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Full text of "Leçons sur les maladies du système nerveux : faites à la Salpêtrière (3rd edition)"

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GCT  1  2  1942 


TH  E 


-School  ofiAedicine, 


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LEÇONS 


MALADIES  DU   SYSTÈME  NERVEUX 


LEÇONS  / 


SUR    LES 


MALADIES  DU  SYSTÈME  MIEUX 

FAITES   A   LA   SALPÉTRIÈRE 


PAR 


J.-M.    ÇH  ARGOT 


Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  Médecin  de  la  Salpétrière. 

Membre    de    l'Académie    de    médecine,    de    la    Société    clinique    de    Londres 

de  la  Société  clinique  de  Biula-Pesth, 

de  la  Société  des  Sciences  naturelles  de  Bruxelles, 

Président  de  la  Société  anatomique. 
Ancien  vice-président  de  la  Société  de  Biologie,  etc. 

RECUEILLIES  ET  HJBLIÉES 
r.vR 

boi  il  \  i; v  s  i,a,« ; 

Rédacteur   eu    chef   du    Progrès    médical. 


TOME  PREMIER. 
Troisième  édition. 

PARIS 

V.   ADRIEN    DELAHAYE   ET    O,    LIBRAIRES-ÉDITEURS 

PLAGE    DE    l'ÉCOLE-DE-MÉDECIXE 

1877 


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PREMIERE    PARTIE 


Des  troubles  trophiques  consécutifs  aux 

maladies  du  cerveau 

et  de    la  moelle    épinière. 


Tft^- 


(ramESITT.OFltt 

\  1813 

PREMIÈRE 


Troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions 
des  nerfs. 


Sommaire.  —  Remarques  préliminaires.  —  Objet  des  conférences  de  cette 
année  ;  elles  seront  consacrées  à  celles  des  maladies  du  système  nerveux  et, 
en  particulier,  delà  moelle  épinière,  que  l'on  observe  le  plus  habituellement 
à  la  Salpétrière.  —  Troubles  de  nutrition  consécutifs  aux  lésions  de  l'axe 
cérébro-spinal  et  des  nerfs.  —  Ces  altérations  peuvent  occuper  la  peau,  le 
tissu  cellulaire,  les  muscles,  les  articulations,  les  viscères.  Importance  de 
ces  altérations  au  point  de  vue  du  diagnostic  et  du  pronostic.  —  Troubles 
de  nutrition  consécutifs  aux  lésions  des  nerfs  périphériques.  —  Le  sys- 
tème nerveux,  à  l'état  normal,  a  peu  d'influence  sur  l'accomplissement  des 
actes  nutritifs.  —  Les  lésions  passives  des  nerfs  ou  de  la  moelle,  ne  pro- 
duisent pas  directement  de  troubles  trophiques  dans  les  parties  périphé- 
riques ;  expériences  qui  le  démontrent.  —  Influence  de  l'irritation  et  de 
l'inflammation  des  nerfs  ou  des  centres  nerveux  sur  la  production  des 
troubles  trophiques.  —  Les  troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions 
traumatiques  des  nerfs,  considérés  en  particulier.  —  Ils  résultent,  non  des 
sections  complètes,  mais  des  sections  incomplètes,  des  contusions,  etc., 
des  troncs  nerveux.  —  Eruptions  cutanées  diverses  :  Erythème,  zona 
traumatique,  pemphigus.  —  Grlossy  Skin  des  auteurs  anglais.  —  Lésions 
musculaires  :  atrophie.  — ■  Lésions  articulaires  ;  lésions  osseuses  :  périos- 
tite,  nécrose.  —  Troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions  non  trau- 
matiques des  nerfs  ;  leur  analogie  avec  ceux  qui  résultent  des  lésions 
traumatiques.  —  Troubles  trophiques  de  l'œil,  dans  les  cas  de  tumeur 
comprimant  le  trijumeau.  —  Inflammation  des  nerfs  spinaux,  consécutive 
au  cancer  vertébral,  à  la  pachyméningite  spinale,  à  l'asphyxie  par  la 
vapeur  de  charbon,  etc.  Eruptions  cutanées  diverses  (zona,  pemphigus, 
etc.),  atrophie  musculaire,  arthropathies,  qui,  en  pareil  cas,  se  dévelop- 
pent en  conséquence  de  la  névrite.  —  Lèpre  anesthésique  :  périnévrite 
lépreuse,  lepra  mutilans. 


Messieurs, 

Ce  n'est  jamais  sans  quelque  émotion,  mais  aussi  sans 
une  grande  satisfaction  que  j'inaugure  chaque  année  les 
conférences   que  vous  venez  entendre.   Je  retrouve  tou- 

Charcot,  t.  i,  39  édition.  1 


2  REMARQUES  PRÉLIMINAIRES. 

jours,  en  effet,  dans  cette  circonstance,  des  visages  amis, 
d'anciens  élèves,  quelques-uns  passés  maîtres,  d'autres 
ayant  déjà  marqué,  dans  la  carrière  qu'ils  parcourent,  des 
traces  brillantes.  Leur  présence  m'est  un  grand  confort  et 
je  suis  heureux  de  leur  en  témoigner  toute  ma  gratitude. 

L'afïïuence,  aujourd'hui,  d'un  auditoire  plus  nombreux 
que  de  coutume,  me  semble  une  preuve  convaincante  que 
je  ne  m'étais  pas  trompé  lorsque  je  pensai,  il  y  a  cinq 
ans,  que  ce  grand  emporium  des  misères  humaines  où  nous 
nous  trouvons  rassemblés,  pourrait  devenir  un  jour  le  siège 
d'un  enseignement  théorique  et  clinique  vraiment  utile  (1). 

Sans  doute,  Messieurs,  le  champ  d'observation  qui  nous 
est  ouvert,  n'embrasse  pas  la  pathologie  tout  entière.  Mais, 
tel  qu'il"  est,  n'est-il  pas  déjà  bien  vaste?  D'un  côté,  il 
offre  à  nos  études  les  affections  de  l'âge  sénile,  qui  méri- 
tent bien  qu'on  s'y  arrête  quelque  temps.  En  second  lieu, 
parmi  les  affections  chroniques,  il  nous  livre,  réunies  en 
grand  nombre  et  dans  des  conditions  particulièrement  fa- 
vorables aux  recherches,  les  maladies  des  systèmes  nerveux 
et  locomoteur,  si  communes  et  par  conséquent  si  intéres- 
santes pour  le  médecin,  maladies  dont  la  pathologie  com- 
mence seulement  depuis  une  vingtaine  d'années  à  se  déga- 
ger de  l'obscurité  profonde  où  elle  était  plongée  jusque-là. 

Quant  à  moi,  Messieurs,  je  n'ai  jamais  douté  que  l'hos- 
pice de  la  Salpétrière,  ne  dût  devenir,  et  pour  les  maladies 
des  vieillards,  et  pour  beaucoup  de  maladies  chroniques, 
un  foyer  d'instruction  incomparable.  Il  suffirait,  pour  réa- 
liser cette  idée,  d'apporter  quelques  modifications  dans  les 
arrangements  intérieurs  de  cet  établissement.  Or,  je  suis 
bien  aise  de  pouvoir  vous  annoncer  que  les  événements 
sont,  en  ce  moment,  tout-à-fait  favorables  à  nos  vues. 

Déjà,  une  décision  que  nous  n'avons  pas  réclamée  a  mis 
entre  nos  mains  un  service  de  près  de  150  lits  où  il  nous 
est  donné  d'observer  toutes  les  formes  de  l'épilepsie  et  de 

(t)  Cette  leçon  a  été  faite  en  mai  1870. 


OBJET  DE  CES  CONFERENCES.  3 

l'hystérie  grave.  Ce  n'est  pas  tout.  M.  le  directeur  de 
l'Assistance  publique  a  formé  le  projet  d'ouvrir  dans  cet 
hospice  une  consultation  consacrée  surtout  aux  malades 
atteintes  d'affections  chroniques  et  une  salle  où  elles  pour- 
ront être  admises  temporairement,  en  certain  nombre,  pour 
y  être  traitées. 

Lorsque  tous  ces  éléments  d'études  auront  été  groupés 
et  organisés  en  vue  des  investigations  scientifiques  et  de 
l'enseignement  clinique,  nous  posséderons  à  Paris,  je 
n'hésite  pas  à  le  dire,  une  institution  qui,  dans  son  genre, 
ne  saurait  guère  avoir  de  rivale  (1).  J'espère  être  assez 
heureux  pour  voir  bientôt  ce  plan  réalisé  dans  toutes 
ses  parties.  Mais,  si  des  circonstances  que  rien  ne  fait 
présager  m'appelaient  ailleurs,  ce  serait  encore  pour  moi  une 
vive  satisfaction  de  voir  mes  successeurs  couronner  l'édifice 
dont  je  n'aurais  pu  que  jeter  les  premiers  fondements. 

Messieurs,  votre  temps  est  précieux  et  je  ne  veux  pas 
étendre  outre  mesure  ce  préambule.  Il  est  temps  d'arriver 
à  l'objet  spécial  de  ces  leçons.  Je  me  propose  de  vous  en- 
tretenir surtout,  cette  année,  de  celles  des  maladies  du  sys- 
tème nerveux  et,  en  particulier,  de  la  moelle  épinière,  qui 
s'offrent  le  plus  souvent  à  notre  observation  dans  cet  hos- 
pice. Il  me  répugnerait  d'entrer,  dès  la  première  entrevue, 
dans  des  détails  par  trop  techniques  ;  j'ai  pensé  qu'il  serait 
plus  convenable  d'appeler  votre  attention  sur  une  question 
d'une  portée  générale  et  que  nous  retrouverons  à  chaque 
pas  dans  le  cours  de  nos  études. 

I. 

Les  lésions  de  l'axe  cérébro-spinal  retentissent  fréquem- 
ment sur  les  diverses  parties  du  corps  et  y  déterminent  par 
la  voie  des  nerfs,  des  troubles  variés  de  la  nutrition.  Ces 

(l)  Ce  projet  ne  s'est  malheureusement  pas  encore  réalisé  (juin  1877). 


4  TROUBLES  DE  NUTRITION. 

affections  secondaires  constituent  un  groupe  pathologique 
des  plus  intéressants.  Aussi  consacrerai-je  quelques  séances 
à  tracer  devant  vous  les  principaux  traits  de  leur  histoire. 

Les  lésions  consécutives,  dont  il  s'agit,  peuvent  frapper 
la  plupart  des  tissus  et  occuper  les  régions  du  corps  les 
plus  diverses  :  la  peau,  par  exemple,  le  tissu  cellulaire, 
les  muscles,  les  articulations,  les  os  eux-mêmes,  ou  enfin 
les  viscères.  Elles  présentent  le  plus  souvent,  à  leur  ori- 
gine du  moins,  les  caractères  du  processus  inflammatoire. 
Souvent,  elles  ne  jouent  dans  le  drame  morbide  qu'un  rôle 
accessoire,  car  elles  sont  simplement  surajoutées  alors  aux 
symptômes  habituels  :  hyperesthésie,  anesthésie,  hyperkiné- 
sie,  akinésie,  incoordination  motrice,  etc.  Mais,  pour  n'avoir 
d'intérêt  qu'au  point  de  vue  de  la  physiologie  patholo- 
gique, elles  ne  doivent  pas,  cependant,  être  négligées. 

D'autres  fois,  au  contraire,  ces  lésions  acquièrent  aux 
yeux  du  clinicien,  en  raison,  soit  des  graves  désordres 
qu'elles  occasionnent,  soit  des  signes  diagnostiques  ou  pro- 
nostiques qu'elles  fournissent,  une  importance  majeure. 
Permettez-moi  d'appuyer  cette  proposition  sur  quelques 
exemples. 

L'an  passé  je  vous  montrais  —  et  je  reviendrai  bientôt 
encore  sur  ce  point  —  comment  l'eschare  fessière,  déve- 
loppée dans  le  cours  de  l'apoplexie  par  hémorrhagie  céré- 
brale ou  par  ramollissement  du  cerveau,  permettait  de  por- 
ter un  pronostic  d'une  certitude  presque  absolue. 

Les  eschares  sacrées,  les  affections  des  reins  et  de  la 
vessie  qui  se  produisent  avec  tant  de  rapidité  dans  certaines 
maladies  aiguës  ou  dans  les  exacerbations  de  quelques 
maladies  chroniques  de  la  moelle  épinière  sont  souvent  la 
cause  immédiate  de  la  mort. 

Une  artliropatUie  survenue  dans  le  cours  de  Fataxie  lo- 
comotrice, pourra  priver  définitivement  le  malade  de  l'usage 
d'un  membre  qui,  pendant  longtemps  encore,  eût  pu  lui 
rendre  des  services. 


TROUBLES  DE   NUTRITION.  l> 

Quelquefois,  enfin,  ces  lésions  trophiques  consécutives 
donnent  le  change  au  clinicien  qui  les  prend  pour  la  mala- 
die tout  entière.  Telles  sont  certaines  formes  de  Y  atrophie 
musculaire  progressive  considérées  naguère  comme  des 
affections  primitives  des  muscles,  et  dont  le  point  de  départ 
est,  en  réalité,  dans  certaines  altérations  de  la  substance 
grise  de  la  moelle  épinière. 

Multiplier  ces  exemples  serait,  je  crois,  superflu,  car,  dès 
maintenant,  vous  voyez  l'intérêt  qui  s'attache  à  l'étude  de 
ces  lésions  trophiques. 

Le  pouvoir  de  déterminer,  sous  certaines  influences  mor- 
bides, des  lésions  de  nutrition  dans  les  parties  extérieures 
du  corps  ou  dans  les  viscères  n'est  pas  uniquement  dévolu 
au  cerveau  et  à  la  moelle  épinière.  Ces  centres  partagent  ce 
privilège  avec  les  nerfs  qui  émanent  d'eux.  Mais  les  affec- 
tions consécutives  résultant  des  lésions  protopathiques,  dé- 
veloppées dans  les  départements  les  plus  divers  du  système 
nerveux,  ont  entre  elles,  malgré  quelques  différences  spé- 
cifiques, les  analogies  les  plus  grandes  ;  de  telle  sorte  que, 
pour  le  clinicien  appelé  à  reconnaître  ces  affections,  la 
question  de  savoir  quelle  a  été  la  circonscription  du  sys- 
tème nerveux  primitivement  affectée  et  d'où  dérive  la  lésion 
trophique  est  maintes  fois  très-difficile  à  résoudre. 

Cette  considération  m'engage  à  ne  pas  restreindre  notre 
étude  aux  seules  lésions  trophiques  de  cause  cérébrale  ou 
spinale.  Celles-ci  seront,  si  vous  le  voulez,  notre  objectif; 
mais  nous  croyons  utile  de  tracer  parallèlement  l'histoire 
des  troubles  trophiques  qui  apparaissent  à  la  suite  des  lé- 
sions des  nerfs  périphériques.  N'est-ce  pas,  d'ailleurs,  un 
des  grands  avantages  de  la  méthode  comparative  que  de 
faire  naître  la  lumière  du  contraste  ?  Pour  limiter  notre 
champ  d'études,  nous  n'envisagerons  que  ceux  des  troubles 
trophiques  qui  apparaissent  dans  le  domaine  périphérique 
du  nerf  lésé  ;  pour  ce  qui  est  des  altérations  de  nutrition 
qui  se  manifestent  par  suite  d'actes  réflexes,  à  une   dis- 


G  TROUBLES   DE  NUTRITION. 

tance  plus  ou  moins  éloignée  et  dans  le  domaine  de  nerfs 
qui  n'ont  subi  directement  aucune  atteinte  de  la  lésion 
primitive,  c'est  un  sujet  fort  intéressant,  sans  doute,  mais 
qui  mérite  d'être  traité  à  part. 


IL 


En  m'entendant  parler,  Messieurs,  des  troubles  de  la 
nutrition  qui  naissent  sous  l'action  des  lésions  des  centres 
nerveux  ou  des  nerfs,  la  plupart  d'entre  vous  se  sont,  sans 
aucun  doute,  immédiatement  remis  en  mémoire  le  problème 
correspondant  qui  se  débat  en  physiologie  normale. 

Rien  de  mieux  établi  en  pathologie,  j'espère  vous  le  dé- 
montrer du  moins,  que  V existence  de  ces  troubles  trophi- 
ques  consécutifs  aux  lésions  des  centres  nerveux  ou  des 
nerfs.  Et  cependant  la  physiologie  la  plus  avancée  enseigne, 
vous  le  savez,  que,  à  Vétat  normal,  la  nutrition  de  diffé- 
rentes parties  du  corps  ne  dépend  pas  essentiellement 
d'une  influence  du  système  nerveux. 

La  contradiction  paraît  formelle  ;  elle  n'est  qu'apparente. 
Je  vais  essayer  de  le  prouver,  et,  dans  ce  but,  je  vous  de- 
mande la  permission  de  faire  une  courte  incursion  dans  le 
domaine  de  la  physiologie  expérimentale. 

Pour  montrer  que  les  actes  chimiques  de  rénovation  mo- 
léculaire qui  constituent  la  nutrition  ne  sont  pas  sous  la 
dépendance  immédiate  du  système  nerveux,  on  invoque, 
vous  le  savez,  des  arguments  de  plusieurs  ordres. 

1°  Les  actes  les  plus  compliqués  de  la  vie  de  nutrition 
s'accomplissent  dans  certains  organismes  sans  l'interven- 
tion du  système  nerveux.  C'est  ainsi  que  les  végétaux, 
quelques  animaux  inférieurs  (protozoaires),  dépourvus  de 
système  nerveux,  n'en  vivent  pas  moins  d'une  manière  très- 
active.  L'embryon,  dit-on  encore,  n'accomplit-il  pas  déjà 
les  actes  de  la  vie  organique,  aune  époque  où  il  ne  possède 
encore  aucun  élément  nerveux  ? 


TROUBLES    DE    NUTRITION.  7 

2°  On  s'appuie  ensuite  sur  ce  fait  que  certains  tissus, 
chez  les  animaux  supérieurs  mêmes,  sont  totalement  privés 
de  nerfs  et  de  vaisseaux.  On  cite  comme  exemples  les  cel- 
lules épithéliales,  les  cartilages  qui,  néanmoins,  si  un  état 
pathologique  survient,  deviennent  le  siège  d'une  véritable 
prolifération,  indice  bien  évident  que  la  nutrition  peut 
s'effectuer  là  d'une  façon  très-énergique  (1). 

(l)  «  La  vie  organique  des  animaux  tout  entière,  ou  en  d'autres  termes 
tout  ce  qui  se  passe  chez  l'animal,  sans  l'intervention  d'une  sensation  ou  d'un 
acte  mental,  peut  s'effectuer  sans  l'intervention  du  système  nerveux,  et  se 
produire  sans  modifications  matérielles  correspondantes  de  ce  système  ;  de 
même  que  les  fonctions  de  circulation,  de  nutrition,  de  sécrétion,  d'absorp- 
tion, s'opèrent  avec  une  égale  perfection  dans  les  classes  les  plus  inférieures 
d'animaux,  chez  lesquels  on  ne  découvre  pas  de  système  nerveux,  et  dans 
le  règne  végétal  où  il  n'y  a  pas  de  raisons  plausibles  de  supposer  que  les 
nerfs  existent,  on  pourrait  dire  que  le  système  nerveux  vit  et  se  développe 
chez  un  animal,  à  la  manière  d'un  parasite  vivant  aux  dépens  d'un  végétal.» 
(Brit.  and  For.  Med.  Chir.  Rew.  Vol.  III,  1837,  pp.  9,  10;  —  Et  Car- 
peuter.  — Principles  ofhuman  Physiology.  Philadelphia,  1855,  p.  58.^ 

Voici  l'analyse  très- sommaire  d'un  travail  où  tout  récemment  M .  Ch. 
Robin  a  exposé  les  idées  aujourd'hui  dominantes,  concernant  le  rôle  très- 
elfacé  du  système  nerveux,  dans  la  nutrition  :  «  Les  actes  chimiques  qui 
constituent  la  rénovation  moléculaire  dans  l'organisme  vivant,  autrement  dit 
la  nutrition,  ne  sont  pas  sous  l'influence  directe  des  nerfs.  11  ne  saurait 
s'agir  là  d'une  influence  des  nerfs  sur  les  tissus,  comparable  à  celle  de  l'élec- 
tricité sur  les  actions  chimiques.  Il  n'existe  pas  de  nerfs  allant  sur  les  élé- 
ments anatomiques  extra-vasculaires,  sur  les  épithéliums  par  exemple,  à 
la  manière  des  tubes  nerveux  qui  viennent  s'appliquer  sur  les  fibres  mus- 
culaires. La  cause  du  mouvement  de  nutrition  est  dans  les  éléments  ana- 
tomiques eux-mêmes  ;  chez  les  végétaux,  en  l'absence  de  tout  système  ner- 
veux, on  voit  les  tissus  s'enfler  subitement,  les  cellules  croître  et  se  multi- 
plier. Chez  l'embryon  les  cellules  naissent,  s'accroissent  et  se  multiplient 
avant  l'apparition  de  tout  élément  nerveux  périphérique.  La  nutrition  est  donc 
une  propriété  générale  des  éléments  anatomiques  ,  tant  animaux  que  végé- 
taux. La  sécrétion  elle-même  est  une  propriété  inhérente  aux  éléments  ana- 
tomiques, ainsi  que  l'avaient  déjà  vu  de  Blainville,  A.  Comte.  Chez  les 
animaux  inférieurs,  et  dans  le  cas  de  greffe  animale,  il  est  évident  que  la 
nutrition  des  tissus  est  indépendante  du  système  nerveux.  »  «  Les  troubles 
sécrétoires,  ceux  d'absorption,  les  indurations,  ramollissements,  hypertro- 
phies et  autres  altérations  consécutives  aux  lésions  des  nerfs,  sont  une  con- 
séquence de  perturbations  circulatoires  par  l'intermédiaire  des  nerfs  précé- 
dents (vaso-moteurs\  affectés  directement  par  action  réflexe,  et  non  la  consé- 
quence de  l'action  de  nerfs  qui  auraient,  à  la  manière  de  l'électricité  par 
exemple,  une  influence  sur  les  actes  moléculaires  ou  chimiques  de  l'assimi- 
lation et  de  la  désassimilation  dans  une  zone  dune  certaine  étendue  en  de- 
hors de  leur  surface.  »  (Journal  de.  UAnatomie,  etc.,  1867,  pp.  270-300.) 


8  INFLUENCE   DE  LA   SECTION   DES  NERFS. 

3°  Enfin,  des  arguments  plus  directs  sont  tirés  du  do- 
maine de  la  physiologie  expérimentale.  Vous  savez  que, 
après  la  section  des  nerfs  qui  s'y  rendent,  ou  la  destruc- 
tion même  de  la  moelle  épinière,  les  parties  périphériques, 
telles  que  les  muscles,  les  os  d'un  membre,  continuent  pen- 
dant longtemps  encore  à  vivre  et  à  se  nourrir  à  peu  près 
comme  dans  les  conditions  normales.  En  pareil  cas,  c'est 
seulement  à  la  longue  que  surviennent  dans  ces  parties  des 
lésions  nutritives.  Ces  lésions,  d'ailleurs,  presque  toujours 
purement  passives,  sont  vraisemblablement  dues  à  l'inac- 
tion à  laquelle  les  parties  sont  condamnées,  par  suite  de  la 
suppression  de  toute  influence  de  la  part  du  système  ner- 
veux. En  effet,  elles  se  manifestent  avec  les  mêmes  carac- 
tères dans  Y  immobilisation  des  membres,  alors  que  le  sys- 
tème nerveux  n'est  pas  directement  intéressé.  Ces  lésions 
passives,  que  nous  verrons  figurer  dans  différentes  affec- 
tions paralytiques,  n'ont  rien  de  commun  avec  les  lésions 
trophiques  spéciales  qui  vont  nous  occuper.  En  général, 
elles  peuvent  s'en  distinguer  d'ailleurs  objectivement  par 
quelques  traits -particuliers.  Celles-ci  sont  presque  toujours 
marquées,  du  moins  à  une  certaine  époque  de  leur  évolu- 
tion, au  coin  de  l'irritation  phlegmasique.  Dès  l'origine,  le 
plus  souvent,  elles  revêtent  les  caractères  des  inflamma- 
tions ;  elles  peuvent,  nous  le  verrons,  aboutir  à  l'ulcéra- 
tion, à  la  gangrène  et  à  la  nécrose. 

En  outre,  un  caractère  qui  leur  est  commun  à  la  plupart, 
c'est  qu'elles  se  développent  avec  une  grande  rapidité  à  la 
suite  de  la  lésion  des  nerfs  ou  des  centres  qui  en  a  provo- 
qué l'apparition,  parfois  même  avec  une  rapidité  incroyable. 
C'est  ainsi  qu'on  voit  fréquemment,  dans  certains  cas  de 
fracture  de  la  colonne  vertébrale  avec  compression  et  irri- 
tation de  la  moelle  épinière,  des  eschares  apparaître  au 
sacrum  le  second  ou  le  troisième  jour  après  l'accident. 

On  peut  donc  dire,  qu'en  règle  générale,  l'opposition  en- 
tre les  lésions  p assives  résultant  de  la  seule  inactivité  fonc- 
tionnelle et  les  troubles  trophiques  qui  surviennent  à  la 


INFLUENCE    DE   LA   SECTION    DES   NERFS.  9 

suite  de  certaines  lésions  des  centres  nerveux  est  frappante: 
les  premières  sont  lentes  à  se  produire,  n'ont,  le  plus  sou- 
vent, aucun  caractère  inflammatoire  ;  les  secondes  éclatent 
parfois  tout-à-coup  et  présentent  ordinairement,  du  moins 
au  début  du  processus,  la  marque  d'un  travail  phlegma- 
sique  plus  ou  moins  accentué. 

Permettez-moi, Messieurs,  de  vous  remettre  en  mémoire, 
très-sommairement, quelques-unes  des  expériences  auxquel- 
les je  faisais  allusion  tout-à-1'lieure,  et  qui  tendent  à  démon- 
trer que  la  moelle  épinière  et  les  nerfs  n'ont  pas  d'influence 
directe, immédiate  sur  la  nutrition  des  parties  périphériques . 

1°  Une  des  premières  est  relative  à  la  section  du  nerf 
sciatique  chez  les  mammifères.  Schrœder  van  der  Kolk, 
qui,  un  des  premiers,  l'a  instituée,  attribuait  les  troubles 
de  la  nutrition  qui  se  produisent  assez  rapidement,  en  pa- 
reil cas,  dans  le  membre  correspondant,  à  l'absence  d'ac- 
tion du  système  nerveux  consécutive  à  la  section  du  nerf. 
M.  Brown-Séquard,  qui  a  répété  cette  expérience  en  1849 
sur  des  cochons  d'Inde  et  des  lapins,  est  parvenu  à  faire 
voir  que  ces  troubles  trophiques,  survenant  au  bout  de 
quelques  jours  à  peine  et  consistant  en  tuméfaction  de  l'ex- 
trémité du  membre,  ulcérations  des  doigts,  perte  des  on- 
gles, etc.,  ne  se  montrent,  en  réalité,  que  parce  que  l'ani- 
mal est  devenu  incapable  de  soustraire  à  l'action  des 
influences  extérieures,  au  frottement  sur  un  sol  dur  et  ru- 
gueux, le  membre  privé  de  mouvement  et  de  sensibilité  par 
suite  de  la  section  du  sciatique.  Lorsque  le  sujet  mis  en  ex- 
périence était  entouré  de  toutes  les  précautions  nécessaires, 
confiné  par  exemple  dans  une  caisse  dont  le  fond  était  re- 
couvert d'une  couche  épaisse  de  son,  on  ne  constatait  plus 
aucune  modification  de  la  nutrition  dans  le  membre  para- 
lysé, si  ce  n'est  toutefois  une  atrophie  plus  ou  moins  pro- 
noncée, mais  se  produisant  seulement  à  la  longue  (1). 

(l)  Brown-Séquard.  —  Sur  les  altérations  pathologiques  qui  suivent  la 
section  du  nerf  sciatique,   in  Comptes-rendus  des  séances  de  la  Société  de  Bio- 


10  INFLUENCE   DE    LA  SECTION   DE  LA  MOELLE. 

Cette  atrophie  survenant  à  la  suite  de  la  section  du  nerf 
sciatique  résulte  évidemment  de  l'inactivité  fonctionnelle 
à  laquelle  est  condamné  le  membre  paralysé  ;  elle  porte 
non-seulement  sur  les  muscles,  mais  encore  sur  les  os  et 
sur  la  peau,  ainsi  que  l'avait  déjà  reconnu  J.  Reid.  Elle  ne 
se  produit  pas,  alors  même  que  la  section  du  nerf  a  été  com- 
plète, pour  peu  que,  à  l'exemple  du  physiologiste  qui  vient 
d'être  cité,  on  ait  soin  de  faire  passer  chaque  jour  un  cou- 
rant galvanique  à  travers  les  muscles  du  membre  paralysé. 

2°  La  section  complète  du  nerf  trijumeau,  pratiquée  dans 
le  crâne,  fournit  des  résultats  tout- à-fait  comparables  à 
ceux  que  produit  la  section  du  nerf  sciatique.  Vous  savez 
que  les  lésions  de  l'œil  qui  se  montrent  chez  les  animaux 
à  la  suite  de  cette  opération,  après  avoir  été  autrefois  con- 
sidérées, par  quelques  physiologistes,  comme  dérivant  de 
la  suppression  d'une  influence  trophique  du  trijumeau, 
sont  rattachées,  depuis  les  expériences  de  Snellen  (1857)  et 
celles  plus  récentes  de  Bùttner  (1862),  aux  effets  de  l'anes- 
thésie  qui  expose  les  parties  frappées  d'insensibilité  à  l'ac- 
tion de  causes  traumatiques  de  tout  genre.  Si,  après  la 
section  du  trijumeau,  on  protège  l'œil,  suivant  la  méthode 
de  Snellen,  en  fixant  au-devant  de  lui,  par  quelques  fils,  l'o- 
reille du  même  côté  restée  sensible,  ou  si,  suivant  la  méthode 
de  Bùttner,  on  se  contente  de  le  recouvrir  d'une  plaque  de 
cuir  épais,  les  troubles  trophiques  ne  se  montrent  pas  dans 
la  cornée  ;  un  certain  degré  d'hypérémie  neuro-paralytique 
se  manifestant  à  l'iris,  à  la  conjonctive,  est  en  somme  le  seul 
phénomène  qu'on  observe  après  la  section  complète  du  tri- 
jumeau, lorsque  l'œil  a  été  convenablement  protégé  (1). 

lof/te,  t.  I,  184'J,  p.  136,  et  Expérimental  Researches  applied  to  Physiology 
and  Pathology.  New- York,  1853,  p.  6.  Après  la  section  d'un  nerf  mixte, 
l'atrophie  des  muscles  ne  commence  à  se  manifester  en  général  chez  1  homme 
et  chez  les  mammifères,  qu'au  bout  d'un  mois  environ,  par  un  léger  degré 
d'émaciation.  Deux  mois  après,  l'atrophie  est  mieux  caractérisée  ;  elle  est  très- 
prononcée  au  bout  de  trois  mois.  (Magnin,  thèse  de  Paris,  1806,  p.  19.) 
(l)  Voir  à  ce  sujet  les  expériences  de  M.  SchifF,  dans  la  thèse  de  M.  Hau- 


INFLUENCÉ   DES   NERFS    YASO-MOTKT  1;.-  >\\ 

3°  En  ce  qui  concerne  maintenant  la  moelle  épinière,  il 
paraît  démontré  que  sa  section  transversale  complète  ou 
même  sa  destruction  dans  une  certaine  étendue,  lorsqu'il 
n'en  résulte  pas  une  inflammation  quelque  peu  durable  de 
l'organe,  ne  sont  pas  immédiatement  suivies  de  troubles  de 
la  nutrition  dans  les  membres  paralysés.  M.  Brown-Sé- 
quard  a  fait  voir,  en  effet,  que  les  ulcérations  qui  se  for- 
ment assez  rapidement  au  voisinage  des  organes  génitaux 
chez  les  mammifères  et  chez  les  oiseaux,  dont  la  moelle 
épinière  a  subi  une  section  transversale  complète,  ne  ré- 
sultent pas  directement  de  l'absence  d'influx  nerveux  ;  elles 
sont  la  conséquence  de  la  pression  prolongée  et  du  contact 
des  urines  altérées,  ainsi  que  des  matières  fécales  auxquelles 
ces  parties' sont  exposées. 

Les  membres  postérieurs  d'un  jeune  chat,  qui  survécut 
près  de  trois  mois  à  la  destruction  complète  de  la  région 
lombaire  de  la  moelle  épinière,  se  développèrent  normale- 
ment ;  les  fonctions  de  la  vie  organique  dans  ces  membres 
parurent  s'exécuter  suivant  les  conditions  physiologiques  ; 
la  sécrétion  des  poils  et  des  ongles  se  produisit  comme  chez 
l'animal  sain  (1). 

Chez  des  mammifères  ou  chez  des  grenouilles,  dont  la 
partie  postérieure  de  la  moelle  a  été  détruite,  on  peut  voir, 
dit  Yalentin,  la  contractilité  électrique  persister  dans  les 
muscles  des  membres  postérieurs,  jusqu'à  la  mort,  c'est-à- 
dire  pendant  plusieurs  semaines  ou  même  pendant  plusieurs 
mois  (2). 

En  résumé,  chez  les  animaux  qui  ont  subi  la  section 
transversale  complète  ou  la  destruction  d'une  partie  de  la 
moelle  épinière,  on  peut  voir  se  former,  principalement  sur 


ser  :  Nouvelles  recherches    relatives  à  l'influence    du  système  nerveux  sur  la 
nutrition.  Paris,  1858. 

(1)  Brown-Séquard,  loc.  cit.,  p.  14,  13,  16. 

(2)  Yalentin.  —  Versuch  einer  physioloçjischen  Pathologie   den   Nerven,   2. 
Abth.,  p.   43.  Leipzig,  1864. 


12  INFLUENCE   DE   L'IRRITATION    DES   NERFS. 

les  régions  soumises  à  la  pression,  des  ulcérations,  voire 
même  des  eschares  ;  mais  toujours  il  est  possible  de  mettre 
ces  lésions  sur  le  compte  de  l'anesthésie  et  de  la  paralysie 
motrice,  par  suite  desquelles  l'animal  reste  constamment 
souillé  par  le  contact  des  urines,  se  Messe  en  se  heurtant 
à  tous  les  contacts,  etc.  Quant  à  l'atrophie  qui  survient  à  la 
longue  dans  les  membres  paralysés  à  la  suite  de  cette  opé- 
ration, elle  résulte  uniquement,  comme  dans  le  cas  de  la 
section  du  nerf  sciatique,  de  l'inertie  fonctionnelle  à  la- 
quelle ces  membres  sont  condamnés. 

De  l'ensemble  de  ces  faits,  empruntés  à  la  physiologie 
expérimentale,  il  résulte,  comme  on  le  voit,  que  l'absence 
d'action  du  système  nerveux  déterminée  par  la  section 
complète  des  nerfs  périphériques  ou  la  destruction  d'une 
partie  de  la  moelle  épinière  ne  provoque  pas,  dans  les  élé- 
ments anatomiques  des  membres  paralysés,  d'autres  trou- 
bles nutritifs  que  ceux  qui  se  développeraient,  dans  ces 
mêmes  éléments,  sous  la  seule  influence  de  l'inertie  fonc- 
tionnelle, de  l'inactivité  prolongée. 

La  découverte  des  nerfs  vaso-moteurs  et  des  effets  que 
détermine  la  paralysie  de  ces  nerfs  ne  devait  pas  modifier 
essentiellement  cette  formule.  Il  est,  en  effet,  démontré 
aujourd'hui  que  l'hypérémie  neuro-paralytique,  quelque 
loin  qu'elle  soit  poussée,  n'est  jamais  suffisante  pour  occa- 
sionner, à  elle  seule,  une  altération  dans  la  nutrition  des 
tissus.  Sans  doute,  cette  hypérémie,  comme  l'a  fait  remar- 
quer M.  Schiff,  crée  une  certaine  prédisposition  aux  in- 
flammations, lesquelles  peuvent  éclater  soit  spontanément 
—  du  moins  en  apparence  —  chez  l'animal  malade,  soit  à 
la  suite  de  causes  d'excitation  relativement  légères  chez 
l'animal  sain.  Mais  ces  lésions  de  nutrition  d'origine  neuro- 
paralytique ne  sont  nullement  comparables  aux  troubles 
trophiques  qui  sont  l'objet  spécial  de  cette  étude,  elles  for- 
ment une  catégorie  à  part.  Ces  derniers,  ainsi  que  nous 
aurons  maintes  fois  l'occasion  de  le  faire  remarquer,  che- 
min faisant,  peuvent  se  développer  et  accomplir  leur  évo- 


INFLUENCE   DE   LIRRITATION   DES   NERFS.  13 

lution,  sans  être  précédés  ou  accompagnés  par  aucun  des 
phénomènes  qui  révèlent  objectivement  l'état  paralytique 
ou  l'état  inverse  des  nerfs  vaso-moteurs.  Pour  l'instant, 
nous  n'insisterons  pas  plus  longuement  sur  ce  point  que 
nous  devons  reprendre  par  la  suite. 

III. 

Si  les  lésions  qui  ont  pour  résultat  d'anéantir  ou  de  sus- 
pendre l'action  du  système  nerveux,  n'ont  pas  le  pouvoir 
de  faire  naître  dans  les  régions  éloignées  d'autres  troubles 
de  la  nutrition  que  ceux  qui  dépendent  de  l'inactivité  pro- 
longée, il  n'en  est  pas  de  même  des  lésions  qui  déter- 
minent, soit  dans  les  nerfs,  soit  dans  les  centres  nerveux, 
une  exaltation  de  leurs  propriétés,  une  irritation,  une 
inflammation. 

C'est  là,  Messieurs,  une  proposition  d'une  importance 
capitale  :  elle  domine  en  réalité  la  question  qui  nous  oc- 
cupe. Découvert  depuis  longtemps  déjà  par  M.  BroAvn- 
Séquard,  le  principe  sur  lequel  elle  s'appuie  est,  si  je  ne 
me  trompe,  encore  trop  souvent  méconnu,  aussi  bien  par 
les  physiologistes  que  par  les  pathologistes  (1).  Nous  ver- 
rons en  temps  et  lieu  la  pathologie  humaine  fournir,  à 
l'appui  de  cette  proposition,  des  faits  assez  nombreux,  des 
arguments  péremptoires  ;  en  revanche,  nous  aurons  plus 
rarement  à  invoquer  les  résultats  de  l'expérimentation  sur 
les  animaux.  La  raison  en  est  surtout,  sans  aucun  doute, 
dans  cette  circonstance  que,  chez  ces  derniers,  le  tissu 
nerveux  parait  résister,  bien  mieux  que  chez  l'homme,  aux 
causes  diverses  d'irritation  et  d'inflammation.  Tous  les  ex- 
périmentateurs savent,  en  effet,  que  les  lésions  traumati- 
ques,  même  les  plus  graves,  des  nerfs  périphériques  ou  de 


(l)  Note  sur  quelques  cas  d'affection  de  la  peau,  dépendant  d'une  influence 
du  système  nerveux,  par  J.-M.  Charcot,  suivies  de  Remarques  sur  le  mode 
d'influence  du  système  nerveux  sur  la  nutrition,  par  le  docteur  Brown-Sé- 
quard.  [Journ.  de  physiologie,  t.  II,  n°  o.  Janvier  1859,  p.  108). 


14  INFLUENCE   DE   L'IRRITATION   DES  NERFS. 

la  moelle,  produisent  assez  difficilement,  chez  la  plupart 
des  animaux,  une  myélite  ou  une  névrite  quelque  peu  du- 
rable et  comparable  à  celles  qui  se  développent,  au  con- 
traire, assez  facilement  chez  l'homme  à  la  suite  des  lésions 
les  plus  minimes. 

Les  expériences  propres  à  montrer  que  les  lésions  irri- 
tatives  des  tissus  nerveux  sont  capables  de  déterminer  des 
troubles  trophiques  variés  dans  les  parties  auxquelles  ils  se 
distribuent,  sont,  nous  l'avons  dit,  peu  nombreuses.  Elles 
sont  relatives  presque  exclusivement  à  la  cinquième  paire. 

Voici  d'abord  le  résumé  d'une  expérience  de  Samuel  : 
—  Chez  un  lapin,  deux  aiguilles  sont  appliquées  sur  le 
ganglion  de  Gasser  et  l'on  fait  passer  un  courant  d'induc- 
tion ;  aussitôt  il  se  produit  un  rétrécissement  plus  ou  moins 
prononcé  de  la  pupille,  et  en  même  temps  se  développe 
une  légère  injection  des  vaisseaux  de  la  conjonctive;  la 
sécrétion  des  larmes  s'exagère.  La  sensibilité  des  pau- 
pières, de  la  conjonctive,  de  la  cornée  est  exaltée.  Après 
l'opération,  le  rétrécissement  de  la  pupille  persiste,  quoi- 
que à  un  moindre  degré  et  l'hyperesthésie  s'exagère  en- 
core. Le  processus  inflammatoire  commence  à  se  déve- 
lopper en  général  au  bout  de  vingt-quatre  heures  ;  son 
intensité  s'accroît  pendant  le  second  et  le  troisième  jour, 
et  diminue  ensuite  progressivement.  On  peut  observer 
tous  les  degrés  de  l'ophthalmie,  depuis  la  conjonctivite  la 
plus  légère  jusqu'à  la  blennorrhée  la  plus  intense.  La 
sensibilité  s'exalte  toujours  et  l'hyperesthésie  peut  s'éle- 
ver à  un  tel  degré  qu'au  moindre  attouchement  de  l'œil, 
l'animal  est  pris  de  convulsions  générales.  Il  se  produit 
sur  la  cornée  une  opacité  générale,  et,  en  outre,  tantôt 
de  petites  exulcérations,  tantôt  un  ulcère  unique,  de  forme 
ovalaire  qui  occupe  la  partie  moyenne  de  cette  mem- 
brane. Dans  un  cas,  il  s'était  formé  une  petite  collection 
purulente  dans  la  chambre  antérieure  de  l'œil .  A  part  l'hy- 
pérémie,  on  n'observe  jamais  d'altérations  pathologiques 
de  l'iris,  ni  adhérences,  ni  modifications  de  coloration. 


INFLUENCE   DE  L'IRRITATION   DES  NERFS.  1  '6 

Dans  tous  les  cas,  l'hyperesthésie  des  rameaux  ophthal- 
miques  de  la  cinquième  paire  est. expressément  notée.  Il 
est  clair,  par  conséquent,  qu'on  ne  saurait  ici,  comme  dans 
les  faits  de  Snellen  et  de  Butiner,  invoquer  Fanesthésie 
pour  expliquer  l'apparition  des  troubles  trophiques  surve- 
nant dans  l'œil  non  convenablement  protégé  (1). 

A  la  suite  d'une  section  non  réussie  du  trijumeau  chez 
un  lapin,  Meissner  a  vu  paraître  dans  l'œil,  qui  avait  con- 
servé d'ailleurs  sa  sensibilité,  des  lésions  trophiques  très- 
prononcées.  L'auteur  fait  remarquer  avec  soin  que  ces 
lésions  se  sont  produites  sans  qiCaucun  signe  d'Jiypéré- 
mie  neuro-paralytique  les  eût  précédées.  L'autopsie  fit 
constater  que  la  partie  médiane  (interne)  du  trijumeau  avait 
seule  été  intéressée  par  le  neurotome  (2).  Schiff,  de  son 
côté,  à  l'appui  de  l'observation  de  Meissner  ,  rapporte 
quatre  cas,  relatifs  à  des  lésions  partielles  du  trijumeau 
dans  le  crâne,  et  dans  lesquels  l'inflammation  de  l'œil  s'est 
développée  malgré  la  persistance  de  la  sensibilité  (3). 

Nous  avons  vu  dans  les  expériences  de  Samuel  les  trou- 
bles trophiques  survenir  dans  l'œil  en  conséquence  de 
l'irritation  faradique  de  la  cinquième  paire  ;  n'est-il  pas 
vraisemblable  que,  dans  celles  de  Meissner  et  de  Schiff, 
c'est  par  suite  de  l'irritation  phlegmasique  développée 
dans  le  nerf  en  conséquence  de  la  section  partielle,  que 
les  lésions  de  l'œil  se  sontproduites  ?  A  l'appui  de  cette 
opinion  j  e  vous  ferai  remarquer  que  chez  l'homme  les  sec- 
tions incomplètes  sont  bien  plus  propres  à  développer 
dans  les  nerfs  un  processus  d'irritation,  que  ne  le  sont 
les  sections  complètes;  cela  a  été  reconnu  depuis  bien 
longtemps  par  les  chirurgiens.   Il  est  permis  de  supposer 


(1)  S.  Samuel.  —  Die  trophischen  Nerven.  Leipzig,  1860,  p.  01. 

(2)  G.  Meissner.  —  JJeber  die  nach  der  Durschneidung  der  Trigeminus  an? 
Auge  der  Kaninchens  eintretende  Ernahrungstterung.  Heiile  etPfeufer's  Zeitsch. 
xxxix,  96-104,—  Centralblatt.  1867.  p.  265. —  Gaz.  hebdumad.,  1867,  p.  634. 

(3)  M.  Schiff. —  Renie" s  Zeitsch.  xxxix,  217-229.  —  Centralblatt,  1807, 
p.  655.  — Gaz.hebdomad.,   1867,   p.  634. 


16  INFLUENCE  DE  l/lRRITATION  DES  NERFS. 

qu'il  en  est  de  même,  du  moins  à  un  certain  degré,  chez  les 
animaux  (1). 

Je  rapprocherai  immédiatement  de  ces  faits  plusieurs 
observations  recueillies  chez  l'homme  et  sur  lesquelles  j'au- 
rai à  revenir  par  la  suite  :  elles  sont  relatives  encore  au 
trijumeau.  Elles  montrent,  comme  les  expériences  qui  pré- 
cèdent, que  les  lésions  irritatives  de  ce  nerf,  développées 
spontanément,  peuvent,  elles  aussi,  sans  être  suivies  d'a- 
nesthésie,  provoquer  dans  l'œil  des  désordres  trophiques 
très-accentués. 

Une  femme  de  57  ans,  dont  l'histoire  a  été  rapportée  par 
Bock  (1),  éprouvait,  depuis  un  an  environ,  dans  le  côté 
droit  de  la  face,  des  douleurs  violentes  qui,  d'abord  inter- 
mittentes, se  montrèrent  plus  tard  à  peu  près  continues. 
Jamais  la  sensibilité  de  la  face  ne  disparut  complètement  ; 
une  légère  pression  était,  à  la  vérité,  imparfaitement  sen- 
tie ;  mais  une  pression  un  peu  forte  ramenait  de  vives 
douleurs.  —  La  conjonctive  de  l'œil  droit  était  injectée  ;  la 
cornée,  dans  sa  partie  la  plus  inférieure,  présentait  une 
ulcération  hypertrophique  d'une  longueur  de  deux  lignes 
environ  ;  elle  était  partout  un  peu  opaque.  Plus  tard,  l'ulcé- 
ration gagna  en  profondeur  ;  l'opacité  de  la  cornée  s'accrut. 
Enfin  survint  une  perforation  qui  donna  issue  à  un  liquide 
puriforme  sous  l'influence  de  la  pression  de  l'œil.  La  mort 

(1)  Telle  n'est  pas  l'interprétation  proposée  par  Meissner,  à  propos  de  son 
expérience.  Il  suppose  que  les  fibres  les  plus  internes  du  trijumeau,  qui  seules 
avaient  été  sectionnées  dans  son  cas,  ont  une  action  particulière  sur  la  nu- 
trition de  l'œil.  Il  se  fonde  sur  ce  que  dans  trois  autres  cas  où  le  trijumeau 
avait  été  également  sectionné  d'une  manière  incomplète,  mais  où  les  fibres 
les  plus  internes  du  nerf  avaient  été  respectées,  les  troubles  trophiques  ne  se 
sont  pas  développés  dans  l'œil,  bien  que  celui-ci,  devenu  insensible,  n'eût  pas 
été  protégé  contre  les  agents  extérieurs.  Nous  croyons  que  les  sections  in- 
complètes devront  être  répétées  un  nombre  considérable  de  fois  avant  qu'on 
puisse  se  prononcer  définitivement  sur  la  valeur  de  l'interprétation  proposée 
par  Meissner. 

(2)  Bock.  —  Ugeskrift  for  Laeger,  1842,  VII,  p.  431.  —  Extrait  dans 
Hannover's  Jahrebesricht,  Milliers  Archiv.  1844.  p.  47,  et  Schiffs  Untersu- 
chungen  zur  Physiologie  des  Nervensystems  mit  Berûcksichtigwig  der  Patho- 
logie. Frankfurt  am  Main.  1855,  pp.  63,  64. 


INFLUENCE  DE  L'IRRITATION  DES  NERFS.  17 

arriva  inopinément.  A  l'autopsie,  on  trouva  le  ganglion  de 
Gasser  du  côté  droit,  volumineux  et  très-dur.  Les  trois 
branches  du  trijumeau  droit  jusqu'à  la  sortie  de  l'os,  étaient 
également  très-épaisses. 

Le  cas  suivant  est  emprunté  à  un  mémoire  de  Frie- 
dreicli  (1).  Un  homme,  âgé  de  65  ans,  fut  frappé  tout  à. 
coup  d'une  hémiplégie  droite  avec  perte  de  la  sensibilité 
du  même  côté.  Quelques  semaines  avant  cette  attaque,  il 
avait  éprouvé  dans  le  globe  de  l'œil  gauche,  ainsi  que  dans 
le  côté  gauche  de  la  face,  de  légères  douleurs  lancinantes  ; 
ces  douleurs  s'exagérèrent  rapidement  et  à  un  haut  degré 
après  l'attaque  apoplectique.  Dans  le  môme  temps,  la  con- 
jonctive de  l'œil  gauche  s'injecta  et  il  y  eut  exagération 
de  la  sécrétion  des  larmes  ;  un  peu  plus  tard,  la  conjonc- 
tive se  recouvrit  çà  et  là  d'un  exsudât  pseudo-membraneux 
puriforme;  la  pupille  gauche,  bien  que  très-étroite,  réagis- 
sait encore  sous  l'influence  de  la  lumière.  La  sensibilité 
resta  toujours  normale  dans  tout  le  côté  gauche  delà  face. 

A  l'autopsie,  on  rencontra  à  la  surface  du  pédoncule 
cérébelleux  moyen  un  amas  de  petites  tumeurs  sarcoma- 
teuses formant  dans  leur  ensemble  une  masse  représentant 
environ  le  volume  d'une  noisette.  La  substance  cérébrale 
voisine,  surtout  auprès  du  cervelet,  était  ramollie  et  très-in- 
jectée.Le  nerf  trijumeau  gauche,  à  sa  sortie  de  la  base  de  l'en- 
céphale, était  rouge,  un  peu  ramolli  et  aplati  par  la  tumeur. 

On  pourrait  aisément  rapporter  un  bon  nombre  de  faits 
analogues  à  ceux  qui  viennent  d'être  cités,  mais  ceux-ci  suffi- 
ront pour  le  but  que  nous  nous  proposons  actuellement  (2). 

(1)  Friedreich. —  Beitraege  zur  lehre  von  den  Geschwillsten  innerhalb  der 
Schaedelkohle.  Wurzburg.  1853,  p.  15  et  Schiff's  Unterstichmgen,  etc.  p.  100. 

(2)  Les  faits  de  troubles  de  la  nutrition  de  l'œil  consécutifs  aux  lésions 
spontanées  de  la  5°  paire, chez  l'homme,  sont  assez  nombreux;  mais  nous  n'a- 
vons voulu  mentionner  que  ceux  dans  lesquels  il  est  bien  établi  que  la  sensi- 
bilité de  la  face  n'a  pas  été  atteinte  :  les  deux  cas  qui  suivent  méritent  ce- 
pendant d'être  signalés  encore,  bien  qu'ils  ne  soient  pas  aussi  explicites  à  cet 
égard  que  les  faits  de  Bock  et  de  Friedreich.  Un  homme  vigoureux,  à  la 
suite  d'un  coup  reçu  sur  la  tête,  devint  sujet  à  de  violentes  douleurs,  fixées 

Charcot,  t.  i,  3e  éd.  2 


18  CONTRADICTIONS  EXPÉRIMENTALES. 

En  dehors  de  la  cinquième  paire,  il  est  plus  rare  encore 
de  voir  les  lésions  expérimentales  des  nerfs  déterminer 
l'apparition  de  troubles  trophiques  dans  les  parties  péri- 
phériques. Nous  rappellerons  cependant,  à  titre  d'exemple 
de  ce  genre,  les  effets  remarquables  que  produisent  quel- 
quefois sur  la  nutrition  du  rein,  les  lésions  des  nerfs  qui  se 
rendent  à  cet  organe.  On  sait  que  parmi  les  expérimenta- 
teurs, les  uns  (Krimer,  Brachet,  Muller  et  Peipers,  A. 
Moreau,  Wittich)  assurent  produire  presqu'à  coup  sûr,  à 
l'aide  de  ces  lésions,  des  altérations  plus  ou  moins  profondes 
du  rein, tandis  que  les  autres  (P.  Bert,Hermann),en  répétant 
la  même  expérience  dans  des  circonstances  en  apparence 
identiques,  disent  être  arrivés  à  des  résultats  négatifs. 

Ne  peut-on  pas  se  rendre  compte,  du  moins  en  partie, 
de  cette  contradiction  singulière,  de  la  manière  suivante  : 


sur  le  côté  droit  delà  tête,  et  éprouvait  de  temps  en  temps  des  accès  épilepti- 
formes.  Plus  tard,  les  douleurs  se  localisèrent  dans  l'œil  et  l'oreille  droits. 
L'œil  était  rouge,  tuméfié,  saillant,  mais  recouvert  cependant  par  la  paupière 
supérieure  paralysée.  Cornée  trouble  ;  iris  très-immobile,  contracté,  de  couleur 
brune  d'abord,  puis  verdâtre.  La  cornée  devint  à  la  longue  tout-à-fait  opaque. 
Autopsie  :  la  face  inférieure  des  lobes  antérieur  et  moyen  présente  à  droite 
plusieurs  stéatomes  du  volume  d'un  haricot,  d'une  amande.  Le  ganglion  de 
Gasser  et  les  trois  branches  du  trijumeau  sont  recouverts  d'une  masse 
cartilagineuse  résistante.  L'oculo-moteur  commun  est  comprimé  ;  sa  colora- 
tion est  modifiée.  Malheureusement  l'état  de  la  sensibilité  de  la  peau  de  la 
face  n'est  pas  indiqué  dans  ce  cas.  (F.  A.  Landmann,  Commentatio  patholo- 
gico-anatomica  erhidens  morbiim  cerebri  oculique  singularem  ;  in-4°,  Leipzig, 
1820,  et  Schiff'*  Vntersv.ch.,  p.  Si).  —  Dans  le  cas  bien  connu  rapporté  par 
Serres  [Journal  de  physiologie,  V.  182U,  p.  233,  et  Anatomie  comparée  du 
cerveau,  II,  p.  G"),  malgré  l'altération  profonde  du  ganglion  de  Gasser,  et 
des  racines  de  la  grosse  portion  du  trijumeau,  il  n'y  avait  pas  eu  paralysie 
complète  de  la  partie  sensible  du  nerf,  car  la  surface  tout  entière  du  visage 
avait  conservé  le  sentiment.  Seuls,  l'œil  droit  et  la  face  interne  des  pau- 
pières étaient  devenus  insensibles  ainsi  que  la  moitié  droite  de  la  langue  ; 
il  y  avait  eu  une  inflammation  aiguë  de  l'œil  droit  avec  œdème  des  paupiè- 
res, obnubilation  et  plus  tard  opacité  complète  de  la  cornée.  Le  ganglion 
de  Gasser  du  côté  droit  était  d'un  jaune  gris,  tuméfié,  imbibé  de  sérosité. 
La  portion  du  ganglion  d'où  part  le  nerf  ophthalmique  était  rouge  et  injec- 
tée. Les  racines  de  la  grosse  portion  du  nerf  présentaient  une  couleur  sale 
qui  contrastait  avec  celle  delà  petite  branche,  restée  saine.  Les  trois  nerfs, 
à  leur  issue  du  ganglion,  offraient  une  coloration  jaune,  qui  cessait  d'exister 
à  la  sortie  du  crâne. 


IRRITATION   DE  LA   MOELLE   ÉPINIÈRE.  49 

les  lésions  rénales  feraient  défaut  dans  le  cas  où  la  section 
des  nerfs  a  été  complète,  absolue  ;  elles  se  produiraient  au 
contraire,  ou  mieux  pourraient  se  produire,  dans  le  cas  de 
section  incomplète,  ou  encore  lorsque,  pour  remplacer  le 
scalpel,  on  fait  intervenir  l'emploi  des  caustiques,  de  l'am- 
moniaque, par  exemple  (Corrente,  Schiff),  toutes  conditions 
éminemment  propres  à  déterminer,  dans  les  nerfs  lésés, 
une  irritation  plus  ou  moins  vive  ou  même  un  véritable 
processus  phlegmasique  (1).  A  ce  point  de  vue,  la  question 
mériterait  peut-être  d'être  révisée  à  l'aide  de  nouvelles  re- 
cherches. 

Nous  rappelions,  tout  à  l'heure,  les  effets  des  sections 
transversales,  des  destructions  partielles  de  la  moelle  épi- 
nière,  en  ce  qui  concerne  la  nutrition  des  parties  privées 
de  sentiment  et  de  mouvement  par  le  fait  des  opérations 
dont  il  s'agit.  Lorsque,  disions-nous,  les  opérations  n'ont 
pas  pour  résultat  de  provoquer  dans  les  parties  lésées  de 
la  moelle  un  travail  d'inflammation,  —  et  c'est  ce  qui  a  lieu 
dans  la  grande  majorité  des  cas,  —  on  constate  simplement, 
dans  les  membres  paralysés,  une  dégénération  avec  atro- 
phie des  muscles  très-lente  à  se  produire,  des  ulcérations 
du  derme,  peut-être  même  des  eschares  causées  parle  frot- 
tement exercé  sur  un  sol  rugueux,  par  le  contact  perma- 
nent des  urines  altérées,  le  manque  de  propreté;  c'est-à- 
dire,  en  un  mot,  tous  les  effets  auxquels  donnent  lieu  l'i- 
nertie fonctionnelle  des  membres  postérieurs,  chez  les  ani- 
maux, et  rien  que  ces  effets.  Eh  bien!  le  tableau  est  tout 
différent  si,  par  suite  de  circonstances  que  rien  ne  fait  pré- 
voir et  qu'on  ne  sait  pas  encore  reproduire  à  volonté,  l'in- 
flammation vient  à  s'établir  au  voisinage  de  la  lésion  spi- 
nale. Alors,  en  effet,  ainsi  que  l'a  montré  M.  Brovn-Séquard, 
et  comme  j'ai  eu,  à  mon  tour,  l'occasion  de  l'observer  plu- 
sieurs fois,  l'altération  musculaire  se  développe  très-rapi- 
dement ;  quelques  jours  à  peine  après  l'opération,  elle  est 

(l)   Voyez  Zeitschrift  fur  ration.  Med.,  35  Bd.,  p.  343. 


20  IRRITATION  DU  SYSTÈME  NERVEUX. 

déjà  très-prononcée.  Bientôt  l'émaciation  des  masses  mus- 
culaires devient  appréciable  et  elle  progresse  ensuite  très- 
rapidement  ;  des  éruptions  qui  aboutissent  promptement  à 
la  formation  d'ulcérations  ou  d'eschares  apparaissent  sur 
la  peau,  alors  même  qu'on  met  en  œuvre  les  soins  de  pro- 
preté les  plus  minutieux  ;  elles  se  développent  surtout  sur 
les  régions  du  corps  soumises  à  la  pression,  au  frottement, 
au  contact  prolongé  des  urines,  mais  elles  peuvent  se  pro- 
duire encore,  bien  que  ce  cas  soit  rare,  en  dehors  de  toutes 
ces  conditions  (1). 

Je  pourrais  m'étendre  longuement  sur  ces  troubles  tro- 
phiques  liés  à  l'inflammation  traumatique  de  la  moelle 
épinière  chez  les  animaux,  mais  il  sera  plus  opportun  d'y 
revenir  à  propos  de  l'étude  que  nous  avons  à  faire  de  la 
myélite  développée  spontanément  chez  l'homme. 

Je  ne  veux  d'ailleurs  pas  prolonger  outre  mesure  cette 
incursion  dans  le  champ  de  la  physiologie  expérimentale  ; 
pour  le  moment,  si  je  ne  me  trompe,  un  premier  résultat 
nous  est  acquis  déjà  :  les  faits  que  nous  venons  d'invoquer 
suffisent,  en  effet,  croyons-nous,  à  établir  que  le  défaut 
d'action  du  système  nerveux  n'a  pas  d'influence  directe, 
immédiate,  sur  la  nutrition  des  parties  périphériques;  d'un 
autre  côté,  ils  rendent  au  moins  fort  vraisemblable  que 
V excitation  morbide ,  V irritation  des  nerfs  ou  des  centres 
nerveux  sont,  au  contraire,  de  nature,  sous  de  certaines 


(l)  C'est  sans  doute  de  la  même  manière,  c'est-à-dire  en  faisant  intervenir 
l'inflammation  autour  du  point  lésé,  qu'il  convient  d'interpréter  les  troubles 
qui  surviennent  quelquefois  dans  la  nutrition  de  l'œil,  chez  divers  animaux,  à 
la  suite  de  la  section  d'une  moitié  latérale  de  la  moelle  épinière  au  dos.  Les 
affections  de  l'œil  (ulcérations,  fonte  de  la  cornée,  conjonctivite  purulente), 
observées  par  M.  Brown-Séquard,  chez  le  cochon  d'Inde  (Comptes-rendus 
de  la  Société  de  Biologie,  t.  II,  1850,  p.  134),  ont  été  rencontrées  par  M.  Vul- 
pian,  chez  la  grenouille,  à  la  suite  de  la  section  de  la  moitié  correspondante 
de  la  moelle,  près  du  bulbe  rachidien.  (Communication  orale.)  Elles  ne  se 
développent  pas  chez  tous  les  animaux  opérés  de  cette  façon,  et  il  est  au 
moins  fort  vraisemblable  qu'elles  se  produisent  seulement  dans  le  cas  où, 
consécutivement  à  la  section,  un  travail  inflammatoire  s'est  développé  dans 
le  segment  supérieur  de  la  moelle  épinière. 


LÉSIONS  TRAUMATIQUES  DES  NERFS.  21 

conditions,  à  provoquer  à  distance  les  troubles  trophiques 
les  plus  variés. 

Par  quelle  voie,  par  quel  mécanisme  cette  irritation  du 
système  nerveux  vient-elle  retentir  sur  les  parties  péri- 
phériques et  y  déterminer  ces  lésions  trophiques  dont  nous 
avons  relaté  quelques  exemples?  Celles-ci  sont-elles  dues 
à  une  irritation  ou  à  la  paralysie  des  nerfs  vaso-moteurs? 
Ou  bien  dépendent-elles  d'une  irritation  de  ces  nerfs  hypo- 
thétiques, que  ranatomie  ne  connaît  pas  encore,  et  que 
l'on  désigne  quelquefois  sous  le  nom  de  nerfs  trophiques  ? 
Ce  sont  là  des  questions  que  nous  devrons  aborder  par  la 
suite  ;  actuellement,  nous  voulons  rentrer  dans  le  domaine 
de  la  pathologie  de  l'homme  et  j'espère  vous  faire  recon- 
naître que  le  principe  mis  en  évidence,  déjà,  par  la  patho- 
logie expérimentale  trouve  ici  son  application  d'une  façon 
plus  évidente  encore.  Ce  principe  sera  notre  fil  conducteur 
et  il  nous  amènera  à  comprendre,  je  l'espère,  pourquoi  des 
lésions,  au  premier  abord  semblables  et  portant  sur  les 
mêmes  points  des  systèmes  nerveux  ou  périphériques,  pro- 
duisent, dans  les  cas  pathologiques,  des  effets  si  opposés, 
en  apparence  même  si  contradictoires. 

Les  troubles  trophiques  que  nousnousproposons.de  passer 
en  revue  sont  produits:  1°  par  des  lésions  des  nerfs  péri- 
phériques, et  tantôt  ces  lésions  ont  été  provoquées  par 
une  cause  traumatique,  tantôt  elles  se  sont  développées 
spontanément  ;  2°  par  des  lésions  de  la  moelle  épinière  et 
du  bulbe  ;  3°  par  des  lésions,  enfin,  de  certaines  parties  de 
l'encéphale. 

TROUBLES  TROPHIQUES  CONSÉCUTIFS  AUX  LÉSIONS  DES  NERFS. 

Arrêtons-nous,  en  premier  lieu,  aux  lésions  des  nerfs. 
Elles  nous  offrent  les  conditions  d'étude  les  plus  simples. 
La  chirurgie,  sous  ce  rapport,  nous  fournit  des  documents 
d'une  grande  valeur,  car  les  lésions  traumatiques  des  nerfs 
se  présentent  quelquefois  chez  l'homme  dans"  des  condi- 


22  AFFECTIONS   DE  LA  PEAU. 

tions  de  simplicité  comparables  à  celles  des  lésions  expé- 
rimentales instituées  chez  les  animaux. 

À.  J'établirai,  dès  l'abord,  parmi  ces  lésions  traumati- 
ques  des  nerfs,  une  distinction  que  je  crois  fondamentale, 
et  dont  vous  reconnaîtrez  bientôt  toute  l'importance  :  1°  tan- 
tôt la  lésion  consiste  en  une  section  nette  et  com- 
plète, et  alors  ses  effets  sont  tout  simplement,  du  moins  en 
général,  ceux  de  l'absence  d'action  nerveuse  ;  2°  tantôt, 
résultant  de  plaies,  de  contusions,  de  tiraillements,  elle  est 
de  nature  à  déterminer  dans  le  nerf  un  état  d'irritation,  et 
c'est  alors,  alors  seulement,  qu'on  voit  naître  ces  troubles 
trophiques  sur  lesquels  j'appelle  votre  attention.  Occupons- 
nous  d'abord  des  faits  du  second  groupe. 

Les  lésions  traumatiques  des  nerfs  dont  il  s'agit  peuvent 
donner  lieu  à  des  phénomènes  morbides  affectant  la  peau, 
le  tissu  cellulaire  sous-Cutané,  les  muscles,  les  articulations 
et  les  os.  La  dernière  guerre  d'Amérique  a  été,  vous  le 
savez,  l'occasion  d'études  très-importantes  sur  ce  sujet; 
elles  ont  été  présentées  par  MM.  S.  W.  Mitchell,  G.  R. 
Morehouse  et  W.  Keen,  dans  un  livre  très-intéressant  et 
que  nous  mettrons  bien  souvent  à  profit  (1).  On  doit  aussi 
à  un  de  mes  anciens  élèves,  le  regretté  Mougeot,une  étude 
très-remarquable  sur  les  affections  cutanées  développées 
sous  l'influence  des  lésions  des  nerfs  périphériques.  Je  ne 
pourrai,  naturellement,  entrer  dans  les  détails,  et  je  renvoie 
ceux  d'entre  vous  qui  voudraient  approfondir  la  question 
à  la  thèse  de  Mougeot,  où  tous  les  documents  qui  y  sont 
relatifs  ont  été  rassemblés  avec  le  plus  grand  soin  (2). 

a)  Affections  de  la  peau.  Les  accidents  que  les  lésions 

(1)  S.  Weir  Mitchell,  G.  R,  Morehouse  and  W.  Keen.  —  Gunshot 
Wounds  and  other  Injuries  of  nerves.  Philadelphia,  1864.  Extrait  dans  les 
Archives  générales  de  médecine,  1865,  t.  I.  —  Cet  ouvrage  a  été  traduit  en 
français  par  M.  le  Dr  Dastre  (1874). 

(2)  J.  B.  A.  Mougeot.  —  Recherches  sur  quelques  troubles  de  nutrition 
consécutifs  aux  affections  des  nerfs.  Paris,  1867. 


AFFECTIONS   DE   LA   PEAU.  23 

traumatiques  des  nerfs  sont  capables  d'occasionner  du  côté 
des  téguments  sont  de  deux  espèces  :  1°  Les  premiers  con- 
sistent en  des  éruptions  de  forme  variable,  mais  surtout 
vésiculeuses  ou  huileuses.  Nous  citerons  en  premier  lieu 
le  zona,  qui  s'observe  fréquemment  en  pareil  cas,  et  que 
l'on  pourrait  désigner,  à  cause  de  cela,  sous  le  nom  de 
zona  tramnatique.  J'ai  rapporté,  dans  le  temps,  un  très- 
bel  exemple  de  ce  genre  observé  à  la  Charité,  chez  mon 
maître  Rayer  (1).  —  Sous  le  nom  d'éruptions  eczéma- 
teuses, les  chirurgiens  américains  ont  décrit  une  affection  de 
la  peau  qui  peut  être  rapprochée  de  la  forme  précédente. 

2°  En  second  lieu  viennent  les  éruptions  pemphigoïdes, 
dont  j'ai  rapporté  aussi  un  exemple  assez  net  (%).  Il  s'agit 
là  de  bulles  de  pemphigus  qui  se  développent  très-rapide- 
ment et  reparaissent  de  temps  à  autre  sur  divers  points  de 


(1)  «  Un  homme  admis  dans  le  service  de  M.  Rayer,  en  185!,  avait,  pen- 
dant les  affaires  de  juin  1848,  reçu  une  balle  à  la  partie  inférieure  et  externe 
de  la  cuisse.  —  Quelque  temps  après  la  guérison  de  la  plaie,  surviennent 
dans  la  jambe  de  vives  douleurs,  presque  continues,  mais  s'exaspérant  par 
accès.  Ces  douleurs  qui  semblent  partir  de  la  cicatrice  se  répandent  jusque 
sur  le  dos  du  pied  et  suivent  évidemment  le  trajet  des  nerfs.  Cette,  névral- 
gie, qui  a  résisté  à  tous  les  moyens  employés,  s'est  accompagnée  à  plusieurs 
reprises,' pendant  ie  séjour  du  malade  à  la  Charité,  d'une  éruption  de  vési- 
cules d'herpès,  disposées  par  groupes,  tout  à  fait  semblables  à  celles  de 
l'herpès  zoster,  et  siégeant  sur  la  peau  des  parties  douloureuses.  »  (Charcot. 
—  Sur  quelques  cas  d'affection  de  la  peau,  dépendant  d  une  influence  du  sys- 
tème nerveux.  In  Journal  de  physiologie,  t.  II,  n°  5.  Janvier  1839).  —  On 
trouve  dans  le  même  journal  un  fait  analogue,  rapporté  par  M.  Rouget  : 
«  Un  cultivateur,  en  sautant  un  fossé,  reçut  la  charge  de  plomb  à  lièvre  de 
sou  fusil,  à  la  face  interne  du  bras  gauche, vers  la  partie  moyenne.  Au  fond 
de  la  plaie,  qui  était  large  de  huit  centimètres,  on  apercevait  l'artère  humé- 
raie,  la  veine  basilique  déchirée  et  plusieurs  nerfs,  surtout  le  brachial  cutané 
interne,  contusionnés.  La  plaie  se  cicatrisa  assez  vite,  mais  environ  deux 
mois  et  demi  ou  trois  mois  après,  il  survint  à  la  partie  postérieure  et  interne 
de  l'avant-bras  une  éruption  ressemblant  à  du  zona,  occupant  une  surface 
de  quatre  à  cinq  centimètres  de  diamètre,  dans  une  partie  de  l'avant-bras 
privée  de  sensibilité.  »  Les  exemples  de  zona,  survenu  à  la  suite  d'une  con- 
tusion portant  sur  le  trajet  d'un  nerf  (Oppolzer),  d'un  effort  (Thomas),  sont 
loin  d'être  rares.  (Voy.  Mougeot,  loccit.,  p.  38). 

(2)  Charcot,  loc.  cit.  —  «  "Eruption, particulière  siégeant  sur  la  face  dorsale 
d'une  main  et  des  doigts,  et  probablement  consécutive  à  la  lésion  des  filets 
nerveux  qui  se  distribuent  à  ces  parties.  » 


24  AFFECTIONS  DES  MUSCLES,  ETC. 

la  partie  des  téguments,  correspondant  à  la  distribution  du 
nerf  lésé  ;  elles  laissent  après  elles  des  cicatrices  à  peu  près 
indélébiles.  —  Cette  sorte  d'éruption  s'observe  parfois  sur 
les  cicatrices  vicieuses  ;  il  est  très-vraisemblable  qu'elle  dé- 
pend alors  de  l'irritation  que  subit  quelque  filet  nerveux 
tiraillé  ou  comprimé  dans  le  tissu  cicatriciel. 

3°  Nous  citerons  en  troisième  lieu  une  rougeur  cutanée 
qui  rappelle  Yérythème  pemio,  et  certaine  tuméfaction 
de  la  peau  et  du  tissu  cellulaire  sous-cutané,  déjà  remarquée 
par  Hamilton,qui  simule  le  phlegmon  (faux phlegmon)  (3). 

4°  Vient  ensuite  l'affection  cutanée  qui  a  été  décrite  par 
les  chirurgiens  américains  sous  le  nom  de  Glossy  Skin,  mot 
à  mot,  .peau  lisse.  La  peau  est  lisse,  en  effet,  pâle,  anémique; 
les  glandes  sudoripares  sont  atrophiées,  leur  sécrétion  di- 
minuée; l'épiderme  est  fendillé,  les  ongles  sont  fendillés  eux 
aussi  et  recourbés  d'une  manière  remarquable.  Il  s'agit  là, 
en  somme,  d'une  inflammation  particulière  de  la  peau  qui 
aboutit  à  l'atrophie  du  derme,  et  qui  rappelle  ce  qu'on  voit 
dans  l'affection  désignée  sous  le  nom  de  sclêrodermie. 

b)  Affections  des  muscles.  Les  muscles  s'atrophient,  de 
leur  côté,  souvent  d'une  manière  très-rapide,  et  perdent, 
tantôt  en  partie,  tantôt  complètement,  leur  contractilité 
électrique.  Mais  c'est  là  un  sujet  qui  sera  l'objet  d'une 
étude  toute  particulière. 

c)  Affections  des  articulations.  Vers  les  jointures,  les 
lésions  traumatiques  des  nerfs  produisent  des  symptômes 
qui  rappellent,  d'une  façon  notable,  la  physionomie  du  rhu- 
matisme articulaire  subaigu.  Ces  arthropathies  amènent, 
en  général,  très-rapidement  l'ankylose. 

d)  Os.  Il  se  produit  quelquefois,  dans  ces  mêmes  circons- 
tances, une  périostite  suivie  souvent  de  nécrose. 

Mais  je  ne  veux  pas  pousser  plus  loin  cette  énumération 

(l)  Mougeot ,  loc.  cit.,  p.  30, 


INFLUENCE  DE  L'IRRITATION  DES  NERFS.  2o 

sommaire  :  elle  suffit  à  remplir  le  Lut  que  nous  avons  en 
vue.  Il  s'agit,  actuellement  surtout,  de  chercher  à  spécifier 
autant  que  possible,  les  conditions  particulières  sous  l'in- 
fluence desquelles  ces  troubles  tropliiques  se  développent  à 
la  suite  des  lésions  traumatiques  des  nerfs. 

Paget  qui,  l'un  des  premiers,  a  appelé  l'attention  sur 
quelques-uns  de  ces  accidents,  n'hésite  pas  à  avouer  son 
ignorance  à  cet  égard  (1).  Au  contraire,  les  chirurgiens 
américains  que  je  citais  tout  à  l'heure,  sont  parvenus  à  dé- 
terminer les  conditions  dont  il  s'agit,  et  leur  témoignage 
nous  est,  ici,  d'autant  plus  précieux,  qu'il  est  fondé  sur 
l'observation  pure,  toute  empirique,  et  dégagée  d'idée  pré- 
conçue. Après  avoir  remarqué  tout  d'abord,  —  comme  Pa- 
get l'avait  fait  d'ailleurs  avant  eux,  —  que  ces  affections 
consécutives  sont  presque  toujours  précédées  ou  accompa- 
gnées de  symptômes  douloureux  (Burning  Pains),  évi- 
demment en  rapport  avec  un  état  d'irritation  du  nerf  lésé, 
tandis  qu'au  contraire  l'anesthésie  fait  complètement  dé- 
faut, ils  font  expressément  remarquer  qu'elles  se  déve- 
loppent habituellement  après  des  contusions,  des  piqûres, 
des  sections  incomplètes  des  nerfs,  c'est-à-dire  à  la  suite 
des  causes  traumatiques  les  plus  propres  à  produire  la  né- 
vrite, ou  tout  au  moins  Yétat  névralgique. —  Au  contraire, 
et  c'est  un  point  sur  lequel  nos  auteurs  insistent,  —  on  ne 
les  voit  pas  se  produire  dans  les  cas  de  section  complète  des 
nerfs,  les  résultats  habituels  de  l'absence  d'action  des  nerfs 
étant  les  seuls  phénomènes  qu'on  observe  en  pareil  cas. 

Il  faut  ajouter  enfin  que  les  affections  périphériques  qui 
relèvent  de  l'irritation  des  nerfs  surviennent  le  plus  sou- 
vent spontanément,  sans  l'intervention  d'une  cause  exté- 
rieure quelconque,  telle  que  la  pression  par  exemple  (2). 

Mais  ce  ne  sont  là  encore  que  des  conditions  très-géné- 
rales ;  il  faudrait  pouvoir  pénétrer  plus  avant  et  recher- 

(1)  Médical  Times  and  Gazette.  London,  March  20,  1864. 

(2)  Gunshot  Wounds,  etc.,  loc.  cit.,  pp.  71,  77,  et  Archives  générales  de 
médecine,  t.  I,  1865,  pp.  188,  191,  194. 


26  INFLUENCE   DE   L 'IRRITATION   DES  NERFS. 

cher  s'il  n'existe  pas  dans  les  nerfs  affectés  une  lésion  ana- 
tomique  constante  en  rapport  avec  la  manifestation  des  lé- 
sions périphériques.  Malheureusement,  nous  devons  nous 
borner  à  signaler  ici  une  lacune  que  les  études  ultérieures 
ne  tarderont  pas,  sans  doute,  à  combler.  Toutefois,  l'en- 
semble des  symptômes  plaide  déjà  en  faveur  de  l'existence 
d'une  névrite.  On  peut  invoquer,  en  outre,  les  résultats 
nécroscopiques  obtenus  dans  certains  cas  de  lésions  orga- 
niques des  nerfs,  où  l'on  peut  voir  apparaître  toute  la  série 
des  affections  périphériques  que  nous  avons  appris  à  con- 
naître comme  conséquence  des  lésions  traumatiques.  Dans 
ces  cas,  en  effet,  sur  lesquels  nous  nous  arrêterons  dans  un 
instant,  les  nerfs  affectés  ont  été  quelquefois  trouvés  tu- 
méfiés, infiltrés  d'exsudats,  vivement  congestionnés  ;  de 
plus,  le  microscope  y  a  fait  reconnaître  une  multiplication 
plus  ou  moins  accentuée  des  noyaux  des  gaines  de  Schwann 
ou  de  ceux  du  névrilème,  et  parfois,  de  plus,  tous  les  ca- 
ractères de  la  dégénération  granuleuse  des  cylindres  de 
myéline.  Rien  ne  prouve  cependant,  quant  à  présent,  qu'une 
irritation  capable  de  déterminer  à  distance  la  production 
de  troubles  trophiques  ne  puisse  exister  dans  le  nerf  sans 
se  révéler  par  cet  ensemble  de  lésions  relativement  gros- 
sières. C'est  ici  le  lieu  de  faire  ressortir  que  toute  névrite 
n'entraîne  pas,  tant  s'en  faut,  nécessairement  la  manifes- 
tation des  troubles  trophiques  ;  il  faut,  pour  que  ceux-ci  se 
produisent,  l'intervention  de  circonstances  que  l'analyse 
n'a  pas  encore  permis  de  dégager.  Cela  contraste  avec  ce 
que  nous  savons  des  lésions  qui  surviennent,  dans  les  par- 
ties éloignées,  à  la  suite  de  la  section  complète  des  nerfs; 
ces  dernières,  en  effet,  peuvent  être  considérées  comme 
une  conséquence  obligée,  inévitable  de  toute  lésion  de  nerfs 
qui  soustrait  absolument  les  parties  à  l'influence  du  sys- 
tème nerveux. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'influence  de  l'irritation  d'un  nerf  sur 
le  développement  des  troubles  trophiques  qui  nous  occu- 
pent,  est  bien  mise  en  lumière,  et  pour  ainsi  dire  rendue 


LESIONS  SPONTANEES    DES   NERFS.  27 

évidente,  par  les  observations  où  Ton  voit  ces  accidents, 
après  s'être  un  moment  dissipés,  se  reproduire  après  cha- 
que réapparition  nouvelle  de  la  cause  d'irritation.  Je  men- 
tionnerai, à  titre  d'exemple,  un  fait  bien  connu  et  souvent 
cité,  que  rapporte  Paget,  d'après  le  docteur  Hilton. 

Chez  un  homme  traité  à  Guy'' s  Hospital,  une  fracture  de 
l'extrémité  inférieure  du  radius  avait  produit  un  cal  volu- 
mineux, lequel  comprimait  le  nerf  médian.  En  consé- 
quence, il  s'était  formé  sur  la  peau  du  pouce  et  des  deux 
premiers  doigts  de  la  main,  des  ulcères  qui  résistaient  à 
tous  les  traitements.  La  flexion  du  poignet,  faite  de  ma- 
nière à  relâcher  les  parties  molles  de  la  face  palmaire  et  à 
faire  cesser,  par  suite,  la  compression  du  nerf,  avait  tou- 
jours pour  effet,  au  bout  de  quelques  jours,  d'amener 
la  guérison  des  ulcères.  Mais  aussitôt  que  la  malade 
voulait  se  servir  de  sa  main,  le  nerf  était  de  nouveau  com- 
primé, et  bientôt  l'on  voyait  les  ulcérations  reparaître  (1). 

B.  Il  me  reste  à  vous  entretenir  des  troubles  trophiques 
qui  s'observent  en  conséquence  de  lésions  des  nerfs  déve- 
loppées spontanément,  et  non  plus,  cette  fois,  à  la  suite 
d'une  cause  traumatique.  Ainsi  que  je  vous  l'ai  laissé  pres- 
sentir, nous  allons  voir  se  reproduire  ici  toute  la  série  des 
affections  que  nous  venons  à  l'instant  de  passer  en  revue. 
Cette  circonstance  m'autorisera  à  être  bref:  il  me  suffira  de 
citer  quelques  exemples  empruntés, pour  la  plupart,à  la  riche 
collection  de  faits  rassemblés  dans  le  travail  de  Mougeot(2). 

Pour  établir  la  transition,  je  mentionnerai,  en  premier 
lieu,  les  cas  dans  lesquels  une  influence,  non  pas  à  propre- 
ment parler  traumatique,  mais  encore,  cependant,  d'ordre 
mécanique,  a  déterminé  l'affection  du  nerf.  —  C'est,  évi- 
demment, d'après  ce  dernier  mode  que  se  produisent  quel- 
quefois les  troubles  trophiques  de  l'œil  consécutifs  aux  lé- 

(1)  J.  Pagel    —  Lectures  on  surgical  Pathology.  t.  I,  p.  43. 

(2)  Mougeot,  loc.  cit.,  chap.  u.  Des  Usions  organiques  des  nerfs  et  des 
troubles  de  nutrition  consécutifs. 


28  INFLAMMATION  DES  NERFS  SPINAUX. 

'  sions  du  trijumeau  :  il  s'agit  communément,  dans  ces  cas, 
de  tumeurs  intra-crâniennes  développées  au  voisinage  du 
nerf,  et  y  déterminant,  par  compression,  sans  interrompre 
la  continuité  des  tubes  nerveux,  une  irritation    plus  ou 
moins  vive.  —  Le  cancer  de  la  colonne  vertébrale  peut 
amener,  comme  on  sait,  un  ramollissement  des  vertèbres 
poussé  à  un  tel  point  qu'il  s'en  suive  un  affaissement  des 
lames  vertébrales,  et  conséquemment,  un  rétrécissement 
des  canaux  de  conjugaison.  Les  nerfs  dans  leur  parcours  à 
travers  ces  canaux  devenus  trop  étroits  sont  comprimés, 
irrités  et  quelquefois  s'enflamment.  J'ai  vu,  en  pareil  cas, 
une  éruption  de  zona  occuper,  à  droite,  toutes  les  régions 
de  la  peau  où  se  distribuent  les  branches  du  plexus  cervi- 
cal, en  conséquence    de  la  .compression  que  subissaient, 
dans  les  trous  de  conjugaison  qui  leur  donnent  passage,  les 
troncs  nerveux  d'où  émane  ce  plexus.  La  moelle  cervicale 
et  les  racines  des  nerfs  cervicaux,  ainsi  que  l'autopsie  l'a 
démontré,   étaient  saines  ;  mais  en  ouvrant  les  trous  de 
conjugaison  du  côté  droit,  on  trouva  les  ganglions  spinaux 
et  les  troncs  nerveux  eux-mêmes,  tuméfiés  et  vivement 
colorés  en  rouge.  De  plus,  dans  les  ganglions,  comme  dans 
les  nerfs,  l'examen  microscopique  fit  reconnaître  une  mul- 
tiplication très-accentuée  des  éléments  nucléaires.  Les  gan- 
glions et  les  nerfs  correspondants  du  côté  gauche  ne  pré- 
sentaient, au  contraire,  aucune  trace  d'altération  (1).  —  11 
est  très-remarquable  de  voir  l'inflammation,  encore  exac- 
tement limitée  aux  ganglions  et  aux  nerfs  spinaux,  se  pro- 
duire spontanément,  sans  l'intervention  d'une  cause  méca- 
nique quelconque,  et  provoquer,  cependant,  ainsi  que  l'a 
montré  M.  Von  Baerensprung,  l'apparition  d'une  éruption 
de  zona,  sur  les  parties  de  la  peau  correspondant  à  la  dis- 
tribution des  nerfs  irrités   (2).  Il  y  a  quelques  raisons  de 

(1)  Charcot  et  Cotard.  —  Sur  un  cas  de  zona  du  cote  avec  altération  des 
nerfs  du  plexus  cervical  et  des  ganglions  correspondants  des  racines  spinales 
postérieures.  In  Mémoires  de  la  Société  de  Biologie.  Année  1865,  p.  41. 

(2)  V.  Baerensprung.  —  Beitraege  zur  Kenntniss  des  Zoster.  In  Arch.  f. 


TROUBLES   TROPHIQUES  LIÉS  A  LA  NÉVRITE.  29 

croire  qu'un  bon  nombre  des  cas  de  zona  spontané  se  dé- 
veloppent à  la  suite  d'une  névrite  de  ce  genre  (1).  —  Les 
ganglions  spinaux  ont  été  trouvés  aussi  fortement  altérés, 
sans  participation  de  la  moelle,  des  racines  spinales  tant 
antérieures  que  postérieures,  et  môme,  cette  fois,  des  nerfs 
intercostaux,  dans  le  fait  suivant  rapporté  tout  récemment 
par  M.  E.  Wagner  (2). 

Un  individu, âgé  de  23  ans, atteint  de  phthisie pulmonaire, 
présenta,  dans  les  derniers  temps  de  sa  vie,  une  éruption 
de  zona  qui  siégeait  sur  les  parties  correspondantes  aux 
neuvième  et  dixième  nerfs  intercostaux  du  côté  gauche. 
On  reconnut,  à  l'autopsie,  que  les  corps  des  six  der- 
nières vertèbres  dorsales  et  des  deux  premières  lombaires 
étaient  cariés.  La  dure -mère  ,  dans  les  points  corres- 
pondant aux  vertèbres  malades,  était  enveloppée  à  l'exté- 
rieur par  une  couche  épaisse  de  pus  caséeux,  laquelle  se 
prolongeait  jusque  sur  les  gaines  des  nerfs  et  des  ganglions 
spinaux.  La  dure-mère,  elle-même,  était  épaissie  et  dédou- 
blée en  deux  lamelles,  surtout  dans  la  région  des  9°,  10°  et 
11°  racines  dorsales.  Bien  que  les  lésions  de  la  dure-mère 
parussent  aussi  prononcées  à  droite  qu'à  gauche,  cependant 
les  9e,  10e  et  11e  ganglions  dorsaux  du  côté  gauche  étaient 
seuls  tuméfiés  et  présentaient  seuls  des  altérations  appré- 
ciables au  microscope.  Dans  ces  trois  ganglions,  les  cellules 
nerveuses  avaient  disparu,  et,  au  voisinage  immédiat  des 
alvéoles  où  elles  se  logent,  on  reconnaissait  tous  les  carac- 
tères de  la  prolifération  conjonctive  anormale  poussée  à  un 
haut  degré. 

J'ai  vu,  pour  mon  compte,  dans  plusieurs  cas  de  ménin- 
gite spinale  chronique,  avec  épaississement  de   la  dure- 


Anat.  uni  Physiolog.  n°  4,  1865  et  Canstati's  Jahresb.,  1864,  t.  IV,  p.  128. 

(1)  Mougeot,  loc.   cit.,  p.  63. 

(2)  R.  Th.  Bahrdt.  —  Beitraege  zur  jEtiologie  des  herpès  Zoster.  Diss. 
Leipzig,  1869,  etE-  Wagner.  —  Patholog.  analomische  und  Hinische  Bei- 
traege zur  Kenntniss  des  Gefaenerven.  In  Archiv.  der  Eeilkunde.  4e  heft. 
Leipzick,  1870,  p.  321. 


30  PÉRINÉVRITE   LÉPREUSE. 

mère,  l'inflammation  concomitante  des  nerfs  rachidiens, 
dans  leur  trajet  à  travers  les  méninges,  provoquer  dans 
les  parties  périphériques,  outre  une  atrophie  plus  ou  moins 
prononcée  des  masses  musculaires,  des  éruptions  cutanées 
diverses,  mais  se  rapprochant,  en  général,  guant  à  la  forme, 
tantôt  du  zona  et  tantôt  du  pemphigus.  —  Dans  une  leçon 
faite  à  Dublin  (1),  M.  Brown-Séquard  avait  déjà  signalé 
l'existence  d'éruptions  cutanées  spéciales,  aux  bras,  dans 
les  cas  de  méningo-névrite  spinale  localisée  à  la  partie  in- 
férieure de  la  région  cervicale. 

L'éry thème,  le  zona,  l'atrophie  musculaire,  certaines 
arthropathies  enfin,  ont  pu  être  rattachés,  par  M.  Duménil, 
à  la  névrite  chronique  progressive  (2),  et,  par  M.  Leu- 
det  (3),  à  la  névrite  périphérique  consécutive  à  l'asphyxie 
par  la  vapeur  du  charbon. 

Mais  c'est  surtout  dans  la  lèpre  anesthésique  que  l'on 
retrouve  dans  tout  leur  développement,  les  lésions  trophi- 
ques  que  nous  avons  étudiées  à  propos  des  lésions  trau- 
matiques  des  nerfs.  Le  processus  morbide  initial  consiste, 
dans  ce  cas,  comme  on  le  sait  d'après  les  importantes 
recherches  de  M.  Virchow  (4),  en  une  périnévrite  lépreuse 
caractérisée  par  une  prolifération  cellulaire  spéciale,  sié- 
geant dans  l'intervalle  des  tubes  nerveux  dont  elle  déter- 
mine la  destruction  lente.  Les  nerfs  présentent  alors  fré- 
quemment, sur  leurs  parcours,  une  tuméfaction  fusiforme 
qui  peut  être  quelquefois  aisément  reconnue,  pendant  la 
vie,  dans  les  régions  où  ils  sont  superficiels,  au  coude,  par 
exemple,  lorsqu'il  s'agit  du  cubital  et  contribuer  ainsi  au 
diagnostic.    Ces    altérations    produisent ,   au    début ,    des 

(1)  Quaterlt/  Jovrnal  of  Médiane,  may  1865   (p.  11,  12  du  tirage  à  part). 

(2)  Duménil.  —  Contributions  pour  servir  à  ï l  histoire  des  paralysies  péri- 
phériques, spécialement  de  la  névrite.  In  Gaz.  hebdomadaire,  1866,  nos4,  5,6. 

(3)  Leudet.  —  Recherches  sur  les  troubles  des  nerfs  périphériques,  et  sur- 
tout des  vaso-moteurs,  consécutifs  à  l'asphyxie  par  la  vapeur  du  charbon.  In 
Archives  générales  de  médecine.  Mai  1865. 

(<i)  R.  Virchow. —  Die  kranhhoflen  Geschvt'dste. —  Nerven-Lepra,  t.  II, 
p.  521,   1864-65. 


PÉRIXÉVRITE   LÉPREUSE.  31 

symptômes  d'hyperesthésie,  et.  plus  tard,  de  l'anesthésie. 
A  l'exception  du  zona,  que  je  ne  trouve  nulle  part  men- 
tionné, nous  rencontrons  dans  ces  circonstances,  à  peu  de 
chose  près,  toute  la  série  des  lésions  trophiques  que  nous 
avons  déjà  décrites:  a)  le  pemphigus,  pemphigus  lepro- 
sus;  b)  l'état  lisse  de  la  peau  (Glossy  Skin)  ;  c)  l'atrophie 
des  muscles;  d)  la  périostite  et  enfin  la  nécrose.  Lorsque 
ces  dernières  lésions  acquièrent  un  haut  degré  d'intensité, 
on  peut,  vous  le  savez,  observer  quelquefois  la  perte  d'une 
partie  d'un  membre.  Celle-ci  survient  souvent  sans  dou- 
leur, parce  que,  à  l'époque  où  elle  a  lieu,  l'anesthésie  existe 
le  plus  souvent  {lepra  mutilans)  (1).  On  a  attribué  ces 
accidents  divers  et  ces  mutilations  aux  effets  de  l'anes- 
thésie. Cependant,  elle  ne  doit  certainement  pas  être  mise 
seule  en  cause  ;  il  est  non-seulement  prouvé  qu'elle  ne  fait 
que  faciliter  l'intervention  des  influences  extérieures,  mais 
encore  qu'elle  peut  être  parfois  reléguée  au  second  plan, 
éliminée  même,  si  l'on  s'en  rapporte  aux  cas  cités  par  le 
docteur  Thomson,  et  dans  lesquels  l'anesthésie  faisait  abso- 
lument défaut  (2). 

Nous  n'avons  pu  que  passer  rapidement  en  revue  les 
troubles  de  la  nutrition  qui  résultent  des  lésions  irritatives 
des  nerfs  périphériques.  Dans  les  prochaines  leçons,  nous 
y  reviendrons  encore ,  mais  nous  insisterons  principale- 
ment sur  les  troubles  trophiques  qui  se  rattachent  à  des 
lésions  du  cerveau  et  de  la  moelle  épinière. 


(l)  F.  Steudener.  — Beitraege  zur  Pathologie  der  Lepra  Mutilans.  Mit. 
3,  Taf  Erlangen,  1867. 

(2  A.  S.  Thomson.  —  Brit.  and.  for.  Med.  Chir.  Beview.  185-1,  April, 
p.  496,  cité  par  M.  Yirchow. 


DEUXIÈME  LEÇON 

Troubles   trophiques    consécutifs    aux  lésions    des 
nerfs.  (Suite).  —  Affections  des  muscles. 

Troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions  de  la 
moelle  épinière. 


Sommaire.  —  Modifications  anatomiques  et  fonctionnelles  que  subissent  les 
muscles  sous  l'influence  de  la  lésion  des  nerfs  qui  les  animent.  —  Impor- 
tance de  l'électrisation  comme  moyen  de  diagnostic  et  de  pronostic.  Re- 
cherches de  M.  Duchenne  (de  Boulogne). —  Expérimentation  :  Longue 
persistance  de  la  contractilité  électrique  et  de  la  nutrition  normale  des 
muscles  à  la  suite  de  la  section  ou  de  l'excision  des  nerfs  moteurs  et 
mixtes  chez  les  animaux.  —  Faits  pathologiques  :  Diminution  ou  aboli- 
tion hâtives  de  la  contractilité  électrique,  suivies  d'atrophie  rapide  des 
muscles  dans  les  cas  de  paralysie  rhumatismale  du  nerf  facial  et  de  lé- 
sions irritatives,  soit  traumatiques,  soit  spontanées  des  nerfs  mixtes.  — 
Raison  de  la  contradiction  apparente  entre  les  résultats  expérimentaux  et 
les  faits  pathologiques.  Application  des  recherches  de  M.  Brown-Séquard  : 
Seules,  les  lésions  irritatives  des  nerfs  déterminent  l'abolition  hâtive  de 
la  contractilité  électrique,  suivie  d'atrophie  rapide  des  muscles. 

Expériences  de  MM.  Erb.  Ziemssen  et  0.  Weiss.  —  Ecrasement,  ligature 
des  nerfs  :  ce  sont  des  lésions  irritatives. —  Différence  des  résultats  obte- 
nus dans  l'exploration  des  muscles  suivant  qu'on  fait  usage  de  la  faradi- 
sation  ou  de  la  galvanisation.  —  Les  résultats  de  ces  nouvelles  recher- 
ches sont  comparables  aux  faits  pathologiques  observés  chez  l'homme  ;  ils 
n'infirment  en  rien  la  proposition  de  Brown-Séquard. 

Troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions  de  la  moelle  épinière.  —  En  ce 
qui  concerne  leur  influence  sur  la  nutrition  des  muscles,  ces  lésions  for- 
ment deux  groupes  bien  distincts  ;  —  1er  groupe  :  Lésions  de  la  moelle 
qui  n'ont  pas  d'influence  directe  sur  la  nutrition  des  muscles  :  a.  Lésions 
en  foyer  très-circonscrites  n'intéressant  la  substance  grise  que  dans  une 
très-petite  étendue  en  hauteur  :  Myélite  partielle,  tumeurs,  mal  de  Pott. 
b.  Lésions  fasciculées  même  très-étendues  des  cordons  blancs  postérieurs 
ou  antéro-latéraux,  mais  sans  participation  de  la  substance  grise  :  sclérose 
primitive  ou  consécutive  des  cordons  postérieurs,  antéro-latéraux,  etc. — 
2e  groupe  :  Lésions  de  la  moelle  qui  influencent  plus  ou  moins  vite  la 
nutrition  des  muscles  :  a.  Lésions  fasciculées  ou  circonscrites  qui  intéres- 


AFFECTIONS   DES  MUSCLES.  33 

sent  les  cornes  antérieures  de  la  substance  grise  dans  une  certaine  éten- 
due en  hauteur  :  Myélite  centrale,  hématomyélie,  etc.  b.  Lésions  irrita- 
tives  des  grandes  cellules  nerveuses  des  cornes  antérieures  de  la  substance 
grise  avec  ou  sans  participation  des  faisceaux  blancs  :  paralysie  infantile 
spinale,  paralysie  spinale  de  l'adulte,  paralysie  générale  spinale  (Du- 
chenne,  de  Boulogne),  atrophie  musculaire  progressive,  etc.  — Rôle  pré- 
dominant des  lésions  de  la  substance  grise  dans  la  production  des  troubles 
trophiques  musculaires.  —  La  proposition  de  M.  Brown-Séquard  s'ap- 
plique encore  à  l'interprétation  de  ces  faits. 


Messieurs, 

Dans  la  dernière  séance,  j'ai  évité  à  dessein,  en  faisant 
l'histoire  des  troubles  de  la  nutrition  consécutifs  aux  lé- 
sions des  nerfs,  de  m'appesantir  sur  les  modifications  ana- 
tomiques  ou  fonctionnelles  que  subissent  les  muscles  sous 
l'influence  de  ces  lésions.  Je  voulais  réserver  cette  ques- 
tion .pour  une  étude  spéciale.  En  réalité,  c'est  là  —  vous 
allez  bientôt  le  reconnaître  —  un  sujet  hérissé  de  difficultés 
de  tous  genres  et  qui  est  encore  l'objet  de  mille  controverses. 

Vous  n'ignorez  pas  que  de  grands  progrès  ont  été  ac- 
complis dans  l'histoire  clinique  des  paralysies  sous  l'in- 
fluence des  travaux  de  M.  Duchenne  (de  Boulogne). 
Mais  vous  n'ignorez  pas  non  plus,  sans  doute,  qu'un  bon 
nombre  des  faits,  découverts  par  cet  éminent  patholo- 
giste,  semblent  être  en  contradiction  flagrante  avec  les  ré- 
sultats obtenus  par  les  physiologistes  dans  l'expérimentation 
chez  les  animaux. 

Quelle  est  la  raison  de  ce  désaccord  ?  Dans  quelle  voie 
la  conciliation  doit-elle  être  trouvée  ?  Voilà  des  deside- 
rata auxquels  je  ne  vous  promets  pas  de  répondre  en  tous 
points  d'une  manière  satisfaisante.  Je  ne  puis  cependant 
reculer  devant  la  difficulté  ;  je  dois  tout  au  moins  l'aborder. 
A  la  vérité,  j'ai  quelque  répugnance  à  traiter  une  ques- 
tion où  les  résultats  de  l'exploration  électrique  des  nerfs 
et  des  muscles  doivent  être  invoqués  à  chaque  instant 
devant  des  hommes  qui  ont  fait  de  ce  mode  d'examen  une 

Charcot,  t.  i,  3e  éd.  3 


34  EXPÉRIENCES    SUR  LES  ANIMAUX. 

étude  si  approfondie  ;  mais  s'ils  rencontrent  la  critique, 
j'espère  qu'ils  voudront  bien  m'accorder  toute  leur  indul- 
gence. 


1. 


On  peut  dire  que,  d'une  manière  générale,  Vélectro- 
diagnostic,  accordez-moi  ce  néologisme,  annonce  et  dé- 
montre, dans  certains  cas  pathologiques  où  il  s'est  produit, 
une  lésion  quelque  peu  intense  d'un  nerf  moteur  ou  d'un 
nerf  mixte,  l'existence  d'une  rapide  et  profonde  diminution, 
voire  même  la  disparition  de  cette  propriété  qu'on  est  con- 
venu d'appeler  du  nom  de  contractilité  électrique,  tandis 
que  l'expérimentation  chez  les  animaux  semble  établir,  au 
contraire,  que,  à  la  suite  des  lésions  des  nerfs  qu'elle 
provoque,  les  muscles  conservent  pendant  un  temps  relati- 
vement fort  long,  et  même  suivant  quelques  auteurs,  d'une 
façon  à  peu  près  indéfinie,  la  propriété  de  se  contracter 
sous  l'influence  des  excitations  électriques. 

Vous  comprendrez  sans  peine  l'intérêt  qui,  à  notre  point 
de  vue,  s'attache  à  la  constatation  et  à  l'étude  des  faits  de 
ce  genre.  Il  suffira  de  vous  rappeler  que  l'affaiblissement 
et  à  plus  forte  raison  la  perte  de  la  contractilité  électrique 
survenant  rapidement  à  la  suite  de  la  lésion  d'un  nerf  sont, 
ainsi  que  l'exploration  clinique  l'a  souvent  démontré,  le 
premier  terme  d'une  série  de  phénomènes  qui  aboutissent 
dans  certains  cas,  presque  fatalement,  si  le  médecin  n'inter- 
vient pas,  à  l'atrophie  plus  ou  moins  complète  du  muscle  et 
à  la  perte  quelquefois  définitive  de  ses  fonctions. 

Pour  mieux  mettre  en  lumière  le  point  sur  lequel  porte 
la  dissidence  que  je  viens  de  signaler  à  votre  attention, 
laissez-moi,  Messieurs,  vous  rappeler  brièvement  les  faits 
expérimentaux  auxquels  j'ai  fait  allusion. 

A.  Il  s'agit,  dans  ces  expériences,  de  rechercher  quelles 


EXPÉRIENXES   SUR  LES    ANIMAUX.  35 

sont  les  modifications  qui  surviennent  dans  les  propriétés 
des  muscles  et  dans  leur  structure  anatomique,.  après  la 
section  ou  l'excision  des  nerfs  qui  le-s  animent.  Les  expé- 
riences abondent  ;  elles  ont  été  maintes  fois  répétées  par 
MM.  Longet,  Schiff,  Brown-Séquard,  Yulpian,  et  il  faut 
ajouter  que  les  résultats  qu'elles  o»t  donnés  paraissent,  du 
moins  pour  les  points  essentiels,  tout  à  fait  concordants. 
Nous  allons  vous  rappeler  les  principaux  incidents  qui  nous 
paraissent  mériter  d'être  relevés  dans  ces  expériences. 

Le  bout  périphérique  du  nerf  sectionné  ou  excisé,  du 
cinquième  au  huitième  jour  après  l'opération,  commence 
à  subir,  jusque  dans  ses  ramifications  les  plus  tenues,  une 
série  d'altérations  qui  ont  pour  conséquence  ultime  la  dis- 
parition du  cylindre  de  myéline,  tandis  que  le  filament  axile 
paraît,  lui,  au  contraire,  persister  à  peu  près  indéfiniment  (1). 

Cependant, dès  le  quatrième  jour,  c'est-à-dire  avant  même 
que  les  lésions  de  la  dégénération  soient  appréciables,  le 
nerf  a  perdu  déjà  la  faculté  d'être  excité  par  les  divers 
agents,  et  en  particulier  par  les  agents  électriques  (2).  Sur 
ce  point  tout  le  monde  est  parfaitement  d'accord. 

En  ce  qui  concerne  le  muscle,  il  n'offre  tout  d'abord  au- 
cune modification  de  la  contractilité  électrique.  L'amoin- 
drissement et,  à  plus  forte  raison,  l'anéantissement  de  cette 
propriété,  s'ils  se  produisent,  ne  se  manifestant  jamais  qu'à 
la  longue,  très-tardivement.  C'est  là  un  second  point  sur 
lequel  il  n'y  a  pas  de  divergence.  Si  quelques  physiologis- 
tes disent  avoir  vu  la  contractilité  électrique  s'affaiblir  ou 
même  disparaître  de  six  à  douze  semaines  après  la  section 
d'un  nerf  mixte,  M.  Schiff  l'a  trouvée,  par  contre,  dans  ces 

(1)  M.  Schiff  a  montré  que,  dans  le  cas  de  dégénération  des  nerfs  consé- 
cutiveà  la  section,  contrairement  à  ce  que  M.  Waller  avait  avancé,  les  fila- 
ments axiles  persistent  ;  il  a  retrouvé  les  filaments  dans  les  fibres  nerveuses 
de  nerfs  coupés  depuis  cinq  mois  chez  les  mammifères.  «  Nous  avons  éga- 
lement reconnu,  dit  M.  Vulpian  (Leçons  sur  la  physiologie  du  système  ner- 
veux, 1866,  p.  239),  l'existence  de  ce  filament  axile  au  bout  déplus  de  six 
mois.  Il  me  paraît  bien  probable  qu'il  persi&te  au-delà  de  ce  temps.  » 

(2)  Vulpian,  loc.  cit.>  p.  235. 


36  CONTRACTILITÉ  ÉLECTRIQUE. 

mêmes  circonstances,  parfaitement  conservée  encore  au 
bout  de  quatorze  mois  .(1);  il  en  est  absolument  de  même 
lorsque  la  section  porte  sur  un  nerf  exclusivement  moteur. 
Déjà  M.  Longet  avait  fait  voir  que,  tandis  que  la  motricité 
des  nerfs  est,  comme  on  l'a  dit,  entièrement  abolie  quatre 
jours  après  leur  section,  l'irritabilité  musculaire,  lorsqu'il 
s'agit  du  nerf  facial,  persiste  dans  les  muscles  correspon- 
dants, pendant'  plus  de  douze  semaines  (2).  Après  l'arrache- 
ment ou  la  section  du  nerf  facial,  MM.  Brown-Séquard  et 
Martin-Magron  ont  vu,  de  leur  côté,  l'irritabilité  des  mus- 
cles faciaux  survivre,  chez  les  cochons  d'Inde  et  chez  les 
lapins,  pendant  près  de  deux  ans  (3).  M.  Vulpian  a  été,  lui 
aussi,  témoin  de  faits  absolument  semblables  (4).  Vers 
1841,  dans  le  laboratoire  de  mon  excellent  maître,  Martin- 
Magron,  alors  que  je  m'essayais  dans  une  direction  que  ma 
sensibilité  à  l'égard  des  animaux  devait  me  faire  abandon- 
ner bientôt,  j'ai  pu  constater  moi-même,  après  l'arrache- 
ment du  facial,  la  persistance  presque  indéfinie  de  la  con- 
tractilité  électrique  des  muscles  correspondants. 

Le  résultat  est  si  palpable,  si  frappant,  si  facile  à  cons- 
tater, que  la  plupart  des  physiologistes  en  sont,  si  je  ne  me 
trompe,  à  se  demander  si  l'irritabilité  musculaire  disparait 
jamais  complètement  à  la  suite  de  la  section  ou  de  l'exci- 
sion des  nerfs  ;  tout  au  plus  concèdent-ils  qu'en  pareil  cas 
il  puisse  se  produire,  à  la  longue,  un  affaiblissement  plus 
ou  moins  prononcé  de  la  propriété  contractile  des  muscles. 
Presque  tous  font  remarquer  que  si,  quelquefois,  les  excita- 
tions électriques  deviennent  impuissantes  à  déterminer  la 


(1)  Schiff.  —  Zehrbuch  der  Physiologie  des  Jlfenschen,  1858-59,  p.  18.  — 
M.  SchifF  aurait  vu  deux  fois  l'excitabilité  des  muscles  persister  quatorze 
mois  après  la  sectiou  des  nerfs  correspondants.  Dans  un  cas,  il  s'agissait  du 
nerf  hypoglosse,  dans  un  autre  cas  du  nerf  sciatique. 

(2)  Longet.  —  Anatomie  et  physiologie  du  système  nerveux^  t.  I,  p.  03, 
1842. 

(3)  Brown-Séquard.  —  Bulletins  de  la  Société  philomatiçue,  1847,  p.  74 
et  88.  —  Bulletins  de  la  Société  de  Biologie,  t.  III,  1851,  p.  101. 

(4)  Vulpian,  loc.  cit  ,  p.  235. 


EXPERIMENTATION.  3/ 

contraction  des  muscles,  toujours  celle-ci  se  manifeste  sous 
rinfluence  des  irritations  mécaniques. 

Il  était  à  présumer  que  les  modifications  tropliiques  cor- 
respondant à  ces  modifications  fonctionnelles  devraient, 
elles  aussi,  se  produire  très-lentement  et  se  montrer  peu 
accusées.  C'est  en  effet  ce  qui  parait  avoir  lieu  :  la  plupart 
des  auteurs  semblent  s'accorder  à  reconnaître  que  l'atro- 
phie du  muscle,  sa  dégénération  histologique,  ne  survien- 
nent à  la  suite  de  la  section  des  nerfs,  qu'au  bout  d'un 
temps  fortlong.  C'est  à  peine,  suivant  M.  Longet(l),  si  trois 
•mois  après  la  section  du  nerf  facial,  les  muscles  correspon- 
dants, examinés  après  la  mort,  présentaient  de  légères 
traces  d'atrophie.  Mais.il  ne  s'agit  là,  sans  doute,  que  d'un 
examen  fait  à  l'œil  nu.  Au  rapport  de  M.  SchifF,  lorsque  la 
paratysie  consécutive  à  la  section  du  nerf,  date  de  loin, 
les  muscles  présentent  un  certain  degré  d'amaigrissement. 
Il  est  vraisemblable  qu'un  certain  nombre  de  faisceaux 
musculaires  s'atrophient  et  disparaissent  ;  dans  la  plupart 
des  cas,  le  microscope  fait  constater  qu'un  bon  nombre  de 
ces  faisceaux  subissent  en  outre  l'altération  graisseuse,  en 
même  temps  que  de  la  graisse  s'accumule  dans  les  inter- 
valles qui  les  séparent  (2).  Les  observations  de  M.  Vulpian 
ont  donné  des  résultats  analogues  :  toutefois,  suivant  lui, 
la  dégénérescence  graisseuse  des  fibres  musculaires  ferait 
souvent  défaut  d'une  manière  absolue  (3). 

Avant  de  comparer  les  faits  pathologiques  aux  résultats 
des  expériences  instituées  chez  les  animaux,  il  importe  de 
bien  préciser  les  conditions  dans  lesquelles  ces  expériences 


(1)  Longet,  loc  cit.,  p.  63. 

(2)  Schiflf,  loc.  cit.,  p.  175. 

(3)  Vulpian,  loc.  cit.,  p.  246. —  Dans  les  cas  de  paralysie  consécutive  à  la 
section  des  nerfs,  outre  l'atrophie  des  faisceaux  primitifs  qui  se  produit  à  la 
longue,  M.  Vulpian  a  noté  depuis  longtemps  la  prolifération  des  noyaux  du 
sarcolemme  et  quelques  autres  indices  d'un  processus  inflammatoire.  C'est  là 
un  fait  très-intéressant  signalé  plus  récemment  par  d'autres  observateurs  et 
sur  lequel  nous  aurons  à  revenir  un  peu  plus  loin.  (Voir  la  note,  p.  41). 


38  FAITS   PATHOLOGIQUES. 

sont  conduites.  En  premier  lieu,  le  physiologiste  pratique 
la  section  ou  l'excision  des  nerfs  musculaires  ;  en  second 
lieu,  il  a  recours  à  l'excitation  électrique  directe,  c'est-à- 
dire  appliquée  sur  le  nerf  ou  sur  le  muscle  mis  à  nu;  enfin 
c'est  à  peu  près  exclusivement  le  galvanisme  qu'il  met  en 
œuvre  comme  moyen  d'exploration  et  il  ne  tient  pas  compte 
de  la  différence  qui  peut  exister,  au  point  de  vue  de  leur 
action  sur  la  fibre  nerveuse  ou  sur  le  faisceau  musculaire, 
entre  l'excitation  obtenue  à  l'aide  des  courants  dHnduction 
(courants  interrompus)  et  celle  que  déterminent  les  cou- 
rants dits  galvaniques  (courants  continus).  Telles  sont  les 
circonstances  qu'il  importe  de  relever  surtout  à  propos  des 
expériences  que  j'appellerai  anciennes,  bien  qu'elles  ne  da- 
tent pas  encore  de  fort  loin.  Nous  verrons  plus  tard  que  des 
observations  toutes  récentes,  et  dans  lesquelles  l'action  des 
deux  ordres  de  courants  a  été  étudiée  comparativement,  ont 
donné  des  résultats  qui  semblent  différer,  à  quelques  égards, 
de  ceux  qu'avaient  fournis  les  premières  expériences. 

