tout comprendre, d'une
antre part, elle ne précise aucun fait, elle ne définit aucun abus, elle ne dé-
termine aucun excès particulier. En principe général, le droit d'arrestation
ne peut être exercé que par les fonctionnaires auxquels la loi l'a délégué et
dans les cas où elle a autorisé son exercice. 8uit-il de là que, toutes les fois,
qu'il a été exercé par un agent qui n'avait pas de pouvoir ou par un agent in-
vesti d'un pouvoir légal, mai» hors des cas où il lui était permis d'en foire
usage, il y a attentat ? Mais quels sont les fonctionnaires auxquels la loi a
délégué le pouvoir d'ordonner l'arrestation ? Dans quels cas peuvent-ilg exercer
ce pouvoir ? Ce sont là deux premières questions, dont la solution serait né-
eessaire pour déterminer les limites de l'application de la loi et que noua ]|e
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234 BEIZ. LBÇ. «-- DB8. CajlfBB KT DÉUTI, ITa. (âKT. 114, N^ 196).
pouvon^examinerid, pnitqQ^èUes appartiennent •xclQttyeafteiit an Gode d'in-
straelion criminelle. Nous n-avona donc- pas encore' tout les élômenU india-
pensables ponr définir toute la poitée de Part. i'14.
Cependant il est possible d'apprécier en- général les cas où ceti airtioie doit
être appliqué. Le droit d'arrestation est soumis à trots oomUtions généraiesi :
{• il ne peut être ordonné que par les fonctionnaires auxquels ilaétédélégné
par la loi; 2<» il ne peut être appliqué que dans les cas où cette application est
formellement autorisée ; 3o enfin, farrestation ne peut avoir lieu qu'avec les
formes qui ont été spécialement prescrites à cet effet. Or, supposez que ces
régies soient enfreintes, que Tarrestation ait été ordonnée par un fonctionnaire
qui n'a pas reçu ce pouvoir de la loi, qu'elle ait été ordonnée hors du cas où
elle est permise, qu'elle ait été exécutée sans application des Ibcmes légales,
oette infraction 8nfâra>-lHeUe pour l'application de TarlL 114 ?'Toute violation
des régies proteotriees de la liberté indiTidnelle doîA-aU» être comidéréb
comme nn attentat? U iaut distinguer-: toute infirastion à cesi lègles peut
devenir la matière d*on attentat, rélénsent* dnaiériel dn crioiie; mais^ pour
rentrer dans les termes de la loi pénale^ il fiuife en outra qn^ella adt étèec»b*
mise, sîoon avee intention de nutie, du moins abuat)«eniecKt, avee la connais
aasnee qu'elle sortait des limites du pouvoir de l'a^enL Je dis, d?abordy qoe
toute infraction aux règles légales relatives à la liberté indiwduelle peut être
considérée comme un élément du orime; et, en effst, eettO' infraction, par cel|i
seul qu'elle s'écarte des termes de la loi, n*es&-elle pae un acte arbitraire? et
s*il en résulte un préjudice, n'est-elle pas un acte attentatoire à la liberté?
Dans cette matière, où chaque déviation du droit peut produire des effets si
^têplorables, l*!nterprétaeion doit s'attacher rigoureusement aux termeirâela
loi ; et comment ne pas apercevoir nn attentat à la liberté, dam le cas où l'arw
restation d'un citoyen serait ordonnée hors des cas et dane les formes que la
loi a étabfis? La distinction ne doit pae porter sur les faits eux-mêmes; pan*
tout où l'arrestation est illégalement opérée, il j a actearl^itraire, il y a attentai
Les terme3 de Fart. 114 sont généraux et absolus. Mais elle doit porter sur
l'intention de celui qui a ordonné ou exécuté illégalement Farrestation. Bi
€\Ile a été ordonnée ou exécutée par des fonctionnaires qui ont à ce sujet uaq
mission expresse de la.loi, et que rillégaiité ne porte que sigct ce qu'ils «uraieqit
outrepassé leurs pouvoirs, soit parce qu'ils l'auraient ordonnée hors de cas
préivns, ou exéoaiée sans les garanties légales, il y a lieu de reQhMcher flfils
ont agi par une interptétatioa erronée de la loi, oapair «nefEandulaose îiéMKi
tioQ : la présomption est en lenr faveur, car ils n'ont faitqn'exeroer une nks-»'
sion légale, seoloment ils l'ont iirrégulièremena exeroée. Il est nécessaire^ pcav
qtt'tl y ait inculpation de leurs actes que» ces: actes soient entaehés deadoL
Que si, an centradre, l'arnestatiott a é^ ondoneée Ott exicoAée perdes a^enAa
qui n'avaient auc«»e. mission légale poux donner laaosdvea ou pour precédeff*
à eet acte^la pnésomption est; qu/ils ont agi fraii^ulettaeiiient, car ils ootusurp^)
un- pouvoir qui ne levr appartenail pas, et l'ont «sorpé andétnmeot d'anttrak-
La question n'est plus daaa les Mmiltesi du droit, elb^stéMUi ks droit iiik.
même. L*acten*eet pras seuleamnt prèsttmé arbilraiiiev il Pest pw ivi-mêiBe,
tons- les éléments de l'attentat se trouvant lénni.
tW. L'art* îti nepT^oit pas saalement les «êtes «cteîHatofres à la liberté "
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AXTBNTAl» à, hK UBiBil'** {àK£. US). 235
itkdiTÎdii«ll9» il punit encore les aotat attentatoires, soitanx dreito oi¥i<|a6id!un
ou de plusieurs citoyens, soit à la constitution. IL constitue donc en quelque
sorte une sanction des droits constitutionnels; il est destiné à les maintenir, à
frapper toute violation de ces droits. II est à regretter seulement que' le légis-
lateur n*ait pas^ à cette formule vague et indéfinie, substitué une incrimination
plus précise et plus sai&issable. Car qu*est-ce qu'un acte attentatoire. & ua droit
civique ? qu'est-ce qu'un, aoto aiteotatoire à laCooetitutioD? 11 est clair qne de
telles incriminations, par cela seul qu'elles sont illimitées, sont purement
comminatoires^ et, tout en établissant un principe de répression, elles ne
répriment effectivement aucun acte illégal. (Vey. loi du 30 déo. 1876.)
197. Le %«S de Fart. 114 prévoit un cas de justification, qui n'est qu'une
application du principe posé par l'ïirt. ^4 et par l'art. 328.
« Si Déaimiolns il justifia qull a agi par ordre do ses supérieurs, pour des objets
du ressort de ceux-ci, sur lesquels il leur était dû obéissance biérarchique., il sera
exempt de la peine, laquelle sera, dans ce cas, appliquée seulement aux supérieurs
qui auront donné Tordre. »
U ne faudrait pas induire de ce texte que l'inférieur doit &tre, en général^,
à couvert de toute peine, dès qu'il peut représenter Tordre de son supérieur.
En matière militaire mâme, Tobéj^sance passive a des bornes, elle s'arrêta
dans le cercle des actes relatifs au service. Dans Tordre civil, le fonctionnaire
inférieur n'est point dispensé d'examiner les mesures qu'il est cbargé d*exé-
cater. Par exenpl% 9k pofir Bepreodue uoi eiempie cité par Gambaoirès daas
UéiflGBWÎoaé» AOtre aiAicie». « ahsondraîAHin nn aeus^préfet qui, pan ofdro dir
préfsi, aniait but ËStékar na, piéeideiit d'asaeaaUée éteotosal» dans ToBenûce àe
M9ibnetiofis7 ■ MaWj m Ton se reperte au f**^ g de Tart. 114, en voit que les
actes attentaiotresaus droits des citoyens eonstitnent une matière délicate et
si difficile, à ce qu'il parait, à définir, que le législateur n*a pas essayé de le
&ire. Or, dans cette matière sujette à des ihterprélation diverses, il a paru
dangereux de laisserau fonctionnaire inférieur la responsabilité et par consé-
quent Texamen de Tordre qu'il est cbargé d'exécuter.
198. Les art. 115, 116 et 118 n'offrent que peu d'intérêt : ils prévoient le
cas où l'acte arbitraire a été fait ou ordonné par un ministre ; si la signature
du ministre hrî a été surprise ou si eUe est fausse, les auteurs de ht fraude ou
du faux sont poursuivis comme auteurs de Tattentat ou comme faussaires ; si
le ministre, hors de ces deux hypothèses, n'avait pas &it réparer l'acte, après
une triple interpellation que le Sénat devait lui adVesser, aux termes des art.63
et 67 deTacte du 28^ floréal an XII, il pouvait être puni du bannissement, t n
faut se garder de croire, disait M. Berlier dans la discussion de cet article,
que les ministres deviendront immédiatement sujets au bannissement, quand
ils auront fait ouor^nné un acte arbitraire; 9 fîradrait encore qu'ils aient mé-
connu l'autorité du Sénat et refosé de réparer Tacte : il est aisé de croire que
cela n'arrivera pas souvent, i Aujourd'hui cette incrimînation, quelle que soit
sa portée» a^oMaé d'âtre auplisablet^puisiiue les cûnditions de sou applicatior
oiilidâs0«nu
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236 SEIZ. LBÇ. — - BES GRTMB0 ET DÉLITS, ETC. (aRT. 119, V^ 200).
199. PeuMtre n'est-il pas imitrle de vous arrêter un moment à l'art. 117 :
a Art. 117. Les dommages-intérêts qui pourraient être prononcés à raison des
attentats exprimés dans l'art. 114 seront demandés, soit sur la poursuite crimi-
nelle, soit par la voie civile, et seront réglés eu égard aux personnes, aux circons-
tances et au préjudice souffert, sans qu'en acucun cas, et quel que soit Tindividu
lésé, lesdtts dommages- intérêts puissent être au-dessous de 25 fr. pour chaque
Jour de détention illégale et arbitraire, et pour chaque individu. »
Cet article serait tout à fait sans objets s'il n'avait pas nn but particulier ; car
il ne fait qu'appliquer le principe général consacré par i'art.j^S du Gode d'ins-
truction criminelle, à savoir^ que tout délit donne lieu à deux actions, l'action
publique et l'action civile, et que Taction civile peut être poursuivie, soit de-
vant les tribunaux criminels, soit devant les tribunaux civils. Mais son but
spécial a étéde fixer, dans cette matière délicate, un minimum aux dommages-
intérêts. On a craint la faiblesse des juges, on s'est défié de leur justice, on
n'a pas voulu abandonner le chiffre de la réparation à leur pouvoir discrétion-
naire. C'est là tout l'esprit de l'article.
200. Après avoir trop incomplètement peut-être traité des arrestations ar-
bitraires, notre Code s'occupe des moyens de faire cesser les détentions illé-
gales. Il est indispensable, pour bien comprendre Tart. 119, de le repprocher
des art. 615 et 616 du Code d'instruction criminelle. Voici d'abord le texte de
ces deux articles :
a Art. 615. G. d'instr. cr. En exécution des art. 77, 78, 79, 80, 81 et 82 de l'acte '
da 22 Arimaire an VIII, quiconque aura connaissanoe qu'un individu est détenu
dans un lieu qui n'a pas été destiné à servir de maison d'arrêt, de justice ou de
prison, est tenu d'en donner avis au juge de paix, au procureur impérial ou à
son substitut^ ou au juge d'instruction, ou au procureur général près la cour
impériale. »
« Art. 616. Tout juge de paix, officier chargé du ministère public, tout juge
d'instruction est tenu d'office ou sur l'avis qu'il en aura reçu, sous peine d'être
poursuivi comme complice do détention arbitraire, de s'y transporter aussitôt et
de foire mettre en liberté la personne détenue, ou, s'il est allégué quelque cause
légale de détention, de la faire conduire sur-le-champ devant le magistrat com-
pétent. »
Ces deux articles n'ont qu'un but^ c'est défaire cesser les détentions qui au-
raient lieu dans des maisons qui ne seraient pas destinées à servir de prison.
Tout juge de paix, tout officier du ministère public, tout juge d'instruction qui
a connaissance d'une détention semblable et qui ne la fait pas immédiatement
cesser, est déclaré complice de la détention arbitraire. Mais cette intervention
est limitée au cas de détention dans une prison illégale : elle ne s'étend point
au cas oi!i l'illégalité provient, non du lieu de la détention, mais de sa cause
même. A cet égard, on ne peut que constater la lacune qui existe dans la loi.
L'art. 119 du Code pénal, qui semblait avoir eu pour objet d'apporter une sanc-
tion à ces deux premiers articles^ contient des omissions plus graves encore»
« Art. 11^. Les fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou
judiciaire, qui auront refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale tendant
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ATTENTATS A LA LIBBRT6 (ART. 120). 237
à constater les détentions illégales et arbitraires, soit dans les maisons destinées
à la garde des détenus, soit partout ailleurs, et qui ne Justifieront pas les avoir
dénoncés à l'autorité supérieure, seront punis de la dégradation civique^ et tenus
de dommages-intérêts, lesquels seront réglés comme il est dit dans l'art. 117. »
La distinction faite par les art. 615 et 616 du Code d'instruction criminelle
entre la détention dans les lieux illégaux et celle dans les lieux légaux ne se
retrouve plus ici ; les fonctionnaires sont chargés de constater toutes les déten-
tions illégales, soitdansles maisons destinées à la garde des détenus, soit par-
tout ailleurs ; ils sont donc tenus de constater, non-seulement ces détentions
illégales à raison du lieu, mais aussi les détentions illégales par leur cause ;
sous ce rapport, on pourrait croire que la lacune que je viens de signaler se
trouverait comblée. Mais l'art 119 ne punit point, comme les art. 615 et 616 le
feraient supposer, les fonctionnaires qui n'ont pas sur-le-champ fait cesser la
détention arbitraire : lise borne à punir ceux qui ontrefu.é ou négligé de dé-
férer à une réclamation légale tendant à constater une détention arbitraire et
qui ne justifieront pas Tavoir dénoncée à l'autorité supérieure. Ainsi la sanc-
tion que les art. 615 et 616 cherchent dans ce dernier article ne s*y trouve que
d'une manière bien indirecte, si môme elle s'y trouve. Là^ c'est un acte di-
rect, une intervention immédiate que la loi ordonne, sons peine de complicité
de détention arbitraire, et ici il n'y a crime de détention arbitraire qu'à dé-
fiant, non plus d'intervention immédiate, mais de dénonciation du fait à Pauto-
rité supérieure. Quelle est cette autorité supérieure ? Quelle est la dénonciation
à laquelle les fonctionnaires de la police administrative ou judiciaire sont as-
treints ? Que faut-il entendre par réclamation légale dans le sens de l'article ?
La loi se tait snr tous ces points ; et l'on ne peut que regretter, dans toute
cette matière, l'insuffisance de ses dispositions.
201. Le Gode pénal prévoit, dans les art. 120, et 122, la violation des formes
prescrites par la loi pour assurer la légalité des détentions. Le premier de ces
articles correspondant à l'art. 609 du Gode d'instruction criminelle est
ainsi conçu :
'« ART. 609. Nul gardien ne pourra, à peine d'être poursuivi et punioomme cou-
pable de détention arbitraire* recevoir ni retenir aucune personne qu'en vertu sut
d'un mandat de dépôt, soit d'un mandat d'arrêt décerné selon les formes pres-
crites par la loi, soit d'un arrêt de renvoi devant une cour 'd'assises, d'un décret
d'accusation on d'un arrêt ou jugement de condamnation à une peine afQictive ou
à un emprisonnement, et sans que la transcription en ait été faite sur son registre. »
L'art. 120 a dû apporter à cette disposition la sanction pénale qui lui man-
quait. En voici le texte :
« Abt. 120. Les gardiens et concierges des maisons de dépôt, d'arrêt de justice
et de peine, qui auront reçu un prisonnier sans mandat ou jugement, ou sans
ordre provisoire du gouvernement; ceux qui l'auront retenu, ou auront refusé de
le représenter à l'oHicier de police ou au porteur de ses ordres, sans justifier de
la défense du procureur impérial ou du juge, ceux qui auront refusé d'exhiber
leurs registres à l'officier de police, seront, comme coupables de détention arbi-
traire, punis de six mois à deux ans d'emprisonnement et d' une amende de 16 à 200 fr. »
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238 SEIZIÈME LBÇOH. — « DBS GRUfM XT |>ÉLIT8, BTG* (aRT. 120, N^ 202).
Get article donne liea à pliiBiearoebaervaiiona. On doit remarqner^ d'al»ord»
que ses tennee, qui s'éloignent des termes restrictifs de l'art. 609, semblent
reconnaître comme une détention légale la détention qni a lien en vertu a'tm
ordre provisoire du gouvernement. Que cet ordre puisse justifier le gardien, qui
n'est pas compétent pour en constater la légalité, on peut le comprendre, mais
faut-îl donc y voir une cause légale de détention î A Tépoque où le Code
pénal était rédigé, l'art. 46 de la constitution du 22 frimaire an VIII avait
attribué au gouvernement un droit d'arrestation par mesure de police ; Tart. 60
du sén.-cons. du 28 floréal an XII avait autorisé les détentions provisoires
pour cause de sûreté de l'État, et le décret du 3 mars 1810 avait réglé la forme
des arrestations par mesure de haute police. Ces dipositions expliquent le texte
de l'art. 120, mais elle n'existent plus. Ce n'est qu'à l'égard des mendiants,
des 'filles publiques et des individus trouvés voyageant sans passe-port, que
Tadministration est autorisée par quelques textes confus de la législation inter-
médiaire à détenir par mesure de police, pendant quelques jours, les individus
de ces trois catégories. Il faut donc entendre d'une manière très-restrictive les
expressions légales que je viens de vous signaler.
2QSL. UarL 120 prévait, eu/ second lieu, le refus du gardien : !<" de r^ré-
«enter le détenu dont la jepiésentation est régulièrement demandée; %^ d'exhi-
ber le registre de la.prison. Les art. 79 et SQ de la constitution du 22 frimaire
an Yill portaient :
« Art. 79. Tout gardien ou geôlier est tenu, sans qu'aucun ordre puisse l'en
dispenser, de représenter la personne détenue à Tofflcier civil ayant la police de
la maison de détention, toutes les fois qu'il en sera requis par cet olticier. ^
Art. 80. La représentation de la personne détenue ne< peurra être refusée à «es
parents et amis, porteurs de Tordre de l'oflicier civil, lequel sera to^jOurs tenu de
l'accorder, à moins que le gardien ou le geôlier ne représente une ordonnance du
juge pour tenir la personne au seeret. »
Ces deux articles ont étémaintenus par l'art. 615 du Gode d'instruction cri-
minelle, et l'art. 618 les reproduit en partie en ajoutant quelques précautions
accessoires :
c Ajkt. 619. Tout gardien qui aurareAisé, ou de aoiitnar au porteur de l'ordre
de rolficier ^ivil ayant la police de la. maison d*arrôt, de justice ou de la prison,
la personne détenue, sur la réquisition qui en sera, faite, ou de montrer l'ordre qui
ie lui défend, ou de faire au juge de paix rexhibltion de ses registres, ou de loi
laisser prendre telle copie que .oeile-ci croira nécessaire de partie de ses registres,
sera pouESuiiri comme' coupable ou complice de détention arbitraire. »
U est à remarquer que l'art. 120, tout en donnant sa sanction à ses disposi-
tions, réserve, comme elles l'ont fait elles-mêmes^ le cas où le gardien a reçu
l'ordre d'interdire toute condamnation avec le prévenu. Cette mesure, que
l'on appelle ordinairement la mise au secret du détenu, est un acte d'instruc-
tion, un moyen de preuve; elle a pour but d'empêcher que le prévenu ne se
concerte avec ses complices, n'altère ou ne fasse disparaître les traces du
crime, n'exerce ou ne subisse aucune influence extérieure. C'est au juge d'ins-
truction chargéde procéder à tonales actes de l'instruction, qu'il i^partient de
l'ordonner.
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-Mt. L*irt 122 ajoate deux dispositionB :
« Akt. 122. Seront aussi punis de la dégradation civique les procureurs géné-
raux ou impériaux, les substituts, les juges ou les orûciers publics qui auront
retenu ou fait retenir un individu hors dés lieux déterminés par le gouvememerit
ou par radmînîstration publique ou qui auront traduit un citoyen devant une
oDur éPassises, sams qu'il ait été préalabierment mis légalement en aeousation. i»
La première de ee6 deuxiacriminations a po«r ob>et ua f«it dontnoos avon»
déièiparlé : la détention d'oa prévena dana on lieu qoi n'e»tpaa légalement
affecté à cette destination. La loi ne reeonnait, en principe» que trois espèces
de p«aon : les maisens d'arréto^sont déposés lesinculpés, les maisons de jos-
tko où sent tcaasférés les prërenns, lonqne la mise en accusation a été pro*
noncée, et les prisons pénales, qui sont les maisons de correction, les maisons
centrales de détention et de bagne. Toutefois les nécessités du service judi-
ciaire ont fait admettre, par forme* réglsinenlajre^ et pour servir de dépôt pro-
ylsoire aux prévenus, les prisons cantonales et les chambres de sûreté de la
gendarmerie.
La seconde incrimination se réfère à Tart. 271 du Gode d'instruction crimi-
nelle, qui dispose que le procureur général ne pourra porter à la cour d'as-
sises aucune accusation qui n*aurait pas été admise suivant les formes pres-
crites par la loi à peine de nullité. L'arrêt de mise en accusation est la garantie
des prévenus, ils y trouvent l'assurance qu^ils ne seront point mis en jugement,
si des charges graves ne pèsent sur eux. Toutes les formes de la procédure
écrite se résument dans cet arrêt. Le législateur n'a pas pensé qu'il pût suffire
de prononcer la nullité d'une procédure qui aurait omis ce premier degré de
juridiction ; il a voulu que le magistrat coupable d'une telle omission fût solen-
nellement flétri.
204. L'art. Kl prévoit un cas tout à fait différent : il a pour objet, non
plus d'assurer i'tous les prévénn;s les fbnnes générales de la procédure, mais
de protéger contre ^application de ces formes une classe particulière de pré-
venus, les fonctionnaires politiques. Prenons le texte de cet article :
« ÂftT. 131. Seront, eomme ooupiblcB de fbrfoitnre, punis de k dégradation
eivique, toios efOoittrs de pelio^jacbalaira^ toasproeuiieitrs généraux ou impériaux,
tous substituts, tous juges, qui auront provoqué, donné ou signé- un. jugement, une
ordoonance ou un mandat tendant à la poursuite personnelle ou accusation, soit
d'un ministre, soit d*un membre du sénat, du Corps législatif ou du conseil d'État,
sans les autorisations prescrites par les lois de TËtat; ou qui, hors les cas de
flagrant délit ou de clameur publique, auront, sans les mêmes autorisations, donné
ou signé, l'ordre ou le mandat de saisir ou arrêter un ou plusieurs ministres, ou
membres du sénat, du Corps iégislatlf ou du conseil d^Ëtat. i>
Cet article est la sanction d'une règle constitutionnelle qui défend de mettre
en j clément et même simplement on arrestation les membres du sénat, du
Corps législatif, dn conseil d'État et les ministres, sans une autorisation préa-
lable. Cette règle est établie par les art* 70 et 71 de la constitution du 22
frimaire an YII, qui portent que : « les délits, personnels emportant peine
affUctive ou infamante, commis par un membre soit du séaat> soit du tri*
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240 SElZlàBIB LBÇON. — DBS GRIICBB BT DÂLtTS (n"* 207).
bant, soit du conseil d'État, sont poursuivis devant les tribunaux ordinaires,
après qu'une délibération du corps auquel il appartient a autorisé cette pour-
suite, et que les ministres sont cons idêrés comme membres du conseil d*Etat. i
Mais la nécessité de cette autorisation ne fait pas obstacle à la recherche des
preuves concernant le corps du délit ; elle ne suspend que les mesures per-
sonnelles à rinculpé. On lit, dans les discussions du conseil d'État qui ont
préparé le Code, t que l'intention des rédacteurs du Gode n'avait certainement
pas été d'empêcher ou d'arrêter les premières informations, mais seulement
de s'opposer à ce qu'aucune ordonnance ou mandat eût lieu contre les fônc-
tionnaires de la qualité désignée, avant les autorisations constitutionnelles.!
Cette suspension cesse môme tout à fait au- cas de flagrant délit : la poursuite
et l'arrestation peuvent alors être ordonnées sans attendre l'autorisation pres-
crite par la loi.
SECTION III
COALITIONS DBS FONCTIONNAIRSS.
205. Je ne m'arrêterai qu'un instant aux quatre articles qui composent
cette section. Ces articles témoignent des méticuleuses inquiétudes du légis-
lateur en tout ce qui touche l'obéissance hiérarchique des agents administratifs.
A notre sens, ils étaient parfaitement inutiles, car il n'y a pas lieu de présumer
que les fonctionnaires qui composent l'administration puissent, avec Tunité de
leur constitution et la dépendance qui les lie étroitement, former une coali-
tion pour l'inexécution des ordres du pouvoir. Aussi n'ont-ils jamais reçu au-
cune application.
L'art. 123 prévoit le concert de mesures contraires aux lois, pratiqué par
une réunion d'individus ou de corps dépositaires de l'autorité publique. La
peine est un emprisonnement de deux à six mois et l'interdiction des droits
civiques et de tout emploi public. L'art. 124 aggrave ces peines, si le concert a
pour objet des mesures contre l'exécution des lois ou contre les ordres du
gouvernement : la peine est le banissement. Si le concert a lieu entre les
autorités civiles et les corps militaires, c'est la déportation qui est prononcée
contre les auteurs et provocateurs. Enfin, si le concert a eu pour objet ou pour
résultat un complot attentatoire à la sûreté intérieure de l'État l'art. 125 pro-
nonce la peine de mort.
Il est inutile de faire remarquer tout ce que ces incriminations ont de
vague et d'indécis : qu'est-ce qu'un concert dans le sens de la loi ? quelles sont
les mesures qui doivent être réputées contraires aux lois ?que faut- il entendre
par les ordres du gouvernement ? Touies ces expressions auraient eu besoin
d'être définies. Si elles devaient être appliquées, nous en rechercherions la
véritable signification. Je bornerai mes observations à l'art. 127. Cet article
punit el punit de la peine de mort t le concert ayant pour objet ou pour
résultat un complot. » Or, vous avez vu qu'un complot est la résolution d'agir
concertée entre plusieurs personnes. L'objet de l'art. 125 est donc, si l'on
arrive au fond de cette mauvaise rédaction, un concert de mesures prises
pour former une résolution d'agir, en d'autres termes, un véritable complot,
moins qu'un complot peut-être, puisque le concert ayant pour objet une
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BMPIÉTntBIfT DBB AOTORITÉS, BTC. (aBT. 117). 3U
r^ohition n'est que la pensée d*an «hnple projet, «t par conséquent, estTm
fait moins grave qn'ane résolution déjà concertée et arrêtée. Et cependant,
oe fait, qne TarL 89, en le qualifiant complot, ne frappe que de la détentkm.
Fart, 125 le frappe de la peine de mort. Pourquoi cette différence? pourquoi
deux peines si distinctes à deux faits qui ont entre eux une si intime anar
logie ? La qualité des agents dans oe dernier article suffisait-elle pour la
motÎTer?
206. L'art. 126 a porté la prévoyance à la plus extrême limite en édictant
une peine pour les fonctionnaires qui auraient, par délibération, arrêté de
donner leurs démissions, à reflet de suspendre un service quelconque. U n'y a
pas encore eu d*exemple de cette sorte de crime.
SECTION IV
EUPikrsMKtn des Àuroairâs ▲dministiu.tivrs kt judiciaires.
807. Vous trouverez dans cette section la sanction d*un principe important
de notre droit public : la séparation du pouvoir administratif et du pouvoir
judiciaire.
Ge principe a été posé par Tart. 1 3, tit. U, de la loi de i 6-24 août 1 790, ainsi
conçu : c Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours
séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de for-
iûture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des oorpa
administratifs ni citer devant eux les administrateurs pour raison de Imub
fonctions. » Cette disposition a été reproduite par la eonatitation du 3 sep-
tembre 1791 (ch. IV, sec t. II, art. 3, et chap. v, art. 3), par la constitution du
5 fructidor an III, et par la constitution du 224rimaire an VIU, art. &2. CS'est
à ces dispositions que se rattache TarL 127, ainsi conçu :
« Abt. 127. Seront coupables de forfaiture et punis de la dégradation civique t
1* les juges, les procureurs généraux et impériaux ou leurs substituts, les officiers
de police, qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir législatif, soit par des
rè^meuts contenant des dispositions législatives, soit en arrêtant ou en suspen-
dant Texécution d'une ou de plusieurs lois, soit en délibérant sur le point de sa-
voir si les lois seront publiées ou exécutées; 2* les juges, les procureurs généraux
ou impériaux, ou leurs substituts, les ûfKciers de police judiciaire qui auraient
excédé leur pouvoir, en sMmmisçant dins les matières attribuées aux autorités
administratives, soit en faisant des règlements sur ces matières, soit en défendant
d'exécuter les ordres émanés de Tadministration, ou qui, ayant permis ou ordonné
de citer desadmmistrateurs pour raison de leurs fonctions, auraient persisté dans
l'exécution de leurs Jugements ou ordonnances, nonobstant l'annulation qui aurait
été prononc^fl^ ou le conflit qui leur aurait été notifié. »
Ces dispositions sont généralement claires et ne demandent aucune explic*'
tion particulière. Je vous parlerai seulement tout à rbanre de la citation <
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t
242 SKIZ. LBÇ. — DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (ART. 128, N* Î08).
administrateurs pour raison de leurs fonctions et des conflits. Vous devez re-
marquer cependant que la sollicitude du législateur, lorsqu*il veut tracer la
igné profonde qui doit séparer le pouvoir judiciaire des autres pouvoirs, se
'porte aussitôt sur les empiétements possibles de ce pouvoir. Pourquoi cette
défiance? N'y a-t-il pas lieu de craindre davantage les actes arbitraires de Tad-
ministration que les usurpations de la justice ? On retrouve dans ces disposi-
tions un sentiment, tout-puissant en 1791, mais qui devait s'être affaibli en
1810, le souvenir du pouvoir exorbitant des parlements, le ressentiment de
la domination de l'autorité judiciaire, la crainte qu'elle ne pût essayer de res-
' saisir ses anciennes attributions. De là cette incrimination inquiète et pré-
voyante qui recherche tous les actes par lesquels les juges pourraient sortir
de leurs fonctions, et qui saisit chacun de ces actes au moment même où ils
se produisent, sans se préoccuper de leur nature et de l'intention bonne ou
répréhensible des magistrats qui y ont procédé.
208. L'art. 128 a pour objet la protection des attributions administratives,
le maintien du droit d'élever le conflit :
« Art. 128. Les juges qui, sur la revendication solennellement faite par Tauto-
rité administrative d'une affaire portée devant eux, auront néanmoins procédé au
jugement avant la décision de rautorité supérieure, seront punis chacun d'une
'amende de 16 fr. au moins et de 150 fr. au plus. Les officiers du ministère public
qui auront fait des réquisitions ou donné des conclusions pour ledit jugement,
seront punis de la môme peine. »
- On distingue deux sortes de conflit : le conflit d'attribution et le conflit de
juridiction. Nous examinerons plus loin, en expliquant les règles de Tinstruc-
'tion criminelle, les dispositions qui s'appliquent aux conflits de juridiction. Le
xonfïit d'attribution, dont il s'agit ici, est positif ou négatif : le premier résulte
de la revendication par l'administration d'une affaire dont les tribunaux sont
saisis et dentelle prétend que le jugement appartient au pouvoir administratif;
le second résulte de la déclaration respective d'incompétence faite par les
juges et par les administrateurs au sujet de la même affaire. Cette matière,
;8ur laquelle ont successivement statué le décret du 21 fructidor an III, le rè-
' glement du 5 nivôse an VII, l'arrêté du 13 brumaire an X, et l'ordonnance du
12 décembre 1821, a été définitivement réglée par une ordonnance du 1«' juin
*1828. L'art. 1*' de cette ordonnance porte que « à l'avenir, le conflit d*attri-
' bution entre les tribunaux et l'autorité administrative ne sera jamais élevé en
matière criminelle. » L'art. 2 ajoute ; « Il ne pourra être élevé de conflit en
matière de police correctionnelle que dans les deux cas suivants : l^' lorsque
la répression du délit est attribuée par une disposition législative à l'autorité
administrative ; 2« lorsque le jugement à rendre par le tribunal dépendra
' d'une question préjudicielle dont la connaissance appartiendrait à Tautorité
^ administrative en vertu d'une disposition législative. Dans ce dernier cas, le
conflit ne pourra être élevé que sur la question préjudicielle. » Enfin, la forme
de procéder est indiquée par l'art. 6 : t Lorsqu'un préfet estimera que la con-
- naissance d'une question portée devant un tribunal de première instance est
%ttriLnicc'i.at une disposition législative à Fautorité administrative il pourra
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BMPIÈTSMBNT DIS AUTORITÉS, BTC. (aRT. 129). 243
alors même que l'administration ne sera pas en canse, demander le renvoi
de l'affiiire devant l'autorité compétente. A œt effet, le préfet adressera aa
procareor du roi an mémoire dans lequel sera rapportée la disposition législa*
tive qni attribue à Tadministration la connaissance du litige. Le procureur da
roi fera connaître dans tous les cas an tribunal la demande formée par le préfet»
et requerra le renvoi si la revendication lui parait fondée. » Les juges n'oal
qu'un point à examiner : si le conflit est régulier, c'est-à-dire s'il est élevé dauf
les cas prévus et suivant les formes prescrites par la loi. 8i cette régularité
existe, ils doivent surseoir ; si elle n*est pas démontrée, ils doivent passer
outre. L'art. 128 ne prévoit, en effet, que Tusurpation d'un droit
809. L'art. 129 prévoit un autre fait de la même nature. Aux termes de
Tart 7 & de la constitution du 22 frimaire an VIII qui est aujourd'hui abrogé :
t les agents du gouvernement ne pourraient être poursuivis pour des faits rela-^
tifs à leurs fonctions qu'en vertu d'une décision du conseil d'État, i L'ar»
ticie 129, qui se réfère à cette disposition, est ainsi conçu :
a Abt. 129. La peine sera d'une amende de tOO fr. au moins et de 500 au plus,
contre chacun des juges qui, après une réclamation légale des parties intéressées
ou de rautorité administrative, auront, sans autorisation du gouvernement, rendu
des ordonnances ou décerné des mandats contre ses agents ou préposés prévenus
de crimes ou délits commis dans l'exercice de leurs fonctions. La môme peine sera
appliquée aux ofQciers du ministère public ou de police qui auront requis les-
dites ordonnances ou mandats. »
Une première observation doit être faite. L'article 3 de l'ordonnance du
i— juin 1828 porte : c Ne donneront pas lieu au conflit, i^ le défaut d'autori-
sation de la part du gouvernement, lorsqu'il s'agit de poursuites dirigées
contre ses agents... » Il suit de là que le défaut d'autorisation ne constituait
qu'une exception personaelle que le prévenu pouvait faire valoir et que les
juges devaient admettre, en tout état de cause, si elle était fondée.
Dans ce dernier cas, l'autorité judiciaire devait-elle surseoira tous les actes
d'instruction? L'art. 129 ne prohibe que les ordonnances et mandats. L'art. 3
du décret du 9 août 1806 avait déjà établi la distinction que cet article con-
sacre : « La disposition de l'art. 75 de l'acte constitutionnel de Tan VIII ne
fait point obstacle à ce que les magistrats chargés de la poursuite des délits
informent et recueillent tous les renseignements relatifs aux délits commis
par nos agents dans l'exercice de leurs fonctions; mais il ne peut être décerné,
en ce cas, aucun mandat, ni subi aucun interrogatoire juridique, sans l'autO'»
risation préalable du gouvernement. » Il suit de là que tontes les mesures con-
servatoires, toutes celles qui ont pour objet de vérifier les charges, de recueillir
les témoignages, de constater les indices, demeuraient entre les mains de la
justice. Toutes les mesures préventives, toutes celles qui ont pour objet Foit de
s'assurer de la personne de l'inculpé, soit de lui imprimer la qualité de pré-
venu, étaient suspendues jusqu'à ce que le conseil d'État eût statué.
Cette suspension du droit de l'autorité judiciaire cessait-elle au cas de fla-
grant délit, si le fait était passible d'une peine afflictive ou infamante ? Quel-
ques commeiitateurs enseignent que l'agent, dans ce cas, peut être saisi, inftt'r-
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S44 On-BEPT. UÇ. — 1>BB CRIHSI BT DÉLITS, XTC. (aRT. 131, M* 211^
legé et détenu, et que l'antomatioii n'était nécessaire qae pour le jugement»
ils s'appuient sur oe que l'art. i06 da Gode d'instruction ciimineile impose à
tout dépositaire de la force publique et même à toute personne, le devoir de
saisir le prévenu surpris en flagrant délits si le fait emporte peine afflictive
ou infamante; l'arrestation, dans ce cas, est un droit inaliénable de la Justice,
parce qu*dle est une condition indispensable de Tordre, et l'art. 121 du Gode
pénal Ta autorisée à l'égard des fonctionnaires de l'ordre politique. Un crimi-
naliste a déjà répondu que l'art. 75 de la loi du 22 frimaire an YIII ne ûdt
aucune distinction entre les faits relatifs aux fonctionnaires flagrants on non
flagrants ; que l'art. 129 contient une disposition générale qui s'applique à
tous les cas; qu'il n*a point reproduit l'exception contenue dans l'art. 124; et
que la raison de cette différence est que les faits relatifs aux fonctions qui
font l'objet de l'art. 129, tels que la corruption, la concussion, le faux, l'abus
de pouvoir, n'occasionnent point, en général, un péril imminent pour la paix
publique; qu'ainsi le flagrant délit, relativement à cette classe défaits, n^existe
jamais d'une manière directe et alarmante. On ajoutait que la garantie étant
établie à raison de la nature des actes, il y a môme motif de l'appliquer, soit
que l'agent soit surpris en flagrant délit, soit que la preuve ne se manifeste
qu'ultérieurement. Cette distinction et la disposition à laquelle elle se ratta*
chait sont aujourd'hui sans application, puisque l'art. 75, qu'elles avaient
ponr objet de sanctionner, a été abrogé par un décret du 19 sept. 1870.
210. Les art. 130 et 131 sont des dispositions corrélatives de celles qui pré-
cèdent; ils ont pour objet de défendre le pouvoir judiciaire des entreprises de
l'administration, comme celles-ci défendent radministration contre le pouvoir
judiciaire.
c Art. 130. Les préfets, sous-préfets, maires et autres administrateurs qui se
sont immiscés dans Texercice da pouvoir législatif, comme il est dit au n* !•■ de
Tart. 127, ou qui se seront ingérés de prendre des arrêtés généraux tendant ainsi
nuer des ordres ou des défenses quelconques à des coura ou tribunaux, seront
punis de la dégradation civique, j»
a Art. 131. Lorsque ces administrateurs entreprendront sur les fonctions Judi-
ciaires en s'ingérant de connaître de droits et d'intérêts privés du ressort des tri-
bunaux, et qu'après la réclamation des parties ou de l'une d'elles, ils auront néan-
moins décidé Taffaire avant que Tautorité supérieure ait prononcé, ils seront punis
d'une amende de 16 à 150 fr. »
Ces articles n'appellent qu'une seule observation. Peut-être le législateur, si
minutieux quand il s'agit de surveiller les empiétements de l'autorité judi-
ciaire, n'a-t-il pas déployé la même exactitude à l'égard des excès de pouvoir
de l'autorité administrative. Il semble qu'il aurait pu prévoir quelques-uns
des actes d'immixtion ou d'usurpation les plus oppressifs et en spécifier les
caractères avec plus de détail et de soin.
DIX*gBPTlÈMB LEÇON.
211 Nous allons aborder dans cette leçon l'une des matières les plus épi-
neuses et les plus obscures du Droit pénal, la matière du faux. Cette matière
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BMPIËTBIIBNT DB9 AITTOniTÉS) BTC. {JLRT. 13Z). 948
fait Tobjet, dans notre Gode, des art. i3t et suivants jusqu'à Tart M5. lin'esl
point de textes dans ce Gode qui aient soulevé plus de questions et donné lies
ik plus de discussions. Je vais essayer d'en tracer les lignes générales, d'en
exposer les règles fondamentales, en laissant de côté tous les détails de 1»
matière ; car ces détails exigeraient non une seule leçon, mais le cours d'uvf
année entière.
n faut examiner en premier lieu, pour éviter tonte eonAnion, les élément»
de deux incriminations que le Gode a métées au crime de tkVLi, quoiqu'i.s en
diflèrent sous plusieurs rapports : la fausse monnaie et la contrefaçoa des
sceaux de TËtat.
Le crime de fausse monnaie, qui a piis, pendant longtemps, dans la penaé»
du législateur, des proportions supérieures à sa gravité intrinsèque, n'est «o
fond qu'une escroquerie, un vol commis à Talde d'une falsification. La loi au
^ avril 18^ a fait un premier pas en substituant, dans l'art. 13%, à laptiiw
de mort, celle des travaux forcés à perpétuité. La loi du 13 mai 1863 a été un
peu plus loin. Voici le texte actuel de cet article.
« Art. 132. Quiconque aura contrefait ou altéré les monnffes d'or ou d'argent
ayant cours légal en France, ou participé à rémission ou exposition desdites mon-
naies contrefaites on altérées, ou à leur introduction sur le territoire f)>ançais;
sera puni des travaux forcés à perpétuité. Celui qui aura contrefait ou altéré des
monnaies de billon ou de cuivre ayant cours légal en France, on participé à ré-
mission ou exposition desdites monnaies contredites eu altérées, ou à Isur intro*
dttctiou sur le territoire firançais, sera puai des travaux ibroés &. temps. %
Geri article eonHoiid dans les mêmes dispositions la eontsafaçon des m«iir
naies d'or et celle des monnaies d'argent, la contrefaçon et Taltération de cea
monnaies, leur émission sans connivence avec le faussaire, leur simple expo-
sition dans un lieu public, enfin leur introduction sur le territoire français». Il
est permis de penser que ces faits différents auraient exigé des. incriminatioaa^
et des pénalités distinctes. Il est nécessaire, dans tous les cas, qu'il y ait in-
tention frauduleuse; il est nécessaire que la monnaie contrefaite ait cours
légal en France. Mais léS' CtféOflbtànces du tsil matériel dîHSfent essentielle^
ment. La contrefaçon est l'imitation delà monnaie légale, Taitératlon est Itt
diminution de la valeur intrinsèque, la modification de son poids ou de sa
substance. Mais rémission, l'exposition et l'introduction des monnaies fausses
ne sont plus des actes de falsification, ce sont seulement des actes d'usage,'
des monnaies falsifiées. Or, la contrefaçon qui n'a pas été suivie de l'usage^
l'usage qui n'a pas été précédé de la contrefaçon, en un mot, l'imitation et
rémission, isolées Tune de l'autre, ces deux faits, composés d'éléments a
distincts, ont-ils la môme criminalité, présentent-ils à l'ordre social le'môme
péril?
212. On a demandé si le crime est le même dans \b cas où l'imitation a
acquis toute la perfection dont elle est susceptible, et dans le casoiH, grossière-
ment essayée, elle peut être facilement reconnue. La jurisprudence a rendu
sur ce point des décisions contradictoires : d'une part, elle a décidé, que loQ
caractères légaux de la contrefaçon ne peuvent résulter que d'une somma
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246 DIZ-6BPT. LBQ. — DBS GRIIO» BT I»ftUT8 (âBT. 133, N* 114).
d'apparences assez fortes pour que le commerce de la circalation en soit af-
lècté 1 ; et d'une autre part^ c que, quelque grossière et facile à découvrir que
soit la contrefaçon des monnaies, elle n*en constitue pas moins le crime de
fÎBHisse monnaie, lorsqu'elle a été faite dans une intention coupable, b II semble
que la solution de cette question doive être demandée au fait plutôt qu'aa
droit. Si Timperfection de la contrefaçon n'a pas empêché la tromperie, il est
clair qu'elle ne peut constituer une excuse légale. Si, au contraire, elle ne
permet pas la consommation du crime, c'est l'élément matériel lui-même qui
manque. Une plus grande difficulté s'élève à l'égard des pièces d'argent ou de
cuivre, qui ont été dorées ou argentées, pour les faire passer pour des pièces
d^or ou d'argent. Est-ce là une véritable contrefaçon, si la matière colorante
s'eiface et si la pièce a conservé l'expression de sa valeur- réelle? Cette ques-
tion a été résolue par la loi du 13 mai 1863. Kart. 134, modifié par cette loi,
est ainsi conçu :
c Art. 134. Sera punid*un emprisonnement de six mois à trois ans quiconque
aura coloré les monnaies ayant cours légal en France ou les monnaies étrangères,
dans le but de tromper sur la nature du métal, ou les aura émises ou introduites
sur le territoire français. Seront punis de la môme peine ceux qui auront participé
à rémission ou & l'introduction des monnaies ainsi colorées. »
- La loi nouvelle n'a vu avec raison dans le fait de colorer des monnaies pour
leur donner une valeur, supérieure à leur valeur réelle qu'une tentative d'es*
croquerie. 11 est évident que cette coloration doit être ou suivie de l'émission,
ou faite en vue de l'émission. S'il était prouvé qu'un individu n'a altéré des
pièces de billon ou d'argent que pour pratiquer des expériences scientifiques,
il n'y aurait pas de délit, car il n'y aurait pas d'intention coupable.
813. L'art. 133 ne fait qu'appliquer aux monnaies étrangères les règles
posées par l'art. 132 :
• Art. 133. Tout individu qui aura, en France, contrefait ou altéré des monnaies
étrangères ou participé à rémission, exposition ou introduction en France de mon-
naies étrangères contrefaites ou altérées, sera puni des travaux forcés à temps. »
La seule difficulté grave qu'ait soulevée cet article est de savoir ce qu'il faut
entendre par monnaies et si les papiers-monnaie ayant cours forcé en pays
étranger rentrent dans cette expression.il a été reconnu que la disposition de
Part. 133 est générale et absolue; que par sa généralité elle se réfère néces-
( sairement à toutes les monnaies étrangères de quelque espèce qu'elles soient;
j qu'elle n'excepte point la fabrication des monnaies qui seraient d'une matière
I autre que l'or, l'argent, le cuivre et le billon : que dès lors elle s'applique aux
unes comme aux autres.
814. La loi a établi deux excuses qui s'appliquent aux faits que nous venons
de parcourir : elles sont énoncées dans l'art. 163 et dans l'art. 135.
. L'art. 163, qui s'applique à tous les crimes de faux, dispose que « l'application
des peines portées contre ceux qui ont fait usage de monnaies contrefaites.
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DU CRIBCE DE FATJÎ (aRT. 139), ^7
falsifiées on fobriqnées, cessera toates les fois que le faux n'aura pas été connu'
de la personne qui aura fait usage de la chose fausse, i Cette disposition vous
paraîtra peut-être superflue, car elle signifie purement et simplement que
ceux qui ont commis l'acte matériel de l'usage sans intention criminelle ne
sont pas coupables du faux. Or, il est de toute évidence quMl ne peut y avoir*
de crime où il n'y a pas d'intention frauduleuse.
L'art. 135 est spécial au criçie de fausse monnaie :
c Abt. 135. La participation énoncée aux précédents articles ne s'applique point
à ceux qui, ayant reçu pour bonnes des pièces de monnaies contrefaites, altérées
ou colorées, les ont remises en circulation. Toutefois, celui qui aurait fait usage
desdites pièces, après en avoir vérifié ou fait vérifier les vices, sera puni d'une-
amende triple au moins et sextuple au plus de la somme représentée par les
pièces qu'il aura rendues à la circulation, sans que cette amende puisse, en alicun
cas, être inférieure à 16 flr. »
Celui qui, ayant reçu pour bonnes des pièces de monnaie contrefaites oir
altérées, les remet en circulation après en avoir reconnu le vice n'est point
exempt de reproche, car il cause sciemment un préjudice à la personne à la^
quelle il remet ces monnaies. Mais il est excusable parce qu'il peut croire que
la pièce qu'il remet en circulation continue de circuler et qu'il ne fait que re-
pousser une perte qui tombait sur lui sans qu'il y eût une faute de sa part. *
La loi a donc fait de cette circonstance une excuse légale : l'accusé d'émission
de fausse monnaie a le droit de proposer cette excuse, et le président de la cour
d'assises ne peut refuser d'en faire l'objet d'une question au jury.
215. Aux termes de l'art. 138, les révélateurs sont exempts de toutes peines,
si la révélation précède la consommation du crime. Cette disposition, qui n'est
qu'une application de la règle posée par l'art. 108, et qui indique les inquié-
tudes que le crime de fausse monnaie cause au législateur, n'appelle aucune
explication.
216. La deuxième incrimination que nous devons examiner, avant d'abor-
der le faux en écritures, est la contrefaçon des sceaux de l'État, des billets de
banque, des effets'publics et des poinçons, timbres et marques. Nous nous rap-
prochons ici du faux en écritures, mais cependant cette matière en diffère
encore en plusieurs points.
Il faut distinguer, d'abord, la contrefaçon des effets publics et la contrefaçon
des sceaux et marques. La première est punie par le deuxième paragraphe de
l'art. 139.
« Art. 139. Ceux qui auront contrefait ou falsifié, soit des effets émis par le
trésor public avec son timbre, soit des billets de banque autorisés irarjajwi, uu-
qui auront fAit usage de ces^Wets et billets contrefaîts ou falsifiés, ou qui les auront
introduits dans l'enceinte du territoire français, seront punis des travaux forcés à
perpétuité. »
L'exposé des motifs du Gode expliquait cette disposition en ces termes : '
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\
V
248 DIX-SEPT. LEÇ. — DBS GÂIMB8 BT DÉUT8 (àRT. 140, N* 217).
existe une autre sorte de monnaie qui n'appartient qu*i nos temps modernes,
ce sont les billets de confiance et les billets du gouyernement. Cette sorte de
monnaie qui supplée à Tautre et qui ajoute des richesses fictives aux richesses
qui les garantissent, qui multiplie à l'infini les moyens d'industrie et de com-
merce, est un grand bienfait de nos nouvelles institutions ; mais elle a besoia
que rien ne porte atteinte à la foi qu'on a dans sa valeur ; et la sécurité de
ceux qui la possèdent peut être facilement détruite. Les faussaires troublent
cette sécurité ; leurs criminelles entreprises tendent non-seulement à enlever
une partie des riches trésors qu'ils convoitent, mais à en tarir irrévocablement
la source ; des peines sévères doivent les réprimer, et la loi les condamne à
mort avec confiscation de biens. » La Gharte;de 1814 a aboli la confiscation et
la loi du 28 avril i 832 a substitué les travaux forcés à perpétuité à la peine de
mort.
On a demandé si celui qui, pour remettre en circulation des billets de ban-
que annulés, fait disparaître le timbre qmçoQL§t^. cette .annulatiçn, se rend
ooopable du crime pfSvû par Part. 139. On peut dire qu'il n'y a dans ce fait ni
contreiisçon ai falsification des billets, puisque l'auteur s'est borné à enleveir
rar des effets vrais en eux-mêmes la marque de leur démonétisation ; mais né
pmi-on pas répondre que la mention de l'annulation des biUets s'incorporait
avec ces billets, puisqu'elle leur enlevait leur valeur nominale, et que dès lors
enlever cette mention par des moyens chimiques pour les remettre en cireukr
tion et s'en approprier le montant, c'était falsifia l'une des parties de œs bil-
lets tels qu'ils se trouvaient au moment de raltération ? Ce serait peut-être trop
de subtilité que de prétendre que la loi protège les valeurs réelles, les billets
en circulation, et non ceux qui sont frappés de déchéaDce et qui n'ont plus
aucune valeur; car alors ne pourrait-on pas soutenir qu'en effaçant le signe
de la déchéance on fabrique véritablement de nouveaux billets ?
217. La contrefaçon des sceaux de l'État fait Tobjet du i*' § du même
article :
. tf Art. U9. Ceux qui auront contrefait le sceau de l'État ou £ait usage du sceau
contrefait, seront punis des travaux forcés à perpétuité. »
Cette incrimination n'a point une grande importance. Le législateur, imbu
d'anciennes idées, avait considéré ce crime c comme un véritable crime de
lèse-majesté, une usurpation de la souveraineté, i C'était là une pure fiction,
puisque l'apposition dû sceau n'ajoute aucune force aux actes auxquels il est
apposé. Mais on trouve, à la suite de cette disposition, quelques incriminations
qui appartiennent à la même famille de faits et qui tiennent une plus grande
place dans la pratique.
« Art. 140. Ceux qui auront contrefait ou falsifié soft un ou plusieurs timbres
nationaux, soit les marteaux de l'État servant aux marques forestières, soit le
poinçon ou les poinçons servant à marquer les matières d*or ou d*«rgent, ou qui
auront fait usage de papiers, effets, timbres, marteaux ou poinçons fiilsiftés ou
contrefaits, seront punis des travaux forcés à temps dont le maximum sera tou-
jours appliqué dase ce cas. »
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no GHIHB DB WAXfX (aRT* 141.) UA
U est MMB fadle de définir les liabres nationanx : ce sont ceux qui porteni
les armoihes de TÉtai et qui sontappesés en son nom. Mais il n^est pas tou-
jours aisé de les discerner des timbres des autorités locales. La jurisprudence
% décidé que le timbre que Tadmiaistration des contributions indirectes im-
prime sur les cartes à jouer est un véritable timbre national, et que le timbra
de la poste aux lettres, qui ne porte que le nom des communes où les bureaux
de poste sont établis, n'a pas ce caraciére. Cette dernière interprétation est
confirmée par la loi du 46 octobre 1849 qui ne punit que d'une peine pécu-
niaire Tusage des timbres-poste ayant servi à l'affrancbissement des lettres.
Les marteaux de TÉtat servant aux marques forestières servent aux agents
forestiers pour marquer, dans les ventes de bois, les baliveaux réservés. La
question s'est élevée de savoir si la contrefaçon des marques forestières rentre
dans les termes de la loi lorsqu*eUe a été pratiquée salas contrefaçon ni usage
dos marteaux. Il a paru que la loi ne punissait que la contrefaçon et l'usage
du marteau national, qu'on no p«it confondre o» iaît avec Timitation d'une
empreinte ; que le même danger n'existe pas dans les deux cas, puisqu'avee
un faux marteau on peut nnilciplîer les marques, tandis qu'une fausse em*
preinte est un acte isolé. Il a été répondu qu'une pareille interprétation ten-
drait à anéantir Pintentîon de la loi, puisqu'il suffirait, pour se mettre à Pabri
des peines qu'elle prononce, de contrefaire la marque forestière autrement
que par Tempreinte d'un marteau contrefait; que dans tous les cas où une
fausse marque forestière a été apposée à l'aide de quelque instrument que ce
soit, avec l'intention de la faire passer pour la marque de l'État, ce seul fait
constitue le crime de falsification et rentre dans les termes de l'art 140. Il est
évident que cette réponse est plutôt une critique qu'une explication des termes
dont la loi s'est servie : ces termes ne peuvent pas se ployer an gré d'une in-
tention plus ou moins présumés.
Les poinçons servant à marquer les matières d'or ou d'argent sont destinés
à la garantie des titres de ces matières. Les règles relatives à cette garantie se
trouvent dans la loi du 29 brumaire an VI.
21&.^*artîcle 141 prévoit l'usage abusif des vrais timbres, marteaux ou
poinçons :
c ART. 141. Sera puni de la réclusion quiconque s'étant indûment procuré les
vrais timbres, marteaux ou poinçons, ayant Tune des destinations imprimées en
Fart. 140, en aura fait une application ou usage préjudiciabla aux droits ou inté-
rêts de râtat. »
La question s'est élevée de savoir si le fait d*enlever l'écriture de vieux
papiers timbrés par des moyens cbimiques était un usage préjudiciable d'un
timbre vrai. Cette question a été résolue négativement, parce que l'art. 141 ne
s'applique qu'à l'apposition de timbres détournés par des moyens illicites, et
4iu'il est impossible de l'étendre au double emploi d'un papier revêtu du tim-
bre légal. Une autre question, née du même article, est de savoir s'il y a lieu
de l'appliquer au fait d'avoir frauduleusement appliqué sur un arbre l'em-
preinte vraie du marteau de FÉiat appliquée par les agent^ forestiers sur un
4uitre arbre. La jurisprudence a déclaré que ce n'est pas seulement l'indue
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250 DIX-SEPT. LEG. — DBS GRTMES ET DÉLITS, ETC. (aRT. 143, N"* 219).
détention des marteaux qae pnnit Tart. 141, que c'est principalement leur
application ou usage préjudiciable aux droits de l'État; que par cet usage frau-
duleux du marteau le préjudice est le môme, soit que le délinquant ait em«
ployé le marteau pour en obtenir Tempreinte et en marquer les arbres qui ne
devaient pas Tôtre, ou qu'il se soit procuré cette empreinte par toute autre
voie et Tait appliquée pour frauder les droits de PÉtat :
219. Les art. 142 et 143 prévoient la contrefaçon de marques d'une autre
espèce :
« Art. 142. Ceux qui auront contrefait les marques destinées à être apposées, au
nom du gouvernement, sur les diverses espèces de denrées ou de marchandises ou
qui auront fuit usage de ces fausses marques ; ceux qui auront contrefait les sceaux,
timbres ou marques d'une autorité quelconque, ou qui auront fait usage des
sceaux, timbres ou marques contrefaits. »
i: a Ceux qui auront contrefait les timbres-poste ou fait usage sciemment des tim-
bres-poste contrefaits, seront punis d'un emprisonnement de deux ans au moins et
de cinq ans au plus. Les coupables pourront en outre être privés des droits men-
tionnés en Tart. 42 du présent Gode pendant cinq ans au moins et dix ans au plus
à compter du Jour où ils auront subi leur peine. Ils pourront aussi être mis par
Tarrôt ou le jugement sous la surveillance de la haute police pendant le même
nombre d'années. Les dispositions qui précèdent seront applicables aux tentatives
de ces mêmes délits. »
«Art. 143. Quiconque s'étant indûment procuré les vrais sceaux, timbres ou
marques ayant Tune des destinations exprimées en l'art. 1 42, en aura fait ou
tenté de faire une application ou un usage préjudiciable aux droits ou de TËtat,
ou d'une autorité quelconque, sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois
ans. Les coupables pourront en outre être privés des droits mentionnés en l'ar-
ticle 42 du présent Gode pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter
du jour où ils auront subi leur peine. Ils pourront aussi être mis par l'arrêt ou
le jugement sous la surveillance de la haute police pendant le même nombre
d'années. »
Ces faits étaient qualifiés crimes par le Gode, et la peine portée par les art.
142 et 143 était la réclusion. La loi du 13 mai 1863 a substitué à cette peine
afflictive et infamante des peines correctionnelles. Elle a en même temps :
10 effacé de Tancien texte de Tart. 142 ces mots : « ou d'un établissement par-
ticulier de banque ou de commerce, » en se référant à la loi du 23 juin 1857
dont nous ferons connaître le texte tout à Theure ; 2° ajouté à l'ancien texte la
contrefaçon des timbres-poste et l'usage de ces timbres contrefaits. Noua
avons vu (n*217) que la loi du 16 octobre 1849 punissait d'une amende l'usage
des timbres ayant déjà servi : il s'agit ici d'un fait plus grave, de la falsifica-
tion de ces timbres. Le mot sciemment, peut-être inutile, exprime nettement
la pensée que celui qui, sans le savoir, a fait usage d'un timbre contrefait,
n'encourt aucune peine.
On doit entendre, par les marques apposées au nom du gouvernement sur
les marchandises, celles que les administrations publiques, telles que les doua-
nes, les contributions indirectes, les octrois, apposent sur les diverses denrées
comme signes de leur vérification. On doit entendre par sceaux, timbres ou
marques d'une autorité quelconque les types ou cachets que les fonctionnaires
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DU GRIMB DB FAUX (aHT. 142). 251
apposent dans Texercioe de leurs fonctions, soit sar les actes qu'ils délivrent,
Boit dans les opérations auxquelles ils prennent part. On doit entendre enfin
par marques des établissements de commerce tous les signes ou cachets des-
tinés à consacrer l'origine des actes ou marchandises émanant d'une maison
de commerce.
La contrefaçon de ces dernières marques avait déjà donné lieu à quelques
dispositions législatives. Les art. 16 et 17 de la loi du 22 germinal an XI por*
taient : c La contrefaçon des marques particulières que tout manufacturier ou
artisan a le droit d'appliquer sur des objets de sa fabrication donnera lieu :
i* à des dommages-intérêts envers celui dont la marque aura été contrefaite;
2* à rapplication des peines prononcées contre le faux en écriture privée. La
marque sera considérée comme contrefaite, quand on y aura inséré ces mots
façon de,., et à la suite le nom d'un autre fabricant d'une autre ville. > C'est
dans ces dispositions que Tart. 142 a été puisé. Cet article a été modifié ulté-
rieurement par la loi du 28 juillet 1824, dont voici le texte :
o L. 28 juillet 1824. Art. 1. Quiconque aura, soit apposé, soit fait apparaître,
par addition» retranchement ou par une altération quelconque, sur des objets fabri-
qués, le nom d'un fabricant autre que celui qui en est l'auteur, ou la raison com-
merciale d'une fabrique autre que celle de la fabrication, sera puni des peines
portées en l'art. 433 du Gode pénal, sans préjudice des dommages- intérêts, s'il y
a lieu. Tout marchand, commissionnaire ou débitant quelconque, sera passible des
effets de la poursuite, lorsqu'il aura sciemment exposé en vente du mis en circu-
lation les objets marqués de noms supposés ou altérés. — Art. 2. L'infraction ci-
dessus mentionnée cessera en conséquence, et nonobstant l'art. 17 de la loi du
22 germinal an XI, d'être assimilée à la contrefaçon des marques particullèrea
prévue par les art. 142 et 143 du Code pénal. »
11 résulte de ces dispositions que l'usurpation ou l'imitation du nom ou de la
raison sociale d'un fabricant sur des objets qu'il n*a pas fabriqués, n'est plus
comprise dans les termes de l'art. 142, et constitue un délit distinct passible
d'une peine correctionnelle. Une autre loi du 23 juin 1857 punit de peines
correctionnelles la contrefaçon des marques de commerce et l'apposition de»
marques contrefaites sur les objets fabriqués : le but de cette loi nouvelle est
de prévenir une concurrence déloyale. L'art, qui 142 conserve son autorité en
ce concerne la contrefaçon des autres marques.
. La loi du 25 juin 1857 contient les dispositions suivantes :
« Loi du 25 juin 1857. Art. 7. Sont punis d'une amende de 50 à 3,000 fr. et d'un
emprisonnement de trois mois à trois ans, ou de l'une de ces peines seulement :
1* Ceux qui ont contrefait une marque (de fabrique ou de commerce), ou fait usage
d'une marque contrefaite; 2* ceux qui ont frauduleusement apposé sur leurs pro-
duits ou les objets de leur commerce une marque appartenant à autrui; 3*" qui
ont sciemment vendu ou mis en vente un ou plusieurs produits revêtus d'une
marque contrefaite ou frauduleusement apposée. — Art. 8. Sont punis d'une
amende de 100 à 2,000 fr. et d'un emprisonnement d*un mois à un an, ou de l'une
de ces peines seulement : !• Ceux qui, sans contrefaire une marque, en ont fait
une imitation frauduleuse de nature à tromper l'acheteur, ou ont fait usage d'une
marchandise frauduleusement imitée ; 2** ceux qui ont fait usage d'une marque
portant des indications propres à tromper l'acheteur sur la nature du produit ;
%• ceux qui ont sciemment vendu ou mis en vente un ou plusieurs produits re-
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252 DIX-SEPT. LEÇ. — DBS GRIlfBS HT DÉLFFS, ETC. (aRT. 142, N^ 221).
v6tu9 d'une marque frauduleusement imitée ou portant des indications propres à
tromper Tsebetenr sur la nature du produit. — - âbt. 9. Sont punis d'une amende
de 50 à 1,000 fr. et d'un emprisonnement de 15 jours à 6 mcàs, ou de l'une de ces
peines seulement : 1* Ceux qui n'ont pas apposé sur leurs produits une man|ua
déclarée obligatoire ; 2** ceux qui ont vendu ou mis en vente un ou plusieurs proh
duits, ne portant pas ia marque déclarée obligatoire pour cette espèce de produits ;
3' ceux qui ont contrevenu aux dispositions des décrets rendus en exécution do
l'art. 1 de la présente loi (qui déclarent obligatoire la marque de fabrique sur les
produits qu'ils déterminent). »
On comprend facilement ce qu'il faut entendre paxVexposttionen vente, Maia
il est plus difficile d*expliquer la mise en circulation des objets frauduleusement
marqués. Il ne suffit pas que les objets aient quitté la fabrique; il faut qu'ils
«lent été expédiés dans le but de les livrer à la consommation. La mise en cir*
cnlatîon et rexposition en vente sont, dans Tesprit de la loi, deux faits dd,
même nature qui précèdent la vente et la préparent. Ce sont ces actes prépa-
ratoires de la consommation de la fraude que le législateur a voulu saisir pour
prévenir, sMl est possible, cette consommation.
220. Nous arrivons maintenant, après avoir ainsi dégagé la matière de-ces
fkits préliminaires, au faux proprement dît, au fkux en écritures, matière fé»
conde en difficultés, et sur laquelle je vais essayer défaire luire quelque clarté.
La première question qui se présente est celle-ci : qu'est-ce qu'un faux en
écritures ? Quand nous aurons bien saisi les caractères du crime considéré en
général, nous en comprendrons plus facilement les différentes espèces et nous
pourrons résoudre les doutes que cette matière peut soulever à chaque pas.
Le faux en écritures est, en général, une altération de la vérité faite dam
une écriture, avec intention et possibilité de nuire à autrui. Il suit de là que
trois conditions sont nécessaires pour l'existence du crime : une altération de
la vérité, c'est-à-dire un faux matériel; Tintention de nuire^ c'est-à-dire la
fraude, la volonté du crime ; enfin, la possibilité d'un préjudice, c'est-à-dire la
possibilité que l'écriture falsifiée produise un efiet nuisible. Il faut nous arrê-
ter d'abord à examiner ces trois règles fondamentales de la matière.
221. Il faut, en premier lieu, une alléralîon matérielle de la vérité. Que faut-
il entendre par cette expression? Il faut entendre une altération faite dans un
acte quelconque des clauses, des ênonciations ou des faits que cet acte avait
pour objet de recevoir et de constater. On doit distinguer, en effet, les simples
mensonges, même faits par écrit, et le dol susceptible de constituer le faaXé
L*énoDciation mensongère, si elle n'attaque pas les parties essentielles de Tacte,
si elle n'altère pas l'acte, quel qu'il soit, et ne lui imprime aucun effet fraudu^
leux, ne peut devenir la base d'un faux criminel. L'altération matérielle est
le corps du délit de tous les faits qualifiés faux, c'est cette altération qui em-
porte en elle-même un dommage quelconque, lorsqu'elle a pour objet les écri-
tures qui sont la preuve d'une obligation ou d'un droit. Cette première règle
va devenir plus claire à Taide de quelques exemples.
Un prévenu allègue des faits faux dans son interrogatoire; ces faits, bieaqoa
consignés dans le procès- verbal, ne constituent point un faux matériel; car la
rocès- verbal a pour objet de coostaler les r^cnnses et non la vérité de œa ré^
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DU GHIMB sa MJLVX (ART. 142). 253
poDBes^ et le droit de ta défense coutts même les mensonges qu'il emploie pour
ge disculper. Une partie énonce de fausses sallégations dans une requête pour
égarer la jnstioe : ees ènonciations mensongères ne sont pas considérées
omune une aUération mensongère de latérite, parce qu'elles peuvent être
vérifiées, parce que les actes de procédure n'ont point pour objet de constater
la vérité des assertions qu'ils contiennent Un huissier introduit une altération
dans la copie d'un acte qu'il signifie : cette falsification n'est point une altéra^
tion matérielle de l'acte lui-méme, maia d'une copie qui ne peut, par elle-
méme, avoir aucun effet, puisqu'elle n'a aucune autorité; il n'y a donc point
là encore de faux matériel. La même décision serait applicable à tous les actes
qui n'ont aucune mission pour constater les faits qui y sont mensongèrement
énoncée; telle est la déclaration faite faussement par un militaire, pour cumit'
1er sa retraite avec un traitement d'activité, qu'il ne jouit d'aucun traitement:
Cela sont tous les actes constatant faussement tels ou tels faits, lorsqu'ils éma«-
nent de personnes incompétentes pour les constater.
Prenons d'autrœ exemples. Deux parties conviennent de déguiser la vérité
des faits dans nn acte qu'elles signent seules : il y a dans ce déguisement
simulation, il n'y apas de îblvlt, lors même que l'acte simulé serait ensuite em-
ployé pour nuire à autrui. Car l'usage frauduleux de l'acte ne peut en changer
la nature, et de ce que je suis convenu avec le propriétaire d'une chose de faire
nue vente, un échange, nn louage fictif de cette chose, il s'ensuit que j'ai fait
on acte qui n'est pas sérieux, mais non que j'ai fait un acte faux. La législation
vient confirmer cette doctrine : car la loi du %2 frimaire an YJI, relative aux
droits d'enregistrement, ne porte que des peines purement civiles contre la
simulation, faite pour frauder le fisc du véritable prix d'une vente dans nn
contrat. Mais toutes les fois que, dans un acte, l'une des parties insère une
cause, une disposition, une addition à l'insu de l'autre partie et dans une
intention frauduleuse, ce n'est plus une simulation, car la simulation suppose
le concert de tontes les parties; cette altération est un véritable faux.
Pourauivons l'application de notre distinction. Tout abus d'un blanc-seing
cimstîtue, si on le considère théoriquement, un véritable faux, car l'abus n'est
pas autre chose que la fabrication d'un acte faux ou une addition frauduleuse
à un acte déjà complet. Toutefois l'art. 407 du Code pénal ne punit cette espèce
de faux que d'une peine correctionnelle; pourquoi cette exception? c'est que
la partie lésée a livré imprudemment sa signature, c'est qn'elle doit s'imputer
son imprévoyance, c'est aussi que l'abus d'une signature fait supposer moins
d'audace que la fabrication d'une fausse signature. 8i, au contraire, la signa-
' ture n'a pas été confiée, mais surprise, si la partie n'a pu prévoir l'abus qui est
fait de sa signature, le fait reprend le caractère d'un faux. La même solution
s'applique à l'abus de confiance : l'associé qui, pendant l'existence de la société,
abuse de la signature sociale au i»x>fit de ses intérêts personnels, ne commet
point un crime de ftiux, il abuse du mandat qu'il a reçu, mais c'est la société
qui signe, et s'oUige par sa 'main ; les billets qu'il souscrit sont le fait de
la société, il y a détournement, il n'y a pas de fiiiux. Il en serait autrement si les
billets avaient été émis depuis la dissolution de la société avec la signature
sociale ; car, dès qu'il n'est plus mandataire, il usurpe une qualité pour fabri-
quer nn acte firaudnleux.
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254 DIX-SEPT. LEÇ. — DES CBIMES ET DÉLITS, ETC. (aRT. H4, N* ÎM).
822. La deuxième condition du crime de faux est Pintention frauduleuse,
le dessein de nuire à autrui. Il est clair, en efiet^ que Paitération matérielle,
quelque gra^e qu'elle soit, si elle est exempte de toute volonté criminelle, ne
peut devenir l'élément du crime. Ainsi une pétition avait été couverte de fausses
signatures qu'un individu avait apposées du consentement des pétitionnaires,
à l'exception de deux signatures faites à l'insu des personnes, mais sans
intention de nuire. U fut décidé que c le crime de faux ne peut exister où il
ne se rencontre aucune idée ni intention de porter aucun dommage à autrui, i
Ainsi, un individu était poursuivi pour avoir falsifié des passavants délivrés
dans un bureau de douanes, mais il était en même temps constaté que ce £auz
n'avait point été commis dans l'objet de soustraire des marchandises à l'ap-
plication des droits ; dès lors il fut également reconnu que cette altération
ji'était passible d'aucune peine, puisque la loi ne punit que les faux conunis
4an8 un dessein et un but criminels. Ainsi, enfin, un préposé avait consigné
dans un procès-verbal de contravention des faits inexacts, mais qui n'appor-
taient aucune aggravation à la position des prévenus: il a encore été décidé
qu'il ne peut y avoir lieu à la procédure en faux contre un procès-verbal des
préposés que dans le cas où les fausses énonciations reprochées au rédacteur
du procès-verbal seraient criminelles et auraient pour objet d'établir une con-
travention qui n'Àurait pas existé. »
L'intention du crime existe, non-seulement quand elle menace des intérêts
privés, mais encore des intérêts publics. Car, c'est la volonté de léser, et non
le caractère de la lésion qu'il faut considérer ici, et, d'ailleurs, la même protec-
tion doit couvrir tous les intérêts. C'est d'après ce principe que la jurispru-
dence a appliqué les peines du faux à toutes les falsifications commises.'en ma-
tière de recrutement, pour soustraire de jeunes soldats au service ou pour
faciliter l'admission de ses remplaçants.
L'intention de nuire peut exister encore, lors même que l'auteur de l'altéra-
tion ne doit en tirer aucun profit matériel. Ainsi il importe peu qu'il ait agi
par esprit de vengeance ou de cupidité, par méchanceté ou pour s'emparer
du bien d'autrui, l'intention de nuire est indépendante du mobile qui la pousse
et du but qu'elle veut atteindre; il suffit qu'elle soit constatée.
Enfin, cette intention peut exister, lors môme qu'elle se propose, non de
nuire à la fortune d'autrui, mais de nuire à l'honneur, à la réputation, à tous
les biens moraux qui constituent la vie sociale. Le doute était né à cet égard
de l'art. ^64 qui porte : < Il sera prononcé contre les coupables une amende
dont le maximum pourra être porté jusqu'au quart du bénéfice illégitime que
le faux aura procuré ou était destiné à procurer. > On avait induit de ces ter-
mes que, dans la pensée de la loi, il n'y avait d'autre faux que celui qui avait
pour but la spoliation du bien d'autrui, la consommation d'un vol. C'est là, en
général, le but principal du crime de faux, et c'est à raison de ce caractère
dont il est empreint que l'art. ^64 fondé sur ce principe que les délits enfantés
par la cupidité doivent frapper la passion qui les a produits, a été édicté. Mais
faut-il considérer ce texte comme restrictif ? Parce que l'une des peines appli*
quées au faux est une amende qui a pour base le bénéfice illégitime qu'il peut
procurer, s'ensuit-il que, toutes les fois qu'il ne procure aucun bénéfice maté-
riel, il n^Qst pas punissable? s'ensuit-il que toutes les falsifications qui auraient
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BU GRIlfE DE FAUX (aRT. 142), 255
pour bat d'entacher l'honneur ou la réputation, doivent échapper à toute
peine? Gomment admettre que, 8*il sert d'instrument à la plus minime spolia-
tion, il sera sévèrement puni, et que, s'il devient le complice de la plus odieuse
calomnie, il pourra invoquer Timpunité? Dans Tune et dans l'autre hypothèse,
n'y a-t-il pas également mal matériel et mal moral, et quand la loi punit, en
général, toute altération, toute supposition d*écritures, faite avec intention de
nuire, comment distinguer dans les termes d'une incrimination aussi éten*
due comment la restreindre quand aucun motif ne légitime une telle
restriction ? Il me parait donc que c'est avec raison que la jurisprudence n'a
point hésité à saisir les caractères du crime de faux dans une lettre fausse
écrite pour calomnier un tiers, dans l'apposition de fausses signatures au pied
d'une dénonciation dirigée contre un fonctionnaire, etc.
S83. La troisième condition du crime est que le fait soit préjudiciable, qu'il
puisse apporter quelque dommage à autrui, compromettre un intérêt ou un
droit. Qu'importe, en effet, que l'altération ait été matériellement consommée,
et qu'elle l'ait été dans une pensée criminelle, si en fait elle est inoffensive f
Ce que la loi poursuit, c'est la lésion faite aux tiers ; l'agent qui tire sur une
personne un fusil qu'il croyait chargé, et qui ne l'est pas, ou qui sert une po-
tion qu'il croit un poison et qui n'a aucun effet nuisible, ne commet en réalité
aucun crime, car la pensée criminelle ne suffit pas pour constituer le crime,
il faut un fait matériel qui la traduise et la rendre dangereuse. Toutefois, il
n'est pas nécessaire qu'il y ait un préjudice actuel, il suffit que le préjudice,
matériel ou moral, soit possible, il suffit que le fait menace un intérêt quel-
conque.
De là il suit que toute altération commise dans des actes qui ne peuvent
être la base d'aucun droit, ni la source d'aucune action, échappe à l'incrimi-
nation. Ainsi la falsification d'un acte de dépens ne constitue point un faux,
parce que les énonciations qu'il renferme, susceptibles d'être contestées et
modifiées par le juge, ne peuvent devenir ni le principe d'une action, ni le
fondement d'un droit. Ainsi, l'officier de santé, qui exagère le nombre des
vaccinations qu'il a faites pour obtenir une prime, ne commet point un faux,
parce qu'on ne peut se faire de titre à soi-même, et qu'une note d'honoraires
n'a point le caractère d'un titre. Ainsi, la falsification de simples registres
domestiques ne serait pas punissable, puisque ces registres, aux termes de l'ar-
ticle 1331 du Gode civil, ne sont point un titre pour celui qui les a tenus. Mais
d'une autre part, il suflit que les actes aient un caractère préjudiciable pour
qu'ils deviennent un élément du crime. Ainsi, la responsabilité du père envers
les tiers, pour les sommes soustraites par son fils au moyen d'une fausse
signature, ne fait pas disparaître la nocuité de l'acte. Ainsi, la falsification des
registres domestiques faite en vue d'une production préjudiciable à autrui
lorsque ces registres sont encore produits en vue de ce préjudice, peut devenir
la base d'un faux.
Quelle doit être l'influence de la nullité des actes sur le caractère des alté-
rations dont ils sont entachés? « De ce qu'un acte, a dit Merlin, est devenu
nul ex post facto par le défaut d'accomplissement des formalités qui devaient
suivre sa rédaction, s'ensuit-jl que, si, dans sa rédaction môme, il a commis
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25& DIX-SBPT. LBG. — DES GRIHB8 BT DÉLITS, ITG. (aRT. 150, N* 224).
un faux, ce faux devra rester impuni? Un huissier qui a commis un fou
dans son exploit esquivera-t-il la peine due à son crime, en omettant de faire
enregistrer cet exploit dans les quatre jours suivants f Coupable en écrivant
son exploit, deviendra«t-il innocent par la contravention qu'il se permettra
aux règles de son étatr Non : pour juger s'il y a un faux dans un acte, c'est
au moment de la rédaction de cet acte qae Ton doit se fixer, et les éléments
postérieurs ne peuvent ni créer après coup dans un a;ctë un faux qui n'existe
pas, ni en effacer après coup le faux qui y existe. >
D y a plus : un acte pourrait être nul dans son principe, à défaut des for-
malités essentiellement prescrites dans sa rédaction, sans que pour cela Toffi- ^
cier qui Ta rédigé et qui y a commis un foux fût à l'abri des poursuites du
ministère public ; c'est ainsi que pourrait et devrait être puni le notaire qui
en recevant un testament hors la présence des témoins requis par la loi,
omettrait d'y insérer la mention expresse, ou que le testateur le lui a dicté,
ou quil l'a écrit lui-même, ou qu'après l'avoir écrit, il a relu toutes ses dis-
positions ; et il en serait de même d'un acte sous seing privé qui, dans le cas
Dû il doit être fait double, à peine de nullité, n'aurait été écrit que sur une
seule feuille. C'est d'après cette doctrine qu'il a été décidé : 1* que la ratifica-
tion donnée par un plaignant à l'acte qu'il avait dénonoé ooDune foux ne peut
avoir pour e£fet d'anéantir l'action publique; t^ que le défaut d'affirmation
d'un procès-verbal n'empêche pas qae le faux commis dans cet acte ne puisse
être poursuivi; 3* que la nullité d'une lettre de change signée par un mineur
ne fait pas obstacle à ce que le faux commis dans cette signature ne soit
incriminé; 4* que la fabrication d'un faux acte sous signature privée constitue
le crime, bien que cet acte n'ait pas été fait double et ne puisse dès lors servir
de preuve légale de la convention. On a proposé néanmoins de distinguer
entre les actes qui sont atteints d'un vice radical et nuls dans leur principe,
et ceux qui, valides au moment de leur rédaction, ne puisent une cause de
nullité que dans l'omission des formes qui doivent les revêtir. Dans la première
hypothèse, il n'y aurait pas de faux, puisque l'écrit est dénué de toute force.
Dans la deuxième, on distinguerait encore si la nullité provient de l'agent ou
lui est étrangère. Si c'est l'agent lui-même qui a laissé l'acte tomber par
l'omission de ses formes essentielles, on présumerait qu'il a renoncé à s'en
servir, et par conséquent que le crime n'a pas été consommé. Ces distinctions
judicieuses, posées par la théorie, ne sont point encore entrées dans la-juris-
prudence.
S84. Vous connaissez maintenant les éléments constitutifiB du crime de
faux, et vous pouvez parcourir les différentes classes défaits que la loi com-
prend sons cette incrimination.
La première de ces classes comprend les faux en écriture privée : c'est là oe
que Ton appelle le faux simple, celui qu'aucune circonstance n'aggrave. Il est
prévu que l'art. 150, qui est ainsi conçu :
« Abt. ISO. Tout individu qui aura, de Tune des manières exprimées par l'arti-
cle 147, commis un faux en écriture privée, sera puni de la réclusion. »
Il fout donc recourir à l'art. 147 pour connaître les manières suivant les-
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«j caiJÉB Bs VAvx {Jim. 150). 257
qneUss le fiaixen éeriixire ipmêt peut être cdimnis. Cwmodeô dèpe^pét^atîon
sont les smvanls : .
a Soit par oontrefaçon ou altération d^crilures ou de signatures. ^ Soit par
fabrication de oonyentionâ, dispositions, obligations ou décharges, ou par leur
insertion après ooup dans oes actes. — Soit par addition ou aitératioa de clauses,
de déclarations ou de faits que ce? actes avaient pour objet de recevoir et de
QOQstater. »
Parcourons ces difiPérents modes de perpétration du faux.
825. Pour qu'il y ait contrefaçon ou altération d'écritures, il est nécessaire
qne dqs ècritores, pouvant causer à autrui quelque préjudice, aient été kfli-
téee ou falsifiées. Ainsi, la contrefaçon d'un acte qui serait dépourvu de signa*
tores Qu qui n'aurait été signé que d'une simple croix, ne rentrerait pas dans
lea.tennes de la loi, par^ que ce ne sont point là des écriiores qui puissent
léser lea intérèta d'autrui. Ainsi, le fait d'avoir tenu pafiâve et inerte la taBÛn
d'une pecaonoa, pour la cpnJTection d'un acte, ne saurait eonstitner tm faux,
s'il eet.établi.quelapensonoe avait la volonté de faire Tacte. '
ne. B y a oontpelaçon ou altération de signatures toutes les fbis que l'on
souseiit un acte du nom d'ono personne à laquelle on l'attribue à son insu.
Lafbbiicatkm 4'un Qom inconmi peut*elle ôtre considérée comme une con-
ttrefaçoQ de signatures? Il peut sembler que l'ecptession de la loi n'est p«is
exacte, car stçner d'un iiom inconnu ce n'est pas, à proprement dire, contre-
fklreou^altérerune signature, et cette observation prend quelque consistance
loi^qiier l'on rapprpche Tart. i47, qui n'incrimine que la contf^fhpon et Valtéra-
Htm ^ HgnaiureSyàà l'art. 145 qui, en oe qui touche leshux commis par
rèëfovcAlonaairés publics, punit on général les faux commis par fausses signa-
tures. Gependant ee serait possser trop loin le principe de l'interprétation
nesti'ictiTe^ (jfu«i d'admettre dans ces deux locutions un sens différent : il est
évident que la loi a voulu, dans ces deux articles, frapper le même crime,
l'altération de la vérité commise par fausses signatures. On peut dire, d'ail-
leurs, que celui qui signe un nom faux, mais inconnu, contrefait sk propre
signature. Il importe peu, dans tous les cas, que la signature vraie que Ton
contrefait soit plus ou moins exactement imitée : ce n'est pas l'exactitude de
la reproduction que la loi punit, c'éist l'usurpation du nom d'un tiers. Ainsi,
il y aurait feeiux lors même que k personne dont le nom aurait été usurpé ne
saurait pas écrire. La question sldst élevée de savoir si Pon peut commettre
un faux 'en signant soti propre nom avec le dessein de faire croire à la pré-
senced'ttn tiers, porteurr du méiise iiom. La «olution ne peut être douteuse^
La vérité ou la ftinsseté d'une' signature n'est pas une qualité matérielle et
absolue; mais bien une qualité relative tout à la fois à la persdntié qui trace
celte signatnrè et à celle dont cette signature atteste la coopération ; dl6û il
suit quNone signature n'est vraie qu'autant que l'iiiâividù qui Ta tracée est
bien celui dont eUe offre le nom, et dont elle établit la présence dans TacU
qui la renferme.
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258 OIX-SBPT. LEG. -« DBS GRIIC1S8 ET DÉLIT0, ETC. (aHT. 150, N® 229).
227. La fabrication de conventions, dispositions, obligations, ou décharges,
a lieu soit par supposition d'écrits, soit par supposition de personnes.
Il y a supposition d'écrits toutes les fois que Tagent fabrique, dans Tinten-
tion de le faire passer pour vrai, un acte quelconque, par exemple, lorsqu'il
fabrique un faux acte de décès ou de mariage, destiné à soustraire un individu
au recrutement, lorsqu'il fabrique un faux diplôme, un faux certificat d'admis-
sion au grade universitaire, lorsqu'il contrefait une fausse expédition d'un
acte notarié, la copie ou l'extrait d'un acte public ou privé. Il est clair qu'il
faut que l'acte supposé soit complet, qu'il puisse en être fait usage, car il ne
faut jamais séparer le fait matériel du préjudice qu'il peut causer : c'est la
possibilité du préjudice qui rend le fait susceptible d'incrimination.
228. Il y a faux par supposition de personnes lorsque Ton suppose la pré-
sence d'une personne dans un acte, pour créer des engagements, soit contre
cette personne, soit contre des tiers. L'art. 145 prévoit expressément cette es-
pèce de faux, et l'art. 147, n'ayant pas répété cette incrimination, on avait cru,
dans les temps qui suivirent la promulgation du Code, que cette disposition de
la loi n'était applicable qu'aux fiiux commis par les fonctionnaires publics.
C'était là une erreur évidente, puisque la supposition de personnes est un
mode de fabrication des conventions, et que Part. 147, en prévoyant en gé-
néral toute fabrication d'actes, n'a point exclu ce mode. Toutes les fois qu'un
individu se présente sous le nom d'un tiers devant un officier public, pour
faire une déclaration, donner un consentement ou prendre un engagement
que ce tiers seul a qualité pour exprimer, il y a faux, pourvu qu'il résulte de
cette supposition de personnes un acte obligatoire et qui puisse devenir préju-
diciable. Il faudrait, par conséquent, ranger dans cette classe l'individu qui se
présenterait devant un notaire sous le nom d'un tiers, propriétaire d'une
maison, pour faire la vente ou la donation de cette maison, l'individu qui se
présenterait devant un conseil de révision sous le nom d'un tiers appelé par
la loi du recrutement, pour y faire valoir des motifs personnels d'exemption,
l'individu qui se présenterait sous le nom d'un tiers au gardien d'une prison
pour subir une peine au lieu et place de ce tiers, etc.
229. U y a faux par insertion après coup de conventions, dispositions, obli-
gations ou décharges dans les actes, toutes les fois que, par une intercalation
de dispositions faites dans les actes après leur clôture, on en altère le sens
primitif. Toute modification insérée par addition dans un acte à Tinsu de
Tune des parties et avec l'intention de lui nuire, rentre dans cette disposition
de la loi. Cependant, si l'addition ne porte que sur des mots indifférents, et
qui ne peuvent produire aucun effet préjudiciable, il est évident que cette
application cesserait. Il ne faut pas d'idlleurs confondre ces intercalations
frauduleuses avec les surcharges, interlignes et additions, qui ne contiennent
rien de contraire à la vérité et qui sont faites au moment des actes, sans des-
sein de nuire et dans le seul but de compléter et de préciser toutes les énon-
cialions qu'ils doivent contenir. Les art. 15 et 16 de la loi du 25 ventôse an XI
ont déterminé le mode suivant lequel ces additions ou surcharges doivent
être faites dans les actes notariés-
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DU CRIHB DB PAUX (aRT. 150). 259
890. Le dernier mode de perpétration du fiiuz est celai qui a tien par ad-
dition ou altération de clauses, de déclarations ou de faits que les actes avaient
pour objet de recevoir et de constater. Je dois faire une première observation:
les fausses déclarations, les nsurpations d*état, les usurpations de qualités
qui n^appartiennent point à la substance de l'acte et que cet acte n'a pas pour
objet de consacrer, ne peuvent rentrer dans cette incrimination. En effet» si
Tacte, considéré dans sa teneur et dans son but, n'éprouve aucune modifica-
tion de la fausse mention, elle devient une énonciation indifférente : telle
serait la fausse qualité ajoutée au vrai nom de Tune des parties. Ce n'est que
brsque l'acte est vicié dans ses éléments» lorsque la fausse mention modifie
les faits qui sont nécessaires à sa vie ou dont la constatation est le but spécial
de son existence que l'altération prend un caractère criminel. Ainsi, porte exem-
ple, l'enlèvement par un procédé chimique, sur un certificat de bonnes vie et
mœurs, d'une note indiquant que le porteur de ce certificat a été refusé par
un conseil de révision comme remplAçani^ ne constitue point le crime de faux,
car cette annotation ne faisait point partie du corps de l'acte qui avait pour
objet de constater la bonne conduite de cet individu et non s'il était propre
ou non au service militaire. Mais si l'annotation avait été apposée dans le corps
d'un certificat de libération du service militaire, comme énonçant la cause de
cette libération» la suppression de cette mention» qui est substantielle i cet
acte» pourrait constituer un faux. Il peut aussi arriver qu'un corps d'écriture
tracé soit en marge» soit à la suite d'un acte, parfait dans sa forme, puisse
devenir la matière d'une falsification punissable, quoiqu'il ne s'incorpore pas à
cet acte et n'ait pas pour objet d'en altérer le sens» s'il est empreint d'un ca-
ractère particulier et distinct et constitue isolément un acte obligatoire. C'est
ainsi que les falsifications commises dans des notes écrites à la suite d'un
congé» par l'autorité qui l'a délivré» peuvent constituer un faux punissable
aussi bien que les altérations commises dans le congé lui-même.
L'altération de faits et de déclarations» dans les actes qui ont pour objet de
les recevoir» peut avoir lieu par l'altération même de l'écriture de ces
actes, soit par de fausses déclarations faites devant les officiers qui les rédigent.
On peut donner pour exemples des altérations matérielles commises dans les
actes, l'altération de la date de Tannée qui serait faite dans l'expédition d'un
acte de naissance» ou la fausse énonciation dans un pareil acte du nom des
père et mère, l'addition dans un acte notarié» plusieurs années après sa rédac-
tion» de la signature d'un des témoins instrumentaires» dont l'omission en-
traînait la nullité de l'acte, la substitution d'un nom à un autre dans un
dipl6me donnant le droit d'exercer une profession. On peut citer» comme
exemples de fausses déclarations, toutes les déclarations faites frauduleuse-
ment devant un conseil de révision pour obtenir une libération de service ou
un remplacement.
231. Le faux en écritures revêt trois circonstances aggravantes, suivant
qu'il est commis : 1® en écritures de commerce ou de banque; 2<> par des par-
ticuliers en écritures publiques ; 3<^ par des fonctionnaires ou officiers publics
dans les actes qu'ils sont chargés de dresser ou de recevoir.
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260 DIX-S£PT. LBG. -^ DES ORIlCfiS IffV DÉLIV8, BTC« (aRT. 146, N"" 233).
Mt» Le Code a asdimilé les foux en é(»fitar6s de commerce et les hax ea
daritares''pùbliqueB.
R Âirr. 147. Seront punis des travaux forcés à temps, toutes autres personnes
dfôA auront commis un faux en ëoriturë authentique et publique ou en écriture de
oommerce ou de banque^ » - >
L'exposé des motifs explique cette assimilation en ces termes : c La sùretè
et la confiance sont les bases du comm:erce; et ses actes préseQtettf aussi de
grands points de ressemblance dans lelâr in^portance et dans leùirs résultats
avec les actes publics : la sûreté de leur circulation, qui doit être nécessaire-
ment rapide, demande une protection particulière de la part du gouverne-
ment . Ces motifs, et la facilité de coiùmettre des hxik sur leé effets de com-
merce, ont déterminé la gravité de la peine, qui a pour objet leur altération. >
• Qu'est-ce qu'il faut eutendre par écritures de commerce? Il faut entendre, aux
termes des art. 189 et 636 dû Gode de comm. : 1* les écritures qui émanent
d*un commerçant; 2* celles qui ont pour objet tne opération conimerciale.
' L*art. 638 du môme Gode porte que « les billets souscrits par un commel'çant
seront censés faits pour son commerce. > Et Part. 63% déclare que « la loi
répute actes de commerce tout achat de denrées et marchandises pour les
revendre^ soit en nature, soit après tes avoir travaillées et mises en œuvre, ou
même pour en louer simplement Tusage ; toute entreprise de fournitures,
dXgences, bureaux d'Affaires, établissements de ventes à l'encan, de spectacles
publics; tonte opération de change, banque et courtage; toutes les opérations
des banques publiques; toutes obligations entre négociants, maiichands et
banquiers ; entre toutes personnes,* les lettres de change, ou remises d'argent
faîtes de place en place. » Tels sont les textes que vous devez étudier pour
avoir la solution de notre question.
n en résulte d'abord que la lettre de change, quelle que soit la personne qui
l'a souscrite, constitue par elle-même un acte de commercé. Il y a donc faux
en écritures de commerce dès qu'une altération est commise dans une lettre de
change, lors même qu'elle n^émanerait pas d'un commençant ou n'aurait pas
pour objet une opérât! on de commerce : le caractère de l'acte résulte de sa
forme indépendante de son objet. Il n'en est pas ainsi du billet à ordre : il
ne constitue une écriture commerciale qu'autant qu'il porte la signature d'un
commerçant ou qu'il s'applique à une opération de commerce^ Ainsi, la fisiusse
signature appliquée au bas d'un billet à ordre ne forme qu'un faux en écriture '
privée, si cette signature n'est pas celle d'un commerçant et s'il ne constitue
pas un acte de commerce.
On doit également considérer comme écritures commerciales tous les livres
de commerce, les lettres de marchand à marchand contenant demande ou offre
de marchandises, les quittances données par un banquier dans une opération
de commerce, les lettres ayant pour objet de faciliter la négociation de billets
présentés à l'escompte, enfin touteâ les écritures qui ont pour objet les diverses
pérations commerciales.
838. La deuxième circonstance aggravante du faux résulte du caractère pu-^
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DU CBIMB DE FAUX (ABT.'i45). 261
blic de récriture. Par écriture publique il faut entendre tout acte émané d'un
fonctiannaire ou d'une autoritéayant un caractère public. L'arl. i3l7du Gode
civil définit l'acte authentique, t celui qui a été reçu par officiers publics ayant
le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé et avec les solennités
requises. » On distingue plusieurs sortes d*actes authentiques : 1» les actes
émanant des assemblées législatives ou du gouvernement, tels que décrets ou
lois, ordonnances ou traités ; 2* les actes administratifs, c'est-à-dire ceux qui
émanent des préposés des administrations publiques et ceux qui sont ocm8i«
gnés Sût les registres publids ; 3<^ les actes judiciaires, oe qui comprend, non*-
seulement les procédures et les jugements, mais aussi tous les procès^verbanx
des officiers de poliâe judiciaire et les actes des officiers ministériels; f> les
actes des nolaires, des agents de change, des courtiers.
Il faut ranger, en conséquence, dans la classe des écritures publiques, tous
les diplômes universitaires, les registres des administrations publiques, les
actes de remplacement reçus par un intendant nûlitaire, les certificats délivrés
par les maires en vertu, d'une délégation formelle de la lot, la mention de Ten^
r^strement des actes, les registres d'écrou d'une prison, les registres de re*
cette d'un receveur des contributions, les expéditions des administrations des
octrois, des contributions indirectes et des douanes, enfin toutes les écritures
qui, émanées d'officiers publics, font foi de ce qu'elles contiennent.
M4. Lorsque le faux en écritures publiques est commis par de simples par-
ficulTers, la peine est, aux tonnes de l'art. 147, celle des travaux forcés à temps.
Mais, lorsqu'il est commis par des fonctionnaires ou officiers publics, elle s'élève
jusqu'aux travaux forcés à perpétuité. La loi distingue deux espèces de faux
commis par des fonctionnaires ou officiers publics ; ils font l'objet des art. 145
et 146. Il faut nous occuper d'abord de l'art. 145.
a Art. 145. Tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l'exercice de ses fonc-
tions, aura commis un faux, soit par fausses signatures, soit par altération des
actes, écritures ou signatures, soit par supposition de personnes, soit par des écri-
tures faites ou intercalées sur des registres ou d'autres actes publics, depuis leur
confection ou clôture, sera puni des travaux forcés à perpétuité. »
Il résulte en premier lieu de ce texte que, pour que l'acte argué de faux
rentre, dans ses termes, il est nécessaire que le fonctionnaire ou officier publie
ait agi dans l'exercice de ses fonctions : la loi exige formellement câtte condi*
tion. Il est facile d'en rendre l'explication sensible; Je suppose qu'un notaire
ait mentionné faussement sur la minute d'un acte de son étude un enregistre*
memtquin'a pas eu lieu, avec la signature du:receveur, cette fausae quittance,
étant '.étrangère aux fonctions du notaire, pourra entraîner contre lui, pour fa-
brication d'acte faux, la peine de l'art. 147, mais ne le rendra pas passibl^ de
ceUe de. l'art. 145. Mais admettons que le notaire ait délivré, en sa qualité,
des expéditions de cet acte avec la fausse mention de l'enregistrement, il aura
conmiis un fanx di^ns l'exercice de ses fonctions, puisqu'il était compétent
pour attester cette formalité, et qu'il est tenu de la reproduire dans tous If
actea dont il délivre dee expéditions ou extraits; il sera donc, dans ce demi
cas, passible de l'apptioatlon de l'art. 145.
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262 DIZ-SBPT. LBÇ — DBS CRIMES ET DÉLITS, ETC. (aRT. U6, N* 236).
835. Cet article énumère ensuite les modes de perpétration des faux quMl
punit. Il n*a pour objet que les faux par lesquels les fonctionnaires ou officiers
publics cberchent à détruire ou à eltérer les conventions ou dispositions conte-
nues dans les actes qu'ils ont mission de recevoir, ou donnent à ces actes, par
de fausses signatures ou par des suppositions de personnes, un caractère obli-
gatoire au préjudice de tiers qui n'y ont pas participé ou enfin fabriquent, en
vertu de leur qualité, des actes entièrement faux.
Nous avons déjà vu ce qu'il faut entendre par fausses signatures, altérations
des actes, écritures ou signatures et suppositions de personnes. 8i l'officier pu-
blic, dans cette dernière hypothèse, s'est laissé tromper sur l'identité des par-
ties qui ont comparu devant lui, il n'est coupable que de négligence, il n'est
que l'agent irresponsable du faux commis; ce n'est que lorsqu'il a connu les
suppositions de personnes que le faux peut lui être imputé.
886. C'est le faux matériel que punit l'art. 145, c'est-à-dire Taltération ou
la fabrication matérielle des actes : l'art. 146 prévoit une autre espèce de faux,
le faux intellectuel, qui consiste, non dans l'altération des écrituresy mais
dans raltération de la substance même de l'acte, des conventions ou des dis-
positions qu'il doit constater.
tt Art. 146. Sera aassi puni des travaux forcés à perpétuité, tout fonctionnaire
ou officier public qui, en rédigeant les actes de son ministère, en aura flrauduieu-
sement dénaturé la substance ou les circonstances, soit eu écrivant des conven-
tioDS autrts que celles qui auraient été tracées ou dictées par les parties, soit
en constatant, comme vrais, des faits faux, ou comme avoués des faits qui ne
l'étaient pas. »
Un premier point a dû vous frapper déjà. Pourquoi le mot frauduleusement
se trouve-t-il dans cet article, tandis qu'il n'est ni dans l'art. 145 ni dans l'art.
147 ? Est-ce donc que cet élément de la fraude soit plus particulièrement exigé
dans cette nouvelle hypothèse que dans les autres? Nullement; car aucune
falsification ne peut être incriminée, si elle n'est empreinte de dol ; mais c'est
que, dans les faits qui font l'objet de l'art. 146, il est plus facile de confondre
la simple erreur avec le faux. Il faut prendre garde de réputer crime ce qui ne
serait qu'un malentendu ou une méprise ; le rédacteur d'un acte peut mal saisir
la volonté des parties, un fonctionnaire peut certifier comme accomplies des
formes qu'il n'a omises que par négligence et sans fraude, et cependant, dans
ces deux cas, il n'est pas criminel. C'est là ce qui explique l'addition d'un mot
qui a paru nécessaire pour caractériser plus spécialement les faits que la loi
voulait saisir. Supposez, par exemple, qu'un notaire ait faussement énoncé
qu'un testament lui a été dicté par le testateur en présence de témoins; cette
énonciation mensongère est-elle constitutive d'un faux? Oui, si elle a été com-
mise avec l'intention de nuire, si c'est dans une pensée de fraude que l'officier
public a écarté les témoins au moment de la confection du testament ; non, si
sa conduite est exempte de dol, s'il n'a point dénaturé les volontés du testa-
teur, s'il les a fidèlement exprimées. Le testament est entaché de nullité, le
notaire est passible d'une action disciplinaire et de dommages-intérêts; mais
comment incriminer à titre de faux an acte qui n'est empreint d'aucune crimi-
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Dp cEim DB PAUZ (art. 146). 263
nalité, qaï 6st le rétaltatd'nae imprudence, d'une légèreté, mais qui est exempt
de toute pensée frauduleuse ?
837. Le fait prévu par Part. 146 consiste à dénaturer la substance ou Us eir-
constances de l'acte. Un officier public dénaturer la siibstanee d*un acte lorsqu'il
substitue à ses termes essentiels des expressions qui lui donnent un autre sens,
lorsqu'il écrit une disposition différente de celle qui était convenue, lorsqu'il
ajoute des conditions qui n'avaient pas été stipulées, des clauses que les parties
n'avaient pas consenties. Il dénature les eireonstanoes lorsqu'il modifie, à l'insa
des parties, les faits qui ont précédé ou qui doivent suivre la convention, qui
ont été sa cause ou doivent en régler Texécntion, comme les termes de paye*
ment ou les garanties. Il a même été jugé que l'addition frauduleuse d'une
clause dans un acte de vente, faite à l'insu d'une des parties, pouvait devenir
l'élément d'un faux criminel, bien que Tacte modifié eût été lu en présence de
cette partie, lorsqu'il n'était pas constaté qu'elle eût compris et accepté cette
modification.
Cette falsification de la substance ou des circonstances d'un acte s^opère soit
en écrivanides droonstances autres que celles qui auraient été tracées ou dictées par
les parties, soit en constatant comme vrais des faits faux, ou comme avoués des
faits qui ne Vêtaient pas. Le premier de ces trois modes de perpétration ne de*
mande aucune explication. Le second appelle» au contraire, une distinction. Il
se peut, en effet, que les faits faux soient constatés cnmme vrais du consente*
ment exprès des parties; il y aura alors simulation plus ou moins répréhen*
sible, mais il n'y aura pas crime de faux, à moins que cette simulation n'ait
pour effet de créer un acte préjudiciable à des tiers : C'est dans ce sens
qu'une règle de notre ancien Droit portait : Àiiud m/erum falsum, aliud
simulatio. Mais, hors de cette hypothèse, il suffit, pour rentrer dans les ter-
mes de la loi, de constater comme vrais des faits faux qui auraient empo-
ché la stipulation s'ils avaient été tenus pour faux. Ainsi, celui qui, en faisant
usage sciemment d'une procuration révoquée ou périmée, déclare stipuler dans
un acte au nom d'un commettant qui, dans la vérité, a cessé de l'être ou ne l'a
jamais été, dénature la substance de l'acte en constatant comme vrai un fait
faux. On peut ranger dans la classe des officiers publics que comprend l'art.
146 les officiers de police judiciaire, les gardes forestiers, les ptêposéa des
administrations publiques et les gendarmes qui, dans les procès-verbaux qu'ils
dressent pour constater les contraventions ou délits, attesteraient comme vrais
des faits faux ou joindraient aux faits vrais des circonstances mensongères de
nature à aggraver la position des inculpés, ou mettraient dans leur bouche des
aveux qu'ils n'auraient pas faits.
238. De quelle peine sont passibles les simples particuliers qui ont coopéré
au crime de faux commis par l'officier public? La peine des travaux forcés à
perpétuité prononcée par les art. 145 et 146 est fondée sur la qualité du fonc
tionnaire public : c'est parce qu'il enfreint un devoir s pécial de sa fonction
qu'une peine plus grave lui est appliquée; ce devoir n'étant point imposé aux
autres parties, il est juste qu'elles ne participent point à une aggravation '^
à leur égard, ne serait pas motivée. C^tte interprétation parait, au sur
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264 DIX-SEPT LBÇ. -»> 0E8 CRIMES ET BBUfXS, ETC. (aRT. 163, N"" 239).
résulter du texte de Tart. 447, qui porte: i BerOnt :pîuiie8.d68 travaux forcés à
temps toutes autres personnes qui auront commis un faux en écriturea publi-
ques. » Et la loi ne distingue point si ces faux ont été commis avec le con-
cours d'un ofQcier public ou sans ce concours.
2d9. Je ne vous ai parlé jusquMci qu^ da la fabrication des actes- £aax,iOu de
l'altération frauduleuse des actes véritables : je dois vous entretenir mainte-*
nant d'un ccime distinct, à saVoir, de l'usage de ces actes fabriqué» ou falsi-
fiés. A la première vue, il doit vous sembleor que oets deux phases d!une même
action ne peuvent constituer qu'un seul et mtoie fait^iun seul et même crime;
ear qu'est-ce que la fabrication ou la falsification d'un acte ? Q'est un fait pré-
paratoire^ une manœuvre frauduleuse qui a pour but '4e commettre une escro-
querie; ostte escroquerie, c'est l'usage du faux qui la consomme ; l-iuage n'est
que* la mise en action du faux qui, considéré en lui-même et eri»dehoc8 de
cet usage, n'est plus qu'un fait inerte et inoifensif. Cependant notre législation,
d'accord en cela avec les lois des diiférents peuples, n'a point admis la confa*
Bion de ces deux actes. Il a paru au législateur que la facilité avec laquelle le
faux, lorsqu'il est matériellement préparé, peut se consommer par l'usage,
était un motif suffisant dé séparer ces deux éléments du même crime et de les
incriminer isolément l'un de l'autre. Ainsi, la fabrication d'une pièce fausse et
l'usage de cette pièce fonaent, dans le système de notre Gode pénal, deux cri-
mes distincts, qui sont complets indépendamment l'un de Ifautce. Ainsi, la
fabrication peut ôtre incdminée» lers même que l'acte fabriqué n'a pas servi,
Tusage de la pièee fausse peut être puni, lors même que l'agent est étranger à
la fabrication.
Cette distinction est consacrée par les art. 148 et 151* L'arL> 148, qui se ré-
fère a«x faux en écritures publiques et de commerce, porte : . "
a Abt« 148. Dans tous les cas exprimés au présent paragraphe, celui qui aura
fait uçage des actes faux, sera puni des travaux forcés à temps. »
L'art. 151, qui se réfère aux. faux en écriture privée, lesquels sont punis de
la réclusion, ajoute :
« Art. 15t. Sera puni de la même peine, celui qui aura fait usage de la pièce
fausse. » , .
Que faut-il entendre par l'usage d'une pièce fausse? II faut, d'abord, pour
constituer cet usage, que la pièce falsifiée renferme les éléments d'un faux pu-
nissable, il faut ensuite que l'usage en ait été fait avec connaissance délai faus-
seté de la pièce. Si la falsification n'est pas constitutive du crime de faux, Tu-
sage échappe à toute répression, puisque c'est l'usage de la pièce fausse que
la loi pfunit, c'est-à-dire l'usage de la pièce dont la fabrication ou la fiilsifica-
tion constitue un crime. Si Pusage n'a pas,en second lieu, été fait sciemment,
îi est clair qu'il manque au crime l'un de ses éléments essentiels, la fraude.
L'art. 168 a formellement prévu cette hypothèse :
(1 Abt. 163. L'application des peines portées contre ceux qui ont fait usage de
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DU CMIHE DE FAVX (aRT. 15^). 265
-monnaies, biileis^ sceaux, tùnbpes» marteaux, poinçons, marques et écrits faux,
con^relbits, fabriquée ou ftlsiftés^ oaaaara toutes les fois que le Uu^ a'aura pas été
connu de la personne qui aura fait usage de la chose fausse, n
Les modes d'usage d'une pièce fausse n'ont point été prévus par la loi. Il
s'ensuit que tous les moyens employés pour en faire usage peuvent être incri-
minés. C'est ainsi que la simple présentation d'un billet faux, lors môme
qu'il n'aurait pas été accepté, constituerait un fait d'usage. Il en serait ainsi
de la production d'une pièce fausse en justice, lors môme que celui qui l'a
produite déclarerait, ultérieurement et avant toute sommation^ renoncer à
s'en servir.
240. Il me reste, après avoii: rappelé les règles générales du faux, à spéci-
fier les exceptions qu'elles reilconlrent dans la loi. Ces exceptions sont uni-
quement fondées sur le ôaractère spécial de certains actes, de certaines écri-
tures, sur le préjudice plils restreint, plus minime [qui peut résulter de leur
altération. Elles ont poUr objet les' faux commis dans les passe-ports, dans
les feuilles de route, et dans les certificats de maladie, d'indigence et de bonne
conduite. Il était impossible, en effet, d'assimiler la contrefaçon d'un passe-
port à celle d'une lettre de change, ou la fabrication d'un certificat de maladîe
à celle d'une obligation que l'on crée à son profit sur un tiers. Les conditions
de rincriminalion dans toutes les hypothèses sont les mêmes : il faut une al-
tération matérielle delà vérité, faite dans une intention coupable, et qui soîl
de nature à causer un préjudice. Mais la différence du péril social^place entre
ces faits divers une distancé dont la pénalité doit rendre compte.
241. Le faux commis danâ les passe-ports est la première exception dont
s'occupe la loi. C'est la loi du 28 mars i7952 qui a fait pour la première fois de
la formalité du passe-port une obligation générale pour lep citoyens. L>rt. 17
de cette loi portait un emprisonnement de trois mois à un an contre tout
Français qui prendrait un nom supposé dans un passe-port. Une loi du 17
ventôse anlY punissait la complicité des fonctionnaires publics et des témoins.
Notre Code pénal et la loi du 13 mai 1863 ont complété ces dispositions.
« Abt. 153. Quiconque fabriquera un faux passe-port ou un faux permis de
chasse, ou falsifiera un passe-port ou permis de chasse originairement véritable>
ou fera usage d'un passe -port ou d'un permis de chasse fabriqué ou falsifié,, sera
puni d'un emprisonnement de six mois au moins et de trois ans au plus, n
Cet article, en plaçant sur la mômelijgnelà fabrication d*un faux passe-port^
la falsification d'un passe-port véritable et l'usage d'un passe-port fabriqué ou
falsiGé» ne faii qu'appliquer ici les règles que nous vivons préc^enqmei^t po-
9éça. Le seul point qui sq présente ici à notre examen est de savoir qe- qu'il
iiaut entendre, ei^ matière de faux p^sse-port, par l'intention de nuire et par
le préjudice possible. Il e^t évident qu'en général il ne s'agit poipt d'un^ in-
tention et d'un préjudice qui se rapportent à des tiers. Les passe-ports ne sont
qu'un moyen dé surveiLlaQC6>. un xùoyeu de consjtater lldentké deavoyalgeurs,
dana un intérêt de sûreté publique. Dès lors, quel est le pvéjudîc^ que peut
causer un faux passe-port? C'est de tromper la surveillance de l'autorité admi^
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266 1IX-8BPT. LBÇ. — DBS CRIMES BT dALITS, BTG. (aRT. 281, N^ 243).
nistrative. Quelle est Tintention frauduleuse qui doit amener cette falsifica-
tion? C'est rintention de causer cette tromperie^ d'égarer cette surveillance.
Ce sont là des éléments nécessaires du délit.
La jurisprudence nous fournit un moyen de préciser l'application de cette
doctrine. Le desservant d'une paroisse voyageait dans la compagnie d'une
femme avec laquelle il vivait en concubinage. Voulant cacher sa qualité, il
falsifia le passe-port dont il était porteur en substituant, à la qualité de desser-
vant celle d*habiiant. Poursuivi à raison de cette altération, la juridiction cor-
rectionnelle le renvoya de cette poursuite, attendu qu'en altérant son passe-
port, le prévenu n'avait cédé qu'à un sentiment de honte légitime et que rien
ne prouvait qu'il eût eu l'intention de nuire à quelque intérêt privé ou public.
Ce jugement, dénoncé à la Cour de cassation, a été annulé parce que l'art. 153
punit en général toute altération commise dans les passe-ports et que, dans
l'espèce, l'altération était constatée. Des criminalistes ont critiqué cette juris-
prudence et, à notre avis, ils ont eu raison. Il ne suffit pas qu'il y ait une alté-
ration matérielle dans le passe-port pour l'existence du délit, car il s'agit d'un
délit moral, c'est-à-dire d'un délit qui ne peut exister que par l'élément inten-
tionnel; or quelle est la nature de l'intention nécessaire pour le constituer?
Suffit-il que l'agent ait voulu voiler sa qualité, si cette qualité est inutile pour
constater son individualité? Non ; car le passe-port n'a qu'un but, c'est de
constater cette individualité, c'est d'assurer la surveillance de la police. Si
donc l'altération a pour objet de voiler une conduite immorale et non de
frauder l'objet du passe-port, si elle s'applique aux regards du public, et non
aux regards de la police, il peut y avoir là encore une action répréhensible, il
n'y a plus de délit, parce que l'art. 153 ne peut avoir qu'un but, c'est de main-
tenir l'action de la surveillance administrative.
242. Que faut-il entendre par l'usage d'un passe-port? Évidemment c'est
l'exhibition qui en est faite lorsqu'elle est requise. Faut-il conclure de là que
le seul port d'un faux passe-port échappe à toute peine, lorsque l'exhibition
n'en a point été faite? Il faut répondre affitmativement, car la simple posses-
sion d'un acte n'est point un usage de cet acte. Il existe toutefois une excep-
tion à cette règle en ce qui concerne les vagabonds etles mendiants. L'art. 281
porte :
« Abt. 281. Les peines établies par le présent Gode contre les individus porteurs
de faux certificats, faux passe-ports ou fiiusses feuilles de routes, seront toujours,
dans leur espèce, portées au maximum, quand elles seront appliquées à des vaga-
bonds ou mendiants. »
Il résulte de ce texte que le port de faux passe-ports est puni, indépendam-
ment de tout usage, quand il s'agit de vagabonds et de mandiants : la loi a
considéré qu'à l'égard de cette classe d'individus, la présomption de l'usage
résultait du seul fait de la possession de la pièce fausse.
248. L'art. 154 s'occupe du faux commis dans les passe-ports par supposi-
tion de personnes : cet article, modifié par la loi du 13 mai 1863, est ainsi
conçu :
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DU CRIMB DE FAUX (aRT. 155). 267
« Art. 154. Quiconque prendra, dans un passe-port ou dans un permis de
chasse, un nom supposé, ou aura concouru comme témoin à faire délivrer le
passe-port sous le nom supposé, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à
un an. La môme peine sera applicable à tout individu qui aura fait usage d'un
passe-port ou d*un permis de chasse délivré sous un autre nom que le sien. Les
logeurs et aubergistes qui, sciemment inscriront sur leurs registres, sous des
noms faux ou supposés, les personnes logées chez eux, ou qui, de connivence avec
elles, auront omis de les inscrire, seront punis d'an emprisonnement de six jours
au moins et de trois mois au plus. »
Je me bornerai à vous faire remarquer sur cet article que la supposition du
nom est le seul objet de sa disposition ; d'où il faut conclure que la supposi-
tion soit des prénoms, soit des titres et qualités ne rentre sous aucun rapport
dans ses termes.
£44. L'oflScier public qui a délivré le passe^port sous un nom supposé est
responsable, aux termes de Tart. 155 dans deux cas : 1* s*ii ne connaissait pas
l'individu personnellement et s'il a omis de se faire attester ses noms et qua-
lités par deux citoyens connus ; 2® s'il a été instruit de la supposition du nom.
La question s'est élevée de savoir si ces dispositions s'appliquent à l'ofûcier
public qui, sans délivrer lui-même le passe-port, est appelé par la loi à donner
un avis sur sa délivrance. 11 s'agissait des passe-ports à l'étranger qui, aux
termes de la loi du 14 ventôse an lY, sont délivrés par le préfet, sur Tavisde
l'autorité municipale. Un maire qui avait donné un avis favorable à la déli-
vrance d'un passe-port sous un nom supposé, était^il possible de l'application
de l'art. 155? U faut tenir la négative, car cet article ne prévoit que l'acte de
Tofficier public qui délivre un passeport; or le maire qui donne simplement
nn avis sur sa délivrance, ne délivre pas lui-même. Ce sont deux points dis-
tincts et il est impossible d'étendre la loi de l'un à l'autre.
L'art. 155 a été en conséquence rectifié par la loi du 13 mai 1863 :
a Art. 155. Les officiers publics qai délivreront ou feront délivrer un passe-port
à une personne qu'ils ne connaîtront pas personnellement, sans avoir fait attester
ses noms et qualités par deux citoyens à eux connus seront punis d'un empri-
sonnement d'un mois à six mois. Si l'officier public, instruit de la supposition du
nom, a néanmoins délivré ou fait délivrer le passe-port sous le nom supposé, il
sera puni d'un emprisonnement d'une année au moins et de quatre ans au plus. »
845. Les art. 156, 157 et 158 concernent la fabrication et l'usage des feuilles
de route qui sont les passe-ports des militaires et des employés à la suite de
l'armée. Nos observations sur les faux commis dans les passe-ports s'appli-
quent naturellement aux faux commis dans les feuilles de route et nous ne les
répéterons point. Ce sont d'ailleurs les mémes^isposi tiens légales, sauf un seul
point : la falsification de la feuille de route peut avoir pour objet, non -seule-
ment de tromper la surveillance de l'autorité publique, mais encore de sous-
traire au trésor public les frais de route qui sont alloués aux militaires ; alors
le faux a pour but une espèce d'escroquerie et il en résulte une aggravation
de la peine. Si la somme soustraite est de 100 francs ou inférieure à cetti^
somme, la peine est un emprisonnement d'un à quatre ans; si elle est sup*
rieure, la peine est de deux ans à cinq ans.
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•268 DIX-SEPT. LEÇ. — DES CRIMES ET DÉLIT», BTC (aRT. 160, N® 248).
246. Les faux commis dans les certificats reaiirent dans* les termes des
art 147 et 150, toutes les fois que le certificat renferme obligation ou dé-
charge toutes les fois qu'il constate des faits qui peuTent prêjudicier à des
tiers.
a Art. 162. Les faux certlflcats de toute autre nature, et d'où il pourrait résulter
soit lésion envers des tiers, soit préjudice euvers le trésor, seront punis, selon
qu'il y aura lieu, d'après les dispositions des paragraphes 3 et 4 de la présente
section* »
Et, en efTet, ce n'est point la forme de l'écfiture falsifiée qui peut changer
le caractère du faux : il importe peu que l'altération de la vérité soit commise
dans un certificat ou dans tout autre acte, si elle produit le même effet. G^est
Teffet particulier do certains certificats, c'est le préjudice restreint et spécial
qu'ils peuvent pi^oduire qui a porté Je législateur à dégager de la catégorie des
crimas et à ranger pamii les simples délits les faux commis dans les actes^
comme ceux commis dans les passe-ports et les feuilles de route. Ce bénéfice
delà loi s'appliqua à deux classas de certificats : 1<> les certificats de maladies
ou infirmités, soit qu'ils émanent d'un homme de l'art, soit qu'ils soient fabri-
qués sous QOQ nom par un tiers; 2<> les certificats de bonne conduite ou d'indi-
gence, ou autres de la môme nature^ et qui ont pour objet d'appeler sur celui qui
'en est porteur la bienveillance publique, et de lui procurer de^ places, ducré*
dit, ou des secours.
247. Les certificats de maladie donnent lieu à deux dispositions, suivant
qu'ils sont fabriqués sous le nom d'nn hommede l'art, ou par cet homme de
l'art. Lui-môfBe.
tt ART. 159. Toute personne qui, pour se rédimer elle-même ou en affranchir une
autre d'an service public quelconque, fabriquera sous le nom d'un médecin, chi-
rurgien on autre officier de santé, un certificat de maladie ou d'infirmité, sera
puni d'un emprisonnement d'un an à trois ans. »
Remarquez que, pour l'application de cet article, il faut: 1<> que le certi-
ficat ait pour objet l'attestation d'une maladie ou infirmité; ajoutons que cette
maladie ou infirmité doit être fausse, car, si elle était réelle, quel serait le
préjudice? Si l'exemption est attachée à la maladie, le certificat n'aura aucun
effet; 2° que cette pièce soit fabriquée sous le nom d'un homme de l'art :
c'est cette usurpation qui donne au faux tout son danger. Il ne suMrait pas
que l'agent joignit à son nom la fausse qualité de médecin : la loi ne prévoit
que Tusurpation du nom; 3° que le certificat ait pour but de procurer Texemp-
tion d'un service public; tels sont les certificats qui ont pourobjet deconstater
des infirmités qui exemptent, soit du service militaire, soit de la garde natio-
nale, soit du jury.
248'. L'art. 160 prévoit les faux certificats émanant du médecin ou de l'offi-
cier de santé lui-même.
tt Art. 160. Tout médecin, chirurgien ou. autre officier de sant^ qui, pofor flavo-«
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DU CRItfB 0B FAUX (aHT. 16t). 269
riser tfoelqu'un, eertiflara foasaemènt des lùaiadie» ou ioUrniitéB propres à diB-
penser d'un service public^ sera puni d'un emprisonnement d'une année au moins
et de trois aos au plus. S'il y a été mû par dons ou promesses, la peine de Tem-
prisonnement sera d'une année au moins et de quatre ans au plus. Dans les deux
cas, le coupable pourra en outre être privé des droits mentionnés en Fart. 42 du
présent Gode pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où
il aura subi sa peine. Dans le deuxième cas les corrapteurs seront punis des mômes
peines que îe médecin, chirurgien ou officier de sMinté qui aura délivré le faux
certificat. »
Il faut que la maladie certifiée soit fausse, c'est là le fait matériel; û fwaà
qtie cette maladie soit propre à dispëneer du service fQbiic, doa^ l'aigent eal
passible, c'est là le préjudice possible; il hvtt enfin que ce certificat soit fiaiwi-
que pour favoriser quelqu'un, c'est rinteïition frandulenseï Toutefois, le fftit
éhange dé nature si Thomme de Tart a été ttilpar dons ou promesses: ca
n'est plus alors un certificat de complaisance, xm acte de faiblesse» t'est oa
acte de corroption, et cet acte prend un caractère plus grave 2
249. La dernière catégorie de faax certificats fait Tobjet de l'art. 161 :
. « Art. 161. Quiconque fabriquera, seus le apm d'un fonctionnaire ou officier
. public, un oertifieat de bonne coodiUte, indigence ou autres circonstances propres
à appeler la bienveillance du gouvernement ou des particuliers sur la personne
y désignée et à lui procurer places, crédit ou secours, sei'a puni d'un emprison-
nement de six mois à deux ans. — La même peine sera appliquée : 1* à celui qui
fabriquera un certificat de cette espèce, originairement véritable, pour l'appro-
prier à une personne autre que celle à laquelle 11 A été primitivement délivré ; 2* à
tout individu qui se sërk'servi du certificat ainsi fàbriqné ou falsifié. 9
Totis voyez que cet article commence par caractériser asaes nettement les
certificats dont la falsification ne constitue qu'un aimpie délit : ce sont leis cer«
tîfîcals de bonne conduite, indigence ou au rree circonstances propres à appeler
la bienveillance et à procurer places, crédit ou seconars. Cette énum^ation
n'est point limitative; il faut y ranger tous les Actes analogues, tous ceux qui
peuvent produire les mômes effets. Mais il ne faut y comprendre que les cer-
tificats qui ont le caractère d*uné rëcomlnandation. officieuse, et qui ont uni-
quement pour objet d'appeler sur une personne des témoignages de bienveil-
lance et d'intérêt. Hors de ce cercle étroit^ le faux cbange de nature, parce
que le certificat change lui-môme de caractère : si! constate des faits ataquels
sont attachés des droits, s'il est destiné soit à faire preuve de la podtîon d'une
personne, soit à constater son aptitude à quelquB service public, il rentre dans
la classe des écritures ordinaires et ne peut plus invoquer l'exception. Ainsi
toutes les fois que le certificat argué de faux présente le caractère d'un acte
émané de fonctionnaires procédant en vertu d'un mandat de la loi, exerçant
un droit ou accomplissant une obligation inhérente à leur qualité, et que la
production de cette pièce est la condition légale et nécessaire de l'admission
de celui qui est appelé à s'en prévaloir à un service public, la nature officielle
d'un tel acte, la garantie d'ordre général attachée à sa déiiyri^nce, la garantie
des oonséquences résoltàu^de la:, fraude apportée dcin^ sa.confectiona.font
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270 DIX-HUIT. LBG. — DBS GRIBCBS BT DÉLITS, BTG. (n* 250).
rentrer le'fait dans la disposition des art. 447 et 148 qui régissent le faux en
écritures publiques.
C'est d'après cette distinction qu'il faut décider que la fabrication d'un cer-
tiGcat de bonne conduite, au nom des membres d'un conseil d'administration
d'un régiment, constitue le crime de faux en écritures publiques; car ce cer-
tificat, qui a pour but, aux termes des art. 2 et 9 de l'ordonnance du 29 octo-
bre 4820, d'obtenir l'admission daSis le corps de la gendarmerie, n*est plus
un certificat de bienveillance, mais la preuve légale d'une aptitude spéciale à
un service public. Il en est encore ainsi des faux certificats délivrés sous le
nom d'un maire, et qui sont destinés soit à constater qu'un individu a satis-
fait à la loi du recrutement, soit à établir qu'un jeune soldat est fils aîné de
veuve, soit à procurer son admission comme remplaçant.
8i c'est l'offîcier public lui-môme qui atteste sciemment un fait faux, par
exemple, que l'individu qu'il recommande à la bienveillance a toujours eu
une bonne conduite, tandis que cette conduite a été blâmable, que faut-il
décider ? La solution dépend de l'application qui doit être donnée au certificat ;
c'est un faux sans nul doute, si le certificat, comme je viens de le dire, est
délivré d'après une disposition de la loi qui y a attaché un effet quelconque ;
ce n'est plus qu'un fait immoral, un simple mensonge, si le certificat n'est
destiné qu'à appeler une bienveillance imméritée sur âèlui qui en est l'objet.
La loi, en effet, n*a point incriminé les certificats de complaisance qui n'ont
aucun but déterminé ; elle ne les a considérés que comme des actes de fai-
blesse, reprochables sans doute, mais qui ne présentent point assez de péril
pour les classer parmi les délits. Il est difficile d'ailleurs, lorsqu'il s'agit de
l'appréciation d'un fait moral, comme la conduite d'un individu, de discerner
avec exactitude oti commence l'altération de la vérité, oii expire l'erreur de
l'appréciation. A plus forte raison devez-vous tenir pour constant que tous les
certificats délivrés par des particuliers et qui attestent faussement la bonne
conduite, Tindigence et autres faits propres à appeler la bienveillance sur celui
qui en est Tobjet, demeurent à l'abri de toute poursuite; ils n'ont point
d'autorité et dès lors sont inoffensifs.
La loi du 13 mai 1863 a ajouté à l'art. 161 un dernier alinéa ainsi conçu :
« Bi ce certificat est fabriqué sous le nom d'un simple particulier, la fabrication
et Tusage seront punis de quinze jours & six mois d'emprisonnement. »
Il résulte de ce nouveau texte qu'il n'est plus nécessaire, comme l'exigeait
l'ancien article, que la personne, sous le nom de laquelle le certificat est
délivré^ soit un officier public. H arrivait quelquefois que de pareils certificats
étaient fabriqués sous le nom d'un simple particulier dont le caractère et la
situation commandaient une certaine autorité. C'est là le fait que la loi a
voulu atteindre, mais en le frappant d'une moindre peine.
DIX^HUITIÈBIE LEÇON.
250. Je traiterai dans cette leçon des crimes et délits commis par les fonc-
tionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions; c'est là une classe spéciale
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GRIMBS KT DÉLITS DBS FOHGTIONMAIRBS PUBLICS (aRT* 169). 271
dlniiactioiis, car la qualité de Tagent et les deycirs particaliera qu'il enfreint
leur impriment un caractère tout i fait distinct. Nous avons déjà eu l'occasion
d'examiner quelques-uns des délits que peuvent commettre les of&ciers pu-
blics; il ^'agît particulièrement ici des abus de la fonction, des crimes et délits
auxquels elle sert d'auxiliaire» des inliractions qui sont commises en son nom
et sous le voile de son autorité.
Ces infractions portent le nom générjque de forfaiture, foris factura, faits
commis en dehors des règles.
« Airr. 166. Tout crime commis par un fonctionnaire public dans Texercice de
ses fonctions est une forfaiture, n
« Art. 167. Toute forfaiture, pour laquelle la loi ne prononce pas de peines plus
fi^ves, est punie de la dégradation civique. »
« Abt. 1^3. Les simples délits ne constituent pas les fonctionnaires en for-
future. »
Ces trois articles, à peu près reproduits des art. 641, 642 et 643 du Gode du
3 brumaire an lY, ont été avec raison considérés comme inutiles et contraires
à réconomie générale de notre Gode; ils sont inutiles, car le Gode ayant prévu
et puni chaque cas de forfaiture, la déclaration théorique de ces articles n'a
aucun objet; ils sont contraires à Téconomie de la loi qui a partout écarté,
excepté dans cette seule circonstance, les définitions qui n'ont aucune appli-
cation immédiate.
Nous allons examiner, en suivant l'ordre de notre Gode, les différents crimes
et délits, qu*il a groupés sous cette qualification générale de forfaiture, quoi-
que, d'après la définition même qu'il en a donnée, elle ne s'applique qu'à
quelques-unes de ces infractions.
§ 1 . — Des soustractions commises par les dépositaires publics.
851. Le Gode a compris sous ce paragraphe deux sortes de soustractions:
celles qui sont commises par les comptables publics et celles qui sont commi-
ses par les fonctionnaires et officiers publics. Les premières sont prévues par
Tartide 169, les autres par l'art. 173.
« Aht. 169. Tout percepteur, tout commis à une perception dépositaire ou
comptable public, qui aura détourné ou soustrait des deniers publics ou privés,
ou effets actifs en tenant lieu, ou des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui
étaient entre ses mains en vertu de ses fonctions, sera puni des travaux forcés à
temps, si les choses détournées ou soustraites sont d'une valeur au-dessus de trois
mille francs. »
Cet article s'applique à tous les comptables publics qui sont dépositaires, en
vertu de leurs fonctions, des deniers, des effets, ou de valeurs quelconques.
La jurisprudence a compris dans cette qualification l'huissier qui détourne les
deniers résultant d'une vente de meubles à laquelle il a procédé, l'économe
d'un lycée, qui dissipe les fonds qui étaient entre ses mains en vertu de ses
fonctions, le piqueur de l'administration des ponts et chaussées qui détourne
la somme qu'il a reçue pour le payement des ouvriers, le régisseur intéressé
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272 0IZ-UOIT. hW. ~)>Ë8GJkIltJSS'fiTl>ÉLITS, BTG. (n"" 2&3).
des droits d'octroi» qui «ôustrait une' partie* des peroeptions <ia'il a faites. Il
sait de la que ce n'est ^as à la qualité de foitctionnaire qu'est attachée l'inéri-
mination^ mais à la qualité de dérpositfaif e, en vertu d'un titre publias -quel-
conque. Le fait matériel; constitvitif du cHïne, eèt ici le délôurnemeht des
deniers confiés : c'est un abus de confiatioe aggravé par la qualité de l'agent.
Il faut donc quUl y ait eu, non point seulement une mainmise momentanée
sur les deniers jdéposés, mais un détournement frafuduleui de ces deniers avec
une intention d'appropriation ou de dissipation. C'est d'ailleurs ce qu'indique
clairement le mot soustraction mis en regard du mot détournement, comme
ayant un sens identique.
Je ne m'arrête point aux art. 170, 171 et 172, qui n*ont d'autre objet que de
graduer la peine suivant la quotité des valeurs détournées ou soustraites.
252. L*art. 173 prévoit la soustraction, non plus des valeurs monétaires,
mais des actes et titres :
tt Art. 173. Tout juge, administrateur, fonctionnaire, ou ofllcier public qui aura
détruit,. supprimé, soustrait ou détourné lesaoteaet titres dont il était dépositaire
en celte qualité, ou qui lui auront été remis ou communiqués à raison de ses
fonctions, serajjuni des travaux forcés à temps. —Tous agents, préposés ou com-
mis, soit du gouvet^nement, soit des dépositaires publics, qui se seront rendus
coupables des mêmes soustractions, seront soâmis à la môme peine. «
Il y a lieude remarquer d'abord sur cetarticie qu'il prévoit, non-seoiemeiit,
comme Tart. 169, le détournement ou la soustraction, mais aussi la destnuîtion
et la suppression des. actes et titres; cette addition tient à la nature des pièces
que celte disposition de la loi a pour objet de sauvegarder. Ces pièces sont, en
général, les actes et titres dont l'agent est dépositaire; il est évident, toutefois,
qu'il ne faut comprendre sous cette qualification que les pièces dont la des-
truction ou la soustraction peut causer quelque préjudice, qui constituent un
titre, qui sont le fondement d'un droit, car c'est le dommage qui est la base
de l'incrimination.
Je dois ensuite porter votre attention sur le rapport qui existe entre Tar-
ticle 173 et deux articles dont nous nous occuperons bientôt, les art. 254 et
255. Ceux-ci, comme celui-là ont pour objet les soustractions d'actes par les
dépositaires publics. Sont-ce donc les mêmes faits qui sont prévus et punis
par ces différente articles ? Non. Lès dépositaires publics auxquels s'applique
l'art. 173 sont ceux qui, dèposita,ires d'actes et de titres à raison de leur qua-
lité ou de leurs fonctions,, ne so^t pas chargés 4e la garde d'un dépôt public,
et ne sont responsables que des actes et titres qu'ils ont entre les mains. Les
art. 254 et 255 s'appliquent spécialement aux soustractions des pièces, actes
et efitots, contenus dans les aréhives, greffes et dépôts pnbtics ou remis à un
d^poeicaire public en cette qualité.
• » > *
' § 2. -^ Des ooncusâions colnmises par les fbnctionnaires publics.
Sftd. La loi adairemant énoncé les éléments du crime de concussion :
tt Art. 174. Tous fonctionnaires, tous ohiciers publics, leurs commis ou préposés,
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GRIMES ET DÉLITS DES FONCTIONNAIRES PUBUCS (aRT. 174). 273
tous percepteurs des droits, taxes, contributions, deniers, revenus publics ou com-
munaux, et leurs commis ou préposés^ qui se seront rendus coupables du crime
de concussion^ en ordonnant de percevoir, ou en exigeant ou recevant ce qu'ils
savaient n'ôtre pas dû, ou excéder ce qui était dû pour droits, taxes, contribu-
tions, deniers ou revenus, et pour salaires ou traitements, seront punis, savoir
les fonctionnaires ou les officiers publics, de la peine de la réclusion, et leurs
commis ou préposés, d*un emprisonnement de deux ans au moins et de cinq ans
au plus. »
On peut, d'après ce texte, définir la concussion, toute perception illégale
faite avec connaissance de l'illégalité par les officiers ou commis préposés à
une perception publique. Les éléments du crime sont donc l'abus de l'au-
torité, riUégalité de la perception et la connaissance de cette illégalité par
l'agent.
Là où il n'y a pas abus d'autorité, il n'y a pas concussion. « Ce crime existe,
disait l'exposé des motifs, toutes les fois qu'un fonctionnaire exige ou reçoit ce
qu'il sait ne lui être pas dû, ou excéder ce qui lui est dû; et l'on conçoit aisé-
ment que, s'il importe de poser des barrières contre la cupidité, c'est surtout
quand elle se trouve unie au pouvoir; cette circonstance tient à l'essence du
crime. » Le pouvoir est le droit de percevoir la taxe ou le revenu; Tabus du
droit est l'extension de la perception au delà de ses limites légales. Il suit de
là que le premier élément du crime est une qualité donnant pouvoir de per-
cevoir.
Le deuxième élément est l'illégalité même de la perception : cette illégalité
existe ; 1<* quand elle n'est pas autorisée par la loi ou les règlements ; 2° quand
la taxe^ quoique légale, n'est pas due par la personne à qui elle est demandée;
3^ quand la somme exigée excède la somme réellement due.
Enfin, le troisième élément est la connaissance que l'agent doit avoir de
l'illégitimité de son acte. Si' la perception illicite est le résultat soit d'une
erreur, soit d'une fausse interprétation, il est clair qu'il n'y a pas de crime. C'est
ainsi qu'un avis du conseil d'État a décidé qui n'y avait pas lieu de mettre en
jugement un sous-préfet qui avait illégalement perçu un droit d'expédition sur
la vente de biens communaux, parce que cette perception, établie ostensible-
ment^ et avouée par ce fonctionnaire, avait été basée sur une assimilation des
biens communaux aux biens nationaux. Il importe peu d'ailleurs que la per^
ception excessive soit faite au profit de l'État ou au profit de l'agent ; la loi n'a
point voulu faire de distinction à cet égard, bien qu'il y ait entre ces deux faits
tout^ la différence qui sépare l'excès de zèle du détournement frauduleux,
parce qu'elle a craint de fovoriser l'exagération des taxes au préjudice des
parties. En conséquence, elle punit la perception non de ce que les officiers
savaient ne leur être pas dû, mais de ce qu'ils savaient n^étre pas dû.
Mais la loi du 13 mai 1863 a introduit en cette matière une distinction fon-
dée sur l'importance des sommes indûment perçues. L'art. 174 est mainteav
dans sa teneur o lorsque la totalité des sommes indûment exigées ou reçues
ou dont la perception a été ordonnée a été supérieure à 300. francs, t £t la loi
ajoute à cet article les dispositions suivantes :
« AjiT. 174. 2* « Toutes les fois que la totalité de ces sommes n'excédera pas
18
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274 DIX-HUIT. L£Ç. — DBS GRIlfB8 BT DÉLITS, BTG. (n"" 353).
trois cents francs, les fonctionnaires ou les officiers publics ci-dessus désignés
seront punis d'un emprisonnement de deux à cinq ans, et leurs commis ou pré-
posés, d'un emprisonnement d'une année au moins et de quatre ans au plus. La
tentative de ce délit sera punie comme le délit lui-même. Dans tous les cas où
la peine d'emprisonnement sera prononcée, les coupables pourront, en outre, être
privés des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Gode, pendant cinq ansi au
moins et dix ans au plus, à compter du jour où ils auront subi leur peine ; ils
pourront aussi être mis par Tarrét ou le jugement sous la surveillance de la haute
police pendant le même nombre d*années. Dans tous les cas prévus par le présent
article, les coupables seront condamnés à une amende dont le maximum sera le
quart des restitutions et des dommages-intérêts, et le minimum le douzième. Les
dispositions du présent article sont applicables aux greffiers et officiers ministé-
riels lorsque le fait a été commis à l'occasion des recettes dont ils sont chargés
par la loi. »
Cette disposition apporte dans notre Code une triple innova tien : elle fait
descendre au rang des délits un fait de concussion jusque-là qualifié crime, elle
base cette qualification sur le chiffre de la somme illégalement perçue, de
sorte que la même concussion est un crime si cette somme excède 300 fr., et
an délit si elle ne dépasse pas ce chiffre ; enfin, elle décide la question contro-
versée de savoir dans quels cas les officiers ministériels peuvent commettre ce
crime. On lit dans le rapport fait au Corps législatif : i II est impossible de
contester l'utilité pratique de cette division nouvelle. On ne voit plus guère
aujourd'hui de grandes concassions, et ce n'est le plus souvent que chez des
fonctionnaires d'un ordre tout à fait inférieur et pour des sommes le plus sou-
Tent très-minimes que cette infraction se rencontre ; mais on peut se deman-
der si la différence de qualification du même fait, selon l'importance du pré-
judice qui en résulte, est bien conforme aux principes et surtout en harmonie
avec le système général de notre Code. Il semble que la criminaiité d'un acte
ne doive se mesurer qu'à la perversité de l'agent, et qu'elle ne varie pas avec
l'étendue du préjudice qui en résulte. Et cependant, s'il n'y avait rien de
vrai dans l'opinion contraire, comment comprendrait-on qu'elle fût si généra-
lement répandue? » On peut ajouter que le Code pénal offte déjà quelques
exemples de cette distinction ; mais, en général, ce n'est pas la perversité de
l'agent, comme le dit ce rapport, qui doit seule être prise en considération,
c'est surtout la nature du fait, la criminaiité qu'il suppose, le péril dont il
menace la société, qui doivent être les éléments de la pénalité.
Le paragraphe additionnel placé à la suite de l'artide a eu pour objet de
faire disparaître une difficulté d'interprétation. On demandait si les officiers
ministériels, auxquels appartient le caractère d'officiers publics, commettent
le crime de concussion lorsqu'ils exigent les taxes supérieures à celles qui leur
sont dues d'après les tarifs. La loi a admis une distinction : si l'officier minis-
tériel exige an salaire supérieur à celui qui lui est alloué, il ne commettra
qu'une contravention disciplinaire ; si, au contraire, il est chargé par la loi
d'opérer une recette soit pour le compte du Trésor, comme les greffiers en ce
qai concerne les droits qu'ils perçoivent pour l'État ; soit pour le compte des
particuliers, comme les commissaires-prîseursetles huissiers dans le cas d'ad-
judications dont ils doivent recevoir le prix, la perception de toute somme
excédant ce qui leur est dû légitimement sera une concussion. Dans ces cir-
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CRIMES ET DÉLITS DES FONCTIONNAIRES PUBLICS (aRT. HS). 275
oonstances, on retrouve l'abus du mandat légal autorisant Faggravation de
peine attachée à la perception illégitime.
§ 3. — Des délits des fonctionnaires qui se seront ingérés dans des affaires ou des
commerces incompatibles avec leur qualité.
864. Les art 175] et !76 prévoient Timmixtion des fonctionnaires, soit dans
les entreprises ou affsdres qu'ils sont chargés de surveiller, soit dans des spé-
culations sur les grains ou boissons. Ils considèrent qu'il y a abus de pouvoir
^ans le seul fait de cette immixtion, quel qu'ait été son résultat.
a Art. 175, Tout fonctionnaire, tout officier public, tout agent du gouvernement
qui, soit ouvertement, soit par actes simulés, soit par interposition de personnes,
aura pris ou reçu quelque intérêt que ce soit dans les actes, adyudications, entre-
prises ou régies, dont il a ou avait, au temps de l'acte, en tout ou en partie,4'ad-
ministration ou la surveillance, sera puni d'un emprisonnement de six mois au moins
et de deux ans au plus, et sera condamné à une amende qui ne pourra excéder le
(fuart des restitutions et des indemnités, ni être au-dessous du douzième. — II
sera de plus déclaré à jamais incapable d'exercer aucune fonction publique. ~ La
présente disposition est applicable à tout fonctionnaire ou agent du gouvernement
qui aura pris un intérêt quelconque dans une affaire dont il était chargé d'ordon*
nancer le payement ou de faire la liquidation, n
Cet article a été expliqué par l'exposé des motifs du Gode : • Un fonction-
naire devient coupable lorsqu'il prend directement ou indirectement intérêt
dans les adjudications, entreprises ou régies, dont sa place lui donne Tadminis-
tration ou la surveillance. Et que deviendrait, en effet, cette surveillance quand
elle se trouverait en point de contact avec l'intérêt personnel du surveillant?
Et comment parviendrait-on, sans blesser l'honneur et la morale, à concilier
ce double rôle de l'homme privé et de l'homme public ? Tout fonctionnaire
qui se sera souillé d'une telle turpitude sera donc justement puni d'emprison-
nement et déclaré indigne d'exercer désormais des fonctions dans lesquelles
il ne serait avili, s II résulte de ces paroles et du texte môme de la loi que le
délit réside tout entier dans le fait du fonctionnaire d'avoir pris un intérêt
quelconque dans les entreprises dont il avait la surveillance, ou dans les
affaires qu'il était chargé d'ordonnancer ou de liquider. C'est cet intérêt pris
qui constitue l'abus du pouvoir, l'abus de la confiance publique, car, par qui
rintérôt public sera-t-il garanti, s'il ose y associer le sien? Il enlève donc par
là même, à l'État, la surveillance qu'il y exerçait ; il trahit sa confiance dans
son intérêt privé. Faut-il aller plus foin, faut-il exiger, pour constituer le délit,
non-seulement que l'intérêt ait été pris, mais que l'entreprise ait été injuste-
ment favorisée par la fonction? La loi ne l'exige point ; c'est le seul fait de la
participation du fonctionnaire qu'elle punit, parce que cette participation,
même isolée de toute pensée frau^leuse, est non-seulement une violation du
devoir du fonctionnaire, mais une violation pleine de périls, puisqu'elle con-
duit par une pente rapide, soit au monopole, soit à l'injustice. Qu'est-ce qui
constitue cette participation? C'est le fait qui fait passer la part d'intérêt dans
les mains du fonctionnaire. Le délit est donc consommé du moment qu'ayant
conclu la convention illicite par laquelle il a pris ou reçu une part quelcon-
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276 Diz-Hurr. lbç. — dbs gaihbs bt délits, btg. (n"" 256),
que dans une affaire qa'il était appelé par ses fontioas à administrer à on
surveiller.
255. L*art 176 prévoit la seconde hypothèse du même fait
Art. 176. Tout commandant des divisions militaires, des départements ou des
aces et villes, tout préfet ou sous-préfet, qui aura, dans retendue des lieux où
il a droit d*exercer son autorité, fait ouvertement, ou par des 'actes simulés, ou
par interposition de personnes, le commerce de grains, grenailles, farines, sub-
stances farineuses, vins ou boissons, autres que ceux provenant de ses propriétés,
sera puni d'une amende de 500 tt. au moins, de 10,000 tr» au plus, de la confis-
cation des denrées appartenant à ce conmierce. »
Dans cet article comme dans le précédent, ce n'est pas Tabus de la fonc-
tion, le profit illicite que le fonctionnaire a pu retirer du commerce des grains
et boissons que la loi a voulu punir, c'est la simple immixtion dans ce com-
merce, c'est le seul fait de participation, parce que ce fait est contraire à l'in-
dépendance et du commerce et de la fonction elle-même. On voit dans le»
discussions qui préparèrent le Gode, que l'un de ses rédacteurs, M. Gambacérès,
fit des objections à ce sujet. Il dit que, si le commerce doit être interdit aux
préfets et aux sous-préfets, il faut que la défense soit faite par un règlement
et non par le Gode pénal; que faire le commerce n'est point un délit; qu'il
n'y a de coupable que le monopole pratiqué pour faire renchérir les denrées
et que c'était le monopole seul que la loi devait atteindre. M. fierlier répondit
que c Tarticle ne tend pas à frapper un crime dans toute l'acception du mot,
mais à punir d'une amende un fait nuisible et dangereux à la société. Or cette
question est facile à résoudre ; car ce qui peut n'être qu'une spéculation pour
un particulier est bien voisin du monopole, quand c'est un homme pourvu de
Tautorité qui s'en mêle. Dira-t-on que le gouvernement y obviera en destituant
un tel fonctionnaire? Mais, en supposant la destitution, elle ne fera qu'empê-
cher le mal de se prolonger et ne punira point le mal fait. > C'est en ce sens
que le rapport du Gorps législatif explique cet article : « Le commerce que
feraient les fonctionnaires qui ont droit d'exercer leur autorité dans une partie
de l'empire deviendrait bientôt un monopole ; s'il portait sur quelques-uns des
objets d'une nécessité absolue, ils pourraient alors par leur autorité renchérir
ou enlever au peuple sa subsistance nécessaire et tout ce que réclament impé-
rieusement les premiers besoins de la vie. La loi prononce contre eux dans ce
cas de justes, mais de fortes amendes et la confiscation des denrées appartenant
à ce commerce.»
§ 4. — De la corruption des fonctionnaires publics.
266. Le fonctionnaire qui fait trafic despotes de ses fonctions, qui fait ou
s'abstient de faire tel ou tel de ces actes, dans un intérêt illicite et à prix d'ar-
gent, se rend coupable de corruption. Ge crime admet nécessairement deux
agents : le fonctionnaire qui se laisse corrompre et l'individu qui le corrompt.
La loi a incriminé ces deux faits dans deux dispositions distinctes : occupons-
nous d'abord du premier.
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CRIMB8 BT DÉLITS DES FONCTIONNAIIUSS PUBUGS (ART. 177). S77
« ART. 177. Tout fonctionnaire public de Tordre administratif ou Judioifaire, tout
agent ou préposé d'une administration publique qui aura agréé des offres ou
promesses, ou reçu des dons ou présents pour faire un acte de sa fonction ou de
son emploi, même Juste, mais non sujet à salaire, sera puni de la dégradation
civique et condamné à une amende double de la valeur des promesses agréées
on des choses reçues, sans que ladite amende puisse être inférieure à 200 fr. -^
La présente dlsposltioft «st applicable à tout fonctionnaire, agent ou préposé de
la qualité ci- dessus exprimée, qui, par offres ou promesses agréées, dons ou
présents reçus, se sera abstenu de faire un acte qui entrait dans Tordre de ses
devoirs. i>
Il résulte de cet article que, pour qu'il y ait crime de corrtq^tion, il font.:
i* que Tagent ait la qualité de fonctionnaire ou de )[>répoeé; t^ que les offres
aient été agréées cm les présents reçus ; 3« que Tobjet de ces offires ou de ces
dons ait été de fieûie on acte de la fonction ou de s'abstenir de cet acte. La
nécessité du premier de ces trois éléments est évide&te, puisque la corruption
est un crime spécial qui ne peut être commis qne par des fonctionnaires ott
préposés : Je premier p<nnt qu'il faut constater dans toute accusation de cette
nature est donc la qualité de Tagent^ Getle qualité reoonnae, il y a lieu de
recliercher s'il y a eu adhésion donnée à >la proposition du corrupteur; c'est
cette adhésion qui constitue le fait matériel du crime, c'est là que réside la
convention, pourvu qu'elle ait été faite en vue des promesses ou des présents.
Enfin, et c'est ici que se trouve la criminalité delà, convention, il est nécessaire
qu'elle ait pour objet soit la perpétration, soit Tobtention d'un acte delà fonc-
Ûon. G* est dans le rapport de l'acte avec les dons ou promesses que consiste
le trafic illicite : le fonctionnaire vend le pouvoir dont il dispose, Tautorité
qu'il exerce. Il importe peu que Tacte soit juste et légitime ou illégitime et
injuste; il suffit qu'il ait cédé à la corruption au lieu d'obéir à son devoir : il
devient coupable dès que, même pour faire des actes qui appartiennent à ses
fonctions, il perçoituu lucre ilUcite et met un prix à son action. Toutefois, si
l'acte est juste en lui-même, il est nécessaire qu'il ne soit pas sujet à salaire,
car la perception des émoluments que la loi y aurait attachés ne pourrait évi-
demment devenir l'élément du crime; il faut nécessairement ou que la rétri-
bution perçue soit illégale, ou qu-elle soit autre que cetle que la loi a pu au-
toriser.
257. La loi du 13 mai 1863 a ajouté à l'art. 177 un paragraphe additionnel
ainsi conçu :
et Sera puni de la même peine tout arbitre ou expert; nommé soit par le tri-
bunal, soit par les parties, qui aura agréé des offres ou promesses ou reçu des
dons, des présents, pour rendre une décision ou donner une opinion favorable à
l'une des partie». »
L'art. 177 ne comprend dans sa disposition que les fonctionnaires publics de
l'ordre administratif ou judiciaire, et les agents et préposés d'une administra»
Uon publique. Un arbitre, un expert, nommé par ie tribunal, on par les par-
ties ne pouvaient rentrer dans ces deux accusations. Et cependant, la corrup-
tion pratiquée auprès d'eux n*esl ni moins coupable ni moins dangereuse q^
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278 DIX-HUIT. LEÇ. — DBS GRIBCES ET DÉLITS, BTG. (n^ 259).
celle pratiquée aaprès des magistrats eux-mêmes. Un arbitre rend de vérita'
blés décisions judiciaires, un expert les prépare par l'opinion qu'il consigne
dafis ses rapports; s'ils mentent à leur conscience, s'ils trahissent à prix d'ar-
gent les intérêts sacrés qui leur sont confiés, il est Juste qu'ils soient punis et
que le châtiment qui les atteindra atteigne également ceux qui les auront cor-
rompus. C'est là la lacune que le législateur a voulu combler.
258. Le crime de corruption prend deux circonstances aggravantes : 1*
quand il a pour objet un fait criminel emportant une peine plus forte que la
dégradation civique : cette peine plus forte, aux termes dei'art, 178, est appli-
quée aux coupables; 2<» si c'est un juge prononçant en matières criminelle qui
s'est laissé corrompre, soit en faveur, soit au préjudice de l'accusé, la peine,
aux termes de Tart. 181, est la réclusion. Mais si la corruption a eu pour
résultat de faire condamner un innocent à une peine plus forte, cette peine,
quelle qu'elle soit, devient le châtiment du fonctionnaire corrompu. « La loi
du talion, dit Texposé des motifs, ne fut jamais plus équitable ni plus exempte
d'inconvénients. » Tel est l'objet de l'art 182 qui dispose que, • si par l'effet
de la corruption, il y a eu condamnation à une peine supérieure à celle de la
réclusion, cette peine, quelle qu'elle soit, sera appliquée au juge ou juré cou-
pable de corruption. »
259. Après avoir parlé de l'agent principal du crime, du fonctionnaire
qui se laisse corrompre, nous arrivons à l'agent de la corruption, ou cor-
rupteur :
tt Art. 179. Quiconque aura contraint ou tenté de contraindre par voies de fait
ou menaces, corrompu ou tenté de corrompre par promesses, offres, dons ou pré-
sents, Tune des pei sonnes de la qualité exprimée en l'art. 177. pour obtenir, soit
une opinion favorable, soit des procès-verbaux, états, certificats ou estimations
contraires à la vérité, soit des places, emplois, adjudications, entreprises ou autres
bénéfices quelconques, soit enfin tout autre acte du ministère du fonctionnaire,
agent ou préposé, soit enfin l'abstention d'un acte qui rentrait dans l'exercice de
ses devoirs, sera puni des mômes peines que le fonctionnaire, agent ou préposé
corrompu. Toutefois, si les tentatives de contrainte ou corruption n'ont eu aucun
effet, les auteurs de ces tentatives seront simplement punis d'un emprisonnement
de trois mois au moins et six mois au plus, et d'une amende de 100 à 300 fr. »
Cet article prévoit deux hypothèses : ou la tentative de contrainte ou de cor-
ruption a été suivie d'effet, ou elle n a pas été suivie d'effet. Dans ce dernier
cas, elle ne constitue qu'un simple délit. « La loi, porte l'exposé des motifs,
punit le corrupteur de la même peine que celui qui a été corrompu ; elle est
moindre, si la corruption n'a pas été consommée; mais la moindre tentative
est elle-même un véritable délit, elle est au moins une injure faite à la jus-
tice, et la loi la punit de l'amende et de l'emprisonnement. > Les mêmes élé-
ments, au reste, constituent, en ce qui concerne le corrupteur, la tentative de
corruption et la corruption consommée : la seule différence qui sépare les deux
actes, c'est que dans un cas les offres ou présents ne sont pas agréés par le
fonctionnaire, tandis qu'ils le sont dans l'autre. Ainsi, c'est dans un fait étran-
ger au corrupteur, dans le fait d'une tierce personne, du fonctionnaire, que la lor
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CRIMBS BT BÉLITS DBS FONCTIONNAIRES PUBUG8 (aRT. 183). 279
place la distinction qui, da même acte, fait tantôt un délit et tantôt un crime.
81 les offres ou dons ont été suivis d'effet, c'est-à-dire, si la corruption a
étéccmsommée, les deux agents qui ont commis le crime, Fagent corrupteur
et le fonctionnaire corrompu sont frappés des mêmes peines ; et cependant la
loi ne les a pas considérés comme complices, elle a séparé les actes de ces
deux prévenus et les a incriminés distinctement, en imposant à Tun et à Tau-
Ire des condions qui ne sont pas les mêmes. C'est ainsi qu*il résultait de la
combinaison des art. 477 et 179 que la loi n'avait voulu punir le corrupteur
que dans le cas où la corruption avait pour objet d'obtenir de l'officier public
qu'il fît un acte de son ministère; elle n'avait point étendu son incrimination
au cas où la corruption n'avait eu pour objet que d'obtenir que cet officier
s'abatôntd'un pareil acte. Dans cette dernière hypothèse, la responsabilité pénale
ne pesait que sur l'officier corrompu. Cette disposition, fondée sur une nuance
déUcate de la criminalité, a paru une anomalie au législateur qui l'a fait dis*
paraître en ajoutant dans l'art. 179 ces mots; « Soit enfin l'abstention d'uu
acte qui rentrait dans l'exercice de ses devoirs » ; cette addition efface la dis-
tinction faite par le Gode, entre la provocation à un acte, et la provocation à
une simple abstention.
Vous avez été sans doute surpris de trouver dans l'art. 179, à côté des doos
et promesses qui opèrent la corruption, les voies de fait et menaces qui opè«
rent la contrainte. Il est évident que l'application de ces moyens différents
lors même qu'ils ont le môme but, ne constitue pas le même crime. Autre
chose est l'emploi de la force pour obtenir l'acte illicite, autre chose l'emploi
des promesses et des dons. Il n'y a, dans ces deux faits, ni la même audace,
ni la même criminalité; il n'y a pas non plus le même péril social; et l'atten-
tion du législateur eût été éveillée sans doute sur cette confusion, si jusqu'à
présent la première de ces dispositions ne fût demeurée inappliquée.
260. Par suite d'une autre confusion non moins étrange, le Gode pénal a
placé dans le paragraphe et sous la rubrique de la corruption une disposition
qui n'a aucun rapport avec ce crime.
^ a Art. 183. Tout juge ou administrateur, qui se sera décidé par faveur pour une
partie ou par inimitié contre elle, sera coupable de forfïiiture et puni de la dégra-
dation civique. »
Il ne s'agit plus ici de la fonction, il ne s'agit pas d'un abus fondé sur la
cupidité; c'est la faveur ou la haine qui dicte la décision ou le jugement ; l'ad-
ministrateur ou le juge trahit son devoir, mais c'est la passion et non la fraude
qui est le mobile de sa conduite. Gette incrimination, quelque justifiée qu'elle
soit au fond, suscita quelques doutes dans l'esprit du législateur, à raison de
la difficulté d'en faire la preuve. Le rapport de la commission du Gorps légis*
latif porte ce qui suit : i La loi ne doit punir que les actions, elle doit les ca-
ractériser. La faveur ou l'inimitié sont des sentiments ; la loi ne peut les saisir
et les frapper que lorsqu'ils sont manifestés par des actes ; pour décider si un
juge est mû par haine ou par amitié, il faut descendre dans sa conscience,
interpréter ses intentions : rien de plus arbitraire qu'une telle interprétation.
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280 DIX-HUIT. LBÇ. — 0B8 GRIMBfl ET DÉLITS, BTCt (N*" 261).
Le8 accusés ou condamnés supposeront toujours la partialité ; L'article serait
un appel bien dangereux contre les juges. Le moyen certain de se garantir do
TeiTet des sentiments dont il s'agit existe dans la récusation que l'on peut em-
ployer lorsqu'on croit avoir à craindre. Gomme les cas de dol et aatres sont
prévus en détail dans le projet, il ne reste dans l'art. 183» pour toute base
caractéristique du crime, que des sentiments qui ne penvent se saisirqnandils
sont isolés et ne sont pas manifestés par le dol, la fraude et la corruptÎDn. •
Cet avis de la commission fut appuyé par plusieurs membres du conseil d'État
Us pensaient que cetto disposition servirait de prétexte pour inquiéter les
Juges, que les imputations d'inimitié et de faveur, difficiles à établir, peuvent
être facilement formulées et qu'il pourrait en résuUer des procédures soanda-
leuses quoique dénuées de fondement. On répondit que ces inquiétudes étaient
chimériques. ; que cette incrimination n'était point nouvelle, qu'elle n'avait
jamais eu dé danger et pouvait contenir les juges enclins à substituer la pas«
sion à la justice ; que les garanties de la procédure criminelle feraient dispa-
raître toute possibilité d'abus sérieux. Néanmoins, les criminalistes les plus
estimés enseignent qu'il faut que la faveur ou l'inimitié soit trahie par des
faits extérieurs pour que la poursuite puisse la saisir ; car comment sonder le
«BUT du juge ? comment discuter la justesse ou l'erreur de ses opinions ? Ge
n'est que lorsque la passion s'est manifestée par un acte quelconque qu'il est
possible de la saisir et d'en faire la base d'une accusation.
Mais il ne faudrait pas induire delà que les juges ne sont pas responsables
des excès qu'ils peuvent commettre dans leurs fonctions. Les anciennes ordon-
nances, notamment celles du 15 février 1549, celles de Blois et d'Orléans et
enfin l'ordonnance dos 1667, énuméraient les cas nombreux où les juges
étaient privés de leurs offices et punis de peines arbitraires. Aujourd'hui, ils
peuvent être poursuivis, à raison des abus de leurs fonctions, soit dvilement
par la voie de la prise à partie réglée par les art. 303 et ceux du Gode de pr.
civ., soit criminellement suivant les formes présentées par les art. 383 et
385 du Gode d'instruction criminelle.
§ 5. — Des abus d'autorité.
261. Le Gode divise les abus d'autorité en deux classes : contre les particu-
liers et contre la chose publique. Les abus d'autorité contre les particuliers sont :
i^ la violation du domicile; %^ le déni de justice; 3<» les violences illégitimes
envers les personnes ; 4^ les suppressions ou ouvertures de lettres confiées à
la p(»te. Les abus d'autorité contre la chose publique sont les ordres ou réqui-
sitions tendant à l'emploi de la force publique pour empêcher l'exécution d'une
loi, ou la perception d'une contribution, ou l'effet d'un ordre émané d'une au-
torité légitime. Il est bien d'autres abus d'autorité que ceux-là; nous en avons
déjà apprécié quelques-uns, nous en verrons tout à l'heure d'autres encore,
liais la loi a réservé cette qualification spéciale aux faits que noju^ venons de
désigner.
Xie premier des abus d'autorité contre les particuliers est la violation du do-
micile. L'inviolabilité du domicile des citoyens est un principe général de notre
droit public La législation l'a consacré à plusieurs reprises et dans les termes
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CBJMMS ET DÉLITS DBS FOHCTIOMNiURES PUBLICS (aHT. 184). 281
ies plus formels. L'art. 8, tii. I«', de la loi des 19-22 juillet 1791, déclare que
c nal officier municipal, commissaire on officier de police municipale, ne
pourra entrer dans les maisons des citoyens, si ce n'est en vertu des ordon-
nances, contraintes et jugements dont ils seront porteurs, ou sur le cri des
citoyens invoquant de l'intérieur d'une maison lesecours de la force publique.»
Les art. 9 et 10 font une double exception à l'égard des lieux où tout le monde
«st admis indistinctement, tels que cafés, cabarets, boutiques et autres, et à
regard des maisons où Ton donne i jouer babituellement des jeux de basard.
L'art. 11 prononce des dommages-intérêts contre les officiers de police qui,
m bors les cas mentionnés aux art: 6, 9 et 10, sans autorisation spéciale de
justice on de la police de sûreté, feront des visites ou des recherches dans les
maisons des citoyens, m L'art. 9&9 de la constitution du 5 fructidor an III re-
produit la règle générale que: « Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu
qu'en vertu d'une loi, et pour la personne et Tobjet expressément désignés
dans l'acte qui ordonne la visite. ■ L'art. 208 du Gode du 3 brumaire an IV
ajoutait : • S'il paraît utile à la recherche de la vérité de procéder à une ou plu-
sieurs visites domîciliaireB, le juge de paix rrad à cet effet une ordonnance
dans laquelle il énonce expressément les personnes et les objets qui donnent
lieu à ces visites. • L'art. 76 de la constitution du 22 fîrimaire an VIII donne
au même principe une autre formule : c La maison de toute personne habi-
tant le territoire firançais est un asile inviolable. Pendant la nuit, nul n'a le
droit d'y entrer que dans le cas d'incendie, d'inondation on de réclamation
faite de l'intérieur d'une maison. Pendant le jour, on peut y entrer pour un
objet spécial, déterminé par une loi ou par un ordre émané d'une autorité pu-
blique. » Enfin, l'art. 3 de la constitution du 4 novembre 1848 a reproduit, en
l'abrégeant, le même principe : c La demeure de toute personne habitant le
territoire français est inviolable : il n'est permis d'y pénétrer que selon les for-
mes et dans les cas prévus par la loi. b C'est à ce principe que l'art. 184 est
venu apporter une sanction.
« ART. 184. Tout fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, tout officier
de justice ou de police, tout commandant ou agent de la force publique, qui agis-
sant fin sa dite qualité, se aara introduit dans le domicile d'un citoyen, contre le
gré de oelui-ci, hors les cas prévus par la loi et sans les formalités qu'elle a pres-
crites, sera puni d'un emprisonnement de six jours à un an et d'une amende de
16 à 500 fr., sans préjudice de l'application du 2* § de Tart. 114. — Tout individu
qui se sera introduit & l'aide de menaces ou de violence dans le domicile d'un
citoyen sera puni d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende
de 16 à 200 fr.»
Le !•' § de cet article exige deux explications. Quels sont, en premier lieu,
Us cas précus par la hi dans lesquels l'introduction est permise? Pendant la
nuit, nul n'a le droit d'entrer dans la maison d'un citoyen, si ce n'est : i^ dans
les cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation venant de l'intérieur de la
maison ; 2^ dans les maisons ouvertes au public, pendant le temps de leur
ouverture. Pendant le jour, on ne peut y pénétrer que pour un objet spécial
déterminé par une loi ou par un ordre émané d'une autorité publique. La loi
du 19-22 juillet 1791 autorise les officiers de police à pénétrer dans les maisons
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282 DIX- HUIT. LBÇ. — DES GBIMES ET DÉLITS, BTG. (n° 261 ).
des citoyens pour la confection des états de recensement, pour la vérificatioii
des registres des logeurs, pour Texécution des lois sur les contributions direc-
tes, et dans les maisons ouTortes au public pour y vérifier les poids et mesu-
res, le titre des matières d'or et d'argent, la salubrité des comestibles, pour y
constater les contraventions, pour y surveiller les désordres. L'art. 131 de
la loi du 28 germinal an VI et l'art. 185 de l'ordonnance du 29 octobre 1820
donnent à la gendarmerie le droit de pénétrer dans le domicile des prévenu»
ou des condamnés pour procéder à leur arrestation. Les art. 87 et 88 du Cîode
d'instruction criminelle reconnaissent au juge d'instruction le droit de ùùre
des visites domiciliaires dans la maison des prévenus et dans les autres lieux
où il présumerait que des pièces de conviction sont déposées. L'art. 161 du
Code forestier porte que les gardes forestiers ne pourront, pour constater Ten-
lèvement des objets pris en délit, s'introduire dans les maisons, si ce n'est en
présence du juge de paix, du maire ou du commissaire de police. Les art. 236
et 238 de la loi du 28 avril 1816 attribuent aux préposés des contributions indi-
rectes un droit de visite chez les redevables sujets aux exercices. Les visites
domiciliaires sont encore autorisées en matière de douanes par l'art. 60 de la
loi du 28 avril 1816, et en matière de dépôt de poudres, par l'art. 26 du dé-
cret du 13 fructidor an V. Telles sont les restrictions qui ont été successive-
ment apportées au principe de l'inviolabilité du domicile. Mais chacune de ces
restrictions, quelle que soit sa cause, n'a été introduite que conmie une excep-
tion ; il faut que cette exception trouve dans la loi son titre et qu'elle en jus-
tifie; i] faut qu'elle soit formellement écrite et elle ne peut être appliquée que
dans le cercle qui lui est tracé; car, hors des cas prévus par la loi, l'introdUCtioa
constitue le délit de violation de domicile.
Quelles sont, en second lieu, les formalités prescrites par la Un? Je dois rele-
ver ici une contradiction évidente. La loi a établi des formalités qui doivent
accompagner, dans les cas où elle est permise, l'introduction des fonction-
naires ou agents de l'autorité : c'est en général, la présence et le concours de
certains fonctionnaires qui sont les garants de la légalité de la visite. Mais est-il
vrai que l'omission de ces formalités donne à l'introduction le caractère d'un
délit? Ce qui doit en faire douter, c'est que la loi n'incrimine l'introduction
dans le domicile d'un citoyen que lorsqu'elle a lieu contre le gré de celui-ci ;
ce n'est donc que dans ce cas que l'omission des formes est constitutive du
délit; car, lorsqu'il ne s'est pas opposé à une visite irrégulière, lorsqu'il a con-
senti à l'introduction, il n'y a plus de délit. La loi n'a pas puni la seule omis-
sion des formes, elle n'a frappé que l'acte vexatoire, l'abus violent de pouvoir^
l'arbitraire brisant une résistance légale.
Le 2' § de l'art. 184, ajouté par la loi du 28 avril 1832, se rattache sans doute
à la matière, mais aurait dû prendre sa place ailleurs, puisque le Gode ne traite
ici que des délits des fonctionnaires. Il existait, au reste, sur ce point, une
véritable lacune dans la loi. Le législateur avait paru oublier qu'il était pos-
sible qu'un particulier violât le domicile d'un autre particulier, et cependant
l'expérience nous l'apprend tous les jours. Dans les grandes villes, où la police
s'exerce d'une manière sévère, ce délit a lieu fort rarement ; mais il n'en est
pas de même dans les campagnes, où très-souvent les habitants isolés se trou-
vent exposés à la tyrannie ou à la brutalité des voyageurs. C'était un abus-
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GRIMBS BT DÉLITS DBS FONCTIONNAIRES PUBLICS (ART. 186). 283
qu'il ftdlait réprimer, une omission qu'il fallait remplir. H faut que le citoyen
le plus dénué de moyens de défense soit entouré de toutes les garanties de
sécurité : la loi et la justice doivent \eiller continuellement à ses côtés. Toute»
fois, il y a lieu de remarquer que les éléments de l'incrimination ne sont pas
tout à fait les" mêmes dans les deux cas ; la simple introduction de Tagent de
Fautorité, hors les cas prévus par la loi et contre le gré du citoyen, suffit pour
constituer le délit; il faut, de plus, quand le prévenu est un simple particulier^
qu'il y ait eu emploi de menaces ou de violences ; c'est l'équivalent de l'emploi
d'une autorité illégale.
262. Le deuxième abus d'autorité est le déni de justice :
a Art. 185. Tout juge ou tribunal, tout administrateur ou autorité administra-
tive qui, sous quelque prétexte que ce soit, même du silence ou de Tobscurité de
la loi, aura dénié de rendre la justice qu'il doit aux parties, après en avoir été
requis, et qui aura persévéré dans son déni, après avertissement ou injonction
de ses supérieurs, pourra être poursuivi et sera puni d'une amende de 200 fr. au
moins et de 300 Tr. au plus, et de l'interdiction des fonctions publiques depuis cinq
ans jusqu'à vingt. »
Vous devez d'abord, pour comprendre cet article^ vous reporter : 1° à l'art. 4
du Gode civil, qui est ainsi conçu : c Le juge qui refusera de juger, sous pré-
texte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra éire pour-
suivi comme coupable de déni de justice; » 2<* à l'art. 506 du Gode de procé-
dure civile, qui porte : c II y a déni de justice quand les juges refusent de
répondre aux requêtes ou refusent de juger les affaires en état ou en tout
d'être jugées, i La jurisprudence a décidé, d'après ces dispositions purement
démonstratives, que le renvoi d'une affaire à une époque indéterminée, l'omis-
sion de statuer sur un cbef d'un procès et le refus de prononcer sur le fond
d'une cause, pouvaient constituer un déni de justice.
n faut distinguer, toutefois, le déni de justice qui constitue le délit et celui
qui ne donne lieu qu'à l'annulation du jugement qui refuse de statuer. Ge n'est
pas l'erreur ou l'ignorance que la loi punit, c'est le refus, c'est-à-dire la viola-
tion du devoir de la fonction. Ge n'est môme pas le refus, mais la persistance
dans cette dénégation d'une décision après avertissement; d'où il suit, on peut
le dire, que cette disposition de la loi pénale sera bien rarement appliquée.
Elle a plutôt pour objet de servir de frein à la légèreté et à l'inexactitude des
fonctionnaires publics que de frapper réellement leurs écarts. G'est une règle
plutôt qu'une pénalité.
M3. Le troisième abus d'autorité est l'exercice de violences sans motif
légitime.
a Art. 186. Lorsqu'un fonctionnaire ou un ofQcier public, un administrateur, un
agent ou un préposé du gouvernement ou de la police, un exécuteur des mandats
de justice ou jugements, un commandant en chef ou en sous-ordre de la force
publique, aura, sans motif légitime, usé ou fait user de violences envers les per-
sonnes, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, il sera punî
selon la nature et la gravité de ces violences, et en élevant la peine suivant la
règle posée par l'art. 198 ci-après. »
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284 DIX-HUIT. LEÇ. — DBS CRIMES BT DÉLITS, ETC. (N® 265).
Un seul point dans cet article doit fixer votre attention. Qae faut-il enten-
dre par des violences commises «am molif légiiime 7 II faut entendre des vio-
lences qui ne trouvent pas une cause de justification dans un acte quelconque
de la fonction; car Texercice de la fonction justifie les violences qui sont né-
cessaires pour son accomplissement. Supposez, par exemple, qu'il s'agisse d'o-
pérer une arrestation à laquelle on oppose quelque résistance, de mettre à
exécution un jugement qui lèse une population, de disperser un attroupement
tumultueux, de faire cesser la perpétration d'un délit. Dans toutes ces hypo-
thèses, les agents de l'autorité publique, qui n'ont pas excédé les limites de la
force qui était indispensable pour assurer l'exécution des ordres dont ils étaient
chargés, ont agi avec un motif légitime, et les violences qu'ils ont dû exercer
dans cette mesure ne constituent ni crime ni délit. Ils n'ont fait que prêter
une force nécessaire à l'exécution de mesures ordonnées au nom de la loi et
dans l'intérêt de l'ordre général. Cette disposition s'applique d'ailleurs à toutes
sortes de violences, pourvu qu'elles aient été faites dans l'exercice des fonctions
et pour Taccomplissement des devoirs qui en dérivaient. J'examinerai tout à
Theure, quand nous serons arrivés à l'art. 198, la pénalité graduée que cet
article établit.
264. Le quatrième abus d'autorité est la suppression ou Poavertare des
lettres.
a ART. 187. Toute suppression, toute ouverture de lettres confiées à la poste,
commise ou facilitée par un fonctionnaire ou un agent du gouvernement ou de
l'administration des postes, sera punie d'une amende de 16 tr. à 500 fr. et d'un
emprisonnement de trois mois & cinq ans. Le coupable sera, de plus, interdit de
toute fonction ou emploi public pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »
La loi des 10-14 août 1790 proclame que : « Le secret des lettres est invio-
lable, et que, sous aucun prétexte, il ne peut y être porté atteinte ni par les
corps ni par les individus. » Un décret des 10-22 juillet 1791 répète : • Qu'il
est enjoint aux corps administratifs de surveiller l'exécution du décret du 10
août 1790 concernant le secret et l'inviolabilité des lettres, b L'art. 23, de la
sect lY, du C. pén. de 1791, et l'art. 368 du G. du 3 kram. an IV apportèrent
une sanction à ce principe en édictant des peines contre • quiconque sera con-
vaincu d'avoir volontairement et sciemment supprimé une lettre confiée à la
poste et d'en avoir brisé le cachet et violé le secret, i L'art. 187 n'a fait que
reproduire cette sanctiofl.
Cet article ne s'applique qu'aux violations commises par des agents de l'ad-
ministration : celles qui seraient commises par de simples particuliers ne cons-
tituent aucun délit ; c'est une lacune qu'il est peut-être regrettable de trouver
•dans la loi. Mais il importe peu que les fonctionnaires ou agents de l'adminis-
tration des postes aient commis ou facilité l'ouverture des lettres dans l'exer-
cice ou hors l'exercice des fonctions, dans un intérêt public ou dans un intérêt
privé; la loi n'exige point cette condition ; il suffit que la suppression ou l'ou-
verture ait été commise sciemment et dans une intention frauduleuse.
265. Bous ce titre à' Abus d'autorité contre la chose publique, le Gode n'a placé
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CRIMES BT DÉLITS DBS FONGTIONNAIRBS PUBLICS (aRT. 188). 285
qu'une espèce de révolte des fonctionnaires contre les ordres du gouyeme-
ment.
a Art. 188. Tout fonctionnaire public, agent ou préposé du gouvernement, de
quelque état et grade qu'il soit, qui aura requis ou ordonné, fait requérir ou
ordonner l'action ou remploi de la force publique contre l'exécution d'une loi ou
contre la perception d'une contribution légale, ou contre l'exécution soit d'une
ordonnance ou mandat de Justice, soit de tout autre ordre émané de l'autorité lé-
gitime, sera puni de la réclusion. »
n semble à peu près inutile de nous arrêter à étudier un article qui n'a ja-
mais été appliqué et ne le sera sans doute jamais. C'est une de ces incrimina-
tions qui ne prouvent que les inquiétudes excessives d'un pouvoir ombrageux.
U est peu probable qu'un fonctionnaire, auquel le gouvernement peut sans
cesse retirer ses fonctions^ puisserequérir la force publique contre l'exécution
des lois ou la perception des contributions. Quoiqu'il en soit, la loi a cru
devoir distinguer si la réquisition a été ou non suivie d'efiet. Les art. 189,
190 et 191 mesurent la gravité de la peine d'après la gravité des résultats des
réquisitions.
§ 6. -— De quelques délits relatif^ à la tenue des actes de l'état civil.
266. Les art. 192, 193, 194 et 195 ont pour objet d'apporter une sanction à
quelques règles du Gode civil relatives à la tenue des actes de l'état civil. Ces
régies, établies par les art. 52, 156, 157 et 228 du Gode civil, sont : 1» que les
actes ne doivent point être inscrits sur des feuilles volantes ; 2^ que nul ma-
riage ne doit être célébré sans être précédé des consentements nécessaires à sa
validité ; 3<> que le second mariage d'une femme ne doit pas être célébré avant
l'expiration des délais établis par la loi. L'officier de l'état, civil qui enfreint
ces [règles encourt les peines portées par les articles que nous avons cités, et
ces peines peuvent même devenir plus graves, en cas de collusion avec les
parties. Ce ne sont là, au surplus, que des infractions matérielles dont la sim-
ple lecture du texte de la loi suffit pour onseigner les éléments.
§ 7. — DeFexeroice de l'autorité publique illégalement anticipé ou prolongé.
867. Je n'ai également que peu de mots à dire sur les art. 196 et 197 qui
prévoient l'infraction des fonctionnaires qui ont commencé d'exercer leurs
fonctions avant d'avoir prêté serment, ou qui les ont continuées après avoir
été remplacés. Il suffira de rappeler les motifs de ces deux articles : c Le fonc-
tionnaire, disait Forateur du gouvernement, en acceptant une fonction qui
lui est confiée par l'autorité souveraine, doit lui donner une garantie de sa
fidélité ; il devient suspect lorsqu'il la diffère, et s'il exerce ses fonctions sans
avoir prêté serment, il commet une action punissable. Il sera bien plus cri-
minel et puni d'une manière plus aggravante, si, étant révoqué ou destitué,
suspendu ou interdit légalement, il continue i'exercice de ses fonctions, ou si,
étant électif et temporaire, il les exerce après avoir été remplacé ; il commet
alors un véritable attentat contre Tautorité souveraine, et il sera interdit de
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286 DIX-HUIT. LBÇ. — DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (n* 268).
toates fonctions pendant le terme fixé par la loi. » Toutefois, dans cette der-
nière hypothèse, il ne suffirait pas que le fonctionnaire remplacé eût procédé
à quelque acte de sa fonction^ après la connaissance officielle de son remp!a-
eement, pour l'existence du délit, car il y a des actes urgents qui n'admettent
pas de délai, des besoins de service auxquels il faut pourvoir. Ce que la loi a
voulu exprimer, ce sont les abus d'un pouvoir usurpé, les actes d'usurpation,
et non les actes faits de bonne foi et dans l'intérêt du service public.
§ 8. — De Taggravation pénale dont sont passibles les fonctionnaires qui ont
participés aux délits qu'ils sont chargés de surveiller.
268. Nous arrivons ici à une règle générale de pénalité. Le législateur a
prévu que les fonctionnaires publics pourraient participer eux-mêmes aux dé-
lits qu'ils sont chargés de surveiller, et il a vu dans cette participation une ag-
gravation de criminalité dont il lui a paru juste de tenir compte, c II est diffi-
cile, porte l'exposé des motifs, de ne pas considérer comme plus coupable
celui qui, chargé par la loi de réprimer les crimes et délits, ose les commettre
lui-même, et il a paru convenable d'élever la peine à son égard. 8i donc il
s'agit d'un délit de police correctionnelle, le fonctionnaire qui Taura commis
subira toujours le maximum de la peine attachée à l'espèce de ce délit ; et, s'il
s'agit de crime, il subira la peine immédiatement supérieure à celle qu'eût
mérité tout autre coupable : gradation qui ne cessera qu'au point où elle at-
teindrait la peine de mort. Cette disposition toute morale ne saurait qu'ho-
norer notre législation. •
« Art. 198. Hors les cas où la loi règle spécialement les peines encourues pour
crimes ou délits commis par les fonctionnaires ou officiers publics, ceux d'entre
eux qui auront participé à d'autres crimes ou délits qu'ils étaient chargés de
surveiller ou de réprimer, seront punis comme il suit : — S'il s'agit d'un délit de
police correctionnelle, ils subiront toujours le maximum de la peine attachée &
l'espèce de délit;— et, s'il s'agit de crimes, ils seront condamnés, savoir : — A la
réclusion, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine du bannisse-
ment ou de la dégradation civique ; — aux travaux fopcéq à temps, si le crime
emporte contre tout autre coupable la pei\ie de la réclusion ou de la dôteutlon ; —
et aux travaux forcés à perpétuité, lorsque le crime emportera contre tout autre
coupable la peine de la déportation ou celle des travaux forcés à temps. — Au
delà des cas qui viennent d'être exprimés, la peine commune sera appliquée sans
aggravation. »
Cette disposition a été appréciée par l'un des commentaires du Code ainsi
qu'il suit : c II est certain que la criminalité du fonctionnaire qui s'associe aux
crimes ou délits que ses fonctions lui font un devoir de prévenir ou de répri-
mer n'est pas la même que celle de tout autre agent : non-seulement il assume
la responsabilité d'un crime commun, mais il trahit la mission de surveillanoe
qui lui était confiée; il se sert de son autorité pour fovoriser des actes qu'il
doit empêcher, pour protéger des malfaiteurs, pour s'associer à la perpétration
dp leurs crimes. Les fonctions que la société lui a conférées pour qu'il la jw)-
tégeât, il lés tourne contre elle et s'en fait un instrument pour la blesser. C'est
* _ DigitizedbyCnOOgle
CRIMES BT DÉLITS DBS FONCTIONNAIRES PUBLICS (aRT. 198). 287
donc avec raison que cette criminalité plus grave a été jugée passible d'une
aggravation de peine. »
Mais il suit de la cause môme de cette aggravation qu'elle ne doit ôtreappli-
^ée qu'aux crimes et délits que l'agent était chargé de surveiller^ puisque
ce n'est qu'à raison de ce devoir de surveillance que la participation devient
plus coupable. C'est le lien de la fonction avec le délit qui constitue la crimi-
nalité exceptionnelle prévue par la loi. Il importe peu d'ailleurs que le fonc-
tionnaire ait commis le délit seul ou qu'il l'ait commis avec la coopération
d'un tiers ; la loi ne fait à cet égard aucune distinction. Ainsi^ le garde fores-
tier qui commet un délit de chasse dans le triage confié à sa surveillance ren-
tre dans les termes de la loi. Il importe peu également que le fonctionnaire
soit ou ne soit pas dans Texercice de ses fonctions ; car, c'est plutôt en dehors
que dans l'exercice des fonctions que les fonctionnaires participent aux crimes
ou délits qu'ils sont chargés de surveiller. Ainsi le commissaire de police qui,
en dehors de ses fonctions, commet un ^vol, est passible de l'aggravation pé-
nale.
Il faut remarier encore qae le mot toujours, qui se trouve dans l'article, ne
fait point obstacle à l'abaissement de la pénalité par l'application des circon-
tances atténuantes. L'art. 463 contient une règle générale qui domine tontes
les incriminations du Gode : ce n'est donc dans les cas où les circonstances
atténuantes ne sont pas déclarées qu'il y a lieu de prononcer les peines aggra-
vées prononcées par l'art. 198.
§ 9. — Troubles apportés à l'ordre public par les ministres des cultes.
269. Les ministres des cultes, à qui nulle autorité temporelle n'est départie,
n'entre point dans la classe des fonctionnaires publics. Mais comme leur exis-
tence et leur conduite ne sont point étrangères à la paix publique^ la loi pé
nale a dû prévoir les cas où ils pouvaient la troubler dans l'exercice de leur
ministère. Ces cas sont au nombre de quatre.
Le Gode s'occupe d'abord dans les art. 199 et 200 des contraventions propres
à compromettre réta,t civil des pars^anes. « Les ministres, dit l'exposé des
motifs, qui procèdent aux cérémonies religieuses d'un mariage, sans qu'il leur
ait été justifié de l'acte de mariage reçu par les officiers de l'état civil, com-
promettent évidemment l'état civil des gens simples, d'autant plus disposés à
confondre la bénédiction nuptiale avec l'acte constitutif du mariage que le
droit d'imprimer au mariage le sceau de la loi était naguère dans les mains de
ses ministres. Il importe qu'une si funeste méprise ne se perpétue point. > On
avait proposé aussi d'interdire les cérémonies du baptême et mortuaires avant
que l'autorité civile eût dressé les actes de naissance et de décès. Mais on a
fait remarquer que les inhumations sont faites et constatées par les officiers
de l'état civil et que la part que les ecclésiastiques y prennent, sous le rapport
du culte, ne diminue ni les droits ni les devoirs de ces officiers ; plas que
l'inscription civile pour laquelle la loi donne trois jours. La disposition fut donc
restreinte aux mariages.
270. Les art. 201, 202, 203 punissent ensuite les critiques, censures ou
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288 DIX-HUIT. LBÇ. — DES GlilUBS ET DÉLITS, ETC. (n» 272).
provocatioos dirigées contre Tautorité publique dans un discours pastoral pro*
nonce publiquement. Voici dans quels termes le législateur a expliqué ces*arti-
clés : c Trop souvent des prédications insensées ont pris dans les chaires de
rËvangile la place du langage sacré de la morale et de la vertu, et des hommes
envoyés pour bénir se sont trop souvent permis de maudire. Trop souvent le
fanatisme a fait entendre sa funeste voix où la religion seule devait parler, et
la société tout entière a été ébranlée dans ses fondements et blessée dans ses
plus précieux résultats. La répression de ces délits était un devoir pour le
législateur et ils attaquaient trop cruellement la paix et la sdreté publiques pour
n*étre pas mis au rang de ceux qu'une juste punition doit atteindre. Des peines
sont donc prononcées contre tous les ministres des cultes qui, dans leurs dis-
cours^ dans leurs écrits, dans leurs instructions, auraient censuré le gouver-
nement, ses lois, ses décrets et généralement tous les actes de Tautorité civile,
excité à leur désobéir, appelé la révolte contre eux ou tenté par des déclama-
tions criminelles d'armer les citoyens les uns contre les autres, i Ce délit, bien
qu'il puisse par sa nature rentrer dans la classe des délits de la presse en géné-
ral, demeure, à raison du mode spécial de sa publication, soumis aux règles
particulières des art. 201 et suivants.
271. Les art. 205 et 206 prévoient et punissent^ comme les articles pré-
cédents, la censure du gouvernement et de ses actes et les provocations à la
désobéissance et à la révolte que les ministres des cultes peuvent propager
parmi les citoyens. Mais cette censure ou cette provocation est commise, non
plus par la parole, mais dans une instruction pastorale. Il a paru au législa-
teur que ces sortes d'écrits, auxquels s'attache une grande autorité, puisqu'ils
n*émanent que des évoques, devaient, à raison même du caractère qui leur est
propre, devenir l'objet de dispositions spéciales : ils peuvent produire un grand
effet ; il est donc nécessaire qu'ils soient soumis à une responsabilité plus effi-
cace. De là les peines graves édictées par ces articles et la sévérité de leurs
incriminations.
872. Enfin, les art. 207 et 208 ont pour objet la correspondance des minis-
tres des caltoe avec la cour de Rome. • Do qaolqne fonction qu'on soit revêtu
dit l'exposé des motifs, on ne cesse point d'être sujet de son prince et de PÉut :
on n'appartient point à une autre puissance ; il n'y a en France que des Fran-
çais. C'est un délit répréhensible et dangereux d'entretenir des relations avec
une puissance étrangère contre le gré de son souverain, d'avoir une corres-
pondance avec elle sur les fonctions qu'on exerce, de lui vouer une sorte de
soumission, de se constituer son subordonné, de faire dépendre l'exercice de
ce qu'on doit à sa patrie de ce qu'on croit devoir à une autre puissance : aussi
le 4« § de la section III est-il expressément consacré à réprimer les ministres
des cultes qui s'en rendraient coupables. » On a demandé si ces deux articles
n'étaient pas contraires au principe de la liberté des cultes, en ce que l'exercice
du culte catholique, qui exige la correspondance des évoques avec la cour de
Rome, sur les matières religieuses, en recevrait une véritable entrave. La
réponse est que J'art. 207 ne prohibe pas la correspondance, mais la soumet
seulement à la surveillance du gouvernement. « Il ne s'agit pas, porte encore
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DB LA RÉBELLION (aRT. 209). 289
Texposé des motifs, de rompre les rapports légitimes d'ancun culte avec des
chefs même étrangers, il n'est question que de les connaître ; et ce droit du
gouvernement, fondé sur le besoin de maintenir la tranquillité publique, impose
aux ministres des cultes des devoirs que rempliront avec empressement ceux
dont les cœurs sont purs et les vues honnêtes, i
Je ne fais quMndiquer ici le sens et Tesprit général de ces articles : ils n'ont
reçu en général aucune application. Édifiés pour contenir les entreprises des
ministres des cultes, leurs dispositions ont semblé trop rigoureuses, et lorsque
quelques abus se sont manifestés dans Fexercice des fonctions ecclésiastiques,
c'est par la voie disciplinaire ou par la voie de Pappel comme d'abus, établie
par la loi du 18 germinal an X, et qui défère au conseil d'État les abus ecclé*
siastiques, que ces excès ont été réprimés.
Da-N£UVIÉM£ LEÇON.
273. Nous n'avons point terminé la longue série des crimes et délits contre
la paix publique. A la suite des faits de forfaiture et des abus d'autorité, vient,
dans Tordre du Gode, cette classe d'infractions qui sont spécialement dirigées
contre l'autorité publique, contre ses agents, contre les règles d'ordre et de
surveillance qu'elle a prescrites. Ces infractions forment treize catégories qui
sont: i^ les délits de rébellion; 2® les outrages et violences envers les déposi-
taires de l'autorité publique ; 3® les relus d*un service dû légalement ; 4^ les
évasions de détenus et recèlements de criminels; 5® les bris de scellés et enlè-
vements de pièces dans les dépôts publics; 6® les dégradations de monuments;
7o les usurpations de titres ou fonctions ; 8<> les entraves au libre exercice des
cultes ; 9® les associations de malfaiteurs ; 10<» le vagabondage; il<» la mendi-
cité [ 12® les délits commis par voie d'écrits ou de gravures ; 13* enfin les
associations ou rdunîon» tUUUo»^ ToU sont les délits nombreux dont je vais
essayer de comprendre l'examen dans cetta^lâcon.
DE LA RÉBELLION.
274. Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner une espèce de rébellion, celle
qui s'attaque aux pouvoirs constitutionnels, et que l'art. 91 qualifie d'attentat
à la sûreté de l'État. Il s'agit ici d'une rébellion secondaire, qui s'attaque non
point au gouvernement lui-môme, mais à des actes isolés de l'autorité publi-
que et qui tend à paralyser son action par des voies de fait et par une résistance
locale.
a Art. 209. Toute attaque, résistance avec violence et voies de fait envers les
officiers ministériels, les gardes champêtres ou forestiers, la force publique, les
préposés à la perception des taxes et contributions, leurs porteurs de contraintes,
les préposés des douanes, des séquestres, les ofQciers ou agents de la police admi-
nistrative ou Judiciaire, agissant pour l'exécution des lois, des ordres ou ordon-
nances de l'autorité publique, des mandats de justice ou jugements, est qualifiée,
selon les circonstances, crime ou délit de rébellion. »
Yoilà les caractères de la rébellion fixés par la loi ; il faut qu'il y ait eu atu-
I. J9 ,
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290 DIX-NBUV. LEÇ. — DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (n* 275).
que on résistance avec violences et voies de fait ; il faut que cette attaque ou
résistance ait en lieu envers les agents que la loi énumère ; il faut enfin que
ces violences soient exercées envers eux au moment où ils agissent pour l'exé-
cution des lois ou des ordres de Tautorité publique. Ce sont là les trois éléments
du délit; il en résulte : {^ que les outrages, les injures et même les menaces
ne sont point des actes de rébellion ; il faut des violences matérielles ; 2^ que
ces violences ne sont un élément du délit qu'autant qu'elles sont exercées sur
la personne même des officiers de police qui sont chargés de Texécution des
lois et des ordres de Tautorité ; 3<> que c'est au moment même de cette exé-
cution que l'attaque ou la résistance doit se manifester, car c*est à ce moment
que ces actes peuvent prendre un caractère de rébellion.
275. Une grave question est de savoir si la résistance doit être considérée
comme un délit lorsqu'elle ne fait que repousser l'exécution d'un acte illégal.
La jurisprudence a posé en principe que rillégalité d'un acte ne peut en an-
cun cas autoriser un citoyen à s'y opposer avec violences ou voies de fait ;
que l'art. 209 ne subordonne pas le délit de rébellion au plus ou moins de
régularité des formes avec lesquelles les officiers ministériels peuvent procé-
der ; que les particuliers ne sont pas juges des actes émanés de l'autorité pu-
blique, et qu'ils doivent obéissance provisoire à ces actes, lors même qu'ils
seraient irréguliers et nuls, c II suffit, portent les arrêts, que les agents de la
force publique paraissent avec le caractère qui leur a été conféré par la loi et
dans l'exercice des fonctions qui leur ont été déléguées, pour que toutes vio-
lences et voies de fait soient interdites à leur égard : la présomption légale est
qu'ils n'agissent que conformément aux lois ; s'ils font de leur autorité un
emploi illégal, ils en sont responsables, mais cette responsabilité ne saurait
dispenser les citoyens de l'obéissance qui leur est due et autoriser dans aucun
cas à résister avec violences et voies de fait à des mesures qui auut (uujouis
supposées, jusqu'à preuve contraire, émaner d'une autorité légale et compé-
tente. » Cette doctrine, qm attribue à tous les actes arbitraires le caractère
d'un droit, qui frappe et punit toute protestation contre des faits illégitimes,
qui courbe tous les citoyens devant les ordres d'une autorité quelconque, sans
qu'il leur soit permis de les examiner, est évidemment trop absolue. La Théo--
rie du Code pénal a posé à cet égard une distinction que je crois devoir met-
tre sous vos yeux : c Essayons de poser les vrais principes de la matière et
d'abord écartons une considération qui semble le principal appui du système
de la cour de cassation. Est-il possible rie croire que la théorie de la résistance,
mise en vigueur pendant des siècles, proclamée par des lois anciennes,
recueillie par les législations modernes, enseignée par les plus graves juriscon-
sultesy soit subversive de tout ordre, soit tin outrage pour la loi elk-méme ? Non,
la société n*est pas mise en péril parce que la loi pose la limite de l'action du
pouvoir, parce qu'elle cesse de le protéger quand il la dépasse et se livre à des
actes arbitraires ; non, la loi n'est point outragée, parce que les agents char-
gés de l'exercer sont méconnus, quand ili^ méconnaissent eux-mêmes leur
mission. Le péril serait de confondre l'abus et le droit, et de les couvrir de la
même protection ; l'outrage, de donner la provision aux actes arbitraires sur
la réclamation légale. Il faut poser la question avec clarté : il ne s'agit point
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DE LA RÉBBLLION. 291
d'établir ici le germe d'un principe de résistance envers l'autorité; si une
telle interprétation peut être donnée à ces lignes, nous la désavouons à
ravance : l'agent cesse d'être le représentant de l'autorité au moment où il
s'écarte de ses fonctions, car l'autorité dans un gouvernement constitutionnel,
c'est la loi, c'est le droit. Toute la question est donc de savoir si la loi doit le
soutenir môme dans les excès qu'il commet, doit l'avouer encore quand il en
viole les préceptes. Or, si les solutions peuvent être diverses, du moins, il
font le reconnaître, l'ordre public n*est point sérieusement engagé dans cette
question, car l'ordre n'est point intéressé à soutenir les aous des agents du
pouvoir ; il se fonde sur la loi et non sur l'arbitraire. Mais, en cette matière,
tonte règle absolue est inexacte. Le péril cesserait d'être illusoire, si le droit
de résistance pouvait se puiser indistinctement dans toutes les illégalités qui
peuvent entacher les actes des dépositaires de la force publique. Il est impos-
sible, il serait puéril de retirer à ces agents la protection que la loi leur doit,
dès qu'ils s'écartent même à leur insu du cerde légal dans lequel ils doivent
se mouvoir. Lorsque l'huissier est porteur d'un titre, il n'est point appelé à
en apprécier la régularité; si ce titre est irrégulier, on ne peut le rendre res-
ponsable d'une faute qui n'est pas la sienne : le citoyen lui-même est incom-
pétent pour prononcer sur les nullités qui peuvent entacher l'acte; il ne peut
que se réserver de les faire valoir devant la justice. Attribuer à chaque partie
le droit de discuter les actes qui sont exécutoires contre elle, ce serait priver
Tofficier public de toute la force que la loi lui a déléguée : les inquiétudes
manifestées par la cour de cassation se trouveraient justifiées. Sans doute
toute irrégularité dans l'exécution des lois et des actes de l'autorité est la pri-
vation d'une garantie; mais la résistance active est un moyen extrême qui ne
peut être légitime que lorsqu'elle repousse une attaque flagrante contre le
droit, c II faut distinguer, dit Barbeyrac, entre les injustices douteuses et
-mrppurtaMes et les injustices manifestes et insupportables : on doit souffrir les
premières, maiy vu u'esi puini obligé de souffrir les autres, i La difficulté est
de poser la limite. Le principe général rmi rnhAiggance aux ordres du pouvoir
public, la soumission aux actes des agents de la force publique. Toute résis-
tance effectuée, toutes violences ou voies de fait opposées à ces agents, sont
donc réputées constituer un délit : elles ne perdent ce caractère qu'en prou-
vant la cause d'excuse ou de justification. G*est donc avec raison que la cour
de cassation a établi en principe que la présomption de légalité est en faveur
des agents de l'autorité : cette présomption favorable résulte de la nature
même des choses ; mais il faut prendre garde d'en forcer les conséquences.
Toutes les fois que l'officier public agit dans l'exercice de ses fonctions, toutes
les fois qu'il est porteur d'un titre exécutoire, l'irrégularité qui vient entacher
soit ses opérations^ soit le titre lui-même, ne peut constituer une excuse pour
une résistance active, car la provision est au titre, elle est à l'officier public
agissant dans ses fonctions... Mais la présomption de légalité doit cesser de
oonvrir les actes de l'officier public quand il se rend coupable d'un excès de
pouvoir, de la violation flagrante d'un droit. Tels seraient les cas où l'agent de
la force publique voudrait, hors le cas dé flagrant délit et sans mandat, effec-
tuer une arrestation ; où un huissier devrait opérer une saisie sans justifier
d'un jugement qui l'ait ordonnée; où un officier public tenterait de s'introduit
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292 DIX-NEUV. LEÇ. -* DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (n« 277).
pendant la nuit, hors les cas prévus par la loi, dans le domicile d'un citoyen
pour y procéder à une perquisition. Dans ces différents actes, l'agent ne sau-
rait plus être protégé par sa fonction , car il agit en dehors de ses devoirs; il
ne peut invoquer le titre en vertu duquel il procède, car il ne le représente
pas, ou ce titre rencontre dans son exécution instantanée un obstacle légal,
La présomption ne le défend donc plus, car Tillégalité est flagrante et cette
illégalité prend les caractères d'un délit. Et ce délit ne cons^tue-t-il pas par
sa seule existence une attaque violente contre les droits reconnus ? Dès lors»
comment contester le droit de résister ? Cette résistance n*est qu'une opposi-
tion de la force à la force, un acte de légitime défense ; car l'acte que commet
l'agent en dehors de ses fonctions, dès qu'il n'est plus l'exécution de lajoi ou
d*un ordre de l'autorité publique, n'est plus qu'un acte de la force matérielle. •
Tels sont les termes dans lesquels il m'a paru que cette question doit être
posée et trouver sa solution.
276. La rébellion prend le caractère d'un délit ou d'un crime suivant les
circonstances qui l'accompagnent. Elle ne constitue qu'un simple délit : i^ si
elle est commise par une réunion de trois à vingt personnes, mais sans armes :
la peine est un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus
(art. 211) : 2<> si elle n'est commise que par une ou deux personnes, avec
armes : la peine est également un emprisonnement de six mois à deux ans
(art. 212} • Elle constitue, au contraire, un crime : l^si elle a été commise par
plus de vingt personnes armées : les coupables sont punis des travaux forcés à
temps, et de la réclusion seulement, s'il n*y a pas eu port d'armes ; 2^ si la
rébellion a été commise par une réunion de trois personnes ou plus jusqu'à
vingt inclusivement, avec port d'armes : la peine est la réclusion (art. 211).
277. Que faut-il entendre par réunion armée? La définition de ooc œots ^At
dans l'art. 214.
« Abt. 214. Toute réunion d'individus, pour un crime ou un délit, est réputée
réunion armée, lorsque plus de deux persounes portent des armes ostensibles. »
Pourquoi cette présomption ? C'est que, lorsque trois personnes au moins
portent des armes apparentes, il y a lieu de penser que les autres individus qui
se joignent à ces personnes et s'associent à leurs actes, approuvent l'usage qui
peut être fait de ces armes et acquiescent aux violences qui peuvent en être le
résultat, il n'en est plus ainsi si les armes sont restées cachées ; les porteurs
de ces armes sont seuls responsables de leur possession.
« Art. 215. Les personnes qui se trouveront munies d'armes cachées, et qai
auraient fait partie d'une troupe ou réunion non réputée année, seront indivi-
duellement punies comme si elles avaient fait partie d'une troupe ou réunion
année. »
Les armes cachées sont celles qui ne sont pas portées ostensiblement et
pour être vues : la loi exige que les agents en aient été munis au moment de
la rébellion et pendant qu'ils faisaient partie de la réunion.
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DB LA RÉBELUON (aRT. tl6). 293
278. L'article 218 ajoute, pour les condamnés à la peine d'emprisonnement,
la peine de l'amende de 16 à 200 fr. L'art. 221 autorise à soumettre les chefs
delarébeliion à la surveillance pendant cinq ans au moins et dix au plus. Enfin,
Fart. 213, reproduisant la disposition de l'art. 100, dont Je vous ai parlé précé-
demment, admet l'exemption de la peine en faveur des rebelles qui se sont
retirés au premier avertissement de l'autorité publique, ou même depuis, s'ils
n'ont été saisis que hors du lieu de la rébellion et sans nouvelle résistance et
sans armes. Ces articles n'exigent aucune observation.
279. La loi assimile aux réunions des rebelles les émeutes qui peuvent écla-
ter dans les ateliers publics, les hospices ou les prisons.
« Art. 219. Seront punies comme réunions de rebelles celles qui auront été
formées avec ou sans armes, accompagnées de violences ou de menaces contre
rautorité administrative, les ofliciers et les agents de police, où contre la force
publique : — 1* par les ouvriers ou journaliers, dans les ateliers publics ou manu-
factures ; — 2<' par les individus admis dans les hospices; — Z^ par les prisonniers
prévenus, accusés ou condamnés. »
L'art. 220 détermine à l'égard de cette dernière classe de rebelles le mode
d'exécution des peines qu'ils auront encourues.
880. Les dispositions que je viens de parcourir ne s'occupent que du fait
môme de la rébellion et des violences qui la caractérisent. Mais il peut arriver
que, pendant le cours où k Toccasion de la rébellion, des crimes ou délits
autres que ces violences soient commis, et il est clair que ces crimes, par cela
seul qu'ils se trouvent communs aux actes de cette rébellion, ne sont pas cou-
Torts par l'impunité.
a Art. 216. Les auteurs des crimes et délits commis pendant le cours et à Toc-
casion d'une rébellion seront punis des peines prononcées contre ohaoun de ces
crimes, si elles sont plus fortes que celles de la rébellion. «>
Cette réserve était peut-être inutile, puisqu'elle ne fait que renvoyer à l'ap-
plication du droit commun. Il en résulte que chacun des délits ou crimes spé-
ciaux, commis en dehors des violences constitutives de la rébellion, conserve
la peine qui lui est propre, et que, si cette peine est plus forte que celle de la
rébellion, elle doit, aux termes de la règle générale portée par Tart. 365 du
Code d'instruction criminelle, être seule appliquée.
281. Vous ne devez pas confondre les réunions qui sont l'objet des articles
que nous venons d'examiner, avec les attroupements qui ont fait Tobjet de
plusieurs lois spéciales, notamment les lois des 21 octobre 1790, 27 juillet-3 août
1791, 10 avril 1831 et 7 juin 1848. Les réunions, dont s'est occupé le Code pé-
nal, ne sont punissables que lorsqu'elles résistent ^ec violences et voies de fait
aux officiers de l'autorité publique : les attroupements sont punissables par
cela seul qu'ils se sont formés et qu'ils existent. Dans le premier cas, ce sont
les violences qui constituent le délit; dans le second, c'est la persistance de
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Î94 DIX-NBUV. LEÇ. — DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (N« 283).
rattronpement, quelque inoffensif qu'il soit, après la sommation qui lui près*
crit de se dissoudre. L'attroupement sur la Yoie publique, lors même qu^il n'est
pas armé, trouble et menace la tranquillité publique. S'il est armé, c'est un
fait de guerre ; il ne menace pas seulement, il attaque, c'est la force brutale
qui se manifeste au grand jour et se met en hostilité flagrante ayec le pouvoir
social. Ce sont là, non plus des actes d'opposition iocale,mais des actes prépa-
ratoires d'un attentat politique, qui ont dû, dans les circonstances mêmes où
ils se sont produits, exciter la sollicitude du législateur et motiver des mesures
particulières. La loi du 7 juin 1848 punit de peines plus ou moins fortes l'at-
troupement sur la voie publique, suivant qu'il est armé ou non armé, suivant
qu'il s'est formé pendant la nuit ou pendant le jour, suivant qu'il s'est dissipé
après la premiète ou seulement la deuxième sommation, suivant enfin qu'il a
0 u n'a pas fait usage de ses armes.
OimUGBS ET VIOLEKQBS ENVERS LES DiPOSmiASS DE L'AUTORITi
ET DE LA FOEGE PUBUQUE.
282. Le Cîode pénal, après avoir incriminé la résistance violente à l'action
de l'autorité, prévoit les outrages et les violences qui s'attaquent non plus aux
actes de l'autorité, mais aux fonctionnaires eux-mêmes dans l'exercice de leurs
fonctions : c U ne sera question, porte l'exposé des motifs^ que des seuls outra-
ges qui compromettent la paix publique, c'est-à-dire de ceux dirigés contre
les fonctionnaires ou agents puUics, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exer-
cice de leurs fonctions : dans ce cas, ce n'est pas seulement un particulier,
c'est l'ordre public qui est blessé ; et dans un grand intérêt les peines peuvent
changer de classe et de nature, parce que le délit en a changé lui-même, et
que l'outrage, dirigé contre l'homme de la loi dans l'exerdce de ses foncitou»
ou de son ministère, quoique conçu dans les mêmes paroles ou accompagné
des mêmes gestes, est beaucoup plus grave que s'il était dirigé contre un sim-
ple citoyen.
283. La loi distingue les outrages et les violences. Les art. 222 à 227 punis-
sent les premiers.
L'art. 222, rectifié par la loi du 13 mai 1863, est ainsi conçu :
« Art. 222. Lorsqu'un ou plusieurs magistrats de Tordre administratif ou judi-^
ciaire, lorsqu*un ou plusieurs jurés, auront reçu dans Texercice de leurs fonctions
ou à Toccasion de cet exercice quelque outrage par paroles, par écrit ou dessin
non rendus publics tendant à inculper leur honneur ou leur délicatesse, celui qui
leur aura adressé cet outrage sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à
deux ans. »
Cet article appeUe quelques explications. En premier lieu, qu'est-ce qu'un
outrage par paroles? C'est, en général, toute parole injurieuse, tout terme de
mépris, toute invective. Mais ici la loi a caractérisé l'outrage qu'elle voulait
punir : ce qu'elle entendait protéger, c'est la considération et l'autorité morale
du magistrat. Elle incrimine donc spécialement l'outrage qui tend à inculper
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DBS OUTRAGES CONTAB LBS DËPOSITAIRSS DB LAUTOaiTÉ (ART. 222). 295
8oa honnear ou sa délicatesse : c'est là rinjnre particulière qui fiiit l'objet de
Tart 22Î; car cet article couvre surtout le magistrat dans l'exercice de sa
fonction ; les autres outrages ne sontpdnt compris dans cet article ; la loi les
a prÔTUs dans d'autres dispositions.
Que faut-il entendre, en second lieu, par les magistrats de Tordre adminis-
tratif ou judiciaire ? il faut ente ndre par magistrats de l'ordre judiciaire tous
les juges, et par conséquent les juges de paix et les juges de commerce, tous
les officiers du ministère public, et par conséquent les commissaires de police,
les maires et leurs adjoints, quand its remplissent les fonctions du ministère
public. U faut entendre par magistrats de l'ordre administratif tous les fonc-
tionnaires auxquels est déléguée une portion de l'autorité administrative: tels
sont les préfets, les sous-préfets, les maires.
Enfin, quand un outrage est-il commis dans l'exelrcice ou à l'occasion de
l'exercice des fonctions ? L'outrage est commis dans l'exercice des fonctions,
lorsque, au moment de sa perpétration, le fonctionnaire procédait à quelque
acte de ses fonctions, encore bien qu'il ne* fùii pas revêtu de son costume, qu'il
ne se trouvât pas dans le lieu où elles s'exercent habituellement, encore bien
qu'il fût incompétent pour statuer sur l'acte qui lui était déféré : il suffit qu'il
procédât en vertu du titre dont il est revêtu, en vertu deTautorité qu'il exerce.
L'outrage est commis k l'occasion de l'exercice des fonctions, lorsqu'il se rat-
tadie à un acte de la fonction, bien qu'au moment où il semanifeste^ le fonc-
tionnaire ne soit pas en exercice.
Ret-il nécessaire que l'outrage par paroles soit commis en présence du ma^
gistrat? Le Gode ne l'exigeait pas, même avant la loi nouvelle, et de làla juris-
prudence a induit que cette condition n'est pas indispensable à l'existence du
délit. Cependant il semble que Poutrage, par sa nature même, suppose la pré-
sence de la personne outragée; c'est parce qu'elle entend la parole injurieuse,
c'est parce qu'elle reçoit l'iniure^ que cette injure, qui devient en quelque sorte
une voie de fait, prend le caractère d'un outrage. N'était-ce pas d'ailleursres*
prit de la loi? L'art. 2Î2 ne veut^-il pas que Te magtstrat ait rêçu Ptmtrage^ Or,
qu'est-ce que recevoir un outrage, sinon être présent au moment où il a lieu ?
Et l'art. 228 ne continue-t-il pas le même système, la même idée, lorsqu'il
prévoit le terme extrême de l'outrage, celuioù il prend le caractère d'une vio-
lence matérielle?
Mais il n'est pas nécessaire qu'il soit public : la loi ne le suppose pas ; elle
protège le fonctionnaire dans sa fonction ; sa dignité personnelle serait aussi
bien compromise par un outrage non public que par un outrage p ublic. Le
législateur a môme édicté des dispositions pénales, relativement à l'outrage
commis publiquement à raison ou à l'occasion de l'exercice des fondions : l'ar-
ticle 16 de la loi du 17 mai 1819, et l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822, ont
remplacé et étendu dans ce cas spécial la disposition de l'art. 222.
Arrivons maintenant aux modifications introduites par la loi du 13 mai 1863.
La première qui consiste à étendre l'article aux outrages adressés aux jurés n'a
pas d'importance. Mais la Beconde qui a eu pour objet de l'étendre aux outra-
ges par écrit ou dessin non publics, doit fixer votre attention. La cour de cas-
sation avait jugé par deux arrêts des il février 1839 et 8 mai 1856 : < que
l'art. 222 ne comprend pas les outrages ou injures contenus dans une lettr
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296 DIX-NBUV. LEÇ. — DBS CRIICES ET DÉLITS, ETG, (n* 284).
adressée à un fonctionnaire, et dont il a seul connaissance; qu*en effet, le mot
parole doit être pris dans son sens propre, et dans son acception vulgaire, et
qu'il ne doit dès lors être appliqué qu'aux mots articulés ou prononcés de vive
voix; que les tribunaux ne peuvent étendre les dispositions pénales des lois,
des cas qu'elles expriment à d'autres qu'elles n'expriment pas, et qu'il n'ap-
partient qu'au législateur d'ajouter à ces dispositions, ou d'en combler les lacu-
nes. > Telle est la lacune que la loi a voulu faire disparaître. Une première
rédaction du projet portait : < Si Poutrage a été commis par écrit ou dessin non
rendu public, adressé directement ou indirectement à la personne qui en est
l'objet, la peine.. . > Le rapporteur expliquait cette rédaction en ces termes :
€ Nous avons cru devoir nous servir d'un terme très-précis : adressé au magis-
trat. Il faut que l'écrit injurieux ou le dessin arrive sous ses yeux. Ce n'est
pas tout. Il n'y a pas culpabilité quand il est adressé au magistat par un tiers,
sans la volonté de son auteur. 8i c est une confidence écrite sur la table d'un
honnête et généreux écrivain, il n'y a pas le plus petit délit. Il est évident que
l'outrage doit contenir ces deux circonstances : il est adressé et de plus il l'est
avec la volonté de blesser. > Cette explication ne parut pas écarter tous les
dangers que les termes vagues du texte pouvaient contenir. < Qu'entendez-
vous, objectait-on, par ces mots adressé directement au indirectement ? qu'ùrri-
vera-t-il lorsque la lettre renfermant l'outrage aura été adressée à un tiers et
transmise par ce dernier au magistrat qui se sentira outragé ? Le tiers aura-t-il
agi spontanément et méchamment? n'aura-t-il été que l'intermédiaire d'une
volonté mal définie? que de difficultés pourront se présenter ! ne craignez-
vous pas d'ouvrir la porte à bien des haines et des vengeances ? La nécessité
de cette nouvelle disposition est-elle assez hautement proclamée par les faits,
pour qu'elle doive être introduite dans la loi pénale ? » L'article fut renvoyé à
la commission qui rapporta le texte qui a été cité plus haut, lequel est devenu
définitif. Il fut entendu que les mots écrit non rendu public sont limités a ce qui
est une lettre missive ou l'équivalent d'une lettre missive et que jamais, quand
l'écrit n'aurait pas été adrefl«6 directement et volontairement au magistrat, la
loi pénale ne peut Tatteindre. Ainsi la loi est restreinte au seul cas où l'auteur
a voulu adresser ou faire adresser l'écrit au fonctionnaire. Il ne peutinvoquer,
comme excuse, ni le défaut de publicité, ni les moyens détournés qu'il aura
employés pour faire parvenir l'injure à celui qui en est l'objet. Mais ce n'est
pas assez, pour l'applicalion de la peine, de prouver qu'il est l'auteur de l'écrit
il faut établir que, par une espèce de voie de fait, qui remplace la parole, ilTa,
d'une manière quelconque, adressée à la personne outragée.
284. Le 2* § de l'art. 222 prévoit une circonstance aggravante :
« Si l'outrage a eu lieu à l'audience d'une cour ou d'un tribunal, l'emprisonne-
ment sera de deux à cinq ans. »
Vous devrez rapprocher cette disposition des art. 11 et 91 du Cîode de procé-
dure civile et des art. 504 et suiv. du Code d'instruction criminelle. L'art. 11
du Code de procédure civile porte : t Dans le cas d'insulte ou irrévérence grave
envers le juge (de paix), il en dressera procès-verbal et pourra condamner à
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DBS 00TRA6B8 GONTRB LBS DÉP08ITAIIIB8 DB L AUTORITÉ (aRT. !t2S). 297
ua emprisonnement de trois jonrs au plus. > Il s'agit ici d'insultes on d'irrévé-
rences moins graves que l'outrage, car si le fait constitue un outrage, le juge
doit se borner à dresser son procès-verbal et renvoyer devant qui de droit.
L'article 91 applique la même disposition aux tribunaux civils : c Ceux qui
wtrageraient ou menaceraient les juges ou les officiers de justice dans l'exercice
de leurs fonctions, seront.. . condamnés à une détention qui ne pourra excéder
six mois et à une amende qui ne pourra être moindre de 25 fr. ni excéder
300 fr. > Il s'agit ici encore d'outrages d'une nature moins intense et moins
caractérisée que ceux qui font l'objet de l'art. 222 : au-dessous des outrages
qui touchent à la personne, qui inculpent l'honneur et la délicatesse du magis-
trat, il y a tous ceux qui ne portent atteinte qu*à la majesté de l'audience et à
Thonueur de la magistrature en général. Le 2* § de l'art. 222 doit donc être
réservé aux outrages tels qu'ils sont caractérisés par ces articles etqui emprun-
tent une aggravation à la publicité de l'audience et au corps entier auquel ils
s'adressent. Quant aux art. 504 et suiv., nous aurons à examiner plas tard si,
en dehors des cas où ils se bornent à régler la compétence des tribunaux et
les formes de leur procédure, ils n'ont pas eux-mêmes modifié les art. 11 et
92 du Gode de procédure civile, en ce qui touche les troubles commis aux
audiences.
285. Après l'outrage par paroles vient l'outrage par gestes ou menaces.
a Art. 223. L'outrage fait par gestes ou menaces à un magistrat ou à un juré
dans rexercice ou à roccasion de Texercice de ses fonctions sera puni d'un mois
à six mois d'emprisonnement; et si l'outrage a eu lieu à l'audience d'une cour ou
d'un tribunal, il sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans. »
Le délit est descendu ici dans Téchelle de la criminalité : les paroles outra-
geantes, qui ont ordinairement un sens plus précis et mieux déterminé que de
simples gestes ou menaces, ont paru mériter un châtiment plus sévère. Il
serait difficile, d'ailleurs, de définir l'outrage par gestes ou menaces : c'est aux
juges du fait qu'il appartient d'apprécier les actes qui ont ce caractère. Il ne
fout pas toutefois isoler l'art. 223 de l'article qui le précède : ce sont deux
outrages de la même nature qui se produisent seulement d'une manière diffé-
rente, là plus nettement et avec plus de précision, ici, plus confusément et avec
une moindre audace.
286. Les art. 224 et 225, rectifiés par la loi du 13 mai 1863, sont ainsi
conçus :
a Art. 2*24. L'outrage fait par paroles, gestes ou menaces à tout ofûcier minis-
tériel ou agent dépositaire de la force publique, et à tout citoyen chargé d'un
ministère de service public dans l'exercice ou & l'occasion de l'exercice de ses
fonctions, sera puni d'un emprisonnement de six jours à un mois et d'une amende
de 16 à 200 fr. ou de l'une de ces deux peines seulement. »
« Art. 225. L'outrage mentionné en l'article précédent, lorsqu'il aura été dirigé
contre un commandant de la force publique, sera puni d'un emprisonnement de
quinze jours à trois mois et pourra l'être aussi d'une amende de l6 à 500 ft. »
L'art. 224 ne soulève qu'une question : que faut-il eniendre par un cit^uen
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298 DIX-NSt)Y. LBÇ. — DES GRIBCB6 ET DÉLITS, ETC. (n* 287).
chargé d'un ministère dêserviee public f Cette expression, que la loi du 13 mai
4863 a transportée de Part. 230 dans cet article, pour l'étendre à des agents
qui n'y étaient pas compris, n'est définienullepart. i Les tribunaax, dit l'exposé
des motifs, hésitent à comprendre soos la dénomination d*a^«n(9 diposiiairitde
la force publiqueles saryeiliants des halles et marchés, les greffiers des maisons
centrales, les agents des contribations indirectes et d'autres encore* Il en résnlte
qne les outrages commis contre ces agents restentimpunis. Pourprévenir toute
hésitation sur ce point, on emprunte à l'art. 230 une désignation dont les ter-
mes génériques paraissent devoir assurer la répression dans tous les cas. > A
défaut d*une définition précise, on peut trouver dans les exemples cité»
rexplication de la pensée de la loi.
L'art. 225 fait naître une question analogue : qu'est-ce qu'un commandant
de la force publique ? Nous lisons dans l'art. 234 : i tout commandant, tont
officier ou sous*officier de la force publique... » D'où Ton peut induire qu'un
souS'oflieUr n'est pas un commandant. Cependant la question s'est présentée
de savoir si un brigadier de gendarmerie accompagné d'un gendarme était un
commandant dans le sens de l'art. 225, et Taffirmative a été décidée. Il eûtété
peut-être plus conforme aux textes d'appliquer à cette espèce l'article précé-
dent.
287. J'appelle ici votre attention sur une pénalité spéciale au genre de délit
qui nous occupe et que la loi a cru devoir prononcer accessoirement aux peine»
que je viens de mentionner.
«i Art. 226. Dans le cas des art. 222, 223 et 325, l'offenseur pourra être, utre
remprisonnement, condamné à fliire réparation, soit à la première audience, soit
par écrit; et le temps de remprisonnement prononcé contre lui ne sera compté
qu'à dater du jour où la réparation aura lieu. »
Cette disposition, il n'est pas besoin de vous le dire, a été emprantée à notre
ancien Droit. • La réparation honorable, dit Jousse en commentant l'ordon*
nance de 1670, est la satisfaction qu'un accusé, qui a offensé quelqu'un, est
obligé de faire à celui qu'il a offensé. Quand l'injure est légère, cette réparation
se fait par un acte que l'on met au greffe, par lequel on déclare que l'on tient
celui qu'on a injurié pour une personne d'honneur. Si l'injure est grave, celui
qui l'a proférée est condamné à faire cette déclaration en présence de deux ou
plusieurs personnes au choix de l'offensé, à lui demander pardon et à passer
un acte de cette déclaration devant la justice et à ses dépens. < Il ne fsut pas
confondre cette sorte de satisfaction avec l'amende honorable : l'amende hono-
rable était une peine infamante, la réparation d'honneur n'avait point ce carao»
tère ; la première était environnée d'un grand appareil et était faite publique-
ment au roi et à la justice; l'autre n'avait lieu que devant des personnes choi-
sies et n'était faite qu'aux parties offensées. Peut-être n'était-il pas indispen-
sable de conserver cette mesure, débris d'une législation tombée, qui n*est plus
en harmonie avec notre système pénal et qui paraît plus propre à perpétuer le»
inimitiés qu'à les apaiser. On en a fait, du reste, une assez rare application ;
ce qui indique qu'elle n'est point dans nos mœurs.
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DBS OUTRAGES GONTRB LB8 DÉPOSITAIRES DE L AUTORITÉ (aRT. 228). 299
888. L'outrage peut s'élever josqu^aux voies de fait :
a Art. 228. Tout individu qui, môme sans armes, et sans qu'il en soit résulté
de blessures, aura frappé un magistrat dans rezercice de ses fonctions, ou à l'oc-
casion de cet exercice, ou commis toute autre violence ou voie de fait envers lui
dans les mêmes circonstances, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq
ans. Le maximum de cette peine sera toujours prononcée si la voie de fait a eu
lieu à l'audience d'une cour ou d'un tribunal. Le coupable pourra en outre dans
les deux cas être privé des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Gode pendant
cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine,
et être placé sous la surveillance de la baute police pendant le même nombre
d'années. »
La loi du 13 mai 1863 a introduit dans [cet article une double modification :
elle a substitué à la dégradation civique, peine infamante, qui donnait au fait
le caractère d'un crime, des peines correctionnelles qui le transforment en un
simple délit; elle a ensuite ajouté ces mots c ou commis toute autre violence
ou voie de fait dans les mêmes circonstances. » La première de ces modifica-
tions a eu pour effet d'attribuer le fait à la juridiction correctionnelle. « Quand
le coupable, dit l'exposé des motifs, comparaît devant la cour d'assises, après
une instruction et une détention préventive plus ou moins longue, les faits
semblent avoir perdu de leur importance, Timpression première s'est effacée,
et le jury incline à une indulgence qu'il n'aur ait pas eue si le jugement avait
suivi l'offense de plus près. La considération dominante est qu'un tribunal est
le juge naturel du flagrant délit commis à son audience. > La seconde modifia
cation a été motivée dans les termes suivants: t entre les menaces et les coups,
il est des voies de fait ou des violences qui ne rentrent précisément dans aucune
des expressions employées par la loi et qu'on ne voudrait pas laisser impunies»
Trf e«# le fait de cracber à la figure d'un fonctionnaire, de décbirer sa robe,
d'arracber ses insi^neff, de îe saisir au corps, de le secouer avec violence et
même de le renverser. >
Une peine accessoire a été spécialement édictée relativement au fait prévu
par l'art. 228 : c'est une interdiction locale et temporaire de résider, après l'exé-
cution de la peine, au lieu où siège le magistrat offensé. « Si le condamné,
porte l'art. 229, enfreint cet ordre, il sera puni du bannissement. » Cette me-
sure, qui ne s'applique qu'au condamné pour des coups portés à des magistrats,
est fondée sur la dignité des personnes que le délit a atteintes : il a paruqu'il
était contraire aux convenances et à l'autorité de la magistrature de remettra
promptement en présence l'auteur d'un si grave outrage et le magistrat qui l'a
subi.
289. Les violences et voies de fait de respècê exprimée en Vari, 228, ce sont
les termes de l'art . 230, sont punies d'une peine moins grave quand, au lieu
de s'adresser à un magistrat, elles sont dirigées contre un officier ministériel,
un agent de la force publique ou un citoyen ohargé d'un ministère de service
public. Le délit est le même dans cet article et dans l'art. 228: la qualité des
personnes offensées est la seule cause qui mette une distance entre les deux
pénalités.
Ce délit, au contraire, prend un caractère plus grave et peuvent revêtir .la.
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300 DIZ-NBUV. LBÇ. — DBS GRIMB8 BT DÉLITS, BTG. (n® 289).
qualification de crime, lorsque viennent 8*y joindre les circonstances aggra-
vantes qui suivent :
1« Si la voie de fait a eu lieu à l'audience d'une cour ou d*un tribunal; la peine
est, aux termes du § 2 de Part. 228, le maximum de la peine d'emprisonne-
ment. Vous avez vu les motifs de cette aggravation en étudiant Tart. 222 : c'est
la môme hypothèse; le caractère de Toutrage a seul changé.
2<» Si les violences exercées, soit contre les magistrats désignés par l'art. 228,
soit contre les officiers désignés par Tart. 230, ont été la cause d' effusion de sang,
blessure ou maladie. Cette aggravation, portée par l'art. 231, est uniquement
fondée sur le résultat des violences ; la loi suppose avec rjeiison que la crimi-
nalité est plus intense quand le fait a eu des conséquences plus graves : la peine
est la réclusion.
3^ Si les violences ont causé la mort dans les quarante jours. La peine s'élève
encore, suivant les termes de l'art. 231, à mesure que le résultat des violences
est plus déplorable : elle est, dans ce dernier cas, des travaux forcés à perpé-
tuité. Il faut toutefois qu'il soit bien constant que la mort a été la suite des
violences exercées, car la responsabilité de cet événement ne doit porter sur
Tauteur des violences qu'autant qu'il en a été la conséquence nécessaire.
4® Si les violences ont été faites avec préméditation ou de guet-apens. Ici la
loi fait une distinction qui est, du reste, sous un rapport, incomplète. La
préméditation est une circonstance aggravante des coups portés, soit à un
magistrat, soit à un officier public, lors même que ces coups n'ont causé ni
effusion de sang, ni maladie, ni blessures ; elle revêt, en effet, une crimina-
lité plus grande; la peine s'aggrave avec raison : l'art. 232 prononce la réclu-
sion. Mais si les coups portés avec préméditation ont causé une effusion de
sang, une maladie ou des blessures, la peine de la réclusion s'aggrave-t-elle ?
Nullement, et l'on peut apercevoir ici une omission dans l'échelle de la crimi-
nalité ; car né faut-il pas combiner ensemble, pour établir le véritable rap-
port du délit et de la peine, la gravité del'intention et la gravité du fait ma-
tériel?
5^ Si les coups ont été portés ou les blessures faites soit à un magistrat,
soit à un autre officier, avec Vinteniion de donner la mort. Dans cette dernière
hypothèse, l'art 233 n'hésite pas, quel qu'ait été le résultat des coups ou des
blessures, à déclarer que le coupable sera puni de mort. Cette incrimination,
que la loi du 28 avril a modifiée, confond encore, malgré cette modification,
des faits distincts auxquels l'uniforme application de la peine de mort paraît
bien rigoureuse. Des coups portés, môme avec le dessein de tuer, s'ils ont été
portés sans préméditation ni guet-apens, dans un premier mouvement, et
s'ils n'étaient pas de nature à causer la mort, peuvent-ils donc ôtre assimilés
à l'assassinat, par cela seul qu'ils sont dirigés contre un officier public ? Est-il
possible d'incriminer l'intentionalité, indépendamment du fait matériel? N'est-
ce pas la gravité intrinsèque de ce fait et la nature de ses résultats probables
qui sont la meilleure base de l'intention de l'agent ? Comment admettre que
de simples coups, qui ne pouvaient causer qu'une effusion de sang, une bles-
sure, et ne l'ont pas môme causée, deviendraient Télément de la peine capi-
tale, par cela seul que l'agent, dans son impuissante attaque, avait dessein de
tuer? Comment admettte que le dessein de tuer, isolé de la préméditation qui
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DU REFUS d'un SBRYICE DU LÉGALSMBNT (ART. 234). 301
seule lai donne le dernier degré de la criminalité, paisse seule, et en dehors à
peu près de tout acte matériel important, motiver Tapplication de la peine sa-
préme qui devrait être réservée au plus grave de tous les crimes, au meurtre
prémédité?
Ne perdez pas de vue, dans tous les cas, que, dans les dispositions que nous
venons de parcourir, la qualité de la personne outragée ou frappée est l'un des
éléments essentiels de Tincrimination : c*est parce que cette personne est ma-
gistrat de Tordre judiciaire ou administratif, c'est parce qu'elle est, soit un
officier ministériel, soitun agent de la force publique, que la peine s'élève au-
dessus du degré où elle serait restée, si la victime n'eût été qu'un simple par-
ticulier ; l'aggravation spéciale de la pénalité, qui fait l'objet de cet article, est
uniquement fondée sur cette qualité. De Là, il faut conclure que Tapplication
de cette pénalité n'est régulière qu'autant qu'il est constaté par les juges
du fait que les coups ont été portés ou les blessures faites à tel ou tel offi-
cier, et qu'ils ont été portés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des
fonctions.
RBFUS d'un service DU LÊOilLBllENT.
290. Le Gode pénal, dont la classification peut donner lieu à de justes criti :
ques, n'a placé sous cette rubrique que deux cas de désobéissance : le refus du
commandant qui, légalement requis, refuse d'agir, et le refus des jurés et té-
moins qui, régulièrement cités, allèguent de fausses excuses.
a Art. 234. Tout commandant, tout officier ou sous-officier de la force publique,
qui, après eu avoir été légalement requis par Tautorité civile, aura refusé de faire
agir la force à ses ordres, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à trois mois^
Mu>0 pr^ttdice des réparations civiles qui pourraient être dues aux termes de
l'art. 10 du présent Cod^, n
Les autorités civiles qui ont le droit de requérir l'action de la force publique
sont les préfets et les sous-préfets, les maires et leurs adjoints. Le môme droit
est accordé aux membres de l'ordre judiciaire pour l'exécution des ordon-
nances de la justice, et aux officiers de police judiciaire pour l'exécution des
actes dont ils sont chargés. Les préposés des douanes et des contributions di-
rectes et indirectes, les agents forestiers, les huissiers et autres exécuteurs des
mandements de justice peuvent aussi demander main-forte aux dépositaires de
la force publique, pour assurer l'exécution de leur service. Une réquisition,
pour être régulière, doit émaner d'un fonctionnaire compétent et être faite par
écrit et signée, en énonçant la cause qui la fonde. Toutefois, lors môme qu'elle
est régulière, le commandant peut se dispenser d'agir, s'il est retenu par les
ordres de son supérieur hiérarchique. C'est là, du moins, une excuse légale
qu'il appartient aux Juges d'apprécier.
891 . Le second refus prévu par la loi est celui des témoins et des jurés.
Le témoignage est un devoir à la fois moral et civique. Tout hommea l'obli-
gation de déclarer à la justice tout ce qu'il a vu et entendu sur les faits qu'elle
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302 DIX-NSUV. LBÇ. — DBS GRIMES BT DÉLITS, ETC. (n® 292.)
poursuit; car ce qu'il a vu et entendu est un élément nécessaire des jugements
qu'elle va rendre. Son refus de comparaître ou de déposer, qui aurait pour
résultat de priver le juge des éléments qui lui sont indispensables pour juger,
est donc une infraction dont il doit compte à la justice. L'art. 80 du Gode
d'instruction criminelle porte en conséquence : c Toute personne citée pour
être entendue en témoignage sera tenue de comparaître et de satisfaire à la
citation. » Et la sanction de cette obligation est, outre la contrainte par corps,
une amende de 100 francs. Les ait. 157 et 355 du même Gode appliquent
cette amende aux divers cas où le témoin cité ne comparait pas ou refuse de
déposer.
Les jurés, comme les témoins, sont passibles d'une amende lorsqu'ils n'obéis-
sent pas à la citation qui leur a été donnée pour TaccompUssement de leurs
fonctions. L'art. 396 du Gode d'instruction criminelle^ modifié par Tart. 19 de
la loi du 4 juin 1853, prononce contre cette infraction une amende qui est de
200 à 500 fr. pour la première fois ; de 1,000 fr. pour la seconde, et de 1,500 fr.
pour la troisième.
Ges notions préliminaires sont nécessaires pour comprendre le sens de l'art.
236, ainsi conçu :
c( Art. 236. Les témoins et jurés qui auront allégué une excuse reconnue fausse
seront condamnés, outre les amendes prononcées pour la non-comparution, à un
emprisonnement de six jours à deux mois. »
«
Une s'agit plus d'ua simple acte de négligence ou de désobéissance, il s'agit
d'un acte frauduleux, d'un délit moral : l'allégation d'une excuse fausse pour
s'exempter d'un devoir ou d'un service. Les peines, au reste, se cumulent
comme les injonctions; c'est une exception au principe de la non-cumulation
des peines formulé par l'art. 365 du Gode d'instruction criminelle.
ÉVASION DE DÉTENUS, RBGÉLBMENT DE CRDilNELS.
292. La fuite, l'évasion des détenus, abstraction faite de toute circonstance
aggravante, ne constitue aucun délit, c En effet, dit un ancien jurisconsulte, il
est rationnel à une personne qu'on veut arrêter ou qui l'est déjà de chercher
à se sauver des mains de la justice, pour éviter la peine qu'elle mérite, et, à
plus forte raison, si elle est innocente. • L'exposé des motifs du Gode pénal
porte également : c Le désir de la liberté est si naturel à l'homme, que l'on ne
saurait prononcer que celui-là devient coupable qui, trouvant la porte de sa
prison ouverte, en franchit le seuil. • La loi ne punit, de la part des détenus,
que le bris de prison et la violence :
tt Art. 245. A l'égard des détenus qui se seront évadés ou qui auront tenté de
s'évader par bris de prison ou par violences, ils seront, pour ce seul fait, punis de
six mois à un an d'emprisonnement, et subiront cette peine immédiatement après
l'expiration de celle qu'ils auront encourue pour le crime ou délit à raison duquel
ils étaient détenus, ou immédiatement après Tarrôt ou jugement qui les fura
acquittés ou renvoyés absous dudit crime ou délit; le tout sans préjudice de plus
fortes peines qu'ils auraient pu encourir pour d'autres crimes qu'ils auraient com-
mis dans leurs violences. »
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DE l'évasion DBS DÉTENUS (aBT. 245). 303
Disons, d'abord, qae Texpression détenus comprend les prévenus et les accu-
sés aussi bien que les condamnés ; mais elle ne comprendrait pas les détmut
pour dettes civiles, si la contrainte pesait sur eux, car leur fuite ne cause aucun
préjudice à l'ordre social ; elle ne comprend pas non plus les personnes déte-
nues en vertu d'ordonnances d'extradition et justiciables des tribunaux étran-
gers ; car il faut que la détention soit motivée par une prévention ou par une
condamnation. Gela posé, pour qu'il y ait délit, il faut qu'il y ait eu évasion ou
tentative d'évasion, et que cet acte ait été exécuté par bris de prison ou par
violences. C'est cette circonstance de violences qui constitue véritablement le
délit. Qu'est-ce qu'il faut entendre par ces expressions de la loi ? Il est clair
que le bris de prison est l'effraction des clôtures de la prison et que les violen-
ces sont celles qui sont exercées sur la personne des préposés à la garde des
détenus. Le prisonnier qui saute par une fenêtre ou par-dessus un mur, celui
qui s'évade par ruse et par supercherie, par exemple, à l'aide d'un faux costume
ou d'une allégation mensongère, ne commet aucun délit.
293. La peine s'aggrave et les conditions d'incrimination* ne sont plus les
mêmes en ce qui concerne les condamnés détenus dans les bagnes. Aux termes
de l'art. 16, titre IH, de la loi des 20 septembre- i 2 octobre 1791, maintenue en
vigueur par l'ordonnance du 2 janvier 1817, « tout forçat qui s'évadera sera
puni, pour chaque évasion, par trois années de travaux forcés lorsqu'il ne sera
condamné qu'à temps et par l'application à la double chaîne pendant le môme
espace de temps, s'il est condamné à perpétuité, i L'art. 10 du décret du
27 mars 1852, relatif aux condamnés aux travaux forcés transférés à la Guyane,
prononce deux à cinq ans de travaux forcés ou de double chaîne.
894. Le délit d'évasion présente deux exceptions au droit commun : 1° il
forme one exception au principe de la cumulation des peines, puisque l'art. 245
exprime à cet égard nne réserve expresse pour la peine encourue ; 2^ il ne
comporte point l'application des peines de la récidive, puisqu'il suppose un
délit préexistant et par conséquent l'existence d'un état de récidive, qui dès
lors ne peut être considéré comme un élément d'aggravation.
295. C'est aux fauteurs et complices de l'évasion que s'adressent surtout les
dispositions de la loi : < Les officiers chargés de la conduite ou de la garde
d'un détenu, dit le rapporteur du Corps législatif, qui auraient facilité, par leur
négligence ou leur connivence, son évasion, sont bien plus coupables que lui,
ils doivent être punis d'après les circonstances, et c'est ce que le projet déter-
mine. Il prévoit toutes les manières dont une évasion peut s'opérer et les fait
concorder, pour l'application de la peine, avec le genre de prévention qui
pesait sur le détenu. Il frappe aussi, et d'une manière différente, le particulier
qui, n'étant pas chargé de la garde ou de la conduite des détenus, aurait pro-
curé ou facilité leur évasion. Ceux qui corrompent les gardes ou les gardiens
des détenus seront punis de la même peine qu'eux. Enfin, ceux qui auront
favorisé l'évasion d'un détenu seront solidairement condamnés à tous les dom-
mages que la partie civile aurait eu droit de demander contre lui. i II suit de
là que le délit prend une gravité différente, suivant qu'il est commis par les
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304 DIX-NBUV. LEÇ. — DBS CRIMES ET DÉLITS, ETC. (n* 296).
préposés à la garde du détenu ou par tontes antres personnes étrangères à cette
garde. Remarquez, toutefois, que, dans Tun et l'autre cas, il suffit de l'évasion
simple pour constituer le délit; il n' est pas nécessaire qu'elle ait eu lieu par
violences ou par bris de prison : ce n'est plus en effet l'acte du détenu que la
loi punit, c'est la connivence ou la négligence qui a amené Tévasion; or, cette
connivence ou cette négligence est indépendante des circonstances concomi-
tantes de l'acte , il suffit qu'elle ait favorisé l'évasion, qu'elle Tait produite.
« Art. 237. Toutes les fois qu'une évasion de détenus aura lieu, les huissiers,
les commandants en chef ou en sous-ordre, soit de la gendarmerie, soit de la force
armée servant d'escorte ou garnissant les portes, les concierges, gardiens, geôliers
et tous autres préposés à la conduite, au transport ou à la garde des détenus»
seront punis ainsi qu'il suit. »
Les dispositions qui vont suivre établissent deux premières distinctions dans
la criminalité des agents de la force publique ou des préposés.
« Art. 238. Si Tévadé est prévenu de délits de police, ou de crimes simplement
infamants, ou condamné pour l'un de ces crimes s'il était prisonnier de guerre,
les préposés à sa garde ou conduite seront punis, en cas de négligence, d'un em-
prisonnement de six jours & deux mois, et, en cas de connivence, d'un em-
prisonnement de six mois à deux ans. »
a Art. 239. Si les détenus évadés, ou l'un d'eux, étaient prévenus ou accusés
d'un crime de nature \ entraîner une peine afllictive à temps, ou condamnés pour
l'un de ces crimes, la peine sera, contre les préposés à la garde ou conduite, en
cas de négligence, un emprisonnement de deux mois à six mois ; en cas de conni-
vence, à la réclusion. »
a Art. 240. Si les évadés ou l'un d'eux sont prévenus ou accusés de crimes de
nature à entraîner la peine de mort ou des peines perpétuelles, ou s'ils sont con-
damnés à Tune de ces peines, leurs conducteurs ou gardiens seront punis d'un
emprisonnement d'un à deux ans, en cas de né^igoooo, ot dos travaux forcés à
temps, en cas de connivence. »
La première distinction que ces articles établissent entre la négligence et la
connivence des préposés est fondée sur la nature des choses : la négligence
n'est qu'une simple infraction matérielle, la connivence est la violation volon-
taire et préméditée du devoir de la fonction. La seconde distinction, qui fait
dériver la gravité de la peine de la gravité de la prévention qui pèse sur le
détenu évadé, est peut-être plus difficile à justifier ; car qu'importe que cette
prévention soit plus ou moins grave ? Le devoir dôs gardiens et des préposés
change-t-il selon que le détenu est prévenu d'une peine correctionnelle, d'une
peine afflictive temporaire ou d'une peine afflictive perpétuelle ? La négligence
ou la connivence n'a-t-elle pas en elle-même le môme caractère ? Ce qui
explique, sans la motiver entièrement, cette échelle d'aggravation, c'est que le
préjudice, le péril social s'accroît à mesure que la prévention a pour objet
un attentat plus considérable, car l'évasion doit causer une alarme plus
grande quand le malfaiteur apporte à l'ordre public une menace plus immi-
nente.
296. Les dispositionB qni précèdent ne punissent que les préposés et les
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DB L'ÉVASION DB6 HâTENDS (ART. Zi%). 90S
gardiens. Mais les distinctions qu'elles contiennent s'appliquent également
aux autres personnes : chacun des trois art. 238, 239 et 240 étend, dans un
deuj(iôme paragraphe, la règle qu'il pose à c ceux qui, n'étant pas chargés de
la garde ou de la conduite des détenus^ auront procuré ou facilité leur é^a*
sion. » La peine est de six jours à trois mois d'emprisonnement dans le cas de
Tart. 238, de deux mois à six dans le cas 4e Tart, 239« et d'un an à cinq ans
daus le cas de Tart. 240. Ainsi, la même gradation subsiste : il n'y a de
changé que le taux de la peine ; et ce taux ne devait pas, en efltet, être le
môme ; car le simple citoyen qui fayorise Tévasion d'un détenu vioie sans
doute la loi et met Tordre en péril, mais il ne viole pas du moins une mission
spéciale, une fonction qui lui impose des obligations particulières; il viole son
devoir général de citoyen, mais le gardien viole en outre le devoir spécial atta-
ché 4 sa fonction.
297. Les art. 241 et 243 prévoient, au cas d'évasion avec bris ou violencjQA»
la complicité de ceux qui ont fourni les instruments ou les armes. Uue ao%
malie, qui doit être remarquée entre ces deux articles, résulte de ce que, 4(Uis
le premier, les gardiens et les simples citoyens sont placés sur la même lippue
et frappés des mômes peines, tandis que, dans le second, la peine est diffé-
rente : elle est pour les gardiens et conducteurs celle des travaux forcés à per-
pétuité, et, pour les autres personnes, celle des travaux forcés à temps. Il est
difficile de se rendre compte de cette exception à la règle générale posée dans
tous les autres articles de cette loi. Une anomalie résulte encore de ce que la
transmission d'instruments, tels qu'un ciseau, une lime, propres, à opérer
le bris de la prison, est punie, aux termes de l'art. 241, de 5 ans d'emprisonne-
ment dans l'espèce de l'art. 240, tandis que, dans la môme espèce, la fourni-
ture d'échelles, de cordes ou de tous autres instruments qui n'opèrent aucun
bris, est puni d'une peine supérieure, suivant les . termes de l'art. 240, celle
des travaux forcés à temps.
298. Je ne m'arrêterai ni à l'art. 242, qui punit deux délits distincts, la
corruption exercée sur les gardiens de la connivence avec les gardiens, ni à
l'art. 244, qui fait peser sur tous ceux qui auront connivé à Tévasion d'un
détenu les dommages-intérêts de la partie civile. Le premier de ces articles
ne hit qu'appliquer à ce fait particulier de corruption la règle générale de
responsabilité que nous avons déjà vue dans l'art. 179. Le second n'est égale-
ment qu'une application du principe posé par l'art: 1382 du Gode civil qui
oblige quiconque cause par son fait un dommage à autrui à le réparer.
299. Mais l'art. 247 mérite votre attention : cet article, puisé dan^ l'art. 1
de la loi du 4 vendémiaire an IV, fait cesser la peine, en cas de négligence
seulement, lorsque le dommage a cessé, lorsque le détenu évadé est repris :
a Art. 247. Les peines d'emprisonnement ci-dessus établies contre les conduc-
teurs ou les gardiens, en cas de négligence seulement, cesseront lorsque les évadés
seront repris ou représentés, pourvu que ce soit dans les quatre mois de l'évasion,
et qu'ils ne soient pas arrêtés pour d'autres crimes ou délits commis postérieu-
rement. »
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(Jfcogle
306 DIX-NBUT. LB$. — DBS CRIMES BT DÉLITS, KTC. (ART. 248) N* 300.
Cette disposition est restreinte au cas de négligence ; car, lorsque le dom*
mage que cette négligence a causé est reparé, pourquoi continuer de la punir T
U est même étrange que son effet ait été limité à quatre mois : si la réprésen-
tation a lieu le cinquième ou le sixième mois, la même règle d*équité n'exige-
fc-elle pas que la peine prenne fin aussitôt que Tévadé est remis entre les
mains de la justice ? Quant à la connivence qui admet, à côté du dommage
matériel, un élément intentionnel, la décision doit être différente, car le délit
doit être puni lors môme que le préjudice matériel est réparé. La loi veut ton-
-tefds que les évadés aient été repris à cause de Tévasion ou se soient volon-
taiiement représentés : s*ils ont été arrêtés pour crimes on délits, commis pos»
térieurement, les conducteurs et gardiens ne sont pas déchargés des peines
qu'ils ont encourues ; ils sont en quelque sorte responsables de ces crimes et
délits, puisqu'ils ont fourni l'occasion de les commettre, par la négligence qui
a facilité Tévasion. Que faut-il décider si, d'une part, le détenu n'est repris qu'à
raison de son évasion, et si, d'une autre part, on découvre après son arresta*
tion qu'il a commis des crimes et des délits depuis son évasion ? Il est clair
que le gardien devra jouir, dans ce cas, du bénéfice de la loi ; l'art. 247, en
effet, est précis, et, en matière pénale, il n'est pas permis d'étendre les dispo-
sitions de la loi d'un cas à un autre et de substituer à sa lettre une interpréta-
tion arbitraire, sousprétexte que cette interprétation assurerait à la disposition
pénale une plus grande efficacité. U suffit que l'évadé soit arrêté à raison de
son évasion, il suffit que les crimes et délits commis depuis n'aient pas été
la cause occasionnelle de son arrestation, pour que l'art. 247 soit applicable.
Cet article n*a point voulu rendre les conducteurs et gardiens responsables des
Suites de leur négligence, en faisant peser sur eux tous les faits qu'elle aurait
indirectement facilités, elle a voulu uniquement les intéressera la reprise dos
prisonniers évadés.
300. L'art. 248 prévoit un dernier délit; c'est le fait de recel des prisonniers
évadés : ,
« Art. 248. Ceux qui auront recelé ou fait receler des personnes qu'ils savaien
avoir commis des crimes emportant peine afflictive seront punis de trois moi
d'emprisonnement au moins, et de deux ans au plus. — Sont exceptés de la pré-
sente disposition les ascendants ou descendants, époux ou épouses môme divorcés.
IVères ou sœurs des criminels recelés, ou leurs alliés aux mêmes degrés. »
Je dis que cette disposition a pour objet le recelé des prisonniers évadés ;
elle s'y applique sans aucun doute ; mais elle va au delà, car elle est générale,
elle comprend le recelé de toutes les personnes que le receleur savait avoir
commis des crimes emportant peine afQictive. Ainsi, le fait que la personne
recelée était évadée n'est point un élément du délit, il importe peu qu'elle ait
déjà été ou non sous la main de la justice, il suffit, pour l'application de la loi,
que la personne recelée soit prévenue d'avoir commis un crime, et que le rece-
leur ait eu connaissance de cette prévention : c'est le fait de dérober sciem-
ment aux poursuites judiciaires un prévenu de crime qui est Tobjet de l'incri-
mination. La loi n'exige point que la personne recelée ait été frappée d'une
condamnation; mais faut-il qu'il y ait contre elle une prévention établie on du
« DigitizedbyCjOOgle
D8 l'évasiou DBS dAtbnus (art. 250). 307
moias une poursaiteT II est évident qne la notoriété publique ne suffirait pas
pour qu'il y eût obligation de refuser Tasile; car cette notoriété peut se tromper
et celui qui donne asile peut croire à Pinnocence de la personne que le public
accuse. Il faut donc qu'il y ait une poursuite commencée : c'est la connais-
sance de cette poursuite et le recèlement de la personne qui en est Tobjet qui
constituent la désobéissance à la loi que l'art. 248 a voulu punir. Le 2« § de
cet article crée une excuse que Thumanité a dictée, et qui est fondée sur les
sentiments de la nature. Il y a lieu de s'étonner que cette disposition n'ait pas
été étendue aux faits d'évasion.
BR1B DE SCELLÉS ET ENLÈVEMENT DES PIÈGES DANS LES DÉPOTS PUBUGS.
801. Vous allez retrouver dans les articles relatifs aux bris de scellés et à
l'enlèvement des pièces dans les dépôts publics quelques-unes des distinctions
que je viens de vous signaler dans la matière de l'évasion ; et d'abord la dis-
tinction fondamentale du fait de négligence et du fait intentionnel.
« Art. 249. Lorsque les scellés apposés, soit par ordre du gouvernement, soit
par suite d'une ordonnance de justice rendue en quelque matière que ce soit,
auront été brisés, les gardiens seront punis, pour simple négligence, de six jours
à six mois d'emprisonnement, v
Remarquez, en premier lieu, qu'il ne s'agit que des bris de scellés apposés
par l'autorité publique : ce que la loi a prévu , c'est la désobéissance à un acte
du gouvernement ou de la justice, c'est l'infraction d'un ordre de l'autorité.
C'est parce que les scellés portent le sceau de cette autorité, c'est parce que
leur violation est un attentat public, que la loi a voulu les protéger par une
disposition spéciale. Cette règle s'étend à toutes les dispositions de cette
section.
Ensuite, comme dans les dispositions qui précèdent, la loi ne saisit encore
ici que la négligence. Cette négligence ne résulte pas d'ailleurs du seul bris
des scellés ; elle n'est pas présumée ; il faut qu'il y ait faute de la part de
l'agent.
802. La peine s'élève^ comme dans l'art. 280, à raison de l'importance des
papiers mis sous le scellé :
« Art. 250. 81 le bris de scellés s'applique à des papiers et effets d'un individu
prévenu ou accusé d*un crime emportant la peine de mort, des travaux forcés à
perpétuité, ou de la déportation, ou qui soit condamné à l'une de ces peines, le
gardien négligent sera puni de six mois à deux ans d'emprisonnement. »
L'exposé des motifs explique cet article en ces termes : « Un gardien des
scellés est un dépositaire, et son dépôt devient plus précieux, si la cause qui a
nécessité le scellé est un crime commis par celui sur les effets de qui les scellés
ont été apposés. La peine sera donc plus forte. Ainsi la négligence prend un
élément d'aggravation dans l'importance des pièces mises sous le scellé : cette
importance impose au. gardien une surveillance plus active et donne dès lors
à la négligence un caractère plus grave.
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808 DIX-NEUY. LEÇ. — OBS CRIMES ET DÉLITS, ETC. (aRT. 254) N* 304.
303. Après la négligence vient le bris de scellés fait à dessein :
« Art. 251. Quiconque aura â dessein brisé ou tenté de briser les scellés apposés
sur les papiers ou effets de la qualité énoncée en l'article précédent, ou participé
au bris des scellés ou à la tentative de bris de scellés, sera puni d'un emprisonne-
ment de un an à trois ans. Si c'est le gardien lui-même qui a brisé les scellés ou
participé au bris des scellés, il sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq
ans. Dans l'un et l'autre cas, le coupable sera condamné à une amende de 50 &
2,000 fr. Il pourra en outre être privé des droits mentionnés en l'art. 42 du pré*
sent Code, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il
aura subi sa peine ; il pourra aussi être placé pendant le même nombre d'années
sous la surveillance de la haute police. »
a Abt. 252. A Tégard de tous autres bris de scellés, les coupables seront punis
de six mois k deux ans d'emprisonnement ; et si c'est le gardien lui-même, i| sera
puni de deux h cinq ans de la même peine. »
Remarquez que ces mots : A Végard de tous autres bris de scellés, veulent dire
tous les bris de scellés apposés par l'ordre de Tautorité publique, à Texception
des scellés particulièrement indiqués par Tart. 261. C'est donc une incrimina-
tion générale qui comprend le bris de tous les scellés apposés par ordre du
gouvernement ou par ordonnance de justice.
Viennent ensuite les circonstances aggravantes. L'une est prévue par l'arti-
cle 251 qui élève la peine quand le bris fait à dessein s'applique aux scellés appo-
sés sur les papiers désignés par l'art. 250. L'autre est prévue par l'art. 253, qui
porte que : c Tout vol commis à Taide d'un bris de scellés sera puni comme
vol commis avec effraction, i Cette assimilation était nécessaire, car la défini-
tion de l'effraction ne comprend pas le bris de scellés. La généralité de cette
disposition pourrait faire penser qu'elle s'applique même aux scellés qui
seraient placés par des particuliers. Mais il est évident que le délit de bris de
scellés, tel qu'il a été défini par les art. 249 et suiv., ne consiste que dans le
fait matériel de l'enlèvement ou de la destruction des bandes et cachets appo-
sés par l'autorité publique compétente, sur la fermeture des portes et des meu-
bleSf pour assurer la conservation à qui de droit des objets mobiliers existant
dans les lieux où les scellés ont été mis. De là il suit que la soustraction d'un
des objets placés sous les scellés peut constituer un vol, mais qu'elle n'a le
caractère d'un vol avec effraction que lorsque les scellés ont été apposés
dans l'une des deux hypothèses prévues par l'art. 249.
304. La loi a mis sur la même ligne le bris des scellés et la violation des
dépôts publics. La violation des dépôts privés est punie par l'art. 408 du Gode
pénal, qui ajoute dans son dernier paragraphe : « Le tout sans préjudice de ce
qui est dit aux art. 254, 255 et 256 relativement aux soustractions et enlève-
ments de deniers, effets et pièces commis dans les dépôts publics. Ainsi, la
publicité du lieu du dépôt est une circonstance aggravante du délit. Un dépôt
public est un asile sacré ; et tout enlèvement qui y est commis est une violation
de la garantie sociale, un attentat contre la foi publique. La loi punit la simple
négligence et la soustraction frauduleuse.
« AaT. 254. Quant aux soustractions» destructions et enlèvements de pièces ou
de procédures criminelles ou d'autres papiers, registres, actes et effets contenus
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VIOLATION DBS DROITS CIVIQUES (aRT. ?66). 309
dans des archives, greffes ou dépôts publics, ou remis à un dépositaire public en
cette qualité, les peines seront, contre les greffiers, archivistes, notaires ou autres
dépositaires négligents, de trois mois à un an d'emprisonnement, et d'une amende
de 100 à 300 fr. »
La soustraction, dans réconomie de cet article, n'est point imputée au dépo-
sitaire lui-même^ mais elle est présumée avoir été facilitée par son défaut de
surveillance et par sa négligence : c'est cette négligence que la loi punit; c'est
là le délit qui fait l'objet spécial de l'article. Il s'ensuit que ce délit ne peut
être imputé qu'aux officiers publics chargés de la garde et de la conservation
d'un dépôt public^ puisqu'il consiste dans la violation du devoir spécial qui
leur est imposé.
Les agents qui ont soustrait, détruit ou enlevé les pièces, font l'objet de
l'art. 255 :
« Abt. 255. Quiconque se sera rendu coupable des soustractions, enlèvements ou
destructions mentionnés en Tarticle précédent, sera puni de la réclusion. »
n ne s'agit plus ici de simple négligence, mais de soustraction frauduleuse,
car il n'y a point de crime où il n'y a point de fraude. C'est le dessein de nuire
qui caractérise la criminalité de Pacte. L'enlèvement dénué de dol ou la des-
truction accidentelle ne rentre point dans les termes de la loi.
Le crime s'aggrave s'il est commis par le dépositaire lui-même :
« 2* § de l'art. 255. Si le crime est l'ouvrage du dépositaire lui-môme, il sera
puni des travaux forcés à temps. »
Cette aggravation s'explique par elle-même : le crime du fonctionnaire s'élève
à raison du devoir qu'il viole et de la fonction dont il abuse.
Vne autre aggravation commune au bris de scellés et aux soustractions
commises dans les dépôts publics, mais qui ne s'applique qu'aux personnes
autres que les dépositaires, est puisée dans les circonstances qui ont accom-
pagné l'enlèvement ou le bris de scellés :
« Art. 256. Si le bris des scellés, les soustractions, enlèvements ou destructions
de pièces ont été commis avec violences envers les personnes, la peine sera, contre
toute personne, celle des travaux forcés à temps, sans préjudice de peines plus
fortes, s'il y a lieu, d'après la nature des violences et des autres crimes qui y
seraient joints. »
La première partie de cet article n'est évidemment applicable qu'aux per*
sonnes étrangères aux dépôts, puisque les dépoutaires, qui d'ailleurs n'ont pas
besoin d'employer des violences pour enlever les pièces dont la garde leur est
confiée, sont déjà passibles de la même peine, abstraction faite de toutes voies
de fait. Mais la deuxième partie» qui n'est qu'une simple réserve, peut-être
inutile, s'applique à toutes les soustractions quels qu'en soient les auteurs.
305. La question s'est élevée de savoir si le notaire qui, après avoir cédé
son étude, s'empare des minutes laissées par lui à son successeur et ne consent
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310 DIX NBUV, LEÇ. — DBS GRIMES ET DÉLITS, ETC. (ART. 256) N« 306.
à les restituer qu'en se faisant payer un supplément de prix stipulé secrète-
ment au dehors du prix porté au contrat, est passible de Tapplication de Var-
tide 255. La jurisprudence a jugé cette question afQrmativement et cette so-
lution est peut-être un peu rigoureuse. On trouve bien dans cette espèce le
foit matériel d'un enlèvement de pièces ; mais cet enlèvement est-il réellement
animé de la pensée criminelle que la loi a voulu saisir dans cet article? Qu'est-
ce qu'elle a voulu surtout préserver ? ce sont les intérêts garantis paries actes,
ce sont les droits des parties que les contrats ou les autres pièces placés dans
rétude du notaire déclarent et conservent. La soustraction est donc incriminée,
non -seulement au point de vue du dommage qu'elle cause, mais encore au
point de vue du dommage qu'elle a spécialement pour but de causer. Or tel
n*est pas le préjudice que prétend occasionner le notaire qui se saisit des
minutes de son étude pour se faire payer un supplément de prix frauduleusement
stipulé ; c'est un gage qu'il prend contre son successeur; il ne menace, sous
aucun rapport, les droits des parties; c'est une rétention d'effets, ce n'est pas à
proprement dire une soustraction. C'est un acte blâtmable assurément, mais
est-ce bien là le crime prévu par l'art. 255 ? Est-ce là le fait que cet article a
voulu punir ? H est permis de conserver quelques doutes à cet égard.
306. De quelle peine est passible le clerc de notaire qui soustrait an titre
dans l'étude de son patron ? Est-il passible de iaj[>eine des travaux forcés, aux
termes de l'art. 173, qui punit toute soustraction d'actes et de titres commise
par les préposés des dépositaires publics, ou de la peine de la réclusion, aux
termes de l'art. 255, qui punit les soustractions d'actes et effets dans les archi-
ves, greffes ou dépôts publics, par tous autres que le dépositaire? Il faut re-
connaître d'abord que les dépositaires publics auxquels s'applique l'art. 173, sont
ceux qui, dépositaires d'actes et de titres à raison de leurs qualités ou de leurs
fonctions, ne sont pas chargés de la garde d'un dépôt public et ne sont respon.
sables que des actes et titres qu'ils ont entre les mains, tandis que les art. 254
et 255 s'appliquent plus spécialement aux soustractions des pièces, actes et
effets contenus dans les archives, greffes ou dépôts publics ou remis à un dé-
positaire public en cette qualité. Cette distinction posée, comme le 2* § de
l'art. 173, qui punit de la même peine que les dépositaires eux-mêmes les com-
mis et préposés qui commettent les mêmes soustractions, n'a point été repro-
duit dans l'art. 255, il s'ensuit que ce dernier article, lorsque la soustraction
a été commise dans un dépôt public par une autre personne que le dépositaire,
a considéré le lieu même de la perpétration du délit comme une circonstance
aggravante, abstraction faite de la qualité de l'agent; or, puisqu'il n'est pas
permis d'étendre l'application d'une disposition de la loi pénale au delà du cas
pour lequel elle a été établie, îl faut conclure que la qualité de clerc des dépo-
sitaires n'exerce aucune influence sur la qualification de la soustraction de
titres faite dans l'étude d'un notaire, et que la peine de la réclusion est par
conséquent applicable à cet agent comme à toute autre personne coupable du
même fait.
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DÉGRABATION DE MONUMENTS (ART. 257). 311
DÂORÀDATION DB MONUMBHTS.
307. Une loi du 6 juin 1793 portait la peine de deilt ans de fers contre qni-
«onqae dégraderait les monuments des arts dépendant des propriétés nationa-
les. Cette loi a été la source de Tart. 257 :
« Art. 257. Quiconque aura détruit, abattu, mutilé ou dégradé des monument8«
statues et autres objets destinés à l'utilité, à la décoration publique et élevés par
l'autorité publique ou avec son autorisation, sera puni d'im emprisonnement d'un
mois à deux ans et d'une amende de 100 à 500 fr. »
La pensée principale de cet article a été de protéger les monuments des
arts. Écoutez, en effet, le rapporteur du Corps législatif : c Les monuments des-
tinés à l'utilité et à la décoration publique sont sous la sauvegarde de tous les
citoyens ; ils sont rembelUssement de nos villes ; ils rappellent la grandeurdes
peuples qui nous ont précédés, les grands talents de leurs artistes, la magnifi-
cence de leurs souverains; ils appartiennent aux siècles futurs comme au
temps présent et ils sont la propriété de tous les âges. Ceux qui sont créés de
nos jours doivent nous être plus cbers encore : ils attesteront à nos successeurs
les faits glorieux du plus grand des monarques et serviront à en éterniser la
mémoire. Mais quand les nombreuses cités qui composent ce vaste empire
s'empressent à Tenvi de transmettre à la postérité par des monuments pom-
peux leurs sentiments d'amour et d*admiration pour sa personne auguste et
sacrée ; quand nos artistes, animés par son génie, rivalisent avec les anciens
pour éterniser son grand nom, la loi ne peut rester muette ; elle doit déployer
sa sévérité contre les sacrilèges, mains qui oseraient mutiler, dégrader ou dé-
truire ces belles créations du génie, défendre avec le même soin les restes
précieux de l'antiquité et les produits des temps modernes, et empêcher que
le vandalisme, qui a si longtemps souillé nos contrées, n'y apporte encore ses
ravages. »
Cependant, bien que ces paroles ne semblent étendre la protection de la loi
qu'aux œuvres d'art, quelles qu'elles soient, qui servent à la décoration de nos
cités, il parait difficile de ne pas rappliquer en même temps aux monuments
qui ont plutôt pour but l'utilité publique que l'embellissement des villes. En
effet, l'art. 257 comprend dans la même protection les monuments destinés soit
à la décoration, soit à Vutilité publique. Dès lors tous les monuments publics
rentrent évidemment dans les termes de la loi, puisqu'ils ont tous pour objet
la décoration des cités ou leur utilité. Il faut seulement qu'ils aient été élevés
par Fautorité publique ou avec son autorisation, car ce n'est qu'alors qu'ils
prennent le caractère de monuments publics. U &nt aussi que la dégradation
ait été fiûte volontairement, car une destruction accidentelle peut donner liem
à une réparation civile, mais ne peut constituer un délit.
L'art. 14 de la loi du 20 avril 1825, sur le sacrilège, avait étendu l'art. 257^
^ aggravant ses pénalités, à la mutilation des monuments consacrés à la reli-
gion de l'État. Mais la loi du 20 avril 1825 ayant été abrogée par celle du il
octobre 1830, l'art, 257 est demeuré la rè^^e commune applicable à (putes le
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312 DIX-NBUV. LSÇ. — DBS GRIBCBS BT DÉLITS^ BTG. (àRT. 259) N"" 310.
mutilations de monuments, soit que les monuments soient ou non consacrés
aux cultes.
USURPATION DE TITRES OU FONCTIONS.