B.  Il  est  temps  de  revenir  maintenant  à  la  pathologie  hu- 
maine. Les  faits  qu'elle  nous  présente  se  rapportent  à  des 
lésions  de  nerfs  mixtes  ou  moteurs,  survenues  soit  sponta- 
nément, soit  à  la  suite  d'un  traumatisme. 

Nous  rappellerons  en  premier  lieu  les  phénomènes  qui 
ont  été  observés  dans  les  cas  de  paralysie  périphérique  du 
nerf  facial  et,  en  particulier,  lorsque  cette  paralysie  résulte 
de  l'impression  du  froid  (paralysie  rhumatismale,  a  frigoré). 
M.  Duchenne  (de  Boulogne)  a  fait  voir,  vous  ne  l'ignorez 
pas,  qu'en  pareille  circonstance,  dès  avant  la  fin  du  pre- 
mier septénaire,  la  contractilité  électrique  des  muscles  de 
la  face  est  déjà  remarquablement  amoindrie  et  paraît 
même,  quelquefois,  tout  à  fait  éteinte  (1).  Tous'  remarque- 
rez qu'entre  cette  époque,  sept  jours,  qui   pe^ut  marquer, 

(l)  Duchenne  (de  Boulogne).  —  Electrisation  localisée,  2e  édition,  1861, 
p.  669. 


FAITS   PATHOLOGIQUES.  39 

d'après  M.  Duchenne,  le  début  de  l'affaiblissement  de  la 
contractilité  électrique  dans  la  paralysie  rhumatismale  du 
nerf  facial,  et  le  terme  assigné  par  quelques  physiologistes 
à  la  persistance  de  cette  môme  propriété  chez  les  animaux, 
après  la  section  des  nerfs,  la  distance  est  grande.  Cepen- 
dant,des  observations  répétées  maintes  et  maintes  fois  ont 
démontré  la  parfaite  exactitude  de  l'assertion  de  M.  Du- 
chenne. Tout  récemment  encore,  dans  un  cas  de  paralysie 
rhumatismale  du  nerf  facial,  M.  le  Dl>  Erb,  ayant  été  mis  à 
même  de  suivre  jour  par  jour,  dès  le  début,  la  marche  des 
symptômes,  a  vu,  le  neuvième  jour,  la  contractilité  élec- 
trique déjà  considérablement  amoindrie  (1).  Dans  un  cas 
du  même  genre  recueilli  par  M.  Onimus  (2),  huit  jours 
après  l'invasion  de  la  maladie,  des  courants  induits  appli- 
qués sur  les  muscles  paralysés  ne  donnaient  pas  lieu  à  la 
moindre  contraction. 

Le  même  phénomène  s'observe  communément  dans  les 
cas  de  paralysie  périphérique  du  nerf  facial  autres  que 
ceux  qui  dépendent  de  l'impression  du  froid  et  aussi  dans 
les  paralysies  traumatiques  des  nerfs  des  membres.  Ces 
dernières  résultent  le  plus  souvent,  comme  on  le  sait,  de  la 
compression  brusque,  de  la  contusion,  de  la  commotion 
subies  par  un  nerf  mixte,  en  conséquence  des  luxations 
scapulo-humérales  par  exemple.  On  a  vu  plusieurs  fois,  à 
la  suite  de  ces  accidents  divers,  la  contractilité  électrique 
déjà  très-notablement  affaiblie  dès  le  dixième  ou  même  dès 
le  cinquième  jour,  dans  les  muscles  frappés  de  paralysie (3). 

L'observation  clinique  démontre,  vous  ne  l'ignorez  pas, 
qu'en  règle  générale,  les  muscles  qui  présentent  ainsi  la 
prompte  diminution  et  surtout  la  prompte  disparition  de  la 


(1)  W.  Erb.  —  Zar  Pathologie  uni  patholo g ischen  Anatomie  peripheris- 
cher  Parahjsen.  In  Dentsch.  Arckiv,   t.  IV,  1868,  p.  539.  Cas  de  Gradolf. 

(2)  Gazette  des  hôpitaux,  30  juin  1870,  p.  298. 

(3)  Duchenne  (de  Boulogne),  loc.  cit.  Obs.,  p.  191.  Paralysie,  suite  de 
luxation  scapulo-humérale.  —  Obs.,  p.  193.  Paralysie,  suite  de  contusion 
du  nerf  cubital. 


40  ALTERATIONS   DES  MUSCLES. 

contractilité  électrique,  ne  tardent  pas  à  subir  une  atrophie 
qui  devient  parfois  très-rapidement  appréciable,  principa- 
lement lorsqu'il  s'agit  des  membres.  Il  serait  très-intéres- 
sant d'étudier  dans  les  diverses  phases  de  leur  développe- 
ment les  altérations  histologiques  auxquelles  se  rapporte 
cette  atrophie  rapide  des  masses  musculaires  ;  mais  c'est 
là  un  sujet  sur  lequel  nous  ne  possédons  encore  qu'un  très- 
petit  nombre  de  renseignements  précis.  Il  semble  ressortir 
cependant  de  quelques  observations  et,  en  particulier,  d'un 
fait  rapporté  avec  détails  par  le  Dr  Erb,  que  ces  lésions 
n'auraient  rien  de  commun  avec  la  dégénération  graisseuse 
pure  et  simple,  toute  passive  et  telle  qu'on  l'observe  dans 
les  muscles  qui  ont  été  durant  longtemps  condamnés  à 
l'inaction  ;  elles  offriraient  au  contraire  les  caractères  les 
plus  nets  d'un  processus  inflammatoire,  à  savoir  :  une  lry- 
perplasie  plus  ou  moins  prononcée  du  tissu  conjonctif  in- 
terstitiel, rappelant  jusqu'à  un  certain  point  ce  qu'on  trouve 
dans  la  cirrhose,  et  une  multiplication  des  noyaux  du  sar- 
colemme.  En  même  temps  que  ces  altérations  se  dévelop- 
pent, les  faisceaux  musculaires  subissent  une  diminution 
très-prononcée  dans  leur  diamètre  transversal,  mais  ils 
conservent,  pour  la  plupart,  leur  striation.  La  dégénération 
granulo-graisseuse  des  faisceaux  musculaires  se  rencontre 
rarement  en  pareil  cas  et  paraît  être  tout  à  fait  acciden- 
telle (1). 


(l)  Voici,  en  abrégé,  l'observation  rapportée  par  le,  docteur  Erb  dans  son 
intéressant  mémoire  :  —  Peter  Schmieg,  âgé  de  22  ans,  est  atteint  de 
phthisie  pulmonaire  parvenue  à  la  dernière  période.  Il  présente  en  outre  les 
signes  d'une  carie  du  rocher  et  de  l'apophyse  mastoïde.  Un  abcès  s'est  ou- 
vert au  voisinage  de  cette  dernière.  Le  22  mars  1867,  il  se  développe  subi- 
tement une  paralysie  presque  complète  du  nerf  facial  gauche.  La  paralysie 
est  surtout  prononcée  au  muscle  frontal.  La  contractilité  électrique  ayant 
été  explorée  le  24  mars  d'abord  (2e  jour  de  la  maladie),  puis  le  3  avril 
(12e  jour)  à  l'aide  de  la  faradisation,  a  été  trouvée  normale  à  ces  diverses 
époques.  Pour  la  première  fois  le  17  avril  (26e  jour),  on  constate  que  les 
muscles  frontal  et  zygomatique  du  côté  gauche  ne  se  contractent  que  très- 
faiblement  sous  l'influence  des  excitations  faradiques.  Le  30  avril  (39e  jour), 
la  faradisation  ne  provoque  plus  de  contractions  dans  les  muscles  frontal  et 


ALTÉRATIONS    DES  MUSCLES.  k  I 

Il  est  clair  que  si,  dans  le  cas  d'atrophie  musculaire  que 
les  physiologistes  obtiennent  à  la  longue,  par  la  section  ou 
l'excision  des  nerfs,  la  lésion  histologique  était  toujours  la 
dégénération  graisseuse,  sans  trace  de  processus  irritatif 
initial,  le  contraste  serait  des  plus  accusés.  Mais,  malheu- 
reusement pour  la  simplicité  des  choses,  nous  verrons  qu'il 
n'en  est  peut-être  pas  ainsi  (1). 


zvgomatique  du  côté  gauche.  Les  autres  muscles  de  la  face,  du  même  côté, 
ne  répondent  que  faiblement  aux  excitations.  La  mort  survient  le  2  mai 
(40e  jour  de  la  maladie).  Autopsie  :  Le  tronc  du  nerf  facial  confine  à  un 
abcès  qui  s'est  ouvert  derrière  l'oreille  ;  il  est  à  nu  dans  une  certaine  éten- 
due. De  tous  côtés,  le  tronc  nerveux  est  enveloppé  par  une  masse  de  tissu 
conjonctif  induré.  Cette  enveloppe  conjonctive  adhère  intimement  à  la  gaine 
externe  du  nerf;  ce  dernier,  cependant,  est  encore  mobile  dans  la  gaîne.  A 
l'œil  nu,  les  branches  du  facial  ne  présentent  aucune  modification  appré- 
ciable; au  contraire,  le  muscle  frontal  gauche  est  pâle,  flasque,  aminci. 
Dans  le  point  où  le  tronc  nerveux  est  enveloppé  par  la  masse  de  tissu  con- 
jonctif on  aperçoit,  interposé  entre  les  fibres  nerveuses,  beaucoup  de  tissu  con- 
jonctif fibrillaire  avec  de  nombreux  noyaux  ovalaires,  faiblement  grenus.  Les 
fibres  nerveuses  elles-mêmes  présentent,,  en  certain  nombre,  les  divers  de- 
grés de  la  dégénération  graisseuse.  Beaucoup  de  fibres  ont  conservé  les 
caractères  de  l'état  normal.  Quelques-uns  des  filets  nerveux  qui  se  rendent 
au  muscle  frontal  ne  renferment  guère  que  des  fibres  nerveuses  dégénérées  ; 
d'autres,  appartenant  vraisemblablement  au  trijumeau,  ont  toutes  leurs  fibres 
à  l'état  normal.  —  Le  muscle  frontal  gauche  est  profondément  altéré  ;  on 
observe  là  d'épaisses  cloisons  de  tissu  conjonctif  nouvellement  formé,  inter- 
posées entre  les  faisceaux  musculaires  primitifs.  Ces  derniers  ont  subi  une 
réduction  de  volume  très-prononcée  et,  de  plus,  ils  renferment  des  noyaux 
en  grand  nombre.  La  striation  transversale  est  conservée  sur  la  plupart  des 
fibres  musculaires  atrophiées  ;  sur  d'autres,  elle  est  à  peine  distincte.  Un 
certain  nombre  de  faisceaux  primitifs  offrent  les  caractères  de  l'altération  ci- 
reuse, mais  l'altération  granulo-graisseuse  ne  s'observe  sur  aucun  d'eux.  — 
(W.  Erb,  loc.  cit.,Beutsch  Archiv.  Bd.  5,  1869,  p.  44). 

(l;  Nous  nous  réservons  de  revenir,  dans  le  courant  de  nos  leçons,  sur  ce 
point  délicat.  Pour  le  moment,  il  nous  suffira  de  noter  que  des  lésions  irrita- 
tives  des  muscles,  en  tout  semblables  à  celles  qui  viennent  d'être  décrites, 
ont  été  récemment  signalées  par  des  observateurs  très-compétents,  chez  di- 
vers animaux,  à  la  suite  de  la  section  et  de  l'excision  des  nerfs  mixtes  ou 
purement  moteurs,  c'est-à-dire  en  dehors  des  conditions  qui  produisent 
d'habitude  les  lésions  irritatives  des  nerfs.  Ainsi,  à  la  suite  de  l'excision 
d'un  tronçon  de  nerf  sciatique,  M.  Mantegazza  (Histo!ogisch.  Yeranderun- 
gtn  nach  der  Nervendurchschneidung  in  Schmdfs  Jahresi.,p.  148,  1857,  1. 136, 
et  Gaz.  Loîab.  p.  18,  1867)  a  trouvé,  à  partir  du  30e  jour,  les  muscles  déjà 
pâles,  le  tissu  conjonctif  intermédiaire  aux  faisceaux  primitifs  manifestement 


42  CONTRADICTION  APPARENTE. 

Il  résulte,  en  somme,  du  parallèle  que  nous  venons  de 
vous  présenter,  que  les  faits  cliniques,  observés  cependant 
avec  le  plus  grand  soin,  sont,  ou  du  moins  paraissent  être, 
en  opposition  formelle  avec  les  faits  expérimentaux  recueil- 
lis également  par  les  procédés  les  plus  rigoureux.  Nous 
devons  nous  efforcer  de  pénétrer  la  raison  de  ce  désac- 
cord. Recherchons  d'abord  si  l'on  peut  la  trouver  dans  la 


hypertrophié,  les  faisceaux  eux-mêmes  diminués  de  volume,  présentant  une 
multiplication  évidente  des  noyaux  du  sarcolemme,  mais  ayant  conservé  la 
striation  transversale.  Un  hon  nombre  de  ces  faisceaux  offraient  l'aspect 
granuleux,  mais  les  granulations  se  dissolvaient  dans  l'acide  acétique.  De 
son  côté,  M.  Vulpian  a  rencontré  des  altérations  identiques,  dans  les  mus- 
cles de  la  langue,  chez  le  chien,  cinquante  jours  après  l'avulsion  du  bout 
central  du  nerf  hypoglosse  (Archiv.  de  Physiolog.,  t.  II,  p.  572,  1869). 
L'absence  de  dégénération  graisseuse  des  faisceaux  primitifs,  l'atrophie  de 
ces  faisceaux  avec  persistance  de  la  striation  transversale  et  prolifération  des 
noyaux  du  sarcolemme,  ont  été  également  observées  par  M.  Vulpian  [loc. 
cit.,  p.  539)  chez  l'homme,  sur  les  muscles  de  la  jambe,  dans  un  cas  de 
résection  d'un  segment  du  nerf  scialique  datant  de  cinq  mois.  Cela  étant,  on 
est  conduit  à  admettre  que  les  sections  complètes,  les  excisions,  les  avul- 
sions de  nerfs  déterminent  quelquefois  dans  ces  nerfs  des  lésions  irritatives  ; 
ou  bien  —  si  les  observations  ultérieures  devaient  présenter  comme  constant 
le  fait  observé  par  MM.  Vulpian  et  Mantegazza  —  que  les  altérations  mus- 
culaires qui  se  produisent  à  la  suite  des  lésions  passives  des  nerfs  moteurs 
ou  mixtes,  ne  se  séparent  pas  essentiellement,  au  point  de  vue  histologique, 
de  celles  qui  surviennent  consécutivement  aux  lésions  irritatives  de  ces 
mêmes  nerfs.  Si  les  faits  devaient  donner  raison  à  la  deuxième  hypothèse,  il 
y  aurait  lieu,  néanmoins,  pensons-nous,  de  différencier  encore,  malgré  tant 
d'analogies,  les  altérations  musculaires  liées  à  finertie  fonctionnelle  de  celles 
qui  succèdent  à  l'irritation  des  nerfs.  Il  paraît  démontré,  en  effet,  que  ces 
dernières  se  produisent  beaucoup  plus  rapidement  et  sont  précédées  ou 
accompagnées  de  modifications  plus  ou  moins  prononcées  de  la  contractilité 
électrique,  lesquelles  ne  se  montrent  pas  avec  les  mêmes  caractères,  dans  les 
premières  et  ne  s'y  manifestent  qu'au  bout  d'un  temps  relativement  fort  long. 
Il  serait  à  désirer  qu'une  série  de  recherches  fût  instituée  dans  le  but 
spécial  d'élucider  la  question  qui  vient  d'être  soulevée.  11  existe  en  effet, 
déjà,  uu  certain  nombre  de  faits  tendant  à  démontrer  que  l'immobilisation 
peut,  à  elle  seule,  en  dehors  de  toute  iafluence  du  système  nerveux,  provo- 
quer dans  certains  organes,  dans  certains  tissus,  des  lésions  trophiques 
offrant  tous  les  caractères  d'un  processus  inflammatoire.  Je  me  bornerai  à 
citer  un  exemple.  On  connaît  les  affections  articulaires  décrites  par  MM.  Tes- 
sier  et  Bonnet  et  qui  surviennent  lorsque  les  membres  sont  condamnés  à 
l'immobilité  que  nécessite  le  traitement  de  certaines  fractures.  Tout  récem- 
ment M.  Menzel  a  entrepris  des  expériences  qui  consistent  à  immobiliser 
chez  des  chiens  et  des  lapins,  à  l'aide  d'un  bandage  plâtré,  un  certain  nom- 


INFLUENCE  DU  MODE  D  EXPLORATION.  43 

différence  des  conditions  d'observation  où  se  placent  d'une 
part  le  physiologiste,  d'autre  part  le  médecin. 

Un  premier  point  qu'il  importe  défaire  ressortir  est  rela- 
tif au  mode  d'exploration.  Le  pathologiste  se  trouve  dans 
la  nécessité  de  n'explorer  le  muscle  qu'à  travers  la  peau, 
tandis  que  le  physiologiste,  ainsi  que  nous  l'avons  fait  re- 
marquer déjà,  agit,  lui,  dans  des  conditions  bien  plus  favo- 
rables puisqu'il  lui  est  loisible  de  porter  les  rhéophores  di- 
rectement sur  le  nerf  ou  sur  le  muscle.  Il  était  permis  de 
prévoir  qu'étant  donné  un  affaiblissement  de  la  contractilité 
électrique  porté  à  un  certain  degré,  l'application  directe 
serait  capable  de  déterminer  encore  des  contractions  alors 
que  l'exploration  faite  à  travers  la  peau  se  montrerait  peut- 
être  impuissante  à  en  produire,  ou  ne  donnerait  que  des 
contractions  très-affaiblies.  L'expérience  justifie  cette  pré- 
vision. C'est  ainsi  que  dans  un  cas  de  pied  bot,  avec  dé- 
génération graisseuse  des  muscles,  où  l'on  fut  obligé  de 
pratiquer  l'amputation,  Valentin  a  vu,  après  l'opération,  des 
contractions,  faibles  il  est  vrai,  se  manifester  sous  l'in- 
fluence de  l'excitation  directe,  dans  un  des  muscles  les  plus 
profondément  altérés  (1).  Dans  ce  cas,  si  l'on  en  juge  par 
analogie,  l'exploration  à  travers  la  peau  n'eût  vraisembla- 
blement donné  aucun  résultat.  Quelques  faits  empruntés  à 
la  physiologie  expérimentale  parlent  dans  le  même  sens. 
Sur  un  lapin  chez  lequel  le  nerf  facial  du  côté  droit  avait 
été  coupé  un  mois  environ  auparavant,  l'électricité  appli- 


bre  de  jointures.  Or,  dès  le  15e  jour,  on  trouve,  en  pareil  cas,  la  membrane 
synoviale  vivement  injectée  et  tuméfiée  ;  la  cavité  articulaire  renferme  des 
globules  rouges,  des  leucocytes  et  des  cellules  épithéliales;  enfin,  les  cellules 
du  cartilage  diarthrodial  soût  le  siège  d'un  travail  de  prolifération  très-ac- 
cusé [Gazette  médicale  de  Strasbourg,  n°  5,  1871).  Ces  recherclies  méritent 
d'être  poursuivies  et  appliquées  à  l'étude  des  modifications  que  peuvent  subir 
les  diverses  parties  d'un  membre  sous  l'influence  de  l'inertie  fonctionnelle 
plus  ou  moins  longtemps  prolongée. 

(l)  Valentin.  —  Versuch   einer   physiologischen  Pathologie     der  Nerven. 
Leipzig  und  Heidelberg,  1864,  2e  abtb.,  p.  42. 


44  FARADISATION   ET  GALVANISATION. 

quée  au  travers  de  la  peau  rasée  et  humectée  d'eau,  sur 
les  muscles  faciaux  du  côté  de  l'opération,  ne  produisait 
pas  d'effet  apparent,  tandis  qu'il  y  avait  des  contractions 
extrêmement  fortes  lorsqu'on  électrisait  les  points  homo- 
logues du  côté  opposé.  Les  muscles  ayant  été  mis  à  nu  du 
côté  où  le  nerf  avait  été  coupé,  on  pouvait  y  provoquer, 
par  l'électricité,  des  contractions  très-évidentes  (1).  —  Sur 
un  cheval  vigoureux,  on  avait  excisé  cinq  centimètres  en- 
viron du  nerf  poplité  externe  gauche.  Un  mois  après  l'opé- 
ration, les  poils  furent  rasés  sur  la  face  antéro-externe  de 
chaque  jambe  et  l'on  appliqua  les  rhéophores  d'une  pile, 
d'abord  sur  le  côté  sain  :  il  survint  des  contractions  éner- 
giques. On  les  appliqua  ensuite  sur  les  muscles  du  côté  op- 
posé et  il  ne  se  produisit  aucune  contraction.  Alors  on  mit 
à  nu  les  muscles  paralysés  et  on  appliqua  sur  eux,  directe- 
ment, les  excitateurs,  l'instrument  étant  gradué  au  mini- 
mum: de  vives  contractions  se  manifestèrent  (2).  On  pour- 
rait sans  doute  aisément  réunir  bon  nombre  d'exemples  du 
même  genre.  Il  devient  démontré  parla  que  l'exploration  à 
travers  la  peau  ne  peut  fournir  que  des  données  relatives, 
qu'elle  ne  révèle  pas  l'état  réel  de  la  contractilité  électrique; 
mais  telles  qu'elles  sont  ces  données  n'en  sont  pas  moins 
exactes,  en  somme,  et  de  la  plus  haute  importance,  car  il 
est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  que  la  perte  apparente 
ou  la  diminution  très-marquée  de  la  contractilité,  accusée 
par  une  exploration  à  travers  la  peau,  correspond  à  une 
diminution  ou  tout  au  moins  à  une  modification  très-réelle 
de  cette  propriété. 

Une  autre  remarque  que  je  veux  vous  présenter  a  trait 
à  la  nature  de  l'agent  électrique  dont  on  se  sert  pour  l'ex- 
ploration. Le  galvanisme,  ainsi  que  je  vous  le  disais  il  y  un 
instant,  a  été  à  peu  près  seul  employé  dans  les  expériences 
relatives  aux  sections  de  nerfs  chez  les  animaux,  tandis 


fl)  Vulpian. —  Physiologie  du  système  nerveux ,1806,  p.  245. 

(2)  Expérience  de  M.  Chauveau.dans  Magnien. Thèse  de  Paris, 1866,  p. 21. 


FÀRADISATION   ET   GALVANISATION.  Ii'ô 

qu'en  clinique,  suivant  la  méthode  de  M.  Duchenne,  l'ex- 
ploration a  été  jusque  dans  ces  derniers  temps  pratiquée 
exclusivement  à  l'aide  de  la  faradisation.  Or,  il  résulte  de 
recherches  laites,  il  y  a  quelques  années,  en  Allemagne  et 
reprises  en  France  tout  récemment,  que  le  galvanisme  a  le 
pouvoir  de  provoquer  fréquemment  des  contractions  mus- 
culaires là  même  où  la  faradisation  semble  accuser  une 
perte  absolue  de  la  contractilité  électrique. 

Ce  fait,  constaté  pour  la  première  fois  par  Baïerlacher, 
en  1859  (1),  dans  un  cas  de  paralysie  faciale,  a  été  observé 
depuis  dans  les  mêmes  circonstances  ou  dans  divers  cas  de 
paralysies  consécutives  à  la  lésion  traumatique  des  nerfs 
mixtes,  par  Schultz  (2),  Brenner  (3),  Ziemssen  (4),  Rosen- 
thal  (5),  Meyer  (6),  par  Bruckner  (7),  dans  la  paralysie 
pseudo-hypertrophique  et  par  Hammond,  enfin,  dans  la 
paralysie  infantile. 

On  voit  d'après  cela  que  le  galvanisme  pourrait  accuser 
encore  des  contractions  dans  bien  des  cas  de  paralysie,  soit 
rhumatismale,  soit  traumatique,  où  l'exploration  faite  ex- 
clusivement, à  l'aide  de  la  faradisation,  annoncerait  une 
profonde  altération  de  la  contractilité  électrique,  mais, 
même  cela  étant,  le  caractère  tiré  de  l'abolition  ou  de 
la  diminution  hâtives  de  la  contractilité  faradique  n'en  sub- 
sisterait pas  moins  dans  toute  sa  valeur  ;  il  permettrait  tou- 
jours de  maintenir  le  contraste  entre  les  paralysies  par 
lésions  des  nerfs  que  nous  offre  ordinairement  la  clinique 
et  les  paralysies  qu'on  détermine  chez  l'animal,  par  la  sec- 


(1)  Baïerlacher.  —  Bayz.  d.rztl.  Intelligenzllatt,  18G8. 

(2)  Schultz    —  Wiener  medic.  Woehenschr.,  1869,  n°  27. 

(3)  Grûnewaldt.  —  ther    die    Lâhmungen  des  Nerv.  facialis.  Pet.   med. 
Ztsch.  Brl.   III,  1862,  p.  321  ff. 

(4)  Ziemssen.  —  Elektricitât  in  der  Jfcd.  2  aufl.,  1864. 

(5)  Rosenthal. —  Elehtrotherapie,  2 aufl.,  1869. 

(6)  Meyer.  —  Die  Elektricitât,  etc.  2  aufl.,  1861. 

(7)  Bruckner.  —  Deutsch  Klimk,  1865,  n°  30. 


46  SECTIONS  COMPLETES   DES  NERFS. 

tion  des  troncs  nerveux,  puisque,  dans  ces  dernières,  le 
caractère  en  question  fait  défaut. 

Nous  devons  examiner  actuellement  si  les  lésions  des 
troncs  nerveux  qui  provoquent  une  prompte  modification 
de  la  contractilité  électrique,  bientôt  suivie  d'atrophie 
musculaire,  sont  assimilables,  sans  réserves,  ainsi  que  quel- 
ques auteurs  semblent  le  croire,  aux  sections  de  nerfs  pra- 
tiquées chez  l'animal.  En  réalité,  Messieurs,  il  n'en  est 
rien,  et,  si  je  ne  me  trompe,  c'est  dans  cette  circonstance 
qu'il  faut  chercher  le  nœud  de  la  question  en  litige.  On  peut 
dire  que,  d'une  manière  générale,  les  sections  ou  les  exci- 
sions de  nerfs  n'éveillent  habituellement,  dans  ceux-ci,  au- 
cun travail  de  réaction.  La  dégénération  des  fibres  du  bout 
périphérique,  qui  suit  l'opération  à  titre  de  conséquence 
nécessaire,  peut  être  considérée,  en  somme,  à  la  condition 
toutefois  qu'il  ne  s'y  mêle  aucune  complication,  comme  un 
processus  purement  passif.  Les  muscles  desservis  par  les 
nerfs  sectionnés  sont  nécessairement  frappés  d'inertie  fonc- 
tionnelle ;  mais  ils  ne  paraissent  pas  subir  d'autres  altéra- 
tions que  celles  qui,  à. la  longue,  résultent  de  l'inaction  (1). 

Bien  différentes  sont  les  affections  des  nerfs  auxquelles  se 
rattachent,  chez  l'homme,  les  accidents  qui  sont  l'objet  de 
notre  étude.  A  peu  près  toujours,  lorsqu'elles  sont  d'origine 
traumatique,  elles  naissent,  nous  l'avons  dit,  sous  l'in- 
fluence de  causes  telles  que  la  commotion,  la  contusion,  la 
compression,  une  division  incomplète,  toutes  éminemment 
propres  à  susciter,  dans  les  divers  tissus  qui  entrent  dans  la 
composition  du  nerf,  le  développement  d'un  processus  ir- 
ritatif.  De  fait,  il  n'est  pas  rare,  dans  les  cas  de  ce  genre, 
que  l'atrophie  musculaire  à  marche  rapide,  foudroyante  en 
quelque  sorte,  annoncée  presque  dès  l'origine  par  la  perte 
et  la  diminution  de  la  contractilité  faradique,  soit  ac- 
compagnée, précédée   ou  suivie,  —  lorsqu'il  s'agit  d'un 


(l)  Voir  la  note  1,  p.  41, 


LÉSIONS   IRRITATIVES   DES   NERFS.  47 

nerf  mixte,  —  de  douleurs  plus  ou  moins  vives  ou  de  sen- 
sations anormales,  indices  de  l'irritation  que  subissent  les 
fibres  sensitives  (1).  À  ces  douleurs  s'adjoint  fréquemment 
l'apparition  de  ces  troubles  trophiques  de  la  peau  (érup- 
tions pemphigoïdes,  peau  lisse,  herpès)  que  nous  avons  ap- 
pris à  connaître  comme  un  des  effets  des  lésions  irritatives 
des  nerfs  cutanés  et  qui  ne  s'observent  en  aucune  façon 
dans  les  cas  de  section  pure  et  simple  des  troncs  nerveux  (2). 
Les  affections  développées  spontanément  prêtent  à  des  con- 
sidérations identiques  :  tantôt  il  s'agit  d'une  carie  du  rocher; 
le  tronc  du  nerf  facial  baigne  dans  le  pus  où  il  est  enveloppé 
de  toutes  parts,  ainsi  que  cela  avait  lieu  dans  l'observation 
du  docteur  Erb,  par  une  gaine  épaisse  de  tissu  conjonctif 
nouvellement»  formé  (3)  ;  d'autres  fois,  le  nerf  est  comprimé 
par  une  tumeur  lentement  développée,  qui  a  dû,  pendant  un 
certain  temps,  irriter  les  fibres  nerveuses  avant  d'en  déter- 
miner l'aplatissement  complet.  Il  n'est  pas  jusqu'à  la  para- 
lysie dite  rhumatismale  ou  à  frigore  du  nerf  facial  qui  ne 
semble  devoir  être  rattachée  —  bien  que,  sur  ce  point, 
nous  ne  possédions  pas  encore  d'observations  positives,  — 
à  l'inflammation  de  la  gaine  conjonctive  du  tronc  ner- 
veux (4). 

Je  n'ignore  pas  que  les  sections  complètes  des  nerfs  se 
rencontrent  assez  fréquemment  dans  la  pratique  chirurgi- 


(1)  Duchenne  (de  Boulogne),  loc.  cit.,  obs.,  IX,  X. 

(2)  Voir,  entre  autres,  une  observation  rapportée  récemment  par  le  docteur 
Constantin  Paul  [Société  de  Thérapeutique,  séance  du  7  mai  1871,  in  Ga- 
zette médicale ,  p .  257,  n°  25,  1871).  —  «  L'un  des  troubles  de  nutrition  les 
plus  remarquables,  produits  par  les  lésions  de  nerfs,  est  l'émaciation  ou 
l'atrophie  des  muscles  desservis  par  ces  nerfs.  Cette  atrophie  peut  exister 
seule  ou  se  montrer  associée  à  d'autres  troubles  nutritifs  du  même  genre  oc- 
cupant la  peau  ou  ses  annexes.»  (Mitchell,  Morehouse  et  Keen.  —  Gunshot 
Wonnds,  etc.,  p.  69). 

(3)  Voir  :  P.  Brouardel.  —  Lésions  du  rocher,  carie,  nécrose,  et  des  corn," 
plications  qui  en  sont  la  conséquence.  Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  ana- 
tomique.  Paris,  1867. 

(4)  F.  Niemeyer.  —  Lehrbuck  der  Sjjcc.  Pathologie  wid  Thérapie.  7e  aufl. 
2Bd.  p.  365. 


48  LÉSIONS   IRRITATIVES   DES   NERFS. 

cale  ;  je  sais  aussi  qu'on  peut  voir  survenir,  en  pareille  cir- 
constance, l'atrophie  des  muscles  et  la  perte  de  la  contra c- 
tilité  électrique.  Mais  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  présenter 
beaucoup  de  faits  de  cet  ordre  dans  lesquels  on  ait  observé, 
dès  les  premiers  jours,  la  diminution  ou  la  perte  de  la 
contractilité  faradique  et,  dès  les  premières  semaines, 
V  atrophie  et  la  dé  génération  des  muscles.  Bien  que  j'aie 
entrepris  quelques  recherches  à  ce  sujet,  je  n'ai  pas  trouvé 
jusqu'ici  d'observations  incontestablement  douées  de  ce 
caractère. 

Nous  sommes  ainsi  conduits,  Messieurs,  à  faire  intervenir 
ici,  encore,  la  lumineuse  distinction  proposée  par  M.  Brown- 
Séquard  :  seule  l'irritation  des  nerfs  serait  capable  d'oc- 
casionner l'atrophie  rapide  et  hâtive  des  muscles,  précédée 
elle-même  de  la  diminution  ou  de  la  disparition  de  la 
contractilité  faradique.  La  division  complète  des  nerfs 
n'amène  V atrophie  et  la  perte  des  réactions  électriques 
qu'au  bout  d'un  temps  incomparablement  beaucoup  plus 
long,  à  V instar  du  repos  prolongé. 

Cela  étant  admis,  il  nous  faut  rechercher  actuellement, 
comment,  étant  donnée  la  lésion  irritative  des  troncs  ner- 
veux dont  nous  venons  de  reconnaître  l'existence, on  peut  en 
faire  dériver,  à  titre  de  conséquence  plus  ou  moins  directe, 
la  perte  rapide  de  la  contractilité  électrique,  l'atrophie  hâ- 
tive des  muscles  et,  en  un  mot,  toute  la  série  des  phéno- 
mènes que  dévoile  l'observation  clinique  dans  les  cas  qui 
nous  occupent. 

L'affaiblissement  ou  la  perte  de  la  contractilité  est,  vous 
le  savez,  après  la  paralysie  motrice  qui,  dans  la  grande  ma- 
jorité des  cas,  ouvre  la  marche,  le  premier  fait  qu'on  constate 
en  semblable  occurrence.  Quelques  auteurs  semblent  voir, 
dans  ce  phénomène,  une  conséquence  toute  simple  de  la 
perte  de  l'excitabilité  du  nerf,  laquelle  surviendrait  ici,  de 
très-bonne  heure  (vers  le  5°  jour),  comme  dans  le  cas  des 
sections  nerveuses,  et  se  rattacherait  elle-même  à  la  dégé- 
nération des  gaines  médullaires  au-dessous  du  point  lésé.  Il 


LÉSIONS  IRRITATIVES   DES   NERF^.  49 

paraît  certain  que  les  contractions  des  muscles,  déterminées 
par  l'électrisation,sont  plus  prononcées  lorsqu'on  peut  agir 
sur  eux  par  l'intermédiaire  des  nerfs  que  lorsque  l'exci- 
tation, par  suite  de  la  destruction  des  filets  nerveux,  ne  peut 
plus  porter  sur  la  substance  contractile  elle-même.  Mais, 
quoi  qu'il  en  soit,  si  l'opinion  à  laquelle  nous  faisons  allu- 
sion était  fondée,  l'affaiblissement  très-prononcé  ou  l'abo- 
lition apparente  de  la  contractilité  électrique,  survenant 
quelques  jours  après  l'opération,  devra  être  un  fait  constant 
à  la  suite  des  sections  de  nerfs,  puisqu'en  pareil  cas  le  bout 
périphérique  du  nerf  perd  toujours  son  excitabilité  au  bout 
de  cinq  ou  six  jours.  Or,  nous  savons  qu'il  n'en  est  pas 
ainsi.  D'un  autre  côté,  il  n'est  nullement  prouvé  que  les 
lésions  de  nerfs,  qui  produisent  la  perte  hâtive  de  la  con- 
tractilité électrique,  soient  toujours  assez  profondes  pour 
interrompre  complètement  la  continuité  des  fibres  nerveuses 
et  amener  la  destruction  du  cylindre  de  myéline.  On  pour- 
rait citer,  en  effet,  un  certain  nombre  de  faits  tendant  à 
démontrer  que  la  continuité  des  nerfs  persiste,  au  moins  à 
un  certain  degré,  à  la  suite  de  lésions  qui  cependant  déter- 
minent rapidement,  dans  les  muscles,  l'apparition  des 
troubles  trophiques  les  plus  prononcés. 

C'est  ainsi  qu'après  une  lésion  traumatique  portant  sur 
le  trajet  d'un  nerf,  on  voit  parfois  les  mouvements  persis- 
ter pendant  quelque  temps  et  ne  s'affaiblir  qu'alors  que  les 
lésions  trophiques  sont  survenues  dans  le  muscle  (1).  Il 
importe  de  remarquer,  d'ailleurs,  que  la  sensibilité  muscu- 
laire et  cutanée  se  maintient  souvent  à  un  degré  voisin 
de  l'état  normal,  dans  les  cas  de  lésions  d'un  nerf  mixte, 
alors  même  que  l'affaiblissement  rapide  de  la  contractilité 
électrique  et  l'atrophie  musculaire  consécutive,  sont  portées 
très-loin  ;  c'est  un  fait  que  MM.  Duchenne  (de  Boulogne)  (2), 


(1)  Voir  l'observation  citée  par  Duchenne  (de  Boulogne),  loc.  cit.,  p.  207. 

(2)  Dans  les  paralysies  consécutives  aux   lésions  traumatiques    des  nerfs 
mixtes,  les  troubles  fonctionnels  portent  moins  sur  la  sensibilité  des  muscles 

Charcot,  t.  1,  3°  éd.  h 


50  LEUR  MODE  D'INFLUENCE. 

Mitchell,  Morehouse  et  Keen  (1)  n'ont  pas  manqué  de  faire 
ressortir.  Est-il  vraisemblable  que,  dans  ces  cas,  les  fibres 
motrices  auront  subi  des  altérations  profondes,  tandis  que 
les  fibres  sensitives  entremêlées  avec  elles  dans  toute  l'é- 
paisseur du  nerf  auraient  seules  été  épargnées  ?  Mais  voici 
un  argument  en  quelque  sorte  plus  direct  :  à  la  suite  de 
certaines  affections  de  la  moelle  épinière,  telles  que  l'iié- 
matomyélie,  la  myélite  aiguë  centrale,  la  paralysie  infan- 
tile, affections  dans  lesquelles  la  lésion  initiale  occupe  plus 
particulièrement  la  substance  grise,  il  est  commun  de  voir 
se  produire,  comme  lorsqu'il  s'agit  de  lésions  irritatives  des 
nerfs,  une  diminution  ou  une  abolition  totale  de  la  contra  c- 
tilité  électrique,  dans  les  muscles  des  membres  frappés  de 
paralysie.  Ce  symptôme,  manifeste  déjà  quelques  jours 
après  le  début  de  la  maladie,  est  suivi  bientôt  d'une  atro- 
phie plus  ou  moins  prononcée  des  muscles.  Les  nerfs  mus- 
culaires ont  été  plusieurs  fois  examinés  en  pareil  cas  à  l'aide 
du  microscope  :  tantôt,  ils  offraient  les  caractères  de  l'état 
normal  ;  d'autres  fois,  ils  présentaient  à  un  certain  degré 
les  altérations  propres  à  la  dégénération  granulo-grais- 
seuse  ;  mais  alors  ces  altérations  ne  se  montraient  nulle- 
ment proportionnées,  quant  à  leur  .étendue  et  quant  à  leur 
intensité,  aux  troubles  musculaires.  Nous  reviendrons  ulté- 
rieurement sur  ce  fait  important. 

Vous  voyez  par  ce  qui  précède  que,  dans  mon  opinion, 
l'abolition  rapide  de  l'excitabilité  électrique  observée  à  la 
suite  de  la  lésion  d'un  nerf,  ne  saurait  être  rattachée  tout 
entière  à  l'altération  granulo-graisseuse  de  la  gaine  médul- 
laire et  à  la  perte  d'excitabilité  des  fibres  nerveuses  qui  se- 


que  sur  leur  contractilité  ;  ainsi  une  luxation  de  l'épaule  ayant  occasionné  la 
lésion  des  nerfs  qui  animent  le  bras,  l'avant-bras  et  la  main,  j'ai  vu  le  malade 
accuser  une  sensation  musculaire  assez  notable,  alors  même  que  ses  mus- 
cles ne  se  contractaient  pas  le  moins  du  monde  par  l'excitation  électrique  la 
plus  intense.  La  sensibilité  cutanée  est  encore  moins  affectée  que  la  sensi- 
bilité musculaire,  dans  ces  mêmes  lésions  nerveuses.  [Duchenne  (de  Boulo- 
gne), loc.  cit.,  p.  210]. 

(1)  Mitchell,  etc.,  loc.  cit.,  p.  97. 


ALTERATIONS  DE   LA  FIBRE   CONTRACTILE.  51 

raient  la  conséquence  de  cette  altération.  S'il  en  est  ainsi, 
il  devient  très-vraisemblable  que  le  phénomène  dont  il  s'agit 
est,  au  moins  en  partie,  le  résultat  d'un  changement  quel- 
conque survenu  dans  la  constitution  de  la  substance  con- 
tractile, sous  l'influence  de  l'irritation  transmise  jusqu'au 
faisceau  musculaire  primitif,  par  la  voie  des  dernières 
ramifications  nerveuses.  La  rapidité  avec  laquelle  se  pro- 
duirait ce  trouble  trophique  n'est  pas  un  argument  à  invo- 
quer contre  notre  hypothèse.  L'expérience  démontre,  en 
effet,  que  sous  l'influence  de  certaines  causes,  telles,  par 
exemple,  que  l'interruption  brusque  du  cours  du  sang  arté- 
riel, la  fibre  musculaire  peut  éprouver  plus  rapidement  en- 
core, —  après  quelques  heures  seulement,  —  une  modifica- 
tion fort  analogue,  sans  aucun  doute,  puisqu'elle  se  traduit 
également  par  l'abolition  de  la  contractilité  spécifique  du 
muscle  (1). 

A  en  juger  par  l'enchaînement  habituel  des  phénomènes 
révélés  par  l'observation  clinique,  cette  altération  de  la  fibre 
contractile,  manifestée  par  les  modifications  de  la  contrac- 
tilité électrique,  serait  le  précurseur  et  comme  le  premier 
terme  d'une  série  de  lésions  plus  profondes  qui  amènent 
graduellement  l'atrophie  du  muscle  et  entraînent  quelque- 
fois l'abolition  complète  et  définitive  de  ses  fonctions.  Des 
observations,  auxquelles  nous  avons  fait  allusion  déjà  et  sur 


(l)  «  J'ai  coupé  le  nerf  sciatique  d'un  côté  sur  deux  lapius  et  deux  cochons 
dinde.  Dix  jours  après  je  me  suis  aperçu  que  le  sciatique  coupé  ne  cau- 
sait plus  de  mouvements  quand  je  le  galvanisais.  Les  muscles  se  contractaient 
vivement  quand  j'appliquais  sur  eux  les  deux  pôles  delà  pile.  Cela  reconnu, 
j'ai  lié  l'aorte  derrière  l'origine  des  rénales,  et  trois  heures  après  j'ai 
essayé  de  nouveau  l'application  de  la  pile.  Il  n'y  a  eu  de  contractions  dans 
les  muscles  de  la  jambe  ni  quand  j'excitais  le  nerf,  ni  quand  j'excitais  direc- 
tement les  muscles.  J'ai  lâché  alors  la  ligature  ;  au  bout  de  très-peu  de 
temps,  les  muscles  sont  redevenus  irritables.  Le  nerf  sciatique  n'a  rien  re- 
trouvé de  sa  propriété  perdue.  Dans  cette  expérience,  les  muscles  de  la 
jambe,  après  avoir  complètement  perdu  leur  irritabilité,  ne  l'ont  recouvrée 
que  par  la  nutrition,  puisque  ni  les  centres  nerveux  ni  le  nerf  sciatique  ne 
pouvaient  la  leur  donner.  (Brown-Séquard.  —  Journal  de  Physiologie,  t.  II, 
p.  77,  1859). 


52  EXPERIENCES    DE   MM.    ERB,    ZIEMSSEN,  ETC. 

lesquelles  nous  reviendrons  par  la  suite,  semblent  montrer 
que  les  lésions  dont  il  s'agit  sont,  pour  une  bonne  partie, 
de  nature  irritative.  On  pourrait  être  tenté,  d'après  cela, 
suivant  les  errements  de  la  théorie  actuellement  en  vogue, 
de  considérer  ces  lésions  comme  la  conséquence  plus  ou 
moins  directe  d'une  paralysie  des  nerfs  vaso-moteurs  con- 
comitante de  la  paralysie  des  nerfs  moteurs  musculaires. 
Parmi  les  arguments  qu'on  peut  fait  valoir  contre  cette  ma- 
nière de  voir,  nous  nous  bornerons  à  faire  ressortir  que  les 
signes  nécessaires  de  la  paralysie  vaso-motrice,  —  la  ré- 
plétion  des  vaisseaux  sanguins  et  l'élévation  de  la  tempéra- 
ture locale,  —  ne  s'observent  que  très-exceptionnellement 
chez  les  sujets  qui,  à  la  suite  de  la  lésion  d'un  nerf,  présen- 
tent une  paralysie  avec  diminution  rapide  de  la  contractilité 
électrique. 

Des  faits  assez  nombreux  montrent,  au  contraire,  qu'en 
pareil  cas,  la  peau  est,  le  plus  souvent,  pâle,  anémiée,  en 
même  temps  que,  dès  l'origine,  la  température  locale  s'a- 
baisse manifestement  (1). 


IL 

Telle  était,  Messieurs,  la  solution  de  la  question  en  litige 
que  je  m'étais  donnée,  lorsque  vinrent  à  ma  connaissance 
des  recherches  nouvelles  faites  en  Allemagne  ;  les  résultats 
de  ces  recherches  où  de  nombreuses  expériences,  instituées 
chez  les  animaux,  sont  mises  en  parallèle  avec  les  faits  pa- 
thologiques, me  parurent,  au  premier  abord,  devoir  ruiner 
tout  l'édifice.  En  effet,  à  en  juger  d'après  les  conclusions 
formulées  par  les  auteurs,  l'opposition  entre  les  lésions  pas- 
sives et  les  lésions  irritatives  des  nerfs,  au  point  de  vue  de 


(l)  Duchenne  (de  Boulogne),  loc  cit.,  p.  234. —  Mitchell,  loc.  cit.,  p.  134. 
—  Folet.  Etude  sur  la  température  des  parties  paralysées.  Paris,  18G7, 
p.  7. 


EXPÉRIENCES    DE    MM.    ERB.    ZIEMSSE.V    ETC.  53 

leurs  effets  sur  la  contractilité  et  sur  la  nutrition  des  mus- 
cles, ne  serait  rien  moins  que  fondée.  Je  commencerai  par 
déclarer  que  les  expériences  auxquelles  je  fais  allusion, 
instituées  par  M.  Erb  (1868),  et  dans  le  même  temps,  bien 
que  d'une  manière  indépendante,  par  MM.  Ziemssen  et  0. 
Weiss,  paraissent  avoir  été  conduites  avec  le  plus  grand 
soin.  Nous  aurons  à  voir  si  elles  ont  bien  la  signification  qui 
leur  a  été  attribuée. 

Des  lésions  de  nerfs,  variées  —  écrasement,  ligature, 
section  dans  un  très-petit  nombre  de  cas  —  étant  produites 
sur  des  lapins,  il  s'agissait  d'observer  quotidiennement  les 
modifications  de  la  contractilité  électrique  qui  apparaissent 
du  côté  des  nerfs  et  du  coté  des  muscles,  sous  l'influence 
des  courants  continus  et  de  la  faradisation,  interrogés 
tour  à  tour.  L'électrisation  était  pratiquée  tantôt  à  tra- 
vers la  peau,  comme  on  le  fait  en  médecine,  tantôt  di- 
rectement, ainsi  qu'on  procède  en  physiologie.  M.  Erb 
s'était,  en  outre,  donné  pour  tâche  de  suivre,  autant  que 
possible,  jour  par  jour,  les  altérations  histologiques  qui 
correspondent  aux  changements  de  l'excitabilité  électrique. 

Examinons  en  premier  lieu  les  phénomènes  observés 
dans  ces  expériences  sur  les  nerfs  lésés.  Supposons  qu'on 
ait  blessé,  en  l'écrasant  à  l'aide  d'une  pince,  le  nerf  sciati- 
que  d'un  lapin.  La  lésion  peut  être  très-prononcée  ou  lé- 
gère. Est-elle  très-prononcée,  on  constate  une  perte  pres- 
que immédiate  de  l'excitation  électrique,  que  l'on  ait  recours 
à  la  faradisation  ou  au  galvanisme.  Lors  de  la  régénéra- 
tion du  nerf,  le  retour  de  l'excitabilité  est  lent  pour  le  bout 
central  ;  il  est  rapide,  au  contraire,  pour  le  bout  périphéri- 
que. La  lésion  est-elle  légère,  l'excitabilité  électrique  revient 
promptement  vers  le  bout  central,  jamais  elle  n'a  cessé 
d'exister  d'une  façon  complète  sur  le  bout  périphérique. 

Vous  voyez  que  ces  premiers  résultats  ne  s'éloignent  pas 
sensiblement  de  ceux  obtenus  dans  les  expériences  ancien- 
nes, puisqu'il  était  également  établi  par  ces  expériences  que 
le  nerf  coupé  perd  son  excitabilité  dès  les  premiers  jours. 


54  EXPÉRIENCES  DE  MM.    ERB,     ZIEMSSEN,    ETC. 

Etudions  maintenant  les  phénomènes  qui,  dans  les  nou- 
velles expériences,  sont  mis  en  évidence  par  l'exploration 
électrique  des  muscles.  Ici,  Messieurs,  les  résultats  s'éloi- 
gnent notablement  de  ceux  fournis  par  les  expériences  an- 
ciennes et  se  rapprochent  au  contraire  beaucoup  des  faits 
pathologiques. 

Ainsi,  l'exploration  faradique  fait  découvrir,  dès  les  pre- 
miers jours,  une  diminution,  et,  quelques  jours  plus  tard — 
cinq  à  quatorze  jours  dans  les  cas  intenses  —  la  perte  de  la 
contractilité. 

Ce  n'est  pas  tout.  L'exploration  galvanique  dénote,  elle 
aussi,  dans  les  premiers  jours,  un  affaiblissement  des  con- 
tractions musculaires  ;  mais,  à  partir  delà  fin  de  la  seconde 
semaine,  à  cet  affaiblissement  succède  une  exaltation  qui 
persiste  pendant  tout  le  temps  que  se  maintient  la  dépres- 
sion faradique,  et  qui  disparaît  à  son  tour  quand  la  faradi- 
sation  redevient  puissante. 

Les  lésions  musculaires  qui  correspondent  à  ces  modifi- 
cations de  la  contractilité  électrique  ont  été  étudiées  avec 
grand  soin  par  M.  Erb  ;  elles  méritent  à  beaucoup  d'égards 
de  porter  la  dénomination  de  cirrhose  des  muscles  proposée 
par  M.  Mantegazza  (1)..  Elles  rappellent  absolument  celles 
qu'a  signalées  M.  Erb  dans  les  cas  de  paralysie  faciale  qu'il 
a  observés  chez  l'homme. 

C'est  dans  le  tissu  conjonctif  interstitiel  que  se  montrent 
les  premiers  changements  ;  dès  la  première  semaine,  il  s'y 
accumule  de  nombreux  éléments  cellulaires,  arrondis,  rap- 
pelant le  tissu  de  granulation,  lesquels,  plus  tard,  prennent 
une  forme  allongée,  disparaissent  et  font  place  à  du  tissu 
conjonctif  ondulé.  Les  faisceaux  musculaires  ne  commen- 
cent à  présenter  d'altérations  que  vers  la  deuxième  se- 
maine. A  cette  époque,  on  peut  constater  déjà  que  le  dia- 
mètre de  ces  faisceaux  s'est  amoindri  ;  cette  atrophie  va 


(l)   Voir  la  note,  p.  'il. 


EXPÉRIENCES   DE   MM.    ERB,   ZIEMSSEN,   ETC.  55 

rapidement  en  progressant.  Cependant,  la  striation  trans- 
versale persiste  et  jamais  les  fibres  n'offrent  de  traces  des 
altérations  de  la  dégénération  granulo-graisseuse.  Par 
contre,  de  très-bonne  heure,  les  noyaux  du  sarcolemme 
se  multiplient  et  se  groupent  sous  forme  de  petits  agré- 
gats, en  même  temps  que  la  substance  contractile  offre  à 
divers  degrés  les  modifications  connues  sous  le  nom  de  dé- 
génération cireuse1. 

Tels  sont  les  phénomènes  signalés  à  la  suite  de  lésions 
de  nerf,  qui,  suivant  nos  auteurs,  équivaudraient  à  des 
sections  complètes.  Eh  bien!  je  n'hésite  pas  à  le  dire,  cette 
assimilation  est  loin  d'être  à  l'abri  de  la  critique.  Les  ré- 
sultats obtenus  par  M.  Erb  et  par  M.  Ziemssen  sont  relatifs 
à  des  conditions  comparables,  sans  aucun  doute,  à  celle  que 
la  pathologie  nous  offre,  mais  nullement  à  celles  que  l'on 
déterminait  dans  les  anciennes  expériences.  Rappelons,  en 
effet,  comment  ces  observateurs  ont  procédé  dans  la  grande 
majorité  des  cas.  Presque  toujours,  ils  appliquaient  sur  le 
nerf  une  ligature  plus  ou  moins  serrée,  ou  encore  ils  pro- 
duisaient, à  l'aide  d'une  pince,  un  écrasement  plus  ou 
moins  prononcé  du  nerf.  Or,  ne  sont-ce  pas  là  des  circons- 
tances suffisantes  déjà  pour  faire  présumer  que  l'irritation 
des  filets  nerveux  a  pu  intervenir  ici  comme  elle  intervient, 
suivant  nous,  dans  les  cas  pathologiques  ? 

Mais  il  ne  s'agit  pas  là  d'une  simple  présomption  :  l'exis- 
tence d'une  inflammation  occupant  non  seulement  le  voi- 
sinage des  points  soumis  à  l'écrasement,  mais  bien  toute 
la  longueur  de  la  partie  périphérique  du  neri'  lésé,  est  mise 
hors  de  doute  par  les  descriptions  même  du  docteur  Erb. 
C'est  le  névrilemme  surtout  qui  porte  les  caractères  du  pro- 
cessus inflammatoire  ;  dès  la  première  semaine,  des  élé- 
ments cellulaires  arrondis,  présentant  un  seul  noyau,  s'y 
montrent  accumulés  en  grand  nombre.  A  une  période  plus 
avancée,  une  couche  plus  ou  moins  épaisse  de  tissu  fibreux 
se  trouve  interposée  aux  libres  nerveuses  qui  ont  subi  les. 
diverses  phases  de  la  dégénération  granulo-graisseuse,  et. 


56  ÉCRASEMENT   ET    LIGATURE    DES   NERFS. 

en  conséquence,  le  cordon  nerveux  a  acquis  une  consis- 
tance qui  lui  permet  de  résister,  bien  plus  qu'à  l'état  nor- 
mal, à  la  dilacération. 

Il  nous  paraît  rationnel  d'admettre  que,  dans  ces  expé- 
riences, comme  dans  les  cas  relatifs  à  l'homme,  les  lésions 
irritatives  dont  les  nerfs  sont  le  siège  retentissent  jusque 
sur  les  muscles.  A  la  vérité,  il  peut  paraître  difficile  de 
concevoir  qu'un  nerf  ayant  subi  les  altérations  de  la 
dégénération  granulo-graisseuse  et#  privé  de  motricité, 
possède  encore  un  certain  degré  de  vitalité  ;  qu'il  soit  ca- 
pable, sous  l'influence  d'une  lésion  irrita tive,  de  réagir  sur 
la  fibre  musculaire  et  d'y  déterminer  des  troubles  trophiques. 
Il  y  a  lieu  de  faire  remarquer  à  ce  propos  que  l'irritation 
du  nerf  date  vraisemblablement  du  moment  même  où  il  a 
été  soumis  à  la  ligature  ou  à  l'écrasement.  Il  est  certain, 
d'un  autre  côté,  que  la  vitalité  est  loin  d'être  définitivement 
éteinte  dans  les  nerfs  complètement  séparés  du  centre  ner- 
veux, puisqu'ils  peuvent  se  régénérer  sans  qu'il  y  ait  réu- 
nion du  bout  périphérique  au  bout  central  (1).  D'ailleurs 
c'est  par  hypothèse  seulement  et  sans  preuve  directe  qu'on 
admet  que  les  tubes  nerveux,  dépouillés  du  cylindre  de 
myéline  et  réduits  au. cylindre  d'axe,  sont  dénués  de  toute 
espèce  de  propriété  vitale. 

Nous  ne  devons  pas  oublier,  toutefois,  que  la  ligature  et 
l'écrasement  du  nerf  ne  sont  pas  les  seuls  moyens  qui  aient 
été  mis  en  œuvre  dans  les  expériences  d'Erb  et  de  Ziems- 
sen.  Ces  auteurs  ont  aussi  pratiqué  des  sections  et  des  exci- 
sions de  nerf,  à  la  vérité  dans  un  nombre  de  cas  relative- 
ment très-restreint.  Us  admettent  que  les  résultats  sont 
toujours  identiques,  qu'il  s'agisse  de  la  section  complète  ou 
de  l'écrasement.  Mais  si  l'on  remonte  jusqu'aux  détails  des 
observations,  il  n'est  pas  difficile  de  reconnaître  que  cette 
conclusion  ne  saurait  être  admise  sans  réserve.  Nous  trou- 


(l)   Vulpian.  —   Système  nerveux,  loc.  cit.,  p.  269 


SECTION   ET    EXCISION   DES   NERFS.  oT 

vons  en  particulier  dans  le  travail  de  Ziemssen  un  chapitre 
qui,  cà  cet  égard,  est  tout-à-fait  significatif.  Il  s'y  agit  de  cas 
dans  lesquels  on  a  pratiqué  l'excision  du  nerf  sciatique 
dans  l'étendue  de  quelques  millimètres.  Or,  les  résultats 
obtenus  à  la  suite  d'une  telle  lésion  sont  bien  différents  de 
ceux  que  cet  auteur  et  M.  Erb  ont  observés  à  la  suite  de 
la  ligature  et  de  l'écrasement  du  nerf  ;  ils  se  rapprochent, 
à  beaucoup  d'égards,  des  faits  signalés  dans  les  expé- 
riences des  physiologistes  :  ainsi,  en  premier  lieu,  la  con- 
tractilité  électrique,  à  la  suite  de  l'excision,  diminue  d'une 
manière  progressive,  mais  très-lentement  ;  ce  n'est  qu'au 
bout  de  plusieurs  mois  qu'elle  paraît  abolie,  et  non  plus  du 
cinquième  au  quatorzième  jour,  comme  lorsqu'il  s'agissait 
de  l'écrasement.  En  second  lieu,  on  ne  rencontre  plus  ici 
cette  opposition  entre  les  effets  de  la  faradisation  et  ceux 
de  la  galvanisation  qu'on  remarquait  dans  le  cas  d'écra- 
sement et  qui  existe,  vous  ne  l'avez  pas  oublié,  dans  la 
plupart  des  faits  pathologiques  observés  chez  l'homme.  Les 
deux  modes  d'exploration  produisent,  au  contraire,  des 
effets  exactement  parallèles  :  la  contractilité  faradique  et 
la  contractilité  galvanique  s'affaiblissent  ensemble  et  en- 
semble se  reproduisent  avec  leur  intensité  première,  lors 
de  la  restauration  du  nerf  qui,  à  la  vérité,  se  fait  longtemps 
attendre  (1). 


(l)  Comparez  dans  le  mémoire  de  Ziemssen  et  Weiss  (loc.  cit.,  p.  589) 
l'observation  n°  II,  fig.  3,  qui  est  relative  à  un  cas  de  ligature  du  nerf  tibial 
antérieur  chez  le  lapin,  avec  l'observation  n°  II  (p.  593)  où  il  s'agit  de  l'exci- 
sion du  nerf  sciatique  également  chez  un  lapin.  Dans  le  premier  cas,  la  con- 
tractilité faradique  paraît  éteinte,  dès  le  12e  jour  après  l'opération  ;  par  con- 
tre, la  contractilité  galvanique  s'est  exaltée  dès  le  second  jour,et  elle  se  main- 
tient à  un  niveau  très-élevé  jusqu'au  moment  où  le  taux  de  la  contractilité 
faradique  se  rapproche  de  l'état  normal  (44e  jour).  Dans  le  second  cas,  au 
contraire,  la  contractilité  faradique  et  la  contractilité  galvanique  s'affaiblis- 
sent parallèlement  d'une  manière  progressive,  mais  très-lentement.  Elles 
cessent  d'être  manifestes  à  peu  près  simultanément,  seulement  vers  le  milieu 
du  3e  mois,  et  reparaissent  ensemble  quatre  mois  et  demi  environ  après 
leur  disparition.  Voici  d'ailleurs  dans  quels  termes  s'expriment  MM.  Ziems- 
sen et  O.  Weiss  à  propos  des  effets  de  l'excision  du  nerf  sciatique  :  «  Chez 


58  SECTION   ET  EXCISION  DES  NERFS. 

Si  je  ne  me  trompe,  on  peut  conclure  de  cet  exposé  que, 
quand  il  s'agit  de  la  section  complète  ou  de  l'excision  des 
nerfs,  les  observations  récentes  concordent,  pour  les  points 
essentiels,  avec  les  observations  anciennes.  D'un  autre  côté, 
les  résultats  obtenus  par  MM.  Erb  et  Ziemssen,  chez  les 
animaux  à  la  suite  de  l'écrasement  ou  de  la  ligature  des 
troncs  nerveux,  sont  comparables  aux  accidents  qui  se 
produisent  chez  l'homme,  en  conséquence  des  lésions  irri- 
tatives  des  nerfs  mixtes  ou  purement  moteurs. 

Or,  s'il  en  est  ainsi,  les  dissidences  que  nous  signalions 
au  début  de  cette  étude,  se  trouvent  aplanies,  et  par  suite, 
il  y  a  lieu  de  reconnaître,  à  propos  des  affections  des  mus- 
cles, la  distinction  fondamentale  entre  les  effets  de  f  ab- 
sence d'action  et  ceux  de  V action  morbide  du  système 
nerveux,  que  nous  avons  fait  valoir  déjà,  à  propos  des 
affections  cutanées  et  articulaires  (1). 


les  animaux  »  «  auxquels  cette  opération  avait  été  pratiquée  »  «  l'excitabilité 
galvanique  s'affaiblissait  progressivement,  et  cet  affaiblissement  n'était  pas 
précédé  par  un  stade  d'accroissement.  Il  marchait  lentement,  du  même  pas 
que  l'affaiblissement  de  l'excitabilité  farado-musculaire.  L'excitabilité  gal- 
vanique disparaissait  dans  la  seconde  moitié  du  3e  mois  pour  reparaître  vers 
le  7e  ou  le  8e  mois.  »  [Loc.  cit.,  p.  592  et  593.) 

(l)  Des  expériences  récentes  de  M.  Vulpian  [Archives  de  physiologie,  t.  IV, 
1871-1872,  p.  757,  758),  confirmatives  sur  presque  tous  les  points  de  celles  de 
MM.  Erb  et  Ziemssen,  établissent  que  les  effets  de  la  section  des  nerfs  pé- 
riphériques sur  les  propriétés  physiologiques  et  la  structure  des  muscles,  ne 
diffèrent  pas  essentiellement  de  ceux  que  détermine  l'application  des  divers 
moyens  d'irritation  —  écrasement  local,  ligature,  cautérisation  —  sur  ces 
mêmes  nerfs.  D'un  autre  côté,  les  observations  histologiques  de  MM.  Neu- 
mann  [Arch.  f.  Beilhmde,  Leipsig,  1868),  Ranvier  (Comptes-rendus  de 
V Académie  des  sciences,  30  décembre  1872),  Eichorst  (Virchotv's  Archiv,  1874, 
12  décembre),  ont  mis  hors  de  doute  que,  dans  l'extrémité  périphérique  du 
nerf  sectionné,  il  se  produit  constamment  des  altérations  (multiplication  des 
cellules  du  segment  inter-annulaire)  qui  révèlent  un  processus  irritatif. 
L'opposition  entre  les  effets  de  la  section  et  ceux  de  l'irritation  des  nerfs 
ne  saurait  plus  être,  d'après  cela,  maintenue  dans  les  termes  rigoureux  où 
elle  a  été  présentée  dans  cette  leçon.  (Note  de  la  2e  édition.) 


LESIONS  DE  LA  MOELLE   EPINIERE. 


TROUBLES  TROPÏÏIQUES  CONSÉCUTIFS  AUX  LÉSIONS 
DE  LA  MOELLE  ÉPINIÈRE. 


Les  lésions  irritatives  des  centres  nerveux,  comme  celles 
des  nerfs,  ont  le  pouvoir  de  produire  à  distance  des  trou- 
bles trophiques  dans  diverses  parties  du  corps.  Dans  l'ex- 
posé de  ces  altérations  consécutives  que  nous  allons  vous 
présenter,  nous  retrouverons,  à  quelques  nuances  prés, 
toute  la  série  des  affections  que  nous  avons  vues  se  mani- 
fester à  la  suite  des  lésions  des  nerfs  et  dont  l'histoire, 
déjà  connue,  facilitera  singulièrement  la  tâche  qu'il  nous 
reste  à  accomplir. 

D'une  façon  générale,  Messieurs,  on  peut  dire  que  la 
peau,  les  muscles,  les  articulations,  les  os,  les  viscères, 
enfin,  peuvent  devenir  le  siège  de  troubles  trophiques  va- 
riés, consécutivement  aux  lésions  de  la  moelle  épinière  et 
du  cerveau. 

Nous  traiterons  en  premier  lieu  des  affections  muscu- 
laires, puisque  l'étude  que  nous  venons  de  terminer  nous 
a  mis  sur  la  voie.  Les  considérations  que  nous  allons  déve- 
lopper relativement  à  ces  affections,  concernent  seulement 
les  lésions  de  la  moelle  et  du  bulbe,  car  il  est  au  moins  fort 
douteux  que  les  lésions  du  cerveau  proprement  dit  aient 
jamais  pour  résultat,  de  produire  directement  l'altération 
du  tissu  musculaire.  C'est  même  là,  nous  le  reconnaîtrons 
en  temps  et  lieu,  un  fait  de  la  plus  haute  importance. 

Lésions  musculaires  consécutives  aux  affections  de  la 
moelle  épinière.  —  Parmi  les  lésions  spinales  de  nature 
irritative,  il  en  est  qui  déterminent  très-rapidement  tous  les 
modes  d'altération  musculaire,  fonctionnels  ou  organiques, 
que  nous  avons  appris  à  connaître,   comme  conséquence 


60  MYOPATHIES   CONSÉCUTIVES. 

des  lésions  des  nerfs:  il  en  est  d'autres,  au  contraire,  dans 
lesquelles  la  contractilité  électrique  et  l'état  trophique  des 
muscles,  se  conservent  en  parfaite  intégrité  pendant  un 
laps  de  temps  relativement  considérable,  des  mois,  par 
exemple,  ou  même  parfois  des  années.  Le  muscle,  dans  ce 
dernier  cas,  ne  s'altère  qu'à  la  longue,  sous  l'influence  de 
l'inertie  fonctionnelle  à  laquelle  les  membres,  paralysés  du 
mouvement,  se  trouvent  condamnés.  A  ce  point  de  vue,  il 
y  a  lieu  d'établir,  parmi  les  maladies  spinales  irritatives, 
deux  groupes  bien  distincts,  que  nous  passerons  successi- 
vement en  revue. 

A.  Dans  le  premier  groupe,  nous  rangeons  celles  des  lé- 
sions irritatives  de  la  moelle  qui,  dans  la  règle,  ne  modi- 
fient pas  directement  la  nutrition  des  muscles.  Elles  ont 
un  caractère  commun  :  toutes  tendent  à  se  limiter  aux  fais- 
ceaux de  substance  blanche,  et  si,  parfois,  l'axe  gris  est  en- 
vahi, elles  respectent  la  région  des  cornes  antérieures,  ou 
épargnent  tout  au  moins  les  grandes  cellules  nerveuses 
multipolaires  qui  siègent  dans  cette  région.  Telles  sont  les 
diverses  formes  de  la  sclérose  fasciculée  :  que  celle-ci  soit 
protopathique  ou  au  contraire  consécutive  à  une  lésion  en 
foyer  du  cerveau  ou  de  la  moelle  épinière  ;  qu'elle  occupe 
exclusivement  soit  les  faisceaux  postérieurs,  soit  les  fais- 
ceaux latéraux,  ou,  simultanément,  ces  deux  ordres  de 
faisceaux,  tant  que  la  condition  expresse  qui  vient  d'être 
signalée,  à  savoir  l'intégrité  des  grandes  cellules  nerveu- 
ses,se  trouve  remplie,  les  lésions  dont  il  s'agit  peuvent 
atteindre  leur  plus  haut  degré  de  développement,  envahir, 
par  exemple,  les  faisceaux  blancs  dans  toute  leur  épais- 
seur et  dans  toute  leur  étendue  en  hauteur ,  sans  que  les 
muscles,  animés  par  les  nerfs  issus  des  points  lésés  de  la 
moelle,  souffrent  directement  clans  leur  nutrition  (1). 


(1)  Charcot  et  Jofïïoy.  —  Deux  cas  d'atrophie  musculaire  progressive  avec 
lésion  de  la  substance  grise  et  des  faisceaux  antéro-latéraux  de  la  moelle  épi- 
nière,  in  Archives  de  Physiologie,  t.  II,  p.  635. 


MYOPATHIES   CONSECUTIVES. 


61 


Le  tableau  changerait  nécessairement  si,  dépassant  les 
limites  qui  lui  sont  habituellement  assignées,  le  processus 
irritatif  venait  à  s'étendre  des  faisceaux  blancs  aux  cornes 
antérieures  de  la  substance  grise  ;  alors  on  pourrait  voir 
survenir,  en  conséquence  de  la  participation  des  cellules 
motrices,  une  atrophie  plus  ou  moins  rapide  et  plus  ou 
moins  prononcée  des  muscles.  C'est,  ainsi  que  je  l'ai  fait 
voir  (1),  d'après  ce  mécanisme  ,  que  les  symptômes  de  la 
paraljrsie  générale  spinale  ou  de  l'amyotrophie  progressive 
se  surajoutent  quelquefois  aux  symptômes  classiques  de  la 
sclérose  des  cordons  latéraux,  etc.  Tout  récemment  encore 
nous  avons  observé  plusieurs  faits  de  ce  genre,  où  il  nous  a 
été  donné  de  reconnaître  nécroscopiquement,  de  la  manière 
la  plus  nette,  l'altération  des  cellules  nerveuses  à  laquelle 
doit  être  rattachée,  suivant  moi,  la  lésion  trophique  des 
muscles  (2) . 


(1)  Charcot  et  Joffroy,  loc.  cit.,  p.  354. 

(2)  Voir,   entre   autres,  le  fait   récemment  publié  par  un  de  mes  élèves, 
M.  Pierret.  —  Sur  les  altérations  de  la  substance  grise  de  la  moelle  épinière 


Fig.  1.  —  Cette  figure  est  relative  au  cas  publié  par  M.  Pierret  et  résumé  ci-après. 
Elle  représente  une  coupe  transversale  de  la  moelle  épinière  fiite  dans  le  renfle- 
ment lombaire.  A,  Racines  postérieures.  B,  faisceaux  radiculaires  internes  traversant 
l'aire  des  cordons  postérieurs.  On  voit  la  sclérose  limitée  dans  les  cordons  posté- 


62  MYOPATHIES  CONSÉCUTIVES. 

La  sclérose  en  plaques  disséminées  (1)  les  scléroses 
diffuses,  reconnaissent  la  même  règle.  On  peut  en  dire 
autant  des  myélites  partielles  primitives  ou  de  celles  que 
détermine  la  compression  exercée  par  une  tumeur,  par  le 
mal  vertébral  de  Pott,  etc.  Ces  diverses  affections  n'ont 


rieurs  au  parcours  de  ces  faisceaux.  A  droite,  le  processus  phlegmasique  s'est 
étendu  ensuivant  le  trajet  des  faisceaux  radiculaires,  jusqu'à  la  corne  antérieure 
droite,  C.  Cette  corne  a  subi,  dans  tous  ses  diamètres,  une  réduction  très-mani- 
feste ;  de  plus,  le  groupe  externe  des  cellules  motrices  a  complètement  disparu  et 
l'on  voit  à  sa  place  un  tissu  dense,  opaque,  d'apparence  rlbroïde  et  parsemé  de 
nombreux  myélocytes. 

dans  Vataxie  locomotrice  considérées  dans  leurs  rapports  avec  l'atrophie  mus- 
culaire qui  complique  quelquefois  cette  affection.  In  Archives  de  Physiolo- 
gie, etc.,  t.  III,  p.  599.  Dans  ce  cas,  le  travail  phlegmasique  s'était  étendu  des 
cordons  postérieurs  à  la  corne  antérieure  de  substance  grise  du  côté  droit  en 
suivant  la  voie  des  faisceaux  radiculaires  internes  du  côté  correspondant. 
L'atrophie  musculaire  consécutive  était  exactement  limitée  aux  membres 
droits.  (Voir  la  Fig.  1.) —  Voici  maintenant  l'exposé  sommaire  d'un  cas  qui 
montre  bien  par  quel  mécanisme  la  sclérose  fasciculée  consécutive  unilatérale 
peut,  en  s'étendant  à  la  substance  grise,  déterminer   l'atrophie  musculaire. 

Une  femme,  âgée  d'environ  70  ans,  avait  été  frappée  d'hémiplégie  gauche 
consécutivement  à  la  formation  d'un  foyer  sanguin  dans  l'hémisphère  céré- 
bral droit.  Les  membres  du  côté  paralysé,  qui,  de  très-bonne  heure,  avaient 
été  pris  de  contracture,  commencèrent  à  diminuer  de  volume,  deux  mois  à 
peine  après  l'attaque.  L'atrophie  musculaire  était  uniformément  répandue 
sur  toutes  les  parties  des  membres  paralysés  ;  elle  s'accompagnait  d'une  di- 
minution très-notable  de  la  contractilité  électrique  et  progressa  rapidement. 
Dans  le  temps  même  où  l'atrophie  se  prononçait,  la  peau  des  membres  du 
côté  gauche  présenta,  sur  tous  les  points  soumis  à  la  plus  légère  pression, 
des  bulles  qui  bientôt  firent  place  à  des  eschares.  A  l'autopsie,  nous  re- 
connûmes, sur  des  coupes  durcies  de  la  moelle,  que  la  sclérose  fasciculée 
descendante  du  cordon  latéral  gauche,  s'était  propagée  à  la  corne  antérieure 
de  la  substance  grise  du  côté  correspondant  et  y  avait  déterminé  l'atrophie 
d'un  certain  nombre  de  cellules  motrices. 

(l)  Chez  une  femme  atteinte  de  sclérose  multiloculaire  cérébro-spinale, 
que  nous  avons  observée  il  y  a  quelques  années,  l'une  des  plaques  sclé- 
reuses  avait  envahi,  vers  le  milieu  de  la  région  cervicale,  la  presque  totalité 
de  la  substance  grise  de  la  moelle,  dans  une  certaine  étendue  en  hauteur,  et 
plus  particulièrement,  les  cornes  antérieures.  Les  cellules  nerveuses  pré- 
sentaient à  ce  niveau,  pour  la  plupart,  des  lésions  atrophiques  profondes  ; 
bon  nombre  d'entre  elles  avaient  même  disparu  sans  laisser  de  traces.  Chez 
cette  femme,  les  mains  avaient  offert  la  déformation  connue  sous  le  nom  de 
griffe;  les  muscles  des  éminences  thénar  et  hypothénar,  les  interosseux 
étaient  atrophiés  :  les  avant-bras  présentaient  également  une  atrophie  très- 
marquée,  limitée  à  certains  groupes  de  muscles. 


MYOPATHIES  CONSÉCUTIVES.  63 

pas  d'influence  directe  sur  la  nutrition  des  muscles  tant 
qu'elles  n'intéressent  pas  le  système  des  cellules  nerveuses 
motrices.  On  ne  conçoit  guère  d'exception  que  pour  le  cas, 
d'ailleurs  assez  rare,  où  la  lésion,  bien  que  circonscrite  aux 
cordons  blancs,  occuperait  la  partie  de  ces  cordons  que  tra- 
versent les  faisceaux  de  tubes  nerveux  d'où  émanent  les 
racines  antérieures.  Pour  peu  que  ces  faisceaux  prissent 
part  à  l'altération,  il  se  produirait  là,  nécessairement, 
l'équivalent  d'une  lésion  affectant  les  nerfs  périphéri- 
ques (1). 

B.  Le  second  groupe  comprendra  les  affections  de  la 
moelle  épinière  qui  ont  pour  conséquence,  à  peu  près  iné- 
vitable, de  déterminer  des  troubles  plus  ou  moins  profonds 
dans  la  nutrition  des  muscles.  Ce  groupe  comporte  deux 
sous-divisions  : 

1°  La  première  est  relative  aux  lésions  en  foyer  ou  dif- 
fuses, à  marche  aiguë  ou  subaiguë,  qui  intéressent,  dans 
une  grande  étendue  en  hauteur,  à  la  fois  la  substance 
blanche  et  la  substance  grise,  mais  prédominant  cependant, 


(l)  A  propos  des  myélites  partielles,  soit  protopathiques,  soit  déterminées 
par  le  voisinage  d'une  tumeur,  il  y  a  lieu  de  présenter  la  remarque  suivante: 
Elles  siègent  le  plus  communément  sur  un  point  de  la  région  dorsale  de  la 
moelle  épinière  qu'elles  occupent  dans  une  très-petite  étendue  en  hauteur.  Il 
résulte  de  cette  disposition  que  si,  d'une  façon  primitive  ou  par  suite  de 
l'extension  concentrique  du  processus  morbide,  les  cornes  antérieures  de  la 
substance  grise  se  trouvent  intéressées,  les  lésions  musculaires  qui  sont  la 
conséquence  de  cette  participation  de  l'axe  gris,  resteront  limitées  à  certaines 
régions  très-circonscrites  du  thorax  ou  de  l'abdomen  même  et  pourront  ne  se 
révéler  pendant  la  vie,  par  aucun  symptôme  appréciable.  Toujours  la  nutri- 
tion des  muscles  des  membres  est,  à  moins  de  complication,  parfaitement 
indemne  lorsque  la  myélite  partielle  affecte  le  siège  qui  vient  d'être  indiqué. 
Il  en  serait  tout  autrement  dans  le  cas  où  un  foyer  de  myélite,  même  très- 
circonscrit,  occuperait  certaines  parties  du  renflement  cervical  ou  du  renfle- 
ment lombaire.  Les  lésions  musculaires  qui  pourraient  survenir  consécuti- 
vement à  l'envahissement  des  cornes  antérieures  de  la  substance  grise,  sié- 
geraient alors  dans  les  membres  et  se  traduiraient  par  des  troubles  fonction- 
nels et  par  des  modifications  dans  la  forme  des  parties  qui  ne  resteraient  pas 
longtemps  inaperçues.^ 


64  MYOPATHIES  CONSÉCUTIVES. 

en  général,  dans  celle-ci.  Elles  sont  habituellement  suivies 
de  modifications  profondes  de  la  contra ctili té  électrique,  et 
d'une  atrophie  à  développement  rapide  de  la  fibre  muscu- 
laire. —  Je  citerai,  en  premier  lieu,  la  myélite  aiguë  cen- 
trale. Lorsqu'elle  est  quelque  peu  généralisée  et  qu'elle  oc- 
cupe, par  exemple,  une  bonne  partie  du  renflement  dorso-lom- 
baire;  la  diminution  hâtive  de  la  contractilité  électrique  des 
muscles  des  membres  inférieurs  est  un  symptôme  qui  ne 
lui  fait  peut-être  jamais  complètement  défaut.  M.  Mannkopf 
a  vu,  dans  un  cas  de  ce  genre,  la  contractilité  électrique, 
déjà  notablement  modifiée,  sept  jours  après  le  début  des 
premiers  accidents  (1).  Quand  les  malades  ne  sont  pas  en- 
levés trop  rapidement,  on  peut  suivre  le.  développement 
des  phénomènes  corrélatifs  :  l'atrophie  des  masses  muscu- 
laires s'accuse  bientôt  ;  les  lésions  histologiques  des  fais- 
ceaux primitifs  deviennent  prompte  ment  appréciables. 
D'après  MM.  Mannkopf  (2)  et  Engelken  (3),  ces  lésions  sont 
remarquables  surtout  par  la  prolifération  des  noyaux  du 
sarcolemme.  En  somme,  elles  portent  la  marque  d'un  pro- 
cessus irritatif.  La  dégénération  graisseuse  des  faisceaux 
primitifs  est  là,  encore,  un  fait  exceptionnel.  Quant  aux 
nerfs  qui  se  rendent  aux  muscles  affectés,  examinés  plu- 
sieurs fois  par  M.  Mannkopf,  tantôt  ils  ont  été  trouvés  sains, 
tantôt  ils  ne  présentaient  que  des  altérations  relativement 
légères  et  nullement  en  rapport  d'intensité  avec  les  lésions 
des  muscles  (4). 

L'apoplexie  spinale  [hêmatomyèlie)  doit  être  mentionnée 
en  second  lieu.  Il  s'agit  là  d'une  affection  qui,  au  point  de 
vue  de  la  pathogénie  et  de  l'anatomie  pathologique,  diffère 
essentiellement  de  l'hémorrhagie  intra-encéphalique  vul- 
gaire ;  car,  d'ordinaire,  dansl'hématomyélie,  l'épanchement 


(1)  Mannkopf. —  Amtlicher  Bericht  iïber  die  Versammlung  Deustcher  Na- 
turforscher  und  Aerzte  zu  Hannover,  p.  251.  Hannover,  1866. 

(2)  Loc.  cit. 

(3)  H.  Engelken. — Beitrâge  zurPatholog.  der  aruten  Myelitis.  Zurich,  1867. 

(4)  Voir  à  ce  sujet  ce  qui  a  été  dit  dans  la  présente  leçon,  p.  41. 


LESIONS   DES  CELLULES  NERVEUSES  MOTRICES.  Go 

s'opère  au  sein  de  tissus  déjà  préalablement  modifies  par  un 
travail  inflammatoire.  Le  sang  se  répand  surtout  dans  l'axe 
gris,  qu'il  envahit  assez  souvent  dans  la  plus  grande  partie 
de  sa  longueur.  Lorsqu'il  en  est  ainsi,  la  diminution  ou 
même  l'abolition  de  la  contractilité  électrique,  survenant 
hâtivement  dans  les  muscles  des  membres  frappés  de  para- 
lysie, est  un  symptôme  qui  parait  constant.  Il  a  été  constaté 
quatorze  jours  après  le  développement  des  premiers  acci- 
dents, dans  un  cas  de  Levier  (1);  le  jour  même  de  l'attaque 
dans  un  cas  de  Colin  (?)  ;  dès  le  neuvième  jour  dans  un  fait 
rapporté  par  Duriau  (2).  L'apoplexie  spinale  est  une  affec- 
tion en  général  rapidement  mortelle  ;  elle  n'a  pas  encore 
fourni  l'occasion  de  constater  la  lésion  histologique  des 
faisceaux  primitifs  et  l'atrophie  des  masses  musculaires  qui 
ne  manqueraient  sans  doute  pas  de  se  produire,  si  la  vie  se 
prolongeait. 

C'est  vraisemblablement,  Messieurs,  en  produisant  une 
irritation  de  la  moelle  épinière  qui,  partielle  d'abord,  tend 
bientôt  à  se  généraliser,  que  les  fractures  et  les  luxations 
de  la  colonne  vertébrale  peuvent  avoir  pour  effet  de  dé- 
terminer, ainsi  que  l'a  observé  M.  Duchenne  (de  Boulogne), 
une  prompte  diminution  de  la  contractilité  électrique  dans 
les  muscles  des  membres  paralysés  (3). 

2°  Les  affections  qui  composent  la  seconde  catégorie  re- 
lèvent de  lésions  plus  délicates  ;  ces  lésions,  en  effet,  sont 
limitées  d'une  façon  pour  ainsi  dire  systématique  à  la  subs- 
tance grise  des  cornes  antérieures  dont  elles  envahissent 


(1)  Levier.  — Beitrâge  zur  Pathologie  der  RûckenmarJisapoplexie.  Inau- 
guraldisscrtation.  Bern,  1864. 

(2)  Duriau    —  Union  médicale,  t.  I,  1859,  p.  308. 

(3)  Voir  Duchenne  (de  Boulogne).  —  Obs.  p.  246,  loc.  cit.  :  fracture  de 
la  colonne  vertébrale  vers  le  milieu  de  la  région  dorsale. —  Moelle  épinière 
ramollie  dans  l'étendue  de  plusieurs  pouces,  au  niveau  de  la  région  dorso- 
lombaire.  —  Affaiblissement  de  la  contractilité  électrique  dès  le  sixième  jour 
après  l'accident. 

Charcot,  t.  i,  3e  éd.  5 


66 


LESIONS    DES   CELLULES   NERVEUSES  MOTRICES. 


rarement  toute  retendue  ;  on  les  voit  se  localiser,  souvent 
assez  exactement,  dans  l'espace  ovalaire  très-circonscrit 
qu'occupe  un  groupe  ou  agrégat  de  cellules  motrices  [Fig.  2). 


I 


F^.  2.  —  Coupe  de  la  moelle  faite  à  la  région  lombaire.  —  A,  corne  antérieure  gau- 
che, saine.  —  a,  noyau  ganglionnaire  sain.  —  B,  corne  antérieure  droite,  malade. — 
b,  noyau  ganglionnaire  médian  dont  les  cellules  sont  détruites  et  qui  est  représenté 
par  un  petit  foyer  de  sclérose. 

La  névroglie,  dans  les  points  altérés,  devient  d'habitude 
plus  opaque,  plus  dense,  parsemée  de  nombreux  myélocy tes 
et  porte,  par  conséquent,  les  marques  d'un  travail  inflam- 
matoire. En  même  temps,  les  cellules  nerveuses  présentent 
divers  degrés  et  divers  modes  de  dégénération  atrophique. 
Mais  quels  ont  été  les  éléments  affectés  en  premier  lieu? 
Tout  porte  à  croire  que  ce  sont  les  cellules  nerveuses.  On 
comprendrait  difficilement,  en  effet,  que  l'altération  pût  se 
montrer  étroitement  localisée  dans  le  voisinage  des  cellules 
si  elle  avait  son  point  de  départ  dans  la  névroglie.  Il  est  des 


LÉSIONS    DES   CELLULES   NERVEUSES   MOTRICES.  67 

cas  d'ailleurs,  où  l'atrophie  d'un  certain  nombre,  voire 
même  d'un  groupe  tout  entier,  de  cellules  nerveuses,  est  la 
seule  altération  que  l'examen  histologique  permette  de 
constater,  la  trame  conjonctive  ayant,  dans  ces  points-là, 
conservé  la  transparence,  et,  à  peu  de  chose  près,  tous  les 
caractères  de  la  structure  normale.  Il  est,  de  plus,  d'autres 
cas  non  moins  significatifs  où  les  lésions  de  la  névroglie  se 
montrent  beaucoup  plus  accusées  vers  les  parties  centrales 
d'un  agrégat  de  cellules  nerveuses,  que  dans  les  parties  pé- 
riphériques, beaucoup  plus  accentuées  également  au  voisi- 
nage immédiat  des  cellules  que  dans  les  intervalles  qui  les 
séparent,  de  telle  sorte  que  ces  dernières  paraissent  comme 
autant  de  centres  ou  foj'ers,  d'où  le  processus  inflamma- 
toire aurait  rayonné,  à  une  certaine  distance,  dans  toutes 
les  directions.  On  ne  saurait  admettre,  d'un  autre  côté,  que 
l'irritation  se  soit  originellement  développée  sur  les  parties 
périphériques  et  qu'elle  ait  remonté  jusqu'aux  parties  cen- 
trales par  la  voie  des  racines  antérieures  des  nerfs,  car  ces 
dernières,  en  général,  ne  présentent,  au  niveau  des  points 
altérés  de  la  moelle  épinière,  que  des  lésions  relativement 
minimes  et  nullement  proportionnées,  quant  à  l'intensité, 
aux  lésions  de  la  substance  grise.  Il  parait  évident,  d'après 
tout  ce  qui  précède,  que  les  cellules  nerveuses  motrices  sont 
bien  réellement  le  siège  primitif  du  mal.  Le  plus  souvent, 
le  travail  d'irritation  gagne  ensuite,  secondairement,  la  né- 
vroglie et  s'étend  de  proche  en  proche  aux  diverses  régions 
des  cornes  antérieures;  mais  cela  n'est  nullement  néces- 
saire ;  à  plus  forte  raison,  faut-il  considérer  comme  un  fait 
consécutif  et  purement  accessoire,  l'extension,  observée  dans 
certains  cas,  du  processus  morbide  aux  faisceaux  antéro- 
latéraux,  dans  le  voisinage  immédiat  des  cornes  antérieures 
■de  la  substance  grise  (1). 


(l)  Les  vues  qui  viennent  d'être  émises  relativement  au  rôle  de  l'altération 
des  cellules  nerveuses,  dites  motrices,  dans  la  pathogénie  de  l'atrophie  mus- 
culaire progressive,  de  la  paralysie   infantile,  de  la  myélite  aiguë  centrale, 


68  PARALYSIE  INFANTILE   SPINALE. 

La  paralysie  infantile  spinale  est,  quant  à  présent,  le 
type  le  plus  parfait  des  affections  qui  forment  cette  caté- 
gorie. Les  nombreuses  recherches  dont  les  lésions  spinales 
auxquelles  elles  se  rattachent  ont  été  l'objet,  dans  ces  der- 
niers temps,  en  France,  concordent  toutes  à  signaler 
comme  un  fait  essentiel,  l'altération  profonde  d'un  grand 
nombre  de  cellules  motrices,  dans  les  régions  de  la  moelle 
d'où  émanent  les  nerfs  qui  se  rendent  aux  muscles  para- 
lysés (1).  Dans  le  voisinage  des  cellules  atrophiées,  le  ré- 
seau conjonctif  présente,  à  peu  près  toujours,  les  traces 
manifestes  d'un  processus  inflammatoire.  D'après  l'ensemble 
des  phénomènes,  on  est  conduit  à  admettre,  comme  une 
hypothèse  très-vraisemblable,  que,  dans  la  paralysie  infan- 
tile spinale,  un  travail  d'irritation  suraiguë  s'empare  tout 
à  coup  d'un  grand  nombre  de  cellules  nerveuses  et  leur 
fait  perdre  subitement  leurs  fonctions  motrices.  Quelques 
cellules,  légèrement  atteintes,  récupéreront  quelque  jour 
leurs  fonctions  et  cette  phase  répond  à  l'amendement  des 
symptômes  qui  se  produit  toujours  à  une  certaine  époque 
de  la  maladie,  mais  d'autres  ont  été  plus  gravement  com- 
promises et  l'irritation  dont  elles  étaient  le  siège  s'est  trans- 
mise par  la  voie  des  nerfs  jusqu'aux  muscles  paralysés  qui, 
en  conséquence,  ont  subi  des  lésions  trophiques  plus  ou 


et  en  général  de  toutes  les  amyotrophies  de  cause  spinale,  ont  été  exposées 
dans  une  leçon  que  j'ai  faite  à  La  Salpétrière,  en  juin  1868. —  Comparez  : 
Hayem.  Archiv.  de  Physiologie,  1869,  p,  263.  —  Charcot  et  Joffroy,  id., 
p.  756. —  Duchenne  (de  Boulogne)  et  Joffroy,  id.,  1870.  —  Ces  vues  ont 
été  utilisées  dans  l'ouvrage  récent  de  M.  Hammond  :  A.  Treatise  on  Diseases 
of  the  nervous  System.  Sect.  IV.  Diseases  of  Nerve  Cells.,  p.  683.  New- 
York,  1871. 

(l)  Sur  l'atrophie  des  cellules  nerveuses  motrices,  dans  la  paralysie  in- 
fantile, consultez  :  Prévost,  in  Comptes  rendtts  de  la  Société  de  Biologie, 
1866,  p.  215.  —  Charcot  et  Joffroy.  Cas  de  paralysie  infantile  spinale,  avec 
lésions  des  cornes  antérieures  de  la  substance  grise  de  la  moelle  épinière,  in 
Archiv.  de  Physiolog.,  p.  135,  1870,  pi.  V  et  VI. —  Parrot  et  Joffroy,  id., 
p.  309.  —  Vulpian,  id.,  p.  316.  —  H.  Roger  et  Daraaschino.  Recherches 
anatomiques  sur  la  paralysie  spinale  de  l'enfance.  [Gaz.  médicale,  n°*  41, 
43  et  suiv.,  1871).  (Voir  Fig.  2). 


ATROPHIE   MUSCULAIRE    PROGRESSIVE.  69 

moins  profondes  (1).  Quoi  qu'il  en  soit,  on  sait  que  la  di- 
minution ou  la  perte  même  de  la  contractilité  faradique 
peut  être  constatée,  sur  certains  muscles,  cinq  ou  six  jours 
à  peine  après  la  brusque  invasion  des  premiers  symptômes. 
L'émaciation  des  masses  musculaires  marche  d'ailleurs 
avec  rapidité  et  devient  bientôt  manifeste.  L'atrophie 
simple  des  faisceaux  primitifs  avec  conservation  de  la 
striation  en  travers,  et,  sur  quelques  faisceaux  isolés,  les 
marques  d'une  prolifération  plus  ou  moins  active  des 
noyaux  du  sarcolemme,  telles  sont  les  altérations  que  l'é- 
tude histologique  fait  reconnaître  dans  les  muscles  lésés. 
La  surcharge  graisseuse  qui  s'observe  quelquefois,  dans  les 
cas  très-anciens,  parait  être  un  phénomène  purement  acci- 
dentel (2). 

L'atropJlie  musculaire  progressive  offre  à  étudier  l'atro- 
phie irritative  des  cellules  motrices  dons  son  mode  chro- 
nique (3).  Il  ne  s'agit  plus  ici  d'un  processus  d'irritation 
suraiguë  envahissant  les  cellules  nerveuses  tout  à  coup  et 
en  grand  nombre  :  celles-ci  sont  affectées  successivement, 
une  à  une,  d'une  façon  progressive;  bon  nombre  d'entre 
elles  sont  épargnées,  même  dans  les  régions  le  plus  pro- 
fondément atteintes,  jusque  vers  les  périodes  ultimes  de  la 
maladie.  Le  développement  des  lésions  musculaires  répond 
à  ce  mode  d'évolution  des  lésions  spinales.  Ainsi,  il  est  rare 


(1)  Voir  Charcot  et  Joffroy,  loc.  cit. 

(2)  Charcot  et  Joffroy,  loc.  cit.  —  Vulpian,  loc.  cit. 

(3)  Voir  sur  l'atrophie  des  cellules  motrices  dans  l'atrophie  musculaire 
progressive  •.  Luys,  Société  de  Biologie,  1860.  —  Duménil  (de  Rouen), 
Atrophie  musculaire  graisseuse  progressive,  histoire,  critique.  Rouen,  1867. — 
Nouveaux  faits  relatifs  à  la  pathogénie  de  l'atrophie  musculaire  progressive, 
in  Gazette  hebdom.,  Paris,  1867.  —  L.  Clarke.  On  a  case  ofmuscular  Atro- 
phg,  etc.  British  and  foreign  tnedico-Chirurgical  Bevietv,  July  1872.  —  A 
case  of  muscular  Atrophg,  etc.,  in  Beale's  Archiv.,  t.  IV,  1867.  —  On  a 
case  ofmuscular  Atrophg,  in  Medico-chir.  Trans.,  t.  IV,  1867. —  0.  Schup- 
pel.  Ueber  Hgdromyelus,  in  Archiv  der  Heilkunde.  Leipzig,  186j,  p.  289.  — 
Hayem,  in  Archiv.  de  Physiologie,  1869,  p.  263,  pi.  7. —  Charcot  et  Joffroy, 
in  Archiv.  de  Physiologie,  1869,  p.  355. 


iO  PARALYSIE   GENERALE    SPINALE. 

que  les  troubles  trophiques  portent  simultanément  sur  tous 
les  faisceaux  primitifs  d'un  muscle  ;  il  en  résulte  que  celui- 
ci  pourra  répondre  tant  bien  que  mal  aux  ordres  de  la  vo- 
lonté et  se  contracter  encore  sous  l'influence  des  excitations 
électriques,  alors  que  son  volume  sera  déjà  très-notable- 
ment réduit  (1). 

Il  existe  d'ailleurs  au  moins  deux  formes  bien  distinctes 
de  l'amyotrophie  progressive  liée  à  une  lésion  irritative 
des  cellules  motrices.  L'une,  protopathique,  relève  exclu- 
sivement de  la  lésion  en  question  et  celle-ci,  développée 
primitivement  en  conséquence  d'une  disposition  originelle 
ou  acquise,  tend  fatalement  à  se  généraliser.  Dans  l'autre 
forme,  sur  laquelle  nous  appelions  votre  attention,  il  n'y  a 
qu'un  seul  instant,  la  cellule  nerveuse  n'est,  au  contraire, 
affectée  que  secondairement,  consécutivement  à  une  lésion 
des  faisceaux  blancs,  par  exemple,  et  pour  ainsi  dire  d'une 
manière  accidentelle.  L'amyotrophie,  à  marche  progressive 
dans  ce  second  cas,  peut  être  dite  symptomatique  ;  elle  a 
moins  de  tendance  à  se  généraliser  et  son  pronostic  est  cer- 
tainement moins  sombre  (2). 

Relativement  à  la  paralysie  spinale  de  V adulte  et  à  la 
paralysie  générale  spinale  (Duchenne,  de  Boulogne),  l'a- 
natomie  pathologique  n'a  pas  encore  prononcé  d'une  ma- 
nière définitive.  Mais,  à  en  juger  par  les  symptômes,  il  est 
au  moins  fort  probable  que  ces  affections  se  rattachent, 
elles  aussi,  à  une  lésion  des  cellules  nerveuses  motrices. 
La  paralysie  spinale  de  l'adulte  rappelle  celle  de  l'enfance 
par  l'invasion  presque  soudaine  de  la  paralysie  motrice, 
par  la  tendance  à  la  rétrogression  que  celle-ci  présente  à 
un  moment  donné,  par  la  diminution  ou  l'abolition  de  la 


(1)  Charcot. —  Leçons  faites  à  la  Salpétrière  en  1870. —  Voir  à  ce  sujet  : 
Hallopeau,  in  Archiv.  de  médecine ,  septembre  1871,  pp.  277,  305. 

(2)  Sur  les  deux  formes  de  l'amyotrophie  progressive  de  cause  spinale  : 
voir  Charcot  et  Joffroy,  in  Archives  de  Physiologie,  1869,  pp.  756,  757. — 
Duchenne  (de  Boulogne)  et  Joffroy,  in  Archivesde  Physiologie,  1870,  p.49J>. 


LÉSIONS   DU   BULBE   RACHIDIEN.  71 

contracjtilité  faradique  qui  se  manifeste  hâtivement  dans 
un  certain  nombre  de  muscles  paralysés  et,  enfin,  par 
l'atrophie  rapide  que  ces  mêmes  muscles  subissent,  cons- 
tamment, à  un  degré  pins  ou  moins  prononcé.  Une  évolu- 
tion plus  lente  s'opérant  suivant  le  mode  sub-aigu  ou  chro- 
nique, une  tendance  à  la  généralisation,  marquée  surtout 
dans  les  premières  périodes,  des  temps  d'arrêt  fréquents, 
suivis  de  l'envahissement  des  parties  non  encore  affectées, 
distinguent,  au  contraire,  la  paralysie  générale  spinale  et 
la  rapprochent  de  l'atrophie  musculaire  progressive  avec 
laquelle  elle  est  quelquefois  confondue,  bien  à  tort,  dans  la 
clinique.  La  première  se  sépare  cependant  nettement  de  la 
seconde  par  les  caractères  suivants  :  les  muscles  de  tout  un 
membre  ou  d'une  partie  d'un  membre  sont  frappés  en 
masse,  presque  uniformément,  de  paralysie  ou  d'atrophie; 
ils  présentent,  déjà  à  une  époque  peu  éloignée  du  début  de 
la  maladie,  des  modifications  très-prononcées  de  la  con- 
tractilité  électrique  ;  habituellement,  enfin,  une  période  de 
retour  survient,  pendant  laquelle  les  muscles  atrophiés 
récupèrent»  au  moins  partiellement,  leur  volume  et  leurs 
fonctions  (1). 

Lésions  musculaires  consécutives  aux  affections  du 
bulbe.  —  C'est  là  un  sujet  encore  peu  exploré.  Cependant 
des  faits,  aujourd'hui  en  certain  nombre,  empruntés  à  l'his- 
toire de  la  paralysie  labio-glosso-laryngée  et  de  la  sclérose 
en  plaques,  tendent  à  établir  que,  dans  le  bulbe  comme 
dans  la  moelle  épinière,  les  lésions  irritatives  des  faisceaux 
blancs  n'ont  pas  d'influence  directe  sur  la  nutrition  des 
muscles  ;  tandis  qu'au  contraire  celles  qui  portent  soit  sur 
les  agrégats  de  cellules  motrices  étages  sur  le  plancher  du 
quatrième  ventricule,  soit  sur  les  faisceaux  de  tubes  ner- 
veux émanant  de  ces  agrégats,  peuvent,  ainsi  que  je  l'ai 
démontré,  déterminer  dans  la  langue,  le  pharynx,  le  la- 

(l)  Duehenne  (de  Boulogne).  —  De  Vélectnsation  localisée,  3e  édition. 


72  ROLE   DES   CELLULES  NERVEUSES  MOTRICES. 

rynx,  l'orbiculaire  des  lèvres,  etc.,  une  atrophie  plus  ou 
moins  accusée  des  fibres  musculaires  (1). 

L'exposé  sommaire  qui  vient  d'être  présenté  suffira,  je 
l'espère,  pour  mettre  en  relief  le  rôle  remarquable  que, 
suivant  les  recherches  les  plus  récentes,  les  lésions  des 
cellules  nerveuses  antérieures  jouent  dans  la  production 
des  troubles  trophiques  musculaires  consécutifs  aux  alté- 
rations de  la  moelle  épinière.  Dans  la  pathogénie  de  la  pa- 
ralysie infantile  et  des  diverses  formes  de  l'amyotrophie  de 
cause  spinale,  ce  rôle  ne  paraît  pas  douteux.  Son  influence 
est  certainement  moins  nettement  démontrée,  mais  cepen- 
dant fort  vraisemblable  encore,  pour  ce  qui  concerne  l'hé- 
matomyélie,  la  myélite  aiguë  centrale  et,  en  un  mot,  toutes 
les  affections  irritatives  de  la  moelle  dans  lesquelles  l'axe 
gris  se  trouve  intéressé.  D'un  autre  côté,  l'absence  de  toute 
participation  des  faisceaux  blancs  et  des  cornes  postérieures 
de  la  substance  grise,  dans  le  développement  des  affections 
musculaires  dont  il  s'agit,  est  un  fait  qui  s'appuie  désormais 
sur  des  preuves  suffisamment  nombreuses. 

Cela  étant  reconnu,  il  y  a  lieu  de  rechercher,  Messieurs, 
pourquoi  la  lésion  des  cellules  nerveuses  motrices  entraîne 
avec  elle  celle  des  fibres  musculaires,  tandis  que  les  alté- 
rations irritatives,  même  les  plus  profondes,  des  faisceaux 
blancs,  n'ont  aucune  influence  directe  sur  la  nutrition  des 
muscles. 

Relativement  au  premier  point,  on  ne  pourrait  qu'imagi- 
ner des  hypothèses  plus  ou  moins  plausibles,  mais  évidem- 
ment prématurées.  Il  n'y  a  pas  à  invoquer  ici  les  renseigne- 
ments de  la  physiologie  expérimentale  ;  ses  procédés,  infé- 


(l)  Comparez  :  Charcot.  —  Note  sur  un  cas  de  paralysie  glosso-laryngée, 
suivi  d'autopsie,  m  archives  de  Physiologie,  1869,  pp.  3o6  636,  pi.  XIII.  Obs. 
de  Catherine  Aubel.  —  Duchenne  (de  Boulogne)  et  Joffroy.  De  l'atrophie 
aiguë  et  chronique  des  cellules  nerveuses  de  la  moelle  et  du  bulbe  rachidien. 
{Archives  de  Physiologie,  1870,  p.  499.) 


ROLE    DES    CELLULES    NERVEUSES   MOTRICES.  73 

rieurs  sous  ce  rapport  à  ceux  de  la  maladie,  ne  sont  pas 
assez  délicats  pour  permettre  d'atteindre  isolément  les  cel- 
lules nerveuses.  Il  faut  donc  se  borner,  pour  le  moment,  à 
enregistrer  les  laits  tels' que  nous  les  offre  la  clinique  éclai- 
rée par  Fanatomie  pathologique  et  à  constater  que  —  com- 
parables en  cela  aux  nerfs  périphériques  —  les  cellules 
nerveuses  motrices  ont  le  pouvoir,  lorsqu'elles  sont  deve- 
nues le  siège  d'un  travail  d'irritation,  de  modifier  à  distance 
la  vitalité  et  la  structure  des  muscles. 

Pour  ce  qui  est  du  second  point,  si  l'on  se  reporte  à  ce 
que  nous  avons  dit  des  effets  de  l'irritation  des  nerfs,  il 
pourra  sembler  contradictoire,  au  premier  abord,  que  la 
nutrition  des  muscles  ne  soit  pas  affectée  lorsque  les  fais- 
ceaux blancs  de  la  moelle  sont  occupés  par  l'inflammation. 
Pour  montrer  que  la  contradiction  n'est  qu'apparente,  il 
suffira  cependant  de  rappeler  que,  malgré  l'analogie  de 
composition,  les  cordons  blancs  ne  sont  nullement  assimi- 
lables aux  nerfs  :  l'expérimentation  révèle,  en  effet,  dans 
ceux-ci.  des  propriétés  qu'on  ne  trouve  pas  dans  ceux-là, 
et  inversement.  L'anatomie  montre  d'ailleurs  que  les  tubes 
nerveux  qui  constituent  les  nerfs  ne  sont  que.  pour  une 
part  très-minime,  la  continuation  directe  de  ceux  qui,  par 
leur  réunion,  forment  les  faisceaux  blancs.  Ces  faisceaux 
paraissent  presque  entièrement  composés  de  fibres  qui, 
nées  soit  dans  l'encéphale,  soit  dans  la  moelle  elle-même, 
établissent,  à  la  manière  des  commissures,  des  communica- 
tions entre  la  moelle  épinière  et  le  cerveau,  ou  encore  entre 
les  divers  points  de  l'axe  gris  spinal.  Il  était  à  prévoir, 
d'après  cela,  que,  à  beaucoup  d'égards,  les  faisceaux  blancs 
de  la  moelle,  sous  l'influence  des  lésions  irritatives,  se  com- 
porteraient autrement  que  les  nerfs  périphériques. 

Quand  je  me  suis  proposé  d'exposer  devant  vous,  Mes- 
sieurs, les  principaux  faits  relatifs  aux  troubles  trophiques 
qui  se  montrent  consécutivement  aux  affections  du  système 
nerveux,  j'espérais  que  ma  tâche  pourrait  être  menée   ta 


74   IMPORTANCE  DE  L  ETUDE  DES  TROUBLES  TROPHIQUES. 

bonne  fin  dans  l'espace  de  deux  leçons.  Mais,  à  mesure  que 
j'avance  dans  cette  exposition,  l'importance  et  l'étendue  de 
la  question  se  manifestent  dans  toute  leur  évidence.  Je  suis 
loin  d'avoir  épuisé  le  sujet,  malgré  les  développements 
dans  lesquels  je  suis  entré  déjà;  j'ose  espérer  que  vous 
n'aurez  pas  à  regretter  le  temps  que  nous  devrons  encore 
lui  consacrer. 


TROISIÈME  LEÇON 

Troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions  de  la 
moelle  épinière  et  du  cerveau  {Suite.) 


Sommaire.  —  Affections  cutanées  dans  la  sclérose  des  cordons  postérieurs  : 
Eruptions  papuleusesoulichénoïdes,  urticaire,,  zona,  éruptions  pustuleuses; 
leurs  relations  avec  les  douleurs  fulgurantes  ;  elles  paraissent  relever  de 
la  même  cause  organique  que  les  douleurs. 

—  Eschares  à  développement  rapide  [Decubitus  acutus)  dans  les  maladies  du 
cerveau  et  de  la  moelle  épinière.  —  Mode  d'évolution  de  cette  affection 
de  la  peau  :  Erythème,  huiles,  mortification  du  derme.  —  Accidents  con- 
sécutifs à  la  formation  des  eschares  :  a.  Infection  putride,  infection  pu- 
rulente, embolies  gangreneuses;  b.  Méningite  ascendante  purulente  simple, 
méningite  ascendante  ichoreuse.  —  Décubitus  aigu  dans  l'apoplexie 
symptomatique  des  lésions  cérébrales  en  foyer.  Il  se  manifeste  sur  les 
membres  frappés  de  paralysie,  principalement  à  la  région  fessière  ;  son 
importance  au  point  de  vue  du  pronostic.  —  Décubitus  aigu  dans  les  ma- 
ladies de  la  moelle  épinière  :  Il  siège  eu  général  à  la  région  sacrée. 

—  Arthr.opathies  qui  dépendent  d'une  lésion  du  cerveau  ou  de  la  moelle 
épinière.  —  A.  Formes  aiguës  ou  subaiguës  :  elles  se  montrent  dans  les 
cas  de  lésion  traumatique  de  la  moelle  épinière,  dans  la  myélite  par  com- 
pression (tumeurs,  mal  de  Pott),  dans  la  myélite  primitive,  dans  l'hémi- 
plégie récente,  liée  au  ramollissement  cérébral.  Ces  arthropathies  oc- 
cupent les  jointures  des  membres  paralysés.  —  B.  Formes  chroniques  : 
elles  paraissent  dépendre,  comme  les  amyotrophies  de  cause  spinale,  d'une 
lésion  des  cornes  antérieures  de  l'axe  gris  ;  on  les  observe  dans  la  sclérose 
postérieure  (ataxie  locomotrice)  et  dans  certains  cas  d'atrophie  musculaire 
progressive. 


Messieurs, 

Lorsque  j'ai  traité  des  troubles  de  la  nutrition  détermi- 
nés par  les  lésions  des  nerfs  périphériques,  je  vous  ai 
laissé  pressentir  que  ces  affections  consécutives  se  trou- 
vaient représentées,  pour  la  plupart,  dans  les  cas  de  lé- 
sions portant  sur  l'axe  spinal.  A  la  vérité,  il  ne  s'agit  pas 


76       AFFECTIONS   CUTANÉES   DANS  L'ATAXIE  LOCOMOTRICE. 

toujours  ici  d'une  reproduction  servile;  en  général  même, 
les  troubles  trophiques  de  cause  cérébrale  ou  spinale, 
ainsi  que  nous  aurons  plusieurs  fois  l'occasion  de  le  cons- 
tater, portent  avec  elles  le  cachet  de  leur  origine.  Mais  il 
est  des  circonstances  où  la  ressemblance  entre  les  affections 
de  cause  centrale  et  celles  qui  dépendent  d'une  lésion  des 
nerfs  périphériques  est  tellement  frappante,  que  la  dis- 
tinction peut  en  être  des  plus  difficiles.  Nous  citerons 
comme  exemple  de  ce  genre  certaines  éruptions  cutanées 
qui  surviennent  parfois  dans  le  cours  de  l'ataxie. 


I. 


Les  affections  cutanées  auxquelles  nous  venons  de  faire 
allusion  peuvent  être  groupées  ainsi  qu'il  suit  :  a)  érup- 
tions papuleuses  ou  lichénoïdes ;  b)  urticaire-,  c)  zona; 
d)  éruptions  pustuleuses,  ayant  de  l'analogie  avec  l'ec- 
thyma. 

Voici  en  quelques  mots  le  résultat  de  mes  observations 
à  ce  sujet.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  la  peau  des  jambes  et 
des  cuisses  se  couvrir  temporairement  d'une  éruption  papu- 
leuse  ou  lichénoïde,  plus  ou  moins  confluente  à  la  suite 
des  accès  de  douleurs  fulgurantes  spéciales  à  l'ataxie  loco- 
motrice. Chez  une  femme  actuellement  en  traitement  à  la 
Salpétrière,  d'énormes  plaques  d'urticaire  se  produisent  à 
chaque  accès  au  niveau  des  points  où  siègent  les  douleurs 
les  plus  vives.  Chez  une  autre,  la  peau  de  la  région  fes- 
sière  droite  s'est  couverte  d'une  éruption  de  zona  limitée 
au  trajet  des  filets  nerveux  occupés  par  les  fulgurations 
douloureuses.  Une  troisième  malade,  enfin,  a  présenté, 
dans  des  circonstances  analogues,  des  phénomènes  encore 
plus  remarquables.  Cette  femme,  âgée  de  61  ans,  admise, 
il  y  a  huit  ans,  à  l'hospice  comme  aveugle  (atrophie  sclé- 
reuse  des  nerfs  optiques),  est  aujourd'hui  atteinte  d'ataxie 
locomotrice  bien  caractérisée.  Chez  elle,  la  maladie  a  évo- 


LEUR  RELATION  AVEC  LES  DOULEURS  FULGURANTES.    77 

lue  d'une  manière  très-rapide,  car  les  premiers  accès  de 
douleurs  fulgurantes  datent  du  mois  de  mars  1865,  et  déjà, 
en  juillet  1866,  l'incoordination  était  assez  prononcée  pour 
rendre  la  marche  difficile.  Un  de  ces  accès,  qui  eut  lieu  en 
juin  1867,  présenta  une  intensité  exceptionnelle.  Les  dou- 
leurs, qui  étaient  vraiment  atroces,  parurent  fixées  pen- 
dant plusieurs  jours  sur  le  trajet  des  rameaux  cutanés  des 
nerfs  petit  sciatique  et  releveur  de  l'anus  du  côté  droit. 
Pendant  ce  temps,  les  parties  correspondantes  de  la  peau 
se  couvrirent  de  très-nombreuses  pustules,  analogues  à 
l'ecthyma,  dont  quelques-unes  devinrent  le  point  de  départ 
d'ulcérations  profondes.  De  plus,  une  eschare  arrondie, 
ayant  environ  5  centimètres  de  diamètre,  et  qui  intéressait 
le  derme  dans  la  presque  totalité  de  son  épaisseur,  se  pro- 
duisit sur  la  région  sacrée  du  côté  droit,  à  quelques  centi- 
mètres de  la  ligne  médiane,  immédiatement  au-dessous  de 
l'extrémité  du  coccyx.  La  cicatrisation  de  la  plaie,  qui  per- 
sista après  l'élimination  des  parties  sphacélées,  ne  fut  com- 
plète qu'au  bout  de  deux  mois.  Dans  un  autre  accès,  les 
douleurs  fulgurantes  suivirent  la  direction  de  la  branche 
verticale  du  nerf  saphène  interne  gauche,  et  une  éruption 
pustuleuse  se  produisit  bientôt  sur  la  peau  des  régions  où 
se  distribue  ce  nerf. 