B08. Le Gode pénal comprend sous cette rubrique deux faits quMl a consi-
dérés comme des troubles à la paix publique, des manquements envers Tauto-
rité : l'usurpation d'une fonction publique et Tusurpation des iusigaes de cette
fonction. Le premier de ces délits est Fobjet de Tart. 258 :
« Art. 258. Quiconque, sans titre, se sera immiscé dans des fonctions publiques
civiles ou militaires, ou aura fait les actes d'une de ces fonctions, sera puni d'un
emprisonnement de deux à cinq ans, sans préjudice de la pefne de faux, si l'acte
porte le caractère de ce crime, n
Vous avez déjà vu Tart. 93 punir l'usurpation du commandement militaire,'
les art. 127 et 128 réprimer l'immixtion dans l'exercice du pouvoir législatif,
l6s articles 196 et 197 frapper les actes d'une autorité illégalement anticipée
(fa prolongée. Vous verrez plus loin l'art. 344 incriminer l'usurpation du cos-
tume ou du nom d'un officier public pour opérer une arrestation arbitraire. Il
ne s'agit ici que de la seule immixtion sans titre dans des fonctions publiques.
Oe qui constitue le délit prévu par l'art. 258, c'est la perpétration d'un ou de
plusieurs actes sous le nom d'un fonctionnaire public.
809. Le second acte d'usurpation est prévu par l'art. 259 :
« Art. 259. Toute personne qui aura publiquement porté un costume, un uni-
forme, ou une décoration qui ne lui appartiendra pas, sera punie d'un emprison*
nement de six mois à deux ans. »
Ici ce n'est plus l'immixtion dans la fonction que la loi prévoit, ce n'est plus
l'usurpation de pouvoir, c'est l'usurpation des insignes de ce pouvoir, le port
illicite d'un costume, d'un uniforme ou d'une décoration. La loi punit cette
usurpation des signes extérieurs de l'autorité, abstraction faite de tout usage,
parce qu'elle peut être un acte préparatoire de l'usurpation de la. fonction,
parce qu'il importe de maintenir le respect et la considération qui sont dus aux
insignes de l'autorité publique.
810. Le Cîode pénal de 1810 avait étendu Tart. 2S0 à toute personne qui se
$&rait attribué des titres royaux qui ne lui auraient pas été léffalement conférés, La
loi du 28 avril 1832 a supprimé cette disposition. Cette suppression aétéfondée
^r ce que les individus qui s'attribuent des titres de noblesse qui ne leur ap-
partiennent pas, ne portent préjudice ni aux intérêts généraux de la société ni
aux intérêts privés, sur ce queTart. 62 de la Charte de 1830, qui permettait la
conservation des titres de noblesse, était facultatif et n'avait pas besoin de
sàtietioB pénale, enfin sur ce que cette disposition était tombée en désuétude
et qu'il n'appartenait qu'au ridicule de ftiîre justice des écarts de là vmilé.
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DB l'usurpation DB TITRBS OU FONCTIONS (âRT. 2&9). 313
D'autres motifs furent œpendant donnés devant la Chambre des pairs. « Cet
article; a dit le rapporteur, qui ne protégeait dans sa sanction pénale que les
titres conférés par un décret impérial ou une ordonnance du roi, n'était plus
en harmonie avec Tart. 62 de la Charte, lequel, en môme temps qu'il conserve
à la nouvelle noblesse des titres, permet à Tancienne de reprendre les siens.
Or, il n'est personne qui ne sache que les titres consacrés par ordonnance
royale étaient autrefois les plus rares, et que presque tous ceux de Tancienne
noblesse reposaient sur une prescription immémoriale qui avait fait de Tusage
non constaté un droit, et sur la possession d'anciens fiefs héréditaires, titrés
par concession du souverain ou antérieurement à toute concession et qui con-
féraient aux possesseurs nobles et à leur famille le droit de porter le titre qui
y était annexé. En abrogeant le dernier paragraphe de l'art. 269, vous placez
les titres anciens de la noblesse française sur le même rang que les titres
glorieux et immortels transmis par l'Empire à la Restauration. >
Mais cette abrogation n'a été que temporaire; la loi du 28 mai 1858 a rétabli
le deuxième paragraphe de l'article 259 dans les termes suivants : « Sera puni
d'une amende de 500 à 10,000 fr. quiconque, sans droit et en vue de s'attribuer
une distinction honorifique, aura publiquement pris un titre, changé, altéré
ou modifié le nom que lui assignent les actes de l'état civil. Le tribunal ordon-
nera la mention du jugement en marge des actes authentiques ou des actes
de l'état civil dans lesquels le titre aura été pris indûment ou le nom altéré.
Dans tous les cas prévus par le présent article, le tribunal pourra ordonner
l'insertion intégrale ou par extrait du jugement dans les journaux qu'il dési-
guera» Le tout aux frais du condamné. >
L'exposé des motifs de la loi en a posé le principe : « Il n'est ni politique ni
moral d'abandonner aux empiétements de la vanité ou aux entreprises de la
fraude une institution à laquelle se rattachent les grands souvenirs de l'an-
cienne monarchie, que les gloires de l'empire ont entouré d'un nouvel éclat,
et qui s'appuie tout à la. fois sur le respect que commande l'ancienneté des
traditions et sur l'obéissance qui est due aux actes les plus solennels de la lé-
gislation contemporaine. Ce serait d'ailleurs se faire illusion de croire que
l'autorité de l'opinion et la puissance des mœurs sont assez fortes pour arrêter
le désordre. Enhardi par l'impunité, il s'accroît chaque jour, et l'action de la
justice répressive peut seule mettre un frein au nombre et à Taudace des usur-
pations. Animé de cette pensée, le gouvernement vous propose de rendre à
Tarticle 259 sinon la forme, du moins le sens qu'il avait en 1810. > L'exposé
ajoute : « Est^il besoin de dire que le projet n'entend point confier aux tri-
bunaux le soin de procéder à une sorte de révision générale de tous les titres
de noblesse? Aucun esprit sensé ne peut s'arrêter à une pareille supposition.
Les règles en cette matière n'ont pas toujours été bien certaines et bien stables;
le temps et l'usage peuvent en avoir afifaibli le souvenir et l'autorité : les chan-
gfflnents survenus dans la législation en ont rendu en certains cas Tapplication
impossible. Il ne serait donc ni prudent ni juste de remonter à Torigine des
possessions plus ou moins anciennes pour y rechercher des abus et en faire
retomber le obàtiment sur la postérité de ceux qui les auraient commis. Le.
zèle éclairé des magistrats ne se trompera point sur les devoirs qui naîtront
pour ceux de la loi ; ils coao^rendront qu'ils doivent poursuivre et punir les
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314 DIX-NBUV. LEÇ. — DBS GRIMES ET DÉLITS, ETC. (n* 310).
usurpations flagrantes sur lesquelles il n*y a ni erreur ni illusion possible, dont
le jour et Theure peuvent être indiqués, que rien n'explique et ne Justifie.
Cette distinction, si facile à saisir, n'est que l'application du principe que, sans
intention coupable, il n'y a point de criminalité. >
On lit encore dans le rapport du Corps législatif : c Votre commission s'est
ralliée à l'idée de n'atteindre que les falsifications de noms opérées dans un
but de distinction honorifique. Elle a pensé que c'était là, dans la réalité, le
seul scandale dont l'opinion se fût émue et qui fût sérieusement punissable.
L'abus des usurpations de noms nobiliaires est plus fréquent encore que celui
de l'usurpation des titres et le prépare souvent ; ce sont des faits de même
nature dictés par le même mobile, procurant les mêmes avantages : comme le
titre, plus que le titre môme, la particule s'ajoute au nom, en fait partie, se
communiqué et se transmet. Elle le décore, dans nos mœurs, presque à un
égal degré et fait croire quelquefois davantage à Tancienneté de l'origine
Est-il nécessaire de dire que l'adoption d'un nom de terre, relié par une par-
ticule au nom patronymique, qu'on conservera d'abord, sauf à le supprimer
ensuite, pourra constituer l'infraction? Une explication est cependant néces-
saire : le projet punit quiconque, en vue d'une distinction honorifique, change,
altère ou modifie le nom que lui assignent les actes de Vétat civil. Qu'avons-nous
entendu par cette expression générale et collective, et pourquoi n'avons-nous
pas seulement indiqué l'acte de naissance comme la règle et le critérium du
nom ? C'est que, dans des cas exceptionnels, l'acte de naissance peut être
inexact, incomplet ou falsifié, et que le droit ou la vérité doivent alors se
puiser dans Tensemble des actes qui constatent la situation de la famille. Bi
nous n'avons pas prévu distinctement l'usurpation du nom d'autrui, c'est que,
sauf les cas où elle se confond avec d'autres délits, elle n'a jamais lieu que
par vanité et se trouve forcément atteinte par les termes du projet. Dans quelles
circonstances faudra-t-il que le délit ait été commis pour être punissable? La
raison indique tout d'abord que presque toujours il consistera dans une série
d'actes géminés, persévérants, nécessairement publics. Car l'usurpation ne
peut se constituer d'une manière définitive et profitable qu'à la condition d'être
acceptée par la société ou tout au moins de lui être imposée ; il peut être
cependant utile d'arrêter l'entreprise au moment où elle se forme, de la saisir,
par exemple, dans les actes de famille dans lesquels on dépose les premiers
germes pour y puiser ultérieurement les apparences d'une possession légitime.
Mais il serait imprudent et dangereux de s'arrêter à des faits isolés, sans ca-
ractère certain. Le secret du domicile, l'intimité de la vie privée, doivent,
pour des faits de cette nature, demeurer toujours impénétrables. §
Il suit de ce texte et de ces explications que trois conditions sont exigées
par la nouvelle loi pour que le délit existe : il faut que l'inculpé ait, sans en
avoir le droit, pris un titre, changé, altéré ou modifié le nom que lui assignent
les actes de l'état civil : c'est là le fait matériel que la loi a voulu prohiber et
qui constitue le corps même du délit. Il faut, en second lieu, que cette usurpation
ait été faite publiquement : c'est cette publicité qui forme le préjudice social»
parce que des intérêts et des droits peuvent en être froissés. Enfin, il faut qu'elle
ait été faite en vue de s'attribuer une distinction honorifique : c'est cette inten-
tion qui constitue la moralité de l'acte et qui en autorise la répression pénale.
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DB L*08UBPATI0N hE T1TRB8 OU FONCTIONS (aRT. t59}. 315
Reprenons ces trois éléments. Tonte modification de nom qne constatent les
actes de l'élat civil peut devenir la base d'ane poursuite. Ainsi, la seule addi-
tion d'une particule au nom, bien qu'elle ne soit pas une preuve de la noblesse,
en affecte les apparences, et, comme Ta dit le rapport, elle est à la fois un acte
de fraude et un acte de mépris pour le nom de la famille; elle rentre dans les
termes de l'art. 259* Il en est ainsi de l'addition au nom de famille d'un autre
nom précédé de la particule et qui est pris comme s'il désignait une terre, une
ancienne possession, un ancien fief. Ge sont surtout ces sortes d'additions qui
tendent à remplacer le nom vrai par le nom usurpé, que la loi a voulu répri-
mer. C'est en appréciant une fraude semblable que la Cour de cassation a dé-
claré : c qu'en principe le nouvel art. 259 a voulu atteindre toute usurpation
de cette nature ; qu'il ne punit pas seulement ceux qui prennent sans droit un
titre proprement dit, qu'il frappe de peines égales ceux qui, par une altération
ou modification quelconque de leur nom patronymique, entendent lui impri-
mer un caractère honorifique (arr. 5 janvier 1861). > Si le prévenu invoque,
comme moyen de défense, qu'il avait le droit de prendre la particule ou le
surnom qu'il a ajouté à son nom, il appartient au juge correctionnel, qui n'est
chargé de punir que l'usurpation, de prononcer, non sur la question de pro-
priété, mais sur l'existence du délit; ce n'est point là une question préjudicielle
qu'il faille renvoyer aux tribunaux civils; il ne s'agit que d'une simple appré-
ciation du fait intentionnel qui constitue le délit.
La publicité, qui est le deuxième élément du délit, n'a point été définie par
la loi. La commission du Corps législatif avait proposé de dire que l'usurpation
ne serait saisie que lorsqu'elle se serait produite o dans un acte authentique ou
BOUS seing privé, ou dans un écrit publié. » Cet amendement, qui restreignait
le mode de publicité, a été repoussé par le conseil d'État, et la loi lui a sub-
stitué le mot publiquement, qui comprend toutes les formes de la publicité. Il
appartient donc au juge d'apprécier si l'usurpation a été publique dans le sens
de la loi, si elle a été faite pour l'imposer à la société, pour fonder dans le
public une prétention nobiliaire, pour la faire agréer.
Enfin, l'intention de s'attribuer une distinction honorifique, qui est l'élément
moral du délit, doit résulter de faits qui manifestent une prétention nobiliaire
et qui aient en même temps une signification aristocratique. Ainsi il ne suffi-
rait pas que, pour se distinguer de personnes qui portent le môme nom, un
individu ait ajouté à son nom patronymique celui du lieu de sa naissance ou de
sa résidence, ce n'est point là l'acte d'une prétention nobiliaire; il a voulu dis-
tinguer son individualité, et non révéler une distinction honorifi lue. Mais
cette addition changerait de caractère si celui qui l'a prise affectait de la lier
d'une manière indissoluble à son nom ou de la substituer à ce nom, de sorte
qu'elle devint, non plus une distinction individuelle, mais une distinction ho-
norifique.
Tel est l'esprit de la loi du 28 mai 1858. Elle n'a pas jugé que le ridicule fût
une répression suffisante des prétentions nobiliaires dénuées de fondement,
elle les a mulctées d'une amende; elle n'a pas pensé que l'opinion publique fit
assez sévère justice de ces prétentions surannées; elle les a qualifiées de
délit, n s'ensuit que ce qu'elle a voulu atteindre, c'est l'audace, la mauvaise foi
et la fraude; c'est l'usurpation d'un nom qui emporte en lui-même une signi-
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316 DIX-KETJV. LBÇ. — DE8 GRIMES BT DÉLITS, ETC. (n* 312).
fication nobiliaire ; c'est rintention d'imposer vaniteusement an public le men-
songe de cette usurpation. Il est sans doute inutile d'ajouter que, si les noms
ou les titres usurpés servent à surprendre la. crédulité publique et à commettre
une escroquerie, le fait tombe sous l'application de l'article 405, en le consi*
dérant soit comme l'emploi d'un faux nom, soit d'une manœuvre frauduleuse.
La loi nouvelle punit la fraude du nom lorsqu'elle ne sert qu'à la vanité; Far-
tkie 405 la saisit et la frappe avec plus de rigueur lorsqu'elle est employée à
la spoliation des tiers.
ENTRAVES AU LIBRE EXERCICE DES CULTES.
811. Le libre exercice des cultes est l'une des propriétés les plus sacrées de
rbomme en société, et les atteintes qui y seraient portées ne sauraient que
troubler la paix publique. C'est en les considérant sous ce rapport que ces
atteintes ont été classées parmi les manquements envers l'autorité publique.
La première de ces infractions est la contrainte tendant à entraver la liberté
du culte. L'exposé des motifs du Gode prévoit cette entrave en ces termes :
« Nulle religion, nulle secte n'a le droit de prescrire à une autre le travail ou
le repos, l'observance ou l'inobservance d'une fête religieuse, car nulle d'entre
elles n'est dépositaire de l'autorité, et tout acte qui tend à faire ouvrir ou fer-
mer des ateliers, s'il n'émane des magistrats mêmes, est une voie de fait
punissable. » C'est le principe que l'art. 260 a consacré :
« Art. 260. Tout particulier qui, par voies de fait ou des menaces, aura con-
traint ou empôcbé une ou plusieurs personnes d'exercer Tun des cultes autorisés,
d'assister à Texercice de ce culte, de célébrer certaines fôtes, d'observer certains
Jours de repos, et en conséquence d'ouvrir et de fermer leurs ateliers, boutiques
ou magasins, et de faire ou quitter certains travaux, sera puni, pour ce seul fait,
d'une amende de 16 à 200 fr. et d'un emprisonnement de six jours à deux mois. »
Cet article, qu'aucune loi postérieure n'a modifié, consacre dans les termes
les plus énergiques le droit qui appartient à chaque citoyen, d'observer ou de
ne pas observer les fêtes instituées par différents cultes. Tout acte oppressif
qui tendrait à contraindre les citoyens à s'abstenir, ces jours-là, de certains
travaux ou de certains actes de commerce rentre dans les termes de cet
article : chacun n'a pour règle qae sa conscience. C'est là une matière où la
loi ne pourrait intervenir sans être tyranniqne. Quand il s'agit, non de l'ordre
social, mais de l'ordre religieux, la liberté n'a pas de limite, car la pensée
humaine ne relève d'aucun pouvoir humain.
312. Il y a lieu de remarquer toutefois que l'art. 260 n'incrimine que les
voies de fait et les menaces des particuliers. SI ces actes émanent d'un fonc-
tionnaire public, ils prennent un autre caractère et rentrent dans la classe des
actes arbitraires que j'ai précédemment examinés. Cependant il importe de
distinguer les actes qui seraient entachés d'illégalité et ceux qui ne seraient
^M l'exécution d'une loi de police et de règlements de police. La loi du
18 novembre 1814, relatif à la célébraUcu des fôtes et dimanches, a prohibé
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BNTRAVBS AU LIBRE BZERGIGB DBS CULTES (arT. 260). 317
pendant les joan consacrés la vente dans les boutiques, à aïs et volets ouverts,
la vente dans les rues et places, et les travaux extérieurs. Cette loi a été vive-
ment attaquée comme attentatoire à la liberté des cultes, car elle est évidem^
ment oppressive pour tous les cultes dissidents, pour tous les citoyens qui ne
se soomettent pas dans leurs consciences aux préjugés du culte dominant. La
Juriqirudence toutefois Ta maintenue, en la considérant comme une simple loi
de police destinée à régler Tordre extérieur. Mais, môme en admettant
cette interprétation, il s'ensuit bien que les règles posées par cette loi et les
règlements pris par Tautorité municipale pour son exécution, doivent être
observés ; mais l'observation de ces règlements n'a rien de commun avec les
actes prévus par Tart. 260 : cet article reste toujours debout pour atteiodre
toutes les manœuvres des particuliers, toutes les menaces et tous les actes qui
tendraient à organiser dans chaque cité une tyrannie religieuse, sous prétexte
de venir en aide à la loi.
313. Les art. 261, 262, 263 et 264 n'exigent que peu d'observations. L'art. 261,
qui punit les troubles et désordres causés dans les temples, avait été remplacé
par l'art. 12 de la loi du 20 avril 1825, et a repris sa force primitive quand cette
loi a été abrogée. Il faut, pour motirer son application, que le trouble ait pro-
duit un empêchement, un retard ou une interruption de l'exercice du culte ;
s'il n'a pas eu cet effet, ce fait, quel qu'il soit, ne rentre pas dans les termes
de cet article. L'art. 262 punit l'outrage par gestes ou menaces contre les
objets d'un culte servant à son exercice ou contre les ministres de ce culte dans
leurs fonctions. Nous avons vu précédemment, en examinant les art. 228
et suivants, ce qu'il faut entendre par outrages, par gestes ou menaces. Il faut
ajouter que, si l'outrage fait d'une manière quelconque a lieu publiquement et
dans l'exercice môme des fonctions des ministres, l'art. 265 cesse d'ôtre appli-
cable : ce délita été spécialement prévu par l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822.
Si l'outrage était accompagné d'excès ou de violences, il serait saisi par
l'art. 228, auquel la loi du 25 mars 1822 Ta dans ce cas spécialement renvoyé.
ASSOGUTION DE MALFAITEURS.
814. Les délits d'association des malfaiteurs, de vagabondage et de mendi-
cité, ({ue le Gode pénal a réunis dans une môme section, ont un caractère
commun; ils constituent une menace incessante contre l'ordre, ils semblent
en quelque sorte des faits préparatoires d'autres délits, ils apportent un péril
imminent à la paix publique, sinon actuellement, au moins pour un prochain
avenir. C'est là leur caractère général : les malfaiteurs réunis et associés , les
vagabonds et les mendiants sont des agents dangereux qui excitent la défiance
de la loi et sur lesquels elle a dû exercer une juste surveillance. Toutefois, ce
n'est point en vue de ces inquiétudes, quelque légitimes qu'elles puissent ôtre,
ce n'est point à raison d'un péril possible, mais non encore réalisé, que les faits
ont été inmminés : la loi n'avait pas le droit de frapper des faits qui ne seraient
pas en eax-mômes immoraux, par celaseul qu'ils pourraient devenir nuisibles.
L'association des malfaiteurs, le vagabondage, la mendicité eUe«méme, dapa la
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318 DIZ-NSOV. LBÇ. — DBB GRIMS8 BT DÉLITS, ETC. (n* 315).
plupart des cas, sont des ftdU immoraux et môme nuisibles en eux-mêmes,
indépendamment de leurs suites, indépendamment des dangers qu'ils peuvent
entraîner. Dans une société organisée, en effet, les agents qui s'associent dans
un but immoral et coupable, les agents qui, dénués de moyens d'existence, ne
se livrent à aucun travail et n'en recherchent pas, les agents enfin qui, lors-
qu'ils peuvent soutenir leur existence par le travail, prérôrent implorer la cha-
rité publique et vivre dans la fainéantise et l'oisiveté, tous ces agents sont res-
ponsables, non pas des délits qu'ils peuvent projeter, car les simples projets
chappent à la loi pénale, mais du fait immoral de l'association, du vaga-
bondage et de la meadicité, considéré en lui-même et on dehors de ses consé*
quences ultérieures.
316. Prenons d'abord le délit d'association de malfaiteurs.
« Art. 265. Toute association de malfaiteurs envers les personnes ou les pro-
priétés est un crime contre la paix publique; »
tt Art. 266. Ce crime existe par le seul fait d'organisation de bandes ou de cor-
respondance contre elles et leurs chefs ou commandants, ou de conventions ten-
dant à rendre compte ou à faire distribution ou .partage du produit des méfaits. »
Il y a association, dans le sens de ces deux articles, quand il y a organisa-
tion de bandes, et cette organisation résulte de la nomination des chefs et de
leur correspondance entre eux, elle résulte encore des conventions tendant au
partage des produits des méfaits. Quel doit être le nombre d'individus néces-
saire pour composer une bande ? Quel doit être le mode de leur organisation ?
La loi ne le dit point : ce qu'elle prescrit, c'est l'association de malfaiteurs
constituée en vue de commettre des crimes; c'est là qu'est Tacte préparatoire qui
menace la sécurité publique et qu'il importe de saisir. L'incrimination est
vague/ parce qu'il serait difficile et périlleux de définir avec trop d'exactitude
un fait dont les caractères sont variables ; mais ce que le législateur a voulu
frapper, c'est le fait d'une organisation de malfaiteurs, quels qu'en soient le
mode et les conditions, avec le but de commettre des crimes.
Gela dit, la seule difficulté qui demeure est de savoir ce qu'il faut entendre
par malfaiteurs, « Il faut remarquer, porte l'exposé des motifs, que les mal-
faiteurs dont il s'agit en ce moment ne sont pas ceux qui agissent isolément
ou même de concert avec d'autres pour la simple exécution d'un crime. Ce que
la loi considère plus particulièrement ici, ce sont les bandes ou associations
de ces êtres pervers qui, faisant métier du vol et du pillage, sont convenus de
mettre en commun le produit de leurs méfaits. » Ainsi, ce n'est point l'accom-
plissement d'autres méfaits antérieurs qui imprime à ces agents la qualification
de malfaiteurs, c'est uniquement le fait de l'association faite dans les condi-
tions et avec le but prévus par la loi ; peu importe qu'ils soient ou non repris
de justice, il suffit qu'ils fassent partie des bandes organisées contre les person-
nes ou les propriétés.
Le but de l'association, l'attaque contre les personnes ou contre les pro-
priétés, forme le deuxième élément. C'est là, en effet, ce qui fait le danger et
à la fois la perversité de la réunion j c'est là ce qui a pjorléia législatpnr h
punir un acte purement préparatoire et quand les premiers faits d'exécution ne
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DU VAGABONDAGE. (aRT. 270). 3iJ
sont pai même commencés : il y avait un immense péril à laisser se former un
"jSïdte qùT recSTaLÎFën lui-même la volonté arrêtée de commettre des crimes.
L'existence seule de ce pacte, quand il est accompagné d'une organisation
qui n*en commence pas encore, mais qui en prépare Texécution, a paru suffi-
sante pour justifier la peine.
Les art. 267 et 268 déterminent les peines applicables aux malfaiteurs qui
composent les bandes. Celle des travaux forcés à temps est prononcée contre
les auteurs et directeurs de rassdcTalTdnVt contre les commandants des ban-
des; celle de la réclusion est appliquée à tous autres individus chargés d'un
service quelconqïîe^nFles bandes et contre ceux qui leur auront fourni des
munitions, des armes ou un lieu de retraite ou de réunion.
DU VAOABONDAOB.
816. Qu'est-ce que le vagabondage ? Vous en trouvez une définition très-
claire dans Tart. 270, qui n'a fait d'ailleurs que reproduire les termes des
anciennes ordonnances.
« Art. 270. Les vagabonds ou gens sans aveu sont ceux qui n'ont ni domicile
certain, ni moyens de subsistance, et qui n'exercent habituellement ni métier, ni
profession. »
J'examinerai tout à Theure les termes de cette définition. Arrêtons-nous un
moment, en présence de ces termes, à la n^gle posée par l'art. 369 qui déclare
que I le vagabondage est un délit. » Cette règle a été critiquée par quelques
tiiéoriciens. Il ne peut, ont-ils dit, y avoir de délit ott il n*y a pas de fait
immoral, oHi il n'y a pas môme d'acte matériel. Le fait de n'avoir ni moyens
d'existence, ni domicile, ni profession habituelle, peut ne renfermer en lui-
même aucune immoralité ; il peut être pour celui qui se trouve dans cette
position le résultat de circonstances malheureuses, du manque de travail,
de la misère; maïs il ne révèle par lui-même aucune perversité intrinsèque.
Oira-t-on qu'il présente une situation dont la société doit s*inquiéter ? Gela
est possible; mais cette inquiétude, quelque légitime qu'elle puisse être, donne-
t-eÙe à cette société le droit de transformer en délit et de punir une position
spéciale qui peut être innocente en elle-même et qui ne peut être considérée
même comme l'acte préparatoire d'aucun délit en particulier ? Cette critique
.prend sa source dans le système qui donne comme principal fondement à la
loi pénale la violation de la loi morale. La violation de la loi morale est l'un
des fondements de la loi pénale, mais il n'est pas seul ; la loi pénale a pour
mission première la conservation de l'ordre social, et c*est surtout au point
de vue de cet ordre qu'il faut examiner le caractère du vagabondage. Or, n'est-il
pab évident que la situation de l'homme qui n'a ni moyens d'existence, ni
domicile, ni profession, est pour la sécurité publique un péril imminent et
certain ? Cette situation est une menace continuelle, puisque ce n'est que par
des moyens illégitimes, par des actes qui sont qualifiés délits, qu'elle peut se
soutenir. La société a même le droit de la déclarer immorale, car elle impose
à chacun de ses membres des obligations qu'ils sont tenus de remplir ; l'unr
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320 DIX-NEUV. LEÇ. — DBS CRIMES BT DÉLITS, ETC. (n*» 317).
de ces lois sociales est la loi du travail pour tous ceux qui ne sont pas incapa-
bles d'en supporter le poids, et je n*hésite pas, pour ma part> à apercevoir une
véritable immoralité dans Tagent qui, pour se livrer à une vie fainéante et
oisive, impose au corps social le fardeau de le faire subsister. Ainsi, soit au
point de vue de Tordre, soit au point de vue de la morale^ le législateur a eu le
droit d'incriminer le vagabondage et de le qualifier délit.
317. La première condition du délit est l'absence d'un domicile certain* 11
est évident qu'il ne s'agit pas ici du domicile d'origine, que tons les citoyens
conservent, mais du domicile d'babitation, c'est-à-dire d'un domicile actuel,
fixe ou non, mais certain. La loi du 10 vendémiaire an X avait établi une pré*
somption légale de vagabondage en déclarant que tout individu voyageant et
trouvé hors de son canton sans passe-port doit être réputé vagabond, s'il ne
justifie pas, dans les vingt jours de son arrestation, qu'il est inscrit sur le
tableau d'une commune. Il est clair que cette disposition ne peut plus être in-
voquée, puisque l'absence d'un passe-port ne peut équivaloir à Tabsence de
domicile et que l'inscription de Tagent sur les registres d'une commune ne lui
confère nullement le domicile exigé par la loi.
La deuxième condition du délit est le défaut de moyens de subsistance ;
c'est ce défaut, uni à l'absence de tout métier, qui excite à juste titre la défiance
de la société. Car si un individu quelconque ne travaille d'aucune manière et
ne possède aucune ressource, il y a lieu de craindre qu'il n'emploie, pour sou-
tenir son existence, des moyens illicites. On peut éprouver à la première vue
quelque peine à concilier cette disposition de l'art. 270 avec l'art. 278 qui
aggrave la peine du vagabondage lorsque « le vagabond est trouvé porteur d'un
ou de plusieurs effets d'une valeur supérieure à cent francs, et qu'il ne justifiera
point d'où ils proviennent. » Il semble, en effet, qu'il y a quelque contradiction
entre le manque de moyens de subsistance et la possession d'une somme d'ar-
gent. Il faut dire, pour expliquer cette anomalie apparente, que Tart. 278 n'a
eu qu'un but, c'est de mettre à la charge du prévenu la légitimité de la pos-
session de la somme dont il est porteur : s'il fait cette preuve, la prévention
tombe nécessairement, puisqu'il établit par là môme qu'il a des moyens de
subsistance. Mais il reste quelque embarras dans le cas où les effets dont il est
trouvé porteur n'ont pus une valeur supérieure à cent francs ; la loi, en effet,
ne s'est point expliquée à l'égard de ce cas spécial. Il est clair toutefois que
tout ce qu'il peut en résulter, c'est que la possession de ces effets ne motive
alors aucune aggravation de peine; mais la justice peut en rechercher la source,
quelle que soit leur valeur, et si cette source est légitime, il reste à apprécier
si ces effets constituent un moyen de subsistance suffisant pour faire disparaî-
tre la prévention.
La troisième condition du délit est le fait de n'exercer habituellement ni
métier ni profession. Ce défaut d'exercice de métier ou de profession n*eat
évidemment imputable qu'aux personnes qui n'ont aucun moyen de sub-
sistance; et il ne faut pas confondre par la même raison l'absence de la pro-
fession et l'absence de l'exercice de cette profession. On peut avoir une pro-
fession, mais, si on ne l'exisrce pas, cette profession, n'étant plus un moyen de
subsistance, n'est plus une garantie sociale. 11 ne faut pas confondre non plus
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DU VAfiABOKIMLeK {AJ(S. 279). 321
le défaut d'ezereice de la pn^essâon et le manque abaoln de travail : c'eal le
aon-exercice voloataire que la loi poursuit, parce que c*est le signe de fat fai^
néaatise et de la corruption ; le Boa«-exerciee inyolootaire ne peut pas étoe
incriminé plue que la misère elle-même.
Il résulte de ces obcerrations que le vagabondage, tel que la loi l'a défini,
eontîent les éléments d'un véritable délit : œ n'est point la vie errante ei
vagabonde que la loi a voulu atteindre, c'est la vie dénuée de tentes garanties
sociales, la vie sans ressources et sans travail, menaçante pour Tordre et orgsr*
aisée en quelque sorte peur k perpétration des crimes et des délits.
818. Les peines prononcées contre le vagabondage méritent quelques obser-
vations :
tt Art. 271. Les vagabonds ou gens sans aveu qui auront été légalement déclarés
tels, seront, pour ce seul fait, punis de trois à six mois d'emprisonnement. Us.
seront renvoyés après avoir subi leur peme, sous la surveiilanos de la haute
poUce, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. Néanmoins les vagabonds
âgés de moins de seize ans ne pourront être condamnés à la peine d'empyisoLue^
ment; mais, sur la preuve des faits de vagabondage, ils seront renvoyés sous la
surveillance de la haute police jusqu'à Tége de vingt ans accomplis, à .moins
qu'avant cet âge ils n'aient contracté un engagement régulier dans les armées de
terre ou de mer. »
« Art. 272. Les individus déclarés vagabonds par jugement pourront, s'ils sont
étrangers, être conduits, par les ordres du gouvernement, hors du territoire de
l'empire. «
« Aat. 273. Les vagabonds nés en France pourront, après m jugement môme
passé en force de chose Jugée, être réclamés par défibératiooa du conseil munin
cipal de la commune où ils sont nés, ou cautionnés par un citoyen solvahle. 6i le
gouvernement accueille la réclamation ou agrée la caution, les individus ainsi
réclamés ou cautionnés seront, par ses ordres, renvoyés ou conduits dans la com>
mune qui les aura réclamés, ou dans celle qui leur sera assignée pour résidence,
sur la demande de la caution. »
Une pensée partîcnliôre respire au fond de ces dispositions : c'est que le vaga^
bondage, par sa nature spéciale, demande des mesures préventives plus encore
que des mesures répressives, c'est qne la loi, tout en le punissant, se préoccupe
surtout des moyeals de le faire cesser. L'erposé de motifs du Code portait *.
f Le projet de loi définit le vagabondage; il l'érigé en délit et lui inflige tme
peine correctionnelle : toutefois il ne s'arrête point là. Que serait-ce, en effet,
qu*un emprisonnement de quelques mois, si le vagabond était ensuite pure^
ment et simplement replacé dans la société à laquelle il n'offrirait aucune
garantie ? Celui qui n'a ni domicile, ni moyens de subsistance, ni profession,
ni métier, n'est point, en efTet, membre de la cité; dlle peut le rejeter et lé
laisser à la disposition du gouvernement, qui pourra, dans sa prudence, ou
l'admettre à caution, si un citoyen honnête et solvable veut bien en répondre,
ou le placer dans une maison de travail, jusqu'à ce qu'il ait appris à subvenir
à ses besoins, ou enfin le détenir comme un être nuisible et dangereux, s'il
n'y a nul amendement à en espérer. » Cette dernière pensée du gouverne-
ment se rapportait à la deuxième disposition, aujourd'hui abrogée, de l'art. 271
portant que c les vagabonds demeureraient, après avoir subi leur peine, à la
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322 DIX-NBUV. LBÇ. *- DBS GBIlCBt BT DÉLITS, BTG. (n* 320).
disposition da gouvernement pendant le temps qn'il déterminerait, eu égard à
lenr conduite. • La loi du 28 avril 1832 a subsiitoé la surveillance à cette
mesura et peut-être en cela n'est-elle pas entrée dans l'esprit véritable du
premier législateur. La surveillance, appliquée au vagabondage, n'a pas
les mêmes effeto que la mise à la disposition du gouvernement ; elle entoure de
ses regards et de ses entraves les actes extérieurs du vagabond, mais elle ne
léprime point ses penchants vicieux, elle ne corrige point ses habitudes oisives
et désœuvrées, elle ne les soumet point an joug salutaire et réformateur
du travail. La première de ces dispositions avait Tinconvénient d'être vague
et dénuée de garanties, mais elle contenait en germe toutes les mesures
qui pouvaient améliorer la condition du condamné; la seconde, limitée avec
plus de soin et mieux définie, manque entièrement le but du législateur; elle
ne remonte pas à la cause du mal et ne la fait pas cesser.
819. Ceci nous conduit à Texamen d'une question qui a été agitée par la
jurisprudence : c'est de savoir si le condamné pour vagaJbondage peut être, en
cas de circonstances atténuantes, et par Tapplication de l'art 463, dispensé de
la peine accessoire de la surveillance. On a prétendu, d'une part, que l'art. 271,
étant conçu en termes généraux et impératifs, ne permet pas aux juges d'af-
franchir de la surveillance les individus qu'ils déclarent convaincus du délit
de vagabondage; que cet article ne contient de disposition facultative que
pour la fixation de la durée de l'emprisonnement; que la surveillance est une
peine spécialement appropriée au vagabondage et qui ne peut en être détachée.
On a soutenu» d'une autre part, qu'il ne serait pas conforme au vœu du légis-
lateur que l'individu, légalement déclaré vagabond, pût être replacé purement
et simplement dans la société; que la loi le considère comme s'il n'était plus
membre de la cilé et ne voit en lui qu'un être incessamment dangereux ou nui-
sible pour elle ; que la surveillance doit donc toujours lui être appliquée, de
quelques circonstances atténuantes que le fait de la condamnation principale
se présente environné, par la triple raison qu'elle est de sa nature préventive,
spéciale et d'ordre public. Ces raisonnements que nous puisons dans les arrêts
ne soutiennent pas un examen sérieux. Les termes impératifs de l'art. 271, en
premier lieu, ne peuvent être invoqués, puisque l'art. 58, relatif à la récidive,
est rédigé dans les mêmes termes et que sa rédaction n'a pas fait obstacle à ce
que la surveillance qu'il porte également pût être écartée par l'application de
l'art. 463. L'institution des circonstances atténuantes plane sur toutes les dis-
positions du Gode et permet d'en modérer toutes les pénalités anssitét que les
excuses indéfinies que prévoit l'art. 463 sont déclarées exister. Or la surveil-
lance est une peine et elle ne perd point apparemment son caractère pénal par
cela seul qu'elle est appliquée au vagabondage ; elle rentre donc dans les
termes généraux de la loi. La jurisprudence s'est appuyée sur des expressions
des motifs du Gode qui s'appliquaient à la mise à la disposition du gouverne-
ment et nullement à la surveillance : elle a confondu ces deux mesures,
le Gode de 1810 et le Gode de 1832; c'est là son erreur,
320. Le deuxième paragraphe de l'art. 271 a été ajouté par la loi du 28 avril
1832. M, Gharies Gomte l'avait proposé, à titre d'amendement, dans les termes
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AU YAGABONDAGS (àRT. 279). 323
siÛTants : « Le préyenu de vagabondage qui sera âgé de moins de seize ans on
qui prouvera qu'il n*a pn exercer aucun métier ni profession, ni être admis
dans une maison de travail, ne sera pas condamné à la peine d'emprisonne-
ment; mais, sur la preuve des faits de vagabondage» il sera mis à la disposition
du gouvernement pour un temps qui ne pourra être, ni de moins de six
mois ni de plus de cinq ans. Le gouvernement exercera sur les mineurs à sa
disposition, en vertu de cet article, Tautorité attachée à la puissance pater-
nelle, jusqu'à Texpiration du temps pour lequel ils auront été mis à sa dispo-
sition, i Cet amendement ne fut point entièrement adopté par la commission
de la Chambre des députés : c La commission a reconnu queremprisonnement
étant une peine, on ne pouvait rinfliger à un enfant que son âge peut faire
considérer comme exempt de toute culpabilité; elle a pensé qu'on avait seule-
ment le droit de. le surveiller et de le retenir comme vagabond. En consé-
quence, la commission propose d'exempter de l'emprisonnement le prévenu de
vagabondage flgé de moins de seixe ans, et de le mettre seulement à la dispo-
sition du gouvernement jusqu'à l'âge de vingt ans. La disposition suivante
tendrait à donner au gouvernement, sur les mineurs mis à sa disposition^
l'autorité attachée à la puissance paternelle, jusqu'à l'expiration du temps pour
lequel ils auront été mis à sa disposition. Cet amendement nous a paru violer
les droits de famille et transporter au gouvernement des droits qui ne lui
appartiennent pas. > Tels ont été la source et le motif du deuxième paragraphe
de l'art. 271. La Chambre des pairs modifia feulement cette disposition
en substituant la surveillance à la meaure qu'elle indiquait.
821. Le délit de vagabondage prend un élément d'aggravation dans les cir^
constances qui l'accompagnent : 1* Lorsque le prévenu est trouvé por-
teur d'un ou de plusieurs effets d'une valeur supérieure à cent francs, et dont
il ne peut justifier la source : j*ai déjà examiné cette disposition qui fait l'objet
de l'art 278; 2<» lorsque le prévenu est saisi travesti d'une manière quelcon-
que, ou porteur d'armes ou d'instruments propres à commettre des crimes :
dans ce cas, prévu par l'art. 277, la présomption, qui fait le fondement de la
prévention, s'élève au plus haut degré de sa force, elle prend presque ht
consistance d'un acte matériel : le vagabond, déjà suspect par sa posiiion, le
devient plus encore, quand on le trouve préparé à quelque entreprise crimi-
nelle; Z^ lorsque le prévenu a exercé quelque acte de violence que ce soit
envers les personnes.
c Art. 279. Tout mendiant ou vagabond qui aura exercé ou tenté d'exercer quel-
que acte de violence que ce soit envers les personnes, sera puni dlin emprison-
nement de deux à cinq ans* sans préjudice de peines plus fortes, s'il y a lieu, à
raison du genre et des circonstances de la violence. — Si le mendiant ou le vagabond
qui a exercé ou tenté d'exercer des violences se trouvait en outre dans Tune des
circonstances exprimées par l'art. 277, il sera puni de la réclusion. »
La distinction que fait cet article a été introduite par la loi du 13 mal 1863.
Elle a eu pour objet, d'abord de mettre une proportion plus juste entre les
peines portées par cet article et les peines portées par les art. 276 et 277 ; ensuite
de déférer dans la plupart des cas les actes de violence des mendiants
et vagabonds, à la juridiction correctionnelle, en les qualifiant délits.
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324 DIX-NEUV. LBÇ — DBS CRI1IS8 ET nÉLITS, BTG. (N* 322).
DE LÀ MBNDICrrt. «
3S2. La mendicité n'est point et ne peut ôtre en eUe*inème un délit; car
lorsqu'elle est la suite d*une véritable misère, comment serait-elle imputable
à Tageni? L'infortune ne tombe point sous le coup de la k>i pénale ; l'homme
qui, malade ou débile, incapable on dénué de tout travail, et n'ayant aucune
ressource pour soutenir sa vie, implore la charité publique, ne commet aucune
&ute qui puisse motiver Tapplication légitime d'une peine. La loi ne saisit
donc la mendicité pour en faire la matière d'un délit que lorsqu'il y a présomp-
tion qu'elle n*est pas le produit delà misère, mais bien d'habitudes dépravées
qui rassimilant au vagabondage*
. Cette présomption, est attachée aux deux faits suivants : t<» la mendicité
dans les lieux où. une maison de dépôt a été établie pour recevoir les men-
diants ; 2» la validité des personnes qui se livrent habituellement à la mmdi*
cité. Ces faiU sopt l'objet des art. 274 et 275 :
c Art. 274. Toute personne qui aura été trouvée mendiant dans un lieu pour
lequel il existera un établissement public organisé aûa d*obvier à la mendicité,
sera punie de trois à six mois d'emprisonnement et sera, après l'expiration de sa
peine, conduite au dépét de mendicité. »
« Art. 275. Dans les lieux où il n'existe point encore de tels établissements,
les mendiants d'habitude valides seront punis d'un mois à trois mois d'emprison-
nement. S'ils ont été arrêtés hors du canton de leur résidence, ils seront punis
d*un emprisonnement de six mois & deux ans. »
. Ainsi, la première condition de la répression de toute mendicité est l'éta*
blissement d'un dépôt de mendicité dans le lieu oii le prévenu a été trouvé
mendiant ; car, suivant les paroles des auteurs du Code, c jusqu'à ce que les
dépôts de mendicité soient formés, on ne peut défendre à ceux qui sont sans
ressource de demander Taumône, encore moins les punir pour l'avoir fait a
Suivant le décret du 25 juillet 1808, qui ordonne l'établissement d'un dépôt
dans chaque département, il suffit que ce dépôt soit organisé et en activité
dans un département, pour que la mendicité soit interdite dans toute son éten-
due. Mais il a été reconnu avec raison c que si, conformément à l'intention
qui a dicté le décret du 5 juillet 1808, pour l'extirpation de la mendicité, cet
établissement est ouvert sans distinction à tous ceux que la misère pousserait
à mendier, l'art. 274 doit être appliqué de môme sans distinction à quiconque,
au lieu de profiter de la ressource qui lui est offerte, préfère se livrer à la men-
dicité ; mais que si, d'après les règlements qui le régissent, certaines classes
d'individus en sont exclues, la disposition dudit article cesse d'être applicable
à ceux qui ne pourraient s'y faire admettre, quand même ils le désireraient. »
Lorsqu'il n'existe aucun établissement pour recueillir les mendiants, la loi
ne punit, aux termes de l'art. 275, que les meadianis d'habitude valides. Deux
élémcAts sont donc nécessaires pour l'existence du délit : la validité do l'agent
et l'habitude de la mendicité. La validité de l'agent : ainsi les individus invft*
lides ont la faculté de mendier dans les lieux où il n'existe poini; de d^ôt;
l'habitude de mendier : ainsi, le seul fait d'être trpuvé ip^ndiiiat Ae suffit pas
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DB LA MBNDIGIT6 (ART. t82}. 325
pour Texistenee du dédit ; il faut qn'ii soit constaté que le prévenu fait métier
de mendicité.
818. Le foil de mendicité, qu'il y ait ou non un dépôt dans le département,
prend un caractère particulier de gravité et devient passible d'une pénalité
^tus forte^ lorsqu'il s'y joint quelque circonstance qui signale dans le men-
-dtent un agent dangereux.
- « ÂAT. 276. Tous mendiants, même invalides^ qui auront usé de menaces, ou
iS6ront entrés, sans permission du propriétaire ou des personnes de sa maison,
soit dans une habitation, soit dans un enclos en dépendant, ou qui feindront des
plaies ou infirmités, ou qui mendieront en réunion, à moins que ce ne soit le
mari et la femme, le père et la mère et leurs jeunes enfiints, l'aveugle et son
conducteur^ seront punis d*un emprisonnement de six mois & deux ans, »
Cet article a pour but de protéger la liberté du domicile et la sûreté des per-
sonnes, surtout dans les campagnes où l'isolement des habitations les expose
aux sollicitations souvent menaçantes des mendiants. Ce n'est plus l'acte de
mendicité que la loi punit : ce sont les menaces, la fraude des mendiants, leur
réunion qui les rend dangereux, Tassociation ou la bande qui semble préparée
à commettre des méfaits. Kart. 6 de la déclaration du 18 juillet 1724, dans
lequel l'art. 276 a été textuellement puisé, prononçait la peine des galères au
moins pour cinq années. Notre Gode a restreint avec raison cette peine; puis-
qu'il ne s'agit après tout que d^an acte préparatoire qui n'a encore été suivi
d'aucun fait matériel constitutif d'un délit.
324. D'autres circonstances aggravantes sont prévues par les art. 277, 278
et 279 ; j'ai déjà examiné ces articles dont les dispositions sont communes aux
vagabonds et aux mendiants. Je crois inutile d'y revenir. Je veux cependant
m'arcèter à l'art. 282 qui soulève une question importante :
« Art. 282. Les mendiants qui auront été condamnés aux peinesi portées par
les articles précédents seront renvoyés, après Texpiration de leur peine, sous la
surveillaDce de la haute police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »
Cette disposition se réfère-t-elle à tous les condamnés pour mendicité ou
seulement à ceux qui font l'objet des art. 277 et suivants? On a prétendu que
la rubrique : Dispositions commîmes aux vagabonds ei aux mendiants qui précède
l'art. 277, n'est point l'intitulé d'un paragraphe distinct qui sépare cet article
de ceux qui le piî^cèdent ; que les art. 277 et suivants se rattachent étroitement
aux art. 274 et suivants et ne forment avec ceux-ci qu'un seul paragraphe ; que
Part. 278 renvoie, pour la peine à infliger par cet article, à l'art. 276, ce qui
indique surabondamment la relation qui existe entre ces deux articles, et que
les mêmes règles leur sont communes ; d'où l'on conclut que l'art. 282, qui
soumet à la surveillance les mendiants qui auront subi les peines portées par
les articles précédents, se réfèrent nécessairement et sans distinction à tous les
artîeles qui composent le paragraphe, et qu'ainsi tous les mendiants condamnés
aune peine quelconque, en vertu de tous les articles qui composent ce para-
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326 DIX-MBUV. LEÇ. «— . DBS GBIMES ET DÉLITS, BTC. (m* 326).
graphe, doivent être soamisàla surveillance. Ces raisons de texte ne sont pas
tout à fait déterminantes puisqu'on peut leur opposer que la loi a divisé en
deux catégories les dispositions relatives à la mendicité et que l'art. 282, placé
dans la seconde catégorie, ne doit pas exercer son antorité au delà, lorsque
aucune expression ne Tétend. Mais il nous semble qu'un motif puisé dans l'es-
prit de la loi les repousse d'une manière catégorique. Cîomment admettre que
les simples faits de mendicité, quand ils sont isolés de toute circonstance aggra-
vante, puissent donner lieu à une peine aussi grave que la surveillance de cinq
ans? Ne serait-ce pas une pénalité hors de proportion avec un fait qui ne pré-
sente pas même, comme le vagabondage, le caractère d'un acte préparatoire
des délits? Ne serait-ce pas assimiler aux criminels les plus dépravés et les
plus dangereux un individu qui n*est coupable que de paresse ou de misère?
L'art. 282, restreint dans son application aux mendiants punis en vertu des
art. 277 et suivants, est une disposition sage et prévoyante : étendu aux indi-
vidus frappés par les art. 274, 275 et 276, il traiterait comme des malfaiteurs
des gens qui ne le sont pas encore, et peut-être ne le deviendront jamais. A
la vérité, l'art. 463 permet d*écarter la surveillance ; mais ce n'est là qu'une
faculté dont le juge peut omettre de se servir, et, s'il appartient à celui-ci de
mesurer la quotité de la peine due au délinquant, il n'appartient qu'à la loi
d'apprécier la nature de la peine qui doit être appliquée au délit.
DE LA. PUBLICATION OD DISTaiBUTION DBS ÉCSITS OU GRAVURES; SANS NOM d'âOTEUR
OU D'iMPRDfEUR.
326. 11 ne s'agit point d'examiner ici les délits commis par la voie de la
presse. Ces délits, nés d'un ordre politique qui n'existait pas lors de la rédac-
tion du Gode pénal, ont été prévus, au fur et à mesure qu'ils se sont révélés,
par des lois spéciales qui forment encore à cet égard une législation en dehors
du Gode, soumise à des règles particulières. Gelles de ces lois qui sont demeu-
rées debout et qui régissent actuellement cette matière sont les lois des 17 et
26 mai 1819, qui contiennent les vrais fondements de toute la législation de
la presse, a la du 25 mars 1822, qui avait commencé à s'écarter de ces prin-
cipes, la oî du 9 août 1848, qui y est revenue, celle du 27 juillet 1849, le dé-
cret du 17 février 1852, et enfin les lois du 27 avril 1871 et du 29 décembre ^875.
326. Les art. 283 à 290 du Code pénal ont été en partie modifiés, en partie
abrogés par ces différentes lois : il n*en reste plus que quelques fragments.
L'art. 283 qui punit toute publication ou distribution d'écrits dépourvus
de l'indication vraie des noms, profession et demeure de l'auteur ou de l'im-
primeur, a été abrogé, en ce qui concerne les imprimeurs et libraires» par
les art. 17 et 18 de la loi du 21 octobre 1814. L'art. 284 a également été
abrogé dans les mêmes cas par les art. 15, 16 et 19 de la même loi. Il faut
ajouter que les colporteurs et distributeurs, autres que les libraires, ont été
soumis à des règles spéciales de police par les lois des 10 décembre 1830,
16 février 1834 et par l'art. 6 de la loi du 27 juiUet 1849, modifié par l'art. 3
de la loi du 29 décembre 1875. Néanmoins cet article continue, de subsister
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PUBLIC. OU DI8T1IIB. DB0 ÉCRITS OU «RAT. SANS NOM d'aUISUR. 327
en 06 çoi concerne les distribnteiuti des écrits qui portent la double omis*
sion des noms et demenres tant de Tantenr que de rimprimenr. Aujonr*
d'hni la loi de la matière est Fart 6 de la loi du 27 joîliet 1849, qui dispose
que : « Tous distributeurs ou colporteurs de livres, écrits, brochures, gravures
et b'thographîes, doivent être porteors d'une autorisation qui leur sera délivrée,
pour le département de la Seine, par le préfet de police, et pour les autres
départements, par les préfets. Ces autorisations pourront toujours être retirées
par les autorités qui les auront délivrées. Les contrevenants seront cotidanmés
par les tribunaux correctionnels à un emprisonnement d'un mois à six mois,
et à une amende de 25 à 500 fr., sans préjudice des poursuites qui pourraient
être dirigées, pour crimes ou délits, soit contre les auteurs ou éditeurs de ces
écrits, soit contre les distributeurs ou colporteurs eux-mêmes. > L'interpré>
tation de cet article a donné lieu à plusieurs questions : la principale est de
savoir s'il ne comprend, comme les lois antérieures, que les colporteurs ou
distributeurs de profession, ou s'il doit s'étendre aux actes mêmes isolés de
distribution. Cette dernière interprétation, quoique contredite par l'exposé des
motifs et par les lois des 10 décembre 1830 et 16 février 1834, qui ne s'appli-
quaient qu'à l'exercice de la profession de distributeur, a prévalu. La Cour de
cassation a jugé c que le législateur de 1849 qui, par un ordre de faits nou-
veaux, a créé des moyens nouveaux de surveillance, n'a pas reproduit dans
l'art. 6 de la loi du 27 juillet les conditions de la profession et n'emploie que
des expressions générales et absolues ; qu'il distingue ainsi la qualité de dis-
tributeur de la profession de colporteur ; qu'en présence de termes aussi géné-
raux, il n'y a plus lieu de rechercher si l'agent de distribution exerce ou non
la profession de distributeur, mais seulement si les faits imputés aux prévenus
sont de nature à constituer une distribution illégale, b II suit de là qu'il
importe peu que la distribution soit un acte accidentel ou habituel, qu'elle soit
faite sur la voie publique ou à domicile : la loi s'applique aussi bien à l'au-
teur qui colporte son propre écrit qu'à l'individu qui ne répand que l'écrit
d'autrui.
L'art. 285 qui pose le principe de la complicité des distributeurs, lorsque
récrit imprimé contient quelques provocations à des crimes ou délits, a été
remplacé par l'art. 1 de la loi du 17 mai 1819 qui Ta établi depuis en termes
plus étendus et plus nets en déclarant complice d'un crime ou d'un délit, qui-
conque par des écrits, des imprimés, des dessins, des gravures, vendus ou dis»
tribués, mis en vente ou exposés, a provoqué l'auteur de ces crimes et délits,
à les commettre. L'art. 286, qui prescrit la confiscation des exemplaires saisis,
de l'écrit anonyme ne fait qu'une application partielle du principe général éta-
bli par l'art. 26 de la loi du 26 mai 1819.
L'art. 287 qui punit toute exposition ou distribution de chansons, pamphlets,
figures ou images contraires aux bonnes mœurs, se trouve implicitement abrogé
jpar l'art. 8 de la loi du 17 mai 1819, qui prévoit en général tout outrage à la
morale publique et religieuse ou aux bonnes mœurs. L'art. 288, qui formule
nne excuse en faveur des distributeurs qui ont fait connaître la personne qui
leur a remis l'écrit ou l'imprimeur, est, au contraire, encore en vigueur, puisr
que aucune loi ne Ta abrogé.
L'art. 289 a été implicitement abrogé par les lois sur la presse dans tous ^'
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328 m<'ifBtnr. lbç. «• obs crimes kf déuts, vrc. (r<* 327).
eas où cet Ims 80Dt appUoables ; mais îl me semble qu'il a nécessairement con-
eervô son empire dans les cas restreints où l'art. 283 s'applique encore.
Quant à Tart. 290, il a été formellement Abrogé par Tart. 9 de la loi du 10
décembre 1830.
DES ÀSSOGIiLTlONS ILLIOITES.
827. Le délit d'association illicite termine, dans notre Gode, la série des
délits contre la paix publique. Gomme l'association de malfûteurs, le Taga-
bondage, la mendicité, la distribution d'écrits clandestins, l'association illicite
est incriminée à raison du danger dont elle menace la paix publique plutôt
qu*à raison du trouble qu'elle produit; elle rentre dans la classe des actes prépa-
ratoires qui éveillent l'inquiétude delà société avant môme qu'aucun commen-
cement d'exécution d'un délit les ait suivis.
On Ht dans la Théorie du Code pénal les lignes suivantes : c En thèse géné-
rale, la liberté d^assoctation est un droit naturel ; isolé, l'homme est frappé
d'impuissance, sa faiblesse se révèle à chaque pas ; quel que soit le but qu'il se
piropose ou là carrière qu'il parcourt, soit qu'il explore les arts, l'industrie ou
les sciences, ce n'est que par Tagrégation des lumières et des forces qu'il par*
vient à vaincre les résistances, à dompter les obstacles, à réaliser sa pensée.
Les époques de civilisation sont celles où cette faculté de l'association se déve»
ioppe avec plus d*énergie ; elle est l'immense levier sur lequel la vieille société
s'appuie pour se dégager de ses langes et prendre un essor plus élevé; s'il est
permis de croiref au progrès, c'est en ajoutant foi à la force d'une associatioti
plus étroite entre les membres de la cité. L'association, c'est la condition de la
prospérité et de la vie môme de l'homme ; c'est le point de départ et l'avenir
de la société. Mais l'exercice du droit le plus légitime, laissé sans règles entre
les mains de l'homme, peut aussitôt engendrer des abus. Cest ainsi que la loi
a ceint chacune de nos libertés d'un cercle qui en limite l'étendue. Il est évî*
dent que les passions humaines peuvent s'emparer de l'instrument puissant de
l'association, qu'elles peuvent diriger contre la société elle-même, et redou-
bler, à l'aide de ses forces énergiques, le péril de leur œuvre destructive. La
loi remplit une mission également sacrée en proclamant le droit et en répri-
mant les écarts. Elle peut donc punir les associations immorales ou dangereu-
ses : elle peut les défendre et châtier ceux qui enfreignent ses dispositions ; ce
pouvoir dérive du principe même du droit pénal. >
La légitimité de l'incrimination ainsi démontrée, il reste à rechercher dans
quelles limites le législateur l'a appliquée. La législation présente à cet égard
plusieurs phases successives, car l'association, liée aux circonstances politi-^
ques, a reflété, quant aux mesures de police dont elle a été l'objet, les dififé*.
rents systèmes politiques des gouvernements qui se sont succédé.
L'Assemblée constituante avait décrété, en premier lieu, que les citoyens
ont le droit de s'assembler et de former entre eux des sooiétés (LIS novem-
bre 1790) : la constitution du i4 septembre 1791 garantissait l'exercice de ce
droit Mais elle fht contrainte d'interdire les députations et les adresses des
clubs, leur assistance aux cérémonies publiques et la publicité de leurs débats
(L. 29-30 septembre 1791). La loi du 13 juin 1793 efifaga ces restrictions et
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DB$ AaSOClA'riOlfS ïtLTGITBB (art. 291). 329
proclama le droit abdbla des citoyens de se réunir en société populaire. Mais
cet état de choses fût bientôt modifié, d'abord la constitution du 5 fructidor an
m, qui prohiba toutes les associations contraires à Tordre public et toutes les.
àlfib'ations et correspondances des associations licites, ensuite par la loi du 7
thermidor an V, qui interdit toutes les associations poKtiques, enfin par les art.
ft91 et suivants du Gode pénal.
828. Le principe du Gode est de soumettre à Fautorisation préalable du
gouvernement toute association^ quel que soit son but, composée de plus de
vingt personnes.
a Art. 291. Nulle association de plus de vingt personnes, dont le but sera de se
réunir tous les jours ou à certains jours marqués, pour s'occuper d'objets religieux,
littéraires, politiques ou autres, ne pourra se former qu'avec l'agrément du gou-
vernement, et sous les conditions qu'il plaira à l'autorité publique d'imposer & la
société. Bans le nombre de personnes indiqué par le présent article ne sont pas
comprises celles domiciliées dans la maison où l'association se réunit. »
Il suit, en premier lieu, de ces termes que la loi ne soumet à Tagrément
du gouvernement que les associations de plus de vingt personnes. De là deux
conséquences : l^La loi ne prohibe que les associations ; elle ne prohibe donc
pas les réunions accidentelles et temporaires ; elle suppose une organisation et
un but commun. Cest surtout la communauté du but que les associés se pro-
posent d'atteindre et auquel ils s'engagent à coopérer, qui constitue l'associa-
tion, car la délibération en commun et la participation égale de tous les mem-
bres à la direction n'en sont pas des conditions nécessaires; ce .qu'il importe,
c'est la coopération à l'accomplissement d'une œuvre déterminée. 2^ La loi ne
prohibe que les associations composées de plus de vingt personnes. Mais il
importe peu qu'elles se divisent en fractions, qui chacune n'atteindrait pas
ce nombre. Cette difficulté, qui avait arrêté la jurisprudence, a été tranchée
par l'art, i" de Ut loi du 10 avril 1834 portant : c Les dispositions de l'art.
291 sont applicables aux associations de plus de vingt personnes, alors même
qu'elles seraient partagées en portions d'un nombre moindre et qu'elles ne se
henniraient pas tous les jours, ou a des jours marqués ; l'autorisation donnée
par le gouvernement est toujours révocable. » Il faut toutefois prouver,
même en appliquant cette dernière loi, que les sections qui sont Pobjet
d*ime poursuite sont des ftactions d*une association véritable ou sont affiliées
avec d'autres sections «
889. L'art. Wl ne prononçait qu'une amende de 16 à 200 francs et cette
peine ne frappait que les chefs et les directeurs. L'art. 2 ^e la loi du 10 avril
1834 a modifié ces deux points, c Quiconque fait partie d'une association non
autorisée sera puni de deux mois àun an d'emprisonnement et de 50 à 1,000
francs d'amende ; en cas de récidive, les peines pourront être portées au dou-
ble. Le condamné pourra, dans le dernier cas, être placé sons la surveillance
de la haute police pendant un temps qui n'excédera pas le double du maxi-
mum de la peine. L'art. 463 du Gode "pénal pourra être appliqué dans tous
les cas. I
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330 DIZ-NBUY. LBÇ. — DBS CRIMSB BT DÉLITS, BTG. (m* 331).
Uart. 293; qui prévoit la provocation à des crimes ou des délits faite dans
les assemblées de l'association, n'a été ni abrogé ni modifié par la loi du 10
avril 1834. Il a été momentanément remplacé, en ce qui concerne les associa-
tions désigaées sons le nom de clubs, par Fart. 6 de la loi du 28 juillet 1848,
qui contenait une disposition tout à fait identique ; mais comme cette loi ne
s'appliquait qu'aux clubs et qu'elle a été d'ailleurs abrogée par le décret du
25 mars 1852, l'art. 293 paraît avoir conservé toute sa force en ce qui touche
les associations qui font l'objet de l'art. 291 et de la loi du iO avril 1834.
830. Il nous reste à examiner l'art. 294.
« Art. 294. Tout individu qui, sans la permission de l'autorité municipale, aura
accordé ou consenti l'usage de sa maison ou de son appartement, en tout ou partie,
pour la réunion des membres d'une association môme autorisée ou pour l'exercice
d'un culte, sera puni d'une amende de 16 à 200 francs. »
Cet article présentait une lacune pour le cas où l'association n'était pas
autorisée. L'art. 3 de la loi du 10 avril 1834 a rempli cette omission en por-
tant que c seront considérés comme complices du délit d'association illicite, et
punis comme tels, ceux qui auront prêté ou loué sciemment leur maison ou
appartement pour une ou plusieurs réunions d*une association autorisée. » U
suit de là que, si le local est abandonné à une association non autorisée, le pro-
priétaire est réputé complice comme ayant fourni les instruments nécessaires
pour commettre le délit. Si, au contraire, Tassociation est autorisée, et que
seulement le propriétaire n'ait pas obtenu Tautorisation de l'autorité munici-
pale, la faute qu'il a commise étant plus légère, la peine prononcée par l'art. 294
a paru suffisante.
881. La loi du 28 juillet 1848 a, dans le court espace durant lequel elle a
vécu, remplacé les art. 291 [et suivants. Cette loi, après avoir proclamé dans
son art l*"' le droit des citoyens de se réunir, divisait les réunions en publi-
ques et non publiques : les réunions publiques ou clubs étaient soumises à la
formalité d'une déclaration préalable et à la garantie d'une publicité continue
et d'une surveillance effective. Les réunions non publiques n'étaient soumises
à aucune autre formalité qu'une simple déclaration à l'autorité municipale, lors-
qu'elles n'avaient pas un but politique; mais, lorsque leur but était politique,
elles ne pouvaient se former qu'avec l'assentiment de l'autorité municipale.
Ces différentes dispositions n'étaient point applicables aux réunions ayant
pour objet exclusif l'exercice d'un culte quelconque ni aux réunions électo-
rales préparatoires : ces deux catégories de réunions restaient complètement
libres.
Cet état de choses, déjà modifié par la loi du 22 juin 1849, qui avait snspendu
l'application de la loi du 28 juiUet 1848, a été complètement changé par le
décret du 25 mars 1852, dont voici le texte : c Art. l**. Le décret du 28 juillet
1848, sur les clubs, est abrogé, à l'exception toutefois de l'art 13 de ce décret
qui interdit les sociétés secrètes. — Art. 2. Lee art 201, 292 et 294 du CSode
pénal et les art. i, 2 et 3 de la loi du 10 avril 1834 seront apphcabies aux réu-
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DBS ASSOCIATIONS ILLICITES (aRT. 294). 331
nions pnbliqaes, de qaelqae nature qu'elles soient. Deax observations sur
les effets de ce décret : !• Il maintient Tart. 13 de la loi du 28 juillet 1848.
Voici le texte de cet article : c Les sociétés secrètes sont interdites. Ceux qui
seront convaincus d'avoir fait partie d'une société secrète seront punis d'une
amende de 100 à 500 fr., d'un emprisonnement de six mois à deux ans, et de
la privation des droits civiques de un à cinq ans. » Il ne faut pas confondre les
sociétés secrètes avec les sociétés non publiques : il est de l'essence des pre-
mières de se voiler aux regards de l'autorité publique, les autres, au contraire,
lorsqu'elles sont régulièrement autorisées, peuvent vivre en debors de toute
publicité. 2* L'art. 2 du décret étend les art. 291 et suiv. du Gode pénal aux
réunions publiques, de quelque natiare qu'elles $oienU U suit de là, d'abord,
qu'aucun club, aucune réunion, même électorale, ne peut avoir lieu sans auto-
nsation ; il en résulte encore que cette autorisation s'applique même aux réu-
nions religieuses. Ainsi, il n'est plus possible de soutenir, comme on l'avait fait
sous la Gbarte de 1830, que le principe de la liberté de conscience créait une
exception à l'application de l'art 291 aux réunions qui avaient pour objet l'exer-
cice d'un culte, et Fart. 19 de la loi du 28 juillet 1848 a cessé d'exister; les ter-
mes absolus du décret ne permettent plus aucune exception.
On doit toutefois noter ici qu'une proposition de loi dont le rapport a été
déposé le 15 décembre 1870, sur le bureau de l'Assemblée nationale et qu'au-
cune loi n'a suivi, a eu pour objet d'abroger les art. 291,292, 293 et2949 et d'y
substituer un régime qui peut se résumer ainsi : 1^ toute association pourra
se constituer sans autorisation, mais après une déclaration préalable ; 2* sera
toutefois réputée illicite toute association ayant pour but d'attaquer le gouver-
nement ou de provoquer des atteintes à la liberté de l'industrie, à la liberté des
cultes, à Tordre public et aux bonnes mœurs ; 3<* les sociétés secrètes conti-
nuent d*être interdites ; 4^ des mesures de surv^Lance et de répression ont pour
objet de maintenir les associations dans les limites de l'dijet de leur fondation.
YINGTliMS LEÇON.
332. Nous avons parcouru la longue série des crimes et délits cw^lre la chose
publique. Nous allons commencer dans cette leçon Texamen d*une nouvelle
catégorie d'infractions : les crimes et délits contre les particuliers. Ces infrac-
tions se divisent elles-mêmes en deux classes : celles qui sont dirigées contre les
personnes, et celles qui sont dirigées contre les propriétés. Nous suivons Tordre
du Gode et nous examinons en conséquence immédiatement les crimes et délits
contre les personnes.
Les violences contre les personnes se partagent en plusieurs catégories sui-
vant le but qu'elles se proposent : on distingue la classe des violences maté-
rielles qui mettent en péril la vie ou du moins la sûreté des citoyens, la classe
des violences qui constituent les attentats à la pudeur, la classe des violences
qui portent atteinte à, la liberté, à Tétat civil, à la situation sociale des person-
nes, enfin, la classe des violences morales qui sont de véritables attaques con-
tre leur honneur et leur réputation. Je ne m^occuperai aujourd'hui que de la
première catégorie de ces infractions ; ce sont les plus graves, ce sont celles
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332 VINGTIÈMB LBÇ. — DBS GRIMBS ÎST ZNÈLIT8, BTG. (n^ 335).
qui, de toutes les offensesi menacent au plus haut degré Tordre social et sem-
blent empreintes de la plus profonde perversité. La première de ces offenses
est l'homicide vobntaire qui reçoit ensuite, soit de la qualité des victimes, soit
des circonstances qui raccompagnent, différentes aggravations.
DE L*H01CICI1)E VOLONTAIRE.
833. Le Cîode s'est borné à qualifier Thomicide volontaire sans le définir :
« ART. 295. L'homicide commis volontairement est qualifié meurtre, d
Mais ce texte renfenne en lui«méme une véritable définition. Il indique en
-effet que, pour qu'il y ait meurtre, il faut : 1» un fait matériel d'homicide
(Aomtnig. codt^, c'esl«à-dire un attentat contre la vie d'un être humain;
tÎP la volonté de commettre cet homicide. Ce sont là les deux éléments du
-crime.
834. Il faut, en premier lieu, un attentat matériel ayant pour but d'èter la
vie à un être humain. Tout acte, quelle qu'en soit la nature, ayant la puissance
de donner la mort, peut entrer dans les termes de la loi, mais il faut un acte
matériel , les souffhmces purement morales , quelque odieuses qu'elles
fussent, ne suffiraient pas. il faut ensuite que cet acte ait la puissance de don-
)^ner la mort, car oifne pourrait qualifier homicide ou du moins tentative d'ho-
micide un coup porté avec un instrument qui ne pourrait donner la mort, de
même qu'on ne pourrait qualifier tentative d'empoisonnement le fait d'admi-
nistration des substances qui ne peuvent qu'altéfer temporairement la santé.
Enfin j'ai dit que l'attentat devait avoir été commis sur un être humain, car
.c'est l'homme, c'est-à-dire l'humanité entière, que la loi a voulu protéger. Il
importe peu que la victime soit ou frappée d'idiotisme ou atteinte d'infirmités
ou de maladies qui ne lui laissent qu'une existence incomplète et fragile ;
il suffit qu'elle existe pour qu'il y ait crime.
885. Le deuxième élément du meurtre est la volonté de tuer. Il importe de
définir nettement cette volonté. On peut avoir la volonté de donner la mort
*à quelqu'un, sans avoir la pensée d'un crime, par exemple, si vous repoussez
une attaque à main armée et que vous ne puissiez sauver votre vie qu'en atta-
quant la vie de vos agresseurs, si vous faites partie de la force armée et que
vous receviez le commandement de faire feu sur l'ennemi. La volonté de tuer
n'est donc pas essentiellement criminelle, elle ne le devient que lorsqu'elle est
animée de la fraude, de la perfidie, du dol qui constitue le crime. H ne suffit
-donc pas de rechercher si l'agent a eu la volonté de tuer, mais sMl a eu
la volonté coupable, l'intention frauduleuse de commettre l*homicide; c'est la
fraude qui forme toute la crlminahie de la volonté; et c'est en ce sens que le
n\ot volcmtairemenÉ de Fart. 295 doit être entendu, car nous verrons tout
- à l'heure que le €!ode suppose lui-même, dans les art. 321 et suivants, que
l'homicide peut dans certains cas être commis volontairement sans avoir
les caractères d'un meurtre.
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DB l'hOMXCIDB TOLOKTAIAS (ART. 295). 333
886. Cette règle va nous aider à résoudre quelques problèmes très-ardus de
la législation pénale. Notre Gode n'a point, comme l'avait fait Tancienne Juris-
pmdence, porté des peines contre le suicide ; nous n'avons donc point à nous
occuper de cet acte, quel que soit le Uàme qu'il puisse mériter. Mais comment
qualifierez-vous l'acte de complicité de suicide f Sans doute, tous distinguerez
d'abord : s'il nes'agit que de faits de provocation, d'aide donnée aux prépara-
tifo, d'instruments ou d'armes fournis pour l'exécution, vous reconnaîtrez faci-
lement que ces actes d'assistance échappent à la loi pénale; car, dès que le
fait principal ne constitue ni crime ni délit, les actes préparatoires participent
évidemment de la même nature. Mais vous hésiterez peut-être davantage si le
complice ne s'est pas borné à préparer le suicide, s'il s'est chargé de l'accomplir
lui-même, si, sur la prière d'ailleurs bien constatée de la personne qui voulait
se toer, il a consommé l'homicide. Bet-ce 1& un meurtre dans le sens de la
loi? 11 est évident que c'est un meurtre, si le consentement de la victime n'a
pas été libre, s'il lui a été arraché par des menaces ou par la force; il est
encore évident que, dans le cas d'un double suicide, s'il a été exécuté par une
seule des deux personnes vouées à la mort, cette personne, si elle a survécu,
pourrait être inculpée de meurtre, car, si elle a attenté aux jours de la première
personne avant d'attenter aux siens, il y aurait lieu d'examiner si elle n'avait
pas consommé le crime avant d'exécuter une tentative sur elle«môme. Mais
écartez ces deux hypothèses ; supposez une volonté de suicide bien arrêtée '
dans l'esprit de l'individu qui a succombé; supposez que cet individu ait payé
un domestique pour le débarrasser de la vie; supposez l'esclave Philocrate
donnant la mort à son maître Galas G-racchus sur Tordre de cet illustre tnbun,
et ae tuant lui-même aussitôt. Cette assistance au suicide devient-elle un acte
imputable? Il est dair qu'on trouve dans cette assistance, comme Ta constaté
la jurisprudence, les deux éléments du meurtre : le fait matériel de l'homicide
et la volonté de tuer. Mais la question est de savoir si c'est bien là cette
volonté caractéristique du crime, cette volonté qui prétend nuire en donnant
la mort, cette volonté criminelle, en un mot, qui est l'élément nécessaire du
meurtre? Un doute grave s'élève à cet égard. Sans doute, l'intention qui a
animé l'agent est une intention coupable, car c'est un acte coupable que de
servir même d'instrument à un suicide; mais là n'est pas la difficulté;
il importe peu que l'assistance soit coupable en elle-même, si elle n'est pas
empreinte du degré de culpabilité nécessaire pour qu'il y ait meurtre. Ce qu'il
faut, en effet, pour qu'il y ait meurtre, c'est que l'agent ait voulu commettre
un meurtre, c'est qu'il ait agi avec la fraude et l'intention qui animent
le meurtrier; car il ne peut y avoir crime si l'agent a été animé d'une autre
intention que celle qui constitue le crime. La difficulté est ici dans l'intensité
de la criminalité de cet agent; il a commis uue action coupable, cela est évi-
dent; mais chaque actîpn immorale est empreinte d'un degré différent de cul-
pabilité. N*y a-t-il aucune différence entre celui qui commet un homicide
en employant la force contre la victime, et celui qui ne fait qu'exécutef
la volonté de celle-ci ? Et si l'acte n'est pas le même, s'il ne respire pas lamôiné
immoralité, sUl ne signale pas de la part de l'agent le même péril pour la sé-
curité publique, comment le confondre dans la même incrimination, dans la
même pénalité?
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334 TINGTIÈMB LBÇ. — DBS CRIIUBB BT DÉLITS, BTC. (n* 337).
837. La môme qaestioa se reproduit relativement à l'homicide commis dans
xm dael. Le duel constituait, dans notre ancienne législation, an crime spécial
et était l'objet de dispositions particulières : il n'était point considéré comme
nn homicide, mais comme un crime de lèse-majesté. Ce qui le caractérisait,
ce n'était point l'attentat envers la personne, c'était Foffense envers le souto-
rain, car c'était empiéter sur la souveraineté que de se faire justice soi-même.
L'édit d'avril 1602 portait, en parlant des duellistes: c Nous les avons déclarés
et déclarons criminels de lèse-maiesté. semblablement ceux qui appelleront
pour un autre ou qui seconderont, accompagneront ou assisteront lesdits appe-
lés ; ordonnons qu'ils soient punis comme tels, selon la rigueur de nos ordon-
nances, sans que la peine de mort et la confiscation des biens puissent être
modérées sous quelque prétexte que ce soit* > Les deux édits de Louis XIV de
septembre 1651 et août 1679 portèrent au plus haut degré la sévérité des pei-
nes. Cette législation tomba à la révolution de 1789. Le Gode pénal du 25 sep*
tembre 1791 est muet sur le duel ; la législation spéciale, que le dernier article
de ce Gode A abrogée, n'a point été remplacée. Aucune disposition n'est venue
depuis incriminer cet acte. Le duel en lui-môme, et indépendamment de ses
suites, a donc cessé d'être prévu et puni par la loi. Toute la question consiste
à savoir si l'homicide et les blessures, lorsqu'ils sont le résultat d'un duel
loyalement accompli, sont compris dans les dispositions du Gode pénal qui
• punissent le meurtre et les blessures volontaires.
La première interprétation qui suivit l'application du Gode pénal fut que le
duel n'était pas compris dans ses incriminations. M. Merlin avait dit : «Qu'ont,
produit les sanglants édits de Louis XIV contre le duel? Ils ne l'ont pas
réprimé; ils n'ont fait peut-être qu'en rendre l'usage plus fréquent: ce sont
ces considérations qui ont déterminé l'Assemblée constituante, lorsqu'elle
s'est occupée de la refonte des lois pénales, à ne pas comprendre le duel dans
la liste des faits qualifiés crimes ou délits... Le Gode pénal est muet sur le
duel, et il résulte assez clairement de son silence que le duel ne doit pas être
considéré conmie un délit que les tribunaux puissent poursuivre. » La juris-
prudence adopta complètement cette opinion : onze arrêts de la Cour de casssr.
tion établirent successivement, comme un pnncipe incontestable; que, la loi
'pQimi étant muette, ne pouvait être appliquée à l'homicide et aux blessures
qui en sont le résultat.
Gette jurisprudence a changé tout à coup : deux arrêts des 22 juin et 15
décembre 1837, confirmés ultérieurement par un grand nombre d'arrêts iden-
tiques, déclarèrent : c Que les dispositions des art. 295 et 296 du Gode pénal
sont absolues et ne comportent aucune exception; que les prévenus des cri-
mes prévus par ces articles doivent être dans tous les cas poursuivis; (fae si,
dans les cas prévus par les art, 327, 328 et 329, les chambres du conseil et
les chambres d'accusation peuvent déclarer que l'homicide, les blessures et les
coups ne constituent ni crime ni délit, parce qu'ils étaient autorisés par U
légitime défense de soi-même ou d'autrui, on ne saurait admettre que Fhomi-
cide commis, que les blessures faites et les coups portés dans un combat sin-
gulier, résultat funeste d'un concert préalable entre deux individus, aient été
autorisés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même, puis-
que, dans ce cas, le danger a été entièrement volontaire, la défense sans néces*
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DB l'homigidb tolontairb (art. 295). • 335
8itô, et que le danger pouvait être évité sans combat ; que si aucune disposi-
tion législative n'incriminait le duel proprement dit et les circonstances qui
préparent ou accompagnent cet acte homicide, aucune disposition de loi
ne range ces circonstances au nombre de celles qui rendent excusables le
meurtre, les blessures et les coups ; que c'est une maxime inviolable de notre
droit public que nul ne peut se faire justice à soi-même; que la justice est la
dette de*la société et que toute justice émane du roi, au nom duquel cette dette
est payée ; que c'est une maxime non moins sacrée de notre droit public que
toute convention contraire aux bonnes mœurs et à Tordre public est nulle de
plein droit; que ce qui est nul ne saurait produire d'effet et ne saurait, à plus
forte raison, paralyser le cours de la justice, suspendre Faction de la vindicte
publique, et suppléer au silence de la loi pour excuser une action qualifiée
crime par elle et condamnée par la morale et le droit naturel; qu'une conven-
tion par laquelle deux hommes prétendent transformer de leur autorité privée
un crime qualifié en action indifférente ou licite, se remettre d'avance la
peine portée par la loi contre le crime, s'attribuer le droit de disposer mutuel-
lement de leur vie, et usurper ainsi doublement les droits de la société, rentre
évidemment dans la classe des conventions portant atteinte à Tordre public et
aux bonnes mœurs. »
Cette nouvelle jurisprudence, il faut le reconnaître, a été dictée par les sen-
timents les plus louables : le désir de mettre un frein aux duels qui, trop sou-
vent encore, jettent le trouble dans nos paisibles cités, la pensée de faire peser
une responsabilité réelle et sérieuse sur des agents qui, quelque loyale que soit
leur conduite, ne sont point à Tabri de graves reproches. Mais, pour remplir
cette tftche utile, la Cour de cassation n'est-elle pas sortie du domaine de Tin-
terprétation? N*a-t-elle pas empiété sur les attributions du législateur ? Est-il
possible d'appliquer Tart. 295, qui punit Thomicide volontaire, à Thomicide
commis dans un duel ?
L'interprétation de 1837 a été principalement déterminée par les paroles
suivantes, prononcées en 1808 par le rapporteur de la commission du Corps
législatif : • Vous demandez peut-être pourquoi les auteurs du projet de loi
n'ont pas désigné un attentat aux personnes, trop malheureusement connu sous
le nom de duel : c'est qu'il se trouve compris dans les dispositions générales
qui vous sont soumises. Le projet n'a pas dû particulariser une espèce dans
un genre dont il donne les caractères. Si la mort est le résultat de la défense
à une irruption inopinée, à une provocation soudaine et à main armée, elle
peut, suivant les circonstances et la vivacité de Tagression, être classée parmi
les crimes légitimes et excusables. 8i le duel a suivi immédiatement des
menaces, des jactances, des injures, si les combattants ont pu être entraînés par
Temportement de la passion, s'ils ont agi dans Tébullution de la colère, ils seront
classéb parmi les meurtriers ; mais si les coupables ont médité, projeté, arrêté
à l'avance cet étrange combat, si la raison a pu se faire entendre et s'ils ont
méconnu sa voix, et, au mépris de l'autorité, cherché dans un espoir homi-
cide la punition qu'ils ne doivent attendre que du glaive de la loi, ils seront
des assassins. > Cette opinion du rapporteur de la commission a été appréciée
avec une grande netteté par M. Merlin : c Tout ce qu'on peut conclure du
rapport, a dit ce savant magistrat, c'est que la commission dont M. Monseignat
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336 .VINGTIÈME LBÇ. — DBS G&IMB8 BT DÉtlIfi, ifiTC. (n« 337).
était l'organe, pensait comme loi; mais de ce qu'ils ont cru tronver dans labi
des dispositions qu'elle ne renferme pas, il ne s'ensuit nullement qu'ils aient,
par leur opinion officiellement manifestée, rempli les lacunes que la loi offre
réellement. Il y a eu, après la présentation du projet du Gode pénal au Corps
législatif, plusieurs conférences entre le comité de législation du conseil d'État
et la commission du Corps législatif, et je puis assurer, pour avoir assisté à
toutes, qu'il n'a été question du duel dans aucune. Ce que la commission du
Corps législatif a dit du duel, elle l'a donc dit d'elle-même ; et ce qu'elle en a
dit est précisément le contraire de ce qui avait été arrêté verbalement entre
les membres du comité de législation du conseil d'État ; car il avaient bien,
comme elle, pensé au duel, mais, en y pensant, ils avaient cru devoir imiter
à cet égard le silence de TAssemblée constituante. »
La question du duel, comme celle du suicide, est donc tout entière dans l'in-
terprétation de la loi pénale. Il est certain que, dans un duel> nous pouvons
trouver le fait matériel de l'bomicide et la volonté de donner la mort : mais
cela suf&t-il pour que cet homicide prenne le caractère d'un meurtre, pour
que l'art. 295 soit applicable ? En d'autres termes, la volonté de donner la mort,
qui anime le duelliste, est-elle la volonté criminelle que la loi .suppose et
punit dans le meurtrier ? Que si cette volonté est empreinte de la même per*
versité, il n'y a plus de question, le crime est le môme dans les deux cas. Mais
si la conscience place quelque intervalle entre les deux agents, si elle se refuse
à confondre celui qui se présente loyalement à un combat et celui qui tue
frauduleusement sans combat et sans lutte, ceini qui s'expose au péril qu'il
fait courir et celai qui tend de secrètes embûches, comment admettre que la
loi les a confondus ? Ce qui fait ici comme précédemment la difficulté de la
question, c'est que les deux agents sont coupables; mais ils ne le sont pas au
même degré et c'est en cela que réai4e toute l'argumentation qui repousse
l'application de la loi pénale. De ce que le duelliste est coupable de rébellion
à la loi, de violences graves, d'homicide môme, il ne s'en suit pas qu'il soit
coupable d'un meurtre. De ce qu'il a eu dans la chalaur- du combat la volonté
de blesser et même de tuer son adversaire, il ne s'ensuit pas qu'il ait été
animé de cette volonté perverse qui est l'élémeni indispensable du crime. On
veut faire abstraction de la convention qui précède ie duel, . parce que cette
convention est illicite, comme s'il s'agissait d'un contrat dvil dont on vendrait
faire prononcer la nullité. Il s'agit de l'appréciation d'une action, et comment
faire une telle appréciation si l'on en retranche l'une desi circonstances, l'un
des faits qui la constitue? Faire abstraction decettecircoostanoe, c'est scindée
en deux parties l'acte dont on veut évaluer la portée morale, c'est substituer
une fiction à un fait. Quand il s'agit de donner suite à une convention, ou
comprend qu'on doit examiner si cette convention est valide ou nulle; mais
quand il s'agit d'examiner si un acte est ou n'est pas punissable, comment en
diviser les éléments, comment prétendre en voiler une partie ? Est^il donc
permis de séparer la faute de l'excuse, l'offense du fait justificatif ? Or, la oon*
vçntion qui précède le duel est le fait justificatif de rhomicîde, Ktar il en résuHe
que cet homicide n'a pas élé commis avec perfidie, avec fraude, avec intention
criminelle. Il reste une infraction très-^rave à ia morale, mais il n'y a plus de
crime, car il n'y a plus cette volonté coupable qui oonslitue un meurtre!
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01 l'MifVHDt vdumTAin (aat. 299). 337
Je dirai plus : le dael/qoelqae déplorablee qm eoîent ses «nies, ne oaïue
point à la société la même alarme que le meurtre : on peut se défendra da
dnel, puisqu'il dépend de chaque citoyen de ne pas Taocept^r; on ne peut se
défendre des emivâehes du meurtrier. L'un n'est qu'un ezoés, un déploraUe
abus de la loi de liionneur, qui est, après tput^ Tun des fondements de la
dTiHsation moderne; l'autre est une agreesloB barbare qui déiruirait la
société elle-même, si eUe n'était séi^él^ment réprimée. U est donc permis
de douter que la loi pénale, lorsqu'elle a puni le meurtre» ait voulu punir
l'homicide commis dans un duel ; il est permis de douter qu'eile ait youIu
envetopper dans la même disposition et frapper de la mémo peiné deux actes
si différents par leur valeur morale et par le trouble qu'ils apportent, à Tordre
public.
8SS. La peine du meurtre est» aux termes du dernier alinéa de l'art. 304,
la peine des travaux forcés à perpétuité. Le Gode de 1791 ne portait que ceUe
de vingt ans de fers. Voici dans quels termes la oommissioo du Ciorps législatif
a motivé cette peine : m Le meurtre iest souvent l'eflét d'un premier mouve-
ment, d'injures, de menaces, qui n'autorisaient pas & la vérité à tuer l'adver-
saire, mais qui ont pu allumer laeolère de Tagentet le porter à donner des coups
qui occasionnent la mort. Souvent aussi des ooupe qui ne seraient pas dange-
reux par eux-mêmes, ordinairement, le deviendraient, soit par la pariio où le
hasard les fait tomber, soit par la constitution faible de celui auquel ils sont
portés. D'un autre côté, le meurtre n'est jamais prémédité, et, s'il l'est, il cesse
d'être meurtre, il est assassinat Ainsi, si l'on veut établir une échelle propor-
tionnelle dans la punition des crimes, le meurtre doit être puni de la peine
immédiatement au-dessous de la peine de Psseassinat. La commission propose
de réserver la peine de mort pour l'assassinat, et de n'infliger au meurtre que
la peine des travaux forcés à perpétuité, qui sera infiniment plus grave que la
peine portée par la loi de 1791, car du terme fixe de vingt ans à la perpétuité
la distaijpe est immense, i
L'homicide volontaire puise une aggravation : 1« dans la qualité de la
victime^ lorsque cette victime est l'un des ascendants de l'agent ou un enfimt
nouveau-né dénué de toute défense ; 2<> dans les circonstances qui l'accompa-
gnent, lorsqu'il est commis avec préméditation ou de guet-apens, ou lorsqu'il
est précédé ou suivi d'un autre crime ou délit ; 3<^ dans le mode de sa perpé-
tration, quand ce mode démontre la préméditation. Le meurtre ainsi aggravé
prend la qualification de parricide, d'infanticide, d'assassinat, d'empoisonne-
ment. Je vais successivement examiner ces dififérentes modifications de
l'homicide.
889. Le parricide est défini par l'art. 299 :
ff Akt. 299. Est qualifié parricide le meurtre des pères ou mères légitimes, n«tu
rels ou adoptiA, ou de tout autre ascendant légitime. » ^
Il résulte de ce texte que le parricide n'est qu'un simple meurtre qui puise
I. 22
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S38 YINGTIÈHB LBÇ. -*- DBS GROfl» ET ràUTS, STO. (N* 340).
tooie son «ggf«vation dsns la qualité de la victime. Ainsi peu importe q^e ee
meurtre ait été commis avec ou sans préméditation : le crime est le même. Il
en résulte en second lieu que le meurtre ne prend la qualification de parri-
cide qae lorsqu'il a été commis sur Tune des personnes désignées par Tartide.
Le législateur manifesta quelque hésitation en ce qui concerne les pères et
mères adoptifs. Quelques membres du conseil d'État firent observer « que,
quelque grand que soit le bienfiût de Tadoption, il ne doit pas être égal i celui
du don de la vie; que, quelque coupal^e que soit celui qui tue son bienfaiteur,
il Test moins cqieâdant que celui qui tue son père. La loi doit donc distinguer
entre ces deux crimes : elle afiîsiblirait rhorreur du parricide si elle les assi-
milait. » Mais cette observation n'eut pas de suite, et Texposé des motifs du
Ck)de se borne à déclarer que : c En plaçant sur la même ligne le père légitime
et le père adoptif, le projet de loi rend hommage à la paternité légale, conso-
lante image de la paternité réelle ; il conserve oette grande et utile leçon de
morale que les liens de la reconnaissance ne doivent pas être moins sacrés que
ceux de la nature. » Le meurtre commis par un gendre sur son beau-père et
sur sa belle-mère n'est point un parricide ; mais lorsque ce gendre ou tout
autre individu étranger à la famille a commis le meurtre de complicité avec les
enfants de la victime, cette circonstance le rend passible de la peine du par-
ricide. Nous avons examiné cette proposition lorsque nous avons traité de la
matière de la complicité ; quant aux peines du parricide, nous les avons égale-
ment examinées sur Fart. 13.
840. L'art. 300 définit l'infanticide c le meurtre d'un enfant nouveau-né ; »
que faut-il entendre par cette dernière expression T Quelques légistes ont
enseigné qu'un enfant devait être réputé nouveau-né pendant tout le fMi$ qui a
suivi sa naissance» d'autres pendant huit jours, d'autres pendant trois jours seu-
lement. Un arrêt de la cour de cassation me parait avoir clairement posé la
limite ; il porte « que la loi, en qualifiant d'infanticide et en punissant d'une
peine plus forte le meurtre d'un enfant nouveau-né, n'a eu en vue qqe l'hiHni-
cide volontaire commis sur un enfant nouveau-né, qui vient de naître, ou
dans un temps très-rapproché de celui de sa naissance ;. que ses dispositions
ne peuvent être étendues au meurtre d'un enfant qui a déjà atteint l'âge de
trente et un jours, et dont par conséquent la naissance, si elle n'a été légale-
ment constatée, n'a pu, au moins le plus souvent, rester entièrement incon-
nue ; que cette extension répugne et à la lettre de Tart. 300 et à Tesprit de la
législation sur l'infanticide, qui n'a voulu protéger par un châtiment plus
.sévère la vie de l'enfant, que lorsqu'il n'est pas encore entouré des garanties
communes et que le crime peut efiEeicer jusqu'aux traces de sa naissance. > Il
suit de là que^ dès que la naissance est constatée ou que les délais pour la con-
stater sont expirés, lorsque l'enfant est entouré des garanties communes, l'at-
tentat à sa vie n'est plus un infanticide, mais un simple meurtre. Il est sans doute
inutile d'ajouter que, pour l'existence du crime, il est nécessaire en outre que
les éléments du meurtre soient constatés : il faut donc d'abord un fait maté-
riel d'homicide, d'où il suit qu'il est nécessaire de constater que l'enfant est
né vivant, lors môme qu'il ne serait pas né viable. Il faut en outre qu'il y ait
eu volonté criminelle de le tuer, par conséquent la négligence, le défaut de
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DB L'hOHMUDB VOLOMTAIIIB (aRT. 301)« 339
i^ins, Pioipradeiice même, ne vuffiraient pat ; mais ici comme poar le parri-
cide» la préméditation est une droonstance indifférent». Enfin» il importe pen
qne l'inÂinticide ait été eommie par la mère on par nn tiers : ce n'est point
contre la mère seulement qne Fart. 302 a prononcé la peine de mort, c'est
contre tonte personne conpid>le de crime ; c*e8t Tenfiml sortont qne la loi a
▼onhi protéger et le besoin de protection est le même, qneis qne soient les
«gents qui attentent à ns Jours.
84i. La troisième circonstance aggravante de menrtreest la préméditation
<m le gneUapens.
« Aet. 296. Tout meurtre commis avec préméditation ou de guet-apens est qua-
lifié assassinat. »
Qn'est-ce que la préméditation? qu'est-ce qne le guet-apens? CSes deux cir-
constances sont définies par les art 297 et 298.
a Art. 297. La préméditation consiste dans le dessein fermé, ayant l'actioii,
d*attent6r à la personne d'nn individu déterminé ou même de celui qui sera trouvé
ou rencontré quand même ce dessein serait dépendant de quelque circonstance ou
de quelque condition. »
< Art. 298. Le guet-apens consiste à attendre plus ou moins de temps, dans un
ou divers lieux, nn individu, soit pour lui donner la mort, soit pour exercer sur
lui des actes de violence. »
Remarquez» d'abord, qne le guet-apens n'est qu'une espèce de prémédita-
tion, car ses embûches la supposent nécessairement. On peut donc dire que
c'est la préméditation seule qui qu^téri8ej*a88a8sinat La préméditation ren-
ferme elie-Sidmé la'^otbnië'd'é iuer] mais c*est'ïa volonté réfléchie et délibé-
rée, la volonté cf ni prépare les moyens d'exécution et attencHe mbmenOaVo'
îaBle pour les employer, C'estun degré plus 3ëv^ cle la criminalité. La volonté
d6 lUtif l^éU flVéllI' élè' instontanément excitée par une passion quelconque,
elle peut avoir subi Tempire de cette passion, sans que la raison ait eu le temps
de la contenir et de l'apaiser. La préméditation n'a point cette excuse de l'em-
portement; elle suppose une mûre délibération, un parti pris de sang-froid.
La distinction faite par la loi répond donc à une distinction faite par la con-
science ; elle sépare d'ailleurs deux faits qui n'ont pas le môme péril pour Tor-
dre, car un crime prémédité compromet plus gravement la sécurité publique
qu'un crime commis dans un premier mouvement. Posons donc en principe
qu'un triple élément est nécessaire pour l'existence du crime d'assassinat :
le faifc matériel de Thomicide, la volonté criminelle de tuer et la prémé
ditation.
342. L'empoisonnement est, cpmme Taasassinat, un homicide volontaine
<^mmis avec préméditation : il ne prend un caractère spécial que dans le mode
4e son exécution.
« Art. 301. Est qualllié empoisonnement tout attentat à la vie d'une personne,
par l'effet de substances qui peuvent donner la mort plus ou moins promptement,
de quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées et
quelles qu'en aient été les suites. »
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340 yimTiÉMR uç..*^ l>«» cnuiiSiJrr joÉun^ btg* (n* 342).
L'aUentfti à la vie suppoM néoessaifemeBlla foloQléda iaer ; rempûîsoniw»
laent doit donc renfermer en pgreinier liea Ions les éléments dn meurtre. Il est
difficile ensuite que la volonté de donnev la mort par le- poison ne contienne
pas en elle-même la préméditation» Gar la préparation du. poiste etige des
délais et des combinaiaons qui démontrant one déllMfatîea antérieure. Oa lit
dans l'exposé des motifs du Gode : ■ Le crime d'«mpoisonnement est un
véritable assassinat, car il suppose nécessairement on dessin antérieur. » tiii
la loi n'a pas exprimé cette condition, c*est parce qne les deux droonsUBces
de la volonté et de la préméditation sont inséparables par la natoce. même .du
fait. Il est impossible, en effet, que l'agent se soit procuré le poison et Tait
mêlé aux aliments d'une personne, sans qu'eUe ait médité à l'avance cette
action.
La principale difficulté inhérente à cette incrimination est de savoir à quel
instant deTexécution le crime doit être réputé commencé ou consommé. Celui
qui n'a fait que concevoir le dessein à'un empoisonnement n'est pas coupable
aux yeux de la loi ; la morale l'accuse et le coadanme, la justice ne peut lui
demander compte de sa pensée; mais, si oelleHÛ se manifeste par des faits,
la loi s'en saisit; elle les caractérise. U fant eommeneer par séparer les faits
extérieurs et les actes d'exécution. Concerter l'empoisonnement d'une personne,
acheter du poison, le' confier à l'individu chargé de l'administrer, ce n'est
encore qne préparer l'empoisonnement. Le premier acte d'exécution consiste
à verser le poison dans les aliments de la victime : il y a des dès lors tentative ;
elle dure tant que le coupable peut empêcher la consommation du crime ou
qu'un événement quelconque peut la suspendre. Le Code pénal de 1791 con-
tenait sur ce point une disposition formelle :. • Si toutefois, avant l'empoison-
nement effectué, ou avant que l'emposionneur des aliments et breuvages ait
été découvert, l'empoisonneur arrêtait l'exécution du crime, soit en suppri-
mant lesdlts aliments on breuvages, soit en empêchant qu*on en fasse usage,
l'accusé sera acquitté, m Si cette disposition n'a pas été reproduite dans notre
Gode, c'est qu'elle se troi^vait expressément contenue dans l'art. 2. c Cette dis-
position, porte l'exposé des motifs, éta^t nécessaire lorsqu'elle fut adoptée,
parce qu'alors il n'existait aucune loi contre la tentative. Mais l'art. 2 du nou-
veau Gode, qui la prévoit et la définit, annonce assez qu'aucune tentative ne
sera considérée comme le crime môme, lorsqu'elle aura été arrêtée par la
volonté de l'auteur, et non par des circonstances fortuites et indépendantes de
sa volonté. » Dès que le poison a été employé ou administré, le crime est con.
sommé ; l'action ne changera plus de caractère, quelles que soient les suites
de l'attentat, t L'empoisonneur, porte encore Texposé des motifs, est toujours
présumé avoir voulu donner la mort, alors même que le défaut de quantité ou
de qualité des substances délétères, la force du tempérament, les secours de
Fart ou d'autres circonstances étrangères au coupable, ont sauvé Tobjet de son
crime. » Cependant, il est nécessaire, pour Texistence du crime, et la loi est
précise sur ce point, que la substance administrée ait pu donner la nwri ; car,
si elle n*avait pas cette puissance, il est clair qu'il ne peut y avoir d'empoi-
sonnement, puisque la pensée du crime ne suffît pas pour le constituer, que le
fait matériel de rempoisonnement consiste précisément daos l'administration
d'une substance capable de donner la mort. U en serait alors comme d'ua
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DE i'HOMIGIDB V0L6NrA1R% (art. -904). 311
coup de fasil tiré avec une armé chargée i pondre. Il a ttiéme été jugé qne,
lbrsq[u'nne substance capable de déterminer la mort a été mélangée à une
autre substance qui a neutralisé Tefifet du poison, celui qui a administré cette
mixtion, même avec Tintention d*attenter à la vie d*une personne, n'est coupa-
ble ni du crime d'empoisonnement ni de la tentative de ce erime.
848. La loi assimile au crime d'assassinat : 1« les actes de tortures ; %• la
concomitance du meurtre avec un antre crime o« délit.
c Art. 303. Berônt punis, comme coupaMes d'assassinat» tous Ybalfoiteurs, queHe
qtie soit leur détnemlnation, qui, pour Teiéoution de leurs crimes, enpknent des
tortures ou commettent des actes de bsii>aris. ».
Cet article a été introduit dans le Gode pour atteinâre les lumées de bri-
gands qtii, pendant qndques années, à la suite des guerres eiviies qui avaient
éclaté sur quelques parties du territoire^ ont désolé la France. L'exposé des
motifs porte : « Le Gode assimile anx assassins et punit comme tels tous mal-
fidt^rs, quelle que soit leur dénomination, qui ^ pourFexéciitîon de leurs cri-
mes, emploient des tortures on coàimettent des acte» dé H'barie. Ces indivi-
dus, à qui les moyens les plus horril^sne ooAtent rien, pevrm qu'ils arrivent
à leurs fins et quelle portent la terreur et la désolation partout où ils existent^
ne peuvent être retenus par la crainte du dernier supplice. Cette disposition
rappellera à quelques habitants de nos provinces, naguère défvastées, ces ban-
des féroces, horriblement connues sous le nom de chasiffsurs et garrotteurs,
noms affreux, mais heureusement relégués dans les annales de nos guerres
dviles. »
Les termes de Fart. SOS sont évidemment trop vagues. Que faut-il entendre
par mal&iteurs f de quels crimes s'agit-il f quels sont 1^ caractères des actes
de torture et de barbarie ? 1) est difficile'de répondre avec précision à ces qves-^
tiens. La dénomination de malfaiteurs parait supposer la perpétration anté^»:
rieure d'autres méfaits; cependant la loi n'exige ni cette perpétration ni
même l'existence d*auciilie bande -eu associatioin. Quant aux erimes, dont les
actes de barbarie ne sont qu'un moyen d'exécution, il s^gît évidemment, sur-
tout si Ton se reporte aux motifs du Godé, ^e vois commis avec violence, de
pillage, de déprédations. Mais la kâ n'ayant [point prénsé ces orimfis, il en ^
résulte que tout autre crime peut rentrer dans lestermeé de cette disposition.
Ainsi, les tortures employées pour consommer un attentat à la pudeur, un
viol, pourrait motiver son applteaiîon ; car les actes de bturbarie ne sont pas:
de simples actes de violence, oeeont des «dtes deel3Baaté,4esiM«'nwtériels,-
tels que les blessures, les mutilations. La loi ne.les a pas définis, elle lésa
abandoniiés à l'appréciation du juge, mais, en dennant pour exeaiples les actes
cornsnis par les batideé de brigatiésdansles guenresinviies, eHe afàH oonnaltre
sa pensée générale. .. . •
M4. La dernière dr^etostanee aggravante du mMurtre est prévue papl'art. 804.
« Aiit« 104. Le meurtre esipertsra la 'peine' doier^ loi^squ*!! auta précédé^ •
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34[2 TIN6TIÉMB.UIÇ. .~ DBS CgajMXS BT DÉUTfi, BT€. (m* 344).
aocom{>agnè ou suivi un autre crime. — Le meurtre emportera également la peine
oie mort, lorsqu'il aura pour objet, soit de préparer, faciliter ou exécuter un délit»
soit de favoriser la faite ou d'assurer l'impunité des auteurs complices de ce délit.
— En tout autre cas, le coupable de meurtre sera puni des travaux forcés à per-
pétuité. »
Cet artide exige quelques explications. Dans le Ck)de de 1810 Part. 304
était ainsi conçu : c Le meurtre emportera la peine de mort, lorsqu'il aura
précédé, accompagné ou suivi un autre crime ou délit. • Cet article, à raison
de la trop grande portée de ses dispositions, avait été Tobjet de beaucoup de
critiques. Sn 1832» le projet de loi modificatif du Gode proposiT la rectifi-
cation suivante : « Le meurtre emportera la peine de mort lorsqu'il aura eu
pour objet, soit de préparer, faciliter, ou exécuter un autre crime ou délit qui
l'aura précédé, accompagné ou suivi, soit de favoriser la fuite ou d'assurer de
toute autre manière l'impunité des auteurs ou complices dudit crime on
délit. • Il ne suffisait plus dans ce système qu'il y eût concomitance des deux
faits, il fallait que ces deux faits fussent liés par une corrélation, par un rap-
port de cause à effet. Cette théorie fut combattue dans la discussion : t Cette
idée, disait le rapporteur, est éminemment juste, morale et philosophique.
On comprend bien qu'un crime ou un délit ne puissent aggraver le meurtre
que quand ils ont eu pour but de le préparer et de le faciliter, ou d^en faire
disparaître les preuves; mais votre commission a craint que ces rapporta
pr sque impossibles à saisir ne se présentassent pas avec la netteté désirable
à Tesprit des jurés, et elle a substitué à l'article du projet une disposition
phis simple qui ne donnerait lieu à aucune équivoque. Le meurtre précédé,
accompagné on suivi d'un crtme, serait puni de mort. Par là est écartée l'hypo-
thèse de la simultanéité d'un délit, et il ne reste plus que la concomitance
d'un crime et d'un meurtre. » Il y avait dès lors deux systèmes distincts :
celui du projet, qui appliquait la peine de mort à la corrélaiion du meurtre
avec un crime ou un délit; celui de la commission, qui a[^liquait la même
peine à la simple coneomitanee du meurtre avec un fiait qualifié crime. Or, ces
deux systèmes ont fini par prendre place l'un et l'autre dans l'art. 304 : la
simple concomitance des deux faits suffit, quand le second fait est un crime;
il faut, en outre, une corrélation, un rapport de causalité, quand le second
fait n'est quun délit. Voilà le sens de cet article.
Maintenant que faut-il entendre, dans le premier paragraphe de l'article 304»
par ces mois : lorsqu'il aura précédé, accompagné ousidoi un autre crime ? IL
faut entendre que les deux crimes ont été commis dans le même trait de^
temps, tn eodem tratiu iemporis: c'est cette simultanéité qui enaccroit la cri-
minalité parce qu'il en résulte que les deux crimes se confondent en quelque
sorte dans une même action, qu'ils concourent Tun avec l'autre pour consU-^
tuer en quelque sorte un seul et même crime. Dans le deuxième paragraphe,
la silnultanéité des deux faits existe également, mais il faut en outre que le
meurtre ait eu pour objet, ou de préparer, faciliter ou exécuter le délit, ou de
favoriser la fuite ou d^assurer l'impunité des auteurs de ce délit. Ainsi, l'aggra-
vation du meurtre naît ici, nos plus seulement de la conoomitaiioe des d#qx
faiu, mais du rapport qui unit l'un avec l'autre, de la corrélation qui existe
entre l'un et l'autrey JLI est dair qu'il est néofimaire de consteteri dans (a pre*
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DBS MSKAGn (art. 305). 343
mière hypothèse, la concomitance des deax crimes, et dans la seconde, la cor-
rélation du crime avec le délit : c'est ce senl rapport, en effet, soit de temps,
soit de cause, qni forme l'élément de l'aggravation. Il est égalemem néees*
saire de constater, dans l'un et l'autre cas, les caractères constitatifs soit du
crime, soit du délit, car ce n'est que lorsque le ùâi concomitant ou eorrélatif
constitue un crime ou un délit, que la peine peut s'élever.
DES HEHâCBS.
B45. Le Cîode pénal ne panit les menaces que lorsqu'elles se manifestent
avec des circonstances qui leur impriment le caractère d'une résolution arrêtée
et qu'elles ont pour but un attentat contre les personnes. Cest là ce qui
explique lajplace qu'elles tiennent dans Tordre des crimes et des délits. Ainsi,
les menaces simplement verbales, qui n'ont pas un caractère disiinctif de pré*
méditation, ne sont soumises à aucune peine: elles sont regardées comme Tex-
pression insignifiante et éphémère de la vivacité et de l'irréflexion. Les menaces
ne tombent sous le coup de la loi pénale que lorsqu'elles sont faites paie écrit
ou qu'elles sont accompagnées d'un ordre ou d'une condition, t De telles
menaces, porte l'exposé des motifs, lorsqu'elles sont écrites, annoncent un des-
sein prémédité de faire le mal. Le plus souvent récrit oii elles se trouvent
contient . un ordre quelconque : par exemple, l'ordre de déposer une somme
d'argent dans un lieu indiqué. La personne menacée est dans une situation
d'autant plus critique, qu'elle ne peut pas se mettre continuellement en garde,
et qu'elle craint toujours que, si elle n'obéit point à l'ordre, tôt ou tard, et au
moment oh elle y songera le moins, elle ne finisse par être victime du crime
dont elle est menacée. La terreur que ces menaces inspirent ne nuit pas seu-
lement à la tranquillité de la personne qui en est l'objet, elle est partagée par
beaucoup d'autres qui redoutent pour elles le même sort. Ge que nous venons
d'observer trouve également son application si l'écrit, au lieu de contenir l'or*
dre de déposer une somme, contient celui de remplir une condition quelcon-
que : en ce dernier cas, il y a toujours violence, et violence préméditée, avec
dessein d'obtenir ce qu'on n'a pas le droit d'exiger. •
MB. L'art. 305 est ainsi conçu :
«t Abt. 305. Quiconque aura menacé, par écrit anonyme ou signé, d'assassinat,
d'empoisonnement, ou de tout autre attentat contre les personnes qui seraient
punissables de la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité ou de la dépor-
tation, sera puni de la peine des travaux forcés à temps, dans le cas où la menace
aura été faite avec ordre de déposer une somme d'argent dans un lieu indiqué, ou
de remplir toute autre condition* »
Ge sont là les menaces les plus graves ; peut-être néanmoins la peine est^Ue
un peu exagérée dans sa sévérité (Voy. tn/Vd, n<> 317), car les menaces, quelles
qu^eUes soient, ne sont encore qu'une résolution, un projet, un acte purement
préparatoire. La loi exige du moins, pour l'application de cette peine, que les
menaces soient faites par écrit, qu'elles aient pour objet un attentat contrôlée
peirsonnes, passible de la peine de mon ou d'une peine perpétuelle, enfi
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344 VINaTIÈMB LBÇ. — DBS CailOBB KT DÉUT6, ETC. (n* 347).
qH'ellAs soient accompagnées d'un ordre ou d*ane condition. Il est éyident
d'ailleurs qnB la menace faite sous condition comprend dans la généralité
de ses termes la menace boub condition de ne pas faire, de s'absteniii comme
ceHe de faire.
Lonqoe la menace n'a été accompagnée d*aucun ordre on condition» on ne
peut Tattribuer qu'au désir de répandre Teffroi, sans aucun but de s'ap-
proprier le bien d'autrui. Le fait n'a donc pas la même criminalité; de
là rart. 306.
a Art. 306. Si cette menace n'a été accompagnée d^aucun ordre ou condition, la
peine sera d*un emprisonnement de deux ans au moins et de cinq ans au plus, et
d'une amende de 100 à 600 ft*. »
Pal' dit que la menace purement verbale ne rentrait point dans les termes de
la loi. dette régie admet une exception pour le cas où cette menace est accom«
pagnée d'oa oidre ou d'une condition :
« Art. 307. Si la menace faite avec ordre ou sous condition a été verbale, le
coupable sera puni> d*un emprisonnement de six mois & deux ans et d'une amende
de 25 à 300 fr. »
La menace même verbale, en effets lorsqu'elle se complique d'un ordre ou
d'une condition^ n'est plus seulement un propos irréfléchi, proféré dans
un mouvement de colère, elle suppose une intention préméditée, une combi-
naison d'action qui peut présenter quelque péril. Ce péril est moindre toutefois
que lorsqu'il s'agit d'une menace écrite, parce que la menace verbale
suppose une moindre audace dans l'agent, une combinaison moins compli-
quée dans son action. L*art. 308 a ajouté une surveillance facultative dans les
deux hypothèses des art. 306 et 307 ; cette surveillance est de plein droit dans
l'art. 305.
Les règles que je viens d* exposer s'appliquent également aux menaces
d*incendie.
a Art. 436. La menace d'Incendier une habitation ou toute autre propriété sera
punie de la peine portée contre la menace d'assassinat et d'après les distinctions
établies par les art. 305, 306 et 307. »
Cet article ne fait donc qu'ajouter un cas nouveau aux cas prévus par
les articles 305^ 306 et 307. C'est simplement une disposition complémentaire
de ces articles.
847. Les art. 305, 306, 307 et 308 qui précèdent ont été partiellement
modifiés par la loi du 13 mal 1863. La modificatipn relative aux art. 305 et 306
n'est qu'une atténnatîoa de la pénalité. A la peine des travi^ux forcés à temps»
dans l'art. 8^, la loi a substifaué un emprisonnement de deux à cinq ans et.
uneamende^e 150 à 1000 iraipics* A lapeine d^empri^onnement.dedeox i
cinq. ans portée par l'art. 309.1a loi a substitué un em|»risoanement d'uni .
trois ans. Bn&n, elle a a^ut^ éw» les art. 3ÔS, à06 e\90l, U peip/s de la s«v^.
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DBS MENAGES (ART. 508). 345
yeillanoe qui faisait l'objet, dans Part. 308, d'une disposition particulière.
Ces additions ont laissé libre le n« 308 du Godé, et la loi y a pl^cé une dis-
position nouvelle :
« AaT. 308. Quiconque aura menacé violemment ou par écrit, de voies de fait ou
violences non prévues par Tart. 305, si la menace a été faite avec ordre ou sous
condition, sera puni d'un emprisonnement de six Jours à trois mois et d'une
amende de 16 S 100 fr. ou de l'une de ces deux peines seulement. «
Les motifs de cette disposition ont été exposés dans les termes qui suivent :
f II suffit, pour échapper aux peines légales, d'entourer la menace d'une forme
un peu vague, ou 'de ne la faire passer que sur un fait qui ne soit puni que
d^une peine correctionnelle. Or, pense-t-on qu'un homme menacé, par exem-
ple, d'être roué de coups ou d'être souffleté publiquement, s'il ne se soumetpas
à telle ou telle exigence, ne puisse éprouver un trouble sérieux, et ne con-
YÎent-îI pas même dans ce cas de lui offrir la protection de la lof? 8i on la lui
refuse, il ne la demandera qu'à lui-même, il portera des armes et de graves
accidents pourront quelquefois s'ensuivre. Nous avons eru qu'une disposition
nouvelle était nécessaire. Elle punit toutes les menaces écrites ou verbales por-
tant sur d'autres faits que ceux prévus par l'art. 308 ; mais pour éviter d'incri-
miner de simples paroles irréfléchies, échappées à un mouvement de vivacité
ou de colère, elle exige que la menace ait eu lieu pour exercer une contrainte,
c'est-à-dire qu'elle ait été faîte avec ordre ou avec condition. Les tribunaux
apprécieront les circonstances diverses de nature à établir que cette menace
n'était pas une vaine jactance, qu'elle avait pour but et qu'elle était capable
d'intimider sérieueement la personne qui en était l'objet, i
DES COUPS ET BLESSURES VOLONTAIRES.
848. L'incrimination des coups et blessures, des violences et voies de fait
donne lieu à de graves difEcultés, parce que le résultat matériel n'est pas né-
cessairement en rapport avec le degré de l'intention criminelle. Le rapporteur
du Corps législatif disait à cet égard : « Il est difficile d* apprécier dans
cette partie la juste mesure de la gravité du crime et de la perversité de son
auteur i le nombre des peines est borné, les nuances des crimes sont aussi
variées que celles des caractères. U y a dans cette matière beaucoup à dire et
beaucoup à supposer; il ne faudrait rien laisser à supposer, et il est impossible
de tout dire. Dans cette pénible altemativCi commandée par la nature du sujet
et les bornes de l'esprit humain, il faut poser quelques jalons sur une route
impossible à tracer et rattacher les espèces et leurs innombrables variétés à
quelques points fixes, à quelques principes généraux ; les juges feront le reste. »
Ces principes consistent à prendre pour base de la gravité des eoups et bles-
sures le résultat matériel de ces Potences, la durée de k maladie cm l'incapa-
cité de travail qu'elles ont occasionnée : le législateur, soit qu'il ait jugé cette
tâche trop difficile, soit qu'il ait craint Hnexactitude d'une autre base
n*a point cherclié d^autres éléments de l'intention criminelle dont il const9
lu»-mêne les nufmœs diverses^
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346 TINGTIÈMB LBÇ. — DES CRIMES BT DÉLITS, BTG. (n® 348).
Le Gode distingae trois espèces de coups et blessures : 1» les coups et bleS'
sures qui n^ont occasionné aucune maladie ou incapacité de travail de plus de
vingt jours; 2<> ceux qui ont en pour résultat une maladie ou incapacité
de plus de vingt jours ; 3* enfin ceux qui ont occasionné la mort.
La loi du 13 mai 1863 a modifié cette division et les effets qui y avaient été
attachés. L'exposé des motifs critique d'abord la disposition qui faisidt du fait
un crime ou un délits suivant que la maladie durait plus ou moins de vingt
jours. « A quel signe, dit cet exposé, reconnaître la perversité de Fagent et
rintensité de sa volonté criminelle ? Elle ne sera que très-imparfaitement révé-
lée par le résultat matériel des blessures ou des coups. Ce résultat, en effet, sa
gravité ou son peu d'importance dépendent de bien des causes qui ne peuvent
être imputées à l'agent. Est-ce à dire pour cela qu'on n'en doit tenir aucun
compte dans la pénalité, que les violences, les excès qui eurent des suites dé-
plorables, ne doivent pas être réprimés plus sévèrement que les voies de
fait et les violences légères? Non, certes; c'est un principe inscrit dans la con-
science humaine que le délit devient plus grave avec le préjudice : là n^est
point la difficulté. Mais ce qui est vraiment difficile, c'est d'établir des catégo-
ries pour la distribution des peines, en fixant, par avance, d'une manière uni-
forme, invariable, les conditions de durée et de gravité du mal, qui feront que
la blessure soit crime ou délit. Que l'incapacité de travail puisse motiver jus-
tement une répression correctionnelle plus sévère, nous le reconnaissons
volontiers ; mais nous ne croyons pas qu'on puisse lui attribuer la vertu de
changer le caractère de l'infraction et la nature de la peine. Elle n'a pas la cer-
titude et la fixité nécessaires pour servir de limite entre.deux juridictions et de
base à une distinction aussi fondamentale que celle de crime ou délit. On peut
trop facilement en prouver Tapparence et en prolonger la durée. Trop de causes
étrangères, qui ne sont pas toutes de bon aloi, peuvent concourir à sa forma-
tion : l'erreur, l'inhabileté, l'imprudence, le défaut de soin, la fraude intéres-
sée. Le fait principal môme, hors les cas de préméditation, porte rarement
avec lui un caractère marqué d'immoralité. Il y a dans ces actes de violence
plus d'irréflexion et de colère que de volonté criminelle : ce sont des faits de
rixe et d'emportement où le blâme n'est pas toujours du côté de la peine et que
le jury résiste à punir comme des crimes. • Ces considérations sont en général
exactes, et la critique qu'elles font porter sur le Gode de 1810 est fondée; mais
il est cependant peut-élre à regretter que, en correctionnalisant les coups et
blessures qui ont occasionné une incapacité de travail de plus de vingt jours,
la loi les ait soustraits à la juridiction du jury. Il semble que ce soient là des
faits qui, par leur nature, appartiennent au jury parce que leur criminalité
dépend surtout de Tintenlion et de la moralité des agents. Yoici le texte modifié
des art. 309, 310, 311 et 312.
« ART. 309. Tout individu qui volontairement aura fait des blessures ou porté
des coups (m commis taule aiUrê violence ou voie de fait, s'il est résulté de ces
sortes de violenoes une maladie ou incapacité de travail personnel pendant plus de
vingt Jours, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende
de 16 à 2,000 Cr. Il pourra en outre être privé des droits mentionnés en Tart. 42
du présent Gode pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du Jour
où il aura subi sa peine. — Quand les viitlenoes eî^dessus exprimées auroni été
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COUP» R BunoiUB viNbOHTAïais (art. 312). 347
syMês de tnuHlaêUmf ampmkMon ou privahoft de tueage d^un membre^ cécité,
perte d^un œil, ou mUret ûifirmiUs permanentes, le coupable sera puni de la réclu-
sion. — Si les coups portés ou les blessuras fiiites volontairement, mais sans in-
tention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée, le coupable sera puni des
travaux forcés à temps. »
« Art. 310. Lorsqu'il y aura eu préméditation ou guet-apens, la peine sera, si
la mort s'en est suivie, celle des travaux forcés à perpétuité, ^t les violences ont
été suivies de mutilation, amputation ou privation de Vusage d^un membre^ eédté,
perte d*un eril, ou autres infirmités permanentes, la peins sera eeUe des iranaua
forcés à temps. Dans le cas prévu par le 1** S ^^ i'&>^- 309, la peine sera oelle de
la réclusion. »
« Art* 311. Lorsque les blessures ou les coups, ou autres violences ou voies de
fait n'auront occasionné aucune maladie ou incapacité de travail personnel de
l'eapéce mentionnée en l'art. 309, le coupable sera puni d'un emprisonnement de
six jours à deux ans et d'une amende de 16 à 200 fr. ou de l'une de ces deux
peines seulement. — S'il y a ou préméditation ou guet-apens, l'emprisonnement
sera de deux à cinq ans et l'amende de 50 & 500 flr. »
c Art. 312. L'individu qui aura volontairement Ait des blessures on porté des
coups à ses père ou mère légitimes, naturels ou adoptift, ou autres ascendants
légitimes, sera puni ainsi qu'il suit : — de la réclusion, si les blessures ou les
coups n*oni occasionné aucune maladie ou incapacité de travail de l'espèce men-
tionnée en l'art. 309; — iftt masimum de la réclusion s*il y a eu incapacité de
travail pendant plus de vingt jours ou préméditation ou guet-apens; — des tra-
vaux forcés à temps, lorsque Tarticle auquel le cas se référera prononcera la peine
de la réclusion; — des travaux forcés à perpétuité, si l'article prononce la peine
des travaux forcés à temps. »
S49. Les modificatioiis apportées par la loi nouvelle ne diangeant pas le
système répressif du Gode, elles en corrigent seulement quelques applications.
Ainsi, la loi maintient la distinction entre Tincapacité dn travail de plus ou
de moins de vingt jonrs, qn^que défectneuse qu'elle soit. Mais, au lien d'en
faire la base d'une qualification différente, il n'en fait plus que la base d'une
pénalité plus on moins forte. Les coups et bleaeoree, lors même que la mala-
die qui en a été la suite a duré plus de vingt jonrs, ne sont plus qn*nn délit. Le
jnry se trouve dès lors désbérité du droit de oonnallre de ces faits qni cepen-
dant, je l'ai déjà dit, à raison des éléments variables de leur eriminalité, sem-
blaient devoir être plus partienlièrement attribuée à cette juridiction. Une
autre modification consiste dans l'addition dans les art. 310 et Sii, comme cela
a été Ikit dans l'art. 228, de ces mots t tontes auttea violenees on voies
de fait », afin d'atteindre celles de ces violences qui, sans être des coups, ont
cependant un caractère punissable. Ainsi^ le fait d'avoir saisi un individu au
corps, de l'avoir jeté à terre, de l'avoir poussé contre nn corps dur, de
lui avoir arraché les cheveux, de lui avoir craché an visage, ponrra désormais
tomber sous l'application de ces articles .
La loi n'a défini ni les violences qu'elle appelle coupe et blessuree, ni la
volonté qni doit accompagner ces violences, ni la nature de la maladie ou de
l'incapacité de travail. Lea coups et blessures n'avaient peut-être pas besoin
d'être préoisés, puisqu'ils doivent, pour être incriminés ici, laisser des résnUats
matériels. La YOtonté conqmnd deux éléoenU distinctt .: la volonté de
porter des coups «p éa fiûre des bleeenree, ce qui ex^ut, les mêmes faiu
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348 YINGTIÈHB LBÇ. >— DBS CRQfBS HT DÂLITB, «STCU (n® 350).
commis par imprudence» inattention ou maladMgse; et k volonté de nuiroy
ce qui constitue la culpabilité de l'agent. Quant à rincapaotté de travail, il y
a lieu de remarquer qu'il y a incapacité dans le sens de la loi toutes les fois
que rindividu malade ne peut, sans commettre une imprudence, se livrer à
son travail habituel, car la loi parle du travail |>ar«onn«2, et Tincapacité du tra-
vail personnel ne peut être autre chose que Tincapacité du travail habituel.
Enfin, la loi a voulu que la durée de cette incapacité fût déplus vingt jours; il
ne suffirait paâ qu'elle eût duré vingt jours seulement, il faut vingt et un jours
au moins.
$50. Viennent maintenant les circonsitances aggravantes. La loi nouvelle
a fait avec raison^ de la mutilation ou de VinOrmité permanente, Félément
d'une aggravation pénale. U y a là un préjudice assez grave pour qu'il en soit
tenu compte dans la mesure de la répression. Mais il y a peut-être quelque
contradiction à qualifier de crime les blessures qui ont eu ce résultat et à ne
punir que comme délit celles qui ont causé une longue et douloureuse mala-
die, qui a pu se prolonger au delà de vingt jours, et qui peut laisser la victime
dans un état de faiblesse qui n'est pas une* infirmité, mais qui a quelquefois
des effets non moind graves.
Le dernier paragraphe de l'art. 309 a été introduit par là loi du 28 avril
1832 : avant cette loi, il avait été jugé t que le véritable esprit de la loi est
que celui qui a volontairement fait des blessures ou porté des coups, se rend
coupable des suites qu'ils peuvent avoir, de sorte que, si ces blessures ou ces
coups donnent la mort, ils constituent le crime de meurtre. > L'exposé des
motifs de la loi du ÎS avril 1882 porte : < Des bleMunes faites sans Tintention
de donner la mort, mais q«ii cependant l'ont ooeasionnée, 6ont-punies comme
le meurtre volontaire ou l'assassinat : cette sévérité, qui résulte moins d'un
texte précis de lia loi que de la jurisprudence, a jeté pluaîeiirs fois le jury dans
une cruelle alternative^ Celui qui n'a pas voulu' donner la mort, quoique cou-
pable des blessures qui l^ont occasionnée, ne petit être assimilé à celui qui a
frappé, avec ou sans préméditation, mats avec la volonité du meurtre. Le projet
ne rend pas néanmoins le sort de celui qui s'est livré à des ^olenoes étranger
aux suites qu'elles peuvent avoir. Si la victime! de oes violences vient à suc-
comber, quoiqu'elles ne fassent pas dirigées eototre sa vie, le coupable sera
condamné aux travaux forcés à temps. »
Il y a lieu d'induire de là que l'élémeat nécessaire du crime est que la mort
a été occasionnée par les violencea :- c'est ealt6 relation de causalité qui
aggrave la criminalîté de l'acte. Il faut doua qu'elle soit constatée ; si la mort
est le résultat, non de la violence même, mais d'une maladie acciden telle, elle
p'est plus imputable à l'agent^ elle ne peut plus servir d'élément d*aggfava-
tion. Dans quel délai la mort doit-elle sistre les vîolenceB, posr qu'elle puisse
en être réputée la conaéquence? La Idi est muette à cet égard ; mais l'art 231,
relatif aux violences exercées contre les foactioimMceii, porte que, t ei la
mort s'en est suivie dans les quarante jours, le coupable sec* puni des travaux
forcés à temps ; • et bien que cet article règle une aÉtre èt^^ce,^ comme il
s'agit d*tae inerimiiMlàon pi«sqiie ideirtique, pew*. être la»rfr>il décider que
cette régie doit éli^ «tendue à Fart. 3(M^, d'oà il suivrait ipie^ fli la mort ne
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COUPS ST «UBWURBS YOLO^TAIRBS (ART. 316). 349
«orvient qu'après te quanuite jours, elle cesse d'être imputable à l'auteur des
coups et blesniries.
851. Le crime s^aggrave : !<> lorsque les coups et blessures ont été portés
avec préméditation ou guet-apens, 2*^ quand ils ont été portés à des ascendants.
La préméditation ou le guet-apens s'applique aux coups et blessures,
comme au meurtre ; mais cette circonstance, quoique toujours aggravante, n^a
pas le même effet. Si quelqu'un attend son ennemi au coin d'une rue ou d'un
chemin, avec une canne ou un bâton, dans le dessein de le battre, cette action
est criminelle, sans doute, mais elle ne l'est pas au même degré que l'embus-
cade qui aurait pour objet de tuer. Il y a guet-apens dans l'un et l'autre cas,
mais là pour frapper seidement et non pour tuer, et par conséquent la prémé-
ditation, tout en aggravant le f^it, n'en change pas le caractère.
Remarquez, en ce qui concerne l'art. 312^ que cet article n'applique l'aggra-
vation qu'aux enfants qui frappent leurs père et mère légitimes, naturels ou
adoptifs, ou autres ascendants légitimes. Cette dispositioa dérive du môme
principe que la disposition relative au parricide» JSlie ne s'applique donc m
aux pères et mères qui portent la main sur leurs enfants, ni aux violences
commises par Tun des époux sur l'autre. Remarquez ensuite que l'art. 312
se réfère aux art. 309, 310 et 311 ; or, comme ces derniers articles ne s'ap-
pliquent pas indistinctement à toute espèce de mauvais traitement, mais
seulement à ceux qui ont été commis par des coups ou blessures envers les
personnes, il s'ensuit que l'art. 312 ne peut également être appliqué qu'à celui
qui aurait fait des blessures ou porté des coups à ses père, mère et autres
ascendants ; mais en même temps, il y a lieu d'observer que cet article, en ne
continuant pas les distinctions posées par les art. 310 et 341, pour le cas de
préméditation, confond dans ses dispositions les coups et blessures commis
avec ou sans préméditation. Cette nuande de la criminalité disparait quand la
victime a la qualité prévue par l'art. 312. Pourquoi cette confusion ? Le iégis*
lateur ne Ta pas dît. Il a fait paiement abstraction dans le même cas de la
circonstance tirée de la survenance de la mort. La raison de cette dernière
lacune est sans doute qu'il avait épuisé la mesure de la pénalité, et qu'il ne
pouvait plus, à moins d'appliquer la peine de mort, aggraver la peine déjà
encourue par le prévenu.
Je ne m'arrête point aux articles 313 et 315. Le premier ne fait qu'appliquer
les règles de la complicité' aux coups et blessures commis dans une réunion
séditieuse; le second attribue aux tribunaux correctionnels la faculté d'appli-
quer la surveillance de deux à dix ans aux condamnés pour coups ou blessures.
Ces deux articles ne demandent aucune explication.
• Mi. L'art. 3f6 prévoit une blessure spéciale et sa disposition forme une
exception aux rètglot quo je viens de pai^urir.
tt Art. 316. Toute personne coupable du crime de castration subira la peine des
travaux forcés à perpétuité. — Si la mort en est résultée avant l'expiration des
quarante jours qui auront suivi le crime, le coupable subira la peine de mort. »
Cette mutilation, que le Code de 1791 punissait dans tous les cas de la peine
de n^ort, est punie par notre Code de la peine des travaux forcés à perpé-
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350 VINGTIÈME LEÇ. — DBS GRIMES ET DELITS, ETC. (w* 353).
tulté. Mais cette peine est applicable, et c'est en cela que cette disposition
forme une exception aux règles da Gode, quelles qae soient les suites de la
blessure et la durée de la maladie qu'elle a occasionnée. Il n'y a d'aggrayation
que lorsque la mort est suryenue dans les quarante jours : ainsi, la peine ne
change point, quelque longue que soit la maladie, si la mort ne survient pas ;
elle ne change point encore si la mort n'est arrivée qu'après une maladie
qui a duré plus de quarante jours : la raison de cette limite est qu*il y a lieu de
présumer après ce délai que la mort doit être attribuée à une autre cause qu*à
la mutilation même. Le crime est, au surplus, le môme, soit qu'il ait été
excité par la jalousie, provoqué par la vengeance ou même inspiré par une in-
fâme spéculation.
853. Une seconde exception aux règles relatives aux coups et blessures se
trouve dans Tart. 317 qui punit l'avortement :
« Art. 317. Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments* violences, ou par
tout autre moyen^ aura procuré l'avortement d'une femme enceinte, soit qu'elle y
ait consenti ou non, sera puni de la réclusion. — La même peine sera prononcée
contre la femme qui se sera procuré ravortement à eile-môme, ou qui aura con-
senti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet, û l'avor
tement s'en est suivi. — Les médecins, chirurgiens et autres ofiiciers de santé,
ainsi que les pharmaciens qui auront indiqué ou administré ces moyens, seront
condamnés à la peine des travaux forcés à temps, dans le cas où Tavortement
aurait eu lieu. »
Cet article renferme deux incriminations différentes : Tune, qui concerne
l'action de la femme qui se fait avorter elle-même ; l'autre, relative à l'action
de tiers qui procurent l'avortement d'une femme enceinte, action qui s'aggrave
quand ces tiers sont des hommes de l'art.
La femme est coupable, soit lorsqu'elle se procure l'avortement à eUe-méme,
sans complices, soit lorsqu'elle consent à faire usage des moyens d'avortement
qui lui sont indiqués ou administrés par des tiers. Dans l'un et l'autre cas, elle
n'est responsable que n VavorUment s*en est suivi : la loi n'a pas voulu qu'on
pût poursuivre de vaines tentatives, presque toujours incertaines et difficiles à
constater.
Le concours des tiers pour procurer l'avortement d'une femme enceinte
donne lieu à plus de diificultés : d'abord que faut-il entendre par le fait
à'avoir procuré ravortemsnt ? 11 est clair que cette expression suppose l'avorte-
ment consommé : procurer l'avortement, c'est fournir les moyens qui l'opèrent
ou c'est l'opérer soi-même. Mais suit-il de là qu'il n'y ait crime qu autant que
l'avortement ait été effectué ? Ce n'est point ainsi que la jurisprudence a inter-
prété le 1«' § de l'art. 317. Elle a décidé que la disposition de l'art. 2 du Gode
pénal, conçue en termes généraux, ne peut être restreinte que dans le cas et
pour les crimes à Tégard desquels la loi a exclu son application, soit en termes
formels, soit par des dispositions inconciliables avec cette application ; qu*il n'y
a point dans le Code de disposition qui porte expressément que la tentative du
crime d'avortement ne sera point considérée et punie comme si le crime avait
été consommé; que dès lors rien ne s'oppose à ce que la tentative du crime
d'avortement soit punie, lorsqu'elle réunit les éléments de l'art 2. Nous avons
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dOUJPS ST BLBMURB8 TOLOUTAUISB (aRT. 317)^ 351
objaeté (ii« 25) à cette déeîeion que le 2« S de Tart* 317 ne punit la femme qui
eepieeare àelle-mteie raTortement» que n ravoriaùent s'en est suivi, et que
le S* § da màme article ne fait peier sur le tiers FaggravatioQ résultant de sa
qoatlté que dam keascu i'acùrtement aurait eu lieu. Comment admettre que la
tentative d'ayortement ne soit pas imputable à la femme et soit imputable i
ses complices ? Gomment admettre qae la qualité de médecin aggrave la peine
an cas d*avortement consommé et ne Taggrave pas au cas de tentative non
snivie d'effet ? On répond que, dans le premier cas, le législateur a eu des mo-
UCb gmves pour traiter avec indulgence les personnes du sexe enceintes, lors-
que le crime n'a point été consommé, et que, dans le deuxième cas, la loi
a Toultt déployer une plus grande sévérité lorsque, par Teflet des moyens em-
ployés, Tavortement a été opéré ; qu'il suffit que les moU exclusifs de Tart. 2,
insérés dans les §§ 2 et 3» n*aient pas été employés dans le § !•' pour qu'une
interprétation différente doive être appliquée à ce paragraphe.
La loi punit ensuite Tavortement procuré par aliments^ hreuvages, tnédica'
menti, vi^lenœs ou par tout mutte moyen, et soit que la femme oit consenti ou non
à remploi de ces moyens. Cette disposition donne lieu à deux observations :
Qoe £Ûit-il entendre par violences dans ce texte ? Les mauvais traitements
doivent-ils être considérés comme un moyen d'avortement ? Oai, sans aucun
doute, si les mauvais traitements ont été commis en vue de procurer Favorte-
ment; mais si l'auteur des violences ignorait que la femme fût enceinte et si
Tavortement n*a été qu'un résultat accidentel des voies de fait, il semble diffi-
cile d'en faire remonter la responsabilité jusqu'à cet agent : les coups et bles-
ures lui sont imputables, suivant leur gravité, mais l'avortement qu'il a causé
involontairement ne saurait lui être imputé. Cependant, si cet avortement a
été la source d'une maladie de plus de vingt jours, il serait difficile de sona-
traire le coupable aux conséquences de cette maladie : ce n'est plus comme
auteur de l'avortement qu'il serait alors poursuivi, c'est comme auteur d'une
blessure qui aurait produit une maladie ou incapacité de travail de plus de
vingt jours. Une seconde observation a pour objet cette disposition qui com-
prend dans la même peine l'avortement procuré avec ou sans le consentement
4e la femme. Est-ce donc là une même action ? Celui qui procure l'avortement
d'une Swime, malgré elle et à son insu, n'est- il pas plus coupable que celui
qui ne fait que céder à la prière d'une femme qui veut cacher sa honte à l'aide
d'un crime? Dans le premier cas, n'y a-t-il pas un double attentat commis à
la fois contre la mère et contre l'enfant ?
Vous avez vu que le fait d'avoir procuré l'avortement trouve une aggrava-
lion dans le 3** §. L'exposé des motifs explique cette aggravation en ces ter-
mes : « Une punition plus rigoureuse, celle des travaux lorcés à temps, aura
lien contre les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé qui auront
procuré à la femme les moyens de se faire avorter. Us sont en effet plus cou-
pables que la femme même, lorsqu'ils font usage, pour détruire, d'un art qu'ils
' ne doivent employer qu'à conserver. Si la femme ne trouvait pas tant de faci-
lité à se procurer les moyens d'avortement, la crainte d'exposer sa propre vie,
en faisant usage de médicaments qu'elle ne connaîtrait pas, l'obligerait sou-
vent de différer son crime, et elle pourrait ensuite être arrêtée par ses remords. •
Une seule question s'est élevée sur ce paragraphe : c'est de savoir si les sageS"
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352 YINGTIÈICK LEÇ. — !>» CRIMES BT Dfe.m, nC. (M* 354).
femmes sont comprises dans la qualification générale â^of/kieres de santé. La
principale raison de douter est qnele Gode, qui a omis les sages-femmes dans
fart. 317, les a formellement désignées dans Fart. 878, à la snite des méde-
cins, des chirorgiens et des officiers de santé. Mais ce doute n'a point arrêté la
jurisprudence, qui a décidé que le 3« § de Fart. 317 comprend, dans la généni-
liié de sa disposition, même les sages-femmes, bien qu'elles n*y soient pas
nominativement dénommées, parce qu*elles n'obtiennent leur diplôme, selon
l'art. 32 de la loi du 19 ventôse an XI, qu^après avoir été examinées par les
jurys sur la théorie et la pratique des accouchements, sur les accidents qui
peuvent les précéder, les accompagner et les suivre, et sur les moyens d'y
remédier ; qu'elles se rendent en effet aussi coupables que les officiers de santé,
lorsque, conmie eux, elles font usage, pour détruire, d'un art qu'elles ne
doivent employer qu'à conserver; qu'elles encourent donc dans ce cas la
même peine*
8M. La deuxième partie de Fart. 317, «youtée par la loi du 28 avril 1832, a
eu pour objet de suppléer à une omission du Gode, relativement aux maladies
ou incapacités qui sont le résultat de l'administration volontaire d'une sub-
stance nuisible à la santé.
Deuxième partie de Fart. 317 : a Celui qui aura occasionné à autrui une maladie
ou incapacité de travail personnel» en lui administrant volontairement, de quelque
manière que ce soit, des substances qui, sans ôtrç de nature & donner la mort,
sont nuisibles à la santé, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans et
d'une amende de 16 à 500 francs; il pourra de plus être renvoyé sous la surveil-
lance de la haute police pendant deux ans au moins et dix ans au plus. — 81 la
maladie ou incapacité de travail personnel a duré plus de vingt jours* la peine
sera celle de la réclusion. — Si le coupable a commis soit le délit, soit le crime
spécifié aux deux paragraphes ci-dessus envers un de ses ascendants, tels qu'ils
sont désignés en Fart. 312, il sera puni, au premier cas, de la réclusion, et, ia
second cas, des travaux forcés à temps. »
Cet article est la suite et le complément de Fart. 301, comme les art. 309 et
310 sont la suite et le complément de Fart. 295. L'administration des substan*
ces nuisibles à la santé dont il s'agit ici a, aux yeux de la loi, la même valeur
morale et produit le même préjudice social que les coups et les blessures.
Ainsi, en matière de substances nuisibles administrées, comme en matière de
violences corporelles, vous trouvez une triple incrimination : si les substanoes
administrées sont nuisiMes à la santé sans être de natmre à donner la mort, et
si la maladie qu'elles ont causée n'a pas duré plus de vingt Jours, ce fait ne
constitue qu*un délit, dont la peine peut parcourir Fimmense intervalle d'xm
mois à cinq ans; si les mêmes substances ont causé une maladie de plus de
vingt jours, ce fait devient un crime dont la peine est la rédusion; enfin, si
les substances sont de nature à donner la mort, leur administration, quelles
qu'en soient les suites, est punie de mort. Vous remarquerez, toutefois, que
le législateur a oublié dans cette nomenclature le cas où les substances, sans
être de nature adonner la mort, Fatiraient cependant occasionnée. Le 2* § de
Fart. 309 n'a point été étendu à cette nouvelle hypothèse, et la loi du 13 mai
1803 ne s'y est point appliquée.
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HOMioira m coOTs involwtaius, ktg. (art. $19}. 353
La loi exige, pour TezistaQoe du délit ou du erime : 1« que les sobstaaceg
aient été admiaistrées volontairement, c'est-à-dire avec intention de noire, car
on peat admijûstrw toiontairement, et sans commettre ni crime ni délit, des
sabstances même nuisibles, si on ne connaît pas leurs propriétés ou si on les
croit i^opres à servir de remède; 2* que les substances soient nuisibles à la santé
sans être léthifères ; la question de savoir quelles substances sont nuisibles à
la santé est une question à la fois scientifique et de fSût dont il appartient aux
chimistes de préparer la solution et que les juges du fait doivent décider; il
importe seulement que la substance soit intrinsèquement nuisible : il ne suf*
ftraitpas qu'elle le fût devenue accidentellement; 3* que la substance admi-
nistrée ait occasionné une maladie ou incapacité de travail. C'est la durée, de
cette maladie en deçà ou au delà de vingt jours qui détermine le degré de la
pénalité.
855. U me reste, pour compléter la matière des coups ou blessures, à vous
entretenir de deux incriminations qui ne s'y rattachent qu'accessoirement et
qui ne constituent même que des actes préparatoires des crimes et délits que
nous venons de parcourir; je veux parler: i^ àe la fabrication et de la vente
des armes prohibées qui fait Fobjet de Part. 314; 2<> de la vente des boissons
falsifiées contenant des mixtions nuisibles à la santé.
L'art. 314 punit d'un emprisonnement de six jours à six mois c tout indi-
vidu qui aura fabriqué ou débité des stylets, tremblons, ou quelque espèce que
ce soit d'armes prohibées par la loi ou par des règlements d'administration
publique. > Le perieuf dasditea armes est puni d'une amende de 16 à 200 fr.
Li'art. i» delà loi du 24 mal 1884 a élevé ces peines : « Tout individu qui
aurait fabriqué, débité ou distribué des armes prohibées par la loi ou par les
rè^ements d'administration publique, sera puni d'un emprisonnement d'un
mois à un an et d^une amende de 16 à 500 fr. Gelai qui sera porteur desdites
armes sera puni d'un emprisonnement de six jours à six mois et d'une amende
de 16 à 200 fr. > U suit de là que les armes prohibées sont celles dont le port,
la fabrication et la vente sont prohibés par la loi ou par des règlements d'ad^
ministration publique. Tels sont les poignards, pistolets de poche, fusils et pis*
tolets à vent, épées à bâton, bâtons à ferrements et autres armes offensives-,
•cachées et secrètes.
L'art. 318 punît d'un emprisonnement de six jours à deux ans et d'une
amende de 16 à 500 fr. i quiconque aura vendu ou débité des boissons falsi«*
fiées contenant des mixtions nuisibles à la santé. • 61 les boissons falsifiées
ne contiennent pas des mixtions nuisibles à la santé, elles tombent sous le
coup de l'art. 475, n* 6, du Cîode pénal, qui porte des peines de police contre
« ceux qui auront vendu ou débité des boissons falsifiées. • Ainsi, lorsque les
boissons, quoique altérées, ne sont pas nuisibles, cette altération ne constitue
qu'une simple contravention de police.
HOICGIDE, BLBSSUHBS BT COUPS INVOLONTAIRES.
856. A côté de l'homicide et des coups et blessures volontaires qui vient
tl'ètre Tobjet de notre examen, se présentent l'homicide et les blessures
'• Digitizedbyt^^Ogle
354 VINGTliUB LBÇ. *- DBS CRIMES BT DÉLITS, BTG. (n* 358).
sont ÎQVolontairemenl commis. Cet homicide et ces blessures ou sont pure-
ment accidentels et fortuits, ou sont le résultat d'une imprudence, d'une
maladresse, d'une négligence, d'une faute enfin. Dans la première hypothèse,
l'accident n'est imputable à personne, t Si l'homicide a été commis, porte
Texposé des motifs, ou si les blessures ont été faites involontairement, par
l'effet de circonstances malheureuses ou fortuites, par une de ces causes impos-
sibles à prévoir, qui ne tiennent à aucune négligence ou imprudence de
la part de leurs auteurs, cet homicide casuel est un accident et non un atten-
tat; il est aussi étranger à la volonté qu'à la possibilité de la prévoyance; il
ne présente ni crime ni délit. » Et, en effet, dès qu'aucune faute n'est imputa-
ble à l'auteur de Taccident, dès qu'il n'a pu ni le prévoir ni l'empêcher, com-
ment en deviendrait-il responsable?
Il n'en est plus ainsi lorsque, dans notre seconde hypothèse, l'homicide ou
les blessures, quoique aucune intention criminelle ne les accompagne, sont le
résultat d'un manque de prévoyance ou de précaution. L'agent est coupable,
non d'un crime, mais d'une faute dont on peut justement lui imputer les effets,
surtout lorsque cette faute a causé la mort ou la maladie d'un homme. La lot
distingue, pour graduer la pénalité, le cas où la faute a occasionné la mort et
le cas où elle n'a occasionné que de simples blessures.
357. L'art. 319 prévoit le premier cas.
« Art. 319. Quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou
inobservation des règlements, aura commis involontairement un homicide, ou en
aura involontairement été la cause, sera puni d'un emprisonnement de trois mois
à deux ans, d'une amende de 50 à 600 fr. »
Vous avez vu qu'aux termes des art. 1382 et 1383 du Gode civil, t tout fait
quelconque de l'honune qui cause à autrui un dommage oblige celui par la
faute duquel il est arrivé, à le réparer, et que chacun est responsable du dom-
mage qu'il a causé, non-seulement par son fait, lAais encore par sa négligence
ou par son imprudence. » Cette responsabilité, purement civile, prend un
caractère pénal toutes les fois que le dommage, qui est la conséquence de U
faute, est un homicide ou une blessure. La sûreté de la vie de l'homme est
d'un trop haut prix pour que tout ce qui la menace ne soit pas l'objet d'une
pénalité.
Toutefois, pour qu'il y ait un délit, suivant les termes exprès de Tart. 319,.
il faut, non*seulement que l'agent ait été la cause involontaire de Thomicide,.
mais que cet homicide ait été produit par Tune des fautes qui sont énumérées
par cet article, et qui sont la maladresse, l'imprudence, l'inattention, lanégU-
gaice et rinobservation des règlements. Ce n'est donc qu'en constatant l'une
de ces fautes que la peine peut être appliquée. A défaut du concours de Tune
de ces cinq circonstances, l'homicide purement involontaire ne constitue
ni crime ni délit, et ne donne lieu à l'application d'aucune peine.
858. Le deuxième cas est prévu par l'art. 320 :
• Abt. 320. S'il n'est résulté du défaut d'adresse ou de précaution que des bles-
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HOKIGIMI BT COUPS INTOLCmTAIUS (aRT. tti). 355
sures ou coaps, remprisomiemeiit sont de six Jours à deux mois et l'amende de
16 à 100 fr. »
Bien que cet ariicle ne parle qne da défaut d'adresse ou de précaution, il
n'est pas douteux que les blessures ou coups involontaires proyenant de la
négligence ou de l'inobservation des règlements rentrent dans sa disposition^
L'art. 320, en efCet, a été rédigé dans le môme sens que l'art. 3 19» et ces deux
articles ne diffèrent l'un de l'autre que par le degré de la peine qu'ils appli-
quent, suivant le résultat matériel de la âiute.
CaiMBS ET OiUTS EXCUSABLES ET CAS OU mS PEUVENT ÊTRE EXCUSÉS.
859. L*homicîde et les coups et blessures sont excusables :
i<> S'ils ont été provoqués par des coups et violences graves envers les per*
sonnes (art. 331) ;
%o S'ils ont été commis en repoussant pendant le jour l'escalade ou Teffrao-
tion des clôtures, murs ou entrée d'une maison ou d*im appartement halxité
ou de leurs dépendances (art. 324) ;
3® S'ils ont été commis par Pépouz sur l'épouse, ainsi qse sur le eomplioe
surpris en flagrant délit d'adultère (art. 324) ;
4'' S'ils ont été provoqués par un violent outrage à la pudeur (art. 325).
Le premier cas de provocation ûiit l'objet de l'art. 321 :
tt Art. 321. Le meurtre, ainsi que les blessures et les coups, sont excusables
s'ils ont été provoqués par des coups ou violences graves envers les personnes. »
La provocation n'est point une excuse de l'homicide ou des violences, quand
elle ne se produit que par des paroles ; car, si l'injure excuse l'injure, elle ne
saurait justiGer aucune voie de fait. La provocation ne prend point encore le
caractère d'une excuse, lors même qu'elle s'élève jusqu'à des voies de fait
légères, car on peut admettre que ces voies de fait en excusent d'autres de la
même nature, mais comment pourraient- elles effacer la criminalité du meurtre
ou des blessures, lorsqu'elles n'ont pas mis la sûreté de l'agent en péri!,
et qu'elles n'ont pu constituer qu'un outrage ? Le Gode n'admet l'excuse que
lorsqu'il y a eu une provocation violente et telle que le coupable n'ait pas en,
au moment même de l'action qui lui est reprochée, la liberté nécessaire pour
agir avec une mûre réflexion : sans doute, dans ce cas même, il a commis une
action blâmable, une action que la loi ne peut se dispenser de punir ; mais il
n'est point, à ses yeux, aussi coupable que si la provocation qui l'a entraîné
n'eût pas existé.
860. La loi n'a peut-être pas défini avec assez de précision le caractère et le
degré de gravité des faits auxquels est attachée l'excuse. Elle exige seulement
des coups ou violences graves envers les personnes. Il est clair, d'abord, que ce sont
des violences matérielles : une imputation injurieuse, un outrage verbal n'^
pas une violence et encore moins une violence grave. L'injure peut excit<^
colère, mais elle ne suffit pas pour altérer tout à fait la liberté de l'esprit
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356 VINGTlibCB LflC* — l>BB CaUCBS BT DiUTS, KTC. (n* 361).
peat être une circonstance atténuante, elle n'est point une excuse. Faut-il que
les violences aient été exercées sur la personne même de l'agent ? Non, assu-
rément : car l'excitation n'est-elle pas la même si elles ont été exercées sur la
persotine de sa femme, de ses enfants, de ses proches ? Pouvons-nous voir d'un
œil indifférent un acte de cruauté commis sur la personne même d*un être
auquel aucun lien ne nous attache ? Et, si nous nous efforçons de l'empêcher
ou d'y mettre un terme, n'existera-t-il pas dans cet acte lui-même une cause
légitime de provocation ? U faut seulement que les violences soient graves,
car c'est la violence de la provocation qui fait l'excuse de l'injure ; c*est la vive
impression qu*il ressent qui atténue la criminalité de l'agent. Il est visible,
toutefois, que cette gravité doit prendre un caractère éminemment relatif; elle
varie nécessairement à raison de la position de l'agent et du caractère des
violences, de la situation de la personne qui les éprouve et des craintes et des
sentiments divers qu'elle devait ressentir. Enfin, il faut encore qu'une oer-
taine simultanéité d'action confonde, en quelque sorte, dans un même acte, le
fait de la provocation et le fait du délit; c'est, en effet, la passion soulevée par
la provocation qui fonde l'excuse ; or, la passion est un mouvement impé-
tueux qui éclate au moment même où il s'élève : pkœs un jour, places
même quelques heures d'intervalle, elle n'aura plus la même puissance,
elle ne produira plus les mêmes effets, elle ne doit plus procurer la même at-
ténuation..
Cette excuse de la provocation n'est pas admise dans deux cas : i» en
matière de parricide : ce Le parricide, porte l'arU 3ÎS, n'est jamais excusable ; »
%<» au cas de meurtre commis entre époux (art. 324). Il est évident que cette
double restriction a pour objet de marquer avec plus d'énergie Thorreur que
ces deux crimes inspirent : le législateur a voulu témoigner que, lorsque l'agent
se trouve en face soit de ses ascendants, soit de son époux, sa colère même
ne l'excuse plus ; il doit s'en rendre maître, parce que les sentiments qui Ven-
chûnent à ces êtres doivent être plus forts que les ressentiments qu*ii éprouve
momentanément. On aurait pu peut-être se borner dans ces deux hypothèses
à restreindre les effets de Texcuse sur l'application de la peine, sans les
détruire entièrement: il s'agit, en effet, non d'une provocation ordinaire, mais
d'une provocation par violences graves ; or, il ne faut pas méconnaître les lois
générales qui dirigent les actions humaines : il est certain que le fils et l'époux
ont le devoir impérieux de contenir leurs ressentiments, même en supportant
les violences graves du père ou de la femme; mais cela Sût-il que celui qui
n*a pas su mettre un frein à sa colère irritée par ces violences soit aussi cou-
pable que celui qui s'est livré aux mêmes actes sans aucune provocation?
Toute la question est là, et il est à craindre que la loi n'ait fondé sur une
injuste confusion de deux faits distincts, la leçon morale qui se trouve édictée
dans les art. 323 et 324.
861. L'art 322 assimile au fait de provocation l'attaque dWe maison
habitée :
« Aat. 322. Les crimes et délits mentionnés au précédent article sont également
excusables, s'ils ont été commis en repoussant pendant le jour Tescalade ou Tef-
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HomoBB iT covn mvoLoifTAiiisi (aat. zu). 357
ftmo^où des clôWMWs, dian on «ntrée d'mie mtison «m d'wi ^[>parteiii6&t habité
ou de leurs dépendances. »
CeBt la violation par la force du domicile que la loi permet de reponsser
paria force. Cette violation par l'escalade on Teffraction des clôtures on par
touC antre moyen équivalent^ car ici les termes de la loi doivent être considé-
rés comme purement démonstratifs, est un acte de violente agression, et par
conséquent rentre dans la classe des violences graves qui constituent la provo-
cation. Le maître de la maison, si sa sûreté personnelle et celle de sa famille
n'a pas été en danger, s'il avait d'autres moyens de repoxisser les malfaiteurs
et de rendre leur tentative vaine, n'avait pas le droit de commettre un homi-
cide ou de faire des blessures ; il n'est donc pas à l'abri de toute peine, il est
seulement excusable; car il n'appartient à personne de faire usage de ses armes
sans une nécessité absolue, et de tuer ou blesser même des gens qu'on répute
malfaiteurs, par une mesure de justice souveraine que la vraie justice ne peut
reconnaître. 11 en est autrement si l'attaque a eu lieu, suivant les termes de
Fart. 329, pendant la nuit, parce que, dans ce cas, le maître de la maison ne
peut apprécier ni ses forces ni son but et qu'il se trouve dés lors en état de
légitime défense.
862. Le flagrant délit d'adultère de la femme est aussi pour le mari une
cause de provocation :
« Art. 324. Le meurtre commis par Tépoux sur l'épouse, ou par celle-ci sur son
époux, n'est pas excusable^ si la vie de Tépoux ou de l'épouse qui a comiois le
meurtre n'a pas été mise en péril dans le moment môme où le meurtre a eu lieu.
Néanmoins, dans le cas d'adultère prévu par l'art. 336, le meurtre commis par
répoux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l'instant où il les surprend
en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable. »
En principe, ainsi que je Pal déjà fait remarquer, le meurtre commis par
Fun des époux sur l'autre n'est pas excusable. Le devoir des époux est de
n'épargner aucun sacrifice pour maintenir entre eux une parfaite union.
Cette règle atteint et l'époux qui est Fauteur du meurtre, et celui qui s'en est
rendu complice. Mais la loi y a posé une double exception : !• si la vie de
répoux, auteur du meurtre, a été mise en péril an moment même où Thomi-
cide a été consommé : C9 péril excuse le meurtre, lors même qu'il n'aurait pas
été dans la iiécessité de le commettre pour se défendre; 2^ si le meurtre a été
commis par l'époux sur son épouse, ainsi que sur son complice, au moment où
il les a surpris en flagrant délh d'adultère dans la maison conjugale. Cette der-
nière exception est expliquée dans Fexposé dés motifs du Gode en ces termes :
s La loi n'excuse ce metirîre que sous deux conditions : 1* si l'époux l'a com-
mis au même instant où il a surpris Fadultère t plus tard il a et le temps de la
réflexion et il a dû penser qu'il n'est permis à personne de se ftdre justice;
2* s'il a surpris Fadultère dans sa propre maison. Cette restriction a paru né«
cesftaire. On a craint que, 6i le meurtre, commis dans tout autre lieu, était
également excusable, la tranquillité des familles ne fût tromblée par des époux
méfiants et injustes qu'aveuglerait l'espoir de se venger des prétendus égare-
ments de leurs épouses. »
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358 VINGTiteB UBÇ. — DES CftllCSS BT DÉLITS, BTC. (n* 365).
368. Enfin, la loi a inscrit parmi les fiait» de provocation on violent oatra(je
à la padear :
« Art. 32S. Le crime de castration, s'il a été immédiatement provoqué par un
outrage violent à la pudeur, sera considéré comme meurtre ou blessures excusables. »
Cette disposition peut, à la première vue, vous sembler inutile. Car l'art! 321
ne consîdëre-t-il pas comme des faits de provocation toutes les violences graves
envers les personnes? Et comment ne pas ranger parmi ces violences les
attentats et les outrages à la pudeur ? Ces actes constituent donc une excuse
légale du meurtre et des blessures. L'art. 325 n'a eu d'autre objet que d'appli-
t[uer cette règle à une blessure particulière qui, si elle n'avait pas été spécia-
lement prévue, aurait pu donner lieu à des doutes.
864. Lorsque Tezcuse est admise, la peine dont le crime est passible est
atténuée dans les proportions qui suivent :
a Art. 326. Lorsque le fait d'excuse sera prouvé, s*il s'agit d'un crime emportant
Ta peine de mort, ou celle des travaux forcés à perpétuité, ou celle de la déporta-
tion, la peine sera réduite à un emprisonnement d'un an à cinq ans ; — s'il s*agit
de tout autre crime, elle sera réduite & un emprisonnement de six mois à deux
ans. — Dans les deux premiers cas, les coupables pourront de plus être mis, par
Tarrét ou le jugement, sous la surveillance de la baute police pendant cinq ans
au moins et dix ans au plus. — B'il s'agit d'un délit, la peine sera réduite à un
emprisonnement de six jours à six mois. »
Cet article ne donne lieu à aucune observation.
HOMICIDE, BLESSURES ET COUPS MON QUALIFIÉS GRIMES MI DÉLITS.
866. L'homicide et les blessures volontaires sont non-seulement excusables,
mais légitimes, lorsqu'ils ont été commandés soit en vertu d'un ordre légal,
soit par la nécessité actuelle de la défense. L'ordre légal ou la nécessité d'une
légitime défense constituent, non plus seulement des faits d'excuse, mais des
faits justificatifs qui effacent toute la criminalité.
La première de ces causes de justification est prévue par l'art. 327 :
« Art. 327. Il n'y a ni crime ni délit, lorsque l'homicide, les blessures et les
eoups étaient ordonnés par la loi et commandés par l'autorité légitime, v
La loi a dû se borner à poser ce principe sans prévoir tous les cas où il peut
être appliqué. Elle soumet la justification de l'agent à une double condition :
il faut, d'abord, que l'homicide ait été commis dans un cas où la loi l'autori-
sait, il faut ensuite qu'il ait été commandé par le fonctionnaire qui avait le
droit d'apprécier la nécessité. Il est clair que, sans le concours de Tune et de
l'autre de ces deux conditions, la vie des citoyens serait abandonnée aux vio*
lencea des agents du pouvoir sans aucune garantie. U est nécessaire de consa-
crer d'abord le droit et ensuite la légitime application de ce droit. On peut
citer comme exemple d'homicide légal le fait du militaire qui, sur l'ordre de ses
chefs, tire sur les ennemis pendant la guerre, ou sur des rebelles, pendant
ks troubles civils. Nous avons déjà parlé de cette cause de justification (n» 180).
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. BOtfIGIOS BT ilOUPS IMYOLOKTAIRIS (aRT. 329)« 359
8M. La seconde cause de justification est la nécessité aanelle de la
tt Abt. 328. Il n'y a ni crime ni délit lorsque l'homicide, les blessures et les
coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi*
môme ou d*autrui. »
c L*homicide est légitime, dit l'exposé des motifs, lorsqu'il est commandé
par la défense de soi-même, soit qu'on ait été frappé on qu'on se trouve dans
an pressant danger de l'être, et que, ne pouvant attendre des secours de la
loi, entraîné par l'instinct conservateur de son existence, on repousse la force
par la force. • Toutes les législations, en effet, ont considéré ce droit de
défense comme un droit naturel, que chaque membre de la société peut reven*
diquer, lorsque la loi ne suf&t pas pour le protéger. Mais quand y a-t-il néces-
sité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui? CTest là ce que
nous devons examiner. On doit, d'abord, inférer des termes de la loi qu'elle
n'a voulu protéger que la défense de ta personne, car elle ne parle que de la
défense de sùi-méme ou à*autrui. Aussi, lorsque l'attaque est dirigée contre
les biens, comme dans le cas prévu par le 1«' § de l'art. 322, l'homicide peut
être, dans certaines circonstances, excusable, il cesse d'être justifiable. On doit
encore inférer du texte de la loi que la défense, peur devenir légitime, doit
être nécessaire, c'est-à-dire commandée par un péril actuel : il n'y a, en effet,
de nécessité actuelle, que celle où la force appelle la force, oii le danger est
présent et provoque instantanément la défense. Enfin, cette défense ne peut
être légitime qu'autant que l'agression est injuste : ainsi les rebelles contre
lesquels la force légale serait employée ne pourraient évidemment invoquer
cette exception, puisque, en état de flagrant délit, ils ne peuvent se présenter
en état de légitime défense contre l'autorité légale.
L'art. 329 comprend dans les cas de légitime défense les deux cas sui-
vants :
« Art. 329. Sont compris dans les cas de nécessité actuelle de défense les deux
cas suivants : — 1* 8i Thomicide a été commis, si les blessures out été faites, ou
si les coups ont été portés, en repoussant pendant la nuit l'escalade et l'effraction
des clôtures, murs ou entrée d'une maison ou d'un appartement habité ou de leurs
dépendances ; — 2o Si le fait a eu lieu eu se défendant contre les auteurs de vols
ou de pillage exécutés avec violence. »
Dans les deux cas dont il s'agit, il y a lieu de craindre les violences contre
les personnes et dans le cas où ces violences ont été commises : il y a néces*»
site actuelle delà défense. Cette défense est légitimée, soit pur une escalade ou
effraction de nuit, parce qu'une agression de nuit menace les personnes autant
4iue les propriétés, soit par des violenoes commises même de jour^par des volenrs
ou des pillards, parce que ces violences établissent l'éiat de légitime défense.
vmoT ST nHiÈm ibçon.
B67. Je vais essayer de terminer dans cette lefon Texamen des crimes et
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860 VINGT BT imiÈIIB LEÇ. ^ DBS CRIMXB KT DÉLITS, RG. (n"" 369).
délite contre les personnes ; nous n'avons examiné encore que l'àornicide» les
coups et les blessures; à côté de ces premiers attentats il en est plusieurs antres,
qui ont des caractères particuliers et sont soumis à des règles spéciales. Û
importe de déterminer nettement le caractère de chacun d'eux et de préciser
les éléments distincts de leur incrimination.
ATTENTATS AUX MOEURS.
La Ciode comprend sous ce titre et dans la même section l'outrage public à
ior pudeur, l'attentat à la pudeur et le viol, l'excitation des mineurs à la
débauche, l'adultère et la bigamie. Tous ces faits n'ont de commun que leur
immoralité : ils diffèrent par leur gravité, par les faits qui les caractérisent,,
par leur but même. NouS suivrons dam lecff examen l'ordre même de notre
Qode.
368. Le premier de ces attentats est l'outrage public à la pudeur :
« Art. 330. Toute personne qui aura commis un outrage public & la pudeur sera
punie d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 16 à200f^. »
Qu'est-ce qu'un outrage à la pudeur? La loi ne l'a pas défini. U faut tenir
pour constant, d'une part, que cette expression ne peut s'entendre de simples
injures, quelque outrageantes, quelque grossières qu'elles soient, elle ne
s'applique qu'à des faits matériels, à des actes ; et, d'une autre part, qu'elle
renferme toutes les actions contraires aux bonnes mœurs; qui par leur licence
ont dû être l'occasion de scandale pour l'honnêteté et la pudenr de ceux
qui fortuitement ont pu en être les témoins. Ainsi, tous les actes impudiques
qui, sans attenter particulièrement à la personne de qui que ce soit, sont de
nature à blesser les regards et la pudeur de ceux qui en sont témoins, ren-
trent dans cette catégorie. Mais il faut que le délit ait été commis publique-
ment : c'est la publicité qui fait sa criminalité, car c'est le scandale, î'oflFense à
l'honnêteté publique que la loi punit Cette publicité existe toutes les fois qu»
l'outrage est commis dans un lieu public, ou que, même commis hors d'un
Ueu de cette nature, il a pu frapper les regards du puMte.
869. L'art. 331 prévoit l'attentat à la pudeur sans violence :
« Art. 331. Tout attentat à la pudeur, consommé ou tenté sans violence sur la
personne d'an enAint de l'un ou de l'autre sexe, élgê de moins de treize ans, sera
. puni de la féelusion. »
Cet artiolo e^ été inlroddit dans le QoéB pénal par la loi du 28 avril i9S^. L»
loi n'avait puni jusque-^là l'attentat à la pudeur que lorsqu'il avait été commis
avec violence. Il en résultait que la plupart des attentats commis sur de jennes^
enfants, n'étant point acoompagnés de violences physiques, échappaient à
toute répression. C'est là la lacune que le législateur a voulu réparer : il punit
la séduction exercée sur les enliuits de moins de onse ans, k oonruption pra-
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D» ATTSirrAT0 A LA PUDBUR (ART. 331). 361
tiqnée sur léar Tolonté, Fentrainemeiit criminel qn^lls subissent. Par les mots
A' attentat à la pudeur, qui sont peut-^tre id assez inexacts puisque Tattentat sup-
pose en général la violence, il faut entendre tons les actes qui attentent à la
pudeur de Tenfant, qui ont pour effet de le flétrir et de le corrompre. Mais s'il
y a présomption d'une violence morale que Tftge de moins de treize ans a fait
établir, cette présomption cesse si l'enfant est d'un âge supérieur. Il s'ensuit
que l'attentat et l'âge de la victime sont les deux conditions essentielles du
crime prévu par Tart. 331.
870. Il faut ajouter que la loi du 13 mai 1863 a introduit dans cet article
une modification importante en substituant l'ftge de treize ans à Tàge de onze
ans. On doit applaudir à la pensée morale qui, pour protéger l'enfance contre
d'odieux attentats, en prolonge la durée. Il est bien de préserver l'enfant le
plus longtemps possible, aussi longtemps qu'il demeure enfant, contre la
séduction qu'on ne pratique à son égard que pour le flétrir et le corrompre. H
faut prendre garde néanmoins que plus on approché de l'âge nubile, et plus il
y a lieu de craindre que la volonté ne vienne contredire la présomption de
contrainte morale qui est l'élément du délit. Le péril est de confondre l'atten-
tat à la pudeur avec l'immoralité.
871. Un 2<» § a été ajouté à l'art. 331.
« Art. 331, 2* §. Sera puni de la môme peine l'attentat à la pudeur commis par
tout ascendant sur la personne d'un mineur, môme âgé de plus de treize ans, mais
non émancipé par mariage, v
Cette innovation rétablit en d'autres termes une incrimination que Ton
trouve dans notre ancienne législatton, mais que notre législateur avait jus-
qu'ici répudiée, le crime d*inceste. La loi suppose que la contrainte morale
que les ascendants peuvent exercer se prolonge au delà de l'âge de treize ans
et résulte de la seule autorité personnelle. Toutefois, quand la victime a passé
cet âge, n'est-il pas évident que l'attentat sans violence n'est plus qu'une séduc-
tion ? Ce n'est donc pas seulement l'abus d'autorité qui est puni ici, c'est la
séduction personnelle des ascendants, c'est l'inceste, fait odieux sans doute,
mais dont la répression ne peut être obtenue qu'en soulevant des scandales
plus redoutables ]^ut-éire que Timpunité.
872. L'attentat à la pudeur avec violence a plusieurs degrés : sa gravité
dépend : 1« de l'âge de la victime ; 2<» du caractère même de l'attentat ; Z^ de
la qualité de l'agent.
« Art. 332, 3* §. Quiconque aura commis un attentat à la pudeur, consommé ou
tenté avec violence contre des Individus de Tun 6u de l'autre sexe, sera puni de la
réclusion. »
CTest là le pranier degré du crime. L'attentat n'a point le but détemiiné
autre que d'offenser la pudeur, de la peraeinaevar laquelle il est exercé : il
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362 VINGT BT URiiMB LEÇ. — DB8 GRIlO» ET fflfcLITS, ETC. («• 374).
suffit qa*il ait, par le moyen d'an acte yiotent, outragé la pudeur, sans autre
intention que cet outrage môme, pour qu*il rentre dans les termes de la loi.
Ainsi il a été jugé que des femmes qui, après avoir dépouillé une autre femme
de ses vêtements, Pavaient soumise à des mauvais traitements, étaient coupa»
blés d'attentat à la pudeur. Il a encore été reconnu que des ouvriers qui avaient
de force procédé à Texamen des parties sexuelles de Tun d'eui s'étaient ren*
dus coupables du même crime. Le Gode ne fait aucune distinction entre les
attentats inspirés par le désir des jouissances sensuelles et ceux commis
par tous autres motifs, tels que la haine, la vengeance ou la curiosité. L'at-
tentat résulte du foit lui-môme, quelle que soit Tintention de celui qui le
commet.
Mais l'attentat reprend ici son caractère distinctif : c'est la violence qui le
constitue. L'attentat à la pudeur, lorsqu*il est commis sans violence, n'est pas-
sible d'aucune peine, à moins qu'il ne soit public (art. 330) ou qu'il ne soit
commis sur un enfant de moins de onze ans (art. 331). C'est donc l'usage de
la force qui fait le crime : elle outrage en violentant la volonté. Il importe
peu que l'attentat ait été consommé, tel que l'agent s'était proposé de l'ac-
complir, ou qu'il ait été seulement tenté, et ait rencontré dans la résistance
de la victime un obstacle qui en a empoché rentier accomplissement. Le
crime est le môme et la loi a eu soin de le réunir dans la môme disposition.
873. L'attentat à la pudeur avec violence prend un caractère distinct et
plus grand lorsqu'il a pour but le viol.
« ART. 33t. Quiconque aura commis le crime de viol sera puni des travaux forcés
à temps. »
Les caractères de ce crime sont les mômes que ceux de Pattentat à la
pudeur, si ce n'est que le fait matériel, qui constitue le plus grand des atten-
tats à la pudeur, emporte avec lui un dommage irréparable. De là la sévérité
plus grande de la loi. Il faut d'ailleurs, comme pour l'attentat, que la vio-
lence soit constatée soit par la résistance de la victime, soit par les manœuvres
frauduleuses qui l'ont enchaînée. Toute hésitation de la part de celle-ci, toute
circonstance qui dénoterait une sorte de complicité de sa part ferait disparaî-
tre la criminalité de l'acte. Quel est le caractère de la tentative de viol? n'est-
ce qu'un simple attentat à la pudeur ? Il est évident que la tentative caracté-
risée du crime de viol ne doit pas être confondue avec les attentats à la pudeur
avec violence, car elle en diffère par la nature de l'acte et le but que se pro-
pose l'agent. La tentative de viol, si elle réunit les caractères déterminés par
l'art. 2, est assimilée au crime môme, car elle réunit tous les éléments du
crime; elle est plus qu'un attentat, car ce n'est pas seulement l'outrage qu'elle
a pour but; elle conserve donc son caractère distinct, bien qu'elle ait rencon-
tré un obstacle qui a empoché son accomplissement.
874. L'attentat à la pudeur avec violence et le viol puisent une môme
aggravation dans l'âge de la victime et dans la qualité de l'agent. 8i le crime
a été commis sur la personne d'an enfant au-4eflsou8 de l'âge de quinze an«
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BBS ATTENTATS A LA PUDBUA (aRT. 333). 363
accomplis, la peine de l'attentat à la padeor avec violence est la peine des
travaux forcés à temps et la peine du viol est le fnaximvm de cettte peine,
#*e8t-à-dire vingt ans de travaux forcés, f An-dessous de l'âge de quinze ans»
porte l'exposé des motifs du CSode, Tinnocence doit plus particulièrement com-
mander le respect et faire taire jusqu'aux désirs: l'emploi de la force est d'au-
tant plus révoltant qu'il offre une violation de l'instinct même de la nature
et un abus de Fignorance autant que de la faiblesse de la victime. »
375. L'aggravation résultant de la qualité fait l'objet de l'art. 333 :
a ART. 333. Si les coupables sont les ascendants de la personne sur laquelle a été
commis l'attentat, s'ils sont de la classe de ceux qui ont autorité sur elle, s'ils sont
ses instituteurs ou ses serviteurs à gages, ou serviteurs à gages des personnes ci-
dessus désignées, s'ils sont fonctionnaires ou ministres d*un culte, ou si le cou-
pable, quel qu'il soit, a été aidé dans son crime par une ou plusieurs personnes,
la peine sera celle des travaux forcés à temps, dans le cas prévu par le § t** de
l'art. 331, et des travaux forcés à perpétuité, dans les cas prévus par Tarticle
précédent. »
L'aggravation édictée par cet article a quatre causes distinctes : l'autorité de
Tagent sur la victime, sa qualité de domestique dans la maison où le crime
est commis, l'autorité attachée au titre de fonctionnaire ou de ministre du
culte, enfin l'assistance qu'il reçoit dans l'exécution.
Quelles sont les personnes qui ont autorité sur la victime ? La loi ne désigne
nominativement que les ascendants et les instituteurs ; il faut nécessairement
comprendre dans cette disposition toutes les personnes qui sont investies soit
d'une autorité légale, comme les pères et mères, les tuteurs et curateurs, ioh
d'une autorité de fait, comme celle du mari sur les enfants d'un premier
mariage ou des maîtres sur les domestiques, des patrons sur les ouvriers. Il
importe peu que l'autorité dérive de la loi ou de la position des personnes,
il suffit qu'elle existe et qu'elle ait été un des moyens qui ont facilité le
crime.
La qualité de serviteur à gages est un élément d'aggravation, non-seulement
lorsque le crime est commis sur les maîtres eux-mêmes, mais encore lors-
qu'il est commis sur uneMes personnes de la famille. L'aggravation s'étend
même au cas oii l'attentat aurait été commis par un domestique sur un autre
domestique de la même maison ; il suffît, eo effets d'après les termes précis
de Fart. 333, que l'agent ait cimimis le crime sur une personne soumise à
l'autorité des individus dans la maison desquels elle était placée comme
domestique: la loi a voulu frapper d'une peine plus forte l'auteur d'un atten-
tat à la pudeur sur l'une des personnes qui sont protégées par l'autorité du
dief de la famille, pour avoir ainsi porté le désordre dans la maison où il a
été admis.
A l'égard des fonctionnaires et ministres du culte, une question grave
s'élève: l'aggravation est-elle nécessairement attachée à leur qualité, ou n'est*
<» <|ae lorsqu'ils ont abusé, de leurs fonctions pour oomnaettre l'attantat,
qa'Ûs en sont passibles? U semble à la première vue que le crime ne doive
s'aggraver que dans le cas où la fonction a donné un ascendant sur la par-
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364 VINGT BT UNIÂMB LBÇ. -^ DBS GRBfBB BT DÉLITS, BTC. (n^ 377).
sonne^ un moyen de s'introduire auprès d'elle, en un mot, qu'aulant que le
délit a été commis sous IHnfluence des fonctions ; car ce ti'est pas la quriité,
isolée de toute influence, c'est l'abus de la position qui donne au crime une
intensité plus grande, dépendant lorsqu'on s'arrête aux termes de la loi, on ne
peut s'empêcher de remarquer qu'elle 'attache l'aggrayation à la seule qualité
de fonctionnaire ou de ministre du culte, sans distinguer si la fonction a ou
n'a pas servi à la perpétration. 11 semble que la loi ait voulu poser en principe
que les fonctionnaires et les ministres doivent aux autres l'exemple d'une
conduite pure et sans tache; plus répréhensibles quand ils tombent en
faute, plus coupables quand ils commettent des crimes, ils doivent être punis
davantage.
La quatrième cause d'aggravation est l'assistance. Cette assistance peut être
prêtée soit par des complices qui n'ont d'autre but que de faciliter l'exécution
du crime, soit par des coauteurs qui se donnent une coopération successive.
Il est évident que l'aggravation s'applique à Tun et à l'autre cas. Ce serait faire
une injure au législateur que de croire qu'il aurait entendu infliger la
même peine à l'individu qui, seul et sans être aidé de personne, aurait commis
ou tenté de commettre un viol, qu'à celui, beaucoup plus coupable, qui se
serait fait aider dans son crime par un ou plusieurs complices dont les forces
réunies auraient mis leur victime dans l'impos^bilité de se défendre, et qui
auraient encore pu assouvir tour à tour sur elle toute leur brutalité et joindre
ainsi la barbarie à l'outrage.
876. Les art 334 et 335 prévoient l'attentat aux mœurs commis en excitant
la débauche. U est inutile de nous arrêter à l'art. 335, qui ne fait qu'ajouter à
la peine prineipale du délit quelques peines aoeessoires. L'art. 334, qui définit
ce délit, est ainsi conçu :
« Art. 334. Quiconque aura attenté aux mœurs» en excitant, favorisant ou faci-
litant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de Tun ou de
l'autre sexe au-dessous de Tàge de vingt et un ans, sera puni d'un emprisonne-
ment de six mois à deux ans et d'une amende de 50 à 500 fr. — Si la prostitution
a été excitée, favorisée ou facilitée par leurs pères, mères, tuteurs ou autres per-
sonnes chargées de leur surveillance, la peine sera de deux aàs à cinq ans d'em*
prisonnement et de 300 à 1,000 îit, d'amende. »
Ce texte a soulevé de nombreuses difficultés. H est difficile, quand on
se trouve en face d'actes immoraux et dépravés, de ne pas diercher, en éten-
dant un peu les termes de la loi, à les comprendre dans ses dispositions répres-
sives. Cest là nne tendance à laquelle l'esprit honnête des magistrats se laisse
entraîner ; mais c'est un tort ; il n'appartient pas au juge de refisire U bi pénale
et d'apporter dans ses kiteirprétadons plus de sévérité que le législateur; sa
tâche se home à déclarer le sens véritable des textes qu'il applique, il ne doit
jamais aller au delà.
' 877. Première question, yexdtation à la débanéhe ne doii-eUe-êtie impu-
table qu'aux personnes qui en fbnt métier et trafic? Ou la loi a^^^-elie veufai
-oomprendte, dans sa disposition, non-seulement les proxfoètes, mais encore
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DBS ATTENTATS A LA PUDEUR (aAT. 334). 365
ceux qui corrompeat la jeunesse pour satisfoire leurs propres passions? Cette
question a longtemps divisé la jurisprudence; elle est aujourd'hui résolue.
L'exposé des motiiis du CSode avait nettement indiqué le but du législateur :
f Le Gode prononce des peines de police correctionnelle contre les personnes
convaincues d'avoir débauché ou corrompu la jeunesse : il [est en ce point
conforme à l'ancienne loi. » Or, les lois anciennes ne punissaient que le maque-
rellage et non la séduction personnelle. Le rapporteur duGorps législatif ajou«
tait : c £n noi^s occupant des attentats aux piœurs, comment ne pas signaler
ces ôtres qui i^e vivent que pour, et par la débauche, qui, rebuts des deux sexes»
se font un état de leur rapprochement mercenaire et spéculent sur l'âge, l'inex-
périence et la misère pour colporter le vice et alimenter la corruption ? Des
législateurs ne les ont punis que du mépris public : mais que peut le mépris
sur des âmes aussi avilies 7 Punit-on par l'infiMViie des personnes qui en font
leur élément? C'est par des châtiments, c'est par un emprisonnement et une
amende que le projet de loi a cherché à atteindre ces partisans habituels de
prostitution. » Lekngage delà loi ne fait que confirmer cette explication. Quels
sont les agents qu'elle punit? Ce sont ceux qui excitent, favorisent ou facilitent
habitujallement la débauche ; ce sont donc les agents de la corruption, ceux qui
fournissent les moyens de rapprochements, les intermédiaires, les instruments
de la prostitution. Le second alinéa de l'article vient encore à l'appui de cette
interprétation, car il aggrave la peine des agents qui sont chargés de la sur-
veillance des mineurs. Or, il est évident que, sauf la qualité, source de l'aggra-
vation, le délit est le môme dans les deux alinéa. Dès lors, comme dans
le second, la loi n'assigne aux- mères, pères et tuteurs, d'autre rôle que celui
d'entremetteurs, de proxénètes, il s'ensuit que, dans le premier, il ne s'agir
évidemment que des mômes agents. H est, au surplus, admis aujourd'hui
sans contestation que l'art. 334 ne s'applique qu'aux personnes qui favorisent
la débauche des mineurs, non pour elles-mêmes, mais pour satisfaire l'incon-
tinence d'autrui,
II78. Deuxième question. Que faut-il entendre par le mot habituellement
dans Part. 334? Est-il nécessaire qu'il y ait plusieurs victimes? L'habitude
résulte-t-elle de plusieurs actes de corruption commis sur la môme personne?
La loi punit d'une manière générale tous ceux qui trafiquent de la corruption
de la jeunesse, qui l'ecxitent à la débauche et lui en facilitent les moyens pour
la livrer à la prostitution, pourvu que la fréquence et la répétition des faits
prennent le caractère d'une habitude criminelle; or, cette habitude peut évi-
demment résulter soit des faits de corruption répétés à différentes époques
envers la môme personne, soit des mômes faits successivement pratiqués envers
des personnes différentes.
879. Troisième question. L'habitude est-elle une circonstance constitutive
du délit dans le deuxième paragraphe de l'art. 334 aussi bien que dans le pre*
mier? On avait pensé que les termes de oe deuxième alinéa ne se lient pas
nécessairement avec le premier ; que, dans le premier alinéa, ce délit, imputé
à des tiers, ne pouvait se constituer que par une succession de faits, tandis
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366 VINGT BT UNiâMB LBÇ. — DE» GRIMB8 BT DÉLITS, ETC. (n* 381).
que, dans le second, le môme délit, imputé aux pères, mères et tuteurs, existait
par la perpétration d'un seul fait, dette distinction n'est pas fondée. Le pre-
mier alinéa exige, pour l'application de la peine, que le prévenu ait excité, favo-
risé ou facilité habituellement la débauche ou la oorruption de la jeunesse, ia
circonstance de l'habitude est donc un élément constitutif du délit. Or le
deuxième alinéa change-^tp-il les conditions de ce délit? 8ubstitue-t-ilune nou-
velle incrimination à la première ? Nullement ; il ne fait que prévoir une cir-
constance aggravante du même délit résultant de l'autorité appartenant aux
personnes chargées de la surveillance des mineurs ; il ne modifie donc en au-
cune manière les éléments de Tincrimination et l'art. 335, qui définit les inca-
pacités auxquelles peuvent être accessoirement condamnés les coupables et qui,
en énonçant les cas prévus par les premier et deuxième alinéa, ne les considère
que comme constituant un seul délit ; il faut donc conclure que le législateur
n'a pas fait de ce deuxième alinéa un délit distinct et spécial.
880. Quatrième question. Est-il nécessaire, pour que le délit existe, que le
mineur ait été flétri par la débauche ? Nullement ; le délit ne réside pas dans
Pacte de corruption ou de prostitution, mais dans l'acte de proxénétisme qui
tend à faciliter, à exciter cette corruption ou cette prostitution ; dès que le pré-
venu a prêté son entremise et a été intermédiaire entre le séducteur et la vic-
time, le délit est consommé à son égard : ia loi punit l'excitation à la débauche
lorsqu'elle résulte des faits réitérés qui constituent une habitude.
Vous connaissez maintenant les caractères constitutifs du délit d'attentat
aux mœurs. L'art. 334 n'a compris dans ses dispositions que les personnes
qui s'entremettent pour faciliter et favoriser la débauche :.il faut, pour l'exis-
tence du délit : 1* que la corruption ait été excitée au profit, non d'une pas-
sion personnelle, mais des passions d'autrui ; 2° qu'il y ait habitude de cette
excitation, c'est-à-dire réitération des actes d'excitation sur plusieurs personnes
et même sur une seule.
381. J'arrive maintenant, en suivant Tordre des articles du Code, à un délit
que la loi a classé parmi les attentats aux mœurs, mais qui conserve un carac^
tère particulier et des règles distinctes : le délit d'adultère. L'exposé des motifs
du Code explique sur ce sujet la pensée du législateur : « U est une infraction
aux mœurs moins publique que la prostitution érigée en métier, mais presque
aussi coupable ; si elle ne suppose pas des habitudes aussi dépravées, elle pré-
sente la violation de plus de devoirs : c'est l'adultère. Placé dans tous les codes
au nombre des plus graves attentats aux mœurs, à la honte de la morale, Topi-
nion semble excuser ce que la loi doit punir ; une espèce d'intérêt accompagne
le coupable ; les railleries poursuivent la victime. Cette contradiction entre
l'opinion et la loi a forcé le législateur à faire descendre dans la classe des
délits ce qu'il n'était pas en sa puissance de mettre au rang des crimes. > Mais
le législateur ne s'est pas borné à modérer les peines de ce délit, il en a envi-
ronné la poursuite de formes et de conditions qui la rendent difficile. Ces
conditions et ces formes sont inscrites dans le Code pénal, à côté de l'incrimi-
nation. Nous devons examiner : 1* les caractères du délit; 2^ les règles relati-
ves à sa poursuite.
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ATTBNTATS AtJX MOEURS (aRT. 338). 367
Le délit d'adaltère n'est point défini par la loi. II réside dans le commerce
illicite d'un homme et d'nne femme, lorsque 1 un de ces deux agents est
marié. II faut un commerce illicite, car on ne doit pas confondre tous les actes
immoraux avec la consommation même de Taduitère. U faut le mariage de l'un
des coupables au moins, car c'est ce mariage qui fait la faute. Enfin, il est
inutile d'ajouter qu'il n'y aurait pas de délit, si Tadultère était le résultat de
la violence ou de Terreur ; il y a donc une espèce de dol nécessaire pour con*
stituer le délit et qui résulte uniquement de la complicité de la volonté.
882. Les peines de Tadultère sont portées par les art 337 et 338.
« Art. 337. La femme convaincue d'adultère subira la peine de l'emprisonne-
ment pendant trois mois au moins et deux ans au plus. »
a Art. 338. Le complice de la femme adultère sera puni de remprisonnement
pendant le môme espace de temps et en outre d'une amende de 100 à 2,000 ft*. »
Une question s'élève sur un premier point : celui que Part. 338 nomme
complice est un véritable coauteur. Mais en dehors de ce coauteur, les personnes
qui ont aidé la perpétration du délit, en fournissant, suivant les termes do
Fart. 60, les moyens de Je commettre, sont-elles passibles des mêmes peines
que les deux autres principaux ? Il ne peut à cet égard exister aucun doute. Les
art. 59 et 60 ont édicté une disposition générale qui se rattache à tous les cri-
mes et délits i moins qu'une exception précise n'en repousse Tapplication. Ici
nous ne trouvons aucune exception ; il faut donc tenir pour certain, et telle
était aussi la disposition de notre ancienne jurisprudence, que tous les agents
qui, par l'un des moyens prévus par Fart. 68, se sont rendus complices du dé*
lit, peuvent en partager la responsabilité.
888. Gela posé, il faut expliquer les règles spéciales qui s'appliquent à la
poursuite de ce délit. La première de ces règles est que l'adultère ne peut être
dénoncé que par le mari. Tels sont les termes formels de l'art 336. Ainsi,
nulle poursuite n'est possible tant que le mari n'a pas lui-même porté plainte.
Quels sont les effets de cette plainte ? Si l'on se tient dans les termes précis de
l'art. 366, on doit décider que la plainte n'a pas d'autre effet que de permettre
à l'action publique, arrêtée jusque-là, de prendre son cours : ce texte, en effet»
ne donne au mari que le droit exclusif de porter plainte, il ne lui attribue
aucune autre fachlté. Mais l'art. 337 ajoute que « le mari restera le maître
d'arrêter l'effet de la condamnation, en consentant à reprendre sa femme. » Et
il résulte de cette disposition, déjà consacrée par l'art. 309 du Ciode civil, que
le mari, au pouvoir de retenir l'action publique enchaînée réunit celui d'anéan-
tir la poursuite et le jugement Or, ne peut-on induire de là que le mari, qui
suspend l'exécution du jugement, peut suspendre la poursuite, qu'il a dès lora
entre les mains l'action publique elle-même et que ce n'est pas le ministère
public, mais lui-même qui l'exerce ? Je ne crois pas que cette conséquence
soit exacte. Le droit de remettre la peine suppose nécessairement le droit de
remettre la poursuite elle-même ; car on ne saurait admettre que le mari, qui
s'est réconcilié avec sa femme dans le cours du procès et qui tient de la loi le
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368 VINGT ET UNlâtfE LISÇ. — DBB CRIKBS BT PiLlTS, ETC. (n^" 384).
pouvoir d*annaler les effets dn jugement, ne pût pas arrêter le procès et pré-
venir le jagement môme. Il importe à Fintérét du mariage^ qui est le plus
grand intérêt social, que l'adultère n'acquière pas par on jugement une certi-
tude judiciaire et que le pardon du mari soit toujours accueilli comme une
preuve légal9 que le délit n'a pas été conmiis. Mais de là suit-il que le mari
doive être considéré comme investi de l'action publique ? Le ministère public,
qui ne peut ni saisir la justice sans une plainte, ni continuer la poursuite
après le désistement, conserve, entre ces deux actes, la plénitude de Taction
publique et l'exerce librement en faisant toutes les réquisitions qu'il juge
utiles. Bon pouvoir est restreint, mais il continue de subsister dans les limites
qu'il reçoit de la loi. Le mari, dans l'intêrôt du mariage, est investi d'une dou-
ble prérogative; mais il ne faut pas étendre ses droits au delà des termes fixés
par la loi. Les peines du délit ne sont point établies dans un intérêt de ven-
geance et au profit du mari, mais dans un intérêt de justice et au profit de la
société.
De là il suit 1« que, s'il faut que le mari porte plainte, il n'est pas néces-
saire qu'il se porte partie civile au procès ; car la loi n'exige que la plainte ,
elle n'exige pas le concours de Taction du mari; 2^ que le seul appel du mari,
après un premier jugement, ne peut saisir le juge d'appel que de l'action civile
et ne l'autorise ni à prononcer une peine, si le juge de première instance n'en
a prononcé aucune, ni à aggraver les peines encourues ; car si le ministère
public n'a pas appelé, l'action publique, dont il a seul l'exercice, est éteinte;
le mari, qui n'a que le droit de plainte et le droit de désistement, n'a pas le
droit de faire revivre une action éteinte. Ge droit serait même contraire à l'es-
prit de la loi qui ne lui a donné ces privilèges que dans l'intérêt de l'union de
la famille, et qui ne lui en a reconnu aucun pour en perpétuer la discorde;
S^ que le ministère public peut appeler à mifimd, lors même que le mari
n'appelle pas du jugement intervenu sur la plainte; car ce défaut d'appel
n'équivaut pas à un désistement, il a saisi la justice et l'action suit son cours
jusqu'à ce qu'il use du droit qu'il a de l'arrêter.
884. Les privilèges dn mari s'étendent, en partie du moins, jusqu'au com*
plice. Le complice ne peut, comme la femme, être poursuivi que sur la plainte
du mari. Mais il suffit qu'il ait dénoncé sa femme pour que le complice puisse
être poursuivi d'office, car dès que le ministère public est saisi du délit, il peut
en poursuivre tous les auteurs. Le mari pourrait-il dénoncer le complice et
garder le silence sur sa femme? Non ; la cause du prévenu ^t indivisible de
celle de la femme ; la condamnation du complice serait la condanmation
morale de la femme, alors même qu'elle ne serait pas comprise dans les pour-
suites ; et, d'ailleurs, il ya ou il n'y a pas de délit; si le délit existe, il est impos-
sible d'en scinder la poursuite. Il en est de même en ce qui touche le désistement ;
le désistement du mari relatif à la femme forme une fin de non-recevoir rela-
tivement au complice, car la réconciliation du mari et de la femme équivaut
à la preuve légale que l'adultère n'a point été commis, et par une consé-,
quence nécessaire, qu'il n'existe point de coupable de ce délit. Mais si le
désistement n'intervient qu'après le jugement définitif, son effet est uniquement
de faire cesser la peine de la femme et ne s'étend point au complice. Quand la
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ATTENTATS AUX MOEURS (ART. 339). 369
preuve de l'adultère est faite, quand le jagement l'a judiciairement constaté,
Tintérét de la paix de la famille n'exige plus que le pardon du mari s'étende
au complice.
386. La plainte du mari peut rencontrer plusieurs fins de non-recevoir.
La première est prévue part Fart. 336. Cet article porte que la faculté de
dénoncer l'adultère de la femme cessera pour le mari « sMl est dans le cas
prévu par l'art. 339. • Or, que prévoit l'art. 339 ? que « le mari qui aura entre-
tenu une concubine dans la maison conjugale, et qui aura été convaincu sur
la plainte delà femme, sera puni d'une amende de 100 à 2,000 fr. » C'est une
incapacité qui frappe le mari; il perd, à raison de sa conduite, son droit de
plainte; contempteur des droits de la famille, il ne lui appartient pas de
revendiquer les mômes droits contre sa femme. La seconde fin de non-
recevoir est la réconciliation des époux : cette réconciliation, dès qu'elle est
constatée, et soit qu'elle ait précédé ou suivi la plainte, éteint cette plainte^
et la femme peut dès lors la faire valoir. Elle peut encore opposer à son
action son interdiction, puisque le mari serait frappé d'incapacité pour ren-
dre plainte. Pourrait-elle se faire une fin de non-recevoir de la connivence
de celui-ci à l'adultère même? Cette fin de non-recevoir existait dans
notre ancienne jurisprudence, mais aucun texte de nos lois nouvelles né Ta
<;onfirmée, et l'infamie du mari n'est point une excuse pour Tinfamie de la
femme.
386. L'art. 339, dont je viens de rappeler le texte, définit le seul cas dans
lequel l'adultère du mari peut être puni : c'est lorsqu'il a entretenu une con-
cubine dans la maison conjugale. Le lé&;islateur a pensé que le désordre du
mari n'a ni les mômes dangers ni les mômes résultats que celui de la femme;
qu'il ne pénètre pas en général dans la famille et n'y jette aucun trouble : ce
n'est donc que lorsque cette considération générale cesse d'exister, lorsque le
désordre entre dans la maison conjugale avec la concubine entretenue par le
mari, que la loi incrimine cet acte. Les conditions de cette incrimination sont :
4* que l'adultère du mari ait été commis cUins la maison conjugale, c'est-à-dire
dans la maison du mari, dans la maison commune, dans celle où la femme
peut être contrainte de demeurer; 2« que le mari ait entretenu une concubine
dans cette maison : ce n'est pas seulement l'adultère, c'est l'intruduction d'une
femme étrangère, c'est l'introduction de cette femme dans le domicile com-
mun qui constitue le délit du mari. Ce délit ne peut, au reste, être poursuivi
que sur la plainte de la femme; l'art 339 le dit expressément. Mais la femme
n'a point le droit de se désister, car l'art. 339 n'a point reproduit la dernière
disposition de l'art. 337, seulement le mari peut opposer à l'action l'excep-
tion tirée de la réconciliation ; c'est ce qu'on doit inférer de l'art. 272 du Code
civil.
387. Il nous reste, sur cette matière, à appeler votre attention sur une der-
nière exception au droit commun, qui se trouve consignée dans le deuxième
paragraphe de l'art. 338, ainsi conçu : « Les seules preuves qui pourront être
admises contre le prévenu de complicité seront, outre le flagrant délit, c. lîcs
I.
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Cnoô^le
370 21* LBÇ. — DBS CailMBS ET DÉLITS CONTRE LES PERSONNES (n* 388).
résultant de lettres ou autres pièces écrites par le prévenu. « Vous remarquerea
d'abord que cette disposition exceptionnelle n'est relative qu'au complice. Ainsi,
Tadultère, soit de la femme, soit du mari, est soumis aux mômes preuves que
tous les autres délits. Ainsi, la preuve du délit d'adultère, à Tégard de la
femme, se fait de la manière prescrite par les art. 154, 155, 156 et 189 du Code
d'instruction criminelle, puisque aucune disposition ne l'a exceptée de la règle
générale et que les termes et les motifs de l'art. 338 ne permettent pas de
l'étendre au delà de la personne du complice. Mais, relativement à ce dernier,
les moyens de preuve sont limités : c 11 importait, a dit Torateur du Corps
législatif, de fixer la nature des preuves qui pourront être admises pour établir
une complicité que la malignité se plaît trop souvent à chercher dans des
indices frivoles, des conjectures hasardées ou des rapprochements fortuits. Après
les preuves du flagrant délit, de toutes les moins équivoques, les tribunaux ne
pourront admettre que celles qui résulteraient des lettres ou autres pièces
écrites par le prévenu ; c'est dans ces lettres, en effet, que le séducteur dévoile
sa passion et laisse échapper son secret. • Le flagrant délit est défini par l'art. 41
du Code d'instruction criminelle ; quant aux lettres ou autres pièces écrites par
le prévenu, il y a lieu de remarquer : 1* que la loi ne demande pas que les
lettres soient signées ; il suffit qu'elles soient de son écriture; 2^ que ces mots
ou autres pièces écrites par le prévenu embrassent toutes les pièces quelconques,
dont on pourrait faire ressortir la preuve de la complicité ; on doit donc y
ranger l'interrogatoire signé du prévenu, et dans lequel serait consigné l'aveu
de l'adultère.
388. Il reste, pour terminer l'examen des attentats aux mœurs, à nous
occuper du crime de bigamie. L'art. 340 est ainsi conçu :
a Art. 340. Quiconque, étant engagé dans les liens du mariage, en aura contracté
un autre avant la dissolution du précédent, sera puni de la peine des travaux forcés
à temps. L'officier public qui aura prêté son ministère & ce mariage, connaissant
Texistence du précédent, sera condamné i la môme peine. »
Le crime de bigamie consiste donc dans le fait de contracter un nouveau
mariage avant la dissolution du premier. De là les trois conditions constitutives
du crime : le lien d'un premier mariage, le fait d'en contracter un autre avant
la dissolution du premier, l'intention frauduleuse qui fait la criminalité de l'ac-
tion. Quelques questions peuvent s'élever à ce sujet.
En premier lieu, si le premier mariage est dissous soit par la mort naturelle,
soit par l'efTet d'une nullité radicale, avant que le second ait été contracté, il
n'y a pas de crime, puisqu'il n'y a pas deux mariages existant simultanément.
Mais si la nullité du premier mariage n'a pas encore été déclarée, en est-il
encore ainsi? 11 faut répondre affirmativement. Peut-on cndamner un accusé
avant que la preuve du crime qui lui est imputé soit acquise d'une manière
irréfragable ? Non, sans doute. Peut-on le condamner sans avoir la certitude
que l'action qui constitue son crime prétendu ne perdra pas, par un événe-
ment qui peut survenir, le caractère de crime? Non encore. Peut-on le con-
damner provisoirement? Pas davantage. Cependant qu*arriveralt-il si le con-
damné pour crime de bigamie faisait ensuite déclarer son premier mariage nul?
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ARRESTATIONS ILLÉGALES (aRT. 341). 371
Certainement alors on serait forcé de reconnaître qae le prétendu bigame a
été condamné comme tel avant que son crime fût constaté, qu'il a été condamné
avant que l'action qui lui était imputée à crime fût irrévocablement jugée cri*
minelle, en un mot» qu'il a été jugé provisoirement. Mais, tout eu reconnais-
sant ces tristes vérités, quel remède aurait-on pour faire cesser une condamna-
tion qui, par l'événement, se trouverait sans base ? La loi n'en a indiqué aucune,
et les juges seraient sans pouvoir pour suppléer à son silence. Ainsi le condamné
subirait la peine de bigamie, môme après la preuve solennellement prononcée
qu'il n'est pas bigame. Donc la loi, en exigeant le lien d'un premier mariage,
a entendu parler d'un mariage valide.
Le second mariage, dont l'existence constitue le crime, est en lui-môme
nécessairement nul ; mais il faut néanmoins qu'il ait une existence régulière,
à moins que sa célébration n*ait été suspendue par un événement indépendant
de la volonté de l'agent ; car, dans cette hypothèse, il y aurait une tentative
légale que la loi assimile à la consommation môme du crime. Cette tentative,
'au surplus, ne résulterait pas du contrat de mariage passé avant la dissolution
du premier mariage, car ce contrat n'est pas un acte d'exécution ; elle ne
pourrait résulter que de l'acte de mariage devant l'officier de l'état civil ou des
faits qui commencent l'exécution de cet acte. Les publications requises par un
individu déjà marié ne suffiraient pas, ces publications ne sont qu'un acte pré-
paratoire et ne commencent pas l'exécution de l'acte du mariage.
L'intention frauduleuse est le troisième élément du crime. Le Gode pénal
de 1791 portait qu'en cas de bigamie i l'exception de la bonne foi pourrait être
admise, lorsqu'elle serait prouvée. • Si notre Code n'a pas cru devoir repro-
duire cette exception, c'est qu il a cru inutile de l'énoncer : elle est de droit
commun ; elle est consignée dans ce principe, antérieur à tous les codes, que
là où il n'y a point de volonté, il ne peut y avoir de crime. La bonne foi de
l'agent consiste dans la croyance où il est que son premier mariage est dissous,
croyance qui, pour effacer le crime, doit ôtre fondée sur de très-fortes probabi-
lités. Au surplus, toutes les questions relatives à la nullité du premier mariage
appartiennent à la juridiction civile et doivent suspendre l'action criminelle
jusqu'à ce qu'elles soient résolues.
ARRESTATIONS ILLiOALIS ET s6QUBSTRATI0NS DES PERSONNES.
380. Les art. 341, 342, 343 et 344 prévoient le crime qui était connu dans
notre ancienne jurisprudence sous le nom de charte privée. Il ne s'agit point
ici des arrestations illégales commises par des fonctionnaires publics;, cette
matière, qui fait le sujet des art. 114 et suivants, a fait l'objet de notre précé-
dent examen. Les dispositions actuelles n'ont trait qu'aux attentats à la liberté
commis par des particuliers. L'art. 341 définit en ces termes le crime de déten-
tion illégale.
« Art. 341. Seront punis de la peine des travaux forcés à temps ceux qui, sans
ordre des autorités constituées et hors le cas où la loi ordonne de saisir des pré-
venus, auront arrôté, détenu ou séquestré des personnes quelconques. »
U résulte de ce texte que deux conditions sont nécessaires pour constituer
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372 21** LBÇ. — DES CRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PERSONNES (n* :
le crime : 1^ un fait d'arrestation, de détention ou de séquestration ; 2o Fille-
galité de ce fait. Je dis un fait d'arrestation, de détention ou de séquestration;
car les expressions de la loi indiquent trois natures de crimes qui, quoique
analogues, peuvent exister isolément ; en effet, l'arrestation illégale peut exis*
ter comme crime, sans avoir été suivie de détention ni de séquestration, et
ces deux derniers faits constituent eux-mêmes des crimes distincts qui ont
chacun des éléments qui leur sont propres. Quant à l'illégalité de la détention,
elle existe par cela seul qu'elle a eu lieu sans ordre des autorités constituées
et hors le cas où la loi ordonne de saisir les personnes. Il faut vous reporter
à la loi de la procédure criminelle qui énumère les cas où il y a lieu à l'arres*
lation des inculpés.
En général, tous les complices sont frappés des mêmes peines que l'autear
principal ; il faut donc appliquer aux complices du crime prévu par l'arti-
cle 341 les règles écrites dans les art. 59 et 60. La loi toutefois a pensé que les
règles pourraient être insuffisantes et elle a créé un nouveau cas de com-
plicité.
« Deuxième paragraphe de l'art. 341. Quiconque aura prêté un lieu pour exé-
cuter la détention ou séquestration, subira la môme peine. »
La prestation d'un local est assimilée à la fourniture d'instruments destinés
à l'exécution du crime. Il est inutile d'ajouter que cette prestation doit avoir
été faite avec connaissance.
Les art. 342, 343 et 344 ont pour unique objet de graduer la peine d'après
les circonstances qui ont accompagné la détention. La peine est de deux à cinq
ans d'emprisonnement, si la personne arrêtée a été rendue à la liberté avant
le dixième jour accompli et avant toute poursuite. Elle est des travaux forcés
à temps, du onzième jour au trentième. Elle est des travaux forcés à perpé-
tuité : i<> si la détention a duré plus d'un mois ; 2^ si l'arrestation a été exé-
cutée avec un faux costume, sous un faux nom, ou sur un faux ordre de Pau-
torité publique ; 3^ si l'individu arrêté, détenu ou séquestré, a été menacé de
la mort. Enfin, la peine est celle de mort, si les personnes arrêtées, détenues
ou séquestrées ont été soumises à des tortures oorporelles.
GRIMES BT DÉLITS TBNDA.NT A EUPÉGHEA OD DÉTRUIRE LA PREUVE DE l'ÉTAT GFVIL
d'un enfant ou a compromettre son EXISTENCE.
890. La loi a réuni sous ce titre des faits qui n'ont ni la même nature ni le
même but : les uns sont dirigés contre l'état civil de l'enfant, les autres contre
sa vie. Mais ils ont un lien commun ; ils menacent l'existence civile on maté-
rielle de l'enfant ; ils provoquent sur un être qui ne peut se défendre la pré-
voyante protection de la loi. J'examine d'abord les crimes et délits qui ont pour
but d'altérer l'état civil de l'enfant.
a Art. 345. Les coupables d^enlèvement, de recelé ou de suppression d'un enfant,
de substitution d*un enfast à un autre, ou de supposition d*un enfant à une femme
qui ne sera pas accouchée, seront punis de la réclusion. ^ La même peine aura
lieu contre ceux qui, étant chargés d'un enfant, ne le représenteront point aux
personnes qui ont droit de le réclamer. »
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CRIMBS £T DÉLITS CONTRE LSS ENFANTS (aRT. 345). 373
Le crime d'enlèvement^ de recelé ou de .suppression d*un enfant, connu dans
notre ancien droit sous le nom de suppression de part, comprend tous les
faits ou fausses déclarations qui donnent à un enfant une famille à laquelle il
n'appartient point et le privent de celle à laquelle il appartient, ou qui, par un
moyen quelconque, lui font perdre Tétat que la loi lui garantissait. Il faut
entendre par enfant un être organisé et vivant, car l'enfant qui n^est pas né
viable n'a pas d'état et ne transmet aucun droit. L'art. 345 a essentiellement
pour objet d'assurer son état civil, et si le législateur a eu en vue d'assurer
l'état civil d'un enfant, ce n'a pu être que datis la supposition que celui-ci
serait vivant. Cet article serait donc inapplicable au cas d'inhumation clandes-
tine d*un enfant mort-né. C'est donc une condition constitutive et substantielle
du crime que l'enfant supprimé soit né vivant. Il faut ensuite que la suppres-
sion ait été effectuée avec l'intention de changer son état.
Mais de cette interprétation que l'art. 345 ne dispose que pour la suppres-
sion d'un enfant vivant et qu'il cesse d'être applicable s'il n'est pas établi que
l'enfant supprimé ait vécu, résultait une véritable lacune dans la loi. Car la
femme récemment accouchée qui ne représente pas son enfant et qui n'en
rend aucun compte n'encourait aucune peine. La garantie sociale manquait i
l'enfant qui vient de naître. La mère qu'un sentiment de honte ou tout autre
mobile sollicite au crime, pouvait s'assurer l'impunité par une suppression
complète, car elle mettait la justice dans l'impossibilité de s'assurer si l'enfant
avait vécu. Pour remplir cette lacune, la loi du 13 mai 1863 a introduit, entre
les deux paragraphes de l'art. 345, un nouveau paragraphe qui forme le 2« et
qui est ainsi conçu :
« S'il n'est pas établi que Tenfunt ait vécu, la peine sera d'un mois à cinq ans
d'emprisonnement; s'il est établi que Tenfant n'a pas vécu, la peine sera de six
jours à deux mois d'emprisonnement. »
On a considéré que la non- représentât! on du cadavre ne supposait pas néces-
sairement une destruction volontaire ; qu'elle pouvait s'expliquer par d'autres
circonstances, peu communes sans doute, mais possibles ; que même la des-
truction volontaire n'excluait pas forcément l'hypothèse de l'enfant mort-né,
car il pourrait arriver que le sentiment de la honte, aveugle, irrésistible, et ne
laissant de place à aucun calcul de prudence, eût poussé à l'anéantissement
de tous les témoignages de la faute. On a voulu dès lors laisser à la femme,
accusée ou prévenue, le bénéfice de ces doutes et de ces possibilités et l'on a
dit : l'enfant doit être représenté vivant ou mort; il faut à ce principe néces-
saire une sanction pénale. Si l'enfant n'est pas représenté, il y aura crime ou
délit de suppression : crime, si la suppression est d'un enfant né vivant; délit,
s'il n'est pas établi que l'enfant supprimé ait vécu ou si la preuve contraire
est rapportée. Pour le cas de suppression criminelle la sanction pénale existait
déjà dans le !•'§ de Tart. 345; elle restait à faire pour les deux autres cas ; tel
a été l'objet de la disposition additionnelle.
L'art. 345 prévoit une seconde hypothèse du même crime ; c'est la substi-
tution d'un enfant à un autre ou la supposition d'un enfant à une femme qui
n'en serait point accouchée. Ce crime a lieu : 1» quand une femme, après avoir
feint d'être enceinte, fait paraître au temps de l'accouchement un enfant
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374 21* LBÇ. -— DBS GRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PERSONNES {n^ 392).
qu'elle dit provenir de son mari, pour frustrer les héritiers légitimes; 3* quand
une femme enceinte substitue, après son accouchement, un enfant à la place
de celui dont elle est accouchée; 3*» quand un mari et une femme, qui n'ont
point d'enfant, en supposent un étranger qu'ils disent être issu de leur
mariage; 4« lorsque des étrangers substituent à des pères et mères un enfant
étranger au lieu de leur enfant légitime.
391. Une des plus grandes difficultés de la matière que je traite en ce
moment est le jugement des questions d'état que soulève la poursuite des criâ-
mes de suppression ou de supposition d'enfant. Les art. 326 et 327 du Code
civil portent que les tribunaux civils sont seuls compétents pour statuer sur
les réclamations d*état et que l'action criminelle ne pourra commencer qu'après
le jugement définitif sur la question d'état. La loi a tellemi^nt craint de faire
dépendre entièrement les questions d'état de simples témoignages, qu'elle a
proscrit les moyens indirects qui seraient employés pour y parvenir. Telles
seraient les plaintes en suppression d'état qui seraient portées devant les tri-
bunaux criminels avant qu'il y ait eu par la voie ci\ile un jugement définitif.
Les parties sont renvoyées devant les juges civils. Cette décision est une excep-
tion à la règle générale qui, considérant les répressions des crimes comme le
plus grand intérêt de l'État, suspend les procédures civiles quand il y a lieu à
la poursuite criminelle; mais cette exception s'appuie sur la présomption que
la plainte n'aurait pour but que d'éluder la règle du droit civil qui n'admet pas
la simple preuve par témoins dans les questions d'état. (Voy. les art. 319, 320
et 323 du Code civil.) Les art. 326 et 327 ne sont que la sanction de cette pro-
hibition. L'action criminelle contre un délit de suppression d'état n'aurait
pas seulement pour effet d'en faire punir les auteurs, elle emporterait néces-
sairement la preuve que l'état, dont le plaignant est en possession, n'est pas
celui auquel il a droil. C'est là ce que la loi a voulu empêcher. La question
d'état constitue donc une question préjudiciable à toute poursuite en suppres-
sion d'état. La juridiction criminelle est frappée d'une incompétence absolue :
l'action criminelle ne peut commencer qu'après que cette question a été juj;ée.
Toutefois il importe de remarquer que la question d'état n'est préjudicielle à
l'action publique : l» que lorsqu'elle a pour objet une question de filiation;
2** que lorsque cette filiation est contestée et que la poursuite peut exercer une
influence directe sur l'état de l'enfant. Je ne fais qu'indiquer ici ces règles de
la procédure ; ce n'est pas le lieu de les développer.
898. Les art. 346 et 347 prévoient deux faits de négligence qui peuvent avoir
le même effet que le crime :
« Art. 346. Toute personne qui, ayant assisté à un accouchement, n'aura pas
fait la déclaration à elle prescrite par l'art. 56 du Code civil et dans les délais
fixés par Tart. 55 du même Code, sera punie d'un emprisonnement de six jours à
six mois, et d'une amende de 16 à 300 fr. »
« Art. 347. Toute personne qui, ayant trouvé un enfant nouvéau-nô, ne l'aura
pas remis à rofQcier de l'état civil, ainsi qu'il est prescrit par l'art. 56 du Code civil,
sera punie des peines portées au précédent article. — La présente disposition n'est
point applicable à celui qui aurait consenti à se charger de l'enflint et qui aurait
fait sa déclaration & cet égard.devant la municipalité du lieu ou l'enfant a été trouvé;»
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CRIBfBS BT DÉLITS CONTRE LBS BNFANTS (aRT. 353). 375
Ces deax articles ne font qu'apporter une sanction aux art. 55» 56 et 58 du
Gode civil. Cesi donc dans ces derniers articles qu'il faut rechercher les véri-
tables éléments du délit. Ainsi, l'art. 56 du Ck>de civil ne prescrit que la seule
déclaration de la naissance : il s'ensuit que Fart. 346 n'est point applicable à
celai qui, en déclarant cette naissance, refuse de faire connaître les noms des
père et mère. Ainsi cette obligation n'est imposée qu^à certaines personnes :
il 8*ensuit que Fart. 346 n'est applicable qu'aux mêmes personnes. La môme
règle d'interprétation s'applique à l'art. 347 : cet article, en se référant
4 l'art. 58 du Cîode civil, se renferme dans les termes de ce dernier article et ne
peut être étendu au delà.
893. Vous avez vu que le deuxième paragraphe de l'art. 345 punit de la
peine de la réclusion ceux qui, étant chargés d'un enfant, ne le représenteront
point aux personnes qui ont le droit de le réclamer. C'est là une sorte d'abus
de confiance commis au préjudice des parents sur la personne de l'enfant. La
loi s'occupe moins de l'état de l'enfant que de l'enfant lui-même. L'art. 348
prévoit un autre fait de la même nature :
« Art. 348. Ceux qui auront porté à un hospice un enfant au-dessous de Tàge
de sept ans accomplis, qui leur aurait été confié afin qu'ils en prissent soin ou
pour toute autre cause, seront punis d'un emprisonnement de six semaines à six
mois et d'une amende de 16 à 50 fr. — Toutefois, aucune peine ne sera prononcée,
s'ils n'étaient pas tenus ou ne s'étaient pas obligés de pourvoir gratuitement à la
nourriture et à l'entretien de l'enfant, et si personne n'y avait pourvu. »
Cet article est clairement rédigé et ne demande aucun commentaire. L'abus
qu'il prévoit est moins grave que celui qui fait l'objet du deuxième paragraphe
de l'art. 345, puisque les traces de l'enfant ne sont pas perdues. 11 y a lieu de
remarquer toutefois que c'est uniquement l'engagement pris par les personnes
dépositaires de l'enlant qui constitue le délit.
894. Les art. 349 et suivants s'occupent spécialement d'un fait qui tend à
compromettre l'existence de l'enfant, l'exposition, qui, sans avoir toute la gra-
yité de l'infanticide, participe de son caractère moral et produit souvent les
mêmes effets. L'incrimination de la loi ne s'applique qu'aux enfants au-dessous
de l'âge de sept ans accomplis : au-dessus de cet âge, l'enfant est réputé pouvoir
trouver en lui-même assez de force et de ressources pour se défendre
contre les périls qui l'environnent. La loi distingue ensuite, pour marquer les
différents degrés de la pénalité, les circonstances qui ont accompagné l'expo-
sition : si elle a eu lieu dans un lieu solitaire, ou non solitaire, si elle a été
«uivie de blessures ou de mort. Le délaissement dans un lieu non solitaire fait
l'objet des art. 352 et 353.
a Art. 352. Ceux qui auront exposé ou délaissé en un lieu non solitaire un
enfant au-dessous de l'âge de sept ans accomplis, seront punis d'un emprisonne-
ment de trois mois à un an et d'une amende de 16 à 100 fr. »
« Art. 353. Le délit prévu par le précédent article sera puni d'un emprisonne-
ment de six mois à deux ans et d'une amende de 25 à 200 fr., s'il a été commis
par les tuteurs ou tutrices, instituteurs ou institutrices de l'enfant. »
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376 21® LEÇ. — DES CRIMSS ET DÉUTS CONTRE LES PERSONNES (n* 394)»
Que faut-il entendre par un lieu solitaire ? Il faut entendre un lieu où l'en-
fant ne peut pas, suivant toute présomption, trouver des secours, t Les peines»
dit l'exposé des motifs, doivent être plus ou moins fortes, suivant le danger
qu'on a fait courir à Tenfant; et ce danger est plus ou moins grand, suivant que
le lieu de l'exposition est ou n'est pas solitaire. Il était impossible que la loi
donnftt une explication précise à cet égard ; elle s'en rappone au juge, car le
lieu le plus fréquenté peut quelquefois être solitaire, et le lieu le plus solitaire-
ôtre très-fréquenté. Cela dépend des circonstances. » Ainsi, lorsque Texpo^fi-
tion n'a pas eu lieu dans un endroit solitaire, il y a lieu de présumer que
l'agent n'a pas voulu compromettre la vie de l'enfant, qu'il n'a voulu qu'effacer
les traces de sa naissance. De là les peines modérées de l'art. 352. Une antre
question est de savoir ce qu'il faut entendre par délaissement. Il y a délaisse-
ment toutes les fois que Tenfant a été laissé seul et que, par ce fait d'abandon^
il y a eu cessation, quoique momentanée, ou interruption des soins et de la sur-
veillance qui lui sont dus. Ainsi ce n'est pas un acte de délaissement que de
déposer un enfant dans le tour d'un hospice, lorsqu'il est ceriain que l'enfant
sera recueilli et trouvera les soins qui lui sont nécessaires. Au reste, l'article
soumet à un châtiment plus sévère les tuteurs et tutrices, les instituteurs et
institutrices. Plus la loi les environne de pouvoirs et de droits sur l'être
impuissant et faible qu'elle leur confie, plus elle doit punir en eux un délais-
sement qui réunit un abiis de confiance à la culpabilité qu'ils partagent avec
ceux qui ne sont pas liés par des obligations particulières.
Le délit s'aggrave quand l'exposition a été faite dans un lieu solitaire :
tt Art. 349. Ceux qui auront délaissé en un lieu solitaire un enfant au-dessous
de l'Age de sept ans accomplis, ceux qui auront donné Tordre de Texposer ainsi,
si cet ordre a été exécuté, seront, pour ce seul fait, condamnés à un emprison-
nement de six mois à deux ans et d*une amende de 16 à 200 fr. »
a Art. 350. La peine portée au précédent article sera de deux à cinq ans et
d'une amende de 50 à 400 fr., contre les tuteurs et tutrices, instituteurs ou institu-
trices de l'enfant exposé ou délaissé par eux ou par leur ordre. »
IjE seule différence qui sépare ce délit de celui prévu par les art. 352 et 35$
est la solitude du lieu de l'exposition, t Cette disposition, dit l'exposé deamo«>
tifs, est plus criminelle si l'enfant est abandonné dans un lieu solitaire : dan»
le premier cas, les auteurs de cet abandon ont voulu moins 6ter la vie à l'en-^
fant délaissé que faire perdre les traces de sa naissance. Mais l'abandon dans-
un lieu isolé et solitaire dénote l'intention de détruire jusqu'à l'existence d&
Pétre infortuné destiné à perdre la vie par un crime, après l'avoir le plus sou-
yent reçue par une faute. »■
Enfin, les conséquences de l'exposition dans un lieu solitaire retombent sur
son auteur.
a Art. 351. Si, par suite de l'exposition et du délaissement prévus par les art. Zi9
et 350, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, l'action sera considérée comme
blessures volontaires à lui faites par la personne qui l'a exposé et délaissé; et si
la mort s'en est suivie, l'action sera considérée comme meurtre ; au premier cas,
les coupables subiront la peine applicable aux blessures volontaires ; et^ au second
cas, celle du meurtre. »
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KNLÉVBKBNT DE MINBURS (aRT. 355). 377
Il faut remarquer que cette aggravation n*est motivée que pour lamutilationy
les blessures ou la mort. Les soullrancesde Tenfant, quelles qu'elles aient pu
être» et la maladie qu'il a encourue ne sufûraient pas ; il faut un préjudice per*»
manent. On doit remarquer encore que la loi assimile au meurtre le délaisse-
ment dans un lieu solitaire suivi de mort, parce qu'elle suppose dans Tagent,
sinon la volonté de donner directement la mort, au moins celle d'exposer
Tenfant indirectement à une mort presque certaine.
ENLÈVFMENT DE MINEURS.
395. L'enlèvement de mineurs se présente dans notre Gode sous deux
aspects différents, suivant qu'il est opéré à l'aide de la fraude ou de la violence,
ou à Taide de la séduction. Les art. 354 et 355 s'occupent de la première
hypothèse :
« Art. 354. Quiconque aura, par fraude ou violence, enlevé ou fait enlever des
mineurs, ou les aura entraînés, détournés ou déplacés, ou les aura fait entraîner,,
détourner ou déplacer des lieux où ils étaient mis par ceux à l'autorité ou à la di-
rection desquels ils étaient soumis ou conOés, subira la peine de la réclusion, s
« Art. 355. Si la personne ainsi enlevée ou détournée est une fille an-dessous d»
seize ans accomplis, la peine sera celle des travaux forcés à temps. »
Il importe de fixer d'abord le caractère fondamental de ce crime : la loi l'a
considéré, comme l'avait fait l'ancienne jurisprudence, comme une atteinte à
l'autorité des pères, mères et autres personnes au pouvoir desquels les mineurs
se trouvent soumis, raptus in parentes. Il importe peu, pour l'existence
du crime, que l'enlèvement ait été suivi de quelque attentat sur la personne
môme du mineur; cet attentat peut être l'objet d'une action distincte, mais il
n'est nullement nécessaire pour incriminer l'enlèvement, qui prend unique-
ment son caractère criminel dans le déplacement illicite du mineur et
sa soustraction à l'autorité qui le protège. Il suit de là qu'il est nécessaire de
constater comme une circonstance élémentaire à l'autorité de que! le personne
le mineur était confié et de quels lieux il a été déplacé ou détourné.
Le but du crime ainsi déterminé, il consiste tout entier dans le fait maté-
riel de Tenlèvement. La loi a accumulé les mots pour comprendre tous les
modes d'enlèvement; il est clair que l'entraînement, le détournement ou
le déplacement ont la môme signification et sont destinés seulement à prévoir
toutes les nuances du même fait. Ce fait consiste à enlever le mineur des lieux
où il se trouve placé sous l'autorité de sa famille ou des personnes auxquelles^
il a été confié. Il faut toutefois que cet enlèvement soit opéré par fraude cumo-
lence. La loi n'a pas défini ces deux circonstinces. L'orateur du Corps législa-
tif a déclaré que le projet de loi punissait : • quiconque aura détourné»,
entraîné ou déplacé les mineurs par violence ou par fraude, et par conséquent
à l'aide de menaces, de philtres, de liqueurs enivrantes ou de tous autres-
moyens qui les auraient privés de l'usage de leur volonté, i On voit que-
la fraude couvre, dans la pensée du législateur, une idée de contrainte. Il en
serait de môme de tous les pièges employés pour égarer les pas des mineurs,»
pour leur faire croire qu'ils sont attendus dans tel ou tel lieu, qu'ils s'y ren-.
dent par un ordre supposé de leurs parents ou tuteurs.
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378 21* LEÇ. — DBS GRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PERSONNES (n* 397).
L'art. 354 s'applîqae à tons les mineurs de vingt et un ans, pnisqn^il ne fût
ancane distinction. La jurisprucience a cependant excepté les femmes mineures
mariées, parce qne l'état de minorité légale cesse par le mariage: il faudrait
étendre cette décision à tons les mineurs émancipés. Mais l'art. 355 fait une
cause d'aggravation du cas où la personne enlevée est une 611e an-dessous de
seize ans accomplis : la loi a pensé qu'un tel enlèvement n*a pu avoir lieu que
pour abuser de la personne on pour forcer les parents à consentir au mariage,
et elle a cru devoir le frapper d'une plus énergique répression.
896. Après le rapt de violence, la loi a placé le rapt de séduction.
« Art. 356. Quand la fille au-dessous de seize ans aurait consenti & son enlève-
ment ou suivi volontairement le ravisseur, si celui-ci était majeur de vingt et un
ans ou au-dessus, il sera condamné aux travaux forcés à temps. Si le ravisseur
n'avait pas encore vingt et un ans, il sera puni d*un emprisonnement de deux à
cinq ans. »
Il ne s'agit plus ici des mineurs en général : la loi a cm qu'au-dessus de
seize ans une fille est douée d'assez de force et de raison pour se défendre de
la séduction, elle ne la défend que contre la violence et la fraude. Ce n'est
qu'au-dessous de cet âge qu'elle la protège, en outre, contre la séduction. Peu
importe alors que le ravisseur ait employé la violence, le dol, la fraude ou
seulement la séduction. Il est indifférent qu'il ait entraîné de force Ift^ictime
loin de son asile ou que celle-ci Tait suivi sans contrainte. Le consentement
donné par une fille au-dessous de seize ans n'a aucune influence sur la nature
de la peine, il est censé arraché à la timidité ou être l'effet décevant des illu-
sions et des prestiges dont il est si facile d'entourer l'inexpérience et la crédu-
lité de cet &ge. Ainsi, dans l'espèce de l'art. 356, tout le crime est dans le fait
matériel de l'enlèvement, soit qu'il ait éié opéré par séduction ou violence, qui
soustrait la jeune fille à la puissance des personnes sous la protection desquel-
les elle est placée. Le fait, au reste, cesse d'être qualifié crime, si le ravisseur
n'a pas Tâge de vingt et un ans, le législateur a pensé qu'il était permis de dou*
ter qu'il eût senti toutes les conséquences de son action.
397. L'art. 357 prévoit une fin de non-recevoir qui s'applique à tous les cas
d'enlèvement, soit qu'ils soient prévus par l'art. 355 ou par l'art. 356 :
« Art. 357. Dans le cas où le ravisseur aurait épousé la fille qu*il a enlevée, il
ne pourra être poursuivi que sur la plainte des personnes qui, d*aprôs le Gode
civil, ont le droit de demander la nullité du mariage, ni condamné qu'après que
la nullité du mariage aura été prononcée. »
Écoutez d'abord sur cet article l'exposé des motifs du Code : c Si le ravisseur
a épousé la personne qu'il avait enlevée, le sort des coupables dépendra du
parti que prendront ceux qui ont le droit de demander la nullité du mariage.
S'ils ne lu demandent point, la poursuite du crime ne peut avoir lieu, autre-
ment, la peine qui serait prononcée contre le coupable rejaillirait sur la per-
sonne donfr il a abusé, et qui, victime innocente de la faute de son époux, serait
réduite à partager sa honte. Il ne suffit pas même, pour que l'époux puisse
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INFRAGTI0N8 AUX LOIS SUR LB8 INHUMATIONS (ART. 358). 379
être ponrsaivi criminellement, qne la nullité dn mariage ait été demandée; il
ftint encore qne le mariage soit en effet déclaré nui, car il serait possible qu'à
l'époque où l'action en nullité serait intentée, il existât une fin de non-recevoir
contre les parents, soit parce qu'ils auraient expressément ou tacitement
approuvé le mariage, soit parce qu'il se serait écoulé une année sans réclama-
tion de leur part, depuis qu'ils ont eu connaissance du mariage. Ces fins de
non- recevoir sont établies par le Gode civil. En ce cas, dés que le mariage ne
pourrait plus être attaqué, les considérations qui viennent d'être exposées ne
permettraient pas que la conduite de l'époux fût recherchée, et, si l'intérêt de
la société est qu'aucun crime ne reste impuni, son plus grand intérêt, en cette
occasion, est de se montrer indulgente et de ne pas sacrifier à une vengeance
tardive le bonheur d'une famille entière. •
Il résulte de ces paroles et dn texte de l'article que, toutes les fois que le
ravisseur a épousé la fille qu'il a enlevée, la poursuite est subordonnée à deux
conditions : il faut que la nullité du mariage ait été demandée, il faut ensuite
qu'il y ait une plainte formelle de la part des personnes qui ont eu le droit de
former cette demande. Le ministère public ne peut donc intenter aucune
action, à moins qu'il ne soit saisi par une plainte, et cette plainte n'est valide
qu'autant qu'elle suit une demande en nullité du mariage. La poursuite peut
alors être formée, mais elle est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été prononcé sur
la demande en nullité, puisque le prévenu ne peut être condamné qu'après
que la nullité du mariage a été prononcée.
Cette exception est-elle personnelle au ravisseur ? s'étend-elle également aux
complices? Il est évident qu'elle n'est nullement personnelle au ravisseur : c'est
le mariage même contracté à la suite du rapt que la loi a voulu protéger,
puisqu'elle ne permet l'exercice de l'action criminelle qu'après que la nullité,
du mariage a été prononcée. Cette disposition s'applique donc non-seulement
à l'auteur principal, mais encore aux complices de l'enlèvement, puisque
toute poursuite relative au fait qui a précédé le mariage, même restreinte aux
seuls complices, aurait pour résultat nécessaire d'affaiblir le respect qui lui est
dû et de porter le trouble dans la famille. La loi, dans une vue d'ordre géné-
ral, a subordonné, dans cette circonstance, l'intérêt de la répression du crime
à l'intérêt de la stabilité et de l'union de la famille.
INFRACTIONS AUX LOIS SUB LES INHUMATIONS.
898. L'art. 77 du Code civil veut qu'aucune inhumation ne soit faite sans
une autorisation de l'officier de l'état civil et avant vingt-quatre heures après
le décès. L'art. 81 exige en outre, dans certains cas, la visite d'un of licier de
police. L'art. 358 apporte une sanction à ces dispositions :
« Art. 358. Ceux qui, sans autorisation préalable de rofficier public, dans le cas
où elle est prescrite, auront fait inhumer un individu décédé, seront punis de six
Jours à deux mois d'emprisonnement et d'une amende de t6 à 50 fr., sans préju-
dice de la poursuite des crimes dont les auteurs de ce délit pourraient être pré-
venus dans cette circonstance. La môme peine aura lieu contre ceux qui auront
contrevenu, de quelque manière que ce soit, à la loi et aux règlements relatif aux
inhumations précipitées. »
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380 21** LEÇ. — DBS CRIMES BT DÉLITS CONTRE LES PERSONNES (n* 400).
Cet article s'applique non-seulement à Tinhumation des individus décèdes^
mais encore à Tinhumation des enfants dont la yie s'est éteinte en naissant
ou avant de naître. Telle est la solution qui résulte d'un décret du 4 juillet 1805
qui porte : « Lorsque le cadavre d*un enfant, dont la naissance n*a pas été
enregistrée, sera présenté à Toflicier de l'état civil, cet ofâcier n'exprimera
pas qu'un tel enfant est décédé, mais seulement qu'il lui a été présenté sans
vie. Cet acte sera inscrit à sa date sur les registres des décès, sans qu'il en
résulte aucun préjugé sur la question de savoir s'il a eu vie ou non. » Si l'acte
de présentation du cadavre des enfants mort-nés doit être inséré sur le regis-
tre des décès, il s'ensuit que l'inhumation ne peut avoir lieu sans autorisatioo
et que par conséquent Tart. 358 s'applique à ce cas.
L'infraction prévue par cet article ne peut être commise que par ceux qui
ont quelque intérêt à Tinhumatton, qui sont chargés par leurs relations avec
l'individu décédé d'y faire procéder, et qui ne se sont pas conformés aux rè*
glem<>nts. Aucune responsabilité ne pèse donc à cet égard, ni sur les curés et
pasteurs qui procèdent à la levée du corps et aux cérémonies religieuses sans
qu'il leur soit justifié de l'autorisation de l'officier de l'état civile ni sur les
maires et adjoints qui sont chargés par le décret du 4 thermidor an XIII de
surveiller l'exécution de la loi, ni sur les préposés des pompes funèbres et les
fossoyeurs. Celui qui a fait inhumer, qui a requis l'inhumation et en a fait les
préparatifs, est seul responsable.
390. Le même motif qui a prohibé les inhumations précipitées, c'est-à-dire
faites avant les vingt-quatre heures du décès, prohibe en même temps le recelé
des cadavres. Ces deux actes peuvent avoir pour but de soustraire à la justice
la connaissance du crime.
tt Art. 359. Quiconque aura recelé ou caché le cadavre d'une personne homicides
ou morte des suites de coups et blessures sera puni d'un emprisonnement de six
mois à deux ans et d'une amende de 50 à 400 fr., sans préjudice de peines plus
graves s'il a participé au crime. »
Ce fait est beaucoup plus grave que celui qui fait l'objet de l'art. 3^. Celui
qui recèle ou cache le cadavre d'une personne homicidée commet une espèce
de complicité du meurtre^ comme celui qui recèle un objet volé se rend cou-
pable de complicité du vol. Si la loi ne punit cette sorte de complicité que
de peines correctionnelles, c'est que l'agent n'a pas eu pour but d'aider le
meurtrier, mais seulement de procurer son impunité. Le défaut de déclara»
tion, suivi d'une inhumation clandestine, suffit pour constituer ce délit.
400. Le dernier des délits prévus dans ce paragraphe est le délit de violation
des sépultures.
tt Art. 360. Sera puni d*un emprisonnement de trois mois à un an et de 16 à
200 fr. d'amende, quiconque se sera rendu coupable de violations de tombeaux ou
de sépultures, sans préjudice des peines contre les crimes ou délits qui se seraient
joints à celui-ci. »
1 La loi, qui protège l'homme depuis sa naissance jusqu'à sa mort, porte
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DU FAUX TÉU0IGNA6B (aRT. 361). 381
Texposé des motifs, ne Tabandonne pas au moment où il a cessé de vivre et
«piand il ne reste de lui que sa dépouille mortelle. Vous trouverez dans le
projet une dispo-sition contre ceux qui, sans respect pour le dernier asile, vio-
leraient les sépultures, troubleraient la cendre des morts ou profaneraient les
tombeaux. » Ces derniers mots semblent expliquer ce qu'il faut entendre par
la violattoH des t&mbeauœ et sépuUturet. Il faut entendre, non-seulement la sous-
traction de tous les objets qui ont pu être déposés dans la tombe, mais tous les
outrages qui troubleraient les restes matériels de Thomme, les coups portés ou
les pierres jetées sur le tombeau, il faut toutefois excepter les injures et les
profanations verbales : ce sont là des. outrages d'une autre nature qui pour-
raient être atteints par les lois qui punissent les délits de la parole.
DU FAUX TÉMOIONAOB.
401. Le Ciode a placé ici le faux témoignage et le faux serment, parce que
ces deux actes sont le plus souvent dirigés contre les personnes. Les art. 361,
3(fô et 363 punissent le faux témoignage en matière criminelle, en matière
correctionnelle et de police et en matière civile. La peine diffère suivant la
matière dans laquelle le témoignage est intervenu : c'est la gravité du préju-
dice probable qui fait la base de cette gradation. Le crime a, dans tous les
cas, les mêmes éléments et le même caractère. La loi ne Ta point défini :
elle se borne à punir de telle ou telle peine « quiconque sera coupable de
faux téinoignage, so\i contre l'accusé, soit en sa faveur, en matière criminelle^
en matière correctionnelle, • etc. Il faut donc que nous recherchions dans
les principes mêmes de cette matière les conditions constitutives du délit.
Il est évident, en premier lieu, qu'il ne peut y avoir de faux témoignage
aà il n'y a pas de témoignage proprement dit, c'est-à-dire une déposition faite
en justice sons la foi du serment. De là il suit que ne peuvent être poursuivies
de faux témoignage : 1* les personnes qui ne sont entendues devant la cour
d'assises qu'en vertu du pouvoir discrétionnaire du président, car ces person-
nes, aux termes de Tart. 269 da Gode d'instruction criminelle, ne prêtent
point serment et leurs déclarations ne sont considérées que comme renseigne-
ments ; 2* les individus antérieurement condamnés à des peines entraînant la
privation du droit de porter témoignage en justice et dont les dépositions par
conséquent n'ont la force que de renseignements; 3<* tous les témoins entendus
dans l'instruction écrite devant le juge d'instruction, parce que toutes les dépo-
«itions recueillies dans une information purement préparatoire n'ont pas le
caractère d'un témoignage définitif dont le témoin ne peut plus se départir.
De Jà il suit encore que le prévenu ou Taccusé qui, dans l'intérêt de sa défense,
fait une déclaration fausse, ne peut Jamais être poursuivi pour faux témoi-
gnage, car nul n'est témoin dans sa propre cause ; c'est pour cela que les
accusés qui, sous l'ordonnance de 1670, prêtaient serment de dire la vérité,
ont été dispensés par la loi du 8 octobre 1789 de cet odieux serment.
Il faut, en second lieu, un témoignage faux, c'est-à-dire contraire à la vérité,
Or, dans ce cas, un témoignage est-il contraire à la vérité ? C'est lorsque la fal-
sification tombe sur les circonstances essentielles du fait En effet, si elle ne
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382 21* LBÇ. — DBS GRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PERSONNES (n*" 404).
porte que sur des circonstances accessoires, il n'en résulte ancan préjadice
assez grave pour qa'il y ait lien de présumer une intention frauduleuse. Les
circonstances essentielles sont celles qui constituent le fait principal et tous
les incidents qui s'y rattachent et tendent à le prouver.
402' Est-il nécessaire que ces circonstances soient positivement af&rmées ?
D*abord il est certain qu'un refus de répondre ou une simple réticence ne peut
constituer un faux témoignage. La difficulté s'élève lorsque la réticence a pour
objet de dissimuler un élément essentiel du procès, car dans ce cas elle équi-
vaut à l'expression d'un fait positif contraire à la vérité; elle doit être alors
assimilée à une disposition négative qui aurait pour effet de dénier et de dé-
truire une preuve du fait incriminé ; elle peut donc devenir la base d'une accu-
sation de faux témoignage. Mais il en serait autrement si cette réticence ou
cette dénégation n'excluait pas le fait, car il n'en résulterait pas une preuve
contre la vériié de ce fait. Une autre distinction doit s'appliquer aux variations
et contradictions qui se révèlent souvent dans un seul et même témoignage :
ces assertions contraires s'expliquent la plupart du temps, moins par le dessein
de nuire que par le trouble et 1 in6rmité de la mémoire. Il faut donc distin->
guer si elles ont pour objet d'affaiblir et d'effacer les premières déclarations,
ou si elles ne sont que le travail d'un esprit de bonne foi qui craint d'altérer
la vérité par des affirmations trop absolues. En général, il faut que la fausse
déclaration, quelle que soit sa forme, ait pour résultat d'affirmer ou de dénier
un fait essentiel du procès.
403. Enfin, la loi pénale ne punit de faux témoignage que celui qui est
porté, soit contre Vaccusé ou le ^prévenu, soit en sa faveur. U faut donc qu'il ait
pu porter préjudice, soit à la défense, soit à l'accusation. C'est là la condition
essentielle du crime, et c'est à raison de cette condition que toutes les dépo-
sitions faites, en matière de petit et de grand criminel, en dehors de l'au-
dience, ne peuvent servir d'élément à une accusation de faux témoignage,
parce qu'elles n'apportent point aux parties un préjudice irrévocable. C'est par
suite de la môme règle qu'il faut décider que le témoin qui, même à l'au-
dience, a fait une déposition mensongère, ne peut être poursuivi pour faux
témoignage s'il la rétractée avant la clôture du débat. En effet, les différentes
parties d'une déposition forment un tout indivisible ; elle ne doit être consi-
dérée comme complète que lorsque les débats de l'affaire ont été définitivement
clos. Or, en rétractant une déposition mensongère avant qu'elle ait porté à la
société ou à l'accusé un préjudice irréparable, le témoin, par son retour à la
vérité, a volontairement arrêté les conséquences funestes que sa déposition
fausse aurait pu avoir . Il serait aussi difficile que dangereux d'examiner si
cette rétractation a été l'effet de la crainte des peines portées par la loi, on sr
elle a été le résultat d'un remords volontaire ou de souvenirs recueillis et
coordonnés avec plus de maturité et de réflexion ; il suffit que la rétractatioa
de la fausse déclaration ait été faite en temps utile pour que le crime de faux
témoignage n'existe pas.
404. Vous ne devez pas, au surplus, perdre de vue qu'en cette matière H
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D0 FAUX TÉUOIGNAGfi (aRT. 363). 383
ne suffit pas toajours qu'il y ait une déclaration fausse faite en justice et pos-
sibilité d'un préjudice pour qu'il y ait crime de faux témoignage. Les déclara-
tions contraires à la vérité ne sont pas nécessairement le résultat du men-
songe et da dol : elles peuvent être la conséquence d'une erreur, d'un trouble
de la mémoire, d'une illusion des sens, d'une imagination égarée. Il faut donc
que l'intention criminelle du témoin, sa mauvaise foi, son dessein de tromper
la justice soient clairement constatés. Il n'y a point de crime de faux témoi-
gnage, s'il n'y a volonté de nuire.
405. Les peines du faux témoignage s'aggravent dans quelques cas. Elles
s'aggravent en matière criminelle, suivant la gravité du préjudice qu'il a
causé :
a Art. 361. Quiconque sera coupable de faux témoignage en matière criminelle,
soit contre l'accusé, soit en sa frveur, sera puni de la peine de la réclusion. —Si
néanmoins l'accusé a été condamné à une peine plus forte que celle de la réclu-
sion, le faux témoin qui a déposé contre lui subira la même peine. »
Vous devrez remarquer, au sujet de cette dernière disposition, d'abord,
qu'elle rappelle en quelque sorte l'application de la peine du talion : le faux
témoin est puni à raison du mal qu'il a commis et par l'application d'un mal
de la même nature; si la fausse déposition a entraîné la peine de mort, c'est
la peine de mort qu'il devra subir. £n second lieu, cette aggravation n'est
relative qu'aux dépositions faites contre Vaccusé : toutes les dépositions faites
en sa faveur, quelles que fussent les conséquences de l'accusation, demeurent
comprises dans la première disposition de l'art. 351.
406. La loi du 13 mai 1863 a modifié les peines applicables en matière de
faux témoignage. Dans l'art. 361, que nous venons de lire, elle a substitué la
réclusion aux travaux furcés à temps. Dans les art. 362 et 363 elle a remplacé
la réclusion par l'emprisonnement.
tt Art. 362. Quiconque sera coupable de faux témoignage en matière correction-
nelle, soit contre le prévenu, so.t en sa faveur, sera puni d'un emprisonnement de
deux ans au moins et de cinq ans au plus et d'une amende de 50 à 2,000 fr. Si
néanmoins le prévenu a été condamné à plus de cinq années d'emprisonnement,
le faux témoin qui a déposé contre lui subira la même peine. — Quiconque sera
coupable de faux témoignage en matière de police, soit contre le prévenu, soit en
sa faveur, sera puni d'un emprisonnement d'un an au moins et de trois ans au
plus et d'une amende de 16 à 500 fr. v
tt Art. 3(53. Le coupable de faux témoignage en matière civile sera puni d'un
emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 50 à 2,000 fr. »
Voici les motifs qui ont été donnés à l'appui de cette atténuation pénale i
■ Sans nier la gravité du faux témoignage en lui-même, puisqu'il a toujours
pour but de tromper la justice et qu'il a pour résultat de faire acquitter un
coupable et même de faire condamner un innocent, il est impossible de ne pas
tenir compte de ce fait que, dans la plupart des cas, le jury refuse de le consi-
dérer comme un crime. La statistique des cinq dernières années nous enseigne
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384 21^LEÇ. — DES GRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PERSONNES (n^ 408).
qae, sur cent faux témoins poursuivis devant la cour d'assises, cinquante-six
ont été acquittés, quarante et un condamnés à des peines correctionnelles, et
trois seulement condamnés à des peines criminelles. Nous avons vu là un
enseignement qu'il n'était pas permis de négliger, et nous avons voulu faire par
ht loi ce qui était déjà fait par les mœurs en apportant quelque adoucissement
A l'excessive sévérité de la peine. Déjà, dans Téconomie de la loi, les
taux témoignages sont rangés dans des classes différentes, selon la juridiction
devant laquelle ils sont commis. Il est rationnel d'en attribuer la connaissance
aux cours d'assises ou aux tribunaux, selon que le fait se sera produit en
matière criminelle ou en matière correctionnelle. On y trouvera cet avantage
que le crime ou le délit de faux témoignage sera déféré aux juges devant les-
quels il aura été commis, c'est-à-dire à ceux qui sont le plus aptes à le bien
connaître et à le bien juger. » — Il est possible que les peines du faux témoi-
gnage fussent trop rigoureuses, et il eût été à désirer que, puisqu'on les révi-
sait, on fit disparaître cette progression pénale qui rappelle le talion, qui ne
tient compte que du préjudice matériel. Mais il paraît regrettable que l'appré-
ciation de ce fait soit transférée dans la plupart des cas du jury au juge cor-
rectionnel. C'est un de ces faits moraux qui ne peuvent être sainement appré-
ciés et jugés que par le jury. Le nombre des acquittements, dont on a fait un
■argument, tient ici, non à la juridiction, mais à la matière elle-même qui
recèle toutes sortes de doutes et dans laquelle la criminalité la plus apparente
«'efface devant les explications de l'inculpé. Il était une autre innovation qui,
«n tenant compte d'un degré de la criminalité, eût sans doute prévenu plus
d'un acquittement : c'était de distinguer si le faux témoignage a été fait
en faveur du prévenu ou contre lui. La loi a confondu dans une même pénalité
deux infractions qui n'ont pas la même valeur : l'une n'est le plus souvent
qu'un acte de complaisance et d'ignorance, l'autre est un acte de mécbanceté,
une sorte d'homicide moral,
407. Les peines du faux témoignage s'aggravent lorsque la fausse déposition
«st le résultat de la corruption :
<( ART. 364. Le faux témoin en matière criminelle, qui aura reçu de l'argent,
une récompense quelconque ou des promesses, sera puni des travaux forcés à
temps, sans préjudice de rapplication du 2« § de l'art. 361. Le faux témoin en
matière correctionnelle ou civile qui aura reçu de l'argent, une récompense quel-
conque ou des promesses, sera puni de la réclusion. Le faux témoin en matière
de police qui aura reçu de l'argent, une récompense quelconque et des promesses
sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 50 à2,000 Ar.
— Dans tous les cas, ce que le faux témoin a ura reçu sera confisqué. »
Le premier paragraphe a été ajouté par la loi du i3 mai 1863. Cette cause
d'aggravation n'existait pas en matière criminelle, sans doute parce que
la peine des travaux forcés à temps, qui était prononcée par l'ancien art. 361,
avait paru suffisante. Mais cette peine ayant été remplacée par la réclusion, il
a paru convenable de revenir aux travaux forcés dans le cas où le crime
se complique de la circonstance aggravante des dons ou des promesses.
408. La subornation des témoins n'est qu'un acte de complicité du faux
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DU FAUX TAiIOIGNAGB (aRT. 3€6). 9|$
témoignage; maïs cette compUeité eat Mmmise à des règles partiaolièiei*
« Art. 366. Le coupable de aubornation de témoins sera passible des
peines que le faux témoin, selon les distinctions contenues dans les act. 361, 362f
.363 et 364. »
Cet article a été gravement modifié par la loi du ^ avril 1832. Le Gode
pénal de 1810 avait puni la subornation d'une peine supérieure au faux témoi-
gnage. Ce crime, disait-on, en renferme deux, car le suborneur séduit
le témoin et perd Taccusé; il faut donc lui infliger un degré de peine au-dessus
de celle que subit le faux témoin. Le législateur de 1832 a pensé qu'il fallait se
borner à considérer le suborneur comme complice du faux témoin. On peut,
en effet, supposer des cas où ce dernier serait plus coupable que le suborneur.
Uq père, par exemple, pour sauver son fils, peut se rendre coupable du crime
de subornation. Or, ne peut-on pas dire que la position de ce père, entraîné à
un crime par sa tendresse pour son fils, mérite plus d'indulgence que celle du
faux témoin qui aura cédé pour de l'argent? C'est donc avec raison que
la législation actuelle considère la subornation et le faux témoignage comme
deux faits qui se confondent dans un même but : un fait de complicité
par provocation et le fait principal du faux témoignage. D'oiî il suit qu'il ne
peut y avoir crime de subornation qu'autant que le fait matériel d'un faux
témoignage ou du moins d'une déposition mensongère à l'audience est
constaté.
Mais si la subornation est un fait de complicité, elle porte en elle-même un
caractère spécial. Ainsi, elle peut ^tna commise, sans aucun doute, par les
moyens énoncés dans l'art. 60; elle peut donc, par exemple, être commise par
dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations
ou artifices coupables ; mais, comme la loi n'a pas défini la subornation, comme
elle n'a pas limité les moyens qui peuvent être employés pour suborner
le témoin, c'est-à-dire pour le porter à faire une déposition mensongère» 11 faut
en conclure qu'il n'est pas nécessaire que ces moyens soient explicitement
énoncés dans les arrêts de condamnation, et qu'il suffirait que l'accusé fût
déclaré coupable d'avoir suborné un témoin convaincu d'une déposition fausse,
pour devenir passible de l'application de la loi pénale.
409. Le faux serment se rattache étroitement au faux témoignage.
tt AlRt. 366. Celui & qui le serment aura été déféré ou référé en matière civile
et qui aura fait un faux serment, sera puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans
et d'une amende de 100 à 3,000 fï*. »
Cette disposition est expliquée dans l'exposé des motifs du Code, c Une dis-
position relative au faux serment, et qui n'existait pas dans la loi de 1791, a
été placée dans le nouveau Gode, ce crime a été puni de la dégradation civi-
que. Nulle peine ne convenait mieux au crime de faux serment que celle-ci,
qui consiste dans la destitution et l'exécution du condamné de toutes fonctions
ou emplois publics et dans la privation de plusieurs droits civiques, tels, par
exemple, que celui d'être juré ou témoin. Le coupable de faux serment s'est,
1. 25
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386 21* LBÇ. — - DBS CailMXS ET DÉLITS OONTRB LBS PERSONNES (n* 411).
«•n efTel, renda indigne de jouir de ses avantages. Cette peine infiunante caa^
Tient à des ôtres vils et sans honnenr qui, constitnés juges dans leur propre
cause, ne répondent que par un parjure à cet honorable appel fait i leur
probité. •
Il fut fait, dans la discussion du Gode, une objection à cet article. L'art 1363
du Ck)de civil porte que, lorsque le serment déféré ou référé a été fait, l'adver-
saire n'est point recevable à en prouver la fausseté; or, comment concilier
Tart. 366 du Gode pénal avec cet article du Gode civil? Gelui qui défère un
serment n'attaquera- t-il pas ce serment comme faux? On a répondu que la
poursuite de ce crime appartient surtout au ministère public ; quant à la par-
tie, ou le serment a été déféré par elle, ou il Ta été d'office ; dans le premier
cas la partie ebt repoussée par l'art. 1363. Gette disposition a pour but d'em-
pocher que la partie, qui est condamnée par l'effet d'une déclaration à laquelle
elle a consenti, ne cherche à recommencer le procès, sous le prétexte que la
déclaration est fausse, ce qui ne manquerait presque jamais d'arriver. Dans
le second cas, qui est celui où le serment a été déféré d'office par le juge,
la partie intéressée peut être admise à prouver la fausseté de la déclaration,
mais elle doit se conformer aux règles prescrites par le Gode de procédure
civile.
càloicnies, n^juass, révélation de secrbts.
410. Les art. 367, 368, 369, 370, 371, 372, 374, 375 et 377 ont été abrogés
par Tart. 26 de la loi du 26 mai 1819. Un nouveau système de répression des
délits commis par voie de publication a été substitué aux dispositions du Gode
pénal; trois articles de cette section sont seuls restés debout : ce sont les arti-
cles 373, 376 et 378.
411. L*art. 373 prévoit et punit le délit de dénonciation calomnieuse :
« Art. 373. Quiconque aura fait par écrit une dénonciation calomnieuse contre
un ou plusieurs individus, aux officiers de justice ou de police administrative ou
judiciaire, sera puni d'un emprisonnement d*un mois à un an et d'une amende de
100 & 3,000 fr. »
La dénonciation, qui est un acte licite et môme souvent louable en soi,
quand elle a pour objet des faits répréhensibles, devient criminelle quand elle
a pour objet des faits mensongers et qu'elle sert, non les intérêts de la justice,
mais ceux de la haine. Si une dénonciation calomnieuse est faite par écrit aux
officiers de justice ou de police, cette dénonciation, quoique privée, acquiert
jnn degré de gravité par sa clandestinité même, par le caractère des fonction-
naires auxquels elle est adressée, par la possibilité d'en faire un instrument de
persécution ou de poursuites criminelles contre l'innocence.
Plusieurs conditions sont nécessaires pour l'existence du délit. Il faut d'abord
une dénonciation et non une simple déclaration ; il ne suffit donc pas d'une
réponse faite dans un interrogatoire, d'un renseignement donné sur une
demande qui le provoque ; il faut un acte émanant d'une volonté libre et spon-
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CAZ.OMNISS, UUURB8, RÉVÉLATION DB BBCaÉTS (arT. 373). 367
tanée. U est nécessaire, en second lieu^ que cette dénonciation soit faite par
écrit : récriture est indispensable pour constater les termes de la dénoncia-
tion, pour que Tacte écrit, et qui peut devenir le point de départ d'une prooé-
dure, puisse figurer parmi les pièces. Mais la loi ne l'a assujettie à aucune
forme particulière, et il a été reconnu qu'une simple lettre adressée au minis-
tère public, écrite et signée du prévenu, était une véritable dénonciation contre
ceux qui y étaient dénommés. Une troisième condition est que cette dénon«
dation écrite soit remise aux officiers de justice ou de police administrative
ou judiciaire. C'est cette remise, en effet, qui consomme le délit : la rédac-
tion de la dénonciation n'est qu'un acte préparatoire ; la remise anx officiers
compétents ppur poursuivre ou assurer en est le résultat La police ou hk jua-
tice est mise en demeure de commencer ses investigations et d'intenter son
action. L'expression d'officier de justice doit naturellement s'entendre de tous
les membres de l'ordre judiciaire. Celle à' officier de police judiciaire est définie
par l'art. 9 du Code d'instruction criminelle. U ne peut y avoir de difficulté
que relativement à la qualification d'o/^cier de police administraHoe. Cette
dénomination un peu vague doit-elle être étendue à tous les fonctionnaires
qui, dans chaque administration, sont investis d*une puissance disciplinaire,
d'un droit de surveillance sur les préposés qui leur sont subordonnés ? 11 faut
répondre affirmativement. Il est conforme à l'esprit de la loi de considérer
comme officiers de police administrative tous les fonctionnaires qui, dans les
administrations publiques, exercent une autorité disciplinaire sur leurs subor-
donnés, et peuvent être entraînés par une dénonciation calomnieuse à frapper
injustement de suspension, de destitution, ou de toute autre mesure répressive,
la personne dénoncée. C'est d'après cette interprétation qu'il a été décidé
qu'une dénonciation contre un curé remise à un évéque était remise à un offi-
cier de police administrative, attendu que les évéques ont le droit de nommer
«t instituer les curés, api es que la nomination a été agréée par le pouvoir
exécutif; qu'ils peuvent révoquer les vicaires et desservants, qu'ils sont investis
d'un pouvoir disciplinaire sur les ecclésiastiques exerçant leur ministère dans
leur diocèse, qu'ils ont donc une véritable administration, et qu'à l'égard de
leurs subordonnés, ils exercent un pouvoir de discipline.
U ne suffit pas encore, pour que le délit existe, que la dénonciation ait été
faite et remise aux officiers désignés par la loi, il faut que cette dénonciation
soit calomnieuse, c'est-à-dire qu'elle impute des faits faux et qu'elle les impute
-de mauvaise foi. La fausseté des faits imputés est un élément nécessaire de la
calomnie, et il importe peu d'ailleurs que ces faits exposent la personne dénon-
cée à une répression judiciaire ou seulement à une mesure administrative.
Il suffit qu'ils puissent être un instrument de persécution contre Tinnocence.
Mais une question assez délicate est de savoir comment la fausseté de ces faits
doit être constatée. S'ils ont le caractère d'un crime ou d'un délit, la voie à
auivre est facile. On instruit sur le crime ou sur le délit ; cette instruction
constitue une procédure préjudicielle à celle qui concerne la dénonciation et
qui doit être portée devant les juges compétents, pendant- que le juge saisi de
la dénonciatiou surseoit à statuer jusqu'à ce que cette première question soi
vidée. Mais si les faits dénoncés ont un caractère purement administratif,
^mment reconnaître leur vérité ou leur fausseté ? L'autorité judiciaire est-
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388 21* LBÇ. — DBS CRIMES ET DÉLITS OONTRE LES PERSONNES (n"" 412).
•Ile oompétente pour s'enquérir de Texactitude de cet acte et pour le consta*
ter^ On a reconnu que la yérité ou la fausseté de ces foits ne peut être appré-
ciée et déclarée que par l'autoriiié dans les attributions de laqueUe rentre la
connaissance de ces faits ; qu^elle a seule à sa disposition les documents pro-
pnss à en yéMér Texistence, et que, dans bien des cas, l'autorité judiciaire
ne pourrait se livrer à uhe semblable investigation sans sortir des limites de
ses attributions Ainsi, et par une exception aux règles générales de la procé-
dure, Tautorité judiciaire renvoie dans ce cas à l'autorité administrative, elle
sépare les deux éléments du délit ; elle défère à l'administration la question
de savoir si les faits imputés à l'agent sont vrais on faux, elle surseoit, en atten-
dant que cette question préjudicielle ait été vidée. Ainsi l'administration est
investie du droit de constater Tun des faits constitutifs du délit ; sa décision lie
lès tribunaux. Il ne reste plus à ceux-ci qu'à apprécier l'intention du prévenu ;
Il est évident que cette appréciation leur demeure et ne pouvait leur être enle-
vée. Toutefois, il importe de remarquer que ce n'est que lorsque les faits
imputés ont été commis dans l'exercice des fonctions et qu'ils constituent des
fi&its administratifs, qu'il y a lieu de surseoir au jugement de la dénonciation
calomnieuse jusqu'à ce qu'ils aient été appréciés par l'autorité administrative.
Mftis si les faits sont étrangers aux fonctions, s'ils appartiennent à la vie
privée des agents, les tribunaux reprennent leur compétence pour déclarer s'ils
sont vrais ou faux, puisque l'autoriié administrative n'a aucun pouvoir pour
apprécier elle-même les faits qui ne sont pas administratifs.
418. Je voudrais encore, avant de finir cetle leçon, et pour terminer la
série des crimes et délits contre les personnes, soumettre à votre examen un
article qui n'est pas sans importance, parce que le principe qu'il pose exerce,
ainsi que vous le verrez, une influence assez remarquable sur la procédure
criminelle. Il s'agit de l'art. 378, qui punit la révélation des secrets.
tt* Art. 378. Les médecins, chirurgiens et autres ofQciers de santé, ainsi que les
pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état
ou profession, des secrets qu'on leur confie, qui. hors les cas oh la loi les oblige à
se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d*un emprisonne-
ment d'un mois à six mois et d'une amende de 100 à 500 Dr. »
Demandons d'abord le vrai sens de cet article à l'exposé des motifs : f Ne
doit-on pas considérer comme un délit grave, dit l'orateur du gouvernement,
des révélations qui souvent ne tendent à rien moins qu'à comprendre la répu-
tation de la personne dont le secret est trahi, à détruire en elle une confiance
devenue plus nuisible qu'utile, à déterminer ceux qui se trouvent dans la
même situation à mieux aimer être victimes de leur silence que de l'indiscré-
tion d'aulruiy enfin à ne montrer que des traîtres dans ceux dont l'état semble
ne devoir offrir que des êtres bienfaisants et de vrais consolateurs? » L'ora-
teur du Ck)rps légisiai if disait encore : t Cette disposition est nouvelle dans
nos lois : il serait à désirer que la délicatesse la rendit inutile : mais combien
ne voit- on pas de personnes dépositaires de secrets dus à leur état sacrifier
leur devoir à leur cauaticité, se jouer des sujets les plus' graves, démentir la
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GALOIINIB0, UmunS^ hÈYÈLATlim S» fllClIBTS (ART. 378). M9
nuJignitô par des révélations indécentes, des anecdotes scandaleoses, el
déverser ainsi la honte sur les individus, en portant la désolation dans ks
familles ? >
U résulte de ce texte et de ces paroles officielles que la loi n'a prévu que le»
révélations indiscrètes inspirées par la méchanceté et le dessein de diffamer ei
de nuire : ellane s'applique poin^ aux déclarations qui sont provoquées par la
justice elle-même. De là il suit que les personnes qui exercent les professions
(|ésignées par cet article ne sont point dispensées de faire à la justice la révéla-
tion des faits à leur connaissance, lorsqu'elles sont entendues comme témoins,
et que, dans l'intérêt de l'ordre public, leurs dépositions sont jugées néees-
saijces pour parvenir è la découverte de la vérité*
JiC principe de la dispense est donc ailleurs que dans Fart. 378. Un intérêt
non moins élevé que celui de la justice elle-même s'oppose, dans certains cas,
à ce que le dépositaire par profession d'un secret, cité comme témoin le
révèle i la justice. Cet intérêt est eehti da rhttffianité, lorsqu'il s'agit d'un
médecin qui a donné ses soins i un prévenu, celui de la religion, lorsqu'il
s'agit du prêtre qui a reçu sa confession, de la défense même, lorsqu'il s'agit
des conseils auxquels il a confié sa situation. La justice doit respecter le devoir
qui pèse sur le prêtre, le médecin, les conseils du prévenu, parce que i'ae-
compUssement de ce devoir est un besoin social, parce qu'il est indispensa-
ble de conserver à des fonctions sur lesquelles la société s'appuie, une indé»
pendance qui peut seule garantir les intérêts qui leur sont confiés. C'est une
nouvelle limite posée au droit du juge ; mais cette limite, ce n'est pas la loi, c'est
la nature même des choses qui Ta faite. En effet, il ne s'agit pas d*affranchir
telle ou telle personne de l'obligation de déposer, mais seulement telle ou telle
profession; il ne s'agit point d'instituer, mais de reconnaître un élément néee»*
«aire de la vie civile. Pourquoi le devoir général de tous les citoyens est-il
de révéler les faits qu'ils connaissent, lorsqu'ils sont cités comme témoina ?
C'est que toutes les considérations privées qu'ils pourraient opposer doitenl
fléchir devant l'intérêt socisl qui exige leur témoignage; c'est que, n'ayant
•aucun Uire pour recevoir les révélations qui leur scmt faites, ils n\)nt «uoiun
droit de les retenir ; c'est que te dépêt de ces confidenoeB, étant volontaire el
non nécessaire, n'a pas droit à la même protection. Mais quand tes révélations
sont faites à une personne préposée par la société elle-même, et pour porter
secours à une souffrance* à un intérêt froistfé, à un droit opprimé, cbmtnént
lui demander de les trahir? Ne seràiti-ce pas supprfaner le secours lui-même,
l'appui que toute souffrance, que to«te lésion doit trouver près d'elle, le béné-
§LÇ/b, en un mot, de la vie commune ? La société#qui a £ait ces institutions
iiltéiaires, ne serait-elle pas profondém^it troublée, si elles étaient ébranlées?
llie SOQt-elles pas un des éléments de Tordre général qui préside à toutes les
i^ialions humaines et qui dénne un protecteur commun i tant d'intérêts op-
j^^st G'«st donc la force même des choses qui fait la dispense toutes les fols
qia'^\U est. la condition nécessaire des rapports qui sont la vie sociale elle-
méme*
} '418.. Les professions auxquelles la jurisprudence a reconnu dans certains
4MS et dans une certaine mesure la dispense de déposer sont celles: i* des
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390 22* LBÇ. ^ DES CRIttBS Bï DÉLITS GONTBE LM PHOPRIÉTÉS (n* 415).
médecins, chirurgiens, sages-femmes et pharmaciens ; 2« des ministres des
cultes ; 9« des avocats et des avoués ; 4* des notaires. En général, deux condi-
tions sont nécessaires pour qu'il y ait dispense de déposer, il faut que la con-
lidence ait été reçue dans Texercice des fonctions, il faut qu'elle ait été faite
sous le sceau du secret. Mais cette faculté de ne pas déposer ne dispense pas
les dépositaires de secrets de comparaître en justice ; ils doivent obéir i la cita-
tion et soumettre leur cause de dispense à Tappréciation du juge.
D me reste à dire quelques mots de Part. 376. Cet article se borne à poser
en règle générale que toutes injures ou expressions outrageantes, qui ne ren-
ferment pas le double caractère de gravité résultant de Timputation d'un vice
déterminé et de la publicité, ne donneront lieu qu'à des peines de police. Son
unique objet est donc de renvoyer à l'art. 471, n<> 11, qui punit les injures de
cette nature.
y«GT-]>SUXlillB LKÇON.
414. J'ai terminé l'examen des crimes et délits contre les personnes : je
commence la série non moins longue des crimes et délits contre les propriétés.
La principale de ces infractions est le vol; c'est celle que le Gode a placée en
tète de cette nouvelle catégorie d'actes punissables. Je suivrai le même ordre^
et je vais en conséquence traiter, dans cette leçon, de la matière du vol.