Un  caractère  commun  à  toutes  ces  éruptions.  —  et  ce  ca- 
ractère est  bien  propre  à  faire  voir  qu'il  ne  s'agit  pas,  en 
pareil  cas,  d'éruptions  banales,  —  c'est  qu'elles  se  montrent 
de  concert  avec  certaines  exacerbations,  exceptionnelle- 
ment intenses  et  tenaces,  des  douleurs  spéciales, en  quelque 
sorte  pathognomoniques  de  la  sclérose  fasciculée  des  cor- 
dons postérieurs,  et  que  l'on  a  coutume  de  désigner  sous  le 
nom  de  douleurs  fulgurantes. 

Je  relèverai  cet  autre  '  caractère  que  les  éruptions  en 
question  siègent  d'habitude  sur  le  trajet  même  des  nerfs 
envahis  par  la  fulguration  douloureuse. 

Vous  voyez  par  ce  qui  précède  que  l'existence  de  ces 
éruptions  cutanées  parait  intimement  liée  à  celle  des  dou- 


78  IRRITATION   DES  FAISCEAUX   RADIGULAIRES. 

leurs  fulgurantes,  et  il  devient  ainsi  au  moins  très-vraisem- 
blable qu'une  même  cause  organique  préside  au  développe- 
ment de  celles-ci  et  de  celles-là. 

Quelle  est  donc  la  raison  de  la  présence  des  douleurs  ful- 
gurantes parmi  les  symptômes  de  la  sclérose  des  cordons 
postérieurs  ?  Je  ne  veux  pas  entrer  aujourd'hui  dans  de 
longs  développements  à  propos  de  cette  question  que  nous 
retrouverons  par  la  suite  ;  il  me  suffira,  pour  le  moment, 
de  vous  dire,  que  suivant  toutes  les  probabilités,  ces  dou- 
leurs dépendent  de  l'irritation  que  subissent,  dans  leur  tra- 
jet intra-spinal,  ceux  des  tubes  nerveux  émanant  des  ra- 
cines postérieures,  qui,  sous  le  nom  de  faisceaux  radiculaires 
internes  (masses  fibreuses  internes  des  racines  posté- 
rieures) dans  la  nomenclature  de  Kôlliker  (1),  traversent 
dans  une  certaine  étendue  l'aire  des  cordons  postérieurs, 
avant  de  pénétrer  dans  les  cornes  postérieures  de  la  subs- 
tance grise. 

Il  ne  paraît  guère  possible  de  rattacher  la  production  des 
douleurs  fulgurantes  à  l'une  quelconque  des  lésions  sui- 
vantes :  1°  atrophie  des  racines  postérieures  avant  leur  en- 
trée dans  la  moelle  épinière  ;  2°  méningite  spinale  posté- 
rieure ;  3°  sclérose  des  cornes  postérieures  de  la  substance 
grise  ;  4°  lésions  irritatives  des  ganglions  spinaux  ou  des 
nerfs  périphériques  ;  car  ces  douleurs  ont  été  rencontrées 
dans  un  certain  nombre  de  cas  d'ataxie  où  l'on  a  pu  s'as- 
surer, après  la  mort,  de  l'absence  de  toute  lésion  du  genre 
de  celles  qui  viennent  d'être  énumérées. 

A  l'appui  de  cette  proposition,  permettez-moi,  Messieurs, 
de  vous  rappeler  les  résultats  de  l'autopsie  que  nous  avons 
faite,  M.  Bouchard  et  moi,  d'une  femme  morte,  dans  cet 
hospice,  pendant  le  cours  de  la  première  période  de  l'ataxie 
locomotrice  progressive  (2).  Chez  cette  femme,  les  douleurs 

(1)  Kôlliker.  — Histologie  humaine,  première  partie,  p.  345,  340. 

(2)  Douleurs  fulgurantes  de  Vataxie,  sans  incoordination  des  mouvements, 
sclérose  commençante  des  cordons  postérieurs  de  la  moelle  épinière.  In  Comptes 
rendus  des  séances  et  mémoires  de  la  Société  de  biologie,  année  1866. 


PATHOGEXIE    DES   DOULEURS   FULGURANTES.  79 

paroxystiques  spéciales  avaient  existé,  à  un  haut  degré, 
pendant  près  de  quinze  ans,  à  l'époque  de  la  terminaison 
fatale  causée  par  une  maladie  accidentelle.  Jamais  il  ne 
s'était  présenté  aucun  signe  d'incoordination  motrice.  La 
malade  marchait  sans  embarras,  sans  mouvement  de  pro- 
jection des  jambes,  sans  frapper  le  sol  du  talon,  sans  que 
l'occlusion  des  paupières  modifiât  son  assurance.  A  l'au- 
topsie, on  constata  que  les  racines  postérieures  avaient 
conservé  les  caractères  de  l'état  normal,  et  à  part  quel- 
ques traces  assez  équivoques  de  méningite,  les  seules  lé- 
sions appréciables  qui  furent  rencontrées  occupaient  les 
cordons  postérieurs  et  consistaient  en  une  multiplication 
des  noyaux  de  la  névroglie  avec  épaississement  des  mailles 
du  réticulum,  mais  sans  altération  concomitante  des  tubes 
nerveux.  Pour  compléter  la  démonstration,  je  pourrais  ci- 
ter plusieurs  faits  du  même  genre  dans  lesquels  les  dou- 
leurs fulgurantes  avaient  été  également  très-intenses,  et  où, 
lors  de  l'autopsie,  je  n'ai  pu  reconnaître  l'existence  d'alté- 
rations quelconques,  soit  dans  les  cornes  grises  postérieu- 
res, soit  dans  les  nerfs  périphériques,  soit  enfin  sur  les  mé- 
ninges spinales. 

D'après  cela,  ce  serait  dans  l'altération  irritative  des 
faisceaux  postérieurs  de  la  moelle  épinière  qu'il  faudrait 
chercher  le  point  de  départ  des  douleurs  fulgurantes  des 
ataxiques.  Mais  il  est  peu  vraisemblable  que  toutes  les  par- 
ties de  ces  faisceaux  puissent  à  cet  égard  être  mises  en 
cause  indistinctement  ;  tout  porte  à  croire,  au  contraire, 
que  les  fibres  sensitives,  issues  des  racines  postérieures  qui 
composent,  pour  une  part,  les  faisceaux  radiculaires  in- 
ternes, doivent  être  seules  incriminées.  Ces  fibres  partici- 
peraient, de  temps  à  autre,  d'une  façon  périodique,  à  l'irri- 
tation dont  les  cordons  eux-mêmes  sont  le  siège  permanent; 
et  ainsi  se  produiraient  ces  crises  d'élancements  douloureux 
qui,  suivant  une  loi  physiologique  bien  connue,  sont  rap- 
portées à  la  périphérie,  bien  qu'ils  reconnaissent,  en  réalité, 
une  cause  centrale. 


80  ZONA  LIÉ   AUX  LÉSIONS    DE  L'ENCÉPHALE. 

Comment  comprendre,  d'un  autre  côté,  l'apparition  des 
éruptions  cutanées  qui  s'observent  quelquefois  chez  les 
ataxiques,  dans  le  temps  même  où  se  manifestent  les  accès 
fulgurants  d'une  intensité  anormale  ?  Il  est  certain  que  les 
fibres  nerveuses  qui  constituent  les  faisceaux  radiculaires 
internes  ne  sont  pas  toutes  sensitives;  il  en  est,  entre  au- 
tres, parmi  elles,  au  moins  un  certain  nombre,  qui  servent 
à  l'accomplissement  des  actes  réflexes  ;  il  en  est  d'autres, 
aussi,  sans  doute,  c'est  du  moins  ce  que  tend  à  démontrer 
l'apparition  même  des  éruptions  cutanées  en  question  — 
qui  appartiennent  au  système  des  nerfs  centrifuges  et  qui 
ont,  sur  l'exercice  des  fonctions  nutritives  de  la  peau,  une 
influence  plus  ou  moins  directe.  L'irritation  de  ce  dernier 
ordre  de  fibres  —  irritation  plus  difficile  à  mettre  en  jeu 
que  ne  l'est  celle  des  fibres  sensitives  —  devrait  être  invo- 
quée pour  expliquer,  dans  les  cas  auxquels  je  faisais  allu- 
sion plus  haut,  tantôt  la  production  des  affections  papu- 
leuses,  tantôt  celles  des  affections  vésiculeuses,  pustuleuses 
ou  enfin  gangreneuses. 

Les  faisceaux  postérieurs  sont-ils  les  seuls  départements 
de  la  moelle  épinière,  dont  l'irritation  soit  capable  de  déter- 
miner la  production  de  semblables  affections?  Cette  ques- 
tion pour  le  moment  doit  rester  sans  réponse.  Tout  ce 
qu'on  peut  dire,  c'est  que  ces  éruptions  n'ont  pas  été  signa- 
lées encore,  à  moins  qu'il  n'y  eut  quelque  complication, 
dans  les  cas  de  lésions  irritatives  limitées  soit  aux  cordons 
antéro-latéraux,  soit  aux  cornes  antérieures  de  la  substance 
grise;  et  quant  au  rôle  que  pourraient  jouer  à  cet  égard 
les  cornes  grises  postérieures,  nous  sommes,  sur  ce  sujet, 
dans  l'ignorance  la  plus  complète. 

Par  contre,  quelques  faits  ont  été  recueillis,  qui  ten- 
draient à  établir  que  le  zona  se  développe  quelquefois  sous 
l'influence  directe  des  lésions  partielles  de  l'encéphale. 
Ainsi,  chez  une  vieille  femme  atteinte  d'hémiplégie,  et  dont 
l'histoire  a  été  rapportée  par  le  docteur  Duncan,  une  érup- 
tion de  zona  apparut  sur  la  cuisse  du  côté  paralysé  ;  la  para- 


ZONA  LIE  AUX   LESIONS   DE  L  ENCEPHALE.  81 

lysie  motrice  était  survenue  à  peu  près  en  même  temps  que 
l'éruption  et  se  dissipa  en  même  temps  qu'elle  (1).  Chez  un 
enfant  observé  par  le  docteur  Payne,  le  zona,  qui  répon- 
dait au  trajet  des  branches  superficielles  du  nerf  crural  an- 
térieur, se  manifesta  trois  jours  après  le  développement 
d'une  hémiplégie  occupant  le  même  côté  du  corps  que  l'é- 
ruption (2).  Ces  faits,  qu'on  pourrait  multiplier,  sont,  sans 
aucun  doute,  fort  dignes  d'intérêt  ;  malheureusement,  ils 
n'ont  été  relatés  que  d'une  façon  très-sommaire,  et  il  faut 
se  garder,  je  crois,  d'en  tirer  des  déductions  qui  seraient 
peut-être  prématurées.  Je  puis  citer,  en  effet,  un  cas  à 
beaucoup  d'égards  analogue  aux  précédents,  que  j'ai  ob- 
servé récemment  à  la  Salpétrière,  et  dans  lequel  le  zona 
reconnaissait  très-vraisemblablement  pour  cause  l'irritation 
d'un  nerf  périphérique.  L'éruption  vésiculeuse  siégeait, 
cette  fois  encore,  au  membre  inférieur  du  côté  paralysé, 
où  elle  suivait  la  distribution  des  rameaux  superficiels  de 
la'branche  cutanée  péronière.Elle  s'était  déclarée  d'ailleurs 
en  même  temps  que  l'hémiplégie,  et  celle-ci,  dont  le  début 
avait  été  brusque,  se  rattachait  à  la  formation,  dans  l'un 
des  hémisphères  cérébraux,  d'un  foyer  de  ramollissement, 
déterminé  lui-même  par  l'oblitération  embolique  d'une  ar- 
tère cérébrale  postérieure.  Quant  au  zona,  voici,  je  pense, 
suivant  quel  mécanisme  il  s'était  produit  :  un  rameau  arté- 
riel spinal  (3),  issu,  sans  doute,  d'une  des  artères  sacrées 
latérales,  fut  trouvé,  à  l'autopsie,  obstrué  par  un  caillot 
sanguin,  et  formant  un  cordon  relativement  volumineux, 
accolé  à  l'une  des  racines  spinales  postérieures  de  la  queue 
de  cheval.  Il  est  probable  qu'à  son  passage  à  travers  le  trou 
sacré,  cette  artériole,  distendue  à  l'excès  par  le  thrombus, 


(1)  Journal  of  eut.  med.,  etc.,  69,  Erasmus  Wilson,  1868,  octobre. 

(2)  Britishmed.  Journal,  August.,  1871. 

(3)  Un  des  rami  medulla  spinales.  Voir  R.  Rudinger.  — Arterienverzwei- 
ffunff,  in  dent  Wirbelkanal,  etc.,  in  Verlreitung  des  sympathicus,  p.  2.  Mun- 
cheu,  1863. 

Charcot,  t.  1,  3e  éd.  6 


82  ZONA  LIÉ  AUX  LÉSIONS    DE   L'ENCÉPHALE. 

avait  comprimé  soit  le  ganglion  spinal,  soit  une  branche 
d'origine  du  nerf  sciatique,  de  manière  à  en  déterminer 
l'irritation.  —  Une  ulcération  végétante,  qui  siégeait  sur 
l'une  des  valvules  sigmoïdes  de  l'aorte,  paraît  avoir  été  le 
point  de  départ  de  tous  les  accidents  que  nous  venons  de 
signaler  (1). 


(l)  Voici  d'ailleurs  les  principaux  détails  de  cette  observation,  qui  offre  un 
bel  exemple  d'endocardite  ulcéreuse,  avec  embolies  multiples  et  élat  typhoïde. 
—  Le  nommé  Lacq...,  âgé  de  22  ans,  soldat,  fut  admis  le  28  décembre  1870, 
à  l'ambulance  de  la  Salpétrière  (service  des  fiévreux).  —  Il  était  en  proie, 
paraît-il,  à  une  fièvre  intense  depuis  deux  ou  trois  jours.  —  Le  jour  de 
l'admission,  on  nota  ce  qui  suit  :  céphalalgie  vive,  douleurs  de  reins,  diar- 
rhée. Le  malade  ne  peut  ingérer  la  moindre  quantité  de  liquide  sans  être 
pris  de  nausées  et  de  vomissements.  Peau  chaude,  pouls  très- fréquent.  On 
crut  qu'il  s'agissait  là  d'une  fièvre  typhoïde.  —  Pendant  la  nuit,  délire 
bruyant.  —  Le  lendemain  29,  on  constata  l'existence  d'une  hémiplégie  à  peu 
près  complète  du  côté  gauche.  Il  n'y  a  pas  de  rigidité  dans  les  membres  pa- 
ralysés; paralysie  faciale  incomplète,  également  du  côté  gauche.  —  Les 
yeux  sont  constamment  dirigés  vers  la  droite,  et  il  y  a  du  nystagmus. 
Pouls  120,  temp.  rect.  40°, 5,  —  Sur  la  poitrine,  les  avant-bras,  les  cuisses, 
la  peau  présente  un  grand  nombre  de  petites  ecchymoses  assez  semblables  à 
des  piqûres  de  puces  ;  —  respiration  fréquente,  râles  sibilants  dans  la  poi- 
trine. Ventre  ballonné.  —  Sur  la  face  antéro-externe  de  la  jambe  gauche, 
paralysée,  il  existe  une  éruption  de  zona  qui' répond  exactement  à  la  distri- 
bution des  rameaux  superficiels  de  la  branche  cutanée  péronière  et  du  nerf 
musculo-cutané.  Un  premier  groupe  de  vésicules  se  voit  au-dessus  et  au-des- 
sous de  la  rotule;  un  autre  groupe  plus  nombreux  est  disposé  suivant  une 
ligne  verticale  qui  descend  jusqu'au  niveau  du  tiers  moyen  de  la  jambe.  Un 
troisième  groupe  siège  au  cou-de-pied,  en  avant  et  en  dedans  de  la  malléole 
externe.  —  L'éruption  est  assez  développée.  On  note  qu'il  en  existait  déjà 
quelques  légères  traces  la  veille,  c'est-à-dire  dès  avant  le  début  de  l'hémi- 
plégie. —  Le  30,  l'éruption  est  en  pleine  efllorescence.  —  Le  malade  suc- 
combe à  quatre  heures  de  l'après-midi. 

Autopsie.  Une  des  valvules  sigmoïdes  de  l'aorte  est  ulcérée  et  couverte 
de  végétations  d'apparence  fibrineuse,  molles,  rougeâtres.  Les  ganglions  du 
mésentère  sont  un  peu  rouges  et  tuméfiés,  mais  il  n'existe  pas  trace  d'ulcé- 
rations ou  d'éruptions  dothiénentériques  dans  l'intestin  grêle  non  plus  que 
dans  le  gros  intestin.  —  Ecchymoses  nombreuses  sur  les  plèvres  viscérale 
et  pariétale,  le  péricarde,  le  péritoine.  La  rate  et  les  reins  offrent  des  in- 
farctus à  divers  degrés  de  développement.  —  Hémisphère  cérébral  du  côté 
droit  :  sur  plusieurs  points  du  lobe  occipital,  la  pie-mère,  vivement  injectée, 
présente  de  larges  sutfusions  sanguines.  Le  lobe  lui-même  est  ramolli  à  peu 
près  dans  toute  son  étendue;  la  substance  cérébrale  présente  là  une  teinte 
grisâtre  et,  en  un  point,  on  rencontre  au  milieu  des  parties  ramollies  un  épan- 
chement  sanguin  du  volume  d'une  amande.  —  L'artère  cérébrale  postérieure 


DÉCUBITUS  AIGU.  83 

On  voit  que,  dans  ce  cas,  la  coexistence  de  l'hémiplégie 
et  de  l'éruption  vésiculeuse  résultait,  jusqu'à  un  certain 
point,  d'une  coïncidence  ibrfuite.  Quoi  qu'il  en  soit,  à  défaut 
du  zona,  il  est  d'autres  troubles  trophiques  de  la  peau,  dont 
l'existence  peut  être  rattachée  quelquefois  à  l'influence 
d'une  lésion  encéphalique.  C'est  un  fait  qui,  je  l'espère  du 
moins,  sera  bientôt  mis  hors  de  doute. 


II. 


Eschares  à  développement  rapide  :  DecaMtus  acutus. 
J'abandonne  rapidement  les  éruptions  de  l'ataxie  locomo- 
trice, qui  n'offrent,  en  somme,  qu'un  intérêt  de  second  or- 
dre, pour  attirer  votre  attention  d'une  façon  toute  spéciale 
sur  une  autre  affection  de  la  peau,  à  laquelle  revient  un 
rôle  très-important  dans  l'histoire  clinique  d'un  bon  nom- 
bre de  maladies  du  cerveau  et  de  la  moelle  épinière. 

L'affection  cutanée  dont  je  vais  vous  entretenir,  se  mon- 
tre, à  l'origine,  sous  la  forme  d'une  plaque  érythémateuse, 
sur  laquelle  se  développent  rapidement  des  vésicules  ou  des 
bulles  ;  elle  aboutit  fréquemment  très-vite  à  la  mortification 
du  derme  et  des  parties  sous-jacentes. 

Elle  occupe  le  siège,  le  plus  habituellement  ;  mais  elle 
peut  se  développer  aussi  à  peu   près  indifféremment  sur 


du  même  côté  est  complètement  oblitérée  par  un  thrombus.  —  La  moelle 
épinière  durcie  par  l'acide  chromique  et  examinée  à  l'aide  de  coupes  minces, 
dans  ses  diverses  régions,  ne  présente  aucune  altération  appréciable.  —  A 
la  queue  de  cheval,  du  côté  gauche,  on  trouve  accolée  à  lune  des  racines 
spinales  postérieures  qui  donnent  origine  au  plexus  sacré,  une  artériole  (ra- 
meau spinal,  branche  de  l'artère  sacrée  latérale),  distendue  par  un  caillot 
sanguin.  L'artère  oblitérée,  dont  le  volume  égale  celui  d'une  plume  de 
corbeau,  peut  être  suivie  depuis  le  point  où  la  racine  a  été  coupée,  non  loin 
du  trou  sacré  correspondant,  jusqu'à  la  moelle;  sur  celle-ci,  elle  peut  être 
suivie  encore  dans  toute  l'étendue  du  rendement  lombaire,  où  elle  remonte 
le  long  du  sillon  médian  postérieur,  contrairement  à  la  disposition  que  pré- 
sente habituellement  le  plexus  artériel  spinal  postérieur. 


84  DÉCUBITUS  AIGU. 

toutes  les  parties  du  tronc  ou  des  membres  soumis  dans  le 
décubitus  à  une  pression  quelque  peu  durable.  Une  pres- 
sion des  plus  légères  et  de  très-courte  durée  suffit  même 
pour  la  faire  apparaître  dans  certains  cas.  Enfin,  il  est 
d'autres  cas  encore,  à  la  vérité  très-exceptionnels,  où  elle 
paraît  se  produire  sans  l'intervention  de  la  moindre  pression 
ou  de  toute  autre  cause  occasionnelle  du  même  genre  (1). 

C'est  là  une  affection  bien  différente  de  toutes  les  érup- 
tions, d'ailleurs  très-variées,  que  l'on  observe  si  communé- 
ment au  siège,  chez  les  sujets  qui,  par  le  fait  des  maladies 
les  plus  diverses,  sont  condamnés  à  séjourner  au  lit  pen- 
dant un  temps  très-long.  Ces  éruptions,  tantôt  érythéma- 
teuses,  lichénoïdes,  tantôt  pustuleuses,  ulcéreuses,  tantôt 
papuleuses,  ressemblant  à  s'y  méprendre  à  des  plaques 
muqueuses,  sont  en  général  occasionnées  par  le  contact 
répété  et  prolongé  de  substances  irritantes  telles  que  les 
urines  ou  les  matières  fécales.  Elles  peuvent,  de  même  que 
le  décubitus  aigu,  devenir  le  point  de  départ  de  véritables 
eschares  ;  mais  ce  dernier  se  sépare  nettement  des  premiè- 
res jpdcr  des  caractères  importants  qui  sont  :  en  premier 
lieu,  l'apparition,  peu  de  temps  après  le  début  de  la  maladie 
primitive  ou  à  la  suite  d'une  brusque  exacerbation,  et,  en 
second  lieu,  une  évolution  très-rapide. 

En  raison  de  l'intérêt  tout  particulier  qui  s'y  rattache, 
l'affection  dont  il  s'agit  mérite  certainement  d'être  dési- 
gnée par  une  dénomination  propre.  L'un  des  rares  auteurs 
qui  en  aient  fait  une  étude  spéciale,  M.  Samuel,  a  proposé 
pour  la  caractériser,  le  nom  de  decubitus  acutiis,  ou  autre- 
ment dit,  eschare  à  formation  rapide  (2).  Il  veut  la  distin- 
guer ainsi  du  decabitus  chronicas,  c'est-à-dire  de  la  nécrose 


(1)  Brown-Séquard.  —  Lectures  on  the  central  nervous  System.  Philadelp., 
1868,  p.  248.  —  Couyba.  —  Des  troubles  trophiques,  etc.  Thèse  de  Paris, 
1871,  p.  43. 

(2)  Décubitus. . . .  Eschare  {AIL  Wundliegen]  qui  se  forme  au  sacrum  et 
ailleurs,  etc. . , .  Littré  et  Robin,  Dictionnaire,  Paris,  18G5. 


SES  CARACTÈRES.  85 

dermique,  se  produisant  longtemps  après  l'invasion  de  la 
maladie  qui  en  a  été  l'occasion.  Nous  vous  proposons  d'ac- 
cepter cette  appellation  en  vous  faisant  remarquer,  toute- 
fois, que  la  mortification  de  la  peau  n'est  pas  tout  dans  le 
deciiUtus  acaliis.  Elle  répond,  en  somme,  aux  phases  les 
plus  avancées  du  processus  morbide.  Il  peut  arriver,  en 
effet,  que  les  vésicules  ou  les  bulles  se  flétrissent  et  se  des- 
sèchent sans  que  la  partie  du  derme  sur  laquelle  elles  re- 
posent ait  présenté  la  moindre  trace  de  nécrose  ;  cela  se 
voit  principalement  lorsqu'elles  se  produisent  sur  des  points 
où  la  pression  n'a  pu  être  que  de  courte  durée,  peu  intense, 
et  pour  ainsi  dire  accidentelle,  comme  aux  chevilles,  à  la 
face  interne  des  genoux,  des  jambes  ou  des  cuisses.  Or,  il 
importe  de  savoir  reconnaître  la  signification  de  ces  vési- 
cules et  de  ces  bulles,  dès  leur  entrée  en  scène,  car,  même 
à  cette  époque,  elles  permettent  dans  de  certaines  circons- 
tances, de  formuler  presque  à  coup  sûr  le  pronostic. 

Il  m'a  été  donné,  maintes  fois,  de  suivre  pour  ainsi  dire 
jour  par  jour,  heure  par  heure,  l'évolution  du  de  cubitus 
acutus,  dans  les  cas  d'apoplexie  consécutive  à  rhémorrha- 
gie  ou  au  ramollissement  du  cerveau  que  nous  rencontrons 
si  fréquemment  dans  cet  hospice  (1).  Je  puis  m'appuyer  sur 
les  observations  que  j'ai  faites  à  cet  égard,  dans  la  descrip- 
tion générale  qui  va  suivre,  car  j'ai  pu  constater,  d'un  autre 
côté,  que  le  décubitus  aigu  lié  aux  maladies  du  cerveau, 
ne  diffère  pas  essentiellement  de  celui  qui  se  développe 
sous  l'influence  des  lésions  spinales. 

Quelques  jours  et  parfois  même  quelques  heures  seule- 
ment après  le  début  de  l'affection  cérébrale  ou  spinale,  ou 
encore  à  la  suite  d'une  brusque  exacerbation  de  ces  affec- 
tions, il  se  manifeste  sur  certains  points  de  la  peau,  une  ou 
plusieurs  plaques  érythémateuses,  d'étendue  variable  et  à 


(l)  Charcot.  —  Note  sur  la  formation  rapide  d\me  eschare  à  la  fesse  du 
côté  paralysé  dans  l'hémiplégie  récente  de  cause  cérébrale.  In  Archio.  de  phy- 
siolog.  normale  et  patholog.,  t.  Ier,  1868,  p.  308. 


86  son  mode  d'évolution. 

contours  plus  ou  moins  irréguliers  (1).  La  peau  offre  là 
tantôt  une  teinte  rosée,  tantôt  une  coloration  d'un  rouge 
sombre,  violacée  même,  mais  qui  cède  toujours,  momen- 
tanément, sous  la  pression  du  doigt.  Dans  des  circonstances 
assez  rares  et  que,  jusqu'ici,  j'ai  rencontrées  à  peu  près 
uniquement  dans  les  cas  de  lésions  de  la  moelle  épinière, 
il  se  produit  en  outre,  aux  dépens  du  derme  et  des  parties 
sous-jacentes,  une  tuméfaction  d'apparence  phlegmo- 
neuse,  qui  peut  s'accompagner  parfois  de  douleurs  vives, 
si  la  région  n'était  pas  au  préalable  frappée  d'anesthésie. 

Dès  le  lendemain  ou  le  surlendemain,  les  vésicules  ou  les 
bulles  se  développent  vers  la  partie  centrale  de  la  plaque 
érj^thémateuse  :  elles  renferment  un  liquide  tantôt  incolore 
et  d'une  transparence  parfaite,  tantôt  plus  ou  moins  opaque, 
rougeâtre  ou  de  couleur  brune. 

Les  choses  peuvent  en  rester  là,  ainsi  que  nous  vous 
l'avons  dit,  et  alors  les  bulles  ne  tardent  pas  à  se  flétrir  et 
à  se  dessécher.  Mais,  d'autres  fois,  l'épiderme  soulevé  se 
déchire,  se  détache  par  lambeaux,  et  met  à  nu  une  surface 
d'un  rouge  vif  parsemée  de  points  ou  de  plaques  bleuâtres, 
violacées,  répondant  à  une  infiltration  sanguine  du  derme. 
Déjà,  en  pareil  cas,  le  tissu  cellulaire  sous-cutané,  et  par- 
fois même  les  muscles  sous-jacents,  sont,  eux  aussi,  en- 
vahis par  l'infiltration  sanguine  ;  c'est  un  fait  dont  je  me 
suis  assuré  plusieurs  fois  par  l'autopsie. 

Les  plaques  violacées  s'étendent  rapidement  en  largeur, 
et  elles  ne  tardent  pas  à  se  confondre  par  leurs  bords.  Peu 
de  temps  après,  il  se  produit,  dans  les  points  qu'elles  occu- 
pent, une  mortification  du  derme,  d'abord  superficielle, 
mais  qui,  bientôt,  gagne  en  profondeur.  L'eschare  est  dès 
lors  constituée. 

Plus  tard  se  développe  un  travail  de  réaction,  d'élimina- 
tion, suivi,  dans  les  cas  heureux,  d'une  période  de  répara- 


(l)  J'ai  constaté  anatomiquement  que,  en  pareil  cas, le  derme  est  infiltré  de 
leucocytes,  ainsi  que  cela  a  lieu  dans  l'érysipèle. 


son  mode  d'évolution.  W 

tion  trop  souvent  entravée  dans  son  développement.  Je  n'ai 
pas  besoin,  je  pense,  de  m'appesantir  sur  ce  point. 

Je  viens  de  vous  entretenir  de  détails  minutieux,  mais 
j'espère  vous  amener  à  reconnaître  qu'ils  ont  bien  leur 
intérêt.  R.  Briglit  les  croyait  assez  dignes  d'attention  et 
assez  peu  connus  pour  qu'il  ait  cru  devoir  y  insister  dans 
ses  Reports  of  médical  Cases  et  juger  utile  de  l'aire  repré- 
senter, par  des  modèles  en  cire  qui  figurent  sans  doute 
encore  aujourd'hui  au  musée  de  Guy 's  Hospital,  les  bulles 
du  deeubitus  acidus  observées  dans  un  cas  de  paraplégie 
de  cause  traurnatique  (1).  Depuis  lors,  ce  sujet  n'a  guère. 


(i)  Il  ue  nous  paraît  pas  hors  de  propos  de  rappeler  ici  les  remarques  dont 
R.  Bïight  fait  suivre  les  observations  d'aiTection  de  la  moelle  épiuière  avec 
formation  rapide  de  bulles  et  d'eschares,  qu'il  a  consignées  dans  ses  Reports 
of  médical  Cases  (t.  II,  Diseases  of  tke  Brain  and  nervoe.s  System.  Loncon, 
1831.  —  Le  premier  fait  concerne  un  ramollissement  de  la  moelle,  survenu 
sans  cause  extérieure  appréciable,  chez  une  femme  de  21  ans,  et  occupant 
le  renflement  lombaire,  immédiatement  au-dessus  de  la  queue  de  cheval. 
~\  oici  les  réflexions  que  le  cas  en  question  suggère  à  l'auteur  :  «  Une  cir- 
constance curieuse,  liée  à  :a  paralysie  des  extrémités  inférieures,  est  bien 
mise  en  relief  dans  cette  observation;  je  veux  parler  de  la  tendance  à  la 
formation  de  vésicules  ou  de  bulles,  qui  se  montre  dans  les  affections  de  ce 
genre.  Ces  vésicules,  ces  bulles  apparaissent  souvent  dans  l'espace  d'une 
nuit,  sur  les  parties  les  plus  diverses  des  membres  inférieurs,  aux  genoux, 
aux  chevilles,  au  cou-de-pied,  partout  où  il  s'est  produit  une  pression  acci- 
dentelle ou  une  irritation.  Elles  contiennent  un  liquiJe  d'abord  transparent, 
lequel  devient  opaque  au  bout  de  quelques  jours.  J'ai  souvent  pensé  que 
cette  connexité  entre  l'interruption  de  l'action  nerveuse  et  la  formation  des 
bulles  pouvait  quelque  jour  éclairer  la  pathogénie  de  cette  affection  singu- 
lière qu  on  désigne  sous  le  nom  à' Herpès  Zoster  et  qui  paraît  être  liée  à 
quelque  condition  particulière,  peut-être  la  distension  des  nerfs  sensitifs 
(loc.  cit.,  p.  383).  » —  Trois  autres  cas  relatifs,  cette  fois,  à  des  lésions  trau- 
matiques  de  la  moelle  vchute  d'un  lieu  élevé,  écrasement  par  une  charrette, 
etc.),  ont  donné  lieu  aux  remarques  suivantes  :  «  Deux  de  nos  malades  sont 
morts  des  suites  d'une  inflammation  de  la  vessie  ;  chez  l'un  d'eux  les  pa- 
rois de  l'organe  étaient  le  siège  d'ulcérations  et  il  s'était  formé  des  abcès 
dans  le  tissu  cellulaire  circonvoisin.  Deux  jours  après  l'accident,  des  bulles 
apparurent  aux  pieds  et  à  la  partie  interne  des  genoux,  là  où  existe  une 
pression  réciproque.  Deux  points  méritent  surtout  d  être  notés  dans  ces  ob- 
servations. D'abord  la  lésion  de  la  vessie.  Celle-ci  résulte  de  ce  que  l'or- 
gane a  perdu  en  partie  le  pouvoir  de  résister  aux  causes  d'excitation  et  aussi 
des  modifications  que  subit  l'urine  longtemps  retenue  dans  les  parties  les 
plus  déclives  de  son  réservoir.  C'est  là  une  des  causes  les  plus  fréquentes 


88  AFFECTIONS  CONSÉCUTIVES  AU  DÉCUBITUS  AIGU. 

que  je  sache,  à  quelques  rares  exceptions  près  (1),  arrêté 
les  observateurs.  Il  serait  injuste,  toutefois,  de  ne  pas  re- 
connaître que,  dans  la  fièvre  typhoïde  et  le  typhus,  une 
affection  cutanée  qui  a  la  plus  grande  analogie  avec  celle 
qui  nous  occupe  et  qui,  peut-être,  dépend  en  partie  de  con- 
ditions analogues,  a  été,  en  France,  minutieusement  décrite 
par  Piorry  (2)  et  en  Allemagne  par  Pfeùfer  (3). 

Mais  revenons,  Messieurs,  au  décitbilus  provoqué  par 
les  maladies  des  centres  nerveux.  Vous  connaissez  trop 
bien  les  accidents  que  les  eschares ,  quelle  qu'en  soit 
d'ailleurs  la  cause,  sont  capables  d'engendrer  pour  que  je 
me  laisse  entraîner  à  vous  présenter  ici  une  description 
complète.  Permettez-moi,  cependant,  de  vous  retracer  en 
quelques  mots  les  principaux  d'entre  eux,  car  vous  devez 
vous  attendre  à  les  voir  figurer  souvent  dans  la  période 
ultime  d'un  grand  nombre  d'affections  du  cerveau,  et  sur- 
tout de  la  moelle  épinière. 

Les  eschares,  pour  peu  qu'elles  aient  acquis  une  cer- 
taine étendue,  constituent,  vous  le  savez,  de  redoutables 
foyers  d'infection  ;  et,  de  fait,  Yintoxication  putride,  mar- 
quée par  une  fièvre  rémittente  plus  ou  moins  accentuée, 
est  une  des  complications  qu'elles  provoquent  le  plus  com- 
munément. 

Vient   ensuite  Y  infection  purulente,    avec  production 


de  la  terminaison  fatale  chez  les  paraplégiques.  Il  faut  noter,  en  second  lieu, 
l'apparition  des  bulles  sur  les  membres  paralysés,  circonstance  à  laquelle  il 
a  été  fait  allusion  déjà  dans  les  remarques  précédentes.  L'inaptitude  à  résis- 
ter aux  agents  de  destruction  est  aussi  mise  en  lumière,  dans  tous  les  cas, 
par  la  formation  d'eschares  profondes  sur  tous  les  points  des  parties  para- 
lysées, soumis  à  la  pression.  »  [Loc.  cit.,  pp.  421,  422). 

(1)  Après  R.  Bright,  il  faut  citer  surtout  B.  Brodie.  {Injuries  of  ike  spinal 
Chord.,  in  Med.  chir.  Transactions^.  XX,  1837),  etBrown-Séquard  (loc.  cit.). 

(2)  A  T ouzé.  —  Des  dermopathies  et  des  dermonécrosies  sacro-coccy giennes . 
Thèse  de  Paris,  1853. 

(3)  Kercliensteiner'  Bericht,  in  Henle  und  Pfeûfers  Zeitschrift  fur  ration- 
nelle Medicin,  Bd.  V.  —  Voir  aussi  Wunderlich,  Pathologie,  t.  II,  p.  285. 


AFFECTIONS  CONSÉCUTIVES  AU  DÉCUBITUS  AIGU.  89 

d'abcès  métastatiques  dans  les  viscères;  ce  second  cas 
paraît  assez  rare  (1). 

Nous  signalerons  aussi  les  embolies  gangreneuses.  Dans 
cette  dernière  variété,  des  thrombus  imprégnés  de  l'ichor 
gangreneux  sont  transportés  à  distance  et  donnent  lieu  à 
des  métastases  gangreneuses  qui  s'observent  principalement 
dans  les  poumons.  C'est  un  point  sur  lequel  nous  avons 
insisté,  M.  Bail  et  moi,  dans  un  travail  publié  en  1860  (2). 
Mais  bien  avant  nous  et  bien  avant  même  que  la  théorie 
de  l'embolie  n'eût  été  germanisée,  M.  Foville  (3)  avait  émis 
l'opinion  qu'un  nombre  assez  considérable  de  gangrènes 
pulmonaires,  observées  chez  les  aliénés  et  dans  diverses 
affections  des  centres  nerveux,  sont  causées  par  le  «  trans- 
port dans  le  poumon,  d'une  partie  du  fluide  qui  baigne  les 
eschares  au  siège  ». 

Le  travail  de  mortification  tend  à  gagner  de  proche  en 
proche  et  à  envahir  les  tissus  profonds.  Le  délabrement 
qui  en  résulte  est  quelquefois  porté  au  plus  haut  point  : 
ainsi  les  bourses  séreuses  trochantériennnes  peuvent  être 
ouvertes,  le  trochanter  dépouillé  de  son  périoste,  les  mus- 
cles, les  troncs  nerveux,  les  branches  artérielles  d'un  cer- 
tain calibre  mises  à  nu.  Mais  les  accidents  les  plus  redou- 
tables sont  ceux  surtout  que  déterminent  la  dénudation, 
les  pertes  de  substance  du  sacrum  et  du  coccyx,  la  des- 
truction du  ligament  sacro-coccygien  et  l'ouverture  consé- 
cutive du  canal  sacré  ou  de  la  cavité  arachnoïdienne.  En 
conséquence  de  ces  désordres,  le  pus  et  l'ichor  gangre- 
neux peuvent  venir  infiltrer  le  tissu  cellulo-graisseux  qui 


(1)  Bilroth  und  Wseckerling,  in  LangenlecKs  Archiv.  f.  Min  Chir.,  Bd  I, 
1861,  §  1.  470.  Fracture  de  la  sixième  vertèbre  dorsale,  formation  rapide  d'une 
eschare  au  sacrum.  Symptômes  manifestes  de  pyémie;  six  ou  huit  abcès  à 
la  surface  des  reins.  —  Midderdorf.  Knochenhuch,  %  62.  Fracture  de  la  hui- 
tième vertèbre  dorsale.  Formation  rapide  d'eschare  ;  pyémie  ;  abcès  métas- 
tatique  dans  les  poumons. 

(2)  De  la  coïncidence  des  gangrènes  viscérales  et  des  afections  gangreneuses 
extérieures,  in  Union  médicale,  26  et  28  janvier  1860. 

(3)  Dict.  de  méd.  et  de  chir,prat.,  t.  Ier,  p.  556. 


90  AFFECTIONS  CONSÉCUTIVES. 

enveloppe  la  dure  mère,  ou  même,  si  cette  dernière  mem- 
brane est  détruite  en  un  point,  pénétrer  jusque  dans  la  ca- 
vité de  l'arachnoïde  (1). 

De  graves  complications  cérébro-spinales  surviennent 
habituellement,  dans  cet  état  de  choses  :  elles  peuvent 
être  ramenées  à  deux  chefs  principaux.  C'est  tantôt  une 
méningite  ascendante  purulente  simple  qu'on  observe, 
tantôt  une  sorte  de  méningite  ascendante  ichoreuse  dont 
Lisfranc  et  M.  Baillarger  ont  rapporté  plusieurs  exemples  re- 
marquables. En  pareil  cas,  un  liquide  puriforme,  grisâtre, 
acre  et  fétide  imbibe  les  méninges  et  la  moelle  elle-même, 
tantôt  dans  la  partie  la  plus  inférieure  seulement,  tantôt 
dans  toute  sa  hauteur.  Ce  liquide  se  retrouve  quelquefois  à 
la  base  de  l'encéphale,  dans  le  quatrième  ventricule, 
l'aqueduc  de  Sylvius  et  jusque  dans  les  ventricules  laté- 
raux. Dans  tous  ces  points,  la  substance  cérébrale  est 
teintée  à  sa  surface  et  dans  une  certaine  étendue  en  pro- 
fondeur, d'une  coloration  ardoisée,  bleuâtre,  laquelle,  à 
plusieurs  reprises,  a  été  considérée,  bien  à  tort,  comme 
constituant  un  des  caractères  de  la  gangrène  du  cerveau  (2). 
M.  Baillarger  a  le  premier,  je  crois,  reconnu  la  véritable 
nature  de  cette  altération.  Il  s'agit  là  surtout  d'un  phéno- 
mène d'imbibition,  de  macération,  de  teinture.  Remarquez 
que  toujours,  lorsque  la  méningite  cérébrale  ichoreuse  a 
pour  point  de  départ  une  eschare  sacrée,  la  coloration  ar- 
doisée se  retrouve  dans  toute  l'étendue  de  la  moelle  épi- 
nière  ;  elle  est,  là,  constamment  plus  prononcée  que  dans 
l'encéphale,  et  d'autant  plus  qu'on  s'éloigne  moins  de  l'es- 


(1)  B.  Brodie,  loc.  cit.,  p.  153.  —  Velpeau.  —  Anatom.  chirurgicale.  — 
Ollivier  (d'Angers).  —  Traité  des  maladies  de  la  moelle  épinière,  t.  Ie l",  p. 
314,  324,  3e  édit.  1837.  —  Moynier.  —  De  Veschare  au  sacrum  et  des  acci- 
dents qui  peuvent  en  résulter  (Moniteur  des  sciences  médicales  et  pharmaceu- 
tiques. Paris,  1859.)  —  Lisfranc,  Archives  générales  de  médecine,  4e  année, 
t.  XIV,  p.  291. 

(2)  Dubois  (d'Amiens).  —  Mémoires  de  V Académie  deMédecintt  t.  XXVII. 
p.  50,  1865,  1866. 


PATHOGÉNIK   DU   DÉGUBITUS  AIGU.  91 

chare.  Au  contraire,  dans  le  cas  où  un  ulcère  sordide  de  la 
face,  un  cancroïde,  par  exemple,  après  avoir  détruit  les 
os,  aurait  mis  à  nu  la  dure-mère,  la  coloration  ardoisée 
provoquée  par  la  macération  ichoreuse  pourrait ,  ainsi 
que  je  l'ai  constaté  plusieurs  fois,  rester  limitée  aux  lobes 
antérieurs  du  cerveau,  dans  les  régions  correspondant  au 
fond  de  l'ulcère. 

A  ces  complications  que  je  ne  puis  qu'indiquer  d'une 
manière  très-sommaire,  il  faut,  avec  Ollivier  (d'Angers), 
rattacher  les  symptômes  cérébraux  ou  cérébro-spinaux 
graves,  assez  mal  définis  encore,  qui  terminent  rapidement 
la  vie,  dans  un  grand  nombre  de  cas  de  maladie  de  la  moelle 
épinière. 

Nous  devons,  actuellement,  entrer  dans  les  détails,  et 
vous  faire  connaître  les  principales  circonstances  dans  les- 
quelles se  produit  le  décubitus  aigu,  sous  l'influence  des 
lésions  du  cerveau  et  de  la  moelle  épinière,  ainsi  que  les 
variétés  de  siège  et  d'évolution  qu'il  présente,  suivant  la 
nature  ou  le  siège  de  la  lésion  qui  en  a  provoqué  l'appari- 
tion. Nous  aurons  à  rechercher  également  si  le  mode  de 
production  de  cette  lésion  trophique  de  la  peau  rentre  dans 
la  théorie  générale  à  laquelle  nous  avons  dû  nous  rattacher 
jusqu'ici.  Bans  ce  but,  nous  passerons  successivement  en 
revue  les  diverses  affections  du  cerveau  et  de  la  moelle  qui 
peuvent  donner  lieu  au  décubitus  aigu. 

A.  Du  décuUtus  aigu  dans  V apoplexie  symptomatique 
de  lésions  cérébrales  en  foyer.  C'est  surtout  dans  l'apo- 
plexie consécutive  à  l'hémorrhagie  intra-encéphalique,  ou 
au  ramollissement  partiel  du  cerveau  qu'on  l'observe.  Mais 
il  peut  se  produire  encore  dans  l'hémorrhagie  méningée,  la 
pachyméningite,  dans  le  cas,  enfin,  où  des  tumeurs  intra- 
crâniennes  donnent  lieu  à  des  attaques  apoplectiformes.  Les 
derniers  événements  m'ont  fourni  plusieurs  fois  l'occasion 


92  DÉCUBITUS  DANS  LES  LÉSIONS  DU  CERVEAU. 

de  l'observer  chez  des  sujets  atteints  d'encéphalite  partielle 
déterminée  par  des  plaies  de  guerre  (1). 

L'érythème,  dans  tous  les  cas  de  ce  genre,  se  manifeste 
habituellement  du  deuxième  au  quatrième  jour  après  l'at- 


(l)  L'obligeance  de  mon  collègue,  M.  Cruveilhier,  chirurgien  de  la  Sal- 
pétrière,  me  met  à  même  de  rapporter  le  fait  suivant,  que  je  cite  à  titre 
d'exemple  du  dernier  genre  : 

—  Le  nommé  Erust,  Louis,  soldat  saxon,  fut  recueilli  à  Villiers,  sur  le 
champ  de  bataille,  le  30  novembre  1870,  et  apporté  à  l'ambulance  de  la  Sal- 
pétrière,  le  soir  même,  vers  9  heures.  Une  balle  lui  avait  traversé  le  crâne 
de  part  en  part  :  un  des  orifices  siégeait  en  haut  du  front,  un  peu  à  gauche 
de  la  ligne  médiane  ;  l'autre  à  droite,  vers  la  partie  moyenne  du  pariétal.  La 
substance  cérébrale  faisait  issue  sous  forme  de  champignon  à  travers  ce  der- 
nier orifice.  La  région  temporale  et  la  paupière  supérieure  du  côté  droit  sont 
ecchymosées  et  tuméfiées;  coma  profond.  Le  3  décembre,  somnolence;  le 
malade,  quand  on  l'interroge  vivement,  profère  quelaues  sons  inarticulés  ; 
il  tire  bien  la  langue  quand  on  l'y  invite  ,  la  déglutition  s'opère  sans  embarras. 
On  constate  l'existence  d'une  hémiplégie  à  peu  près  complète,  avec  flaccidité 
des  membres  du  côté  droit.  De  temps  à  autre,  sans  provocation,  il  se  pro- 
duit dans  le  membre  supérieur  de  ce  côté  une  sorte  de  contraction  spasmo- 
dique  qui  porte  momentanément  le  bras  dans  la  pronation  Le  diaphragme 
paraît,  lui  aussi,  être  de  temps  en  temps  le  siège  de  contractions  analogues. 
La  respiration,  par  moments  irrégulière,  est  calme,  sans  stertor.  Il  n'y  a  pas 
de  déviation  de  la  tête  ou  des  yeux.  Les  commissures  labiales  ne  sont  point 
déviées  ;  la  sensibilité  paraît  très-émoussée  sur  tous  les  points  du  corps. 
Pas  de  vomissements.  Pouls  très-fréquent,  MO?  —  Le  4  décembre  (5e  jour), 
même  état  que  la  veille  ;  seulement  la  somnolence  est  plus  profonde  qu'hier  : 
c'est  à  peine  si  l'on  obtient  quelques  contractions  des  muscles  de  la  face  en 
pinçant  fortement  divers  points  de  la  peau.  Selles  et  urines  involontaires. 
Peau  chaude,  couverte  de  sueur;  température  axillaire,  41°.  Un  commence- 
ment d'escharre  s'est  présenté  sur  la  fesse  du  côté  droit  {côté  paralysé)  ;  rien 
de  semblable  n'existe  à  gauche.  Sur  la  cuisse  droite,  à  la  face  interne,  un  peu 
au-dessous  du  genou,  dans  un  point  où  le  genou  gauche  fléchi,  paraît  avoir,  pen- 
dant la  nuit ,  exercé  une  pression  un  peu  prolongée,  on  observe  une  bulle  du  vo- 
lume d'une  amande,  remplie  de  liquide  citrin,  et  entourée  d'une  aréole  érythé- 
mateuse  peu  étendue.  Le  genou  gauche,  dans  le  point  où  la  pression  a  dû 
s'exercer,  ne  présente,  lui,  aucune  trace  d'érythème  ou  de  soulèvement  épi- 
dermique.  —  Le  malade  succomba  le  5. 

Autopsie.  —  Les  deux  hémisphères  cérébraux,  à  leur  partie  moyenne  et 
supérieure  dans  les  points  qui  correspondent  aux  extrémités  internes  des 
circonvolutions  marginales  antérieure  et  postérieure,  sont  transformés  en  une 
bouillie  tantôt  rougeâtre,  et  où  l'on  trouve  çà  et  là  de  petits  caillots  dissé- 
minés, tantôt  bleuâtres  (coloration  ardoisée).  On  reconnaît  sur  une  coupe 
transversale  que  le  ramollissement  pénètre  dans  le  centre  ovale  de  Vieussens, 
jusqu'au  voisinage  des  ventricules   latéraux,    qu'il   n'atteint    pas   toutefois, 


DECUB1TUS  DANS  LES  LESIONS   DU  CERVEAU.  93 

taque,  rarement  plus  tôt,  quelquefois  plus  tard.  Il  affecte 
d'ailleurs  un  siège  tout  particulier.  Ce  n'est  pas  à  la  région 
sacrée,  ainsi  que  cela  a  lieu  si  communément  dans  les  cas 
d'affection  spinale,  qu'il  se  développe,  non  plus  que  sur  un 
point  quelconque  des  parties  médianes,  mais  bien  vers  le 


Fig.  3.  —  Eschare  de  la  fesse  du  côté  paralysé,  dans  un  cas  d'hémiplégie  consécutive 
àl'hémorrhagie. —  a,  Partie  mortifiée;  —  b,  Zone  érythéoiateuse. 

centre  de  la  région  fessière,  et,  le  plus  souvent,  s'il  s'agit 
d'une  lésion  unilatérale  du  cerveau,  exclusivement  du  côté 
correspondant  à  l'hémiplégie  [Fig.  3). 


même  à  gauche  où  le  foyer  d'encéphalite  est  de  beaucoup  plus  étendu  qu'à 
droite  dans  toutes  les  directions.  —  Les  couches  optiques  et  les  corps  striés 
sont  parfaitement  indemnes.  Au  voisinage  des  parties  ramollies  du  cerveau, 
la  dure-mère  est  recouverte  d'une  néo-membraue  fibrineuse  et  purulente 
par  places.  —  Le  crâne  est  fracturé  en  plusieurs  points,  au  voisinage  des 
orifices  qui  ont  donné  passage  au  projectile. 


94  DECUBITUS  DANS  LES  LESIONS  DU  CERVEAU. 

Le  lendemain  ou  le  surlendemain  l'éruption  huileuse, 
puis  la  tache  ecchymotique,  apparaissent  sur  la  partie  cen- 
trale de  la  plaque  érythémateuse,  c'est-à-dire  à  4  ou  5  cen- 
timètres environ  en  dehors  du  sillon  interfessier,  et  à  3  ou 
4  centimètres  au-dessous  d'une  ligne  fictive  qui  partirait  de 
l'extrémité  supérieure  de  ce  sillon  en  suivant  un  trajet 
perpendiculaire  à  sa  direction.  Enfin,  la  mortification 
du  derme  se  produit  sur  ce  même  point,  et  elle  s'étend 
rapidement  en  largeur,  si  les  jours  du  malade  se  prolon- 
gent; mais  il  est  assez  rare,  en  somme,  que  le  décuhitus  aigu 
des  apoplectiques  parvienne  jusqu'à  l'eschare  confirmée. 

Il  est  peu  commun  également  de  voir,  en  outre  de  l'érup- 
tion fessière,  des  huiles  ou  des  vésicules  se  développer  au 
talon,  à  la  face  interne  du  genou  et,  en  un  mot,  sur  les  di- 
vers points  du  membre  inférieur  paralysé  qui  peuvent  être 
soumis  à  une  légère  pression. 

Je  ne  dois  pas  omettre  de  vous  faire  remarquer,  chemin 
faisant,  que,  d'après  mes  observations,  cette  affection  de  la 
peau  ne  se  montre  que  fort  exceptionnellement  dans  les  cas 
qui  doivent  se  terminer  d'une  manière  favorable  ;  son  appa- 
rition constitue,  par  conséquent,  un  signe  du  plus  fâcheux 
augure  ;  c'est,  on  peut  le  dire,  le  deciibitas  ominosus  par 
excellence.  Ce  signe,  je  le  repète,  ne  trompe  guère,  et 
comme  il  est  possible  d'en  constater  l'existence  dès  les  pre- 
miers jours,  il  acquiert  par  là,  on  le  comprend,  une  grande 
valeur  dans  les  cas  douteux.  L'abaissement  très-marqué 
de  la  température  centrale  au-dessous  du  taux  normal, 
constaté  au  début  de  l'attaque,  à  l'aide  de  l'exploration 
thermométrique,  est  à  ma  connaissance,  le  seul  signe 
qui,  dans  les  cas  d'hémiplégie  à  invasion  brusque,  puisse, 
au  point  de  vue  du  pronostic,  rivaliser  avec  le  précédent. 

Les  circonstances  dans  lesquelles  se  développe  le  décu- 
bitus aigu  des  apoplectiques  ne  permet  évidemment  pas  de 
faire  intervenir,  comme  élément  unique,  l'influence  de  la 
pression  exercée  sur  les  parties  où  il  se  manifeste.  La  pres- 
sion, en  effet,  est  égale  pour  les  deux  fesses,  et  l'éruption, 


DÉCUBITUS  AIGU  DE   CAUSE   SPINALE.  16 

nous  l'avons  vu,  se  produit  exclusivement,  ou  du  moins 
prédomine  toujours  sur  la  fesse  du  côté  paralysé.  Maintes 
fois,  j'ai  eu  soin  de  faire  reposer  les  malades  sur  le  côté 
non  paralysé,  pendant  la  plus  grande  partie  du  jour,  et 
cette  précaution  n'a  d'aucune  façon  modifié  la  production 
de  l'eschare.  D'ailleurs,  quelle  peut  être,  en  pareil  cas, 
l'influence  d'une  pression  qui  ne  s'exerce  que  depuis  deux 
ou  trois  jours?  On  ne  saurait,  non  plus,  invoquer  le  contact 
irritant  des  urines.  Dans  plusieurs  cas,  j'ai  fait  recueillir 
ce  liquide  heure  par  heure,  nuit  et  jour,  à  l'aide  de  la 
sonde,  pendant  tout  le  temps  de  la  maladie,  de  manière  à 
éviter,  autant  que  possible,  l'irritation  de  la  peau  du  siège, 
et  malgré  tout,  l'eschare  s'est  produite,  suivant  les  règles 
indiquées. 

Quelle  peut  être  la  cause  organique  de  cette  singulière 
lésion  trophique?  J'ai  cru  pendant  longtemps  que  cette  lé- 
sion devait  être  considérée  comme  un  des  effets  de  l'hypé- 
rémie  neuroparalytique,  laquelle  se  révèle  toujours,  vous 
le  savez,  d'une  façon  plus  ou  moins  accusée,  sur  les  mem- 
bres frappés  d'hémiplégie  de  cause  cérébrale,  par  une  élé- 
vation relative  de  la  température.  Mais  cette  hypothèse  est, 
ainsi  que  nous  le  verrons,  passible  d'une  foule  d'objections. 
Les  faits  qui  seront  exposés  plus  loin  rendent  plus  vrai- 
semblable qu'il  faut  invoquer  ici  l'irritation  de  certaines 
régions  de  l'encéphale,  qui  auraient,  dans  l'état  normal,  une 
action  plus  ou  moins  directe  sur  la  nutrition  de  divers 
points  du  tégument  externe. 

B.  Du  décubitus  aigu  de  cause  spinale.  Lorsque  le  dé- 
cubitus aigu  se  produit  sous  l'influence  d'une  lésion  de  la 
moelle  épinière,  il  se  manifeste  dans  la  très-grande  majo- 
rité des  cas,  à  la  région  sacrée  —  par  conséquent  au-dessus 
et  en  dedans  du  siège  de  prédilection  des  eschares  de  cau- 
se cérébrale  :  là,  il  occupe  la  ligne  médiane  et  s'étend  aux 
parties  voisines,  symétriquement,  de  chaque  côté.  (Fig.  4). 
Il  peut  se  faire  toutefois  qu'un  seul  côté  soit  affecté,  dans 


96 


DECUBITUS  AIGU   DE   CAUSE  SPINALE. 


le  cas,  par  exemple,  où  une  moitié  latérale  de  la  moelle  est 
seule  intéressée,  et  alors  c'est  fréquemment  sur  le  côté  du 
corps  opposé  à  la  lésion  spinale  que  siège  la  lésion  cutanée. 
L'influence  des  attitudes  joue  ici  un  rôle  important.  Ainsi, 
il  est  habituel,  lorsque  les  malades  sont,  pendant  une  par- 
tie du  jour,  placés  de  façon  à  reposer  sur  le  côté,  de  voir, 
en  outre  de  l'eschare  sacrée,  de  vastes  ulcérations  nécro- 
siques  se  développer  aux  régions  trochantériennes.  Il  est 


Fig.  4.  —  Eschare  de  la  région  sacrée  dans  un  cas  de  myélite  partielle  siégeant  à  la 
région  dorsale  de  la  moelle  épinière.—a,  Partie  mortifiée;  —  b,  Zone  érythémateuse. 


assez  commun  d'ailleurs  —  contrairement  à  ce  qui  s'obser- 
ve dans  les  cas  de  lésions  cérébrales  —  que  les  divers 
points  des  membres  paralysés  qui  sont  exposés  à  subir 
une  pression  même  très-légère  et  de  courte  durée,  —  les 
malléoles,  par  exemple,  les  talons,  la  face  interne  des  ge- 
noux —  offrent  les  lésions  qui  caractérisent  le  décubitus, 


MYÉLITES  TRAUVIATIQUES.  97 

aigu.  Les  eschares  peuvent  se  montrer  encore,  à  la  vérité 
très-rarement,  au  niveau  de  la  pointe  des  omoplates,  ou 
sur  les  régions  olécràniennes  (1). 

D'une  manière  très-générale,  on  peut  dire  que  les  lésions 
spinales  qui  produisent  le  décubitus  aigu  sont  aussi  celles 
qui  donnent  naissance  à  l'atrophie  musculaire  rapide  et 
aux  autres  troubles  du  même  ordre.  Le  développement  à 
peu  près  simultané  de  ces  diverses  affections  consécutives 
rend  vraisemblable,  déjà,  qu'elles  reconnaissent  toutes  une 
origine  commune.  Il  importe  de  remarquer,  toutefois,  que 
cette  règle  est  loin  d'être  absolue.  En  effet,  certaines  affec- 
tions spinales  ont  pour  caractère  que  toujours  l'atrophie 
rapide  des  muscles  se  développe  sans  accompagnement 
d'eschares,  et  il  en  est  d'autres,  par  contre,  où  l'eschare 
peut  se  produire  sans  que  la  nutrition  des  muscles,  dans  les 
membres  paralysés,  se  montre  affectée. C'est  même  là  un  fait 
fort  intéressant  au  point  de  vue  de  la  physiologie  patholo- 
gique et  que  nous  jurons  soin  de  faire  ressortir  (Fig.  4). 

a)  Nous  mentionnerons  en  premier  lieu  les  lésions  trau- 
matiques  de  la  moelle  épinière,  celles,  en  particulier,  qui 
résultent  de  fractures  ou  de  luxations  de  la  colonne  ver- 
tébrale. De  nombreux  faits  de  ce  genre  rapportés  par 
Bright  (2),  Brodie  (3),  Jeffreys  (4),  Ollivier  d'Angers  (5), 
Laugier  (6),  Gurlt  (1)  et  quelques  autres  (8),  montrent  avec 


(1)  W.  Clapp.  —  Provinc.  med.  and  Sur  g.  Joum.,  1851,  p.  322  et  Gurlt. 
loc.  cit.,  p.  110,  n°  76. 

(2)  R.  Bright.  —  Reports  of  médical  Cases,  t.  II,  pp.  380,  432.  London,  182! . 

(3)  B.  Brodie.  —  Medie.  clùr.  Transact.,  p.  148,  t.  II,  1836. 

(4)  Jeffreys.  —   Cases  of  fracture d  spine  in   London  medic.  and  surgical 
Journal.  July,  1826. 

(o)  Ollivier  (d'Anger?),  loc.  cit.,  t.  I. 

(6)  S.  Laugier.  —  Des  lésions  trav.matiques  de  la  moelle  épinière.  Thèse 
de  concours.   Paris,  1848. 

(7)  E.  Gurlt.  —  Handb.  der  Lehrevon  den  Knochenuruchen,  2  Th.  1.  Liefer. 
Hamm.,  1864. 

(8)  Voy..  sur  ce  sujet,  un  chapitre  intéressant  dans  l'ouvrage  de  M.  Samuel 
loc.  rit.,  p.  239. 

Charcot,  t.  1,  3e  éd.  7 


98  MYÉLITES  TRAUMATIQUES. 

quelle  rapidité  les  eschares  sacrées  peuvent  se  produire  en 
pareil  cas.  Afin  de  bien  fixer  vos  idées  à  cet  égard,  je  vous 
demanderai  la  permission  de  rappeler  brièvement  quelques- 
uns  de  ces  faits. 

Dans  un  cas  rapporté  par  le  docteur  Woodf  de  New- 
York  (1),  il  s'agit  d'une  fracture  du  corps  de  la  septième 
vertèbre  cervicale,  survenue  à  la  suite  d'une  chute  dans 
un  escalier  :  la  mort  eut  lieu  quatre  jours  après  l'accident. 
Dès  le  chuxièmejour,  il  existait  de  la  rougeur  à  la  région 
sacrée,  et  une  bulle  s'était  formée  au  niveau  du  coccyx.  Il 
y  eut  de  l'hématurie  le  troisième  jour.  —  Une  chute  d'un 
lieu  élevé  détermina  une  diastase  complète  des  sixième  et 
septième  vertèbres  cervicales  ;  la  mort  survint  soixante 
heures  après  la  chute,  et  déjà,  à  cette  époque,  il  existait  un 
déciibitus  très-prononcé.  Le  fait  appartient  au  docteur 
Bùchner,  de  Darmstadt  (2).  —  Un  des  cas  de  Jeffreys  est 
relatif  à  une  fracture  de  la  quatrième  vertèbre  dorsale  ; 
une  eschare  confirmée  occupait  la  région  sacrée,  dès  le 
quatrième  jour.  —  L'eschare  survint  trois  jours  après  l'ac- 
cident, chez  un  individu  dont  Ollivier  (d'Angers)  a  rap- 
porté l'histoire,  d'après  Guersant,  et  qui  avait  reçu  une 
balle  dans  le  corps  de  la  huitième  vertèbre  dorsale. 

Un  second  cas  de  Jeffreys  est  particulièrement  digne 
d'intérêt:  Le  malade  était  tombé  d'une  échelle  de  vingt-cinq 
pieds  de  haut.  A  l'autopsie,  on  trouva  le  corps  des  septième 
et  huitième  dorsales  brisé  en  plusieurs  pièces  et  ayant 
éprouvé  un  grand  déplacement.  Le  jour  de  la  chute,  la 
peau  était  froide,  le  pouls  à  peine  perceptible.  Toutes  les 
parties  au-dessus  de  la  fracture  étaient  privées  de  la  sensi- 
bilité et  du  mouvement.  Le  lendemain,   érections  conti- 


(1)  Gurlt,  loc.  cit.  Tableau  n°  97. 

(2)  Gurlt,  id.  n°  86. 


MYELITES  TRAUMATIQUES.  99 

nuelles  ;  «  il  survint  des  phlyctènes  à  la  région  du  sacrum.  » 
et,  ce  même  jour,  «  le  malade  recouvra  sa  sensibilité.  » 
Je  signale  ce  dernier  trait  à  votre  attention,  parce  que  plu- 
sieurs auteurs  ont  voulu  —  bien  à  tort,  vous  le  voyez.  — 
faire  jouer  à  l'anesthésie  un  rôle  important  dans  la  patho- 
génie  du  décubitus  aigu  de  cause  spinale.  La  persistance 
de  la  sensibilité  dans  les  parties  situées  au-dessous  de  la 
lésion  se  trouve,  d'ailleurs,  signalée  encore,  d'une  façon 
plus  ou  moins  explicite,  dans  un  cas  de  Colliny  (1),  relatif 
à  une  fracture  de  la  septième  vertèbre  cervicale  et  où  l'es- 
chare  se  manifesta  le  quatrième  jour,  ainsi  que  dans  un 
fait  d*011ivier  (d'Angers  2  •  concernant  une  fracture  de  la 
douzième  dorsale.  L'escharo.  dans  ce  dernier  cas.  fut  cons- 
tatée le  treizième  jour. 

Il  est  inutile  de  multiplier  ces  exemples,  car  tous  les 
chirurgiens  .s'accordent  à  reconnaître  que  la  formation 
rapide  d'eschares  est  un  des  phénomènes  les  plus  communs 
à  la  suite  des  lésions  spinales  résultant  des  fractures  avec 
déplacement  des  vertèbres.  Suivant  Gurlt.  dont  l'opinion 
à  cet  égard  est  fondée  sur  l'étude  d'un  très-grand  nombre 
d'observations  (3)j  c'est  du  quatrième  au  cinquième  jour 
après  l'accident  que  commencent  à  apparaître  le  plus  fré- 
quemment les  premiers  signes  du  décubitus  aigu  ;  mais  ils 
peuvent,  nous  venons  de  le  voir,  se  manifester  beaucoup 
plus  tôt,  dès  le  deuxième  jour  et  même  plus  tôt  encore.  Il 
semble  —  et  c'est  une  remarque  déjà  faite  par  Brodie  — 
que  la  production  des  eschares  soit  d'autant  plus  hâtive 
que  la  lésion  traumatique  porte  sur  un  point  plus  élevé  de 
la  moelle.  D'un  autre  côté,  il  résulterait  d'une  statistique 
de  J.  Ashhurst.  que  les  troubles  de  nutrition  deviennent 


(1)  Cité  par  Ollivier  (d'Angers),  ïoc.  cit. 

(2)  La  sensibilité  était  également  conservée  dans  le  cas  du  docteur  Bûchner, 
cité  plus  haut,    et  où  l'eschare  se  produisit  avant  la  lin  du  troisième  jour. 

[3]  Voir  Gurlt,  ïoc.  cit.,  p.  94,  analyse  de  270  cas. 


7jO0  MYÉLITES  TRAUMATIQUES. 

plus  fréquents  à  mesure  que  la  blessure  descend  plus  bas. 
Ainsi,  d'après  cet  auteur,  les  eschares  n'ont  été  notées 
que  trois  fois  à  la  suite  des  lésions  de  la  région  cervicale 
(1/41  p.  100),  12  fois  (9,23  p.  100)  pour  la  région  dorsale, 
tandis  que  pour  la  région  lombaire  la  proportion  s'est 
élevée  à  12/100  (7  cas)  (1). 

Le  priapisme,  les  convulsions  cloniques  plus  ou  moins 
intenses,  survenant  dans  les  membres  paralysés,  soit  spon- 
tanément, soit  en  conséquence  de  provocations,  les  con- 
vulsions toniques  se  montrant  par  accès  ;  tous  ces  symp- 
tômes, qui  révèlent  habituellement  un  état  d'irritation  de  la 
moelle  épinière  ou  des  méninges,  se  trouvent  plusieurs  fois 
mentionnés  parmi  ceux  qui,  dans  les  fractures  de  la  colonne 
vertébrale,  précèdent,  accompagnent  ou  suivent  de  près  la 
formation  précoce  des  eschares. 

En  pareil  cas,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  l'anesthésie  des 
parties  paralysées  du  mouvement  n'est  pas  un  fait  cons- 
tant, et  quant  à  l'élévation  remarquable  de  la  tempéra- 
ture, dont  les  parties  deviennent  quelquefois  le  siège  en 
conséquence  de  la  paralysie  vaso-motrice  (2),  on  ne  saurait 
décider,  quant  à  présent,  si  elle  est  alors  présente,  l'atten- 
tion des  observateurs  ne  s'étant  pas  portée  sur  ce  point 
particulier.  Nous  signalerons,  au  contraire,  comme  un 
symptôme  qui  se  manifeste  fréquemment  dans  le  temps 
même  où  se  produit  le  décubitus  aigu,  l'émission  d'urines 
sanguinolentes,  alcalines  et  mêmes  purulentes  ;  c'est  un  fait 
sur  lequel  nousaurons  plus  tard  l'occasion  de  revenir. 

(1)  J.  Ashhurst.  —  Injuries  ofthe  Spine  tvith  an  Analysis  of  nearly  four 
hundred  Cases.  Philadelphie,  1867. 

(2)  Dans  un  cas  de  fracture  de  la  colonne  vertébrale,  à  la  région  dorsale, 
observé  par  J.  Hutchinson,  dès  le  second  jour  après  l'accident,  la  tempéra- 
ture prise  aux  deux  pieds,  au  niveau  de  la  malléole  interne,  s'élevait  au-delà 
de  38°  c.  A  l'état  normal,  d'après  les  observations  faites  à  London  Hospital, 
par  le  docteur  Woodman,  le  thermomètre  placé  entre  les  deux  premiers  or- 
teils donne  en  moyenne,  27°,5,  le  maximum  étant  34°, 5  et  le  minimum  21°, 5. 
—  Voir  J.  Hutchinson.  —  On  Fractures  of  the  Spine,  in  London  Hospital 
Reports,  t.  III,  1866,  p.  363.  Voir  aussi  H.  Vv  eber  et  Gull.  In  The  Lancet, 
janv.  27,  1872,  p.  117.  Glinical  Society  of  London. 


HÉMIPARAPLÉGIE   TRAUMATIQUE.  101 

La  nécroscopie,  jusqu'à  ce  jour,  n'a  révélé,  en  général, 

relativement  aux  lésions  spinales,  rien  qui  soit  particulier 
aux  cas  dans  lesquels  se  produisent  les  eschares  à  déve- 
loppement rapide  ;  plusieurs  fois  cependant,  on  trouve  men- 
tionnées, en  pareille  circonstance,  des  altérations  de  la 
moelle  qui  mettent  hors  de  doute  l'existence  d'un  processus 
inflammatoire  :  telles  sont,  par  exemple,  l'infiltration  pu- 
rulente ou  même  la  formation  d'abcès  au  sein  des  parties 
ramollies,  signalés  dans  plusieurs  cas. 

&)  L'étude  des  faits  d'hémiparaplégie,  consécutive  à  des 
blessures  n'intéressant  qu'une  moitié  latérale  de  la  moelle 
épinière,  peut  fournir  des  renseignements  utiles  concernant 
la  pathogénie  du  décubitus  aigu  et  de  quelques  autres  trou- 
bles trophiques  de  cause  spinale.  On  sait,  par  les  travaux 
de  M.  Brown-Séquard,  qu'à  la  suite  des  blessures  de  ce 
genre,  il  se  produit  chez  les  animaux  une  paralysie  du 
mouvement  dans  le  membre  inférieur  du  côté  où  siège  la 
lésion  spinale  ;  ce  membre  présente  en  outre  un  degré  plus 
ou  moins  prononcé  d'exaltation  de  la  sensibilité  tactile  et 
il  offre  de  plus  une  élévation  notable  de  la  température  liée 
à  la  paralysie  vaso-motrice.  Le  membre  du  côté  opposé  à 
la  lésion  conserve  par  contre  sa  température  normale  et  ses 
mouvements,  tandis  que  la  sensibilité  tactile  s'y  montre 
très-amoindrie  ou  même  complètement  éteinte.  Toutes  ces 
particularités  se  reproduisent  exactement  chez  l'homme 
dans  des  circonstances  analogues.  Et  chez  lui,  de  même 
que  chez  les  animaux,  on  peut  voir  survenir  encore,  dans 
les  membres  des  deux  côtés,  divers  troubles  trophiques, 
lesquels  se  manifestent  presque  toujours  simultanément  et 
qui  relèvent  tous,  d'ailleurs,  manifestement,  de  la  lésion 
spinale.  Parmi  les  lésions  de  nutrition  de  ce  genre  obser- 
vées chez  l'homme,  nous  signalerons  surtout  la  diminution 
rapide  de  la  contractilité  électrique  (faradique)  des  muscles, 
bientôt  suivie  d'atrophie,  une  forme  particulière  d'arthro- 
pathie  sur  laquelle  j'aurai  à  revenir  dans  un  instant,  et 


I02  HÉMIPARAPLÉGIE  TRAUMATIQUK 

enfin  le  décubitus  aigu.  Chose  remarquable,  tandis  que 
l'arthropathie  et  l'atrophie  musculaire  siègent  sur  le  membre 
du  côté  où  la  moelle  est  lésée,  l'eschare  semble  se  montrer 
de  préférence,  au  contraire,  ainsi  que  nous  l'avons  fait  re- 
marquer déjà,  sur  le  membre  du  côté  opposé  où  elle  occupe 
la  région  sacrée  et  la  fesse  dans  le  voisinage  immédiat  de 
cette  région.  Cette  disposition  particulière  de  l'eschare  par 
rapport  au  siège  de  la  lésion  spinale  serait,  d'après  ce  qui 
m'a  été  dit  par  M.  Brown— Séquard,  un  fait  constant  chez 
les  animaux  ;  chez  l'homme  elle  a  déjà  été  constatée 
plusieurs  fois.  A  titre  d'exemple  du  genre,  je  citerai  briè- 
vement les  faits  suivants  : 

Un  homme,  âgé  de  vingt-huit  ans,  dont  l'histoire  a  été 
rapportée  par  M.  Yiguès  (1),  reçut  en  arrière  du  thorax, 
entre  la  neuvième  et  la  dixième  vertèbres  dorsales,  un  coup 
d'épée,  qui,  à  en  juger  d'après  les  symptômes,  lésa  princi- 
palement la  moitié  latérale  gauche  de  la  moelle  épinière.  Il 
se  produisit  immédiatement  une  paralysie  du  mouvement 
qui,  d'abord  étendue  aux  deux  membres  inférieurs,  se 
montra,  dès  le  lendemain,  presque  restreinte  au  membre 
inférieur  gauche.  Sur  ce  dernier  membre,  l'hyperesthésie 
est  très-manifeste  ;  celui  du  côté  droit  présente,  au  con- 
trire,  une  obnubilation  très-marquée  de  la  sensibilité,  tandis 
que  les  mouvements  y  ont  en  grande  partie  reparu.  Les 
symptômes  allèrent  s'améliorant  rapidement  jusqu'au 
douzième  jour  après  l'accident.  Ce  jour-là  on  remarqua  que, 
sans  cause  extérieure  appréciable,  le  membre  inférieur 
gauche ,  toujours  plus  sensible  qu'à  l'état  normal  avait 
augmenté  de  volume  ;  de  plus,  dans  l'articulation  du  ge- 
nou il  s'était  accumulé  une  quantité  de  liquide  assez  con- 
sidérable pour  tenir  la  rotule  éloignée  des  condyles  de  plus 
d'un  centimètre.  Deux  jours  après,  on  aperçut  une  eschare 
siégeant  sur  la  partie  latérale  droite  du  sacrum  et  sur  la 
fesse  du  même  côté. 

(l)  Brown-Séquard. —  Journal  de  la  physiologie,  etc.,  t.  III,  p.  130,  1863. 


HÉMIPARAPLÉGIE  TRAU  VIATIQUE.  103 

L'observation  recueillie  par  MIL  Joiïrov  et  Salmon, 
dans  le  service  do  M.  Cusco,  et  communiquée  récemment 
à  la  Société  de  biologie  (1),  reproduit  pour  ainsi  dire  jusque 
dans  ses  moindres  détails  le  fait,  cité  plus  haut,  de  M.  Vi- 
guès.  Dans  pelle-là  comme  dans  celui-ci.  on  voit  à  la  suite 
d'une  lésion  traumatique  portant  sur  une  moitié  latérale  de 
la  moelle  épinière  à  la  région  dorsale,  la  paralysie  du  mou- 
vement survenir  dans  le  membre  inférieur  correspondant 
au  cûté  lésé-;  ce  membre  présente  une  élévation  notable  de 
la  température  —  fait  non  mentionné  dans  l'observation  de 
Vignes,  bien  qu'il  y  existât  vraisemblablement  —  et.  de 
plus,  une  hyperestliésie  manifeste,  tandis  que  celui  du  côté 
opposé,  indemne  quant  au  mouvement,  est  le  siège  d'une 
diminution  notable  de  tous  les  modes  de  sensibilité  et  a 
conservé  la  température  normale.  En  outre  —  et  c'est  là  le 
point  que  nous  voulons  faire  ressortir  surtout  —  peu  de 
temps  après  l'accident,  sans  cause  appréciable,  une  arthro- 
patliie  se  développe  dans  le  genou  du  membre  paraly> ■'*. 
tandis  que.  au  voisinage  de  la  région  sacrée,  la  fesse  du 
membre,  privé  de  sensibilité,  mais  non  paralysé  du  mouve- 
ment, devient  le  siège  d'une  eschare  -2  . 

(1)  Gazette  médicale  de  Paris,  nos  6,  7,  S,  1872. 

(2)  En  raison  de  l'intérêt  qui  s'y  rattache,  nous  rappellerons  les  princi- 
paux détails  de  cette  observation  : 

Le  nommé  Martin,  âgé  de  -iO  ans  environ,  a  été  frappé  d'un  coup  de  poi- 
gnard, dans  la  nuit  du  15  au  16  février  1871.  L'arme  a  pénétré  au  niveau  de 
la  3e  vertèbre  dorsale.  Le  trajet  de  la  plaie  est  dirigé  de  haut  en  bas, 
d'arrière  en  avant  et  de  gauche  à  droite.  Le  malade  ayant  été  apporté  im- 
médiatement après  l'accident,  on  put  constater  qu'à  ce  moment  déjà  le  mem- 
bre inférieur  gauche  était  complètement  paralysé  du  mouvement,  tandis  que 
le  membre  correspondant  de  l'autre  côté  ne  présentait  rien  de  semblable.  — 
Le  16  février,  au  matin,  on  note  ce  qui  suit  :  membre  inférieur  gauche,  para- 
lysie complète  du  mouvement.  Le  membre  est  dans  la  flaccidité  complète, 
il  n'y  a  pas  trace  de  contracture,  de  rigidité  ;  il  n'est  pas  le  siège  de  mou- 
vements spasmodiques,  de  soubresauts.  —  Au  contraire,  la  sensibilité  pa- 
raît, sur  ce  même  membre,  exagérée  dans  la  plupart  de  ses  modes  ;  le  moindre 
contact  de  la  peau,  surtout  au  voisinage  du  pied,  provoque  de  la  dou- 
leur :  il  en  est  de  même  de  la  pression.  Un  pincement  léger,  le  chatouille- 
ment, sont  suivis  de  sensations  douloureuses  très-sensibles.  Enfin  le  contact 
d'un  corps  froid  produit  aussi  des   sensations  douloureuses  que  le  malade 


104  HÉMIPARAPLÉGIE  TRAUMATIQUE. 

J'emprunte  le  fait  qui  va  suivre  à  un  intéressant  travail 
de  M.  W.  Mùller  (1);  dans  ce  cas,  l'artliropathie  n'est  pas  si- 
gnalée, mais  on  y  trouve  notée,  par  contre,  une  atrophie  ra- 
pide des  muscles  du  membre  paralysé,  précédée,  de  plusieurs 
jours,  par  une  diminution  très-marquée  de  la  contractilité 
faradique.  Sous  tous  les  autres  rapports,  l'observation  de 
M.  Mùller  est  en  conformité  avec  celles  de  M.  Viguès  et  de 
M.  Joffroy.  Il  s'agit  d'une  femme  de  vingt-un  ans  qui  reçut 
dans  le  dos,  au  niveau  de  la  quatrième  dorsale  un  coup  de 
couteau;  l'instrument,  ainsi  que  le  démontra  plus  tard 
l'autopsie,    avait  divisé   complètement  la  moitié  latérale 


compare  à  celles  qu'occasionnerait  une  série  de  piqûres .  —  Memlre  infé- 
rieur droit.  Tous  les  mouvements  volontaires  sont  parfaitement  normaux  ; 
mais,  par  contre,  la  sensibilité  est  à  peu  près  complètement  éteinte.  Anal- 
gésie complète  ;  sensibilité  au  contact  presque  nulle.  Le  contact  d'un  corps 
froid  s'accuse  par  une  sensation  obscure  de  picotement.  L'insensibilité  n'est 
pas  bornée,  à  droite,  au  membre  inférieur,  elle  remonte  jusqu'au  niveau  du 
mamelon.- — Les  urines  et  les  matières  fécales  sont  rendues  involontairement. 

Le  24  février  (8e  jour),  on  note  les  mêmes  phénomènes  que  ci-dessus;  mais, 
de  plus,  on  constate  que  la  jambe  gauche  (paralysée  du  mouvement)  est  plus 
chaude  que  la  droite.  Le  malade  accuse  une  sensation  de  constriction  ou 
plutôt  de  compression  à  la  base  du  thorax. 

5  mars  (17e  jour).  Le  malade  accuse  quelques  troubles  de  la  vision  ;  la 
pupille  gauche  est  plus  contractée  que  la  droite  ;  de  plus,  les  vaisseaux  de 
l'oeil  gauche  sont  plus  volumineux,  plus  nombreux  que  ceux  de  l'œil  droit. 
Les  évacuations  sont  redevenues  volontaires  depuis  deux  jours.  L'état  des 
membres  inférieurs  n'est  en  rien  modifié. 

13  mars  (25e  jour).  La  fesse  droite  est  devenue  depuis  hier  le  siège  d'une 
rougeur  vive,  et  déjà,  en  un  point  de  la  plaque  érythémateuse,  l'épiderme 
s'est  détaché. 

14  mars.  Le  derme  est  dénudé  sur  la  fesse  droite  au  voisinage  du  sacrum 
dans  l'étendue  d'une  pièce  de  cinq  francs;  il  est  en  outre  ecchymose  (decu- 
bitus  acutus).  —  Déjà,  le  24  février,  on  avait  remarqué  que  les  mouvements 
imprimés  au  genou  gauche  (côté  de  la  paralysie  motrice)  étaient  un  peu  dou- 
loureux ;  aujourd'hui,  on  note  que  cette  articulation  est  tuméfiée,  rouge,  que 
de  plus  elle  est  le  siège  de  douleurs  spontanées  s'exagéraut  par  les  mouve- 
ments [arthropathie  spinale). 

24  mars.  Une  ulcération,  aujourd'hui  recouverte  de  bourgeons  charnus, s'est 
produite  sur  la  fesse  droite  au  niveau  de  la  plaque  ecchymosée.  —  Le  gon- 
llement,  la  rougeur  et  la  douleur  ont  à  peu  près  complètement  disparu  au 
genou  gauche. 

(l)  "W.  Miiller. —  Beitrœge  zur  pathologisch.  Anatomie  und  Physiologie  des 
menschlichen  Ruckenmarkes.  Leipzig,  1871.  Obs.  I. 


HÉMIPARAPLÉGIE  TRAUMATIQUE.  105 

gauche  de  la  moelle  épinière  à  2  millimètres  au-dessus  de 
la  troisième  paire  dorsale.  Le  jour  même  de  l'accident  on 
constate  une  paralysie  complète  et  une  hyperesthésie  du 
membre  inférieur  gauche;  le  membre  du  côté  opposé  était 
anesthésié  mais  non  paralysé.  Le  second  jour,  on  note  que 
les  muscles  du  membre  paralysé  et  ceux  de  la  partie  infé- 
rieure de  l'abdomen  du  côté  correspondant  ne  réagissent 
pas  sous  l'action  dos  excitations  faradiques,  tandis  que  sur 
les  parties  homologues  du  côté  opposé,  la  contractilité  élec- 
trique est  restée  normale.  Le  onzième  jour,  il  s'est  produit 
une  eschare  qui  occupe  la  région  sacrée  et  s'étend  sur  la  fesse 
du  côté  droit.  Ce  jour  même,  on  remarque  que  le  membre 
paralysé  est  notablement  atrophié  et  mesure,  en  circon- 
férence, de  4  à  5  centimètres  de  moins  que  le  membre 
anesthésié.  La  mort  survint  le  treizième  jour.  À  l'autopsie, 
les  bords  de  la  plaie  spinale  parurent  tuméfiés,  d'une  colo- 
ration rouge-brun  ;  elle  était  recouverte  d'une  mince  couche 
purulente.  Au-dessous  de  la  plaie,  le  cordon  latéral  gauche, 
dans  toute  sa  hauteur,  offrait  les  caractères  anatomiques 
de  la  myélite  descendante. 

L'apparition  simultanée  des  divers  troubles  trophiques, 
signalés  dans  ces  observations  et  dans  quelques  autres  du 
même  genre,  semble  accuser  une  cause  commune.  Cette 
cause,  suivant  toute  apparence,  n'est  autre  que  l'extension, 
à  certaines  régions  du  segment  inférieur  de  la  moelle,  du 
travail  phlegmasique  originairement  développé  au  voisinage 
immédiat  de  la  plaie  (1). 

Cela  étant  admis,  il  paraîtra  légitime,  en  se  fondant  sur 
les  faits  exposés  dans  la  leçon  précédente,  de  rapporter 

(l)  Dans  un  travail  publié  récemment,  j'ai  cherché  à  établir  que,  à  la 
suite  des  hlessures  de  la  moelle  épinière,  des  lésions  irritatives,  telles  que  : 
hypertrophie  des  cylindres  axiles,  prolifération  des  myélocytes,  etc., 
peuvent  être  reconnues  à  une  certaine  distance  de  la  plaie  spinale,  au-des- 
sus et  au-dessous  d'elle,  24  heures  à  peine  après  l'accident.  (Charcot.  Sur 
la  tuméfaction  des  cellules  nerveuses  motrices  et  des  cylindres  d'axe  des  tubes 
nerveux  dans  certains  cas  de  myélite.  —  In  Archiv.  de  physiologie,  n°  1,  1872, 
p.  95,  Obs.  I.) 


106  MYELITES  SPONTANEES. 

l'atrophie  rapide  et  générale  des  muscles  paralysés,  notés 
dans  le  cas  de  M.  Mùller,  à  l'envahissement  de  la  corne  an- 
térieure de  la  substance  grise  du  côté  correspondant  à  la 
blessure,  dans  toute  l'étendue  la  moelle  d'où  émanent  les 
nerfs  se  rendant  aux  muscles  paralysés  ;  l'envahissement 
en  question  ayant  pu  se  faire,  d'ailleurs,  soit  de  proche  en 
proche,  par  propagation  descendante,  soit  par  la  voie  indi- 
recte des  cordons  latéraux.  Cette  lésion  de  la  corne  anté- 
rieure, nous  l'invoquerons  encore,  dans  un  instant,  pour 
expliquer  le  développement  de  l'arthropathie  décrite  dans 
les  observations  de  Viguès  et  de  Joffroy.  Pour  ce  qui  con- 
cerne, maintenant,  les  eschares,  leur  apparition  du  côté 
opposé  à  la  lésion  spinale  tend  à  établir  que  les  fibres  ner- 
veuses dont  l'altération  provoque,  en  pareil  cas,  la  morti- 
fication du  tégument  externe,  ne  suivent  pas  le  même  trajet 
que  celles  qui  influencent  la  nutrition  des  muscles  et  des 
jointures,  et  qu'elles  s'entrecroisent,  au  contraire,  dans  la 
moelle,  de  la  même  manière  que  les  fibres  préposées  à  la 
transmission  des  impressions  tactiles. 

Un  autre  enseignement  nous  est  fourni  par  les  observa- 
tions d'hémiparaplégie  consécutive  à  une  lésion  unilatérale 
de  la  moelle  épinière  :  c'est  que  le  décubitus  aigu  peut  se 
montrer  indépendant  de  toute  hypérémie  neuroparalytique, 
puisque  nous  le  voyons  se  former  là,  sur  le  côté  du  corps  où 
les  nerfs  vaso-moteurs  ne  sont  point  affectés. 

c)  Je  mentionnerai  actuellement  le  cas  où  la  myélite  ré- 
sulte, non  pas,  comme  dans  les  faits  qui  précèdent,  de  la 
blessure  ou  de  l'attrition  de  la  moelle  épinière,  mais  bien 
d'une  influence  traumatique  indirecte,  telle  par  exemple 
qu'un  effort  dans  l'action  de  soulever  un  poids  ;  le  décubitus 
aigu  peut,  dans  les  cas  de  ce  genre,  se  produire  aussi  ra- 
pidement que  s'il  s'agissait  d'une  fracture  de  la  colonne 
vertébrale  ;  c'est  ce  dont  témoigne  le  fait  suivant  rapporté 
par  M.  Gull. 

Un  homme  de  25  ans,  employé  dans  les  docks  de  Lon- 


MYÉLITES   SPONTANÉES.  107 

dres  ressentit  dans  le  dos,  au  moment  où  il  soulevait  un 
fardeau,  une  douleur  subite.  Il  put  se  rendre  à  pied  à  son 
domicile  distant  d'un  mille.  Le  surlendemain  matin,  au  ré- 
veil, les  membres  inférieurs  étaient  complètement  para- 
lysés ;  deux  jours  plus  tard,  c'est-à-dire  quatre  jours  après 
l'accident,  une  eschare  avait  commencé  à  se  former  à  la 
région  sacrée,  et  l'urine  qui  s'écoulait  de  la  vessie  était 
ammoniacale.  Le  malade  succomba  dix  jours  après  le  début 
de  la  paralysie.  A  l'autopsie,  on  reconnut  après  un  examen 
attentif  que  les  os  et  les  ligaments  de  la  colonne  vertébrale 
ne  présentaient  aucune  lésion  ;  au  voisinage  des  5e  et  6°  ver- 
tèbres dorsales,  la  moelle  épinière  était  transformée  dans 
toute  son  épaisseur  en  un  liquide  épais,  d'apparence  muco- 
purulente  et  de  couleur  à  la  fois  brune  et  verdâtre  (1). 

A  l'exemple  des  myélites  traumatiques,  la  myélite  aiguë 
spontanée  détermine,  elle  aussi,  très-fréquemment,  la  for- 
mation précoce  d'eschares  sacrées,  principalement  lorsque 
le  début  s'accuse  brusquement  et  que  l'évolution  est  ra- 
pide. Pour  ne  pas  entrer  à  ce  propos  dans  de  trop  longs 
développements,  je  me  bornerai  à  indiquer  quelques  exem- 
ples relatifs  à  cet  ordre  de  faits.  L'eschare  a  été  signalée 
dès  le  5e  jour  après  le  début  de  la  paralysie  dans  un  cas 
rapporté  par  M.  Duckworth  (2),  le  6e  jour  clans  un  cas  ob- 
servé dans  le  service  de  M.  "Woillez,  qui  m'a  été  communi- 
qué par  M.  Joffroy  ;  le  9e  jour  clans  une  observation  de 
M.  Engelken  ;  le  12e  jour  dans  un  autre  fait  du  même  au- 
teur (3)  ;  enfin,  dans  un  cas  de  méningo-myélite  cervico-dor- 
sale,  publié  par  MM.  Voisin  et  Cornil,  l'eschare  était  cons- 
tituée dès  le  6e  jour  (4).  On  pourrait  aisément  multiplier 
ces  exemples.  Le  décubitus  aigu  accompagne  fréquemment 
aussi  l'hématomyélie  qui,  d'ailleurs,  dans  un  certain  nom- 


(1)  W.  Gull.  —  Cases  of  Paraplegia,  in  Gin/s  Hospital  Reports,  18o8, 
p.  189,  case  XXII. 

(2)  The  Lancet,  6  nov.  1869,  p.  638. 

(3)  Loc.  cit.  —  Pathologie  der  acuten  Myelitis.  Zurich,  1867. 

(4)  Gaz.  des  Hôpitaux,  1865,  n°  26. 


108  PATHOGÉNIE   DU   DÉCUBITUS   DE  CAUSE    SPINALE. 

bre  de  cas  au  moins, paraît  n'être  qu'un  accident  de  la  myélite 
centrale,  témoin  le  cas  cité  plus  haut,  de  Duriau  où  la  mor- 
tification de  la  région  sacrée  était  déjà  prononcée  quatre  jours 
seulement  après  l'apparition  des  premiers  symptômes  (1). 

On  peut  voir  survenir  encore  la  mortification  rapide  du 
derme  de  la  région  sacrée,  même  dans  les  maladies  spinales 
à  évolution  lente,  lorsqu'une  cause  nouvelle  d'irritation 
vive  intervient  tout  à  coup  ou  lorsqu'un  processus  d'inflam- 
mation aiguë  se  surajoute  brusquement  à  la  lésion  initiale. 
Ainsi  que  les  exacerbations  de  la  myélite  scléreuse  partielle, 
l'irruption  soudaine  dans  la  cavité  rachidienne  du  pus  pro- 
venant d'un  abcès,  chez  un  sujet  atteint  de  mal  vertébral, 
ont  pu,  à  ma  connaissance,  déterminer  la  formation  rapide 
d'eschares.  Le  même  résultat  se  produirait  également  dans 
le  cas  où  une  tumeur  siégeant  dans  les  parties  centrales  de 
la  moelle  provoquerait,  par  sa  présence,  le  développement 
d'une  myélite  aiguë.  Il  existe  dans  la  science  plusieurs 
exemples  de  ce  genre  (2). 

Si  les  documents  que  nous  venons  de  rassembler  ne  per- 
mettent pas  de  construire  encore  une  théorie  pathogénique 
du  décubitus  aigu  de  cause  spinale,  ils  suffisent  cependant, 
si  je  ne  me  trompe,  à  faire  reconnaître  tout  au  moins  les 
principales  conditions  du  phénomène  ;  évidemment,  il  faut 
rejeter  au  second  plan  l'influence  de  la  pression,  celle  aussi 
de  la  paralysie  vaso-motrice,  qui  peut  faire  complètement 
défaut  ainsi  qu'on  l'a  vu  à  propos  de  l'hémiparaplégie  résul- 
tant de  la  lésion  traumatique  d'une  moitié  latérale  de  la 
moelle.  En  somme,  le  fait  dominant,  toujours  présent,  c'est 
l'irritation  vive  d'une  région  plus  ou  moins  étendue  de  la 
moelle  épinière,  se  traduisant  le  plus  souvent,  anatomique- 
ment,  par  les  caractères  de  la  myélite  aiguë  ou  suraiguë, 
et  cliniquement  par  l'ensemble  des  symptômes  qui  se  rap- 

(1)  Union  médicale,  t.  I,  1858,  p.  308. 

(2)  Voir  entre  autres,   Mac  Dowel's.   —  Case  of  Paraplegia  in   Dublin 
quatcrly  Journ.,  1862. 


ROLE   DE   LA   SUBSTANCE  GRISE.  109 

portent  à  ce  genre  de  lésion.  Pour  expliquer  la  production 
des  troubles  trophiques  qui  aboutissent  à  la  mortification 
sacrée,  ce  n'est  donc  pas,  cette  fois  encore,  l'absence  d'ac- 
tion, mais  bien  l'irritation  de  la  moelle  épinière  qu'il  faut 
invoquer  ;  et  cette  conclusion  se  trouve  en  conformité  avec 
les  résultats  expérimentaux  qui  montrent  que,  chez  les  ani- 
maux, le  développement  d'ulcérations  gangreneuses  au  sa- 
crum ne  survient  pas  à  la  suite  des  sections  de  moelle 
ordinaires,  mais  seulement  dans  le  cas  où  l'inflammation 
est  venue  s'établir  au  voisinage  de  la  lésion  spinale. 

Il  n'est  guère  vraisemblable  que  toutes  les  parties  cons- 
tituantes de  la  moelle  épinière  soient  aptes,  indistinctement, 
à  provoquer  sous  l'influence  des  irritations  le  développe- 
ment du  décubitus  aigu.  La  grande  fréquence  de  cet  acci- 
dent dans  les  cas  d'hématomyélie,  de  nryélite  aiguë  cen- 
trale, où  la  lésion  occupe  surtout  les  régions  centrales  de 
la  moelle  épinière,  semble  désigner  tout  particulièrement 
la  substance  grise  comme  jouant,  à  cet  égard,  un  rôle  prédo- 
minant, et  ce  rôle  est  partagé  sans  doute  par  les  faisceaux 
blancs  postérieurs,  car  nous  savons  que  les  irritations  de 
certaines  parties  de  ces  faisceaux  ont  pour  effet  de  déter- 
miner la  production  non-seulement  de  diverses  éruptions 
cutanées,  mais  encore,  à  la  vérité,  dans  des  cas  rares,  celle 
de  la  nécrose  dermique  (1). 

D'un  autre  côté,  il  est  parfaitement  établi  que  toutes  les 
parties  de  la  substance  grise  ne  doivent  pas  être  ici  incrimi- 
nées indifféremment  ;  certaines  d'entre  elles,  en  effet,  peu- 
vent, nous  l'avons  fait  pressentir  déjà,  subir  les  lésions  ir- 
ritatives  les  plus  graves,  sans  que  le  décubitus  aigu  s'en 
suive  jamais.  Telles  sont  les  cornes  antérieures,  dont  les 
lésions,  par  contre,  ont,  vous  le  savez,  l'influence  la  plus 
décisive  sur  la  nutrition  des  muscles,  et  probablement  aussi 
—  nous  allons  le  voir  bientôt,  —  sur  celle  des  jointures. 

(l)  Voir  p.  77. 


.110  ROLE  DE   LA  SUBSTANCE  GRISE. 

C'est  ainsi  que  l'eschare  sacrée  fait  généralement  défaut 
dans  la  paralysie  infantile  spinale  et  dans  la  paralysie  spi- 
nale de  l'adulte,  affections  qui  sont  caractérisées  anatomi- 
quement  par  des  lésions  inflammatoires  aiguës,  systémati- 
quement limitées  à  l'aire  des  cornes  antérieures,  tandis  que 
les  autres,  ceux  qui  affectent  la  peau,  relèveraient  de 
lésions  irritatives  occupant,  soit  les  parties  centrales  et 
postérieures  de  la  substance  grise,  soit  encore  les  faisceaux 
blancs  postérieurs.  A  ce  point  de  vue  particulier,  il  y  a  lieu 
de  reconnaître  dans  la  moelle  deux  régions  douées  de  pro- 
priétés très-distinctes.  Or,  comme  ces  régions  peuvent  être 
affectées  soit  séparément,  soit  simultanément,  il  en  résulte 
que,  dans  la  clinique,  le  décubitus  aigu  et  l'atrophie  muscu- 
laire aiguë,  tantôt  se  montreront  isolés,  tantôt  au  contraire 
coexisteront  chez  un  même  individu. 

Par  tout  ce  qui  précède,  l'influence  des  lésions  irritatives 
de  la  moelle  épinière  sur  le  développement  du  décubitus 
aigu  nous  parait  mise  hors  de  doute.  M.  Samuel  cependant 
a  avancé  une  opinion  contraire  :  il  pense  que  la  moelle  épi- 
nière ne  joue  ici  aucun  rôle  et  que  les  ganglions  spinaux 
ou  les  nerfs  périphériques  sont  seuls  en  cause  (1).  Nous 
ferons  connaître  ailleurs  les  arguments  sur  lesquels  se 
fonde  cette  manière  de  voir;  mais,  dès  à  présent,  nous 
pouvons  faire  remarquer  qu'elle  est  en  contradiction  for- 
melle avec  les  faits  nombreux  de  myélite  traumatique  oc- 
cupant un  point  élevé  de  la  moelle,  —  la  région  cervicale, 
par  exemple,  ou  la  partie  supérieure  de  la  région  dorsale, 
— ■  faits  dans  lesquels  le  décubitus  aigu  survient  à  la  région 
sacrée,  et  assurément  sans  participation  directe  des  gan- 
glions spinaux  ou  des  nerfs  périphériques.  Les  cas  d'hé- 
matomyélie  ou  de  myélite  spontanée  centrale,  suivis  d'es- 
chares  précoces,  sont  également  contraires  aux  vues  de 
M.  Samuel. 

(l)  Zoc.  cit.,  p.  252. 


LÉSIONS  DES   NERFS.  I  11 

Ce  n'est  pas  à  dire  cependant  que  les  lésions  irritatives 
des  nerfs  périphériques,  et  peut-être  aussi  celles  des  gan- 
glions spinaux,  ne  puissent  avoir  quelquefois  pour  effet  de 
déterminer  la  formation  rapide  d'eschares.  Sans  doute,  les 
exemples  publiés  de  nécrose  dermique  développée  en  con- 
séquence de  la  piqûre,  de  la  section  incomplète,  ou  encore 
de  la  compression  d'un  nerf,  sont  assez  rares  ;  mais  plusieurs 
d'entre  eux  sont  tout  à  fait  convaincants  (1).  A  ce  propos, 
je  mentionnerai  le  cas  d'une  femme  que  j'ai  observée  ré- 
cemment à  la  Salpétrière.  Elle  portait  dans  le  flanc  gauche 
une  énorme  tumeur  fibreuse  qui  comprimait,  dans  le  bas- 
sin, les  origines  des  nerfs  sciatique  et  crural  du  membre 
inférieur  correspondant.  Il  en  était  résulté  nn  état  paré- 
tique  de  ce  membre,  accompagné  de  douleurs  vives  suivant 
le  trajet  des  principaux  troncs  nerveux.  On  s'aperçut  un 
matin,  peu  de  temps  après  l'apparition  des  symptômes  de 
compression,  qu'une  eschare  s'était  développée  rapidement 
sur  la  partie  gauche,  au  voisinage  de  la  région  sacrée  ;  de 
plus,  la  face  interne  du  genou  gauche,  clans  un  point  que 
le  genou  droit  avait  comprimé  pendant  longtemps  en  raison 
de  l'attitude  que  la  malade  avait  gardée  durant  la  nuit, 
présentait  plusieurs  bulles  pemphigoïdes,  remplies  d'un 
liquide  brunâtre,  qui  bientôt  firent  place  à  une  eschare.  Il 
ne  s'était  produit  absolument  rien  de  semblable  au  genou 
droit.  C'est  peut-être  ici  le  lieu  de  rappeler  que  le  zona 
spontané,  qui,  dans  certains  cas  au  moins,  se  rattache  très- 
vraisemblablement  à  l'inflammation  d'un  nerf,  peut,  sui- 
vant une  remarque  de  Rayer  (2),  aboutir  quelquefois  à  la 
mortification  plus  ou  moins  profonde  du  derme.  J'ai  été 
souvent  témoin  du  fait  chez  les  vieillards  de  cet  hospice, 
et  j'ai  pu  me  convaincre  plusieurs  fois  que  la  pression 


(1)  Voir,  parmi  les  faits  récemment  publiés,  un  cas  du  docteur  W.  A.  Lan- 
son  [The  Lancet,  30  déc.  1871,  page  913),  et  deux  cas  du  docteur  Vitrac 
(Union  médicale  de   la  Gironde,  t.  II,  p.  127,  et  Revue phot.  des  hôjo.,]81\), 

(2)  Rayer.  —  Maladies  de  la  peau,  t.  I,  p.  335. 


A\%  ARTHROPATHIES  SPINALES. 

exercée  sur  les  parties  qu'occupe  l'éruption  ne  joue  pas  là 
un  rôle  essentiel.  Pour  ce  qui  est  relatif  au  décubitus  aigu 
du  siège,  je  suis  très-porté  à  croire  que,  dans  un  certain 
nombre  de  cas,  il  doit  être  rattaché  à  une  lésion  irritative 
des  nerfs  de  la  queue  de  cheval. 'Un  fait  publié  récemment 
par  M.  Couyba,  dans  sa  dissertation  inaugurale,  pourrait 
être  cité,  entre  autres,  comme  un  exemple  de  ce  genre  (1). 


III. 


Des  arthropathies  de  cause  cérébrale  et  spinale.  Les 
troubles  de  la  nutrition  consécutifs  aux  lésions  des  centres 
nerveux  ont  assez  fréquemment  pour  siège  les  jointures. 
Les  variétés  que  présentent  ces  affections  articulaires  sui- 
vant la  nature  des  lésions  cérébrales  ou  spinales  qui  leur 
donnent  naissance,  m'ont  conduit  à  établir  deux  catégories 
principales. 

A.  La  première  comprend  les  arthropathies  à  forme  aiguë 
ou  subaiguë,  accompagnées  de  tuméfaction,  de  rougeur  et 
parfois  de  douleurs  plus  ou  moins  vives.  Elle  a  été  signalée 
pour  la  première  fois,  si  je  ne  me  trompe,  par  un  médecin 


(l)  Un  jeune  garde  mobile  reçut  une  balle  aux  avant-postes  de  Glamart. 
Le  projectile  avait  pénétré  près  de  l'extrémité  antérieure  de  la  dixième  côte 
gauche  et  était  sorti  sur  le  côté  droit  de  la  colonne  vertébrale,  à  7  ou  8  cen- 
timètres de  l'épine,  au  niveau  de  la  deuxième  vertèbre  lombaire.  Il  s'en  sui- 
vit une  parésie  avec  hyperesthésie  vive  des  membres  inférieurs.  Une  bulle 
qui  fit  bientôt  place  à  une  eschare  se  développa  sur  la  fesse  droite,  le  cin- 
quième jour  après  l'accident.  L'eschare  s'étendit  alors  progressivement  de 
manière  à  recouvrir  enfin  toute  la  région  du  siège.  La  mort  survint  le  dix- 
neuvième  jour. —  Autopsie:  Une  masse  purulente  couvre  les  faces  antérieure 
et  postérieure  de  la  moelle  et  s'étend  depuis  la  queue  de  cheval  jusqu'à  la 
région  cervicale.  La  moelle  elle-même,  examinée  d'abord  à  l'état  frais,  puis 
après  durcissement,  sur  des  coupes  transversales  nombreuses,  n'a  présenté 
aucune  altération  ;  au  contraire,  un  certain  nombre  de  tubes  nerveux,  dans 
les  filets  nerveux  qui  constituent  la  queue  de  cheval,  offraient  les  caractères 
anatomiques  de  la  dégénération  granulo-graisseuse.  —  Couyha.  Thèse  de 
Paris,  1871.  Obs.  XII,  p.  53. 


ARTHROPATHIES  SPINALES.  413 

américain,  le  professeur  Mitchell  (1),  qui  Ta  observée  dans 
la  paraplégie  liée  au  mal  vertébral  de  Pott,  où  cependant 
elle  est,  je  le  crois  du  moins,  très-rare  (2).  Elle  se  produit 
plus  fréquemment  comme  conséquence  d'une  lésion  trau- 
matique  de  la  moelle  épinière,  c'est  ce  dont  témoignent  suf- 
fisamment les  faits  mentionnés  plus  haut  de  M.  Viguès  et 
de  M.  Joffroy  (3).  Un  cas  de  commotion  de  la  moelle, 
relaté  par  M.  Gull,  fournit  une  démonstration  analo- 
gue (4). 

L'inflammation  aiguë  ou  subaiguë  des  jointures  des 
membres  paralysés  peut  survenir  encore  dans  la  myélite 
spontanée  ;  à  titre  d'exemple  de  ce  genre,  je  puis  citer  un 
cas  recueilli  par  M.  Gull  (5)  et  un  autre  cas  qui  a  été  con- 
signé par  M.  Moynier  dans  le  Moniteur  des  Sciences  mé- 
dicales pour  1859.  Le  second  fait  est  relatif  à  un  jeune 
homme  de  48  ans  qui,  à  la  suite  d'un  séjour  prolongé  dans 
un  endroit  humide,  suivi  de  grandes  fatigues,  avait  pré- 
senté tous  les  symptômes  de  la  myélite  subaiguë.  La  para- 
lysie du  mouvement  avait  commencé  à  se  prononcer  dans 
les  membres  inférieurs,  le  25  janvier;  elle  y  était  devenue 
complète  le  9  février.  Le  23  du  même  mois,  la  peau  de  la 
région  sacrée  présentait  une  plaque  érythémateuse  qui,  le 
5  mars,  avait  fait  place  à  une  eschare.  Le  6  mars,  une  dou- 
leur vive  s'est  manifestée  au  genou  droit  qui  est  tuméfié 
et  donne  la  sensation  de  fluctuation.  Il  y  a,  en  outre,  tumé- 
faction douloureuse  de  l'articulation  tibio- tarsienne  du 
môme  côté.  Le  9  mars,  le  genou  avait  déjà  diminué  de  vo- 
lume ;  le  même  jour  des  eschares  se  sont  manifestées  aux 


(0  Mitchell. — American  Journal  of  the  medic.  Se,  t.  VIII,  p.  55,  1831. 

(2)  J'ai  cependant  vu  l'un  des  genoux  devenir  le  siège  d'une  arthropathie 
subaiguë  chez  une  femme  atteinte  de  paralysie  consécutive  au  mal  de  Pott. 
Ce  fait  a  été  consigné  dans  la  thèse  de  M.  Michaud.  (Sur  la  méningite  et  la 
myélite  dans  le  mal  vertébral.  Paris,  1871). 

(3)  P.  91  et  92. 

(4)  Gull.  —  Guifs  Hospital  Reports,  3°  série,  t.  IV,  1853.  Obs.  XXVII. 

(5)  Gull.  —Idem.  Obs.  XXVII. 

Charcot,  t.  i,  3e  éd.  8 


114  ARTÏIROPATHIES  DES  HÉMIPLÉGIQUES. 

talons.  La  mort  survint  le  2*7  mars.  L'autopsie  a  montré  un 
foyer  de  ramollissement  siégeant  à  4  centimètres  environ 
au-dessus  de  la  queue  de  cheval. 

Enfin,  dans  un  cas  de  myélite  centrale  chez  un  enfant, 
ayant  pris  origine  au  voisinage  d'un  tubercule  solitaire 
siégeant  à  la  région  cervicale  de  la  moelle,  M.  Gull  signale 
la  formation  d'un  épanchement  intra-articulaire,  occupant 
l'un  des  genoux,  au  moment  où  la  paralysie  commençait  à 
envahir  les  membres  inférieurs  (1). 

Il  est  remarquable  de  voir  ces  arthropathies,  consécutives 
aux  diverses  formes  aiguës  ou  subaiguës  de  la  myélite, 
se  développer  souvent,  alors  que  les  muscles  des  mem- 
bres paralysés  commencent  à  s'atrophier  ou  encore  dans 
le  temps  même  qu'une  eschare  se  forme  rapidement  au 
siège. 

Varihropathie  des  hémiplégiques,  décrite  pour  la  pre- 
mière fois,  je  crois,  en  1846,  par  Scott  Alison  (2),  plus  tard 


(1)  Gull,  loc.  cit.  Cas  xxxii. 

(2)  Scott  Alison.  —  Arthrites  occurring  in  the  course  ofparalysis,  note  lue 
à  la  Société  médicale  de  Londres,  le  1G  janvier  184G.  In  The  Lancdt,  t.  I, 
p.  276,  1847.  —  C'est  bien  de  l'arthrite  des  hémiplégiques,  telles  que  nous 
l'avons  décrite  [Arch.  de  physiologie,  t.  I),  qu'il  s'agit  dans  la  note  du  doc- 
teur Alison  ;  l'affection  a  pour  caractère  de  rester  limitée  aux  membres  pa- 
ralysés et  de  ne  pas  s'étendre  aux  articulations  des  membres  restés  indemnes; 
les  jointures  affectées  sont  chaudes,  tuméfiées  et  dans  quelques  cas  elles 
sont  douloureuses  soit  spontanément,  soit  seulement  sous  L'influence  des 
mouvements.  Le  genou,  le  coude,  le  poignet,  la  main,  le  pied,  sont  les 
parties  les  plus  fréquemment  affectées.  Cette  forme  d'arthrite  paraît  se  mon- 
trer surtout  dans  les  cas  où  l'hémiplégie  est  consécutive  à  l'encéphalite  ou 
au  ramollissement  du  cerveau.  —  Deux  observations,  choisies  parmi  de 
nombreux  cas  du  même  genre  et  cités  à  titre  d'exemples,  méritent  d'être 
rapportées  en  quelques  mots. 

Obs.  I.  Une  femme  de  49  ans,  qui  pendant  longtemps  avait  joui  d'une 
santé  parfaite  et  n'avait  jamais  souffert  d'aucune  forme  de  maladie  arthri- 
tique, fut  atteinte  tout-à-coup  d'hémiplégie  :  —  quelques  jours  après,  tumé- 
faction et  chaleur  au  niveau  du  poignet  du  côté  paralysé  et  un  peu  plus  tard 
le  genou  et  le  pied  du  même  côté  se  gonflèrent  à  leur  tour  et  devinrent  dou- 
loureux. Il  n'y  avait  pas  d'œdème.  Les  membres  paralysés  étaient  un  peu 
rigides.  A  l'autopsie,  on  trouva  un  ramollissement  partiel  du  cerveau.  Les 
bassinets  étaient  remplis  de  petits  calculs  d'acide  urique. 


ARTHROPATHIES  DES  HÉMIPLÉGIQUES.         115 

par  Brown-Séquard,  et  dont  j'ai  fait  connaître  les  carac- 
tères anatomiques  et  cliniques,  appartient,  si  je  ne  me 
trompe,  à  cette  même  catégorie.  Dans  cette  seconde  va- 


Obs.  II.  Un  homme  âgé  de  54  ans,  peintre  en  bâtiments,  qui,  à  plusieurs 
reprises,  avait  éprouvé  des  accès  de  goutte,  fut  frappé  d'hémiplégie  à  début 
subit.  Peu  après,  le  poignet,  la  main  et  le  pied  du  côté  paralysé  devinrent 
chauds  et  tuméfiés.  Les  membres  paralysés  étaient  rigides.  A  l'autopsie,  le 
cerveau  paraît  ramolli  et  l'on  trouve  un  caillot  sanguin  volumineux,  dans  un 
des  ventricules  latéraux. 