La loi romaine avait défini le vol : Conirectatio fraudulosa^ lucri faciendx
eausA, véi ipsiusreivel etiamusùs ejitspossessUmisve. Notre législateur, en adop-
tant les deux principaux éléments de cette définition, l'a modifiée d'abord enr
ce qu'il ne fait plus dépendre le délit de la seule pensée du lucre, ensuite ea
ce qu'il ne s'étend plus à l'abus de l'usage ou de la possession.
« Art. 379. Quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appar-
tient pas est coupable de vol. »
Il résulte de ce texte que trois éléments constituent le vol : il fiiut qu'il y ait
soustraction, que cette soustraction soit frauduleuse, qu'elle ait pour objet une
chose appartenant à autrui.
416. La soustraction, contreetaUo, n'est pas seulement la simple appréhen*
sion de la chose, la mise de la main sur l'objet convoité, c'est le déplacement,
renièvement de cette chose; il ne suffit pas qu'elle soit appréhendée contre le
gré du propriétaire, il fauttqu'elle soit sortie de sa possession, qu'elle passe de
cette possession dans celle de l'auteur du délit. £n effet, l'appréhension ou le
maniement de la chose n'est point une manifestation complète de la volonté
de l'agent, puisqu'il peut se désister ; c'est l'enlèvement qui consomme l'acte
matériel du vol. De là il suit que la soustraction ne peut s'appliquer qu'aux
choses mobilières, puisque les choses mobilières peuvent seules être enlevées»
De là il suit encore qu'elle ne peut s'appliquer qu'aux choses corporelles»
Ainsi, que mon débiteur m'enlève frauduleusement un acte sous seing privé
par lequel il a reconnu ma créance, sur quoi s'exerce la ewtiréeiaHo? Ce n'est
pas sur ma créance, elle n'en est pas susceptible ; c'est uniquement sur mon
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DU YOL (aAT. 379). 391
tilre, qui est bien une chose corporelle. De là il suit enfin que l'usage abusif
ou le détouruMnent d'une chose déposée, louée ou prêtée, n'est point un vol^
car le vol ne se commet que par la soustraction; il y a là violation d*un con-
trat qui peut, dans certains cas, comme vous le verrez, constituer un délit,
mais ce délit n'est point un vol, parce qu'il n'en contient pas l'élément essen-
tiel et caractéristique.
416. Y a-t-il soustraction dans le fait de retenir frauduleusement un objet
appartenant à autrui et trouvé par hasard? Il y a soustraction lorsque l'inten-
tion frauduleuse de s'approprier la chose trouvée s'est manife8té^ au moment
même où l'agent Ta appréhendée. Telle était la décision de la loi romaine ;
Qui alienum quidjaeens huri faeiendi causa tusiuUt furii ohUringitur, Et, en
effet, dans cette hypothèse, l'agent met la main sur une chose qu'il sait ne pas
lui appartenir. U ignore le nom du propriétaire; mais qu'importe? Ge n'eat
pas la connaissance du propriétaire, c'est la connaissance que la chose ne noua
appartient pas qui constitue la criminalité de la soustraction. A la vérité, cet
agent, que le hasard seul fait criminel, est moins dangereux que celui qui a
médité et eiécuté le délit; mais la peine a des degrés pour se proportionner
aux différraites nuances des faits ; cette atténuation de la culpabilité n*empé-
cbe pas l'existence du vol lui-même. La question est plus délicate lorsque
l'agent a pris la chose trouvée sans intention immédiate de se l'approprier, et
lorsque cette intention n'est née et ne s'est manifestée qu'ultérieurement. Car
il y a bien alors un fait d'appréhension suivi d'une rétention frauduleuse, mais
on cherche vainement un fait de soustraction frauduleuse. Il faut bien recon-,
naître que la rétention même frauduleuse ne constitue pas le vol, car, pour,
qu'il y ait vol, il faut que la fraude, bien qu'elle ait pu n'être révélée que par
des actes postérieurs, ait existé au moment de la soustraction et s'identiAa
avec elle. Ge n'est qu'à l'aide d'une présomption que cette difficulté peut être
résolue. L'enlèvement sur la voie publique d'une ehose qui n'appartient pas à
cehiî qui s'en empare et dont la propriété peut d'ailleurs s'acquérir par l'occu-
pation, prend son caractère dans les faits et circonstances qui l'ont suivi:,
lorsque la chose est réclamée par le propriétaire, et que celui qui s'en est
emparé la recèle ou nie l'avoir enlevée, il y a lieu de présumer que l'intention
d'en faire son profit remonte au jour même de l'appréhension. C'est donc dana
les faits qui suivent ce jour qu'il fitut chercher les signes de l'intention qui est
supposée avoir animé l'agent au moment où il a trouvé la chose.
417. La fraude, qui constitue le deuxième élément du vo\, est l'intention
de s'approprier une chose que l'agent sait ne pas lui appartenir. Toutefois if
ne faut pas attacher à ces mots d'appropriation une idée trop exclusive. £Ue
exprime le caractère le plus général du vol, mais elle n'en exprime pas le.
caractère essentiel, et peutrêtre serait-il plus exact de dire que la fraude est
purement et simplement l'intention de nuire à autrui, de dépouiller un tien
de ce qui lui appartient. Supposez, en effet, que je commette une soustraction,^
non pour m'approprier l'objet volé, non pour m'enrichir aux dépens d'autrui,
mais pour le remettre à un tiers, pour faire même une aumône? Est-ce que la
destination que je donne à l'objet soustrait change la nature de La saustractioa?
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392 n^ LEÇ. — DBS GRIMB6 BT ÙÈLlis CONTRE LES PROPRIÉTÉS (N* 418).
Est-ce qu'il est plus permis de dépouiller le légitime propriétaire d'une chose
pour la transférer à autrui que pour la garder pour soi-méiiM ? Faudrait-il
donc distinguer les soustractions commises par cupidité et celles qui seraient
^ commises par tout autre sentiment? Je suis jaloux d'un bijoa, d'un diamant
f que vous portez ; je profite de robscurité pour vous l'enlever et je le jette dans
la rivière. Est-ce que cette soustraction cessera d*ôtre ua vol par cela seul que
c'est un sentiment de méchanceté qui m'a guidé ? Non, il n'y a point lieu de
distinguer entre les causes impulsives de l'action, il suffît que l'agent ait eu
pbur but de frustrer le propriétaire de la chosa^ de l'enlever à son détriment.
Ici s'élève cependant une grave question : la nécessité, quand elle est con-
statée; la faim, quand elle est pressante, n'est-elle pas une cause justificative
de la soustraction? Ne fait^lle pas disparaître cette pensée de fraude qui sup-
poseune certaine liberté, une délibération que la misère supprime? Nos anciens
ttgistes déclaraient excusables les vols motivés par le besoin^ et ils appli-
quaient cette maxime : Quod non est Ucitum iniege netessitus facU UàtHm. Cette
excuse n'a pas* cessé d*exister^ elle est écrite dans l'art. 463, qui permet au juge
de tenir compte de toutes lescirconsianceft atténuantes. Mais oe n'est là qu'une
excuse et non un fiiit justificatif. Le délit existe, et comment n'existerait-il pas?
ESi^t^ce que le besoin, la misère, la him, quelque cruelles que soienjt leprs tor-
tures, peuvent justifier une main mise sur la propriété d' autrui? Est-ce qu'il
est possible d'imposer une sorte de charité forcée qui pourrait être exigée par
ttîiis ceux qui prétendraient se trouver dans telle ou telle position ? Ces prin-
cipes peuvent fléchir quand l'humanité rordonne, ils n'en subsistent pas
moins ; la poursuite du vol d'un pain par un pauvre aflEamé serait inhumaine,
et la plus minime de toutes les peines serait tout au plus applicable à un
iU fait ; mais ce fait, considéré en lui-môme« n'en serait pas moins un vol et
passible, à ce titre, d'une pénalité.
41S. Le troisième élément du vol est (fue la chose soustraite appartienne à
atitrui ; car il est clair que celui qui soustrait sa propre chose ne commet aucun
délit : BÉi nosttw furtum facere non postumua. Cette règle est absolue. Ainsi,
lifrs même que la chose aurait été nMse. en gage, le propriétaire qui la sous-
trairait ne commettrait point «n vol : la loi romaine n'est plus applicable à cet
égard, nous ne corniaissons plus les vols d'usage ou de possession; l'agent
viole un contrat en reprenant sa chose, il ne commet point un vol, car cette
chose, quoique engagée, n'a pas cessé de lui appartenir. Il en est ainsi du saisi
qui détourne les objets saisis sur lui et confiés à sa garde. L'art. 400 porte ce
qui suit :
' « Art. 400. Le saisi qui aura détruit, détourné ou tenté de détourner des objets
saisis sur lui et confiés à sa garde, sera puni des peines portées en l'art. 406. —
Usera puni des peines portées eu rartiele 401, si la garde des objets saisis et par
U 'détruits ou détournés avait été confiée à un tiers. ~ Celui qui aura recelé
«Menneat les objets détournés, le conjoint, les ascendants et les descendants du
saisi qui l'auront aidé dans la destructioa ou le détournement de ces objets, seront
punis d'une peine égale à celle qu'il aura encourue. »
BrésuUedecetexte, quiaétéintrddnitdatisieGodepar lak)idu28avriU832,
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DU YOL (aht. 400). 393
^e le saiû qoi détourne ou détrait les objets saisis sur loi ne commet
«neuD voi> car la saisie n^a point changé la propriété de ces objets qui demea-r
«ent entre ses mains. La loi» qoi Toulait arriver à la répression de cet acte, a
donc dû faire denz hypothèses : ou les objets lui ont été confiés après la saisie^
^i, dans ce cas, leur détournement a été qualifié, non de vol, mais d'abus de
<»nfiance; ou ces objets avaient été remis entre les mains d'un tiers, 'et alors
leur soustraction par celui à qui ils appartiennent a été assimilée au vol, mais
-ettUB assimilation, qui n'existe qu en vertu d^une disposition spéciale, a pour
«nique effet d'étendre à ce cas les peines du vol ; elle ne fait pas que Tacte
lui-^méme soit un vol ; elle crée une exception aux règles légales qui définis-
sent et punissent ce délit*
419. tJne autre conséquence du même principe est que Faction du vol cesse :
î® quand la chose soustraite n'appartient à personne, quand elle est du nonk*
bre des res nullius qui appartiennent au premier occupant : on en trouve des
•flxeaipJee ddns les art< 715, 716 et 717 du Code civil ;^« quand la chose, après
«voir appartenu à autrui, a été abandonnée : telles sont toutes les choses qui
ednt Jetées après avoir rempli un certain usage et qui peuvent être recueillies
par celui qni croit pouvoir s*en servir encore; 3^ quand la chose a été perdue par
^ancien propriétaire qui ne se représente pas et qui n'est pas même connu. U
enterait autrement si oe prepriétaire pouvait facilement, à l'aide de recherches,
être trouvé. Ainsi, il a été décidé, relati vendent à un ouvrier qui s'était appro-
prié oaoe somme en or <|u'il avait trouvée en démolissant un mur, que le vol
peut exister indépendamment de tQute i^éclamation du légitime propriétaire»
qàaa même^ce proprétaire ne serait point actuellement connu et quand il
«avait ignoré les droits qu'il avait sur la chose soustraite; 5<* quand le proprié-
taire de la chose a consenti lui-même à son enlèvement; il ne peut y avoir de
vol, en effet, qu'autant qae la soustraction a été faite contre le gré du pro-
peîétaiie.
iMais il ne iMi. point en induire que l'agent qui aurait dans une chose un
dvoit partiel neicoasmettrait.p^ un vol» en s'emparant de cette chose; car il
est évidMiti^iB'Ilvieie la partie, de cet objet qni ne lui appartient pas. Cette
dé^sioD préseiMe cepeitdaot quelques difficultés en cç qui concerne> les cohéri-
tiers et leacoasfoâite. On ^a ofe^té, en faveur des premiers, que les art 792
et '801 du CodeioWil'déolarenttpuraet siniples les cohéritiers qui ont diverti ou
recelé les effets de la succession: et cette déchéance étant une sorte de peine,
on en a conclu qu'aucune autre pénalité ne leur était applicable; mais ces
deux articles ne sont relatifs qa'à l'intérêt civil et aux instances civiieiç; c*est
à iitre de restitution que la déchéance est encourue; et il n'en résulte aucune
modification aux droits de l'action pubUque. On a Objecté encore .ta règle posée
par l'art. 360 du Gode pénal, règle que nous examinerons tout à l'heure et
par laquelle les vols entre ascendants et -deseendants et entre époux soiU
«xempts de toute poursuite. Mats si l'honnAieiô publique a fait .interdire cette
poursuite en certaina cas et à l'éganl de certaines personnes, ces cas et ces
péflBonnes ont été décerminés par l'art. 380, et les dispositions de cet artiola
ne peuvent être étendues. Il en est de même entre les coassociés : l'associa*
Ikm laisse Béoessaire(nent une portion de ht chose à un tiers; or, il n'y a que
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394 n" LEÇ. — DB8 GRIMES ET DÉUT8 GONTIUB LES PROPRIÉTÉS (n* 420).
la propriété entière qai puisse faire disparaitre le délit : la règle g^érale est
donc qne la copropriété, dans des effets mobiliers, n'exclut pas raction de vol
pour la soustraction frauduleuse da ces effets par un des copropriétaires an
préjudice des autres.
420. La loi a fait une exception à cette doctrine dans Fart. 380 :
a ART. 380. Les soustractions commises par des maris au préjudice de leurs
femmes, par des femmes au préjudice de leurs maris, par un veuf ou une veuve,
quant aux choses qui avaient appartenu & Tépoux décédé, par des enfants ou
autres descendants au préjudice de leurs pères ou mères ou autres ascendants, par
des pères et mères ou autres ascendants au préjudice de leurs enfants ou autrea
descendants, ou par des alliés aux mômes degrés, ne pourront donner lieu qu'à
des réparations civiles* A l'égard de tous autres individus qui auraient recelé ou
appliqué à leur profit tout ou partie des objets volés, ils seront punis comme
coupables de vol. »
Cette disposition a été expliquée dans Texposé des motifîB: « Les rapporte
entre ces personnes sont trop intimes pour qu'il convienne, à roccasion dln*
térèts pécuniaires, de charger le ministère public de scruter les secrets de
famille, qui peut-être ne devraient jamais être dévoilés; pour qu'il ne soit pas
extrêmement dangereux qu'une accusation puisse être poursuivie dans des
affaires ofi la ligne qui sépare le manque de délicatesse du véritable délit est
souvent très-difficile à saisir; enfin, pour que le ministère public puisse pro»
voquer des peines dont l'effet ne ee bornerait pas à répandre la consternation
parmi tous les membres de la famille, mais qui pourrait encore être une
source étemelle de division et de haine. > Il résuite de ces paroles et du texte
qu'elles expliquent que le délit n'est pas seulement voilé dans les cas prévas
par la loi, il n'existe pas : ce n'est plus un vol dont il s'agit, c'est une simplo
soustraction, et cette soustraction n'est point incriminée, parce qu'il sérail
difficile de poser la ligne qui sépare en cette matière le manque de délictttesse
du véritable délit. Mais c'est là une exception au droit commnn; il y a donc
lieu de la limiter expressément aux soustractions commises au préjudice dos
personnes qui sont énoncées. Ainsi, l'art. 380 ne couvre qne les soustractions
et non les délits concomitants à ces soustractions. Ainsi, si l'agent a employé^
pour arriver à la même fin, d'autres moyens que la soustraction, par exempter
s'il a commis un crime de faux, ce crime est punissable indépendamment do
l'objet que son auteur a eu en vue.
La désignation des personnes qui peuvent invoquer le bénéfice de l'art. 38Q
est restrictive, puisque la loi ajoute : « A l'égard de tous autres individus..» ils
seront coupables de vol. » Ainsi, le vol commis par un frère au préjudice de
ses frères pourrait être Tobjet d'une poursuite. La soustracttoti commise par le
beau-père au préjudice des enfiints de sa femme rentre^t*elle dans les termes
de l'art 380? Oui, puisque cet article protège les soustractions commises par les
pires et mères ou autres ascendants, et par les alhés au même degré, et puis-
que, aux termes des art. 161 et 162 du Ck>de civil, le lien d'affinité établi par
le mariage entre les deax éponx et les enfants du premier lit n'est pas détruit
par le décès de celui-ci. Faut-il oomprendre dans l'expression à*enfa»ts les
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D0 VOL (art. 401). 3K
en&nts adùpHft? Ëridemment, puisqu'ils ont les mémos droits que les enfants
légitimes. Fant-il comprendre les enfants naturels ? La soiation doit être dans '
nn sens contraire. L'exception de Tart. 380 n'a évidemment été faite par
le législateur qn'en considérant da lien de famille qui existe entre les parents;
or, il résulte de l'art. 765 du Cknle civil que la loi ne reconnaît de lien de
famille en faveur d'enfants naturels que vis-à-vis de leurs pères et mères qui
les ont reconnus; et c'est d'après ce principe que l'art. 299 du Gode pénal,
après avoir qualifié de parricide le meurtre des pères et mères légitimes, natu-
rels ou adoptifs, ne donne la même qualification qu'au meurtre des autres
ascendants légitimes.
Les soustractions prévues par l'art. 380 n'admettent point de complices^
puisqu'elles ne constituent ni crime ni délit, mais elles admettent des coau-
teurs : tel est le sens du dernier paragraphe de cet article. L'exception, en
effet, motivée sur les rapports étroits de la famille, ne saurait profiter à l'étranger
qui a coopéré à la perpétration de la soustraction et en a profité. Cet étran-
ger, ne se trouvant pas dans le cas de se prévaloir des considérations morales
qui ont désarmé la loi, reste nécessairement exposé aux conséquences légales
de l'acte qu'il a commis et dont l'incrimination, en ce qui le regarde, ne sau-
rait être écartée par la circonstance qu'un des auteurs de cet acte se trouve
dans une situation exceptionnelle et protégée. Ainsi, les individus qui ont
recelé ou qui ont appliqué à leur profit tout ou partie des objets soutraits pe
sont point punis comme complices, mais comme auteurs principaux du vol. Il
suit de là que ceux qui n'ont fait qu'assister les parents désignés par l'art. 380,
dans les actes d'exécution des soustractions, sans receler les objets soustraits
et sans en profiter personnellement, ne sont passibles d'aucune peine, car ils
ne sont que les complices d'un fkit qui n'est pas punissable.
421. Vous connaissez maintenant les caractères généraux du vol, vous sa-
vez dans quels cas il peut y avoir soustraction, dans quels cas cette soustrac-
tion peut être réputée frauduleuse, dans quels cas enfin il y a soustraction de
la chose d'autmi. Lorsque ces trois circonstances sont réunies, il y a vol, et,,
si aucun autre fait ne vient compliquer ce vol, il ne constitue qu'un simple
délit, un vol simple, suivant l'expression de la pratique. Il y a lieu dans ce
cas à l'application de l'art. 401 qui est ainsi conçu :
« Art. 401. Les autres vols non spécifiés dans la présente section, les larcins et
filouteries, ainsi que les tentatives de ces mêmes délits, seront punis d'un empri-
sonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus, et pourront même l'être d'une
amende qui sera de 16 fr. au moins et de 100 tr, au plus. Les coupables pourront
encore être interdits des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Gode, pendant
cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du Jour où ils auront subi leur
peine. Us pourront aussi être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillanoe
de la haute police pendant le même nombre d'années. »
Les vols non spécifiés dans la présente seeHon sont ceux qu'aucune ciroonstanœ
aggravante n'accompagne; ceux qui n'ont été spécifiés par aucun fait de leur
exécution, les vols simple», en un mot. Ce sont ces vols, dégagés de tous les
incidents qui les compliquent et les aggravent, qui sont l'objet de l'art 401. La
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3t6 22* LBÇ. — DBS GRIMBS BT DÉUT8 GONTRB LBS PROPRIÉTÉS (n* 423).
ki assimile à ces vols lei larems ei fUmUeriê$ : que faat-il entendre par ees
mots? Les larcins et les filouteries sont des vols exéeatôs^ cenz-là fartive->
ment, ceax-cî jiar adresse ; mais ce Bont de véritables vols, qui en ont néces*
saîrement tous les caractères et qui dès lors supposent, comme le vol simple,
la soustraction frauduleuse de la chose qui n'appartient pas à l'auteur de la
soustraction.
422. J^ arrive aux cîrcoDstances aggravantes de ce vol. Ces circonstances
sont, soit la qualité de l'agent, soit le temps ou le lieu oi!L le vol est commis,
soit les faits qui ont accompagné 1 exécution. La qualité de Tagent est une
cause d'aggravation quand il est commis par les domestiques, hommes de ser-
vices à gages, ouvriers, compagnons ou apprentis, par les aubergistes et hôte-
liers, par les voituriers et bateliers. Le temps est une cause d'aggravation quand
il est commis pendant la nuit. Le lieu est une cause d'aggravation quand il est
commis dans les maisons habitées et leurs dépendances, dans les édifices con-
sacrés aux cultes, sur les chemins publics. Enfin, les faits d'exécution sont une
cause d'aggravation quand il est commis soit de complicité, soit avec effrac-
tion, escalade ou fausses clefs, soit avec port d'armes, menaces de violences,
soit avec usurpation de titres ou de costumes ou suppositions d'ordre de l'au-
torité. Je vais successivement examiner chacune de ces circonstances.
428. L'aggravation fondée sur la qualité de l'agent résulte des n** 3 et 4 de
l'art. 386 et de Part. 387 de notre Code :
« A&T. 386. Sera puni de la peine de la réolusiou tout indlvi4u coupable de vol
commis dans Tua des cas ci-après... 3"* Si le voleur est un domestique ou un
homme de service à gages, môme lorsqu'il aura commis le vol envers des personnes
qu'il ne servait pas, mais qui se trouvaient, soit dans la maison de son maître, soit
dans celle où il l'accompagnait; ou si c'est un ouvrier, compagnon ou apprenti,
dans la maison, l'atelier ou le magasin de son maître, ou un individu travaillant
habituellement dans rhabitation où il aura volé. »
Cette aggravation pénale est fondée tout entière sur la confiance nécessaire
qui doit établir entre le maître et chacune des personnes désignées par l'ar-
Ûcle. De là il suit que eet article ne fait nulle distinction entre les domestiques
à gages et les personnes qui ne sont admises dans la maison que pour un ser-
vice momentané. De là il suit encore que cette disposition ne s'étend pas aux
personnes admises à titre d'hospitalité, c'est-à-dire par l'effet d'une confiance
volontaire.
Que faut-il entendre par domestiques? Dans l'ancienne jurisprudence on
•distinguait: « Les serviteurs, dit Serpillon, sont les valets, les laquais, les
portiers, les cochers, cuisiniers et autres d'un état semblable ; sous la qualité
4e domestique, sont compris ceux d'un état moins abject, comme les secré-
taires, agents, maîtres d'bôtel et autres gens à gages. * Cette distinction
n'existe plus; toutes les personnes attachées au service de la personne ou de
la maiflOB sont indifféremment oempfiaes sous la dénomination de domestiques.
il faot toutefois excepter les élèves, clerés, secrétaires et commis» puisque la loi
4« %g avril 1832 n'a pas ajouté à l'art. 366 l'addition qu'elle a faite à cet ép^ard
à- l'art. 408.
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DU YOL (art* 386). 397
Le vol est réputé domestique, non-setilement quand il est comsiis dane la
maison et aa préjudice du maftre, mais encore : 4« quand il est commis dans
cette maison an préjudice d'antres personnes qne le maître ; 2^ quand il est
commis dans une autre maison, où le domestique accompagnait son maître.
La raison de ces deux extensions est que tous les objets qui se trouvent dans
la maisondu maître, étant confiés à sa surveillance, sont, aux yeux du domes-
tique, réputés la propriété du maître lui-même,' et que, lorsqu'il accompagne
celui-ci dans une maison étrangère, la responsabilité de ses actes appartient à
ce dernier. La loi n'exige pas d'ailleurs que le propriétaire de la chose volée
se trouve dans la maison où le domestique Ta volée; il suffit que Tagent ait
été revêtu, dans le sens de la loi, de la qualité de domestique dans cette mal*
son. IL importe peu également que le vol ait été commis au préjudice du maî-
tre dans sa maison ou en dehors de sa maison. La confiance nécessaire du
niaitre^ enetfét, est illimitée et suit le domestique partout où il peut en abuser.
424. La deuxième espèce de vol domestique est prévue par la dernière
partie du n» 3 dé Part. 386 : elle concerne le vol des ouvriers dans la maison
du maître. Deux conditions sont nécessaires à cette aggravation; il faut que
le vol ait été commis par un ouvrier, compagnon ou apprenti, et qu'il ait été
commis dans la maison, l'atelier ou le magasin du maître. Que faut-il entendre
par ces dernières expressions ? Il faut entendre le lieu où les ouvriers sont
employés à leur travail habituel.
La loi assimile aux ouvriers les individus travaUlani habituellement dans
rhe^Uaiion ot)i ils ont volé. Le sens de ces expressions est sufOsammeat indi-
qué pfir . l'esprit général de la loi. L'aggravation résulte, en effet, ici comme
pour les ouvriers, de la confiance que le maître est forcé d'accorder à l'indi-
vidu qui travaille habituellement chez lui. Il faut donc limiter l'application de
cette disposition à ceux qu'un travail habituel appelle dans la maison pour y
exécuter des travaux nécessaires; elle ne s'étendrait pas dès lors aux personnes
qui sont appelées à titre d'hospitalité et par Peffet d'une confiance volontaire ;
elle ne s'étendrait pas non plus aux individus qui n'auraient été appelés que
pour un travail momentané.
425... La troisième espèce de vols qui sont aggravés parla qualité de l'agent
sont les vols des aubergistes et hôteliers.
« Abt. 386, n<* 4. Si le vol a été commis par un aubergiste, un hôtelier, un voi-
tuTÎer, un batelier ou un de leurs préposés, lorsqu'ils auront volé tout ou partie
des choses qui leur avaient été confiées à ce titre. »
Le Gode de 1810 avait ajouté : c Ou si le coupable a commis le vol dans
l'auberge ou l'hôtellerie dans laquelle il était reçu. > Ces mots ont été effacés
par la loi du 28 avril 1832, ce qui a fait descendre dans la classe des vols sim-
ples les vols commis dans les auberges par toute autre personne que l'aubergiste.
Les mots hMellerie, auberge, employés dans l'art. 386, sont des expressions
générales qui comprennent, selon leur acception commune et reconnue, les
hôtels et maisons ou parties d'hôtels ou maisons où l'on est reçu, moyennant
un prix ou une rétribution, pour y prendre le logement ou la nourriture. C'est
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398 2î* i*BÇ« i>B8 GBiicBS St Délits oontrb lbs propriétés (n* 427).
ce qui résulte du rapprochement de l'art. 386 avec les art. 73, 154 et 475, qp!
assimilent les logeurs et loueurs de maisons garnies aux aube^istes et hôte-
liers, et leur appliquent la môme responsabilité. Cette disposiUon est fondée
tur la confiance nécessaire que le voyageur doit accorder Untôt à un aubergiste,
tantôt à un loueur d'hôtel garni; elle n'a pas pu lui refuser dans un lieu la
garantie qu'elle lui accordait dans un autre, et n'a pas pu vouloir que le loueur
d'hôtel garni, coupable du vol des effets d'un voyageur, fût puni d^un simple
emprisonnement, tandis que l'aubergiste, dans le même cas, subirait la réclu-
sion. La responsabilité est d'ailleurs la môme, lorsque la personne volée a été
reçue dans l'auberge pour y loger, ou lorsqu'eUe y a été reçue pour s'y reposer
momentanément.
426. Le vol subit encore une aggravation, à raison de la qualité de l'agent,
en ce qui concerne les bateliers et voituriers. Vous venez de voir, dans le n» 4
de l'art. 386, que cette aggravation était appliquée aux voituriers, batelière et
leurs préposés, lorsqu'ils ont volé tout ou partie des choses qui leur étaient
confiées à ce titre. Ils sont placés dans la môme position que les hôteliers et
les aubergistes. Cette règle a été étendue aux capitaines, patrons et gens de
l'équipage de tout bâtiment de mer. L'art. 15 de la loi du 10 avril 1825 porte:
« L'art. 386, n» 4 du Code pénal est applicable aux vols commis à bord de
tout bâtiment de mer, pour les capitaines, patrons, subrécargues, gens de
l'équipage et passagers; n mais les bateliers et voituriere ne sont pas passibles
de la môme aggravation dans l'hypothèse suivante :
« Art. 387. Les voituriers, bateliers ou leurs préposés,' qui auront altéré ou
tenté d'altérer les vins ou toute autre espôce de liquides ou marchandi^s dont le
transport leur a été confié, et qui auront commis ou tenté de commettre cette
altération par mélange de substances malfaisantes, seront punis d'un emprisonne-
ment de deux à cinq ans et d'une amende de 25 & 500 fr. — S'il n'y a pas eu mé-
lange de substances malfaisantes, la peine sera un emprisonnement d'un mois &un
an et une amende de 16 à 100 tr. »
Cette disposition, il importe de le remarquer, diffère, et de l'art. 317 qui
punit l'administration à une personne de substances nuisibles à la santé, et de
l'art. 423 qui punit la tromperie sur la nature de la marchandise : dans ces
deux articles, ce que la loi incrimine, c'est un attentat sur les personnes ou
une fraude commerciale. L'art. 387 prévoit une espèce particulière, un véri-
table abus de confiance : l'agent profite de la confiance forcée que sa profes-
sion commerciale impose et en abuse au détriment de ses commettants. C'est
la protection de la propriété que la loi a surtout en vue ici.
427. Le vol prend une seconde cause d'aggravation dans le temps pendant
lequel il est commis, lorsqu'il est commis pendant la nuit. Son exécution, en
effet, révèle une plus grande audace et le rend plus dangereux, puisqu'il est
plus difficile de s'en garantir. La circonstance de la nuit a toutefois un carac-
tère particulier : seule, elle ne change point la nature du vol, elle ne devient
aggravante qu'en se combinant avec une autre circonstance ; elle est donc en
elle-même moins une circonstance aggravante qu'un élément d'aggravation ;
elle produit ce dernier effet à Tégard : 1<^ des vols commis dansjes champs
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DU TOL (ART. 388). 399
(art. 388); 2« des yoIb commis par deux ou plusieurs personnes (art. 386);
3^ des vols dans une maison habitée (art. 386); 4« des vols commis avec les
circonstances indiquées par Tart. 381 ; 5® des vols avec violence (art. 385).
Dans ces différents cas, la peine s'élève Ji le vol a élé commis la nuit, La seule
question que soulève ce texte est de savoir ce qu'il faut entendre par la nuit»
La jurisprudence la définit tout Pintervalle de temps compris entre le coucher
et le lever du soleil. Peut-être est-il plus rationnel de considérer cette circons-
tance comme une circonstance de fait que les juges et les jurés doivent appré-
cier d'après les constatations du procès. La nuit n'est pas le coucher du soleil^
c'est la nuit réelle, la nuit qui aggrave la criminalité et le péril du vol par
les voiles dont elle le couvre.
428. L'aggravation est fondée sur le lieu de la perpétration lorsque le vol
est commis, soit dans les champs, soit dans les maisons habitées ou lieux clos,
«oit dans les édifices consacrés aux cultes, soit sur les chemins publics. Exami-
nons ces quatre classes de vols. L'art. 388, profondément remanié par la loi
du 28 avril 1832, s'occupe du vol dans les champs avec les diverses circons-
tances qui peuvent le compliquer.
« Art. 388. Quiconque aura volé ou tenté de voler, dans les champs, des che-
vaux ou bétes de charge, de voiture ou de mouture, gros et menus bestiaux, ou
des instruments d*agricalture, sera puni d'un emprisonnement d'un an au moins
et de ciuq ans au plus, et d*une amende de 16 à 5(X) fr. »
Ce premier paragraphe, qui assimile le vol dans les champs au vol simple,
ne demande aucune explication. On peut seulement se demander ce que c'est
qu'un vol dans les champs. On doit entendre par champs toute propriété rurale
dans laquelle sont exposés à la foi publique les objets mentionnés dans l'ar-
ticle ; conséquemment on doit comprendre sous ce mot les terres labourables,
les bois, les pâturages et autres propriétés de même nature. La loi ne fait
d'ailleurs aucune distinction entre les animaux qui sont sous la surveillance
d'un gardien et ceux qui ne sont pas surveillés : la surveillance dans les
champs, en effet, n'a pas pour objet de garantir les animaux des entreprises
des voleurs, et ils ne sont pas moins, quoique surveillés, sous la foi publique.
Le deuxième paragraphe de Fart. 388 ajoute :
« Il eu sera de même & Tégard des vols de bois dans les ventes, et de pierres dans
les carrières, ainsi qu'à l'égard du vol de poisson en étang, vivier ou réservoir. »
Le mot ventes comprend, dans le langage forestier, toute coupe de hois en
exploitation ; il comprend, par conséquent, des bois coupés et confiés par
l'adjudicataire à la foi publique. Les earrières, d'après la loi du 24 avril 1810,
^t qu'elles soient exploitées à ciel ouvert ou par galeries souterraines, com-
prennent toutes les dépendances qui sont contiguès à l'excavation et qui ser-
vent à l'extraction ou au dépôt des pierres. Enfin, les étangs, rivières et réser-
voirs indiquent tous les lieux qui renferment le poisson et en font une propriété
certaine. La pêche dans ces lieux est un vol, tandis que la pêche dans les
fleuves, rivières et cours d'eau n'est qu'une contravention passible des dispo-
sitions de la loi du 15 avril 1829, sur la pêche.
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400 2V LBÇ. — DBS GHTIIBS ET DÉLITS OONTRB LB8 PROPRIÉTÉS (n* 42ft).
Le troisième paragraphe de Tart. 388 s'applique aux vols de récoltes :
« Quiconque aura volé ou tenté de voler dans les champs des récoltes ou autrea
productions utiles de la terre, déjà détachées du sol, ou des meules de grains fai-
sant partie des récoltes, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours & deux
ans» et d'une amende de 16 & 200 fr. »
~ On doit entendre par les mots récoltes ou parties de récoltes, tous fruits ou
productions utiles de la terre qui, séparés de leurs racines ou de leurs tiges
par le fait du propriétaire ou de celui qui le représente, sont laissés momen-
tanément dans les champs jusqu'à ce qu'ils soient enlevés et enfermés dans un
lieu où ils peuvent être particulièrement surveillés. Il importe peu que le vol
ait eu pour objet tout ou partie seulement de la récoke; car Tart. 388 ne res-
treint point le sens du mot récâttes au produit d'une pièce de terre; une récolte
partielle est évidemment une récolte. Mais il faut que cette récolte ait été
détachée du sol par le propriétaire; car ce n'est qu'alors qu'elle est considfoée
comme exposée à la foi publique. H faut aussi que les fruits n'aient pas perdu
leur caractère de récottes : l'art. 388 ne s'applique qu'aux vols de récoltes nom
engrangées, laissées dans les champs; il ne s'appliqua pas à des objets qui ne
sont plus récoltes, mais seulement des fruits de la terre précédemment récoltés
et enlevés du champ. Ainsi, il ne s'applique pas, par exemple, à des nayets
récoltas avant l'hiver et placés aux champs dans une fosse pour les préserver
de la gelée, ou à des pommes de terre qui avaient été enfouies quelques mois
après la récolte. C'est surtout aux récoltes gisantes encore sur le sol après
qu'elles viennent d'être coupées que s'applique la loi. Toutefois, il y a excep-
tion pour les meules de grains. lia loi a voulu donner à ces amas de grains
formés pour rester après la récolte dans le champ qui les a produits, la môme
garantie qu'aux grains, tant en épis qu'en gerbes, que le cultivateur esl forcé
de laisser momentanément sur la terre en attendant leur transport dans les
granges,
La peine de quinze jours à deux ans d'emprisonnement et de 16 à 200 fr.
d'amende s'aggrave dans quelques cas. 3Le quatrième paragraphe de l'art. 388
porte :
tt Si le vol a été commis, soit la nuit, soît par plusieurs personnes, soit à Taide
de voitures ou d'animaux de charge, l'emprisonnement sera d'un an à cinq ans, et
l'amende de 16 à 500 fr. »
Une question importante s'est élevée ici. Chacune des circonstances énon-
cées donne lieu à l'aggravation. Mais que fkut^il décider, si deux de ces cir-
constances sont réunies, ou si les trois concourent à la fois? Le vol rentre alors
dans les termes de l'art. 386. En eflTet, le mot joit est, dans l'art. 388, uneoon-
jonction alternative qui s'emploie indifféremment comme l'autre conjonction
déterminative ou ; les membres de la phrase sont donc disjoints, et chaque
circonstance suffit pour motiver l'aggravation. De là il suit que le concours de
ces circonstances fait nécessairement sortir le fait des termes de cet article;
et dès lors il tombe, par une conséquence évidente, sous le coup de l'art 386
qui prévolt les vols commis la nuit par plusieurs personnes. II résulte bien de
là quelque contradiction dans l'application de la loi. Ainsi le concours de la
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soj VOL (art. 369). 401
«mit avec remploi de voitures oud'animaiiz décharge ne produit aucune
aggravation, tandis que le concours de la nuit avec la .complicité donne au
fait le caractère de crime, bien que dans Fart. 388 remploi de voitures et la
complicité aient la môme valeur. Cette anomalie est véritable, mais elle ne
suffit pas pour écarter l'art. 386 dans un cas formellement prévu par cet
article.
Le cinquième paragraphe de l'art. 388 prévoit, non plus le vol de récoltes
détachées du sol, mais le vol de récoltes non encore coupées ou déracinées :
« Lorsque le vol ou la tentative de vol de récoltes ou autres productions utiles
de la terre, qui, avant d'être soustraites, n'étaient pas encore détachées du sol,
aura eu lieu, soit avec des panierâ ou des sacs, ou autres objets équivalents, soit
la nuit, soit à Taide de voitures ou d'animaux de charge, soit par plusieurs per^
sonnes, la peine sera d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans, et d'une
amende de 16 à 200 A*. »
L'art. 475 n» 15 punit d'une peine de police c ceux qui déroberont, sans
aucune des circonstances prévues en Tart. 388, des récoltes on autres produc*
tiens utiles de la terre, qui, avant d'être soustraites, n'étaient pas encore déta-
chées du sol. » Il résulte de la combinaison de ces deux articles que le vol de
récoltes sur pied, ce que l'on appelle le maraudage, n'est qu'une simple con*
travention, lorsqu'il est commis par une seule personne, de jour et sans
emploi de paniers, sacs ou moyens de transport, mais qu'il devient un délit
passible d'une peine correctionnelle, lorsqu'il est compiis soit avec des paniers
ou des sacs ou autres objets équivalents, soit la nuit, soit à l'aide de voitures
ou d'animaux de charge, soit enfin par plusieurs personnes. Ici, chose assez
remarquable dans l'économie de notre Gode, c'est la quantité présumée du
préjudice causé par le vol qui fonde sa qualification.
Le dernier paragraphe de Tart. 388 ne fait qu'autoriser l'application faculta-
tive aux coupables de le peine de l'interdiction des droits civils et de la sur-
veillance pendant cinq ans*
429. L'art. 389 prévoit une espèce toute spéciale de vols commis dans les
champs :
a Art. 389. Tout individu qui, pour commettre un vol, aura enlevé ou déplacé des
bornes servant de séparation aux propriétés, sera puni d'un emprisonnement de
deux à cinq ans et d'une amende de 15 à 500 fr. »
Cet article doit être soigneusement distingué de l'art. 456, qui prévoit éga»
lement l'enlèvement et le déplacement de bornes servant de limites entre
différents héritages. Dans ce dernier article ce que la loi prévoit, c'est l'envahis-
sement de l'héritage lui-môme à Taide du déplacement des bornes; c'est une
usurpation de terrain, ce n'est point un vol ; le vol ne s'applique qu'aux choses
mobilières. Or, c'est précisément l'enlèvement des bornes, ayant pour but la
perpétration d'un vol, que prévoit l'art. 389. L'objet de cet article est donc,
comme l'article qui le précède, de punir le vol de récoltes à l'aide dujfiéplace-
1. ^^
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402 VINGT-DBUXIÈBfB LEÇ. *^ DB6 GRIMBS ET DÉLITS, ETC. (n* 430).
ment de boraes. Ge déplacement n*eet qa'un moyen, nne manœa?re employée
pour accomplir la soastraction. Cette manœuvre est considérée comme une
circonstance aggravante et imprime au vol le caractère d'un crime.
4S0. Le lieu de perpétration du vol est une seconde cause d'aggravation,
quand il est commis dans une maison habitée ou dans une dépendance de cette
maison. Toutefois, il y a lieu de remarquer que cette circonstance de la maison
habitée, comme celle de la nuit, ne constitue pas en elle-même une circons-
tance aggravante, mais seulement un élément d'aggravation. Elle ne devient
aggravante que lorsqu'elle se réunit aux circonstances d'effraction, d'escalade,
do fausses clefs, de nuit, de complicité. C'est ce qui résulte du n* 4 de l'art. 381
et du n^ i de l'art. 386. Ainsi, le vol commis dans une maison habitée, sans le
concours d'aucune de ces circonstances, n'est qu'un vol simple : il faut qu'à la
maison habitée se joigne l'une de ces circonstances, pour qu'il prenne le ca-
ractère d'un crime.
Qu'est-ce qu'une maison habitée aux yeux de la loi ?
a Art. 390. Est réputé maison habitée, tout b&timent, logement, loge, cabane,
môme mobile, qui, sans être actuellement habité, est destiné à ThabitatioD, et
tout ce qui en dépend, comme cours, basses-cours, granges, écuries, édifices qui
y sont enfermés, quel qu'en soit Tusage, et quand môme ils auraient une clôture
particulière dans la clôture ou enceinte générale. «
il résulte de cette définition par forme démonstrative, qu'il faut considérer
comme maison habitée tout bâtiment qui sert à l'habitation et toute dépendance
de ce bâtiment. Ainsi, il importe peu que la maison soit actuellement habitée,
si elle est destinée à Tétre, qu'elle soit habitée par la personne volée ou par
toute autre personne, qu'elle soit habitée accidentellement ou d'une manière
' permanente : la loi n'a fait aucune de ces distinctions. Un vol commis dans
un bateau dans lequel se trouve une cabane destinée au logement est un vol
commis dans un bâtiment servant à l'habitation ; mais un vol commis dans
une diligence ne rentre pas dans la même catégorie, car une diligence n'est
pas destinée à l'habitation. Quant aux dépendances, il ne faut pas entendre
par ce mot nne dépendance de destination : cette dépendance doit être de fait,
en sorte que celui qui habite la maison ou qui doit l'habiter ait sous sa surveil-
lance ce corps dépendant, comme toute autre partie de la maison. Ainsi un
jardin attenant à une maison en est une dépendance.
La loi a assimilé à la circonstance de maison habitée, la circonstance que le
vol a été commis dans des édifices, parcs ou enclos non servant à l'habitation et
non dépendant des maisons habitées. Ce sont les termes de l'art. 394. Que
faut-il entendre par ces mots parc on enclos ?
« Art. 391. £st réputé parc ou enclos, tout terrain environné de fossés, de
pieux, de claies, de planches, de haies vives ou sèches, ou de murs de quelque
espèce de matériaux que ce soit, quelles que soient la hauteur, la profondeur, la
vétusté, la dégradation de ces diverses clôtures, quand il n'y aurait pas de porte
fermant à clef ou autrement, ou quand la porte serait à claire-voie et ouverte ha-
bituellement» >
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DU YOL (art. 383). 403
« Abt. 392. Les parcs mobiles destinés à contenir du bétail dans la campagne,
de quelque matière qu'ils soient faits, sont aussi réputés enclos; et, lorsqu'ils
tiennent aux cabanes mobiles ou autres abris destinés aux gardiens, ils sont ré-
putés dépendants de maison habitée. »
Cette double définition, dont les termes sont aussi clairs que simples, ne
demande ancnne explication.
La loi pénale a encore assimilé aux vols commis dans les maisons habitées
les yoIb commis dans les édifices consacrés aux cultes.
« Art. 386. Sera puni de la peine de la réclusion, tout individu coupable de vol
comcnis lanuit, et par deux ou plusieurs personnes, ou, s'il a été commis avec une
de ces circonstances seulement, mais en même temps dans un lieu habité ou ser-
vant à l'habitation, ou dans les édifices consacrés aux cultes légalemeni étabUs en
France. »
Cette dernière disposition, reprise de la loi du 25 avril 1825, sur le sacrilège,
a été introduite dans notre Code par la loi du 28 avril 1832. Il en résulte que
toutes les règles relatives aux vols commis dans les maisons habitées s*appli*
qnent aux vols commis dans les édifices consacrés aux cultes.
431. Il existe encore une espèce de vol qui s'aggrave à raison du lieu où il
est commis : c'est le vol sur les chemins publics :
« Art. 383. Les vols commis sur les chemins publics emporteront la peine des
travaux forcés à perpétuité, lorsqu'ils auront été commis avec deux des circons-
tances prévues dans l'art. 381. ^ Ils emporteront la peine des travaux forcés à
temps, lorsqu'ils auront été commis avec une seule de ces circonstances. — Dans
les autres cas, la peine sera celle de la réclusion. »
Le Code de 1810 punissait uniformément de la peine des travaux forcés à
perpétuité tous les vois commis sur les chemins publics : ces vols, qui portent
toujours un caractère de violence et qui menacent la sûreté individuelle,
avaient paru devoir dans tous les cas motiver cette peine. Le législateur de 1832
a modifié cette disposition trop absolue : il a introduit une double distinction
qui permet d'établir un rapport plus exact entre la peine et le crime. Tous les
vols commis sur un chemin public rentrent dans les termes de cet article, soit
qu'ils aient élé commis avec ou sans violence : la loi a voulu pourvoir à la
sûreté des voyageurs et de leurs effets : c'est la facilité que Tisolement du che-
min peut donner au vol qui motive principalement l'aggravation. Que faut-il
entendre par chemins publics? Tous les chemins qui sont destinés à l'usage
du public, soit qu'ils appartiennent à l'État, aux départements ou aux com-
munes : la loi ne distingue point, et d'ailleurs la raison de décider est la
môme dans tous les cas.
432. Je viens de parcourir les cas où les circonstances aggravantes sont
fondées sur la nature du lieu où le vol est commis. Je passe à une autre série
de circonstances aggravantes : celles qui procèdent des faits mêmes d'exécu-
tion. Tels sont la coopération de plusieurs personnes, Teffraction, l'escalade,
l'usage de fausses clefs, le port d'armes, la violence.
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404 VINGT-DEUXlÊMÈ LBÇ. — DES GRIMES ET DÉLITS, ETC. (N* 433). *
La coopération de denx ou plasieurs personnes au vol est un élément d'aggra-
vation plutôt qu'une circonstance aggravante ; car, de môme que la nuit et la
maison habitée, elle n'emporte aggravation de la peine que lorsqu'elle est
réunie à une autre circonstance. Ainsi le vol simple commis par deux ou plu-
sieurs personnes ne cesse pas d'être un vol simple. Mais ce vol est puni, i^ des
travaux forcés à perpétuité, si, aux termes de l'art. 381, il est en outre commis
avec les quatre autres circonstaoces prévues par cet article; 29 des travaux
forcés à temps, s'il esl en outre commis, soit, aux termes de l'art. 383, sur un
chemin public, soit, aux termes des art. 382 et 385, avec deux des circonstances
éQumérées par l'art. 381, 3<^ de la réclusion, aux termes de l'art. 386, s'il est
commis en outre, soit la nuit, soit dans une maison habitée. Il ne suffit pas
dans ces différents cas de la complicité, il faut la coopération effective de
deux ou plusieurs personnes. C'est la présence de deux ou plusieurs agents
qui rend le vol plus grave, parce qu'elle augmente le danger. Ainsi le recé-*
leur ne compte pas parmi les auteurs du vol.
438. L'effraction est un autre mode d'exécution du vol, qui en aggrave le
caractère.
« Art. 393. Est qualifié efftaclion, tout forcement, rupture, dégradation, démo-
irtion, enlèvement de murs, toits, planchers, portes, fenêtres, serrures, cadenas, ou
autres ustensiles ou instruments servant à fermer ou & empêcher le passage de
toute espèce de clôture quelle qu'elle soit. »
« Art. 394. Les effiractions sont extérieures ou intérieures. »
ff Art. 395. Les effractions extérieures sont celles à l'aide desquelles on peut
sHntroduire dans les maisons, cours, basses-cours, enclos ou dépendances ou dans
les appartements ou logements particuliers, rt
« Art. 396. Les effractions intérieures sont celles qui, après Tintroduction dans
les lieux mentionnés en Tarticle précédent, sont faites aux portes ou clêtures du
dedans, ainsi qu'aux armoires ou autres meubles fermés. Bst compris dans la
classe des effractions intérieures, le simple enlèvement des caisses, boites, ballots
sous toile et corde, et autres meubles fermés, qui contiennent des effets quelcon-
ques^ bien que l'effraction n'ait pas été faite sur le lieu. »
Le caractère général de l'effraction est le forcement d'une clôture destinée à
former obstacle, soit à l'enlèvement de l'objet enfermé, soit au passage du
voleur. S'il n'y a pas de forcement ou de rupture, il n'y a pas d'effraction. Ainsi,
le simple déplacement d'une traverse mobile, qui retient les deux battants
d'une porte, n'est pas une effraction. Si la chose forcée ou rompue n'est pas
une clôture, la circonstance aggravante cesse également d'exister. Ainsi, le
déplacement de la terre dans laquelle sont enfouis les objets volés, la rupture
des cordes qui attachent ces mêmes objets, ne sont pas non plus une effraction.
Gela posé, il faut distinguer l'eff^raction extérieure et l'effraction intérieure. La
première a pour but l'introduction de l'agent dans les maisons ou dépendances.
De là il suit que toute effraction qui n'a pas ce but ne rentre pas dans les ter-
mes de la loi. Ainsi, la dégradation d'un mur pour enlever des tuyaux de plomb
ou l'enlèvement des objets ou matériaux qui servent de clôture, ne sont point
des actes d'effraction; l'agent a dégradé ou détruit des clôtures, mais non pour
sHntroduire dans le lieu qu'elles enfermaient; ce n'est point là un vol commis
A l'aide d'effraction. L'effraction intérieure est celle que l'agent commet, après
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DU TOL (aUT. 497). 405
son iatrodaction dans la mwon, poar parvenir à Texécaftion du toI. On a sou
tenn cependant que l'efOraction faite aox clôtures dn dedans, non ponr appré-
hender la chose, mais pour sortir de la maison, rentrait dans les tenues de
l'art. 396 : qu'est-oe que commettre un yol? a-t-on dit; c'est sans contredit
appréhende;^ manuellement la chose d'antrui, avec Tintentâon, de se l'appro-
prier; mais c'est aussi emporter cette chose, c^est aussi faire tout ce qu'il faut
pour s'en assurer et en conserver la possession. Appcéhender manuellement
l'objet volé, ce n'est, à proprement parler, que commencer le vol; le vol ne se
consomme véritablement que par l'action qui déplace l'objet volé, qui le fait
passer d'un lieu à un autre. Il y a donc vol avec effraction, non-seulement
lorsqu'à l'aide d'une effraction, on appréhende manuellement la chose d'autrui,
mais encore lorsqu'à l'aide d'une effraction, on déplace, on emporte la chose
d'autrui que l'on a appréhendée manuellement sans effraction. Getie doctrine
est-elle exacte? ne confond-elle pas les actes d'exécution du vol et les actes
qui suivent cette exécution? quand L'agent a appréhendé la chose, le vol n'e8t41
pas consommé? Tous les faits qui suivent n'ont d'autre objet que de fad-.
iiter la fuite, que d'aasurer les bénéQces du vol, mais ils sont étrangers au
vol lui-même, qui est complet dés que la chose se trouve en la possession de
l'agent.
La dernière disposition de l'àrl. 396 assimile à l'effraction l'enlèvement des
meubles fermés ; en effet, il importe peu que l'effraction soit commise dans la
maison ou en dehors; elle doit compter pour l'évaluation du vol, quel que soit
le lieu où elle est commise, dès qu'il est certain que le vol n'a pu être con-
sommé sans cette circonstance. £st->ce là une présomption ou faul-il que l'effrac-
tion soit effectivement constatée? La jurisprudence a varié sur ce point; mais
peut-être faut-il admettre que, dans l'esprit de la loi, le simple enlèvement
d'un meuble fermé équivaut à l'effraction, bien que cette effraction ne soit pas
ensuite constatée, pourvu qu'elle ait été indispensable pour ouvrir le meuble.
Cependant, si l'objet du vol était, non la chose contenue dans le meuble, mais
le meuble lui-même : supposez une boîte précieuse, un coffre artistement
ciselé, il est clair que la fermeture de ce meuble ne peut plus exercer aucune
inflaence sur le caractère du vol.
Une règle commune à tous les vols commis avec effraction soit intérieure,
soit extérieure, c'est qu'ils ne participent à l'aggravation pénale qu'autant
qu'il est constaté que l'effraction a été commise dans une maison ou lieu clos.
C'est ce qui résulte du texte môme des ari. 395 et 396. Il ne suffit donc pas,
pour l'application de cette aggravation, qu'il soit déclaré que le vol a été
commis avec effraction intérieure ou extérieure; il faut qu'il soit déclaré que
l'effraction a été commise dans un édifice, parc ou enclos.
484. L'escalade a été, de même que l'effraction, définie par la loi.
« ÂHT. 397. Est qualifiée escalade^ toute entrée dans les maisons, bâtiments, cours
basses-cours, édifices quelconques, jardins, parcs et enclos, exécutée par-dessu
les murs, portes, toitures ou tonte autre clôture. »
Remarquez : ces mots toute entrée exécutée. Il suit de là que l'escalade n'est
qu'un mode d'introduction; celui qui se sert d'une échelle pour enlever les
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406 yiNGT-DBUXlÈMB LBÇ. — DBS GRIHBS BT DÉLITS, BTG. (n* 435).
plombs d'un toit ne commet donc pas nn vol atec escalade. Il faut, comme
TefiOraction, qoe Fescalade ait en lien dans un édifice, parcs u enclos. Toute-
fois, la jurisprudence a admis, en ce qui touche cette circonstance, qu'il n'est
pas nécessaire d'ajouter qu'elle a été commise dans tel on tel lieu, parce que
l'escalade suppose implicitement l'existence d'un lieu qui a pu être escaladé.
Le î<^ § de l'art. 397 assimile à cette circonstance aggravante l'entrée par une
ouverture souterraine.
« L'entrée par une ouverture souterraine, autre que celle qui a été établie pour
servir d'entrée, est une circonstance de même gravité que l'escalade. »
485. L'usage des fausses-clefs est placé sur la même ligne que reffiractlon et
l'escalade.
« Art. 398. Sont qualifiés fausses clefs, tous crochets, rossignols, passe-partout^
clef^ imitées, contrefaites, altérées, ou qui n'ont pas été destinées par le proprié-
taire, locataire, aubergiste ou logeur, anx serrures, cadenas ou aux fermetures
quelconques, auxquelles le coupable les aura employées, b
« Art. 399. Quiconque aura contrefait ou altéré des cleft sera condamné & un
emprisonnement de trois mois à deux ans, et à une amende de 25 à 150 fr. ^ Si
le coupable est un serrurier de profession, il sera puni d'un emprisouDement de
deux à cinq ans et d'une amende de 50 à 500 ft*. — Le tout sans préjudice de
plus fortes peines, s'il y échet, en cas de complicité de ce crime. »
Ce que la loi punit, c'est l'usage des fausses clefs : l'art 384 porté, en effet :
f S'ils ont commis le crime, soit à l'aide d'efifraction extérieure, ou d'escalade
ou de fiiusses clefs, dans une maison, appartement, chambre ou logement
habités ou servant à l'habitation, ou leurs dépendances; • ainsi la simple
possession de fausses clefs n'est pas un délit, car ce n'est qu'un acte prépara-
toire ; l'emploi seul tombe sous le coup de la loi comme acte d'exécution
du vol. La loi assimile aux fausses clefs celles qui n'ont pas été destinées
par le propriétaire aux serrures auxquelles elles ont été employées. L'exposé
des motifs explique cette assimilation en ces termes : « Une difficulté s'était
présentée dans les cours criminelles ; elles n'étaient pas d'accord sur la ques-
tion de savoir s'il fallait considérer comme vol fait à l'aide de fausses clefs
celui qu'on aurait commis avec des clefs non imitées, ni contrefaites ni altérées,
mais qui n'avaient pas été destinées aux fermetures auxquelles elles étaient
employées. Le CSode décide cette question et prononce l'affirmative. En effet,
détourner une clef de sa destination pour l'employer à commettre un crime
n'est autre chose que convertir une clef véritable en une fausse clef. En un mot,
toute clef n'est véritable que relativement à sa destination. La seule différence
que la loi admet entre cette clef dont il y a eu abus, et une clef contrefaite ou
altérée, est que celle-ci est toujours une fausse clef, et que la première ne le
devient qu'au moment qu'on l'emploie comme on aurait fait d'une clef contre-
faite. • Ces observations laissent en dehors une question qui n'est pas sans
intérêt. Si l'agent emploie, pour ouvrir la serrure, la clef même de cette serrure
qu'il a dérobée, y a-t-il usage d'une fausse clef ? On a dit que la destination
originaire d'une clef ne peut être réputée avoir continué d'exister, lorsque cette
clef a été égarée ou soustraite, que par conséquent l'usage qui en a été fait
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DU TOL (art. m). 407
pour commettre un vol constitue remploi d*ane braise clef. Mais n'est-ce pas
là sortir des termes de la définition légale ? Peut-on dire que la véritable def
d'une serrure, par cela qu'elle a été perdue ou dérobée, cesse d'être la clef de
cette serrure, cesse d'avoir été destinée à Touverture de cette serrure ? Le
frauduleux emploi qui en est fait ne change ni son caractère originaire ni sa
destination ; et comment faire à cet égard une nouvelle assimilation de
cette clef à une fausse clef, quand la loi a pris soin d'en faire une première et
8*est arrêtée là ? On peut ajouter que l'usage de la clef vraie ne décèle pas la
même criminalité, la même préméditation que l'usage d'une clef fausse ou
étrangère ; c'est parce que cette clef est dans ses mains que l'agent est en quel-
que sorte conduit à commettre le vol; c'est l'occasion qui est la cause impul-
sive de son action. Il y a quelque distance de là à la préparation d'un instrument
spécial en vue de la perpétration du voK Quant à l'art. 396, qui punit comme
un fait JiM generis une sorte de complicité du vol, il est clair que cette incrimi-
nation distincte ne peut enlever au fait de la fabrication des fausses clefs son
caractère propre : il n'est pas sans doute nécessaire que les clefs aient été fabri-
quées en vue de tel ou tel vol, et c'est pour éviter ce lien légal de complicité,
souvent difficile à établir, que la loi a édicté cette disposition particulière, mais
il importe du moins que la fabrication ait été faite avec la connaissance de la
fausseté des clefs et de leur frauduleuse destination. C'est là ce qui constitue
la criminalité de l'acte : si les clefs avaient été fabriquées en vue de tel ou tel
vol, œ serait un véritable acte de complicité.
486 . Le port éT armes est un mode d'exécution du vol qui en aggrave égale-
ment le caractère. Les art. 381, 382,383, 384, 385 et 386, n« 2, prononcent une
peine plus grave < lorsque le coupable ou l'un des coupables est porteur d'armes
apparentes ou cachées. » Cette seule possession d*armes par l'agent modifie le
caractère du vol, parce qu'elle suppose l'intention d'en faire usage ou du moins
de menacer de s'en servir.
437. La violence est la plus grave de toutes les circonstances qui se rattachent
à l'exécution du vol. On lit dans l'exposé des motifs: c La circonstance qui
aggrave le plus le vol est la violence, parce qu alors le crime ofTre tout à la fois
un attentat contre la personne et contre la propriété. Ainsi le vol fait avec vio-
lencoy quoique nulle autre circonstance n'existe et qu'il n'eût laissé aucune
trace de blessure, sera puni de la peine des travaux forcés à temps. » Le seul
emploi de la violence, indépendamment de toute autre circonstance, suffit donc
pour que le vol soit qualifié crime.
tt Art. 382. Sera puni des travaux forcés à temps, tout individu coupable de
vol commis à l'aide de violence. Si la violence à l'aide de laquelle le vol a été
commis a laissé des traces de blessures ou de contusions, cette circonstance suffira
pour que la peine des travaux forcés à perpétuité soit prononcée. »
n a paru logique et juste de considérer la violence comme une circonstance
assez aggravante pour motiver seule la peine des travaux forcés à temps. Cette
peine devient perpétuelle si les violences ont laissé des traces. U but entendre
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408 YINGT-DBUXIÈMB LEG. — DBB CRIHES BT ÛÈLIT8, ETC. (n*" 439).
par Tiolences toutes les voies de liait exercées oontre les personnes pour parve-
nir à la consomiBation da vol.
488. L'extorsion n'est pas autre chose qu'un vol commis avec violence ;
a Art. 400. Quiconque aura extorqué par force, violence ou contrainte, la signa-
ture ou la remise d'un écrit, d'un acte, d'un titre, d'une pièce quelconque, conte-
nant ou opérant obligation, disposition ou décharge, sera puni de la peine des
travaux forcés à temps. »
Le vol consiste dans la signature surprise ou contrainte, dans Ta sottstrac»
ti'on de l'obligation, de la disposition ou de la décharge. De là il suit qu*îl font
nécessairement que Técrit extorqué contienne obligation, disposition ou
décharge, car il n'y a pas de vol où il n^y a pas de préjudice. Toutefois, les
formes irrêguiières que peuvent avoir lés billets qui sont l'objet de l'extorsion
ne changent rien au caractère du crime, pourvu que, malgré l'état imparfait
de leur rédaction, lis soient susceptibles d'obligation.
489. La loi du 13 mai 1863 a ajouté à cet article un deuxième paragraphe^
ainsi conçu :
« Art. 400... 2« §. Quiconque, à l'aide de la menace écrite ou verbale de révé-
lations ou d'imputations diffamatoires, aura extorqué ou tenté d'extorquer, soit la
remise de fonds ou valeurs, soit la signature ou remise des écrits énumérés
ci* dessus, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de
SOà 1,000 fr.»
Yoici comment ce paragraphe additionnel a été expliqué : t A propos des
extorsions par violence ou contrainte qui sont réglées par l'art. 400, nous avons
cru devoir nous occuper d'un genre d'extorsion qui ne se commet pas par une
violence physique, mais qui s'accomplit au moins à l'aide d'une contrainte
morale. Le hasard, l'occasion, une confidence imprudente, nous ipitient quel-
quefois à des secrets qui intéressent le repos des citoyens, l'honneur des
familles, la paix du foyer domestique, et dont la révélation peut amener une
poursuite criminelle, ou occasionner un scandale. H se rencontre des hommes
assez vils pour profiter de la connaissance qu'ils ont de ces secrets et pour
menacer de les dénoncer ou de les répandre si on ne consent pas à acheter
leur silence. D'autres, plus éhontés, ne savent rien qui puisse compromettre
la personne qu'ils ont choisie pour victime, mais par des combinaisons astu-
cieuses ils l'entraînent dans une situation suspecte et difficile à expliquer, ils
font naître des circonstances d'où puisse résulter le soupçon d'une action hon-
teuse, et, menaçant d'exploiter de simples apparences, ils arrachent à la fai-
blesse et à la peur la rançon d'une calomnie dont ils promettent de s'abstenir.
C'est ce qu'on nomme vulgairement le chantage. Dans le premier cas, c'est le
chantage à l'aide de la menace de la révélation d'un fait vrai; dans le second
cas, c'est le chantage à l'aide de la menace de l'imputation d'un fait faux, n
parait difficile de ne pas voir un délit dans un abus aussi révoltant. »
Quels sont les éléments de ce délit? Il faut distinguer la manœuvre fraudu-
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DB l'bxtobsion (art« 3ftl). 409
10086 qui prépare le délit et le fait matériel qui le constitue. La manœuvre,
c'est la menace écrite ou verbale de révélation ou d'imputation diffamatoire ;
le fait matériel, c'est l'extorsion qui conduit à la remise d'une somme d'argent
ou d'un titre obligatoire. On aperçoit aisément ces deux éléments quand le
fait se consomme ; cela est plus difficile quand il s'arrête à la tentative. C'est la
seule menace qui suffira pour la constituer. U faut prendre garde cependant
que cette menace ne peut être incriminée qu'autant qu'elle a pour but l'extor-
sion; il ne faut pas la séparer de ce but qu'elle poursuit et dont elle n'est
qu*un acte préparatoire. Or qu'est-ce que l'extorsion ? C'est un vol qui s'accom»
plit à l'aide de violence. La menace doit donc avoir pour objet direct de voler
soit une somme d'argent, soit un titre obligatoire. C'est là ce qui lui donna
son caractère et sa criminalité.
440. Le 4* § de Fart. 381 prévoit le vol commis à l'aide d'an faux titre, d'un
faux costume ou d'un faux ordre. Cette fraude, qui facilite l'introduction dans
la maison pour consommer le vol, est assimilée par la loi à l'escalade et à
l'eUraction. Elle n'aggrave donc le vol que lorsqu'elle est jointe à la circons*^
tance de maison babitée.
441 Je viens de parcourir toutes les circonstances qui, soit isolées, soit
réunies l'une à l'autre, aggravent la crimininallté du vol. Il me reste à prévoir
le cas où ces différentes circonstances concourent à la fois à l'aggravation de
ce délit.
c Art. 381. Seront punis des travaux forcés à perpétuité, les individus coupables
de vols commis avec la réunion des cinq circonstances suivantes : « 1* si le vol a
été commis la nuit ; — 2? s'il a été commis par deux ou plusieurs personnes ; —
3* si les coupables ou l'un d'eux étaient porteurs d'armes apparentes ou cachées ;
^ 4* s'ils ont commis le crime, soit à l'aide d'effraction extérieure ou d'escalade
ou de fausses clefs, dans une maison, appartement, chambre ou' logement habités
ou servant à l'habitation, ou leurs dépendances, soit en prenant le titre d'un fono»
tionnaire public ou d'un officier civil ou militaire, ou après s'être revêtus de l'uni-
forme ou du costume du fonctionnaire ou de Tofficier, ou en alléguant un faux
ordre de l'autorité civile ou militaire; — 5"* s'ils ont commis le crime avec violence
ou menace de faire usage da leurs armes. *
Le Code de 1810 portait la peine de mort : le vol avec les cinq circonstances-
avait paru au législateur de cette époque devoir être mis au même rang que
l'assassinat. La loi du 28 avril 1832 a remplacé cette peine par celle des tra-
vaux forcés à perpétuité. La raison de cette substitution,, alléguée par l'exposé'
des motifs, est que la loi qui punit de mort le vol accompagné de la réunion
«de plusieurs circonstances aggravantes de meurtre fait courir un danger de
plus à celui dont la propriété àeule est attaquée : le coupable, n'ayant pas une
plus grande peine à redouter, pourra donner la mort pour se débarrasser d'uu
témoin. Cette raison avait été alléguée depuis longtemps par toiis les publi*
cistes, depuis Jean Bodin, et particulièrement par Montesquieu et Beccuria.
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410 VlNGT-TROISlàtfS LEÇ. — DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (n* 443).
yingt-troisiIeme leçon.
448. Je comprendrai dans cette leçon tontes les fraudes qni produisent, par
des moyens on manœuvres moins coupables, les mômes effets que le vol, puis-
qu'elles tendent à spolier la propriété d'autrui. Je dis que ces fraudes sont
moins criminelles que le vol, d*abord, parce que leurs moyens d'exécution
supposent une moindre audace, ensuite parce qu'il est plus facile de les déjouer
et de s*en garantir. Le vol dont nous venons de parcourir toutes les espèces
est, en général, une attaque violente et imprévue, il attente à la propriété à
rinsn du propriétaire ou malgré sa résistance, il s'en empare audacieusement
par surprise ou par force.
Les fraudes que nous allons examiner maintenant ont un tout autre carac-
tère : c'est par la ruse qu'elles procèdent et non par la violence ; au lieu de sous-
traire l'objet qu'elles convoitent, elles se le font remettre; elles prennent la
peine de circonvenir et de tromper le propriétaire au lieu d'agir à son insu ;
elles s'attaquent à sa confiance elle-même, au lieu de s'attaquer aux ferme-
tures de sa maison. Tels sont les banqueroutes, les escroqueries, les abus de
confiance, les abus de blanc-seing, les contraventions aux règlements sur les
maisons de jeu et les maisons de prêt sur gages, les entraves apportées à la
liberté des encbères et toutes les fraudes relatives au cosmierce.
DES BANQUEROUTBS.
4S4. Le Gode pénal en cette matière se borne à poser une peine et se réfère
au Gode de commerce pour les conditions de l'incrimination et la définition
du délit :
t Art. 402. Ceux qui, daps les cas prévus par le Gode de commerce, seront
déclarés coupables de banqueroute, seront punis ainsi qu'il suit : les banquerou-
tiers (Vauduieux seront punis des travaux forcés à temps ; — les banqueroutiers
simples seront punis d'un emprisonnement d'un mois au moins et de deux ans au
plus. »
a Art. 403. Ceux qui, conformément au Code de commerce, seront déclarés
complices de banqueroute frauduleuse, seront punis de la môme peine que les
banqueroutiers frauduleux. »
Reportons-nous donc au Gode de commerce pour connaître les faits consti-
tntifs de la banqueroute simple et de la banqueroute frauduleuse. La banque-
route est la situation d'un commerçant dont la faillite a été précédée ou suivie
soit de fautes graves, soit d'actes frauduleux. Elle est simple dans le premier
cas et frauduleuse dans le second. Mais, dans l'une et l'antre bypotbèse, deux
conditions sont indispensables pour qu'elles puissent exister : il faut que l'agent
ait la qualité de commerçant et qu'il soit en état de faillite. Ges deux conditions
sont formellement exigées par la loi: l'art. 585. G. com. porte : « Sera déclaré
banqueroutier simple tout commerçant failU qui se trouvera dans les cas sui-
vants... • L'art. 591 du même Gode porte également: « Sera déclaré banque-
routier frauduleux tout commerçant failli qui aura soustrait, etc. • Ainsi, la
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DB LA. BAKQUBROirrB (aRT. 586). 411
iMOiqueroiite Bimple ou frauduleiise est tm délit on crime spécial qui ne peut
être commis que par des penonnes commerçantes en état de faillite. Ici se
présentent deux questions : qu*est>ce qu'un commerçant? qu'est-ce que Fétat
de £GdIlite? Vous en avec déjà trouvé la solution dans le Gode de commerce.
L*art. 1*' de ce Gode définit les commerçants c ceux qui exercent le commerce
et qui en font leur profession habituelle. » Et Tart. 437 ajoute que • tout com-
merçant qui cesse ses payements est en état de faillite. •
444. Les faits constitutifs de la banqueroute simple sont énumérés dans
les art. 585 et 586 du Gode de commerce.
« Art. 585. Sera déclaré banqueroutier simple tout commerçant failli qui se
trouvera dans un des cas suivants : ^ 1* si ses dépanses personnelles ou les
dépenses de sa maison sont jugées excessives; — 2*" s'il a consommé de fortes
sommes, soit à des opérations de pur hasard, soit à des opérations fictives de
bourse ou sur marchandises ; •» 3"* si, dans rintention de retarder sa faillite, il a
fait des achats pour revendre au-dessous du cours ; si, dans la même intention,
il s*est livré à des emprunts, circulation d'effets ou autres moyens ruineux de se
procurer des fonds ; ^ 4* si, après cessation de ses payements, il a payé un créan-
cier au préjudice de la masse »
« Art. 586. Pourra être déclaré banqueroutier simple tout commerçant failli qui
se trouvera dans un des cas suivants : — l** s'il a contracté pour le compte d'au-
trui, sans recevoir des valeurs en échange, des engagements jugés trop considé-
rables en égard à sa situation lorsqu'il les a contractés ; — 2* s'il est de nouveau
déclaré en faillite sans avoir satisftût aux obligations d*un précédent concordat ;
— 3* si, étant marié sous le régime dotal, ou séparé de biens, il ne s'est pas con*
formé aux art. 69 et 70; ^ 4* si, dans les trois Jours de la cessation de ses paye-
ments, il n'a pas fait au greffe, la déclaration exigée par les art. 438 et 439, ou si
cette déclaration ne contient pas les noms de tous les associés solidaires ; — > 5* si,
sans changement légitime, il ne s'est pas présenté en personne aux syndics dans
les cas et dans les délais fixés; ou si. après avoir obtenu un sauf-conduit, il ne
s'est pas présenté à la justice; — 6** s'il n'a pas tenu de livres et fait exactement
inventaire ; si ses livres ou inventaires sont incomplets ou irrégulièrement tenus,
ou s'ils n'offrent pas sa véritable situation active ou passive, sans néanmoins quMl
y ait fraude. »
Je ne ferai sur ces deux articles que deux observations générales. Et pre-
mier lieu, ils divisent en deux séries les faits de banqueroute simple, avec
cette formule diverse que les premiers seront poursuivis et que les autres
pourront être poursuivis. Gette distinction sépare donc les cas où la banque-
route simple doit être déclarée de ceux où elle peut l'être. Quel est le but d'une
telle formule? Il me semble qu'elle est parfaitement inutile, puisque les juges
ne sont jamais enchaînés par la poursuite et que, lorsqu'il s*agitd*un délit,
ils doivent toujours en apprécier, non-seulement les éléments matériels, mais
la moralité. Notre seconde observation est que, en matière de banqueroute
simple, il ne faut pas confondre l'absence de la fraude et l'absence de la
volonté. Ge délit ne suppose pas un acte frauduleui, mais il suppose une faute
grave ; or, toute faute admet nécessairement le concours de la volonté, de
l'intention. Donc ce n'est point une infraction exclusivement matérielle; elle
ne se constitue que par le double élément d'un fait matériel et d'une inten-
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4t2 YINGT-TROISIÈICE LBÇ. — BBS GRIMBS ST DÉLITS, ETC. (n*" 446).
Uon répréhdnsible. U est done néoessaire^ en appréciant chacon des faits qui
peavent fonder le délit, de rechercher, eu dehors du fait Ini-méme ou phitôt
dans les éléments qui le composent, l'existence de cette volonté qui ooDstitoe
lafaQte et que la loi a voula incriminer, en classant cette infirâiction parmi
les délits.
445. Les cas de banqueroute frauduleuse sont énumérés dans Fart. 591 dn
Gode de commerce :
« Art. 591. Sera déclaré banqueroutier frauduleux et puni des peines poitées au
Cîode pénal, tout commerçant failli qui aura soustrait ses livres, détourné ou dis-
simulé une partie de son actif, ou qui, soit dans ses écritures, soit par ses actes
publics ou des engagements sous signature privée, soit par son bilan, se sera frau-
duleusement recounu débiteur de sommes qu'il ne devait pas. »
Ici, ce qui constitue le crime, cen*est plus seulement une fante grave, c'est
la fraude, c'est la mauvaise foi, c'est l'intention de spolier les créanciers. Cha*
cun des faits constitutifs, la soustraction des livres, le détournement ou la dis-
simulation de l'actif, la reconnaissance des dettes supposées, admet en lui-
même une formule qui peut causer un préjudice aux tiers. Il importe peu quo
ces faits soient antérieurs ou postérienrs à l'ouverture de la faillite; ils peuvent
produire les mêmes effets, ils ont le même caractère. U faut seulement qu'ils
rentrent strictement dans les termes de l'art. 591 .
446. Les complices de banqueroute fraudulense, que punit (l'art. 403 do
Gode pénal, sont énnmérés par Part. 593 du Gode de commerce :
« Art. 593. Seront condamnés aux peines de la banqueroute flranduleuse : — >
1* les individus convaincus d'avoir, dans l'intérêt du floiilli, soustrait, recelé ou
dissimulé tout ou partie de ses bleus, meubles ou immeubles ; le tout sans préju-
dice des autres cas prévus par l'art. 60 du Gode pénal ; — 2« les individus con-
vaincus d'avoir frauduleusement présenté dans la-faillite et affirmé, soit en leur
nom, soit par interposition de personnes, des créances supposées; --3* les indivi-
dus qui, faisant le commerce sous le nom d'autrui, se seront rendus coupables des
faits prévus en Tart. 591. »
Une première observation que suscite cet article est la réserve des autres
cas de complicité prévus par l'art. 69 du Gode pénal. G'est donc dans cet arti*
de 60 que se trouvent en général les éléments de cette complicité. Ainsi, tous
les actes soit de provocation, soit de fourniture de moyens, soit d'aide et d'as-
sistance, prévus par cet article, peuvent être incriminés à titre d'actes decom*
plicité de la banqueroute frauduleuse. Ainsi le défaut d'intention criminelle
de l'auteur principal ne fait pas obstacle à la poursuite et à la condamnation
du complice. Mais, à côté de ces actes généraux, la loi a cm devoir incriminer
à part certains actes spéciaux qui font l'objet de l'art. 593; le but de cette
incrimination distincte a été d'éviter la preuve, souvent difficile, d'un concert
frauduleux entre le failli et les tiers. Ges derniers peuvent donc être inculpés
séparément à raison de l'acte de détournement qu'ils ont commis, et sans
aucune relation avec le crime principal. L'art. 594 contient, toutefois, une
exception à ces dispositions, lorsqu'il déclare que le conjoint, les ascendants*
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Di l'bbcroqubrib* 413
•oa descendants du hïUk oaseetlliéfl anxmômes degrés qui anraieat détourné»
dévasté on recelé des effets appartenant à la faillite, sans avoir agi de compli-
cité avec le failli, seront punis des peines du vol. »
447. Vous trouverez daos Tart. 404 du Cîode pénal une circonstance aggra-
vante de la banqueroute simple et frauduleuse.
a Art. 404. Les agents de change et courtiers qui auront fait faillite seront
punis de la peine des travaux forcés à temps : s'ils sont convaincus de banque-
route frauduleuse, la peine sera celle des travaux forcés à perpétuité. »
Les agents de change et courtiers qui font faillite violent la règle de leurs
fonctions qui leur défend (art. 85 et 86 du Gode de commerce) de se livrer à
aucun acte de commerce, et aggravent ainsi l'état de faillite où ils se sont
placés. La même raison d'aggravation s'applique nécesairement à la banque-
route frauduleuse.
DE L'ESCnOQUERIB.
448. L'escroquerie est l'un des délits dont la poursuite et la constatation
donnent lieu à plus de difficultés. Il importe d'en discerner avec soin les élé-
ments, pour poser une limite précise entre la fraude qu'il saisit et les autres
fraudes qui échappent à la loi pénale. L'art, du titre II delà loi du 16-22
juillet 1791 était ainsi conçu :
« Ceux qui, par dol ou à l'aide de foux noms ou de fausses entreprises, ou d'un
crédit imaginaire, ou d*espérances et de craintes chimériques, auraient abusé de
la crédulité de quelques personnes, et escroqué la totalité ou partie de leur for-
tune, seront poursuivis devant les tribunaux de district; et, si l'escroquerie est
prouvée, le tribunal de district, après avoir prononcé les restitutions et les dom-
mages-intérêts» est autorisé à condamner, par voie de police correctionnelle, à
une amende qui ne pourra excéder 5,000 livres et à un emprisonne ment qui ne
pourra excéder deux ans. »
L^incriminatîon vague et indéterminée de cet article donna lieu à de multi-
ples poursuites: Qu'est-ce^ en effet, que le dol? Toutes les fraudes ne sont-elles
pas comprises dans ce mot ? La jurisprudence essaya, avec quelque peine, de
poser une distinction entre le dol civil et le dol criminel: le premier, qui ren-
ferme tous les mensonges, toutes les similations, toutes les exagérations de
prix ou de valeur, a pour principal objet de servir les intérêts de celui qui sti-
pule. L'autre qui, à côté des mensonges et des simulations, place les manœu^
vres et les artifices, a pour principal objet de nuire aux intérêts d*autrui. Le
4ol civil n'est qu'une ruse commerciale, blâmable sans doute, mais dont il est
facile de se préserver et que la loi n'aurait pu incriminer sans préjudicier au
commerce lui-même. Le dol criminel est une fraude plus ou moins habilement
tissue pour tromper autrui et pour le dépouiller. L'exposé des motifs du Gode
a clairement établi cette distinction : c On a tâché, dans la nouvelle définition
de ce qui constitue ledélit d'escroquerie, d*éviterles inconvénients qui étaient
résultés des rédactions précédentes. Celle de la loi du 16-22 juillet 1791 était
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414 VINGT-TROISIÈME LEÇ. — DBS CRIIIB8 BT DÉLITS, ETC. (n* 449).
conçue de manière qu'on en a souvent abusé, tantôt pour convertir les procès
civils en correctionnels, ^^t par là procurer à la parUe poursuivante U preuve
testimoniale et la contrainte par corps, au mépris de la loi générale, tantôt
pour étudier la poursuite de faux en présentant Taffaire comme une simple
escroquerie, et par là procurer au coupable une espèce d'impunité, au grand
préjudice de Tordre public. Cet abus cessera sans doute d'après la rédaction
du nouveau Code. La suppression du mot dol» qui se trouvait dans la pre-
mière rédaction, ôtera tout prétexte de supposer qu'un délit d'escroquerie
existe par la seule intention de tromper. En approfondissant les sources de la
définition, on verra que la loi ne veut pas que la poursuite en escroquerie
puisse avoir lieu sans un concours de circonstances et d'actes antécédents qui
excluent toute idée d'une atlaire purement civile, i
449. L'art. 405 est ainsi conçu :
a Art. 405. Quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qua-
lités, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence
(le fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, ou pour faire naître
l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement
chimérique, se sera fait remettre ou délivré ou aura, tenté de se faire remettre ou
délivrer des fonds, des meubles ou des obligations, dispositions, billets, promesses,
quittances ou décharges, et aura, par un de ces moyens, escroqué ou tenté d'es-
croquer la totalité ou partie de la fortune d'autrui, sera puni d'un emprisonne-
ment d'un an au moins et de cinq ans au plus, et d'une amende de 50 fr. au moins
et de 3,000 fr. au plus. »
Il résulte de ce texte que deux faits principaux sont nécessaires pour con-
stituer le délit: les moyens frauduleux employés pour la délivrance des valeurs
et cette délivrance elle-même. Les moyens sont 1® l'usage de faux noms ou
de fausses qualités ; 2<* remploi des manœuvres frauduleuses qualifiés parla loi.
L'usurpation de faux noms ou de fausses qualités peut être un crime de
faux, lorsque le faux nom est pris par écrit et lorsque la fausse qualité donne
ouverture à un droit qui en est la conséquence. Mais lorsque cette usurpation
n'est qu'une allégation mensongère destinée à tromper un tiers sur la situation
de l'agent et à le revêtir d'un crédit fallacieux, ce n'est là qu'une manœuvre
constitutive de l'escroquerie. Est-il nécessaire que cette usurpation ait pour
objet de persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un
crédit imaginaire, etc. ? Les expressions manœuvres frauduleuses, qui ont
été substituées, dans Tart. 402, au motdo/dont le sens était trop général et trop
vague, n'ayant pas elles-mêmes une signification assez précise pour que l'ap-
plication n'en pût pas devenir arbitraire, il a été dans la prévoyance du légis*
lateur de fixer les cas où cette application doit être faite, en déterminant dans
quel objet ces manœuvres doivent être employées pour qu elles puissent former
une circonstance élémentaire du délit d'escroquerie ; mais l'usage d'un faux
nom ou d'une fausse qualité portant toujours sur un fait simple qui ne peut
être susceptible de différentes interprétations, n'a dû être caractérisé que par
relTet qui peut en être résulté, c'est-à-dire par la confiance qu'il a inspirée et
par Tabus qni a été fait de cette confiance en provoquant la remise frauduleuse
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m L'BflcnoQtmuB (art. 40â). 415
des fonds et Taleon. U s'ensuit que le membre de phrase de l'art. 405, dont les
termes sont c pour persuader Tezistence de fiansses entreprises, d'un pouvoir
ou d'un crédit imaginaire, ou pour &ire exister Tespérance on la crainte d'un
succès, d*uo accident onde tout autre événement chimérique, • ne se rapporte
qu'à l'emploi de manœuvres frauduleuses, et non à l'usage d'un faux nom ou
d'une fausse qualité. .
450. Les manœuvres frauduleuses sont les moyens employés pour surprendre
la confiance des tiers. Mais quels sont ces moyens 7 Que faut-il entendre par
manœuvres 7 Les mensonges, les promesses, les réticenoes ne suffisent pas ;
les manœuvres supposent une combinaison de faits plus puissante que le
simple mensonge, et capable d'agir avec plus d'efficacité sur l'esprit des
hommes. Il faut ensuite que ces manœuvres soient frauduleuses, c'est-à-dire
que l'agent sache qu'il en impose par ses promesses, par ses entreprises, par lei
espérances qu'il donne, en un mot, qu'il soit de mauvaise foi : car s'il croit
réellement à la vérité des espéraoces qu'il donne, s'il accorde aux idées chimé-
riques qu'il exprime une pleine foi, il est sa propre dhpe en même temps
qu'il trompe les autres, ou plutôt il ne trompe pas, il ne fait que communiquer
des rêves mensongers. Enfin, il faut que les manœuvres aient pour but soit de
persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit ima-
ginaire, soit de faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident
ou de tout autre événement chimérique. G est là la spécialisation des manœuvres
incriminées ; ce sont celles-là seulement et non les autres que la loi a voulu
punir. Ainsi, par exemple, l'emploi de faux poids ou de fausses mesures par
un chef d'atelier, afin de tromper les ouvriers sur la tâche qu'ils ont faite, et
pour les moins rétribuer, ne constitue point une manœuvre qui ait pour objet
de fmre naître dans leur esprit la croyance d'un pouvoir imaginaire ou l'espé-
rance d'un événement chimérique, et par conséquent ne peut être un élément
d'escroquerie*
451. Le second élément du délit est la remise ou délivrance des fonds ou
valeurs ; c'est cette remise qui constitue réellement l'escroquerie en la sépa-
rant des fraudes légères et de toutes les manœuvres vagues qui n'ont pas un
effet déterminé. C'est cette remise qui prouve la puissance des laits incriminés,
puisqu'ils ont pu provoquer la confiance des tiers. Les manœuvres frauduleuses
sont la cause, et la délivrance est l'effet. Cette délivrance est donc l'un des
éléments du délit, elle constitue, non sa consommation, mais son existence
même. £llo est par conséquent commune à l'escroquerie et à la tentative
d'escroquerie.
452. Les objets dont les manœuvres ont procuré la remise sont, aux termes
de la loi, des fonds^ dei meubles au des obligatûms, des dispositions^ billets^ pro-
messes, quittances ou déckargea. Delà il suit d'abord que l'escroquerie, comme
le vol, ne s'applique qu'aux choses mobilières. Mais quand ces choses sontdes
actes, des conventions, il faut prendre garde s'il s'agit de leur simple remise
ûu consentement même qui les réalise. Il n'est pas douteux que la délivrance
d'un acte de prêt, ou d'un acte de vente renfermant une stipidation du prix ne
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416 VINaT-TROISIÈMB MÇ. — DBS CRIMBS ET DÉLITS, ETC. (n^ 458).
rentre dans la remise des valears de toute nature énoncées dans l'art. 405.
Mais si les manœuvres ont eu pour objet de faire souscrire l'acte lui-même, la
poursuite du délit sera soumise à une question préjudicielle. En matière de
conTention, en efifôt, il est de principe que les obligations doivent être rédi-
gées par écrit, lorsqu'elles excèdent la somme de 150 fr. et qu'on ne peut
omettre aucune preuve testimoniale contre les stipulations qui y sont con*
tenues (art. 1341 du Gode civil). La preuve de la fraude ne pourrait donc être
faite contre l'acte lui-même devant la juridiction correctionnelle, {^ à moins
qu'il n'y eût un commencement de preuve par écrit qui vint à l'appui des allé-
gations des plaignants; 2* à moins que la fraude ne résidât, non dans le con-
trat lui-même, mais dans les faits extrinsèques au contrat et dans les manœu-
vres antérieures pour amener sa signature et sa remise.
453. Il faut enfin distinguer, pour terminer Texplication de cette matière,
si les valeurs remises à Tagent ont été par lui dissipées ou ne Vont pas été, en
d'autres termes, si le délit a été consommé ou ne Ta pas été. La délivrance, en
effet, ne consomme pas le délit, c*est l'abus, c'est-à-dire le détournement ou
la dissipation, qui le consomme. Mais cette distinction, néanmoins, n'a pas
une grande importance, puisque l'art. 405 punit celui qui a eteroqué ou tenté
^escroquer, c'est-à-dire celui qui s'est fait remettre les valeurs, soit qu'il les
ait ensuite dissipées ou non; s'il les a dissipées, l'escroquerie est coi|sommée;
si elles sont encore dans ses mains, ce n'est qu'une tentative d'escroquerie.
La peine, dans la loi, est la même dans les deux cas ; c'est aux juges à tenir
compte, dans la distribution de cette peine, des circonstances qui ont prévenu
le détournement.
Mais la loi du 13 mai 1863 a fait à l'art. 405 une addition qui modifie cette
dernière solution : elle a ajouté après les mots : « se sera fait remettre ou
délivrer... • ceux-ci : * ùuixara tenté de u faire remettre ou délivrer, b Le rapport
du Corps législatif explique cette addition en ces termes : f La Cour de cas-
sation a induit du texte de l'art. 405, que la remise des valeurs est une des
conditions constitutives du délit, mais qu'elle ne le consomme pas, que la con-
sommation ne résulte que de la dissipation des fonds délivrés, et que les
manœuvres ne constituent une tentative punissable que lorsqu'elles ont été
suivies de la remise effective des valeurs. Il faut reconnaître que cette juris-
prudence emprunte une grande force au texte de Tart. 405, qui ne punit la
tentative d'escroquerie que lorsqu'elle a été commise par les moyens qui y sont
énumérés, moyens qui comprennent à la fois les manœuvres et la remise des
fonds. Aussi la doctrine l'approuve assez généralement en &isant remarquer
que l'escroquerie est un délit de fourberies et de ruses, qui se compose de
&its vagues et incertains, dont la moralité est difficile à apprécier, et que la
tentative ne doit en être punie que lorsqu'elle prend un caractère précis et sai-
sissable, c'e8t-à-4ire lorsque la remise des fonds a été effectuée. Cependant,
appelés à statuer législativement sur cette question, nous ne pouvons pas con-
fondre les manœuvres, qui sont les moyens employés par l'escroquerie, avec
la remise des valeurs, qui est le but même qu'elle poursuit. S'il est vrai qu'il
soit difficile d'apprécier le cardctère criminel des manœuvres, tant qu'elles
n'ont pas abouti à la remise des fonds, toute la conséquence à en tirer serait
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Ds l'abus db OHmANCB (art. 40€)« 417
que la tentative d'escroquerie n'est pas punissable. H est cependant -des cad
'dans lesqœls les manœuvres ont 6t6 si diverses, si précises, poussées si loin,
qu'il serait impossible de se refuser à les trouver criminelles, alors ménle que
la remise des fonds ne les aurait pas suivies. Ne peut-on pas, pour la tenta»
tive de ce déUt comme pour toutes les autres, s'en rapporter à la prudence des
iribunaux qui ne devront la reconnaître que lorsqu'elle se sera manifestée par
un commencement d^exécution sérieuse et saisissable, et qu'elle n*a manqué
son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur?
« Remarquez qu'en ajoutant dans Particle les mots additionnels que nous
avons signalés, la loi n'a rien changé d'ailleurs à son texte et a maintenu par
conséquent toutes les conditions du délit. Ainsi, Tarticle nouveau, aussi bien
que Tancien, définit le délit d'escroquerie ou de tentative de ce délit, Taction
dé celui qui, après avoir employé les manœuvres qui y sont énumérées, se sera
fait remettre ou délivrer, ou aura tenté de se faire remettre ou délivrer les
fonds ou valeurs, et la loi ajoute : « Et aura par un de ces moyens escroquéou
tenté d'escroquer la totalité ou partie de la fortune d'autrui. • La tentative de
se faire remettre doit donc être à la fois une tentative de détournement. Elle
n'est punissable qu'autant qu'elle est faite en vue de l'escroquerie, en vue de
l'appropriation. La loi exige une double tentative pour obtenir la remise, pour
arriver à la consommation du délit, tentative de se faire remettre les fonds et
tentative de les escroquer ou, en d'autres termes, il faut qoe l'agent ait employé
les manœuvres frauduleuses pour se faire remettre les fonds avec le but de
les escroquer.
DE l'abus de confiance COMinS ENVERS LES MINEURS.
454. L'art. 406 a pour but de protéger la faiblesse des mineurs contre les
ruses et les fraudes des usuriers et des prêteurs sur gages. L^exposé des motifs
explique cette disposition en ces termes : c Le Gode renferme plusieurs dis-
positions nouvelles sur les abus de confiance. L'une atteint ceiix qui auront
abusé des besoin^, des faiblesses ou dçs passions d'un mineur, pour lui faire
souscrire des actes préjudiciables à ses intérêts. Depuis longtemps on gémis-
sait de voir que cette espèce de corrupteun^ de la jeunesse pouvait impuné-
ment ruiner les fils de tBimille. E9 vain le Gode civil déclare que la sim-
ple lésion donne lieu à la rescision en faveur du mineur émancipé contre
toutes sortes de conventions. Ges hommes sans pudeur se font payer plus
cher leurs avances, à raison des risques qu'ils courent; ils prennent toutes les
précautions pour éluder l'application delà loi civile. Mais la crainte d'une peine
correctionnelle pourra les retenir, et les jennes gens ne trouveront plus autant
de facilité à se procurer des ressources désastreuses pour leur fortune et quel*
quefois plus funestes encore sous le rapport des mœurs.»
« ÂBx. 406. Quiconque aura abusé des besoins, des fojiblesses ou des passions
d'un mineur, pour lui faire souscrire, à son préjudice, des obligations, quittances
ou décharges, pour prêt d'argent ou de choses mobilièreSf ou d'effets de commerce,
ou de tous autres effets obligatoires, sous quelque forme que cette négociation ait
été faite ou déguisée, sera puni d'un emprisonnement de deux mois au moins, de
deux ans au plus, et d*une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions
II.
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(^ocJgle
418 YINGT-TROISliM LBÇ. — DJK CaiMES BT DÉLITS, ETC. (n"" 455).
et des dommogea-intéréts qui sont dus aux parties lésées, ni être moindre de
25 francs. »
n résulte de cette disposition que^ pour Texistence du délit, il faut 1" que
l'agent ait abusé des besoins, des faiblesses ou des passions d'un mineur: c'est
dans cet abus que consiste la criminalité du fait. Gomment doit-il être opéré f
La loi ne le dît pas; elle a laissé l'appréciation de l'abus à la discrétion du juge.
Il y a lieu de remarquer qu'il ne s'agit pas ici, à proprement parler, d'un abus
de confiance, car il importe peu que le mineur ait vu ou n'ait pas vu la fraude ;
ce sont ses faiblesses, ses passions, ses besoins qui ont été exploités. %^ Que le
mineur ait été amené à souscrire des obligations, quittances ou décharges. It
suit de là que les obligations écrites sont les seules que la loi ait prévues ; les
obligations purement verbales ne rentrent pas dans ses termes. Il suit encore
que les obligations souscrites doivent avoir pour objet un prêt de choses
mobilières ou d'effets négociables. 3^ Enfin que les obligations soient sous-
crites au préjudice du mineur. C'est contre cette lésion que la loi a voula
défendre son inexpérience. Si donc il ne résultait de l'acte aucun préjudice, le
délit n'existerait plus, il n'aurait plus de base.
D£ L'ABUS DU BLANG-SBINO.
455. Le blanc-seing est une signature donnée en blanc, c'est-à-dire sur un
papier blanc, pour approuver une écriture convenue à l'avance et qui n'y est-
pas encore placée. L'abus de blanc*seing consiste donc dans la suscription
au-dessus de cette signature d'une écriture, c'est-à-dire <i*une obligation autre
que celle qui avait été convenue.
a Abt. 407. Quiconque, abusant d'un blanc-seing qui lui aura été confié, aura
frauduleusement écrit au-dessus une obligation ou décharge, ou tout autre acte
pouvant compromettre la personne ou la fortune du signataire, sera puni des
peines portées en l'article 405. — Dans le cas où le blanc-seing ne lui aurait pas^
été confié, il sera poursuivi comme faussaire et puni comme tel. »
Si cette disposition n'existait pas, l'abus de blanc-seing constituerait un
véritable faux, car il consiste dans une supposition ou une contrefaçon d'acte.
Mais le législateur Ta rangé dans la classe des délits toutes les fois que le
blanc-seing a été confié à celui qui en a abusé ; car, dans ce cas, cette con-
fiance imprudente a été la source de la falsification, et la personne lésée doit
s'imputer la faute qu'elle a commise et la perte dont il lui était si facile de se
préserver. L'abus demeure rangé dans la classe des faux toutes les fois que le
blanc-seing n'a pas été confié à l'agent. Le premier point à discerner en cette
matière est donc de savoir si le blanc-seing a été ou n'a pas été confié à la
personne qui en a abusé. U n'est réputé avoir été confié que lorsqu'il a été
remis à cette pei-sonne à titre de blanc-seing et avec le mandat d'en faire un
usage déterminé.
Lorsque le blanc-seing a été confié, l'abus consiste, ainsi que je viens de le
dire, dans l'inscription frauduleuse d'un acte au-dessus de la signature. De là
deux conséquences. U faut qu'il y ait intention frauduleuse, c'est-à-dire inten-
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DE LABU8 DE CONFIANCE (aRT. 408). 419
tion de faire usage de l'acte ainsi fabriqué. Peu importe que cet usage ait été
consommé ; mais il est clair que Tabus ne peut consister dans la seule fabri-
cation qu'en prouvant que cette fabrication ayait pour but l'exploitation môme
de l'acte, car, si cette intention n'existe pas, il n*y a plus de fraude. Il faut, en
second lieu^ que l'acte frauduleusement inscrit soit de nature à porter préju-
dice : c'est ce qui résulte de ces termes de la loi : f une obligation ou décharge,
ou tout autre acte pouvant compromettre la fortune ou la personne du signa-
taire. 9 Remarquez ces deux conditions, la fortune ou la pêrs<mne. Toutes les
obligations qui peuvent donner lieu à une perte matérielle rentrent dans la
première ; tous les écrits qui peuvent'compromettre l'honneur ou la réputation
du signataire rentrent dans la seconde.
DB l'abus DB confiance RÉSULTANT DU DÉTOUANCHENT D'oBJETS CONFIÉS •
456. L'espèce de fraude que prévoit l'art. 408 est demeurée pendant long-
temps dans la classe des dois civils qui peuvent donner lieu à des dommages-
intérêts, mais qui ne motivent TapplicatioD d'aucune peine. Ce n'a pas été sans
hésitation que le législateur s'est hasardé à chercher dans la violation de
certains contrats les éléments d'un délit, et par conséquent la base d'une
poursuite criminelle. Les difficultés que cette matière a soulevées ont montré,
en effet, qu'il n'est permis à la loi pénale d'y pénétrer qu'avec une extrême
prudence.
L'art. 29, titre II, du Code de 1791, ne punissait que la violation du contrat
de dépôt. L'art. 408 du Gode pénal ajouta le détournement d'objets remis pour
un travail salarié à la charge d'en faire un emploi ou usage déterminé. La loi
du 28 avril 1832 a étendu l'incrimination au détournement d'effets remis à titre
de louage, de mandat ou pour un travail non salarié ; celle du 13 mai 1863 à
l'abus du nantissement et du prêt à usage.
« Art. 408. 'Quiconque aura détourné ou dissipé, au préjudice des propriétaires,
possesseurs ou détenteurs, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou
tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient
été remis qu'à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à
usage, ou pour un travail salarié ou non salarié, à la charge de les rendre ou
représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé, sera puni des peines
portées dans l'art. 406. — Si Tabus de confiance prévu et puni par le précédent
paragraphe a été commis par un officier public ou ministériel, ou par un domes-
tique, homme de service & gages, élève, clerc^ commis, ouvrier, compagnon ou
apprenti, au préjudice de son maître, la peine sera celle de la réclusion. — Le
tout sans préjudice de ce qui est dit aux art. 254, 255 et 256, relativement aux
soustractions et enlèvements de deniers, effets ou pièces, commis dans les dépôts
publics. A
Ce texte soulève plusieurs questions : Que faut-il entendre par détourne-
ment ou dissipation ? Quels sont les objets dont le détournement peut être
incriminé? Quels sont les contrats dont la violation constitue l'iibus puni par
la loi ?
467. Les mois déUmmer ou dùsiper indiquent Vaction de l'agent par laquelle
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4i2Q yiNGT-TROISIÂBCS LBÇ. — DBS GRIMES BT DÉLITS, BTC. (n"" 458).
ili^apprepjrie la chose qui lai a. été confiée, l'actioii par laquelle il en dispose
comme si elle était sienne. Or, cette appropriation suppose deux fiiits distincts,
la main mise snr la chose confiée et Tintention d*en faire sa propre chose, la
dissipation et la frande. Il est clair, en effet, quUl ne peut y avoir d'appro-
pnation sans intention de détournement, sans fraude. L'afl^ent qui se sert
momentanément de la chose qui lui a été confiée, peut manquer par là à la
loi du contrat, peut en violer les termes, mais ne se rend pas coupable de
détoumonent, puisqu'il n'a pas Tintention de s'approprier le dépôt; il peut
élre piAsihle de dommages-intérêts, mais non d'une peine. Cette importante
distinction présente quelque difficulté quand la chose confiée est une somme
d*argent. Je suppose que le dépositaire^ au lieu de remettre sur-le-champ cette
somme à son mandant, ou de la garder intacte entre ses mains, s'en serve
pendant quelque temps^ avec l'intention de la restituer plus tard. Il est hors
de doute que ce simple retard ne constitue point le délit, car l'art. 1996 du
Gode civil déclare que le mandataire doit l'intérêt des sommes qu'il a
emjployées à son usage à dater de cet emploi. Donc, le mandataire qui se sert
des sommes qui lui ont été confiées, sans dol et sans fraude, n'est passible
que de l'intérêt de ces sommes. Il peut être infidèle à son mandat, mais il est
clair qu'il n'a pas détourné les sommes qu'il a entre les mains et qu'il est
disposé à rendre. Mais je suppose maintenant qu*à l'époque du remboursement
il ne puisse l'effectuer, qu'il soit devenu insolvable, qu'il soit tombé en état de
faillite. Cette insolvabilité est-elle suffisante pour établir la fraude ? La fraude
ne se présume pas, il faut qu'elle soit établie d'une manière certaine. L'insol-
vabilité peut mettre à la charge de l'agent une imprudence une faute; il a eu
tort de se servir de deniers qu'il n'était pas certain de pouvoir rembourser ;
mais si son impuissance a été le résultat d'un cas fortuit, d'un événement
imprévu, il me semblerait difficile de changer, après coup, le caractère de
son action, à raison du résultat inattendu qu'elle a eu, et de confondre le
malheur avec la fraude. Mais si l'insolvabilité du mandataire ne tient pas à des
causes imprévues, s'il a pu penser que les valeurs dont il disposait, il lui serait
difficiiie de les rendre, si, au moment de les employer, sa situation était
embarrassée, on peut de ces circonstances tirer la preuve qu'à ce moment même
it avait Tintention de s'approprier les deniers qui lui avaient été confiés, et il
peut, sans aucun doute, être déclaré coupable du délit. Il suit de là que toute
poursuite pour abus de confiance doit être précédée d'une mise en demeure
de restituer ; car il ne peut y avoir de détournement frauduleux, de détourne-
ment légalx qu'autant que l'agent refuse la restitution ou se trouve par son fait
dans l'in^possil^lité de l'opérer.
4M. Quels sont les objets dont le détournement peut être incriminé ? Ce
sont les effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou tous autres écrits
contenant ou opérant obligation ou décharge. Cette énumération comprend,
d'une part, tous les écrits opérant obligation ou décharge, et d'une autre part,
tous les effets mobiliers. Il est clair que le détournement de ces objets doit
avoir été fait au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, car
autrement il n'y aurait point de préjudice. Ainsi, dans une espèce où uti pro-
priétaire avait vendu une certaine quantité de blé à^ ufi^boulanger qui 9'était
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DB L'aBU8 DV CSONfTANCB (aRT. 40S). 431
obligé à en {Miyer ie prix à nM»iir» que te blé serait converti en pain, cv àer-
nier avait revendu cette marchandise à un tiers. Poursuivi par % premier
Tendeur en abus de confiance, il a été reconnu que Tart. 408 n'était pas appli-
cable, puisque le blé ne lui avait été remis ni à titre de dépôt, ni pour un
travail salarié ; et que, s'il avait été convenu qu'il eu ferait un usage ou emploi
déterminé, ce n'était pas comme mandataire, mais comme propriétaire, en
vertu de la vente qui lui avait été consentie .Au surplus, les mots effîets, deniers
et marchandises^ comprennent toutes les choses qui peuvent faire l'objet d'un
commerce ; et les écrits, tous les actes dont le détournement peut produire un
préjudice matériel. L'art 408 n'a pas, comme l'art. 407, compris dans ses
termes les actes qui peuvent compromettre la réputation et l'honneur d*une
personne.
459. Quels sont, enfin, les contrats dont la violation peut rentrer dans les
termes de l'art. 408 ? C'est, d'abord, et par une addition de la loi du .28 avril
1832, le contrat de louage : ainsi le preneur qui vend frauduleusement une
chose mobilière qui lui a été remise à titre de louage, est passible des peines
de l'art. 408 : tel serait, par exemple, le preneur de bestiaux à cheptel qui les
voudrait à l'insu et sans la participation du bailleur. Le contrat de dépôt «entoe
également dans les termes de l'art. 408. Il s'agit ici du dépôt tel qu'il est
défini par l'art 1915 du Code dvil, c'est-à-dire qui a pour principal oJyyat la
garde et la conservation de la chose. Le troisième contrat, que l'art 408 a
compris dans sa disposition, est un mandat salarié ou gratuit. Ainsi, par exem-
ple, le gérant d'une société qui a détourné frauduleusement au préjudice de
cette société et appliqué à son profit les sommes qui lui avaient été remises
pour en faire un emploi déterminé, commet ie délit d'abus de confiance. Il en
est ainsi des entrepreneurs ou des ouvriers qui détournent les marchandises
on toutes autres choses qui leur ont été remises pour être ouvragées ou per-
fectionnées. Tel serait encore le meunier qui^ recevant des blés et s'obligeant
à les rendre en liEurines, moyennant une somme stipulée pour le droit de la
mouture, les aurait vendus.
Une addition faite par la loi du 13 mai 1863, a eu pour objet d'insérer parmi
les contrats, dont cet article punit, la violation, le nantissemmt et le prêt à
moQS, Aucune explication n'a été donnée à ce sujet. L'abus du nantissement,
c'est le détournement par le créancier de la chose dont il est nanti. L'abus du
prôt à usage, c'est le détournement par ie débiteur de la chose prêtée. Seule-
ment, comme il avait droit de se servir de cette chose qui peut être fongible^
il est difficile de déterminer où commence l'abus.
4M. Le deuxième paragraphe de l'art. 408, qui correspond à l'art. 388> aea
pour objet de faire une drconstance aggravante du fait du travail habituel de
l'agent dans la maison ou l'atelier du maître, au préjudice duquel l'abus a été
commis. C'est une distinction entre le mandataire accidentel et le mandataire
habituel fondée sur la confiance, volontaire ou forcée, qui est accordée à l'un
et à l'autre.
Ce paragraphe a été étendu par la loi du 13 mai 1863 de la matière sui-
vante:
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422 YINGT-TROISIÈIIB LRÇ. — DBS CRIMES ST DÉLITS, ETC. (n"" 461).
« Bi i*abu8 de confiance prévu et puni par le précédent paragraphe a été com-
mis par un officier public au ministériel ou par un domestique, homme de service
à gages, élève, clerc* commis, ouvrier, compagnon ou apprenti» au préjudice de
son maître, la peine sera celle de la réclusion. »
L^art. 408 ne prononçait dans tous les cas qu'une peine correctionnelle. La
loi du 28 avril 1832 aggrava cette peine et porta la réclusion au cas où le délit
est commis par un homme de service à gages. La loi nouvelle a étendu cette
aggravation au cas où il est commis par des officiers publics ou ministériels.
Ainsi, lorsqu'un agent de change^ un notaire, un avoué, dans les mains des-
quels les parties ont déposé les sommes destinées à payer un prix de vente^ un
achat de fonds publics ou des droits d'enregistrement, abuse de ce dépôt et
emporte ou s'approprie les valeurs qui lui ont été confiées, ce détournement
est un crime, parce que Tabus de confiance s'aggrave de la qualité du coupable
et de la violation du mandat légal dont il était investi.
Vaii. 408 ajoute enfin :
« Le tout sans préjudice de ce qui est dit aux art 254, 255 et 256, relativement
aux soustractions et enlèvements de deniers, effets ou pièces, commis dans les
dépôts publics. »
Nous avons expliqué (n** 304, 305 et 306), les cas où s'appliquent ces articles,
et comment les délits qu'ils prévoient diffèrent de l'abus de confiance.
DE LA SOUSTRACTION DBS PIÈGES PRODUITES DANS UNE CONTESTATION JUDICIAIRE.
461. Cette dernière espèce d'abus de confiance fait l'objet de l'art. 409 :
tt Art. 409. Quiconque, après avoir produit, dans une contestation judiciaire,
quelque titre, pièce ou mémoire, l'aura soustrait, de quelque manière que ce
soit, sera puni d'une amende de 25 à 300 ft*. — Cette peine sera prononcée par le
tribunal saisi de la contestation. »
Bien que la loi se serve ici du mot de soustraction, il ne s'agit point de la
soustraction constitutive du vol, et ce qui le prouve, c'est qu'elle ajoute aus-
sitôt de quelque manière que ce soit. L'article prévoit le cas où une partie produit
une pièce à l'appui de la prétention qu'elle élève, et où, lorsque cette pièce
est devenue l'un des éU^ments du procès, elle la fait disparaître, soit en pre-
nant communication du dossier, soit par tout autre moyen. Elle abuse de la
confiance que la loi a établie entre les parties en détournant un acte qui est
devenu commun entre elles par son annexion à la procédure. Un point qui
doit être remarqué, quoiqu'il ne touche que la compétence, c'est que la peine
pécuniaire qui frappe cet acte de mauvaise foi est prononcée par le tribunal
saisi de la contestation, quel qu'il soit. Le législateur a pensé avec raison que
ce tribunal était le plus propre à apprécier la moralité d'une action qui n'était
pas assez grave pour en faire l'objet d'un procès particulier.
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cONTRAvamnoN aux RteuBifBNTs, BTc. (art. 410). 423
CONTRA YEimON AUX RÈQLEIIBNTS SUR LES MAISONS DB JEU^ LES LOTERIES ET LES
MAISONS DB PRÊT SUR GAGES.
462. L'art. 475, n^ h, punit d'une amende de police c ceux qui auront établi
OU tenu dans les rues^ chemins, places ou lieux publics, des jeux de loteries
OU d'autres jeux de hasard. » L'art. 310 s'applique aux établissements, non
plus passagers, mais permanents.
a Art. 4t0. Ceux qui auront tenu une maison de Jeux de hasard et y auront
admis le public, soit librement, soit sur la présentation des intéressés ou affiliés,
les banquiers de cette maison, tous ceux qui auront établi ou tenu des loteries
non autorisées par la loi, tous administrateurs^ préposés ou agents de ces établis-
sements, seront punis d'un emprisonnement de deux mois au moins et de six mois
au plus, et d'une amende de lOO fr à 6,000 fr. »
Le fait que prévoit cet article, c'est celui d'avoir tenu une maison de jeu, c'est
d'avoir établi au tenu des loteries. La loi suppose un établissement spécial, des
agents, l'admission du public. U ne faut pas confondre la publicité du lieu et
l'admission du pul^lic. L'établissement peut être clandestin et rentrer dans les
termes de la loi, dés que des personnes étrangères à la spéculation y sont
introduites ou sont admises à y prendre part. Que faut-il entendre par jeux de
hasard ? La loi ne les a pas déânis : ce sont, en général, tous ceux qui n'exigent
aucune opération de l'esprit, et auxquels le hasard seul préside. Il serait tou-
tefois difficile de poser une distinction précise entre ces jeux et les jeux de corn*
merce ; c'est aux tribunaux qu'il appartient de reconnaître les caractères des
uns et des autres. Les deux derniers paragraphes de l'art. 410 permettent, sui-
vant les circonstances, de prononcer l'interdiction des droits civils pendant
cinq à dix ans, et prescrivent la confiscation cle tous les meubles de l'établisse-
ment et des fonds ou effets qui ont été exposés au jeu.
463. Les loteries ont été supprimées par la loi du 21 mai 1836, qui porte :
t Art. !«'. Les loteries de toute espèce sont prohibées. — Art. 2. Sont réputées
loteries, et interdites comme telles, les ventes d'immeubles, de meubles onde
marchandises effectuées par la voie du sort, et auxquelles auraient été réunis
des primes ou d'autres bénéfices dus au hasard, et généralement toutes les opé-
rations offertes au public pour faire naître l'espérance d*un gain qui serait acquis
par la voie du sort. • On dit dans l'exposé des motifs de cette loi : « Les carac-
tères constitutifs des diverses spéculations que la loi a pour but d'atteindre
avaient besoin d'être fixés par des dispositions des anciennes lois. Que ces
spéculations soient principales ou accessoires, habituelles ou isolés, sous forme
de vente mobilière ou immobilière, ou de souscription ; qu'elles présentent
un mélange apparent d'opérations commerciales et de chances aléatoires,
toutes les fois qu'elles choisissent le sort pour instrument, elles rentrent toutes
dans les prohibitions de la loi. > L'art. 3 de la même loi édicté les peines du
délit : « La contravention à ces prohibitions sera punie des peines portées en
Fart. 410 du Gode pénal. S'il s'agit de loteries d'immeubles, la confiscation
prononcée par ledit article sera remplacée, à l'égard du propriétaire de rim-
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424 VINGTrTBOI&làMB LBQ« — DiB8 CRIMES BT nÉLITS^ BTG. (n« 465).
meuble mis en loterie, par une amende qui pourra s'élever jusqu'à la valeur
estimative de cet immeuble. En cas de seconde ou ultérieure condamnation,
l'emprisonnement et l'amende portés en l'art. 410 pourront être élevés au dou-
ble du maximum. Il pourra dans tous les cas être fait application de Part. 46S
du Gode pénal. » L'art. 4 ajoute : « Ces peines seront encourues par les auteurs,
entrepreneurs ou agents des loteries françaises ou étrangères, ou des opéra-
tions qui leur sont assimilées. Ceux qui auront colporté ou distribué les billets,
ceux qui, par des avis, annonces, affiches, ou par tout autre moyen de publi-
cation, auront fait connaître l'existence des loteries ou facilité l'émission des
billets, seront punis des peines portées en l'art. 4ii dn Gode pénal; il sera fait
applicatiiHi, s'il y a lieu, des deux demiôres dispositions de l'article précédent.
Bnfin, l'art. 5 stipule une exception à toutes ces dispositions : « Sont excep-
tées des dispositions des art 1 et 2 ci-dessus, les loteries d'objets mobiliers
exclusivement destinées à des actes de bienfaisance ou à l'encouragement des
arts, lorsqu'elles auront été autorisées dans les formes qui seront déterminées
par des r^ements d'administration publique. »
464. L'art. 411 a pour objet de proscrire toute maison de prêt sur gages
qui n'aurait pas été autorisée par le gouvernement.
« Art. 411. Ceux qui auront établi ou tenu des maisons de prêt sur gages ou
naûtissement sans autorisation légale, ou qui, ayant une autorisation, n'auront
pas tenu un registre conforme aux règlements, contenant de suite, sans aucun
blanc ou interligne, les sommes ou les objets prêtés, les noms, domiciles et pro-
llMaipna des emprunteurs, la nature, la qualité, la valeur des objets mis en nan-
tissement, seront punis d'un emprisonnement de quinze joyrs au moins, de trois
mois au plus, et d'une amende de 100 à 2,000 fir. »
Nulle maison de prêt sur gages ne peut exister sans une autorisation. L*au-
torisation suppose une surveillance active qui est indispensable aux transac-
tions qui interviennent entre le prêteur et l'emprunteur. L'ouverture d'une
semblsd^le maison, sans quo l'autorité administrative en ait vérifié le but et
les ressources, est donc un délit. Mais après l'autorisation même obtenue,
une autre infraction est l'inexécution des formes et conditions qui sont les
garanties des emprunteurs. Ainsi, deux faits distincts sont réunis dans cet
article : d'une part, l'établissement d'une maison de prêt sans autorisation ;
d'une autre part, l'inexécution par une maison de prêt autorisée, des règle-
ments auxquels elle est soumise. La pénalité relative à ces deux infractions
est I^ même, bien que ces deux faits n'aient peut-être ni la même gravité mo -
raie ni les mêmes périls.
SNTRAVES APPOBTÉES A LA LIBBBTÉ DES ENCHÈRES.
465. Le légidateur a senti la nécessité d'apporter une protection efficace
aux encbères publiques qui s'ouvrent pour l'adjudication des biens :
a Art. 412. Ceux qui, dans les adjudications de la propriété, de TusufVuit ou de
la location des choses mobilières ou immobilières, d'une entreprise, d'une fourni-
ture, d'une exploitation ou d'un service quelconque, aur<mt entravé ou troublé ift
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noîsknm des BéGuoiSErrs bblatifs aux manufactures (art. 413). 42&
liberté des fiaobèrw ou des soumissions par voies de fait, violences ou menaces,
soit avant, soit pendant les enchères ou les soumissions, seront punis d'nn empri-
sonnement de qainse jours on moins, de trois mois au plus, et d'une amende de
100 flr. au moins et de 5,000 tr, au phis. — La môme peine aura lieu contre ceux
qui, par dons ou promesses, auront écarté les enchérisseurs. »
Cet article détermine avec clarté le but de rincrimînation et les faits qu'elle
a voulu saisir. Son but a été de protéger la liberté de toutes les adjudications,
à quelque objet qu'elles s'appliquent, même celles qui s'appliquent à des ser*
vices publics. Pour maintenir cette liberté, la loi incrimine d'une manière géné-
rale tous les troubles, toutes les entraves qui ont porté atteinte à cette liberté»
Elle ne s'occupe point de la nature du fait^ elle ne voit que son effet : c'est le
txouble ou Tentrave apportée dans l'opération. Il faut toutefois que l'entrave
ou le trouble soit causé par voies de fitit, violences ou meuAces ; c'est là la seule
espèce de trouble que la loi ait voulu |nrôvoir, parce qu'elle n'a entendu saisir
que les faits matériels et non les simples paroles^ quand elles ne.sont em-
ployées qu'à répan4re des faits faux ou mensongers qu'il est tot^c^urs possible
de vérifier. Le dernier paragraphe de l'article prévoit une seconde espèce du
même délit : ce ne sont plus les violences que la loi incrimine, ce sont les ma-
nœuvres frauduleuses, les dons et promesses; après avoir puni les voies de
fait, elle recherche et punit la corruption. Au reste, les éléments du délit de*
meurent les mêmes. On a demandé si l'art. 412 s'applique à la surenchère aussi
bien qu'à l'enchère. La réponse ne peut être douteuse. La surenchère, par suite
d'une saisie immobilière, n'est que la continuation de la première enchère ;
le but de Tarticle est de protéger les droits du débiteur saisi et de ses créan-
ciers, en punissant ceux qui empêchent que les immeubles saisis n'arrivent à
lear véritable valeur; or ce but n'est atteint que par l'efTet des enchères et des
surenchères librement faites.
VIOLATION DES BÈOLEMENTS RELATIFS AUX MANUFACTURES.
466. Les art. 41 3^ 417 et 418 prévoient plusieurs fraudes qui sont de nature
à nuire au commerce et au principe de la libre concurrence ; ce sont la trom-
perie sur les marchandises exportées, l'embauchage des ouvriers et la révéla-
tion des secrets de fobrique.
La loi du 22 germinal an II avait prononcé une amende qui pouvait s'élever
à ^iOOO fr; pour la violation des règlements d'administration publique rela-
tîfis aux produits des manufactures françaises qui s'exportent à l'étranger.
Le législateur de ^810 a voulu consacrer cette disposition, t Lorsque les
fraudes, dit Vexposé des motifs, ont pour but de tromper sur la qualité, les
dimensions ou la nature de la fabrication, à l'égard des produits de nos manu*
factures qui s'exportent à l'étranger, un si grand mal ne doit pas rester
impuni. C'est par cette raison que la loi du 22 germinal an II fut rendue. Les
abus qu'elle prit soin de réformer avaient été l'objet de vives réclamations, et
il ne fallait rien moins que la crainte d'une juste peine pour en arrêter le
cours." i
« Art. 413. Toute tiolation des règlements d*adminislration publique relatifli aux
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426 yiNGT-TROISIÉMB LEÇ. — DBS GRI1IB8 ET DÉLITS, ETC. (n"* 46S).
produits des manufactures françaises qui s'exporteront à l'étranger, et qui ont
pour objet de garantir la bonne qualité, les dimensions et la nature de la fabrica-
tion, sera punie d'une amende de 2,000 fr. au moins, de 3,000 tr. au plus, et de la
confiscation des marchandises. Ces deux peines pourront être prononcées séparé-
ment ou cumulativement suivant les circonstances. »
Cet article ne s'applique qu'aux marchandises qui s'exportent à l'étranger,
c'est-à-dire qui sont destinées à l'exportation. Il faut, pour son application :
i» qu'un règlement d'administration publique ait été rendu pour régler la
qualité, les dimensions et la nature de la marchandise exportée ; 2® que les
marchandises saisies soient en contravention formelle aux prescriptions de ce
règlement.
467. La loi regarde, en second lien, comme coupable de délit, celui qui,
dans la vue de nuire à l'industrie française, fait passer en pays étranger des
directeurs, des ouvriers ou commis d'un établissement. Si chacun doit être
libre de faire valoir son industrie et ses talents partout où il croit pouvoir en
retirer plus d'avantage, il convient de punir celui qui débauche des hommes
nécessaires à un établissement, non pas pour procurer à ces hommes un plus
grand bien, souvent incertain, mais pour assurer la ruine de l'établisssement
même*
a Art. 417. Quiconque, dans la vue de nuire à l'industrie française, aura fait
passer en pays étranger des directeurs, commis ou des ouvriers d'un établisse-
ment, sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans, et d'une amende de
50 fr. à 300 fr. »
Cet article ne demande aucune explication. C'est le fait de nuire à l'industrie
française par l'embauchage des ouvriers d'une fabrique que la loi a prévu. Il ne
faut pas confondre ce fait avec l'exploitation faite en pays étranger, au moyen
d'ouvriers français, d'une branche quelconque de notre industrie, si ces ouvriers
n'ont été enlevés par fraude à aucune fabrique.
468. L'art. 418, modifié par la loi du 13 mai 1863, prévoit et punit la com-
munication des secrets de fabriques : "^
tt Art. 418. Tout directeur, commis, ouvrier de fabrique, qui aura communiqué
ou tenté de communiquer à des étrangers ou à des Français résidant en pays étran-
ger, des secrets de la fabrique où il est employé, sera puni d'un emprisonnement
de deux à cinq ans, et d'une amende de 500 à 20,000 tr. — Il pourra en outre être
privé des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Gode pendant cinq ans au moins
et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine. Il pourra aussi
être mis sous la surveillance de la haute police pendant le même nombre d'années.
— Si ces secrets ont été communiqués à des Français résidant en France, la peine
sera d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 16 à 200 fr.
— Le maximum de ta peine prononcée par les paragraphes 1 et Zdu présent arti-
cle sera nécessairement appliqué sHl s'agit de secrets de fabrique d^armes et mu-
nitions de guerre appartenant à l'État, »
Il faut remarquer d'abord que cette disposition ne s'applique qu'aux ouvriers
ou commis employés dans la fabrique : c'est l'abus d'une confiance forcée que
la loi a voulu punir. La peine est plus ou moins grave suivant les résultats
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DBS COAUTIONS (aBT. 4i8). 427
pins on moioB prtjnâidables de Tâbns. Si la oommonication ne préjadioie
qn'k la fabrique, la peine est légère. Si elle préjadicie à Finduatrie nationale
en portant à l'étranger ses découvertes, la peine s'aggrave. Avant la loi du
43 mai 1S63, l'aggravation s'élevait jusqu'à la réclusion : cette loi l'a réduite
au rang des peines correctionnelles les plus élevées. L'exposé des motifs a
expliqué cette modification en ces termes : « Cette pénalité (de la réclusion)
est d'une époque où le patriotisme, surexcité par les circonstances, était sin-
gulièremei)t ombrageux en matière de secrets de fabrication. Nous croyons
cette disposition un peu cbangée par le caractère nouveau des relations inter-
nationales, par l'esprit de rivalité pacifique substitué à celui des anciennes
luttes, et par les conditions nouvelles faites aux inventeurs. » Sans doute cette
révélation des secrets de la fabrique qui vous emploie reste toujours un acte
condamnable, un abus de confiance ; c'est pourquoi l'on maintient le principe
de rincrimi nation, et Ton ne change rien au § 2. On ne méconnaît pas non
plus que la révélation à l'étranger n'ait quelque chose de plus grave; c'est la
raison qui fait porter Temprisonnement à cinq ans, et conserver cette amende
si forte de vingt mille francs, qui est de toutes les peines la mieux appropriée
à cette infraction. Mais, quoique aggravée, elle n'a pas l'intensité morale d'un
crime. » La loi a ajouté à l'article un cas nouveau : c'est celui où la révélation
porte sur des secrets de fabrication d'armes et munitions de guerre apparte«
nant à l'État. Enfin, il reste à dire qu'il faut entendre par secrets de fabrique
les moyens de fabrication qui, inventés par ou pour un fabricant, ne sont
appliqués que dans une ou plusieurs fabriques seulement. Car s'ils sont géné-
ralement mis en usage, ce ne sont plus des secrets et leur divulgation cesse
d'être criminelle.
DBS COALITIONS.
469. Cette matière est féconde en difficultés, parce qu'elle touche aux inté-
rêts les plus puissants de l'industrie, à la question de la liberté du travail, aux
rapports des maîtres et des ouvriers. Lorsque la loi du 2 mars 1791 eut aboli les
maîtrises et les jurandes, le législateur comprit que la liberté commerciale et .
industrielle pouvait être entravée par les coalitions, et le décret du 14 juin 1791
eut pour objet de les réprimer : ce décret frappait d'une amende les refus de
travaux faits de concert entre les citoyens attachés aux mêmes professions,
«ans distinguer entre la coalition des patrons et celles des ouvriers. Le Code
rural du 28 septembre-6 octobre 1791 fit le premier cette distinction. Les arti-
cles 19 et 20, tit. II, de cette loi portaient : « Art. 19. Les propriétaires ouïes
fermiers d'un même canton ne pourront se coaliser pour faire baisser ou
fixer à vil prix la journée des ouvriers ou les gages des domestiques, sons
peine d'une amende du quart de la contribution mobilière des délinquants,
et même de la détention de police municipale, s'il y a Ueu. — Art. 20. Les
moissonneurs, domestiques et ouvriers de la campagne, ne pourront se liguer
entre eux pour faire hausser et déterminer le prix des gages ou les salaires,
sous peine d'une amende qui ne pourra excéder la valeur de douze journées
de travail, et en outre la détention de police municipale. » La loi du 22 ger-
minal an II, qui a été à peu près reproduite par les art. 414 à 415 du Gode
pénal, généralisa ces dispositions, en maintenant la distinction entre les patrons
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VINGT-TROISIÉBCE UBÇ. — DBS GBIMBS ET DÉLITS, £TG. (n"^ 470).
et les ouvriers. Ces deux articles punissent d*ua emprisonnement de six jours
à un mois^ et d'une amende de 200 à 3,000 fr., c toute coalition entre ceux
qui font travailler des ouvriers, tendant à forcer injustement et abusivement
rabaissement des salaires, suivie d'une tentative ou d'un commencement
d'exécution ; t et d'un emprisonnement d'un mois au moins et de trois mois
au plus, t toute coalition de la pîart des ouvriers pour faire cesser en mdme
temps de travailler, interdire le travail, dans un atelier, empêcher de s'y rendre
et d'y rester avant ou après certaines heures, et en générai pour suspendre,
empêcher, enchérir les travaux, s'il y a eu tentative ou commencement d'exé»
cution. > Les chefs où moteurs sont punis, toutefois, d'un emprisonnement de
deux à cinq ans.
470. Cesarticies ont été modifiés une première fois par une loi du 27 novem*
bre 1849, dont voici le texte :
« Les art. 414, 415 et 416 du Gode pénal sont modifiés comme il suit :
a ART. 414. Sera puoi d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une
amende de 1 S & 3,000 fir : — 1* Toute coalition entre ceux qui font travailler des
ouvriers, tendant à forcer rabaissement des salaires, s'il y a eu tentative ou com-
mencement d'exécution ; -- 2* Toute coalition de la part des ouvriers pour Mtb
cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher
de s'y rendre avant ou après certaines heures, et en général pour suspendre, em-
pêcher, enchérir les travaux, s'il y a eu teptative ou commencement d'exécution.
Dans les cas prévus par les deux paragraphes précédents, les chef^ ou moteurs
seront punis d'un emprisonnement de deux à cinq ans. »
tt Art. 415. Seront aussi punis des peines portées par l'article précèdent, et
d'après les mêmes distinctions, les directeurs d'atelier ou entrepreneurs d'ouvrage
et les ouvriers qui, de concert, auront prononcé des amendes autres que celles
qui ont pour objet la discipline intérieure de l'atelier, des défenses, des interdic*-
tions, ou toutes prescriptions, sous le nom de damnation ou sous quelque quali-
fication que ce puisse être, soit de la part des directeurs d'ateliers ou entrepre-
neurs contre les ouvriers, soit de la part de ceux-ci contre les directeurs d'ateliers
ou entrepreneurs, soit les uns contre les autres. »
« ART. 416. Dans les cas prévus par les deux articles précédents, les chefs ou
moteurs pourront, après l'expiration de leur peine, être mis Sous la surveillance
de la haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus. »
TjO seul objet de cette loi avait été d'établir une parfaite ^alHé entre les
patrons et les ouvriers relativement au délit de coalition. Cette égalité n'exis-
tait, dans le système du Gode pénal, ni quant à la définition du délit, ni quant
à la pénalité. Quant à la définition du délit, l'arL 414 du Gode pénal ne punis-
sait les chefs d'ateliers que lorsqu'ils avaient entrepris de forcer injuttement et
abusivement l'abaissement des salaires. L'art. 415, relatif aux coalitions d'ou-
▼riers, n'avait pas reproduit ces mots. C'était admettre qu'une coalition formée
entre des chefs d'ateliers, et ayant pour but de forcer l'abaissement des salaires,
-pouvait ne pas être injuste et abusive, tandis que toute coalition entre les
ouvriers avait nécessairement ce caractère. La loi aûiit disparaître cette diffé-
rence. Le mot seul de oùoiition implique l'idée d'un pacte réprébeasible.
L'art. 123 du Code pénal, relatif à la coalition des fonctionnaires publics, la
définit un eonetri de meeurts anUrairee aux Uns; or, qnaad ce concert a été
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DBS GOAUTIONS {àKT. 416). 429
établi pour féwr VabaissmeiU d^ salaires, il est nécessairement injuste et
abimf; car forcer rabaissement des salaires, c'est pro4aire, par un pacte aussi
illicite que contraire à rhumanitô, un abaissement de salaire qui ne serait pas
résulté des circonstances industrielles et de la libre concurrence. Quant à la
pénalité, elle a été soumise à une parfaite égalité.
Le principe de la répression môme de la coalition avût été mis en ques-
tion. Ije rapporteur de la loi du 27 novembre 1849 a répondu sur ce point :
« Lorsqu'il y a une coalition établie pour exercer une pression soit de la part
des chefs d'ateliers contre les ouvriers, soit de la part de ceux-ci contre les
chefs d'ateliers, la liberté de la concurrence, et par conséquent la liberté cons-
titutionnelle du travail^ sont étouffées par cette coalition. Un tel fait ne saurait
être toléré. Conclure de la liberté que chacun a de négocier personnelle-
ment les conditions du travail à la faculté de former une coalition pour imposer
à autrui ses conditions, c'est faire un raisonnement évidemment faux. C'est
comme si, du droit que chacun a de stationner sur la voie publique, on tirait
la conséquence qu'il peut se réunir à d'autres individus pour y former des
attroupements. Les coalitions tendent sous deux rapports à ruiner l'industrie
nationale; d abord elles amènent la suspension du travail, et elles diminuent
ainsi le revenu général du pays. En second lieu, elles font souvent passer à
l'étranger des commandes laites à l'industrie française. « Au surplus, deux
conditions étaient nécessaires pour que la poursuite dans Tune et l'autre
hypothèse pût avoir lieu : il fallait, d'une part, qu'il y eût un fait de coalition
ayant pour objet, soit l'abaissement des salaires, soit la cessation du travail; et,
d'une autre part, que cette coalitionfùt suivied'un commencement d'exécution.
471. La législation que nous venons de mettre sous vos yeux a été changée
encore une fois. La loi du 25 mai 1864, partant d'un autre principe, le prin-
cipe de la liberté du travail, a remplacé les dispositions précédentes par des
dispositions moins restrictives. Voici d'abord le texte de cette nouvelle loi :
à Art. 1". Les art. 414, 415 et 416 du Gode pénal sont abrogés. Us sont rem-
placés par les articles suivants :
a ÂBT. 414. Sera puni d*un emprisonnement de six jours à trois ans et d'une
amende de 16 & 3,000 fr., ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, à
l'aide de violences, voles de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, aura amené
ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir une cessation concertée de travail,
dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au
libre exercice de Tindustrie ou du travail. »
« ART. 415. Lorsque les fliits punis par l'article précédent auront été commis
par suite d'un plan oonoerté, les coupables pourront -être mis, pav Tarrét ou le
jugement, sous la surveillance de la haute police» pendant deux ans au moins et
cinq ans au plus. »
« Art. 416. Seront punis d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une
amende de 16 à 300 fr. ou de l'une de ces deux peines seulement, tous ouvriers,
patrons et entrepreneurs d'ouvrages qui, à l'aide d'amendes, défenses, prescrip-
tions, interdictions prononcées par suite d'un plan concerté, auront porté atteinte
au libre exercice de l'industrie ou du travail, ir
« Art. 2. Les art. 414, 415 et 416 ci-dessus sont applicables aux propriétaires et
fermiers,, ainsi qu'aux moissonneurs, domestiques^ et ouvriers' de la campagne. Les
art. 19 et 20, tit. II, de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, sont abrogés. »
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430 VINGT-TROISIÈME LEÇ. — DBS GRIMES ET DÉLITS, ETC. (n» 472).
La portée et l'esprit de cette loi sont nettement exprimés dans le rapport :
f Désormais la coalition des patrons ou celle des ouvriers est absolument
libre, c'est le point de départ de la loi. On a proposé de distinguer entre les
coalitions justes et les coalitions abusives : nous n'avons pas admis cette dis-
tinction. Abusive ou non, juste ou injuste la coalition est permise. D'autres
ont demandé que la séparation fût établie entre les coalitions factices, violentes
ou frauduleuses, et les coalitions naturelles, paisibles et sincères, ec que, les
secondes étant licites, les premières ne le fussent pas; nous n'avons pas davan-
tage accepté cette distinction. La coalition violente, factice, frauduleuse, ne
tombera pas plus sous le coup de la loi que la coalition naturelle, paisible et
sincère. Les auteurs des violences et des fraudes seront poursuivis et punis ;
la coalition sera respectée. Nous n'avons pas voulu que, sous prétexte de recher-
cher le caractère d'une coalition, et de s'enquérir si elle est juste ou injuste,
abusive ou équitable, violente ou paisible, l'autorité judiciaire ou administra-
tive pût reprendre indirectement ce qui lui est retiré directement. Ni la com-
mission ni le gouvernement, qui s'est associé à ses vues, n'ont voulu faire une
œuvre équivoque, retenir en ayant l'air de donner, cacher des pièges sous des
apparences de liberté. Cette loi est loyale et sans arrière-pensées, elle accorde
ce qu'elle promet, elle réalise avec courage un progrès considérable poursuivi
en vain depuis la Révolution. Les anciens art. 414 et 415 sont abrogés :
l'art, i*' le proclame en termes formels. Ceux qui les remplacent ne modifient
pas l'ancien délit de coalition ; ils en créent un nouveau : l'atteinte à la liberté
du travail. Loin d'être une restriction du droit de se coaliser, ils en sont la
garantie. Que dirait-on du propriétaire qui croirait son droit compromis parce
qu'on punit le vol? C'est ce qu'il faudrait penser de ceux qui trouveraient la
liberté de se coaliser menacée parce qu'on punit les violedces et les fraudes. »
L'art. 414 ne laisse aucun doute sur ces solutions : le délit qu'il crée est
subordonné à l'existence de deux conditions : 1* il faut qu'il y ait des vio-
lences, des voies de fait, des menaces, des manœuvres frauduleuses consom-
mées et prouvées ; 2« il faut que ces violences aient eu pour but de porter
atteinte, par une cessation simultanée du travail, à la liberté, soit du patron,
soit de l'ouvrier. L'art 415 prévoit une circonstance aggravante du délit : le
cas où la violence est l'acte de plusieurs qui se sont préalablement entendus
et concertés pour le commettre. Cette entente constitue une aggravation de la
culpabilité, et l'art. 415 donne au juge la faculté de placer le coupable sous la.
surveillance de la haute police. L'art. 416 enfin prévoit l'atteinte plus légère
résultant des proscriptions et interdictions prononcées contre les patrons et
ouvriers. Deux conditions sont encore exigées ici : que ces condamnations
soient prononcées en exécution d'un accord préalable et qu'elles aient porté
atteinte à la liberté du travail. La tentative ne suffirait pas. Telle est la théo-
rie de la loi du 25 mai 1864 qui, comme vous le voyez, diffère essentielle-
ment de l'ancien code et a apporté, en matière de coalitions, un système toute
nouveau.
478. Après les coalitions des maîtres contre les ouvriers et des ouvriers
contre les maîtres, la loi a placé celles qui se forment entre les détenteurs d'une
marchandise pour en opérer soit la hausse, soit la baisse.
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DES G0AUTX0N8 (aRT. 419). 431
« Art. 419* Tous ceux qui, par des faits faux ou calomnieux, semés à dessein
dans le public» par des suroffres faites aux prix que demandaient les vendeurs eux-
mômes, par réunion ou coalition entre les principaux détenteurs d*une môme mar-
chandise ou denrée, tendant à ne la pas vendre ou à ne la vendre qu'à un certain
prix, ou qui, par des voies ou moyens frauduleux quelconques, auront opéré la
hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises, ou des papiers ou effets
publics, au-dessus ou au-dessous des prix qu'aurait déterminés la concurrence
naturelle et libre du commerce, seront punis d'un emprisonnement d'un mois au
moins, d'un an au plus, et d'une amende de 500 fr. à 10,000 fr. «
Cette disposition, dont les différents termes sont pèut-^tre trop vagues et
trop flexibles, a été expliquée .dans Texposé des motifs : « Elles n*ont pas
échappé non plus à la prévoyance du Gode, porte cet exposé, ces manœuvres
coupables qu'emploient des spéculateurs avides et de mauvaise foi pour opé-
rer la hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises, ou des papiers
ou effets publics, au-dessus ou au-dessous des prix qu'aurait déterminés la
concurrence naturelle et libre du commerce. Le Gode cite, pour exemples de
ces manœuvres, les bruits faux et calomnieux semés à dessein dans le publie,
les coalitions entre les principaux détenteurs de la marchandise ou denrée ;
il ajoute toute espèce de voies ou moyens frauduleux, parce qu'en effet, ils
sont si multipliés, qu'il ne serait guère plus facile de les détailler que de les
prévenir. La disposition ne peut s'appliquer à ces spéculations franches et
loyales qui distinguent le vrai commerçant. Gelles-ci, fondées sur des réalités,
sont utiles à la société. Loin de créer tour à tour les baisses excessives et les
hausses exagérées, elles tendent à les contenir dans les limites que comporte
la nature des circonstances, et par là servent le commerce, en le préservant de
secousses qui lui sont toujours funestes, i
On aperçoit facilement dans ces paroles la pensée qui a dicté l'article ; mais
il est plus difficile de préciser les éléments du délit. Cependant deux condi-
tions principales sont exigées : d'une part, l'un des moyens frauduleux à l'aide
desquels s'opère la hausse ou la baisse, et, d'une autre part, l'événement de
cette hausse ou de cette baisse opérée par ces moyens. La vraie difficulté de
cette matière est, d'abord, de définir chacun des moyens employés, ensuite de
constater le lien qui unit l'emploi de ces moyens et )e résultat. Qu'est-ce qu'il
faut entendre par des faits faux ou calomnieux semés à dessein dans le public, par
les suroffres faites au prix des vendeurs, par la réunion ou coalition des déten-
teurs d'une marchandise, enfin par les voies ou moyens frauduleux quelconques
qui peuvent être employés dans le môme but? Il est évident que cette der*
nière formule, qui comprend toutes les fraudes, et qui rendrait peut-être les
premières inutiles, laisse à l'appréciation du juge tous les moyens employés
pour produire la hausse ou la baisse des marchandises et des effets publics. Il
importe seulement de«constater qu'à l'aide de ces moyens frauduleux la hausse
on la baisse a été opérée. L'art. 419 ne prononce en effet de pénalité que dans
le seul cas où la hausse ou la baisse a eu lieu, ce qui exclut formellement la
simple tentative du délit.
La peine s'élève de deux mois à deux ans, et l'amende de 1,000 à 20,000 Ir.,
aux termes de l'art 420, « si ces manœuvres ont été pratiquées sur grains, gre*
naiiles, fieurines, substances farineuses, pain, vin ou toute autre boisson, i Cest
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432 VINGT-TROISlèHE LKÇ. — DES CRIMB8 BT DÉLITS, ETC. (N* 474).
la natnn de la marehaadlse qui fait ici raggravation. L'État a dA attacher une
plus grande importance aux manœuvres qai influent sur les cours d*ane den-
rée qui fait la base de l'alimentation publique, et dont les prix peuvent exercer
une influence directe sur la tranquillité.
DBS PAIUS SUR LA HiLDSSB OU LA BAISSE DES EFFETS PUBLICS.
478. Notre Gode pénal avait voulu interdire les jeux de bourse et frapper
l'agiotage qui opère sur des valeurs fictives.
« Art. 421. Les paris qui auront été faits par la hausse ou la baisse des effets
publics seront punis des peines portées par l'art. 419. »
« Abt. 422. Sera réputée pari de ce genre toute convention de vendre ou de
livrer des effets publics qui ne seront pas prouvés par le vendeur avoir existé à sa
disposition au temps de la convention, ou avoir dû s'y trouver au temps de la
livraison. »
c II résulte de cette définition, porte l'exposé des motifs, que le but de la loi
est de réprimer une foule de spéculateurs qui, sans avoir aucune espèce de
solvabilitié, se livrent à ces jeux, et ne craignent pas de tromper ceux avec qui
ils traitent. La loi soumet le vendeur seul à la preuve qu'elle exige, parce que
c'est lui qui promet de livrer la chose. Mais si la promesse de livrer existe de
la part des deux contractants, la preuve est nécessaire pour l'un et pour l'autre ;
car tous deux sont respectivement vendeurs et acheteurs. Ce moyen de répres-
sion, loin de nuire en aucune manière aux opérations des spéculateurs hon-
nêtes et délicats, les rendra moins périlleuses, en les délivrant du concours
de ceux qui, n'ayant rien à perdre, osent tout risquer. »
Ce n'est pas la première fois que la loi a voulu punir les marchés d'effets
publics faits à terme et sans livraison. Les arrêts du conseil du 7 août 1785 et
du 2'2 sept. 1786, les lois des 28 vendémiaire et 13 fructidor an IV les avaient
déjà interdits. L'art. 422 n'a point abrogé ces lois ; il ne s'occupe que des con-
tractants et non des marchés eux-mêmes. Il suppose frauduleux, ou du moins
dangereux pour Tordre, les marchés à terme, et punit ceux qui les contrac*-
tent. Quant à ces marchés eux-mêmes, ils sont nuls et sans effet légal d'après
le texte formel des lois antérieures. Cependant, il faut le dire, toutes ces pro-
hibitions sont demeurées stériles ; soit que ces textes niaient pas paru précis^
soit qu'il soit difficile de saisir ces transactions illicites, soit enfin que des
poursuites & ce sujet aient paru plus périlleuses que salutaires, les art. 421 et
422 n'ont reçu qu'une rare application.
DB LA TROMPERIE SUR LA NATURE DBS CHOSES VENDUES ET DE LA VENTE A FAUX
POIDS ET A FAUSSES MESURES.
474. L'art. 423 prévoit deux délits distincts : la tromperie sur la nature des
choses vendues, et la tromperie sur la quantité des mêmes choses par usage
de faux poids et de fausses mesures.
« Art. 423. Quiconque aura trompé l'acheteur sur le titre des matières d'or ou
d'argent, sur la qualité d'une pierre fausse vendue pour fine, sur la nature de
toutes marchandises ; quiconque, par usage de £snx poids ou de fausses mesures,
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DE LA TROMPKRIB SUR LES CHOSES VENDUES (aRT. 423). 433
aura trompé sur la quantité des choses vendues, sera puni de l'emprisonnement
pendant trois mois au moins, un an au plus, et d'une amende qui ne pourra excé-
der le quart des restitutions et dommages-intérêts, ni être au-dessous de 50 fr.
Les objets du délit, ou leur valeur, s'ils appartiennent encore au vendeur, seront
oonlisqués. »
La loi du 13 mai 1863 a ajouté un paragraphe ainsi conçu :
<t Le tribunal pourra ordonner Taffiche du jugement dans les lieux qu'il dési-
gnera, et son insertion intégrale ou par extrait dans tous les journaux qu'il dési-
gnera, le tout aux frais du condamné* »
Lorsqu'il s'agit des matières d'or et d'argent^ soit des pierres précieuses,
c'est la tromperie sur Tidentité de la chose vendue qui constitue le délit. Mais,
hors ces deux cas, ce n'est pas seulement le défaut d'identité, ce sont les cir-
constances qui changent la nature de la marchandise que la loi a voulu saisir.
Ainsi, toute tromperie opérée par ruses et artifices, et qui a pour objet d'égarer
l'acheteur sur la nature de la chose vendue, rentre dans les termes de la loi.
476. La tromperie sur la quantité par l'emploi de faux poids ou de fausses
mesures a un caractère plus grave. On lit dans l'exposé des motifs du Gode ^:
c( Le Gode contient des dispositions non-seulement contre ceux qui font usage
de faux poids ou de fausses mesures, mais aussi contre ceux qui se servent
d'autres poids et d'autres mesures que ceux qui ont été établis par les lois de
l'État Ges deux actes n'étant pas susceptibles d'une assimilation parfaite, il- a
dû être établi quelque différence dans les peines. Un mot suffira pour' en faire
sentir la nécessité. En effet, l'usage des faux poids et des fausses mesures
comprend nécessairement une fraude. Il n'en est pas de môme de l'usage des
poids et mesures anciens; celui-ci peut n'être pas accompagné de fraude, et si
la fraude n'existe pas, ce n'est point un délit, c*est une contravention. • Cette
dernière hypothèse fait l'objet de l'art. 426, qui renvoie lui-même aux art. 479,
n<» 6, 480, n? 2 et 481, n® 1, parce que les iaiis qui y sont prévus ne consti-
tuent qu'une simple contravention de police.
Le délit prévu par le deuxième paragraphe de l'art. 453 n'existe qu'autant qtte
la tromperie sur la quantité des choses vendues a été faîte avec emploi de
faux poids et de fausses mesures. Que faut-il entendre par faux poids et
fausses mesures ? Il faut entendre les instruments de pesage ou de mesurage
qui sont, non pas seulement irréguliers, mais inexacts. A la vérité, la loi du
4 Juillet 1837, sur les poids et mesures, a assimilé les poids et mesures irrégu-
liers à ceux qui sont faux : mais cette assimilation n'existe qu'à raison de la
contravention résultant de leur détention dans une maison de commerce, et
non à raison de leur usage.
476. L'art. 423 a été étendu par la loi du 26 mUTs 1851, relative à la vente
des denrées alimentaires et médicamenteuses. Je crois devoir mettre sous tos
yeux le texte de cette loi :
« Loi du 27 mars 1851 : — Art. 1. Seront punis des peines portées par l'art. 423
du Gode pénal, l"" ceux qui falsifieront des substances ou denrées alimentaires ou
médicamenteuses destinées à être vendues ; 2'' ceux qui vendront ou mettront en
vente des substances ou denrées alimentaires ou médicamenteuses qu'ils auront
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434 VINGT-TROISIÈME LBÇ. — DBS CRIMES ET DÉLITS, ETC. (n"" 476).
Alsiflées ou corrompues; 3' ceux qui auront trompé ou tenté de tromper sur la
quantité des choses livrées les personnes auxquelles ils vendent ou achètent, soit
par l'usage de faux poids ou de fausses mesures, ou d'instruments inexacts ser-
vant au pesage ou mesurage, soit par des manœuvres ou procédés tendant à
fausser l'opération du pesage ou mesurage, ou à augmenter frauduleusement le
poids ou le volume de la marchandise, môme avant cette opération, soit enfin par
des indications frauduleuses tendant à faire croire à un pesage ou mesurage anté-
rieur et exact. — Art. 2. Si, dans les cas prévus par l'art. 423 du Code pénal, ou
par Fart. 1*' de la présente loi, il s'agit d'une marchandise contenant des mixtions
nuisibles à la santé, Tamende sera de 50 & 500 fr., à moins que le quart des resti-
tutions et dommages-intérêts n'excède cette dernière somme, et l'emprisonnement
sera de trois mois à deux ans. Le présent article sera applicable même au cas où
la falsification nuisible serait connue de l'acheteur od consommateur. — Art. 3.
Seront punis d'une amende de 16 à 25 fr., et d'un emprisonnement de six à dix
jours, ou de l'une de ces deux peines seulement, suivant les circonstances, ceux
qui, sans motifs légitimes, auront dans leurs magasins, boutiques, ateliers ou*
maisons de commerce, ou dans les halles, foires ou marchés, soit des poids ou
mesures faux, ou autres appareils inexacts servant au pesage ou mesurage des
substances alimentaires ou médicamenteuses qu'ils sauront être falsifiées ou cor-
rompues. Si la substance falsifiée est nuisible à la santé, l'amende pourra être
portée à 50 fr. et l'emprisonnement à quinze jours. — Art. 4. Lorsque le prévenu,
convaincu de contravention à la présente loi et à l'art. 423 du Gode pénal, aura,
dans les cinq années qui auront précédé le délit, été condamné pour infraction à
la présente loi et ^ l'art. 423, la peine pourra être élevée jusqu'au double du m<m-
mum ; l'amende prononcée par l'art. 423 et par les art. 1 et 2 de la présente loi
pourra même être portée jusqu'à 1^000 fr., si la moitié des restitutions et dom>
mages-intérêts n'excède pas cette somme : le tout sans préjudice de l'application,
s'il y a lieu, des art. 57 et 58 du Gode pénal. — Art. 5. Les objets dont la
vente, usage ou possession constituent le délit, seront confisqués conformément è
l'art. 423 et aux art. 477 et 481 du Gode pénal. S'ils sont propres à un usage
alimentaire ou médical, le tribunal pourra les mettre à la disposition de l'admi-
nistration, pour être attribués aux établissements de bienfaisance. S'ils sont im-
propres à cet usage ou nuisibles, les objets seront détruits ou répandus aux frais
du condamné. Le tribunal pourra ordonner que la destruction ou effusion aura
lieu devant rétablissement ou le domicile du condamné. — Art. 6. Le tribunal
pourra ordonner l'affiche du jugement dans les lieux qu'il désignera et son inser-
tion intégrale ou par extrait dans tous les journaux qu'il désignera, le tout aux
frais du condamné. — Art. 7. L'article 463 du Gode pénal sera applicable aux
délits prévus par la présente loi. — Art. 8. Les deux tiers du produit des amendes
sont attribués aux communes dans lesquelles les délits auront été constatés. —
Art. 9. Sont abrogés les art. 475 n* 14, et 479 n* 5, du Gode pénal. »
Il n'est pas inutile d'arrêter un moment votre attention sur cette loi qui,
en comblant nne lacane de Tart. 423, s'est incorporée en quelque sorte dans
cet article qu'elle a complété. Notons, d'abord, que la loi du 27 mars 1851, qui
ne s'appliquait qu'à la vente des denrées alimentaires ou médicamenteuses,
a été étendue à la vente des boissons, par une loi du 5 mai 1855, ainsi conçue :
« Les dispositions de la loi da 27 mars 1851 sont applicables aux boissons. »
Cela posé, il faut établir quelques règles qui dominent l'application de ces
deux lois. La première est qu'elles ne s'appliquent qu'aux tromperies sur la
nature de la marchandise, et non aux tromperies sur la qualité. £n effet, on a
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DE LA TROBIPBRIB SUR LES CH0&B8 VENDUES (ART. 423). 4«?5
ra que la tromperie sur la qualité de la chose vendue est restreinte par Far-
licle 423 aux matières d*or et d'argent et aux pierres fausses vendues pour
fines, et la loi ne Ta point étendue à la vente des autres marchandises; la
raison en est que Tacheteur peut s*as8urer de la qualité de la marchandise,
peut en débattre le prix, mais, quant à la nature, sa confiance est souvent
forcée. La fraude pratiquée sur la qualité ne donne lieu qu'à une action civile
en rescision de la vente ou en réduction du prix. U y a lieu cependant d'ex-
cepter les cas où la tromperie sur la qualité est assez grave pour affecter la
nature du produit et le rendre impropre à sa destination : la jurisprudence a
vu dans ces cas une véritable tromperie sur la nature même de la marchandise.
Une autre règle est que les lois des 27 mars 1851 et 5 mai 1855, de môme
que l'art. 423, s*étendent, non-seulement à la vente en détail des denrées,
mais à la vente en gros et à la fabrication en vue de la vente. Les termes de
la loi du 27 mars ont, en effet, entendu comprendre tous les vendeurs ou les
acheteurs, que la vente soit faite en gros ou en détail, que la marchandise
soit exposée ou fabriquée pour la vente dans les magasins ou ateliers du fabri-
cant ou du vendeur. Une troisième règle est que, bien que Part. 423 et la loi
du 27 mars 1851«n'aient énoncé que la vente, la même raison doit étendre Tin-
crimination a réchange, qui n'est qu'un mode de la vente. Mais cette incrimi-
nation s'appliquerait-elle à rapport de la denrée fabriquée par un associé dans
une société commerciale ? La jurisprudence Ta décidé affirmativement dans
une espèce où Tassocié avait fait apport de vins frauduleusement falsifiés des-
tinés à être vendus à des tiers, et la raison est a que l'apport de ces vins fal-
sifiés dans la société, avec estimation de leur vsdeur, ayant eu pour consé-
quence d'en transférer la propriété à l'être moral de la société, constituait, au
profit de ladite société, une aliénation et une vente qui soumettaient le pré-
venu aux obligations imposées par la loi au vendeur envers son acheteur. >
On peut répondre que, si l'apport en société, de même que la dation en paye-
ment d'une chose, ont quelques-uns des effets de la vente, ces contrats cepen-
dant en diffèrent et ne sont pas compris dans les termes de la loi pénale ;
ensuite, que cette loi, qui a voulu assurer la sincérité du commerce, s'appli-
que surtout aux ventes qui ne sont pas suivies d'une vérification immédiate.
La tromperie sur la quantité des choses vendues n'existe que par le concours
de trois conditions : il est nécessaire que le vendeur ait eu l'intention de
tromper, que la tromperie ait porté sur la quantité des choses vendues, que le
moyen employé pour la consommer ait été ou l'emploi de faux poids ou de
fausses mesures, ou des manœuvres tendant à fausser l'opération du pesage
ou du mesurage, ou des indications frauduleuses tendant à faire croire à un
pesage ou mesurage antérieur et exact. La loi exige formellement l'intention
de tromper ; elle ne punit que celui qui a trompé l'acheteur, U faut que l'ache-
teur ait été trompé sur la quantité des choses vendues : c'est là le préjudice
matériel. Enfin, il faut que la tromperie ait été opérée par l'un des moyens
prévus par la loi, c'est-à-dire, par usage de faux poids ou de fausses mesures,
ce qui s'entend de tous appareils ou instruments inexacts servant au pesage
ou mesurage; par des manœuvres ou procédés tendant à fausser Vopération : il
serait difficile de les définir avec précision : le délit se compose de trois
éléments : les manœuvres ou procédés frauduleux mis en œuvre, l'objet de la
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436 VINGT-TROISIÈME LEÇ. — DBS CRIMES ET DÉLITS, ETC. (n* 477).
fraude qui est de fausser le pesage, et enfin le résultat, la tromperie sur la
quantité. Enfin, par les indications ftaudnJeuses faisant croire à un pesage-
antérieur et exact : il faut que ces indications soient matérielles et visibles :
un chiffre, un signe quelconque, une dédatetion verbale ne suffirait pas.
DBS CONTREFAÇONS.
477. Cette matière, qui comprend toute atteinte aux droits des auteurs sur
leurs inventions, est bien vaste. Je vais essayer de la resserrer dans d'étroites
limites. J'écarte d'abord tout ce qui tend à établir le droit même de propriété.
Les règles qui concernent ce droit rentrent dans le domaine de la loi civile. Je
distingue ensuite les contrefaçons littéraires et artistiques et les contrefaçons
industrielles. Ces dernières, qui ont fait l'objet des lois des 7 janvier 1791 et &
juillet 1844, sont étrangères au Gode pénal, et dès lors ne doivent point attirer
notre attention.
Notre Gode a défini ainsi le délit de contrefaçon :
« Art. 425. Toute édition d'écrits, de composition musicale» de dessin, de pein«
ture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie au
mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contre-
ûiçon ; et toute contrefaçon est un délit. »
« Art. 426. Le débit d'ouvrages contrefaits, l'introduction sur le territoire fran-
çais d'ouvrages qui, après avoir été imprimés en France, ont été contrefaits chez
l'étranger, sont un délit de Ja môme espèce, »
Il résulte évidemment de ces textes que, pour qu'il y ait délit de contre*
façon, il faut une reproduction entière ou partielle d'une œuvre artistique ou
littéraire appartenant à autrui. Mais on ne doit pas en induire que toute
reproduction soit constitutive de la contrefaçon. En premier lieu, ce n'est pas
la reproduction de la pensée que la loi incrimine, c'est la reproduction de
l'ouvrage, c'est une édition nouvelle imprimée ou gravée au mépris du droit
de l'auteur. La pensée, puisée dans la société, appartient à la société. La
ibrme de la pensée, l'œuvre matérielle est la seule propriété que la loi protège.
La reproduction elle-même est autre chose que l'imitation et le plagiat : l'imi-
tation exclut la reproduction, car par cela seul qu'elle suit le même procédé
ou traite le même sujet par un procédé différent, elle ne le reproduit pas exac-
tement; le plagiat, qui copie servilement et cache ses emprunts, ne fait, en
général, que peu de tort à la propriété. Enfin, la reproduction est entière ou
partielle; or, la reproduction partielle peut avoir quelques difficultés : les cita-
tions, d'abord, quoiqu'elles soient une reproduction partielle, ne rentrent pas
dans les termes de la loi. Mais il faut distinguer les citations et les emprunts :
les citations formellement avouées ne comportent aucune mauvaise foi et ne
causent aucun préjudice ; les emprunts, au contraire, s'ils sont importants,
peuvent être considérés comme reproduction partielle. Est-ce reproduire une
œuvre scientifique que d'en faire un abrégé? Oai, sans doute, si, en prenant
la substance, les idées et le plan de l'œuvre principale, on la rend à peu près
inutile, si on lui substitue une édition qui, sans être tout à fait identique,
peut la remplacer dans le commerce.
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DBS G0NTRBFAÇON8 (aRT. 426). 437
478. La loi n'a prévu qne la contrefaçon qui s'opère par Vimprution et la
gramtre. Suit-il de là qoe les autres moyens de reproduction soient licites ?
Non, car la loi a voulu protéger toute autre production de Tesprit; ainsi, la
reproduction d'une œuvre de sculpture, la copie d'un tableau, sont des actes
de contrefaçon, bien que les procédés employés ne soient pas prévus par la
loi : il importe peu, d'ailleurs, que les œuvres contrefaites aient été ou non
mises en vente. Ce n'est pas seulement le préjudice éprouvé, c'est le préjudice
possible qui fait l'objet de la garantie légale. S'il en était autrement, il faudrait,
quand une édition contrefaite est saisie, n'accorder de dommages-intérêts qu'à
raison des exemplaires effectivement vendus. Ce serait éluder la loi et con-
sacrer l'impunité. Le caractère de contrefaçon s'attacbe à toute fabrication
illicite susceptible de porter préjudice à l'exploitation vénale de l'auteur.
479. Quelles sont les œuvres que protège la loi? La loi du 19 juillet 1793
porte : « Art. 1». Les auteurs d'écrits en tous genres, les compositeurs de
musique, les peintres et dessinateurs qui feront graver des tableaux ou dessins,
jouiront durant leur vie entière du droit exclusif de vendre, faire vendre, dis-
tribuer leurs ouvrages dans le territoire de la République, et d'en céder la pro-
priété en tout ou en partie. — Art. 2. Leurs héritiers ou cessionnaires joui-
ront du même droit durant l'espace de dix ans après la mort des auteurs. —
Art. 3. Les héritiers de l'auteur d'un ouvrage de littérature ou de gravure ou
de toute autre production de l'esprit ou du génie qui appartient aux beaux-
arts, en auront la propriété exclusive pendant dix années* > Le décret du
h février 1810 a étendu par son art. 39 ce délai à vingt ans. Les décrets des
1er germinal an XIII et 8 juin 1806 ont étendu ce droit de propriété aux œuvres
posthumes. A ces lois et décrets, auxquels se référait l'art. 425, il fiant ajouter
la loi du 3 août 1844, le décret du 28 mars 1852 et la loi du 8 avril 1854. La
loi du 3 août 1844 est ainsi conçue : c Les veuves et les enfants des auteurs
d'ouvrages dramatiques auront à l'avenir le droit d'en autoriser la représen-
tation et d*en conférer la jouissance, conformément aux dispositions des
art 39 et 40 du décret du 5 février 1810. » Le décret du 28 mars 1852
porte ce qui suit : c ArL i^, La contrefaçon, sur le territoire français, d'ou-^
Trages publiés à l'étranger et mentionnés en l'art. 425 du Gode pénal, constitue
un oilit. — Art 2. Il en est de même du débit, de l'exportation et de l'expé- -
ditîon des ouvrages contrefaits. L'exportation et rSxprâîGôn'Té ces ouvrages"
sont un dent de la même espèce que l'introduction sur le territoire français
4'ouvrages qui, après avoir été imprimés en France, ont été contrefafts â
l'étranger- — Art. 3. Les délits prévus par les articles précédents seront répri-
més conformément aux art. 427 et 429 du Gode pénal. Kart. 463 du même
'Gode pourra être appliqué. » Art. 4. Néanmoins la poursuite ne sera admise
-que sous l'accomplissement des conditions exigées relativement aux ouvrages
publiés en France, notamment par l'art. 6 de la loi du 19 juillet 1793. • La loi
du 8 avril 1854 dispose que : c les veuves des auteurs, des compositeurs et des
artistes jouiront, pendant toute leur vie, des droits garantis par les lois des
13 janvier 1791 et 19 juillet 1793, le décret du 5 février 1810, la loi du 5 août
1844 et les autres lois ou décrets sur la matière. La durée de la jouissance
accordée aux enfants par ces mômes lois et décrets est portée à trente ans, à
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438 VWGT-TEOWlilfll Ï-BÇ- — DE» CBIMES ET DÉLITS, ETC. (n* 481)-
partir toit dfl déeftf de rantenr, eompositear ou artiste, soit de Pextinction
des droite de la Teave. • Enfin la loi dn 14 juillet 1866 a porté à cinqaante ans
la dorée de ces droite.
Les peines delaeootrefaçon sont, anz termes des art 427 et 429 : 1« Tamende
de 100 i 2,000 fr.; 2* la confiscation de l'édition contrekite; 3® les indemnités
an propriétaire dn préjadioe qn'ii a sonffért
480. La contrefaçon des oaTrages dramatiques a donné lien à nne dlsposi-
tion particulière :
« Abt. 428. Tout directeur, tout entrepreneur de spectacle, toute association
d'artistes, qui aura foit représenter sur son théâtre des ouvrages dramatiques au
mépris des lois et règlements relatifs i la propriété des auteurs, sera puni d'une
amende de 50 fr. au moins, de 500 fr. au plus, et de la confiscation des recettes. »
il ne s'agit que des représentations faites moyennant un prix d'entrée : les
antres, ne lésûit pas les droite des auteurs, ne rentrent pas dans les termes
de la loi.
DéUTS DES FOUHinSSEUBS.
481. Le Gode pénal n'a prévu, pour leur imposer une responsabilité pénale,
que trois actes des fournisseurs de l'État, d'où peut résulter un préjudice :
!• les fautes des fournisseurs qui font manquer les services dont ils sont char-
gés; 2^ les retards qu'ils apportent à leurs livraisons ou à leurs travaux; 3^ les
fraudes qu'ils commettent dans les fournitures qui leur sont confiées. Dans le
premier cas, les faits sont qualifiés crimes par la loi; dans les deux autres, ils
ne constituent que de simples délite.
« Art. 430. Tous individus chargés, comme membres de compagnie ou indivi-
duellement, de fournitures, d'entreprises ou régies pour le compte des armées de
terre et de mer, qui, sans y avoir été contraints par une force majeure, auront
fait manquer le service dont ils sont chargés, seront punis de la peine de la réclu-
sion et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des dommages-intérêts, ni
être au-dessous de 500 fr. ; le tout sans préjudice de peines plus fortes en cas d'in
teUigence avec Tennemi. »
« Aar. 431. Lorsque la cessation du service proviendra du fait des agente des
fournisseurs, les agente seront condamnés aux peines portées par le précédent
article. Les fournisseurs et leurs agents seront également condamnés lorsque les
uns et les autres auront participé au crime. »
a ART. 432. Si des fonctionnaires publics ou des agents préposés ou salariés du
gouvernement, ont aidé les coupables & faire manquer le service, ils seront punis
de la peine des travaux forcés à temps, sans préjudice des peines plus fortes en
cas d'intelligence avec Tennemi. »
Il résulte de ces articles qu'ils ne s'appliquent qu'aux fournisseurs des
armées de terre et de mer. C'est leur qualité de fournisseurs qui transforme
dans ce cas en crime la simple infraction au service. Le fait matériel n'est
autre chose que le manquement même à ce service. Mais le sort d'une armée
et la destinée de l'Ëtet peuvent en dépendre.
L'arU 433 prévoit les simples retards et les fraudes sur les choses fournies»
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DB l'ingbndib. 439
« Art. 432. Quoique le service n'ait pas manqué, si, par négligence, les livrai-
sons et les travaux ont été retardés, ou s'il y a eu fraude sur la nature, la qualité
ou la quantité des travaux ou main-d'œuyre ou des choses fournies, les coupables
seront punis d'un emprisonnement de six mois au moins et de cinq ans au plus,
et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des dommages-intérêts, ni être
moindre de 100 francs. »
Dans les deux cas préTus par cet article, le service est mal exécuté, mais il
ne manque pas; le préjudice n'est pas le même, et c'est à raison de cette diffé-
rence que le fait n'est qualifié que de délit. Le deuxième fait, au surplus, est
le même que celui que l'art. 423 a déjà prévu; il me suffit d'y renvoyer.
Le deuxième paragraphe de l'art, 433 porte :
« Dans les divers cas prévus par les articles composant le présent paragraphe,
la poursuite ne pourra être faite que sur la dénonciation du gouvernement. »
C'est au gonvernement, c'est-à-dire au ministre de la guerre qui le repré-
sente dans cette circonstance, à apprécier la gravité du fait et le préjudice qui
en est résulté : les tribunaux, qui n'ont aucun élément pour faire une telle
appréciation, ne pourraient se saisir sans une telle dénonciation.
VINGT-QUATRIÈME LBÇON. ]
DE l'iNGENDIB.
482. L'incendie a un caractère mixte : il peut être employé comme moyen
d'ôter la vie, mais le plus souvent il ne menace que les propriétés. Le Gode de
1810, reproduisant une disposition du Gode de 1791, avait porté la peine de mort
contre toute espèce d'incendie. Gette iniquité a frappé l'attention du législa-
teur de 1832 : « On ne peut se dissimuler, a dit le rapporteur de la loi du 28
avril 1832, qu'il n'y ait entre les différents cas d'incendie, quant au préjudice,
quant à l'alarme, quant à la perversité, un intervalle immense. Toutes les rai-
sons d'équité exigent donc une différence dans les peines comme dans les
crimes, et votre commission les a jugées supérieures aux raisons d'utilité qu'on
allègue pour maintenir l'uniformiié de peine portée par le Code pénal. Sans
doute, l'incendie est un crime à part; la facilité de le commettre, la difficulté
de le prouver, les ravages qu'il exerce, la terreur qu'il répand, appellent toutes
les sévérités delà loi. Dans les temps de troubles, un incendie peut devenir un
instrument de haine politique, une vengeance organisée de parti ; les conspi-
rations incendiaires sont le plus redoutable auxiliaire de la révolte. Mais remar-
quez d'abord que la peine de mort n'a pas besoin d'être maintenue pour cette
dernière hypothèse; elle est écrite dans l'art. 91 du Gode pénal, qui applique
la peine capitale (aujourd'hui la déportation dans une forteresse) au complot
lorsqu'il a pour objet de porter la désolation dans une ou plusieurs communes.
— Dans les temps ordinaires, il peut être nécessaire que la peine de mort pro-
tège la vie de l'homme lorsque l'incendie peut la mettre en danger; mais si la
vie de l'homme n'a pas même été menacée, l'incendie n'est autre chose qu'une
dévastation avec circonstances aggravantes; et n'y a-t-il pas une suffisante
aggravation de peine à punir des travaux forcés à temps et même des travaux
forcés à perpétuité une simple dévastation ? >
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440 VINGT-QUATRIÈME LEÇ. — DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (n* 484).
483. L'art. 434, rédigé d'après ces motifs, se divise en six paragraphes.
a AjiT. 434, § l*r. Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, na*
vires, bateaux, magasins, chantiers, quand ils sont habités ou servent à l'habitation,
et généralement aux lieux habités ou servant à Thabitation, qu'ils appartiennent
ou n'appartiennent pas à l'auteur du crime, sera puni de mort. »
Quand la maison est habitée on sert à Thabitation, il y a présomption que
l'incendie s'attaque à la vie de Thomme et non pas seulement à la propriété;
il est considéré comme un moyen d^assassinat. Cependant la loi n'exige point
qu'il y ait une relation directe entre la volonté et le résultat de l'incendie ;
elle n'exige point, comme dans le meurtre, que l'agent ait en la volonté de
taer; elle exige seulement qu'il ait eu l'intention d'incendier une maison ha-
bitée ; elle fait peser sur lui la responsabilité des résultats possibles de Tin-
cendie. Les deux éléments du crime sont donc d'abord la volonté de mettre le
feu, ensuite le fait de mettre le feu à l'un des objets énomérés par la loi. Mais
la condition générale, qui s'applique à tous ces objets, est qu'ils consistent dans
des lieux habités ou servant à l'habitation.
484. Ici s'élève une question grave. Faut-il comprendre dans les lieux ser*
vaut à l'habitation, non-seulement les lieux habités, mais leurs dépendances?
La jurisprudence a résolu affirmativement cette question, attendu que, lorsque
la loi fixe elle-même la signification des termes qu'elle emploie, il n'est pas
permis au juge de restreindre ni d'étendre cette signification; que l'art. 390 dn
Gode pénal détermine d'une manière générale, sans limitation aux seuls cas
de vol, le sens et l'étendue de l'expression maison habitée employée dans ce
Gode; que, d'après cet acticle, on doit réputer maison habitée, non-seulement
tout bâtiment, logement, etc., qui est destiné à l'habitation, mais aussi tout ce
qui en dépend, comme cours, basses-cours, granges, écuries, édifices qui y sont
enfermés, quel qu'en soit l'usage ; que le législateur, en employant dans le
premier paragraphe de l'art. 434, Texpression lieux habités ou servant à Vhabir
tatioriy ne leur a pas attribué un sens moins étendu qu'à celle de maison habi-
tée dont la définition se trouve dans l'art. 390, qui fait partie du même chapitre
que l'art. 434. On a répondu que Fart. 390 n'a eu en vue et n'a pu avoir en
vue que le vol et le danger dont il menace l'habitation; il protège le domicile
et toutes ses dépendances, parce qu'il est évident que les voleurs, introduits dans
les cours, basses-cours, jardins, menacent la sûreté des habitants aussi bien
que s'ils étaient entrés dans l'habitation elle-même; mais ce qui s'applique au
vol peut-il s'appliquer à l'incendie? Gomment comprendre l'incendie d'une
cour, d'un jardin, d'un enclos? Gomment comprendre que le feu mis dans cet
enclos, s'il ne menace en aucune sorte la sûreté de Thabitation, doit être puni
comme s'il était mis à cette habitation elle-même? Que si le feu peut se com-
muniquer de l'écurie ou de la grange à la maison habitée, il est évident, et c'est
l'objet du § 7, que l'incendie doit être puni comme s'il était mis à la joiaison
même; mais si le bâtiment incendié est hors de toute portée, comment la peine
sera-t-elle aggravée par cela seul que le bâtiment sera placé dans un enclos au
lieu d'être en dehors, parce qu'il sera réputé dépendance de maison habitée?
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DB l'incendie (art. 434). 441
485. La pMne est la même soit que les objets incendiés opparHmneni eu
n'of^rtiennerU pas à rautenr du crime, parce que la loi, dans cette première
disposition, a sartont vonla protéger la vie de l'homme ; or, lorsqae la maison
est habitée, la circonstance de la propriété de cette maison devient indiffé-
rente : l'incendie est nn attentat contre les personnes et non contre les pro-
priétés.
486. Les paragraphes de Tart. 434 qui vont suivre ont été modifiés en quel-
ques points par la loi du 13 mai 1863. Le deuxième paragraphe entièrement
«jouté, est ainsi conçu :
a Abt. 434, § 2. Sera puni de la même peine quiconque aura volontairement mis
le feu, soit à des voitures ou wagons contenant des personnes, soit à des voitures
ou wagons ne contenant pas des personnes, mais faisant partie d*un convoi qui
en contient. »
On lit dans Texposé des motifs : c L'incrimination nouvelle proposée dans
le § 2 peut se justifier en quelques mots : c'est l'extension des termes de la
loi à un cas nouveau qui est manifestement dans son esprit, mais qui ne pouvait
pas se trouver dans sa lettre puisqu'il est postérieur au Gode. Assurément il
n'était donné à personne de prévoir, en 1810, qu'un jour viendrait oii des
voitures, mues par la vapeur, seraient comme des lieux habités, et, formées
en convois, réuniraient des milliers de personnes. La parité de fait et de rai*
eon n'a pas besoin d*étre démontrée, elle se voit : on pourrait prétendre même
qu'il y a identité. Mais en matière pénale il ne faut rien laisser à l'induction;
les termes de la loi ne sauraient être trop précis ni trop explicites. On les a
combinés de manière à comprendre dans la disposition : 1<» les voitures parti-
culières en môme temps que les wagons; %^ les agents de l'exploitation en
même temps que les voyageurs, sous le nom générique des personnes ; Z** Tin*
cendie d'une voiture ou wagon ne contenant pas de personnes, mais faisant
partie d'un convoi qui en contient. >
487. L'art. 434, après avoir considéré l'incendie comme un instrument ho-
micide, le considère comme un instrument de dévastation :
« Art. 434. Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires,
bateaux, magasins, chantiers, lorsqu'ils ne sont ni habités ni servant à Thabita-
tion, ou k des forêts, bois, taillis ou récoltes sur pied, lorsque ces objets ne lui
appartiennent pas, sera puni des travaux forcés à perpétuité. »
La gravité de la peine est fondée sur la nature du crime qui peut produire
d'incalculables dommages. Le feu, mis à une récolte sur pied ou à une forêt,
peut se propager au loin et porter la ruine dans toute une contrée. Ce qu'il
faut remarquer surtout dans ce paragraphe, outre l'élément de la volonté sans
lequel il n'y a point de crime, c'est i'énumération évidemment restrictive des
objets indiqués dans ce paragraphe : ce n'est qu'à ces objets que la loi a voulu
assurer la garantie de la peine qu'elle prononce, à raison du dommage que
leur incendie peut occasionner.
488. a Abt. 434, § 5. Quiconque aura volontairement mis le feu, soit à des pailles
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442 yingt-quâtrièmb lbç. — des cribcbs et délits, etc. (n* 489).
ou récoltes en tas ou en meules, soit à des bois disposés en tas ou ^ stères, soii
à des voitures ou wagons chargés im non chargés de marchandises ou autres objets
mobiliers et ne faisant point partie d'un convoi contenant des personnes, si ces
objets ne lui appartiennent pas, sera puni des travaux forcés à temps. »
Le § 5 ne diffère du précédent que par la nature des objets qui y sont énumé-
rés. 8i la peine est moindre, c'est que Fincendie mis à des récoltes en tas oa
en meules ne se propage pas comme dans le cas où ces récoltes ou ces bois sont
sur pied. Le dommage est moins considérable. Ce n'est néanmoins qu'à des
récoltes que ce paragraphe s'applique. Ces récoltes laissées à la foi publique
demandaient une protection particulière; les autres objets mobiliers ne rentrent
pas dans la même disposition. Que faut-il entendre par récoltes? Tous fruits
ou productions utiles de la terre qui, séparés de leurs racines ou de leurs tiges,
par le fait du propriétaire ou de celui qui le représente, sont laissés momen-
tanément dans les champs jusqu'à ce qu'ils soient enlevés et enfermés dans un
lieu ot ils peuvent être particulièrement surveillés.
Deux additions ont été faites à ce paragraphe. L'une, qui correspond à celle
qui a été faite au § 2, a pour objet de punir l'incendie des wagons ou voitures
chargés d'objets mobiliers, et ne faisant plus partie d'un convoi de voyageurs.
L'autre a eu pour objet : 1<» d'introduire le mot pailles ponr accorder à cette
denrée la même protection qu'aux récoltes, lorsque les pailles sont en tas ou
en meules dans les champs ; 29 de modifier l'ingrimination relative aux tas de
bois, de manière que l'incendie soit aussi bien punissable au cas oii les bols
sont entassés dans un lieu quelconque où ils attendent d*étre emmagasinés,
qu'aux cas où ils sont encore rangés en tas sur les lieux mêmes où ils ont et
coupés. Il est évident que, dans Tune et Tautre hypothèse, les tas de bois sont
également placés sous la protection de la foi publique.
489. L'un des éléments des deux crimes qui précèdent est que l'objet incen-
dié appartienne à autrui; il était inutile de le mentionner puisque l'incendie,
dans ces deux paragraphes, est un attentat à la propriété d'autrui, puisque la
loi stipule formellement la condition que l'objet incendié appartienne à un
tiers. Il n'en est plus ainsi dans les §§ 4 et 6 : ce n'est plus la chose d'autrui
que ces paragraphes ont en vue, c'est la propre chose de l'agent, lorsque d'ail-
leurs l'incendie de cette chose n'est pas un simple abus du droit de propriété,
lorsqu'il peut en résulter un préjudice pour les tiers.
« Abt. 434, § 4. Celui qui, en mettant ou en faisant mettre le feu à des objets
énumérés par le paragraphe précédent et à lui-même appartenant, aura volon-
tairement causé un préjudice quelconque à autrui, sera puni des travaux forcés à
temps ; sera pimi de fa même peine celui qui aura mis le feu sur Vordre du pro^
priétaire. »
a Art. 434, § 6. Celui qui, en mettant ou en faisant mettre le feu à l'un des objets
énumérés dans le paragraphe précédent et à lui-môme appartenant, aura volon-
tairement causé un préjudice quelconque à autrui, sera puni de la réclusion ; sera
puni de la même peine celui qui aura mis le feu sur l'ordre du propriétaire. »
Les motifs de ces deux dispositions, introduites par la loi du 28 avril 1832,
ont été exposés par le législateur : c Les contrats d'assurance contre l'incendie
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DE l'ingbndib (art. 434). 443
et les évaluations trop souvent exagérées dans ces contrats des immeubles qui
en sont Tobjet ont donné naissance à un crime d'une nature toute particu-
lière. Le propriétaire met lui-même le feu à sa maison pour obtenir de la com-
pagnie avec laquelle il a traité le capital de Passurance ; il importe de répri-
mer avec sévérité un tel attentat, dont il est si difficile de convaincre les
auteurs; car, gardiens de leurs propriétés, ils cboisissent le moment qui con-
vient le mieux à leurs coupables projets. • La jurisprudence avait, avant cette
loi, assimilé ce crime au crime ordinaire d'incendie, et la peine de mort devait
atteindre celui qui avait incendié sa propre maison dans la pensée de dépouiller
une compagnie d'assurance, comme celui qui avait incendié la maison d'autrui.
Ces crimes ne sont pas les mêmes; ils ne supposent pas la même perversité
dans leurs auteurs. On pourrait même soutenir non sans raison que Tincendie
d'une propriété assurée n*est en soi-même qu'une simple escroquerie : c'est
le danger résultant du moyen employé qui en aggrave le caractère. La loi a
marqué un degré difEérent dans la peine d'après la nature et la valeur des
objets incendiés.
Deux additions ont été faites à ces deux paragraphes par la loi du
13 mai 1863. Elles avaient été indiquées par la doctrine. « Le crime, avait-on
dit, change-t-il de nature parce que le propriétaire, au lieu de mettre lui-
même le feu, Ta fait mettre par un domestique, par un agent, qui n'aura été
que son instrument et, pour ainsi dire, son bras ? Cette espèce d'incendie, qui
n'est qu'une escroquerie, une sorte de vol avec circonstances aggravantes,
devient-elle tout à coup la destruction de la chose d'autrui, par cela seul
que le propriétaire a employé la main d'un tiers au lieu de sa propre main
pour y mettre le feu? Dans Tordre logique le propriétaire est l'auteur prin-
cipal et son agent n'est que son complice. Dans l'ordre légal il n'en est point
ainsi. 81 le tiers a agi sans contrainte et volontairement, s'il était animé d'une
pensée de nuire, les termes de la loi sont trop formels pour qualifier son
action autrement qu'un incendie de la chose d'autrui. Mais la qualité de pro-
priétaire cependant n'est-elle pas une circonstance intrinsèque du fait et qui
modifie nécessairement la pâture de l'action ? Cette circonstance doit donc
lui profiter, soit qu'il ait agi comme auteur ou complice, parce qu'elle le suit
dans les deux cas, et qu*ii est impossible d'en faire abstraction pour apprécier
la criminalité de son action. » L'équité de cette proposition a entraîné le
législateur.
490. L'art. 434 est terminé par deux dispositions générales qui complètent
le système répressif du Code sur cette matière.
« § 7 de l'art. 434. Celui qui aura communiqué Tincendie à l'un des objets énu-
mérés dans les précédents paragraphes, en mettant volontairement le feu à des
objets quelconques appartenant soit à lui, soit à autrui, et placés de manière à
communiquer ledit Incendie, sera puni de la même peine que s'il avait directe-
ment mis le feu à l'un desdits objets. »
Les caractères du crime sont clairement indiqués ; il faut que l'agent ait
mis volontairement le] feu à des objets quelconques, que ces objets aient ét^
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444 VINGT-QUATRIÈMB LBÇ. — DES CRIIIBS ET DÉLITS, BTG. (n"* 491).
placés de manière à commtinîqaer l'incendie^ enfin que l'incendie ait été com-
muniqaé. Est-il nécessaire, ponr Tapplication de la loi, que Fagent ait voulu
la communication 7 Non, il suffit qu'il ait voulu l'incendie et que la commu-
nication ait été le résultat de cet incendie, t II est vrai, a dit l'exposé des
motifs, que, malgré toutes les précautions et quoique l'incendiaire n'ait voulu
atteindre que sa propre maison, il peut arriver que le vent communique Tin-
œndie; il en subira la responsabilité. Il y a déjà une peine très-grave si l'in-
cendie s'arrête à la propriété ; si un accident porte le ravage un peu plus loin,
quoique sa volonté n'ait pas concouru à cette communication, comme déjà 0
y avait crime, perversité dans la volonté, il supportera la responsabilité nou-
velle des donmoages qu'il pourra avoir occasionnés. • Il suit de là que l'agent
est responsable de toutes les suites de son action, qu'il les ait voulues ou non,
qu'il ait pu ou n'ait pas pu les prévoir, l'accident qui porte le feu sur la maison
voisine de la sienne qu'il a incendiée aggrave son crime et fait peser sur lui
le crime d'avoir volontairement mis le feu à une maison habitée. C'est là»
peut-être, une appréciation un peu rigoureuse d'une action accidentelle. 8i
l'incendie de la propre maison de l'agent est volontaire, l'incendie de la
maison voisine, à laquelle les vents ont communiqué le feu, n'est-il pas invo-
lontaire 7 Et comment attacher une responsabilité pénale à un acte qui n'émane
pas de la volonté de son auteur ? N'est-ce pas élever l'imprévoyance ou l'im-
prudence au niveau du crime 7 qu'importe que l'agent soit surpris dans un
premier crime flagrant, l'incendie de sa propre chose assurée 7 S'ensuit-il,
parce qu'une première culpabilité pèse sur loi, qu'on puisse retendre à des
faits qu'il n'a ni voulus ni prévus et qui supposent une perversité tout à fiiit
étrangère à la première 7 II faudrait peutrétre, en distinguant avec quelques
auteurs, dire qu'à l'égard de l'incendie de l'objet auquel le feu a été commu-
niqué, la loi ne fait que présumer une volonté qui peut être déniée, et que
cette présomption, qui se fonde sur la communication effectuée, peut être
détruite par la preuve que cette communication a été purement accidentelle.
491. Le dernier paragraphe de l'art. 434 porte :
a § 8 de l'art. 434. Dans tous les cas, si Tinoendle a occasionné la mort d'une ou
de plusieurs personnes se trouvant dans les lieux incendiés au moment où il a
éclaté, la peine sera la mort. »
Ce paragraphe se réfère aux dispositions précédentes relatives aux incendies
qui ne sont considérés que comme des attentats à la propriété. CSes incendies
<îhangent de nature, dès que, par révénement de la présence d'une personne
sur les lieux incendiés, ils ont causé la mort de cette personne. La loi rend
l'agent responsable de cet événement qu'il aurait dû prévoir ; elle le punit pour
avoir employé un moyen de destruction capable de produire un homicide. H
faut toutefois remarquer encore ici que, pour prononcer la pdne de mort, le
législateur ne s'est point inquiété de la volonté de causer l'homicide. C'est un
dernier vestige de la barbarie des anciennes lois et de l'épouvante que l'incendie,
par sa nature funeste, fait éprouver au législateur. On a voulu refréner ce
crime par la terreur de la plus grave des peines, on n'est pas encore parvenu
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DE L*INGBNDIB (ART. 437). 445
i établir une jasie proportion entre la pénalité appliquée et le crime tel qu'il a
été commis par Tagent.
DB8TBUCTION8 GAUSÂBS PAR L*BFPET d'uNB MmS.
4M. L'art 435 est ainsi conçu :
« Art. 435. La peine sera la même, d'après les distinctions faites dans l'article
précédent, contre ceux qui auront détruit, par l'effet d'une mine, des édifices»
navires, bateaux, magasins ou chantiers. »
Cet article, en assimilant l'explosion d'une mine à Pîncendie, applique à cette
explosion toutes les distinctions établies en matière d'incendie. Iljsuit de là que
la peine diffère suivant que les objets détruits appartiennent ou n'appartiennent
pas à l'agent, suivant que les lieux sont ou ne sont pas habités^ suivant que la
mine a causé tels ou tels effets. Il suit encore de là qu'il n'y a point de crime
si l'explosion n'a pas eu lieu volontairement. Si cet attentat a pour but de
jeter le trouble dans l'État, en excitant ou favorisant la guerre civile, il rentre
dans les termes de l'art. 95.
Je n'ai point à m'pccuper ici des menaces d'incendie qui font l'objet de
l'art. 436. J'ai examiné cet article en même temps que les art. 305, 306 et 307
auxquelles il se réfère.
OBSTRUCTIONS BT BAtASTATIONS DB PROPRIAtÉS.
498. Notre Gode va maintenant faire passer sous nos yeux, de Fart. 437 à
l'art. 462, une série de dispositions qui ont un but commun, celui de protéger
la propriété mobilière et immobilière contre toutes les destructions, dévasta-
tions et violences dont elle peut être l'objet. Je m'arrêterai peu à chacune de
ces dispositions qui sont, en général, très-claires et qui n'exigent que très-
peu d'explications. La plus grave de ces incriminations est la destruction des
édifices par une autre cause que l'incendie.
« Art. 437. Quiconque aura volontairement détruit ou renversé, par quelque
moyen que ce soit, en tout ou en partie, des édifices, des ports, digues ou chaus-
sées, ou autres constructions qu'il savait appartenir à autrui ou causé l'explosion
d'une machine à vapeur, sera puni de la réclusion et d'une amende qui ne pourra
excéder le quart des restitutions et indemnités, ni être au-dessous de 100 fr. —
S'il y a eu homicide ou blessures, le coupable sera, dans le premier cas, puni de
mort, et, dans le second, puni de la peine des travaux forcés à temps. »
La loi ne détermine pas les moyens de destruction employés : elle incrimine
toutes les voies de fait, pourvu qu'elles aient détruit ou renversé, pourvu qu'elles
aient eu pour but la ruine de l'édifice, lors môme que cette ruine n'aurait été
que partielle. Cette disposition s'applique à toutes les constructions, c'est-à-
dire à tous les ouvrages élevés dans un but d'utilité publique ou privée. Ufaut
toutefois que l'agent ait agi volontairement et qu'il ait su que Tédifice appar-
tenait à autrui. Le premier paragraphe de Tarticie n'est que la reproduction de
la dernière disposition de l'art. 434.
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446 VINGT-QUATRIÈME LKÇ. — DES CRIMES BT DÉLITS, ETC. (n* 495).
« Art. 438. Quiconque, par voies de fait, se sera opposé à la confection de tra-
vaux autorisés par le gouvernement, sera puni d'un emprisonnement de trois
mois à deux ans et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des dommages-
intérêts, ni être au-dessous de 16 f)r. — Les moteurs subiront le maximum de la
peine. »
La loi exige qu'il y ait eu opposition à la confection de travaux autorisés
par le gouvernement et que cette opposition se soit manifestée par des voies
de fait. Il importe peu que les travaux entrepris soient définitifs ou prépara-
toires, la loi ne distingue point : ainsi, lors même qu*ilne s'agirait que d'étndes
de terrains et de levées de plans sur des terrains qui ne sont point encore expro-
priés, Part. 438 serait applicable, sauf la réparation du dommage que les
études pourraient causer. Cette disposition est tellement gcnérale qu'elle
n*admet pas, comme faisant disparaître le délit, la circonstance que Tauteor
des voies de fait se prétendrait propriétaire du terrain sur lequel auraient lieu
les travaux; car une pareille distinction entraînerait des inconvénients graves
pour rintérêt national : des travaux urgents pour la navigation, pour la viabi-
lité, ou pour tout autre objet d'utilité publique, seraient suspendus ou empêchés
au gré de ceux qui prétendraient exercer un droit en opposition aux actes du
gouvernement. Celui qui se croit lésé par des travaux ainsi ordonnés peut
invoquer les lois protectrices de la propriété en recourant aux voies légales,
soit pour arrôtef le cours ultérieur des travaux, soit pour obtenir la réparation
du préjudice qui lui aurait été causé.
494. L*art. 439, qu'il faut rapprocher des art. 173, 255 et 400, pour aperce-
voir les limites qui séparent ces différentes dispositions, est ainsi conçu :
a Art. 439. Quiconque aura volontairement détruit ou brillé, d'une manière
quelconque, des registres, minutes, ou actes originaux de l'autorité publique, des
titres, billets, lettres de change, effets de commerce ou de banque, contenant ou
opérant obligation, disposition ou décharge, sera puni ainsi qu'il suit : — Si les
pièces détruites sont des actes de l'autorité publique, des effets de commerce ou
de banque, la peine sera de la réclusion ; — S'il s'agit de toute autre pièce, le cou-
pable sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 100
à 800 fr. »
Cet article ne punit ni Textorsion, ni le détournement ni la suppression des
actes dans les dépôts; il ne punit que la destruction de ces actes, hors des
dépôts, et par toute autre personne que le dépositaire. La destruction d'une
manière quelconque comprend la lacération du titre. Il faut seulement que
Tacte détruit, soit qu'il soit rangé dans la classe des actes de Tautorité publique,
ou parmi les actes privés, contienne ou opère obligation, disposition ou décharge :
s'il ne produit pas cet effet, il n'y a plus de préjudice.
495. Les art. 440, 441 et 442 s'occupent du piUage des denrées ou mar-
chandises :
a Art. 440. Tout pillage, tout dég&t de denrées ou marchandises, effets, pro-
priétés mobilières, commis en réunion ou bande, et à force ouverte, sera puni
des travaux forcés à temps ; chacun des coupables sera de plus condamné à une
amende de 200 à 5,000 fr. 9
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DESTRUCTIONS BT DÉVASTATIONS (aRT. 442). 447
« Art. 441. Néanmoins ceux qui prouveront avoir été entraînés par des provo-
cations ou sollicitations à prendre part à ces violences, pourront n'être punis que
de la peine de la réclusion. »
« Art. 442. Si les denrées pillées ou détruites sont des grains, grenailles ou
farines, substances farineuses, pain, vin ou autres boissons, la peine que subiront
les chefs» instigateurs ou provocateurs seulement, sera le maximum des travaux
forcés à temps et celui de l'amende prononcée par l'art. 440. »
c Ce cas, dit Texposé des motifs, présente deux crimes à la fois : 1« raction
de piller ou dévaster; 2*^ une sorte de rébellion qui a été employée pour en
faciliter Texécution. > En effet, le crime n'existe que par la réunion de ces
trois conditions: !<> pillage ou dégât de marchandises; 2<> en réunion ou bande;
3<* à force ouverte. Deux circonstances peuvent en atténuer ou en aggraver
le caractère ; la peine fléchit, si Tagent prouve qu'il n'a fait que céder à des
provocations ; elle s'élève, au contraire, si les denrées pillées on détruites sont
des grains, grenailles ou farines. L*art. 440, au surplus, n'a point déterminé
le nombre d'individus nécessaire pour former la réunion ou bande; mais ce
crime rentrant par sa nature et son objet dans la classe de ceux qui compro-
mettent la sûreté publique, il faut entendre et interpréter cet article suivant
les principes établis dans les art. 211 et 212; il suffit donc que le pillage ou
dégât ait été commis à force ouverte, par une réunion ou bande composée de
trois personnes, pour que l'art. 400 soit applicable.
496. L'art. 443 a eu pour objet de protéger les intérêts du commerce et des
manufactures, en punissant les dommages volontairement causés aux mar-
chandises ou matières servant à la fabrication. Il est inutile de relater le texte
de l'article, qui ne donne lieu à aucune difficulté. Les éléments de l'incrimi-
nation sont : i^ le moyen employé pour détériorer la marchandise, une liqueur
corrosive ou tout autre moyen; 2<* la volonté de causer la détérioration ; S^ enfin
le fait matériel du dommage. Les œuvres d'art, destinées à être mises dans le
commerce, rentreraient dans les termes de l'art. 443.
497. Les articles qui suivent, depuis Tart. 444 jusqu'à l'art. 461, ont pour
objet de punir des faits de destruction qui se rattachent à l'agriculture : tels
sont les dévastations de récoltes sur pied ou des plants venus naturellement ou
faits de main d'homme que prévoit l'art. 444; le fait d'abattre des arbres qui
fait l'objet tles art. 445 et 446 ; la destruction des greffes punie par l'art. 447 ;
la coupe de grains ou fourrages appartenant à autrui, que prévoient les art.
449 et 450; la rupture des instruments d'agriculture punie par l'art. 451; la
destruction des animaux domestiques et des bestiaux qui fait la matière des
art. 452, 453, 454 ; la suppression des bornes, l'inondation des propriétés,
l'incendie par imprudence des biens ruraux, le défaut de précaution dans les
cas d'épizootie prévus par les art. 456, 457, 458, 459, 460 et 461. Toutes ces
dispositions ont un but commun qui est de protéger les propriétés rurales qui,
pour la plupart, sont exposées à la foi publique : la loi ne recherche pas la
nature de l'intention de l'agent; ce n'est pas, dans tous les cas, comme dans
le vol, le désir de profiter du délit ; c'est plus souvent l'envie de nuire même
sans profit; de là il suit que la double base de toutes ces incriminations, sauf
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448 YINGT-QUÀTRIÈMB LBÇ. — DES GRIMES BT DÉLITS, ETC. (n* 49 ^
celles qni ne sont fondées que sor des faits d'imprudence; c'est, d'une part, la
volonté de causer un dommage^ et, d'une autre part, le dommage causé. Ces
articles, d^aiileurs, clairement rédigés en général, n'ont soulevé que peu de
difficultés dans la pratique, et je crois superflu, dès lors, de m'arrôter à l'exa-
men de leurs textes.
498. Je trouve toutefois dans l'art. 462 une disposition générale qu'il ne
faut pas passer sous silence.
« Art. 4G2. Si les délits de police correctionnelle dont il est parlé au présent
chapitre ont été commis par des gardes champêtres ou forestiers, ou des officiers
de police, & quelque titre que oe soit, la peine d'emprisonnement sera d'un mois
au moins et d'un tiers au plus en sus de la peine la plus forte qui serait appliquée
à un autre coupable du même délit. »
Cet article est le complément de l'art. 198. Le but de ces deux dispositions
est de frapper d'une peine plus grave les crimes et délits qui sont commis par
les agents chargés de les surveiller. U est évident que ces agents sont plus
coupables que les autres lorsqu'ils commettent eux-mêmes les faits qu'ils ont
pour devoir d'empêcher. L'art. 462 diffère, au surplus, de Part. 198, en ce qu'il
ne punit pas seulement une participation à l'action, mais sa perpétration
directe par l'officier de police. Sa disposition s'étend d'ailleurs à tous les délita
correctionnels contre la propriété, sans distinguer si l'officier était spécialement
chargé de surveiller celle qui a été l'objet du délit. C'est son caractère général,
et non sa fonction spéciale, qui motive l'aggravation.
LIVRE QUATRIÈME
DES CONTRAVENTIONS DE POLICE.
499. Vous avez vu que les actes punissables se divisent en crimes, délits et
confravenHons. Nous avons parcouru la longue série des crimes et des délits
Nous arrivons maintenant à la troisième classe des infractions, à la classe des
contraventions de police.
Cette matière, bien qu'eUe n'ait pas l'importance qui s'attache à des actes
plus graves, a cependant un grand intérêt. Les règlements de police sont des
lois pénales locales qui ont pour objet d'assurer l'ordre et le bon aménagement
de la cité. Si leurs prescriptions ne sont pas, comme les lois pénales générales,
les bases mêmes de la vie sociale, elles sont les conditions nécessaires de la
commodité et de la tranquiUité de cette vie; elles touchent en même temps
par mille points différente aux intéréte de la propriété et de la liberté civile. Il
ne faut donc pas négliger l'étude de cette matière : elle recèle, dans la sphère
humble, mais immense, qui lui appartient, des questions de l'ordre le plus
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ékiffè, et les proMèiaM qn'elle tovlèT» ne eent pat les moine dilBcUee pàxmk
UmB lee problèmes de la légieUiion pAnale.
500. Fixons d*abord les caractères des infractions Ide police. Nous recher-
cherons ensuite quelles sont les sources diverses des règlements qui les déter-
minent.
Les lois de simple police ont pour objet de fdre jouir les habitants de cha-
que commune d*une bonne police^ c'est-à-dire d'assurer la sécurité de leurs
personnes, la salubrité des lieux qu'ils habitent, la sûreté de leurs relations
habituelles contre toutes les atteintes légères, contre tous les troubles acciden-
tels qui pourraient compromettre ces liens de la vie civile. La loi du 16*24
août 1790 a tracé, dans des termes qui servent encore de règle à cette matière,
les limites, quelquefois un peu vagues, du terrain de cette police.
c Tit. XI, art. 3. Les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité dee
corps municipaux sont : 1* teut ce qui intéresse la sûreté et la oommodité da
passage dans les rues, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiemeot»
l'illumination, l'enlèvement des encombrements» la démolition ou la réparation
des b&timents menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres
parties des bâtiments qui puisse nuire par sa chute, et celle de ne rien jeter qui
paisse blesser ou endommager les passants, ou causer des exhalaisons nuisibles ;
2* le droit de réprimer et de punir les délits contre la tranquillité publique, tels
que les rixes et les disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte
excité dans les lieux d*8ssemblée publique, les bruits et attroupements nocturnes
qui troublent le repos des citoyens; — 3* le maintien du bon ordre dans lee ea«
droits où il se fait de grands rassemblements d*hommes, trts que les foires» mar-
chés, réjouissances et cérémonies pul^ques, spectacles, Jeux, cafés, églises et
autres lieox publics ; — 4* TàB^octioa aur la iLdâlité du débit des denrées qui se
vendent au poids, à l'aune ou à la mesure, et sur la salubrité des comestibles
exposés en vente publique ; — 5* le soin de prévenir par les précautions conve-
nables, et celui de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les
accidents et fléaux calamiteux, tels que les incendies, les épidémies, les épizoo-
tles, en provoquant aussi, dans ces deux derniers cas, l'autorité des administra-
tions de département et de district; -> 6* le soin d'obvier ou de remédier aux
événements flcheux qui pourraient être causés par les insensés ou les ftirieus
laissée en liberté, et par la divagation des animaux malfaisants et férooes. »
Ce ne sont pas là toutes les matières qui peuvent rentrer dans le domaine de la
police : les besoins de la civilisation, les faits qui surgissent à chaque moment,
les règles d'ordre que peuvent exiger les industries qui se forment, les entre-
prises qui se développent, les travaux qui s*exécutent, donnent lieu chaque
jour à des mesures de prévoyance nouvelle; mais c*estlà le cercle dans lequel
la petite police est appelée à se mouvoir. Cette disposition fixe avec clarté son
caractère général : les infractions qui ne rentreraient pas précisément dans les
termes de cet article sont analogues aux faits qui y sont énumérés; c'est la
même classe, la même famille d'infractions.
Ml. Ce caractère général posé, il faut examiner quelles sont les condiUone
légeles des contraventions de police, en d'autres termes, dans quels cas les
contraventi(mssont passibles d'une peine*
En matière pénale ordinaire, toute incrimination ne peut émaner que de la
I. 29
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4S0 YINGT-QUATRllItfB UBÇ« «^ lUBB «Rlim R DÉLITS, ETC. (n* 502}.
M : U n'y a peint de reniement, de quelque autorité qaUt ématie, qui pusse
j suppléer. Toute la puissance de la loi n^est pas trop haute pour dédarer une
action punissable et pour prononcer une pénalité.
En matière de police, cette règle générale fléchit : la loi n'a pas entièrement
abdiqué le droit d'établir des incriminations, mais, après avoir établi les prîn-
dpalesi celles qui sont de leur nature permanentes et générales, elle a délégué
au pouvoir réglementaire des maires le droit de faire, sous la dénomination
d'arrêtés de police, des lois pénales locales qui ont pour objet de pourvoir, dans
le cercle tracé par l'art. 3 tit. XI, de la loi du 16-24 août 1790, aux besoins
et aux intérêts de chaque commune.
502. Le IV* livre du Gode pénal a eu pour objet de prévoir les faits de
police qui sont en tous lieux des contraventions, et dont la répression est un
tetérét général qui n'admet aucuae exception. Mais, en dehors de ces pie-
visions légales et uniformes pour toutes les localités, il existe une foule de
mesures à prendre dans chaque localité respective, suivant les mcsurs et les
usages des populations, les besoins locaux, l'état de l'industrie, les climats, les
saisons. La loi a délégué à l'autorité municipale de chaque commune, repré-
sentée par le maire, le pouvoir de prendre à cet effet des arrêtés de police a
rexécution desquels elle a attaché une sanction pénale. Ce principe avait
déjà été posé parrAssembléeconstituante dans ses lois des 14 décembre 1789 et
19-22 juillet 1791; il a été reproduit par ParU 13 de la loi du 33 juillet 1837,
qui porte : c Le maire prend des arrêtés à l'effet : l*" d'ordonner les ttesuivs
leoales sur les oiijets confiés par les lois à sa vigilance et à son autorité ;
%• de publier de nouveau les lois et règlements de police et de rappeler les
Citoyens à leur observation. Les arrêtés pris par le maire sont immédiatement
adressés au sous-préfet. Le préfet peut les annuler ou en suspendre l'exécution.
Ceux de ces arrêtés qui portent Règlement permanent ne seront exécutoires
qu'un mois aprè? la remise de Tampliation constatée par les récépissés donnés
parle soua-préfet. » Ainsi, c'est au pouvoir municipal que le droit de pren-
dre des arrêtés, que l'initiative appartient : le préfet n'a qu'un droit de véfor-
mation et de redressement de ces arrêtés. Cependant, à côté de ce dioii de
Tautorité municipale et dans quelques matîèzes spéciales qui ont une certme
analogie avec les matières de police, la loi a délégué soit au préfet, soit au
pouvoir exécutif lui-même, le droit de faire des règlements, pourvu que
l'objet de ces règlements rentre dans les mesures de police et de sûreté géné-
rale qui intéressent TËtat. Je puis citer ici, comme exemple des matières sur
lesquelles ce droit s'est exercé, la police des chemins vicinaux, la police du
roulage et des voitures publiques, la police de la boucherie etde la boulangerie,
les ateliers et établissements insalubres, la police des cours d'eau, etc. Un
grand nombre d'articles du Gode pénal renvoient à ces règlements auxquels
ils donnent une sanction. Tels sont les art. 314, 319, 358, 413, 457, 461, 471,
475 et 479. Il faut enfin joindre à ces diverses sources de règlements de police
les anciens règlements qui, émanés avant 1789 â*une autorité régulière et
oooipétente, n'ont été abrogés par aucune loi postérieure et ont contimné, aux
termes de Fart. 484, à régir quelques matières spéciales et prineipalement
quelques industries.
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caHnuTSHTiom hb mucb (art. 471). 45t
MW. Uiii»RiMi9e gtofeal âornin» lotttM ks eontavcntioiis : e'itt qa'attM
exMtanl pur le taul iiût nat&riel de la détobéÎMasce aux pmscriyftioM 4e la
loi oa des liglemento, abstnctiai Mie de toate inténtioii erindDelle'etde
toalefraade. G'eal li ee qai sépare eelte dasie d^infraotîoiia des fints foe la
loi a qualifiés criaMS et dftUU. £n matière de oriaie et de d^t» rinteatiOB
ooapable est un élément néeessaire de la egiminalitéj c*eet-à»dire du crime mi
du délit ; il n'y a poîat de crime» il n'y a point de délit, où aoeone t otonlé
malyeillante, où da moins auenne faute n'est' constatée. £ia matière de con-
traTsatton matérielle, ni l'ouyi, ni Terreiir ni rignoraaoe même ne sont vne
excuse. Il importe peu que la eontcaveaëon proneane de telle ou telle eaose ;
elle est toute matérielle. De là il suit qae le contreremint ne peut aliégaer
aucune excuse, même sa bonne foi : les oontraTontions n'admettent pas
d'excuses, dès qu'il est eonstant que le rè^eoMOt émane d'un pouvoir lé^,
qu'il a été régulièrement publié et qu'il a pour objet ke matières qui rentrent
dans le domaine de la fcëe». Il ne feint pes némmoms ranger parmi les ftdts
d'exense l'exception de force majeure qui ferait éiidemment disparsitre la
eontraventieni car comment imputer une négligence, ana inatteatîoa, afie
désobéissaiice quelconque à celui qai n^aarak lait qae eéder è une fioree âfé^
Bîetible^ aune inflexible contrainte ? L'exception résultant de la force mijeure
s'applique en toute matière et même en BMtière de police.
M4. Les peines de simple police ont été fixées par la loi même en ee qiil
eoneeme les négligenoes de police qui émanent de l'autorité municipale ou
administratiie. Ces règlements ne peutent porter d'autres peines que eefles
qui ont été à l'aYance déterminées par la loi : c'est là un principe safaitaiw,
que r Assemblée constituante aTait posé dans la loi du 46-12 août 1790 eC que
notre Gode a maintenu. Les peines de police, en général, sont : i» un empri-
sonnement qui ne peut é^ moindre de tnns ni excéder cinq jours (art M) ;
2* une amende de i à 15 francs (art. 166) ; d» la confiscation des diosês saisies
en contravention (art. 470). Les contraventions aux règlements de rautorité
municipale ou administrative ne sont passibles que d'une amende de un à
cinq francs, sauf les cas de ré(»dive.
506. La récidive résulte^ aux termes de l'art. 4^, d'un premier jugement
prononcé par le môme tribunal contre le môn^e contrevenant, dans les dbaie
mois précédents. Les conditions de cette circonstance sont donc toutes spécia-
les : la succession de deux contraventions depolke dans le même ressort dans
Tespaee d'un an peut seule la constituer» L'effet de la récidive est d'aggraver
la peine, mais seulement dans la limite des peines de police.
M6. Bnfin, les conUraventiotts de police sont divisées en trois classes qui
fient l'objet des art. 471, 476 et 476. L'art. 471 ne punit les contraventions qu'il
prévoit, que de la p^ne de 1 à 5 flnmcs, et rartlde 474 ajoute : c La peine
d'emprisonnement contre toutes les personnes mentionnées en Fart. 47i aura
toaiours lieu# en cas de récidive, pendant trois jours au plus, s L'art. 475 pro-
tiones oontre iea eontraventions qu'il énumère une amende de 6 à 10 francs
et FM. 4T9 porte : < La peine de l'emprisonnement pendant cinq jours au plus
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45t VINGT-QUATRltoCB LIÇ. ~ OIS CRIHM ST VÈLm, ETC. (n« 508).
aeim toajoonpronoAoôe en cas de récidive centre Umtee lespenonnes meii-
tionaées daoe l'art 47S. • Bndln Tart. 479 porte contn les oontraTeniions qu'il
pcéfoit une amende de il à 15 franoa, et Fart. 482 ajoute : c La peine
d'empriaonneineiit pendant dnq jours mura toujours lien pour récidlTe eonlro
les personnes dans les cas «lentionnés dans l'art. 479. » U ne fiiut pas toutefois
IMrdre de vue que le 2* paragraphe de Fart. 483 porte : < L'art 463 du Gode
péaal sera applicable à toutes les contraventions ci-dessus indiquées, s
i07. Vous connaisses maintenant les principes sur lesquels se fonde la
répieasion gènéntle des contraTontions de police. Oes légères attmnteSy ces
tfOuMes nûnimes portés à Tordre et an xégime de la cité, prévus, soit par la loi
généimle, soit par des arrêtés de l'autorité municipale ou administrative» sont
poursuivis devant les tribunaux de police, dont nous examinerons ultérieu*
rement l'organisation, et punis de peines qui ne peuvent excéder cinq jours
d'emprisonnement et 15 firancs d'amende. £st*il nécessaire maintenant de péné-
trer plus avant dans cette matière et de bire passer sous vos yeux tontes les
ooBtraventions que la loi a prévnes?Il nous paratt que cette étode vous fsrait
descendre dans des détails qui n'auraient aucune utilité pour vous. Qu'importe
à l'application générale des règles du droit l'examen successif de tous ces
petits £ut8 de police dont la r^Nression est essentielle à l'aménagement de la
cité, mais dont l'appréciation est soumise aux mêmes principes et dont la
répression trouve les mêmes pénalités T H suffit que vous conceviez bien l'ins-
titution en elle-même, l'intérêt d'ordre qui est sa base, les règles de compé-
tence et d'incrimination qui sont son développement I^ Gode pénal d'ailleurs,
dans ses art. 471, 475 et 479, n'a prévu qu'un petit nombre de contravedtioas.
l«e complément de ces articles est non-seulement dans le Gode rural de 1791
et dans les anciens règl^nents, mais encore dans tous les règlements munici*
peux qui vivent et surgissent chaque jour dans chaque commune, et ce serait
un travail qui excéderait les limites de ce cours, que d'examiner ces innom-
brabhn arrêtés.
DBS MâTIÈRXS mon E£aLÂ^^ PAA Ll GOINB.
M6. Il me reste, pour terminer cette explication du Gode pénal, à parier de
la dernière de ses dispositions :
c Abt. 484. Dans toutes les matières qui n'ont pas été réglées par le présent
Gode et qui sont réglées par des lois et règlements particuliers, les cours et les
tribunaux continueront de les observer. »
L'exposé des motifs du Qode explique cet article : c Gette disposition était
d'absolue nécessité. Elle maintient les dispositions pénales sans lesquelles
quelques lois, des Godes entiers, des règlements généraux d'utilité reconnue
resteraient sans exécution. Ainsi, elle maintient les lois et règlements actuel-
lement en Vigueur, relatib aux dispositions du Gode rural qui ne sont point
retracées dans ce Gode ; aux taxes, contributions directes pu indirectes, droite
réunis, de douanes et d'octrois; aux tarifs pour le prixde oertaines danrtea
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MATIÈRBS MON RÉ6LÈM PAR LE GODB (aÀT. 484). 453
on de certains salures; aux calamités publiques, comme épidémie, épisooties,
contagions, disettes, inondations ; aux entreprises de services publics, comme
coches, messageries, voitures publiques de terre et d'eau, voitures de places,
numéros ou indications de noms sur voitures; poste aux lettres et poste aux
chevaux; à la formation, entretien et conservation des rues, chemins, Toies
publiques, ponts et canaux; à la mer, à ses rades, rivages et ports, et aux
pêcheries; à la chasse, aux bois et forêts; aux matières générales de com-
merce, affaires et expéditions maritimes, bourses ou rassemblements com-
merciaux, police des foires et marchés; aux commerces particuliers d'orfèvre-
rie, bijouterie, joaillerie, de serrurerie et des gens à marteau, de pharmacie
et apothicairerie, de poudres et salpêtres, des arquebusiers et artificiers, des
cafetiers et restaurateurs, marchands et débitants de boissons, de cabaretiers et
aubergistes; à la garantie des matières d'or et d'argent; à la police des maisons
de débauche et de jeu ; à la police des fêtes, cérémonies et spectacles ; à la con-
struction, entretien, solidité, alignement des édifices et aux matières de voierie;
aux lieux d'inhumation et de sépulture; à l'administration de police et disci-
pline des hospices, maisons sanitaires et lazarets; aux écoles, aux maisons de
dépôt, d'arrêt, de justice et de peines de détention correctionnelle et de police;
aux maisons ou lieux de fabrique, manufactures ou ateliers; à Texploitation
des mines et des usines; au port d'armes, au service des gardes nationales, à
l'état dvil, etc. i Telles sont les matières qui sont livrées à l'empire soit de
lois spéciales, soit dérèglements particuliers: ces matières, au surplus, sont en
général plutôt administratives que pénales.
509. Que faut-il entendre par matières non réglées par le Gode? Un avis
du conseil d'&ai du 8 févrior 1812 décide : t Que l'art. 484, en ne chargeant
les cours et tribunaux de continuer d'observer les lois et règlements particu-
liers non renouvelés par le Gode que dans les matières qui n'ont pas été réglées
par le Gode même, fait clairement entendre que l'on doit tenir pour abrogés
toutes les anciennes lois, tous les anciens règlements qui portent sur des
matières que le Gode a réglées, quand même ces lois et règlements porteraient
sur des cas qui se rattachent à ces matières, mais sur lesquels le Gode est resté
muet ; qu'à la vérité, on ne peut pas regarder comme réglées par le Gode pénal,
dans le sens attaché à ce mot réglées par l'art. 484, les matières relativement
auxquels ce Gode ne renferme que quelques dispositions éparses, détachées
et ne formant pas un système complet de législation, et que c'est par cette rai-
son que subsistent encore, quoique non renouvelées par le Gode pénal, toutes
celles des dispositions des lois et règlements antérieurs à ce Gode qui sont
relatives & la police rurale et forestière, à l'état civil, aux maisons de jeu, aux
loteries non autorisées par la loi et autres objets semblables que ce Gode ne
traite que dans quelques-unes de leurs branches. •
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LEÇONS
DB
DROIT CRIMINEL
(CODB D'ursTRircmoH cauMnnHiLB)
vingt-ciuquièbie leçon.
510. Je n'ai point à revenir sur les notions préliminaires dont nous nous
sommes occupés en commençant à traiter du droit pénaL Je vous ai indiqué
à cette époque quels étaient^ dans la législation antérieure, les antécédents
relatifs au droit criminel, quels élaieat les divers actes» les divers monuments
UgUatifs auxquels nous pourrions avoir occasion de recourir dans Texplicatioii
de ce Cîode. Ce sont, vous le savez, pour le drmt antérieur à la révolotka
de 1789, Pordonnance de 1670, que nous aurons d'ailleurs rarement l'oecaskHI
de citer; pour le droit postérieur, d*abord le Gode de procédure crialndle
décrété le 16 septembre 1791 par PAssemblée constituante, et rinstrudioU
en forme de loi pour Tapplication de ce Gode, décrétée le 29 du même mois ;
plus tard, le Gode du 3 brumaire an lY, sur lequel a été calquée en grande
partie la rédacti<»i actuelle du Gode d'instruction criminelle.
Vous sanrex aussi qu'en 1804 a commencé la discussion du projet du Cède
orhnhiel, qui réunissait et les lois d'instruction et les lois de pénalité. GeUe
discussion, après s'être longtemps arrêtée sur quelques points capitaux qu'oft
voulait fixera l'avance, entre autres sur l'institution et l'organisation du jury,
fut suspendue jusqu'en 1808. A cette époque les projets furent représentéîs,
non plus mêlés, oonfondus, mais séparément, Tun s'occupant spéciidemen^ de
rinstruction, l'autre spécialement de la pénalité. On vota et on décréta, titre
par titre, les diverses parties du Gode d*instruction criminelle : le dernier titre
fut décrété vers la fin de Tannée 1808.
J'ai ajouté, et il est bon de le noter, que par divers décrets, la mise à ezé-
Gotion de ces lois fut retardée pendant quelque temps et que le Gode pénal et
celui d'instruction criminelle ne devinrent obligatoires, exécutoires, qu'à partir
du !•' janvier 1811. Ge retard, cette suspension ordonnée par deux décrets eut
pour cause le besoin de coordonner l'organisation judiciaire avec la rédaction
du nouveau Gode d'instruction criminelle. Dans le cours de la discussion on
avait arrêté le principe de la réunion de la justice civile et de la justice cri-
minelle ; ce principe ne fut réalisé, Torganisation ne fut complétée que par la
loi du 20 avril 1810.
J^ai encore ajouté que quelques lois postérieures au Gode d'instruction cri-
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456 TINGT-GINQUliME LBÇ. ^ DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRBS (N* 511).
minelle en ont modiûô quelquM 4Cuib; teifes sont les lois du 2 mû 1827 et
4 juin 1853, sur Torganisation dn jury, du 9 septembre 1835, sur les cours
d'assises, du 13 mai 1836, snr les délibérations du jory, du l*' avril 1837, smr
l'interprétation de la loi, du 4 mars 1831 et 21 mars 1855, snr la composition
des cours d'assisea» dn iO juin 1853, sur les pourvois contre les arrêts de ren-
voi, du 4isyril 1856 et 14 jaill^ 1865, silr la liberté pi»viioiro d|B ineulpés,
du 13 juin 1856, sur la }uridictiott compétente pottr statuer sur les appels, du
17 juillet 1856, sur la substitution des juges d'instruction aux cbambres du
conseil, du 20 mai 1856, sur le^ flagrants délits, du 17 juin 1866, sur les
crimes et délits commis à Tétranger. J'expliquerai le sens et les dispositions
de.cbacune de ces lois en examinant les articles auxquels elles se réfèrent et
qu'elles ont modifiés.
DISPOSITIONS PAÉminUIBES.
su. Je dois lire d'abord, pour les confondre dans une explication com-
mune, les quatre premiers articles de ce titre préliminaire, parce qu'ils sont
relatif à une même série d'idées.
« Art. 1*. L'action pour rappKcatiou des peines n'appartient qu'aux fonctiou-
bairas auxquels elle est confiée par la loL — L'action en réparatiou du dommage
eausé par un crime, par un délit ou par une cootraventioD, peut être exercée par
ftstts ceux qui ont soufibrt de ce dommage. »
« Ait. 2. L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort
du prévenu. — L'action civile pour la réparation du dommage peut être exercée
contre le prévenu et contre ses représentants. » L'une et l'autre action s'éteignent
p9iT la prescription ainsi qu'il est réglé au livre II, titre VU, chapitre v, Db hk
PRBSCRn»TI0N. «
« Art. 8. L'action civile peut être poursuivie en même teiips et devant les
mêmes Juges que l'action publique. — Bile peut aussi l'être séparément ; dans ce
cas, l'exercice en est suspendu, tant qu'il n'a pas été pronaneé définitivement sur
faotton publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile. »
m Art. 4. La renonciation à l'aetion civile ne peut arrêter ni suspendre l'exer-
eieede l'aetion publique. »
Ces quatre articles sont consacrés & établir, à détailler les distinctions impor-
tantes qui séparent dans le droit actuel l'action publique de l'action civile.
Quel est d'abord le sens de cbacun de ces deux mots? Quelle est l'origine,
l'idée première d'où découlent ces distinctions ?
Tout crime, tout délit, toute contravention, en un mot, toute infraction à
une loi pénale quelconque renferme nécessairement, et par sa seule nature,
une atteinte plus ou moins grave, plus ou moins sérieuse à l'ordre et à l'in-
térêt public. Mais les infractions à une loi pénale ne contiennent pas, ne
renferment pas nécessairement, mais peuvent contenir, peuvent renfermer un
préjudice, un dommage pour un ou plasieurs particuliers. C'est en considérant
les infractions à la loi pénale sous ce double rapport, dont le premier est né-
cessaire, est essentiel, dont le second au contraire est accidentel, qu'on en tife
la double conséquence, qu'on y rattache le double effet indiqué par nos quatre
articles.
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DS j.'action vvmlxqvib rr db l'acstion givolb (akt. 4). 457
L^ftéHon omipable, l'aetion oontiaiiB à tme loi pAnde qmàoonqae, qu'elle
Mit crime, qu'elle aoit délit oa oontniTentloti, est une atteinte à l'ordre publie;
de là une aetion publique exercée par les pereonnee et euivant les règles que
nous aurons plus tard à détailler.
Que si de pins l'action coupable a produit un préjudice, un dommage à une
partie priyée, il s'ensuit, au profit de cette partie, contre Tanteur du dommage»
une aetion qui n'a rien de pénal, une action tout à fait d^le^ qui a sa cause,
son principe dans la règle générale de l'art. 1382 du Cîode oÎTii.
Ainsi, Faction publîqoe, c'est la conséquence nécessaire de tout crime, de
tout délits de toute contravention; l'action privée, c'est la conséquence posil»
bk, accidentelle, mais non pas la conséquence nécessaire et forcée de tout
acte coupable. C'est en ce sens apparemment que le Gode du 3 brumaire an IV
dans un titre préliminaire, analogue à celui qui nous occupe, mais beaucoup
plus développé, disait, art. 4 : ■ Tout délit donne essentiellement lieu à une
action publique i ce qui sans doute ne voulait pas dire que le législateur
érigeât qu'à la suite de tout délit fût exercée une action publique, mais ce qui
voulait dire tout au moins qu*à la suite et à raison de tonte espèce de déÛt,
une aetion publique pouvait être exercée. Il peut aussi en résulter une aetion
privée ou civile.
51S. Bn quoi diffèrent l'une de l'autre ces denx actions, l'une publique,
l'autre privée ou civile? ISles diffèrent sous quatre n^ppcurts :
1* Quant à leur ol^t;
2* Quant à la qualité dee personnes auzqutf es est accordé le droit d'exercer
l^rnie et Tantre action ;
3« Quant il leur durée;
^ Bnfln quant à la compétence du tribunal devant lequel l'une ou l'autre
action peut être portée.
Examinons successivement ces quatre pbints de différence.
518. Elles diffèrent d'abord dans leor objet; et ceci est on ne peut plus
facile à saisir : l'action publique tend essentiellement et uniquement à l'appli-
cation de la peine, et cette application a pour but l'exemple au moyen duquel
le législateur espère prévenir eu rendre plus rare le renouvellement de l'acte
qu'il punit. Le but exemplaire de la peine n'est certainement pas, comme
nous l'avons déjà dit, le seul motif, la seule cause qui légitime l'action de la
justice pénale, mais c'est la principale d'après laquelie se fixe, se détermine
surtout la gravité de la peine, c'est le principal but, la principale pensée du
légiriateur quand il punit. Ainsi, l'action publique tendra à l'application delà
peine; et, au contraire, l'action privée teadra uniquement à la réparaticm, à
l'iademnM pécuniaire du dommage, du préjudice éprouvé.
614* Seconde difl^renoe, et elle est i^us importante : l'action publique apparu
tient aux fonctionnaires à qui la loi a donné spécialement qualité pour Texer»
cer; l'action privée ou cirile ne peut appartenir qu'aux personnes lésées par le
délit, ou au moins à iears béritters.
Cette distinction n'est pas précisément nouvelle dans le droit français, elle
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458 viifGT-cmo0i*«B usç- *— msMsirioifs PRiLinufAiiuBi (n* 514).
était déjà coniacrée, aa moiiu en partie, par des lois antérienrea et par For-
donnance de 1670. Cependant, en remontant plna hant, nous trouvons cette
distinction méconnue, laissée de o6té dans le droit romain. Vous y connaissez
déjà la distinction fameuse entre les dblictâ pmvàta et les dbliosa, pdbuga; le
dernier livre des Inslàtutes, dans une bonne partie de ses titres, lait allusion à
cette distinction. Les Romains reconnaissent des bbligtà ou canasà varvAVA;
des délits privés qui, n'ayant à leurs yeux porté atteinte qu'à des intérjMa
privés, ne devaient donner lieu à nne poursuite légale que de la pari de la
partie lésée ; tel est, par exemple, le cas de vol dont il est question au i*' titre du
IV* livre des Institutes. L'action de vol n'appartient, ne peut appartenir qu'à la
personne qui a souffert du vol. Les détails, à cet égard, appartiennent anz spécia->
Utés du droit romain. Bt notes bien que cette attribution exclusive de l'aetion,
à raison d'un vol commis, par ezemploi à la personne qui a souffert du vol, ne
tient pas seulement à ce qu'en droit romain la peine du vol est pécuniaire;
plus tard, lorsqu'à la pécuniairo on substitue une peine corporelle, c'est tou-
jours un particulier, c'est toujours la personne à laquelle le préjudice est causé
qui seule a droit d'intenter l'action. Ainsi, vous verres au Digeste, dans la
loi 92 de FurUi, que dans l'usage on avait, sens l'Empire, substitué à l'action
pécuniairo, à raison du vol, une action pénale proproment dite, une action
eztraordinairo; et cependant la loi vous avertit que l'action pour cela n'est
pas devenue publique, nok quasi punLiooif sit njDtciuM;elle reste action privée;
et c'est toujours un particulier, celui qui a souffert du vol, qui va poursuivro,
qui va réclamer en son nom, l'application de la peine au coupable.
Cette idée, si contrairo à celles qui nous régissent maintenant, cessera de
vous surprendre quand vous vous attacherez à la seconde division, à ce que
les Romains appelaient grimina ou judigta pvblica; vous verrez que, dans des
crimes d'une naturo plus grave, d«is des attentats qui lésant non-aenlement
un intérêt privé, mais qui attaquent l'ordro, la sécurité publique de la maniéro
la plus dirocte, vous verrez que tes Romains ne rocoonaissaient pas cette magis-
trature spéciale qui chez nous maintenant a mission de poursuivro, au nom
de la société, la réparation pénale des attentats qui y ont porté le déserdro.
Les actions publiques intentées à raison de certains crimes d'une nature fort
grave appartenaient à chaque particulier. C'était là la différence qui les
séparait des actions privées. Les unes et les autres tendent à l'application
d'une peine; mais les actions privées n'appartiennent qu'aux personnes lésées;
les actions publiques au contriûro peuvent êtro exercées par le premier
venu, chaque citoyen peut se porter, en son nom propro, le réparateur, le
vengeur de l'iiijure faite, du tort causé à chaque citoyen ; tel est, par exem-
ple, le cas de meurtre et autres crimes de même naturo. Dans le paraurapha i*'
DepubHcis Juditiii, aux Institutes, voyei pourquoi cette action est ainn
appelée : publiga autck dicta sort, qtjod cmvis ex populo Bxxctnno aoainc
PLBRUHQUB DATUS. /
Je n'ai pas besoin de dire que ce Système» en ce qui touche let actions
publiques, est tout à fait incompatible avec nos mœurs, nos idées, nos bftà*
tndes, qu'à pari même toute circonatance de temps et de pays, ua tel système^
pour être tolérable, suppose des vertus publiques à la pureté desquelles il eot
bien difficile d'espérer qu'on puisse aAtiîndre; qu'on a en effet à craindre à la
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DB L'ACTfON FUBLIQfTB WT VM L'aCTIOK GITILC (aRT* 4). 4SI
fois la faiblesse, 1« timiéitft des nns, si le coupable est puissant, et, en sens
interse, des aceosatioos passionnées qui sont le fruit de hsines et de yen*
geances d'inimitiés, et qui pfoAuisent à leur tour de longues séries de haines
et de vengeanoes ^vées.
Ge système des actions pénales publiques, confiées à chaque citoyen, au
nom, dans Tîntérét et comme r^résentant de tous, ce système est maintenant
presque complètement abandonné. Chez nous, d*abord, vous voyez que les
premiers articles de notre Gode Tout formeUement exclu. Bn Angleterre seu<^
lement, dans la procédure criminelle, on en retrouve encore quelques traces :
non point sans doute que tout crime commis puisse être poursuivi par le pre«
mier venu, lors même qu'il y est étranger, mais en ce sens qu'à part toute
action du ministère public, action fort rarement exM^cée dans les cours et
tribunaux anglais, chaque partie lésée par un délit, quelque grave qu'il soit,
peut en poursuivre, en son nom, la réparation, non pas seulement la tépara»
tion civile et pécuniaire, mais même la réparation pénale, en ce sens que la
partie plaignante peut exiger, i diarge, au moins dans quelques cas, de donner
caution, que sur sa réquisition tes poursuites criminelles soient commencées
et qu^elles soient conduites jusqu'au terme. Aussi n'est-ce que dans des cas fort
rares que l'action publique vient se substituer à l'action pénale privée. Par
exemple, dans le cas de meurtre, il existe des officiers spéciaux qui, seulemenl
en cas de silence delà partie plaignante, auront qualité d'abord pour constater
le crime et ensuite pour en poursuivre, en leur nom, la réparation. De même,
dans les crimes on attentats qui intéressent directement la société entière, qui«
attentent de prime abord à l'existence du corps social, le pouvoir central peut
alors, par exception, les poursuivre par ses délégués; tels sont, par exemple,
les cas de haute trahison. Mais voue voyez qu'en général, dans la procédure
anglaise, c'est la partie privée, la partie qui a souffert qui poursuit et réclame,
en son nom, l'application de la peine. Ge système n'est pas sans doute le sys*
tème de l'action publique romaine : cependant il diffère bien aussi de l'orga-
nisation qu'expose le Gode d'instruction criminelle.
L'action publique, vous ai-je dit d'après l'art. {•% n'est exercée que par les
fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. Quels sont ces fonctijon»
naires? A cet égard quelques distinctions sont à faire, suivant qu'il s'agit d'un
crime, d'un délit ou d'une contravention.
En matière de contravention l'exercice de l'action publique est exercée par
les fonctionnaires déùgnés dans les art. 144 et 167, c'est-à-dire les juges 4e
paix, commissaires de polioe, maires et adjoints de maire, selon la nature des
lieux et la gravité des contraventions ; des officiers particuliers remplissent
les fonctions du ministère public près les tribunaux de police*
Quand il s'agit, non plus de contravention, mais de délit, l'action publique
est exercée par le procureur de la République, et, dans quelques cas particu-
liers, par les agents de l'administration f<Mrestière pour les délits qui la coaœr-
nent : art. 182, 190 et Wt du Gode d'instruction eriminelle.
Et enfin, quand il s'agit de crime, la poursuite et l'action publique sont
exercées exclusivement par les procureurs généraux et procureurs de la Répu«
blique, officiers constituant, à proprement parler, le ministère public, art. 253,
272, 284, 288.
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466 YINOT-GaïQUlÈMB LBg« — DlSMBinOlfl PaÉUHlNAIBXfl (n* 516).
Noos Terroils plus tard It portée de oette distinction phis en détail; noos
essayerons également de bien séparer les fonctions da ministère public dans
les pourtoites d*avec les fonctions du juge dans l'instruction.
516. Des principes qui précèdent^ qaant à la distinction des actions publique
et civile envisagées, soit dans leur objet, soit dans les personnes à qui elles
appartiennent, ne concluez cependant pas que, dans les matières pénales,
l'action soit nécessairement portée, introdidte, devant les tribunaux chargés
d'ai^quer la peine, à la requête des fonctionnaires que je viens d'indiquer.
Gela est toujours vrai quand il s'agit de crime, c'est-à-dire qu'en matière de
crime la poursuite est nécessairement dirigée d'un bout à l'autre à la requête
du ministère public. Au contraire, quand il s'agit de délit ou de contraven-
tion, la peine ne peut, il est vrai, être appliquée que sur les réquisitions, sur
les conclusions de la partie publique, mais l'action peut être portée directe-
ment par la partie civile devant les tribunaux correctionnels ou de police. En
«n mot, le ministère public, alors même qu'il s'agira de contravention ou
de délit, aura seul qualité pour demander, pour requérir rapplication de la
peine^ mais il pourra la requérir incidemment à une action civile déjà
portée par la partie privée devant le tribunal correctionnel ou le tribunal
de police. Le germe de cette distinction était déjà dans le Ck)de du 3 bru-
maire an iV ; elle est exprimée bien plus nettement dans divers articles du
Gode d'instruction criminelle. Ainsi vous verres dans les art. 64, § 2, 145
et 482, que l'action peut être introduite soit à la requête du ministère public,
soit à la requête des particuliers. Le tribunal sera valablement saisi, même
sur une citation donnée directement par la partie lésée. Mais la partie lésée
ne peut conclure dans cette citation qu'aux réparaltoiM civiles, sauf au
ministère public à conclure ensuite, à Faudienoe, à l'application de la loi
pénale.
Des principes qui précèdent résulte assez daûnement la conséquence que les
deux actions publique et civile sont parfaitement séparées, et par conséquent,
en principe, parfaitement indépendantes l'une de l'autre; que de même que
la partie lésée peut agir en réparation sans l'intervention du ministère public, .
de même, et à plus forte raison, le ministère public, agissant dans un intérêt
général pour Tapplication d'une peine, n'est pas forcé d'attendre, avant d'agir,
la dénonciation ou la plainte de la partie qui se prétend lésée; que le ministère
public, sauf les exceptions que nous allons indiquer, a toujours qualité, a
^ toujours droit et devoir de poursuivre d'olBce, malgré le silence ou même
malgré le désistement, la renonciation de la partie lésée, a toujours droit et
devoir de poursuivre d'ofûce l'application de la peine. Le principe, vous le
trouves écrit dans notre art. 4 : La rmonekiUm à Vaetion eiwk ne peut arrêter
fU iutpendre Pexereiee de VacUan publique. Vous le trouverez répété dans
l'art. 2046 du Gode civil : t On peut transiger sur l'intérêt civil qui résulte
d'un délit. La transaction n'empêche pas la poursuite du ministère public. »
Tel est le principe ; mais ce principe admet quelques exceptions qu'il est bon
d'indiquer dès à présent.
516. Ainsi vous trouvez dans l'art. 336 du Gode pénal que l'adultère de
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Dx l'ajgtion FaBUQim cr sb l'aotion gitilb (ait. 4). 461
la fémiiiei doamil lien à him «etion pteAle, ne peut être déooiioé qae par la
flBflri. n n'est pas nécessaira sans doute qite le mari figure dans la ponrsaîta,
qu'A ^eime prendre k qualité de panie ciipiie ; mais il est clair que, tant que
le mari n'a pas porté pkinte, l'action pnbliqae afin d'impliquer la peine est
nécessairement suspendue. Les motifis en sont d'aUleors bien sensibles. La
conséquence parait même en être, qu'à défimt de plainte du mari« l'action
puMîque reste suspendue non-seulement à l'égard de la femme, mais mémo
à regard du complice; la poursuite est indivisible, en ce sens qu'elle ne
peut éclater, qu'elle ne peut avoir lieu contre le complice sans mettre au
grand jour le scandale que la loi permet au mari d'éviter en ne se plai-
gnantpas.
^ Réciproquement, dans le cas où l'adultère du mari constitue un délit, un
fidt punissable, dans le cas de l'art. 339 du Gode pénal, la plainte ne peut
vemr que de la femme. Encore un cas où l'action pénale, où l'action publique
est enchainée jusqu'à la plainte de la partie qui a souffert du délit.
De mdme aussi, dans l'art. 357 du CSode pénal, pour le cas de rapt d*une
mineure, vous voyez que, si le ravisseur a épousé la fille enlevée, la pom^
suite ne peut être commencée que sur la dénonciation des personnes qui ont
qaidité pour draiander la nullité de ce mariage, et que de plus la condamna*
tion ne peut être prononcée qu'après que la nullité du mariage a été demandée
et déclarée.
Dans l'art. 433 du Gode pénal vous trouvez encore que les crimes et AéAitè
dee fournisseurs employés pour les armées de l'État ne peuvent être pour*
suivis que sur la dénonciation du gouvernement
Des exemples analogues se trouvent encore dans des lois spéciales : tri
est, par exemple, le cas de délit de chasse ou de ]>éche. Yous savez déjà qu'en
£sit de chasse, des délits ou contraventions de trois natures différentes peu-
vent être commis : i* chasse sans port d'armes ; 2» chasse en temps prohibé;
30 enfin, chasse même avec port d'armes et en temps non prohibé, mais sur
le terrain d'autrui. Il est dair que les deux premiers actes constituent des
bits punissables par enz^mêmeSy en ce sens que l'action pénale de la part -du
ministère public n'est subordonnée à aucune plainte, à aucune dénonciation.
Au contraire, le troisième fait, quoique qualifié délit, quoique punissable de
l'amende, n'est cependant à peu près qu'un délit d'intérêt privé ; aussi ne peut-
il être poursuivi et puni qu'à la réquisition de la partie civile suivant la loi du
3# avril i790, art. 8, et la loi du 3 mai (844.
Ge que nous disons de la chasse, dites-le de même du cas de pêche, où vous
distinguerez la pêche en temps prohibé, la pêche avec engins et filets défen-
dus, enfin la pêche sur le terram d'autrui. Dans ce dernier cas le délit est d'un
intérêt tout privé et sera poursuivi sur la dénonciation de la partie int^essée :
art 65 et 67 de hi loi du 15 avril 1829, sur la pêche fluviale.
Voilà quelques exceptions au principe général diaprés lequel l'action pubK-
que> dans son exercice, est pleinement séparée, et surtout pleinement indê»
pendante de l'exercice de l'action civile. Mais quelle étendue dêvâns-nous
donner à ces exceptions? Jusqu'à quel point, dans les exemples qui précèdent,
inaction du ministère public peut-elle être paralysée par la volonté de la par-
tie privée? Tant que l'action publique, tant quePaction pénale n'a plus été in*
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462 YINGT-CniQUlàtfB LEÇ. — DISMSmOffS PBJfcLIMINAiaBB (n'' 517).
lêniée, il n*y a à cet égard auean doate, la Im subordonne à la plainte éê la
partie priyôe le droit d'exereer Taotion poMitfiie, le droit de pourenivre Tap*-
plication de la peine. Mais, eappoees que cette pUîate toit réeUemeni intér*
leane, qa*en con&éqaenee, robstacle qoi Tarrétait ayant dtepam, le minielère
publie ait agi; supposez qu'ensuite, l'action publique se poursuiTant» le par-
ticulier transige, se désiste, renonce à toute espèœ de poursuite. Dans ce osa
. l'action du ministère public sera-tpcUe arrêtée, paralysée? la volonté du
particulier, qui pouvait empêcher l'exercice primitif de l'action suffira-fc^e
pour éteindre, pour anéantir l'action déjà intentée?
517. En principe général, il parait fort difficile d'adopter l'affirmative; la
règle de l'indépendance des deux actions, la règle qui permet, qui commande
même au ministère public de poursuivre l'application de la peine partout oft il
voit un. scandale à punir, un exemple à donner, un désordre à réparer, cette
régie souffre exception dans les textes que nous avons cités, en ce sens que le
ministère public n'a droit d'intenter l'action publique que sur la plainte de la
partie privée ; mais une fois cette plainte intervaaue, l'obstacle a disparu, le
ministère public a repris son entière liberté d'action, sa plénitude de pouvoir.
Dépendra-t*il de la volonté, du caprice d'un particulier, d'anéantir ensuite
cette action? Le fait coupable une fois déclaré, le scandale une fois mis au
jour, pourra-t-on le laisser impuni ? C'est là ce qu'il est fort difficile d'ad*
mettre en thèse générale. Cependant une jurisprudence bien constante, et
que peut-être il serait difficile de combattre avec de bonnes raisons, lait
exception à ce principe, dans le cas de l'art. 336. On reconnaft universelle-
ment que le mari, après avoir porté plainte de raduitère de sa femme, peut
Micore arrêter, anéantir l'action publîqtte intentée, en déclarant s'opposer à
oe que cette action aille plus loin* Sn effet, l'aduUère, tel qu'il est envisagé
par Fart, 336, n'est en réalité qu'un délit de pur iatérêt privé ; cela ne résulte
pas seulement de ce que la loi subordonne la poursuite à la dénonciation du
mari, cela résulte encore plus clairement de la disposition qui permet au mari,
même iq»rès la condamnation, après remprisonnement prononcé, d'en £ure
cesser l'effet en consentant à reprendre sa femme. Telle est la disposition de
l'art. 309 du Code civil qui, pour ce délit spécial, confère ainsi au mari, à un
simple particulier une espèce de droit de grftce« En combinant ainsi l'art* 336
du Gode pénal avec Fart. 309 du Code civil, ne peut*-on pas dire que le minis-*
tore public, poursuivant l'adultère de la femme, &'agit réellement que dans
rintérêt unique, dans l'intérêt exclusif du mari; qu'il ne fait, à proprem^at
parler, que prêter son ministère à l'action pénale que celui-ci ne peut pas
exercer en son nom? C'est sur ce point qu'on s'est fondé, et je crois avec rai-
Sdi, pour accorder au mari, quoique la loi ne s'en explique pas formellement,
le droit de suspendre, d'arrêter, de mettre à néant l'action publique, apiès
même qu'elle a été intentée, commencée sur sa plainte. Il y faut joindre ce
grave motif, cet intérêt sérieux qui a dicté déjà l'art 336, savoir, k facnlté,
que la loi a entendu laisser au mari, d'étouffer le scandale, d'enlever an^
public la connaissaoçe complète d'un lait qui )eU» le dériMmnenr sur sa
famille.
Peat*être méme^ en s'attachant à cette 4emière raison, nous faudeapt^il
faire un pas de plus et, appliquant la même déôsion à Fart. 366, reconnaître
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un L'AGTidir TjsBuqm sr m l'aotiom Gmts (abt. 4). M3
que dans le cm où le ravigsear a ^nsé la fille enleirée, les mdnies personnes
à la plainte desquelles rexerdoe de l'action pénale est abs^^ument snbor-
donné, pminraient également Tsirréter après qu'elle a été intentée. La volonté
du légidateur dans Tart. 3S^7 a été de sacrifier le désir, le besoin de la yen*
geence publique à l'intérêt de la famille qœ va former, que va réunir le ma-
riage contracté. Aussi n'a-t*il donné le droit de porter i^aiote qu'aux per*
sonnes qui peuvent provoquer la nullité de ce mariage, et autant surtout
qu'elles l'ont provoquée. Il ajoute que, bien que la poursuite puisse être corn-
mencée par le seul fait de la plainte, cependant le ravisseur ne pourra être
condamné qu'après que le mariage aura été annulé. Or, comme il dépend
toujours du demandeur en nullité de ce mariage de se désister de sa demande
en mâUté ; comme de plus la condamnation pénale ne peut être prononcée
qu'après la nuUité de ce mariage déeburée, il est clair que le demandeur, que
celui qui a porté plainte a toujours dans la main un moyen d'arrêter la pour-
suite du ministère public, et ce moyen, c'est d'abandonner l'action civile in-
tentée par lui en nullité de mariage.
Sauf ces exceptions fondées sur des motifs tout à fait spéciaux, le désir
d'étouifer et d'arrêter après coup le scandale que sans doute il aurait mieux
valu de pas faire naître, nous devons, je crois, reconnaître que dans les cas
même où l'action du ministère public ne peut être exercée qu'après la plainte
de la partie lésée, cette partie, qui était libre de ne pas se plaindre et par là
d'empêcber l'exercice de l'action publique, ne peut plus se désister valable-
ment et arrêter après coup une action pénale valablement commencée.
518. La troisième différenoe indiquée est relative à la durée de l'action.
Les règles relatives à la durée de Tune et de l'antre action sont indiquées
dans l'art. 2; l'une et l'autre, d'après le paragrapiie 3, s'éteignent par la pres-
cription ; et sous ce rapport la loi se borne à un renvoi.
Cest une question assez débattue, que celle de savoir si la prescription de
l'action pénale, telle qu'elle est étabUe dans Veai. fi37 et suivants, s'applique,
sans distinctions ni limites, à la prescription de l'action civile. Nous ren-
voyons eette question à l'examen des art« 637 à 642. Je ne crois pas d'ail-
leurs que les distinctions proposées à cet égard doivent être admises ; je crois
que les art. 637 et suivants doivent être appliqués à la lettre, et qu'une pres-
cription commune, celle de dix ans, par exen^le, dans les matières crimi-
nelles, anéantit à la fois, sans aucune espèce de distinction, et l'action pénale
et Tactiott civile. Ce point, du reste, est débattu ; le siège de la question se
placera tout naturellement sous ces articles. Ce n'est donc pas sous le rapport
de la prescription que nous devons chercher une différence entre l'une et
l'autre action ; cette différenoe proposée ne me parait pas admissible.
Mais, sous un autre rapport, l'art* 2 indique une distinction tiès-fiadle à
comprendre et à motiver ; l'action publique ne tend qu'à l'application d'une
peine, et il répugne à la raison qu'une peine soit iofiigée à un autre qu'au
coupable : donc l'aetion publique s'éteint sans difficulté par la mort du pré-
venu. 1/aotîon civile, au contraire, n'eet que la réparation d'un préjudice,
die tend uniquement à l'acquitlement d'une dette : donc l'action civile se
donne centre les béritiers ou représentants du prévenu.'
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4M TINGT-GIHQUlteB LBÇ. — DiaMSmOlli PBÉUMIMAIRBS (m^ 518).
Le principe d'après lequel l'aetion publique s'éteîat par la mort du coupable
a été constamment reconnu, il ne Ta pourtant pas toujours été sans distinc-
tion ni exception. Ainsi» même sous l'ordonnance de 1670, on reconnaissait
certains crimes dont la poursuite et k punition survivaient à leur auteur. Tel
était le cas de lèse*majesté, le cas de duel, de rébellion à main armée aux
ordre et autorité de justice, lorsque le coupable avait été tué en se défendant.
Dans ces divers cas, et autres pareils, on autorisait, par une singulière bizar-
rerie, une poursuite après la mort du coupable. Cette poursuite était dirigée
contre un curateur nommé dans certaines formes, et qui figurait en son nom
dans tous les actes de la procédure ; seulem«it la condamnation était pro-
noncée tantôt contre la mémoire, tantôt même contre le cadavre du coupable^
Ia condamnation contre le cadavre ccmsistait à le traîner sur une claie ; contre
la mémoire, elle consistait à en prononcer la suppression.
le n'ai pas besoin de vous dire tout ce qu'il y a de ridicule, de déraiscm-
nable dans ce système, qui fait survivre la poursuite à la mort du coupable* Il
est clair que ces poursuites n'atteignent que la famille du coupable, que de
pareilles poursuites font rejaillir sur la famille une bonté qui est sans profit
pour la vindicte puMique. Le supplice infligé au cadavre est encore plus bidenx
qu'il n'est ridicule, et l'arrêt qui supprime la mémoire est le moyen de rendre
cette mémoire longue et durable. Voyez à cesi3jet Potbier, TraUé de iafroeé''
dure criminelle, section VU. Ce principe a été complètement aboli, nous
n'avons pas à nous y arrêter et nous pouvons maintenant poser comme prin-
cipe constant l'extinction de l'action publique par la mort du prévenu. A cet
égard la question ne peut présenter aucune difficulté. Lorsque le coupable
meurt avant toutes poursuites commencées, ou mémeaprès un commencsment
de poursuites, mais avant toute condamnation, il est clair que dès ce moment
aucune condamnation n'étant jIvm possible, l'action publique antérieurement
intentée s'anéantit.
A l'inverse, si le coupable meurt avant Texécution de la peine, mais après
que la peine a été prononcée, et qu'elle est devenue définitive par l'expiration
de tous les détails pendant lesquels U pouvait l'attaquer, il est clair que la moft
du coupable n'anéantit pas la condamnation, elle empécbera sans doute l'exé-
cution, dans ce que cette exécution avait de corporellemMit, de personneUe-
ment applicable au coupable lui-même ; mais, quant aux condamnations pécu-
niaires pénales, telles que l'amende qui lui a été infligée, il est clair que sa
mort laisse à la condamnation tousses effets, et que Tamoide, une fois pronon-
cée par une sentence tout à £ut définitivci peut être valablement poursuivie
contre ses béritiers.
Mais, entre ces deux cas extrêmes, dont aucun ne peut être douteux, vien-
draient se placer des difficultés que le temps ne me permet pas de discuter ici,
mais que je dois cependant vous indiquer.
Il peut arriver que le prévenu meure, non pas avant toutes poursuites, ou
même avant toute condamnation, mais qu'il meure après une condamnation
prononcée contre lui, mais avant que cette condamnation fût devenue inatta-
quable. Qe peut être, par exemple, une condamnation prononcée par un tri-
bunal corfectionnel ; le .prévenu avait dix jours pour appeler, il meurt dans
ces dix jours, Tappel estni encore possibli»? ou, s'il était interjeté, devra-t-on y
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DB lUoTION FUBLIQim BT DB l'aCTION CI7ÎLE (aRT. 4). 465
doniier suite? La question, bien entenda, ne présente d'intérêt qae relatite-
ment à Tam^ide dont il avait été frappé, mais à Tégard de cette amende, Tin-
téiôt est assez grave, et la question me paraît fort délicate.
De même vous pouvez supposer qu'il meure, non plus dans le cours des
délais d'appel, mais après les délais d'appel expirés, ou, pour mieux dire, après
qu'on a statué sur son appel; il meurt ayant encore contrôla condamnation la
ressource du pourvoi en cassation. La mort empêche- t-elle le pourvoi; laisse-
t^^e, au contraire, à ses héritiers le droit de se pourvoir pour faire casser la
sentence, si elle a mal impliqué la loi, et le faire décharger par là de la condam-
nation à l'amende?
Ces questions sont assez délicates et se compliquent de la question de savoir
ce que deviendra, dans ces hypothèses diverses, l'action civile qxd avait pu
être intentée par la partie lésée conjointement avec l'action publique. Je les
laisse de côté un peu parce que le temps me presse, et beaucoup surtout parce
que les notions pour examiner ces questions nous manquent encore en grande
partie ; nous les reprendrons plus loin.
Yoilà pour notre troisième différence.
519. La quatrième et dernière différence, celle qu'indique l'art. 3, est rela-
tive aux règles de compétence établies pour l'une et l'autre action.
L'action pénale ou publique appartient essentiellement aux tribunaux cri*
minels et ne peut être portée que devant eux, elle ne peut être jugée que
par eux.
Au contraire, l'action civile peut se porter indifféremment, soit devant les
tribunaux criminels, et je prends ce mot dans son sens générique, les cours
d'assises, les tribunaux .correctionnels et les tribunaux de police, soit devant
les tribunaux civils. Elle peut être portée devant les tribunaux criminels con-
jointement avec l'action pénale ; mais dans ce cas il est nécessaire que la
partie lésée se soit déclarée partie civile, aux termes des art. 66 et 67, ou
que du moins elle ait, avant le jugement, formé contre le prévenu ou accusé
une demande en dommages-intérêts. Voyez aussi l'art. 358, relatif à la procé-
dure des cours d'assises.
L'action civile peut donc être portée par la partie lésée devant les tribunaux
criminels conjointement avec l'action publique, et pendant tout le cours de
cette poursuite. Elle peut aussi être* portée isolément, séparément devant les
tribunaux civils ; et cela ne souffre aucune difficulté lorsque déjà le jugement
sur l'action publique a été rendu par les tribunaux criminels. Nous aurons
plus tard l'occasion de nous demander quelle est à cet égard l'inQuence d'un
des jugements sur l'autre, et jusqu'à quel point la chose jugée au criminel
pour ou contre l'accusé, peut avoir d'effet sur l'action civile devant les tribu-
naux civils. En général la loi ne parait guère y attacher d'effet. Recourez aux
art. 358 et 359 combinés avec l'art. 3, vous y verrez la preuve que si l'action
civile est portée par la partie lésée devant les tribunaux civils, avant qu'il ait
été statué sur l'action criminelle par les tribunaux compétents, alors il faut
faire une distinction.
Tant que le ministère public n'intente pas l'action pénale, le tribunal civil
saisi de l'action civile conmdt valablement de cette action.
I. 30
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466 YINOT-CINQUlÉliB LBÇ. — t>ISP0SITI0K8 PRÉLIMINAIRBS (n* 520).
Au contraire, si avant Faction civile intentée par la partie privée devant un
tribunal civil, ou bien, si dans le cours de cette action civile le ministère public
forme une action pénale, Finstance entamée relativement à Faction civile est
nécessairement suspendue. Telle est la règle de Fart. 3 ; c'est le sens de Fan-
cienne maxime : c le criminel tient le civil en état. • La même question de
culpabilité ne peut pas être simultanément débattue, d'une part, devant nn tri-
bunal criminel, d'autre part,devant un tribunal civil. Ces deux actions se trouvant
portées à la fois devant ces deux tribunaux, il doit être sursis à Fexamen de
Faction civile, jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur Faction publique.
Mais ne concluez pas de là, comme on pourrait être tenté de le faire, que
le jugement sur Faction publique préjuge nécessairement la question sur
Faction civile; ne concluez pas, par exemple, que, lorsque Faccusé a été
acquitté par les tribunaux criminels, il soit alors légalement prouvé, même à
Fégard de la partie lésée, que le fait dont il est acquitté n'a pas eu lieu; ne
concluez pas qu'on ne puisse devant un tribunal civil obtenir la réparation du
préjudice causé par un crime ou par un délit, lorsque la personne accusée de
ce crime ou de ce délit a été acquitté^ par le tribunal criminel. La preuve du
contraire résulte, de la manière la plus directe, la plus manifeste, de Farti-
de 358, que nous analyserons plus tard.
Ainsi de la règle : « le criminel tient le civil en état, • règle consacrée par
notre art. 3, il ne suit pas que le jugement à intervenir sur l'instance crimi*
nelle entame, préjuge et décide nécessairement le jugement à intervenir sur
Finstance civile. Si la loi veut que l'instance civile soit suspendue jusqu'après
le jugement criminel, c'est uniquement parce que, si Faction civile continnait
à marcber, si le tribunal civil rendait une décision, cette décision pourrait
exercer, non pas un préjugé légal, mais une influence morale, qu'il est impor-
tant d'éviter, sur les juges ou les jurés saisis de Faction criminelle. Il ne faut
pas lorsque le tribunal, saisi de Faction civile, a condamné le défensenr, on
lorsque au contraire il Fa renvoyé, il ne faut pas que ce fait, nécessairement
connu des juges de Faction criminelle, vienne faire pencher la balance pour
ou contre Faccusé; et cette influence serait inévitable si l'on permettait à'
Faction civile de suivre son cours, d'atteindre son terme avant que Faction
publique soit arrivée au sien. Tel est donc Funiquebut, Funique sens de cette
règle qui suspend Faction civile jusqu'après le jugement criminel. N'en con-
cluez pas, encore une fois, que la chose jugée au criminel soit chose jugée an
civil ou réciproquement. Je n'examine pas quanta présent la question; je
me borne à vous avertir qu'admettre, comme certaine, Finfluence an criminel
de la chose jugée au civil, serait, au moins comme règle générale, nne erreur
tout à fait démentie par le texte de Fart. 358.
Voilà nos principales différences entre ces deux actions. .
520. Il nous reste à examiner les trois derniers articles de cette section uni-
quement relatifs à Faction publique et qui se rattachent à un ordre d'idées
tout différent.
Le grand but de a loi pénale, c'est l'exemple, c'est d'empêcher, par FappU-
cation de la peine, le renouvellement des délits on des crimes que Fon entend
punir; c'est nne idée bien connue. De là suit qu'en général la loi pénale est
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n l'action publiqui n db l'action citilb (art. 4). 487
plûtAI réelle» plutôt territoriale, passei-moi oe mot, qu'elle n'est personnelle.
G'eet-à-dire que, ponr appliquer une peine, on ne s'inquiète pas de savoir si
eeiui à qui on l'applique est nn national ou un étranger, on s'inquiète unique-
ment de savoir eh quel lien, sur quel territoire, le fait punissable a été commis.
Le principe est écrit» non pas dans le Gode d'instruction criminelle, mais en
tète du Gode civil : l'art. 3 décide « que les lois de police et de sûreté obligent
tous ceux qui habitent le territoire. • Et quand on parle de ceux qui habitent
le territoire, il £aut entendre ce mot largement, non pas seulement d'une habi-
Ution proprement dite, d'une résidence de quelque durée, d'une résidence
volontaire ; ne s'agirait^il que d'un passage ou d'un séjour d'un instant, de It
part de l'étranger sur notre territoire, toute action contraire à la loi pénale
française commise par l'étranger en France tombe nécessairement sous le coup
de la loi pénale française. Nous ne nous occuperons pas davantage de savoir
si ce séjour était volontaire ou forcé. Déjà, dans la discussion relative à la
peine de mort, nous avons repoussé, comme fondement du droit général, cette
idée tout à fait arbitraire de je ne sais quel contrat, je ne sais quelle convention
qu'on supposerait intervenue tacitement entre tous les habitants d'un même
sol pour se soumettre à une loi pénale commune. L'étranger qui se trouve
momrattanément en France, par l'effet d'un naufrage ou de la captivité, n'en
est pas moins soumis que le Français lui-même à la loi pénale française.
Ainsi, voilà le principe; c'est au lieu où le délit, le crime a été commis que
la loi s'attache pour le punir; qu'il Tait été par un Français contre Français,
par un étranger contre un Français ou môme un étranger, le crime a été
4X)mmis en France, la juridiction appartient à la France.
581. Mais si la loi pénale est territoriale en ce sens quene Bappiiq«« «
toutes les perstmnes qui résident sur le territoire, est-eïle exclusivement ter-
ritoriale 1#8on autorité doitelle expirer aux frontières ?|Ne peut-elle s'étendre
aux infractions commises par les régnicoles en paye étranger? Cette question,
l'une des plus graves de la législation pénale, avait été résolue par notre Gode
-en ce sens que l'exterritorialité de la loi pénale n'était admise que restricti-
^ement et à titre d'exception. La loi du^27 juin Jlfi^a élargi cette excepUon
ou plutôt lui a substitué la règle qui n'y était appliquée que dans quelques cas
et qui est devenue générale. Les art. 5, 6 et 7 ont été remaniés et profondé-
ment modifiés par cette loi. Nous allons successivement examiner le principe
de la matière, l'application que les anciens textes avaient donnée à ce principe
et l'extension que les nouveaux textes lui ont apportée.
11 nous paraît que le principe qui déclare la loi pénale essentiellement terrî-
4oriale a reçu en général une fausse application : que si cette loi oblige toutes
les personnes qui résident sur le territoire, il ne s'ensuit pas qu'elle ne puisse
en môme temps, môme en dehors du territoire, obliger encore les citoyens
^ sont ses sujets; que si la souveraineté dont émane le droit de justice, t[ue
ai l'autorité de la loi elle-môme expirent à la frontière, ce n'est pas une raison
pour que U justice et la loi ne saisissent, dans les limites du territoire, un
«rime qui a été commis sur le territoire étranger; enfin que, si la loi pénale
est territoriale en ce sens qu'elle ne peut être appliquée que sur le territoire^
«Ue peut néanmoins régir, dans une cerUine mesure, les actions des citoyens
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Ma VIN4*-CnfO0I»Œ MÇ. ~ 0181W8IT10H8 KlÉLIMINAinW (N^ 521).
pendant leur séjour moBiantanè à l'étranger, et réprimer à leur retour les
infhbCtioDS qu'ils ont pu commettre. . ^ .. . ,
La loi pénale est territoriale et personneUe à la fois; efle est territoriale en
ce sens qtf elle saisit toutes les personnes, quelles ^ju^eUes soient qui se trou-
Tent sur le territoire ; elle est personneUe en ce sens qu'elle smt les citoyens
môme sur le territoire étranger, elle les suit pour régler leur capacité morale
comme le statut personnel règle leur capacité civile. La loi pénale n est point
une simple énumération d'intordictions et de défenses; elle pose les règles de
conduite des citoyens, elle leur enseigne quelles actions sont permises, queUe»
prohibées; eUe trace leurs devoirs et leurs obligations. C'est dans ses textes
que se trouvent les condiUons attachées à leur droit de cité, les garanties
qu'ils doivent à U société dans laquelle ils vivent, les règles morales qu'eUe a
dû leur, imposer pour assurer sa conservation. Or comment admettre que ces
règles morales se matérialisent en quelque sorte avec le territoire et n'aient
d'autorité que jusqu'à la limite de la frontière? CSomment comprendre que les
citoyens d'un pays changent de devoirs et de principes de conduite parce qu'ils
èbangent de Ueuî On prétend que ces lois ne sont pas pereonneUes parce
qu'elles obUgent à la fois les étrangers et les citoyens. Elles n'obligent les
étrangers qu'acddenteUement et pendant leur séjour sur le territoire; elles
les assimilent alors aux citoyens eux-mêmes ; elles leur appliquent des règles
qui ne sont faites que pour ceux-ci. Mais ces règles ne suivent point l'étran-
ger au delà de la frontière, tendis qu'elles suivent partout le citoyen, elles
n'exercent sur le premier qu'un empire purement local, elles exercent un
empire incessant sur l'autre. On objecte que ce dernier se trouve dès lors sou-
^;^ ^P TT-i-r ^* — ^ — Ar.»Mn In» - la inî âi^ju^ lUàva ot Ul lui du pays où
- il réside, lll^t, pour répondre à cette objection, distinguer dans la législa-
tion deux sortes d'infractions : les délits de police et les délits communs. Les
délits de police ne peuvent donner lieu qu'à TappUcation d'une seule loi, celle
du pays de la résidence. Les délits communs trouvent à peu près dans toutes
les législations une répression générale, souvent identique. Les peines et les
formes de la procédure diffèrent, mais les incriminations, plus ou moins pré-
voyantes, saisissent en général les mêmes faits; car la conscience humaine
flétrit les mêmes actes dans tous les pays, et il n'est pas vrai qu'une chaîne
de montagnes ou les rives d'un fleuve suffisent pour dianger la nature d'une
action. L'agent qui a commis un crime sur le sol étranger peut donc, suivant
qu'il est poursuivi devant les juges du lieu du crime ou devant les juges de
son pays, être soumis, à l'une ou à Tautre de ces deux formes de procédure^
à l'une ou à l'autre des deux pénalités; mais il n'encourra qu'une seule res-
ponsabilité; U ne rendra compte qu'à la loi générale et commune qui, dans
toutes les contrées civilisées, et sauf quelques exceptions, prévoit et punit les
mêmes délits.
D'autres objections ont été exprimées. On a soutenu qu'un gouvernement ne-
pouvant exercer, au delà de ses frontières, un acte de souveraineté, ne peut
saisir les crimes qui y ont été commis. Mais esWil vrai que cette poursuite
étende l'action de la justice au delà du territoire ? Elle ne fait sur le territoire
étranger aucun acte de pmssance; elle saisit son justiciable sur son propre
territoire et c'est dans cette arrestation qu'elle puise le droit de le juger. EUe-
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DE i'agtion pubuqub bt db l'àction gitilb (art. 4). 469
n'adresse même pour le jugement aacmies réquisitions ati pays où le erime a
été commis. C'est par voie de commission rogatoire, c'est par voie d'invitation
qu'elle procède vis*à-vis des magistrats et des témoins étrangers. Il y a plus,
elle reconnaît l'autorité des actes passés dans ce pays, et auxquels le crime a
pu donner lieu. Si le prévenu a été jugé, s'il a subi sa peine, eUe respecte ce
jugement, elle lui attribue le caractère de la cbose jugée. Son action cesse
d'exister. Le pays sur le territoire duquel le crime a été commis ne serait blessé
dans sa souveraineté que si l'action de la juridiction originaire était un obsta-
cle à sa propre juridiction. Mais il ne s'agit pas de substituer les juges d'un
pays aux juges d'un autre pays ; il ne s'agit pas de dépouiller les juges étran-
gers; non*8eulement ceux-ci conservent leur juridiction, mais ils l'exercent
avant les autres, ils l'exercent même exclusivement s'ils parviennent à sairir
l'agent. Il s'agit simplement d'étendre la juridiction originaire à un cas où
l'autre est sans action, au cas où l'agent s'est dérobé aux poursuites de celle-
ci, et s'est réfugié dans son propre pays.
Mais, ce pays, lieu de l'origine et lieu du refuge, a-t*il à la poursuite xol
intérêt suffisant ? Quelle est la lésion dont il se plaint? Quelle est l'offense
qu'il s'agit de réprimer ?^oute nation a intérêt à réprimer les crimes commis
hors de son territoire lorsque ces crimes l'attaquent directement ou que leur
auteur, s'il est un de ses sujets, vient se réfugier dans son seixi^ Ne ressent-
elle pas, en effet, un certain trouble, sa tranquillité n'est-elle pas inquiétée ou
compromise par l'effet de la seule présence du coupable ? Dès qu'il revient y
résider, n'a- Velle pas le droit de lui demander compte de sa conduite ? N'att-
elle pas intérêt à faire disparaître le scandale d'un crime impuni ?|ffïous ne pré>«
tendons nullement que chaque nation élève une jurisprudence^vengeresse de
la morale universelle et prétende punir les crimes, quel que soit le lieu de leur
perpétration, uniquement parce qu'ils blessent les lois de la morale. Il est très-
vrai que tous les peuples ont un intérêt général à la répression des crimes ;
mais cette sorte d'intérêt ne suffit pas pour fonder la compétence de leurs
tribunaux ; il faut un préjudice» une lésion quelconque, car les tribunaux ont
pour mission principale la protection de la société qui les institue. Mais cette
société, qui connaît le crimci n'est-elle pas lésée par l'asile qu'elle donne au
coupable? n'éprouve- t-elle pas un préjudice par cela seul que l'agent, qui a
révélé sa perversité et son audace, ne lui fournit aucunes garanties pour
l'avenir ? Sans doute on ne doit point punir un individu pour les crimes qu'il
n'a point encore commis, quelles que soient les inquiétudes que sa présence
peut faire naître ; mais c'est à raison du crime accompli qu'il est saisi ; c'est à
raison du désordre que sa présence, après la perpétration de ce crime, jette
dans la cité, c'est à raison de l'exemple que son impunité donnerait ault mal-
faiteurs. En mettant l'inculpé en jugement, la nation à laquelle il appartient
ne fait donc que poursuivre sa propre cause, pourvoira sa déjfense et soutenir
ses intérêts.
ftfiS. Après avoir posé le principe, nous arrivons aux ^xtea qui l'ont diver-
sement appliqué. Arrêtons-nous d'abord aux firt. 5, 6 et 7 du Gode de .1810.