L'auteur  cherche  à  expliquer,  ainsi  qu'il  suit,  le  développement  de  cette 
forme  d'arthrite  chez  les  hémiplégiques  :  «  Les  relations  qui  existent  »  dit-il, 
«  à  l'état  normal  entre  les  parties  constituantes  du  sang  et  les  tissus  vivants 
sont  profondément  modifiées  ;  il  y  a  deux  éléments  à  considérer  :  en  premier 
lieu,  une  diminution  de  la  vitalité  des  parties  paralysées,  et  en  second  lieu, 
la  présence,  dans  le  sang,  d'agents  morbides;  or,  l'influence  irritante  de 
ces  agents  doit  se  faire  sentir  plus  vivement  sur  les  parties  dont  l'énergie 
vitale  est  amoindrie.  A  l'appui  de  sa  théorie,  l'auteur  fait  ressortir  que  les 
deux  sujets,  dont  il  a  raconté  l'histoire,  étaient  vraisemblablement  sous  le  coup 
de  la  diathèse  urique  :  chez  l'un,  des  calculs  d'acide  urique  se  rencontraient 
dans  les  bassinets  ;  l'autre  avait  éprouvé  autrefois  plusieurs  accès  de  goutte 
{goutte  saturnine).  »  Nous  ferons  remarquer  à  notre  tour,  que,  très-certaine- 
ment, ces  deux  cas  sont,  dans  l'espèce,  tout-à-fait  exceptionnels,  car  le  plus 
souvent  —  on  peut  s'en  convaincre  par  la  lecture  des  observations  publiées 
dans  notre  travail  [Arch.  de  physioL,  t.  I.)  —  l'arthrite  survient  chez  les 
hémiplégiques,  comme  une  conséquence  plus  ou  moins  directe  de  la  lésion 
cérébrale,  en  dehors  de  toute  influence  de  la  goutte,  du  rhumatisme  ou  de 
tout  autre  état  diathésique. 

Ainsi,  tout  en  reconnaissant  l'exactitude  des  descriptions  cliniques  de 
M.  Alison,  je  ne  saurais  souscrire  à  la  théorie  pathogénique  qu'il  a  propo- 
sée. Je  suis  loin,  toutefois,  de  vouloir  nier  que  les  articulations  des  mem- 
bres paralysés  dans  l'hémiplégie  de  cause  cérébrale  ne  soient,  comme  le  veu 
M.  S.  Alison,  particulièrement  disposées  à  devenir  un  foyer  d'élimination 
par  d'autres  agents  préalablement  accumulés  dans  le  sang.  J'ai  moi-même 
communiqué  dans  le  temps,  à  la  Société  de  biologie,  un  fait,  où  cette  dispo- 
sition particulière  est  bien  mise  en  évidence.  Uae  femme,âgée  d'environ  qua- 
rante ans,  avait  été  frappée  tout-à-coup  d'hémiplégie  à  droite,  trois  ans  avant 
son  admission  dans  mon  service.  Les  membres  paralysés  étaient  fortement 
contractures;  de  temps  à  autre  les  diverses  jointures  de  ses  membres,  le 
genou  surtout  et  le  pied,  étaient  le  siège  de  douleur  et  de  gonflement.  La 
malade  étant  aphasique  à  un  haut  degré,  il  avait  été  impossible  de  savoir 
si  autrefois  elle  avait  été  atteinte  de  goutte  ou  de  rhumatisme.  A  l'autopsie, 
on  trouva  une  vaste  cicatrice  ochreuse,  vestige  d'un  foyer  (d'hémorrhagie 
cérébrale)  situé  en  dehors  du  noyau  extra-ventriculaire  du  corps  strié.  Dans 
la  plupart  des  articulations  des  membres  du  côté  droit,  lesquelles  avaient 
été  le  siège  de  l'hémiplégie,  les  cartilages  diarthrodiaux  étaient  incrustés, 
vers  leur  partie  centrale,  de  dépôts  d'urate  de  soude  tantôt  cristallisé,  tantôt 


416  ARTHROPATHIES  DES  HÉMIPLÉGIQUES. 

riété,  comme  dans  la  première,  les  arthropathies  sont  limi- 
tées aux  membres  paralysés  et  elles  occupent  le  plus  sou- 
vent le  membre  supérieur  ;  c'est  surtout  à  la  suite  du  ramol- 
lissement cérébral   en    foyer  qu'elles  surviennent  ;    plus 


amorphe.  Les  jointures  des  membres  du  côté  non  paralysé  ne  présentaient 
rien  de  semblable.  Quelques  stries  blanches  que  l'examen  microscopique  et 
micro-chimique  a  démontré  être  constituées  par  de  l'urate  de  soude,  se  ren- 
contraient dans  les  reins. 

Il  est  incontestablement  fort  remarquable  de  voir,  dans  cette  observation, 
que  le  dépôt  goutteux  se  forme  exclusivement  dans  les  jointures  des  mem- 
bres paralysés;  mais,  je  ne  saurais  trop  le  répéter,  les  faits  de  ce  genre 
forment  exception  et,  en  tout  cas,  ils  n'ont  rien  de  commun  au  point  de  vue 
pathogénique  avec  l'arthrite  ordinaire  des  hémiplégiques.  (Cas  d'Hubert. 
Voir  Bourneville.  —  Etudes  cliniques  et  thermométriques  sur  les  maladies  du 
système  nerveux,  p.  58.) 

—  On  doit  à  M.  Brown-Séquard  d'avoir  appelé  de  nouveau  l'attention 
sur  l'arthropathie  des  hémiplégiques  et  d'en  avoir  déterminé,  mieux  que  ne 
l'avait  fait  M.  Alison,  la  cause  organique.  Voici  comment  s'exprime,  à  ce 
propos,  cet  auteur  dans  une  leçon  publiée  dans  le  journal  The  Lancet  [Lec- 
tures on  the  mode  and  origine  of  symptoms  of  diseases  ofthe  brain.  Lect.  I, 
part.  II,  The  Lancet,  July  13,  1861).  Après  avoir  admis  que  les  sensations 
pénibles,  telles  que  celles  de  formication  ,  de  picotement  qui  se  produisent 
dans  les  membres  paralysés,  en  conséquence  d'une  lésion  cérébrale,  résul- 
tent généralement  d'une  irritation  directe  des  fibres  nerveuses  encéphaliques 
il  ajoute  :  «  Ce  sont  là  des  sensations  rapportées  à  la  périphérie,  analogues 
à  celles  qui  se  développent  dans  les  doigts  de  la  main,  lorsque  le  nerf  cu- 
bital a  été  froissé  au  niveau  du  coude.  Il  importe  de  ne  pas  les  confondre 
avec  les  douleurs,  quelquefois  très-vives,  qui  peuvent  se  manifester  dans  les 
muscles  ou  dans  les  articulations  des  membres  paralysés.  Les  douleurs  du 
dernier  genre  ne  se  révèlent  guère  que  sous  l'influence  des  mouvements  ou 
de  la  pression  exercée  sur  les  membres;  ou  si  elles  se  montrent  parfois 
spontanément,  elles  sont  néanmoins  toujours  exaspérées  par  la  pression  ou 
les  mouvements  ;  elles  dépendent  d'une  inflammation  subaiguë  des  muscles 
et  des  articulations  qui,  bien  à  tort,  est  souvent  rapportée  à  une  affection 
rhumatismale.  Cette  subinflammation  qui  survient  ainsi  dans  diverses  par- 
ties des  membres  paralysés  est  d'ailleurs,  elle-même,  la  conséquence  de 
l'irritation  que  subissent  dans  l'encéphale  ;  les  centres  vaso-moteurs  ou  tro- 
phiques.  » 

Avant  M.  Brown-Séquard,  et  même  avant  M.  Scott  Alison,  plusieurs 
médecins  avaient  remarqué  déjà  l'arthrite  des  hémiplégiques,  mais  sans  faire 
ressortir  toutefois  l'intérêt  qui  s'y  attache.  Consulter  :  —  R.  Dann,  The 
Lancet,  t.  II,  p.  238,  1841  ;  —  Durand-Fardel,  Maladies  des  vieillards,  p.  131. 
Paris,  1854,  observation  de  la  nommée  Lemoine  ;  —  Valleix,  Guide  du  mé- 
decin praticien,  t.  IV,  1853,  p.  514;  —  Grisolle,  Pathologie  interne,  2U  édit. 
t.  K,p.  257. 


ÀNÀTOMIE  PATHOLOGIQUE.  1  I  7 

rarement  en  conséquence  de  l'hémorrhagie  intra-encépha- 
lique. 

Elles  se  développent  habituellement  quinze  jours  ou  un 
mois  après  l'attaque  apoplectique,  c'est-à-dire  au  moment 
de  l'apparition  de  la  contracture  tardive  qui  s'empare  des 
membres  paralysés,  mais  elles  peuvent  se  montrer  encore 
à  une  époque  ultérieure.  La  tuméfaction,  la  rougeur,  la 
douleur  articulaires  sont  quelquefois  assez  prononcées 
pour  rappeler  les  phénomènes  correspondants  du  rhuma- 
tisme articulaire  aigu.  Les  gaines  tendineuses  sont  d'ail- 
leurs souvent  affectées  en  même  temps  que  les  join- 
tures. 

J'ai  montré  qu'il  s'agit  là  d'une  véritable  synovite  avec 
végétation,  multiplication  des  éléments  nucléaires  et  fl- 
broïdes  qui  constituent  la  séreuse  articulaire,  augmentation 
du  nombre  et  du  volume  des  vaisseaux  capillaires  qui  s'y 
répandent.  Dans  les  cas  intenses,  il  se  produit  en  outre 
une. exsudation  séro-fibrineuse  à  laquelle  se  trouvent  mê- 
lés, en  proportion  variable,  des  leucocytes,  et  qui  peut  de- 
venir assez  abondante  pour  distendre  la  cavité  synoviale. 
Les  cartilages  diarthrodiaux ,  les  parties  ligamenteuses 
n'ont  paru  jusqu'ici  présenter  aucune  lésion  concomitante, 
du  moins  appréciable  à  l'œil  nu.  Par  contre,  les  gaines  sj'- 
noviales  tendineuses,  au  voisinage  des  jointures  affectées, 
prennent  part  au  processus  inflammatoire  et  se  montrent 
vivement  hypérémiées  (1). 


(l)  Charcot.  —  Sur  quelques  arthropathies  qui  paraissent  dépendre  d'une 
lésion  du  cerveau  ou  de  la  moelle  épinière.  (Archiv.  de  physiologie,  t.  I, 
p.  396.  —  PL  VI,  fig.  1,2,  3,  4,  o,  G.  Paris,  1868.)  —  L'arthropathie  dont 
il  s'agit  paraît  ne  devoir  pas  être  confondue  avec  l'affection  articulaire  qui  a 
été  décrite,  dans  ces  derniers  temps,  par  M.  Hitzig,  de  Berlin  (Ueber  eine  bei 
schveren  Heniiptlegien  auftretende  Grallenkaffection,  in  Virchoiv's  Archiv.  Bd 
XLVIII,  hft.  3  u.  4.  1869.)  Celle-ci  se  montre  surtout  lorsque  l'hémiplégie 
est  relativement  de  date  ancienne  et  que  les  malades  marchent  déjà  depuis 
quelque  temps  ;  elle  occupe  de  préférence  l'épaule  et  résulterait  principale- 
ment du  déplacement  des  surfaces  articulaires  occasionné  par  la  paralysie 
des  muscles  qui  enveloppent  la  jointure. 


M  8  CARACTERES  CLINIQUES. 

Il  est  inutile  de  faire  ressortir  l'intérêt  qui  s'attache  à 
ces  arthropathies,  sous  le  rapport  du  diagnostic,  le  rhuma- 
tisme articulaire  aigu  ou  subaigu  étant  une  affection  à  la- 
quelle se  lient  souvent  certaines  formes  de  ramollissement 
cérébral  et  qui,  d'ailleurs,  se  manifeste  aussi  parfois  à  la 
suite  de  causes  traumatiques  capables  de  déterminer  un 
ébranlement  des  centres  nerveux.  D'un  autre  côté,  beau- 
coup d'affections  de  la  moelle  épinière  sont  rattachées  à  tort 
à  la  diathèse  rhumatismale  en  raison  de  la  coexistence  de 
ces  manifestations  articulaires.  Les  caractères  cliniques  qui 
rendraient  facilement  reconnaissables  les  arthropathies  liées 
aux  lésions  des  centres  nerveux  et  permettraient  de  les 
distinguer  des  arthrites  rhumatismales  sont  surtout  : 

1°  Leur  limitation  aux  jointures  des  membres  frappés  de 
paralysie  ; 

2°  L'époque  en  général  déterminée  à  laquelle  elles  vien- 
nent, dans  les  cas  d'hémiplégie  à  début  brusque,  figurer 
sur  la  scène  morbide  ; 

3°  La  coexistence  d'autres  troubles  trophiques  de  même 
ordre,  tels  que  les  eschares  à  formation  rapide  et,  lorsqu'il 
s'agit  de  la  moelle  épinière,  l'atrophie  musculaire  aiguë  des 
membres  paralysés,  la  cystite,  la  néphrite,  etc. 

B.  Le  type  du  deuxième  groupe  se  rencontre  dans  l'a- 
taxie  locomotrice  progressive.  Permettez-moi  d'arrêter  un 
instant  votre  attention  sur  cette  espèce  d'affection  articu- 
laire à  laquelle  j'attache  un  intérêt  paternel  et  d'autant  plus 
vif  que  la  signification  que  je  lui  ai  donnée  a  trouvé  beau- 
coup d'incrédules.  Un  mot  d'abord  sur  les  caractères  cli- 
niques de  Yarthropathie  des  ataxiqnes(l). 

Elle  se  manifeste,  en  général,  à  une  époque  déterminée 
de  l'ataxie  et  son  apparition  coïncide,  pour  ainsi  dire,  dans 
beaucoup  de  cas,  avec  le  début  de  l'incoordination  motrice. 


(l)  Charcot.  —  Sur  quelques  arthropathies,    etc.,  première  partie  (Arch. 
de  physiologie,  i.  J,  1868.) 


ARTIIROPATIIIES   DES   ATAXIQUKS.  I  I  ï) 

Sans  cause  extérieure  appréciable,  on  voit,  du  jour  au  len- 
demain, se  développer  une  tuméfaction  générale  et  souvent 
énorme  du  membre,  le  plus  communément  en  dehors  de 
toute  douleur,  de  toute  réaction  fébrile.  Au  bout  de  quel- 
ques jours,  la  tuméfaction  générale  disparait,  mais  il  reste 
au  niveau  de  la  jointure,  un  gonflement  plus  ou  moins  con- 
sidérable résultant  de  la  formation  d'une  hydartlirose  et 
quelquefois,  en  outre,  d'une  accumulation  de  liquide  dans 
les  bourses  séreuses  périarticulaires.  La  ponction  a  plu- 
sieurs fois  extrait  de  la  jointure,  ainsi  tuméfiée,  un  liquide 
citrin,  transparent. 

Une  ou  deux  semaines  après  l'invasion,  quelquefois 
beaucoup  plus  tôt,  on  constate  l'existence  de  craquements 
plus  ou  moins  accusés,  révélant  l'altération,  déjà  profonde 
à  cette  époque,  des  surfaces  articulaires  (1).  L'hydarthrose 
se  résout  bientôt,  laissant  après  elle  une  extrême  mobilité 
delà  jointure.  Aussi  des  luxations  consécutives  se  pro- 
duisent-elles souvent,  facilitées  considérablement  par  l'u- 
sure qu'ont  subie  les  tètes  osseuses.  J'ai  noté  plusieurs  fois 
une  atrophie  rapide  des  masses  musculaires  sur  les  mem- 
bres où  siège  l'affection  articulaire. 

L'arthropathie  des  ataxiques  occupe  le  plus  fréquem- 
ment les  genoux,  les  épaules,  les  coudes  ;  elle  peut  siéger 
aussi  à  la  hanche.  Les  renseignements  anatomo-patholo- 
giques  qui  la  concernent  sont  encore  très-imparfaits.  Cepen- 
dant un  caractère  qui  parait  constant;  c'est  l'usure  énorme 
qui  frappe,  dans  un  très-court  espace  de  temps,  les  extré- 
mités articulaires.  Au  bout  de  trois  mois,  la  tète  numérale 
que  je  vous  présente  et  qui  provient  d'une  femme  chez 
laquelle  nous  avons  pu  étudier  le  début  de  l'arthropathie, 
était,  comme  vous  le  voyez,  en  grande  partie  détruite  (Fig. 
S).  Je  vous  ferai  remarquer  qu'on  n'observe  pas,  sur  cette 


(l)  Dans  quelques  cas,  les  craquements  ont  précédé  de  plusieurs  jours  l'ap- 
parition de  la  tuméfaction  générale  du  membre  ;  mais  celle-ci  est,  dans  la 
règle,  le  premier  phénomène  qu'on  observe. 


120  CARACTÈRES  ANATOMIQUES. 

pièce,  au  pourtour  de  la  surface  articulaire  usée,  les  bour- 
relets osseux  qui  ne  manqueraient  pas  d'exister  s'il  s'agis- 
sait là  de  l'arthrite  sèche  ordinaire  (1). 

Je  mets  maintenant  sous  vos  yeux,  afin  d'établir  le  con- 
traste, une  articulation  du  genou,  provenant  également 
d'une  femme  qui  avait  présenté  les  symptômes  de  l'arthro- 


Ji. 

Fij.  5. — Extrémité  supérieure  d'un  humérus  sain  et  d'un  humérus  offrant  les  lésions 
de  l'arthropathie  des  ataxiques. 

pathie  des  ataxiques,  mais  chez  laquelle  l'affection  de  la 
jointure  remontait  à  une  époque  beaucoup  plus  .éloignée. 
Outre  l'usure  des  surfaces  articulaires,  qui,  comme  dans  le 
cas  précédent,  est  poussée  très-loin,  vous  reconnaissez  ici 
la  présence  de  corps  étrangers,  de  stalactites  osseuses,  et, 
en  un  mot,  de  tous  les  accompagnements  habituels  del'ar- 
tlirite  déformante.  Ces  dernières  altérations,  je  le  répète, 
faisaient  absolument  défaut  chez  la  première  malade.  Je 
suis  porté  à  croire,  d'après  cela,  qu'elles  ne  sont  nullement 
nécessaires  et  qu'elles  se  produisent  d'une  façon  acciden- 


(l)  Comparez  :  Charcot.  —  Ataxie  locomotrice  progressive.  Arthropathie 
de  V épaule  gauche.  Résultats  nécroscopiques.  In  Archiv.  de  physiologie,  t.  II, 
p.  121,  1869. 


CARACTÈRES  CLINIQUES,  121 

telle  vraisemblablement  surtout  parle  fait  des  mouvements 
plus  ou  moins  énergiques  que  les  malades  continuent  quel- 
quefois à  imprimer  aux  membres  affectés. 

Je  veux  me  borner,  quant  à  présent,  à  cette  indication  des 
traits  les  plus  généraux  de  l'arthropathie  des  ataxiques, 
car  c'est  là  un  sujet  que  je  compte  reprendre  avec  plus  de 
développement  par  la  suite.  Ce  qui  sera  dit  suffira,  j'espère, 
pour  montrer  que  l'affection  articulaire  dont  il  s'agit  est, 
elle  aussi,  l'expression  de  troubles  trophiques  relevant  di- 
rectement de  la  lésion  du  centre  nerveux  spinal.  Voici, 
d'ailleurs,  en  quelques  mots,  les  principaux  arguments  sur 
lesquels  je  fonde  ma  manière  de  voir. 

Je  signalerai,  en  premier  lieu,  l'absence  de  toute  cause 
traumatique  ou  diathésique,  du  rhumatisme,  de  la  goutte, 
par  exemple,  pouvant  expliquer  l'apparition  de  la  maladie 
articulaire  dans  les  cas  que  j'ai  observés.  M.  R.  Wolk- 
mann  (1)  a  émis  l'opinion  que  l'arthropathie  des  ataxiques 
est  tout  simplement  le  résultat  de  la  distension  que  subis- 
sent les  ligaments  et  les  capsules  articulaires,  en  consé- 
quence de  la  démarche  maladroite  particulière  à  ce  genre 
de  malades.  Les  faits,  aujourd'hui  nombreux,  dans  lesquels 
notre  arthropathie  siège  aux  membres  supérieurs  et  occupe 
soit  l'épaule,  soit  le  coude,  montrent  suffisamment  que 
l'interprétation,  proposée  par  "Wolkmann,  ne  saurait  avoir 
qu'une  portée  très-restreinte.  L'influence  d'une  cause  toute 
mécanique  ne  peut  être  invoquée,  du  moins  comme  agent 
principal,  même  dans  les  cas  où  l'arthropathie  siège  aux 
membres  inférieurs.  J'ai  eu  soin  de  faire  remarquer,  en 
effet,  me  fondant  sur  des  observations  cliniques,  bien  des 
fois  répétées,  que  l'affection  articulaire  dont  il  s'agit  se  dé- 
veloppe en  général  à  une  époque  relativement  peu  avancée 
de  la  sclérose  des  cordons  postérieurs,  et  alors  que  l'incoor- 
dination motrice  est  encore  nulle  ou  à  peine  accusée. 

(l)  Cannstatt's  Jahreshericht ,  1868-1869,  2e  Bel,  p.  391. 


122  CARACTÈRES  CLINIQUES. 

Les  caractères  cliniques  de  notre  arthropatliie  sont,  d'un 
autre  côté,  véritablement  spéciaux.  Son  début  brusque, 
marqué  par  la  tuméfaction  générale  du  membre ,  les  alté- 
rations rapides  que  subissent  les  surfaces  articulaires  ,  en- 
fin son  apparition  à  une  époque  pour  ainsi  dire  déterminée 
de  la  maladie  spinale  à  laquelle  elle  se  rattache,  consti- 
tuent autant  de  particularités  que  l'on  ne  trouve  réunies, 
si  je  ne  me  trompe,  dans  aucune  autre  affection  articu- 
laire. 

Mais  voici  un  argument  plus  direct.  Dans  l'opinion  où 
nous  étions  que  l'artliropathie  en  question  est  une  lésion 
trophique  consécutive  à  l'affection  de  la  moelle  épinière, 
nous  ne  pouvions  cependant  songer  à  la  rattacher  aux  al- 
térations banales  de  l'ataxie  locomotrice  progressive  :  sclé- 
rose des  cordons  postérieurs,  méningite  spinale  postérieure, 
atrophie  des  racines  postérieures  des  nerfs  rachidiens.  Un 
examen  minutieux,  fait  dans  plusieurs  cas,  nous  avait  dé- 
montré, d'un  autre  côté,  qu'on  ne  pouvait  invoquer  une  lé- 
sion des  nerfs  périphériques  :  c'est  dans  la  substance  grise 
des  cornes  antérieures  de  la  moelle  que  nous  croyons  avoir 
trouvé  le  point  de  départ  de  cette  complication  singulière  de 
l'ataxie  (1).  Il  n'est  pas  très-rare  de  voir  la  substance  grise 
spinale  affectée  dans  l'ataxie  locomotrice  ;  mais,  le  plus  sou- 
vent, la  lésion  porte  alors  sur  les  cornes  postérieures.  Or, 
il  en  était  tout  autrement  dans  deux  cas  d'ataxie  locomo- 
trice compliqués  d'arthropathie  où  l'examen  microscopique 
de  la  moelle  a  été  fait  avec  soin  ;  les  cornes  antérieures  de 
substance  grise  étaient  dans  ces  deux  cas,  remarquablement 
atrophiées  et  déformées  et  un  certain  nombre  des  grandes 
cellules  nerveuses,  celles  du  groupe  externe  'surtout, 
avaient  diminué  de  volume,  ou  même  avaient  disparu  sans 


(l)  Voir  Charcot  et  Jofïïoy.  —  Note  sur  une  lésion  de  la  substance 
grise  de  la  moelle  épinière,  observée  dans  tin  cas  d'arthropathie  liée  à  l'a- 
taxie locomotrice  progressive.  In  Archiv.  de  physiologie,  t*  III,  p.  306, 
1870. 


TATHOGÉME.  123 

laisser  de  traces.  L'altération  se  montrait  d'ailleurs  exclu- 
sivement (Fig.  6)  sur  la  corne  antérieure  correspondant 
au  coté  du  corps  où  siégeait  la  lésion  articulaire.  Elle  affec- 
tait la  région  cervicale  dans  le  premier  cas  où  l'arthropa- 
tliie  occupait  l'épaule;  elle  siégeait  un  peu  au-dessus  de  la 
région  lombaire  dans  le  second  cas  qui  présentait  un  exem- 
ple d'arthropathie  du  genou.  Au-dessus  et  au-dessous  de 
ces  points,  la  substance  grise  des  cordons  antérieurs  pa- 
raissait exempte  d'altérations. 

On   pourrait  se  demander  si  cette  altération  d'une  des 


mM 


MM 


A  *~  ( — 


B; 


Fig. G. — A,  Corne  antérieure  du  côté  droit — A'.  Corne  antérieure  du  côté  gauche. — 
B,  Commissure  grise  postérieure  et  canal  central. —  C,  Sillon  médian  antérieur. — 
a.  a  ,  Groupe  de  cellules  antérieur  externe. — b,  b' ',  Groupe  de  cellules  antérieur  in- 
terne.—  c'.  Groupe  de  cellules  postérieur  externe  du  côté  droit.  Le  groupe  cel- 
lulaire correspondant  fait,  à  gauche  (c),  à  peu  près  défaut. 


cornes  antérieures  de  la  substance  grise  spinale,  révélée 
par  l'examen  microscopique,  n'est  pas  un  résultat  de  l'i- 
nertie fonctionnelle  à  laquelle  le  membre  correspondant 
aura  pu  être  condamné  par  le  fait  de  la  lésion  articulaire. 
Cette  hypothèse  devra  être  rejetée,  car  d'un  côté,  dans  nos 
deux  cas,  les  membres  où  siégeaient  les  arthropathies 
avaient  conservé,  en  grande  partie,  la  liberté  de  leurs  mou- 
vements et,  d'un  autre  côté,  la  lésion  de  la  substance  grise 
différait  essentiellement  ici  de  celle  qui  se  produit  après 


124     ARTHROPATHIES  DANS  i/AMYOTROPHIE  PROGRESSIVE. 

l'amputation  d'un  membre  ou  la  section  des  nerfs  qui  s'y 
rendent. 

Par  ce  qui  précède,  j'espère  avoir  rendu  au  moins  très- 
vraisemblable  que,  en  s'étendant  de  proche  en  proche,  jus- 
qu'à certaines  régions  des  cornes  antérieures  de  la  subs- 
tance grise,  le  processus  inflammatoire,  primitivement  dé- 
veloppé dans  les  cordons  postérieurs,  a  pu,  chez  nos  deux 
malades,  occasionner  le  développement  de  l'affection  articu- 
laire. Si,  parla  suite,  les  résultats  obtenus  dans  ces  deux  cas 
sont  confirmés  par  de  nouvelles  observations,  on  sera  na- 
turellement conduit  à  admettre  que  les  arthrites  liées  à  la 
myélite,  et  celles  qui  se  montrent  en  conséquence  du  ra- 
mollissement du  cerveau,  résultent,  elles  aussi,  de  l'enva- 
hissement de  ces  mêmes  régions  de  la  substance  grise  de  la 
moelle  épinière.  Dans  le  cas  où  il  s'agit  du  ramollissement 
cérébral,  la  sclérose  descendante  de  l'un  des  cordons  laté- 
raux de  la  moelle  pourrait  être  considérée  comme  le  point 
de  départ  de  la  diffusion  du  travail  inflammatoire. 

MM.  Patruban  (1),  Remak  (2),  et  tout  récemment  M.  Ro- 
senthal  (3)  ont  observé  dans  Y  atrophie  musculaire  pro- 
gressive, des  arthropathies,  qui,  par  leurs  caractères  cli- 
niques, se  rapprochent  beaucoup  de  l'arthropathie  des 
ataxiques.  Il  n'y  a  là  rien  qui  doive  surprendre,  si  l'on  songe 
qu'une  lésion  irritative,  primitive  ou  secondaire,  des  cellu- 
les nerveuses  des  cornes  antérieures  de  la  substance  grise 
spinale,  paraît  être  le  point  de  départ  de  l'amyotrophie  dans 
la  majorité  des  cas  qu'on  désigne  d'habitude,  en  clinique, 
sous  le  nom  d'atrophie  musculaire  progressive. 

Je  m'arrête  ici,  pour  aujourd'hui,  dans  cette  étude  que  je 
compte  terminer,  Messieurs,  dans  la  prochaine  conférence. 


(1)  Patruban.  —  Zeitschrift  fur  prakt.  Eeilkunde,  1862,  n°  1. 

(2)  Remak.    —  Allgemeine    nediziniche    central    Zeitung,    Mars    1863, 
20  st. 

(3)  Rosenthal.  —  Lehrbuch  dcr  Nervenkranliheiten,  p.  571.  Wien,187û.  — 
Voir  aussi  Benedikt.  —  Elektrotherapie,  t.  II,  p.  384. 


QUATRIÈME  LEÇON 

Troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions  de  la 
moelle  épinière  et  du  cerveau  (Suite  et  fin).  —  Af- 
fections des  viscères.  —  Partie  théorique. 


Sommaire.  —  Hypérémies  et  ecchymoses  viscérales  consécutives  aux  lé- 
sions expérimentales  de  diverses  parties  de  l'encéphale,  et  à  l'hémorrhagie 
intra-encéphalique.  —  Expériences  de  Schiff  et  de  Brown-Séquard  ; 
observations  personnelles.  —  Ces  lésions  paraissent  dépendre  de  la  pa- 
ralysie vaso-motrice  ;  elles  doivent  former  une  catégorie  à  part.  —  Opi- 
nion de  Schrœder  van  der  Kolk,  relative  aux  rapports  qui  existeraient 
entre  certaines  lésions  de  l'encéphale  et  diverses  formes  de  la  pneumonie, 
la  tuberculisation  pulmonaire.  —  Hémorrhagies  des  capsules  surrénales 
dans  la  myélite.  —  Néphrite  et  cystite  consécutives  aux  affections  spi- 
nales irritatives,  à  début  brusque,  traumatiques  ou  spontanées. —  Altéra- 
tion rapide  des  urines  dans  ces  circonstances  ;  elle  se  manifeste  souvent 
dans  le  temps  même  où  les  eschares  se  développent  à  la  région  sacrée  ; 
elle  se  rattache  aux  lésions  des  voies  urinaires  qui,  elles-mêmes,  relèvent 
d'une  influence  directe  du  système  nerveux. 

Théorie  de  la  production  des  troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions 
du  système  nerveux.  —  Insuffisance  de  nos  connaissances  à  cet  égard.  — 
Paralysie  des  nerfs  vaso-moteurs;  hypérémie  consécutive;  elle  ne  produit 
pas  de  troubles  trophiques.  —  Exceptions  à  la  règle.  —  Irritation  des 
nerfs  vaso-moteurs  ;  l'ischémie  qui  en  résulte  ne  paraît  pas  avoir  d'in- 
,  fluence  marquée  sur  la  nutrition  locale.  —  Nerfs  dilatateurs  et  nerfs  sé- 
créteurs ;  recherches  de  Ludwig  et  de  Cl.  Bernard  ;  analogies  entre  ces 
deux  ordres  de  nerfs.  —  Application  à  la  théorie  des  nerfs  trophiques.  — 
Théorie  de  Samuel;  exposé;  critiques.  —  Conclusions. 


Messieurs, 

Le  retentissement  des  lésions  du  système  nerveux  ne  se 
fait  pas  sentir  seulement  sur  les  parties  périphériques  :  sur 
la  peau,  les  os,  les  muscles.  Les  viscères,  eux  aussi,  peu- 
vent être  influencés  par  ces  lésions. 


126  ECCHYMOSES  VISCERALES. 

On  sait  que  certaines  altérations  de  l'encéphale,  celles 
surtout  qui  portent  sur  les  couches  optiques,  les  corps  striés, 
et  en  particulier  les  diverses  parties  de  l'isthme,  que  ces 
altérations  soient  le  fait  de  l'expérimentation  ou  qu'elles  se 
soient  produites  spontanément,  sont  parfois  suivies  de  l'ap- 
parition de  certaines  lésions  viscérales. 

Ainsi,  dans  quelques  expériences  de  M.  Schiff  (1)  et  de 
Brown-Séquard  (2),  il  est  fréquent  de  voir  survenir  dans 
les  poumons,  l'estomac  et  les  reins,  soit  une  simple  hypéré- 
mie,  soit  de  véritables  ecchymoses  consécutivement  à  l'irri- 
tation traumatique  des  couches  optiques,  des  corps  striés, 
de  la  protubérance,  du  bulbe,  etc.  D'un  autre  côté,  ainsi 
que  je  l'ai  fait  remarquer,  rien  n'est  p)us  commun  que  de 
rencontrer  chez  l'homme,  dans  les  cas  d'apoplexie  sympto- 
matique  du  ramollissement  du  cerveau,  mais  surtout  de 
l'hémorrhagie  intra-encéphalique  en  foyer,  des  plaques 
congestives,  de  véritables  ecchymoses  sur  les  plèvres,  l'en- 
docarde, la  membrane  muqueuse  de  l'estomac  (3). 

Quelle  est  la  raison  de  ces  altérations  singulières? 
M.  Schiff  n'hésite  pas  à  les  considérer  comme  les  effets 
très-simples  de  la  paralysie  des  nerfs  vaso-moteurs. 

Je  suis,  pour  mon  compte,  très-enclin  à  croire  que,  en 
général,  le  mode  pathogénique  est  ici  plus  complexe.  Ce- 
pendant, l'influence  pour  ainsi  dire  directe  de  l'hypérémie 
neuro-paralytique  sur  le  développement  des  ecchymoses, 
chez  les  apoplectiques,  semble  bien  établie  par  le  fait  sui- 
vant, que  j'ai  communiqué  à  la  Société  de  biologie  en  1868  : 
Une  femme  de  la  Salpétrière  fut  frappée  d'apoplexie  avec 
hémiplégie  du  côté  gauche  et  succomba  quelques  jours 
après.  Les  membres  paralysés  avaient  présenté  une  éléva- 


(1)  M.  Schiff.  —  Gaz.  hebdomadaire,  t.  I,  p.  428.  —  Lezioni  di  Fisiologia 
sperimcntale  sul  sijsterna  nervoso  encefalico,  pages  287,  297,  373.  Firenze, 
1806.  —  Leçons  sur  la  physiologie  de  la  digestion,  t.  II,  p.  433.  Florence, 
1807. 

(2)  Société  de  biologie,  1870. 

(3)  Comptes-rendus  de  la  Société  de  Biologie,  18  juin  1869.  Paris,  1870. 


ECCHYMOSES  VISCÉRALES.  127 

tion  relative  très-prononcée  de  la  température.  A  l'autop- 
sie, on  trouva  dans  l'hémisphère  droit  un  foyer  hémorrhagi- 

que  récent,  occupant  le  corps  strié.  L'aponévrose  épiera* 
nienne  présentait  du  côté  gauche,  c'est-à-dire  frappé  d'hé- 
miplégie, une  teinte  rouge  vineuse,  et,  çà  et  là,  de  vérita- 
bles ecchymoses. 

La  coloration  anormale,  ainsi  que  les  ecchymoses,  s'arrê- 
taient brusquement  à  la  ligne  médiane.  La  moitié  droite  de 
Fépicrâne,  au  contraire,  avait  conservé  sa  pâleur  habi- 
tuelle :  on  n'y  observait  pas  traces  de  taches  ecchymotiques. 
Des. ecchymoses  se  voyaient  dans  l'épaisseur  des  plèvres,  de 
l'endocarde  et  delà  membrane  muqueuse  de  l'estomac  (1). 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  lésions  viscérales  dont  il  s'agit 
diffèrent  par  des  caractères  importants  de  celles  qui  font 
l'objet  principal  de  nos  études;  ce  sont,  nous  l'avons  dit, 
des  hypérémies,  des  ecchymoses;  jamais  les  caractères  de 
l'inflammation  ne  s'y  surajoutent,  sans  l'intervention  d'une 
cause  accessoire,  ce  qui  n'est  nullement  nécessaire,  vous  le 
savez,  dans  le  cas  des  lésions  trophiques  ordinaires.  Il  y  a 
donc  lieu,  quant  à  présent,  de  ranger  dans  une  catégorie  à 
part,  du  moins  provisoirement,  ces  congestions  et  ces 
ecchymoses  qui  se  montrent  consécutivement  à  la  lésion  de 
diverses  parties  de  l'encéphale. 

D'un  autre  côté,  quelques  auteurs,  Schrœder  van  der 
Kolk  entre  autres,  ont  émis  l'opinion  que  les  diverses  for- 
mes de  la  pneumonie,  et  même  la  tubercuiisation  pulmo- 
naire, qui  surviennent  fréquemment,  comme  on  sait,  dans 
le  cours  de  certaines  affections  encéphaliques,  dérivent,  en 
pareil  cas,  d'une  influence  exercée  sur  les  poumons  par  les 
lésions  du  cerveau  ou  du  bulbe.  Mais  il  faut  reconnaître  que 
les  faits  sur  lesquels  repose  cette  prétendue  connexité  ne 
sont  pas  encore  suffisamment  démonstratifs  (*2). 


(1)  Comptes- rend  us   de  la   Société  de    biologie,    année   18C8.    Paris,  18C9, 
p.  213. 

(2)  Schrœder  van  der  Kolk.  —  Atrophj  oftheBrain.  Sydenham  Society. 


428  HÉMORRHAGIES  DES  CAPSULES  SURRÉNALES. 

Les  lésions  spinales,  de  même  que  les  lésions  de  l'encé- 
phale, peuvent  être  suivies  de  la  production  d'ecchymoses 
viscérales.  Il  me  suffira  de  rappeler  que  si,  chez  un  cochon 
d'Inde,  on  lèse  à  l'aide  d'un  instrument  piquant  la  moelle 
lombaire,  il  se  produit  quelquefois  un  épanchement  de  sang 
dans  les  capsules  surrénales  (1).  J'ai  cru  devoir  vous  re- 
mettre en  mémoire  cette  expérience  de  Brown-Séquard , 
parce  que  la  pathologie  humaine  nous  fournit  des  faits  ana- 
logues. Tout  récemment,  mon  ami  le  docteur  Bouchard  m'a 
fait  part  d'un  cas  de  myélite  aiguë  observée  dans  le  service 
de  M.  le  professeur  Béhier,  et  promptement  terminée  par  la 
mort.  A  l'autopsie,  outre  les  lésions  de  la  myélite  par- 
tielle, on  constata,  dans  l'épaisseur  des  capsules  surrénales, 
l'existence  de  foyers  hémorrhagiques  récents. 

Mais,  je  le  repète,  les  lésions  congestives  etecchymotiques 
paraissent  être  d'un  ordre  à  part.  En  revanche,  les  affec- 
tions des  reins  et  de  la  vessie  sur  lesquelles  je  veux  actuel- 


1861.  —  L'auteur  fait  ressortir  que,  d'après  la  statistique  publiée  dans  son 
Traité  de  la  moelle  épinière,  tous  les  épileptiques  dont  la  langue  était  mordue 
ont  succombé  par  suite  de  phtbisie,  de  pneumonie,  ou  dans  le  marasme. 
Il  ajoute  que,  suivant  Durand-Fardel,  les  sujets  atteints  de  ramollissement 
du  cerveau  meurent  presque  toujours  d'une  affection  pulmonaire  et  il  cite 
à  ce  propos  une  statistique  de  Engel  (Prager  vierteljahaschr.,  VII,  Jahrg. 
Bd.  III),  laquelle  plaide  dans  le  même  sens.  Il  rappelle  les  expériences  déjà 
anciennes  dans  lesquelles  Schiff  aurait  vu  chez  le  lapin,  des  tubercules  (?)  se 
développer  dans  le  lobe  supérieur  du  poumon  à  la  suite  de  la  section  du  gan- 
glion du  nerf  vague  (  Wunderlich's  'Archiv,  6,  Jahr.  8,  heft.  pp.  769  et  suiv.) 
et  fait  remarquer  enfin  que,  parmi  les  observations  rassemblées  par  Brown- 
Séquard  dans  ses  Recherches  sur  la  physiologie  de  la  protubérance  annulaire 
(Journal  de  la  physiologie,  t.  I),  il  en  est  un  certain  nombre  où  la  phthisie 
et  la  pneumonie  ont  déterminé  la  mort.  Cruveilhier,  Andral,  Piorry  avaient 
,  depuis  longtemps  signalé  le  rôle  prédominant  que  jouerait,  suivant  eux,  la 
pneumonie  aiguë  dans  l'issue  des  apoplexies  déterminées  par  le  ramollisse- 
ment ou  l'hémorrhagie  du  cerveau.  —  D'après  les  observations  que  j'ai  re- 
cueillies à  la  Salpétrière,  les  inflammations  lobulaires  ou  lobaires  du  poumon 
seraient  moins  fréquentes  dans  ces  circonstances  que  ces  médecins  ne  sem- 
blent le  croire. 

(l)  Brown-Séquard.  —  Influence  d 'une partie  de  la  moelle  épinière  sur  les 
capsules  surrénales.  In  Comptes -rendus  de  la  Société  de  biologie ^  1851 ,  t.  III, 
p.  146. 


NKPHRO-CYSTITE.  429 

lement  appeler  votre  attention,  se  rattachent,  par  l'ensemble 
de  leurs  caractères,  au  groupe  des  lésions  trophiques  pro- 
prement dites. 

Vous  n'ignorez  pas  que  la  néphrite  et  la  cystite  sont  des 
complications  très-communes  des  affections  spinales  irrita- 
tives,  à  début  brusque,  qu'elles  soient  d'origine  traumati- 
que,  ou  au  contraire  spontanées. 

On  a  depuis  longtemps  reconnu  qu'à  la  suite  des  frac- 
tures de  la  colonne  vertébrale,  avec  lésion  consécutive  de 
la  moelle  épinière,  les  urines  subissent  fréquemment  une 
altération  rapide.  Dupuytren  avait  fait  remarquer,  vous  le 
savez,  qu'en  pareil  cas,  les  sondes  mises  à  demeure  pour 
remédier  à  la  rétention  d'urine,  se  recouvrent  rapidement 
d'incrustations  calcaires  (1).  Mais  c'est  à  Brodie  surtout 
qu'on  doit  d'avoir  appelé  l'attention  sur  les  caractères  que 
présente  l'urine  chez  les  individus  atteints  de  paraplégie 
traumatique  (2).  Dès  le  huitième,  le  troisième,  le  deuxième 
jour,  il  a  vu  les  urines  devenir  alcalines,  répandre  une 
odeur  ammoniacale,  fétide,  au  moment  de  l'émission.  Bien- 
tôt après,  elles  renferment  des  caillots  sanguins,  du  muco- 
pus,  des  dépôts  de  phosphate  ammoniaco-magnésien.  On 
relèverait  aisément  dans  les  auteurs  un  très-grand  nombre 
de  faits  où  les  altérations  de  l'urine  signalées  par  Brodie, 
se  sont  produites,  en  effet,  dès  les  premiers  jours  qui  sui- 
vent la  paraplégie  déterminée  par  une  fracture  de  la  co- 
lonne vertébrale  (3).  L'autopsie  fait  constater  dans  ces  cas 
les  lésions  plus  ou  moins  prononcées  de  la  néphro-cystite 
purulente  (4). 


(1)  Ollivier  (d'Angers),  loc.  cit.,  t,  I.  p.  372. 

(2)  Brodie.  —  Medic-  chir.  Trans.,  loc.  cit. 

(3)  Voir  Stanley.  1er  cas  :  Urines  fortement  ammoniacales  dès  le  cinquième 
jour;  2e  cas  :  urines  ammoniacales  le  quatrième  jour  [Lond.  Med.  chir.Trans. 
t.  XVJ11,  p.  l).  —  Jeffieys,  urines  ammoniacales  et  sanguinolentes,  le 
septième  jour  (Ollivier  (d'Angers),  loc.  cit.,  t.  I,  p.  322). 

(4)  Molendrinski.  —  Bruch  des  zweiten  Lendenwirbels,  in  Zangenbeck's 
Archiv.  XL  Bd.  1869,  p.  359. 

Charcot,  t.  1,  3e  éd.  9 


4  30  ALTÉRATIONS   DE   i/URINE. 

Mais  les  lésions  traumatiques  de  ce  genre  sont,  en  géné- 
ral, peu  propres  à  mettre  en  lumière  la  relation  qui  existe 
entre  l'inflammation  des  voies  urinaires  et  les  altérations 
de  la  moelle  épinière.  On  peut  toujours  supposer,  à  la  ri- 
gueur, qu'une  chute,  qu'une  commotion  assez  violente  pour 
produire  une  fracture  de  la  colonne  vertébrale,  ont  pu,  du 
même  coup,  déterminer  les  lésions  vésico-rénales. 

Il  n'en  est  plus  de  même  lorsqu'il  s'agit  d'une  affection 
développée  spontanément  dans  la  moelle  épinière,  ou  en- 
core d'une  blessure  déterminée  dans  cet  organe  par  un 
coup  porté  à  l'aide  d'un  instrument  aigu.  Or,  même  dans 
les  cas  de  ce  genre,  il  est  fréquent  de  constater,  peu  de 
temps  après  le  début  des  premiers  accidents  paralytiques, 
une  modification  plus  ou  moins  profonde  dans  la  constitu- 
tion des  urines,  liée  à  des  altérations  népliro-vésicales  sou- 
vent très-graves.  Je  me  bornerai  à  mentionner,  à  titre 
d'exemple,  les  faits  suivants  : 

Dans  un  cas,  cité  précédemment,  d'hémiparaplégie  pro- 
duite par  un  coup  de  couteau,  les  urines  se  montrèrent  al- 
calines dès  le  troisième  jour;  peu  après,  elles  devinrent 
muco-purulentes.  La  mort  survint  le  treizième  jour. 

A  l'autopsie,  on  trouva  dans  les  reins,  les  uretères  et  la 
vessie,  des  lésions  plilegmasiques  très-accentuées  (1).  Dans 
un  cas  analogue  rapporté  par  M.  Brown-Séquard,  d'après 
le  docteur  Maunder  (2),  les  urines  furent  trouvées  alcalines 
également  fort  peu  de  temps  après  l'accident.  Les  faits  de 
cette  espèce  sont  très-intéressants  en  ce  qu'ils  montrent 
qu'une  lésion  unilatérale ,  très-circonscrite  de  la  moelle 
épinière,  suffit  pour  déterminer  une  affection  plus  ou  moins 
grave  et  plus  ou  moins  généralisée  des  voies  urinaires. 

Egalement  dans  la  myélite  aiguë  spontanée,  à  début 
brusque,  et  dans  l'hématomyélie,  l'apparition  d'urines  am- 
moniacales, sanguinolentes,  muco-purulentes,  peu  de  temps 


(1)  Cas  de  W.  Muller.  Voir  3e  leçon,  p.  104. 

(2)  Journal  de  physiologie,  t.  VI,  p.  152,  1863. 


ALTÉRATIONS  DE   L'URINE.  131 

après  l'apparition  des  symptômes  paralytiques,  est  un  fait 
qui  s'observe  fréquemment.  Ainsi,  les  urines  étaient  déjà 
profondément  altérées  dès  le  cinquième  jour  dans  le  cas  de 
myélite  aiguë  que  nous  avons  cité  d'après  le  docteur  Duck- 
Avortli  (1);  dès  le  sixième  jour  dans  celui  de  M.  Jof- 
froy  (2). Elles  étaient  ammoniacales  le  quatrième  jour,  dans 
le  cas  du ,  docteur  Gull  (3)  ;  sanguinolentes  le  troisième 
jour,  et  purulentes  le  neuvième,  dans  un  cas  de  M.  Mann- 
kopf(4). 

Dans  le  cas  d'hématomyélie  publié  par  M.Duriau  (5),  l'u- 
rine était  ammoniacale  et  contenait  des  caillots  sanguins 
le  quatrième  jour  ;  elle  présentait  le  même  caractère  le 
sixième  jour  et  devint  peu  à  peu  purulente,  dans  un  fait 
rapporté  par  Ollivier  (d'Angers),  d'après  Monod  (6),  et  où 
il  s'agit  d'une  liémiparaplégie  consécutive  à  la  présence 
d'un  foyer  hémorrhagïque  occupant  une  moitié  latérale  de 
la  moelle  épinière.  Vous  trouverez,  dans  l'ouvrage  de 
M.  Rayer,  la  description  des  lésions  souvent  très-profondes 
des  reins,  des  bassinets  et  de  la  vessie,  auxquelles  doivent 
être  rattachées  ces  altérations  de  l'urine  (7). 

Plusieurs  des  observations  qui  viennent  d'être  citées, 
contiennent  un  renseignement  dont  l'importance  ne  saurait 


(1)  38  leçon,  p.  107. 

(2)  Idem. 

(3)  7</.,p.  106. 

Berliner  Klin.  Wochenschrift,  t.  I,  n°l,  1864. 

(5)  3e  leçon,  p.  107. 

(G)  Ollivier  (d Angers), /oc.  cit.,  t.  II,  p.  177. 

(7)  Rayer.  —  Traité  des  maladies  des  reins.  1. 1,  p.  530  et  suiv.  «  D'après 
mes  observations,  »  dit  Rayer,  «  dans  les  maladies  de  la  moelle  épinière, 
lorsque  Turine  contenue  dans  la  vessie  est  alcaline,  elle  Test,  non  par  reflet 
d'une  décomposition  difficile  à  expliquer  sans  le  contact  de  l'air,  et  dans  v.n 
court  laps  de  temps  :  mais  bien  par  un  vice  de  sécrétion  des  reins,  qui  doit 
être  attribué,  dans  la  plupart  des  cas,  à  une  irritation  inflammatoire  de  ces 
organes.  — Relativement  à  la  description  des  altérations  des  voies  urinaires 
consécutives  aux  affections  aiguës  de  la  moeLe,  consultez  :  Engelken,  loc. 
cit.,  p.  12.  —  Mannkopf,  Bericht  Eiiber  die  Versammlung  %u  Hannorer, 
p.  259.  Et  Berlin.  Klin.  WgcIi.,  t.  I.  Comparez  :  Rosenstein.  —  Nieren- 
kranhheiten,  2e  édit.  p.  287.  Berlin,  1870. 


132  ALTERATIONS  DE  L  URINE. 

vous  échapper.  Il  y  est  dit  que  les  urines,  jusque-là  restées 
normales,  sont  devenues,  ainsi  que  je  l'annonçais,  ammo- 
niacales, sanguinolentes  ou  muco-purulentes,  dans  le  temps 
même  où  les  eschares  se  développaient  à  la  région  sacrée, 
où  la  contractilité  électrique  commençait  à  s'affaiblir  dans 
les  muscles  des  membres  paralysés  (1). 

Gomment  comprendre  ce  développement  si  rapide  de 
lésions  inflammatoires  des  voies  urinaires  à  la  suite  des 
affections  aiguës,  spontanées  ou  traumatiques  de  la  moelle 
épinière?  Evidemment  on  ne  saurait  faire  intervenir,  ici, 
du  moins,  comme  élément  pathogénique  unique,  ou  même 
prédominant,  la  rétention  paralytique  des  urines.  Il  n'est 
guère  possible  non  plus  d'accorder  une  grande  valeur  à 
l'opinion  (2)  qui  attribuerait,  en  pareil  cas,  l'altération  des 
urines  à  l'introduction  de  sondes  malpropres  et  portant 
des  vibrions.  En  effet,  l'introduction  des  vibrions  dans  la 
vessie  ne  saurait  être  qu'une  circonstance  aléatoire,  tandis 
que  l'apparition  d'urines  ammoniacales,  sanguinolentes  et 
purulentes,  dans  le  cours  de  la  myélite  aiguë,  est,  au  même 
titre  que  la  production  des  eschares,  un  fait  pour  ainsi  dire 
régulier. 

L'insuffisance  notoire  des  conditions  pathogéniques  que 
nous  venons  d'énumérer,  rend  au  moins  fort  vraisemblable 
une  action  directe  du  système  nerveux  dans  la  produc- 
tion de  l'affection  des  voies  urinaires  qui  nous  occupe. 
Celle-ci  reconnaîtrait  donc  pour  cause,  comme  d'ailleurs 
les  autres  lésions  trophiques  qui  se  manifestent  souvent  en 
même  temps  qu'elle,  l'irritation  de  certaines  parties  du 
centre  spinal  et  plus  particulièrement,  sans  doute,  de  la 
substance  grise. 


(1)  Ollivier  (d'Angers)  avait  déjà  noté  que,  dans  la  paraplégie  traumatique, 
c'est  lorsque  les  urines  s'altèrent  de  bonne  heure  qu'on  voit  les  eschares  se 
former  rapidement  à  la  région  sacrée.  [Loc.  cit..,  t.  II,  p.  37). 

(2)  Traube.  —  Munk.  Berlincr  Klin.  Wochensch.,  p.  19,  1864. 


PARTIE  THÉORIQUE.  U3 


PARTIE  THÉORIQUE. 

Messieurs,  dans  la  série  d'études  qui  précède,  nous  avons 
eu  maintes  fois  l'occasion  de  reconnaître  que  le  dévelop- 
pement des  troubles  trophiques  survenant  à  la  suite  des 
lésions  du  système  nerveux  n'est  pas,  au  moins  en  général, 
—  contrairement  à  une  opinion  très-répandue  —  la  con- 
séquence de  l'absence  d'action  des  diverses  parties  de  ce 
système  ;  loin  de  là,  ces  affections  résulteraient,  le  plus 
souvent,  de  l'irritation  que  subissent,  dans  certaines  con- 
ditions, soit  les  nerfs  périphériques,  soit  les  centres  ner- 
veux eux-mêmes.  Nous  sommes  ainsi  en  possession  d'une 
notion  dont  l'importance  est  capitale  pour  le  pathologiste, 
et  vous  entrevoyez  facilement,  sans  qu'il  soit  nécessaire 
d'insister,  les  déductions  pratiques  auxquelles  elle  pourra 
conduire. 

Mais,  il  faut  reconnaître,  après  cela,  que  cette  notion 
toute  empirique  marque  seulement  le  premier  pas  vers  la 
connaissance  scientifique  des  phénomènes  que  l'observation 
nous  a  permis  de  constater.  Car  si  nous  savons  le  mode 
de  l'altération  initiale  ainsi  que  son  siège,  il  reste  à  déter- 
miner d'abord  par  quelle  voie  celle-ci  retentit  sur  les  par- 
ties périphériques. 

Evidemment  ce  retentissement  se  fait  par  la  voie  des 
nerfs,  mais  c'est  là  encore,  au  point  de  vue  de  la  théorie, 
une  donnée  insuffisante.  Il  faudrait  s'efforcer  de  préciser 
davantage  et  de  rechercher  quel  est,  dans  cet  ensemble 
complexe,  physiologiquement  au  moins,  qu'on  appelle  un 
nerf,  l'élément  par  lequel  s'opère  la  transmission  et  aussi 
quel  est  le  mécanisme  de  cette  transmission. 

J'aborde  la  question  que  je  viens  de  soulever  avec  la  cer- 
titude à  peu  près  absolue  de  ne  pouvoir  y  répondre  par  des 
arguments  rigoureux.  Peut-être  l'eussé-je  évitée,  désireux 
de  ne  point  vous  faire  perdre  un  temps  précieux,  si  je 


134  THÉORIE   VASO-MOTRICE. 

n'étais  convaincu  qu'il  importe  tout  au  moins  de  montrer 
l'inanité  d'une  théorie  qui  prétend  la  résoudre  et  qui  règne 
aujourd'hui  à  peu  près  sans  conteste. 

Vous  n'ignorez  pas,  Messieurs,  le  rôle  considérable  que, 
de  nos  jours,  on  a  fait  jouer  aux  nerfs  vaso-moteurs  dans 
l'explication  des  phénomènes  pathologiques.  Je  suis  bien 
loin  de  vouloir  méconnaître  que  bon  nombre  de  ces  phé- 
nomènes relèvent,  en  effet,  directement,  soit  de  la  dilatation, 
soit  de  la  contraction  des  petits  vaisseaux,  déterminées  par 
une  influence  nerveuse.  Mais  en  ce  qui  concerne  spéciale- 
ment les  troubles  trophiques  qui  font  l'objet  de  nos  études, 
j'espère  qu'il  ne  sera  pas  difficile  de  montrer  dans  une 
courte  discussion  que  la  théorie  vaso-motrice  est  tout  à 
fait  insuffisante. 

Pour  en  arriver  là,  je  suis  amené  à  vous  remettre  en 
mémoire  quelques-uns  des  faits  expérimentaux  qui  ont 
dévoilé  les  fonctions  de  ces  nerfs  centrifuges  dont  les  der- 
nières ramifications  vont  animer  la  tunique  musculeuse  des 
petits  vaisseaux.  Je  rappellerai,  en  premier  lieu,  les  phé- 
nomènes qui  s'observent  lorsque  ces  nerfs  sont  paralysés 
par  le  fait  d'une  section  complète,  par  exemple. 

La  section  des  nerfs  vaso-moteurs  a  pour  effet  immédiat 
de  produire  une  dilatation  paralytique  des  vaisseaux  aux- 
quels ils  se  rendent  (1).  De  là  résulte  un  état  d'hypérémie  dite 
neuro-paralytique  qui  a  été  surtout  bien  étudiée  dans  le 
cas  de  la  section  du  nerf  grand  sympathique  au  cou,  mais 
qui  se  retrouve  avec  des  caractères  à  peu  près  identiques, 
à  la  suite  d'un  grand  nombre  de  lésions  des  centres  ner- 
veux ou  des  nerfs  périphériques.  Les  conséquences  de  cette 
hypérémie  sont,  à  notre  point  de  vue,  particulièrement 
dignes  d'intérêt.  Vous  savez  que  la  partie  répondant  au 
nerf  sectionné  présente  une  élévation  relative  de  la  tempé- 


(l)  Consultez  sur  la  physiologie  et  la  pathologie  des  nerfs  vaso-moteurs 
les  Leçonfs  sur  Vappareil  vaso-moteur,  faites  par  M.  le  prof.  Vulpian,  recueil- 
lies par  C.  Carville.  Paris,  1875.  (Note  de  la  2e  édition.) 


HYPÉRÉMIÉ   NEURO-PARALYTIQUE.  13') 

rature,  qui  parait  résulte?  uniquement  de  l'afflux  d'une 
plus  grande  quantité  de  sang.  Vous  savez  qu'en  outre,  dans 
toute  l'étendue  du  territoire  hypérémié,  il  semble  se  pro- 
duire une  exaltation  des  propriétés  vitales  de  tous  les  élé- 
ments, de  tous  les  tissus.  Tout  au  moins  les  nerfs -tant 
sensitifs  que  moteurs,  les  muscles  eux-mêmes,  deviennent- 
ils  plus  excitables  (1)  et  ces  derniers,  après  la  mort,  con- 
servent plus  longtemps  que  de  coutume,  la  contractilité 
qui  leur  est  propre  (2).  Néanmoins,  malgré  ces  conditions 
nouvelles,  —  et  c'est  là  un  point  qu'il  importe  surtout  de 
mettre  en  relief  —  l'accomplissement  des  actes  intimes  de 
la  nutrition  ne  paraît  modifiée  en  rien  d'essentiel.  Ainsi, 
dans  les  expériences  de  M.  Ollier  (3),  conformes  à  celles 
de  M.  Cl.  Bernard,  on  ne  voit  point  chez  les  jeunes  animaux 
après  la  section  du  grand  sympathique  au  cou,  survenir  : 
soit  une  accélération,  soit  une  exagération  dans  l'accrois- 
sement des  parties  de  la  face  soumises,  même  pendant  plu- 
sieurs mois,  à  Thypérémie  neuro-paralytique.  Il  ne  parait 
pas  non  plus  que  cette  hypérémié,  quelque  intense  et  quel- 
que prolongée  qu'elle  puisse  être,  ait  jamais  pour  effet  —  à 
moins  de  circonstances  toutes  particulières  qui  seront 
mentionnées  plus  loin  —  de  déterminer  par  elle-même  le 
développement  d'un  travail  inflammatoire,  et  si  l'expéri- 
mentateur intervient  à  l'aide  d'agents  capables  de  provoquer 
l'inflammation,  le  processus  morbide,  déterminé  par  cette 
influence,  évolue  dans  les  parties  hypérémiées,  comme  dans 
les  conditions  normales  :  il  n'offre  pas  de  caractères  spé- 
ciaux, si  ce  n'est,  toutefois,  que  les  parties  lésées  tendent 
à  se  réparer  plus  promptement. 

A  la  vérité,  relativement  à  ces  derniers  points,  M.  Schiff 
professe  une  opinion  bien  différente.  Il  affirme,  en  effet, 
que  les  altérations  de  nutrition  naissent  dans  les  parties 

(1)  Brown-Séquard.  —  Lectures  on  PJvjsiology  and  Pathology.  Philadel- 
phia,  1860,  p.  1451. 

(2)  Brown-Séquard,  ioe.  cit.  —  Joseph,  in  Centralblatt ,  1871,  n°  46. 

(3)  Ollier.  —  Journal  de.  la  physiologie ,  t.  VI,  p.  108. 


136  HYPÉREMIE  NEURO-PARALYTIQUE. 

hypérémiées  par  le  fait  de  la  paralysie  des  vaso-moteurs, 
sous  l'influence  du  plus  léger  irritant  mécanique  local  (1) 
et  que  l'inflammation  revêt  là  facilement  le  caractère  des- 
tructif (2).  Mais  il  se  trouve  à  cet  égard  en  contradiction 
formelle  avec  la  majorité  des  observateurs,  entre  autres 
avec  MM.  Snellen,  Virchow  (3)  et  0.  Weber  (4). 

Tout  récemment  encore,  M.  Sinitzin,  après  l'extirpation 
du  ganglion  cervical  supérieur  d'un  côté,  aurait  vu  l'intro- 
duction d'un  petit  fil  de  verre  dans  la  cornée  de  ce  même 
côté  ne  produire  qu'une  réaction  inflammatoire  très-légère, 
parfois  même  à  peine  sensible  ;  tandis  que,  du  côté  opposé, 
chez  le  même  animal,  l'introduction  du  fil  déterminait,  au 
contraire,  une  inflammation  des  plus  vives  avec  infiltration 
purulente  de  la  cornée,  iritis,  panophthalmie,  etc.  (5). 
M.  Claude  Bernard  avait  d'ailleurs  fait  remarquer  depuis 
longtemps  déjà  que  l'ablation  du  ganglion  cervical  supé- 
rieur paraît  retarder  l'apparition  des  désordres  de  nutri- 
tion que  détermine  quelquefois  dans  l'œil  la  section  de  la 
5e  paire  (6)  et,  dans  ses  expériences,  M.  Sinitzin  est  arrivé 
aux  mêmes  résultats.  Vous  voyez  d'après  cela  que,  con- 
trairement à  l'opinion  de  M.  Schiff,  l'hypérémie  neuro-pa- 
ralytique ne  crée  pas,  dans  les  parties  où  elle  siège,  une 
disposition  particulière  à  la  production  des  troubles  trophi- 
ques  ;  il  semble  même  qu'au  contraire,  ces  parties  soient 
rendues  plus  résistantes  à  l'action  des  causes  de  désorga- 
nisation et  que  les  désordres  qui  s'y  produisent  y  soient 
plus  vite  réparés. 

Chez  l'homme,  à  cet  égard,  les  choses  semblent  ne  pas 
différer  de  ce  qu'elles  sont  chez  les  animaux;  du  moins,  on 


(1)  Schiff.  —  Physiologie  de  la  digestion,  p.  235,  t.  I.  — Lezioni  di  fisio- 
logia.  Firenze,  1866,  p.  35. 

(2)  Schiff.  —  Digestion,  t.  II,  p.  423. 

(3)  Virchow.  —  Cell.  patholog.,  4e  édition,  p.  158. 
(4    O.  Weber.  —  Centralblatt,  1864,  p.  148. 

(5)  Sinitzin. —  Centralblatt,  1871,  p.  161. 

(6)  Cl.  Bernard.  —  Système  nerveux,  t.  II,  p.  65,  1865. 


HYPÉRÉMIE  NEURO-PARALYTIQUE.  137 

a  vu  plusieurs  fois  l'hypérémie  neuro-paralytique  persister 
pendant  longtemps  sur  une  partie  du  corps,  à  la  face  par 
exemple,  sans  qu'il  s'en  soit  jamais  suivi  aucun  trouble  de 
la  nutrition,  M.  Perroud  a  réuni  un  certain  nombre  de  cas 
de  ce  genre  dans  un  mémoire  lu,  en  1864,  à  la  Société  de 
médecine  de  Lyon  ;  il  suffit  d'ailleurs  de  parcourir  les  nom- 
breux travaux  qui  ont  été  publiés  dans  ces  dernières  an- 
nées sur  les  A  ngioneuroses,  pour  reconnaître  que  les  trou- 
bles de  nutrition  sont  un  accompagnement  plutôt  rare  de 
l'hypérémie  neuro-paralytique. 

Un  nouvel  argument  peut  être  invoqué  en  faveur  de  la 
thèse  que  nous  soutenons  :  L'élévation  de  la  température, 
constatée  à  l'aide  du  thermomètre,  est,  nous  l'avons  dit,  un 
phénomène  indissolublement  lié  à  l'existence  des  hypéré- 
mies  partielles  de  cause  neuro-paralytique.  Cette  hyper- 
thermie  locale  devrait  nécessairement  exister  dans  les 
parties  où  se  montrent  les  lésions  trophiques  que  nous 
avons  décrites,  si  celles-ci  relevaient  réellement  de  l'hypé- 
rémie neuro-paralytique.  Or,  cela  n'a  pas  lieu,  d'une  façon 
générale  au  moins.  Si  une  élévation  marquée  de  la  tempéra- 
ture a  été  plusieurs  fois  constatée  sur  les  régions  du  corps 
où  se  développait  une  éruption  de  zona  consécutive  à  la 
névralgie  ou  à  la  névrite  (1),  on  peut  dire  cependant  que  les 
lésions  irritatives  des  nerfs  périphériques,  dans  les  condi- 
tions où  elles  déterminent  ordinairement  les  troubles  tro- 
phiques, paraissent  s'accompagner  plutôt  d'un  abaissement 
du  chiffre  thermique.  Cet  abaissement  a  pu  être  observé  à 
toutes  les  périodes  de  l'affection  du  nerf  ;  on  l'a  constaté 
aune  époque  voisine  du  début  (2),  plus  souvent  dans  les 


(1)  Horner,  cité  par  0.  Wyss.  (Archiv  der  Heilkunde,  1871  ;  voir  la  note 
p.  563).  —  Charcot,  Névralgie  du  nerf  cubital.  Éruption  de  Zona  sur  le 
trajet  du  nerf  affecté  ;  examen  thermométrique  ;  dans  la  thèse  de  Mougeot, 
Paris,  1867,  p.  101. 

(2)  Folet.  —  Cas  de  contusion  du  plexus  brachial,  observé  par  M.  Lanne- 
longue.  [Etude  sur  la  température  des  parties  paralysées.  Paris,  1867,  p.  7.) 


138  HYPÉRÉMIE    NEURO-PARALYTIQUE. 

périodes  avancées  (1).  Pour  ce  qui  a  trait  aux  lésions  spi- 
nales, il  est  vrai  que  parfois  les  membres  sur  lesquels  se 
développent  les  troubles  trophiques  —  atrophie  musculaire 
rapide,  éruptions  huileuses,  eschares,  —  accusent  une  élé- 
vation plus  ou  moins  prononcée  de  la  température  (2).  Mais 
d'autres  fois,  le  plus  souvent  peut-être,  ce  phénomène  fait 
défaut  ;  il  en  est  ainsi  dans  la  myélite  partielle  (3),  et  dans 
la  paralysie  infantile  (4)  ;  il  en  est  de  même  dans  les  cas  à 
évolution  lente,  comme  l'atrophie  musculaire  progressive, 
par  exemple  (5).  Vous  voyez,-  d'après  ce  qui  précède,  que 
les  troubles  trophiques  liés  aux  lésions  irritatives  des 
centres  nerveux  se  trouvent,  au  moins  dans  un  bon  nom- 
bre de  cas,  dégagés  de  l'élévation  de  la  température  qui 
devrait,  je  le  répète,  nécessairement  se  montrer  toujours 
présente,  s'ils  reconnaissaient  en  réalité  pour  origine 
l'hypérémie  consécutive  à  la  paralysie  des  nerfs  vaso-mo- 
teurs. 

L'hypérémie  neuro-paralytique  et  la  production  des  trou- 
bles trophiques  sont  donc,  dans  les  conditions  communes, 
des  phénomènes  indépendants  l'un  de  l'autre.  Mais,  comme 
nous  le  faisions  pressentir  tout  à  l'heure  ,  il  est  telle  cir- 
constance où,  contrairement  à  la  règle  ordinaire,  la  nutri- 


(1)  Hutchinson,  loc.  cit.  —  Earle,  in  Med.  çhir.  Transact*,  vol.  VII, 
1816.  p.  173  ;  —  Yellowly,  id.,  t.  III  ;  —  \V.  B.  Woodman  in  Sydenham 
Soc.  Translation  of  Wunderlich  :  On  température  in  Diseases,  p.  132;  —  W. 
Mitchell,  Injuries  of  Nerves.  Philadelpbia,  1872,  p.  175.  Dans  deux  cas  de 
plaie  du  nerf  avec  glossy  skin,  la  région  occupée  par  la  lésion  trophique 
était  de  1  à  2  degrés  plus  chaude  que  la  région  correspondante  du  membre 
sain.  Mais  au-dessus  de  ce  point,  le  thermomètre  marquait  sur  le  membre 
malade  1  degré  de  moins  que  sur  le  membre  sain.  —  H.  Fischer.  Ueber 
trophische  Stœrungen  nack  Nervenverletzungen  an  den  JExtremitâten  in  Berlin. 
Klin.  JVochensc,  1871,  n°  13.  La  température  des  membres  sur  lesquels  se 
produisent  les  troubles  trophiques  les  plus  divers  est  d'abord  plus  élevée  que 
sur  les  membres  saius,  plus  tard  elle  est  relativement  abaissée,  mais  il  y  a 
beaucoup  d'exceptions  à  cette  règle. 

(2)  Levier,  dans  un  cas  d'hématomyélie,  loc.  cit. 

(3)  Mannkopf,  loc.  cit. 

(4)  Duchenne  (de  Boulogne),  loc.  cit.,  3e  édition,  p.  398. 

(5)  Landois  und  Mosler,  in  Berliner  Klinisch.  Wochensch.,  1868,  s.,  45. 


HYPÉRÉMIK    NEURO-PARAI.YTIOUK.  130 

tion  locale  peut  éprouver  une  atteinte  sérieuse,  par  le  setfl 
fait  que  la  partie  se  trouve  soustraite  à  l'innervation  vaso- 
motrice  :  c'est,  l'expérimentation  le  démontre,  lorsque  l'or- 
ganisme tout  entier  est  soumis  à  l'influence  de  causes  puis- 
santes de  débilitation.  Ainsi,  un  animal  vigoureux  a  depuis 
longtemps  subi,  d'un  côté,  la  section  du  grand  sympathi- 
que au  cou  ;  cependant,  jusque-là,  la  nutrition  n'a  nulle- 
ment souffert  dans  les  parties  qui  répondent  à  la  distribu- 
tion périphérique  du  nerf  coupé.  L'animal  tombe  malade  ou 
on  le  prive  de  nourriture  :  alors  le  tableau  change  tout  à 
coup  et  l'on  voit,  dit  M.  Claude  Bernard,  des  phénomènes 
inflammatoires  se  développer  sur  le  côté  de  la  face  corres- 
pondant à  la  lésion  expérimentale;  de  ce  côté,  même  sans 
l'intervention  d'un  agent  extérieur  quelconque,  la  conjonc- 
tive, la  membrane  pituitaire,  entrent  rapidement  en  sup- 
puration (1).  Il  est  permis  de  supposer  que  les  animaux 
chez  lesquels  M.  Schiff  a  vu  des  lésions  trophiques  surve- 
nir consécutivement  à  l'hypérémie  neuro-paralytique,  sous 
l'influence  du  plus  léger  irritant  mécanique,  se  trouvaient 
dans  les  conditions  de  débilitation  signalées  par  M.  Claude 
Bernard,  Chez  l'homme,  le  même  concours  de  circonstan- 
ces devait  nécessairement  déterminer  des  effets  analogues 
à  ceux  observés  chez  les  animaux  et  l'on  peut  se  demander 
si  quelques-uns  de  nos  troubles  trophiques  ne  se  produisent 
pas  en  réalité  de  cette  façon.  Tel  est  peut-être  le  cas  du 
décuUtus  aigu  des  apoplectiques  ;  ici,  en  effet,  l'état  géné- 
ral est  des  plus  fâcheux  et  l'eschare  fessière  occupe  préci- 
sément le  côté  du  corps  qui,  en  vertu  de  la  paralysie  mo- 
trice, présente  une  élévation  relative  de  la  température, 
évidemment  liée  à  l'hypérémie  vaso-motrice  (2).  Quoi  qu'il 
en  soit,  cette  interprétation  pathogénique  ne  saurait  avoir 
qu'une  application  très-limitée  car  le  décubitus  aigu  par 


(1)  Cl.  Bernard.  —  Physiologie  du  système  nerveux,  t.  II,  p.  535.  Paris, 
1858.  —  Med.  Times  and  Gazette,  p.  79,  t.  II,  1861. 

(2)  3e  Leçon,  p.  91. 


UO  IRRITATION  DES  NERFS  VASO-MOTEURS. 

lésion  des  centres  nerveux  peut  se  produire  dans  maintes 
circonstances,  à  la  suite  des  lésions  hémilatérales  de  la 
moelle  épinière,  par  exemple  (1),  sur  des  parties  du  corps 
où  l'innervation  vaso-motrice  n'est  pas  visiblement  affectée 
et  en  dehors  de  tout  symptôme  révélant  une  dépression 
profonde  de  l'organisme. 

Il  y  a  lieu  de  rechercher  maintenant,  si  l'irritation  des 
nerfs  vaso-moteurs  peut  rendre  compte  des  phénomènes 
que  n'explique  pas  la  paralysie  de  ces  mêmes  nerfs.  Pre- 
nons d'abord  l'irritation  expérimentale.  L'ischémie  partielle, 
plus  ou  moins  accentuée,  tel  est  le  résultat  le  plus  saillant 
de  cette  irritation  ;  elle  peut  être  poussée  assez  loin  pour 
qu'une  piqûre  pratiquée  à  la  peau  ne  donne  pas  même  une 
goutte  de  sang  (2).  Les  parties  dans  lesquelles  le  spasme 
vasculaire  entrave  ainsi  la  circulation,  pâlissent  et  se  refroi- 
dissent ;  l'activité  vitale  s'y  amoindrit  ;  l'excitabilité  des 
muscles,  celle  des  nerfs,  descendent  au-dessous  du  taux 
normal  (3).  On  est  naturellement  porté  à  croire  que  des 
lésions  nutritives  profondes,  accusées  dans  le  sens  de  la 
nécrobiose  ou  du  sphacèle,  devraient  nécessairement  résul- 
ter de  la  prolongation  d'un  tel  état.  Mais  il  importe  de  re- 
marquer qu'il  s'agit  là,  ordinairement,  d'un  phénomène 
temporaire,  persistant  au  plus  pendant  quelques  heures. 
Car,  par  le  fait  même  de  la  prolongation  de  l'irritation, 
l'activité  du  nerf  semble  s'épuiser  et  Thypérémie,  en  géné- 
ral, succède  bientôt  à  l'anémie  (4).  Toutefois  en  reprodui- 
sant, à  de  courts  intervalles,  l'irritation  des  nerfs  vaso-mo- 
teurs, on  peut  réussir  à  faire  prédominer  pendant  un  cer- 
tain temps  l'état  d'ischémie.  Je  ne  crois  pas  cependant  que 
par  ce  procédé,  on  soit  parvenu  jamais  à  produire  expéri- 
mentalement une  lésion trophique  quelconque.  M.  0.  Weber 


(1)  3e  Leçon,  p.  106. 

(2)  Brown-Séquard. —  Course  of  Lectures,  etc.,  p.  147,  Philadelphia. 

(3)  Brown-Séquard,  loc.  cit.,  p.  142. 

(4)  Waller.  —  Proc.  Boy.  Soc.  London,  vol.  II,  1860-72,  p.  89  et  seq. 


ISCHÉMIE   CONSÉCUTIVE.   —  NERFS  DILATATEURS.         441 

qui,  à  l'aide  d'un  appareil  ingénieux,  dit  avoir  obtenu, 
pendant  près  d'une  semaine,  une  irritation  du  grand  sym- 
pathique cervical,  pour  ainsi  dire  permanente  et  marquée 
par  un  abaissement  de  2°  G.,  n'a  pas  vu  survenir  dans  le 
côté  correspondant  de  la  face,  la  moindre  trace  d'un  trou- 
ble dénutrition  (1).  Les  faits  relatifs  à  la  pathologie  hu- 
maine témoignent  dans  le  même  sens.  Ainsi,  il  n'estpas  rare 
de  rencontrer  dans  certains  cas  iïangioneuroses,  chez  les 
hystériques  par  exemple,  une  ischémie  partielle  très-pro- 
noncée et  très-persistante  ;  les  troubles  trophiques  ne  se 
montrent  cependant  jamais  en  pareil  cas  (2).  Quant  aux  faits 
de  gangrène  spontanée  qui  ont  été  rattachés  à  un  spasme 
vasculaire,  ils  n'auraient  pas,  si  j'en  juge  d'après  mes  obser- 
vations, la  signification  qui  leur  a  été  prêtée,  car,  dans  tous 
les  cas  de  ce  genre  qu'il  m'a  été  donné  de  rencontrer,  j'ai 
trouvé  le  calibre  des  vaisseaux  rétréci  par  le  fait  d'une  alté- 
ration des  parois  artérielles  ou  obstrué  par  un  thrombus  (3). 

D'après  tout  ce  qui  précède,  ce  n'est  pas,  vous  le  voyez, 
à  une  affection,  soit  paralytique,  soit  irritative  des  nerfs 
vaso-moteurs  proprement  dits  qu'il  faudrait  rapporter 
l'apparition  des  troubles  trophiques  qui  surviennent  en 
conséquence  de  lésions  du  système  nerveux. 

L'expérimentation  physiologique,  dans  ces  dernières  an- 
nées, a  fait  connaître  l'existence  de  filets  nerveux  centri- 
fuges dont  l'irritation  a  pour  effet  de  produire  la  dilatation 
des  vaisseaux  et  conséquemment  l'hypérémie  de  la  région 
dans  laquelle  ces  nerfs  se  distribuent.  Tandis  que  l'irrita- 
tion des  nerfs  vaso-moteurs  ordinaires  produit  l'ischémie, 
celle  des  nerfs  dilatateurs  détermine  au  contraire  une 
hypérémie  plus  ou  moins  vive. 

La  corde  du  tympan  peut  être  considérée,  à  l'heure  qu'il 


(1)  0.  Weber.  —  Centralblatt,  n°  10,  1864,  p.  147. 

(2)  Liégeois.  —  Société  de  Biologie,  année  1859,  p.  274.   —   Charcoi,  in 
Mouvement  médical,  nos  25  et  26,  lre  série;  n°  1,  nouv.  série,  1872. 

(j)  Voir  la  thèse  de  M.  Beuni.  —  Recherches  sur  quelques  points  de  la  gan- 


142  NERFS   SÉCRÉTEURS. 

est,  comme  le  prototype  des  nerfs  dilatateurs.  Mais  des 
nerfs  doués  de  propriétés  semblables  existent  à  la  face  (1), 
dans  le  pénis  (2),  dans  l'abdomen  (3).  Il  en  existe  vraisem- 
blablement encore  sur  bien  d'autres  points  du  corps. 

On  est  loin  d'être  fixé  relativement  au  mode  d'action  de 
ces  nerfs.  Voici  comment,  dans  l'hypothèse  adoptée  par 
M.  Cl.  Bernard,  il  faut  expliquer  l'afflux  du  sang  artériel, 
si  remarquable,  qui  se  fait  dans  la  glande  sous-maxillaire, 
sous  l'influence  de  la  corde  du  tympan.  Suivant  l'éminent 
physiologiste,  l'irritation  de  ce  nerf  se  transmettrait  aux 
petits  amas  ganglionnaires  qui  sont  distribués  en  grand 
nombre  sur  les  extrémités  nerveuses  intra-glandulaires. 
Ceux-ci  réagiraient  à  leur  tour  par  une  sorte  iïinterfê- 
rence  nerveuse  (4)  sur  les  filets  nerveux  du  grand  sym- 
pathique, nerf  constricteur  des  vaisseaux,  dont  ils  paraly- 
seraient l'action.  Ainsi,  la  corde  du  tympan,  et  il  faudrait, 
sans  doute,  en  dire  autant  de  tous  les  autres  nerfs  dilata- 
teurs, jouerait,  à  l'égard  des  nerfs  vaso-moteurs,  à  peu  près 
le  rôle  d'un  nerf  d'arrêt.  Par  conséquent,  vous  le  voyez, 
le  résultat  de  l'action  des  nerfs  dilatateurs,  ne  serait,  en 
définitive,  d'après  la  théorie,  que  la  paralysie  vaso-mo- 
trice. Or,  s'il  est  vrai  que  la  paralysie  vaso-motrice,  alors 
même  qu'elle  est  poussée  très-loin,  comme  cela  a  lieu  par 
exemple  dans  le  cas  de  la  section  complète  des  nerfs  vaso- 
moteurs,  n'est  pas  la  cause  des  troubles  trophiques,  il  ne 
saurait  évidemment  en  être  autrement  de  cette  même  para- 
lysie produite  sous  l'influence  de  l'excitation  des  dilata- 
teurs. Mais,  ainsi  que  vous  allez  le  reconnaître  plus  loin, 
Messieurs,  le  mode  d'action  des  nerfs  dilatateurs  peut,  être 
envisagé  à  un  point  de  vue  tout  différent. 


.     (î)  Claude  Bernard.  —  Revue  scientifique,  t.  II,  2°  série,  1872.  —  Schiff. 
—  Digestion,  t.  I,  p.  2o2. 

(2)  Nerfs  érecteurs  de  Eckhard  :  Beitrilge  mr  Anat.  und  Phjs.,1-  IL  — 
Lov«n,  Bericht  der  Sachs.  Grès.,  1866. 

(3)  Cl.  Bernard,  loc.  cit. 

(4)  Cl.  Bernard,  loc.  cit.  p.  204. 


RECHERCHES   DE  LUDWIG.  143 

Je  vous  rappellerai  les  expériences  fondamentales  de 
Ludwig  relatives  à  l'influence  de  certains  nerfs  sur  la  sé- 
crétion de  la  glande  sous-maxillaire  (1)  ;  malgré  les  cri- 
tiques qui  ont  été  laites  des  conclusions  que  ce  physiolo- 
giste célèbre  a  tirées  de  ses  expériences,  ces  conclusions 
ne  paraissent  pas  avoir  été  ébranlées.  Je  vous  demande1 
la  permission  d'entrer  à  ce  propos  dans  quelques  détails  : 
cela  est  tout  à  fait  nécessaire  pour  le  but  que  nous  nous 
proposons. 

Lorsque  Ton  irrite  le  bout  périphérique  du  nerf  qui  se 
rend  à  la  glande  sous-maxillaire,  nerf  fourni,  on  le  sait 
aujourd'hui,  par  la  corde  du  tympan,  on  observe  les  phé- 
nomènes suivants  :  il  se  produit  une  sécrétion  de  salive 
très-abondante;  la  quantité  peut  en  être  si  grande  que, 
dans  un  court  espace  de  temps,  le  volume  de  la  salive 
rendue  dépasse  de  beaucoup  celui  de  la  glande.  Ce  premier 
fait  démontre  qu'il  ne  s'agit  pas  ici,  tout  simplement,  d'un 
phénomène  d'excrétion,  d'expulsion  de  la  salive  préalable- 
ment sécrétée. 

D'après  les  vues  de  Stilling  et  de  Henle,  dominantes  à 
l'époque  où  Ludwig  a  fait  connaître  ses  premières  re- 
cherches, on  pouvait  être  tenté  d'expliquer  le  phénomène 
sur  lequel  j'appelle  votre  attention,  en  admettant  que  le 
nerf  glandulaire  arrêté  agit  sur  les  veines  de  la  glande  et 
les  fait  se  contracter.  L'augmentation  de  la  tension  du 
sang  consécutive  à  la  contraction  veineuse,  serait,  dans 
cette  hypothèse,  la  cause  de  l'accroissement  de  la  sécré- 
tion salivaire.  Mais  Ludwig  a  montré  que  la  ligature  des 
veines,  sans  irritation  concomitante  du  nerf  glandulaire 
n'augmente  pas  la  sécrétion  de  la  salive.  Cette  seconde  hy- 
pothèse doit  donc  être  éliminée,  elle  aussi. 


(l)  Ludwig.  —  Mitth.  der  Zurich  Katurforsch.  1851.  —  Zcitschr.  f.  rat. 
med.  n.,  f.,  Bd,  I,  p.  2jj.  —  Wiener  med.  Wochen&chr.  1860.  X.  n°  28,  pp. 
483.  Voir  aussi  les  travaux  publiés  par  Ludwig  en  collaboration  avec  Bêcher, 
Rahn,  Gianuzzi. 


144  RECHERCHES  DE  LUDWIG. 

,  Mais  peut-être  l'irritation  du  nerf  glandulaire  qui  a,  vous 
le  savez,  pour  effet  d'amener  la  dilatation  des  artères,  dé- 
termine-t-elle  la  sécrétion,  par  ce  seul  fait  qu'elle  exagère 
momentanément  dans  la  glande  l'afflux  du  sang  artériel. 
Cet  argument  est  invalidé  par  le  résultat  d'une  expérience 
de  Ludwig,  laquelle  montre  que,  pendant  l'irritation  du 
nerf,  la  pression  manométrique  dans  le  canal  de  Wharton 
est  supérieure  à  la  pression  du  sang  dans  les  conduits  ar- 
tériels. D'ailleurs,  l'hypersécrétion  salivaire  par  irritation 
de  la  corde  du  tympan  se  manifeste  encore  après  la  ligature 
des  artères  qui  se  rendent  à  la  glande,  sur  un  animal  tué 
d'hémorrhagie  ou  même  sur  une  tête  détachée  du  corps. 
Ajoutons  enfin  ce  fait  très-remarquable  que  la  salive  et  le 
sang  veineux  qui  sortent  de  la  glande  sous-maxillaire,  dans 
le  temps  où  le  nerf  glandulaire  est  soumis  aux  excitations, 
présentent,  comme  l'ont  montré  MM.  Ludwig  et  Spiess  (1), 
une  température  plus  élevée  que  le  sang  artériel  entrant 
dans  la  glande  (2). 

D'après  l'ensemble  de  ces  résultats,  il  paraît  évident  que 
l'influence  du  système  nerveux  sur  la  sécrétion  sous- 
maxillaire  ne  peut  être  expliquée  par  de  simples  phéno- 
mènes de  dilatation  ou  de  constriction  des  vaisseaux,  et 
l'on  est  amené  à  reconnaître  que  le  nerf  glandulaire  pos- 
sède une  double  propriété  puisqu'en  outre  de  son  influence 
sur  les  vaisseaux  dont  il  détermine  la  dilatation,  il  exerce 
une  action  immédiate  sur  les  parties  de  la  glande  qui  ac- 
complissent le  phénomène  chimique  de  la  sécrétion,  ou, 
autrement  dit,  sur  les  cellules  sécrétantes.  Cette  influence 
du  nerf  sur  la  sécrétion  semble  être  d'ailleurs  le  fait  fonda- 
mental, car  elle  se  manifeste,  en  conséquence  des  excita- 
tions, alors  même  que  les  effets  de  la  dilatation  vasculaire 


(1)  Ludwig  und  Spiess.  —  BiUungsber.  d.  v.  ak.  Math.  Cl.,  1857.  B.  d. 
XXV,  p.  584, 

(2)  Voir  à  ce  propos  une  leçon  de  M.  Vulpian,  publiée  dans  la  Bévue  des 
cours  scientifiques.  3e  année  1865-1866,  p.  741. 


THÉORIE    DE  L'ATTRACTION.  145 

concomitante  se  trouvent  annihilés.  Comme,  d'un  autre 
côté,  il  ne  paraît  pas  qu'on  puisse,  expérimentalement,  sup- 
primer isolément  l'action  sécrétoire,  l'action  dilatatrice  per- 
sistant seule  (1),  il  est  permis  de  supposer  que  celle-ci  dérive 
de  celle-là,  à  titre  de  conséquence  plus  ou  moins  directe. 

Il  y  avait  donc  lieu  de  rechercher  quel  peut  être  le  lien 
qui  rattache  à  l'excitation  des  éléments  sécréteurs  détermi- 
née par  l'excitation  du  nerf,  l'hypérémie  qui  suit  cette 
excitation.  Plusieurs  physiologistes  ont  pensé  qu'il  s'agit  ici 
d'une  attraction  que  les  éléments  sécréteurs  de  la  glande 
exerceraient  sur  le  sang;  «  de  sorte  qu'à  la  force  connue 
jusqu'à  ce  jour  comme  aidant  le  retour  du  sang  en  circula- 
tion vers  le  cœur  et  que  l'on  nomme  vis  à  ter  go,  il  faudrait 
ajouter  une  nouvelle  force  rétractive  en  corrélation  avec  la 
nutrition  intime  des  éléments,  force  que  plusieurs  auteurs 
ont  appelé  vis  à  fronte  (2).  »  Est-ce  là  une  conception  pure- 
ment théorique,  sans  appui  expérimental,  et  destinée  seu- 
lement à  masquer  notre  ignorance  ?  Il  n'en  est  rien;  car 
les  travaux  de  H.  Weber,  Schuler,  Lister,  etc.  (3),  ren- 
ferment de  nombreux  faits  expérimentaux  propres  à  mettre 
en  lumière  cette  attraction  que  les  tissus  peuvent  exercer, 
dans  de  certaines  conditions,  sur  le  sang  en  circulation.  Je 
citerai  deux  faits  de  ce  genre  pris  pour  exemples,  et  dans 
lesquels  le  phénomène  peut  être  étudié  en  dehors  de  toute 
intervention  du  système  nerveux.  Je  les  emprunte  à  une 


(1)  Par  des  expériences  toutes  récentes,  M.  Heidenhain  serait  arrivé 
cependant  à  démontrer  que,  dans  la  corde  du  tympan,  des  fibres  nerveuses 
différentes  sont  affectées  à  la  sécrétion  et  à  la  circulation  de  la  glande  sous- 
maxillaire.  Il  aurait  vu  chez  des  chiens  curarisés,  après  l'injection  dans  la 
veine  jugulaire,  d'une  dose  d'atropine  capable  de  paralyser  complètement  le 
filet  cardiaque  du  nerf  vague,  que  l'excitation  de  la  corde  du  tympan  ne 
déterminerait  plus  la  moindre  sécrétion.  Néanmoins,  il  y  avait  une  accélé- 
ration du  courant  veineux  sanguin,  laquelle  ne  différait  pas  notablement  de 
l'accélération  déterminée  par  l'irritation  de  la  corde,  avant  l'empoisonnement. 
[Archives  de  physiologie,  4  juillet  1872.) 

(2)  Vulpian.  —  Revue  des  cours  scientifiques,  t.  III,  p.  744. 

(3)  Voir  0.  Weber.  — Handbuch  der  Chirurgie,  t.  I,  p.  111. 

Chargot,  t.  l,  3e  éd.  10 


146  THÉORIE   DE   L'ATTRACTION. 

le'çon  professée  au  Muséum  par  M.  Vulpian,  sur  la  théorie 
des  sécrétions  (1). 

Si  l'on  coupe  tous  les  nerfs  d'un  membre  sur  une  gre- 
nouille, et  si  l'on  détermine  ensuite  une  excitation  en  pla- 
çant une  gouttelette  d'acide  azotique  sur  la  peau  d'une  des 
lames  membraneuses  interdigitales,  il  se  produit  en  ce 
point,  au  bout  d'un  certain  temps,  une  congestion  plus  ou 
moins  vive.  Le  second  fait  est  péremptoire  :  l'œuf,  au  qua- 
trième jour  de  l'incubation,  présente  une  vascularisation 
très-nette  de  la  membrane  ombilicale.  En  ce  moment,  il  ne 
saurait  être  question  de  la  moindre  influence  nerveuse.  Si 
l'on  place  une  gouttelette  de  nicotine  sur  un  des  points  de 
l'aire  vasculaire,  il  se  fait  autour  de  ce  point  une  vascula- 
risation tellement  abondante  que  presque  tout  le  sang  vient 
s'y  rendre.  A  la  vérité,  cette  hypérémie,  cette  stase  par  irri- 
tation des  tissus  se  présente,  au  premier  abord,  avec  je  ne 
sais  quels  dehors  d'une  conception  métaphysique.  Mais  il 
y  a  longtemps  qu'on  a  cherché  à  donner  du  phénomène  une 
interprétation  fondée  sur  les  données  physico-chimiques. 
Ainsi,  dès  1844,  M.  Draper  (2)  avait  rappelé  que  lorsqu'un 
tube  capillaire  contient  deux  liquides  de  nature  différente, 
si  l'un  des  liquides  a  plus  d'affinité  chimique  pour  la  paroi 
du  tube  que  l'autre  liquide,  il  s'ensuit  un  mouvement,  lequel 
s'opère  de  telle  façon  que  le  liquide  dont  l'affinité  chimique 
est  le  plus  intense  pousse  l'autre  devant  lui.  Le  sang  arté- 
riel ayant  plus  d'affinité  pour  les  tissus  que  le  sang  veineux 
saturé  des  produits  de  désintégration,  il  doit  s'ensuivre  que 
le  sang  veineux  sera  repoussé.  Il  suffirait,  dans  cette  hypo- 
thèse, pour  accroître  l'intensité  du  mouvement,  d'activer 
le  processus  chimique  de  la  nutrition,  et  c'est  ici  que  pour- 
rait intervenir  l'action  des  nerfs.  Les  phénomènes  de  stase 
ont  pu  être  expliqués  d'une  façon  analogue,  en  faisant  appel 


(1)  Vulpian,  Ion.   cit.,  p.  743. 

(2)  Draper.  —  A  treatise  on  the  Forces  which  produce,   etc.,   New- York 
1844.  —  Savory.  —  Brithh  and  foreign  Review,  t.  XVI,  1855,  p.  19. 


IRRITATION   DES  NERFS  GLANDULAIRES.  U7 

aux  lois  de  l'osmose  (stase  sanguine  par   diffusion)  (1). 

Quoi  qu'il  en  soit,  quelle  que  puisse  être  l'interprétation 
du  phénomène,  l'attraction  que  les  tissus  soumis  à  l'in- 
fluence de  certains  agents  exercent  sur  le  sang,  est,  vous 
le  voyez,  un  fait  constaté  expérimentalement,  en  dehors  de 
l'action  du  système  nerveux.  Pour  appliquer  maintenant 
cette  donnée  au  cas  de  la  glande  sous-maxillaire,  il  suffit 
de  reconnaître  que  le  nerf  glandulaire,  soumis  aux  excita- 
tions, amène  dans  les  cellules  sécrétantes  une  modification 
de  la  nutrition  intime  :  c'est  en  conséquence  de  ce  change- 
ment qu'aurait  lieu  la  dilatation  vasculaire. 

L'anatomie  semble,  du  reste,  jeter  un  jour  nouveau  sur 
la  question  en  montrant  que  les  terminaisons  des  nerfs 
glandulaires  pénètrent  jusque  dans  les  cellules  sécrétan- 
tes (2).  M.  Heidenhain  a  même  essayé  de  démontrer  que  la 
glande,  dont  les  nerfs  sont  soumis  à  une  irritation  un  peu 
prolongée,  présente  une  constitution  histologique  diffé- 
rente, à  quelques  égards,  de  celle  qu'offre  la  glande  à  l'état 
de  repos.  Les  cellules  anciennes,  dites  muqueuses,  parais- 
sent, en  effet,  après  l'irritation,  remplacées  par  des  cellu- 
les jeunes,  de  formation  récente  (3).  Si  les  vues  de  M.  Hei- 
denhain venaient  à  être  confirmées,  il  faudrait  attribuer  au 
nerf  une  influence  pour  ainsi  dire  directe  sur  le  dévelop- 
pement des  cellules  glandulaires  (4). 

L'hypothèse  qui  vient  d'être  formulée,  à  propos  des  nerfs 
sécréteurs,  peut  s'étendre  suivant  toute  vraisemblance  aux 


(1)  O.  Weber,  loc.  cit. 

(2)  E.  F.  W.  Pfluger.  —  Das  Nervengewebe  der  Speicheldrusc,  im  S. 
Stricker's  Handbuch.  t.  I,  p.  313. 

(3)  Heideuhain.  —  Studiendes  phjsiologischen  Instituts,  3e  Breslau,  1808, 
etStricker's  Handbuch,  loc.  cit.,  p.  330. 

(4)  Suivant  M.  Ranvier  [Traduction  de  Frey,  p.  437)  et  M.  Ewald  [Jah- 
resber.,  t.  I,  1870-1871,  p.  55)  les  résultats  obtenus  par  M.  Heidenhain  doi- 
vent être  interprétés  ainsi  qu'il  suit  :  Sous  l'influence  de  l'irritation  des  nerfs 
glandulaires,  les  cellules  dites  muqueuses  perdraient  tout  simplement  leur 
contenu  de  mucus  et  reprendraient  l'aspect  des  cellules  glandulaires  parié- 
tales. Il  n'y  aurait  donc  pas  ici,  comme  le  veut  Heidenhain,  formation  de 
cellules  nouvelles. 


148  THÉORIE  DES  NERFS  TROPHIQUES. 

autres  nerfs,  dans  lesquels  l'expérimentation  physiologi- 
que a  révélé  la  propriété  de  déterminer  la  dilatation  des 
vaisseaux  sous  l'influence  des  excitations.  Ces  nerfs  agi- 
raient primitivement  sur  les  éléments  intervasculaires  et 
y  activeraient  le  mouvement  de  composition  et  de  décom- 
position nutritives.  La  dilatation  vasculaire  s'ensuivrait,  à 
titre  de  phénomène  consécutif.  A  l'appui  de  cette  vue  on 
peut  invoquer,  ici  encore,  les  enseignements  de  l'anatomie 
qui,  dans  ces  derniers  temps,  serait  parvenue  à  suivre,  au 
moins  chez  la  grenouille,  des  terminaisons  nerveuses  jusque 
dans  les  nucléoles  des  corpuscules  de  la  cornée,  et  les  cel- 
lules conjonctives  de  la  membrane  clignotante  (1). 

Il  y  a  longtemps  que  M.  Brown-Séquard  a  proposé  cette 
interprétation  (2)  et  M.  Schiff  semble  s'y  rattacher  lorsqu'il 
reconnaît  que  «  la  dilatation  active  paraît  être  étrangère 
aux  tuniques  propres  des  vaisseaux  et  s'effectuer  par  l'in- 
termédiaire des  tissus  intervasculaires  (3).  » 

L'excursion  que  nous  venons  de  faire  dans  le  domaine 
physiologique  avait  pour  but  de  recueillir,  chemin  faisant, 
des  documents  que  nous  pouvons  maintenant  mettre  à  pro- 
fit. Il  s'agit  en  effet  d'arrêter  un  instant  votre  attention  sur 
la  théorie  dite  des  nerfs  trophiques  qui,  vous  le  savez,  à 
défaut  des  autres  hypothèses  reconnues  insuffisantes,  a  été 
quelquefois  invoquée  pour  expliquer  la  production  des  lé- 
sions de  nutrition  développées  par  une  influence  du  système 
nerveux.  Or,  dans  cette  théorie,  telle  du  moins  que  l'a 
formulée  M.  Samuel,  les  nerfs  supposés  seraient  pour  ainsi 
dire  construits  sur  le  modèle  des  nerfs  sécréteurs  en  ce 


(l)  Voir  Kùhne  :  in  Gaz.  hebdom.,  t  IX.  n°  15,  1862;  —  Ligmaun.  — 
Endigung  der  Ncrven  im  eigentlichen  Geweàe  und  im  Mutèrent  Epiihel  der 
Hornhaut  des  Frosches,  in  Virckow's  Archiv,  38e  Bel.,  p.  118,  18G9  ;  —  Eberth, 
in  Archiv.  fur  Micros.  Anat.  Bd.  III. 

(2j  Brown-Séquard.  —  lîesearches  on  Epilepsy,  p.  70.  —  Central  Nervous 
System,  pp.  148,  172,  174. 

(3)  M.  Schiff.  —  Leçons  sur  la  digestion,  l.  I,  p.  25G. 


THEORIE  DE  M.   SAMUEL.  149 

sens  que,  à  l'exemple  de  ceux-ci,  ils  exerceraient,  dans  les 
conditions  normales,  une  influence  directe  sur  la  nutrition 
des  parties  où  l'on  suppose  que  leurs  terminaisons  ultimes 
vont  se  rendre.  Leur  rôle  physiologique  serait  non  pas 
d'opérer  directement,  mais  d'activer,  dans  la  profondeur 
des  tissus,  les  échanges  qui  constituent  l'assimilation  et  la 
désassimilation  élémentaires,  de  même  que  le  rôle  des  nerfs 
sécréteurs  est  de  mettre  en  jeu  dans  les  cellules  glandulai- 
res une  propriété  immanente,  tout  à  fait  connexe  aux  phé- 
nomènes de  la  nutrition  intime.  On  ne  méconnaît  donc 
nullement  l'autonomie  des  éléments  anatomiques  dans  l'ac- 
complissement des  actes  nutritifs;  on  propose  seulement 
d'envisager  les  nerfs  trophiques,  comme  formant,  par  leur 
ensemble,  un  appareil  de  perfectionnement  propre  aux  or- 
ganismes supérieurs. 

Voilà  pour  le  côté  physiologique.  En  ce  qui  concerne 
maintenant  les  applications  à  l'interprétation  des  phéno- 
mènes pathologiques,  il  est  aisé  de  concevoir  qu'un  résultat 
fréquent  d'une  irritation  morbide  produite  sur  des  nerfs 
doués  de  pareilles  propriétés  serait  de  porter  le  trouble 
dans  la  nutrition  intime  des  parties  innervées  et  dy  provo- 
quer, à  l'occasion,  le  développement  consécutif  d'un  pro- 
cessus inflammatoire.  La  suppression  d'action  de  ces  nerfs 
n'aurait,  au  contraire,  d'autre  effet  que  d'amoindrir  l'inten- 
sité du  mouvement  nutritif,  et  Yatrophie  circonscrite  est 
citée  comme  un  exemple  des  troubles  trophiques  qui  peu- 
vent survenir  de  cette  façon. 

Ce  sont  là  les  traits  généraux  de  la  théorie  ;  pour  ce  qui 
est  des  détails,  il  était  à  prévoir  qu'une  hypothèse  créée 
par  le  besoin  d'expliquer  des  phénomènes  encore  peu  con- 
nus, insuffisamment  étudiés  à  l'époque  où  elle  a  été  émise, 
devrait  vieillir  rapidement.  Cela  est  arrivé  en  effet  ;  on  ne 
saurait  admettre  aujourd'hui,  par  exemple,  que  les  nerfs 
trophiques  ont  tous  leur  origine  centrale  dans  les  ganglions 
spinaux  postérieurs  ou  dans  les  ganglions  analogues  des 
nerfs  crâniens  ;  car  les  cas  sont  nombreux,  ainsi  que  vous 


4  50  THÉORIE  DE  M.   SAMUEL. 

l'avez  vu,  où  une  lésion  siégeant  dans  les  parties  centrales 
de  la  moelle  épinière,  ou  même  dans  l'encéphale,  provoque 
l'apparition  de  troubles  trophiques  dans  les  parties  périphé- 
riques. Il  faudrait  aussi  tenir  grand  compte,  à  l'avenir,  des 
faits,  inconnus  dans  le  temps  où  le  livre  de  M.  Samuel 
a  paru,  et  qui  mettent  hors  de  doute  l'influence  des  lésions 
des  cellules  nerveuses  antérieures  sur  le  développement 
des  diverses  espèces  de  myopathies. 

Je  n'ai  jamais  partagé  le  dédain  avec  lequel  la  théorie 
qui  vient  d'être  brièvement  exposée  a  été  presque  univer- 
sellement accueillie.  Il  m'a  toujous  paru  que,  malgré  ses 
imperfections,  elle  était  digne  d'être  recommandée  à  l'atten- 
tion des  médecins  parce  qu'elle  explique  mieux,  ce  me 
semble,  les  phénomènes  qu'ils  sont  appelés  à  observer  dans 
la  pratique,  que  toutes  les  autres  hypothèses  invoquées 
jusque-là.  Je  suis  bien  loin  de  vouloir  méconnaître,  tou- 
tefois, la  portée  des  objections  qui  lui  ont  été  opposées.  En 
premier  lieu,  l'existence  des  nerfs  trophiques  n'est  pas, 
cela  est  certain,  démontrée  anatomiquement  ;  il  faut  recon- 
naître de  plus,  que  la  plupart  des  expériences  instituées  sur 
les  animaux,  par  M.  Samuel,  dans  le  but  de  mettre  en 
lumière  l'existence  de  ces  nerfs,  n'ont  pas  été  heureuses. 
Les  unes,  reprises  par  d'autres  observateurs,  n'ont  pas  re- 
produit jusqu'ici  les  résultats  annoncés;  les  autres  ont  dû 
être  abandonnées  comme  entachées  de  nombreuses  causes 
d'erreur  (1).  Mais  tous  les  arguments  dirigés  contre  la 
théorie  n'ont  pas  autant  de  valeur  que  les  précédents.  Si 
l'on  voulait  condamner,  par  exemple,  l'hypothèse  des  nerfs 
trophiques  par  ce  seul  fait  qu'elle  est  inutile  en  physiologie, 
je  ferais  remarquer  que  l'utilité  des  nerfs  sécréteurs  n'a 
été  reconnue  qu'après  coup.  On  serait  nécessairement 
conduit  à  reconnaître  aussi  celle  des  nerfs  trophiques,  si 
l'expérimentation  venait  quelque  jour  se  prononcer  en  leur 


(l)  VoirTobias  (Virchom's  Archiv,  Bd.  XXIV,  p.  379)  et  0.  Weber,  in 
Centralblatt,  1864.  p.  145. 


CRITIQUE  DE  LA  THÉORIE.  151 

faveur.  Il  est  difficile  de  croire,  d'un  autre  côté,  que  le  rôle 
joué  par  les  nerfs  sécréteurs  soit  absolument  spécifique  et 
sans  autre  exemple  dans  l'organisme.  A  ces  nerfs  on  pour- 
rait déjà  comparer  les  nerfs  dilatateurs,  s'il  est  vrai  qu'ils 
fonctionnent  suivant  le  mécanisme  indiqué  tout  à  l'heure. 
On  devrait  en  rapprocher  encore,  d'après  les  observations 
récentes  de  M.  Goltz,  les  nerfs  d'absorption,  qui,  suivant 
ce  physiologiste,  agiraient  sur  les  cellules  endothéliales  des 
vaisseaux  sanguins,  de  la  même  façon  que  les  nerfs  de  sé- 
crétion agissent  sur  l'épithélium  glandulaire. Nous  ne  voyons 
pas,  en  somme,  qu'il  existe  aucun  argument  qui  ne  per- 
mette de  décréter  à  priori  que  les  nerfs  trophiques  né 
viendront  pas,  un  jour  prendre  place  dans  ce  groupe  (1). 

Quoi  qu'il  en  soit,  avant  de  s'attacher  à  une  théorie  qui 
ne  peut  subsister  sans  mettre  en  jeu  tout  un  système  de 
nerfs  dont  l'existence  est  encore  problématique,  il  faudrait 
nécessairement  s'être  assuré,  par  tous  les  moyens,  qu'il 
est  réellement  impossible  d'expliquer  les  phénomènes  dont 
l'interprétation  est  proposée,  en  faisant  appel  aux  proprié- 
tés des  différents  nerfs  déjà  connus  :  car  il  faut  se  garder 
toujours  d'enfreindre  l'axiome  de  la  logique  :  Haud  multi- 
plicanda  entia  absqae  necessitate.  Or,  la  théorie  vaso-mo- 
trice étant  éliminée,  il  reste  encore,  sans  doute,  beaucoup 
à  faire  sous  ce  rapport. 

Il  est  une  vue,  entre  autres,  à  laquelle  on  ne  s'est  pas 
arrêté,  que  je  sache,  et  qui  mériterait  peut-être  d'être  prise 
en  considération.  Les  expériences  nombreuses  et  décisives, 
faites  dans  ces  derniers  temps,  sur  les  réunions  bout  à 
bout  de  nerfs  de  fonctions  différentes,  tels  par  exemple  que 
l'hypoglosse  et  le  lingual  (2),  ont  mis  hors  de  doute  que  les 
excitations,  produites  sur  un  point  quelconque  d'une  fibre 
nerveuse  sensitive  ou  motrice,   se  propagent  aussitôt  et 


(1)  Goltz  in  Pflûger's  Archiv,   t.  I,  V,  p.  53  et  Journal  of  Anatomy  and 
Pkysiology,  2e  série,  n°  de  mai  1872,  p.  480. 

(2)  Vulpian.  —  Physiologie  du  système  nerveux,  p.  290. 


452  CONCLUSIONS. 

simultanément  dans  le  sens  centripète  et  dans  le  sens  cen- 
trifuge. D'après  cela,  il  est  permis  de  supposer  que  les  irri- 
tations pathologiques  développées  sur  un  nerf  sensitif,  soit 
à  son  origine  centrale,  soit  sur  un  point  de  son  trajet,  reten- 
tissant dans  la  direction  centrifuge  jusqu'à  l'extrémité  ter- 
minale des  filets  nerveux,  c'est-à-dire  dans  les  papilles  du 
derme,  ou  encore  dans  l'épaisseur  du  réseau  muqueux  (1), 
pourront,  dans  certains  cas,  provoquer  là  un  travail 
phlegmasique.  On  comprendrait  ainsi,  par  exemple,  le  dé- 
veloppement assez  fréquent  d'éruptions  huileuses  ou  pem- 
phigoïdes,  du  zona,  en  conséquence  de  lésions  portant  sur 
les  faisceaux  postérieurs  de  la  moelle  ou  sur  les  racines 
spinales  sensitives.  Pour  ce  qui  est  des  nerfs  moteurs,  je 
ne  vois  pas  d'argument  sérieux  qui  empêche  d'admettre 
que  les  irritations  pathologiques,  portant  sur  les  cellules 
nerveuses  des  cornes  antérieures,  seront  transmises  quel- 
quefois jusqu'aux  faisceaux  musculaires,  par  la  voie  des 
filets  nerveux  qui  transmettent  à  l'état  physiologique  les 
excitations  volontaires.  Un  certain  nombre  au  moins  des 
troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions  du  système 
nerveux  trouveront  peut-être  dans  cette  hypothèse  leur 
explication  sans  qu'il  soit  nécessaire  d'avoir  recours  à  la 
théorie  des  nerfs  trophiques. 

Nous  sommes  parvenus,  Messieurs,  au  terme  de  cette 
discussion  pathogénique  et,  ainsi  que  je  le  laissais  pressen- 
tir dès  le  commencement,  la  question  en  litige  attend  encore 
une  solution.  Je  ne  regretterais  pas,  néanmoins,  les  déve- 
loppements dans  lesquels  nous  sommes  entrés,  si  j'avais 
réussi,  en  mettant  sous  vos  yeux  les  pièces  du  procès,  à 
vous  inspirer  le  désir  de  pénétrer  plus  avant  dans  une 
étude  qui  intéresse  à  un  si  haut  degré  la  pathologie  du 
système  nerveux  tout  entière. 


(l)  Voir  Langerhans.  —  Virchoms  Archiv.  Bd.  44,  et  À.  Biesadecki.  — 
Stricker's  Handbuch,  p.  595. 


DEUXIÈME  PARTIE 


Paralysie  agitante  et  sclérose  en  plaques 
disséminées. 


CINQUIÈME  LEÇON 

De  la  paralysie  agitante. 


Sommaire.  —  Du  tremblement  en  général. — Ses  variétés.  —  Tremblement 
intermittent.  —  Tremblement  continu.  Influence  du  sommeil,  du  repos  et 
des  mouvements  volontaires.  — Distinction  établie  par  Van  Swieten.  — 
Opinion  de  M.  Gubler-  —  Le  tremblement  d'après  Galien.  —  Indépen- 
dance de  la  paralysie  agitante  et  de  la  sclérose  en  plaques. —  Recbercbes 
de  Parkinson.  —  Travaux  français  :  MM.  G.  Sée,  Trousseau,  Charcot 
et  Vulpian.  —  La  paralysie  agitante  prend  droit  de  domicile  dans  les 
traités  classiques. 

Caractères  fondamentaux  de  la  paralysie  agitante.  —  C'est  une  maladie  de 
la  seconde  période  de  la  vie.  —  Ses  symptômes.  —  Modifications  de  la 
marche.  —  Tendance  à  la  propulsion  et  à  la  rétropulsion .  —  Début  ;  ses 
modes  :  il  est  lent  ou  brusque.  —  Période  d'état.  —  Le  tremblement  res- 
pecte la  tête  et  le  cou.  —  Changements  dans  la  parole.  —  Rigidité  des 
muscles.  —  Attitude  du  tronc  et  des  membres.  —  Déformation  des 
mains  et  des  pieds.  Ralentissement  dans  l'exécution  des  mouvements.  — 
Perversions  de  la  sensibilité.  —  Crampes;  sentiment  général  de  tension 
et  de  fatigue  ;  besoin  de  déplacement.  —  Sensation  habituelle  de  chaleur 
excessive.  —  Température  dans  la  paralysie  agitante.  —  Influence  de  la 
nature  des  convulsions  (statiques  ou  dynamiques). 

Période  terminale.  —  Confinement  au  lit.  Troubles  de  la  nutrition.  —  Affai- 
blissement de  l'intelligence.  —  Eschares  sacrées.  —  Maladies  terminales: 
elles  diffèrent  de  celles  de  la  sclérose  en  plaques.  —  Durée  de  la  para- 
lysie agitante . 

Résultats  nécroscopiques.  —  Inconstance  des  lésions  dans  la  paralysie  agi- 
tante :  fixité  des  lésions  dans  la  sclérose  en  plaques.  —  Lésions  du  pont 
de  Varole  et  de  la  moelle  allongée  (Parkinson,  Oppolzer).  —  Physiologie 
pathologique. 

Etiologie.  —  Causes  extérieures  :  Emotions  morales  vives  ;  —  action  du 
froid  humide,  longtemps  prolongée;  —  irritation  de  certains  nerfs  péri- 
phériques. —  Causes  prédisposantes.  —  L'âge  joue  un  certain  rôle  :  la 
paralysie  agitante  se  montre  plus  tard  que  la  sclérose  en  plaques.  — 
Sexe.  —  Hérédité.  —  Influence  de  la  race. 


Messieurs. 

Ceux  d'entre  vous  qui,  ce  matin,  ont  parcouru  nos  salles, 
se  sont  étonnés  peut-être  d'y  trouver  réunies,  en  aussi 


4  56  DU  TREMBLEMENT  EN  GÉNÉRAL. 

grand  nombre,  des  femmes  chez  lesquelles  le  tremblement 
paraît  constituer  le  symptôme  prédominant  ou  tout  au 
moins  le  plus  saillant  de  la  maladie  dont  elles  sont  attein- 
tes. Cette  réunion  de  malades  d'un  genre  à  part,  je  l'ai 
provoquée  à  dessein.  Par  là,  j'ai  voulu  vous  mettre  à  même 
de  reconnaître,  à  Faide  d'une  étude  comparative,  certaines 
nuances,  ou  même  des  différences  tranchées  que  l'observa- 
tion des  cas  isolés  ne  permet  pas  de  saisir  aussi  facilement. 

Au  premier  abord,  vous  avez  pu  penser  qu'un  spectacle 
monotone  s'offrait  à  vos  regards.  En  effet,  si  l'on  se  con- 
tente d'un  coup  d'œil  superficiel,  le  phénomène  tremble- 
ment chez  toutes  ces  femmes  paraît  identique  ou  peu  s'en 
faut  ;  une  seule  chose  frappe,  c'est  l'intensité  et  le  siège 
variables  que  présentent  les  oscillations  rhythmiques  des 
membres.  Mais  une  observation  plus  recueillie  vous  a  bien- 
tôt permis  de  démêler,  sous  cette  uniformité  apparente, 
des  traits  distinctifs  qui,  d'abord,  vous  avaient  complète- 
ment échappé. 

Ainsi,  pour  ne  parler  que  du  fait  le  plus  évident,  vous 
avez  pu  remarquer  que,  parmi  nos  malades,  les  unes  ne 
tremblent  que  dans  le  temps  même  où  elles  exécutent  un 
mouvement  d'ensemble  à  l'aide  de  leurs  membres,  comme 
dans  l'acte  de  porter  un  verre  à  la  bouche  pour  boire,  ou 
encore  lorsqu'elles  veulent  se  lever  de  leur  siège  pour  mar- 
cher. Dans  ce  dernier  cas,  toutes  les  parties  du  corps  peu- 
vent être  ébranlées  par  des  secousses  énergiques  rendant 
difficiles  et  parfois  impossibles  la  station  verticale  et  la 
marche.  En  revanche,  quand  elles  sont  au  repos  et  qu'au- 
cune émotion  ne  vient  les  affecter,  ces  mêmes  femmes, 
qu'elles  soient  assises  ou  couchées,  offrent  l'attitude  la 
plus  naturelle  ;  les  différentes  parties  de  leur  corps  ne  sont 
aucunement  agitées,  et  si  vous  les  observiez  seulement 
dans  de  telles  conditions,  vous  ne  soupçonneriez  certes  pas 
le  mal  dont  elles  sont  atteintes. 

Au  contraire,  dans  une  seconde  série  de  cas,  le  tremble- 
ment est  continu,  permanent  ;  il  agite  les  membres  sans 


VARIÉTÉS  DU   TREMBLEMENT.  Mil 

cesse,  sans  trêve,  et  si  les  mouvements  intentionnels  l'exa- 
gèrent par  moment,  le  repos  ne  le  fait  pas  disparaître.  En 
réalité,  pendant  la  veille,  lorsque  l'affection  est  intense,  il 
n'y  a  pas  de  relâche  pour  ces  malades  :  quelle  que  soit  la 
position  qu'elles  prennent,  assises  ou  couchées,  toujours 
elles  tremblent.  Le  sommeil  seul  met  momentanément  un 
terme  à  l'agitation  spasmodique  de  leurs  membres  ;  mais  à 
peine  le  réveil  a-t-il  lieu  que  le  tremblement  reparait  et 
reprend  bientôt  toute  son  intensité. 

A  ne  tenir  compte  que  de  cette  première  distinction,  éta- 
blie d'après  l'influence  du  repos  ou  des  mouvements  volon- 
taires, sur  la  production  du  tremblement,  il  est  permis 
déjà,  vous  le  voyez,  de  ramener  à  deux  chefs  principaux 
le  cas  qui  nous  occupe. 

Un  premier  groupe  comprendra  ceux  où  le  tremblement 
ne  se  manifeste  qu'à  l'occasion  d'un  mouvement  intention- 
nel, tandis  que  les  malades  chez  lesquelles  le  tremblement 
est  un  symptôme  constant,  ou  qui,  tout  au  moins,  ne  s'ef- 
face guère  que  durant  le  sommeil,  constitueront  le  second 
groupe.  Il  faut  remarquer  d'ailleurs  que  chacun  de  ces 
groupes,  loin  de  former  un  ensemble  homogène,  embrasse 
des  espèces  morbides  assez  nombreuses  et  de  nature  très- 
diverse,  malgré  l'analogie  que  leur  impose  la  communauté 
du  symptôme. 

La  distinction  que  je  m'efforce  de  faire  ressortir  auprès 
de  vous  est  à  mon  avis  de  la  plus  haute  importance  dans 
l'histoire  des  maladies  chroniques  du  système  nerveux  qui 
s'accompagnent  de  tremblement.  De  nos  jours,  elle  a  été  à 
peu  près  universellement  méconnue,  et,  si  je  ne  me  trompe, 
c'est  en  vain  que  vous  en  chercheriez  la  trace  dans  nos 
auteurs  classiques.  Cependant,  et  M.  Guéneau  de  Mussy  Ta 
fait  remarquer  avec  justesse  dans  une  leçon  clinique  pu- 
bliée récemment  par  la  Gazette  des  Hôpitaux  (1),  les  mé- 

(l)  Gazette  des  hôpitaux,  1868. 


158'  VARIÉTÉS  DU  TREMBLEMENT. 

decins  du  siècle  dernier  l'avaient  prise  en  considération, 
et  en  avaient  parfaitement  compris  la  valeur. 

Van  Swieten,  entre  autres,  a  expressément  reconnu  les 
deux  espèces  de  tremblement;  bien  plus,  il  s'était  efforcé 
de  rattacher  chacune  d'elles  à  une  condition  physiologique 
particulière.  Permettez-moi,  à  ce  propos,  de  vous  signaler 
le  commentaire  sur  l'aphorisme  625,  vous  y  trouverez  une 
interprétation  physiologique  du  symptôme  tremblement, 
interprétation  qui  est  loin  d'être  dénuée  d'intérêt,  même 
pour  le  lecteur  moderne. 

Ainsi,  d'après  Van  Swieten,  le  tremblement  qui  persiste 
pendant  le  repos  au  lit  résulte  d'une  irritation  qui  s'exerce 
d'une  manière  intermittente,  rhythmique,  sur  les  centres 
nerveux.  Ce  serait  donc  là  un  phénomène  convulsif,  — 
tremor  coactus. 

Par  contre,  le  tremblement  qui  se  manifeste  exclusive- 
ment pendant  l'exercice  des  mouvements  volontaires  dé- 
pendrait d'un  défaut  de  stimulus,  résultant  de  l'insuffisance 
du  fluide  nerveux,  dont  la  fonction  est  de  faire  contracter 
les  muscles  sous  l'influence  de  la  volonté.  Ce  serait  là,  par 
conséquent,  un  tremblement  paralytique,  —  tremor  à  de- 
Ulitate. 

Une  interprétation  des  phénomènes,  qui  ne  s'éloigne  pas 
radicalement  de  la  précédente,  a  été  donnée,  il  y  a  quel- 
ques années,  par  l'un  des  rares  auteurs  modernes  qui  ont 
su  maintenir  la  distinction  des  deux  espèces  de  tremble- 
ment. M.  Gubler  reconnaît  que,  dans  certains  cas,  le  trem- 
blement consiste,  non  pas  en  une  succession  de  mouve- 
ments contraires,  soustraits  à  la  volonté,  mais  bien  en 
contractions  et  relâchements  alternatifs  des  muscles  qui 
sont  enjeu,  soit  pour  exécuter  le  déplacement  d'un  mem« 
bre  ou  la  translation  du  corps  entier,  soit  pour  conserver 
aux  parties  leur  attitude  naturelle (1).  Ici,  les  contractions 
musculaires,  au  lieu  de  se  développer  comme  dans  les  con- 

(l)  Archives  générales  de  médecine,  5e  série,  t.  XV,  1860,  p.  702. 


PARALYSIE  AGITANTE  ET  SCLEROSE  EN  PLAQUES.    159 

ditions  normales,  graduellement,  sans  secousses  et  d'une 
manière  insensible,  se  font,  au  contraire,  par  saccades,  et 
comme  par  un  courant  interrompu,  avec  des  intervalles  de 
repos.  Cet  état  pathologique  qui,  suivant  M.  Gubler,  pour- 
rait être  désigné  sous  le  nom  d'astasie  musculaire,  se  sé- 
pare nettement  de  l'état  dans  lequel  ce  ne  sont  pas  seule- 
ment les  contractions  commandées  par  l'attitude  du  corps 
ou  par  la  volonté  qui,  se  faisant  par  saccades,  déterminent 
le  tremblement.  Dans  ce  dernier  cas ,  il  existe  réellement 
des  contractions  involontaires  et  sans  but,  excitées  inces- 
samment par  un  stimulus  interne. 

Il  faut  d'ailleurs  que  cette  catégorisation  soit  bien  natu- 
relle, car  elle  est  fort  antérieure  à  Yan  Swieten  ;  Galien 
l'avait  établie.  Lui  aussi  distinguait  en  effet  deux  espèces 
de  tremblement  :  l'un  qu'il  désigne  sous  le  nom  de  Tpejxo; 
(tremor),  —  c'est  le  tremblement  paralytique  ;  l'autre  qu'il 
appelle  *«Ap4  (palpitation),  —  c'est  le  tremblement  cloni- 
que,  spasmodique,  convulsif  (1). 

Mais  le  point  de  vue  physiologique  ne  doit  pas  nous  ar- 
rêter plus  longuement,  car  nous  ne  saurions  entrer  , 
quant  à  présent,  dans  une  discussion  qui  serait  préma- 
turée. Qu'il  nous  suffise  d'avoir  mis  en  relief  des  caractères 
que  l'observation  la  plus  simple,  indépendamment  de  toute 
préoccupation  théorique,  permet  de  reconnaître.  C'est  pour 
ne  les  avoir  pas  pris  en  considération  que  les  deux  affec- 
tions qui  doivent  faire  l'objet  de  nos  premières  études  cli- 
niques, la  paralysie  agitante  et  la  sclérose  en  plaques  dis- 
séminées, sont  restées  jusqu'à  ce  jour  confondues  sous  une 
même  rubrique,  bien  qu'elles  soient,  à  tous  égards,  parfai- 
tement indépendantes  l'une  de  l'autre.  Toutes  deux,  à  la 
vérité,  comptent  le  tremblement  parmi  leurs  symptômes 
les  plus  importants  ;  mais,  dans  la  première,  les  oscilla- 
tions rhythmiques  des  membres  sont  à  peu  près  permanen- 
tes, tandis  que,  dans  la  seconde,  elles  ne  surviennent  qu'à 

(l)  G.  V.  Swieten.  —  Commentaria,  t.  II,  p.  167.  Paris,  1771. 


'160  HISTORIQUE. 

l'occasion  des  mouvements  voulus.  Nous  venons  de  signa- 
ler un  trait  distinctif  qui  permettrait  déjà  de  poser  entre 
les  deux  affections  une  ligne  de  démarcation  tranchée. 
Toutefois,  ce  n'est  pas  le  seul,  tant  s'en  faut,  que  nous 
aurons  à  faire  valoir,  ainsi  que  vous  le  reconnaîtrez  par  la 
suite. 

La  paralysie  agitante,  qui  nous  occupera  tout  d'abord 
et  dont  je  vous  ai  présenté  plusieurs  exemples  bien  carac- 
térisés, a  été  la  première  inscrite  dans  les  cadres  nosolo- 
giques.  Son  histoire,  néanmoins,  ne  remonte  pas  très-loin. 
La  première  description  régulière  qui  en  ait  été  donnée  date 
seulement  de  1817  ;  elle  est  due  à  un  auteur  anglais,  Par- 
kinson,  qui  l'a  présentée  dans  un  petit  ouvrage  intitulé  : 
Essay  on  the  shahing  Palsy.  Depuis  cette  époque,  la  pa- 
ralysie agitante  a  été  maintes  fois  mentionnée  en  Angle- 
terre et  en  Allemagne  ;  mais,  en  France,  elle  était  restée  à 
peu  près  ignorée  jusque  dans  ces  dernières  années,  car,  si 
je  ne  me  trompe,  elle  se  trouve  signalée  chez  nous  pour 
la  première  fois  d'une  manière  explicite  par  M.  G.  Sée, 
dans  son  mémoire  sur  la  chorée ,  où  elle  figure  parmi  les 
maladies  qui  peuvent  être  confondues  avec  la  danse  de 
Saint-Guy. 

En  1859,  M.  Trousseau,  dans  ses  Leçons  sur  la  chorée, 
réunit  dans  un  tableau  succinct  les  principaux  traits  de  la 
paralysie  agitante.  Trois  ans  plus  tard,  M.  Yulpian  et  moi 
nous  avons  publié  un  travail  sur  ce  sujet,  dans  la  Gazette 
hebdomadaire  (1).  Nous  venions  d'arriver  à  la  Salpétrière. 
Voulant  nous  éclairer  sur  la  nature  et  les  caractères  de 
cette  maladie,  que  nous  étions  appelés  à  observer  sur  une 
grande  échelle,  nous  fûmes  frappés  de  l'insuffisance  des 
détails  contenus  dans  les  auteurs.  Ceci  nous  conduisit  à 
réunir  les  faits  que  nous  avions  sous  les  yeux,  et,  les  joi- 
gnant à  des  observations  empruntées  aux  recueils  étran- 

(l)  Gazette  hebdomadaire,  1861,  p.  765,816  et  1862,  p.  54. 


HISTORIQUE.  161 

gers,  nous  avons  tracé  une  histoire  assez  complète,  pour 
l'époque,  de  la  paralysie  agitante. 

A  partir  de  là,  cette  maladie  acquiert  droit  de  domicile 
dans  les  ouvrages  classiques.  Dans  la  seconde  édition  de 
ses  Leçons,  Trousseau  y  consacre  d'assez  longs  développe- 
ments. Elle  figure  dans  la  dernière  édition  du  livre  de 
M.  Grisolle,  dans  l'Encyclopédie  de  Reynolds  (1)  ;  mais, 
dans  toutes  ces  descriptions,  et  la  nôtre  n'échappe  nulle- 
ment cà  ce  reproche,  il  existe  une  confusion  absolue  entre 
la  paralysie  agitante  et  la  sclérose  en  plaques.  La  ligne 
de  démarcation  entre  ces  deux  maladies  a  été  indiquée 
par  moi,  si  je  ne  me  trompe,  pour  la  première  ibis,  dans  la 
thèse  de  M.  Ordenstein  (2).  Il  importe  donc  d'établir  un 
parallèle  entre  ces  deux  affections,  en  les  comparant  l'une 
à  l'autre  sous  le  triple  rapport  des  symptômes,  des  causes 
et  des  lésions.  Pour  cela,  nous  ferons  appel  aux  documents 
précités  et  aux  observations  nombreuses  que  nous  avons 
rassemblés  dans  cet  hospice.  Il  vous  sera  facile  de  retrou- 
ver sur  les  malades  que  j'ai  réunies  dans  les  salles,  les  ca- 
ractères sur  lesquels  je  vais  insister. 


CARACTERES  FONDAMENTAUX  DE  LA  PARALYSIE  AGITANTE. 

La  paralysie  agitante,  dégagée,  Messieurs,  des  éléments 
étrangers  est,  quant  à  présent,  une  névrose  en  ce  sens 
qu'elle  ne  reconnaît  aucune  lésion  qui  lui  soit  propre.  Dans 
les  diverses  relations  qui  en  ont  été  publiées,  on  voit  men- 


(i)  J.  Reynolds.  —  A  System  of  Médiane,  t.  II.  p.  184.  Art.  Paralysis 
agitons,  par  W.  R.Sanders. 

-  Sur  la  paralysie  agitante  et  la  sclérose  en  plaques  ge'ne'ralisées.  Thèse 
de  Paris,  1868.  Cohn,  cependant,  avait  remarqué  que,  dans  deux  cas  d'in- 
duration multiple  du  cerveau  et  de  la  moelle,  le  tremblement  ne  se  mani- 
festait qu'à  la  suite  de  mouvements  que  le  malade  voulait  exécuter,  mais 
jamais  à  l'état  de  repos,  ni  durant  le  sommeil.  [Ein  Beitrage  zur  Lehre  der 
Paralysis  agitons.  In  Wiener  med.  Wochensck.,  mai  1860.] 


Charcot,  t.  i,  3e  éd. 


162  SYMPTOMES  DE  LA  PARALYSIE  AGITANTE. 

tionnées  des  lésions  disparates.  Quelques-unes  appartien- 
nent à  la  sclérose  en  plaques  disséminées;  les  autres,  par 
leur  multiplicité,  par  leur  variabilité  même,  viennent  en- 
core appuyer  notre  opinion,  à  savoir  que,  jusqu'ici,  la  para- 
lysie agitante  ne  reconnaît  aucune  lésion  matérielle  déter- 
minée. 

Elle  frappe  des  sujets  déjà  avancés  en  âge,  surtout  ceux 
qui  ont  plus  de  40  ou  50  ans.  Cette  limite,  toutefois,  n'est 
pas  absolue,  car  M.  Duchenne  (de  Boulogne)  nous  a 
communiqué  un  fait  relatif  à  un  jeune  homme  âgé  de 
16  ans.  Quoiqu'il  en  soit,  elle  trouve  sa  place  naturelle  dans 
les  maladies  de  la  seconde  période  de  la  vie.  Mais  ce  serait 
aller  trop  loin  que  de  la  considérer  comme  une  maladie  sé- 
nile. 

Souvent  les  causes  restent  inconnues.  Cependant,  des 
données  étiologiques,  deux  méritent  d'être  signalées  :  1°  le 
froid  humide,  tel  que  celui  qu'entraîne  l'habitation  prolon- 
gée dans  une  chambre  mal  aérée,  dans  un  rez-de-chaussée 
bas  et  obscur,  etc.;  2°  les  émotions  morales  vives.  Cette 
dernière  cause  paraît  assez  commune.  L'une  des  malades 
que  vous  avez  vues  fut  atteinte  dans  les  circonstances 
suivantes.  Son  mari,  garde  municipal,  faisait  partie  des 
troupes  qui  combattaient  les  insurgés  en  juin  1832.  Ayant 
vu  le  cheval  de  son  mari  revenir  seul  à  la  caserne,  elle 
fut  vivement  impressionnée,  craignant  un  malheur.  Le 
jour  même  elle  se  mit  à  trembler,  et  le  tremblement,  qui 
A  était  primitivement  localisé  à  la  main  droite,  s'est  étendu 
\  et  a  gagné  successivement  les  autres  membres.  J'aurai  l'oc- 
casion de  vous  citer  d'assez  nombreux  exemples  du  même 
genre. 

Les  symptômes   de  la  paralysie  agitante  n'ont  pas  tous 
une  égale  valeur.  Le  plus  saillant  consiste  dans  un  trem- 
blement existant  même  au  repos,  d'abord  limité  à  un  mem- 
l     bre,  puis  se  généralisant  peu  à  peu.  tout  en  respectant  ce- 


SYMPTOMES  DE  LA  PARALYSIE  AGITANTE.  163 

xf  pendant  la  tète.  A  ce  phénomène  s'ajoute  tôt  ou  tard  une 
diminution  apparente  de  la  force  musculaire.  Les  mouve- 
ments sont  lents  et  paraissent  faibles,  Lien  que  l'expérience 
dynamométrique  démontre  que  cette  diminution  n'est  pas 
réelle.  Cette  impuissance  motrice  paraît  tenir  en  partie, 
nous  le  verrons,  à  la  rigidité  dont  les  muscles  sont  le 
siège. 

Un  symptôme  curieux  qui  vient  compliquer  la  situation, 
quelquefois  d'assez  bonne  heure,  d'habitude  à  une  époque 
de  la  maladie  assez  éloignée  du  début,  c'est  la  perte  de  la 
faculté  de  garder  l'équilibre  pendant  la  progression.  On 
remarque,  en  outre,  chez  quelques  malades,  une  tendance 
à  la  propulsion  ou  à  la  rétropulsion  :  sans  éprouver  de 
vertige,  le  malade  est,  dans  le  premier  cas,  poussé  en 
avant  ;  on  dirait  qu'il  est  forcé  de  prendre  une  allure  ra- 
pide, et  ce  n'est  qu'à  grand  peine  qu'il  lui  est  possible  de 
s'arrêter,  obligé  qu'il  est  de  courir  après  un  centre  de  gra- 
vité qui  lui  échappe. 

Une  attitude  particulière  du  corps  et  des  membres,  la 
fixité  du  regard,  l'immobilité  des  traits  du  visage,  doivent 
encore  être  signalés  parmi  les  symptômes  les  plus  impor- 
tants de  la  maladie. 

La  marche  de  la  paralysie  agitante  est  lente,  progres- 
sive. Sa  durée  est  longue  (parfois  elle  compte  une  trentaine 
d'années).  Le  terme  fatal  survient  ou  par  les  progrès  de 
l'âge  ou  par  le  fait  d'affections  intercurrentes  soit  acciden- 
telles, soit  occasionnées  par  le  marasme,  le  confinement 
au  lit,  etc.  Dans  le  premier  cas,  il  s'agit  d'une  maladie  aiguë, 
d'une  pneumonie,  par  exemple  ;  dans  le  second,  la  mort 
arrive  par  une  sorte  d'épuisement  nerveux  ;  la  nutrition 
s'altère,  le  malade  perd  le  sommeil,  il  se  forme  des  eschares 
qui  terminent  la  scène  morbide. 

Tels  sont,  Messieurs,  les  caractères  les  plus  généraux  de 
la  paralysie  agitante.  Mais,  afin  de  mieux  vous  faire  saisir 
leur   signification,  il  convient  d'entrer  plus  avant  dans 


164  DÉBUT  DE  LA  PARALYSIE   AGITANTE. 

l'étude  des  symptômes,  de  faire  voir  comment  ils  naissent, 
s'accroissent  et  s'enchaînent  aux  divers  âges  de  la  ma- 
ladie. A  cet  effet,  et  pour  mettre  plus  de  clarté  dans  notre 
description,  nous  établirons  plusieurs  périodes  que  nous 
caractériserons  les  unes  après  les  autres.  Examinons  en 
premier  lieu  la  manière  dont  se  fait  le  début.  Les  observa- 
tions nous  apprennent  que  la  paralysie  agitante  se  déve- 
loppe tantôt  lentement,  progressivement,  tantôt  au  con- 
traire d'un  façon  presque  soudaine. 

A.  Début  lent.  Dans  l'immense  majorité  des  cas,  le  dé- 
but est  insidieux,  la  maladie  s'annonce  comme  légère  et 
bénigne.  Le  tremblement  est  circonscrit  à  un  pied,  à  une 
main,  au  pouce.  Ce  symptôme,  en  apparence  si  peu  inquié- 
tant, reste  isolé  pendant  longtemps.  Il  offre,  d'ailleurs,  des 
caractères  qu'il  importe  de  connaître  et  sur  lesquels  nous 
insisterons.  Les  mains  sont-elles  prises?  on  voit  ses  divers 
segments  osciller  les  uns  sur  les  autres,  animés  d'un  mou- 
vement presque  pathognomonique.  Le  malade  rapproche 
les  doigts  du  pouce  comme  pour  filer  de  la  laine  ;  simulta- 
nément, le  poignet  se  fléchit  par  secousses  rapides  sur 
l'avant-bras,  celui-ci  sur  le  bras. 

A  ce  moment  de  la  maladie,  le  tremblement  peut  n'être 
que  passager,  transitoire.  Il  éclate  alors  qu'on  s'y  attend 
le  moins,  le  malade  étant  au  repos  le  plus  complet  d'esprit 
et  de  corps,  et  fréquemment,  sans  qu'il  en  ait  conscience. 

La  marche,  même  s'il  s'agit  des  membres  supérieurs,  l'ac- 
tion de  saisir  un  poids,  de  le  soulever,  de  prendre  la  plume 
et  d'écrire,  un  effort  quelconque  de  la  volonté,  suffisent 
souvent  à  cette  époque  pour  suspendre  le  tremblement. 
Plus  tard,  il  n'en  sera  plus  ainsi.  Du  reste,  en  même  temps 
qu'il  gagne  en  intensité  et  en  persistance,  le  tremblement 
envahit  pour  ainsi  dire  de  proche  en  proche  —  non  sans 
observer  dans  sa  progression  certaines  règles  —  les  par- 
ties jusque-là  demeurées  indemnes.  Si,  par  exemple,  il  a 
d'abord  affecté  la  main  droite,  au  bout  de  quelques  mois, 


DEBUT  BRUSQUE.  165 

de  quelques  années,  ce  sera  le  tour  du  pied  droit  ;  la  main 
gauche  ensuite,  puis  le  pied  gauche,  seront  pris  successi- 
vement. 

L'envahissement  croisé  est  plus  rare.  J'ai  vu  cependant, 
au  moins  deux  fois,  le  membre  supérieur  droit,  puis  le 
membre  inférieur  gauche  être  affectés  l'un  après  l'autre. 
Il  est  beaucoup  plus  commun  de  voir  le  tremblement  borné 
durant  longtemps  aux  membres  d'un  seul  côté  du  corps 
[forme  hémiplégique),  ou  encore  aux  deux  membres  infé- 
rieurs {forme  paraplégique).  La  tête  est  toujours  à  peu 
près  respectée  à  toutes  les  époques  du  mal,  même  dans  les 
cas  les  plus  intenses,  et  c'est  là  un  caractère  que  nous 
devrons,  par  la  suite,  mettre  en  relief,  car  le  contraire  se 
remarque  souvent  dans  la  forme  cérébro-spinale  de  la  sclé- 
rose en  plaques. 

Je  dois  appeler  toute  votre  attention  sur  un  mode  de 
début  progressif  qui,  pour  être  exceptionnel,  n'en  est  pas 
moins  digne  d'intérêt.  Le  tremblement  n'est  pas  absolu- 
ment le  premier  phénomène  constaté.  Il  est  possible  qu'il 
soit  précédé  tantôt  d'un  sentiment  de  fatigue  très-remar- 
quable, tantôt  de  douleurs  rhumatoïdes  ou  névralgiques, 
parfois  des  plus  vives,  et  occupant  le  membre  ou  les  ré- 
gions du  membre,  qui  bientôt  seront  pris,  mais  secondai- 
rement, d'agitation  convulsive.  Je  pourrais  vous  citer  plu- 
sieurs faits  de  cette  espèce,  et  il  n'est  pas  rare  qu'en  pareil 
cas  on  puisse  invoquer  une  cause  traumatique,  une  piqûre, 
comme  l'a  vu  Romberg,  ou,  ainsi  que  je  l'ai  observé,  une 
contusion  violente  ayant  porté  son  action  sur  le  membre 
qui,  ultérieurement,  a  été  affecté  de  douleurs  et  de  trem- 
blement. La  paralysie  agitante  qui  éclate  de  cette  façon 
se  comporte  d'ailleurs ,  dans  son  évolution  ultérieure , 
comme  à  l'ordinaire,  et  ses  progrès  se  font  suivant  les 
mêmes  lois. 

B.  Début  brusque.  Lorsque,  à  la  suite  d'une  cause  mo- 
rale, d'une  terreur  profonde,  le  tremblement  est  survenu 


166  période  d'état. 

tout  à  coup,  il  occupe  tantôt  un  seul  membre,  tantôt,  et 
dès  l'origine,  tous  les  membres  à  la  fois.  Après  avoir  per- 
sisté quelques  jours,  il  est  possible  qu'il  s'amende  ou  même 
disparaisse.  Mais  plus  tard,  consécutivement  à  une  série 
d'amendements  et  d'exacerbations  alternatifs,  il  s'établit 
enfin  d'une  manière  définitive.  C'est  là,  du  moins,  ce  que 
nous  avons  observé  très-nettement  dans  plusieurs  cas. 

La  durée  de  cette  phase  initiale  varie,  quel  qu'ait  été  le 
mode  de  début,  de  un  à  deux  ou  trois  ans  environ. 

C.  Période  d'état.  Lorsque  la  paralysie  agitante  a  ac- 
quis son  parfait  développement,  le  tremblement,  outre  qu'il 
envahit  plusieurs  membres,  se  montre,  au  moins  dans  les 
cas  intenses,  à  peu  près  incessant.  Son  intensité,  toutefois, 
n'est  pas  la  même  à  tous  les  instants.  Diverses  circonstan- 
ces, naguère  sans  influence  sur  lui,  à  présent  l'exagèrent. 
Telles  sont  les  émotions  morales,  l'exercice  des  mouve- 
ments volontaires.  On  observe,  de  plus,  des  espèces  de 
crises,  de  paroxysmes,  éclatant  spontanément,  sans  cause 
appréciable.  En  revanche,  le  sommeil  naturel,  le  sommeil 
provoqué  par  le  chloroforme,  annihilent  toujours  momen- 
tanément les  secousses  convulsives. 

C'est  surtout  à  cette  époque  de  la  maladie  que  les  carac- 
tères particuliers  du  tremblement  apparaissent  dans  tout 
leur  jour;  c'est  alors  aussi  que  l'on  voit  parfois  les  os- 
cillations arythmiques  et  involontaires  de  diverses  parties 
de  la  main  rappeler  l'image  de  certains  mouvements  coor- 
donnés. Ainsi,  chez  quelques  malades,  le  pouce  se  meut  sur 
les  autres  doigts  comme  cela  a  lieu  dans  l'acte  de  rouler 
un  crayon,  une  boulette  de  papier;  chez  d'autres,  les  mou- 
vements des  doigts  sont  plus  complexes  encore  et  rappel- 
lent l'acte  d'émietter  du  pain  (1).  Je  vous  ai  présenté  des 

(l)  Le  tremblement  impose  à  l'écriture  des  caractères  qui  ont  quelque  chose 
de  spécial.  Quand  l'affection  est  au  début,  l'écriture,  au  premier  abord, 
semble  normale  ;  mais  si  on  l'examine  à  la  loupe,  on  y  distingue  des  parties 
plus  accusées,  plus  larges  que  d'autres.   Plus  tard,    vers  la  période  d'état, 


FORME  DU  TREMBLEMENT;  PHYSIONOMIE.  167 

exemples  de  ce  genre.  Ce  sont  là,  si  je  ne  me  trompe,  des 
particularités  qui  appartiennent  en  propre  au  tremblement 
de  la  paralysie  agitante  ;  je  ne  crois  pas  qu'on  les  rencon- 
tre dans  aucune  autre  espèce  de  tremblement.  Elles  ont 
été  bien  reconnues  par  M.  Gubler  [loc.  cit.),  qui,  attaché 
en  qualité  d'interne  à  la  Salpétrière,  avait  pu  y  étudier  la 
maladie  sur  un  grand  nombre  de  malades. 
La  tête  et  le  cou,  nous  le  répétons,  restent  indemnes;  Y 


fcjtfU^*; 


13 


jyt? 


Fig.  5. 

c'est  la  règle.  Loin  d'être  agités,  les  muscles  de  la  face  sont  f — 
immobiles,  le  regard  a  même  une  fixité  remarquable,  et 
les  traits  nous  offrent  une  expression  permanente  de  tris- 
tesse, parfois  d'hébétude.  Le  nystagmus,  qui  figure  si  sou- 
vent dans  la  symptomatologie  de  la  sclérose  en  plaques 
disséminées,  n'existe  pas  dans  la  paralysie  agitante.  Les 
muscles  de  la  mâchoire,  eux  non  plus,  ne  participent  point 
à  l'agitation  convulsive.  Néanmoins  il  n'est  pas  très-rare 
de  voir  la  langue,  même  lorsqu'elle  reste  renfermée  dans 
la  cavité  buccale,  être  animée  d'un  tremblement  assez  ac- 
cusé et  qui  augmente  lorsqu'elle  est  tirée  hors  de  la  bouche.  ; 
Parfois  les  lèvres  sont  accolées  l'une  contre  l'autre,  comme 
serrées,  de  telle  sorte  que  le  rebord  muqueux  n'est  plus  vi- 
sible et  que  la  surface  cutanée  paraît  plissée  (1).  Il  n'y  a 


par  exemple,  les  altérations  de  l'écriture  sont  beaucoup  plus  prononcées  et 
partant  très-évidentes.  La  figure  5  représente  le  spécimen  de  1  écriture  d'une 
malade  que  nous  avons  observée  à  l'hôpital  Saint-Louis,  en  1869.  Les  jambages 
des  lettres  sont  très-irréguliers  et  très- sinueux,  et  ces  irrégularités,  ces  si- 
nuosités n'ont  qu'une  amplitude  très-limitée  (B.).(Voir  1'Appendice,p.  40l). 
(l)  Tous  ces  caractères  se  trouvent  très-accusés  chez  Perd...  Marie-Anne, 


168  MODIFICATIONS   DE  LA  PAROLE. 

pas  d'embarras  réel  de  la  parole,  mais  le  discours  est  lent, 
saccadé,  la  parole  brève,  et  il  semble  que  la  prononciation 
de  chaque  mot  coûte  un  effort  considérable  de  la  volonté. 
Si  l'agitation  du  corps  est  excessive,  il  peut  arriver  que 
la  parole  soit  tremblante,  entrecoupée,  comme  elle  l'est 
chez  les  individus  qui,  peu  habitués  à  Téquitation,  sont  mon- 
tés sur  un  cheval  lancé  au  trot.  Toutefois,  on  ne  saurait 
voir  évidemment,  dans  ces  deux  cas,  qu'un  phénomène  de 
transmission  (1).  Souvent,  enfin,  les  malades  semblent  par- 
ler entre  les  dents.  La  déglutition  est  facile,  peut-être  ra- 

qui  est  encore  dans  le  service  de  M.  Charcot  (salle  St- Alexandre,  n°  9).  La 
tête,  fixée  en  quelque  sorte  sur  la  colonne  cervicale,  est  un  peu  inclinée  en 
avant.  Les  traits  de  la  face  sont  pour  ainsi  dire  sans  expression  ;  les  plis  du 
front,  égaux  des  deux  côtés,  sont  très-accentués  ;  les  paupières  sont  moins 
mobiles  que  chez  les  personnes  saines,  ce  qui  tient  à  une  sorte  de  contraction 
des  muscles  sourciliers,  contraction  qui  paraît  être  habituelle,  et  exagère  les 
plis  du  front.  Lorsqu'on  demande  à  la  malade  de  fermer  les  paupières,  elle 
y  parvient  sans  effort,  dit-elle,  mais  alors  les  paupières  supérieures  sont 
animées  de  petits  mouvements  convulsifs  qui  sembleraient  plutôt  faire  sup- 
poser qu'il  faut  une  certaine  force  pour  les  tenir  abaissées.  En  effet,  si  on 
veut  les  faire  maintenir  dans  cette  position,  à  mesure  que  l'expérience 
se  prolonge,  les  mouvements-  convulsifs  (sorte  de  clignotement  rapide) 
augmentent  et  l'occlusion  cesse  d'être  complète.  Les  globes  oculaires 
regardent  directement  en  avant;  il  n'y  a  pas  de  nystagmus.  Lorsque,  pour 
étudier  la  sensibilité  de  la  pupille  à  la  lumière,  on  essaie  tour  à  tour  d'ouvrir 
et  de  fermer  les  paupières,  on  éprouve,  dans  l'exécution  de  ce  dernier  acte, 
une  résistance  due  aux  mouvements  convulsifs  des  paupières  supérieures, 
mouvements  que  la  malade  ne  saurait  maîtriser.  Le  regard  est  en  quelque 
sorte  sans  expression. 

Les  lèvres  sont  rapprochées  et  un  peu  saillantes  en  avant,  comme  s'il  y 
avait  une  contraction  qui  les  maintienne  l'une  contre  l'autre  ;  il  s'ensuit  que 
les  sillons  naso-labiaux  sont  peu  creusés,  ainsi  que  les  sillons  jugo-men- 
tonniers.  La  lèvre  supérieure  est  immobile  ;\la  lèvre  inférieure  est  animée 
d'un  tremblement  très-fin  principalement  au  niveau  des  commissures  labiales. 
La  malade  est  obligée  de  faire  un  effort  pour  ouvrir  la  bouche  ;  elle  ne 
l'ouvre  qu'imparfaitement  et  ne  peut  pas  la  maintenir  ouverte  pendant  quel- 
ques minutes.  Elle  paraît  se  rendre  compte  de  cet  accolement  ordinaire,  per- 
manent pour  ainsi  dire,  des  lèvres,  quand  elle  dit  :  «  Elles  se  collent  en- 
semble, mes  lèvres  »  (B.). 

(l)  Nous  citerons  encore,  à  propos  de  la  parole,  un  fragment  de  l'observa- 
tion de  Perd.  .  .  Chez  elle,  la  parole  a  commencé  à  devenir  difficile,  il  y  a 
deux  ans  et,  depuis  un  an,  l'embarras  de  l'élocution  s'est  accru  considéra- 
blement. Quand  la  malade  parle,  elle  a  du  tremblement  des  lèvres  et  ré- 
mission des  premières  syllabes   se  fait    assez  péniblement  ;  la    parole  est 


ATTITUDE   DE  LA  TETE,   DES  MEMBRES,   ETC.  169 

lentie  ;  fréquemment  dans  les  cas  un  peu  anciens  la  salive 
accumulée  dans  la  bouche  s'écoule  involontairement  au  de- 
hors. Les  muscles  de  la  respiration  ne  paraissent  point  par- 
tager le  désordre  convulsifdes  membres.  Disons  cependant 
que  quelques  malades  éprouvent  un  sentiment  d'oppression 
presque  constant. 

Nous  appuierons  actuellement  sur  un  trait  qui,  croyons- 
nous,  a  échappé  à  Parkinson  ainsi  qu'à  la  plupart  des  au- 
teurs qui  l'ont  suivi  :  nous  voulons  parler  de  la  rigidité 
que  subissent,  à  une  certaine  époque  de  la  maladie,  les 
muscles  des  membres,  du  tronc,  et  le  plus  souvent  ceux 
aussi  du  cou.  Quand  ce  symptôme  s'annonce,  les  malades 
accusent  des  crampes  suivies  de  roideur  d'abord  passagère, 
puis  plus  ou  moins  durable  et  s'exagérant  par  exacerba- 
tions.  En  général,  les  muscles  fléchisseurs  sont  affectés  les 
premiers  et  toujours  au  plus  haut  degré.  La  roideur  mus- 
culaire, devenue  permanente,  impose  à  ces  malades,  dans 
beaucoup  de  cas,  une  attitude  toute  particulière.  Ainsi,  la 
tête,  en  vertu  de  la  rigidité  des  muscles  antérieurs  du  cou 
(Parkinson  l'avait  remarqué  déjà),  est  fortement  inclinée 
en  avant,  et  on  la  dirait  fixée  dans  cette  position,  car  ce 
n'est  pas  sans  efforts  que  les  malades  parviennent  à  la  por- 
ter en  haut,  à  droite  ou  à  gauche.  Le  tronc  lui-même  est 
presque  toujours,  dans  la  station  debout,  un  peu  penché  en 
avant.  (V.  Pl.  XL) 

L'attitude  des  membres  supérieurs  mérite  d'être  relevée. 
Habituellement  les  coudes  sont  tenus  faiblement  écartés  du 


tremblante,  surtout  au  début,  et  peu  à  peu,  à  mesure  que  la  phrase  s'avance, 
les  mots  sont  moins  tremblants  et  prononcés  d'une  voix  plus  forte.  La 
malade  semble  parler  entre  ses  dents  ;  les  lèvres  s'écartent  à  peine  ;  les 
mâchoires  sont  comme  accolées  l'une  contre  l'autre.  La  langue  est  animée 
d'un  tremblement  uniforme,  général,  même  lorsqu'elle  est  dans  la  cavité 
buccale,  et  quand  elle  est  allongée,  le  tremblement  augmente.  La  malade 
prétend  qu'elle  ne  peut  laisser  longtemps  la  langue  au-dehors  de  la  bouche: 
«  Elle  rentre,  dit- elle,  malgré  moi.  »  La  bouche  est  souvent  remplie  de 
salive,  et  Perd...  attribue  à  ce  phénomène  une  partie  de  sa  difficulté  à 
s'exprimer  (B.). 


170  ATTITUDE  DES  MEMBRES  SUPÉRIEURS. 

thorax,  les  avant-bras  étant  légèrement  fléchis  sur  les 
bras  ;  les  mains,  fléchies  sur  les  avant-bras,  reposent  sur 
la  ceinture  [V.  Planche  IX  (1)].  A  la  longue,  les  mains,  en 


Fig.  6.  —  Attitude  habituelle  dans  les  cas  de  paralysie  agitante  un  peu  prononcée.  — 
Attitude  d'une  main  qui  tient  une  plume  pour  écrire. 

raison  de  la  rigidité  permanente  de  certains  muscles,  offrent 
des  déformations  qu'il  est  bon  de  connaître,  parce  que, 
dans  maintes  circonstances,  elles  ont  rendu  le  diagnostic 


Fig.  7.  —  Déformations  des  doigts  de  la  main   simulant  celles  du  rhumatisme  arti- 
culaire chronique  primitif. 

difficile.  La  plupart  du  temps,  le  pouce  et  l'index  sont 
allongés  et  rapprochés  l'un  de  l'autre,  comme  pour  tenir 
une  plume  à  écrire;  les  doigts,  médiocrement  inclinés  vers 
la  paume  de  la  main,  sont  déviés  en  masse  vers  le  bord 
cubital  [Fig.  6).  Ils  montrent  en  outre,  dans  leurs  diverses 
articulations,  une  série  de  flexions  et  d'extensions  alterna- 
tives, de  manière  à  rappeler,  jusqu'à  s'y  méprendre,  cer- 


(l)  Cette  planche  représente  la  malade  Gav.  .  .  dont  nous  rapportons  l'ob- 
servation à  l'Appendice.  L'inclinaison,  déjà  très-prononcée  quand  M.  P.  Ri- 
cher  a  fait  son  dessin,  s'est  encore  accusée  depuis  cette  époque.  De  plus, 
elle  présente  aujourd'hui  une  tendance  à  s'incliner  en  même  temps  sur  la 
droite.  Cette  inclinaison  latérale  existe  aussi  chez  une  autre  malade  du  ser- 
vice de  M.  Charcot,  nommée  Bau. . .  {Note  de  la  2e  édition). 


ATTITUDE   DES   MEMBRES  INFÉRIEURS.  171 

tains  types  de  déformations  observés  dans  le  rhumatisme 
chronique  progressif  [Fig.  7  et  8).  La  distinction  cependant 
est  d'ordinaire  facile,  pour  peu  que  l'on  soit  prévenu.  Il  n'y 
a  pas,  en  effet,  dans  la  paralysie  agitante,  la  tuméfaction  et  la 
rigidité  articulaires,  non  plus  que  les  bourrelets  osseux  et  les 
craquements  que  l'on  observe  dans  le  rhumatisme  noueux. 
Aux  membres  inférieurs,  la  rigidité  est  quelquefois  assez 
prononcée  pour  donner  l'idée  d'une  véritable  paraplégie 
avec  contracture.   Chez  deux  femmes  que  je  vous  présen- 


Fig.    8.  —  Déformations  des  doigts  de  la  main,  simulant  celles  du  rhumatisme  arti- 
culaire chronique  primitif. 

tais  tout  à  l'heure,  ces  membres,  vous  l'avez  vu,  sont  rigi- 
des et  dans  la  demi-flexion  ;  on  ne  les  fléchit  ou  ne  les  étend 
qu'avec  une  certaine  difficulté.  Les  genoux  sont  rapprochés 
l'un  de  l'autre  par  un  mouvement  d'adduction;  les  pieds 
sont  roides,  étendus  et  dirigés  en  dedans,  simulant  la  mal- 
formation désignée  sous  le  nom  de  pied  dot  varus  équin; 
les  orteils  sont  relevés  et  recourbés  de  façon  à  figurer  une 
griffe,  à  cause  de  l'extension  des  phalanges  et  de  la  flexion 
concomitante  des  phalangines.  Pourtant  ces  femmes  ont 
encore  la  faculté  de  mouvoir  volontairement  leurs  mem- 
bres inférieurs,  avec  peine  et  lenteur  il  est  vrai;  elles  sont 
même  capables,  vous  l'avez  vérifié,  de  marcher  tant  bien 
que  mal,  sans  aide  ni  appui.  Je  vous  ai  fait  remarquer, 
Messieurs,  que,  en  opposition  avec  ce  qui  a  lieu  dans  la 
paraplégie  vraie,  avec  contracture ,  il  n'existe  pas,  chez 
nos  malades,  ces  trémulations  tétaniques,  spontanées  ou 
provoquées  par  certaines  attitudes,  trémulations  qui  carac- 
térisent l'une  des  variétés  de  l'épilepsie  spinale.   Ces  der- 


172  PARALYSIE  AGITANTE   SANS  TREMBLEMENT. 

niers  phénomènes,  au  contraire,  s'observent,  en  général, 
dans  la  paraplégie  qui  accompagne  fréquemment  la  sclérose 
en  plaques  disséminées,  et  c'est  là  un  caractère  distinctif 
que  nous  aurons  à  faire  valoir  pour  le  diagnostic. 

Ainsi  que  Ta  noté  avec  raison  M.  Benedikt,  dans  son 
traité  récent  iï Electrothérapie,  la  rigidité  habituelle  d'un 
certain  nombre  de  muscles  contribue  certes,  pour  une 
bonne  part,  à  rendre  les  mouvements  laborieux  ;  mais  ce 
n'est  pas  là,  croyons-nous,  l'unique  cause  que  l'on  doive 
invoquer  :  toujours  est-il  que  c'est  elle  qui,  déterminant 
l'attitude  générale,  fait  que  les  malades,  comme  recoque- 
villés  sur  eux-mêmes,  paraissent  se  déplacer  tout  d'une 
pièce  ;  que  leurs  jointures  semblent  sondées,  si  je  puis  me 
servir  de  cette  expression  triviale,  mais  assez  juste  du  reste, 
que  j'emprunte  à  un  malade  ;  c'est  elle  aussi  qui  tient  la 
tète  et  le  tronc  inclinés  en  avant,  et  cette  dernière  circons- 
tance entre  assurément  pour  une  part  dans  la  tendance 
qu'ont  les  malades  à  tomber  en  avant  lorsqu'ils  marchent. 

Messieurs,  il  est  des  cas,  rares  à  la  vérité,  dans  lesquels 
la  rigidité  musculaire  est  un  symptôme  des  premiers  temps 
de  la  maladie,  et  réellement  prédominant.  J'ai  observé  ré- 
cemment un  exemple  qui  rentre  dans  cette  catégorie.  Le 
malade. avait  à  peine  remarqué  le  tremblement,  d'ailleurs 
peu  intense  chez  lui,  et  limité  à  l'une  des  mains.  Il  avait 
cependant,  à  un  haut  degré  déjà,  l'attitude  du  corps  et  des 
membres,  la  difficulté  dans  les  mouvements,  enfin  la  dé- 
marche caractéristique  (1).   Ces  cas  sont  exceptionnels.  Le 


(l)  Le  cas  suivant,  que  nous  résumons,  appartient  à  cette  catégorie  des 
faits  exceptionnels.  —  Guill.  .  .,  âgée  de  cinquante-trois  ans  (salle  Saint- 
Alexandre,  n°  10).  Après  avoir  éprouvé  pendant  quelque  temps  de  la  cépha- 
lalgie, des  douleurs  lancinantes  erratiques,  un  sentiment  de  constriction  à 
l'épigastre,  elle  s'aperçut,  il  y  a  quatre  ans,  que  les  diverses  jointures  du 
membre  supérieur  droit  devenaient  roides.  A  ce  phénomène  s'ajoutait  de  la 
faiblesse.  Laroideuret  l'affaiblissement  gagnèrent  successivement  le  membre 
inférieur  droit,  la  bras  gauche,  puis  la  jambe  correspondante.  En  1870,  appa- 
rut la  tendance  à  la  propulsion  et  à  la  rétropulsion.  Ainsi,  lorsque  la  ma- 
lade montait  à  son   logement,  elle  était  poussée  en  avant  et    ne    s'arrêtait 


PARALYSIE  AGITANTE   SANS  TREMBLEMENT.  173 

plus  communément,  la  rigidité  musculaire  ne  se  montre  ou 
ne  s'accuse  profondément  que  dans  les  phases  avancées  de 
la  paralysie  agitante.  Or,  lorsqu'elle  commence  à  se  mani- 


qu'en  s'appuyant  avec  les  mains  sur  un  corps  résistant  :  «  Sans  cette  pré- 
caution, dit-elle,  je  caracolais.  » 

Aujourd'hui,  son  état  est  le  suivant  :  Tête  un  peu  inclinée  en  avant  ;  cou 
roide.  Les  plis  du  front  sont  très- accusés,  surtout  au-dessous  des  sourcils, 
qui  sont  relevés,  ainsi  que  les  paupières  supérieures  ;  de  là,  une  sorte  d'hé- 
bétude empreinte  sur  la  physionomie.  La  parole  est  libre.  Dans  la  marche 
qui  se  fait  à  petits  pas,  la  malade  a  les  bras  accolés  au  corps,  les  avant- 
bras  fléchis  et  les  mains  réunies  comme  pour  se  soutenir.  Pris  dans  leur 
ensemble,  les  doigts  sont  légèrement  fléchis,  ramassés;  la  main  entière  est 
incliuée  vers  le  bord  cubital.  Toutes  les  jointures  sont  roides,  à  des  degrés 
différents  ;  la  roideur  prédomine  à  droite.  Sensibilité  conservée.  —  Pendant 
la  nuit,  sensation  de  froid  qui,  partant  de  1  épaule,  descend  jusqu'au  poignet 
et  revenant  par  accès  d'une  durée  de  cinq  à  six  minutes. Les  membres,  prin- 
cipalement le  membre  supérieur  droit,  paraissent  lourds.  Lorsque  la  malade 
veut  se  lever  de  sa  chaise,  et  qu'on  l'empêche  de  s'aider  des  objets  voisins, 
elle  saisit  les  montants  avec  les  mains  pour  avancer  le  bassin  ;  elle  place 
ensuite  ses  mains  plus  bas  sur  les  côtés  de  la  chaise,  et,  après  quelques  ef- 
forts et  une  sorte  de  balancement,  elle  parvient  à  se  lever. 

Le  sommeil,  en  général,  est  court.  Durant  la  nuit,  Guill.  .  .  ne  garde  sur 
elle  que  le  drap  et  un  mince  jupon  qu'elle  met  sur  ses  genoux  parce  qu'ils 
sont  froids.  Avec  une  couverture,  elle  aurait  «  trop  chaud  et  c'esttrop lourd.  > 
Notons  encore  un  besoin  incessant  de  changer  de  position.  A  peine  est-elle 
assise  depuis  quatre  ou  cinq  minutes  qu'elle  demande  à  être  soit  plus  avan- 
cée sur  son  siège,  soit  mise  de  côté,  etc.  ;  quelques  instants  après,  elle 
désire  qu'on  écarte  ses  jambes,  qui  ont  delà  tendance  à  l'adduction  ;  bientôt 
elle  prie  qu'on  l'aide  à  se  lever,  etc.  Tous  ces  symptômes  suffisent  pour  dé- 
montrer qu'on  a  affaire,  ici,  à  la  paralysie  agitante.  Cependant,  et  bien  que 
la  maladie  remonte  à  quatre  années,  le  tremblement  est  à  peu  près  nul  ;  il 
n'occupe  que  la  main  droite,  où  il  est  apparu  seulement  depuis  trois  mois. 
On  voit,  par  là,  qu'il  est  possible  de  reconnaître  la  paralysie  agitante  en 
1  absence  même  du  tremblement.  (B.)  —  Il  en  fut  encore  ainsi  chez  un 
malade  que  M.  Charcot  a  vu  il  y  a  quelque  temps  (î872).  Cet  homme,  âgé 
de  où  ans,  a  été  atteint  de  la  maladie  de  Parkinson  à  la  suite  d'une  émotion 
vive  occasionnée  par  les  tentatives  que  firent,  pendant  la  Commune,  les 
fédérés  pour  l'incorporer  dans  leurs  bataillons.  Chez  lui,  tous  les  symp- 
tômes, et  en  particulier  l'attitude,  étaient  présents,  mais  le  tremblement  fai- 
sait encore  défaut.  Enfin,  M.  Gowers  a  donné  communication  à  M.  Charcot 
de  l'observation  recueillie  par  lui  à  l'Hôpital  national  des  épileptiques  et  des 
paralytiques  de  Londres,  d'une  femme,  Ann  Phillips,  âgée  de  47  ans, 
chez  laquelle  tous  les  symptômes  de  la  paralysie  agitante  existaient,  moins 
le  tremblement,  qui  est  à  peine  apparent  dans  les  mouvements.  (B.ï  (Note 
de  la  2e  édition'.  (Yojez  I'Appexdice,  p.  394). 


174 

fester,  les  malades  ont  senti  depuis  longtemps,  dans  l'exer- 
cice des  mouvements,  une  gêne  notable  qui  a  une  autre 
cause. 

Vous  reconnaîtrez  aisément,  chez  quelques-uns  des  ma- 
lades que  je  vous  ai  présentés,  cet  embarras  dans  l'accom- 
plissement des  mouvements,  qui  ne  dépend  ni  du  tremble- 
ment ni  de  la  rigidité  musculaire,  et  un  examen  quelque 
peu  attentif  vous  permettra  de  constater  que,  chez  eux,  fait 
significatif,  il  y  a  plutôt  ralentissement  dans  l 'accomplis- 
sement des  mouvements  qu'affaiblissement  réel  des  puis- 
sances motrices.  Le  malade  est  encore  capable  d'accomplir, 
malgré  le  tremblement,  la  plupart  des  actes  moteurs,  mais 
il  apporte  à  les  réaliser  une  lenteur  extrême.  Nous  signa- 
lions le  fait  il  y  a  quelques  instants  en  ce  qui  concerne  la 
parole;  entre  la  pensée  et  l'acte,  il  s'écoule  un  temps  rela- 
tivement considérable.  On  croirait  que,  chez  lui,  l'influx 
nerveux  ne  puisse  être  mis  en  jeu  qu'après  des  efforts 
inouïs,  et,  en  réalité,  les  moindres  mouvements  détermi- 
nent une  fatigue  extrême.  Cet  ensemble  de  phénomènes  a 
souvent  été  pris  pour  l'indice  d'un  véritable  affaiblissement 
paralytique.  Néanmoins,  il  vous  sera  maintes  fois  loisible 
de  vous  assurer  que,  dans  les  cas  où  la  maladie  n'est  pas 
parvenue  aux  dernières  limites,  la  force  musculaire  est  re- 
marquablement conservée.  A  diverses  reprises  le  fait  a  été 
vérifié  à  l'aide  du  dynamomètre  ;  dans  quelques  circons- 
tances même,  on  a  vu,  phénomène  singulier,  le  membre  le 
plus  agité  et  le  plus  affaibli  en  apparence,  être  celui  dans 
lequel  la  force  dynamométrique  était  le  mieux  conser- 
vée (1). 

(l)  Nous  avons  étudié  l'état  de  la  force  dynamométrique  chez  six  ma- 
lades du  service  de  M.  Charcot.  Voici  les  résultats  obtenus  :  1°  Perd.  . .  ; 
8  explorations  ;  moyenne  à  droite,  60  ;  à  gauche,  42.  —  2°  Guil. . .  ;  9  explo- 
rations ;  moyenne  à  droite,  67  ;  à  gauche  63.  —  3°  Berr .  . .  ;  13  explorations; 
moyenne  à  droite,  59,6  ;  à  gauche,  41,4.  4°Gav.  .  .;  5  explorations;  moyenne 
à  droite,  39,6  ;  à  gauche,  43,4.  —  5°  Beau.  .  .  ;  5  explorations  ;  moyenne  à 
droite,  65,5  ;  à  gauche,  42;3.  —  6°  Dan...,  5  explorations ,  moyenne  à 
droite,  41,4;   à  gauche,  33,3.  Si  l'on  compare  ces  chiffres  à  la  moyenne  85, que 


PROPULSION  ET  RÉTROPULSIOX.  173 

Un  mot  encore  sur  la  démarche  particulière  aux  malades 
atteintes  de  paralysie  agitante.  Vous  avez  vu  quelques-unes 
de  nos  malades  se  lever  avec  lenteur  et  avec  peine  de  leur 
siège,  hésiter  durant  quelques  secondes  à  se  mettre  en  mar- 
che, puis,  une  fois  lancées,  prendre  malgré  elles  l'allure 
d'une  course  rapide.  Plusieurs  fois,  elles  ont  été  menacées 
de  tomber  lourdement  en  avant.  Cette  tendance  à  courir 
d'une  manière  irrésistible  tient-elle  exclusivement  à  ce  que 
le  centre  de  gravité  se  trouve  déplacé  par  l'inclinaison  de 
la  tète  et  du  tronc  ?  Cette  explication,  admissible  peut-être 
dans  quelques  cas,  ne  l'est  pas  dans  tous.  En  effet,  par  op- 
position aux  malades  dont  nous  venons  de  parler,  il  en  est 
qui,  dans  la  marche,  tendent  à  reculer  ou  à  se  renverser  en 
arrière,  bien  qu'elles  aient  le  corps  manifestement  penché 
en  avant.  D'ailleurs  la  propulsion,  de  même  que  la  rétro- 
pulsion,  n'est  pas  absolument  liée  à  l'attitude  inclinée  du 
corps,  car  on  la  voit  quelquefois  à  une  période  peu  avancée 
de  la  maladie,  alors  que  l'inclinaison  ne  s'est  pas  encore 
produite  (1).  Enfin,  ce  ne  sont  pas  là  des  phénomènes  cons- 

nous  ont  fournie  cinq  personnes  du  même  âge  que  nos  malades,  on  constate 
que,  dans  la  paralysie  agitante,  loin  d'être  conservée,  la  force  dynamomé- 
trique serait  au  contraire  diminuée.  Il  est  d'autant  plus  difficile  d'expliquer 
les  divergences  qui  existent  entre  l'opinion  ancienne  et  nos  faits,  que  cette 
diminution  de  la  force  dynamométrique  est  aussi  réelle  chez  deux  de  nos 
malades,  à  une  période  relativement  peu  avancée  de  la  paralysie  agitante, 
que  chez  la  plus  ancienne.  Dans  ces  trois  cas,  enfin,  l'affaiblissement  dyna- 
mométrique est  plus  marqué  dans  le  côté  où  prédomine  le  tremblement.  (B) 
(l)  Ces  phénomènes  sont  très-apparents  chez  une  malade  du  service  de 
M.  Charcot  couchée  au  n°  22  delà  salle  St-Alexandre.  Cette  femme  est 
parvenue  à  une  période  plus  avancée  de  la  paralysie  agitante  que  les  deux 
malades  citées  dans  les  notes  précédentes,  sans  toutefois  être  alitée.  On  re- 
trouve chez  elle  tous  les  symptômes  de  la  maladie  ;  mais,  nous  relèverons, 
dans  son  histoire,  simplement  ce  qui  a  trait  à  la  propulsion,  et  à  la  rétro- 
pulsion.  Supposons  la  malade  assise;  on  lui  ordonne  de  se  lever  et  de 
marcher.  Que  voyons-nous  ?  Elle  hésite  pendant  quelques  instants,  puis, 
incline  le  tronc  en  avant  et,  après  s'être  comme  balancée,  tout  d'un  coup 
elle  se  lève.  Mais  alors,  elle  ne  part  pas  ;  il  semble,  qu'auparavant,  elle  ait 
besoin  de  s'équilibrer:  elle  est  en  quelque  sorte  incertaine,  ayant  le  tronc 
incliné  en  avant  ;  enfin  elle  se  décide.  Lente  tout  d'abord,  la  marche  pro- 
gressivement s'accélère,  et,  après  un  parcours  de  dix  mètres,  elle  se  préci- 
pite de  telle  sorte  que  si  la  malade  ne  rencontrait,  à  un  moment  donné, soit 


476  BESOIN  INCESSANT  DE  DÉPLACEMENT. 

tants,  nécessaires  ;  assez  souvent  môme,  ils  font  défaut  et 
figurent  dans  le  tableau  symptomatologique  de  maladies 
autres  que  la  paralysie  agitante,  dans  certaines  lésions  du 
cerveau,  par  exemple.  Il  est  juste  de  reconnaître  que,  dans 
ce  dernier  cas,  ils  sont  liés  souvent  aux  vertiges,  tandis 
que  dans  la  paralysie  agitante  les  mouvements  de  propul- 
sion ou  de  rétropulsion  ne  surviennent  pas  à  l'occasion 
d'un  sentiment  vertigineux. 

Les  symptômes  que  je  viens  de  passer  en  revue  ne  sont 
pas,  Messieurs,  les  seuls  qui  méritent  de  fixer  votre  atten- 
tion. La  paralysie  agitante  n'est  pas  seulement  une  maladie 
des  plus  tristes  en  ce  qu'elle  prive  le  malade  de  l'usage  de 
ses  membres  et  qu'elle  le  réduit  tôt  au  tard  à  une  inertie  à 
peu  près  absolue  :  c'est  encore  une  affection  cruelle  par 
suite  des  sensations  pénibles  qu'éprouve  le  malade.  Ordi- 
nairement, et  à  part  les  cas  de  névralgie  dont  nous  vous 
avons  entretenus,  il  ne  s'agit  pas  de  souffrances  vives,  mais 
de  sensations  désagréables,  d'un  ordre  spécial.  Ce  sont  des 
crampes,  ou  mieux  un  sentiment  presque  permanent  de 
tension,  de  traction  dans  la  plupart  des  muscles.  C'est  en 
outre  un  sentiment  de  prostration,  de  fatigue  qui  s'accuse 
surtout  après  les  paroxysmes  de  tremblement;  enfin,  c'est, 
un  malaise  indéfinissable  qui  se  traduit  par  un  besoin  in- 
cessant de  changer  de  position.  Assis,  les  malades  sont,  à 
chaque  instant,  obligés  de  se  lever  ;  debout,  après  quelques 
pas,  ils  veulent  se  rasseoir.  Ce  besoin  de  déplacement,  de 


un  banc,  soit  un  mur,  un  lit,  etc.,    etc.,    elle  tomberait  brusquement:   La 
propulsion,  ici,  est  donc  aussi  nette  que  possible. 

La  rétropulsion  échappe  quelquefois  parce  que,  pour  qu'elle  soit  signalée 
parles  malades,  il  faut  que  celles-ci,  par  une  circonstance  spéciale,  aient 
été  obligées  de  marcher  à  reculons.  Eh  bien  !  il  est  un  moyen  très-simple  de 
la  mettre  en  évidence  et  que  M.  Charcot  a  employé  dans  ce  cas  :  la  malade 
étant  debout,  il  suffit  de  la  tirer,  même  légèrement,  à  Fimproviste,  par  sa 
jupe,  pour  que  aussitôt  elle  marche  en  arrière  et  que  le  mouvement  rétro- 
grade se  précipite  très-vite  et  soit  promptement  dangereux,  si  on  ne  prend 
des  précautions.    (B). 


SENSATION  HABITUELLE  DE   CHALEUR.  177 

changement  se  montre  principalement  au  lit,  pendant  la 
nuit,  chez  les  infirmes  qui  sont  incapables  de  se  servir  elles- 
mêmes.  Les  femmes  qui  sont  chargées  de  surveiller  ces 
pauvres  malades  vous  le  diront  :  il  faut  les  coucher  tantôt 
sur  le  côté  gauche,  ou  sur  le  droit,  tantôt  sur  le  dos.  Une 
demi-heure,  un  quart-d'heure  sont  à  peine  écoulés  qu'il  faut 
renouveler  la  position,  et  si  l'on  ne  répond  pas  immédiate- 
ment à  leur  désir,  elles  poussent  des  gémissements  qui  té- 
moignent assez  du  malaise  profond  qu'elles  ressentent.  Mal- 
gré ces  troubles  divers,  la  transmission  des  impressions 
sensitives  cutanées  n'est  nullement  altérée  dans  la  paraly- 
sie agitante.  Le  froid,  le  chaud,  le  plus  léger  frôlement,  le 
pincement,  etc.,  sont  perçus  avec  leurs  caractères  nor- 
maux et  la  rapidité  voulue. 

Mais  une  sensation  très- pénible  encore  qu'éprouvent  les 
malades  et  que  je  n'ai  trouvée  mentionnée  dans  aucune 
description,  c'est  une  sensation  habituelle  de  chaleur 
excessive  qui  fait  que,  au  cœur  de  l'hiver,  vous  les  voyez 
se  découvrir  au  lit  et  ne  conserver  sur  eux,  pendant  le 
jour,  que  les  vêtements  les  plus  légers.  Tous  les  cas  de 
notre  service  déposent  en  faveur  de  cette  assertion.  Cette 
sensation  de  chaleur,  particularité  digne  d'être  notée,  bien 
que  la  raison  n'en  puisse  pas  être  donnée,  se  fait  spéciale- 
ment sentir  à  la  région  épigastrique  et  sur  le  dos.  Toute- 
fois, les  membres,  la  face,  peuvent  aussi  en  être  le  siège. 
Elle  n'a  pas  à  tout  moment  la  même  intensité.  Elle  paraît 
atteindre  son  maximum  à  la  suite  de  paroxysmes  de  trem- 
blement et  s'accompagne  souvent,  en  semblable  occurrence, 
d'une  sécrétion  abondante  de  sueur  qui  oblige  parfois  à 
changer  le  linge;  mais  elle  peut  se  montrer  aussi,  d'une 
manière  très-accusée,  chez  des  malades  qui  ne  suent  pas 
et  dont  le  tremblement  est  peu  accentué. 

La  connaissance  de  ce  fait  m'a,  de  longue  date,  conduit 
à  chercher  si  la  température  centrale  était  modifiée  chez 
ces  malades.  Or,  l'expérience  m'a  prouvé  que,  quel  que  fût 
le  degré  de  cette  sensation  subjective  et  aussi  celui  du 

Chargot,  t.  i,  3e  éd.  12 


178  •  TEMPÉRATURE. 

tremblement,  la  température  restait  au  tefme  physiologique 
(37°, 5  au  rectum.) 

Yous  ne  serez  pas  étonnés,  Messieurs,  de  voir  des  con- 
tractions musculaires  aussi  énergiques  et  aussi  générales 
que  le  sont  celles  qui  se  montrent  dans  certains  cas  de  pa- 
ralysie agitante  ne  pas  donner  lieu  pourtant  à  une  accu- 
mulation de  chaleur  des  parties  centrales.  Il  s'agit  là  de 
contractions  musculaires  dynamiques.  Or,  vous  le  savez, 
les  contractions  musculaires  statiques  seules,  ainsi  que  Ta 
fait  remarquer  M.  Béclard,  occasionnent  une  élévation  de 
la  température  appréciable  au  thermomètre.  A  ce  point  de 
vue,  ainsi  que  nous  avons  essayé  de  l'établir,  M.  Gh.  Bou- 
chard et  moi,  dans  un  travail  communiqué  à  la  Société  de 
biologie  (1),  les  convulsions  peuvent  être  rangées  sous  deux 
chefs  :  les  unes  statiques,  c'est-à-dire  avec  prédominance 
des  contractions  toniques,  font  monter  la  température  d'une 
manière  plus  ou  moins  prononcée,  tels  sont  le  tétanos, 
l'attaque  épileptique  ;  les  autres,  dynamiques,  ou  avec 
prédominance  des  mouvements  cloniques,  n'affectent  pas  la 
température  d'une  façon  notable.  Des  explorations  tlier- 
mométriques,  que  nous  avons  plusieurs  fois  répétées  dans 
la  paralysie  agitante  et  dans  quelques  cas  de  chorée  avec 
agitation  excessive,  nous  ont  paru  mettre  ce  dernier  point 
hors  de  doute  (2). 
A  ce  propos,  il  serait  intéressant  de  rechercher  si,  dans 
^  paralysie  agitante,  de  même  que  cela  a  lieu,  d'après 


(1)  Sur  les  variations  de  la  température  centrale  qui  s'observent  dans  cer- 
taines affections  convulsives  et  sur  la  distinction  qui  doit  être  établie  à  cepoint 
de  vue  entre  les  convulsions  toniques  et  les  convulsions  cloniques.  In  Mémoires 
de  la  Société  de  Biologie  186fi. 

(2)  Cinq;  cas  nouveaux,  viennent  corroborer  cette  assertion.  Cinq  explora- 
tions faites  chez  Ber. .  .  ont  donné  comme  température  moyenne,  37°, 48,  et 
trois  explorations  pratiquées  chez  Guil...  37°, 6.  Dan...,  3  explorations  le 
matin,  37°, 3;  —  4  explorations  le  soir,  37°, 8.  —  Grav.,  2  explorations  le 
matin,  37°;  4  explorations  le  soir,  37°, G.  —  Bau...,  3  explorations  lematin, 
37°,  1;  4  explorations  le  soir,  37°, 45.  Le  pouls,  chez  la  première,  était  à 
90,  chez  la  seconde  à  86  ;  chez  la  3e  à  84  et  chez  la  5e  à  80.  Le  nombre  des 
inspirations,  dans  ces  cas,  était  normal.  (B.) 


PÉRIODE  TERMINALE.  479 

M.  Bence-Joncs,  dans  la  chorée  et  le  delirium  iremcns, 
affections  dans  lesquelles  il  y  a  une  grande  dépense  mus- 
culaire, les  urines  présentent,  dans  leur  constitution  chi- 
mique, quelque  modification  importante  et  en  particulier 
une  augmentation  de  la  proportion  des  sulfates.  C'est  là  un 
desideratum  que  nous  nous  proposons  de  combler  quelque 
jour  (1). 

Messieurs,  les  symptômes  que  nous  avons  décrits  persis- 
tent tels  quels  durant  un  temps  plus  ou  moins  long;  puis, 
tôt  ou  tard,  on  voit  survenir  une  période  qui  précède  l'issue 
fatale,  et  que  l'on  pourrait  appeler  période  terminale. 
L'affection  poursuivant  sa  marche,  la  difficulté  des  mouve- 
ments augmentant,  les  malades  sont  obligés  de  rester 
toute  la  journée  sur  leur  chaise  ou  même  de  garder  tout-à- 
fait  le  lit.  Alors,  la  nutrition  souffre,  surtout  celle  du  sys- 
tème musculaire.  Il  peut  survenir,  et  je  l'ai  constaté  deux 
fois/une  véritable  atrophie  graisseuse  des  muscles.  A  un 
moment  donné,  l'intelligence  s'obscurcit,  la  mémoire  se 
perd.  Les  forces  générales  sont  prostrées,  les  malades  de- 
viennent gâteux,  des  eschares  apparaissent  au  sacrum. 
En  pareil  cas,  les  malades  succombent  par  les  seuls  progrès 
de  leur  affection,  par  une  sorte  d'épuisement  du  système 
nerveux,  et  il  est  parfaitement  exact,  ainsi  que  l'ont  an- 
noncé plusieurs  auteurs,  qu'à  cette  période  terminale,  on 


(l)  Des  recherches  ont  été  faites  à  ce  point  de  vue  par  M.  P.  Regnard, 
dans  le  laboratoire  de  la  Sorbonne,  sur  deux  malades  du  service  de  M. 
Charcot.  Chez  toutes  deux,  l'urine  contenait  une  proportion  à  peu  près 
normale  d'urée,  mais  une  moindre  proportion  d'acide  sulfurique  qu'à  l'état 
physiologique  :  la  moyenne  de  14  dosages  a  donné,  pour  l'urée,  19  grammes 
IJU  ;  pour  Y  acide  suif ui-ique,  1  gr.  25  au  lieu  de  2  gr.  11  suit  de  ces  analyses 
que  l'excrétion  des  sulfates  serait  diminuée  dans  la  paralysie  agitante,  con- 
trairement à  l'opiuion  avancée  par  M.  Bence-.Iones,  à  propos  de  la  chorée. 
D'ailleurs,  dans  cette  affection  même,  Lehmann  et  Grimer  ont  toujours 
trouvé  une  diminution  des  sulfates.  Vogel  est  arrivé,  de  son  côté,  aux  mêmes 
résultats  ,  et  il  pense  qu'il  faut  attribuer  les  conclusions  opposées  de 
Bence-Joues  à  l'insuffisance  du  procédé  d'analyse  qu'il  a  employé  (Note  de 
la  2e  édition  \ 


180  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 

voit  souvent  diminuer  et  même  cesser  le  tremblement, 
quelque  intense  qu'il  fût  auparavant  (1).  A  l'autopsie,  on  ne 
rencontre  d'ordinaire  aucune  lésion  viscérale  importante, 
capable  d'expliquer  la  mort.  On  n'observe  point,  entre  au- 
tres, les  lésions  de  la  pneumonie  caséeuse  ou  de  la  phthisie 
tuberculeuse  qui,  nous  le  verrons,  mettent  fin  si  habituel- 
lement à  l'existence  des  femmes  atteintes  de  sclérose  en 
plaques  ou  d'ataxie  locomotrice  progressive. 

Tel  n'est  pas  peut-être,  cependant,  le  genre  de  mort  le 
plus  habituel  dans  cette  maladie.  En  effet,  la  terminaison 
finale  arrive  fréquemment  par  le  fait  d'une  maladie  inter- 
currente. Trois  fois,  Trousseau  a  vu  la  mort  survenir  à  la 
suite  d'une  pneumonie;  j'ai  noté  la  même  chose  chez  plu- 
sieurs sujets  atteints  de  paralysie  agitante.  Cette  complica- 
tion tient-elle  à  l'habitude  qu'ont  ces  malades  de  se  décou- 
vrir, même  par  les  saisons  les  plus  froides,  en  raison  des 
sensations  de  chaleur  intérieure  qu'ils  éprouvent  ?  Nous  ne 
saurions  l'affirmer. 

N'oublions  pas,  Messieurs,  que,  d'une  façon  générale,  la 
paralysie  agitante  est  une  des  affections  graves  du  système 
nerveux  dont  la  durée  est  la  plus  longue.  Elle  peut  durer 
trente  ans;  les  symptômes  de  la  troisième  période  seuls, 
ainsi  que  j'en  ai  été  témoin,  peuvent  se  prolonger  pendant 
quatre  ou  cinq  années. 

Si  j'ai  insisté  avec  minutie  sur  la  description  symptoma- 
tologique  de  la  paralysie  agitante,  c'est  qu'elle  constitue, 
encore  aujourd'hui,  à  peu  près  toute  l'histoire  de  cette 
affection. 

Les  rares  autopsies  pratiquées  jusqu'à  présent  chez  des 
individus  supposés  atteints  de  paralysie  agitante,  sont  sus- 
ceptibles d'être  rangées  en  trois  groupes.  Le  premier  ren- 

(l)  Chez  une  malade  du  service  (Latouil.  . .  Marie-Françoise),  dont  l'ob- 
servation est  consignée  in  extenso  dans  la  thèse  de  M.  Claveleîra,  le  trem- 
blement a  complètement  disparu  l'avant-veille  de  la  mort.  (De  la  paralysie 
agitante,  1872,  p.  35.) 


ANATOMIE  PATHOLOGIQUE.  i  81 

ferme  les  cas  dans  lesquels  on  n'a  rencontré  aucune  lésion 
appréciable,  malgré  les  explorations  les  plus  attentives.  Il 
existe  plusieurs  faits  de  ce  genre  consignés  dans  les  au- 
teurs. J'ai  observé,  pour  mon  compte,  trois  cas  de  paralysie 
agitante  bien  caractérisée,  dans  lesquels  les  résultats  de 
l'autopsie  ont  été  complètement  négatifs.  D'autres  fois,  on 
trouve  mentionnées,  dans  les  nécropsies,  des  lésions  ba- 
nales, en  particulier  l'atrophie  cérébrale  sénile  ;  or,  celle- 
ci  peut  exister,  comme  on  le  sait,  sans  qu'il  y  ait  eu  jamais 
le  moindre  tremblement. 

Le  second  groupe  comprend  les  observations  publiées 
par  quelques  auteurs,  Bamberger,  Lebert,  Skoda,  par 
exemple,  sous  le  titre  de  paralysie  agitante  et  dans  les- 
quelles ont  été  rencontrées  des  lésions  qui  appartiennent 
vraisemblablement  à  la  sclérose  en  plaques.  Tels  sont  les 
cas  de  Bamberger,  Lebert,  Skoda.  S'agissait-il  vraiment 
de  la  paralysie  agitante  ou  avait-on  sous  les  yeux  le  tableau 
clinique  de  la  sclérose  en  plaques  ?  Le  fait  est  parfaite- 
ment établi,  au  moins  pour  l'observation  de  Skoda.  Nous 
reviendrons  d'ailleurs  sur  ce  point. 

Enfin,  le  dernier  groupe  contient  l'observation  dePar- 
kinson  et  celle  d'Oppolzer.  Dans  l'observation  de  Par- 
kinson,  que  cet  auteur  a  transcrit  du  reste  de  seconde 
main,  il  y  avait,  paraît-il,  une  augmentation  de  volume, 
avec  induration  du  pont  de  Varole,  de  la  moelle  allongée 
et  de  la  portion  cervicale  de  la  moelle;  en  outre,  les  nerfs 
de  la  langue,  ceux  du  bras,  étaient  comme  tendineux.  Ce 
dernier  détail  nécroscopique  et  d'autres  encore  qu'il  est  inu- 
tile de  relever,  nous  semblent  jeter  des  doutes  légitimes  sur 
la  valeur  de  ce  fait  au  point  de  vue  anatomo-pathologique. 

Quant  au  cas  du  professeur  Oppolzer,  il  n'est  guère  plus 
concluant,  à  notre  avis,  en  dépit  de  l'importance  qu'on  a 
voulu  lui  accorder.  A  l'autopsie,  on  découvrit  aussi  une  in- 
duration du  pont  de  Yarole  et  de  la  moelle  allongée,  attri- 
buée, après  examen  microscopique,  à  une  Iryperplasie, 
une  prolifération  du  tissu  conjonctif.  Quels  sont  les  carac- 


182  PHYSIOLOGIE    PATHOLOGIQUE. 

tères  de  cette  hyperplasie  ?  A  cet  égard,  la  relation  est 
muette.  Il  n'est  nullement  question,  dans  le  texte  allemand, 
de  l'atrophie  des  éléments  nerveux,  non  plus  que  des  ca- 
ractères de  la  dégénération  graisseuse,  deux  lésions  signa- 
lées, on  ne  sait  trop  pourquoi,  dans  la  version  adoptée, 
dans  sa  leçon  clinique,  par  Trousseau. 

Les  considérations  qui  précèdent  nous  montrent,  Mes- 
sieurs, que  la  lésion  de  la  paralysie  agitante  est  encore  à 
trouver  (1;. 

La  physiologie  pathologique  n'est  guère  plus  avancée 
que  l'anatomie.  Bientôt,  je  pense,  j'aurai  l'occasion  de  vous 
faire  reconnaître  la  vérité  de  cette  assertion.  Je  n'insiste 
pas,  pour  l'instant,  sur  ce  sujet,  j'ai  hâte  de  terminer 
l'histoire  clinique  de  la  paralysie  agitante,  en  vous  ex- 
posant ce  que  nous  savons  relativement  à  Tétiologie  et  à  la 
thérapeutique  de  cette  affection.  Ni  l'une  ni  l'autre  ne  com- 
portent de  longs  développements,  la  thérapeutique  moins 
encore  peut-être  que  l'étiologie  ;  car,  jusqu'à  ce  jour,  il 
n'est  aucune  substance,  aucune  méthode  de  ^médication  à 
laquelle  on  puisse  faire  honneur,  je  ne  dirai  pas  d'une  gué- 
rison,  mais  même  d'un  amendement  sérieux  dans  un  cas 
bien  authentique  de  paralysie  agitante. 

Êtiologie.  A.  Parmi  les  causes  extérieures  à  l'individu, 
deux  surtout  méritent  d'être  invoquées  légitimement  dans 
un  assez  grand  nombre  de  cas.  C'est,  en  premier  lieu,  l'in- 


(1)  Depuis  que  cette  leçon  a  été  faite  (1808),  M.  Charcot  a  eu  l'occasion 
de  pratiquer  trois  autopsies  nouvelles;  les  lésions  qu'il  a  rencontrées  sont  de 
deux  espèces  :  les  unes,  constantes  dans  ces  trois  cas  (oblitération  du 
canal  central  de  la  moelle  par  la  prolifération  des  éléments  épithéliaux  qui 
tapissent  l'épendyme;  —  prolifération  des  noyaux  qui  entourent  l'épendyme; 
—  pigmentation  des  cellules  nerveuses,  très-prononcée,  principalement  dans 
les  cellules  de  la  colonne  vésiculeuse  de  Clarke)  ;  les  autres,  particulières 
à  deux  de  ces  cas  (multiplication  des  corps  amyloïdes)  ou  à  l'un  d'eux 
(plaque  scléreuse  à  la  face  postérieure  du  bulbe).  Dans  le  cas  le  plus  net, 
on  ne  constatait  aucune  lésion  de  la  protubérance  ni  du  bulbe.  (Voir  pour  plus 
de  détails  :  Joffroy,  Société  de  biologie,  1871.) 


CAUSES  EXTÉRIEURES.  183 

fluence  des  Violents  ébranlements  du  système  nerveux  : 
l'effroi,  la  terreur,  une  fâcheuse  nouvelle  apprise  tout  à 
coup,  etc.  Les  exemples  à  l'appui  fourmillent  dans  la 
science,  et  les  faits  que  nous  avons  recueillis  nous-même 
nous  obligent  â  ne  pas  conserver  le  moindre  scepticisme 
sous  ce  rapport. 

Des  femmes  de  la  Salpétrière,  atteintes  de  paralysie  agi- 
tante, interrogées  par  nous,  beaucoup  ont  vu  leur  maladie 
prendre  naissance  au  milieu  des  commotions  politiques  qui 
ont  agité  notre  pays,  Qu'il  nous  suffise  de  citer  la  femme 
d'un  gendarme,  à  laquelle  nous  avons  déjà  fait  allusion  plu- 
sieurs fois,  une  femme  actuellement  couchée  au  n°  2  de  la 
salle  Saint-Alexandre,  qui  se  mit  à  trembler  après  une 
émotion  violente,  occasionnée  par  les  événements  de  dé- 
cembre 1851.  En  dehors  des  faits  qui  nous  sont  personnels, 
nous  relaterons  :  1°  un  cas  de  M.  Hillairet  (rapporté  dans 
notre  mémoire)  ayant  trait  à  un  père  qui  vit  tuer  son  fils 
sous  ses  yeux;  2°  un  autre  publié'  par  Oppolzer,  concernant 
un  bourgeois  de  Vienne,  effrayé  par  l'éclatement  d'une 
bombe  à  ses  côtés  (1)  ;  enfin,  un  troisième,  consigné  par  Van 
Swiéten  dans  ses  écrits.  Il  s'agissait,  dans  ce  dernier  cas, 
d'un  homme  réveillé  subitement  par  un  coup  de  tonnerre 
épouvantable.  Multiplier  les  exemples  serait  facile,  mais 
n'ajouterait  rien  à  ce  que  nous  venons  de  dire.  Ce  qu'il  im- 
porte de  savoir,  c'est  que,  chez  tous  ces  malades,  le  trem- 
blement suivit  immédiatement  ou  presque  immédiatement 


(l)  Dans  un  travail  publié  en  1873  [Berline?  Klin.  Wochenàchrift,  n°  24, 
p.  278,  etc.),  M.  0.  Kohts  relate  un  certain  nombre  de  cas  de  maladies  ner- 
veuses, observées  à  Strasbourg-,  et  que  les  malades  eux-mêmes  font  remon- 
ter à  la  frayeur  que  leur  a  causée  le  bombardement  de  la  ville.  L'auteur, 
qui  s'étend  avec  complaisance  sur  cet  événement  désastreux,  nous  apprend 
que  le  nombre  des  bombes  lancées  sur  Strasbourg,  en  31  jours,  s'élève  à 
193.722,  soit,  d'après  son  calcul,  6,2i9  par  jour,  209  par  beure,  ou  4  à  5  par 
minute.  Parmi  les  faits  pathologiques  qu'il  cite,  trois  paraissent  relatifs  à 
la  paralysie  agitante  (2  femmes  âgées,  l'une  de  51  ans  et  l'autre  de  61  ans  et 
un  homme  âgé  de  56  ans).  [Note  delà  2°  édition.  (B.;j 


'4  84  CAUSES  EXTERIEURES. 

l'influence  de  la  cause.  Celle-ci,  qu'on  le  sache  encore, 
n'impose  aucun  caractère  spécial  à  la  maladie. 

Notons,  en  second  lieu,  Y  action  du  froid  humide  long- 
temps prolongée,  action  qui,  aux  yeux  de  quelques  auteurs, 
suffît  pour  faire  admettre  l'origine  rhumatismale.  Toutefois, 
une  circonstance  importante  plaide  contre  cette  explication: 
c'est  que  les  formes  du  rhumatisme  articulaire  aigu  ou 
chronique  se  montrent  rarement  soit  avant  l'éclosion  de  la 
maladie,  soit  pendant  son  cours.  Tout  au  plus  remarque- 
t-on  parfois,  dans  les  cas  où  l'influence  étiologique  du  froid 
a  pu  être  invoquée,  des  douleurs  rhumatoïdes  ou  névral- 
giques vagues.  Nous  pourrions  citer,  à  ce  propos,  une 
femme  que  nous  vous  avons  montrée,  et  dont  la  démarche 
rappelle  celle  des  grands  pachydermes.  Cette  femme,  qui 
fabriquait  des  gaufres,  a  demeuré  pendant  plus  de  dix 
ans  dans  un  rez-de-chaussée  très-humide,  et  la  descrip- 
tion qu'elle  donne  de  cette  habitation  malsaine  ne  laisse 
aucun  doute  à  cet  égard.  De  plus,  elle  se  trouvait  expo- 
sée, en  raison  de  son  métier,  à  des  refroidissements  fré- 
quents. 

Il  est  des  cas  où  cette  cause  est  loin  d'avoir  joué,  à  notre 
avis,  le  rôle  qu'on  lui  attribue.  Tel  est  celui  de  Romberg, 
concernant  un  homme  qui,  en  1813,  fut  détroussé  par  les 
Cosaques  par  un  temps  de  neige.  Faut-il'invoquer  ici  l'in- 
fluence du  froid  ou  celle  de  la  terreur  ? 

Nous  signalerons  enfin  une  troisième  cause,  passée  sous 
silence  par  la  plupart  des  médecins  qui  ont  écrit  sur  la  pa- 
ralysie agitante,  à  savoir  Yirritation  de  certains  nerfs 
périphériques,  en  conséquence  d'une  blessure  ou  d'une 
contusion.  Un  fait  de  Door,  relevé  par  Haas  en  1852  et  cité 
par  M.  Sanders,  appartient  peut-être  à  ce  groupe  étiolo- 
gique. Il  a  trait  à  une  fille  de  19  ans  qui  s'enfonça  une  épine 
sous  l'ongle  du  pied  droit.  Elle  ressentit  sur-le-champ  une 
vive  douleur,  et  bientôt  elle  eut  un  tremblement  qui,  d'abord 
circonscrit  au  pied  blessé,  se  généralisa  progressivement. 
Le  tremblement,  par  la  suite,  disparut,  dit-on,  d'une  façon 


INFLUENCE  DE  L'AGE,   DU   SEXE,   ETC.  185 

complète.  C'est  là  une  terminaison  bien  exceptionnelle  qui 
nous  autorise  à  douter  qu'il  se  soit  agi,  dans  ce  cas,  de  la 
paralysie  agitante. 

La  femme  d'un  de  nos  confrères  de  la  province,  que  j'ai 
observée,  se  contusionna  violemment  la  cuisse  gauche  en 
tombant  d'une  voiture.  Au  bout  de  quelque  temps,  il  sur- 
vint dans  le  membre  blessé  une  douleur  vive  occupant  le 
trajet  du  nerf  sciatique,  et,  peu  après,  un  tremblement  se 
déclara  dans  toute  l'étendue  de  ce  membre.  D'abord  passa- 
ger, ce  tremblement  devint  plus  tard  permanent,  et  s'éten- 
dit enfin  aux  autres  membres. 

Il  est  permis  de  rapprocher  du  fait  précédent  celui  d'une 
sage-femme  atteinte  aussi  de  paralysie  agitante.  Cette  ma- 
lade, que  j'ai  observée  à  la  Salpétrière,  éprouva,  pendant 
plusieurs  années,  une  douleur  violente  localisée  sur  le  par- 
cours des  nerfs  de  la  jambe  et  du  pied.  Ces  parties  furent 
prises  les  premières  de  tremblement.  Cette  douleur,  qui 
s'était  développée  spontanément,  et  qui,  parfois,  était  into- 
lérable, résista  aux  moyens  les  plus  énergiques.  Elle  per- 
sista jusqu'à  la  mort  de  la  malade,  dont  l'autopsie,  malheu- 
reusement, n'a  pu  être  pratiquée. 

B.  Nous  venons  d'indiquer  les  cas  dans  lesquels  l'influence 
d'un  élément  étiologique  peut  être  invoquée  ;  mais  il  en  est 
d'autres  qui,  malgré  les  recherches  les  plus  attentives,  ne 
conduisent  à  aucun  résultat.  On  en  est  réduit  alors  à  l'exa- 
men des  influences  prédisposantes,  qu'il  nous  reste  main- 
tenant à  passer  en  revue. 

Relativement  à  Y  âge,  nous  devons  faire  remarquer  que 
la  paralysie  agitante  n'est  pas,.ainsi  qu'on  l'a  avancé,  une 
maladie  de  la  vieillesse.  Elle  débute,  à  la  vérité,  après  40 
ans,  plus  tard,  par  conséquent,  que  la  sclérose  en  plaques 
disséminées.  Toutefois,  cette  règle  n'est  pas  absolue  :  on 
pourrait  citer  quelques  cas  où  la  maladie  s'est  montrée  de 
bonne  heure,  à  20  ans,  par  exemple,  comme  dans  un  fait 
qui  nous  a   été  communiqué  par  M.  Duchenne  (de  Bou- 


186  INFLUENCE  DE  L'HÉRÉDITÉ,   ETC. 

logne)  (1).  —  Le  sexe  ne  paraît  exercer  aucune  action  pa- 
thogénique  :  la  paralysie  agitante  est  aussi  commune  chez 
l'homme  que  chez  la  femme. 

Nous  ne  possédons  pas  de  renseignements  précis  sur 
Yhêrédlté.  La  paralysie  agitante  n'est  point,  à  l'instar  de 
l'ataxie  locomotrice  dans  certaines  circonstances,  et  de  l'a- 
trophie musculaire  progressive,  une  maladie  de  famille.  Les 
observations  qui  ont  pu  faire  croire  le  contraire  se  rap- 
portent à  des  tremblements  partiels  n'ayant  nulle  tendance 
à  se  généraliser,  rentrant  plutôt  dans  la  classe  des  tics  con- 
vulsifs. 

Il  y  a  quelques  raisons  de  penser  que  la  race  anglo- 
saxonne  (Angleterre,  Amérique  du  Nord)  est  préférable- 
ment  affectée  de  cette  maladie.  Les  récits  que  j'ai  entendu 
faire  aux  médecins  de  ces  pays,  mon  expérience  person- 
nelle, et  surtout  les  renseignements  qui  m'ont  été  fournis 
par  mon  ami,  M.  Brown-Séquard,  viendraient  à  l'appui  de 
cette  opinion. 

Mais,  même  dans  ces  pays,  la  paralysie  agitante  n'est 
pas  très-commune.  M.  Sanders,  dans  une  statistique  com- 
prenant l'Angleterre  et  le  pays  de  Galles,  et  s'étendant 
de  1855  à  1863,  a  relevé  205  cas  de  mort  par  paralysie 
agitante,  c'est-à-dire  en  moyenne  22  par  an  (14  hommes, 
8  femmes).  Disons,  enfin,  que  cette  maladie  figure  au 
cinquième  rang,  à  côté  de  l'ataxie  locomotrice,  sur  le 
tableau  étiologique  des  infirmités  traitées  à  la  Salpétrière. 


(l)  M.  Fioupe  a  publié  dans  le  Journal  de  médecine  et  de  chirurgie  pra- 
tiques (p.  389,1874),  l'observation  d'une  jeune  fille  du  service  de  M.  Sire- 
dey  qui  fut  frappée  de  paralysie  agitante  à  l'âge  de  15  à  10  ans.  «  Vers  la  fin 
du  siège  de  Paris,  elle  s'était  réfugiée  un  jour  dans  une  cave  pour  se  sous- 
traire aux  projectiles,  lorsqu'un  obus  vint  faire  à  ses  côtés  3  ou  4  victimes. 
Saisie  d'une  violente  frayeur,  elle  perdit  connaissance  et  quand,  au  bout  de 
quelques  instants,  elle  revint  à  elle,  on  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  que  son 
bras  droit  était  animé  d'un  léger  tremblement  qui  gagna  peu  de  temps  après 
le  membre  inférieur  du  même  côté.  »  Elle  offre  aujourd:hui  tous  les  symp- 
tômes qui  caractérisent  la  paralysie  agitante  :  physionomie,  attitude  spéciale 
de  la  tête,  fixité  du  regard,  du  tronc,  démarche,  propulsion,  rétropulsion, 
tremblement,  etc.  (B.)  (Note  de  la 2°  édition.) 


TRAITEMENT.  187 

Thérapeutique.  Un  mot,  en  terminant,  Messieurs,  sur  les 
moyens  thérapeutiques.  La  paralysie  agitante  guérit  quel* 

quelbiSjCela  est  incontestable.  Est-ce  spontanément  ou  grâce 
aux  agents  mis  à  contribution?  La  dernière  hypothèse, 
pour  la  majorité  de  ces  cas  heureux,  est  peu  probable,  car 
les  médicaments  auxquels  on  voudrait  faire  honneur  de 
cette  action  médicatriee,  ont,  dans  d'autres  cas,  complète- 
ment échoué.  Ellioston  a  donné  le  sous-carbonate  de  fer, 
BroAvn-Séquard  le  chlorure  de  baryum;  tous  les  deux  ont 
enregistré  un  succès  et  à  côté  des  essais  négatifs.  M.  Du- 
chenne  (de  Boulogne)  a  VU  également  un  de  ses  malades 
guérir.  Ces  citations  montrent  que  la  paralysie  agitante 
n'est  pas  incurable.  Mais  nous  devons  reconnaître  que  nous 
ignorons  quels  sont  les  moyens  employés  dans  ce  but  par 
la  nature. 

On  a  tout  ou  à  peu  près  tout  essayé  contre  cette  maladie. 
Parmi  les  médicaments  qui  ont  été  préconisés,  et  que  j'ai 
administrés  sans  fruit,  je  n'en  énumérerai  que  quelques- 
uns.  La  strychnine ,  vantée  par  Trousseau  (Journal  de 
Beau),  m'a  paru  plutôt  exaspérer  le  tremblement  que  le 
calmer.  L'ergot  de  seigle,  la  belladone,  prescrits  en  raison 
de  leur  pouvoir  anti-convulsif,  ne  m'ont  pas  donné  de  résul- 
tats bien  avantageux.  J'en  dirai  autant  de  l'opium,  qui,  au 
contraire,  augmente  l'excitabilité  réflexe  et  que  l'on  suppo- 
sait capable  de  modérer  le  tremblement,  en  diminuant  les 
douleurs.  Dans  ces  derniers  temps,  j'ai  employé  Vhyos- 
cy aminé;  quelques  malades,  par  elle,  se  trouvaient  soula- 
gées ;  son  action,  d'ailleurs,  est  simplement  palliative. 

Ogle  a  donné  sans  bénéfice  la  fève  de  Calabar.  Quant  au 
nitrate  d'argent,  il  nous  a  toujours  semblé  exagérer  l'état 
convulsif,  et  cela  est  d'autant  plus  remarquable,  que,  dans 
la  sclérose  en  plaques,  il  produit  quelquefois  un  amende- 
ment assez  marqué,  et  diminue  l'intensité  du  tremble- 
ment (1). 

(l)  M.  Euleniburg  a   récemment-  recommandé   l'injection   hypodermique 


188  TRAITEMENT. 

Enfin,  nous  mentionnerons  l'emploi  de  Y  électricité,  qui, 
selon  quelques  médecins,  aurait  procuré  plusieurs  guéri- 
sons.  Ce  n'est  pas  l'électricité  statique,  ni  les  courants  in- 
terrompus, qu'il  convient  de  faire  intervenir.  Ces  moyens, 
avantageux,  dit-on,  dans  la  chorée,  seraient  demeurés 
impuissants  contre  la  paralysie  agitante  ;  c'est  du  moins  ce 
qui  ressort  de  la  pratique  de  M.  Gull.  Il  faut  se  servir  des 
courants  constants,  tels  qu'on  les  obtient  à  l'aide  d'une 
pile.  Il  n'est  pas  nécessaire,  Messieurs,  de  rappeler  aujour- 
d'hui que  les  effets  physiologiques  et  thérapeutiques  diffè- 
rent singulièrement  suivant  que  l'on  fait  appel  à  l'une  ou 
l'autre  de  ces  deux  espèces  de  courants.  Quoi  qu'il  en  soit, 
il  existe  deux  faits,  au  moins,  dans  lesquels  ce  mode  de 
traitement  paraît  avoir  été  heureux.  Le  premier  appartient 
à  Remak,  le  second  à  Russell  Reynolds.  Il  serait  donc  bon, 
l'occasion  se  présentant,  d'avoir  recours  aux  courants  con- 
tinus. 


d'une  solution  composée  d'une  partie  à'arséniate  de  potasse  et  de  deux 
parties  d'eau  [Berliner  Klin.  Wochensch.,  nov.  1872). Ce  mode  de  traitement, 
employé  par  nous  dans  le  service  de  M.  Charcot,  n'a  donné  aucun  résultat 
satisfaisant  (Progrès  méd.,  1874,  p.  245).  —  Nous  avons  aussi  prescrit  le 
bromure  de  camphre  chez  deux  malades  du  service  de  M.  Charcot,  atteintes 
de  paralysie  agitante  depuis  plusieurs  années.  Dans  les  premières  semaines, 
il  y  a  eu  un  amendement  de  quelques-uns  des  symptômes,  mais  cet  amende- 
ment n'a  pas  persisté.  Peut-être  serait-il  bon  de  recourir  à  cet  agent  théra- 
peutique dans  des  cas  moins  avancés.   (B.)  (Note  delà  2e  édition.) 


SIXIÈME  LEÇON 

De  la  sclérose  en  plaques  disséminées.  —  Anatomie 
pathologique. 


Sommaire.  —  Historique  de  la  sclérose  en  plaques  disséminées  :  Période 
française  ;  —  Période  allemande  ;  —  Nouvelles    recherches    françaises. 

Anatomie  pathologique  macroscopique.  —  Aspect  extérieur  des  plaques 
de  sclérose.  —  Leur  distribution  :  cerveau,  cervelet,  protubérance,  bulbe, 
moelle  épinière.  —  Plaques  de  sclérose  sur  les  nerfs.  —  Formes  spinale, 
céphalique  ou  bulbaire,  cérébro-spinale.  —  Caractères  des  plaques  :  cou- 
leur, consistance,  etc. 

Anatomie  microscopique.  — Notions  d'histologie  normale  concernant  la 
moelle  épinière.  —  Tubes  nerveux.  —  Névroglie  :  sa  distribution.  — 
Couche  corticale  du  réticulum.  —  Caractères  de  la  névroglie.  —  Intluence 
de  l'acide  chromique.  —  Capillaires  artériels. 

Caractères  histologiques  des  plaques  de  sclérose.  —  Coupes  transver- 
sales :  zone  périphérique  ;  —  zone  de  transition  ;  —  région  centrale.  — 
Coupes  longitudinales.  —  Altérations  des  vaisseaux.  —  Examen  des 
plaques  de  sclérose  à  l'état  frais.  —  Lésions  histologiques  consécutives 
à  la  section  des  nerfs.  —  Granulations  graisseuses  sur  les  coupes  de 
plaques  scléreuses  à  l'état  frais.  — Modifications  des  cellules  nerveuses. 
—  Mode  de  succession  des  lésions. 


Messieurs, 

J'ai  insisté  dans  notre  dernière  réunion  sur  la  distinc- 
tion qu'il  convenait  d'établir  entre  les  diverses  espèces  de 
tremblement.  Je  vous  ai  dit  tout  d'abord  qu'on  pouvait  les 
diviser  en  deux  groupes  :  l'un  dans  lequel  le  tremblement 
est  en  quelque  sorte  permanent  ;  l'autre  dans  lequel  le  trem- 
blement ne  survient  qu'à  l'occasion  des  mouvements  vou- 
lus. Puis,  partant  de  cette  notion,  je  vous  ai  cité  comme 
exemple  de  tremblement  du  premier  groupé,  la  paralysie 
agitante  dont  je  vous  ai  tracé  l'histoire.  Chemin  faisant, 
j'ai  relevé  quelques-uns  des  caractères  qui  permettent  de 
distinguer  aujourd'hui  cette  maladie  d'une  autre  affection 


190  SCLEROSE  EN  PLAQUES.    —   HISTORIQUE. 

jusqu'alors  confondue  avec  elle,  la  sclérose  en  plaques 
disséminées. 

C'est  à  cette  affection,  qui  nous  fournit  un  spécimen  du 
tremblement  du  second  groupe,  c'est-à-dire  n'apparaissant 
que  dans  certaines  conditions,  que  nous  allons  consacrer 
cette  leçon  et  les  suivantes.  Anatomiquement,  la  sclérose 
en  plaques  disséminées  est  une  espèce  pathologique  nette- 
ment déterminée  ;  cliniquement,  c'est  autre  chose,  et,  à  cet 
égard,  nous  aurons  bien  des  lacunes  à  combler.  Commen- 
çons par  quelques  mots  d'historique. 

HISTORIQUE. 

On  trouve  la  sclérose  en  plaques  mentionnée  pour  la  pre- 
mière fois  dansl' Atlas  tianatomie  pathologique  de  M.  Cru- 
veilhier  (1835-1842),  livre  admirable  qui  devrait  être  con- 
sulté plus  souvent  par  tous  ceux  qui  veulent  éviter  le  désen- 
chantement des  découvertes  tardives,  de  seconde  main,  en 
anatomie  pathologique.  C'est  dans  les  22e  et  23e  livraisons 
que  vous  verrez  figurées  les  lésions  de  la  sclérose  en  pla- 
ques. A  côté,  vous  pourrez  lire  les  observations  cliniques 
auxquelles  elles  se  rattachent.  Je  profite  de  cette  circons- 
tance pour  vous  recommander  la  lecture  d'un  chapitre 
remarquable  sur  les  paraplégies.  Avant  cette  époque,  nulle 
part  ailleurs,  à  ma  connaissance,  il  n'y  a  trace  de  la  sclérose 
en  plaques. 

Après  M.  Cruveilhier,  Carswell,  dans  l'article  Atrojjhy 
de  son  Atlas  (1838),  a  fait  dessiner  des  lésions  qui  se  rap- 
portent à  la  sclérose  en  plaques.  Mais  cet  auteur,  qui  a 
puisé  surtout  les  matériaux  de  son  ouvrage  dans  les  hôpi- 
taux de  Paris,  ne  relate  à  ce  propos  aucun  fait  clinique. 
Même  aujourd'hui,  je  ne  crois  pas  que  la  sclérose  en  pla- 
ques soit  connue  en  Angleterre  (1).  Je  ne  la  trouve  indiquée 


(l)   Cette  leçon  a  été  faite  en  18G8. 


HISTORIQUE.  191 

dans  aucun  des  livres  classiques  publias  dans  ce  pays,  non 
plus  que  dans  le  précieux  recueil  de  M.  Gull  (1). 

Ainsi,  jusque-là,  les  documents  principaux  avaient  ëté 
rassemblés  en  France.  A  partir  de  cette  époque,  pendant 
une  période  de  plusieurs  années,  on  laisse  cette  question 
dans  un  oubli  à  peu  près  complet,  et  c'est  en  Allemagne 
qu'il  faut  aller  pour  rencontrer  de  nouveaux  jalons.  Lud- 
Avili-  Tùrck  a  publié,  en  1855,  des  exemples  de  lésions  se 
rattachant  évidemment  cà  la  sclérose  en  plaques  ;  toutefois, 
le  côté  physiologique  seul  a  frappé  son  esprit  (2),  Roki- 
tansky  les  indique  dans  son  traité  (3);  Frerichs  (4),  Valen- 
tiner  (5)  rapportent  deux  observations.  Rindfleisch  (6), 
Leyden  (7),  Zenker  (8),  fournissent,  à  leur  tour,  quelques 
éléments  à  la  solution  du  problème.  Des  desiderata  res- 
taient à  combler,  de  nouvelles  recherches  étaient  indispen- 
sables. C'est  à  la  Salpé trière  que  la  sclérose  en  plaques 
attira  de  nouveau  chez  nous  l'attention.  Dès  1862,  M.  Yul- 
pian  et  moi  nous  en  constations  des  exemples.  M.  Bouchard, 
se  fondant  sur  des  faits  réunis  par  nous  à  la  Salpétrière, 
revint  sur  ce  sujet  dans  un  travail  lu  au  Congrès  médical 
de  Lyon. 

Dans  l'énumération  qui  précède,  nous  avons  surtout  tenu 
compte  des  travaux  ayant  trait  à  l'anatomie  pathologique, 
nous  proposant  d'insister  plus  tard  sur  ceux  qui  contien- 
nent des  détails  cliniques.  Aux  renseignements  que  nous 


(1)  Cases  of  Paraplegia,  in  Gug's  Hospital  Rep.  1856-1858. 

(2)  Beobachtungen  ufar  das  Leitungsverntëgen  des  menschlichen  Rikheii' 
marks.  (Sitzungsberichte  der  Kais.  AkadeniiederWissenschaften,  mathern. 
naturw.  Class,  t.  XVI,  1855,  p.  229.) 

(3)  Lehrhitch  derjwtkologischen  Ànatomie,  1856,  Zweiter  Band,  p.  488. 

(4)  Haescrs  Archiv,  Band,  X. 

(5)  Ueber  die  Sclérose  des  Gehims  and  Riïchenmarks  [Deutsche  Klinik; 
1856,  n°  14.) 

(6)  Eistologische  Détail  iU  der  grauen  Degeneration  von  Hirn  und  Rilcken- 
mark  (Yirchow's  Archiv.  B.  XXVI,  Heft  und  6,  p.  474.) 

(7)  Ueber  graue  Degeneration  des  Rùckenmarks  {Deutsche Klinik,  n°  13,1867 .) 

(8)  Fin  Bitrag  zur  Sclérose  des  Eims  und  Riickenmarhs.  [Zeitschrift  fur 
rat.  Medizin.B.  XXIV,  Heft.  2  und  3.) 


192  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 

donneront  les  auteurs  précités,  nous  en  ajouterons  d'au- 
tres puisés  dans  des  observations  inédites,  et,  pour  faciliter 
la  compréhension  de  nos  études,  nous  mettrons  sous  vos 
yeux  les  pièces  anatomiques  que  nous  avons  conservées. 


ANATOMIE  MACROSCOPIQUE. 

La  sclérose  en  plaques  disséminées,  je  vous  l'ai  dit,  Mes- 
sieurs, n'est  pas  une  affection  exclusivement  spinale.  Elle 
envahit  le  cerveau,  la  protubérance,  le  cervelet,  le  bulbe 
aussi  bien  que  la  moelle.  Nous  allons  donc  énumérer  les 
altérations  que  l'on  découvre,  dans  les  cas  les  plus  accen- 
tués, sur  ces  divers  segments  du  système  nerveux  :  d'abord 
extérieurement,  puis  sur  des  coupes. 

Il  s'agit  là,  Messieurs,  d'une  altération  relativement  gros- 
sière et  il  est  surprenant  qu'elle  ait  pu  pendant  si  long- 
temps passer  inaperçue.  Sur  les  planches  que  je  vous 
montre  et  où  les  altérations  sont  fidèlement  reproduites, 
vous  voyez  la  moelle  épinière  tachetée  de  plaques  grisâtres, 
à  contours  plus  ou  moins  réguliers,  mais,  en  tout  cas,  net- 
tement circonscrites  et  qui  tranchent  vivement  sur  les  par- 
ties voisines.  (Voy.  Planches  III  et  V.) 

Tantôt  discrètes,  tantôt  confluentes,  ces  plaques  ou  ces 
taches,  ainsi  que  vous  pouvez  facilement  le  constater, 
sont  disséminées  sans  règle  apparente  et  comme  au  hasard 
sur  tous  les  points  de  la  moelle.  Le  bulbe  lui-même  n'est 
pas  épargné,  tant  s'en  faut.  (Voy.  Pl.  I,  Fig.  4  et  5).  Sou- 
vent aussi  diverses  parties  de  l'encéphale  sont  atteintes. 

Mais,  nous  ne  pouvons  nous  en  tenir  à  ce  simple  aperçu 
et  il  nous  faut  entrer  dans  les  détails  d'une  description  plus 
régulière.  Tout  d'abord  nous  devons  dire  que  Y  examen  pu- 
rement extérieur  ne  donnerait  de  la  lésion  qu'une  idée 
très-incomplète.  Les  plaques,  les  taches,  dont  nous  venons 
de  parler,  ne  sont  pas  superficielles  ;   elles  constituent  de 


DISTRIBUTION  DES   PLAQUES  DE  SCLÉROSE.  493 

véritables  noyaux  ou  foyers  qui  pénètrent  dans  la  profon- 
deur des  tissus.  Souvent  même,  la  coupe  seule  révèle  l'exis- 
tence des  plaques  cachées  intérieurement. 

Examinons  en  premier  lieu  Yencéphale.  L'aspect  général 
du  cerveau  proprement  dit  n'a  subi  aucune  modification 
dans  sa  forme  et  nous  pouvons  ajouter  ni  dans  sa  couleur, 
car  les  plaques  sont  très-rares  sur  la  substance  grise  des 
circonvolutions.  Il  n'en  est  plus  de  même  en  ce  qui  con- 
cerne les  parties  centrales.  En  effet,  nous  trouvons  des 
plaques  surtout  sur  les  parois  des  ventricules,  dans  la  subs- 
tance blanche  du  centre  ovale,  le  septum  lucidum,  le  corps 
calleux  et  enfin  dans  certaines  régions  de  la  substance 
grise  (Couches  optiques,  corps  striés.  Pl.  II,  Fig.  i  et  2). 

Le  cervelet  ne  présente  d'habitude  que  des  plaques  inté- 
rieures, occupant  spécialement  le  corps  rhomboïdal.  (Pl.  I, 
Fig  A  et  2.) 

Le  bulbe,  la  protubérance  et  les  diverses  circonscriptions 
de  l'isthme  sont  très-fréquemment  le  siège  des  plaques  de 
sclérose,  lesquelles,  là,  sont  à  la  fois  périphériques  et  pro- 
fondes. Sur  le  bulbe,  les  plaques  affectent  isolément  ou  si- 
multanément les  olives,  les  pyramides,  les  corps  resti- 
formes  et  la  région  postérieure  où  sont  étages  les  noyaux 
d'origine  des  nerfs  bulbaires.  Pour  ce  qui  a  trait  à  la  pro- 
tubérance, les  plaques  siègent  en  général  à  la  face  antéro- 
postérieure.  Si  nous  remontons  plus  haut,  nous  voyons  af- 
fectés et  les  tubercules  mamillaires  et  les  pédoncules 
cérébraux.  (Pl.  I,  Fig.  1  et  5.) 

Nous  arrivons  maintenant  à  la  moelle.  A  travers  la  pie- 
mère,  on  aperçoit  souvent  des  taches  grises,  prenant  une 
teinte  rosée  analogue  à  celle  de  la  chair  de  saumon,  par 
le  contact  de  l'air.  Mais  c'est  principalement  après  l'abla- 
tion de  cette  membrane,  ablation  qui  s'effectue  sans  peine, 
que  l'on  aperçoit  bien  les  lésions.  Elles  intéressent  toutes 
les  régions  de  la  moelle  (cervicale,  dorsale  et  lom- 
baire) ;  elles  envahissent  indistinctement  les  différents  cor- 
dons, sans  respecter  les  sillons  et  portent  aussi  bien  sur 

Charcot,  t.  i,  3e  éd.  13 


194      PLAQUES  DE  SCLÉROSE  (MOELLE  ÉPINIÈRE,   NERFS). 

la  substance  grise  que  sur  la  substance  blanche.  (Pl.  III  et 
IV.) 

Les  nerfs  eux-mêmes  n'échappent  pas  à  la  sclérose.  On 
les  yoit  quelquefois  sortir,  à  leur  origine,  d'une  plaque  cle 
sclérose  et  se  montrer  parfaitement  sains  ;  d'autres  fois,  on 
trouve  sur  leur  trajet  des  plaques  scléreuses  en  tout  sem- 
blables à  celles  des  centres  nerveux,  du  moins  sur  les  por- 
tions de  ces  nerfs  voisines  des  centres  :  les  observations  de 
MM.  Vulpian  et  Liouville,  souvent  répétées  depuis,  ne  lais- 
sent pas  de  doute  à  cet  égard.  Les  "nerfs  crâniens  qui  ont 
offert  des  plaques  de  sclérose  sont  les  nerfs  optiques,  olfac- 
tifs et  de  la  5°  paire.  Quant  aux  nerfs  rachidiens,  nous  sa- 
vons seulement  que  des  plaques  ont  été  vues  sur  les  racines 
postérieures  et  antérieures  ;  mais  nous  ignorons  s'ils  ont 
été  lésés  sur  leur  parcours  extra-spinal.  (Voy.  Pl.  I,  Fig.  4 
et  3,  a,  &.) 

Je  n'insisterai  pas  plus  longuement,  Messieurs,  sur  cette 
topographie  des  plaques  scléreuses  ;  toutefois,  je  ne  puis 
me  dispenser  d'appeler  toute  votre  attention  sur  l'intérêt 
qui  s'y  attache. 