I^ art* 5 et 6 déclaraient les tribunaux français compétents pour connaître
les crijnes conunis hors du territoire, soit par les Françaisi soit par le^ étran^*
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470 TlNGT-CINQUliMB LEÇ. — DISPOSITIONS PaÉUMINAIRBS (N* 523).
gère contre la sûreté de TËtat ou pour altérer ses monaaies, papiers et bil-
lets de banque. L'art. 7 étendait la môme compétence aôz crimes commis hors
du territoire par un Français contre mi Français lorsque le coupable, n'ayant
pas été jugé en pays étranger, était de retour en France et que le Français
lésé rendait plainte contre lui.
Dans les cas des art. 5 et 6, la poursuite n'était soumise à l'égard des Fran-
çais à aucune condition spéciale. La loi n'exigeait ni leur présence sur le ter-
ritoire, ni leur arrestation ; la procédure pouvait ôtre instruite par contumace.
ËUe ne demandait aucune plainte, aucune dénonciation. CTest l'État qui était
lésé : la poursuite devait avoir lieu d'office. Mais, en ce qui touche les étran-
gers, la poursuite était soumise à deux conditions : il iiedlait qu'ils fussent
autours ou complices des crimes prévus par Tart. 6, et qu'ils fussent arrêtés
en France ou que le gouvernement eût obtenu leur extradition.
L'art. 7 disposait que c tout Français qui se sera rendu coupable» hors du
territoire du royaume, d*un crime contre un Français, pourra à son retour en
France y être poursuivi et jugé s'il n'a pas été poursuivi et jugé en pays étran-
ger, et si le Français offensé rend plainte contre lui. • Ainsi, d'une part, l'agent
qui avait commis le crime sur le territoire étranger n'était coupable aux yeux
de la loi française qu'autant : i^ qu'il avait la qualité de Français ; 2^ que la
partie lésée avait la même qualité ; 3<* que le fait était qualifié crime par la
loi pénale. Et d'autre part, la poursuite était subordonnée à trois conditions ;
il fallait : que le Français inculpé fût de retour en France ; 2« qu'il n'eût
pas été poursuivi et jugé en pays étranger; 3<> que le Français offensé eût
rendu plainte contre lui.
523. Quelles sont maintenant les dispositions de la loi du 27 juin 1866 T
quels changements a-t-elle apportés à notre Gode î
L'art 5, qui remplace l'ancien art. 7, est ainsi conçu :
« Art. 5. Tout Français qui, hors du territoire de la France, se sera rendu cou-
pable d'un crime puni par la loi française, peut ôtre poursuivi et jugé en France.
— Tout Français qui, bors du territoire de France, s'est rendu coupable d'un fait
qualifié délit par la loi française, peut être poursuivi et jugé en France, si le fait
est puni par la législation du pays où il a été commis. — Toutefois, qu'il s'agisse
d'un crime ou d'un délit, aucune poursuite n'a lieu si l'inculpé prouve qu'il a été
Jugé définitivement à l'étranger. — En cas de délit commis contre un particulier»
français, ou étranger, la poursuite ne peut ôtre intentée qu'à la requête du mi-
nistère public: elle doit être prôcôdée d'une plainte de la partie offensée ou d'une
dénonciation ofBcielle à l'autoritô française par l'autorité du pays où le délit a été,
commis. — Aucune poursuite n'a lieu avant le retour de l'inculpé en FrancOt si
ce n'est pour les crimes énoncés en l'art. 7 ci-après. »
H faut reprendre successivement pour les examiner, chacun des paragra-
phes de cet article. Le paragraphe l** ne lait que généraliser la disposition de
l'ancien art. 7. Tout crime commis par un Français en pays étranger peut
être poursuivi en France. Ainsi, la loi n'exige plus i« que le crime ait étô
commis vis-à-vis d'un Français; la nationalité de la victime a cessé d'être
nne condition de la poursuite. Le crime est, en effet, le même, quelle que
soit la qualité de celui quMl a atteint et la distinction de l'ancien art. 7 ne
s'expliquait que par le sentiment égOtste qui séparait autrefois les peuples ;
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DB L'AGTlOlf PUBUQI» BT DE l'aCTION GITILB (ART. 5). 47l
%^ qu'il y ait une. plainte : la poursuite a lieu d'office. Elle suppose cependant
encore trois conditions. Il faut d'abord que Tinculpé ait la qualité de Français :
la loi dit formellement : ioui français. Elle n'a pas cru pouvoir saisir l'étran*
ger qui, après avoir commis un crime à l'étranger môme contre un Français;
se réfugierait en France : contre celui-là, il n'y a que Texpulsion ou la me-
sure de l'extradition pour le rendre à ses juges naturels. Les Français seuls
sont soumis à la loi pénale de leur pays et les étrangers, au dehors de notre
territoire, ne peuvent en subir l'application. Une seconde condition est que l'in-
culpé n'ait pas été jugé définitivement à l'étranger : cette disposttion est Tap-
plication de la maxime non bis in idem. 11 suffit que les jugements étrangers
existent, quoique non exécutoires en France, pour que la compétence des
juges français soit épuisée, parce qu'il répugne à la raison comme à la jus-
tice qu'un prévenu soit jugé deux fois pour le môme fait. Le jugement étran-
ger, quel qu'il soit, a tout consommé; Acquitté ou absous, l'inculpé profiterait
du bénéfice de la chose jugée, lors même que l'absolution serait motivée sur
le silence de la loi étrangère. Condamné, le jugement ne pourrait recevoir en
France aucune exécution, mais cette seule inexécution ne pourrait autoriser
une nouvelle poursuite. Une troisième condition, qui a été maintenue, est
que l'inculpé soit de retour en France : il est évident qu'il s'agit d'un retour
volontaire et non d'un retour forcé par une arrestation en pays étranger. Car
la seule raison de la compétence de la juridiction française est la présence de
l'agent sur le territoire ; or cette présence ne trouble l'ordre et ne donne à la
cité un intérêt à la répression que parce qu'il revient y exercer ses droits de
citoyen et jouir de la protection des lois qu'il a violées. Le droit de la juridio*
tion suppose donc la présence volontaire.
584. Le 2* paragraphe étend la compétence des tribunaux français même
aux simples délits commis hors du territoire. Cette disposition est celle qui,
dans la loi nouvelle» a donné lieu aux plus sérieuses difficultés. On eût facile-
ment admis l'application de l'art. 5 aux délits graves tels que les vols et les
escroqueries, qui dans de certaines circonstances acquièrent une importance
considérable ; mais, quand on jette les yeux sur les séries interminables de
petits délits qui encombrent notre législation, on se rend difficilement compte
d'une disposition qui les saisit tous indistinctement et qui veut que la plus
légère de ces infractions commises en pays étranger puisse être réprimée en
France. On lit dans Tun des rapports qui ont préparé la loi : c Une fois le
principe admis, il semble assez difficile d*en refuser l'application aux délits.
La ligue qui chez nous sépare les crimes des délits est assez peu philosophique/
et les conséquences à en tirer peu concluantes. Dans le plus grand nombre de
cas sans doute la peine est proportionnée à la perversité de l'agent, mais il n'en
est pas toujours ainsi, parce que la perversité de l'agent n'est pas le seul élé^
ment dont là loi pénale ait & tenir compte ; elle prend aussi en grande conéi-^
dération le dogré d'alarme que le fait peut jeter dans la société. Ainsi aujour-»
d'hui, d'après la loi du 13 mai 1863, les coups volontaires ne constituent un
crime qu'autant qu'ils ont entraîné la perte d'un membre on la inort. dé là.
victime. Or, ces conséquences diverses d'un même fait ne peuvent^^Ues pas
tenir, non à la volonté de l'agent; maisà la constitution physique de la victime
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4T$ viiîfiT-awomiME leç, — Disposmoiw puÉLncmAnuss (n* 524),
et au degré d'habileté de ceux qai loi ont donné des «oins ? ne serait-il pas
étrange, si le fait s*e8t passé en pays étranger, quB, pour en poursuivre Fauteur,
il fallût attendre que le résultat du traitement fût venu dire si le fait constitue
un crime ou un délit? Le vol est tantôt crimOi tantôt délit; mais délit ou
crime, il implique une profonde dégradation morale ; qui pourrait nier le
danger de le laisser impuni ? La banqueroute est pareillement tantôt crime,
tantôt délit ; mais, délit ou crime, toujours également fléau du commerce et
féconde eu ruines. L'escroquerie n*est jamais qu'un simple délit ; mais, prati-
quée comme elle Test de nos jours sur une vaste échelle, sous prétexte d'en-
treprises industrielles, elle ruine des milliers de familles et cause plus de mal
que les crimes les plus sévèrement punis. U est donc vrai qu'un simple délit
peut accuser dans son auteur une perversité égale et même supérieure à celle
de certains crimes, qu'il peut surtout produire plus de ruines que les crimes
les plus odieux. • Mais le rapport ajoute : « Et toutefois, il faut le reconnaître,
l'objection n'est pas absolument dénuée de valeur. Si dans la nombreuse
nomenclature de nos délits il en est qui, par la perversité qu'ils supposent et
par l'inquiétude qu'ils produisent, peuvent être considérés comme équivalant
à des crimes, il en est d'autres beaucoup moins graves dont l'impunité n'aurait
pas de notables inconvénients. Le parti qui se présentait le premier à l'esprit,
celui qui aurait le plus satisfait les jurisconsultes, était sans doute d'énumérer
les délits dont l'impunité serait dangereuse. On Ta tenté, mais il paraît qu'on
a reconnu qu'un tel triage présentait des difficultés à peu près insurmontables,
sans parler de l'inconvénient qu'il y aurait à promettre ainsi législativement
^imp^nité à certaines classes de délits. On a pensé que le but pouvait être
atteint par une voie autre qu'une énumérution périlleuse, c'est-à-dire en su-
bordonnant la poursuite des délits à certaines conditions. •
Quelles sont ces conditions ? Ce sont d'abord celles exigées pour la pour-
suite des crimes, c'est-à-dire que l'inculpé soit de retour en France et n'ait
pas été jugé à l'étranger. Ge sont ensuite trois conditions nouvelles : i^ il faut
que le fait soit qualifié délit et puni non-seulement par la loi française mais
encore par celle du pays oii il a été commis ; 2« il faut une plainte de la partie
lésée ou une dénonciation officielle du pays où le délit a été commis ; 3<» le
ministère public seul pourra exercer la poursuite et sera le maître de l'intenter
ou de ne pas l'intenter.
La première de ces conditions, qui écarte, à la vérité, les petits délits de
police, donnera lieu sans doute à quelques difficultés pour s'assurer des textes
et du sens des législations étrangères. A une objection tirée de ce qu'en
subordonnant ainsi l'application de la loi française aux dispositions de la loi
étrangère, on abdiquait la souveraineté, on a répondu que tous les jours en
matière civile nos juges ont à appliquer les lois étrangères, notamment pour
apprécier bi capacité des étrangers^ la forme des actes passés en pays étranger,
l'attribution des successions mobilières délaissées par des étrangers et que,
dans l'accomplissement de cette tâche, ils ne rencontrent pas de difficultés
dont il ne leur soit possible de triompher, et que jamais personne n*avait ima-
giné d*y voir une aï>dieation de la souveraineté française. La seconde condi-
tion, la plainte, qui est un des principes de la compétence de la juridiction, et
que l'ancien art 7 exigeait pour la poursuite des crimes, est sans doute
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DB LA POLICS JUDIGIAIHB (aRT. 8). 473
une garantie que Faction n'atteindra que les d^its réellement dommageables.
Mais il y a lieu de remarquer que cette condition ne s'applique qu*auz délits
commis contre les particuliers. Quant aux délits commis contre la chose
publique, les délits de la presse par exemple, la loi ne demande, pour les
poursuivre en France, ni plainte ni dénonciation. La troisième condition, Tin-
tervention du ministère public ne fait qu'investir le procureur de la Républi-
que de la &culté de poursuivre ou de ne pas poursuivre suivant qu'il leju*
gera à propos.
625. L*art. 1, qui remplace l'ancien art. 5, est ainsi conçu :
a Art. 7. Tout étranger qui, hors du territoire de la France, se sera rendu cou- -^
pable, soit comme auteur, soit comme complice, d'un crime attentatoire à la Y C./^
sûreté de FÉtat, ou de contrefaçon du sceau de l'État, de monnaies nationales ,
ayant cours, de papi^*s nationaux, de billets de banque autoriBés par la loi, pourra(7A ^fjf
être poursuivi et Jugé d'après les dispositions des lois françaises, s'il est arrêté en
France ou si le gouvernement obtient son extradition. » x>///9^^V;6t*> v Ci ^
Avec une rédaction différente, cet article maintient, sans y rien changer,/^^*
les dispositions des art. 5 et 6 du Gode de 1810. Les crimes dont il s'agit ici y^
se préparent à l'étranger pour être exécutés en France, et on peut regarder-^ «A/ ^,
cette préparation, quand elle est arrivée à la confection des effets ou des
monnaies, comme un commencement d'exécution de l'usage puisque leur
circulation même à l'étranger se ferait ressentir en France. Si l'article est
restreint au coupable étranger, c'est que le Français est déjà compris dans
Fart. 5. La seule différence entre le Français et l'étranger, c'est que le premier,
s'il ne rentre pas, peut être jugé par contumace, tandis que le second ne peut
être poursuivi et jugé qu'autant qu'il est arrêté ou amené sur notre sol. Les
crimes prévus par cet article sont d'ailleurs les seuls pour lesquels un étranger
puisse être poursuivi en France, les seuls aussi pour lesquels un Français
puisse être jugé par contumace.
526. Reste à noter sur cette matière l'art. 6 ainsi conçu :
a Abt. 6. La poursuite est intentée à la requête du ministère public du lieu où
réside le prévenu ou du lieu où il peut être trouvé. — Néanmoins, la cour de
cassation peut, sur la demande du ministère public ou des parties, renvoyer la
connaissance de l'affaire devant une cour ou un tribunal plus voisin du lieu du
crime ou du délit. »
•
Cette disposition ne donne lieu à aucune observation.
YlNOT-SIXliME LEÇON.
LIVRE PREMIER
DE U POiaCE JUBIGIAIBE ET DES OFFICIERS DE POLICE OUI l'eXEEGENT.
527. La poursuite et la répression des faits frappés par les lois pénales
supposent le concours et l'action successive de deux pouvoirs distincts séparés,
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474 VINGT-SIXIÈMB LEÇON. — - DB LA. POLIGB JUDICIAIRE (N* 528).
indépendants l'un de Tautre, isaToir : la police et la justice. A cette idée se
rattache la division générale du Gode d'instraction criminelle; le premier livre,
que nous abordons aujourd'hui, est relatif à la police, le second à la justice.
Cette division n*a pas peut-être été toujours trés-fidèlement, très-scrapuleu-
sèment observée dans la distribution des matières de ce Gode ; toujours est-il
qu'elle en forme la base, l'idée générale, le principe fondamental. Ainsi,
police et justice, telles sont les deux actions, les deuK pouvoirs dont nous
devons examiner tour à tour le rôle, la nature, la mission, en tant qu'elles
concourent au but que nous cherchons à atteindre.
Le mot môme de police s'entend dans deux sens fort différents, un sens
large, générique, usuel ; puis un sens spécial, technique, le seul auquel nous
devons nous attacher, u La police, disait Tart. 16 du Gode du 3 brumaire an IV,
est instituée pour maintenir Tordre public, la liberté, la propriété, la sûreté
individuelle. • Puis, à cette définition générale du mot de police, le Gode du 3
brumaire ajoutait immédiatement une division de la police en deux classes :
police préventive et police répressive. Il est clair que, sous le point de vue
judiciaire, en tant que la police concourt à la recherche, à la découverte, à la
répression des délits, c'est uniquement au second point de vue que nous
devons nous attacher; c'est uniquement à la police répressive ou à la police
judiciaire que sont relatifs les textes dont nous allons nous occuper. Ainsi,
notons seulement pour ordre ces règles générales que posait le Gode du 3 bru-
maire, et que répétait le projet de notre Gode; ces règles, écartées comme
inutiles dans un Gode de droit positif, sont cependant bonnes à rappeler en
théorie, pour bien faciliter l'intelligence des textes.
En résumé : division générale, police et justice ; subdivision de la police,
d'une part, en police préventive ou administrative, dont nous n'avons pas à
nous occuper ; et, d'autre part, en police répressive ou police judiciaire. G'est
uniquement à cette seconde face, à ce second point de vue que nous aurons à
nous attacher. Aussi, le Gode d'instruction criminelle, sans reproduire expres-
sément les divisions que je viens de citer^ en reconnait-il implicitement Tezis-
tence en vous parlant, dans la rubrique môme de ce livre I*', de la Police ju-
âiciaire et des officiers qui Vexerceni, La police judiciaire est prise évidemment
ici par opposition à une autre police, c'est-à-dire à la police préventive ou
administrative.
CHAPITRE PREMIER
DE LA. POLICE JUDICIJLIBS.
528. « Art.* 8. La police judiciaire recherche les crimes, les délits et les cou-
traventions, en rassemble les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux char-
gés de les punir. » -
c La police judiciaire, disait Tart. 20 dû môme Gode de brumaire, recherche
les délits, QUE hk POLIGB ADHUflSTfUTIVS n'a PAS PU BEPÉGHEU DE COMMETTRE, OU
rassemble les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux chargés par la lo^
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DES OFFICIERS DE POUCE JUDICIAIRE (aRT. 9). 475
de les punir. > Vous Toyez que, saitf quelques mots retranchés dans cet arti-
cle par suite de la suppression des divisions générales, de la loi de brumaire,
Fart 8 du Gode d'instruction criminelle n*est guère que la répétition littérale de
l'art. 20 de cette loi. C'est donc de la police judiciaire, c'est-à-dire de Faction
des pouvoirs institués par la loi pour rechercher Texistende des délits ou des
crimes, pour en rassembler les preuves, pour en livrer les auteurs aux tribu-
naux chargés de les punir, c'est uniquement de la police judiciaire que nous
avons à nous occuper.
529. A quels officiers sont confiées les fonctions dont le détail fait la ma-
tière de ce livre? Sur ce point la législation, depuis 1791, a singulièrement
varié. Le cercle des officiers auxquels appartient en premier lieu cette mission,
cercle d'abord très-restreint sous le Gode de 1791, a toujours été s'agrandis-
sant jusqu'aux art. 9 et 10 de notre Gode d'instruction criminelle.
Ainsi, sous l'empire du Gode de 1791, les fonctions de la police judiciaire»
telles que je viens de les définir, étaient concentrées exclusivement dans les
mains des juges de paix et des officiers de gendarmerie. Aux juges de paix
principalement, aux officiers de gendarmerie secondairement et accessoire-
ment, appartenait la mission de rechercher les actes coupables, d'en réunir,
d*en rassembler les preuves, et de diriger contre leurs auteurs présumés les
premiers actes de poursuite. Je reviendrai plus tard sur le mérite de cette ins-
titution, sur les garanties que cette mission, exclusivement confiée à dos ma-
gistrats locaux, pouvait présenter à l'ordre, à la sécurité publique : je me borne,
quant à présent, à Thistorique, à l'exposé des faits.
8ous le Gode du 3 brumaire an IV, lors de sa rédaction, on reconnut la né-
cessité d'agrandir le cercle, d'ajouter aux fonctionnaires désignés d'autres of-
ficiers plus nombreux, plus élevés, plus importants, auxquels fussent attri-
buées concurremment les fonctions de la police judiciaire. En conséquence,
dans l'art. 21 de ce Code, on décidait que la police serait exercée, sous les
distinctions établies plus bas, par les commissaires de police, par les gardes
champêtres et forestiers, par les juges de paix, par les directeurs des jurys
d'accusation, qui étaient des magistrats pris à tour de rôle dans les tribunaux
civils de départements, par les capitaines et lieutenants de gendarmerie. Puis
dans l'art. 25, on ajoutait que, dans les communes oii il n'y aurait pas de com-
missaires de police, leurs fonctions, quant à la police judiciaire, seraient rem-
plies par les maires et, à leur défaut, par les adjoints de maire. Vous voyez,
en rapprochant ces art. 21 et 25 du texte de notre art. 9, que vous retrouvez,
sauf les directeurs des jurys d'accusation qui ont été supprimés, absolument
les mêmes fonctionnaires auxquels la loi de Tan lY avait confié l'exercice de
la police judiciaire. A ces directeurs ont succédé les juges d'instruction,
auxquels il faut ajouter : i^ les commissaires de police ; 2® les procureurs de
la République et leurs substituts.
En résumé la police judiciaire est maintenant exercée par les personnes dé-
signées dans l'art. 9 :
c Art. 9. La police judiciaire sera exercée sous Fautorlté des cours impériales
et suivant les distinctions qui vont être établies : — Par les gardes champêtres et
les gardes forestiers ; «- Par les commissaires de police; .^ Par las maires et les
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476 YINGT-SlZlilCB LEÇON. — DB LA POLIGB JUDICIAIRE (n"" 530).
adjoints de maire ; — Par les procureurs de la République et leurs substituts; —
Par les juges de paix ; — Par les officiers de goidarmerie ; -* Par les commissaires
géiiéraux de police; — Et par les juges d'instruction. »
630. Toutefois, cette énumération générale et yague, à laquelle il faudrait
encore ajouter les fonctionnaires désignés dans le texte de Tart. iO, ne vous
laisserait, si nous nous bornions à cette lecture, que des idées fort insuffi-
santes. Il ne faut pas croire, et les premiers mots de Tart. 9 suffisent pour
nous en ayertir, il ne faut pas croire que, relativement à tous les actes de
police judiciaire il y ait, dans tous les cas, égalité, concurrence entre les di-
yers officiers énumérés dans cet art. 9; au contraire, ils varient, ils diffèrent
les uns des autres sous des rapports assez nombreux, dont les plus impor-
tants vont bientôt nous occuper.
Ainsi, il a d'abord cette différence que la compétence territoriale de
chacun d'eux varie selon sa qualité; que quelques-uns, par exemple les
maires, les adjoints, les commissaires de police, ne sont compétents que
dans le ressort, que dans retendue de la commune à laquelle ils sont attachés.
Pour d'autres, au contraire, la compétence territoriale embrasse non point
une simple commune, mais un canton ; telle est la position des juges de paix.
Pour d'autres, enfin, elle s'étend hors des limites du canton, dans toute
l'étendue d'un arrondissement ; telle est la position du juge d'instruction et du
procureur de la Répuplique. Elle peut encore aller plus loin pour des fonc-
tionnaires d'un ordre supérieur.
Ainsi, premier point de différence qui sépare les uns des autres la plupart
des officiers que désigne Tart. 9, variation d'étendue dans la compétence ter-
ritoriale de chacun d'eux.
Secondement : quant à la nature de leurs fonctions, il en est qui exercent
les fonctions de la police judiciaire dans une double qualité, il en est qui re*
çoivent de la loi une mission complexe quant aux rôles que nous examinons
maintenant; c'est-à-dire que, parmi les fonctionnaires désignés dans l'art. 9»
quelques-uns agissent tantôt en vertu d'une mission qui leur est propre, que
la loi leur confère directement et personnellement ; tantôt, au contraire, en
qualité de simples adjoints, de simples accessoires, en un mot, en qualité
d'auxiliaires ; tels sont, par exemple, les commissaires de police, les maires
et adjoints de maire. Vous verrez, dans le détail des opérations confiées à
ses officiers, que, relativement aux simples contraventions, par exemple,
ils agissent directement en vertu d'un rôle que la loi attribue à leur seule
qualité ; et qu'au contraire, en matière de crime et de délit, ils n'agissent
que par exception, en qualité d'auxiliaires du procureur de la République
et de ses substituts. L'art. 11, combiné avec Tart. 48, établit clairement cette
distinction. Ainsi, premier point de la seconde différence : les commissaires
de police, les maires et adjoints de maire agissent tantôt directement, en vertu
d'une mission, avec une étendue de pouvoirs qui leur est propre, person-
nelle; tantôt, au contraire, en une qualité différente, accessoire, secondaire ;
c'est-à-dire comme simples auxiliaires du procureur de la République; tel est
le cas des art. 48 et suivants.
Quelques autres de ces offîcîors n'ont pas cette double qualité; et ici en-
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DBS OFFIGIBRB DB POLICE JUDIGUIRB (aRT. 10). 477
core ii faut distinguer, c'eftt-à*dire que quelqaèe-Tiiig d'entre eux n'agissent
jamais qu'en Tdrta d'nne mission qui leur est propre et personnelle; tels sont
notamment les gardes champêtres et forestiers indiqnés dans le paragraphe 1«'
de Part. 16.
A l'inverse, d'autres de ces officiers n'agissent jamais qu'en qualité d'auxi-
liaires; tels sont les juges de paix et les officiers de gendarmerie.
Vous trouverez ces détails dans les art. 40 et suivants.
Enfin^ parmi ces officiers, il en est qui sont à la fols agents administratifs
et agents judiciaires; d'autres, au contraire, sont des agents purement, exclu-
sivement judiciaires. Ainsi, le procureur delà République, le juge d'instruction
sont des agents dont le caractère est simple, unique, facile à saisir; ils sont des
agents investis seulement d'une mission judiciaire. Au contraire, la plupart des
autres fonctionnaires mentionnés dans l'art. 9 ont plutôt le caractère admi-
nistratif que le caractère judiciaire ; tels sont les gardes champêtres ou fores-
tiers, les conmiissaires de police, les maires et adjoints de maire, les officiers
de gendarmerie, les commissaires généraux de police. Dans ceux-là^ il y a
plutôt le caractère administratif que le caractère judiciaire; c'est l'autorité
administrative qui nomme, investit et révoque ces divers agents. Cependant
notez bien qu'à raison du caractère complexe que la loi leur attribue, ils dé^
viennent accidentellement, mais bien réellement officiers judiciaires. Notez
bien que, pour tous les actes qu'ils auront à faire aux termes de l'art. 9 et des
articles organiques qui pourront suivre, ils sont officiers de police judiciaire
et relèvent, à ce titre, non plus de leurs supérieurs administratifs, mais au
contraire de leurs surveillants judiciaires, c'est-à-dire du procureur général. A
cet égard, l'art. 279 du Code d'instruction criminelle est formel, il déclare que
tous les officiers investis par l'art. 9 des fonctions de police judiciaire sont,
en ce qui concerne ces fonctions, sous la surveillance directe du procureur
général.
Yoilà les divisions générales : nous entrerons bientôt dans le détail.
531. Un mot encore sur l'art. 9, pour terminer ce chapitre. Vous voyez
dans l'art. 9 quels sont les officiers de police judiciaire proprement dits, les
officiers auxquels la loi a non-seulement donné pouvoir de procéder aux actes
dont nous allons parcourir la série, mais auxquels même elle imprime for-
mellement la qualité d'officiers de police judiciaire, et qu'elle fait rentrer, à ce
titre, dans la disposition générale de l'art. 276. L'art. 10, au contraire, statue
dans un esprit, dans un sens tout différent; il attribue non pas la qualité per-
sonnelle d'officier de police, mais la mission, la compétence pour faire cer-
tains actes de police à des officiers qui n'en restent pas moins, même dans les
hypothèses prévues, officiers administratifs, et non point officiers de police
judiciaire, à des magistrats, en prenant le mot dans son sens général, qui,
même en agissant dans le cercle des fonctions de la police judiciaire, ne ren-
trent pas sous la surveillance du procureur général et dans le texte général
de l'art. 279. Ce sont les préfets des départements et le préfet de police de
Paris.
a Art. 10. Les préfets des départements, et le préfet de police à Paris, pourront
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478 yiNGT-SIXIÈMB LEÇON. — DB LA POLICB JUDICIAIRE (m* 531).
ftîre personnellement, ou requérir les ofllciers de police judidalre, chacun en ce
qui le concerne, de faire tous actes nécessaires à Teffet de constater les crimes,
délits et contraventions, et d'en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les
punir conformément à l'art. 8 ci- dessus. »
L'art. 10 attribue donc aux fonctionnaires administratifs qui y sont désignés
une double mission : Tune, la seconde, n'a rien qui doive nous étonner ; on
comprend que la loi ait pu attribuer aux préfets le droit de requérir des offi*
ciers de police judiciaire de procéder aux actes d'instruction ou de poursuites
nécessaires à la constatation et à la répression d'un délit. Mais quant à l'autre
attribution, infiniment plus importante, que leur confie le même article, elle
n'est ni dans son motif ni dans sa rédaction à l'abri de la critique. La loi auto-
rise les fonctionnaires désijgnés, les préfets, à faire personnellement tous les
actes nécessaires à l'effet de constater les crimes. C'est certes là une attribution
fort notable, dont il est permis de critiquer retendue.
En effet, quand vous verrez plus tard le soin extrême que le législateur amis
à attribuer à tel ou tel fonctionnaire le droit de faire chacun des actes de la
police judiciaire; quand vous verrez, notamment aujourd'hui, que, craignant
de ne pas trouver dans les officiers de Tadministration publique assez d'indé-
pendance et d'impartialité, la loi leur refuse, en général, le droit de faire aucun
acte d'instruction, aucune visite domiciliaire, aucune enquête, aucune audi-
tion de témoins, vous pourrez alors être surpris que ce droit, formellement
refusé aux officiers de l'administration publique, exclusivement attribué aux
magistrats inamovibles, ait élé accordé sans distinction, pleinement, absolu-
ment, à des fonctionnaires uniquement administratifs, placés même en dehors
de la surveillance judiciaire, de qui on peut craindre à ce titre la même dépen-
dance, la même partialité qu'on a craint de rencontrer dans les officiers même
du ministère public, présentant, et par leur position, et par leurs habitudes
judiciaires, et la surveillance à laquelle ils sont soumis, plus de garanties que
les préfets. La chose est d'autant plus fâcheuse que l'art 10 ne pose aucune
limite, aucune sorte de restriction au pouvoir dont elle les investit, pouvoir
dont l'exercice sera heureusement très-rare. Ce n'est pas seulement en cas de
flagrant délit, par exemple, en cas d'extrême urgence, qu'il est permis à ces
officiers de prendre part aux fonctions de la police judiciaire, la loi les inves-
tit pleinement et sans distinction du droit de faire tous les actes nécessaires
à constater les crimes, les délits, à en rassembler les preuves, etc. Le texte
est précis, mais peu en harmonie avec la défiance qui a été témoignée aux offi-
ciers même du ministère public.
Voilà l'ensemble, l'idée générale des officiers de la police judiciaire et de la
mission qui leur est attribuée. Mais cette idée serait fort imparfaite, pleinement
insuffisante, si nous n'examinions spécialement et tour à tour, à l'égard de
chacun d*eux, quel est le degré, la nature du pouvoir dont la loi l'investit. C'est
l'objet des chapitres suivants.
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DBS OFFICOERS DB FOUCB JUDICUIBB (aBT. 11). 479
CHAPITRE II
DBS MÀIBES, DES ADJOINTS DE MAIRE ET DES COMUISSIIBES DE POLICE.
532. Nous trotLTons aa premier rang les commissaires de police, les maires
et adjoints de maire ; lears fonctions feront Tobjet du chapitre II. Mais remar-
quez, relativement à ces fonctions, qu'il n'est pas question ici de toutes les
fonctions dont les lois investissent les commissaires de police, les maires ob
aidjoints de maire. D'abord il est évident que nous ne les considérons que sous
le rapport judiciaire ; quant à tout ce qui touche leurs fonctions administra-
tives nous n'aurons pas un mot à en dire. Mais» même sous le rapport judi-
ciaire, ne comptez pas trouver dans le chapitre n tout ce qui touche les ofQciers
qm y sont désignés. Ainsi, par exemple, les commissaires de police envisagés
eous le rapport judiciaire, ont plusieurs classes d'attributions bien distinctes,
bien séparées Tune de Tautre.
' fo Vous les verrez plus tard, dans l'art. 144, investis du droit de jouer le r61e
de ministère public devant les tribunaux de simple police. Il est clair que cette
fonction de ministère public devant les tribunaux, à l'audience, n'est pas une
fonction de police judiciaire, mais une fonction relative à l'application, à l'exer-
cice du droit de justice même. Aussi est-ce dans le second livre et non pas
dans le premier que les commissaires de police seront considérés comme ciSi-
ciers du ministère public devant les tribunaux de simple police.
2o Même en ce qui touche la matière spéciale de ce Uvre, en ce qui touche la
police judiciaire, j'ai déjà dit que les commissaires de police avaient deux
ordres de juridiction bien distincts : premièrement, les actes qu'ils ont direc-
tement et personnellement le pouvoir de faire, les actes qui constituent leur
. compétence habituelle et normale; secondement, au contraire, les actes qu'ils
ne font qu'exceptionnellement, dans certains cas déterminés, en qualité d'auxi-
liaires des officiers du ministère public. Or, c'est seulement sous le premier
rapport que le chapitre II les considère ; on ne vous indique absolument ici
que les actes, que les fonctions de police judiciaire dont les commissaires de
police sont investis personnellement et directement. Quels sont ces actes î Le
but du pouvoir qui leur est confié est de constater, de saisir à leur principe
non pas tous les faits punissables, mais uniquement, remarquez-le bien, les
contraventions de simple police, c'est-à-dire les &its prévus et punis par les
art. 464 et suivants du Gode pénal ; à cet égard, le texte de Part. 1 i est formel.
k Art. 11. Les commissaires de police, et dans les communes où il ny en a
jifbint, les maires, au défaut de ceux-ci, les adjoints de maire, rechercheront les
^ntraventions de police, même celles qui sont sous la sarveiHance spéciale des
gardes forestiers et champêtres, à l'égard desquels ils aaront conourrence et même
prévention. — Ils recevront les rapports, dénonciations et plaintes qui seront rela-
tif^ aux contraventions de police. — Ils consigneront, dans les procès-verbaux
qu'ils rédigeront à cet effet, la nature et les circonstances des contraventions, le
temps et le lieu où elles auront été commises, les preuve^ oi^ indices à la charge
. de ceux qui en seront présumés coupables. »
Ainsi, pour toutes les contraventions de policei même pour celles qne^ par
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480 TINGT*6IXliaCB LBÇON. — DS LA POLIGB lUDIGIAlRB (n* 534).
des motifs qui seront bientôt indiqués, la loi a mises sous la surveillance spé-
ciale de certains agents particuliers, le commissaire de police a compétence
générale, régulière, normale, pour constater le fait, en dresser procès-verbal,
et réunir les preuves, sauf ensuite à faire de œ procès-Terbal l'asage indiqué
par les articles qui suivent.
588. Quelle est l'autorité, quel est l'effet de ces procès-verbaux dressés par
un commissaire de police uniquement pour les contraventions prises par oppo*
aition aux crimes et aux délits ? Ces procès- verbaux font-ils, relatiyement aux
faits et contre les prévenus qui y sont désignés, foi pleine et entière, font-ils
foi jusqu'à inscription de faux? Non; vous verrez, dans l'art. 154, que les pro-
cès-verbaux des officiers publics ne font foi jusqu'à inscription de faux que
dans les cas, d'ailleurs très-rares, où la loi leur attribue expressément ce caraC"
tère. Or, aucune loi n'attribue cette force, ce degré d'autorité aux procès-ver-
baux dressés par les commissaires de police en matière de contravention. Con-
cluons donc que ces procès-verbaux, aux termes de l'art, 164, font foi seule-
ment jusqu'à preuve contraire, et peut-être est-ce déjà beaucoup leur accordre,
comme nous le verrons en expliquant cet article et en en examinant les
motifs.
684. La compétence territoriale des" commissaires de police embrasse, en
principe, toute l'étendue de la commune dans laquelle ils sont établis.
Elle peut embrasser aujourd'hui, en vertu du décret du 28 mars 1852, toutes
les communes du canton.
Je dois vous avertir qu'aux termes des lois institutives des commissures de
police il n'en était établi que dans les commîmes de plus de 5,000 habitants;
que dans les communes de 5 à 10,000, il n'y avait qu'un commissaire de police,
et que dans celles supérieures on en établissait un de plus par 10,000 habitants. .
Mais l'art. 2 du décret du 28 mars 1852 permet d'en établir dans tous les can-
tons où il n'en existe pas.
Ainsi le commissaire de police est compétent pour instrumenter dans toute
l'étendue de son ressort, pour recevoir les plaintes, les dénonciations, et les
relater dans ses procès-verbaux. Du reste, peu importe que dans la commune
il y ait pluueurs commissaires de police ; dans tous les cas chacun d'eux a
légalement compétence pour instrumenter dans toute l'étendue de la com-
mune.
. L'acte d'aucun d'eux ne peut être annulé parce qu'il aurait agi hors de l'ar-
rondissement à la surveillance duquel il est habituellement préposé : ces
limites, ces circonscriptions d'arrondissement ne bornent pas la compétence,
elles indiquent seulement, comme vous le dit l'art. 12, le cercle particulier
dans lequel le commissaire est plus spécialement obligé à un exercice régu-
lier et à l'exercice habituel de ses fonctions.
De là aussi la conséquence que tout commissaire de police, requis de rece -
voir une plainte, une dénonciation, de dresser procès- verbal en fait de con-
travention à raison de l'absence, de l'empêchement d'un commissaire de la
même commune, ne peut pas refuser d'agir, sous prétexte que l'empôche-
ment n'est pts constaté. Ce qui importe, avant tout, c'est furgenœ, c'est la
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DES OFFICnSaS SE POUGB JUDKHAIBE (ART. il). 481
eélérité de la constatation : mais il est bien enteada qne cela ne s'applique
qu'entre des commissaires de ht mdme commune, et non pas entre commis*
satres de-communes difliâientes.
Ge que nous disons des commissaires de police, soit relatiToment à leur
compétence territoriale» soit relativement à leur compétence, en tant qu'elle
se détermine par la nature du fait incriminé, nous le dirons également des
maires et des adjoints de maire qui sont investis directement de fonctions
absolument semblables, soit dans les oonmiunes qui, étant inférieures à 5,000
habitants, n*ont pas de commissaire de police, s<»t dans les communes où la
population est supérieure, mais oii le commissaire de police se trouve acciden-
tellement empoché, art. ÎL
635. Les procès-verbaux dressés, quels seront les devoirs de l'officier qui
les aura rédigés ? Ge sera, en principe, de les transmettre à l'officier chargé de
poursuivre les contraventions. Par exemple, si la plainte a été reçue par ua
maire ou un adjoint de maire, en cas d'empêchement momentané du commis-
suire de police, conmie le fait est une contravention, il tombe par conséquent
dans la juridiction des tribunaux de police ; comme devant les tribunaux de
police c'est le commissaire qui est chargé de poursuivre en qualité de minis-
tère public, il est clair que les maires et adjoints de maire transmettront les
plaintes au commissaire de police.
Quant aux commissaires eux-mêmes, vous sentez qu'il y aura nécessaire-
ment une distinction à faire. Ainsi, dans les communes où il y a plusieurs
commissaires, il y a un des commissaires qui est chargé des fonctions du
ministère public près le tribunal de police ; c'est à ce commissaire que les
plaintes des autres devront être remises. Si c'est le commissaire, chef du
canton, qui a constaté la contravention, il n'aura pas à transmettre son procès-
verbal ; les fonctions se trouvant réunies, il gardera le procès-verbal dressé
par lui, pour agir ensuite en qualité de nûnistère public. ïi en serait de même
dans les communes où il n'y aurait pas de commissaire de police, puisqu'alops,
art. 144, les fonctions de commissaire de police sont conâées aux maires et aux
adjoints de maire.
Passons à la seconde division, celle qui fait l'objet des gardes champêtres et
forestiers.
CHAPITRE in
DES 6ÂBDSS CHAMPÊTRES ET FOaESTlERS.
536. Nous avons VU qu'en fait de contraventioA la compétence des commis-
saires de police était générale, universelle, qu'elle embrassait même les con-
traventions, soit rurales, soit forestières. Cependant les atteintes portées aux
propriétés de ces deux espèces, propriétés nécessairement placées plus loin des
habitations, hors du cercle d'action de la police ordinaire, les atteintes portées
ii ces propriétés ont paru nécessiter l'institution d'officiers, de fonctionnaires
I- 31 '
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482 YINGT-ftmÉMB LBÇOK. — DB LA POUCB JUDICIAIRE (n* 537).
spéciaux à portée de les surveiller sans cesse et de constater anssi les perpé-
tuelles contrayentions dont elles peuvent être l'objet. De là Finstituiion des
gardes champêtres et des gardes forestiers qui, en matière de contraventions,
n*ont d'ailleurs que concurrence avec le commissaire de police, avec le maire
et l'adjoint du maire. Au contraire, à l'égard des délits, la compétence des
gardes champêtres et forestiers est universelle, est générale, est exclusive de
toute autre.
Ainsi, dans l'art. 11, on a attribué au commissaire de police compétence
pour toutes les contraventions même rurales et forestières, compétence en con-
cours avec celle des gardes champêtres et forestiers. Au conlipaire, dans l'art. 16,
ce n'est pas simplement pour les contraventions, c'est aussi pour les délits
qu'on attribue aux fonctionnaires qui y sont désignés la mission de les recher-
cher pour les constater.
Peut-être même ne faut-il pas se borner là, et, malgré la distinction éta-
blie par l'art. 1*' du Gode pénal entre les trois classes, . les trois natures de
faits punissables, peut-être, dis-je, devons-nous entendre, dans l'art. 16, le
mot de délit dans un sens générique, et non pas dans un sens technique ; peut-
être ce mot désigne -t-il, non pas seulement les délits proprement dits, c'est-
à-dire les faits punissables d'un simple emprisonnement, mais encore les
crimes, c'est-à-dire les faits punissables de peines afHictives ou infamantes.
A cet égard on peut s'appuyer sur ce que, dans le Gode dont nous commen-
çons rétude, le mot délit est employé sans cesse dans le sens générique, et
par là même inexact ; il est bon de vous en donner avis, car sans cesse nous
trouvons le mot délit embrassant même le mot crime dans le Gode d'instruc-
tion criminelle. Mais un argument plus direct se trouve dans les derniers
mots du S 4 de l'art. 16 ; vous y verrez que les gardes désignés dans cet article
peuvent arrêter tous les individus surpris en flagrant délit, « lorsque ce délit,
dit la loi, emportera la peine d'emprisonnement ou une peine plas grave ; §
mais dans ce dernier cas, c'est un crime. Si le délit est de nature à entraîner
une peine afOictive ou infamantet l'expression de délit n'est plus prise dans le
sens de l'art, l** du Gode pénal. Tel parait être le sens de l'art. 16, et il faut
reconnaître que les gardes champêtres et forestiers ont qualité pour recher-
cher et constater non-seulement les contraventions et les délits proprement
dits, mais encore les crimes, en tant que ces crimes se rattachent aux délits
ruraux ou forestiers. Tel est, par exemple, le cas d'incendie de meules de blé
ou de forêts.
537. Remarquez, quant aux gardes champêtres, que l'art. 16 leur donne
mission de rechercher, de constater tous les actes coupables dont nous venons
d'indiquer la nature ; que par là même ils ont qualité pour en dresser des
procès -verbaux, et la loi le dit formellement. En d'autres termes, les gardes
champêtres, comme les commissaires de police, ont mission de constater les
&its coupables à l'égard desquels la loi leur attribue compétence^ Mais s'ils
ont mission de les constater, en sens inverse ils n'ont pas qualité pour les
poursuivre. C'est là une distinction importante sur laquelle nous aurons
bientôt occasion de revenir. En un mot, de ce qu'ils sont officiers de police
judiciaire, il ne faut pas plos conclure que toutes les fonctions, que tous les
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DBS 6ARDS8 CHAMPÊTRES BT FORSSTIBAS (aRT. il). 483
actes de police judiciaire leur soient attribués, môme relatiTement aux faits
pour lesquels ils sont compétents. Ainsi, d'après Part. 8, Ut police Judiciaire
recherche les crimes^ les délits et les contraventions^ en rassemble les prewes et
livre les auteurs aux tribunaux chargés de les punir* Dans ces trois membres
de phrase vous trouvez deux caractères: i* constatation; 2* poursuite des
actes coupables. U s'en faut de beaucoup que ces deux caractères se trouvent
en général réunis sur la même tête. Ainsi les gardes champêtres, comme les
gardes forestiers, ont caractère pour constater les délits et non pas pour les
poursuivre; nous verrons plus tard à quels fonctionnaires est attribuée cette
dernière qualité.
De ces actes par eux constatés ils doivent dresser procès- verbaux, art. 16,
§ 2. Ces procès-verbaux doivent être déposés dans les mains du juge de paix
et affirmés le lendemain au plus tard du jour où ils ont été dressés^ loi du
28 septembre 1791, titre i« sect. VU, art. 6 et 7.
Les procès-verbaux de ces agents, lorsqu'ils ne donneront lieu qu*& des
réclamations pécuniaires feront foi, sauf la preuve contraire. Ces procès-
verbaux ne font donc pas foi jusqu'à inscription de fiiux, mais ils font foi jus-
qu'à preuve contraire, c'est ce qui résulte des art. 154 et 189 du Code d'ins-
truction criminelle. Les procès-verbaux des gardes champêtres rédigés dans
les formes voulues font foi jusqu'à preuve contraire en matière de contraven-
tion et de délit. Au contraire, en matière de crime, comme la loi ne recon-
naît pas de preuves légales, comme elle ne s'adresse qu'à la cohscience, au
sentiment interne, à l'intime conviction des jurés, les procès-verbaux des
gardes, pas plus que toute autre espèce de preuve, ne sont de nature à fiiire
foi, même jusqu'à preuve contraire; vous en trouverez la preuve manifeste
dans le texte de l'art. 342. En matière de crime, ces procès-verbaux servent
uniquement à l'instruction et n'ont aucune influence nécessaire sur l'opinion
du jury.
588. Au droit de constater des actes, les gardes champêtres joignent le
droit d'arrestation dans les limites indiquées. Ce droit d'arrestation consiste,
comme l'indique l'arl. 16, à conduire devtint le maire ou le juge de paix l'in-
dividu surpris par eux en flagrant délit. Nous verrons plus tard ce qui con-
stitue le flagrant délit.
De même, quant aux visites domiciliaires tendant à rechercher, par exem-
ple, des gerbes de blé ou autres parties de récoltes qui auraient pu être
volées, ce droit n'appartient pas aux gardes champêtres isolés; par le § 3 de
l'art. 16, la loi leur défend de s'introduire seuls dans les maisons, dépendances
ou enclos dans lesquels ils supposeraient qu'ont été transportés les onjets
volés; ils doivent être accompagnés par un des fonctionnaires indiqués dans
le § 3 de ce même article. a
Les dispositions de cet art. 16 s'appliquent non-seulement aux gardes cham-
pêtres des communes, mais même à ceux des particuliers.
539. U y a, vous pourrez vous en convaincre en parcourant Fart. 16, une
très-grande analogie entre les fonctions des gardes champêtres relativement
aux atteintes à la propriété rurale, et celles des gardes forestiers, ^lativement
484' YINGT-SUIÈHE LBÇON. — DE LA POLICE JUDICIAIRE (n<^ 539).
aux atteintes à la propriété forestière. £n effet, on traite conjointement dans
la plupart des articles du chapitre m, et notamment dans le premier, des
fonctions qui sont par la loi attribuées à chacun d*eux. En général, la com-
pétence des gardes forestiers, eu égard, bien entendu, à la différence dans la
nature des délits ou des crimes, leur compétence, leur qualité est à peu près
la même que celle des gardes champêtres ; Fart 16 traite conjointement des
uns et des autres et ne parait faire entre leurs missions, entre leurs qualités
aucune différence bien positive.
Cependant il existe, à cet égard, quelques différences qu'il est bon de noter*
£ll6 ressortent en général des lois particulières antérieures ou postérieures
au Cîode d'instruction criminelle, et notamment do celle <lu 21 mai 1827, pro-
mulguée sous le nom de Gode forestier. Les art. 159 et suivants de cette loi,
f^miant le titre XI, indiquent, d'une manière plus détaillée que le Gode d'in-
struction criminelle, quelle est la qualité, la compétence spéciale des divers
agents qui y sont dénommés.
Vous remarquerez d'abord, quant au droit d'arrestation indiqué et limité
par Tart 16, § 4, que ce droit se trouve étendu, en certains cas, par l'art. 163
du Gode forestier; on permet aux gardes forestiers d'arrêter et de conduire
devant le juge de paix tout inconnu qu'ils auront surpris en flagrant délit. Le
droit se trouve donc étendu, en ce sens que l'arL 163 n'exige plus, comme
l'art. 16, que le fait en flagrant délit duquel on est surpris soit de nature à
entraîner l'emprisonnement, ou une peine plus forte. Mais Tart. 163 exige,
dans la persopne surprise, une qualité dont ne parle pas Fart. 16 : il exige
qu'il s'agisse d'un inconnu; dans le cas contraire un garde n'a pas droit d'ar-
restation.
Quant à l'af&nnation du procès- verbal devant le juge de paix, affirmation
à laquelle sont toujours soumis les procès-verbaux des gardes champêtres,
cette condition ne s'applique pas dans tous les cas aux procès-verbaux des
gardes forestiers ; elle s'applique rigoureusement à tous les procès-verbaux
des gardes particuliers et des agents inférieurs de l'administration forestière ;
au contraire, la loi en dispense les procès-verbaux des agents supérieurs,
art. 165, 166 et 189 du Gode forestier.
De même, les procès-verbaux des gardes champêtres ne font foi que jusqu'à
preuve contraire, tandis que les procès-verbaux des gardes forestiers, ou au
moins de quelques-uns d'entre eux, font foi même jusqu'à inscription de faux ;
ces procès-verbaux figurent au nombre de ceux dont parlent les art. 154 et 189
4u Gode d'instruction criminelle. Il y a à cet égard, soit dans la nature du
fonctionnaire rédacteur, soit aussi dans l'importance de la condamnation à
laquelle peut donner lieu le procès- verbal, des distinctions dans lesquelles
je n'entre pas; je vous renvoie aux art. 176, 177 et 188 du Gode forestier.
Enfin, les procès-verbaux des gardes champêtres sont toujours remis aux offi-
ciers chargés des poursuites. Ainsi, s'il s'agit d'un délit, le procès -verbal sera
remis au procureur de la République chargé, par l'art. 182 du Gode d'instruction
criminelle, de la poursuite des faits correctionnels; s'il s'agit d'une simple
contravention, le procès-verbal sera remis au commissaaire du police, ou au
maire, ou à son adjoint, art. 144. Au contraire, pour les gardes forestiers de
l'Etat, leurs procès- verbaux sont remis au conservateur ou à l'inspecteur aux-
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DES PROCURSUIUS DB LA R£^17BLIQI7B (ART. iï). 485
qnels appartient, en matière de contraTentîon comme de délit, rexercice de
l'action publique devant les tribunaux correctionnels, art. 179 et 182 du Gode
d'instruction criminelle. Vous verrez que les contraventions forestières, com-
mises au détriment de TÉtat ou des communes, rentrent, quoiqu'elles soient
de simples contraventions, dans la compétence des tribunaux correctionnels.
Que si, au contraire, il s'agit du garde forestier d'un particulier, alors le procès-
verbal sera remis^ s'il s'agit d'une contravention, au commissaire de police
chargé de la poursuite devant les tribunaux de police; ou s'il 8*agit d'un délit,
au procureur de la République chargé de la poursuite devant les tribunaux
correctionnels.
Je vous renvoie, pour résumer ces notions, au texte même du chapitre III.
Nous passons au chapitre lY, qui traite du procureur de la République et de
ses substituts.
CHAPITRE IV
l>^ PROGUBSURS BB LA RÉPUBLIQUB BT DE LBURS SUBSTITOTa.
540. Jusqu'ici les fonctionnaires, les officiers de police judiciaire dont nous
nous sommes occupés se sont présentés à nous sous des caractères tout à fait
^ciaux. Ainsi, dans les commissaires de police nous n'avons vu, quant à la
police judiciaire, que des officiers chargés de constater les contraventions, à
l'exclusion des crimes ou des délits. Dans les gardes champêtres ou forestiers
nous avons vu des officiers de police judiciaire chargés de constater les con-
traventions, les crimes ou* les délits, mais seulement en tant que ces actes
portent atteinte aux propriétés rurales ou forestières; il n'y a pas cette lar-
geur d'attribution, cette généralité de caractère que nous allons rencontrer
dans les officiers aux attributions desquels nous passons maintenant.
Ainsi, entre les officiers de police judiciaire qui précèdent et les procureurs
de la République et leurs substituts, nous rencontrerons d'abord cette différence
bien saillante, que la compétence des premiers est bornée, est spéciale, soit
quant à la gravité des faits qu'ils doivent constater, soit au moins quant à leur
nature ; au contraire, la compétence des procureurs de la République est géné-
rale, en ce sens que la mission que la loi leur confie n'est pas bornée à telle ou
telle nature, à telle ou telle gravité de faits punissables, mais qu'elle embrasse,
au contraire, les crimes et les délits : si elle laisse les contraventions en
dehors,c'e8t par le peu d'importance de ces faits, etnon pas par le défautde pou-
voir. Ainsi, voilà une première différence entre les officiers précédents et les pro-
cureurs de la République; elle tient à la généralité du caractère accordé à ceux-
clf relativement à la nature des actes pour lesquels la loi leur a donné mission.
541. Mais une autre différence beaucoup plus importante, surtout parce
qu'elle est bien moins connue, bien moins sensible, bien moins facile à saisir
à la lecture des textes du Code, tient à la nature des pouvoirs, au caractère
de la mission, au mode d'exercice des actes que la loi a attribués au ministère
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486 YINGT-SIXIÈHB LEÇON. — DB LA POLICE JUDIdAIRB (n"" 542).
public. FlxoDS-noos biea sur cette idée. Quels sont, d'après Uart. 8, les carae-
tères, les fonctions de la police judiciaire? La loi en indique trois qui peuyent
^ réduire à deux : rechercher les actes coupables, en rassembler les preuves,
en livrer les auteurs aux tribunaux. Les deux premiers membres de cette
phrase se rattachent à la constatation des faits punissables; le troisième et
.dernier se rattache à la poursuite. Ainsi, constater des faits punissables;
poursuivre leurs auteurs devant les tribunaux : telles sont les fonctions géné-
rales de la police judiciaire.
Mais déjà nous avons dit que ces fonctions ne se. cumulaient pas, ne se
réunissaient pas nécessairement sur la même tôte, qu'il ne suffisait pas d'être
appelé par la loi officier de police judiciaire pour avoir le droit : 1« de cons-
tater; 2« do poursuivre. Ainsi, pour les commissaires de police, pour les gardes
champêtres et forestiers, nous avons vu formellement écrit dans la loi le droit,
l'obligation de constater, nous n'avons pas vu, au contraire, un seul mot du
droit de poursuivre, surtout en ce qui concerne les gardes champêtres et les
gardes forestiers. Eh bien, pour le procureur de la République, il faut faire la
même distinction, mais il faut la faire en sens tout à fait contraire. Les agents
qui précèdent ont droit de constater et n'ont pas droit de poursuivre; le pro-
cureur de la République, quelque haute que soit sa position, quelque grave
que soit son caractère, a droit de poursuivre et non pas de constater. Il a droit
et devoir de livrer aux tribunaux l'auteur présumé d'un fait punissable; il a
droit de requérir la poursuite, de requérir tels ou tels actes d'instruction pro-
pres à faire éclater la vérité qu'il soupçonne, mais il n'a pas le droit de recher-
cher, de rassembler les preuves.
Ainsi, dans le procureur de la République nous ne trouvons, au moins en
principe, sauf deux exceptions notables, qui se justifient d'ailleurs fort aisé-
ment, nous ne trouvons en principe que le droit de poursuivre, mais jamais
le droit de réunir, de constater les preuves.
M2. Cette idée de n'accorder au ministère public que le droit de poursuivre,
à l'exclusion du droit de constater, n'est pas nouvelle en droit français, mais
elle a été quelque temps méconnue d'une manière assez grave; il n'est pas
inutile de remonter plus haut pour en bien sentir la portée.
Dans l'ancienne jurisprudence criminelle, dont nous sommes loin d'approu-
ver toutes les dispositions, c'était une idée fondamentale que la poursuite des
actes punissables n'appartenait point aux simples particuliers mais à une
magistrature spéciale, instituée à cet effet, savoir : au ministère public; le
droit de se porter partie contre les auteurs d'un crime ou délit étant le premier
attribut du ministère public.
Mais de là une conséquence fort logique et fort sage, c'est que le ministère
public, étant partie nécessaire dans toute poursuite criminelle, devait par là
même être exclu du droit de participer à un acte d'instruction quel qu'il fût
En effet, disait-on, un acte d'instruction, c'est une décision, c'est une sorte de
jugement au moins provisoire; ordonner qu'une visite domiciliaire sera faite,
ordonner que des témoins seront entendus, décerner un mandat, frapper un
individu d'arrestation, c'est porter sur son sort une décision, un jugement,
provisoire, si l'on veut, mais enfin une décision. Or, décider, juger, même pro-
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DIS PROGURBUIU DB LA RtPUBLIQUB (AAT. tl). 487
visoirement^ c'est on acte du minigtère da joge ; or, la qualité de jage et celle
de partie sont des qualités incompatibles. 8i donc le ministère public est
nécessairement Tadversaire du prévenu» s'il est inévitablement partie, deman-
deur dans toute poursuite criminelle, il s'ensuit qu'il ne peut être juge; et il
serait juge s'il pouvait faire un acte d'instruction, si léger que fût cet acte.
A c6té de ce raisonnement tout logique viennent se placer des considéra*
tions d'une nature fort grave : au ministère public est imposée Tobligation de
rechercher les faits punissables, et, dès qu'il en soupçonne l'auteur, de pour-
suivre cet auteur présumé depuis le premier acte d'instruction qu'il requiert,
jusqu'à l'exécution de la peine qu'il a sollicitée contre lui. Or, ne serait-il pas
à craindre, si l'on confiait au ministère public le droit de faire lui-même des
actes d'instruction, qu'il ne se laissât influencer, dominer dans l'origine par
des préventions contre lesquelles il n'aurait pas plus tard le courage de revenir?
ne serait-il pas à craindre que le même officier, venant demander aux juges
la punition du prévenu contre lequel il a fait l'instruction, ne parût pas devant
les juges avec cette plénitude^ cette franchise d'impartialité qui est le premier
de ses devoirs et la plus belle de ses attributions ? De là cette conséquence,
bien observée dans Tancienne jurisprudence criminelle, qu'au ministère public
appartient, uniquement, exclusivement, le droit de poursuivre; et au juge an
contraire, uniquement, exclusivement, le droit d'instruire.
Cette conséquence fat méconnue, et bien à tort sans doute, dans le Gode cri-
minel de 1791. J'ai déjà dit que les fonctions de la police judiciaire y furent
uniquement confiées aux juges de paix et aux officiers de gendarmerie. Cette
attribution si illimitée avait d'abord un inconvénient, c'était de ne pas confier
à des mains assez puissantes, à des fonctionnaires assez haut placés la pre-
mière poursuite, la première impulsion nécessaire pour rechercher et pour
constater les crimes. Des juges de paix isolés par canton, n'ayant pas pour
stimulant les réquisitions du ministère public, n'imprimaient pas à la direction
des affaires dont ils étaient chargés l'énergie suffisante pour réunir les preuves
nécessaires. Mais il y avait un autre inconvénient, c'est que les officiers du
ministère public, commissaires du gouvernement, ^ent toujours chargés de
la poursuite; seulement, ils n'intervenaient dans la poursuite qu'après qu'un
jury d'accusation avait voté l'accusation du prévenu. On remarqua avec raison
qu'il était contradictoire de confier la poursuite aux agents du gouvernement,
et de leur refuser toute espèce de part d'action dans la direction des premières
poursuites; de les charger spécialement de la recherche et de la répression
des délits et des crimes, et de ne leur permettre d'intervenir, pour solliciter
cette répression, qu'au dernier moment d'une poursuite déjà commencée, et
peut-être mal commencée. Cependant le Gode du 3 brumaire an lY, en remé*
diant au premier défaut, en plaçant les fonctions de l'instruction dans des
mains plus puissantes que celles des juges de paix, avait aussi laissé subsister
cette concentration de tous les actes de l'instruction dans les mains des officiers
^u'il désigne, il avait laissé le ministère publicen dehors de tous les actes préli-
minaires. On sentit ce défaut et une loi du 7 pluviôse anIX institua dans chaque-
arrondissement un substitut à l'accusateur public appelé plus tard magistrat de
•sûreté. La principale mission de ce substitut était de surveiller les poursuites,,
d'y imprimer le mouvement d'activité qui pouvait y manquer jusqu'alors.
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i9è VINGT-SIXliMB LBÇOH. — M LA VOUCB /UDICIAMIE (n* 543),
Lorsqu'on rddig<da le projet da Gode criminel, on se jeta dans Texcès con-
traire à celui de 1791 ; on fdt si viYement frappé de l'inconvénient d'exclure
le ministère pnblicde Tinstmction préliminaire; qne dans Part. 480 de ce projet
on conférait an ministère public, représenté par des officiers appelés magis-
trats de sûreté, le droit de faire à lui seul tous les actes d'instruction néces-
sités par le début de l'instance. Au sein du conseil d'État de vives réclamations
s'élevèrent; on demanda le rétablissement de cette distinction fondamentale
méconnue en 1791, et que le projet du Gode' allait méconnaître : on demanda
que la distinction entre le droit de poursuivre et le droit dé constater fût réta-
blie; qu%ux agents du gouvernement, à la partie publique appartint exdnsi-
vement le droit de poursuivre ; qu'aux agents judiciaires proprement dits, aux
magistrats appartînt exclusivement le droii d'instruire. Après une longue et
vive discussion ce principe prévalut enfin ; on décida en règle générale que le
ministère public n'aurait que le droit de poursuivre les délits et les crimes,
â*en requérir la répression, de solliciter, d'exiger qu'il fût procédé à chaque
acte d'instruction, mais qu'il n'aurait pas, au moins en principe, le droit d'y
procéder par lui-môme. Ge droit fut réservé à un fonctionnaire d'une nature^
d*une position plus impartiale, plus indépendante: ce droit fut réservé au juge
d'instruction.
Ainsi, comme idée générale devant servir de point de départ aux explications
qui Tont suivre, retenons que, si la qualité d'officier de police judiciaire, aux
termes de l'art. 7, appartient également, d'une part, au procureur de la Répu-
blique, de l'autre, au juge d'instruction, cependant la mission de ces officiers
tfest pas la même : la mission du procureur de la République est de requérir
du juge d'instruction tel ou tel acte de poursuite ; la mission du juge d'ins-
truction est de procéder à ces actes. Et de même qu'en général le procureur de
République ne peut pas par lui-même procéder à l'instruction, de même
aussi en général le juge d'instruction ne peut opérer que sur la réquisition, sur
les conclusions de la partie publique, c'est-à-dire du procureur de la Répubii*
4ue. Je dis en général, car nous verrons plus tard, dans les deux cas que
f ai indiqués, dans les cas des art. 32 et 46, l'urgence du flagrant délit intro-
duire une exception remarquable à ces principes qui d'ailleurs sont fonda-
mentaux.
64S. Il suit de ce qui précède que nous aurons à considérer les procureurs
de la République sous deux points de vue et dans deux qualités bien diffé-
rentes ; le premier relativement à leurs fonctions habituelles, régulières, à
leurs fonctions normales, si je puis ahisi parler ; le second relativement à leurs
fonctions extraordinaires, exceptionnelles, nécessitées quelquefois par l'hypo-
thèse du flagrant délit.}
Au nombre des fonctions habituelles et régulières figurent des opérations
de différentes natures. Ainsi le procuremr de la République, en sa qualité de
partie publique, borné, limité au droit de réquérir, au droit de poursuite, doit r
V Rechercher d'office les crimes ou les délits commis dans son arrondisse-
ment, en rechercher le bruit, l'avis, la rumeur publique; ce qui n'est pas en
rassembler les preuves, par exemple appeler des témoins pour déposer ; à <iet
égard, il doit rechercher l'annonce, la nouvelle des crimes ou délits;
2« Recevoir toutes les dénonciations, toutes les plaintess qui peuvent lui être
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DBS pRocimsim8 Ds UL RÉPtTBuauB (art. 2^). 489
adressées, soit par des fonctionnaires publics, soit par des particuliers, aux
termes des art. 29, 30 et 31, soit qne ces plaintes ou dénonciations, dont nous
Terrons plus tard la forme et le détail, se rattachent à des crimes on à de sim-
ples délits;
3<» H doit immédiatement transmettre les pièces an jnge d'instmction, avec
telles réquisitions qu'il juge convenable de fiiire en vertu de ces premiers
documents ;
i9 n doit correspondre avec le procureur général, dont il n'est, à vrai dire,
que le substitut, à l'effet d'informer immédiatement ceiui-ci de tous les crimes
dont il vient de prendre connaissance et de recevoir ses ordres sur la direc*
tion de la poursuite, art. 27. Non contents d'établir entre le procureur de la
République de chaque arrondissement et le procurem* général, dans le ressort
duquel il edt placé, ce lien perpétuel de correspondance que consacre l'art. 27,
les rédacteurs du Gode d'instruction criminelle^ craignant que Téloignement
do procureur général placé au centre du ressort ne laissftt quelquefois les
procureurs de la République hors d'une surveillance assez active, établirent
dans le chef-lieu de chaque département un magistrat dont les attributions
sont détaillées dans les art. 284 et suivants. CSes procureurs au criminel ont
été supprimés en 1815; cependant la section qui les concerne est encore con-
servée, on ne sait trop pourquoi.
5^ Le ministère public doit pourvoir à l'envoi et à la notification des ordon-
nances et décisions rendues par le juge d'instruction. Cette attributîcm qui
lui est conférée part l'art. 28 consacre, de la manière la plus formelle, la dis-
tinction dont nous avons parlé. Ainsi, rendre une ordonnance, décerner un
mandat, faire un acte quelconque d'instruction, c'est chose qui rentre dans
l'office du juge, et qui est tout à fait en dehors de l'office du ministère public.
Mais, au contraire, pourvoir à l'exécution d'une ordonnance, s'assurer que les
témoins appelés comparaîtront, remettre aux agents de la force publique les
actes qu'ils sont chaînés d'exécuter, ce n'est pas là l'office du juge, qui n'agit
pas. De là la mission confiée par l'art. 28 au procureur de la République, mis-
sion qui rentoe encore dans ses attributions régulières; car voiler à l'expédition,
à l'envoi, à la notification, enfin à l'exécution d'une ordonnance, c'est là ce
qui a rapport à la poursuite et non point à l'instruction ; cet acte rentre dans
les attributions agissantes du procureur de la République, et non pas dans
les attributions sédentaires en quelque sorte du juge d'instruction.
Quant aux fonctions exceptionnelles, irrégulières, qui sont accordées au
procureur de la République, elles le sont : i<» dans le cas de flagrant délit, et
^ même hors le cas de flagrant délit, dans le cas de réquisition de la part d'un
chef de maison, art. 32 et 56. Nous verrons plus tard dans ces deux textes com*
ment le procureur de la République y devient, par exception, instructeur, et non
pas seulement partie publique; comment, par accident et seulement tant que
dure l'urgence, tant qu'il y a nécessité de saisir sur le lait les traces fugitives de
Pacte qui vient d'être commis, les deux qualités, naturellement opposées, de
partie poursuivante et de juge d'instruction se trouvent mêlées, confondues
Sur la tête du procureur de la République. Nous verrons également sous
quelles limites, même dans ces deux cas, ce droit lui est accordé, et quelles
précautions la loi a cru devoir y ajouter pour en empêcher l'abus.
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490 vmaiVBBPTlilCB LBÇON. — DB la POLIGB JUDICIAniB (n^ 545).
Ainsi, quelques détails sur les fonctions ordinaires du procureur de la Répu-
blique d'une part, et, de Tautre, l'ensemble, le tableau de ses attributions
extraordinaires nous occuperont dans la prochaine leçon; cela nous conduira
à peu près jusqu'à l'art. 55.
544. Vous voyez que je suis^ forcé de m'écarter un peu, comme je le ferai
désormais, de ma méthode habituelle. Jusqu'ici nous avons pu, sans incon-
vénient, suivre la marche généralement adoptée dans les cours de droit fran-
çais, c'est-à-dire nous attacher à chaque article successivement. Dès aujour-
d'hui j'ai dû m'écarter un peu de cette marche, ne pas analyser chaque article
en détail, m'abstenir même d'en donnw lecture ; ce n'est pas seulement le
temps qui m'y force, c'est surtout parce que je crois que dans les nouvelles
matières que nous abordons c'est le seul moyen de vous donner des idées
exactes. Dans les matières de l'instruction criminelle, le plus important de
notre tâche n'est pas d'étudier chaque question de détail que tel ou tel ar-
ticle peut faire naître; il faut soulever les masses, Tensemble, et voir com-
ment l'instruction va marcher, depuis son début jusqu'à la condamnation et
à l'exécution. Or, si nous nous appesantissions sur les détails, nous perdrions
beaucoup de temps, et, en second lieu, au milieu de ces détails vous perdriex
l'idée d'ensemble.
Pour parer à cet inconvénient, je vous engage donc à lire, avant chaque
leçon, les vingt ou trente articles qui en feront l'objet.
VINGT-SEPTiiME LEÇON.
545. Nous avons commencé l'explication du chapitre IV; nous nous som-
mes occupés de définir, au moins sous un aspect général, les fonctions du pro-
cureur de la République, considéré comme officier de police judiciaire. A
cet égard, il est bien important, vous ai-je dit, en vous attachant au prin-
cipe consacré dans le Gode d'instruction criminelle contrairement à la légis-
lation intermédiaire et conformément à la législation ancienne, il est bien
important de distinguer, dans le procureur de la République, un ordre de
fonctions complexes, savoir : les fonctions régulières, normales, ordinaires ;
et, au contraire, les fonctions exceptionnelles, extraordinaires dont il est in-
vesti dans quelques cas spéciaux. Les fonctions habituelles, régulières ont
pour objet la recherche et la poursuite des crimes et des délits, art. 22. Les
fonctions exceptionnelles ont pour objet certains actes de constatation,
d'instruction qui ne lui sont attribués que par des motifs de nécessité, et par
exception formelle au principe fondamental qui défend de cumuler sur la
même tète les fonctions de partie poursuivante et les fonctions du juge. Il
est important que cette distinction entre la mission de rechercher et de pour-
suivre, et la mission de constater ou d'instruire, soit toujours présente à vos
esprits dans les explications qui vont suivre.
Au premier ordre de fonctions se rattachent, vous ai-je dit en terminant
la dernière leçon : {• le droit de rechercher d'office tous les crimes et délits,
de recevoir les dénonciations et les plaintes qui tendent à lui en donner avis,
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DB8 PR0GUBBUR8 DB LA RÉPUBLIQUE (aRT. 22). 491
de transmettre ces dénonciations et ces plaintes an jnge dUnstrnction, avec
telles réquisitions, telles conclusions qu'il jugera convenables; 2« l'obligation
de correspondre avec le procureur général^ conformément à Tart. 27; 3<> enfin,
Tobligation de pourvoir, d*après Tart. 28, à l'envoi, à la notification et à Texé-
oution des ordonnances rendues par le juge d'instruction dans les limites du
pouvoir que nous exposerons plus tard.
Au contraire, aux fonctions exceptionnelles, extraordinaires, se rattache le
droit de faire certains actes d'instruction dans les cas déterminés par les
art. 32 et 46.
Nous aurons tour à tour à examiner, avec quelque détail, ces divers ordres
de fonctions. Aujourd'hui surtout, nous nous occuperons de la mission dn
procureur de la République en ce qui touche le pouvoir de recevoir et de
constater les dénonciations et les plaintes, pouvoir qui se rattache à ses attri-
butions ordinaires ; et de plus nous examinerons une partie des actes d'in-
struction que peut et doit faire le procureur de la République dans le cas
des art, 32 et 46. Toutefois, avant de passer à l'examen de ces actes, aux dé«
crets relatifs à l'exercice de ces pouvoirs qui font l'objet de la deuxième
section, parcourons rapidement les articles de la première section dont je me
suis borné jusqu'ici à vous donner une idée générale. En un mot, après l'expo-
sition synthétique que je vous ai déjà faite des fonctions générales du procu-
reur de la République, parcourons les détails.
546. « Art. 22. Les procureurs de la République sont chargés de la recherche
et de la poursuite de tous les délits dont la connaissance appartient aux tribunaux
de police correctionaelle, aux cours spéciales ou aux cours d'assises. »
Les procureurs de la République sont chargés de la recherche et de la poursuite
(par opposition aux fonctions de l'instruction qui n'appartiennent point à la
partie publique) de tous les délits, expressions évidemment inexactes, et dont il
est important pour nous de constater dès ce moment l'inexactitude. Vous avez
va que dans le langage du droit pénal actuel le mot délU a un sens technique,
qu'il n'embrasse que les faits punissables par la loi de peines simplement
correctionnelles; ici au contraire le mot est employé dans un sens générique,
il désigne à la fois ce que le €k>de pénal appelle, d'une part, des crimes, de
l'autre, des délits. Remarquez, une fois pour toutes, que très-fréquemment
cette inexactitude de langage se trouvera dans le Gode que nous expliquons;
cet avis sera bon pour dissiper les obscurités que ferait naître quelquefois
la réaction de ce Gode, si on y interprétait le mot délit d'après le sens tech-
nique de l'art, l** du Gode pénal; ce sens n'a été réglé que dans la rédaction
du Gode pénal arrêtée un an plus tard que celle du Gode d'instruction cri-
minelle.
647. L'art. 23 a pour but de déterminer à quels procureurs de la Répu-
blique appartiennent les fonctions indiquées dans l'art. 22. Pour faciliter la
recherche et la poursuite des crimes et des délits, on attribue concurremment,
cumulativement à plusieurs procureurs de la République les fonctions indi-
quées dans l'art. 22. Ainsi, pourront également remplir ces diverses fonctions :
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492 yiNGT-SBPTIJDiCB LBÇON. -— DE LA POLICE nrDIGIAIRB (m"" 548).
!• le procureur de la République du lieu où le crime a été commis ; 2* celui du
domicile du prévenu; 3« celui de la résidence accidentelle» actuelle du pré*
venu.
Remarquez au reste que cette triple compétence, cette concurrence indiquée
dans Tart. 23 ne doit s'entendre que dans sa relation avec Tart. 22» c'est-à-dire
que le droit déterminé dans l'art. 22 appartient concurremment aux trois pro-
cureurs de la République désignés dans l'art. 23, mais qu'au contraire, à Tégard
des pouvoirs exorbitants, exceptionnels des art. 32 et 46, à l'égard de ces actes
d'instruction que les procureurs de la République sont autorisés à faire dans
certains cas, ces actes ne peuvent être faits que par le procureur de la Répu-
blique du lieu oii le crime a été commis, et non par les deux autres procu*
reurs de la République indiqués dans Tart. 23, qui ne parle que des actes indi-
qués dans Tarticle précédent, des actes de recbercbe et de poursuite, et il ne
parle pas des actes d'instruction sur lesquels Tart. 22 est muet. La raison
d'ailleurs en est évidente : lorsque la loi permet ou commande au procureur
de la République de faire, par exception, certains actes d'instruction, c'est dans
le cas de flagrant délit, c'est à raison de l'extrême urgence; elle lui commande
alors de se transporter sur le lieu du crime. Or, il est clair que cette mission
ne peut être conférée qu'au procureur de la République dans l'arrondissement
duquel le crime a été commis, tout autre serait incompétent, puisque le trans-
port sur les lieux dont parle l'art. 23 l'entraînerait nécessairement hors de
son arrondissement.
Cette concurrence indiquée dans l'art. 23 appartient également au juge
d'instruction ; vous la voyez écrite dans les art. 63 et 69 : seront donc ég^e*
ment compétents pour recevoir les plaintes et opérer les actes d'instruction,
le juge d'instruction du lieu du crime, celui du domicile babiluel, et enfin celui
de la résidence actuelle du prévenu.
Ce principe a été puisé dans les art. 76 et suivants du Gode du 3 brumaire
an IV; et vous sentez que cette concurrence de compétence entre les trois offi-
-ciers désignés est de la plus haute importance, parce que non-seulement les
articles cités ont pour résultat de valider soit les actes de poursuite, soit les
actes d'instruction faits par l'un des trois fonctionnaires désignés dans ces ar-
ticles, mais c'est que de plus la compétence de l'un des trois procureurs de la
République ou de l'un des trois juges d'instruction est par suite attributive de
compétence au profit de tel tribunal, de telle cour, de telle cour d'assises. Ainsi,
ce sera le juge d'instruction qui se sera saisi de l'affaire, aux termes des art. 63
et 69, qui fera le rapport de cette affaire devant le tribunal auquel il est attaché.
Cette affaire sera portée ensuite à la cour d'oii dépend ce tribunal, puis ren-
voyée à la cour d'assises du département dans le ressort duquel l'instruction a
été faite. La compétence attribuée concurremment aux trois procureurs de la
République et aux trois juges d'instruction désignés dans nos articles, appar-
tiendra par là même aux tribunaux et aux cours auxquels appartiennent les
officiers qui les premiers se sont saisis de l'affaire.
548. Ces explications mêmes vous mettent sur la voie d'une difficulté de fkit
que pourrait se présenter, ce serait le cas ot des actes de recherche, de pour-
suite, d'instruction auraient été &its à la fois, à raison d'un même fait et contre
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DES PAOCURBURS DE LA JKÉPUBUQUB (aRT. ^3). 493
le même prévenu, par deux ou trois procureurs de la Républicpie, par deux ou
trois juges d'instruction. U est possible» en fait, qu'en yertu de nos trois arti-
cles, le procureur de la République et le juge d'instruction du lieu où le crime a
été commis, et, d'autre part, le procureur de la République et le juge dlnstrue-
tion du domicile ou de la résidence aient en môme temps opéré, se soient en
même temps saisis de Taffaire. Il est pourtant évident que cette affaire ne
peut être instruite par deux fonctionnaires et devant deux tribunaux à la lois.
Quelle sera alors la règle de préférence, lequel devra se dessaisir, lequel se
devra rester ainsi? Cette question n'est pas décidée par le Gode, mais il parait
raisonnable d'appliquer ici les prineipes que posait à cet égard le Gode du 3 bru-
maire an IV, auquel on a emprunté le principe, et dont sans doute on n'a pas
entendu repousser les développements et les conséquences. Or, Fart. 77 de ce
Gode voulait qu'en cas de concurrence l'instruction appartint à celui qui le
premier aurait délivré le mandat d'amener. G'est donc par la délivrance du
mandat d'amener, ordre d'arrestation dont nous expliquerons plus tard la portée
exacte, que l'un des deux juges d'instruction qui ont opéré en même temps se
trouvera saisi et saisi définitivement de l'affaire. Que si deux mandats d'amener
avaient été délivrés à la même date, et à raison du même fait, par deux juges
d'instruction différents, on appliquerait les art. 78 et 79 du Gode de brumaire;
on préférerait^ dans le cas de concurrence dans la date des deux mandats, le
juge d'instruction du lieu du crime aux deux autres juges. Et si le conflit, si
le concours s'élève entre les deux derniers, on préférerait le juge d'instruction
du domicile à celui de la résidence accidentelle, actuelle. Vous verrez ces
principes, auxquels le Gode ne parait pas avoir dérogé, dans les art. 76 à
79 du Gode du 3 brumaire au IV.
L'art. 24 règle également la question de compétence dans le cas de crime
commis^ dans les hypotbèses des art. 5, 6 et 7; je n'ai aucun détail à y
ajouter.
649. « Abt. 25. Les procureurs de la République et tous autres officiers de
police judiciaire auront, dans l'exercice de leurs fonctions, le droit de requérir
directement la force publique. »
Sous ce rapport il y a une différence notable entre les officiers de police
judiciaire énumérés dans l'art. 9 et les simples agents, tels que des buissiers,
par exemple, qui n'ont pas par eux-mêmes qualité personnelle pour requérir
directement l'assistance de la force publique. Nous verrons, en traitant du
droit d'arrestation, au cbapitre des mandats, nous verrons dans l'art. 99 que
le porteur d'un mandat d'amener a bien droit de requérir, pour l'exécution da
ce mandat, l'assistance de la force publique, mais que ce droit ne lui est pas>
personnel, inbérent, que cette réquisition ne ]^ut être par lui faite qu'en
vertu de l'ordre écrit contenu dans son mandat ; c'est la disposition du § 2 de
l'art. 99. Telle est la différence entre les simples agents, tels que les buissiers
porteurs d'un mandat et les officiers de police judiciaire dont nous traitons en
ce moment.
. Cependant vous noterez une légère exception à notre art. 25, que nous avons
4éjà vu dans le § 5 de l'art. 16 : les gardes diampêtres n'obtiennent pas cette
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494 VINGT-SEPTIÉMB LEÇON. — DB LA POLIGB JODIGIAIBB (n<^ 552).
assistance directement; an contraire, d'après l'art. 164 da Gode forestier, les
gardes forestiers l'obtiennent directement sur lenr réquisition.
La réquisition de la force publiqae se fait d'une manière déterminée par la
loi : la loi des 26 jaillet-3 août 1791, art. 32» indique la formule qui doit être
employée dans les réquisitions écrites adressées par l'officier de police au
commandant de la force militaire ; tous la trouvez reproduite dans Fart. 58
d'une ordonnance sur la gendarmerie, du 29 octobre 1820, ordonnance assez
importante et que nous aurons à citor plusieurs fois dans cette matière.
560. « Art. 36. Le procureur de la République sera, en cas d'empêchement,
remplacé par son substitut, ou, s'il a plusieurs substituts, par le plus aiîcien.
S'il n'a pas de substitut, il sera remplacé par un Juge commis à cet effet par le
président. »
Cet article doit se combiner avec un décret du 18 août 1810, art. 19 à 23;
vous y verrez que dans un tribunal, où il y a plusieurs susbtituts, il y en a
toujours un de désigné expressément et à l'avance pour remplir, à la place du
procureur de la République, les fonctions d'officier de police judiciaire. Telle
est la disposition de l'art. 18.
Quant à cette autre partie de l'article, s'U n'a pas de substitut, la chose n'est
guère possible en droit, le procureur de la République a toujours un substi-
tut; l'article ne trouve d'application qu'en cas de vacance ou d'empêchement
du substitut.
651. Reprenons maintenant en détail la série des idées que j'ai avons pré-
senter sur les fonctions, soit ordinaires, soit extraordinaires du procureur de
la République. Parlons d'abord des premières.
Le procureur de la République, considéré comme une sentinelle avancée de
l'ordre judiciaire, peut recevoir, soit par une dénonciation, soit par une plainte,
soit par la rumeur publique, l'avis, la connaissance des crimes et des délita
dont la recherche lui est immédiatement et personnellement confiée. Par
quelque voie, par quelque moyen que cette connaissance lui parvienne, son
devoir est tracé, d'une part, dans l'art. 27, de l'autre, dans l'art. 47. D'après
l'art. 27, il doit immédiatement en donner avis au procureur général du res-
sort, dont il n'est à vrai dire que le substitut. Diaprés l'art. 47, il doit immé-
diatement transmettre cet avis au juge d'instruction de son tribunal, en provo-
quant de la part de ce juge tels actes, telle instruction, telle procédure à
laquelle il peut être convenable de se livrer quant à présent. Ainsi, sa pre-
mière fonction est celle-ci : dès que l'avis d'un crime ou d'un délit lui par-
vient, transmettre ce premier avis, ces premiers indices, cette dénonciation
ou cette plainte au juge d'instruction auquel seul appartient le droit d'en ras-
sembler et d'en rédiger les -preuves, mais qui, en général, n'a pas le droit
d'opérer d'office sans cet avis, sans ces conclusions du procureur de la Ré-
publique.
568. A part ce devoir général, la loi a cru devoir consacrer, dans les troii
premiers articles de notre section H, quelques règles sur l'obligation^impo-
sée, soit à des fonctionnaires, soit à des partiouliers, de faire connaitre aa
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018 PROCUREURS DE LA RÉPUBLIOUB (aRT. 30). 495
procorenr de la République les crimes ou les délits dont ils acquièrent con«
naissance ; elle y joint, dans Fart. 31, quelques règles de forme sur la rédac-
lion de ces dénonciations.
558. Le Gode du 3 brumaire an ÏV, auquel la plupart de ces règles ont été
empruntées, distinguait, art. 83 et 87, deux classes de dénonciations, dénon^
cMian offideUe, dénondatUm civique. Le Code d'instruction criminelle n'a pas
r^roduit ces mots, mais au fond la distinction entre ces deux classes de dé*
nonciations est encore très-réelle et importante sous plus d'un rapport.
On appelle dénonciation officielle celle qui a été faite par un fonctionnaire
ou officier public relativement aux crimes ou délits dont il acquiert la con-
naissance dans l'exercice de ses fonctions.
On appelle dénoneicUion civique celle qui est faite par un particulier, relati-
Tement à certains crimes ou délits dont il a été témoin. La première se rap-
porte à l'art. 29| la seconde à l'art. 30.
Entre ces deux espèces, ces deux cas de dénonciation, il y a un point com-
mun, c'est que l'une et l'antre sont commandées par la loi. Dans l'art. 30
comme dans l'art. 29, la loi impose, au particulier comme au fonctionnaire,
l'obligation de donner avis au procureur de la République des crimes ou des
délits désignés dans ces deux articles. Mais, à part ce premier rapport, ce
point de ressemblance entre les deux cas de dénonciation, il y a au contraire
des distinctions, des dissemblances assez nombreuses qui les séparent l'une
et l'autre.
Ainsi, d'abord, au fonctionnaire public la loi commande dans Fart. 29, de
faire connaître au procureur de la République tout crime ou délit dont il a
acquis la connaissance dans l'exercice de ses fonctions ; dans l'art. 30, au con-
traire, on ne commande au particulier de donner avis que des crimes ou dé-
lits dont il a été témoin personnellement, que des faits qu'il connaît directe-
ment et de visu.
Secondement, le fonctionnaire public doit donner connaissance de tous les
crimes ou délits, sans aucune distinction dans leur nature, pourvu, bien en-
tendu, que ces faits se rapportent à Tordre de fonctions dont il est chargé,
sans quoi la dénonciation d'ofûdelle deviendrait purement civique. Au con-
traire, Tobligation n'est imposée au particulier, par l'art. 30, que pour une
certaine nature de crimes ou de délits, savoir : pour les crimes ou délits
attentatoires, soit à la sûreté pubUque, soit à la vie ou à la propriété des par-
ticuliers.
Ces expressions d'attentat contre la si/Lreté publique sont un peu équivoques,
elles ne sont nulle part nettement définies; il n'existe môme pas dans le Gode
pénal de rubrique générale relative au attentats contre la sûreté publique.
Ainsi la rubrique générale du livre III est relative aux attentats contre la
chote publique, ce qui peut ne pas paraître exactement synonyme des atten-
tats contre la ràret^ pubUque, Du reste, la distinction, au fond, n'a pas une
grande importance, à cause précisément de la troisième différence qu'il nous
reste à indiquer.
Troisièmement, pour le fonctionnaire public, l'obligation que lui impose le
texte de l'art. 27 aune sanction; cette sanction est dans ses rapporu, dans sa
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496 VINaT-SEPTIÈKB LEÇON. — DB LA POUGB lUDIGIAiaB (n<^ 553).
position de fonctionnaire public, et dans les diyers degrés de pénalités qui
peuvent l'atteindre pour avoir enfreint, pour avoir violé son devoir. Au con-
traire, pour le particulier, il n'y a rien de pareil ; le conunaxidement da
l'art. 30 est un commandement qui n'a pas de sanction pénale; nulle part^
dans les lois actuelles, vous ne trouverez de pénalité portée pour défaut de
dénonciation d'un crime dont vous aurez été même le témoin. Je dis dans
les lois actuelles, car dans le Gode pénal de 1810 on impose certaines peines
pour défaut de dénonciation de quelques attentats contre la chose publique ; par
exemple, dans les cas de complots ou autres pareils, ou.dans le cas de fausse
monnaie ou de fabrication de billets de banque. Mais les art. 103 à 106, 136
et 137 de l'ancien Cîode pénal, qui portaient des peines pour défaut de dénon«*
dation, ainsi que les exceptions faites en faveur des parents des coupables,
art. 107, ont été abrogés en 1832, et par conséquent l'art. 30 n'a plus de sanc-
tion pénale positive.
Quatrièmement, la dénonciation officielle, celle dont parle l'art. 29 peut se
donner par voie de simple avis, par correspondance adressée par le fonction-
naire ou officier public au procureur de la République compétent pour irece-
voir cet avis ; c'est ce qui résulte des termes de l'art. 29 : Sera tenu d'bn don-
ner AVIS sur-le-champ au procureur de la République^ et de transnettre à ce
fnagùtral tous les renseignements.». Donc les fonctionnaires désignés par
l'art. 29 n'ont pas besoin de se transporter de leur personne chez l'officier de
police judiciairequi reçoit la dénonciation. Au contraire, la dénonciation du
particulier doit être, soit adressée par lui ou par un fondé de procuration spé-
ciale, au chef du parquet, soit môme rédigée par le dénonciateur sous les yeux
du procureur de la République ; et elle doit, en principe, être signée non-
seulement du procureur de la République) conformément à l'art. 31, mais
aussi du dénonciateur ou de son fondé de pouvoir spécial. Le Gode de bru-
maire attachait même au refus de signature la nullité entière de la dénoncia-
tion; cette dernière disposition n'est pas répétée dans le texte de l'art. 31»
Mais la différence n'en est pas moins sensible ; faculté pour le fonctionnaire
public de faire connnaitre par correspondance, et sans formalités, les faits dont
il acquiert connaissance; obligation pour le particulier de se transporter, par
lui ou par mandataire, devant le procureur de la République ou l'officier de
police qui le remplace.
Ginquièmement, une autre différence, non moins grande, résulte de l'art.
358 du Gode d'instruction criminelle : vous y verrez que dans le cas où une
dénonciation a été faite, et où après la poursuite l'accusé a été acquitté, il peut
obtenir devant les mêmes juges des dommages-intérêts contre ses dénoncia-
teurs; la dernière disposition de cet article commande au procureur général
de faire connaître à l'accusé qui le requiert le nom de ses dénonciateurs.
Rien de pareil n'est établi à l'égard des fonctionnaires publics, pour le cas de
dénonciation officielle. Ge n'est pas, bien entendu, que cette dénonciation^ si
elle est calomnieuse, ne puisse jamais donner lieu à aucune poursuite contre
eux; mais cette poursuite ne peut être dirigée que par la voie de la prise à
partie, aux termes du même art. 358.
La raison en est assez facile, et on comprend aisément pourquoi- l'accusé
acquitté obtient plus aisément des dommages-intérêts dans le cas de la dénon-
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DU FLAGRANT DËUT (aRT. 32). 497
dation de Fart. 30 que dans celui de Tart. 29. D'une part, en effet» l'art. 29
commande impérieusement au fonctionnaire de dénoncer les crimes ou les
délits dont il acquiert la connaissance dans Texercice de ses fonctions; il le
lui commande sous une sanction pénale qui peut être déjà assez forte à raison
de sa position de fonctionnaire ou d'officier public, il lui commande surtout
de donner connaissance non-seulement des faits dont il est absolument cer-
tain, des faits dont il a été témoin, mais de tous les faits dont la connaissance
lui parvient dans l'exercice de ses fonctions. Au contraire, Tobligation imposée
au particulier par Fart. 30 est toute morale; s*il s'abstient de dénoncer, aucune
pénalité ne peut l'atteindre ; il ne doit donc le fiiire que dans le cas de la plos
entière certitude, de la plus parfaite conviction. U y a plus, c'est que cette
obligation, à laquelle ne s'attache aucune espèce de sanction pénale, n'est
écrite dans la loi que pour les crimes ou les délits dont il a été personnellement
le témoin, que pour les crimes et délits qu'il déclare avoir vu se passer sous
ses yeux ; il est donc bien plus gravement reprochable, bien plus facilement
responsable, quand en définitive Tacquittement de l'accusé vient établir ou
faire présumer que la dénonciation était mal fondée. Du reste, la question de
savoir en quel cas l'accusé acquitté peut poursuivre son dénonciateur, la quea*
tion de savoir si le seul fait d'acquittement donne lieu nécessairement à des
dommages-intérêts, se rattache à une matière dont nous sommes loin encore»
à l'an. 358 relatif à la procédure par jurés.
Voilà donc les premières fonctions, les premiers actes du procureur de la
R^ublique dans le cas oii une dénonciation sera portée devant lui : la rece-
voir, la rédiger dans les formes indiquées par Fart. 31, et la transmettre, selon
Farticle 47, au juge d'instruction avec ses conclusions. Plus tard, en voyant
l'instruction s'avancer, en suivant dans leur marche ses diverses phases, nous
verrons quelle est, relativement à chacune d'elles, la mission spéciale du pro-
cureur de la République.
554. Passons maintenant avec la loi à ce deuxième ordre de fonctions, infi-
niment plus remarquable, précisément parce qu'elles sont extraordinaires,
exceptionnelles, précisément parce qu'il importe de poser avec le plus grand
soin les bornes, les limites de ce pouvoir exorbitant qu'une impérieuse néces-
sité lui a fiiit accorder. Examinons dans quels cas le procureur de la Républi-
que, quoique partie poursuivante, va cumuler, par exception, avec ce rôle de
partie, le rôle au moins transitoire et temporaire de juge. Ces cas sont ceux des
art. 32 à 46 ; il faut les voir avec quelque détail.
Vous sentez d'abord que, pour laisser de côté un principe aussi grave, aussi
rationnel que celui qui défend de confondre sur une même tète et dans une
même main deux qualités qui semblent incompatibles, il faut des raisons bien
graves. Ces raisons, la loi n'en admet que deux : i^ C'est le cas de flagrant
délit, défini par Fart. 41, lors au moins que le fait est de nature à entraîner
peine affiictive ou infamante, c'est-à-dire lorsque le fait est un crime dans le
sens de l'art« !•' du Gode pénal. Ainsi, lorsque la gravité du fait concourt avec
son actualité, avec l'urgence, avec la nécessité de constater dès à présent des
preuves qui pourraient promptement s'effacer, alors, par exception, le procu-
reur de la République, dans les art. 32 et suivants, a qualité pour procéder,
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498 VINGTHSEPTiâKB LEÇON. -» DE LA POLICE JUDICIAIRE (n* 555).
seul et par lai-méme, aux premiers actes d'instraction que cette urgence peat
commander; 2« lors môme qn*il ne s'agit ni d'un crime ni d'an délit flagrant,
le procnrenr de la République a qualité pour procéder seul aux premiers actes
d'instruction lorsqu'il en est requis par un chef de maison qui rappelle à cons-
tater un crime ou un délit, même non flagrant, qui a été commis dans Tinté-
rieur de la maison. Telles sont les deux exceptions sous lesquelles vous deves
entendre le principe qui refuse au procureur de la République toute participation
aux actes d'instruction.
Bi même nous nous bornons à cet aperçu, vous pourriez contester la légiti-
mité de l'exception; vous pourriez contester le motif de nécessité qui a fait
cumuler dans ces deux cas les fonctions de partie poursuivante et de magîs*
trat instructeur. En effet, pourriez-vous dire, partout où il existe un procureur
de la République, il existe un tribunal d'arrondissement auquel il est attaché,
il existe par conséquent là, dans la même ville, sur les lieux, un juge d'ins-
truction, puisqu'il y en a toujours un au moins dans chaque tribunal; dès lors,
où donc est la néœssité d'autoriser, de commander le transport du procureur
de la République sur le lieu du crime ou du délit, le juge d'instruction étant là
présent, tout aussi près, dans le même lieu que le procureur de la République?
pourquoi donc ne pas s'adresser à l'instructeur ordinaire? pourquoi ne pas
s'adresser au juge d'instruction? en quoi y a-t-il plus d'utilité à faire consta-
ter l'acte par le procureur de la République que par le juge d'instruction? En
principe, cela est vrai; aussi faut-il ajouter qu'il est rare que le procureur de
la République exerce personnellement, par lui-même, les fonctions et pouvoirs
exceptionnels qui lui sont conférés par les articles que nous allons voir; et
cependant ces articles sont, dans la pratique, de la plus fréquente application.
Ceci n'a rien de contradictoire ; ces articles sont fréquemment appliqués en ce
sens que les actes d'instruction qu'ils autorisent par exception sont faits journel-
lement, non pas seulement par les procureurs de la République dans des villes
où se trouve un juge d'instruction, ou même plusieurs, mais bien plus souvent
par les officiers auxiliaires du procureur de la République, établis sur les points
où ne se trouvent pa^s de juges d'instruction. Ainsi, les fonctions dont nous par-
lons, la loi les attribue directement au procureur de la République ; mais l'art. 49
les étend à tous ses officiers auxiliaires, les juges de paix, les officiers de gendar-
merie, les maires, adjoints de maire, les commissaires de police, c'est-à-dire à
une foule de fonctionnaires répartis dans des localités moins importantes et pla-
cés bien plus près que le procureur de la République et juge d'instruction du
théâtre du crime qu'il s'agit de constater, surtout quand il est flagrant.
Ainsi, rîmportance pratique des notions et des règles que nous allons par-
courir peut bien se présenter quelquefois pour le procureur de la République,
dans les cas rares où le juge d'instruction sera absent ou empêché ; mais elle
se présentera bien plus fréquemment, elle se présentera tous les jours pour les
officiers auxiliaires, qui n'exercent leurs pouvoirs que dans les mêmes limites
et sous les mêmes conditions qui lui sont imposées.
Nous allons passer à l'examen détaillé de ces pouvoirs et de ces actes,
555. La première de ces deux exceptions, celle qui, sans contredit, présente
l'application la plns'Jréquente, c'est celle de l'art. 32; mais, pour comprendre
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mj VLAQtJMT DâLiT (aat, 32). 499
le cas défini par Tari. 32, tous aurez à ie joindre à Part. 4i. Pour lotoriser
alors le procureur de la République ou ses auxiliaires, ce dernier mot ya tout
seul, car ils peuvent faire tout ce qu'il peut faire, pour autoriser alors le
procureur de la République à procéder aux actes d'instruction que nous allons
parcourir, l'art. 32 exige deux circonstances : i^ flagrant délit, c'est-à-dire
extrême ui|;enoe : le^ flagrant délit est défini par l'art. 41 ; 2* faits de nature à
entrdner peine afflictive ou infitmante, crime proprement dit dans ie sens
technique du Gode pénal. Sous ces deux conditions, le procureur de la Répu-
blique peut et doit agir.
Quel sont les actes, que)les sont les opérations auxquelles, dans ce cas, il est
^autorisé à se liyrer ? Ces opérations sont de diverses natures ; elles consistent :
lo A se transporter immédiatement sur le théâtre du crime ou du délit, &
l'effet d'y constater le corps du délit, son état, les diverses circonstances qui
peuvent servir à en Cure connaître l'auteur;
2<» A appeler devant lui et à entendre les parents, les voisins, les domesti-
ques, tous ceux de la bouche desquels il peut, dans le premier moment, re-
cueillir les renseignements qui plus tard seraient perdus ;
3^ A procéder à des visites domiciliaires pour recherdier, soit l'auteur pré-
sumé, soit les moyens, soit les instruments du délit ou les produits qui en sont
résultés;
A^ A dresser procès- verbal de ces diverses opérations ;
b^ A ordonner, dans oertains cas, l'arrestation du prévenu présent, ou même
à décerner, contre le prévenu absent, un mandat d'amener.
Tels sont les divers points de vue, les classifications générales, sous lesquels
nous devons envisager les pouvoirs, la mission du procureur de la République
dans ce moment d'urgence. Nous nous occupons aujourd'hui des trois premiers
points : transport sur le lieu du délit; déposition des témoins et visite domi-
ciliaire ; ce dernier point demande une grande attention.
556. A la constatation du corps et de l'état du délit se réfèrent directement
les art. 32 et 35.
D'abord, une règle générale, c'est qu'à l'instant môme où lui parvient la
nouvelle, à l'instant où, à raison de la flagrance du fait, il juge son transport
indispensable, il doit donner avis de ce finit et de cette mesure au juge d'ins-
truction ou à l'un des juges d'instruction du tribunal. En effet, comme le pro-
cureur de la République n*agit ici que par exception, comme il est important de
faire ie plus tôt possible succéder la règle à l'exception, il est de rigueur
d'avertir l'un des juges d'instruction, afin que celui-ci puisse, aussitôt que
possible, rejoindre le procureur de la République et se ressaisir du rôle que
l'autre n'a rempli que momentanément. Telle est la disposition du § 2 de
l'art. 32.
Cet avis une fois donné, le transport sur les lieux une fois effectué, l'atten-
tion du procureur de la République se portera sur les divers objets indiqués
dans nos deux articles.
Notez seulement qu'il ne lui sera pas toujours facile, toujours possible de
procéder seul et par lui-môme à la constatation des diverses circonstances énu*
mérées dans ces deux articles ; il aura, le plus souvent, besoin d'appeler à cet
«xamen et au procès- verbal qui en sera la suite, certaines personnes que leurs
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500 YINGT-SEPTlâME LEÇON. — DB LA POLICE JUDICIAIRE (N® 556).
Atudes, lenr qualité, lenr profession, mettront à même de mieux apprécier le»
diverses circonstances du crime qni vient d'ôtre commis. A cet appel se réfè*
rent les art. 43 et 44 qui vous indiquent les règles. 8*il s'agit par exemple,
d'un attentat contre la sûreté, contre la vie des personnes, s'il s'agit d'assas-
sinat, d'homicide, de blessure, d'empoisonnement, il est clair que le procureur
de la République devra se faire assister d'un ou pli»ieurs officiers de santé,
dont l'examen évidemment est d'une grande importance. Ainsi, constater
l'état du corps de la^personne homicidée, cfaerdier à découvrir comment, par
quels moyens, par quels instruments, ces blessures ont été faites ; en|cas d'em*
paisonnement, chercher à déterminer la nature, la quantité des substances véné-
neuses dont l'emploi a été Heiit, sont des actes de la plus haute importance pour
la découverte du crhne et la recherche de son auteur. De même, en cas de bles-
sures^ il pourra être important d'^n déterminer de suite la gravité, pour appli-
quer les art. 309, 310 et 311 du Gode pénal; la qualité du fait varie dans une
proportion fort grave, suivant que les coups et blessures ont entraîné une inca-
pacité de plus ou moins de vingt jours. Il est bon que Tattention des gens de
l'art soit appelée à ce sujet, non pas que leurs rapports aient rien d'obligatoire,
vous savez que dans les matières criminelles la loi ne s'adresse qu'à l'intime
conviction des. jurés ; l'art. 342 du Gode d'instruction criminelle le déclare for-
mellement, le rapport du médecin n'a pas plus que tout autre le privilège de
faire foi ; cependant ce *peut être non-seulement dans l'instruction prépara»
toire, mais même en définitive aux yeux du jury un renseignement très-im-
portant que la déclaration faite, à l'instant même du crime, par les médecin»
ou chirurgiens appelés.
La loi se sert, à cet égard, dans l'art. 44, de l'expression d'o/{flcter 4e santé,
qui n'est pas synonyme de celle de docteur en médecine ou en chirurgie. Une
loi du 17 ventêse an XI, art. 11, réserve expressément aux docteurs en mé-
decine ou en chirurgie le droit de déposer comme médecins jurés devant les
cours et tribunaux ; cette loi exclut de ce droit les simples officiers de santé,
auxquels la loi n'accorde pas la même confiance. Mais ce sont là deux idée»
bien distinctes : autre chose est d'être appelé conmie médecin juré dans une
cour d'assises, autre chose est de venir, dans le premier moment, assister le
juge d'instruction ou le procureur de la République dans Finstruction instan-
tanée ; il n'est pas douteux que roffîcier de santé ne puisse être appelé à ces
premières opérations.
Ce que je dis ici des médecins, des chirurgiens, des officiers de suite, quant
à l'utilité de les appeler, s'applique, suivant la nature on la circonstance du
crime, à tout autre genre de jHnofession. il est clair que, quand il s'agira d'un
vol avec effraction, escalade, fausses clefs, il pourra y avoir néoesëité, pour 1&
procureur de la République qui veut bien constater l'état des lieux et recon-
naître les moyens à l'aide desquels on a pu opérer, d'appeler des maçons, des
serruriers; de même, en matière de faux, des experts écrivains ; de même, en
cas de fabrication de fausse monnaie, des orfèvres.
Notez seulement dans l'appel de ces diverses personnes deux choses : la
nécessité qui leur est imposée de prêter serment dans les mains du procureur
de la République de remplir fidèlement cette mission; cette prestation de
serment devra être constatée dans le procès- verbal que dresse le procureur
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DU FLAaRANT UfeUT (ART. TJ). 501
•àB \a Répoblîqae, il ne parafi pas réairitftr des art. 43 et 44 que les personnes
ainsi appelées âoitent néeessairement dfeaser par dles*mémes an procès-
-verbal écrit dn résultat ée leur examen ; Part. 44 ne parle que d'an rapport à
Mtb, et ce rapport peni être fait soit verbalement, soit par écrit. S'il est fait
verbalMnent, le proenrenr de la Hépnbtiqne le relatera, le constatera sur son
procès-yerbal. S'il présentait une grande étendoe, sUl renfermât de longs
détails, si. surtout une controverse s'engageait entre les experts, les médecins»
ies ouvriers appelés, il deviendra nébessaire, pour ne pas détourner le pro-
<mrear de la République de l'opération à laquelle il se livre, de charger ces
personnes ainsi appelées de faire un rapport écrite qui sera annexa au procès^
verbsl du procureur de la République.
657. Le second point, la seconde mission, consistera, conformément à
l'art. 33, à appeler devant le procureur de la République, ou à retenir môme
de force, aux termes de l'art. 34 et sous les pénalités, qu'indique cet article,
toutes les personnes qui se trouvent présentes au lieu 4u crime lorsque le
procureur de la République s'y rencontre ; dans ce cas, il recevra leurs décla-
cations et les renseignements, et les constatera de même sur son proeès-
verbal.
Notez qu'à la différence des e^xperts, dont il est question dans les art, 43
«t 44^ les personnes ainsi appelées n'ont pas de eenn^t à prêter ; elles font
devant le procureur de la République ies déclarations indiquées dans cet ar-
ticle. Sous ce rapport, elles diffèrent des témoins proprement dits, qui vien«-
4ront plus tard déposer devant le juge d'instruction, et qui prêteront serment
-conformément à l'art. 75. Nous aurons à examiner plus tard, en étudiant ces
articles, si les procès-verbaux, constatant ainsi de la part du procureur do la
République les déclaration,s qui fi'oat pf^ été précédées, de. la prestation de
eerment, pourront et devront figurer di^iis rinstructjon pré^ratoire. C'est un
point qui se rattache aux art. . 71 et 75. ^
S58. J'arrive à notre troisième opératioo^ au troisième objet désigné ici à
l'examen du procureur de la République, et qui est de bien loin plus impor-
tant que ceux qui le précèdent; je veux parler des visites domiciliaires, qu'il
lui est permis, qu'il lui est même ordonné de faire, dans les cas déterminés
par les art. 36 et 37. Ce dernier point^a soulevé, dans la pratique, des contro-
verses assez importantes pour mériter de nous arrêter plu^ longtemps. Quels
■sont d'abord les termes de ces articles ? Il est important de bien les peser.
a Art. 36. Si la nature du crime ou du délit est telle, que la preuve puisse vrai-
semblablement être acquise par les papiers ou autres pièces et effets en la posses-
sion du prévenu, le procureur de la République se transportera de suite dans le
domicile du prévenu, pouf y faire la perquisition des objets qu'il jugera utiles à
la manifestation de la vérité. »
c Abt. 37. S'il existe, dans le domicile du prévenu, des papiers ou effets qui
puissent servir à conviction ou à décharge, le procureur de la République en
Pressera procès-verbal, et se saisira desdits effets ou papiers. »
L'obligation imposée par ces deux articles au procureur de la République
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502 VINGT-SEPTIÈME LEÇON. — DE LA POUCE JUDICIAIRE (n* 558).
de procéder, dans les cas qalls indiquent, à une Tisite domiciliaire, est impo-
sée généralement et sans distinction de temps. Cependant il est impossible,
en présence d'articles de loi qui certainement sont encore en vigueur, de ne
pas limiter, par une distinction capitale, l'application du texte des art. 36 et 37.
Je veux parler de Part. 76 de la constitution du 22 frimaire an YIII, acte an-
térieur sans doute au Gode d'instruction criminelle, mais auquel il est bien
certain que nos deux articles n'ont pas dérogé : des actes postérieurs le prou-
veront tout à rhenre. Get art. 76 s'exprime ainsi : c La maison de toute per-
sonne babitant le territoire français est un asile inviolable. Pendant la nuit,
nul n'a le droit d'y entrer que dans le cas d'incendie, d'inondation ou de ré-
clamation faite de l'intérieur de la maison. Pendant le jour, on peut y entrer
pour un objet spécial, déterminé ou par une loi, ou par un ordre émané d'une
autorité publique. •
Le § 3 s'applique évidemment au procureur delà République; il est clair
qu'opérant dans te cas de l'art. 32, il entre dans le domicile pour un objet
spécialement déterminé par une loi. Il est clair aussi qu'en cas de résistance
il a droit, aux termes de l'art. 25, de requérir directement l'emploi de la force
publique. Au contrairCi dans le temps de nuit, il est certain que le § 2 de
l'art. 76 de la constitution de l'an YUI met un obstacle absolu à l'exercice du
droit accordé ou du devoir imposé par le texte de l'art. 36 ; vainement allé-
guerait-on, soit la gravité du fait qui est un crime, soit l'urgence de la con-
statation lorsqu'il y a flagrant délit, s'il n'y a pas secours réclamé de l'inté-
rieur, si au contraire il y a de Tintérieur refus de laisser pénétrer, l'obstacle
est insurmontable, le § 2 de l'art. 76 est bien formel.
Je dis que cet article, quoique antérieur au Gode d'instruction criminelle,
n'est ni abrogé ni modifié par nos deux textes; cela résulte : i« d'un décret
du 4 août 1806 qui a pour objet de déterminer le temps de nuit ; 2^ ce qui est
plus important, parce qu'il s'agit d'un acte postérieur, d'une ordonnance du
29 octobre 1820 sur le service de la gendarmerie, art. 184, et dont les disposi-
tions ont été confirmées par le décret du !•' mars 1854. Ges deux textes, et
notamment le dernier, déterminent dans quels cas les officiers de gendar-
merie, considérés comme auxiliaires du procureur de la République, peuvent
ou ne peuvent pas pénétrer dans l'intérieur du domicile pour y procéder à une
visite ; non-seulement ils consacrent formellement et absolument, dans les
mêmes termes, la distinction établie par l'art. 76 de la constitution de l'an YIII,
mais ils tranchent une question qui, sous l'empire de cette constitution, au-
rait pu être assez débattue, savoir : quel est au juste le temps de nuit ; quel
est l'intervalle pendant lequel l'entrée du domicile est interdite, même aux
agents de la force publique, même aux officiers de police judiciaire. En effet,
dans les matières civiles, et en- prenant le Gode de procédure, cette même
question est résolue de deux manières différentes. Aiasi, dans l'art. 181, § 1,
on appelle temps de nuit le temps qui suit le coucher et qui précède le lever
du soleil ; temps de nuit en ce sens que dans cet intervalle aucune ccmtrainte
par corps ne peut être pratiquée. Voilà un sens spécial établi par la loi pour
déterminer l'expression temps de nuit. Mais vous sentez que c'est là une excep-
tion bien manifeste, que dans l'acceptation commune la nuit ne commence
pas à l'instant otL le soleil disparaît de l'horizon; de même, pour le matin, la
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DU FU16RANT DÉLIT (aBT. 37). 503
nnit ne finit pas sealement au lever du soleil. Aussi Fart. 1037, pour tous les
actes de procédure autres que l'exercice d'une contrainte, détermine autre-
ment le temps de nuit ; il le renferme, selon les saisons, dans une durée beau*
coup plus courte. Le décret de 1806 et Tordonnance de 1820 appliquent à la
matière qui nous occupe Fart. 1037 du Gode de procédure. Je vais me borner
à lire le dernier texte qui confirme formellement Tart. 76 de la constitution
de Tan VIII. C'est Tart. 184 de Tordonnance de 1829 : c La maison de chaque
citoyen est un asile où la gendarmerie ne peut pénétrer sans se rendre coupa-
ble d'abus de pouvoir, sauf les cas déterminés ci-après : — i^ Pendant le jour
elle peut y pénétrer pour un objet formellement exprimé par une loi, ou en
vertu d'un mandat spécial de perquisition décerné par Tautorité compétente. •
D'où il suit que Tofficier de gendarmerie, même sans mandat, peut, dans le
cas de flagrant délit, pénétrer dans le domicile.
c 2^ Pendant la nuit, elle ne peut y pénétrer que dans le cas d'incendie,
d'inondation, ou de réclamation venant de l'intérieur de la maison. Dans tous
les autres cas, elle doit prendre seulement, jusqu'à ce que le jour ait paru, les
mesures indiquées à l'art. 185. >
Ceci modifie très-clairement la généralité des termes de l'art. 36, ou plutôt
démontre très-nettement que ces termes n'ont jamais dû s'entendre que sous
la restriction résultant de l'art 76 de la constitution de l'an YIII.
Puis on ajoute : c Le temps de nuit est ainsi réglé : — Du !«' octobre au
31 mars, depuis six heures du matin jusqu'à six heures du soir; — du 1®' avril
au 30 septembre, depuis neuf heures du soir jusqu'à quatre heures du ma-
tin t ; ce n'est que la répétition de l'art. 1037, quant aux actes de procédure.
Yoilà donc déjà, relativement au temps, une première limitation à la géné-
ralité des termes de l'art. 36. J'ajouterai, comme sanction de la prohibition qui
résulte de ces textes, l'art. 184 du Gode pénal, qui indique les peines à appli-
quer en cas de violation de domicile.
569. Mais est-ce là la seule limite au pouvoir du procureur de la Républi-
que et de ses auxiliaires en matière de visite domiciliaire, aux termes des
art. 36 et 37 ? A cet égard, il y a plus de difficulté, et il faut bien reconnaître
que la pratique, assez généralement, se trouve en désaccord, non-seulement
avec la loi, mais même avec des ordonnances très-formelles, très-spéciales, et
notamment avec celle du 29 octobre 1820. A ce sujet, voici quelques questions
qui peuvent s'éleVer.
Le droit accordé par les art. 36 et 37 de procéder, dans le but indiqué par
ces articles, à des visites domiciliairesi ce droit permet-il au procureur de la
République ou à ses auxiliaires de pénétrer, non-seulement dans le domicile
du prévenu, mais aussi dans tous les lieux, dans l'intérieur de toutes les mai-
sons où il suppose qu'ont pu ôtre portés, qu'ont pu être cachés, soit les instru-
ments, soit les produits du crime dont il cherche à suivre et à découvrir le
oorps?
Premier point : est-ce au domicile du prévenu que doit se borner, se ren*
fermer la fitciUté de visiter établie par l'art. 37 ?
. Secondement, cette fàcvàté de s'introduire dans le domicile et d'y procéder
à des visites doit-elle se borner au cas de flagrant délit^ ou, au contraire, le
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504 VINGT-SBPTIÈME LEÇON. — DB LA POLICE lUDIClÀlRB (n"" 560).
procureor de la Répabliqae ou ses auxiliatreB poarroni-ils rezereer poiir ïê.
découverte d'un crime qui ne serait pas flagrant?
Troisièmement, ce droit peut«il être exercé, ces visites peuvent-elles être
faites, toujours par le procureur de la République et par ses auxiliaires, je ne
parle pas du juge d'instruction, ces visites peuvent-elles être faites non-sen*
lement dans les cas de crime, mais même dans le cas d'un simple délit non-
seulement pour rechercher un fait punissable d'une peine afflictive ou infis-
mante, mais même pour rechercher un fait punissable d'une peine simplement
correctionnelle ?
Si nous cherchons dans la pratique la solution de ces trois questions, nous
les trouvons, ou du moins les deux dernières, très-nettement décidées dans
un acte officiel qui est une circulaire adressée, sous la restauration, par le pro-
cureur du roi du tribunal de la Seine, aux officiers dépendant de lui, au
auxiliaires de son ressort. Voici quels étaient sur ces trois questions les ter-
mes de cette circulaire, qu'il m*est impossible d'approuver, quoique d'ailleurs,
sur une foule de points, elle renferme des observations fort utiles.
c Quoique la loi, disait le procureur du roi de la Seine, ne semble vous
charger de dresser des procès-verbaux qu'en cas db ceimb et de flaorant délit,
cependant l'usage, introduit par la nécessité, veut que vous en dressiez aussi
hors le cas de flaobant délit, et même quand il s'agit seulement d'un fait
CORRECTIONNEL. Si VOS procès-vorbaux, dans ce caS| paraissent n'avoir pas la
même force, ils servent au moins de renseignement... Un crime ou un déut
vous sont-ils déférés, vous devez vous transporter sans retard sur les lieux,
en décrire scrupuleusement l'état... faire comparaître devant vous le prévenu,
l'interroger... vérifier sur-le-champ ses réponses, le confronter, s'il est utile;
aux plaignants, aux témoins ou aux autres prévenus... faire sans délai pbr*
QcisiTiON dans ses divers domiciles, dans ceux de ses concubines eu de ses
AFFiois. >
Ainsi les trois points que nous avons posés comme questions sont égale-
ment posés et décidés dans cette circulaire. Il en résulte : P quant à la ques-
tion de savoir dans quels lieux, dans quelles maisons la perquisition peut être
faite, qu'elle peut et doit être faite non- seulement dans le domicile, mais dans
les divers domiciles du prévenu et dans ceux de ses concubines ou affidés;
2« qu'elle peut et doit être faite même dans le cas où le crime n'est pas fla-
grant; 3<> enfin qu'elle peut et doit être faite même dans le cas où il s'agit d'un
simple délit. Examinons tour k tour ces trois points.
560. Quant à la première question, il est clair que la circulaire ne la
tranche pas tout à fait formellement ; elle ne commande pas, elle ne permet
pas aux auxiliaires du procureur de la République de faire indistinctement des
perquisitions dans tous les lieux, dans toutes les maisons où ils espèrent
trouver les objets qui pourraient être utiles à la découverte du fait. Û y est
d'abord question des divers domiciles du prévenu, et à cet égard il n'y a [as
de raison de douter ; quoique l'art, 36 parle du domicile, il est clair que le
domicile, ici, ce n'est pas celui de l'art. 102 du Gode vivil, il est évident que
dans toutes les résidences, que dans tous les logements que le prévenu occupe,
la visite domiciliaire peut être laite aux termes de l'art. 36. Quant aux lieux
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DU FLAGRANT BÈUT (aRT. 57). 505
habités p«r ses concubines ou afBdés, aatoriser dans ces lieux des visites éo^
miciliaires, c'esty an premier aspect, violer manifestement le texte de l'arti-
cle 36. Rappelez-vous bien que le procureur de la République n'agit, n'ins-
tnut, n'opère ici que par exception ; qu*il est en debors de son rôle, de ses
fonctions lud>ituelles, qui ne lui donnent aucun pouvoir pour constater des
déHts. Cependant, à raison de Turgence, les art. 36 et 37 Tinvestissent d'un
pouvoir spécial, celui de procéder à des visites domiciliaires dans le domicile
du prévenu, ce dernier mot estj répété jusqu'à une satiété fatigante dans le
texte de ces deux articles : dès lors peut^on aller au delà? peut^n autoriser
le procureur de la République, et à plus forte raison ses auxiliaires, à procéder
à d'autres visites? Oui, à ce qu'il me semble, d'après la circulaire ; et jerecon>
nais volontiers que, bien qu'elle soit en debors des termes de la lof, il est
bien difficile, en pratique, de ne pas admettre que cet avis est fondé, parce
que le plus souvent il y aura contre les personnes déngnées dans la circu-
laire une présomption de complicité résultant du recel, aux termes de l'ar-
tide 62 du Gode ptoal. <>r, lorsqu'il y a présomption decomplidté, il estdair
ique les personnes sur lesquelles cette présomption pèse, les concubines ou
les affidés, sont des coprévenus qui rentrent dans l'application des artides 36
et 37,
Ainsi, si la circulaire ne veut dire autre chose que lés visites pourront être
faites non-seulement chez le prévenu, mais chez toutes les personnes qu'on
soupçonne de complicité, d'avoir recelé, il est clair qu'on est dans les termes
et dans l'esprit de la loi. Mais on serait en debors de son texte et de sa
pensée, si Ton permettait de faire des visites domiciliaires chez les personnes
diez lesquelles on soupçonnerait qu'il ya des objets cachés à leur insu.
En rapprochant les art. 87 et 88 des art. 36 et 37, cela devient encore plus
dair. De quel domicile parle* t-on dans les art. 36 et 37? Du domicile du
prévenu, et par conséquent du domicile des prévenus, s'il y en a plusieurs.
Au contraire, dans les art* 87 et 88 on parle des visites que fait le juge d'in-
struction, auquel est régulièrement, généralement dévolu le pouvoir d'instruire
et de constater, et alors on s'exprime tout à fait autrement; et quand l'art. 87
a dit que le juge d'instruction pourrait faire perquisition dans le domicile du
prévenu, Part. 88 ajoute formellement qu'il aura le même droit dans tous les
lieux où il supposerait pouvoir découvrir les objets provenant du crime ou du
délit. Le langage est tout différent, vous le voyez^ et cette différence de lan-
gage, cette spécialité de l'art. 88 est une raison de plus pour entendre limita-
tivement la disposition des art« 36 et 37.«8ou8 ce rapport la drculairo me
parait plus équivoque qu'exacte.
561. Mais deux autres questions nous restent, et la circulaire les résout
très-nettement dans un sens que malheureusement il est plus diffidle de
condlier avec la loi. Ces deux questions, je les. répète : le procureur de la
République ou ses auxiliaires peuvent-ils procéder aux visites domidliaires :
1<> dans le cas d'un crime qui n'est pas flagrant; 2« dans le cas d'un simple
délit, flagrant ou non flagrant ? Oui, répond nettement la circulaire; oui, dès
qu'un crime ou qu*un délit vous est connu, vous devez vous transporter suf
les Ueux pour y procéder à toutes les opérations indiquées dans les arU 32
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506 VINGT-SRPTiâMS LEÇON. — DB lA POUCE JUDIGIAIRB (n"" 561).
et suivants. Et la loi à la maio; nous devons répondre : Non, voos ne le
pouvez pas, sous peine de violer de la manière la plus directe tous les articles
de cette section et les ordonnances spéciales rendues depuis.
Prenons d'abord Phypothèse où il s'agit d'un crime, mais d'un crime qui
n'est pas flagrant, d'un crime commis depuis plusieurs mois, depuis plusieurs
semaines, d'un crime en dehors de Fart. 41. L'avis en parvient, par la rumeur
publique, ou autrement, au procureur de la République; peut-il procéder soit
à des visites domiciliaires, aux termes de Tart. 36, soit à tout autre acte
indiqué dans cette section ? La négative résulte très-daîrement des textes
combinés des art 32 et 41 . L'art. 32, conférant au procureur de la République
des pouvoirs exceptionnels relativement à l'instruction, déclare ne les loi
donner que dans le cas de flagrant délit, et il est clair que l'art. 36 et tous les
articles de cette section ne sont que la conséquence, la mise à exécution de
l'art. 32. Par exemple, si, hors le cas de flagrant délit, et cela résulte claire-
ment de l'arL 33, il est défendu au procureur de la République, et à plus forte
raison à ses auxiliaires, de se transporter sur les lieux, si, dans ce cas, leur
mission se borne à avertir le juge d'instruction^ il est clair qu'ils ne peuvent
procéder à aucune des visites des art. 36 et 37 ; et si quelque chose est plus
fort que la loi, on trouverait même ces textes expliqués dans l'ordonnance
du 29 octobre 1820, par les art. 15b, 157 et 162. Ces articles, reproduits par
le décret du 1«' mars 1854, sont tellement formels qu'il est bon d'en donner
lecture.
D'abord dans l'art. 162, relativement à la première question, celle de la
visite faite hors du domicile du prévenu, voici quelle est l'injonction adressée
aux officiers de gendarmerie : « Il est expressément défendu aux officiers de
gendarmerie de s'introduire dans une maison qui ne serait pas celle où le
prévenu aurait son domicile, à moins que ce ne soit une auberge, un cabaret
ou tout autre logis ouvert au public, où ils sont autorisés à se transporter,
môme pendant la nuit, jusqu'à l'heure où ces lieux doivent être fermés d'après
les règlements de police. »
Voilà pour la première question.
Maintenant, quant à la seconde, celle de savoir si, dans le cas de crime
non flagrant, des visites domiciliaires peuvent être faites, voici la réponse que
fait l'art. 155 : t Les officiers de gendarmerie sont tenus de renvoyer sans
délai à notre procureur royal les plaintes et les dénonciations qu'ils ont reçues
en leur qualitiê d'officiers de police auxiliaires ; leur compétence ne s'étend
pas au delà. Us ne peuvent faire aucune instruction préliminaire que dans le
ens de flagrant délit, ou lorsque^ s'agissant d'un crime ou Sun délits mais non
flagrant^ commis dans Vintérieur dune maisonf le chef de cette maison les requiert
de le constater. »
L'ordonnance, sons ce rapport, est encore plus claire que la loi ; puis, dans
l'art. 156, on définit le flagrant délit comme la loi l'a fait par l'art. 41. Et
l'art. 250 du décret du l** mars 1854 répète la même définition.
Ainsi, sur la seconde question, il est impossible de reconnaître, soit au pro-
cureur de la République, soit à ses auxiliaires, le droit de procéder en dehors
du cas de crime flagrant, du cas de crime actuel, à aucune des opérations
énumérées depuis l'art. 32.
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DU FLAGRANT 0ÉL1T (aRT. 37). 507
562. La troisième question est celle-ci : peuvent-ils, soit le procureur de
la République^ soit ses auxiliaires, procéder à ces diverses opérations, et no-
tamment aux visites, lorsqu'il y a flagrance, non pas d'un crime, mais d'un
simple délit ? A cet égard, la lecture de l'art. 36 pourrait soulever quelque
incertitude. En effet, il vous dit : Si la nature du crime eu du oàur est telle.,.
Mais d'abord remarquez bien que l'art. 36 n'est toujours que la conséquence
et la suite de l'art. 32 ; l'art. 32 est le principe, et les pouvoirs qu'il accorde
exceptionnellement aux officiers dont nous parlons ne leur sont accordés que
quand il s'agit d'un fait de nature à entraîner peine afOictive ou infamante.
Or, si en dehors de ces faits ces officiers n'ont pas qualité de se transporter
sur les lieux, d'y recevoir les déclarations, d'y dresser procès-verbal, à plus
forte raison n'ont-ils pas mission pour pénétrer dans un domicile où aucun
crime n'a été commis. Secondement, quant au mot de délit qui se trouve
dans l'art 36, il est bien facile d'y répondre, en faisant remarquer que dans
le Gode d'instruction criminelle le mot de délit n'avait pas le sens technique
qui lui a été affecté, une année plus tard, dans le Gode pénal. Ainsi, ce mot
désigne tantôt à la fois les crimes et les délits, art. 22 et 160 de notre Gode ;
tantôt seulement les crimes, art. 91, 307 et 308; tantôt enfin il désigne
expressément, uniquement des faits correctionnels, art. 130.- Il n'y a donc
pas possibilité d'en tirer, dans l'art. 36, la conséquence qu'en déduit la cir-
culaire.
G'est au reste ce que reconnaissent encore l'ordonnance de 1820 et le décret
du 1»» mars 1854. Ainsi dans l'art. 230 du décret on lit : « Toute infraction
qui, par sa nature, est seulement punissable de peines correctionnelles, ne
peut constituer un flagrant délit. Les officiers de gendarmerie ne sont point
autorisés à faire des instructions préliminaires pour la recherche de ces
infractions. »
On ajoute : c Le FLAORAifT délit doit âTRs un véaiTÂBLS cRnoB, g'bst-a-dirb
UNE JNFRAGTION CONTRE LAQUELLE VHE PEIMB AFFLIGTIVE OU INFAMANTE EST FRO-
NONGÉS. >
Le rédacteur de l'ordonnance, qui écrit pour les officiers de gendarmerie,
sait qu'il ne s'adresse point à des jurisconsultes ; en conséquence, il définit la
limite dans laquelle doivent s'exercer les attributions exceptionnelles confé-
rées à ces officiers, dans les art. 32 et suivants et 49 combinés. Or, vous sentez
que s'il en est ainsi pour les officiers de gendarmerie, il en est de même pour
les auxiliaire! du procureur de la République, quels qu'ils soient, et pour le
procureur de la République lui-même ; car, d'après l'art. 49, tous les actes que
le procureur de la République peut faire d'après les art. 32 et suivants, tous
ses auxiliaires peuvent et doivent également les faire. Au nombre de cea
auxiliaires sont les officiers de gendarmerie, par conséquent les limites de la
compétence des uns comme oelles de la compétence des autres sont très-
nettement déterminées par l'ordonnance de 1820 et le décret de 1854, infini-
ment plus conformes que la circulaire en question au véritable esprit des
textes du Gode d'instruction criminelle.
568. Il n*y a à tout ceci qu'une objection à faire : c'est que l'usage, fondé
sur la nécessité, a introduit dans la compétence de ces officiers une marche
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508 VINGT-HUITIÈMB LBÇON. — DB LA POUGB JUDIGIAIRB (n^ 565).
tout à fait contraire à la loi. Cet usage, 8*il existe réellement, est la violation
la plos formelle des textes que nons .venons d'expliquer. On peut dire, sans
donte, que réserver an juge d'instruction, siégant au chef-lieu d'arrondisse-
ment, le droit exclusif de réunir les preuves des crimes non flagrants ou des
délits flagrants qui ne sont pas des crimes, c'est rendre la constatation de ces
faits quelquefois impossible ; que la. nécessité entraîne [souvent les officiers
désignés dans Tart. 49 à constater d'office, soit les délits flagrants, soit les
crimes non flagrants. Mais vous savez que la nécessité est une de ces raisons
avec lesquelles on peut tout faire, tout excuser, tout justifier, et c'est une
détestable raison ; nous en avons une bien meilleure, c'est le texte très-formel
du Gode d'instruction criminelle ; il ne faut pas dire avec la circulaire que la
loi semble borner les fonctions de ces officiers; il faut dire qu'elle les borne
formellement.
Ces règles, telles qu'elles sont tracées, sont très-claires, et la solution des
trois questions que nous avons posées ne parait pas être l'objet d'une sérieuse
controverse.
M4. Il faut cependant indiquer ici que la loi du W mai 4863 a fait à ces
xègles une grave exception. L'arL i^ de cette loi est ainsi conçu :
a Tout inculpé arrêté en état de flagrant délit pour un fait puni de peines cor-
Tectionnelles est immédiatement conduit devant le procureur de la République
qui l'interroge, et ,sll y a lieu, le traduit sur-le-champ à raudience du tribunal.
Dans ce cas, le procureur de la République peut mettre Tinculpé sous mandat de
dépôt. »
Cette loi suppose que l'inculpé d'un fait qualifié délit peut être mis en arres-
tation lorsque ce fait est flagrant ; elle transporte ensuite, dans ce cas, au pro-
cureur de la République, les fonctions du juge d'instruction en lui donnant,
dans ce cas, le droit d'interroger Tineulpé, de le laisser en état de liberté on
de le mettre sous mandat de dépôt, et de le renvoyer de la plainte ou de le
traduire devant le tribunal correctionnel. C'est Tappiication, au cas où le fait
flagrant est un simple délit, d'une des attributions que les art. 32 et 40 n'ac-
cordent au procureur de la République qu'au cas où le fait est un crime. Nous
ne ferons que mentionner encore cette disposition nouvelle que nous aurons
i examiner plus loin, quand nous traiterons de l'arrestation, de la liberté
provisoire et de la procédure des tribunaux correctionnels (voy. t^, 30« et
.35« leçons).
YINGT'HCITIÈHB LEÇON.
565. Nous avons d*abord à nous occuper des dec&ières attributions extraor-
dinaires, exceptionnelles, conférées au procureur de la République, relative-
ment à certains actes d'instruction, dans les cas pai ticuUers des art. 3% et 46.
Nous avons déjà dit dans quels cas l'art. 32 l'investissait, par exception, du
droit de procéder à certains actes dlnstruction que nous avons déterminés; tels
sont, avons-nous dit, Tobligation : 1<» de constata l'état du corps de délit;
2« de se transporter sur les lieux pour y recueillir à l'instant les déclarations
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DU FLAGRANT DÉUT (aRT. 37). 509
des témoins, et les circonataiioes de natare à éclairer sur le crime; d9 de pro-
céder à des yisites domiciliaires; 4^ de dresser procès-verbaux de ces opéra-
tions; 5® en certains cas, le droit d'ordonner l'arrestation du prévenu^ on de
décerner contre lut un mandat d'amener.
Nous avons vu les trois premiers points; il nous reste à examiner les deux
derniers ; passons au quatrième, relatif aux procès-verbaux dans lesquels le
procureur de la République doit constater les dififérentes opérations pour les-
quelles il a mission.
Uart. 42 détermine la forme de ces procès-verbaux ; ils seront dressés selon
les règles générales à cette sorte d'actes, et spécialement aussi selon les règles
particulières établies par l'art. 42. Ce qu'il y a de remarquable, de spécial dans
les termes de ce dernier article, pour les procès-verbaux qui nous occupent,
c'est l'obligation imposée au procureur de la République d'y faire comparaître,
comme assistants, soit le commissaire de police, soit le maire ou l'adjoint du
maire, soit enfin, à leur dé&ut, deux citoyens de la commune dans laquelle il
dresse les prooès-vwbaux. Cependant en cas d'impossibilité de trouver des
assistants de cette classe, et à charge de déclarer, de constater cette impossi-
bilité, les procès-verbaux n'en seront pas moins valables. Vous voyez donc
qu'ici, précisément parce que le procureur de la République ne remplit, dans
l'espèce, qu'une mission exceptionnelle, mission qui sort de ses pouvoirs ha-
bituels, ou subordonne l'effet, la régularité de ses procès-verbaux à'^l'inter-
vention soit de certains officiers, soit au moins de quelques particuliers, dans
tous les cas au moins où l'impossibilité de cette intervention n'est pas cons-
tatée. Au contraire s'il s'agissait de procès-verbaux dressés par un officier
agissant dans l'exercice régulier de ses fonctions, notamment par le juge d'ins*
truétion assisté du procureur de la République, dans le cas de Fart. 62, aucune
assistance pareille, aucune intervention de commissaire, de maire, d'adjoint,
ou de citoyens, ne serait requise.
Ouant à l'autorité de ces procès-veiiMUx, il fbut bien remarquer qu'ils ne
serviront pas seulement, comme les actes de cette nature dressés, avant notre
Gode, par les magistrats de sûreté, de simi^es renseignements, ils pourront
figurepr dans le corps de l'instruction, prendre place au dossier, et passer, à titre
de renseignement, sous les yeux de la cour d'appel chargée de prononcer la mise
en accusation. En un mot, ces procès-verbaux, régulièrement dressés, dans le
cas de l'art. 32, et dans les formes de l'art. 42, seront tout aussi valables, quand
lejuge d'instruction les adoptera dans sa procédure, que les actes d'instruction
que ce juge aurait lui-même dressés. Vous verres en effet, dans le texte de
l'art. 60, que, lorsque le corps du délit auEra été constaté par le procureur
de la République, le juge d'instruction pourra refaire les actes faits par cehii-ci,
s'ils lui paraissent incomplets. Si, au contraire, ces actes lui paraissent com-
plets, suffisants, réguliers, le juge d'instruction les adoptera comme siens,
par œia seul qu'il n'aura pas jugé devoir les recommencer.
566. Le cinquième et dernier point présente un peu plus d'importance. U
est relatif au droit d'arrestation tM)nféré au procureur de la République, toujours
par exception, dans le cas particulier de l'art. 32. Ce droit d'arrestation se trouve
détaillé, quant aux conditions de son exercice, par l'art. 40. Je dis encore et
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510 VINGT-HUITIÈME LEÇON. — DE LA POLICE JUDICIAIRE (n* 566).
je VOUS rappelle que c'est là aae exception; nous verrons bientôt, en étudiant
le titre relatif aux mandats, que le droit de décerner un mandat d'arrestation
n'appartient, régulièrement et en principe, qu'au juge d'instruction. Toujours
par les mômes motifs que nous avons précédemment indiqués, la loi confère,
par exception, au procureur de la République le droit d*ordonner l'arrestation,
dans les cas indiqués par l'art. 40. Cet article subordonne ce droit d'arrestation
an concours de trois conditions : 1® flagrant délit; 2<^ fait de nature à entraîner
peine afflictive ou infamante; 3« enfin, indice sérieux, grave, contre le pré-
venu dont le procureur de la République ordonnera l'arrestation.
Vous remarquerez d'abord que la première et la troisième condition sont de
la plus grande simplicité ; c'est seulement dans le cas de flagrant délit que le
procureur de la République, partie poursuivante, peut ordonner l'arrestation,
c'est-à-dire faire par exception l'office d'un juge. Il va aussi de soi que ce n'est
pas sjar une légère présomption, et, par exemple, sur la seule foi d'une dénon-
ciation, qu'aucune preuve ne viendrait appuyer, que le procureur de la Répu-
blique peut ordonner l'arrestation du prévenu qui se trouve présent, ou dé-
cerner un mandat d'amener contre le prévenu qui est absent ; il faut des
indices graves, indices dont la gravité du reste est nécessairement abandonnée
aux lumières du procureur de la République.
Mais la seconde condition, celle qui résulte du texte même de l'art 32
mérite un peu plus d'attention. Pour que le procureur de la République, agis-
sant exceptionnellement dans le cas de flagrant délit, puisse faire arrêter un
prévenu présent, ou décerner mandat d'amener contre un prévenu absent, il
faut que le fait de la prévention soit un véritable crime, de nature à entraîner
peine afflictive ou infamante ; l'art. 40 est à cet égard bien formel. Mais ici se
présentent nécessairement, et encore avec plus de force, les observations par
lesquelles nous terminons la dernière leçon. Ici va se présenter entre la loi et
une pratique à peu près inévitable le môme conflit, la môme opposition que
nous avons précédemment signalée entre le texte des articles qui précèdent et
la circulaire dont j'ai cité quelques passages.
En effet, supposez que le procureur de la République, averti par la rumeur
publique d'un flagrant délit, se soit transporté sur les lieux, aux termes de
Fart. 32 : supposez que le fait de la prévention, le fait que ce magistrat vient
constater se soit présenté, au premier aspect, comme un vol accompagné de
circonstances aggravantes, comme un vol avec effraction, escalade, violences
ou telles autres circonstances que vous voudrez supposer. Bous ce premier
aspect le fait est de nature à entraîner une peine afflictive ou infamante, c'est
un vol qualifié, c'est un ci;^me : nul doute que si des indices graves font
peser la prévention de ce fait sur un individu présent, nul doute qu'aux termes
de l'art. 40 le procureur de la République ne puisse et ne doive ordonner de le
saisir ; que, de môme, si des indices graves font porter cette prévention sur
un ina^vidu absent, le procureur de la République ne doive, aux termes du
môme article, décerner contre lui un mandat d'amener* Nous verrons plus
tard les formes et les conséquences de ce mandat.
Mais supposons que le procureur de la République étant sur les lieux, ayant
procédé aux recherches prescrites par les articles précédents, les circonstances
aggravantes d'eflraction, de violences, de fausses defs viennent à disparaître,
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DU FIAGRA27T DÉLIT (aRT. 3T). 511'
que la prévention se rédaise à nne prévention de vol simple, puni d'une peine
purement correctionnelle qui n'est ni affiictive ni infomante. Le prévenu du
méfait étant là présent, pris en quelque sorte sur le fait, faudra-t-ii donc que
le procureur de la République, lié par l'art. 40, s'abstienne d'ordonner de le
saisir? faudra-t-il qu'il le laisse échapper? ou môme, s'il est absent, en fuite,
à peu de distance, faudra-t-il enfin qu'il lui donne les moyens de s'éloigner
pour se dérober à l'action de la justice, qu'il s'abtienne de décerner le man*
dat? Évidemment il le faudra, si l'on applique à la lettre de l'art. 40 ;
nous sommes ici dans une matière d'exception, c'est par exception et hors de
ses pouvoirs ordinaires que le procureur de la République est autorisé à faire
des actes d'instruction, et entre centres à décerner un mandat d'amener, à
ordonner une arrestation. Cependant il est clair que la pratique, et avec elle
le sens commun, répugnent à une telle idée ; il est clair que tous les jours,
sous nos yeux, de notre aveu et presque avec notre assistance, on voit arrêter,
non-seulement sur un ordre du procureur de la République, mais même par
le premier passant, un individu pris en flagrant délit de vol sur une voie publi-
que, encore que ce vol n'entraîne ni peine afflictive ni peine infamante.
Et malheureusement cette difficulté, cette contradiction du texte avec une
pratique inévitable ne peut guère être considérée comme une inadvertance
dans l'art. 40 ; ce que cet article décide pour le procureur de la République,
vous le trouvez, dans l'art. 106, pour tout agent de la force publique, et aussi
pour tout particulier ; il y a obligation d'arrêter et de conduire devant les offi-
ciers de police tout individu surpris en flagrant délit de crime, en flagrant
délit de fait emportant peine afflictive ou infamante . Mais vous sentez que cette
condition de peine afflictive ou infamante ne peut être observée dans l'usage, et
c'est un malheur; quelque précise que la loi soit à cet égard, jamais on n'ob-
tiendra d'un officier de police, ni même d'un particulier, qu'il se contente
d'observer l'auteur d'un délit, et qu'il se borne à demander à un voleur son
adresse. C'est là que mènerait l'application littérale de l'art. 40. Ce conflit entre
la pratique et la loi est une chose fâcheuse. C'est ici le même vice que nous
avoDS signalé précédemment, le tort incontestablement est du côté de la loi,
qui, faite comme elle est, ne pourra jamais être observée, jamais être respectée
en ce point. Évidemment elle devrait aller plus loin, et permettre l'arrestation
provisoire, toutes les fois que le fait en flagrant délit duquel on a été surpris peut
entraîner un emprisonnement de quelque durée, de quelque importance.
Tel a été aussi précisément l'objet de la loi du 20 mai 1863, dont nous avons
déjà fait mention dans la dernière leçon. Quoique cette loi n'ait pas assez peut-
être défini les cas pour lesquels elle a été faite, il résulte, de ses motifs,
qu'elle doit être restreinte aux seuls cas où le délit est passible d'emprisonne-
ment.
567. Ce droit d'arrestation est accordé au procureur de la République par
!'art. 40, et par l'art. 106, aux agents inférieurs, sous les trois conditions qui
précèdent, mais d'une manière absolue. Ainsi, vous ne voyez pas, dans le
iexte de l'art. 40, que la loi limite, à raison de la qualité des personnes, le
droit et le devoir d'ordonner l'arrestation ou de décerner un mandat d'amener.
Oevons-nous, pouvons-nous, avec d'autres textes, opposer à ce droit certaines
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512 VINGT-HUITIÈME LEÇON. — DE LA POLICE JUDICIAIRE (n® 568).
limites? C'est une question qoi pouvait s'élever en présence de Tart. 29 de la
Charte, il était ainsi conçu : t Aucun pair ne peut être arrêté que de Tauto-
rité de la Chambre, et jugé que par elle en matière criminelle. » Quant au
jugement, pas de question. Mais les premiers mots de l'art. 29 fai8aient*ils
exception à la règle de Part. 40 ? la prohibition portée par cet article d'ah^ter,
sans autorisation de la Chambre des pairs, un des membres de cette Chambre^
faisait-elle exception à l'obligation imposée au procureur de la République
de décerner mandat d'amener contre toute personne, en cas de flagrant
délit?
Il est clair qu*il n'y avait pas de distinction à faire, que le mandat devait
être décerné sans autorisation préalable, même dans le cas de l'art. 29. Le
doute qui pouvait résulter de ce texte était entièrement levé par deux autres
articles de la Charte. En effet, la môme dispositioUi la même prohibition d'ar-
rêter, en matière criminelle, sans autorisation de la Chambre, écrite dans Tar-
iicle 29 pour les membres de la Chambre des pairs, était répétée dans l'art. 44
de la Charte pour les membres de la Chambre des députés ; mais elle y était
subordonnée à une exception qui cadre précisément avec notre art. 40, excep-
tion qui, sans aucun doute, était sous-entendue dans Fart. 29. L'art. 44 était
ainsi conçu : • Aucun membre delà Chambre ne peut, pendant la durée de la
session, être poursuivi ni arrêté en matière criminelle^ soêtf k cas de flagrant
délit, qu'après que la Chambre^ a permis sa poursuite. » £h bien, l'exception
introduite par Part. 44 à la prohibition d'arrêter sans autorisation de la
Chambre, l'exception introduite pour le cas de flagrant délit cadrait littérale*
ment avec notre art. 40, et était évidemment, par identité de motifs, sous-
entendue dans la disposition de Tart. 29. Or, ainsi qu'on Ta déjà vu, ce qui
existait sous la Charte existe encore aujourd'hui. C'est, en effet, non-seule-
ment ce qui résulte de l'identité entière de position et de motifs, mais aussi,
ce qui est plus direct, d'un article exprès du Code pénal ; l'art. 121 s'exprime
en .ces termes : « Seront, comme coupables de forfaiture, punis de la dégrada-
tion civique, tous officiers de police judiciaire, tous procureurs généraux de la
République, tous substituts, tous juges... (c'est la seconde partie de l'article
qui nous intéresse) qui hors les cas de flagrant délU ou clafMur publique,
auront, sans les mêmes autorisations, donné ou signé l'ordre ouïe mandat de
saisir ou arrêter un ou plusieurs ministres, ou membres de la Chambre des
pairs, de la Chambre des députés ou du conseil d'État, i II est donc évident,
d'après ce texte, que le cas de flagrant déliti au moins dans les matières crimi-
nelles, fait exception à la règle qui veut une autorisation, et que, en consé-
quence, il n'y a àfiiiredansle texte de notre art. 40 aucune exception, aucune
distinction fondée sur. la qualité des personnes; que dans le cas de flagrant
délit et dans les matières criminelles, le procureur de la République peut et
doit, lorsqu'il y a des indices graves, ordonner l'arrestation ou décerner le
mandat d'amener (voyez le sénatus-consulte du 4 juin 1858).
568. Ici se termine l'exposé de l'ensemble de ces opérations d'exception
autorisées par le Coda, dans le cas de l'art. 32. Mais vous savez que cette
exception n'est pas la seule apportée, par notre texte, au principe général qui
borne le procureur de la République à rechercher, à poursuivre, à requérir. De
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DU FLAGRAITT DÉLIT (xaT. S7). 513
môme qa*il est compétent pour faire des actes d'instruction dans le cas de
Tart. 32, de môme il Test aassi pour faire des actes de môme nature dans le
cas de l'art. 46. Or, il n'y a pas identité entre Tart. 46 et Fart. 32, les condi-
tions deTexercicedeces actes sont différentes dans l'un et l'autre cas.
Ainsi, dans le cas de l'art. 46, le procureur de la République est encore, par
exception, investi des fonctions que nous venons de détailler; mais il faut
i^ qu'il s'agisse d^ifil' fait' commis dans Hutérieur d'une maison ; 2** que le pro-
cureur de là République soit requis, par le chef dé la maison, de venir cons-
tater l'existence du fait punissable. Voilà' don(5, dans lé icas de l'art. 46, deux
conditions que l'art. 32 n'exige pas; fait punissable commis dans llntérieur
4'une habitation, et réquisition du chef de famille, à l'effet de venir constater
cet acte punissable .
Mais à l'inverse, dans l'art. 46, les conditions exigées par l'art. 32 dispa-
raissent. Ainsi, on n'exige pas la circonstance de flagrant délit exigée par
l'art. 32. De môme on n'exige pas que le fkit constitue un véritable crime, et
la réquisition positive suffit, quand môme il ne s'agirait que d'un simple
délit, que d*un fait correctionnel. En un mot, sans les deux conditions indi-
<piées, le procureur de la RépûWique pourra; ' mômé ^kors le cas de flagrant
délit, môme quand il tie s'agîfait que d'une peine correctionnelle, venir pro-
céder, à l'intéHeùr de la maison et sur la réqdisîtitni' du chef de famille, à la
•constatation dû fait qtti lui est ainsi déféré. Il ne parait pas môme qu'on
«xf ge, dans ce cas, l'avis immédiat de son transport au juge d'instruction, avis
exigé dans le texte de Fart. 32.
'569. Mais à part les deux exceptions des art. ^ et 46, Id règle générale
s'Hpplique pleinement; et 11 s'ensuit que, lorsque dans les cas de ces deux
articles le procureur delà République aura procédé aux actes qu'il lui est
permisse faire, une fois que le pfeinier moment ' d'urgence sera passé, une
fois que cette constatation immédiate aura' été par lui faite, il doit s'arrêter, il
doit aussitôt transmettre au juge d'instruction les actes par lui dressés, avec
les réquisitions nécessaires pour donner suite à la procédure.
De môme, si le juge d'instruction averti; d'après Fart. 32, du transport du
procureur de la République, ou averti par une dénonciation ou par la rumeur
publique, survient pendant le cours des opérations du procureur de la Repu*
biique, les fonctions de celui-ci cessent à l'instant; ses attributions exception-
nelies, qu^il tenait dé la nécessité, s'arrêtent; le juge d'instruction survenant,
tous les pouvoirs ''d^hstruction sont concentrés dans ses mains, c'est à lui
d'agir) d'opérer, d'ester; le procureur de la République rentre dans son rôle
h^ituel, qui est cëltti dé rôquérii' et de conclure. C'est désormais à ce rôle que
410U8 Te verrons borné, stirtôtit quand nous étudierons la marche habituelle et
régulière du juge dinstructfon. Nous y passerons bientôt, après avoir examiné
ce qui nous reste de Ces matières d'exception, savoir: les attributions confé-
xèes aux officiera auxiliaires ; tel est l'objet du chapitre v.
1.
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514 VINGT-HUITIÈME LEÇON. — DB LA FOLIGB lUDIGIAIRB (n* 57l).
CHAPITRE V
DES OFFICIERS DE POLICE AUXILIAIRES DU PROCUREUR DE LÀ RÉPURLIQUE.
570. Je VOUS ai dit qu'en traitant avec quelques détails de ces opération»
exceptionnelles autorisées par les art. 32 et 46, j'y attachais de l'importanoe^
non pas en ce sens que, dans la pratique, ces pouvoirs d'exception conférés au
procureur de la République dussent ou pussent souvent être exercés par lui
personnellement. En effet, où se trouve un procureur de la République, là se
trouve aussi un juge d'instruction procédant dans les cas de flagrant délit; il
sera asaei rare que le juge d'instruction n'ait pas, pour se transporter sur les
lieux, la même facilité que le procureur de la République. Dans tous les cas^
en un mot, où il s'agira d'un crime flagrant, commis dans le chef-lieu d'un
tribunal d'arrondissement, les articles précédents recevront difficilement appli-
cation. Le juge d'instruction est présent comme le procureur de la République;,
c'est plutôt lui, à qui ces fonctions appartiennent régulièrement, c'est plutôt
lui que le procureur de la République qui devra se transporter et opérer. Mais*
vous savez tous que le ressort d*un tribunal d'arrondissement est trop étendu
pour que les flagrants délits commis dans toute l'étendue de ce ressort puis*
sent être immédiatement constatés et les indices recueillis sans retard, soit par
le juge d'instruction, soit par le procureur de la République, siégeant l'un et
l'autre au chef-lieu. Aussi les attributions précédentes auront de Timportanœ,
non pas dans la main du procureur de la République qui se trouve presque
toujours éloigné, mais dans la main des officiers que les art. 48 et suivants loi
donnent expressément pour auxiliaires. C'est par ces auxiliaires que sont
exercés tous les jours les pouvoirs que nous venons de détailler, conformé*
ment aux régies des deux articles d'exception qui précèdent.
571. R est clair qu'après les détails déjà donnés nous n'avons plus à répéter,
pour la manière d'agir des auxiliaires, ce que nous avons dit de la manière
d'agir du procureur de la République. Les pouvoirs conférés à ce dernier
appartiennent également aux autres : tout ce que nous avons dit et présenté
quant à l'un s'applique de droit aux autres. Ce que nous aurons donc à dire
sur le chapitre v ne concerne ni les cas dans lesquels les auxiliaires peuvent
agir, ce sont toujours les cas des art 42 et 46; ni les actes auxquels ils peu-
vent procéder, ce sont ceux que nous avons énumérés; ni les formes et règle»
qu'ils doivent suivre, ce sont celles que nous avons exposées; la seule chose
qu'il faut connaître, c'est de savoir quels sont ces auxiliaires. L'art 48 les énu-
mère, l'art. 50 y joint quelques autres additions ; ce sont les juges de paix, les
officiers de gendarmerie, les commissaires généraux et ordinaires de police ;
ce sont enfin les maires et adjoints de maire. Disons quelques mots sur
chacun d'eux.
D'abord, pour les juges de paix, je vous ai déjà dit que, dans le Gode d'in-
struction de n91 et dans le Gode du 3 brumaire an IV, les fonctions d'officier
de police judiciaire reposaient presque exclusivement sur leur tête. On ne
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DBS AUnUAIRBS DU PaOOURXUR DS LA RÂPITBUQra (aRT. 48). 515
tarda pas à 8*apefoevoir que ces attributioas étaient trop étendues pour que
ces officiers passent être chargés, à peu près eidasiTement, des pfemières
poursuites contre les crimes et les délits* La loi du 7 pluyiôse an IX, venant
rétablir en partie l'ancienne distinction de partie publique et d'instructeur,
déchargea les juges de paix d'une portion des attributions de la police judi-
ciaire, en les confiant à des officiers du ministère public qu'on appela plus
tard des magistrats de sûreté. Le Gode d'instruction criminelle a encore res-
serré à cet égard les attributions des juges de paix; ce n'est que secondaire-
ment, accidentellement, comme auxiliaires du procureur de la République,
qu'ils sont chargés i^ de recevoir les dénonciations des crimes ou délits
commis dans l'étendue de leur canton ; 2« de procéder, dans les cas de flagrant
délit et de réquisition d'un chef de maison, aux actes de procédure détaillés
au chapitre précédent.
572. En second lieu, cette compétence exceptionnelle, dans les deux der-
niers cas que nous venons de signaler, n-appartient d'ailleurs aux juges de
paix qu'en concurrence avec d'autres officiers auxquels l'exercice en sera
d'ordinaire plus général, plus facile et plus habituel. Ainsi, immédiatement
après ou si vous voulez avec eux, viennent les officiers de gendarmerie. Déjà
le Gode de 1791 et aussi le Gode de brumaire avaient attribué à ces officiers
quelques parties des fonctions de la police judiciaire. Le Gode d'instruction
les met absolument, à cet égard, sur la même ligne que les juges de paix ;
consultez à ce sujet la loi du 28 germinal an YI, art. 194; et aussi, pour les
détails du mode d'exercice de ces fonctions, l'ordonnance du 29 octobre 1820,
art. 148 et suivants, ordonnance fort bien rédigée, et dont j'ai cité quelques
articles dans la dernière leçon; enfin le décret du 1*' mars 1854, qui a repro-
duit à peu près tous les textes de l'ordonnance.
Remarquez au reste que ces attributions que nous avons détaillées, que
cette mission qui substitue en certains cas les officiers de gandarmerie au
procureur de la République dont ils sont les auxiliaires, ne s'étend absolument
qu'à la CONSTATATION des crimes et des délits, dans les cas de flagrant délit et
de réquisition d'un chef de maison ; que de plus elle se borne aux officiers de
gendarmerie et ne s'étend ni aux simples gardarmes ni même aux sous-
officiers; ce sont là sans doute des agents de la force publique, ce ne sont pas
des officiers de police judiciaire.
Une exception toute récente et d'ailleurs transitoire a pourtant été faite à
ce principe par une loi du 23 février 1834. Gette loi, aujourd'hui abrogée,
avait attribué ces fonctions aux sons-officiers de gendarmerie dans quatre
départements de l'Ouest, à raison de l'état actuel de ces départements. Le but,
la portée, le sens de cette loi, avaient été de conférer aux sous-officiers de
gendarmerie précisément les mêmes pouvoirs de constatation qui, aux termes
des art. 32 et 46, sont attribués au procureur de la République et aux officiers
de gendarmerie, ses auxiliaires.
578. Troisièmement^ les commissaires généraux de police reçoivent égale-
mentj des art. 48 et 49, la qualité d'auxiliaires du procureur de la République.
Les commissaires généraux de police, bien distincts des coomiissaires ordi-
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516 VIN6T-HUIT1ÈMB LBÇON. — DE l'iNBTRUGTIOR ÉCRITS (n* 576).
iMbires/qai sont établis par quartiers, ont été institaés par la loi du tè pin**
viése an VIII, art. 14. Leurs attributions générales ont été déterminées, d'abord
par le décret du 5 bnimaire an IX, pnis par un antre décret da 23 fructidor
an XIU. des deux décrets sont surtout relatif^ à la police préventive et admi*
nistrative ; et quant à la police judiciaire, la seule qui doive nous occuper,
leurs attributions sont déterminées par nos art 48 et 49.
ft74. Quatrièmement enfin, la loi complète te système en attribuant cette
même concurrence, ces mêmes fonctions 1* aux commissaires ordinaires de
police, dans les communes où ils sont établis, c'est-à^ire dans les communes
de plus de 5,000 babitants; et 2^ dans les Jiatres Communes, aux maires et
adjoints de maire. Ces derniers forment en quelque sorte le dernier point, les
dernières mailles du tissu le plus impénétrable du réseau de la police judi-
ciaire qui se trouve établi sur toute la surface du territoire. La loi veut que
dans chaque cimunune puisse se trouver -constatée, sans délai, immédiate-
ment, Texistence du flagrant délit qui ne pourrait souvent être connue et
constatée trop tard, si Ton se bornait à donner pouvoir au juge de paix étd)li
a« chef-lieu de canton et distant souvent de plusieurs lieues. Ainsi les maires
el adjoints de maire auront qualité, comme auxiliaires du procureur de la
Ittpublique, pour procéder aux mêmes actes que nous avons détaillés.
575. J'ajouterai que par cela même que tous les officiers dont nous venons
d'indiquer les attributions exceptionnelles sont qualifiés, par l'art. 48, offUiers
de police judiciaire, il s'ensuit qu^ils sont placés, en cette qualité, sous la sur»
vaillance du procureur général, aux termes de Tari. 279. Cest ce qui se trouve
r^été expressément, pour les officiers mômes de gendarmerie, fonctionnaires
partie militaires, partie administratifs, partie judiciaires, par la loi du 28 ger-
minal an VI. L*art. 195 de cette loi lès place expressément, comme officiers
dft police judiciaire, sous la surveillance et l'autorité du magistrat, de l'officier
judiciaire, du procureur de la République de l'arrondissement
ai76. Quant aux actes dressés par les officiers que nous venons d'indiquer
dans les cas qui vous soiit connus, il es^ clair que ces actes, quoique devant
en défiiMtive arriver au juge d'instruction pour laire partie de la procédure
qu'il doit compléter, il est clair, dis-je, que ces aqtes ne passent pas directe-
ment des mains des auxiliaires qui les rédigent aux mains du juge dUnstrac-
tion; c'est au procureur de la République que ces oCficiers auxiliaires doivent
transmettre tous les actes par eux dressés dans le cas de nos deux articles.
En effet, comme le juge d'instruction n*a pas qualité pour -agir direetemmt,
ainsi que nous allons le développer dans un instant, ces actes ne doivent lui
parvenir qu'avec. les conclusions, les réquisitions du procareur de la Répu-
blique; ils doivent donc, au préalable, passer dans les mains, de ^celui*d.
Ainsi, toutes les dénonciations reçues par ces officiers, aux tesmes.de l'ar-
ticle 48, tous les actes dlnstruction rédigés par eux, aux termes de l'art 49,
devront être adressé» par eux au proçureurde la EépuhHqva de Vanx)ndîsse-
mant, lequel, les ayant exai^inés^ les transmettra à son tour,, accompagnés
de ses conclusions, au juge d'instruction desoi( ttibunaL
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;»u J9ffiB d'insthuction (abt» 55)» 517
. Ainai devra-Mn mardiqr, dans tous les cas où le fait a«ra coneerTé son
.caractère crimioiel, éàUB tous les cas où le fait» à raiaoa duquel des actes
d'instruction ont été dressés, parait de nature à eutrainer peine afflictive ou
jn&niante; il faut que les pièces recueillies passent au juge d'instruction
•accompagnées des réquisitions de la partie publique^ du procureur de la Ré-
publique.
Que si, au contraire; le fait avait dépouillé ce caractère, s'il ne présentait
iplus queies signes» que les indices d'un simple délit, d'un fait purement cor-
rectionnel, alors quâ le. procureur de la République aurait le choix, ou de
suivre la marche précédente, de transmettre les pièces au magistrat instruc-
teur, pour être procédé à une instruction plus complète, ou bien, si les preuves
lui paraissent suffisantes, si les indices lui paraissent complets» il pourrait
immédiatement» et sans instruction préalable, traduire directement le prévenu
devant le tribunal correctionnel, aux termes de Fart. 182. Vous verrez -en
effet que, pour les simples délits, il dépend du procpreur de la République
ou de requérir une instruction préparatoire, lorsque l'affaire présente im^er-
titude, complication, gravité ; ou, au contraire, de la porter directement à
l'audience, aux termes de Tart. 182, lorsqu'elle ne présente aucune gravité.
>.Ce demier.casr cette .dernière marche est la plus fréquente.
Nous passons fuix qualités et aux fonctions du }nge d'inairuction ; telle est
la matière du chapitre vi.
CHAPITRE VI
D«S JUGSS D*IIfSTRUGTION«
SECTION PREMIÈRE
OROAITISàTIOR bu JUOB D^inSTROOTION
, 577. La première section de ce chapitre n'est relative qu*à Torganiçation
matérielle des juges d^instruction^ elle ne traite en aucune façon de leurs at-
tributions et de leur compétence.
Remarquez que les juges d'instruction ont à peu près remplacé dans la pro-
. cédure actuelle les magistrats connus précédemment, et notamment sous le
Gode de Tan IV, sous le nom de directeurs des Jurys d'accusation. Les direc-
teurs des jurys d'accusation ont été supprimés par suite de la nouvelle orga-
nisation judiciaire, par Tart. 42 de la loi du 20 avril 1810, et cet article, en
prononçant la suppression de ces officiers, annonce que leurs fonctions seront
exercées par les juges d'instruction. Cependant il ne faut pas prendre la der-
nière partie de cet article trop à la lettre ; il y a sans doute analogie, mais non
pas identité entre les, attributions des anciens directeurs des jurys d'accusation,
et les attributions actuelles de nos juges d'instruction. Nous aurons plus tard
occasion de signaler, en avançant dans rétude de ce Code, les différences qui
^résultent à cet égard de la notable variation des deux systèmes de procédure
criminelle; la suppression des jurys d'accusation, qui a déterminé celle de leurs
directeurs, entraine par là même une assez grande diversité d'attributions entre
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518 VINGT-HUITliMB LBÇON. --- DB L'INSTRUCTION ÉCRITB (n"^ 578).
deux eorteB d'ofBders que Part. 42 de la loi de 1810 met pourtant en paral-
lèle. Mai's^ à part ces différences d'attribntions, qni n'empêchent pas une ana-
logie sensible entre les fonctions de ces deux classes d'ofGciers, il y a, relati-
vement à l'organisation, qui senle noas occupe en ce moment, une différence
assez grande «ntre les directeurs des jurys d'accusation et les juges d'instrue-
tion, que la loi de 1810 présente comme héritiers, comme successeurs de leurs
pouvoirs.
En effet, les directeurs des jurys d'accusation étaient des juges du tribunal
civil, se succédant à tour de rôle, par ordre d'ancienneté, de trois en trois
mois. Ce système présentait dans la pratique de très-graves inconvénients.
D'abord le» fonctions de l'instruction ne peuvent pas être, avec avantage,
confiées indistinctement à tous les magistrats d'un tribunal civil ; il en est
que leurs connaissances, leurs habitudes, leur ftge surtout, rendent absolument
incapables d'exercer avec succès les fonctions pénibles et fort actives de ma-
gistrats instructeurs.
En second lieu, outre cet inconvénient d'appeler, à tour de rôle et sans dis-
tinction de capacité, tous les juges du tribunal civil, c'était une autre fsLute
plus grave que de les fiiire se succéder de trois mois en trois mois. Cette suc-
cession rapide de magistrats instructeurs ne permettait pas souvent que la
procédure commencée par l'un se terminât dans ses mains ; elle obligeait son
successeur à reprendre, dès l'origine, la connaissance d'une instruction enta-
mée, instruction à laquelle il se trouvait étranger ; de là de grandes lenteurs
dans l'administration de la justice, lenteurs préjudiciables à la société, parce
que souvent elles compromettaient les preuves, et au prévenu, parce que sou-
vent elles laissaient la mise en prévention se prolonger indéfiniment.
Sur ces deux points ce système a été abandonné. D'abord les juges d'ins-
truction sont pris, comme les anciens directeurs des jurys d'accusation, dans
les membres du tribunal civil, dont ils continuent d'ailleurs de faire partie.
Mais, au lieu de venir indistinctement et à tour de rôle. Us sont directe-
ment choisis et nommés par le pouvoir exécutif. Ensuite, au lieu de siéger
de trois en trois moins, la loi veut que la durée de leurs fonctions soit de
trois années, elle permet même de les continuer. Telle est la disposition de
Fart. 55.
678. Le juge d'instruction nommé, comme je l'ai dît, parmi les membres
du tribunal civil, continue après cette nomination de faire partie de ce tri-
bunal. Dans tout tribunal civil il y a au moins un juge d'instrucdon, qui
garde son rang de réception, d'ancienneté, parmi les membres du tribunal, et
qui peut siéger avec eux dans le jugement des matières civiles, quand il n'est
pas occupé comme juge d'instruction. Vous trouverez ces détails dans le texte
du même Gode.
Le principe général est donc qu'au moins un juge d'instruction est choisi
dans chaque taibunal.
Toutefois, un décret du {•* mars 1852 a disposé t qu'à l'avenir les fonctions
de juge d'instruction pourraient être conférées aux juges suppléants des tri-
bunaux de première instance. » Mais il faut ajouter que la loi du 17 juillet
1856 a rectifié l'art. 56, en ces termes: t les juges d'instruction seront
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DU JtfOB d'imSTHUCTION (aRT. 59). 519
pris pftmi les juges titalidres : ils pourront aussi être pris parmi les juges
«appléants^^ oe qui semble indiquer que la suppléance, en matière d'instruc-
tion, est une mesure tout à fait exceptionnelle* Le même article porte encore,
dans son f paracpn^he que, • dans les tribunaux où le service Texigera, un
juge suppléant pourra, par décret impérial, ôtre temporairement chargé
de l'instruction concurremment avec le juge d'instruction titulaire. > Ce n'est,
là encore, qu'une mesure d'exception nécessitée par les circonstances et qui
ne doit avoir, suivant les termes de la loi, qu'une existence temporaire.
Un 2* paragraphe, ajouté à l'art. 55, porte que c il pourra être établi plu-
sieurs juges d'instruction dans les arrondissements oii les besoins du service
l'exigeront. » L'art. 2 du décret du 18 août 1810, portait : t U y aura un juge
'd'instruction près chaque tribunal de première instance composé d'une ou de
deux chambres. U y en aura deux près les tribunaux divisés en trois chambres.
H y en aura six à Paris. » Le nombre des juges d'instruction de Paris a été suc-
cessivement élevé à douze par la bi du 31 juillet 1821, à seize par l'adjonction
de quatre suppléants prescrite par les ordonnances des 19 mai 1825 et 13 juil-
let 1837, à vingt par la.ioi du 23 avril 1841.
579. Leurs fonctions consistent principalement dans la constatation, dans
la réunion des preuves, des indices des crimes ou délits commis dans l'éten-
due de leur arrondissement. Ils sont même compétents à cet égard, comme
nous l'avons déjà dit, non-seulement pour les crimes ou délite commis dans
ie ressort de leur tribunal, mais môme pour les crimes ou délite commis
hors de ce ressort par un individu qui s'y trouve domicilié ou qui a pu y être,
arrêté.
Les art 415 et 616 sont également bons à consulter pour les attributions de
ces juges.
Vous verrez dans l'art. 415 qu'en cas d'annulation d'une instruction pour
vice de forme fort grave, les frais de la procédure à recommencer pourront
^tre mis par la Cour de cassation, qu une cour d'appel, à la charge du juge
instructeur qui a commis cette nullité. Mais cette disposition n'a jamais été
appliquée.
Vous verrez, dans l'art. 616, que, outre les attributions spéciales relatives
à l'instruction, les magistrate qui nous occupent sont encore investis d'une
mission relative à la visite des prisons et axL% moyens d'assurer, en certains
£9A, la liberté individuelle contre les détentions arbitraires.
SECTION U
FONCnOMS DU JUGE d'iMSTEUGTION.
580. La section II à laquelle nous passons présente plus d'intérêt. U s'agit,
non de l'institution, de l'organisation matérielle de cette magistrature, mais
au contraire, de ses attributions.
Le principe général vous est déjà connu, c'est cependant ici l'occasion de
le poser plus nettement; il se rattache encore, comme tout ce que nous avons
dit du procureur de la République, à la distinction capitale entre les fonctions
de partie et celles de juge; or, en matière criminelle aussi bien qu'en matière
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520 VINGT-HUITIÈHB LBÇON* — KB h'ttWShVmW ÉCRITE (n* 581).
dTile, il est de règle que lès jnges dHm tribunai ne peavenl pas se saîsîr aux-
mêmes, ne peuvent pas prendre directement et d'office la connaissance d'une
affaire qui ne leur est pas soumise. Gela est irrai, en matière criminelfecoimne
en matière ciTile, des décisions définitives, des jugements propremaot dits^
mais cela est vrai de plus des décisions provisoires^ temporaires, préparatoires,
que renferment la plupart des actes d'instruction d'une prooédure criminelle.
Ainsi, de même qu'an tribunal correctionnel ou une cour d'assises ne peuvent
pas statuer d'office, par un arrêté ou un jugement, sur le sort d'une personne
qui n'est pas poursuivie, de même un jUge d'instruction ne peut pas, d'office,,
de son propre mouvement, procéder à une instructiotn : les actes d'instruc-
tion, les viskes domiciliaires, les mandats d'arrestation, sont des sortes de
décisions, de jugements préparatoires qui ne peuvent pas être xeadus. d'office*
Voili le prindpe.
681. Cependant, s'il est vrai de dire qu'en général,- pour une instmction
comme pour un jugement, il faut l'intervention de la partie publique, de la
partie poursuivante, en un mot du procureur de la R^Hibliqne, ce principe
souffre, quant à l'instruction, certaines exceptions dont il faut nous occuper.
D'abord, nous trouverons plus tard, dans l'art. 235, une exception de 1&
plus haute importance, à ce principe général : vous verrez l'art. 2^5 conférer
aux cours le droit exceptionnel, mais très-important, d'ordonner d'office des
poursuites à raison d'un crime contre lequel lé ministère public n'aura pas
lui-même dirigé des poursuites. Noua verrons dans quelles formes et d'après
quelles règles doit être exercé par les cours le droit important que letir con-
fère cet article.
Mais à part cette exception au principe que nous avons posé, exception dont
l'examen est encore loin de nous, nous trouvons ici, dans la distinction pre-
mière de notre seconde section, dans les art. 59 et 60, une exception tout à
fait spéciale à la matière qui nous occupe. Le principe est celui-ci : aucune
instruction ne peut être faite, ne peut être entamée par le juge d'instruction
que sur la réquisition, sur les conclusions du ministère public; ce principe
est écrit dans l'art. 61. L'exception est celle-ci : dans le cas de flagrant délit,
précisément à raison de l'urgence, le juge d'instruction peut procéder seul,^
d'office, sans attendre, sans avertir même le procureur de la République, à
tous les actes d'instruction que l'urgence lui parait commander. Vous voyez que
le cas de flagrant délit, que la nécessité d'opérer de suite, de ne pas laisser se
dissiper les preuves, apporte au principe que nous venons de poser une excep-
tion qui se motive comme celle qui est relative au procureur de la République.
Ainsi, le procureur de la République, en principe, n'est que partie et ne peut
que requérir ; cependant, en cas de flagrant délit, l'art. 32 lui a permis d'ins-
truire. De mémoy réciproquement, dans les matières et dans les cas ordinaires,
le juge d'instruction ne peut procéder, ne peut agir que sur la réquisition, sur
les conclusions du ministère public, son principe d'action, son point de départ,,
c'est toujours la poursuite intentée par celui-ci. Mais dans le cas de flagrant
déli t cette règle cesse encore de s'appliquer, et le juge d'instruction petit, d'après
l'art. 59, procéder seul et directement à tous les actes énumétés dans les
art. 32 à 46.
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DU lUGB d'instruction (iAT. 59). §21
Il 08t dàir, diaprés ce rapprochement, que boub n'aTons piUEi encore à rentier
ici dans lee détails très-snffisants qui ont été présentés sur cette série d'articles^
Remarquons oepoddant quelques différences asses notables entre la position du
jnge d- instruction opérant d'office, en cas de flagrant délit, et laiposition du
procureur de la République et de ses auxiliaires appelés à instmiifeàipeupiès
dans les mêmes cas. ' , .
D'abord, dans Tart. 32, comme dans l'art. 59, il faut qu'il y ait flagrant déUt,
l'urgence est une condition commune aux deux cas. Mais, dans rart^ 32» la loi
yevLi qu'il s'agisse d'un fait emportant de sa natuce peine afIUctive ou tnfa-
mantO) qu'il s'agisse d'un fait criminel, que la granité do l'acte sanoiionne l'ur-
gence. Dans l'art. 59 rien de |>areil ; dans tous les cas de flagraitt délit, quand
même il ne s'agirait que d'un fait correctionnel, le' juge d'instruction est auto-
risé' à deiFancer Taction du procureur de la RépnbUqoe, i^agir diractement et
par lui seul*
Secondement, dans Tart. 32, comme dans l'art. 49^ eém'est pas.udt simple-
pouvoir que la loi confère au procureur de lai République on à ses auxiliaires,
ses termes sontimpératifs, elle-leor oemmanda de seiras^orter ftnsittêtisur Je^
théâtre du crime, poor procédera tous lès actes détaillée dans icetta'aériad'er-
ticles que nous avons parcourus. Au contraire, dans Tart. 59, ses l^imesiMit
facultatifs, elle ne commande pas, elle n'impose pas d'obligation, elle ne permet
an juge d'instruction de se transporter et d'instruire, sans attendre lès conclu-
sions, les réquisitions du ministère public. Pourquoi cela? Apparemment parce
que le juge d'instruction peut raisonnablement supposer qu'à raîsondu'flagrakit
délit, au moins lorsqu'il s'agit d'un crime, le fait pourra, même en son absence,
être constatéi- être établi par les procès- verbaux du procureur de la RépaUique,,
et surtout de ses auxiliaires, plus rapprochés que lui du théâtre du crime. Et
aussi, en second lieu, parce que probablement il eût été dangereuii d'obliger le
juge d'instruction, occupé de travaux de la plus haute iiâportance, de se dis-
traire, dans tous les cas, pour se transporter à la nouvelle d'un flagrant délit
sur le lieu, peut-être éloigné, du crime ou du délit qui lui est annoncé. G&
sera donc au juge, dlnstruction, selon les circonstances, selon Timportance
des faits et la proximité des lieux, selon aussi .la gravité des aSJEiires dopt il est
chargé en ce moment, de voir s*ilest à propos d'user de l'art. 59, de devancer,,
pour agir, les conclusions du ministère public.
J'ajoute enfin que, dans l'art. 32, il est enjoint au proovrei^r delà République^
et par conséquente ses auxiliaires, se transportant, sur le lieu du- crime, de
donner avis de ce transport au juge d'instruction, afin qu'il prisse s'y rendre
le plus tôt possible, et faire cesser, en reprenant son vériiftble^ r6|e, ce dérange-
ment passager, cette interversion transitoire des fonctions judiciairea. Au con-
traire, l'art. 59, en permettant an juge d'instraction de se transporter d'office^
ne lui commande pas d'avertir de ce transport le procureur de^U. République,.
ni de requérir sa.psésenoe; à cet égard eneone t^sut est facuitaitif de sa part.
Pourquoi cela? Parce que la préacocedu piooiueur de UARépnUîquap'est
nécessaire que pour conclure^ pour poarsuivnç, peur requérir, et^ précisément
dans Tespèce de l'art. 59, on passe :à pieds joinia à,raisoa deJCuffgenoei sur la
nécessité de ces conclusions, de ces réquisitions.
JOu reste^ si le juge d'instruction, ayant usé de ce potivcâr,.8'étftnt.tiienspoité
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522 VIRaT-HUITIÈlOB LEÇON. — DB l'iMSTRUCTION ÉCRITE (n* 582).
sur le lien du fait^ s'y tronye coBcarremmentayec le procareur de la République
on y est rejoint par loi, il est clair que chacun rentrera dans ses attributions
régulières; que le juge d'instruction ne pourra plus dès ce moment agir que
sur ses réquisitions formelles dont ses procès-verbaux devront contenir men«
tion ; que de même, comme déjà nous l'avons dit, le procureur de la.Républi-
que devra s'arrêter aux premiers actes qu'il avait faits en l'absence du juge
d'instruction.
Que si le juge d'instruction, au lieu de trouver sur les lieux le procureur de
la République lui-même, y trouve un de ses auxiliaires énumérés dans les art. 48
et 50, le pouvoir exceptionnel de ses auxiliaires cesseniit, expirerait inmiédia-
tement en sa présence, à moins que le juge d'instruction, ne leur donnât délé-
gation formelle de procéder à de tels actes, pendant que lui-même opérerait
ailleurs. Et de plus, les auxiliaires n'étant substitués au procureur de la Répu-
blique que dans le droit de constater les crimes flagrants, et non pas dans le
droit de requérir, il est clair que le concours sur le même lieu d'un officier de
gendarmerie, par exemple, et.du juge d'instruction, ferait expirer les devoirs
du premier, qui n'a aucune qualité de requérir des actes d'instructions ; sa
qualité d'auxiliaire ne fait pas de lui un substitut complet de procureur de la
République.
688. Passons à la distinction n de la même section, relative aux pouvoirs
ordinaires du Juge d'instruction. A cet égard, il faut que je vous renvoie, pour
tous les détails qui précèdent, à Texamen, à la comparaison des textes ; pour
ce qui nous occupe maintenant, il faut lire l'art. 61 modifié par la loi du
17 juillet 1856 :
« Art. 61. Hors les cas de flagrant délit, le juge d'instruction ne fera aucun acte
d'instruction et de poursuite qu'il n'ait donné communication de la procédure au
procureur de la République qui pourra en outre requérir cette communication à
toutes les époques de rinformation, à la charge de rendre les piôdes dans les
vingt-quatre heures. — Néanmoins le juge d'instruction délivrera, s'il y a lieu, le
mandat d'amener, et môme le mandat de dépôt, sans que ces mandats doivent être
précédés des conclusions du procureur de la République. »
Voilà à peu près le seul texte qui nous soit, quant à présent, nécessaire.
Nous arrivons, vous ai-je dit, aux fonctions régulières, ordinaires, habi*
tuelles du juge d'instruction ; et la distinction des pouvoirs qui nous a servi de
point de départ est expressément constatée par les premiers mots de l'art. 61 ;
l'exception même que contient le paragraphe 2 ne fait que mieux ressortir la
portée de l'article.
Cependant le paragraphe l*' interprété trop littéralement nous conduirait à
l'absurde. Hors les cas de flagrant délit (qu'il faut maintenant laisser de côté), le
juged'instruetien ne fera aucun acte d^insiruction et de poursuite, qu'il n*ait donné
eonmunScaHon de la procédure au procureur de la Bépublique. Faut-il conclure
de là qu'à chaque acte, à chaque détail que pourra demander l'instruction, à
chaque opération à laquelle le juge sentira le besoin de se livrer, il lui faudra,
au préalable, demander cet avis, appeler le procureur de la République et enten-
dre ses condusioaa ? Il est clair qu'une pareille marche serait une source con-
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DU JUGB d'instruction (art. 61). 523
tîBtieUe d'entraves, d'embarras, de lenteurs; qu'elle rendrait impossible tonte
prooédare criminelle, an grand détriment soit de la société, soit même, en
certains cas, dn prévena. Anssi, n'est-ce pas en ce sens qn'il faut entendre et
appbqner le texte de Tart. 61 ; ce n'est pas, disje, dans le sens de réquisitions,
de conclusions spéciales posées par le procureur de la République pour chaque
acte d'instruction.
Mais supposez, par exemple, le procureur de la République averti d'un crime
ou d'un délit par une dénonciation, dénonciation conforme aux art. 29, 30 et
31 ; ou bien le procureur de la République ayant constaté, dans le cas de l'art.
32, l'existence d'un crime ou d'un délit ; ou bien le procureur de la Répu-
blique ayant reçu de ses auxiliaires les actes de constatation indiqués dans les
art. 49 et suivants : alors, avons-nous dit, il transmettra ces pièces, ces dénon-
ciations, ces plaintes, ces indices au juge d'instruction de son tribunal, en
requérant de lui, d'une manière générale, de donner suite à l'instruction, de
procéder à des auditions de témoins, à l'interrogatoire du prévenu, à des visites
domiciliaires, en un mot, à tous les actes que les circonstances paraîtront exi-
ger. Ces réquisitions générale suffiront, et il ne faudra pas qu'après chaque
acte de procédure le juge d'instruction vienne demander au procureur de la
République des conclusions spéciales pour une procédure nouvelle.
De même enfin, et c'est là probablement la pensée la plus directe de l'art. 64,
admettez que d'a|vès l'art. 59 le juge d'instruction, dans un cas de flagrant
délit, se soit transporté sur les lieux, et y ait dressé les actes, les procès-
verbaux que l'urgence réclamait, une fois ces premiers actes dressés, le juge
d'instruction, qui a eu qualité pour opérer d'office, perd cette qualité et doit
s'arrêter. Pour donner suite à l'instruction, pour passer outre à la procédure
qu'il a bien pu commencer d'office, il faut qu'au préalable il communique les
pièces au procureur de la République, et qu'il entende ses réquisitions, ses
conclusions.
Ainsi, dans tons les cas où des actes ont été dressés, où des indices ont été
recueillis, exceptionnellement et à raison d'urgence, des conclusions spéciales
«du ministère public seront ensuite nécessaires pour donner au juge d*instruc-
iion mission et qualité de poursuivre.
583. Mais le paragraphe 2 introduit à cette règle générale, à cette nécessité
de conclusions préalables une exception fort notable et qu'il est difficile d'ap-
prouver dans son entier. Il autorise le juge d'instruction, même hors le cas do
flagrant délit, ce qui est bien entendu dans l'article, il autorise le juge d'ins-
truction à décerner, dans tous les cas et contre tout prévenu, d'office, sans
«conclusions préalables, {• un mandat d'amener; 2« et, s'il y a lieu, même un
mandat de dépôt. Il est permis de douter de l'utilité, de la légitimité de cette
' «zception ; il est difficile d'en concilier l'esprit et la nature avec la règle géné-
rale de l'art. 61. En effet, d'après le paragraphe 1.*, il est clair que, hors les
-cas de flagrant délit, le juge d'instruction- n'a pas qualité pourprocéder d'officeà
un acte d'instruction, si grave, si utile, si importante qu'il puisse lui paraître,
HBi simi^e et si peu préjudiciable qu'il soit d'ailleurs aux droits des parties.
Ainsi, le juge d'instruction ne pourra pas, hors le cas de flagrant délit, procéder,
sans conclusions préalables, à une audition de témoins, à une visite domici-
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524 VINGT-HUITitalB LBÇON. ~ OB L'iNSTBUCTION ÉCRITE («• 584),
liaire,à Tud quelconque des actes que nous âllonsvoir entrer dans ses attriku-
lions d'aprë» les sections ou les distinctions postérieiQures. Kt, quelque impeff-
tantes que puissent être ces premières opérations de rinstnietion, ^eommeune
audition de témoins, une visite, quelque peu préjudiciables qu'elles soient,
en certains cas, aux droits des tiers, la loi défend au juge dUnstruQtion-yda
jamais y procéder d'office. Au contraire, quand il 8*agit d'un acte aussi gnate,
aussi in) portant que la mise en arrestation du prévenu, la loi enlève à ce der-
nier.la double garantie qui résulterait pour lui du concours ordinairement exigé
du procureur de la République avec le juge d'instruction ; elle autorise ce der-
nier À décerner dans tous les cas, d'ofdce et si bon lui .semble, con-seulemeiit
un mandat d'amener, mais même un mandat de dépèt« *
Pour le mandat d'amener peut- être, à toute rigueur, rpourrait^ou Justifier
cette anomalie, peut-être pourrait^on dire qu'il importe^neorabien plias d'ar-
rêter le prévenu qui s'enfuit, de l'empêcher de- se dérober pour ravenir à l'ac-
tion de la justice, que de procéder à. une audition de témoins qu'on pourra
d'ordinaire entendieplus tard^ à une visite doaûoiiiaire.qui donnera plus tard
souvent les mêmes résultats. Soit, poor le mandat d'amener, en ca que ce
mandat, quoique préjudiciable au prévenu, n'autorise cependant pas son dépôt
dans une. maison d'arrêt, art. 6€i9. Le mandat d'amener met le prévenn sous
la garde de la force publique, mais il n'autorise pas à le mettre dans une mai-
son d'arrêt. De même le mandat d'amener ne frappe le prévenu, ne le prive
de sa liberté que pour un espace de temps assez court, savoir pour vingt-quatre
heures, aux termes de l'art. 9;). i
Mais, au contraire, le mandat de dépêt autorise l'incarcération du prévenu;
ia durée des effets du mandat de dép6t.est indéterminée d'après la loi, elle est
indéfinie dans la pratique. Nous traiterons plus en détail de œ point impor-
tant au chapitre des mandats. Mais il résulte de là qu'en, autorisant le juge
d'instruction à décerner le mandat de dépôt sans réquisitions préalables, on lui
confère un pouvoir exorbitant et assez peu en harmonie avec le principe géné-
ral qui veut que tout acte, toute opération du juge d'instruction présente»
comme dauble garantie, la mission ^u'il a de l'opérer lui-<même et las conclu-
sions du procureur de la République. Peut-êlire .aurait-il suffi de lautoriser,
par exception, à déférer d'office le mandat d'amener, qui, plaçant pour vingt-
quatre, heures le prévenu frappé à la disposition de la justice, permet dans ce
délai d'obtenir les réquisitious du procureur de la République; quoi qu'il en
soit^ le texte est très-précis, et il est clair que le mandat de dépôt peut être,,
contrairement au principe général, décerné sans, conclusions préalableSb
584. L'art. 62 n'a besoin d'aucune explication ; il vous suffira d'en avôir.pris
lecture.
Dans les sections qui suivent, et dont il est bon de prendre un aperçu géné-
ral, la loL détaille diverses opérations auxquelles le juge d'instruction pourra
se livrer «pour constituer, pour réunir les éléments de la procédure, fies opéra-
tions consistent :
1« A rscevoir. soit les dénonciations dont nous avons déjà parlé, soit aussi
les plaintes; nous indiquerons tout à l'heure la dififérence de ces deux espMs-
sions;
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DU JOGB d'instruction (art. 63). 585
f  appeler derant Itiî et à entendre les témoins du crime on dn délit, on
tons cenz qui à cet égard peuvent lui donner des renseignements même comme
témoins non oculaires ;
8^ Â saisir et à conserver soit les écrits, soit les pièces de conviction, de
gùdque nature qu'elles soient, qui peuvent servir à ét4d>lir la vérité ;
4® A décerner les quatre espèces de mandats, mandai de cùmparutioriy mandat
d^amener, mandat dé dépôt, mandai d^ arrêt : la comparaison de ces quatre man-
dats exigera quelques détails ;
5^ Enfin, la procédure terminée et les différents interrogatoires qui ont paru
nécessaires opérés par le juge à Tégard dn prévenu, il faut communiquer cette
procédure au procureur de la République près le tribunal, à Teffet d'obtenit
ses conclusions sur le résultat.
685. Encore quelques mots sur la première partie de ces pouvoirs, c'est-à-
dire sur les plaintes.
Les art. 63 et suivants sont relatifs aux plaintes et donnent an juge d'ins-
truction qualité pour les recevoir. Cette matière a une grande analogie avec
celle des dénonciations, encore bien qu*il n'y ait pas identité entre les deux
mots de plainte et de dénonciation.
La dénonciation,' c'est Tavis dMn fait criminel donné au ministère public,
ou bien au juge d*instruction, ou aux auxiliaires du procureur de là Républi-
que, soit par un fonctionnaire dans le cas de l'art. 29, soit par un particulier
dans le cas de Tart. 30. Mais, ni dans Fart. ^9 ni dans Part. 30, on né] sup-
pose que l'auteur de cet avis, de cette dénonciation, ait été personnellement
attaqué, personnellement lésé par le fait dont il vient déclarer Texistence.
Au contraire, la plainte est bien aussi une dénonciation, un avis donné par
VLh particulier à une personne publique chargée de le recevoir ; mais elle pré-
sente cela de spécial, qu'elle est l'avis, la dénonciation d'un crime ou d'un
délit, éoianée de la personne qui a souffert de ce crime on dé c» délit.
'Aqxiî appartient le droit de recevoir les plaintes, les déclarations de la partie
lésée? Il appartient, d'après l'art. 63, au juge d-instruction, e^est^à-dire à l'un
des trois juges d'instrtictîon dont nous avons déjà déterminé la compétence.
Ajoutes même que la plainte reçue par un juge d'instruction qui ne serait
aucun des trois que nous avons indiqués ne serait pas pour cela nulle et non
avenue : tout juge d'instruction, indépendamment de sa compétence, doit
recevoir les plaintes qui sont portées devant lui; seulement, s'il n'est pas l'un
des trois juges d'instruction déterminés par l'art. 63, il n'a pas qualité pour
instruire en vertu de cette plainte ; il doit la faire passer, par l'intermédiaire
du procureur de la République dé son arrondissement, soit au procureur de la
République, soit au juge d'instruction de l'un des trois tribunaux compétents
pour instruire sur le fait, c'est-à-dire de l'un des tribunaux indiqués par l'art. 63.
Ainsi, tout juge d'instruction a qualité pour recevoir une plainte et pour la
faire rédiger sous ses yeux, dans les formes prescrites par Tart. 31. 8'il est
un de ceux indiqués par l'art. 63^ la plainte communiquée au prdcureur de la
République, il commencera l'instruction. Si, au contraire, il n'est pas un dé ces
trois juges, il la transmettra ou la fera transmettre au juge compétent, art. 69.
986. Par qui la plainte peut^elle être faite?
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526 VINGT-HUITIÈME LBÇON. — DE l'INSTRUCTION ÉCRITE (n* 586).
Sans entrer dans les détails qae comporterait cette matière, je vous renverrai
à la loi du 29 septembre i791, loi d'instruction dont je vons ai déjà parlé
comme servant de commentaire au Gode d'instruction criminelle que TAssem-
blée constituante avait publié la même année. Ainsi, vous y verrez que le droit
de porter plainte appartient soit au particulier personnellement lésé par le fait
du crime ou du délit, soit au mari à l'égard du crime ou des délits dont sa
femme a été l'objet, soit au père à raison des crimes ou des délits dont son fils
mineur a été la victime.
Mais la définition de la plainte telle qu'elle figure dans cette instruction de
l'Assemblée constituante mérite quelque attention, en ce que, transportée par
vous dans le Gode d'instruction criminelle actuel, elle vous exposerait à des
erreurs. La plainte, disait l'Assemblée constituante, c*esi Faction civUe résul-
tant du dommage causé par un délit. Gette définition était vraie sous l'Assemblée
constituante, sous le Gode de 1791 ; elle l'eût été également sous le Gode du
3 brumaire an lY; elle sérail inexacte, elle vous conduirait à des erreurs, elle
rendrait impossible, si vous l'admettiez aujourd'hui, l'application des articles 66
et 67. U est en effet bien important de vous souvenir, pour l'intelligence de
cette matière, d'une différence notable entre le système des plaintes, soit dans
les Godes de 1791 et de l'an IV, soit dans le Gode de 1810. Dans les Godes de
1791 et de l'an IV, toute partie plaignante, toute partie qui venait dénoncer
l'existence d'un fait par lequel elle se disait lésée, et qui, dans les vingt-quatre
heures, ne s'était pas désistée, était par là même réputée se porter partie ci-
vile, était par là même réputée prendre volontairement un rêle actif dans l'ina-
tance à laquelle sa plainte allait donner lieu. Ainsi, on pouvait dire alors :
La plainte e$t VacUon civile résultant du dommage causé par un délit.
Un système tout contraire a passé dans notre Gode, et ce système est plus
raisonnable, la qualité de plaignant est tout à fait séparée de la qualité de par-
tie civile. L'art. 63 déclare d'abord que toute personne lésée pourra porter
plainte et se constituer partie civile, bien entendu, par une déclaration dis-
tincte, expresse^ spéciale. L'art. 65, voulant à cet égard prévenir le doute, est
encore bien plus positif, il porte : « Les plaignants ne seront .réputés partie
civile, s'ils ne se déclarent formellement, soit parla plainte, soit par acte sub-
séquent. B
En quoi ce système, qui n'admet pas qu'on se porte facilement partie civile.,
est-il préférable à l'ancien? Il est bien aisé de le sentir. Quiconque se porta
partie civile dans une instance criminelle, assume par là môme sur lui la res-
ponsabilité de l'instance, et doit prendre à sa charge tous les frais de la pour-
suite criminelle, dans le cas au moins où le prévenu est acquitté.
U y a plus, c'est que dans le système primitif du Gode d'instruction crimi-
nelle, réformé seulement en 1832, la partie civile était responsable des frais en
cas d'insolvabilité du prévenu condamné. Vous consulterez à cet égard Par.
ticle 368 du Gode révisé en 1832, et vous verrez que, s'il y a dérogation, et
dérogation fort raisonnable, quant au second point, le premier est maintenu;
la partie civile est encore responsable des frais, dans le cas oii le prévenu est
acquitté.
Gela posé, vous sentez que déclarer que quiconque viendrait porter plainte
serait par là même, bon gré, mal gré, partie civile, serait par là même lespOA-
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DU lUOB D*m(ITRU€TION (aRT. 63). 527
sable des frais en cas d'acquittraient du prérvenii, c^étaît enleTer à la justioe le
moyen de connidtre nombre de crimes on de délits ; c'était empêcher des indi*
vidus, lésés par nn crime on un délit, de faire connaître ce crime anx magis-
trats, persaaîdés qne leur plainte, si elle n'amenait pas nne condamnation, fe-
rait tomber snr enx tons les résultats de la procédure criminelle. Ge système
est donc changé, la plainte est distincte de la demande en dommages-intérêts ;
la qualité de plaignant n'est plus, comme sous le Gode de Fan IV, synonyme
de la qaalité de partie civile. A ce point se rattachent les différences qne nous
expliquerons sur les art. 66 et 67.
YINGT-NEUVIÈME LEÇON.
587. Nous avons déjà pris nne idée générale des attributions, des fonctions
du juge d'instmaion agissant à la requête du ministère public, c'est-à-dire hors
des cas d'exception déterminés, autorisés pour Thypo thèse de flagrant délit.
Les fonctions du juge d'instruction, considérées sous leur point de vue géné-
ral, envisagées dans leur ensemble, embrassent principalement, 'vous ai-je dit :
i^ le droit de recevoir les plaintes; 2^ celui d'appeler et d'entendre les té-
moins; 3® de recueillir, par visites domiciliaires et par tous genres de recher-
ches, les pièces de [conviction, de quelque natnre qu'elles soient; 4® de décerner
les divers mandats d'arrestation; 5» enfin de statuer, soit en ce qui concerne les
demandes en liberté provisoire, soit en ce qui concerne les ordonnances à ren-
dre en vertu des poursuites ou actes d'instruction par lui pratiqués. Déjà j'ai
cherché à vous donner une idée générale de la première de ces attributions, c'est-
à-dire du droit de recevoir les plaintes; revenons-y aujourd'hui plus en détail.
Nous traiterons également, et rapidement, de l'audition des témoins, de visi-
tes domiciliaires et enfin d'une matière plus importante, de l'arrestation et
du mandat au moyen duquel elle s'opère.
La plainte diffère de la dénonciation en ce que, au lieu d'émaner^ comme
la dénonciation, d'une partie étrangère au crime ou au délit qu'on vient dé-
clarer an magistrat, elle émane d'une partie qui prétend avoir été lésée par ce
crime on ce délit, soit personnellement, soit d'une manière indirecte, c'est-à-
dire par les personnes dont elle reçoit l'injure, par les personnes qui ne peuvent
éprouver un préjudice sans qu'elle-même en souffre aussitôt. C'est ainsi que la
loi d'instruction de 1791, à laquelle je vous ai renvoyés, autorisait nn individu
à porter plainte non-seulement des crimes ou délits commis ou tentés direc-
tement contre lui, mais aussi contre certaines personnes, le mari pour les cri-
mes ou délits commis contre sa femme, le père pour les crimes ou délits com-
mis contre ses enfants nuneurs.
588. La plainte peut être portée, anx termes de l'art. 63, devant le juge d'ins-
truction,comme, aux termes de l'art. 63, devant le procureur de la République. Et
elle peut l'être indifféremment, soit devant les officiers de police judiciaire du lien
du crime on délit, soit devant les ofSciers du lien dn domieile du prévenv, soit
enfin devant ceux de la résidence actuelle du même prévenu. Bous ce rapport la
compétence de ces officiers de police judiciaire d'un ordre supérieur, la compé-
tence du procureur de la République et du juge dUnstruction, pour recevoir les
dénondations et les plaintes, est plus large, pins étendue que ne Test celle des
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528 YDfGT-NBUVIÈIIB LIÇON. -« Dl L'lN8Tftt7GTlON iCllITB (n* 590).
olfiMers de pûlke judiciaire, appelés simplemeat anxiUaivee da pvoeiireiar de
la Bjépabliqaé. Ainsi, voaàverrto dans Fart. 48 que les plaintes oa.déuoncia-
tionspeuvent être légalenient portées devant les auxiliaires du procureur de la
République, par ezemi^, devaot les juges de paix, les commissaires de police,
les officiers de gendarmerie et antres pareils ; mais qu'ils n'ont qualité pour re-
cevoir les plaintes ou dénonciations qu'autant qu'elles portent sur des crimes
ou délits commis dans le lieu même où ils exercent leurs fonctions habituelles.
Au contraire, à l'égard du procureur de la République et du juge d'instruction ,
non-seulement ils sont investis de la triple compétence dont parlent les articles
cités, mais, lors même qu'une plainte ou une dénonciation serait portée devant
un juge dlnstruction ou un procureur de la République étrangers aux trois
arrondissements que j'ai indiqués, ils auraient encore qualité pour la rece-
voir; seulement avec cette différence que dans le premier cas l'officier instruc-
teur a qualité : i^ pour recevoir la plainte; 2^ pour instruire en vertu de cette
plainte; titndis que dans l'autre cas, ç*est-i-dire s'il n'appartient à aucun des
trois arrondissements désignés, il a bien qualité pour recevoir la plainte, mais
il n'a pas qualité pour instruire. Il doit transmettre la plainte ainsi reçue par
lui au juge d'instruction compétent. Ainsi le dispose Tart. 69.
580. Quant aux formalités à suivre dans la rédaction des plaintes, elles sont
précisément celles Tndiquéès par l'art. 91 pour la rédaction des dénonciations.
Laissant 'dé c6ilS ces détails tebbniqùes, attachons-nous à des observations d'une
nature plus impértaute.
En matière ne plainte, vous avels trois points importants à constater.
Premièrement, vous sentez qu'en général la plainte sera fréquemment le
point de départ, la cause, l'origine première d*une instraction criminelle. La
déclaration de la partie lésée ftiitepar elle aux officiers de police judiciaire
aura donné réveil à la justice, aura provoqué les premières poursuites et la
première instruction. Cependant vous sentez que s'il en est ainsi fréquemment
et dans la pratique, cela n'a rien de nécessaire et d'essentiel, que les poursui-
tes, que nhstruction, nesont nullement subordonnées à l'existence d'une plainte
antérîetire, que l'exercice de l'action publique est pleinement indépendante de
la volonté des partîôUlierb.
Ainéi la plainte, qui ordinairement sera le point de départ de la poursuite,
n'est cependant pas indispensable à l'exercice des poursuites. Tel est le prin-
cipe général. J'ai signalé sur les art. 3 et 4 du présent Cîode des exceptions à
ce principe, des cas tout à fait spéciaux dans lesquels la plainte de la per-
soniie offensée était une condition indispensable, sine quâ non, de l'exeretce des
poursuites; tel est, entre autres, le cas d'adultère de la femme, art. 336 du
Code pénal, tel est aussi celui de l'art 433, et cinq ou six autres,
580. Secondemmt, si la plainte ne doit pas nécessaicemant avoir lieu avant
toute pounuite, avaot tout acte d'instruction, si, en d'autres termes, rinstruc*
tion .pe«t. arri^ter k .son terme sans aucune plaîQjte de la partie lésée, il n'wi
faut pas conclure quey.l'iastriiotien une .fois entamée, cette plainte ne puisse
phM avoir lieu i il p'en fout pas conclure que la plainie soit superflue par cela
seul qtt'«uM> inatruotion 'OriinineUe a été commencée sans aucune plainte^
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DBS PLAINTES ET DÉNONCIATIONS (aRT. 67). o29
Ainsi, la plainte a fréquemment pour bnt, de la part du plaignant, le désir»
la volonté de se porter partie civile, de réclamer des dommages-intérêts contre
Paatear da crime on du délit. Si la plainte n'avait qn*un objet, celai d'avertir
la Justice, elle serait inutile, elle ne serait plus recevable, une fois que la jus-
tice a piîs réveil, a pris Tinitiative. Mais fréquemment la plainte interviendra
même après rinslruction commencée, à l'effet par le plaignant, de déclarer
devant le juge d'instruction qui reçoit sa plainte, qu'il entend se porter partie
civile, art. 63, 66 et 67. c Toute personne qui se prétendra lésée, dit le premier
de ces textes, par un crime ou par un délit, pourra en rendre plainte et se cons-
tituer partie civile, n Nous reviendrons bientôt sur cela.
Cependant il y a à cet égard une distinction à faire ; la plainte, après l'ins-
truction commencée, n'est pas toujours un préliminaire indispensable à remplir
de k part de la personne' qui veut se porter partie civile. Les art. 145, 147,
182, et surtout l'art. 163 paraissent autoriser la partie qui a souffert d'une con-
travention ou d'un délit à se pourvoir directement, par une citation ou par des
conclusions posées à l'audience, a se pourvoir comme partie civile, sans avoir
préalablement porté plainte. Gela a lieu soit dans les matières de police, d'après
les deux premiers articles cités, soit dans les matières de police correction-
nelle, d'après les art. 182 et 183. Au contraire, dans les matières criminelles,
dans les affaires portées aux cours d'assises, la loi parait considérer l'existence
d'une plainte préalable, rédigée conformément aux art. 63 et suivants, comme
un préliminaire nécessaire à accomplir de la part de la personne qui veut se
porter partie civile. Ainsi, dans les art. 66, 67 et 35^, on considère la plainte
oomme le préliminaire à remplir avant les conclusions en dommages-întérôts
à poser contre Taccusé.
691. Troisièmement enfin, et ce dernier point est une différence assez im-
portante entre le système du Gode. et celui qui a précédé, dans le système de
la loi de 1791 et du Gode du 3 brumaire an lY, tout plaignant était, par le seul
fait de sa plainte, réputé nécessairement se porter partie civile. Quiconque allait
porter plainte devant le juge de paix d'un crime ou d'un délit par lequel il se
disait lésé était censé, par là même, nonobstant ioute déclaration contraire,
conclure à des dommages-intérêts, se porter partie civile co^ntre celui à qui il
imputait le fait, ou à qui plus tard ce fait serait imputé. £a deux mots, la qua-
lité de plaigQant était inséparable de la qualité de partie civile, la seconde était
la conséquence inévitdi>le de la première. Seulement le plaignant avait une
ressource que lai donnait l'art. 92 du Gode du 3 brumaire an IV, c'était de se
•désister de sa plainte dans les vingt-quatre heures de sa date, et au moyen de
ce désistement la plainte était réputée non avenue ; toutes les conséquences
que cette plainte eût dû entraîner contre lui devenaient inapplicaoles. Mais,
malgré la faculté de se désister de la plainte dans les vingt-quatre heures qui
la suivaient) ce système avait un inconvénient bien facile à démontrer, c'est
que l'existence seule de la plainte faisant forcément considérer le plaignant
comme partie cwile, faisait retomber sur lui, en cas d'acquittement de Taccusé
poursuivi, la totalité des frais de la procédure criminelle. Or, la crainte d'être
traité comme partie civile, et de supporter par conséquent tous les frais dans
le cas où Taccusation succomberait, empêchait d'aller porter plainte, empé-
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(^o^gle
530 VINGT-NEUVIÈEB LEÇON. — DB l'iNSTRUCTION ÉCRITE (n* 592).
chait la yictime d'un crime ou d*un délit d'aller en donner avis aux magis-
trats qui auraient pu le poursuivre.
Par ces motifs, le Gode nouveau, le Gode de 1810 a repoussé ce système ; il
déclare formellement, dans l'arU 66, que la qualité de plaignant n'entraîne en
aucune façon la qualité de partie civile : • Les plaignants ne seront réputés
partie civile, s'ils ne le déclarent formellement, soit par la plainte, soit par acte
subséquent, ou s*ils ne prennent, par l'une ou par l'autre, des conclusions en
dommages-intérêts, b Ainsi désormais on peut très -bien porter plainte sans
être par là môme réputé se porter partie civile, sans encourir par conséquent
l'obligation d'acquitter les frais, dans le cas même où Taccusé Tiendrait à sor-
tir victorieux de l'épreuve.
692. Ge changement une fois établi, il s'ensuit une différence assez notable
entre la nature et les résultats du désistement à donner dans les vingt*quatre
heures, soit d'après l'art. 92 de la loi de brumaire, soit d'après les art. 66 et 67
de notre Gode ; le désistement dans les deux cas produit des efifets tout à fiût
différents. Dans le système de brumaire, en effet, le désistement n'était rece-
yable que dans les vingt^quatre heures de la plainte, et, donné pendant ces
Tingt-quatre heures, il fainait considérer la plainte comme non avenue; ainsi
le déclarait Tart 92 ; sauf, bien entendu, à l'officier de police à voir s'il était
convenable, d'après la nature des indices produits devant lui, de poursuivre
d'office le délit. Mais la plainte était e£facée par le fait du désistement donné
dans les vingt-quatre heures. Ainsi, non-seulement le plaignant qui s'était
ainsi désisté n'avait pas à craindre de payer les frais de l'instance en cas d'ac-
quittement du prévenu, mais il n'avait pas à craindre non plus d'être condamna
comme dénonciateur à des dommages-intérêts, car il avait abdiqué, par le fait
de son désistement, non -seulement la qualité de partie civile, mais même la
qualité de plaignant, ou si vous le voulez, de dénonciateur.
L'art. 66 de notre Gode autorise, comme l'art. 92 du Gode de brumaire, le
désistement dans les vingt-quatre heures. Mais sur quoi porte ce désistement,
et d'où courent ces vingt-quatre heures ? G'est là que la différence des deux
systèmes, des deux législations est bien sensible. Le désistement dont parle
l'art. 66, est-ce le désistement de la plainte, ou bien le désistement de la qua-
lité de partie civile ? Les vingt-quatre heures dans lesquelles il est permis de
se désister courent-elles du moment de la plainte, ou ne courent-elles que du
moment, qui peut être bien postérieur, ne courent-elles que du moment oiï
l'on s'est porté partie civile ? Sous l'empire de la loi de brumaire, ces questions
étaient impossibles, car les deux qualités étaient confondues, le même acte
les renfermait toutes les deux. Sous l'empire de l'art. 66, la question n'est
pas douteuse, et sa solution doit être toute différente. Le désistement donné
dans les vingt-quatre heures, ce n'est pas le désistement de la plainte, c'est
le désistement des conclusions en dommages-intérêts, c'est le désistement de
la qualité de partie civile. Ainsi, celui qui se désiste dans les vingt-quatre
heures après avoir porté plainte et s'être constitué partie civile, cesse d'être
partie civile, mais ne cesse pas d'être plaignant, ne cesse pas d'être dénoncia-
teur. Il cesse d'être partie civile, donc il cesse d'être tenu des frais; il ne cesse
pas d'être dénonciateur, d'être plaignant, donc il reste exposé aux dommages-
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DK8 PLAINTK8 ST DÉNONCIATIONS (ART. 67). 531
interdis de raccosé, si celiû-ci est acqnitté; il y reste exposé comme coupable
d'une dénonciation calomnieuse. Ost ce qui résulte clairement des derniers
mots de l'art. 66 : t Us pourront se départir dans les vingt-quatre heures ;
dans le cas de désistement, ils ne sont pas tenus des frais depuis qu'il aura été
signifié, sans préjudice néanmoins des dommages-intérêts des prévenus, s'il y
a lieu. 1
Ainsi, voilà notre premier point : le désistement, même dans les vingt-
quatre heures, ne met pas le plaignant qui se désiste à Tabri des dommages-
intérêts ; il en reste tenu, s'il y a lieu. C'est ce que vous trouvez dans la dis-
position générale des art* 358, § 4, et 359, §§ 1 et 3. Ainsi, le plaignant qui s'est
désisté, même dans le délai de vingt-quatre heures, reste tenu des dommages-
intérêts ; donc, en ce qui touche la qualiié de plaignant, le désistement est un
fait parfaitement inutile; donc ce n'est pas de la plainte qu'on a intérêt à se
désister, ce n'est pas de la plainte qu'on se désiste, c'est de la qualité de partie
civile qu'on aura prise expressément ou indirectement, dans le cas de l'art. 66.
En effet, la conséquence du désistement, nous dit cet article, est de décharger
son auteur de tous les frais de procédure qui seront faits postérieurement à la
signification du désistement ; c'est de décharger son auteur des condamnations
aux frais dont il pouvait être tenu, aux termes de l'art. 368; c'est de déchar-
ger son auteur des frais de procédure dont il pouvait être tenuencasd*acquit-
tement de l'accusé.
De 1& une autre conséquence : c'est que les vingt-quatre heures accordées
pour se désister se comptent, non point à partir de la plainte, puisque ce n'est
pas de la plainte qu'on se désiste, mais à partir du moment où l'on s'est porté
partie civile de l'une des deux manières indiquées dans l'art. 66.
Le désistement une fois -signifié : i^ au prévenu en sa personne ; 2* au minis-
tère public en la personne du greffier, tous les frais postérieurs restent étran-
gers à la partie mile qui a abandonné cette qualité ; au contraire, les frais
antérieurs à la signification du désistement continuent de peser sur elle mal- '
gré ce désistement, en ce sens qu'en cas de l'acquittement de l'accusé la par-
tie sera condamnée aux frais, conformément à l'art. 368. Et quand je cite ici
l'art. 368, j'entends parler de sa rédaction nouvelle, de la rédaction de 1832, car
le texte primitif était encore bien plus sévère. Dans Torigine, les frais de la
poursuite retombaient sur la partie civile, non*seulement, comme aujourd'hui,
en cas d'acquittement ou d'absolution de Taccusé, mais la partie civile devait
encore les supporter, dans le cas même de condamnation, lorsque l'accusé
était insolvable ; ce dernier point a disparu en 1832 ; daiis ce dernier cas, les
frais restent à la charge du Trésor.
Le désistement, vous ai-je dit, se forme par une signification faite tant au
prévenu qu'au ministère public ; et nous venons de voir quelles seraient au-
jourd'hui, soit quant aux dommages-intérêts, soit quant aux frais, les con-
séquences de ce désistement. Quant aux dommages-intérêts, ces conséquences
sont nulles ; quant aux frais, au contraire, le désistement décharge la partie
civile de tous les frais postérieurs à sa signification.
508. Une question plus douteuse et aussi plus débattue est de savoir quelle
serait, quant aux conclusions, quant aux droits de la partie civile, la consé-
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.532 VINGT-NEUyiÈMB LBQON. — DB L'iNSTRUGTION ÉGBITE (n"* 593).
que&ce de oe désistement, et ei le désistement, signifié dans les matières cri*
minelles, conformément à Tart. 66, aura le même effet que le désistement
dans les matières civiles. Or, dans les matières civiles, conformément aux
art. 402 et 405 du Cîode de procédure, le désistement du demandeur est un aban-
don de rinstance, mais n'est pas un abandon du droit, à moins que les termes
mêmes, que les expressions de Tacto de désistement n'indiquent un abandon
du droit. Il résulte, et c'«st un point généralement reconnu, que danit les
matières civiles un demandeur qui s'est désisté est maitre de renouveler plus
tard la même demande par une instance nouvelle ; sauf à lui, bien entendu^
à supporter tous les frais de la première. En est-il de même dans les matières
erimin^es ? le désistement de la partie est-il simplement un abandon de Tin-
etance? est-il au contraire une renonciation à son droit? la partie qui s'est
désistée pourra-telle poser plus tard de nouvelles conclusions en dommages-
intérêts, soit en intervenant dans Tinstance criminelle qœ poursuit le minis-
tère public, soit même en reproduisant devant les tribunaux civils line action
toute dvile, à fin de dommages-intérêts? Oui, elle le pourrait, si on appli-
quait là les principes du désistement en matière civile ; mais il paraît fort dif-
ficile d'appliquer ces principes à la matière qui nous occupe. Pour les appli-
quer, on pourrait invoquer l'art. 67 dans ses premiers moto : c Les plaignants
pourront se porter partie civile en tout état de cause jusqu^à la clôture des
débats. I Ce qui semble exclure contre le plaignant toute espèce de fin de non-
recevoir, tirée, soit de la tardiveté de son action, soit même d'un désistement
d'nm action antérieure. Cependant nous avons vu que dans les matières civi-
les le désistement n'était pas l'œuvre d'une seule partie ; qu'une partie ne pou-
vait pas, par un désistement émané de sa volonté, enlever à son adversaire le
bénéfice d'un jugement^ sur lequel celui-ci devait compter; en d'autres termes,
queie désisteo^ent en matière civile devait, pour être valable, être accepté
par l'adversaire, ou au refus de celui-ci être validé par les tribunaux. La loi
n'exige pas les mêmes conditions dans les matières criminelles ; elle admet le
désistement par cela seul qu'il est signifié et sans exiger le concours de la
volonté du prévenu. Dès lors il sembla naturel de conclure que le désistement
n'est pas simplement l'abandon actuel passager de l'instance^ mais qu'il est
l'abandon du droit; car sans cela on pourrait admettre que celui qui s'est porté
partie civile, que celui qui a entamé ou fait entamer l'instance criminelle, peut
enleiver à son adversaire le bénéfice du jugement sur lequel il avait droit de
CQix^>ter, sauf à renouveler plus tard la même action, la même demande devant
des jjugesdelapart desquels il espérait une solution plus favorable. Autrement
par cela même que dans les matières criminelles l'acceptation du prévenu est
nn &it inutile à la validité du désistement, il semble naturel de conclure que
le désistement est définitif, et qu'on ne peut pas renouveler, recommencer
plus jLard la même action en donunages-iniérêto qu'on avait d'abord entamée
et qu'on a ensuite abandonnée*
Cet argument, qui consiste dans le rapprochement de l'art. 66 avec l'art 402
du Gode de procédure, se fortifie singulièrement quand on recourt à l'an-
cienne jurisprudence. On voit en effet que, dans le système de l'ordonnance
criminelle de 1670, le désistement d'un plaignant ou d'une partie civile était
réputé définitif que celui qui s'était désisté des conclusions civiles posées par
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DIB.L'AUOrriON DB8 TÉMOINS (aRT. 71). . 533 -
lui contre an accasé, n'était plus maître de recommencer, de renouveler pin» •
tard les poursuites, à moins qu'il n'eût formellement déclaré dans son désis-
tement ne se désister que de la procédure actuelle, sous toutes réserves de
pouvoir la renouveler plus tard. En principe, le désistement criminel était
réputé l'abandon de l'action, et Cest encore ce principe qui doit, je crois, s'ap-
pliquer de nos jours.
ftM. Nous avons dit tout à Thenre que le désistement pouvait se faire
d'après l'art. 66^ dans les vingt-quatre heures, depuis l'instant où l'on s'était
porté partie dvile, et non pas nécessairement dans les vingts-quatre heures
depuis la plainte, car le désistement ne porte- pas sur la plainte. Oe délai de
vingt-quatre heures, délai fort important, vous le voyez, car le désistement
après les vingts-quatre heures est inutile et laisse peser sur le désistant Uaof
les frais même postérieurs, ce délai courra, soit d'heure à heure, si dans*
l'acte oîi l'on s'est constitué partie civile l'heure a été mentionnée, soit au
moins de )our.è jour, dans le cas contraire. G'est-à-dire que si, dans l'acte
oà l'on s'est constitué partie civile, l'heure n'a pas été mentionnée, les vingt»
quatre heures données pour se désister courront de la fin du jour dans lequel
cette déclaration a été faite. La rigueur sur ce point a même été portée, et
je crois avec raison, jusqu'à dire que, si le lendemain du jour où l'on s'est
porté partie civile était un jour férié, les vingt-quatre heures n'en courraient
pas moins -pour le désistement, parce que la solennité des jours fériés est ab-
solument indifiEérente à rezpiration des délais en matière criminelle, parée-'
qu'un jour de fôte ou de dimanche on peut, comme les autres jours, signifier
un désistement, et par conséquent un jour pareil est aussi fatal qu'un autre.
Ge délai se trouve môme abrégé dans le cas particulier de l'art. 67, et vous
y verrez que l'on n'a pas toujours vingt-quatre heures pour se désister de la:
qualité de partie civile. La loi vous dit, en effet, qu'on peut se porter partie
civile en tout état de cause, et même dans le cours des débats, mais qu'alors
on n'a pas vingt-quatre heures pour se désister, si avant ces vingt-quatre^'
heures le jugement est rendu. Ainsi, supposez qu'à l'audience même d'une
cour d'assises, le plaignant, qui jusque-là ne s'était pas déclaré partie civile;,
vienne à prendre cette qualité ; pourra-t^ii, après le jugement rendu, en allé^
guant qu'il est encore dans les vingt-quatre heures de sa déclaration, pourra-
t-ii se désister ? Non ; la raison dit assez, et l'art. 67 vous avertit formellement
qu'en aucun cas la partie civile n'est admise à se désister après le jugement.
Ge désistement, d'ailleurs, s'il était admis, aurait assez peu d'importance, car
il ne déchargerait la partie civile que des frais postérieurs, et les frais posté-
rieurs au jugement sont assez minimes; les frais antérieurs sont véritable-
ment ceux à l'égard desquels on peut avoir intérêt à se désister.
595. Les art. 68 et 70 ne présentent pas de difficulté.
Passons à un autre point, à l'audition des témoins.
Les fonctions du juge d'instruction, telles qu'elles sont énumérées dans les
divers paragraphes de oe chapitre, sont à peu près les fonctions que le Gode
du 3 brumaire an IV attribuait au juge de paix, déclaré par ce Gode officier
de police judiciaire le plus ordinaire ; et notanunent les dispositions des art. 71
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534 VINaT-NBUVlàHB LBÇON — DB L'INSTRUCTION ÈOUTB (n* 595).
et suivants, relatifs à Taudition des témoins devant le jnge d'instniction, pré-
sentent une analogie sensible avec les dispositions des art. 111 à 124 dn Code
dn 3 brumaire an IV. Cependant, malgré cette analogie dans la nature des
fonctions et dans la manière de les exercer, des différences assez nombreuses
séparent les formes de Tenquête devant le juge dlnstruction et les formes
de Penquôte qui s'opérait devant le juge de paix, aux termes des art. 111 et
suivants du Gode de Tan lY.
Ainsi, dans les art. 71 et 74, vous trouvez la nécessité d'une citation préa-
lable par laquelle le juge d'instruction fait appeler les témoins à déposer
devant lui. Au contraire, quoique en général cette citation fût employée sous
l'empire de la loi de brumaire, on permettait cependant au j âge de paix d'en-
tendre, sans citation, les personnes ou les témoins que le plaignant ou le
dénonâateur avait amenés d'of&ce avec lui ; c'était la disposition de l'art* 113.
Cette £EUîuité ne parait plus maintenant appartenir au juge d'instruction.
8econdement^dans l'art. 115 du Code de brumaire, les déclarations ou dé-
positions des témoins devaient se faire en présence du prévenu. Il en est au-
trement dans notre art. 74 ; c'est en i'absendb du prévenu que les témoins
sont appelés à déposer. Sous ce second rapport, il est clair que le changement
est au détriment du prévenu.
Sous d'autres faces qu'il me reste à indiquer, le changement dans les formes
est à l'avantage du prévenu.
Ainsi, troisièmement, dans le Code actuel, l'art. 75 exige le serment des
témoins ; dans le Code de brumaire, les témoins déposaient sans serment
préalable.
. Quatrièmement, Tart. 79 assure, par certaines pénalités, l'observation des
formes indiquées dans notre Code ; ces pénalités se composent d'une amende
contre le greffier, et de la prise à partie, selon les cas, contre le juge d'instruc-
tion. Rien de pareil dans le Code de l'an IV, quoique certaines formes eus-
sent été tracées pour entendre les témoins, aucunes pénalités ne garantis-
saient l'observation de ces formes.
Cinquièmement, dans le Code du 3 brumaire, non-seulement il n'y avait
pas de pénalités contre les personnes, mais l'inobservation des formes n'en-
traînait, en aucun cas, la nullité totale ou partielle de la déposition. Au
contraire, dans l'art. 78 vous voyez que les interlignes, les ratures, les ren-
vois non approuvés et non paraphés seront réputés non avenus; il y
a nullité non pas totale, mais au moins partielle, d'une déposition irrégu-
lière.
Voilà donc quelques changements qui ne sont pas sans doute d'une bien
haute importance, mais qui présentent cependant un peu de garantie pour
l'observation des formes, dans l'intérêt de la vérité et de la sûreté du prévenu.
Peut-être n'aurais-je point appelé votre attention sur ces différences de dé-
tail, si elles ne se rattachaient à une différence infiniment plus grave qui
tient au système tout entier de la procédure criminelle, soit en l'an IV, sdt
dans le régime actael.
Si, en effet, le Code d'instruction criminelle a entouré de quelques forma-
lités, de quelques garanties de plus, l'audition des témoins devant le jnge
d'instruction, il est bien important de remarquer que ce changement tient à
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DB l'audition DBS TÉMOINS (aRT. 71). 535
ce qae, dans la procédure actaelle, les dépoli lions reçues par le juge dMns-
truction, constatées dans son procès-verbal, jouent un r61e infiniment plus
grave, entraînent des résultats plus sérieux que dans le système de la loi de
IViniy. En effet, dans le système de la loi du 3 brumaire an IV, ces dépositions
que le juge de paix recueillait et constatait n'étaient pas, à proprement parler,
de véritables témoignages; c'étaient de simples indices, de véritables rensei-
gnements destinés à guider Tofficier de police judiciaire dans la direction des
procédures, destinés à lui faciliter la recherche et la réunion de tous les élé-
ments qui pourraient former plus tard la conviction de l'un et de Tautre jury.
Non-seulement ces dépositions reçues et écrites par le juge de paix ne pou-
vaient pas être présentées au jury de jugement chargé de prononcer sur le
sort de l'accusé, elles ne pouvaient pas môme être mises sous les yeux, dans
les mains du jury d'accusation chargé de décider s'il y avait ou non matière
à accusation : ces procès-verbaux ne sortaient pas des mains des officiers de
police, et le jury même d'accusation chargé de décider si le prévenu serait
soumis à Texamen du jury de jugement, le jury d'accusation ne statuait que
sur des dépositions orales. Ce point est de la plus extrême importance. Ainsi,
l'art. 238 du Gode du 3 brumaire, indiquant la mission des jurys d'accusation,
disait : c Après la lecture de cette instruction, le directeur du jury, le com-
missaire du pouvoir exécutif, toujours présent, fait celle de l'accusation et des
pièces y relatives, autres qub les dâglabations des témoins et des interroga-
toires des prévenus. — Les témoins sont ensuite entendus de vive voix, ainsi
que la partie plaignante ou dénonciatrice, si elle est présente. — Gela fait, le
directeur du jury et le commissaire du pouvoir exécutif se retirent, après avoir
remis au juré toutes les pièces, a l'exception des déclarations écrites des
TÉMOINS. >
Ainsi, vous le voyez, en l'an IV non-seulement le jury de jugement, mais
même, ce qui est bien important, le jury d'accusation, ne statuaient sur la mise
en accusation que sur des dépositions verbales, qu'après qu'on avait appelé et
fait entendre devant eux les témoins. Donc les témoignages écrits, reçus par le
juge de paix, n'étaient vraiment que des renseignements et ne pouvaient servir
à déterminer ni la condamnation ni même la mise en accusation du prévenu.
Dès lors on conçoit aisément que le (jode du 3 brumaire n'ait pas entouré de
formalités bien gênantes l'audition de ces témoins et la constatation de leurs
réponses.
Ge système lut changé peu d'années après par l'art. 21 de la loi du 7 pluviôse
an IX : cet article voulut que désormais les jurys d'accusation prononçassent
la mise en accusation non plus sur dépositions verbales, mais bien sur dépo-
'«itions écrites, et que le procès- verbal de l'audition des témoins, dressé par le
Juge de paix d'après les art. 111 et suivants du Code de brumaire, fût remis aux
membres du jury d'accusation pour déterminer leur conviction. Du reste le
jury de jugement ne fut appelé à statuer que sur dépositions verbales.
Ge changement de système commencé par la loi de Tan IK, fut consommé par
le Gode de 1808; le Gode de 1808, en conservant les jurys de jugement supprima
les jurys d'accusation; ce ne fut plus à de simples citoyens, mais bien à des
magistrats que fut confié le soin de prononcer sur la mise en prévention et en
accusation. Les fonctions des anciens jurys d'accusation, fonctions puisées
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536 VINGT-NEUVIÈBIE LEÇON. — DB L'INSTRUCTION ÉCBITB (n» 597),
dans les institutions des jarys de l'Angleterre et de TAmérique, forent oonfiées,
parlie aux tribunaux de première instance, partie aux cours impériales. Nouft
Terrons plus tard, plus en détail, comment ce transport de fonctions s'est opéré;
toujours est-il qu'au lieu de faire statuer, comme en Tan IV, sur la mise en
accusation par des jurés instruits des dépositions verbales, on a con&é la mise
en accusation aune section de la cour impériale qui ne connaît rafifaire que par
les déclarations écrites, à une section de la cour impériale, devant laquelle
ne paraissent ni le plaignant, ni le prévenu» ni les témoins, art. 218, 222
et 223.
Ce changement vous expliquera assez comment, dans la législation actuelle,
ces dépositions de témoins, recueillies par le juge d'instruction, présentent un
caractère d'importance infiniment plus grave, et comment les légères additions,
les légers suppléments de formalités et de garanties ajoutés à la loi debrumaire^
par le Gode d'instruction criminelle, ne correspondent que très-fsiblement à
cette différence énorme opérée .dans l'importance et les résultats de ces pro*
cès-verbaux.
596. Cette idée générale bien saisie, nous n'avons plus guère à nous arrêter
sur cette section très-facile. Je vous ferai seulement remarquer, sur Tart. 80,
les mesures coercltives que le juge d'instruction est autorisé à prendre contre
le témoin qui n'obéit point à la citation. Il est autorisé, sur les conclusions dvk
ministère public, à contraindre par corps le témoin à venir déposer devant lui.
Cette expression de contrainte par corps^ employée par l'article, est un peu
équivoque ; ce n'est pas la contrainte par corps comme on Fentend en matière
civile ; celte contrainte par corps consistera à décerner contre le témoin qui a
désobéi à la citation un mandat d'amener conformément à l'art. 92. Yousver-
res. plus tard quelle est la portée de cette mesure, quand vous connaîtrez ce
que c'est qu*un mandat d'amener.
La pénalité prononcée par l'art. 80, qui est une amende de 100 fr. contre le
témoin qui ne parait pas, est-elle infligée au témoin qui cité, comparaît, mais
refuse de répondre ? L'art. 80 ne paraît pas trancher cette question d'une
manière très-nette ; cependant on ne peut guère douter que l'amende ne doive
être infligée, soit au témoin qui ne comparaît pas, soit au témoin qui ne veut
pas répondre. Cela résulte des premiers mots de cet article : Toute personne
citée pow être entendue en témoignage sera tenue de comparaître et de satisfaire
A XA CITATION. Or, Satisfaire à la citation, ce n'est pas seulement comparaître,,
c'est répondre sur les faits dont on a connaissance, sur lesquels on est inter*
pelle. D'ailleurs, les doutes que le sens de ce texte pourrait laisser sont entiè-
rement levés par l'art. 304 et par sa combinaison avec l'art. 80 qu'il rappelle;
l'art 304 déclare expressément punissable, conformément à l'art. 80, soit le
témoin qui ne comparaît pas, soit celui qui comparait, mais pourvenir dédareE
qu'il ne répondra pas.
697. Les articles suivants sont très-faciles, notamment les articles 83 et 84,
relatifs au pouvoir accordé au juge d'instruction de délégoier soit au juge de
paix de son arrondissement, soit an juge d'instruction d'un arrondissement
voisin, le droit d'entendre les témoins. Les formalités à suivre en pareil cas».
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DBS YlSinS D0MIGUJAIBE8 (aRT. 89)i 537
les notes à adresser au juge intersogateur ne sont qae des formalités d'une in»
telligence et d'un accomplissement très-^iaciles.
608. Les art. 87 et suivants jusqu'à l'art. 90 indiquent rapidement les for-
malités à suivre dans la recherche des écritures ou des pièces de conviction
qui peuvent être importantes à la constatation du crime ou du délit Un des
moyens les plus usuels, les plus nécessaires pour la recherche de ces pièces»
ce sont les visites auxquelles le juge pourra et devra procéder, soit dans le
domicile des prévenus, soit même dans le domicile des tiers.
Vous savez que ce droit de procéder aux visites domiciliaires n'appartient,
en principe, qu'au juge d'instruction ; que le procureur de la République
n'exerce ce droit que par une exception spéciale, dans le cas déterminé par les
art. 32 et suivants', c'estpà*dire que, pour autoriser le procureur de la Répu-
blique ou son substitut à recherdier, à l'aide de ces visites, les pièces dont U
est ici question, il faut tout à la fois qu'il y ait flagrant délit, que le fait soit
un véritable crime, enfin que dans tons les cas ces visites se bornent au do-
micile du prévenu ou de ses complices, et ne s'étendent dans aucun cas an.
domicile des tiers* Toutes ces limites, toutes ces conditions, apposées par la
loi à un droit exceptionnel, sont au contraire inapplicables à l'exercice régu-
lier du même droit, qui entre dans les fonctions régulières et quotidiennes du
juge d'instruction. Ge juge ]^océdera donc à ces recherches, soit qu'il y ait
ou non flagrant délit, soit qu'il s'agisse d'un crime ou même d'un simple dé*
lit, et il y procédera, soit dans le domicile du prévenu, soit dans tous les autres-
lieux où pourraient être cachés, par exemple, les instruments, les produits du
vol, du meurtre, ou toute autre chose, art. 87 et 88.
Seulement nous avons dit que, de même que le procureur de k République
ne pouvait pas, en principe, procéder par lui-même aux visites domiciliaires
qui sont des actes d'instruction et des actes de la nature souvent la plus grave,,
de même réciproquement, le juge d'instruction n'y pouvait pas procéder lui-
même d'office, hors le cas de crime ou de délit tout à fait flagrant. Le juge
d'instruction ne peut procéder à une visite domiciliaire, comme il ne le peut
en général à tous actes d'instruction, que sur conclusions formelles du minis-
tère public. Cependant l'art. 87 parait contraire à cette idée que nous avons
énoncée d'après le texte très-précis de l'art. 61. L'art. 87 autorise le juge
d'instruction à procéder à ces visites, hors le cas même de flagrant délit, dont
nous n'avons plus à parler. Le juge d^instructùm se transportera, s'il en est
requis, dit la loi, bt pourra méub se transporter d'office. On semble ici»
imposer au juge d'instruction l'obligation de faire la visite, s'il y a conclusion*
à cet égard, et aussi lui laisser le droit de la faire sans aucune conclusion du
ministère public. L'apparente difficulté qui résulterait de la combinaison de ce-
texte avec le principe général de l'art. 61. s'évanouit aisément. Le juge d'ins-
truction peut-il, en effet, hors le cas d'un crime flagrant, procéder d'office i
une visite domidliaire? Non, il n'y peut pas plus procéder qu'à tout autre-
acte d'instruction hors le cas de flagrant délit; l'art. 61 lui lie les mains, en
lui permettant seulement de décerner le mandat de dépôt; c'est là l'unique
exception à la règle. Que veut donc dire l'art. 87? Il veut dire ce que nous*
avons déjà dit sur l'art. 61, savoir, que les conclusions du ministère public,.
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538 VINGT-NEUVIÉMB LEÇON. — DE l'INBTRUGTION ÉCRITE (n* 600).
qui doivent généralement précéder tout acte d'instruction ou de poursuite,
doivent s'entendre de conclusions générales afin de procéder à Finstruction et
à la poursuite, et non pas de conclusions spéciales que le ministère public
devrait venir reproduire à chaque acte nouveau. Nous avons dit, sur Tart. 61,
que toute instruction criminelle serait impossible, si Fintervention du minis-
tère public devait se manifester pour chacun des actes, souvent très-nombreux,
dont se compose la contexture d'une instruction criminelle. Ce que veut dire
l'art. 87, c'est que le juge d'instruction devra procéder à une visite domici-
liaire, y procéder, bien entendu, quand il aura été saisi, par des conclusions,
par des réquisitions générales du ministère public, de l'affaire ou de l'ins-
truction dans le cours de laquelle cette visite devient nécessaire. Ainsi il
pourra se transporter d'office, c'est-à-dire sans conclusions spéciales prises
actuellement à l'effet de requérir son transport; mais non pas sans conclu-
sions générales prises antérieurement, à l'effet de requérir de lui qu*il procède
i l'instruction de telle affaire. Le juge d'instruction une fois saisi de l'affaire
à la requête du ministère public, conformément à l'art. 61, pourra d'office,
c'est-à-dire sans de nouvelles conclusions spéciales, se transporter au demi*
elle soit du prévenu, soit des tiers.
599. Remarquez d'ailleurs qu*à raison de la haute importance des actes
dont il est ici question, la loi ne permet point, en principe, au juge d'in^
truction d'autoriser des officiers inférieurs à procéder à ces actes ; elle l'au-
torise seulement, s'il y a des perquisitions à faire hors de son arrondisse-
ment, à requérir le juge d'instruction de l'arrondissement voisin de se
transporter lui-même pour dresser procès- verbal; et cela par la raison fort
«impie que nul juge d'instruction n'est compétent hors de son arrondisse'*
ment.
Quant aux formes à suivre, aux procès- verbaux à dresser, l'art. 89 les
indique par renvoi : c Les dispositions des art. 35, 36, 37, 38 et 39 concernant
la saisie des objets dont la perquisition peut être faite par le procureur de la
République, dans le cas de flagrant délit, sont communes au juge d'instruc-
tion. » Le droit du juge d'instruction est un droit régulier, un droit plus
étendu que celui du procureur de la République, un droit qui s'exerce hors le
cas de flagrant délit, hors le cas de crime, et dans toute l'étendue de son arron*
dissement, mais qui s'exerce d'ailleurs dans les mêmes formes que celui du
procureur de la République.
Passons au chapitre suivant.
CHAPITRE VII
DES MÂlfDATS DE GOMPÀEUTION, DE DÉPÔT, d'AMENEE ET D'AfiRÉT
600. Il s'agit dans ce chapitre de l'arrestation préventive; et je n'ai pas
besoin de vous dire de quelles garanties la loi a dû entourer les actes qui ten-
dent à ce but. L'arrestation préventive frappe, dans bien des points et de bien
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DBS 1CAN0AT8 d'aRRBSTATION (ART. 97). 539
des manières, le prévenu qn'elle atteint : elle le frappe dans sa personne en Ini
ôtant maintenant sa liberté; elle peut le frapper, elle le frappe souvent dans
sa fortune, en l'empêchant de veiller à ses intérêts ; elle le frappe souvent et
d'une manière plus vive encore, dans sa réputation, dans son honneur, en
faisant peser sur lui des soupçons d*une nature fâcheuse, soupçons qa'un ac-
quittement ne purgera pas toujours de la manière la plus complète. Et quand
on remarque que tous ces maux frappent ensemble, que tous ces coups attei-
gnent à la fois un individu qui n'est encore poursuivi que par des soupçons,
un individu contre lequel aucune instruction n'a été faite, aucune condamna-
tion n'a été portée, on arrivera facilement à conclure que les ordres d'arresta-
tion ne doivent être délivrés que dans le cas d'une imminente nécessité; et, de
même, on sentira qu'une fois délivrés, leurs effets ne doivent être prolongés
qu'autant que le réclame l'intérêt de l'action et de la sûreté publique. Ainsi
cette rapidité des poursuites, qui tend à abréger la durée de la détention pré-
ventive, est une nécessité commandée, non-seulement par l'intérêt du prévenu,
par l'humanité, mais aussi par l'intérêt de l'action publique ; plus la détention
préventive sera courte, plus le jugement suivra de près le fait, plus aussi l'é-
clat de la punition, l'éclat du châtiment sera fort^ plus, en un mot, son im-
pression sera vive et durable.
601 . C'est cef tainement dans ces idées que vous verrez la loi graduer et
déterminer l'emploi des diverses sortes de mandats que nous aurons à énumé-
rer dans ce chapitre. Ces mandats sont au nombre de quatre. Mais, avant tout
définissons ce que c'est qu'un mandat.
C'est, en général, un ordre délivré, soit par un officier de police judiciaire,
c'est le cas le plus fréquent, soit même, dans des cas assez rares, par un tri-
bunal tout entier, contre un individu soupçonné plus ou moins gravement
d'un crime ou d'un délit. Cet ordre tend à placer le prévenu tantôt en la pré-
sence, tantôt même sous la garde, sous la main de la justice.
Je dis qu'en général les mandats sont délivrés par des officiers de police
judiciaire, et régulièrement, spécialement par les juges d'instruction. Us le
sont quelquefois, dans des cas tout à fait spéciaux, par les tribunaux eux-
mêmes; vous en trouverez des exemples dans les art. 193 et 214. \
Quelques mandats peuvent aussi être délivrés non pas par le juge d'instruc-
tion, mais par le procureur de la République ; tel est le cas déjà vu de l'art. 40,
qui autorise le procureur de la République à décerner parfois un mandat
•d'amener. Nous verrons même plus tard le procureur de la République auto-
risé formellement, par l'art. 400 et par l'art. 1 de la loi du 20 mai 1863, à dé-
<^erner, dans un cas donné, un mandat d'une nature plus grave, le mandat de
<lépôt. Mais que les mandats soient di'livrés par un tribunal tout entier,
comme dans les art. 193 et 214, ou bien par le ministère public, comme dans
les art. 40 et 100, toujours est-il qu'ils ne le sont ainsi que par exception;
en principe, c'est au juge d'instruction et à lui seul qu'appartient le droit
de décerner les diverses classes de mandats énumérés dans la rubrique de
ce titre.
Ces mandats ont deux buts, vous ai-je dit, de placer l'inculpé tantôt sim-
plement en la présence des juges, tantôt sous leur main, en leor garde. £n
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540 TINOT-NEUYlilCS LBÇON. — IMB l'INSTHUCTIÛN ÉCRITE (n"" 604).
présence du juge» tels sont le mandat de companitîon et celui. d'amener; sou»
la garde de la justice, tels sont les mandats de dépôt et d'arrêt.
602. De ces quatre classes de mandats, il en est trois, la première et le&
deux dernières, que le Gode de 1808 s'est borné à puiser dans le Gode du
3 brumaire an IV qui consacrait ces trois sortes de mandats, mandat de com-
parution, mandat d'amener, mandat d'arrêt ; on les a reproduits à peu prè&
dans les mômes termes et avec les mômes effets. Quant au troisième, le Gode
du 3 brumaire ne l'admettait pas; le nom de mandat de dépôt n'était pro-
noncé ni par ce Gode ni, je crois, par aucun acte de la législation antérieure»
La loi du 7 pluviôse an IX introduisit, pour des cas tout particuliers et pour
des magistrats qu'elle instituait, une quatrième sorte de mandat, sous le nom
de mandat de dépôt.
Gette origine historique du mandat de dépôt est importante à constater,
parce que, comme vous le verrez bientôt en étudiant ce chapitre, et comme
le sentiront surtout ceux d*entre vous qui seront appelés plus tard à la pra-
tique judiciaire du parquet, c*est une des difficultés les plus notables du Gode
d'instruction criminelle que de bien discerner la différence et l'emploi soit du
mandat de dépôt, soit du mandat d'arrêt. Le mandat de dépôt parait, en
général, une superfétation dont on conçoit difficilement le concours avec le
mandat d'arrêt. Nous dirons à cet égard ce que fait la pratique» malheureuse-
ment fort divergente, et ce que peut dire la théorie à ce sujet. Mais, pour
arriver à l'origine, et peut-être à la solution de la difficulté, constatons bien
que dans les législations antérieures de 1791 et de Pan IV on n'admettait que
trois mandats, que le quatrième n'a été introduit qu'après coup, pour des cas
particuliers qu'on a reproduits, peut-être sans assez d'examen, dans notre
Gode.
603. Occupons-nous aujourd'hui de la première classe de mandats entre
lesquels la distinction théorique et pratique est facile : mandat de comparution»
mandat d'amener.
Ges deux mandats, qui diffèrent profondément de ceux qui les suivent, se
distinguent également l'un de l'autre par des caractères assez sensibles.
604. Le mandat de comparution n'est, à proprement parler, qu'une espèce
d'assignation, je dirai presque d'invitation adressée à un inculpé, à l'effet de
de le faire paraître devant le juge instructeur. Ge mandat délivré et signifié à
la personne qu'il appelle ne lui impose aucune contrainte physique, aucune
obligation légale; il lui impose l'obligation toute morale de paraître devant le
juge d'instruction pour venir y répondre sur les faits qui lui sont imputés,,
pour venir se disculper des soupçons qui pèsent sur lui.
Du reste, non-seulement l'agent, l'officier porteur de ce mandat n'a pas-
qualité pour employer la force, mais il ne peut,* en cas de refus de la personne
appelée, exercer sur elle aucune contrainte, aucune force coercitive. Ainsi, la.
comparution est facultative de la part de la personne à laquelle est adressé ce
mandat, en ce sens au moins que sa désobéissance ou son refus de comparaî-
tre n'entraînera pas, contre elle, immédiatement et de prime abord, l'emplo»
des mesures coercitives que nécessiteraient les antres mandats.
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DES MANDATS d'aAHBSTATION (aRT. 97). 541
605. Autre chose est donc le mandat de comparution, antre chose est le
mandat d'amener. L'officier porteur du mandat d'amener ne se présente pas
sans doute entouré de la force publique destinée à contraindre le prévenu ;
mais, si le prévenu auquel il adresse et signifie ce mandat refuse d'y obtem-
pérer, refuse de se rendre à Tinstant môme devant le juge qui Ta décerné, ou
bien si, ayant déclaré qu'il est prêt à obéir, il cherche à s'évader, à se sous-
traire à Teiécution du mandat, alors l'officier qui en est porteur, l'officier qui
le lui a signifié peut et doit requérir l'emploi de la force publique pour exécu-
ter le mandat. Sous ce rapport le mandat d'amener^ bien différent de celui de
comparution, renferme en lui-même une puissance coercitive, un appel à la
force publique, qui se produira non pas de prime abord, mais seulement sur
le refus ou la tentative d'évasion du prévenu^ art. 99, § 1 ; et le § 2 ajoute que
dans le mandat d'amener sera contenue la réquisition à la force publique qui
sera tenue de marcher.
606. De cette distinction entre les deux mandats de comparution et d'ame-
ner, il suit que l'emploi de l'un ou de l'autre, que le choix entre les deux n'est
pas une affaire indifférente ; que le mandat de comparution, s'exercant avec
moins d'éclat, s'isolant tout à fait de tout emploi, de tout appareil et même de
toute menace de la force publique, doit être préféré toutes les fois que ni la
position du prévenu ni la nature du fait imputé ne donnent lieu à des craintes
raisonnables d'un refus d'obtempérer on d'une tentative d'évasion. Ainsi, si
les antécédents, les habitudes, la position du prévenu, sont honorables, si sur-
tout, car ce n'est pas là non plus une affaire de personnes, si surtout le fait
dont il est prévenu est d'une nature peu grave, si c'est un fait simplement cor-
rectionnel, il serait ordinairement prudent et convenable de ne décerner
contre lui qu'un simple mandat de comparution. Cependant, comme c'est là
une appréciation de faits, de détails, de circonstances, la loi n'adresse à cet
égard aucune injonction, aucun ordre au juge d'instruction, elle s'adresse à
sa prudenoe, à sa conscience, et ne lui impose pas l'ordre; l'art. 91 est bien
clair à cet égard. On y décide qu'il sera libre au juge d'instruction de ne dé-
cerner qu'un mandatée comparution lorsque Je prévenu sera domicilié, et que
le fait de prévention ne sera qu'un simple délit. Mais notez bien que ces deux
circonstances doivent concourir, attendu que, si l'une des deux manquait, si le
prévenu était sans domicile, quoique la prévention fiU d'un simple délit, ou
réciproquement, si la prévention était d'un crime quoique le prévenu fût do-
micilié, alors le juge d'instruction devrait nécessairement recourir au mandat
d'amener, de préférence au mandat de comparution. Les deux circonstances
concourant, il lui est, non pas commandé, mais permis de ne décerner contre
le prévenu qu^un simple mandat de comparution.
La loi ajoute que, même dans le cas de concours des deux circonstances que
je viens d'indiquer, ai cependant, sur un premier mandat de comparution, le
prévenu a refusé ou négligé d'obéir, alors le juge devra décerner contre
lui un mandat d'amener; que, de même, toutes les fois que le fait sera
de nature à entraîner une peine afflictive ou infamante, il y aura nécessité
d'employer le mandat d'amener; c'est ce qui résulte déjà du premier para-
graphe.
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542 VINGT*NBUVlàlfB LBÇON. — DB L'INSTRUCTION ÉCRITB (n* 607).
Tel eet Tensemble de Part. 91.
Mais les tennes de cet article ont été modifiés par la loi du 14 juillet 1865 :
« Abt. 9t. En matière criminelle oa correctionnelle, le juge d'instruction pourra
ne décerner qu'un mandat de comparution, sauf à convertir ce mandat, après
l'interrogatoire, en tel autre mandat qu'il appartiendra, tii l'inculpé fait défaut le
juge d'instruction décernera contre lui un mandat d'amener. »
Il résulte de ce nouveau texte que le juge d'instruction a désormais la
faculté de ne décerner qu'un mandat de comparution en toute matière, en
matière criminelle aussi bien qu'en matière correctionnelle, et quelles que
soient les peines^ afflictives ou infamantes ou correctionnelles, dont les faits
incriminés sont passibles. C'est là une innovation importante ; elle aurait plus
d'importance encore si le choix du mandat, même en matière correctionnelle,
n'était pas laissé à l'option du juge. C'est une simple faculté qui est ouverte à
ce magistrat : les inculpés, même de simples délits, n'y ont aucun droit formel.
607. Quant aux effets du mandat de comparution et du mandat d'amener,
décernés sous les distinctions qui précèdent, l'art. 93 les indique, et quant au
second surtout, il est bon de s'y arrêter.
L'effet du mandat de comparution est d'arriver à la comparution libre, vo-
lontaire, facultative de la pari de celui contre lequel ce mandat a été déUvré.
Facultative en ce sens, je le répète, qu'il n'y a pas immédiatement et direc-
tement possibilité de le contraindre au moyen de la force publique, sauf,
en cas de refus, à décerner un deuxième mandat qui sera alors un mandat
d'amener.
Mais, en cas de mandat de comparution, la présence du prévenu qui obtem-
père au mandat étant tout à fait volontaire, il est clair que le juge ne pourrait
pas, à l'instant où il se présente, ordonner sa détention, sans aucun indice
nouveau, et, par exemple, sans aucun interrogatoire. L'acte d'obéissance du
prévenu au mandat de comparution est un indice, est une présomption de
plus en faveur de son innocence, il ne peut donc pas entraîner contre lui la
perte même temporaire de sa liberté; son effet est donc de le mettre, non pas
sous la garde, mais en présence de la justice, pour y répondre de ses faits.
Et c'est bien là le but de la loi quand elle décide, dans l'art. 93, que sur un
mandat de comparution le prévenu qui parait devra être interrogé de suite,
c'est-i-dire qu'on n'aura pas le droit de le garder prisonnier sans l'avoir inter-
rogé; après l'interrogatoire, l'art. 94 pourra, selon les cas, s'appliquer.
Quant au mandat d'amener, son effet est encore plus important à noter.
Nous avons vu, dans l'art. 99, en quel sens l'obligation de comparaître pou-
vait être garantie par des mesures coercitives. Le prévenu contre lequel le
mandat d'amener a été décerné, nous verrons plus tard dans quelle forme, a,
je le suppose, comparu soit volontairement, soit, sur son refus, avec le secours
de la force publique, art. 99 ; cette comparution ou volontaire ou forcée auto-
rise-t-elle à exercer sur lui, en vertu du mandat d'amener, une violence, une
captivité, une détention, soit indéfinie, soit au moins temporaire f L'art. ^
répond en partie à la question; il est clair que, si on peut le retenir même
malgré lui quand il a obtempéré au mandat d'amener, cela peut se prolonger
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DBS MANDATS d'aRRESTATION (ART. 91). 543
au delà de vingt*qoatre heures. Mais, même dans cee vingt-quatre heures,
pendant lesquelles on peut certainement le retenir et le contraindre, quelle
est précisément, quelle est exactement la position de l'inculpé? le déposera-
t-on dans la maison d'arrôt où doit être déposé tout prévenu frappé d*un
mandat de dépôt, et surtout d'un mandat d*arrêt? Non, le droit de tenir,
pendant vingt-quatre heures, à la disposition du juge, la personne frappée
d'un mandat d'amener n'entraîne pas le droit de la renfermer dans la maison
d'arrêt. La loi du ^8 germinal an VI, sur le service de la gendarmerie, indi-
que, dans l'art. 168, dans quelle forme les gendarmes exécuteront ce mandat,
elle défend expressément d'enfermer le prévenu sous le poids d'un simple
mandat d'amener dans la maison d'arrêt de l'arrondissement; il doit être tenu
à la disposition de la justice et sous la garde de la force publique, non pas
dans une prison ou maison d'arrêt, mais dans la maison commune ou dans le
palais de justice.
A part cette loi déjà ancienne, vous trouvez un texte bien plus récent dans
le Gode d'instruction criminelle, l'art. 609, et ce texte est très-précis, il est
ainsi conçu : c Nul gardien ne pourra, à peine d'être poursuivi et puni comme
coupable de détention arbitraire, recevoir ni retenir aucune personne qu'en
vertu soit d'un mandat de dépôt, soit d'un mandat d'arrêt décerné selon les
formes prescrites par la loi, soit d'un arrêt de renvoi devant une cour d'assises,
d'un décret d'accusation ou d'un arrêt ou jugement de condamnation à une
peine afflictive ou à un emprisonnement, et sans que la transcription en ait
été faite sur son registre, i Or, le mandat d'amener n'est pas mentionné, dans
l'art. 609, au nombre des actes sur le vu desquels le gardien de la maison
peut recevoir un prévenu; il s'ensuit qu'aucun dépôt dans la maison d'arrêt
ne peut être légalement pratiqué en vertu d'un simple mandat d'amener, en
d'autres termes, que la disposition de l'art. 168 de la loi de l'an Yl, sur la
gerdarmerie, est très-clairement confirmée par l'art. 609 de notre Gode.
TRENTIÈME LEÇON.
608. Nous avons commencé à traiter du droit d'arrestation et du fonction-
naire auquel ce droit est principalement confié : c'est, avons-nous dit, le juge
d'instruction. Parmi les mandats que le Gode énumère, nous avons distingué
deux classes bien faciles à séparer l'une de l'autre, savoir ceux qui ont pour
objet de mettre le prévenu en présence de la justice, à laquelle il doit répon-
dre ; et ceux qui ont pour objet de le placer sous la garde de la justice, en
état d'arrestation proprement dite. A la première classe se rattachent les
mandats de comparution et d'amener. Nous avons vu dans quels cas la loi
laissait à la prudence du juge le choix entre ces deux mandats, dans quels
cas, au contraire, elle l'obligeait à décerner le mandat d'amener. Sans rentrer
dans ces détails, je me borne à vous rappeler que le mandat d'amener, quoi-
que emportant avec lui la force coercitive, art. 99, n'autorise cependant pas à
déposer le prévenu dans une maison d'arrêt, art. 609. En un mot, le mandat
de comparution n'est qu'une sorte d'appel, d'assignation à se présenter devant
le juge; le mandat d'amener est un appel à l'appui et pour l'exécution duquel
la force publique peut être invoquée, sans qu'elle doive l'être toujours.
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544 TRSNTIÈKB LEÇON. — DE l'iNSTRUGTION ÉCRITS (n* 610).
609. 61 maintenant, passant à la seconde classe de mandats, et aussi à la
plus importante, nous nous attachions à Tordre que je vous ai indiqué, d'après
l'art. 95, nous devrions, à Tezamen des mandats de comparution et d'amener,
faire succéder celui du mandat de dépôt. Cependant la loi, après s'être occu-
pée, dans les trois premiers articles de ce chapitre, des deux premiers mandats,
passe immédiatement, dans Tart. 94, au quatrième mandat, je veux dire au
mandat d*arrôt; non-seulement elle n'indique point, en troisième ordre, l'usage
et les formes du mandat de dépôt, mais, dans aucune des dispositions de ce
chapitre, dans aucune des dispositions du Gode, elle ne s'occupe, d'une ma-
nière nette^ spéciale, positive, de l'emploi du mandat de dépôt. De là nait,
sur l'utilité de ce mandat^ une incertitude assez grave, et qui produit fréquem-
ment dans la pratique des résultats fâcheux que nous signalerons tout à
l'heure. Laissons donc, pour le moment, de côté le mandat de dépôt dont la
loi ne s'occupe qu'accidentellement, que transi toirement ; suivons l'ordre du
texte en ce qui touche le mandat d*arrét, et voyons en quelle forme, à quel
effet il est décerné.
610. L'art. 94, pour autoriser le juge d'instruction à décerner un mandat
d'arrêt, suppose, commande le concours de trois conditions : i» interrogatoire
du prévenu par le juge d'instruction ; 2o conclusions du ministère public ;
d<* enfin, fait de nature à entraîner, soit une peine aMictive ou infamante,
soit air moins un emprisonnement. Telles sont les trois conditions que vous
trouvez indiquées dans l'art. 94 comme essentielles, pour autoriser le juge
d'instruction k décerner un mandat d'arrêt, fit ces trois conditions concou-
rant, la loi ne commande pas, mais permet au juge d'instruction de décerner
ce mandat.
Yoici le texte de cet article avec les modifications que lui ont apportées)
d'abord la loi du 4 avril 1855, ensuite celle du 14 juillet 1865 :
« Art. 94. Après rinterrogatoire, mi en cas de fuite de l'inculpé, le juge pourra
décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt, si le fait emporte la peine de Temprl-
sônnement ou une autre peine plus grave. — Il ne pourra décerner le mandat
d'arrêt qu'après avoir entendu le procureur de la République. — Dans le cours de
l'instruction, il pourra, sur les conclusions conformes du procureur de la Répu-
blique, et quelle que soit la nature de l'inculpation, donner mainlevée de tout
mandat de dépôt ou d'arrêt, à la charge par l'inculpé de se représenter à tous
les actes de la procédure, et pour l'exécution du jugement, aussitôt qu'il en sera
•requis. -^ L'ordonnance de mainlevée ne pourra être attaquée par voie d'oppo*
aition. ?
Occupons-nous d'abord du mandat d'arrêt. La loi a maintenu les trois con-
ditions qu'il doit réunir.
Quel est le motif de ces trois conditions ? fl importe de le bien peser, afin
de comprendre la préfér^ce que nous auroqs à établir entre le mandat d'arrêt
et le mandat de dépôt.
Le mandat d'amener aura nécessairement, pour le prévenu qu'il ira frapper,
des conséquences d'une nature assez grave; il entraînera la conduite, le
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BU MANDATS d'arresta^xion (art* 94). 545
dépôt du prévenu en une maison d'arrêt où sa détention se prolongera presque
toujours assez longtemps; le mandat d'arrêt continuera de frapper le prévenu,
de le priver de sa liberté, jusqu'à oe que l'instruction soit terminée, con-
formément aux art. 127 et 128. Aussi, précisément à raison de la gravité
des conséquences^ de l'importance des effets de ce mandat, la loi vent
que la gravité du fiiit, l'importaoce de Tinculpation, à raison de laquelle il est
décerné, réponde à la gravité, à Fimportance des effets du mandat ainsi dé-
cerné. Aussi faut-il 1* que le fait soit ou un véritable crime ou au moins un
délit de nature à entraîner emprisonnement. S'il s'agissait d'une contraven-
ikm, ou même d'un délit punissable d'une amende, quelque tievé qu'en fût
ie taux, il serait impossible de décerner un mandat d'arrêt. V Toujours à
raison de cette idée, à raison de la gravité des conséquences du mandat
d'arrèty la loi veut que l'inculpation, sans être encore prouvée, sans être
encore parfaitement établie, présente cependant un caractère de véracité qui
rende nécessaire l'emploi de cette mesure. Aussi veut*elle qu'au préalable le
prévenu, ait été entendu, c'est-à-dire qu'il ait été à même d'établir par ses
réponses, la fausseté de Tinculpation à raison de laquelle il est arrêté. 3<* Elle
vent encore que le ministère public ait conclu, c'est-à-dire qu'une garantie de
plua soit venue se présenter pour établir, s'il y a lieu, le peu de fondement
de rinculpation, qu'une garantie de plus soit venue s'ajouter à l'examen du
juge dlnstruction pour éviter autant que possible des méprises sur Tindividu
poursuivi ou sur une question d'identité.
Tels sont les motifs qui font exiger Tinterrogatoire du prévenu et les conclu-
sions du ministère public. L'emploi de ces formalités établit une analogie sen-
sible entre ce mandat et un jugement. Ce mandat n'est décerné qu'après
examen, interrogatoire, c'est-'à-dire qu'après une sorte de défense du prévenu;
il n'est décerné qu'après les conclusions du ministère public; il y a un rapport
sensible entre un jugement proprement dit et cette sorte de jugement provi-
soire, de jugement d'instruction que renferme ce mandai, dette analogie
devient plus sensible encore, lorsqu'on jette les yeux sur l'art. 96, où vous
voyez ^e, outre les formalités matérielles, extrinsèques, que doit contenir le
mandat d'arrêt etque nous verrons tout à l'heure, outre les formalités qui lui
sont communes avec tous les mandats, il doit contenir de plus l'indication pré-
cise du lait de la prévention et la citation de la loi qui déclare que ce £ût est
an crime ou un délit*
Ainsi, outre les trois précautions exigées pour décerner ce mandat dans
l'art. 94, comme autant de garanties en faveur du prévenu, comme servant &
établir qu'une détention assez longue ne lui soit pas infligée à la légère, la loi
veut encore que ce mandat soit motivé, motivé en fait par l'indication du fait,
de la prévention; motivé en droit par la citation précise de la loi qu'on
prétttoid y appliquer. Bncore sous ce rapport, une analogie sensible rapproche
le mandat d'arrêt de la solennité d'un jugement ; le mandat, jugement pro-
visoire, jugement d'instruction, doit être motivé comme l'est un jugement
<lôfinitif, un jugement de condamnation. Bous ce rapport certainement on
ne peut qu'applaudir à la sagesse de la loi, en reconnaissant de combien de
garanties, de combien de précautions elle a entouré l'emploi d'une mesure, qui,
•dans ses résultats, peut être désastreuse pour celui qu'elle atteint mal à propos.
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546 TRKNTIÈMB LEÇON. — DB l'iNSTRUCTION ÉCRITE (n* 612).
61 1 . Au contraire, pour le mandat de dépôt, nous ne trouvons dans les textes
aucune de ces garanties; le mandat de dépôt ne doit être motivé ni en fait ni
en droit; le mandat de dépôt ne contient ni l'indication des actes imputés au
prévenu, ni l'indication des lois qu'on entend invoquer contre lui. La preuve
en est dans Tart. 96, qui, pariant des formalités communes à tous les mandats,
ajoute qu'outre ces formalités, le mandat d'arrôt contiendra les motifs de faic
et de droit. Si c'est spécialement le mandat d'arrôt qui doit contenir les motifs,
c'est qu'assurément tout autre mandat, et par conséquent le mandat de dépôt
ne les renferme pas.
Ainsi, première différence dans les formalités, le mandat de dépôt peut être
décerné sans contenir ni les raisons de fait, ni les raisons de droit qui portent
le magistrat à le décerner.
Secondement, le mandat d'arrêt, d'après l'art. 94, ne peut être rendu que
sur les conclusions du ministère public; rien de semblable dans le mandat de
dépôt; vous avez vu, au contraire, dans l'art. 61, que le juge d'instruction est
autorisé à décerner un mandat de dépôt d'of&ce et sans aucunes conclusions
préalables.
Vous ne voyez pas davantage, dans tous les textes du Gode, que le mandat
de dépôt suppose, comme préliminaire indispensable, l'interrogatoire préalable
du prévenu.
Ainsi, en résumé, le mandat de dépôt pourra être décerné, à la différence
du mandat d'arrêt : l» d'office et sans conclusions du ministère public;
2<^ sans interrogatoire préalable du prévenu, sans qu'on Tait mis à même de
faire valoir ses moyens de défense ; 3<* enfin sans Indication ni de moti£s de
fait, ni de motife de droit, différence qui résulte très-clairement des art. 61,
94 et 96 combinés. Vous le voyez, les différences de formalités, l'inégalité de
garanties, sont on ne peut plus sensibles dans le rapprochement de ces deux
mandats.
£t cependant la loi tend à les confondre ou plutôt à substituer de plus en
plus le mandat de dépôt au mandat d'arrêt. Le nouveau texte de l'art. 94 sup-
pose d'abord que le mandat de dépôt n'est en général décerné qu'après l'inter-
rogatoire de l'inculpé, comme le mandat d'arrêt. H confère ensuite au juge
d'instruction le pouvoir de donner mainlevée, non plus seulement du mandat
de dépôt, comme l'avait prescrit la loi du 4 avril 1855, mais aussi du mandat
d'arrêt. Il lui confère ce pouvoir, quelle que soit la nature de l'inculpation,
qu'elle ait le caractère d'un délit ou d'un crime. Ainsi les deux mandats ont
la même fonction et les mêmes effets, et les motifs que nous allons indiquer
et qui expliqueraient la délivrance du mandat de dépôt, n'ont plus la même
autorité.
612. Vous sentez que ce rapprochement ne tranche en aucune façon la
question que nous avons posée, de savoir dans quels cas et à quelles fins le
mandat de dépôt pourra être décerné. Aussi, cette question, assez douteuse,
à raison du silence de la loi, reçoit-elle, dans la pratique, des solutions fort
différentes.
Dans certains tribunaux, le mandat de dépôt est à peu près sans usage ; on
décerne les mandats de comparution ou d'amener pour faire venir le prévenu
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DBS MANDATS d'aRRBSTATION (aET. 94). 547
en présence da jage qui vent l'intenoger. Après Tinterrogatoire, et sur les
conclusions du ministère public, on convertit, e'ii y a lien, le mandat d'ame-
ner en mandat d'arrêt, conformément à Tart. 94. Cette marche est sage, elle
est raisonnable, elle donne au prévenu, soit dans le fond, soit dans la forme,
toutes les garanties que les art. 94 et 96 ont entendu donner en le frappant
d'un mandat d'arrêt.
Dans d'autres tribunaux, au contraire, l'usage du mandat d'arrêt est extrê-
mement rare, et presque toujours le mandat de comparution ou d*amener est
converti en mandat de dépôt ; c'est-à-dire que la détention de vingt-quatre
heures, que le mandat d'amener autorisait, se convertit en détention indéfinie
à l'aide d'un mandat de dépôt, et sans emploi d*un mandat d'arrêt. A l'aide
d'un mandat de dépôt, c'est-à-dire sans que le magistrat qui ordonne cette
détention se soit cru autorisé d'interroger, au préalable, le prévenu contre
lequel il décerne le mandat; c'est-à-dire sans que le magistrat qui décerne ce
mandat se soit cru obligé de requérir, de demander, au préalable, les conclu-
sions du procureur de la République ; c'est-à-dire, enfin, sans qu'en décernant
ce mandat on prenne la peine de le motiver, conformément à l'art. 96, c'est-
à-dire d'indiquer le fait, d'indiquer la loi, attendu que cette indication n'est
exigée que dans le mandat d'arrêt.
Nous verrons tout à l'heure quel peut être le véritable emploi du mandat de
dépôt; mais il est clair que, si l'emploi que j'indique était exact, si l'on pou-
vait indifiéremment convertir un mandat d'amener, soit en mandat d'arrêt,
soit en mandat de dépôt, il n'y aurait rien de plus inutile, rien de plus déri-
soire que les art. 94 et 96. En effet, ces articles énumèrent, avec des détails
certainement fort sages, de quelles formalités, de quelles garanties doit être
environné, soit au -fond, soit en la forme, l'emploi du mandat d'arrêt. Le motif
de ces précautions est sensible, je l'ai indiqué tout à l'heure. Mais il est clair
que, s'il dépend du juge dlnstruction de choisir, dans tous les cas, entre le
mandat d'arrêt et le mandat de dépôt» toutes ces garanties disparaissent; et ce
sera assurément de la part du législateur une marche bien ridicule que d'avoir
astreint le mandat d'arrêt à une foule de garanties, en Tabsence desquelles il
serait nul, s'il permet d'employer à la place avec la même puissance et le
même résultat, le mandat de dépôt qui ne présente aucune de ces garanties.
Ce sera une chose bien étrange que de déclarer nui un mandat d'arrêt décerné
j^ans conclusions, sans interrogatoire préalable, ou rédigé sans motifs, si Ton
peut, avec un mandat de dépôt dispensé de toutes ces formalités, arriver au
môme résultat, frapper le prévenu d'une détention indéfinie. Aussi laut-il
reconnaître que, partout où un pareil usage s'est introduit, cet usage est un
abus manifeste, une violation patente de l'esprit, sinon encore du texte de la
loi. Voyons sur quoi il peut s'appuyer, nous chercherons à le combattre plas
directement.