Vous  voyez,  en  effet,  les  plaques  siéger  sur  des  régions 
très-diverses  des  centres  nerveux,  suivant  les  cas,  et  il  est 
clair,  qu'à  ces  variétés  de  siège  devront  répondre  des  dé- 
sordres fonctionnels  bien  différents.  C'est  à  cela  que  la  ma- 
ladie doit  en  grande  partie  son  caractère  protéiforme.  Nous 
reviendrons  sur  ce  point.  Pour  le  moment,  remarquez  que 
ces  différences  de  siège  motivent  des  divisions  impor- 
tantes que  nous  retrouverons  en  clinique.  Tantôt  les  plaques 
occupent  exclusivement  la  moelle  (forme  spinale)  ;  tantôt 
elles  prédominent  clans  l'encéphale  (forme  céphaliqae  ou 
bulbaire);  enfin,.,  l'existence  simultanée  de  plaques  dans  l'en- 
céphale et  la  moelle  répond  à  la  forme  cérébro-spinale. 

Pour  en  finir  avec  l'anatomie  à  l'œil  nu,  il  ne  me  reste 
plus  qu'à  indiquer  les  principaux  caractères  que  présentent 
les  plaques  considérées  individuellement. 

Quelquefois,  les  plaques  sont  saillantes  et  comme  turges- 


CARACTÈRES  EXTÉRIEURS  DES  TLAQUES  DE  SCLÉROSE.   195 

centes;  d'autres  fois,  elles  sont  cle  niveau  avec  les  parties 
avoisinantes  ;  enfin,  elles  sont  parfois  déprimées  lorsqu'elles 
ont  une  date  ancienne. 

Elles  ont  une  coloration  qui  rappelle  à  peu  près  celle  de 
la  substance  grise  dont  il  est  difficile  de  les  distinguer  ;  mais, 
au  contact  de  l'air,  elles  prennent  une  couleur  rosée  et  l'on 
voit  s'y  dessiner  des  vaisseaux  abondants. 

Ces  plaques  ont  une  consistance  ferme  et  donnent  des 
surfaces  de  section  nettes  et  d'où  s'écoule  un  liquide  trans- 
parent. 

Telle  est,Messieurs,au  point  de  vue  de  l'anatomie  simple, 
la  sclérose  en  plaques  généralisées  ;  il  nous  faut  entrer 
maintenant  dans  des  détails  histologiques  minutieux. 

Pour  mener  à  bonne  fin  cette  entreprise,  qui  se  rapporte 
à  des  faits  d'une  exposition  laborieuse,  je  réclamerai  à  la 
fois  et  toute  votre  attention  et  toute  votre  indulgence. 


ANATOMIE  MICROSCOPIQUE. 

La  méthode  à  suivre  est  simple.  Nous  devons  partir  des 
conditions  normales  ;  celles-ci  une  fois  connues,  il  sera 
plus  aisé  d'en  faire  dériver  les  conditions  morbides.  La  con- 
naissance préalable  des  caractères  de  l'état  normal,  en  ce 
qui  concerne  les  organes  et  les  éléments  dont  nous  vou- 
lons étudier  les  altérations,  vous  est  sans  doute  familière, 
et  nous  pourrions,  à  la  rigueur,  entrer  de  plain-pied  dans 
l'examen  des  lésions  intimes.  Toutefois,  vous  le  savez,  Fana-' 
tomie  histologique  des  centres  nerveux  est,  sous  quelques 
rapports,  toute  nouvelle  ;  bon  nombre  des  questions  qu'elle 
soulève  sont  encore  en  litige  ;  et  cependant,  pour  l'intelli- 
gence des  lésions  pathologiques,  il  n'est  pas  indifférent 
d'avoir  sur  ces  questions  une  opinion  plus  ou  moins  moti- 
vée. Ces  considérations  nous  engagent  à  vous  remettre  en 
mémoire,  au  moins  sommairement,  certains  faits  fonda- 
mentaux d'anatomie  normale.  D'ailleurs,  nous  nous  occu- 


196  ANATOMIE  MICROSCOPIQUE. 

perons  surtout  de  la  moelle  épinière,  organe  moins  com- 
plexe et  d'un  abord  plus  facile  que  ne  l'est  le  cerveau.  Mais, 
afin  de  limiter  le  champ  de  nos  études,  nous  ne  nous  arrê- 
terons pas  à  décrire  les  éléments  nerveux  proprement  dits, 
tubes  ou  cellules  ;  nous  n'insisterons  pas  non  plus  sur  leurs 
rapports  réciproques  ni  sur  le  mode  de  groupement  qu'ils  af- 
fectent pour  constituer  ce  que  l'on  nomme  la  substance 
blanche  et  la  substance  grise.  Nous  nous  proposons  de  con- 
centrer votre  attention  sur  la  gangue  conjonctive  qui,  de 
toutes  parts,  enveloppe  ces  éléments.  Un  grand  intérêt  s'at- 
tache à  l'histoire  de  cette  gangue  conjonctive,  principale- 
ment pour  le  pathologiste,  car  c'est  à  elle  qu'il  faut  attri- 
buer le  rôle  capital  dans  certaines  altérations  des  centres 
nerveux  et  en  particulier  dans  les  cas  qui  nous  occupent  (1). 


I. 

A.  Il  sera,  je  crois,  avantageux  d'inaugurer  cette  étude 
par  l'examen  de  tranches  minces,  transparentes,  pratiquées 
transversalement  sur  des  tronçons  de  moelle  convenable- 
ment durcis  dans  une  solution  d'acide  chromique,  et  colo- 
rées par  le  carmin.  Le  carmin  est  ici  un  réactif  précieux. 
Grâce  à  lui,  certains  éléments  qui  ont  la  propriété  de  se 
colorer  sous  son  influence  d'une  teinte  plus  ou  moins  vive 
sont  par  là  mis  en  relief,  alors  que  les  autres  conservent 
leur  aspect  ordinaire.  Ainsi  les  cellules  ganglionnaires, 
leur  noyau,  leur  nucléole  et  aussi  les  prolongements  de  ces 
cellules  se  colorent  fortement  sous  l'influence  de  ce  réac- 
tif. La  gangue  conjonctive  se  colore  également  dans  tous 


(l)  On  sait  que  les  premières  études  sur  la  gangue  conjonctive  de  la 
moelle  épinière  remontent  à  1810  et  sont  dues  à  Keuffel  ;  mais  ce  que  l'on 
sait  moins,  c'est  que  Cruveilhier,  dans  son  article  Apoplexie,  du  Diction- 
naire de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  publié  en  1820,  a  mentionné 
«  le  tissu  cellulaire  séreux  extrêmement  délié  qui  unit  et  sépare  les  fibres 
»  cérébrales  et  qui  forme  une  trame  excessivement  ténue.»  (Loc.  «ï.,p.209.) 


NOTIONS  D'HISTOLOGIE  NORMALE.  197 

les  points  de  son  étendue,  à  la  vérité  d'une  manière  bien 
moins  prononcée  ;  et,  pour  ce  qui  a  trait  aux  tubes  ner- 
veux, seul  le  cylindre  d'axe  prend  la  couleur  du  carmin, 
tandis  que  l'enveloppe  de  myéline  résiste  complètement  à 
son  action. 

Tous  les  détails  que  ce  mode  préparatoire  met  en  relief 
vous  pourrez  les  suivre  sur  la  planche  d'après  Deiters  (1), 
que  je  vous  présente :;  vous  les  retrouverez  ensuite  facile- 
ment sur  les  très-belles  coupes  que  je  vais  faire  passer  sous 
vos  yeux  et  que  je  dois  à  l'obligeance  de  notre  confrère 
M.  Lockhart-Clarke  ;  il  conviendra  d'examiner  ces  pièces 
d'abord  à  l'aide  d'un  faible  grossissement. 

Sur  les  préparations  comme  sur  la  planche,  les  parties 
qui  appartiennent  à  la  substance  blanche  de  la  moelle  vous 
paraissent  sans  doute,  au  premier  abord,  presque  entière- 
ment composées  de  petits  corps  régulièrement  arrondis, 
sortes  de  disques  placés  côte  à  côte  et  à  peu  près  de  même 
diamètre.  Ce  sont  les  tronçons  cylindriques  trop  minces, 
résultant  de  la  section  des  tubes  nerveux,  lesquels  tubes  sont 
là,  dans  cette  partie  de  la  moelle,  disposés  pour  la  plupart 
suivant  le  grand  axe  de  l'organe,  et,  comme  sont  les  pris- 
mes d'une  chaussée  basaltique,  parallèlement  les  uns  aux 
autres.  Au  centre  des  disques  qui,  dans  le  reste  de  leur  éten- 
due, sont  constitués  par  la  myéline  non  colorée,  d'aspect  bril- 
lant, translucide,  figure  comme  un  point,  ou  mieux,  comme 
un  petit  globule,  le  cylindre  d'axe  coloré  en  rouge. 

Un  examen  un  peu  plus  attentif  fait  constater  bientôt  que 
les  disques  en  question  ne  sont  pas  exactement  contigus,  et 
qu'ils  sont,  au  contraire,  plus  ou  moins  nettement  séparés 
les  uns  des  autres,  par  une  substance  d'apparence  homo- 
gène, que  le  carmin  colore  légèrement  et  qui  semble  com- 
bler, à  la  manière  d'un  ciment,  tous  les  vides  que  les  élé- 
ments nerveux  laissent  entre  eux.  Cette  substance  n'est 


(l)  0.  Deiters.  —  Untersuch.  nier  Gehern  uni  Riïckemnarck.  Braunshe- 
wieg.  Planche  III,  fig.  12. 


198  DE   LA  NÉVROGLIE. 

autre  que  la  gangue  conjonctive,  comme  nous  l'appelions 
tout  à  l'heure,  ou  autrement  dit,  la  névroglie  (Virchow),  le 
rêticulum  (Kolliker).  En  étudiant  son  mode  de  répartition 
et  d'agencement  sur  les  diverses  parties  de  la  coupe,  tous 
reconnaîtrez  aisément  qu'elle  entre  pour  une  part  très-im- 
portante dans  la  masse  de  l'organe.  Remarquez  en  premier 
lieu  qu'elle  forme,  à  la  partie  périphérique  de  la  coupe,  un 
anneau,  ou  mieux,  une  zone,  d'une  certaine  épaisseur  et 
où  les  tubes  nerveux  font  absolument  défaut.  Cette  zone  est 
recouverte  à  l'extérieur  et  enveloppée,  pour  ainsi  dire  par 
la  pie-mère,  avec  laquelle  elle  ne  contracte  que  de  faibles 
adhérences  ;  elle  est  d'ailleurs  parfaitement  distincte,  quant 
à  sa  structure,  de  cette  dernière  membrane,  qui  est  compo- 
sée de  tissu  conjonctif  fibrillaire,  et,  par  conséquent,  tout 
autrement  que  la  névroglie.  Elle  a  été  décrite  avec  soin  par 
Bidderet  parFrommann,  qui  la  désignent  sous  le  nom  de 
couche  corticale  du  rêticulum  (Rindenschicht)  ;  nous  ver- 
rons plus  tard  qu'elle  présente  parfois,  au  point  de  vue  pa- 
thologique, un  intérêt  incontestable  (1). 

Du  bord  interne  de  cette  zone  ou  couche  corticale,  on 
voit  naître  et  se  détacher,  de  distance  en  distance,  des 
cloisons  qui  se  dirigent  vers  le  centre  de  la  moelle,  qu'ils 
partagent  en  compartiments  triangulaires  à  peu  près  égaux, 
dont  la  base  est  à  la  périphérie  et  dont  le  sommet  se  perd 
dans  la  substance  grise.  Ces  cloisons  donnent  elles-mêmes 
naissance,  chemin  faisant,  à  des  tractus  secondaires,  puis 
tertiaires,  qui  se  subdivisent  aussi  à  leur  tour.  Leurs  ramifi- 
cations s'enchevêtrent,  se  croisent  et  s'anastomosent  de  ma- 
nière à  produire  un  réseau  à  mailles  d'inégale  dimension. 
De  ces  mailles,  les  plus  larges  réunissent,  sous  forme  de 
faisceaux,  huit,  dix  tubes  nerveux,  ou  même  un  plus  grand 
nombre,  tandis  que  les  plus  étroites  n'en  renferment,  le 
plus  souvent,  qu'un  seul.  La  disposition  réticulée  dont  il 


(l)  C.  Frommann.  —  Untersuch.  Hier  die  Normale  und  patholog.  Anatom. 
des  Rûekenmarlies .  Iéna.  1864. 


DE  LA  NÉVROGLIE.  199 

s'agit  devient  surtout  évidente  dans  les  points  de  la  prépa- 
ration, où,  par  suite  de  la  distribution  des  tubes  nerveux,  le 
squelette  conjonetif  persiste  seul. 

Plus  encore  peut-être  que  dans  la  substance  blanche,  la 
névrogliejoue,  dans  la  substance  grise,  un  rôle  important; 
il  est,  en  effet,  des  régions  de  celle-ci  quelle  constitue  d'une 
manière  presque  exclusive  ;  tels  sont ,  par  exemple ,  les 
bords  du  canal  central,  le  cordon  de  l'épendyme.  Elle  est 
prédominante  aussi  dans  cette  partie  des  cornes  postérieu- 
res connue  sous  le  nom  de  substance  gélatineuse  de  Ro- 
lande ;  dans  la  commissure  postérieure  qui ,  en  consé- 
quence, prend  dans  sa  presque  totalité,  une  teinte  rosée 
sur  les  préparations  traitées  par  le  carmin,  tandis  que  la 
commissure  antérieure,  au  contraire,  en  raison  des  nom- 
breux tubes  nerveux  à  direction  transversale  qu'elle  con- 
tient, est  beaucoup  moins  affectée  par  le  réactif.  Dans  la 
substance  grise,  d'ailleurs,  de  même  que  dans  la  substance 
blanche,  la  névroglie  présente  la  structure  réticulée  ;  seu- 
lement, dans  le  premier  cas,  les  intrications  beaucoup  plus 
multipliées  des  trabécules  forment  des  mailles  notablement 
plus  serrées  et  font  voir  l'apparence  d'un  tissu  spongieux. 
Dans  ces  deux  conditions,  du  reste,  elle  sert  de  support  aux 
vaisseaux  sanguins. 

B.  Il  convient  actuellement  de  rechercher,  à  l'aide  de 
grossissements  plus  puissants,  quelle  est  la  constitution  his- 
tologique  de  cette  gangue  conjonctive  dont  nous  ne  con- 
naissons encore  que  les  apparences  les  plus  extérieures. 
S'agit-il  là  du  tissu  conjonetif  ordinaire  (tissu  lamîneux 
fibrillaire)  ?  Non,  assurément  ;  tout  le  monde  s'entend  sur 
ce  point.  Mais  en  dehors  de  cette  notion  purement  négative, 
presque  tout  reste  litigieux  dans  l'histoire  histologique  de 
la  névroglie.  Toutefois,  une  opinion  tend  ici  à  prévaloir, 
et  cette  opinion,  si  j'en  juge  d'après  des  impressions  fon- 
dées sur  des  observations  personnelles,  se  rapprocherait 
beaucoup  de  la  réalité.  D'après  cette  manière  de  voir,  la 


200  DE  LA  NÉVROGLIE. 

névroglie  serait  faite,  comme  le  stroma  des  glandes  lym- 
phatiques, par  exemple,  suivant  le  type  du  tissu  conjonctif 
simple  réticulé  (Kôlliker);  c'est-à-dire  qu'elle  serait  es- 
sentiellement composée  de  cellules  étoilées,  en  général  pau- 
vres en  protoplasma,  portant  des  prolongements  grêles, 
plusieurs  fois  ramifiés,  et  dont  les  branches  communiquent 
les  unes  avec  les  autres,  de  manière  à  relier  en  un  seul 
système  les  diverses  cellules  et  à  les  rendre  pour  ainsi  dire 
solidaires.  [Kôlliker  (1),  Max.  Schultze,  Frommann  (2).] 
Dans  cette  forme  de  tissu  connectif,  il  n'existe  que  fort  peu 
de  substance  amorphe  dans  les  mailles  du  réticulum,  et  la 
substance  intermédiaire  fibrillaire,  qui  est  l'un  des  carac- 
tères fondamentaux  du  tissu  lamineux,  fait  ici  complète- 
ment défaut. 

Voyons  maintenant  ce  que  l'observation  directe  permet 
de  reconnaître  sur  des  coupes  minces  de  la  moelle,  durcies 
par  l'acide  chromique  et  colorées  par  le  carmin.  Comme 
dans  le  cas  du  stroma  des  glandes  lymphatiques  que  nous 
prenions,  il  y  a  un  instant  pour  exemple,  il  importe  ici  de 
distinguer  en  premier  lieu  des  cellules  et  en  second  lieu  un 
réseau  de  trabécules  fibroïdes  qui  relient  ces  cellules  entre 
elles.  Il  s'agira  d'abord  de  ce  que  l'on  voit  dans  la  substance 
blanche. 

Les  points  du  réticulum  où  plusieurs  trabécules  se  ren- 
contrent, forment  çà  et  là  des  renflements  ou  nœuds  plus 
ou  moins  épais,  situés  à  peu  près  à  égale  distance  les  uns 
des  autres.  Or,  chacun  de  ces  nœuds,  ceux  surtout  qui  se 
font  remarquer  par  leur  grande  dimension,  présentent  vers 
leur  partie  centrale  un  corps  figuré,  arrondi  ou  légèrement 
ovalaire,  plus  vivement  coloré  par  le  carmin  que  ne  le  sont 
les  parties  avoisinantes.  Ces  corps  sont  des  noyaux  à 
contour  net,  finement  grenus,  dépourvus  de  nucléoles  et 
mesurant  en  moyenne  de  0  m.  004  à  0  m.  007.  Ils  se  mon- 


(1)  Kôlliker.  —  Gembhhre,  5e  édit.  Leipzig,  1867,  §  108. 

(2)  Loc.  cit. 


DE  LA  NÉVROGLIE.  201 

trent  solubles  dans  l'acide  acétique  qui  les  fait  se  contrac- 
ter dans  tous  les  sens  et  diminue  leur  diamètre  quelquefois 
de  moitié;  on  les  connaît  sous  le  nom  de  myélocites  (Cli. 
Robin)  (1)  ou  de  noyaux  de  la  névroglie  (Virchow)  (2). 
Une  mince  couche  de  protoplasma,  sans  apparence  cellu- 
laire distincte,  entoure  le  plus  souvent  ces  noyaux  (myé- 
locytes,  variété  noyau)  qui,  d'autres  fois,  au  contraire, 
sont  renfermés  dans  une  véritable  cellule  arrondie  ou  étoi- 
lée  (myélocites,  variété  cellule),  et  munis  de  prolonge- 
ments plus  ou  moins  nombreux  (de  3  à  10,  d'après  From- 
mann) ,  plus  ou  moins  allongés  (3) .  Les  prolongements  pa- 
raissent faire  corps  avec  les  trabécules  du  réticulum  qui 
les  continuent,  pour  ainsi  dire,  sans  ligne  de  démarcation 
appréciable  ;  dans  le  cas  où  la  forme  cellulaire  n'est  pas 
distincte,  les  noyaux,  nus  ou  recouverts  seulement  d'une 
mince  couche  de  protoplasma,  apparaissent  comme  des 
centres  d'où  naissent  les  trabécules  du  réticulum  et 
d'où  elles  irradient  pour  se  porter  dans  diverses  direc- 
tions. 

Les  trabécules  doivent  être  étudiées  à  leur  tour  et  consi- 
dérées indépendamment  des  connexions  qu'elles  peuvent 
avoir  soit  avec  les  noyaux,  soit  avec  les  cellules  qui  occu- 
pent les  nœuds  du  réticulum  ;  leur  texture  varie  quelque 
peu  selon  que  l'on  examine  des  coupes  transversales  ou  des 
coupes  longitudinales.  Dans  le  premier  cas,  elles  simulent 
de  minces  cloisons  homogènes,  brillantes,  d'aspect  fibroïde. 
En  s'anastomosant,  elles  forment  des  mailles  dont  les  plus 
étroites  sont  assez  larges  encore  pour  contenir  un  tube 
nerveux.  S'agit-il  de  coupes  longitudinales?  On  voit  les 
trabécules  se  ramifier  presque  à  l'infini  et  produire  un  ré- 


(1)  Robin.  — Programme  du  cours  d'histologie,  1864,  p.  46.  —  Dictionn. 
encyclopédique*  2e  série,  t.  I,  lre  part.,  art.  Lamineux,  p.  284- 

(2)  Virchow.  —  Die  Kraekft.  Gesehvillste,  1864-65,  t.  II,  p.  127. 

(3)  Voir  sur  ce  sujet  :  Hayem  et  Magnan.  —  Journal  de  la  physiologie, 
etc.,  n°  1,  1876.  —  Hayem.  —  Etudes  sur  les  diverses  formes  d'encéphalite, 
1868. 


202  DE  LA  NEVROGLIE. 

seau  à  mailles  beaucoup  plus  fines.  Ce  réseau  est  d'ailleurs 
disposé  sous  forme  de  cloisons  qui  séparent  les  uns  des  au- 
tres les  tubes  nerveux  et  les  entourent  à  la  manière 
d'une  gaîne.  Les  vides  qui  existent  çà  et  là,  entre  les  gaines 
et  les  tubes  nerveux,  semblent  comblés  par  une  petite 
quantité  d'une  matière  amorphe,  finement  grenue.  Nulle 
part  on  ne  rencontre,  dans  l'état  normal ,  au  milieu  de  ces 
trabécules,  les  minces  fibrilles  qui  font  partie  intégrante  du 
tissu  lamineux. 

Dans  la  substance  grise,  la  névroglie  est  faite  sur  le 
môme  plan  général  ;  seulement,  les  mailles  du  réseau  fi- 
broïde,  surtout  dans  les  points  où  les  éléments  nerveux 
manquent,  y  sont  plus  serrées  que  dans  la  substance  blan- 
che et  de  là  résulte  l'aspect  spongieux  que  nous  avons  déjà 
mentionné.  Ajoutons  que  les  cellules  écoilées  se  montrent 
plus  nombreuses  que  partout  ailleurs  dans  certaines  ré- 
gions de  la  substance  grise  et  qu'elles  sont  parfois  tellement 
développées  qu'il  devient  fort  difficile  de  les  distinguer  des 
cellules  nerveuses  ;  mais  nous  aurons  l'occasion  d'insister 
sur  ce  dernier  point. 

Un  réseau  fibroïde  dense,  à  mailles  étroites,  des  cellules 
nombreuses  se  retrouvent  aussi  dans  les  parties  des  fais- 
ceaux blancs  où  n'existent  pas  de  tubes  nerveux,  dans  la 
couche  corticale  (Rindenschicht),  par  exemple  et  dans  les 
grandes  cloisons  qui  y  prennent  leur  origine. 

Si  l'on  s'en  rapporte  à  la  description  qui  précède,  la  né- 
vroglie mérite  incontestablement  d'être  rattachée  au  type 
du  tissu  conjonctif  réticulé,  dont  nous  rappelions  tout  à 
l'heure  les  caractères  essentiels. 

Mais  cette  description  a  été  tracée  principalement,  — 
vous  ne  l'avez  pas  oublié,  d'après  des  observations  faites 
sur  des  fragments  de  moelle  qui  ont  subi,  pendant  un  temps 
plus  ou  moins  long,  l'action  de  l'acide  chromique.  Or,  les 
résultats  obtenus  à  l'aide  de  ce  mode  de  préparation  sont- 
ils  à  l'abri  de  la  critique  ?  Telle  n'est  pas  l'opinion  de  quel- 
ques auteurs,  parmi  lesquels  il  faut  citer,  au  premier  rang, 


DE  LA  NÉVROGLIE.  203 

des  maîtres  tels  que  Henle  et  Ch.  Robin  (1).  Suivant  eux, 
le  réticulum  fibroïde,  décrit  plus  haut,  n'aurait  pas  d'exis- 
tence réelle  ;  ce  serait  un  produit  de  l'art.  A  l'état  frais, 
avant  l'intervention  des  réactifs,  les  espaces  intermédiaires 
aux  tubes  nerveux  seraient  remplis,  non  par  des  trabécules 
solides  formant  par  leur  agencement  les  mailles  d'un  réseau, 
mais  tout  simplement  par  une  matière  amorphe,  molle, 
grisâtre,  finement  grenue,  au  sein  de  laquelle  les  myélo- 
cytes  seraient  comme  suspendus. 

Cette  matière  ayant  la  propriété  de  se  durcir,  sans  perdre 
de  son  volume,  sous  l'influence  de  l'alcool  et  de  divers 
acides,  de  l'acide  chromique  en  particulier,  c'est  à  cette  cir- 
constance qu'elle  devrait  de  se  présenter,  sur  les  prépara- 
tions traitées  par  ce  dernier  agent,  sous  la  forme  d'un  appa- 
reil réticulé.  A  ces  objections  ont  été  opposés  des  arguments, 
ou  pour  mieux  dire  des  faits ,  dont  quelques-uns  ont , 
croyons-nous,  une  valeur  à  peu  près  absolue.  On  reconnaît 
qu'il  existe  à  l'état  normal,  interposée  aux  éléments  nerveux, 
—  à  la  vérité  en  faible  proportion,  —  delà  matière  amor- 
phe possédant  les  caractères  qui  viennent  d'être  indiqués 
(Kolliker)  ;  on  reconnaît  également  que,  sur  les  pièces  fraî- 
ches, le  réticulum  est  moins  nettement  dessiné  que  sur  les 
pièces  durcies  par  les  acides.  Mais,  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que,  même  à  l'état  frais,  les  coupes  fines  de  la  substance 
blanche  de  la  moelle,  placées  dans  le  sérum  iodé  et  dilacé- 
rées  sous  le  microscope,  laissent  voir  nettement  sur  leurs 
bords  les  tractus  fibroïdes  du  tissu  conjonctif  (Kolliker, 
Frommann,  Schultze).  Ce  résultat,  facile  à  obtenir  dans  les 
conditions  normales,  s'accuse  encore  mieux  dans  certaines 
circonstances  pathologiques  où  les  dispositions  normales  se 
montrent  exagérées,  sans  être  encore  foncièrement  modi- 
fiées (Virchow.) 

C'est  ce  qui  a  lieu,  entre  autres,  ainsi  que  nous  le  dirons, 
dans  la  myélite  interstitielle  subaiguë,  et  dans  la  sclérose 

(l)  Dict.  encyclopédique ,  loc,  cit. 


204  DE  LA  NEVROGLIE. 

proprement  dite,  lorsque  l'altération  n'a  pas  encore  dépassé 
les  premières  phases  de  son  évolution. 

De  tout  cela  on  a  conclu,  —  et  nous  croyons  la  conclu- 
sion légitime,  —  que,  dans  l'espèce,  l'acide  chromique  n'a 
pas  d'autre  effet  que  de  mettre  mieux  en  relief  la  texture 
réticulée  de  la  gangue  conjonctive  de  la  moelle  épinière. 
Cette  disposition  préexiste  ;  elle  ne  se  produit  pas  de  toutes 
pièces  sous  l'action  du  réactif. 

Pour  en  finir  avec  les  remarques  que  j'ai  cru  devoir  vous 
présenter  relativement  à  l'histologie  normale  du  centre 
nerveux  spinal,  je  n'ai  plus  qu'un  mot  à  ajouter  touchant 
une  particularité  anatomique  qu'offrent  les  plus  petits  vais- 
seaux, principalement  les  capillaires  artériels,  dans  l'épais- 
seur de  cet  organe.  Ils  possèdent,  comme  les  artérioles 
intra-encéphaliques,  cette  tunique  surnuméraire  que  l'on 
désigne  communément  sous  le  nom  de  gaine  lymphatique 
ou  encore  de  gaine  de  Robin.  Un  espace  libre,  rempli  par 
un  liquide  transparent,  où  flottent  quelques  éléments  figu- 
rés, sépare,  vous  le  savez,  cette  gaîne  de  la  tunique  adven- 
tice. Vous  reconnaîtrez  bientôt  l'intérêt  qui  s'attache  à  cette 
disposition  anatomique  lorsqu'il  s'agira  d'interpréter  cer- 
taines lésions  (1). 


(l)  Depuis  le  moment  où  cette  leçon  a  été  faite,  de  nombreux  travaux  ont 
été  publiés  sur  la  structure  de  la  névroglie.  (Voir  à  ce  sujet  une  revue  cri- 
tique de  Gombault  :  Archives  de  physiologie,  1873,  p.  458). —  Dans  un  impor- 
tant travail,  M.  Ranvier,  dont  les  travaux  ont  tant  contribué  à  la  connais- 
sance du  tissu  conjonctif,  a  montré  que  les  cellules,  décrites  par  Golgi  et  Boll, 
ne  sont  probablement  que  des  artifices  de  préparation.  Le  tissu  conjonctif  des 
centres  nerveux  ne  s'éloigne  guère  de  la  structure  de  celui  des  autres  ré- 
gions. (Ranvier.  —  Sur  les  éléments  conjonctif  s  de  la  moelle  épinière.  In 
Comptes-rendus  de  V Académie  des  sciences,  décembre  1873).  La  névroglie  se 
compose  de  petits  faisceaux  conjonctifs  de  0mm  001  à  0mm  002  de  diamètre. 
«  Ils  ne  s'amastomosent  pas  entre  eux,  dit  M.  Ranvier,  mais  en  quelques 
points,  ils  s'entrecroisent  au  nombre  de  4,  5,  6,  7,  8  et  même  plus.  Au  ni- 
veau de  cet  entrecroisement,  il  y  a  souvent  un  noyau  rond  ou  ovalaire, 
muni  de  petits  nucléoles,  aplati  et  entouré  d'une  zone  granuleuse.  Avec  un 
bon  objectif  à  immersion,  donnant  un  grossissement  de  600  à  800  diamètres, 
il  est  facile  d'apprécier  tous  ces  détails  et  de  reconnaître  dans  la  zone  gra- 
nuleuse une  lame  de  protoplasma  qui,  avec  le   noyau,  constitue  une  petite 


HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE.  205 


II. 


Après  ces  préliminaires,  il  nous  devient  facile,  Messieurs, 
d'aborder  l'étude  des  altérations  histologiques  de  la  moelle 
dans  la  sclérose  en  plaques.  La  description  de  ces  altéra- 
tions que  nous  allons  vous  présenter  sera  fondée  surtout 
sur  les  résultats  des  investigations  auxquelles  nous  nous 
sommes  livrés  depuis  longtemps,  M.  Vulpian  et  moi.  Nous 
aurons  en  outre  plusieurs  fois  l'occasion  de  mettre  à  profit, 
après  contrôle,  les  recherches  faites  antérieurement,  ou 
depuis  lors,  sur  le  même  sujet,  par  Yalentiner  (1),  Rind- 
fleisch  (2),  Zenker  (3),  et  surtout  par  Frommann  (4)  qui,  à 
propos  de  l'examen  d'un  petit  fragment  de  moelle,  a  écrit 
un  gros  livre  accompagné  de  planches  remarquables  et 
riches  en  documents  précieux. 

Nous  décrirons  en  premier  lieu  ce  que  l'on  peut  observer  : 
1°  sur  des  coupes  transversales  ;  2°  sur  des  coupes  longitudi- 
nales, provenant  de  fragments  de  moelle  durcie  par  l'acide 
chromique  ;  nous  décrirons  ensuite,  d'après  l'examen  de 


cellule  plate  de  tissu  conjonctif.  Au-dessous  et  au-dessus  de  cette  cellule, 
les  petits  faisceaux  se  poursuivent.  Il  ne  me  paraît  pas  douteux,  ajoute 
M.  Ranvier,  que  cet  ensemble  ait  été  pris  pour  une  cellule  ramifiée;  mais 
c'est  là  une  erreur  qui,  j'en  suis  sûr,  sera  abandonnée  de  tous  ceux  qui  sui- 
vront exactement  la  même  méthode.  »  Sur  d'autres  points  des  mêmes  pré- 
parations, on  peut  observer  des  cellules  plates  isolées  ou  bien  des  entrecroi- 
sements sans  cellules,  dispositions  qui  ne  laissent  aucun  doute  sur  l'inter- 
prétation des  faits  précédents.  On  s'étonnera  moins  des  nombreuses  opinions 
contradictoires  émises  sur  la  névroglie,  si  on  se  rappelle  les  nombreuses 
discussions  qu'a  soulevé  la  structure  du  tissu  conjonctif  des  organes  péri- 
phériques, structure  qui  n'a  été  mise  en  lumière  que  par  des  recherches 
récentes  (Note  de  la  2e  édition). 

(1)  Valentiner. —  Deutsch.  Klinik.,  1836,  p.  149. 

(2)  Rindfleisch.  —  Virchow's  Ârchiv,    1863,  t.  XXVI,  p.  474. 

(3)  Zenker.  —  Zeisch.  der  Ration,  mediz.,  1863.  Bd.  XXIII  3.  Reih.,p.  226. 

(4)  Frommann.  —  2  theil.  Iena,  1867.  —  Voir  aussi  :  Rokitanskv;  Sit- 
zungsber.  —  R.  M.  Klasse,  t.  XIII,  1851,  p.  136;  —  Charcot  :  Soc.  de 
biologie,  1868  j  Bouchard  :  Soc.  anat.,  1868;  —  Hayem  :  Etudes,  etc.,  loc. 
c**.,p.  121. 


206  HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE. 

pièces  fraîches,  quelques  particularités  non  reconnaissantes 
sur  les  coupes  durcies.  Dans  les  deux  cas,  la  coloration 
des  parties  produites  à  l'aide  de  la  solution  ammoniacale 
de  carmin  sera,  comme  pour  les  recherches  relatives  à  l'état 
normal,  un  auxiliaire  d'une  grande  utilité,  et  qu'il  sera 
bon  de  mettre  en  œuvre. 

A.  Lorsque  l'on  examine  à  l'œil  nu  un  tronçon  de 
moelle  portant  une  plaque  de  sclérose,  il  semble  que  les 
parties  malades  se  séparent  des  parties  saines  d'une  manière 
heurtée,  sans  transition,  par  une  ligne  de  démarcation 
nettement  tranchée.  Or,  c'est  là  une  illusion.  L'étude  micros- 
copique, en  effet,  permet  de  constater,  même  à  de  faibles 
grossissements,  que  les  parties  saines,  en  apparence,  qui 
confinent  au  noyau  scléreux,  présentent,  dans  un  rayon 
d'une  certaine  étendue,  des  traces  d'altération  déjà  fort 
évidentes.  Si  l'on  franchit  la  limite  apparente  du  tissu  sain, 
les  lésions  se  montrent  pkis  accentuées  et  elles  se  pronon- 
cent progressivement,  de  plus  en  plus,  à  mesure  que  l'on 
approche  de  la  région  centrale  de  la  plaque,  région  où  elles 
acquièrent  leur  plus  haut  degré  de  développement.  En  pro- 
cédant ainsi  des  parties  périphériques  vers  les  parties  cen- 
trales, on  est  conduit  à  reconnaître  l'existence  de  plusieurs 
zones  concentriques,  répondant  aux  phases  principales  de 
l'altération  (1). 

a.  Dans  la  zone  périphérique,  on  observe  ce  qui  suit  :  les 
trabécules  du  réticulum  se  sont  notablement  épaissies  ; 
quelquefois,  elles  ont  acquis  un  diamètre  double  de  ce  qu'il 
est  dans  l'état  normal.  En  même  temps,  les  noyaux  qui 
occupent  les  nœuds  du  réticulum  sont  devenus  plus  volu- 
mineux; parfois  ils  se  sont  multipliés,  et  l'on  en  peut  comp- 
ter deux,  trois,  rarement  plus,  dans  chaque  nœud  (2)  ;  la 


(1)  Charcot.  —  Société  de  Biologie,  1868. 

(2)  Parfois  quelques-uns  de  ces  noyaux  présentent  vers  leur  partie  moyenne 
un  étranglement  qui  semble  indiquer  un  commencement  de  scission . 


HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE.  207 

forme  cellulaire  se  montre  là  plus  distincte  par  suite  de 
l'épaississement  des  trabécules;  les  tubes  nerveux  paraissent 
plus  distants  les  uns  des  autres  ;  en  réalité,  ils  ont  surtout 
diminué  de  volume,  et  cette  sorte  d'atrophie  s'est  laite  aux 
dépens  du  cylindre  de  myéline,  car  le  cylindre  d'axe  a  con- 
servé son  diamètre  normal  ou  même  il  s'est  hypertrophié. 
La  matière  amorphe,  qui  recouvre  de  toutes  parts  les  fibres 
du  rédculum,  parait  plus  abondante  que  dans  l'état 
sain  (1). 

h.  Les  tubes  nerveux,  dans  la  deuxième  zone,  que  l'on 
pourrait  appeler  zone  de  transition,  sont  devenus  encore 
plus  grêles.  Beaucoup  d'entre  eux  semblent  avoir  disparu  ; 
en  réalité,  ils  se  sont  seulement  dépouillés  de  leur  cylindre 
de  myéline  et  ne  sont  plus  représentés  que  par  le  cylindre 
d'axe  qui,  à  la  vérité,  a  parfois  acquis  des  dimensions  rela- 
tivement colossales  (2).  Quant  aux  trabécules  duréticulum, 
elles  offrent  des  altérations  non  moins  remarquables.  En 
effet;  elles  ont  plus  de  transparence,  leurs  contours  sont 
moins  accusés  ;  enfin,  en  certains  endroits  —  et  c'est  là  un 
fait  vraiment  fondamental  —  elles  sont  remplacées  par  des 
faisceaux  de  longues  et  minces  fibrilles,  fort  analogues  à 
celles  qui  caractérisent  le  tissu  conjonctif  ordinaire  (tissu 
lamineux).  Ces  fibrilles  sont  disposées  parallèlement  au 
grand  axe  des  tubes  nerveux  :  c'est  pourquoi  on  n'en  aper- 
çoit guère,  sur  les  coupes  transversales,  que  les  extrémités 
qui,  par  leur  réunion,  figurent  un  pointillé  très-fin.  Elles 
tendent,  nous  l'avons  dit,  à  se  substituer  aux  fibres  ou  tra- 
bécules du  réticulum  ;  mais,  en  outre,  elles  envahissent  les 
mailles  qui  contiennent  les  tubes  nerveux,  à  mesure  que 
ceux-ci  s'amoindrissent  en  se  dépouillant  de  leur  myéline, 
et,  en  conséquence,  l'aspect  réticulé  ou  alvéolaire  si  dis- 


(1)  Froramann,  2  theil,  pi.  II,  fîg.  1  etj)assùu. 

(2)  Frommann,  ChaT.cot. 


208  HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE. 

tinct  que  présente  à  l'état  normal  la  gangue  conjonctive  tend 
à  s'effacer  de  plus  en  plus  (1). 

c.  C'est  —  vous  le  savez  —  dans  la  région  centrale  de  la 
plaque  scléreuse  que  l'on  observe  les  altérations  les  plus 
prononcées.  Ici,  toute  trace  de  réticulum  fibroïde  a  disparu; 
on  ne  rencontre  plus  ni  trabécules  ni  formes  cellulaires  dis- 
tinctes ;  les  noyaux  sont  moins  nombreux,  moins  volumi- 
neux qu'ils  ne  l'étaient  dans  les  zones  périphériques  ;  ils  se 
sont  rétrécis  dans  tous  les  sens,  paraissent  comme  ratatinés 
et  ne  prennent  plus  sous  l'influence  du  carmin  une  colora- 
tion aussi  foncée  (2)  ;  on  les  retrouve,  çà  et  là,  formant  par- 
fois de  petits  groupes  dans  les  intervalles  que  laissent  entre 
eux  les  faisceaux  de  fibrilles.  Celles-ci,  d'ailleurs,  ont  tout 
envahi  ;  elles  comblent  maintenant  les  espaces  alvéolaires 
d'où  la  myéline  a  totalement  disparu.  Néanmoins  les  cylin- 
dres d'axe,  derniers  vestiges  des  tubes  nerveux,  persistent 
encore  en  certain  nombre,  entremêlés  aux  fibrilles  ;  mais 
ils  n'ont  plus,  en  général,  ce  volume  relativement  énorme 
qu'ils  avaient  quelquefois  dans  les  premières  phases  de 
l'altération  ;  la  plupart  même  se  sont  amoindris  à  tel  point 
qu'ils  ressemblent,  à  s'y  méprendre,  aux  filaments  fibril- 
laires  de  formation  nouvelle  dont  nous  apprendrons  cepen- 
dant tout  à  l'heure  à  les  distinguer. 

f  Tel  est,  Messieurs,  le  dernier  terme  du  processus  mor- 
bide, dans  la  forme  de  sclérose  qui  nous  occupe  ;  et  cette 
persistance,  pour  ainsi  dire  indéfinie,  d'un  certain  nombre 
de  cylindres  axiles  au  milieu  des  parties  qui  ont  subi,  au 
plus  haut  degré,  la  métamorphose  fibrillaire,  est,  —  remar- 
quez-le bien,  —  un  caractère  qui  paraît  appartenir  en  pro- 
pre à  la  sclérose  en  plaques  ;  elle  ne  s'observe  certainement 
pas,  du  moins  au  même  degré,   dans  les  autres  variétés  de 


(1)  Frommann,  2  theil.,  loc,  cit.,  pi.  IV,  fîg.  1,  2,  3. 

(2)  Frommann,  Charcot. 


HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE.  209 

l'induration  grise,  soit  qu'il  s'agisse  de  la  sclérose  spinale 
descendante,  consécutive  aux  lésions  du  cerveau,  ou  de 
celle  qui,  occupant  primitivement  les  cordons  postérieurs, 


Fig.  9.  —  Elle  représente  une  préparation  fraîche,  provenant  du  centie  d'une  plaque 
scléreuse,  colorée  parle  carmin  et  traitée  par  dilacération. Au  centre,  vaisseau  ca- 
pillaire portant  plusieurs  noyaux.  A  droite  et  à  gauche,  cylindres  d'axe,  les  uns  vo- 
lumineux, les  autres  d'un  très -petit  diamètre,  tous  dépouillés  de  leur  myéline.  Le 
vaisseau  capillaire  et  les  cylindres  d'axe  étaient  fortement  colorés  par  le  carmin. 
Les  cylindres  d'axe  ont  des  bords  parfaitement  lisses,  ne  présentant  aucune  rami- 
fication. Dans  l'intervalle  des  cylindres  d'axe,  minces  fibrilles  de  formation  récente, 
à  peu  près  parallèles  les  unes  aux  autres  dans  la  partie  droite  de  la  préparation, 
formant  à  gauche  et  au  centre,  une  sorie  de  réseau  résultant,  soit  de  l'enchevêtre- 
ment, soit  de  l'anastomose  des  fibrilles.  Celles-ci  se  distinguent  des  cylindres  d'axe  : 
1°  par  leur  diamètre  qui  est  beaucoup  moindre;  2°  par  les  ramifications  qu'elles  of- 
frent dans  leur  trajet;  3°  parce  qu'elles  ne  se  colorent  pas  par  le  carmin.  —  Çà  et 
là,  noyaux  disséminés.  Quelques-uns  paraissant  en  connexion  avec  les  fibrilles  con- 
jonctives ;  d'autres  ayant  pris  une  forme  irrégulière,  due  à  l'action  de  la  solution 
ammoniacale  du  carmin. 

est  considérée  à  juste  titre   comme  le  substratwn  anato- 
mique  de  l'ataxie  locomotrice  progressive. 

B.  Les  résultats  de  l'examen  des  coupes  longitudinales 
confirment,  dans  leur  ensemble,  les  données  qui  viennent 
de  vous  être  exposées  ;  je  puis  donc  vous  épargner  de  plus 

Charcot,  t.  i,  3e  éd.  14 


210  HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE. 

longs  détails,  et  me  borner  aux  remarques  suivantes  qui 
vous  feront  mieux  connaître,  sous  quelques  rapports,  le 
tissu  fibrillaire  de  formation  nouvelle.  C'est  sur  les  coupes 
de  ce  genre  que  l'on  saisit  bien  les  caractères  de  ce  tissu, 
que  l'on  peut  le  mieux  apprécier  la  direction  longitudinale 
des  fibrilles,  leur  aspect  brillant  qui  les  fait  ressembler  aux 
fibres  élastiques,  leur  agencement  sous  forme  de  faisceaux 
légèrement  ondulés  et  toujours  parallèles.  En  dilacérant 
ces  faisceaux,  on  reconnaît  que  les  fibrilles  qui  les  compo- 
sent.sont  extrêmement  ténues,  qu'elles  sont  opaques,  lisses, 
qu'elles  se  divisent  et  s'anastomosent  rarement,  tandis 
qu'elles  s'entrelacent,  au  contraire,  et  s'intriquent  fré- 
quemment de  manière  à  figurer  une  espèce  de  feutrage, 
qu'enfin  elles  se  colorent  à  peine  sous  l'influence  du  car- 
min {Fig.  9).  Ces  derniers  caractères  les  différencient  suffi- 
samment des  cylindres  d'axe  qui,  d'ailleurs,  sont  en  géné- 
ral plus  volumineux,  translucides  et  ne  se  ramifient  jamais. 
Elles  peuvent  aussi  se  distinguer  aisément  des  fibres  du 
réticulum  avec  lesquelles  elles  se  trouvent  quelquefois  en- 
tremêlées en  ce  que  ces  dernières  sont  plus  épaisses,  plus 
courtes  et  constamment  hérissées  sur  leurs  bords  de  pro- 
longements rameux  ;  elles  diffèrent  enfin  des  fibres  élasti- 
ques que  l'on  trouve  si  souvent  mêlées  au  tissu  conjonctif 
ordinaire  par  un  caractère  important  :  elle  se  gonflent  sous 
l'influence  de  l'acide  acétique  et  forment  une  masse  hyaline, 
transparente,  ce  qui  n'a  pas  lieu  pour  les  fibres  élasti- 
ques (1). 

Peut-on  entrer  plus  avant  dans  l'étude  de  ces  fibrilles  et 
chercher  à  saisir  leur  mode  de  formation  ;  se  produisent- 
elles,  par  exemple,  comme  le  veut  M.  Frommann,  en  par- 
tie dans  l'épaisseur  même  des  fibres  du  réticulum  qu'elles 
doivent  remplacer  bientôt,  en  partie  aux  dépens  des  cellu- 
les et  des  noyaux  de  la  névroglie  ?  Naissent-elles,  au  con- 


(l)  Valentiner.  Zenker,   loc.  cif.   —  Vulpiarç.  —  Cours  de   la  Faculté, 
1808. 


HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE.  211 

traire,  comme  d'autres  le  pensent,  soit  de  la  matière  amor- 
phe préexistante,  soit  d'un  blastème  nouvellement  formé  ?  Y 
a-t-il  là,  en  d'autres  termes,  métamorphose  ou  substitution  ? 
La  question,  croyons-nous,  doit  rester  encore  indécise  ; 
tout  ce  que  nous  pouvons  dire  à  cet  égard,  c'est  que  les 
fibrilles  nous  ont  semblé  parfois  prendre  racine  dans  la 
substance  des  noyaux  ou  des  cellules,  et  que  ce  fait,  s'il 
était  confirmé,  pourrait  être  invoqué  à  l'appui  de  la  thèse 
soutenue  par  M.  Frommann. 

Je  ne  puis  passer  sous  silence  les  altérations  diverses  que 
subissent  les  vaisseaux  sanguins  qui  traversent  les  plaques 
de  sclérose,  altérations  qui  peuvent  être  bien  étudiées  sur 
les  coupes  longitudinales  après  durcissement  par  l'acide 
chromique.  A  l'origine,  c'est-à-dire  dans  les  zones  périphé- 
riques, les  parois  cle  ces  vaisseaux,  même  celles  des  plus 
fins  capillaires,  se  montrent  plus  épaisses  et  renferment  un 
plus  grand  nombre  de  noyaux  qu'à  l'état  normal.  Plus  près 
du  centre  de  la  plaque,  les  noyaux  se  sont  multipliés  en- 
core et,  de  plus,  la  tunique  adventice  se  trouve  remplacée 
par  plusieurs  couches  de  fibrilles  en  tout  semblables  à  celles 
qui  se  sont  développées  simultanément  dans  l'épaisseur  du 
réticulum  (1).  Enfin,  au  dernier  terme,  les  parois  sont  de- 
venues tellement  épaisses  que  le  calibre  du  vaisseau  s'en 
trouve  notablement  rétréci  (2). 

Je  dois  signaler  aussi,  en  passant,  la  présence  habituelle 
d'un  certain  nombre  de  corps  amyloïdes  au  milieu  du  tissu 
fibrillaire.  Mais  je  dois  faire  remarquer,  en  même  temps, 
comme  un  fait  singulier,  que  ces  corps  sont  toujours  moins 
abondants  dans  la  sclérose  en  plaques  que  dans  les  autres 
variétés  de  l'induration  grise. 

C.  Ce  n'est  pas  toujours  sans  difficulté  que  l'on  par- 
vient à  retrouver,  sur  les  pièces  qui  n'ont  pas  été  prépa- 


(1)  Vulpian.  —  Cours  de  la  Faculté'. 

(2)  Frommann,  loc.  cit. 


212  HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE. 

rées  par  l'acide  chromique,  tous  les  détails  que  je  viens  de 
vous  faire  connaître.  Par  contre,  les  pièces  fraîches  offrent 
cet  avantage  qu'elles  permettent  de  constater  certaines  al- 
térations, qui  passeraient  certainement  inaperçues  si  l'on 
s'en  tenait  exclusivement  à  l'examen  des  pièces  durcies.  Je 
fais  allusion  ici  à  l'existence  de  globules  et  de  granulations 
d'apparence  graisseuse  ou  médullaire  que  l'on  rencontre  à 
peu  près  constamment  (1)  en  nombre  plus  ou  moins  consi- 
dérable, dans  l'épaisseur  des  parties  sclérosées,  à  l'état 
frais,  et  qui  ne  tardent  pas  à  disparaître  sans  laisser  de 
traces,  lorsque  la  préparation  a  séjourné  quelque  peu  dans 
l'acide  chromique.  Or,  Messieurs,  la  présence  de  ces  gra- 
nulations graisseuses  se  rattache  à  une  phase  importante  du 
processus  morbide;  je  veux  parler  de  la  destruction  des 
tubes  nerveux.  Toutefois,  avant  d'entrer  dans  les  dévelop- 
pements relatifs  à  ce  point,  je  crois  utile  de  prendre  les 
choses  d'un  peu  plus  loin  et  de  vous  remettre  en  mémoire, 
par  une  description  sommaire  où  je  veux  chercher  surtout 
des  termes  de  comparaison,  les  modifications  de  structure 
que  subissent  les  nerfs  périphériques  alors  que,  par  une 
section  complète,  ils  ont  été  séparés  des  centres  nerveux. 
Au  préalable,  je  vous  rappellerai  que,  dans  les  nerfs  pé- 
riphériques, les  tubes  nerveux  sont  essentiellement  consti- 
tués, comme  dans  la  moelle  épinière,  par  un  cylindre  de 
matière  médullaire  ou  myéline  et  par  un  cylindre  d'axe  ; 
mais  qu'ils  possèdent,  en  outre,  une  gaîne  conjonctive,  la 
gaîne  de  Schwann  qui,  d'après  les  recherches  les  plus  ré- 
centes (2),  paraît  ne  pas  exister  sur  les  tubes  plus  grêles 
des  centres  nerveux,  ou  ne  s'y  montrer  tout  au  moins  qu'à 


(1)  Le  fait  est  du  moins  signalé  par  tous  les  auteurs  qui  ont  examiné  des 
pièces  fraîches  (Valentiner,  Rindfleisch).  Il  n'a  manqué  dans  aucun  des  cas 
que  j'ai  examinés  dans  les  mêmes  circonstances.  Voyez  aussi  Rokitansky, 
in  Bericht  der  Akad.  der  Wissench  m  Wien,  t.  XXIV,  1857. 

(2)  Frey.  —  Hanluch  der  histologie,  etc.,  2e  édit.,  p.  354,  Leipsig.  — 
Schultze,  De  retins  structura,  1867,  p.  22.  —  Kolliker.  —  CfeweMehre,  5e  édit., 
1867,  t.  IV,  p.  257. 


HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE.  213 

l'état  rudimentaire  (1).  Vous  reconnaîtrez  dans  un  instant  que 
cette  particularité  anatomique,  insignifiante  en  apparence, 
n'est  pas  dénuée  d'intérêt  au  point  de  vue  qui  nous  occupe. 
Voici  maintenant  l'indication  des  phénomènes  sur  les- 
quels j'ai  voulu  appeler  particulièrement  votre  attention  : 
huit  ou  dix  jours  après  la  section  du  nerf,  il  se  produit  une 
sorte  de  coagulation  de  la  substance  médullaire  du  tube  ner- 
veux, en  petites  masses  plus  ou  moins  irrégulièrement  glo- 
buleuses, à  bords  ondulés,  sombres,  présentant  un  double 
contour  et  ayant  conservé,  par  conséquent,  tous  les  carac- 
tères optiques  de  la  myéline.  Les  jours  suivants,  la  seg- 
mentation faisant  de  nouveaux  progrès,  la  gaine  de  Sclrwann 
de  chaque  tube  nerveux  renferme  bientôt,  non  plus  des 
masses  irrégulières  de  myéline,  mais  bien  des  gouttes  pré- 
sentant l'aspect  et  les  caractères  microchimiques  de  la  graisse. 
Ces  gouttes,  d'abord  assez  grosses,  deviennent  progressive- 
ment, par  suite  de  la  division  qui  continue  à  s'y  opérer,  de 
plus  en  plus  petites,  et  finalement  elles  sont  remplacées  par 
des  granulations  très-fines  ressemblant  à  une  poussière  qui 
remplirait  la  gaine  conjonctive.  Des  granulations  plus  pâ- 
les, de  nature  protéique,  se  trouvent  en  certaine  proportion 
mêlées  aux  précédentes  ;  enfin,  globules  et  granulations 
disparaissent,  et  la  gaine  de  Sclrwann,  revenue  sur  elle- 
même,  se  plisse  si  bien  que,  lorsqu'on  examine  un  certain 
nombre  de  fibres  nerveuses  juxtaposées,  ainsi  altérées,  on 
croirait  voir,  sur  le  champ  du  microscope,  un  faisceau 
de  tissu  conjonctif  filamenteux.  Que  devient  pendant  ce 
temps  le  cylindre  d'axe?  Composé  surtout  de  matière  pro- 
téique, il  résiste  longtemps  à  l'action  des  causes  qui  ont 
détruit  la  myéline,  car  on  le  retrouve  encore  parfois,  dans 
la  gaine,  plusieurs  semaines  ou  même  plusieurs  mois  après 
la  section  du  tronc  nerveux  (2). 


(1)  Vulpian.  —  Leçons  sur  la  physiologie,  etc  ,  p    316. 

(2)  Voyez  :  Vulpian. — Leçons  surla physiologie,  p.  237,298;  —  Rindfleisch, 
Lehrbuchder  pathologisch.  Greweèelehre,  p.  10  et  20,  1866. 


2114  HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE. 

En  résumé,  dans  les  conditions  de  nouvelle  nutrition  où 
se  trouvent  placés  les  tubes  nerveux  par  suite  de  la  section 
du  nerf,  la  matière  médullaire  se  coagule,  puis  se  désagrège 
et  donne  naissance,  d'un  côté,  à  des  molécules  protéiques, 


Fig.  10.  —  Plaque  de  sclérose  à  l'état  frais.  —  a,  gaine  lymphatique  d'un  vaisseau 
distendue  par  des  gouttelettes  graisseuses  volumineuses.  —  b.  vaisseau  coupé  trans- 
versalement. La  tunique  adventice  est  séparée  de  la  gaine  lymphatique  par  un  es- 
pace vide,  les  gouttelettes  graisseuses  qui  distendaient  la  gaine  ayant  disparu.  — 
c,  c,  gouttelettes  graisseuses,  groupées  en  petits  amas  disséminés  çà  et  là  dans  la 
préparation,  en  dehors  des  vaisseaux. 

de  l'autre,  à  des  corpuscules  qui  conservent  d'abord  les  ap- 
parences de  la  myéline,  mais  qui,  en  conséquence  d'une  mo- 
dification ultérieure,  présentent  bientôt  tous  les  caractères 
des  gouttelettes  ou  des  granulations  graisseuses  (1). 


(l)  Suivant  Robin,  la  myéline  est  une  substance  particulièrement  riche  en 
principes  gras,  et  sous  ce  rapport  elle  peut  être  rapprochée  du  contenu  des 
vésicules  adipeuses  {Journal  de  l'anatomie,  1868,  n°  3,  p.  309).  —  Walter 


HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE.  21 5 

Revenons  maintenant  aux  plaques  de  sclérose.  Nous 
avons  à  étudier  là  des  phénomènes  pour  le  moins  fort  ana- 
logues à  ceux  dont  je  viens  de  vous  entretenir. 

Dans  l'épaisseur  du  foyer  sclérosé,  sur  les  pièces  fraîches, 
on  rencontre  à  peu  près  constamment,  nous  l'avons  dit 
déjà,  et  souvent  en  proportion  considérable,  des  globule:; 
ou  granules,  offrant  d'une  manière  générale,  l'apparence  des 
corps  gras;  ces  globules  se  présentent  sous  deux  aspects 
principaux  :  les  uns  figurent  des  masses  relativement  volu- 
mineuses, dont  les  bords  sombres,  sinueux,  dessinent,  soil 
la  forme  d'un  globule  ovalaire  irrégulier,  soit  celle  d'une 
massue,  quelquefois  d'un  rein  (Fig.  W).  Ils  offrent  comme 
la  myéline,  dont  ils  se  rapprochent  du  reste  encore  par 
d'autres  caractères,  Un  double  contour.  Les  autres  sont  de 
véritables  gouttelettes  ou  granulations  graisseuses,  tantôt 
libres ,  tantôt  agglomérées  de  manière  à  constituer  des 
amas  confus  ou  des  agrégats  cohérents,  autrement  dit  de  s 
corps  granuleux  dépourvus  de  noyau  et  de  membrane  en- 
veloppante (1).  Des  molécules  protéiques  se  trouvent  mêlée  I, 
par  places,  à  ces  diverses  granulations.  Tous  ces  produii  I 
ressemblent  exactement,  vous  le  voyez,  à  ceux  qui  résul- 
tent de  la  désagrégation  de  la  myéline,  dans  le  cas  de  la 
section  d'un  cordon  nerveux. 

Poursuivons  les  analogies:  sur  les  coupes  longitudinal* 
que  je  vous  présente,  on  voit,  en  certains  points,  les  gra~ 


{Virchom,s  Àrchiè,  20,  426)  a  émis  l'opinion  qu'elle  est  constituée  par  iili 
amalgame  ou  mélange  de  corps  gras  et  de  corps  albuminoïdes  qui  ne  fe- 
raient que  se  dissocier  dans  le  cas  de  la  dégénération  des  tubes  nerveux.  — 
Sur  ce  sujet,  voyez  encore  Rindfleisch,  loc.  cit.j,  p.  20,  §  52, 

(l)  En  outre  de  ces  corps  granuleux  proprement  dits  {Fettkornchen  Ag- 
glomérats), on  peut  trouver,  dans  les  plaques  de  sclérose,  des  corps  granu- 
leux ayant  un  noyau  qui  se  colore  par  le  carmiu  et  une  membrane  d'enve- 
loppe  [Fettkornchen  Zelleii)  ;  ces  derniers  ne  sont  autres  que  des  cellules 
de  la  névroglie  ayant  subi  la  dégénération  granuleuse.  —  Voir  sur  la  dis- 
tinction à  établir  entre  les  diverses  espèces  de  corps  granuleux  :  I.  Pou- 
meau,  Thèse  de  Paris,  1866.  — Rokitansky. —  Bericht  der  Akad.d.  Wiss. 
m.  Wien..  t.  XXIV,  1857.  —  Wedl. —  Èudim.  ofpath.  Histology,  p.  292. 
London,  1853. 


216  HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE. 

nulations  graisseuses  disposées  sous  forme  de  longues  traî- 
nées parallèles  à  la  direction  des  tubes  nerveux  (1)  ;  sur  les 
coupes  transversales,  elles  constituent  çà  et  là  de  petits 
amas  séparés  en  îlots,  qui  correspondent  assez  exactement 
au  siège  des  alvéoles.  A  la  vérité,  le  plus  habituellement, 
les  granulations  ont  franchi  les  limites  de  celles-ci  et  se 
sont  répandues  dans  les  tissus  voisins.  Mais  cela  n'a  rien 
qui  puisse  surprendre  lorsque  l'on  sait  que  les  tubes  ner- 
veux de  la  moelle  sont  dépourvus  de  cette  gaine  celluleuse 
ou  gaine  de  Schwann,  qui,  dans  les  nerfs  sectionnés,  con- 
tient de  toutes  parts  les  produits  de  la  désagrégation  de  la 
myéline.  Les  mailles  du  réticulum  et  les  interstices  des 
fibrilles  offrent  d'ailleurs  des  voies  faciles  par  lesquelles  les 
gouttes  de  myéline,  ainsi  que  les  granulations  graisseuses, 
pourront  s'infiltrer  et  se  répandre  au  loin  (2). 

En  dernier  lieu,  nous  ferons  remarquer  que  les  masses 
d'apparence  médullaire  et  les  granulations  graisseuses  ne 
se  rencontrent  jamais  au  centre  de  la  plaque  de  sclérose, 
c'est-à-dire  dans  les  régions,  où  la  métamorphose  fibrillaire 
et  le  travail  de  destruction  des  tubes  nerveux  sont  terminés. 
Au  contraire,  elles  occupent  toujours  les  parties  les  plus 
extérieures  de  la  plaque  (3),  ou,  autrement  dit,  les  zones 
périphériques  ou  de  transition.  Or,  sur  ces  points,  vous  le 
savez,  le  processus  morbide  est  en  pleine  activité  :  c'est  là, 
en  effet,  que,  comprimé  de  tous  côtés  et  étouffé  par  les  tra- 
bécules  du  réticulum  qui  se  sont  épaissies,  et  plus  tard,  par 
les  faisceaux  fibrillaires  qui  tendent  à  envahir  les  alvéoles, 
le  cylindre  médullaire  s'amoindrit  progressivement,  puis 
disparaît,  le  tube  nerveux  n'étant  plus  représenté  finale- 
ment que  parle  cylindre  d'axe.  L'accumulation  des  goutte- 
lettes médullaires  ou  graisseuses  et  la  destruction  du  cy- 

(1)  Il  n'est  pas  rare  de  rencontrer,  au  milieu  des  fibrilles,  des  cylindres 
d'axe  en  partie  dénudés,  mais  auxquels  adhèrent  encore  çà  et  là  des  masses 
globuleuses  ayant  l'apparence  de  la  myéline. 

(2)  Charcot.  —  Société  de  Biologie,  1868. 

(3)  Ibidem. 


HISTOLOGIE  PATHOLOGIQUE.  217 

lindre  de  myéline  ont  donc  lieu  simultanément;  on  peut 
même  ajouter  qu'elles  procèdent  du  même  pas,  puisque 
celle-là  cesse  de  se  produire  lorsque  celle-ci  est  définitive- 
ment accomplie.  Evidemment  la  coexistence  des  deux  phé- 
nomènes ne  saurait  être  fortuite,  et  tenant  compte  de  tout 
ce  qui  précède,  il  nous  parait  légitime  de  conclure  que  les 
corpuscules  médullaires  et  graisseux  en  question  ne  sont 
autres  que  les  débris,  les  détritus  provenant  de  la  désagré- 
gation de  tubes  nerveux  (1). 

Que  deviennent,  par  la  suite,  ces  granulations  graisseuses? 
Elles  disparaissent  vraisemblablement  par  voie  de  ré- 
sorption; vous  savez  qu'on  n'en  retrouve  plus  les  traces 
dans  les  parties  centrales  des  foyers  scléreux.  C'est  ici  le 
lieu  de  signaler  à  votre  attention  un  phénomène  qui  se 
rattache,  sans  aucun  doute,  au  phénomène  de  cette  résorp- 
tion. Ainsi  que  vous  pourrez  le  constater  sur  les  prépara- 
tions que  je  vais  faire  passer  sous  vos  yeux,  dans  les  par- 
ties où  se  rencontrent  les  produits  de  la  désagrégation  des 
tubes  nerveux,  les  gaines  lymphatiques  des  petits  vaisseaux 
renferment  dans  leur  cavité,  en  proportion  variable,  soit 
des  granulations  graisseuses,  soit  même,  bien  que  plus  ra- 
rement, des  corpuscules  présentant  les  caractères  de  la 
myéline.  En  certains  points,  ces  divers  produits  sont  telle- 
ment abondants  que  les  gaines  lymphatiques  sont  disten- 
dues à  l'excès  ;  les  vaisseaux  paraissent  alors  avoir  acquis 
un  volume  double  ou  triple  de  ce  qu'il  est  à  l'état  normal, 
et  ils  se  dessinent  sous  forme  de  petites  traînées  blanches, 
visibles  à  l'œil  nu,  sur  le  fond  gris  de  la  plaque  sclérosée. 
Cependant  les  tuniques  elles-mêmes  de  ces  vaisseaux  n'of- 
frent pas  d'autres  altérations  que  celles  qui  ont  été  indi- 
quées plus  haut  et  qui  n'ont  certainement  aucun  rapport 
avec  la  dégénération  athéromateuse.  En  somme,  il  s'agit  là 
d'une  infiltration  graisseuse  consécutive  des  gaines  lym- 


(l)  Cette  opinion  a  été  formulée   déjà  très-nettement  par  Rokitansky,  en 
1858.  (Bericht,  etc.,  loc.  cit.,  1857.) 


218  DÉGÉNÉRATION   JAUNE  DES  CELLULES. 

« 

pratiques  et  nullement  d'une  lésion  primitive  des  parois 
vasculaires.  Le  même  phénomène  se  retrouve  dans  le  ra- 
mollissement cérébral  par  oblitération  artérielle ,  dans  la 
plupart  des  formes  de  la  sclérose  primitive  ou  secondaire, 
et,  en  un  mot,  dans  des  affections  des  centres  nerveux  très- 
diverses,  mais  qui  ont  toutefois  ceci  de  commun,  qu'elles 
déterminent  la  dégénération  graisseuse  des  tubes  nerveux. 
Le  véritable  caractère  de  ce  phénomène  paraît  avoir  été 
soupçonné  par  Gull  (1)  et  par  Billroth  (2)*  mais  il  a  été  mis 
en  lumière  surtout  par  M.  Bouchard,  dans  ses  belles 
études  sur  les  dégénérations  secondaires  de  la  moelle  épi- 
nière  (3). 

La  description,  qui  vient  de  vous  être  présentée,  de  l'alté- 
ration scléreuse  en  plaques  disséminées  est  surtout  rela- 
tive à  la  substance  blanche,  mais  elle  peut  s'appliquer 
également,  d'une  manière  générale  au  moins,  à  la  substance 
grise.  Dans  les  deux  substances,  en  effet,  la  névroglie  est 
faite  sur  le  même  modèle,  et  les  altérations  qui  s'y  produi- 
sent ne  diffèrent  pas  essentiellement.  Aussi  ne  donnerai-] e, 
d'après  les  observations  que  j'ai  pu  faire,  une  mention  spé- 
ciale qu'aux  modifications  qu'éprouvent  les  cellules  ner- 
veuses, lorsque,  par  suite  de  l'envahissement  de  la  subs- 
tance grise ,  elles  se  trouvent  comprises  dans  l'aire  d'une 
plaque  de  sclérose.  Ces  cellules  ne  sont  pas  le  siège  d'une 
prolifération  nucléaire,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  dans 
les  mêmes  circonstances  pour  les  cellules  conjonctives  dont 
les  noyaux  se  multiplient  habituellement,  et  c'est  même  là 
un  caractère  qui*  au  besoin,  conduirait  à  distinguer  l'un  de 
l'autre  les  deux  ordres  d'éléments  ;  elles  subissent  une  alté- 
ration particulière  qu'on  pourrait  désigner  du  nom  de  dégé- 
nération îaunei  en  raison  de  la  coloration  ocreuse,  parfois 

(1)  Cases  of  Paraplegia.  In  Guy  s  Eosp.  Reports,  3e  sér.;  1858,  t.  IV. 

(2)  Arch.  der  Heilkunde,  3  jahr.,  p.  47. 

(3)  Bouchard.  —  Arch.  gén.  de  mfd.,  mars  et  avril  1866  ;  Thèse  de  Paris, 
1867,  p.  44. 


.NATURE   DE  LA   LÉSION.  219 

assez  prononcée,  qu'elles  présentent  ;  elle»-  éësSèlit  d'être 
vivement  coldfrëes  par  le  carmin  comme  dans  l'état  normal; 
le  noyau  et  le  nucléole  paraissent  formés  d'une  substance 
d'aspect  vitreux,  brillante.  11  en  est  de  même  du  corps  de 
cellule  qui,  en  outre,  semble  composé  de  couches  concen- 
triques. Enlin,  une  atrophie,  capable  d'amener  une  dimi- 
nution de  volume  relativement  considérable,  s'empare  de 
toutes  les  parties  de  la  cellule  en  même  temps  que  des  pro- 
longements cellulaires  se  ïlétrissent  et  disparaissent  (1). 

Dans  l'encéphale,  et  aussi  sur  les  neris  optique  et  olfac- 
tif, les  plaques  de  sclérose  présentent  essentiellement  le 
même  caractère  que  dans  la  moelle,  et  nous  ne  croyons  pas 
qu'il  soit  utile  d'entrer,  à  cet  égard,  dans  de  nouveaux  dé- 
tails. 

Parvenus  au  terme  de  cette  étude,  nous  pouvons  essayer 
de  rétablir,  dans  l'ordre  naturel  de  leur  succession,  les  phé- 
nomènes qui  composent  l'altération  dont  il  s'agit,  et  cher- 
cher ainsi  à  reconnaître  le  mode  pathologique  suivant  le- 
quel cette  altération  se  constitue. 

Incontestablement,  la  multiplication  des  noyaux  et  l'hy- 
perplasie  concomitante  des  fibres  réticulées  de  la  névro- 
glie sont  le  fait  initial,  fondamental,  l'antécédent  néces- 
saire; l'atrophie  dégénérative  des  éléments  nerveux  est 
secondaire,  consécutive;  elle  a  déjà  commencé  à  se  pro- 
duire lorsque  la  névroglie  fait  place  au  tissu  fibrillaire, 
bien  qu'elle  marche  alors  d'un  pas  plus  rapide.  L'hyperpla- 
sie  des  parois  vasculaires  ne  joue  ici  qu'un  rôle  accessoire. 

En  quoi  consiste  l'affection  de  la  névroglie  qui  marque  le 
début  de  cette  série  de  désordres?  Il  est  facile  d'y  retrouver 
tous  les  caractères  de  l'irritation  formatrice.  Mais,  après 
avoir  reconnu  que  la  sclérose  en  plaques  est  une  myélite  ou 
une  encéphalite  interstitielle  chronique  primitive  et  unilo- 


(l)  Frommaim,  loc.  cit.   —  Vulpian.  —  Cours  de   la  Faculté,  1868. 
Charcot.  —  Soc.  de  Biolog.,  1868. 


220  NATURE  DE  LA  LÉSION. 

bulaire,  il  nous  restera  à  déterminer  les  caractères  histo- 
logiques  qui  la  distinguent  des  autres  formes  de  la  sclérose 
des  centres  nerveux,  et  aussi  de  plusieurs  espèces  de  myé- 
lite ou  d'encéphalite  qui,  prenant  également  leur  point  de 
départ  dans  la  névroglie,  n'aboutissent  pas  néanmoins  à  la 
métamorphose  fibrillaire.  Nous  entreprendrons  en  temps 
opportun  de  remplir  cette  tâche.  Pour  le  moment,  Mes- 
sieurs, nous  avons  hâte  de  laisser  Fanatomie  pathologique 
pour  la  clinique,  et  de  vous  montrer  par  quel  appareil  de 
symptômes  se  révèle  la  sclérose  en  plaques  des  centres  ner- 
veux (1). 


75), 

un  des  élèves  de  M.  Charcot,  M.  Debove,  est  venu  modifier  les  idées  géné- 
ralement admises  sur  l'histologie  de  la  sclérose  en  plaques.  D'après  ses  re- 
cherches, les  parties  sclérosées  seraient  formées  de  fibrilles  et  de  cellules  pla- 
tes, en  tout  semblables  aux  cellules  du  tissu  conjonctif  ordinaire.  Il  est  arrivé 
à  cette  démonstration  par  le  procédé  des  injections  interstitielles. 

Ces  faits  n'étaient  guère  d'accord  avec  ce  que  l'on  croyait  savoir  de  la 
structure  de  la  névroglie  (voir  la  note  p.  204),  lorsque  M.  Ranvier  démon- 
tra que  le  tissu  conjonctif  des  centres  nerveux  de  diffère  pas  essentiellement 
de  celui  des  autres  organes  :  la  seule  particularité  frappante  est,  suivant 
M.  Ranvier,  le  petit  diamètre  des  faisceaux  fibrillaires.  (Note  de  la  2e  édi- 
tion.) 


SEPTIÈME    LEÇON 

De  la  sclérose  en  plaques  disséminées. 
Symptomatologie. 


Sommaire.  —  Diversité  d'aspect  de  la  sclérose  en  plaques  disséminées,  au 
point  de  vue  clinique.  —  Causes  d'erreurs  de  diagnostic. 

Examen  clinique  d'un  cas  de  sclérose  en  plaques.  —  Du  tremblement  ;  mo- 
difications qu'il  impose  à  l'écriture  :  caractères  qui  le  font  distinguer  du 
tremblement  de  la  paralysie  agitante,  de  la  chorée,  de  la  paralysie  géné- 
rale et  de  l'incoordination  motrice  de  l'ataxie. 

Symptômes  céphaliques.  —  Troubles  de  la  vue  :  diplopie,  amblyopie,  nys- 
tagmus.  —  Embarras  de  la  parole.  —  Vertiges. 

Etat  des  membres  inférieurs.  —  Parésie.  —  Rémissions.  —  Absence  de 
troubles  de  la  sensibilité.  —  Immixtion  de  symptômes  insolites  :  symp- 
tômes tabétiques  ;  atrophie  musculaire.  —  Contracture  permanents.  ■ — 
Epilepsie  spinale. 


Messieurs, 

Nous  avons  décrit  minutieusement,  clans  la  leçon  précé- 
dente, les  lésions  anatomiques  de  la  sclérose  multiloculaire 
des  centres  nerveux.  Laissant  donc  de  côté  cette  partie  de 
son  histoire,  nous  allons  chercher  aujourd'hui  à  vous  faire 
connaître  l'appareil  de  symptômes  par  lequel  elle  se  révèle. 

I. 

A.  Il  est  remarquable  qu'un  état  morbide  qui  possède  un 
substratum  anatomique  aussi  saisissant,  aussi  accusé,  et 
qui,  en  somme,  n'est  pas  rare,  ait  échappé  durant  un 
temps  si  long  à  l'analyse  clinique.  Rien  n'est  plus  simple 
cependant,  j'espère  vous  le  montrer,  que  de  caractériser, 
au  lit  du  malade,  l'affection  dont  il  s'agit,  du  moins  lors- 
qu'elle se  présente  dans  son  type  de  complet  développement. 


222  FORME  CÉRÉBRO-SPINALE. 

■  Si  l'on  recherche  quelles  ont  été  les  causes  qui  ont  pu 
retarder  l'apparition  de  la  sclérose  en  plaques  disséminées 
dans  les  systèmes  nosologiques  où  elle  doit  prendre  place 
à  côté  des  autres  formes,  mieux  connues,  de  la  sclérose  pri- 
mitive des  centres  nerveux,  il  convient  de  signaler  en  pre- 
mier lieu  la  diversité  d'aspects  sous  lesquels,  dans  la  cli- 
nique, il  est  possible  de  la  rencontrer:  c'est  là,  en  réalité, 
une  affection  polymorphe  par  excellence. 

L'étude  anatomo-pathologique  pouvait  déjà  faire  pres- 
sentir qu'il  en  serait  ainsi.  Vous  vous  rappelez  que  les 
plaques  ou  les  îlots  occupent  quelquefois  exclusivement  la 
moelle  ;  que  d'autres  fois  ils  prédominent  dans  les  hémis- 
phères et  le  bulbe  ;  qu'il  est  enfin  des  cas  dans  lesquels  ils 
sont  répandus  à  la  fois  dans  tous  les  départements  des  cen- 
tres nerveux.  Ces  variétés  de  siège  nous  ont  conduit  à  re- 
connaître, au  point  de  vue  anatomique,  les  trois  formes 
suivantes  :  forme  cêphalique,  forme  spinale,  forme  mixte 
ou  cérébro-spinale.  Il  était  aisé  de  prévoir  qu'à  chacune 
de  ces  formes  répondrait  un  ensemble  symptomatique  par- 
ticulier. 

B.  Concentrons  tout  d'abord,  si  vous  le  voulez  bien,  notre 
attention  sur  la  forme  cérébro-spinale  :  c'est  d'ailleurs  à 
tous  égards  la  plus  intéressante,  celle  que  vous  aurez  à 
observer  le  plus  souvent  dans  la  pratique.  Eh  bien  !  même 
considérée  dans  ce  seul  type,  l'affection  peut  prendre  des 
masques  très-variés.  Permettez-moi  de  vous  citer  à  l'appui 
de  cette  assertion  une  anecdote  que  me  racontait  tout  ré- 
cemment un  de  mes  collègues. 

Un  médecin  des  plus  distingués,  mais  peu  familiarisé  en- 
core aveG  la  symptomatologie  de  la  sclérose  en  plaques, 
était  venu  le  visiter  dans  le  service  de  clinique  dont  il  est 
actuellement  chargé.  Pour  lui  faire  honneur,  mon  collègue 
présenta  à  ce  médecin  un  cas  de  la  maladie  nouvelle  ;  c'était 
un  fort  beau  spécimen  de  la  forme  cérébro-spinale.  Le  ma- 


CAUSE  d'erreurs  de  diagnostic.  223 

Jade  quittant  son  lit  fit  quelques  pas  dans  la  salle.  «C'est  un 
ataxiqae,  s'écria  le  visiteur.  —  Peut-être,  répliqua  mon 
collègue  ;  mais  que  pensez-vous  des  mouvements  rhythr 
miques  dont  la  tète  et  les  membres  supérieurs  sont  agités? 
—  C'est  juste,  fit  le  visiteur.  Il  y  a  en  outre  de  la  chorée 
ou  peut-être  de  la  paralysie  agitante.  »  Le  malade  fut  en- 
suite interrogé.  Il  répondit  aux  questions  avec  un  embarras 
très-marqué  dans  la  prononciation,  en  scandant  les  syl- 
labes d'une  manière  toute  spéciale,  et  souvent  l'émission 
des  mots  était  précédée  d'un  léger  tremblement  des  lèvres. 
«  Je  comprends,  répartit  le  médecin,  vous  avez  voulu 
m'embarrasser  en  me  présentant  un  cas  des  plus  com- 
plexes. Yoici  maintenant  des  symptômes  qui  appartiennent 
à  la  paralysie  générale.  N'allons  pas  plus  loin  ;  votre  ma- 
lade réunit  peut-être  en  lui  la  pathologie  nerveuse  tout  en- 
tière. » 

Or,  Messieurs,  je  le  répète,  il  s'agissait  là  tout  simple- 
ment d'un  cas,  à  la  vérité  très-complet,  de  la  forme  cérébro- 
spinale de  la  sclérose  en  plaques. 

C.  La  paralysie  agitante  est  surtout  la  maladie  avec  la- 
quelle cette  forme  de  la  sclérose  en  plaques  a  été  le  plus 
longtemps,  et  est  encore,  sans  doute,  le  plus  fréquemment 
confondue.  Aussi,  est-ce  pour  ce  motif,  à  l'époque  où  nous 
nous  efforcions  de  faire  sortir  la  sclérose  en  plaques  du 
chaos  des  myélites  chroniques,  que  nous  engageâmes 
M.  Ordenstein,  alors  notre  élève,  à  opposer  dans  un  paral- 
lèle cette  affection  à  la  paralysie  agitante,  afin  de  mieux 
faire  ressortir  les  contrastes  (1).  On  sait  comment  M.  Or- 
denstein s'est  acquitté  de  cette  tâche,  et  je  n'hésite  pas  à 
déclarer  que  sa  dissertation  marque  un  progrès  sérieux  dans 
la  clinique  des  maladies  chroniques  du  système  nerveux. 

Dans  ces  derniers  temps,  M.  Baerwinkel,  médecin  dis- 


(l)  Sur  la  paralysie  agitante  et  la  sclérose  en  plaques  généralisées,  thèse  de 
Paris,  1867. 


224  cause  d'erreurs  de  diagnostic. 

tingué  de  Leipzig,  après  avoir  rapporté  un  exemple  très- 
intéressant,  du  reste,  de  sclérose  cérébro-spinale,  mais  où 
le  tremblement  paraît  avoir  fait  défaut,  ainsi  que  cela  se 
voit  quelquefois,  semble  insinuer  que  M.  Ordenstein  s'est 
créé  à  plaisir  des  difficultés  qui  n'existent  pas  en  réalité, 
pour  se  donner  la  facile  satisfaction  de  les  surmonter. 
Selon  lui,  il  n'y  aurait  aucune  analogie  entre  les  deux  ma- 
ladies. M.  Baerwinkel  aura  sans  doute  oublié  que  dans  le 
CanstaWs  Jahresbericht,  il  a  donné,  il  y  a  une  dizaine 
d'années,  l'analyse  d'un  cas  observé  à  la  clinique  de  Skoda, 
cas  dans  lequel  le  diagnostic  Paralysie  agitante  avait  été 
porté  pendant  la  vie  et  que,  à  l'autopsie,  on  trouva  des 
plaques  de  sclérose  disséminées  dans  toutes  les  parties  de 
l'axe  cérébro-spinal.  L'observation  paraît  avoir  été  re- 
cueillie avec  une  grande  fidélité  :  il  y  est  dit,  et  c'est  là  un 
point  qui  mérite  bien  d'être  relevé,  que  le  tremblement, 
contrairement  à  ce  qui  a  lieu  dans  la  paralysie  agitante 
ordinaire,  ne  se  montrait  que  lors  des  mouvements  volon- 
taires pour  cesser  à  l'état  de  repos  (1). 

M.  Baerwinkel  n'est  pas  non  plus  sans  avoir  pris  con- 
naissance du  fait  relaté  par  M.  Zenker  dans  le  journal  de 
Henle  :  ce  fut  encore  l'autopsie  qui  révéla  dans  ce  cas  l'exis- 
tence de  la  sclérose  multiloculaire  (2).  Pendant  la  vie,  le 
professeur  Hasse  avait  établi  le  diagnostic  :  paralysie  agi- 
tante et  néanmoins  on  insiste,  dans  la  description  sympto- 
matologique,  sur  la  nature  du  tremblement  qui  ne  se  pro- 
duisait que  sous  l'influence  des  émotions  ou  à  l'occasion  des 
mouvements  volontaires. 

Ces  exemples  suffisent,  je  pense,  pour  vous  montrer  que, 
malgré  l'opinion  de  M.  Baerwinkel,  la  confusion  est  pos- 
sible puisqu'elle  a  été  faite  par  des  cliniciens  dont  l'habileté 
est  au-dessus  de  toute  discussion. 


(1)  Vien.  med.  Halle,  III,  13,  1862. 

(2)  Zenker.  —  Zeitschrift  filr  mediz.  Band,  III,  Reihe,  1865,  p.  228. 


DU   TREMBLEMENT.  225 

Cela  posé,  je  suis  le  premier  à  reconnaître  que  les  mas- 
ques divers  pris  par  la  sclérose  en  plaques  sont  des  mas- 
ques grossiers  et  qu'aujourd'hui,  alors  que  des  travaux  ré- 
cents (1)  ont  éclairé  le  diagnostic,  il  n'est  guère  permis  de  s'y 
laisser  prendre.  Mais  il  est  temps,  Messieurs,  de  vous  met- 
tre à  même  de  distinguer  les  caractères  à  l'aide  desquels  on 
peut  séparer  la  sclérose  en  plaques  cérébro-spinale  des  ma- 
ladies qui  s'en  rapprochent  à  des  degrés  variables. 


IL 


Vous  n'ignorez  pas,  Messieurs,  ce  que  valent  ces  sympto- 
matologies  faites  à  grand  renfort  d'éloquence,  loin  du  lit 
des  malades.  Elles  ne  parviennent  guère,  quoi  qu'on  fasse, 
qu'à  faire  naître  des  images  sans  relief  et  qui  ne  laissent,  en 
général,  dans  l'esprit  de  l'auditeur,  qu'une  empreinte  vague 
et  passagère. 

Afin  d'éviter  autant  que  possible  de  tomber  dans  le  vice 
que  je  viens  de  signaler,  je  vais  procéder  devant  vous  à 
l'examen  méthodique  d'une  malade  qui  offre  réunis,  dans 
leur  plus  parfait  développement,  tous  les  symptômes  de  la 
sclérose  en  plaques  cérébro-spinale. 

Mademoiselle  V...,  âgée  de  31  ans,  est  atteinte  depuis 
huit  ans  environ  de  l'affection  qui  fait  l'objet  de  la  présente 
étude.  Admise  à  la  Salpétrière  il  y  a  trois  ans,  elle  m'a  été 
léguée,  par  M.  Yulpian,  lorsqu'il  a  quitté  cet  hospice,  et  il 
m'a  remis  en  même  temps  à  son  sujet,  une  observation  très- 
détaillée  et  des  plus  précieuses.  Le  début,  disons-nous,  re- 
monte à  huit  années,  c'est  donc  là  un  cas  déjà  ancien.  Je 
vous  parlerai  tout  à  l'heure  des  différentes  péripéties  qui  ont 

(l)  Bourneville  et  L.  Guérard.  —  De  la  sclérose  en  plaques  disséminées. 
Paris,  1869.  —  Bourneville.  —  Nouvelle  étude  sur  quelques  points  de  la  sclé- 
rose en  plaques  disséminées.  Paris,  1869. 

Charcot,  t.  i,  3e  éd.  15 


226  DU   TREMBLEMENT. 

signalé  les  phases  antérieures  de  révolution  des  symptômes. 
Pour  le  moment,  je  veux  me  borner  à  l'analyse  des  phéno- 
mènes de  l'état  actuel. 

Un  symptôme  qui  vous  a  sans  doute  tous  frappés  dès  le 
premier  abord,  lorsque  vous  avez  vu  la  malade  entrer, 
soutenue  par  un  aide,  c'est  sans  conteste  le  tremblement 
rhythmique  tout  spécial  dont  sa  tête  et  ses  membres  étaient, 
pendant  la  marche,  violemment  agités. 

Vous  avez  constaté  également  que,  lorsque  la  malade  se 
fut  assise  sur  une  chaise,  le  tremblement  a  disparu  aussi- 
tôt d'une  manière  complète  dans  les  membres  supérieurs  et 
inférieurs,  mais  en  partie  seulement  à  la  tête  et  au  tronc. 
J'insiste  sur  ce  dernier  point  en  vous  faisant  remarquer  que 
la  nouvelle  attitude  prise  par  la  malade  est  loin  d'équivaloir 
pour  les  muscles  du  tronc  et  du  cou,  à  un  repos  absolu.  D'ail- 
leurs, il  faut  tenir  compte  de  l'émotion  qui  joue  ici  incontes- 
tablement un  certain  rôle.  J'aurai  l'occasion  de  vous  pré- 
senter mademoiselle  V...  au  lit,  et  abandonnée  à  un  repos 
complet  cette  fois  ;  vous  pourrez  vous  assurer  alors  de  l'ab- 
sence de  toute  trace  de  tremblement  dans  les  diverses  par- 
ties du  corps.  Pour  faire  reparaître  l'agitation  rhythmi- 
que dans  tout  le  corps,  il  va  suffire  d'engager  la  malade  à 
se  lever  de  son  siège.  Pour  la  faire  reparaître  seulement 
d'une  manière  partielle,  dans  un  des  membres  supérieurs 
par  exemple,  je  vais  la  prier  de  porter  à  sa  bouche  un  verre 
préalablement  rempli  d'eau,  une  cuiller,  etc.  Vous  pouvez 
reconnaître  que,  dans  ces  divers  actes  prescrits  par  la  volonté, 
le  tremblement  est  d'autant  plus  prononcé  que  le  mouve- 
ment exécuté  a  plus  d'étendue.  Ainsi,  quand  la  malade  veut 
porter  à  sa  bouche  le  verre  rempli  d'eau,  l'agitation  rhyth- 
mique de  la  main  et  de  l'avant-bras  est  d'abord,  au  moment 
de  la  préhension  du  vase,  à  peine  accusée  ;  mais  elle  s'exa- 
gère progressivement  à  mesure  que  celui-ci  s'approche  des 
lèvres  ;  c'est  au  point  qu'à  l'instant  où  le  but  va  être  atteint, 
les  dents  sont,  comme  vous  le  voyez,  choquées  avec  violence 
par  les  parois  du  verre  et  le  liquide  projeté  au  loin.   Ce 


DU  TREMBLEMENT.  227 

grand  désordre  ne  se  manifeste,  je  le  répète,  que  dans  le  cas 
de  mouvements  d'une  certaine  amplitude.  S'il  s'agit  de  petits 
ouvrages,  de  coudre,  d'effiler  du  linge,  les  oscillations  sont 
au  contraire  presque  nulles.  Il  y  a  quelque  temps  la  malade 
pouvait  écrire  encore  assez  distinctement  ;  les  caractères 
étaient  tremblés,  il  est  vrai,  mais  du  reste  parfaitement  li- 
sibles (1). 

En  résumé,  le  tremblement  dont  il  s'agit,  ne  se  mani- 
feste qii  ci  Voccasion  des  mouveynents  intentionnels  d'une 
certaine  étendue;  il  cesse  d'exister  lorsque  les  muscles 
sont  abandonnés  à  un  repos  complet.  Tel  est,  Messieurs,  le 
phénomène  que  j'ai  été  conduit  à  considérer  comme  un  des 
caractères  cliniques  les  plus  importants  de  la  sclérose  en 
plaques  cérébro-spinale.  Certes,  je  ne  prétends  pas  qu'il 
s'agisse  là  d'un  symptôme  pathognomonique  :  je  n'ignore 
pas,  en  effet,  qu'un  tremblement,  se  présentant  avec  des 
caractères   à  peu  près  semblables,   s'observe   quelquefois 


(l)  Nous  reproduisons  ci-après  deux  spécimens  de  l'écriture  d'une  malade, 
nommée  Leru. .  . ,  qui  a  succombé,  dans  le  service  de  M.  Charcot,  à  la  sclé- 
rose en  plaques.  Cette  femme  est  entrée  à  la  Salpétrière,  le  24  septembre  18G4. 
En  mai  1865,  M.  Charcot  recueillit  le  fragment  suivant  de  son  écriture. 
{Fig.  15). 


^7C^£ 


&&M; 

^ 


Fig.  13. 


A  partir  du  mois  de  juin,  Leru. .  .  fut  mise  au  traitement  par  le  nitrate 
d'argent  (d'abord  2  milligrammes,  puis  4).  Sous  l'influence  de  cette  médi- 
cation, le  tremblement  diminua    d'une    manière  notable,  ainsi  que  l'on  peut 


228  DU  TREMBLEMENT. 

dans  des  affections  autres  que  la  sclérose  en  plaques  ;  par 
exemple  dans  l'intoxication  mercurielle,  dans  la  méningite 
chronique  cervicale  avec  sclérose  de  la  couche  corticale 
de  la  moelle,  dans  la  sclérose  primitive  ou  consécutive 
des  cordons  latéraux,  etc.  Ce  n'est  pas,  nous  le  verrons,  un 
symptôme  constant.  Mais  ce  que  je  tiens,  dès  à  présent,  à 
faire  ressortir,  c'est  que,  dans  la  sclérose  en  plaques,  lors- 
qu'aucune  complication  n'est  intervenue,  le  tremblement, 
si  peu  qu'il  existe,  se  présente  toujours  avec  les  caractères 
que  je  lui  ai  assignés.  En  somme,  c'est  là  un  symptôme  qui, 
à  lui  seul,  permettrait  déjà  de  séparer  cliniquement  la  sclé- 
rose multiloculaire  des  centres  nerveux  de  quelques  affec- 
tions qui  s'en  rapprochent  assez  pour  que  la  confusion    soit 

en  juger  d'après  la  figure  U.  Notons  que,  en  mai  1865,  la  malade  était  très- 


£_  <?Ç  '0j*J**-.*M 


^J^f^JC^^  Q^SX  £s\   ^ 


/ 


Fig.  14. 


fatiguée  après  avoir  écrit  les  trois  lignes  dont  nous  donnons  le  fac-similé, 
tandis  que,  en  octobre,  elle  était  capable  d'écrire  facilement  une  dizaine  de 
ligr.es.  Nous  avons  choisi  une  partie  de  la  première  ligne  et  de  la  dernière. 
D'après  les  spécimens  que  nous  possédons,  il  est  assez  difficile  de  se 
former  une  opinion  sur  les  caractères  de  récriture  des  malades  atteints  de 
sclérose  en  plaques.  Le  plus  souvent,  d'ailleurs,  nous  avons  observé  les  ma- 
lades à  une  époque  avancée  de  leur  affection  :  alors,  il  est  à  peu  près  im- 
possible d'obtenir  autre  chose  qu'un  griffonnage  sans  signification,  d'autant 
plus  que  l'on  n'a  pas  de  termes  de  comparaison.  (B.) 


DU    TREMBLEMENT.  229 

possible.  Je  vais  entrer  à  ce  propos  dans  quelques  détails  (1). 

Le  tremblement  de  la  paralysie  agitante  existe  aussi  bien 
à  l'état  de  repos  des  membres,  que  lorsque  ceux-ci  sont  mis 
en  mouvement  par  la  volonté.  Je  vous  présente  une  femme 
chez  laquelle  le  tremblement  persiste,  depuis  longues  an- 
nées, sans  cesse  et  sans  trêve,  dans  l'état  de  veille.  Il  ne 
s'arrête  que  lorsque  cette  malheureuse  est  plongée  dans  un 
sommeil  profond.  Il  est  des  cas  où,  dans  la  paralysie  agitante, 
le  tremblement  se  montre  seulement  par  intermittence  ; 
mais,  chose  remarquable,  c'est  en  pareil  cas  plutôt  alors  que 
les  membres  sont  dans  le  repos  qu'il  se  manifeste,  pour  ces- 
ser lorsque  ceux-ci  sont  mis  en  mouvement  par  la  volonté. 
Vous  pouvez  reconnaître  chez  une  seconde  malade,  que 
j'offre  à  votre  observation,  ce  caractère  particulier  du  trem- 
blement de  la  paralysie  agitante. Vous  observerez  en  outre, 
chez  ces  deux  femmes,  que  la  tête  ne  prend  point  part  au 
tremblement,  ou,  si  elle  parait  agitée  par  des  oscillations, 
celles-ci  lui  sont  évidemment  communiquées  ;  il  s'agit  là 
d'une  transmission  des  secousses  dont  les  membres  et  le 
torse  sont  le  siège.  L'absence  du  tremblement  de  la  tête  me 
paraît  être  un  fait  à  peu  près  général  dans  la  paralysie  agi- 
tante :  j'ajouterai  que,  dans  cette  affection,  les  secousses  du 
tremblement  sont  beaucoup  moins  étendues,  plus  régulières, 
plus  rapides,  plus  serrées,  si  je  puis  parler  ainsi,  que  dans 
la  sclérose  multiloculaire  ;  dans  celle-ci,  les  oscillations  sont 
plus  amples  et  se  rapprochent,  à  beaucoup  d'égards, des  ges- 
ticulations de  la  chorée  ;  cette  analogie  est  tellement  mar- 
quée que,  avant  la  publication  des  travaux  qui  l'ont  fait  ad- 
mettre dans  la  clinique  usuelle,  la  sclérose  en  plaques  a  été 
quelquefois  désignée  sous  les  noms  de  chorée  rhythmique, 
paralysie  choréiforme. 

Il  est  toujours  facile  cependant  de  distinguer  les  mouve- 
ments désordonnés  et  bizarres   de  la  chorée  proprement 

(l)  Voyez  TAppendige,  page  401. 


230  INCOORDINATION  MOTRICE. 

dite  des  oscillations  rhythmiques  de  la  sclérose  multilocu- 
laire.  Remarquons  en  premier  lieu  que,  dans  celle-ci,  s'il 
s'agit  par  exemple  du  membre  supérieur,  dans  l'acte  de 
porter  la  main  à  la  bouche,  la  direction  générale  du  mou- 
vement persiste  en  dépit  des  obstacles  occasionnés  par  les 
secousses  du  tremblement,  secousses  qui,  comme  nous  le 
disions  il  y  a  un  instant,  s'exagèrent  cependant  à  mesure 
que  la  main  approche  du  but  à  atteindre.  Au  contraire,  dans 
la  chorée,  la  direction  générale  du  mouvement  serait,  dans 
l'accomplissement  de  ce  même  acte,  troublée,  dès  V 'origine , 
par  des  mouvements  contradictoires^  d'une  étendue  tout-à- 
fait  disproportionnée,  et  qui  font  manquer  le  but.  Ajoutons 
que  les  mouvements  de  la  chorée  se  montrent  tout-à-coup, 
inopinément,  alors  que  les  membres  sont  dans  un  état  de 
repos  complet  ;  ainsi,  en  dehors  de  toute  intervention  de  la 
volonté,  vous  voyez  le  choréique  tirer  la  langue,  faire  une 
grimace,  lever  brusquement  un  de  ses  membres,  etc.  Or, 
jamais  pareille  chose  ne  s'observe  dans  la  sclérose  multilo- 
culaire. 

Lorsque,  dans  Yataœie  locomotrice  progressive  (sclérose 
des  cordons  postérieurs),  les  membres  supérieurs  sont  affec- 
tés, il  s'y  produit,  à  l'occasion  des  actes  intentionnels,  des 
mouvements  incoordonnés  qui  rappellent  jusqu'à  un  certain 
point  les  gesticulations  de  la  chorée  et  le  tremblement  de  la 
sclérose  multiloculaire.  Voici  à  l'aide  de  quels  caractères 
la  confusion  pourra  être  évitée.  Il  faut  noter  tout  d'abord 
que,  dans  l'incoordination  des  ataxiques,  il  n'existe  pas,  à 
proprement  parler,  de  tremblement,  de  secousses  arythmi- 
ques, mais  bien  des  gestes  plus  ou  moins  désordonnés,  plus 
ou  moins  brusques,  plus  ou  moins  étendus.  Etudiez  avec 
soin,  chez  la  malade  que  je  vous  présente,  les  mouvements 
de  la  main,  dans  l'acte  de  la  préhension  d'un  objet  de  petit 
volume,  et  vous  y  reconnaîtrez  des  particularités  vraiment 
spécifiques.  Vous  verrez  comment,  au  moment  de  saisir 
l'objet,  les  doigts  s'écartent  démesurément  et  s'étendent  à 


FRÉQUENCE   DU  TREMBLEMENT.  231 

l'excès  en  s'inclinant  vers  le  dos  de  la  main.  Puis  l'objet  est 
saisi  tout-à-coup,  sans  mesure,  d'une  manière  presque  con- 
vulsive  par  une  flexion  brusque  et  disproportionnée  de  tous 
les  doigts.  Cela  appartient  à  l'ataxie;  jamais  vous  n'obser- 
verez rien  de  semblable  dans  la  sclérose  en  plaques.  J'ajoute 
en  dernier  lieu  —  et  ce  dernier  trait  est  vraiment  décisif  — 
que,  dans  l'ataxie,  l'occlusion  des  yeux  a  toujours  pour  effet 
d'exagérer  d'une  manière  très-prononcée  l'incoordination 
des  mouvements,  tandis  qu'elle  ne  modifie  en  rien  les  se- 
cousses arythmiques  de  la  sclérose  multiloculaire. 

Nous  ne  devons  pas  oublier  toutefois  que  quelques-uns 
des  symptômes  de  l'ataxie  se  trouvent  entremêlés  quelque- 
fois avec  ceux  de  la  sclérose  en  plaques,  quand  les  îlots 
scléreux  occupent,  dans  certaines  régions  de  la  moelle,  une 
assez  grande  étendue,  en  hauteur,  des  cordons  postérieurs. 
Un  fait,  dont  l'histoire  se  trouve  consignée  tout  au  long 
dans  Y  Atlas  d'anatomie  pathologique  de  M.  Cruveilhier, 
peut  être  cité  à  titre  d'exemple  de  ce  genre  (1).  Il  s'agit  de 
la  nommée  Paget.  La  malade,  pour  saisir  et  diriger  une 
épingle,  avait  besoin  du  secours  de  la  vue,  sans  quoi  l'épin- 
gle s'échappait  des  doigts.  A  l'autopsie,  on  trouva  une  des 
plaques  de  sclérose  occupant  les  colonnes  postérieures  dans 
une  assez  grande  étendue  au  renflement  cervical.  Mais  je 
ne  veux  pas  insister,  pour  l'instant,  plus  longuement  sur 
ce  point  que  nous  aurons  plus  d'une  fois  l'occasion  de  men- 
tionner à  nouveau. 

Nous  nous  sommes  occupés  jusqu'ici,  à  peu  près  exclusi- 
vement, du  tremblement  en  tant  qu'il  occupe  les  membres 
supérieurs;  mais  nous  savons  déjà  qu'il  peut  agiter  la  tête, 
le  tronc,  les  membres  inférieurs.  Il  se  présente  sur  ces  di- 
vers points  avec  tous  les  caractères  que  nous  avons  signa- 
lés à  propos  des  membres  supérieurs,  c'est-à-dire  que,  ab- 
sent pendant  le  repos  complet,  ce  tremblement  se  manifeste 

(l)  Cruveilhier.  —  Atlas  d'anatomie  pathologique,  livraison  38,  p.  I  et  II. 


232  SYMPTOMES  CÉPHALIQUES. 

à  l'occasion  des  mouvements  intentionnels,  ou  clans  les 
attitudes  qui  ne  peuvent  être  maintenues  qu'à  l'aide  d'une 
tension  active  et  plus  ou  moins  énergique  de  certains  mus- 
cles ou  groupes  de  muscles. 

Pour  compléter  ce  qui  est  relatif  à  ce  symptôme,  nous 
devons  entrer  dans  quelques  détails.  —  C'est  là,  Messieurs, 
ainsi  que  je  l'ai  depuis  longtemps  proclamé,  un  symptôme 
à  peu  près  constant,  dans  la  forme  cérébro-spinale  de  la 
sclérose  en  plaques.  Il  ne  faut  pas  oublier  toutefois  qu'il 
existe  des  cas  exceptionnels  relatifs  à  cette  forme,  et  où  — 
circonstance  tout-à-fait  inexplicable  jusqu'ici  —  le  trem- 
blement n'a  pas  figuré  dans  l'ensemble  symptomatologique. 
J'ai  observé  pour  mon  compte  plusieurs  faits  de  ce  genre. 
Mais  il  ne  faut  pas  oublier,  Messieurs,  que  le  tremblement 
peut  avoir  existé,  à  un  degré  plus  ou  moins  prononcé,  à 
une  certaine  époque  de  la  maladie,  et  avoir  disparu  dans 
le  temps  où  le  sujet  se  présente  à  notre  observation.  Il 
importe  donc,  à  cet  égard,  d'interroger  avec  le  plus  grand 
soin  les  malades  chez  lesquels  le  symptôme  parait  faire 
défaut. 

Il  est  de  règle  que  le  tremblement  disparaît  alors  que 
les  membres  sont  immobilisés,  à  une  époque  plus  ou  moins 
avancée  de  la  maladie,  par  la  contracture  permanente.  S'il 
est  vrai  que  le  tremblement  se  montre  quelquefois  presque 
dès  le  début,  il  faut  reconnaître  toutefois  que  c'est  un 
symptôme  tardif.  Enfin,  Messieurs,  il  est  très-fréquent, 
presque  habituel,  que  le  tremblement  ne  dure  pas  aussi 
longtemps  que  la  maladie  elle-même  ;  il  s'amoindrit  à  me- 
sure que  les  sujets  s'affaiblissent,  et  il  s'efface  parfois  com- 
plètement à  l'époque  de  la  terminaison  fatale. 


IIL 


Vous  connaissez  maintenant,  Messieurs,  un  des  symp- 
tômes les  plus  originaux  et  les  plus  importants  de  la  scié- 


TROUBLES  DE  LA  VUE.  m 

rose  en  plaques  généralisées.  Une  étude  plus  approfondie 
et  plus  circonstanciée  du  cas  que  nous  avons  sous  les  yeux 
va  nous  permettre  de  recueillir  bien  d'autres  indices  non 
moins  précieux.  Nous  allons  découvrir,  chez  notre  malade, 
tout  un  groupe  de  symptômes  que  j'ai  proposé  d'appeler 
cép Italiques,  par  opposition  aux  symptômes  spinaux.  Ce 
groupe  comprend  certains  troubles  de  la  vue,  de  la  parole 
et  de  l'intelligence. 

A.  Occupons-nous  d'abord  des  troubles  de  la  vision.  Ce 
sont  la  cliplopie,  l'amblyopie  et  surtout  le  nystagmus. 

a.  La  diplopie,  de  même  que  cela  a  lieu  dans  l'ataxie 
locomotrice,  est  un  phénomène  du  début,  en  général  tout 
à  fait  transitoire,  mais  qui  mérite  d'être  signalé  en  pas- 
sant. 

t.  Vamllyopie  est  au  contraire  un  symptôme  durable, 
et  d'ailleurs  plus  fréquent,  de  la  sclérose  en  plaques  céré- 
bro-spinale ;  je  crois  pouvoir  affirmer  que  très-rarement, 
en  opposition  à  ce  qui  s'observe  dans  la  sclérose  posté- 
rieure, elle  aboutit  à  une  cécité  complète  (1).  C'est  là  une 
particularité  digne  de  remarque,  surtout  si  l'on  songe  que, 
après  la  mort,  des  plaques  de  sclérose  occupant  toute 
l'épaisseur  du  cordon  nerveux  ont  été  trouvées  sur  les  nerfs 
optiques,  dans  le  cas  où,  pendant  la  vie,  on  avait  constaté 
un  simple  affaiblissement  de  la  vue  (2).  Cette  dispropor- 
tion apparente  entre  le  symptôme  et  la  lésion  constitue  un 
des  arguments  les  plus  puissants  que  l'on  puisse  invoquer 


(1)  Dans  une  observation  rapportée  par  M.Magnan  (Archiv.  de  physiolo- 
gie, t.  II,  p.  79;")),  il  y  avait  atrophie  papillaire  des  deux  yeux  avec  cécité 
complète. 

(2)  Observation  de  la  nommée  Aspasie  Byr,  communiquée  par  M.  Vul- 
pian.  Cette  observation  est  rapportée  in  extenso  dans  un  travail  de  M.  H. 
Liouville  intitulé  :  Observations  détaillées  de  deux  cas  de  sclérose  en  îlots  mul- 
tiples et  disséminés  du  cerveau  et  de  la  moelle  épinière.  (Mémoires  de  la  So- 
ciété de  biologie,  1868,  p.  231.) 


23 i  TROUBLES    DE   LA  VUE. 

pour  montrer  que  la  continuité  fonctionnelle  des  tubes 
nerveux  n'est  pas  absolument  interrompue,  bien  que 
ceux-ci,  dans  leur  trajet  à  travers  les  plaques  de  sclérose, 
soient  dépouillés  de  leur  gaine  de  myéline  et  réduits  au 
cylindre  d'axe. 

L'examen  ophthalmoscopique,  en  général  rendu  très- 
difficile  par  suite  de  l'existence  du  nystagmus,  fait  recon- 
naître, en  pareil  cas,  tantôt  une  intégrité  à  peu  près  com- 
plète de  la  papille  du  nerf  optique  alors  même  que  l'am- 
blyopie  est  cependant  très-accentuée,  tantôt  une  lésion 
partielle,  tantôt  enfin  dans  les  cas  rares  où  la  cécité  est 
complète  (1),  une  atrophie  totale  (coloration  d'un  blanc 
nacré,  extrême  ténuité  des  vaisseaux,  etc.)  avec  ou  sans 
excavation  de  la  papille. 

Tout  se  borne  chez  Mlle  V...  à  une  amblyopie  assez  pro- 
noncée des  deux  yeux.  L'examen  ophthalmoscopique  n'a 
permis  de  reconnaître  ici  aucune  lésion  bien  déterminée. 
Un  fait  qui  mérite  d'être  relevé,  c'est  que,  chez  elle,  les 
apparitions  d'éclairs,  d'étincelles,  ont  précédé  l'affaiblisse- 
ment de  la  vue.  J'ai  noté  le  même  phénomène  dans  plusieurs 
autres  cas  d'amblyopie  liée  à  la  sclérose  multiloculaire. 

c.  Le  nystagmus  est  un  symptôme  d'une  assez  grande 
importance  diagnostique  puisqu'il  s'observe  environ  dans 
la  moitié  des  cas.  On  ne  le  rencontre,  que  je  sache,  que 
très-exceptionnellement  dans  l'ataxie.  Vous  pouvez  recon- 
naître qu'il  existe  chez  Mlle  Y...  accusé  à  un  haut  degré. 
Il  s'agit  là,  vous  le  voyez,  de  petites  secousses,  qui  font  os- 
ciller simultanément  les  deux  globles  oculaires  de  droite  à 
gauche,  puis  de  gauche  à  droite,  ou  inversement.  Il  est  des 
cas  où  le  nystagmus  fait  défaut  tant  que  le  regard  reste 
vague,  sans  direction  précise,  mais  se  manifeste  tout  à 
coup,  d'une  manière  plus  ou  moins  prononcée,  aussitôt  que 
les  malades  sont  invités  à  fixer  attentivement  un  objet. 

(l)  Observation  citée  par  M.  Magnan. 


EMBARRAS  DE   LA  PAROLE.  235 

B.  Un  symptôme  plus  fréquent  encore  que  ne  l'est  le 
nystagmus,  —  presque  constant  dans  la  sclérose  multilo- 
culaire  cérébro-spinale,  puisque  nous  le  trouvons  signalé 
vingt  fois  sur  vingt-trois  cas  que  nous  avons  analysés,  — 
c'est  un  embarras  -particulier  de  la  parole  que  vous  pou- 
vez étudier  chez  notre  malade,  dans  son  type  de  complet 
développement. 

La  parole  est  lente,  traînante,  par  moments  presque  inin- 
telligible. Il  semble  que  la  langue  soit  devenue  «  trop 
épaisse  »  et  le  débit  rappelle  celui  des  gens  avinés.  Une 
étude  plus  attentive  fait  reconnaître  que  les  mots  sont 
comme  scandés  :  il  y  a  une  pause  entre  chaque  syllabe,  et 
celles-ci  sont  prononcées  lentement.  Il  y  a  de  l'hésitation 
dans  l'articulation  des  mots,  mais,  à  proprement  parler, 
rien  qui  ressemble  au  bégayement.  Certaines  consonnes, 
les  l,  les  p,  les  g,  sont  particulièrement  mal  prononcées. 

Il  existe  chez  Mlle  V...,  ainsi  que  vous  pouvez  le  consta- 
ter, une  certaine  lenteur  dans  les  mouvements  de  la  lan- 
gue ;  vous  reconnaissez  même  que,  tirée  hors  de  la  bouche, 
elle  est  agitée  d'un  tremblement  très-manifeste.  Il  ne  fau- 
drait pas  croire  que  ce  soit  là  un  phénomène  constant  et 
plusieurs  fois  j'ai  reconnu  que  la  parole  pouvait  être  em- 
barrassée à  un  haut  degré,  sans  que  la  langue  présentât  la 
moindre  trace  de  tremblement.  Toujours  d'ailleurs,  du 
moins  d'après  mes  observations,  la  langue  conserve  son 
volume  normal  et  jamais  je  ne  l'ai  vue  ridée  à  sa  surface, 
comme  cela  s'observe  dans  certains  cas  de  paralysie  labio- 
glosso-laryngée  avec  atrophie  des  muscles  linguaux. 

D'abord  à  peine  appréciable,  l'embarras  de  la  parole  s'ag- 
grave progressivement  pendant  le  cours  de  la  maladie  jus- 
qu'à rendre  parfois  le  discours  à  peu  près  incompréhensi- 
ble. —  Il  est  des  cas  où  on  le  voit  s'aggraver  tout  à  coup, 
comme  par  accès,  pour  s'amender  ensuite  temporairement. 

En  somme,  l'embarras  de  la  parole  qu'on  observe  dans 
la  sclérose  cérébro-spinale  se  rapproche,  à  beaucoup  d'é- 
gards, du  symptôme  correspondant  de  la  paralysie  générale 


236  SYMPTÔMES  CÉPHALIQUES   :     VERTIGE. 

progressive.  Je  crois  même  que,  dans  bien  des  cas,  en  de- 
hors du  secours  fourni  par  la  considération  des  phéno- 
mènes concomitants,  la  distinction  serait  à  peu  près  impos- 
sible. Ajoutez  que  le  rapprochement  peut  être  rendu  plus 
étroit  encore  par  cette  circonstance  que,  dans  la  sclérose 
multiloculaire,  de  même  que  dans  la  paralysie  générale, 
l'émission  des  mots  est  parfois  précédée  —  ainsi  que  vous 
pouvez  vous  en  assurer  chez  notre  malade  —  par  une  lé- 
gère contraction,  comme  convulsive,  des  lèvres. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  trouble  dans  l'articulation  des  mots 
sur  lequel  j'appelle  votre  attention  est  un  symptôme  très- 
important  de  la  sclérose  multiloculaire.  Il  peut  contribuer 
puissamment  à  fonder  le  diagnostic,  principalement  dans 
les  cas,  exceptionnels  d'ailleurs,  où  le  tremblement  de  la 
tête  et  des  extrémités  supérieures  fait  défaut. 

A  ce  symptôme  peuvent  s'adjoindre  successivement,  sur- 
tout dans  les  périodes  avancées  de  la  maladie,  certains  trou- 
bles de  la  déglutition,  de  la  circulation  et  même  de  la  res- 
piration. Ce  sont  là  des  symptômes  de  paralysie  bulbaire 
progressive  qui  doivent  donner  l'éveil  parce  qu'en  s'ag- 
gravant  d'une  manière  rapide,  ils  ont  quelquefois  déter- 
miné tout  à  coup,  presque  inopinément,  la  terminaison  fa- 
tale. En  raison  de  l'intérêt  qui  s'y  rattache  au  point  de  vue 
du  pronostic,  ils  seront  l'objet  d'une  étude  spéciale. 

C.  Environ  dans  les  trois  quarts  des  cas,  le  vertige  est  un 
des  phénomènes  qui  marquent  le  début  de  la  sclérose  mul- 
tiloculaire des  centres  nerveux.  Autant  que  j'en  puis  juger 
d'après  les  renseignements  qui  m'ont  été  donnés  par  les 
malades  que  j'ai  interrogés  à  ce  sujet,  il  s'agit  là  en  géné- 
ral d'un  vertige  giratoire.  Il  semble  que  tous  les  objets 
tournent  avec  une  grande  rapidité  et  que  l'on  subit  soi- 
même  un  mouvement  circulaire  :  menacé  de  perdre  l'équi- 
libre, le  malade  s'attache  aux  corps  environnants.  Le  plus 
souvent  ce  vertige  revient  par  accès  de  courte  durée  ;  quel- 
quefois cependant  il  persiste   presque  sans  interruption, 


SYMPTOMES    PSYCHIQUES.  237 

durant  un  certain  temps,  surajouté  au  tremblement  et  à 
l'état  paralytique  des  membres  ;  il  contribue  parfois,  pour 
une  bonne  part,  à  rendre  la  station  ou  la  marche  titubantes, 
presque  impossibles.  Il  ne  faut  pas  confondre  la  titubation 
avec  l'incertitude  de  la  démarche  qui  se  rattache  à  la  di- 
plopie  ;  cette  dernière  cesse  d'exister  dès  que  la  malade 
tient  fermé  l'un  de  ses  yeux. 

Le  vertige  dont  il  s'agit  est  un  symptôme  d'autant  plus 
intéressant  qu'il  n'appartient  ni  à  l'ataxie  locomotrice,  ni 
à  la  paralysie  agitante  et  qu'il  peut  par  conséquent  aider  au 
diagnostic. 

E.  La  plupart  des  malades,  atteints  de  sclérose  multilo- 
culaire  que  j'ai  eu  l'occasion  d'observer,  ont  présenté,  aune 
certaine  période  de  l'affection,  un  faciès  vraiment  particu- 
lier. Le  regard  est  vague,  incertain  ;  les  lèvres  sont  tom- 
bantes, entr'ouvertes  ;  les  traits  expriment  l'hébétude,  quel- 
quefois même  la  stupeur.  A  cette  expression  dominante  de 
la  physionomie  correspond  presque  toujours  un  état  mental 
qui  mérite  d'être  signalé.  Il  y  a  un  affaiblissement  marqué 
de  la  mémoire  ;  les  conceptions  sont  lentes  ;  les  facultés 
intellectuelles  et  affectives  émoussées  dans  leur  ensemble. 
Ce  qui  paraît  dominer  chez  les  malades,  c'est  une  sorte 
d'indifférence  presque  stupide  à  l'égard  de  toutes  choses. 
Il  n'est  pas  rare  de  les  voir  tantôt  rire  niaisement,  sans 
aucun  motif  (1),  et  tantôt,  au  contraire,  fondre  en  larmes 
sans  plus  de  raison.  —  Il  n'est  pas  rare  non  plus  de  voir 
éclater,  au  milieu  de  cet  état  de  dépression  mentale,  des 
troubles  psychiques  qui  revêtent  l'une  ou  l'autre  des  formes 
classiques  de  l'aliénation  mentale. 

Un  des  malades  de  Yalentiner,  habituellement  mélanco- 

(1)  Une  malade  du  service  de  M.  Charcot,  dont  nous  aurons  à  reparler  par 
la  suite,  Dr. .  .  Hortense,  est  prise  très-fréquemment,  et  sans  motif,  d'accès 
de  rire  qu'elle  ne  saurait  maîtriser.  Sujette  déjà  avant  sa  maladie  à  des  mou- 
vements de  colère,  elle  a  remarqué  avec  peine,  qu'ils  augmentaient  depuis 
le  début  de  son  afiection.  (B.) 


238  ÉTAT   DES  MEMBRES   INFÉRIEURS. 

lique,  était  de  temps  à  autre  atteint  du  délire  des  gran- 
deurs. Un  homme,  dont  l'histoire  a  été  rapportée  tout  ré- 
cemment par  le  docteur  Leube  (1),  se  croyait  destiné  à 
devenir  roi  ou  même  empereur  ;  il  disait  posséder  un  grand 
nombre  de  bœufs,  des  chevaux,  de  belles  habitations,  etc. 
Il  devait,  disait-il,  épouser  bientôt  une  «  comtesse  », 
etc.  (2). 

Mlle  V...  a  été  prise,  il  y  a  quelques  semaines,  d'un  véri- 
table accès  de  lypémanie.  Elle  avait  des  hallucinations  de 
la  vue  et  de  l'ouïe  :  elle  voyait  des  personnages  effrayants 
et  entendait  des  voix  qui  la  menaçaient  «  de  la  guillotine  ». 
Elle  était  convaincue  que  nous  voulions  l'empoisonner.  Pen- 
dant vingt  jours,  elle  a  refusé  toute  espèce  de  nourriture, 
et  nous  nous  sommes  vus  contraints  de  l'alimenter,  pen- 
dant tout  ce  temps-là,  à  l'aide  de  la  sonde  œsophagienne. 
Aujourd'hui,  ces  accidents  ont  à  peu  près  complètement 
disparu.  Néanmoins,  les  voix  se  font  entendre  encore  de 
temps  à  autre.  —  Vous  voyez  la  malade  être  prise  pendant 
notre  examen  d'un  rire  convulsif  qu'il  lui  est  impossible  de 
modérer  et  auquel  bientôt  vont  succéder  les  larmes. 


IV. 


Pour  en  finir,  Messieurs,  avec  l'étude  descriptive  du  cas 
que  je  vous  ai  présenté  comme  un  type  de  la  sclérose  mul- 
tilocidaire  des  centres  nerveux,  il  me  reste  à  diriger  votre 
attention  sur  l'état  des  membres  inférieurs. 


(1)  JJeher  multiple  inself ôrmige  Sklerose  des  Gehirns  und  Riichenmarks. 
Deutsch.  Archiv.  8  Bd.  1  heft.  Leipzig,  1870,  p.  14. 

(2)  Une  des  malades,  Aspasie  B.  . . ,  observées  par  M.  Liouville  dans  le 
service  de  M.  Vulpian,  avait  des  hallucinations.  —  Rosine  Sitale,  dont 
nous  avons  résumé  l'histoire  (Bourneville  et  Guérard,  loc  cit.,  p.  92), 
d'après  M.  Valentiner,  était  tombée,  plusieurs  mois  avant  la  terminaison 
fatale,  dans  une  véritable  stupidité.  (B). 


PARÉSIE   DES  MEMBRES.  230 

Vous  avez  pu  remarquée  que  Mlle  V...  ne  peut  se  lever 
de  son  siège,  se  tenir  debout,  essayer  de  l'aire  quelques  pas, 
si  elle  n'est  pas  fortement  soutenue  par  deux  aides.  Il  est 
aisé  de  reconnaître  que  la  cause  de  cette  impuissance  mo- 
trice est  surtout  la  rigidité,  comme  tétanique,  qui  s'est 
emparée  des  membres  inférieurs  et  qui,  déjà  très-pronon- 
cée lorsque  la  malade  est  couchée  ou  assise,  s'exagère  en- 
core, au  plus  haut  point,  lorsqu'il  s'agit  pour  elle  de  se  lever 
ou  de  marcher. 

Cette  contracture  des  membres  inférieurs  qui,  aujour- 
d'hui, est  permanente,  ne  s'est  manifestée  chez  V...  que 
très-récemment  :  elle  est,  en  effet,  un  symptôme  des  pério- 
des avancées  de  la  maladie.  Toujours,  dans  l'évolution  du 
processus  morbide,  elle  est  précédée,  de  longue  date,  par 
un  état  parétiqae,  offrant  quelques  traits  particuliers  que 
je  vais  essayer  de  vous  faire  connaître  d'abord. 

En  ce  qui  concerne  ce  point  particulier,  l'histoire  clini- 
que de  Mlle  V...  a  été  traversée  par  certains  accidents  qui, 
sans  être  absolument  exceptionnels,  ne  sont  pas,  toutefois, 
dans  la  règle.  Aussi  dois-je  l'abandonner  pour  un  instant, 
me  réservant  de  la  reprendre  tout  à  l'heure.  Dans  la  descrip- 
tion qui  va  suivre,  je  vais  faire  appel  aux  détails  consignés 
dans  un  certain  nombre  d'observations  que  j'ai  réunies  et 
où  la  période  parétique  s'est  développée  suivant  les  condi- 
tions normales. 

Parésie  des  membres. — Il  s'agit  là  d'un  affaiblissement 
plus  ou  moins  prononcé  des  puissances  motrices  des  mem- 
bres qui  se  manifeste  fréquemment  dès  le  début  de  la  mala- 
die, et  auquel  il  ne  s'adjoint,  le  plus  ordinairement,  aucun 
trouble  marqué  de  la  sensibilité. 

En  général,  l'un  des  membres  inférieurs  est  affecté  en 
premier  lieu  et  seul  tout  d'abord.  Il  paraît  lourd,  difficile  à 
mouvoir  ;  le  pied  tourne  dans  la  marche,  au  moindre  obs- 
tacle, ou  le  membre  entier  fléchit  tout  à  coup  sous  le  poids 
du  corps.  L'autre  membre  se  prend  à  son  tour  tôt  ou  tard  ; 


240  PARÉSIE  DES  MEMBRES. 

cependant,  comme  la  parésie  progresse  le  plus  souvent 
avec  une  extrême  lenteur,  elle  permet  aux  malades,  pen- 
dant longtemps  encore,  de  marcher  tant  bien  que  mal  et  de 
vaquer  à  leurs  occupations  ;  mais  un  jour  vient  enfin  où, 
par  l'aggravation  de  la  paralysie  motrice,  ils  peuvent  être 
confinés  au  lit.  Les  membres  supérieurs  sont  envahis,  eux 
aussi,  soit  simultanément,  soit  l'un  après  l'autre,  communé- 
ment à  une  époque  éloignée  du  début.  Souvent,  à  l'origine, 
il  y  a  dans  ce  symptôme  des  rémissions  :  ainsi,  il  n'est  pas 
rare  de  voir  les  membres  inférieurs  affaiblis  reprendre, 
pour  un  temps ,  leur  énergie  première .  Ces  rémissions  peuvent 
même  se  reproduire,  parfois,  à  deux  ou  trois  reprises.  Je 
signale  cette  particularité  à  votre  attention,  parce  qu'elle 
ne  se  retrouve  certainement  pas  au  même  degré  dans  les 
autres  maladies  chroniques  de  la  moelle  épinière. 

Je  dois  revenir  un  instant,  pour  y  insister,  sur  l'absence 
déjà  notée  des  troubles  de  la  sensibilité.  Les  malades  se 
plaignent  bien,  parfois,  de  fourmillements,  d'engourdisse- 
ments siégeant  dans  les  membres  affaiblis,  mais  ces  symp- 
tômes sont  presque  toujours  passagers  et  peu  accusés.  D'ail- 
leurs, il  est  facile  de  constater  que  la  sensibilité  cutanée 
est,  sur  les  membres  affectés,  presque  toujours  conservée 
dans  tous  les  modes.  Les  douleurs  en  ceinture,  les  crises 
fulgurantes,  qui  jouent  un  rôle  si  prédominant  dans  les  pre- 
mières périodes  de  l'ataxie  locomotrice  progressive,  font  ici 
défaut.  Il  en  est  de  même  de  la  perte  de  la  notion  de  posi- 
tion des  parties,  laquelle  appartient  également  à  l'ataxie. 
Elle  n'existe  que  dans  la  sclérose  multiloculaire  régulière 
et  les  malades  atteints  de  cette  dernière  affection  peuvent, 
les  yeux  fermés,  déterminer  avec  précision  l'attitude  qui  a 
été  imprimée  à  leurs  membres.  L'occlusion  des  yeux  n'a  pas 
non  plus  d'influence  marquée  sur  la  station  debout  ni  sur 
la  démarche.  Celle-ci  est  incertaine,  embarrassée,  titubante, 
en  raison  composée  de  la  faiblesse  musculaire  et  du  trem- 
blement qui,  tôt  ou  tard,  ne  manquent  pas  de  s'y  ajouter; 


SYMPTOMES   INSOLITES.  241 

les  pieds,  tenus  écartés  pour  élargir  la  base  de  sustentation, 
traînent  péniblement  sur  le  sol  dont  ils  ont  de  la  peine  à  se 
détacher.  Quand  la  titubation  est  très-prononcée,  les  mala- 
des sont  menacés  de  tomber  à  chaque  instant,  et  ils  se  lais- 
sent choir,  en  effet,  fort  souvent.  Les  membres  inférieurs 
ne  sont  pas  lancés  en  avant,  sans  mesure,  convulsivement, 
comme  cela  a  lieu  si  ordinairement  dans  la  sclérose  des  cor- 
dons postérieurs.  Les  sphincters  ne  prennent  part  que  très- 
rarement  à  l'affaiblissement  des  muscles  des  membres,  — 
ce  qui  établit  un  contraste  avec  beaucoup  d'affections  spi- 
nales où  l'on  voit,  au  contraire,  de  très-bonne  heure,  des 
troubles  de  la  vessie  et  du  rectum  venir  se  joindre  aux  au- 
tres symptômes.  Enfin,  pour  compléter  le  tableau,  nous  de- 
vons faire  ressortir  l'absence  habituelle  de  troubles  trophi- 
qués  musculaires  dans  la  paraplégie,  liée  à  la  sclérose  mul- 
tiloculaire.  Les  muscles  affaiblis  conservent,  pendant  fort 
longtemps,  presque  jusqu'au  dernier  terme,  leur  relief  et 
leur  consistance  :  soumis  à  l'exploration  faradique,  ils  ne 
présentent,  à  aucune  époque,  de  traces  d'un  affaiblissement 
notable  de  la  contractilité  électrique. 

Immixtion  de  symptômes  insolites.  —  Je  viens  de  men- 
tionner, chemin  faisant,  un  certain  nombre  de  symptômes 
que  j'ai  pris  soin  d'élaguer  parce  qu'ils  n'appartiennent 
pas  au  type  régulier  de  la  maladie.  Il  importe  de  vous  faire 
connaître  maintenant,  en  manière  de  correctif,  que  ces 
symptômes  s'entremêlent  pourtant,  dans  certains  cas,  avec 
les  phénomènes  ordinaires  de  la  sclérose  multiloculaire,  et 
s'accusent  même  parfois  à  tel  point  que  Terreur  deviendrait 
peut-être  inévitable  pour  un  observateur  non  prévenu. 
Sous  ce  rapport,  l'observation  de  V...  peut  nous  fournir  des 
enseignements  précieux.  J'y  relève,  à  cet  effet,  quelques  dé- 
tails qui  y  ont  été  consignés  à  la  date  du  24  mars  1867, 
c'est-à-dire  il  y  a  plus  de  trois  ans.  A  cette  époque,  où  lapa- 
résie  et  le  tremblement  étaient  d'ailleurs  déjà  assez  pronon- 
cés dans  les  membres  inférieurs  pour  que    la  malade  fût 

Chargot,  t.  i,  3e  éd.  16 


242  SYMPTOMES  ATAXIQUES. 

dans  l'impossibilité  de  marcher  autrement  que  soutenue 
par  deux  aides,  on  a  noté  ce  qui  suit:  Pendant  la  marche, 
les  pieds  sont  un  peu  projetés  «  comme  chez  les  ataxiques.  » 
—  Lorsque  les  yeux  sont  clos,  il  y  a  «  exagération  de  la  ti- 
tubation,  perte  de  l'équilibre,  et  la  chute  aurait  lieu  si  la 
malade  n'était  pas  fortement  maintenue.  »  —  Aux  membres 
inférieurs  «  la  sensibilité  tactile  a  diminué  d'une  manière 
notable.  »  La  malade  ne  sait  pas  indiquer,  les  yeux  fermés, 
l'attitude  qui  a  été  imprimée  à  ses  membres.  —  Elle  y 
éprouve  de  temps  à  autre  de  violentes  crises  de  douleurs 
fulgurantes.  »  On  constate  enfin  l'existence  d'une  douleur 
en  ceinture. 

Vous  venez  de  reconnaître,  dans  cette  énumération,  la 
série  presque  tout  entière  des  phénomènes  qui  servent  à 
caractériser  cliniquement  l'ataxie  locomotrice  progressive. 
Quelques-uns  d'entre  eux  se  retrouvent  aujourd'hui  chez 
notre  malade,  mais,  en  général,  cependant,  notablement 
atténués  ou  rélégués  au  second  plan.  Est-ce  à  dire  que  mê- 
me à  l'époque  où  ils  semblaient  prédominer,  ils  fussent  de 
nature  à  embarrasser  sérieusement  le  diagnostic?  Non, 
certes,  et  j'ai  la  conviction  que,  dans  tous  les  cas  du  même 
genre,  vous  éviteriez  de  prendre  le  change  en  tenant  compte 
des  observations  suivantes. 

Le  fait  même  que  la  parésie  des  membres  inférieurs,  qui 
n'existe  pas  dans  la  sclérose  postérieure,  ou  qui  ne  s'y 
montre  tout  au  moins  que  dans  les  phases  avancées,  se  trou- 
verait mêlé  aux  symptômes  ataxiques  ou  surtout  les  pré- 
céderait, vous  mettrait  déjà  sur  la  voie.  Vous  auriez  déplus 
à  enregistrer  certainement  la  coexistence  de  quelques-uns 
des  symptômes  qui  n'appartiennent  qu'à  l'induration  mul- 
tiloculaire,  savoir:  le  tremblement  des  extrémités,  Y  em- 
barras de  la  parole,  les  vertiges,  le  nystagmus,  etc.  Il 
importe  de  bien  comprendre,  d'ailleurs,  la  raison  qui  fait 
que  les  symptômes  ataxiques  se  manifestent  quelquefois 
dans  le  cours  de  l'induration  multiloculaire,  ainsi  que  je 
l'annonçais  un  peu  plus  haut.  Il  ne  s'agit  pas  là,  suivant 


SYMPTOMES  ATAXIQUES.  243 

moi,  d'une  combinaison  des  formes  élémentaires  de  deux 
maladies  —  l'ataxie  locomotrice  progressive  et  la  sclérose 
en  plaques  cérébro-spinale.  Pour  mon  compte,  je  n'ai  ja- 
mais rencontré,  sur  le  cadavre,  la  coexistence  de  l'indura- 
tion grise  multiloculaire  avec  la  sclérose  fasciculée  posté- 
rieure, et  sans  nier  que  cette  association  puisse  exister, 
je  la  crois  au  moins  infiniment  rare.  Il  est  assez  commun, 
au  contraire,  que  les  plaques  scléreuses  qui,  dans  la  règle, 
siègent  principalement  sur  les  cordons  antéro-latéraux, 
franchissent  les  sillons  postéro-latéraux  et  empiètent  sur 
les  cordons  postérieurs.  Quelquefois  même  je  les  ai  vues, 
devenues  confluentes,  occuper  une  bonne  partie  de  l'épais- 
seur de  ces  cordons,  dans  toute  l'étendue  d'une  des  régions 
de  la  moelle  épinière,  de  la  région  lombaire,  par  exemple. 
Or,  dans  tous  les  cas  du  dernier  genre,  les  symptômes 
ataxiques  s'étaient,  pendant  la  vie,  manifestés  à  des  degrés 
divers.  Je  ne  doute  pas  qu'une  disposition  semblable  ne 
doive  rendre  compte  un  jour  des  douleurs  fulgurantes,  de 
l'incoordination  motrice  et,  en  un  mot,  de  tous  les  phéno- 
mènes du  même  ordre  qui  se  trouvent  consignés  dans  l'ob- 
servation de  Mlle  V...  (1). 


(l)  Les  observations  de  sclérose  en  plaques  dans  lesquelles  les  cordons 
postérieurs  sont  intéressés  de  manière  à  occasionner  quelques-uns  des 
symptômes  de  l'ataxie  locomotrice  sont  assez  nombreuses.  Nous  rappellerons 
en  premier  lieu  le  cas  de  Paget,  consigné  par  M.  Cruveilhier  dans  son  Atlas-, 
—  puis  les  trois  faits  que  nous  avons  rapportés  avec  détail  dans  notre  mé- 
moire. Le  premier  concerne  une  femme  nommée  Broisat  et  qui  est  morte 
dans  le  service  de  M.  Charcot  (  Sclérose  en  plaques  occupant  surtout  les  cor- 
dons postérieurs)  ;  les  deux  autres,  peut-être  plus  caractéristiques  en  ce  sens 
que  les  symptômes  et  les  lésions  de  la  sclérose  en  plaques  et  de  l'ataxie  lo- 
comotrice étaient  plus  accusés,  sont  empruntés  à  Friedreich.  Enfin,  nous 
résumerons  brièvement  un  autre  fait  que  nous  avons  observé  durant  le  siège 
dans  le  service  de  M.  Marrotte. 

Il  s'agit  d'une  femme  Legr.  ...  Joséphine  ,  âgée  de  46  ans,  dévideuse 
de  soie,  malade  depuis  deux  ans.  Elle  offrait  les  symptômes  suivants  au 
point  de  vue  de  l'ataxie  locomotrice  :  difficulté  de  la  marche,  les  yeux  étant 
fermés  ;  notion  de  position  des  membres  inférieurs  en  grande  partie  perdue  ; 
fréquentes  douleurs  fulgurantes  dans  les  genoux  et  les  jambes;  douleurs  en 
ceinture.  Mais;  à  côté  de  ces  phénomènes  on  notait  :  un  affaiblissement  pa- 


244  AMYOTROPHIE. 

,  Des  symptômes  insolites  d'un  autre  genre  peuvent  se  sur- 
ajouter encore  aux  symptômes  réguliers  de  la  sclérose  mul- 
tiloculaire.  J'ai  vu,  dans  plusieurs  cas,  d'ailleurs  parfaite- 
ment caractérisés  de  cette  affection,  survenir  une  atrophie 
de  certains  muscles  ou  groupes  de  muscles  rappelant,  tant 
par  son  siège  que  par  son  mode  d'envahissement,  l'atro- 
phie musculaire  à  marche  progressive.  Il  m'a  été  donné  de 
reconnaître  deux  fois  la  raison  anatomique  de  cette  com- 
plication nouvelle  :  dans  ces  deux  cas,  le  processus  irritatif 
dont  les  foyers  de  sclérose  sont  le  siège,  s'était  communi- 
qué, en  certaines  régions  de  la  moelle,  aux  cellules  ner- 
veuses des  cornes  antérieures  de  la  substance  grise  et  ces 
cellules,  en  conséquence,  avaient  subi  des  altérations  pro- 
fondes. Or,  d'après  les  recherches  que  je  vous  ai  exposées, 
il  n'est  guère  douteux  que  l'amyotrophie  progressive,  qu'elle 
soit  protopathique  ou  au  contraire  consécutive,  relève  le 
plus  souvent  d'une  lésion  irritative  des  grandes  cellules 
dites  motrices  (1). 


ralytique  assez  considérable  des  membres  inférieurs  ;  la  conservation  des 
différents  modes  de  la  sensibilité  aux  membres  inférieurs  et  supérieurs  ;  l'in- 
tégrité de  la  vision.  —  Cette  femme  a  succombé  à  une  pyélo-cystite  com- 
pliquée d'eschares  au  sacrum .  —  Autopsie  :  plaques  scléreuses  sur  le  nerf 
moteur  oculaire  externe  gaucbe  et  sur  les  nerfs  optiques  ;  —  plaques  de 
sclérose  sur  la  protubérance,  le  pédoncule  cérébelleux  supérieur  du  côté 
droit,  etc.; —  plaques  de  sclérose  à  la  surface  des  ventricules  latéraux,  dans 
l'intérieur  du  centre  ovale  et  à  la  face  antérieure  du  bulbe  et  dans  le  4e  ven- 
tricule. —  Sur  la  moelle  nous  avons  trouvé  :  1°  une  plaque  de  sclérose, 
longue  de  dix  centimètres,  occupant  le  cordon  postérieur  gauche  ;  —  2°  une 
autre,  mais  moins  étendue  en  largeur  et  en  hauteur,  sur  le  cordon  postérieur 
droit  ;  —  3°  au-dessous,  une  autre  plaque  assez  circonscrite,  occupant  les 
deux  cordons  postérieurs  ;  4°  enfin,  [sur  les  faces  antéro-latérales  de  la 
moelle,  existaient  plusieurs  petites  plaques  de  sclérose.  (B). 

(l)  Erbstein  a  relaté  (Deutsches  Archiv  fur  Klinische  Medicin,  t.  X,  fasc. 
6,  p.  593),  l'histoire  d'un  malade  qui  a  succombé  à  la  sclérose  en  plaques 
forme  bulbo-spinale),  chez  lequel  on  avait  observé  pendant  la  vie  X atrophie 
de  la  portion  antérieure  de  la  langue.  L'examen  histologique  fit  voir,  plus 
tard  :  1°  de  nombreux  foyers  de  dégénérescence,  non-seulement  interposés 
entre  les  faisceaux  de  l'origine  de  l'hypoglosse,  mais  les  intéressant  aussi 
et  interrompant  par  conséquent  leur  continuité.  Une  coupe  permit  de  dé- 
couvrir que  le  noyau  du  grand  hypoglosse  était  remplacé  par  un  îlot  de  tissu 


CONTRACTURE   DES   MEMBRES.  2i5 

Contracture  permanente  des  membres.  —  Epilcpsie 
spinale.  —  Il  est  temps  de  revenir  maintenant  à  la  'con- 
tracture des  membres  inférieurs  qui,  chez  Y...,  constitue 
aujourd'hui  un  phénomène  permanent  et  que  vous  pouvez 
étudier  dans  son  type  le  plus  parlait.  C'est  là,  Messieurs, 
un  symptôme  habituel  des  phases  avancées  de  la  sclérose 
multiloculaire  ;  il  ne  succède  pas  d'emblée,  sans  transition, 
à  la  parésie.  Aune  certaine  époque  de  la  période  parétique, 
on  voit  se  reproduire,  soit  spontanément,  soit  sous  l'in- 
fluence de  certaines  excitations,  des  espèces  d'accès  pendant 
lesquels  les  membres  inférieurs  se  raidissent  dans  l'exten- 
sion en  même  temps  qu'ils  s'accolent  pour  ainsi  dire  l'un  à 
l'autre.  Les  accès,  qui  durent  quelques  heures,  et  parfois 
quelques  jours,  sont  d'abord  séparés  par  des  intervalles  plus 
ou  moins  longs.  Plus  tard,  ils  se  rapprochent  et,  à  un  mo- 
ment donné,  la  contracture  permanente  se  trouve  définiti- 
vement établie.  Lorsque  les  choses  en  sont  à  ce  point,  voici 
ce  qu'on  observe:  les  membres  inférieurs,  de  même  que  cela 
avait  lieu  lors  des  accès,  sont  dans  l'extension;  les  cuisses 
sont  étendues  sur  le  bassin,  les  jambes  sur  les  cuisses  ;  les 
pieds  offrent  l'attitude  du  pied  bot  varus  équiu  ;  les  genoux 
sont,  de  plus,  tellement  serrés  l'un  contre  l'autre  qu'on  ne 
peut  les  écarter  sans  un  grand  effort.  Les  deux  membres 
inférieurs  sont  très-généralement  affectés  simultanément 
et  au  même  degré  ;  leur  rigidité  est  parfois  si  prononcée 
qu'en  soulevant  l'un  d'eux,  le  malade  étant  au  lit,  on  sou- 
lève en  même  temps  la  moitié  inférieure  du  corps  tout  d'une 
pièce.  Ce  n'est  que  dans  des  cas  rares,  et  seulement  aux 
phases  ultérieures  de  la  maladie,  que  la  flexion  de  la  cuisse 


sclérosé  ;  2°  Les  fibres  musculaires  de  la  partie  antérieure  de  la  langue 
avaient  subi  la  dégénérescence  graisseuse  ;  la  lésion  avait  envahi  quelques- 
uns  des  faisceaux  musculaires  de  la  base  de  l'organe.  —  Chez  une  malade 
nommée  Vincent,  qui  a  succombé  à  une  sclérose  en  plaques,  M.  Charcot  a 
observé  une  atrophie  des  muscles  de  l'éminence  thénar.La  paume  de  la  main 
offrait  une  excavation  au  fond  de  laquelle  on  voyait  les  tendons  des  muscles 
fléchisseurs.  (B.) 


246  EPILEPSIE   SPINALE. 

et  de  la  jambe  prédomine  sur  l'extension.  La  contrac- 
ture permanente  peut  s'emparer,  —  le  fait  est  d'ailleurs 
assez  exceptionnel  —  des  membres  supérieurs  qui,  eux 
aussi,  sont  alors  en  général  dans  l'extension  forcée,  et 
restent  ainsi  étroitement  appliqués  de  chaque  côté  du  tronc. 
Il  s'agit  là,  Messieurs,  d'un  spasme  qui  occupe  simulta- 
nément et  à  peu  près  au  même  degré  les  muscles  antago- 
nistes, car  il  est  presque  aussi  difficile,  les  membres  étant 
fléchis,  de  les  étendre,  que  de  les  fléchir  lorsqu'ils  sont 
étendus. 

Lorsqu'on  saisit  dans  la  main  l'extrémité  de  l'un  des 
pieds  et  qu'on  l'étend  un  peu  brusquement  sur  la  jambe,  il 
se  produit  presque  aussitôt  dans  toute  l'étendue  du  membre 
correspondant  une  sorte  de  tremblement  convulsif  qui  rap- 
pelle la  trémulation  déterminée  par  l'intoxication  strych- 
nique.  Cette  trémulation,  qu'il  faut  bien  se  garder  de  con- 
fondre avec  le  tremblement  particulier  qui  survient  à  l'oc- 
casion des  mouvements  voulus,  ne  reste  pas  toujours  bor- 
née au  membre  dont  le  pied  a  été  étendu  ;  elle  se  propage 
quelquefois  au  membre  du  côté  opposé  :  l'agitation  peut  se 
montrer  alors,  parfois,  assez  intense  pour  se  communiquer 
à  tout  le  corps  et  même  au  lit  où  repose  le  malade.  Elle 
persiste  chez  certains  sujets  pendant  plusieurs  minutes  ou 
même  beaucoup  plus  longtemps,  après  la  cessation  de  l'ex- 
citation qui  l'a  mise  enjeu.  On  peut  la  faire  cesser  tout  à 
coup,  ainsi  que  l'a  montré  M.  Brown-Séquard  et  comme  je 
l'ai  plusieurs  fois  observé  après  lui,  en  saisissant  à|  pleine 
main  l'un  des  gros  orteils  du  malade  et  le  fléchissant  subi- 
tement et  avec  force.  Immédiatement  après  cette  manœu- 
vre, la  rigidité  tétanique  et  le  tremblement  convulsif  ces- 
sent dans  les  deux  membres  qui,  momentanément,  devien- 
nent «  parfaitement  souples  et  pliables  comme  après  la 
mort,  avant  l'apparition  de  laroideur  cadavérique  (1).  »  La 


(l)  Brown-Séquard.  —  Archives  de  physiologie,  t.  I,   p.  158. 


EPILEPSIE    SPINALE.  '217 

faradisation,  le  pincement  de  la  peau,  de  la  jambe,  plus  ra- 
rement le  massage  du  membre  inférieur,  l'impression  du 
froid,  le  chatouillement  de  la  plante  du  pied,  peuvent  faire 
naître  la  trémulation    convulsive.    Celle-ci   se    développe 

aussi,  tantôt  spontanément,  du  moins  en  apparence,  tantôt 
sous  l'influence  des  efforts  que  fait  le  malade  pour  vomir, 
pour  aller  à  la  selle,  pour  se  dresser  dans  son  lit  ou  pour 
en  descendre  et  mettre  le  pied  à  terre.  La  marche,  que  n'in- 
terdit pas  toujours  d'une  façon  absolue  la  rigidité  perma- 
nente, —  les  malades  s'avancent  alors  sur  la  pointe  du  pied, 
sans  que  le  talon  touche  à  terre. — provoque  aussi  le  trem- 
blement convulsif.  Enfin,  ce  tremblement  peut  encore  se 
produire  temporairement, de  concert  avec  la  rigidité,  même 
pendant  le  cours  de  la  période  parétique  sous  l'influence 
d'un  ou  de  plusieurs  des  modes  d'excitation  qui  viennent 
d'être  passés  en  revue. 

Messieurs,  le  phénomène  dont  je  viens  d'esquisser  les 
principaux  caractères  n'est  autre  que  Vépilépsie  spinale, 
décrite  par  M.  Brown-Séguard.  —  Nous  l'observons  chez 
mademoiselle  Y...  dans  la  forme  que  j'ai  proposé  d'appeler 
tonique.  —  Cette  forme,  qui  est  celle  qu'on  observe  le  plus 
habituellement  dans  l'induration  grise  multiloculaire.  peut 
être  opposée  à  la  forme  saltctfoire,  laquelle  prédomine  au 
contraire  dans  i'ataxie  locomotrice  progressive  et  dans 
quelques  autres  affections  spinales. 

La  contracture  permanente  des  membres  et  l'épilepsie 
spinale  ne  doivent  pas  nous  arrêter  plus  longtemps.  Ces 
symptômes,  en  effet,  n'appartiennent  pas  exclusivement, 
tant  s'en  faut,  à  la  sclérose  multiloculaire  des  centres  ner- 
veux. Ils  seront  donc  étudiés  à  part,  d'une  façon  générale 
et  dans  leurs  rapports  avec  les  diverses  affections  de  la 
moelle  épinière  où  ils  peuvent  se  manifester. 


HUITIÈME   LEÇON 

Des  attaques  apoplectiformes  dans  la  sclérose  en 
plaques.  —  Des  périodes  et  des  formes.  —  Physio- 
logie pathologique.  —  Etiologie.  —  Traitement. 


Sommaire.  —  Attaques  apoplectiformes.  —  Leur  fréquence  dans  la  sclérose 
en  plaques  disséminées.  —  Considérations  générales  sur  les  attaques 
apoplectiformes  dans  la  paralysie  générale  et  dans  les  cas  de  lésions  céré- 
brales en  foyer  de  date  ancienne  (hémorrhagie  et  ramollissement  du 
cerveau).  —  Pathogénie  des  attaques  apoplectiformes  :  insuffisance  de  la 
théorie  de  la  congestion.  —  Symptômes  :  Etat  du  pouls  ;  élévation  de  la 
température  centrale.  —  Cas  d'attaques  apoplectiformes  chez  d'anciens 
hémiplégiques.  —  Importance  de  la  température  au  point  de  vue  du 
diagnostic. 

Des  périodes  dans  la  sclérose  en  plaques.  —  Première,  seconde  et 
troisième  périodes.  —  Symptômes  de  paralysie  bulbaire.  —  Des  formes 
et  de  la  durée  de  la  sclérose  en  plaques. 

Physiologie  pathologique.  —  Relation  entre  les  symptômes  et  les  lé- 
sions. 

Etiologie.  —  Influence  du  sexe  et  de  l'âge.  —  Hérédité.  —  Affec- 
tions nerveuses  antérieures.- —  Causes  occasionnelles  :  action  prolongée 
du  froid  humide;  traumatisme.  —  Causes  morales. 

Pronostic.  — -  Traitement. 


Messieurs, 

Je  me  propose  aujourd'hui  d'appeler  en  premier  lieu  vo- 
tre attention  sur  certains  accidents  cérébraux  qui  peuvent 
venir  compliquer  la  symptomatologie  de  la  sclérose  en  pla- 
ques cérébro-spinale.  Il  s'agit  d'attaques  apoplectiformes 
qui  se  présentent  quelquefois  à  plusieurs  reprises  dans  le 
cours  de  la  maladie  et  qui,  parfois,  terminent  la  scène.  Ces 
attaques  ne  se  sont  pas  produites  jusqu'ici,  chez  Mlle  V...., 
dont  l'histoire  clinique  est  d'ailleurs  si  complète  à  beaucoup 
d'égards;  mais  rien  ne  permet  d'affirmer  qu'elles  ne  sur- 


ATTAQUES  APOPLECTIFORMES.  249 

viendront  pas  quelque  jour.  En  effet,  ce  n'est  pas  là  une 
complication  rare:  je  la  trouve  signalée  dans  un  cinquième 
environ  des  faits  que  j'ai  rassemblés  et  je  l'ai,  pour  mon 
compte,  observée  au  moins  dans  trois  cas  (1). 

L'ensemble  symptomatique  qui  constitue  les  attaques  en 
question  n'appartient  pas  en  propre  à  la  sclérose  multilo- 
culaire.  Il  se  présente  dans  nombre  d'affections  qui  inté- 
ressent à  la  fois  plusieurs  points  de  l'axe  cérébro-spinal, 
en  particulier  dans  la  paralysie  générale  progressive.  C'est 
même  dans  cette  dernière  maladie  que  les  attaques  conges- 
tives  —  ce  nom  sert  à  les  désigner  assez  communément,  du 
moins  en  France,  —  ont  été  surtout  étudiées  en  raison  de 
leur  fréquence.  On  les  rencontre  là  sous  les  formes  assez 
variées  qu'elles  peuvent  revêtir.  Aussi  la  description  de  ces 
attaques  dans  la  paralysie  générale  progressive  a-t-elle  mo- 
tivé de  nombreuses  divisions  et  subdivisions. Mais  en  somme, 
toutes  les  variétés  de  forme  que  l'observation  clinique  a 
fait  reconnaître,  — je  ne  veux  envisager  ici  que  les  attaques 
de  quelque  intensité,  —  peuvent  être  ramenées,  si  je  ne 
me  trompe,  à  deux  types  fondamentaux,  à  savoir:  1°  Les 
attaques  apoplectiformes  {pseudo-apoplexy  des  médecins 
anglais)  ;  2°  Les  attaques  convulsives  ou  épilepti  formes- 
Les  caractères  des  deux  types  peuvent  d'ailleurs  s'entre- 
mêler et  se  confondre  dans  un  même  accès.  Seul  le  premier 
type  a  été  rencontré,  quant  à  présent,  dans  la  sclérose  en 
plaques  ;  mais  il  n'est  pas  douteux  qu'en  se  multipliant, 
les  observations  relatives  à  cette  affection  permettent  un 
jour  de  compléter  le  tableau. 

Parmi  les  autres  maladies  organiques  des  centres  nerveux 
dans  lesquelles  on  observe  fréquemment  les  attaques  épi- 
leptiformes  ou  apoplectiformes,  je  me  bornerai  à  signaler 
certaines  lésions  cérébrales   en  foxjer  de  date  ancienne  et 


(l)  Observation  III  du  mémoire  de  M.  Vulpian,  communiquée  par  M.  Char- 
cot  ;  —  Observation  de  la  nommée  Byr  (Charcot)  ;  —  Observation  de 
Nicolas,  présentée  à  la  Société  de  Biologie,  par  M.Joffroy. 


250  ATTAQUES  APOPLECTIFORMES. 

accompagnées  d'hémiplégie  permanente.  Telles  sont  Y  hé- 
morrhagie  cérébrale  ou  le  ramollissement  du  cerveau, 
lorsqu'ils  ont  occupé  les  régions  de  l'encéphale  dont  la  lé- 
sion a  pour  effet  de  déterminer  presque  à  coup  sûr  les  alté- 
rations cérébro-spinales  connues  sous  le  nom  de  scléroses 
fasciculèes  descendantes. 

Entre  ces  lésions  partielles  du  cerveau  et  la  paralysie 
générale  progressive,  il  semble  au  premier  abord  qu'il 
n'existe  aucun  point  de  contact.  Yoici  cependant,  Mes- 
sieurs, un  trait  qui  les  rapproche  :  les  observations  de 
M.  Magnan  et  celles  de  M.  Westphal  ont  fait  voir  que,  dans 
la  paralysie  générale,  aux  lésions  de  la  périencéphalite  se 
surajoute  très- souvent  une  altération  scléreuse,  tantôt 
diffuse,  tantôt  fasci culée,  qui  occupe  à  la  fois  les  pédoncules 
cérébraux,  la  protubérance,  le  bulbe  et  certaines  régions 
de  la  moelle  épinière.  Or,  ces  lésions  cérébro-spinales,  tant 
en  raison  de  leur  mode  de  distribution  que  par  la  nature 
même  du  processus  morbide,  méritent  d'être  assimilées  aux 
scléroses  fasciculèes  descendantes  consécutives  à  l'hémor- 
rhagie  ou  au  ramollissement  du  cerveau.  Nous  savons, 
d'un  autre  côté,  que,  dans  la  sclérose  multiloculaire,  les 
plaques  scléreuses  occupent  non-seulement  la  moelle  épi- 
nière (Voyez  Pl.  III  et  IV)  et  le  cerveau  proprement  dit 
(Pl.  I  et  II),  mais,  en  outre,  très-habituellement,  les  diverses 
parties  de  l'isthme  de  l'encéphale  et,  en  particulier,  le  bulbe 
(Pl.  I,  Fig.  4  et  5).  Vous  voyez  par  là  que  l'existence  de  lé- 
sions irritatives  disséminées  un  peu  partout  dans  l'axe  cé- 
rébro-spinal, mais  toujours  présentes  dans  l'isthme,  est  un 
caractère  commun  à  toutes  les  affections  en  apparence  si 
disparates  auxquelles  se  surajoutent  les  attaques  dites  con- 
gestlves.  Je  signalerai  surtout  à  votre  attention  l'existence 
constante  de  la  lésion  bulbaire,  laquelle,  très-vraisembla- 
blement, est  un  élément  prédominant  dans  la  production  de 
ces  attaques. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Messieurs,  il  s'agit  là  d'altérations  per- 
manentes, à  évolution  lentement  progressive.  Elles  ne  sau- 


ATTAQUES  APOPLECTIFORMES.  251 

raient,  par  conséquent,  sans  le  concours  d'autres  lésions, 
expliquer  le  développement  d'accidents  qui  se  produisent 
le  plus  souvent  presque  subitement  et  peuvent  disparaître 
très-rapidement  sans  laisser  de  traces.  Je  n'ignore  pas  que 
beaucoup  de  médecins  font  intervenir  ici,  aujourd'hui  en- 
core, une  congestion  sanguine  partielle,  une  fluxion  qui, 
suivant  les  besoins  de  la  cause,  se  porterait  sur  telle  ou 
telle  partie  de  l'encéphale.  Je  ne  saurais,  pour  mon  compte, 
souscrire  à  cette  hypothèse.  Pour  justifier  mon  scepticisme 
à  cet  égard,  j'invoquerai  d'abord  les   souvenirs   de   ceux 
d'entre  vous  qui,  dans  cet  hospice,  sont  attachés  aux  ser- 
vices d'aliénés.  Combien  de  fois  n'ont-ils  pas  été  désappoin- 
tés en  ne  rencontrant  pas,  à  l'autopsie,  la  lésion  congestive 
sur  laquelle  ils  comptaient  ?  Mais  j'invoquerai   surtout  les 
observations  que  j'ai  été  à  même  de  recueillir  dans  le  champ 
habituel  de  mes  études.   Maintes  fois  j'ai  eu  l'occasion  de 
voir   succomber  à  la  suite  d'attaques,  soit  épileptifo raies, 
soit  apoplectifo raies,  des  sujets   atteints  depuis  longtemps 
d'hémiplégie  par  le  fait  du  ramollissement  ou  de  l'hémor- 
rhagie  intra-encéphaliques.  Or,  en  pareil  cas, quelque  atten- 
tion que  j'aie  apportée  à  l'autopsie,  il  m'a  toujours  été  im- 
possible de   découvrir,   soit  dans  les  centres  nerveux,  soit 
dans  les  viscères,  une  lésion  récente  congestive,   œdéma- 
teuse ou  autre,  pouvant  expliquer  les   symptômes  graves 
qui  avaient  marqué  la  terminaison  fatale;  je  n'ai  rencontré 
jamais  que  les  lésions  anciennes  —  foyers  ocreux,  plaques 
jaunes  ou   foyers   d'infiltration   celluleuse  —  qui  tenaient 
l'hémiplégie  sous  leur  dépendance  et  les  dégénérations  se- 
condaires du  mésocéphale  et  de  la  moelle  qui  sont  la  con- 
séquence de  ces  lésions  partielles  des  hémisphères.  Je  crois 
en  somme  que,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  l'absence  de 
lésions  propres  est,  anatomiquement  parlant,  un  trait  com- 
mun  à  ces   attaques,  quelle  que  soit  d'ailleurs   la  forme 
qu'elles  affectent  et  la  maladie  à  laquelle  elles  se  ratta- 
chent. 
En  ce  qui  concerne  la  symptomatologie  des  attaques  apo- 


252  RÉSULTATS  THERMOMÉTRIQUES. 

plectiformes  et  épileptiformes,  pour  ne  point  entrer  dans 
les  détails  d'une  description  en  règle,  je  me  bornerai,  Mes- 
sieurs, à  relever  les  particularités  suivantes.  La  scène 
s'ouvre  en  général  inopinément,  sans  prodromes  bien  ac- 
centués, tantôt  par  une  obnubilation  rapide  et  plus  ou  moins 
prononcée  des  facultés  intellectuelles,  tantôt  par  un  coma 
profond  survenant  tout  à  coup.  Il  s'y  adjoint,  dans  certains 
cas,  des  convulsions  qui  rappellent  celles  de  l'épilepsie  or- 
dinaire, mais  qui  se  localisent  toutefois,  en  général,  à  un 
côté  du  corps  (attaques  épileptiformes).  D'autres  fois,  les 
convulsions  font  défaut  (attaques  apoplecti formes).  Dans 
les  deux  cas,  il  est  fréquent  de  voir  se  développer,  dès 
l'origine,  une  hémiplégie  plus  ou  moins  complète,  tantôt 
avec  flaccidité  ,  tantôt,  mais  plus  rarement,  avec  rigidité 
des  membres  paralysés.  Les  symptômes  peuvent  s'apaiser 
progressivement  dans  l'espace  de  quelques  jours  et  con- 
duire à  la  mort.  Celle-ci  s'annonce  en  général  par  le  déve- 
loppement rapide  d'eschares  à  la  région  sacrée. Si,  au  con- 
traire, le  malade  doit  survivre,  la  disparition  des  accidents 
ne  se  fait  pas  longtemps  attendre  ;  l'hémiplégie  est  le  seul 
symptôme  qui  persiste  pendant  quelque  temps  encore  , 
mais  elle  se  dissipe  elle-même,  tôt  ou  tard,  sans  laisser  de 
traces. 

Les  attaques  se  produisent  habituellement  plusieurs  fois, 
en  général  à  de  longs  intervalles,  pendant  le  cours  de  la 
maladie.  En  ce  qui  a  trait  à  la  sclérose  en  plaques,  elles 
ont  été  notées  trois  fois  dans  l'observation  III  du  mémoire 
de  M.  Yulpian,  trois  fois  dans  le  fait  de  Zenker  (1)  et  jus- 
qu'à sept  fois  dans  celui  de  M.  Léo  (2).  Toujours  ces  accès 
ont  laissé  après  eux  une  aggravation  notable  et  persistante 
de  tous  les  symptômes  de  la  maladie  primitive. 

L'esquisse  que  je  viens  de  vous  présenter,  Messieurs,  se- 


(1)  Bourneville  et  Guérard,  loc.  cit.,  p.  112. 

(2)  Ibid.,  p.  112. 


OBSERVATIONS.  253 

rait  par  trop  imparfaite,  si  je  ne  signalais  pas  à  votre  atten- 
tion les  troubles  de  la  circulation  et  de  la  calorification  qui, 
en  règle  générale,  se  manifestent  dans  le  cours  des  attaques. 
Le  pouls  se  montre  toujours  plus  ou  moins  accéléré,  mais 
de  plus,  et  c'est  là  le  point  important,  la  température  des 
parties  centrales  s'élève  rapidement  ;  elle  peut  dans  les  pre- 
mières heures  qui  suivent  l'invasion  atteindre  38°, 5  ou 
même  39°.  Il  est  fréquent  qu'au  bout  de  12  ou  24  heures, 
elle  s'élève  jusqu'à  40°  et  se  maintienne  à  ce  chiffre  pendant 
quelques  heures,  sans  que  la  situation  soit  pour  cela  né- 
cessairement compromise.  Mais  si  le  malade  doit  survivre, 
la  température  décroît  bientôt  rapidement.  Un  chiffre 
au-dessus  de 40°  amène  presque  toujours  la  terminaison 
fatale. 

Ces  modifications  de  la  température  centrale  ont  été 
étudiées  par  M.  Westphal  dans  les  attaques  épileptiformes 
et  apoplectiformes  de  la  paralysie  générale  progressive  ; 
je  les  ai  retrouvées  dans  les  attaques  qui  surviennent  chez 
les  sujets  atteints  d'hémiplégie  ancienne,  consécutive  à 
YhèmorrUagie  ou  au  ramollissement  du  cerveau.  Afin  de 
mieux  fixer  vos  idées  à  ce  sujet,  je  crois  utile  de  vous  pré- 
senter très-sommairement  les  détails  de  deux  observations 
relatives  aux  cas  du  dernier  genre. 

Le  premier  fait  concerne  une  femme  âgée  de  32  ans, 
atteinte  d'une  hémiplégie  du  côté  droit,  datant  de  l'enfance. 
Il  y  avait  atrophie  générale,  rigidité  et  raccourcissement 
des  membres,  paralysie,  ainsi  que  cela  se  voit  généralement 
en  pareil  cas.  Cette  femme  était  sujette  à  des  attaques  épi- 
leptiformes. Elle  fut  amenée  à  l'infirmerie  quelques  heures 
après  le  début  d'une  attaque  plus  intense  que  d'habitude. 
Le  soir  même  de  son  entrée,  la  température  était  au-dessus 
de  38°  ;  le  lendemain  elle  avait  atteint  40°.  Les  accès  devin- 
rent subintrants  :  ils  se  répétèrent  environ  une  centaine  de 
fois  par  jour.  Des  eschares  se  formèrent  rapidement  à  la 
région  sacrée  et  la  mort  survint  le  sixième  jour.  L'explo- 


254  OBSERVATIONS. 

ration  rectale  donna  ce  jour-là  42°, 4. A  l'autopsie,  on  trouva, 
à  la  surlace  de  l'hémisphère  cérébral  du  côté  gauche,  une 
dépression  considérable  répondant  à  une  plaque  jaune,  ves- 
tige d'un  vaste  foyer  de  ramollissement.  L'hémisphère  était 
de  plus  atrophié  dans  son  ensemble.  On  ne  put  découvrir 
aucune  trace  d'une  lésion  récente,  soit  dans  les  centres  ner- 
veux, soit  dans  les  viscères. 

Le  second  cas  est  celui  d'une  femme  de  61  ans,  atteinte 
d'hémiplégie  droite  consécutive  à  une  hémorrhagie  céré- 
brale datant  de  deux  ans.  Cette  femme  avait  éprouvé  déjà 
plusieurs  attaques  épileptifo raies  ou  apoplectiformes,  en 
général  d'ailleurs  assez  légères.  Un  jour  survint  un  accès 
épileptiforme  intense  et  prolongé,  suivi  d'état  apoplecti- 
forme.  Deux  heures  après  le  début  des  accidents,  la  tempé- 
rature du  rectum  était  de  38°, 8;  cinq  heures  plus  tard,  elle 
s'élevait  à  40°.  Le  lendemain,  malgré  la  cessation  des  con- 
vulsions, la  température  était  de  41  degrés  et  le  surlende- 
main, jour  de  la  mort,  elle  atteignait  42°, 5.  L'autopsie  fit 
reconnaître  deux  foyers  ocreux  ,  l'un  siégeant  dans  le 
corps  strié,  l'autre  dans  l'épaisseur  d'une  circonvolution. 
Il  n'existait  aucune  lésion  récente,  capable  d'expliquer  les 
accidents  qui  avaient  déterminé  la  mort. 

Il  ne  m'a  pas  été  donné  encore  de  suivre  jour  par  jour, 
et  aux  diverses  époques  de  la  journée,  l'évolution  de  la 
température  centrale  dans  un  cas  d'attaque  apoplectiforme 
survenant  chez  un  sujet  atteint  de  sclérose  en  plaques. 
Néanmoins,  on  peut  relever  dans  plusieurs  observations 
des  résultats  partiels,  qui  ne  permettent  pas  de  douter  que, 
même  sous  ce  rapport,  les  choses  se  comportent  exactement 
dans  la  sclérose  multiloculaire,  comme  dans  la  paralysie 
générale  progressive  et  dans  les  cas  de  lésions  en  foyer  des 
hémisphères.  Ainsi  la  malade,  dont  l'histoire  a  été  rapportée 
par  M.  Zenker,  fut  prise  vers  la  fin  de  sa  vie  d'une  attaque 
apoplectiforme  avec  hémiplégie  du  côté  droit.  Or,  le  même 


THERMOMÉTRIE.  2o5 

jour  de  l'attaque,  le  pouls  étant  à  136,  la  température  at- 
teignait 39°, 6.  Le  lendemain,  le  thermomètre  marquait  40°. 
Le  surlendemain,  la  paralysie  s'était  amendée  et  la  tempé- 
rature était  retombée  au  chiffre  physiologique.  Chez  le 
nommé  Nolle,  observé  par  M.  Léo,  une  attaque  apoplecti- 
forme  se  déclara  dans  la  soirée.  Le  lendemain  matin,  de 
bonne  heure,  le  pouls  donnait  144  et  la  température  était  à 
38°, 5  .Cette  attaque,  la  septième  que  le  malade  eût  éprouvée, 
devait  dans  la  nuit  même  se  terminer  par  la  mort.  Dans  le 
cas  de  N...,  dont  l'histoire  a  été  recueillie  dans  mon  service 
par  M.  Jofl'roy,  cinq  heures  seulement  après  l'invasion 
d'une  attaque  apoplectiforme,  avec  perte  incomplète  de  la 
connaissance  et  résolution  générale  des  membres,  la  tempé- 
rature rectale  était  à  40°, 3,  le  pouls  à  120.  Le  lendemain, 
les  accidents  apoplectiformes  s'étaient  dissipés  et  en  même 
temps  le  pouls  ainsi  que  la  température  étaient  revenus  à 
l'état  normal  (1). 

Si  je  me  suis  arrêté  avec  quelque  insistance  sur  les  mo- 
difications que  subit  la  température  du  corps,  dans  les  at- 
taques apoplectiformes  et  épileptiformes  de  la  paralysie 
générale  et  de  quelques  autres  affections  cérébro-spinales, 
c'est  qu'à  mon  sens  on  trouve  là  un  caractère  qui  peut, 
dans  certains  cas,  être  mis  à  profit  pour  le  diagnostic.  Il 
n'est  pas  nécessaire,  je  pense,  d'entrer  dans  de  longs  déve- 
loppements pour  faire  ressortir  combien  il  est  difficile,  en 
présence  d'un  malade  qui  vient  d'être  frappé  d'apoplexie, 
avec  ou  sans  accompagnement  de  convulsions,  de  décider, 
d'après  la  seule  considération  des  symptômes  extérieurs, 
s'il  s'agit  de  Yapoplexie  vraie,  résultant  de  la  formation 
actuelle  d'un  foyer  cérébral,  soit  d'hémorrhagie,  soit  de 
ramollissement,  ou  au  contraire  d'une  simple  attaque  con- 
gestive.  Eh  bien  !  l'examen  de  la  température  centrale  four- 


(l)  Société  de  Biologie,  t.  I,  5e  série,  18G9-1870,  p.  145 


256  SCLÉROSE  EN  PLAQUES  :  PÉRIODES. 

nirait  en  pareille  occurrence  un  renseignement  décisif.  J'ai 
démontré,  en  effet,  par  des  observations  répétées  (1),  que 
dans  l'apoplexie  vraie,  principalement  lorsqu'elle  se  ratta- 
che à  l'hémorrhagie  cérébrale,  la  température  s'abaisse 
constamment  quelques  instants  après  l'attaque  et  se  main- 
tient ensuite,  en  général  pendant  24  heures  au  moins,  au- 
dessous  du  taux  normal,  alors  même  qu'il  se  produit  des 
accès  convulsifs,  intenses  et  répétés.  Or,  nous  venons  de 
voir  que  dans  les  attaques,  dites  congestives,la  température 
s'élève  au  contraire,  dès  l'invasion  des  premiers  symptômes, 
au-dessus  du  chiffre  physiologique  et  tend  à  s'élever  encore 
progressivement  pendant  toute  la  durée  de  l'accès. 


DES  PÉRIODES  ET  DES  FORMES  DANS  LA  SCLÉROSE  EN  PLAQUES. 

Messieurs,  après  avoir  considéré  un  à  un  les  éléments 
divers  qui  composent  la  symptomatologie  de  la  sclérose 
multiloculaire  lorsqu'il  s'agit  d'un  cas  complet  et  parvenu 
déjà  à  une  période  avancée  de  son  cours,  il  convient  de 
montrer,  par  une  vue  d'ensemble,  comment  se  groupent  et 
s'enchaînent  ces  éléments  aux  diverses  phases  et  dans  les 
diverses  formes  de  la  maladie.  Celle-ci,  en  effet,  ne  se  pré- 
sente pas,  tant  s'en  faut,  revêtue  de  tous  ses  attributs,  à 
toutes  les  époques  de  son  évolution.  A  l'origine,  elle  peut 
n'être  constituée  que  par  la  réunion  de  deux  ou  trois  symp- 
tômes, et,  de  plus,  il  est  des  cas  où,  jusqu'à  la  terminaison 
fatale,  le  tableau  symptomatologique  reste  incomplet  (2). Or, 
c'est  surtout  lorsque  la  maladie  en  est  encore  à  une  époque 


(1)  Charcot.  —  Note  sur  la  température  des  parties  centrales  dans  l'apo- 
plexie liée  à  l'hémorrhagie  cérébrale  et  au  ramollissement  du  cerveau.ln  Comptes 
rendus  des  séances  de  la  Société  de  Biologie,  T.  IV,  4e  série,  1867,  p.  92.  — 
Voyez  aussi  :  Charcot.  —  Leçons  sur  la  thermométrie  clinique^  publiées 
dans  la  Gazette  hebdomadaire  ;  1869,  p.  324,742,  821.  —  Bourneville.  —  Etudes 
cliniques  et  thermométriques  sur  les  maladies  du  sgstème  nerveux.  —  Paris, 
1870-73. 

(2)  Voir  à  1' Appendice,  p.  402. 


PREMIÈRE   PÉRIODE.  257 

voisine  de  son  début  ou  lorsqu'elle  revêt  une  l'orme  impar- 
faite, qu'il  importerait  d'apprendre  à  la  reconnaître  aux 
moindres  indices.  (Voir  à  I'Appendice,  p.  402). 

J'ai  proposé  d'établir,  dans  le  développement  progressif 
de  la  maladie,  trois  périodes  :  la  première  s'étend  de  l'ins- 
tant où  apparaissent  les  premiers  symptômes  jusqu'à  l'épo- 
que où  la  rigidité  spasmodique  des  membres  réduit  le  ma- 
lade à  une  impuissance  presque  absolue.  La  seconde  com- 
prend tout  le  temps,  habituellement  fort  long  encore,  du- 
rant lequel  le  malade,  confiné  au  lit  ou  pouvant  à  peine 
faire  quelques  pas  dans  sa  chambre,  conserve  néanmoins 
l'intégrité  de  ses  fonctions  organiques.  La  troisième,  enfin, 
commence  au  moment  où,  en  même  temps  que  tous  les 
symptômes  de  la  maladie  s'aggravent  simultanément,  les 
fonctions  de  nutrition  souffrent  d'une  manière  sensible.  Il 
y  aura  lieu,  à  propos  de  cette  période  ultime,  de  relever 
les  accidents  qui,  dans  l'ordre  ordinaire  des  choses,  mar- 
quent les  derniers  temps  de  la  maladie  et  précipitent  la  ter- 
minaison fatale. 


1. 


Première  période .  —  Le  mode  d'invasion  et  d'enchaî- 
nement des  symptômes  présente  des  variantes  qui  méritent 
d'être  signalées  à  votre  attention. 

Quelquefois  ce  sont  les  symptômes  céphaliques  qui  ou- 
vrent la  scène  ;  ainsi  les  malades  commencent  par  se  plain- 
dre de  vertiges  habituels,  de  diplopie  plus  ou  moins  passa- 
gère ;  peu  à  peu,  se  prononcent  l'embarras  de  la  parole, 
et  enfin  le  nystagmus.  La  réunion  de  ces  symptômes  com- 
poserait déjà  un  ensemble  assez  caractéristique  et  qui, 
alors  même  que  le  tremblement  provoqué  par  les  mouve- 
ments et  la  parésie  des  membres  ne  viendraient  pas  tôt  ou 
tard  s'y  adjoindre,  permettraient  cependant  d'établir  le 
diagnostic  sur  de  fortes  présomptions. 

Charcot,  t.  i,  3P  éd.  17 


258  RÉMISSIONS. 

Mais  tel  n'est  pas  le  mode  d'invasion  le  plus  commun  ; 
le  plus  souvent  ce  sont  les  phénomènes  spinaux  qui  s'accu- 
sent les  premiers,  si  Lien  que,  pendant  la  durée  de  plusieurs 
mois  et  quelquefois  même  pendant  plusieurs  années,  les  ma- 
lades pourront  n'offrir  d'autres  symptômes  qu'un  affaiblis- 
sement, une  parésie  plus  ou  moins  prononcée  des  membres 
inférieurs,  montrant  de  la  tendance  à  s'aggraver  d'une  ma- 
nière lentement  progressive  et  à  s'étendre  aux  membres 
supérieurs.  En  pareil  cas,  la  situation  du  clinicien  est  né- 
cessairement des  plus  difficiles.  Car,  en  somme,  la  parésie 
des  membres  inférieurs  est  un  symptôme  quelque  peu  ba- 
nal, commun  à  une  foule  d'affections  diverses  ;  elle  se  pré- 
sente pourtant  dans  la  sclérose  multiloculaire,  vous  ne 
l'avez  pas  oublié,  avec  quelques  traits  particuliers  qui  pour- 
raient peut-être  indiquer  la  voie.  Ainsi,  quelque  prononcée 
qu'elle  soit,  —  à  part  ce  cas  exceptionnel  où  la  lésion  pré- 
dominerait sur  les  cordons  postérieurs,  —  elle  ne  s'accom- 
pagne d'aucun  trouble  de  la  sensibilité,  d'aucun  trouble  ap- 
préciable dans  la  nutrition  des  masses  musculaires;  de 
plus,  il  ne  s'y  lie  d'ordinaire  aucun  désordre  fonctionnel  du 
côté  de  la  vessie  ou  du  rectum  ;  enfin,  il  n'est  pas  rare  de 
voir  se  produire  des  rémissions,  voire  même  des  intermis- 
sions complètes  qui  ont  pu  faire  espérer  une  guérison 
définitive  (1).  Mais  il  est  clair  que  ces  indices,  même  avec 


(l)  Dans  notre  mémoire,  nous  avons  résumé  un  certain  nombre  de  faits 
dans  lesquels  on  a  observé  des  rémissions  assez  complètes  pour  que  les  ma- 
lades, qui  étaient  paralysés,  aient  pu  reprendre  leurs  occupations.  (Voy.  loc. 
cit.,  obs.  iv,  ix,  x,  xi,  etc.)  Dans  une  observation  de  M.  Vulpian  que  nous 
avons  également  rapportée  (p.  139),  il  y  eut  une  série  d'améliorations  et 
d'aggravations  alternatives.  Nous  allons  les  indiquer  brièvement. 

Alors  que  la  maladie  était  encore  récente,  on  vit  survenir,  à  la  suite  d'une 
variole,  un  rétablissement  pour  ainsi  dire  complet.  Cette  amélioration  persista 
pendant  trois  ans.  A  cette  époque,  les  règles  se  suspendirent;  de  nouveaux 
symptômes,  légers  d'ailleurs,  se  manifestèrent  pour  disparaître  eux-mêmes 
avec  le  retour  des  menstrues.  Deux  ans  plus  tard,  la  malade  a  un  ictère 
auquel  succèdent  de  nouveaux  accidents.  Ceux-ci  s'amendent;  mais,  à  l'oc- 
casion d'une  bronchite,  la  parésie  des  membres  reparaît  plus  considérable  et, 
après  des  rémissions  et  des  recrudescences  successives,  elle  devient  perma- 


DÉBUT  BRUSQUE.  259 

le  concours  de  tous  les  autres,  ne  sauraient  fournir  encore 
que  des  renseignements  assez  vagues.  La  certitude  ne  peut 
guère  s'établir  que  si  le  tremblement  spécial  ou  quelqu'un 
des  symptômes  céphaliques  Tiennent  se  surajouter  aux 
symptômes  spinaux. 

Jusqu'ici,  Messieurs,  je  vous  ai  représenté  l'invasion  et 
l'enchaînement  ultérieur  des  accidents  comme  lents  et  uni- 
formément progressifs.  C'est  là,  en  effet,  de  beaucoup  le 
cas  le  plus  fréquent  ;  mais  il  importe  que  vous  n'ignoriez 
pas  que,  dans  certaines  circonstances,  exceptionnelles  à 
la  vérité,  le  début  peut  s'opérer  tout  à  coup,  inopinément, 
ou  à  la  suite  de  quelques  prodromes  peu  significatifs. 

Ainsi  le  vertige  et  la  diplopie  s'étant  déclarés  soudaine- 
ment, la  parésie  des  membres  et  la  titubation  ont  pu  venir 
s'y  joindre  au  bout  de  quelques  jours,  de  telle  sorte  que  la 
maladie  s'est  trouvée  pour  ainsi  dire  immédiatement  cons- 
tituée. C'est  ce  qui  a  eu  lieu,  entre  autres,  chez  une  jeune 
malade  nommée  Yinch...,  que  quelques-uns  d'entre  vous 
ont  pu  voir  dans  nos  salles.  D'autres  fois,  le  début  est  mar- 
qué, comme  chez  une  des  malades  de  Valentiner,  par  une 
brusque  invasion  de  la  parésie,  dans  l'un  des  membres  in- 
férieurs ;  ou  encore,  ainsi  que  cela  s'est  présenté  dans  le 
cas  de  M.  Léo  et  chez  une  de  mes  malades  dont  M.  Vulpian 
a  rapporté  l'histoire  (1),  une  attaque  apoplectiforme  pré- 
cédée pendant  quelques  jours  ou  quelques  semaines  de  ver- 
tiges, de  céphalalgie,  et  suivie  d'hémiplégie  temporaire, 
inaugure  l'invasion. 

Enfin,  Messieurs,  il  est  un  cas  sur  lequel  j'appellerai 


nente .  —  Parfois  la  rémission  est  incomplète  et  ne  porte  que  sur  quelques 
symptômes,  en  particulier  l'incontinence  d'urine  et  des  matières  fécales.  — 
Chez  un  malade  observé  par  M.  BaerwinckeL,  il  y  eut  aussi  une  rémission 
passagère  (B.). 

(l)  Vulpian.  —  Note  sur  la  sclérose  en  plaques  de  la  moelle  épinière,  obs. 
ii.  In  Mémoires  de  la  Société  médicale  des  hôpitaux,  1809. 


260  CRISES   GASTRIQUES. 

encore  votre  attention  et  où  le  début  se  trouve  masqué  par 
une  affection  qui,  le  plus  souvent,  est  considérée  comme 
accidentelle,  étrangère  à  la  maladie  principale,  bien  qu'en 
réalité  elle  s'y  rattache,  suivant  moi,  au  contraire,  intime- 
ment par  un  lien  non  reconnu  jusqu'ici.  Je  lais  allusion  à 
des  crises  gastriques  ou  gastralgiques,  comme  vous  vou- 
drez les  appeler,  lesquelles  sont  parfois  intenses,  accom- 
pagnées de  lypothymies,  de  vomissements  répétés,  etc. 
Elles  ont  plusieurs  fois  ouvert  la  scène  et  bientôt  les  symp- 
tômes habituels  de  la  sclérose  multiloculaire  leur  ont 
succédé  ;  il  n'est  pas  rare  d'ailleurs  de  les  voir  reparaître 
à  plusieurs  reprises  et  s'entremêler  avec  ces  symptômes 
pendant  les  premiers  temps  de  la  maladie.  Dans  ce 
genre,  une  observation  publiée  par  M.  Liouville  (1)  et  le 
cas  rapporté  par  M.  Zenker  sont  de  bons  exemples  à  citer  ; 
ces  accidents  sont  d'autant  plus  dignes  d'être  remarqués 
que  nous  les  retrouverons,  à  peu  près  avec  les  mêmes  ca- 
ractères, dans  d'autres  formes  de  sclérose  de  la  moelle  épi- 
nière  et  en  particulier  dans  la  sclérose  fasciculée  postérieure 
(ataxie  locomotrice),  principalement  dans  la  phase  initiale 
de  cette  affection.  Les  crises  gastriques  coïncidant  ou  al- 
ternant avec  les  douleurs  fulgurantes  des  membres,  peuvent 
être,  en  pareil  cas,  avec  la  diplopie,  et  peut-être  un  peu  de 
titubation  les  yeux  étant  fermés,  les  seuls  symptômes  ac- 
tuels de  la  maladie  en  question,  dont  le  véritable  caractère 
est  alors  trop  souvent  méconnu  (2).  Ces  mêmes  crises  gas- 
triques se  rencontrent,  ainsi  que  nous  l'avons  observé, 
mon  ami  M.  Duchenne  (de  Boulogne)  et  moi,  dans  la  forme 
de  myélite  centrale  siibaiguë  ou  chronique  qui  produit  les 
symptômes  de  la  paralysie  générale  spinale.  Mais  je  ne 
veux  pas  m'arrêter  plus  longuement  sur   ce   sujet  que  je 


(1)  Mémoires  de  la  Société  de  Biologie,  5e  série,   t.  I,  p.  107.  Paris,  1870. 

(2)  Voir  ce  que  M.  Charcot  a  dit  à  ce  sujet  dans  ses  leçons  faites  à  la 
Salpétrière  en  1868.  (Dubois.  —  Elude  sur  quelques  points  de  V  ataxie  loco- 
motrice. Paris,  1868.  Des  crises  gastriques,  p.  56.  — Leçons  sur  les  anomalies 
de  f  ataxie  locomotrice,  1873.  Leçon  II,  p.  32.) 


SECONDE   ET  TROISIÈME    PÉRIODES.  2')\ 

compte  reprendre  bientôt  en  lui  donnant  tous  les  déve- 
loppements qu'il  comporte. 


II. 


Deuxième  période.  —  En  général,  dès  la  fin  de  la  pre- 
mière période,  la  sclérose  multiloculaire  sp  présente  déjà 
douée  de  la  plupart  des  symptômes  qui  la  caractérisent. 
Ces  symptômes  s'aggravent  et  se  prononcent  encore  pen- 
dant la  seconde,  et  il  s'y  surajoute  la  contracture  spasmo- 
dique  des  membres,  avec  ou  sans  accompagnement  d'épi- 
lepsie  spinale,  par  suite  de  quoi  les  malades  qui,  jusque-là, 
avaient  encore  pu  marcher,  tant  bien  que  mal,  se  trouvent 
désormais  réduits  à  l'impuissance  à  peu  près  absolue  et 
confinés  définitivement  à  la  chambre  ou  même  au  lit.  La 
contracture  qui  signale  le  début  de  cette  période  est  un 
phénomène  presque  toujours  très-tardif;  il  ne  se  montre 
guère,  le  plus  souvent,  que  deux,  quatre,  six  ans  même 
après  l'apparition  des  premiers  accidents  de  la  sclérose 
multiloculaire. 


III. 


Troisième  'période.  —  Le  commencement  de  cette  der- 
nière période  est  marqué,  ainsi  que  je  vous  l'annonçais, 
par  l'affaiblissement  progressif  des  fonctions  organiques; 
l'inappétence  devient  habituelle,  la  diarrhée  fréquente  et 
bientôt  survient  un  amaigrissement  général  qui  se  prononce 
de  plus  en  plus  (1).  —   En   môme   temps  se  dessine  une 


(l)  C'est  surtout  à  cette  période  de  la  maladie  que  l'on  peut  voir  survenir 
des  accidents  susceptibles,  peut-être,  d'être  rangés  parmi  les  troubles  tro- 
phiques.  Tels  sont  :  1°  Un  ramollissement  des  vertèbres,  des  trochanters,  de 
la  tête  du  tibia,  des  os  du  tarse,  etc.  (liourneville  et  Guérard,  loc.  cit.,  cas 
du  docteur  Pennock,  p.  83);  —  2°  Une  cyphose  et    une    scoliose   à  droite, 


262  PARALYSIE  BULBAIRE. 

aggravation  de  tous  les  symptômes  propres  à  la  maladie  : 
l'obnubilation  de  l'intelligence  va  jusqu'à  la  démence;  l'em- 
barras de  la  parole  est  porté  à  son  comble  et  le  malade  ne 
s'exprime  plus  que  par  un  grognement  inintelligible. — Puis 
les  sphincters  se  paralysent  et  il  n'est  pas  rare  de  voir  la 
muqueuse  de  la  vessie  devenir  le  siège  d'une  inflammation 
ulcéreuse.  C'est  alors  que  se  montrent,  à  la  région  sacrée 
et  sur  tous  les  points  des  membres  inférieurs  soumis  à  une 
pression  prolongée,  des  eschares  qui  prennent  parfois  des 
proportions  énormes  et  consécutivement  toute  la  série  des 
accidents  qui  se  rattachent  à  cette  complication,  tels  que  : 
fusées  purulentes,  intoxication  purulente  ou  putride,  etc. 
La  mort  ne  tarde  pas  à  s'ensuivre. 

Le  plus  souvent  la  vie  est  encore  abrégée  par  l'interven- 
tion de  quelque  maladie  intermittente  :  la  pneumonie,  la 
phthisie  caséeuse,  la  dyssenterie,  peuvent  être  comptées 
parmi  les  plus  fréquentes  de  ces  affections  terminales  (1). 

J'ai  réservé,  pour  la  mentionner  d'une  manière  toute 
spéciale,  l'apparition  de  quelques  symptômes  de  paralysie 
bulbaire,  parce  qu'ils  peuvent,  en  s'aggravant  brusque- 
ment, précipiter  le  cours  des  événements  et  amener  la  ter- 
minaison fatale,  avant  même  que  les  phénomènes  de  la  der- 
nière période  se  soient  manifestés.  En  même  temps  que  la 
parole  devient  de  plus  en  plus  difficile,  il  se  produit  en  pre- 
mier lieu  un  embarras  de  la  déglutition  qui,  transitoire 
d'abord,  devient  bientôt  permanent.  Puis  se  montrent  de 
temps  à  autre  des  accès  de  dyspnée  plus  ou  moins  graves, 


signalée  dans  un  cas  de  Friedereich  (B.  et  G.,  loc.  cit.,  p.  213-214);  —  3°  Un 
épanchement  de  liquide  dans  les  deux  articulations  fémoro-tibiales  (Obs.  de 
M.  Malherbe)  (B.). 

(l)  Dans  les  cas  qui  cnt  été  publiés  dans  ces  derniers  temps,  nous  re- 
trouvons le  plus  souvent  les  affections  terminales  indiquées  par  M.  Charcot. 
Il  ressort  de  la  statistique  que  nous  avons  dressée  que  les  maladies  pulmo- 
naires (pneumonie,  pleurésie  purulente,  tubercules)  t'emportent  de  beaucoup 
sur  les  autres.  Nous  devons  encore^signaler  le  décubitus  aigu,  la  pyélo- cystite 
(un  cas),  Y  œdème  de  la  glotte  [un  cas)  (B.). 


FORMES   DE   LA  SCLÉROSE   EN  PLAQUES.  163 

et  la  mort  peut  survenir  dans  un  de  ces  accès.  J'ai  observé 
tout  récemment  deux  cas  qui  se  sont  terminés  de  cette  ma- 
nière. L'autopsie  a  fait  reconnaître,  dans  ces  deux  cas, 
qu'une  plaque  de  sclérose  avait  envahi  le  plancher  du  qua- 
trième ventricule,  où  elle  englobait  les  noyaux  d'origine  de 
la  plupart  des  nerfs  bulbaires  (1). 
Après  les  détails  dans  lesquels  je  viens  d'entrer,   il  me 


(l)  C'est  ainsi  qu'ont  succombé  la  nommée  Vauthi..,  qui  a  fait  l'objet  de 
la  leçon  précédente  et  la  nommée  Bezot,  qui  a  été  couchée  pendant  longtemps 
salie  Saint-Luc,  u°  10.  Nous  allons  résumer  rapidement  les  traits  principaux 
de  leur  histoire. 

I.  — Vauth...,  Joséphine  G.,  est  entrée  le  21  mars  1867,  dans  le  service 
de  M.  Vulpian  et  est  morte  le  7  février  1871,  dans  le  service  de  M.  Charcot 
(32  ans).  De  14  à  21  ans,  étourdissements  suivis  de  vomissements.  Grossesse 
à  22  ans  qui  met  fin  aux  vomissements.  La  sclérose  en  plaques  disséminées 
a  débuté  à  23  ans  et  demi  :  faiblesse  de  la  région  lombaire,  fatigue  très- 
grande  des  membres  inférieurs,  élancements  dans  la  jambe  droite,  affaiblis- 
sement de  la  vue,  diplopie.  —  A  25  ans,  faiblesse  des  bras  qui  sont,  parfois, 
le  siège  de  douleurs. 

1867.  Nystagmus,    diplopie.   Intégrité  des    masses  musculaires.  Perte   de 

la  notion  de  position 
des  membres  inférieurs. 
Parésie  et  tremblement 
des  membres  supé- 
rieurs. Partout  la  sen- 
sibilité tactile  est  en 
grande  partie  perdue. 
—  Amélioration  mo  • 
mentanée  par  le  nitrate 
d'argent. 

1868.  La  malade  ne 
peut  plus  se  tenir  de- 
bout ,  les  symptômes 
sont  plus  accusés  à 
droite  qu'à  gauche,  le 
tremblement  des  mem- 
bres supérieurs  a  au- 
gmenté. Douleurs  ful- 
gurantes fréquentes  , 
surtout  dans  la  moitié 
gauche  de  la  face.  — 
Etourdissements  vertigineux  se  montrant  à  des  intervalles  rapprochés.  Le 
nystagmus  est  plus  accusé.  En  mai,  M.  Vulpian  fait  prendre  à  la  malade 
deux  pilules  de  0  gr.  015  d'extrait  de  feve  de  Calahar.  Peu  après,  accès 
de  faiblesse  avec  exagération  du  tremblement,  sueurs   froides,  pâleur  de 


Fifj.  15.  —  Elle  représente  les  lésions  observées  sur  une 
coupe  pratiquée  à  la  partie  la  plus  élevée  de  la  région 
lombaire;  on  voit  que  les  cordons  postérieurs  sont  pris 
dans  toute  leur  largeur,  et  que  la  lésion  prédomine  à 
leur  partie  moyenne. 


264 


FORMES  DE  LA  SCLEROSE  EN  PLAQUES. 


paraît  inutile  d'entreprendre  la  description  particulière  des 
diverses  formes  que  peut  revêtir  la  sclérose  multiloculaire. 
Les  formes  cérébrale  et  spinale  correspondent  à  un  enva- 
hissement incomplet  des  centres  nerveux  par  la  sclérose  : 


la  face.  —  (Ce?  phénomènes  sont  peut-être  dus  à  la -fève  de  Calabar).  A 
partir  de  juillet,  3  pilules  de  fève  de  Calabar.  En  novembre,  M.  Vulpian 
supprime  la  fève  de  Calabar  et,  comme  il  est  survenu  dans  des  derniers 
temps  de  l'incontinence  d'urine,  il  prescrit  3  pilules  de  0  gr.  03  d'extrait  de 
Belladone.  L'incontinence  d'urine,,  après  avoir  présenté  des  amendements  pas- 
sagers, cessa  dans  le  courant  de  décembre. — 1870,  janvier.  Troubles  psychi- 
ques (Voir  page  238).  Dans  le  courant  de  cette  année,  les  symptômes  que  nous 
avons  notés  ont  augmenté  d'intensité  et,  de  plus,  il  s'y  est  ajouté  des 
symptômes  de  paralysie  bulbaire.  Ceux-ci  se  sont  aggravés  assez  rapidement 
et  la  malade  est  morte,  en  quelque  sorte  asphyxiée,  le  7  février  1871. 

Autopsie. — 11  existe  de  nombreuses  plaques  de  sclérose  dans  le  cerveau  et  la 
moelle.  En  raison  des  symptô/iies  ataxiques  offerts  par  la  malade,  les  lésions 
de  l'axe  spinal  doivent  être  consignées  ici.  Il  y  avait  des  plaques  de  sclérose 
dans  toute  la  hauteur  des  cordons  latéraux  Quant  aux  cordons  postérieurs, ils 
sont  pris  un  peu  partout,  mais  principalement  à  partir  de  l'extrémité  infé- 
rieure de  la  région  dorsale.  La  figure  lii  représente  les  lésions  observées 
sur  une  coupe  pratiquée  à  la  partie  la  plus  élevée  de  la  région  lombaire. À  ce 


niveau,  les  cordons  postérieurs  sont  pris  dans  toute  leur  étendue  (Fit/.  /S, 
mais  surtout   à  la  partie  moyenne.  Les  cordons  latéraux  sont  relativement 
moins  lésés. 

II.  —  Bez...  Pauline,  35  ans,  célibataire,  bonne  d'enfants,  est  entrée  le  17 
février  1871  dans  le  service  de  M.  Charcot.  Aux  symptômes  ordinaires  delà 
sclérose  en  plaques  sont  venues  s'ajouter,  vers  le  mois  de  mai,  de  la  dyspnée 

et  de   la  dysphagie.  La  gêne  de  la 

obligeait    la    malade    à 

avec   une  grande    lenteur. 


manger 

Le  retour  des  aliments  par  les  fos- 
ses nasales  ne  fut  observé  qu'à  la  fiu 
de  la  vie.  La  malade  est  morte  d'as- 
phyxie le  12  juin  sans  qu'on  eût 
noté  de  râles  dans  la  poitrine. 

Autopsie.  Plaque  de  sclérose  sur 
le  chiasma  des  nerfs  optiques  se 
prolongeant  sur  les  bandelettes  ;  — 
pi.  de  sclérose  dans  les  ventricules 
et  dans  le  centre  ovale.  —  Sur  une 
coupe  faite  à  un  centimètre  au- 
dessus  du  bord  inférieur  de  la  pro- 
tubérance, au  niveau  de  l'origine  apparente  du  nerf  trijumeau,  on  découvre 
une  plaque  de  sclérose  large  et  irrégulière.  [Fig.  16,  b'  b'j. 


Fig.  16.  —  a,  pneumogastrique;  —  b, 
petite  plaque  de  sclérose  ;  —  b'}  grande 
plaque  de  sclérose. 


DURÉE.  26o 

c'est,  si  l'on  veut,  la  maladie  arrêtée  dans  son  développe- 
ment, dans  sa  progression,  soit  ascendante,  soit  descen- 
dante. La  série  symptomatologique  s'en  trouve  pour  ainsi 
dire  écourtée  ;  mais  les  symptômes,  considérés  isolément, 
n'en  sont  pas  pour  cela  modifiés.  La  première  forme  est 
très-rare,  la  seconde  assez  fréquente,  au  contraire;  mais, 
en  somme,  la  forme  cérébro-spinale  représente  le  type  nor- 
mal, celui  que  nous  rencontrons  le  plus  souvent  dans  la  cli- 
nique. 

La  sclérose  multiloculaire  cérébro-spinale  accomplit,  en 
grand,  son  évolution  totale  dans  l'espace  de  six  à  dix  an- 
nées (1)  :  cela  établit  un  nouveau  contraste  avec  la  paralysie 
agitante  dont  la  durée  normale  est  beaucoup  plus  longue. 
La  forme  spinale  laisse  habituellement  plus  de  répit;  elle 
peut  ne  se  terminer  qu'au  bout  de  vingt  ans  et  même  plus 
tard  encore  (2). 


Une  autre  coupe  transversale,  répondant  à  la  partie  moyenne  des  olives,  fait 
voir  une  autre  plaque  de  sclérose  [Fig.  il ',  c) 
paraissant  intéresser  le  pneumogastrique  {Fig. 
47>  a).  —  L'examen  microscopique  des  nerfs  a 
montré  de  nombreux  tubes  granulo- graisseux 
dans  Thypoglusse,  des  traces  d'irritation  de  la 
gaine  de  Schwann  dans  le  nerf  pneumogastri- 
que. Quant  aux  autres  organes,  et  en  particulier 
le  pharynx,  le  larynx  et  les  poumons,  ils  étaient 
c  sains  (B  ). 

Fig.  17.  —  a,  pneumo- 
gastrique ;  —  b,  hypo- 
glosse ;  —  c,  plaque  de 
sclérose. 

(1)  Il  est  assez  difficile  d'établir,  quant  à  présent,  la  durée  moyenne  de  la 
sclérose  en  plaques.  Dans  un  premier  relevé  (Bourneville  et  Guérarl,  loc. 
cit.,  p.  148)  comprenant  17  cas,  nous  avons  trouvé  une  moyenne  de  8  à  10 
ans.  Dans  une  statistique  portant  sur  13  cas  nouveaux  nous  avons  obtenu  une 
moyenne  de  7  ans  et  demi.  Le  minimum  de  la  durée  de  la  maladie  a  été  uu 
an  (cas  de  M.  Malherbe.  In  Journal  de  médecine  de  l'Ouest,  1870,  p-  168,  et 
Busihwald.  Ueber  multiple  Sklerose  des  Hinis  und  Riickenmarks,  in  Deutsches 
Archiv.  fiir  Klin.  Medicin,c  x,  fas.  iv  et  v,  p.  478;  1872).  Le  maximum  a 
été  de  16  à  17  ans  (B.). 

(2)  Dans  trois  cas  de  sclérose  en  plaques  disséminées,  avec  prédominance 


266  PHYSIOLOGIE  PATHOLOGIQUE. 


PHYSIOLOGIE  PATHOLOGIQUE  ;  ÉTIOLOGIE  ;  PRONOSTIC  ET  TRAITEMENT. 

Pour  terminer  cette  étude,  il  me  resterait,  Messieurs,  à 
vous  entretenir  de  la  physiologie  pathologique,  de  l'étiolo- 
gie,  et  enfin  du  traitement  de  la  sclérose  multiloculaire  des 
centres  nerveux.  Malheureusement  les  documents  que  je 
pourrai  invoquer  relativement  à  ces  divers  points  sont  peu 
nombreux,  imparfaits  encore  pour  la  plupart,  et  j'en  serai 
réduit,  par  conséquent,  à  vous  présenter  quelques  remar- 
ques très-sommaires. 

A.  La  raison  du  mode  de  répartition  si  singulier  qu'affec- 
tent les  îlots  scléreux  dans  les  diverses  parties  du  système 
nerveux  central,  nous  est,  quant  à  présent,  complètement 
inconnue.  M.  Rindfleisch  (1)  a  avancé  que  le  point  de  dé- 
part de  la  formation  des  foyers  de  sclérose  serait  dans  le 
système  vasculaire.  Suivant  lui,  l'inflammation  des  parois 
des  petits  vaisseaux  qu'on  rencontrerait  toujours  au  centre 
des  plaques  en  voie  de  formation  serait  le  fait  initial  ;  de  ce 
point  central,  l'irritation  se  propagerait  au  réticulum  de  la 
névroglie  et  rayonnerait  dans  toutes  les  directions.  Evi- 
demment ce  ne  serait,  là  encore,  que  reculer  la  difficulté. 
D'ailleurs,  ce  rôle  prédominant  accordé  aux  vaisseaux  clans 
l'évolution  du  processus  morbide  n'est  rien  moins  que  dé- 
montré. Je  suis  même  très-disposé  à  croire,  d'après  mes 
propres  observations,  que  les  altérations  des  vaisseaux  et 
celles  du  réticulum  marchent  du  même  pas,  parallèlement, 
sans  s'influencer  réciproquement. 

Quoi  qu'il  en  soit,  étant  donné  le  siège  des  îlots  sclérosés 


des  lésions  dans  les  cordons  postérieurs,  la  maladie  a  duré  11,  21  et  28  ans. 
(Bourneville.  —  Nouvelle  étude  sur  quelques  points  de  la  sclérose  en  plaques 
disséminées ,  1 869 .  ) 

(l)  E.  Rindfleisch.  —  Histol.  Détail  zu  der  grauen  De  génération  von  Gre- 
him  und  Ruckenmarck  (Virchow's  Archiv,  1863,  t.  XXVI,   p.  474). 


CAUSES   :   SEXE.  2C7 

dans  les  divers  départements  des  centres  nerveux,  peut-on 
en  déduire  la  production  des  phénomènes  dont  l'ensemble 
constitue  la  symptomatologiede  la  sclérose  en  plaques  ?Cela 
est  possible  au  moins  en  partie.  Déjà  nous  vous  avons  lait 
remarquer  que  l'incoordination  motrice,  la  perte  de  la  no- 
tion déposition,  les  douleurs  fulgurantes  qui  s'observent 
dans  un  certain  nombre  de  cas,  peuvent  être,  dans  ces  cas- 
là  rapportées  à  l'envahissement  des  faisceaux  postérieurs 
de  la  moelle  épinière  dans  une  certaine  étendue  en  hauteur. 
D'un  autre  côté,  la  prédominance  habituelle  des  plaques  de 
sclérose  sur  le  trajet  des  cordons  antéro-latéraux  rend 
compte,  ainsi  que  je  vous  le  démontrerai  bientôt,  de  l'exis- 
tence à  peu  près  constante  de  la  parésie  ou  de  la  paralysie 
des  membres,  suivies  tôt  ou  tard  de  contracture  perma- 
nente. Le  nystagmus,  l'embarras  de  la  parole,  sont  en  rap- 
port avec  la  localisation  habituelle  des  plaques  clans  l'épais- 
seur de  la  protubérance  et  du  bulbe.  Mais  un  grand  nom- 
bre d'autres  symptômes  sont  d'une  interprétation  beaucoup 
plus  difficile.  Tel  est,  entre  autres,  le  tremblement  particu- 
lier qui  se  manifeste  dans  certaines  attitudes  du  corps  et 
dans  l'exercice  des  mouvements  volontaires.  J'ai  exprimé 
l'opinion  que  la  longue  persistance  des  cylindres  axiles, 
dépouillés  de  leur  enveloppe  de  myéline,  au  sein  des  foyers 
sclérosés,  joue  peut-être  ici  un  rôle  important;  la  trans- 
mission des  impulsions  volontaires  s'opérerait  encore  par 
la  voie  de  ces  cylindres  dénudés,  mais  elle  aurait  lieu  d'une 
façon  irrégulière,  saccadée,  et  ainsi  se  produiraient  les  os- 
cillations qui  troublent  l'exécution  des  mouvements  inten- 
tionnels. 

Cette  résistance  des  cylindres  axiles  n'est  certainement 
pas  un  phénomène  exclusivement  propre  à  l'induration 
multiloculaire  ;fmais  elle  se  montre  là  plus  prononcée  que 
dans  les  autres  formes  de  la  sclérose  des  centres  nerveux. 
Elle  peut  être  invoquée  encore,  je  crois,  pour  rendre  compte 
de  la  lenteur  avec  laquelle  les  symptômes  parétiques  pro- 
gressent dans  la  sclérose  en  plaques,  et  du  long  espace  de 


268  CAUSES    I    AGE  ;   HEREDITE. 

temps  qui  s'écoule  avant  l'époque  où  ils  l'ont  place  à  la  pa- 
ral}Tsie  complète  et  à  la  contracture  permanente. 

B.  Ce  que  l'on  sait  concernant  les  conditions  qui  prési- 
dent au  développement  de  la  sclérose  en  plaques  se  réduit 
à  fort  peu  de  chose.  Il  parait  établi  toutefois,  dès  à  présent, 
que  la  maladie  est  beaucoup  plus  commune  chez  les  femmes 
que  chez  les  hommes.  Ainsi,  parmi  les  cas  que  j'ai  rassem- 
blés dans  mes  premières  études,  trois  ou  quatre  seulement 
concernent  des  hommes.  Les  faits  qui  ont  été  publiés  de- 
puis lors,  n'ont  pas  modifié,  d'une  manière  sensible,  ce  ré- 
sultat. En  réunissant  aux  dix-huit  cas  qui  figurent  dans  la 
monographie  de  MM.  Bourneville  et  Guérard,  16  cas  nou- 
veaux, nous  avons  un  total  de  34  cas,  dont  9  hommes  et  25 
femmes. 

De  ces  mêmes  documents,  il  ressort  que  c'est  là  une 
maladie  de  lajeunesse  ou  de  la  première  moitié  de  l'âge 
adulte.  On  l'a  observée  chez  des  sujets  âgés  de  14,  15,  17 
ans  (1).  Mais  elle  parait  débuter  le  plus  souvent  entre 
20  et  25  ans.  Rarement  elle  apparaît  après  30  ans.  L'âge 
de  40  ans  semble  être  d'un  autre  côté  la  dernière  limite 
que  puissent  atteindre  les  sujets  atteints  de  sclérose  en 
plaques. 

Relativement  à  l'influence  héréditaire,  nous  n'aurions  à 


(l)  Dans  un  travail  de  M.  Leube  [Ueber  multiple  inselforming  Sklerose 
des  Grehirns  und  Rilr]iemnarks,'\n  Deutsche s  Archiv,  8  Bd.  1  hefl,  1870,  p.  14/ 
nous  trouvons  une  observation  qui  concerne  un  enfant  qui  présenta  les 
premiers  symptômes  de  la  sclérose  en  plaques  disséminées  à  l'âge  de  7  ans. 
Elle  mourut  à  l'âge  de  14  ans  et  demi.  Résumé  :  nystagmus  léger;  para- 
lysie faciale  droite  ;  ataxie  très-prononcée  des  extrémités,  surtout  à  gauche; 
tremblement  de  la  tête;  parole  difficile;  atrophie  des  jambes.  —  Autopsie  : 
Sclérose  du  pont  de  Varole  et  de  ses  annexes,  presque  générale  à  droite, 
disséminée  à  gauche-  Le  cerveau  et  le  cervelet,  dans  leurs  couches  corti- 
cales, sont  le  siège  d'une  double  dégénérescence  jaune-blanchâtre  ou  gris 
d'acier,  tantôt  ditfuse,  tantôt  en  plaques  disséminées.  Dans  la  moelle  —  et 
principalement  la  moelle  allongée  —  la  sclérose  occupe,  en  première  ligne, 
les  cordons  postérieurs,  puis  les  cordons  latéraux,  enfin  les  cordons  anté- 
rieurs (B.). 


CAUSES   OCCASIONNELLES.  269 

citer  qu'un  seul  exemple  où  elle  ait  paru  jouer  un  certain 
rôle.  Cet  exemple  nous  a  été  communiqué  par  M.  Duchenne 
(de  Boulogne). 

Dans  les  antécédents  pathologiques  des  malades  eux- 
mêmes  nous  n'avons  à  relever  en  général  que  des  indices 
très-vagues  :  l'hystérie  y  figure  dans  quelques  cas  ;  mais, 
le  plus  souvent,  on  ne  trouve  mentionnés  que  des  accidents 
névropathiques  assez  mal  déterminés  :  la  migraine  de  temps 
à  autre,  ou  des  névralgies  (1). 

Parmi  les  causes  occasionnelles,  on  trouve  plusieurs  fois 
signalée  l'action  prolongée  du  froid  humide  (2).  Dans  un 
cas,  les  premiers  symptômes  se  seraient  développés  peu  de 
temps  après  une  chute. 

Mais  ce  sont  les  circonstances  d'ordre  moral  qui,  le  plus 
communément,  sont  invoquées  par  les  malades.  Les  chagrins 


(1)  Il  est,  toutefois,  une  condition  étiologique  qui  mérite  d'être  mention- 
née :  c'est  l'influence  de  certaines  maladies  aiguës  sur  le  développement  de  la 
sclérose.   Voici,  à  l'appui   de  cette  assertion,  l'indication  de  quelques  faits. 

1°  Dans  un  cas  de  Erbstein  {Deutsches  Archiv  fiir  Klinische  Medicin,  t.  x, 
fasc.  C.  p.  G96),  la  sclérose  en  plaques  a  débuté  durant  la  convalescence  d'une 
fièvre  typhoïde.  Le  malade  éprouva  alors  une  faiblesse  dans  les  membres  et 
de  l'embarras  dans  la  parole,  les  mots  étaient  scandés,  la  prononciation  était 
peu  distincte  et  monotone. 

2°  Une  malade  du  service  de  M.  Charcot,  Nie...  Julie,  remarqua  un  cer- 
tain degré  de  faiblesse  dans  les  membres  inférieurs  après  une  attaque  de  cho  ■ 
léra.  Un  peu  plus  tard,  elle  eut  une  fièvre  typhoïde  à  partir  de  laquelle  la 
faiblesse  des  jambes  fit  des  progrès,  d'une  façon  lente  mais  continue,  à  tel 
point  que  bientôt  elle  fut  obligée  de  se  servir  d'une  canne  (A.  Joffroy.  — 
Mémoires  de  la  Société' de  biologie,  1869, p.  146). 

3°  Dans  l'observation  rapportée  par  MM.  Fontaine  et  Liouville,  il  est  dit 
que  les  premiers  indices  de  la  sclérose  furent  précédés  par  des  vomissements 
bilieux  abondants  qui  durèrent  dix  à  quinze  jours.  ;H.  Liouville,  in  Mémoires 
de  la  Société  de  biologie,  1869,  p.  107.) 

4°  Enfin,  nous  citerons  le  cas  d'une  femme  nommée  Dr...  Hortense,  chez 
laquelle  les  premières  manifestations  de  la  sclérose  en  plaques  se  sont  mon- 
trées alors  qu'elle  venait  d'avoir  une  variole  grave  (B.). 

(2)  Un  malade,  observé  par  M.  Baerwinkel,  s'aperçut  d'une  difficulté  des 
mouvements  de  la  jambe  droite  trois  jours  après  avoir  fait  une  chute  dans 
l'eau.  L'action  du  froid  humide  est  d'autant  plus  réelle  dans  ce  cas  que  le 
malade  laissa  ses  habits  sécher  sur  lui  (B). 


270  PRONOSTIC. 

prolongés,  par  exemple,  ceux  entre  autres  que  peut  occa- 
sionner une  grossesse  illicite,  ou  encore  les  désagréments 
et  les  ennuis  qu'entraîne  une  position  sociale  plus  ou  moins 
fausse,  telle  qu'est  souvent  celle  de  certaines  institutrices. 
Voilà  pour  ce  qui  concerne  les  femmes  (1).  Quant  aux 
hommes,  il  s'agit  pour  la  plupart  de  gens  déclassés,  placés 
en  dehors  du  courant  général,  trop  facilement  impression- 
nables, mal  armés  pour  soutenir  ce  qu'on  appelle,  dans  la 
théorie  de  Darwin,  la  lutte  pour  la  conservation  de  la  vie 
{Struggle  for  lifé).  C'est  là,  en  somme,rune  étiologie  quel- 
que peu  banale  et  que  Ton  retrouve,  pour  ainsi  dire,  à  l'ori- 
gine de  toutes  les  maladies  chroniques  du  système  nerveux 
central. 

C.  Le  pronostic  jusqu'ici  est  des  plus  sombres.  En  sera- 
t-il  toujours  de  même  ?  On  peut  espérer  que,  lorsque  la  ma- 
ladie sera  mieux  connue,  le  médecin  apprendra  à  tirer  parti 
de  ces  tendances  spontanées  aux  rémissions  qui  se  trouvent 
signalées  dans  un  bon  nombre  de  cas.  Il  ne  faut  pas  ou- 
blier d'ailleurs  que,  quant  à  présent,  la  véritable  notion  du 
mal  n'est,  en  général,  reconnue  que  lorsque  déjà  les  lésions 
sont  très-profondes,  et,  partant,  peu  accessibles  à  l'influence 
des  moyens  curatifs.  (Voir  à  I'Appexdice,  p.  402'. 

D.  Irai-je,  après  ce  qui  précède,  vous  entretenir  longue- 
ment de  thérapeutique?  Le  temps  n'est  pas  venu  encore  où 
cette  question  pourra  être  abordée  sérieusement.  Je  ne 
puis  vous  parler  que  des  quelques  essais  tentés  jusqu'à  ce 
jour,  et  dont  les  résultats,  malheureusement,  se  sont  mon- 
trés, en  général,  peu  favorables. 

Le  chlorure  d'or  et  le  phosphicre  de  zinc  paraissent 


(l)  The  Lancet  (1873,  vol.  I.  p.  236)  a  publié  le  résumé  d'un  cas  de  sclé- 
rose en  plaques  observé  par  M.  Moson,  hGruy's  Hospital,  où  l'on  voit  no- 
tées comme  causes  :  a)  une  maladie  fébrile  avec  diarrhée  qui  a  duré  plusieurs 
semaines  ;  b)  une  émotion  morale  vive  ressentie  par  la  malade  qui  trouva 
son  mari  couché  avec  une  autre  femme  (B.). 


TRAITEMENT.  271 

avoir  plutôt  exaspéré  les  symptômes.  La  strychnine  a 
quelquefois  fait  cesser  le  tremblement  ;  mais  son  influence 
a  toujours  été  temporaire.  J'en  dirai  autant  du  nitrate 
d'argent.  Dans  plusieurs  cas  que  j'ai  observés,  il  parait 
avoir  eu  sur  le  tremblement  et  sur  la  parésie  des  membres 
une  influence  très-favorable,  mais  qui,  à  la  vérité,  ne  s'est 
pas  longtemps  maintenue.  Une  contre-indication  formelle 
à  l'emploi  de  ce  médicament  serait  l'existence  de  la  contrac- 
ture permanente,  et  surtout  de  l'épilepsie  spinale  :  l'emploi 
du  nitrate  d'argent  aurait,  en  effet,  presque  à  coup  sûr, 
pour  résultat  d'exaspérer  ces  symptômes.  V hydrothérapie, 
dans  un  cas,  parait  avoir  produit  un  amendement  passager  ; 
dans  un  autre,  par  contre,  elle  a  complètement  échoué. 

L'arsenic,  la  belladone,  le  seigle  ergoté,  le  bromure  de 
potassium  ont  été  également  administrés  dans  la  sclérose 
en  plaques,  sans  avantage  marqué.  J'en  dirai  autant  de 
l'application  delà  faradisation  et  de  l'emploi  des  courants 
continus.  Mais,  relativement  à  ce  dernier  agent,  il  importe 
d'avoir  recours  à  de  nouvelles  expérimentations  avant  de 
se  prononcer  d'une  manière  définitive  (1). 


(l)  D'autres  médicaments  ont  été  employés  sans  plus  de  succès  que  ceux 
qu'a  énumérés  M.  Charcot  :  tels  sont  Vhuile  phosphorée  ;  Yiodure  de  phos- 
phétylamine,  et  la  fève  de  Calabar.  —  Depuis  la  publication  de  la  première 
édition  de  ces  leçons,  il  a  paru  un  certain  nombre  de  travaux  ou  d'observa- 
tions sur  la  sclérose  en  plaques.  Comme  ils  ne  font  que  confirmer  les  des- 
criptions tracées  par  M.  Charcot,  nous  nous  bornerons  à  une  simple  énumé- 
ration  :  1°  Timal  :  Etude  sur  quelques  complications  de  la  sclérose  en  plaques 
disséminées  ;  thèse  de  Paris,  1873  ;  —  2°  et  3°  H.  Schùle:  Beitrâge  zur  mul- 
tiplen  Sclérose  des  Grehims  und  R/lckenmarks,  in  Detitsclies  Archiv  fur  Klin. 
Medicin,  1870,  Bd.  VII,  p.  259  ;  —  Weitere  Beitrâge  zur  Hirn  Rilcken- 
inarks  Sclérose  ;  même  recueil,  1871,  Bd.  VIII,  p.  223;  —  4°  Baldwin  :  A 
case  of  difused  cérébral  Sclerosis.  {Journal  of  mental  Science,  1873,  juillet, 
p.  304);  —  5°  Moxon  :  Two  Cases  of  insular  Sclerosis  of  the  Brainand  tke 
spinal  Chord.  {The  Lancet,  vol.  I,  p.  471,  6C9,  1875)  ;  —  6°  Buzzard  :  Disse- 
wiinated  cerebro- spinal  Sclerosis.  [Ibid.,  vol.  I,  p.  45)  ;  —  7°  Moxon  :  ~Eight 
Cases  of  insular  Sclerosis  of  the  Brain  and  spinal  Chord  [Guy's  Eospital 
Reports.  3e  série,  t.  XXI,  London,  1875).  (Note  de  la  2e  édition). 


TROISIÈME  PARTIE 


Hystérie.  —  Hystéro-Epilepsie 


Charcot,  t.  1,  3e  éd.  18 


NEUVIEME  LEÇON 
De  l'ischurie  hystérique. 


Sommaire.  —  Préambule.  —  De  l'ischurie  hystérique.  —  Différences  qui 
la  séparent  de  l'oligurie.  —  Considérations  générales.  —  Vomissements 
supplémentaires.  —  Historique.  —  Causes  qui  ont  fait  suspecter  la  réa- 
lité de  l'ischurie  hystérique.  —  Distinction  entre  l'ischurie  calculeuse  et 
l'ischurie  hystérique. 

Observation.  —  Paralysie  et  contracture  hystériques.  —  Ilémianesthésie 
complète.  —  Hémiopie  et  achromatopsie.  —  Ilyperesthésie  ovarienne.  — 
Rétention  d'urine.  —  Tympanisme.  —  Attaques  convulsives,  trismus. 
—  Apparition  de  l'ischurie  hystérique.  —  Précautions  prises  pour  éviter 
toute  cause  d'erreur.  —  Anurie  totale.  — Vomissemeuts  urémiques.  — 
Balancement  entre  la  quantité  de  l'urine  excrétée  et  les  vomissements.  — 
Analyse  chimique  des  matières  vomies,  des  urines  et  du  sang.  —  Sus- 
pension des  accidents. 

Retour  de  Tischurie  hystérique.  —  Nouveaux  résultats  de  l'analyse  chi- 
mique. 

Gravité  de  l'anurie  ordinaire  et  de  l'anime  expérimentale.  —  Limite  de  la 
durée  des  accidents  compatibles  avec  la  vie.  —  Influence  de  l'évacuation 
d'une  quantité  même  minime  d'urine.  —  Rapidité  de  l'apparition  des 
symptômes  dans  l'ischurie  calculeuse;  sa  lenteur  dans  l'ischurie  hystéri- 
que. —  L'innocuité  des  accidents  est  en  rapport  avec  la  dose  d'urine 
produite  dans  l'organisme.  — Résistance  des  hystériques  à  l'inanition. 

Mécanisme  de  l'ischurie  hystérique.  — -  Insuffisance  de  nos  connaissances 
à  cet  égard. 


I. 

Messieurs, 

J'ai  l'intention  de  reprendre  et  de  compléter  dans  les 
conférences  de  cette  année  la  série  d'études  que  nous  avions 
entreprises,  il  y  a  deux  ans,  et  que  sont  venus  brusque- 
ment interrompre  les  tristes  événements  que  vous  savez. 

Au  moment  où  nous  avons  dû  nous  séparer,  par  une  ap- 
plication de  recherches  préalables  concernant  les  troubles 


276  PRÉLIMINAIRES. 

trophiques  liés  à  une  influence  du  système  nerveux,  j'es- 
sayais, vous  vous  en  souvenez  sans  doute,  de  montrer 
comment  bon  nombre  d'affections  du  système  musculaire, 
jusque-là  rattachées  à  une  cause  périphérique,  sont,  en 
réalité,  subordonnées  à  des  lésions  siégeant  dans  certaines 
régions  bien  déterminées  de  l'axe  gris  spinal. 

Ce  groupe  d'affections  musculaires,  que  j'ai  proposé  d'ap- 
peler myopathies  spinales  ou  de  cause  spinale,  nous  occu- 
pera d'une  façon  toute  particulière.  Je  reviendrai  aussi  sur 
le  groupe  si  intéressant  des  scléroses  de  la  moelle  êpinière 
et,  entre  autres,  sur  celle  qui  détermine  l'ensemble  symp- 
tomatique  désigné  sous  le  nom  (Vataœie  locomotrice  pro- 
gressive (1).  Le  sujet  est  loin  d'être  épuisé,  et  j'aurai  l'oc- 
casion de  signaler,  relativement  à  ces  affections,  plusieurs 
faits  nouveaux  ou  connus  d'une  manière  imparfaite  et  que 
des  travaux  entrepris  dans  cet  hospice  ont  mis  en  lumière. 

Je  traiterai  aussi  des  paraplégies  (2)  produites  par  une 
compression  lente,  de  la  méningite  spinale  chronique  et 
de  quelques  maladies  du  cerveau  et  de  la  moelle  êpinière 
dont  l'histoire  a  été  jusqu'ici  très-négligée. 

Mais,  avant  de  vous  ramener  vers  ces  questions  ardues, 
je  ne  puis  résister,  Messieurs,  au  désir  de  mettre  à  profit 
un  certain  nombre  de  cas  très-remarquables  d'hystérie  qui 
se  trouvent  actuellement  réunis  dans  nos  salles.  Il  importe 
dé  saisir  avec  empressement  cette  bonne  fortune,  car,  en 
raison  de  la  mobilité  propre  à  la  grande  névrose  que  je 
viens  de  nommer,  les  symptômes  qui  s'offrent  aujourd'hui 
à  un  haut  degré  de  développement  pourraient  être  demain 
complètement  effacés. 

Parmi  ces  cas,  il  en  est  un,  digne  d'attention  entre  tous, 
qui  fera  l'objet  de  notre  première  entrevue  :  c'est,  —  si  je 
ne  m'abuse,  —  un  exemple  légitime  d'une  affection  rare, 


(0  Voyez  :  Leçons  sur  les  maladies  du  système  nerveux,  t.   il,   l'"e   et 
parties. 

(2)  Gharcot,  loc.  cit.,  t.  n,  lre  partie. 


1SGHURIE   ET  OLIGURIE.  111 

très-rare,  et  dont  l'existence  même  est  contestée  par  la 
plupart  des  médecins. 

Il  ne  faut  pas  dédaigner,  Messieurs,  l'examen  des  cas 
exceptionnels.  Ils  ne  sont  pas  toujours  un  simple  appât 
pour  une  vaine  curiosité.  Maintes  fois,  en  effet,  ils  four- 
nissent la  solution  de  problèmes  difficiles.  En  cela,  ils  sont 
comparables  à  ces  espèces  perdues  ou  paradoxales  que  le 
naturaliste  recherche  avec  soin,  parce  qu'elles  établissent 
la  transition  entre  les  groupes  zoologiques  ou  qu'elles  per- 
mettent de  débrouiller  quelque  point  obscur  d'anatomie  ou 
de  physiologie  philosophiques. 

C'est  de  Vischurie  hystérique  que  je  yeux  vous  parler. 
Dès  l'abord  ,  je  dois  entrer  dans  quelques  explications 
au  sujet  de  cette  dénomination  que  quelques-uns  d'entre 
tous  entendent  peut-être  prononcer  pour  la  première 
fois. 

À.  Ischurie  et  impossibilité  d'uriner,  dans  la  langue 
technique,  tous  le  savez,  c'est  tout  un.  La  signification 
des  mots  ischurie  hystérique,  toutefois,  est  plus  res- 
treinte. 

Il  ne  s'agit  pas  là  de  la  simple  rétention  d'urine  dans 
la  vessie,  fait  vulgaire  chez  les  hystériques.  On  sait  que 
très-communément,  en  pareille  circonstance,  pendant  des 
mois,  des  années  même,  l'intervention  de  la  sonde  est  né- 
cessaire; mais  alors,  l'urine  extraite  de  la  vessie  est  abon- 
dante ou,  tout  au  moins,  son  taux  ne  s'éloigne  pas  du  chif- 
fre normal. 

Dans  Vischurie  des  hystériques,  l'obstacle  n'est  ni  dans 
l'urèthre,  ni  dans  la  vessie.  Il  est  plus  haut,  soit  dans  les 
uretères,  soit  dans  le  rein  lui-même,  soit  plus  loin  encore; 
il  y  a  là  une  question  à  juger.  Le  fait  capital,  c'est  que  la 
quantité  d'urine  rendue  en  vingt-quatre  heures,  à  l'aide  de 
la  sonde,  —  car  l'ischurie  hystérique  est  presque  toujours 
compliquée  de  rétention  uréthrale, —  cette  quantité,  dis-je, 
est  notablement  au-dessous  du  chiffre  physiologique  ;]  sou- 


278  ISCHURIE  ET   OLIGURIE. 

vent  même  elle  est  réduite  à  zéro  et,   pendant  plusieurs 
jours,  il  y  a,  en  définitive,  suppression  absolue  d'urine. 

B.  Il  convient  d'ailleurs,  dans  l'espèce,  d'établir  des  ca- 
tégories. 

Uoligurie,  ou  même  la  suppression  totale  (Vitrine,  peut 
n'être  qu'un  phénomène  passager  chez  les  hystériques  et 
qui,  du  reste,  comme  l'a  fait  remarquer  avec  raison  M.  Lay- 
cock,  pourra  fréquemment  passer  inaperçu.  C'est  ainsi 
qu'on  observe  quelquefois  chez  ces  malades,  surtout  aux 
époques  cataméniales,  une  suppression  complète  d'urine 
qui  ne  dépasse  pas  vingt-quatre  ou  trente-six  heures.  Peut- 
être  y  a-t-il  en  même  temps  un  peu  de  malaise  et  d'accé- 
lération du  pouls  ;  mais  bientôt  quelques  cuillerées  d'urine 
sont  expulsées  et  tout  rentre  dans  l'ordre  (i). 

Les  faits  sur  lesquels  je  veux  fixer  votre  attention  sont 
bien  différents  de  ceux  auxquels  je  viens  de  faire  allusion. 
Ils  offrent  l'ischurie  hystérique  à  son  maximum  de  déve- 
loppement, à  l'état  de  symptôme  permanent.  Durant  des 
jours  consécutifs,  des  semaines,  des  mois,  la  quantité  d'urine 
rendue  en  vingt-quatre  heures  peut  être  insignifiante,  à  peu 
près  nulle.  Parfois  même,  il  y  a,  pendant  une  série  de  plu- 
sieurs jours,  suppression  complète  d'urine. 

Lorsque  les  choses  prennent  cette  tournure,  à  la  sup- 
pression se  joint,  d'une  manière  en  quelque  sorte  obliga- 
toire, un  autre  phénomène  qui  est  pour  ainsi  dire  le  com^ 
plément  du  premier  :  je  veux  parler  de  vomissements  se 
répétant  tous  les  jours  et  même  plusieurs  fois  par  jour, 
aussi  longtemps  que  dure  l'ischurie,  et  dont  la  matière  pré- 
sente quelquefois,  dit-on,  l'aspect  ou  l'odeur  de  l'urine. 
Toujours  est-il  que,  dans  deux  ou  trois  cas,  l'analyse  chi- 
mique a  découvert  clans  ces  vomissements  la  présence 
cVunc  certaine  quantité  d'urée. 


(l)  Laycock.  —  A  Treatise  on  the  Nervous  Diseases  of  Womeiit  LouJou 
1840,  p. ''229. 


HISTORIQUE.  279 

En  résumé,  Messieurs,  l'iscliurie  hystérique  nous  offri- 
rait, dans  l'espèce  humaine,  la  reproduction  plus  ou  moins 
exacte  de  quelques-uns  des  phénomènes  observés  chez  les 
animaux  dans  les  cas  de  néphrotomie  ou  d'oblitération  des 
uretères  par  une  ligature. 