Cet usage consiste, pour bien résumer la chose à confondre comme indiffé-
rents le mandat de dépôt et le mandat d'arrêt, à croire que le mandat de dé-
pôt, dégagé de toutes les formalités, de toutes les conditions précédentes,
peut et doit produire, dans la pratique, les mêmes effets quô le mandat d'arrêt*^
Et cet usage a pour base le silence de la loi sur l'emploi du mandat de dépôt,
et aussi quelques articles dans lesquels elle fait marcher de front le manda\i
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548 TKENTiâlCB LEÇON. -'- DB L'INSTRUCTION ÉGRITB (n® 612).
de dépôt et le mandat d'arrêt ; tels sont notamment les art. 108 et ilO de ce
chapitre. Bn nn mot, comme la 1(m n'a pas pris soin d'indiquer dans quels cas
le mandat de dépôt serait employé, on en conclut qu'il peut être employé
comme le serait le mandat d'anrôt ; sans quoi, dit*on, le mandat de dépôt est
absolument inutile. £n effet, les mandats de comparution e^ d'amener suffi-
sent pour mettre le prévenu en présence de la justice qui doit l'interroger ; le
mandat d'arrêt suffit pour retenir le prévenu sous la main de la justice dans
une maison d'arrêt, jusqu'à ce que le juge d'instruction ait statué sur les
i^ultats de Tinstruction. Or, dit-on, le mandat de dépôt est absolument inutile
si on ne l'emploie pas indifféremment^ indistinctement et dans les mêmes cas
que le mandat d'arrêt ; de là la confusion. Mais il est dair qu'à cette objection
Û y a une réponse de la plus grande simplicité : si, pour tirer parti du mandat
de dépôt, si, pour donner nn sens à ce mandat, vous êtes forcé de l'employer
dans les mêmes cas que le mandat d'arrêt, le mandat d'arrêt ne sert plus à
rien ; de même que l'objection consiste à dire que le mandat de dépôt ne ser-
vira plus à rien, de même la réponse serait de dire que, dans le système
adopté, le mandat d'arrêt ne serait plus utile. Il est clair que, si ces deux
mandats ont une destination pareille, un résultat identique, nn des deux est
inutile, et que leurs formalités étant différentes, leurs conditions inégales,
eette inutilité accuserait le vice le plus singulier, un vice inexplicable dans la
loi. Aussi faut-il, je crois, reconnaître, soit d'après l'ensemble des articles du
Cîode, soit d'après les détails de la législation antérieure, que cette confusion,
cette égalité mise entre les deux mandats n'est ni dans l'esprit ni dans le texte
de. la loi. Constatons bien que dans les premiers articles du Cîode, dans ceux
qui tendent à organiser tout le système, à en présenter l'idée générale, il n'est
pas question du mandat de dépôt. Gomment appellera-t-on le prévenu devant
son juge? Soit par un mandat de comparution qui est tout à fait^olontaire,
soit par un mandat d'amener dont l'exécution peut être forcée. Le prévenu
ayant pu et ayant dû être interrogé, comment convertira-t-on, s'il y a lieu, cet
état provisoire en détention prolongée T Par un mandat d'arrêt, il ne faut pas
hésiter à répondre. En effet, les art. 71, %l et 93 s'occupent des deux premiers
mandats; Fart. 94 suppose que le mandat d'amener sera remplacé, non pas
par un mandat de dépôt, mais bien par un mandat d'arrêt, et il prend soin
d'en déterminer les formes.
D'ailleurs, à part cette première remarque, qui tendrait à vous avertir déjà
que l'emploi du mandat de dépôt ne peut être que rare, accidentel, excep-
tilonael, à part celte première remarque, tirée de la lecture même de nos aix
premiers articles, il en est une autre bien simple : le nom même du mandat
de dépôt emporte clairement avec lui l'idée d'une mesure temporaire, provi-
aoiM, accidentelle, l'idée d'une mesure bien moins longue dans ses effets,
bien différente dans sa nature, de celle qu'emporte avec lui le nom de man-
dat d'arrêt. Le mandat d'arrêt indique assurément, par la force même de son
nem, une détention bien plus durable, bien plus prolongée, bien plus défini-
tive que le mandat de dépôt, qui renferme avec lui l'idée du provisoire s'il ea
fat jamais.
Ajotttei à ces remarques l'art. 61, qui, tout en défendant au juge d'instruc-
tion de jamais rien faire d'office dans le cas de flagrant délit, lui permet
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I>BS MANBAT8 d'aRRXSTATION (aBT. 94). 549
cependant de décerner d*ofioe le mandat de dépôt, s'il y a lieu; s'il y a Ueu,
c'est-à-dire en cas d'urgence, en cas de nécessité, c'est-à-dire dans les cas
rares où il est impossible d'obtenir, quant à présent, les conclusions du mi-
nistère public.
Ainsi, le €k>de seul suffirait à démontrer, soit par le nom de mandat de dé-
pôt, soit par la disposition d'exception de l'art. 61, qu'en principe c'est pur le
mandat d'arrêt que la détention doit être i^ononcée; que l'emploi du mandat
de dépôt n'est qu'un fait rare, un fait exceptionnel, un fait contraire à la na-
ture môme des pouvoirs du juge d'instruction, qui, en général, ne doit faite
d'office aucun acte d'instruction.
Sans doute ces premières données ne suffisent pas pour vous indiquer au
juste l'emploi précis du mandat de dépôt; mais ellea suffisent pleinement pour
vous faire pressentir la nature de cet emploi, et surtout pour démontrer •com-
bien on abuse de ce mandat, quand on en fait un moyen journalier, un moyen
perpétuel qui rend le mandat d'arrôt inutile, inapplicable.
Maintenant, pour aborder plus directement la question, pour voir ce que
c'est enfin qu'un mandat de dépôt, et dans quels cas il peut être employé,il faut
remonter un peu en avant du Gode. Rappelez- vous que dans les Godes de 1791
et de l'an lY le nom de mandat de dépôt était absolument inconnu : c'est une
remarque par laquelle j'ai conmiencé, dans la dernière leçon, l'explication du
présent chapitre. En parcourant, dans le Gode du 3 brumaire, les dispositions
analogues à celles qui nous occupent maintenant, vous y verrez que ce Gode
n'admettait, ne reconnaissait que trois mandats : mandat de comparution,
mandat d'amener, mandat d'arrôt. Ges trois mandats, dont la distinction, les
formes, l'emploi, étaient à peu près identiques avec ce qu'ils sont maintenant,
avaient paru suffire à toute la procédure préparatoire jusqu'à la décision du
jury d'accusation.
Gependant une loi postérieure, du 7 pluviôse an IX, en créant les magistrats
de sûreté officiers du ministère public, vint ajouter à ces trois mandats, les
seuls alors connus, le mandat de dépôt, jusqu'alors sans aucun emploi : ce
mandat de dépôt, la loi du 7 pluviôse ne le substitua pas au mandat d'arrêt ;
elle n'autorisa pas à employer, dans les cas pour lesquels était fait le mandat
d'arrêt, ce mandat de dépôt dont la rédaction, dont les formes présentaient
des garanties bien moindres. Mais elle voulidt que, quand un prévenu serait
traduit devant le magistrat de sûreté officier du ministère public, quand le
directeur du jury chargé de l'instruction serait absent, quand il n'y aurait
pas possibilité de remplir immédiatement les formes sans lesquelles aucun
mandat d'arrêt n'était possible, le prévenu restât provisoirement sous le poids
d'un mandat de dépôt décerné contre lui par ce magistrat de sûreté, art. 7 ;
elle voulait que, dans les vingt-quatre heures, le magistrat de sûreté donnât
avis au directeur du jury de l'arrestation et du mandat, afin que celui-ci pût
procéder de suite à l'interrogatoire du prévenu, et en vertu de cet interroga-
toire décerner, s'il y avait heu, le mandat d'arrêt. En un mot, le mandat de
dépôt, introduit par la loi du 7 pluviôse an IX, ajouté par elle aux trois man-
dats déjà connus, était une mesure provisoire, accidentelle, autorisée dans
quelques cas rares, pour régulariser la position d'un prévenu qu'on ne pouvait
pas mettre immédiatement en liberté, et contre lequel on ne pouvait pourtant
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550 TRBNTIÉME LEÇON. — DE L*INSTRUGTION ÉCRITE (n* 612).
pas remplir, & l'instant même, les formalités voulnes pour décerner le mandat
d*arrét. De là Pobligation imposée an magistrat de sûreté qni décernait le
mandat de dépôt, d'en avertir, dans les vingt-quatre heures, l'officier chargé
d'interroger le prévenu, à Peffet de rentrer, le plus tôt possible, dans la règle
dont on était sorti.
Tel fut le mandat de dépôt à son origine, dans la loi du 7 pluviôse an IX ;
tel il fut encore, et ceci est bon à remarquer, dans les art. 537, 538, 582 et
quelques autres du projet de Code criminel qui a seul servi de base à celui
que nous étudions. Là on distinguait les magistrats de sûreté et les propré-
teurs auxquels on avait confié les fonctions de juges instructeurs ; les noms
ont disparu, mais la chose est restée ; dans Tart. 537 de ce projet de Gode on
autorisait, comme dans la loi de Tan IX, le magistrat de sûreté à décerner
provisoirement le mandat de dépôt, à charge d'avis dans les vingt-quatre
heures, art. 582. Gertainemeat aujourd'hui, et sous l'empire du Gode d'ins-
truction criminelle, nous ne pouvons plus appliquer, à la lettre et complète-
ment, les dispositions de la loi de Tan IX. Pourquoi cela? G'est que dans la
loi de l'an IX le mandat de dépôt était décerné, en cas d'urgence, par le ma-
gistrat de sûreté officier du ministère public; or, aujourd'hui les procureurs de
la République et leurs substituts, les officiers du ministère public ne paraissent
pas autorisés à décerner le mandat de dépôt, même en cas d'urgence; l'art. 100
est peut-être le seul où le droit de décerner un mandat de dépôt appartienne
au procureur de la République. Mais ce changement dans les personnes, dans
la qualité des fonctionnaires qui peuvent décerner ce mandat, n'entraîne
aucun changement dans la définition et dans la nature du mandat, et ce man-
dat de dépôt, que le Gode n'a pas défini, dont le Gode a reproduit le nom sans
en déterminer précisément l'emploi, reste par là même, relativement aux cas
dans lesquels il peut être employé, soumis à l'empire des lois antérieures. Le
mandat de dépôt doit encore être employé aujourd'hui dans les cas et dans les
formes où il a dû l'être à son origine. G^est le seul moyen d*en faire usage,
sans en mettre l'emploi en contradiction formelle avec la définition et l'utilité
du mandat d'arrêt.
En résumé, le juge d'instruction pourra sans doute aujourd'hui décerner
des mandats de dépôt dans les mêmes cas où les magistrats de sûreté pou-
vaient les décerner autrefois. G'est-à-dire que si, par exemple, un prévenu
est amené devant le juge d'instruction, si le procureur de la République est
absent, empêché, malade, en congé, opérant loin du tribunal, dans ce cas il
est impossible de décerner un mandat d'arrêt ; car le mandat d'arrêt exige
impérieusement les conclusions dû procureur de la République. Il est égale-
ment impossible de décerner un mandat d'amener, car on ne peut raisonna-
blement décerner un mandat d'amener contre un prévenu qui est là présent
et devant le juge. Que faire alors ? Décerner un mandat de dépôt, sans con-
clusions préalables, parce que le ministère public est absent ; sans interroga-
toire, parce qu'il n'y a pas flagrant délit et que le juge d'instruction ne peut
point instruire d'office ; mais décerner le mandat de dépôt seulement pour un
temps fort court, sous l'empire de l'urgence, sous la loi de la nécessité ; c'est-
à-dire à la charge d'interroger, d'instruire, de procéder régulièrement dès
que la chose sera possible, dès que le procureur de la République ou son
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MB MANDATS D*ARIIKSTATION (ART. 94). 551
substitut sera présent, à la charge de convertir le mandat de dép6t en mandat
d'arrôt, aussitôt que les circonstances auront permis cette conversion.
Ainsi entendu comme acte accidentel, provisoire, déterminé ou commandé
par Turgence, le mandat de dépôt est un acte fort raisonnable. Au contraire,
le mandat de dépôt substitué au mandat d*arrèt, employé dans tous les cas où
le mandat d'arrêt pourrait l'être, employé pour entraîner une détention indé-
finie, pour laisser le prévenu dans une maison d'arrêt, sans qu'on lui ait
même fait connaître de quel fait et en vertu de quelle loi il est poursuivi ,
<^e8t évidemment heurter de front tous les textes de la loi, c'est violer mani-
festement l'esprit qui a dicté les art. 94 et 96. Sans doute le texte du Gode
ne suffit pas pour établir nettement l'emploi du mandat de dépôt, mais il
suffît clairement pour établir l'emploi du mandat d'arrêt à Fezclusion du
mandat de dépôt dans tous les cas où l'on peut accomplir les formalités des
art. 94 et 96.
C'est ainsi qu'il faut entendre l'emploi des quatre espèces de mandats énu-
mérés dans les six premiers articles, mandats dont trois sont très-spéciale-
ment déterminés par le Gode d'instruction criminelle, et dont le quatrième,
le mandat de dépôt, ne peut être bien expliqué que par l'examen des textes
antérieurs.
Ces observations se trouvent d'ailleurs en complète harmonie avec la loi
nouvelle du 4 avril 1855, qui porte : c Après l'interrogatoire, le juge pourra
décerner un mandat de dépôt. — Dans le cours de l'interrogatoire, il pourra,
sur les <x)nclusion8 conformes du procureur de la République, et quelle que
soit la nature de l'inculpation, donner mainlevée de tout mandat de dépôt à
la charge par l'inculpé de se représenter à tous les actes de la procédure et
pour l'exécution du jugement, aussitôt qu'il en sera requis. — L'ordonaance
de mainlevée ne pourra être attaquée par voie d'opposition. •
On doit ajouter que la différence que cette loi avait élevée^ entre les
deux mandats a été effacée par la loi du 14 juillet 1865. La. faculté de
donner mainlevée, restreinte d'abord au mandat de dépôt, a étéi, étendue au
mandat d'arrêt. Gette faculté n'avait été appliquée qu'au seul mandat de dépôt,
1^ raison du caractère provisionnel que nous venons de lui reconnaître, et l'on
n'avait pas cru pouvoir l'appliquer au mandat d'arrêt qui est décerné en
pleine connaissance de cause et qui semblait, à raison des formes qui l'envi*
ronnent, irrévocable. Mais il était résulté de là un grave embarras dans la
pratique. Lorsqu'un inculpé contre lequel un mandat d'arrêt avait été décerné,
parce qu'il n'avait pas été trouvé aux premières recherches, venait ensuite k
faire tomber par les explications de son interrogatoire les charges qui pesaient
sur lui, le juge ne pouvait le rendre à la liberté, il y avait dans cette situation
différente de l'inculpé sous mandat de dépôt et sous mandat d'arrêt une véri-
table anomalie que le nouveau texte de l'art. 94 a fait cesser.
Il suit de là que, si le mandat de dépôt et le mandat d'arrêt ont un carac-
tère différent, ils ont en général le même résultat. Ils procurent, en effet, l'un
et l'autre, l'arrestation de l'inculpé et son écrou dans la maison d'arrêt ; la
même autorité y est attachée pendant tout le cours de l'instruction : ils sont
levés en suivant les mêmes formes. Ge sont ces effets identiques qui motivent
l'emploi trop fréquent du mandat de dépôt. Le juge d'instruction trouve plus
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552 TRENTIÂtfS LEÇON. '^ DK l'iNSTHUCTIOM ÉCRITE (n"^ 614).
commode de 8*en serrir; 11 évite par ce moyen la commnnicatioii des piècee^
au ministère public pour avoir ses condosions ; il 'évite l'obligation quelque*
fois embarrassante au début de l'instruction, d'articuler le fiut et de le quali-
fier. Mais peut-il dépendre du juge, pour fiiciliter les actes de sa fonction, de
mettre de côté les prescriptions de la loi, les garanties qu'elle a voulu assurer
à rinculpé ? Que la communication des pièces apporte quelque retard dan» Uk
procédure, que la qualification du fait soit quelquefois difficile, cela est pos-
sible; mais la célérité du procès ne doit pas être achetée au prix des garanties
de la justice, et la condition de toute arrestation doit être renonciation claire
et précise du délit qui la motive. Il est impossible d'admettre que la loi, après
avoir édicté le mandat d'arrêt, après avoir établi les formes qui rendent sa
délivrance plus difficile et plus prudente, ait placé à côté un autre mandat
qui, sans réunir aucune des garanties qui y sont attachées, puisse supi^éer
le premier, car il s'ensuivrait qu'elle n'aurait entouré la détention de queU
ques formes tutélaires que pour ne pas les appliquer.
613. La plupart des articles qui nous restent à expliquer, s'appliquent, soit
aux formes à suivre dans la rédaction, soit aux règles à observer dans la no-
tification et Texécution des quatre espèces de mandats.
Les formes de rédaction sont spécialement indiquées dans les art. 95 et 96 ;
les unes sont conmiunes à toute espèce de mandats ; les autres, nous les con-
naissons déjà, sont spéciales au mandat d'arrêt. Les formes conmiunes à toute
espèce de mandats sont indiqaées dans l'art. 95 ; les trois mandats qu'il
indique doivent être signés par celui qui les décerne et munis de son sceau ;
et Tart. 96 déclare les mtees formes applicables à la quatrième classe, au
mandat d*arrèt« Signés et scellés par celui qui les décerne, la raison en est
simple, c'est le seul moyen de démontrer, pour le prévenu et pour la force
publique chargée d'agir à l'appui du mandat, que ce mandat est délivré par
un fonctionnaire ayant qualité poor y procéder.
De même, le prévenu doit y être ncnnmé ou désigné le plus clairement pos-
sible ; c'est encore le seul moyen d'arriver siirement à l'exéculion du mandat*.
L'article n'exige pas d'ailleurs le signalement préds, détaillé de l'individu
frappé du mandat* Cependant dans certains cas, il sera nécessaire de recourir
à ce signalement, si, ne connaissant pas le prévenu, on est obligé d'employer
une désignation indirecte.
Dans l'art. 96 on applique au mandat d'arrêt les formes déjà connues, et on
y exige de plus renonciation des motifs.
Il faut aussi la date dans ces mandats ; la date n'est pas précisément exigée,
mais la nature de ces dictes indique qu'elle est nécessaire. D'ailleurs l'art. 100
suppose que le mandat d'amener, et, à plus forte raison, des mandats plus-
rigoureux doivent contenir la date du jour auquel ils ont été décernés.
614. Une seule question sur ces articles : c'est de savoir quel sera VeSet
de rinobservation des formes qui y sont indiquées. Une première sanction,
une première peine est indiquée dans l'art. i\% c'est une amende, assez
légère d^ailleurs, contre le greffier coupable de l'omission ; et, s'il y a lieu,
l'emploi de la prise à partie contre l'officier par l'ordre duquel a été décerna
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DSB MANDATS d'aBBBSTATION (ART. 94). 5S3
le mandat. Mais est-ce là l'unique sanction, nne amende contre le greffier, et
l'emploi, très-rare et très-précaire, de la prise à partie ? 6ont-ce là. les seules
garanties que nous devions attachera l'obseryation des formes prescrites? En
d'autres termes, Pinobsenration de ces formes entraînera-t-elle, à part l'a-
mende, la nullité des mandats décernés au mépris de ces formes ?
Vous sentes qu'ici la pénalité légère, insignifiante, prononcée par l'art. 112,
ne saurait être la matière d'un argument à contrario ; de ce que la loi punit
d'une très-faible amende le greffier coupable de l'irrégularité, il serait dérai-
sonnable de. conclure que le mandat soit parfaitement valable, encore bien
que contraire aux formalités de l'art. 95. Qui, d'ailleurs, pourrait concevoir
qu'on déclarât valable un mandat qui n'est pas signé, qui ne désigne pas la
personne contre laquelle on le décerne, qui n'indique pas le fonctionnaire
dont il émane? Ces formes sont substantielles dans l'existence des mandats ;
et, malgré le silence du Gode sur cette question, on ne peut guère douter
que rinobservation de ces formes n'entraîne la nullité entière du mandat. Je
dis, d'ailleurs, le silence du Code et non pas le silence de toutes les lois
maintenant en vigueur; en eSét, les art 77 et suivants de la constitution du
22 frimaire an YIU indiquaient dans quelles formes générales devaient être
rédigés les mandats d'arrestation, et prononçaient la nullité, ou ce qui est la
môme chose, défendaient impériousemont l'exécution d'un mandat qui ne
serait pas conforme aux règles indiquées dans ces articles. Ainsi, l'arL 77 de
la constitution de l'an YIU défendait absolument l'exécution d'un mandat qui
ne contiendrait pas de motifs, règle qui maintenant se restreint au mandat
d'arrôt, mais qui le régît encore très-clairement. Je dis qu'elle le régit encore ;
car, bien que la constitution de l'an VUI ne soit plus maintenant en vigueur
dans la plus grande partie de ses articles, cependant le maintien, la conser-
vation des art. 77 à 82 de cette constitution résulte clairement de l'art. 615 du
présent Gode. L'art. 615, dans une disposition indirecte, mais cependant très-
claire, déclare maintenir en vigueur, relativement aux formés des ordres
d'arrestation, les art. 77 et suivants de la constitution de l'an Vin. £n efiTet,
il déclare qu'en exécution de ces cinq articles, le juge de paix de chaque
canton et certains autres officiers seront chargés de prendre les mesures
nécessaires pour conserver le principe de la libèrié individuelle.
Il est donc manifeste : 1<» à raison de la nature môme des formes indiquées
dans nos deux articles, formes en l'absence desquelles on ne comprend pas
de mandat; 2* à raison des cinq articles que j'ai indiqués, combinés avec
l'art. 615 du présent Gode qui les maintient, il est, dis-je, manifeste que
l'an. 112 n'est pas, à beaucoup près, la seule sanction de l'accomplissement
de ces formes; il est clair que la sanction dominante, c'est la nullité du
mandat, la défense de l'exécute^. On y pourrait joindre au besoin l'art, 609,
qui porte : c Nul gardien ne pourra, à peine d'ôtre poursuivi et puni comme
coupable de détention arbitraire, recevoir ni retenir aucune personne qu'en
vertu, soit d'un mandat de dépôt, soit d'un mandat d'arrêt décerné sblon
LES FORMES PRBSGRnfis PAR hM. LOI. i II ost clsir quo s'Il ost défoudu, à peine
de crime, de procéder à l'exécution d'un mandat irrégulier, c'est qu'apparem-
ment ce mandat n'est pas valable, c'est qu'apparemment l'art. 112 n'est pas
la seule sanction apportée à notre article.
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554 TRENTIÈME LEÇON. — DE l'INBTRUGTION £GRITB (n* 615).
615. Les art. 97 et snivantg ne se rattachent pins aux formes matérielles
de la rédaction des mandats ; ils se rattachent, comme la pins grande partie
et presque tous les textes qni terminent ce chapitre, à l'exécution de ces man-
dats.
Kart. 98 pose un principe que nous avons expliqué dans une leçon de pro-
cédure (i), c'est que, tons les mandats décernés dans les formes précédentes
sont exécutoires dans toute retendu^ de la République. Ainsi, sans distinction
d'arrondissement, le mandat, même à une grande distance, doit recevoir son
exécution : voilà le principe. Cependant, dans le § 2 de cet article, une dispo-
sition exceptionnelle se présente et offre quelque difficulté; on y déclare que,
si un mandat de dépôt ou d'arrêt est jprésenté hors de Tarrondissement de
l'officier qui Ta décerné, l'individu arrêté en vertu de ce mandat sera conduit
devant le juge de paix ou devant le maire ; que ces officiers devront donner
leur visa sur l'original du mandat, sans pouvoir d'ailleurs en arrêter Texé*
cution. Ce visa n'est pas un pareatis ; ce visa demandé au juge de paix dans le
canton duquel on exécute le mandat n'a pas pour but d'attribuer à ce mandat
une force exécutoire que le paragraphe i«' lui imprimait déjà dans tout le ter^
ritoire. La preuve que ce visa n'est pas un pareatis, la preuve qu'il ne tient
point au défaut d'autorité, c'est que le visa n'est demandé et n'est accordé
qu'après l'arrestation opérée en vertu du mandat En effet, l'officier porteur
du mandat l'exécutera, opérera l'arrestation, à quelque distance qu'il soit de
l'arrondissement du juge qui l'a décerné ; puis ensuite, avant de songer à
effectuer le transport du prévenu, il le conduira devant le juge de paix pour
obtenir le visa. Quel est donc le but, l'effet, la nature de ce visa? peut-il être
refusé en certains cas? Le juge de paix ou le maire sont-ils au contraire abso*
lument tenus de le donner 1 Les derniers mots de l'art. 98 défendent absolu-
ment au juge de paix d'empêcher l'exécution du mandat; d'où on pourrait,
d'oii on devrait, ce semble, conclure que le juge de paix n'a pas droit de
refuser son visa, sous prétexte des vices de formes, des irrégularités du man-
dat qui lui est ainsi soumis, ou sous toute autre raison qu'il pourrait alléguer.
Mais, si tel est le sens des derniers mots de notre article, si, en effet, le visa est
un acte absolument forcé, si le juge de paix n'a pas qualité pour le refioLser,
comment concevoir qu'on le lui demande ? quelle sera l'utilité d'un pareil visa,
s'il doit être donné absolument et dans tous les cas ? U est clair que dès ce
moment il n'est plus qu'une très-inutile formalité.
Une autre difficulté nous arrête ; le mandat, je le suppose, est irrégulier, et
la question est de savoir si, à raison de ce vice de forme, le juge de paix peut
et doit refuser le visa. L'art. 609, que je citais tout à l'heure, vous disait que
le geôlier, le gardien d'une maison d'arrêt ne peut recevoir le prévenu, si on
ne lui excipe point un mandat régulier ; et dès lors comment concevoir qu'on
obligeât un juge de paix, un maire ou son adjoint, à concourir à l'exécution
d'un mandat dont les vices leur sont démontrés, mandat auquel un agent
inférieur, un gardien^ un geôlier ne peut pas obéir, à peine de se rendre cou-
pable ? D'ailleurs, les art. 616 et 617 prescrivent au juge de paix de s'assurer
(t) Voy. tome II, Code de procédure civile, n» 322
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DBS MANDATS d'aRRBSTATION (aRT. 98). 555
de l'exécation des mesures établies pour garantir, pour protéger la liberté in-
dividuelle. Gomment alors concevoir que le juge de paix n*ait pas le pouvoir
de refuser son visa?
Aussi faut-il reconnaître que, nonobstant les derniers mots de Partiel e,
le juge de paix peut et doit refuser son visa : i« si le mandat est vicieux dans la
forme; 2* si le porteur du mandat est un individu sans qualité; 3® enfin, si Tîn-
dividu auquel on prétend appliquer ce mandat ne parait point être celui que le
mandat désigne. Quand il s'agit d'exécuter hors de l'arrondissement de l'offi-
cier auteur du mandat, on accorde au juge de paix le droit de vérifier la forme
matérielle du mandat, la qualité de celui qui le porte, et enfin la qualité du
prévenu qu'on veut arrêter.
Que si cependant le jage de paix, peu éclairé, refusait mal à propos son visa,
la ressource serait de conduire le prévenu devant le procureur de la Républi-
que de l'arrondissement, à l'effet de faire statuer dans les formes indiquées
par l'art. 616, in fine.
Que si, à cette faculté de refuser le mandat, on oppose les derniers mots de
l'art. 98, par lesquels le juge de paix ne peut refuser le visa, nous dirons que
ces derniers mots doivent s'entendre seulement en ce sens que le juge de paix
n'a pas droit de substituer son opinion, sa conviction personnelle à l'opinion
du magistrat qui a décerné le mandat; que, par exemple, quelque convaincu
qu'il soit personnellement de l'innocence de l'individu contre lequel le man-
dat est décerné, il ne peut, sans violer son devoir^ refuser de viser ce mandat;
en un mot, qu'il n'a pouvoir de vérification que quant à la forme, quant à
la qualité, quant à Tidentité, mais nullement quant au mérite du fond, nulle-
ment quant à la probabilité ou à la preuve déjà acquise des faits à raison des-
quels est décerné le mandat. C'est en ce sens, et seulement en ce sens, qu'il
faut dire, avec la loi, que le juge de paix ne peut point empêcher l'exécution
du mandat, c'est-à-dire l'exécution du mandat décerné et irrégulièrement dé-
cerné.
L'art. 99 vous est déjà connu.
616. Les art. 100 jusqu'à 103 sont relatifs à une certaine hypothèse dont je
vais vous entretenir; l'art. 100 contient une exception à la règle du § i*' de
l'art. 98, et les articles suivants règlent divers points qui se rapportent à cette
exception.
En principe, tous les mandats, et notamment les mandats d'amener, doivent
être exécutés dans toute l'étendue du territoire de l'État; en principe, le
portear d'un mandat peut partout, en cas de résistance, invoquer à son appui
l'aide de la force publique, en vertu de la réquisition que doivent contenir les
trois derniers mandats. Cependant, l'art. 100 contient à cette règle une excep-
tion assez remarquable pour le mandat d'amener, lorsque trois circonstances
concourent, c'est-à-dire lorsqu'après deux jours depuis la date du mandat
d'amener le prévenu est trouvé hors de l'arrondissement de l'officier qui l'a
décerné, et à plus de cinq myriamètres du domicile de cet officier; alors la
circonstance d'éloignement de localité et la circonstance des dates venant à
concourir, la loi ne veut pas qu'à raison d'un mandat d'amener, décerné sans
interrogatoire et sur des indices peut-être fort légers, on inflige au prévenu
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556 TRBNTI&MB LEÇON. — DE L'INSTRUCTION ÉGRITB (n« 616).
désigné dans ce mandat la nécessité d^un Yoyage assez long, assez pénible, et
nécessairement ignominieux. Dans ce cas on autorise le prévenu à se refuser
à Texécution du mandat. < Ge prévenu, dit Part. 100, pourra n*étre pas con-
traint de se rendre an mandat; » c'est-à-dire évidemment, malgré cette
rédaction vicieuse, ne pourra pas être contraint de se rendre à l'exécution du
mandat. U faut entendre cet article dans le sens de Tart. 74 du Gode du
3 brumaire, d'où cette disposition a été tirée. Seulement^ si le prévenu ne
peut être contraint, c'est-à-dire si on ne peut pas lui imposer un trajet de
cette importance, sous la présomption légère qui résulte d'un mandat d'ame-
ner, ce n'est pas à dire que sa mise en liberté en sera la conséquence ; il
pourra seulement demander, en refusant de suivre le porteur du mandat
d'amener, à être conduit devant le procureur de la République de l'arrondis-
sement oii on le trouve, et le procureur de la République substituera à ce
mandat d'amener, qui entraînerait un déplacement, un mandat de dépôt,
sous le poids duquel le prévenu restera dans la maison d'arrêt. Voilà le cas
auquel je faisais allusion précédemment, dans lequel le procureur de la Répu-
blique est autorisé à décerner directement un mandat de dépôt. Mais ici
môme, vous le voyez, le mandat de dépôt n'est présenté par la loi que
comme une mesure provisoire que la nécessité seule peut commander et
excuser.
Ënûn, pour qu'on épargne au prévenu la nécessité d'un déplacement, pour
qu'on le laisse sous le poids d'un mandat de dépôt dans l'arrondissement où
il [se trouve, il faut qu'à la présomption résultant contre lui de l'existence
d'un mandat d'amener ne se joignent pas les circonstances prévues dans le
paragraphe 2. Ainsi, si le procureur de la République devant lequel le pré-
venu se fait conduire pour demander la conversion du mandat d'amener en
mandat de dépôt, le trouve nanti d'instruments, de papiers de nature à faire
présumer qu'il est l'auteur du crime ou du délit, le mandat d'amener devra
être exécuté, et le procureur de la République ne pourra pas le retenir dans
l'arrondissement sous le poids d'un mandat de dépôt.
Les quatre articles suivants ont pour but de régler la position du prévenui
lorsque le procureur de la République décerne ce mandat de dépôt. Les trois
circonstances du paragraphe i*' de l'art. 100 concourant, le prévenu en a
invoqué le bénéfice, et le procureur de la République a décerné le mandat de
dépôt, à l'effet de lui épargner le transport. Immédiatement ce procureur de
la République devra avertir de cette arrestation l'officier, le juge d'instruction
qui avait décerné le mandat d'amener ainsi paralysé. U devra l'avertir de
cette arrestation, pour que le juge d'instruction puisse aussitôt procéder aux
mesures qui lui sembleront nécessaires. En général, si un mandat d'amener
a été décerné, c'est que le prévenu n'avait pas été interrogé, c'est qu'il n'avait
pas encore paru devant le juge, c'est que, en un mot, il y avait plainte,
dénonciation, rumeur publique, mais qu'il n'y avait pas instruction véritable-
ment commencée. Or, comme la loi ne veut pas que pour un simple interro-
gatoire qui peut dissiper tous les soupçons, le prévenu soit forcé à faire un
voyage, alors le juge d'instruction qui s'est saisi de l'affaire, en décernant le
mandat d'amener, transmettra au juge d'instruction dans le ressort duquel
est détenu le prévenu la plainte et les autres pièces qu'il a dans les mains; il
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DBS MANDATS d'aRRBSTATIOK (aRT. 104). 557
les^ Ini transmattra en requérant de lui remploi de tontes les voies d*instrac-
tion qui sont maintenant en son pouvoir, notamment l'interrogatoire du pré-
venu. Cette voie d'instruction étant opérée, cet interrogatoire ayant eu lieu,
les pièces et procès-verbaux seront renvoyés par le juge qui les a dressés au
juge d'instruction saisi de Tafiàire, en un mot, à l'auteur du mandat d'amener.
Dès lors plusieurs partis se présentent.
Promièrement, il est possible que le juge d'instruction saisi le premier de
l'affaire, et hors l'arrondissement duquel le prévenu a été arrêté et déposé, se
détermine, sur le vu de l'interrogatoire, à lancer un mandat d'arrêt ; alors
l'art. 104, § i<', est appliqué. Le mandat d'arrêt étant décerné par le juge d'ins-
truction saisi de l'affaire, sur le vu de l'interrogatoire du juge d'instruction du
lieu de l'arrestation, ce mandat devra être pleinement exécuté, et le prévenu,
détenu jusque-là sous le poids d'un mandat de dépôt, sera, en vertu du man- *
dat d'arrêt, transporté dans le lieu où l'afEûre a commencé d'être instruite.
Yoilà la première hypothèse.
Secondement, il est possible que le Juge d'instruction ne croie pas devoir
convertir le mandat de dépêt en mandat d'arrêt; il est possible que, les pièces
lui étant adressées, les pièces se trouvant complètes avant que la conversion
ait eu lien, il statue par une ordonnance, conformément aux art. 127 et sui-
vants. Telle est l'hypothèse du paragraphe 2 de l'art. 104 : « S'il n'est pas
exprimé dans le mandat d'arrêt que le prévenu sera ainsi transféré, il restera en
la maison d'arrêt de l'arrondissement dans lequel il aura été trouvé, jusqu'à ce
qu'il ait été statué par le juge d'instruction, conformément aux articles 127,
128, 129, 130, 131, 132 et 133 ci-après. •
Ceci présente une petite difficulté. En effet, du paragraphe 2 de Fart. 104
vous pourriez conclure que la décision du juge entraînera, dans tous les cas,
la translation du prévenu de la maison d'arrêt du lieu où il est arrêté dans la
maison d'arrêt établie près le tribunal du juge d'instruction saisi d'abord de
l'affaire. Cependant il est clair qu'il n'en est pas tonjour» ainsi. Le juge d'ins-
truction, conformément à l'art. 104, pourra prendre plusieurs partis.
U est possible que l'instruction démontre au juge rinnocence du prévenu,
ou du moins, ce qui est la même chose, qu'elle n'établisse pas contre lui d'in-
dices suffisants de culpabilité ; alors il prononcera son élargissement, et, sur
l'expédition de cette ordonnance, le prévenu devra être relaxé du mandat de
dépôt dont il a été frappé jusque4à.
Il en sera de même si le juge, au lieu d'être convaincu de l'innocence du
prévenu, trouve que la présomption se réduit à une contravention ou à un
délit de nature à n'être puni que d'une amende ; dans ce cas, le mandat de
dépôt doit perdre toute force d'exécution.
Il peut aussi trouver qu'il y a contre le prévenu indices suffisants d'un véri-
table crime, auquel cas il décerne contre lui, d'après l'art. 134, une ordonnance
de mise en prévention. Dans ce cas y a-t-il lieu au transport du prévenu? Gela
ne parait pas nécessaire, l'ordonnance transportera l'affaire à la cour, chambre
des mises en accusation ; mais, comme la cour ne statue que sur les pièces,
comme le prévenu ne parait pas devant elle, il est fort inutile d'opérer, quant
à présent, le transport du prévenu ; il sera toujours temps de l'opérer lorsque
la cour aura admis et prononcé la mise en accusation.
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558 TRBNTIÂBCS LBÇON. — DJS l'INSTADGTION ÉCRITK (N* 617).
Dans quel cas donc 8'opérera le transport, aux termes du paragraphe 2 de
l'art. 104? Ce sera lorsque le juge d'instruction aura admis contre le prévenu
l'existence d'indices suffisants pour le traduire devant le tribunal correctionnel,
comme prévenu d'un délit emportant Temprisonnement. Alors le tribunal
devant lequel il doit être traduit, c'est le tribunal auquel appartient le juge
d'instruction qui avait décerné le mandat d'amener. Donc, à ce moment» le
transport doit s'opérer, et c'est là véritablement le cas d'appliquer le paragra-
phe 2 de l'art. 104.
Voilà quelles sont les mesures exceptionnelles auxquelles donne lieu ce
cas particulier d'un mandat d'amener décerné contre un individu qui n'est
arrêté que plus de deux Jours après, dans un arrondissement étranger, à plus
de dix lieues de distance du juge d'instruction qui avait décerné le mandat
d'amener.
Nous laissons de côté l'art. 105 pour le moment.
617. L'art. 106 est en dehors des matières du mandat ; loin d'ôtre relatif
aux formes ou à l'exécution des mandats d'arrestation, il indique au contraire
un cas où l'arrestation doit s'opérer sans aucun mandat, sans intermédiaire
d'agents de la force publique et par le premier venu, par un simple particulier;
et il est ainsi conçu :
tt ART. 106. Tout dépositaire de la force publique, et môme toute personae, sera
tenu de saisir le prévenu surpris en flagrant délit, ou poursuivi, soit par la cla-
meur publique, soit dans les cas assimilés au flagrant délit, et de le conduire
devant le procureur de la République, sans qu'il soit besoin de mandat d'amener,
si le crime ou délit emporte peine afflictive ou infamante. »
Cet article présente une disposition très-remarquable, et malheureusement,
je crois, tout à fait inapplicable. Déjà, en expliquant l'art. 40, j'ai fait remar-
quer qu'il élait très-bizarre que la loi bornât le droit d'arrestation, accordé au
procureur de la République dans le cas de flagrant délit, au cas oii il s'agirait
d'un véritable crime ; j'ai annoncé que la même singularité se retrouvait dans
l'art 106 ; elle s'y retrouve, en effet, de la manière la plus singulière. La loi
permet, elle ordonne même à tout agent de la force publique, bien plus, à tout
particulier, l'arrestation immédiate en cas de flagrant délit. Rien de plus simple
jusque-là; mais, de plus, elle modifie ce droit d'arrêter, en le restreignant au
cas où il s'agit d'un véritable crime. D'où il suivrait que ni un particulier ni
un agent de la force publique n'auraient le droit d'arrêter sur la voie publique
un voleur ordinaire pris en flagrant délit. J'ai dit déjà que la singularité d'une
semblable disposition la rendait inexécutable en pratique; que nul n'excuserait
un agent de la force publique qui, en présence de cet article, aurait refusé
d'arrêter un voleur ordinaire pris en flagrant délit.
Il est d'autant plus difficile de se rendre compte de l'insertion des derniers
mots de l'article, qu'ils ne figuraient ni dans la rédaction du projet ni dans les
Godes antérieurs. Ainsi, dans l'art. 62 du Gode de brumaire an IV, voua
trouvez la même disposition ; mais vous ne la trouvez pas modifiée par cette
inconcevable restriction des derniers mots de notre article. La même dispo*
silion reparaît dans le projet de Gode criminel, art. 579 ; elle se retrouva
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0B8 MANDATS d'aRRBSTATION (aAT. 108). 559
encore dans la présentation de l'article au conseil d'État, excepté qu'on y avait
ajouté cette restriction : c Si le crime ou délit emporte la peine de la détention
ou une peine plus grave. • Or, la peine de la détention, c'était dans le système
du projet de Gode, la peine de Femprisonnement. Rédigé ainsi, Farticle était
fort raisonnable ; il était tout simple que Tarrestatiou fût permise et com-
mandée, en cas de flagrant délit, toutes les fois qu'il s'agirait d'un fait de
nature à entraîner Temprisonnement, on une peine plus grave. Je n'ai pas pu
trouver comment et pourquoi ces mots de détention ou d^emprisùnnemeni avaient
été définitivement remplacés par cet équivalent fort inexact : Si le délit ou le
crime emporte peine afjlictive ou infamante. La conséquence littérale en est
très-claire : c'est que le flagrant délit, fût-il de nature à entrainer un empri-
sonnement, c'est que le flagrant délit, même dans ce cas, ne serait pas de
nature à autoriser l'arrestation. Mais il est impossible que la pratique se con-
forme à cette loif et ce serait un grand mal si elle s'y conformait.
618. L'art. 105 est relatif au mandat d'amener; il indique à l'offîcier por«
tour de ce mandat les formes à remplir en cas d'absence du prévenu frappé
du mandat. On ne parle pas du mandat de comparution par une raison fort
simple : le mandat de comparution se notifie comme une assignation ordi-
naire, conformément à l'article 68 du Code de procédure civile. Le mandat
d'amener est un appel à comparaître, mais 'un appel à l'aide duquel la puis-
sance publique peut être utilement invoquée ; de là des formalités plus spé-
ciales. L'art. 105 déclare qu'en cas d'absence du prévenu, le mandat d'amener
sera présenté au maire ou à l'adjoint ou au commissaire de police du domicile
du prévenu, pour que le visa soit apposé sur l'original de l'acte de notifi-
cation.
D'après l'art. 97, dans tous les cas, la copie du mandat doit être laissée au
prévenu auquel il faut d'ailleurs en représenter l'original.
L'art. 108 se distingue essentiellement de l'art. 99 ; l'art. 99 permet au porteur
du mandat d'amener d'invoquer, s'il y a lieu, l'appui de la force publique.
Au contraire, dans le cas de mandat d'arrêt ou de dépôt, c'est une obligation
pour l'officier cbargé du mandat de se faire assister, dès le principe, d'une
force suffisante pour en assurer Texécution.
L'art. 108, parlant du mandat d'arrêt ou du mandat de dépêt, ne recevra
guère, dans la pratique, d'application qu'au mandat d'arrêt. En efifet, le mandat
de dépôt, au moins quand il est bien décerné, c'est-à-dire quand on le borne
à l'emploi exceptionnel dans lequel nous l'avons renfermé, le mandat de dépôt
• ne se décerne guère que contre un prévenu présent devant le juge ; dès lors
les formalités de l'art. 108 seront d'une assez rare application. Aussi l'art. 187
ne trace- t-ii pas les mêmes formalités pour le mandat de dépôt. Pourquoi f
Parce que précisément il suppose que le mandat de dépôt ne sera pas décerné
contre un absent ; il suppose que ce mandat sera employé dans les cas excep*
tionnels prévus dans la loi du 7 pluviôse an IX.
619. Maintenanty comment s'exécuteront, contre le prévenu présent, soit le
mandat de dépôt, soit le mandat d'arrêt? Ces mandats seront remis soit à un
huissier, soit à un autre agent de la force publique. Le mandat sera présenté
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560 TRENTE ET UNIÉlOE LEÇ. ^ DE LA, ÏABSMA PROVISOIRE, ETC. (n* 620).
au prévenu, et l'exécation aura Uea immédiatement après lai avoir remis une
copie da mandat. Il faudra le conduire dans la maison dVrôt désignée par
le mandat.
Remarquez que le mot uàisoii d'arrAt est technique ; qu'il ne faut pas le
confondre dans la loi, comme on le fait dans la conversation, avec le mot de
PRISON. L'art. 603 distingue très-expressément trois lieux de détention bien
séparés : les maisons d* arrêt, les maisons de justice, et les prisons.
La maison d'arrêt, c'est une maison établie près de chaque tribunal d'ar-
rondissement pour y déposer les prévenus qui se trouvent sous le môme poids
d'un mandat de dépOt ou d'arrêt ; ce sont les seules personnes qui doivent
être dans les maisons d'arrêt proprement dites.
La maison de justice, c'est encore une prison dans le sens générique, mus
non pas dans le sens légal et technique du mot ; c'est une maison établie près
de chaque cour d'assises pour y renfermer les individus frappés d'une mise en
accusation. Immédiatement avant l'ouverture des assises, on transporte les
prévenus dans ces maisons de justice.
Enfin, les prisons sont destinées à ceux qui sont frappés de certaines
peines.
La copie du mandat est remise au prévenu après que l'original lui a été
présenté. A plus forte raison faut-il présenter l'original de ce mandat au gar-
dien ou geôlier de la maison d'arrêt ; cela résulte clairement des art. 608 et
609 déjà cités. L'exhibition au gardien ou geôlier est nécessaire, car il doit
non-seulement s'assurer de la vérité de la signature, mais vérifier si le mandat
est bien conforme aux règles, aux conditions prescrites dans les articles que
nous avons parcourus.
Du reste, l'original du mandat n'est pas déposé dans les mains du gar-
dien qui doit copier sur un registre à ce destiné le mandat entier, et donner
de plus à l'officier porteur du mandat, une reconnaissance de la remise du
prévenu.
Quant à l'original même, ainsi que la reconnaissance donnée par le gardien
de la remise du prévenu, ils seront déposés, par l'officier porteur du mandat,
au grefife du tribunal du juge d'instruction par lequel le mandat aura été
délivré.
TeUessont les dispositions des art. 97, 107, 110, 111, auxquels il faut joindre
les art. 603 à 614.
TRENTE ET UNIÈME LEÇON.
CHAPITRE VIII
DE LA LIRERTÉ PROVISOIRE ET DU GAUTIONNEiaNT.
680. Nous avons vu au chapitre précédent d'après quelles règles et suivant
quelles formes s'opérait l'arrestation du prévenu dans le cours de l'instruction
préparatoire. Cette arrestation une fois opérée, une fois régularisée, s'il y a lien,
par le mandat d'arrêt décerné conformément à l'art. 91, cet état de détention
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DE LA LIBERTÉ FROYISOIRB AVBG OU SANS CAUTION (aRT. tl3). 561
préalable se prolongera, en principe, jiu(iu'à la clôture de rinstmction. Nous
verrons dans le chapitre a que l'instraction une fois terminée, le juge qui y a
procédé doit statuer sur reusemble et les résultats de Tinstruction. Le juge
d'instruction a remplacé dans cette fonction la chambre du conseil qui était
une des sections du tribunal de première instance statuant en la chambre du
conseil, hors de l'audience publique. L'instruction une fois terminée, le juge
d'instruction statue sur le sort du prévenu. Nous aurons à voir plus tard quels
différents genres de décisions il peut rendre et quels en seront les résultats ;
toujours est-il qu'en principe l'effet du mandat d'arrêt une fois décerné dure
et se prolonge jusqu'à la décision du juge d'instruction, soit qu'il prononce la
mise en liberté, soit qu'il renvoie le prévenu devant un tribunal de police cor-
rectionnelle, soit enfin qu'il le renvoie devant la chambre d'accusation.
Mais quoiqu'on principe général les effets du mandat d'arrêt, c'est-à-dire
la détention, se prolongent jusqu'à la décision du juge d'instruction, cette
règle souffre pourtant une exception dans les cas déterminés par le chapitre vm,
qui doit faire l'objet de notre présente leçon. La loi permet, dans certains
cas, d'accorder au prévenu, pendant la durée de l'instruction, le bénéfice de la
liberté provisoire, sous des conditions, et avec des charges dont nous verrons
bientôt le détail.
621. La liberté provisoire des inculpés, moyennant promesse ou caution de
se représenter en justice, est une institution qu'on retrouve dans toutes les
législations criminelles, même les plus anciennes. Elle existait plus ou moins
étendue dans les lois athéniennes, dans les lois romaines et dans notre ancienne
législation.
Jousse résumait la pratique de son temps en ces termes : c L'élargissement
provisionnel est celui qui s'accorde par le juge à l'accusé en connaissance de
cause, par provision et pendant l'instruction du procès, à la charge par
l'accusé de se représenter à toutes assignations. Dans les grands crimes on ne
doit jamais élargir l'accusé par provision pendant le jugement du procès,
pour peu qu'il y ait de preuves. Mais dans les cas qui ne sont pas absolument
graves, ou qui paraissent excusables, les accusés, quoique décrétés originaire-
ment de prise de corps, peuvent être élargis par provision, sur une requête
présentée à cet effet et communiquée à la partie publique et à la partie civile.
Gela s'observe ainsi tous les jours, surtout à l'égard des accusés qui sont
d'un rang distingué, à l'égard des femmes et filles de condition honnête et
domiciliées, lorsqu'il n'y a aucun soupçon de fuite. Dans ces cas, on élargit
Taccusé à sa caution juratoire de se représenter à toutes assignations. Quand
il y a règlement à l'extraordinaire, il ne parait pas que les premiers juges puis-
sent élargir par provision un accusé décrété de prise de corps, mais, à l'égard
des accusés décrétés d'ajournement personnel seulement, il parait que les pre-
miers juges peuvent toujours les renvoyer en état d'assignés pour être ouïs,
après leur interrogatoire, même dans le cas où le procureur du roi est partie.
11 y a plusieurs cas où l'on oblige l'accusé qu'on élargit de donner caution, ce
qui n'a ordinairement lieu que quan Jeette caution est demandée par la par-
tie civile, pour sûreté de ses dommages-intérêts. La caution présentée par
raccusé doit être bonne et solvable. Quelquefois, on se contente de la caution
I, 36
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562 TRENTE BT UNIÈBIB LEÇON. — DE l'iNSTRDCTION ÉCRITE (N* 62l)-
juratoire de TaccuBé, lorsque cet accusé est une personne riche ou d'un rang
distingué, ou lorsqu'il est dans Fimpossibilité de trouver une caution à cause de
sa pauvreté. •
Ainsi, dans cette législation, le cautionnement n'était qu'une garantie subsi-
diaire et ne se rapportait qu'aux dommages-intérêts de la partie civile. Cette
règle était exprimée par cette maxime : FicUfjussor non potest se obUgare ad
pmiam corporaUm. L'élargissement, quand il pouvait avoir lieu, c'est-à-
dire quand l'instruction n'était pas réglée à l'extraordinaire, avait lieu en
général sans caution et sur la simple promesse de l'accusation, sur sa caution
juratoire, de se représenter à toutes assignations et d'élire domicile dans le
lieu.
La législation de 1791, en renversant les ord. de 1539 et de 1670, reprit les
règles antérieures de ces ordonnances. La|con8titution proclama, chap. V, lit.UI,
art. 12, que c nul homme arrêté ne peut être retenu s'il donne caution suffi-
sante, dans tous les cas où la loi permet de rester libre sous cautionnement, b
La loi de 19-22 juillet 1791, tit. U, art. 43, portait, en conséquence, que le
prévenu d'un délit correctionnel serait retenu pour être jugé par le tribunal
correctionnel ou admis sous caution de se présenter. La caution ne pouvait
être moindre de 3,000 ni excéder 20,000 livres. Cette dernière disposition fut
promptement modifiée. L'art. 18, tit. Vde la loi des 15-29 septembre 1791, dis-
posait qu'en matière correctionnelle, le prévenu était laissé en liberté jusqu'au
jugement, et qu'en matière criminelle, si le délit n'était passible que d'une
peine infamante» l'accusé pouvait fournir caution suffisante de se représenter,
c auquel cas il était laissé à la garde de ses amis qui l'avaient cautionné. »
L'instruction du 29 septembre 1791 portait à ce sujet : c Si le délit n'est pas
de nature à donner lieu à une peine afllictive, mais seulement à une peine
infamante, le prévenu pourra néanmoins être envoyé à la maison d'arrêt; mais
il pourra aussi en être dispensé, au cas qu'il puisse trouver des amis qui veuil-
lent répondre pour lui qu'il se représentera à la justice s'il en est requis, et
donner caution de cette promesse. La somme de cette caution ne peut être
fixée d'une manière invariable ; elle doit être laissée à l'arbitrage de l'officier
de police. Le principe qui doit le diriger est qu'un tel cautionnement ne doit
pas être illusoire et de simple forme, ni tendre à soustraire ainsi les accusés à
la justice; mais, au contraire, qu'il doit être d'une assez grande importance
pour n'être jamais donné que par des personnes bien convaincues que le pré-
venu est incapable de rompre son engagement ; car c'est un contrat sacré que
celui qui se forme par le cautionnement entre le prévenu qui évite ainsi le
malheur de la détention, et les amis qui lui donnent, en le cautionnant, la plus
haute preuve de leur confiance et de leur estime. •
Le Gode du 3 brumaire an lY restreignit ces dispositions. L'état de liberté
absolue des inculpés de simples délits cessa, et la faculté du cautionnement
s'étendit à cette classe de prévenus. L'art. 222 portait : c Lorsque le délit qui a
donné lieu au mandat d'arrêt n'emporte pas une peine afflictive, mais seule-
ment une peine infamante ou moindre, le directeur du jury met provisoire-
ment le prévenu en liberté, si celui-oi le demande, et si, en outre, il donne
caution solvable de se représenter en justice toutes les fois qu'il en sera requis. •
Le montant du cautionnement était fixé à la somme de 3,000 livres.
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DE LA LIBERTÉ PROVISOIHE AYBG OU SANS CAUTION (aRT. itS). 563
La loi du 29 thermidor an IV apporta Immédiatement des modifications
nouvelles. U est nécessaire d'en reproduire le texte :
« Abt. i. Le cautionnement prescritpar l'article 222 du Gode du3 brumaire an IV
aura lieu ainsi qu'il est prescrit par les articles suivants. — Art. 2. Lorsque le
délit aura pour objet des larcins, filouteries ou simples vols, le directeur du Jury
admettra le prévenu sous caution de se représenter. Cette caution devra être d'une
somme triple de la valeur des effets volés; elle sera fixée sur cette base par le
directeur du jury, et jamais elle ne pourra être au-dessous delà somme de 3,000 fr.«
valeur fixe. -- Art. 3. En toute autre matière qui n'emporterait pas une peine
afflictive, mais seulement une peine infamante, le directeur du Jury admettra égale-
ment le prévenu sous caution de se présenter. La caution, dans ce cas, ne pourra
être moindre de 2,000 francs, ni excéder 6,000 francs, valeur fixe. ^ Art. 4. Lorsque
le délit n'emportera pas peine infamante, mais seulement des peines correction-
nelles, le directeur du jury admettra également le prévenu sous caution de se
représenter. La caution, dans ce cas, ne pourra être moindre de 1,000 francs, ni
excéder le triple de l'amende à laquelle le délit pourra donner lieu. — Art. 5. En
aucun cas, le directeur du jury ne pourra mettre provisoirement en liberté, sous
caution, les gens sans aveu et les vagabonds. »
Tel fut le dernier état de la législation avant le Gode d'instruction criminelle.
La mise en liberté sous caution était un droit absolu : i^ pour les inculpés de
délits, sauf les gens sans aveu et les vagabonds; 2^ poor les inculpés de cri-
mes passibles d'une peine infamante seulement.
622. Les rédacteurs du Gode bésitèrent longtemps lorsqu'ils furent appelés
à poser les limites de la mise en liberté sous caution. Ils se décidèrent enfin,
après une longue délibération, à enfermer la liberté provisoire dans le cercle
de la police correctionnelle. M. Treilhard, qui avait combattu cette restriction,
n'apporta, pour la justifier dans l'exposé des motifs du Gode, qu'une raison
très-controversable^ en elle-même, et qui ne s'applique que très-indirectement
à la liberté provisoire : « Lorsque le fait, porte cet exposé, n'emportera ni peine
afflictive ni peine infamante, l'inculpé pourra obtenir sa liberté provisoire en
donnant caution ; mais cet avantage est entièrement refusé aux vagabonds et
aux repris de justice, parce que leur personne ne présente aucune espèce do
garantie. La liberté provisoire sera également refasée toutes les fois qu'il s'agira
d'un fait qui emporte peine affilctive ou infamante : c'est surtout dans ces occa<
sions que l'exemple de la peine infligée est utile à la société, et, si l'on admet-
tait ici des libertés provisoires sous caution, il serait bien à craindre que les
hommes opulents ne trouvassent toujours le moyen de se soustraire à l'appli-
cation des peines qu'ils paraissent cependant mériter plus que les autres, parce
que, jouissant de tous les avantages de la société, ils étaient plus fortement
obligés à ne pas en troubler l'harmonie. • Le principe posé par le Gode^ et que
les art. 113, 114 et 115 ont nettement formulé, est donc celui-ci : la mise eu
liberté sous caution est ouverte à tous les prévenus lorsque le fait incriminé
n'emporte qu'une peine correctionnelle, quelle que soit la nature de cette peine.
La-loi exclut de cette mesure : i^ les vagabonds; 2» les repris de justice; 3* les
prévenus de faits qualifiés crimes.
Ges dispositions ont été modiQées par les lois des 4 avril 1855 et 14 juillet
1865 dont nous allons maintenant étudier les textes,
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564 TRENTE BT UNIÈME LEÇON. — DE l'iNSTRUCTION ÉCRITE (n* 624).
G*est en s'appnyant sur le caractère de la détention préalable qne nous avons^
précédemment établi, c'est en partant de ce principe qne cette détention, qaî
n'est légitime que parce qu'elle est nécessaire à Tinstruction ou à la sûreté
publique, doit cesser aussitôt que cette nécessité peut être contestée, que la
loi nouvelle a introduit dans notre Gode de graves modifications au régime de
la liberté provisoire. Ces modifications ont eu pour objet : !<> d'étendre à tous
les inculpés, soit de délits, soit môme de crimes, la faculté de l'élargissement
provisoire ; 2^ d'établir l'élargissement avec la seule condition d'un engage-
ment de se représenter à tous les actes de la procédure; 3® de fonder, en faveur
des inculpés de délits passibles d'un emprisonnement de moins de deux ans,
le droit formel d'obtenir leur mise en liberté cinq jours après l'interrogatoire ;
4^ de placer, à côté du cautionnement, qui n'est plus qu'une condition secon-
daire et subsidiaire de la liberté provisoire, la, caution personnelle d'un tiers.
Il faut examiner ces difiërentes ixmovatiopQ.
623. Il est d'abord une disposition générale, qui domine toute la loi. Elle
n'a point établi un droit, mais une simple faculté d'élargissement qu'elle a
déposée entre les mains du juge d'instruction ; sauf l'exception introduite en
faveur des petits délits dont la peine ne s'élève pas jusqu'à deux ans, il n'y a
point de droit pour les inculpés. Le juge est armé d'un pouvoir discrétionnaire ;
il dispose souverainement de la liberté. Il peut, suivant qu'il le juge à propos,
décerner le mandat de comparution ou le mandat d'amener; il peut laisser
l'inculpé libre après son interrogatoire, ou le mettre sous mandat de dépôt ;
il peut donner mainlevée de ce mandat ou le maintenir ; il peut admettre ou
rejeter la requête à fin d'élargissement; il peut enfin soumettre cet élargisse-
ment à la condition d'une caution ou l'accorder avec la simple promesse de se
représenter. La loi tout entière n'est qu'une série de facultés que le juge
exerce à son gré. C'est parce qu'elle n'édifiait que ce pouvoir facultatif qu'elle
a osé le faire aussi large ; c'est parce qu'elle tenait en réserve une infranchis-
sable barrière, la volonté du juge, qu'elle a ouvert toutes les portes. On lit
dans l'exposé des motifs : c La liberté d'appréciation laissée au juge est la
donnée fondamentale du projet. La justice ou l'opportunité de la détention
préalable ne sera jamais qu'une question de fait à décider dans chaque espèce
par des considérations particulières, c'est le domaine du juge. On peut se fier
à sa discrétion et à ses lumières, à Tamour du devoir, au sentiment de la res-
ponsabilité. >
624. Gela dit, nous arrivons à l'examen des dispositions de la loi. La pre-
mière de ces dispositions est celle qui, effaçant la restriction précédemment
faite par le Gode, applique la mise en liberté provisoire en toute matière, c'est-
à-dire aux inculpés de délits et de crimes, quelle que soit la nature de l'incal-
pation, quel que soit le caractère des faits incriminés. On lit dans le rapport
du Gorps législatif : c Le projet ne pose aucane limite. Que dans la classifica-
tion des infractions et des peines la loi pose des règles absolues et ne laisse
de liberté au juge que dans les limites invariables d'un minimum et d'an
maximum, cela se comprend à merveille, l'égalité devant la loi le vent et la
justice n'en peut souffrir, là surtout où, par l'admission des circonstances
atténuantes, le juge peut mettre la condamnation en harmonie avec toutes lés
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DE LA LIBERTÉ PROVISOIRE AVEC OU SANS CAUTION (aRT. 113). 565
flinances du fait. Mais ce caractère inflexible ne peut être assigné à la déten-
tion préventive. La nécessité seule la légitime : c'est une question de fait varia-
Me au gré de circonstances impossibles à prévoir et dont le magistrat instruc-
teur est le premier et meilleur appréciateur. Tel délit Pexige impérieusement,
tandis que, sans danger pour l'instruction, un inculpé de crime pourra en être
affranchi. » Ainsi, point d'exception pour les vagabonds et les non domiciliés;
point d'exception pour les repris de justice et les prévenus en état de récidive;
point d'exception dans le cas des crimes les plus graves. La liberté provisoire
ost ouverte à tous.
Mais cette disposition, quelles que soient ses promesses, est en réalité entourée
4e restrictions qui en circonscrivent l'application. La liberté provisoire, dans
les cas de crime et de délit passible d'un emprisonnement de deux ans au
moins, est livrée, comme on Ta vu, au pouvoir discrétionnaire du juge, et si
elle est accessible à tous, c'est avec la condition que le juge en ouvre ou en
ferme l'accès à son gré ; et, dans les cas de crime seulement, cette liberté, si
elle a été accordée pendant l'instruction, ne se prolonge pas au delà; elle cesse
ûe droit à l'arrêt de la chambre d'accusation qui saisit la cour d'assises.
La première de ces restrictions, la faculté mise à la place du droit, est sans
aucun doute le principal motif delà généralité de la disposition. La loi a voulu
que cette faculté, qu'elle remettait à la conscience^ aux lumières, à la prudence
ûa juge, fût librement exercée ; elle ne lui a apporté d'autre frein que Toppo-
sition ou l'appel. Il y a lieu cependant d'examiner si ce pouvoir qui, parce
qu'il est discrétionnaire, ne doit pas être arbitraire, ne rencontre pas quelques
jalons pour le guider. La loi a pris au milieu des inculpés une catégorie, celle
des inculpés passibles d'un emprisonnement de moins de deux ans, et elle leur
a accordé la liberté de droit. Ne peut-on pas induire de laque, pour suivre la
pensée du législateur, il y aurait lieu de diviser les autres inculpés en plusieurs
catégories et de les soumettre à des règles diverses? Les faits incriminés sont
passibles ou d'un emprisonnement de deux ans et plus, ou des peines de la
réclusion^ de la détention, du bannissement et de la dégradation civique, ou de
ceUe des travaux forcés à temps ou d'une peine perpétuelle et de la peine capi-
tale, n est certain que le juge ne peut pas appliquer à toutes ces hypothèses
les mêmes précautions.
A la vérité, dans le système de notre législation, le titre de la prévention
n'est point une indication exacte de la gravité du fait. La dénégation des cir-
constances aggravantes et l'admission des circonstances atténuantes transfor-
ment les incriminations. Les classifications légales sont en quelque sorte
brisées et les faits les plus distincts par leur cari^tère juridique tombent tout à
coup au même niveau. Les premières qualifications, presque fictives, traver-
sent rarement l'instruction et le débat sans y laisser quelques-unes de leurs
prévisions. Et c'est par ce motif que nous émettions, longtemps avant la loi
nouvelle, le vœu c que le législateur pût attribuer la faculté de mise en liberté
provisoire aux prévenus de faits qui, bien que qualifiés crimes par la loi, sont
séparés des délits par le titre de la peine plus que par son intensité, par la
qualification légale des actes plus que par leur gravité intrinsèque. • Mais la
seule conséquence qui ressorte de cette modification incessante des qualifiea«>
4ions primitives^ c'est qu'il faut se garder en cette matière des règles absolues.
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566 TRENTE ET ITNIÈaiB LEÇON. — DE l'iNSTRUGTION ÉCRITE (n* 624).
li ne s'agit qae de chercher quelques présomptions morales qui peuvent tou-
jours être contredites par les faits, pour servir de base aux décisions.
Enfin, en matière de crime, la liberté provisoire a un terme qui a été mar-
qué par la loi. L'article 126 est ainsi conçu : « Si l'inculpé est renvoyé devant
la cour d'assises, il sera mis en état d'arrestation en vertu de l'ordonnance de
prise de corps contenue dans l'arrêt de la chambre des mises en accusation,
nonobstant la mise en liberté provisoire. »
L'exposé des motifs explique ainsi cette disposition : « Le gouvernement a
pensé qu'il ne convenait pas qu'un homme accusé d'un crime fût laissé libre
jusqu'au jour du jugement. La conscience publique s'étonnerait à bon droit de
cette liberté trop prolongée. Mais il a semblé que son terme naturel, assigné
par la prudence et par la régie, devait être dans l'ordonnance de prise de corp»
de la chambre d'accusation. A ce moment, en effet, l'arrêt de cette chambre
élève contre l'accusé un préjugé si grave qu'il serait téméraire de lui laisser le
choix d'attendre son jugement ou de s'y dérober. » Il est à regretter que la
loi n'ait pas repris un amendement proposé dans la discussion de la loi du
4 avril 1855 et qui avait pour objet de permettre à la chambre d'accusation en
décernant l'ordonnance de prise de corps, d'en suspendre l'exécution jusqu'au
huitième jour qui précéderait l'ouverture des assises. Ce n'était là qu'une
faculté conforme par conséquent au système de la loi, et qui eût permis de
rendre plus efficace la disposition qu'elle a édictée en faveur des inculpés
de crimes. Il y a lieu de remarquer, en effet, que l'article 126, en faisant cesser
la liberté provisoire à l'ordonnance de prise de corps, soumet tous les accusés
^la détention depuis cette ordonnance jusqu'à l'audience de la cour d'assises,
et, ainsi qu'on le verra plus loin, jusqu'au rejet du pourvoi ou jusqu'à l'arrêt qui
statue après cassation sur le renvoi, de sorte que cette détention préventive,
qui pourra s'étendre à plusieurs mois, réduit le bienfait de l'élargissement facul-
tatif à la durée de l'instruction écrite.
L'article 126 permet-il du moins aux accusés qui n'ont encouru qu'une peine
correctionnelle, soit par l'admission des circonstances atténuantes, soit parce
que les circonstances aggravantes ont été écartées, de réclamer leur mise en
liberté pendant l'instance du pourvoi ? Il paraît difficile de l'admettre. Il n'y a
plus de liberté provisoire, aux termes de cet article, après l'ordonnance de
prise de corps, et l'effet de cette ordonnance n'a point cessé ; il se prolonge
jusqu'à ce que l'arrêt de condamnation soit devenu définitif. Est-il possible
d'en annuler l'application au cas où la cour d'assises n'a prononcé qu'une
peine correctionnelle, où le fait n'a pris au débat que le caractère d'un délit ?
On aperçoit bien la raison d'équité qui ne veut pas que l'accusé, qui n'a com-
mis qu'un délit ou qu'un fait qui n'a que la valeur d'un délit, subisse une
forme rigoureuse réservée aux accusés de crimes ; mais on cherche vainement
un texte où rattacher cette distinction. L'article 126 plane avec ses termes
absolus sur toute la procédure postérieure à l'ordonnance de prise de corps ;
et l'on ne voit pas d'ailleurs comment les liens de cette ordonnance pourraient
être relâchés, puisque l'article 116, qui explique et confirme le sens de l'arti-
cle 126, n'a point placé la cour d'assises parmi les juridictions qui peuvent
statuer sur la liberté provisoire. A la vérité, l'article 121 semble prévoir le ca
où la demande serait formée par un prévenu ou par tm accusé ; mais ce mo
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DB LA LIBERTÉ PROYISOIRE AVEC OU SANS CAUTION (arT. 113J1 567
laissé là sans doute par inadvertance ne parait pas suffisant pour ébranler un
texte formel.
625. La disposition la plus importante de la loi du i4 juillet 1865 est ceUe
qui, en toute matière, autorise le juge à ordonner que Tinculpé sera mis provi-
soirement en liberté, à la seule condition de prendre l'engagement de se repré-
senter à tous les actes de la procédure. Nous avions dit antérieurement : « Il
est regrettable que le législateur n'ait pas autorisé dans les cas les plus favo-
rablesUa liberté provisoire même sans caution. On trouve cette institution dans
la loi romaine, dans notre ancien droit et dans la plupart des législations mo-
dernes. Il y a des circonstances où la position sociale du prévenu, la minimité
du délit, la nature des faits, permettent sans aucun péril pour la justice de le
laisser en liberté sous la simple promesse de se représenter. Pourquoi exiger
alors une caution si cette garantie n'est pas nécessaire? Pourquoi charger la
liberté provisoire de conditions onéreuses dont on peut se passer ? Le caution-
nement, tel qu'il est en général appliqué, suppose des ressources pécuniaires,
du crédit, de l'aisance. Ce senties personnes riches qui jouissent de son béné-
fice, les pauvres en profitent peu. Ne serait-il pas possible, pour établir l'égalité
dans la mise en liberté provisoire, de déclarer le cautionnement facultatif et
d'attribuer au juge le droit de dispenser le prévenu de toute caution lorsqu'il
trouve des garanties suffisantes dans sa position personnelle, son domicile, sa
profession, ses antécédents, enfin dans la nature môme du fait qui lui est im-
puté ?» La loi nouvelle a réalisé cette pensée.
Elle vivait déjà au surplus dans notre législation. L'article 131 du Gode en
avait fait une première application ; mais, plus timide que l'ancien droit, il
l'avait restreint aux délits qui n'entraînent pas la peine de remprisonnement*
Quelques lois spéciales avaient été plus loin : l'article 9 de la loi du 7 juin 1848,
sur les attroupements, portait : « La mise en liberté provisoire pourra toujours
être accordée, avec ou sans caution. • L'article 18 de la loi du 28 juillet 1848,
sur les clubs, portait également : « La liberté provisoire pourra dans tous les
cas être accordée avec ou sans caution. »
Mais ce qui n'avait été introduit dans notre législation qu'à titre d'exception
est devenu une règle générale. L'article 94 porte :
« Art. 94. Dans le cours de l'instruction, il (le juge} pourra, sur les conclusions
conformes du procureur de la République, et quelle que soit la nature de l'incul-
pation, donner mainlevée de tout mandat de dépôt ou d'arrêt, à la charge par l'in-
culpé de 86 représenter à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du juge-
ment, aussitôt qu'il en sera requis. »
L'article 113 ajoute:
« En toute matière, le juge d'instruction pourra, sur la demande de l'inculpé et
sur les conclusions du procureur de la République, ordonner que l'inculpé sera
provisoirement mis en liberté, à charge par celui-ci de prendre l'engagement de
se représenter à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du Jugement
aussitôt qu'il en sera requis. »
Cette mise en liberté pure et simple, qui reproduit l'ancienne caution jura-
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568 TRBNTÎB ET UNIÂICB LEÇON. — DE l'iTISTRUCTIOM ÉCRITE (N^ 625).
toire, n'est qu'une conBéquence de la nécessité des choses. Si la détention
préalable, à raison de la position de Tinculpé, de sa moralité reconnue, ou du
caractère des faits incriminés, n'est indispensable ni à la sûreté publique ni à
rinstruction, le cautionnement, qui n'est, on le verra tout à l'heure, que Téqui-
valent de la détention, est inutile. Gomment, en effet, la garantie d'une cau-
tion serait-elle nécessaire si la garantie de la détention ne Test pas ? Pourquoi
substituer cette caution à la détention là où il n'y a pas lieu de détenir ? Or, il
faut reconnaître qu'il y a des cas, et ces cas sont nombreux, où l'inculpé peut
demeurer libre sans aucun péril, ni pour l'ordre, ni pour la justice : c'est quand,
retenu par les relations de la famille, par les habitudes du foyer, par les né-
cessités du travail, par tous les liens qui emprisonnent la vie de chaque indi-
vidu, il ne peut songer à une fuite qui serait Tezil, la misère et le malheur ;
c'est quand les faits poursuivis n'ont pas de complices ou ne sont pas de nature
à se répéter; c'est quand ces faits n'ont pas un caractère tellement odieux que
la présence de l'inculpé soit un scandale dans la cité.
La loi exige d'ailleurs quelques conditions qui ont une certaine importance.
Elle n'accorde, en premier lieu, la mise en liberté que sur la demande de Tin-
culpé. Il en était de môme dans notre ancien droit, c Les accusés, dit Jousse,
peuvent être élargis par provision sur une requête présentée à cet effet et
communiquée à la partie publique et à la partie civile. • C'est là une première
différence qui sépare le cas prévu par cet article du cas prévu par rarticle 94 :
le juge, dans cette dernière hypothèse, agit d'office lorsqu'il laisse l'inculpé en
liberté ou donne mainlevée du mandat, tandis qu'il ne prononce dans la pre-
mière que sur la requête qui lui est adressée.
La loi veut, en second lieu, que la mise en liberté ne soit prononcée que
sur les conclusions du procureur de la Eépublique, On trouve ici une deuxième
différence avec l'hypothèse de l'article 94, dans laquelle la mainlevée du man-
dat n'est donnée que sur les conclusions conformes du procureur de la Répu-
blique. Pourquoi cette différence? Pourquoi le juge, qui est lié parles conclu-
sions dans l'article 94, ne Test-il plus dans l'article 113? La raison en est
simple: dans le cas de l'article 94, le juge qui agit de lui-même et sans être
provoqué par aucune demande ne fait qu'un acte d'instruction, et la loi a pu,
dans ce cas, subordonner cet acte à la double adhésion du juge et du minis-
tère public. Dans le cas de l'article 113, le juge, statuant sur la requête de
l'inculpé, fait acte de juridiction, et son ordonnance peut être frappée d'oppo-
sition devant la chambre d'accusation. Il n'est donc plus arrêté par les conclu-
sions, il se borne à les prendre et prononce ensuite, quelle que soit leur te-
neur, dans toute l'indépendance de sa juridiction sur la requête.
La loi exige, en troisième lieu, que l'inculpé prenne Vengagement de se repré-
senter à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement Cet
engagement, qui fait revivre l'ancienne caution Juratoire, ne nous parait
point une forme vaine et dénuée de toute efficacité. L'inculpé, à qui la loi té-
moigne quelque confiance, n'a point d'intérêt à la tromper, et doit tenir à s'en
montrer digne. S'il est fidèle à la promesse solennelle qu'il a faite, il prouve
qu'il ne redoute pas la justice et il s'attire quelque droit à sa bienveillance.
S'il y est infidèle, ce manque de foi ne fait qu'aggraver sa position.
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DB LA LIBERTÉ PR0VI80IRB ATEG OU SANS CAUTION (aRT. 113). 569
6M. Le pcavoir digcrétionnaîre du juge rencontre une limite. Le deuxième
paragraphe de Tarticle 113 édicté, en faveur des inculpés de délits passibles
d'un emprisonnement inférieur à deux ans, la mise en liberté du droit, cinq
jours après Tinterrogatoire. Cette innovation a été une transaction avec Topi-
nion, très-fortement soutenue, qui demandait rapplication absolue de la liberté
provisoire à tous les inculpés de faits qualifiés délits. Le rapporteur a fait
remarquer avec raison que la détention préventive, qui ne doit point avoir
le caractère d'une peine préalable, mais qui constitue seulement une mesure
de précaution, n'est nécessaire qu'à l'égard des inculpés qui^ à raison de la
gravité du délit, peuvent être présumés vouloir se dérober soit à l'instruction,
soit à l'application de la peine. Or^ cette présomption n^existe pas en ce qui
concerne les inculpés qui ne sont menacés que d'une peine dont le maximum
n'atteint pas deux années d'emprisonnement, et dont le minimum peut des-
cendre à six jours. Gomment croire, en effet que, pour fuir une telle préventioni
l'inculpé va quitter son foyer, sa famille, toutes ses ressources ? La présomp-
tion de la comparution en justice est si forte qu'elle fonde un véritable droit
à la liberté, car il n'y a, répétons-le, qu'une nécessité absolue d'ordre ou de
justice qui puisse le suspendre. Nous ajouterons à tous les motifs qui ont été
apportés à l'appui, une considération morale qui nous semble importante :
c'est qu*il importe de ne pas jeter inutilement dans les prisons des personnes
dont la criminalité est encore incertaine et auxquelles la justice n'impute que
des actes d'une valeur secondaire. 11 importe de ne pas entacher leur vie de
cette note d'infamie avant que la justice ait déclaré qu'elle était méritée.
Les détentions, si courtes qu'elles soient, sont toujours funestes à ceux
qu'elles frappent, soit en privant la famille des ressources de leur travail, soit
en leur infligeant une flétrissure encore imméritée, soit en jetant dans leur
âme des semences de corruption, soit enfin en l'abaissant par une humiliation
dont elle ne peut se relever.
Ce droit à la liberté provisoire est d'ailleurs soumis à plusieurs conditions.
Il ne s'exerce que cinq jours après l'interrogatoire, c'est-à-dire après six jours
à compter du jour de l'arrestation, car il a été formellement reconnu dans la
discussion de la loi que l'interrogatoire que mentionne l'article 113 est celui
qui doit avoir lieu dans les vingt-quatre heures. Le délai de cinq jours après
cet interrogatoire a été donné pour que le juge puisse prendre tous les rensei-
gnements qui lui sont nécessaires, et il le peut facilement dans ce délai puisque
la voie télégraphique a été mise à la disposition des parquets, et puisqu'il n'a
pas décerné le mandat de comparution sans avoir déjà procédé à un commen-
cement d'information. Que s'il reconnaît, même avant les cinq jours expirés,
que rinculpé doit profiter du droit, il ne doit pas attendre l'échéance du délai,
car la loi a voulu que l'application de cette liberté de droit fût sérieuse et réelle
et que le juge se pénétrât de son esprit pour la mettre en action.
Une seconde condition est que les inculpés soient domtcUiés, La mise en
liberté de droit emporte, en effet, comme celle qui n'est que facultative, la
condition de se représenter à tous les actes de la procédure et pour l'exécution
du jugement. Or, cette condition, dès qu'elle n*a plus pour garantie de son
aco<MnpUssement l'appréciation libre du juge, doit en trouver une autre qui
est le domicile. De quel domicile s'agit-il ici ? C'est le domicile de fait, le lieu
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570 TRENTE ET UNIÈME LEÇON. — DE l'iNSTRUCTION ÉCRITE (n^ 6Î7).
OÙ l'incnlpé réside habituellement, où il a son établissement et ses ressources,
où il travaille, où il est fixé. C'est cette demeure fixe, cette résidence cimentée
par un certain temps, qui constitue la garantie légale. Mais on ne doit pas la
confondre avec la dernière habitation, qui n'est qu'un fait isolé ^uand elle ne
s'est pas continuée suffisamment pour manifester l'intention de s'y fixer. La
loi n'a voulu exclure que ceux qui ne sont attachés à aucun lien par la famille
et par le travail, qui n'ont aucun foyer, aucune demeure continue et habi-
tuelle, aucun établiss^ent, d'abord, parce qu'ils ne fournissent aucun gage
de leur moralité, ensuHe parce que les réquisitions de la justice ne sauraient
où s'adresser et n'auraient aucune assurance d'être obéies.
Une dernière condition est que les inculpés ne soient en récidive ni de
crime ni de délit. Nous avons déjà indiqué par quel motif cette exclusion ne
s'applique qu'aux inculpés passibles d'un emprisonnement inférieur à deux
ans : la liberté n'étant que facultative à l'égard de tous les autres, il n'a pas
paru nécessaire d'imposer des limites au pouvoir discrétionnaire du juge,
tandis qu'étant ici de droit, il était indispensable d'indiquer les individus
auxquels elle ne s'appliquait pas. Ces individus sont c les prévenus déjà con-
damnés pour crime, et ceux déjà condamnés d'un emprisonnement de plus
d'une année • ; ce qui doit s'interpréter en ce sens que la loi a voulu exclure :
joious les condamnés pour crime, quelle que soit la peine encourue ; 2<» tous
les condamnés pour délit à un emprisonnement de plus d'un an.
627. Il nous reste à parler de la liberté avec caution. La mise en liberté
sous caution n'est plus qu'un assurément subsidiaire. Elle n'intervient que
lorsque l'arrestation a été jugée nécessaire, que le mandat a été mis à exécu-
tion, et que le juge n'a pas pensé, après l'interrogatoire de l'inculpé, pouvoir
le remettre en liberté sans que sa représentation fût assurée ; le cautionne-
ment est la garantie de cette représentation. L'inculpé ne recouvre qu'une
liberté conditionnelle ; le lien du cautionnement l'attache et le retient dans le
ressort du tribunal saisi ; il est rendu à ses travaux, à ses affaires, mais la
justice ne fait que rel&cher la chaîne dont elle tient le bout ; il reste à sa dis-
position. La loi garantit ainsi, sans déployer une inutile rigueur, les droits de
la justice ; elle assure, en laissant l'inculpé en liberté, l'exécution du juge-
ment. Il suit de là que le caractère général de la mise en liberté sons caution
est de remplacer la garantie de l'emprisonnement préalable par la garantie du
cautionnement, de substituer à la détention qui, appliquée aux prévenus, est
une mesure de sûreté, une autre mesure de sûreté, de changer le gage dont
la justice a besoin sans en diminuer la valeur. Ainsi cette institution n'afifai-
blit point ^'action publique. Elle ne supprime une détention rigoureuse qu'en
la remplaçant par une garantie non moins efficace.
De ce principe on peut déduire deux conséquences : la première que la
mise en liberté sous caution ne doit être appliquée que dans les cas où la
détention préalable serait jugée nécessaire ; la deuxième, que la condition de
son application est qu'elle présente une garantie analogue à celle de l'empri-
sonnement. Le premier point ne peut soulever aucune contestation. Si la
détention préalable de l'inculpé à raison de sa moralité, de sa position sociale
ou du peu de gravité du fait, n'est pas indispensable à la poursuite, le caa*
tionnement, qui n*est que l'équivalent de l'emprisonnement, est évidemment
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DE LA LIBERTÉ PBOYISOIRE AVEC OU BANS CAUTION (aRT. 113)* 571
superflu. Le second donne lieu à plus de dif6cultés. Gomment assimiler la
perte de la liberté et la perte d*une somme pécuniaire ? Gomment être assuré
que, pour éviter l'exécution d'une peine corporelle, le prévenu ne sacrifiera
pas le cautionnement qui a été déposé 7 II est clair que la solution du problème
ne peut être que dans le taux du cautionnement.
Le cautionnement doit être proportionné aux moyens pécuniaires du pré^
venu, il doit être en rapport avec la gravité du fait imputé, il ne doit s'appli-
quer qu'aux domiciliés. La liberté sous caution, en effet, puise ses garanties
dans trois sources différentes, dans la position personnelle du prévenu, dans
ses ressources pécuniaires, dans le caractère plus ou moins grave du fait qui
lui est imputé. Elle le retient par le lien du domicile, par le dépôt d'une partie
de sa fortune, par l'intérêt réel qu'il a de purger la prévention, quelle qu'en
soit rissue. Le domicile est la première condition de toute liberté provisoire.
La mise en liberté suppose l'engagement de se représenter, et par conséquent
une résidence fixe. Le taux du cautionnement doit être une garantie sans
être un obstacle à la liberté ; il doit être un lien pour tous et non un privilège
pour quelques-uns. Il Jaut donc qu'il soit proportionné aux ressources du pré-
venu. L'égalité de la somme conduirait à l'inégalité de la loi; elle créerait
parmi les inculpés des' classes qu'elle admettrait à participer à ses bienfaits
et des classes qu'elle en éloignerait. Elle serait pour les uns inaccessible et
pour les autres inefficace. M. Livingston, dans le Gode de la Louisiane, a par-
faitement précisé la difficulté : c Le montant du cautionnement ne saurait
être proportionné par la loi aux circonstances de chaque cas particulier; c'est
un des points les plus importants et les plus délicats de l'exercice du pouvoir
judiciaire. Il doit être balancé de manière à ne pas permettre qu'un délin-
quant riche échappe à la loi moyennant le payement d'une peine pécuniaire,
ni que ce privilège soit en dehors de la portée du pauvre. Afin d'en faire une
garantie certaine de la comparution de la partie, il. doit être déterminé par
les considérations suivantes : i^ la nature de la punition à infliger en cas de
condamnation ; %^ la situation pécuniaire de la personne accusée. Si l'offense
est punissable par les travaux de force, l'emprisonnement ou la privation des
droits civils, le désir d'échapper à la punition étant plus grand, doit être con-*
trebalancé par une plus forte garantie. La fortune de l'accusé doit aussi être
prise en considération. Le pauvre peut être surchargé par l'imposition d'un
cautionnement qui serait de nulle garantie pour la comparution du riche. 11 est
de l'essence du cautionnement d'être variable; c'est sa mobilité qui fait son
égalité et sa puissance. »
tM, Gela posé, résumons les dispositions de la loi sur ce point. Trois inno-
vations importantes ont été introduites dans notre Gode; la suppression du
minimum du cautionnement, la caution personnelle d'un tiers, l'affectation du
cautionnement à la représentation de l'inculpé, à l'amende et aux frais.
La suppression du .minimum du cautionnement, qui a conduit à sa sup-
pression facultative, est la plus considérable de ces mesures. L'ancien art. 119
du Gode avait fixé le maximum de ce cautionnement au double de l'amende
ou au triple du dommage, et son minimum à 500 francs. Gette disposition
présentait un double inconvénient : le minimum était trou élevé et le maxi*
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572 TRENTE ET UNlàUB LEÇON. — DE L'INSTRUCTION ÉCRITE (n^ 629).
mum trop bas. En fixant le minimum à 500 francs, le législatenr déshériterait
de la liberté provisoire tonte la population pauvre, celle qui avait le plus
besoin peut-être de la liberté, parce que le travail lui est plus nécessaire. En
limitant le maximum au doubie de l'amende et au triple du dommage, il
n'atteignait pas la classe riche et fixait au cautionnement une seule base,
erronée quand elle est prise isolément, la gravité du fait incriminé. C'était
confondre le cautionnement avec la peine. L'un et l'autre ont un principe dis-
tinct, une source différente. Le cautionnement n'est qu'une garantie de la
représentation du prévenu à la justice et ne peut avoir qu'un seul but, c'est
d'assurer cette représentation. Il substitue la sûreté pécuniaire à la sûreté per-
sonnelle ; mais l'une et l'autre ont le môme objet, la présence du prévenu an
débat. Le cautionnement doit donc se préoccuper principalement de la situai
tion personnelle de ce prévenu, de sa fortune, de ses ressources, de la force du
lien qu'il établit.
Telles sont les considérations qui ont dicté le décret du 24 mars 1848. Ce
décret est ainsi conçu : c Le gouvernement provisoire, sur le rapport du mi»
nistre de la justice : vu l'art. 119 du Gode d'instruction criminelle, portant que
le cautionnement que doivent fournir les prévenus de délits, lorsqu'ils obtien-
nent la liberté provisoire, ne peut être au-dessous de 500 francs ; considérant
que cette disposition consacre une flagrante inégalité parmi les prévenus ;
qu'elle a pour résultat d'exclure de la liberté provisoire tous ceux qui ne peu-
vent déposer une somme de 500 francs ; que les garanties de la représentation
devant la justice d'un prévenu peuvent se puiser, non-seulement dans sa for-
tune, mais dans sa position personnelle, dans son domicile, dans ses antécé-
dents, enfin dans la nature même du fait qui lui est imputé : décrète : le pre-
mier paragraphe de l'art 117 est abrogé. > Ce décret, l'un des bienfaits du
gouvernement provisoire, n'a point détruit le cautionnement ; il s'est borné
à en effacer le minimum. Son but a été de le rendre accessible aux classes
pauvres, en donnant la facilité d'en proportionner le taux aux plus minhnes
fortunes, aux situations les moins aisées. U a permis- au juge de l'abaisser in-
définiment, de le réduire aux proportions les plus minimes, lorsqu'il trouve
dans la personne ou la position du prévenu des garanties suffisantes de sa
représentation en justice.
Cette suppression a été maintenue par la loi du 14 juillet 1865, et cette loi
a fait plus ; elle a effacé le maximum déterminé par le 2« paragraphe de Tar»
tide 119. On lit dans l'exposé des motifs : « Il est de l'essence du cautionne-
ment que cette limite ne soit pas fixe, qu'elle s'élève ou s'abaisse avec la posi-
tion de l'inculpé, la nature de l'infraction et la gravité de la peine. Le chiffre
du cautionnement, comme le cautionnement même et comme la mise en
liberté, doit être laissé à l'arbitrage du juge. •
629. En ce qui concerne le mode du cautionnement, la loi a moins innové
qu'elle n'a simplifié ce qui existait déjà. Elle reconnaît, comme faisait le
Gode, deux modes distincts : le cautionnement en espèces qui peut être fourni
soit par l'inculpé, soit par un tiers ; le cautionnement d'une tierce personne
qui prend l'engagement de faire représenter l'inculpé à toute réquisition^ ou^
à dé&ut, de verser la somme déierminée. Cet engagement se trouve dégagé
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DE LÀ LIBERTÉ PROYISOlRB AVEC OU SANS CAUTION (aRT. US). 573
de la garantie immobilière qui raccompagnait dans Vancien article 117 et qni,
à raison de rinscription hypothécaire qni en était la conséquence, avait été
une perpétuelle entrave. Il ne consiste plus que dans une simple garantie
personnelle de la représentation de Tinculpé. Le juge apprécie la solvabilité
de la tierce personne qui prend cet engagement : toute personne peut être
admise, aux termes de Tarticle 129, pourvu qu'elle soit solvable. c En s'abs-
tenant, dit l'exposé des motifs, de reproduire les dispositions du Gode relatives
au cautionnement immobilier, le projet de loi n'entend pas exdure cette preuve
de solvabilité; il la laisse dans le droit commun. Ce sera un moyen entre plu-
sieurs, au lieu d*6tre comme aujourd'hui le moyen légal et unique. Aucun
incident plus que celui-ci ne demande par son objet d'être mené simplement
et vite ; on en faisait une procédure semée de contestations (art. 2018, 2019,
2040 Gode civil). Gomment s'étonner que la liberté sous caution ne soit pas
entrée dans nos mœurs* »
Le juge détermine ensuite le montant du cautionnement c suivant la na-
ture de Taffaire, i dit l'article 120; il faut ajouter : suivant les ressources et
la moralité de l'inculpé. La somme déterminée peut être fournie en espèces
môme par un tiers ; mais dans le cas où ce tiers propose seulement sa caution
personnelle, ce n'est qu'au cas où l'inculpé fait déCtut, qu'elle doit être versée
au Trésor.
tM, Enfin une dernière modification a eu pour objet de définir le but du
cautionnement et l'emploi auquel il est affecté. Le2« paragraphe de l'article 114
est ainsi conçu : « Le cautionnement garantit : i^ la représentation de l'inculpé à
tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement ; 29 le payement
dans l'ordre suivant : i^ des frais faits par la partie publique ; 29 de ceux avancés
par la partie civile; 3® des amendes.- »
L'objet du cautionnement est de garantir la présence de l'inculpé à tous les
actes de la procédure et pow Vexécution du jugement. Ld cautionnement, nous
l'avons établi, remplace la détention ; il est destiné à suppléer à la sûreté de
œtte mesure par le gage qu'il apporte, sa mission doit se borner à assurer sa
représentation en justice. Telle était la seule obligation que la caution sous-
crivait avant la loi : c La caution, portait l'ancien article 120, fera sa soumis-
sion de payer le montant du cautionnement en eas que le prévenu soit constitué
en défaut de se représenter, » Et l'art. 122 modifié par la loi du 14 juillet 1865,
dit également : t Les obligations résultant du cautionnement cessent si l'in-
culpé se présente à tous les actes de la procédure et pour l'exécution de ce
jugement. » Ainsi ce n'est que le défaut de cette représentation qui engage la
responsabilité de la caution, et pourvu que le prévenu se soit représenté à
toutes les réquisitions de la justice, elle est entièrement dégagée.
Mais, si le prévenu fait dé&ut, la responsabilité de la caution s'engage et
le cautionnement s'affecte aussitôt. Dans le système du Gode on distinguait
le défaut de représentation du prévenu aux actes de la procédure, et son défiiut
de représentatif^ q à l'exécution du jugement. Dans la première hypothè^, le
cautionnement était affecté au payement des réparations civiles, des amendes
et des frais ; mais, ces sommes acquittées, le surplus était restitué. Dans la se-
conde, la restitution n'avait pas lieu tant que la peine n'était pas exécutée.
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574 TRBNTB ET UNIÈME LEÇON. — DE l'iNSTRUGTION ÉCRITE (n* 63l).
dette interprétation de Tarticle Ul avait été consacrée dans nn arrêt de la
Cour de cassation du 19 octobre 1821 (1), renda dans une espèce où le pré-
venu, après avoir ùài défaat à l'audience^ avait formé apposition et s'était^
représenté ultérieurement. La loi nouvelle ne Ta pas odoptée, et elle a pris
une sorte de terme moyen qu'elle a trouvé dans les articles 13, 23 et 24 de la
loi belge du 18 février 1852.
Elle a divisé le cautionnement en deux parts : Tune, comme le porte Par-
ticle 114, qui garantit la représentation de l'inculpé; l'autre, qui garantit le
payement des frtfis et des amendes. Cette dernière garantie ne s'étend plus
aux réparations civiles : le législateur a pensé avec raison que, si la détention
préventive se justifie, c'est seulement quand elle sert un intérêt public, et
qu'appliquée à un intérêt privé, elle est odieuse. L'art. 114 ajoute : c L'ordon-
nance de mise en liberté détermine la somme affectée à chacune des deux
parties du cautionnement. » La première partie est, sauf le cas d'acquitte-
ment, acquise à l'État, suivant les termes de l'artide 122, c du moment que
rinculpé, sans motif légitime d'excuse, est constitué en défaut de se repré-
senter à quelque acte de la procédure ou pour l'exécution du jugement. • La
deuxième est, en cas de condamnation, affectée aux frais et à l'amende, et
restituée en cas d'acquittement ou d'absolution.
631. La loi du 14 Juillet 1865 s'est bornée, en ce qui concerne la désigna*
tion de la juridiction compétente pour prononcer sur la liberté provisoire, à
recueillir la règle établie par la jurisprudence. Cette règle est que la mise en
liberté peut être demandée et ordonnée devant tout tribunal saisi de la cause
et pexfdant tout le temps qu'il en est saisi.
U n'appartient donc qu'au juge d'instruction d'y statuer, tant qu'il demeure
saisi de l'instruction, tant qu'il n'a pas rendu Tordonnance de mise en pré-
vention. Ce premier point est formdlement établi par l'article 114 rectifié par
la loi du 17 juillet 1856 et par les articles 113 et 116 rectifiés par la loi du
14 juillet 1865. Lorsque le juge s'est dessaisi par son ordonnance, son poufoir
est transféré à la juridiction qu'il a saisie. L'articlallO porte : « La mise en li-
berté provisoire pourra être demandée, en tout état de cause : à la chambre
des mises en accusation depuis l'ordonnance da juge d'instruction jusqu'à
l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises ; au tribunal correctionnel, si Taffaire
y a été renvoyée; à la cour (chambre des appels correctionnels), si l'appel a
été interjeté du jugement sur le fond, b II suit de ces derniers mots que, dans
le cas de renvoi devant la police correctionnelle, c'est au juge saisi du fond de
l'affaire qu'appartient la compétence. Ainsi, lors môme que des appels inci-
dents auraient été portés devant la cour, c'est au tribunal à statuer, tant qu'il
n'a pas été dessaisi. S'il s'est déclaré incompétent sur le fond, il s'est par là
même dessaisi et ne peut plus ordonner la mise en liberté.
Ces désignations avaient déjà été faites par la jurisprudence et le législateur
n'a fait que les enregistrer. Mais, puisqu'il intervenait, il semble qu'il aurait
dû les modifier. N'est-il pas extraordinaire que cette question de la liberté
provisoire soit renvoyée de tribunal en trU)unal, et jugée tantôt par le juge
(l) J(mrru du Pal., tome XVI. p. 920.
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DE LA LIBERTÉ PR0V180IRB AVEC OU SANS CAUTION (aRT. il3). 575
d'instruction, tantôt par la chambre des appels de la cour? CiOmment arriver
à des règles fixes, à des conditions uniformes, quand la juridiction est incer-
taine et dépend du jour où la demande est formée? £t c'est le plus précieux
des biens des citoyens, c'est leur liberté qui se trouve subordonnée aux
hasards d'une compétence mobile ! Gomment attendre la même appréciation,
la même solution du juge, du tribunal et de la cour? N'edit-il pas mieux valu,
en reprenant le principe qui se trouvait dans Tancien article 114, et en lui
donnant une application nouvelle, déclarer que le juge d'instruction et sur
rappel la chambre d'accusation auraient en cette matière une compétence
exclusive? U s'agit d'une mesure qui, quelle que soit l'époque où elle est pro-
noncée, appartient par sa nature à l'instruction; pourquoi ne pas la laisser à
la juridiction qui est chargée de l'instruction ?
Au surplus, il ne faut pas perdre de vue que la chambre d'accusation, le
tribunal et la cour, qui ne font qu'exercer le pouvoir qui appartenait jusque-
là au juge d'instruction, peuvent, comme le juge, admettre les prévenus à la
liberté provisoire, soit avec caution, soit avec le seul engagement de se repré-
senter. L'article 116 ne fait aucune distinction entre ces deux modes d'élar-
gissement et les laisse l'un et l'autre à la disposition de la juridiction compé-
tente, quelle qu'elle soit; et l'article 120, qui se réfère à tous les cas où la
liberté est accordée, n'établit les formes de cautionnement que « dans le cas
où la liberté provisoire aura été subordonnée au cautionnement. >
L'art. 116 admet une exception à la règle qu'il a posée. Son deuxième pa-
ragraphe est ainsi conçu : c Lorsque le condamné, pour rendre son pourvoi
admissible, conformément à l'article 421, voudra réclamer sa mise en liberté,
il portera sa demande devant la cour ou devant le tribunal qui aura prononcé
la peine. » Ici encore, le législateur a suivi la jurisprudence et il Ta suivie
jusque dans une sorte d'anomalie qu'elle avait consacrée. Le premier para-
graphe de l'article n'accorde compétence qu'à la juridiction saisie au moment
où la demande est formée, le deuxième l'accorde, au contraire, à une juridic-
tion dont le pouvoir est épuisé et qui s'est complètement dessaisie. Ne fallait-
il pas mieux, comme nous le disions tout à l'heure, et puisque le dessaisis-
sement de la juridiction n'était pas un obstacle à sa compétence, renvoyer la
demande au juge d'instruction, seul compétent pour prononcer sur un acte
qui appartient à l'instruction ?
Une question s'élève ici. L'article 421 n'admet, comme équivalent de la
mise en état, que la liberté sous caution. Est>ce que la liberté ne pourra pas,
dans ce cas, être accordée avec le seul engagement de se représenter ? Il nous
parait évident que l'article 421, qui n'a point établi les conditions de la liberté,
se réfère aux articles qui ont stipulé ces conditions. Le système, dont il était
une application, n'existe plus; il a été remplacé par d'autres dispositions : ces
dispositions nouvelles, qui établissent les règles communes de la liberté pro-
visoire, dominent tout le Gode et par conséquent l'article 421. Il suffit donc
désormais, pour que le prévenu soit en état, que son élargissement ait été au-
torisé conformément à ses dispositions.
632. Les formes de la demande en liberté provisoire sont très-simples* Le
prévenu dépose au greffe de la juridiction compétente une requête tendant à
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576 TRBNTB BT UNIÈME LEÇON. — DE l' INSTRUCTION ÊGRITB (n* 633).
ce que la liberté loi soit accordée. Cette requête n'est soumise à aucune forme
particulière. Il peut fournir à l'appui des observations écrites (art. 117). La
requête est communiquée par le juge d'instruction au ministère public pour
qu'il donne ses conclusions et notifiée par le .requérant à la partie civile, s'il
y en a en cause, à son domicile ou à celui qu'elle aura élu, pour qu'elle puisse,
dans le délai de vingt-quatre heures à partir du jour de la notification, pré-
sentei*, ^i elle le veut, des observations écrites (art. 118). Cette dernière dispo-
sition, qui reproduit l'ancien article 116, était-elle nécessaire? on comprend
que la loi ait dû mettre la partie civile en cause lorsque la liberté n'était ac-
cordée que moyennant un cautionnement, et que le dommage causé par le
délit était l'un des éléments du taux de ce cautionnement. Mais pourquoi cette
intervention quand la mise en liberté peut avoir lieu sans cautionnement, et
quand ce cautionnement, s'il est exigé, ne garantit plus le dommage ? pour-
quoi, lorsque la mainlevée du mandat de dépôt ou du mandat d'arrêt a lieu
sans le concours de cette partie, faire ultérieurement de ce concours une con-
dition de la mise en liberté ? Serait-ce que, le cautionnement pouvant garantir
les frais avancés par la partie civile, il a paru convenable de l'appeler pour
qu'elle pût s'opposer à l'élargissement sans caution ou sans une caution suf-
fisante ? Mais la somme de ces avances est trop minime pour qu'on puisse en
faire un obstacle sérieux à l'élargissement. Il semble que, dans le cas des ar-
ticles 113 et 114, comme dans celui de l'article 94, la partie civile devait rester
en dehors de cette procédure incidente : il s'agit d'une mesure d'instruction,
qui se fonde sur des intérêts plus élevés que les siens, et qu'elle ne doit pas
contrôler. Il est statué sur la requête, comme nous l'avons vu, soit par le juge
d'instruction s'il n'a pas encore rendu l'ordonnance de renvoi, soit par la juri-
diction saisie de l'affaire, suivant les termes de l'art. 116. Cette juridiction,
quelle qu'elle soit, prononce en chambre du copseil, le ministère public
entendu (art. 117).
688. La décision rendue sur la requête peut être attaquée, soit par le mi-
nistère public, soit par la partie civile, soit par l'inculpé. Ce recours, que la
jurisprudence avait fait sortir du silence de la loi, a reçu une sanction ex-
presse. Si l'ordonnance de mainlevée prévue par l'article 94 ne peut être atta-
quée, c'est qu'elle ne constitue qu'un acte d'instruction, mais il s'agit ici d'un
acte delà juridiction du juge. L'article 119 est ainsi conçu : « L'opposition ou
appel devra être formé dans ,un délai de vingt-quatre heures qui courra contre
le procureur de la République, à compter du jour de l'ordonnance ou du ju-
gement, et contre l'inculpé et la partie civile, à compter du jour de la notifi-
cation. L'opposition ou l'appel sera consigné sur un registre tenu au greffé à
cet effet. Le procureur général aura le droit d'opposition dans les formes et
les délais prescrits par les trois derniers paragraphes de l'article 135. > U y a
lieu de remarquer sur cet article : 1* que, conformément à l'article 135, qu'il
faut rapprocher de celui-ci, la notification doit être faite à la partie civile et à
l'inculpé non détenu dans les vingt-quatre heures de la décision, au domicile
par eux élu ; 2* que, si l'inculpé est détenu, la notification est remplacée par la
communication qui lui est faite par le greffier ; 3* que le procureur général n'est
investi que du même droit d'opposition que l'article 135 lui a conféré contre
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iM XA LiamTÉ 'PJiansoHiB avsg &a bam» CAUs^ioir (art. il 3). 577
les ordonnancés àa jnge d'instraetion : il rexeree dans les mêmes fonogs et
dans les mêmes délais. Quant au droit d'appel contre le jugement du tribunal
correctionnel, il n'a point été dérogé aux règles du droit commun et il y a lieu
de s'étonner d'un tel oulfU dans une matière qai exige célérité; 4<» enfin, que
le pourvoi en cassation, dans les cas où il est admis, doit être formé dans les
délais prescrits par ^article 373, puisque l'article ild n'y a apporté aucune
dérogation.
Lorsque Tinctilpé est admis à la liberté provisoire, il y a lieu de distinguer
ai son élargissement est prononcé sans caution ou avec caution.
Dans le premier cas, il souscrit au greffe un acte par lequel il prend l'enga-
gement de se représenter à tous les actes de la procédure et pour l'exécution
du jugement, aussitôt qu'il en sera requis (art. 113). Il lait en qiême temps
-élection du domicile dans le lieu de la poursuite. L'article 121 porte : « préa-
lablement à la mise en liberté, avec ou sans cautionnement, le demandeur
devra, par acte reçu au greffe, élire domicile, s'il est inculpé, dans le lieu où
«iégele juge d'instruction; s'il est prévenu ou accusé, dans celui où siège la
Juridiction saisie du fond de l'afiaire. t Cette élection de domicile tîetit lien
de la personne môme du prévenu; c'est à ce domicile élu que tous les actes
de l'instruction doivent être notifiés, que les ajournements doivent être
donnés.
Dans le deuxième cas, l'inculpé doit ou verser le cautionnement ou présenter
la caution qui doit répondre de sa représentation. L'article 121 est ainsi conçu.
« Si le cautionnement consiste en espèces, il sera versé entre les mains du
receveur de l'enregistrement, et le ministère public, sur le vt du récépissé,
fera exécuter l'ordonnance de mise en liberté. 6*il résulte de l'engagement
d'un tiers, la mise en liberté sera ordonnée sur le vu de l'acte de soumission
reçu au greffe. • Ainsi l'élargissement doit être immédiatement ordonné par
le ministère public sur le vu de l'acte qui constate le versement du caution-
nement ou l'engagement de le verser sans qu'il y ait lieu à discussion par la
partie civile ni à aucun retard. La loi a voulu que cette procédure fût simple
et rapide afin que la liberté provisoire pût être etfîcace.
^M, La liberté provisoire, après qu'elle a été régulièrement accordée, prend
fin dans les cas suivants :
1* Lorsque l'inculpé est constitué en défaut de se présenter à quelque acte
de la procédure ou pour l'exécution du jugement. Il faut que le défaut soit
bien constaté, c'est-à-dire qu'il y ait eu d'une part réquisition formelle de se
représenter et, d'une autre part, infraction volontaire à cette réquisition; car
toute absence motivée par un empêchement légitime ne constituerait pas le
prévenu en défaut. Ce défaut, qui est ainsi apprécié par les juges, ne les
oblige pas, mais leur donne seulement la faculté d'ordonner la détention :
L'article 125 est ainsi conçu : c Si, après avoir obtenu sa liberté provisoire,
l'inculpé cité ou ajourné ne comparât pas, le juge d'instruction, le tribunal ou
la cour, selon les cas, pourront décerner contre lui un mandat d'arrêt ou de
dépôt, ou une ordonnance de prise de corps. »
ï^ Lorsque des circonstances nouvelles rendeuit la détention nécessaire,
Tart. iio porte, en effet: « La mise an liberté aura lieu sans préjudice du
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578 TRBNTE-DBCJXIÈHB LEÇON. — DE L'INSTRUCTION ÉCRITE (m* 636).
droit qne conserve le juge dlnstraction, dans la saite de l'infonnation, de
décerner un nouveau mandat d'amener, d'arrêt ou de dépôt, si des circon-
stances nouvelles et graves rendent cette mesure nécessaire. • Et Tarticle
ajoute : « Toutefois, si la liberté provisoire avait été accordée par la chambre
des mises en accusation réformant Tordonnance du juge d'instruction, le juge
d'instruction ne pourrait décerner un nouveau mandat qu'autant que la coor,
sur les réquisitions du ministère public, aurait retiré à l'inculpé le bénéfice de
la décision. •
3<» Lorsque l'inculpé est renvoyé en état d'accusation devant la cour d'as-
sises. Nous avons vu [n^ 625) qu'aux termes de l'article 126, tout accusé de
faits qualifiés crimes doit être mis en état d'arrestation, nonobstant la mise
en liberté provisoire.
4<» Lorsqu'il intervient un jugement ou arrêt définitif sur la prévention,
il y a lieu de remarquer seulement ici Tapplication que subit le cautionne-
ment.
635. Si le prévenu a fait défaut et néanmoins a été renvoyé de la poursuite,
acquitté ou absous, le jugement ou l'arrêt, bien que la loi ait déclaré dans ce
cas la première partie du cautionnement acquise à FËtat, peut ordonner
restitution de cette partie du cautionnement. La non-culpabilité équivaut à un
motif légitime d*excuse (art. 122). Et quant à la deuxième partie, elle est res-
tituée dans tous les cas d'acquittement, d*absolution ou de renvoi des pour-
suites (art. 123). Ce n'est qu'en cas de condamnation qu'elle est affectée aux
frais et à l'amende. Le surplus, s'il y en a, est restitué (art. 123). L'exécution de
ces dispositions est confiée soit à l'administration de l'enregistrement, soit à la
caisse des dépôts et consignations, et les réclamations qui peuvent s'élever
vidées en chambre du conseil. L'article 124 porte à cet égard ce qui suit :
« IjO ministère public, soit d'office, soit sur la provocation de la partie civile,
est chargé de produire à l'administration de l'enregistrement, soit un certi-
ficat de greffe constatant, d'après les pièces officielles, la responsabilité encou-
rue dans le cas de Tarticle 122, soit l'extrait du jugement dans le cas prévu
par l'article 123, § 2. Si les sommes dues ne sont pas déposées, l'administra-
tion de l'enregistrement en poursuit le recouvrement par voie de contrainte.
La caisse des dépôts et consignations est chargée de faire sans délai aux
ayants droit la distribution des sommes déposées ou recouvrées. Toute contes-
tation sur ces divers points est vidée sur requête, en chambre du conseil,
comme incident de l'exécution du jugement. »
TRENTE-DEUXIÈME LEÇON.
CHAPITRE IX
ItONCTlONS DES JUGES D'iNSTRUCTION QUAND LA PROCÉDURE EST GOMPLiTE.
686. Nous avons parcouru, dans les huit premiers chapitres du livre premier,
les diverses opérations définies par l'art. 8, et qui constituent, d'après cet arti-
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JURIDICTION DU JUGE D'INSTRUCTION (àRT. 127). 579
de, les attributions de la police judiciaire. Nous avons vu à quels officiers, et
suivant quelles distinctions de fonctions, était confié le soin de rechercher les
crimes, les délits, les contraventions, de recevoir les dénonciations et les plaintes
qui y sont relatives, afin d'en rassembler, d'en réunir et d*en constater les
faits. Le rôle principal dans ces attributions, dans Tezercice de ces devoirs,
appartient au juge d'instruction, comme nous l'avons vu. L'instruction une
fois terminée, les différentes preuves une fois réunies, quel est l'office, quel
est le rôle par lequel le juge d'instruction va accomplir sa mission et terminer
ses pouvoirs ?
Autrefois, sous l'empire des Godes antérieurs à celui de 1808, c'était aux
directeurs du jury qu'était confié le soin de tirer des conséquences des actes
d'instruction faits par eux-mêmes ; c'était à eux de décider, après la réunion
et la constatation des divers indices, s'il y avait ou non lieu de traduire le pré-
venu devant le jury d'accusation ; c'était à eux, en cas d'affirmative, que la loi
confiait le soin de rédiger l'acte d'accusation, sur les questions duquel le jury
d'accusation était appelé à se prononcer. Mais les juges d'instruction, quoique
substitués en général au rôle et aux fonctions des directeurs du jury, n'avaient
pas reçu d'abord à cet égard la môme nature de pouvoirs. Il appartient au
juge d'instruction de rechercher et de constater les indices et les preuves des
délits et des crimes ; il ne lui appartenait pas d'en tirer les conséquences, et de
décider si les poursuites seront ou non continuées. Ce pouvoir était dévolu au
tribunal de première instance dont ce juge d'insiruction fait partie ; c'était à
ce tribunal de statuer sur les résultats, les conséquences de toutes ces pour-
suites préparatoires.
La chambre du conseil ou d'instruction, ainsi constituée dans le sein de cha-
que tribunal pour statuer sur les poursuites commencées, a été supprimée par
la loi du 17 juillet 1856. Cette loi a simplement substitué la juridiction du juge
d'instruction à celle de la chambre du conseil : ce juge réunit aujourd'hui à
ses pouvoirs d'instruction les pouvoirs juridictionnels qu'exerçait le tribunal
réuni en chambre du conseil : il instruit la procédure et statue par une ordon-
nance sur l'instruction qu'il a édifiée, pour lui assigner les suites dont elle est
susceptible. On a allégué, pour appuyer cette grave modification apportée à
notre Gode, qu'elle a pour effet de simplifier les formes et d'abréger les
délais : cela est vrai ; mais, en simplifiant la procédure, n'a-t-elle pas enlevé
aux prévenus une garantie, celle de la chambre du conseil, qui, placée en
dehors des préventions qui peuvent égarer le juge, pouvait éclairer et tempérer
son action? Quoiqu'il en soit, l'art. 127, modifié par la loi du 17 juillet 1856,
est ainsi conçu :
« Art. 127. Aussitôt que la procédure sera terminée, le juge d'instruction, la
communiquera au procureur de la République qui devra lui adresser des réqui-
sitions dans les trois Jours au plus tard. »
Ainsi, l'instruction une fois terminée, le juge d'instruction, avant de statuetr,
prend préalablement les conclusions du ministère public.
- Ici se retrouve le principe général que les juges n'ont pas qualité pour sta-
tuer d'office sur une opération quelconque d'une procédure criminelle; aussi,
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580 THENTB-DSUXlilCE LEÇON. — DE l'iNSTRUCTION ÉGRITB (n"" 638).
le juge d'instraclioii doit-il communiquer la procédure au ministère public,
qui prendra, comme l'indique l'article, telles conclusions qui lui paraîtront
convenables. Il communique au ministère public toutes les pièces de PinstniC'
tion qu'il a faite, et c'est sur le vu de ces pièces que le ministère public pré-*
sente ses réquisitions. Ces réquisitions sont sous la forme de conclusions écrites;
l'art. 127 exige de la part du ministère public des réquisitions qui seront
faites sur le vu de la procédure qui lui aura été communiquée à l'avance.
Cette communication de la procédure était d'ailleurs déjà écrite dans l'art. H
déjà expliqué ; vous y voyez que toute instruction criminelle terminée doit
être communiquée au ministère public, qui ne peut la retenir plus de trois
jours dans ses mains.
637. Quels sont mûntenant les diffîrents partis que peut prendre le juge
d'instruction; quelles vont être les conséquences de rinstruction ? C'est à ce
point qu'il est important de nous arrêter.
D'abord il est possible que la procédure ne paraisse pas au procureur de la
République réunir des éléments suffisants pour le règlement de l'instruction.
Dans ce cas, avant de prendre les réquisitions qui vont être indiquées plus
loin, il peut requérir le juge d'instruction de continuer la procédure et de
réunir les divers éléments qui lui semblent manquer; par exemple, de pro-
céder soit à une visite des lieux, soit à une visite domiciliaire, d'avoir recoure
à tel interrogatoire ou à telle mesure d'instruction. Il faut, en effet, que la
procédure contienne les documents nécessaires pour apprécier le véritable
caractère du fait et réunisse assez d'indices pour asseoir raisonnablement une
prévention.
Gela dit, plusieurs partis peuvent se présenter : le juge d'instruction peut^
sur le vu de la procédure, mettre, par une ordonnance de non-lieu, le prévenu
à l'abri de toute poursuite. U peut aussi rendre une ordonnance portant qu'il
y a lieu de le poursuivre, et le renvoyer soit en police simple, soit en polios
correctionnelle; ou enfin reconnaître prévention suffisante d'un fait empor*
tant peine afflictive où infamante, d'un véritable [crime. Ainsi, deux hypo-
thèses : la première est celle d'un ordonnance de non-lieu, et cette hypothèse
va nous présenter deux cas distincts; la seconde est celle d'une ordonnance
portant qu'il y a lieu à poursuiJirre; cette ordonnance entraine des pourstûtos
ultérieures, d'une nature plus ou moins grave ; elle offre trois degrés de pour-
suites, trois cas différents.
638. L'hypothèse d'une ordonnance de non-lieu est celle prévue dans l'ar-
ticle 128, et celle-là même peut se réaliser dans deux cas ; l'art. 128 les pré-
voit d'ailleurs tous deux ; il est ainsi conçu :
a Art. 128. Si le juge d'instruction BSt d'avis que le fait ne présente ni crime,
ni délit, ni contravention, ou qu'il n'existe aucune charge contre rinculpé. il dé-
clarera par une ordonnance qu'il n'y a pas lieu à poursuivre, et, si l'inculpé avait
Mé arrêté, il sera mis en liberté. »
Ainsi, première hypothèse : ordonnance pure et simple de non-lieu, ordon-
^Wice qui met l'inculpé à l'abri de toute poursuite, au moins, q^ant à présent*
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JimnHGTION DU JUM Dl'iNSTRUGTiôN (aRT. itS). 581
J'ajoute cette dernière réserTe pour ne pas préjuger une question fort délicate,
la plus grave de ce chapitre, savoir : à quel point les ordonnances du juge
d'instruction sont ou ne sont pas susceptibles de recours dans l'intérêt de la
partie civile ou du ministère public ; c'est une question que nous verrons sur
Part. 135. Toujours est^il qu'au moins, quant à présent, et en réservant Teza-
mea des questions de recours, deux cas se présentent dans lesquels une ordon-
nance de non-lieu peut intervenir ; c'est lorsque l'innocence du prévenu est
démontrée, soit en droit, soit en fait.
fin droit, c'est le premier cas de l'art. 128, c'est lorsque le fait, en le suppo-
sant prouvé, en admettant sa réalité, n'est pas un fait prévu par les lois
pénales, lorsqu'il ne constitue ni crime, ni délit, ni contravention. Cest là
évidemment la première question que le juge doit se poser ; car, si le fait
n'est pas un délit, un méfait prévu par la loî, la question de savoir si le pré-
venu en est coupable est une question indifférente.
Le second cas est celui où, le fait imputé au prévenu constituant un acte '
punissable, il ne s'élèverait pas contre lui de charges suffisantes pour passer
outre à la prévention. Il est clair que dans ce cas le juge a une grande latitude
de pouvoir; il est clair que, pour ordonner des poursuites ultérieures, pour
renvoyer le prévenu devant la chambre des mises en accusation, il ne doit
pas, il ne peut pas exiger des preuves complètes de culpabilité ; il ne s'agit
pas encore de condamner, par conséquent des preuves irrécusables ne sont
pas nécessaires ; il s'agit de savoir si les poursuites doivent être continuées, et
par conséquent d'apprécier la gravité, l'importance des indices, des probabi-
lités déjà recueillies. Ce sont là des questions de fait dans lesquelles une
grande latitude de pouvoir est accordée au juge d'instruction, et par là même
une grande responsabilité morale lui est imposée.
£n supposant que sur l'une des deux questions posées, soit de droit, soit de
fait, le juge d'instruction décide la négative, qu'il reconnaisse dans le fait
allégué un fait légalement innocent ; ou bien, qu'en y trouvant un fait coupa-
ble, il ne trouve pas d'indices suffisants pour autoriser la mise en prévention,
il déclarera, dit la loi, qu'il n'y a pas lieu à suivre, et, si l'inculpé avait été
arrêté, il sera mis en liberté. C'est-à-dire que l'ordonnance annulera les man-
dats, soit de dépôt, soit d'arrêt, sous le poids desquels le prévenu a été frappé.
Du reste, sur l'article 135, nous verrons que cette ordonnance de mise en
liberté ne recevra pas immédiatement son exécution, étant soumise à un
recours.
Voilà la première hypothèse, l'ordonnance pure et simple portant qu'il n'y
a pas lieu à suivre.
689. La substitution, dans le cas de l'art. 128, de l'avis d'un seul juge à
l'avis de la chambre du conseil, a donné lieu, dans le rapport de la loi du
17 juillet 1856, aux réflexions suivantes : « En maiière de procédure, ce qui
simplifie, ce qui abrège, ce qui accélère est généralement utile. Lé projet
offre tous ces résultats. La qualification du fait sera plus simple, plus rapide,
lorsqu'elle appartiendra exclusivement au juge d'instruction. Dans la pratique
déjà, le juge d'instruction a presque toujours une grande prépondérance ; il
n'en peut être autrement. L'examen attentif auquel il s'est livré lui a révélé
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582 TRENTB-DBUZIÈMB LBÇON. —* DB L^INSTRUCTION ÉCRITE (n^ 641).
la qualification véritable ; aassi la plupart du temps ses deux collègues signaient
une ordonnance préparée par lui, et Tavis de la chambre du conseil se rédui*
sait à une simple formalité. Le projet ne fait donc que consacrer ce qui se
passe la plupart du temps dans la pratique. Si le fait constitue un crime, il ne
faut qu'une voix (ancien art. 133 du Gode d'instruction crim.) dans la chambre
du conseil pour renvoyer le prévenu devant la chambre des mises en accusa-
tion. Or cette voix peut être et sera certainement celle du juge d'instruction.
Sous ce rapport, le projet de loi ne lui donne rien de nouveau : seul il ren-
voie, seul il renverra devant la chambre d'accusation. » On doit néanmoins
faire remarquer que toute cette argumentation repose, soit sur ce que la
chambre du conseil ne remplissait pas rigoureusement, ce qui est contestable,
k mission qui lui était confiée, soit sur ce que l'art. 133 ayant déjà donné
prépondérance à la voix du juge d'instruction, on ne fait qu'avancer plus loin
dans la même voie. On aurait pu répondre que, si la fonction était négligem-
ment remplie, la conséquence était, non qu'elle était inutile, mais qu'elle
devait être autrement exercée ; et quant à l'art. 133, que Tanomalie, consacrée
par cet article, loin de devenir la règle, aurait dû, comme l'avaient demandé
tous les criminalistes, être effacée du Ciode.
640. La deuxième hypothèse est celle d'une ordonnance portant qu'il y a
lieu à poursuivre ; mais la nature et les effets de cet(^ ordonnance varient
dans plus d'un degré selon la nature du fait et la gravité des poursuites que la
chambre du conseil autorise. Ainsi, lorsque le juge reconnaît l'existence des
deux circonstances dont le concours est indispensable pour continuer les
poursuites, savoir : l'existence suffisamment probable, les indices suffisamment
graves d'un fait coupable, et d'un fait que la loi déclare crime, délit ou con-
travention, lorgy dis-je, que ces deux circonstances. Tune de fait, l'autre de
droit, viennent à concourir, il y a lieu d'ordonner la continuation des pour-
suites. Mais ce fait peut être une simple contravention, il peut constituer un
délit, enfin présenter les caractères d'un véritable crime. Au cas de contra-
vention s'applique l'art. 129, au cas de délit les art. 130 et 131,. au cas de
crime les art. 133 et 134; examinons tour à tour ces diverses hypothèses :
641. Premier cas. Si le fait ne présente que les caractères d'une simple
contravention, il est clair qu'involontairement sans doute, et trompés par les
premières apparences, le juge d'instruction et le ministère public se sont jetée
dans une voie irrégulière. En général, toutes ces formes de l'instruction pré-
paratoire que nous avons analysées jusqu'ici ne sont guère tracées par la loi,
ne doivent guère être employées dans l'usage qu'en matière de véritables
crimes ; tout au plus peut-on et doit^on quelquefois y recourir lorsqu'il s'agit
de délits, c'est-à-dire de faits justiciables des tribunaux correctionnels. Vous
verrez plus tard que tout crime, tout fait justiciable des cours d^assises suppose
essentiellement, avant la compétence de la cour d'assises, avant qu'elle soit
saisie, suppose essentiellement l'accomplissement des formes de cette instruc^
tion préparatoire. Yous verrez au contraire qu'en lait de délits, on peut, en
général, saisir de prime abord et sans procédure préalable, les' tribunaux
correctionnels, et cela par une citation donnée au prévenu, soit à la requête
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JURIDICTION BU jvw d'ikstruction (aat. (31). 583
da ministère pnblic, soit à la requête de la partie civile. Cependant il arrÎTera
assez souvent, mâme en matière de délits, qu'on remplisse les formes d'une
procédure préparatoire. Au contraire, il est tout à fait opposé au vœu de la
loi, comme au vœu de la raison, d'entrer dans ces formes longues et compli-
quées quand il ne 8*agit que de simples contraventions. Si donc le juge ne
voit dans le résultat de la procédure que les indices d*une contravention, il
sera établi qu'on a fait fausse route et on en sortira aussitôt, en renvoyant
directement Tafifaire et le prévenu devant le tribunal de police qu'on aurait dû
saisir directement. Tel est le vœu de Fart. 129: c 8*il est d'avis que le fait n'est
qu'une simple contravention de police, l'inculpé sera renvoyé au tribunal de
police, et il sera mis en liberté s'il est arrêté. » Et ajoutez, avec la loi, que la
mise en liberté de l'inculpé devra être prononcée, dans tous les cas, précisé-
ment parce qu'il n'est pas dans le vœu de la loi d'autoriser une détention préa*
lable à raison de contraventions d'une nature aussi légère. Ainsi, sans distii»-
guer dans ce cas si la contravention est punie d*une simple amende ou même
d'un emprisonnement, on devra dans toutes les hypothèses, prononcer la mise
en liberté de Tinculpé. Il est évidemment dérisoire de frapper d'une détention,
d'un emprisonnement préalable une personne inculpée d'un fait qui ne peut
entraîner, au maximum, qu'un emprisonnement de cinq jours, et tel est le
maximum en matière de simple police.
Le paragraphe 2 ajoute : • Les dispositions du présent article et de l'article
. précédent ne pourront préjudicier aux droits de la partie civile ou de la partie
publique, ainsi qu'il sera expliqué ci-après, b Ces derniers mots font allusion
à l'art. 135, c'est-à-dire à la faculté d'opposition à la mise en liberté du pré-
venu, faculté d'opposition accordée au ministère public et à la partie civile.
Sur ce paragraphe s'élève encore la question, tout à l'heure indiquée et
renvoyée à Fart. 135, de savoir si la voie de recours ouverte par l'art. 135, sous
le nom d'opposition, est le seul moyen accordé pour faire tomber les ordon -
nances de la chambre du conseil ; nous la verrons également sur cet article.
642. Deuxième cas. Ce n'est pas une contravention, c'est un délit dont le
juge croît trouver dans la procédure des indices suffisamment établis. Alors
encore la marche est très-simple : il renvoie directement le prévenu, sans un
nouveau degré d'instruction, devant le tribunal de police correctionnelle com-
pétent pour juger des délits.
Il est bon de remarquer qu'en général ce tribunal, devant lequel on prononce
le renvoi, est précisément le môme que celui devant lequel l'instruction est
faite, c'est-à-dire que, dans les tribunaux peu nombreux, il arrivera, le plus
souvent, que le prévenu renvoyé en police correctionnelle reparaîtra devant le
même juge par lequel ce renvoi aura été prononcé ; le même juge qui aura
prononcé ce renvoi, conformément à l'art. 130, se trouvera fort souvent faire
partie du tribunal correctionnel devant lequel il renvoie le prévenu.
A ces matières ne s'applique pas, et peut-être est-ce à tort, la règle impor-
tante de l'art. 257. L'art. 257 redoutant, dans l'esprit des juges chargés de
statuer en définitive, les préventions que peut y avoir fait naître la connais-
sance de l'instruction préparatoire, défend, à peine de nullité, de faire siéger
dans une cour d'assises aucun des juges qui ont pris part à rinstmction pré-
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564 TRBNTE-rÔmiXIÈMB LEÇON. «- BE L'mBTRlTGTKlN ÉCRITB (n'' 643).
paratoire, ou bien qui ont siégé dans la chambre des misée en accusation. €ee
article ne statue <iue sur la composition des cours d'assises, et à raison dn
grand nombre de magistrats dont se compose une cour^ Texécution de cet ar-
ticle est facile. Quant aux tribunaux de première instance, nous ne trouTon»
aucune règle pareille ; les mêmes juges qui statuent sur la mise en prévention;
peuvent ensuite^ comme juges correctionnels, statuer définitivement sur le-
8<>rt du prévenu. Peut-être est-il à regretter qu'on n'ait pas organisé des pré-
cautions analogues à celles qui ont été prises pour les cours d'assises ; mais,
en premier lieu, les poursuites ayant moins dlmportance, on ne Ta pas ftdt ;
et en second lieu, c'est parce que le petit nombre des juges de police correo*
tionnelle eût rendu cette organisation difficile.
Lors de la discussion de la loi du 17 juillet 4856, la commission du Corps
législatif avait émis Tavis d'étendre au jugement des délits correctionnels l'em-
pêchement établi par l'art, tbl, à l'égard du juge d'instruction. U avait paru
que, ce juge étant seul chargé désormais de la responsabilité de la mise en
prévention, il ne pouvait siéger an jugement sans que son impartialité ttt
suspecte. Un amendement, proposé par un député et accepté par la Ck)mmis-
sion, portait que le juge d'instruction ne siégerait pas dans les affaires qu'il
aurait iDstruites. Mais le conseil d'État a refusé d'admettre cet amendement.
Ainsi, en trouvant dans le fait les caractères d'un délit, le juge renverra le
prévenu devant le tribunal correctionnel compétent.
643. « Art. 130. 8i le délit est reconnu de n^iture à être puiU par des peines
correctionnelles, le prévenu sera renvoyé au tribunal de police correcttoonelle. —
Si, dans ce cas, le délit peut entraîner la peiuf) de remprisonaenient, le prévenu,
s'il est en arrestation, y demeurera provisoirement. »
« ÂaT. 131. Si le délit ne doit pas entraîner la peine de l'emprisonnement, le
prévenu sera mis en liberté, à la charge de se représenter, à jour fixe, devant le-
tribunal compétent. »
Sur ces deux articles deux questions s'élèvent, d'ailleurs assez faciles.
D'abord, si le délit ne doit être puni que d'une amende, comme le suppose
l'art 134, la mise en liberté pure et simple doit être ordonnée d'office et immé-
diatement; mais elle doit l'être à la charge par le prévenu de se représenter
à jour fixe devant le tribunal correctionnel, c'est-à-dire que l'ordonnance de
mise en liberté devrait, d'après les termes de l'art. 131, contenir l'indication
précise du jour auquel le prévenu devra se représenter devant le tribunal cor—
rectionnel. Mais vous sentez que cette indication faite à l'avance n'est pas
toujours possible ; elle sera souvent difficile, alors même que les juges dn tri-
bunal correctionnel seront précisément ceux qui prononcent ce renvoi ; elle-
séra presque toujours impossible, lorsque ces juges seront différents ; il sera
à peu près impossible de savoir à quel jour précis raffkire dont le renvoi est
prononcé pourra être utilement appelé devant le tribunal correctionnel. Il est
clair que dans ce cas l'ordonnance prononcera de même la mise en liberté^
immédiate, en contenant injonction au prévenu de se représenter au jour qu'on
lui fera connaître plus tard, au moyen d'une citation spéciale. Cette obligation
d'indiquer le jour, dans l'art. 13! , n^est après tout qu'une affaire d'économie ;
si on peut désigner lé jotu*, on le fera ; sinon on mentionnera dans l'ordon»
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2viiii>iCTioir mr maB DmsTRueriON (art. 134). 56&
nanee l'obligâthm de se réprésenter, et lejoor de la représentation sera indi-
gné par une citation postérieure.
Ensuite, dans le cas du § 2 de Tart. 130, on décide que le prévenu, s'il est
en état d'arrestation, y demeure provisoirement; l'emprisonnement préventif
est autorisé dans tous les cas de délit de nature à entraîner une condamnation
d'emprisonnement. Mais qu'arriverait-il si le jyge d'instruction, reconnaissant
dans le fait des indices suffisants d'un délit de nature à entraîner la peine
d'emprisonnement, renvoyait devant le tribunal correctionnel un'préVenu qu'au-
cun mandat n'aura encore frappé ? Supposez, par exemple, que le juge d'ins-
truction, ayant movalement appréoié la nature du délit, n'y ayant vu qu^un
fait punissable d'une simple amende, n'ait pas cru devoir ordonner l'arresta*
tion préventive, pourra*t>il alors, après Tordonnance de renvoi, s'il reconnaît
que te fait est passible d'empiiflonnement, réparer son erreur en décernant un
mandat d'arrêt r Le doute vient de ce que le jparagraphe 2 de Tart. 130 ne
s'explique que sur le cas où le prévenu est déjà arrêté. Il est clair que dans
l'espèce le juge d'instruction ne pourra pas, en principe, après Tordonnance de
renvoi intervenue, frapper le prévenu d'un mandat quelconque; la raison en
est simple : c'est que le juge d'infraction s'est dessaisi de toutes ses fonctions,
de toutes ses attributions relatives à cette affabre; l'ordonnance de renvoi a
transféré au tilboxial correctionnel auquel ellesoumet raflaîre la connaissance
de tout ce qui te coneeme; donc le juge d'instruction ne peut plus, après l'or-
donnance, décerner un mandat contre le prévenu sur lequel il n'a pas d'ac-
tion. Pour éviter cet inconvénient et pour remplir cette lacune, il faudrait, en
pareil cas, enjoindre aujuged'instructiony dans PordOnnance même de renvoi,
de frapper d'un mandat d'arrêt le prévenu contre lequel est prononcé ce renvoi.^
L'art. 132 ne présente aucune difficulté. Il décide que, dans tous les cas de
renvoi à un tribunal de police simple ou correctionnelle, le procureur de la
République doit dans les vingt^uatre heures au plus tard, coter les pièces et
les renvoyer au greffe du tribunal qui doit prononcer.
644. Nous arrivons au troisième cas de notre seconde hypothèse, troisième
cas qui lui-môme se subdivise en plusieurs autres.
Nous avons parcouru jusqu'ici la partie la plus simple' de ce titre, soit par la
clarté des textes, soit aussi par le peu d'importance des matières sur lesquelles
le juge d'instruction a à statuer. Un rôle beaucoup plus important lui est
assigné dans les art. 133 et suivants ; il va s'agir là du cas où l'on trouve d^s
indices suffisants, non pas seulement d'une contravention ou d'un délit, mais
d'un fait qualifié crime ; et cette grande différence dans la nature du fait dont
on a recueilli les indices suffira sans doute pour nous expliquer la diversion
des règles qui font Tobjet de ces articles.
« Art. 133. 6i le Juge dinstruotion estime que le foit est de nature^ à être puni
de peines afflicttves on infltmautes* et que la prévention contre l'inculpé est suf-
flsaiâment étubUe, il ordonnera que les pièces d'instruction, le procès-verbal con-
stataiit le corps du délit, et un état des pièces servant à conviction* seront trans-
nUs, sans délai, par le procureur de la République au procureur général près la
cour, pour être procédé ainsi qu'il sera dit au chapitre des mises en accusation.
^ Les pièces de conviction resteront au tribunal d'instruction, sauf ce qui sera
dit aux art. 248 et 291. »
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586 TRENTB*DEOZlâlŒ LEÇON. — DB L'INSTRUCTION ÉGRITB (n"* 646).
« Art. 134. Dans les cas de l'art. 133, le mandat d'arrdt ou de dépôt décerné
centre le prévenu conservera sa force exécutoire jusqu'à ce qu'il ait été statué
pour la cour. Les ordonnances rendues par le juge d'instruction en vertu des dis-
positions des art. 128, 129, 130, 131 et 133. seront inscrites à la suite du réquisi-
toire du procureur de la République. Elles contiendront les noms, prénoms, âge,
lieu de naissance, domicile et profession du prévenu, l'exposé sommaire et la
qualification légale qui lui sera imputée, et la déclaration qu'il existe ou n'existe
pas de charges suffisantes. »
Ces deux articles ont pour objet de consacrer le nouveau piincipe qui sub-
stitue le juge d'instruction à la chambre du conseil, pour Btalaer sur la pré-
yention et la régler par une ordonnance. Il suit de là que le juge réunit une
double qualité : il est juge d'instruction chargé d'instruire la procédure et a
juridiction pour apprécier cette procédure et statuer sur la mise en prévention
et sur la compétence. L'art. 134, en soumettant Tordonnance à certaines formes,
a voulu donner quelques garanties à la décision qu'elle renferme.
645. L'ancien art. 133 contenait une disposition singulière, il suffisait de
ravis d'un seul des juges de la chambre du conseil pour que la prévention f&t
admise et l'affaire renvoyée devant la chambre d'accusation. Ainsi, le jnge
d'instruction qui siégeait dans cette chambre pouvait toujours faire prévaloir
son avis, quand il soutenait la prévention, et l'interventioa de cette juridiction
pouvait réclairer> mais ne l'assurait pas. On a pu dire en conséquence, comme
je Tai rappelé, que la loi du 17 juillet 1856 n'innovait pas en réunissant les
pouvoirs de la chambre du conseil à ceux du juge d'instruction, puisque déjà
ce juge les exerçait dans ce qu'ils avaient de plus rigoureux. Néanmoins il faut
répéter qu'on doit regretter l'influence d'un pouvoir modérateur qui, par la
discussion des faits de la prévention, pouvait modifier des mesures quelquefois
trop hâtivement ou trop légèrement prises.
Si la solution négative est adoptée, c'est l'art. 128 qui s'applique; si le juge
ne trouveras dans le fait des indices de prévention suffisants, il ordonnera la
mise en liberté. Si, au contraire, il croit cette prévention établie, il rendra,
conformément à l'art. 134, une ordonnance contre le prévenu. Cette ordon-
nance maintient les mandats de dépôt ou d'arrêt sous le poids desquels il a
dû attendre la décision.
646. Il est possible qu'en fait, à l'époque où intervient la décision, le
prévenu soit déjà arrêté; dans cette hypothèse cette décision ne change rien
à sa position, il reste détenu comme 11 l'était auparavant, attendant que la
cour ait statué définitivement sur la conséquence de la prévention. Et
môme cette ordonnance n'entraîne pas son transport d'une maison de jus*
tice dans une autre. En effet, comme la cour statue également en secret,
sur pièces, sans entendre ni les témoins ni le prévenu, on ne déplace pas le
prévenu ; il était, jusqu'à k décision, dans la maison d'arrêt de l'arrondisse*
ment du tribunal, il restera dans le même état, dans cette maison d'arrêt,
pendant que la chambre d'accusation délibérera sur la prévention, et le trana-
port ne s'effectuera, aux termes de l'article 292, qu'après qne la mise en accu-
sation aura été prononcée.
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JURIDICTION DU JUôB d'iNSTRUGTIOK (aRT. 134). 587
Il faut saisir nn peu tout Tensemble de cette marche de la jHrocédure crimi-
nelle : nn tribunal d'arrondissement a procédé à Tinstruction par un de ses
membres, par le juge d'instruction ; pendant tout ce temps le prévenu a été,
dans une maison d'arrôt située prés de ce tribunal, soumis aux interrogatoires
nécessaires pour compléter Tinstruction. Cîomroe, au contraire, le prévenu n*a
pas à répondre devant la cour, il est fort inutile d*opérer son déplacement, ce
qui serait d'une part une grande vexation pour lui, et ce qui, en second lieu,
multiplierait les chances d'évasion.
Lorsqu'au contraire la cour aura décrété l'accusation; lorsque, en consé-
quence, elle aura renvoyé le prévenu devant la cour d'assises, le transport
s'opérera, aux termes de Tart. 292, de la maison d'arrêt dans laquelle il était
jusque-là, dans la maison de justice établie devant la cour d'assises. Mais vous
voyez qu'au moyen de cette marche on évite un déplacement inutile; car il
peut y avoir là, il y a le plus souvent trois lieux, trois points bien distincts :
d'abord, le tribunal d'arrondissement ; secondement, la cour dont le siège peut
être fort éloigné de ce tribunal, enfin, la cour d'assises dont le siège peut
n*étre, ni au même lieu que le tribunal, ni au même lieu que la cour. En effet,
il y a une cour d'assises par département, siégeant en. général au chef-lieu de
département.
Si, au contraire, il n'était pas détenu antérieurement, soit parce que le juge
d'instruction n'avait pas décerné de mandat, soit plutôt parce que le prévenu
s'était jusque-là soustrait à Texécution du mandat, l'ordonnance de prise de
corps décernée par la chambre d'accusation et contenant l'indication du fait
pour lequel il est poursuivi, les noms et le signalement du prévenu, sera désor-
mais le titre en vertu duquel les agents de la force judiciaire devront arrêter
ce prévenu.
647. De même que le prévenu n'est pas transporté de sa personne au chef-
lieu de la cour chargée de prononcer la mise en accusation, de même encore,
pour éviter les inconvénients sans résultat et des chances de perte qui pour-
raient être très-fîuïheuses, on n'envoie point au chef-lieu de la cour les pièces
de conviction qui ont été réunies par le juge d'instruction et par le procureur
de la République. On envoie à la cour : 1<» les pièces d'instruction ; 2<* le pro*
ces- verbal constatant le corps du délit ; 3* enfin un détail écrit des pièces de
conviction. Quant à ces pièces elles-mêmes, par exemple, les instruments, les
armes au moyen desquelles aura été commis le crime, ou bien les objets pro-
venant du pillage ou du vol, ces divers objets restent déposés au greffe du tri-
bunal d'arrondissement.
648. La fin de l'art 134 est ainsi conçue : Sauf ce qui sera dit dans les arii-
eles 248 et 291.
Il y a là deux renvois, dont l'un est fort clair et Tautre fort équivoque. Le
renvoi à l'art. 291 est fort clair ; vous verrez dans cet article que, lorsque la
mise en accusation a été prononcée, lorsqu'en conséquence le prévenu a été
renvoyé, sous le nom désormais d' accusé, devant la cour d'assises compétente,
on doit transporter au greffe de cette cour d'assises les pièces de conviction qui
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588 TRBNTE-DBtJZIÉME LBÇON. -— DE L*INSTRUGTiaN ÉCRITE (n*^ 650).
doivent étt^ présentée* à l'audience, et qui jasqae-là étaient restées an greffe
da tribunal d'arrondissement qui instruisait.
Quant à fart. 248^ il est question du cas où, après un arrêt de cour impériale
qui renvoyait le prévenu de la prévention, sont survenues de nouvelles charges
qui autorisent à reprendre les poursuites. Cet article ne*parle pas de pièces de
conviction contre le prévenu, il est en conséquence à peu près étranger au para-
graphe 2 de Fart. 133 ; je crois qu'au lieu de 248, vous devez lire dans le para-
graphe 228. D'après l'art. 228, en effet, vous verrez que la chambre d'accusa-
tion, à laquelle, en principe, ne sont pas représentées les pièces de conviction,
peut cependant ordonner l'apport de ces pièces. • Les juges pourront ordonner,
s'il y échet, des informations nouvelles. — Ils pourront également ordonner,
s'il y a lieu, l'apport des pièces servant à conviction qui seront restées déposées
au greffe du tribunal de première instance. » En modifiant ainsi l'indication
du numéro de renvoi, nous trouvons dans ces deux art. 228 et 291 un sens
précis et po^tif, une véritable exception à la règle du paragraphe.
649. Voilà les différents partis que peut prendre le juge d'instruction, soit
qu'il renvoie absolument le prévenu et ordonne sa mise en liberté, soit qu'il
l'adresse, selon la nature des cas, à Tune des juridictions que nous avons indi-
quées. Datis ces divers cas, quelle est la nature de ces décisions? sont- elles
souveraines ? peuvent-elles, au contraire, être attaquées?
A cette question générale il y a ceJrtains cas où la réponse est hcîle, il en
est d'autres où elle est malheureusement fort douteuse, où elle a soulevé des
divergences très-fàcheuses dans une matière aussi grave.
D'abord, il est évident que dans l'hypothèse des art. 133 et 134 aucune diffi-
culté réelle ne peut s'élever. Lorsque le juge, en vertu de l'art. 133, déclare
qu'il y a dans l'affaire prévention suffisante d*un fait qualifié crime, chacun
sait très-bien que sa décision n'est pas souveraine; cette décision noA-ctètiite-
ment, ce qui est évident, n'emporte pas condamnation contre le prévenu, mais
ne le place même point en état d'accusation; l'état d* accusation, je vous invite
à bien noter cela, ne résulte pas d'une ordonnance du tribunal de première
instance, il ne résulte que de 1 arrêt de la cour, chambre des mises en accusa-
tion, qui, reconnaissant dans la prévention une gravité suffisante, ordonne
que le prévenu sera traduit à la cour d'assises. Aussi l'ordonnance de prtae de
corps est dans tous les cas décernée par la cour et c'est sur le vu de l'instrac-
tion que la cour décide souverainement s'il y a lieu ou non à mettre en accu*
sation.
650. La question n'est vraiment difficile que dans les autres hypothèses,
dans celles où le juge, en vertu des art. 128, 129 et 131, a cru devoir ordonner
la mise en liberté du prévenu, soit parce qu'il n'a trouvé contre lui aucune
charge sérieuse, soit du moins parce que les charges dont il a admis ta réalité
ne* lui ont paru qu'entMner un renvoi en police simple ou en police correc-
tionnelle. Dans ces divers cas, l'ordonnance née de la procédure p'est pas direc-
tement adressée à la cour. Dans ces divers cas, exîste-t-il contre l'ordonnance
un moyen de recours quelconque? L'art. 135 répond en partie à la question,
mais il y répond par ttn remède tellement incomplet, tellement insuffisant,
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juaiDiGTiON DU JUGE d'instruction (art. 136). 589
qae des doutes fort graves s'élèvent sur la nature et la portée de cette ordon-
nance. Voyons d'abord quel remède, quel recours Part. 135 a ouvert; nous
verrons ensuite si c'est là, si ce peut être le seul moyen d'appel.
« Art. 1^5. Le procureur de la République pourra former opposition, dans tous
les cas, aux ordonnances du juge d'instruction. La partie civile pourra former
opposition aux ordonnances rendues dans les cas prévus par les art. 114, 128, 129,
131 et 539 du présent Gode» et à toute ordonnance faisant grief à ses intérêts
oivils. le prévenu, ne pourm former opposition qu'aux ordonnances rendues en
vertu de Tart. 114 et dans \§ cas prévu par L'art. 539.. L'opposition devra être
formée dans un délai de vingt-quatre heures, qui courra contre le procureur de
la République, à compter du jour de Tordonnance, contre la partie 4»ivile «t contre
le prévenu non détenu, à compter de la signification qui leur sera faite de l'or*
donnance au domicile par eux élu dans le lieu où siège le tribunal, contre le pré*
venu détenu, à compter de la communication qui lui est donnée de l'ordonnance
par le greffier. La signification et les communications prescrites par le paragraphe
précédent seront faites dans les vingt-quatre heures de la date de l'ordonnance.
L'opposition sera portée devant la chambre des mises en accusation de la cour,
qui statuera toute affaire cessante* L es pièces seront transmises ainsi qu'il est dit
en l'art. 133. Le prévenu détenu gardera prison jusqu'à ce qu'il ait été statué sur
l'opposition, et dans tous les cas jusqu'à l'expiration du délai d'opposition. Dans
tous les cas le droit d'opposition appartiendra au procureur général près la cour.
Il devra notifier son opposition dans les dix jours qui suivront l'ordonnance du
Juge d'instruction. Néanmoins, la disposition de l'ordonnance qui prononce la mise
en liberté du prévenu sera provisoirement exécutée. »
Vient ensuite l'article suivant qui est sans intérêt.
« Art. 136. La partie civile qui succombera dans son opposition sera condamnée
aux dommages- intérêts envers le prévenu. »
Il y a donc dans l'art 135 une voie de recours ouverte au ministère public
ou à la partie cfvile> non pas précisément contre l'ordonnance rendue en fa-
veur du prévenu, mais au moins contre l'élargissement ordonné dans la déci-
sion du juge d'instruction. Le procureur de la République et la partie civile
peuvent attaquer cet ordre d'élargissement, cette ordonnance de mise en liberté,
dans les troi3 cas prévus par une opposition formée dans les vingt-quatre
heures.
D'abord, qu'est-ce que c'est que cette voie d'opposition, quel est au juste le
moy^a de recours ouvert ici, soit à la partie publique, soit à la partie privée ?
Bn vous attachant à ce nom dPoppogUUm, vous pourriez penser que l'ordon-
nance devra être attaquée, par la partie publique ou la partie privée, devant
le tribunal même de qui cettoofâonnanoe émane: En effet, l'opposition, dans
le sena technique du mo»t, dans les matières pémdes œmiàe dans les matières
cijviles, est uùe voie de recours qui nous permet d'attaquer une décision rendue
en notre absence devant le tribunal môme de qui cette décision émane. Est-ce
dans «e gens que le nom d'opposition est pris dans l'art. 135? A œt égard il ne
ûiut pas hésiter : non, ce n'est pas là, dans l'art. 135, le sens du mot opposiHon ;
non, ce n'est pas devant la ehambre du conseil, devant le tribunal de première
instance que doit être attaquée, par la partie publique ou par la partie civile,
l'ordonnance de mise en liberté. La raison en est simple : c'est que^d'nne part
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590 TRKNTK-DBUXIÈMK LBÇON. — DB l'INoTRUCTION ÉCRITS (n* 651).
à l'égard du ministère public, l'ordonnance n'est pas rendue par défaut; elle
n'est pas rendue par défaut, car elle n'a pu l'être que sur ses réquisitions, con-
formément à l'art. 125. Maintenant, à l'égard de la partie civile, il est vrai de
dire qu'elle n'a pas paru, qu'elle n'a pas posé de conclusions, que sous ce rap-
port on pourrait considérer l'ordonnance comme rendue contre elle par défaut.
Mais il n'en est pas moins vrai que, môme à l'égard de Ja partie civile, il n'y
a pas d'opposition proprement dite. En effet, l'opposition ^consisterait à venir
devant le juge, où l'on n'a pas paru d'abord présenter des moyens pour empê-
cher la mise en liberté ; or la partie civile n'y pourrait pas plus conclure sur
son opposition qu'avant son opposition.
Au reste, nous pourrions nous épargner le détail de ces motifs, car l'ar-
ticle 135 et le paragraphe 2 de l'art. 229 déclarent formellement que l'opposi-
tion dont il est question dans l'article 135 est portée devant la cour de la Ré-
publique, chambre des mises en accusation.il faut donc dire que cette opposition
est un véritable appel, c'est-à-dire un recours porté contre la sentence d'un
tribunal inférieur devant des juges d'un degré et d'un pouvoir supérieurs.
651. Supposez maintenant, ce qui est possible, que dans les vingt-quatre
heures indiquées par l'art. 135 pour former cette opposition, ou si vous voulez»
cet appel contre l'ordonnance de mise en liberté, supposez, dis -je, que dans
les vingt-quatre heures, à compter de l'expiration du jour de l'ordonnance,
le procureur de la République n'ait pas formé opposition, et de même la partie
civile dans les délais tracés par la loi ; quelle en sera la conséquence ? La con->
séquence est facile, c'est qu'à l'expiration des délais, l'ordonnance de mise en
liberté s'exécute, le préveau doit être élargi, art. 135, § 2 : le préoenu gardera
prison jusqu'à l'expiration du susdit délai. Donc par le seul fait de l'expiration
du délai sans opposition, l'ordonnance doit être exécutée. Mais en faut-il con-
clure que dès ce moment la poursuite soit purgée, que dès ce moment toute
protestation soit interdite, toute garantie soit assurée au prévenu ainsi mis en
liberté? pourra- t-on, au contraire, reprendre la prévention et diriger contre
lui des poursuites nouvelles?
C'est là une question d'une haute importance et sur laquelle Fart. 135, mal-
heureusement, est tout à faitmuet. D'abord, il est impossible d'admettre, d'une
manière complète, générale, et personne, je crois, ne l'a essayé, que l'ordon-
nance de mise en liberté, rendue dans les trois cas cités et notamment dans le
cas de Tarticle 128, que l'ordonnance de mise en liberté non attaquée dans les
vingt-quatre heures, mette désormais le prévenu à l'abri de tontes nouvelles
poursuites. On en trouve une raison déterminante dans l'art. 246. Vous y verrez
en effet que, quand la cour d'appel, chambre des mises en accusation, a décidé
qu'il n'y aurait pas lieu à suivre, a renvoyé le prévenu des poursuites, vous y
verrez que, cet arrêt une fois intervenu, la poursuite ne peut plus être reprise,
à moins que de nouvelles charges ne surviennent contre ce prévenu. Donc,
même après l'arrêt de la cour d'appel, le prévenu n'est pas placé à l'abri de toute
poursuite, comme il le serait après un arrêt d'acquittement, aux termes de
l'art 360. Après l'arrêt de la cour d'appel, si de nouveaux indices venaient à écla-
ter, de nouvelles poursuites peuvent être dirigées contre la même personne et
à raison du même fait. Or, si l'arrêt de la cour d'appel chambre des mises en
accusaUon, n'est pas souverain, n'est pas définitif en £av«ur du prévenu, Uesi
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JURIDICTION DU JUGE D'iNBTRUCTION (aRT. 136). 591
clair, d forti&ri, que rordonnanoe du tribnnal d'arrondissement, émanée des
juges inférieurs, ne peut avoir plus d'autorité et plus de force. Il n'y a de
définitif, en faveur du prévenu, il n'y a garantie pleine, complète contre des
poursuites nouvelles que Tarrét d'acquittement^ aux termes de l'article 360;
jusque-là, quoique renvoyé des poursuites, il peut être repris d'après l'art. 246,
si de nouveaux indices viennent à se manifester. Ainsi, aucun doute sérieux
sur ce premier point.
Mais vous sentez que la question n'est pas pleinement résolue, et à beau-
coup près. En effet, de ce qu'on peut, en cas de nouvelles charges, reprendre
les poursuites contre le prévenu, d'après l'art. 246, s'ensuit-il qu'on ne puisse
pas les reprendre, même sans des charges nouvelles, dans le cas de l'art. 1357
De ce que la loi, dans Fart. 246, a donné des garanties d'ailleurs assez faibles
au prévenu renvoyé par un arrêt de cour d'appel, il ne s'ensuit nullement
que les mêmes garanties, que la même protection, doivent couvrir le prévenu
mis en liberté par le juge. Ici donc la question réparait, celle de savoir si,
nonobstant l'ordonnance non attaquée dans les vingt-quatre heures par le
procureur de la République d'office, ou le procureur général par ses réquisi-
tions, pourront reprendre les poursuites contre le prévenu ainsi élargi.
On invoque pour la négative, et la jurisprudence de la Cour de cassation
paraît s'être fixée dans ce sens, on invoque le texte de l'art. 135. Cet article, dit-
on, a ouvert une voie de recours au ministère public ou à la partie civile con-
tre les ordonnances rendues en faveur du prévenu ; il a déterminé le délai de
ce recours, il est de vingt-quatre heures; on a également déterminé dans l'ar-
ticle 229 la forme de ce recours dont on a fait un véritable appel . Donc hors
ces cas, c'est-à-dire après les vingt-quatre heures, le procureur général, sauf
le cas prévu par le dernier paragraphe de l'art. 1351, ne pourra plus ordonner
de poursuites nouvelles, la cause demeurant en état contre le prévenu.
Cette interprétation, confirmée par le nouveau texte de l'article 135, estévi-
denmient fondée. Il est de principe, aux termes de cet article, que la voie de
l'opposition est ouverte contre les ordonnances du juge d'instruction, soit
qu'elles ordonnent ou refusent la mise en liberté du prévenu, soit même que ce
prévenu soit ou ne soit pas en état d'arrestation. U est encore de principe que
le droit d'évocation de la chambre d'accusation ne s'applique qu'au cas où
l'instruction commence et n'a pas reçu son complément par une ordonnance
définitive du juge d'instruction. D résulte de là d'une part» que lorsque l'ordon-
nance n'a pas été fn^pée d'opposition, elle devient définitive et acquiert, par
conséquent, force de chose jugée, et, d'une autre part, que la chambre d'accu-
sation, lorsque les délais de cette opposition sont passés, ne peut, sauf le cas
de charges nouvelles, être régulièrement saisie d'une affaire qui se trouve défi-
nitivement jugée. Est-il à craindre que cette autorité, dont les ordonnances
de première instance sont investies^ soit une entrave à l'action publique et que
les juges en abusent pour étouffer les poursuites ? Gomment pourraient-ils en
abuser? l'opposition du procureur de la République, et même celle de la partie
civile, ne suffit-elle pas pour suspendre l'effet de leur décision? Et l'art. 135«
dans le dernier paragraphe que la loi du 17 juillet 1856 lui a annexé, ne permet»
il pas encore au procureur général, pendant dix jours, d'attaquer l'ordon-
nance? Accorder en outre à os magistrat le droit de reprendre les poursuites pen-
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592 TRENTE-TROIBlâME LBÇON. — DBS TRIBUNAUX DB VOhlCR (n* 652).
dant un temps indéfini, quoiqu'il ne Boit parrenu aacunêB nouTelles (diarges,
ce serait multiplier les épreuves sans nécessité, créer des entraves à la liberté
civile, et aggraver le sort des prévenus. U faut donc concUnre que c'est avec
raison que Tautorité de la chose jugée a été reconnue aux ordonnances du juge
dHnstruction, non suivies d'opposition dans les délais de la loi.
Ici se termine tout ce que nous avons à dire de relatif à Tinstruction prépa-
ratoire.
TBINTS-TBOISliME LBÇON.
LIVRE DEUXIÈME
DE LÀ JUSTICE.
TITRE PREMIER
DES TRIBUNAUX DE POLICE.
652. Nous commençons le second livre du Code d'instruction criminelle^
c'est-à-dire que nous passons à la deuxième branche de la division générale
qui nous a «ervi de point de départ. Vous savez qu'empruntant les termes de
l'art. 20 du Gode du 3 brumaire an IV, nous avons dit que l'objet de la justice
répressive supposait deux opérations simultanées^: i <» celle de la police judiciaire ;
2* celle de la justice proprement dite. La mission de la police judiciaire, avons-
nous dit, d'après l'art.20 du Ck>de de l'an IV, et d'après l'art. 8 du Gode de 1808,
est de rechercher l'etistence des faits punissables, d'en réunir les indices à la
charge de leurs auteurs, et de livrer ces d«niieT8 aux tribunaux institués pour
les punir. Telle a été la matière du premier livre relatif à l'action de la police
judiciaire. Nous passons maintenant à la répression proprement dite, à la
répression de la justice, à l'examen de la constitution et de la procédure des
triiranaux institués pour établir la preuve des crimes, des délits et des contra-
ventions, et leur appliquer les châtiments prévus par le Gode pénal.
Déjà V9US connaissez tous la division générale des tribunaux institués pour
les matières de pénalité. Vous savez tous que cette division est tripartite, et
que ses trois membres répondent chacun à la division des faits punissables,
telle qu'elle est graduée dans les articles du Gode pénal. La division des faits
punissables, en crimes, délits et contraventions correspond à la division des
tribunaux en cours d'assises, tribunaux de police correctionnelle et tribunaux
de simple police. Nous avons vu même que la seule utilité de celte division en
trois branches des actes punissables était de distinguer la compétence des tri-
hunaux institués pour punir chacun d'eux ^ utilité pratique qui n*a pas paru
devoir justifier à nos yeux la bisarrerîe et les résultats souvent fâcheux de
cette division tout à fait arbitraire. Toujours est»il qu'elle existe, et qu'à défant
■d'autres avantages elle a celui d'une parfaite clartés Nous prendrons pour point
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COMPOSITION DS8 TRIBUNAUX DB POLIGB (ART. 450). 593
de départ le fait de cette correspondanee, et nous examinerons d^abord IMns-
titation des procédures et des tribunaux auxquels appartiennent Texamen et
la punition des contraventions; c'est l'objet du chapitre premier.
CHAPITRE PREMIER
DES TRIBUNAUX BB SIMPLE POLICE.
653. n s'agit ici des tribunaux de police simple et de police municipale,
par opposition aux tribunaux de police correctionnelle, auxquels appartien-
nent la connaissance et le jugement des délits, d'après le chapitre n du présent
titre.
L'institution des tribunaux de police municipale appartient, comme la plu-
part des institutions judiciaires qui nous régissent, en matière criminelle
comme en matière civile, appartient, dis-je, à l'Assemblée constituante ; une
loi des 19-22 juilletl 791 instituait, dans son titre I«', des tribunaux de police
municipale chargés de la connaissance et de la punition des contraventions.
Ces tribunaux, dans l'origine, pouvaient prononcer des peines assez fortes ;
mais plus tard, d'après Tart. 450 du Gode du 3 brumaire an lY, ils eurent
seulement qualité pour appliquer des peines non supérieures à trois journées
d*emprisonnement, et, en fait d'amende, des peines non supérieures à la va-
leur de trois journées de travail.
A quelle autorité ce droit était-il déféré? quel était le tribunal compétent
pour appliquer ces pénalités? La loi de 1791 avait, dans son titre !•', attribué
les fonctions de la police municipale aux corps municipaux institués dans
chaque commune. Le tribunal de police municipale se composait, en général,
de trois officiers municipaux, de trois membres du corps municipal chargé de
l'administration et de la surveillance des intérêts de la commune. Ge nombre,
qui était en général de trois, s'élevait à cinq dans les communes de soixante
mille habitants; il était de neuf à Paris, art. 42 et 43 de la loi de 1791.
Telle était l'institution primitive.
Quant aux règles de procédure à suivre, elles seraient maintenant sans
iutérôt, remplacées qu'elles ont été par le texte qui nous occupe.
Mais on ne tarda pas à s'apercevoir que cette compétence, attribuée en
matière judiciaire aux officiers municipaux par la loi de 1791, dépassait, dans
la plupart des communes, la capacité des officiers, des fonctionnaires auxquels
cette charge était confiée. On ne tarda point à sentir que la plupart étaient
complètement incapables de remplir, avec une vigilance et une habileté suffi-
santes, les fonctions cependant assez simples de la police municipale telle que
la loi de 1791 l'avait réglée. Aussi le Gode du 3 brumaire changea-t-il tout à
fiait la compétence en cette matière, et transféra-t-il aux juges de paix,
Institués dans chaque canton par les lois antérieures, la connaissance des
contraventions telles que la loi ïie 1791 les avaient définies. 8ous le Gode du
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594 TRENTE-TROISIÈME LEÇON. — DES TRIBUNAUX DE POLICE (n* 653).
3 brumaire an IV, la définition des contraventions resta la môme, mais la
compétence fut enlevée aux corps municipaux auxquels la loi de 1791 l'accor-
dait et transférée, dans chaque canton, au jugi» de paix du canton, que ses habi-
tudes judiciaires rendaient certainement plus capable d'instruire régulièrement
les affaires de cette nature.
Tel était l'état des choses lorsque intervint le Gode de 1808, et ce Gode, il
est bon de noter ce point pour rintelligence complète de ce qui va suivre, ce
Gode essaya de concilier, de confondre dans la compétence des tribunaux de
police les deux législations antérieures. Voici quels étaient à cet égard les
termes de l'orateur du gouvernement : c> Nous devons profiter, disait-il au
Gorps législatif, de Texpérience du passé; en assurant aux juges de paix la
connaissance exclusive de celles de ces affaires de police qui peuvent deman-
der des hommes plus exercés, pourquoi ne laisserions-nous pas aux maires le
droit de connaître des contraventions qui sont plus à leur portée, qu'ils répri-
meront plus tôt et tout aussi bien que les juges de paix?B
Le Gode de 1808 puisa donc à la fois aux deux sources, à la loi de 1791 et
au Gode du 3 brumaire an IV, en attribuant, comme Tavait fait celui-ci, la
connaissance des contraventions aux juges de paix institués dans chaque
canton; à la loi de 1791, en accordant, dans certains cas, aux officiers muni-
cipaux, c'est-à-dire aux maires, le droit de connaître de certaines contraven-
tions commises dans l'étendue de leur commune.
. Ainsi, au lieu du système exclusif qui, en 1791, avait attribué aux officiers
municipaux la plénitude de la compétence, qui, en l'an IV, s'était jeté dans
une idée toute contraire, en .attribuant uniquement cette même compétence
aux juges de paix, on voulut, en 1808, essayer d'un système mixte, et attribuer,
sauf les distinctions que nous allons bientôt parcourir^ aux juges de paix et
aux maires une sorte de concurrence, une sorte de compétence simultanée,
si non pour toutes les contraventions, au moins pour un assez grand nombre
d'entre elles.
Nous verrons bientôt à quelles règles de détail cette concurrence a été sou-
mise par le Gode de 1808. Gependant, avant d'entrer dans ces détails, qui sont
de peu d'intérêt pratique, mais qui sont nécessaires à l'intelligence des textes
il est bon de vous avertir de ce que déjà la plupart de vous, ceux au moins qui
habitent dans les communes rurales, ont été à portée de remarquer, c*eet que
cette concurrence, annoncée dans le discours de présentation, cette concur-
rence, détaillée dans les articles que nous allons voir, n'existe en réalité que
sur le papier et dans le texte du Gode; c'est qu'en fait, dans l'immense majo-
rité de nos communes rurales, les maires ne prennent jamais connaissance des
contraventions de police; c'est qu'en fait, aujourd'hui comme sous le Gode de
l'an IV, c'est uniquement par les juges de paix qu'est exercé le droit de
juger ces contraventions.
La raison en est assez simple : l'expérience qui a été faite depuis 1808 a-
justifié à peu près complètement le système adopté par le Gode du 3 brumaire
an IV, elle a démontré que, dans l'immense majorité des communes, il était
impossible de confier aux maires, avec quelque espoir de succès, la juridiction
de police municipale. D'abord, parce qu'il sera rare de trouver dans ces com-
munes, surtout dans celles qui ne sont pas chef-lieu de canton, un maire qui
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COMPÉTENCE DBS TRIBUNAUX DE POLICE (aRT. 137). 595
soit en état, non-senlement de bien constater les ftiits, non-seulement d'y bien
appliquer la loi, mais dMmprimer à sa décision la forme régulière et technique
d'un jugement. Ensuite, c'est qu'en supposant même, ce qui sera rare, mais
possible, qu'on trouve des maires ayant cette capacité, on en trouvera diffici-
lement qui, à des fonctions tout à fait gratuites et déjà assez pénibles, veuil-
lent ajouter les embarras de cette compétence en matière de police municipale,
veuillent s'exposer aux petites haines, aux mécontentements, aux tracasseries
locales que l'exercice de ce pouvoir doit entraîner. C'est qu'enfin, en admet-
tant qu'on rencontre à la fois dans les maires de petites communes et cette
capacité et cette bonne volonté réunies, on trouvera fort difficilement dans la
commune des citoyens qui soient en état d'exercer les fonctions de greffier,
c'est-à-dire de rédiger régulièrement les jugements qui seraient rendus par le
maire.
Aussi le gouvernement n'a-t-il essayé d'organiser cette juridiction des maires
en concurrence avec celle des juges de paix que dans un fort petit nombre de
communes. Un usage universel a fait considérer cette concurrence comme
absolument facultative, et a laissé en fait dans les mains des juges de paix
Texercice exclusif de la juridiction de simple police, comme cet exercice s'y
trouvait déjà concentré en point de droit sous l'empire du Gode du 3 bru-
maire an lY. Enfin la loi du 27 janvier 1873 a supprimé le tribunal de police
des maires.
Ainsi le changement assez notable annoncé dans l'exposé des motifs, détaillé
avec assez d'étendue dans l'ensemble des dispositions que nous allons voir, ce
changement n'existait guère que dans la lettre, et était à peu près indifférent
dans le fait et dans la pratique.
Cette pratique a été sanctionée par la loi du 27 janvier 1873, qui a eu pour
objet d'établir l'unité de juridiction dans chaque canton.
664. « Art. 137. Sont considérés comme contraventions de police simple, les
faits qui, diaprés les dispositions du quatrième livre du Gode pénal, peuvent donner
lieu, soit à 15 fr« d'amende ou au-dessous, soit à cinq jours d'emprisonnement ou
au-dessous, qu'il y ait eu ou non coaûscation des choses saisies, et quelle qu'en soit
la valeur. »
Dans l'art. 137, la loi a déterminé, vous le voyez, non pas la compétence
spéciale du juge de paix ou celle du maire prises par opposition l'une à l'autre,
mais uniquement la compétence générale des tribunaux de simple police, que
cette juridiction soit exercée par l'un ou par l'autre.
D'après quelles règles cette compétence doit-elle se déterminer ? L'art. 13*
répond à cette question. La compétence des tribunaux de simple police
détermine d'après le maximum possible, le maximum légal que le fait de la
prévention peut entraîner. En effet, supposez qu'un tribunal de simple police,
saisi d'un fait qui de sa nature constituait un délit, ait cependant, par applica-
tion des derniers mots de l'art. 463 du Code pénal, fait ce qu'un tribunal de
police correctionnelle aurait pu faire, c'est-à-dire réduit la peine soit à trois
jours d'emprisonnement, par exemple, soit à 10 ou 12 fr. d'amende. Certaine-
ment il n'aura prononcé en ce cas qu'une peine inférieare à la limite indiquée
par l'art. 137; cependant il aura prononcé sans compétence; il aura dépassé
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596 TRBNTE-TROISlàMB LBÇON. *- PB8 TRIBUHAUX IMI. POUGK (n*" 655).
ses pouvoirs; car la compétence ne se règle pas par la quotité, par l'impor-
Unce de la peine qui en fait a été appliquée, elle se règle uniquement par la^
quotité» rimportance de la peine qui en droit pouvait être affligée, si le
maximum eût été appliqué. Ce n'est donc pas dans le texte du Jugement^
dans le montant de la condamnation prononcée que nous devrons trouver
l'élément pour décider la question de compétence, mais bien dans la natnra
du fait comparé à la peine que la loi permettait d'infliger. C'est ce qui résulte-
formellement des termes deTart. 137.
Il est bon de débattre ce point, parce que, plus tard, dans Vart. 172, sur une
question analogue, mais qui n'est pas identique à celle-ci, nous verrons que le-
Gode adopte une règle différente ; quand il s'agira de savoir dans quels cas les
jugements de police sont ou ne sont pas susceptibles d'appel, on ne cherchera
pas quel était le maximum possible de la peine qui devait être portée, on cher-
chera seulement quel est le montant précis de la peine appliquée. Ainsi la
détermination de la compétence entre les tribunaux de simple police et ceux d&
police correctionnelle dépend tout à fait de la peine légale, et de. la peine légale
prise en son maximum. Par cela seul qu'un fait peut, d'après la loi, entraîner
plus de cinq jours d'emprisonnement ou plus de 15 fr. d'amende, ce fait s»
trouve en dehors de la compétence des tribunaux de police. Au contraire,
pour décider si un jugement de police est ou n'est pas susceptible d'appel, it
ne faudra pas se demander, par exemple, si le fait qui a été déclaré constant
pouvait ou ne pouvait pas entraîner la peine de l'emprisonnement, il faudra s&
demander seulement, d'après l'art. 172, si cette peine a été appliquée. Cette
différence ressortira d'ailleurs plus clairement du texte de l'art. 172, quand
nous y arriverons.
655. Dans l'art. 137 pris dans son ensemble, se présente d'ailleurs non paa^
une difGculté grave, mais une équivoque qu'il peut être à propos de prévenir.
Sont ctmsidérés comme contravontions de poliee simple les faits qui, d'après ks
dispo$iti(ms du QtrATniÈHB livre nu Gode tèv^l, peuvent donner lieu, soit à i^ fir.
d'amende ou au-dessousy soit à cinq jours d* emprisonnement ou au-dessous. Re-
marquez bien que iâ portée principale, le sens direct de la pensée du législa*
teur porte ici tout entier sur la seconde disposition, et non pas sur la première»
En d'autres termes, pour savoir si un tribunal de police est compétent, il
ne s'agit pas précisément de chercher si le fait de la prévention est ou n'est
pas puni par le quatrième livre du Code pénal, il s'agit de savoir si la peine
infligée à ce fait, soit d'après le livre IV du Code pénal, soit aussi d'après
toute autre loi ou tout autre règlement obligatoire, si la peine qui y est
infligée dépasse ou ne dépasse pas 15 fr. d'amende et cinq jours d'emprison-
nement.
Ainsi c'est à la quotité de la peine que la loi déclare infliger au fait, qu'il faut
uniquement s'attacher pour régler la confpélence ; peu importe d'ailleurs que
cette peine soit établie ou dans le Code pénal ou dans tout autre texte de la
loi. C'est ici énonciativement et non pas dans un sens limitatif que le texte vous
parle des faits qui sont punis de la peiné qu'il détermine d'après les disposi-
tions du quatrième livre du Code pénal ; c'est énonciativement, parce que ce
quatrième livre, plus spécialement consacré aux peines de simple police,
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GOMPÉTBNGB DIB TRIB0NÀUZ DE POLICB (aRT. 137). 597
•contient^ en effet, la très-grande majoHté, mais non pas la totalité des peines
^ai peayent être infligées par les tribunaux de police.
Aiasi, par exemple, l'art. 484 du Gode pénal, qui n'appartient à proprement
parler à aucun livre, qui est le dernier du Cîode, formant une disposition géné-
rale, qui s'applique à toutTensemble du texte; l'art. 484 déclare que sur toutes
les matières non réglées par le présent Code, les lois et règlements actuelle-
ment en vigueur continueront d*étre appliqués par les juges. £h bien, il est
dair que les lois et règlements relatifs aux matières de police, les lois et règle-
ments soit postérieurs, soit môme antérieurs au Cîode pénal, et sur les matiè-
res desquelles le Gode pénal n'aura rien statué, continueront d'être appliqués
par les tribunaux'de police, en tant qu'ils prononceront des peines inférieures
À la limite détermina par Fart. 137.
Voilà un premier cas dans lequel, même à part les dispositions du qua-
trième livre du Gode pénal, les tribunaux de police seront compétents pour
connaître de faits punissables, et leur appliquer les peines dans la limite de
l'art. 137.
De même, ce n'est pas seulement par des lois proprement dites, c'est quel-
•quefois, c'est, journellement, en vertu de décisions, d'arrêts, de réglemente
soit de l'autorité administrative, soit même de l'autorité municipale, que les
tribunaux de police sont appelés à appliquer des peines. G'est là une remarque
importsnte, car c'était, avant le Gode pénal, l'occasion d'une discussion fort
grave et fort indécise, de savoir jusqu'à quel point et dans quelles limites les
tribunaux de police étaient tenus d'appliquer aux particuliers des peines qui
n'étaient point écrites dans la loi, mais que rautorité administrative avait
infligées comme sanction à certains règlements tenant à la police publique.
Cette question indécise, débattue avant le Gode pénal, a cessé de l'être en
Tertu dé plusieurs articles de ce Gode. Quelques*uns des articles du quatrième
livre autorisent, dans un assez grand nombre de cas, tantôt l'autorité admi-
nistrative, tantôt même l'autorité municipale, à faire des règlements dans
l'intérêt de la police ou de la sûreté pi^lique, et à infliger d'avance des peines
aux contrevenants. Ces règlements devront être appliqués par les tribunaux
-de police, bien entendu dans la limite de la pénalité déterminée par l'arti-
cle 137.
Pour rendre ce point plus précis, vous pourrez vous reporter à l'art. 471,
K 4, 5, 8 et 15 du Gode pénal, et de même à l'art. 475, §§ 1, 2, 3 et 4 du
même Gode. Vous verrez qu'il résulte de ces textes que dans l'état présent
du droit l'autorité administrative et l'autorité municipale n'ont pas, d'une
manière générale et absolue, le droit de faire des règlements obligatoires et
^'infliger des pénalités que les tribunaux puissent ou doivent appliquer; mais
4iue ce droit d'infliger des pénalités appartient certainement aux autorités
administratives dans les cas spécialement déterminés par les divers paragra*
phes que je viens de citer.
Posons une espèce pour ne pas rester dans le vague. Le premier exemple
qui se présente est celui de l'art. 471, § 4 :
f Seront pnnis d'amende, depuis 1 fr. jusqu'à 5 fr. inclusivement (il s'agit
4'une peine ion légère), ceux qui auront embarrassé la voie publique, en y
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598 TRBNTB-TBOI&liMB LEÇON. — DJB8 TRIBUNAUX DB POUCE (n"" 656).
déposant ou y laissant sans nécessité des matériaux on des choses quelcon-
ques qui empêchent ou diminuent la liherté ou la sûreté du passage ; ceux
qui, en contravention aux lois et règlements, auront négligé d'éclairer les
matériaux par eux exposés ou les excavations par eux faites dans les rues et
places. »
Yoilà des pénalités qui ne seront pas infligées, dans tous les lieux et par
tous les tribunaux, d'une manière égale et uniforme ; il faudra nécessairement,
pour infliger des pénalités de police, en vertu de ce paragraphe, se reporter
dans chaque lieu aux règlements ou arrêtés émanés dé Pautorité locale. Mais
il est clair aussi que ces règlements ou arrêtés, une fois rendus et promulgués
dans chaque lieu, seront obUgatoires pour les particuliers et pour les tribu*
naux, comme s'appuyant sur le texte du paragraphe 4 de Fart. 471, et seront
obligatoires à tel point que, par cela seul que Tautorité municipale aura
imprimé dans son arrêté telle injonction ou telle prohibition, la peine sera
applicable aux contrevenants, quand même elle ne serait pas contenue dans
l'arrêté. Par cela seul que l'arrêté, s'appuyant sur le texte de la loi, aura fait
tel ou tel règlement, le contrevenant à ce règlement se trouve puni d'avanca
pour la première disposition de Fart. 471 : c Seront punis d'amende depuis
1 fr. jusqu'à 5 fr. inclusivement. •
Il en est de même dans les autres paragraphes cités, et par exemple dans
Tart. 475 : c Seront punis d'amende, depuis 6 fr. jusqu'à 10 fr. inclusivement:
1« ceux qui auront contrevenu aux bans de vendanges ou autres bans auto-
risés par les règlements. • Il est clair que là encore pour les bans de ven»
danges, il y aura des variations sensibles à raison de la différence des loca-
lités. A Tautorité locale appartient exclusivement le droit de déterminer à
quelle époque commence, pour chaque particulier, le droit de procéder à la
vendange au moins dans les terrains non clos. Ces bans une fois publiés, sans
qu'on ait à distinguer si la pénalité de l'art, 475 a été ou non formellement
rappelée, la contravention entraine, en vertu de l'art. 475, la pénalité déterminée
par la loi.
Ainsi deux points bien constants à cet égard, c'est que les autorités admi-
nistratives ou municipales n'ont pas maintenant; d'une manière générale et
absolue, le droit qu'avant le Gode de 1808 nombre de Jugements leur avaient
reconnu, celui de faire indéfiniment, indistinctement des règlements de
police, dont les pénalités devaient être appliquées aux contrevenants par les
tribunaux. Mais ce droit, qui ne leur appartient pas en toute matière, par cela
s^ul qu'il s'agit d'un intérêt de police, leur appartient incontestablement, et
aussi uniquement, dans les cas déterminés par divers paragraphes du Cîode
pénal qui leur confèrent formellement ce droit.
§ !•'. — Du TRIBUNAL DU JUQK DB PAIX GOMME JUOB DE «POLICE.
656. Voilà pour la compétence des tribunaux de police prise en masse
et sans distinction. L'art. 138 indique maintenant la division fondamentale
de la matière, compétence pa r concurrence entre le juge de paix et le maire.
Dans quelles proportions et suivant quelles distinctions cette concur-
rence existait-t-elle avant la loi du 27 janvier 1873 ? Avant d'entrer à oet
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GOMPÉTBN GB DE8 TRIBUNAUX DE POLIGB (aRT. 139). 599
égard dans les détails de Part. 139, il est bon de nous attacher à une idée gé-
nérale qui servira à tout simplifier :
~ En principe, le jnga de paix est compétent, d'après les art. 139 et 140,
pour toute espèce de contravention commise dans l'étendue de son can-
ton. La concurrence du maire n'était jamais une préférence, et le concours
n'existait que pour certains cas déterminés. Ainsi, quels que soient le lien, la
nature, la gravité de la contravention commise, les parties de l'une d'elles
peuvent, d'après le texte du Gode, la déférer au juge de paix. Seulement,
dans certaines contraventions, en raison des circonstances qui seront plus lard
détaillées, la loi accordait aux maires de quelques communes, non point un
droit exclusif, mais un simple droit de concurrence avec le juge de paix. La
juridiction du juge de paix reste donc la règle générale, uniforme et sans
aucune exception ; les maires n'avaient avec lui qu'une simple concurrence, et
cette concurrence n'existait que dans les cas expressément déterminés par les
articles qui vont bientôt suivre. Aussi l'art. 139 n'a-t-il pas pour but de vous
apprendre dans quels cas le juge de paix est compétent; d'après l'art. 140, le
juge de paix est compétent pour toute espèce de contravention; l'art. 139, au-
jourd'hui abrogé, tendait seulement à énumérer les cas dans lesquels la concur-
rence des maires n'existait pas, tendait à énumérer les cas dans lesquels le juge
de paix est non-seulement compétent, mais exclusivement et seul compétent,
à l'exclusion des maires de communes. Voici quels sont ses termes : les uns
tiennent au lieu oii la contravention a été commise, les autres au lieu du
domicile ou de la résidence des prévenus et des plaignants, les autres, enfin,
à l'importance ou à la nature spéciale de certaines contraventions dont on n'a
pas entendu permettre aux maires de prendre connaissance :
« Art. 139. Les juges de paix connaîtront exclusivement : — 1* Des contraven-
tions commises dans retendue de la commune chef-lieu du canton; — 2* Des con-
traventions dans les autres communes de leur arrondissement, hors le cas où les
coupables auront été pris en flagrant délit, les contraventions auront été commises
par des personnes non domiciliées ou non présentes dans la commune, ou lorsqueles
témoins qui doivent déposer n'y sont pas résidents ou présents; — 3** Des contra-
veutions à raison desquelles la partie qui réclame conclut, pour ses dommages-
intérêts, & une somme indéterminée ou à une somme excédant 15 fr. ; — 4* Des
contraventions forestières poursuivies à la requête des particuliers ; — 5* Des in-
jures verbales ; — 6* Des affiches, annonces, ventes, distributions ou débits d'ou-
vrages, écrits ou gravures contraires aux mœurs;-- 7* De l'action contre les gens
qui font le métier de deviner et pronostiquer, ou d'expliquer les songes. »
657. {• Des contraventions commises dans Vétendue de la commune chef-lieu
du canton. Pourquoi cela? Ceci doit s'entendre par relation avec l'article 166,
qui n'accorde la concurrence dont nous avons parlé jusqu'ici qu'aux maires
des communes qui ne sont pas chefs-lieux de canton. La raison en est facile à
saisir en principe : on a bien senti en 1808, comme on l'avait fait, en l'an lY,
que les juges de paix présentaient, pour la bonne administration de la justice
de simple police, infiniment plus de garanties que n'en peuvent présenter les
maires. Si cependant on s'était déterminé à accorder aux maires cette juridiction
en certains cas, c'est par un motif de célérité et par suite d'économie ; c'est
qu'ils sont plus rapprochés et que leur juridiction paraissait à ce titre plus com-
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600 TRBNTB-TR0I6IÈMB LBÇON. — DBS TRIBUNAUX DE POUGB (N* 659).
mode. Or, il est datr que cette raison reste sans application anx maires des
communes dans lesquelles doit siéger le juge de paix. Le juge de paix, dôs
lors, est tout aussi près des justiciables, tout aussi près du lieu de la contra-
vention que le maire, il est tout naturel d'appliquer au premier la compé-
tence exclusive. Ainsi la concurrence dont nous avons parlé n'appartient dans
aucun cas au maire d'un cbef-lieu de canton, précisément parce que dans
cette hypothèse disparaissent tous les motifs qui ont fait donner aux maires
la compétence exceptionnelle que noas avons annoncée. C'est donc à raison du
lieu où la contravention a été commise que le droit exclusif d'en connaître est
accordé au juge de paix.
658. 2*» Ifès contraventions dans les autres communes de leur arrondissemenê^
lorsque, hors le cas où les coupables auront été pm en flagrant délit, les contra-
ventions auront été commises par des personnes non domiciliées ou non présentes
dans la commune, ou lorsque les témoins qui doivent déposer n^y sont pas résidents
ou présents.
Ce second paragraphe est d'une rédaction un peu compliquée, mais cepen-
dant il ne présente aucune difGculté sérieuse ; d'ailleurs les doutes légers se
résoudraient d'eux-mêmes à la lecture de l'art. 166, qui traite la môme ques-
tion d une maDière plus nette et plus précise. De l'ensemble de ce paragraphe,
dont nous pouvons nous épargner le détail, il résulte que, même pour les con-
traventions commises hors de là commune du chef -lieu de canton, le juge
de paix est encore le seul compétent, 1« lorsque, les prévenus et les plaignants
ne sont pas domiciliés dans la commune; 2** lorsque, les prévenus et les plai-
gnants s'y trouvant domiciliés, les témoins de la contravention n'y seraient
pas présents ou résidents. En d'autres termes, pour que le maire d'une com-
mune qui n'est pas chef-lieu de canton ait le droit de connaître, en concur-
rence avec le juge de paix, d'une contravention commise dans l'étendue de sa
commune, il faut que les parties prévenues aussi bien que les parties plai-
gnantes soient domiciliées dans cette commune ; il faut de plus que les
témoins de cette contravention y soient également ou domiciliés ou présents.
La raison en est la même que celle du premier paragraphe ; c'est que, si les
parties ou les témoins habitent hors de cette commune, l'avantage unique de
la compétence du maire disparait tout à fait; autrement il faudrait se résigner
à des citations assez éloignées, à des délais assez prolongés, la compétence du
maire ne présenterait plus assez d'avantages. Ainsi la compétence du maire
exigeait, en général, ces deux circonstances. Il en est un cependant excepté, le
cas de flagrant délit, c'est-à-dire que la concurrence existait pour le maire d'une
commune qui n'est pas chef-lieu de canton, à raison de contraventions com-
mises dans rétendue de cette commune, même par des personnes qui n^y sont
pas résidentes, lorsque les contrevenants sont pris en flagrant délit et traduits
immédiatement devant le maire de la commune. Alors on retombe dans le
but de la loi, dans le but de célérité et d'économie.
669. Voilà les deux cas où la loi attribuait au juge de paix une compétence
exclusive de celle des maires, à raison, soit du lieu de la contravention, soit
du domicile ou de la résidence des parties ou des témoins. Dans les autres
paragraphes de ce même article, le législateur s'attache à un point de vue dii^
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COMPÉTENCE DBS TAIBUNAUX DE POUCE (A.RT. 139). 601
férent, c'est-à-dire, soit à Fimportanee, soit à la nature de certaines contra-
ventions, dont la connaissance est par ce nouveau motif absolument refusée
aux maires des communes.
Le juge de paix copnaît également : S*» Des oontraiœnUonM à raison desquéUes
la partie qui réclame conclut j pour ses dommages-inUréiSf à une somme indétermi"
née ou à unejomme. excédant, 15 francs.
Ce paragraphe est facile, .il butc^ependant encore bien éviter toute confu-
sion. Vous voyez que la loi s'occupe du cas oii la partie civile réclamerait, à
raison de la contravention, des dommages-intérêts indéterminés ou supérieurs
à 15 fr. Ce n*est pas dire qu'on ne puisse, en simple police, conclure à des
dommages-intérêts sans aucune distinction dans la quotité de la somme, au,
contraire, il résulte formellement des textes qu*on le peut. Ainsi, quoique la
compétence des juges de police, en matière de condamnations pécuniaires, en
matière d'amende, se borne à un maximum de 15 fr., cela n'est vrai que pour
l'amende, et un juge de paix, siégeant comme juge de police, peut condamner le
prévenu, à titre de domiftageerintérèts,! nuia «omme à laquelle i} n'y a pas de
maximum légal. Qn pourrait très-bien, en simple police, à raison du dom-
mage causé par la contravention, être condamné, au moins en premier ressort,
à plusieurs centaines de francs de dommages-intérêts. Seulement le fait que
la demande de dommages-intérêts dépassait 15 fr., enlevait au maire toute
qualité pour connaître de cette demande, et faisait rentrer cette demande
dans la compétence exclusive du Juge de paix.
Ainsi^ s'il faut nous attacher à la quotité de l'amende pour distinguer la
compétence de simple police d'avec la compétence de police correctionnelle, il
ne faut jamais, dans le même but, nous attacher à la quotité des dommages-
intérêts réclamés ; cette quotité indifférente à la distinction de compétence
entre les tribunaux de simple police et ceux de police correctionnelle, ne devient
importante que pour distinguer la compétence de simple police entre les juges
de paix et le» maires.
Voilà donc une troisième condition qui, pour toute espèce de contraven-
tion, vient resserrer dans des limites de droit fort étroites la compétence déjà
très-restreinte en fait de simples maires de communes.
660. 4^ Des contraventions forestières poursuimes à la requête des particuliers.
Si on prenait ce paragraphe à la lettre et en l'isolant des autres, on en tirerait,
A coxiiTBARio, uue couséquence qui serait parfaitement fausse. Gomme la loi
déclare ici que le juge de paix est exclusivement compétent pour les contra-
ventions forestières poursuivies par les particuliers, l'argument a contrario
vous mènerait à dire que, quand la contravention forestière est poursuivie,
non pas à la requête des particuliers, mais à la requête de l'État, le juge de
paix n*est plus exclusivement compétent, c'est-à-dire que le maire et le juge
de paix le sont à la fois. Ge serait une très-fausse conséquence, et un exemple,
de plus du péril des arguments de cette nature. Si la loi vous dit ici que les
juges de paix sont exclusivement compétents pour les contraventions forestières
poursuivies à la requête des particuliers, c'est que, quand des contraventions
foresUères sont poursuivies dans Fintérét de TËUt et à la requête de ses agents,
elles sortent également et de la compétence des juges de paix et de la compé-
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602 TRENTE-TROISIÈME LEÇON. — DES TRIBUNAUX DE POLICE (n^ 662).
teace des maires. En d'autres termes, c'est que les simples contraventions fores-
tières, quelque minime qu'en soit La peine, ne rentrent dans la juridiction de
simple police que quand elles sont poursuivies à la requête des particuliers.
Toute contravention forestière commise contrairement aux intérêts de l'État
appartient exclusivement à la juridiction des tribunaux de police correction-
nelle, ainsi que le déclare d'ailleurs Fart. 179. (Test là, vous le voyez, une
exception assez remarquable à faire à l'art. 137. C'est là l'exemple unique, je
crois, d'un fait qui, ne donnant matière qu'à un emprisonnement de moibs de
cinq jours ou môme à une amende de moins de 15 fr., ne peut ôtre jugé par
les tribunaux de simple police.
La raison en est facile : les contraventions de cette nature commises dans les
bois de l'État sont de tous les jours et de presque tous les instants ; or, la loi
n'a pas à la résidence de chaque juge de paix un agent forestier qui puisse à
tout instant requérir la poursuite et la punition de ces contraventions. Et si
on avait appliqué aux contraventions forestières commises contre l'État la
règle de compétence de Tart. 137, il eût fallu, au grand détriment de l'admi-
nistration, que les agents forestiers fussent sans cesse voyageant de canton
en canton pour déférer aux juges de paix les contraventions forestières, qui
seraient portées à moins de frais devant les tribunaux correctionnels du lieu
où ils résident.
Que si, au contraire, la contravention forestière est poursuivie par un parti
culier, alors elle reste affaire de simple police; mais la loi en refuse la con-
naissance aux maires.
661. 5<^ De$ injures verbales.
Ici encore le maire était pleinement incompétent, le juge de paix est seul
compétent. Toutefois il y a une remarque à faire, non pas pour distinguer la
compétence du maire et celle du juge de paix, la distinction est clairement
écrite, mais remarquez que, même à Tégard du juge de paix, cette compétence
n'existe pour les injures verbales qu'autant que ces injures sont considérées
comme contraventions. Il arrive, au contraire, fréquemment que, soit à raison
de la gravité de l'outrage qui dégénère en calomnie, soit à raison de la qualité
de la personne à laquelle est adressé Toutrage, cet outrage, bien que pure-
ment verbal^ n^est plus simplement une contravention, mais devient un véri-
table délit.
Ainsi le paragraphe 5 ne s'entend évidemment que des injures verbales qui
sont des contraventions ; l'incompétence du juge de paix est complète, aux
termes de rai*t. 137, pour les injures verbales qui seraient de véritables délits.
Vous pourrez consulter à cet égard les art. 376 et 471, § 2 du Gode pénal; vous
y verrez la distinction écrite entre les injures verbales qui sont ou des délits
ou des contraventions.
66a. J'en dirai autant du paragraphe 6: ici encore on dédare le juge de paix
exclusivement compétent pour les contraventions résultant des actes qui y
sont indiqués, il connait encore :
6o Des affiÀeSj annonces, ventes^ disiribuUons m débits d'otmages, écrits au
gravures contraires auss mcntrs. Dans la plupart des cas, les actes de cette nature,
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GOMFÊTSNGB DES TRIBUNAUX DB POLICE (aRT. 140). 603
les distributioiiB de ces écrits, ouvrages, gravores ne sont pas de simples con-
traventions, mais constituent, au contraire, de véritables délits : il est clair
que dans ces cas le paragraphe est inapplicaUe.
Vous aurez de môme à comparer, sur ce point, les art. 284 et 288 du Cîode
pénal avec Tart. 475, § 13, du même Gode, et la distinction est toujours facUe
à établir. Dans Tart. 475, § 13, vous verrez, en le rapprochant des art. 284 et
288, la distinction entre les actes de cette nature qui sont des délits, et ceux
qui ne sont que des contraventions ; à ceux qui ne sont que des contraven-
tions s'appliquera le paragraphe 6.
663. De V action contre les gens qui font le métiei* de deviner et de pronostiquer
ou d'expliquer les songes.
Il est clair que, encore ici, le juge de paix sera exclusivement compétent
dans tous les cas. Mais si, au moyen de cette prétendue science, il y a eu un
délit de commis, et c'est ce qui arrive très-fréquemment de la part des devins
ou prophètes, délit d'escroquerie, il y aura compétence des tribunaux correc-
tionnels, puisque ce serait un délit. Il faudra toujours distinguer le déUt ou la
contravention ; il faudra toujours se souvenir de ce que j'ai dit en commençant
à expliquer Tart. 139, que cet article ne tendait pas à établir la compétence
des tribunaux de police prise par opposition à la compétence des tribunaux
correctionnels ; mais qu'au contraire cet article, supposant connue, d*après
Part. 137, la compétence des tribunaux de police, s'occupait seulement à déter-
miner entre les deux ordres de tribunaux de simple police, dans quels cas le
juge de paix était exclusivement compétent, dans quels cas, au contraire, la
compétence se partageait entre le juge de paix et le maire concurremment.
604. a Art. 140. Les juges de paix connaîtront aussi, mais concurremment
avec les maires, de toutes autres contraventions commises dans leur arrondisse-
ment. » (Abrogé par la loi du 27 janvier 1873.)
Cet article complète les idées que nous venons d'exposer.
Vous devez bien voir maintenant, et c'est là le point capital de cette matière,
en quel sens il y a concurrence, au moins en droit, entre les juges de paix et
les maires pour les simples contraventions. Mais en fait cette concurrence est
sans application; presque partout les juges de paix jugent seuls; le gouverne-
ment n'a organisé la juridiction des maires que dans des cas rares.
665* La juridiction des juge sde paix, considérés comme juges de police, est
détaillée dans les art. 141 à 166. Les premiers de ces articles n'ont pas même
besoin d'être lus ; je vais en présenter une analyse.
Dans i'art. 141 on suppose qu'il' n*y a dans la commune qu'un juge de paix;
dans ce cas, lui seul fait le service de ce tribunal de police, et il a pour gref-
fier son greffier ordinaire.
Que si, au contraire, vous supposez avec Tart. 142 une grande ville dans
laquelle il existe, malgré l*unité de commune, plusieurs juges de paix, le ser-
vice du tribunal de police sera fait alternativement par chacun d'eux, en com-
mençant par le plus ancien. Dans ce cas, les juges de paix tiendront successi-
vement des seesiontf qui ont été déclarées devoir être trimestrielles, art. 13 de
la loi du 28 floréal an X.
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604 TRENTB-TROISIÈIOE UEÇON. -^ I»S TAIBUNAUX DE POUGE^ (N* 667).
Seulement, dans ce dernier cas, voas sentes que chaque juge de paix sié»
géant successivement, il Caut au tribunal de police un greffier spécial et par-
ticulier ; on ne pourrait pas sans inconvénient faire passer de trois mois en
trois mois, dans les mains du greffier du juge de paix qui vient prendre le ser-
vice, on ne pourrait pas faire passer sans cesse de mains eu mains le dépét
des archives du tribunal de police municipale ; il serait impossible de dresser
un état complet de la remise des minutes. Ainsi, lorsqu'il y aura plusieurs
juges de paix dans la môme commune, il faudra un greffier spécial pour le
tribunal de police, greffier dans les mains daquel restera concentrée la sur*
veillance des minutes du tribunal ; loi du 30 fructidor an X, art. 1 et 4.
Si môme, à raison de l'importance de la localité, c'est ce qui a lieu par
exemple à Paris, le gouvernement jugeait à propos d'établir deux sections pour
la police, d'établir non pas deux tribunaux, mais, si vous voulez, deux cham-
bres dans le tribunal de police, il faudrait alors nommer à ce greffier spécial
un adjoint qui ferait le service dans la chambre dans laquelle le greffier ne
peut pas le faire, art. 143.
666. Les tribunaux de police, de môme que les tribunaux d'une importance
plus haute, ne statuent jamais d'office. G^est un principe général, dans nos ju-
ridictions pénales comme dans les matières civiles, que les juges n'oat pas
qualité pour se saisir eux-mêmes des faits punissables. Ici donc, comme dana
les tribunaux criminels proprement dits ou dans les tribunaux correctionnels^
il faut un ministère public. Les fonctions du ministère public sont remplies
par le commissaire de police de la commune, et, s'il y en a plusieurs, par Vun
d'eux désigné à cet effet par le procureur général du ressort. Que s'il n'y a pas
de commissaire de police, ces fonctions sont remplies par le maire ou son ad-
joint, art. 144.
667. L'art. 145 est un peu plus remarquable ; il est la conséquence de ce
principe que j'énonçais tout à l'heure que les tribunaux de police n'ont pas qua-
lité pour aller eux-mêmes auprès des coupables se saisir d'office de la connais-
sance des contraventions. Ils ne peuvent être saisis qu'à la requête d'une partie
poursuivante; mais cette partie peut ôtre, indifféremment, soit le ministère
public, soit la partie lésée par la contravention, art. 135, § 1. Vous retrouverez
la môme idée dans une matière plus importante, pour les tribunaux de police
correctionnelle, art. 182. Vous verrez que quoique en principe les peines, si
légères qu'elles soient, ne puissent ôtre appliquées chez nous qu'à la poursuite
du ministère public, cependant les tribunaux de police simple et môme les
tribunaux de police correctionnelle peuvent ôtre saisis de la connaissance^ de
Fexamen d'une contravention ou d'un délit, ncm-seulement à la requête éa
ministère public, mais môme à la requête de la partie lésée. Gela n'empêche
pas que, pour appliquer la peine, les conclusions du ministère public soient
nécessaires dans raffaire. Mais toujours est-il que le tribunal n*est pas néces-
sairement saisi à la requôte du ministère public ; il pourra Tôtre, dans Tun et
l'autre cas, par une citation donnée à la requôte de la partie lésée, sauf au mi*
nistère public à intervenir dans l'instruction pour donner ses condusions qaant
à rapplication de la peine.
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GOMPÉTBNGll DBS TRIBUNAUX DB. POLICE (aRT. 145). 605
Ge principe est commun, voua al*jfi dit» aux matières de simple police et
aux matières plus graves de la police porrectionnelie. J'ai cité à cet égard, et
nous le verrons plus tard, Tart. 182. Nous aurons souvent è faire cette assi*^
milation entre ces deux espèces de procédures ;• et, en général, il eat bon de*
vous avertir^ ne fût->ce que pour soutenir votre attention, (jue, si je m'attache
avec quelque dâtail aux règles de procédure des triLunaux de simple police,
c'est que ces règles de procédure seront presque tontes déclarées communes -
aux tribunaux de police correctionnelle. Ainsi l'intérêt des formes souvent
minutieuses, détaillées dans les articles de ce titre pour les affaires minimes
dont connaissent les juges de paix, cet intérêt s'aggrave et s'agrandit quand
on songe que ces mêmes formes sont suivies, pour^la plupart» dans les affaires
plus j^érieuses dont connaissent les tribunaux de police correctionnelle, affaires
dont la gravité peut aller, vous le savez, jusqu'à cinq ans d'emprisonnement,
et même en cas de récidive, jusqu'à dix ans.
Quant au paragraphe 1 de l'art. 145, et au principe qu'il présente pour les
deux ordres de tribunaux, il est bon de remarquer que ce principe* est horné,
soit aux tribunaux de simple police, soit aux tribunaux de.police correction-
nelle. Quand, au contraire, il s'agira de matières criminelle» proprement dites,
des cours d'assises^ vous verrez que, pour appliquer une peine criminelle, non-
seulement les conclusions du ministère public sont nécessaires, mais que le
tribunal criminel, que la cour d'assises ne peut jamais être saisie du droit
d'examiner l'affaire' à la requête de la partie lésée* La cour d'assises n'est
jamais saisie qu'à la poursuite, qu'à la requête du ministère public, c'est-à-
dire par l'acte d'accusation dressé par le procureur général, en vertu de l'arrêt
de mise en accusation déjà rendu par la cour.
Ainsi Tart. 145 est commun à tous les tribunaux de police; il est, au con-
traire, inapplicable aux matières criminelles proprement dites.
668. U y a dans les derniers mots de l'art. 145 une rédaction qui peut sur-
prendre : la loi semble se contenter, pour qu'une personne soit valablement
citée devant un tribunal de police, d une notiGcation faite au choix du pour-
suivant, soit au prévenu, à l'auteur du fait, soit, si on le préfère, à la per-
sonne civilement responsable de ce fait. Les cas de responsabilité civile sont
indiqués au Gode civil, à propos des quasi-délits. Mais est-ce en ce sens qu'il
faut vraiment entendre l'article ? Si, par exemple, il s'agit d'une contraven-
tion commise par un fils ou par un domestique, et dont le père ou le maître
puisse être déclaré responsable, art. 1384, suffira-t-il, dans ce cas, pour
saisir le tribunal de police relativement à l'un et à l'autre, de citer non pas
tous les deux, mais simplement l'un des deux ? D'après la disposition de notre
paragraphe, on serait porté à le penser. Cependant un tel résultat n'est pas
raisonnable ; on ne conçoit pas qu'une partie puisse être condamnée comme
civilement responsable du fait d'une autre personne, quand cette autre per-
sonne a seulement été citée, et que la partie prétendue responsable ne l'a pas
été. Il serait encore plus bizarre de condamner le domestique ou le fils mineur
comme personnellement auteur du fait, si Ton s'était borné à citer, soit le
maitre, soit le père, pour l'actionner en dommages-intérêts. U faut ajouter
que, dans l'art. 182, pour la police correctionnelle, la loi se sert d'une rédao-
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606 TRBNTB-TROraiillB LBQON. » DBS TRIBUNAUX DB POLIGB (n* 669).
tion fort différente, sans qu'on puisse trouver de motif raisonnable de cette
différence. Elle vous dit que le tribunal de police correctionnelle sera saisi,
i soit par la citation donnée directement au prévenu et aux personnes civile-
ment responsables du délit. • Je penserais donc qu'ici la rédaction de l'ar-
ticle 183, c'est-à-dire l'obligation de donner cumulativement citation devant
le tribunal, soit au prévenu lui-même, soit à la personne civilement respon-
sable de ces faits^ doit également s'appliquer, et dans les tribunaux de simple
police, et dans les tribunaux de police correctionnelle.
Que si cependant nous voulons absolument donner un sens à notre article,
si nous voulons observer, au moins dans certains cas, la disjonctive dont
l'insertion nous embarrasse, nous dirons qu'il y a des cas où la citation ne
pourra pas être donnée à l'un et à l'autre, que la citation ne sera donnée qu'à
la personne responsable civilement, et non pas à l'auteur du fiiit. Supposez,
par exemple, un dégât commis par un enfant de sept à huit ans, qui est l'au-
teur matériel de la contravention ; on se bornera à citer son père, son tuteur,
son instituteur, non pas comme prévenu, comme auteur du fait, mais comme
civilement responsable du fait de cet enfant. Je comprends alors que, quand il
y aura impossibilité d'appeler le prévenu, lorsqu'il n'y aura pas moyen de le
condamner, ou, pour mieux dire, que l'auteur du fait sera dans un âge tel
qu'il n'y aura pas moyen d'y voir un prévenu, on se bornera à citer devant
le tribunal la personne civilement responsable. C'est à ce cas, mais unique*
ment à ce cas, que s'applique la disjonctive de l'article ; dans tous les autres,
je ne verrais pas moyen de condamner deux personnes, dont Tune seule aurait
été citée en vertu de cet article, ou de considérer les deux personnes comme
suffisamment averties par la citation donnée à l'une d'elles seulement.
669. Passons aux articles suivants.
Les citations sont données par le ministère public ou par la partie qui
réclame des dommages-intérôu ; mais à quel délai î L'art 146 répondra à
cette question.
« Art. 1 46. La citation ne pourra être donnée à un délai moindre que vingt-
quatre heures, outre un jour par trois myriamètres, à peine de nullité tant de la
citation que du jugement qui serait rendu par défaut. Néanmoins cette nullité ne
pourra être proposée qu'à la première audience, avant toute exception et défense.
— Dans tous les cas urgents, les délais pourront être abrégés, et les parties citées
à comparaître même dans le jour, et à heure indiquée, en vertu d'une cédule dé
livrée par le juge de paix. »
La sanction, c'est la nullité, nullité proposée à La première audience, des
mots, à la premUre audience, sont un peu équivoques, ils peuvent s'entendn
en deux sens. A la première audience, c'est-à-dire que la personne citée à un
délai moindre que le délai légal de l'art. 146, peut, en comparaissant, opposer
immédiatement la nullité de la citation ; ou bien, et surtout en ce sens que si
la personne citée à un délai moindre que vingt-quatre heures n'a pas compam,
et a, en conséquence, été condamnée par défaut, elle pourra, à la première
audience qui suivra son opposition, invoquer la nullité du jugement par défaut
rendu contre elle.
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GOMPÉTBNGB DBS TRIBUNAUX DB POLIGB (aRT. 153). 607
670. L'art. 147 permet de saisir Je tribunal nonnseulement par unecitation,
comme Ta supposé l'art. 145, mais môme par un simple avertissement.
Mais remarquez que, si un simple avertissement a été donné à la requête
d'une partie et par le juge de paix, cet avertissement ne tient pas lieu de cita-
tion dans tous les cas. Si la partie avertie comparaît, certainement on procé-
dera comme s'il y avait eu citation; mais si la partie ne comparaît pas, il serait
impossible de la condamner par défaut, comme dans l'art. 149; si cette partie
ne comparaît pas, il faudra lui donner une citation régulière.
671. Le jugement par défaut est ici, comme en matière civile, susceptible
d'opposition; les art. 150 et 151 détenninent les délais et les formes de cette
opposition. La forme est double : ce peut être, soit une déclaration au bas de
l'acte de signification du jugement, soit un acte signifié dans les trois jours de
cette notification, outre un jour par trois myriamètres. L'opposition entraîne
par elle-même citation tacite. Ainsi, par cela même que la partie défaillante
déclare s'opposer à l'exécution du jugement par défaut, elle cite par cela seul
son' adversaire à comparaître à la première audience
Que si la partie n*a pas formé opposition dans les trois jours, ou si, sur l'op*
position formée par elle, elle n'a pas comparu à la pins prochaine audience,
le jugement par défaut n'est plus attaquiJ[)le par la voie d'opposition, sauf
rappel, d'après Fart. 172, s'il y a lieu, et le pourvoi en cassation, aux termes
de l'art. 407.
678. L'art. 152 consacre, en matière de police, une faculté qui n'appartient
au prévenu que sous certaines distinctions en matière correctionnelle, c'est
celle de se faire représenter par un fondé de procuration. Le Gode n'a pas
reproduit les dispositions peu raisonnables des lois antérieures qui défen-
daient de se faire représenter en simple police par un homme de loi.
673. « ART. 153. L'instruction de chaque afîaire sera publique, à peine de nul-
lité. — Elle se fera dans Tordre suivant ; — Les procès-verbaux, s'il y en a,
seront lus par le greffier; — Les témoins, s*il en a été appelé par le ministère
public ou par la partie civile, seront entendus, s*il y a lieu ; la partie civile prendra
ses conclusions ; — La personne citée proposera sa défense, et fera entendre ses
témoins, si elle en a amené ou fait citer, et si, aux termes de l'article suivant, elle
est recevable à les produire ; — Le ministère public résumera Taffaire et donnera
ses conclusions ; la partie citée pourra proposer ses ebservations. — Le tribunal
de police prononcera le jugement dans l'audience où l'instruction aura été ter-
minée, et au plus tard, dans l'audience suivante. »
Les procès-verbaux, s'il y en a, seront lus par le greffier. Ce premier point est
fort important ; il se rattache à la distinction de deux classes de procès-ver-
baux que nous allons voir dans l'art. 154.
S'il n*a pas été dressé de procès-verbaux, le greffier devra lire, à la place,
la citation destinée à informer le tribunal de police des faits de la prévention.
Les témoins, s*il en a été appelé par le ministère public ou par la partie civile,
seront eritendus, s'il y a lied ; la partie civile prendra ses conclusions. Ceci se
réfère encore à la distinction de Fart. 154, qui, dans certains cas, rend abso-
lument inutile Taudition des témoins en réputant la contravention sufQsam*
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608 TRENTB-TROI^ÈMB LBÇON. — DBS THIBUNAUZ Dit FOUGB (n* 674).
ment prouvée par Tezistence môsie d'un procès -verbal. Noua verrons ceci
dans un instant.
Vient ensuite la défense de la personne citée ; puis les condusions du minis-
tère public ; et enfin faculté pour le prévenu de prendre la parole le dernier,
et de proposer ses observations même après les conclusions du ministère
public.
Vous voyez qu'ici il y a une différence notable entre la procédure civile et
la procédure pénale. £n principe, dans les matières civiles, aucune des parties
n'est recevable à parler après les conclusions du ministère public. Au con-
traire, dans les matières de simple police, et à plus forte raison dans celles de
police Gorreciionnelle et de cours d'assises, le prévenu et l'accusé ont essen-
tiellement, et dans tous les cas, le droit de parler les derniers.
La fin de l'article n'a pas besoin d'explication.
674. L'art. i54 présente plus d'intérêt, il se rattache aux deux paragraphes
sur lesquels je me suis arrêté dans l'art. 153.
tt ART. 154. Les contraventions seront prouvées soit par prooès-verbaux ou rap-
ports, soit par témoins, & défaut de rapports et procôs-verbaux, ou & leur appui.
— Nul ne sera admis, à peine de nullité, à faire preuve par témoins outre ou contre
le contenu aux procès-verbaux ou rapports des ofQciers de police ayant reçu de la
loi le pouvoir de constater les délits ou les contraventions jusqu'à inscription de
faux. Quant aux procès-verbaux et rapports faits par des agents, préposés ou
oflQciers auxquels la loi n*a pas accordé le droit d'en être crus jusqu'à inscription
de foux, ils pourront être débattus par des preuves contraires, soit écrites, soit
testimoniales, si le tribunal juge à propos de les admettre. »
U résulte de ce texte que dans tous les cas et quelle que soit la nature de la
contravention, elle est susceptible d*étre prouvée, même en l'absence de
témoins, par Texistence d'un procès-verbal conforme aux conditions de la lot.
Il paraîtrait en résulter également qu'en l'absence de procès-verbul, la preuve
testimoniale suffit toujours pour établir Texistence d'une contravention. En
général ce dernier point est vrai ; en général la rédaction d'un procès-verbal
n'est pas une condition nécessaire, soit à la poursuite, soit à la preuve d'une
contravention de police. Cependant quelques exceptions paraissent admises
dans l'usage^ à raison de certaines contraventions spéciales, dont la loi a for-
mellement exigé la preuve par la voie de procès-verbaux. Telles sont, par
exemple, les contraventions commises dans les matières de douane et de per-
ception de contributions indirectes, et quelques autres de même nature. Mais,
à part quelques exceptions déterminées par les lois spéciales^ la preuve testi-
moniale, même en l'absence de tout procès- verbal, est un moyen suffisant pour
établir les contraventions. Concentrons-nous dans une partie plus importante
de cet article, c'est-à-dire dans la puissance des procès-verbaux comme
moyen de preuve.
Remarquez d'abord qu'à cette distinction s'applique une observation précé-
demment faite, c'est que l'art. 154, relatif à la preuve des contraventions, s'ap-
plique également à la preuve des délits. L'art, 189, que nous verrons plue
tard, déclare que la preuve des délits, devant les tribunaux correctionnels, se
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PROGÉDURB DEVANT LES TRIBUNAUX DB POLICE (aRT. 154). 609
fera de la manière prescrite aux art. 154, 155 et 156. C'est vraiment Taxt. .189
qui donne de rintôrét à Fexamen de Tart. 154.
L'art. 154 divise en deux grandes classes les procès- verbaux ou les rapporta
qui peuvent être produits devant un tribunal de police. Ces procès-verbaux ou
rapports sont des écrits, des relations, des déclarations rédigées, dans certaines
formes, par des officiers, des agents, des préposés auxquels la loi a spéciale*
ment accordé cette qualité. Ces procès- verbaux se divisent en deux classes,
et déjà nous avons indiqué cette division en ce qui touche les officiers de police
judiciaire.
Il y a d'abord certains officiers aux procès-verbaux desquels la lo a donné le
privilège de faire foi en justice jusqu'à inscription de faux. G'estrà-dire que
non-seulement la partie publique ou privée qui se présente appuyée d*un
procès-verbal de cette nature est dispensée de toute 09pèce de preuve, mais
c'est que, de plus, le prévenu n'est pas admis à établir la fausseté, Tinexacti*
tude de ce procès* veiri)al, soit par la preuve testimoniale, soit même par des
preuves écrites. Un tribunal de police devant lequel est produit un .procès-
verbal de nature à faire foi jusqu'à inscription de faux ne doit pas recevoir la
preuve contraire proposée par le prévenu, sauf à celui-ci à. entrer dans OQtte
procédure difficile et chanceuse écrite dans les art. 314 et suivants .du Cîode
de procédure. A part cette voie, dont l'emploi suspendra l'instruction devant
le tribunal de police, le prévenu n'est pas admis à débattre la. vérité de ce
procès-verbal.
J'ai déjà indiqué quelques-uns de ces agents auxquels appartenait le privi-
lège d'imprimer la foi à leurs procès- verbaux jusqu'à inscription de faux. J'ai
désigné notamment les gardes forestiers, voua pouvez y ajonter les agents des
douanes, loi du 9 floréal an VII, art. 12 ; et de môme les préposés pour la
perception des contributions indirectes, décret du l***" germinal an XUI, ar-
ticle 26.
Ainsi, gardes forestiers, agents des douanes, agents de l'administration des
contributions indirectes peuvent, dans les cas et dans les formes déterminés
par la loi, rédiger des procès-verbaux dont la vérité ne peut être combattue,
que par la voie de l'inscription de faux.
La plupart des procèe-verbaux ou rapports rédigés par les autres officiers
ne jouissent pas, à beaucoup près, de la môme faveur. Ainsi les procès- ver-
baux ou rapports d'un garde champêtre, d'un gendarme ou môme d'un officier
de gendarmerie, d'un officier de police judiciaire, n'ont pas reçu de la loi le
privilège de faire foi jusqu'à inscription de faux.
Quelle est, en fait, et lorsqu'ils sont produits devant un tribunal de police,
l'autorité de ces derniers procès- verbaux? L'art. 154 laisse à cet égard une
immense latitude au tribunal ; et il serait faux de dire que ces procès- ver-
baux, ne faisant pas foi jusqu'à inscription de faux, feraient cependant foi,
dans tous les cas, jusqu'à preuve contraire. Il serait faux de dire que la partie
publique ou privée, produisant contre le prévenu le procès- verbal d'un gen-
darme, d'un garde champêtre, d'un officier de gendarmerie, produit une pre^ive
qui ne peut être combattue que par une preuve opposée. La loi laisse unie
latitude très-grande aux tribunaux de police. C'est-à-dire qu'ils pourront, à
leur gré, faire de ce procès-verbal une preuve complète contre laquelle aucune
I. 39
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610 TRENTE-QUATRIÈME LEÇON. — DBS TRIBUNAUX DE POUCS (n* 675).
preuve ne serait admise ; ou bien admettre le prévenu à débattre, soit par
écrite soit par témoins, la vérité de ce procès- verbal ; ou bien, enfin, mettre
le prévenu dans une position plus favorable encore et exiger, à l'appui de ce
procès-verbal, des preuves testimoniales de la part de celui qui le produit.
Âinsi^ relativement aux procès-verbaux qui ne font pas foi jusqu'à inscrip-
tion de faux, il est vrai de dire que la loi n'en a nullement déterminé le carac-
tère et rautorité. Les trois points, les trois distinctions que je viens d'indi-
quer, la triple alternative que la loi laisse aux tribunaux de police résultent de
quelques termes de l'art. 154. Ainsi on vous a dit : Les contraiferUions seront
prouvées, soit par procès-verbaux ou rapports^ soU par témoinSy à défaut de rap-
ports et procès-verbaux, on a leur appui. Donc un tribunal peut regarder la
contravention comme prouvée, par cela seul qu'un procès-verbal ou rapport
est produit devant lui. Il peut aussi, d'après les derniers mots de ce même
paragraphe, ou a leur appui, exiger que la partie qui produit le procès-verbal
le corrobore par la preuve testimoniale ; il peut encore, et cela résulte des der-
niers mots de l'article, considérant le procès-verbal comme prouvant le fait
quant à présent, autoriser pourtant la preuve contraire.
Ainsi retenez bien ces deux distinctions, dont l'une renferme une subdivi-
sion importante, distinctions que je vous recommande parce qu'elles s'appli-
quent même aux matières de police correctionnelle.
Les procès-verbaux ou rapports font foi jusqu'à l'inscription de faux, c'est-
à-dire n'admettent aucun débat, aucune preuve contraire devant le tribunal,
et cela dans les cas spéciaux où la loi a accordé à tel préposé, à tel agent, à
tel officier le droit d'être cru jusqu'à inscription de faux. J'ai indiqué à cet
OKam loft--pirlIlOlp€liM[ pOlllvOa — ■" — - - -
A l'égard des autres agents auxquels la loi commande ou permet de dresser
des procès-verbaux, l'autorité de ces procès-verbaux dépend tout entière de
l'arbitraire du tribunal, qui peut à son gré considérer la contravention comme
prouvée par le rapport du préposé,. et refuser même au prévenu le droit de
débattre la véracité du rapport. Ceci résulte des derniers mots de l'article
d'après lesquels ces rapports peuvent être débattus par écrit ou par témoins,
si le tribunalj dit la loi, juge à propos de les admettre ; donc il peut les refuser.
De même qu'il peut les refuser, il peut, en considérant le fait comme prouvé
par le rapport, admettre la preuve contraire. C'est ce qui résulte des mêmes
mots.
Enfin le tribunal peut faire encore plus pour le prévenu et exiger des té-
moins à l'appui du procès-verbal, aux termes des derniers mots du § i^^ du
même article.
TRENTE-QUATRIÈME LEÇON.
676. Nous devons continuer et terminer aujourd'hui l'explication des arti-
cles qui règlent l'instrucUon des tribunaux de simple police. Arrivons donc
aux art. 155 et suivants, relatifs à la preuve testimoniale; il y a très-peu
d'observations à cet égard; l'extrême simplicité de ces dispositions, le peu
d'importance pratique de ces matières, nous permettent de les passer rapide-
ment en revue.
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PROCÉDURB DEVANT LES TRIBUNAUX DE POLICE (aRT. 156). 611
J'ai déjà dit, sur Part. i54, que les règles assez importantes tracées par cet
article sur Tautorité des procès-verbauz étaient également applicables aux
matières correctionnelles. Nous avons occasion, en rappelant ce principe dans
les matières correctionnelles, non pas de l'expliquer de nouveau, mais d*en
apprécier la justesse et le mérite ; quant au sens môme du texte, il n'est pas
contesté.
676. Les art. 155 à 158 sont relatifs à la preuve testimoniale et aux formes
dans lesquelles cette preuve doit se présenter, lorsque le tribunal juge à propos
de Fadmettre, conformément à Part. 154.
Les témoins sont appelés en cette matière, comme dans les matières civiles,
par une citation. 8ous ce rapport, Finstruction de police devant le juge de
paix diffère de Pinstniction de police qui avait lieu devant le maire ; nous le
verrons sur Part, i 70.
Les témoins appelés prêtent, à peine de nullité, un serment dont Part. 155
a déterminé les formes. Cette prestation de serment doit d'ailleurs être consta-
tée, soit dans le texte du jugement, soit au moins dans les notes prises à
Paudience par le greffier et qui constituent le plumitif de Paudience. Encore
bien que la loi n'attache pas à l'inobservation de cette mention la peine de
nullité, il semble cependant que la nullité doive en être la conséquence. En
effet, dès que Pomission du serment entraîne la peine de nullité, aux termes
de Part. 155, il s'ensuit que la prestation de ce serment, étant une formalité
capitale et irritante, doit être constatée soit dans le procès-verbal de l'au-
dience, soit au moins dans le texte du jugement qui vient terminer la contes-
tation.
677. L'art. 156 vous indique quels sont les témoins dont Paudition est
prohibée; ce sont certains parents du prévenu. Cet article est important parce
qu'il est général et s'applique, non-seulement aux matières, de simple police,
mais aussi aux matières de police correctionnelle. Vous verrez à cet égard
Part. 189 qui renvoie au texte de Part. 156. il faut même ajouter que les dis-
positions de Part. 156 sont également communes aux matières criminelles
proprement dites; c'est-à-dire, que les mêmes personnes dont Part. 156 re-
pousse le témoignage dans les matières de police sont également inadmissi-
bles à témoigner devant les cours d*assises dans les matières criminelles. Sous
ce rapport. Part. 322 reproduit à peu près littéralement, sauf quelques addi-
tions légères, le texte tout entier de Part. 156.
Vous remarquerez dans cet article, trop clair pour que j'aie besoin d'en
donner lecture, que la loi déclare inadmissibles à témoigner les parents du
prévenu aux degrés déterminés. Il semblerait naturel, par une analogie qui
paraît fort simple, d'établir la même prohibition, la même inadmissibilité i
Pégard des parents de la partie civile. De même que la nécessité de s'assurer de
Pimpartialité des témoins fait exclure de la cause les parents du prévenu aux
degrés déterminés; de même, à ce qu'il semble, on devrait ici, comme on le
lait dans les matières civiles, exclure ou déclarer reprochables les parents de
la partie civile aux degrés déterminés. Cependant Part. 156, et par consé-
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612 TRBNTE-QUATRIÈME LBÇON. — DE8 TRIBUNAUX DE POLICE (n« 678).
qnent art. 189, qui se borne à le répeter, ne contiennent point cette exdu-
sion. De môme, dans les matières infiniment plus graves, dans les procédures
qui s'instruisent devant les cours d'assises, Tart. 322 n'interdit pas le témoi'*
gnage aux parents de la partie civile, quelque rapprochés quUls soient en
degré. Gela s'explique assez aisément : c'est que dans les matières pénales,
quelque légères ou quelque graves qu'elles soient, la partie civile ne joue
qu'un rôle secondaire, n*a qu'une importance secondaire à celle du minis-
tère public. Dans les matières pénales, la grande question, le point capital
ce n'est pas la question d'indemnité, la question pécuniaire qui sera pour la
partie civile la conséquence de la condamnation, c'est l'intérêt social, c'est
l'action publique, c'est, eu un mot, la question pénale qui s'agite entre le
ministère public et le prévenu ou l'accusé. Cette idée une fois admise, on n'a
eu aucun égard, en ce. qui touche l'incapacité ou rinadmissibilité des témoins
appelés, à leurs rapports de parenté si rapprochés qu'ils soient avec la partie
civile, qui ne joue qu'un rôle secondaire dans la question. Sauf, bien en-
tendu, aux juges dans les matières de police simple ou correctionnelle, aux
jurés dans les matières criminelles, à avoir tel égard que de raison aux motifs
de suspicion, aux présomptions d'influence que peut faire naître, relative-
ment à la déposition d'un témoin à charge, son degré de parenté avec la
partie civile.
678. Les^art. 157 et 158 sont très- faciles. Le premier est relatif à l'obliga-
tion pour les témoins de comparaître devant le tribunal.
« Art. 157'. tenômoîns qui ne ïati«ltwpont pas à la citation pourront y être con*
traints par le tribunal, qui, à cet effet et sur la réquisition du ministère public-
prononcera dans la même audience, sur le premier défaut, l'amende, et en cas
d'un second défaut, la contrainte par corps. »
Satisfaire à la citation, comme nous l'avons dit sur l'art. 80, ce n'est pas
seulement comparaître, c'est aussi venir déposer de ce qu'on sait. La pénalité
de notre article s'appliquera donc également et au témoin qui ne vient pas sur
la citation, et au témoin qui vient, mais refuse de déposer. Alors le tribunal
de police, comme le tribunal de police correctionnelle et la cour d'assises, peut
frapper d'une amende le témoin récalcitrant.
Mais à quelle amende le tribunal de police peut>il condamner le témoin dé*
faillant? Sera-ce, comme quelques auteurs Font pensé, à une amende dont le
maximum ne pourra pas dépasser 15 fr., par argument de l'art. 137? Au pre^
mier coup d'œil cette opinion parait assez raisonnable ; on ne voit pas pour-
quoi le tribunal de police pourrait infliger au témoin une pénalité accessoire
supérieure à la pénalité principale pour laquelle il a seulement compétence.
Cependant on peut objecter, d'une part, que cette amende de 15 fr. contre le
témoin défaillant serait une pénalité absolument arbitraire; dans aucun texte
nous ne trouvons le refus de comparaître et de déposer de la part d'un témoin
puni d'une amende de cette nature. Ensuite nous avons déjà un texte, celui
de l'art. 80, punissant d'une amende de 100 fr. le refas de comparaître ou de
déposer. La force de cette amende est-elle une raison pour refuser au juge de
laix le droit de l'appliquer? Non. Le refus de comparaître devant un tribunal
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PBOCÉDURB DBYANT LB8 TRIBUNAUX DR POUCB (aRT. 159). 613
de police n'est pas une contravention ; c'est à raison de Tobligation imposée à
tout citoyen de comparaître sur une citation, que la pénalité est appliquée.
8i Ton objecte que le juge de paix n'est pas compétent pour infliger des amen-
des sopérieures à 15 fr., la réponse sera facile : les tribunaux civils ne sont
jamais compétents, en tant que tribunaux civils, pour infliger dee amendes ;
et cep^idant nous avons tu, dana le Gode de procédure, le droit d'infliger des
amendes aux témoins qui ne comparaissent pas accordé non-seulement au
tribunal civil devant lequel se ùûi une enquête, mais même au juge-commis-
saire délégué par ce tribunal à l'effet d'entendre les témoins. Donc si le tribu-
nal civil, incompétent en principe pour infliger une pénalité, n'en a pas moins
le droit de frapper d'amende le témoin défaillant, il est clair que l'objection
précédente perd sa force, et que le juge de paix» quoique simple jnge de police,
pourra infliger au témoin défaillant qui ne produit pas d'excuse Tamendes'éle-
vaut jusqu'à 100 fr., d'après l'iu't. 80. On ajoute que sur le second défaut le juge
de police pouma employer la contrainte par corps. Il est évident qu'ici ce ne
peut être le sens de contrainte par corps comme en matière civile : ordonner
cette contcainte, ce ne serait pas arriver au but auquel tend la loi, qui est de
le faire comparaître. I.a contrainte par corps, c'est-à-dire sans doute que le
juge de paix pourra, s'il est nécessaire, décerner contre le témoin défaillaiit
un mandat d'amener destiné à le contraindre à se présenter, bon gré mal
gré, devant la justice. S'il refuse de répondre, on ne peut qu'appliquer l'ar*
ticle 80.
L'art. i58 est relatif à la décharge de Tamende de la part du témoin qui jus-
tice plus tard d'une impossibilité de comparaître.
679. Voilà les principales règles de cette instruction de police; la marche de
cette instruction une fois tracée, les art. 159 et suivants en déterminent les
résultats, et ces résultats varient selon les hypothèses.
La première hypothèse est celle de Tarti 159, l'innocence légale du fait quel-
que dommageable qu'il soit.
a Art. 159. Si le fait ne présente ni délit, ni contravention de police, le tribunal
annulera la citation et tout c^ qui aura suivi, et statuera par le môme jugement
sur les demandes en dommages-intérêts. »
Il n'y a guère d'important ou de contre versable dans cet article que le sens
de ces derniers .mots; quant au fond même de la disposition, il est Êusile.
' En effet, la question principale qui s'agite devant le tribunal, c^eet, vous aî-
je dit, la question de pénalité ; lé premier point à examiner de la part de ce
tribunal, c'est donc de savoir si les faits allégués ou même les faits approuvés â
la charge du prévenu eoBstituent des faits punissables, aux termeeldesart. k%à
et suivants du Gode pénal. Aussi, en supposant l'existence des faits, en sj^h
posant leur preuve bien établie, il n'en est pas moins certain que si ces faits ne
rentrent pas dans les prévisions formelles de la loi pénale, quelque nuisibles,
quelque dommageables, quelque bl&mables qu'ils puissent être, le tribunal ««t
sans qualité pour leur appliquer une peine ; c'est là un principe élémentaite
du droit pénal. Si donc le fait ne présente pas de contravention de police, et
qu'on n'y trouve pas ces caractères plus graves dont va s'occuper l'article 160,
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614 TftKNTB-QUATRlèMB LBÇON. — DBS TRIBUNAUX DB POLICB (n* 679).
le tribunal, dit la loi^ annulera la citation, et en conséquence renverra le
prévenu.
Mais on ajoute : et êtatuera par le même jugement sur les demandes en dommà-
QBs-nrrÉRÉTs. Expressions équivoques et auxquelles se rattache une question
assez délicate, celle de savoir quelles sont ces demandes, quels sont ces dom-
mages-intérêts sur lesquels peut et doit statuer le tribunal de police dans le cas
môme oii il renvoie le prévenu de la poursuite, non pas parce que le fait n'est
pas constant, mais farce que le fait ne présente ni délit ni contravention de
police.
Point de doute sur un premier cas, c'est celui où le prévenu aurait formé
contre la partie civile une demande en dommages-intérêts, à raison de la pour-
suite qu'elle a mal à propos dirigée contre lui. Il est clair que la citation don-
née à la requête de la partie civile, que la poursuite dirigée par celle-ci a
causé au prévenu, soit un préjudice matériel, soit un préjudice moral d'une
nature plus ou moins grave et toujours aisément appréciable. Le prévenu ac-
quitté ou renvoyé peut donc, et c'est le principe général dans les matières
pénales, obtenir du même tribunal une condamnation immédiate en des dom-
mages-intérêts. En des dommages-intérêts contre la partie civile, car il est clair
que jamais indemnité ne peut, même en cas de renvoi, être obtenue contre le
ministère public ; sauf le cas de prise à partie, lorsqu'il y aurait eu non pas
simplement erreur, mais prévarication et mauvaise foi de sa part ; alors ce
seraient des règles de compétence spéciales.
Ainsi il y a un premier point certain : faculté, obligation même pour le tri-
bunal de police de statuer sur les dommages-intérêts que le prévenu renvoyé
de la poursuite demande au tribunal contre la partie civile.
Ce premier point, quoique certain, pourrait cependant vous surprendre .
En eETet, le tribunal de police n'est compétent que pour des matières pénales,
n*est compétent que comme tribunal de répression ; or, dans l'espèce, il est
constaté qu'aucune contravention n'a été commise, et en conséquence on ren*
voie le prévenu ; la question que nous soumettons maintenant au tribunal, aux
termes de ces derniers mots, n'est pas une contravention, c'est une question
toute civile, c'est l'indemnité pécuniaire que réclame un prévenu, à raison des
dommages qu'une poursuite mal fondée a nécessités, a entraînés à son pré-
judice. Cependant ce principe a été généralement admis, et cela par deux rai-
sons fort simples :
La première, c'est qu'il serait trop onéreux de contraindre un prévenu, mal
à propos poursuivi par une partie civile, d'aller ensuite intenter, devant le
tribunal du domicile de cette partie civile, une action civile ordinaire ; ce
serait une charge par trop lourde imposée à un prévenu, que d'aller le con-
traindre à plaider, loin de son domicile, en réparation du dommage mal à
propos causé en le traduisant sans raison devant un tribunal de répres-
sion.
La seconde raison, c'est que nul tribunal n'est mieux à portée que celai
même qui a été saisi de la plainte et qui vient d'en proclamer l'injustice, nul
n'est mieux à portée d'apprécier le dommage causé par cette plainte au pré-
venu, et de mesurer en consé(iuence le taux de l'indemnité à laquelle il peut
avoir droit.
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PROCÉDURB DBVAffT LB8 .TfOBUHAUX DE POLICE (AAT. 159). 615
Ainsi, point de doute, ni quant an droit, ni quant à ses motifs, sur la faculté
^*a le prévenu, aux termes des derniers mots de notre article, d'obtenir des
dommages-intérêts contre la partie civile qui Ta poursuivi à tort.
Mais, à rinverse, le tribunal pourrait-il, tout en déclarant que le fidt ne
constitue pas une contravention, et. en s'abstenant en conséquence de pronon-
cer une peine contre le prévenu, le tribunal pourrait-il adjuger à la partie civile
les dommages-intérêts réclamés par elle, attendu que le fait, quoique n'étant
pas une contravention, peut cependant avoir été dommageable et être parfai-
tement établi ? Le tribunal pourrait-il, refusant de faire droit aux conclusions
du ministère public, attendu que le fait n'est pas un fait punissable, faire droit,
au contraire, aux conclusions de la partie civile, attendu que le fait est con^
tant et qu'il a causé un préjudice à cette partie ?
Le texte de Part. 159 parait conduire à l'affirmative ; le tribunal statuera,
dH l'article, sur les demandes en dommages-intéréiSj ce qui semble désigner à
la fois et la demande du prévenu contre la partie civile, et la demande de la
partie civile contre le prévenu. Cette induction se fortifierait du texte de
Tart. 191, dans lequel vous trouvez et la même hypothèse reproduite et les
mêmes expressions répétées. Elle pourrait s'appuyer encore sur les art. 358
et 366, relatifs non plus aux matières de police, mais bien aux cours d'assises.
D est bon de vous avertir dès à présent, relativement à ces deux derniers
articles, que c'est pour les cours d'assises un droit certain et incontestable que
celui de condamner l'accusé à des dommages-intérêts envers la partie civile,
quand bien même le jury aurait répondu négativement à la question de culpa*
bilité. C'est un point qui résulte formellement des deux curt. 358 et 366 que le
droit de prononcer des dommages-intérêts comme indemnité du préjudice
causé par le fait de l'accusé, dans le cas même où Taccusé est renvoyé acquitté
à raison de la réponse négative du jury. Mais ce droit qui incontestable»
ment appartient aux cours d'assises, appartient-il également aux tribu-
naux de police d'après l'art. 159, aux tribunaux correctionnels d'après l'arti-
cle 191 ?
Il y a de graves raisons d'en douter, quelques raisons de textes, et surtout
' une assez grave raison de principe.
La raison de principe, la voici : c'est que le tribunal de police n'est qu'un
tribunal de répression, c'est que dès lors il n'a qualité que pour appliquer des,
peines; et s'il peut, en certains cas, prononcer des peines pécuniaires et civi-
les, c'est seulement comme corollaire, comme accessoire des pénalités encou-
rues par le prévenu.
L'action civile en réparation du dommage causé ne peut être portée devant
le tribunal de police que comme conséquence, comme accompagnement de
l'action pénale, de l'application de la loi pénale ; dès lors, s*il juge que le fait
n'est pas une contravention, qu'en conséquence il n'y avait pas d'action
pénale à porter devant le juge de police, on ne sait plus d'où dériverait la
qualité de ce juge pour prononcer une condamnation pécuniaire. Dès lors,
comment pourrait-il, renvoyant le prévenu des fins de l'action pénale, le con
damner pécuniairement, sans empiéter par là même sur la compétence des
tribunaux civils, sur la compétence de la juridiction ordinaire? Première
objection.
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61& TRENTE-QfJATRIÈMB LEÇON. •— DES TRIBUNAUX DE POLICE (N^ 680).
La seconde objection se tire d'an texte formel, de Tart. 212; dans cet article
il est encore question de l'instruction de police, non plus de police simple,
mais de police correctionnelle, portée en cour d*appel, et on déclare que^
lorsque la cour ou le tribunal d'appel croiront devoir renvoyer le prévenu,
«ttendu que le fait ne constitue pas un délit, ils devront statuer en même temps
sur $€8 dcmmages^inUrétSf c'est-à-dire uniquement sur la demande en dom-
mages-intérêts du prévenu contre la partie civile, et nullement, à l'inverse,
«ir la demande de la partie civile contre le prévenu. L'expression de l'art. 212,
tes dommages^Méréis, se référant uniquement au prévenu, n'est plus en
Jlèoord avec les expressions générales des l'art. 159 et 191; Cependant c'est, je
crois, au texte de Fart. 212 qu*il faut s'attacher ; ce texte est tout à fait limi-
tatif, tout à fait restrictif, et s*accorde parfaitement avec ce principe général
qui interdit aux tribunaux de répression de s'immiscer, sans attribution for-
àielle, dans les questions purement pécuniaires, exclusivement réservées àia
connaissance des tribunaux civils.
' Une preuve qui est plus prés de nous, mais qui n*est pas la moins forte, se
tire du texte même de l'art. 159. Il y a dans ce texte des expression» fort
remarquables, qui semblent protester contre la généralité des expressions qui
le terminent.
Que vous dit-il en effet ? G*est que le tribunal devra, dans Thypothèse pré-
Tue par Farticle> annuler la citation et tout ce qui en est ensuivi ; annuler la
citation donnée, dans la plupart des cas, à la requête de la partie civile. Or,
comprendrait-on qu'aux termes de cet article, le tribunal de police dût annuler»
dût déclarer non avenue la citation donnée par la partie civile, et toute l'ins-
truction qui a suivi, et qu'en même temps il eût qualité pour accorder des
dommages-intérêts demandés par cette partie civile dans le corps de cette cita-
tion f Gomprendrait-on que le tribunal pût et dût, aux termes des derniers
mots de cet article, accorder des dommages-intérêts réclamés dans im acte
que cet article même lui commande d'annuler et de réputer désormais non
avenu ?
' Il me parait donc évident que le texte de l'art. 212, que le texte même de
l'art. 159^ doivent servir de correctif à la généralité de ces mots, les demandes^
en dommageS'intérêtSf et que la faculté d'accorder des dommages-intérêts contre
vn prévenu renvoyé des poursuites est ane faculté exceptionnelle qui n'appar-
tient qu'aux cours d'assises, parce que l'art. 358 la leur attribue formellement,
et par des motifs qui vous seront expliqués plus tard.
680. cr Art. 160. Si le fait est un délit qui emporte une peine correctionnelle
ou plus grave, le tribunal renverra les parties devant le procureur de la Répu-
blique. «
La première hypothèse est donc, dans l'art. 159, innocence légale, impunité
légale due au fait, quelque constant et quelque dommageable qu'il soit. La
seconde hypothèse est dans l'art. 160 ; le fait est également constant, il est
puni, mais puni d'une peine supérieure, soit à cinq jours d'emprisonnement,
soit à 15 fr. d'amende. Dans ce cas, le tribunal de police ne pourrait appliquer
la peine sans dépasser les limites, le maximum de sa compétence ; la marche
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PA0GÉD17RE DEVANT LB8 TRIBUNAUX BE POLICE (aRT. 16t)« 617
à suivre est tracée par Tart. 160 ; il renvoie les parties devant le procureur de
la République, qui alors pourra provoquer une instruction qui aura lieu dans
les formes détaillées au livre I«'; ou bien^ s'il juge inutile une instruction pré-
lifflinairey saisir directement le tribunal correctionnel dans les formes indi-
quées par Part. 182.
Voici la troisième hypothèse, celle où la compétence du tribunal est par-
faitement justifiée, et, en conséquence^ où il faut déclarer le fait et appliquer
la peine.
« Art. 161. Si le prévenu est convaincu de contravention de police, le tribunal
prononcera la peine, et statuera par le môme jugement sur les demandes eu res-
titution et en dommages>intérôts, »
Pas de difficulté sérieuse sur cet article. Je vous ferai seulement remar-
quer que ses dernières expressions doivent nous servir à lever encore les
doutes qui pourraient résulter des derniers mots de Tart. 159. Quoique Far-
licle 159 emploie le pluriel pour des dommages-intérêts, nous avons dit que
cela né pouvait s'entendre que de la demande formée par le prévenu contre la
partie civile, et sans réciprocité. Eh bien, dans Part. 161, la même généralité
d'expressions est employée : les demandes en dommages-intérêts ; or, de quelles
demandes s'agit-îl? S'agit-il, dans Tart. 161, de la demande du prévenu contre
la partie civile, et aussi de la demande de la partie civile contre le prévenu?
Non, évidemment ; puisque le prévenu est condamné, il est bien dair qu'il
ne peut pas avoir de dommages-intérêts à réclamer. Ainsi, dans cette géné-
ralité d'expressions qui nous embarrassaient dans l'art. 159, nous retrouvons
que les mêmes mots ne désignent qu'une seule espèce de demande, celle de
la partie civile contre le prévenu.
681 . « Art. 162. La partie qui succombera sera condamnée aux frais, môme
envers la partie publique. — Les dépens seront liquidés par le jugement. »
La partie qui sticcombera, soit le prévenu, soit môme la partie civile. Dans
tous les cas, le Trésor ne reste point chargé des frais ; en cas de condamna-
tion du prévenu, celui-ci doit supporter les frais avancés par les deux parties
adverses, et, au contraire, en cas de renvoi du prévenu, la partie doit rem-
bourser les frais faits, soit par le prévenu, soit par le ministère public.
J'ajoute que, dans le cas où c'est le prévenu qui succombe, dans le cas où
c'est à lui qu'on applique la condamnation de frais prononcée par cet arti-
cle, la loi accorde la contrainte par corps pour sûreté du remboursement de
ces frais. Vous verrez à cet égard l'art. 467 et surtout l'art. 409 du Gode pénal,
sauf à en rapprocher, relativement à Vexécution de la contrainte, les art. 33 et
suivants de la loi du 17 avril 1832 sur la contrainte par corps, modifiés par l'ar-
ticle 8 de la loi du 13 décembre 1848 et par les lois des 22 juillet 1867 et 19 dé-
'cembre 1871. Ces lois consacrent et développent les modifications indiquées
déjà au Code pénal, relativement à la durée de la contrainte, dans le cas où
la partie condamnée justifierait qu'elle est insolvable.
082. L'art. 163 ne fait que reproduire avec plus de détail un principe élé-
mentaire :
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618 TABNTB-QUATRIÉME LEÇON. — DB8 TRIBUNAUX DE POLICE (n^ 684).
c ÂBT. 163. Toat Jugement définitif de condamnation sera motivé, et les termes
de ia ioi appliquée y seront insérés, à peine de nullité. — Il y sera fait mention
s*il est rendu en dernier ressort ou en première instance. »
Noos avons vu ce principe posé dans Fart. 7 de la loi du 20 avril 1810 ; la
même règle reparait dans notre article, mais avec un peu plus de détail. Ici,
dans les matières de police, et précisément parce que la loi n*a pas de garan-
ties bein sûres de la parfaite connaissance des lois dans les juges de police»
pour éviler les erreurs que leur ignorance pourrait causer, elle les astreint»
i peine de nullité, à insérer dans leurs jugements le texte précis de la loi
appliquée par eux. C'est donc tme sanction de plus à l'obligation générale de
motiver, imposée à tous les juges, soit criminels, soit civils. Quand je dis à
tous les juges-criminels, je mets en dehors, il est bien clair, la décision des
jurés.
« Art. 164. La minute du jugement sera signée par le Juge qui aura tenu Tau-
dienoe, dans les vingt-quatre heures au plus tard, à peine de 25 fr. d'amende
contre le greffier et de prise à partie, s'il y a lieu, tant contre le greffier que contre
le président. »
683. « Art. 165. Le ministère public et la partie civile poursuivront Texécu-
tion du jugement, chacun en ce qui le concerne. »
En ce qui concerne les amendes, le payement en est poursuivi par l'admi-
nistration des domaines et de Tenregistrement. Des lois spéciales^ règlent celle
matière.
Quant à la partie civile, ce sont des condamnations purement pécuniaires
qui se poursuivront par les voies ordinaires.
n est clair que si, dans le cours des procédures dirigées par Padministration
ou par la partie civile pour obtenir le recouvrement des amendes ou le paye-
ment des dommages-intérêts, quelques difficultés, quelques débats venaient à
s'élever, ces questions d'exécution n'appartiendraient point au tribunal de
police, mais au tribunal civil. Les questions d'exécution d'une condamnation
pécuniaire prononcée par un tribunal de répression n'en sont pas moins des
questions civiles, et les tribunaux de répression n'ont aucune qualité pour en
connaître.
§ 2. — De la juridiction des maires comme juobs de police.
684. La juridiction des maires a été abolie par la loi du 27 janvier 1873, qui
<a attribué aux seuls juges de paix la juridiction de police dans chaque can-
ton. Les observations qui suivent n'ont donc qu'un intérêt purement histo-
rique.
L'art. 166 était relatif à la détermination de la compétence des maires en
cette matière; mais cet article était par U môme la répétition pure et simple
des dispositions générales de l'art. 139. En effet, puisque l'art. 139 a déter-
miné les cas dans lesquels la juridiction de police appartenait exclusivement
«ux juges de paix, il s'ensuit que tous les cas, toutes les natures ou hypo-
thèses de contraventions qui ne sont pas indiqués dans le texte de l'art. 139
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TRIBUNAUX DE POLICE DBS MAIRES (aRT. 166). 619
rentraient par là même dans la compétence des maires. La compétence des
maires comme juges de police embrassait toutes les contraventions que
l'art. 139 n'en a pas exceptées, par une attribution exclusive de la connais-
sance aux juges de paix.
J'ajoute d'ailleurs que, même dans ces matières, que Part. 139 attribuait
aux maires en ne les leur retirant pas, ils n'avalent^ comme je l'ai déjà
dit, qu'une simple concurrence avec les juges de paix; que le juge de paix est
compétent pour toutes les contraventions comme le maire, mais qu'il Test
spécialement et exclusivement pour toutes les contraventions déterminées par
l'art 139.
Voilà pour ce qui touche le droit ; quant au fait, vous savez qu'on peut
s'épargner tous les détails, attendu que la prétendae concurrence des maires
considérés comme juges de police n'était qu'une affaire de théorie qui, en pra-
tique, ne s'est pas réalisée. Dans la totalité peut-être de nos communes^ les
maires n'exercent en aucune façon la juridiction de police dont l'art 166 leur
attribue la concurrence. Cette juridiction a été organisée dans un très-petit
nombre de communes, et je ne sais pas même, en fait, jusqu'à quel point elle
a pu s'y maintenir.
Les art. 17 et 168 simplifient les formes établies pour la juridiction des
juges de paix. Voilà leur bat.
Le juge de paix a pour ministère public, soit le commissaire de police, soit
le maire ; au contraire, si c'est le maire qui siège comme juge de police, le
ministère public est rempli par son adjoint. 8i c'est l'adjoint qui siège, c'est
un membre du conseil municipal qui remplit les fonctions de ministère
public.
De même pour les greffiers, comme les maires n'en n'ont pas, il eût été
impossible d'appliquer la disposition de l'art. 141 ; le maire propose donc au
tribunal de police correctionnelle, qui l'agrée et reçoit son serment, un citoyen
de la commune appelé à remplir les fonctions de greffier. C'est là une dif-
ficulté de plus qui empêche cette juridiction d'être mise en pratique.
D'après les art. 160 et 170, au lieu d'appeler les parties et les témoins par
des citations comme devant le juge de paix, on les appelait par un simple
avertissement dont la loi a laissé les formes libres. Et cet avertissement, au
lieu d'être notifié par un huissier qu'on trouverait difficilement hors du chef-
lien de canton, était notifié par une personne dont le choix sera libre au maire,
qui s'adressera ou au garde champêtre ou à un simple particulier.
Du reste, cet avertissement parement facultatif donné par le maire valait
citation pour les parties et pour les témoins, c'est-à-dire qu'on pouvait juger par
défaut devant le tribunal du maire le prévenu qui ne comparaîtrait pas sur ce
simple avertissement. Au contraire, ?e juge de paix ne peut statuer par défaut
que contre celui qui ne comparait pas, bien qu'appelé par une citation.
Au reste, les formes de l'instruction étaientles mêmes; l'art. 171 est un article
de renvoi et rappelle, dans sa seconde partie, la plupart des dispositions
d'instruction que nous avons précédemment expliquées. Vous remarquerez
qu'il mentionne les art. 149, 150, 151 et 153, etc., laissant de côté l'art. 152.
On ne se rend guère compte de cette omission ; il est clair que l'art. 152,
bien que non reproduit dans le texte de l'art. 171, n'était pas moins appU-
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'620 TRENTE-QUATRIÈICE LEGOK. — DES TRIBUNAUX DE POLICE (H^ 685).
cable devant le maire que devant le juge de paix ; il y avait, à plus forte raison,
lieu à la même faculté devant le trihanal du maire, qni était en général plus
simple et plus libre dans ses formes. 11 en était de même pour les art. 16t
à 164^ relatifs à la rédaction du jugement.
VOIES DE BEGOURS CONTRE LES nJGEMENTS DE POLICE.
685. Ce paragraphe est relatif à la fois à F un et à l'autre de ceux qui pré-
cèdent, mais il est un peu plus important.
Relativement à la matière qui va nous occuper, le Gode d'instruction crimi-
nelle contient une dérogation, ou plutôt une innovation importante à la légis-
lation antérieure : le Gode du 3 brumaire an lY, avait trouvé instituée et
avait confirmé la juridiction de police en la faisant toutefois passer en d'autres
mains ; inais enfin il avait consacré la division antérieure de la juridiction en
juridiction de simple police et juridiction de police conrecttonnelle, distinction
qui remontait à une loi des 19-22 juillet 1791. Ainsi le Gode du 3 brumaire
an IV avait consacré le principe d'une juridiction simple, rapide, économique,
pour les simples contraventions. Mais, précisément dans le désir d'éviter de
multiplier les frais et d'entraver par des lenteurs, par des discussions hors de
propos le jugement d'affaires si simples de leur nature, le Gode du 3 brumaire
avait interdit et dans tous les cas et sans distinction, la faculté d'appeler des
jugements en matière de police. Ges jugements étaient en dernier ressort et
ne pouvaient être attaqués que par le recours en cassation, dans les cas de
violation et d'infraction à la loi.
Le Gode d'instruction criminelle n'a pas admis le même principe ; on a
pensé que, si légères que fussent les pénalités qui pouvaient être prononcées
par les tribunaux de police, on devait cependant, au moins dans la plupart
des cas, ouvrir aux parties la voie de l'appel pour faire réformer ces juge-
ments ; et de là est venue la distinction établie dans le texte de l'art. 172. H
était arrivé, en effet, que sous le Gode du 3 brumaire des condamnations
pécuniaires considérables avaient été prononcées par des tribunaux de police,
sans pouvoir être réformées par des tribunaux supérieurs. En fait, le Gode du
8 brumaire, comme le Gode actuel, limitait bien à un maximum pécuniaire
irès-faible le montant des amendes que les tribunaux de police étaient autO"
risés à prononcer; mais il ne limitait pas plus que le Gode actuel le montant
des dommages-intérêts que pouvaient adjuger ces tribunaux. H est donc
arrivé, sous le Gode du 3 brumaire, ce qui pourrait arriver sous la législation
actuelle, qu'un juge de police condamnait un prévenu à des dommages-inté-
rêts, s'élevant à plusieurs milliers de francs ; et l'appel étant interdit, l'exagé-
ration des dommages-intérêts ne pouvant être un moyen de cassation, il en
jpésultait qu'une partie pouvait être, dans les matières de police, condamnée,
par exemple, & 10,000 fr. de dommages-intérêts ; (je prends ce chiffre parce
qu'il s*est présenté), pouvait être condamnée par un juge de paix qui, dans
toute autre matière, n'aurait pu statuer que jusqu'à concurrence de 100 fr. en
dernier ressort. Gette anomalie a paru peu raisonnable, et le Gode a accordé le
droit d'interjeter appel, par l'art. 172, dont la rédaction et la disposition sont
assez simples. Voici son texte :
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POURVOI CONTRE LBS JUGEMENTS (aRT. 172). 621
« Art. 172. Les jugements rendus en matière de police pourront être attaqués
par la voie de l'appel, lorsqu'ils prononceront un emprisonnement, .ou lorsque les
amendes» restitutions et autres réparations civiles excéderont la somme de 5 fr.,
outre les dépens. »
L'art. 172, par innovation au droit antérieur, consacre le droit d'appel; mais
il ne le consacre pas d'une manière pleine, complète, absolue; il le subor-
donne à la condition d'une certaine gravité, d'une certaine importance dans
la condamnation prononcée. Ainsi, par cela seul qu'un emprisonnement est
prononcé, quelque minime qu'en soit la durée, l'appel est autorisé. Premier
principe. Secondement, quand même il n'y aurait pas d'emprisonnement
prononcé, par cela seul que la condamnation purement pécuniaire dont est
frappé le prévenu dépasse 5 fr., dans lesquels n'entrent pas les dépens, l'appel
est également autorisé. Cette limite est bien faible, mais il n'y a rien de plus
clair.
686. Cependant, de cet article se tire une conséquence bizarre : supposez
avant tout que le prévenu ait été acquitté, complètement acquitté, qu'il n'y ait
6u ni emprisonnement ni amende prononcés contre lui ; le ministère public
prétend que c'est à tort qu'il a été acquitté, que c'est à tort que le tribunal a
déclaré non constante une contravention qu'il prétend bien établie. Le minis-
tère public pourra-t-il, attendu que cette contravention était de nature à
entraîner l'emprisonnement, interjeter appel? Gela paraîtrait assez naturel;
mais cela ne peut pas se soutenir en présence de l'art. 172. En effet, ce texte
ne subordonne pas le droit d'appeler à l'importance des condamnations aux-
quelles le ministère public avait conclu, à l'importance éventuelle de la con-
damnation qui pouvait être encourue; ce texte, bien contraire en cela aux
principes du droit civil, mesure le taux du premier ou du dernier ressort, non
pas sur le montant de la demande, mais sur le montant de la condamnation
prononcée, il autorise l'appel seulement s'il y a condamnation à un empri-
sonnement ou à une somme de plus de 5 fr. Or, dans l'espèce, il y a acquit-
tement; donc, il n'y a pas d'appel possible. Je n'en saurais donner de bien
bonnes raisons; peut-être faut-il dire que la loi, jalouse avant tout de la 8im*>
plicité, de la célérité, de l'économie, a sacrifié à cet avantage l'intérêt de la
vindicte publique, intérêt très-peu compromis, intérêt très-peu sérieux dans
une matière d'une nature aussi peu grave. Aussi, si la conséquence de l'ar-
ticle 172 était seulement d'interdire au ministère public le droit d'appeler dans
le cas d'acquittement du prévenu, je considérerais cette exception aux princi-
pes comme suffisamment expliquée par le motif qui précède.
Mais allons plus loin; supposez, c'est ma seconde hypothèse, que le prévenu
ait été non point acquitté, comme je l'admettais tout à l'heure, mais bien con-
damné à un emprisonnement ou à des réparations de plus de 5 fr.; le prévenu
n'appelle pas, mais le ministère public, jugeant que la peine est trop faible,
veut interjeter appel à minimd, le pourra-t-il d'après l'art. 172? On serait
d'abord tenté de le penser, car l'art. 172 autorise le droit d'appeler, sans dis*
tinction entre le ministère public et le prévenu, toutes les fois qu'il y a, soit un
emprisonnement, soit une condamnation de plus de 5 fr. Mais cela est inad-
missible; car si le ministère public ne peut point appeler, dans l'intérêt de la
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622 TRENTE-QUATRIÈBIB LEÇON. — DES TRIBUNAUX DE POLICE (n* 686).
vindicte publique, lors môme que le tribunal a complètement refusé de satis-
faire à cet intérêt, à plus forte raison, le ministère public doit-il être désarmé
du droit d'appeler, lorsque cet intérêt et ses exigences ont été compris en partie
par le tribunal de police. De ce que, en cas d'acquittement du prévenu, le mi-
nistère public ne peut point appeler, et c*est ce que consacre la lettre même
de l'art. 172, il s'ensuit à fortiori qu^il ne peut pas appeler en cas de condam-
nation insuffisante, qu'il ne peut pas appeler à minimâ; il s'ensuit, en résumé,
que jamais le ministère public ne peut appeler en matière de police. Il n'y a
pas grand inconvénient à le décider ainsi; ces contraventions sont si minimes
qu'on conçoit très-bien qu'on ait fait taire des exigences si légères devant le
grand intérêt d'en finir avec des questions de si peu d'importance.
Mais le même raisonnement pour le ministère public va se présenter relati-
vement à la partie civile, sans pouvoir se légitimer de même. Ainsi, supposez
que dans la cause, et c'est ce qui a lieu fréquemment en matière de simple
police, supposez qu'il y ait une partie civile ayant conclu à des dommages-
intérêts, et que nonobstant cela le tribunal ait prononcé le renvoi du prévenu,
aux termes de l'art. 159. Dans ce cas, la partie civile pourra-t-elle appeler, le
pourra-t-elle, attendu qu'elle a conclu à des dommages-intérêts considéra-
bles? Il semble que non, d'après le texte de l'art. 172; car, encore une fois,
ce texte, bien contraire en cela à toutes nos règles de procédure ordinaire, me-
sure la compétence du dernier ressort, non pas sur ce que les parties ont de-
mandé, mais sur ce que les juges ont accordé. L'art. 172 déclare que l'appel
sera permis quand les condamnations seront ou à l'emprisonnement ou à une
pénalité de plus de 5 fr. Or, dans l'espèce, il y a acquittement, donc point d'appel
possible. Cette conséquence littérale, rigoureuse, de l'art. 172 est d'autant plus
forcée, qu'il faut bien se souvenir que l'art. 172 succède à une législation qui,
dans aucun cas et au profit d'aucune partie, n'autorisait l'appel des décisions
d'un tribunal de simple police. £t quand, après une législation qui ne permet-
tait jamais d'appeler, il en survient une seconde qui dit : L'appel sera permis
dans le cas d'emprisonnement ou dans le cas de condamnation à plus de 5 fr.;
c'est à fortiori qu'il faut dire : donc, dans tous les cas prévus par cet article, le
principe contraire reste en vigueur, aucun appel n'est possible.
Voilà la conséquence littérale de l'art. 172. Dire qu'on la suivra dans la
pratique, dire qu'elle soit raisonnable, je ne l'oserais. Il est clair même qu'il
est impossible de combiner rationnellement les deux résultats auxquels mène
notre article. En effet, si le prévenu condamné à plus de 5 fr. de dommages-
intérêts peut appeler, pourquoi la partie civile qui a conclu à 50 fr., à 500 fr.,
par exemple, pourquoi ne pourrait-elle pas appeler quand on a acquitté le
prévenu, ou qu'on ne l'a pas complètement satisfaite? Est-ce que l'intérêt n'est
pas le même ; est-ce que le même intérêt qu'a le prévenu à n'être pas con-
damné, la partie civile ne l'a pas elle-même à se faird payer? Il est clair
qu'il y a parité de position, et dans cette parité de position entre le prévenu
qui lutte pour ne pas payer les 500 fr. et la partie civile qui lutte pour les faire
payer, on ne voit point pourquoi la partie civile ne pourrait pas appeler
comme le prévenu condamné. Aussi, dans l'usage, tout en refusant au minis-
tère public le droit d'appeler d minimà des condamnations de police, ne
porte-t-on pas la conséquence de l'article jusqu'à refuser le même droit à la
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POURVOI GONTRB LES JUGEICBNTS (aRT. 174). 623
jNurtie civile. Ces! là, j'en convienB, faire prévaloir la raison sur un texte, on
ne peut s'en plaindre ; mais toujours est-il que le texte est bien clair et que
sa conséquence est, à tort ou à raison, de refuser le droit d'appeler à tout
autre qu'au prévenu.
687. a ART. 173. L'appel sera suspensif. »
C'est le droit commun.
Dans les matières pénales, même dans celles desimpie police, il ne faut pas
dire seulement, avec Tart. 173, l'appel est suspensif, c'est-à-dire Texécutîon
ne peut avoir lieu quand l'appel est interjeté; il faut dire, ce qu'on ne dirait
pas dans le droit civil, le délai d'appel est suspensif, l'exécution est interdite
non-seulement quand il y a appel interjeté, mais tant qu'on est dans le délai
d'appel, et par cela seul qu'une éventualité d'appel se présente encore. G*est
le principe posé pour les matières correctionnelles par le paragraphe 2 de
Fart. 203.
Le préjudice causé par l'exécution d'un jugement qui serait plus tard
réformé sur l'appel, est un préjudice irréparable : lorsqu'on vertu d'un juge-
ment môme de police, non encore attaqué par appel, vous auriez emprisonné
le prévenu, la réformation postérieure du jugement ne lui rendrait pas les
instants de liberté que l'exécution lui a fait perdre. Nous dirons donc : ce
n'est pas seulement Fappel interjeté qui est suspensif, c'est, comme dans
toutes les matières pénales, le délai d'appel tant qu'il dure encore, bien qu'on
n'en ait pas usé.
688. Le délai d'appel est déterminé dans l'art. 174; et il est assez court
pour que la suspension de l'exécution ne présente pas d'inconvénient.
a Art. 174. L'appel des Jugements rendus par le tribunal de police sera porté
au tribunal correctionnel : cet appel sera interjeté dans les dix jours de la signi-
fication de la sentence à personne ou à domicile ; il sera suivi et jugé dans la mtaie
forme que les appels des sentences des Juges de paix. »
Vappel des jugements rendus par le tribunal de police sera porté au tribunal
eœrrectionnel. Bien entendu au tribunal correctionnel dans le ressort duquel
on a statué. Qu'est-ce, au juste, qu'un tribunal correctionnel? Nous en avons
déjà parlé en traitant l'organisation des tribunaux de répression : nous en
reparlerons dans la prochaine leçon en expliquant la rubrique du chapitre u.
Cet appel sera interjeté dans les dix jours de la signification. Interjeté, soit
par une assignation, par une citation donnée par le prévenu à la partie civile,
soit, comme l'autorise le texte de l'art. 203, par une déclaration au greffe du
tribunal qui a statué. En effet, l'art. 174 n'indiquant pas la forme précise dans
laquelle on doit appeler, il est facile, il est légitime de se reporter aux règles
de Tart. 203 pour les appels à former des jugements de poUce correction-
delle.
689. L'art, 175 est relatif à la faculté de faire entendre en appel les témoins
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624 TRENTE-QUATRIÈBCB LBÇON. — DBS TRIBUNAUX DB POLICE (n^ 690).
déjà entendus en premier ressort, et môme de nouveaux témoins non entendus
en première instance. C'est là une règle générale. Nous savons que, bien qu'il
ne soit pas permis d'invoquer de nouveaux moyens, il est permis d'invoquer
de nouvelles preuves.
L'art. 176 rend communes à rinstruction de l'appel les dispositions de pro-
cédure établies dans la section précédente.
690. « Art. 177. Le ministère public et les parties pourront, s'il y a lieu, se
pourvoir en cassation contre les jugements rendus en dernier ressort par le tri-
bunal de police, ou contre les jugements rendus par le tribunal correctionnel, sur
rappel dos jugements de police. — Le recours aura lieu dans la forme et dans les
délais qui seront prescrits, n
Nous avons déjà vu, sur l'art. 172, que la loi avait introduit contre les
jugements de police un premier moyen de recours, Tappel, moyen ordinaire,
simple, régulier. L'art. 177 consacre un second moyen, une autre voie de
recours, voie exceptionnelle, extraordinaire, dont il importe de préciser et les
cas d'emploi et les délais ; cette voie est la voie de cassation.
Il est à remarquer, sur cette matière, que le Ck)de du 3 brumaire, en inter*
disant Tappel des jugements de simple police, c'est-à-dire en fermant aux
parties la voie la plus simple, leur avait réservé le pourvoi en cassation, voie
exceptionnelle, extraordinaire. Et quelque chose de cette apparente bizarrerie
se retrouve encore dans le Gode. Le Gode autori^ bien le droit d'appeler, mais
seulement dans des cas et au profit de personnes déterminées ; et, au con-
traire, pour le pourvoi en cassation, il est autorisé sans distinction de valeur,
sans distinction de personnes; quelque minime que soit la condamnation/
fût-elle en deçà des limites auxquelles l'art. 172 subordonne l'emploi de
l'appel, le pourvoi en cassation reste ouvert.
Vous pourriez en demander la cause : pourquoi donc la voie exception-
nelle reste-t-elle ouverte dans ces cas si peu importants? C'est qu'au-dessus
de l'intérêt privé, en vue duquel seul est écrit l'art. 172 relatif à la voie de
l'appel, plane la question de l'intérêt public, question capitale dans toutes les
matières pénales. Or, l'intérêt public, dans les matières pénales surtout, c'est
que la législation relative à ces matières soit appliquée d'une manière régu-
lière, fixe, uniforme ; c'est qu'elle n'aille pas variant et se dégénérant à travers
les interprétations capricieuses des tribunaux du plus bas étage. Aussi, pré*
dsément comme garantie contre l'inexpérience ou l'ignorance de ces tribu*
naux, la loi ouvre-t-elle, dans tous les cas, le pourvoi en cassation : de là
Part. n7.
Mais il est bien entendu qu'en autorisant le pourvoi en cassation, la loi ne
l'autorise 1« que pour infraction à la loi, c'est-à-dire pour en maintenir l'appli-
cation régulière, uniforme ; et 2* qu'à défaut de la voie ordinaire, c'est-àrdire
contre les jugements rendus, soit en dernier ressort par les tribunaux de
police, c'est-à-dire pour les condamnations inférieures à 5 fr., soit au moins
par les tribunaux correctionnels jugeant comme tribunaux d'appel des
matières de police. En d'autres termes, si un juge de paix avait prononcé
une condamnation à un ou deux jours d'emprisonnement, la voie d'appel
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POURVOI CONTRE LES JUGEMENTS DE POLICE (aHT. 177). 625
serait ouverte au prévenu, aux termes de l'art. 17*^. Que si ce prévenu, négli-
geant d'user de la voie d'appel, laissant passer les dix jours que l'art. 174
lui donnait, prétendait se pourvoir en cassation, il n'y serait pas admis ; car
ce n'est jamais que contre les décisions inattaquables par les voies ordinaires,
contre les décisions rendues en dernier ressort, que le pourvoi en cassation
est admis. Ge principe, consacré par le» lois générales de la matière, Test, de
plus, dans le Gode même que nous étudions, par l'art. 407 : « Les arrêts et
jugements rendus en dernier ressort, » et vous le retrouverez d'une manière
spéciale dans l'art. 177. Le ministère public et les parties (ici on parle générale-
ment, au lieu de parler spécialement du prévenu, comme on le fait implicite*
ment dans l'art. 172), pourront, sHl y a lieu, se pourvoir en cassation contre les
jugements rendus en dernier ressort par le tribunal de police (c'est-à-dire con-
tre les jugements à l'égard desquels l'art. 172 n'autorise pas le droit d'appe-
ler), ou contre les jugements rendus par le tribunal correctionnel, sur rappel des
jugements de police (car les jugements rendus par le tribunal correctionnel sur
cet appel sont nécessairement des jugements en dernier ressort).
Vous verrez dans l'art. 192 qu'un tribunal correctionnel, saisi d'un fait
qu'on prétend être un délit et ne trouvant dans ce fait bien analysé que les
caractères d'une contravention, lé jugera immédiatement. Le tribunal correc-
tionnel jugera donc contradictoirement en premier et en dernier ressort; pas
d'appel, donc pourvoi en cassation.
De môme, si c'est une cour d'assises qui, par impossibilité, trouve dans
les faits l'existence d'une contravention, elle devra, aux termes de l'art. 365,
appliquer la peine due à la contravention. Dan? ce cas encore elle statue
en dernier ressort, et en conséquence son. arrêt est soumis au pourvoi de
cassation.
691. Le recours aura lieu dans la forme et dans les délais prescrits. Dans les
délais, ces mots pourraient vous embarrasser ; car, d'une part, l'examen du
tribunal de police est terminé, et, d'autre part, en examinant les règles du
pourvoi en cassation, vous y trouvez bien les formes indiquées par les der-
niers mots de l'article, mais vous n'y trouvez pas les délais. Aucun article ne
détermine dans quels délais le pourvoi devra être formé contre une décision
de dernier ressort, en matière de police simple, et cette difficulté, si elle est
réelle, n'est pas spéciale aux matières de police, elle se représente également
dans les matières correctionnelles. Ainsi, l'art. 216 répète la décision de
l'art. 177, et n'indique pas plus pour les matières correcCionnelles que pour
les matières de police le délai fatal du pourvoi en cassation. Cependant la
question ne fait pas l'objet d'un doute sérieux; il y a certainement assez mau-
vaise rédaction dans les art. 177 et 216, contenant un renvoi auquel rien ne
répond formellement ; mais, dans le silence de la loi, il y a une analogie na-
turelle qui fait disparaître la difficulté. U faut remarquer que les dispositions
des art. 177 et 216, autorisant le pourvoi en cassation, sont empruntées au
Gode du 3 brumaire ; que ce Code, sans fixer expressément dans les articles
correspondants le délai du pourvoi dans ces deux matières, déclarait que oe
délai serait le même que celui qui serait fixé pour les matières criminelles; que
la même règle est applicable au pourvoi formé dans les matières de police, soit
I. ' DigitizedbyCjOfôgle
626 TRENTE-CINQ. LEÇON. — DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n^ 693).
d*aprè's Part. 177, soit d'après Fart. 216 ; mais^ précisément parce que les arti-
cles 177 et 216 nous disent qu'on devra suivre, pour ce pourvoi, les délais pres-
crits plus tard^ et que d^ailleurs au titre des Demandes en cassation aucune
fixation de délai n'est indiquée, il est nécessaire de se reporter au seul article
qui détermine un délai, c'est-à-dire à l'art. 373. Cet article ne parle que pour
les cours d'assises, que pour les cours criminelles^ mais enfin c'est le seul ar-
ticle qui détermine un délai général, un délai régulier pour le pourvoi en cas-
sation. Et puisque les art. 477 et 216 ne nous renvoient pas spécialement au
délai à fixer au titre de la Cassation, mais simplement au délai qui sera plus
tard prescrit, prenons, dans le silence de la loi, le seul délai qu'elle ait prescrit.
Ainsi, dans la pratique et dans la doctrine, on n'hésite point à cet égard; le
délai du pourvoi en cassation, auquel renvoie implicitement l'art. 177, c'est le
délai fixé par les matières criminelles dans les art. 373 et 374.
Dans rhypothèse de Part. 373, le point de départ du délai est I'arrêt pro-
noncé, expression qu'il est difficile d'appliquer aux tribunaux de police. L'ar-
rêt PRONONCÉ, c'est parfaitement raisonnable dans les matières criminelles,
parce que l'accusé est toujours là ; mais cela ne serait pas suffisant dans les
matières de simple police, où le prévenu peut n'être pas là, soit parce qu'il se
fait remplacer, soit parce qu'il est jugé par défaut. Je crois que nous devons
emprunter à l'art. 373 le délai de trois jours, mais non pas son point de départ;
que le point de départ, au lieu d'être, comme en matière criminelle, la pro-
nonciation de l'arrêt, prononciation que l'accusé ne peut point ignorer, sera,
au contraire, dans les matières de police, la signification à personne ou à
domicile, au moins dans les cas où le jugement n'a pas été rendu en présence
et à la face du prévenu condamné.
092. L'art. 178 n'a besoin d'aucune explication.
TRENTE-CINQUIÈME LEÇON.
CHAPITRE II
DES TRIRUNAUX EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE.
698. Nous passons aujourd'hui des contraventions aux délits, de la juridic-
tion de simple police à la juridiction de police correctionnelle. La base de
cette distinction, relativement à la compétence, n'a pas besoin d'être repro-
duite, c'est celle que nous avons déjà expliquée sous les premiers articles du
Gode pénal. Au reste, cette distinction entre ces deux classes de juridictions
de police, police simple ou municipale, et police correctionnelle, cette distinc-
tion n'est pas nouvelle; elle a été instituée par la loi des 19*22 juillet 1791 que
j'ai déjà citée en commentant les matières de la police municipale. Cette loi, '
sans consacrer formellement, avec le sens précis qu'elles ont reçu plus tard,
les expressions maintenant usitées de contraventions ou de délits, distinguait
cependant, quant à la pénalité, entre les deux sortes de juridictions dont nous
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COMPÉTENCE DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (aRT. 170). 627
traitons maintenant séparément. C'est elle qui ayait attribué la juridiction de
police municipale aux corps municipaux, ainsi que nous l'avons dit; elle avait,
au contraire, investi de la juridiction de police correctionnelle les Juges de
paix. Les juges de paix, réunis au nombre de trois, ou de deux juges de pdx
et d*un assesseur, ou enfin d'un juge de paix et de deux assesseurs, les juges
de paix connaissaient, au moins en première instance, des matières de police
<Mrrectionnelle proprement dite. Plus tard vint le Gode du 3 brumaire an IV,
et ce Gode retira, comme nous l'avons vu, aux officiers municipaux, la connais-
sance des délits de simple police, et en investit uniquement et exclusivement
les juges de paix. Dès lors, en attribuant les délits de simple police aux juges
de paix, qui avaient jusque-là qualité pour examiner des matières de police
correctionnelle, on fut amené à l'institution de nouveaux tribunaux appelés
spécialement à connaître de ces dernières matières. Aussi le Gode du 3 bru-
maire institue dans les art. 167 et suivants des tribunaux correctionnels pro-
prement dits. L'art. 167 décide qu'il y aura par département trois tribunaux
correctionnels au moins et six au plus.
I^ loi du 27 ventôse an VIII, loi importante dans l'histoire de notre orga-
nisation judiciaire, posa des bases différentes : ce sont celles adoptées par le
Gode. Gette loi attribua aux tribunaux civils d'arrondissement le droit de
connaître en première instance des matières correctionnelles. Dès ce moment
cessa l'existence des tribunaux spéciaux que le Gode de l'an IV avait insti-
tués à cet effet. Vous aurez à joindre à cette loi la loi du 20 avril 1810 et le
décret du 18 août suivant. Ge dernier décret décide que dans les tribunaux
civils d'arrondissement composés d'une seule chambre, cette chambre con-
naîtra des affaires correctionnelles dans une ou plusieurs audiences spéciale-
ment indiquées à cet effet ; et que dans tous les tribunaux composés de plus
d'une chambre, il y aura une chambre spécialement affectée au service de la
police correctionnelle. Ainsi, à Paris, assez longtemps la sixième chambre a
été affectée à ce service, et depuis la loi du 31 juillet et l'ordonnance du
!•' août 1821, la loi du 9 et Tord, du 13 juillet 1837, et la loi du 6 juillet 1862,
une septième, une huitième chambre et enfin une neuvième et une dixième
chambre ont été ajoutées à ce tribunal de la Seine qui compte quatre cham-
bres spécialement affectées au service de la police correctionnelle.
Voilà l'indication des lois relatives à l'organisation.
694. Qaant à la compétence de ces tribunaux, elle est indiquée d'une
manière générale par l'art. 179.
« Art. 179. Les tribunaux de première instance en matière civile (on adopte
donc là, quant à rorganisation, le principe de la loi de Tan VIII) connaîtront en
outre, sous le titre de tribunaux correctionnels, de tous les délits forestiers pour-
suivis à la requête de TAdoiinistration, bt ob tous lbs d6uts dont la pbinb bxgjeds
CINQ jours o'bmprisonnbmbnt bt quinzb francs d'ambndb. »
I
G*est par ces derniers mots qu'il aurait fallu commencer ; c'est de la compé*
tence générale, habituelle, ordinaire de ces tribunaux qu'on aurait dû s'oc-
cuper d'abord. Leur compétence comprend tons les faits qualifiés délits, c'est-
à-dire tous les actes frappés par le Gode pénal d'une amende supérieure à
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TRENTE-CINQ. LEÇON. — DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n** 695).
15 fr. et d'un emprisonnement supérieur à cinq jours. Voilà pour le mini-
mum. Quant au maximum, il n'a guère de limites, en ce sens que Tempri-
sonnement, quelle qu'en soit la durée, Famende^ quelle qu'en soit la quotité,
ne cessent jamais d'être des peines purement correctionnelles, et doivent,
par conséquent, ôtre toujours appliqués par les tribunaux correctionnels.
Cependant, si dans les articles préliminaires du Gode pénal, le premier livre
relatif à la détermination de la nature des peines n'a pas fixé de maximum
légal à l'amende, il a déterminé, vous le savez, un maximum à l'emprison-
nement; le maximum de la peine de l'emprisonnement est en général de cinq
, ans ; par exception, dans le cas de récidive, il peut ôtre porté à dix ans, en
vertu des art. 57 et 58 du Ck)de pénal. Mais, quelle qu'en soit la durée, ce
maximum ne met point un terme à la compétence des tribunaux correction-
nels, mais à retendue possible de la peine de l'emprisonnement ; pour quelque
durée que cette peine soit prononcée, elle reste toujours, par sa nature même,
peine correctionnelle, et doit être appliquée par les tribunaux dont il est ici
question.
U en serait autrement si la circonstance de récidive, au lieu d'entraîner,
comme dans les art. 57 et 58, une prolongation, une augmentation de la péna-
liié ordinaire, au lieu d'autoriser, par exemple, à porter au double du maximum
un emprisonnement de cinq ans, dénaturait la pénalité ; si la récidive avait
pour résultat de faire sortir le fait de la catégorie des simples délits, pour
le classer dans la catégorie des véritables crimes. Ainsi, vous trouvez dans
l'art. 200 du Gode pénal un fait qui, pour la première et la seconde fois, n'est
puni que comme un simple délit, et qui ensuite est rangé dans la catégorie
des crimes. On vous dit d'abord dans l'art. 199 : « Tout ministre d'un culte
qui procédera aux cérémonies religieuses d'un mariage, sans qu'il lui ait été
justifié d'un acte de mariage préalablement regu par les ofûciera de l'état
civil, sera, pour la première fois, puni d'une amende de 16 à 100 fr. (peine
purement correctionnelle). » On ajoute ensuite, dans l'art 200 : t En cas de
nouvelles coniraven lions de l'espèce exprimée en Tarticle précédent, le ministre
du culte qui les aura commises sera puni, savoir : — Pour la première réci-
dive, d'un emprisonnement de deux à cinq ans (peine encore purement cor-
rectionnelle) ; — et, pour la seconde, de la détention. » 11 est clair qu'ici le
fait qui, pour la première fois ou pour la première récidive, n'était qu'un
simple délit, devient, par le fait de la dernière récidive, un véritable crime,
et sort, par conséquent, de la compétence des tribunaux correctionnels. Mais
c'est là une espèce tout à fait exceptionnelle, et, en général, comme nous
l'avons vu en expliquant les règles relatives à la récidive, la récidive a pour
effet d'entraîner l'aggravation d'une des peines de même nature, mais non
pas de changer, de dénaturer la qualité des peines et la qualité légale du fait.
Voilà donc l'idée la plus générale sur la compétence habituelle des tribu-
naux de police correctionnelle,
695. Ils ont de plus qualité, vous dit l'art. 179, pour connaître de Ums les
délits forestiers poursuivislà la requête de V Administration. Si ces expressions,
délits forestiers^ devaient se prendre à la lettre et dans le sens technique de
l'article, elles seraient parfaitement inutiles. En effet, les tribunaux correc-
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COMPÉTENCE DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (aRT. 179). 629
tionnels ayant qualité pour connaître de tous les délits^ de quelque nature
qu'ils soient, très-peu importe que le délit soit ou ne soit pas forestier^ très-
peu importe quMl soit poursuivi à la requête de l'Administration ou à celle
d'un particulier. Ce que la loi veut dire ici par le mot délit, ce n^est pas un
délit proprement dit^ le fait punissable de peines supérieures à 15 fr. d'amende
ou cinq jours d'emprisonnement, c'est la contravention. Vous devez sans hési-
ter lire dans Tarticle comme s'il y avait : de toutes les contraventions fores-
tières poitrsuivies à la requête de F Administration.
Ainsi les tribunaux de police correctionnelle sont compétents pour tous les
délits, et, au nombre de ces délits, pour les délits forestiers, à la requête de
quelque personne qu'ils soient pouruivis. Que si l'on se trouve dans un6
matière forestière, mais dans une hypothèse de contravention, et non point
dans une hypothèse de délit, alors, par exception, par extension de leur com-
pétence ordinaire, ces tribunaux auront qualité si la contravention est pour-
suivie par l'Administration, et non point par un particulier. C'est ce que déjà
nous avons conclu a contrario du paragraphe 4 de l'art. 139 ; nous avons vu
qu'on y déclarait les juges de paix compétents pour connaître des contraven-
tions forestières poursuivies par des particuliers ; et je tous ai avertis que si,
au contraire, elles étaient poursuivies par l'État et dans Tintérêt de l'État^
quoique ce ne fût qu'une peine de simple police, elle serait appliquée par les
tribunaux correctionnels. J'ai motivé cette exception, comme on l'a fait en
l'insérant dans le Gode, sur le désir, ou plutôt sur le besoin d'éviter à Tadmi-
nistration forestière, qui a de nombreuses contraventions à constater et à
poursuivre, de lui éviter la nécessité d'avoir des agents spéciaux dans les
chefs-lieux de canton, ou d'en avoir journellement voyageant près des juges
de paix. On a pensé que la répression serait plus facile, plus rapide et moins
coûteuse, en attribuant, par exception, aux tribunaux de police correctionnelle
la connaissance de ces contraventions.
Ce n'est pas^ au reste, la seule hypothèse dans laquelle une peine de simple
police puisse être prononcée par un tribunal de police correctionnelle : ce
tribunal n'est compétent que pour les délits; si cependant on a porté devant
lui une poursuite relative à un fait qui se présentait comme délit, et que ce
fait, après les débats, n'offre plus que les caractères d'une simple contraven-
tion ; alors, au lieu de renvoyer l'affaire au tribunal de police auquel elle
appartenait, le tribunal correctionnel est autorisé, au moins sous certaines dis*
tinctions^ à statuer immédiatement et à statuer sans appel. Yous verrez, à cet
égard, la règle et les distinctions dans l'art. 192 du présent titre.
696. Voilà des exceptions à la juridiction des tribunaux correctionnels, en
ce sens que cette juridiction, qui, en principe, n'embrasse que les délits, com-
prend, dans quelques cas spéciaux, même de simples contraventions. Nous
avons à signaler maintenant, à cette même juridiction, des exceptions en sens
inverse et d'une nature plus importante, nous avons à signaler des cas de
véritables délits, d'actes punissables par la loi de peines correctionnelles, et que
cependant des dispositions spéciales ont fait sortir de la compétence des tribu-
naux dont nous nous occupons.
En première ligne figurent, parmi ces actes, tous les délits commis par la
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630 TRENTE-CINQ. LEÇON. — DBS TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n* 696).
Toie de la presse. La loi du 8 octobre 1830, terminant des variations asses
nombreuses dans la législation antérieure, avait attribué au jury, c'est-à-dire
aux cours d'assises, la connaissance des actes coupables commis par la voie de
la presse, lors même que la pénalité, ce qui arrive le plus souvent, était pure-
ment correctionnelle. Ainsi les délits de la presse, quelque légère qu*en puisse
être la punition, comme les actes d'une nature plus grave, étaient essentielle-
ment, et à raison de leur nature même, de la compétence des cours d'assises.
Cette exception avait cessé en vertu du décret du 17 février 1852 qui avait fait
entrer tous les délits de la presse dans la compétence de la juridiction correc-
tionnelle. Mais ce décret a été abrogé par la loi du 15 avril 1871, qui a été elle»
même modifiée par la loi du 29 décembre 1875.
De même, certains délits, au lieu d'appartenir à la juridiction correctionnelle,
sont attribués aux cours par quelques décrets, et ces dispositions d'exception
sont fondées sur la qualité, sur la position des personnes auxquelles les délits
sont imputés, et non plus, comme tout à l'heure, sur la nature même du délit.
Ainsi, dans les art. 479 et 483 du présent Gode, vous verrez que les délits im-
putés à certains membres de Tordre judiciaire sont jugés non pas par les
tribunaux correctionnels, quoique le fait soit puni de peines simplement correo
tionnelles, mais bien par les cours. Ces articles indiquent et les règles de com-
pétence et les règles de procédure à appliquer en de pareils cas.
La loi du 20 avril 1810, art. 10, attribue également compétence aux^cours^
à Texclusion des tribunaux correctionnels, pour les délits commis par certains
fonctionnaires étrangers même à Tordre judiciaire, fonctionnaires désignés
d'ailleurs dans Tart. 10 de cette loi : t Lorsque de grands officiers de la Légion
d'honneur, des généraux commandant une division ou un département, des
archevêques, des évêques, des présidents de consistoire, des membres de la
cour de cassation, de la cour des comptes et des cours, et des préfets, seront
prévenus de délits de police correctionnelle, les cours en connaîtront de la
manière prescrite par Tart. 479 du Gode d'instruction criminelle, t
Enfin, relativement aux délits commis soit par des membres de l'Université,
soit par des étudiants, Tart. 160 du décret du 15 novembre 1811 renferme la
même disposition : « Nos procureurs généraux pourront requérir, et nos cours
ordonner que des membres de l'Université ou étudiants, prévenus des crimes
ou délits, soient jugés par lesdites cours, ainsi qu'il est dit, pour ceux qui
exercent certaines fonctions, à la loi du 20 avril 1810, et au Gode d'instruction
criminelle, art. 479. »
Remarquez cependant : sur ce dernier article, 1^ que cette attribution aux
cours n'est pas générale, n'est pas absolue comme les deux dont je viens de
parler tout à Theure, elle est facultative ; c'est-à-dire que Taitribution aux
cours de la connaissance de ces actes peut être requise par le ministère public
et ordonnée par les cours ; mais il n'y a pas pour cela incompétence formelle^
directe, absolue, prononcée, quant à la juridiction des tribunaux correctionnels.
Notez bien : i^ que cet art. 160 du décret de 1811 va beaucoup plus loin dans
son texte que les deux lois citées toute Theure. Dans les deux lois précédentes
il ne s'agit que de délits, on se borne à retirer aux tribunaux correctionnels la
connaissance de certains délits, à Tefifet de l'attribuer directement aux cours.
Au contiaire, Tart. 160 parle non-seulement de délits, mais aussi de crimes
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COMPÉTENCE DES TRIBUNAUX GORHECTIQNNELS (aRT. t80). 631
commis par les personnes qui y sont dénommées. A cet égard il m'est impos*
sible de penser que Fart. 160 soit encore en vigaem*. Depuis que le principe
général de la joridictîon des jurés a été consacré de nouveau dans les régies
de notre droit public, depuis qu'on a écrit derechef le principe que nul ne peut
être distrait de ses Juges naturels, je ne pense pas qu'on puisse enlever aux
personnes indiquées dans Fart. 160 le bénéfice du jugement par jurés, pour y
substituer la juridiction directe de la cour. A cet égard, de nouveaux principes
ayant été posés, le système même du jury ayant reçu depuis 4811 une orga-
nisation et des règles complètement nouvelles, je n'hésite pas à voir, soit dans
ces nouvelles lois de juridiction, soit surtout dans les articles généraux des
constitutions, une dérogation à l'article du décret, et par conséquent une res-
titution à la compétence ordinaire des cours d'assises des crimes commis par
les personnes désignées dans cet article.
Quant aux délits, il n'y a aucune raison de penser que l'art. 160 ne puisse
recevoir encore son entière application.
697. «Art. 180. Ces tribunaux pourront, en matière correctionnelle, prononcer
au nombre de trois juges. »
Ce n'est ici que l'application aux tribunaux civils siégeant en matière correc-
tionnelle des règles déjà posées pour ces mêmes tribunaux siégeant en matière
civile ; vous savez que le minimum des juges siégeant et décidant est de trois.
Cependant il faut remarquer que précisément dans ce cas que nous venons
d'indiquer, ce cas où les tribunaux de police correctionnelle connaîtraient
comme juges d'appel, dans l'hypothèse de l'art. 200, ils devront être au nom-
bre de cinq. Sous ce rapport, il faut ajouter à notre art. 18(t l'art. 40 de la loi
organique du 20 avril 1810 : • Les juges ne pourront rendre aucun jugement,
s'ils ne sont au nombre de trois au moins ; sur Tappel en matière correction-
nelle, ils seront au nombre de cinq, i
Remarquez d'ailleurs, relativement à ces juges correctionnels, que vous ne
trouvez dans l'art. 180 aucune exclusion pareille à celle que Fart 237 prononce
contre les membres des cours d'assises. Vous verrez dans ce dernier article
qu'il est défendu de faire siéger dans une cour d'assises Tun des juges qui ont
pris part à l'instruction, l'un des juges qui auraient voté sur la mise en accu-
sation. Rien de pareil en police correctionnelle ; on peut très- valablement faire
siéger et voter dans ce tribunal le juge qui a fait l'instruction ou les juges qui,
dans la chambre du conseil, ont prononcé le renvoi du prévenu en police cor-
rectionnelle, aux termes des art. 127 et suivants. Certainement cette double
mission n'est pas sans inconvénient, certainement le danger des préventions
que la loi a redoutées dans l'art. 257 reparait dans le cas de l'art. 180 ; il est
toujours périlleux d'appeler au jugement d'un prévenu des hommes qui vien-
nent siéger dans le tribunal avec une opinion déjà faite, au moins en partie,
sur la culpabilité de ce prévenu. Il a paru difficile d'éviter cet inconvénient
dans les matières de police correctionnelle, parce que le petit nombre de la
plupart des tribunaux civils ne permettrait pas de trouver dans leur sein un
nombre de juges suffisant pour éviter cette double mission. Au contraire,
l'art. 257 ne s'appliquant qu'aux cours, il était toujours facile de trouver dans
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632 TRENTE-CINQ. LEÇON. — DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (N** 698).
la cour^ pour composer la cour d'assises, des membres qui n'auraient pas pris
part à la mise en accusation. L'inconvénient est réel ; on a reculé cependant
devant des difficultés plus ou moins graves d'exécution.
698. a Art. 181. S'il se commet un délit correctionnel dans Tenceinte et pen-
dant la durée de Taudience, le président dressera procès-verbal du fait, entendra
le prévenu et les témoins, et le tribunal appliquera, sans désemparer, les peines
prononcées par la loi. — Cette disposition aura son exécution, pour les délits cor-
rectionnels commis dans l'enceinte et pendant la durée des audiences de nos cours,
et même des audiences du tribunal civil, sans préjudice de l'appel de droit des
jugements rendus dans ces cas par les tribunaux civils ou correctionnels. »
Il s'agit ici de la faculté accordée non-seulement aux tribunaux civils sié-
geant en matière correctionnelle, mais môme, comme l'ajoute le second para-
graphe, au tribunal civil siégeant en matière civile, et à plus forte raison aux
cours, de réprimer, de punir immédiatement et séance tenante les délits commis
nendant la durée de l'audience et dans l'enceinte de la salle d'audience. Les
formes rapides de procéder que la loi indique ici n'ont pas besoin d'explication.
Remarquez cependant sur cet article qu'il s'applique à tous les délits, de
quelque nature qu'ils soient, commis dans l'enceinte et pendant la durée de
l'audience. Il ne s'agit pas seulement des délits qui auraient été commis con-
trairement au respect dû aux fonctionnaires judiciaires ou à l'exercice de la
justice, il s'agit de tous les délits, de quelque nature qu'ils soient, commis par
des particuliers contre des particuliers pendant le cours de l'audience. Cette
faculté de les punir tous appartient aux tribunaux indiqués dans notre article,
mais non pas à tous les juges ni àUous les tribunaux. Ainsi, cet article ne
pourrait être appliqué ni par les juges de paix ni par les juges de commerce
qui n'ont pas qualité pour punir, aux termes du présent texte, tous les délits
commis à leur audience. Ces deux observations doivent se combiner afin de les
bien comprendre toutes les deux. En effet, en rapprochant l'art. 18i des arti-
cles 504 et 505, vous noterez entre ces trois textes une différence assez impor-
tante : d'après les art. 504 et 505, -tous les juges, soit les juges ordinaires
comme ceux dont on parle ici, soit les juges d'exception comme les juges de
paix ou juges de commerce, ont qualité pour punir immédiatement les délits
commis à leur audience, en tant que ces délits portent atteinte au respect dû
a l'exercice de la justice et aux fonctionnaires qui la rendent. Mais c'est uni-
quement dans cette limite que s'exercent les pouToirs conférés à toute espèce
de juges par les art. 504 et 505. Si au contraire le délit ne porte point atteinte
îiu respect dû à la justice, on n'est plus dans les termes des art. 504 et 505,
mais dans les termes de Tart. 481.
Ainsi tout délit contraire au respect de la justice pourra être réprimé immé-
diatement par le juge ordinaire ou par le juge d'exception à l'audience duquel
il aura été commis. Au contraire, s'il s'agit d'un délit d'une nature différente,
par exemple, d'un vol commis à l'audience, il pourra être puni aux termes de
l'art. 481, mais seulement par les tribunaux désignés dans cet article; le juge
de paix^ le juge de commerce, n'auraient pas qualité pour punir directement
et par eux-mêmes un acte ée cette nature commis à leur audience.
La loi ajoute : Sans préjudice de Vappel de droit dès jugements rendus dans ces
Cks par les tribunaux civils et correctionnels. Dans ces caSy c'est-à-dire si le juge-
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PROCÉDURE DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (ART. 182). 633
ment a été rendu par des juges sujets à l'appel. 6i le délit s'était commis à
l'audience d'une cour, et avait été de suite puni par la cour, le jugement inter-
venu serait à Tabri de tout appel.
689. a Abt. 182. Le tribunal sera saisi, en matière correctionnelle, de la con-
naissance des délits de sa compétence, soit par le renvoi qui lui en sera fait d'après
les art. 130 et 160 ci-dessus, soit par la citation donnée directement au prévenu
et aux personnes civilement responsables du délit par la partie civile, et, à l'égard
des délits forestiers, par le conservateur, inspecteur ou sous-inspecteur forestier,
ou par les gardes généraux, et, dans tous.les cas, par le procureur de la Répu-
blique. »
Cet article est assez important en ce que dans la première partie il résume
des principes qui vous sont déjà connus, et consacre dans la deuxième une dis-
tinction, un contraste fort important entre la juridiction correctionnelle et la
juridiction criminelle des cours d'assises. Gomment un tribunal correctionnel
est-il saisi, est-il investi de la qualité nécessaire pour connaître d'un délit?
Nous savons déjà que c'est un principe général du droit criminel français que
la séparation de la qualité de partie poursuivante d'avec la qualité de juge;
nous savons déjà que, de même que la partie qui poursuit n*a pas qualité
pour requérir une peine, de môme les magistrats institués pour appliquer des
peines ne peuvent pas les appliquer d'office. Déjà nous avons vu , en exami-
nant rinstruction préparatoire, quelle conséquence importante avait été déduite
de ce grand principe; nous la trouvons ici écrite de nouveau dans l'art. 182,
mais surtout dans sa seconde partie. Le tribunal correctionnel, institué pour
réprimer et pour punir les délits, ne peut cependant dans aucun cas les répri-
mer et les punir d'office ; il est nécessaire que le délit soit porté à sa connais-
sance, soit soumis à sa répression de l'une des manières indiquées dans le
texte de notre article.
La première de ces manières est le renvoi prononcé, nous dit k loi, d'après
les art. 130 et 160. Un mot sur l'indication de ces deux articles.
D'après l'art. 130, c'est fort simple, c'est le renvoi prononcé par le juge
d'instruction au tribunal de' police correctionnelle, renvoi fondé sur ce que le
fait établi dans l'instruction ne présente que les caractères d'un délit; alors
l'ordonnance de renvoi contient pour le prévenu, si elle le laisse en liberté,
obligation de se représenter à jour fixe à Taudience du tribunal. Dans le cas
contraire le prévenu reste sous la main de la justice, et il sera conduit devant
le tribunal au jour indiqué pour l'audience.
Quant à Tart. 160, l'indication de la loi est ici fort inexacte : il n'est pas
vrai de dire que le tribunal correctionnel soit saisi par un renvoi, aux termes
de Tart. 150; l'art. 160 suppose une prétendue contravention portée devant
un juge de paix; et le juge de paix, découvrant dans le fait les caractères d'un
délit, doit renvoyer le délit et le prévenu non pas devant le tribunal de police
correctionnelle, mais bien devant le procureur de la République ; c'est là ce que
décide l'art. 160. Ainsi, dans le cas de l'art. 160, le renvoi aura lieu devant le
procureur de la République, et ce sera à ce magistrat de saisir la police correc-
tionnelle par une citation qu'il fera donner en son nom au prévenu. Dans ce cas
la police correctionnelle sera saisie, non pas par le renvoi du juge de paix,
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634 TRENTE-CINQ. LEÇON. — DBS TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n*
comme le supposent les premiers mots de Tarticle, mais bien par une cita-
tion donnée soit à la requête du ministère public, soit à la requête de la
partie civile. Ainsi, Fart. 160 doit disparaître de cette première partie dn
texte.
A Tin verse, un autre cas de renvoi assez important est omis dans notre
article et doit y être ajouté, c*est celui prévu dans l'art. 230, celui où une cour,
chambre des mises en accusation, appelée à statuer sur la prévention d*un
crime, ne trouverait plus dans ce fait que les caractères d'un délit, et le ren-
verrait directement devant un tribunal de police correctionnelle. J'aimerais
mieux lire ainsi notre texte : Diaprés les art, 130 et 230.
Remarquez, du reste, que, quand le juge d'instruction ou quand la cour,
chambre des mises en accusation, renvoient un prévenu sous la suspicion d*un
délit devant un tribunal de police correctionnelle, cette qualification donnée
par l'ordonnance ou par Tarrét de renvoi n'a rien d'obligatoire pour le tribunal
saisi. Ainsi, le juge d'instruction par une ordonnance, ou la cour par un arrêt,
ont renvoyé un prévenu de délit devant un tribunal correctionnel, le tribunal
correctionnel reconnaît à l'audience et dans le cours des débats que le fait
n'est pas un simple délit, mais qu'il s'y joint des circonstances qui y impri-
ment le caractère de crime, eh bien ! dans ce cas, le tribunal correctionnel ne
sera lié ni par l'ordonnance ni même par l'arrêt. Dès qu'il reconnaît, à tort ou
à raison, le caractère d'un crime, il doit s'arrêter, car toute compétence lui
manque. L'art. 193 vous dit que dans ce cas-là le tribunal, au lieu de juger,
renverra le prévenu devant le juge compétent.
La seconde manière de saisir, la plus simple, la plus fréquente, au moins
dans les délits de peu d'importance, est la voie de la citation. Vous devez
bien voir où est la différence : le renvoi dont il est question dans la première
partie de l'article suppose qu'on s'est livré, à raison de ce fait, à la série d'in-
structions préparatoires qui font la matière du premier livre, c'est-à-dire aux
opérations de la police judiciaire. Or, en général, ces opérations longues,
compliquées de l'instruction, ne doivent être employées que pour les crimes,
elles ne doivent l'être pour les délits que dans les cas où un caractère de
gravité viendrait s'ajouter à des difficultés assez sérieuses. Hors ces cas- là, le
vœu de la loi n'est pas qu'on procède à une instruction préparatoire en
matière de simple délit; le vœu de la loi n'est pas que le juge d'instruction
et moins encore la cour soient appelés à statuer préparatoirement sur des faits
de cette nature. Ce sera donc, le plus souvent, pour des délits clairs et sim-
ples, par une citation et non par ordonnance, surtout par arrêt de renvoi, que
les tribunaux de police correctionnelle seront saisis de la connaissance des
délits.
A la requête de qui cette citation peut-elle être donnée? C'est ici que se
rattache la distinction que nous avons annoncée. Elle ne peut l'être que par
une des parties» soit publique, soit privée, auxquelles la loi donne qualité pour
poursuivre. La partie publique, c'est, avant tout, le procureur de la Républi-
que. En second lieu, pour les délits intéressant spécialement l'administration
forestière, les agents déterminés dans le texte de notre article. Enfin, pour
les délits n'intéressant que les particuliers, ce peuvent être aussi les parties
lésées par le délit.
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PROGÉDURB DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (aRI*. 182). 635
Notez bien ici ce dernier point : il en résulte que, quoique le tribunal n'ait
pas qualité pour appliquer d'office une pénalité quelconque à des délits que
personne n'a poursuivis, il n'est cependant pas nécessaire, pour donner ce
pouvoir au tribunal, que le ministère public, chargé principalement de la pour-
suite des actes punissables, ait saisi le tribunal. Le tribunal, très-fréquemment
saisi par le procureur de la République, aux termes des derniers mots de notre
article, peut également être saisi, être investi d'une entière compétence par
une citation donnée à la requête de la partie civile, sans aucune intervention
du ministère public. Ces deux idées se concilient fort bien.
C'est ici qu'est la grande différence entre les matières de police, soit simple,
soit correctionnelle, et les matières criminelles proprement dites :
Dans les matières criminelles le ministère public est essentiellement partie
principale. Sans doute la partie lésée peut bien porter plainte, la partie lésée
peut bien se porter partie civile et se joindre au ministère public ; mais la
partie lésée ne peut jamais, en son nom propre et personnel, saisir directement
la cour d'assises ; les cours d'assises ne sont saisies, soit qu'il y ait ou qu'il n'y
ait pas plainte de la partie lésée, que par l'acte d'accusation dressé par le pro-
cureur général, en vertu de l'arrêt de renvoi prononcé par la cour.
Au contraire, les tribunaux de police, soit simple, soit correctionnelle,
peuvent être indifféremment saisis par le ministère public ou par la partie
700. En matière correctionnelle, les règles qui précèdent reçoivent une no-
table exception, qui a été consacrée par la loi du 20 mai 1863, lorsque l'inculpé
a été saisi en état de flagrant délit. Voici le texte de cette loi :
« Loi du 20 mai 1863. Art. 1. Tout inculpé arrêté en état de flagrant délit pour
un fait puni de peines correctionnelles est immédiatement conduit devant le pro-
cureur de la République qui l'interroge, et s'il y a lieu, le traduit sur-le-cbamp
à l'audience du tribunal. Dans ce cas le procureur de la République peut mettre
l'inculpé sous mandat de dépôt. — Art. 2. S'il n'y a point d'audience, le procu-
reur de la République est tenu de faire citer l'inculpé pour l'audience du lende-
main. Le tribunal est au besoin spécialement convoqué. — Art. 3. Les témoins
pourront être verbalement requis par tout officier de police judiciaire ou agent de
la force publique. Ils sont tenus de comparaître sous les peines portées par l'art. 157,
G. instr. cr. — Abt. 4. Si Tinculpé le demande, le tribunal lui accorde un délai de
trois Jours au moins pour préparer sa défense. — Art. 5. Si l'affaire n*est pas en
état de recevoir jugement, le tribunal en ordonne le renvoi pour plus ample inlor-
.mation à Tune des plus prochaines audiences, et, s'il y a lieu, met l'inculpé pro-
visoirement en liberté avec ou sans caution. — Art. 6. L'inculpé, s'il est acquitté,
est immédiatement et nonobstant appel mis en liberté. — Art. 7. La présente loi
n'est point applicable aux délits de presse, aux délits politiques, ni aux matières
dont la procédure est réglée par des lois spéciales. »
Jusqu'ici deux voies, comme nous l'avons dit, s'ouvraient pour la poursuite
des délits correctionnels : la voie de l'instruction préalable et la voie de la cita-
tion directe. La loi du 20 mai 1863 ajoute un troisième mode de poursuite :
c'est la traduction immédiate et sans citation de l'inculpé devant le tribunal,
lorsque cet inculpé est saisi en état de flagrant délit, et que le Mt est puni des
peines correctionnelles. La loi laisse dans ce cas au ministère public l'op-
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636 TRENTE- CINQ. LEÇON. — DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n* 700),
tien entre le renvoi de Tincutpé devant le juge d'instruction, le renvoi
devant le tribunal par voie de citation directe, ou sa traduction immédiate à
Taudience. Cette faculté toutefois n'exclut pas le droit de IsûBser Pinculpé en
liberté, car, puisqu'il peut le mettre sous mandat de dépôt, il peut aussi ne pas
décerner ce mandat. Elle n'exclut pas non plus le droit de faire citer, non-
seulement avec le délai de trois jours, mais avec le délai de vingt^quatre heures,
ainsi que l'art. 2 le permet expressément.
La pensée de la loi a été de créer un mode spécial de saisir d'urgence le tri-
bunal correctionnel. Voici les termes de l'exposé des motifs : « Dans les grands
centres de population, et à Paris particulièrement, malgré tous les règlements
(le police, se réunissent de tous les points du territoire français les récidi-
vistes, les gens en rupture de ban, les filous, voleurs et escrocs de tous genres.
Avec des gens sans feu ni lieu et sans moyens d'existence, la levée du mandat
de dépôt serait imprudente; le juge d'instruction, une fois saisi, le dossier ne
peut sortir de ses mains que par une ordonnance de non-lieu ou de renvoi
devant la police coiTectionnelle, et il résulte de cette procédure, trop minu-
tieusement suivie, que le procès le plus clair et le plus simple ne reçoit juge-
ment qu'après onze ou douze jours d'arrestation au moins, souvent un mois et
quelquefois plus. Cependant la nature de ces faits, le nombre et l'activité des
agents de police font que les délinquants sont fréquemment ^surpris, soit au
milieu de la perpétration, soit immédiatement après, poursuivis pcH* la
clameur publique ou encore nantis des effets, armes, instruments ou papiers
démontrant qu'ils sont auteurs ou complices, en un mot, en état de flagrant
délit, tel qu'il est défini par l'art. 41. L'agent constate le fait, la partie lésée
reconnaît les objets, les témoins sont prêts à déposer, les preuves sont acca-
blantes, l'assignation devient inutile, la plupart du temps il y a aveu com-
plet : pourquoi une instruction, pourquoi une procédure, quand la présenta-
tion immédiate de l'inculpé à la barre du tribunal et l'instruction orale de
l'audience suffisent pour amener une solution définitive? Il faut donc, en
matière de flagrant délit, parvenir à saisir directement et immédiatement le
tribunal, b
Il suit de là que cette procédure sommaire et d'urgence n'est applicable que
lorsque les conditions qui sont indiquées se trouvent réalisées. La loi en
écarte les délits de presse, les délits politiques et les délits spéciaux. Il faut
en écarter également, non-seulement tous les délits qui ne sont pas flagrants
et dont les auteurs n'ont pas été arrêtés au moment môme de leur perpétration,
mais aussi tous les délits, môme suivis d'une arrestation immédiate, qui néces-
sitent une instruction. Si le tribunal ne se trouve pas suffisamment éclairé, il
ordonne un plus ample informé, et l'afiTaire reprend sa marche ordinaire. L'in-
culpé peut lui-même réclamer un délai pour préparer sa défense, pour recherr
cher et produire des témoins à sa décharge, et ce délai, à moins que le fait ne
soit évident, ne peut lui être refusé.
Vous voyez qu'il importe, pour conserver à cette loi son esprit et sa portée,
(le la ramener sans cesse aux cas restreints pour lesquels elle a été faite. Bi
elle doit abréger la durée de la détention préventive, elle ne doit pas multi-
plier les arrestations et supprimer la défense. C'est en la conciliant avec
les formes de notre Code, c'est en la réservant pour les cas exceptionnels
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PROCÉDUBE DEVANT LES TRIBUNAUX GOHREGTIONNBLS (aRT. 184). 637
OÙ le délit flagrant autorise Tarrestation, qu'elle pourra ôtre utilement appli-
quée. Il ne faut pas non plus perdre de vue. que, postérieurement à cette loi,
la loi du 14 juillet 1865, sur la liberté provisoire, en a singulièrement res*
treint Futilité.
701. a Art. 183. La partie civile fera, par Tacte de citation, élection de domi-
cile dans la ville où siège le tribunal : la citation énoncera les faits et tiendra lieu
de plainte. »
Cet article et les deux ou trois suivants sont assez faciles ; nous n'aurons
guère à insister avec quelque détail que sur les deux articles qui doivent ter-
miner cette leçon.
La partie civile, dit la loi^ fera élection de domicile dans la ville où siège
le tribunal, sans distinction, comme on le fait dans l'art. 68, si elle a ou
n'a pas son domicile dans l'arrondissement communal du tribunal saisi de
l'affaire.
Quelle serait pour la partie civile la portée du défaut d'élection de domi-
cile dans la citation donnée à sa requête? Ce ne serait pas ici, comme dans
les matières civiles, la nullité de la citation ; l'art. 6i du Gode de procédure
prononce cette nullité, mais il n'y a aucune raison pour Fétendre à ces ma-
tières ; tout ce qu'on peut dire, c'est que, si la partie civile qui ne demeure
pas dans le même lieu où siège le tribunal n'a pas fait Félection ordonnée par
Fart. 183, le prévenu sera dispensé à son égard des notiGcations dont il peut
être, en général, tenu envers cette partie, et, par exemple, de la notification
exigée dans Fart. 187.
La citation énoncera les faits, les faits de la prévention. La loi ne parle ici
que de la citation donnée à la requête de la partie civile, mais il est clair qu'il
faut généraliser, il est clair que la citation donnée par le ministère public
doit également contenir, et contenir, à peine de nullité, les faits de la pré-
vention. Il est impossible d'admettre comme régulière une citation qui n'an-
nonce point au prévenu qu'elle appelle quels sont les faits pour lesquels on le
poursuit, et qui le laisse par conséquent dans l'Impossibilité de préparer sa
• défense.
702. a Art. 184. Il y aura au moins un délai de trois Jours, outre un jour par
trois myriamôtres, entre la citation et le jugement, à peine de nullité de la con-
damnation qui serait prononcée par défaut contre la personne citée. — Néanmoins
cette nullité ne pourra ôtre proposée qu'à la première audience, et avant toute
exception ou défense. »
Le délai de la citation est de trois jours au moins, aux termes de Fart. 184,
plus le délai de distance; mais la loi qui, dans Fart. 146, attache à l'inobser-
vation des délais la nullité de la citation, ne reproduit pas ici la même peine.
Si les délais n'ont pas été observés, la citation n'en est pas moins valable ;
seulement, si sur cette citation à délai trop bref le prévenu ne comparait pas,
il y aura nullité de la condamnation qui pourrait être rendue contre lui par
défaut. Si donc le prévenu comparait sur cette citation à délai trop bref, et
si, ayant comparu, il consent à se défendre au fond, le vice de la citation est
absolument couvert, le jugement rendu contre lui sera valable.
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638 TRENTE-CINQ. LEÇON. — DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n* 703).
Supposez, aa contraire, que sur une citation donnée à délai trop bref, et
dans laiquelle, par exemple, on n^aura pas observé le délai de distance voulu
par Tart. 184, le prévenu comparaisse, demande une prolongation, et que sur
le refus que le tribunal ferait de la lui accorder, il déclare ne pas vouloir
plaider au fond, alors la condamnation prononcée contre lui sera nulle. Car
notez bien que comparaître, ce n*est pas seulement être de sa personne à
Taudience, c'est aussi entamer, engager, soutenir la discussion du fond. Un
prévenu présent à l'audience peut très-bien être condamné par défaut lorsqu'il
déclare ne pas vouloir se défendre quant au fond de Taffaire. A ce moyen,
fréquemment employé devant les tribunaux correctionnels, se trouve attaché
l'avantage indiqué dans les art. 187 et 188, celui de gagner du temps pour
former opposition et avoir le temps de rassembler ses moyens de défense.
Néanmoins cette nullité ne pourra être proposée qu*à la première atuUencef et
avant toute exception ou défense.
C'est-à-dire que si le prévenu, condamné par défaut après la citation à un
délai trop bref, forme opposition à ce jugement, aux termes de Fart. 187, il
devra, avant tout moyen d'opposition, invoquer le moyen résultant de Tart.
184 ; c'est ce que déjà nous avons vu dans les matières de simple police.
703. « Art. 185. Dans les affaires relatives à des délits qui n'entraineront pas
la peine d'emprisonnement, le prévenu pourra se faire représenter par un avoué ;
le tribunal pourra néanmoins ordonner sa comparution en personne. »
Vous devez rapprocher cet article de l'art. 152 pour en observer les diffé-
rences.
Premièrement, dans les matières de simple police, il est toujours permis au
prévenu de ne comparaître que par un mandataire ; cette faculté lui appartient
quand même il s'agirait d'une contravention de nature à emporter l'empri-
sonnement. Au contraire, en police correctionnelle, oii Femprisonnement, à
raison de sa durée, peut avoir une gravité bien plus grande, la loi ne permet
pas au prévenu de se faire représenter: il peut sans doute se fiiire assister^ si
bon lui semble, mais il doit comparaître en personne.
Secondement, dans le cas môme où le délit n* entraine point l'emprison-
nement, et où, en conséquence, le prévenu peut se faire représenter, la loi ne
lui laisse pas toute liberté dans le choix de ce représentant, elle le force à se
faire représenter par un avoué; nul autre mandataire ne pourrait être en-
tendu. Dans le cas môme où un avoué le représente, le tribunal peut ordonner
sa comparution en personne. G<?s deux dispositions n'ont rien d'opposé Tune
h l'autre : le prévenu, dans les matières indiquées par l'article, est valable-
ment représenté par l'avoué qu'il a constitué ; seulement, si le tribunal a besoin
de l'interroger, s'il veut recueillir de sa bouche les renseignements nécessaires
à l'affaire, i) ordonnera sa comparution, il l'ordonnera comme il pourrait le
faire dans les matières civiles, d'après l'art. 119 du Gode de procédure* Mais
il faut dire que, si le prévenu ne se présente point au tribunal, le jugement
rendu contre lui ne sera pas pour cela un jugement par défaut, mais bien un
jugement contradictoire. Ce sera un jugement contradictoire, parce qu'il a
comparu par l'avoué son représentant, jugement contradictobre dans lequel le
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PROCÉDURE DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (aRT. t88). 639
prévenu n'aura pas répondu, mais dans lequel il avait assurément la faculté
de ne pas répondre.
Ainsi, distinguez le cas où le prévenu aurait voulu se faire représenter
contrairement aux termes de Farticie, par exemple, dans une matière de
nature à entraîner l'emprisonnement, auquel cas le jugement serait néces-
sairement par défaut ; et au contraire le jugement rendu contre le prévenu
qui s'est fait représenter, dans le cas où Tanicle le permet, mais qui a refusé
de comparaître ; le jugement est alors contradictoire, comme il Test dans les
matières civiles, nonobstant le refus de la partie de se présenter en personne
et d'obéir au jugement rendu en vertu de Tart. 119 du Gode de procédure.
704. « Art. 186. Si le prévenu ne comparait pas, il sera jugé par défaut. »
Comparaître, ce n'est pas seulement comparaître en personne, mais c'est
se défendre.
705. Les art. 187 et 188, assez faciles pour ce qui touche simplement l'expli-
cation du texte, méritent des observations plus étendues en ce qui concerne
le système général que la loi a cru devoir adopter. Occupons-nous d'abord du
sens de ces deux textes, sens très-facile à déterminer ; nous nous occuperons
ensuite de la bonté de l'idée qu'ils ont consacrée.
a Art. 187. La condamnation par défaut sera comme non avenue, si, dans les
cinq jours de la signification qui en aura été faite au prévenu ou à son domicile,
outre un jour par cinq myriamôtres, celui-ci forme opposition à l'exécution du
Jugement, et notifie son opposition tant au ministère public qu'à la partie civile.
— Néanmoins les frais de l'expédition de la signification du jugement par défaut
et de l'opposition demeureront à la charge du prévenu. i>
a Art. 188. L'opposition emportera de droit citation à la première audience : elle
sera non avenue, si l'opposant n'y comparait pas ; et le jugement que le tribunal
aura rendu sur l'opposition ne pourra être attaqué que par la partie qui l'aura
formée, si ce n'est par appel, ainsi qu'il sera dit ci-après. — Le tribunal pourra, '
s'il y échet, accorder une provision, et cette disposition sera exécutoire nonobstant
l'appel. »
Le délai de l'opposition est de cinq jours non francs : l'art. 1033 du Gode de
procédure ne s'applique point à ces matières.
Le point de départ de cette opposition, c'est la signification du jugement; la
manière de la former, c'est de la notifier au ministère public et à la partie
civile, à son domicile élu, aux termes de Part. 183 ; d'où il suit qu'on est dis-
pensé à son égard de toute notification dans le cas où elle n'en a pas élu.
Cette notification a pour but de faire tomber le jugement par défaut avant
toute discussion.
La condamnation par défaut sera comme non avenue, si, dam les cinq jours de
la signification qui en aura été faite au prévenu ou à son domicile, outre un jour
par cinq myriamètres, celui-ci forme opposition à Vex(^cution du jugement, et
notifie son opposition tant au ministère public qu'à la partie civile. Toutefois
cette rédaction doit se combiner avec celle de l'art. 188. L'opposition a, il est
vrai, poiir effet de faire regarder comme non avenu le jugement par défaut ;
mais si, sur l'opposition, l'opposant ne comparaît pas à l'audience qu'elle indi-
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640 TRENTE-CINQ. LEÇON. — DBS TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n* 707).
que ou qu'elle est réputée indiquer^ ropposition elie^môine est non avenue, et
par conséquent la condamnation par défaut reprend toute sa force. Ainsi,
quand Tart. 187 vous dit que par le seul effet de Topposition la condamnation
par déSaut est mise au néant, ce n'est là qu*un effet conditionnel. Oui, par
TefiTet seul de Topposition, la condamnation par défaut est effacée, mais à con-
dition que le prévenu comparaîtra et viendra plaider sur son opposition ; dans
le cas contraire le jugement de condamnation sera confirmé; et comme dans
ces matières, ainsi que dans les matières civiles, on n'admet pas deux oppo-
sitions successives, la voie de Tappel sera la seule qui restera ouverte au pré-
venu.
706. Il faut ajouter que la loi du 27 juin 1866 a annexé à Tart. 187 un para-
graphe ainsi conçu :
a Toutefois si la signification n'a pas été faite à personne ou s*il ne résulte pas
d*actes d'exécution du jugement, que le prévenu en a eu connaissance, ropposition
sera recevable jusqu'à l'expiration des délais de la prescription de la peine. »
Cette disposition, que la jurisprudence de la Cour de cassation avait déjà
admise par voie d'interprétation, est favorable à la défense et conforme aux
règles de la plus stricte justice. Elle consiste à assimiler deux situations iden-
tiques : celle du condamné auquel on n'a pas fait de signification, et celle' du
condamné qui, involontairement, n'a pas connu la signification. Il était trop
rigoureux que, faute d'une opposition, qu'il ne lui a pas été possible de régu-
lariser, la condamnation par défaut devint irrévocable.
Une autre modification a encore été introduite dans le même article : la
charge des frais, qui était de droit contre le condamné par défaut, est devenue
purement facultative :
« § 2* de l'art. 187 : Los firais de l'expédition, de la signification du jugement
par défaut et de l'opposition pourront être laissés à la charge du prévenu. »
On lit dans le rapport : • La modification du paragraphe 3 de rart.187 a entraîné
une remarque sur le paragraphe 2 du môme article. Ce paragraphe mettait dans
tous les cas les frais de l'expédition, de la signification et de l'opposition à la
charge du prévenu opposant. U a paru à la commission que cette disposition
impéi^ative n'avait plus sa raison d'être, lorsqu'il est admis que le condamné
a pu ignorer de bonne foi la signification, que la signification a pu être faite
avec incurie, avec une négligence dont le prévenu ne pouvait être responsable ;
il faut faire de la question de frais une question facultative laissée à la pru-
dence des magistrats, b
707. Le paragraphe 2 de l'art. 188 contient une disposition peu difficile, mais
dont les termes pourraient vous embarrasser. Le tribunal powra, s'il y échet,
accorder une provision, et cette disposition sera exécutoire nonobstant l'appel.
Nous avons bien vu, dans les matières civiles, des exemples de jugements
provisoires, par exemple, de ces condamnations alimentaires accordées à un
demandeur contre un défendeur dans le cours de certaines instances, ou dans
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PROGÊDUHB DEVANT LES TRIBUNAUX GORRBGTlONNBLS (aRT. 188). 641
le cas où le tribunal, dans Thypothèse d'une reveadication, ordonne provifioi«-
rement le séquestre de Timmeuble revendiqué. Mais si les exemples de juge-'
ments provisoires sont faciles daoe les matières civiles, on en comprend moins
l'intérêt ou l'existence dans les matières correctionnelles. A qui donc et contr/e
qui le tribunal pourra-t-il, aux termes de l'art. 188, accorder une proYision 7
Évidemment ce sera contre le prévenu que le jugement provisoire sera rendu ;
ce sera contre le prévenu, que la condamnation de provision sera portée. £t
envers qui ce jugement le ûondamnera-t^il ? Envers la partie civilOi car la,j[>re-.
mière condition pour appliquer le paragraphe 2, c'est qu'il y ait une partie
civile en cause.
Mais quel sera, en matière correctionnelle, le bat de cette provision, de cette
prestation précuntaire provisoire, qu'on doit forcer le prévenu d'accorder à la
partie civile ? Le voici : il B'agit dans l'espèce d'un prévenu qui a fait défaut et
qui^ sur son opposition, revient plaider le fond de la cause, sauf à attaquer plus
tard le jugement par la voie de Tappel. Or, ce premier défaut, suivi d^une,
opposition daus les délais de l'art. 187» fait craindre au législateur qu'il n'y ait
de sa part une tactique, c'est-à-dire qu'il n'ait pris le parti d'éluder, de retarder,,
par tous les moyens possibles, le jugement qui le menace, à Tefifet d'empêcher
la partie civile dénuée de ressources pécuniaires de procéder contre lui à l'ins'^
truction qui doit le faire condamner. Ainsi, la partie civile avait fait assi*.
gner des témoins, par exemple, pour le jour indiqué dans sa première cita-'
lion : ces assignations ont été inutiles, puisque le prévenu n'a pas compara ;
sur l'opposition du prévenu, voilà de nouvelles citations à faire, de nouveaux
frais à avancer. Plus tard, si en cause d'appel le même prévenu condafnné fail
défaut, il y aura encore des frais avancés inutilement, des fraie à renouveler
sur son opposition en cause d'appel; il y a donc telle position où la partie lésée
par le délit pourrait être dans l'impossibilité de satisfaire à ces. déboursés suc-f
cessifs. C'est à ce cas que veut pourvoir le paragraphe 2 ; c'est dans ce cas que
le tribunal pourra condamner le prévenu à une provision envers la partie
civile, aux termes de notre paragraphe. Et comme ce bénéfice serait absolu*
ment illusoire, si le prévenu, au moyen d'un appel, pouvait invoquer l'effet
suspensif, le prévenu sera teau d'obéir à cette condamnation provisoire no-
nobstant l'appel interjeté soit de la provision, soit du fond. Tel est le sens
des derniers mots de l'article.
706. Voilà pour les détails de ces deux articles, revenons maintenant sur le
fond de la disposition importante qui s'y trouve consacrée.
Le système de la loi est celui-ci : le prévenu a fait défaut; une condamna-
tion correctionnelle a été la conséquence de ce défaut, je ne dis pas la consé-
quence nécessaire, car l'art. 186 dit bien qu'on jugera, mais non pas qu'on
condamnera nécessairement le défaillant. Le prévenu qui fait défaut pourrait
donc, à toute rigueur, être renvoyé absous par le tribunal ; mais ce cas néces-
sairement sera rare, et quoique le tribunal doive, en cas de défaut, vérifier,
autant qu'il le peut, les preuves de la prévention, cette vérification étant fort
difficile, le défaillant, en fait, sera presque toujours condamné. Supposons
donc qu'il Tait été, c'est l'hypothèse de l'art. 187, quel délai lui donne-t-on
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642 TRENTE^GINQ. LEÇON. — DBS TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n** 708).
pour former opposition ? C'est le délai de cinq jours à compter de la notifica-
tion faite à son domicile ou à sa personne du jugement qui le condamne. A ce
texte, pour en bien comprendre les conséquences, il faut ajouter Tart. 203 qui
donne pour interjeter appel d'un jugement correctionnel un délai de dix Jours,
à partir de la notification du jugement par défaut ou à compter de la pronon»
dation du jugement contradictoire; ce dernier cas ne nous concerne pas.
Voilà donc les faits comme ils résultent» d'une part, de Part. 187, de l'autre,
de l'art. 203. Or, la plus légère analyse, la plus faible attention, portée sur
ces faits, nous démontre que dans cette disposition se rencontre la dernière
injustice, se rencontre le plus extrême danger à l'égard du prévenu.
En effet, quelle est l'origine, le début de la poursuite ? Une citation donnée,
aux termes de l'art. 182, à la personne ou au domicile du prévenu. 8î elle Ta
été à la personne, aucun inconvénient, aucun danger; le prévenu a été averti^
il a pu prévoir et mesurer les conséquences de son défaut. Mais vous savez
très-bien que, dans la plupart des cas, les citations ne sont pas et ne peuvent
pas être remises par le porteur à la personne ; dans la plupart des cas, dans les
matières correctionnelles comme dans les matières civiles, la citation est remise
au domicile, et parvient comme elle peut à celui auquel elle s'adresse. On
conçoit donc aisément que, soit par l'effet d'une méprise, d'une erreur dans
la citation, soit, ce qui est plus facile encore, par l'effet d'une absence acciden-
telle, momentanée du prévenu cité, on conçoit, dis-je, que la citation ne lui
parvienne pas ou qu'elle ne lui parvienne pas à temps. Le tribunal est saisi
par une citation et par une citation à trois jours ; les trois jours peuvent donc
s'écouler sans que le prévenu, s'il est absent, s'il est en voyage, s'il n'a pas
chez lui une famille en état de l'avertir, sans que le prévenu ait soupçon de
la citation laissée à son domicile. Trois jours se passent, et le jour de l'audience
arrive; à l'audience défaut, et en conséquence condamnation à peu près
nécessaire, car, bien que le tribunal doive vérifier les preuves et s'assurer,
avant de juger, de la culpabilité du prévenu, c'est là une obligation qu'il ne
peut remplir que très-imparfaitement quand le prévenu n'est pas présent ; les
allégations de la prévention, n'étant pas combattues par l'intéressé, n'étant
pas démenties par des témoins contraires, n'étant pas éclaircies par des expli-
cations, paraîtront presque toujours convaincantes, la condamnation s'ensuivra
presque toujours. Quant à la notification du jugement qui sera faite à son
domicile, nous le supposons absent, cette notification ne l'avertit donc pas.
Pour arriver là, nous n'avons à supposer que cinq ou six jours d'absence.
La notification une fois faite au domicile du prévenu absent, cinq jours s'écou-
lent, et, d'après l'art. 187, l'opposition n'était plus possible avant la loi du
27 juin 1866". Cinq jours encore s'écoulent, et d'après l'art. 203, l'appel est in-
terdit ; c'est-à-dire après quinze jours d'une absence complète le prévenu peut
se trouver frappé, à son insu, d'une condamnation correctionnelle à cinq ans
d'emprisonnement, sans avoir eu le moindre soupçon des poursuites dont il
était l'objet, et sans avoir maintenant aucun moyen possible d'en obtenir la
réformation.
Il est clair que, quand d'un système si brusque, si irréfléchi, qui expose à
une condamnation si grave un homme qui n'a pas été et qui n'a pas pu être
entendu, on rapproche au contraire les précautions multipliées prises dans les
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. PROCéDURB DEVANT LES TRIBUNAUX GOBABGTIONNBUS (aRT. 188). 643
matières civiles contre le défaillant qui ne comparaît pas, on ne comprend
pas comment le législateur a pu être si prodigue de garanties^ lorsqu'il s* agit
d'intérêts pécuniaires, et en être si sobre ou plutôt si avare quand il s'agit de
pénalités d'une nature aussi grave que peuvent Fétre celles-là. Ainsi, en
matière civile, Tajouniement est donné à huitaine, et non pas k trois jours ,
comme ici, et si, à cette huitaine, le défendeur n'a pas constitué avoué et ne
comparait pas^ s'il est condamné par défaut, comme la loi suppose qu'il n'a
pas été averti, eUe ne veut pas que la condamnation devienne définitive ; elle
ne se borne pas à lui donner pour son opposition un délai de huitaine; elle
vent que l'opposition reste ouverte tant que le jugement ne sera pas exécuté,
art. 158 et 159 du Qode de procédure, c'est-à-dire tant que la solennité d'une
vente de meubles, d'une notification de saisie immobilière, n'aura pas néces-
sairement, inévitablement averti ou le défendeur, ou sa famille, on ses amis
des poursuites dont il va être victime. Voilà déjà une étrange incompatibilité
entre ce luxe de précautions, d'ailleurs fort sages, que nous trouvons dans les
matières civiles, et ce défaut absolu de garanties qui nous frappe ici dans les
matières pénales.
Mais, pour nous renfermer dans les matières mêmes que nous étudions main-
tenant, on est encore plus embarrassé lorsqu'au système des art. 180 et 188,
relatif aux condamnations correctionnelles, on oppose tout l'ensemble du sys-
tème tracé par le Gode même que nous examinons pour les condamnations
criminelles. Faisons ce rapprochement, et alors nous verrons s'il est possible
de trouver des motifs de différence entre les deux cas.
Dans les matières correctionnelles, le tribunal est saisi par une citation.
Nous avons vu combien ce moyen est insuffisant pour garantir que le prévenu
qui ne comparait pas avait été réellement averti.
Dans les matières criminelles, ce n'est pas par une citation que le prévenu
est averti; il y a d'abord ou une rumeur publique, ou une plainte, ou une dé-
nonciation qui ont pu donner à la personne qui en était l'objet le soupçon ou
l'avis de la prévention qui pesait sur elle. A la suite de cette dénonciation, de
cette plainte, de ces bruits publics, sont intervenus un ou plusieurs mandais,
puis les interrogatoires du juge d'instruction, l'appel de tous les témoins, les
visites domiciliaires, la discussion et l'ordonnance du juge. Voilà déjà une
multitude d'opérations dont une foule de personnes ont été averties, personnes
en rapport plus ou moins direct avec le prévenu, personnes à qui il est facile
de l'avertir.
Ce n'est pas tout : l'ordonnance du juge l'a frappé, je le suppose, de prise
de corps comme suffisamment prévenu; l'instruction passe de là à la cour,
chambre des mises en accusation ; nouvel examen, nouvelles solennités, nou-
velles poursuites. La chambre d'accusation admet l'accusation, et comme le
prévenu n'est pas présent, on rend contre lui, d'après les art. 465 et 466, une
ordonnance portant injonction de se représenter, ordonnance qui est publiée
à haute voix,. qui s'affiche à la porte de son domicile et dans le lieu où le
crime a été commis.
* Voilà déjà bien des moyens d'avertir, autant que possible, le prévenu. Qu'a<
près toutes ces solennités il ne comparaisse pas, que va-t-on faire ? L'appeler
devant la cour d'assises; là, contumax, il sera condamné à peu près nécessai-
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644 TRENTE-CINQ. LEÇON. — DES TRIBUNAUX CORRECTIONNBIiS (N* IOS).
rement. Mais la condamnation sera-t-elle déGnitive, sera-t-elie susceptible
d*ôtre mise à exécution, après dix jours^ comme ici, après dix ans, après vingt
ans? Jamais; l'arrêt decontamace une fois rendu, de deux choses Fuiie : ou le
condamné sera arrêté dans les vingt ans de l'arrêt intervenu, et alors, par le
seul fait de sa comparution, vous voyez s'évanouir l'arrêt, avant même qu'il
l'ait attaqué ; ou bien, il ne reparaîtra qu'après les vingt ans, et alors, sans
doute, Tarrêt ne tombera pas, mais l'arrêt ne s'exécutera pas, parce qull y a
prescription. Ainsi, même après toutes ces précautions, toutes ces garanties
de publicité, toutes ces solennités, on n'arrive, en dernier résultat, et ceci peut
paraître assez bizarre, qu'à une condamnation qui n'aura pas, qui ne pourra
pas avoir d'effet contre la personne du condamné, à une condamnation qui
tombera dans les vingt ans par le seul fait de sa comparution ou de son arres-
tation, à une condamnation qui, au contraire, après vingt ans, sera mise au
néant comme prescrite. Je dis mise au néant; il y avait lieu d'en excepter ce-
pendant la mort civile encourue après cinq ans ; mais c'était là une disposition
spéciale, exceptionnelle, et qui n'existe plus aujourd'hui.*
Quand maintenant, de ces immenses délais, à l'expiration desquels aucune
pénalité n'est encourue, on rapproche le délai de dix jours accordé au pré-
venu pour se pourvoir par opposition ou par appel contre un jugement par
défaut, on est dans l'impossibilité de concevoir comment le législateur a pu
tracer à la fois deux systèmes aussi opposés. Dira-t-on, pour expliquer la diffé-
rence, que les peines criminelles étant infiniment plus graves que les peines
correctionnelles, il a fallu multiplier, dans un cas, des garanties dont on pou-
vait au contraire se dispenser sans danger dans l'autre? Mais, d'abord, il est
clair que si énorme que soit cette distance entre la pénalité des cours d'assises
et celle des tribunaux correctionnels, il est clair que si vaste qu'elle soit, elle
ne correspond en rien à la différence bien autrement large des garanties pro*
diguéeb dans un cas et absolument refusées dans l'autre. D'ailleurs, cette dif-
férence, dans nombre de cas, est absolument nominale. Et quand, par exem-
ple, pour une peine de bannissement ou de dégradation civique, on verra
accorder toutes les garanties possibles, tandis que pour une peine de cinq ans,
de dix ans d'emprisonnement, on verra dix jours accordés pour l'attaquer, il est
clair que ce raisonnement sera inapplicable. Dix ans d'emprisonnement sont,
pour l'immense majorité des hommes, une peine infiniment plus grave que cinq
ans de bannissement, et surtout que la dégradation civique prononcée isol^
ment et séparément.
Ainsi, je ne vois rien pour justifier cette rigueur des anciens art. 187 et 188.
Maintenant, comment parer aux înconvénienlsénormesqui peuvent résulter,
dans certains cas, de l'application littérale des art. 187 et 188, inconvénients
qui pourraient résulter pour un homme par&itement innocent de rimpossi-
bilité de se soustraire, après quinze ou vingt jours d'absence, à une pénalité
ainsi prononcée? Je ne vois que deux remèdes ou plutôt deux palliatifs très*
insuffisants, mais que les magistrats ne doivent pas négliger :
Le premier, c'est d'appliquer très-rigoureusement et avec le plus grand soin
Part. 186) c'est de ne prononcer de défaut, dans les matières correctionnelles,
qu'autant que la culpabilité est parfaitement démontrée; c'est de ne pas porter
légèrement, contre un prévenu qui ne comparaît pas, une condamnation qui
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r"
PROCÉDURE DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (auT. 189). 645
en dix jours peat échapper à toutd atteinte et du tribunal et de la conr d'appel.
La seconde précantioiiy qni est plus grave et plus importante, s'adresserait
non plas au tribunal qui aurait condamné par défaut, mais bien au ministère
public; elle consistera, de la part du ministère public, à ne faire notifier qu'avec
une extrême réserve les condamnations par dé^etut obtenues contre le pré-
venu du tribunal correctionnel. En effet, les dix jours ne courent pas de la
prononciation du jugement, mais de la notification qui en est faite à son do-
micile. Ge sera donc au ministère public, s'il veut éviter au prévenu l'énorme
danger auquel Texposeraient les deux articles cités, ce sera à lui de peser si
l'absence du prévenu paraît être ou n'être pas l'effet d'une préméditaLion et
d'un calcul; et lorsqu'on croit que cette absence n'est que l'effet du hasard,
dans tous les cas où l'on peut penser qu'il ne connaît pas les poursuites diri-
gées contre lui, il faudrait retarder la notification jusqu'à l'époque de son re-
tour, époque où l'on pourra la faire à sa personne. Dans ce cas au moins le
délai si bref ne courra que d'une époque oil le prévenu sera véritablement en
mesure de se pourvoir. Mais ces précautions, bonnes à prendre, ne justifient
pas la rédaction primitive de nos deux articles. La rectification de la loi du
27 juin 1866 a affaibli ces dangers.
TRENTE-SIXIÈME LEÇON.
709. Vous ne trouverez guère, depuis l'art. 189, auquel nous nous sommes
arrêtés, jusqu'à l'art. 198 inclusivement, que des dispositions de renvoi ou des
répétitions presque littérales d'une partie des textes qui régissent la procédure
en matière de simple police ; nous nous bornerons donc, sur ces dix premiers
articles, à de courtes observations, réservant pour l'appel la plus grande partie
de cette leçon.
L'art. 189, par exemple, ne contient que des renvois à plusieurs textes anté-
rieurs ; et, nonobstant ces renvois, on a cru devoir répéter encore, dans quel-
ques-uns des articles qui suivent, les dispositions qui déjà se trouvent suf-
fisamment empruntées aux matières de simple police par le texte général de
l'art. 189.
Je dis que l'art. 189 est un article de renvoi : c'est ainsi qu'il déclare appli-
cables aux tribunaux de police correctionnelle les dispositions établies pour les
tribunaux de simple police relativement à la preuve des délits, c'est-à-dire re-
lativement à l'autorité des divers procès-verhaux sous les distinctions posées
dans l'art. 154. De même, relativement à la preuve testimoniale, à la forme
dans laquelle elle est reçue, à la prestation de serment, et enfin aux diverses
causes qui peuvent empêcher d'entendre les témoins, aux termes de l'art. i5à.
Remarquez seulement que de l'art. 189 résulte la consécration, en cette
matière, du principe de l'audition des témoins à l'audience : par cela même
qu'il renvoie à l'art. 155 , il en résulte qu'en général les enquêtes sont
publiques ; qu'en général on ne doit pas , en matière correctionnelle, se
borner à lire à l'audience les dépositions écrites. Cette, règle reçoit cepen-
dant quelques exceptions assez remarquables dans plusieurs cas qu'il est bon
d'indiquer.
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646 TRENTB-BIXiâMS LEÇON. — DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (N^ 7il).
Par exemple, si, parmi les témoins appelés, se trouvent des militaires en
activité de service, l'impossibilité de les déplacer force le législatear à se con-
tenter d*une déposition écrite. La loi du 18 prairial an II indique dans quelle
forme on devra obtenir et requérir, dans ce cas, la déposition du témoin.
Première exception à la nécessité de Taudition publique des témoins à Tau -
dience.
De même, dans les art. 510 et suivants, on indique certaines formes spé-
ciales dans lesquelles sera reçue la déposition de quelques grands fonction-
naires. La déposition, dans ce cas, s'il n'y a pas eu une ordonnance spéciale
autorisant Tassignation pour venir déposer à Taudience, se fera par écrit et
eera seulement lue à l'audience dans les formes tracées par les art. 510 et sui-
vants.
De même, dans Tart. 514, non plus à raison de la qualité de la personne,
mais à raison de certaines fonctions publiques, vous verrez que les fonction-
naires désignés dans cet article doivent, comme les témoins ordinaires, com-
paraître et déposer à Taudience, lorsque l'instruction s'opère dans le lien
même oil ils exercent leurs fonctions.
Dans le cas contraire, c'est encore par écrit que la déposition est reçue, et
on se borne à en donner lecture.
Enfin, pour les préfets dont le témoignage serait nécessaire hors de leurs
départements, est intervenu le décret spécial du 4 mai 1812.
Tels sont les cas, outre ceux d'impossibilité physique résultant, par
exemple, de maladies, dans lesquels reçoit exception la règle des art. 155
et 189.
710. L'art. 190 trace l'ensemble de la procédure, l'ensemble de Tinstruo-
tion publique devant les tribunaux correctionnels. Ces dispositions, cette
marche, sont en générai claires et faciles. Remarquez seulement que quand,
d ins le cours de cet article, on vous dit qu'à un certain moment de l'instruc-
tion les témoins seront entendus et les reproches proposés et jugés, s'il y a
lieu, vous ne devez pas interpréter ce mot de reproches d'après la définition
ou l'explication fort large qu'on lui donne en matière civile. Vous avez vu,
dans l'art. 283 du Gode de procédure, un très-grand nombre de causes de
reproches contre les témoins appelés ; j'ai à peine besoin de dire que ces
causes de reproches multipliées à tort peut-être dans les matière^ civiles, ne
peuvent pas se transporter dans les matières criminelles. Les seuls motifs de
reproches auxquels l'art. 190 fasse allusion, ce sont ceux indiqués plus haut
dans l'art. 156, établissant des motifs de reproches à raison de la parenté,
mais à un degré plus restreint qu'ils ne le sont en matière civile. Voilà les
seuls reproches auxquels il fout appliquer les expressions de l'art. 190.
711. Les art. 191, 192 et 193 ne sont que la répétition de dispositions déjà
connues.
Ainsi, d'après 1 art. 191, si le fait n'est réputé ni délit, ni contravention, si
le fait n'est pas au nombre de ceux que la loi pénale prévoit et frappe, le
tribunal devra annuler l'instruction préparatoire, la citation et tout ce qui a
suivi; il devra, en conséquence, renvoyer le prévenu, et statuer, ajoute la loi,
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PROCÉDURE DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (aRT. 192). 647
sur les demandes en dommages-intérêts, c'est-à-dire, comme nous l'avons
4éjà décidé sur Part. 159, sur les demandes en dommages-intérêts dirigées
par le prévenu absous contre la partie civile; mais non pas, réciproquement,
sur les demandes en dommages-intérêts de la partie civile contre le prévenu.
Tout caractère pénal étant refusé au fait de la prévention, la partie civile
doit s'imputer d'avoir saisi d'une question purement pécuniaire, d'une ques-
tion purement civile, un tribunal correctionnel sans qualité pour en con-
naître. La discussion à laquelle nous nous sommes livrés et les raisons que
nous avons données à cet égard, sont toutes communes à Tart. 159 et à
l'art. 191. La décision littérale se trouve, au reste, dans les derniers mots de
l'art. 212, qui, statuant sur la môme question, parle spécialement des dom-
mages-intérêts du prévenu, et non pas en général de tous les dommages-
intérêts.
718. a Art. 192. Si le fait n'est qu'une contravention de police, et si la partie
publique ou la partie civile n*a pas demandé le renvoi, le tribunal appliquera la
peine et statuera, s'il y a lieu, sur les dommages-intérêts. — Dans ce cas, son
Jugement sera en dernier ressort. »
Si le fait n'est qu'une contravention, il est clair qu'on a mal à propos saisi
le tribunal correctionnel d'un fait qui, par sa nature, appartenait uniquement
au tribunal de police ; s'ensuit-il que le tribunal correctionnel doive, indis-
tinctement et dans tous les cas, déclarer son incompétence et renvoyer l'af-
faire au tribunal de police ? La loi ne l'exige pas ; ce serait occasionner des
lenteurs inutiles à propos d'une affaire fort simple, et le tribunal correctionnel,
qui, en général, est juge d'appel des matières de simple police, semble avoir, à
plus forte raison, qualité pour statuer sur une contravention que, par méprise,
on a portée devant lui.
Cependant ce premier point de vue n'est pas suffisant ; car vous savez que
si l'on a porté par erreur une simple contravention devant un tribunal correc-
tionnel, autoriser le tribunal correctionnel à y statuer dans tous les cas, et i
y statuer en dernier ressort, c'est enlever aux parties le bénéfice des deux
degrés de juridiction que la marche ordinaire leur assurait. En bonne règle,
l'affaire eût dû aller en première instance devant le tribunal de police, en
appel, s'il y avait lieu, devant le tribunal correctionnel. Aussi la loi, sans
ordonner absolument au tribunal de se dessaisir, dans cette espèce, veut-elle
cependant qu'il le fasse lorsque la partie publique ou la partie civile oppose ce
moyen d'incompétence et conclut formellement au renvoi.
On est surpris seulement de trouver dans l'article que si le tribunal doit se
dessaisir, c'est uniquement à la requête de la partie publique ou de la'partie
oivile ; il semblerait naturel que le tribunal pût se dessaisir aussi lorsque le
prévenu, traduit mal à propos devant lui, demande à être renvoyé devant le
tribunal de police, qui était seul compétent, lorsque le prévenu allègue pour
obtenir ce renvoi un motif très-légitime, savoir, le désir de profiter des deux
degrés de juridiction. Cette demande parait d'autant plus juste, la distinction
qui résulte du silence de la loi paraît d'autant moins explicable, que le minis-
tère public ou la partie civile, qui sont nécessairement demandeurs, ont une
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648 TRENTE-SIXIÈME LEÇON. DBS TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n* 713).
lante à s'imputer, ils ont en tort de saisir d'une affaire de simple police le
Iribonal correctionnel. Mais le préyenu n'a rien à se reprocher, le prévenn
d'une simple contravention a été traduit, bon gré, mal gré, devant un tribunal
incompétent ; pourquoi donc serait-ce prrécisément à lui qu'on refuserait le
droit d*invoquer cette incompétence? J'avoue que je n'en connais aucun
motif même spécieux ; et il me semble que l'omission du prévenu, dans le
texte de l'art. 192, est une pure inadvertance dont on ne doit tirer aucune
conclusion contos lui. Cependant il est bon de noter aussi que, comme il n'est
pas indiqué formellement dans Tarticle si le tribunal avait refusé de renvoyer
i'afifaire à sa demande, il serait impossible de voir dans ce refus un moyen de
cassation, puisque aucune loi ne serait violée. Voilà le fait ; mais c'est là, à
xâes yeux, un vice dans la loi ; c'est là le fait d'une inadvertance et non pas
une distinction fondée sur un motif qui peut être expliqué.
Voilà un cas où les tribunaux correctionnels sont autorisés à connaître des
contraventions et à n'appliquer que des peines de simple police.
Ajoutez que si la prévention constituait tm délit, et que, dans les antécé-
dents ou les circonstances qui ont accompagné ce délit, le tribunal crût voir
des circonstances atténuantes, il pourrait alors, aux termes des derniers mots
de l'art. 463 du Ckxie pénal, n'appliquer à ce fait, qui est cependant déclaré
46lit, que des peines de simple police. C'est une des conséquences de ce sys-
tème important des circonstances atténuantes, que nous avons déjà expliqué
et que nous retrouverons bientôt en traitant du jury*
De même, si le fait imputé au prévenu est une contravention, mais une
^ntravention forestière, poursuivie à la requête de Vadministration, il est clair
que Tart. 192 ne s'applique pas ; c'est-à-dire que le tribunal de police correc-
tionnelle est ici compétent, et uniquement compétent, quoiqu*il s'agisse d'une
simple contravention. Nous avons expliqué sur l'art. 139, § 4, et sur l'art 179,
les motifs de cette exception.
Ainsi, trois cas dans lesquels le tribunal de police correctionnelle appliquera
valablement des peines de simple police :
1» S'il s'agit d'une contraventiea forestière poursuivie à la requête de
l'État;
2* 8*il s'agit même d'un délit proprement dit, mais dans lequel le tribunal
déclare l'existence de circonstances atténuantes, art. 463, dernier para-
graphe;
d*" Enfin, si le fait, présenté comme délit, ne parait constituer réellement
qu'une contravention. Mais alors la compétence du tribunal est subordonnée
aux conditions de l'art* 192, c'est-à-dire au silence du ministère public et de
la partie civile : ajoutons, si vous voulez, au silence même du prévenu.
71d. « Art. 193. Si le fait est de nature à mériter une peine afOictive on infa-
mante, le tribunal pourra déceraer de suite le mandat de dépêt ou le mandat
d'arrêt^ et il renverra Je prévenu devant 1(9 Juge d'instruction oompétent. »
Il est clair qu'ici le tribunal n'a qu'à reconnaître purement et simplement
son incompétence; le fait, présenté d'abord comme un simple délit, se trouve
entouré, par le résultat de l'instruction publique, de circonsUnces aggravantes
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PROCÉDURE DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (aRT. 197). 649
qui lui impriment le caractère de crime. Dès lors le tribunal n'a plus qualité
pour en connaître; sa mission est indiquée par l'art. 193. Il ne parait même
pas qu'il y ait à distinguer à cet égard entre le cas où le tribunal a éLê saisi
soit par une citation directe aux termes àes derniers mots de Fart. 182, soit
même par une ordonnance de renvoi après une instruction opérée conformé-
ment au premier livre du Gode.
714. L'art. 194 ne fait qu'admettre un principe connu : l'obligation de
mettre les frais à la charge du prévenu, même envers la partie publique. Ces
mots, que vous avez déjà vus> et que j'ai omis d'expliquer dans les matières
de simple police, font allusion à une loi antérieure, diaprés laquelle les frais
de toutes poursuites faites à la requête du ministère public restaient, dans
tous les cas, à la charge du trésor, soit que le prévenu fût abaous, acquitté ou
condamné. C'est précisément pour abroger cet usage essentiellement vicieux
qu*on déclare qu'en cas de condamnation soit du prévenu, soit de la partie
civile^ la partie ainsi condamnée sera tenue des frais soit envers la partie
adverse, soit aussi envers, le ministère public. Il .n'y a là aucun^ difficulté ; ce
n'est que le transport.dans les matières pénales de la règle générale de l'arti-
cle 130 du Gode de procédure.
915. L'art. 195 est relatif à la rédaction du jugement de condamnation. Ce
jugement devra être motivé. Motivé en fait en relatant dans son texte les actes
qui donnent naissance/ qui donnent lieu à la condamnation prononcée. Motivé
en droit, en ce sens que d'abord on devra lire à l'audience le texte de la loi
pénale,. et que de pfais ce texte devra être inséré par le greffier dans le juge-
ment. Mais ici cette insertion, au lieu d'être exigée, comme dans les matières
de simple police, it peine de nullité de la ooodamhation, ii'est exigée qu'à
peine d'une amende contre le greffier. U en est de.méi^e des arrêts des cours
d'assises; la sanction de relater le. texte n'est également qu'une amende, et
non pas, comme en matière de police, la noUitéi J^ai donné sur l'art* 163 les
raisons de cette dififérenoe.
716. L'art. 196 n*est que la reproduction d'une disposition commune non-
seulement aux tribunanx de police, mais même aux tribunaux civ^s. Le même
texte est à peu près complètement reproduit dans le Gode.de procédure.
L'art. 197 est également la répétition des matières de simple police.
Quant aux difficultés qui s'élèveraient dans l'exécution des condamnations
pécuniaires prononcées, j'ai déjà dit qne ces questions n'étaient pas du ressort
du juge pénal, mais seulement du ressort du juga civil.
Le recouvrement des amendes et confiscations sera fait, au nom du pro-
cureur de la République, par le directeur de la régie des droits d'enregistre-
ment et des domaines.
Quant au recouvrement des frais de justice avancés par l'administration de
l'enregistrement, il est fait directement à la requête de Tadministration, arti-
cle 174 du décret du 18 juin 1811.
Enfin l'art. i98 renferme l'obligation pour le procureur de la République
d'envoyer, dans le délai de quinze jours, un extrait du jugement au procu-
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650 TRENTE-SIXIÈHE LEÇON. — DES TRIBUNAUX GOBREGTIONNELS (n** 718).
reur général. Ceci se rattache soit au paragraphe 4 de l'art. 202, soit aussi à
Fart. 205. .
717. Passons à la matière de Tappel.
c Art. 199. Les jugements rendus en matière correctionnelle pourront être atta^
qués par la vole de l'appel. »
Ici, vous le voyez, le principe est général ; il n'est pas subordonné, comme
dans l'art. 172, au plus ou moins de gravité de la condamnation. Ainsi, par
cela seul que la condamnation aura été rendue en matière correctionnelle, par
cela seul qu'elle aura porté sur un délit, le jugement sera sujet à Tappel. Je
dis par cela seul qu'elle aura porté sur un délit ; car si le jugement, quoique
émané d'un tribunal correctionnel, ne constatait et ne frappait qu'une simple
contravention de police, alors ce jugement ne serait pas susceptible d'appel,
quand même il prononcerait une peine supérieure à celle indiquée dans Tar-
ticle 172. C'est ce qui résulte de l'art. 192, § 2 ; le tribunal correctionnel, sta-
tuant en matière de police, punissant une simple contravention, statue néces-
sairement en dernier ressort.
718. A quelle juridiction appartient l'appel autorisé par l'art. 190 contre
toute espèce de jugement, tant sur la compétence et l'instruction que sur le
fond ? Cette juridiction a plusieurs fois varié. Dans le système de la loi du
19-22 juillet 1791, le tribunal de police correctionnelle était composé de trois
juges de paix, et l'appel de ses jugements était porté, non point au tribunal iden-
tiquement composé, mais au tribunal de district où siégeaient trois juges
(tit. li, art. 61). Dans le système de la constitution du 5 fructidor an UI, déve-
loppé par le Code du 3 brumaire an IV, le tribunal de police correctionnelle
était composé d'un juge du tribunal civil président, et de deux juges de paix,
et l'appel était porté devant le tribunal criminel du département composé de
cinq juges (Gode 3 brumaire an lY, art. 198 et 266). Dans le système du
Code d'instruction criminelle, les appels étaient portés des tribunaux d'arron-
dissement au tribunal chef-lieu de département, et du tribunal chef-lieu au
tribunal chef-lieu du département voisin ; dans les départements où siège une
cour, les appels étaient portés devant cette cour, et il en était encore ainsi
des appels des tribunaux chefe-lieux des départements voisins, lorsque la dis-
tance n'était pas plus forte que celle du chef-lieu d'un autre département (an-
ciens art. 200 et 201).
La loi du 13 juin 1856 est venue modifier cet état de choses ; elle a centra-
lisé tous les appels entre les mains des cours. L'art. 200 est abrogé, et l'arti-
cle 201 est rectiiSié en ces termes :
< Abt. 201, L'appel sera porté &la Cour. »
Le motif de cette innovation a été d'instituer l'unité de la juridiction qui
«tatue sur les appels, c'est de rétablir une règle que la difficulté des commu-
nications avait fait fléchir en 1810, et qui reprend son empire à raison de ces
communications devenues aujourd'hui plus faciles, c Le gouvernement, dit
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APPEL DES JUGEMENTS CORRECTIONNELS (aRT. 202). 651
l'exposé des motifs, attentif à ces menreilleax changements survenus dans
rétat de la viabilité, et dans les moyens de locomotion, a jugé qu'il était sage
et opportun de rendre à l'organisation judiciaire, pour les matières correc-
tionnelles, le caractère d'unité et de simplicité qu'il a et qu'il a toujours eu
pour les matières civiles ; le projet de loi est l'expression de cette pensée. La
volonté de ne pas trop éloigner le juge du justiciable fut, lors de la publication
du Gode, la considération déterminante ; elle n'aurait pas eu cette influence
sur l'esprit du législateur si, alors comme aujourd'hui, il y avait eu des routes
nombreuses et bien entretenues, des bateajix à vapeur et des chemins de fer. i
Cependant cette loi a quelques inconvénients. Le plus grave est de rendre
l'audition des témoins difficile en appel. Le législateur a senti cette difficulté
et il a essayé de remplacer cette audition par les notes d'audience qui sont
tenues par le greffier et dans lesquelles sont analysées les dépositions des
témoins. En conséquence, et pour imprimer à ces notes une foi plus grande,
il a ajouté k l'art. 189 une disposition nouvelle :
« Art. 199. § 2. Le greffier tiendra note des déclarations des témoins et des
réponses du prévenu. Les notes du greffier seront visées par le président dans les
trois jours de la prononciation du jugement. »
C'est évidemment pour suppléer aux dépositions orales que la loi a voulu
donner aux notes d'audience, qui sont une sorte de procès-verbal du premier
débat, un développement plus étendu, une authenticité plus marquée. Nous
le constatons avec regret, car il ne nous semble pas que les jugements sur
pièces vaillent les jugements rendus sur un débat oral, que l'analyse des
témoignages puisse remplacer les témoign âges eux-mêmes, et que des preuves
ainsi affaiblies puissent conduire à une bonne justice. Elle vient élargir
encore la voie dangereuse où la jurisprudence s'était déjà engagée en décidant
que le juge d'appel n'est pas tenu d'entendre les témoins que le prévenu ou la
partie civile demandent à faire citer. En généralisant et en rendant plus cer-
taine la constatation des premières dépositions, elle déclare en quelque sorte
l'inutilité du transport des mêmes témoins en appel; en fournissant au juge un
moyen plus efficace de les remplacer, elle semble l'inviter à ne pas les appe-
ler. Néanmoins, il ne faut pas exagérer la portée de cette disposition : si le
législateur a prévu que les notes d'audience suppléeraient plus fréquemment
aux témoignages, et s'il a voulu ajouter à ce procès-verbal de nouvelles garan-
ties de vérité, il n'a point modifié les règles relatives à l'admission des preuves,
il n'a point restreint le pouvoir du juge d'appel d'ordonner la comparution
personnelle des témoins. Le droit de la juridiction est le même et son exercice
rencontre seulement quelques entraves de plus qui le gênent sans doute, mais
sans le détruire.
719. « Art. 202. La faculté d'appeler appartiendra : — 1* Aux parties préve-
nues ou responsables ; — 2* A la partie civile, quant à ses intérêts civils seule-
ment; — 3* A l'administration forestière; — 4» Au procureur de la République
près la Ck)ur. »(Loi du 13 juin 1856.)
Le droit d'appel appartient, dans les délais et dans les formes qui seront
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652 TRENTE-SIXIÈME LEÇON. — DES TRIBUNAU:: CORRECTIONNELS (n* 179).
plas tard déterminés : 1« aux parties prévmaes. La loi de brumaire, art. 153,
s'exprimait autrement, elle parlait delà partie condamnée. Dans qnelle inten-
tion, dans quel but a-t-oiv changé cette rédaction? à quoi bon dire que la
partie prévenne, lors môme qu'elle n'est pas condamnée, aura droit d'inter-
jeter appel ? quel peut être, eu pareil cas, son intérêt, et par conséquent sa
qualité? Il est clair que le changement n-est pas fait sans but; il est clair
qu'en substituant le mot de prévenu à celui de condamné, on a entendu au-
toriser rappel en matière correctionnelle, même au profit du prévenu renvoyé,
acquitté, absous. Dans quel intérêt^ Ce ne peut être assurément quant aux
questions de pénalité, mais ce peut être quant aux questions de dommages-
intérêts, quant aux questions de réparations civiles auxquelles il a droit de
conclure. Ainsi, un prévenu, poursuivi à la fois par le ministère public et par
une partie civile, a été renvoyé acquitté; pourra- t«dl, dans ce cas, interjeter
appel, à Teffet d'obtenir du tribunal ou de la cour d'appel des dommages-
intérêts contre la partie civile qui l'a mal à propos attaqué, dommages-in-
térêts auxquels il aura conclu, mais conclu inutilement devant le tribunal de
première instance ? L'affirmative est certaine, et c'est là l'utilité de la sub-
stitution, du changement de rédaction apporté, en 1808, au texte antérieur
de la loi de brumaire.
Ainsi, le prévenu, même acquitté, pourra appeler, lorsqu'on première
instance, il aura demandé, sans pouvoir les obtenir, des dommages-intérêts
Contre la partie civile. II pourra appeler pour faire réformer, en appel, le juge-
4nent de première instance qui lui a refusé des dommages-intérêts. Il pourra
appeler, parce que, comme je l'ai déjà dit, la loi veut éviter au prévenu, mal
è propos attaqué, la nécessité d'aller poursuivre devant un tribunal éloigné des
réparations civiles contre la partie civile.
i^ Aux parties prévenues ou responsables. Aux parties responsables, soit
qu'elles aient été condamnées comme civilement responsables des actes du
prévenu, soit même qu'elles ne l'aient pas été, mais qu'elles aient, comme le
prévenu lui-même, conclu inutilement à des dommages-intérêts contre la
partie civile qui les a mal à propos attaquées.
Remarquez que le droit d'appel peut être exercé non pas seulement d'une
manière simultanée par le prévenu et par les parties responsables, mais par
chacune de ces parties séparément. Et comme il est de règle que l'appel,
comme Faction de chaque partie, ne peut profiter ou nuire qu'à cette partie,
il est clair que l'appel interjeté, par exemple, par la partie responsable, sera
sans aucun effet sur le jugement du prévenu. Supposez qu'un domestique ait
été traduit en police correctionnelle comme l'auteur d'un délit, que son maître
y ait été appelé en même temps comme responsable, dans le cas où cette res-
ponsabilité résulte de l'art. 1884 du Gode civil. Le délit est déclaré cionstant,
le domestique prévenu est condamné, et de plus le maître est condamné,
comme responsable, à des dommages-intérêts envers la partie civile. Le pré-
venu n'interjette point appel ; le maître interjette appel; il pourra, sur cet appel,
débattre la vérité, la réalité des faits qu'on a considérés comme délit ; mais
ces débats seront sans influence sur la condamnation du prévenu lui-même.
Ainsi, si dans l'espèce, sur l'appel du maître condamné comme responsable, les
juges d'appel reconnaissent que le délit n'existe pas, ils devront décharger le
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APPBL DES JUGBMBNT8 CORRECTIOÏWELS (aRT. 202). 653
maître appelant des coDdamnations civiles dont il a été frappé; mais la con-
damnation pénale portée contre le domestique» contre le prévenu, n'en gar-
dera pas moins toute sa force. Yainement dirait-on que dans ce. cas les faits,
déclarés constants en première instance, ont été reconnus faux en appel ; la
chose jugée dans les deux cas ne l'a pas été entre les mêmes parties, et la
chose jugée en appel au profit du maître n'en reste pas moins jugée souverai*
nement en première instance contre le domestique qui n'a pas appelé.
De môme, à l'inverse, si c'était le prévenu qui eût appelé, et que la partie
responsable n'eût pas interjeté appel, la décharge prononcée en appel des con-
damnations pénales dont le prévenu était frappé n'aurait nul effet à Tégard de
la partie responsable qui a acquiescé en n'appelant pas.
720. 2^ A la partie civile ^ quanta ses intérêts civils seulement; soit que k
partie civile interjette appel parce que le prévenu a été acquitté, et qu'en con-
séquence tous dommages -intérêts lui aient été refasés, soit que, le prévenu
ayant été condamné, la partie civile appelle pour obtenir des dommage^
intérêts qui lui ont été refusés, ou pour obtenir des dommages-intérêts plus
forts que ceux qu'on lui a réellement accordés. Mais, dans tous les cas, la
question que soulève l'appel de la partie civile est une question purement
pécuniaire, une simple question d'indemnité qui ne peut avoir aucun effet sur
la partie pénale de la condamnation. C'est ce que vous indiquent les derniers
mots de ce paragraphe. De là naissent quelques difficultés que nous exami-
nerons plus tard, en revenant, vers la fin de cette leçon, sur l'effet général
d'un appel interjeté.
721. 3^ A Vadminisiration forestière; dans les cas, bien entendu, où, à
raison de la nature de la contravention ou du délit, l'administration forestière
s'est trouvée partie en première instance.
Ce paragraphe 3 soulève une question assez délicate et que les textes laissent
indécise, celle de savoir dans quelle qualité, à quel titre, dans quel but l'admi-
nistration forestière se porte appelante du jugement de première instance. Il
n'y a pas de doute qu'elle ne puisse, sur son appel, obtenir des dommages-
intérêts du préjudice causé par la contravention ou par le délit; il n'y a pas
de doute qu'elle ne puisse, comme toute personne publique ou privée, appeler,
quant à ses intérêts civils, aux termes du paragraphe 2. Mais l'appel de l'admi-
nistration forestière n'aura-t-il pas, de plus, pour effet d'autoriser le tribunal
à prononcer les condamnations pénales portées par le Gode forestier pour les
délits qu'il a prévus? La loi ne le dit pas^ et la raison d'hésiter, c'est qu'en gé-
néral le ministère public, le procureur de la République, a seul qualité pour
invoquer l'application de pénalité et de condamnation proprement dite. Ce-
pendant, si l'administration forestière n'appelait réellement que comme partie
civile, et quant à ses intérêts civils, si son appel ne permettait pas au tribunal de
statuer même sur la pénalité, le paragraphe 3 serait inutile. L'administration
forestière serait alors dans la position de toute autre administration lésée par
un délit et poursuivant en appel, comme elle l'eût fait en première instance, l'in-
demnité pécuniaire du dommage causé par ce délit. Il y a plus, quand dans le
paragraphe 2 on a 8oin de nous avertir que l'appel de la partie civile ne porte
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654 TRENTE-SIXIÈME LEÇOX. — DBS TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n* 723).
que sur ses intérêts civils, quand, au contraire, dans le paragraphe 3, on parle
sans la même restriction de l'appel interjeté par Fadministration forestière,
on semble bien décider, dVne manière indirecte sans doute, mais cependant
bien certaine, queTappel de Tadministration forestière autorise le tribunal non-
seulement à statuer sur la réparation civile du dégât, mais aussi à statuer sur
la pénalité encourue par le délit. Ge dernier parti me semblerait, en somme,
plus conforme à l'ensemble de Tart. 202.
722. La faculté d'appeler appartiendra encore, savoir : d'après le paragraphe 4,
au procureur de la République du tribunal qui a jugé, et, d'après le paragraphe 5,
au procureur général près la cour compétente pour l'appel. Ainsi, soit le minis-
tère public inférieur, soit le ministère public supérieur, ont également qualité
pour interjeter appel, mais cependant ces deux appels ne doivent point se con-
fondre l'un avec l'autre, ces deux appels ne sont point soumis à des règles
identiques. Vous verrez dans Fart. 203 que l'appel interjeté d'après le para-
graphe 4 doit l'être dans les dix jours, et dans l'art. 205 que l'appel interjeté
d'après le paragraphe 5 peut l'être tantôt pendant un mois, tantôt même pen-
dant deux mois, selon les distinctions que poseront ces articles.
723. Revenons sur une question générale que soulèvent les divers para-
graphes de l'art. 202, celle de savoir quelle est, en matière correctionnelle, la
conséquence de l'appel interjeté soit par le ministère public, soit par le pré-
venu, soit par la partie civile. Je ne parle pas ici de l'effet suspensif accordé à
l'appel, avec une force particulière, par le paragraphe 2 de l'art. 203, nous ex-
pliquerons plus tard ce point, mais de l'effet dévolutîf, de la mission que l'ap-
pel interjeté confère au tribunal ou à la cour qui en sont saisis. Il est bon
de nous arrêter un peu sur ce point important.
Supposons d'abord l'appel interjeté par un prévenu frappé de condamnation,
c'est le cas le plus fréquent. Quelle est la mission, la fonction du tribunal ou
de la cour devant lesquels cet appel est interjeté ? Évidemment les juges d'appel
ont le pouvoir d'examiner de nouveau tous les faits débattus en première
instance, à l'effet, soit de diminuer la peine, soit même d'acquitter ou d'ab-
soudre entièrement le prévenu. Voilà incontestablement la conséquence de l'ap-
pel d'une condamnation pénale interjeté par le condamné, aux termes du pa-
ragraphe 1. Mais l'effet de l'appel est-il dévolutif, pleinement dévolutif, en ce
sens que la cause entière soit remise en question, en ce sens que le tribunal et
la cour procèdent par jugement nouveau, et qu'ils puissent, en conséquence,
quand même le ministère public n'aurait pas appelé, aggraver, au détriment
du prévenu même qui interjette appel, la condamnation de première instance?
Ainsi, une condamnation à six mois, par exemple, d'emprisonnement a été
prononcée ; appel du prévenu seulement, silence du ministère public ; le tri-
bunal d'appel, qui pourrait assurément soit acquitter le prévenu, soit réduire
l'emprisonnement, pourra-t-il également l'augmenter ? Je ne le pense pas ;
l'appel interjeté par le prévenu seul, dans le silence du ministère public, ren-
ferme de la part de ce dernier un acquiescement à la condamnation, et je ne
sais comment la cour ou le tribunal d'appel pourraient, d'office et sans con-
clusions du ministère public, aggraver une pénalité qui a paru suffire à ce
dernier. Ge point, au reste, est bien reconnu dans l'usage, et on tient généra-*
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APPEL DES JUGEMENTS CORRECTIONNELS (aRT. 202). 655
lement ponr certain que Tappel interjeté par le prévenu tout seul ne donne
pouvoir aux juges qui en sont saisis que pour améliorer^ mais non pas pour
aggraver la punition.
Ge premier point établi, passons à la deuxième hypothèse, sur laquelle la
jurisprudence est moins fixée, et surtout, je crois, moins logique :
Condamnation du prévenue six mois d'emprisonnement; appel du ministère
public, silence du prévenu ; appel du ministère public à Teffét de faire aggra-
ver une condamnation qu'il trouve insuffisante, appel a miniha, comme on le
dit| dans l'usage, a lONiifA poena ad majorbm. Les juges d'appel pourront-ils, sur
l'appel A HmnfA interjeté par le ministère public, pourront^ils, quoique le
prévenu n'ait nullement appelé, réformer la condamnation en faveur de ce
dernier, c'est-à-dire TacquitLer, ou simplement mitiger sa peine ? Plusieurs
arrêts ont décidé l'affirmative par une faveur assez naturelle pour le prévenu,
mais p(vr une faveur que la logique a de la peine à avouer. En effet, si Ton
reconnaît que l'appel du prévenu tout seul, concluant à la réduction de sa
peine ou à l'acquittement, ne saisit pas les juges de la totalité de l'affaire, si
l'on reconnaît que l'appel du prévenu tout seul ne peut .que lui profiter et ne
peut jamais lui nuire, on ne comprend pas comment l'appel interjeté formelle*
ment a hinima par le ministère public tout seul, comment l'appel dans lequel
le ministère public a conclu expressément à une aggravation de peine, pour-
rait avoir pour résultat, soit l'acquittement, soit la midgation de la peine en
faveur du prévenu, qui a acquiescé en n'appelant pas. J'insiste encore sur
cette circonstance, c'est que l'appel du ministère public est interjeté expressé-
ment A MiNiuA, c'est que le ministère public a formellement conclu à l'aggra-
vation de la pénalité.
8i l'on suppose, au contraire, que le ministère public, ayant seul appelé,
ayant déclaré son appel dans les formes prescrites par l'art. 203, l'ait déclaré
sans indiquer qu'il appelait a hinima, sans indiquer qu'il sollicitait de la cour
ou du tribunal d'appel une aggravation de peine, la décision devrait être diffé-
rente. Alors il serait vrai de dire que l'affaire tout entière est dévolue à la cour
ou au tribunal d'appel, avec la môme étendue, la même plénitude de pouvoir
qu'elle l'était au juge de première instance. Pourquoi 7 C'est que le ministère
public n'a pas seulement qualité pour appeler a minima, pour conclure à des
pénalités plus fortes ; le ministère public a également qualité pour conclure ad
MmoRBM, c'est-à-dire pour conclure» en appel, à la réduction d'une peine qui
lui parait trop forte, pour conclure, en appel, à l'acquittement du prévenu qui
lui parait mal à propos condamné. Le ministère public n'est pas nécessaire-
ment un instrument de pénalité, il est institué pour garantir les intérêts de la
société^ et l'intérêt général souffre aussi bien de la condamnation d'un inno-
cent que de l'acquittement d'un coupable. Or, si le ministère public peut appe-
ler AD viTiORBM comme A MINIMA, il s'eusuit que quand il appelle indéfiniment,
sans spécifier dans son appel s'il demande une aggravation ou une réduction
de peine, la cour ou le tribunal d'appel sont saisis, par cet appel général, delà
plénitude de la cause, et peuvent user de la même étendue de pouvoir dont le
tribunal de première instance aurait pu user.
Sur ces trois premiers points, voici, en résumé, quelle serait notre réponse :
Appel du prévenu tout seul, nécessairement ad mihorem; appel du prévenu
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656 TRENTE-SIXIÈME LEÇON. — DES TRIBUNAUX OORRECTIONNBLS (n* 723).
tout seul, sans appel du ministère public, plein pouvoir pour la cour ou le iri*
bunal d'appel de maintenir le premier jugement ou de le réformer dans un
sens favorable au prévenu; mais non pas pouvoir d*aggra ver, dans aucun cas»
et sans conclusions de la partie publique, les pénalités dont il était firappé.
Secondement, appel du ministère public ; il faut ici distinguer : si Tappel est
interjeté ▲ hinima, il ne peut profiter au prévenu, mais il pourra très-bien lui
nuire; si, au contraire, Tappel du ministère piublic est indéfini, dans lesbypo*
thèses pareilles, on a formellement décidé que la cour ou le tribunal d'appel
pourraient également soit aggraver, soit adoucir, selon les résultats des débats
engagés sur l'appel, la position du prévenu.
Enfin, reste à examiner la question de l'appel interjeté par la partie civile
toute seule, bien entendu quant à ses intérêts civils seulement. Ges derniers
mots qui ne sont que la conséquence de principes bien certains, d'après les-
quels la partie civile ne peut jamais conclure à des pénalités, ces derniers
mots peuvent donner lieu à quelque difficulté.
Supposez, par exemple, qu'en première instance le prévenu ait été acquitté^
et qu'en conséquence on ait refusé à la partie civile les dommages-intérêts
qu'elle avait demandés contre lui ; appel de la partie civile, quant à ses intérêts
civils seulementy appel de la partie civile sans appel du ministère public. En un
moty le ministère public a acquiescé à la sentence qui acquitte le prévenu; la
partie civile n'acquiesce pas et vient réclamer, en appel, les dommages-inté-
rets refusés en première instance. D'abord, y sera-UeUe recevable? Qui, d'après
le paragraphe 2 de l'art. 202. Mais quelle sera, dans ce cas, la mission du tri*
bunal d'appel? Il y a un principe bien constant, c'est que, dans les matières pé-
nales, quel qu'en soit le plus ou moins de gravité, les tribunaux de répression
n'ont qualité pour accorder des indemnités qu'accessoirement à des condamna-
tions pénales, qu'accessoirement à l'existence d'un crime ou d'un délit constaté
par eux. Or, ici le tribunal de première instance n'a pas reconnu l'existence du
délit, car il a acquitté le prévenu; cette sentence d'acquittement est devenue
définitive par l'acquiescement du ministère public ; et Tappel de la partie ci-
vile, d'après le paragraphe 2 de l'art. 202, ne permet pas au tribunal d'appel
de revenir sur cet acquittement; dès lors, comment concevoir la mission du
tribunal d'appel ? Le prévenu est acquitté, définitivement acquitté, et le minis-
tère public n'a pas attaqué la sentence, le tribunal d'appel n'a plus d'occasion,
plus de possibilité de le condamner ; comment donc pourra-t-on, en l'absence
de toute condamnation pénale, prononcer des condamnations civiles au profit
de la partie civile appelante ? Cette difficulté a arrêté nombre de tribunaux,
sous Tempire même de la loi de brumaire, et il s'ensuivit un avis du conseil
d'État, provoqué par le ministre de la justice, sur la question de savoir si un
tribunal, saisi de l'appel d'une partie civile après l'acquittement du prévenu,
avait qualité pour réformer les dispositions du premier jugement, même en
ce qui concerne la pénalité. J'avoue que je comprends à peine qu'une telle
question ait été posée ; je comprends à peine qu'en présence des textes anté-
rieurs, et que le Gode actuel n'a fait que répéter, on ait pu hésiter sur le point
de savoir si un tribunal d'appel, saiù par une partie civile, pourrait réformer
d'office le jugement de première instance, même quant à la partie pénale.
L'avis du conseil d'État, du 12 novembre 1806, a déclaré formellem«it qu'il
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APPBL DBS JUGBMSNTS G0RHÊGTI0NNEL6 (âRT. 202). 657
ne le pouvait pas. Mais quel sera donc l'effet de l'appel ? Le doute à cet égard
pourrait résulter de cet a«?i8 même, qui, en décidant au fond, avec la plus
grande raison, que, dans ce cas, la partie pénale sera souveraine, que Tac-
quittement sera définitif, a laissé néanmoins se glisser dans ses considérants
des dispositions qui,'8Î on les prenait à la lettre, rendraient inapplicable le § 2.
Voici, à cet égard, ce que porte cet avis, dans un des paragraphes dont il se
OQmpose, il indique quelle sera, pour un tribunal d'appel saisi par la partie
.civile seulem^t, la. fission à remplir après un jugement d'acquittement
. opéré en première instance : t Alors, dit-ii, comme le ferait un tribunal auquel
on porterait la question des dommages-intérêts, la cour doit tenir pour cons-
tants les faits et les motifs qui ont déterminé le chef du jugement relatif au
délit, parce que ce jugement étant passé en force de chose jugée, il a tous les
. droits d'une vérité incontestable. » Je ne sais quelle était au juste, en écrivant
ces paroles, la pensée du rédacteur de Tavis, mais, s'il y faut donner toute .a
force de ces expressions, voici quelle en sera la conséquence :
Il y a chose jugée en première instance, c'est que le délit n'existe pas; il y
a chose jugée en première instance et souverainement jugée, car il n'y a pas
eu d*appel de la part du ministère public, c'est que le prévenu est innocent ;
donc, si ce fait de l'innocence du prévenu, de la non-existence du délit, est
considéré comme vérité absolue, si la cour saisie de l'appel doit tenir ce fait
pour absolument constant, il est clair que l'appel n'est pas possible. En effet,
que vient demander en appel la partie civile, aux termes du § â? Une indem-
nité, une réparation du dommage qui lui a été causé par le délit qu'elle allè-
gue et qu'elle offre de prouver. Il est clair que s'il n'y a pas déht, si le délit
n'est pas prouvé, s'il est môme prouvé que le prévenu n'est pas coupable, il
n'y a pas d'indemnité, de réparation possible. Or, il a été déclaré, en première
instance, que le prévenu n'était pas coupable; cette déclaration, d'après l'avis
du conseil d'État, est devenue souveraine par le défaut d'appel du ministère
public ; cette déclaratipn devenue souveraine doit être considérée comme cons-
tante et certaine par la cour d'appel. Or, si la cour d'appel est tenue de recon-
naître qu'il n'y a pas de délit, il est clair qu'il ne lui est pas possible d'accorder
des dommages-intérêts à la partie civile qui appelle. Si telle est la pensée de
cet avis, il est clair que cette pensée est fausse. Du reste, à part ces considé-
rants, la décision est très-facile.
Qu'a-t-il été jugé en première instance? Qu'il n'y avait pas délit, ou que ce
délit n'était pas le fait du prévenu. A l'égard de qui cette décision a-t-elle été
rendue? A l'égard de deux personnes : 1® du ministère public concluant à l'ap-
plication de la peine; 2^ de la partie civile concluant accessoirement à des
dommages-intérêts. De ces deux parties, l'une a acquiescé, c'est le ministère
public ; l'autre a interjeté appel, c'est la partie civile. A l'égard de la partie
qui a acquiescé, et quant aux conclusions que posait cette partie, c'est-à-diie
quant aux conclusions pénales, il y a chose jugée, déûnitivement et souverai-
nement jugée. Voilà le fond de l'avis rendu, avec grande raison, parle conseil
d'État; aucune poursuite, aucune réquisition de pénalité n'est plus possible
contre le prévenu. Mais pourra-t-on, avec les mots que je viens de citer, oppo-
ser à la partie civile appelante que la chose est souverainement jugée, a force
de chose jugée, a force de vérité? Non, évidemment; car à son égard il n'y a
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658 TRENTE-SEPT. LEÇON. — DBS TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n* 724).
pas chose jugée; il n'y a pas chose jagée^ car elle a appelé, dans les délais que
lui ouvrait l'art. 203, par les conclusions qu'autorisait Tart. 202. La partie
civile dira donc, ici, précisément ce qu'elle dirait devant un tribunal civil, si
à la voie criminelle elle avait préféré la voie civile; elle dira : Il y a chose
complètement jugée à l'égard du ministère public qui a succombé et qui n*a
pas appelé; mais à mon égard et sous le rapport des dommages-intérêts que
je réclame, il n'y a pas chose jugée ; car, si j'ai succombé en première instance,
j*ai interjeté à temps mon appel. En vain dira-t-on que le même fait ne peut
pas être déclaré* non constant à l'égard du ministère public, et constant, au
contraire, à l'égard de la partie civile. On sait très-bien que si les faits sont
ou ne sont pas, que si leur existence ou leur non-existence est Indivisible par
elle-même, cela n'est pas vrai sous le rapport de ^application de la chose
jugée. On sait très-bien que, dans les matières civiles, comme dans les ma-
tières pénales, un môme fait peut tour à tour être déclaré vrai, puis être dé-
claré faux, par deux jugements qui s'exécuteront également, chacun à l'égard
des parties qui ont figuré dans le jugement.
Ainsi, dans l'espèce de la partie civile interjetant appel, la cour pourra en-
core, nonobstant la première sentence, déclarer certains et reconnus les faits
que cette sentence a au contraire déclarés faux. Seulement, de la déclaration
de la vérité de ces faits on ne pourra induire aucune application de pénalité à
l'égard du prévenu; mais on pourra très-bien induire, on pourra très-bien
faire dériver de Tapplication de la condamnation les dommages-intérêts aux-
quels la partie civile a pu conclure.
Tels sont les effets généraux de Tappel, à l'égard des trois parties princi-
pales qui peuvent y figurer, sous le rapport de l'effet dévolutif. Reste mûnte-
nant l'effet suspensif de l'appel régi, en matière pénale, par des principes par-
ticuliers que nous expliquerons dans la prochaine leçon.
TRENTE-SEPTIÈME LEÇON.
724. Nous avons vu par quelles personnes et devant quels tribunaux l'appel
des jugements rendus en matière correctionnelle peut être interjeté : les
art. 203 et suivants, jusqu'à la fin du présent chapitre, s'occupent : !• du
délai; 2« de la forme dans laquelle cet appel doit être interjeté; 3* enfin, les
articles suivants indiquent dans quelle forme l'instruction sur l'appel doit avoir
lieu, quels peuvent être le résultat, la teneur du jugement.
L*art. 203 est relatif au délai d'appel, et donne lieu & cet égard à quelques
observations assez importantes.
« Art. 203. Il y aura, sauf rexception portée en l'art. 205 ci-après, déchéance
de l'appel, si la déclaration d'appeler n'a pas été faite au greffe du tribunal qui
a rendu le jugement, dix jours au plus tard après celui où il a été prononcé, et^
si le jugement est rendu par défaut, dix jours au plus tard après celui de la signî-
iication qui en aura été foite à la partie condamnée ou à son domicile, outre un
jour par trois myriamètres. — Pendant ce délai et pendant l'instance d'appel, il
sera sursis à l'exécution du jugement, n
Ainsi, en principe général, le délai d'appel, en matière correctionnelle, est
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APPBL DBS JUaBMSNTS GORIiBGTIONNBLB (aRT. 203). 659
de dix jours. Mais le point de départ de ces dix jours varie selon qne le juge-
ment a été rendu contradictoirement ou par défaut. Dans le premier cas, le
point de départ, en faveur de quelque partie que le jugement ait été rendu, est,
sans distinction, le jour de la prononciation du Jugement. Ainsi, peu importe
que dans ce cas il y ait eu ou non signification, le délai courra, sans significa-
tion, du jour même du jugement, puisque les parties présentes à Paudience en
ont eu nécessairement connaissance.
Au contraire, si le jugement est par défaut, la loi exige, pour faire courir le
délai d'appel, la signification à la partie cùndamnéey ou à son domicile, delà
-seulement courront les dix jours. Il est d'abord évident que ces derniers mots
ne s'appliquent qu'au prévenu ou à la partie civile, que dans tous les cas ils
sont inapplicables à l'égard da ministère public ; en ce qai touche le ministère
public, nécessairement présent à l'audience, le jugement est toujours contra-
dictoire. Le délai de dix jours pour interjeter appel court de la prononcia-
tion ; et si, par hasard, un prévenu avait été, par défaut, soit acquitté, soit
condamné à une peine que le ministère public jugeait insuffisante, les dix
jours de l'appel ouvert au ministère public courraient de la prononciation sans
aucune signification. La preuve qu'il n'y a rien à notifier au ministère public,
c'est que la loi ne parle que d'une signification à la partie condamnée, ou
à son domicile; expressions inapplicables au procureur de la République. Ce
sera, soit à la partie civile, soit au prévenu, que nous appliquerons ces der-
niers mots.
Si une condamnation a lieu par défaut contre le prévenu, il fondra, pour
faire courir le délai, que, soit à la requête du ministère public, soit à la requête
de la partie civile, la signification de ce jugement ait été faite au prévenu
condamné.
Si, au contraire, c'est la partie civile qui n'a pas comparu et qui, en consé-
quence, a succombé quant aux réparations civiles auxquelles elle avait conclu
dans la citation, alors le délai d'appel sera de dix jours pour la partie civile, à
compter de la notification que le prévenu aura faite, soit à la personne, soit
au domicile de cette partie.
Ces délais emporteront déchéance d'après l'art. 203, et cette déchéance doit
«'entendre ici, comme en matière civile, comme dans l'art. 444 du Gode de
procédure, dans un sens rigoureux et absolu; c'est-à-dire que l'appel inter-
jeté postérieurement aux dix jours doit être déclaré non recevable, même
d'office, et quoique la partie intéressée à le contester néglige d'opposer ce
moyen.
72tt. Enfin nous avons vu dans le paragraphe 2 de l'art. 443 du Gode de
procédure qu'on distinguait, quant au délai de l'appel, entre l'appel principal
et l'appel incident. Nous avons vu que, si le délai de l'appel était, en général,
de trois mois, la déchéance résultant du défaut d'appel dans ce délai ne s'ap-
pliquait qu'à l'appel principal, et qu'en conséquence l'intimé pouvait, en tout
état de cause, même après l'expiration des trois mois, interjeter appel inci-
dent. Gette distinction entre l'appel principal et l'appel incident ne paraît point
applicable à la décision de l'art. 203 ; ses termes sont absolus, ils déclarent, de
la manière la plus positive, que le défaut d'appel dans les dix jours en-
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660 TRSNTB-SEPT. LEÇON. — DE8 TRIBUNAUX GORaEGTIONNELS (N^ 727).
trafne déchéance à l'égard de toute partie, sauf Fexception de Tarticle 205,
excepUoQ qui n'a rien de commun avec la question qui nous occupe. Aussi
déoide-t-on généralement qu'il n'y a pas à distinguer en matière correction-
nelle, comme en matière civile, entre les appels soit principaux, soit incidents;
en d'autres termes^ que. l'appel même incident doit être interjeté dans les dix
jours.
726. Le paragraphe 2 présente un principe important que uoufl avons déjà
rencontré, et ce principe demande des explications assez étendues.
Pendant ee délai (c'est-à-dire pendant le délai des dix jours accordés pour
appeler) et pend(kni Vinstance d'appel, il sera sursis à VexécutUm du jugement.
Ainsi, le jugement de première instance ne pourra pas s'exécuter non-seu-
lement une fois qu'il y aura appel inteijeté, mais même avant Tappel inter-
jeté, par cela seul qu'on est encore à temps, qu'on est encore daAs le délai
utile pour l'interjeter; l'exécution est suspendue, elle ne peut avoir lieu. £n
d'autres termes, quand, en matière pénale, on dit que l'appel est suspensif,
ces expressions ont un sens bien plus large, bien plus étendu que dans les
matières civiles ; ce n'est pas seulement l'appel qui est suspensif, c'est le délai
même de rappel. Retenez bien cette première distinction, d'ailleurs très-facile.
Nous avons vu, dans le Gode de procédure, que, bien que l'art. 457 déclarât
l'appel suspensif, cependant il résulte de l'art. 459 qu'on peut, pendant les
délais d'appel, exécuter le jugement de première instance, tant que la partie
condamnée n'en a pas interjeté appel. Ge qui est suspensif, en matière civile,
ce n'est pas la possibilité, l'éventualité d'un appel, c'est le fait d'un appel
réellement interjeté, appel qui doit remettre toute l'affaire en question devant
les nouveaux juges. Au contraire, en matière pénale, le seul fait qu'un appel
est encore possible suffit pour empêcher l'exécution du jugement de première
instance, ainsi que le décide notre texte ; donc, quand même il n'y aurait pas
instance d'appel, quand même il n'y aurait pas appel, par cela seul qu'on est
dans le délai déterminé par l'art. 203, le jugement ne peut pas s'exécuter.
Le motif de cette décision est bien facile à saisir, c'est que, dans les ma-
tières civiles, le préjudice que peut causer l'exécution d'un jugement s'ana-
lyse, en définitive, en un intérêt pécuniaire; le préjudice que peut avoir causé
l'exécution à la partie condamnée en première instance, et qui triomphe en
appel, ce préjudice n'est qu'un préjudice d'argent qui peut être réparé. Au con-
traire, dans les matières pénales, le préjudice que causerait au prévenu
condamné l'exécution d'un jugement qui serait réformé sur l'appel, ce préju-
dice serait irréparable en définitive; huit jours, dix jours, un mois d'empri-
sonnement qu'il aurait pu subir en vertu du jugement de première instance
lui causeraient un tort qu'aucune indemnité pécuniaire ne pourrait réparer, et
pour lequel d'ailleurs aucune indemnité ne pourrait souvent lui être accordée.
727.. Rien de plus facile que cette règle, soit dans ses motifs, soit dans son
texte; ce qui nous importe maintenant, c'est d'en bien préciser l'étendue;
pour cela, il faut l'examiner dans différentes hypothèses, savoir : i^ dans le
cas de condamnation; 2<> dans le cas d'acquittement prononcé en première
instance.
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APPSL DBS JUGEMENTS CORRECTIONNELS (aRT. 203). 661
Sous une antre face, il faut Texaminer 1<> quant à la condamnation pénale ;
2^ quant aux réparations civiles adjugées dans l'hypothèse d'une condamna-
tion de première instance.
Enfin, sous un autre point de vue, il faat examiner cette règle de l'effet sus-
pensif, soit quant au délai d*appel de l'art. 203, soit aussi quant au délai
exceptionnel d'appel indiqué dans l'art. 205, que nous verrons tout à l'heure.
Nous avons donc à cet égard différents cas â parcourir; les uns ne font
que confirmer la règle, les autres renferment quelques exceptions à cette
règle.
728. Prenons d'abord l'hypothèse que le paragraphe 2 de l'art. 203 a eu
principalement en vue, celle de la condamnation du prévenu. Le prévenu a été
condamné par les premiers juges, et il est encore dans le délai d'appel. Il doit
être sursis, tant que dure le délai de l'appel, & l'exécution du jugemeint ; et il '
doit y être sursis, car le paragraphe 2 est général : i^ quant aux condamnations
pénales dont il a été frappé ; 2^* même quant aux réparations civiles auxquelles
il a été condamné envers la partie lésée.
Il doit y être sursis quant aux condamnations pénales. Ainsi, si avant le
. jugenaent, si pendant l'instruction, le prévenu était resté libre, s'il n*avait été
frappé d*aucun mandat de dépôt ni d'arrêt, il doit, après même qu'une con-
damnation en première instance à un emprisonnement plus ou moins iongauhi
été prononcée contre lui, il doit encore rester libre, nonobstant cette condam*
nation, dans le délai de dix jours indiqué par l'art. 203. Lui enlever; dans ces
dix jours, avant même qu'il ait appelé, lui enlever la liberté qu'il avait
jusque-là, ce serait exécuter un jugement de première instance pendant le
délai, d'appel, et l'art. 203 le défend.
De même, si le prévenu, quoique mis en état d'arrestation, avait cependant
obtenu la liberté provisoire sous caution, dans le cas et de la manière indiquée
par les art. il3 et suivants, de même, placé par cette ordonnance en état de
liberté provisoire, il devrait, nonobstant le jugement de condamnation inter-
venu, jouir encore de sa liberté' pendant toute la durée du délai d'appel.
Supposez, enfin, toujours dans le même cas, que le prévenu ait été mis en
arrestation dans la durée de l'instruction préalable, qu'il ait été, par le juge-.>
ment de première instance, condamné à un emprisonnement correctionneL
Alors encore le jugement ne devra point s'exécuter, tant que les dix jours de
l'appel seront ouverts ; c'est-à-dire que le prévenu devra restar dans la maison
d'arrêt où il était pendant l'instruction, et non pas être transféré dans la prison, '
dans la maison de forde proprement dite, en vertu du jugement de condamna-
tion. Nous en verrons d'ailleurs une raison plus décisive dans le paragraphe 1^'
de l'art. 207, qui est d'éviter des translations inutiles d'une maison d'arrêt,
dans une nouvelle maison d'arrêt. , .
Voilà donc en quel sens nous devons résoudre la première hypdthèso, celle
d'un emprisonnement prononcé contre le prévenu par un jugement de preimère
instance; il est possible d'exécuter ce jugement dans les dix jours accordés
pour appeler, soit que le prévenu fût en liberté parce qu'aucun mandat ne IV
vait atteint, soit qu'il y Mt parce qu'il avait obtenu sa mise en liberté provi*
soire, soit qu'il y fût sous le poids d'un mandat d'arrêt
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662 TRENTE-8BPT. LEÇON. — DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n* 729).
Il ne faut pas distinguer, à eet égard, entre le cas où le préTenn aurait ou
non acquiescé au jugement de condamnation. Supposez, par exemple, que le
prévenu frappé d'un emprisonnement correctionnel déclare, dans les dix jours
indiqués par Tart. 203, qu'il n'entend point interjeter appel, qu'il renonce i
toute pensée d'appel de ce jugement, peu importe. La loi n'admet point, en
matière pénale, cette renonciation anticipée au droit de la défense. Le prévenu
ne peut pas, même par un acquiescement formel, se dépouiller du bénéfice
du délai de dix jours que la loi lui donne pour interjeter appel. Voilà notre pre*
mier point.
Secondement, dans la même hypothèse de condamnation, nous devons
examiner, non plus comme tout à l'heure les condamnations pénales, mais de
plus les condamnations civiles, les indemnités pécuniaires adjugées par
le même jugement à la partie civile contre le prévenu. La partie civile
pourra-t-elle, attendu que dans Tespèce il ne s'agit que d'une question d'ar-
gent, pourra-t-elle, dans le délai de dix jours, et tant que le prévenu n'aura
pas interjeté d'appel, exécuter sur ses biens la condamnation prononcée
à son profit ? Ici sans doute on pourrait en douter ; comme il ne s'agit que
d'une question d'argent, on pourrait incliner à appliquer les principes suivis
en matière civile. Mais l'art. 203 ne distingue pas; il veut que tant que dure
le. délai d'appel, tant que durent les dix jours accordés par le paragra-
phe i^, toute exécution soit impossible, toute condamnation soit arrêtée ;
donc la partie civile ne pourra pas plus poursuivre, dans ces dix joues, le
payement des dommages-intérêts qu'elle a obtenus, que le ministère public
ne pourrait, dans ces dix jours, poursuivre l'emprisonnement prononcé contre
le prévenu.
Ainsi doit s'entendre l'application de notre paragraphe 2 au cas de condam-
nation du prévenu, soit qu'on envisage ce cas relativement aux condamna-
tions pénales, soit qu'on l'envisage de plus, relativement aux condamnations
civiles.
729. Voyons maintenant le cas d'acquittement. Le prévenu a été acquitté;
mais le jugement qui l'a acquitté est susceptible d*appel, et peut être attaqué,
dans les dix jours, soit par le ministère public, soit par la partie civile, chacua
eu ce qui le concerne. Relativement à la partie civile, il n'y a aucune ques-
tion, aucune hypothèse possible d'exécution ; relativement au ministère public,
il peut, au contraire, y en avoir. En effet, si le prévenu, avant le jugement qui
vient de l'acquitter, était en état de détention, s'il était sous le poids
d'un mandat de dépêt ou d'arrêt, devra-t-il, à raison du principe de l'effet
suspensif accordé au simple délai d'appel, garder prison jusqu'à l'expiration
des dix jours pendant lesquels le procureur de la République peut appeler?
Ici la question est tout inverse, ici ce n'est plus l'intérêt du prévenu qui peut
déterminer l'effet suspensif; au contraire, Teffet suspensif, si nous l'ad-
mettons, sera une garantie donnée à la société aux dépens du prévenu. C'est-
à-dire que, pour assurer mieux l'efficacité de l'action pénale, l'effet de l'appel
qui peut être interjeté contre le prévenu, le paragraphe 2 de l'art. 203 semble
conduire à cette conséquence que le prévenu acquitté n'en devra pas moins
garder prison pendant les dix jours qui sont ouverts au ministère public pour
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AFPBL DBS JUGEMENTS CORRECTIONNELS (aRT. 205). 663
interjeter appel. En effet, cette conséquence n'était pas doutense lors de la
rédaction primitiTe du CSode d'instruction criminelle ; elle était évidemment
dans l'esprit du législateur; je dis plus, elle était dans le texte primitif de
Tart. 206, qui maintenant a disparu du Gode. En jetant les yeux, dans vos
nouvelles éditions, sur Tancien texte de l'art. 206, vous verrez que le légis-
lateur, dans un but qui s'expliquera bientôt, annonçait, comme une faveur
pour le prévenu, que sa mise en liberté ordonnée par jugement, lui serait
accordée lorsqu'aucun appel n'aurait été motivé dans les dix jours de ce juge-
ment. Nous verrons, plus tard, en quoi il pouvait y avoir faveur et exception
pour le prévenu; mais toujours est-il que, dans le texte de l'art. 206 qui
reproduisait lé principe de l'art. 203, l'effet suspensif du délai d'appel s'ap-
pliquait aussi bien contre le prévenu que pour lui, en telle sorte que le pré-
venu, acquitté en premier ressort, ne pouvait obtenir sa liberté qu*après les
dix jours écoulés. Le nouvel art. 206 a modifié en faveur du prévenu la règle
de l'effet suspensif, et déclaré non pas que le prévenu acquitté en premier
ressort serait mis immédiatement en liberté, mais qu'il serait mis en liberté,
lorsque trois jours se seraient écoulés sans qu'aucun appel eût été déclaré,
art. 206. < La mise en liberté du prévenu acquitté ne pourra être suspendue
lorsqu'aucun appel n'aura été déclaré dans les trois jours de la prononciation
du jugement. « Ici donc on a inséré une véritable exception au texte du para-
graphe 4 de l'art. 203 ; on a essayé de concilier ensemble, par une sorte de
terme moyen, la garantie due à la société pour l'efficacité des condamnations
pénales qui pourront être prononcées en appel, on a, dis-je, essayé de con- '
cilier la nécessité de cette garantie avec l'intérêt du prévenu.
La chambre des députés était même allée plus loin; lorsqu'on 1832 on dis-
cuta le projet de révision de nos deux CSodes criminels, on proposait de substi-
tuer à l'art. 206 une disposition portant que le prévenu acquitté en police
correctionnelle serait mis aussitôt en liberté; sauf, bien entendu, au minis-
tère public son droit d'interjeter appel dans les déUiis ordinaires. Cette pro-
position fut repoussée par la chambre des pairs ; on pensa que c'était enlever
au droit d'appel toute son efficacité, que de permettre au prévenu de se sous-
traire, aussitôt après l'acquittement, par la fuite, à la condamnation qu'il
pourrait encourir sur l'appel ; de là ce terme moyen.
Voilà donc notre seconde hypothèse, celle de Tacquittement du prévenu,
voilà l'exception apportée par l'art. 206 à la règle de l'art. 203.
780. Heste maintenant une troisième question plus délicate, la dernière de
celles que j'ai annoncées ; cette question ne naîtrait pas, si le délai d'appel
était uniquement le délai de dix jours indiqué dans l'art. 203 ; mais l'art. 203
lui-même, en fixant à dix jours le délai général de l'appel, annonce qu'il
existe, à cet égard, une exception spéciale déterminée dans l'art. 205. Pre-
nons d'abord lecture de ce second texte.
a Art. 205. Le procureur général près la Cour devra notifier son recours, soit au
prévenu, soit à la personne civilement responsable du délit, dans les deux mois
à compter du jour de la prononciation du jugement, ou, si le jugement lui a été lé-
galement notifié par Tune des parties, dans le mois du jour de cette notification,
sinon il sera déchu. »
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664 TRENTK-SEPT. LBÇON, — 0BS TRIBUNAUX GORRECTIONNELS (N* 730).
En combiDant ensemble les art. 203 et 205^ il en résulte que le délai d'appel,
qui, en général, est de dix jours seulement, s'étend, au contraire, soit à deux
mois, soit au moins à un mois, selon la distinction de Fart. 205> à regard du
ministère public, non pas près du tribunal qui a jugé, mais près du tribunal
ou de la cour qui doit connaître de Fappel. Ainsi, supposez un jugement en
matière correctionnelle, une [condamnation correctionnelle prononcée par nn
tribunal de simple arrondissement ; l'appel est, en général, porté an tribunal
du chef-lieu du département. Alors le délai d'appel sera de dix jours : i^ pour
toutes les parties privées, soit la partie civile, soit le prévenu; 2» de dix jours
aussi pour le procureur de la République près le tribunal d'arrondissement,
près le tribunal qui a jugé. Au contraire, le procureur général aura pour délai
non pas seulement dix jours, mais tantôt un mois, tantôt deux mois, seLoa
la distinction établie dans l'art. 205.
Le motif de cette prolongation est fiicile à comprendre ; c'est que le procu-
reur général, n'étant averti de l'existenoe du jugement qu'à une époque assez
éloignée de celle ot il est rendu, ne pouvait pas être renfermé, quant à son
appel, dans un simple délai de dix jours.
Ainsi, le délai d'appel est de dix jours dans les quatre premiers. numéros de
l'art. 202 : il est, au contt'aire, d'un mois ou de deux mois dans le dermer
paragraphe du même article.
Gela posé, examinons une nouvelle question.
Un jugement correctionnel a été rendu en première instance, et nous avons
TU comment, dans les dix jours suivants, ce jugement ne pouvait pas ôtre
exécuté ; mais ces dix jours sont écoulés, s'ensuit-il qu*à partir du onzième
jour, on pourra exécuter le jugement? Supposez, par exemple, que dans le
jugeaient de première instance le prévenu, jusque-là en liberté, ait été con-
damné à un emprisonnement de quelques mois, pourra-t-on, le dixième jour
expiré, à l'instant même où le prévenu a perdu le droit d'appeler, pourra-t-on
procéder contre lui à Texécution de la condamnation ?
Ici encore nous pouvons subdiviser, comme déjà nous levons fait, et exa«
miner, tour à tour, ce qui touche à la condamnation civile dont il a pu être
frappé au profit de la partie plaignante, et la condamnation pénale, c'est-à-
dire Femprisonncment.
.Pour la condamnation civile U n'y a pas de question ; il est dair que les dix
jours accordés au prévenu pour interjeter appel de cette condamnation civile,
étant maintenant écoulés, cette condamnation a acquis entre lui et la partie
civile force de chose jugée ; il n'y a plus de fait, il n'y a plus d'événement
possible que puisse enlever à la partie civile le bénéfice de la condamnation
aux dommages-intérêts qui lui ont été adjugés. Donc, après ces dix jours, la
' partie civile pourra immédiatement, attendu que le prévenu condamné n'a
pas interjeté appel, procéder à l'exécution.
Mais pourra-t-on de même procéder contre lui à des poursuites tendant à
l'emprisonnement ? La raison de douter, c'est qu'en ce qui touche la condam-
nation pénale, le délai d'appel n'est pas expiré. Il est expiré sans doute à l'égard
du prévenu ; il est expiré de même à l'égard du procureur de la République
près du tribunal qui a jugé; mais, à l'égard du procureur général près de
la cour d'appel, le délai n'est pas expiré, car il reste encore ou quinze jours
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APPEL PBS iUGBMBNTS G0RREGTI0NNBL8 (aRT. 205). 665
et ploa, on môme six aernaines et plus à s'êconler jusqu'à Texpiration de ce
délai. Pourra-t-on donc, le délai d*appel existant encore, la possibilité d'an
appel pouvant se réaliser, procéder à l'exécution de la condamnation?
On peut invoquer, pour l'affirmative, le paragraphe 2 de Tart 203, car ce
n'est pas pendant tous les délais d'appel, c'est seulement, dira-t-on, pendant
le délai indiqué dans l'art. 203, c'est-à-dire pendant dix jours, qu'il doit être
sursis à l'exécution du jugement.
D'autre part, pour la négative, on pourra dire que le paragraphe 2 de l'arti-
cle 203 ne parle que du délai de dix jours, parce que c'est le seul délai qui Tût
encore déterminé pour l'appel, mais que ce paragraphe ne fait que reproduire
un principe général, absolu, principe d'après lequel, dans les matières pénales,
la possibilité du recours est par elle-même suspensive. On ajouterait que ce
principe est tellement capital, que même dans les voies extraordinaires, dans
le recours exceptionnel résultant du pourvoi en cassation, le seul fait que le
pourvoi est ouvert, quoique non encore formé, suffit pour suspendre l'exécu-
tion du jugement. On ajoutera enfin un argument plus direct tiré de l'ancien
texte de l'art. 206 dont il est bon de nous occuper maintenant L'art. 205 ve-
nait de déterminer, en faveur du ministère puUic, pour interjeter appel,
un délai supérieur à celui de dix jours; intervient l'ancien art. 206 dans
lequel le législateur s'exprime ainsi : < La mise en liberté du prévenu acquitté
ne pourra être suspendue, lorsqu'àucun appel n'aura été déclaré ou notifié
dans les dix jours de la prononciation du jugement, i Donc, c'est par une
exception spéciale au cas d'acquittement, c'est par une faveur toute particu-
lière à l'égard du prévenu acquitté que l'ancien art. 206 faisait fléchir, dans les
délais de l'art. 205, le principe général de l'effet suspensif. Donc, hors le 4:aB
d'acquittement, hors le cas d'exception que détermine l'art. 206, le principe
de l'effet suspensif reste le même sous l'empire de l'art. 205 comme sous
l'empire de l'art. 203 ; donc le jugement ne peut s'exécuter. C'est, je crois, i
ce point qu'il faudrait s'arrêter; il faudrait dire que, tant que dure le dâai >
d'appel au profit du ministère .public, en vertu de l'art. 205, la condamnation
n'est pas définitive, et, comme le ministère public a qualité non-seulement
pour interjeter appel a minima, mais aussi, comme nous l'avons vu, pour inter-
jeter appel AD MrriOREM, comme il est possible, tant qu'on est dans les deux
mois, que le ministère public interjette un appel en faveur du prévenu, il est
assez simple, dans ce cas, d'appliquer la règle générale de l'effet suspensif, de
laisser au prévenu sa liberté.
De môme, si le prévenu était en état de détention préalable après le juge-
ment, il serait raisonnable encore de le laisser, dans tout le cours de ce délai
de l'art. 205, dans la maison d'arrêt établie près du tribunal qui l'a jugé, au .
lieu de le transférer de suite en prison. Et qu'on n'objecte pas qu'il y a
là danger pour le prévenu; on pourrait dire, en effet, que plus tard commen*
cera l'exécution véritable, plus tard coBunencera à courir, en faveur du pré*
venu, le temps de l'emprisonnement auquel il a été coiMiatnné. Maie cette
objection n'est pas fondée, attendu que, d'après l'art. 24 du Gode pénal, la
durée de l'emprisonnement commencera à courir du jour même du jugement
qui l'a prononcé, encore qu'il y ait eu plus tard soit appel, soit pourvoi .
du ministère public. Ainsi, si l'on adoptait cette opinion, d'ailleurs contesta-
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TRENTB-SEPT. LEÇON. — DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n® 732).
ble, qui tendait à appliquer Fart. 203, § % au délai m6me indiqué dans l'art. 205,
cette opinion n'aurait rien de funeste au prévenu en état de détention préa-
lable, puisque la durée de son emprisonnement n*en courrait pas moin»
du jour du jugement ; c'est-à-dire qu'on lui compteraiti en déduction de son
temps de prison , la semaine ou le mois qu'il aurait pu passer dans la maisoD
d'arrêt.
731. « Art. 204. La requête contenant les moyens d'appel pourra être remise,
dans le môme délai, au môme greffe ; elle sera signée de l'appelant, ou d'un
avoué, ou de tout autre fondé de pouvoir spécial. — Dans ce dernier cas, le pou-
voir sera annexé à la requête. — Cette requête pourra aussi être remise -directe-
ment au greffe de la Cour. »
Remarquez bien^ sur Tart. 203, d'abord comment s'interjette l'appel. En
matière civile, c'est, vous le savez, par une assignation que donne l'appelant à
l'intimé ; en matière correctionnelle, il en est tout autrement : séparez donc
bien ces deux points. En matière pénale, au lieu d'interjeter appel par
une citation ou assignation, on l'interjette par une simple déclaration faite au
greffe du tribunal qui a rendu le jugement.
Quant à la requête dont parle l'art. 204, et qui peut, je dis peut et non pas
doit, et qui peut être déposée par l'appelant, soit au greffe du tribunal qui a
jugé, soit au greffe de la cour à laquelle appartient l'appel, cette requête n'est
pas un mode, une forme d'interjeter appel; cette requête est facultative de la
part de l'appelant : elle sert à développer ses moyens d'appel et à fournir att
juge-rapporteur les éléments du rapport qui, d'après l'art. 209, doit former
l'ouverture de la procédure d'appel. Ainsi la requête est purement facultative,
en ce sens que, quand une fois l'appel a été déclaré au greffe, c'est à l'appelant
à voir s'il lui convient, pour plus de sûreté, de faire déposer à l'un des greffes
indiqués une requête qui déclarera les juges; mais cette requête n'est pas
exigée à peine de déchéance de l'appel.
732. Les art. 205 et 206 se rapportent au délai exceptionnel accordé au
ministère public près les tribunaux supérieurs, ils ont déjà été expliqués. Je
passe à l'art. 207.
Lorsque la requête aura été remise, elle devra être transmise, dans les vingt-
quatre heures de l'appel interjeté, du greffe du tribunal qui a jugé au greffe
du tribunal compétent pour l'appel.
De même, s'il n'y a pas eu requête, le procureur de la République près du
tribunal qui a jugé transmettra, dans les vingt-quatre heures de l'appel inter-
jeté, au greffe du tribunal d'appel, la déclaration d'appel et les pièces de^
la procédure; et, comme dans les causes d'appel la procédure est publique
aussi bien qu'en première instance, comme le prévenu doit également y com-
paraître, y répondre, y débattre ses moyens, on ordonnera, d'après le paragra-
phe 2 de l'art. 207, sa translation d'une maison d'arrêt dans une autre.
Ce paragraphe 2 de l'art. 207 vient encore à l'appui de ce que je disais tout
à l'heure ; il fournit une raison de ne point exécuter la condamnation de pre-
mière instance pendant le délai d'appel del'arL 205. En effet, si vous exécutez,
après dix jours, la condamnation à l'emprisonnement, si vous transférez t»
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APPEL DBS JUGEMENTS GORRBCTIOUMBLS (aRT. 209). 667
condamné dans la prison, il tous faudra plus tard, Tappel intervenant de la
part du procureur général, ordonner une translation nouvelle de cette prison
dans la maison d'arrêt du tribunal supérieur : ce Bont des frais, des déplace-
ments, et enfin des chances d'évasion qu il faut éviter.
Les formes de la translation des prévenus comme des condamnés sont réglées
par le décret du 18 juin 1811.
733. L'art. 208 ne fait que répéter, pour les jugements par défaut rendus
en cause d'appel, les dispositions déjà vues dans les articles 187 et 188 ; les
règles de l'opposition sont les mômes, soit en cause d'appel, soit en première
instance.
734- « Art. 209. L'appel sera jugé à l'audience, dans le mois, sur le rapport
d'un conseiller. »
Ce rapport constitue la principale différence entre la procédure d'appel et la
procédure de première instance. Ce rapport, fait à l'ouverture même de Tau-
dience, constitue Télément, le point de départ des débats qui vont survre.
Je vous ferai remarquer que si, d'après l'art. 180, les juges en matière cor-
rectionnelle peuvent siéger au minimum de trois, cette règle ne s'applique
point à l'instruction sur l'appel ; le Gode est muet à cet égard ; mais l'art. 40
de la loi du 20 avril 1810 et l'art. 2 du décret du 6 juillet suivant yeulent
qu'en cause d'appel le tribunal de la cour soit composé de cinq juges au moins.
Ainsi, soit que l'appel fût porté à un tribunal civil, aux termes de l'ancien
art. 200, ce tribunal civil devait siéger au minimum de cinq juges ; soit que
l'appel soit porté à une cour, chambre des appels de police correctionnelle,
cette cour siège au môme nombre. Ce dernier point est bon à noter, car c'est
une exception à la règle générale, d'après laquelle le minimum de sept est
exigé pour toutes les séances des cours. En matière civile, les cours ne peuvent
statuer qu'à un minimum de sept juges : et cette règle est tellement positive,
que, lors môme que les besoins du service font porter des affaires civiles à la
chambre des appels de police correctionnelle, il faut alors que cette chambre,
quoique siégeant ordinairement à cinq juges, se constitue de manière à être
composée de sept juges, afin de se conformer à l'art. 27 de la loi du 27 ventôse
an VllI, loi organique sur l'ordre judiciaire (1).
735. L'art. 210 indique les formes de l'instruction, c'est-à-dire l'audition
du prévenu, l'audition de la partie civile, celle des témoins, les conclusions du
ministère public et la réponse du prévenu.
Les art. 211, 212, 213 et 214 ne sont que la répétition des textes qui ont
passé sous vos yeux. L'art. 211 est la reproduction de l'art. 189 ; puis dans les
art. 212, 213 et 214, on prévoit les cas de contravention, de délit, de crime, et
on indique la môme marche que celle de première instance.
(i) Il y a sur ce point un avis du conseil d'État du 18 janvier 1813. Cet avis, se
fondant sur la combinaison des art. 2 et il du décret du 6 juillet 1810, décidé que
les affaires civiles ainsi portées à la chambre des appels de police correctionnelle
pourront être jugées, sans acjyonction, par les cinq magistrats composant cett»
chambre. Voy. Toutefois Tord, du 24 septembre 1828.
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668 TRENTE-SEPT. LEÇON. — DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS (n* 731).
786. Dans* Fart. 215 se trouve une disposition facile aussi, mais plus remar-
quable. Lorsque, dans le jugement attaqué par Tappel, se trouvent des vices
de forme, des irrégularités entraînant la nullité du jugement, on pourrait croire,
au premier aspect, que le premier degré d'instruction se trouvant vicié, il y a
lieu, non pas à trancher le fond sur l'appel, mais à renvoyer l'affaire devant un
autre tribunal. La loi ne le veut pas ainsi ; et, pour ne pas compliquer de trop
de lenteurs Tlnstruction d'affaires ordinairement assez simples, elle veut que
la cour d'appel, en annulant, pour la forme, le jugement de première instance,
statue immédiatement quant au fond.
Cette idée, consacrée par Fart. 115, il faut la pousser plus loin : supposez
que le premier tribunal correctionnel se soit déclaré incompétent, appel de la
part de Tune des parties, par exemple de la partie civile ; si le tribunal ou la
cour d'appel reconnaissent que, mal à propos, les premiers juges se sont décla-
rés incompétents, devront-ils renvoyer l'affaire à de nouveaux juges de même
degré ? Non ; ils doivent retenir l'affaire et juger le fond. Ici on sautera par-
dessus le premier degré, pour plus de célérité, et la mission des juges d^appel
est de statuer sur l'appel, et non pas d'indiquer aux parties des juges qui n'ont
plus qualité pour les juger. On ne peut ni les renvoyer devant le premier tri-
bunal ni les renvoyer devant d'autres juges de môme degré; eux-mêmes
seraient incompétents.
737. « Art, 216. La partie civile, le prévenu, la partie publique» les per-*
sonnes civilement responsables du délit, pourront se pourvoir en cassation contres
l'arrôt. »
Les formes auxquelles sont soumis ces pourvois sont déterminées dans les
art. 427 et suivants.
Quant au délai du pourvoi de cassation, il n'est pas plus réglé pour les
matières correctionnelles que pour celles de police ; j'entends qu'il n'est pas
réglé par un article formel, mais on y applique sans hésiter, dans le silence de
la loi, la disposition de l'art. 373; cet article, quoique situé sous la rubrique
des cours d'assises et se référant à des matières criminelles, étant le seul
dans le Gode qui détermine le délai général pour le pourvoi en cassation, a
paru seul applicable aux matières de police et aux matières de police correc-
tionnelle ; le délai de pourvoi sera donc, dans tous les cas, un délai de trois
jours francs.
Ici se termine Tinstruction de ces affaires assez simples, relatives, soit aux
contraventions, soit aux délits ; des tribunaux de police correctionnelle nous
avons maintenant à passer aux cours d'assises.
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FOHMB DX LA MISB £N ACCUSATION ( ART. 217). 669
TITRE DEUXIÈME
DES AFFAIRES QUI DOIVENT ÊTRE SOUMISES AU JURY.
738. Uordre de nos matières d'examen, si nous devions le suivre tout à fait
à tt" lettre, nous amènerait à l'explication des art. 310 et suivants. Ces articles
sont relatifs à l'examen public^ aux débats de l'audience qui ont lieu devant
les cours d'assises ; mais vous savez qu'avant d'arriver ainsi des tribunaux de
police correctionnelle aux cours d^assises, avant d'entrer dans l'étude des
règles relatives aux débats devant ces cours^ quelques notions préliminaires
sont absolument nécessaires. Elles le sont parce que le temps ne nous permet
' pas d'étudier analytiquement et par articles la longue série de textes qui nous
séparent encore de l'art. 310; il nous faut donc^en peu de mots, nous appliquer
d'abord à combler cette lacune, à remplir cet intervalle qui sépare les fonctions
premières, l'instruction préparatoire de la police judiciaire, que nous avons
étudiées au premier livre, avec l'ouverture des débats criminels qui font l'ob-
jet des art. 310 et suivants. Secondement, il nous faut également donner quel-
ques notions générales, d'une part, sur la composition des cours d'assises
proprement dites, d'autre part, sur la formation du jury, en opposant la cour
d'assises au jury, quoique le jury, réuni aux conseillers, forme, à proprement
parler, la cour d'assises.
Ainsi deux choses à examiner : !<> que se passe- t-il depuis le point où nous
avons laissé l'instruction préparatoire, dans les art. 127 et suivants, jusqu'au
point où l'affaire criminelle est prise, est réglée par les art. 310 et suivants?
2o comment s'organise, se compose le jury, comment se composent les cours
d'assises appelées à surveiller ses opérations ? Nous allons consacrer au pre-
mier de ces deux points les derniers moments de cette leçon.
CHAPITRE PREMIER
DES MISES EN ACCUSATION.
789. En ce qui touche l'instruction préparatoire, nous avons vu que, pour
les affaires de police simple et les alKûreiB correctionnelles, il n'était pas, en
général, dans le vœu, dans la pensée de la loi que ces affaires fassent précédées
des opérations de police judiciaire détaillées dans le premier livre. Il est non
pas nécessaire, mais il est à désirer qu'en général les affaires non-seulement
de police simple, mais même, autant que possible, de police correctionnelle,
soient déférées aux tribunaux compétents sur ime simple citation, en vertu
de l'art. 182, et non pas par xm jugement de renvoi qui suppose une instruc-
tion préalable. Pourquoi cela? C'est que, d'une part, le jugement de ces
affaires est, dans la plupart des cas, d'une assez grande simplicité ; c'est qu'il
est fort rare qu'elles présentent une obscurité de telle nature qu'une instruc-
tion préalable soit nécessaire. En second lieu, c'est que, dans la grande majo-
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670 TRENTB-SKPT. LEÇON. — DES CHAMBRES D*ACCUBATION (n* 740).
rite des cas, la pénalité encourae dans les matières de police môme correc-
tionnelle est d^une nature si peu grave, que Tinstraction préparatoire, lorsque
surtout elle frappe au provisoire le prévenu d'une détention , aggraverait
beaucoup sa position ; c'est qu'une instruction préalable qui retiendrait pen-
dant un mois, deux mois, en état de détention un prévenu qui, en définitive,
ne serait condamné qu'à quelques semaines d'emprisonnement, aurait tout à
fait manqué le but de la loi. Il en est tout autrement dans les matières oclmi**
nelles auxquelles nous arrivons maintenant; plusieurs motifs peuvent en être
assignés.
D'abord, la gravité de la plupart des condamnations que les cours d'assises
sont appelées à prononcer, la longueur du temps pendant lequel sont infligées
même les peines temporaires les plus légères, puisque le minimum est toujours
de cinq ans et que le maximum, ordinairement de vingt ans, est souvent illi*
mité ; cela rend fort léger et presque insignifiant l'inconvénient, réel d'ailleurs,
d'une détention préalable qui se prolonge pendant l'instruction.
En second lieu, la plupart de ces affaires sont difficiles; des recherches, des
informations, des opérations, des auditions de témoins, des visites domiciliûres
et mille autres opérations préalables sont absolument nécessaires à la recher-
che de la vérité. Arriver brusquement et de plein saut dans les débats, ce
serait s'exposer, dans la plupart des cas, à n'acquérir sur l'affaire aucune con-
viction sérieuse et solide.
Enfin il faut songer aussi, dans l'intérêt môme des prévenus, que la publicité
des débats criminels, la solennité dont la loi les entoure est si grande, que
c'est déjà une peine grave, une flétrissure pour un homme d'y être soumis,
quand môme il en sortirait un arrêt d'acquittement. La procédure criminelle^
telle qu'elle a lieu devant les cours d'assises, peut bien se terminer par on
acquittement, mais elle renvoie rarement à l'abri de tout soupçon le prévenu
qu'elle décharge de toute espèce de pénalité. De là nécessité de ne pas soumet-
tre légèrement un prévenu à des débats de cette nature, nécessité de ne l'y tra-
duire que quand il y a, je ne dirai pas preuve acquise, mais déjà probabilité
bien puissante contre son innocence pour sa culpabilité.
Aussi, partout où cette distinction des matières correctionnelles ou de péna-
lités légères avec les matières criminelles ou des pénalités plus graves a été
admise, et surtout partout où l'on a consacré le principe de la procédure par
jurés et de la publicité des débats, on a pris soin de faire précéder l'ouverture
de ces débats d'une espèce de jugement préalable qui élevât déjà un préjugé
grave pour la culpabilité de celui qu'on y aoumet.
740. A cet égard, il est bon de nous reporter en arrière, et de voir quels ont
été les différents systèmes de mise en accusation depuis le Gode criminel de
1791 jusqu'à nos jours. Il faut môme dire, en quelques mots, à quelle source
avait été puisé le système de 1791 et de l'an IV.
Vous savez que le Ck)de criminel du 29 septembre 1791 avait puisé dans les
exemples de l'Angleterre et des États*Unis la procédure par jurés, qu'il l'a
transportée plus ou moins fidèlement dans les institutions judiciaires de la
France. Il faut donc, pour bien comprendre la marche de la législation à cet
égard, et aussi pour vous mettre au fait de certaines idées qui jouent main-
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^ FOHMB DB LA MI8B EN ACCUSATION (aRT. 2t7). 671
tenant un très-grand rôle dans les controverses relatives an jugement par
jurés; il faut donc nous reporter un instant au point de départ, et voir quelle
est, en cette matière, Tinstitution anglaise, bien on mal reproduite ou modifiée
en France.
En Angleterre, les fonctions de la police judiciaire, ces fonctions prélimi-
naires, indispensables, dont nous avons tracé le tableau en étudiant le premier
JUvre, sont confiées à divers offîciers. Ainsi les shérifs, les hauts et petits con-
stables, les Juges de paix, les coroners, exercent la plupart des attributions de
la police judiciaire. v
Rechercher la trace des délits ou des crimes, en dresser des procès- verbaux,
faire arrêter les prévenus, entendre les témoins : telles sont, dans tous les
temps et dans tous les pays, les fonctions à peu près inévitables de la police
judiciaire. Lorsque, chez nous, ces actes sont presque toujours exercés d'office
à la requête des officiers du ministère public, ils le sont bien plus en Angle-
terre à la requête de la partie lésée, parce que la procédure anglaise n'admet
que par exception et dans certains cas déterminés, l'action de la partie publi-
que; la poursuite est confiée très-souvent, comme elle Tétait à Rome, à la
partie lésée.
Ces diverses recherches une fois faites, l'instruction une fois terminée, le
prévenu, atteint déjà de soupçons assez graves, doit, avant d'être soumis au
jugement des assises, avant d'être soumis aux débats publics et définitifs, le
prévenu doit être mis en accusation. L'accusation ne peut être prononcée que
par le grand jury ou jury d'accusation. Ge jury se compose tantôt de douze
jurés, tantôt de plus, jusqu'au nombre de vingt-trois. Mais, dans tous les cas,
quel qu'en soit le nombre, la mise en accusation ne peut être prononcée que
par douze voix; c'est-à-dire que, si le jury d'accusation se compose de douze
jurés, l'unanimité est nécessaire; s'il se compose de treize ou d'un plus grand
nombre, elle ne l'est plus.
Le jury d'accusation est composé à peu près librement au choix et sans tirage
au sort par le shérif, espèce de magistrat judiciaire du comté, choisi par les
principaux propriétaires de son comté ; la partie lésée, assistée de ses témoins,
se pr^enteen personne devant le jury d'accusation ; le prévenu n'y paraît pas,
l'audience n'est pas publique* La partie plaignante expose les circonstances du
crime; elle fait entendre à l'appui les témoins ; elle dépose toutes les preuves,
tous les procès- verbaux, toutes les pièces de conviction qui peuvent éclairer le
jury. Si, par le résultat de ces débats, le jury se trouve convaincu, il déclare,
au bas de l'acte d'accusation présenté par la partie civile, qu'il y a lieu à accu-
sation; en d'autres termes, que le bill est prouvé. Si, au contraire, e jury
n'est pas convaincu, si douze voix ne se trouvent pas pour prononcer l'accusa-
tion, il déclare que le bill n'est pas prouvé, que l'accusation n'est pas démon-
trée fondée. Dans ce dernier cas, la décision est définitive en faveur du prévenu.
Dans l'autre cas, les débats devant les assises ou devant le petit jury ou jury
de jugement commencent immédiatement. En effet, on a soin, dans l'usage,
de convoqpier simultanément le grand jury ou jury d'accusation, et ensuite
le petit jury ou jury de jugement.
Tel fut le système que trouvèrent établi les législateurs de 1791, lorsqu'ils
se décidèrent à consacrer, dans les institutions françaises, la procédure par
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672 TRENTE-SEPT. LEÇON. — DBS CHAMBRES D ACCUSATION (n* 740).
joréB, non-seulement pour le jugement, comme cela existe aujourd'hui parmi
nous, mais aussi pour Taccusation. Alors les fonctions de la police judiciaire
furent confiées, soit aux juges de paix, soit aux officiers de gendarmerie.
L'instruction préalable était transmise à un membre du tribunal de district
investi temporairement du titre de directeur de jury d'accusation.
Ainsi, dès cette époque, au lieu d'attribuer, comme on le fait en Angleterre,
la poursuite et la rédaction de l'acte d'accusation à la partie même qui vient se
plaindre du crime, on suivit l'ancienne idée française; on préféra confier cette
poursuite et la rédaction de cet acte à des magistrats spéciaux institués à cet
Le directeur du jury d'accusation, sur ie vu de la procédure, décidait s'il y
avait lieu que ie prévenu fût traduit en accusation ; et quand il avait ainsi
décidé, le jury d'accusation, composé de huit jurés, était convoqué pour enten-
dre le directeur du jury, prendre connaissance de l'acte d'accusation, et enten-
dre verbalement lés dépositions des .témoins produits par l'accusation. Si,
alors, le jury d'accusation, votant à la simple majorité, trouvait l'accusation
fondée, il ordonnait le renvoi du prévenu devant le jury de jugement. Si, au
contraire, une majorité ne se trouvait pas, si cinq voix ne se prononçaient pas
pour la mise en accusation, la décision rendue ainsi en faveur du prévenu était
souveraine, inattaquable; souveraine, sauf cependant le pourvoi en cassation,
en cas de violations des formes prescrites à peine de nullité.
Vous voyez quelles étaient la procédure et la mission du jury d'accusation,
emprunté, sauf des différences de formes assez légères, au système du jury
.anglais. Débats sans publicité, ou plutôt audition de toutes les charges de l'ac-
cusation sans la comparution dii prévenu, sans la connaissance de ses moyens
de défense; décision définitive en sa faveur, lorsqu'il n'y avait pas majorité
pour l'accusation et que la décision était régulière en la forme ; décision con-
tre lui rendue à la majorité simple, tendant au renvoi devfluat le jury de juge-
ment.
Le Gode du 3 brumaire an IV ne fit guère que reproduire ce système avec
de légères variations.
Une loi déjà citée, du 7 pluviôse an IX, tout en conservant nommément
le jury d'accusation, introduisit de graves changements dans la mani&re de
procéder* Ainsi, les fonctions du directeur du jury d'accusation, qui était juge
proprement dit, menoboe id'un tribunal civil, ces fonctions furent confiées, au
moins en très*grande partie^ à des substituts des commissaires du gouverne-
ment, en d'autres termes, à des substituts de ce qu'en a appelé depuis des pro-
cureurs généraux. Ce fat.donc à des officiers du. ministère public qu'appar-
tmrent, depuis Tan IX, pour une bonne portion, les attcîbations des directeurs
du jury.
Un changement plus important consistait à refuser au jury d'accusation le
droit d'entendre les témoins^ et à décider que le jury, d'aocusation jugerait sur
le vu de la procédure écrite seulement. Or, faire disparaître du jury d'accusa-
tion la procédure verbale, la procédure orale qui esc de l'essence du jugement
parjurés, c'était porter à l'institution des jurys d'accusation un coup qui devait
bientôt en entraîner complètement la ruine. Aussi, lorsque dans le commen-
cement de la discussion de notre Ck)de on se posa ces questions générales que
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FORMB Ni LA M18B EN ACCUSATION (aKT. 217). 673
nous avons traitées dans la première leçon sur le Gode pénal : Y anra-t-il des
jurys ? et spécialement y aura-t-il des jurys d'accusation et des Jurys de juge-
ment ? lorsque, après de longs débats, l'opinion des partisans du jury prévalut,
elle ne prévalut que sur le deuxième point, et les jurys d'accusation furent
supprimés. Sous ce rapport, la loi du 20 avril 1810 et le Gode d'instruction
criminelle ont introduit un nouveau système, celui qui maintenant est en
pleine vigueur; le voici en peu de mots.
Lorsque les opérations préalables de la police judiciaire, détaillées dans le
premier livre, ont été déterminées, lorsqu'on conséquence le juge d'instruction,
aux termes de l'art. 133, a frappé le prévenu d'une ordonnance de mise en
prévention, la procédure entière doit être renvoyée immédiatement par le pro-
cureur de la République au procureur général de la cour du ressort. Dans les
dix jours de la réception de ces pièces, le procureur général doit faire, par lui
ou par ses substituts, rapport de cette procédure, rapport de l'afifaire crimi-
nelle à la chambre des mises en accusation, qui est, vous le savez, instituée
dans toutes les cours. Gette chambre entend le rapport du procureur général ;
elle prend lecture de toutes les pièces, de toute la procédure écrite ; elle n'en-
tend ni le prévenu, ni la partie plaignante, ni les témoins de l'un ou de l'autre ;
elle délibère et statue à huis clos. Seulement l'art. 217, § 2, réserve au prévenu
et à la partie civile la faculté de faire remettre à la cour tels mémoires qu^ils
jugeront convenables.
Si, sur l'examen de la procédure écrite, la cour trouve charges suffisantes
d'un fait qualifié crime, elle ordonne la mise en accusation, elle renvoie le
prévenu devant la cour d*a6 sises compétente. En conséquence de cet arrêt, le
prévenu, qui jusque-là a dû rester dans la maison d'arrêt du tribunal de pre-
mière instance, doit être immédiatement transporté dans la maison de justice
établie près la cour d'assises compétente. J'ai déjà distingué les maisons d'ar-
rêt, les maisons de justice et les prisons.
L'arrêt de mise en accusation oblige le procureur général à dresser immé-
diatement, en vertu de cet arrêt, un acte d'accusation ; et il est absolument
interdit au procureur général de poursuivre, devant une cour d'assises, à peine
de dommages-intérêts et de prise à partie, une personne contre laquelle un
arrêt de mise en accusation n'aurait pas été décerné.
Dans le cas contraire, c'est-à-dire si la cour ne trouve pas dans l'instruction
écrite des charges suffisantes, elle ordonne la mise en liberté du prévenu.
Mais cet arrêt, en faveur du prévenu, n'a rien de définitif ; il n'empêche pas de
reprendre, plus tard, contre lui, une nouvelle instruction et de nouvelles pour-
suites. Les art. 246 et 247 déclarent que le prévenu, à l'égard duquel la cour a
reconnu qu'il n'y avait lieu à suivre, ne pourrait être poursuivi, plus tard,
qu'en vertu de charges nouvelles. Mais l'art. 247 permet de reprendre fort
aisément les poursuites contre le prévenu mis en liberté en vertu de ce pre-
mier arrêt.
Ainsi, de deux choses l'une ; ou la cour renverra le prévenu qui sera mis
en liberté, sauf poursuites nouvelles dans les dix ans, à raison de charges nou-
velles. Ou bien, dans le cas contraire, elle ordonnera son renvoi dans une
autre maison de détention pour être jugé à la prochaine cour d'assises.
Enfin, il y a la rédaction de l'acte d'accusation.
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674 TBENTB-HUIT. LEÇON. — DBS COURS d' ASSISES (n* 742),
Nous ne noas arrêterons pas aux premiers points de ces notions préliminai-
res ; nous voulons particulièrement nous occuper de la formation des cours
d'assises et du jury.
TRENTE-HUITIÈME LEÇON.
CHAPITRE II
DE LA FORMATION DES COURS D* ASSISES.
741. Nous avons à parler aujourd'hui de la composition» de Torganisation
des cours d'assises, soit en ce qui touche les cours proprement dites, c'est-à-
dire les magistrats appelés à y siéger, soit en ce qui touche les jurés qui for-
ment aussi partie intégrante, partie véritable des cours d'assises. Toutefois,
vous savez qu'avant d'entrer dans l'examen des diverses règles qui ont été
suivies à cet égard depuis 1791, nous devons, non pas remonter à l'origine
ancienne, à l'origine historique du jury, question fort débattue, mais assez
peu importante, soit en pratique, soit môme dans la théorie ; la seule excur-
sion que nous devions faire à cet égard en dehors du droit positif concerne
le jury anglais, sur lequel en matière de jury de jugement, et plus encore en
matière de jury d'accusation, étaient calquées, dans l'origine, les institu-
tions admises en France lors de 1791.
742. Pour bien comprendre à cet égard la division des pouvoirs et l'orga-
nisation des cours d'assises, du jury en Angleterre, il faut partir, comme
nous le ferions en France, de la division du territoire sous le rapport de
l'organisation judiciaire. Or, sous le rapport judiciaire, comme en général sous
le rapport administratif, l'Angleterre proprement dite, distraction faite non-
seulement de l'Ecosse et de l'Irlande, mais môme du pays de Galles, se divise
en quarante comtés. Dans chacun de ces comtés sont tenues, de la manière
et à l'époque qui seront indiquées plus tard, des assises.
Ces comtés sont répartis eux-mêmes en six grandes fractions ou circuits. On
appelle circuit un certain nombre de comtés. Ge nom vient de ce que reten-
due du territoire, les divers comtés, agglomérés entre eux pour former un cir-
cuit, sont parcourus périodiquement par les juges chargés de tenir les as-
sises.
D*autre part, à Londres, siègent, outre un assez grand nombre de juridic-
tions dont nous n'avons pas à parler, trois grandes cours à chacune desquel-
les appartiennent des attributions qui, bien que se confondant quelquefois
dans la pratique, sont cependant séparées en théorie ; ce sont : 1* la cour du
banc de la reine, plus spécialement appelée à connaître des affaires criminel-
les ; 2^ la cour des plaids communs, plus spécialement occupée des affaires
civiles; 3^ enfin la cour de l'échiquier, plus spécialement appelée à juger des
questions qui intéressent le fisc et des questions administratives.
Ainsi, telles sont, non pas, à beaucoup près, les seules juridictions de l'An-
gleterre ou de Londres, mais' telles sont les trois grandes cours, les trois hautes
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DB LA FORMATION DES COURS d'aSSISSS (aRT. 251). 675
juridictions, les trois seuls corps judiciaires dont nous ayons à nous occuper
en traitant seulement du jury.
Ge sont là, dis-je^ trois grandes cours, non pas par le nombre de leurs
membres, comme nous le verrons bientôt, mais par Timportance de leurs
attributions, et par la position éminente, soit quant au savoir, soit quant à
l'autorité, des membres qui sont appelés à siéger.
Je dis que la grandeur, que Timportance de ces trois cours ne tient point
au nombre de leurs membres; chacune d'elles, en effet, se compose seule-
ment de quatre membres, trois juges et un président. Ainsi les trois cours
que j'ai indiquées renferment neuf juges et trois présidents, en tout douze
membres seulement.
A ces douze membres des trois grandes cours d'Angleterre appartient la
mission de tenir les assises dans les quarante comtés répartis en six circuits.
A cet égard, à deux époques de Tannée, deux juges spécialement commis-
sionnés à cet effet se rendent dans chaque circuit, l'un pour Tadministration
de la justice civile, l'autre pour Tadministration de la justice criminelle; c'est
seulement des opérations du dernier que nous avons à nous occuper.
Chaque circuit est parcouru, deux fois par an, par deux juges de l'une
des trois cours de Londres, dont l'un a pour mission spéciale d'aller tenir les
assises dans chacun des comtés du circuit oii il est envoyé, d'aller tenir les
assises pour les matières criminelles.
Les douze juges d'Angleterre sont nommés par la couronne, et la petitesse
de leur nombre permet, d'une part, de ne faire porter ces choix que sur les
jurisconsultes les plus connus, les plus éminents du pays ; en second lieu,
d'entourer leurs fonctions d'un éclat, d'une importance, qui dépassent de bien
loin tout l'éclat qui peut entourer les juridictions françaises les plus élevées.
Au jour indiqué dans chaque ville pour la tenue des assises, au jour désigné,
connu d'avance par la commission même qui a envoyé le juge dans le circuit,
se trouvent réunis, dans la ville où doivent s'ouvrir les assises : 1* les jurys
d'accusation; 2« les jurys de jugement; 3<^ les témoins; 4* les prévenus;
5^ enfin tous les officiers qui doivent assister le juge dans les opérations de
la cour.
Pour le jury d'accusation, nous n'avons plus à en parler ; il opère sans l'as-
sistance et hors la présence du juge ; il opère sous la présidence d'un de ses
membres; mais les débats devant le petit jury ou le jury de jugement s'ou-
vrent immédiatement après la décision du jury d'accusation. Le point sur le-
quel nous devons maintenant nous fixer, est donc la composition de ces petits
jurys, de ces jurys de jugement appelés à composer la cour d'assises avec le
juge qui parcourt le circuit.
La liste des petits jurys est formée pour chaque comté séparément par le
shérif, ou du moins elle l'est en son nom et sous sa responsabilité. Le shérif
est, dans chaque comté, le premier magistrat, soit judiciaire, soit adminis-
tratif. L'origine de cette magistrature est fort ancienne, et il parait que pri-
mitivement les shérifs étaient, dans chaque comté, élus par les habitants. Plus
tard, cet usage a cessé, au moins presque partout, et maintenant les shérifs
sont nommés directement par la couronne, sur la présentation qui en est
fiaite parles douze grands juges.
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676 TRBNTIhHUÏT. LEÇON. — DB8 COUBS d'aSSISES (n® 74^).
Ainsi, voilà la première idée que vous devez prendre de ce magistrat qui
joue, comme nous Talions bientôt voir, un rôle fort important dans la com-
position du jury anglais. Nommé maintenant par la couronne, sur la présen-
tation des douze grands juges, ajoutez-y cependant que le shérif de chaque
comté doit appartenir & ce comté, doit y posséder une fortune immobilière
d'une valeur assez grande pour servir de garantie à son administration.
Ajoutez-y que les fonctions de shérifs sont purement annuelles, purement
gratuites, et qu'enfin leurs fonctions expirées, ils ne sont rééligibles qu'après
trois ans d'intervalle.
U est bon de noter tous ces points, de bien déterminer le caractère de cette
magistrature à laquelle appartient en grande partie le choix des jurés. Nous
aurons à voir plus tard si les comparaisons que l'on a cherché à établir chez
nous correspondent bien au point de départ qu'on a voulu d'abord adopter.
A une époque déterminée de l'année, chaque petit constable ou magistrat
de paroisse, magistrat de localité, doit dresser, pour sa paroisse, la liste de
tous les habitants capables de remplir les fonctions de jurés. Les conditions à
cet égard sont fort simples : il suffit d'avoir, d'une part, plus de vingt et un
ans et moins de soixante-dix; de plus, de jouir d'un revenu supérieur à dix
livres sterling. Dans certaines localités, il suffit d'ôtre locataire d'une maison
entière en son nom^ et de posséder, en outre, une fortune mobilière ou immo-
bilière constituant cent livres de capital dans certaines villes comme à Lon-
dres, et quarante livres dans les localités moins importantes. En un mot,
l'âge de vingt et un ans à soixante-dix et un taux de fortune peu élevé : telles
sont les deux conditions requises pOur être porté sur cette liste primitive, sur
cette liste générale du jury.
Une fois composée, ou du moins une fois complétée, rectifiée, car on se
borne à revoir chaque année le travail ou la liste de Tannée précédente, une
fois complétée, rectifiée par les additions, et les retranchements que le temps
a nécessités, une fois composée, elle est affichée à la porte de Tégïise du lieu,,
remise aux maios d'un officier du lieu, par exemple au sacristain de l'église
dans la plupart des paroisses, avec obligation de la communiquer gratuitement
à toute personne. Cette affiche, cette communication forcée, imitée plus tard
chez nous, ont pour objet, vous le voyez, de permettre à toute personne omise
d'y faire insérer son nom ou de permettre à toute personne de contester l'in-
sertion d'un nom indu. Cette affiche et ce dépôt se prolongent pendant vingt
jours, délai destiné à admettre et à régler les réclamations.
Ces vingt jours expirés, on adresse de chaque paroisse au shérif du comté
ces listes particulières ; et ces listes particulières, revues par lui ou en son
nom et réunies Tune avec Tautre, composent la liste générale des jurés pour
Tannée qui suivra, composent la liste générale des jurés du comté, car les
listes des jurés sont faites pour chaque comté, et non pas, bien entendu, par
circuit.
Le shérif une fois muni de ces listes est averti, lors de Touverture des
assises, de Tépoque à laquelle il deviendra nécessaire d'extraire de cette liste
générale une liste particulière ou liste de service. En d'autres termes, cette
liste générale de toutes les aptitudes n*est pas la liste d'oiîi l'on extraira, pour
le besoin de chaque affaire, le nombre de jurés destinés à siéger. Entre la liste
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DE LA FORMATION DBS G0VR8 d'aSSIBES (aRT. 251). 677
générale, ainai remise aaz mains du shérif, et la liste particalière, qui devra
être formée pour chaque affaire, il y a une liste intermédiaire sur laquelle il
est hon de s'arrêter. C'est une liste qu'on nommerait chez nous liste de sei^
▼ice, liste qui, en Angleterre, varie de quarante-huit à soixante- douze noms.
Ainsi, peu avant Tépoque de l'ouverture des assises, le shérif est chargé
d'extraire de la liste générale une certaine quantité de noms, parmi lesquels
on extraira ensuite, au sein même de la cour d'assises, les noms des Jurés
destinés à juger dans chaque affaire.
Celte liste de service de quarante-huit ou de soixante-douze noms n'est pas
extraite par la voie du sort de la liste générale. Je ne sais si primitivement il
était d'usage de recourir au sort, toujours est-il qu'en fait, dans l'état pré-
sent, c'est le shérif qui choisit directement sur la liste générale les quarante-
huit noms qui, dans l'usage, sont adressés par lui à la cour d'assises pour le
service de la session.
Ce mode, blâmé par quelques-uns, a été défendu par le plus grand nombre.
Ce qu'on peut dire en faveur du sort, c'est sa complète impartialité. D'autre
part, on' répond que le sort destiné à extraire d'une liste générale une liste
particulière, que le sort est un électeur qui n'est impartial que parce qu'il est
absolument aveugle ; en telle sorte que,^ si dans la liste générale se trouve une
majorité soit incapable, soit prévenue, il y a tout à parier que le sort amènera
le même vice, la même majorité dans la liste particalière. Première raison
pour interdire au sort l'extraction de liste particulière sur la liste générale.
On allègue, en second lieu, pour justiBer ce droit si grave, si important,
mis aux mains du shérif, on allègue que le shérif, par sa position, par le peu
de durée de ses fonctions, parce qu'elles sont gratuites, parce qu'enfin il n'est
pas rééligîble ; on allègue, dis-je, que le shérif est dans la position la plus
indépendante, et probablement la plus impartiale ; qu'en [conséquence, il n'y
a que peu ou point de danger à lui permettre, non pas de désigner sur la liste
générale les jurés qui siégeront pour chaque affaire déterminée, mais de dési-
gner les quarante-huit ou les soixante-douze jurés entre lesquels le sort dési-
gnera lui-même plus tard les douze qui seront appelés à juger.
On pourrait ajouter une* raison plus décisive encore, c'est que, s'il peut y
avoir, en pratique, quelques .inconvénients, rares d'ailleurs, à confier à un
homme, à un magistrat même d'une position indépendante, une action aussi
directe sur le choix, sur la nomination des jurési ces inconvénients se trou-
vent atténués, amortis, rendus presque insensibles en Angleterre par l'extrême
facilité des récusations, dont nous allons parler tout à l'heure. En effet, en
ouvrant à l'accusé la plus grande latitude pour récuser les jurés, on rend par
là même à peu près impossible, en pratique, tout choix fait à l'avance, dans
un esprit de faveur comme dans un esprit d'animosité.
Supposons maintenant la cour d'assises constituée, les quarante-huit noms
ainsi adressés, par le shérif, au magistrat chargé de présider la cour, sur cette
liste de quarante-huit noms on va en extraire douze seulement, les noms des
douze jurés appelés à statuer dans l'affaire. Il parait que tout récemment
encore, nonobstant d'anciennes règles que l'usage avait abolies, ces douze
noms pris parmi les quarante-huit ne l'étaient pas par la voie du sort, mais à
la volonté du greffier. £1 parait que le greffier de la cour, sans que d'ailleurs
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678 TRENTE-HUIT. LEÇON. — DBS COURS d'aSSISBS (n* 74Î).
personne réclamât contre cet osage, tirait à peu près au hasard, désignait à
sa volonté et sans solennité aucune, les douze Jurés qui devaient constituer le
jury de jugement. Un acte du 22 juin 1825, qui a modifié dans des points
fort importants la législation en cette matière, a exigé, dans son paragraphe 26,
que sur la liste des quarante-huit on tir&t par la voie du sort les douze jurés
de jugement.
Voilà donc nos trois listes formées : liste générale dressée par les petits
constables, remise dans la main du shérif et formant simplement la liste des
aptitudes ; liste particulière ou de service dressée pour la session par le shérif
pour la cour d'assises, et extraite de la liste générale par le choix tout à fait
libre du shérif; enfin la liste de douze jurés, liste extraite à l'audience par la
voie du sort de la liste de service.
Cette liste des douze jurés une fois formée, commence cette faculté de ré-
cusation qui, ainsi que je Tannonçais, rend à peu près impossible, dans la prar
tique, tout concert frauduleux, tout choix de collusion, soit par Paccusé, soit
contre lui. En effet, les douze noms une fois extraits sont lus à Taccusé, qui
d'ailleurs a été averti d'avance, par une notification personnelle, des quarante-
huit noms portés sur la liste de service ; il est sommé de déclarer s'il les
accepte pour juges, ou si, au contraire, il entend les récuser.
On distingue à cet égard deux classes de récusations : la récusation géné-
rale, frappant la liste entière des quarante-huit; puis les récusations indivi-
duelles, frappant un ou plusieurs des jurés tombés au sort.
L'accusé est admis à récuser toute la liste formée par le shérif, quand il
allègue et qu'il prouve que le shérif a un intérêt direct ou indirect dans l'af-
faire ; que Tun de ses parents à un certain degré y a lui-môme quelque
intérêt ; que l'un des jurés a été porté sur la liste à la sollicitation de la partie
adverse; ou enfin, quand il établit un signe quelconque, un fait quelconque de
partialité dans la composition de la Uste ; alors la liste entière est récasée.
Cette récusation est d'ailleurs assez rare.
Secondement, il y a des récusations individuelles, et celles-là sont d'un
usage plus fréquent, des récusations portant sur tels jurés expressément dési-
gnés par l'accusé. Ces récusations individuelles sont elles-mêmes de deux
natures, elles sont ou péremptoires, ou motivées.
On appelle, en cette matière, récusation péremptoire celle qui a pour objet
d'écarter le juré récusé, sans que le récusant ait aucun motif à alléguer à
l'appui. Or, sur la liste des quarante-huit l'accusé est admis à en récuser
ainsi de ,vingt à trente-cinq, selon la nature des affaires. Le maximum s'ap-
plique, par exemple, aux affaires de haute trahison, dans lesquelles la foculté
de récusation est plus étendue.
Enfin, les récusations individuelles motivées sont illimitées dans leur nom-
bre ; c'est-à-dire que, quand l'accusé, au lieu de se borner à dire qu'il ne veut
pas de tel juré, allègue contre ce juré une cause formelle de récusation, il est
admis à le faire, quand môme il aurait épuisé le nombre des récusations
péremptoires. Mais, bien entendu, les motifs qu'il allègue ne sont pas admis
sans être pesés; la récusation n'a d'effet qu'autant que les causes sont trou-
vées et sont reconnues assez graves pour faire craindre la partialité. Le juge-
ment des motifs allégués pour ces récusations appartient non pointa la cour^
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DE LA FORMATION DES COURS o' ASSISES (ART. 251). 679
mais à des arbitres nommés ; et lorsque sont sortis de Fume deux noms de
jurés qui n'ont pas été récusés; c*est à ces deux jurés et à ceux qui les sui-
vront qu'appartient le jugement des motifs de récusation.
Vous voyez que cette faculté de récuser, soit; la liste entière pour de
purs soupçons de partialité, soit de vingt à trente*cinq jurés sur quarante-
huit, sans en donner aucun motif^ soit toute la liste, la liste prise individuel-
lement, à la charge d'en donner des motifs, vous voyez que cette faculté
paraît être un contre-poids suffisant, un remède bien assuré à la crainte que
pourrait inspirer le pouvoir donné au shérif de composer à son gré la liste des
quarante-huit jurés.
Que si, par Teffet de ces récusations, soit péremptoires, soit motivées, la
liste de quarante-huit était épuisée, ou s'il n'y restait plus assez de noms pour
compléter un jury, on prendrait alors, par la voie du sort, dans les habitants
mêmes de la ville où se tiennent les assises, le nombre nécessaire pour com-
pléter les douze jurés qui doivent siéger.
Telles sont les règles générales qui tiennent à Torganisation du jury anglais.
C'est à ce point que nous nous arrêtons, car faire un pas de plus en avant, ce
serait entrer dans des débats dont nous n'avons pas encore à nous occuper.
Ainsi, la cour d'assises en Angleterre se compose, d'une part, de l'autorité
judiciaire, représentée par l'un des douze membres des trois grandes cours qui
siègent à Londres, et opèrent deux fois par au dans le circuit; d'autre part,
des douze jurés extraits de la liste de service dressée ainsi que nous Tavons
établi.
743. Passons maintenant à l'histoire de cette même organisation en France,
et voyons d'abord comment TAssemblée constituante a organisé, a réglé le
système de jugement par jurés, toujours quant à la composition, dont nous
avons uniquement à nous occuper.
Vous savez que la loi des 16-24 août 1790, qui ne faisait que répéter une
résolution déjà prise» avait consacré, au moins pour les matières criminelles,
le jugement par jury. Le Gode d'instruction criminelle des 16-29 septem-
bre 1791 s'occupa de réaliser ces promesses et d'établir complètement Tins-
titution.
On commença par décider que la qualité de juré appartiendrait à tout citoyen
réunissant les conditions requises pour être électeur, vous le verrez sur les
détails que je vais donner du titre XI du Gode des 16-29 septembre 1791, je
me bornerai à citer les lois étrangères à celles-là. Dans ce titre XI, relatif à la
formation du jury, on commençait par reconnaître, en principe, que les jurés
seraient pris parmi les icitoyens ayant les qualités requises pour être élec-
teurs, expressions un peu équivoques et qu'il est bon d'expliquer par la légis-
lation de cette époque. On ne disait pas que les jurés seraient pris parmi les
électeurs, c'eût été dire trop peu, mais parmi les citoyens capables d'être élec-
teurs. Pour comprendre la différence, il faut vous rappeler que la constitution
des ^14 septembre 1791 instituait deux degrés d'élection; il y avait des assem-
blées primaires composées de citoyens actifs appelés à nommer non pas direc-
tement les membres des assemblées législatives, mais appelés à nommer les
électeurs en les choisissant dans une certaine catégorie. Les électeurs pou-
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680 TRENTE-HUfT. LBÇON. — DES COURS d'aSSISBS (n* 743).
Taient donc être pris par les assemblées primaires au nombre des citoyens
ayant plas de vingt-cinq ans, et jouissant d'un certain revenu; ce revenu était
déterminé par la constitution de 4791, titre lîl, chapitre l**, section II, art. 7.
L'Age était de vingt-cinq ans, le revenu devait être de 200 livres ou de 150
livres selon les lieux. Ainsi, quoique les assemblées primaires ne pussent choi-
sir parmi les personnes jouissant du revenu indiqué qu'un nombre d'électeurs
proportionné à la population du lieu, il est clair que les jurés étaient pris non
pas seulement parmi les électeurs choisis par les assemblées primaires, mais
parmi toutes les personnes que ces assemblées auraient pu choisir, parmi tou-
tes les personnes ayant atteint vingt-cinq ans et jouissant soit de 200 livres de
revenu dans les villes de plus de 6,000 âmes, soit de 150 livres dans les villes
d'une population plus faible.
Chaque individu placé dans cette position devait, avant le 15 décembre de
chaque année, se faire inscrire comme juré sur un registre tenu à cet effet par
le secrétaire-greffier de chaque district. Et la peine de Tomisslon de cette in-
sertion était la privation, pendant deux ans, de tout droit de suff^rage dans les
assemblées publiques. Ainsi, ce n'était pas à l'administration, aux officiers
publics que la loi imposait l'obligation d'inscrire, elle voyait dans la fonction
^ de juré l'accomplissement d'un devoir bien plus que l'exercice d'un droit, et en
conséquence elle frappait d'une punition, purement civique il est vrai, tout
citoyen qui, capable d'être juré, ne se serait pas chaque année fait inscrire
comme juré sur la liste particulière de son district.
Cette liste particulière une fois formée dans chaque district, c'est-à-dire dans
chaque arrondissement, par Tinscription opérée à la requête de chaque citoyen,
était adressée par le procureur-syndic qui était à peu près l'administrateur en
chef du district, au procureur général syndic qui était à peu près le premier
administrateur du département, et qui formait la liste générale du jury de son
département par la réunion des listes de district. Nous dirons tout à l'heure
nn mot de plus de ces fonctions.
Vous voyez que cette marche était déjà à peu près calquée, soit quant à la
base même de la capacité, soit quant à la réunion des listes de détail et une
liste générale, sur ce qui est établi en Angleterre. Formation des listes parti-
culières dans les localités, et puis réunion de ces listes partielles dans les
mains de l'administrateur de la fraction du territoire dans laquelle se tenaient
les assises, dans les mains de l'administrateur du département, appelé alors
procureur général syndic. Ainsi se trouvait constituée la liste générale, la liste
des capacités ou des aptitudes.
' Retenez bien ces points, parce que, quoique les détails de l'organisation et
de la formation aient changé, nous retrouverons toujours, dans tout le système
du jury, les mêmes difficultés, les mêmes questions. Formation d'une liste
générale, et transition à établir entre cette liste générale, qui n'est qu'une liste
^es capacités, et la liste particulière des douze jurés de jugement, c'est là la
plus grande difficulté.
Gomment l'Assemblée constituante avait-elle résolu cette difficulté? En
attribuant au procureur général syndic un pouvoir assez analogue, mais non
pas tout à fait pareil à celui que la loi anglaise donne encore à ses shérifs.
Tous les trois mois le procureur général syndic devait adresser au président
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DU JURY BT OB 6A COMPOSITION (aRT. 382). 681
du tribunal criminel, pour le service des sessions da trimestre, une liste de
service extraite directement par laide la liste générale qui se trouvait déposée
dans ses mains. Bous ce rapport, quant au pouvoir confié au procureur général
syndic d'extraire, sans employer la voie du sort, la liste de service de la liste
générale, il y avait une grande analogie entre sa position et celle du shérif.
Mais la liste, au lieu d'être de quarante-huit noms, comme l'est en général la
liste de service anglaise, était de deux cents. Il nous semble que, plus la liste
est nombreuse, moins la faculté du choix est dangereuse, précisément parce
que les choix sont alors moins faciles.
De plus cette liste de deux cents, qui devait être dressée par le procureur
général syndic, ce qui n'a aucun rapport avec les procureurs généraux, les offi-
ciers du ministère public, cette liste de deux cents n'avait d*effet qu'autant
qu'elle était présentée par lui au directoire du département, espèce de conseil
d'administration, et approuvée par ce directoire.
Ainsi, voilà déjà deux différences entre le pouvoir du procureur général
syndic et le pouvoir du shérif, différences qui existent à l'avantage de ce der-
nier.
La liste de deux cents ainsi dressée par l'administrateur du département, et
approuvée par ce conseil d'administration qu'on appelait directoire, était
adressée au président du tribunal criminel et soumise à l'accusateur public.
L'accusateur public pouvait, sur ces deux cents noms, en récuser un dixième,
c'est-à-dire vingt, sans alléguer aucun motif à l'appui de ces récusations.
Il est bon de remarquer, toutefois, que tous les fonctionnaires que nous avons
nommés jusqu'ici étaient électifs, que tous étaient nommés, dans les formes
indiquées par la constitution de 1791, par les électeurs d'alors; de sorte que
les jurés étaient pris dans la catégorie des électeurs; la liste générale des jurés
était dressée par des magistrats électifs, les procureurs-syndics de chaque dis-
trict. Sur cette liste générale l'extraction était faite au choix par un magistrat
électif, et élu par les mêmes personnes, le procureur général syndic. Cette liste
était présentée au directoire du département et discutée par lui. Or les mem-
bres des directoires étaient encore élus dans les mêmes formes. Enfin, une
récusation d'un dixième appartenait à l'accusateur public, qui était encore un
magistrat électif. Vous verrez, sur les formes de ces élections, la loi du 22 dé-
cembre 1789, section II, art. i, 2, 14, 20 et 93.
Voilà donc la liste générale réduite peut-être à cent quatre-vingts noms, par
les récusations péremptoires de raccùsateur public. Voilà donc la liste générale
remise aux mains du président du tribunal-criminel. Les sessions avaient lieu
alors tous les mois, à partir du 15 de chaque mois. Le 1*' du mois on devait
extraire par la voie du sort de cette liste de deux cents ou de cent quatre-vingts,
si l'accusateur public avait exercé ses récusations, on devait extraire par la
voie du sort, longtemps avant l'ouverture des débats, les noms des douze jurés
^t devaient prendre part à ces débats. Ces noms, extraits par le sort, en pré-
«ence du président et de quelques fonctionnaires, étaient notifiés à l'accusé, et
il avait le droit de les récuser péremptoirement, ainsi que ceux que le sort
désignerait ensuite, jusqu'au nombre de vingt, art. 10 et 11, titre XI, loi des
16-29 septembre 1791 . Là ne se bornait pas son droit, il pouvait encore récuser
avec motifs, à peu près sans limite. Cette récusation devait s'exercer dans les
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682 TRENTH-HUIT. LBÇON. — DES COURS D*AS8I8BS (n* 744).
vingt>qnatre heures, et, à défaut de récusation ainsi pratiquée, le jury était
constitué longtemps avant Touverture des débats. On assignait alors le 5 au
plus tard, pour le 15 du mois, les jurés.
Voilà donc la formation du jury tel qu'il existait à cette époque, formation
par le pouvoir administratif constitué tout à fait par élection ; faculté pour Tac-
cusé de récuser péremptoirement jusqu'à concurrence de vingt jurés et au
delà, en motivant ses causes de récusation.
744. Comparons maintenant, en terminant, cette organisation de 1791, la
première organisation française en cette matière, avec celle de l'Angleterre qui
lui avait servi de modèle, et voyons quelles similitudes ou quelles différences
elle pouvait présenter.
On peut dire d'abord que l'Assemblée constituante, en organisant le jury
sur les bases que nous venons d'indiquer, était entrée plus complètement
qu'on ne l'avait fait en Angleterre dans l'idée primitive, dans la pensée domi-
nante, dans le caractère essentiel de l'institution du jury. Quelle est en effet
cette pensée, ce caractère ? qui est-ce qui sépare essentiellement les jugements
par jurés des jugements rendus directement par des magistrats?
£n général, on croit trouver ce caractère distinctif, cette séparation réelle
entre les jugements par jurés et les jugements d'une magistrature, dans la
division, dans la distinction des questions de fait et des questions de droit. Le
jugement par jurés a, dit-on, pour essence, pour caractère principal d'attribuer
les questions de fait à la décision des masses, à la décision du sens commun,
en réservant les questions de droit à la décision des magistrats, eu d'autres
termes, à la décision de la science.
Certainement ce caractère est vrai dans la plupart des cas ; mais est-ce là le
caractère dominant, capital de l'institution du jury ? Il est permis d'en douter.
D'abord, quand on remonte, je ne dirai pas à l'origine primitive du jury, c'est
une question historique assez mal connue, mais quand on remonte à des temps
où il était en pleine activité, on voit qu'avec cette existence ne dominait pas,
dans toute son exactitude, la séparation des questions de fait de celles de droit.
Cette distinction, toute simple qu'elle nous parait, avec nos habitudes actuel-
les, suppose cependant un travail trop délicat pour qu'on ait pu le faire dans
les temps mi-bart)ares oii le jury se trouvait déjà en plein usage, au moins en
Angleterre. En second lieu, môme de nos jours, c'est une idée qui vous trom-
perait souvent que celle-là qui consisterait à supposer quele-jury n'est jamais
appelé qu'à décider des questions de fait, qui consisterait à penser que même
aujourd'hui aucune question de droit n'est décidée dans les réponses des
jurys. Il arrive, au contraire, dans un très-grand nombre de cas,, que nous
signalerons bientôt, que la question adressée aux jurés, quoique paraissant
une question de fait, renferme cependant de véritables questions de droit.
Cette distinction des questions de fait et des questions de droit est donc une
idée admise après coup, c'est une distinction qui, môme aujourd'hui, soit chez
nous, soit surtout en Angleterre, se trouve souvent démentie dans la prati-
que, à peu près comme se trouvait démentie dans la procédure romaine la
môme division de pouvoir entre le préteur et le judex. Ce n'est donc pas là le
caractère essentiel, constitutif élémentaire du jury; ce n'est pas dans ce but
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DU JURY BT DB 8A COMPOSITION (aRT. 382). 683
qu*il a été introduit, institué, puisqu'il Ta été non pas certainement par les
divisions de la science^ mais bien par F usage, par l'habitude, qui n'ont pas pu
établir des distinctions aussi larges, aussi savantes.
lie caractère dominant du jury, celui qui le recommandait avant tout à
l'Assemblée constituante, comme cadrant parfaitement avec les idées politi-
ques qu'elle proclamait, c'est Tintervention directe, immédiate de la société
dans les affaires qui l'intéressent le plus ; c'est le jugement par le pays, c'est
le concours de chaque citoyen, dans l'exercice journalier des actes qui protè-
gent la sécurité sociale, et constituent ainsi non pas sans doute l'unique but,
mais au moins le principal but de toute justice pénale. C'est avant tout sous
ce rapport que le jury a été envisagé, soit dans les premiers temps où il a été
pratiqué, soit surtout par l'Assemblée constituante.
Or, en se plaçant sous ce point de vue, il est sûr que l'Assemblée consti-
tuante, imprudente peut-être, mais au moins très-conséquente avec elle-
même, entre bien plus pleinement, bien plus complètement dans la pensée
constitutive du jury que ne le faisaient les règles de l'organisation anglaise.
En effet, non-seulement elle adopta, quant aux règles de capacité, quant aux
conditions requises pour figurer sur les listes, des bases plus larges, mais elle
conféra tous les pouvoirs d'organisation, de composition, à des magistrats
électifs eux-mêmes; elle fit dériver de la môme source et la capacité voulue
pour être juré, et tous les pouvoirs nécessaires soit pour composer, soit pour
réduire la liste des jurés. ^
Notez bien que je me borne ici à constater les faits; quant à savoir si l'As-
semblée nationale, en suivant uniquement ce point de vue, exact en principe,
fit bien ou fit mal, c'est là une question tout à fait différente et que nous n'a-
vons guère à approfondir. Certainement, en subordonnant toutes ces règles à
un point de vue tout à fait exclusif, en dépassant tout ce que les Anglais
avaient fait après bien des siècles d'expérience, on pourrait dire qu'elle alla
trop loin, et qu'elle s'exposa à mêler complètement le pouvoir judiciaire avec
le pouvoir politique en les puisant tous deux à la môme source; qu'elle s'exposa
surtout à faire, dans certains cas, de la voix du jury ainsi composé, l'écho d'un
emportement populaire, et surtout d'une passion locale. Mais quoiqu'il en
soit, il est bon de noter le fait, ne fût-ce que pour l'opposer à ce qui a suivi,
savoir, que l'Assemblée constituante, allant môme plus loin que l'Angleterre,
ne suivit qu'un seul point de vue en constituant le jury, l'idée de conférer la
puissance juridique directement aux mains du jury. Et cela est vrai non-seu-
lement sous le rapport de la composition môme du jury, cela est plus sensible,
et peut-ôtre plus dangereux encore, sous le second point de vue dont nous
aurons à parler; c'est-à-dire relativement à la composition dçs tribunaux au-
près desquels fonctionnait le jury.
Nous venons de voir qu'en Angleterre, à côté de l'organisation du jury, à
côté de l'intervention des citoyens dans les affaires criminelles, se trouvait
placé un magistrat en qui d'ordinaire l'éminence du savoir se réunissait à
l'éminence des fonctions, un magistrat qui, par le petit nombre môme des
membres des cours auxquelles il appartenait, par l'inamovibilité de sa position^
puisqu'il ne peut être atteint que par une décision du pouvoir législatif, exer-
çait en Angleterre l'influence la plus sensible sur les décisions du jury. En
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684 TBBNT£-HUIT. LEÇON. — « DBS COURS d'aSSISBS (n* 745).
«ffet» non-sealement dans les matières cmles, mais mdme dans les matières
criminelles^ les juges d'Angleterre exercent^ à tort ou à raison, une très-grande
autorité sur la marche des débats, sur la décision définitive. Fn 1791 on fat
loin d'établir rien de pareil ; la raison en était simple : TAssembiée consti-
tuante venait de frapper les parlements; elle les avait détraits, touchée qu'elle
était des anciennes invasions de ces grands corps judiciaires dans 4e domaine
des pouvoirs politiques. Or, il est sensible que la même assemblée qui venait
de détruire toute puissance judiciaire, qui avait organisé en Irès-grand nom*
bre des tribunaux électifs locaux, se renouvelant au bout de quelques années,
ne pouvait songer à établir aucune magistrature pareille à celle qui existait
en Angleterre. On voulut à cette époque organiser la justice sans avoir de
magistrature, et cela fut très-sensible dans la formation des tribunanx crimi*
nels. Au lieu de créer des magistrats chargés de tenir les assises, on institua,
dans chaque département, un tribunal criminel qui ne se composait que d'un
seul juge permanent^ le président; quant aux autres membres du tribunal,
on les puisait de six mois en six mois, à tour de rôle, parmi les différents
juges des tribunaux de district. Le président et les juges de ces tribunaux
étaient également des juges temporaires et électifs. Aussi la puissance judi-
ciaire dans les mains des magistrats était tout à fait inaperçue ; la puissance
judiciaire criminelle se trouva concentrée exclusivement dans les mains da
jury, sans présenter aucun de ces contre-poids, aucun de ces essais d'équili-
bre que présentait le système anglais, et qu'on a tenté de réaliser chez nous
plus tard.
Bien que le système de 1791, maintenu par le Ck>de du 3 brumaire an TV,
ne Tait pas été sous l'Empire, bien que l'organisation du jury ainsi tracée ait
été complètement détruite dans le Gode de 1808, nous verrons cependant
qu'on ne le renversa que pour se jeter dans un excès directement contraire,
c'est-à-dire pour anéantir complètement Tidée constitutive du jury, en se
bornant à en garder le nom.
745. Dans le jury tel qu'il fut établi dans le Gode de 1808, mis en vigueur
à partir du !•' janvier 18i 1, dans ce jury, nous aurons également deux points
à considérer : i^ la composition du pouvoir judiciaire, de la cour d'assises
proprement dite; 2* la composition du jury. Ces deux points méritent en
effet d'être examinés séparément, parce que l'un est pleinement en vigueur,
parce que l'autre, au contraire, a subi, dans le système présent, des modifica-
tions importantes.
D'abord, en ce qui touche le premier de ces deux points, celui qui est
encore en vigueur, sauf quelques modifications, la plupart des règles actuelles
se trouvent, soit dans notre Gode, soit aussi dans la loi du 20 avril 1810.
Le projet du Gode criminel avait tenté d'établir en France pour la tenue
des assises, un système très-analogue à celui des assises anglaises. On pro-
posait^ tout en conservant dans chaque département les cours ou les tribu-
naux criminels qui s'y trouvaient alors établis, d'avoir en outre, pour
toute la France, un certain nombre de magistrats criminels d'un ordre supé-
rieur, auxquels on donnait le nom de prétbubs. On proposa d'instituer ces
préteurs dans un nombre que le projet ne déterminait pas, mais qui devait
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DIT JURY BT DE SA G0HP06ITI0N (aRT. 382). 685
être fort inférieur à celui des départements. Chaque préteur aurait reçu plu-
sieurs fois par an la mission d'aller présider les cours criminelles et tenir
les assises dans un certain nombre de départements. En deux mots, c'était
de réunir un nombre plus ou moins grand de départements en des espèces
de circuits, et de conférer, pour chaque semestre ou pour chaque trimestre,
à chaque préteur, le droit d'aller présider les assises dans les divers circuits.
Cette proposition avait pour but de remédier à un inconvénient fort sen-
sible, c'était l'état d'affaiblissement, de considération dans lequel était tombée
l'administration de la justice pénale. On espérait qu'en concentrant Texercice
de la justice, en confiant la présidence des assises à des magistrats supérieurs
et étrangers à chaque localité, on donnerait à la justice à la fois et plus de
solennité et en même temps plus de force.
Lorsque cette nouvelle institution fut présentée au conseil d'État, vous
savez tous qu'une question bien plus grave y fut soulevée, celle de savoir si
Ton conserverait le jugement môme par jurés. Cette question fut longtemps
discatée, et devint même l'objet de plusieurs débats, après avoir été décidée
plusieurs fois affirmativement. Dans le cours même de ces discussions il fut
proposé une marche toute nouvelle, qui tendait à supprimer l'intervention
des préteurs et en même temps celle des tribunaux criminels. L'empereur
proposa de supprimer les tribunaux criminels dans chaque département, de
confier aux cours d'appel l'exercice de la justice criminelle et de la justice
civile; et d'autre part, comme il fallait combiner avec l'institution du jury,
qu'on avait définitivement admise, la réunion dans la même main de la jus*
tice criminelle et de la justice civile, on décida que chacun de ces grands corps
judiciaires, qu'on allait constituer sous le nom de cours impériales, délégue-
rait, à diverses époques de l'année, un certain nombre de ses membres pour
aller tenir les assises des départements de son ressort. Ainsi, sans établir sur
ce point une centralisation complète» sans vouloir que les assises se tinssent
au chef-lieu de chaque cour impériale, ce qui eût entraîné d'énormes dépla*
céments pour les témoins et pour les juges, ce qui d'ailleurs aurait eu le dan-
ger de mettre le châtiment trop loin du lieu oiL le crime avait été commis, on
voulut que les sessions des assises eussent lieu, comme par le passé, dans le
chef-lieu, soit administratif, soit au moins judiciaire, de chaque département.
£a un mot, on voulut qu'il y eût des assises dans chacun des départements,
mais que ces assises fussent tenues par des délégués d'un corps puissant par
le nombre et la considération de ses membres, et principalement par Tautorité
dont on sentait le besoin de l'investir.
Ces idées furent admises et organisées par la loi du 20 avril 1810 et le décret
du 6 juillet suivant
D'a^Hrès le Code d'instruction criminelle, art. 251 et 259, il est tenu, dans
chaque département, des assises de trois mois en trois mois au moins.
Les assises, qui se tiennent en général au chef«lieu de département, se
tiennent plus exactement dans les lieux où siégeaient, avant 181i, les cours
ou les tribunaux criminels. Ainsi, à l'art. 258 doit se joindre l'art. 17 de la loi
du 20 avril 1810. J'ai cité l'exemple de Châlons, de Saint-Omer, qui, sans
être chefs'lieux de département, sont cependant des endroits oii se tiennent
les cours d'assises.
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686 TRENTE-HUIT. LEÇON. •— DBS COURS d'ASSISES (n^ 746).
Ces assises, sont présidées, dans toasles départements, par an conseiller de
la cour da ressort. Ge conseiller est choisi, soit par le ministre de la justice,
soit, quand le ministre de la justice n*a pas fait cette désignation dans un certain
délai, par le premier président de la cour dans le ressort de lacpielle doivent se
tenir les assises.
Le conseiller présidant les assises devait avoir, d'après le CSode, quatre
assesseurs, savoir, dans le lieu où siégeait la cour, quatre conseillers de cette
même cour, et, dans les autres départements du ressort, quatre juges du
tribunal d'arrondissement dans le chef-lieu duquel se tiendraient les assises.
Dans tous les cas, ces quatre juges ou ces quatre conseillers, nommés pour
former la cour d'assises conjointement avec le président, étaient choisis, ou
par le ministre de la justice, ou, à son défaut, par le premier président de la
cour.
C'est quant à ce nombre qu'il y a eu un changement : la loi du 4 mars 1831,
tout en conservant la distinction ancienne entre les assises tenues aux chefs-
lieux de cours ou dans les autres villes, a voulu que les assises ne fussent plus
composées que de trois conseillers dont Tun président, ou que d'un conseiller
et de deux juges. Du reste, ces membres de la cour d'assises sont toujours
nommés comme par le passé, soit par le ministre de la justice, soit, à son dé-
faut, par le président de la cour.
A cette composition doit s'ajouter le procureur général ou l'un de ses sub-
stituts, quand les assises se tiennent au chef-lieu de la cour; ou au contraire,
le procureur de la République ou l'un de ses substituts, quand ce n'est pas
dans le chef-lieu de la cour. Dans les art. 252 et 253 vous verrez toutes ces dif-
férences.
Enfin, il faut encore ajouter à cette composition le greffier, soit de la cour,
soit du tribunal où siège la cour d'assises.
Voilà le système établi, quant à la composition même de la cour d'assises,
dans la loi de 1810; il est fort simple.
746. Maintenant, ce qui est plus important à examiner séparément, c'est la
formation, la composition même du jury. Ici nous allons trouver un point de
vue tout à fait opposé à celui qui avait entraîné un peu trop loin peut-être
l'Assemblée constituante. ▼
Le Code d'instruction criminelle, le Gode de 1808, dans son art. 382, déter-
minait, dans sept paragraphes, quelles étaient les personnes ayant qualité pour
les fonctions des jurés. Sans nous appesantir sur les détails de capacité de cet
article, il est bon de noter deux paragraphes très-remarquables qui rangent
parmi les personnes aptes à être jurés, certains employés ou fonctionnaires
civils, à raison de leur seule qualité. Ainsi, dans l'art. 382, § 3, vous voyez
figurer des fonctionnaires de l'ordre administratif, et surtout dans le ^ 7,
ainsi conçu : c Parmi les employés des administrations jouissant d'un traite-
ment de 4,000 fr. au moins. » Cette dernière disposition était déjà d'une sin-
gulière bizarrerie. En effet, si le jugement par jurés n'est autre chose qu'une
garantie d'indépendance complète de la part des personnes auxquelles on confie
l'administration de la justice pénale, il est singulier que le titre môme d'em-
ployé jouissant d'un certain traitement soit par lui-même une cause d'aptitude
à figurer dans la liste des jurés. C'était déjà J'annonce d'une marche tout à fait
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DU JURY ET DE SA COMPOSITION (aRT. 38î). 687
contraire à celle de FAssemblée constituante. Cette idée consiste à donner an
ponvoir exécutif le droit de créer des aptitudes à figurer sur la liste du jury.
Du reste, ce point importe assez peu en présence des règles bien autrement
Importantes que consacraient les articles suivants.
D'abord, quand une loi, s'occupant du jury, comme s'occupant de Télection
ou de tout autre droit politique, quand une loi détermine les conditions aux-
quelles sera attaché Texercice de ce droit politique, la conséquence naturelle
que ces conditions soient bien ou mal choisies, la conséquence naturelle
à tirer, c'est, d'une part, que toutes les personnes qui réunissent ces qualités
pourront être aptes à exercer la fonction attachée à ces qualités ; c'est, d'autre
part, que toutes les personnes en qui ces conditions ne concourent pas seront
inhabiles à exercer le droit conféré. Eh bien, d'abord, quant au second point
de yue, il paraît tout à fait confirmé par les derniers mots de l'art. 382 qui
s'exprime ainsi : c Aucun juré ne pourra être pris que parmi les citoyens
sus-désignés, sauf, toutefois, ce qui est dit art. 386. » Mais cette règle, qui
serait bien inutile, si elle était une règle, n'est précisément écrite à la fin de
l'art. 382 que pour amener une exception qui la détruit. On vient de dire,
dans sept paragraphes de l'art. 382, les différentes conditions exigées pour
être juré, de là la conclusion naturelle que hors de tes conditions on ne
pourra pas l'être. Eh bien, cependant vient une exception, c*est que tout
citoyen pourra demander au préfet et obtenir de l'administration la faveur
d'être inscrit sur les listes du jury, sans remplir ces conditions.
Ainsi, voilà d'abord les règles bonnes ou mauvaises de l'art. 382 violées
en ce sens qu'en dehors de toutes les capacités indiquées dans cet article on
pourra, sur la simple demande, et en vertu d'une autorisation uniquement
administrative, être admis à figurer sur les listes du jury.
Quant à l'autre idée, qui consisterait à dire que tout citoyen jouissant des
conditions voulues par la loi doit avoir l'espoir, la chance d'être appelé, à tour
de rôle, sur les listes du jury, elle se trouve également démentie par l'ar-
ticle 387. En effet, sur cette liste générale formée en vertu de l'art 382, et
comprenant toutes les personnes indiquées dans cet article, le préfet de chaque
département devait, d'après l'art. 387, dresser une liste de soixante personnes
destinées à remplir à chaque session les fonctions de jurés. Or, il est clair
que, quand sur une immense quantité de personnes capables, on cbnfère à
un fonctionnaire le droit de choisir, sans contrôle, un petit nombre de per-
sonnes, c'est-à-dire soixante sur quelques centaines ou peut-être quelques
milliers, on rend illusoires toutes les conditions de capacité de l'art. 382.
Ainsi, quoique l'art. 382 du Gode impérial déterminât, d'une manière posi-
tive en apparence, à quelles conditions, à quelles qualités seraient attachés
le titre et les devoirs de juré, il faut noter, d'une part, que cet article n'a rien
de limitatif, parce que l'art. 386 permettait de placer sur les listes, dans un
nombre illimité, des personnes étrangères aux conditions de l'art. 382, et
d'autre part, parce que même parmi les personnes réunissant les conditions
requises, l'administration était libre dechoisir ou d'exclure qui bon lui semblait.
Voilà le point de départ de la composition da jury. Mais il y a plus, pour
bien sentir jusqu'à quel point l'institution telle que nous l'avons présentée
avait été dénaturée dans ce chapitre du Gode, il est bon d'analyser. l'art. 387
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688 TRENTB-HUIT. LSÇON. — DBS COURS D*A8SISE6 (n*^ 746).
presque moi pour mot. Dans les diverses dispositions dont se compose cet
article, vous n'en trouverez pas une qui ne soit à peu près destructive de tout
système de jugement par jurés.
D*abord, j*ai déjà dit qu'extraire un nombre de soixante personnes de quel*
ques milliers de capacités, c'est se réserver la liberté de faire acception des
préventions, des amitiés, des haines, des inimitiés, en un mot le droit de faire
acception d'une foule d'idées qui doivent rester étrangères à la confection des
listes. Ghosir soixante personnes sur deux mille, c'est en vérité choisir des
juges, c'est colorer du nom de jugement par jurés un jugement par commis-
saires.
En second lieu, à qui appartient ce pouvoir? est-ce conune en Angleterre,
à un shérif, c'est-à-dire à un magistrat annuel, gratuit, non rééligible ? C'est,
au contraire, à un magistrat permanent, mais révocable, à un magistrat
salarié, et dans une position tout à fait différente de celle du shérii anglais.
Cette extraction d'une liste particulière sur la liste générale, extraction confiée
au préfet, se trouve bien encore dans^le système qui a succédé à celui-là; mais,
quoiqu'on puisse, à la rigueur, critiquer, môme dans ce système, elle s'y
retrouve avec des conditions de nombre telles, que l'inconvénient se réduit
presque à un vice de théorie plutôt qu'à un vice de pratique.
Poursuivons. La loi vous dit que le choix de soixante sera fait non pas sur
la hste générale, car on n'exigeait pas qu'il en fût dressé, mais que ce choix
sera fait par le préfet. A quelle époque ? Dans les quinze jours qui précéderont
l'ouverture de la session ; c'est-à-dire à une époque où l'on connaît d'avance
et pertinemment quelles affaires seront portées devant les assises, et quelles
personnes y seront traduites. Nouvel inconvénient, qui est immense, facilité
de créer u^e liste selon la nature des causes et la qualité lavorable ou défavo-
rable des personnes.
Ce n'est pas tout : la liste de soixante ainsi faite par un fonctionnaire
dépendant, et faite en pleine connaissance des affaires et des personnes pour
lesquelles elle était dressée, est envoyée par ce fonctionnaire au ministère de
la justice et au président de la cour d'assises, art. 388, et ce président de la
cour d'assises doit immédiatement réduire cette liste de soixante à trente-six;
c'est-à-dire que sur la liste de soixante, déjà dressée librement par le préfet,
le président peut lui-même retrancher vingt-quatre membres. Or, à cette
époque la magistrature n'était pas encore inamovible. C'était donc, après avoir
confié la discrétion la plus absolue, quant à la formation de la liste, à un
agent de l'autorité, que l'on conférait à un second agent, revêtu, il est vrai,
d'un Utre judiciaire, un second pouvoir d'élimination sur cette liste de
soixante.
Maintenant cette liste de soixante, la voilà réduite à trente-six. Eh bien,
sur cette liste de trente-six seront encore exercées, avant l'ouverture des
débats, d'après l'art. 401, les récusations du ministère public et de l'accusé;
c'est-à-dire que sur cette liste de trente-six le ministère public pourrait encore
en récuser douze, et réduire oette liste à vingt-quatre. En sorte que, sur ce
nombre immense de personnes aptes à être jurés, l'autorité publique choisit
en dernier résultat vingt-quatre jurés, parmi lesquels l'accusé pourra en récu-
^r douze*
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DU JURY ET DB SA GOICPOSITION (aRT. 382). 689
Il Mt impossible de choisir un système pins opposé à tonte idée de jury de
jugement indépendant, impartial, et surtout réputé tel, que celui que Pon avait
adopté dans le Gode de 1808.
Ajoutez encore la disposition de l'art. 394, d'après lequel la notification de
la liste des trente-six jurés, si importante pour l'accusé à raison des récusa-
tions qu'il peut avoir intérêt d'exercer, ne peut se faire, à peine de nullité,
que la veille au plus tôt de Touverture des débats; c*e8t*>à-dire que l'accusé,
si intéressé sous le système impérial à récuser, l'accusé n'avait que quel-
ques heures, entre la notification de la liste et l'instant où s'ouvraient les
débats, afin de prendre les renseignements nécessaires pour pratiquer ses
récusations. Cet article est encore en vigueur, mais son inconvénient est à peu
près réduit à rien, parce que maintenant la liste des jurés, se tirant à l'au-
dience publique de la cour dix jours au moins avant Touverture des assises,
on connaît longtemps à l'avance, ne fût-ce que par les journaax, les noms
des jurés qui doivent prendre part à la session. Cette publicité rend la dis-
position de l'art. 395 insignifiante et par là môme beaucoup moins dange-
reuse.
En résumé : dans le système du Gode de 1808, formation d^une liste de
soixante par le préfet, peu de jours avant l'ouverture des débats, réduite
ensuite à trente-six, sur lesquels les jurés qui devaient siéger se tiraient au
sort.
Ge système a été complètement réformé par la loi du î mai 1827, et rem-
placé ultérieurement par les lois des 7 août 1848 et 4 juin 1853, qui seront
expliquées dans notre prochaine leçon.
TRENTE-NEUVIÈME lEÇON.
747. L'art. 65 de la Charte de 1814, reproduit dans la Charte de 1830, sous
le n^ 56, s'exprimait ainsi relativement au jury : « L'institution des jurés est
conservée. Les changements qu'une plus longue expérience ferait juger néces-
saires ne peuvent être effectués que par une loi. > Ainsi, en conservant en 1814
le principe de l'institution des jugements parjurés, écrit dans les Godes main-
tenus par la môme Charte, on annonçait comme éventuels, comme possibles
les changements dont plus tard Texpérience démontrerait la nécessité : or, il
n'était pas besoin d'une bien longue expérience pour s'apercevoir qu'il n'exis-
tait, sous le nom de jury, dans le Gode de 180^ qu'une institution tout à fait
étrangère aux idées fondamentales du jugement par jurés. Aussi, sans parler
ici de quelques changements de détail opérés dans la matière du jury dans
l'intervalle de 1814 à 1827, passerons-nous immédiatement à la loi du 2 mai
1827, qui a, je ne dirai pas corrigé, amélioré; mais, pour être plus exact, qui
a fait réellement revivre en France Tinstitution du jury, qui n'existait que de
nom dans le Gode impérial.
Cette loi du 2 mai 1827 s'est écartée des règles tracées dans le Gode impérial et
exposées dans la dernière leçon, 1<> en ce qui touche les conditions d'aptitude
nécessaires pour siéger dans le jury; 2<» ce qui est plus important, en ce qui
touche la composition, la rédaction des listes qui tendent à composer le jury.
C'est de ces deux pointSi et notamment du dernier, que nous allons nous
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690 TRENTB-NBUV. LEÇON. — DBS COURS D*A8SI8B8 (n^ 748).
occuper. Je vous avertis seulement que cette loi, votée d'abord comme loi iso-
lée, a depuis pris place dans le Gode, où elle a été textuellement insérée lors
de la révision et de la publication nouvelle qui ont eu lieu en 1832.
De plus, des changements postérieurs à la loi de 1827 ont été apportés
encore depuis 1830, soit à Tinstitution ou à l'organisation du jury, soit aux
règles de procédure qui concernent la manière de voter, et notamment la ma-
jorité à laquelle le jury décide. Nous les ferons connaître tout à Theure.
748. Dans les art. 381 et suivants vous trouverez Tindication des conditions
nécessaires pour siéger dans un jury. D'après Tart. 381, la première de ces
conditions est Tâge de trente ans et la jouissance des droits civils et des droits
politiques. D'après Fart. 382, ce sont des conditions qui ne doivent pas con-
courir, mais dont Tune isolément suffit pour donner à celui qui la possède la
qnalité de juré.
Dans le système de la loi du 2 mai 1827, doivent figurer dans la liste per-
manente du jury, en première ligne, tous les électeurs. La qualité d'électeur
dépendant de la quotité du cens est Tune des conditions, la condition la plus
ordinaire qui rend apte à siéger dans le jury. Cette qualité, insérée dans la loi
de 1827, répétée dans la révision de 1832, a eu depuis beaucoup plus d'éten-
due, beaucoup plus de portée qu'en 1827. En e£fet, le cens électoral fixé à
300 fr. a été abaissé à 200 par la loi du 29 avril 1831, art. 1»; et il est clair
que cette innovation a réagi sur la matière du jury, et qu*en conséquence le
paragraphe 2 de l'art. 382 avait pris infiniment plus d'étendue depuis la loi de
1831, qu'il n'en avait sous l'empire de la loi de 1827.
Dans les paragraphes suivants de l'art. 382 figuraient de nouvelles catégo-
ries de personnes appelées à figurer sur la liste générale du jury.
C'étaient, d'abord les électeurs ayant leur domicile réel dans le département,
mais leur domicile politique dans un autre; nous reviendrons plus tard sur ce
point en parlant de la formation des listes.
Venaient ensuite, à part toutes conditions de cens électoral, les personnes
des qualités désignées dans les n«s 2, 3, 4 et 5 du paragraphe 3; passons-les
rapidement en revue : • i^ Les fonctionnaires publics nommés par le roi et
exerçant des fonctions ora^tuites. • Vous trouvez «ci un changement assez
notable à l'^ancien système. Si, en effet, on admet encore dans le jury, à raison
de leur seule qualité, des fonctionnaires publics à la nomination du roi, on en
écarte tous les fonctionnaires salariés, on les écarte en ce sens du moins que
leur qualité de fonctionnaires' publics ou la quotité de leur traitement ne
seront jamais un titre pour figurer sur la liste du jury. Au reste, cette classe
de fonctionnaires publics est maintenant assez peu nombreuse; elle l'était
plus avant les lois toutes récentes qui ont attribué à certains électeurs le
droit de nommer soit les conseillers généraux de département, soit les con-
seillers d'arrondissement, soit enfin les conseillers municipaux. Ces fonctions,
qui en 1827 étaient à la nomination du roi, et rentraient en conséquence dans
notre texte, sont maintenant électives et en dehors de l'art. 382. Mais le texte
s'applique encore aux maires, au moins dans les communes oii la populatioa
est assez forte pour que la loi réserve au président de la République le droit
' n nomination directe.
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DU JURT ET DB SA COMPOSITION (aRT. 382). 691
A Fégftrd des fonctionnaires chargés d'intérêts collectifs qui ne sont pas les
intérêts de TËtat, ces fonctionnaires, bien que nommés par le gonvemement»
ne sont pas compris dans les termes de Tart. 382. Tels seraient les adminis-
trateurs d'hospices et d'établissements publics, ce n'est pas l'hypothèse de
l'art. 382.
Dans le n* 3 étaient déclarés aptes à être jurés les officiers des armées de
terre et de mer en retraite. Mais on subordonnait cette aptitude à une double
condition ; on exigeait : !<> une pension de retraite d'un chiffre assez élevé pour
faire penser que l'obligation d'aller figurer comme juré ne serait pas trop oné-
reuse à l'officier en retraite; 2<» un certain séjour, une espèce de stage dans
le département; ce séjour est de cinq ans, pour s'assurer, d'abord qu'il est à
poste fixe dans le département, et aussi pour s'assurer, et Vest le principal
motif, qu'il a repris pendant assez longtemps les habitudes de la vie civile pour
avoir perdu les habitudes de la vie passive qu'il a pu contracter dans le séjour
des camps.
Venaient ensuite les docteurs etlicenciés de Tune des^quatre facultés de droit,
de médecine, des sciences et des belles-lettres ; des membres et correspondants
de l'Institut et autres sociétés savantes reconnues par le gouvernement. £t pour
quelques-uns d'eux à leur qualité devaient se joindre dix ans de domicile réel
dans le département, ou au moins l'insertion sur le tableau des avocats et
autres conditions du même genre.
Enfin arrivaient les notaires qui ont exercé pendant trois ans.
Voilà la partie la plus facile des innovations apportées par la loi de 1827 à
la composition du jury, aux conditions nécessaires pour figurer sur les listes.
749. Un point de beaucoup plus important, auquel noas devons nous atta-
cher, forme la matière de tous les autres articles de cette loi, je veux parler de
la composition des listes.
Vous vous rappelez d'abord qu'avant cette loi aucune liste générale ne de-
vait être dressée de tous les individus qui, dans le département, réunissaient
les qualités voulues pour être électeurs. Si cette liste existait, ce qui, dans la
pratique, pouvait être plus commode, la loi n'imposait aucune obligation de
la rectifier, de la renouveler, de la remanier périodiquement ; elle ne confé-
rait, d'ailleurs,aux personnes appelées à y figurer, aucun droit de réclamer dans
le cas d'omission, parce que ces registres n'avaient rien de public. Ainsi, avant
1827, le préfet de chaque département choisissait, sur une liste complète ou
incomplète, récemment ou anciennement rédigée, des personnes du départe
ment présentant les qualités voulues ; choisissait les soixante noms qui subis-
saient ensuite l'élimination de vingt-quatre par le président de la cour d'as
sises.
Au contraire, le principe de la loi de 1827 est la permanence, est la publicité
d'une liste générale indiquant toutes les personnes qui, dans le département,
ont qualité, d'après l'art. 382, pour exercer les fonctions de jurés.
Dans ce système on trouve : i^ Rédaction d'une liste générale permanente,
publique, remaniée périodiquement et comprenant toutes les personnes dont
l'articie 382 a désigné les qualités ; nous verrons tout à l'heure comment se
forme cette liste.
2* liste annuelle de servicei destinée à indiquer dans cette liste générale,
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692 TRENTB-NBUV. LBGON. — DES COURS d'a88ISBS (M* 750).
dont nous venons de parler, quelles personnes pourront être appelées chaque
année à remplir effectivement les fonctions de jurés ;
3« liste de session^ extraite de la liste de service» dans les formes que nous
verrons également ;
i^ Enfin, liste de jugement, si on peut l'appeler ainsi, ne comprenant que
les noms des doute jurés qui doivent prendre part à telle on telle affaire*
n faut nous attacher à la formation de ces quatre listes.
7S0. La loi du 2 mai 1327 n'a guère fait que renvoyer, pour la formation de
ces listes, à la loi du 29 juin 1S20, à celle dn 5 février 1817. Cette loi du 29 juin
1820 a indiqué dans qn&lle forme, à quelle époque, et par quels fonctionnaires
devraient être rédigées les listes électorales relatives à chaque département.
En 1827, voulant faire servir, comme nous le verrons [dus tard, la liste électo-
rale à un double but, voulant qu'elle servît à la fois et de liste électorale et de
liste du jury, on renvoya pour la formation des listes permanentes du jury aux
règles tracées pour la formation des listes électorales dans la loi du 20 jidn 1820.
Oela était fort raisonnable, car les personnes appelées à figurer sur la première
partie de la liste du jury étant précisément les électeurs du département, il
était tout simple qu'une seule et même liste, dressée par les fonctionnaires
indiqués en.matière électorale, servit à la fois et pour convoquer les électeurs
et pour prendre parmi eux les jurés. Mais lorsqu'on 1832 on inséra dans le
Gode cette loi de 1827, il est étrange qu'on y ait répété le renvoi très-raison-
nable qu'elle faisait à la loi de 1820. La loi de 1827 se référait, pour le jury,
aux règles électorales de la loi de 1820, parce qu'alors cette loi était en pleine
vigueur pour les listes électorales. Mais depuis, en 1828 et notamment en 1831 ,
des lois toutes nouvelles ont déterminé les formes dans lesquelles se rédi-
geraient les listes électorales. La loi qui alors était en pleine et entière
vigueur pour rédiger les listes électorales, ce n'est plus la loi du 29 juin 1820,
c'est la loi du 19 avril 1831, dont nous allons tout à l'heure donner une analyse,
Ainsi, ce ne peut être que par inadvertance que dans le paragraphe 3 de Tar-
ticle 382 on renvoie, pour la rédaction des listes du jury, à la loi de 1820; ce
renvoi était bon dans la rédaction primitive de la loi de 1827, on aurait dû le
rectifier en transportant la loi de 1827, dans l'édition du Gode de 1832, puis-
qu'alors la loi de 1820 n^existait plus.
Nous devons donc dire que la première partie de la liste générale dn jury,
n*étant guère autre chose que la liste des électeurs du département, était faite
dans les formes, aux époques, et par les fonctionnaires désignés dans la loi du
19 avril 1831.
Quels étaient ces formes, ces époques, ces fonctionnaires ? Le voici en peu de
mots:
La liste générale du jury, qui est en même temps la liste des électeurs, est,
vous ai-je dit, permanente et publique. Mais, bien qu'elle soit permanente, il
est nécessaire que tous les ans e lie soit remaniée, et cela dans deux objets :
1^ pour effacer chaque année de la liste générale toutes les personnes qui de-
puis l'année dernière auront perdu les qualités nécessaires pour siéger dans le
jury ; 2« à Tinverse, pour insérer sur la liste de l'année toutes les personnes
non comprises dans la liste pré cédeute, mais qui depuis cette époque auron
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DU JURY BT DE SA COMPOSITfOlf (arT. 382). 693
acquit les qualités et ûiit les justificatioas néoessaires pour y figurer. Aussi, du
i*r au iO juin de chaque année, les maires de toutes les communes devaient se
réunir au chef-lieu de canton, sous la présidence du maire de la commune
chef-lieu de canton. Le bot de cette réunion des maires, de cette réunion des
magistrats locaux était de réviser la liste de l'année précédente, non pas à l'effet
d'y opérer immédiatement et par eux-mêmes tous les changements nécessaires,
mais à l'effet d'indiquer à l'autorité supérieure quels changements devront être
faits dans la commune de chacun d'eux, soit par la Toîe de retranchement,
soit, au contraire, par la Yoie d'addition.
Ge travail préparatoire était fait par les magistrats locaux, par les maires,
réunis au ehef-lieu de i^anton et assistés des percepteurs. En effet, la quotité
du cens jouant un rôle capital dans cette première opération^ l'assistance des
percepteurs était de toute nécessité pour les maires.
Ge travail une fois fait était trainsmis par la réunion des maires du canton
au sous-préfet, et par le sous-préfet, qui pouvait y joindre ses observations,
au préfet du département, auquel appartenait la rédaction de la liste.
La première opération, vous ai-je dit, avait lieu tous les ans, du 1" au 10 juin,
et la dernière partie du mois de juin était accordée pour faire passer la lisfto
au préfet avec les observations du sous-préfet. Ainsi, au !«* juillet commen-
çait dans chaque département, de la part du préfet, Topération qui consiste
à réviser, à remanier, à compléter les listes de l'année précédente, opération
qui a pour première base les propositions, les observations des maires dea
communes.
Le préfet avait là deux opérations bien distinctes :
1^ L'addition, môme d'office, de toutes les personnes non inscrites sur lea
listes précédentes et qui se trouvent avoir les qualités voulues pour figurer sur
la liste actuelle, soit que ces personnes n'aient acquis ces qualités que depuia
la dernière rédaction, soit qu'elles eussent antérieurement ces qualités, maia
que par oubli on ait jusqu'alors omis de les y comprendre ;
2^ A l'inverse, le préfet devait retrancher de la liste, d'abord toutes les per-
sonnes décêdées depuis la dernière formation, et ensuite toutes celles dont la
radiation aura été ordonnée par l'autorité compétente. Nous verrons plus tard
encore quelle est cette autorité. Vous sentez que pour ces deux cas de radia-
tion, soit des personnes décédées, soit des personnes q^Iun arrêt aurait décla-
rées incapables de figurer sur cette liste, l'opération est toute simple, toute
matérielle.
A l'égard de ceux en qui la perte de la capacité serait moins apparente, moina
manisfoste, le préfet devait non pas opérer la radiation, mais annoncer, mais
indiquer qu'elle sera opérée &ute pwr les intéressés de se pourvoir dans lea
délais légaux.
Pour toutes ces opérations, pour tous ces remaniements, la loi accorde au
préfet un délai de six semaines, à compter du 1» juillet, époque où les travaux
des maires devaient se trouver dans ses mains, jusqu'au 15 août, auquel ce
remaniement doit être terminé.
Au 15 août cette liste générale, ainsi remaniée par le préfet, devait être
affichée dans toutes les communes du département dont la population égale
six cents habitants. Bile devait de plus, outre l'affiche extérieure qui est près-
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694 TRENTB-NEUV. LBÇON. — DBS COURS d'aSSISES (n* 750).
crite par la loi, être déposée an secrétariat de la préfecture et au secrétariat de
chaque mairie, afin que communication de la Ûste soit donnée gratis à toute
personne qui la requiert.
Quel est le but de cette affiche, de ce dépôt, de cette communication? CTest
de mettre les parties intéressées à môme de réclamer, soit contre des additions
mal fondées, soit contre des omissions.
Et quelles sont en cette matière les parties intéressées? Il est bon d'y faire
attention; ce sont d'abord, sans aucun doute, les personnes qu'on aurait mal à
propos omises ou mal à propos ajoutées sur la liste. Ces personnes ont évidem-
ment qualité, soit pour se faire rayer, si on leur impose une charge à laquelle
elles ne sont pas appelées, soit, au contraire, pour se faire inscrire si elles en
ont le droit.
Mais un point plus important relativement à ces réclamations, c'est que le
droit de réclamer contre les erreurs de la liste n'appartient pas seulement aux
personnes que concernent ces erreurs. Ainsi, tout électeur, tout juré de l'ar-
rondissement électoral auquel appartient l'électeur ou le juré mal à propos
inscrit, ou mal à propos omis, a qualité pour réclamer, en son nom, contre
cette insertion ou contre cette omission. En un mot, le droit de réclamer
contre les erreurs de la liste n'appartient pas seulement aux parties elles-
mêmes, il appartient encore aux tiers, pourvu qu'ils justifient d'une qualité
qui leur donne un intérêt même indirect à réclamer. Et la loi attribue ce
droit aux jurés appartenant au même arrondissement. A cet effet, il est ou-
vert à la préfecture un registre pour recevoir les réclamations des parties in-
J*ajoute que la loi ne se contente même pas de la publicité précédente,
de l'affiche et du dépôt, à l'égard de toutes personnes. Cette publicité suffit
pour mettre en demeure de réclamer les personnes qui ont été indûment
ajoutées; elle ne suffit pas pour mettre en demeure les personnes qui ont été
rayées. La radiation d'un électeur ou juré par le préfet sur la liste générale
doit être directement notifiée^ à personne ou à domicile, à l'électeur ou juré
ainsi rayé.
Au 15 août commencent les réclamations, et les réclamations peuvent être
faites dans les quinze derniers jours du mois d'août et pendant tout le mois
de septembre ; le registre des réclamations n*est clos que le 30 septembre. Elles
sont faites en premier ressort devant le conseil de préfecture, en appel et en
dernier ressort devant la cour à laquelle appartient le département de la liste
duquel il est question.
Le 30 septembre, la clôture du registre est prononcée, mais la clôture des
listes n'a pas encore lieu. Pourquoi? C'est qu'il faut bien laisser entre la clô-
ture du registre ouvert aux réclamations et la clôture définitive de la liste gé-
nérale un délai pour statuer, soit en conseil de préfecture, soit en appel, sur
les réclamations présentées dans les derniers jours de septembre. Ainsi, la liste
générale ne sera close que le 16 octobre ; et on pense que ces seize jours suf-
firont, en générai, pour porter les réclamations soulevées, même à la fin de
septembre, soit au conseil de préfecture, soit en appel à la cour. En général,
ce délai suffit, parce que les affaires de cette nature portées à la cour, doivent,
d'après la loi de 1831, y être jugées en dehors du rôle, et toute affaire cessante.
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DU JURY ET DE SA COMPOSITION (aRT. 382). 695
Le 20 octobre, les dernières rectifications sont affichées et la liste générale
demeure désormais inattaquable.
Cette liste générale servait donc dans sa première partie, soit aux élections
qui auront lieu pendant l'année qui va suivre, soit aussi au service de la liste
du jury, mais pendant l'année qui suivra à partir du 1^' janvier, car pour le
jury il y a une règle différente de celle des élections.
Quant à la seconde partie de cette même liste, rédigée dans les mêmes for-
mes, et comprenant non plus les personnes payant le cens électoral, mais les
personnes des qualités désignées dans l'art. 382, cette seconde partie de la liste
ne servira pas, comme la première, pour les élections et le jury, mais seule-
ment pour le jury, toujours pendant l'année suivante.
Ainsi se rédige cette liste générale, publique et permanente, qui reste dépo-
sée à la préfecture et dans les mairies pour qu'il en soit donné communication
à toutes les personnes intéressées.
Voilà la première des garanties données par la loi de 1827 et le Gode de 1832
à la pureté, à la sincérité, à l'exactitude de la liste générale des électeurs et
des jurés.
Encore une observation sur cette liste générale. Sa destination double, en
ce qu'elle sert à la fois aux élections et au service du jury, est la cause d'une
légère difficulté dont il est bon de vous avertir ; cette destination double néces-
site la division de la liste en deux parties, une première partie comprenant les
électeurs du département qui par là même sont jurés, une seconde partie
comprenant uniquement les jurés non électeurs, c'est-à-dire les personnes dé-
signées dans les derniers numéros de l'art. 382. Au premier coup d'oeil cela est
fort simple; cependant il y a sur la première partie quelques remarques à faire.
Cette première partie comprend, d'après la loi de 1831, tous les électeurs du
département, c'est-à-dire toutes les personnes payant 200 fr. de contributions
directes, ayant l'âge de vingt-cinq ans, et ayant leur domicile politique dans
le département. Mais précisément, quoique le cens soit le même pour l'élec-
tion et pour le jury, les conditions de domicile et les conditions d'âge ne sont
pas les mêmes; et vous sentez que cette première partie de la liste générale «
parfaitement exacte pour le service des élections, ne l'est pas complètement
pour le service du jury. Ainsi, pour le service des élections, pour avoir la qua-
lité d'électeur, la condition d'âge, était vingt-cinq ans; pour avoir celle de
juré, la condition d'âge, c'est trente ans. Nous trouverons donc sur cette pre-
mière partie de la liste générale bien des personnes qui y seront placées très-
régulièrement en qualité d'électeurs, mais qui n'auront pas droit d'y figurer
en qualité de jurés; bien des personnes qui, devant, d'après cette liste, être
convoquées au collège électoral, ne pourront cependant pas, à peine de nul-
lité aux termes de l'art. 381, être appelées pour faire partie d'un jury.
La même difficulté s'élève relativement au domicile. En effet, la liste géné-
rale des électeurs comprend, non pas toutes les personnes qui ont leur domi-
cile réel dans le département, mais toutes celles et seulement celles qui y onl
leur domicile politique. Ainsi, cette première partie de la liste générale, n'en-
fermant que les électeurs du département, ne comprendra pas toutes les per-
sonnes à qui leur cens donne le droit et impose l'obligation de siéger dans le
jury. En effet, on siège dans le jury du département oii l'on a son domicile
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696 TRBNTB-MEUY LEÇON. — DBS G0UB8 d'aSSISBS (n^ 751}.
réel, on vote, au contraire, dans le collège électoral du département où Ton a
fait élection de domicile politique.
Gomment parer à ce double inconvénient, à cette inexactitude» soit en plus,
soit en moins, que doit présenter la première partie de la liste générale^ quand
on voudra, du service des électionS| la transporter au service du jury t D'abord,
quant à ce qu'elle contient de plus, la difficulté est assez légère. Ainsi, la pre-
mière partie de la liste générale comprend des personnes que leur &ge rend
habiles à être électeurs, mais laisse inhabiles à être jurés, ce sont les person-
nes qui ont vingt-cinq ans et n'en ont pas trente. £h bien, il s'ensuit que,
quand le préfet se servira de cette première partie de la liste générale pour
composer la liste de service, il devra éviter d'insérer dans la liste de service
les personnes qui figurent dans la liste générale, sans cependant avoir trente
ans d'âge. En un mot, le préfet composant la seconde liste, celle de service,
ayant sous les yeux la première partie de la liste générale, ne devra transpor-
ter de la liste générale sur la liste de servioe que les personnes de la première
qui ont trente ans d'âge. De même, pour les personnes qui sont sur la première
partie de la liste générale sans avoir dans le département leur domicile réel,
mais uniquement parce qu'elles y ont leur domicile politique ou domicile
électoral, le préfet, en rédigeant sa liste de service ne devra, dans aucun cas,
employer sur la liste de service les personnes qui sont dans cette catégorie.
Occupons-nous mainetnant de ce que contient cette première partie de la
liste générale. Elle contient les électeurs du département seulement ; dont elle
ne contient pas les personnes qui, payant 200 fr. de contributions directes^
ayant même leur domicile réel dans le département, n'y ont pas leur domicile
politique ; comme elles n'y ont pas leur domicile politique, elles ne peuvent
pas y être appelées aux fonctions d'électeurs; elles ne peuvent pas, par consé-
quent, figurer sur la première partie de la liste. Donc on s'exposerait ûnsi,
avec une rédaction exacte de la liste d'élection, à n'avoir qu'une rédaction fau-
tive et incomplète de la liste de servioe du jtfry. La loi a prévu ce cas et y a
remédié dans le paragraphe 3 de l'art. 382 : c La seconde partie comprendra :
i^ les électeurs qui, ayant leur domicile réel dans le département, exercent
leurs droits électoraux dans un autre département. » Vous voyez que, quand
on aura composé la première partie de la liste avec les électeurs, et seulement
les électeurs du département, on insérera en tète de la seconde partie les éleo»
teurs qui, ayant leur domidle réel dans le département, exercent leurs droits
électoraux dans un autre département. Ce paragraphe tranche donc directe-
ment la difficulté; il pourvoit à ce qu'on appelle à faire le service du jury les
personnes qui, ayant leur domicile réel dans le département où se fait la liste,
n'auraient cependant pas pu être inscrites sur la première partie de cette liste,
parce qu'elles n'y remplissent pas de droits électoraux.
Ainsi, soit en ce qui concerne l'excédant de la liste électorale sur la liste du
jury, soit, au contraire, en ce qui concerne l'excédant de la seconde sur la pre.
ifière, vous voyez qu'il est aisé de pourvoir en pratiquée cette double diffi-
culté qui n'est qu'apparente. Mais toute cette législation a été modifiée,
, 751. Les principes qui viennent d'être exposés n'ont point, en général, cessé
d'être applicables ; mais la composition de la liste des jurés a subi plusieurs
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DIT JOHY KT OB 8A C0MP08ITI0M (aRT. Mi). 697
modifioationa. La loi da 7aoAt 1848 andiappeléàfair» partie de laliste générale
tons les eitoyena àf^ de trente ans, jouissant dee droits dvils et politiques,
non frappés d'incapacités et sachant lire et écrire. La loi du 4 juin 1853 a res-
treint cette liste en soumettant les conditions d'aptitude des jurés à un exa-
men plus rigoureux. Le décret du 14 octobre 1870 a abrogé cette loi et remis
en vigueur celle du 7 août 1848. Enfin la lot du 21 nôyembre 1872 est venue
apporter à cette institution des modificati<ms nouvelles.
Cette dernière loi déclare d'abord quels sont les citoyens généralement aptes
à remplir les fonctions de jurés; elle étaUit ensuite les modes de désignation
de ceux qui» parmi ces citoyens, sont portés sur les listes du jury. Trois opéra-
tions sont prescrites pour arriver à la composition du jury qui siège aux assi-
ses : la formation de la liste annuelle, de la liste trimestrielle et la formation
du jury de jugement. Occupons-nous d'abord de la liste annuelle.
Listes préparatùires des commissions cantonales. Aux termes de la loi du
21 nov. 1872, il est formé chaque année une liste des citoyens dans lesquels
sont pris les jurés qui font le service des assises. La formation de cette liste-
annuelle est confiée à deux commissions et est le résultat de leur travail successif»
La première ne dresse qu'une liste préparatoire. Elle est composée dans chaque
canton du juge de paix, président, de ses suppléants et des maires de toutes les
communes. Les maires sont remplacés par les conseillers municipaux ou des^
adjoints dans les cantons formés d'une seule commune ou dans les communes
divisées en plusieurs cantons. A Paris la commission se compose dans chaque
quartier du juge de paix et du maire de l'arrondissement, d'un conseiller muni-
cipal et, en outre, de quatre personnes désignées par ces premiers membres
parmi les jurés de Tannée précédente résidant dans le quartier. La mission
de ces commissions, qui se réunissent dans la première quinzaine du mois
d'août, au chef-lieu de leur circonscription, est de choisir parmi les habitants
ceux qui leur paraissent le plus aptes à remplir les fonctions de juré-
(L. 21 nov. 1872, 8, 9, 10) ; ces listes préparatoires doivent contenir un nombre
de noms double de celles fixées pour le contingent de chaque canton : ce con-
tingent est, pour le département de la Seine, de 3,000 jurés et, pour les autres^
départem^ts, d'un juré par 500 habitants, sans toutefois que le nombre puisse
ê^re inférieur à 400 et supérieur à 600 (art. 6). Le nombre des jurés est ré-
parti par arrêté du préfet et par arrondissement et par canton, proportionnel-
lement au tableau officiel de la population.
Listes dittnitiioes des eofmnissiims d'unondissemetU» La seconde commissioi»
dresse la liste définitive. Elle est composée dans chaque arrondissement du
président du tribunal civil, des juges de paix et des conseillers généraux de l'ar-
rondissement. Elle est composée à Paris du président ou d'un juge du tri-^
bunal, du juge de psix de l'arrondissement et de ses suppléants, du maire et
des quatre conseillers municipaux de l'arrondissement. Cette commission est
chargée de dresser la liste annuelle du jury. Elle se réunit dans chaque arron-
dissement dans le courant de septembre. Elle puise les éléments de sa liste
dans les listes préparatoires, mais elle peut inscrire des personnes qui n'y ont
point été portées, pouryu qu'elles n'excèdent pas le quart des noms proposéa
dans chaque canton. Elle peut également modifier, dans la limita du quart, I»
contingent de chaque canton fixé par le préfet, sans modifier le contingent de
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TRENTK-NKUV. LEÇON. — DES COURS d'aSSISBS (n* 752).
rarrondissement. Une liste spéciale du jjirés suppléants, pris parmi les jnrés de
la ville où se tiennent les assises, est également dressée chaque année, en de-
hors de la liste annuelle (art. 12, 13, 14 et 15). Ces listes sont transmises
avant le l^^ décembre, au greffe de la cour ou du tribunal chargé de la tenue
des assises. C'est sur ces documents que sont dressées : 1^ la liste annuelle du
département par ordre alphabétique, conformément aux listes d'airondisse-
ment; 2<* la liste spéciale des jurés suppléants (art. 15 et 16).
752. Inscnpiion des citoyens sur les listes. On vient d*ezposer le mode de
formation des listes ; il faut indiquer maintenant quels sont les citoyens que les
commissions peuvent y inscrire. L'art, l^^de la loi du 2i nov. 1872 dispose que
fl nul ne peut remplir les fonctions de juré, à peine de nullité des déclarations
de culpabilité auxquelles il aurait concouru, s'il n'est &gé de trente ans accomplis,
s'il ne jouit des droits politiques, civils et de famille, ou s'il est dans un des
cas d'incapacité ou d'incompatibilité établis par les deux articles suivants. •
La première condition de l'inscription est la qualité de Français. Les formes
suivant lesquelles cette qualité s'acquiert ou se perd sont établies par les
art. 8 et 10 du G. civ., 2, 3, 4, 5 et 6 de la loi du 22 frim. an VIII, les lois
des 25 mars 1849, 11 déc. 1849 et 12 fév. 1851. L'inscription d'un étranger,
quelque irrégulière qu'elle soit, ne peut avoir aucun effet si cet individu n'est
pas appelé à faire partie du jury de session ou si, compris dans ce jury, dans
une liste de plus de trente jurés, il n'a point siégé parmi les douze jurés de juge-
ment ; mais s'il a fait partie de ces douze jurés ou s'il a concouru à leur tirage
lorsque trente jurés seulement étaient présents, la condamnation est frappée
de nullité. Cette nullité ne peut toutefois être invoquée que par l'accusé dé-
claré coupable. Il en est ainsi pour les deux autres conditions, à savoir l'&ge
de trente ans et la jouissance des droits politiques, civils et de famille. Le défaut
d'une de ces conditions ne produit une nullité qu'autant que le juré irrégu-
lièrement inscrit a siégé dans le jury de jugement et cette nullité n'existe
que quand il y a eu déclaration de culpabilité. Une observation qui s'applique
aux trois conditions d'aptitude est que l'inscription sur la liste établit Jine pré-
somption de l'aptitude du juré et que c'est à celui qui la conteste à apporter
la preuve de son allégation.
Causes d'incapacité. Il ne suffît pas pour être juré de réunir la qualité de
Français, l'âge de trente ans et la jouissance des droits politiques, civils et de
famille, il faut encore n'être atteint d'aucune des causes d'incapacité ou d'in-
compatibilité prévues par la loi. Les causes d'incapacité, énumérées dans
l'art. 2 de la loi, sont diverses par leur nature et se résument dans les cinq
classes suivantes : Sont incapables d'être jurés : 1« Tous les condamnés pour
faits qualifiés crimes à quelque peine que ce soit; 2^ tous les condamnés pour
délits, soit, s'ils sont militaires, à la peine des travaux publics, soit, quelle qu e
soit leur qualité, à un emprisonnement]de trois mois au moins. L'incapacité est
limitée à cinq ans en faveur des condamnés à moins de trois mois et des con-
damnés pour délits politiques. Elle pèse sur tous les condamnés à l'amende et
à Temprisonnement, quelle qu'en soit la durée, pour vol, escroquerie, abus de
confiance, soustractions de deniers publics, attentats aux mœurs, usure, ou-
trage à la morale publique et religieuse, vagabondage, mendicité et tous les
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DU JURY ET DB SA OOMFOSITION (aRT. 382). 699
délits énoncés au n« 5 de Tari. 2 ; Z^ ceux à qui les fonctions de juré ont été
interdites en vertu de Fart. 396 de notre Ciode et de l'art. 42. G. pén. ; i^ ceux
qui sont sans mandat d'arrêt ou de dépôt ou qui sont en état d'accusation ou
de contumace; 5<»; les notaires, greffiers et officiers ministériels destitués,
les faillis non réhabilités, les interdits, les individus pourvus d'un conseil ju-
diciaire, et ceux qui sont placés dans un établissement public d'aliénés.
L'application de ces incapacités est soumise aux régies suivantes : i^ Elles
sont absolues en ce sens que les opérations du jury auxquelles aurait pris part
un individu frappé d'incapacité sont annulables, s'il en est résulté une décla-
ration de culpabilité (L. 21 nov. 1872, 1 ); 2<> les incapacités sont de droit
étroit, elles ne doivent donc pas être étendues au delà de leurs termes précis ;
ainsi, par exemple, la déchéance qui atteint Tofficier ministériel ou le failli ne
s'étend pas à Tofficier suspendu, à l'héritier du failli, au débiteur en décon-
fiture; B^les incapacités, qui sont la conséquence d'une condamnation pénale,
cessent par la réhabilitation (G. ins. crim., 634).
Causes d^ exclusion. L'art. 4 de la loi exclut des fonctions de juré i les do-
mestiques et serviteurs à gages, et ceux qui ne savent pas lire et écrire en
français ; » ces deux classes d'individus ne sont pas frappées d'incapacité, mais
seulement d'une interdiction accidentelle qui doit cesser quand la cause dis-
paraît. La première de ces interdictions est fondée sur ce que le juré doit jouir
d'ime entière indépendance et être à l'abri de toute influence. Elle s'applique
à la fois aux domestiques attachés au service de la personne et de la maison.
La deuxième s'applique non-seulement aux individus qui ne savent pas lire
et écrire, mais à ceux qui ne connaissent pas la langue française : la loi n'exige
d'ailleurs que le premier degré d'instruction, la lecture et l'écriture ; mais ce
premier degré doit être complètement acquis. Il ne résulte d'ailleurs aucune
nullité de la participation d'un domestique à gages ou d'un individu illeltré,
s'il jouit de ses droits politiques et civils, aux opérations du jury. Il appartient
à la cour d'assises, si la cause d'exclusion est vérifiée, d'écarter de la liste le
juré en qui elle se trouve. La loi ne s'est point occupée des infirmités qui peu-
vent rendre les jurés impropres à l'exercice^ de leurs fonctions, par exemple la
cécité ou la surdité. Il appartient encore, soit à la cour d'assises, par la voie
des dispenses ou des excuses, soit aux parties, par la voie de la récusation,
d'éloigner les impotents et les malades.
Causes éTincompatibiliié. Les incompatibilités sont de deux espèces : les
unes, prévues par l'art. 383, sont permanentes; les autres, prévues par l'art. 372,
sont purement accidentelles. Les incompatibilités permanentes sont énumé-
rées dans l'art. 3 de la loi du 21 nov. J872, qui a remplacé l'art. 383 : ce sont
celles qui résultent des fonctions de député, de ministre, membre du Gonseil
d'État, membre de la Gour des comptes, sous-secrétaire d'État ou secrétaire
général d'un ministère, préfet et sous-préfet, secrétaire général de préfecture,
conseiller de préfecture, membre de la Gour de cassation ou des Cours d'appel,
juge titulaire ou suppléant des tribunaux de commerce, officier du ministère
public près les tribunaux de première instance, juges de paix, commissaires de
police, ministre d'un culte reconnu par l'État, militaire de l'armée de terre et de
mer en activité de service et pourvu d'emploi, fonctionnaire ou préposé du
service actif des douanes, des contributions indirectes, des forêts de l'État et
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700 TRENTB-NBUT. LBÇOM. — DM» COURS I>'A86I8BS (n* 753).
de radminisuation des télégraphes, institateur primaire oommiuai. » L'appli-
cation de ces incompatilûlités donne lieu aux obserYatioas qui soivimt :
lo Elles doivent être rigoureusemenl restreintes dans leurs termes, puisr
qu elles ne sont qme des exceptions à la régie qui oblige les citoyens à subir la
charge de jury ; 2* elles cessât nécessairement avec la fonction d*où eltos
dérivent ; 3^ la participation aux opérations du jury d'un fonctionnûre incom-
patible, comme celle de l'incapable, ne produit de nullité qu'autant qu'il a
siégé an jury de jugement ou figuré parmi les trente jurés qui <Hit formé ce jury
et qu'il y a eu une déclaration de culpabilité.
Les incompatibilités accidentelles, prévues par l'art. 39i, n'ont d'effet que
dans les affaires oii le juré a rempli k fonction d'officier de police judidUâTe,
d'interprète ou d'expert, oii il a figuré comme lémoin, où il a été partie. Il
n'est écarté qu'à raison de la prév«ition qui a pu se former dans son esprit. Il
faut entendre par offimer dt p^iee /«dicmire les officiers qui ont procédé à
quelque acte de leur fonction même» à la. rédaction d'un procès-verbal ou
d'une plainte ; par témeèu, tous œux qui ont été entendus dans l'affaire» même
eu dehors de l'audience, dans l'instruction écrite; parcatperts, ceux qui ont
exprimé une opinion sur l'un des points de la cause, fùt*oe dans la pre-
mière instruction et même sans «voir prêté serment; enfin par partîu,
les dénonciateurs» les plaignants, les parties civiles, et les défenseurs
qui a'identifient avec les parties et qui ont été chargés de la défense dans
la cause même. Les incompatibilités prévues par l'art. 392 ne doivent
point, d'ailleurs» être étendues au delà' de ses termes : ainsi, point d'in^
compatibilité pour les jurés à raison de leur parenté ou alltanoe, soit entre
eux, soit avec les juges, soit avec les témoins, soit avec les parties elles-
mêmes.
Came$ de âùpense ou «i'eaMmption. L'art. 5 de la loi porte : « Sont dispensés
des fonctions de juré: i^ les septuagénaires; 2* ceux qui ont besoin pour
vivre de leur travail manuel ou journalier; 3^ ceux qui ont rempli les mê^
mes fonctions pendant l'année courante ou précédente. » Les septuagénaires
et les citoyens qui vivent de leur travail manuel, lorsqu'ils ne réclament pas,
sont parfaitement aptes à siéger elt il en est ainsi des jurés qui ont déjà siégé.
Ce que.défend le troisième cas de dispense, c'est raecompUssement de la fonc-
tion deux ans de suite : il importe peu qu'elle ait été remplie dans les assises
ordinaires ou extraordinaires. On doit continuer d' appliquer le § 4 de Ifart.
391 portant : t Ne seront pas considérés comme ayant satis&it aux réquisi-
tions ceux, qui auront avant l'ouverture de la session, fait admettre des] ex-
cuses dont la cour d'assises aura jugé les causes temporaires. » La di^nse
ne s'applique qu'à Taccomplissement effectif de la fonction. Elle s'applique
d'ailleurs aussi bien aox jurés suppléants qu'aux titulaires.
7&8. Tirage de Uk lisU de seMton. Cette liste, composée de 36 jurés titulaire»
et de 4 jurés suj^lémentaires, est prise dans les listes annuelles de chaque
départemMikt. Elle est composée par un tirage au sort qui a lieu en an-
diaice publique de la cour d'appel ou du tribunal chef-lieu du département
(L. 21 nov. 1872» 18). de tirage se fait par la main du président qui tire de
l'urne, où tona les noms des Jurés de la liste annuelle sont déposés, les noms
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DU JURT BT DB flA OOKPOSITION (aRT. S8Î). 701
des 36 jurés titulaires, et de Tnme spéciale où ils sont placés, les 4 jurés sup-
pléants. Cette opération doit avoir lieu en audience publique ; c'est là une
forme substantielle dont le défaut pourrait vicier la formation du jury. H est
procédé en même temps conformément à l'article 390, en remplacement des
jurés portés sur la liste annuelle qui seraient décédés ou atteints d'incapacités
ou d'incompatibilités légales (art 17 de la loi). Ce remplacement est ordonné
par la cour ou le tribunal et seulement quand il est nécessaire. Il y a lieu
d'écarter également les noms des jurés qui ont rempli cette fonction Tannée
courante ou précédente. Tous les incidents qui peuvent s'élever dans le cours
de cette opération sont vidés par la cour ou le tribunal et non par le prési-
dent seul.
7S4. Notification aux jurés. Le procés-verbal du tirage du jury de session
est transmis par le ministère public : 1* au préfet pour qu'il le fasse notifier
par extrait aux jurés désignés ; 2** au président des assises. Tje préfet notifie
à chacun d'eux l'extrait de la liste qui constate que son nom y est porté,
huit jours au moins avant l'ouverture des assises (art. 389). Cette notification
peut être faite soit par la gendarmerie, eoit parun huissier (Dec, 18 juin
1811, 71). L'agent remet au juré ou à la personne trouvée à son domicile co-
pie de l'extrait et de l'acte qui le notifie, et il fait signer sur l'original la cons-
tatation de cette remise. Si la notification n'a pas été régulière, le juré qui ne
se pfésente pas n'est passible d'aucune peine ; s'il se présente néanmoins, il
est considéré comme régulièrement convoqué. Si plusieurs des jurés désignés
par le sort n'avaient reçu aucune notification, et que moins de 30 jurés fussent
présents, la cour d'assises devrait, non procéder au remplacement des absents,
remplacement qui suppose l'empêchement des jurés remplacés, mais ordon-
ner la notification omise et surseoir jusqu'à ce qu'elle eût été accomplie.
Formation définitive de la liste. L'article 19 de la loi du 21 nov. 1872 est ainsi
conçu : • Si, au jour indiqué pour le jugement, le nombre des jurés est réduit
à moins de 30 par suite d'absences ou pour toute autre cause, ce nombre est
complété par les jurés suppléants, suivant l'ordre de leur inscription ; en cas
d'insuffisance, par des jurés tirés au sort en audience publique, parmi les jurés
inscrits sur la liste spéciale ; subsidiairement parmi les jurés de la ville iqecrîts
sur la liste annuelle • . Le premier acte de la cour d'assises est donc de pro-
céder à la formation définitive du jury de la session en statuant sur les causes
d'absence, sur les excuses ou les dispenses. Ce n'est pas le président, c'est la
cour d'assises qui préside à cette opération, en siégeant en audience publique.
Les parties n'ont pas le droit de critiquer les arrêts, qui admettent ou rejet-
tent les demandes des jurés, à moins qu'ils ne s'appuient sur des motifs de
droit.
Les règles que la cour d'assises doit suivre en statuant sur les excuses sont
prescrites par les art. 396, 397 et 398. L'amende de 500 francs prononcée par
le 2* paragraphe de l'art. 396 peut être réduite à 200 francs, sans préjudice des
autres dispositions de cet article (L. 21 nov. 1872, 20). Les arrêts, lorsqu'ils se
fondent sur des appréciations de faits, peuvent n'être pas motivés ; il suffît
qu'ils déclarent que les moyens proposés sont ou ne sont pas légitimes. Ces
arrêts ont un effet différent suivant qu'ils prononcent sur des excuses tempo-
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702 TRENTE-NEUV. LEÇON. — DES COURS d'aSSISBS (n* 753).
raires oa permanentes. Les premières^ qaand elles sont admises, libèrent le
juré pendant la session ; les antres ont pour effet de le dispenser de siéger
pendant tout le temps que son inscription peut l'appeler, c'est-à-dire pendant
Tannée. La cour d'assises peut surseoir à statuer sur les jurés défaillants ; elle
peut aussi les condamner par défaut, sauf à rabattre son arrêt si le juré se
présente ou s'il fait parvenir une excuse légitime. Les jurés défleullants peu-
vent présenter ultérieurement leurs excuses (art. 397), mais la compétence de
la cour d'assises pour y statuer cesse avec la session. Dans ce cas l'excuse
doit être portée devant les assises du trimestre suivant.
Après cette opération préliminaire, la cour d'assises forme la liste définitive
de la session ; on a déjà vu que si le nombre des jurés est réduit à moins de
trente, il y a lieu de compléter la liste, car trente jurés idoines sont nécessaires
pour procéder à laconstitution du jury de jugement. U y a lieu de procéder, s'il
y a moins de trente jurés présents, au remplacement des absents, quoique la
cour ait simplement sursis à prononcer sur les excuses par eux proposées, car
la formation de la liste est indépendante du jugement des excuses. Il y a lieu
de compléter la liste, quel que soit le nombre des jurés manquant à l'appel, et
lors même que, par des circonstances extraordinaires, les jurés présents se-
raient réduits à quelques-uns. Nous avons déjà dit qu'il n'appartient pas à la
défense de critiquer ces opérations ; mais s'il était établi que les remplace-
ments ont été multipliés sans motifs et dans le but d'altérer la composition du
jury, il pourrait y avoir lieu à cassation, car il n'appartient pas à la tour
d'assises de refaire la liste du jury et de modifier les éléments de la juri-
diction.
La liste ne doit être complétée, s*il y a lieu, que jusqu'au nombre de trente,
La liste est complétée, ainsi que je l'ai dit, en appelant d'abord les quatre jurés
suppléants suivant l'ordre de leur inscription, et, en cas d'insuffisance, par des
jurés tirés au sort en audience publique parmi les jurés inscrits sur la liste an-
nuelle (L. 21 nov. 1872, 19). Les formes du tirage au sort et de la publicité sont
substantielles dans cet appel des jurés complémentaires et doivent être consta-
tées à peine de nullité. Le mode de tirage consiste à tirer les noms des jurés de
l'urne où sont déposés les noms de tous les citoyens qui doivent y concourir. Il
n'est i^as nécessaire qu*il ait lieu en présence des accusés. Le président tire un
nombre de jurés égal au nombre des jurés absents ou dispensés ; il peut même,
en prévision des absences ou des empêchements qui peuvent se produire par-
mi ceux qu'il appelle, en tirer un plus grand nombre, pourvu qu'il suive exac-
tement l'ordre dans lequel les noms sont sortis de l'urne. Les jurés ainsi appelés
conservent leurs fonctions pendant tout le cours de la session et prennent
part à toutes les affaires qui sont jugées postérieurement à leur appel, à moins
que les jurés qu'ils remplacent ne se représentent, car ils ne pourraient con-
tinuer de siéger à la place de ceux qu'ils ne font que suppléer. Cependant si,
lors même que les jurés qu'ils ont remplacés reviennent, le nombre des jurés
se trouve inférieur à trente, ils doivent continuer leur service, car ils ont
été appelés, non pour remplacer tel ou tel juré, mais pour compléter le
jury.
Notification de la liste des jurés. Cette notification, prescrite par l'art. 395, est
une forme essenUelle de la procédure, car l'accusé ne peut exercer son droit
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DU JURY JBT DE SA COMPOSITION (arT. 382). 703
de récusation 8*il ne connaît pas les noms des jurés. S'il y a plusieurs accusés,
elle doit être faite à chacun d'eux. La nullité que Tomission de cette forma-
lité entraine est prononcée lors môme que l'accusé n'a fait aucuDe réclamation.
La notification est réputée régulière, quelle que soit la liste notifiée, soit la
liste originaire des 36 jurés titulaires et des 4 suppléants, soit la liste rectifiée
au premier jour de la session, soit enfin la liste originaire augmentée des jurés
appelés en remplacement ; des arrêts, trop nombreux pour être cités ici, ont
consacré ce point. Mais il y a nullité — si la liste rectifiée notifiée ne con-
tient pas les noms de trente jurés capables ; — si l'un des jurés de la liste pri-
mitive ou rectifiée omis dans la notification qui a été faite de cette liste a con-
couru au tirage au sort et fait partie du jury de jugement.
La liste des jurés doit être notifiée < la veille du jour déterminé pour la for-
mation du tableau > et la notification est « nulle si elle est faite plus tôt ou plus
tard. » La fixation de ce délai a eu pour objet, d'une part, de prévenir les sollici-
tations, et d'autre part d'assurer à la défense le temps nécessaire pour préparer
ses récusations. La publicité du tirage de la liste trimestrielle 6te toute im-
portance à la notification prématurée. Il n'y a plus que la notification tardive
qui puisse produire one nullité, puisqu'elle peut apporter une entrave au
droit de récusation (Gass., il oct. 1849). Elle est réputée tardive lorsqu'elle
est faite le jour même de la formation du tableau ; mais il suffit qu'elle soit
faite lav eille, lors même qu'il ne serait pas écoulé vingt-quatre heures entre la
remise de l'exploit et la formation du tableau. Si elle n'a été faite que le jour
môme, la nullité résultant de cette tardivité est d'ordre public et ne peut être
couverte par le silence et l'adhésion de l'accusé. Cette tardivité se constate
par la production de la copie de l'exploit de notification.
Les formes de la notification sont celles qui sont communes à tous les ex-
ploits : l'exploit doit spécialement constater : i^ Sa date, qui est une forme
essentielle, puisque l'art. 395 fixe le jour de la notification; elle ne pourrait
être suppléée, si elle a été omise, que par les énonciations mêmes de l'exploit
qui doit se soutenir par lui-môme ; 2^ la remise de la copie à l'accusé lui-môme
(C. proc. civ., 61, 68 et 70). La notification a été déclarée nulle : lorsqu'elle
a été faite à un détenu en parlant au concierge de la prison ; lorsqu'elle a
été faite à son coaccusé , et môme à son défenseur. La remise doit être con-
statée en déclarant qu'elle a été faite en parlant à la personne de l'accusé. Il y
a nullité si le parlant d a été laissé en blanc. Il a été admis que les mots
parlant à la personne sont suffisants môme lorsqu'ils ont été imprimés à l'a-
vance dans l'exploit (Gass., 30 mai 1850, 4 avril 1856). On doit toutefois faire
observer que les formules imprimées à Tavance ne donnent aucune certitude
de l'accomplissement de la formalité; elles afiGEiiblissent l'affirmation de l'exploit
et enlèvent à la procédure une partie de ses garanties. S'il y a plusieurs accu-
sés, l'exploit doit indiquer que la notification et la remise ont été faites indi-
viduellement et séparément à chacun d'eux. Cependant la notification même
collective est régulière, si les différents accusés sont distinctivement dési-
gnés dans l'acte et si le coût des différentes copies est relaté ; si l'acte men-
tionné « que la copie a été remise aux accusés en parlant à chacun d'eux »
ou qu'elles (mt été faites en parlant à leurs personnes (Gas8./.2 juiU. 1846). »
Au surplus, la nullité est restreinte à ceux des accusés qui sont présumés n'a-
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704 TRENTB-NBDV. LBÇON. — DES COUBS D*A«8»1W (N* 754).
voir pas reçu de copies ; elle ne profite pas aax autres. La notification pent être
faite même nn jonr férié, si ce jonr est la veille de Teavertare des débats
(Gass.y 5 déc. 1850). Il n'est pas nécessaire qae l'exploit constate <pie la remise
a été faite entre les deux gnichets de la prison. Enfin, les surcharges et ra-
tnres n'opèrent de nullité que lorsqu'elles portent sur des mots énonçant Pob-
servatioQ de formalités essentielles.
Fiïrmes de la copie. 11 importe peu que la liste notifiée soit imprimée on
manuscrite, placée en tète de Fe'kploit ou annexée à cet acte, pourvu qu'elle
soit exacte. Elle doit contenir toutes les désignations propres à constater l'in-
dividualité de chaque juré, leurs noms et prénoms, leur qualité ou profession,
leur âge et leur domicile. Si ces désignations sont incomplètes ou inexactes,
il peut en résulter un grief sérieux dans le cas où ces irrégularités sont assez
graves pour égarer Taocusé dans l'exercice de son droit de récusation. C'est
la Cour de cassation, chargée de relever toutes les irrégularités des procé-
dures, qui apprécie la gravité et les effets probables de ces omissions ou de ces
erreurs. La nullité n'est prononcée que lorsqu'il y a présomption qu'une en-
trave a été apportée à la défense, et qu'il en est résulté un préjudice réel. Cette
règle a été consacrée par de très-nombreux arrêts.
755. Tirage des douze jurés, -La liste des jurés de la session étant définiti-
vement formée et étant signifiée à chacun des accusés la veille du jour où ils
sont traduits aux assises, il reste à constituer le jury de jugement qm doit
statuer sur chaque accusation. Le jury est composé de douze jurés (art. 994).
Ce nombre essentiel à la constitution de la juridiction ne peut être ni res-
treint, ni dépassé, à peine de nullité.
Jurés suppléants. A côté de ces jurés peuvent cependant s'asseoir des jurés
suppléants qui, lorsque la cour d'assises les a jugés nécessaires, sont destinés
à remplacer ceux des douze jurés qui seraient empêchés de suivre les débats
(art. 394). Karrêt qui ordonne l'adjonction est rendu a^ant le tirage des jurés,
et comme il en résulte une restriction du droit de récusation, ce n'est que
lorsqu'elle est absolument nécessaire que cette mesure doit être prise. La
défense peut réclamer toute son opportunité au moment du tirage du jury de
jugement. Il serait convenable que la cour ne rendît son arrêt qu'en présence
de l'accusé et après l'avoir interpellé de présenter ses observations (IV. de
Vinst* crim.,n* 3234). L'arrêt n'est pas d'ailleurs rendu publiquement; il peut
être rendu même après le tirage des jurés, si le droit de récusation n'en
reçoit aucune entrave; il peut être rétracté. Le juré suppléant ne prend la
place d'un juré titulaire que lorsque celui-ci est empêché, soit pour cause de
maladie, soit pour cause d'incapacité. S'il n'a pas été tiré de juré suppléant et
qu'un empêchement se produise parmi les jurés de jugement, la cour d'as-
sises, si la continuation des débats est impossible, doit constater l'incident et
renvoyer l'affaire à un autre jour ou à une autre session.
FcTfMsdu Ifra^e. La jurisprudence a admis que le tirage des douze jurés peut
avoir lieu soit devant le président seul, soit devant la cour d'assises entière.
Dana l'un et l'autre cas l'opération est régulière et la défense ne peut y puiser
aucun grief. Lorsque des incidents contentieux s'élèvent dans l'opération, il
n^appartient qu'à la cour d'assises d'y statuer; et cette règle a amené la cour
d'assises dans la plupart des sièges à présider tout entière au tirage des jurés.
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m; JURY KT DB SA COMPOSITION (ART. 382). 70S
La loi exige d'ailleurs la présenee du ministère pnbiic et celle des accuses
(«rt. 399). Le défenseur a le droit mais non l'obligation. d'y assister; lorsqu'il
est présent^ il peut exercer lui-même au nom de Paccusé le droit de récusa*
tion. Mais si Taccusé a réclamé son assistance et s'il n'avait pas été fait droit
à sa réclamation, il pourrait en résulter un grief^ puisque la défense a été
entravée. S'il n'entend pas la langue française^ il doit être assisté d'un inter-
prète, à moins qu'il n'en ait une connaissance suffisante pour exercer ses ré-
cusations. La partie civile peut assister au tirage. Le greffier est tenu de dres-
ser un procès-verbal de l'opération qui a lieu dans la chambre du conseil; il
doit être signé par lui et par le président.
Les formes intrinsèques du tirage sont l'appel des jurés, le dépôt dans une
urne des noms des jurés présents, et le tirage au sort de douze noms non
récusés par le ministère public et l'accusé. L'appel doit se renouveler pour
chaque aiSaire; il est fait en présence de l'accusé et doit constater la présence
de tr^OLte jurés idoines au moins. Le président, à mesure que chaque jui^ répond
à l'appel, dépose dans l'urne son nom inscrit sur un papier. Il n'est pas permis
de substituer à ce mode légal tout autre mode. Les noms des jurés présents,
•an nombre de trente au moins, ayant été déposés dans l'urne, le tirage des douze
ost opéré par la voie du sort. Le président tire successivement les noms des
jurés et les proclame. Les récusations s'exercent à mesure que chaque nom est
extrait. Le tableau du jury de jugement se compose des douze premiers noms
qni sont sortis de l'urne et qui ont été acceptés sans récusation par le mi-
nistère public et l'accusé. Ce jury est acquis à l'accusation comme à la dé-
fense. Il n'est pas permis sous aucun prétexte d'en modifier la composition.
Il peut se trouver toutefois annulé par le fait lorsque, pour une cause légale,
la cour d'assises renvoie l'affaire à un autre jour ou à une autre session, ou
lorsque la maladie d'un des jurés apporte un obstacle à la continuation des
débats. L'annulation peut même en être prononcée lorsqu'une irrégularité
grave a été commise dans le tirage.
DraU de réms<Uion. Ce droit, qui est le complément de l'institution du jury
et son accessoire indispensable, est soumis par l'art. 399 aux règles suivantes :
10 les récusations ne sont faites qu'en présence des jurés ; 2« elles sont pé-
remptoires et ne peuvent être motivées ;.3<^ le nombre des récusations est de
9 à 12 pour chacune des parties, suivant que le nombre des jurés s'élève de
30 à 36. Les récusations sont faites au moment oii le président extrait chaque
nom de l'urne; il doit procéder avec lenteur et mettre entre chaque nom un
intervalle afin de laisser aux parties le temps d'apprécier si elles doivent ré-
cuser. Elles peuvent d'ailleurs s'aider de notes écrites et il leur faut le loisir
de les consulter. S'il y a un juré suppléant et s'il n'y a que trente jurés, les ao
cusés exerceront neuf récusations et le ministère public huit; s'il y a deux ju-
rés suppléants, les récusations sont réduites à huit pour les deux parties. Le
président doit avertir les accusés, avant l'opération du nombre des récusa-
tions qu'il leur appartient d'exercer.
S'il y a plusieurs accusés le nombre des récusations demeure le même. Ils
peuvent se concerter pour les faire toutes ou eh partie (art. 402, 403) ; ils peu-
vent charger un seul d'agir au nom de tous; ils peuvent même délier cette
mission à l'un des défenseurs. S'ils ne se concertent pas, il y a lieu de diviser
I ' ^ 45 ,
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706 QUARANTlAlfB LBÇON. — DBS OOURS D*A|ISI8B8 (N^ 755).
proportiomieUément entre eux le ncmibre des récusations à exercer ; le prêsi*^
dent règle par le sort le rang des aocasés, divise les récusations suivant leur
nombre et ne laisse chacun d'eux ex^t^r que celles qui lui appartiennent. 8!
la nombre des accusés est supérieur à celui des récusajtions, il est clair que les
derniers se trouTent dans Timpossibilité d'en exercer^ à moins que le droit
n'ait pas été épuisé par les premiers. Les incidents qui peuvent s'élever dans le
cours du tirage sont vidés soit par le président, soit par la cour d'assises, mais
par cette oour seulement, s'ils ont un caractère contentieux.
Chef du jury. Le président ou chef du jury est celui des douze jurés sorti le
premier par le sort ou désigné par eux fart. 347). Le remplacement 8*opère
par une décision de la majorité des jurés; le consentement du premier Juré
est inutile; ces mots de Fart. 342 t du consentement de ces derniers » ne se
réfèrent qu'au juré qu'ils désignent. Ce remplacement n'est soumis à aucune
fonnalité ; il suffit qu'il soit constaté. La délégation peut n'être que partielle
et être limitée à la lecture de la déclaration à l'audience. Les fonctions du chef
des jurés consistent à présider leur délibération^ à rédiger la déclaration, à la
signer et à en donner lecture.
Serment des jurés, La prestation par chaque juré du serment prescrit par
l!art. 342 est substantielle et son omission emporterait la nullité de )a procé*
dure, car les jurés qui n'ont pas prêté serment n'ont aucun caractère pour
juger. C'est le serment qui fait le juré. Il est donc nécessaire que le procès*
verbal des débats le constate formellement. Les termes de la formule sont sa-
cramentels et ne peuvent être modifiés à peine de nullité. Le juré qui refuse-
rait de le prêter serait incapable de siéger, à moins que, appartenant à un
culte différent, il ne réclame l'application des rites de son culte. Le serment est
prêté publiquement à l'ouverture de l'audience.
Ainsi se trouve formée la liste des jurés.
Vous voyez que, si le système peut encore par quelque côté prêter le flanc
à la critique, s'il ne satisfait pas complètement à tout ce que la théorie peut
exiger, il y a cependant une immense amélioration dans ses dispositions rap-
prochées du système tout à fait illusoire du Gode de 1808. Vous voyez qu'en
comparant la formation des listes prescrites par le Gode de 1808 avec ceUe qui
est maintenant en vigueur, il est vrai de dire que cette dernière renferme des
corrections, des améliorations au système qu'elle a remplacé, et même qu'elle
a vraiment en France ressuscité le jury, qui, en vérité, n'y existait plus de-
puis la rédaction du Gode impérial.
Nous sommes donc arrivés maintenant i la fin de la confection des listes et i
l'ouverture des débats ; c'est à ce point que nous aurons à prendre l'article 310.
QUARANTIÈME LEÇON.
CHAPITRE IV
8EGTI0N PREMIÈRE
DE L*SXAMEN.
755. Avant d'entrer dans le texte des articles, il est bon de vous avertir que
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PROCÉIKIBB J>BTANT lA QOUR d'aSSIBBS (aRT. 3t2). 707
Ja portée de la phipart d'onlie eaxeet très-fadleà laieir, que fort peu domient
lieu à des débats d*liitcq[»rÂtiitiom'tant soit peu douteu» ; nous pourrons même
nous abst^iir de lire nue boane partie de oesrarticles.
L'accusé c<mparaittaiibt^. C'est de la liberté de ses membres et* de son ceife
qu'il est ici question^ cex M est entouré de gardes.
a Aht. 310. L'accusé comparaîtra libre, et seulement accompagné de gardes
pour Tempècher de 3*évader. Le président lui demandera son nom, ses .prénoms,
son égOf sa profession^ sa demeure et le lieu de sa naissance. »
756. Relativement au conseil qui devra assister Faccusé, îrfaut vous repor-
ter aux art. 294 et ^5, relatifs à la nécessité d'une nomination de conseil, soit
par l'accusé, soit au moins pour lui. Le président des assises, dans les opéra-
tions préliminaires qui sont indiquées, soit par les art. 266 et suivants, soit
par les articles 29i et suivants, est chargé, entre autres opérations, d'inter-
peller Paccusé sur la question de savoir s'il a fait choix d'un oonseîi. CSette
interpellation doit, à peine de nullité, être faite à l'époque indiquée par Far-
ticle 293, c'est-à-dire quelque temps avant l'ouverture des débats. Si l'accusé
ne déclare pas le conseil dont il a fait choix, le président doit également, à
peine de nullité, hd en nommer un d'office. L'art. 295 indique dans quel bar-
reau ou dans quel cercle de personnes le conseil peut être ou choisi par Taocusë
ou désigné d'office.
C'est à ce conseil que s'adresse l'avis indiqué par l'art. 31 i, avis dont rémis-
sion à l'audience ne peut devenir la matière d'une nullité.
Qu'arriverait-il si, nonobstant cette formalité que dans l'usage on se borne &
remplir en rappelant au conseil l'art. 311, en citant le numéro de l'article sans
en répéter le texte à Taudienoe, qu'arriverait-il si, nonobstant cela, le prési-
dent ou la cour trouvaient que dans les débats ou dans la défense le conseil est
allé au delà des limites dans lesquelles Fart. 311 le renfermait? A part les
injonctions, les réprimandes ou autres peines disciplinaires établies par des
décrets ou des lois spéciales, le président ou la cour pourraient-ils aller,
nonobstant les art. 294 et 295, jusqu'à interdire la parole au conseil ainsi
nommé? Le président de la cour d'assises a la pleine police de l'audience; il
est donc difficile de lui contester, en principe, le droit de retirer la parole au
conseil qui en aurait trop complètement abusé. Mais, comme la loi veut par-
dessus tout qu'à tous les instants des débats Faecusé ait un conseil, le président
ne devrait exercer ce droit, d'abord, qu'à toute extrémité, et secondement, en
nommant à Faecusé un autre avocat. Il est d'ailleurs bon de rappeler que œtte
nomination d'un conseil destiné à remplacer celui à qui serait retirée la parole
ne peut se faire que dans le cas de la plus absolue nécessité, qu'un conseil
même présent depuis Fouverture des débats est néanmoins assez mal instruit
de l'affaire, et ne peut remplacer que d'une manière incomplète le conseil qui
avait mission de défendre l'accusé. Ce ne sont là, vous le sentez, que des
principes très-généraux, nécessairement subordonnés aux faits et à l'appli-
cation.
757. L'art. 312 est relatif au serment des jurés. Ce sermeftt est exigé à peine
de nullité.
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708 QUARANTIÉMB LBÇON. — DES COURS D^ASSISBS (n^ 758).
Cependant, quant aux derniers mots de cet article : c Chacun des jurés,
appelé individuellement par le président, répondra, en levant la main^ je lb
JURE, à peine de nullité ; • remarquons, une fois pour toutes, que l'omission
des formalités exigées par la loi, à peine de nullité, dans la procédure publique
devant les cours d'assises, remarquons, dis*je, que cette omission n'entraîne
pas nécessairement Tannulation de Tarrét rendu par la cour d'assises. En règle
générale, l'omission d'une formalité, exigée par la loi à peine de nullité, ne
peut être invoquée que par l'accusé en cas de condamnation. Dans le cas
contraire, dans celui d'acquittement, le ministère public n'est pas admis à se
prévaloir, contre Taccusé acquitté, de l'omission d'une formalité, puisque lui-
môme n'a pas réclamé contre cette omission. Vous trouverez cette distinction
dans les art. 408 et 409. Ces articles spécifient les cas où la cassation peut être
prononcée, soit à la requête du ministère public, soit à la requête de l'accusé ;
et vous verrez que les voies de nullité ouvertes à ce dernier sont infiniment
plus larges qu'elles ne le sont en faveur du ministère public.
758. Une partie de notre article demande, non pas précisément dans son
interprétation, mais dans son application pratique, quelques observations un
peu plus importantes. J'entends parler de cette partie du serment dans laquelle
les jurés sont appelés à promettre, sous la foi du serment, de ne communi-
quer avec personne jusqu'après leur déclaration ; c*est là une partie du ser*
ment exigé par Tart. 312. La conséquence forcée de l'ensemble de ce texte,
c'est que, si dans la formule du serment lue par le président aux jurés on
avait omis ce membre de phrase relatif à la promesse de ne pas communiquer,
cette omission entraînerait la nullité des débats et de la condamnation, encore
bien qu'aucune communication n'ait eu lieu du jury avec l'extérieur. C'est à
la non*prestation du serment de l'art. 312, dans toutes ses parties et pris d'un
bout à l'autre, que la loi attache avant tout la peine de nullité.
En ce qui touche cette promesse de ne pas communiquer, le motif de la loi
est évident ; de même que les jurés doivent arriver à l'audience purs et déga-
gés de tout préjugé antérieur, de même aucune autre idée, aucun fait^ aucune
discussion que celle qui aura lieu à l'audience et dans les débats ne doit venir
influencer la décision à rendre sur le sort de Taccusé. Leur laisser la liberté
entière de communiquer dans le cours des débatp, c'est les exposer à mille
influences, soit favorables, soit contraires, qui ne pourraient être contrôlées
ni par Taccusation ni par la défense. De là l'exigence du serment de l'art. 312.
Mais ce qui est bien bizarre^ c'est qu'en présence de ce motif d*ane nature
si claire, en présence de ce texte, dont les expressions sont si positives, il
arrive très- fréquemment, dans l'usage, que les communications sont parfaite-
ment libres aux jurés avec le public dans les intervalles qui séparent lee
diverses séances d'une même affaire ; c'est que, par exemple, lorsqu'une
affaire est de nature à durer plusieurs jours, les jurés communiquent librement
dans l'intervalle des séances, au mépris de la prohibition formelle de l'art. 3i2 ;
c'es^^ en un mot, que l'omission de la prestation de serment relative à la non*
communication entraînerait nullité de l'arrêt, mais que la violation patente
et publique de ce serment s'opère sous les yeux de la cour, sotis les yeux de
tout le public, sans qu'il soit possible d'en faire un moyen de nullité.
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CnOOigle
PROGÉDURK DEVANT LA COUR D*ASSISB8 (ART. S12). 709
Sur qaoi peut s'autoriser cette pratique vicieuse en elle-môme, et contraire
évidemment à Tesprit de Tart. 312? C'est, selon quelques auteurs, sur Tart. 353.
Cet article décide, dans sa dernière partie, que le président né pourra suspen-
dre les débats que pendant les intervalles nécessaires pour le repos des jurés,
des juges, des témoins et des accusés. Mais, d*abord, il n'y a aucune incompa-
tibilité entre Timpossibilité, la prohibition de communiquer que les jurés
doivent garantir par serment, et la nécessité de suspendre les débats, quand
leur prolongation, leur continuation deviendrait trop pénible pour ceux qui
doivent y prendre part. H y a plus, c'est que le même art. 353, qui, dans la
seconde partie, ne parle pas du tout de rendre aux jurés leur liberté, mais seu-
lement de suspendre les débats, le même article décide, dans sa première
partie, que les débats entamés devront être continués, sans interruption et sans
communication d'aucune espèce, jusqu'à la décision du jury. Ainsi^ dans la
première phrase de cet article, il y a deux règles: i<> continuation des débats
sans interruption aucune; 2® prohibition absolue de communiquer avec le
dehors depuis le moment où les débats sont ouverts jusqu'au moment où le
jury est venu prononcer son verdict. Puis, la seconde partie de l'article, sen-
tant bien que dans certaines affaires la continuation des débats est impossible,
autorise le président à suspendre les débats quand la nécessité le demande,
mais ne l'autorise nullement à ùiire cesser la prohibition de communiquer,
prohibition absolue dans l'art. 353, comme elle était absolue dans l'art. 312.
Ainsi me parait- il impossible d'admettre, avec quelques auteurs, que l'art. 353
légitime suffisamment comme texte la violation patente et cependant jour-
nalière du serment exigé, à peine de nullité, dans l'art. 312.
D'autres auteurs n'invoquent pas ce moyen ; ils reconnaissent franchement,
pleinement que les art. 312 et 353 contiennent, de la part de la loi, la mani-
festation formelle qu'elle n'entend pas permettre aux jurés de communiquer
avec le dehors, jusqu'à ce que les débats se soient terminés par un verdict.
Mais ils ajoutent que la pratique a cependant bien fait de s'écarter de ces
règles, et cela par ces deux raisons : i^ parce que l'art. 353 ne prononce pas
la peine de nullité ; 2^ parce qu'il y aurait à retenir les jurés renfermés pen-
dant toute la durée d'une a£GELire, des obstacles de localités, des causes de gêne
à peu près insurmontables. C'est dire, en d'autres termes, qu'un fait prétendu
insurmontable, à tort ou à raison, prévaut, à bon droit, sur le texte exprès de
la loi. Ces deux raisons méritent d'être examinées, car la matière est assuré-
ment fort grave.
D'abord, quand^ pour légitimer la pratique en pleine vigueur, on s'appuie
sur ce que l'art. 353 ne prononce pas la peine de nullité, cela peut établir, tout
au plus, que, si un pourvoi en cassation était fondé sur un pareil motif, la
Cour de cassation ne devrait pas casser. Mais, de ce que l'art. 353 n'a pas
ajouté à sa disposition impérative une sanction de nullité, s'ensuit-il que l'on
doive, dans tous les cas, sans distinction, regarder cet article comme s'il
n'existait pas? de ce que la loi, en s'adressànt au président et lui enjoignant
de ne permettre aucune communication, n'a cependant pas ajouté qu'en cas
de communication il y aumit nullité, il n'est pas logique de conclure que le
président doit effacer œt article, et permettre toute communication. En second
lieu, la question même de nullité n'est pas parfaitement claire : l'art. %3 a
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7Ifir QUARAKtlÈMn. LB^IO»» — 096 CaURl b'A0BI9B0 (n« 750].
omM^ il est vrai, d^ajovter la peine denalMté, mais l'art. 142 Ta prononcée, et
ilesi^en vérité, de la dernière bizarrerie de prononcer la ni^tô d*nne procé-
da» kmqa'on n'a pas prêté aennenlde ne point commanlqaer et de déclarer
cette' mélna pnooédnm valable quand on anra libveoient et publiquement
commnûqnéi
Qsantl 1« difEoolté èe fait de retenir lesj jurés en^Nmés, gardés à vue
prea^pae, s'il fkut'le dire, pendant tonte' fat durée d'une procédure criminelle,
cette dificnlté n'est guère qu'imaginaire. Il Unt â*ttboid remarquer que ce
n'est. qne dans, des cas exCraordinaires, qoi^ se préseiiteti« rarement, qu'une
pieeédJDBre crlniinelle se prolonge pendant plusieurs jours^ et qu'on se trouve
ainsi, dans la prélendiie< nécessité d» laisser le» jurés communiquer et s'éloi-
^erdiaque aoir pour Devenir le lendemain matin. En second lieu, cette diffi-
cnlté: exister partottty eikn'a rien de spéciale à bi France, et cependant la pro-
Inbaffon de communiquer, soit en Amérique, soit en Angleterre, est observée
à lattottre et, avec la demièra rigueur:
Ainsi,, soit en droite soit en fait, je ne vois rien, je le répète, qui puisse légî-
timet laviolatian petenlie et quotidienne du vovu/ de la loi^ manifesté, et par de
fort bonnes rabonsv dans les art. 312 et 353. *
JD y a^plus^ c^eet que dans un article qui ne parle pas davantage de nullité,
danauiiifartielerquise borne à répéter, pour un cas partîcnlier, la disposition
des art. 312 et 3^ on. exécute à la rigueur cette disposition ; j'entends parler
dB» deux premiers paragraphes de l'art. 343 : « Les jurés ne pourront sortir de
leur chambre qu'après aaroir formé leur déclcratien. L'entrée n'en pourra être
permise pendant leur délibération, pour quelque cauae que ce soit, que par
le piéaidèntet. par écrit, i On reconnaît bien; qu'une fois que le résumé du
prénient a. été fait, une fois qu'en conséquence les jurés se sont retirés dans
lenr^b&mbre penr y délibérer et pour y former leur vote, alors il est interdit
à tXMt juré- d'en sertir, ii est interdit à toute personne étrangère d'y pénétrer.
On renonniit bien alors, d'après Fart. 343, qu^il faut tenir la main à l'exécu-
tion httèrale de la Id, et que soua aucun prétexte on ne doit exposer les jurés,
doDtila délibération est commencée, à une influence extérieure; mais il est
ciair que cette inflUiMiee était tout aussi puiseante la veille, l'avant-veille,
dasM-le» intervaiiee des débats commencés devant eux, qu'elle sera après
ces débats dos, et: quand leur déiibêration sera déjà entamée. Ainsi, l'art, 343
fomrmt uub troisièmeprenv&de là volonté du législateur, volonté qui est bien
certaine, de soustraire les jurés à toute suggestion, à toute menace, à toute
ixifloenee extériemre; soit favorable, soit ceùtndre à l^aocusé.
759i « AiPrt: 318^ Iteméfdiatement après, le pi^éèideùt avertira Taccusé d'Ôtre
attentif i ce qu'il va entendre. Il ordonnera aa grefier de K»e l'arrêt de la cour
pertant.vsnvoi à la. cour d'assises, et Tacte diaccusation. Leigreffier fera cette lec-
ture à. haute veii».»
Lebet de:catte leetnreest mantfeste, l'identilé de Ifaaeaeé une fois constatée
par sa réponse àlcquesiioil de L'art 810, lACbnstitsBtîendtt; juryune foiscom-^
iMtéa par la prédation da serment de li'art 312, le poiaC de dé|part des débats
c'eatirexpoeé de raffairo fiai, soit pour l'ascnsé, soit pour les témoins, soit pour
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mocatoimB dbvaiit la cour d'assubs (art. 313). 711
Id j vy» Boît enfin pour le public. Uexposô de rafi&dre résaltera de la double
lecture de l'art 313, lecture deFarrôt de renvoi, on de rarrôtde mise en accor
eation dont j'ai déjà indiqné Tobjet, et lecture de Facte d'accusation dressé,
en vertu de cet arrêt, par le procureur général, qui est nécessairement partie
poufstûvante.
760. La loi ajoute qu'après cette double lecture^ le président rappellera à
l'accusé ce qu'il vient d'entendre ; qu'ensuite le procureur général exposera
robj[et de raccusation. Un des commentateurs du Gode d'instruction criminelle
loue beaucoup ces deux dernières dispositions ; il dit que le législateur, prévoyant
avec raison que le trouble de Taccusé, dans les premiers instants de l'audience,
a pu le rendre inàttentif à cette double lecture, Tart. 313 veut que les faits de
l'accusation lui soient encore retracés : 1<» par 1^ président, d'après T^t, 314;
i^ parle procureur ^énéral^ d'après l'art. 315. Cependant, dans l'usage, aipi
moins à Paris, on n'observe à la lettre aucun de ces deux articlesp et peut-étr^
est-ce avec raison. On ne voit, en effet, aucune importance réelle, aucun mor
tif sérieux de suivre ces deux dispositions.
Ainsi, quand la double lecture de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation,
qui ne font l'un et l'autre que retracer les mêmes faits, les mêmes charges, a
été faîte à l'accusé, on ne voit pas trop pourquoi le président rependrait la
parole'pour rappeler àraccusé les faits déjà entendus. Le président se borne,
dans l'usage, à dire à Taccusé d'après TarL 314 : Vous venez d'entendre de
quoi vous êtes accusé, vous allez entendre les charges qui seront produites
contre vous.
Quant à l'exposé qui, d*après l'art. 315, devrait être fait par le procureur
général, on n'y voit, dans la plupart des cas, aucune utilité. Vainement dit-oa
que le txouble de l'accusé a pu l'empêcher d'être attentif, il n'y aurait aucune
raison pour qu'il prêtât plus d'attention à un troisième, à un quatrième exposé^
qu'à la première et la seconde lecture.
Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que ces deux lectures faîtes sont la lecture
de deux actes qui spnt depuis longtemps dans les mains de l'accusé, car ces
deux actes lui ont été signifiés, à peine de nullité, avant l'ouverture des débats.
Aussi l'exposé du procureur général ou de l'officier du parquet qui le rem-
place est-il fait que dans les affaires d'une nature importante et compliquée.
Il faut même remarquer qu'il est assez dans l'intérêt de l'accusé que le pre-
mier rôle, dans les débats, ne soit pas ainsi constamment attribué à l'accusa-
tion. Il n& faut pas que, quand on a déjà lu à l'audience l'arrêt de renvoi et
l'acte d'accusation dressé en vertu de cet arrêt, il vienne encore s'y joindre,
de la part du procureur général, un exposé qui serait nécessairement à charge,
et qui viendrait encore aggraver, dès ces premiers moments, les préventions
que cette lecture a pu faire naître contre l'accusé. C'est dopc^ je crois, avec
raison qu'on n'applique guère l'art. 315 que dans les cas oii la complication
et l'importance de l'affaire peuvent rendre nécessaire d'appeler plus spéciale-
ment sur certains détails Taftention des jurés et celle de l'accusé.
761. Aprèr cet exposé, quand il y a lieu, le procureur général présentera
la liste des témoins à entendre, soit à sa requête, soit à celle de la partie civile,
soit à celle de Taccusé.
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712 QUARAMTlilCB LBÇON. — • DX8 COURS d'aSSISBS (m* 761).
Cette liste est lae à haute yoix par le greffier. Elle ne peut eontenir que les
noms des témoins dont la désignation a été notifiée, an moins vingt-qaatre
heures à l'aTance, soit à Taccasé par le procureur général ou la partie ciYile,
soit à rinverse, au procureur général par l'accusé.
Quel est le but de cette uotification antérieure aux débats, eVexigée par
le §3 de Tart. 315? Elle a pour but de mettre soit Taccusé, à Tégard des té-
moins à charge, soit le ministère public, à Tégard des témoins à décharge, en
mesure de s'enquérir, avant l'ouyerture de l'audience ou avant l'audition des
témoins, des causes de récusation, ou tout au moins des causes de suspicion
légitime qui peuvent militer contre ces témoins. Ainsi, vous verrez dans
l'art. 322 que certains témoins ne doivent pas être entendus ; vous verrez dans
Tart. 319, § 2, que l'accusé a droit de dire non-seulement contre la déposition»
mais contre la personne, contre la moralité des témoins, tout ce qu'il peut
juger utile et intéressant pour sa défense. Dès lors, ce délai de vingt-quatre
heures était nécessaire pour permettre aux parties de recueillir les renseigne*
ments convenables.
Remarquez, au reste, que cette disposition de Tart. 315 n'empêcherait pas
défaire entendre, dans le cours des débats d'une certaine longueur, des témoins
dont les noms n'auraient pas été lus dans la liste primitive. Cette notification
doit précéder de vingt-quatre heures, non pas l'ouverture des débats, mais
l'audition des témoins dont on doit notifier le nom. Ainsi, dans un débat qui
durerait cinq ou six jours, on pourrait, le quatrième jour du débat, faire en-
tendre, soit à charge, soit à> décharge, un témoin dont le nom aurait été no-
tifié vingt-quatre heures avant son audition.
Il y a cependant à cela un inconvénient, c'est que le témoin ourra déjà
connaître la première partie du débat. Mais ce n'est là qu'un inconvénient
assez léger; car bien que, d'après la disposition de l'art. 317, les témoins doi-
vent déposer séparément, bien que les derniers témoins ne doivent pas assis-
ter à la déposition de ceux qui les précèdent, cette précaution paraît en elle-
même n'avoir pas une grande importance, parce que, dans les débats qui du-
rent plusieurs jours, l'audience étant publique, les témoins entendus le second
jour peuvent connaître, oralement ou par la lecture des journaux, les débats.
Ajoutez même que dans l'art. 315 il n'est question que des témoins propre-
ment dits, c'est-à-dire des personnes qui viendront à l'audience déposer sous
la loi du serment. Il faut joindre à cet article les art. 268 et 269, qui, bien
que rangés par la loi parmi ceux qui concernent les opérations préalables à
l'ouverture des débats, se rattachent néanmoins par leurs textes à l'ensemble
même de ces débats. Ainsi, d'après l'art. 268, c le président est investi d*un
pouvoir discrétionnaire, en vertu duquel il pourra prendre sur lui tout ce
qu'il croira utile pour découvrir la vérité. » Et l'art. 269 ajoute : t II pourra,
dans le cours des débats, appeler, même par mandat d'amener, et entendre
toutes personnes, i C'est-à-dire toutes personnes, sans ejsaminer s'il y a eu
notification ou assignation préalable. Seulement, d'après le § 2 de ce dernier
article, les témoins ainsi appelés ne prêteront pas serment, et leurs déclara-
tions seront considérées comme de simples renseignements. Cette seconde
condition n'a pas d'importance. Quant à ces témoins ainsi appelés, la diSé-
ence c'est qu'ils ne prêteront pas serment.
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FROCIÉDURB DEVANT LA COUR d' ASSISES (aRT. 317). 713
76S. Les art. 316, 317 et suivants sont relatifs à Taudition des témoins.
D'après les art. 316, 317, vous trouvez consacrée cette précaution dont je
pariais tout à l*henre, précaution bonne en elle-même, mais dont on ne doit
pas s'exagérer Timportance; les témoins une fois appelés sur la liste générale
de l'art. 315, le président les fera tous retirer dans une pièce à ce destinée. U
pourra même, s'il trouve convenable de les isoler l'un de l'autre, de les em-
pêcher de communiquer d'ayance sur leurs dépositions, il pourra même les
séparer.
768. D'après le § 2 de Fart. 317, le serment une fois prêté par chaque témoin,
le président lui demande son nom, ses prénoms, etc., s'il est parent ou allié,
soit de l'accusé, soit de la partie civile. De ce que le président doit demander
au témoin s'il est parent ou allié, soit de la partie civile, soit de l'accusé, ne
concluez pas que la réponse affirmative à l'une de ces deux questions soit contre
le témoin une cause de récusation; il faut à cet égard distinguer : d'après
l'art 322, la loi interdit le témoignage à certains parents ou alliés de l'ac-
cusé, dont les degrés sont spécifiés dans cet article. Quant aux parents ou
alliés de la partie civile, il n'existe à leur égard aucune espèce d'incapacité.
Ainsi, quand même le témoin répondrait, dans l'espèce de notre article, qu'il
est parent de la partie civile au degré le plus rapproché, ou quand même cela
8C|)rait prouvé, à part toute réponse de sa part, il ne devrait pas moins être en-
tmidu; sauf à l'accusé, si c'est un témoin à charge, ou à la partie civile, selon
les cas, sauf aux parties intéressées à contester la déposition de ce témoin, et
à tirer, quant à la crédibilité de son témoignage, telles inductions que de
raison de sa proximité de degré avec la partie civile.
J'ai déjà expliqué, sur l'art. 156, pourquoi la loi ne transportait pas ici les
dispositions de l'art. 283 du Gode de procédure ; pourquoi, en écartant du
témoignage certains parents de l'accusé, elle permettait de faire comparaître,
même à titre de témoins à charge, les parents de la partie civile au degré le
plus rapproché. C'est, vous ai-je dit, parce que la partie civile ne joue, dans
les matières criminelles, qu'un rôle accessoire et secondaire; la partie princi-
pale, c'est le ministère public; l'intérêt dominant, c'est l'intérêt de l'action
publique; tout autre intérêt s'efface devant celui de la question pénale; et, par
conséquent, la loi permet, sauf aux jurés à y avoir tel égard que de raison, de
faire entendre les parents de la partie civile, même au degré le plus rapproché.
764. Gela fait, dit la loi, c les témoins déposeront oralement. » Ces dernier»
mots méritent encore quelque attention, t Les témoins déposer<mt oralement > ;
mais il serait possible qu'un témoin entendu dans le cours de l'instruction
préparatoire, qu'un témoin dont la déposition a été constatée par écrit se trou-
vât dans l'impossibilité de compandtre et de déposer; il serait possible que
dans l'intervalle le témoin entendu fût mort, ou que son éloigoement, qu'une
maladie grave le mît dans l'impossibilité de comparaître. Dans ce cas, pour-
rait-on lire à l'audience la déposition écrite reçue par le juge d'instruction?
L'art 317 parait s'y opposer; il ne parait admettre devant les cours d'assises
qu'une déposition orale, et, si Ton devait s'attacher à cette idée, il serait biea
aisé d'en comprendre les motifs : c'est qu'un témoin qui vient déposer vorba-
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714 QUARANTI&ICE UBQON« — DB8 G0UR8 d'a88I8B8 (N^ 765).
lement^ selon le vœu de la loi, peut être examiné, pressé, toormenté mâme
par raccosé, d*ane jMirt, par le ministère public, de Tautre; c'est qu'il est
possible de le faire varieri de le conyaincre d'imposture» en le mettant en oon*
tradiction avec lui-même, d'après les moyens donnés par Vart., 319. Rien de
pareil à l'égard de ces témoignages muets résultant d'une déposltiou écrite,
que raocusé n'a aucun moyen direct de contrôler. Cependant on décide^ dans
la pratique, qu'il est permie de lire à l'audience les déportions écrites des té-
moins entendus dans Tinstruction préliminaire, et qu'on ne peut faire eompa*
raitre devant la cour d'assises. Et on s'appuie notamment, sur ce que le Gode
n'apas.répété la disposition formelle de l'art 363 du Ck>de du 3 brumaire .an IV,
article qui prohibait, de la manière la plus positive, la. lecture à l'audience de
la déposition écrite d'un témoin qui ne serait pas présenjL dans les débats pu-
blics du tribunal criminel. Je ne sais jusqu'à quel point cet argument est bien
décisif; je ne sais jusqu'à quel point on peut s'écartor ainsi, par un argument
de pure omission, de la disposition de l'art. 317 : c Les témoins déposeront
on^em^t* » Quoiqu'il en soit sur cette question qui, endroit, me panift con-
troversable, il est bon de dii^ qu'elle a été résolue dans un sens contmife.à la
loi de brumaire.
705. « Art^ Sll8. Le président fera tenir note, par le greiEfier, des additions,
changements ou variatiens qui pourraient exister entre la déposition d'un témoin
et ses précédentes déclarations.-^ Le procareur générai et l'accusé pourront
requérir le président de ftkire tenir les notes de ces changemeats/ additions et
variations. » ..
Relativement à Paccomplissement des formalités précédentes, j'ai omis une
observation qui va trouver ici sa place tout naturellement, c'est que faccom-
plissêinent des formalités prescrites dans les articles que nous avons expliqués
doit être constaté par un procès^verbal rédigé par le greffier, aux termes de
l'art. 372. de procès-verbal doit être rédigé à l'audience même, au fnr et à
mesure que s'accomplissent les solennités qu'il a pour but de constater. J'in-
siste sur cepoint, palace qife sous le Gode de 1608 s'était introduit l'usage vicieux
d'imprimer à Tavancé des modèles de procès-verbaux, dans lesquels on con-
statait comme accomplies la plupart des formalités exigées par les articles que
nous parcourons. Le § 3 du nouvel art. 372 a déclaré formellement que ces
procès*verbaux ne pourraient pas 'être imprimés à l'avance, qu'ils devraient
être manuscrits et rédigés à l'audience même par le greffier.
Cet art. 372, en ce qui nous occupe^ ajoute que ce procès-verbal devra con-
tenir la mention de Taccomplissement des solennités légales, mais qu41 ne
devra pas peur cela retracer rhistoriqué littéral des débats de la cour d'assises,
et notamment que le procès-verbal du greffier ne constatera pas, même en su]h>
stanee, les dépositions des témoins appdés. On constatera, par exemple, que
chaque 'témoin 'a obnipairu dans Tordre indiqué par l'art. 3i7; que chacun s
prêté Égrinent, et qu'ensuite il a déposé ^ mais on ne dira pas dé quels faits il'
a déposé. PodrqUoi cela? Pkrce que les jurés n'étant instruits des dépositions'
dès témoins qu'en ibs entendant éux'^mêmes, la rédaction d'un procès- verbal
est inutile ; c'eàt à eux, quand Ils voudront juger, de se référer à leurs souve-'
nirs; c'est à eux dé prendre dès notes sur les dépositions, aux termes de l'at-
ticleSW.'
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PROGÊDUAB DXVANT LA COUR d'ABSISBS (AAT. 319). 71$
Ajoutes d'ailleurs que si quelque nullité se glissait dans le cours des débats,
si^ en conséquence, l'arrôt de la cour d'assises venait à être cassée la nouvelle
cour d'assises à laquelle serait renvoyée Faffaire n'en pourmit toujours con^
naître que par une procédure publique, et que môme sous ce rapport il est
encore inutile de dresser procès- verbal des dépositions des témoins.
Ainsi, en principe, le greffier ne note pas les dépositions*
Mais il pourrait arriver que le témoin fùt am^né» par la discussion, dans des
contradictions, dans des variations de nature à faire suspecter sa bonne foi*
Dans ce cas le greffier quî, en général, ne mentionne pas les dépositions^
devrait, d'après Tart. 318, noter, sur Tordre, du président les variations, Les
contradictions qui se rencontreraient entre les dépositions du témoin dans
l'instruction écrite et la déposition publique qu'il vient de faire dans rinstruc*
tion orale. Pourquoi cela? Il y en a bien des motifs : d'abord, c'est que cette
constatation faite par le greffier, sur l'ordre du président,, donne plus dlmpor*
tance, plus de solennité à ces variations du témoin^ et en fait ressortir la gra^
vite aux yeux du jury. C'est, en second lieu, parce qu'elle avertit le témoin
que la trace de ses paroles ne sera pas fugitive, qift'elle va être constatée dans
un procès- verbal qui pourra servir plus tard aux poursuites de faux témoignage
qu'il aura pu mériter. L'avis que ces variations vont être constatées pourra
lui être. utile pour le faire reculer devant le parjure qu'il allait commettre.
Enfin, s'il va jusqu'au bout, si nonobstant l'avis solennel que lui donne le pré«
sident, aux termes de l'art. 318, il persévère dans ses variations, te rapproxûie-
ment de ses deux dépositions écrites, l'une devant le juge d'instruction, l'autre
à Taudience de la cour d'assises, sera un élément précieux pour l'accusation de
faux témoignage qui pourra être dirigée contre lui.
Au reste, sur cette matière de faux témoignage, et quant aux conséquences
très-graves qu'elle peut avoir, non-seulemeut pour le faux témoin, mais aussi
pour la procédure dans le cours de laquelle intervient le faux témoignage, nous
aurons bient6t à voir les art. 330 et 331, en y rattachant la disposition égale-
ment importante de Fart. 445.
766. D'après la première disposition de Tart. 319, le président, après chaque
déposition, doit demander au témoin si c'est de l'accusé présent qu'il a entendu
parler; formalité assez inutile, puisque, dès le point de départ, le. président a
dû demander si l'accusé était connu du témoin.
767. Les §g ^ 3 et 4 de l'art. 319 demcuoi^ent assez d'atteution.
Vous remarquerez qu'en général les témoins^ devant les cours d.'asnse8>
comme dans les enquêtes civiles, ne doivent point être interrogés en détail^
fait par fait, de manière à ce qu'il puisse leur suffire de répondre par oui ou
paf non; une pareille: manière d'interroger pourrait induire- un témoin, surtout
si c'est un homme de peu d'intelligence, à répondre machinalement par tme
affirmation ou par une négation. Qn doit engager le téD(U)in à dire d'abondance,.
pROFJuo MOTu, tout co qu'il sait sur l'afEûre ; sauf ensuite à procéder par ques«
tions spécialeB.
768. A qui appartient la mission d*intarroger ainsi eha^ue témoin, doit
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716 QUARANTIÈICB LEÇON. — DBS G0UR8 d' ASSISES (Vl* 768).
charge, soit à décharge? La loi française la donne an président; c'est à lui
qu'appartiennent la direction des débats et le droit direct, quoique non exclusif,
d'interroger les témoins. Peut-être cette pratique n'est-elle pas à l'abri de
toute critique. Elle a d'abord pour inconvénient de faire jouer au président,
dans la discussion des faits, un rôle un peu trop actif, et qui, dans certains
cas, peu compromettre aux yeux du public son rôle obligé de complète impar-
tialité. En second lieu, elle astreint le président à une étude anticipée et fort
détaillée de l'affaire, étude qu'il sera fort difficile à un président d'assises, dans
une session très-longue, de faire d'une manière suffisante. Peut-être la méthode
suivie à cet égard en Angleterre mène-t-elle plus sûrement et plus vite à la
vérité. La partie publique et la partie civile, lorsqu'elle poursuit directement
en son nom, ont la mission directe d'interroger les témoins. De même et à
son tour, Taccusé, par lui ou par son conseil, interroge directement soit les
témoins à charge, soit les témoins à décharge. Les jurés, comme la cour elle-
même, ne jouent que le rôle d'auditeurs passifs et désintéressés ; c'est entre
les parties intéressées que se font : 1^ l'examen des témoins, examen de la par-
tie poursuivante; 2* le contre-examen par l'accusé. Cette méthode a d'assez
grands avantages; elle évite les pertes de temps, les lenteurs que suscite dans
nos cours d'assises l'application littérale de Fart. 319. Il y a mieux : c'est que
très-souvent, dans la pratique, on est obligé de laisser de côté la disposition
littérale de la loi.
Ainsi, en admettant même que le président ait pu connaître les affaires dont
il était chargé assez bien pour adresser aux témoins toutes les questions de
détail d'où peut jaillir la vérité, il arrivera souvent que l'accusé, que la partie
civile auront à faire, soit à un témoin à charge, soit à un témoin à décharge,
des interpellations que le président n'aura pas foites. L'art. 319 permet à l'ac-
cusé d'adresser aux témoins toutes les questions qu'il jugera convenables ;
mais au lieu de lui permettre de poser directement ces questions, d'interpeller
le témoin, par exemple, sur une circonstance qui pourra le mettre en contra-
diction avec lui-même ou avec un autre, la loi oblige l'accusé on son conseil
à recourir dans ce buta l'intermédiaire du président; c'est-à-dire que, le
témoin entendu, il faut s'adresser au président et lui déclarer publiquement
qu'on le prie de faire pour l'accusé telle question au témoin. Or, si la loi exige
qu'on ne s'adresse au témoin que par ce détour, ce n'est pas pour imposer au
président un rôle tout à fait passif, pour en faire l'écho forcé de la voix de l'ac-
cusé; c'est qu'elle entend accorder au président un droit de contrôle sur ces
questions, aux termes de l'art. 270. Mais vous sentez que, quelle qu'ait été
l'étude du président, quelle que soit sa connaissance de l'ensemble de l'affaire,
il est très-possible qu'il ne sente pas, dès le premier abord, la portée de
l'interpellation que l'accusé veut faire au témoin; peut-être l'accusé ou son
conseil ont-*ils à dessein présenté cette interpellation sous une forme obscure
et détournée. Pourquoi cela? Précisément pour empêcher le témoin de con-
certer ses réponses et d'altérer la vérité pour s'accorder avec ce qu'il a déjà
dit. Or, si le président, ne voyant pas la portée directe de la question, la
défère à l'accusé, et si l'accusé est obligé de répondre, le but de la défense
est manqué; le témoin présent à ce débat a tout le temps de voir oCi l'on
veut le mener et 46 concerter sa réponse. Aubm, dans l'usage, s'écarte-t-on
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PROCtoURB DEVANT LA COUR d'A88I8B8 (aBT. 321). 717
fort MUTent de tout cela ; il arrive rarement que le prMdent ne dise pas an
témoin : Répondez à la question qui voua est faite, sans répéter Ini-môme la
question.
Gela est aussi imposé à la partie civile» mais on laisse fort souvent tout ce
détour de côté.
A regard des jurés, des membres de la cour, du procureur général, ils peur
vent, sans détour, interpeller le témoin, sans faire passer la question par
Torgane du président : il leur suffît de demander la parole au président de la
cour.
769. Les art. 320 et 321 ne présentent pas d'importance; notez seulement
sur le § 2 de Tart. 321 une faculté assez importante.
En principe, dans toute espèce de procès, chaque partie doit supporter les
frais qu'elle entend faire pour elle-même. Ainsi, si un accusé croit utile à sa
cause de citer des témoins à décharge, il doit, en général, avancer les frais de
citation. Quel sera le sort de ces avances, et en sera-t-il remboursé? S'il suc-
combe, évidemment non ; loin d'être remboursé de ses frais, il est condamné
aux frais envers la partie publique. Si, au contraire, l'accusé est acquitté, lui
remboursera-t-on les frais des citations faites à ses témoins à décharge, aux
termes de l'art. 321 ? Oai| d'après l'art. 368, s'il y a partie civile en cause ; en
cas d'acquittement de l'accusé, la partie civile est condamnée envers lui à tous
les frais de la procédure. Mais s'il n'y a pas de partie civile, le ministère public
ni la société qu'il représente n'auront pas plus en matière criminelle qu'en ma*
tière civile de remboursement à faire, à supporter envers l'accusé.
Gela, selon moi, est loin d'être juste et raisonnable ; appliquez ici ce que
nous avons déjà dit sur les art. 130 et 131 du Gode de procédure, relativement
aux frais faits en matière civile, quand le ministère public est partie. Quoi-
qu'on ne puisse qualifier le ministère public de plaideur téméraire, toujours
est-il que quand la société a cru devoir diriger contre une personne une accu-
sation qui ne réussit pas, il serait de toute raison d'indemniser cette personne
au moins des frais de justice. Mais, je le répète, c'est seulement contre la partie
civile, s'il y en a une, et non contre le trésor, qu'est accordée la répétition des
frais.
770. Remarquez, au reste, que, bien*qu'en principe l'art. 321 mette à la
charge des accusés les citations des témoins qu'ils veulent faire entendre, la
plupart des accusés sont dans l'impossibilité d'avancer les frais d'une seule
citation, et la loi n'entend pas cependant les priver du bénéfice de témoins à
décharge. A cet égard ils ont deux moyens. D'abord, si l'accusé est parfaite-
ment sûr de la bonne volonté des témoins à décharge qu'il désire faire entendre,
il les priera de venir sans leur faire remettre d'assignation, et alors à l'audience
il avertira le président que dans l'auditoire sont des personnes qu'il désire
faire entendre, et que le président fera entendre, en vertu de l'art. 269, sans
prestation de serment. Maie ce mode est sujet à de graves inconvénients, le
témoin peut ne pas paraître, il n'encourt aucune pénalité; il peut n'avoir pas
pu pénétrer dans l'auditoire. Aussi la loi accorde-t-elle un moyen plus sur et
plus efficace; elle autorise le procureur général à faire assigner à sa requête
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718 QUARANTlàMB LEÇON. — DBS COURS d'ASSISBS (n"* 772).
les tâmaihs à décharge dont i'accnsô ou son conseil lui présente la liste. Elle
Faotorise et ne Vj oblige pas, car il serait impossible au ministère public de
&ire assigner nn grand nombre de témoins, qui le plus souvent seraient inu-
tiles. Mais si le ministère public n'est pas soumis à une obUgation, il est investi
d'un droit dont il refusera rarement l'usage ; et quand le conseil de Taccosé
dédare qu'il est impossible à l'accusé de faire assigner, et qu'il y a deux, trois,
quatre ou cinq témoins nécessaires à la défense, il est sans exemple que le
ministère public se soit refusé à appliquer la disposition bienveillante de l'ar-
ticle 321.
771 . L^art. 322 énumère les personnes qui ne peuveut être entendues comme
témoins, ajoutant cependant que l'audition de ces personnes ne sera pas, même
en cas de condamnation, une cause de nullité de l'arrôt, lorsque aucune des
parties intéressées ne se sera opposée à leur audition.
Je n'ai pas de détails à présenter sur cet article, car, un paragraphe excepté,
il ne fait que répéter les dispositions de l'art 156. Les personnes qu'on écarte
ici du droit de témoignage devant la cour d'assises sont précisément les mêmes
auxquelles l'art. 156 a refusé ce droit devant les tribunaux de police, et l'ar-
ticle 189 devant les tribunaux de police correctionnelle.
Seulement vous trouvez dans le § 5 de l'art. 322 une disposition qui n'était
ni dans l'art. 156, ni dans l'art. 189; la loi exclut du droit de témoignage les
dénonciateurs dont la dénonciation est récompensée pécuniairement par la
loi. Cette disposition a été puisée dans les législations antérieures, et je ne
sais pas trop quelle est maintenant son application. En effet, la loi n'exclut pas
du droit de déposer tout dénonciateur ; elle n'exclut même pas les dénoncia-
teurs salariés, tels sont les agents de la police administrative; elle n'exclut que
les dénonciateurs dont la dénonciation est récompensée pécuniairement par
la loi ; et je serais embarrassé de dire dans quels cas on récompense une dénon-
ciation. Cette disposition fut portée à une époque où avaient cours les assi-
gnats, et on trouve imprimé sur les assignats : « La loi punit le contrefacteur,
et récompense le dénonciateur. • Je ne sais même s'il n'existe pas quelque
disposition de même nature dans la législation relative aux marchandises
introduites en fraude des douanes. Mais, à part cela, je ne sais trop quelle pour-
rait être Tapplicalion du § 6 de notre article.
772. « Art. 323. Les dénonciateurs autres que ceux récompensés pécuniaire-
ment par la loi pourront être entendus en témoignage, mais le Jury sera averti
de leur qualité de dénonciateur. »
Sur ces deux passages relatifs aux dénonciateurs, et dont le premier sera de
peu d'usage, ou peut-être de nul usage, une observation est importante, et si
je la fais, ce n'est guère que pour l'art. 323, car pour l'art. 322 elle n'aura
guère d'application pratique ; Le jury, d'après l'art. 323, devra être averti de la
qualité de dénonciateur. Par qui en sera-t-il averti ? Ëvidemn^nt la personne
intéressée à l'avertir c'est l'accusé, qui a intérêt à affaiblir, par cet avis donné
au jury, la gravité du témoignage. Mais l'accusé ne connaît pas son dénoncia-
teur ; pendant le cours des débats il peut sans doute le soupçonner, mais il
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PAOCÉDUIIB DEVANT LA. COUR d'aS8I8B8 (ART. 3^7). 719
n'en a aucune preave légale attestant que la dénonciation Tient de telle per-
sonne. L'art. 358 oblige bien le procnreur général qui a en main la dénon'*
ciation dgnée de son auteur, à en faire connaitre l*antenr à Taccnsé, mais
c'est seulement à l'accusé acquitté, c'est seulement après l'ordonnance d'ac-
quittement; ni dans le cours des débats tant qu'ils durent^ ni même après les
débats finis, quand il y a eu condamnation, le procureur général n'est tenu de
faire connaitre à l'acousé la personne qui l'a dénoncé. Ainsi, ce n'est pas par
le principal intéressé, par l'accusé, que pourra être rempli le vœu de l'art. 323.
Mais il faut remarquer que si, d'après l'art. 358, le procureur général n'est pas
tenu de faire connaître le dénonciateur avant l'acquitteinent, il n'en a pas
moins le droit très-certain de le faire coni^tre auparavant ; et si le dénoueia-
teur est en même temps appelé comme témoin, il est de la loyauté du procu-
reur général de laisser de côté Tart. 358,. qui se borne à loi conférer une faculté,
pour obéir à l'art. 323, qui lui impose une obligation formelle, celle d'avertir
le jury de Ja qualité du témoin.
773. Les art. 324, 325 et 326 ne présentent aucune difficulté.
« ART. 327. Le président pourra, avant, pendant ou après raudltion d'un témoin,
faire retirer un ou plusieurs accusée, et les examiner séparément sur quelques
circonstances du procès ; mais il aura soin de ne reprendre la suite des débats
généraux qu'après avoir instruit cbaque accusé de ce qui se sera fait en son
absence, et de ce qui en sera résulté. »
Cette disposition est d'une application pratique fort importante. Vous com-
prenex que pour rompre le concert qui pourrait exister entre plusieurs accusés,
afin^ joier le fait dont tous se seraient rendus coupables, il pourra être
important de les isoler, de les détacher l'un de l'autre à refifet de les soumet-
tre à des interrogatoires séparés. De même il pourra être, bon, pendant qu'on
interroge un témoin, il pourra être nécessaire quelquefois de rappeler des rela-
tions, antérieures du témoin et de l'accusé, d'empêcher an accusé d'assister,
soit & l'interrogatoire de son coaccusé, soit à la déposition d'un témoin à
chairs..
QeitB faculté appartient au président, elle n'est qu'une conséquence: de ladis-
positiflin générale de l'art. 268. Seulement il ne faut pas que cette précaution,
nécessaire dans l'intérêt de la vérité, tourpe au détriment de la défense ; il ne
faut pas qu'elle laisse les accusés, qu'on a fait ainsi retirer de l'auditoire,
dans l'ignorance de ce qui s'y est passé. Cette ignorance n'existera pas, car si
le président pent faire retirer l'accusé, il ne peut pas faire retirer le conseil
chargé de la défense ; le conseil assistera aux dél>ats d'un bout à l'antre*
D'autre part, il ne suffira pas même qu'en l'absence d'un accusé son conseil
ait assisté i l'interrogatoire des autres, il faudra qu'on communique à l'accusé
lui-miême le détail de ce qui a été demandé et répondu en son absence. Mais
on ne lui communique pas ce détail à l'instant même où il rentre dans la
salle ; si l'on devait l'en entretenir aussitêt, autant eùt-il valu ne pas le âdre
sortir ; ce n'est pas là ce que dit la loi : la loi dit que le président, après avoir
isolé les accusés l'un de l'autre, ou les avoir isolés des témoins, ne devra
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720 QUARANTIÈME LBÇON. -*- OB8 COURS b'a88I8BS (N^ 775)'
reprendre la suite des débats généraux qu'après avoir informé raccosé de ce
qui s'est passé. Ainsi, par exemple, deux accusés se trouvant dans la position
de Part. 327, on pourra faire retirer le premier et interroger le second, puis
faire centrer le premier et Tinterroger à son tour, sans Favertir de ce qu*a dit
l'autre ; mais ensuite on ne pourra recommencer les débats qu^aprè» avoir
averti l'accusé de ce qui s'est passé.
774. Les art. 328 et 329, relatifs, Tun à la faculté pour toutes les parties
présentes de prendre des notes, Tautre à la présentation des pièces de convic-
tion, sont fort aisés.
775. Les art. 330 et 331 présentent plus d'importance ; ils se rattachent pré-
cisément à cette matière detPart. 318 dont nous avons déjà parlé ; on suppose
que dans le cours des débats un témoin est suspecté de faux témoignage.
a Art. 330. Si, d'après les débats, la déposition d'un témoin parait fausse, le
président pourra, sur la réquisition, soit du procureur général, soit de la partie
civilCf soit de l'accusé, et môme d'office, faire sur-le-champ mettre le témoin en
état d'arrestation. Le procureur général, et le président ou Tun des juges par lui
commis, rempliront à son égard, le premier, les fonctions d'officier de police judi-
ciaire; le second, les fonctions attribuées au juge d'instruction dans les autres cas.
— ^Les pièces d'instruction seront ensuite transmises à la cour d'appel, pour y être
statué sur la mise en accusation. »
a Art. 331. Dans le cas de l'article précédent, le procureur général, la partie
civile ou l'accnsé, pourront immédiatement requérir, et la cour ordonner, même
d'office, le renvoi de l'affaire à la prochaine session. »
des articles sont importants et leur explication demande quelques détails.
St, diaprés les débats, la déposition d^un (émoinparait fausse : d'après les débats,
non pas, bien entendu, d'après Tensemble, d'après la totalité des débats ; il
ne faut pas, en effet, pour appliquer Fart. 330, que la clôture des débats soit
prononcée conformément à l'art. 335, ce serait, pour le témoin inculpé, un
moyen trop facile de se soustraire aux poursuites. Si le témoin entendu est
placé en contradiction formelle soit avec des dépositions antérieures déjà &i*
tes par lui, soit môme avec des dépositions d'autres témoins déjà connues de
la cour, le président pourrait et devrait, d'après l'art. 330, ordonner aussitôt
l'arrestation du prévenu.
Cette arrestation peut être ordonnée soit à la réquisition d'une des parties
de l'affaire, soit même d'office par le président. D'office par le président; ce
n*est là qu'une application des règles ordinaires. En effet, quoique aucune
décision ne puisse être rendue, dans les matières criminelles, que sur la
requête du ministère public, nous savons que cette règle souffre exception en
cas de flagrant délit. Nous savons qu'en cas de flagrant délit le juge d'instruc-
tion, par exemple, peut agir d'office, et décerner de suite des mandats : c'est
précisément ce que fera le président; il y a à l'audience flagrant délit de faux
témoignage ; il pourra >donc, môme d'office, sans réquisition du ministère
public, ordonner l'arrestation.
Le procureur général et le président ou Vun des juges par lui oommts rewp/i-
r<mt d son égard, le premier, les fonctionè croffUner de poUoe judiciaire^ le second
les fonctions attribuées au juge d'instruction dans les autres cas. C'est-à-dire que
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FROۃBUBB DBVANT LA ^GOUR d'a8SI8B8 (aRTI 33 i}. J21
ie proonrear général remplira» dans cette spécîilitô, le réiô que joue dans
riiiBtraction ordiÉialre le proonrear de la République. De même le pi^siédut
remplira le rôle que joué 'dans les prooédmres ordmaires &e juge d'iastmotion.
LBS.piicês làPinêtrucHon serwit ensuite soumises à là œwr^ pour p être sêatnést^
iamiseénaettjuaiiim.'
Ce dernier paragraphe contient une dérogation très^remarqnableaax rèf^es
ordinaires de rinstmction, il supprime le premier degré qpe nous atons
noté dans le ehapitré iz du Ityrè l*'. En général, après rinstraction préparn-
loire terminée, après que les preuves d'un crime ont été réunies» le juge d'ine-
iructioa statue; et c^est seulement plus tard, et dans nue. sorte de deuxième
4egré, que Fafiàire^et portée à la cour, diamfbre des. mises en aceasation. Isi
on supprime le pfemier degré, on supprime la décision du juge d'iastmotioi^.
Pourquoi o^? Ce changement nie tient pas à là nature même du crime» la
poursuite du faux témoignage découyert hors de l'audience doit être jin^troite
dans les règles ordinaires, et parcourir les deux degrés dUnstmction ; cela tient,
non pas à hi nature même du crime, mais à la qualité des officiers qui ont été
chargés de le constater. Le crime a été constaté, daàs' un graild.siombre de
cas, à la requête du procureur général et notamment par.un conseiller de
cour; e?est*à-dire par un officier qui n'a pas qualité pour aller faireiin rapport
devant le tribunal 'd'arrondissement auquel il n'appartient pas; d'est donc
directement à la cour, à laquelle apj[>artient le président de la oour d'assîlses,
que sera fait le rapport voulu par 1©§ i».
La disposition de l'art 331 est plus importante encore, parce qu^ella se
rattache de plus près à la matière qui nous occupe. Elle nous indique quel
pourra être avec l'affaire, dans laquelle intervient cet incident, le rapport de
ces premières poursuites dirigées contre le faux témoin, ou présumé tel.
Les parties intéressées pourront requérir, et la cour ordonner, même d'of-
fice, le renvoi (fe l^âire, à la prochaine session. Il pourra donc arriwr que le
soup<^n, que la prévention d'un fsxa. témoignage rendu devant les assises fasse
surseoir à tous débats ultérieurs, et fasse renvoyer à une autre session l'examen
de raccusation dans le cours de laquelle est intervenu le faux témoignage.
A qui appartient le pouvoir de prononcer ce renvoi? Ici ce n'est plus au pré-
sident, à qui appartiennent cependant exclusivement, sans rintenrention de la
cour, la plupart des opérations dont nous avons traité jusqu'ici, c'est à la cour
d'assises elle-même, c'est à elle seule, et non plus au président qu'est accordé
ce droit, parce que ce droit est une exception, une dérogation de laplus haute
importance aux principes de la matière. Renvoyer à la prochaine session l'af-
faire maintenant pendante, ce n'est pas seulement imposer à l'apcusé une dé-
tention de quelques mois plus longue, c'est aussi déroger à l'art. 353, d'après
lequel les débats une foi»enlaméie|doiv^n^,se ccHitin^er et s'achever sans inter-
ruption. C'est également enlever à l'accusé le bénéfice des jurés que le sort lui
Si donnés^ la chance d'être jugé, l'affaire étant en état. Il peut cependant y
avoiD de très-bonnes raisons pour autoriser cette dérogation ; bien plus^ ces
raisons peuvent ètare dans Pintérêt de l'accusé lui-même, si le. prévenu, e;^,
par exemple, un témoin à charge ; mais ce n'est pas au présid^t^ c'esf ^Â.la
-cour elle^mèmey précisémmt à cause de l^r gravité, que la kÀ sJ^^fji^ la
mission de les apprécier. . : !. i' y ,i !..
722 QUARANTE ET UNIÈME LEÇON. — DES GOITRS d' ASSISES (n^ 776).
Remarquez, d'ailleurs, que, dans ce cas ce n'est pas d'une maniôre néces-
saire, impérative, c'est en termes purement facultatifs que la loi s'est exprimée.
La cour pourrait donc aussi, quand môme ce renvoi serait demandé, ne pas
juger rinfluence du témoignage qu'elle a présumé faux, assez forte, assez
grave pour autoriser un renvoi. Dans ce cas, qu'arriverait-il? £1 faut, à c^
égard, vous reporter à l'art. 444.
Supposez que, nonobstant la prévention de faux témoignage, nonobstant
l'appûcation des règles de l'art. 330, la cour ait cru devoir passer outre à l'exa-
men et aux débats; dans ce cas, si l'accusé est acquitté dans ce môme débat,
la question de faux témoignage, qu'on aura plus tard à juger, restera sans au-
cune influence sur son sort. Ainsi, supposez que le préveniï de faux témoi-
■ gnage soit un témoin à décharge, que l'accusé ait été acquitté encore bien
qu'après son acquittement le témoin à décharge ait été condamné comme faux
témoin, le bénéfice de l'acquittement n'en est pas moins définitif et ne peut
ôtre enlevé à l'accusé.^
Au contraire, l'accusé a été condamné parce que la cour n'a pas voulu user
du pouvoir de l'art. 331, et renvoyer Taffaire à la prochaine sessioxL Dans ce
cas, quelle sera, sur la condamnation portée contre l'accusé, l'influence d»
l'affaire de faux témoignage dirigée, bien'entendu, contre un témoin à charge?
Cette influence est de plusieurs sortes :
D'abord, par cela seul qu'un accusé ayant été condamné, il y a contre on
témoin à charge prévention de faux témoignage, l'exécution de la condamna-
don doit ôtre suspendue. Voilà le premier point que décide l'art. 445, par cela
seul que, après la condamnation, on a mis en prévention de fi&ux témoignage^
on a frappé d'un mandat d'arrêt un des témoins entendus contre l'accusé, il
doit ôtre sursis à l'exécution.
Que si le prévenu de faux témoignage est acquitté, alors la première con-
damnation garde toute sa force. On y avait sursis jusqu'à ce qu'on eût statué
sur le sort du témoin prétendu faux; si le témoin est acquitté, la condamnation
s'exécutera.
81, au contraire, le faux témoin est condamné, la cour de cassation devra
-annuler l'arrôt de condamnation rendu contre le premier accusé, pour le faire
juger de nouveau. Et, à cet effet, on le renverra devant une cour d'assises qui
ne devra être ni celle devant laquelle il a d'abord comparu, ni celle devant
laquelle a été condamné le fiaiux témoin.
Ajoutez d'ailleurs que le faux témoin ne pourra ôtre entendu, môme à titre
de renseignement, dans cette nouvelle affaire.
Voilà ce que décide l'art. 445, qui forme le complément de l'art 331.
QUARANTE ET TJIfltlfE LEÇON.
776. Nous avons vu les dispositions relatives au témoignage devant la cour
d'assises : trois ou quatre articles seulement, articles assez faciles, nous restent
pour exposer ce qui concerne l'ensemble des débals dans la procédure de la
cour d'assises.
lies art. 332 et 333, auxquels nous nous sommes arrêté, sont relatifs, le pre-
mier, à la nomination d'un interprète donné à l'accusé ou au témoin qui ne
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PROGÉDURB DBYANT LA COUR D*ASSIS8S (aRT. 835). 723
parleraient pas ou qui n'entendraient pas la langue française, le second à l'in-
terprète donné au sourd-muet qui ne saurait pas écrire.
Remarquez, sur Tinterprète qui doit être donné en vertu de Fart. 332, que
la nomination de cet interprète et que la prestation de serment sont exigées à^
peine de nullité; en second lieu, que la loi permet aux parties qui figurent
dans le débat de récuser Tinterprète, en confiant à la cour Tappréciation des
motifs de la récusation. La loi a abandonné à la cour l'arbitrage des questions
relatives aux causes de la récusation. Cependant on peut citer, au moins
comme règles d'analogie, les dispositions de l'art. 322; on comprend que les
personnes dont l'art. 322 écarte le témoignage doivent également être écartées
du rôle d'interprète.
Quant à l'art. 333, on distingue si le sourd-muet sait ou ne sait pas écrire :
dans le dernier cas seulement, un interprète doit lui être donné ; dans le pre-
mier cas, les questions lui sont adressées par écrit; il y répond dans la même
forme, et le greffier en donne lecture.
777. « Art. 334. Le président déterminera celui des accusés qui devra être
soumis le premier aux débats, en commençant par le principal accusé, 3*il y en a
un. — Il se fera ensuite un débat particulier sur chacun des autres accusés, it
Cet ordre des débats entre divers accusés, ordre dont la fixation appartient
au président, ne doit pas se prendre tout à fait à la lettre. Lorsque, par exem-
ple, soit parce que Tun des accusés joue dans l'affaire un rôle principal, soit
par tout autre motif, le président a décidé qu*on commencerait par lui, il n'en
fiiut pas conclure que tous les témoignages, que tous les faits relatifs à cet
accusé doivent être exposés et débattus avant de passer aux accusés qui sui-
vent. Ainsi, Tordre qui est ici déterminé doit s'entendre seulement en ce sens
que chacun des témoins relatifs à cet accusé sera appelé ; mais, après que le
témoin aura déposé sur les faits qui concernent le premier accusé, il sera inter-
rogé, immédiatement, sar les faits qui concernent les autres. En un mot,
lorsqu'un témoin est appelé dans Taffaire où plusieurs accusés se trouvent
impliqués, il doit déposer à la fois sur les faits relatifs à chacun d'eux : il n'est
pas rappelé dans le débat autant de fois qu'il y a d'accusés ; on ne le renvpie
qu'après avoir entendu sa déposition sur tous les accusés. Voilà la marcha
indiquée par l'art. 334 : interrogatoire successif de chacun des accusés ; appel
des témoins relatifs au premier; et puis, lorsque quelques-uns de ces témoins
ont à déposer sur des faits qui concernent ceux qui suivent, on les fait déposer
immédiatement sans interruption ni renvoi.
778. « Art. 335. A la suite des dépositions des témoins, et des dires respectifs
auxquels elles auront donné lieu, la partie civile ou son conseil, et le procureur
général, seront entendus et développeront les moyens qui appuient Taccusation.
— L'accusé et son conseil pourront leur répondre'. La réplique sera permise à la
partie civile et au procureur général; mais l'accusé ou son conseil auront tou-
jours la parole les derniers. — Le président déclarera ensuite que les débats son^
terminés. »
La marche de tout cet article est très-eimple et ne présente qa'tin point
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724 QUARANTE BT UNlàlfB LEÇON. — DES COURS d'aSSISBS (n^ 780).
important; très^facile d'aillenre, c'est k droit, pour raconsé on son conseil^ d'a-
voir toujours la parole les derniers.
A partir ;de cet article^ commence' utie série dé 4î8iM)sitioiis qni, sans pré-
senter de très-grandes difficultés d'application, méritent cependant pfaw d'at-
tention et de détails dans leor développement.
779. ff Art. 336. XjO président résumera Taffaire. •* U fera remarquer aux juïés
les principales preuves pour ou contre Taccusé. — Il leur rappellera les fonctions
qu'ils auront à remplir. — Il posera les questions ainsi qu'il sera dit ci-après. »
Ce résumé que la loi confie au président a pour but de retracer au jury tout
l'ensemble des débats qui viennent de s'agiter devant lui.
« Il fera remarquer aux Jurés les principales preuves pour ou contre Vaccùsé, •
Mais dans quels éléments le président puisera-t-il Ces preuves; sera-ce
uniquement dans les plaidoiries respectives, dans le réquisitoire du ministère
public, la plaidoirie de la partie civile et la défense de l'accusé? Non ; la loi
ne dit pas que le résumé du président sera uniquement le résumé des moyens
plaides pour ou contre à l'audience ; le résumé du président aura pour but de
résumer toutes les preuves résultant des débats, soit pour^ soit contre l'accusé.
Ainsi, le président ira cbercher les éléments de son résumé dans tous les dé-
bats qui viennent d'intervenir» encore bien que quelques preuves^ quelques
indices résultant de ces débats aient été omis dans les plaidoiries respectives.
Mais, d'autre part, c'est uniquement dans les débats, dans les faits qui vien-
nent d'être exposés et débattus à Taudience que le président prendra les faits
qui composeront son résumé. Si, par exemple, il faisait connaître dans le ré-
sumé un fait échappé aux débats et établi dans la procédure écrite antérieure,
il est clair qu'il sortirait à la fois des bornes dans lesquelles l'article le ren-
ferme et de celles que la raison commande. Des bornes de la raison, car les
débats étant terminés, la partie publique, la partie civile et Taccusé ne pou-
vant plus avoir la parole, ce serait léser les intérêts ou plutôt les droits de quel-
qu'un d'entre eux que d'alléguer, après la clôture des débats, un fait qu'aucun
d'eux ne pourrait plus discuter ni réfuter.
780. Cest une question souvent élevée que celle de savoir si ce tésunié ne
doit être que la reproduction abré^ des moyens présentés dans les débats,
ou bien s*il doit on s'il peut nième laisser apercevoir aux jurés ropinion per-
sonnelle dû président qui fielit ce résumé. Cette question, souvent posée, réso-
lue diversement; est moins uile <|ttestion légale qu'une question morale : quel-
que parti qu'on adopte, il n'y a pas de sanotion. En supposant même que le
p;>ésident ne dût pas, dans l'esprit de la loi, laisser voir son opinion sur l'af-
faire, les débats étant clos, la parole étant intefdite à tous, il est clair qu'il n'y
aura aucune réfutation, aucune discussion, aticune nullité possible dans le
silence de la loi, s'il laisse voir son opinion. Il est vrai même de dire que,
bien qu'en général il soit à désirer que cette opinion ne se manifeste pas, il
est cependant impossible qu'elle ne résulte pas parfois de l'ensemble même
du résumé. Dans un grand nombre d'affaires, la conviction sera si complète,
^48 preuves pour ou contre seront tellement saillantes, que le rapprochement
Vs-bmf f9e' le préeidtent aura fldt do ces prenves montrera clairement au
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PAOCtopai DBYANT LA. GOUH o'ASfilSBS (ART, 337). 725
joiy duquel «liiftfMt le psésideol» C'est ih mqs doute aa JincoiiYéinient des
résiuoés^ c!est là l^olyectioa la. plaa fonte qn» font cojotre. o^ système les adver*
sçdres a^sez nombreux qu'il a rencoptrés ; il offre au présideat les moyens de
faire sentir aux >ttréiB, sauvent mâme involontairement et malgré lui, son opi-
nion personnelle^ efc^ cette opinion une fois connue, il n*est plus viui de dire
que l'opinion des jurés soit détachée de toute influence. En effet, si» dans les
art. 312, 343 et 353ii la loi interdit aux jurés tout^ communication au dehors,
si elle atteste par là le désir de faire que leur verdict soit l'expression pure et
simple de leur conviction personnelle, on ne comprend guère un système de
résulté qui, laissant presque toujours apercevoir Topinion dn président,
exerce par là même sur le jury une influence asses forte, ou pour nûeux dire«
la |)ius paissante des influences.
Tout ce qu'on peut dire pour les résumés, c'est qu'il est important, dans des
débats prolongés, de. remettre sous les yeux du jury les fûts capitaux qu'il
aurait pu perdre de vae«
Cependant, on pourrait répondre qu'il y a dans c^ système plus d'inconvé-
nients que d'avantages ; qu'il enlève à l'accusé le bénéfice d'avoir la parole le
dernier ; qu'enfin, si l'on suppose que le jury, après ayoir entendu les plaidoi-
ries respectives, n'«st pas en état de se former une conviction personnelle,
cela irait non pas seulement à modifier, mais à supprimer l'institution même.
781. Il posera les guesUans amsi qu'Usera dit diaprés :
Ce n'est pas à la cour, mais au président qu'est confiée l'opération délicate
de la position des questions; sanf, bien entendu, les réclamation/9, soit du mi-
nistère public, soit de l'accusé, sur le résultat de ce^te. position dont npus
allons parler tout à l'heure. X)u reste, la position des questi^pns de la part du
président est une opération qui se fait sur. le vu même de l'acte d'accusation.
Bn général, et sauf l'exception résultant de l'art. 338, les questions posées au
jury ne sont guère que les .questions comprises dans le résumé par lequel on
termine tout acte d'accusation. Aussi est-ce parfois par un renvoi pur et sim«
pie à l'acte d'accusation que ces questions sont posées, car l'acte d'accusation
est remis au jury, aux termes de l'art. 341.
Voici dans quels termes se pose la question résiiltant de l'acte d'accusation.
a Art. 337. La question résultant de Tacte d'accusation sera posée en ces termes:
L'^CQUsé est-il coupable d'avoir commis tel meurtre, tel vpl ou tel autre crime,
avec toutes les circonstances cpa^prises dans le résumé de l'acte d'accusation. »
7t38. Ces expressions det Tart^ 337 cofitiennent «qe dérogation fort remar-
qiiable à la législation antérieure. D'après le Codo d^ i791j et: notamment
d'après c^ui du 3 brumaire an lY, vsxt. 3|74. et 377« U était défiandu de poser
au jury aucune question coniptoxe ;• sur chaque crime, sur chaque, accusation,
la question principale devaût se, décomposer en questions qui ne présentassent
ûhaoune qu'une, idée i^mpl», nniqu^ indépendante de ^)i^.au^e. Ainfi, par
exemple» s'agissaitril d'un menrtre, le jury a^aitdû être interrogé en ces ter-
me» : 1<> Tel fait estril^constant ? l"» L'accusé en est-il l'auteur? 3» À-t-il agi
volontairement ? 4* A*t-il agi avec intention de nuire f TeUe était la décompo-
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726 QUABANTE BT UNIÂME LEÇON. — DS8 COURS D ASSISES (n* 782).
BÎtion la plus simple, la plus élémentaire à laquelle pût donner lieu une ques-
tion qaelconqne de criminalité : 1^ existence matérielle dn fait, c'était le pre-
mier point à constater; Î9 perpétration matérielle de ce fait par Taccnsé,
citait le second point ; 3« volonté de l'accusé ; 4^ enfin, intention coupable.
Ces deux derniers points se confondent souvent, mais non pas cependant dans
tous les cas.
On a reproché à ce système de décomposition des questions d'entraîner,
dans certains cas, pour le jury, des difficultés inextricables. £n effet, dans
des affaires d'une assez grande importance, oi^ figuraient, d'une part, on
grand nombre d'accusés, d'autre part, un grand nombre d*imputa,tion8 de
faits sur chacun des accusés, on avait vu le nombre des questions, soit des
faits principaux, soit des circonstances aggravantes, s'élever parfois à plu-
sieurs centaines ou même à plusieurs milliers. D'ailleurs, les jurés, fort em-
barrassés sur la distinction de la double question de volonté et d'intention
criminelles, rendaient souvent, sous ce système, des réponses opposées, con-
tradictoires l'une avec l'autre. Aussi quoique plus logique en apparence, cette
manière de poser les questions a été repoussée par notre Gode. Vous ne trou-
vez dans l'art. 337 rien de pareil à cette disposition de l'art. 377 du Gode de
brumaire : c II ne peut être posé aucune question complexe. • Au contraire,
Part. 337 donne une formule évidemment complexe, car la formule de cet
article enveloppe, en une question unique, non-seulement les quatre questions
qu'on aurait dû poser sous la loi de brumaire, mais une foule d'autres questions
qui auraient dû aussi être posées séparément. Ainsi, on devra demander au
jury, par exemple, dans une accusation de meurtre : L'accusé est-il coupable
d'avoir commis tel meurtre, avec toutes les circonstances mentionnées dans le
résumé de l'acte d'accusation ? Question complexe s'il en fut jamais, puisque
d'une part, le fait principal enferme déjà, dans une question unique, les quatre
questions dans lesquelles la loi de brumaire l'avait décomposée, et, en second
lieu, les circonstances aggravantes du même fait qui peuvent être en assez
grand nombre.
Ge système a l'avantage d'éviter dans la réponse du jury ces contradictions
qui résultaient assez souvent de la décomposition infinie des questions. Cepen-
dant il a aussi son mauvais côté, ses inconvénients, et on pouvait, à quelques
égards, regretter le principe de la décomposition qui, du reste, a été remis en
vigueur par la loi du 13 mai 1836.
£n effet, lorsque la question complexe est posée au jury aux termes de
l'art. 337, sa réponse sera unique, unique pour Taffirmative ou bien pour la né-
gative. Lorsque la réponse du jury est affirmative sur la question complexe
qui lui est posée, elle est nécessairement affirmative sur chacun des points
dans lesquels on eût pu décomposer cette question? Ainsi, quand le jury,
interrogé sur le point de savoir si l'accusé est coupable de meurtre répond :
Oui, il est coupable, c'est répondre implicitement : 1^ le fait du meurtre est
constant ; 2<* c'est bien l'accusé qui a tué ; 3^ il a tué volontairement, et non
point en état de démence ; 4<* il a tué non-seulement volontairement, mais
animé par une volonté coupable, car il serait possible, à tout prendre, quoique
dans des cas assez rares, que l'homicide volontaire ne constituât pas un véri-
table crime ; par exemple, dans le cas de légiUme défense on de provocation.
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PROGftDUBE DBVAMT LA COUR d'a88ISB8 (aRT. 357). 727
Ainsi, aqjoord^hui, répondre affirmativement à une question de meurtre, c*es t
répondre affirmativement à chacune des quatre questions dans lesquelles la
logique pourrait décomposer la question complexe de Tarticle. Dans ce cas, il
n^aura pas grand inconvénient à la position d'une question complexe, préci-
sément parce que la réponse affirmative du jury sur l'ensemble est nécessai-
rement une réponse affirmative sur chacun des détails. Tout ce qu'on pourrait
craindre serait que l'analyse logique de la question complexe» sa décomposi-
tion dans les quatre éléments, dans lesquels nous l'avons divisée» n*eùt pas
été faite exactement par tous les jurés. Tout ce qu'on pourrait dire, ce serait
qu'un juré s'imaginât, par exemple, que quand on lui demande : L'accusé est-
il coupable d'avoir commis tel meurtre ? cette question fût l'équivalent de celle-
ci : L'accusé a-t*il tué telle persoime? Ge serait Là une grave erreur; le juré
ne verrait dans la question complexe posée que deux des quatre membre s
dans lesquels elle se décompose; il ne se croirait interrogé que sur l'existence
matérielle d'un fait commis par l'accusé; il ne verrait pas l'autre partie de la
question, désignée par ces mots : Est-il coupable ? il ne verrait pas la question
d'imputabilité, la question d'intention, de volonté criminelle, qui est au fond
de notre question complexe, comme elle était expressément dans les questions
de la loi de brumaire.
Ge serait là un/premier danger, rare dans l'application, parce qu'il serait
difficile qu'un juré ne sentît pas qu'il est aussi appelé à répondre sur la mo»
ralité du fait de l'accusation. Gependant cette erreur a été commise. Ainsi,
quand un jury a répondu en ces termes : c Oui, l'accusé est coupable d'avoir
commis tel meurtre, mais il était en état de démence, )» il est manifeste que
oe jury n'a pas compris la question de la loi ; il est manifeste que dans sa
réponse est une contradiction choquante ; si l'accusé avait commis le meurtre
en état de démence, il n'était pas coupable de l'avoir commis; et en répondant
ainsi : Oui, coupable, mais en état de démence, le jury ne corrige que par une
contradiction la réponse de culpabilité. Mais, je le répète, cette erreur est rare,
peu supposable, et, précisément quand elle existera dans la forme, elle sera
presque toujours corrigée en réalité, par cette addition contradictoire, qui ser*
vira du moins à en prévenir le danger.
Mais c'est dans l'hypothèse inverse, dans l'hypothèse d'une solution néga-
tive de la question de culpabilité, que le système des questions complexes
devient une source d'embarras et de dangers.
Ainsi, nous avons bien dit que la réponse affirmative à la question générale,
lois du moins que cette réponse émane d'un jury raisonnable et bien conduit,
renfermait nécessairement la solution affirmative de chacune des questions de
détail; mais, à l'inverse, par cela seul que le jury, procédant intérieurement
à la décomposition de la question complexe, arrive à la n%ative sur l'une des
quatre questions de détail, il doit donner à l'audience une réponse négative sur
l'ensemble de la question. Ainsi, voici un jury consulté sur la question de
savoir si l'accusé est coupable de tel meurtre; chaque juré devra se demander^
avant la réponse à la question complexe : Y a-t-il un crime? Est-ce l'accusé
qui en est l'auteur? L'a-t-il commis volontairement? L'a-t-il commis avec
intention '^ l peut se faire que le jury réponde : Oui, il y a un meurtre ; il est
pnmvé que l'accusé l'a commis; mais il ne l'a point commis volontairement,
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728 QUARAUn BT XmtÈaŒhB40H. «^ DBS IS0OR8 D^âMI» (M* 782).
il était en état do démepeo; Si, daas les opératîMis intérieiires mixqiiéUe»
chaque juré doit se livret, il arrite- eela, la réponse générale sera celle*^ :
Non, raocnsé n.*en est pas coupable* Mais cette réponse est la seule qu'il
fasse comiaitre à randience, et dès lors on ignorera toujours si la réponse néga-
tive du jmy est détenainée, soit paiee q«'i ses yent le meartre n^est pa»
prouvé, foit parée qu'il n'est pas prouvé que Tacousé soit l'auliBur du meuttre,
le meurtre 'étant prouvé^» soit parce qa'il n^est pas démoàtré qtte l'accusé ait
commis le meurtre volontairement ou dans une intention criminelle. Quel
qpiel soit le motif de la réponse négative, l'acquittMneftt doit en être la suite.
iHaie vous savea déjà que les quostieus de pénalité ne sont pas les seulea
questions qui s^aglient devant les cours d'assises; à cétéde ces questions de
pénalité s'agitent, 4ans nombre de cas, des questions de dommagés^intfaéts.
Dans ooioasi Quct déoidera>^t-on lorsqu'une réponse négative a été faite par le
jury à la question générale que le président lui avait posée? La cour pouiTa*-t-
eUe encore*^ sans violer la chose jugée, accorder à la partie civile des 4onmia«
gCB4ntéréts centre Faocusé déclaré non coupable f
£n fait, et en présence des textes, la question pratique n'est' pas douteuse ;
les art. 358 et 800 autorisent formellement la cour d'assises à condtttQuei^ Pac<
cusé, même acquitté, à des dommages-intérêts. Cette décision est-elle bien
raisonnable? £st-il juste de condamner à des dommages-Intérêts, envers la
partie civile, raoeoi^ acquitté du fait de l'aocusation? Oui, cela est riâsohna-»
ble, cela n'a rien de contradictoire, si l'accusé est acquitté parce qu'il a corn--
mis le (ait sans intention criminelle, par exemple, par une simple.impradenee.
Maj^, si l'accusé est acquitté parce qu'il n'a pas commis le fiât, ou même
parce que le fait n'a jamais été conunis, il est contradictpire de l'acquitter de
la poursuite criminelle, et partant de le condamner à des dommageff^-intéréCs.
Cette contradiction n'est Jamais manifeste, mais elle est toujours possible. En
ua mot, lorsque, sous la loi de brumaire, on posait au jury des queétioos de
détail) et que, par exemple, le jury devait répondre : Non, le meurtre n'est
pas oonstaut; ou bien : Non, le meurtre étant constant, ce n'est pas raoewè
qui l'a commis, il est clair qu'on n'aurait pas pu, sans violer directement l'au-
torité de la chose jugée, accorder à la partie civile des demmages-intéréta
contre, un accusé que le jury venait de déclarer formellement n'être pas Tau-
teur/.dtL.faitdontse plaigdaitia partie civile. Maintenant, au eontniire, comme
on ne sait jamais quel motif a détennitaé la tépoBM négative du jury, il n'y- a
japnàis oontradicticm fbrmefie, mais il y a toujours contradiotioii'pessiiile entre
la,répfmae du jury et la décision que pourra rendre la courj Mats, d^une
part, attendu que^ sur 1& réponse négative, l'accusé aura été acquitté; que,,
d'anire part, en vertiide l'ar^.. 366, on ^aura condamiié àdeadommages-inté*
rôtay il sera .toujoura possible de dire : Mais peut-<étiB le jury, en répondant
négativement, a en^du décider que Taoeusé n'était pas l'auteur du fiiit. Or,
si cbla.a été (|écidé, même à l'égçnLdela partie civile qui étaili bien partie dans
ripatànoe, de quel droit vient^ou maintMan^, en coiitrafdietioa av^ae la>éponse
du jury, déclarer le Mt oenateiit> dédarer <(oe r^ccusé en est l'auteur, car
oit le dédara dairement quand on le comiaînne k desjdomntages-ântéite?
Voilà donc Finoonvéïiiént de icette répoBsé négative générale, considérée
non pas sous le n^port des conséquences de pénalité, puisque, quelle que
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. r. IlftOflfcMW&.UFiMr hâi eMHJA D*AB8Iil8 <A]tT« 337); <. 129
8ott la îùtm$, l'^Lcgnitlei&ettt en ett tonjôvre l* golté, ixxaiHf ooiisidèrôe qvant
au oombioaidenB dâ ces eomôqueuces de pénafité avec 868 coinéciaeDces sons
la Hppoii deS'donniagea-iàtérèftd. fit peot-étroi paàr iàmer à cea (Uffîcnliét
asèw Bériehues, i ces cmttcadîctionB poMibles entre deux décisions sur le
même îùi, anraiWon p^, non pas raoïtrer dans la décomposition de détail que
commandait la loi de iNnunaire, mais interroger séparément le jury : 1« sor
reâdstence- saatéoeUe'dit'ftit i impmter à Pacensé; 2* sur la moralité sous
Tempire de laquelle Taccasé avait commis le fait. Peut^tre anrait^on pa
demander : i« I/ac6Qsé est*il Tanteur de ce fait? 2* L'a^tuil commis Volomtai-
reinantet danabne intention couJ>aMe? distinguer, en un mot, les deux gran*
des parties de la question, celle du lait matériel, celle de la moralité. Cette
théoôrie a été eonsaciée par la: loi du 13 mai i836, qui sera rapportée- plus
Idin.
783. Sous uji autre point de vue, la formule indiquée par l'art. 337 mérite
encore beaucoup plus d'attention. Yous voyez quelle marche indique cet arti-
cle. La queêtim sera posée en ee$ tetmee : L'aecusé esM capable d'awHr commît
tel meurtre, ta vol, où td crâne, at^c Ufutés les eirtxmstemeee cMphees doM h
ritumi de Vrn^ ^aecitêatùmt Est^-çe bien là, en effet, laformulo dtms laquelle,
doivent être interrogés, dans laquelle sont, en pratique, interrogés Ie& jurés?
Demander à un jury si Taceusé a commis tel meurtre ou tel vol, est-ce lui
poser une simple question de fait; ou ne serait-ce pas aussi lui poser une ques*
tioiL de droit'? Déjà je vous ai dit quelle était, à cet égard, la distinction pré-
sentée, un peu légèrement peut«4tte, comme séparant profondément la mission
du jury de celle de la cour : c'est de considérer le jury comme juge unique des
questions dé fait-, et seuleihent des questions de fait; la cour, au contraire,
comme juge unique des questions de droit, et seulement des quesftions de droit.
Celte idée vnôe, en principe, en général, doit^lle se prendre à la lettre, d'une
maniàré ci^Bhplète et absiolue? Sst-il vrai que le jury, juge uiiique et souve»
rain du fait, depuis la suppression de Fart. 351, ne soit absolument juge que
du'fitttf —
'iyabord> entendons bien ceci: il n'est pas juge réellement, uniquement, du
fait matériel, il est aussi liaisî; comme nous venons de le dire, et exclusive-
ment saisi, de l'appréttiatiott moi^ale, de la qualification dé conscience qu'il
ddil donner à cet aqte. Mais' sa misaioin va^t-elle plus loin? ést^l chargé de
décider 'non«seulement que tel flEut exista <que l'accusé l'a commis, qu'il Ta
coanSH^ eif ce^naissanoe de cause et dans une pensée coupable? eist-i) aussi
chargé de^écider si'ce fait est' un crime, isice fait constitue tel crime prévu
pair "laltiif En un mo^ le jury, moontestabiément appelé à prononcer sur
l'exislence et sur la moralU» dé l'acte, est^l appelé & le qualiflpr légale»
menty eet-it appelé à déoidier si cet acte rentre ou ne rentre pas dans la classe
des faHs prévus et punis par la loi pénale? Si, en effet, il y est app^, il ne
sert plus vrai de dire que le jury est unicjuemeDt juge du~fail;'il sera néces-
saire de reconnaître que le' jury rempltt^aussi/ à certains és^s, une mis-
sion de droiu
Sur cette question assez importante, les textes et la pratique vont bien krin
d'être d'accord. D'une part, en effet, si nous regardons les art 364 et 365, noos
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730 QUARANTE BT UNliUB LSÇON. •— DBB GOI7R8 d'a88I8BB (N* 783).
y yoyons que lordqae le lait, déclaré constant par le Jary, parait à la cour
n'être pas défendu par nne loi pénale, elle absoudra Taccusé. Que si, au
contraire, la cour reconnaît dans les faits déclarés constants par le jury des
actes prévus et punis par la loi pénale, elle prononcera la peine établie par la
loi. Ainsi, des art. 364 et 365 11 résulte que ce n'est pas au jury, mais à la
conr d'examiner si tel fait, établi contre l'accusé, est ou n*est pas puni par la
loi pénale, que ce n'est pas au jury, mais à la cour de s'occuper de la qualifi-
cation légale du fait.
L'art. 342, qui contient une instruction aux jurés sur la nature de leurs
deyoirs, mène absolument au même résultat. La loi, dit cet article, ne demande
pas compte aux jurés des motifs de leur décision; elle ne leur adresse qu'une
question unique : Avezrvous une intime conviction*> Or, le système de l'intime
conviction se comprend bien quand il est appliqué à des questions de fait; il
ne se comprend plus quand il est appliqué à des questions de droit, à des
décisions de textes dont la connaissance est étrangère au jury. Il serait
étrange, en effet, qu'on allât dire à un juré, à qui Tart* 342 semble interdire
de songer au droit pénal : Avez- vous une intime conviction non-seulement que
tel bomme est l'auteur volontaire de tel fait, mais aussi qu'en accomplissant
tel fait, il s'est placé sous le coup, sous la prévention de tel article de la loi
pénale? L'intime conviction se comprend pour les questions de fait et de
sens commun, elle ne se comprend pas pour les questions de droit et de
science.
Voilà ce qu*on peut dire pour refuser au jury la mission de qualifier légale*
ment les faits dont il semble être purement Tapprédateur moral.
D'autre part, l'art. 337 parait lui confier directement cette appréciation
légale; car, quand on dit : La cour posera au jury la question ainsi qu'il suit :
Un tel est-il coupable d'avoir commis tel meurtre? il est clair qu'on l'inter-
roge non-seulement sur une question de fait, non-seulement sur le point de
savoir si tel fait a été accompli, mais aussi sur le point, souvent fort délicat,
de savoir si ce fait constitue ou non ce que la loi pénale a qualifié de meurtre.
Au premier aspect, on ne saisit pas très-bien l'intérêt de la question, on ne le
saisit pas très-bien, parce que les exemples donnés par l'art. 337 paraissent
d'une nature si claire qu'on ne voit pas conmient, les faits étant établie, il y
aurait moyen d'bé&iter sur la qualification légale. Gomment, dit-on, tout le
monde ne saît-il pas bien ce que c'est qu'un meurtre, ce que c'est qu'un vol?
ne sont- ce pas là des mots qui appartiennent au langage ordinaire autant et
plus qu'au langage légal ? ne sont-ce pas là des mots sur le sens desquels tout
juré a nécessairement qualité et mission pour répondre? Non, ce ne^sont pas
des mots qui appartiennent au langage ordinaire, tout aussi pleinement, tout
aussi complètement qu*au langage légal; et tel homme, assea bien instruit
d'ailleurs du sens des mots du langage ordinaire, pourra très-bien se tnunper
sur le sens technique, sur le sens pénal de ces expressions, si simples en
apparence, de msd&trb et de vol, à plus forte raison des expressions plue diffi-
ciles, plus tethniques, telles que celles de faux, de FORFArruas, et une foule
d'autres. Une légère analyse du sens des mots, vol, meuhtbe, pour nous ren-
fermer dans cette espèce, va nous éclairer.
Supposez, par exemple, qu'on interroge un Jury en ces termes : Un tel est-
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PROGÈDUBB DEVANT LA GOUR d'aSSISBS (aRT. 337). 731
il coupable d'aToir cosunis tel meurtre? Voilà, en apparence, une question
simple, iacile, une question qui est purement de fait, ou du moins dans
laquelle la qualification légale est d' une nature si claire, au premier aspect, que
personne ne pourra s'y tromper. Mais cependant qu'est-ce qu'un meurtre?
sommes-nous bien sûrs que chaque juré soit en état de se poser cette ques-
tion» et surtout en état de la résoudre? D'abord on en pourra trouTor, pent-
ôtre, pour qui les mots de meurtrb et d'HOMicoDE présenteront le même sens.
Ce serait là une première et grave erreur. L'homicide, ^ c'est le fait matériel;
le meurtre, c'est le fait volontaire ; l'idée de meurtre suppose toujours la
volonté ; il n*en est pas de même de l'idée d'homicide; l'homicide, c'est le fait
qui a produit la mort, sans volonté de la donner; le meurtre, c'est le fait qui
a également produit la mort, avec volonté de la donner. Mais, en ne suppo-
sant pas même cette confusion, facile à éviter, entre l'homicide et le meurtre,
en supposant que chaque juré connaisse, je ne sais comment, la définition du
meurtre écrite dans l'art. 295 du CSode pénal, article qui définit le meurtre un
homicide commis volontairement, croyez- vous qu'il n*y ait pas lieu d'hésiter
sur l'application de cette question? Il y a si bien lieu d'hésiter qu'avant la
révision de 1832, une question fort débattue était de savoir ce que c'était, au
juste, que ce meurtre, que cet homicide commis volontairement. Ainsi, un
homme a fait des blessures très- volontairement, et sachant qu'il les lait» il a
fait ces blessures dans l'intention de blesser, mais sans intention de donner
la mort, cependant la mort s'en est suivie : y a-t-il un meurtre» aux termes
de l'art. 295? Quelque singulière que paraisse cette réponse, la cour de cassa-
tion décidait cependant, avant la loi de 1832, qu'il y avait meurtre toutes les
fois que la mort était la suite de blessures portées volontairement, quoique
sans intention de la causer. C'était là, je crois, même avant la loi de 1832 qui
est venue dissiper tous les doutes, c'était là une décision vicieuse. Mais, à
coup sûr, si la cour de cassation s'était trompée, à plus forte raison un juré
pouvait-il tomber dans la même erreur. 8i, au contraire, ce sens de la cour
de cassation était celui de la loi ; si, par homicide volontaire, la loi entendait
bien J'homicide qui était la suite de blessures volontaires, mais sans inten-
tion de tuer, on eût trouvé un grand nombre de jurés qui n'auraient pas par-
tagé cet avis, et qui n'auraient appliqué le mot de meurtre qu'au cas où la
mort aurait été la suite des blessures eûtes non pas seulement avec la volonté
de blesser, mais avec celle de tuer.
Voilà donc, dans une des expressions les plus élémentaires du droit criminel
la preuve d'un doute, non-seulement pour les jurés, non-seulement pour les
hommes qui parlent le langage commun, mais pour ceux mêmes qui, par état,
doivent connaître le. mieux le langage lé^al.
Quelle question devrait-on donc, en pareil cas, poser au jury? sera-t^on à
l'abri de tout danger, quand on lui aura demandé, comme le veut l'art. 337 :
Un tel est-il coupable de meurtre? Non ; car s'il n'y a pas l'intention de causer
la mort, qui vous dit que dans ce jury la majorité légale ne va pas entendre
par le meurtre ce que, à tort ou à raison, la cour de cassation entendait par ce
mot avant la loi de 1832? qui vous dit que ce jury, trouvant que l'accusé a
blessé volontairement, et que ces blessures ont entraîné la mort, ne va pat
déclarer coupable de meurtre un homme qui, aux termes du § 2 de Tart. 309
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732 QUARANTE ET CKliilR LBÇON. *^ 0BB GôtmS D'ASSISES (R^ 788).
du Gk>de pénal, ne doit plus ciertainement être déclaré eonpable qu^ de bies-
saras graye8?Ira->t*on plus loin? décomposera-t-on la qttestion? demandera-
^on an jury, non paç fi raoênsé est coupable de menrbre, muis s'il est àcmptàie
d'hetniclàB volontaire? Qn n'en sera guère phis awnôé, car tel juré' pourra
yaSJt comme la; eour de cassation, un bomîdde toléntaire dans les blessatêB
volontaires'dont le résultat a été la mort; et cependant le f ^ de rartidese
refuse-à cette- interprétation; il dit qa^ si les bleésifres volontairement fûtes
ont causé la mort, sans que la' personne qui blessait eût Pintëntion de la causer,
i) n'y aura pas meurtre, mais matière à une peine moitis sÀvère que celle da
meurtre. Ainsi la véritable question à poser au jury, si l*on yeut éviter d'ez-
posjsr l'accusé aux erreurs les plus graves, serait celle-ci : L'accusé est^l cou-
pable d'avoir fart, avec la volonté de donner la mort, des blessures qui ont
causé la mort? Voilà la seule forme de question qui puisse préserver Paecusé
d'erreurs d'autant plus faciles à supposer qu*elies ne seraient, de la part du
jury, que la reproduction d'une interprétation longtemps admise par la cour
suprême.
Ce que je dis du meurtre, je le dirais de même pour le vol. En apparence,
rien n'est plus clair, plus simple que l'idée de vol. Bli bien, demandez à un
jury : Un tel a-tril commis un vol ? qui vous dit que le sens du mot vol, dans
l'esprit de tous les jurés, sera précisément ce qu'il est dans la loi? Ce mot
a^t-il un sens déterminé, caractéristique, qui, même' dans le langage ordi-
nairsi le distingue? Par exemple) un dépdt a été fait, et le dépositaire a
vendu de mauvaise foi l'objet du dépôt; y a-t-il un vol? Les Romains eussent
répondu affirmativement, et parmi nous beaucoup de gens qualifient cela de
y(A; cependant ce n'est pas un vol, ce n*est pas le fait prévu par Tart. 379 du
Qode pénal, sous le nom de vol ; c'est le fait prévu par Fart. 408^ sous le
nom d'abus de confiance, et puni d'une peine tout à fait différente de ceUe
du vol.
Vous voyez donc que, pour les mots^ les plus usuels, il y aurait grave danger
à interroger le jury dans les formes indiquées par l'art. 837, c^est-à-dire & lai
conftsr non^seulement la déclaration matéririle et l'appréciation morale da
fait, mais aussi sa qualification légale, constituant une question de droit qui
n'appartient point au ji^. 11 est donc vrai de dire que, sottsxe rapport, les
inductions tirées des art. 342, 384 et 365, inductions qui réservent à la eour la
solution des questions de droit, doivent prévaloir sur le texte de l'art. 337, qui
semblerait confier au jury la mission de qualifier légalement les actes qui lui
sont souinis. C'est, en effet, ce qu'on Mt aseez souvent, mais non pas toujours,
dans la pratique ; et c-est en ce sens que la pratique n'est guère plus d'accord
avec elle-même, que ne paraissent l'être entre eux les art. 837; d'une part, et,
de l'autre, les art. 342;'»4 et 365. '
: Ainsi) dann la pratique^ on ne pose jabuds la question de cette manière : un
Ul est^il coupAâ^ de menirtre? De même, pour levoU on inteitoge non point
sar le fart du vet, expression oemplenie qui a qfuelque dissed^bscur, mais sur
leDitt. dé soustraction firauduleuse, éxpressloa ttn peu plus olaire. Bn «a mot,
on substituera dans les d^x cas de Part. 887 la définition légale à Fetpres*
sien définie, c'est te parti le plas irïmple. -
Au coîitraire, lorsqu'à côté d'un vol vienneat se grouper des civeonstanees
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PROC&DURB DEVANT LA COUR d'aBSISB» (ART. 337). 733
aggravantes» par exemple, lorsqa'un homme est accusé d'avoir volé avec eaca-
lade, effraction, fausses clefs, a^ lieu de substituer aux expressions légales,
BSCiiLADE, BFFR^GTiON, FAUSSES G^Fs, IcB défîuitions quo la loi a données de ces
mots, on se borne ordinairement à laisser les mots eux-mêmes, et on demande
aux jurés ; Un tel esi-il coupable d'avoir soustrait frauduleusement avec telle
circonstance aggravante, par exemple, à l'aide de fausses défis? Y a-t-il un
inconvénient? est-ce avec raison qu'on laisse au jury la qualification légale du
fait? De raison logique, il n'y en a paf ; car, puisque, quand il s'agit du meur^
tre ou du vol, quand il s'agit du âiit principal, on substitue dans la question
posée une définition, on définit, il semble qu'il y aurait même raison de pro-
céder ainsi pour les circonstances de ce fait ; et puisque la loi, dans les art. 394
à 399 du Ciode pénal, a pris la peine de définir ce qu'elle entend par escalade,
par efiraction, par fausses clefs, il serait simple de substituer ces articles à ces
mots plus ou moins vagues, d'BscALÂDE, d'EFFRAcnoN, de fausses clefs.
Voulez-vous un exemple de la confusion qui peut en résulter? Pourquoi la
circonstance de fausses clefs est-elle une circonstance aggravante de la pénalité?
Apparemment parce que, quand un voleur pénètre dans une chambre, trou-
vant la clef sous sa nftaioi ou à la porte, il y a une imputa^on de négligence^ à
faire au propriétaire ; le voleur, a eu moins d'efforts à faire ; il a eu moins à se
roidir contre l'action de la loi; il a au moins de préparatifs à faire. Eh bien,
supposez que dans une maison garnie, par exemple, un individu commette un
vol, se servant, pour entrer dans une chambre, non pas de la clef affectée à cette
chambre, mais d'une clef servant à une chambre voisine, et ouvrant également
celle-là, est-ce là se servir d'une fausse def ? et le jury, que répondra-t-il si
on lui dit : Le vol a-t-il été commis avec fausses clefs? Il est très-possible que
le jury dise : Mais cet homme a pris dans la maison une clef qu'il n'a pas
apportée ai fabriquée; il est entré dans la chambre et a commis un vol; il est
coupable, sans doute ; mais est*'il aussi coupable que celui, qui longtemps à
l'avance, a fabriqué des clefs ou des crochets? la négligence des propriétaires,
des maîtres de la maison, n'a-t-elle pas été pour lui un enconragement ? On
pourra très-bien faire ce raisonnement «t répondre : Oui, coupable de vol,
mais non point avec fausses defs. Cette réponse sera contraire à la lot, parce
que la loi voit un vol commis avec fausses clefs dans tout vol commis avec une
clef qui u'est pas destinée à la porte ouverte. C'est là une interprétation rigou-
reuse; nuûs enfin elle est écrite. Il est clair que quand, au lieu d'interroger
le jury sur la question de savoir si la porte a été ouverte par l'un des moyens
indiqués dans l'art. 398 du Code pénal^on l'interroge sur la question de savoir
si elle a été ouverte avec fausses defs, on s'expose à avoir du jury xme réponse
qui, par ignorax^ce de la loi, ne sera pas. l'expression exacte de la vérité. loi^
sans doute, le danger est moindre que dans l'hypothèse précédente, parce qu'il
s'ensuivra l'application d'une pénalité moins forte^ et iion pas l'application
d'une pénalité beaucoup plus forte, comme dans le cas de meurtre ; mais il
n'en est pas moins vrai que la peipie sera toujours ou moins fprte ou plus
forte, qu'elle ne le serait par ^application exacte de la législation. Il serait
donc à désirer qu'en matière de circonstance^ a^ravaptes, con^me en matière
de faits prindjpaùx,. on interrogent le jury,. non .pas avec l'expression tedini^
que, l'expression, légale, mais avec la définition que la loi en i^ donnée^ par
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734 QUARANTE BT UNIÈME LEÇON. -^ DES COURS d' ASSISES (n* 783).
que cette définition, lors môme qn^elle ne serait pas d*nne clarté parfaite,
sera toujours plus près du langage commun, sera toujours plus intelligible
pour le jury que l'expression technique, sur laquelle il est exposé à de graves
erreurs.
Je dis qu'on le devra faire ainsi dans tous les cas où il y a une définition
légale; mais il est des cas où cette définition n^existe pas, où, par oubli ou
par d^autres motifs, le législateur a employé une expression plus ou moins
technique, sans dire précisément quel sens il y attachait. Alors, de toute
nécessité, le jury sera interrogé non-seulement sur l'existence du fait, mais
encore sur sa qualification légale ; alors, de toute nécessité, le jury sera en
partie saisi d'une question de droit, en ce sens qu'il aurlL à apprécier un fait et
à lui donner le nom qui le fait rentrer sous le coup de la loi pénale.
Ainsi, dans Tart. 2 du Gode pénal, nous avons vu que la loi, dans certains
cas, assimilait la tentative de crime au crime accompli : elle veut pour cela que
la tentative ait été manifestée par un commencement d'exécution, et n'ait
manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de
son auteur. Dans une pareille hypothèse, que demandera-t-on au juré ? lui
demandera-t-on : Y a-t-il eu tentative ? Non ; on lui demandera s'il y a eu
commencement d'exécution de tel fait, et si cette exécution n'a manqué son
effet que par des circonstances étrangères à la volonté de l'accusé. Mais la
question ainsi posée, et elle doit l'ôlre ainsi, la question ainsi posée est assez
délicate ; elle renferme une appréciation qui rentre à quelques égards dans le
droit.
Ainsi, nous avons dit que la loi voulait, pour constituer^ la tentative, un
commencement d'exécution; et nous nous sommes appliqué à séparer du
commencement d'exécution, essentiel à la tentative, les préparatifs d'exécution
qui ne constituent pas la tentative. Nous avons, à cet égard, posé quelques
exemples, mais nous n'avons pas plus que le législateur réussi à établir des
règles générales ; nous n'avons pas trouvé de ligne de démarcation entre ces
préparatifs, qui ne sont pas encore un crime, et ce commencement d'exécution
qui constitue un véritable crime. U est clair qu'en pareil cas c'est à la con-
science du jury à décider non-seulement si l'accusé a matériellement et volon-
tairement commis tel fait, si, par exemple, il a acheté telle arme, s'est muni
de telle échelle, s'est rendu dans tel lieu, a appliqué cette échelle à telle fenê-
tre ; mais il a de plus à décider si ces actes matériels sont de simples prépara-
tifs ou une exécution commencée. Du parti que le jury prendra dans cette
alternative, de la solution qu'il donnera à cette question délicate, de la qua-
lification qu'il croira devoir imprimer à ces actes, dépendront pour l'accusé
les conséquences les plus graves, l'acquittement, si dans ces actes le jury ne
voit que des préparatifs, la condamnation, s'il y voit une exécution' commencée.
De môme, dans l'art. 333 du Gode pénal, vous voyez que la peine du crime
de viol, qui est, en général, des travaux forcés à temps, s'élève cependant à la
peine des travaux forcés à perpétuité dans plusieurs cas indiqués, et notam-
ment si le coupable a été aidé ou assisté par une ou plusieurs personnes. La
loi ne dit pas ici quelle est cette aide, cette assistance à laquelle elle attache
cette énorme aggravation de peine : est-ce une assistance directe, actuelle,
immédiate, ou bien est-ce une assistance indirecte, détournée, éloignée?
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PROCÉDURE DfiVANT LA COUR d'aSS1«B8 (aRT. 337). 735
Fournir une échelle, faire la garde pendant qu'un crime se commet, c*est se
rendre coupable de complicité par assistance et par aide ; est-ce dans le même
sens que ces mots sont pris dans Fart. 333? Gela est plus que douteux ; et, en
général, on n'entend cet article que de Taide actuelle, immédiate et sur le lien
même où se commet le crime. Cependant la loi ne l'a pas dit, et tous sentez
que quand on pose au jury la question dans les termes de la loi : L'auteur du
crime a-t-il été aidé ou assisté par une autre personne? le jury a qualité non-
seulement pour rechercher l'existence des faits d'aide ou d^assistance, mais
aussi pour qualifier ces faits et pour décider si, en droit, ces faits constituent
l'assistance ou l'aide que l'art. 333 a entendu frapper.
De ce résumé imparfait de la question que soulève l'art. 337, vous pouvez
conclure qu'en général le jury, juge unique et souverain de l'existence maté-
rielle et de la qualité morale des faits, se trouve quelquefois, soit par l'effet
d'une pratique vicieuse, soit par une conséquence littérale de la loi, appelé à
quelque chose de plus; qu'il se trouvé appelé non-seulement à déclarer les
ûûts, non-seulement à attester Tintention coupable d'où ils sont dérivés,, mais
aussi à qualifier lég§Llement ces faits, à déclarer qu'ils rentrent dans la prévi-
sion de telle loi pénale, et par conséquent qu'ils tombent sous le coup de telle
pénalité. Dans ces cas, il est vrai de dire que la division vulgaire se trouve
faussée, que le jury n'est plus purement le juge des questions de fait, mais
qu'il se trouve, indirectement et à quelques égards, appelé . à accomplir une
mission plus difficile, à décider des questions de droit.
Gela, au reste, n'a rien de bien étonnant; car, dans la terre classique du
jury, en Angleterre, ce n'est pas là seulement sa mission accidentelle, c'est, je
constate un fait sans l'approuver ni le combattre, c'est sa mission de tous les
jours. Le jury anglais n'a pas sans doute à appliquer la peine ; c'est là, en
Angleterre comme chez nous, la mission réservée à la cour; mais le jury
anglais est consulté sur la qualification légale de l'acte ; on lui pose comme
question non pas seulement le fait physique, ouïe fait intentionnel, on lui pose
comme question si tel accusé est coupable de tel acte, en mettant dana ces
derniers mots le mot de la loi pénale. Et comme, en Angleterre, la langue
judiciaire, la langue technique, est infiniment plus éloignée que chez nous du
langage ordinaire, cette mission est plus délicate, plus difficile, et présente par
conséquent, à un degré plus haut, les périls que nous avons signalés. Pour
éviter ces périls, on a deux remèdes : le premier, c'est qu'avant le vote le juge
qui tient les assises explique aux jurés, dans une sorte de commentaire, le sens
du mot technique sur lequel ils sont interrogés. Le second, c'est que, quand
le jury se trouve trop embarrassé pour savoir si tel fait, reconnu constant, con-
stitue bien le crime sur lequel on Ta interrogé, il rend ce que dans l'usage on
appelle un verdict spécial, c'est-à-dire qu'au lieu de venir dire : Oui, l'accusé
est coupable de tel crime, ou bien : Non, l'accusé n'est pas coupable de tel
crime; le jury, reconnaissant l'existence de certains faits, mais n'osant pas,
en droit, affirmer ou nier que ces faits reconnus constituent le crime en ques-
tion, vient déclarer : Oui, l'accusé a commis tel et tel acte, qu'on décrit dans le
plus grand dét^l; c'est alors à la cour à décider si l'acte, ainsi décnt dans ce
verdict spécial du jury, constitue ou ne constitue pasle fait de la loi pénale sur
lequel il était interrogé.
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736 QUARANTE ST UNlftlTB LBÇON. — DES G0UR8 D'ASSmS (n"" 784).
Mais ce sont là, vous ie voyez, des remèdes, des palliatifs i un mal très-
réel; ce mal consiste à interroger le jnry sur (tes points qn'il ne peat guère
connaître, à lui sonmettre une question de droié à laipielle il est étranger. On
n'arrive à éluder le mal que par un verdict spécial qui rejette sur la cour la
question de droit; ou bien par un verdict général) affirmsftif ou négatif, déter-
miné par les explications, les commentaires que la cour a donnés sur le seos
légal et technique du mot. Mais ces explications, ces commentaires, outre qu'ils
présentent le danger de n'être pas compris, ont encore nnconvénient de
déplacer la responsabilité, en faisant statuer le jury sur un point qu'il ne con-
naît pas, et qu'il décide de confiance sur une autorité qui lui est étrangère.
784. Nous avons vu dans quels termes devaient être posées, d'après
Tart. 337, les questions que le président adresse au jury, d'après les faits admis
dans Tarrét de renvoi, relatés dans l'arrêt de mise en accusation et résumés
dans les paragraphes qui terminent Pacte d'accusation. Ce ne sont pas là, au
reste, les seules questions, les seuls faits sur lesquels la cour d'assises, par
l'organe de son président, puisse ou doive interroger le jury ; à la disposition de
l'art. 337, Part. 33S ajoute une règle fort remarquable, et qui permet au pré-
sident, qui lui enjoint même de poser au jury certaines questions non ren-
fermées dans le résumé de l'acte d'accusation, ou même dans l'arrêt de renvoi;
void ses termes :
' a Airr. 338. S'il résulte des débats une ou plusieurs circonstances aggravantes,
non mentionnées dans l'acte d'accusation, le président ajoutera la question sui-
vante: <^ L'accusé &-t-il commis le crime avec telle ou telle circonstance Y »
Il arrive assez fréquemment que les témoins entendus à Taudience, les faits
•qui y soi^ discutés mettent en lumière non-seulement des faits que Tinstrue-
tion préliminaire n'avait pas fournis, mais même des faits nouveaux, distincts,
séparés de ceruxsur lesquels avait porté l'acte d'accusation. Ces faits nouveau!,
distincts, non ùom^Hs dans l'acte d'accusation, peuvent-ils ikire la matière de
c(uestkm8 spédaies adressées directement au jury ? Oui, quand ces foits peu-
vent être considérés comme des circonstances aggravantes des actes qui for-
maient déjà la base de l'accusation: non,parconséquent| dans le cas contraire.
En effet, il est possible que, dans le cours des débats, on acquière contre
l'accusé des indices plus ou moins graves, des preuves en apparence com-
:plètes, de crimes parisiitement distincts, entraînant par eux-mêmes despéna-
-lités spéciales. Ce n'est pas là le cas de l'art. 388; cette hypothèse, importante
à régler, l'a été par l'art* 379. Lorsque, dans le cours des débats, on acquiert
icontre ràodttsé des indices de crimes emportant une peine plus grave que le
£Kit pour lequel il eSt maintenant poursuivi, il est. nécessaire' di» renvoyer à
.une lnstnicti>(m préOininaire l'examen deœs faits nouveaux, eau£à en foire
-phis tard l'objet d'une accusation, ef^' par suite, d'un débat distinct. Si, au con-
traire, les faits iiopyeanx.se ratitachentan fait actuel àdinis dans l'atite d'accu-
saiioii^ de manière. à entraîne^ un» aggravation delà peihè que méditaient
déjà ces faiitfa, àldrs> bu^ qua non mentionnées dans Tacte^ dWusation, les
questions qui y sont relatives doivent être posées au >my. '• '
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PROCiDURE DEVANT LA COUR o'aSSISES (aRT. 338). 737
Cette disposition avait besoin d'être formellement insérée ; elle contient une
ezeeptioQ (rè»*reniarqaable aux règles générales de la mission et des pouvoirs
de la cour d'assises et da jury. En général, d'après Fart. 271, aucune accusa*
tien ne peut être portée aux assises, ne peut être soumise à un jury, si elle
n'a subi, au préalable, l'épreuve des procédures préparatoires dont nous avons
parcouru l'ensemble; et cependant ici on va soumettre au jury des questions
relatives à des faits que l'accusation n*avait pas spéci&és, des qpiestions relati-
ves à des faits sur lesquels l'accusé n'a pas été appelé d'avance à se défendre,
à des faits qu'on ne lui a pas notifiés, et sur lesquels par conséquent il n'a pas
été en mesure d'appeler des témoins à décharge.
En présence de ces graves inconvénients, il semble que la disposition de
Tart. 338 n'est pas d'une parfaite justice; qu'on a sacrifié au besoin, au dé-
sir de la vindicte publique, parce que plus tard ces mômes faits ne pour*
raient plus être poursuivis, rintérét, bien légitime aussi, des garanties dues à
l'accusé, lorsqu'on pose contre lui des questions qu'il n'a pas pu prévoir, -qu'il
n'a pas pu débattre d'avance. Remarquez, d'ailleurs, que ces questions sont
posées à l'instant où les débats sont irrévocablement déclarés clos, à l'ins-
tant où l'accusé ne peut plus élever aucune discussion, ne peut plus faire en-
tendre aucun témoin.
Ainsi, dans l'usage, pour remédier autant que possible à l'inconvénient grave
qui résulte pour l'accusé de la position de questions qui sont pour lui tout à
fait imprévues, a-t-on soin, lorsque, dans le cours des débats, viennent à se
révéler des indices, des faits de ce genre, d'avertir Taccusé et son conseil qu'il
est dans l'intentionde la cour de poser, à la fin des débats, cerf aines questions
subsidiaires, relatives à tdles ou telles circonstances. Alors le mal est non pas
évité, mais au moins pallié, diminué, en ce sens que l'accusé, sans avoir pu
prendre à l'avance les mesures nécessaires pour se détendre, peut du moins,
pendant les débats, donner quelques explications relatives à ces circonstances»
785. Mais que faut*il entendre au juste par ces circonstances aggravantes
qui peuvent, d'après notre article, devenir la matière de questions spéciales?
Ce sont d'abord un assez grand nombre de faits qui, punis par eux-mêmes et
isolément de pénalités fort légères, qui, même indifférents, impunis par la loi,
quand ils sont isolés, deviennent cependant, par leur concours avec certains
crimes ou aveccertains délits, l'occasion d'une pénalité très-forte. Tels seraienf,
par exemple, les faits de l'escalade, de l'effraction, de l'emploi de fausses clefs,
faits qui, licites en eux-mêmes, alors qu'ils ne se rattachent à aucun projet
coupable, deviennent cependant, quand ils ont servi à l'exécution d'un acte
coupable, et notamment d'un vol, des circonstances aggravantes qui exercent
sur la pénahté de ce vol une influence très-marquée.
Ainsi, le vol, qui par iui-iûôme n'est qu'un délit puni de l'emprisonnement,
devient crime par le seul fait de la concomitance de Tune des trois circonstances
que je viens d'indiquer. Et si le nombre des circonstances aggravantes était
fort étendu, si, par exemple, un vol se trouvait accompagné des cinq circons-
tances aggravantes énumérées dans l'art. 38i du Code pénal, il se trouverait
crime, et crime an premier chef, puni d'une peine at'fiictive perpétuelle, des
travaux forcés à perpétuité.
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738 QUARANTE ET UNIÈME LEÇON. — DES COURS d'aSSISBS (n* 787).
Il y a plus, on considérerait encore comme circonstances agfniTantes des
faits qui constituent par eux-mômes de véritables délits, qoi, par eux-mêmes,
et indépendamment de tout autre fait, seraient déjà Tobjet d'une asses forte
pénalité, mais qui viennent de plus aggraver puissamment la pénalité d*iin
autre fait. Ainsi, un accusé est traduit aux assises sous une accusation de
meurtre : la peine du meurtre serait celle des travaux forcés à perpétuité ;
dans le cours des débats on acquiert, ou Ton croit acquérir la preuve qu*à la
suite de ce meurtre, au moyen de ce meurtre, un vol a été commis ; certai-
nement le vol par lui-même serait déjà la matière d^une pénalité, mais le vol
joint au meurtre, le vol dont le meurtre a été le moyen aggrave, de la manière
la plus notable, la pénalité du meurtre; le meurtre suivi du vol qu'il a été
destiné à préparer est puni non plus des travaux forcés à perpétuité, mais de
la peine de mort, art. 304 du Gode pénal. Voilà encore ici un de ces faits
qui, bien que constituant des délits par eux-mêmes, prennent cependant, i
cause de leur adjonction avec un crime d'une nature déjà fort grave, un carac-
tère bien plus sérieux que celui du simple délit. Voilà encore de ces circons-
tances aggravantes que le président est autorisé à poser, aux termes de
J'art. 338.
786. Les art. 339, 340 et 341, également relatifs à la position des questionSp
se réfèrent à des principes que nous avons déjà expliqués avec assez de détail,
en nous occupant des art. 64, 65 et 66 du Gode pénal. Gependant l'application
fréquente de ces matières dans la pratique, la confusion très-fréquente aussi
qui est faite entre les différentes dispositions de ces articles m'obligent à ren*
ii*er dans quelques détails, même sous le point de vue pénal : quant au point
de vue d'instruction, de procédure, nous n'en avons point parlé ; c'est ici le
lieu d'en traiter.
787. Il est question dans l'art. 339 des matières dont nous nous sommes
occupé sous l'art. 65 du Gode pénal, à savoir, des faits d'excuse. L'art. 63
déclare qu'aucun fait ne peut être excusé, ni la peine mitigée que dans les cas
prévus par la loi. L'art. 339 s'occupe d'organiser, sous le rapport de rinstmc-
tion ou de la procédure criminelle, la règle du droit pénal en fait d'excuse.
Qu'est-ce d'abord qu'une excuse ? Nous avons dit qu'il fallait entendre par
ce mot certaines circonstances prévues, définies littéralement par la loi, et qui,
lorsque leur existence est reconnue, ont pour effet d'atténuer dans une propor-
tion très-forte la culpabilité d'un accusé déclaré coupable. Je dis d'atténuer,
et non pas d'effacer, car l'excuse diminue la peine, mais n'en exempte jamais
l'accusé. Ainsi, l'excuse suppose comme première condition la culpabilité
déclarée, la pénalité encourue; elle aura seulement pour effet de rendre beau-
coup plus légère l'application de cette pénalité. J'en ai cité pour exemple le
cas de meurtre commis après une provocation, et le cas de meurtre commis par
le mari sur sa femme ou son complice dans le cas de flagrant délit d'adultère.
î«ii dans l'un ni dans l'autre cas le fait d'excuse même établi n'efface complè-
tement, soit la culpabilité morale, soit non plus la culpabilité légale du meur-
trier; mais le fait d'excuse une fois déclaré constant atténue cette culpabilité
oi en fait décroître la peine dans une proportion très-forte. Par exemple, au
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PROCÊDURB DEVANT LA COUR d'aSSISBS (aRT. 339). 789
liea de la peine da meurtre, peine criminelle de la nature la plus haute, dans
les deux cas que j*ai cités, on n'appliquera qu'une simple peine correctionnelle,
un emprisonnement plus ou moins long.
Vous trouverez Ténumération des excuses consacrées par la loi pénale dans
les art. 321 et suivants du Gode pénal. Vous trouverez l'indication des con*
séquences pénales de Texcuse admise dans Tart. 326 du même Gode.
Vous remarquerez donc, une fois pour toutes, que l'excuse est un fait défini
par la loi, et que, hors les cas d'excuse formellement déclarés, aucune circons*
tance ne peut être admise comme telle.
788. L'excuse vient se placer dans le droit pénal entre deux faits importants
aussi, entre deux dispositions qu'il est bon de ne pas confondre avec elle.
Ainsi, il serait possible qu'un accusé, sous une prévention de meurtre, par
exemple, alléguât que s'il a tué même volontairement, c'était en état de
démence, c'était sous Tempire d'une force à laquelle il n'a pu résister ; en un
mot, qu'il invoquât, comme défense, dans le cas où le fait est établi, non pas
des excuses proprement dites, aux termes de Tart. 65, mais bien l'état de
démence ou l'influence d'une force irrésistible, aux termes de l'art. 64. Sont-
ce là des excuses ? la démence, la force majeure sont-elles des excuses vérita-
bles? Gertainement, dans le langage commun, il n'y aurait rien d'absurde à
répondre affirmativement; mais, dans le langage légal, dans le sens technique
du mot d'excuse, l'état de démence, la force majeure, ne sont pas des excuses,
mais des circonstances bien plus graves, bien plus favorables que les excuses.
L'état de démence prouvé n'a pas pour effet d'atténuer, de diminuer la culpa-
bilité morale ou légale, il a pour effet de l'effacer, de Ja faire compK'tement
disparaître ; il n'y a pas de responsabilité possible, devant la conscience ou
devant la loi, de la part d'un homme qui n'a pas le sentiment, l'instinct de
ses actes. Ainsi, l'excuse atténuera la peine, la démence prononcée empêchera
l'application de toute peine. Voilà pour la différence pénale.
Quant aux différences qui tiennent à la procédure, à l'instruction, elles sont
importantes aussi.
Le jury doit éire formellement interrogé sur l'existence des excuses ; le
jury ayant déclaré d'abord la culpabilité d'un accusé pourra ajouter ensuite,
sur la question qui lui en sera faite, que l'accusé se trouve dans tel ou tel cas
d'excuse prévu par la loi. Au contraire, le fait de la démence, le fait de la force
majeure ne forment pas la matière d'une question spéciale à poser au jury.
Quand on lui demande : Un tel est-il coupable de tel fait? et qu'il a la convic-
tion que l'accusé était en démence, il doit répondre simplement : Non, il n'est
pas coupable. La réponse du Jury quant à la démence n'a pas besoin d'être
provoquée formellement; toute question de culpabilité suppose le point de
savoir si le coupable était en état de raison ou en état de démence.
De mêmft, supposez que l'auteur d'un meurtre traduit devant la cour d'assi-
ses allègue non pas l'état de démence, non pas l'absence de volonté, mais
allègue que c'est en état de légitime défense qu*il a porté les coups ou commis
l'homicide; dans ce cas, y a-t-il excuse? c'est-à-dire y a-t-il cause atténuante
de la peine? dans ce cas, y a-t-il excuse ? c'est-à-dire nécessité de demander
au jury, par une question spécVale et expresse, si l'accusé était ou n*étaàt pas
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740 QUARANTE ET UNlilCB LEÇON. — DES COURS D* ASSISES (N^-790).
en état de légitime déienae ? Non, il n'y a pas d'excuse, il y a une circons-
tance qui, dans le droit pénal, efface toute possibilité de punir, et qui, sous le
point de vue de la procédure, est tacitement comprise dans cette phrase:
Kaccusé est-il coupable ? Tout juré raisonnable doit sentir, quand la îégttitne
déténse est alléguée et prouvée parles débats, qu'il doit répondre négativement
à la question complexe qui lui est posée : Non, laccnsé n'est pas coupable.
Ainsi, vous distinguerez bien les excuses proprement dites, prévues dans le
texte de l'art. 65 du Cîode pénal, et les textes spéciaux auxquels cet article fait
allusion, avec le cas de démence, le cas de force majeure dont parle l'art. 65, et
même avec le cas de légitime défense et autres pareils, dont parlent les ar-
ticles 327, 3^8 et 329 du Code pénal.
789. Sous un autre rapport, l'excuse diffère également d'un autre ordre de
matières qu'on est accoutumé à confondre avec elle ; c'est dans l'école, c'est
aux examens, ce n'est pas dans les livres ni dans la pratique que cette confu-
sion a lieu : l'excuse est trop souvent confondue avec les circonstances atté-
nuantes qui ne présentent avec elle qu'un rapport trôs-éloigné, très-indirect.
Tout à l'heure, en traitant, sous l'article suivant, des circonstances atténuantes,
nous verrons quelles différences nombreuses et profondes séparent l'excuse
proprement dite avec les circonstances atténuantes.
790. Quant au texte de l'art. 339, je n'ai guère à y faire remarquer qu'un
changement, fort grave, il est vrai, apporté, en 1832, je ne dirai pas à la
législation antérieure, mais du moins à l'interprétation qu'une jurisprudence,
que je crois vicieuse, avait apportée à cette législation. Dans la révision de
1832 on n'a fait qu'ajouter i l'art. 339 ces mots : A peine de nullité. On a dit :
Toutes les fois que l'accusé aura demandé la position d'une question d'eicuse,
toutes les fois qu'il aura allégué comme excuse un fait que la loi déclare tel, le
présifient devra, à peine de nullité, poser cette question.
Pourquoi ces mots : A peine de nullité, ont-ils été ajoutés dans Tarticie? Le
voici : sous l'empire du Code de 1808, sous la rédaction primitive de l'art. 339, il
arrivait fréquemment, ce qui sans doute arrivera encore maintenant, qu'un
accusé alléguait pour excuse un fait déclaré tel par la loi, mais un fait dont
les débats ne semblaient point établir la réalité. Un accusé de meurtre, par
exemple, alléguait à tout hasard que s'il avait commis un meurtre, c'était
sous l'empire d'une provocation violente, art. 321 du Gode p^nal. Souvent,
alors, le président se refusait à poser au jury cette question d'excuse, allé-
guant que les débats n'avaient fourni à cet égard aucun indice. C'était là un
grand abus de pouvoir ; c'était là un très-mauvais raisonnement : car le point
do savoir si les débats ont rendu vraisemblable ou non le fait d'excuse allégué
par l'accusé, ce point est une question de fait qui rentre tout entière dans les
attributions du jury, et dont le président ni la cour ne peuvent connaître sans
usurpation de pouvoirs. Déclarer q}ie la question d*excuse ne sera pas posée
parce que le fait d'excuse n'est ni vrai ni vraisemblable, c'est évidemment se
faire juge du fait, c'est empiéter sur les pouvoirs du jury. L'unique mission
du président et de la cour est de voir si le fait allégué par Taccusé comme
^xcuBfr rentre ou non dans les art, 321 et suivants du Gode pénal, sauf ensuite
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* PHOCiDURE DBYANT LA COUR D' ASSISES (aRT. S41). 741
-aa jury, lorsque cette question lai aura été posée, à décider si les faits d'èz-
^sose ont été prouvés par les débats.
Aucun abus de ce genre n*est plus possible; car, depuis Tinsertioa dans
l'article de ces mots : A peine de nullité , il s'ensuit que toutes les fois que Tae-
4sasé aura proposé le fait d*excuse le plus invraisemblable, le fait d'excuse le
plus étranger aux débat?, par cela seul que ce fait sera Tun de ceux auxquels
la loi a donné la qualité d'excuse, le président devra poser la question. S'il
se refusait à la poser, il s'ensuivrait que la condamnation de l'accusé serait
nulle, aux termes de l'art. 339. En un mot, l'article n*a fait que restituer au
jury la décision de questions que lui avait enlevées, je ne dirai pas la législa-
tion, mais la jurisprudence antérieure.
791. « Art. 340. Si raccusë a moins de seize ans, le président posera, à peine
de nullité, cette question : — « L'accusé a-t-il agi avec discernement ? »
Cette question est de la plus haute importance. Ici encore on ajoute dans
rarticle la peine de nullité de la condamnation, en cas d'omission de cette
question ; c'est là le changement qui a été fait.
Remarquez, d'ailleurs, que lorsque, dans l'art. 339( la nullité n'est pronon-
cée pour omission de la question d'excuse qu'autant que l'accusé a formelle-
xneût requis la position de la question, au contraire, dans Tart. 340, c'est d'of-
fice, et sans réclamation de l'accusé, que le président doit poser la question.
Il y aurait nullité de l'arrôt de condamnation, si un accusé mineur de seise
ans avait été condamné, sans que la question de discernement eût été posée
même d'office i son égard.
Quant à l'influence de cette question, vous savez déjà quelle elle est; ce
n'est que l'application, dans la procédure criminelle, de l'art. 66 du Gode pé-
nal. La réponse négative du discernement de la part du jury entraînera, d'à*
près Tart. 66, l'acquittement de l'accusé, sauf, dans ce cas, les précautions que
pourra prendre la cour, aux termes de ce même article. Au contraire, si la
question de discernement est résolue d'une manière affirmative, l'accusé
sera condamné, mais à des peines beaucoup moins fortes que celles qu'il eût
encourues, s'il était majeur de seize ans, art. 67 du Code pénal.
Remarquez, de même, que la question de discernement ainsi posée au jury
doit être résolue contre l'accusé à la majorité de sept voix; nous expliquerons
cela avec plus de détail sur l'art. 347.
792. « Art. 341. En toute matière criminelle, môme en cas de récidive, le prési-
dent, après avoir posé les questions résultant de Tacte d^accusatidn et des débats,
avertira le jury, à peine de nullité, que, s'il pense à la majorité, qu'il existe, en
faveur d'un ou de plusieurs accusés reconnus coupables, des circonstances atté-
nuantes, il devra en faire la déclaration dans ces termes : ^ « A la majorité, il y a
des circonstances atténuantes en faveur de l'accusé, v Ensuite le président remettra
les questions écrites aux jurés, dans la personne du chef du jury ; et il leur re*
mettra en même temps l'acte d'accusation, les procès- verbaux qui constatent les
délits, et les pièces du procès autres que les déclaratious écrites des témoins. — Il
fera retirer Taccusé de l'auditoire (1). »
(1) Article tel qa'ila été modifié par la loi du 10 juin 1853.
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742 QUARANTE BT UNIÈME LEÇON. — DES COURS D'aSSISES (n^*79^}.
Toute cette rédaction a remplacé, en i832| une disposition autrefois fort im-
portante de i*art« 341, disposition qui maintenant n'a plus qu'un intérêt his-
torique. Cet intérêt est cependant trop récent pour que nous n'en parlions
pas, j'en dirai tout à l'heure quelques mots sur l'art. 347; hornons-nous,
quant à présent, à l'explication du nouvel article, ou du moins de sa première
partie, car la fin ne présente aucune dirficulté. Il s'agit ici de ce système à
peu près nouveau, des circonstances atténuantes, introduit, en 1832, dans
l'art. 463 du Gode pénal. Quoique ce système ne soit pas difficile à saisir, je ne
saurais cependant le recommander trop vivement à votre attention, attendu
les erreurs continuelles dans lesquelles on tombe, sur cette matière, dans l'ap-
plication de tous les jours. J'ai déjà donné, en expliquant l'art. 65 du Gode
pénal pour ce qui touche au droit, d'assez longs détails ; je vais encore les
résumer aujourd'hui, mais sous une forme plus rapide, et je compléterai cette
matière par les notions relatives à l'instruction criminelle, notions dont je n'ai
pas parlé sur l'art. 65.
Je vous ai dit qu'en général, dans l'ancienne jurisprudence, avant 1791, les
peines étaient à peu près arbitraires; qu'en 1791, les rédacteurs du Gode pénai
de TAssemblée constituante, frappés des immenses dangers de l'arbitrùre
absolu dans les peines, s'étaient jetés dans un excès directement contraire, et
fort dangereux aussi. Au principe de l'arbitraire absolu, ils substituèrent le
principe opposé, celui de la fixité, de la précision la plus complète dans les
peines. Ghaque crime, chaque délit se trouva classé dans ce Gode, et taxé à
des peines temporaires absolument fixes, et pour l'application desquelles au-
cune latitude n'appartenait aux juges.
On ne tarda pas à sentir que cette méthode était pleine d'inconvénients; que
la loi pénale, ne pouvant prévoir et frapper les crimes qu'en masse, à l'avance
et indistinctement, ne pouvait pas entrer dans ces nuances infinies de mora-
lité qui séparent l'un de l'autre deux, trois des crimes du même nom; qu'en*
tre deux meurtres, deux vols, deux faux ou tout autre crime, il y avait, sous
l'identité de nom, sous l'apparente ressemblance de ces deux crimes, il y avait
cependant d'énormes différences pratiques dont il fallait tenir compte. Aussi,
dans la rédaction du Gode de 1808, essaya-t-on d'écarter en partie ce système,
en introduisant le principe d'un minimum et d'un maximum dans les peines;
c'est-à-dire que, sans rendre au juge un arbitraire absolu dans l'application des
peines, on lui permit, au moins dans la plupart des cas, de faire varier, dans
des limites déterminées d'avance, la gravité et l'étendue de la peine à appli-
quer. On ne crut même pas cette latitude suffisante, et plus tard, une loi spé-
ciale du 25 juin 1824 permit aux cours d'assises, au moins i l'égard de certains
crimes, de déclarer l'existence de circonstances atténuantes, et d'appliquer
ainsi, non-seulement le minimum de la peine légale, mais même une autre
peine inférieure d'un degré à la peine légale. Mais ces circonstances atténuan-
tes ne furent admises, sous la loi de 1824, que pour un très- petit nombre de
crimes; les autres restèrent sous l'empire du droit commun. De plus, c'était à
la cour d'assises, après la déclaration du jury, de rechercher l'existence des
circonstances atténuantes. En un mot, la cour d'assises était encore saisie de
quescions de fait à l'exclusion du jury.
En 1832 on a élargi et complété ce système ; c'est l'objet de l'art. 463 du Ck>de
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PROGÉBURB DS7ANT LA COUR D*À8SISB8 (aRT. 341). 743
pénal. On a senti qu'obliger ainsi le jury à rendre un verdict définitif sur un
crime dont la peine légale, même àson minimum, serait trop dure à ses yeux,
c'était, le plus souvent, arriver à l'impunité, c'était amener le jury à se mentir
à lui-môme, à déclarer non coupable un accusé dont la culpabilité était bien
démontrée, et le déclarer non coupable précisément pour éviter Tapplicatioa
d'une peine trop sévère. Pour se soustraire à ce danger, on a autorisé le jury,,
dans toute espèce de crime, et en déclarant l'accusé coupable, à reconnaître
et à constater Texistence de circonstances atténuantes en faveur de cet accusé,
circonstances atténuantes qui, déclarées par le jury, auront pour effet de con-
traindre la cour à descendre d'un degré dans l'application de la peine, et de
lui permettre, si elle le veut, de faire plus encore, descendre de deux degrés
au moins dans les peines de même nature.
L'idée que je vous donne de la conséquence de cette déckration a besoin,
pour être appliquée, d'être étudiée dans le texte même; Tart. 463 indique
clairement quel sera, pour chaque espèce de peine, Teiïetde cette déclaration.
Mais, pour en donner un exemple, pour vous faire comprendre cette obli-
gation de descendre d'un degré, cette faculté de descendre de deux degrés
dans des peines de même nature, je vais vous citer un cas de pénalité : suppo^
sez, par exemple, que le crime déclaré constant par le jury fût de nature à
entraîner la peine.des travaux forcés à temps; si le jury se bornait à cette
réponse affirmative, la cour pourrait appliquer, du maximum au minimum, de
cinq à vingt ans de travaux forcés. Voilà le pouvoir d'appréciation qui résulte-
rait pour la cour du texte primitif du Gode pénal de 1808. Maintenant, suppo-
sez que le jury, en déclarant l'accusé coupable d'un tel crime, ait en môme
temps déclaré qu'il existait en sa faveur des circonstances atténuantes; alors
il y aura impossibilité pour la cour d'appliquer la peine légale des travaux for-
cés à temps, il y aura nécessité pour elle de descendre d*un degré, c'est-à-dire
de prendre, non pas la détention, qui, dans l'échelle générale des peines, vient
de suite après les travaux forcés, mais bien la réclusion. Pourquoi cela?
Parce que la détention est une peine qui n'est point de la même nature, qui
n'appartient point au même ordre d'idées que la peine des travaux forcés. La
cour devra donc, en pareil cas, appliquer tout au plus la peine de la réclusion.
Elle pourra même faire plus encore, et si, partageant à cet égard l'opinion da
jury, elle reconnaît que Taccusé, quoique déclaré coupable, est, par ses antécé-
dents, par les circonstances qui l'ont poussé au crime, tout à fait digne d'intè
rôt, elle pourra descendre, si elle le veut, jusqu'à la peine d'emprisonnement^
c'est-à-dire jusqu'à une peine purement correctionnelle.
De même, si la peine légale du crime, était non pas des travaux forcés à
temps, mais des travaux forcés à perpétuité, la cour ne pourrait appliquer, en
cas de circonstances atténuantes, que les travaux forcés à temps, et pourrait,
ai bon lui semblait, appliquer même la simple réclusion : ceci suffit pour vous
faire comprendre quel est, quant à la pénalité, le résultat des circonstances
atténuantes déclarées par le jury.
798. Maintenant en quoi diffèrent ces circonstances atténuantes, dont parle
l'art. 341, des excuses, dont nous parlions sur l'art. 339? Les différences sont
de plusieurs sortes et toutes également sensibles.
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744 QUARANTE ET UNIÂME LEÇOH. — DBS COURS û'aSSISES (n*793).
D'abord, les excuBes sont expressément, sont littéralement définies par la
loi. An contraire, la loi n'a pas dit et n*a pas pa dire quelles circonstances
seraient atténuantes, tout pouvoir à cet égard appartient au jury. Le jury
déclarera, en général, à raison de l'intérêt que lui inspire l'accusé bien que
coupable, souvent aussi sans aucun intérêt pour Taccusé, mais à raison seule-
ment de la gravité de la peine à l'application de laquelle il répugnera, le jury
déclarera qu'il existe des circonstances atténuantes. Non-seulement ce qui
constitue ces circonstances n'est pas déterminé légalement et d'avance, mais
ne l'est pas non plus dans la réponse du jury. In jury déclare généralement^
vaguement qu'il existe des circonstances atténuantes, sans avoir à dire le
moins du monde quelles sont ces circonstances, en quoi elles lui paraissent
consister. Voilà donc déjà une différence très-sensible de principes entre les
excuses légales, écrites dans les art 321 et suivants du Gode pénal, et les cir-
constances atténuantes dont parle notre art. 341.
De plus, l'excuse, précisément à raison de sa nature, précisément parce
qu'elle est définie et écrite d'avance dans la loi, doit être de la part de la cour
Tobjet d'une question spéciale posée par elle au jury; le jury ne peut répondre
sur l'existence d'un fait d'excuse qu'autant que cette question lui a été for-
mellement pusée. Au contraire, jamais on n'interroge, jamais on ne doit inter-
roger le jury sur le point de savoir s'il existe, en faveur de l'accusé coupable,
des circonstances atténuantes; c'est d'office, de son propre mouvement, sans
y être appelé par aucifne question, que le jury doit déclarer ces circonstances;
son silence suffit pour les exclure; s'il entend les admettre, c'est de lui-même
et sans question que cette déclaration doit émaner.
Pourquoi cela? c'est qu'en admettant dans la loi la faculté par le jury de
déclarer, dans toute espèce de crime, l'existence de circonstances atténuantes,
on ne s'est pas dissimulé les dangers de ce système ; on a senti que, nécessaire
dans bien des cas, il serait cependant bien souvent appliqué mal à propos: que
bien souvent, par faiblesse, par entraînement, par mauvaise honte, le jury se
laisserait aller à déclarer, sans motifs solides, des circonstances atténuantes.
Or, le danger de ces déclarations eût été bien plus grave, si le jury avait été,
à cet égard, provoqué par une question formelle; si, en s'adressant formelle-
ment à lui, en exigeant de sa part une réponse positive, on eût augmenté ses
hésitations et son embarras. On a craint, en un mot, qu'en s'adressant au
jury par une question formelle, on ne provoquât sa clémence, et sa clémence
appliquée mal à propos; on a craint que des questions formelles n'entraînas*
sent ce résultat; que la déclaration des circonstances atténuantes ne devint de
style dans les réponses du jury, et que toutes les peines ne se trouvassent en
fait descendre ainsi d'un degré.
Cependant, à côté de cette nécessité de ne point provoquer, par une ques*
Uon formelle, la délibération du jury sur cette matière, se trouve une précau-
tion nécessaire : c'est que le jury pourrait très-bien ignorer, en fait, le pouvoir
qui lui appartient; le jury, n'étant pas interrogé sur la question de savoir s'il
existe des circonstances atténuantes, pourrait se taire à cet égard, non pas
parce que la base de ces circonstances atténuantes n'existe pas, mais parce
qu'il ignore Tart. 341, parce qu'il ignore quelle est l'utilité, quel est l'effet de
cetce déclaration. Aussi, sans lui poser formellement la question, sans l'obliger
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PROCÉDURE DEVANT LA COUR d'aSSISKS (aRT. 347). 745
4 répondre, comme on }'y oblige en matière d'excuse, doit-on, à peine de
nullité, l'avertir que s'il croit que des circonstances atténuantes existent pour
l'accusé, il doit le déclarer. Mus vous sentez qu'il y a une grande différence
entre cet avis, qui n'exige aucune réponse, et une question qui nécessite-
rait une décision formelle de la part du jury. Telle est la disposition de l'arti-
cle 341 ; telle est la deuxième différence entre les circonstances atténuantes et
l'excuse.
Sous un troisième rapport, c^est-à-dire quant au résultat^ les deux systèmes
sont encore fort différents. L'excuse prévue par la loi, Texcuse déclarée cons-
tante par le jury, exerce dans l'application de la peine une influence bien plus
grave que les circonstances atténuantes. Ainsi, par exemple, que dans un
cas de meurtre les circonstances atténuantes soient déclarées, la peine serait
ordinairement celle des travaux forcés à perpétuité; elle pourra, tout au plus,
par la volonté formelle de la cour d'assises, descendre jusqu'à la réclusion^
c'est-à-dire, par exemple, jusqu'à dix ans de réclusion. Au contraire, que dans
ce même cas de meurtre une excuse soit déclarée, aux termes de l'art. 321 du
Gode pénal, la peine alors descendra non pas d*un degré seulement ou de deux
degrés tout au plus, au lieu d'ôtre une peine criminelle, elle sera une peine
simplement correctionnelle aux termes de Fart. 326 du Code pénal. Il est
donc yrai de dine que les faits, en petit nombre, que la loi déclare constituer
des excuses, réduisent les peines dans une proportion bien plus forte que ne
le font jamais les circonstances atténuantes.
Voilà non pas tout à fait les seules, mais au moins les principales différences
entre les excuses et les circonstances atténuantes ; elles sont assez marquées,
assez grandes dans leur principe et dans leur résultat, pour que vous puissiez
éviter à cet égard toute confusion.
794. Il existe encore dans ce ebapitre une disposition qui mérite toute votre
attention ; elle est relative au point de savoir à quelle majorité le jury rend ses
verdicts. Ce point demande quelques explications, non pas seulement de textes,
mais aussi d'antécédents. A ce point se rapportent les art. 347 et 351. Il ne
reste plus de ce dernier que son numéro, car il a été supprimé; mais il est bien
important d'en connaître la disposition. L'ancien texte du Code s'exprimait
ainsi :. « La décision du jury se formera pour ou contre l'accusé, à la majorité,
à peine de nullité. En cas d'égalité de voix, l'avis favorable à l'accusé prévau-
dra. » Dans la matière du jury il y a peu de points qui aient plus varié en pra-
tique, qui prêtent plus à la controverse en théorie, que celui de savoir com-
ment doit se former le compte de la décision d'un jury. A quel nombre de voix
son opinion doit-elle s'arrêter, soit contre l'accusé, soit pour lui?
Dans la pratique anglaise, dans celle des États- Onis, il n'y a eu à cet égard
aucune espèce de variation ; il existe un principe constant, surprenant sans
doute pour nos habitude^ judiciaires, mais dont il ne parait pas qu'on ait res»
senti, dans ces deux pays, de graves inconvénients, puisqu'on l'a constamment
conservé ; ce principe, c'est que l'unanimité du vote des douze jurés est une
condition essentielle, indispensable non-seulement de la condamnation, mais
aussi de l'acquittement; l'unanimité est nécessaire non-seulement pour con-
damner, mais pour absoudre; aucune décision du jury n'est rendue qu'à
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746 QUARANTE BT UNIÈUB LBÇON. -^ DBS GOUBS d'aSSISBS (n* 794).
rananimité. Il s'ensuit qae tant qu'on n'arrive pas, dans le sein du jury, à
réunir les voix des douze jurés à un avis conforme, aucune réponse n*e8t
donnée, et les lois anglaises mettent la plus grande rigueur à tenir, pendant
tout ce débat, les jurés absolument séparés de toute communication aa
dehors.
Sans entrer dans les controverses que peuvent soulever le mérite ou les
dangers de ce système, d'ailleurs extrêmement débattu, je me borne à les noter
et à y joindre l'historique des systèmes variables adoptés chez nous.
En 1791 et en l'an IV on emprunta à l'Angleterre l'institution du jury,
mais on ne crut pas devoir adopter, chez nous, le principe de Tunanimité ;
on y substitua un principe moins logique sans doute, et qui, au premier
abord, pourrait sembler plus facile à appliquer, mais qui n'a pas pu être suivi
bien longtemps. Ge principe, c'est que dix voix sur douze étaient nécessairea
pour la condamnation, et qu'en conséquence trois voix sufGsaient pour l'ac-
quittement. Ce fut donc à la majorité de dix contre deux, à la majorité des
cinq sixièmes des voix que furent rendues les condamnations sous l'empire
du Gode de 1791 et de celui de Tan IV. Il suflisait, au contraire, pour les
acquittements, de trois voix. On s'aperçut bientôt que c'était multiplier, hors
de toute proportion, les chances d'acquittement; que c'était d'ailleurs une
étrange manière, pour un accusé, de rentrer dans le sein de la société, que
d'y rentrer sous le poids d'une décision dans laquelle neuf voix contre trois
avaient publiquement déclaré sa culpabilité. L'unanimité des ^Étals-Unis et
de l'Angleterre présentait bien moins de chances pour l'impunité.
Une Ici du 19 fructidor an V, art..33, essaya d'introduire dans le système
du jury, tel qu'il était consacré par la loi de Tan IV, le principe de l'unanimité ;
elle exigea que les décisions, soit pour la condamnation, soit pour l'acquitte-
ment, fussent rendues à l'unanimité des voix. Mais, pour éviter un inconvé-
nient qui, en théorie du moins, semblait ôtre la conséquence d'un pareil
système, pour éviter l'entêtement de divers jurés décidés, l'un à absoudre,
l'autre à condamner, et persistant tous deux dans leur volonté, persistance qui
rendrait toute décision impossible, on voulut qu'à défaut, par les jurés de
s'être accordés à l'unanimité pendant les vingt-quatre heures de leur déiibé*
ration, la décision, pour ou contre, pût être rendue après les vingt-quatre
heures à la simple majorité. Ainsi, dans les vingt-quatre heures à partir do
moment où le jury s'était retiré pour délibérer, il ne pouvait décider pour oa
contre, qu'à l'unanimité; c'était le système anglais. Mais, pour que l'incerti-
tude, pour que l'indécision, inconvénient possible de la règle de l'unanimité,
ne se prolongeât pas indéfiniment, on permit, après les vingt-quatre heures,
une décision à la simple majorité.
J'ai dit que cet inconvénient de l'inoertitude du système de l'unanimité est
un inconvénient théorique, et il parait, en effet, n'être que tel. En pratique,
il est à peu près sans exemple que les délibérations des jurés anglais se pro«
longent, je ne dirai pas pendant plusieurs jours, mais même pendant plusieurs
heures. 11 y a plus, c'est que d'ordinaire le jury anglais ne se retire pas pour
délibérer; il émet son vote, après les débats finis, dans la salle même où ont
eu lieu ces débats. G'est seulement quand à ce premier moment on ne trouve
pas l'unanimité qu'on se retire pour discuter alors, sauf un très«petit nombre
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PROCÉDURE DEVANT LA COUR D* ASSISES (aRT. 347). 747
de cas, la délibération n'est pas publique. On cite comme un exemple extraor-
dinaire une délibération qui se prolonge pendant plus d*un jour.
Quoiqu'il en soit, le projet du Gode d'instruction criminelle voulut essayer
de la règle d'unanimité. Dans ce projet on proposa que toutes les décisions
fussent rendues, non-seulement dans les vingt-quatre heures, mais môme
après les vingt-quatre heures, à Tunanimité des jurés. Cette idée ne fut pas
admise, et on substitua à cette proposition une règle difGcile à expliquer ;
d'après Tancien art. 347, c'était à la simple majorité que devait s'arrêter la
décision du jury, pour ou contre Paccusé. Le premier mot n*est pas bien vrai;
j'aimerais mieux dire : Pour la condamnation, puisqu'on cas de partage l'avis
favorable à Taccusé prévalait. Ainsi, en 1811, à six voix contre six, l'accusé
était acquitté, à sept voix pour la condamnation, cinq voix pour Tabsolution,
il devait s'ensuivre, à ce qu'il semble, que l'accusé fût condamné. Cependant
l'art. 347 se trouvait modifié pour les art. 341 et 351 combinés. La disposition
dont il s'agit, de l'art. 341, a été remplacée par un texte qui n'a aucun rap-
port à la matière; la disposition de l'art. 351 a complètement disparu. Voici
quelles étaient les dispositions de ces deux textes : on avertissait le jury,
d'après l'art. 341, à Tinsunt oi^ il se retirait, que si son vote contre l'accusé
n'était arrêté qu'à la simple majorité de sept contre cinq, il devrait en avertir
la cour en faisant connaître son vote, afin que la cour fût appelée à en déli-
bérer, conformément à Tart. 351. Ainsi, supposez, dans une accusation quel-
conque, un accusé déclaré coupable par sept Jurés contre cinq, la cour devait
en être avertie, le jury devait répondre : Oui, l'accusé est coupable, mais il
n'est déclaré tel qu'à la simple majorité. Et alors, pour entraîner la condam-
nation de l'accusé, il fallait qu'une certaine partie de la cour, déterminée par
l'art. 351, se joignit à la majorité du jury, majorité formée par la condamna-
Jtion. Mais quelle était cette partie? C'est ici que le système du Gode devenait
tout à fait inconcevable. Le nombre des jurés était de douze; la simple majo-
rité était de sept contre cinq ; le nombre des conseillers appelés à délibérer
en conséquence de cette déclaration était de cinq. Eh bien, supposez que sur
cinq conseillers appelés à délibérer, deux seulement se déclarassent pour la
culpabilité, et trois, au contraire, pour l'innocence de l'accusé, quelle en était
la conséquence? La conséquence naturelle, logique, c'eût été, à ce qu'il
semble, l'acquittement de l'accusé ; car, puisque le législateur ne trouve pas
que sept voix contre cinq soient suffisantes pour comdamner l'accusé, à plus
forte raison, devrait-on l'acquitter, lorsque son innocence semblait encore
mieux établie, puisque la majorité de la cour, trois contre deux, venait déclarer
cette innocence, de concert avec la minorité du jury. Eh bien, c'était le con-
traire; en pareil cas, d'après l'art. 351, l'accusé était condamné. Pourquoi
cela? Parce que les voix de la minorité de la cour, c'est-à-dire deux voix réu-
nies aux voix de la majorité du jury, c'est-à dire sept voix, formaient le
nombre neuf; parce que, de l'autre cêté, on ne trouvait que la minorité du
jury, c'est-à-dire cinq voix réunies à la majorité de la cour, c'est-à-dire trois,
en tout, huit voix contre neuf. On arrive à ce résultat inconcevable, que
quand la décision de la cour était venue fortifier les doutes qui résultaient
déjà en faveur de l'accusé, de ce partage du jury, il y avait cependant con-
damnation. En d'autres termes, pour que dans cette division de sept jurés
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748 QUARANTE BT UNIÈME LEÇON. — DES COUBS d'aSSIBEB (n« 794).
contre cinq, la délibération de la cour entraînât l'acquittement, il fallait qne
quatre des cinq membres de la cour se fussent joints à la minorité du jury,
c'est-à-^lire que la réunion de toutes les voix votant pour l'acquittement
dépassât le nombre de toutes les voix votant pour la condamnation. C^est ce
qui arrivait quand un seul des quatre conseillers se joignait à la majorité.
Ce système^ qui a été suivi pendant environ dix ans, était manifestement
<»)ntrflire à toute raison, et une loi du 24 mai 1821 vint y substituer un
«ystème plus raisonnable, mais présentant aussi quelques vices : on déclarait
que, dan« ce cas, il suffisait, pour l'acquittement de Taccusé, que la majorité
de la cour ne se fût pas prononcée contre lui ; on décidait, par exemple, que
deux voix se réunissant aux sept voix pour la condamnation et trois Yoix âttX
cinq voix pour racquittement, Taccusé serait acquitté. Ce n'était là que rendre
une décision tout à fait conforme à la raison.
Mais ce nouveau principe, qui remplaça l'art. 351, présentait encore ut
inconvénient fort grave, c*était de confondre les pouvoirs entre la cour et le
jury ; c'était de dénaturer le principe même du jury, en appelant la cour à
voter sur la culpabilité ou l'innocence de l'accusé, sur une question de fait,
det inconvénient théorique se ressentait vivement et immédiatement dans la
pratique. En déplaçant les pouvoirs, il avait pour résultat de déplacer aussi la
fesponsabilité, d'appeler la cour à exercer des fonctions que Tinstitution du
jury réservait au seul jury. De là qu'arrivait-il? C'est que dans toutes les
questions graves, soit par les doutes que présentait l'afiaire, soit aussi par
l'importance de la peine, les jurés se concertaient toujours pour ne décider
qu'à sept contre cinq, c'est-à-dire pour rendre un vote qui ne fût pas définitif,
et dont en conséquence la responsabilité ne pesait pas sur leur tète. De jour
en jour il arrivait plus fréquemment que, dans toute affaire de quelque impor-
tance, les jurés, d'accord entre eux, remettaient indirectement à la cour la
décision du sort de l'accusé. Cet usage ne tendait à rien moins qu'à ruiner
l'institution du jury, en transportant directeibent à la cour la décision de
toutes les questions de fait. Aussi, le principe de 1821 a-t-il complètement
disparu, et une loi du 4 mars 1831, dans laquelle on a puisé le nouvel arti-
cle 347, décide-t-elle que désormais au jury, et au jury seul, appartiendra la
décision, la souveraine décision des questions de fait ; que seulement pour la
condamnation de l'accusé huit voix contre quatre seront le minimum néces-
saire. En conséquence, l'accusé sera acquitté non- seulement, comme autre-
fois, à six voix contre six, mais même à sept voix contre cinq. L'accusé sera
acquitté toutes les fois que contre lui ne sera pas formée, dans le sein du
jury, une majorité de plus de sept voix. Ainsi le déclare Tart. 347 : t La déci-
sion du jury se formera contre l'accusé à la majorité de plue de sept voix, i
fit le § 3 ajoute : « Dans l'un et dans l'autre cas, la déclaration du jury con*
statera cette majorité, à peine de nullité, sans que jamais le nombre de voix
puisse y être exprimé. >
Cette règle a été, depuis cette époque encore, l'objet de plusieurs modifica-
tions. La loi du 9 septembre 1835 avait reporté les décisions du jury à la
majorité simple. Le décret du gouvernement provisoire du 6 mars 1848
abrogea cette loi et ajouta : « Abt. 4. La condamnation aura lieu à la majonrilé
de neuf voix. La décision du jury portera ces mots : Oui, l'aecuêé est ewpabïe
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PROGÉDURB DEVANT LA COUR d'aSSISBS (aRT. 347). 749
à la majcrité de plus de huit voiXy à peine de nullité. > Une loi da 18 octo-
bre iSkS vînt à son tour abroger ce dernier décret : « La déclaration da jury
se formera sur le fait principal, sur les circonstances aggravantes, sur les
questions d'excuse ou de discernement à la majorité de plus de sept voix, i
La déclaration des circonstances atténuantes avait lieu à la simple majorité.
Enfin une loi du 10 juin 1853 est venue modifier encore ce dernier état de
choses. En voici le texte :
« La décision du jury, tant contre Taccusé que sur les circonstances atténuantes,
se forme à la majorité. La déclaration du jury constate cette minorité, sans que
le nombre de voix puisse y ôtre exprimé : le tout à peine de nullité. »
Ainsi, après de nombreuses oscillations, la loi est revenue à son point de
départ, sauf Tititervention des juges dans la délibération du jury qui a été
définitivement supprimée. Il faut aujourd'hui sept voix pour condamner ; il
faut également sept voix pour admettre les excuses et les circonstances atté-
nuantes. Celte simple majorité est-elle une garantie suffisante que les déci-
sions du jury sont empreintes de la certitude juridique qu'elles doivent con-
stater? C'est là une question théorique que nous ne voulons pas examiner.
Nous devons nous borner à expliquer les dispositions de notre Code et à en
faciliter Tenlente. ^
995. Les questions posées et remises aux jurés, ils se rendent dans leur
chambre pour y délibérer (art. 342). S'il leur a été adjoint des jurés sup-
pléants en vue de la longueur présumée des débals, le procès-verbal doit
constater qu'ils n'ont pris aucune part à la délibératiop; car ils ne peuvent
ôtre admis à délibérer que s'ils suppléent quelqu'un des membres titulaires.
Le chef des jurés est le premier juré sorti par le sort ou celui qui est désigné
par eux, du consentement dii ce dernier (art. 342); avant de commencer la
délibération, le chef des jurés leur fait lecture de rinstruction contenue en
Tart. 342, laquelle doit être en outre affichée en gros caractères dans le lieu
le plus apparent de leur chambre. Mais cette double formalité n'est point pres-
crite à peine de nullité, et la loi n'oblige point à la constater.
Aux termes de l'art. 344, t les jurés délibèrent sur le fait principal et
ensuite sur chacune des circonstances. • Le chef du jury lit succei<sivement
chacune des questions posées, et le vote a lieu ensuite au scrutin secret, tant
sur le fait principal et les circonstances aggravantes, que sur l'existence des
circonstances atténuantes (art. 345). Il est procédé de même et au scrutin
secret sur les questions qui sont posées dans les cas prévus par les art. 339 et
340 (art. 346).
790. Le vote au scrutin secret, établi par la loi du 9 septembre i835, a été
organisé par la loi du 13 mai 1836. Voici le texte de cette loi :
« Art. !•'. Le jury votera par bulletins écrits et par scrutins distincts et succes-
sifs, sur le fait principal, d'abord, et, s'il y a lieu, sur chacune des circonstances
aggravantes, sur chacun des faits d'excuse légale, sur la question de discerne-
ment, et en tin sur la question d^s circonstances atténuantes que le chef du jury
sera tenu de poser toutes les fois que la culpabilité de l'accusé aura été reconnue. »
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750 QUARANTE ST UNIÂMB LEÇON. — DBS COURS D*A8SISES (n^ 798).
« Art. 2. A cet effet, chacun des jurés, appelé par le chef du jury, recevra de
lui un bulletiu ouvert, marqué du timbre de la cour d'assises et portant ces mois :
Sur mon honneur et ma conscience, ma déclaration esL.. Il écrira à la suite ou
fera écrire secrètement par un juré de son choix le mot oui, ou le mot non sur
une table disposée de manière à ce que personne ne puisse voir le vote inscrit au
bulletin. Il remettra le bulletin écrit et fermé au chef du jury qui le déposera
dans une urne ou boite destinée à cet usage. »
« Art. 3. Le chef du jury dépouillera chaque scrutin en présence des jurés qui
pourront vérifier les bulletins. Il en consignera sur-le-champ le résultat en marge
ou à la suite de la question résolue, sans néanmoins exprimer le nombre des
suffrages, si ce n'est lorsque la déclaration afQraiative sur le fait principal aura
été prise à la majorité. La déclaration du jury, en ce qui concerne les circon-
stances atténuantes, n'exprimera le résultat du scrutin qu'autant qu'il sera alBr-
matif. »
« Art. 4. S'il arrivait que dans le nombre des bulletins il s'en trouvât sur les-
quels aucun vote ne fût exprimé, ils seraient comptés comme portant une réponse
favorable à l'accusé. Il en serait de même des bulletins que six jurés au moins
auraient déclarés illisibles. »
« Art. 5. Immédiatement après le dépouillement de chaque scrutin, les bulle-
tins seront brûlés en présence du jury. »
« Art. 6. La présente loi sera afOchée en gros caractères dans la chambre des
délibérations du jury. »
Toutes ces formes, qui d*ailleurs sont tracées dans les termes les plus clairs
et les plus précis, sont abandonnées à la conscience des jurés. Il n'est point»
en effit, dressé de procès-verbal de leur délibération. La loi s*est bornée à les
faiie avertir par le président des assises des formalités qu'ils doivent suivre et
à prescrire l'affiche de ses prescriptions dans leur chambre.
797. Les jurés ne peuvent sortir de leur chambre, aux termes de l'art. 343,
qu'après avoir formé leur déclaration. lis ne pourraient donc l'ajourner sous
le prétexte qu'ils ne se trouvent pas assez éclairés. L'entrée de cette chambre
ne peut être permise, pendant leur délibération, pour quelque cause que be
soit, que par le président et par écrit. Le président est tenu de donner au chef
de la gendarmerie de service l'ordre spécial et par écrit d'en faire garder les
issues; ce chef est dénommé et qualifié dans Tordre. La cour peut punir le
juré contrevenant d'une amende de 500 fr. au plus (art. 343). Tout autre qui
aura enfreint l'ordre, ou celui qui ne l'a pas fait exécuter, peut être puni
d*un emprisonnement de vingt-quatre heures (art. 343;. Ces dispositions^ qui
ont pour but de garantir Tindépendance des jurés contre les influences exté-
rieures, n'ont d'ailleurs, si elles étaient inexécutées, aucun effet sur le sort de
la procédure; elles ont une sanction spéciale qui suffit à leur observation, sauf
le cas toutefois où une communication avec le dehors serait constatée ; car
dans ce cas le jugement lui-même pourrait être vicié.
798. Si le président peut permettre, dans les circonstances qu'il apprécie,
rentrée de la chambre du jury, s'ensuit-il qu^il puisse y pénétrer lui-même?
La jurisprudence avait d'abord décidé « qu'aucun motif ne peut autoriser le
président à ^'introduire dans la chambre du jury pour lui donner en secret des
éclaircissements; que cette manière de procéder est à la fois contraire à la
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PROGÈDURB DEVANT LA COUR D' ASSISES (aRT. 349). 751
publicité du débat, à la liberté et au secret de la délibération des jurés et au
droit de la défense, i Mais elle a cru depuis pouvoir poser une distinction :
Le président de la cour d'assisns ne peut, à peine de nullité, entrer dans la
chambre des jurés pour leur donner des explications qu'ils n'auraient pas'
demandées ; mais ii n'en est plus ainsi, lorsque ce sont les jurés eux-mêmes
qui, par Torgane de leur chef et par écrit, invitent le président à venir leur
donner un éclaircissement nécessaire à leur délibération. Cette distinction a
été critiquée par la plupart des criminalistes, et il faut avouer qirelle n'a pas
de fondement. Si les éclaircissements donnés d'office, mais en secret, par le
président aux jurés sont une violation de la publicité du débat, du secret de
leur délibération et du droit de la défense, comment ces mêmes éclaircisse-
ments cesseront-ils d'avoir tous ces effets, par cela seul-que les jarés ont prié
le président de venir les leur donner? Je crois que tous les renseignements que
les jurés doivent recevoir doivent être donnés en publique audience, contra-
dictoirement, en présence des parties, en présence de la défense qui peut et
doit les contrôler. Gomment admettre des renseignements qui ne sont pas
contredits, des éléments de décision qui ne sont pas éclairés par la discussion?
L'art. 343 n'a eu qu'un objet : c'est de pourvoir aux besoins personnels des
jurés, que la durée de la délibération peut faire naître; il fallait prévenir les
accidents et donner le moyen d'y porter secours sans qu'une communication
toute matérielle pût engendrer des abus. De là le droit accordé au président,
droit accordé dans 1 intérêt de la situation des jurés, et qui ne doit pas servir
à influencer d'une manière quelconque leur décision .
799. Lorsque leur délibération est terminée, t les jurés rentrent dans l'au-
ditoire et reprennent leurs places. Le président leur demande quel est le résul-
tat de leur délibération. Le chef du jury se lève, et la main placée sur son
cœur, dit : « Sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les
hommes, la déclaration du jury est : « Oui, l'accusé, etc. Non, l'accusé, etc. i
(art. 348;. La prononciation de cette formule et son inscription en tête de la
déclaration ne sont pas d'ailleurs prescrites à peine de nullité. Elle ajoute à la
solennité de la déclaration, et, sous ce rapport, il est bon de robserver, mais
elle est extrinsèque à la déclaration elle-même.
800. Aux termes de Tart. 349, « la déclaration du Jury sera signée par le
chef du jury et remise par lui au président, le tout en présence des jurés. Le
président la signera et la fera signer par le greffier, i De là il suit : 1* qu'elle
doit être rédigée par écrit; 2® que la signature du chef du jury est une forme
essentielle, c'est cette forme qui donne à la déclaration 1 authenticité qui la
rendra irréfragable. Les signatures du président et du greffier ne sont que la
légalisation de la signature du chef du jury.
801. C'est le chef du jury qui donne lecture de la déclaration (art. 348).
Cependant les art. 348 et 349 ne sont pas violés parce que le chef du jury se
trouvant dans l'impossibilité physique de lire à l'audience la déclaration, signe
cette déclaration dans la chambre des délibérations et sous les yeux des Jurés
et fait désigner par eux, dans la forme prescrite par l*art. 342, un autre juré,
lequel lit la déclaration au lieu et place du chef, et la remet ensuite au prési-
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752 QUARANTE ET UNIÈME LEÇON. — DE» COURS d'aSSIBBS (n* 803).
dent. La lecture doit toujours être faite en présence des douse jurés ; c^est la
garantie qu'elle est Texpression véritable de leur opinion.
SOS. La cour d'assises, avant de rendre son arrêt en prenant pour base la
déclaration du jury, doit examiner : i* si cette déclaration est régulière ;
2® si les jurés, tout en observant les fonnes légales, ne se sont pas trompés an
fond.
Aux termes de l'art. 350» c la déclaration du jury ne peut Jamais être sou-
mise à aucun recours. > Mais cette disposition ne s'applique qu'à une déclara-
tion régulière. La déclaration n'existe pas encore, elle ne peut être réputée
acquise à Taccusé, si elle n*a pas répondu à tous les chefs d*accusation| on si
elle laisse subsister dans ses réponses des ambiguiiés ou des contradictions
qui ne permettent pas d'en faire la base d'un jugement. De là le pouvoir de la
cour d'assises d'en demander au jury lui-même la rectification, s'il y a lien.
Ce pouvoir n'est explicitement exprimé par aucune disposition de la loi. L'ar-
ticle 414 du Gode du 3 brumaire an iV portait : • En cas de contravention de
la part des jurés à Tune des règles qui leur sont prescrites, leur déclaration est
nulle, et le tribunal criminel est tenu, à peine de nullité du jugement qui pour-
rait intervenir sur le fond, de la rejeter du procès, en leur ordonnant de se reti-
rer sur-le-champ dans leur chambre pour en former une nouvelle. > 8i cette
disposiiion n'a pas été reproduite par le Gode, on peut dire que l'art. 352 la
présuppose lorsqu'il prévoit que les jurés, (ont en observant les formes, se
seraient trompés au fond. 11 résulte d'ailleurs des art. 241, 337 et 345, que les
jurés doivent répondre d'une manière complète et catégorique sur toutes les
circonstances du crime, et par conséquent leur déclaration est viciée toutes
les fois qu'elle restreint ou modifie les questions qui lui ont été posées. Le
renvoi des jurés dans leur chambre est donc devenu une forme ordinaire de !a
procédure. G'est la force des choses qui Ta créée. Ge n'est point une atteinte à
la première déclaration, puisque le jury garde toute sa souveraineté soit pour
y persister, soit pour la modifier. Ne vaut-il pas mieux d'ailleurs que ce soit
le jury lui-même et non le juge qui soit appelé à interpréter sa propre décla-
ration, incomplète, obscure ou équivoque? 11 n'appartient,' au reste, qu'à la
cour d'assises d'ordonner le renvoi du jury dans la chambre de ses délibéra-
tions ; le président seul n'a pas ce pouvoir.
• 808. L'erreur du jury sur le fond, si la cour d'assises croît à son existence,
entraine non plus le renvoi des jurés dans leur chambre pour délibérer de
nouveau, maiis le renvoi de l'affaire à la session suivante pour être soumise à
de nouveaux jurés. Tel est l'objet de l'art. 352, qui a été modifié par la loi du 9
juin 1853:
« Art. 352 rectifié. Dans le cas où l'accusé est reconnu coupable et si la cour est
convaincue que les jurés, tout en observant les formes, se sont trompés au fond»
elle déclare qu'il est sursis au Jugement, et renvoie l'affaire à la session suivante,
pour y être soumise À un nouviau Jury, dont ne peut faire partie aucun des jurés
qui ont pris part h. la déclaration annulée. Nul n*a le droit d»* provoquer cette
mesure. La cour ne peut l'ordonner que d'oflice. immédiatement après que la
déclaration du jury a été prononcée publiquement. Après la déclaration du second
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paooAdure devant la goor B'A88fSK8 (art. 888). • «753
jui«f , la Goar n» p«ttt ordonner un nonreaii renvoi, même quand oette dMaratlon
«•rait conforme à. la premiàro* »
i > ' . ' 1-
La rectifioati«n de la loi du 2}^m 1853 n'a eu pour ol^ot qneda supprimer
la QonditioD de Vunanàniié àes jugeB qui était exigée par Tancien article pour
que las jugea pussent prononcer le sursis. Cette attribution de la cour d'assises
€0t ua dernier recours contre les erreuiB possibles du jury. Sa abaissant le
clûffre de la majorité qui forma, la dédarationi des juiés, la l^gàslateur a- cru
nécessaire d'instituer une sorte de voie de raaomrs contre lesdédaratiomc iivé-
fléchies ou passionnées. La cour d'assises ne juge poiot^ elle dédare seule-
ment que dans son esprit il y a doute. Elle peut d'ailleurs user de cette
faculté à l'égard d'un seul accusé, à l'égard d'une seule circonstance de Taccu-
804. Après la lecture de la déclaration, si aucune Réclamation ne s'élève de
la pari de la coui d'assises, le président £ait oomparailre l'accusé, et le ^effier
lit en sa présence la déclaration déjà lue par le chef du jury (%rt. 3&7}. Gatte
déclaration n'est irréfragable et définitivement acquise que quand elle a été
hie offtciellement à l'accusé et que celui^d n'a point réclamé contre eHe avant
les conclusions du ministère publie.
805. Â la suite de cette lecture, il y a lieu de procéder soit, en cas de décla-
ration de non -culpabilité, à l'acquittement de l'accusé, soit, en cas de décla-
ration de culpabilité, à son absolution si le fait n'est pas puni par la loi pénale,
soit enfin à sa condamnation. Lorsque l'accusé a été déclaré non coupable, le
président prononce qu'il .est acquilté de l'accusation, et ordonne qu'il sait jnis
«n liberté, s'il n'est retenu pour antre cause (art 318).
800. Lorsque l'accusé a été déclaré coupable, le ministère public ftih ses
réquisitions pour ^application de la loi. La partie civile prend ses coirclusions
pour ses restitutions et dommages-intérêts (art. 362). Le président demande
alors à l'accusé s'il n'a rien à dire pour sa défense, l'accusé ou son conseil ne
peut plus soutenir que le fait est faux, il y a chose jugée sur ce point; il peut
soutenir, ou que le fait n'est pas défendu ou qualifié crime ou délit pa^ la loi,
ou que la peina dont le ministère pnblic a requis l'application n'est pas en pro-
portion avee la grayité intrinsèque é» l'aetioUr on qu'il ne doit donner iia« à
aucuns doonnages^^intéréts envers lu partie civile, ou enfin que ceile^d évalue
trop haut les dommages-intérêts qu'elle réclame (art 363).
Les juges délibèrent et opinent à voix basse, ils peuvent se retirer dans la
chambre du conseil (art. 369), mais rien ne s'oppose à ce qu'ils délibèrent
séance tenante. Si la cour reconnaît que le fait dont l'accusé est déclaré cou-
pable n'est pas défendu par la loi pénale, elle prononce son absolution (art. 164).
Cette absolution, qui diffère essantielleniient de l'acquittement, puisque l'une
suppose une certaine culpabilité^ l'autre l'entière innocence de l'accusé, doit
être prononcée par la cour d'assises et non par le président seul; il y a lieu,
en effet, à l'examen de la loi pénale pour constater son inapplication, et par
conséquent un arrêt est nécessaire, fii.le fait, tel qu'il résulte de la déclaration
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1S4 QUARAim ST HHiiin uiçoii. — dbs ooubs d'assisbs (m* 807).
da jary» tombe flous Papplieaiioa de la loi pénale» ht oonr d'assises applique les
peines portées par ceiie loi. Il y a lien de remarqner : i* que la cour d'assisea
demeure compétente pour appliquer ces peines, même dans le cas où» d'après
les débau, le fait aurait cessé d'être de sa compétence (art. 365) ; 2* que la cour
d'assises ne peut rien ajouter aux faits déclarés par le jury : elle ne peut que
faire l'application de la loi pénale aux faits qui sont admis par son verdict ;
3* enfin, que celte cour n'esi pas liée par les qualifications données aux faits
par l'arrêt de la chambre d'accusation ; elle doit les qualifier elle-même d'après
.a déclaration du jury» qui est souverain en ce qui touche rexistence et le ca-
raetêre des £du qui ont fait la matière de l'accusation.
807. n reste un point à vous expliquer pour compléter la matière du juge-
ment de la cour d'assises. Cette cour, soit que Faccusé soit acquitté, absous on
condamné, est appelée à statuer sur les demandes en dommages-intérêts, les
restitutions et les frais.
Les dommages-intérêU fmt l'objet des art. 358, 359 et 366. U but les mÊfUn
sous vos yeux.
« Abt. 358. La cour statuera sur les dommages-intérôts respectivement préten-
dus, après que les parties auront proposé leurs Gns de non-rer«voir ou leurs dé-
fenses, et que le procureur géuéral aura été eoteudu. — La cour pourra néanmoins,
si elle le juge convenable, commettre Tan des juges pour entendre les parties,
prendre connaissance des pièces et faire son rapport à l'audience où les parties
pourront encore présenter leurs observations, et où le ministère public sera en-
tendu de nouveiu. — L'accusé acquitté pourra aussi obtenir des dommages-inté-
rêts contre ses dénonciateurs, pour fait de calomnie. »
c AaT. 359. Les demandes en dommages- intérêts formées soit par raccusé contre
ses dénonciateurs de la partie civile, soit par la partie civile contre Taccusé ou le
oendamné, seront portées à ta cour d'assises. — La partie civile est tenue de for-
mer sa demandera dommages-intérêts avant le Jugement; plus tard elle sera non
recevable. — Ii en est de même de l'accusé, s'il a connu son dénonciateur. — : Oans
le cas où Taccusé n'aurait connu son dénonciateur que depuis le jugement, mais
avant la fin de la session, il sera tenu, sous peine de déchéance, de porter sa
demande à la cour d'assises : s'il ne Ta connu qu'après la clôture de la session, sa
demande sera portée au tribunal civil. ~ A l'égard des tiers qui n'auraient pas
été partie au procès, ils s'adresseront au tribunal civil. »
c AaT. 3(>6. Oans le cas d'abMlution comme dans le cas d'acquittement ou de
condamnation, la cour statuera sur les dommages-intérêts prétendus par la partie
civile ou par l'accusé ; elle les liquidera par le même arrêt, ou commettra l'an des
juges pour entendre les parties, prendre connaissance des pièces, et faire du tout
son rapport, ainsi qu'il est dit à l'art. 358. s
Tels sont les textes qui régissent la matière des dommages-Intérêts devant
la cour d'assises. Cette cour, après avoir appliqué la pénalité, est chargée
d'appiécier la quotité du préjudice privé causé par le même fait. La bondam-
nation aux peines éublies par la loi est toujours prononcée, en effet, sans pré-
judice des restitutions et des dommages-intérêts qui peuvent être dus aux par-
ties. La cour d'assises doit donc mesurer le préjudice qu'elles ont souffert et
la somme de la réparation qu'il est Juste de leur accorder.
Cette attribution de la cour d'assises se comprend facilement quand l'accusé
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PROCÉDURE DEVANT LA COUR d'aSSISBS (aRT. 366). 75S
est déclaré coupable, et même quand il est absous, parce que le fait, déclaré
constant à la charge de l'accusé, devient la source naturelle d*une rèpamtita
que la juridiction criminelle est parfaitement en mesure d'apprécier. AasBÎv
toutes les fois que cette réparation dérive d'un fait qui a les caractères &ma
crime, d*un délit ou d'une contravention, les tribunaux de police, les tribvr*
naux correctionnels et la cour d'assises ont la même compétence. Mais cm»-
ment expliquer cette attribution, lorsque l'accusé est purement et simplement
acquitté, lorsque cet acquittement fait disparaître le délit? Dans ci^tte bypo^
thèse, vous avez vu que les tribunaux de police et les tribunaux oorrectionnet»
sont désarmés; dès que l'action publique est éteinte par le renvoi du prévena
de la poursuite, ils ne peuvent plus apprécier le dommage de la partie civile, il»
se trouvent en présence d'un fait purement civil, ils sont incompétents. Pour-^
quoi n*en est-il pas ainsi devant la cour d'assises? pourquoi cette cour demeure*
t-elle compétente pour statuer sur les dommages-intérêts de la partie civile
après l'acquittement, c'est-à-dire après qu'elle n'est plus saisie de ractioi»
publique? On voit, dans la discussion du projet du Gode d'instruction crimi-
nelle, que M. Berlier, l'un des principaux rédacteurs, proposait de renvoyer
devant les tribunaux civils la demande en dommages-intérêts formée par la
partie civile toutes les fois que l'accusé était acquitté. Il n'y avait plus en eflei
qu'une action civile isolée de l'action publique et qui, dès lors, d'après les prin-
cipes de la compétence, appartenait aux tribunaux civils. MM. Gambacérès et
Treilhard s'y opposèrent néanmoins ; ils pensèrent qu'il était utile de faire dans
ce cas une exception au droit commun, qne les juges criminels ayant sous les
yeux l'affaire tout entière, il était plus simple de la leur laisser juger en entier
que d'en renvoyer une partie devant un tribunal civil : tel est le motif qui a
fondé l'exception introduite par l'art. 358. Il est très-Trai que le droit d'obtenir
des réparations ne se puise plus dans un délit, mais dans une faute, puisque
l'acquittement a eflacé le délit; mais tous les éléments du d^bat sont devait
les juges criminels, et c'est pour éviter une nouvelle instance, un nouveau
pro^s, c'est pdur arriver à une plus prompte expédition de l'affaire, qa» le
législateur, dérogeant à une règle générale, a voulu que les juges criminels^
dans ce cas exceptionnel, prononçassent sur un intérêt purement civil qui n^
se rattachait plus par aucun lien à Tintérét pénal. Toulefuis. il est bien entendu
que ce droit, qui constitue une attribution dérogatoire au droit commun, ne
peut être étendu à d'autres faits qu'à ceux qui ont été l'objet de Taccusation*.
808. Il ne faut pas confondre les restitutions et les dommages-intérêts, Lesi
premières ont pour objet les choses mêmes dont le plaignant a été dépouillé ^
les autres sont la réparation du préjudice qu'il a soufl'ert. Les demandes for*
mées par le plaignant pour atteindre ce double but sont indépendantes l'une*
de l'autre. Seulement, comme les effets dont la restitution est demandée oni^
en générai, le caractère de pièces de conviction, leur restitution ne peut êtlre*
ordonnée qu'à la fin du procès. C'est l'objet de la disposition finale de l'art. 366*,
Cependant, au cas de contumace de l'un des accusés, l'art. 474 permet à la
cour d'assises d'en faire la remise aux propriétaires, mais à la charge de les
représenter^ s'il y a lieu.
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756 QUARANTE-DBUXIÈMB LEÇON. — V0IB8 DE RECOURS (N^ 81l)^
a09. L*art. 368 dispose que « Paccnsé, ou la partie civile qui succombera,
sera condamné aux frais envers l'État et envers Tautre partie. Dans les affaires
soumises au jnry^ la partie civile qui n'aura pas succombé ne sera jamais tenue
éês frais, i Nous nous bornerons à induire ici de ce texte une double consé-
quence : 1» que tout arrêt de condamnation doit prononcer contre le con-
damné le remboursement des frais; c'est la conséquence de sa culpabilité ; II
a donné lieu à la poursuite; il doit en supporter les dépens; 2* que la partie
civile ne doit supporter la môme condamnation que lorsqu'elle succombe dans
sa poursuite. Le règlement sur les frais de justice du 18 juin 1811 avait dis-
posé que les parties civiles, soit qu*eHe$ succombent ou noriy étaient personnelle-
méat tenues des frais. La loi du 28 avril 1832, en introduisant le 2* § de Tar-
ticle 268^ a eu pour objet d'eflkoer cette disposition évidemment contraire â
réquité. 8i la partie civile a eu raison de poursuivre, si sa poursuite a été
reconnue fondée, il n'est pas juste de mettre les frais à sa charge ; autrement
ce aecait empêcher la plainte de toutes les personnes lésées par un crime.
QUARANTE-DEUXIÈME LEÇON.
TITRE TROISIÈME
DES MAN1&RE8 DE SE POURVOIR GONTBE LES ARRÊTS ET iUOSMSMTS.
CHAPITRE PREMIER
DES NULLITÉS DE l'iNSTRUCTION ET DU JUGEMENT.
SIO. Nous avons achevé la matière du jugement. Vous avez suivi /a procé-
dure dans toutes ses phases jusqu'à ce que l'œuvre de la justice ait été ac-
complie. Vous connaissez toutes les formes des débats qui précèdent le juge-
ment des contraventions, des délits et des crimes. Mais tout est-il terminé
quand le jugement en dernier ressort est rendu? N'existe-t-il aucune voie de
recours contre les arrêts définitifs des juges du fait? La législation serait tout
à fait imprévoyante si elle avait omis d'organiser cerecours, car ne peut-il pa*
arriver que les juges aient méconnu on violé la loi pénale ; ne peut-il pv
arriver qu'ils aient appliqué des peines arbitraires ou foulé aux pieds les droits
de la défense; ne peut-il pas arriver même qu'ils se soient trompés au fond ei
que leur erreur se trouve démontrée par des faits qui ont surgi postérieure-
ment à leurs arrêts? De là les voies de cassation et de révision.
811. Le recours en cassation existait déjà, quoique restreint et réduit à
quelques cas de nullité, dans notre ancienne législation. II résulte, de deux
ordonnances de 1331 et de 1344, que les arrêts de parlement pouvaient être
atuqués par la voie de la proposition d'erreur, en vertu de lettres expédiées.
à cet effet, par le conseil du roi ; ces lettres énonçaient les erreurs reprochées
aux arrêts et étaient adressées à la cour dont les arrêts émanaient, et qui seule
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DU BSCOURS BN CASSATION (aHT. 407). 757
pouvait les réformer. Les parties étaient condamnées à l'amende lorsqu'elles
succombaient dans ce recours. L'ordonnance de 1539 disposait que la propo-
sition d'erreur était la seule voie ouverte contre les arrêts des cours souve^
raines. Ce ne fut que vers la fin du xvi* siècle que ces arrêts commencèrent à
ôtre attaqués pour violation des ordonnances. L'art. 209 de Tordonnance di»
Blois, de 1579, déclarait que « les jugements, sentences et arrêts qui se seront
donnés contre la forme et teneur d'icelies (des ordonnances), nuis et de nu^
effet et valeur. > L'art. 12 del'édit du 15 janvier 1597 portait en conséquence
que les arrêts pourraient être cassés et rétractés par les voies de droit. Ge»
voies de droit étaient, aux termes de l'ordonnance de 1667, la voie de la re*-
quéte au conseil du roi, qui, par une attribution nouvelle, connaissait de ces
demandes et y statuait. Tel a été le principe de la cour de cassation.
81S. Cette cour a été Tune des premières créations de rasswabiée eonsti- *
tuante (décret du 26 mai 1790) et Tune des plus importantes. L'institution
d'une cour suprême et régulatrice assure, en effet, l'unité de la jurisprudence,
en soumettant toutes les juridictions à une règle commune et unique.
Ce n*est point ici le lieu de vous exposer l'organisation de cette cour qui «
conservé, à peu de chose près, sa constitution primitive à travers toutes les
vicissitudes politiques qui ont agité ce pays depuis Tépoque de sa fondation.
Je n'ai à vous entretenir que de ses attributions et même de la partie de ses
attributions seulement qui se rattache aux matières criminelles.
813. L'art 407 du Gpde d'instruction criminelle porte :
a AfiT. 407. Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort, en matière cri-
minelle, correctionnelle et de police, ainsi que rinstruction et les poursuites qui les
auront précédés, pourront être annulés dans les cas suivants et sur des recours
dirigés d'après les distinctions qui vont être établies. »
Cet article pose en principe l'ouverture du recours en cassation en matière
criminelle, correctionnelle et de police. Cette voie de recours domine toutes
les juridictions répressives. Remarquez toutefois qu'elle ne constitue point un
troisième degré de juridiction ; la cour de cassation n'examine point les faits
qui ont été jugés par les juges du fait, et l'appréciation que ces juges en ont
faite est souveraine ; c'est une voie extraordinaire de recours qui n'a pour
objet que de vérifier la saine application des lois, soit dans l'instruction, soit
dans le jugement. Le législateur a délégué à la cour de cassation l'interpréta-
tion souveraine de la loi ; elle a le pouvoir d'annuler tous les actes qui lui sem-
blent contraires à son texte et à son esprit. Mais là s'arrêtent ses pouvoirs,
elle n'est pas juge des faits, elle n'est juge que de l'application qui a été faite
des lois.
Cette matière se divise en trois points que je vais successivement examiner
1» Contre quels arrêts et jugements et recours est- il ouvert ? 2® quelles per-
sonnes peuvent l'exercer? 3<* quelles sont les ouvertures à cassation?
814. En général, le pourvoi n'est ouvert que contre les jugements en der-
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TjB jQCARAHTE'DEUXliMB LBOCW. — TOI» DE HBOOORS {»• 816j.
■îer B»?oit et àêûnlût». Cest la eooièqntnet do prindps même de la t
lîoa. En éSfit, il est évident qa'il n'y a lien d'employer eetle voie extraordi-
«ave de reeonn qae lonqne le jagement qu'il s*a«it de faire annuler ne peut
éim auaqoé pir une voie ofdinaire telle que Topposition ou 1 appel. Ainsi,
êaat qu'il ezisie une voie l^ale de réformation, le recours en cassation n*e8t
pas fftpopvable.
Oe là il soit : f que les ju^çements ou arrêts rendus par défaut ne peuvent
é^Tt dèlérès i la cour de cassation tant que le délai de l'opposition n*est pas
«sf*ré ; mais le pourvoi esirecevable lorsque le jugement pur dé&iut est devenu
définitif par l'expiration do délai de l'opposition ; î* que les jugements même
eouimdicioires ne peuvent également être robjetd*on pourvoi, tant que la voie
^ l'appel est ouverte. 11 faut, iFuivint les termes de l'art. 407, que les juge-
ments et arrêts suieot en dernier ressort.
Le recours est ouvert, en vertu de cette règle, 1* contre les jugements en
dcrnifr re>sort et définiûfs des tribunaux de police ; f contre les jugements
des tribunaux de police correctionnelle sutoant sur l'appel des jugements des
tribunaux de simple police ou sur l'appel des jugements do tribunal correc-
Monuel, dans les cas prévos par les art. 200 et SOI, ou enfin contre les juge-
menu qui, quuique émanant d'un tribunal de p«ilice correction nelle, n'ont
cependant statué que sur une simple contravention, dans le cas prévu par
fart. VJi; 3* contre les arrêts des cbambres d'appel de police correctionnelle ;
4* Cintre les arrêts des cours d'assises.
Sltt. Cette règle admet toutefois des exceptions. L*art. 416 est ainsi conçu :
« Le recours en cassation c*»nire les arrêts préparaluires et d*instrnciioo, ou
les jugements en demeir ressort de cette qualité, ne sera ouvert qu'après
rarrét ou jugement définitif: l'exécation rolonuire de tels arrêts ou jugements
pré^iaraioires ne poorra. en aucun cas, être opposée comme Su de non-rece-
woir. La présente disposition ne s'applique point aux jugements et arrêts rendus
sur la compétence. » l>e là il faut induire que le pour</oi peut être immé-
diatement dirigé : I* oooire les ju;^emenis et arrêts incidents qui ne sont pas
purement préparatoires et d'instruction ; 2* contre les jugements et arrêts de
compétence.
t^ue faut-il. en premier lieu, considérer comme jugements préparatoires et
(Pinstruction 7 Vuus devez, à déraut d*aucun texte dans notre Gode/ recourir à
Fart. 452 du Gode de procédure civile, qui porte : t Suntréputés préparatoires
les iU;^emenis rendus pour l'instruction de la cause, et qui tendent à mettre le
procès en état de recevoir ju^ment définitif; sont réputés interlocutoires les
jugements rendus lorsque le tribunal onlonne, avant dire droit, une preuve,
une vérilicaiion, ou une instruction qui préjuge le fond. > D'après cette dis-
ûnction, on doit cunHidérer comme préparatoire le jugement qui, par exemple,
statue sur une demande en disjonction de poursuites dirigées contre plusieurs
Individu.'*, ou qui joint comme connexes deux plaintes portées par deux per-
sonnes contre le même individu, ou qui passe outre au jugement du fond no-
nobstant l'ai légitiou d'une demande de renvoi pour cause d ?8U8picion légitime
on qui onlonne rapport au greffe de certainc^s pièces, ou qui statue sur une
récusation du juge, ou qui admet rinterveution d'une partie civile, etc. On
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DU RSGOUnS BN CASSATION (aRT. WI). 759
doit, ta contraire, considérer comme interloeatoirefi les jugements qui» tm
une plainte on ane violation de dépOt, admettent la preove testimoniale da d6-
p6t, on qui ordonneiit, avant faire droit, la visite des lieux ou la vérification
de certains faits, ou qui admettent le prévenu d*un délit de chasse à prou-
Ter qne le terrain sur lequel il a chassé était, ou entièrement clos, ou sa pro-
priété personnelle, ou qui statuent sur une demande en liberté provisoire, etc
Dans ces dernières hypothèses, la décision doit être réputée déHnîtivt|
lorsqu'elle est rendue en dernier ressort, parce qu'elle statue sur le fond
du droit ou préjuge une question de droit de laquelle dépend la solution du
procès.
Les jugements et arrêts sur la compétence peuvent également être immé-
diatement attaqués par la voie de la Cjtssation. La raison de cette exception
est qu*un intérêt public s'attache i l'ordre des juridictions, et qu'il importe
qu'un prévenu ne soit pas traduit devant un juge qui n'a pas de pouvoirs pour
le juger. Cette règle, néanmoins, ne reçoit pas d'exécution devant la cour
d'assises ; lorsque Taccusé ne s'est pas pourvu contre l'arrêt de la chambre
d'accusation qui l'a renvoyé devant cette cour, le pourvoi qu'il forme ulté-
rieurement cesse d'être suspensif. C'e^it ce que décident Tart. 7 de la loi du
9 septembre 18S5 et la loi du 10 juin 1853.
B16. Il résulte de ce qui vient d*être dit que les arrêts des chambres d'ac-
cusation sont, comme je l'ai d'ailleurs déjà fait remarquer, susceptiblcH d'être
attaqués par la voie de cassation. Cette voie est ouverte contre ceux de ces
arrêts qui ont une caractère définitif, en ce sens qu'ils terminent l'instruction
dont la chambre d'accusation est saisie, ou qu'ils statuent définitivement sur
la question qui a été portée devant elle. En thès^^ générale, les arrêts qui sont
susceptibles d'acquérir 1 autorité de la chose jngee peuvent seuls être attaqués
parce recours £n effet, Q*est parce qu'il n'existe plus aucun moyen légal de
reprendre les points qu'ils ont résolus, c'est parce que les questions qu'ils
déddent sont définitivement décidées, que le recours est ouvert; car il en
résulte, soit pour Taccusaiion, soit pour la défense, un droit acquis ou un
grief irréparable. Que si, au contraire, les décisions de ces arrêts sont provi-
soires ou purement indicatives, si elles ne lient pas les juges de renvoi et que
ces juges aient le pouvoir d'apprécier de nouveau les faits qui ont déjà été
appréciés et d'asseoir sur ces faits une décision dilTérente, il n'y a point de
droit définitivement acquis, point de grief qui ne puisse être réparé. Or, la loi
qui a considéré le recours en cassation comme un recours extraordinaire et
ne Ta point soumis aux mêmes règles que l'appel, tend sans cesse à le res-
treindre et ne l'ouvre, par conséquent, que daus le cas où l'intervention de la
cour de cassation est indispensable pour assurer les droits des parties et main-
tenir la saine application de ses textes. Tel est le véritable sens des arti-
cles 408, 413 et 416. C'est d'après cette interprétation qu'il faut décider que
tous les arrêts qui prononcent sur des exceptions ou des fins de non-recevoir
peuvent être l'objet d'un pourvoi ; qu'il eu est de même de ceux qui ont omis
ou refusé de statuer sur un chef des réquisitions du ministère public ou des
conclusions des parties, des arrêts qui seraient une fausse application des
règles de la procédure, car cette applicalion peut avoir pour effet de suspendro
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7W • OUARANTE-DlBlIXrtMEf MCOK4 ^^ TOlB»" Effl HKCODRB ^ (n» 81 8).
OU d'annuler l'action publique ou les droits du préyeou ; enfin, des tfrél»
FMidas» comme je l'ai déjà dit, en matière de liberté proviBOire, car ilsatatoent
définitivement sur le maintien ou le refus de cette liberté.
-817. Quelles sont, en second lieu, les personnes qui peuvent se ponrroir
eB>eas8ation? En général, la voie du recours en cassation appartient à Cous
ceux qui ont été parties dans un arrêt ou dans un jugement en dernier res-
sort. Ainsi, toute personne qui n'a pas figuré comme partie dans le procès ne
pcnt jamais se pourvoir ; par exemple, un maires ne pourrait se pourvoir centre
un jugement de poHce dans lequel il n'aurait figuré ni comme partie ni conane
offloier da ministère public. Ge premier point posé, il ne suffit pas d'aroir
qualité pour se pourvoir, il faut avoir intérêt. Les art. 411 et 414 dm Gode
d^instruction criminelle déclarent que, lorsque la peine prononcée est la
même que celle portée par la loi contre le crime, le délit ou la contravenl&on,
l'annulation de l'arrêt ou du jugement ne peut être demandée sous le seul
piétezte qu'il y a eu erreur dans rapplication de la lot. 11 suit de là qu'il iont
UB intérêt direct. Ainsi, par exemple, la compétence des tribunaux ordinaires
élaut de droit commun, un accusé ne pourrait se faire un moyen de cassation
de ce qu'il aurait été traduit devant une cour d'assises au lieu d'être traduit
devant un conseil de guerre. De même un accusé ne pourrait se faire un
meyen de cassation de œ qu'il aurait été condamné par erreur comme cou-
pable de deux crimes, tandis que le jury n'aurait déclaré sa culpabilité qu'à
l'égard d'un seul, si l'arrêt ne lui a appliqué que la peine applicable au fait
reconnu à sa charge.
818. Le pourvoi n'est même pas ouvert dans tous les cas a toutes les parties
qui ont figuré dans l'instance. La loi a établi des droits distincta à l'égard
!• des prévenus et accusés ; %^ des parties civilement responsables ; 3<» du
ministère public; 4^ des parties civiles.
Les prévenus ou accusés peuvent se pourvoir contre tons les jugements et
arrêts, rendus en dernier ressort, qui portent des condamnations contre eux •
Ge droit, consacré par les art. 177, 216 et 379, n'a point de restriction; il peut
s'exercer, quelque minime que soit la peine prononcée. La loi, eu matiàre
criminelle, veut même que l'accusé ou le condamné soit averti de sou droit
de recours, afin qu'il ne puisse le laisser périr par ignorance ; les art. i9&
et 371 ont des dispositions formelles à ce sujet. Il n'y a d'exception que pour
le condamné par contumace ; l'art 473 n'accorde le recours contre les arrêts
par contumace qu'au ministère public et à la partie civile; le pourvoi formé
par un contumax contre l'arrêt qui le condamne est non recevable, même
lorsque ce pourvoi est fondé sur l'incompétence. Le contumax est dans une
sorte de rébellion contre la justice ; il ne peut profiter de ses garanties que
larequ'il se soumet à ses décrets. On a cependant argué à cet égard des arti-
cles 468 et 469 qui portent: • Art. 468. Aucun conseil, aucun avoué ne
pourra se présenter pour défendre l'accusé contumax. Si Taccusé est absent
du; territoire européen de la France, ou s'il est dans l'impossibilité absolue de
s% rendre, ses parenis ou ses amis pourront présenter son excuse et enpfaûéer
la légitimité. — Art. 469. Si la cour trouve l'excuse légitime, ^e ordonnent
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' S9 MGOUMI BH'0A88ATrOM (ART. 407). 761
qu'il sera Bonis au jugement de Taoeasé et an séquestre de sea hiens pendant
nn temps qui sera fixé^ en égard à la nature de Texcase et à la distance de»
lieux. I De là on avait induit que les parents ou amis pouvaient se ponrveîr
contre Tarrél qui rejetait Texcuse. C'est une erreur: lorsque le droit de pré-
senter l'excuse n'a point été dénié, l'appréciation de Texcase elle-même n'est
qu'une question de fait dont la solution, quelle qu'elle soit, ne peut donner
ouverture à cassation.
Les personnes civilement responsables peuvent se pourvoir toutes les foia
que le jugement ou l'arrôt porte des condamnations contre elles. L'art. 216
contient une disposition formelle à ce sujet, et, lors même que cette disposition
ne serait pas écrite, leur recours est de plein droit, dès qu'elles sont condam-
nées, à raison du grief qui résulte pour elles de cette condamnation.
Le droit de recours appastieat également au ministère public. S'il s'agit,
d'un jugement de police en dernier ressort, c'est l'officier qui a rempli les >
fonctions du ministère public près le tribunal qui a le droit de se pourvoir
(art. 477). Si le jugement émane d'un tribunal correctionnel, ce droit appar-
tient, soit au procureur de la République près le tribunal, soit au proearenr
général. Enfin, si l'arrêt a été rendu soit par une chambre d'accusation, soit'
par une cour d'assises, ce droit peut être exercé soit par le procureur de la>
République près la cour* d'assises, en ce qui touche les arrêts de cette ceur,
soit par. le procureur général en ce qui touche les arrêts de la chambre d'ac-
cusation, et les arrêts de la cour d'assises siégeant au chef*lieu de la cour.'
Dans tous les cas, le droit de pourvoi appartient au ministère public, soit que*
le prévenu ou raccusé ait été renvoyé ou acquitté, soit qu'il ait été condamné, •
car il agit dans l'intérêt de la société, dans l'intérêt de la justice, et, toutes les
fois qu'il croit cet intérêt lésé, il peut agir. Toutefois, il ne peut attaquer les^
ordonnances d'acquittement légalement rendues par le président de la cour*
d'assises, que dans l'intérêt de la loi et sans préjudicier à la partie acquittée^
(art. 409).
Enfin, la partie civile peut se pourvoir, mais comme son droit est unique-
ment fondé sur l'intérêt qu'elle'a dans son procès, il est très*-restreint. En
matière correctionnelle et de police, la partie civile peut se pourvoir, même
sans le concours du ministère public, contre les jugements et arrêts qui lèsent
ses intérêts. L'art. 413 porte, en effet, que « les voies d'annulation exprimées
en l'art. 408 sont, en matière correctionnelle et de police, respectivement
ouvertes à la partie poursuivie pour un délit ou une contravention, au minis-
tère public et à la partie civile, contre tous jugements et arrêts en dernier
ressort, sans distinction de ceux qui ont prononcé le renvoi de la partie ou^
sa condamnation. > Cet article ne fait d'exceptioa qu'en ce qui touche la vio-^
lation des formes prescrites pour assurer la défense du prévenu : cette viola-'
tion ne peut être invoquée que par le prévenu lui-même. Il en est autrementi
en matière de grand criminel. En premier lieu, la loi a dénié à la partie civile^
le droit de se pourvoir contre les arrêts des chambres de mise en accusation :
ce droit n'appartient qu'à l'accusé et au ministère public; du moins, le pourvoi
de la partie civile n'est admis que lorsqu'il est réuni au pourvoi du ministère
public. En second lieu, le droit de recours de cette partie contre les arrêts deb
cours d'assises est limité par l'art. 412 qui est ainsi conçu : t Dans aucun oa»,'
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762 OUARANTB-DSDXIJDn LBQON. — TOItt Dl RnSOURS (■* StO).
la partie dvite ne pourra poursiiîyre rannuiation o'une ordonitanoe d'acquit-
tement 00 d*on arrêt d'absolution ; mais si Parrèt a prononcé contre elle des
condamnations civiles, supérieures aux demandes de la partie acquittée on
absoute, cette disposition de Farrét pourra être annulée sur la demande de la
partie civile. »
810. A ces règles générales, la loi a créé, dans Tint^rét delà justice, deux
eiceptiuns qui font Fobjet des art. 442 et 441. L'art. 441 estaîusi conçu :
« Abt. 441. Lorsque, sur rexbibitîon d*un ordre formel, à lui donné par le mi-
nistre de la justice, le procureur général près la oour de cassation dénoncera à 1a
section criminelle des actes Judiciaires, arrêts ou Jugements contraires à la loi, ces
actes, arrêts ou Jugements pourront être annulés, et les officiers de police ou les
Juges iioursuivis, s'il y a lieu, de la manière exprimée au chap. m, du tit. iV du
présent livre. »
Quel est le sens de cette disposition ? L'attribution qu'elle oonfl&re doit-elle
être restreinte au droit d'annuler dans le seul intérêt de la loi? cette attribu-
tion au contraire est-elle illimitée dans ses effets? 11 serait diriicile de circons-
crire le droit d'annuler, conféré par Fart. 44 1, dans tes étroites limites de
Fintérêt de la loi, c*est-à-dire de n'y voir qu'un moyen de signaler aux jugea
leurs erreurs de droit sans toucher aux intérêts des parties, et sans modifier
la situation uù les jugements les ont placés. En effet, cet article n*a point
réservé lee droite drs parties intéressées, et Tart. 442, que j'examinerai tout à
l'heure, et qui confère au procureur général de la cour de cassation un droit
analogue à celui que Tari. 441 coi fère au ministre de la justice, ajoute cette
lestriciion : « L'arrêt ou le jugement sera cassé, sans que les parties puissent
^'en prévaloir pour s'opposer à son exécution. » Il est évident, puisque ees
deux articles s'appliquent l'un et l'autre aux matières criminelles, puisqu'ik
ont pour objet l'un et l'autre l'annulation des jugements irréguliers, et puis-
que le i^econd seulement contient la réserve des parties, il est évident que le
premier n'a pas entendu faire la même réserve; que l'annulation qu'il pro*
nonce pf^ut dès lors s'étendie au delà de l'intérêt de la loi.
Dans quels cas et sous quels rapports cette annulation peut-elle préjudicisr
on proflter aux parties? La jurisprudence a beaucoup varié sur ce point. Bile
avait d'abord étendu les termes de l'art. 441 au delà de leurs limite-^ raisonna-
bles, elle les a ensuite restreints de manière à les rendre stérile:*, enlin elle
est arrivée à considérer celte disposition comme ouvrant une voie extraordi-
naire de cassation, qui peut être utile aux intérêts de la justice sans préjudicier
aux intérêts des parties, qui peut dégager la marche des procédures criminelles
des actes qui l'entravent ou l'égarent, sans porter atteinte aux droits acf^nîs
par la cbot^e jug^e Le législateur a voulu attribuer au ministre le pouvoir
quelquefois nécessaire de dénoncer, pour les faire annuler, des actes qui ont
violé la loi, lors même que ces actes ont acquis un caractère déiinitit. C'est
un moyen de réparer des erreurs autrement irréparables, une voie exception-
nelle de recours destinée à remplacer les recours onhnaires lorsqu'ils ont été
omis ou négligés. Il n'est pas inutile que le gouvernement, lorsqu'il vient à
découvrir qu'un acte judiciaire est vicié d'abus on de prévarication, puisse en
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DU BBCOURS ES CASSATION (aRT. 44%). 763
faire cesser les effets en en provoquant Tannulation. Supposez qnMne juridic-
tion se soii Yiolemment saisie d'une affaire qui ne lui appartient pas. oo qu'elle
ait réfnsé de statuer sur une affaire de sa compétence. Supposez qu'un juge-
ment ait appliqué quelque pénalité arbitraire, ou puni comme crime on délit
on fait innocent; faudra-t-il donc, si le ministère public et le prévenu ont
négligé de se pourvoir, que ces décisions illégales restent debout, qu'elles
gardent leur antiirité, qu'elles soient exécutéi^s? L'art. 441 a précisément pour
bnt, an mtitns dans certains cas oi^ Tintérét de la justice est plus hautement
compromis, de suppléera la négligence des parties. Mais quelles doivent être
les limites de son application f La loi ne les a point posées; il faut donc les
chercher dans le dniii commun. Le principe de la chose jugée, fondé sur un
double intérêt, fait naître des droits, soit au profit des parties qui ont figuré
au procès, soit au profit de la société. Or, on peut admettre que TËtat, par
suite d*un intérêt plus élevé, ou d'une impérieuse nécessité, soit amené à
déroger à ce principe dans quelques cas où la chose jugée lui parait préjudicter
aux intérêts de la justice. Mais quels doivent être ces cas? Il faut distingue
entre les droits acquis aux parties et les droits acquis à l'État. L'État peut
renoncer, en c^ qui le concerne, au bénéfice de la chose jugée, il peut en pro-
voquer la suspension dans tes circonstances où elle n'aurait pour effet que de
consacrer l'erreur on d'arrêter le cours de la justice. Mais il est évident que
cet abandon ne peut s'étendre aux droits que la chose jugée a acquis aux par-
ties. Ces droits sont irrévocables. Il importe peu que Tart. 441 ait gardé le
silence sur le maintien de cette partie du ju^men t. Faudrait-il admettre que
le jugement qui a prononcé l'acquittement d'un accusé et qui, lors même qu'il
est attaqué dans les délais, ne peut être cassé que dans l'iniërêt de la loi. puisse
être annulé au préjudice de cet accusé, lorsque le recours aura été formé par
ordre du ministre? 8i l'on recule devant cette conséquence, il faut s'arrêter à
une limite, et il n'en est pas d'autre que la chose jugée.
880. L'art. 442 n'a ni le même caractère ni les mêmes effets que l'art. 441.
« ART. 442. Lorsqu'il aura^été rendu par une cour d'appel ou d'assises, ou par
un tribunal correctionnel ou de police, un arrêt ou jugement en dernier ressort,
sujet à casHation et contre lequel nôanuiotns aucune des parties n'aura réclamé
dans le délai déterminé, le procureur général prés la cour de cassation pourra
aussi d'oflice, et nonobstant Texpi ration du délai, en donner connaissance à la
cour de cassation :*rarrôt ou le Jujçement sera casié, sans que les parties puissent
s'en prévaloir pour s'opposer à son exécution. »
Ge n'est plus le ministre, c'est le procureur général près la cour de cassa-
tion qui seul a lo droit de saisir la cour dans cette nouvelle hypothèse. Ge n'est
plus dans l'intérêt des parties, c'est dans le Sful intérêt de la loi que le recours
peut être exercé. Cette attribution n'a été créée qu'en vue de l'interprétation
générale des lois : il ne faut pas qu'une interprétation erronée subsiste, il ne
faut pas qu'une règle légale reste froissée. 6i les parties n'ont pas d^intérêt à
attaquer la décision illégale, ou si elles ont négligé de le faire, il importe que,
dans un iuiérêi général, tout en maintenant lesetîets de cette décision dans
Tespèce où elle a été rendue, la règle soit rappelée^ rinierprétauon soit
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764 QUARANTE-DHUXIÈW LEÇON. — V0IB8 DE RECOURS (n« 822).
éclairée. Le procareur général prend la défense non des parties, mais de la loi.
Telle est l'idée qui sert de hase au pourvoi dans Tintérôt de la loi.
On trouve encojne x^e application des mômes principes dans Tart. 409 da
Gode d'instruction criminelle, qui porte que, c dans le cas d'acquittement de
Vaccusé, l'annulation de Tordonnance qui Taura prononcé et de ce qui l'aura
précédé ne pourra être poursuivie que dam Vintérét de la loi et sans préjudicier
à la partie acquittée. • Ainsi, dans cette hypothèse, le pourvpi peut être exercé
non-seulement par le procareur général près la cour de cassation, mais par le
ministère public prés la cour 4*««6i«es. Mais cette faculté n'existe que pour le
seul cas d'acquittement, elle ne peut être étendue soit aux arrêts de condam-
nation, soit aux arrêts d'absolution. La loi a voulu donner le mtyyen de ré-
parer, dans l'intérêt général de l'application des principes du droit, les solu-
tions entachées d'erreur, sans toucher aux droits acquis par les parties, et
oomme les ordonnances d'acquittement sont à l'abri de toute censure, il a fallu
donner au ministère public qui avait concaui'u aux débats le droit de sai«
sir des nullités qui auraient échappé au procureur général près la cour de
cassation.
821, Nous arrivons maintenant à rehercher quelles sont les ouvertures de
cassation, quels sont les moyens d'annulation qui peuvent être invoqués à
l'appui des pourvois.
En thèse générale, toutes les ouvertures de cassation consistent, ou dans
une violation ou dans une fausse application de la loi ; en effet, soit que les
juges aient méconnu les règles de leur compétence ou franchi les limites de
leur autorité, soit qu'ils aient négligé d'observer les formes judiciaires, soit
qu'en statuant, ils se soient mis en contradiction avec les textes de la loi ou
qu'ils en aient faussement appliqué les dispositions, soit qu'ils aient repris une
poursuite déjà souverainement jugée, il y a dans tous ces cas violation ou
fausse application des lois d'instruction ou des lois pénales, mais ce principe
donne lieu à de nombreuses difficultés dans l'application.
Aux termes de l'art. 3 de la loi du 27 novembre 1790, pour donner ouver-
ture à cassation, il fallait qu'il y eût contravention easpresse au texte de la M^
mais cette disposition trop restrictive fut modifiée par l'art. 255 de la consti-
tution du 5 fructidor an m, qui dispose que « le tribunal de cassation casse les
jugements qui contiennent quelque contravention expresse à la loi, » L'art, i**
de la loi du 20 avril 1810 pose la limite des pouvoirs des juges du fait : « La
justice est rendue souverainement par les cours impériales ; leurs arrêts, quand
ils sont revêtus des formes prescrites à peine de nullité, ne peuvent être cassés
que pour une contravention expresse à la loi. » La contravention est expresse
toutes les fois que le jugement et la loi sont en opposition et se détruisent
réciproquement. On peut induire de là que trois conditions sont principale-
ment requises, pour qu'un moyen de cassation puisse être accueilli : 1** qu'il
y ait une loi vivante que les juges devaient appliquer ; 2^ que leur jugement
contienne une disposition en contradiction avec cette loi ; 3° qu'il n'y ait rien«
dans les faits particuliers de l'espèce, qui puisse faire disparaître cette contra-
,vention.
SS8. Gela^osé, abordons les textes de notre Gode :
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DU RECOURS EN CASSATION (ART. 408). 765
a AxT. 40a. Lorsque Pacousé aura saM nae condamnation, et que, soU dans
l'^rrôt.da JlL oour qai aura ordonné soa renvoè devant tme cour d'attisée, soit
dans rinfitruction et dans la procédure qui auront été faites devant eeite dor*
nière cour, soit dans l'arrêt môme de condamnation», il y aura eu violation ou
omission de quelques-unes des formalités que le présent Gode prescrit sous peine
de nullité, cette omission ou violation donnera lieu, sur la poursuite de la partie
condamnée ou du ministère public, à l'annulation de rarrôt de condamnation et
de ce qui Ta précédé, à partir âii plus ancien acte nul. — Il en sera de méme^
tant dans les cas d'incompétence que lorsqu'il aura ôtç^ômls bu refusé de pro-
noncer, soit sur une ou plusieurs demandes de l'accusé, soit sur une ou plusieurs
réquisitions du minist&r&puMic, tendant à user d^ae faeuité 6iu d^tn droit accordé
par la loi, bien que la peine de nullité ne fût pas textuellement attachée à l^bsenoe
de la formalité dont l'exécution aura été demandée on requise^ »
« Art. 413. Les voies d'annulation exprimées en Tart* 408> sont, w<iRatièi6 oor,.
rectionnelie ou de police, respectivement ouvertes à la partie poursuivie pour jm
délit ou une contravention, au ministère public et à la partie civile, s'il y en a
une, contre tous arrêts ou jugements en dernier ressort, sans distinction de ceux
qui ont prononcé le renvoi de la partie ou sa condamnation. »
Prenons d'abord^ comme le fait la loi, les arrêts des chambres d'accusation.
Dans quel cas le pourvoi est-il ouvert contre ces arrêts ? Vous avez vu que
le président des assises doit, aux termes de FarU 296, avertir Taccusé, dans
l'interrogatoire préliminaire auquel il procède^ de la faculté qui lui est ouverte
de former une demande en nullité contre l'arrêt de renvoi. La même faculté
appartient, aux termes de l'art. 298, au procureur général. L'art. 299 ajoute :
« La déclaration de Taccusé et celle du procureur général doivent énoncer
Pobjetde la demande de nullité. Cette demande ne peut être formée que con-
tre l'arrêt de renvoi â la cour d'assises et dans les trois cas suivants : 1« si le
fait n'est pas qnaliGé crime par la loi ; 2* si le ministère public n'a pas été
entendu; 3* si Tarrôt n'a pas été rendu par le nombre de juges fixé par la loi. >
La loi du 10 juin 1853 à modifié cet article pour joindre aux moyens de nul-
lité qu'il prévoit, un quatrième moyen, déjà prévu d'ailleurs par l'art. 408, et
tiré de l'incompétence. Il ne feut pas induire des termes limitatifs de l'art. 299,
et de cette dernière loi qui les a reproduits, que tout autre moyen de nullité,
hors des termes de ces deux textes, serait interdit. Tel ne peut être le seni
de la loi, puisqu'il n'y aurait alors de recours ni contre les arrêts de non-lieu,
ni contre les arrêts de renvoi à la police simple et correctionnelle. L'art. 299
ne s'est occupé que de^'arrêl de renvoi et des principales causes de nullité
que l'accusé peut faire valoir contre cet arrêt. Il n'a point dérogé aux autres
règles légales.
Ainsi l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 dispose que « les arrêts qui ne seront
pas rendus par le nombre de juges prescrit, ou qui ont été rendus par des
juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause, ou qui n'ont pas
été rendus publiquement, ou qui ne contiennent pas de motifs, sont déclarai
nuls. * Il résulte de cet article, qui s'applique à tous les arrêts, que les arrêts
des chambres d'accusation sont nuls, 1* à défaut d'assistance des juges & toutes
les séances où Taffaire a été portée; Î9 à défaut dé motifs. Des deux autres
causes de nullité, l'une a été reproduite par l'art. 299, l'autre ne s'applique j^as
aux arrêts des chambres d'accusation. L'art. 234 veut également qu'il soit fait
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766 QUARANTB-DBUXIÈMB LIÇON. — VOIES DB RECOURS (n* 823).
mention dans les arrêts de la chambre d'accusation, à peine de nullité, du
nom de chacun des jnges qui ont oonconm à cet arrôt. Enfin, Tart. 408 déclare^
comme tous Tenez de le voir, qn*il y a nullité de la procédure lorsque, dans
l*arréi de la chambre d'accnsaiion, il y aura eu violation ou omission de quel-
ques-wies des formalités que le Gode a prescrites sous peine de nuUitéi et
qu*il en sera de même» tant dans les cas d'incompétence que lorsqu'il aura été
omis on refusé de prononœry soit sur une demande de l'accusé, soit sur une
réquisition du minisién pablie. tendaot à user d'une faculté ou d'un droit
accordé par la loi.
11 faut conclure de tous ces textes que le pûunroi «ot o^^mH rnntra \m arréu
de la chambre d'accusation : 1* à raison de la fausse qualificatîou des &its
f à raison de la violation des formes prescri tes par la loi ; 3* à raison de rincom-
pétence ; 4* à raison de la fausse interprétation de la loi ; 5* à raison du r«jet
ou de l'admission des exceptions préjudicielles ou des fins de non-recevoir ;
6* à raison dès refus ou omissions de statuer sur les demandes des parties ou
les réquisitions du ministère public ; 7* enfin, à raison des vices de leur rédac-
tion . résultant de l'omission des énonciations qu'ils doivent nécessairement
contenir.
888. Faut-il ajouter à ces moyens de nullité, qui sont fondés sur la loi
même, les vices qui résulteraient de la procédure antérieure à i'arrét ? Une
première règle est que l'arrêt de la chambre d'accusatioUi quand il a acquis
l'autorité de la chose jugée, couvre toutes les irrégularités de la procédure
antérieure. L'art. 408, en effet, n*ouvre le pourvoi que contre cet arrêt et non
contre les actes de cette procédure ; ces actes ne peuvent donc être attaqués
isolément, ils ne peuvent donc l'être, s'il y a lieu, qu'en attaquant l'arrêt lui-
même qui prononce sur rinsnruction écrite. Mais il faut inférer de cette règle :
i^ que l'arrêt de la chambre d'accusation doit relever les nullités dont Tins*
truction serait entachée, puisque» auirement, il y a chose jugée à cet égard ;
2* que si cet arrêt omet de les relever, ou les écarte irrégulièrement, il doit y
avoir ouverture à cassation. En effet, ainsi que l'a fait remarquer un crimina-
liste, • déclarer que les vices de la procédure antérieure à l'arrêt de renvoi
sont couveru par le défaut de pourvui contre cet arrêt, c'est reconnaître que
ces vices peuvent faire l'objet d'un pourvoi, et qu'il suffit que l'arrêt se les soit
appropriés en maintenant une procédure irrégulière, pour qu'il puisse être
par cela même attaqué. 8i l'arrêt les couvre, ils n'étaient donc pas couverts
avant cet arrêt ; s il y a chose jugée sur ces v:ces, depuis que l'arrêi est devenu
définitif, il était donc permis de les faire valoir avant qu'il eûi acquis ce carac«
tère ; en un mot, si le dé&ut de pourvoi les efface, le pourvoi pouvait donc
les faire valoir. « La véritable difficulté de la matière est de distinguer les for-
mes dont la violation peut fonder un pourvoi, et celles dont l'infraction, quels
que soient ses effets, ne peut motiver le recours. Il est clair que la nullité ne
peut résulter que de la violation ou de l'omission de formes qui sont essentiel-
les, soit à l'exercice de l'action publique, soit aux droiis de la dèiense. Il y a
ouverture à cassation, d'une part, lorsque les mesures d'instruction ordonnées
ou annulées forment un obstacle à l'action, et lorsque, d'une autre part, le pré«
venu n'a pa« été interrogé, ou été illégalement arrêté, lorsque sou droit de
défense a éié méconnu on violé
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DU RBGOURS BN CASSATION (aRT. 408). 767
8i4. Les jngemenU des tribunaux de police ou de police correctionnelle sont
soumis à une première règle : c*est que, les moyens de nullité, pris dans la
procédure de première instance, et que Ton a négligé de faire valoir dcTsat
le juge d'appel, ne peuvent être relevés devant la cour de cassation. Cette règle
a été posée par Tart. 2 de la loi du 29 avril 1806, qui porte : « Le prévenu ext
police correctionnelle ne sera pas recevable à présenter, comme moyen de
cassation, les nullités commises en première instance, et qu*il n'aurait pas op^
posées devant la cour d'appel, en exceptant sealement la. nullité pour cause
d'incompétence. > La Jurisprudence a décidé que cet article n'avait point été
alMTogé par le Gode d'instrnctlon criminelle, et qu'il était encore aujourd'hui
en pleine vigueur ; elle a admis en même temps que la même règle devait être
étendue aux matières de police.
Les arrêts en matière criminelle sont soumis à une règle, non pas identique;
mais analogue. Il est de principe, en effet, qu'on ne peut en cette matière pro--
poser un moyen nouveau devant la cour dé cassation lorsqu'on a omis de le
faire devant les juges du fond. Ainsi, il a été reconnu que, lorsqu'un accusé
ne s'est pas pourvu, dans le délai de la loi, contre l'arrêt de la chambre d'accu-
sation qui le renvoie devant la cour d'assises, il ne peut ultérieurement se faire
un moyen de cassation d'une nullité de procédure dont l'appréciation apparte-
nait à la chambre d'accusation. Il a été reconnu encore que l'accusé qui ne
s'est pas pourvu contre l'arrêt de renvoi ne peut, après sa condamnation par la
cour d'assises, faire Taluir les nullités dont serait entaché cet arrêt Ces déci-
dons ne sont que la conséquence des art. 296 et 373 qui fixent les délais du
pourvoi ; ces délais expirés, Taccusé est déchu de toute voie de recours contre
la décision que son silence a revêtue de la force de chose jugée.
885. Les jugements et arrêts définitifs peuvent être attaqués : {• pour irré-
gularité dans rinstruction, ce qu*on appelle les voies de nullité; 2® pour viola-
tion ou fausse application de la loi pénale.
Les voies de nullité ont pour objet les vices de forme et les irrégularités
commises dans la procédure criminelle. Aucune condamnation ne doit être
prononcée que sur une procédure régulière et dans laquelle tous les droits de
la défense ont été respectés. Un jugement qui n'a pas été précédé d'une instruc-
tion légale n'est pas un jugement, et ce principe doit être appliqué avec la
plus rigoureuse exactitude dans une matière qui met en suspens tous les
droits les plus précieux de chaque prévenu, sa fortune, son honneur, sa
liberté.
Ainsi, les jugements et arrêts sont nuls : i« s'ils n'ont pas été rendus par le
nombre de juges prescrit par la loi (art. 7 de la loi du 20 avril 1810) ; 2* lors-
qu'ils Font été par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences ;
3* lorsqu'ils n'ont pas été rendus publiquement; 4* lorsqu'ils ne contiennent pas
de motifs (mémo loi) ; ^ lorsque le ministère public n'était pas présent ou n'a
pas donné ses conclussions ; 6* lorsque h*% témoins entendus n'ont pas prêté le
serment prescrit par la loi (art 155 et 317). La même nullité s^étend en
matière correctionnelle et de police à la violation des règles relatives à la
preuve : ainsi, par exemple, l'instruction et le jugement sont nuls, si des pro-
cès-verbaux faisant foi jusqu'à inscription de faux ont été détruiu par la preuve
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768 QUARANTE-DBUXIÉMB LBÇON. — VOIES DB RECOURS (n* 826).
contraire^ «i l'autorité de procès-verbaux faisant foi josqu'à tceuve conêfaire
a été méconmie. Ainsi encore^ en matière oorrectionneUe comme en matière
, criminelle» Tinstniction et le jugement sont également nuls» si les formes pres-
crites pour la défense ont été méconnues ou violées, si le prévenu a été con-
damné sans avoir été entiendu, s'il n'a pas connu en temps utile le sujet de la
prévention et les actes qui la fondaient^ s'il n*a pas été mis à même de contre-
dire les allégations de la partie publique ou de la partie civile.
Il est toutefois Tune de ces voies de nuUité qui demande quelques éclaircis-
sements. Nous avons vu quelle Ueuxième paragraphe de l'art. 408 veut qu'il
y ait lieu à l'annulation, « lorsqu'il aora été omis pu refusé de prononcer, soit
smr.uAO. ou plusieurs demandes de l'accusé, soit sur une ou plusieurs réquiai»
tiens du ministère public, tendant à user d'une faculté ou d'un droit accordé
par la loi^ bien que la peine de nullité ne fût pas textuellement attachée à
l'absence de la formalité dont l'exécution aura été demandée ou requise. »
Oette disposition est l'une des plus importantes de notre Code. Elle n'oblige
pcHnt les juges à statuer dans tel ou tel sens ; ils restent Les maîtres de leur
décision ; mais elle les oblige à statuer, c'est-à-dire à examiner toutes les réqui-
sitions ou les conclusions des parties, et, s'ils les rejettent» è les rejeter par
des décisions motivées. C'est là l'une des plus fortes garanties de notre procé-
dure, l'un des éléments les plus puissants de la justice, car il en résulte la
faculté d'invoquer toutes les iormes et toutes les garanties, et la nécessité
d'apprécier toutes les demandes. Il ne faut pas aller cependant jusqu'à croire
qu'une formalité. puîAse devenir nécessaire à peine de nullité» par cela seul
que Bou observation est demandée ou requise par l'accusé ou le ministère
public. Non,, la formalité garde son caractère» mais le juge est tonu d'examiner
si son observation est nécessaire ou inutile dans le procès. Ainsi, un accusé
demande à faire entendre des témoins et le juge peut décider que oette con-
dition seraii sans oljet. Un autre accusé demande à faire sortir un témoin de
l'audience pour faire des interpellations dans son absence et provoquer une
contradiction dans sa déposition ; cette réclamation peut être accordée ou reje-
tée, mais il doit y être statué. Il ne fiant pas, au reste, confondre les réquisi-
tions ou conclusions et les simples ebeervations ou les moyens employés» eoit
par le miniatève public» soit par la défense : les juges ne sont Venus do pro-
noncer que lorsqu'ils en sont formellement requis ou qu'il y a des conclusions,
mais ils doivent statuer sur tous les che£s des réquisitions ou des conclusions.
Ils ne doivent cependant statuer que lorsque la demande ou La réquisition
est autorisée par la loi ; ainsi» si l'accusé demande qu'un témoin soit entendu
en vertu du pouvoir discaréti4Minaire du président» ou que les oondusions du
ministère public soient insérées an jugement, ou que son cc^révenu soit
entendu comme témoin» il n'y a pas lieu d'y statiier» puisque ces demandes ne
sont pas L'exercice d'un droit autorisé par la loi.
886. La violation ou la fausse application de la loi pénale est La source la
plus féconde de la cassation. Mais ici s'élève une grave question : la cour de
oassation n^'est instituée que pour réprimer la violation de la loi ; elle ne peut
oonuaitre. du. him on du mal ^gé ; elle sortirait de ses attribution^ si elle
•entrait dans l'appiéciiition.des faits» si elle exerçait son examen et sa censure
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DU RECOURS BN CASSATION (ART. 408), 769
■9QX de^ décisions rendues par les trilmnanx ordinaires sur des matières qui
sont abandonnées à leur diqeemement et à leur conscience. Peut-elle donc,
pour apprécier si la loi pénale a été bien ou naal appliquée, rechercher si les
&it8 ont été bien ou mal qualifiés, en d'autres termes, s'ils ont été Meo ou
mal appréciés ? Cette difficulté, qui est une question de- division de pouvoirs
entcela cour de cassation elles cours d'appel, a donné liéuàdes solutions quel*
^efois contradiotoires.JBn principe, lalimite qui sépare lesattributàons de ces
iconrs est celle qui sépare le fait et le droit, llappréciation des actes incriminés
«t l'appliication faite à ces actes des dispositions de la loi. L'appréciation des
cours est souveraine; ce qu'elles ont déclaré constitua la vérité judiciaire ; la
cour de cassation ne peut connaître du bien ou du mal jugé de leurs arrêts.
Elle ne forme point un:troi8ième degré de juridiction. En fait, il est difficile
de concilier ce principe avec l'examen qui appartient à cette cour. Voici en
^uels termes nous avpns essayé «de résoudre ce problème :
c Si les attributions de la cour de cassation ont été nettement circonscrites,
il importe qu'elle les exerce tout entières et qu'à la suite de distinctions plus
ou moins subtiles, le contrôle qu^, dans Tintàrét de Tunité de l'interprétation
de la loi, elle étend sur tous les jugements, ne devienne pas illusoire. Elle ne
peut pénétrer dans l'appréciation des faits, elle ne peut examiner s'ils sont
prouvés ou s'il^ne le sont pas, les admettre ou les rejeter; elle s'incline devant
la décision des juges, quelle qu'elle soit; elle lui reconnaît la force de chose
jugée.. Mais, suit-il de là qu'elle ne puisse examina l'application qu'ils ont
faite de la loi aux faits qu'ils ont eux-mêmes reconnus constants? Leur droit
«st de juger que ces faits existent ou n'existent pas; mais quand ils ont jugé
<iu'ils existent, la qualification qu'ils leur donnent fait-elle elle même partie de
ce droit d^appréciation? Estrce que cette qualification est autre chose que le
rapport des actes incriminés avec la loi qui formule cette incrimination ? Est-
ce que ce rapport, qui peut être contesté, ne renferme pas nécessairement
ane qi^estion de droit ? Est-ce que la chambre d'accusation, qui déclare que
tel &it qu'elle constate et qui contient les éléments d'un délit, ne constitue
cependant aucun délit, ne commet pas une contravention expresse à la loi ?
que si Terreur des juges se trouve dans la constatation même des faits, s'ils
rejettent une circonstance qui est prouvée ou en admettent une qui ne l'est
pas, il n'y a rien à dire ; ils rendent souverainement la justice. Mais si cette
erreur consiste h qualifier délit un fait qui n'en a pas les caractères, ou à refu-
se cette qualification à un fait qui en renferme les éléments, comment échap*
perait-elle à la censure.de la cour ? On prétend qu'elle ne peut examiner la
qualification sans examiner les fiûts; cela est vrai, mais elle n'examine que
les faits qui ont été retenus etconstatés par L'arrêt et ne les examine que pour
rechercher et établir leur véritable rapport avec la loi ; elle entre donc dans
l'appréciation du fait non pour contester les déclarations de l'arrêt relatives à
son existence matérielle et à sa moralité, mais pour contester les conséquences
légales que cet arrêt a tirées de ce fait après l'avoir constaté ; en un mot, ce
n'est pas te fait qu'elle apprécie, c'est uniquement l'application qui lui a été
faite de la loi, après qu'il a été reconnu et déterminé. On prétend qu'il faut
distinguer e^tre les matières qui ont été définies par la loi et celles qui, n'ayant
été réglées par aucune disposition légale, ont été abandonnées au discerne-
I. DigitjzedbyCjOûfilC
770 QUARANTE-i-DEUXIÈMB LBÇON. — V0IK8 DB RECOURS (n* 827).
ment et à la conscience des juges. Telle est la distinction qui a été pendant
on gtemps la règle de la jurisprudence. Mais où se trouve sa base et quel est
le texte qui l'a établie? Est-ce que la loi pénale ne peut pas être enfreinte par
l'application qui en est faite, aussi bien dans les cas où les éléments du délit
sont définis que dans les cas où ils ne le sont pas ? La loi incriminant le toI
et l'escroquerie n'a défini ni les caractères de la soustraction, ni ceux des
manœuvres qui sont l'un des éléments de ces délits; s'ensuit-il que Tarrôt qui
considérera comme une soustraction la rétention d'un objet prêté, ou assimi-
lera à des manœuvres les paroles mensongères, n'aura pas violé les art.379 et
405 du Gode pénal ? Faut-il abandonner à la conscience des juges l'apprécia-
tion légale de ces deux circonstances, par cela seul que la loi n'en a pas indi-
qué les éléments ? Est-ce que là où la loi ne s'est pas positivement expliquée,
la doctrine n'a pas posé des règles qui suppléent à ses dispositions ? Est-ce
que le même intérêt ne s'attache pas à ces règles et aux textes ? Est-ce qu'il
peut être plutôt permis de violer l'esprit de la loi que ses termes, et, sous le
prétexte de leur généralité, d'en faire une arbitraire application?.... En défini-
tive, la cour de cassation, si elle avait abdiqué le droit d'examiner les qualifi-
cations imposées parles juges aux faits qu'ils constatent, aurait répudié Tune
de ses attributions les plus utiles. Il ne doit pas être permis aux cours et tri-
bunaux de se soustraire par des déclarations en fait, dans les matières les plus
délicates, à la haute surveillance sous laquelle la loi a voulu les placer. Ba
instituant la cour de cassation et en lui déléguant l'interprétation souveraine
des lois, l'Assemblée constituante a fondé l'unité de la jurisprudence, l'appli-
cation uniforme des dispositions légales à tous les citoyens, le maintien des
règles doctrinales qui dominent toutes les lois et forment leur utile et salu-
taire complément. Est-ce donc en matière criminelle, est-ce quand il s'agit
de savoir si un prévenu est légalement mis en accusation ou condamné que
cette grande institution, manquant à sa mission, serait forcée de s'arrêter
impuissante en face d'une infraction flagrante de la loi pénale? Quelles seraient
les garanties de la justice, si les juges, abandonnés, comme on le voudrait; à
leur conscience, étaient les maîtres d'imposer aux mêmes faits telle ou telle
qualification différente, là d'en faire arbitrairement la matière d'un délit, ici
de les exclure non moins arbitrairement des termes de la loi? N'est-ce pas
surtout en matière do justice pénale que les règles doivent être uniformes, car
si les mêmes faits n'étaient pas passibles de la même répression, si le même
acte était considéré tantôt comme punissable, tantôt coidme innocent, quel
trouble n'en résulterail-il pas dans la conscience publique ? où serait la règle
de la conduite des citoyens ? Or, pour que les mêmes faits puissent être unifor-
mément qualifiés, il faut que la cour de cassation, autant du moins que cela
est possible, puisse, dans tous les cas et sans distinction, appliquer son con-
trôle à toutes les qualifications légales, c'est-à-dire à toute application de la
loi pénale à des faits déclarés constants. • (Traité de iHnstr. crim,, t. VI,p. 475.)
827. Nous devons encore appeler votre attention sur quelques articles qui
peuvent donner lieu à de graves difficultés.
« Art. 410. Lorsque la nullité procédera de ce que l'arrêt aura prononcé une peine
ttutpe que celle itfipliquée par la loi à la nature du crime, l'annulation de l'arrêt
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DU RECOURS BN CASSATION (aRT. 414). 771
pourra être poursuivi tant par le minietère public que par la partie condamnée. »
a Art. 411. Lorsque la peine prononcée sera la màme que celle portée par la loi
qui s'applique au crime, nul ne pourra demander l'annulation de l'arrêt, sous le
prétexte qu'il y aurait erreur dans la citation du texte de la loi. » ^
ff Art. 414. La disposition de l'article 111 est applicable aux arrêts et jugements
en dernier ressort rendus en matière correctionnelle et de police. »
Quel est le sens, quelle est la portée de ces dispositions? Si l'on s*attacbe
an texte de Tart. 411, il semblerait que la loi n'ait voulu soustraire à la cas-
sation que les arrêts ou jugements en dernier ressort entachés d'une simple
erreur de citation de la loi pénale et prononçant d'ailleurs la peine applicable
au crime ou délit. L'erreur qu'il prévoit, c'est l'erreur dans la citation du
texte de la loi ; ce qu'il prescrit, c'est que cette erreur de forme ne serve pas
de prétexte pour demander l'annulation de l'arrêt. Ainsi , supposez qu'un
prévenu ait été condamné pour vol; quoique le fait ait les caractères d'une
escroquerie et non d'un vol, on ne saurait justifier le jugement en disant qu'il
y a dans la cause délit d'escroquerie, s'il n'y a pas délit de vol, et que la peine
prononcée n'excède pas celle de l'escroquerie, car la condamnation ne saurait
avoir pour base légale an délit dont le prévenu n'aurait pas été déclaré cou-
pable. Cette hypothèse ne rentre donc pas dans les termes de Tart. 44 1, parce
qu'il y a une fausse qualification du fait et par suite une fausse application de
la loi pénale, qu'il ne faut pas confondre avec une simple erreur dans la cita-
tion du texte de la loi. Toutefois, la jurisprudence a singulièrement étendu le
texte de cet article : elle en fait en général l'application toutes les fois que la
peine prononcée peut être justifiée par l'existence de quelques-uns des faits
reconnus constants par le jugement, lors même qu'il y aurait eu erreur, non
pas dans la citation, mais dans la qualification des autres faits. Ainsi, sup-
posez qu'un prévenu soit condamné à la peine de cinq ans d'emprisonnement
pour le double délit de vol et d'escroquerie; il se pourvoit parce que les faits
qualifiés d'escroquerie ne renferment pas les caractères légaux. La cour de
cassation, tout en reconnaissant l'erreur, rejette le pourvoi parce que la décla-
ration légale de culpabilité sur le vol, est un fondement snffisant de la peine
prononcée. Ainsi, dans une autre espèce, un individu, accusé tout à la fois
de recelé et de complicité de vol domestique, est acquitté sur un chef et déclaré
coupable par le jury sur l'autre. Mais la cour d'assises, en prononçant la peino
de la réclusion, le condamne comme s'il avait été coupable sur les deux chefs.
Il se pourvoit à raison de cette erreur, mais son pourvoi est rejeté parce quo
chacun des chefs étant passible de la réclusion, il n'avait pas d'intérêt. Est-co
là le sens de l'art. 411 ? ne s'agit-il donc que d'une application erronée d'une
loi pénale ? ne s'agit-il pas plutôt de l'un des éléments qui ont servi à la
mesure de cette peine, élément qui aurait dû être rejeté des débats et n'au-
rait pas dû servir à l'appréciation du juge? On dit : mais nulle loi n'est violée,
puisque la peine appliquée n'excède pas la peine dont le fait reconnu constant
était passible. Gela est vrai, mais la mesure delà peine aurait-elle été la même,
si l'erreur avait été dégagée et reconnue? La loi n'est pas matériellement
violée, mais la règle de la justice est enfreinte, et ce n'est qu'en étendant les
termes de Tarticle 41 i au delà de leur sens véritable, qu'on parvient à consacrer
cette infraction. t ' \
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772 QUARANTE-DEUZiâUB LEÇON. — > YOÎES DE RECOURS (n* 830).
828. Les formes de la procédare devant la coar de ^cassation sont très-
simples : il suffira, poar les connaitre, de lire attentivement les art. 4^7 et
suivants. Ces articles ne demandent aucune explication.
DBS DBHANDBS BN RÉVISION.
829. A côté de la voie de la cassation, notre Gode a placé la voie de la
révision : ces deux voies de nullité n'ont de commun que la juridiction
chargée de les accueillir, c*est-à-dire la cour de cassation et le but où elles
tendent, Fannulation des arrêts ; la révision en matière criminelle est la dis-
cussion d'une condamnation prononcée en dernier ressort, et qui aurait'Sé
dôtêrmmee par une erreur, non de droit, mais de fait. L'ordonnance de 1670,
tit. XXXV, art. 32, avait admis les lettres de révision de procès. L'Assem»
blée constituante ne crat pas que cette institution fût compatible avec Tinsti-
tutron du jury. La Convention fut amenée, par un procès qui présentait deux
jugements contradictoires et un innocent condamné, à créer une exception
au principe de l'irréfragabilité des décisions du jury; le déy^t â^^ jf} ff«î 1793
admit la révision au seul cas où deux condamnations seraient inconciliables
entre elles. Notre Code a ajouté à ce premier cas, qui fait Tobjet de Tart. 443,
deux autres cas qui font la matière des art. 444 et 445. La loi du 29 juin 1867
n'a fait qu^étendre les limites de leur application.
830. Le premier cas de révision, qui est prévu par Part. 443, est celui où
deux condamnations, successivement prononcées pour le même crime ou pour
le même délit, ne sauraient se concilier, et seraient la preuve de Tinnocenoe
de Tun ou de l'autre des condamnés. Ainsi, un vol est commis, et Paul est
condamné comme en étant Fauteur : six mois après, Philippe est poursuivi pour
le même vol et en est reconnu coupable : voilà deux hommes condamnés sur
des poursuites distinctes et sans complicité pour le même crime, et il devient
évident que Tune des deux condamnations est erronée. Dans une telle con-
jecture, la justice et l'humanité réclament une nouvelle instruction et de nou-
veaux débats qui, devenus communs aux deux condamnés mis en présence
Tun de l'autre, puissent signaler celui qui a été victime de Terreur.
Trois conditions sont nécessaires pour autoriser la surséance et la révision
pour cause de deux condamnations inconciliables ; il faut : !• que les denx
condamnés ne Paient pas été parle môme arrêt; 2® que la condamnation ait
été prononcée ponr le même fait; 3^ que les condamnations ne puissent se
concilier, en sorte qu'il en résulte nécessairement la preuve de l'innocence de
Tun des condamnés. Ainsi il y a inconciliabilité d'arrêts donnant lieu à cas*
sation et à renvoi, lorsque deux individus ont été condamnés par deux déci-
sions distinctes et pour un même fait qui ne pouvait être imputé qu'à un seul
individu ; lorsque deux arrêts ont condamné deux accusés, par exemple, pour
le seul fait d'avoir tiré un coup de fusil, dans le but de donner la mort à un
individu; lorsque pour un crime commis j»ar deux jndividiig seulement, trois
individus ont été con^mnés par deux arrêts distincts. Mais il n*y aurait pas
kiconciliabilité, si, par un premier jugement, trois individus avaient été con-
damnés pour vol, et que, par un jugement postérieur, un autre individu eût
^té condamné pour le même crime, s'il n'était pas constaté que le vol n'eût
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DU RECOURS EN RÉVISION (ART. 445). 773
été oommis que par trois personnes. An reste, l'art. 443 s'applique à toutes
les juridictions, bien que ces termes soient restrictifs : c'est une voie de
recours ordinaire, sans doute, mais ouverte contre tous les jugements, puis-
que la raison, la loi et la justice commandent évidemment dans les' mômes
circonstances l'application de la même mesure.
881. Le second cas de révision prévu par Tart. 444 est encore plus frap-
pant ; 'un homme passe pour avoir été tué, et son prétendu meurtrier est
condamné; cependant l'individu supposé mort se représente et efface, par sa
seule présence, toute idée du crime qui a été la base de la condamnation ; on
sent assez que, s'il en est temps encore, il faut se hâter de briser les fers du
condamné, sans autre condition que celle de reconnaître l'existence et Tiden-
tité de la personne prétendue homicidée. Ge deuxième cas de révision est
prévu par l'art. 444. Trois conditions sont requises pour son application ; il
faut: 1® que la condamnation ait eu lieu pour homicide ; 2^ que les pièces re-
présentées l'aient été postérieurement à la condamnation ; 3« qu'il y ait dans
ces pièces des indices suffisants sur l'existence de la personne supposée homi-
cidée. La cour de cassation a l'appréciation souveraine des indices; elle n'est
point appelée à faire la reconnaissance de l'identité, elle doit la renvoyer à la
cour qu'elle saisit par le renvoi, mais elle déclare, sur le vu des pièces, s'il y a
lieu à révision, si les indices sont suffisants pour qu'il y ait lieu de présumer
une erreur de la justice •
832. Le troisième cas de révision est celui où, après une condamnation, un
ou plusieurs des témoins qui ont déposé à la charge du condamné sont eux-
mêmes convaincus de faux témoignage porté dans la même affaire. Ici l'erreur
de la condamnation ne se montre pas avec la même évidence que dans les
autres cas, car il est strictement possible que le faux témoignage n'ait pas
seul dicté la déclaration du jury ; le degré d'influence qu'il a pu obtenir ne
saurait se calculer dans une procédure qui ne laisse point de trace ni aucunes
données sur les clauses qui ont amené la conviction. Mais si l'erreur de la con-
damnation ne résulte pas évidemment de la seule drconstance d'un faux
témoignage, depuis reconnu et puni, du moins faut-il convenir que ce fait est
assez grave pour établir une suffisante présomption que l'accusé a été victime •
d'une horrible calomnie. Dans une telle position, ce serait être sourd à la voix
de l'humanité, que de ne pas recourir à une nouvelle instruction, dégagée
des funestes éléments qui ont corrompu la première. Tel a été le but de l'ar-
ticle 445. Cet article ne s'applique qu'aux témoins à charge, ce qui n'exclut
pas, toutefois, les témoins cités à la requête même de l'accusé. Il suppose une
poursuite en faux témoignage, intentée .contre ces témoins, après et depuis
la condamnation ;de l'accusé. Ge dernier [peut-il provoquer cette poursuite?
L'art. 445 n'accorde au condamné aucune action pour la poursuite des témoins
qui ont déposé contre lui ; cet article suppose uniquement l'existence d'une
c poursuite faite par le ministère public, et suivie de la mise en accusation
ou de l'arrestation des témoins inculpés. > Il serait sans doute trop rigoureux
de conclure de là que la voie de la plainte est dans tous les cas fermée au
condamné, qu'il lui est interdit de dénoncer ^les témoins qui ont déposé à sa
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774 QUARANTË-DEUXIÉMB LBÇON. — VOIES DE RECOURS (n^ 833).
charge, il faut du moins reconnaître que les poorsuites qu'il exerce contre
eux sont soumises aux règles générales qui régissent Faction de tous les plai»
gnants. On ne pourrait s*écarter de ces règles sans aggraver le sort des
témoins dénoncés, alors que plus exposés à la calomnie» la position du cou-
damoé leur laisse moins de garantie pour la réparation du préjudice que sa
dénonciation leur aura causé.
883. Le décès du condamné dans les cas prévus par les art. 444 et 445, ou
de l'un des condamnés, dans le cas prévu par l'art. 443» est-il un obstacle à la
révision? L'art. 447 avait résolu cette question grave. Cet article détermine le
cas et les formes de la révision du procès d'un individu mort depuis sa con-
damnation. Ce cas est unique; il n'a lieu que dans la circonstance prévue par
Tart. 444. 8i donc un accusé avait été condamné pour homicids et fût mort
depuis sa condamnation ; si, depuis la mort du condamné, Tindividu prétendu
homicide se présente, Terreur sera évidente, et le procès sera révisé, la con-
damnation annulée autant qu'il sera possible ; la mémoire de cet innocent, si
malheureusement condamné, sera réhabilitée, réparation tardive à la vérité,
insuffisante, mais qui procurera au moins quelque consolation à ses amis, à
sa famille, à la société. On s'est demandé avec inquiétude s'il ne serait pas
possible défaire application, même après le décès du condamné, des art. 443
et 445, dont je viens de vous entretenir. Une condamnation postérieure à celle
du condamné décédé ne sera-t-elle jamais incondliable avec la première con-
damnation ? Les faux témoins dont les dépositions auraient déterminé la con-
damnation ne pourront*ils pas être reconnus, jugés et condamnés après la
mort de leur victime? Pour résoudre la question, il ne faut pas oublier que,
dans les circonstances prévues par ces articles, la loi exige de nouveaux dé-
bats. Dans l'espèce prévue par l'art. 443, de nouveaux débats sont nécessaires
pour vérifier si le crime n'a pu être commis que par un seul, et pour décou-
vrir lequel des deux condamnés est le seul, le vrai coupable. Dans l'espèce
prévue par Fart. 445, il faut de nouveaux débats pour juger si les faux témoi-
gnages ont seuls produit la conviction. U est possible que les faux témoigna-
ges portés en haine d'un accusé aient concouru à sa condamnation, mais
que la conviction des jurés ou des juges ait été opérée par d'autres preuves i
sa charge. Si de nouveaux débats sont nécessaires dans toutes ces circons-
tances, comment seraient-ils formés, lorsque la partie principale, l'accusé, ne
pourra paraître, lorsqu*il ne pourra être confronté aux témoins et à ses coac-
cusés, les interpeller, être interpellé lui-même et lorsque l'instruction orale et
publique sera ainsi privée des principaux avantages qui la rendent préférable
à l'instruction secrète et par écrit? De là cette conclusion qu'il pourrait arri-
ver que des condamnations prononcées contre des accusés présentassent, de-
puis qu'ils seraient morts, des incertitudes, mais qu'il serait impossible de les
vérifier, parce que les débats seraient impraticables. Or, une révision opérée
sans débat n'aurait pour résultat que des doutes et consacrerait Tinstahilité
des jugements. Néanmoins, et même à l'égard du condamné décédé, la loi
du 29 juin 1867, sans s'arrêter au seul cas où il serait matériellement prouvé
que la condamnation aurait été la suite d'une erreur, a ouvert, dans tous les
cas, à la famille, la voie de la révision.
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0U FAUX (art. 463;. 775
QUABANTE-TBOISliliS LEÇON.
TITRE IV
DE QUELQUES PBOGÉDUBES PABTICULliRES
CHAPITRE PREMIER
DU FAUX.
884. Les art. 448 à 464 ont pour objet les précautions qui sont nécessaires
pour constater rétat matériel des pièces arguées de faux et pour le déplace-
ment des pièces de comparaison, ([ui se trouvent dans les mains des dépo-
sitaires publics ou des particuliers ; ils contiennent aassi les formes qui doi-
vent être employées en matière de faux incident. Il vous suffira de lire ces
articles dont j'ai déjà eu occasion de vous entretenir. J*attirerai seulement un
moment votre attention sur Part. 463. Cet article porte que c lorsque les actes
authentiques auront été déclarés faux, en tout ou en partie, la cour qui aura
connu des faux ordonnera qu'ils soient rétablis, rayés ou réformés et du tout
il sera dressé procès-verbal. > Quel est le but, quel est le caractère de cette
mesure ? Elle a pour but de prévenir Tabus qui pourrait être fait des actes au-
thentiques qui ont été déclarés faux, si cette précaution ne leur était pas
appliquée. En effet, leur forme intrinsèque leur donne l'apparence d'un titre
ayant force exécutoire, les expéditions qui en seraient délivrées fourniraient
aux individus qui enseraient porteurs un titre apparent àTexercice des droits
résultant de ces actes : c'est pour mettre obstacle à l'usage abusif et &llacieux
qui pourrait en être fait, que l'art. 463 a ordonné que le procès-verbal serait
dressé par le greffier du rétablissement et de la radiation ou réformation dont
ces actes doivent être l'objet, après que l'arrêt qui les a déclarés faux est de-
venu définitif et a acquis la force de chose jugée. Ce mode de procéder n'a
pas pour résultat de détruire et d'anéantir l'existence matérielle des actes au-
thentiques qui ont été déclarés faux, mais il a pour effet de les frapper d'un
signe de réprobation qui avertisse de leur fausseté et leur enlève le caractère
de titre authentique et obligatoire en faveur du condamné, sauf aux tiers qui
n'ont pas été parties au procès criminel, dans lequel les actes authentiques
ont été déclarés faux, à faire valoir leurs droits, s'il y a lieu, devant les tribu-
naux compétents. L'accomplissement de la formalité prescrite par l'art. 463 a
également pour but et pour effet d'interdire à tous dépositaires des actes pu-
blics et authentiques déclarés faux de délivrer expédition de ces actes sans
transcription du procès-verbal et de l'arrêt par suite desquels lesdits actes ont
été rétablis, rayés ou réformés.
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778 QUARANTB-TROISIÈMB LBÇON. -^ PROCÉDURES PARTICULIlftRBS (n* 835)^
CHAPITRE II
DES CONTUMACES.
835. J'ai déjà effleuré cette matière (Yoy,* st^Mtk. n. 80Î), en Yons pariant
des jugements par défaut en matière correctionnelle. Je vais essayer devons
Texpliquer le plus succinctement possible*
Lorsque Taccusé s'est dérobé aux recherches de la justice ou n'a pas été
trouvé, la première formalité qu'il faut remplir est la signification, soit à son
dernier domicile, soit au parquet du procureur de la République, suivant les
règles prescrites par les art. 68 et 69 du Ck>de de procédure civile, de l'arrêt
qui le renvoie devant la cour d'assises et de l'acte d'accusation (art, 465).
Dix jours après cette, notification, le président de la coor d'assises rend une-
ordonnance portant qu'il, sera tenu de se représenter dans un nouveau délai-
de dix jours, sinon qu'il sera suspendu de l'exercice de ses droits de citoyen,
que ses biens seront séquestrés, que toute action en justice lui sera interdite»
qu'il sera procédé contre lui, et que toute personne est tenue d'indiquer le lie»
où il se trouve (art. 465).
Cette ordonnance est publiée à son de trompe ou de caisse le dimanche sui*
vaut, et. affichée à la porte du domicile de l'accusé, à celle du maire et à celle
de l'auditoire de la cour d'assises (art. 466).
Après un nouveau délai de dix jours à compter de cette publication, il est
procédé au jugement de l'accusé contumax (art. 467). Les formes du jugement
sont brèves et rapides. Aucun conseil ne peut se présenter pour le défendre..
Ce n'est que dans le cas où l'accusé est absent du territoire européen de la
France, ou se trouve dans l'impossibilité absolue de se présenter, que ses
parents et amis peuvent allégiÂ^r cette excuse et en plaider la légitimité
(art. 468). Si l'excuse est trouvée légitime, il est sursis au jugement et au
séquestre pendant un délai qui est fixé eu égard au fait de Texcnae (art. 469)^
Hors ce seul cas, la cour d'assises, composée des seuls juges et siégeant sans
assistance et sans intervention de jurés, prononce sur-le-champ sur Vacousa-
tion .: il est procédé i la lecture de l'arrêt du renvoi, de l'acte de notification de
l'ordonnance de se représenter et des procès-verbaux dressés pour en constater
la publication et l'affiche. Après cette lecture et après s'être assurée que tontes
les formalités prescrites par la loi ont été strictement accomplies, la cour
examine l'accusation et statue. 81 l'instruction n'est pas conforme à la loi, elle
la déclare nulle et ordonne qu'elle sera recommencée à partir du plus ancien
acte nul; si l'instruction est régulière, elle prononce à la fois sur l'accusation
et sur les intérêts civils (art. 470). Toutefois la cour d'assises n'est nullement
tenue de condamner : elle apprécie le fait et ses circonstances et prononce
dans sa conscience et d'après la preuve écrite qu'elle possède ; rien ne s'op-
pose à ce qu'elle prononce un acquittement. Peut-elle déclarer l'existence des
circonstances atténuantes ? Il a para à la jurisprudence que le droit de faire
cette déclaration en matière criminelle n'appartient qu'au jury, que cette
attribution est limitative et ne peut dans aucun cas être étendue aux juges de
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DBS CONTVMAGBfl (aRT. 476). 777
la cour d'assises, que l'existence de ces dreonstances ne peut d'ailleurs être
reoonnne que par le résultat d'an débat oral et contradictoire que repoussa
l'art. 468, qui ne puise les éléments du jugement par contumace que dan»
Finstruction écrite.
886. 8i le contumax est condamné, ses biens sont, à partir de Texécution
de l'arrêt, considérés et régis comme biens d'absent, et le compte du séquestre
est rendu à qui il appartiendra, après que la condamnation est devenue irrévo-
cable par Texpiration du délai donné pour purger la contumace (art. 471). Une
nouvelle affiche de L'extrait de condamnation sera apposée au milieu d'une
place publique de la ville par la main de l'exécuteur des arrêts criminels
(art, 472). Il peut être accordé, pondant le séquestre, des secours à la femme,
aux enfants, au père et à la mère de l'accusé, s'ils sont dans le besoin. Cîes
secours sont réglés par 1,'autorité administrative (art. 475). Mais il ne peut se
pourvoir en cassation ; ce recours n'est accordé qu'au procureur général et à la
partie civile (art. 473). Au surplus, la contumace d'un accusé ne suspend ni
ne retarde de plein droit l'instruction à l'égard de ses coaccusés présents
(art 474).
887. Maintenant, quels sont les e£fets de la condamnation par contumace?
Ils sont réglés par l'art. 476.
« Art. 476. Si l'accusé se constitue prisonnier, ou s'il est arrêté avant que la
peine soit éteinte par prescription, le jugement rendu par contumace et les pro-
cédures faites contre lui depuis Tordonnance de prise de corps ou de se représenter
seront anéantis de plein droit, et il sera procédé à son égard dans la forme ordi-
naire. ^ 8i cependant la condamnation par contumace était de nature à emporter
la mort civile, et si Taccusè n'a été arrêté ou ne s*est représenté qu'après les cinq
ans qui ont suivi l'exécution du jugeaient de contumace, ce Jugement, confprmé-
m^t à l'art. 30 du Gode civil, conservera, pour le passé, les effets que la mort
civile aurjuit produits dans Tintervalle écoulé depuis Texpi ration des cinq ans jus*
qu'au jour de la comparution de l'accusé en justice. »
Remarquez, d'abord, que la dernière disposition de cet article n'a plus d'ap-
plication depuis que la mort civile a été supprimée (Voy. n« 65). La condam-
nation n'a plus d'effets qui soient irrévocablement acquis après les cinq ans
(Voy. toutefois l'art. 3 de la loi du 31 mai 1854). Les arrêts de contumace n'ac*
quièrent donc Aujourd'hui un caractère définitif, dans toutes leurs dispositions,
qu'après le temps fixé pour la prescription, c'est-à-dire après vingt ans écou<»
lés. Si, dans cet intervalle, l'accusé se constitue prisonnier ou s'il est arrêté,
toute la procédure tombe, et il est de nouveau procédé contre lui. Cependant,
il est bien entendu que la représentation du contumax n'anéantit que les actes
postérieurs à l'acte d'accusation : tous les actes de la procédure écrite conti-
nuent de subsister; il n'y a que ceux qui tiennent à la procédure orale qui
doivent nécessairement recommencer. L'accusé ne pourrait acquiescer à Far-
rôt par contumace, lors même que cet arrêt n'aurait prononcé contre lui que
des peines correctionnelles; sa volonté ne suffit pas pour faire vivre un arrêt
que la loi déclare anéanti. Mais la loi ne fait tomber que la condamnation par
contumace ; si l'arrêt avait prononcé l'acquittement ou l'absolution, il aurait
force de chose jugée et ferait obstacle à toute poursuite nouvelle.
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778 QUARANTE-TROISIÈME LEÇON. — PROCatoURBS PARTICULIERES (n" 841).
838. Il me reste à vous signaler sar cette matière une forme particulière
de la procédure.
« Art. 477. Dans les cas prévus par l'article précédent, si, pour quelque cause
que ce soit, des témoins ne peuvent être produits aux débats, leurs dépositions
écrites et les réponses écrites des autres accusés du a^éme délit seront lues à
Taudience; il en sera de même de toutes les autres pièces qui seront Jugées par le
président être de nature à répandre la lumière sur le délit et les coupables. »
Cette disposition a été édictée en prévision dn temps, quelquefois très-long,
qui a pu s'écouler entre le jour de l'arrêt par contumace et le jour de la repré-
sentation de Taccusé. U peut arriver que les témoins n'existent plus ou ne
soient plus présents, que la procédure orale soit impossible, et il a fallu néces-
sairement lui substituer alors la procédure écrite. C'est, dans cette hypothèse,
une forme substantielle que la lecture de toutes les pièces, et l'omission d'une
seule déposition emporterait la nullité du nouvel arrêt.
CHAPITRE III
DES GRIMES COMMIS PAR DES JUGES, HORS DE LEURS FONCTIONS ET DANS
L*£XERGIGE DE LEURS FONCTIONS.
8S9. Les art. 479 et suivants établissent une garantie pour les magistrats
de Tordre judiciaire. Cette garantie ne consiste pas, comme celle qui protégeait
les fonctionnaires de l'ordre politique et les agents de l'ordre administratif,
dans une autorisation de poursuivre émanée d'un antre pouvoir ; elle est tout
entière dans la juridiction plus élevée qui doit juger le fuit, s'il ne constitue
qu'un simple délit, et qui doit procéder à l'instruction, s'il a les caractères
d'un crime.
840. Si le fait incriminé n'est qu'un délit, la cour est seule compétente pour
en conndtre, et elle ne peut, aux termes des art. 479 et 483, être saisie que
par la citation du procureur général. Cette attribution a été étendue : 1* par
l'art. 10 de la loi du 20 avril 1810, aux grands ofâciers de la Légion d'honneur,
aux généraux commandant une division ou un département, aux archevêques,
aux évêques, aux présidents des consistoires, aux membres de la cour de cas-
sation, de la cour des comptes et des cours prévenus de délits de police cor-
rectionnelle; 2* par l'art. idO du décret du 15 novembre 1811, aux membres
de l'Université.
841. Si le fait incriminé a les caractères d'un crime, il faut distinguer si ce
crime a été commis hors des fonctions ou dans leur exercice* Dans la pre-
mière hypothèse, l'art. 480 prescrit que c le procureur général près la cour et
le premier président de cette cour désigneront, le premier, le magistrat qui
exercera les fonctions d*ofûcier de police judiciaire ; le second, le magistrat
qui exercera les fonctions déjuge d'instruction, i Les pièces sont transmises
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DBS DÉLITS GOMIUS ▲ LAUJMBNGB (aRT. 507). 779
aa ministre de la Jostice^si le fait est imputé à un membre des cours, et oe
DÛnisire les transmet à la cour de cassation qui, aux termes de l!art. 482, dési«
gne, en dehors du resort de la cour à laquelle appartient le membre inculpé,
la juridiction qui doit Juger.
842. Si le crime a été commis dans l'exercice des fonctions, il faut distin-
guer si Tofûcier appartient à la catégorie des officiers énumérés par Fart. 483,
ou de ceux qui sont désignés par Tart. 485. Dans le premier cas, aux termes de
l'article 484, i les fonctions ordinairement dévolues au juge d'instruction et
au procureur de la République seront inmiédiatement remplies par le premier
président et le procureur général, chacun en ce qui le concerne, ou par tels
autres officiers qu'ils auront respectivement et spécialement désignés à cet
effet. • 8i le magistrat inculpé appartient à la catégorie énumérée dans l'art. 485,
le crime est dénoncé soit au ministre de la justice, qui donne, s'il y a lieu,
ordre au procureur général près la cour de cassation de le poursuivre, soit
directement à la cour de cassation elle-même. L'instruction est suivie par cette
cour jusqu'à l'arrêt de non-lieu ou de mise en accusation, suivant les formes
tracées par les art 487 et suivants. Il me parait inutile de vous retracer ces
formes qu'il vous suffira de lire et qui sont, il faut le dire à la louange de la
magistrature, bien rarement appliquées. Veuillez seulement bien remarquer
que les formes ordinaires ne sont modifiées qu'en ce qui concerne Tinstruction :
les juges définitifs, les juges du fond, demeurant les mêmes, sauf que la cour
de cassation peut désigner la cour d'assises qui lui paraît placée en dehors
de toutes les influences qui pourraient entacher l'impartialité du jugement.
CHAPITRE IV
DSS DÉLITS CONTRAIRES AU RESPECT DU AUX AUTORITÉS CONSTITUÉES.
843. J'ai déjà donné quelques explications sur les art. 504 et 505 en rappro-
chant ces articles de l'art. 181 (Voy. suprà, n« 794). Les dispositions de ce
chapitre ne font qu'appliquer un -principe qui tient essentiellement à toutes
les juridictions et que nous trouvons dans la législation romaine : Omnibus
magistraUbus seeundùm jus poiestaiis concessum est juridictionen suam defen-
dere pœnoli judido {L, un. Dig., si quisjus sic). Suivant l'art. 378 du projet de
Gode, correspondant à l'art. 504, avant d'employer les voies de rigueur, i le
président ou le juge devait avertir ou faire avertir les perturbateurs de rentrer
dans l'ordre, et, s'ils n'obéissaient pas à cet avertissement, leur enjoindre de
'se retirer. • Mais cette disposition fut effacée, sur l'pbservation faite, à U
séance du conseil d'État du 12 vendémiaire an XIII, par le premier consul,
• que l'avertissement préalable est inutile, qu'il convient beaucoup mieux au
bon ordre et à la dignité des tribunaux, qu*on expulse d'abord ceux qui don-
nent des signes d'approbation ou d'improbation, qui excitent quelque tumulte.
La rigueur qu'on déploie en ce cas ne blesse pas les droits du citoyen, car ils
ne consistent pas à troubler l'exercice de la justice. •
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780 QUAAANTB-TROISIÉICB LBÇON. -* PROCÉDURES PARTICULIÈRES (m"^ 847).
844. Je dois d'abord vous faire remarquer que les art. 504 et 505 ont virtuel-
lement modifié les art. 11, 89, 90 et 91 du Gode de procédure civile, puisqu'ils
ae6)rdent à Tautorité judiciaire un pouvoir plus étendu dans les drconstanoes
que ces derniers articles avaient prévues et prescrivent un mode spécial de
procéder.
845. Il résulte des art. 504 et 505, que la loi a divisé en deux classes dis-
tinctes les troubles qui peuvent survenir dans tous les lieux où se fait publique-
ment une instruction judiciaire : lorsqu'il s*agit seulement d'un trouble pro-
venant soit des signaux publics d'approbation ou d'improbation, soit d'un
tumulte quelconque, tous les magistrats de Tordre judiciaire ou administratif
sont investis, également et indistinctement, du droit de faire expulser les per-
turbateurs, et, si ceux-ci résistent à leurs ordres ou rentrent après leur expul-
sion, d'ordonner qu'ils seront arrêtés et conduits dans la prison d'arrêt pen-
dant vingt-quatre heures (art. 504 et 509). L'usage de ce pouvoir n'est qu'une
mesure de police qui n'exige aucun jugement; car il suffit, pour sa légalité et
son exécution, qu'il en soit fait mention dans le procès-verbal. Tout magistrat
peut donc la prescrire en vertu de la fonction qu'il remplit.
848. Si, au contraire, le tumulte survenu dans l'audience a les caractères
sôit d'une contravention, soit d'un délit, soit même d'un crime, la compétence
subit quelques modifications. S'il s'agit d'une contravention ou d'un délit,
0 les peines pourront être, séance tenante et immédiatement après que les
faits auront été constatés, prononcés, savoir : — celles de simple police sans
appel, de quelque tribunal ou juge qu'elles émanent ; — et celles de police cor-
rectionnelle, à la charge de l'appel, si la condamnation a été portée par un
tribunal sujet à appel ou par un juge seul • (art. 505). Le législateur a voulu,
en édictant cette disposition, imprimer dans les esprits, par la punition
prompte et sévère qu'elle commande, le respect qu'on doit aux actes publics
de rinstruction judiciaire, ainsi qu'aux magistrats qui se livrent à cette ins-
truction. Il suit de là que le juge ou le tribunal, qui s'acquitte de ce nouveau
devoir de son office, se trouve nécessairement transformé en juridiction de
police ou correctionnelle, et lors même qu'il ne constituerait qu'une iurldiction
civile, l'appel de ce jugement, s'il y a lieu, doit être porté au juge supérieur
de répression.
847. Si le fait est qualifié crime, le juge ou le tribunal se borne à faire arrê-
ter le délinquant et à dresser procès-verbal; il ne le juge pas, il le renvoie
seulement devant la juridiction compétente pour le juger (art. 506). Il n'y a
d'exception à cette règle générale que dans le cas où le crime aurait été corn*
mis à Taudience de la cour de cassation, d'une cour d'appel ou d'une cour
d'assises ; la position élevée de la juridiction a paru dans ce cas une garantie
suffisante pour le prévenu : c La cour, porte l'art. 507, procédera au jugement
de suite et sans désemparer; elle entendra les témoins, le délinquant et le con-
seil qu'il aura choisi ou qui lui aura été désigné par le président; et, après
avoir constaté les faits et ouï le procureur général ou son substitut, le tout pu-
bliquement, elle appliquera la peine par un arrêt qui sera motivé. •
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DE h'wukVBUXNT DS8 PliCBS d'uNJB AFFAIRB (aRT. 524). 781
CHAPITRE V
D£ LA. MÀNliRE DONT SOm* REÇUS, EN MATIÈRE CRIMINELLE, CORRECTION-
NELLE ET DE POLICE, LES DÉPOSITIONS DES PRINCES ET DE CERTAINS
FONCTIONNAIRES DE l'ÉTAT.
848. n YOQs snffîra de lire les art. 610 à 517. Il faut y joindre le décret da
4 mai 1812. Aucune question ne 8*éiève sur ces dispositions^ gui ne consistent
qu'à régler la forme extérieure du témoignage.
CHAPITRE VI
DE LA RECONNAISSANCE DE l'iDENTITÉ DES INDIVIDUS CONDAMNÉS,
ÉVADÉS ET REPRIS.
849. Les art. 518, 519 et 520 établissent une procédure particulière, qui avait
déjà été édictée par une loi du 22 frimaire an YHÏ, et qui a pour objet de con-
stater ridentité des condamnés qui sont repris après leur évasion. Remarquez
bien qu'il ne s'agit point d'un jugement, d'une condamnation, mais d'une
simple vérification. Telle condamnation s'applique-t-elle à tel individu ? Voilà
la seule question à juger. La loi pose avec raison la règle générale que « la
reconnaissance de l'identité d'un individu condamné, évadé et repris, sera
faite par la cour qui aura prononcé la condamnation. » En effet, les juges qui
ont prononcé sont seuls aptes à constater rindividualîté du condamné ; quand
ces vérifications émanent d'une conr d'assises, elles sont faites sans assistance
des jurés; les jurés n'étant plus les mêmes que ceux qui ont jugé seraient
inaptes à prononcer ; quant aux juges, lors môme qu'ils n'ont pas siégé, ils
peuvent trouver dans la procédure écrite les indices et les preuves de l'indi-
vidualité. 6i c'est un contumax qui nie son identité, faut-il lui appliquer les
règles de l'art. 519 ? Gela a paru douteux, car cet article ne s'applique qu'au cas
des condamnés contradictoires évadés après leur condamnation. La jurispru-
dence s'est prononcée néanmoins pour la compétence exclusive des juges de la
cour d'assises, par suite d'une extension évidente des art. 518 et 519. Mais
comme l'accusé peut dans ce cas reproduire devant le jury la négation 4e son
identité, cette jurisprudence ne peut lui porter qu'un faible préjudice (Voy.
au surplus sur ces articles nos précédentes observations, n« 98).
CHAPITRE VII
manière DE PROCÉDER EN CAS DE' DESTRUCTION OU d'eNLÈVEMENT DES
PIÈGES OU DU JUGEMENT d'uNE AFFAIRE. ,
860. Les mesurea indiquées par les art. 521, 522, 523 et 524, sont étran-
gères à' la procédure. Elles ont seulement pour but de remédier à la perte des
dossiers et des actes.
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782 QUARANTE-TROISIÈBCB LBÇON. — PROCÉDURES PARTIGULlâRBS (n« 853).
TITRE V
DES RÈGLEMENTS DE JTJ6ES ET DES RENVOIS d'uN TRIBUNAL A UN AUTRE.
CHAPITRE PREMIER
DES RÈGLEMENTS DE JUGES.
861. Les règlements de jnges ont pour objet de faire cesser les conflits soit
positifs, soit négatifs de juridiction, qui s'élôvent entre deux tribunaux. Le
conflit est positif quand deux tribunaux se sont simultanément saisis de la
môme affaire ; il est négatif quand deux tribunaux se sont successivement
déclarés incompétents pour statuer. H appartient en général à la cour de cas-
sation de régler de juges : elle est le r^ulateur souverain des compétences :
c'est là l'une de ses principales et de ses plus hautes attributions.
868. Il est quelques cas où le règlement de juges peut être prononcé par
un tribunal correctionnel ou par une cour ; ces cas sont prévus par l'art. S40
qui porte :
« ART. 540. Lorsque deux juges d'instruction ou deux tribunaux de première
instance, établis dans le ressort de la même cour, seront saisis de la connaissance
du môme délit ou de délits connexes, les parties seront réglées de juges par cette
cour, suivant la forme prescrite au présent chapitre ; sauf le recours, s*il y a
lieu, à la cour de cassation. ~ Lorsque deux tribunaux de police simple seront
saisis de la connaissance de la môme contravention ou de contraventions con-
nexes, les parties seront réglées de juges par le tribunal auquel ils ressortissent
l'un et Tautre ; et, s'ils ressortissent à différents tribunaux, elles seront réglées
par la cour d'appel, sauf le recours, s'il y a lieu, à la cour de cassation. »
Hors ces deux cas, il n'appartient qu'à la cour de cassation de statuer sur
les conflits. Elle possède, dans toute sa plénitude, rattributlon générale de
régler les compétences, et dans tous les cas où cette attribution n'a pas été
restreinte, comme dans Fart. 540, par une exception formelle, le droit de pro*
céder par voie de règlement de juges lui est exclusivement dévolu. C'est ce qui
résulte formellement des art, 526 et 527.
868. U faut lire attentivement ces deux articles :
« Abt. 526. n y aura lieu k être réglé de juges par la cour de cassation, en ma-
tière criminelle, correctionnelle ou de police, lorsque des cours, tribunaux ou juges
d'instruction, ne ressortissant point les uns aux autres, seront saisis de la con-
naissance du môme délit ou de délits connexes, ou de la môme contravention. »
« Art. 527. Il y aura lieu également à ôtre réglé de juges par la cour de cassa*
tion, lorsqu'un tribunal militaire ou maritime, ou un ofQcier de police militaire,
ou tout autre' tribunal d'exception, d'une part, une cour impériale ou d'assises,
un tribunal jugeant correctionnellement, un tribunal de police ou un juge d'instruc»
tion, d'autre part, seront saisis de la connaissance du môme délit ou de délits con-
nexes, ou de la môme contravention. »
Il ne tant pas vous arrêter à ces mots de l'art. 526: ne ^e$$crti$9ani pas les
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DES RENVOIS D*DN TRIBUNAL A UN AUTRE (aRT. 542). 783
uns aux autres. La Yoie da règlement pent être ouverte entre deux jurMic-
lions ressortissant Tnne à l'autre ; car il peut, dans ce cas même, y avoir
conflit.Par exemple, la chambre d'accusation renvoie une affaire devant un
tribunal correctionnel qui ressortit à la cour, et ce tribunal se déclare incom-
pétent. Un tribunal correctionnel renvoie le jugement d'une contravention de-
vant le juge de police qui déclare son incompétence. Voilà des cas où le conflit
existe entre les deux tribunaux qui ressortissent Tun à Fautre. En général,
il y a lieu à règlement de juges, toutes les fois qu'un jugement, non suscep-
tible d'être réformé, arrête le cours de la justice. Ainsi, et c'est le cas le plus
fréquent, le juge d'instruction renvoie un prévenu de délit devant la juridic-
tion correctionnelle, et cette juridiction se reconnaît incompétente parce que
le fait lui parait avoir le caractère d'un crime. Il y a là conflit négatif qui ne
peut être décidé que par la cour de cassation. Autre hypothèse : la juridiction
ordinaire se déclare incompétente, parce que le prévenu a la qualité de mili-
taire, et, d'une autre part, le conseil de guerre, saisi par le venvoi, se déclare
également incompétent, parce que cette qualité de militaire du prévenu ne lui
parait pas bien établie. 11 est évident que la cour de cassation seule peut déci-
der ce conflit. Nous pourrions multiplier les exemples. Un seul point est à
noter, c'est qu'il n'y a lieu à règlement que lorsque les décisions qui entravent
la justice ne peuvent plus être réformées ; car, tant qu'elles n'ont pas de force
de chose jugée, la procédure doit suivre son cours.
CHAPITRE II
DES RENVOIS d'uN TRIBUNAL A UN AUTRE.
864. La faculté de prononcer le renvoi des affaires d'un tribunal à un autre
constitue peut-être la plus haute des prérogatives et Tattribution la plus impor .
tante de la cour de cassation.
« Abt. 542. En matière criminelle, correctionnelle et de police, la cour de cas-
sation peut, sur la réquisition du procureur géoéral près cette cour, renvoyer la
connaissance d'une affaire d'une cour impériale ou d'assises à une autre, d*un tri-
bunal correctionnel ou de police à un autre tribunal de même qualité, d'un juge
d'instruction à un autre juge d'instruction, pour cause de sûreté publique ou de
suspicion légitime. Ce renvoi peut aussi être ordonné sur la réquisition des parties
intéressées, mais seulement pour cause de suspicion légitime. »
Ainsi la cour de cassation a le droit, lorsqu'elle en est régulièrement requise,
de dessaisir les juridictions qui sont à la fois compétentes et légalement saisies
et de transporter les afiaires et les prévenus devant les juridictions du même
ordre qu'elle désigne. C'est là le droit le plus étendu peut-être qui existe
dans l'organisation judiciaire ; car il n'applique pas, il ne protège pas les
règles légales, il les suspend. C'est l'intérêt même de la justice qui a com-
mandé cette dérogation extraordinaire aux lois de la compétence ; car il peut
se présenter des circonstances où l'intérêt de la justice ne trouve pas des garan-
ties suffisantes dans les lieux où elle devrait être rendue. Deux causes géné-
rales peuvent motiver cette mesure : la sûreté publique et la suspicion légitime.
784 QUARANTB-TROUIJbCB LEÇON. — DBS OOORS 8PÉGIALES^(n* 857).
866. Les circonstaneea qui peuvent compromettre la Bùretê publique ne eoat
pas de nature à être définies et déterminées d'une manière positive: c'est au
gouvernement à les apprécier et fc les indiquer ; c'est à la cour de cassation â
les examiner et à les peser. On a dit que» lorsqpu'une demande de cette nature
est formée, la cour de cassation encourrait une gvave responsabilité, si elle la
rejetait sans de fortes raisons^ £n dEét, le renvoi demandé par le gouvernement
ne suspend pas le cours de la justice, puisqu'il ne porte atteinte à aucune
des juridictions , et puisque la cour de cassation a seule le droit de cboisir et
de désigner le tribonal devant lequel le renvoi doit ôtne fait. Néanmoins il ne
fiLudrait pas poser en principe que la cour doit oràonner le renvoi dè& qu'il est
demandé par le gouvernement ; car il eût mieux valu^ dans ce sens^ donner an
gouvernement lai-môme le droit de renvoyer les accusés d'une juridiction à
une autre. La oeur est dépositaire des intérêts de Tordre et des intérêts de la
défense; elle doit peser avec soin les motifs allégués de part et d*autr^ et ne
se prononcer qu'après l'examen le plus attentif.
866. Les renvois peur cause de suspicion légitime sont plus fréquents. Ils
peuvent être demandés soit par le ministère public, soit par les parties inté^
ressées. On peut citer, comme exemples des cas où ils peuvent être demandés,
les suivants: -- lorsqu'une instruction se fait avec une négligence préjndi*
ciable à Tordre public ; — lorsque le juge d'instruction a déclaré que dans son
opinion le prévenu est innocent, et qu'il refuse de le mettre en état d'arresta-
tion ; — lorsqu'une plainte est portée à raison de dilapidations qui ont donné
lieu à des remplacements ou avertissements parmi les magistrats de la localité;
— lorsqu'un tribunal ne peut se composer à raison de Tempêcbement des
juges ou des récusations dont ils sont Td>jet; — lorsque Topinion publique
d'une localité est vivement excitée à raison du fait poursuivi, et que les juges
sont ihiéressés dans la poursuite soit par leurs affinités, soit par leurs opinions
qu'ils ont émises ; — > lorsque le fait incriminé intéresse vivement une localité,
de sorte que tous ses habitants prennent indirectement part au procès ; —
lorsque des sollicitations nombreuses ont été adressées, soit aux juges, soit
aux jurés, de sorte- que leur impartialité puisse être suspectée, etc. La conr
de cassation a Tappréciation des eauses de suspicion comme de sûreté publi-
que. La procédure dans Ton et Tsfutre cas se fait dans les formes habituelles
à cette cour. Les art. 543 et suivants Texposent dans des termes qu*il sufîBt
de lire.
TITRE VI
. DES C0VR8 SPÉCJÀIiSS.
86*7. Ces cours, qui avaient été créées par le Gode de 1808 pour juger cer-
tains crimes (crimes de rébellion armée, de fausse monnaie et d'assassinat
commiB'par des attroupemenu) et certains prévenus (les vagabonds, gens sans
^veu et récidivistes) ont été supprimées par Tart. 54 de la Charte de 1814.
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DE LA RÉHABIUTATION DBS GONDilMNÉS (aRT. 619). 785
TITRE VII
DB QDBLQUBS OBJITS d'iNTÉrAt PUBLIC ET DB 8URBTÉ GÉNAeàLE.
CHAPITRE PREMIER
DU DÉPÔT GÉNÉRAL DE LA NOTICE DBS JUGEMENTS.
8i58« Les art. 600, 601 et 602 ont pour objet une mesure de prévoyance :
renvoi aux ministres de la justice et de l'intérieur de la notice de tous les
jugements et arrêts, en matière criminelle et ;correctionnelle, a pour but la
constatation de criminalité et particulièrement des récidives.
CHAPITRE II
DES PRISONS, MAISONS d'aRRÉT ET DE JUSTICE.
8tfO. Les art. 603 et suivants vous ont déjà été expliqués en môme temps
que les formes de Tarrestalion. U serait inutile de reproduire ici ces précé-
dentés explications.
CHAPITRE III
DES MOYENS d' ASSURER LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE CONTRE LES DÉTENTIONS
ILLÉGALES.
860. Vous trouverez également l'explication des art 615, 616, 617 et 618
dans notre commentaire des art. 119, 120, 121 et 122 du Gode pénal.
CHAPITRE IV
DE LA RÉHABILITATION DES CONDAMNÉS.
861. Le germe de cette institution se irouvait diCns Tancieime législation ;
mais les lettres de réhabilitation dont parlent les art» 5, 6 et 7 du tit. XVI de
rordonnance de 1670 émanaient purement du droit de grâce; leur concession
n'était soumise à aucunes conditions légales. Les anciens auteurs les définis-
saient: 0 Le rétablissement du condamné dans ses biens et bonne renommée
lorsqu'il a satisfait à la peine et que la tache et note d'infamie qui lui restent
l'empêchent d'agir civilement, et lui ôtent les moyens d'exister. » L'Assemblée
constituante recueillit cette pensée et lui imprima une puissance nouvelle. La
réhabilitation cessa de prendre sa source dans un acte de clémence, elle fut un
acte de justice, elle eut pour but de restituer à la société ses membres que le
crime avait dégradés, mais que la peine avait régénérés. Les formes étaient
I. ■ , 50 ,
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786 QUARANTE-TROISIÈME LEÇON. — RÉHABILIT. DBS CONDAMNÉS (n* 863).
simples et solennelles (L. 16-29 septembre 1791) : le conseil de la commune
était chargé de vérifier et d'attester la bonne conduite du condamné ; puis deux
magistrats municipaux le présentaient au tribunal criminel, en proférant à
haute voix ces mots : « Cet homme a expié sa faute en subissant sa peine ; sa
conduite est irréprochable aujourd'hui ; nous demandons, au nom du pays, qpie
la tache de son crime soit effacée, i Le président, sans délibération, pronon-
çait aussitôt : c Sur l'attestation et la demande de votre paya, la loi et le tribn-
nal efifacent la tache de votre crime. »
862. Notre Gode a substitué à ces formes publiques une procédure écrite.
II résulte des art. 619 et suivants que le condamné doit former une requête ;
cette requôte, accompagnée des attestations et des pièces à Tappui, est déposée
au greffe de la cour et publiée dans les journaux judiciaires; le procureur gé-
néral donne ensuite des conclusions, et la cour émet un avis qui est Tadmis-
sion ou le rejet. 8i cet avis est favorable, les pièces sont transmises au ministre
de la justice qui soumet la demande au souverain et fait expédier les lettre
de réhabilitation. Il résulte de ces dispositions que la réhabilitation ne dérive
point, comme la grâce, de la clémence du souverain, mais de sa justice; qu'elle
a pour but, non de faire cesser les peines puisqu'elles sont subies, mais de
faire cesser tous les effets du jugement. Elle constitue elle-même un véritable
jugement qui intervient après des épreuves déterminées et qui restitue au
condamn étous ses droits pour l'avenir.
863. Une loi du 3 juillet 1852 a modifié les conditions et les efifets de la
réhabilitation. En voici le texte :
a Le chapitre iv du titre VII du livre I( du Gode d'instruction criminelle est
abrogé : il est remplacé par les articles suivants :
« ART. 619. Tout condamné à une peine afQictive ou infamante ou à une peine
correctionnelle, qui a subi sa peine ou qui a obtenu des lettres de grâce^ peut être
réhabilité.
a ART. 620. La demande en réhabilitation pour les condamnés à une peine
afilictive ou infamante, ne peut être formée que cinq ans'après le Jour de leur
libération. — Néanmoins, ce délai court au profit des condamnés à la dégradation
civique» du jour où la condamnation est devenue irrévocable ou de celui de l'expi-
ration de la pe;ne de Temprisonnement, si elle a été prononcée. — Il court, au
profit du condamné à la surveillance de la haute police prononcée comme peine
principale, du jour où la condamnation est devenue irrévocable. — Le délai est
réduit à trois ans pour les condamnés à une peine correctionnelle.
« Art. 621. Le condamné à une peine affiictive ou infamante ne peut être admis
à demander sa réhabilitation, s'il n'a résidé dans le même arrondissement depuis
cinq années, et pendant les deux dernières, dans la même commune. — Le con-
damné & une peine correctionnelle ne peut être admis à demander sa réhabilita-
tion s'il n'a résidé dans le môme arrondissement depuis trois années, et, pendant
les deux dernières, dans la môme commune. »
« Art. 622. Le condamné adresse la demande en réhabilitation au procureur
impérial de l'arrondissement, en faisant connaître : 1* la date de sa condamnation ;
2* les lieux où il a résidé depuis sa libération, s'il s'est écoulé depuis cette époque
un temps plus long que celui fixé par l'art. 620.
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DE LA RÉHABILITATION DBS CONDAMNÉS (aRT. 634). 787
« Art. S23. Il doit justifier du payement des frais de Justice, de l'amende et des
dommages- intérêts auxquels il a pu 6tre condamné, ou de la retenue qui lui en a
été faite. -*- A défaut de cette justification, il doit établir qu'il a subi le temps de
la contrainte par corps déterminé par la loi, ou qae la partie lésée a renoncé à ce
moyen d'exécution. — S'il est condamné pour banqueroute frauduleuse, il doit
Justifier du payement du passif de la faillite en capital, intérêts et frais, ou de la
remise qui lui en a été faite.
« Art. 624. Le procureur impérial provoque par Tintermédiaire du sous-préfet
des attestations délibérées par les conseils municipaux des communes où le con-
damné a résidé, faisant connaître : 1« la durée de sa résidence dans chaque com-
mune, avec indication du Jour qu'elle a commencé et de celui auquel elle a fini;
2* Ba conduite pendant la durée du séjour; 3* ses moyens d'existence pendant
le même temps. ^ Ces attestations doivent contenir la mention expresse qu^elles
ont été rédigées pour servir à l'appréciation de la demande en réhabilitation. —
Le procureur impérial prend en outre l'avis du maire des communes et du juge de
paix du canton où le condamné a résidé, ainsi que celle du sous-préfet de l'ar-
rondissement.
« Art. 625. Le procureur impérial se fait délivrer : !• une expédition de l'arrêt
de condamnation ; ^* un extrait des registres des lieux de détention où la peine a
été subie constatant quelle a été la conduite du condamné. Il transmet les pièces
avec son avis au procureur général.
o Art. 626. La cour dans le ressort de laquelle réside le condamné est saisie de
la demande. Les pièces sont déposées au greffe de cette cour par les soins du pro-
cureur général.
a Art. 627. Dans les deux mois du dépôt, l'affaire est rapportée à la chambre
d'accusution ; le procureur générai donne ses conclusions motivées et par écrit. Il
peut requérir en tout état de cause, et la cour peut ordonner, même d'oflice, de
nouvelles informations, sans qu'il puisse résulter un retard de six mois.
« Art. 628. La cour, le procureur général entendu, donne son avis motivé.
« Art. 629. Si l'avis de la cour n'est pas favorable à la réhabilitation, une nou-
velle demande ne peut être formée avant l'expiration d'un délai de deux années.
« Art. 630. Si l'avis est favorable, il est, avec les pièces produites, transmis par
le procureur général, et dans le plus bref délai possible, au ministre de la Justice,
qui peut consulter la cour ou le tribunal qui a prononcé la condamnation.
a Art. 631. L'empereur statuera sur le rapport du ministre de la justice.
a Art. 632. Des lettres de réhabilitation seront expédiées en cas d'admission de
la demande.
a Art. 633. Les lettres de réhabilitation sont adressées à la cour qui a délibéré
l'avis. Une copie authentique en est adressée à la cour ou au tribunal qui a pro-
nonce la condamnation. Ces lettres seront transcrites en marge de la minute de
l'arrêt ou du jugement de condamnation.
a Art. 634. La réhabilitation fait cesser pour l'avenir, dans la personne du con-
damné, toutes les incapacités qui résultaient de la condamnation. — Les interdic-
tions prononcées par l'art. 612 du Code de Commerce seront maintenues, nonobs-
tant la réhabilitation obtenue en vertu des dispositions qui précèdent. — Aucun
individu condamné pour crime, qui aura commis un second crime et subi une
nouvelle condamnation à une peine afilictive ou infamante, ne sera admis à la réhabi-
litation. — Le condamné qui, après avoir obtenu sa réhabilitation, aura encouru
une nouvelle condamnation, ne sera plus admis au bénéfloe des dispositions qui
précèdent, v
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788 QUARANTE-QUATRIÈMB LEÇON. — DE LA PRESCRIPTION (n* 865)*
QUARANTE-QUÀTRiiME ET DERNIÈRE LEÇON.
TITRE Vm
CHAPITRE V
DE LÀ PRESCRIPTION.
864. n noas reste à dire quelques mots sur la matière de la prescription.
Elle se rapporte, comme vous le savez^ aux art. 635 et suivants du Godedlns-
truction criminelle.
Les règles de la prescription dans les matières criminelles ont souvent varié,
soit quant à son point de départ, soit quant à sa durée, soit quant aux faits ou
aux crimes auxquels elle s'applique ou ne s'applique pas. Mais l'historique de
ces variations serait de peu d'importance dans une matière tout à fait arbi^
traire, où aucun principe ne détermine nettement quelle doit être la durée de
telle ou telle prescription, et à quel point telle ou telle poursuite est encore
possible. Je ferai seulement remarquer que la loi actuelle, à la différence de
la jurisprudence antérieure, a proclamé, absolument et sans réserves, le prin-
cipe de la prescription des peines et de la prescription des actions pénales à
regard de tous les crimes et de tous les délits. Il n'y a plus chez nous, comme
autrefois, des crimes imprescriptibles; autrefois, en effet, quelques exceptions^
en fort petit nombre sans doute, avaient été admises. Ainsi, d'après un édit
de 1679, contre le duel, on avait décidé que la peine du duel était imprescrip-
tible. La jurisprudence était môme allée jusqu'à dire qu'à raison de cette im-
prescriptibilité dont la loi frappait le duelliste, les crimes commis par lai,
même étrangers au duel, étaient imprescriptibles aussi, si on les poursuivait
avec le duel; de même le crime de parricide, d'après une loi romaine observée,
il parait, dans quelques-uns denos anciens parlements. Enfin le crime de lèse-
majesté était autrefois déclaré imprescriptible. Vous pourrez voir en tête du
chapitre de la Prescription, dans le petit Traité de Procédure crimin$Ue qu'a
laissé Pothier, le résumé des anciennes idées à cet égard. Cet historique n'a
plus maintenant d'importance pratique.
865. Dans le chapitre v, dont nous commençons l'explication, il y a deux
idées fondamentales, deux matières qu'il faut bien di stinguer : \^ prescription
contre les peines, à l'effet de se libérer des condamnations qui ont été pronon-
cées ; 2« ce qui est bien distinct, ce qui est soumis à des règles tout à fait sépa-
rées, prescription contre les actions, à l'effet d'éviter les poursuites, les juge-
ments, les arrêts à intervenir. Ainsi, on peut prescrire : 1<» contre l'action à
laquelle on s'est exposé en commettant ou un crime ou un délit; 2^ après même
qu'en conséquence d'un crime ou d'un délit on a été condamné, on peut pres-
crire contre l'exécution, contre l'application de la peine ainsi prononcée. Les
art. 635, 636 et 639 sont relatifs à ce dernier ordre d'idées, ^'est-à-dire à la
prescription contre la peine prononcée, à la prescription contre l'exécution d'un
arrêt ou d'un jugement. Au contraire, les art. 637, 638 et 640 sont relatifs à 1&
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DB LA PRBSGRIPTIOn DBS PBINBS (ART. 635). 789
•prescription contre les poursuites, à la prescription contre Faction résultant de
l'existence d'un crime ou d'un délit.
Nous parlerons d'abord de la prescription contre les peines» contre les con-
damnations, qui, en matière criminelle^ fait l'objet de l'art. 635, et qui, [en
matière correctionnelle, fait l'objet de l'art. 636.
866. a Art. 635. Les peines portées par les arrêts ou jugements rendus en ma-
tière criminelle se prescriront par vingt années révolues, & compter de la date des
aiTêts ou jugements. — Néanmoins Je condamné ne pourra résider dans le dé-
partement où demeureraient, soit celui sur lequel ou contre la propriété duquel
le crime aura été commis, soit ses héritiers directs. — Le gouvernement pourra
assigner au condamné le lieu de son domicile. »
Ainsi, vingt ans après la condamnation prononcée, la loi veut que le con-
damné ait prescrit contre l'exécution, contre Tapplication de la peine. Les vingt
ans courent, la loi vous le dit, à compter de la date de Tarrôt ou du jugement;
je reviendrai tout à l'heure sur la rédaction de ces mots. Les vingt ans cou-
rent à compter de l'arrêt, bien entendu si le condamné s'est soustrait par la
fuite à l'exécution, à l'application de cet arrêt. Il est évident qu'on ne prescrit
pas sous les verrous à l'effet d'acquérir sa liberté. C'est ici une prescription
contre la peine, et la première condition ' pour que cette prescription coure,
c'est que la peiné, passez-moi le mot, ne possède pas le condamné. Ainsi, ce
ne sera pas tout à fait, comme la loi vous le dit, à compter de la date des arrêts
ou jugements que courra, dans tous les cas, la prescription de vingt ans pour
se libérer de la condamnation. Gela est vrai sans doute dans un arrêt prononcé
par contumace, et j'avoue que c'est là le cas où la prescription s'applique le
plus fréquemment ; dans un arrêt par contumace, c'est en effet par vingt ans,
à partir de l'arrêt, que le condamné prescrira contre toute espèce de pénalité.
Que, si, au contraire, l'arrêt de condamnation a été contradictoire, ce sera
seulement du moment oi!i le condamné se sera dérobé à la peine que com-
menceront à courir utilement pour lui les vingt ans à l'expiration desquels au-
cune peine ne pourra plus le fhipper.
867. La loi vous dit : A compter de la date dés arrêts on jugements. Ged pré-
sente quelque bizarrerie ; à compter de la date des arrêts, on le comprend, car
les décisions, les condamnations rendues en matière criminelle émanent de
cours d^assises, et portent par conséquent le nom d'arrêts. Mais si les cours
d'assises seules décident en matière criminelle, si les décisions des cours d'as-
sises sont nécessairement des arrêts dans le sens légal du mot, que veut-on
dire ici par ces jugements qu'on oppose aux arrêts, et dans lesquels on suppose
que des condamnations criminelles auront pu être portées? On ne peut guère
entendre ceci que des décisions des tribunaux extraordinaires, auxquelles
n'appartient pas le nom d'arrêts, par exemple, des décisions des conseils de
guerre, portant des peines criminelles contre les militaires soumis' à leur juri-
diction, et qui cependant ne portent, dans la pratiqué et dans là loi, que le
nom de jugements. £n effet, l'art. 635 parait régir à la fois la prescription con-
tre les condamnations criminelles ordinaires et contre les condamnations pro-
noncées pour crimes militaires.
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790 QUARANTE-QUATRIÈMB LEÇON. •— DE LA PRESCRIPTION (N^ 870).
868. Pourquoi la loi veat-eiie qu'après vingt ans depuis le jugement ou
l'arrêt, ou qu'au moins après vingt ans depuis Févasion, la peine soit pres-
crite ?£lle pense que vingt ans d'exil, vingt ans de fuite, d'angoisses^ d'inquié-
tudes ont, en général, sufli amplement à la vindicte publique. Elle pense sur-
tout, et avec raison dans la plupart des cas, que vingt ans écoulés dans la vie
d'un homme ont enlevé en lui ce qu'il pouvait avoir de dangereux pour la so-
ciété, soit par l'influence de l'âge qui a diminué ses moyens de nuire, soit
aussi parce que, dans un grand nombre de crimes, les mômes circonstances,
les mêmes passions qui l'avaient porté à le commettre auront dispara, se se-
ront amorties avec le temps.
869. Quel est Teffet de cette prescription de vingt ans, et contre quoi court-
eUe?
Remarquez que ces arrêts ou jugements, dont il est ici question, ont pu
porter deux ordres, deux espèces de condamnations bien distinctes : 1® condam-
nation pénale, candamnation criminelle proprement dite portée contre la per-
sonne, dans l'intérêt de la vindicte publique ; 2^ condamnation civile, pécu-
niaire, résultant de l'action de la partie lésée, action dont nous avons déjà
jfréquemment parlé. Quel sera l'effet de ces vingt ans écoulés depuis l'arrêt ?
auront-ils également effet pour l'un et pour l'autre chef de condamnation por-
tée dans cet arrêt? Non; la loi fait ici très-nettement une distinction, qui, au
contraire, est beaucoup plus douteuse dans le cas de l'art. 637 ; ici, c'est
uniquement contre la peine, contre la disposition pénale de l'arrêt ou du juge-
ment que la prescription 4e vingt ans a ses effets. Au contraire, k l'égard de
la condamnation civile prononcée contre le coupable au profit de la partie
lésée, la prescription est régie par l'art. 642, qui n'est qu'un renvoi aux prin-
cipes de la loi civile. Cette condamnation pécuniaire constitue, pour la partie
civile, contre le condamné, une véritable créance, créance qui se prescrira par
trente ans écoulés sans poursuites, aux termes de l'art. 2262 du Gode civil.
Il y a donc séparation, indépendance complète entre la prescription de la
peine et la prescription de la condamnation pécuniaire.
De ûiême, si la prescription de la peine venait à être interrompue parce que
le condamné évadé serait repris, cela n'empêcherait pas la prescription de la
condamnation pécuniaire de courir à son profit. Et, réciproquement, si la par-
tie civile, en vertu de cette condamnation pécuniaire, fait des actes de pour-
suite interruptifs de la prescription, ces actes n'interrompront pas la prescrip-
tion de la peine qui en est pleinement indépendante.
Si j'insiste sur ce point, sur cette séparation complète de la condamnation
pénale et de la condamnation civile, en matière de prescription, c'est que dans
l'hypothèse de l'art. 647 cette distinction ne parait pas tracée par la loi, et
que dans cet article la question est très-controversée.
870. Néanmoins le condamné ne pourra résider dans le département où demeu-
reraient, soit celui sur lequel ou contre la propriété duquel le crime aurait été
commis, soit ses héritiers directs. — Le gotuoei^nement pourra assigner au oon-
damrU le lieu de son domicile. — On comprend aisément le motif de cette dis-
position. Nonobstant la prescription qui a mis le condamné à l'abri de la
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DB LA PRBSGRIPTION DES FBINE8 (aRT. 637). 791
peine, son séjour pourrait être une cause d'inquiétudes, une occasion de rixes
ou de irengeances privées entre lui et les personnes à la sûreté desquelles »on
crime avait attenté. De là prohibition formelle de résidence dans le départe*
ment, et même faculté pour PËtat de lui assigner un autre lieu.
Dans la plupart des cas ce paragraphe sera inutile, car dans la plupart des
peines criminelles la surveillance de la haute police, aux termes des art. 44 et
suivants du Gode pénal, suit pendant toute sa vie le condamné qui a subi sa
peine, et à plus forte raison le condamné qui Ta prescrite. Cependant la sur-
veillance de la haute police est instituée, par l'art. 44, pour les peines afflic-
tives temporaires ; il a fallu pourvoir, dans Fart. 635, au cas où Ton aurait
prescrit contre une peine afflictive perpétuelle; Tart. 44 n'avait pas pu suppo-
ser cela. De même, dans le cas de bannissement, la surveillance de la haute
police n*est que temporaire, d'après Fart. 48 ; et dans le cas où la condamna*
Uon au bannissement aura été prescrite, les paragraphes 2 et 3 de notre article
s'appliquent, et s*appliquent plus complètement que l'art. 48. Ce point, au
reste, pour le bannissement, aura assez peu d'importance, parce que le para-
graphe 2 de notre texte suppose évidemment des crimes privés, des crimes
contre des particuliers, et le bannissement est» en général, la peine de crimes
politiques, de crimes d'une nature toute différente pour lesquels le para-
graphe 2 serait de peu d'application.
871. a Art. 636. Les peines portées par les arrêts ou Jugements rendus en ma-
tière correctionnelle se prescriront par cinq années révolues, à compter de U date
de Tarrôt du jugement rendu en dernier ressort ; et à Tégard des peines pronon-
cées par les tribunaux de première instance, à compter du jour où ils ne pourront
plus être attaqués par la voie de l'appel. »
L'art. 636 est tout à fait dans le même ordre d'idées que l'art. 635; c'est
toujours de la prescription de la peine, de la condamnation prononcée, et non
pas de la prescription de la poursuite, de l'action, qu'il est question ; seule-
ment, à raison de la moindre importance des condamnations pénales en ma-
tière correctionnelle, la prescription est renfermée dans une durée beaucoup
plus courte : elle est de cinq ans.
Qnant au point de départ, il est fort simple : pour les jugements en dernier
ressort ou les arrêts, le point de départ, c'est la date des jugements ou arrêts.
Quant aux jugements de première instance, le point de départ est l'instant
où le jugement n'est plus réformable, au moins par les voies ordinaires, c'est-
à-dire après l'expiration des deux mois après lesquels le droit d'appel est inter-
dit au ministère public près du tribunal compétent pour connaître de l'appel.
878. Les art. 635 et 636, que nous venons d'expliquer, indiquent par quels
délais sont prescrites les condamnations pénales portées soit en matière cri-
minelle, soit en matière correctionnelle. Dans les art. 637 et 638, auxquels
nous passons maintenant, il est question de la prescription non plus contre la
condamnation, contre la peine prononcée, mais de la prescription à l'efifet de
se libérer des poursuites, de se libérer de l'action. De même que dans l'art. 635
on traitait d'abord de la prescription contre une condamnation criminelle,
de même dans l'art, 637 le législateur s'occupe de la prescription de Faction
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792 QUARANTJB-QUATRIÈMB LEÇON. — DE LA PRBS(31IPTI0N (N* 875).
résultant d'an crime proprement dit, etTart. 638 correspond de son côté, pour
la prescription de l'action correctionnelle, à; Fart. 636, relatif à la prescription
de la peine en matière de délit.
873. Les arU 637 et 638, sons les distinctions qui y sont exprimées entre
les crimes et les délits, indiquent pour la prescription contre Faction un délai
plus court que ne Test, dans les deux textes précédents, celui de la prescrip-
tion contre la peine. D*après l'art. 637, la prescription contre Faction résultant
d'un crime est de dix ans ; d'après Fart. 638, la prescription contre Faction
résultant d'un délit est de trois ans. Dans les deux cas le point de départ de la
prescription est le même ; c'est, en principe, le jour où le crime, ou le délit,
ont été commis. Ce peut être aussi une époque postérieure, sayoir le dernier
acte d'instruction ou de poursuite, lorsqu'il en a été fait.
874. Du reste, les expressions de Fart. 637 ne méritant guère de grands
détails ; je ne m'arrêterai que pour vous faire remarquer une rédaction émi-
nemment vicieuse dans le premier paragraphe de cet article. Ainsi, quand la
loi vous dit : « L'action publique et Faction civile résultant d'un crime de
nature à entraîner la peine de mort on des peines afflictives perpétuelles, ou
de tout autre crime emportant peine afflictive ou infamante, se prescriront
après dix années révolues... > 11 est évident qu'il n'y a dans ces ligues qu'un
pléonasme fort inutile, et qu'il aurait sufE de dire : L'action publique et l'ac-
tion civile résultant d'un crime se prescriront après dix ans .révolus.... Tont
ce que la loi ajoute dans l'intervalle est une énumêration fort déplacée des
circonstances qui constituent le crime.
875. Deux points seulement méritent votre attention dans cet article ; le
premier consiste en une simple observation qui tend à le faire bien appliquer,
le second se rattache à une question fort débattue.
Le point de départ de la prescription contre l'action, d'après les art. 637 et
638, c'est en général le jour, Finstant où le crime a été commis. Je dis en
général, c'est-à-dire, lorsque depuis le crime il n'a pas été fait d'acte d'ins-
truction ou de poursuite. Cependant il faut distinguer, à cet égard, entre les
crimes instantanés, comme le sont la plupart des crimes qui s'accomplissent
par un fait unique, isolé, et auxquels s'applique sans dif&culté le texte de Fart.
637, et, au contraire, les crimes successifs, consistant dans une série d'actes
qui reculera souvent pendant un temps assez long le point de départ de la
prescription. Prenez, par exemple, le cas de séquestration ou de détention illé-
gale de personnes, prévu et puni par Fart. 341 du Gode pénal. Prenez de môme
le cas de rapt, d'enlèvement avec ses divers détails prévus par les art. 354 et
suivants du même Gode. Dans ces crimes, et quelques autres de même nature,
quel sera d'après Fart. 637, le point de départ de la prescription ? après corn*
bien de temps le ravisseur ou Fauteur de la détention illégale sera-t-il à l'abri
de toutes poursuites? En supposant, d'après le paragr. 1» de Fart. 637, qu*ii
n'ait pas été Mi d'acte d'instruction ou de poursuite, la prescription en sa faveur
sera de dix ans; mais ces dix ans ne courront pas du moment où il a retenu,
du moment où il a séquestré, du moment, enfin, où il a enlevé; ce sont li de
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DB LA PRB8GHIPTI0N DBS PBINB8 (ART. 637). 793
ceB crimes snocesBifB qui se prolongent autant que dure la détention, la séques-
tration illégale ; autant de temps aussi que la personne enlevée est dans les
mains du ravisseur; le délai commencera donc à courir seulement & partir du
moment où la perpétration du crime aura cessé, à partir du moment où la
personne détenue, enlevée, aura recouvré sa liberté; ce sera là le dernier
moment du crime, ce sera là le point de départ de la prescription.
n y a bien quelques autres crimes dans lesquels l'action coupable parait se
prolonger, mais dans lesquels cependant il n'y a pas crime successif, dans les-
quels, par conséquent, l'observation que nous venons de faire ne s'applique
pas. Ainsi, pour le vol, pour la bigamie, on s'est demandé si le point de départ
de la prescription serait l'instant même où aurait été commis le vol, Tinstant
même où le second mariage aurait été célébré, le premier n'étant pas dissous.
Eh bien, quelques personnes ont pensé que, tant que le voleur tenait en ses
mains la chose volée, tant que l'union vicieuse de bigamie continuait à durer
en fait, le crime de vol, le crime de bigamie, duraient et se prolongeaient, et
qu*en conséquence il n'y avait pas matière à faire courir encore la prescrip»
tion. Cette doctrine a été repoussée comme inexacte ; le vol et la bigamie n'ont
pas été considérés comme des crimes successifs, mais comme des crimes
instantanés. Le vol ne consiste, d'après la loi, que dans la soustraction fraudu-
leuse de la chose; cette soustraction opérée, tout est consommé, le crime est
parfait, la prescription court. De même la bigamie ne consiste pas dans le
commerce adultérin qui suivra plus ou moins longtemps la célébration du
mariage vicieux, la bigamie consiste dans la célébration môme de cet acte
vicieux, et, dès le moment de la célébration, le crime est consommé, la près*
cription doit courir.
C'est sous ces distinctions qjae vous devez appliquer les derniers mots du
paragr. 1*', donnant pour point de départ à la prescription, contre les pour-
suites, l'instant de la consommation, de l'achèvement du crime ou du délit.
876. Sous un autre rapport, les premiers mots du même art 637 méritent
encore plus d'attention : LacUon publique^ Taotion crnLB, etc. En expliquant
l'art. 663, nous avons dit que les condamnations criminelles, de la prescrip-
tion desquelles s'occupe cet article, se référaient souvent à deux chefs : 1^ à
une condamnation pénale, criminelle proprement dite; 2* à une condamna*
tion civile pécuniaire au profit de la partie lésée. Et nous avons remarqué,
d'abord, que l'art. 635 ne s'occupait que de la prescription de la peine, et que
l'art. 642 réservait formellement pour les condamnations civiles les principes
de la prescription ordinaire. Ainsi, d'une part, lorsque le condamné prescrira
par vingt ans contre la peine, d'après l'art. 635, il ne prescrira que par trente
ans les condamnations civiles, en vertu des art. 642 du présent Code et 2262 du
Code civil, combinés. De même, ces deux prescriptions étant séparées, indé-
pendantes, nous avons dit que les actes interruptifs faits à l'égard de l'une reste-
raient indifférentes pour l'autre. Que si, par exemple, le condamné évadé était
arrêté dans les vingt ans, cette arrestation mettrait obstacle à la prescription
de la peine, mais serait sans influence sur la prescription de la condamnation
civile. Que de même, si la partie civile, en vertu de cette condamnation, faisait,
pour conserver ses droits, un des actes interruptifs autorisés par le Code civil,
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794 QUARANTE-QUATRIÈME LEÇON. — DE LA PRESCRIPTION (n^ 876).
art. 2243 et suiyants, cette interruptioa de prescription quant à la peine péca*
niaire serait indifférente sur ce qui concerne la condamnation pénale. Au con-
traire, quand il s'agit non plus de la prescription contre une condamnation
pénale ou pécuniaire prononcée, mais de la prescription contre une condamna*
lion à intervenir, de la prescription contre les poursuitesi contre les actions résul-
tant d^un crime ou d'un délit, l'art. 637 parait mettre sur la même ligne, paraît
soumettre à une prescription commune l'action publique en application d'une
peine, etracliontivile en dommages-intérêts, actions qui au contraire, dans Tari.
635, étaient soigneusement séparées et soumises à des prescriptions différentes.
Ainsi, supposez un cas de meurtre, d'assassinat, d'incendie, donnant matière,
aux termes des art. i*', 2 et 3 du présent Gode, à deux actions séparées, Vac^
tion pénale du ministère public. Faction civile de la partie lésée. Dix ans s'é-
coulent sans poursuite depuis le crime consommé; à l'expiration de ces dix ans,
le coupable spra à Tabri de toute espèce de poursuite, de toute espèce d'action
publique. Sera-t-il également protégé, également à couvert contre l'action
civile, contre la demande de réparations pécuniaires à laquelle le crime a pu
donner lieu au profit des personnes qui en ont été victimes ? Oui, au premier
aspect, aux termes de l'art. 637 ; oui, car d'après cet article l'action publique
et l'action civile résultant d'un crime seront prescrites par dix ans, à compter
du jour du crime ou délit Cependant cette opinion, qui parait toute conforme
au texte de l'art. 637, a trouvé de nombreux contradicteurs, et n'est pas à Ta:-
bri d'assez sérieuses objections.
D*une part, en effet, la règle générale tracée dans l'art. 2262 du Gode civil,
c'est que les créances, c'est que les actions personnelles, sans en distinguer la
source, ne se prescrivent que par trente ans. Voilà la règle générale. Cette
règle est même conservée pour les créances criminelles reconnues par des arrêts
dans Fart. 642 du Gode d'instruction criminelle. Or, si en général une créance,
si une action personnelle ne se prescrit que par trente ans, pourquoi donc la
créance de la personne blessée, la créance des héritiers de la personne assas-
sinée, en réparation du préjudice qui leur a été causé, serait-elle renfermée,
quant à son exercice, dans un délai de dix ans ? Ne serait-ce pas un bien
étrange privilège que d'accorder à celui qui est débiteur par l'effet d'un crime,
la faveur d'une prescription infiniment plus courte que celle que l'on donne à
celui qui est débiteur par l'effet d'un contrat ou d'un quasi-contrat ?
£n second lieu, on peut dire encore que dans les créances ordinaires, daràS
les créances qui ne se rattachent qu'à un contrat, qui sont distinctes de toute
idée de crime, le créancier a des moyens plus faciles, plus nombreux d'inter-
rompre à tout instant la prescription qui court contre lui. La loi lui a tracâ,
dans les art. 2242 et suivants du Gode civil, un assez grand nombre d'actes
interruptifs, au moyen desquels il pare à la prescription. Au contraire, la par*
tie lésée par un crime ou par un délit pourra-t-elle faire ces actes d'instrno»
tion, procéder à ces actes de poursuite dont parle l'art. 637 ?
Cette dernière raison ne serait pas une objection bien grave, parce que, si
la partie civile ne peut pas, dans les dix ans, procéder elle-même à ces actes
d'instruction qui interrompraient la prescription, elle peut, prenant la yoie
civile, interrompre par ce moyen la prescription de l'action piécuniaire ; c'est
du moins ce qui parait résulter des principes généraux.
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DB LA PBBSGMPTION DES ACTIONS PUBUQUB BT GIYILB (aRT. 637). 795
Mais la première objection est plus grave^ et on ne s'y appuie aussi forte-
ment que pour écarter l'application du texte de Tart. 637 • Cependant, quelque
sérieuse que paraisse cette objection, quelque bizarre que semble un système
qui traite plus fairorablement la personne qui doit par suite d'un crime que la
personne qui doit par suite d'un contrat, c'est, je crois, à ce système que nous
devons nous attacher fermement et sans hésiter. Voici les motifs qui doivent
nous déterminer.
Ce n^est pas tout de dire, en effet, qu'il est singulier que le législateur, dans
l'art. 637, ait accordé au criminel^ contre les poursuites même purement civi-
les, la faveur d'une prescription plus courte, il faut trouver un autre sens à
l'art. 637, il faut expliquer, d'une manière ou d'une autre, ces mots action
civile, littéralement écrits dans cet article. Or, comment les explique-t-on
dans le système qui ne veut pas soumettre à la prescription de dix ans l'action
civile résultant d'un crime ? comment les explique- t-on dans le système qui
tend à appliquer là la règle générale de l'art. 2262 du Gode civil ? Le voici. On
se dit, Taction civile est bien soumise, dans l'article 637, à la prescription de
dix ans, aussi bien que l'action publique ; mais cela ne peut raisonnablement
s'entendre que de Taction civile que la partie lésée porterait devant les tribu*
naux criminels aux termes du paragr. 1" de l'art. 3 du présent Gode. Et en
second Heu, Taction civile sera-t-elle ou non prescrite après dix ans, depuis le
crime ? Oui, dit-on, elle sera prescrite par dix ans, en ce sens qu'après dix ans
la partie lésée ne pourra plus saisir de son action les tribunaux criminels. Mais
elle durera même après dix ans, elle se prolongera pendant trente ans, con-
formémert à la règle générale, en ce sens que, même après les dix ans et pen-
dant ces trente années la partie lésée pourra porter son action civile devant les
tribunaux civils. A ce système, il y a plusieurs réponses.
D'abord le texte précis, formel, impératif de l'art. 637 : dire que l'action
civile, aussi bien que Faction publique, sera prescrite après dix années, c*est
dire qu'elle sera éteinte; ce n'est pas dire assurément qu'après les dix années
on aura perdu la faculté d'en saisir un tribunal, mais gardé le droit d'en saisir
un autre. Ge serait un étrange langage pour annoncer qu'une action dure,
pour annoncer qu'on peut valablement la porter pendant trente ans devant les
tribunaux civils, ce serait un étrange langage que de dire : Après dix an» elle
est prescrite.
Ensuite, ce n'est pas là une simple inadvertance du Gode qui aurait glissé
dans l'article le mot d'action civile à côté de celui d'action publique. Il faut
songer que la même question de concours entre la peine et la réparation civile
s'est présentée au législateur dans les deux articles précédents ; or, dans ces
deux articles, il a soigneusement évité la confusion, il a pris soin de vous dire
que si par vingt ans, par exemple, on prescrivait contre la peine prononcée,
c'était par trente ans seulement, art. 642, qu'on prescrivait contre les dom-
mages-intérêts adjugés par jugement. Or, est-il vraisemblable qu'après avoir
si soigneusement distingué entre la condamnation prononcée, entre la peine
et les indemnités, le législateur ait confondu, par inattention, par oubli, l'ac-
tion civile et l'action publique dans l'art. 637 ?
En outre, cette égalité de prescription, qui parait si bizarre entre l'action
civile et l'action publique, n'est pas de droit nouveau; la question avait été
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796 QUARANTB-QUATRlâMB LEÇON. — DB LA PRB8CIUPTI0!f (»* 876).
«oulevée autrefois ; autrefois on avait demandé que, pendant trente ans^ on
pût intenter l'action pécuniaire, encore bien qu'alors pendant Tingt ans sea-
lement pût être intentée Faction pénale. Tous verrez dans Pothier, qu'après
des débats approfondis on avait décidé que les vingt ans qui formaient alors
la prescription de Faction publique, serviraient également de terme à Faction
pécuniaire. L'art. 637, en confondant les deux prescriptions, en les soumet-
tant à une durée commune, ne fait donc que reproduire un droit antérieur,
tsonsacrer un droit bien établi, et il ne peut, en conséquence, s'expliquer par
une inadvertance qui permettrait des distinctions.
Enfin, et ceci est plus grave, expliquer, comme on essaye de le foire, l'ar-
ticle 637, c*est lui ûter toute espèce de sens, toute espèce de portée. Que lait-
on, en effet, dans le système contraire, dans le système qui veut appliquer là
Fart. 2262, que fait-on de ces mots : VacUon publique et Vaeticn civile se pre$~
criront après dix années ? On dit : Oui, Faction ôivile se prescrira par dix ans,
en ce sens qu'après dix ans on n*en pourra plus saisir les tribunaux criminels,
sauf à en saisir, dans les trente ans, comme d'une action ordinaire, les tribu-
naux civils. En d'autres termes. Fart. 637 veut dire seulement, en décidant
que Faction civile est prescrite après dix ans, qu'on ne peut plus, après dix
ans, porter Faction civile devant une cour d'assises comme accessoire de Faction
criminelle. Mais cela était bien inutile à dire, puisque après dix ans le crime
est prescrit, puisque, après dix ans, aucune poursuite, aucune condamnation
pénale, ne sont plus possibles ; il était bien évident qu^on ne pouvait plus
porter l'action civile devant un tribunal criminel, puisqu^il n'y avait plus de
tribunal criminel compétent. En effet, aux termes de Fart. 3 de notre Gode,
Faction civile résultant d'un crime, peut bien se porter sans doute devant un
tribunal criminel, mais c'est seulement comme appendice, comme accessoire,
comme adjonction de Faction pénale ; or, si après dix ans Faction pénale n'est
plus possible, il eût été sans doute bien inutile de déclarer qu'on ne pourrait
plus, après dix ans, faire de l'action civile Faccessoîre et l'appendice d'un
principal qui dès lors n'existait plus.
Ainsi, si ces mots, action eivUe, ont un sens dans Fart. 637, ils n'ont pas,
ils ne peuvent pas avoir d'autre sens, que celui-ci, savoir, qu'après les dix an-
nées depuis le crime il n'y aura plus d'action civile, d'action en réparation
possible, non-seulement devant les tribunaux criminels, cela était évident
quand même la loi ne l'aurait pas dit, mais môme devant les tribunaux civils;
<^était là le seul point qui eût besoin d'être dit, c'est là aussi le seul point sur
lequel porte Fart. 637^
Reste maintenant la singularité, la bizarrerie de cette courte prescription
accordée, dit-on, comme faveur à celui des débiteurs qui semUe en mériter
le moins. Cette objection a de la réalité ; cependant il ne faut pas se dissi-
muler qu'elle peut aussi recevoir plus d'une réponse. En effet, pourquoi donc
après dix ans, le législateur veut-il que Faction pénale soit prescrite ? pour-
quoi veut-il qu'après dix ans la vindicte publique reste désarmée devant le
coupable ? Apparemment parce que l'immense majorité des crimes ne pouvant
se constater que par des preuves testimoniales, preuves douteuses, équivo-
ques, périssables de leur nature, la loi n'a pas voulu, dans des matières aussi
graves, abandonner l'honneur, la vie, la sûreté des citoyens à une preuve
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DB LA PRESCRIPTION DBS ACTIONS PUBLIQUB BT CIVILS (aRT. 637). 797
aussi indécise que le serait» après dix ans passés» la mémoire des témoins
qu'il faudrait entendre sur rafiCûro. Ce n'est pas U peut-être Tunique moUf^
c'est à mes yeux le fnotif dominant^ le motif capital de la prescription de dix
aas en matière de crime. Or, ces mômes moyAis qui tendraient à établir
le crime pour obtenir une condamnation, ces mômes moyens qui, après dix
ans, sont repoussés par la loi comme douteux, comme dangereux, seraient pré*
cisément ceux que û partie lésée, ou prétendue telle, viendrait invoquer après
dix ans, pour établir le chme, non pas sans doute à Teffèt d'amener une con-
damnation pénale, mais à l'effet d'appliquer des dommages-intérêts. Mais s»
cette preuve testimoniale, si cette preuve d'actes qui rarement peuvent être
observés avec attention, avec soin, est repoussée comme insuffisante, après dix
ans, pour constater le crime à l'effet de faire condamner, pourquoi donc
seraitrelle suffisante, pourquoi donc serait-elle probante, quand il s'agit d&
constater le môme crime, à l'effet d'obtenir de Targent?
Supposez d'ailleurs qu'on ait fait la distinction, supposez qu'on applique
la distinction précédente entre l'action civile devant les tribunaux criminela
et l'action civile devant les tribunaux ordinaires ; voyez à quels résultats elle
mènerait ; elle mènerait à prouver, devant un tribunal civil, un fait qui, de
sa nature, devait être décidé par des jurés ; elle mènerait à proclamer, par la
voie de l'autorité judiciaire, l'existence d'un crime, l'existence d*un coupable
dont l'impunité parfaite serait désormais assurée, grave scandale, et nouvelle
raison qui a pu porter la loi à reculer devant la distinction, car c'est assuré-
ment un grand mal quand l'autorité judiciaire est réduite à déclarer que tel
homme est coupable, qu'il est assassin, incendiaire, mais qu'elle ne le punira
pas. D'autre part, après dix ans, la loi ne veut pas frapper, quelles qu'eussent
été ses raisons de le faire ; j'en conclus qu'après dix ans la loi ne doit pas
vouloir flétrir, vouloir déshonorer. Or, dire qu'après dix ans aucun homme
ne peut être recherché, mais permettre cependant de proclamer, en justice,
qu'il est incendiaire ou assassin, c*est manquer le but, c'est se contredire soi-
môme, c'est manifester, d'un côté, un fait sur lequel, de l'autre, on tendait à
jeter le voile.
Je crois donc que ces raisons répondent en très-grande partie à la bizarrerie
imputée au système de l'art. 637. Je crois que, quand môme ces raisons ne
suffiraient pas complètement pour justifier la théorie de l'art. 637, le sens de
la loi est cependant incontestablement qu'il y a là une exception formelle
à l'art. 2262, et qu'en conséquence, après, dix ans, on ne peut pas plus devant
un tribunal civil que devant un tribunal criminel intenter une action, môme
purement pécuniaire, à raison des dommages-intérêts qui ont pu ôtre causé»
par un crime.
On a cherché, il est vrai, à éluder dans un autre sens ce que présente de
rigoureux l'art. 637, et un système spécieux proposé à cet égard mérite encore
de vous occuper, car il ne doit pas demeurer sans réponse.
On a dit, supposons, d'après les termes de l'art. 637, le tribunal civil saisi,
après dix ans, d'une réclamation pécuniaire, il devra la déclarer non-recevable,
comme se rattachant à un crime. Mais si ce crime est présenté en justice non
pas tant comme fait criminel que comme fait préjudiciable, pourquoi donc
ne permettrait-on pas à la partie lésée d'isoler, de détacher de sa réclamation
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798 QUARANTB-QUATRIÈMB LBÇON. — DB LA PRBSCRIPTION (n* 877).
toute circonstance de fait d'où rÔBalteraît un caractère criminel, et de se
plaindre, par exemple, d'une simple imprudence, d'une simple négligence
donnant lien à des dommages-intérêts ? Pourquoi, par exemple, tout en
déclarant non recevable, après dix ans, Faction pécuniaire intentée à raison
d'un meurtre ou d'un incendie Yolon taire, ne permettrait-on pas à la partie
lésée, aux héritiers de la personne homicidée, à la personne, enfin, dont la
maison a été incendiée, d'alléguer qne par négligence, imprudence, par un
fait quelconque, qu'elle n'approfondirait pas, son auteur a été tué, sa maison
a été incendiée, et que, tout crime à part, elle demande des dommages-
intérêts r
Ce système n'est pas non plus admissible; vainement youdrait-on, dans
l'exploit introductif d'instance, et dans le début de la discussion, établir nue
simple imprudence, une simple inadvertance isolée de toute action, de tonte
pensée de crime ; il est clair que les témoins entendus ne pourraient pas isoler,
détacher l'intention criminelle du fait matériel, et qu'on verra reparaître, sons
ces poursuites menteuses et déguisées, le caractère véritable d'une action
déshonorante que la loi doit repousser.
Il y a plus, un peu de connaissance de quelques textes du Gk>de pénal eût
suffi pour empêcher de produire ce système ; en effet, la plupart des faits qui,
précédés d'une intention coupable, constitueraient des crimes dans le droit
pénal, la plupart de ces faits commis sans intention coupable, mais par
imprudence, par négligence, constituent des délits, et, dès qu'ils sont des
délits, ils retombent de Tart. 637 dans Tart. 638, c'estrà-dire dans une pres-
cription de trois années, applicable à Taction civile aussi bien qu'à l'action
publique.
Ainsi, pour l'assassinat, par exemple, voudrait-on le transformer en homi-
cide par imprudence, alors ce serait un délit d'après l'art. 319 du Gode pénal.
Or, d'après l'art. 638, Taction civile et l'action publique résultant d'un délit
se prescrivent par trois ans. De même pour le cas d'incendie volontaire, vou-
drait-on transformer ce crime en délit résultant de rimprudence,à l'effet d^éviter
l'application de l'art. 637 ? on verrait tout de suite que, d'après l'art. 458 du
Gode pénal, Tincendie causé par une imprudence quelconque est un délits un
délit puni de l'emprisonnement, et qu'on retombe encore, de ce c6té, dans la
prescription de trois ans de l'art. 638 pour les deux actions indiquées dans
Part. 638.
Ainsi, de quelque c6té qu'on se tourne, on trouve toujours comme barrière
le texte, raisonnable ou non, mais positif, de l'art. 637.
877. Les art. 639 et 640 sont très-faciles, et d'ailleurs d'une importance
pratique assez légère ; tous deux sont relatifs & la prescription des contraven-
tions. Dans l'art. 639 il s'agît de la prescription contre les peines de police ;
dans Part. 640 de la prescription contre l'action, soit publique, soit civile, résul-
tant d'une contravention.
Dans le premier cas la prescription est de deux ans, d'après l'art. 640 ; et
le point de départ de ces deux ans, c'est l'arrêt ou le jugement s'il était en
«lernier ressort, l'expiration du délai d*appel s'il était en premier ressort. Bn
(i'aatreii termes, le point de départ de la prescription contre une peine de simple
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DB LA PRESCRIPTION DES ACTIONS PUBLIQUE ET CIVILE (aRT. 641). 799
^ police^ c*eBty diUon, le jour de l'arrêt, c'est-à-dire de la décision de la cour;
I VOUS devez tons savoir le sens technique de ce mot. Mais comment donc une
cour peut-elle statuer sur une contravention ? comment une contravention
I peut-elle être punie par un arrêt? n'est-elle pas jugée en premier ressort par
les juges de paix? en appel, en dernier ressort par les tribunaux civils, qui ne
rendent pas d'arrêt? C'est, en effet, le principe; cependant il peut arriver que
, devant une cour d'assises un fait présenté d'abord comme crime, ou plus tard
, comme délit, ait perdu tout caractère de gravité, et que ce fait ne présente
plus qu'une simple contravention. De même, il est possible qu'une cour saisie
à titre d'appel d'un prétendu délit, ne voie dans ce fait qu'une simple contra-
, vention, et qu'en conséquence elle le retienne et lui applique la peine descon-
^ traventions de police. Gela arrive très-rarement devant une cour d'assises, mais
^ assez fréquemment devant une cour à la chambre des appels de police correc-
I tionnelle. Tel est le sens de ce mot d'arrêt dans l'art. 639.
I Quant à l'art. 640, il constate également deux points de départfaciles à retenir :
La prescription contre Taction publique et l'action civile résultant d'une
contravention s'accomplit au bout d'une année, si dans cet intervalle il n'est
, pas intervenu de condamnation. Mais ici le délai court toujours du moment de
la contravention, et n'est pas reculé, n'est pas prolongé par les actes d'ins-
truction et de poursuite, qui, au contraire, prolongent dans les art. 637 et 638
le point de départ de la prescription des crimes.
Que s'il est intervenu une condamnation de première instance, seulement
alors le délai de la prescription est d'une année, à compter du jour où cette
condamnation a été attaquée par la voie de l'appel, aux termes de l'art. 174.
878. « Art. 641. En aucun cas, les condamnés par défaut ou par contumace
t dont la peine est prescrite, ne pourront être admis à se présenter pour purger le
I défaut ou la contumace. »
i
I
I
I
;
\
I
Ce principe nous est déjà connu ; il est bon cependant de le considérer sépa-
rément et pour le cas de contumace, c'est-à-dire pour les matières criminelles,
et pour le cas de défaut, c'est^-dire pour les matières simplement correc-
tionnelles.
Vous savez qu'en cas de condamnation par contumace le délai pour se re-
présenter est de vingt ans ; c'est ce qui résulte de l'art. 635 combiné avec
l'art. 476, au chapitre des Contumaces, Le condamné par contumace a vingt
ans pour se représenter ; sa représentation volontaire ou forcée dans les vingt
' ans fait évanouir de suite l'arrêt de contumace. Elle fait évanouir également
ses résultats, sauf cependant, pour le passé, la mort civile quand la peine
prononcée était de nature à l'entraîner et que la comparution n'a lieu
f qu'après cinq ans. Cette exception est également écrite dans l'art. 476 ; elle
' résulte d'ailleurs de Tarticle 30 du Gode civil (Voy. la loi du 31 mai 1854}.
I Que si, au contraire, le condamné par contumace ne reparait qu'après les
ï vingt ans, alors il a prescrit contre sa peine, alors il ne peut plus être pour-
suivi, retenu ni condamné, et, dès qu'il n'est plus possible de le condamner,
' il est clair qu'il n'est plus possible de le juger. Donc, même de son coiisente-
I ment, il ne pourrait pas, après les vingt ans, être traduit devant une cour
i d'assises, car les questions de pénalité ne sont pas dans le domaine des vo-
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800 QUARANTE-QUATRIÈME LEÇON. — DK LA PRESCRIPTION (n* 88i).
lontés et des intérôts privés. Il rentrera donc, après vingt ans, sous le poid»
d'une peine qu'il ne peut plus subir^ mais qu'il ne peut non plus faire e£bcer.
La conséquence en est grave.
Ainsiy dans le cas de mort civile, art. 3i3 du Cîode civil, il ne pouvait de-
mander à démontrer son innocence, à l'effet de rentrer, môme pour l'avenir
dans la vie civile. D'ailleurs, en prescrivant contre la peine à raction de
laquelle il s'est soustrait vingt ans, il n'avait pas prescrit contre la mort civile,
qui tenait plus à son état qu'elle ne tenait à la pénalité, contre la mort cÎYile
à laquelle Û ne s'était pas soustrait, car eUe s'était imprimée à sa personne et
l'avait suivi partout (Voy, la loi du 31 mars 1854).
De même, môme quant aux condamnations qui ne sont pas de nature à en-
traîner la mort civile, l'expiration des vingt ans n'enlève pas toute importance
à la peine ; quoique la peine ne s'exécute plus après les vingt ans, la peine ne
s'exécutera pas, mais elle subsistera ; elle subsistera en ce sens qu'en cas de
nouveau crime, elle constituerait occasion, matière à appliquer les peines de
la récidive, aux termes des art. 57 et 58 du Gode pénal.
879. Quant aux condamnations paa défaut, expression réservée aux matiè-
res correctionnelles, elles sont régies par des principes différents. Ainsi, le
temps après lequel le défaut ne peut plus ôtre purgé est loin de coïncider
avec le temps de la prescription. Après dix jours depuis la signification, le ju-
gement par défaut n'est plus attaquable, art. 188 et 189, et cependant ce sera
seulement cinq ans après cette époque que la prescription sera accomplie,
d'après l'art. 636. C'est là un mal signalé sous les art. 188 et 189, et indiquant
les palliatifs d'ailleurs très-insuffisants qu'y pourra quelquefois apporter la
pratique.
880. L'art. 642 a été expliqué sur l'art. 635. C'est la confirmation des prin-
cipes de l'art. 2262 du Code civil, en matière pénale.
881. « Art. 643. Les dispositions du présent chapitre ne dérogent point aux
lois particulières relatives A la prescription des actions résultant de certains délits
ou de certaines contraventions. »
Cet article n'est guère qu'un renvoi, et il suffit d'indiquer ici quelques-unes
des matières les plus usuelles soumises, par des lois spéciales, à des règles
particulières de prescription. Ces matières sont :
Les délits commis en matière de chasse; d'après la loi du 3 mai 1844,
art. 12, le délai de la prescription est fixé à trois mois.
De même, pour les délits ou contraventions commis en matière rurale, le
délai d'un mois est également consacré par la loi des 28 septembre, 6 octobre
1791, tit. I", sect. VII, art. 8.
Enfin, en matière forestière, l'art. 185 du Code forestier prescrit un délai,
tantôt de trois mois, tantôt de six mois, selon les distinctions qu'il établit pour
la prescription des actions résultant des délits ou contraventions.
L'art. 186 du môme Gode consacre, au contraire, les principes ordinaires de
prescription en matière de délits à l'égard des malversations des agents fores-
tiers, inspecteurs de l'administration, etc.
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DE LA PRESCSIIFTION BBS ACTIONS PUBUQUB ST CIVILE (aRT. 643). 801
Remarquez en fait que, si Fart. 643 renvoie aux lois spéciales pour certai-
nes prescriptions particulières, au premier rang desquelles figurent celles que
je viens d'indiquer, il n'y renvoie que pour les actions résultant de certains
délits ou de certaines contraventions; c'est-à-dire qu'il n*y renvoie que pour
la prescription contre la poursuite, contre la peine à appliquer, et non pas
contre la peine appliquée, contre la peine prononcée. U faut en conclure que,
môme pour les matières spéciales, au moins pour celles qui sont régies par les
lois antérieures du Gode que nous étudions, la prescription des peines, bien
différente de la prescription des actions, reste soumise aux règles des art. 635
et 636, et n'est pas comprise dans le renvoi de Tart. 643, qui se réfère unique-
ment aux actions.
882. Ici se termine le Gode; un mot cependant encore avant de nous sé-
parer.
I<?ous avons atteint le terme de nos leçons, trop t6t pour moi à qui
votre attention et votre zèle ont rendu les heures passées ensemble bien
courtes ; trop tôt surtout pour la matière de nos études communes, qu'il m'en
coûte de laisser incomplètes. En effet, ce que je regrette en descendant de
cette chaire, je l'annonçais en y montant. Renfermer dans les bornes d'un
cours annal Fexplication complète et détaillée de nos deux Godes, c'est un
espoir, vous le savez, que je n'ai jamais ni conçu ni manifesté. Si cependant
ces explications partielles où la nécessité m'a renfermé vous ont mis en état
de subir des examens honorables; si surtout, ce qui est bien [plus important,
vous y avez puisé l'habitude de l'analyse, le sentiment de la méthode, le goût
des études solides; si, démentant pour vous des préjugés que j'ai combattus
dès le principe, elles ont, dans vos esprits du moins, réhabilité le nom d'une
science trop négligée; si, enfin, tout incomplets et morcelés qu'ils ont été, ces
travaux vous ont démontré le besoin d'en faire déplus larges; alors je ne
<;raindrai pas que nos entretiens soient restés stériles, et au sentiment pénible
qui préside à ces paroles d'adieu ne se mêlera pas, de ma part, la crainte ou
la pensée d'être resté trop au-dessous de la tâche que j'avais à remplir auprès
de vous.
FIN
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TABLE ET RÉSUMÉ
DES LEÇONS DE DROIT CRIMINEL
D'APRÈS L'ORDRE DES MATIÈRES.
GODE PÉNAL
PBBMIÊBB UBÇOIV. 1
Introduction.
1. L^étade de Tancien droit criminel
n'importe que secondairement an juris-
consulte, parce que la législation nouvelle
s'en est écartée et que l'iuterprétation ne
peut y puiser ses décisions.
8. L'ancienne législation pénale était
bart)are. Les peines, arbitrairement appli-
quées, étaient inégales et exagérées.Les sup-
plices et les mutilations, les peines infaman-
tes et les confiscations y étaient prodionés.
8. La procédure établie par les ord. de
1539 et de 1670 mérite une étude plus at-
tentiye que les lois pénales.
4. L*ord. de 1539 consacrait le secret de
l'instruction, supprimait les conseils 'de
l'accusé et l'obligeait à alléguer les repro-
ches contre les témoins au moment de la
lecture des dépositions. Elle reprenait la
pratique de la question.
6. L'ord. de 1670, mieux rédigée que
celle de 1539, maintenant le même système
et les mômes pratiques, le serment de Tac-
cosé avant l'interrogatoire, la suppression
des conseils, la procédure par récolements
et confrontations des témoins, le secret de
l'inatruction et la torture.
O. Néanmoins ces deux ordonnances
nous ont légué des règles qui ont été re-
cueillies par nos Godes, notamment l'insti-
tution du ministère public, les caractères
des actions publique et civile, nnstraction
préalable et les voies de recours.
9. La révision des lois criminelles était
demandée de toute part en 1789. L'Assem-
blée constituante décréta la loi des 16-29
septembre 1791 sur la procédure criminelle^
et le Gode pénal des 2ô 8ept-6 octobre 1791.
Ces premières lois furent suivies du Gode
des délits et des peines du 3 brumaire an IV.
8. Le 7 germ. an IX, six commissaires
sont nommés pour préparer un nouveau
Code criminel. Les questions relatives au Jury
et à l'organisation Judiciaire sont posées.
9. Discussien de la question de la rén-
nion dans les mêmes corps judiciaires des
deux Justices civile et criminelle et de la
question du jury.
10. Cette discussion, après un ajourne-
ment de plusieurs années, est reprise en
1808. On décréta la réunion des deux Jus-
tices, la suppression du jury d'accusation
et le maintien du iury de Jugement.
11. On procéda de la même manière
pour le Gode pénal : les questions furent po-
sées sur la peine de mort, les peines per-
pétuelles, la confiscation, l'application d'un
minimum et d'un maximum dans les peines.
18. Les deux Godes pénal et d'instruc-
tion criminelle, rédigés par un comité du
conseil d'Etat et adoptés par le Gorps légis-
latif, ne furent mis en vigueur qu'à partir
du 1» janvier 1811.
DBUXlfiMB liBÇOlV. 18
Dispositions patLiMiNAïass do godb pénal.
18. Ajournement de ce qui concerne
l'organisation Judiciaire qui sera examinée
plus loin.
14. Il ne faut pas perdre de vue que
les deux Godes ont été plusieurs fols modi-
fiés depuis leur promulgation et que de
nombreuses lois ont successivement rem-
5 lacé une partie de leurs textes. Indication
e ces lois.
16. Les infractions punissables sont di-
visées en crimes, déiiu et contraventions.
Cette division n'est qu'une règle de compé-
tence qui correspond aux cours d'assises,
aux tribunaux correctionnels et aux tribu-
naux de police.
16. Le légisialeur, po«r mesurer la
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804
TABLE ET RÉSUMÉ
gravité des peines, doit s'attacher : V à
rimmoralité du fait et de l'agent; 2« à la
gravité da trouble et du dommage caasé.
19. La règle qui divise les infractions
entre nos trois juridictions répressives avait
reçu une extension en oe qui concerne les
délits de la presse et politiques attribués
au Jury. Le décret du 17 février 1852 les a
restitués aux tribunaux correctionnels.
18. A la division des infractions en cri-
mes, délits et contraventions correspondent
les peines afïïictiyes, correctionnelles et de
police, qui seront expliquées plus loin.
19. Les art. 2 et 3 punissent les slm-
{>les tentatives, d'où il suit que ce que ia
ol punit, ce n'est pas seulement le fait ma-
tériel, mais aussi la volonté coupable de
causer le préjudice.
20. 11 n'y a de tentative punissable que
lorsque la pensée du crime, qui est à elle
seule insaisissable, s'est manifestée par des
faits extérieurs qui décèlent une volonté
formelle et par un commencement d'action.
Toutefois, en matière de complot, la loi
n'exige que la résolution d'agir consentie
entre plusieurs.
81. Il y a lieu de distinguer les actes
préparatoires et les actes d'exécution : les
actes purement préparatoires sont, de
même que la résolution d'agir, en dehors
de toute répression.
29. Le loi punit le tentative comme le
crime consommé quand elle s*est manifes-
tée par un commencement d'exécution et
n*a été suspendue ou n'a manqué son effet
gue par des circonstances indépendantes
ae ia volonté de son auteur.
TBOISIAMB LEÇOM. 83
DispoemoNS PRttwniAiRBs.
88. La règle qui assimile la tentative lé-
gale an crime consommé reçoit quelques
exceptions, par exemple, en matière d'a-
yortement et de subornation de témoins :
la loi pénale ne punit que l'avorlement ae-
eompli et la subornation suivie d'effet.
84. En matière de tentative, il y a lieu
de soumettre an jury et de constater dans
les jugements toutes les clreonst caraetérls-
tiqaes de la tentative légale.
86. Les tentatives de délits ne sont con-
sidérées comme délits que dans les cas déter-
minés par une disposition spéciale de la loi.
86. La loi pénale n'a pas d'effet rétro-
actif. Aucune infraction ne peut étie punie
de peines qui n'étaient pas prononcées avant
qu'elle fftt commise.
89. Mais lorsqu'une loi nouvelle atténue
ou adoucit les peines portées par k loi
anelenne, il y a lien d'appliquer les peines
nouvelles aux laita commis antérieurement,
puisque ces peines suffisent à la sûreté de
la société. Il en serait même ainsi lorsque
cette loi n'aurait été que transitoire.
88. Les diqiositions du Gode ne s'appli-
quent pas aux crimes et délits militaires qui
sont prévus par le Code de justice militaire
du 4 août 1857 et le Code de justice mari-
time du 4 juin 18S8. La loi comprend sons
cette débominatlon non-seulement les in-
fractions à la discipline^ mais les crimes et
délltf, même commis par les militaires et
les personnes assimilées aux miiitairee.
UVRE I^'. — Des peines en matièbb cbi-
MUCBLLE.
89. Les peines sont criminelles^ correc-
tionnelles ou de police. Les peines crimi-
nelles sont ou affllctives et infamantes ou
seulement infamantes. Les peines afQictlves
et infamantes sont la mort, les travaux for-
cés à perpétuité» la déportation, les travaux
forcés à temps, la détention et la rédosion.
80. Les trois premières peines sont per-
pétuelles et indivisibles ; mais la première
seule est irréparable; les autres sont répa-
rables et rémissibles.
81. Le Code pénal de 1791 n'avait pas
admis de peines perpétuelles ou à vie ; les
peines les plus longues s'arrêtaient à un
maximum de vingt ans. C'est le Code actuel
qui a introduit les peines des travaux for-
cés à perpétuité et de la déportation.
88. Les peines des travaux forcés à
tamps, de la détention et de U réclusion
sont non-seulement réparables et rémissi-
bles, mais divisibles, cW-à-dire suscepti-
bles d'une durée plus ou moins longue.
Ces peines sont Tapplication du sysâme
adopté par le Code, qui admet on maxi-
mum et un minimum dans les peines et
laisse aux juges l'appréciation du degr^ de
répression que mérite l'agent.
38. La détention et la réclusion difTèrent
par leur durée, par le mode de leur exécu-
tion et par la mission diverse qui leur a été
assignée : les premières s'appliquent anx cri-
mes politiques, l'autre aux crimes communs.
34. Abolition de la peine de la coolls-
cation générale et de la peine de lamarf^ae.
85. Les peines infamantes sont le ban-
nissement et la dégradatk)n dvique. Le
terme infamantes est Inexact, puisque Fin-
famie ne vient pas de la peine, et les deux
freines ainsi qualifiées n'emportent pas une
nliimie plus grande que les autres. Cette
division n'est donc dans le Code qu'une
mesure d'ordre.
86. La peine du carcan a été supprima
du nombre des peines infamantes.
QUJLVWQÈIIB liBÇOlH. M
89. Les peines correctionnelles sont :
1* l'emprisonnement; 3» rinterdictlon de
certains drolU civiques; 3* l'amende.
88. I^a condamnation pénale est Imi-
jours prononcée sans préjudice des dom-
mags&4ntéréts dus aut parties. De IA la
distinction de l'action publique et de l'ae-
tien civile.
80. Le renvoi sous le surveillanee de la
police ei& me peine aecessoire eommaoe
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d'après l'ordrb des matières.
805
aax malières eriodiiena et eorreelkNroelle.
40. La £onflBcation spéciale, maintenue
après raboliUoQ de la confiscation générale,
ne s'applique qu'au corps du délit ou aux
choses qui ont seryi à le commettre.
41. L'amende est une peloe accessoire
en matière criminelle, tantôt accessoire,
tantôt principale en matière correctionnelle,
et plus particulièrement appropriée à la na-
ture de celle-ci.
Chap. I*'. — Des peimbs km MATiÈRa cami-
NELLB. 53
' 48. Les articles du Gode relatifs à l'ap-
plication de la peine de mort ne présentent
aucune difQcufté pratique, mais les diffi-
cultés naissent quand on examine le mé-
rite théorique de cette peine.
48. La société, qui a le droit de se dé«
fendre, peut appliquer la peine de mort aux
actes qui la mettent en péril lorsque cette
peine est le seul moyen d'assurer la sécu-
rité publique : ce n'est que sa nécesité qui
fait sa légitimité.
44. Aux termes de l'art. 12, le condamné
à mort a la tête tranchée. L'art« 13 avait
ajouté pour le parricide la mutilation du
poing, que la loi du 28 a?ril 1833 a effacée,
en ne maintenant dans ce cas qu'un appa-
reil Insignifiant.
48. Les condamnés aux travaux forcés
sont employés aux travaux les plus pénibles.
La loi du 31 mai 1854 a ordonné leur trans-
lation dans les colonies françaises où Us
sont employés aux travaux de colonisation.
46. La peine des travaux forcés se con-
vertit à regard des femmes en une réclu-
sion. Elles peuTont cependant être transfé-
rées dans un des établissements créés aux
colonies.
49. La peine de la déportation consiste
A être transporté et à demeurer à perpétuité
dans un lieu déterminé par la loij hors du
territoire continental de la France. Cette
peine, non appliquée, a été maintenue dans
le Gode pénal et elle est appliquée aux cri-
mes politiques.
48. Mais le motif véritable de son main-
ti^n, lors de la discussion où elle fut mise
en question, en 1832, a été d'en faire la
base d'un nouveau régime pénal qui. en
éloignant les grands criminels du sol du
pays, puisse conduire à l'adoucissement des
peines, à ia moralisatlon des condamnés et
à la suppression de la peine de mort.
CIEVQUIÉME LEÇOM.
67
Continuation db l'exahin j>is peines en
■ATIÈBE CaXHINBLLE.
49. La peine de la déportation dans une
enceinte fortifiée, hors du territoire conti-
nental de la France remplace la peine de
mort dans les cas où elle était appliquée à
des crimes politiques. Mais, à coté de la
déportation, des lois politiques ont institué
la transportation et l'ont appliquée à des
individus bt&nfs par mesure de sûreté gé-
nérale.
60. Effectuer la déportation dans une
colonie est une entreprise diffioile, impra-
ticable peut-être, en tons cas, incertaine et
douteuse.
61. Son application ne produirait pas
les résultats qu'on semble en attendre.
Ainsi, la trasporlation anglaise n'a pas Jus-
I qu'à présent donné des résoltata satlsfoi-
sants. Cette peine est inégaie, ses effets ne
sont pas appréciables et son exemplarité
est presque nulle.
88. Les condamnations aux travaux for-
cés à perpétuité et à ia déportation empor-
taient la mort civile, avant que cette peine
eût été abolie.
58. Si la mort civile n'avait pas le carac-
tère d'une peine proprement dite dans le
sens du Code pénal, elle en avait évidem-
ment les effets par les déchéances et les
Incapacités dont elle frappait le condamné.
64. La mort civile était une peine indi-
visible, non susceptible de plus ou de moins ;
inégale, frappant cruellement les uns, indif-
férente aux autres ; impersonnelle, en ce
qu'elle atteignait les enfants et la femme ;
immorale, en ce qu'elle brisait les liens de
famille ; non exemplaire, puisqu'elle ne se
manifestait par aucun signe extérieur.
SlXlriBHB UBÇOIV. 83
CONTINUAnON DB l'eXAMBN DBS PEINES
CaiHlNELLBS.
66. Il n'y a pas de contradiction à
penser, d'une part, que la mort civile doit
être abolie, et, d'une autre part, que la mort
naturelle est une peine nécessaire qui doit
être maintenue.
66. Si la mort civile n'a pas été abrogée
par la loi du 28 avril 1832, c'est que les
effets de cette peine ayant été réglés par le
Code civil, cette matière a paru étrangère
à la révision du Gode pénal.
89. Abolition de la mort civile, d'abord
en ce qui concerne les condamnés pour
crimes politiques par la loi du 9 Juin 1850,
ensuite en ce qui concerne tous les con-
damnés par la loi du 31 mal 1854. Cette
peine est remplacée par la dégradation ci-
vique et rinterdiction légale.
88. Le gouvernement peut relever les
condamnés de tout ou partie des incapacités
Srononcées par la loi ; il peut leur accorder,
ans le lieu d'exllation, la plénitude des
droits dont l'interdiction les a privés.
69. La peine des travaux forcés à temps
a une durée qui s'étend du minimum de
cinq ans au maximum de vingt ans.
60. La peine de la détention dont la
durée peut s'étendre de cinq à vingt ans,
consiste dans la résidence forcée dans une
forteresse, avec faculté de communication
au dehors. Cette peine, comme celle de la
déportation, ne s'applique qu'aux crimes
politiques.
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TABLE ET RËSUICÉ
61. La peine de la réclaslOD, dont la
dar<fe est de cinq à dix ans, consiste à être
enfermé dans une maison de force et à dtre
employé à des travaux.
08 . Une conséquence commune aux trois
peines des travaux forcés à temps, de la
déportation et de la réclusion, c'est la sur-
Teillance de la police après l'expiration de
la peine.
68. La peine accessoire de l'exposition
publique avait été maintenue, avec de no-
tables restrictions cependant, par la loi du
38 avril 1832.
641. Elle a été abolie par le décret du
gouvernement provisoire du 12 avril 1848.
•EPTIÊMB liBÇON. 97.
De l*£Xécdtion dbs peines.
65. La durée des peines temporaires
compte du Jour où la condamnation est de-
venue irrévocable.
66. Cette règle s'applique, non-seule-
ment aux peines criminelles, mais encore à
la peine d'emprisonnement.
67. La condamnation est réputée irrévo-
cable : P lorsque le délai du recours en cas-
sation expire sans qu'aucun pourvoi ait été
formé i À» du Jour où la Cour de cassation,
au cas de pourvoi. Ta rejeté.
68. Par une exception à cette rèfife,
l'art. 24 du Code pénal fait courir les peines
d'emprisonnement contre les détenus, du
Jour du Jugement ou de l'arrêt, nonobstant
l'appel on le pourvoi du ministère public et
nonobstant rappel ou le pourvoi du con-
damné, si la peine a été réduite sur son re-
cours.
69. L'exception qui précède ne s'appli-
que qu'aux matières correctionnelles, elle
n'a pas été étendue aux peines criminelles.
96. Les peines qui s'exécutent publique-
ment, comme aujourd'hui encore la peine
de mort, comme naguère l'exposition, ne
peuvent être exécutées les Jours fériés.
71. Les exécutions, soit réelles, soit par
effigie, en cas de contumace, ont lieu sur
l'une des places publiques de la commune
Indiquée par l'arrêt.
98. Les femmes condamnées à mort ne
subissent leur peine, si elles sont enceintes,
qu'après leur délivrance.
98. La dégradation civique est attachée
comme peine accessoire aux peines des tra-
vaux forcés à temps, de la détention, de la
réclusion et du bannissement. Elle consiste
dans une privation plus ou moins étendue de
certains droits civiques, civils et de famille.
94. L'interdiction légale est une consé-
quence des peines des travaux forcés, de la
détention et de ia réclusion. Elle consiste,
comme l'Interdiction judlclsire. à retirer au
condamné, pendant la durée de sa peine,
l'administration et la gestion de ses biens.
95. Application à l'interdiction légale
des règles et des dispositions relatives à
rinlerdiction judiciaire.
HUIVlftHB liBÇOnr. 1 1 1
CONTimiATiOlT DÉ L'EXicCTlON DES PEIN BB •
96. La dégradation civique et l'interdic-
tion légale par leurs effets et par leurs du-
rée : la première emporte privation jusqu'à
réhabilitation des droits civiques, civils et
de famille ; la seconde ne fait que suspen-
dre, pendant la durée de la peine, quelques-
uns de ces droits seulement.
9f. Les effets de l'interdiction légale se
trouvent réglés par le Gode civil.
98. Les mêmes incapacités dont les
art. 602 et 509 du Gode civil frappent l'in-
terdit Judiciairement, doivent frapper l'in-
terdit légalement.
99. L'interdiction légale est la eonsé-
ouence de toutes les condamnations contra-
dictoires aux peines indiquées par l'art. 29;
mais elle ne s'étend pas au condamné par
contumace à Tune de ces peines.
86. Les biens du condamné contumax
sont régis comme biens d'absent par l'ad-
ministration des domaines, avec obligation
de restituer les fruits au contumax de re-
tour dans les vingt ans, on à ses héritiers à
Texpi ration des vingt ans.
81. Les biens du condamné loi sont
remis après qu'il a subi sa peine, mais au-
cune portion de ses revenus ne peut lui
être remise pendant la durée.
88 . Le bannissement, dont la durée est
de cinq à dix ans, consiste dans la transla-
tion du condamné hors do territoire, avec
défense d'y rentrer pendant sa durée.
88. Cette peine, qui serait Immorale,
appliquée à des crimes communs, puis-
quelle aurait pour effe^ de rejeter les mal-
faiteurs chez les peuples voisins, doit être
maintenue en ne l'appliquant qu'à des cri-
mes privilégiés d'un ordre secondaire.
84. La loi du 28 avril 1842 a subsUtaé
la peine de la détention à celle du bannis-
sement, dans les cas de connivence et d'in-
telligences coupables avec les ennemis de
lÉtat.
85. Considérée théoriquement, la peine
du bannissement est inégale, peu exem-
plaire, et n'est pas susceptible d'une appré-
ciation exacte.
86. Le banni qui rompt son ban est
puni de la détention pendant le double de la
durée du bannissement restant à courir.
87. Cette condamnation est prononcée
par la Cour d'assises, sans assistance de
iurés, et sur la seule preuve de l'identité.
jCs motifs qui ont porté à supprimer Is
jury dans les reconnaissances d'Identité pré-
vues par l'art. ôl9du C. d'inst. cr. sont
peu concluants, car la rupture de ban n'est
pas exclusive de toute moralité et de tonte
intention.
88. La dégradation civique, considérée
comme peine principale, a les mêmes effets
que lorsqu'elle est raccessoire d'une antre
peine.
89. Elle n'est plus accompagnée des
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d'aPRAS L*0IU)RB DBS MATIÈRBS.
807
solennités que la loi ds 1791 avait prascriiss.
90. Les locajpacités qa'eUe inflige n'étant
pas dlTlsibles, u en résulte que l'ensemble
06 ces déchëaoces n'a pas^ dans tous les
cas où elles sont appliquées, une parfaite
analogie avec les faits qu'elles punissent*
mBVVltMX IiBÇOM. 125
GORTINOATION. — Db l'EZËGOTIO!! DBS FBINB8
91. Critique de Tensemble des incapaci-
tés contenues dans Tart. 84 et qui consti-
tuent la dégradation civique, particulière-
ment de l'Incapacité d'être entendu comme
témoin dans un procès criminel.
92. La dégradation civique, prononcée
principalement, peut être accompagnée
d'un emprisonnement dont la durée irex-
cède pas cinq ans, mais cette seconde peine
n'est que facultative.
98. Toutefois, si le coupable n'a pas la
qualité de Français, la peine d'emprisonne-
ment est toujours prononcée.
94. Tous les arrêts portant condamna-
tion à des peines criminelles sont rendus
publics (art. 36) .
95. La peine de la confiscation étant
supprimée, les art. 37, 38 et 39 n'ont pins
aucun objet.
Chap. II. — Des pbinxs bn matièrb gor-
BEGTIONNELLB. 132
96. Les peines en matière correction-
nelle sont remprisonnement, l'interdiction
de certains droits et l'amende (art. 9).
99. La durée de l'emprisonnement est de
six jours à cinq ans. Le Jour d'emprisonne-
ment est de vingt-quatre heures, le mois de
trente jours. La peine consiste à être en-
fermé dans une maison de correction et
employé \ l'un des travaux établis dans
cette maison (art. 40).
98. La loi ne laisse pas aux Juges la fa-
culté de fixer la durée de l'emprisonnement
dans ses limites légales; elle détermine dans
chaque espèce de délit un maximum et un
minimum spécial, sauf à leur donner la fa-
culté, suivant les termes de l'art. 463, d'a-
baisser la peine même au-dessous de six
Jours.
99. Les produits du travail des détenus
sont attribués, partie à la maison, partie à
lui-même, pour lui être remisa sa sortie, ou
pour adoucir sa position.
100. L'interdiction partielle de certains
droits énumérés par l'art. 42, laisse aux
tribunaux la faculté de les interdire en tout
ou en partie, en les appropriant à la nature
du délit.
101. Les tribunaux ne peuvent pro-
noncer ces incapacités que dans les cas où
la loi en autorise expressément l'application
(art. 43).
109. Aux incapacités énumérées par
l'art. 34, d'antres ont été i^outées par des
lois spéciales. La loi du 22 mars 1831 a atta-
ché à certaines condamnations l'incapacité
du service de la garde nationale \ la loi du
21 mars 1832, celle du service militaire; la
loi du 15 mars 1860, celle de tenir école;
la loi do 31 mal 1850 et le décret du 2 fé-
vrier 1852, celle de voter dans les élections ;
la loi du 4 juin 1853, celle d'être Juré, etc.
GHAP. III. — GONDAMNATIORS COMMUNES AUX
CBIMES BT DÉLITS. — SORVBILLANCB. 138
108. La peine de la surveillance est
commune aux matières criminelle et cor-
rectionnelle ; elle consistait, dans le Gode de
1810, à imposer au condamné soit une cau-
tion de bonne conduite, soit la mise à la
disposition du gouvernement. Elle consistait,
sous la loi du 28 avril 1832, à laisser au
condamné la faculté du choix de sa rési-
dence, sauf sa déclaration préalable et l'in-
terdiction de certains lieux (art. 44 et 45).
104. La surveillance a été organisée en
dernier lieu par le décret du 8 décembre 1 851,
2ui donnait au gouvernement le droit de
xer la résidence du condamné, et en cas
de rupture de ban, d'ordonner sa transpor-
tation. Il a été abrogé le 24 octobre 1870.
Système de la loi du 23 Janv. 1874.
DIXliEIIBl4BÇOM. 141
105. Les condamnés aux travaux forcés
à temps, à la détention et à la réclusion,
sont soumis de plein droit à la surveillance
pendant toute la vie (art. 47).
100. Les'condamnés au bannissement y
sont soumis de plein droit pendant un temps
égal à la durée de la peine qu'ils ont subie
(art. 48).
109. Les condamnés pour crimes ou
délits qui intéressent la sûreté de l'Etat,
doivent être renvoyés sous cette surveillance
par les arrêts.
108. Il appartient dans ce dernier cas
aux tribunaux ue fixer la durée de la surveil-
lance et de la prononcer soit à vie,8oit à terme*
Nouveau système de la loi du 23Janv. 1874.
109. Les crimes ou délits Intéressant la
sûreté de l'Etat et auxquels l'art. 47 attache
la surveillance, sont prévus par les art. 75
et suiv., 82 et sulv. du Gode pénal.
110. En dehors des cas déterminés par
les art. 47, 48 et 49, la surveillance ne peut
être appliquée qu'en vertu d'une disposition
formelle de la loi. Ainsi, en matière cor-
rectionnelle, elle n'est appliquée qu'aux dé-
lits auxquels la loi l'a attachée.
111. Il y a dans le Gode quatre cas
{)révus parles art. 100, 108, 138 et 144, où
a surveillance est prononcée comme peine
principale contre les individus qui sont
exemptés d'autres peines, soit parce qu'ils
ont dénoncé leurs complices, soit parce
qu'ils les ont quittés.
119. Les condamnés pour crimes ou
pour délits peuvent, quand 11 y a lieu à res-
titution, encourir des indemnités qui sont
déterminées par le Juge (art. 51) .
118. Ges indemnités ne peuvent être
appliquées par le Juge, même du consente-
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808
TABLE BT RÉSUMÉ DBS MàTIÈRBS.
ment dec parties, à aveane œmnre qneloon-
qae.
114. Les condamnations péonniaires en-
eoarues en matière répressive, peuvent être
poursuivies par la vole de la contrainte par
corps (art. 52}.
1 15. En cas de concurrence, les restitu-
tions et dommages- Intérêts obtiennent pré-
férence sur Tamende (art. 54).
1 16. Les individus condamnés Mor en
même crime on pour un même délit sont
tenus solidairement de toutos les condam*
nations pécaniairet qu'ils ont encounies
(art. 55).
(isAP. IV. — PiniES DE LA aicioiVB.
152
119. Influence de la récidive sur les
condamnations pour crimes et délits :
échelle d'aggravation établie par Part 56.
li 8. Le condamné à une peine afflictlve
et infamante, qui commet un second crime,
passible de la dégradation civique, est puni
du bannissement,
lie. La peine s'élève également d'un
degré dans les paragr. 6 et 7 du même ar-
ticle : au lieu de la déportation, la peine des
travaux furcés à perpétuité; au Heu do cette
dernière peine; la peine de mort.
ISO. Dans les paragr. 2 et 8, la loi fran-
chit au contraire un échelon et passe du
bannissement à la détention, et de la réclu-
sion aux travaux forcés à temps, cette dou-
ble disposition a sa raison dans la nature
particulière des crimes.
181. Dans les paragr. 4 et 5, la loi pro-
nonce la même peine et se borne à relever
jusqu'au double. Dans le paragr. 7 l'aggra-
fation suppose deux peines successives des
travaux forcés à perpétuité : si la première
n'est que des travaux forcés à temps, 11 n'y
n pas d'aggravation.
122. La récidive ne résulte que de la
perpétration d'un second crime, après une
condamnation afflictlve ou infamante : il ne
sufflrait pas que le premier fait soit quali-
fié crime, s'il n'a pas été puni d'une peine
afflictlve ou infamante.
183. Il ne sufflrait pas non plus de la
succession des deux crimes, il faut que le
second crime Intervienne aorès une con-
damnation : les crimes antérieurs décou-
verts ensuite ne pourraient servir d'élé-
ment à la récidive : c'est la criminalité per-
sistant après une condamnation qui fonde
l'aggravation.
184. Mais il est nécessaire, pour éta-
blir la récidive criminelle, que la première
condamnation ait prouvé sur un fait quali-
fié crime, et puni comme crime, sans clr-
constances qui l'atténuent.
185. L'art. 57 modlfléparlaloidulSmal
1863 pré volt le cas où le condamné, pour
un fait qualifié crime d'une peine correc-
tionnelle, commet un délit ou un crime n'en-
traînant encore qu'une peine correction-
nelle ; il subit le maximum de cette peine
oui peut être portée Jusqu'au double. Si le
crime est rédoit à la valeur d'un délit par
refretdeseirconstanoes attéoaantas, la peine
est le maximum de TemprisoDaement. ai le
fait était passible des travaux forera, oa
une année de cette peine si le fait éUit
passible de la réclusion.
186. Le cas prévu par l'art. 28 est œlal
où Je premier fait, qualifié délit, a inotlvé
une Gondamoation d'un emprisonnement
de plus d'un an : la peine, en cas de nou-
veau délit, on de crime puni d'une peine
correctionnelle, est la même que eelie de
l'article précédent
18V. Les eondanmés en réel^ve sont
soumis à la surveillance de cinq ans à dix
ans.
188. Le dernier paragr. de Fart. 463,
qui permet de réduire en matière eorrec-
tionnelle l'emprlsonnemeot à six Jours et
même au-dessous, et l'amende à 16 fr. et
même au-dessous, permet Implicitement la
suppression de la surveillance.
189. Après avoir examiné les peines
et leur application, il y a lieu d'examiner
les faits qui constituent la criminalité des
agents, et les circonstances qui ^aggravent
ou l'atténuent.
OKMïïÈmaa IiBçoiv. lai
LIVRE IL — Deb MeasoMims FUNiasABCESy
BXCUSABLIS OU RBSTORSABLES.
180. Il y a lieu de distinguer, dans la
perpétration des crimes et des délits, les co-
auteurs et les complices : les coauteurs
agissent de concert et prennent à l'action
une part égale; les complices y participent,
mais secondairement et souvent indirecte-
ment
181. Trois espèces de complicité, sui-
vant qu'elle est constituée par des actes
antérieurs à l'infraction, par des actes si-
multanés et concomitants^ ou par des actes
postérieurs.
188. Les complices sont punis de la
même peine que les auteurs principaux du
crime ou du délit (art. 59).
188. La même peine ne doit s'entendre
toutefois que de la peine de droit : la loi
n'exige pas que la peine ait la même me-
sure : les circonstances personnelles au com-
plice peuvent en modifier l'intensité.
184. La mort ou l'acquittement de Tan-
teur principal ne fait pas obstacle à la con-
damnation du complice, à moins que le fait
incriminé ne soit pas constant II y a quel-
ques cas où la même peine ne frappe pas
rauteur et le complice : ce sont des excep*
tiens que le Code a faites à l'art. 59.
18tt. L'art. 60 considère comme com-
plices : r ceux qui ont provoqué l'action
ou donné des instructions pour la commet-
tre ; 2*" ceux qui ont fourni des instruments
pour y servir ; 3* ceux qui ont avec con-
naissance aidé sa perpétration.
180. II suit de là que dans les questions
de complicité posées au Jury il ne faut pas
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GODB PâNAL. — COMPLICITÉ. EXCUSES.
809
demander si Taccusé eet comsilioe, mais s'il
a provoqué ou aidé de telle oa telle ma-
nière, par tel ou tel acte de provocatioD
ou d*as8istaoce.
189. Une suffit pas, pour eonstUnerla
proTocation, qu'il y ait conseil, insUgattOD,
exhortation à raccomplissement de l'acte,
ii faut qu'il y ait encore dea dons, des pro-
messes, des menaces, des abus de l'auto-
rite.
188. L'art. 60 comprend dans sa dispo-
sition trop générale des degrés inégaux de
criminalité, des actes principaux et des
actes secondaires de complicité. Ainsi, les
actes antérieurs, tels que la remise d'ins-
truments, la fourniture de moyens d'action
soDt placés sur la même ligne que les actes
personnels d'assistance.
189. Le dernier § de l'art. 60 prévoit
les actes d'assistance dans les faits qui pré-
parent, qui facititentou qui consomment le
crime ou le délit. Difficulté de séparer avec
précision ces actes de complicité des actes
de coopération.
1410. Le fait, soit d'avoir fourni des
instruments, soit d'avoir préparé ou facilité
l'action, ne constituent des actes de com-
plicité qu'autant que l'agent a agi avec
connaissance, c'est-à-dire ait su qu*il s'a
gissait de la perpétration d'un fait coupable c
Il n'est pas nécessaire quil ait connu toutes
les circonstances de ce fait.
DOUBUÈMB liEÇOm. 174
CONTINUATIOII OB LA OOMPLlCITlL
1411. L'aggravation de peine, qne moUve
la situation personnelle de l'auteur princi-
pal s'étend aux complices. Ainsi, dans un
faux commis par un officier public, dans
i'homicide d'un père commis par le fils,
l'aggravation résultant de la qualité s'ap-
plique au complice.
148. La complicité peut encore résulter
de faits postérieurs à l'accomplissement de
l'action.
1418. Ainsi ceux qui, connaissant la con-
duite criminelle de malfaiteurs, leur four-
nissent habituellement logement, lieu de
retraite ou de réunion, sont punis comme
complices (art. 61).
lAék. Ainsi ceux qui ont recelé des cho-
ses obtenues à l'aide d'un crime ou d'un
délit» sont encore punis comme complices
(arL 62). Cette assimilation des auteurs
des vols et des receleurs des choses volées
peut être Justement critiquée.
lékft. L'art. 63 n'applique pas d'ailleurs
la peine de mort aux receleurs, et elle ne
leur applique les peines perpétuelles qu'au-
tant qu'ils ont eu connaissance au temps
du recelé des circonstances auxquelles ces
peines sont attachées. Cette restriction, éta-
blie par la loi du 28 avril 1832, prouve que
l'assimilation qui fonde l'art. 62 n'est pas
complote.
VMBinAHB EdHÇOW. 184
Faits jostificatIfs de la contsauitë et de
LA DémilGB.
140. Il n'y a ni crime ni délit lorsque
le prévenu était en état de demeure au tenps
de l'action ou lorsqu'il a été contraint par
une force àlaquelle lln'a pn résister (art. 64).
La culpabilité suppose, d'une part» Tintelli-
gence de l'acte, et d'une autre part, la li-
berté de s'en abstenir.
149. Effets de l'ivresse sur la volonté.
Il y a lieu de distinguer l'ivresse complète
et l'ivrease partielle^ Tivresie volontaire et
l'ivresse involontaire. Elle peut, dans cer-
tains cas, modifier la culpabilité. - " •
149 . L'état de somnambulisme dégage
nécessairement l'agent de toute respoosabl-
11 té à raison des actes commis dans cet
état.
149. La monomanie, isolée de la dé-
mence proprement dite, n'est pas destruc-
tive de toute criminalité; elle n'efface pas
la volonté tout entière et laisse par consé*
quant à un certain degré la reqionsabiUté
de l'agent.
180. La contrainte, qui peut être une
cause de Justification des actions, peut ré-
sulter» non-seulement d'une force physique,
mais encore d'une cause morale.
1 ftl. L'obéissance passive à l'ordre d'un
supérieur peut être une cause de contrainte;
par exemple, le soldat qui exécute Tordre
de son chef. Il est clair toutefois que
la contrainte est plus on moins présumée
suivant la position plus ou moins élevée de
l'agent.
Ift8. Les questions de contrainte et d«
démence sont comprises dans la question de
culpabilité posée au Jury.
158.. Nulle peine ne peut être mitigée,
nul crime ou délit ne peut être excusé si ce
n'est dans les cas où la loi le permet
(art 66).
154. Il y a lieu de distinguer les faits
d'excuse et les faits Justificatifs : les pre*
miers, comme la provocation, atténuent la
culpabilité sans l'efficer entièrement; lea
autres, comme la démence» la contrainte,
la légitime défense, l'efllscent tout à fait.
QUATOBZlfiME Ia^ÇO^. 200
Faits d'excuse et circonstances atté •
RUANTES.
155. Le principe de l'art. 65 a reçu de
la loi du 28 avril 1833 une large extensldn ;
le système des circonstances atténuantes
formulé dans l'art. 463 n'en est qu'une ap*
plication.
156. Dans l'ancienne législation, les
peines étaient arbitraires el laissées à la dis-
crétion des Jujges : la législation de 1791,
réagissant contre ce régime, n'avait édicté
que des peines fixes, inflexibles, que les
Juges ne pouvaient atténuer.
159. Les inconvénients de ce dernier
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810
TABLB ET RÉSUMÉ DBS MATIÈRES.
système ont porté les rédsetears da Code 1 tenee et le mode d'exister de l'État On diB-
peaal à donner à chaque peine un minimum 1 tingae parmi ces faits ceux q[ai sont publics :
et un maximum, mais ces deux limites fu- 1 les peines qui leur sont applicables sont la
rent trop étroitement posées, et la loi du 25 déportation, la détention, le bannissement,
juin 1824 commence à faire descendre dans
quelques cas le minimum de la peine.
158. La loidu28 arrU 1832 a généralisé
cette faculté d'atténuation ; l'art. 463, qui
la eontenait déjà en germe, a été étendu
à tous les erimes et délits, et la constata-
tion des circonstances atténuantes a été con-
férée an Jury.
me. II y a entre l'admission des excuses
et celle des circonstances atténuantes des
dJilérences notables ; les excuses sont des
feits prévus et définis applicables à cer-
tains cas; les circonstances atténuantes sont
des faits indéfinis qui peuvent s'appliquer
à tons les cas et qui vont se traduire dans
une faculté d'atténuation pénale.
1 60. L'admission des circonstances ag-
gravantes n'est pas un obstacle à la décla-
ration des circonstances atténuantes : les
premières s'attachent au fait et en sont des
dépendances matérielles ; les autres sont
des faits moraux modiflcatifs de la crimi-
nalité de l'agent.
161. Lorsque l'accusé n'a pas sefse ans
aoeomplis, il y a obligation de demander au
Jury s'il a agi avec discernement.
168. Les art. 66 et 67 ordonnent que
l'accusé mineur de seize ans sera acquitté,
s'il a agi sans discernement, mais conduit
dans une maison de correction jusqu'à vingt
ans ; et, s'il a agi avec discernement, rédui-
sent d'un degré les peines légales.
163. L'art. 68 fait une exception aux
règles delà compétence et traduit le mineur
de seiie ans, accusé de crime, devant la ju-
ridiction correctionnelle, si le crime n'est
pas passible de la peine de mort ou d'une
peine perpétuelle, et si l'accusé n'a pas des
complices pius âgés.
164. Les condamnés^ Agés de plus de
soixante ans, n'encourent, au lieu des tra-
vaux forcés à perpétuité ou de la déporta-
tion, que la réclusion ou la détention éga-
lement perpétuelle. La loi du 80 mai 1854 a
abaissé à soixante ans la limite de cette at-
ténuation attachée jusque-là à l'Age de
soixante-dix ans.
atJilVUAlIB liBÇOW. 215
iNGRmiRATlON DBS FAITS PUNISSABLES.
16(1. Les faite punissables sont divisés
eo crimes et délits contre la chose publique,
oontre les personnes et contre les pro*
priétés.
LIVRE 111. — CaiiiBs et délits comtrb la
CBOSR PUBLiQDE.
166. Les crimes et délite contre la chose
E oblique sont ceux qui sont dirigés contre
\ personnalité du corps social, contre l'exis-
la dégradation.
16V. Il y a entre les crimes communs
et les crimes politiques cette différence qae
les crimes communs sont partout des cri-
mes, tandis que les crimes politiques n'ont
qu'une criminalité relative.
Sbct. I**. — CbImbs bt délits GomaB la
SDRBTi ^h^alBORE. Oftf^
168. Le port d'armes contre la France
commis par un Français qui n'a pas perdu
cette Qualité est puni de mort par l'art 75,
et de la déportetlon par la loi du 9 jain
1850.
160. Les actes qui rentrent dans les
termes de l'art. 75 sont tous les faite de ser-
vice ou d'hostilité commis sous lesdrapeaax
d'une puissance étrangère, sans une auto-
risation régulière.
190' Le crime de trahison envers l'État,
avec les différente caractères qu'il peut ré-
véler, fait l'objet des art. 76 et sulvanU.
Tous ces faite supposent la même crimina-
lité. ^^'T. ^.-
IVl. Les art.Mêt^prévoient les
actes qui peuvent exposer TEtat à une dé-
claration de guerre ou les Français à des
représailles : c'est le résultet que la loi cou-
siaère et punit ici, Indépendamment de la
gravité des actes.
II — GrIVBS GONTRB la SURBTÉ ÎRTJf-
Sbct.
BIBOBE.
/^
199. Le crime qui consistait dans la
non-révélation des crimes d'Eut, puni par
les art. 103 et suiv., a été aboli par la loi
du 28 avril 1832, et ces articles ont été
abrogés.
198. La proposition fkite et non agréée
de former un complot, c'est-à-dire la simple
pensée criminelle, fait l'objet de l'art 89 :
Il est nécessaire du moins qu'il y ait une
proposition sérieuse d'un projet arrêté à l'a-
vance.
194. Il y a complot, aux termes du
même article, par cela seul que la résolution
d'agir a été consentie et arrêtée entre plu-
sieurs personnes, et que le complot ait eu
pour objet les crimes mentionnés aux art.
86 et 87. S'il n'a été suivi d'aucun acte, la
peine de la détention.
195. S'il a été suivi d'un acte même
préparatoire commis ou commencé pour son
exécution, la peine est la déportation. La
loi do 24 mai 1834 a incriminé isolémeot
tous les actes préparatoires et en a fait des
délite distincte : l'achat d'armes et de muni-
tions, la distribution des armes, etc.
1 96. L'art. 90 punit de la détention la
résolution formée par un seul individu de
commettre le crime de l'art. 86, lorsau'il a
fait un acte matériel préparatoire de l'exé-
cution.
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GODE PENAL. -« CRIMS8 CONTRE LA CHOSE PUBLIQUE.
811
199. L*art. 86 puait de la pefaie du par-
ricide Tattentat contre la vie ou la per-
sonne du souyerain; de la peine de mort
l'attentat contre la Tie des membres de la
famille régnante; de la déportation Tatten-
tat contre leur personne. Il faut entendre
par attentat toutes les violences qualifiées
crimes par la loi.
198. L'art. 86 prévolt également le délit
d'offenses commises publiquement envers le
cbef de TËtat et les membres de sa famille.
Tous les faits qui constituent l'outrage et
rinjure sont constitutifs de Toffense.
199. Les attentats tendant à changer
le gouvernement ou à exoiter la guerre ci-
vile, pré? us par les articles 87 et 91, ne sont
plus punis que de la déportation, aux termes
de la loi du tO Juin 1853.
180. Il faut entendre par attentat, dans
le sens de ces deux articles, un acte de vio-
lence tel qu'une attaque à force ouverte,
une prise alarmes. L'attentat est constitué
par une tentative et par un simple acte
d'exécution.
181. La loi, en employant des termes
vagues, a voulu saisir tous les faits qui peu-
vent mettre l'État en péril et le menacer
d'un désordre grave; mais il est nécessaire
Sue ces actes aient pour but la destruction
e la forme politique ou la guerre civile.
188. Les art. 92 et suiv. prévoient
quelques faits spéciaux, la levée sans ordre
de troupes armées, l'usurpation d'un com-
mandement, les réquisitions de la force pu-
blique, la destruction des magasina ou arse-
naux.
188. L'organisation de bandes armées
pour commettre un attentat, prévue par l'art.
96, ne doit pas être confondue avec d'autres
faits analogues : les bandes ne sont ni des
rassemblements armés, ni des réunions ac-
cidentelles, ni des attroupements; c'est une
troupe organisée pour l'attaque ou la ré-
sistance. Les individus qui les ont quittés
au premier avertissement sont exempts de
toutes peines autres que la surveillance.
184. Le 2* § de l'art. 96 établit une
règle de complicité spéciale en incriminant,
non-seulement le fait de fournir des armes,
mais la participation à des actes prépara-
toires et les simples intelligences avec les
commandants de bandes.
185. La complicité par recelé, prévue
par l'art. 99, n'a lieu qu'autant que le rece-
leur a connaissance du but et du caractère
des bandes et qu'il a fourni des logements à
la bande même.
1 86. Les art. 5 et suiv. de la loi du 34
mai 1834, divisant l'attentat dans les divers
actes qui l'exécutent, ont prévu séparément
le fait de porter des armes dans un mouve-
ment insurrectionnel, d'y commettre des
actes de pillage, d'envahissement, d'attaque,
d'v dresser des barricades, briser les lignes
télégraphiques, etc.
189. La loi entend par armes, aux ter-
mes de l'art. 10l| toutes machines, tous
instruments et ustenttlei tranchants, per*
gants ou contondants.
i^BlZlAMH liBÇOJV. 233
Sect. I'*. — GaniBs contre l'EXERacE
DES DROITS CIVIQUES; ATTENTATS A LA
LIBERTÉ.
188. Le Gode pénal prévoit comme cri-
mes et délits contre la constitution, quel-
Sues délits qui se rattachent à l'exercice
es droits civiques : les actes de violences
avant pour but d'empêcher les citoyens
d^exercer leurs droits (art. 109 et 110).
189. Les art 111 et 112 punissent la
falsification des votes ; ce délit n'est punis-
sable que lorsqu'il est flagrant.
190. L'art. 113 ne prononce qu'une
amende contre l'achat et la vente des suf-
frages. Hais cette disposition a été modifiée
par la loi du 15 mars 1849.
191. La loi du 15 mars 1849 et le
décret du 2 février 1852 ont apporté de nou-
velles dispositions relativement aux élec-
tions. Ces dispositions prévoient : 1* les
votes illégalement émis; 2* les moyens de
violence on de corruption employés pour
altérer la vérité des suffrages ; 3'* la viola-
tion des scrutins. Tous les actes qui tendent
à fausser les inscriptions ou les votes ren-
trent dans la première de ces dispositions.
198. La seconde comprend l'entrée dans
l'assemblée électorale avec armes appa-
rentes ou cachées, les troubles apportés aux
opérations électorales, l'irruption dans les
collèges avec violences, les faits de corrup-
tion, d'achat ou de vente de votes.
198. La troisième catégorie comprend
les violences commises sur le scrutin même,
les voies de fait, l'enlèvement de l'urne, la
dispersion des bulletins.
SbGT. il — ÂTTBRTATS A LA LIBERTÉ.
194. La loi pénale apporte une sanction
au principe que personne ne peut être ar-
rête que dans les cas nrévus par la loi et
suivant les formes qu'eue a prescrites.
198. Les actes arbitraires attentatoires
à la liberté individuelle sont punis de la
dégradation clvioue. Il v a acte arbitraire si
l'arrestation a été ordonnée par un fonc-
tionnaire incompétent, si elle a été ordonnée
hors des cas qu'elle est permise, si elle a été
exécutée sans les formes légales; mais, pour
qu'il y ait délit, il faut en outre qu'elle ait
été commise abusivement.
196. L'art. 114 punit, outre les actes
attentatoires à la liberté, les actes attenta-
toires aux draits civiques des citoyens, mais
ses termes trop vagues ne précisent aucun
des faits qu'il a voulu punir.
199. L'obéissance hiérarchique est une
cause de Justification, quand l'agent a agi
{)ar ordre de ses supérieurs, en attentant à
a liberté d'un citoyen, dans un cas du res-
sort de ceux-d.
198. lacriminatiott des actes arbitraires
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812
TABLE ET RÉSTHCi DBS 1CAJIÉRB8.
faiUv ord<mnés par an mlDislr«; Iw gob-
diUoDs de cette incriminatioo oot cessé
d'exister (art. 115, 116 et 118).
199. L'art. 487 a eu pourbnt de fixer
le minimum des dommages-intérêts dans les
cas de détention arbitraire, de manière que
cette condamnation civile dq devienne pas
tout à fait illusoire.
999. Les art 615 et 616 du G. d'insL
crimi indiquent les moyens de faire cesser
les détentions arbitraires dans des prisons
Illégales. L'art. 189 du G. p. apporte à ces
articles une sanction incomplète en incri-
minant les fonctionnaires qui s'ont pas dé-
féré aux réclamations des détenus.
991 • L'art. 120 a pour ot^et de donner
une sanction à l'art. 609 du G. d'Inst. crim.,
qoi incrimine le gardien qoi re^it et retient
nne personne sans mandat ni jagement.
999. Cet article prévolt, en second ileo,
le refos du gardien de représenter le déteno
dont la représentation est régnlièiament
draiandée, et d'exbiber les registres de la
prison. L'art. 613 da G. d'inst. crim. men-
tionne toutefois l'ordre du Juge qui peut
défendre toute communication.
999. L'art. 132, qui se réfère à l'art.
276 du G. d'inst. crim., défend de traduire
derant la Gour d'assises un accusé dont la
mise en accusation n'aurait pas été admise
dans les formes prescrites par la loi.
994. Los fonctiOBoaires politiques, qui
sont les ministres, les membres du Corps
légtelatif et du GonaeU d'Étal, ne pouYani
être traduits en justice sans autorisation,
sauf le cas de flagrant délit, les Juges et offi-
ciers du ministère publia qui ne suspendent
pas les poursuites Jusqu'à cette autoriaa-
tion, sont punis de la dégradation civique
(art 727).
SbCT. m. — GOAUtlOlf DB FONCTIONNAIRES.
99tt. Les art. 123, 124 et 125 prévolent
le concert de mesures contraires aux lois
pratiqué par des fonctionnaires ou des
corps dépositaires de l'autorité publique.
Dans le cas où ce concert a pour objet un
complot, la pkis rigoureuse des peines est
appliquée^
999. L'art. 127, placé an môme point
de vue, punit la délibération par laquelle
des fonctionnaires, pour suspendre un ser-
vice, donneraient umultanément leurs dé-
m}salons«
SSGT. IV. — EuPIÈTEIfBNT DES AUTORlTléS.
99V . La séparation du pouvoir admlnls-
tratlf et du pouvoir judiciaire, établie par
la loi des 16-24 août 1790. trouve une sanc^
tlondans l'art 127, qui punit tout acte du
pouvoir judiciaire tendant à arrêter ou sus-
pendre les lois ou les ordres de Tautorlté
administrative.
999. L'art. 128 maintient le droit de
l'autorité administrative d'élever des con-
fliu. Il y a deux sortes de conflits : conflits
d'attribution et de JnridicUon. U s'agit ici
du premier, qui est positif on négatif. L'art .
2 de l'ord. du 6 juin 1829 a étafii les deux
cas dans lesquels il est permis de revendi-
quer une affàûre dont la juridiction répres-
sive est saisie.
909. L'art 129 apporte nne sanotioo à
l'art n de Ja Const du 23 frimaire an Vlfl»
aujourd'hui abrogé, qui portait que les agents
du gouvernement ne peuvent être pounulTia
pour des faits relatift à leurs fonctions sans
une autorisation du Conseil d'fitat.
919. Les an. 130 et 134 ont pour objet
de défendre le pouvoir judiciaire eontre les
entreprises de radminlstcatien ; ils se ber-
nent à prohiber toute ingérenee dans les
affaires judiciaires.
DlX-SEPTlâMB UBÇOIV. 2i8
EXAHEM DO CRin DE FAUX.
911. Caractères du crime de fausse
monnaie prévu par l'art. 132 : la loi réunit
dans la mime disposition la contrefaçon des
monnaies, l'altération de ces monnaies, leur
émission sans connivence avec le faussaire,
leur exposition dans un lieu public, et enfin
leur introduction sur le territoire. Il faut
dans tous las cas qu'il y ait intention frau-
duleuse et que les monaaies contrefaites
aient cours légal. La peine diffère suivant
que la monnaie est d'or, d'argent on de
cuivre.
919. fin général, la. grossièreté de la
oontrefaçou n'est pas une excuse. Cepen-
dant la simple coloration de monnaie d'ar-
gent ou de cuivre, pour tromper sur leur
valeurt n'est punie, suivant l'art. 134, mo-
difié par la loi du 18 mai 1863, que d'une
peine correctionnelle.
919% L'art. 132 étend aux monnaies
étrangères la protection établie en faveur
des monnaies françaises. Cette dispositiOB
s'étend même aux papiers-monnaie qui ont
cours forcé.
914. Les peines du crime de fausse
monnaie ne rappliquent point à ceox qui,
ayant reçu pour bonnes les monnaies con-
trefaites, les ont remises en drcuiation»
même après en atoir reconnu les vieesi ce
fait constitue une excuse légale, et ils ne
sont passibles que d'une simple amende
(art 435).
919. Les révélateurs sont exempts de
toute peine, si la révélation a précédé la con-
sommation du crime (art 138).
919. La contrefi^n des effets publics
et des billets de banque est punie, comme
la fausse monnaie d'or et d'argent, des tra-
vaux forcés à perpétuité. Celui qui remet en
circulation des billets annulés, en effaçant
le signe de l'annuiatlon, rentre dans les
termes de la loi.
919. La loi assimile au môme crime la
oontrefa^n du soeau de l'Etat et celle des
timbres nationaux, des marteaux de l'Etat
savant aux marques forestières, des poin-
çons servant à marquer l'or et l'argent. La
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CODB PÉNAL. — "GRniB DE FAVX.
«13
loi da 16 oetobre 1849 ne ponit pas d^one
peina p éenniaire l'asaige des ' timbrea^poste
ayant eenrt (art. 1S9 et 140).' .
818; L'art 141 prévient l'usage abusif
des vrais timbres, marteaux ou poinçons.
Le fatt d'enlever les écritares de vieux pa-
piers timbrés ne rentre pas dans ses termes.
Il en est autrement «i faU de transposer
sur un arbre l'empreinte du marteau de
l'État placée sur un antre*
91^. Les art 142 et 148 prévoient la
contrefaçon des marques apposées par le
Souvemement sur les denrées et marchan-
Jses, la contrefaçon des timbres-poste et
l'usage frauduleux des vrais timbres et mar-
ques ; la COQ VttffiÇon des marques de fabri-
que et de commerce est prévue et punie par
les lois des 28 juillet 1834 et 23 juin 18S7.
8SO. Le faux en écriture est une altéra-
tion de la vérité faite dans une écriture avec
Intention et possibilité de nuire à autrui.
%9 1 . L'altération matérielle de la vérité,
'qui est le premier élément du faux, doit
s'entendre de toute altération faite dans un
acte des clauses, des énonciations ou des
faits que cet acte avait pour objet de rece-
voir ou de constater.
998* L'intention criminelle, qui est le
deuxième élément du crime, consista dans
le dessein de nuire à l'aide du faux. II im-
porte peu que cette intention menace des
intérêts privés ou publics» qu'elle compro-
mette la fortune d^sutrul ou sa réputation,
qu'eiie ait pour mobile l'intérêt de l'argent
ou la haine et la méchanceté.
208. La troisième condition du crime de
faux est que le fait seit préjudiciable, qu'il
puisse apporter quelque dommage à autrui,
qu'il compromette un intérêt ou un droit.
C'est cette lésion frauduleusement causée
qui fait le crime. De là il suit que les alté-
rations commises dans les actes qui ne peu-
vent être la base d'aucun droit et d'aucune
action, échappent à rincrfmlnation.
824. Tous les faux en écritures se com-
mettent, soit par contrefaçon ou altération
d'écritures, soit par fabrication de eonven-
tiotts ou par leur insertion après coup dans
les actes, soit par addition ou altération de
clauses qu'ils avaient pour objet de consta-
ter. Le faux en écriture privée est puni de
la réclusion (art. iSO).
225» Il faut dans tous les cas qu'il y ait
un acte préjudiciable s l'agent qui ne signe
que d'une croix, ou qui conduit la main
passive d'un tiers, ne commet de faux que
si la possibilité d'un préjudice existe.
. 220. D y a contrefaçon de signature
quand on souscrit ii^ acte du nom d'une
personne à qui on l'attribue A son insu. Il
importe peu que la signature soit exacte-
ment Imitée, c'est l'usurpation du nom du
tiers que la loi punit
229. La fabrication de conventions a
lieu par supposition d'écrits ou par supposi-
tion de personnea. Il y « suppositten d'écrits
quand l'agent fabrique, avec l'iotentten de
le faire passer pour vrai, uo acte quelconque.
228. n y a supposition de personnes,
lorsque l'agent suppose la présence d'une
personne dans un aete, pour créer des en-
gagements soit contre cette personne, soit
contre dee tiers (art. 145).
229. Il y a faox {«r insertion après
coup de conventions, dispositions, obligatioDS
ou décharges dans les actes toutea les fols
que, par une interoahition de dimosltlonfl
faites dans les actes après leur eloture, on
en altère le sens primitif. Ainsi, toute addi-
tion faite dans ua acte à l'insu de l'une des
parties et avec l'intention de lut nuire, ren-
tre dans les termes de la loi.
280. L'altération de faits et de déclara-
tions dans les actes qui ont pour objet de
les recevoir, peut avoir lieu, soit par l'alté-
ration même de l'écriture de ces actes, soit
par de fausses déclarations faites devant les
ofûciers oui les rédigent. Il faut toutefois,
pour qu'il y ait crime, que la fausse men-
tion porte sur les faits et les circonstances
que racte a pour mission d'énoncer.
281. Le faux en écriture prend trois
circonstances aggravantes, selon qu'il est
commis en écriture commerciale, en écri-
ture publique, ou par des offlciers publics.
288. Les faux en écriture de commerce
sont punis des travaux forcés à temps. Il
faut entendre par écritures de commerce
celles qui émanent d'un commerçant, ou
qui ont pour objet une opération commer-
ciale. Ainsi, la lettre de change est une écri-
ture essentiellement commerciale. Le billet
à ordre n'a ce caractère qu'autant qu'il porte
la signature d'un commerçant ou qu'il s'ap-
plique à une opération de commerce.
888. Les faux en écriture publique sont
punis de la même peine. Il faut entendre
par écriture publique tout acte émané d'un
fonctionnaire ou crâne autorité ayant un
caractère public.
884. Lorsque le faux en écritures pu-
bliques est commis par un fonctionnaire
public, la peine est eaUe des travaux forcés
A perpétuité (art 147). Ce faux est commis
dans l'exercice des fonctions, lorsque l'offi-
cier altère un aeie^ une mention, qu'il avait
mission de faire on de constater.
888. Cette fabrication a lieu lorsque
l'ofllcier dénutore ou détruit les conventions
qu'il constate, lorqu'il suppose des signa-
tures ou des comparutions de personnes qui
n'ont pas eu lieu, lorsqu'il fabrique, en vertu
de leur qualité, des actes faux^ . .
.' 886. Lea officiers publics commettent
une autre espèce de faux, le fîmx intellec-
tuel (art. 146), qui consiste dans l'altération,
non des écritures, mais de la substance des
actes, en y insérant des clauses non couve-
nues, en écrivant des contentions autres
que celles que les parties ont dictées.
889» Le faux intellectuel s'opère soit en
écrivant, des coareiitiOBa antrea que cetk'
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814
TABLE BT RÉ8UKÉ DBS MATIÈRES.
qui ont été traeées par les parties, soit en
constatant comme vrais des faits faax, ou
comme avancés des faits qui ne Tétaient pas.
Toutefois, si les faits faux sont constatés
comme vrais du consentement des parties,
il y a simulation et non plus crime de faux
988. Lies simples particuliers qui ont
eoopéré au faux commis par un officier pu-
blie, sont punis des travaux forcés à temps
(art. 147).
989. La fabrication d'un acte faux et
l*usage de cet acte constituent deux crimes
distincts, Indépendants l'un de l'antre. II
faut, pour gu'ii y ait crime d'usage, que la
Séce falsifiée renferme les éléments d'un
ux punissable, et que l'usage ait été fait
avec connaissance de la fausseté de la pièce
(art. 148 et 151).
940. Les faux commis dans les passe-
ports, dans les permis de chasse, dans les
feuilles de route et dans les certificats de
maladie, d'indigence et de bonne conduite,
ne constituent que de simples délits, à rai-
son du préjudice restreint quMls causent.
941. La fabrication, la falsification et
l'usage d'un faux passe-port ou d'un permis
de chasse, constituent un délit puni d'un
emprisonnement de six mois à trois ans
(art. 158).
949. L'usage du passe-port ou du permis
consiste dans l'exhibition qui en est faite
quand elle est requise. La seule possession
ne suffit pas.
948. La supposition de noms> soit dans
un passe-port, soit sur les registres des lo-
geurs et aubergistes est également un délit
(art. 154).
94M. L'offieier public qui a délivré le
passe-port sous un nom supposé est respon-
sable : V s'il ne connaissait pas l'individu
et s'il a omis de se faire attester son nom;
2» s'il a été instruit de la supposition du
nom. La même incrimination a été étendue
à l'officier qui fait délivrer le passe-port
(art. 155).
945. La falsification et l'usage des feuilles
de route sont soumis aux mômes règles que
les passe-ports. La peine s'aggrave toutefois
et s^éièfe de deux à cinq ans, si la falsifica-
tion a eu pour résultat de toucher des frais
de route supérieurs à 100 fr. (art. U6»l58).
946. Les faux commis dans les certifi-
cats constituent des fanx ordinaires, toutes
les fois quMis contiennent obligation ou dé-
charge et qu'il peut en résulter un préjudice
À des tiers, car ie caractère de faux ne peut
dépendrede la forme de l'écriture (art. 162).
949. Mais, hors ce cas. les fanx certifi-
cats ne constituent qu'un oéiit. Tels sont les
certificats de maladie fabriqués sous le nom
d'un médecin pour se rédimer d'un service
Ïmblio. Il faut que la maladie soit fausse, que
e nom d'un homme de l'art soit usurpé,
que to certificat ait pour but de procurer
l'exemption d'un aerviee pobUe (art 159).
949. Si c'est le médecin lui-même qu^
délivre le faux certificat, il est nécessaire*
pour qu'il soit punissable, que la maladie
soit fausse, qu'elle soit propre à fonder une
dispense et que le certificat soit délivré dana
ce but. La peine s'éiève s'il a été mu par
dons ou promesses (art. 160).
949. Quant aux certificats de bonne
conduite, indigence et autres circonstances
propres à appeler la bienveillance, leur Ul-
orication sous le nom d'un offider public,
est un délit puni d'un emprisonnement de
six mois à deux ans (art. 161); fabriqués
sous le nom d'un particulier, la peine est
de qninse Jours à six mois.
Di]i:-inJiniEMB IiBçom. 274
CaiMBS BT DELITS DBS FOIfCTIORHAmBS.
950. On entend par forfaiture le crime
commis par un fonctionnaire public dans
l'exercice de ses fonctions.
§ L — Soustractions cohhisu par les ut-
POSITAIRBS PUBLICS.
951. Le Gode prévient deux sortes de
soustractions : celles qui sont commises par
les comptables et celles qui sont commises
par les autres fonctionnaires. L'art. 169
s'applique à tous les comptables qui sont
dépositaires, en vertu de leurs tonetioaa, de
deniers, d'effets ou de valeurs. La peine eet
proportionnée au montant des valeura (art.
nO-172).
959. L'art. 173 s'applique à la sous-
traction des actes et titres dont les fonc-
tionnaires sont dépositaires : la loi punit,
non-seulement la soustraction, mais la des-
truction et la suppression.
§ U. — CONCDSSIONS.
959. La concussion est toute perception
illégale faite avec connaissance de l'Illégalité
par les officiers préposés à une perception
publique. Les éléments du crime sont rabna
de l'autorité, l'illégalité de la perception et
la connaissance de l'illégalité par l'agent. La
peine portée par l'art. 174 est la réclusion
Sour les officiers et l'emprisonnement de
eux à cinq ans pour leurs commis. La loi
du 13 mai 1863 a réduit ces peines au cas
où les sommes indûment perçues n'excèdent
pas 300 fr.
§ m. — InVIXTIOn DANS LBS AFFAttlS
INGOMPATIBLBS.
954. L'art. 175 incrimine tout fonction-
naire qui prend un intérêt dans les entre-
prises dont il a la surveillance ou dans les
affaires qu'il se charge d'ordonnancer ou
de liquider. Le seul fait de la participation
du fonctionnaire constitue le délit.
955. L'art. 176 prévoit un autre fait ana-
logue au précédent, c'est l'immixtion d'un
commandant ou d'un préfet dans le com-
merce des grains ou des boissons: c'est
encore le seul fait de la participation dans
ce commerce qui fait le délit.
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GODB PÉNAL.
GRIME DBS FONCTIONNAIRES.
815
g IV. — COMUFTION MS F0NGTI0NR1»E8
PDBUGS.
856 . Le fonctionnaire qui fait trafic des
actes de sa fonction, qui fait ou s'abstient
de faire tel ou tel de ces actes, dans un in-
térêt illicite et à prix d'argent, se rend cou-
pable de corruption. Il faut, pour que
rart. 177 soit applicable: l*que ragent ait
la qualité de fonctionnaire ; S** que des offlres
aient été agréées ; 3" que ces offres aient
pour objet un acte de la fonction.
S57. Sont compris dans les mêmes dis-
positions les experts et arbitres qui agréent
des offres on promesses pour rendre une
décision ou donner une opinion.
258. Le crime de corruption prend
deux circonstances aggrayantea : 1« quand
il a pour objet un fait passible d'une peine
plus forte que la dégradation civique ; 2**
quand il est commis par un juge pronon-
çant en matière criminelle (art. 178, 182).
259. L'agent de la corruption est puni
d'une peine différente, suivant qu'elle a été
ou non suivie d'effet. La tentative, non sui-
vie d'effet, ne constitue qu'un délit. Si les
offres sont agréées, la même peine frappe
le corrupteur et le préposé, soit qu'il s'a-
gisse d'un acte commis ou d'une abstention.
Les voies de fait et les menaces qui opèrent
contrainte sont assimilées aux dons et pro-
messes qui opèrent corruntion (art. 179).
260. Tout juge ou administrateur qui
se décide par faveur pour une partie ou par
Intimité, est coupable de forfaiture (art.
283).
§ V. — Abus d'autoritiL
261. Les abus d'autorité divisés en
classes : contre les particuliers et contre la
chose publique. Le premier des abus contre
les particuliers est la violation du domicile.
L'inviolabilité du domicile est un principe
général; U loi a prévu les cas ou il est
permis d'y pénétrer. L'art. 185 punit toute
introduction hors de ces cas et contre le gré
du citoyen.
262. Le deuxième abus est le déni de
justice. Ily a déni de justice quand les juges
refusent déjuger. L'art. 185 punit la persis-
tance dans le refus, la violation du devoir
de la fonction.
268. Le troisième abus est l'exercice de
violences sans motif légitime, c'est-à-dire
qui ne sont pas motivées par la nécessité
d'accomplir la fonction. Les agents qui ex-
cèdent les limites de la force indispensable
à l'exécution de l'acte tombent sous les tei^
mes de l'art. 186.
264, Le quatrième abus est la suppres-
sion ou l'ouverture des lettres. L'art. 187
ne s'applique qu'aux violations commises
par les agents de l'administration qui vio-
lent le secret des lettres dans une intention
frauduleuse.
265 . Les abus d'autorité contrôla chose
publique, prévus par l'art. 188, sont les or-
dres ou réquisitions qui auraient pour objet
de diriger la fwce publique contre les lois,
la perception des impôts ou les mandats de
justice.
266. Les règles du Gode civil, relatives
à la tenue des registres de l'état civil, trou-
vent une sanction pénale dans les art. 192^
193, 194 et 195.
269. Les fonctionnaires qui commencent
d'exercer leurs fonctions avant d'avoir prêté
serment, ou qui les continuent après avoir
été remplacés, commettent une usurpation
de pouvoir que punissent les art. 196 et 197.
268. Les fonctionnaires qui s'associent
aux crimes et délits qu'ils sont chargés de
surveiller sont passibles d'une aggravation
des peines attachées à ces crimes et délits ;
car, outre la criminalité qui en résulte, ils
trahissent leur mission et se servent de leur
autorité pour favoriser les actes qu'ils dol-
fent préfenir. Tel est l'objet de l'échelle
pénale de l'art. 198.
§ VI. -^ DÉUTS DVMINISTftRB DES CULTES.
260. Les ministres des cultes qui pro-
cèdent aux cérémonies rdigieuses d^un ma-
riage, sans qu'il leur ait été justifié de
l'acte civil de mariage, commettent un abus
aue les art. 199 et 200 mettent an rang des
éliU<
296. Les critiques, censures ou provo-
cations dirigées contre Tautorité publique
dans un discours pastoral prononcé publi-
quement, constituent également un délit
(art. 201).
291. Les mêmes censures, insérées dans
une instruction pastorale» sont punies de
peines plus graves (art. 205 et 206).
292. Les art. 206 et 208 ont pour objet
la correspondance des ministres des cultes
avec la cour de Rome; la loi considère
comme un délit les relations entretenuee
avec le gouvernement étranger, mais elle
ne les punit que lorsqu'elles ont lienàl'insu
du gouvernement.
DnL-mUWlÉME I4BÇOIV. 298
Rébellion, ouraAess et violences.
298. A la suite des frais de forfaiture
et des abus d'autorité viennent, dans l'ordre
du Code, des infractions qui sont dirigées
contre l'autorité publique et contre la paix
publique.
Rébellion,
294. La rébellion est toute attaque ou
résistance avec voies de fait contre les offi-
ciers publics. U faut que l'attaque on résis-
tance ait lieu envers les agents désignés par
la loi, qu^eile se produise par des violences
ou voles de fait, qu'elle ait pour objet de
les repousser au moment où Ils agissent
pour l'exécution des lois (art. 209).
295. La résistance est-elle un délit
quand elle ne fait que repousser l'exécution
d'un acte illégal ? Il y alleu de distinauerr
si l'ofilcier public agit dans l'exercice de sea
Digitized by CnOOQ IC
816
TABLB ET I^UUÉ DES MATliRBS.
fonetionff 6*11 eit porteur d'un titre exéca-
tolre, IHrrégnlerfté de l'opératioD ou da
titre ne serait pas une excuse ; mais s'il
agit sans mandat et sans titre, bore deecas
préfus parla ioi, et saosoliserTer les formes
Sa'ellea prescrites, la présomption de léga-
té ne protège plas ses actes.
996. La rébellion prend les caractères
d'un oriBM lorsqu'elle est commise par plus
de Tingt personnes ou aYoo port d'armes
(art. 211).
99 V . Il faut entendre par réunion armée
toute réuBioo d'iodl vidas pour un crime ou
un délit* lorsque plus de deux personnes
portent des armes ostensilAes (art. 214),
•98. Lescondamnéspeorrélwliion sont
passibles de l'amende et de la sunreiHance.
Ceux qui se sont retirés au premier avertis-
sement sont exempts de la peine (art, 218,
218,221).
990. La loi assimile aax rebelles les
émeutes gui peuvent éclater dans les ate-
liers pubilcst les hospices ou les prisons
(art. 219).
980. Les crimes commis pendant une
rébeUlony en dehors des violences constitu-
tives de la rébellion, conservent les peines
qui leur sont propres (art, 216)«
881. n ne faut pas confondre les réu-
nions, 4ue forme une rébellion, avec les
attroupements sur la voie publique, que la
loi du 7 Juin 1848 punit de peines plus ou
moins fortes^ suivant quils sent plus ou
moins menaçants pour la tianquIUité pu-
blique.
OeTBAOES R VIOLBRCBS,
888. Les outrages et violences prévus
par le Code sont ceux qui s'attaquent, non
plus aux actes de l'autorité, mais aux fonc-
tionnaires eux-mêmes dans rexereice de
leurs fonctions,
888. L'art. 222 punit tout outrage par
paroles tendant à Inculper l'honneur on la
délicatesse, adressé à un magistrat de
Tordre administratif ou Judiciaire, dans
rexerciee ou à l'occasion de ses fonctions,
n n'est pas nécessaire que l'injure soit pu-
blique et proférée en présence du magistrat.
La loi du 13 mai 1868 a étendu cet article
aux outrages par écrits ou dessins non pu-
blics.
884. La peine est aggravée sL l'outrage
a eu lieu à randience d'un tribunal.
885. Quand l'outrage ne se manifSsste
<Itte par gestes ou menaces, la peine est
moindre, parce qu'il est moins déterminé
(art. 223).
886. Les art. 224 et 225 prévoient le
cas où l'outrage est fait soit a un officier
ministériel» à un agent dépositaire de la
force publique, à un commandant de la
force publique, et à tout citoyen chargé
d'un service public.
889. L'oifensenr peut être condamné à
faire réparation : cette sorte de satisfaction
ne doit pas être eon/ondue avec l'amende
honorable que l'aoeleBiie législation mettait
au nombre des peines (art. 226).
888. Lorsque l'outrage s'aggrare par
des violences et voles oe fait, la peine
d'emprisonnement peut s'élever de deux A
cinq ans. La loi joint à cette peine l'iatar-
diction de résider 'dans le lieu où siège le
magistrat (art. 228 et 229) .
888. Les voles de fait prennent ua ca-
ractère plus grave: 1** si elles ont eu liea
à une audience; 2" si elles ont été la cause
d'effusion de sang v 3* si elles ont causé la
mort dans les quarante Jours ; 4* si elles ont
été faites avec préméditation : 5' si elles ont
été faites avec l'intention de donner la mort
(art. 280-238).
RSFUI D'un SERVICE nU UfGALBUEMT.
880. Le refus du commandant qui, lé-
galement requis, refuse d'agir, constitue un
délit passible d'un emprisonnement d'un à
trois mois (art. 234).
881. Les témoins et les Jurés, dont la
non-comparution est punie d'amende par le
Gode d'inst. crim., sont soumis, à ;nn em-
Prisoonement de six Jours à deux* mois si
excuse allouée est reconnue fausse (art.
286),
EtàSIOH de DârERDS.
888. Uévasion n'est pas un délit ((oand
elle n'est accompagnée ni de bris de prison
ni de violences ; mais ces voies de fait cons-
tituent un délit quand les détenus les em-
ploient pour s'évader fart. 245).
888. Cette disposition ne s'applique pas
aux condamnés aux travaux forces oétanns
dans les bagnes, ou à la Guyane ; des lois
spéciales leur appliquent une continuation
de la peine pour le lait de l'évasion.
884. La peine de l'évasion se cumule
aveu les autres peines et ne sert pas d'élé-
ment à l'aggravation pénale de la récidive.
808. La loi pénale, en ce qui concerne
l'évasion, s'adresse surtout aux fhoteurs et
complices, qui sont punis de peines plus ou
moins graves, sQlTsnt que invasion est le
résulut de leur négligence ou de leur conni-
vence (art. 288).
288. Les peines qui s'appliquent aux
Sereonnes qui ont favorisé revaslon s^éten-
eut non-seulement aux préposés et gardiens,
malsl toutes autres personnes; seulement
elles sont alors moins fortes, parce que le
deroir spécial de la fonction n'aggrave plus
le fait. '
889. Les art. 241 et 248 prévoient, an
cas d'évasion stoc bris ou Tiolence^ la com-
plicité de ceux qui ont fonmi des instru-
menU ou des armes.
888* .La corruption pratiquée sur les
5 ardions est punie comme tout autre acte
e corrupUon (art. 242), et l'évasion fait
poser sur ces iàutenrs la responsabilité de
fa partie civile (art. 244).
888. U peine de la négligODce, en eu
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CODE PÉNiX. — VAGABOnDASB, MSMDICITÉ.
817
l
d'érasfon* C6»e longue TéTadé est r^ptiB
dans les qaaitre mois (art. 247).
800. Le recel des détenus éYadëa et de
tout prévenu de crime est qualifié délit. Il
Îf a toutefois une exception pour l'épouse,
es ascendants et desceodaots, et les frères
et sœurs de l'agent.
EnLÈVEH£NT ]>E pièces dans les DEPOTS
PUBLICS.
aoi . Le bris de scellés régulièrement ap-
posés emporte contre les gardiens une peine
correctionnelle (art. 2)9).
802. La peine s'éiève jusqu'à deux ans
si le bris de scellés s'applique à des papiers
et effets d'un prévenu de crime emportant
peine capitale ou perpétuelle (art. 250).
808. Le délit s*aggrave et la peine s'é-
lève encore si le bris de scellés a été fait à
dessein et que le gardien y ait participé. Le
vol commis à l'aide d'un bris de scellés est
considéré comme commis avec effraction
(art. 253).
304. Les soustractions de pièces dans les
dépôts publics sont un crime puni de la ré-
clusion (art. 254). Les gardiens négligents
sont punis d'une peine correctionnelle.
805. Le notaire qui, après avoir cédé
son étude, prétend ne restituer ses minntes
à son successeur qu'avec un supplément de
prix, stipulé secrètement en dehors du prix
porté au contrat, ne rentre pas dans les ter-
mes de la loi.
806. Le clerc de notaire qui soustrait
un titre dans l'étude de son patron n'est
passible que de réclusion et non des tra-
vaux forces (art. 173 et 254).
DÉGRADATION DE MONUMENTS.
809. L'objet de l'art. 257 a été de pro-
téger les monuments publics contre les mu
tiia tiens et dégradations, sa disposition s'é-
tend aux œuvres d'art et à toutes les cons-
tructions utiles.
Usurpation de titres,
808. L'immixtion sans titre dans une
fonction publique ou la perpétration d'un
acte de cette fonction est qualifiée délit, sans
préjudice de la peine de faux, s'il y a lieu
(art. 258).
809. L'usurpation, non plus du pouvoir,
mais de ses insignes, d'un costume» d'un
uniforme, d'une décoration, est également
qualifiée délit (art. 259).
810. La loi du 28 mai 1858 ai^onté à
l'art. 259 un 2* §, qui punit d'une amende
de 500 à lOiOOO fr. ceux qui, sans droit et
en vue de s'attribuer une djl^tinction bono-
rifique, ont pqbliquement pris un titre ou
modifié leur nom. L'addition du titre ou du
nom, la publicité, l'iotentlon de s'attribuer
une distinction : tels sont les trois éléments
de oe délit»
Entraves a l'exercice des cultes.
811. Le libre exercice des coites est un
I.
dmit? toute yaiù de f^it oueontrainiêexer*
cée pour l'entraver est un délit (art. 260),
818. L'art 260 nincrimine que les
voies de fait et les menaces des particu-
liers, et 11 ne s'étend pas aux faits relatifs
à la. célébration des létes et dimanches
qui sont prévus par la loi du 18 novembre
1814.
818. Les troubles causés dans les tem-
ples peuvent constituer un délit lorsqu'ils
ont produit un empêchement, un retard ou
une interruption de rexercice du culte.
Association de malfaiteurs.
814. Les dettes d'assodation de malfsl-
teurs, de vagabondage et de mendicité ont
un caractère commun ; ils constituent une
menace contre la paix publique.
815. L'association de malfaiteurs con«
siste dans l'organisation de bandes dirigées
contre les personnes ou les propriétés avec
convention du partage du produit des mé-
faits. Il suffit de faire partie de la bande
pour être réputé malfaitenr (art. 266).
Vagabondage,
816. Le vagabondage est la situation
des Individus qui n'ont ni domicile certain
ni moyens de subsistance, et qui n'exercent
habituellement ni métier ni profession (art*
270).
819. La première oendition du délit est
l'absence d'un domicile certain. Il ne s'agit
pas du domicile d'origine, mais du domicile
d'habitation, d'un domicile actuel, fixe on
non. Les deux autres éléments sont le dé«
faut de moyens d'existence et de profession
qui rendent l'agent dangereux pour la so-
ciété.
818. Les peines prononcées par lesart,
271, 272 et 273 révèlent le caractère par-
ticulier du délit de vagabondage, délit qui
demanderait des mesures préventives plutôt
que répressives.
819. Le oondamné pour vagabondage
peut étre^en cas de circonstances atténuan-
tes, dispensé de la. peine accessoire de la
surveillance.
880. Les condamnés âgés de moins de
seize ans, sont exempts de la peine d'em-
if>ri8onnement ; mais, au lien de les mettre
dans une maison de travail et d'éducation,
la loi se borne à les mettre sous la surveil-
lance de la police.
^8^1. Le délit s'aggrave si l'agent est
nanti de valeurs dont il ne peut justifier
la source, s'il est trouvé travesti, porteur
d'armes ou d'instruments propres aux crl-
mefll^ ou s'il a commis des actes de violence
(art. 269),
MbndicitIE,
828. La mendicité n'est point un délit:
elle ne le devient que dans les lieux où est
établi un dépèt de mendicité ou à l'égai^d
des individus valides qui en ont l'habitude
(art. 271, 272).
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818
TABLE ET RÉSUMÉ DB8 MATIÈRES.
' 828. La mendieUé derlent encore od
délit lorsqu'elle se commet en réunion, ou
avec des infirmités feintes, ou avec menaces
et Tiolation du domicile (art. 286).
884. Les condamnés ponr mendicité
avec circonstances aggravantes sont ren-
voyés sous la surveillance de la police.
DlSTSIBCTlON d'^BITS.
888. Les délits commis par la voie de la
presse sont prévus et punis par les lois des
17 mai 1819, 25 mars 1822, 9 août 1848,
27JuUiet 1849 et par le décret du 17 février
1852.
880. L'art 283 continue de subsister
en ce qui concerne les distributeurs des
écrits qui sont publiés sans nom d*auteor
et d'imprimeur. La distribution d'écrits ne
peut être faite sans autorisation, aux termes
de l'art. 6 de la loi du 28 Juillet 1849.
Associations ilucitbs.
88 9 . L'association est d'un droit naturel,
mais son exercice peut être réglé de ma-
nière à prévenir les associations immorales
et dani^ereuses.
888. Le principe du Code est de sou-
mettre à l'autorisation préalable du gouver-
nement toute association, quel que soit son
objet, composée de plus de vingt person-
nes (art. 291). 11 importe peu d'ailleurs
qu'elles se fractionnent en portions d'un
nombre ou moindre on qu'elles ne se réu-
nissent pas À des Jours marqués; la loi du
10 ayrll 1834 a eiiacé ces premières condi-
tions du délit.
889. La peine du délit, qui ne frappait
que les chefs et directeurs, a été étendue
la loi du 10 avril 1834 à tous les mem-
!
par J
bres.
880. Ceux qui prêtent ou louent sciem-
ment leur maison pour la réunion d'une as-
sociation illicite, sont considérés comme
complices.
88 t. Les sociétés secrètes sont punies
par l'art, id de la loi du 28 Juillet 1848.
Les réanioos publiques, de quelque nature
qu'elles soient, sont interdites par l'art. 2
do décret dn 25 mars 1852.
TI.liCiTIÊHE liBÇOW. 383
OaiMBs GOirras lbs PBasoNRBS.
888. Après les crimes et délits contre la
cbose publique, viennent dans l'ordre du
Ck)de les crimes et délits contre les parti-
culiers, et d'abord les violences contre les
personnes.
888. Le meurtre est l'homicide commis
volontairement (art. 295).
884. Il faut donc, en premier lieu, un
attentat matériel ayant pour but d'ôter la
vie d'un être humain. <> \ .(?pÎ9*>
885. Il faut^ en deuxième lieu, la vo-
lonté de tuer, c'est-à-dire la volonté ani-
mée de la fraude, de la perfidie, du dolqui
constitué le crime.
880. Ainsi, la eomplielté do suielde
qui n'est point un crime, n'eet point par
elle-même une complicité de meurtre, si ce
fait, bien qu'lmmoiai^ n'a pohit été inspiré
par la fraude. ,
889. Ainsi encore, l'homicide cominis '
dans un duel, lequel ne peut, quelque re- '
grettable qu'il soit, être assimile à un crime j
de meurtre. '
888. La jurisprudence^ qui coneidère
l'homicide et les blessures faites dans an
duel comme un homicide et des blessures
volontaires, est fondée sur une fausse appré-
ciation de la volonté criminelle constituliTe
du crime. — — — —
880. La peine dn meurtre est celle des
travaux forcés à perpétuité.
840. Le parricide est le meurtre des
pères ou mères légitimes, naturels ou adop-
tifo (art. 299),
341 . L'infanticide est le meurtre d'an
enfant nouveau-né (art 800). L'enfant »t
réputé nouveau-né tant que les délais pour
déclarer sa naissance ne sont pas expirés.
848. L'assassinat est le meurtre commis i
avec préméditation ou de guet-apens. La I
Siréméditation est le dessein formé à l'avance l
e tuer. Le guet-apens, espèce de prémé- I
ditation, consiste à attendre ia victime dans 1
un certain lieu. *
848. L'empoisonnement, qui est un ho-
micide volontaire avec prémédllatlon» osi
tout attentat à la vie d'une personne par
l'effet de substances mortifères (art. 301).
Le crime est consommé dès que le poison
est employé ou admlnis'ré, quelles que soient
les suites.
844. La loi assimile à l'assassinat les
actes de torture et de barbarie; tels étaient,
à l'époque de la rédaction du Gode, les
actes des Chauffeurs et des Garrotteurs
(art. 803).
845. La loi établit enfin comme une cir-
constance aggravante du meurtre le fait
2u'il a été précédé, accompagné ou sulTl
'un autre crime, ou qu'il a eu pour objet
de préparer ou d'exécuter un délit ou de
favoriser l'Impunité des auteurs du délit
(art. 304).
La peine de l'assassinat et de tontes les cir-
constances aggravantes du meurtre est la
peine de mort.
840. Les menaces ne sont incriminées
par la loi que lorsqu'elles se manifestent
avec des circonstances qui leur impriment le
caractère d'une résolution arrêtée, et qu'elles
ont pour but un attentat contre les per-
sonnes.
847. La menace d'attentat contre une
personne est pnnie par l'art. 305^ modifié
par la loi du 13 mal 1863, d'un emprison-
nement de deux à cinq ans, lorsqu'elle est
faite par é«it à un ordre et sans condition.
La peine est réduite d'un à trois ans, si la
menace n'a été accompagnée d'aucun ordre
ou condition. La peine se réduit encore si
la menace a été verbale. La menace dln-
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GODB PÉNAL. — - GRIMES CONTRE LES PERSONNES.
819
candie est atsiinilée à eelle d'anaieinat.
8A8. La menace verbale oa par écrit de
TOlea de fait oa violences, avee ordre ou
sons eonditloD, est punie de six jours à trois
mois d'emprisonnement ou d'une amende
(art 308).
849. Les coups et blessures volontaires,
incriminés par les art. 809 et suiv., don-
nent lien à des peines plus ou moins graves,
suivant les résultats occasionnés. La loi du
18 mai 1863, en qualiflant ces faits de dé-
*lits, les a renvoyés dans la plupart des cas
devant la juridiction correctionnelle.
850. L'incapacité de travail ou la ma-
ladie de plus de vingt jours, occasionée par
ies violences, entraîne une agsravatlon de
la peine, mais ne change pas la quallfica-
Uon du dëUt.
851. Le délit s'aggrave en premier lieu
lorsqu'il est résulté des coups et blessures
une mutilation on une infériorité perma-
nente, on s'ils ont occasionné la mort,
même sans intention de la donner.
858. Une seconde cause d'aggravation
est la préméditation oo le gnet-apens. Une
troisième cause est cniand les coups et
blessures ont été portés à des ascendants
(art. 312).
858. Le crime de castration est puni de
travaux forcés à perpétuité et de fa mort
si la mort en est résultée dans les quarante
jours (art. 316).
854. L'avortement procuré à une femme
enceinte est un crime puni de la réclusion ;
la peine s'élè? e aux travaux forcés, si le
coupable est un homme de l'art. La femme
n'est punissable que si l'avortement qu'elle
a voulu se procurer s'en est suivi. I^s au-
tres personnes sont responsables de la sim-
ple tentative (art« 317).
855. Le 2« § ajouté à l'art. 317 a eu
pour objet de suppléer à une omission du
Gode, relativement aux maladies cauiées
par une substance nuisible à la santé. SI la
maladie ou incapacité de travail dure plus
de vingt jours, le fait prend le caractère de
crime, et, s'il est commis envers un ascen-
dant, la peine s'élève jusqu'aux travaux for-
cés. U faut, en tout cas, que les subetances
aient été volontairement administrées, qu'el-
les soient nuisibles et qu'elles aient causé
une maladie.
856. La fabrication et la vente des ar-
mes prohibées, prévues par l'art 314, et la
vente de boissons falsifiées, contenant des
mixtions nuisibles à la santé, prévue par
l'art. 318, sont des actes préparatoires des
crimes et des délits qui viennent d'être
énumérés.
a 5 7. L'homicide commis et les blessures
faites Involontairement par l'effet de cir-
constances fortuites qu'aucune faute n'a
prpduites ne sont passibles d'aucune peine.
859. Mais si l'homicide ouïes blessures
ont été le résultat d'une maladresse, d'une
imprudence, d'une inattention, d'une né-
gtlgenee, enfin d'une faute quelconque, l'a-
gent est responsable.
859. S'il y a un homicide, la peine est
de trois mois à deux ans ; s'il n'y a que
blessures, la peine est de six jours à deux
mois outre une amende (art 320).
860. La loi admet, & l'égard de l'homi-
cide et des blessures, des causes d'excuse
et de justification particulières. La première
excuse est la première provocation : l'agent
ne peut invoquer l'excuse que lorsqu'il a été
provoqué par des coups ou des violences
graves. Les paroles les plus outrageantes
et les voies de fait légères ne suffisent pas
(art. 321).
801. Mais les violences graves sont une
excuse, soit qu'elles aient été commises sur
l'agent, ou sur ses enfants, sa femme, ses
proches, des tiers même. Toutefois l'excuse
n'est pas admise en cas de parricide et en
cas de meurtre commis entre époux (art.
323, 324).
868. La violation du domicile par l'es-
calade ou l'effraction des clôtures pendant
le jour est également une cause d'excuse
pour l'homicide et les blessures.
868. Bien que le meurtre commis par
l'un des époux sur l'autre ne soit pas excu-
sable, il y a exception au cas de flagrant
délit d'adultère de la femme t le mari qui
surprend sa femme et son complice est ex-
cusable du meurtre qu'il commet.
864. Enfin, un violent outrage à la pu-
deur est une excuse du crime de castration
(art. 325).
865. L'admission de l'excuse comporte
l'atténuation des peines même les plus fortes
jusqu'à nn emprisonnement de six mois à
cinq ans (art 326).
866. Les causes de justification sont
l'ordre lécai et la nécessité d'une légitime
défense. Il n'y a ni crime ni délit quand
l'homicide ou les blessures ont été com-
mandées par une autorité (art. 327).
86f . U n'y a ni crime ni délit quand
l'homicide ou les blessures étalent comman-
dés par la nécessité, actuelle de la légitime
défense de soi-même ou d 'autrui (art. 328).
Il faut toutefois que la défense, pour être
légitime, soit motivée par un péril actuel.
L'art 329 assimile au cas de la légitime
défense le fait de repousser pendant la nuit
l'escalade ou reflnraction des clôtures, et le
fait de repousser des vols ou pillages com-
mis avee violences.
VIlVOT-UnriÉMB liEÇOIV. 361
Crimes et délits coiitrb lbs personubs
{suite). — Attentats aux nouas.
868, Après les coups et blessures, vien-
nent les attentats aux mœurs, qui compren-
nent l'outrage public à la pudeur, l'attentat,
le viol, l'excitation à la débauche, l'adul-
tère et la bigamie.
868. L'outrage public à la pudeur non
défini par l'art 330 consiste dans des faits
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820
TABLB ET KÂSimÉ DBS MATIÈRES.
matériels et impndiqaes qui oat été <hi ont
pu être un sujet de ecandile pour rhonoô-
teté et la pudeur de ceux qui en ont été
les témoins.
370. L'art. 331 punit de la réclusion
tout attentat à la pudeur sans violence sur
un enfant de moins de treiie ans : il faut en-
tendre ici par attentat à la pudeur tous les
actes matériels qui ont pour objet de 0étrir
et de corrompre l'enfant. . ^ , ,
871. La loi avait d'abord fixé à cette
incrimination la limite de onse ans t la loi
du 13 mai 1863 a porté cet Âge à treize
ans.
B7 2. Si cette sorte d*attentat est commis
par un ascendant, la peine est applicable
jusqu'à la majorité et rémancipatlon de la
victime.
878. L'attentat à la pudeur avec vio-
lence est puni de la réclusion (art. 332).
C'est l'usas e de la force, violentant la vo-
lonté, qui fait le crime.
814. Si l'attenUt à la pudeur a pour
but le viol, il est puni des travaux forcés à
temps : c'est le plus grave des attentaU à la
' ir, puisqu^il peut eu résulter pour la
pudeur^ ^ >
victime un irréparable dommage.
895. L'attentat à la padenr et le viol
prennent une aggrwaAion dans l'âge de la
victime t si elle a moins de quinze ans, la
peine est, dans le premier cas» les travaux
forcés à temps, et, dans le deuxième, le
maximum de cette peine.
896. Une autre aggravation résulte de
la qualité de l'agent : s'il est ascendant de
la victime, s'il avait autorité sur elle, s'il
était son serviteur ou son instituteur, s'il est
enfin fonctionnaire ou ministre d'un culte,
la peine est celle des travaux forcés à per-
pétuité. U môme peine s'applique enuore au
cas où il a été aidé par des complices <art.
888). Cet article est applicable à l'autorité
de fait eomme à l'aulorlté de droit ; au do-
mcstiQue qui est dans la famille, quoiqu'il ne
soit pas celui de la personne; au foncUon-
Mire et au ministre du culte, lors même
qu'ils ne se sont point servis de l'autorité de
leurs fonctions.
899. L'attentat aux mœurs qui a pour
objet d'exciter, de favoriser ou de fecihter
la débauche des mineurs, fait l'objet de
rart 334 et constitue un délit.
89 8. Ce délit ne doit être Imputé qu'aux
proxénètes, aux personnes qui en font mé-
tier : il ne s'étend pas. aux personnes qw
pratiquent une honteuse séduction pour sa-
tisfaire leurs propres passions.
899. Mate il n'est pas nécessaire, pour
qu'il y ait habitude, qu'il ]r «H plusieurs vic-
times : l'habitude peut résulter d'actes de
corruption sur une seule personne.
880. Le délit s'eggravesUa prostitution
a été excitée, favorisée ou facilitée par les
pères, mères, tuteurs et surveillanU.
881 II n'est pas d'ailleurs nécessaire,
pour l'existence du délit, que le mineur ait quM«on d état
S&nétrl par la débauche, le délit réside dans ' 898. • - -
l'acte de proxénétism0« dans l'entremlM de
l'agent.
888. L'adultère consiste dans le com-
merce Illicite d'un homme et d'une femoie,
lorsque l'ua de ces deux acents est marié»
868. Les peines de l'adultère sont por-
tées par les art. 837 et 888 contre U ftmme
et son compUce. lï fautentendre ici par oon»»
S lice, non U personne qui fournit les moyens
6 commettre le délit, mais le eoantenr.
884. L'adultère ne peut être dénoncé
que par le mari. Mais lorsqu'il a portépUinte,
le ministère publie exerce librement ractioa
publique. Le mari peut cependant se désis-
ter; il peut aussi faire cesser la peine €o
pardonnant.
885. La plainte du mari ouvre l'action
contre le complice, mais celui- cl ne peut ôtre
poursuivi seul. Le désistement lui praftte
avant le Jugement et non après,
886. Le mari est non reoevable s'il a
entretenu une concubine dans la maiaoa
conjugale (art. 886 ei839).
889. Le fait d'entretenir une coneubioe
dans la maison conjugale est de la part du
mari un délit que la loi n'a toutefois puni
que d'une amende. La femme a dans ce cas
le droit de porter plainte.
888. En matière d'adultère, Its seules
preuves admissibles contre le complice sont
le flagrant délit et les écrits. La Jurispru-
dence a admis aussi les aveux.
889. Le crime de bigamie consiste dans
le fait d'un agent qui, déjà engagé dans les
liens d'un mariage, en contracte on second
{art. 350). Il faut donc le lien d'un premier
mariage, le fait d'en contracter un autre
avant la dissolution du premier, entln l'in-
tention qui fait la criminalité.
Séqcestsation pis pkrsoxnbb.
890. Le crime de charte privée fait
l'objet de l'art. 341. Il faut, pour le consti-
tuer, un fait d'arrestation, de détention ou
de séquestration, et que ce fait soit illégaU
La peine des travaux forcés à temps s ap-
plique même aux complices et à ceux qui
ont prêté le lieu.
CaiVES «T piLcrs contbb L'airPAirr.
891. L'art. 345 prévolt les actes qui ont
pour but d'altérer rétat civil d'un enfant ;
tels sont : l'enlèvement, le recelé ou la sup-
pression de l'enfant, la substitution d'un
enfant à un autre, la supposition d'un en-
fant à une femme qui n'est pas accouchée.
La loi du 13 mal 1864 a ajouté une double
incrimination pour le cas où il n'est pas
établi que l'enfant supprimé ait vécu et où
il est établi qu'il n'a pas vccu.
898. SI la poursuite des crimes de
suppression ou de supposition d'enfant sou-
lève une question d'état, Taction criminelle
est suspendue, aux termes des art. 326 et
327 du Gode dvll, Jusqu'au jugement de la
d'état.
Les art 846 et 847 prévoient deux
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CODE PÉNAL.
CBIBIBS GONTRB LB8 PROPRIÉTÉS.
821
faits de négligence : le fait de ne pee déclarer
la naiflsance d'un enfant guand on a assisté
à i'accoacbement, et le fait de ne pas re-
mettre à l'ofûcier de Tétat cItU l'enfant
nouyeau-né qo'on a trouvé. Les consé-
quences graves de ces deux omissions en
ont fait deox délits.
394. Le fait de porter à nn hospice un
enfant qui a été confié à l'agent est un délits
lorsque celui-ci s'était chargé de le nourrir
(art. 348).
395. L'exposition ou délaissement dans
un lieu non solitaire d'un enfant an-dessous
de sept ans est un délit passible d'un empri-
sonnement de trois mois à un an. La durée
de la peine s'accroît silo délit est commis par
les tuteurs et instituteurs (art. 352 et 368).
Elle s'aggrave encore si l'exposition a eu lieu
dans un lieu solitaire où Teofant ne pou-
vait trouver du seoours. La peine est celle
du meurtre si k mort s'en est suivie (art.
351).
396. L'enlèvensent des mineurs par
fraude ou violence, prévu par l'art. 3&4, est
puni de la réclusion. Cette espèce de rapt,
raptus in parentett est consommée par le
seul détournement
307«Le rapt d'une mineure de seize ans
(rapt de séduction) est puni de l'emprison-
nement ou des travaux forcés à temps, soi-
▼ant que le ravisseur est mineur ou majeur
(art. 356).
399. Hais si le ravisseur a éponsé la
illie qu'il a enlevée, Il ne peut plus être
poursuivi qu'au cas où la nullité du ma-
riage est prononcée (art. 357).
899. L'inhomation d'un individu décédé
sans l'autorisation préalable de l'officier pu-
blic est punissable, lors môme qu'il s'agit
d'un enfant mort-né (art. 858).
400. Le recelé du cadavre d'une per-
sonne homicidée, pour assurer l'impunité
du crime, est puni d'un emprisonnement
de six mois à deux ans (art. 359).
401. L'art. 860 prévoit la violation des
tombeaux ou sépultures { il faut entendte
non-seulement la soustraction des objets
déposés dans la tombe, mais les outrages
matériels qui troubleraient les restes de
l'homme.
PàUX TÉMOIGNàGB.
4L03. Le crime de faux témoignage sup-
pose une déposition faite en partie sous la
foi du serment et une déposition contraire
à la vérité. Ainsi les personnes entendues
sans prestation de serment ne peuvent être
poursuivies pour faux témoignage.
403. Un refus de répondre ou une
simple rélicence ne constitue pas un faux
témoignage. Les variations et contradictions
ne peuvent être incriminées que lorsqu'elles
ont pour but d'égarer la Justice.
404. Le faux témoignage n'est puni que
lorsqu'il est porté contre le prévenu ou en
sa faveur, c'est-à-dire lorsqu^l porte préju-
dice à l'accusation ou à la défense.
405. L'Intention criminelle du témoin
de mauvaise foi, son dessein de tromper le
Juge, est un élément nécessaire du faux té-
moignage.
406. Les peines du faux témoignage
s'aggravent suivant la gravité du préjudice
qu'il a causé ; en matière criminelle, la
peine est la réclusion ou la peine que si
fausse déposition a fait appliquer.
4:07. En matière correctionnelle et de
police, et en matière civUe, la peine est un
emprisonnement de deux à cinq ans et d'un
an à trois.
408. Les peines s'aggravent lorsque la
fausse déposition est le résultat de la cor-
ruption.
409. La subornation des témoins n'est
qu'un acte de complicité du faux témoignage*,
le suborneur est puni des mêmes peines
(arL 865).
410. Le faux serment, quand il a été
déféré en matière citlle, est puni d'un em-
prisonnement d'un à cinq ans et d'une
amende de 100 fr. à 8,000 fr.
GaLOMNIB et BtVtLkTlOJi DE SECRETS.
411. Les art. 367 et suir. sur la ca-
lomnie sont abrogés par l'art. 26 de la loi
du 26 mai 1819. Les art. 878^ 376 et 378 ont
seuls été maintenus dans ce chapitre.
41 S. L'art. 373 prévient le délit de dé-
nonciation calomnieuse ; il faut une dénon-
ciation par écrit aux officiers de justice ou
de police, qui impute avec mauvaise foi des
faits faux et préjudiciables.
418. L'art. 378 incrimine les personnes
qui révèlent des secrets dont elles sont dé-
positaires par état ou profession. Tels sont
les hommes de l'art, les prêtres, les avocats
et avoués, les notaires. 11 suit de là que,
lorsqu'ils sont cités en Justice, Us sont dis-
pensés de déposer sur les faits qui leur ont
été confiés dans l'exercice de leur profes-
sion.
414. Deux conditions sont nécessaires
pour qu'il V ait dispense de déposer, il faut
que la confidence ait été reçue dans l'exer-
cice de leurs fonctions, Il faut qu'elle ait
été faite sous le sceau du secret.
V1N«T-1NBUXIAHB liBÇOIV. 897
Grimes et dAlits coittre les PRorRiÉTts.
415. Le vol est la soustraction fraudu-
leuse d'une chose appartenant à autrui
(art 379).
416. La soustraction, cmtrectatiOf n'est
pas seulement l'appréhension de la chose,
c'est la mise de la main sur l'objet conYoité,
c'est le déplacement, l'enlèvement de cet
objet, sa prise de possession.
419. Il n'y a pas de soustraction dans le
fait de retenir frauduleusement un objet ap-
partenant à autrui et trouvé par hasard, à
moins que l'intention frauduleuse ne se ma-
nifeste au moment de l'appréhension.
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822
TABLE ET RÉSUMÉ DES MATliRES.
418. La fraude, qui constitue le dea-
lième élément du toI, est l'intentioa de
s'approprier une chose f ue l'agent sait ne
pas lui appartenir.
419. Le troisième élément est qae la
chose soustraite appartienne à autrui : ainsi,
le saisi qui détourne des choses saisies sur
lui ne commet aucun 7ol.
480. L'action du yol cesse : V quand
la chose soustraite n'appartient à personne ;
t' quand, après a?olr appartenu à autrui,
elle a été abandonnée ; 3" quand elle a été
perdoe par l'ancien propriétaire qui ne se
représente pas. Mais un droit partiel sur la
chose n'exclut pas le^ol de la partie appar-
tenant à autrui.
481. L'art. 880 a fait une exception en
fiYeur des soustractions commises par les
maris au préjudice de leurs femmes, les
femmes au préiadice de leurs maris, les en-
fants au préjudice des ascendants et les as-
cendants au préjudice des enfants. Ces
soustractions ne constituent ni crime ni
délit. Mais les complices non parents sont
responsables.
4831. Les larcins et filouteries sont des
vois exécutés, soit furtivement, soit par
adresse, mais qui doivent réunir les élé-
ments constitutifs du vol. Les peines du
vol simple sont un emprisonnement d'un
à cinq ans, avec surveillance, amende et
suspension des droits civiques.
438. Les circonstances aggravantes sont
prises soit de la qualité de ragent, soit du
temps ou du lieu où le vol a été commis,
soit des faits qui ont accompagné l'exécution.
484. L'aggravation résuite de la qualité
lorsque l*agent est domestique dans la mai-
son ou ouvrier dans l'atelier où il a commis
le vol (art. 386). Le vol esc réputé domes-
tique quand il est commis dans la maison
du maître au préjndice de tiers ; ou dans
une autre maison où l'agent accompagnait
son maître.
485. La loi assimile aux ouvriers les in-
dividus trayaillant habituellement dans
l'habitation où ils ont volé; elle ne s'appli-
que pas aux individus qui ne prêtent qu un
travail momentané.
486. Les aubergistes et hôteliers subis-
sent également une aggravation à raison des
vols commis sur les choses qui leur ont été
confiées. La même disposition est étendue
aux voituriers et bateliers.
487. Les voituriers et bateliers sont
également responsables des altérations com-
mises dans les vins et marchandises qu'ils
transportent ; ces altérations sont assimi-
lées au vol, mais le caractère de ce délit
n'est pas aggravé (art. 387).
488. Une antre cause d'aggravation ré-
sulte du temps dans lequel le vol est com-
mis ; commis pendant la nuit, cette circon-
stance est un élément d'aggravation.
489. Une troisième cause d'aggravation
résulte du lieu où le vol est commis ; toute-
fois quand ie vol est commis dans les
champs, c'est-à-dire dans un lieu où les bes-
tiaux on les récoltes sont exposés à U foi
publique, le fait ne change pas de caractère»
et le degré de la peine d emprisonnement
varie seulement suivant les circonstanees
qui accompagnent le vol (art. 388).
430. Le déplacement ou renlèvement
de bornes servant de séparation aux pro-
priétés, est assimilé au vol (art. 389).
481. Mais le vol commis dans nn liea
habité puise dans cette circonstance un élé-
ment d aggravation. La loi considère comme
maison habitée tout bfttimeot qui sert à
l'habitation et tonte dépendance de ce bA-
timent ; elle étend même cette qualification
aux édifices, parcs et enclos, non senraot à
l'habitation, mais dépendant d'une maison
habitée (art. 390, 391, 392), et des édifices
consacrés aux cultes.
438. Les vols sur les chemins publics
Sarticipent dans une plus grave proportion
e l'aggravation pénale : la loi a touIu pour-
voir, sur des chemins isolés^ à la sûreté des
voyageurs et de leurs effets (art. 383}.
433. La coopération de deux ou plu-
sieurs personnes & un toI est un élément
d'aggravation ; mais il ne sufQt pas que l'a-
gent ait un complice, il faut un coauteur.
434. L'effraction est une circonstance
aggravante ; elle consiste dans le forcement
d une clôture destinée à faire obstacle à
l'enlèvement de l'objet enfermé ou au pas-
sage du voleur (art. 893,396). Elle est ex-
térieure ou intérieure : extérieure pour fa-
ciliter l'introduction ; intérieure, la consom-
mation du vol.
485. L'escalade est une autre circon-
stance aggravante : elle consiste dans l'en-
trée dans une clôture quelconque par-des-
sus les murs ou les pierres. L'entrée par
une ouverture souterraine est assimilée à
l'escalade (art 397).
436. L'usage des fausses clefs est placé
sur la même ligne : tes fansses clefs soat
tous crochets,clefs,qui n'ont pas été desti-
nés aux serrures auxquelles Vag^t les a
employées. La fabrication des fausses defe
est un délit (art. 398, 399).
489. Le port d'armes est un mode d'exé-
cution du vol qui en aggrave également le
caractère. Il suffit qu'un seul des agents ail
porté des armes apparentes ou cachées.
438. La violence est la plus grave des
circonstances aggravantes du vol. Le crime
est à la fols un attentat contre la personne
et contre la propriété (art. 382). La peine
s'élève alorsjusqu'aux travaux forcés a per-
pétuité.
439. L'extorsion est une sorte de toi
commis par force, violence ou contrainte :
elle a pour objet de surprendre la signature
ou la remise d'un acte contenant obllgatioo
(art. 400).
440. La loi du 13 mai 1853 a étendu
l'art. 400 à l'extorsion commise & l'aide de
la menace écrite ou verbale de révélationa
ou d'Imputations diffamatoires. *
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CODE PÉKAL. — FIUUDB89 B8CR0QUBRIE8.
441. L'emploi d'un faox tUr«» d'un faux
costume ou d*un faux ordre pour commettre
on Tol, est un élément d'ag^aTation.
442. Le Yol commis avec les cinq clr-
conataoces prévues par l'art. 881, puni» par
le Gode de 1810, de la peine de mort, nW
plus passible, depuis la loi du 28 avril 1832,
que des travaux forcés à perpétuité.
TI!V«T-TB01S1AHB liBÇ01¥. 410
BàNQDXaODTIS, I8GR0QUERIB8, PaàCDIS.
448. Les atteintes à la propriété résul-
tent non-seulement des vols, qui sont des
attentats violents et non prévos, mais de
diyerses fraudes qui, avec d'autres moyens^
ont le même résultat.
444. La plus grave de ces fraudes est la
banqueroute, qui est la situation d'un com-
merçant dont la faillite a été précédée on
suivie %oit de &utes graves, soit d'actes
frauduleux (art. 402 et 403}.
445. Les faits constitutifs de la banque-
route simple sont énumérés par les art.
585 et 586 du Code de comm.
446. Les faits constitutifs de la ban-
queroute frauduleuse sont énoncés dans
rart. 591 dn môme Gode.
447. Les faits de complicité de ban-
queroute frauduleuse sont définis par l'art.
593 du Code de comm.
44 A. Les agents de change et courtiers
Î[ui font faillite sont passibles des travaux
orcés (art. 404).
449. La loi distingue le dol civil et le
dol criminel : le dol civil n'est qu'une ruse
commerciale, blâmable sans doute, mais
dont chacun peut se préserver ; le dol cri-
minel est une fraude plus ou moins habile-
ment tissue pour tromper autrui et pour le
dépouiller.
450. L'art. 405, qui définit et punit le
délit d'escroquerie, énonce les différents
moyens frauduleux qui peuvent être em-
ployés pour dépouiller autrui. Le premier
de ces moyens est l'usage de faux noms et
de fausses qualités.
451. Le deuxième moyen d'escroquerie
est l'emploi de manœuvres frauduleuses.
Que fant-il entendre par manœuvres ? Les
paroles, les promesses, les réticences ne
suffisent pas : les manœuvres supposent
une combinaison de faits capable d^gir ef-
ficacement sur les esprits.
458. 11 faut ensuite que ces manœuvres
aient été assez puissantes pour procurer la
remise des fonds ou des valeurs qui sont
l'objet de l'escroquerie.
458. L'escroquerie ne s'applique qu'aux
choses mobilières : les objets qu'elle a en
vue sont des fonds, des meublei*, des obli-
gations, des billets, promesses, quittances
ou décharges.
454. Avant la loi du 13 mai 1863, la
délivrance des valeurs ne constituait que la
tentative ; le délit n'était consommé que par
leur détournement. La loi nouvelle incri-
mine le fait de se faire remettre on de ten*
ter de se faire remettre; d'où il suit que
c'est désormais la simple remise, et non
plus la dissipation, qui consomme le délit.
455. L'art. 406 a pour but de protéger
la faiblesse des mineurs contre les fraudes
des usuriers et des préteurs sur gages : il
punit quiconque abuse de leurs passions
pour leur faire souscrire des obligations
onéreuses. La peine est on emprisonnement
qui peut s'élever à deux ans et une amende.
456. L'art. 407 punit l'abus d'un blane-
seing. Le blanc-seing est une signature don-
née en blanc pour approuver une écriture
qui doit être placée au-dessus. L'abus con>
siste dans nne obligation frauduleusemen.
placée 10 lieu de l'écriture convenue. Cet
abus, qui renferme un faux, est puni
comme tel, quand le blanc-seing n'a pas été
confié il l'agent.
459. L'abus de confiance, préyo par
l'art. 408, et gn'il faut distinguer du dol
civil consiste dans le détournement par un
tiers, des fonds, marchandises, eifets, qui
lui avaient été remis à titre de mandat, de
dépôt, de prêt, ou pour un usage déterminé.
* 458. il faut entendre, dans l'art. 408,
par détournement et dissipation, l'action
par laquelle l'agent s'approprie la chose qui
lui a été confiée, il faut donc qu'il y ait à
la fols main mise sur cette chose, et inten-
tion d'en faire sa propre chose.
458. Les objets dont le détournement
peut être incriminé sont les effets, deniers,
marchandisea, billets et tous écrits opérant
obligation ou décharge. Il faut que le dé-
tournement ait été fait au préjudice des
propriétaires.
460. Les contrats, dont la violation
rentre dans les termes de l'art. 408, sont les
contrats de louage, de dépôt, de mandat,
de nantissement, de prêt à usage.
461. L'abus de confiance, qui n'est pas-
sible que d'un emprisonnement de six mois
à deux ans, devient passible de la réclusion
s'il est commis par un ouvrier dans la mai-
son du mallre, par un officier public ou
ministériel, par un domestique.
468. Celui qui a détourné une pièce,
après l*avolr produite dans une contestation
Judiciaire, commet une sorte d'abus de con-
fiance passible d'une amende (art. 409) .
BIaisoiis db jbu bt db pbét sua gages.
468. Le fait d'avoir tenu une maison de
\eu, et d'avoir établi des loteries est prévu
par l'art. 410.
464. Les loteries sont prohibées par la
loi du 21 mai 1836, et l'art. 3 de cette loi
étend l'art. 410 aux loteries étrangères. Il
n*y a d'exception que pour les loteries de
bienfaisance autorisées par radministration.
465. L'art. 411 punit tout établissement
d'une maison de prêt sur gages sans auto-
risation.
Digitized by
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824
TABLB BT RÉSUMÉ DBS MATIÈRES.
' ENTAàWS A Là LIBVMIÉ MS IHCBkREfl.
466« l'art. 412 a pour objet de protéger
la liberté des adjudicataires : il puDft les
troubles et les eotraves qui portent atteinte
à cette liberté.
Violation des règlembiits inddstribu.
469. L'art. 413 punit d^uoe amende la
violation des règlemeoU reiatirs aux pro-
duits des manufaotures exportés à rétranger.
408. L'embauchage des ooTriers pour
les faire passer en pays étranger est l'ob-
jet de l'art. 417.
469. L'art. 418 prévoit la violation des
secrets de fabrique : c'est l'abus de con*
fiance commis piir les ouvriers ou commis
eaq>ioyés dans une fabrique. La peine est
plus ou moins grave, suivant les résultats
plus on moins préjudiciables de l'abus.
490. La législation relative aux coali-
tions a été plusieurs fols modifiée. Les pre-
mières lois sur cette matière sont la loi du
14 Juin 1791, des 28 sept, et 6 oct. 1791
(Ut. U, art. 19 et 20), la loi du 22 germi-
nal an II, et les art. 414 et 416 du Gode pé-
nal de 1810.
471. Ces textes ont été une première
fols rectifiés par la loi du 27 novembre 1849,
qui avait eu pour but d'établir nne parfaite
égalité entre les patrons et les ouvriers, re-
lativement au délit de coalition.
478. Une nouvelle loi du 25 mai 18S4 a
pris une autre base : le principe de la liberté
au travail. La coalition des patrons et des
ouvriers est libre. La loi ne punit que les
violences et les fraudes.
476. L'article419 prévoit les coalitions
qui se forment entre les détenteurs d'une
maorehandise pour opérer soit la baus&e^
soit la baisse des prix. Il faut, pour consti-
tuer le délit, l'emploi de moyens fraudu-
leux et l'événement de cette hausse eu de
cette baisse.
474. Le Code a voulu interdire, dans
ses art. 421 et 422, l'agiotage qui opère sur
des valeurs fictives. Les paris sur la hausse
ou la baisse des effets publics sont prohibés.
TaOHPSaiB S€R les choses VÏND€BS.
475. L'art 428 prévoit deux délits : la
tromperie sur la nature et la qualité des
choses vendues, et la tromperie sur la quan-
tité des mêmes choses par usage de faux
poids et de fausses messures ; aux peines
d'emprisonnement et d'amende, la loi du
18 mai 1863 a ajouté l'afOche du Jugement.
496. 11 faut entendre, dans le deuxième
paragraphe de l'art. 428, par faux poids et
fausses mesures des instruments de pesage
ou de mesurage, non pas seulement irrégo-
liers, mais inexacts.
497. La loi du 27 mars 1852 a modifié
l'art. 428 en ce qui concerne la vente des
denrées alimentaires et médicamenteuses,
la loi du 6 mai 185S, en ce qui concerne les
boissons. Ces deux lois punissent les firaudes
sur la nature et la qatotité des choses ven-
dues.
GONTKEPàÇONB.
478. Le délit de contrefaçon consiste
dans la reproduction entière on partielle
d'une œuvre artistique ou littéraire appar-
tenant à autrui. L'imitation, )e plagiat, les
citations, les emprunts môme ne sont pas
une contrefaçon.
479. Il y a contrefaçon, noo-senlement
dans la reproduction des œuvres de l'esprit,
qui s'opère par Timpression, mais par tous
les autres moyens, la sculpture, la peinture,
la gravure. Le délit s'étend à toute fabrica-
tion illicite susceptible de préjudtcier à
l'exploitation vénale de l'auteur.
480. Le droit de propriété des œnvres
Intellectuelles s'étend à la veuve et aux en-
fants^ et la loi lenr donne pendant un cer-
tain temps les mêmes droits qu'à l'auteur.
481. La contrefaçon des ouvrages dra-
matiques a lieu par la représentation^ sur
un théAtre, des ouvrages publiquement.
D]£uT8 ass FSvamssEims.
486. Les art. 480 et suiv. prévoient :
1* les fautes des fournisseurs de l'Etat qui
font manquer les services dont ils sont
chargés ; 2** les. retards qu'ils apportent à
leurs livraisons et travaux ; 3" les fraudes
qu'ils commettent dans leurs faurnltures.
VINil V-aUATBlAHB MASÇQK. 439
Incendie.
488.. Le crime d'incendie a un carac-
tère mixte : il attaque à la fols les person-
nes et les propriétés.
484. Quand l'incendie s'attaque à une
maison habitée ou servant. à rhabitatloo, il
y a présomption qu'il menace la vie de
l'homme, et non pas seulement la pro-
priété, et la peine est la mort (art. 481,
1 1")-
486. La Jurisprudence a compris, dans
les lieux servant à rbabitaiion, non-seule-
ment les lieux habités, mais encore leurs
dépendances.
486. La peine est la même, soit que les
objets incendiés appartiennent ou n'appar-
tiennent pas à l'auteur du crime.
487. La peine est encore la même lors-
que le feu a été mis à des voitures ou wa-
gons contenant des personnes ou faisant
rirtie d'un convoi qui en contient (art. 434,
8)'
488. L'incendie, quand II n'est plus un
instrument homicide, mais un instrument
de dévastation^ est puni des travaux forcés
à perpétuité; tel est l'incendie mis à des
édifices, navires, chantiers qui ne sont ni
habités ni servant à l'habitation, quand ils
n'appartiennent pas à l'agent.
486. La peine descend aux travaux for-
cés à temps si le feu a été mis à des récoltes
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CODE PÉNAL. — CONTRAVENTIONS DE POLICE.
825
en meules, des bois, ou sur des voitures
ctuirgées de marchandises.
490. Si les objets, incendiés appartien-
nent à ragent^ et qu'il peut néanmoins, par
exemple» en cas d'assurance, en résulter
un préjudice ponr autrui, le fait n*ést plus
qu'une grave escroquerie, et la peine est soit
celle des travaux forcés à temps, soit celle
de la réclusion, suivant la nature des objets
(art. 434, §§ 4 et 6).
491 . Le fait de mettre le feu à des ob-
jets placés de manière à communiquer l'in-
cendie à des édifices, est puni, si la com-
munication a eu lieu, comme si le feu avait
été mis à ces édifices.
498. Si, dans tous les cas, l'incendie a
occasionné la mort d'une ou de plusieurs
personnes se trouvant sur les lieax, la peine
de mort est appliquée (art. 434).
49S. Les distinctions et les peines sont
les mêmes lorsque la destruction a été ef-
fectuée par une mine.
DiSTROCTION DB PROPRIÉTÉS.
494. Les art. 347 et suiv. prévoient les
destructions, dévastations et voles de fait
dirigées contre la propriété mobilière et
immobilière. Si les voies de fait s'opposent
à la confection de travaux autorisés par le
gouvernement, cette opposition constitue un
délit (art. 437, 438).
495. L'art. 439. qui punit la destruction
de titres, ne s'applique ni à l'extorsion, ni
au détournement de ces titres, ni à la sup-
pression des actes dans les dépôts, qui fout
l'objet d'autres dispositions de la loi; il ne
punit que la destruction des actes, hors
des dépôts. 11 faut seulement que l'acte
détruit contienne obligation, disposition ou
décharge.
49e. Les art. 441, 442 et 443 prévoient
le pillage des denrées ou marchandises : il
faut, pour leur application, qu'il y ait non-
seulement pillage ou dégftt de marchan-
dises, mais encore réunion en bande et em-
ploi de la force ouverte. La peine fléchit au
cas de provocation ; elle s^aggrave si les
denrées sont des grains.
497. Les dommages volontairement cau-
sés aux marchandises ou matières servant
à la fabrication font l'objet de l'art. 443.
499. Les art. 444 et suiv. ont pour ob-
jet de protéger les propriétés rurales expo-
sées à la foi publique, en punissant les dé-
vastations de récoltes sur pied, le fait
d'nbattre des arbres, de détruire des gref-
fes, de couper des blés, de rompre des ins-
truments d'agriculture.
499. L'art. 462, qu*il faut conférer avec
l'art. 198, aggrave les peines lorsque l'agent
a la qualité de garde champêtre ou fores-
tier, ou d'officier de police ; cette qualité,
qui leur donne l'obligation de surveiller, les
rend plus coupables quand ils participent
aux délits.
LIVRE IV. — Contraventions de police.
500. Les contraventions forment la
troisième classe des faits punissables.
501. Les matières de la police sont dé-
finies par l'art. 4, titre XI de la loi des
16-24 août 1790 : elles ont pour objet de
procurer aux citoyens l'ordre et le bon
aménagement de la cité.
SOS. Les contraventions de police sont
établies par la loi et par des arrêtés que les
maires, auxquels la loi a délégué ce pou- ^^
voir, peuvent prendre sur les matières qui s.
constituent cette police. ^
508. Ainsi, le quatrième livre du Code
pénal prévolt les infractions de police géné-
rale; et l'art. 11 de la loi du 18 Juillet 1837
délègue aux maires le droit de prendre des
arrêtés sur les objets confiés à leur vigilance
et à leur autorite.
504. Les contraventions existent par le
seul fait de la désobéissance aux prescrip-
tions de la loi et des règlements, abstrac-
tion faite de toute intention criminelle et
de toute fraude.
505. Les peines de police sont : 1* un
emprisonnement d'un à cinq Jours ; 2^ une
amende de 1 à 15 fr. ; 3** la confiscation des
choses saisies en contravention.
506. Il n'y a récidive, en cette matière,
que lorsqu'un premier jugement prononcé
par le môme tribunal, dans les douze mois
précédents, prononce une peine contre le
contrevenant. La récidive aggrave la peine
dans les limites des peines de police.
507. Le Code pénal divise les contra-
ventions en trois classes, qui sont Tobjet des
art. 471, 475 et 479, et qui sont passibles
d'une amende de 1 à 5 Ar., de 6 à 10 fr. et
de 11 à 15 fr. L'emprisonnement est né-
cessaire en cas de récidive.
ft08. Les contraventions, outre le Gode
pénal et les arrêtés journaliers des maires,
résultent encore des anciens règlements qui
ont été maintenus dans certaines matières.
509. L'art. 484, qui termine le Code,
dispose que, dans toutes les matières qu'il
n'a pas réglées, les règlements existants con-
tinueront à être observés. Ces matières sont
énumérées dans l'exposé des motifs.
510. Il faut entendre par matières non
réglées par le Code celles sur lesquelles il
ne contient que quelques dispositions épar-
ses détachées et ne formant pas un système
complet de législation.
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TABLE ET RESUME
DES LEÇONS DE DROIT CRIMINEL.
D'APRÈS L'ORDRE DES MATIÈRES.
GODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE
VIMCïT-OIlHaUlAlUB liBÇOM. 455
Dispositions pbAliminairbs du Code.
511. La Code d'instrucUon criminelle
rédigé en 1808, promulgué en 1810 et mis
en activité ie !•' JanTier 1811, a été Tobjet
de nombreuses modifications qui seront in-
diquées BOUS les articles qu'elles concernent.
518. Les quatre premiers articles éta-
blissent les caractères de l'aciion publique
et de Taction clyile et les différences qui les
séparent.
513. Biles diffèrent quanta leur durée,
à ta qualité des personnes qui les exercent,
et à la compétence des juges devant lesquels
elles sont portées.
514. L'action publique a pour objet
l'application des peines, l'action civile, la
réparation du dommage causé.
515. L'action publique est exercée par
des fonctionnaires délégués à cet effet par la
loi ; Taction civile appartient aux personnes
lésées nar le délit.
516. Les deux actions sont indépen-
dantes Tune de l'autre, et la renonciation à
l'action civile ne peut arrêter l'action publi-
que.
517 • Il y a cependant des exceptions à
ce principe : il y a un certain nombre de
délits qui ne peuvent être poursuivis que
sur la plainte des parties lésées : tels sont
l'adultère, ie rapt d'une mineure, certains
faits de chasse, la diffamation.
518. Hais, dans ces cas même, si la
plainte a été portée, 11 ne dépend plus en
général du plaignant de faire cesser la pour-
suite par sou désistement.
519. Les deux actions s'éteignent par
la prescription, mais elles ne s'éteignent pas
Tune et ['autre par le décès du prévenu.
Ce décès éteint Taction^ubllque, mais laisse
vivre l'action civile, qOl se poursuit contre
les héritiers.
580. L'action publique ne peut être
portée que devant les tribunaux criminels;
l'action civile peut être portée, soit devant
les tMbonaux criminels, accessoirement à
l'action publique, soit isolément devant les
tribunaux civils. Dans ce dernier cas le cri-
minel tient le civil en état, c'est-à-dire que
l'action civile est suspendue Jusqu'à ce qu'il
ait été statué sur l'action publique.
581. La loi pénale oblige tous ceux qui
habitent le territoire. Français ou étrangers ;
elle est territoriale en ce sens qu'elle s'ap-
plique à toutes les infractions commises sur
le territoire.
588. Mais elle n'est pas exclusivement
territoriale ; les art. 5, 6 et 7, avaient déjà
étendu son autorité à quelques infractions
commises à l'étranger. La loi du 27 Juin
1866 a élargi cette exception; les art. 5, 6
et 8 ont été étendus; les Français peuvent
être poursuivis en France, à raison des cri-
mes et même des délits qu'ils commettent
à l'étranser.
588. Les arL 5, 6 et 7 du Gode de 1810
ne s'appliquaient qu'aux crimes commis par
les régnicoles en pays étranger et soumet-
taient la poursuite en France à des condi-
tions qui la rendaient difficile.
584. La loi du 27 Juin 1866 a supprimé
quelques-unes de ces conditions ; elle n'exige
plus ni la nationalité de la victime ni la
plainte ; elle veut seulement, quand il s'a-
git d'un crime, que le prévenu soit Fran-
çais, qu'il n'ait pas été Jugé à l'étranger et
qu'il soit de retour en France.
585. A r^ard des simples délits com-
mis par des Français à l'étranger et qu'elle
autorise à poursuivre en France, sans dis--
tinguer leur nature ou leur gravité, elle
exige seulement, outre les conditions stipu-
lées pour les crimes : 1* que le fait soit qua-
lifié délit par la loi française et la loi étran-
gère; t" qu'il y ait plainte, s'il s'agit d'un
délit contre un particulier ; S"* que le minis-
tère public intervienne.
58e. La loi du 37 juin 1866 n'a rien
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828
TABLE ET RÉSUMÉ DES MATIÈRES.
Changé à TancieD art. 5 (aujourd'hui art. 7]
qui s'applique aux crimes contre la sû-
reté de PÉtat et de fausse monnaie qui se
préparent à l'étranger pour être exécutés
en France.
587 . L'art. 6 contient aussi une excep-
tion aux règles de la compétence. La Cour
de cassation peut renvoyer la connaissance
<de ces crimes et délits devant une cour ou
un tribunal plus voisin des frontières.
POLICB JUDICIAIRE.
5S8. La police et la Justice sont deux
institutions distinctes; la police est admi-
nistrative ou Judiciaire.
529. La police Judiciaire recherche les
crimes, les délits et les contraventious et en
livre les auteurs aux tribunaux (art. 8).
580. Elle est exercée, sous rantorité
des Goura d'appel, par les gardes cham-
pêtres et forestiers, les commissaires de
police, les maires, les juges de paix, les
officiers de gendarmerie, les officiers du
ministère public et les Juges d'InstnictioD
(art. 9).
581. Tous ces officiers n'ont ni la même
<lualité ni les mêmes pouvoirs : on distin-
gue ceux qui sont les auxiliaires du procu-
reur de la Répub. et au-dessus, le procureur
lui-même et le juge d'instruoUon.
532. L'art. 10 étend les pouvoirs de la
police judiciaire aux préfets i ces fonction-
naires sont investis, saris doute pour les cas
d'urgence et de flagrant délit, quoique la loi
ne le dise pas, du droit de faire les actes
nécessaires à la constatation dea crimes.
588. Les commissaires de police, les
maires et les adjoints recherchent et cons-
tatent les contraventions de poUoe (art. 11).
584L. lis dressent des procès-verbaux de
ces contraventions qui font foi Jusqu'à
preuve contraire.
535. La compétence des commissaires
4e police peut embrasser tout ie canton;
celle des maires ne s'étend qu'à la com-
mune.
586. Les procès- verbaux sont transmis
à l'officier chargé de poursuivre les contra-
ventions.
5 8 9 . Les gardes champêtres et forestiers
ont qualité pour rechercher et constater les
contraventious et les délits qui se ratta-
chent à la j[>ollce rurale et forestière (art 16).
586. Ils dressent des procès-verbaux
qu'ils affirment vrais et sincères et qui font
foi jusqu'à preuve contraire.
5M. Les gardes champêtres ont le droit
d'arrêter les délinquants surpris en flagrant
délit et de les conduire devant le maire ou
le juge de paix.
540. Les gardes forestiers tiennent du
Code forestier du 21 mai 1827 des droits
S lus étendus : ils peuvent arrêter et con-
uire devant le juge de paix tout délinquant
surpris en flagrant délit, et leurs prooès-
verbaux fout foi jusqu'à inscription de faux.
5411. Les procureurs et leurs subtUtots
sont investis, en ce qui concerne la police
Judiciaire, d'une compétence générale poar
la recherche des délits et des crimes.
542. H^is, à la différence des officiers
de police judiciaire^ qui ont le droit de cons-
tater et non de poursuivre, ces magistrats
ont, en général, ie droit de poursuivre et
non de constater.
548. C'est que le ministère public, étant
partie poursuivante, ne peut procéder à des
actes d'instruction qui n'appartiennent qu'ao
juge; le droit de poursuivre et le droit
d'instruire constituent deux fonctions dis-
tinctes, et cette distinction ne cesse qu'au
cas de flagrant délit.
544. Le procureur recherche d'office
les crimes et les délits, reçoit les dénon-
ciations et les plaintes, transmet les pièces
au Juge d'instruction avee ses réquisitions
ot rend compte de ses actes an procurenr
générai.
545. Pour se faire une idée exacte des
fonctions du procureur, H 'est nécMtaire,
au iieu de suivre pas à pas les artldes dn
Gode, de les étudier dans leur ensemble.
TIl¥«ff.)ifiPTli;ifB TLBÇON. A90
FoRcnoisa vo pnocosBint.
540. Le procureur a des foncttons habi-
tueiles, qui sont la recherche et la poursuite
des crimes et délits, et des fonctions excep-
tionnelles qui sont de procéder, dans les
cas d'urgence, à la constatation de oea faits
(art. 32 et 46).
547. Il est chargé de la recherche et de
la poursuite da tous les crimes et de tous
les délits qui sont de la compétence des
Cours d'assises et des tribunaux correction-
nels (art. 22).
548 . Sont également compétents le pro-
cureur du lieu du crime, celui du domi-
cile du prévenu et celui desarésidenee
(art. 22). Cette ooQ(àpéteince entraîne ceile
aes tribunaux.
549. En cas de concurrence^ i'insliuo-
tion appartient au juge qui a le premier dé-
livré ie mandat d'amener.
550. Le procureur et Us officiers de
police judiciaire ont le droit de requérir la
force publique (art. 25) .
551. Le procureur peut être remplacé
par ses substituts (art. 26).
558» Dès que l'avis d'un crime ou d'un
délit lui parvient, il doit transmettre ce
premier indice, quelle que soit sa forme,
au juge d'instruction qui seul a le droit
d'en réunir les preuves.
558. Les foncUonnaires et même les
1>articulier6 ont l'obligation de lui dénoncer
es crimes et délita dont ils aequièrent la
connaissance.
554. Entre la dénonciation officielle des
fonctionnaires et celle des citayens il y a
quelques diflérenoes; la première est plus
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DE D*1NSTR. CRIM. — DU JUGE D'INSTRUCTION.
829
spécialement piesorite et ne peat doooer
lieu à des dommagee-iotérôts ; la seconde
n'a aucune sanction et donne lieu, en cas de
calomnie^ à une reeponsabillté pénale.
555. Le procureur peut par excep-
tion, dans les cas de flagrant délit, cu-
muler avec les fonctions de la poursuite
celles de l'instruotlon; Cette attribution a
lieu : 1* dans les cas de crimes flagrants ;
2" dans les cas de réquisition d'un chef de
maison.
550. Elle consiste : 1* à se transporter
sur le lieu du crime; !^o à entendre les té-
moins ; 8* à procéder à des visites dans la
maison du prévenu; 4' à dresser procès-
Terbal de ces opérations; V à décenier dans
certains cas un mandat d'amener (art. 3^).
55 f. Il doit donner avis de son trans-
port au juge d'instruckion et se faire accom-
pagner, s'ii y a iieu, d'hommes de l'art ca-
pables de constater le corps du délit.
558. Il peut retenir^ même avec con-
trainte, les personnes présentes au lieu du
crime jpour recevoir leurs déclarations.
55^. Il peut procéder à la visite du do-
micile du prévenu pour y saisir les objets
utiles àla manifestation delà vérité (art. 83).
560. La pratique a étendu les limites
fixées par la loi et permis les visites dans
d'autres lieux que le domicile du prévenu,
quand le crime n'est plus flagrant, et même
quand le fait n'est qu un délit.
56 t . La loi ne défend pas les visites
au domicile des complices du prévenu, mais
elle ne permet pas de les étendre au domi-
cile des personnes qui ne sont pas suspec-
tes de complicité.
568. Le procureur ne peut procéder
à une visite aomiciliaire que dans le cas
d'un crimeflagrant. Il en est par conséquent
ainsi de ses auxiliaires.
568. Ni le procureur ni les auxiliaires
ne peuvent procéder à ces opérations en
cas de flagrance, non d'un cri me» mais d'un
simple délit.
564. Dans ces diverses hypothèses, la
loi borne formellement les visites de ces of-
ficiers aux cas où elles sont faites au domi-
cile d'un prévenu de crio^e flagrant.
565. La loi du 20 mai 1863, sur les fla-
grants délits, étend toutefois le droit d'ar-
restation au cas où le fait flagrant est qua-
lifié délit par la loi.
VIMCnr-HUITlâHB ItBÇOlV. 608
Continuation dks ponctions do paocn-
rbur et ime sbs auxiliaibbs. — du iogb
d'instruction.
Les procès-verbaux dressés dans
les cas de flagrant délit sont rédigés dans
la forme des prpcès-verbaux d'information
et deviennent, si le Juge d'inslructlon les
adopte, des pièces de rinstruction.
569. Le procureur peut, en cas de
flagrant délit seulement, ordonner l'arres-
tation de l'inculpé en délivrant un mandat
d'amener.
568. Lors même que lloculpé, à raison
de sa qualité, ne peut être mis en Jugement
sans autorisation, il peut, en cas de flagrant
délit, être arrêté avant cette autorisation.
569. En cas de réquisition faite de l'in-
térieur d'une maison, le procureur procède
lors même que le fait n'est ni un crime,
ni un délit flagrant.
GhAF. .V« — i OFnCiEBS AUXJUAIBBS. .
570. Les pouvoirs du procureur ont
été étendvs aux officiers de police auxi-
liaires pour que tous les crimes commis
dans l'arrondissement puissent être aussitôt
saisis et constatés.
591. Les officiers de police auxiliaires
du procureur sont les Juges de paix, les of-
ficiers de gendarmerie, les commissaires de
police, maires et adjoints. Us ont, en cas
de flagrant délit, les mômes attributions
que le procureur.
578. Celte délégation dans Tarme de
la gendarmerie ne s'applique qu'aux offi-
ciers ; elle ne s'étend pas aux sous-officiers
et gendarmes.
578. liCS commissaires généraux de po-
lice quand Ils sont institués, entrent dans la
classe des auxiliaires du procureur.
574. Les commissaires ordinaires de
Eollce, dans les communes où Ils sont éta-
lid, et les maires et adjoints, dans les au-
tres communes, ont les mêmes fonctions.
575. Tous les officiers de police judi-
ciaire sont placés, en cette qualité^ sous la
surveillance du procureur général (art. 279).
576. Leurs procès-verbaux doivent être
remis au procureur.
Chap. VI. — Du JOGE d'instruction.
577. Le juge d'instruction, dans cha-
que arrondissement, est pris parmi les
membres du tribunal civil.
578 . Il peut être pris parmi les Juges
suppléants ; il peut en être établi plusieurs.
579. Ses fonctions consistent princi-
palement dans la réunion des preuves et
des indices des crimes et des délits; mais
ce ne sont pas là les seules.
580. Le Juge d'instruction ne peut pas,
d'office et de son propre mouvement, pro-
céder aune inslruction ; il faut qu'ii soit sais!.
581. Toutefois, dans le cas de flagrant
délit, le Juge d'instruction peut procéder
seul et sans réquisition à tous les actes de
la première information.
588. En règle générale, le Juge ne fait
aucun acte d'instruction qu'il n'ait commu-
niqué la procédure au procureur. Toutefois,
cette communication ne doit pas se renou-
veler à chacun des actes du juge (art. 61).
588. Le juge peut délivrer soit un man-
dat d'amener, soit un mandat de dépôt,
sans conclusions préalables.
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830'
TàBLB et RÉ8U1CÉ DBS MATIÈRES.
584. Le Jage reçoit les plaintes, appelle
et entend les témoins, procède aux saisies
des pièces de conTlctioo, décerne les man-
dats d'arrestation et interroge les prévenus.
585. Si le jage est compétent pour re-
cevoir les dénonciations et les plaintes, il
ne peut instruire avant de les avoir com-
muniquées an procureur.
586. Toute personne lésée par un crime
ou un délit peut porter plainte et se rendre
partie civile.
vimcïv-mbcviAhb liBçonr. sse
GONTIHOATIOH DBS FOUCTIONS DU JVGB
D*IMSTA0CTION.
587. Le jugedMnstmcUon doit admettre
les plaintes lors même que les crimes et dé-
lits ont été commis non contre le plaignant,
mais contre les personnes placées sous son
autorité, sa femme, ses enfants.
588. Le juge d'instruction compétent
pour recevoir toutes les plaintes ne doit
Instruire qu'à l'égard des crimes et délits
commis dans son arrondissement. Quant à
ceux commis dans le lieu du domicile ou de
la résidence, il doit renvoyer au Juge com-
pétent (art. 69).
589. Les plaintes, quoiqu'elles soient le
point de départ ordinaire des poursuites,
ne sont pas essentielles à leur exercice.
590. Les plaintes peuvent intervenir
après les poursuites commencées, mais elles
doivent précéder les demandes en domma-
ges-intérêts.
591. Les plaignants ne sont réputés
parties civiles que s'ils le déclarent formel-
lement (art. 66).
598. Le désistement de la qualité de
partie civile fait dans les vingt-quatre heu-
res décharae des frais, mais non des dom-
mages-intérêts du prévenu.
598. Le désistement emporte, non-seu-
lement Tabandon de l'instance, mais la re-
nonciation à l'action.
594. Les frais ne cessent de peser sur
la partie civile que si le désistement inter-
vient dans les vingt-quatre heures depuis
l'acte de vonstitutionae partie civile.
595. Les témoins sont entendus par le
juge d'instruction, sur citation, avec pres-
tation de serment, en l'absence du prévenu,
et leurs dépositions sont constatées par un
procès- verbal.
596. Le juge peut décerner un mandat
d'amener contre les témoins qui n'obéissent
pas à la citation (art. 80).
599. Il peut déléguer, soit au juge de
Saix de son arrondissement, soit au Juge
'instruction d'un autre arrondissement, le
droit d'entendre les témoins (art. 83, 84).
598. Il procède aux visites domiciliaires
qoi sont nécessaires pour la recherche des
pièces de conviction.
S98. Les formes des perquisitions sont
le* mêmes que celles qui sont prescrites au
procureur.
GBAP. yi?« — lUNDàTS D'AiaEtTATION.
600. La détention préventive est une
mesure nécessaire, quelque regrettable que
soit son application.
601. Le mandat est un ordre délivré
Sar le juge contre un individu soupçonné
'un crime ou d'un délit. Il y a quatre
classes de mandats.
60 S. Les mandats de comparution, d'a-
mener et d'arrêt, ont leur origine dans le
Gode du 3 brumaire an IV, et le mandat de
dépôt dans la loi du 7 pluviôse an IX.
608. Le mandat de comparution et le
mandat d'amener se distinguent Tnn de
l'autre par leurs effets.
604. Le mandat de comparution n'est
qu'une assignation adressée à l'inculpé à
l'effet de l'amener devant le Juge d'inatruo-
tion.
605. Le mandat d'amener, qui a le
même but, emporte la faculté d'employer
des moyens de contrainte pour son exéca-
tion.
606. La loi du 14 juillet 1865 demie tu
Jfige la faculté de ne décerner que te man-
dat de comparution eu toute matière^ sauf
à convertir ce mandat, après l'interroga-
toire, en tel autre mandat qu'il appartiendra
(art. 91).
609. L'effet du mandat de comparaUon
est une comparution libre et volontaire;
l'effet du mandat d'amener est une compa-
rution forcée. Toutefuis ce mandat ne donne
pas le droit de retenir l'inculpé dans une
prison.
TBBÎinPiÉlUS liBÇOW. 542
CORTIHOATION BBS FOMCnOZIS MJ JOCB
n'iNSTaOCTIO!!.
608. Les caractères des mandats de
comparution et d'amener étant flxéf, il y a
lieu de passer à l'examen des autres voMt-
dau.
609. En suivant l'ordre de la loi, le
mandat d'arrêt est celui qui s'oflfre le pre-
mier à l'examen (art. 94).
610. La délivrance du mandat d'arrêt
suppose trois conditions : l'interrogatoire de
l'inculpé, les eonclustons du ministère pu-
blic, un fait passible de l'emprisonnement
ou d'une peine plus grave.
611. Le mandat de dépôt peut être dé-
cerné d'office, sans conclusions du minis-
tère publie et sans indication du fait.
618. Le mandat de dépôt, quoique la
pratique en ait étendu l'usage, n'est quHm
mandat provisoire dont la loi du 4 avril 1855
permet ae donner mainlevée. La fecnlté de
donner cette mainlevée a été appliquée
même au mandat d'arrêt par la loi da 14
juillet 1865.
613. Les mandats ont des formes com-
munes : ils doivent être datés, signés et
scellés, et l'inculpé doit y éUe clairement
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CODE d'iNSTR. CHM. — DU JUGE d'iNSTRUCTION.
831
désigné. Lm mandaU d'arrêt doWênt en
outre éDODcerle fait et }^J^^^^^^^\^„,
614. Les mandats irrégullers ne sont
pas susceptibles d'exécution.
eift. Les mandats sont exécutoires dans
tout le territoire. Toutefois, liors de 1 ar-
rondissement où ils ont été délivres, lis
doivent être Tiaés par le juge de paix ou le
maire du lieu de l'exécution (art. M).
616. Néanmoins le préyenu. trouvé
hors de Varrondlssement, peut n être pas
contraint de se rendre au mandat d'amener
et peut être retenu sans mandat de depot
Jusqu'à ce que la nécessité de sa transla-
tion soit reconnue (art. 100).
617. L'art. 106 donne le droit à tout
dépositaire de la force publique, et même
à toute personne» d'arrêter les prévenus de
folts qualifiés crimes en état de flagrant
délit, et sans mandats. •
618. Lorsque le prévenu nest pas
trouvé, le porteur du mandat d'amener ou
du mandat d'arrêt se borne à le notifier en
[Usant viser l'original de l'exploit («jt. 105).
616. Si le prévenu est trouvé, il est
conduit, en cas de mandat d'amener, de-
vant lejage; en cas mandat de dépôt ou
d'arrêt« dans la maison d'arrêt.
TBBNTB-UmiKMB I.BÇ01V. 560
GlUP. vin. — Db LA LIBERTÉ PROVISOIRE.
6tBO. La loi permet d'accorder au pré-
venu, pendant la durée de l'instruction, le
bénéfice de la liberté provisoire.
681. La liberté provisoire des inculpés,
moyennant promesse ou caution de se re-
présenter, est une Institution ancienne qu'on
retrouve dans toutes les législations.
688. Les dispositions du Code sur
cette matière, très-restreintes d'abord, ont
été modifiées et élargies par les lois des
4 avril 185& et U Juillet 1865.
688. Le Juge d'instruction est Investi
du pouvoir de prononcer l'élargissement
provisoire de tous les prévenus soit de dé-
lits, soit même de crimes.
684L La liberté provisoire peut être ap-
pliquée en toute matière, quelle que soit
la nature de l'inculpation. Toutefois, en ma-
tière criminelle, elle prend fin à l'arrêt de
renvoi devant la Cour d'assises.
685. Elle peut être accordée avee ou
sans caution. La loi du 14 Juillet 1865 au-
torise le Joge à ordonner que l'inculpé sera
mis en liberté en prenant l'engagement de
se représenter à tous les actes de la procé-
dure.
686. La mise en liberté est de droit en
faveur des inculpés de délits passibles
d'un emprisonnement inférieur à deux ans,
cinq Jours après Tinterrogatoire.
687. La liberté sous caution est une
garantie subsidiaire qui a été maintenue
pour les cas où la garantie sans caution pa-
rait insuffisante. Le cautionnement doit
être proportionné aux moyens du pré*
venu et à la gravité de l'inculpation.
688. Trois dispositions nouvelles ont
été introduites dans le cautionnement : la
suppression du minimum, la caution per-
sonnelle d'un tiers et l'affectation du cau-
tionnement à la représentation de l'inculpé,
à l'amende et aux frais.
689. Le cautionnement d'une tierce
personne, qui prend l'engagement de ftire
représenter l'inculpé à toute réquisition, a
été simplifié et rendu pratique par la loi
du 14 Juillet 1865.
680. Le cautionnement, qui remplace
la détention préventive, a pour objet : 1* la
représentation de l'intulpe à tous les actes
de la procédure et pour l'exécnUon du Ju-
gement; 2" le payement des frais et des
amendes.
681. La mise en liberté peut être de-
mandée devant tout tribunal saisi de la
cause, et ce tribunal est compétent pendant
tout le temps qu'il est saisi (art. 116).
688 . L'inculpé dépose une requête ten-
dant à ce que la liberté loi soit accordée.
Cette requête est communiquée au minis-
tère public et notifiée à la partie civile, et
le Juge saisi statue (art. 117}.
688. La décision peut être attaquée par le
minlstèarepublic,la partie civile ou l'inculpé.
684. La liberté provisoire régulièrement
accordée prend fin : 1» lorsque l'inculpé
est constitué en défaut de se représenter;
%• lorsque des circonstances nouvelles ren-
dent la détention nécessaire; 3» lorsque
l'inculpé est mis en accusation ; 4<* lorsqu'il
intervient un Jugement par défaut.
685. Eo cas de condamnation, le cau-
aonnement, après payement de l'amende
et des ftais, est restitué.
VBBMTB-DBlîXIEHB liBÇOlV.
57g
Ghap. IX. — Fonctions du juob d'dis-
TROCTION QUAND LA PROCiDURB K8T GOM-
PLÈTB.
686. Le Juge d'instruction a été in-
vesti par la loi du 17 Juillet 1856 des fonc-
tions de l'ancienne Chambre du conseil
pour apprécier les résultats de l'informa-
tion. iO
687. Il est donc appelé, soit à rendre
une ordonnance de non-lieu, soit à ordon-
ner le renvoi devant le tribunal de police,
le tribunal de police correctionnelle ou la
chambre d'accusation.
688. Il y a lieu à l'ordonnance de non-
lieu, soit lorsque le fait n'est pas prévu par
la loi pénale, soit lorsqu'il n'y a pas d'in-
dices suffisants de culpabilité.
680. Dans le cas ou le fait peut consti-
tuer un crime, l'art. 135 qiil fait dépen-
dre le renvoi devant la chambre d'accusa-
tion du seul avis du Joge d'instruction,
n'a fait qu'admettre directement ce que
l'ancien art. 133 avait indirectement admis.
640. Pour prononcer le renvoi devant
une Juridiction répressive, deux conditions
sont nécessaires : la constatation d'un fait
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832
TABLB ST RÉSUMÉ JUSS. MATIÈRES.
BODlsBaMe et des Indieei sufOnDta de cmU
pablUtë.
e41. Si le fait o'a que les caractères
d*ane contravention de polic«« i'incnlpéest
reDToyé devant le tribunal de police^ en
état de liberté.
64L8« SMl a les earaetères d-un délit,
rinculpé est renvoyé devant le tribunal
correctionnel, et est mis en liberté si le
fait n'est passible que d'une amende.
649. Si Tincnlpé est en état de déten-
tion» et que le fait soit passible d'emprison-
nement, il y reste provisoirement.
e44. le Juge dnnstruetion réunit une
double qualité: il est Juge d'InttruoUon,
chargé a instruire la procédure et furidlO'-
tion pour apprécier cette procédure et sta-
tuer sur la mise en prévention (art. 133).
e^ft. Cette mise en prévention» qui était
prononcée autrefois par la chambre.du con-
seil, à une seule voix de Diinorlté« U est vrai,
est prononcée aiUonrd'Imi, depuis la loi du
17 Juillet m^par le seul Juge d'InstructiOD.
64^6. Si le prévenu est détenu,. Il de-
meure dans la maison d'arrêt pendant rexa-
meo qui est fait par la chambre d'accusa-
tion» et n'est transféré qoe pourcoroparaltre
devant la juridiction à laquelle ii estrenvoyé.
64^9. Il n'y a lieu de transporter à la
cbamtee d'aocosation que les pièces de
l'instruction et les procès-verbaux eoDsta-
tant le corps du délit. Les pièces de convic-
tion restent au greffe.
•48. Néanmoins la chambre d'aceusa-
tlon peut ordoimer l'apport des pièces de
conviction. ,
640. Lorsque le }ttge déclare qu'il y a
prévention suffisante d'un fait qualiaécrime,
aon ordonnance est aussitèt décernéo à la
Cour d'appel qui prononce sur la mise en
accusation.
650. Liorsque le juge ordonne la mise
en liberté du préveau ou son renvoi en po-
lice correetlonnella, son ordonnance peut
être atuquée par la voie de l'opposition,
recours qui a les caractères d'un véritable
appel (art. 135).
651. Si l'ordonnance n'est frappée d au-
cune opposlUon» eUe s'exécute et ficquiert
l'autorité de la chose jugée, sauf le cas de
survensBce de charges nouvelles.
Livre II. — Da la justice.
Titre I. — TRtiWNAinL de policb.
CHAP. I*'. — OlSTaiBUMAUlDISIMPLB POLÏCB.
658. Les tribunaux» de police «nt été
institués pour Juger les simples contraven-
tions. . , ^
658. Les tribunaux, qui avaient, en
1791, un caractère exclusivement munici-
pal, ont été transformés et remis entre les
mains des Juges de paix par les Codes de
l'an IV et de 1810.
654* La compétence des tribunaux de
police comprend toutes les contraventiona
punissables, d'un emprisonnement de cinq
jours et au-dessous et d'une amende de
15 fr. et au-dessous': c'est le maximun
légal qui fait la limite.
655. U importe peu que les contraven-
tions soient prérues par la loi ou par des
règlements : Ja loi a délégué le pouvoir ré-
glementaire en matière de police et les ar-
rêtés légalement pris sont passibles des
peines établies par le Code.
6^6.11 y a, dans le système du Code^
deux tribunaux de police : celui qal est
tenu par le Juge de paix et celui qui est
tenu par le maire : la compétence de Fun
et de l'autre n'est pas la même ; celle du
juge de paix est plus étendue.
657. Les Juges de paix connaissent des
contraventions commises dans l'étendue de
la con»mune chef-lieu de canton (art. 139).
'658. Ils connaissent exclusivement des
conlraventiODS commises dans les autres
: communes de leur canton, lorsque les con-
trevenants n'y demeurent pas ou que les
témoins n'y sont pas présents ;
659. Des contraventions à raison des-
quelles ia partie réclame des dommages-
intérêts supérieurs à 15 francs ;
660. Des QORtraveiUjons feresUôres
poursuivies à la requête des particuliers ;
661. Des injures verbales non publi-
ques ;
668. Des affiches, annonces, ventes,
distributions ou débits d'ouvrages, écrits ou
gravures contraires aux ii.œurs;
668. De l'action contre les gens qui font
le métier de deviner et de pronostiquer ou
d'expliquer les songes.
664L. Us connaissent, concunemment
avec les maires, de toutes les autres con-
traventions (art. 140).
665. Le service d'un tribunal de police
est fait par le Juge de paix et un greffier.
S'il y a plusieurs Juges de paix, ils font le
service alternativement.
86. Les fonctions du ministère public
sont remplies par le commissaire de police
(art. 144).
669. Le tribunal de police est saisi par
le ministère public ou par la partie lésée.
666. La citation doit être donnée non-
seulement au prévenu, mais, s'il y a Heu, &
ta personne dvilement responsable (art. 1 4â \
664K La citation ne peut pas être donnée
à un délai moindre que U heures (art. 134}.
676. Mais le tribunal peut être saisi,
non^seulement par une citation, mais par
un simple avertissement. Seulement, si la
partie ne comparait pas, une citation devra
être donnée pour qu'elle puisse être Jugée
par défaut.
691. Le jugement par défliut est sus-
ceptible d'opposition. Cette opposition doit
être faite dans les trois Jours de la signifl-
cation ; elle emporte citstion à la première
audience (art. 160 et 151).
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CODE d'iNSTR. CRIM. — TRIBUNAUX CORRBCTIONNBLS.
833
6 92. Le f révena peut se faire repr<f-
se.nter par un fondé de procurât ion (art. I5?).
673. Lesfurmesderaiidience consiMent
dans ia lecture (ies procès- ver baux. Tau-
dUlon des t^molDS. les explications de la
personne ciléi) et les conclusions du mi-
nistère public (art. 1&3).
694. La prenve des ccntraTentlons fo
fait soit par procès^verbaux, soit par té-
moins, l.es procès-yerbanx font foi suivant
les pouvoirs délégués aux ofneiers, jusqu'à
Inscription de faux ou jusqu'à preuve ron-
traire. Dans ce dernier cas, Ils peuvent être
débattus pur toutes preuve8(art. 15i).
695. Les procès-verhaux des gardas fo-
restiers, des agents des douane?, contribu-
tions indirectets et des octrois, font foi jus-
qu'à inscription de faux ; ceux des officiers
de police judiciaire ne fout foi que Jusqu'à
preuve contraire.
TBi:]VVE.aUAVBIÈME liEÇOIV
609
Continuation des tribunaux de police.
696. Les fornaesde la preuve testimo-
niale devant les tribunaux de police sont
très-simples.
699. Les témoins sont appelés par cita-
tion, ils prêtent serment et cette prestation
doit être constatée (art. 155}.
698. L'un. 156 prohilio roudltion de
certains parents du prévenu. La loi ne
prohibe pas ceux de la partie civile.
699. Les témoins ont l'obligation de
comparaitre ; ils peuvent y être cunirainls
par une amende et même par corps (art. Ui).
680. Si le fait ne présente ni délit ni
contravention, le tribunal annule la citation
et statue surlesdommrges-intéréts du pré-
venu, mais il est dans ce cas incompétent
pour statuer sur ceux delà partie lésée (art.
i59j,
681. SI le fait est un délit, le tribunal
Jie déclare incompétent. Si enfin le fait est
une ceutravention, il prononce les peines et
statue sur les dommages-iutérèls de la uar-
tie (art. 1G2).
; 68li. La partie qui succombe, soit le
prévenu, soit ia partie civile, demeure char-
gée des frajfl.
688. Tout jugement de condamnation
doit être motivé à peine de nullité (art. 16a).
684. L'exécution du Jugement se fait à
la requête du ministère public ou de la
partie civile, suivant qu'il s'sglt des peines
ou des réparations.
685. Les tribunaux de police tenus par
les maires ont une compétence plus res-
treinte et les formes sont simplifiées (art.
167 et I6«i.
686. Les jugemenu de police peuvent
être attaqués par la vo'e de l'appel lors-
qu'ils prononcent un .emprisonnement ou
que les condamnations pécuniaires excèdent
S francs outre les dépens (art. 172).
689. Si le prévenu est renvoyé de la
poursuite, le jugement no peut élre attaqué
(wrla voie de i'appoL
688. Lappel est suspensif et nul acte
d'exécution ne peut avoir lieu pendant le
délai (art 17a).
689. Ce délai ef t de dix jours à comp-
ter de ia signification du jugement (art. 173).
600. Les témoins peuvent être entendus
de nouveau en appel, s'il y a lieu (art. 174).
691. La voie de la cassation est égale-
ment ouverte aux parties contre les juge-
ments lenduo en dernier ressort (art. 177).
692. Les formes et les délais de ce re-
cours sont ceux oui iont prescrits pour les
matières criminelles.
693. Le juge de paix doit envoyer, cha-
que tnmesire, au procureur t'extrait des
jugements portant peine d*empri.«onnement
rendus par le tribunal de police (art. 178).
TRENVE-Cl^QUIÊME E.EÇOIV.
635
Chap. II. — Tribunaux oorrectionnels.
694. Les tribunaux civils connaissent
des matières correctionnelles, et, dans ceux
qui oi*t plusieurs chambres, une de ces
chambres est consacrée à ce service.
695. La Juridiction correctionnelle con-
naît de tous les faits qualifiés délits et dont
ia peine excède cinq jours d'emprisonne-
ment ei 15 francs d'amende.
696. Elle connaît en outre de toutes les
contraventions furef>tières poursuivies à la
requête deFadministration (art. 179). ^
699. Cette attributif n générale a quel-
ques exceptions : les délits des magistrats et
de quelques hauts fonciionnaires sontdé-
féiés à la chambre civile des Cours d'sppel.
Une autre exception, qui avait pour objets
ies délits de la presse et les déirts politi-
ques, a cessé par le décret du 17 février
1852.
698. Les tribunaux correctionnels pro-
noncent au nonil)re de trois Juges et sur
l'appel au nombre de cinq (art. 180). Le
juge d'instruction n'est pas exclu.
699. Us connaissent des délits commis
& leur audience et les jugeiit sans désempa-
rer (art. 181).
900. Le tribunal correctionnel est saisi
«oit par l'ordonnance de renvoi du jugu
d'instruction, soit par voie de la citation
directe (art 182).
901 . La loi du 20 mai i86d a créé un
nouveau mode de comparution, lorsque l'in-
culpé est saisi en état de flagrant délit : il
peut éire traduit immédiatement devant le
tribunal.
902. La citation de la partie civile doit
énoncer les faits et contenir élection de do-
micile (art. 183).
908. Le délai de la citation est de trois
jours au moins. Mais la citation donnée à un
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834
TABLE BT RÉSUMÉ DES MATIÈRES.
délai trop bref n'est pas nulle ; le préTenu
peut demander un délai, seulement il ne peut
étro condamné sur cette citalion (art. 184).
904. Le préfenu est tenu de compa-
raître en personne quand le délit est passi-
ble d'emprisonnement; il peut se faire re-
présenter par un avoué quand il n'est pas-
sible que d'amende.
905. Si le prévenu ne comparait pas,
c'est-à-dire s'il ne se défend pas, il est Jugé
par défaut (art. 186).
900. Le Ju:;ement pnr défaut est sus-
ceptible d'opposition : le délai de Toppo-
tition est cinq Jours francs à partir de la
slgniilca tien du Jugement. Le jugement est
non avenu dès que Topposition est notifiée.
907. La loi du 27 juin 1866 a ajouté à
l'art. 187 un paragraphe qui dispose que, si
la notification du jugement par défaut n'a
pas été faite à personne ou n'en a pas eu
connaissance, le prévenu peut former op-
position Jusqu'à l'expiration des délais de la
prescripiion.
708. Le tribunal peut accorder à la par-
tie lésée uneprovi: ion exécutoire nonobstant
appel (art. 1S8).
700. Les Jugements prononcés par dé-
faut en matière correctionnelle peuvent
facilement consacrer des erreurs à raison de
la procédure sommaire qui les suit : il y a
donc lieu de ne les prononcer qu'après exa-
men et de les notifier avec exactitude.
TBENTE-SIXI1ÈHB L.EÇ01¥. C43.
CORTIIIUATION MB TRIBUNAUX COaEBCTIOllHELS.
710. Application aux tribunaux correc-
tionnels des formes édictées pour les tribu-
naux de police relativement à la preuve et
à l'audition des témoins.
7 1 1. Les formes de l'instruction publi-
2ue de l'audience sont tracées par l'art i92.
es témoins ne sont reprochables que pour
cause de parenté.
912. Si le fait ne constitue pas un délit
ou une contravention, le tribunal annule la
citation et statue sur les dommages-intérêts
du prévenu (art. 191).
918. Si le faii n'est qu'une contrayen-
tlon de police et si le renvoi n'a pas éié de-
mandé, le tribunal prononce la peine et
statue sur les dommages-intérêts de la par-
tie lésée (art. 192).
914. Si le faitestqoaliflé crime, le tribu-
nal décerne un mandat de dépôt et renvoie le
prévenu devant le Juge d'instruction(art. 193).
9lft. En cas de condamnation , le pré-
venu ou la partie civile ont la charge des
frais (art. 195).
916. Le Jugement doit être motiré en fait
et en droit (art. 196).
919. Les Jugements sont exécutés à la
requête du ministère public. Les amendes
et confiscations sont recouvrées par l'admi-
tttsf ration de l'earegisiremeut.
918. Les jugements rendus en matière
correctionnelle peuvent être attaqués par la
voie de l'appel.
919. L'appel est porté à la Cour d'appel
(loi du 13 Juin 1866). Les dépositions dot
témoins peuvent être suppléés en appel
par les notes d'audience tenues par le
greffier (art. l89).
9SO. La faculté d'appel appartient au
prévenu, aux personnes responsables» à la
partie civile, au procureur et au procureor
général (art. 202).
921. Le prévenu, même acquitté, peut
appeler s'il avait demandé des dommagea-
intérêts. Les parties responsables, condam-
nées ou non, peuvent également appeler à
raison des dommiiges-IntéiéLs.
922. L'administration forestière pent
appeler, soit comme partie civile, soit comme
partie principale quand elle a poursuivi
seule, et dans ce cas son appel permet de
statuer sur la peine.
923. L'appel du procureur et celui da
procureur général ne sont soumis ni aux
mê:nes formes ni aux mêmes délais.
924. Los effets de l'appel diffèrent sui-
vant Ja qualité de l'appelant : l'appel da
prévenu seul saisit Je juge d'appel de tonte
la cause, avec la condition de ne paa ag>
graver. L'appel du miniâtôre public porte
l'affaire tout entière en appel. L'appel de
la partie civile est restreint à des iut^réu
civils seulement.
TBBXTR-SEPTUÈMB LBCOIV.
[Appbls coRaEcnomiELS. — Mise
EN AGCUSATIOH.
6ô6
925. L'appel doit être interjeté dans les
dix jours qui suivent le Jour où le Jugement
a été prononcé (art. 202).
926. 11 n'y a pas lieu de distinguer en-
tre l'appei principal et l'appel Incident.
929. Pendant ce délai et pendant l'ins-
tance d'appel il est sursis à l'exécution da
Jugfiment.
928. Cette régie du sursis a diflâents
effets dans le cas de condamnation et dam
le cas d'aquittement.
929. Si le prévenu a été condamné» il
est sursis, pendant tout le délai de l'appel,
à l'exécution du Jugement, soit en ce qui
concerne les condamnations pénales, soit
les condamnations civiles (art. 203).
9ao. Si l'acquittement du préyenn.a
été prononcé et qu'il fût détenu, il est sur-
sis, mais pendant trois Jours seulement,
à sa mise en liberté lorsqu'auctm appel n'a
été interjeté.
981. Le délai d'un ou de deux moit^
accordé par l'art. 205 à l'appel du procureur
général, ne doit apporter aucune exception
à la régie du sursis.
982. Il doit être déposé au greffe une
requête contenant les moyens d*appel ;mai8
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CODE DINSTR. CRIM. — COURS D ASSISES.
835
le dépôt de cette reqnôte est facultatif fart.
208).
988. Les pièces de la procédure avec
la requête sont transmises au greffe de ht
Gour d'appel.
984. Les Jugements par défaut rendus
en appel sont rendus dans les mômes formes
que ceux de première instance (art. 208).
935. L'appel est jugé dans le mois 8ur
rapport. Ce raport est une forme substan-
tielle : 11 est fait par l'un des cinq conseil-
lers qui siègent eu appel (art 309).
986. Les formes de Tinstruction à l'au-
dience sont les mômes en appel qu'en pre-
mière instance (art. 210).
989. Lorsque le Juge d'appel est saisi à
raison de quelque vice de forme, il peut, en
évoquant le fond, retenir l'affaire et y sta-
tuer (art. 215).
938. Le recours en cassation est ouvert
à toutes les parties contre l'arrêt définUjf
(art. 216).
TiT. n. — Des affaibbs sooiiins ad
iUBT.
980. Les affaires soumises au jury sont
soumises à une iustruction préparatoire qui
est la mise en accusation.
940. La mise en accusation est une es-
pèce de Jugement préalable qui ne laisse
arriver devant le Jury que les prévenu» con-
tre lesquels s'élèvent de graves muices de
culpabilité.
941. La mise en accusation qui est pro-
noncée en Angleterre par le grand Jury et
qui rétait eous la Gonst. -de 179i« par le
Jury d'accusation en France, est aujourd'hui
Srononcée par une chambre des Cours
'appel qui prend le nom de chambre d'ac-
cusation.
VBBNVE-nUITlAaiB liBÇOIV
Formation i»b la cooa ^'assises.
948. L'organisation du Jury a été, an
moins en partie, empruntée à la législation
anglaisa par la loi des 16-29 septembre
948. Les assises en Angleterre sont te-
nues par l'un des Juges de grandes cours :
les doute Jurés qui y siègent sont tirés par
la voie du sort sur une liste formée par le
shérif, après l'épuisement de toutes les ré-
cusations.
944. La formation du Jury en France
a été soumise à des lois différentes ; dans le
système de la loi des 16-29 septembre 1791,
le Jury était formé par on pouvoir adminis-
tratif élu, avec la faculté de récuser vingt
jurés sans motifs, et au delà de ce nombre
en motivant les récusations.
948. Le caractère dominant du Jury est
le Jugement par le pays, l'Intervention de la
société dans le Jugement des affaires criml-
--"-- C'est là le principe de l'organiaaUôn
671
du jury anglais^ et bien plus encore le prin-
cipe *du Jury de 1791.
946. Dans le Code de 1810. la composi-
tion de la Cour d'assises et le jury changè-
rent de forme : la Cour était présidée par un
conseiller de la Cour d'appel désigné par
le ministre de la justice et ai^sisté de quatre
conseillers ou Juges nommés pour former la
Cour d'assises.
949. Dans le même Code, le préfet était
chargé de former, peu de Jours avant Vour
verture des débats, une liste de 60 jurés ; le
président des assises réduisait ensuite cette
liste à 86, parmi lesquels les Jurés de Juge-
ment étaient tirés au sort.
VBE1VVE-3VEIJWIÉME I^BÇOIV.
687
COVPOSITION nu iORT.
948. La loi du 2 mai 1827 a reconstitué
le Jury.
949. Sa composition a eu pour base,
dans le système de cette loi : l* les élec-
teurs ; 2* les hommes qui, par leur position,
étalent réputés capables de juger.
950. La loi établissait : i» une liste gé-
neraie permanente et publique ; 2« une
liste annuelle de service ; 3. une iiste de
session extraite de la liste de service.
951. La liste générale du Jury était
dressée au chef-lieu de chaque canton par
les maires des communes du canton. Ce tra-
vail préparatoire était révisé par le préfet
et rendu public pour la réclamation des
parties intéressées ; après les rectiflcatlons
opérées, elle devenait permanente pour uae
année.
958. Les lois des 7 août 1848, 4 Juin 18S3
et21 nov. 1872 ont modifié cette organisation.
D'après cette dernière loi, qui a été abrogée,
les Français sachant lire et écrire sont aptes
à être Jurés, s'ils ne sont pas dans les cas
d'incapacité.d'incompatlbilitéoudedispense
prévus par la loi. Im listes préparatoires
sont composées par les maires, présidés par
le juge de paix du canton.
958. Une commission présidée par le
préfet ou le sous-préfet et composée des
Juges de paix de chaque arrondissement,
choisissait sur les Haies préparatoires la liste
délinitive qui sert au service annuel.
954. Sur cette liste annuelle, le préai-
dent, aolt de la première chambra de la
Cour d'appel, soit au tribunal eivll, tire
en audience publique, pour chaque aeeslon,
quarante-deux noma qui forment la liste de
la session.
^ 955.Celtelistedequarante-denxJuréaest
complétée, s'il y a lieu, par des Jurés sup-
plémentaires tirés en audience publique.
QUABANVUàME I.RÇOIV. 700
Di l'kxavbn.
95«. Uaaeosé comparait libre, e'e8t4l
dhre libre da a«a membrea et dt loo oorps.
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J
836
TilBLB ET RÉ8U1CÉ DBS MATIÈRBS.
noD chargé delienst mais entouré de gardes
(art. 310).
959. Un conseil est donné à l'accusé et
ce conseil dait l'assidter pendant tous les
débats (»rt. 311).
9ft8. Les iurés prêtent le serment pres-
crit, à peine de nullité, par l'art. 813.
9511. Les Jurés ne doivent commiiniqtier
avec personne. Néaiimoins la nécessité a
établi ded Intervalles entre les audiences
dans lesq'iels les commun lent Ions sont pos-
sibles, et l'on s'en remet en dehors des au-
dience* à la conscience des jurés (art. 812).
900. Le greffler donne, avant toute dU-
cusslon, lecture de* Tarrét de reoyoi et de
l'actA d'accusation (ait. 313).
961. Le procureur général peut faire,
aprè« cette lecture, l'exposé de l'objet de
l'accusation (art. 315).
908. 11 présente ensuite la liste des té-
moins à entendre et qui ont été notiflés eoit
à i'accujté, «oit au ministère public. Cette
liste e-t lue par le greffier.
968. Les témoins se retirent dans une
pièce à ce destinée, et le président peut les
isoler les uns de^ autres (aiL 316, 317).
964. Les témoins prêtent serment (art.
317) ( ils peuvent être repous^éi s'ils sont
parents ou alliés au degré prohibé; ils peu-
vent aussi être récusés (art. 319, 32!Q.
965. Les témoins dép'>iient oralement.
Néa moins il est admis par la luriHM^idencv
que les dépositions dei témoins enleiidus
dans rinstruction et qui ne comparaissent
pas, peuvent être lues.
966. Il est tenu note des variations qui
peuvent e\i»terdans les dépositions (art.3 U).
Ces notes sont insérées dans le procèi-verbai
des débats qui est prescrit par l'art. 372.
969. Le président doit demander après
chaque déposition si c'est de l'accusé pré-
sent que le témoin entend parler (art. 319).
968. Les témoins doivent être entendun
et ne doivent être interrogés qu'après qu'iU
ont terminé leur déposition.
9€W. C'est au président qu'il appartient
de les interroger. Mais les parties intéressée'*
ODt le droit de leur poser des quastions, et
les membres de la Cour et les jurés peuvent
aussi les interpeller.
990. L'accusé avance les frais de cita-
tion de ses témoins et n'e«t remboursé qu'au
oas où 11 est aoqoltlé et où il y a une partie
civile en cause (art. 831).
991. N«*anmoln9, si l'accusé ne peut
faire cette avance, les témoins sont cités à
la charge du Trésor.
998. La déposition des témoins prohibés
on des dénonciateurs, lorsque l'accusé ne
s'y est pas opposé, n'entraîne aucune nullité.
998. Lursque tes dénonciateurs sont eh-
tendus en témoignage^ les J unes doivent être
avertis de leur qualité.
9941. ijea témoins peuvent être enHradas
s^rémeni les lut des autres, et la pnésf
dent peut aussi examiner les accusés en
l'absence les uns des autres, pourvu qu'il
inittruise les accusés, éloignés momentané-
ment de l'audience, de ce qui s'est fait en
leur absence (art. 327).
998. Toutes les parties peuvent pren-
dre des notes. Les pièces de convie Uoo sont
représentées.
776. Lorsqu'un témoin est soupçonné
de faux témoignage, son arrestation peat
être ordonnée, une instruction est aussitôt
commencée et Taifaire est renvoyée à nne
autre session (art. 830, 331).
716
aUABAîVTE-UlVlElVE
SqITB DB L^BXAMBIt.
999. Si l'accusé ou un témoin n'enten-
dent pas la langue française, un interprète
est nommé. Il en est ainsi dans le cas dû
soiird-muet qui ne sait pas écrire (art. 333,
333).
998. Le préttdenit détetmine l'ordre sui-
vant lequel sont examinés les accusés.
998. A la suite des dépositions des té-
moms, la partie civile, le ministère public et
l'accusé et son conseil présentent les moyens
de l'accusation et de la défense. L'accusé a
la parole le dernier (art. 335).
980. Le préaident résume l'affaire et
f«U remarquer les principales preuves pour
ou contre Taccusé.
98 1 . Ce résumé t qui doit être un tableau
fidèle et impartial des débats, pourrait être
supprimé sans de graves inconvénients.
988. Le président pose les questions ré-
sultant du dispositif de l'arrêt de mise eo
accusation.
988. La position des questions an Jury
à donné lieu à plusieurs systèmes : les quoi»
lions d^abord trés-divlsées sous le Code du
3 brumaire an IV, ont été rendues com-
plexes par notre Code et ont été de nouveao
divisées par la loi du 13 mai 1836.
984. Le Jury est le Juge unique et sou-
verain de l'exUtenoe matérielle et de la mo-
ralité des faits; les faits et toutes leurs cir-
constances doivent donc lui être soumis;
mais comme la séparation du fait et du droit
est quelquefois impossible, il arrive que le
Jury est appelé dans certains cas à apprécier
le caractère légal des làita incriminés.
988. Ces questions doivent reproduire,
non-seulement les faits Incriminés par Tar-
rêt. mais an^i les faits résullant des débats
qui viennent aggraver ou atténuer les pre-
miers.
986. Gela se pratique surtout A l'égard
des circonstances aggravantes qui sont des
faits légèrement punis ou exempts de toute
pénaliiéf qusnd on les considère Isoiémenti
mais dont te concours avec les faits princi-
paux a Imprimé à ceux-ci une crlmloalité
plus Intense.
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CODE d'INST. CRIM. — POURVOI BN CASSATION.
837
989. Cela se pratique également k l'é-
gard des faits attéottants, des faits d'excuse.
988. Il faut entendre par excuses cer-
taines circonstances prévues et définies par
la loi, qui out pour effet d'atténuer la cuipa-
lillité. ^
989. Il y a lien de distinguer les ex-
cuses romme la proyocation, et les causirs
de justification, coname la démence : les pre-
mières doivent seules ôtre soumises aujury ;
les autres sont compromises dans l&questlôu
de culpabilité.
900. Il y a lieu de distinguer au9Si les
excuses, qui sont des faits précis et définis,
et les circouMances atténuâmes, qui s'ap-
pliquent à des faits vagues et non définis.
991 . Toutes les fois que Taccusé allègue
on fait d'excuse, la question doit ôtre posée
au jury à peine de nullité (art. 339).
992. Si l'accusé a moins de seize ans,
la question s'il a agi avec diseerDement doit
être posée (art. 340). •
99a. En toute matière criminelle, même
en cas de récidive, les Jurés sont autorisés
k déclarer quM existe des circonstances at-
ténuantes en faveur de l'accusé, et cette dé-
claration a pour ellèe une atténuaton des
peines légales (art. 341).
994. Mais fi n'est posé au jury aucune
question sur ces circonstances : le jury est
seulement averti du droit dont il e«t iiivest>
de les déclarer.
99ft. Le Jury rend aujourd'hui, depuis,
la loi du 14 juin 1858, ses décisions à U
simple majorité : «ous la législation précé-
dente^ qui avait admis diverses coitfhlnaf-
sons, la nrajorité avait été défiûitivement
fixée à huit voix.
996. Lorsque les questions ont été po^
sées, les jurés se retirent dans leur chambre
pour procéder à leur délibération (art. 842).
999. Les jurés votent par huUetins
écrits, et par sorutins distincts etcuceessifs
et secrètement sur le fait principal, les cir-
constances aggravantes, les faiU d'exouse et
les circonstances atténuantes. C'est la loi du
13 mai 1886 qui a organisé le mode de leur
délibération.
998. Les jurés ne peuvent sortir de leur
chambre qu'aprèà avoir formé leur décision.
Toute communication pekidant leur délibé-
ration est iutefdito.
999. Le président ne peut lal-méme
entrer dans la chambre des jui'és, à moins
que ceux-ci ne l'aient Invité à s'y rendre
pour leur donner des explications sur les
questions posé.es.
800. Lorsque leur déclairatlèn est for-
mée, les Jurés rentreut à l'audience et leur
chef en donne lecture (art. 348).
801* La déclaralion doit être rédigée
par écrit et signée du ebef du jury (art.
809< Lo chef du jury pest être tai^é
dans la lecture de la déclaration par un
autrejuré.
803. La déclaration du jury n'est sou-
mise à aucun recours (art. 850), mais la
Cour d'assises peut néanmoins examiner si
elle rat riîguiière dans sa forme et renvoyer
le jury à rectifier les irrégularités.
804:. La Cour d'assises a également le
droit, au cas où i'aceusé est reconnu cou-
pable et où elle croit que le jury s'est iromôél
?*/**o".!fî^*'' ï*«ff*i» A une autre âésditQ
(art* 852). : . ,
. 80&. Après la lecture de la dëclaratlon,
le président fait comparaitre l'accusé, et le
greffier en donne une nouvelle lecture. Après
cet«e lecture la déclaration devient irréfra-
gahle.
8O0. Si l'accusé est reconnu non cou-
pable, le président prononce son acquitte*
meut (art, 858).
809. S'il est déclaré coupable, il est
procédé, après avoir entendu ief minis-
tère pQblicet^l'aeoBBé, à l'application de la
loi pénale.
808. Cette application faite, la Cour
d'assises peut ôtre appelée, sur les conclu-
sions des parties, A statuer sur les demandes
en dommages-intérêts, qui peuvent étro for*
mées même contre l'accusé acquitté (art.
358, 359 et 366). Néanmoins les demandes
contre l'accusé acquitté doivent être res-
* ff *"!*• aux faits que Tacquitement n'a paa
809. ïl ne faut pas confondre les rcstl-
ttttions -et les dommages-intérêts. Les pre-
mières ont pour objet les choses dont le
plaignant a été dépouillé; les autres le.pré-
Jndice qu*îl a souffert. •
810. Le« frais de la poursuite sont pais
a la chargé de la partie qui succombe, l'ac-
cusé ou la partie civile (art. 868).
aUABAlirTB-DEUXIÉHB ub-
VON. 756
TiT. lïl. — VonSS DB RBCOCBS CONTRE LB8
ARRÊTS ET JUGEMENTS.
811. La loi a ouvert deux yoles de re-
cours contre les arrêts et jugements défini-
tifs : la vole de la cassation et la voie de la
révision.
812. Notre ancienne législation conte-
nait déjà le germe de l'institution de la
Cour de cassation dans les requêtes pour
proposition d'erreur qui pouvaient être por-
tées au conseil du roi.
818. La cour de cassation, créée par lo
décret de l'Assemblée constituante du 26
mai 1790, a pour mission d'Interpréter lea
lois et de maintenir l'unité dans leur applU
cation,
M%4k^ Le recours en oascatlon est ouvert
en maMère crimioeliesCorrectioiMieUe et dtf.
police (art. W3j. .,...;
815» La pourvoi d^bsI peribi8.4u6 coatro
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838
TABLE ET RÉSUMÉ DBS MATIÈRES,
l€s arréU et Jugements déftoltlfs et en
dernier ressort.
810. Toutefois le pounroi peut être
immédiatement dirigé ; 1* contre les arrêts
et jugements incidents qui ne sont pas pu-
rement préparatoires et d'instruction; 3*
contre les jugements et arrêts de compé-
tence, La distinction des Jugements prépa-
ratoires et interlocutoires est étaJblie par
l'art. 452 C. pr. dr.
819. Le recours en cassation s'applique
également aux arrêts de ia chambre d'accu-
sation et aux arrêts de liberté provisoire.
818. Le recours appartient à tous ceux
qui ont été parties dans le Jugement ou
rarrêt.
810. Mais les droits de tontes les par-
ties ne sont pas identiques : les prévenus
ou accusés peuvent se pourvoir contre tous
les Jugements et arrêts rendus en dernier
ressort qui portent des condamnations con-
tre eux (art. 177, 216 et 379). 11 n'y a d'ex-
ception que pour les contumax. Les parties
responsables ne peuvent se pourvoir que
lorsqu'il y a condamnation contre elles. Le
droit de recours appartient dans tous les
cas au ministère public. Il n'appartient aux
parties civiles qu^en ce qui concerne leurs
intérêts pécuniaires.
820. L'art. 441 apporte une exception
à ces règles dans l'intérêt de la Justice. Il
attribue au ministre de la justice le droit de
déférer à la Cour de eassaiion les arrêts,
Ingemeots et actes Judiciaires contraires à
la loi. L'annulation dans ce cas, quoique
non restreinte au seul intérêt de la loi, ne
peut préjudicier aux droits acquis.
881. L'art. 442 confère au procureur
générai de la Cour de cassation un droit
analogue ; mais ce droit, formellement limité
à l'intérêt de la loi, n'a qu'un effet pure-
ment doctrinal.
888. Toutes les ouvertures en cassation
consistent dans une violation ou dans une
fausse application de ia loi.
883. Ainsi, le pourvoi est ouvert contre
les arrêts de la chambre d'accusation à rai-
son : 1* de la fausse qualification des faits;
2* de la violation des formes prescrites par
la loi ; 3* de l'Incompétence; 4* de la fausse
Interprétation de la loi; 5* du rejet ou de
radmisslon des exceptions ; 6* des refus ou
omissions de statuer; 7 des vices do leur
rédaction.
884. Les vices résultant de la procédure
antérieure à l'arrêt peuvent encore, s'ils ont
été relevés par cet arrêt ou s'ils ont été
irrégulièrement écartés, donner ouverture à
cassation.
885. En matière de police correction-
nelle, aucun moyen de nullité ne peut être
proposé en cassation, s'il n'a déjà été soumis
devant les jugés du fond.
886. Les jugements et arrêts peuvmit
être attaqués : 1* pour Irrégularités de l'in-
struction; 2* pour violation ou fausse appll-
MtloQ do U loi péotla. Us sont nuU 1 1* si
les Juges n'étaient pas au nombre prtaerlt ;
2* s'ils n'ont pas assisté à toutes les au-
diences ; 3* s'ils n'ont pas été randus pii«
tiliqueraent; 4* s'ils ne sont pas motivés;
5» si le ministère public n'a pas été eo-
tendu ; 6* si les témoins n'ont pas Brèté
serment; si l'autorité des procès- verbiax
n^ pas été observée; 8* s'il a été omis ou
refusé de prononcer sur les demandes du
prévenuousur les réquisitions du ministère
public.
889. Quand il s'agit de la fausse appli-
cation de la loi pénale, ia Cour de cassation
n'est saisie que de la violation de ia loi, et
non du bien ou du mal Jugé. Elle peut exa-
miner les qualifications; mais elle est tenue
de respecter les appréciations de fait qui
sont souveraines.
888. L'erreur dans l'appMcatlon de la
loi pénale n'entraîne pas nullité, lorsque la
condamnation prononcée peut s'appuyer sur
une autre disposition légale (art. 4 1 1 et 4 IA),
889. Les formes do ia procédure de cas-
sation sont simples et suffisamment indi-
quées par les art. 417 et suiv.
8SO. La voie de la révision est portée,
comme le pourvoi, devant la Cour de cassa-
tion ; mais elle en diffère essentiellement
par son but, ses formes et ses effets (art.
443, 444 et 44S).
881. Il y a trois cas de révision : le
Sremier (jirL Ait) «ci cAlui où deux con-
amnation», prononcées pour le même
crime, ne peuvent ee concilier.
8 8 8. Le second cas (art. 444} est celui
où la personne 'dont la mort a motivé la
condamnation d'un agent pour meurtre, re-
paraît et accuse l'arrêt d'erreur.
888. Le troisième cas (art. 445) est
celui où, après une condamnation, les té-
moins qui ont déposé à charge sont con-
vaincus de faux témoignage.
884. Le décès du condamné dans les
cas prévus par les art. 444 et 445, ou de
l'un des condamnés dans le cas prévu par
l'art. 443 n'est plus, depuis la loi du 29 Juin
1857, un obstacle à la révision.
atJABANVB-TBOniâMB
ÇON.
768
TiT. IV. — Procédubes FiancoLitass.
886. Les art. 448 à 464 ont pour oUet
Sueiques précautions nécessaires en matière
e faux, pour constater l'état matériel des
pièces arguées de faux, et quelques formes
spéciales du faux incident. Il suffit de lire
ces articles.
886. Lorsque l'accusé est contumu, la
loi prescrit la notification de l'arrêt et la pu-
blication de l'ordonnance du président pres-
crivant la représentation de l'accusé (art.
465 et 466).
887. Si la contumax est cendamné, ses
biens sont régis eomme biens d'absent (art.
471).
888* La condamnation par eontomMe
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CODB d'iNSTR. CRIII. — PRESCRIPTION.
839
■3
99.'
! I
]#
ES
t
t
I
>
f
tombe 8i Taceasé se représente ou s'il est
arrêté avant que Ja peiue soit éteinte par la
preacripiion (art. 476).
839. Si, au moment de la représenta-
tion les témoins entendus dans l'instruc-
tion, sont a bi^ents ou décédés, leurs déposi-
tions doivent élre lues à peiné de nullité
(art. 477).
84kO. Une autre procédure particulière
est Instituée parles art. 479 et sulv. : elle
a pour objet de porter la poursuite des dé-
lits devant les Cours d'appel, lorsque les
inculpés appartiennent à Tordre Judiciaire.
841. La connaissance des faits qualifiés
délits n'appartient qu*à ia Cour d'appei, si
ie fait est imputé soit aux membres de
l'ordre Jud ici a ire. soit aux généraux de divi-
sion, aux évêques, aux membres de l'Uni-
versilé.
84L2. .SI le fait est qualiaé crime, le
premier présidenl et le procureur général de
la Cour iiiâtruisent, et la Cour de cassation
statue et désigne ia Juridiction qui doit
Juger.
848. Les formes de l'instruction diffè-
rent suivant la quaiité dei'inculpé; mais
dans tous les cas, si l'instruction est modi-
fiée, les Juges du fond demeurent ies mêmes.
844. Les art. 504 et 50& attribuent aux
diiférentes juridictions le pouvoir de répri-
mer les troubles et déiordres commis à leurs
audiences.
845. il en r^Ssulti» d'abord aue les art.
il, 89, 90 et 91 du C. de pr. civ. se trou-
vent abrogés en ce qui touche ies Juridic-
tions réprejtsives.
846. La loi divise en deux classes les
troubles des audiences : s'il ne s'agit que de
signes d'approbation ou d'improbation, ou
de tumultes, l'expulsion des perturbateurs
est une mesure que tous les juges peuvent
appliquer.
849. Si les troubles ont les caractères
d'un fait punissable,<le Juge peut les répri-
mer sur-le-champ, si ce fait est une con-
travention ou un délit.
848. Si ce fait constitue un crime, le
juge se borne à faire arrêter le délinquant
et à dresser procès-verbal.
848. Les art. 5iO à 516 ont pour objet
de régler la forme extérieure des témoi-
gnages des princes et de certains fonction-
naires.
8ftO. Les art. 518, 519 et 520 établissent
une procédure parlicuiière pour constater
l'identité des condamnés évadés et repris :
cette identité est vérifiée par la Cour d'as-
sises sans assistance des jurés.
851. Les art. 521 et suiv. ont pour but
de remédier à la perte des dossiers et des
actes de procédure.
TiT. V. — RÈGLBaBNTS DB IDGBB.
858. Les règlements de juges, attribués
par les art 52G et suiv. à la Cour de cas-
sation, ont pour objet de faire cesser ies
conflits de juridiction. Les conflits sont po-
sitifs quand deux tribunaux sont saisis delà
même affaire ; négatifs quand deux tribu-
naux se sont déclarée incompétents.
868. Si le conflit s'établit entre deux
juges d'instruction ou deux tribunaux du
même re:}sort, le conflit peut être vidé par
ia Cour d'appel. Hors ces deux cas, il n'ap-
partient qu'à la Cour de cassation de statuer.
854. Il y a lieu en général à règlement
de Juges toutes les fois qu'un jugement,
passé en force de chose jugée, arrête le
cours de la justice (art. 526 et 627).
865. En matière criminelle, correction-
nelle et de police, la Cour de c^issation peut
renvoyer la connaissance d'une affaire d^une
juridiction à une autre, pour cause de sû-
reté publique ou de suspicion légitime (art.
o42}.
866. Lorsqu'il s'agU de la sûreté pu-
blique, la Cour doit apprécier les circons-
tances qui peuvent compromettre cette sû-
reté.
859. Lorsqu'il s'agit de sosplclon légi-
time, la Cour fAit la même appréciation,
mais il y a cette différence que, dans un cas,
c'est le gouvernement qui forme la demande;
dans l'autre, ce sont les parties intéressées.
TiT. VL — Couas spécialbs.
858. Les cours spéciales, établies par
le Code civil, ont éié aboUes par l'art. 54
delà charte de 1814.
TiT. VU. — Hbsdbbs d'iutérêt public.
868. Les art. 60o, ooi oi 002 ont pour
objet l'envoi et la garde des notices des ju-
gements et arrêts en matière criminelle et
correctionnelle.
860. Les art. 603 et suiv. déjà expli-
qués établissent des mesures de surveil-
lance dans les priions.
861. Les art.. 615 et suiv. ont pour
objet de donner les moyens de faire cesser
les détentions illégales.
868. La léhabiiitation des condamnés
est une institution qui existait déjà, sous
une forme restreinte, dans l'ancien droit et
que l'Assemblée constituante a développée.
868. A la procédure publique établie
par la loi de 1791, le Codo d'inst. crim. a
substitué une procédure écrite.
864. La loi du 3 juillet 1851 a modifié
les conditions et ies effets de ia réhabiUta-
tion.
€|UABAI«TB.aC7iàTBlAlfB I.B
ÇOM. 788
Tn. Vin. — Db LA pbiscbiption.
865. Tous les crimes et délits peuvent
être couverts par la prescription. 11 n'y a
plus de crimes inprescriptibfes.
866. Il y a deux sortes de prescription :
contre ies peines et contre Ta et fon.
869. Les peines en matière criminelle
se prescrivent par vingt ans è compter des
arrêts (art. 695).
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840
TABLB BT BÈ6UMÉ BÉS MATIÈRBS.
8es« SI J'erU «as dtt 7 « à compter de
la dHte des &riéH fil jugements 9, teiteder-
nièi-e expression ne peut i'ftpplfqiDer qu'aux
Jugf'.nifuis des conaeila de guerre. "
809. Les. motifs de cette prescription
sont pr»s de re que l*ap|»lieaiiDn de la peine
D'eM plus utiie aprèi vingt ans, de i^exil
et dfs àngoîAsos du condamné, de la dispa-
rition du danger causé par le crime.
87d..'5)jj8ni aux elTeis de la prescrip-
tion, il y a lieu de distinguer entre la con-
daninatiun péoule et la coodamnation pécu-
niaire, c
871. Le condamné qui a proscrit sa
peine peut être tournis à l'tnterdlciion de
résider dans les lieux du erime.
892. Les peines en matière correction-
nelle se prescrivent par cinq ans à partr de
la da'e des arrêts ou jùgemonts («r(. 636).
89a. Les Art. 636 et 608 ont pour otijet
la piescripLloo/nop plus des petuo^, mais
de l'nction.
874L. La prescription contre Taction
crimineile e^t de dix ans, et eonire raclioQ
coneciionnelle est de trois ans.
875. I.e même délai s'applique à la
prescrIptioD de l'action publique et de Tac-
tion civile.
876. Le point de départ est le }our df^
la perpétration du crime ou du délit. Il n'y
a d'cxcoptieni cet égard qu'en oe qui con-
cernçdes déiilo fuccessifi dont la perpétra-
tiun se continue et ^e prolonge. .
1877. Bien qu'il puisse paraître singulier
que Faction civile ait une prescriptioa plus
eoitrto devant -la juridietion pénale que
(fevant la luridiction civile, la loi est for-
melle et n'admet aucun doute (art. 637).
878. La prescription dos peineè en ma-
liéire de police est de deux ans; la pre&èrip-
lion^de Taetfon est d'an an, s'il n'osc inter-
venu aucune condamnation (art. 640).
879. Les condamnés par défaut ou par
contamace ne peuvent, après la preserrption
acquise, être admis à purger la conlutuace
ou lo défaut (art. 6U).
880. 11 y a lieu de remarquer que le
condamné parcontumace peut (te représenter
pendant vingt ans, tandis que le condamné
par défaut ne peut plus attaquer le juge-
ment dix jours aprèi la signiQcatlon.
881. Les condamnations civiless pronon
cées par les Jugements et arrêts rendus au
criromel se prescrivent suivant les règles du
Code civil. . ^
882. Les prescriptions portées par les
lois spéciales sont maintenues.
888. Paroles d'adieu du professeur à
ses élève?.
CoauiL. — Typ. et atér, de Gain vils.
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