Les  expériences  de  Prévost  et  Dumas,  et  en  particulier 
celles  de  MM.  Cl.  Bernard  et  Barreswill,  nous  apprennent, 
vous  le  savez,  que,  dans  ces  mutilations,  il  s'opère  par 
l'intestin  une  élimination  supplémentaire,  dans  laquelle 
on  retrouve,  suivant  les  uns,  du  carbonate  d'ammo- 
niaque provenant  de  la  décomposition  de  l'urée  (Cl.  Ber- 
nard), suivant  les  autres,  l'urée  elle-même  (Munck).  Quoi 
qu'il  en  soit,  tant  que  s'effectue  cette  élimination,  les  ani- 
maux ne  paraissent  guère  souffrir,  et  c'est  seulement  lors- 
qu'ils s'affaiblissent  et  que  l'excrétion  supplémentaire  n'a 
plus  lieu  qu'éclatent  les  accidents  graves  qui  bientôt  occa- 
sionnent la  mort. 

Vous  saisissez  les  analogies  et  du  même  coup  vous  êtes 
frappés  du  contraste  :  les  accidents  cérébraux  sont  inévi- 
tables, à  un  moment  donné,  dans  les  cas  d'expérimentation 
chez  l'animal,  tandis  que  chez  l'hystérique,  le  balancement 
entre  l'excrétion  rénale  et  l'excrétion  supplémentaire  peut 
persister  pendant  des  semaines,  des  mois,  sans  qu'il  en 
résulte  jamais  aucun  trouble  appréciable  dans  la  santé  gé- 
nérale. Mais  je  ne  veux  point  m'arrêter,  pour  l'instant, 
sur  ce  point  ;  j'y  reviendrai  par  la  suite. 


II. 


Telle  est,  Messieurs,  l'iscliurie  hystérique,  au  moins  dans 
ce  qu'elle  a  d'essentiel,  d'après  les  rares  auteurs  qui  ont 
admis  son  existence,  car,  je  le  répète,  la  réalité  de  cet  ac- 
cident a  été  mise  en  doute.  Tous  ne  le  verrez  indiqué  dans 
aucun  des  traités  ou  des  articles  récents  sur  l'hystérie, 
même  dans  les  plus  complets  et  les  plus  justement  estimés. 


280  HISTORIQUE. 

Il  n'en  est  nullement  fait  mention,  entre  autres,  dans  le 
grand  ouvrage  de  M.  Briquet.  En  somme,  parmi  les  auteurs 
contemporains,  M.  T.  Lavcock,  professeur  à  l'université 
d'Edimbourg,  est  peut-être  le  seul  pathologiste  qui,  dans 
ses  écrits,  ait  donné  droit  de  domicile  à  l'ischurie  hystéri- 
que. Après  avoir  consacré  à  ce  sujet  une  série  d'articles 
(1),  où  il  relate  deux  observations  originales,  M.  Lavcock 
y  est  revenu  dans  son  livre  bien  connu  sur  les  Maladies 
nerveuses  des  fem?nes(l84t0) .  Partout  ailleurs,  si  l'ischu- 
rie  hystérique  est  mentionnée,  ce  n'est  qu'en  passant,  à 
titre  de  renseignement,  et  non  sans  une  pointe  d'ironie  à 
l'adresse  des  observateurs  qui  se  sont  laissé  aller  à  pren- 
dre au  sérieux  ce  prétendu  symptôme. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt,  par  contre,  de  noter  que  les 
physiologistes,  Haller  en  tête,  puis  Carpentier  et  Cl.  Ber- 
nard, ceux-ci  toutefois  sans  rien  affirmer,  se  sont  montrés, 
sous  ce  rapport,  beaucoup  moins  sceptiques  que  ne  l'ont 
été,  par  exemple,  Prout  et  R.  ^Villis. 

Jusque  dans  ces  derniers  temps,  j'ai  partagé  l'incrédulité 
presque  générale  à  l'égard  de  l'ischurie  hystérique,  pré- 
venu d'ailleurs  par  les  enseignements  de  mon  maître 
Rayer,  qui  ne  manquait  jamais  de  s'étendre  longuement 
sur  les  supercheries  de  tout  genre  dont  les  hystériques  se 
rendent  coupables.  Et  il  n'hésitait  pas  à  confesser  que  lui- 
même —  qui  était  un  observateur  sagace  et  d'une  grande 
pénétration,  — il  avait  failli  plusieurs  fois  en  être  victime. 
Depuis,  mes  opinions  se  sont  quelque  peu  modifiées  en  pré- 
sence du  cas  que  je  vais  vous  exposer  tout  à  l'heure. 

Avant  de  vous  placer  en  mesure  de  juger  par  vous-mêmes 
si  ma  conversion  a  été  trop  précipitée,  permettez-moi  de 
rechercher  avec  vous  les  principales  circonstances  qui  ont 
fait  que  certains  auteurs  passent  entièrement  sous  silence 

(l)  The  Edimburgh  médical  and  surgical  Journal,  1838. 


SIMULATION.  281 

rischurie  hystérique,  tandis  que  d'autres  la  citent  uniquo- 
ment  pour  la  reléguer  au  nombre  des  chimères. 

1°  En  premier  lieu,  il  convient  de  remarquer  que  rischu- 
rie hystérique  est  un  phénomène  rare,  du  moins  sous  sa 
forme  très-accentuée,  car  il  est  possible,  nous  l'avons  déjà 
dit,  que  souvent  Tischurie  légère  demeure  inaperçue. 

a.  Ainsi  M.  Laycock.  qui  a  consulté  partout,  n'a  pu  ali- 
gner que  Ti  cas,  sur  lesquels  deux  seulement  lui  appar- 
tiennent. 

6.  Ajoutons  qu'une  critique  un  peu  sévère  réduirait  en- 
core très-certainement  ce  chiffre.  La  majeure  partie  des 
observations  est  très-ancienne  (seizième  et  dix-septième 
siècle)  et  elles  ne  présentent  pas  le  caractère  de  précision 
que  nous  exigeons  à  notre  époque.  D'autres  sentent  l'im- 
posture d'une  lieue.  A  qui  fera-t-on  croire,  par  exemple, 
qu'une  femme  puisse  rendre  par  l'oreille,  en  24  heures, 
2400  grammes  d'un  liquide  qui,  soumis  à  l'analyse,  conte- 
nait de  l'urée  ?  Et  ceci  n'est  pas  tout  :  la  même  femme  re- 
jetait simultanément  par  le  nombril  un  liquide  analogue 
qui  s'écoulait  par  jet  :  «  spirted  out,  »  c'est  l'expression 
qu'emploie  le  rédacteur  de  l'observation.  Et  cependant  tous 
ces  détails,  et  bien  d'autres  encore,  sont  consignés  avec 
l'apparence  du  plus  grand  sérieux  dans  The  American 
Journal  of  Vie  médical  Science  (1828).  Autorisez-moi, 
je  vous  prie,  à  passer  sous  silence  le  nom  du  médecin  qui 
a  pris  ce  fait  sous  sa  responsabilité. 

2°  Ceci  m'amène  à  vous  dire  un  mot  de  la  simulation. 
On  la  rencontre  à  chaque  pas  dans  l'histoire  de  l'hystérie, 
et  l'on  se  surprend  quelquefois  à  admirer  la  ruse,  la  saga- 
cité et  la  ténacité  inouïes  que  les  femmes,  qui  sont  sous  le 
coup  delà  grande  névrose,  mettent  en  œuvre  pour  tromper, 

surtout  lorsque  la  victime  de  l'imposture  doit  être  un 

médecin.  Dans  l'espèce,  il  ne  me  paraît  pas  démontré  que 
la  parurie  erratique  des  hystériques  ait  été  jamais  simu- 
lée de  toutes  pièces  et  pour  ainsi  dire  créée  parles  malades. 
En  revanche,  il  est  incontestable  que,    dans  une  foule  de 


282  SIMULATION. 

cas,  elles  se  sont  plu  à  dénaturer,  en  les  exagérant,  les 
principales  circonstances  du  cas,  et  à  lui  imprimer  le  ca- 
chet de  l'extraordinaire,  du  merveilleux. 

Voici,  en  général,  comment  les  choses  se  passent.  L'a- 
nurie  ou  l'ischurie  avec  les  vomissements  existent  seuls 
pendant  un  certain  temps,  et  le  phénomène  est  réduit  par 
conséquent  à  sa  plus  grande  simplicité.  Mais  bientôt,  prin- 
cipalement si  les  accidents  semblent  exciter  l'intérêt  et  la 
curiosité  des  médecins,  de  l'urine  pure  sera  expulsée  par 
les  vomissements,  en  quantité  considérable  ;  il  en  sortira 
par  les  oreilles,  par  le  nombril,  par  les  yeux  et  même  par 
le  nez,  ainsi  que  cela  eut  encore  lieu  dans  le  fait  tiré  du 
journal  américain.  Enfin,  si  l'admiration  est  poussée  à  son 
comble,  il  s'y  joindra  peut-être  des  vomissements  de  ma- 
tières fécales. 

.  Parmi  les  cas  du  dernier  genre,  celui  qui,  en  France,  a 
eu  le  plus  de  retentissement,  est  relatif  à  une  nommée  Jo- 
séphine Routier  qui,  durant  plus  de  quinze  mois,  figura, 
vers  1810,  à  la  clinique  du  professeur  Leroux.  La  malade 
avait  offert  d'abord  les  symptômes  de  l'ischurie  simple  avec 
parurie  erratique.  Nysten,  qui  rapporte  le  fait,  avait  ana- 
lysé les  matières  vomies  et  y  avait  reconnu  l'existence  de 
l'urée.  Peu  après,  survinrent  l'écoulement  d'urine  par  le 
nombril,  les  oreilles,  les  yeux,  les  mamelons,  et  enfin  l'éva- 
cuation de  matières  fécales  par  la  bouche.  Vous  voyez, 
Messieurs,  que  c'est  constamment  la  même  série  — ■  quels 
que  soient  le  pays,  le  siècle,  où  les  observations  sont  re- 
cueillies. La  fraude  fut  découverte  par  Boyer.  Il  suffit 
d'user  de  la  camisole  de  force  pour  faire  cesser  les  phéno- 
mènes extraordinaires,  et  on  trouva  dans  le  lit  de  la  ma- 
lade des  boulettes  de  matière  fécale  dures  et  toutes  prépa- 
rées! Par  malheur,  les  Recherches  de  physiologie  et  de 
chimie  pathologiques  venaient  d'être  publiées.  Il  fal- 
lut faire  amende  honorable.  Une  note  fut  insérée  dans 
le  Journal  général  de  médecine,  et  une  autre  fut  annexée 
à  quelques-uns  des  exemplaires  du  livre  deNysten. 


OBLITÉRATION  GALGULEUSE   DES  URETÈRES.  1H'.\ 

En  face  de  ces  faits,  faut-il  conclure  que  tout  est  impos- 
ture dans  l'ischurie  hystérique?  Je  ne  le  crois  pas,  Mes- 
sieurs, et  j'espère  que  vous  vous  rangerez  à  mon  avis, 
quand  vous  aurez  pris  connaissance  de  toutes  les  particu- 
larités de  l'histoire  de  ma  malade. 

Il  est  une  dernière  circonstance  qui  est  bien  propre  à 
jeter  aussi  un  jour  défavorable  sur  les  observations  d'is- 
cliurie  hystérique  ;  c'est  que,  en  dehors  de  l'hystérie,  la 
suppression  d'urine,  pour  peu  qu'elle  se  prolonge  au-delà 
de  quelques  jours  (3,  4,  5  jours  à  peine),  est  un  symptôme 
des  plus  graves  et  qui  se  termine  à  peu  près  nécessaire- 
ment par  la  mort. 

Laissant  de  côté  les  cas  d'anurie  dépendant  d'une  mala- 
die de  Bright  aiguë  ou  chronique  qui  sont  trop  complexes 
pour  prendre  place  ici,  je  choisirai  pour  type  Y  oblitéra- 
tion calculense  des  uretères  survenant  chez  des  individus 
jusque-là  en  bonne  santé.  Dans  ces  conditions,  tantôt  l'un 
des  reins  a  été  réduit,  par  une  maladie  antérieure,  à  une 
coque  fibreuse  remplie  de  kystes  et  partant  est  devenu  im- 
propre à  la  fonction  d'urination  ;  tantôt  et  c'est  le  cas  le 
moins  fréquent,  les  deux  uretères  sont  oblitérés  à  la  fois. 
Peu  importe  d'ailleurs,  pour  notre  objet,  que  cette  oblité- 
ration se  produise  avec  ou  sans  accompagnement  des  dou- 
leurs de  la  colique  néphrétique.  Eh  bien,  Halfort  (1),  Aber- 
crombie  et  tous  les  auteurs  qui  se  sont  attachés  à  l'étude 
de  ces  cas  s'accordent  à  reconnaître  que  si  l'anurie  per- 
siste plus  de  quatre  à  cinq  jours,  les  symptômes  comateux, 
avec  ou  sans  convulsions,  apparaissent  inévitablement  et 
sont  bientôt  suivis  de  mort.  La  vie  se  prolonge  un  peu,  si 
une  quantité  même  minime  d'urine  peut  être  rendue,  mais 
le  résultat  final  ne  varie  pas. 

Il  y  a,  toutefois,  le  chapitre  des  exceptions  que  nous  de- 
vons d'autant  moins  négliger  que  nous  en  tirerons  bénéfice. 


(l)  Med.  Transacl.,  published  by  the  Collège  of  physicians,  t.  VI,  1820. 


284  OBSERVATION. 

1°  Dans  le  cas  du  docteur  Laing,  de  Fochaber,  cité  par 
Robert  Willis  (1),  l'anurie  dura  dix  jours,  et  il  y  eut  gué" 
rison. 

2°  Chez  un  malade  de"W.  Roberts  (de  Manchester)  la  som- 
nolence ne  survint  que  le  huitième  jour,  quatre  jours  avant 
la  mort  (2). 

3°  Le  plus  remarquable  exemple  de  prolongation  de  la 
vie,  en  semblable  occurrence,  est,  à  ma  connaissance,  celui 
qui  a  été  publié  récemment  par  M.  Paget  dans  les  Bulletins 
de  la  Société  clinique  de  Londres  (3).  Bien  que  l'anurie 
fût  absolue,  les  symptômes  comateux  ne  se  montrèrent  que 
le  quatorzième  jour.  Le  quinzième,  le  malade  évacua  une 
certaine  quantité  d'urine.  Les  accidents  s'aggravèrent  néan- 
moins et  la  terminaison  fatale  eut  lieu  le  vingt-troisième 
jour. 

Quoi  qu'il  en  soit,  de  même  lorsqu'il  s'est  agi  de  l'expé- 
rimentation chez  les  animaux,  ici  encore,  le  contraste  est 
frappant  entre  Yischurie  calculeuse,  qui  tue  d'une  manière 
à  peu  près  certaine  et  Yischurie  hystérique,  qui  laisse 
vivre,  sans  troubles  notables  de  la  santé  générale,  pendant 
de  longs  mois.  Il  y  a  là  une  difficulté  sérieuse.  Est-elle 
vraiment  insurmontable  ?  C'est  ce  que  nous  nous  proposons 
de  rechercher  plus  tard. 


III. 


Mais  il  est  temps,  Messieurs,  d'aborder  l'étude  du  fait 
clinique  qui  sert  de  fondement  à  notre  entretien.  En  premier 
lieu,  il  faut  bien  établir  sur  quel  terrain  ont  porté  nos  ob- 
servations. Et,  dans  ce  but,  ce  que  j'ai  de  mieux  à  faire, 
c'est  de  vous  montrer  la  malade  et  de  faire  ressortir  d'abord 


(1)  Urinary  Diseases.  London,  1838,  p.  35. 

(2)  Voy.Thistoire  de  ce  malade  in:  Bourneville. — Eludes  clin,  et  therm.etc., 
p.  175,  et  la  traduction  du  travail  de  M.  Roberts  in.  Mouvement  médical,  1871. 

(3)  J.  Paget.  —  Case  of  suppression  of  urine  very  slomy  fatal.  In  Tran- 
sac.  of  tlxe  clinical  Society  in  London.  t.  II.  1869. 


OBSERVATION.  285 

devant  vous  les  symptômes  qui  existent  actuellement  et 
parmi  lesquels  vous  reconnaîtrez  les  traits  de  l'hystérie  in- 
tense, invétérée,  marquée  par  une  réunion  caractéristique 
de  symptômes  permanents. 

Etch...,  Justine,  née  dans  les  Basses-Pyrénées,  est  âgée 
de  40  ans.  Elle  a  exercé  la  profession  d'infirmière.  Elle  est 
entrée  à  la  Salpétrière  en  1869  ;  nous  suivons  donc  la 
marche  de  sa  maladie  depuis  quatre  ans. 

Quelle  est  sa  situation  actuelle  ?  Ce  qui  frappe  tout  d'a- 
bord chez  elle,  c'est  la  contracture  énorme  qui  affecte  les 
membres  supérieur  et  inférieur  gauches.  Cette  contracture, 
qui  ne  cesse  ni  pendant  le  sommeil  naturel,  ni  pendant  le 
sommeil  chloroformique,  à  moins  qu'il  ne  soit  poussé  en 
quelque  sorte  à  ses  dernières  limites,  s'est  développée  su- 
bitement le  20  mars  1870,  à  la  suite  d'une  grande  attaque. 
Disons  toutefois  que,  antérieurement,  le  membre  supérieur 
était  tout  à  fait  paralysé,  mais  flasque,  et  déjà  le  membre 
inférieur  correspondant  était  rigide.  Cette  dernière  circons- 
tance, jointe  à  la  rapidité  avec  laquelle  s'est  produite  la 
contracture  autorisa  à  déclarer,  dans  ce  temps-là,  qu'on 
n'avait  pas  affaire  à  une  lésion  cérébrale  en  foyer. 

Un  autre  trait  distinctif  qui  existe  chez  cette  malade, 
c'est  une  hémianesthésie  complète,  occupant  les  deux 
membres  contractures,  le  tronc  et  la  face  du  même  côté. 
Non-seulement  l'anesthésie  intéresse  le  tégument  externe, 
mais  elle  s'étend  encore  à  la  portion  des  membranes  mu- 
queuses et  aux  organes  des  sens  situés  dans  la  moitié 
gauche  du  corps.  Ainsi  pour  ce  qui  concerne  la  vision,  on 
note, chez  cette  f emme, de  Y hé7niopie  et  de  Y acïwomatopsie, 
phénomène  signalé  dans  de  semblables  circonstances,  par 
M.  Galezowski  et  sur  lequel  nous  reviendrons. 

Parvenue  à  ce  degré,  l'hémianesthésie  nous  fournit,  dans 
l'espèce,  un  ensemble  de  symptômes  presque  spécifiques  ; 
je  dis  presque  et  non  pas  absolumeyit  spécifiques  parce 
que  nous  verrons  bientôt  que  des  lésions  cérébrales  gros- 


286  OBSERVATION. 

sières,  circonscrites  à  certains  départements  de  l'encéphale, 
les  reproduisent,  au  moins  en  partie. 

Un  symptôme  très-important  que  nous  offre  encore  Etcli . . . , 
c'est  une  douleur  siégeant  au-dessus  de  Vaine  gauche. 
M.  Briquet  a  donné  à  cette  douleur  le  nom  de  cœlialgie,  et 
il  en  place  l'origine  dans  les  muscles.  Pour  moi,  d'accord 
en  cela  avec  Négrier,  Sclmtzenberger  et  Piorry,  je  pense 
que  c'est  Y  ovaire  qui  est  en  jeu.  Quoi  qu'il  en  soit  de  son 
siège  exact,  cette  douleur,  que  j'appellerai  hyperesthésie 
ovarienne,  est  jusqu'à  un  certain  point  pathognomonique. 
La  pression,  en  l'exaspérant,  détermine  des  sensations 
irradiées,  toutes  spéciales.  Ces  sensations  partent  de  la 
région  ovarienne  et  gagnent  successivement  :  Wépigastre  ; 
2°  le  cou,  en  se  traduisant  dans  ces  régions  par  une  op- 
pression plus  ou  moins  considérable,  la  sensation  bien 
connue  de  boule  ou  de  globe  ;  3°  la  tête,  où  l 'irradiation 
est  caractérisée  par  des  bourdonnements,  des  sifflements 
dans  l'oreille  gauche,  delà  céphalalgie  avec  battements,  que 
la  malade  compare  à  des  coups  de  marteau,  occupant  la 
tempe  gauche,  et  enfin  une  obnubilation  de  la  vue  dans 
l'œil  correspondant.  Je  me  contente,  pour  le  moment, 
d'énumérer  ces  phénomènes  qui  méritent  une  description 
plus  minutieuse. 

Parmi  les  autres  symptômes,  je  ne  dois  pas  oublier  la 
rétention  des  urines  et  le  ballonnement  du  ventre  qui, 
eux  aussi,  sont  dans  ce  cas  des  phénomènes  permanents. 
Enfin,  cette  femme  est  sujette  à  des  attaques  spéciales, 
tantôt  tétaniformes,  tantôt  épileptiformes,  d'autres  fois  se 
rapprochant  du  type  vulgaire  de  l'hystérie.  Ainsi,  ce  ma- 
tin, vous  pouvez  reconnaître  un  accident  datant  d'une 
attaque  survenue  il  y  a  deux  jours  :  c'est  le  trismus, 
convulsion  qui  empêche  l'alimentation  naturelle  depuis  ce 
jour-là, 

IV. 

La  malade  peut  actuellement  se  retirer.  Nous  serons 


OBSERVATION.  287 

plus  libres,  en  son  absence,  pour  vous  raconter  les  autres 
particularités  de  son  histoire.  C'est  une  véritable  odyssée. 
Aussi,  serai-je  souvent  obligé  d'abréger,  en  ayant  soin, 
néanmoins,  d'indiquer  la  filiation  des  accidents. 

La  première  attaque  convulsive  a  éclaté  en  1855.  Dans 
quelles  circonstances,  nous  ne  savons.  Il  y  a  là  tout  un  ro- 
man, une  affaire  de  viol(?),  dans  laquelle  il  est  difficile  de 
se  débrouiller.  Ce  qui  est  plus  sûr,  c'est  que  cette  attaque 
parait  avoir  été  d'une  violence  extrême  :  la  malade  est 
tombée  dans  le  l'eu  ;  elle  s'est  brûlé  la  face,  et  vous  avez 
pu  voir  les  stigmates  indélébiles  qui  sont  résultés  de  cet 
accident.  A  partir  de  cette  date,  les  attaques  ont  continué 
à  se  reproduire  de  temps  à  autre,  avec  le  même  caractère, 
mais  assez  rarement,  deux  ou  trois  ibis  par  an  environ. 

Dix  ans  plus  tard,  la  rétention  d'urine  apparaît.  La  ma- 
lade est  prise  d'une  hémiplégie  avec  flaccidité  du  côté 
gauche  à  la  suite  d'une  attaque,  et  entre  dans  le  service  de 
M.  Lasègue. 

Admise  la  même  année  (1869)  à  la  Salpétrière,  nous 
constatons  :  1°  une  hémiplégie  gauche,  avec  flaccidité 
du  membre  supérieur  et  contracture  du  membre  inférieur; 
2°  une  hémianesthésie  et  de  l'achromatopsie  du  même  côté. 
Les  symptômes  offerts  alors  par  Etch....  sont  consignés 
dans  les  thèses  de  MM.  Hélot  et  Berger. 

En  lS^OJes  choses  restent  à  peu  près  dans  le  même  état, 

ce  n'est  qu'une  nouvelle  attaque  est  suivie  d'une  contrac- 
ture du  membre  supérieur  gauche  ;  et,  lors  de  mes  leçons,  en 
1810,  je  vous  ai  présenté  cette  malade  comme  un  spécimen 

la  l'orme  hémiplégique  de  la  contracture  hystérique  (1). 

Dans  le  mois  de  mars  1811,  une  attaque  donne  lieu  aune 
némiplégie  flasque  du  côté  droit.  Au  bout  d'un  mois,  la 
contracture  remplace  la  flaccidité.  En  avril,  nous  avions 


(l)  Cette  leçon,  que  Ton  trouvera  plus  loin,  a  été  d'abord  publiée  dans  la 
Revue  photographique  des  hôpitaux  de  Paris.  1871 ,  p.  103.  La  Planche  XXV 
de  la  Revue  représente  cette  malade. 


288  OBSERVATION. 

donc  sous  les  yeux  une  contracture  aussi  intense  que  pos- 
sible des  quatre  membres,  contracture  absolue,  persistant 
nuit  et  jour,  pendant  le  sommeil  et  laveille,  résistant  même 
au  sommeil  chloroformique,  ou,  tout  au  moins,  ne  se  ré- 
solvant qu'à  la  dernière  limite. 

Ainsi,  cette  femme,  vous  le  voyez,  était  condamnée  à  un 
repos  absolu  au  lit;  elle  était  dans  l'impossibilité  de  se  ser- 
vir de  ses  membres,  conditions  excellentes  pour  faciliter 
la  surveillance.  J'eus  soin,  en  outre,  de  placer  auprès  d'elle 
deux  infirmes  dévouées,  comme  elle  confinées  au  lit,  et 
prêtes  à  tout  me  révéler  si  elles  découvraient  quelque  su- 
percherie. J'avais  là  la  meilleure  police,  celle  des  femmes 
par  les  femmes  ;  car  vous  savez  que  si  les  femmes  font  des 
complots  entre  elles,  il  est  bien  rare  qu'ils  réussissent.  Ces 
renseignements  suffisent,  je  crois,  pour  vous  convaincre. 
Messieurs,  que,  dans  cette  première  période,  la  simulation 
a  été  impossible.  Mes  amis,  MM.  les  professeurs  Brov^n- 
Séquard  et  Rouget,  qui  virent  la  malade  à  cette  épo- 
que, se  déclarèrent,  d'ailleurs,  satisfaits  de  toutes  les  pré- 
cautions prises. 

Il  nous  reste  à  vous  montrer  maintenant  comment,  au 
milieu  de  ces  conditions  favorables  à  une  observation  régu- 
lière, s'est  produit  le  phénomène  de  l'ischurie. 

1/ischurie  a  commencé  dès  le  mois  d'avril  1811.  Anté- 
rieurement déjà,  une  femme,  emploie  au  service,  qui  son- 
dait la  malade  plusieurs  fois  par  jour,  s'aperçut  que  par- 
fois la  quantité  d'urine  extraite  par  le  cathétérisme  était 
très-minime;  que.  d'autres  fois,  elle  était  nulle  pendant  deux 
ou  trois  jours  et  même  davantage,  sans  que  jamais  les 
draps  du  lit  fussent  mouillés. 

A  ces  symptômes,  qui  persistèrent  en  mai  et  en  juin,  s'ad- 
joignirent bientôt  des  vomissements  s'effectuant,  d'ailleurs, 
sans  effort.  Je  fis  mine  tout  d'abord  de  n'être  point  surpris 
de  tous  ces  accidents.  Je  me  bornai  à  recommander  d'obser- 
ver discrètement  nuit  et  jour  la  malade:  à  aucun  moment, 
elle  ne  fut  prise  en  défaut. 


OBSERVATION.  289 

Je  vous  prie  de  jeter  les  yeux  sur  les  tableaux  (Pl.  Y, 
VI  et  VII)  que  je  vous  présente,  et  où  vous  pourrez  suivre 
dans  les  diverses  phases  de  leur  évolution  les  accidents 
qui  se  sont  offerts  à  notre  observation.  Le  tableau  com- 
mence au  16  juillet  1871,  époque  à  partir  de  laquelle, 
je  fis  recueillir  jour  par  jour,  séparément,  et  les  urines  et 
les  vomissements.  Il  s'arrête  en  octobre  1871.  (Pl.  V,VI.) 

Du  16  au  31  juillet,  la  quantité  des  matières  vomies  a 
varié  de  500  à  1,750  centilitres,  la  moyenne  quotidienne 
étant  de  1  litre.  La  quantité  des  urines  a  varié  entre 
0  et  5  grammes  :  moyenne,  2  grammes  50  en  24  heures. 
Pendant  cette  période,  l'ischurie  a  été  absolue  de  deux  jours 
l'un.  (Pl.  V.) 

En  août,  la  moyenne  des  urines  a  été  de  3  grammes  ; 
celle  des  vomissements  de  1  litre  dans  les  24  heures.  Pen- 
dant ce  mois,  l'anurie  s'est,  à  plusieurs  reprises,  montrée 
complète  pendant  plusieurs  jours.  Mais  remarquez  que  ja- 
mais l'absence  totale  d'urine  n'a  persisté  pendant  plus  de 
onze  jours. 

Du  1er  au  30  septembre,  la  moyenne  des  vomissements 
a  été  de  1  litre  1/2  par  jour,  celle  des  urines  ne  s'élevant 
pas  au-dessus  de  2  grammes  50.  (Pl.  VI.) 

Un  fait  mis  en  relief  par  l'examen  et  la  comparaison 
des  courbes  consignées  sur  le  tableau,  c'est  que  la  ligne 
des  vomissements  s'élève,  d'une  manière  générale,  quand 
celle  des  urines  s'abaisse  et  inversement.  Il  y  a  donc  eu 
un  balancement  assez  régulier  entre  les  deux  phéno- 
mènes. 

Quel  a  été  l'état  général  pendant  cette  longue  période  de 
quatre  mois  qu'a  duré  l'observation  ?  A  aucune  époque 
nous  n'avons  remarqué  de  troubles  dignes  d'être  notés. 
L'alimentation,  vous  le  comprenez  sans  peine,  était  très- 
restreinte  ;  l'estomac  rejetait  presque  aussitôt,  sans  fa- 
tigue, —  caractère  relevé  avec  raison  par  M.  H.Salter  (1) 

(l)  The  Lancet,  nos  1  et  2,  t.  II,  1868. 

Charcot,  t.  i,  3e  éd.  19 


290  OBSERVATION. 

dans  le  vomissement  hystérique,  —  la  plus  grande  partie 
des  aliments  qui  s'y  introduisaient.  Eh  bien,  malgré  Ges 
fâcheuses  conditions,  la  nutrition  ne  souffrit  guère.  C'est 
là,  du  reste,  un  fait  connu  depuis  longtemps,  en  dehors  de 
l'anurie,  clans  les  cas  de  vomissements  incoercibles  des  hys- 
tériques. 

J'avais  pensé,  dès  l'origine,  que  les  vomissements  de  no- 
tre malade  devaient  contenir  de  l'urée.  Les  premières  re- 
cherches entreprises  à  cet  effet  demeurèrent  infructueuses. 
Le  proc.Mé  employé  était  insuffisant.  J'invoquai  alors  le 
concou  .s  de  M.  Gréhant,  dont  la  compétence  en  ces  ma- 
tières est  indiscutable.  Il  nous  le  prêta  avec  la  plus  grande 
obligeance. 

22  centilitres  cubes  d'urine  recueillis  le  10  octobre,  et  re- 
présentant la  totalité  des  urines  rendues  ce  jour-là,  don- 
nèrent à  l'analyse  Ogr.  179  d'urée.  Le  11  octobre,  la  tota- 
lité des  vomissements,  s'élevant  à  1,460  centimètres  cubes, 
donna  3  gr.  699  d'urée. 

Afin  de  déterminer  si  le  sang  de  notre  malade  renfermait 
une  plus  forte  portion  d'urée  qu'à  l'état  physiologique, 
nous  nous  décidâmes  à  pratiquer  une  petite  saignée.  Pour 
ce  faire,  et  en  raison  des  obstacles  que  la  contracture  op- 
posait à  l'opération,  il  fut  indispensable  d'endormir  la  ma- 
lade. M.  Gréhant  retira  0  gr.  036  d'urée  pour  100  grammes 
de  sang  obtenu  chez  Etchew...,  et  0  gr.  034  pour  100 
grammes  de  sang  d'une  personne  saine,  examinée  compa- 
rativement. On  voit  que  le  résultat  des  deux  analyses  a  été 
identique. 

Par  malheur  pour  nos  investigations,  l'emploi  du  chloro- 
forme eut  pour  conséquence  de  modifier  profondément  les 
symptômes  que  nous  observions  avec  tant  d'intérêt  ;  il  y  eut 
à  la  suite,  pendant  plusieurs  jours,  une  incontinence  d'u- 
rine. La  contracture  disparut  à  droite:  il  ne  fallait  plus  son- 
ger aux  observations  exactes.  Les  vomissements,  d'ailleurs, 
se  suspendirent  bientôt,  et  les  urines  revinrent  progressi- 
vement au  taux  normal. 


VARIATIONS  DE  LISCHURIE  HYSTÉRIQUE.  20 1 

V. 

Tels  sont,  MessieuFs,  les  résultats  de  la  première  série 
d'études  qui  nous  ont  déGidé  à  entreprendre  la  réhabilita- 
tion de  Tischurie  hystérique  comme  lait  clinique  réel.  Les 
mêmes  accidents,  du  reste,  devaient  reparaître  bientôt,  sous 
un  aspect  moins  saisissant  peut-être,  mais  tout  aussi  digne 
d'intérêt.  Dans  cette  seconde  phase,  il  n'y  a  pas  eu  d'anurie 
complète,  même  temporaire.  Nous  avons  observé  une  sim- 
ple oligune.  L'abondance  des  vomissements  a  été  moindre. 
En  un  mot,  si  les  accidents  avaient  été  un  peu  moins  ac- 
cusés, et  si  nous  n'avions  pas  été  éclairé  par  l'observation 
antérieure,  il  eût  pu  se  l'aire  incontestablement  que  l'éva- 
cuation supplémentaire  d'urée  eût  échappé. 

Voyons  succinctement  ce  qui  s'est  passé  dans  cette 
deuxième  période.  Après  une  rémission  plus  ou  moins 
complète  des  symptômes,  nous  avons  vu  reparaître  d'abord 
la  rétention  d'urine;  c'était  en  janvier.  Le  mois  suivant,  à 
la  suite  d'une  attaque,  nous  notons  des  alternatives  de  po- 
lyurie  (2  litres  d'urine  par  jour)  et  d'oligurie.  En  mars,  la 
sécrétion  urinaire  diminue  décidément,  et,  le  18  du  même 
mois,  les  vomissements  apparaissent  de  nouveau.  Jusqu'au 
31  mars,  la  moyenne  quotidienne  des  matières  vomies  fut 
de  500  grammes.  En  avril,  cette  moyenne  fut  de  800  gram- 
mes pour  les  vomissements  et  de  100  grammes  pour  les 
urines.  (Pl.  VII.) 

Durant  cette  nouvelle  phase  d'expérimentation,  nous 
n'étions  pas  dans  des  conditions  aussi  favorables  que  la 
première  fois.  Le  membre  supérieur  droit  était  redevenu 
à  peu  près  libre.  Partant,  il  était  urgent  que  nous  nous 
missions  à  l'abri  de  toute  cause  d'erreur.  Outre  la  surveil- 
lance ordinaire,  dont  on  ne  se  départit  pas  un  seul  instant, 
nous  eûmes  recours  aux  précautions  suivantes  :  de  temps 
en  temps,  on  visitait  avec  soin  le  lit  de  la  malade  ;  on  ne 
laissait  à  sa  disposition  ni  vases,  ni  sondes,  etc.  Enfin,  je 


292  NOUVELLE  ANALYSE  CHIMIQUE. 

parvins  à  lui  persuader  qu'il  serait  peut-être  avantageux, 
pour  remédier  à  sa  contracture  qui  persistait  à  gauche, 
qu'on  lui  maintînt  les  bras  à  l'aide  de  la  camisole  ;  elle  y 
consentit.  Le  camisolement,  toutefois,  ne  fut  pas  absolu- 
ment continuel  ;  on  le  suspendait  à  l'heure  des  repas  pen- 
dant lesquels  la  malade  était  surveillée  par  la  personne  qui 
la  faisait  manger. 

M.  Gréhant  a  analysé,  à  diverses  époques  du  mois,  les 
urines  et  les  vomissements  de  douze  jours.  Durant  ce  laps 
de  temps,  la  moyenne  quotidienne  des  urines  a  été  de  206 
grammes,  contenant  5  gr.09  d'urée.  La  moyenne  quotidienne 
des  vomissements,  c'est-à-dire  362  grammes,  renfermait 
2  gr.  138  d'urée.  En  réunissant  les  deux  quantités  d'urée, 
nous  avons  un  chiffre  bien  minime,  5  gr.  233.  Je  puis  vous 
présenter  un  échantillon  d'oxalate  d'urée  qui  a  été  extrait 
par  M.  Gréhant,  des  vomissements  rendus  pendant  vingt- 
quatre  heures.  Nous  utiliserons  ce  résultat  dans  un  instant. 

Pas  plus  que  précédemment,  nous  n'avons  constaté  d'éva- 
cuation supplémentaire  par  l'intestin  ou  la  peau.  La  ma- 
lade est  d'habitude  constipée,  et  cette  fois  encore  nous 
n'avons  rien  remarqué  de  particulier  vers  le  tégument  ex- 
terne. La  santé  générale  n'a  pas  éprouvé  de  changements 
notables,  et  la  température  ne  s'est  jamais  élevée  au-dessus 
de  37°  et  quelques  dixièmes  (1). 


(l)  Etch a  offert  cette   année   même  (1875),  une  nouvelle  période 

d'ischurie  hystérique.  En  examinant  le  tracé  (PI.  X),  qui  représente  la 
quantité  d'urine  rendue  chaque  jour  et  celui  qui  résulte  des  112  analyses 
chimiques  faites  par  M.  P.  Regnard,  ou  remarque  que,  pendant  trois  mois, 
la  malade  rendait  quotidiennement  de  15  à  20  grammes  d'urine,  contenant  de 
3  à  4  décigrammes  d'urée.  Certains  jours,  pourtant,  au  milieu  de  crises  dou- 
loureuses, la  malade  émettait  en  quelques  heures  jusqu'à  quatre  litres  d'u- 
rine, renfermant  27  grammes  d'urée.  —  Pendant  cette  période,  Etch. .  . . 
n'a  pas  présentéde  vomissements  par  où  l'urée  ait  pu  s'évacuer,  comme  cela 
avait  eu  lieu  dans  les  périodes  dont  il  est  question  dans  la  leçon.  (Voir,  à  ce 
propos,  une  communication  que  nous  avons  faite  avec  M.  P.  Regnard  à  la 
Société  de  biologie,  3  juillet  1875).  —  Nous  aurons  l'occasion  de  dire  plus 
loin  dans  quelles  circonstances  cette ischurie  a  cessé  tout  àcoup.  (Voirp.356). 


GRAVITÉ   DE   L'ANURIE   ORDINAIRE.  293 

Ainsi,  Messieurs,  cette  nouvelle  épreuve  ne  fait  que  con- 
firmer la  première,  et  tout  concourt,  comme  vous  le  voyez, 
à  faire  reconnaître  ! 'existence  de  ïischurie  hystérique 
avec  parurie  erratique,  à  titre  de  phénomène  pathologique 
avéré,  en  dehors  de  toute  simulation.  Si  cette  conclusion 
est  légitime,  il  est  clair  que  les  observations  anciennes  re- 
prennent quelque  valeur.  Il  est  nécessaire  seulement  d'y 
dégager  le  faux  du  vrai  ;  d'en  éliminer,  par  exemple,  cer- 
tains symptômes  extraordinaires,  tels  que  l'écoulement  de 
l'urine  par  le  nez,  les  yeux,  etc.,  et  les  vomissements  de 
matière  fécale.  Quelques-uns  de  ces  cas  se  présentent  d'ail- 
leurs dans  tous  leurs  détails  avec  les  caractères  d'un  fait 
véridique.  Dans  cette  catégorie,  nous  rangerons,  par  exem- 
ple, le  fait  du  docteur  Girldstone  (de  Yarmouth)  et  quelques 
autres  encore. 


VI. 


Je  voudrais  maintenant  rechercher  avec  vous,  Messieurs, 
si  la  contradiction  que  nous  avons  reconnue  entre  Yanurie 
ordinaire  qui  s'observe  chez  l'homme  ou  Yanurie  expé- 
rimentalement produite  chez  les  animaux  d'une  part,  et 
Yischurie  des  hystériques,  de  l'autre,  est  aussi  absolue 
qu'elle  semble  l'être  au  premier  abord. 

Dans  le  premier  groupe  de  faits,  la  mort  est  à  peu  près 
certaine  dans  un  bref  délai;  dans  le  second,  la  santé  gé- 
nérale se  maintient  en  quelque  sorte  parfaite  pendant  un 
temps  indéfini.  L'opposition  est  on  ne  peut  plus  tranchée. 
N'est-il  pas  possible,  néanmoins,  par  un  examen  appro- 
fondi de  toutes  les  circonstances,  de  saisir  la  raison  de  ce 
désaccord?  Je  ne  suis  pas,  tant  s'en  faut,  en  mesure  de  ré- 
soudre le  problème  d'une  manière  décisive.  Aussi,  dois-je 
me  contenter  de  vous  présenter  à  cet  égard  une  hypothèse 
qui,  peut-être,  vous  paraîtra  plausible,  mais  que  je  vous 
prie,  en  tout  cas,  de  ne  prendre  que  pour  ce  qu'elle  vaut. 


294  GRAVITÉ   DE   L'ANURIE   ORDINAIRE. 

Que  les  animaux  succombent  constamment  à  la  suite  de 
la  néphrotomie  ou  d'une  ligature  permanente  des  uretères, 
il  n'y  a  là  rien  que  de  fort  naturel.  Toutefois,  on  est  en  droit 
de  se  demander  ce  qui  arriverait  si  l'on  pouvait  instituer 
une  expérience  dans  laquelle,  par  exemple,  l'obstruction 
expérimentale  des  uretères  serait  intermittente.  Prolonge- 
rait-on l'existence  si,  dans  de  pareilles  conditions,  il  s'éta- 
blissait un  balancement  régulier  entre  la  fonction  rénale  et 
la  fonction  supplémentaire?  Malgré  tout  l'intérêt  qu'il  y 
aurait  à  résoudre  ce  problème,  je  l'abandonne  pour  revenir 
à  la  pathologie  de  l'homme. 

Reprenons  donc  l'exemple  de  l'obstruction  calculeuse  des 
uretères  que  nous  avons  invoquée  plus  haut. 

Une  première  remarque  qui  vient  à  l'esprit  est  celle-ci  : 
chez  notre  malade,  l'anurie  complète  n'a  jamais  dépassé 
une  période  de  dix  jours.  Or,  d'après  les  explications  qui 
précèdent,  ce  n'est  pas  encore  là  la  limite  extrême  à  la- 
quelle, dans  l'obstruction  des  uretères,  les  symptômes  d'in- 
toxication urémique  se  prononcent  nécessairement,  puisque, 
dans  l'observation  de  Paget,  l'intégrité  des  fonctions,  le 
maintien  de  la  santé  générale,  ont  persisté  jusqu'au  qua- 
torzième jour.  Sans  doute,  chez  Etchev..,  la  quantité  d'urine 
expulsée  dans  les  jours  intercalaires  est  très-minime;  mais, 
quelque  minime  qu'elle  soit,  elle  a  une  véritable  impor- 
tance, car  tous  les  auteurs,  depuis  Halford,  ont  reconnu 
l'amendement,  le  soulagement  considérable  qui  survien- 
nent dans  l'ischurie  urétérique  des  calculeux  lors  de  l'émis- 
sion des  plus  petites  quantités  d'urine. 

Autre  particularité  :  le  calculeux  est  frappé,  surpris  pour 
ainsi  dire  en  pleine  santé,  tandis  que,  si  j'en  juge  d'après 
notre  observation,  l'ischurie  hystérique  n'atteint  son  apogée 
que  d'une  manière  progressive.  Peut-être  y  a-t-il  là  une 
question  d'accoutumance  dont  il  est  juste  de  tenir  compte. 
Loin  de  moi,  toutefois,  la  pensée  de  croire  que  les  hysté- 
riques jouissent  d'une  immunité  particulière,  d'une  espèce 
de  mithridatisme  à  l'égard  de  l'intoxication   urémique. 


BÉNIGNITÉ   RELATIVE    DE  L'iSCHURIE  HYSTÉRIQUE.        205 

Cette  résistance  qu'elles  offrent  clans  les  conditions  qui  nous 
occupent,  tient  vraisemblablement  à  une  autre  cause  :  il  y  a 
plutôt  là  une  question  de  doses.  Je  m'explique. 

Le  chiffre  presque  insignifiant  d'urée  évacuée  dans  les 
vingt-quatre  heures  par  notre  malade,  soit  par  l'urine, 
soit  par  les  vomissements,  a  sans  doute  frappé  votre  at- 
tention. Durant  une  période  de  douze  jours,  avons-nous 
dit,  elle  n'a  rendu  quotidiennement  que  5  grammes  d'u- 
rée. Ce  chiffre  est  bien  inférieur,  vous  le  voyez,  à  celui  que 
Schérer  a  trouvé  chez  un  aliéné  qui  jeûnait  depuis  trois  se- 
maines ;  9  à  10  grammes  d'urée  en  vingt-quatre  heures, 
voilà  quel  était  ce  chiffre.  Nous  avons  vu,  d'ailleurs,  qu'il 
n'y  a  pas  lieu  de  faire  intervenir  dans  noire  cas  une  éva- 
cuation supplémentaire  par  les  selles  ou  les  sueurs.  Or, 
dans  toute  intoxication,  et  l'urémie  n'échappe  vraisembla- 
blement pas  à  cette  règle,  il  faut  tenir  compte  de  l'élément 
dose. 

Eh  bien,  n'est-il  pas  vraisemblable  que  cette  diminution 
même  du  chiffre  de  l'urée,  à  laquelle  correspondait  sans 
doute  une  diminution  corrélative  des  matières  dites  extrac- 
tives,  doit  rendre  compte,  chez  notre  malade,  de  l'absence 
de  tout  symptôme  d'intoxication  urémiquè  ? 

Nous  sommes  ainsi  amené  à  admettre  que,  chezEtchev..., 
il  a  existé  pendant  tout  le  temps  qu'a  duré  l'ischurie,  un 
ralentissement  dans  les  phénomènes  de  désassimilation,  se 
traduisant  par  une  diminution  absolue  du  chiffre  des  ma- 
tières excrémentiti  elles. 

Cette  condition,  d'ailleurs,  est  peut-être  commune  à  tout 
un  groupe  d'hystériques.  Il  y  a  longtemps  qu'on  a  remarqué, 
en  effet,  que  certaines  de  ces  malades  résistent  admirable- 
ment, dans  le  cas  de  vomissements  incoercibles,  à  une  ali- 
mentation très-restreinte,  insuffisante,  sans  perdre  de  leur 
embonpoint  et  sans  qu'il  en  résulte  des  troubles  notables  de 
la  santé.  Il  serait  assurément  intéressant,  en  pareille  occur- 
rence, d'analyser  comparativement,  jour  par  jour,  le  sang 
et  les  urines  afin  d'y  déterminer  la  proportion  de  l'urée  et 


296  MÉCANISME   DE   L'iSGHURIE   HYSTÉRIQUE. 

des  substances  extractives.  Il  serait  possible,  qu'à  l'aide  de 
ce  moyen,  on  obtînt  la  solution  du  problème,  que  je  ne  puis 
qu'indiquer  aujourd'hui. 


VII. 


Quel  est  le  mécanisme  de  l'ischurie  hystérique  ?  Où  siège 
l'obstacle  qui  s'oppose  à  l'accomplissement  de  l'excrétion 
urinaire?  L'urèthre  et  la  vessie  n'y  sont  certainement  pour 
rien.  L'obstacle  est-il  dans  l'uretère,  dans  le  rein  lui-mê- 
me? Nul  indice  n'autorise  à  songer  à  une  phlegmasie  de  la 
glande  rénale  ou  des  uretères  ;  la  composition  des  urines, 
de  même  que  les  autres  symptômes,  protesteraient  contre 
une  pareille  hypothèse.  Il  est  plutôt  admissible  qu'il  faut 
invoquer  une  action  du  système  nerveux.  L'influence  du 
système  nerveux  sur  l'excrétion  urinaire  n'est  pas  dou- 
teuse :  qu'il  nous  suffise  de  rappeler  à  titre  d'exemple  que, 
chez  les  chiens,  dont  le  ventre  est  ouvert,  il  peut  se  pro- 
duire, par  ce  fait  même,  une  suppression  momentanée  des 
urines,  ainsi  que  l'a  vu  M.  Cl.  Bernard;  que,  dans  l'opéra- 
tion de  la  fistule  vésico-vaginale,  il  arrive  également  par- 
fois que  les  urines  soient  supprimées  pendant  un  certain 
laps  de  temps,  c'est  un  fait  sur  lequelJobert  (de  Lamballe) 
appelait  l'attention. 

S'agirait-il, dans  notre  cas, d'une  oblitération  spasmodique 
des  uretères?  On  sait  que  ces  conduits  jouissent  de  proprié- 
tés contractiles  très-accusées  ;  ainsi,  Mulder  les  a  vus  se 
contracter  énergiquement  chez  un  individu  atteint  d'exstro- 
phie  de  la  vessie,  et  Valentin  a  dit  avoir  vu,  de  son  côté, 
survenir,  sous  l'influence  d'une  irritation  des  centres  ner- 
veux, une  contraction  très-prononcée  de  ces  mêmes  ca- 
naux (1).  L'analogie,  à  son  tour,  .paraîtrait  étayer  cette 
présomption  :  chez  les  hystériques,  il  est  assez  fréquent  de 


(l)  Donder's  physiologie. 


MÉCANISME  DE  L'iSCHURIE  HYSTÉRIQUE.  297 

voir  des  contractures  delà  langue,  de  l'œsophage,  etc.,  de 
longue  durée.  L'ischurie  hystérique,  d'après  cela,  devrait 
être  rapprochée  de  l'oblitération  calculeuse  des  uretères. 
Malheureusement  des  objections  d'une  certaine  valeur  sont 
contraires  à  cette  vue. 

Les  recherches  expérimentales  de  M.  Max  Hermann  dé- 
montrent, vous  le  savez,  que  la  proportion  de  l'urée  dimi- 
nue dans  l'urine  relativement  au  volume  de  celle-ci,  lors- 
qu'on établit  dans  l'uretère  une  contre-pression.  La  pression 
parvient-elle  à  0m,060  millimètres  de  mercure,  on  ne  trouve 
plus  d'urée  dans  l'urine. 

M.  Roberts  (de  Manchester)  (1)  a  confirmé  la  réalité  de  ce 
fait  chez  l'homme.  Dans  un  cas  d'obstruction  calculeuse  de 
l'uretère,  il  s'échappa  une  petite  quantité  d'urine  claire, 
contenant  seulement  0  gramme,  50  centigrammes  d'urée 
pour  1,000  grammes.  Or,  chez  notre  hystérique,  les  urines 
renferment  15  grammes  d'urée  pour  1000  grammes,  chiffre 
qui  se  rapproche,  comme  on  voit,  du  chiffre  normal. 

D'après  cela,  Messieurs,  ce  ne  serait  pas  dans  l'uretère 
que  siégerait  l'obstacle  dans  l'ischurie  hystérique.  Où  ré- 
side-t-il?  Faut-il  invoquer  ici  une  influence  du  système 
nerveux,  analogue  à  celle  que  Luclwig  a  découverte  à  pro- 
pos de  la  glande  salivaire  ?  En  l'absence  de  tout  renseigne- 
ment à  cet  égard,  nous  ne  pouvons  que  laisser  la  question 
en  suspens  (2). 


(1)  The  Pathology  of  Suppression  of  Urine.  In  The  Lancet  1868,  may  23 
et  30;  —  1870,  june  18  et  Mouvement  méd.,  1871,  p.  22,  23  et  128. 

(2)  Depuis  que  cette  leçon  a  été  faite  par  M.  Charcot  (juin  1872),  M.  Ch. 
Fernet  a  communiqué  à  la  Société' médicale  des  hôpitaux  une  note  intitulée  : 
De  Voliç/urie  et  de  Vanurie  hystériques  et  des  vomissements  qui  les  accompa- 
gnent. {Union  médicale,  17  avril  1873,  p.  566.)  Après  avoir  résumé  les  opi- 
nions de  M.  Charcot,  M.  Ch.  Fernet  rapporte  une  observation  intéressante 
dont  voici  l'analyse. 

Marie  L.  .  .  ,19  ans,chloro-anémique,aété  réglée  à  16  ans.  La  menstruation 
a  toujours  été  irrégulière. Une  sœur  de  la  malade  est  sujette  à  de  fréquentes 
attaques  d'hystérie.  En  janvier  1871,  Marie  L.  . .  eut  une  frayeur  qui  occa- 
sionna une  attaque  d'hystérie.  En  mai,  faiblesse  extrême,  malaise,  douleurs 
dans  les  membres,  (Régime  fortifiant;  quinquina,  fer,   bains  de  mer).  — 


298  NOUVEAU   CAS  D'iSCHURIE   HYSTÉRIQUE. 

A  la  fin  du  mois  d'août,  à  la  suite  d'un  bain  de  mer,  Marie  L.  .  .  fut 
prise,  pour  la  première  fois,  de  vomissements.  «  Elle  commença  par  rendre 
les  aliments  solides;  puis,  au  bout  de  quelques  jours,  elle  arriva  à  vomir 
tout  ce  qu'elle  prenait.  ..  Ces  vomissements  se  répétèrent  sans  interrup- 
tion jusqu'au  mois  d'octobre,  puis  se  calmèrent  pendant  une  quinzaine  de 
jours  pour  reparaître  avec  leur  intensité  première  et  persister  sans  répit.  . .  . 
En  mars  1872,  L. .  .  entre  à  l'Hôtel-Dieu  {service  de  M.  Moisseuet).  Trai- 
tement :  lotions  froides  ;  glace  et  Champagne  ;  vésicatoire  morphine  à  1  epi- 
gastre.  Les  vomissements  diminuèrent  peu  à  peu,  ne  reparurent  plus  que 
par  intervalles,  et  la  malade  sortit  de  l'hôpital  le  15  avril  ne  vomissant  plus. 
—  Durant  les  mois  de  mai  et  de  juin,  vomissements  rares.  Ils  revinrent  en 
juillet,  après  des  contrariétés,  et  s'arrêtèrent  de  nouveau  peut-être  grâce  au 
bromure  de  potassium.  A  la  fin  de  juillet,  une  nouvelle  émotion  morale  les 
fait  reparaître  avec  leur  fréquence  et  leur  persistance  antérieuies. 

Marie  L.  . .  entre  une  seconde  fois  à  l'Hôtel-Dieu,  le  18  août  1872.  C'est 
alors  que  M.  Ch.  Fernet  put  l'observer.  Elle  présentait  les  symptômes  sui- 
vants -.  faiblesse  excessive,  anémie  très-marquée  et  caractérisée  surtout  par 
la  décoloration  de  la  peau  et  des  muqueuses;  névralgie  intercostale  ;  sensi- 
bilité ovarienne  développée  du  côté  gauche,  douleur  à  la  pression;  anes- 
thésie  en  divers  points  de  la  peau  ;  anesthésie  plantaire  complète  :  analgésie 
profonde  des  membres  supérieurs;  achromatopsie  de  l'œil  gauche  qui  ne 
distingue  pas  la  couleur  jaune  ;  vomissements.  La  malade  assure  que  depuis 
leur  apparition,  elle  ne  rend  qu'une  minime  quantité  d'urine,  que  souvent 
elle  reste  plusieurs  jours  sans  en  rendre  une  seule  goutte.  —  &  Sept.  Ré- 
gime lacté  exclusif.  —  Du  4  au  9  sept.,  il  n'y  eut  qu'une  émission  d'urine 
(150  gr.  environ).  A  partir  de  cette  époque,  M.  Ch.  Fernet  fit  mesurer  exac- 
tement, d'une  part, les  quantités  des  aliments  ingérés,  d'autre  part;  la  quan- 
tité de  matières  vomies  et  d'urine  rendue  et,  après  avoir  indiqué  dans  un  ta- 
bleau ces  quantités  jour  par  jour,  il  ajoute  :  «  L'examen  du  tableau  qui  pré- 
cède permet  d'établir  une  relation  étroite  entre  l'état  de  la  fonction  urinaire 
et  les  vomissements.  Dans  une  première  période  de  temps  comprise  entre  le 
9  et  le  16  septembre,  c'est-à-dire  pendant  huit  jours  pleins,  les  urines  sont 
complètement  supprimées  durant  les  six  premiers  jours  et  leur  quantité  est 
très- faible  durant  les  deux  derniers;  or,  dans  ce  laps  de  temps,  la  malade, 
soumise  au  régime  lacté,  rejette  par  le  vomissement  la  quantité  de  matières 
liquides  équivalente  d'abord  à  la  moitié  ou  aux  trois  quarts  des  liquides  in- 
gérés pendant  les  quatre  premiers  jours,  puis  sensiblement  égale  à  la  quan- 
tité de  lait  qu'elle  prend  pmdant  les  quatre  derniers  jours. 

»  Dans  une  seconde  périodecomprenant  neuf  jours  (du18au  26  septembre), 
la  quantité  des  matières  vomies  semble  avoir  diminué;  mais  il  n'en  est  rien 
si  on  compare  cette  quantité  à  celle  des  aliments  ingérés  :  en  fait,  le  ré- 
gime ayant  été  modifié  et  se  composant  maintenant  de  bouillon  froid,  de 
viande  crue  et  de  limonade,  les  vomissements  représentent  encore  la  pres- 
que totalité  des  aliments  ingérés;  or,  pendant  ce  temps,  il  y  a  un  peu  d'urine 
dans  les  deux  premiers  jours  (15  gr  et  250  gr.),  mais  leur  émission  est  de 
nouveau  suspendue  dans  les  sept  jours  qui  suivent. 

»  Enfin,  dans  une  troisième  période  qui  dure  4  jours  (du  27  au  30  sept.), 
nous  voyons  la  fonction  urinaire  se  rétablir  et  le  chiffre  de  l'urine  atteindre 
le  taux  normal  (1,000  gr.,  500  gr.,  1,100  gr.,  les  deux  derniers  jours),  en  même 


NOUVEAU   CAS  D  ISCHURIE   HYSTÉRIQUE.  299 

temps,  les  vomissements  diminuent  le  second  jour  et  cessent  le  3°  et  le  4°.  » 
»  Voulant  s'assurer,  comme  l'a  indiqué  M. Charcot,  si  les  vomissements  ne 
pourraient  pas  être  imputés  à  l'élimination  supplémentaire  de  l'urée  par  l'es- 
tomac, M.  Cb.  Fernet  a  fait  analyser  par  M.  E.  Hardy  l'urine  et  les  ma- 
tières vomies.  Du  tableau  récapitulatif  de  ces  analyses,  il  ressort  que  l'urée 
s'est  toujoursprésentée  en  quantité  notable  deO  gr.  55  àl  gr.  87,  dans  cesma- 
tières  vomies  ;  en  outre,  que,  quand  la  sécrétion  urinaire  a  été  supprimée, la 
quantité  d'urée  contenue  dans  les  matières  vomies  a  été  graduellement  crois- 
sante durant  ce  laps  de  temps  (du  19  sept,  au  27,  le  chifFre  s'est  élevé  de 
0  gr.  62  à  1  gr.  08);  enûn,  que  du  jour  où  l'urine  rendue  par  la  vessie  a  at- 
teint un  cbilfre  qu'on  peut  considérer  comme  normal,  l'urée  a  diminué  dans 
la  sécrétion  gastrique  pour  disparaître  sans  doute  en  même  temps  que  les  vo- 
missements. > 

Une  action  morale,  —  la  prescription  de  pilules  dites  fulminantes  {mica 
partis)  a  occasionné  un  changement  brusque  dans  l'état  de  Marie  L . .  .  à 
partir  du  27  septembre.  Les  vomissements  se  sont  arrêtés,  la  sécrétion  uri- 
naire a  repris  son  cours.  Enfin,  la  malade  est  sortie  en  assez  bon  état  de 
l'hôpital  dans  le  courant  de  novembre.  Vf.  Ch.  Fernet  a  fait  ressortir,  en 
terminant  sa  note,  les  nombreux  points  de  contact  qui  existent  entre  la  ma- 
lade de  M.  Charcot  et  la  sienne. 

—  Nous  citerons  encore  une  thèse  de  M.  Secouet  :  Des  vomissements  uré- 
iniqucs  chez  les  femmes  hystériques  (Paris,  avril  1873).  On  y  trouvera  une 
observation  qui,  toute  insuffisante  qu'elle  soit,  à  certains  égards,  parait  de- 
voir être  rattachée  à  l'ischurie  hystérique. 

—  L'observation  de  la  malade  qui  fait  l'objet  de  la  précé .lente  leçon 
a  été  publiée  in-extenso  dans  nos  Recherches  cliniques  et  thérapeutiques  sur 
l'cpilepsie  et  l'hystérie,  p.  151  (B.). 


DIXIEME  LEÇON 

De  lhémianesthésie  hystérique. 


Sommaire.  —  Hémianesthésie  et  hyperesthésie    ovarienne  dans  l'hystérie. 

—  Association  fréquente  de  ces  deux  symptômes.  —  Fréquence  de  l'hé- 
mianesthésie  des  hystériques  ;  —  Ses  variétés  :  elle  est  complète  ou 
incomplète.  —  Caractères  de  l'hémianesthésie  hystérique.  —  L'ischémie 
et  lesconvulsionnaires.  —  Lésion  des  sens  spéciaux.  —  Achromatopsie. 

—  Relation  entre  l'hémianesthésie,  l'hyperesthésie  ovarienne,  la  parésie 
et  la  contracture.  —  Variabilité  des  symptômes  dans  l'hystérie.  —  Va- 
leur diagnostique  de  l'hémianesthésie  hystérique.  —  Restriction  qu'il  con- 
vient d'y  apporter. 

Hémianesthésie  dépendant  de  certaines  lésions  encéphaliques.  —  Ana- 
logies qu'elle  présente  avec  l'hémianesthésie  des  hystériques.  — Cas  dans 
lesquels  l'hémianesthésie  de  cause  encéphalique  ressemble  à  l'hémianes- 
thésie des  hystériques.  —  Siège  des  lésions  encéphaliques  capables  de 
produire  l'hémianesthésie.  —  Fonctions  de  la  couche  optique  :  théorie 
anglaise  et  théorie  française.  —  Critique.  —  Nomenclature  allemande 
des  diverses  parties  de  l'encéphale. —  Ses  avantages  au  point  de  vue  de 
la  circonscription  des  lésions.  — Casd'hémianesthésie  observés  par  Turck  : 
siège  spécial  des  lésions  encéphaliques  dans  ces  cas.  —  Observation  de 
M.  Magnan.  —  Altération  des  sens  spéciaux. 


Messieurs, 

Il  est  deux  points  de  l'histoire  de  l'hystérie,  sur  lesquels 
je  veux  insister  particulièrement  dans  cette  leçon  et  dans 
la  suivante.  Ce  sont,  d'une  part,  l'hémianesthésie  hysté- 
rique, et  d'autre  part  Y  hyperesthésie  ovarienne.  Si  je 
rapproche  ces  deux  phénomènes  l'un  de  l'autre,  c'est  que, 
en  général,  on  les  trouve  tous  les  deux  associés  chez  les 
mêmes  malades.  A  propos  de  l'hyperesthésie  ovarienne, 
j'espère  vous  rendre  évidente  l'influence  déjà  signalée  au- 
trefois et,  plus  tard,  mise  en  doute,  de  la  pression  de  la 
région  ovarienne  sur  la  production  des  phénomènes  de 
l'accès  hystérique  ;  je  vous  ferai  voir  que  cette  manœuvre 


HYSTÉRIE  OVARIENNE.  301 

détermine,  soit  seulement  les  prodromes  de  l'attaque  hysté- 
rique, soit  l'attaque  complète  dans  un  certain  nombre  de 
cas.  Il  en  ressortira  pour  vous  l'exactitude  de  l'assertion 
émise  naguère  par  le  professeur  Schutzenberger,  à  propos 
de  ce  phénomène,  malgré  les  dénégations  opposées  par 
quelques  observateurs. 

Je  vous  indiquerai  aussi  un  procédé  que  j'ai  trouvé,  ou 
plutôt  retrouvé,  et  qui  permet  d'arrêter,  chez  quelques 
malades,  les  accès  hystériques  même  les  plus  intenses.  Il 
s'agit  de  la  compression  méthodique  de  la  région  ova- 
rienne. M.  Briquet  nie  la  réalité  des  effets  de  cette  com- 
pression. Je  ne  puis  être  de  son  avis,  et  ceci  me  conduit  à 
vous  présenter  une  remarque  générale  concernant  le  livre 
de  M.  Briquet  (1).  Ce  livre  est  excellent;  c'est  le  fruit  d'une 
observation  minutieuse,  d'un  labeur  patient,  mais  il  a  peut- 
être  un  côté  faible  :  tout  ce  qui  touche  à  l'ovaire  et  à  l'u- 
térus y  est  traité  avec  une  disposition  d'esprit  singulière 
de  la  part  d'un  médecin.  C'est  une  sorte  de  pruderie,  un 
sentimentalisme  inexplicable.  Il  semble  qu'à  l'égard  de  ces 
questions,  l'auteur  soit  toujours  dominé  par  une  seule 
préoccupation.  «  En  voulant  tout  rapporter  à  l'ovaire  et  à 
l'utérus,  dit-il,  par  exemple,  quelque  part,  on  fait  de  l'hys- 
térie une  maladie  de  lubricité,  une  affection  honteuse,  pro- 
pre à  rendre  les  hystériques  des  objets  de  dégoût  et  de 
pitié.»  En  vérité,  Messieurs,  ce  n'est  pas  là  la  question.  Pour 
mon  compte,  je  suis  loin  de  croire  que  la  lubricité  soit 
toujours  enjeu  dans  l'hystérie;  je  suis  même  convaincu 
du  contraire.  Je  ne  suis  pas  non  plus  partisan  exclusif  de 
la  doctrine  ancienne,  qui  place  le  point  de  départ  de  la  ma- 
ladie hystérique  tout  entière  dans  les  organes  génitaux  ; 
mais  avec  Schutzenberger,  je  crois  quïl  est  péremptoire- 
ment démontré  que,  dans  une  forme  spéciale  de  l'hystérie 
—  que  j'appellerai,  si  vous  voulez,  ovarienne  ou  ovarique 


(l)  Briquet  (P.).  —  Traité  clinique  et  thérapeutique  de  l'hystérie.  Paris, 
1859. 


302  HÉMIANESTHÉSIE  DES  HYSTÉRIQUES. 

—  l!Qvairejoue  un  rôle  important.  Cinq  malades,  que  je 
ferai  passer  tout  à  l'heure  devant  vous,  sont,  si  je  ne  me 
trompe,  des  exemples  évidents  de  cette  forme  de  l'hysté- 
rie ;  vous  pourrez,  en  les  examinant,  vous  assurer  de  la  vé- 
racité de  la  description  que  je  vais  entreprendre. 

I. 

Vous  connaissez  tous  Yhémianesthèsie  des  hystériques. 
Il  y  aurait  quelque  ingratitude  à  ne  pas  savoir  en  quoi  con- 
siste ce  symptôme,  car  il  a  été  révélé  par  des  études  toutes 
françaises.  Piorry,  Macario,  Gendrin,  l'ont  décrit  tour  à 
tour  et  ont  insisté  sur  ses  caractères.  Ce  n'est  que  long- 
temps après  eux  que  Szokalsky  l'a  fait  connaître  en  Alle- 
magne, et  il  n'a  eu  qu'à  confirmer,  par  des  observations, 
d'ailleurs  très-recommandables,  les  faits  énoncés  par  nos 
compatriotes, 

Afin  de  me  restreindre,  j'envisagerai  seulement,  —  et 
cela  suffira  pour  le  but  que  je  me  propose,  —  Yliémianes- 
thèsie complète,  telle  qu'elle  se  présente  dans  les  cas  in- 
tenses. A  ce  degré  même,  c'est  encore  un  symptôme  fré- 
quent puisque,  suivant  M.  Briquet,  il  se  rencontre  93  fois 
sur  400.  Relativement  au  siège  qu'il  occupe,  on  trouve,  tou- 
jours d'après  cet  auteur,  70  cas  pour  le  côté  gauche  et  20 
pour  le  droit. 

Vous  savez  de  quoi  il  s'agit  en  pareille  circonstance. 
Les  deux  moitiés  du  corps  étant  supposées  séparées  par 
un  plan  antéro-postérieur,  tout  un  côté,  —  face,  cou, 
tronc,  etc.  —  a  perdu  la  sensibilité  et,  si  très-souvent 
cette  perte  de  la  sensibilité  porte  seulement  sur  les  parties 
superficielles  (tégument  externe),  elle  envahit  quelquefois 
aussi  les  régions  profondes  (muscles,  os,  articulations.) 

Uhémianesthésie  hystérique  se  montre,  vous  le  savez, 
sous  deux  aspects  principaux  :  elle  est  complète  ou  incom- 
plèle.  \1  analgésie,  avec  ou  sans  insensibilité  à  la  chaleur 


HÉMIANESTHÉSIE    HYSTÉRIQUE  !    ISCHURIE.  303 

et  au  froid  ou  thermo-anesihésie,  est,  dans  l'espèce,  une 
des  variétés  les  plus  communes.  La  netteté  avec  laquelle 
les  parties  anesthésiées  sont  séparées  des  parties  saines 
est  encore  un  caractère  importaut  de  l'hémianesthésie 
hystérique.  Sur  la  tête,  la  face,  le  cou,  sur  le  tronc,  la 
délimitation  est  souvent  parfaite  et  correspond,  je  le  ré- 
pète, à  peu  de  chose  près,  à  la  ligne  médiane.  Un  autre 
trait  qui  mérite  bien  d'être  mentionné,  c'est  la  pâleur  et  le 
refroidissement  relatifs  du  côté  anesthésié.  Ces  phénomènes, 
liés  à  une  ischémie  plus  ou  moins  permanente,  ont  été 
observés  maintes  fois.  Brown-Séquard  et  Liégeois  (1)  en  ont 
cité  des  exemples. Cette  ischémie  peut  être  caractérisée  dans 
les  cas  intenses  par  la  difficulté  qu'il  y  a  à  tirer  du  sang 
des  parties  anesthésiées  à  l'aide  d'une  piqûre  d'épingle. 

J'ai  noté  cette  particularité  dans  le  temps.  Yoici  dans 
quelles  circonstances  :  des  sangsues  ayant  été  appliquées 
sur  une  malade  atteinte  d'hémianesthésie  hystérique,  je 
remarquai  que  les  piqûres  fournissaient  très-diHicilement 
du  sang  du  côté  anesthésié,  tandis  qu'elles  en  donnaient 
comme  d'habitude  du  côté  sain.  Grisolle  qui  était,  vous  le 
savez,  un  observateur  très-sage  et  très-sévère,  avait  cons- 
taté la  même  chose.  Cette  ischémie,  qui,  d'ailleurs,  poussée 
à  ce  degré  est  assez  rare,  peut  expliquer  certains  faits  ré- 
putés miraculeux.  Dans  l'épidémie  de  Saint-Médard,  par 
exemple,  les  coups  cïépée  que  l'on  portait  aux  convulsion- 
naires  ne  produisaient  pas,  dit-on,  d'hémorrhagie.  La  réalité 
du  fait  ne  peut  être  repoussée  sans  examen  ;  s'il  est  exact 
que  beaucoup  de  ces  convulsionnaires  se  soient  rendues 
coupables  de  jonglerie,  on  est  obligé  de  reconnaître  cepen- 
dant, après  une  étude  attentive  de  la  question,  que  la  plupart 
des  phénomènes  qu'elles  ont  présentés  et  dont  l'histoire 
nous  a  transmis  la  description  naïve  (2),  étaient,  non  pas 


(1)  Liégeois.  —  Mémoires  de  la  Société'  de  Biologie,  3°  série,  t,  I,  p.  274. 

(2)  Carré  de  Montgeron.  —  La  Vérité  des  miracles  opérés  à  V intercession 
de  M.  de  Paris  et  autres  Appelants,  etc.,  1737. 


304        HÉMIANESTHÉSIE  ET  HYPERESTHÉSIE   OVARIENNE. 

simulés  de  toutes  pièces,  mais  seulement  amplifiés,  exa- 
gérés. Il  s'agissait  là,  presque  toujours,  la  critique  l'a  dé- 
montré, de  l'hystérie  poussée  au  plus  haut  point  ;  et  pour 
que,  sur  ces  femmes  frappées  d'anesthésie,  une  blessure  par 
instrument  piquant,  tel  qu'une  épée,  ne  fût  pas  survie 
d'écoulement  de  sang,  il  suffisait,  vous  le  comprenez  d'après 
ce  qui  précède,  que  l'instrument  ne  fût  pas  poussé  trop 
profondément. 

Il  est  encore  d'autres  caractères  de  l'hémianesthésie  hys- 
térique qui  méritent  tout  notre  intérêt,  tant  au  point  de  vue 
clinique  qu'au  point  de  vue  de  la  théorie.  Les  membranes 
muqueuses  sont  atteintes  d'un  côté  du  corps  comme  le  té- 
gument externe.  Les  organes  des  sens  eux-mêmes  sont  af- 
fectés à  un  certain  degré  du  côté  anesthésié.  Le  goût  peut 
avoir  disparu  sur  la  moitié  correspondante  de  la  langue, 
depuis  la  pointe  jusqu'à  la  hase.  L'odorat  est  émoussé.  La 
vue  est  affaiblie  d'une  manière  très-notable  et  si  l'amblyo- 
pie  occupe  le  côté  gauche,  il  peut  se  présenter  un  phéno- 
mène très-remarquable,  sur  lequel  M.  Galezowski  a  appelé 
l'attention  et  qu'il  a  désigné  sous  le  nom  d'achromatopsie. 
Nous  reviendrons  ailleurs  sur  ce  point. 

L'hémianesthésie  hystérique  ne  semble  pas  toucher  les 
viscères.  Ainsi,  pour  ne  parler  que  de  l'ovaire,  au  lieu  d'une 
anesthésié,  c'est  une  hyperesthésie  que  l'on  constate.  Cet 
organe  peut  être  très-douloureux  à  la  pression,  alors  que 
la  paroi  abdominale  correspondante  est  absolument  insen- 
sible. Or,  il  existe,  Messieurs,  entre  le  siège  de  l'hémianes- 
thésie et  celui  de  l'hyperesthésie  ovarienne,  une  relation 
très-remarquable.  Si  celle-ci  occupe  le  côté  gauche,  l'hé- 
mianesthésie siège  à  gauche  et  inversement.  Quand  l'hyper- 
esthésie ovarienne  est  double,  il  est  de  règle  que  l'anes- 
thésie  se  montre  généralisée  et  occupe  par  conséquent  la 
presque  totalité  ou  la  totalité  du  corps. 

Ce  n'est  pas  seulement  entre  le  siège  de  l'hémianesthésie 


HÉMIANESTHÉSIE   HYSTÉRIQUE.  305 

et  celui  de  l'hyperesthésie  ovarienne  qu'une  semblable  re- 
lation existe  ;  elle  est  aussi  très-évidente  en  ce  qui  con- 
cerne la  parésie  ou  la  contracture  des  membres.  Ainsi, 
lorsque  la  parésie  ou  la  contracture  doivent  survenir,  c'est 
toujours  du  côté  de  riiémianesthésie  qu'elle  se  manifeste. 

L'hémianesthésie,  telle  qu'elle  vient  d'être  décrite,  est, 
dans  la  clinique  de  l'hystérie,  un  symptôme  d'autant  plus 
important  qu'il  est  à  peu  près  permanent.  Les  seules  varia- 
tions qu'il  présente  sont  relatives  au  degré,  à  l'intensité  des 
phénomènes  qui  le  composent  et  quelquefois  aussi,  nous 
devons  le  dire,  à  la  fluctuation  de  quelques-uns  d'entre  eux. 

L'achromatopsie  est  de  ce  nombre  :  constatée  très-net- 
tement, il  y  a  quelques  semaines,  et  à  différentes  reprises, 
chez  une  de  nos  malades,  ella  a  disparu  aujourd'hui. 

11  importe  de  ne  pas  oublier,  à  ce  propos,  que  l'hémia- 
nestliésie est  un  symptôme  qu'il  faut  chercher,  ainsi  que 
M.  Lasègue  l'a  fait  remarquer  très-judicieusement  (1).  Il 
est,  en  effet,  beaucoup  de  malades  qui  se  montrent  toutes 
surprises  quand  on  leur  en  révèle  l'existence. 

IL 

Je  veux  rechercher  maintenant  jusqu'à  quel  point  riié- 
mianesthésie, telle  qu'elle  vient  d'être  décrite,  est  un  symp- 
tôme propre  à  l'hystérie.  En  réalité,  il  est  très-rare  qu'elle 
puisse  être  reproduite  avec  l'ensemble  de  tous  ses  caractères 
par  une  autre  maladie.  Son  existence  bien  constatée  est 
donc  un  indice  précieux  et  qui  fera  reconnaitre  maintes 
ibis  la  nature  de  bon  nombre  de  symptômes  qui,  sans  cela, 
seraient  restés  douteux.  C'est  là  un  point  sur  lequel  M.  Bri- 
quet a  eu  raison  d'insister  avec  force  :  pour  montrer  l'in- 
térêt de  cette  notion,  il  a  rappelé  le  cas  où  une  femme,  à 
la  suite  d'une  émotion  morale  vive,  serait  tombée  rapide- 


l)  Archives  générales  de  médecine.  Ib64,  t.  I,  p.   385. 

Charcot,  t.   i,   ôe  éd.  20 


306  HÉMIANESTHÉSIE   DE  CAUSE  ENCÉPHALIQUE. 

ment  dans  un  coma  plus  ou  moins  profond,  précédé  ou  non 
de  convulsions  (forme  comateuse  de  l'hystérie)  et  chez 
laquelle  on  aurait  observé,  au  réveil,  une  hémiplégie  du 
mouvement  plus  ou  moins  complète.  C'est  là  un  ensemble 
de  circonstances  qu'il  n'est  pas  très-rare  de  rencontrer  dans 
la  pratique.  Or,  en  pareille  occurrence,  il  peut  arriver  que 
la  situation  soit  très-embarrassante  pour  le  médecin.  Eh 
bien  !  la  présence  de  l'hémianesthésie,  revêtue  de  tous  ses 
caractères  qui,  alors,  ne  ferait  vraisemblablement  pas  dé- 
faut, pourrait,  dit  M.  Briquet,  mettre  sur  la  voie.  Cette  as- 
sertion est  parfaitement  exacte,  je  n'ai  rien  à  y  reprendre, 
si  ce  n'est  cependant  sur  un  point 

S'il  est  vrai  que  l'hémianesthésie  soit  un  symptôme  pres- 
que spécifique,  en  ce  sens  qu'on  ne  le  retrouve  pas  avec 
les  mêmes  caractères  dans  l'immense  majorité  des  cas  de 
lésions  matérielles  de  l'encéphale  (hémorrhagïe,  ramollis- 
sement, tumeurs),  on  ne  saurait  admettre  que  ce  caractère 
est  absolu.  Il  est  inexact,  surtout,  de  dire  que  l'hémianes- 
thésie développée  sous  V influence  des  lésions  encéphaliques 
diffère  toujours  de  l'hémianesthésie  hystérique  en  ce  que 
dans  celle-là  la  peau  de  la  face  ne  participe  pas  à  Vinsen- 
sibilité,  ou  que,  quand  elle  existe,  elle  ne  siège  jamais  du 
même  côté  que  celle  des  membres.  C'est  là  une  inexactitude 
qu'on  voit  reproduite,  à  peu  près  avec  les  mêmes  termes, 
dans  la"  thèse  d'ailleurs  très-intéressante  de  M.  Lebreton(l). 

J'éprouve  quelque  répugnance  à  m'attaquer  encore  à 
l'œuvre  si  remarquable  de  M.  Briquet,  mais  plus  cette  œuvre 
est  estimable,  et  justement  estimée,  plus  les  inexactitudes 
qui  ont  pu  s'y  glisser  acquièrent  de  gravité.  Cette  considé- 
ration justifiera,  je  l'espère,  ma  critique. 

Messieurs,  dans  des  cas  à  la  vérité  exceptionnels,  mais 
parfaitement  authentiques,  certaines  lésions  cérébrales  en 
foyer  peuvent  reproduire  l'hémianesthésie  avec  tous  les 

(l)  Lebreton.  —  Des  différentes  variétés  de  la  paralysie  hystérique.  Thèse 
de  Paris,  1868. 


LÉSIONS  DES  CORPS   OPTO-STRIÉS.  307 

caractères  qu'on  lui  connaît  dans  l'hystérie,  ou  peu  s'en 
faut.  Permettez-moi  d'entrer  à  ce  sujet  dans  quelques  dé- 
veloppements. 

La  doctrine  classique,  du  moins  parmi  nous,  doctrine 
qui  invoque  d'ailleurs  à  la  ibis  les  données  de  l'observation 
cliniques  et  celles  fournies  par  l'expérimentation  chez  les 
animaux,  veut  que  les  lésions  cérébrales  en  foyer  qui  affec- 
tent si  profondément  la  inutilité  —  en  particulier  quand 
elles  occupent  la  région  de  la  couche  optique  et  du  corps 
strié  —  restent  à  pou  prés  sans  eiiét  sur  la  sensibilité.  A 
ce  point  de  vue,  Messieurs,  le  résultat  est,  dit-on,  tou- 
jours le  même,  qu'il  s'agisse  de  lésions  intéressant  spécia- 
lement le  corps  strié,  la  couche  optique,  ou  encore  l'avant- 
mur. 

Tout  d'abord,  lorsqu'il  s'agit  de  lésions  à  développement 
brusque,  déterminant  une  attaque  apoplectique  et  portant 
sur  l'un  quelconque  des  points  qui  viennent  d'être  énu- 
mérés,  le  symptôme  qui  frappe,  c'est  une  hémiplégie,  plus 
accusée  au  membre  supérieur  qu'à  l'inférieur  et  s'accom- 
pagnant  de  flaccidité.  A  la  face,  la  paralysie  affecte  d'or- 
dinaire le  buccinateur  et  l'orbiculaire  des  lèvres  ;  le  plus 
souvent  aussi  la  langue  est  tirée  du  côté  paralysé.  A  la 
paralysie  du  mouvement  se  surajoute  une  paralysie  des 
nerfs  vaso-moteurs  qui  se  traduit  par  une  élévation  de  la 
température  du  membre  paralysé.  Quelquefois  cette  para- 
lysie vaso-motrice  apparaît  dès  l'origine. 

Quant  à  la  sensibilité,  elle  n'est  pas  modifiée  d'une  ma- 
nière appréciable  ou,  au  moins,  d'une  manière  durable.  Les 
sens  spéciaux  n'offrent  aucun  changement  sérieux,  à  moins 
de  complication,  par  exemple  X  embolie  de  V artère  cen- 
trale de  la  rétine,  s'il  s'agit  d'un  ramollissement  consé- 
cutif à  la  migration  d'une  végétation  valvulaire,  ou  encore 
la  compression,  par  voisinage,  d'une  des  bandelettes  opti- 
ques, dans  le  cas  d'un  foyer  hémorrhagique  quelque  peu 
volumineux.  Tel  est,  en  résumé,  l'ensemble  symptomatique 


308  HEMIANESTHESIE   DE  CAUSE   ENCEPHALIQUE. 

que  l'on  rencontre  dans  l'immense  majorité  des  faits 
d'hémorrhagie  on  de  ramollissement  affectant  les  points  de 
l'encéphale  que  nous  avons  indiqués. 

Incontestablement,  Messieurs,  c'est  bien  ainsi  que  se 
passent  les  choses  dans  la  grande  majorité  des  cas.  Mais,  à 
côté  de  la  règle,  il  y  a  le  chapitre  des  exceptions.  Il  est  des 
cas,  et  pour  mon  compte  j'en  ai  observé  plusieurs  de  ce 
genre,  dans  lesquels  la  sensibilité  est  affectée  d'une  façon 
prédominante  et  dans  lesquels  l'anesthésie  persiste,  même 
après  la  restauration  du  mouvement. 

Ces  altérations  de  la  sensibilité  peuvent  se  présenter  avec 
les  caractères  suivants  :  L'anesthésie  affecte  toute  une 
moitié  du  corps  et  s'arrête  juste  à  la  ligne  médiane.  La  moi- 
tié correspondante  de  la  face,  la  peau  aussi  bien  que  les 
membranes  muqueuses  (1),  se  montrent  insensibles,  abso- 
lument comme  dans  l'hémianesthésie  hystérique.  Il  est  pos- 
sible d'observer  alors  Y  analgésie  et  la  ïhermo-anesthêsie , 
avec  conservation  de  la  sensibilité  tactile,  ainsi  que  l'ont 
constaté  MM.  Landois  et  Mosler  (2).  Enfin,  il  est  encore  des 
cas,  plus  rares  à  la  vérité  et  jusqu'ici  imparfaitement  ob- 
servés, mais  qui,  malgré  tout,  ont  bien  leur  valeur,  cas 
qui  rendent  probables  les  altérations,  en  pareille  circons- 
tance, des  sens  spéciaux  du  côté  opposé  à  la  lésion  encé- 
phalique, c'est-à-dire  du  même  côté  que  l'hémianesthésie. 

Les  médecins  du  siècle  dernier  avaient  déjà  remarqué  ces 
faits  exceptionnels.  Borsieri,  entre  autres,  raconte  l'his- 
toire d'un  malade  qui,  trois  mois  auparavant,  avait  été 
frappé  d'apoplexie  et  chez  lequel  l'anesthésie  existait  en- 
core quoique  la  motilité  fût  revenue.  Il  cite  quelques  au- 
tres observations  du  même  genre,  empruntées  à  divers 
auteurs  (3). 

Des  faits  analogues  ont  été  rapportés  par  Abercrombie, 


(1)  Hirsch.  —  Klinische  fragments,  I,  Abth.,  p.   207,  Kœni^ 

(2)  Landois  et  Mosler.  —  Berliner  Min.   Wochens.,  1808,  p.  401, 

(3)  Borsieri.  —  List,  pract.,  vol.  III,  p.  76. 


THEORIE   ANGLAISE.  309 

Amiral,  plus  récemment  par  Kirsch.  Leubuscher,  Broad- 

bent,  IL  Jackson  (1)  et  surtout  par  L.  Tùrck.  Seul,  ce  der- 
nier a  su  donner,   relativement  au  siège  que  les   lésions 

encéphaliques  occupent  dans  ces  cas-là,  des  notions  déci- 
sives. 

Presque  toujours,  lorsque  rhémianesthésie  se  présente 
avec  ces  caractères,  la  couche  optique  est  lésée  d'une  ma- 
nière sinon  exclusive  du  moins  prédominante  (Broadhent, 
H.  Jackson).  En  ce  qui  me  concerne,  j'ai  vu  rhémianes- 
thésie se  surajouter  à  l'hémiplégie  chez  plusieurs  sujets 
atteints  dTiémorrhagie  cérébrale  et  toujours  alors  j'ai  ren- 
contré à  l'autopsie  la  lésion  do  la  couche  optique  dont,  pon- 
dant la  vie,  j'avais  cru  pouvoir  annoncer  l'existence. 

Faut-il.  Messieurs,  induire  de  ce  qui  précède  que  la  lé- 
sion de  la  couche  optique  est  la  véritable  cause  organique 
de  l'hémianesthésie  observée  dans  tous  ces  cas?  C'est  là 
une  question  qui  mérite  de  nous  arrêter. 

Je  suis  ainsi  amené  à  vous  parler  de  la  théorie  physio- 
logique qu'on  pourrait  appeler  théorie  anglaise,  puisque 
ce  sont  deux  auteurs  anglais.  Todd  et  Carpenter,  qui  l'ont, 
les  premiers,  je  crois,  émise  et  soutenue.  D'après  cette 
théorie,  la  couche  optique  serait  le  centre  de  perception 
des  impressions  tactiles  :  elle  répondrait,  en  quelque  sorte, 
aux  cornes  postérieures  de  la  substance  grise  de  la  moelle. 
Le  corps  strié,  lui.  serait  l'aboutissant  du  tractus  moteur 
et  en  rapport  avec  l'exécution  des  mouvements  volon- 
taires :  il  serait  l'analogue  des  cornes  antérieures  de  la 
moelle. 

Cette  théorie,  dont  Schœder  Van  der  Kolk  (-2)  s'est  mon- 
tré partisan  déclaré,  est.  si  l'on  peut  ainsi  dire,  l'antipode 


(\)  H.  Jackson.  — Note  on  tke  Fendions  ofthe  optic  Taiamut.  In  Zondon 
Hospital  Reports,  1806,  t.  III.  p.  373. 

.  Schœder  vau  der  Kolk.  —  Palhol.  und  Thérapie  der  G-eistoihrankheiten. 
Braunschweig,  1863,  p.  20. 


'310  THÉORIE  ANGLAISE 

de  la  doctrine  française  que  tous  trouverez  exposée  d'une 
manière  très-complète  dans  les  Leçons  de  M.  Vulpian. 
D'après  celle-ci,  le  centre  où  les  impressions  sensitives  se 
transforment  en  sensations  ne  serait  pas  clans  le  cerveau 
proprement  dit,  puisqu'un  animal  auquel  le  cerveau,  y  com- 
pris la  couche  optique  et  le  corps  strié,  a  été  enlevé,  conti- 
nue à  voir,  à  entendre,  à  ressentir  la  douleur,  etc.  Ce  se- 
rait donc  plus  bas,  dans  la  protubérance  et  peut-être  aussi 
dans  les  pédoncules  cérébraux,  que  résiderait  le  centre  des 
impressions  sensitives. 

Suivant  cette  hypothèse,  on  apprécie  comme  il  suit,  dans 
le  domaine  pathologique,  les  faits  bien  avérés  où  une  lé- 
sion de  la  couche  optique  coïncide  avec  la  diminution  ou 
l'abolition  de  la  sensibilité  sur  le  côté  du  corps,  frappé 
d'hémiplégie.  Souvent  il  s'agit  là,  dit-on,  et  cet  argument 
est  parfaitement  fondé,  de  lésions  récentes  telles  que  Yhé- 
morrhagie  intra-encéphaliqne  ou  le  ramollissement,  ou 
bien  encore  des  tumeurs,  lésions  par  suite  desquelles  la 
couche  optique  se  trouve  distendue  à  l'extrême  et  qui 
peuvent,  en  conséquence,  avoir  pour  effet  de  déterminer  la 
compression  des  parties' voisines,  des  pédoncules  cérébraux, 
par  exemple.  Il  est  bien  établi,  d'un  autre  côté,  que,  dans 
nombre  de  cas,  la  couche  optique  peut  être  lésée,  même 
profondément  et  dans  une  grande  partie  de  son  étendue, 
sans  qu'il  s'en  suive  aucun  trouble  spécial,  dans  la  trans- 
mission des  impressions  sensitives. 

Au  dernier  argument,  les  auteurs  anglais,  M.  Broaclbent, 
entre  autres  (1),  opposent  que  la  couche  optique,  centre 
présumé  des  impressions  sensitives,  doit  sans  doute  être 
assimilée  à  l'axe  gris  de  la  moelle  épinière;  celui-ci, 
comme  on  le  sait,  continue  à  transmettre  ces  impressions, 
alors  même  qu'il  a  subi  les  désordres  les  plus  graves,  pour 
peu  qu'un  petit  lambeau  de  substance  grise  subsiste,  ca- 


(t)  Broadbent.  —  Médical  Society.  London,  1865,  et  Med.  chirurg.  Re- 
victv. 


CONDITIONS  QUE  DOIVENT  REMPLIR   LES  OBSERVATIONS.    311 

pable  de  rattacher  le  bout  inférieur  au  bout  supérieur. 
J'avoue  que  la  comparaison  me  parait  forcée,  du  moment 

surtout  où  l'on  pose  en  principe  que  la  couche  optique 
doit  être  considérée  comme  un  centre  ;  car,  en  ce  qui 
concerne  la  transmission  des  impressions  sensitives, 
Taxe  gris  de  la  moelle  n'est  évidemment  qu'un  conduc- 
teur. 

Quoiqu'il  en  soit,  voilà.  Messieurs,  où  en  sont  les  choses. 
A  mon  sens,  la  question  en  litige  ne  pourra  être  résolue 
d'une  manière  définitive  qu'à  l'aide  de  bonnes  observations 
cliniques  auxquelles  viendra  s'adjoindre  le  contrôle  d'études 
anatomiques  très-soignées,  dirigées  principalement  dans  le 
but  d'établir,  avec  une  grande  précision,  le  siège  des  lésions 
encéphaliques  auxquelles  pourraient  être  rattachées  les 
symptômes  constatés  pendant  la  vie.  De  plus,  les  circons- 
tances de  l'observation  devront  se  montrer  telles  que  l'in- 
fluence de  la  compression  ou  de  tout  autre  phénomène  de 
voisinage  puisse  être  complètement  écartée.  Or.  Messieurs, 
dans  l'état  actuel  de  la  science,  les  faits  réunissant  toutes 
ces  conditions-là  sont,  autant  que  je  sache  du  moins,  ex 
sivement  rares.  On  peut  citer  toutefois,  comme  se  rappro- 
chant de  cet  idéal,  les  cas  qui  ont  été  présentés  par  L.  Tùrck, 
à  l'Académie  des  sciences  de  Vienne  (1)  et  auxquels  j'ai 
déjà  lait  allusion.  Ils  sont  au  nombre  de  quatre. 

Dans  les  faits  relatés  par  L.  Tùrck,  il  s'agit.  Messieurs, 
soit  d'anciens  foyers  hémorrhagiques  représentés  par 
des  cicatrices  ochreuses,  soit  de  foyers  de  ramolli 
ment  parvenus  à  l'état  d'infiltration  celluleuse.  Dans  tous 
les  cas.  l'hémiplégie,  liée  à  la  présence  des  foyers,  avait 
disparu  depuis  longtemps  lors  de  l'autopsie  ;  mais  l'hémia- 
nesthésie  avait  persisté  jusqu'à  la  terminaison] fatale.  Les 


(l)  Sitznnçsier.    der  hais.  Akademie  dcr]Wisseuschafte<i  eu   Wien.  Ï839. 
Voyez  l'analyse  de  ces  faits  à  la  page  315  et  aux  pages  suivantes. 


312  TOPOGRAPHIE  DES  LÉSIONS  ENCÉPHALIQUES. 

parties  de  l'encéphale  intéressées  par  l'altération  sont  indi- 
quées avec  soin. 

La  nomenclature  germanique  des  diverses  parties  de  l'en- 
céphale, toute  rebutante  qu'elle  nous  paraisse,  en  raison  de 
la  multiplicité  et  de  la  singularité  des  termes,  présente 
cependant,  à  mon  sens,  un  avantage  incontestable  :  c'est, 
passez-moi  la  comparaison,  une  géographie  très-complète, 
où  le  plus  petit  hameau  se  trouve  désigné  par  un  nom.  La 
nomenclature  française  a  le  mérite,  sans  doute,  de  tendre 
à  la  simplification  ;  mais  c'est  parfois  au  détriment  de 
l'exactitude  absolue  :  elle  est  souvent  incomplète.  Or,  pour 
les  questions  du  genre  de  celle  qui  nous  occupe,  il  n'est 
pas  de  détail  si  minutieux  qu'il  soit,  qui  doive  être  négligé. 
A  tout  prix,  il  faut  tenir  compte  des  moindres  détails,  car 
nous  ignorons  totalement,  dans  l'état  où  en  est  encore, 
à  l'heure  qu'il  est,  la  physiologie  du  cerveau,  si  tel  petit 
point,  qui  n'a  pas  de  nom  dans  la  nomenclature  française, 
n'est  pas  une  position  de  première  importance. 

Faisant  appel  à  la  nomenclature  en  usage  de  l'autre  côté 
du  Rhin,  cherchons  à  nous  orienter,  afin  de  bien  recon- 
naître le  siège  des  parties  lésées  dans  les  observations  de 
L.  Tùrck. 

Je  mets  sous  vos  yeux  une  coupe  frontale  faite  au  tra- 
vers des  hémisphères  cérébraux,  immédiatement  en  arrière 
des  éminences  mamillaires  (Fig.  18).  Vous  reconnaissez 
sur  cette  coupe,  immédiatement  en  dehors  des  ventricules 
moyens  le  noyau  caudé  (noyau  intra-ventriculaire  du  corps 
strié),  qui,  dans  cette  région,  n'est  plus  représenté  que  par 
une  toute  petite  masse  de  substance  grise  ;  —  au-dessous 
de  lui,  et  en  dedans,  la  couche  optique,  offrant  ici  un  grand 
développement  ;  —  en  dehors  de  la  couche  optique,  la 
capsule  interne,  formée  principalement  par  des  tractus  de 
substance  blanche  qui  ne  sont  autres  que  le  prolongement 
de  l'étage  inférieur  du  pédoncule  cérébral,  et  qui  vont 
s'épanouir  dans  le  centre  ovale  pour  concourir  à  la  compo- 


TOPOGRAPHIE   DES  LESIONS   ENCEPHALIQUES. 


313 


sition  de  la  couronne  rayonnante  ;  —  plus  en  dehors,  le 
noyau  extra-ventriculaire  du  corps  strié  où  Ton  distingue 
trois  noyaux  secondaires  désignés  par  les  numéros  1,  2,  3  : 
le  troisième,  le  plus  externe,  est  désigné  parfois  sous  le 


Fia.  18. —  Coupe  transversale  du  cerveau.  —  n,  couche  optique;  —  b,  corps  strié, 
noyau  lenticulaire  ;  —  c,  corps  strié,  noyau  caudé;  —  f,  indication  de  la  couronne 
rayonnante  de  Reil  ;  —  2,  2',  -2",  foyers  apoplectiques  (obs.  Il  du  mémoire  de 
M.  Tiirck.  p.  316  :  —  3,  indication  d'un  foyer  apoplectique.  (Obs.  III  du  mémoire 
de  M.  Tùrck.  —  Voir  la  note  p.  317). 


nom  de  Put  amen.  —  Plus  en  dehors,  encore,  se  trouve  une 
mince  lamelle  de  substance  blanche,  la  capsule  externe, 
et,  enfin,  une  bandelette  de  substance  grise,  X avant- mur 
(Vormauer). 

Or,  Messieurs,  dans  les  cas  de  M.  Tùrck.  les  lésions 
avaient  envahi  à  la  ibis  la  partie  supérieure  et  externe  de 
la  couche  optique,  le  troisième  noyau  de  la  partie  extra- 
ventriculaire  du  corps  strié,  la  partie  supérieure  de  la 
capsule  interne,  la  région  correspondante  de  la  couronne 
rayonnante  et  la  substance  blanche  avoisinante  du  lobe 
postérieur. 


.  <M4  OBSERVATIONS   DU   Dr    TURCK. 

Il  s'agit  là  par  conséquent  de  lésions  complexes  ;  mais 
elles  permettent  tout  au  moins  de  circonscrire  la  région 
dans  laquelle  devront  être  dirigées  les  recherches.  Des 
études  ultérieures  et  suffisamment  multipliées  nous  feront 
bientôt  connaître  l'altération  fondamentale,  celle  à  laquelle 
devra  être  rattachée  l'existence  de  l'hémianesthésie. 

Quelques  autres  faits  d'hémianesthésie  de  cause  céré- 
brale, publiés  postérieurement  à  ceux  de  Tùrck,  signalent 
des  altérations  portant  sur  la  même  circonscription  de  l'en- 
céphale et  n'ajoutent  d'ailleurs  rien  d'important  aux  ré- 
sultats obtenus  par  cet  observateur.  Tel  est  entre  autres  le 
cas  de  M.  Hughlings  Jackson  (1);  ici  encore  l'altération 
n'était  pas  limitée  au  thalamus;  elle  s'étendait  au  noyau 
extra-ventriculaire  du  corps  strié  :  il  s'en  suit  donc  que  la 
capsule  interne  avait  dû  être  lésée  dans  sa  partie  posté- 
rieure. Il  en  a  été  de  même  dans  le  fait  observé  par 
M.  Luys  (2)  :  le  centre  médian  de  la  couche  optique  était 
lésé,  mais  l'altération  avait  envahi  le  corps  strié  (vraisem- 
blablement le  noyau  extra-ventriculaire). 

En  résumé,  on  peut  conclure,  je  crois,  de  ce  qui  précède 
que,  dans  les  hémisphères  cérébraux,  il  existe  une  région 
complexe  dont  la  lésion  détermine  l'hémianesthésie;  on 
connaît  approximativement  les  limites  de  cette  région; 
mais  actuellement,  la  localisation  ne  saurait  être  poussée 
plus  loin,  et  personne  n'est  en  droit  de  dire  si  c'est,  dans  la 
région  indiquée,  la  couche  optique  qui  doit  être  incriminée 
plutôt  que  la  capsule  interne,  le  centre  ovale,  ou  encore  le 
troisième  noyau  du  corps  strié. 


(1)  The  disease  was  not  strictly  limited  to  the  thtlamus .  . .  Outwards 
the  disease  extended  through  the  small  tongue  of  corpus  striatum,  which 
curves  round  the  outside  of  the  thalamus,  and  thence  up  to  the  grey  matter 
of  the  convolutions  of  the  Sylvian  fissure.  [London  Eospiial  Reports,  loc. 
cit.,  t.  III,  p.  370.) 

(2)  Luys.  —  Iconographie  photographique  des  centres  nerveux,  p.  16. 


DESIDERATA.  315 

Quant  à  présent  l'anesthésie  de  la  Sensibilité  générale 
parait  seule  avoir  été  signalée,  en  conséquence  d'une  alté- 
ration des  hémisphères  cérébraux  ;  de  telle  sorte  que 
Ydbnubilation  des  sens  spéciaux  resterait  comme  carac- 
tère distinctif  de  l'hémianesthésie  des  hystériques.  Mais  il 
est  permis  de  douter  que  les  organes  des  sens  aient  été  atten- 
tivement explorés  dans  les  faits  d'hémianesthésiè  par  lésion 
cérébrale  publiés  jusqu'à  ce  jour;  les  observations  ne  con- 
tiennent aucune  mention  à  cet   égard  (1).  Je  suis  porté 


(l)  Nous  ne  connaissions,  à  l'époque  où  cette  leçon  a  été  faite,  les  obser- 
vations de  L.  Ti'irck,  que  par  la  mention  très-brève  qui  en  a  été  donnée  dans 
le  Traite  des  maladies  du  système  nerveux  de  M.  Rosenthai.  Depuis  lors, 
nous  avons  pu  nous  procurer,  grâce  à  l'obligeance  de  M.  Magnan,  la  tra- 
duction complète  du  mémoire  de  Tùrck  (TJeber  die  Beziechung  gevisscs  Kran- 
heitsherde  des  grossen  Grehimes  :ur  Anesthesie.  Ans  dem  xxxvi  Band  S.  191 
des  Jahrganges  1859  des  Sitzungsberichte  der  mathem.  naturw.  Classe  der 
Kais.  Akademie  der  Wissenschaften).  Nous  croyons  utile  de  donner  la 
substance  de  ce  travail.  Après  avoir  rappelé  que  d'ordinaire,  dans  l'hémi- 
plégie déterminée  par  la  formation  des  foyers  apoplectiques  dans  le  cerveau 
(hémorrhagie  et  ramollissement),  la  sensibilité  reparaît,  en  règle  générale, 
très-promptement,  l'auteur  rapporte  quatre  cas  dans  lesquels  l'anesthésie  a 
persisté  au  contraire  à  un  degré  très-accusé. 

Cas  I.  —  Fr.  Amerso,  78  ans.  En  août  1858,  hémiplégie  gauche.  Bientôt 
la  motilité  reparaît.  —  \2nov.  Les  mouvements  du  membre  supérieur  gauche 
sont  énergiques  et  rapides;  ceux  du  membre  inférieur  correspondant  présen- 
tent une  légère  parésie.  Il  existe  une  anesthesie  très-intense  du  côté  gauche 
(membres,  tronc,  etc.).  A  la  face,  la  sensibilité  est,  de  ce  côté  seulement, 
diminuée.  De  temps  en  temps,  fourmillements  dans  tout  le  côté  gauche. 
Mort  le  1er  mars  1859. 

Autopsie.  Au  pied  de  la  couronne  radiée  de  l'hémisphère  droit,  immédia- 
tement en  dehors  de  la  queue  du  corps  strié,  on  trouve  une  lacune  de  la  di- 
mension d'un  pois  {infiltration  cellulaire'' .  La  paroi  antérieure  de  cette  lacune 
siège  à  deux  lignes  en  arrière  de  l'extrémité  antérieure  de  la  couche  optique. 
A  deux  ou  trois  lignes  plus  loin,  oh  voit  une  autre  lacune,  moins  grande, 
qui  s'étend  jusqu'à  quatre  ou  cinq  lignes  en  arrière  de  l'extrémité  postérieure 
de  la  couche  optique,  de  telle  sorte  que,  comme  la  longueur  habituelle  de  la 
couche  optique  est  de  18  lignes,  la  portion  de  la  couronne  radiée  qui  avoisine 
immédiatement  la  queue  du  corps  strié  était  perforée  d'avant  en  arrière  par 
l'ancien  foyer  de  ramollissement  dans  une  étendue  de  onze  lignes.  Un  foyer 
semblable  intéresse  la  partie  externe  de  la  troisième  partie  du  noyau  lenti- 
culaire. Il  commence  à  peu  près  à  deux  lignes  en  arrière  du  bord  antérieur 
de  la  couche  optique  et  finit  à  quatre  lignes  environ  de  l'extrémité  postérieure 
de  la  couche  optique.  Dans  son  long  trajet  de  un  pouce,  il  occupait  la  plus 


016  DESIDERATA. 

à  croire,  pour  mon  compte,  que  la  participation  des  sens 
spéciaux  sera,  en  pareil  cas,  reconnue  quelque  jour,  lors- 
qu'on aura  pris  soin  de  la  chercher.  Voici  sur  quoi  je  me 
fonde. 

Il  existe  dans  la  clinique  des  maladies  organiques  des 
centres  nerveux  un  appareil  symptomatique  peu  connu, 
peu  remarqué  encore,  je  le  crois  du  moins,  et  dont  j'aurai 
l'occasion  de  vous  entretenir  quelque  jour  en  détail.  11 
s'agit  là  d'une  sorte  de  convulsion  rhythmique  qui  occupe 
tout  un  côté  du  corps,  la  face  y  compris,  du  moins  fort 
souvent,  et  qui  revêt  tantôt  les  apparences  de  la  secousse 
clonique  de  la  chorée,  tantôt  celles  du  tremblement  de  la 


grande  longueur  du  côté  interne  de  la  troisième  partie  du  noyau  lenticulaire 
et  une  partie  de  la  capsule  interne.  Dans  la  moitié  postérieure  de  leur  par- 
cours, ces  deux  foyers  n'étaient  plus  éloignés,  en  un  point,  que  d'une  ligne. 
Il  en  résultait  que,  à  cet  endroit,  presque  toute  la  couronne  radiée  était  sé- 
parée de  la  capsule  interne  et  de  la  couche  optique.  —  Moelle  e'pinière  .-amas 
de  corps  granuleux,  assez  abondants  dans  le  cordon  latéral  gauche,  rares 
dans  le  cordon  antérieur. 

Cas  II.  —  S.Jean,  55  ans.  Attaque  suivie  d'hémiplégie,  le  25  octobre  1851. 
Deux  mois  plus  tard,  la  paralysie  des  extrémités  disparut,  de  telle  sorte  que 
le  malade  avait  la  possibilité  d'étendre  le  bras,  de  serrer  avec  assez  de  vi- 
gueur et  de  marcher  sans  appui,  mais  en  boitant.  —  Octobre  1855.  Depuis 
l'attaque,  anesthésie  des  membres  du  côté  gauche  (face,  tronc  également 
anesthésiés,  quoique  à  un  moindre  degré).  La  motilité  est  revenue;  toutefois, 
les  membres  du  côté  gauche  sont  moins  forts  que  ceux  du  côté  droit.  Mort  le 
31  octobre  1858. 

sfutopsie.  Cicatrice  ancienne,  plate,  ayant  5  lignes  environ  de  largeur  et 
8  de  longueur,  située  à  la  partie  supérieure  et  externe  de  la  couche  optique 
droite.  La  cicatrice  commence  à  quatre  lignes  et  demie  en  arrière  de  l'extré- 
mité antérieure  gauche  de  la  couche  optique  et  finit  huit  lignes  plus  loin. 
Parallèlement  à  cette  cicatrice,  on  en  voit  une  autre,  longue  d'un  pouce,  oc- 
cupant la  troisième  partie  du  noyau  lenticulaire  :  elle  commence  à  deux  li- 
gnes en  arrière  de  l'extrémité  antérieure  de  la  couche  optique  et  se  termine 
à  peu  près  trois  lignes  en  avant  de  l'extrémité  postérieure  de  la  couche  op- 
tique (Fi g.  48,  2  et  2').  Il  y  avait,  en  outre,  une  lacune  dans  le  lobe  inférieur 
droit  (Fi g.  18,  2"),  une  autre  dans  le  lobe  antérieur  du  même  côté,  deux  de 
la  grosseur  d'une  tête  d'épingle  dans  la  partie  antérieure  de  la  couche  opti- 
que droite;  deux  dans  le  pont  de  Varole  ;  enfin  une  dans  la  portion  droite 
et  supérieure  gauch 
daire  de  la  moelle. 


HÉMIAXESTHÉSIE   LIÉE   A   UNE   LÉSION   CÉRÉBRALE.       317 

paralysie  agitante.  Ce  tremblement  hémilatéral  se  montre 
quelquefois  primitivement;  d'autrefois  il  succède  à  une 
hémiplégie  dont  le  début  a  été  subit,  et  il  commence  à  appa- 
raître, dans  ce  dernier  cas,  à  l'époque  où  la  paralysie  mo- 
trice commence  à  s'amender.  La  lésion  consiste  dans  la  pré- 
sence, soit  d'un  loyer  d'hémorrhagie  ou  de  ramollissement, 
soit  d'une  tumeur;  dans  tous  les  cas  de  ce  genre  que  j'ai 
observés  jusqu'ici,  et  dans  les  laits  analogues  que  j'ai  re- 
cueillis dans  les  auteurs,  elle  occupait  la  région  postérieure 
de  la  couche  optique  et  les  parties  adjacentes  de  l'hémis- 
phère cérébral  situées  en  dehors  de  celle-ci. 
Or,  Fhémianesthésie  est  un  accompagnement  assez  ha- 


Cas  III.  —  Fr.  Hasvelka,  22  ans.  1er  nov.  1852.  Attaque  apoplectique, 
hémiplégie  à  droite  avec  anesthésie  intense  de  la  moitié  correspondante  du 
corps.  Au  bout  de  cinq  semaines,  la  paralysie  motrice  diminua.  —  3  fév. 
16jJ.  Les  mouvements  sont  tout  à  fait  libres  à  droite.  Toute  la  moitié  droite 
du  corps  est  le  siège  d'une  anesthésie  très-prononcée  cuir  chevelu,  oreille, 
face  et  tronc).  L'anesthésie  est  tout  aussi  accusée  aux  paupières,  à  la  narine, 
à  la  moitié  droite  des  lèvres  et  cela  non-seulement  à  l'extérieur,  mais  encore 
à  l'intérieur.  La  conjonctive  oculaire  droite  est  moins  sensible  que  la  gauche. 
Le  chatouillement  est  moins  bien  perçu  dans  la  narine  droite  que  dans 
l'autre.  Même  différence  pour  les  conduits  auditifs.  Sur  la  moitié  droite  de 
la  bouche  (langue,  palais,  gencives,  joue\  la  sensation  de  chaleur  est  moins 
vive  que  sur  la  moitié  gauche.  A  la  pointe  de  la  langue,  à  droite  et  dans 
une  longueur  d'un  pouce,  le  malade  ne  sent  pas  le  f/oùt  du  sel.  Même  chose 
pour  la  partie  droite  du  dos  et  de  la  racine  ae  la  langue.  A  droite, 
encore,  Y  odorat  est  affaibli  et  la  vision  est  moins  nette.  Lorsqu'on  a  fait  ré- 
trécir les  pupilles  en  approchant  une  lumière  des  globes  oculaires,  la  pupille 
droite  se  dilate  ensuite  plus  crue  la  gauche. L'ouïe  est  normale  des  deux  côtés. 
—  "26  fév.  L  anesthésie  a  diminué;  les  mouvements  sont  plus  énergiques.— 
15  mars.  Amélioration  temporaire  de  la  vue  :  il  n'v  a  pas  de  différence  entre 
les  deux  yeux.  —  3  avril.  L'anesthésie  existe  encore  sur  toute  la  moitié 
droite  du  corps  (attouchement,  pincement;.  L'affaiblissement  de  la  vue  a 
fait  des  progrès  à  droite.  —  Mort  le  4  avril. 

Autopsie.  Dans  la  substance  blanche  du  lobe  supérieur  gauche,  on  dé- 
couvrit un  foyer  de  ramollissement  de  la  longueur  de  deux  pouces  et  de  la 
largeur  d'un  pouce.  Il  s'enfonçait  dans  les  circonvolutions  inférieures  de  l'o- 
percule et  gagnait  la  surface  du  cerveau.  Son  extrémité  postérieure  corres- 
pondait à  celle  de  la  couche  optique.  Dans  sa  portion  la  plus  large  le  foyer 
n  était  séparé  que  de  trois  lignes  de  la  queue  du  corps  strié.  Les  circonvo- 
lutions cérébrales  placées  au-dessous  étaient,  sur  une  étendue  égale  à  celle 
d'un   florin,   jaunes,  ramollies  et  déprimées  (Fig  #*,   3~.   Couche    optique, 


318       HÉMIANESTHÉSIE  LIÉE  A  UNE  LÉSION  CÉRÉBRALE. 

bituel  —  mais  non  constant  toutefois  —  de  cet  ensemble 
de  symptômes,  et  elle  siège  du  même  côté  que  le  tremble- 
ment (1). 

Elle  existait  à  un  haut  degré  chez  un  homme  dont  M. 
Magnan  a  communiqué  récemment  l'histoire  à  la  Société 
de  Biologie,  et  chez  lequel  la  forme  de  tremblement,  dont 
j'ai  voulu  tous  donner  une  idée  sommaire,  se  montrait  des 


saine.  Peut-être  un  petit  fragment  de  la  3e  partie  du  noyau  lenticulaire  a-t- 
il  été  touché.  Le  foyer  avait  détruit  une  longueur  assez  considérable  de  la 
substance  blanche  et  les  deux  tiers  externes  du  pied  de  la  couronne  radiée. 
—  Moelle  :  légère  agglomération  de  noyaux  dans  la  partie  la  plus  postérieure 
du  cordon  latéral. 

Cas  IV.  ■ —  Anne  B.  . . ,  femme  âgée,  morte  le  22  février.  Elle  avait,  de- 
puis plusieurs  années,  une  hémiplégie  du  côté  droit,  avec  une  anesthésie  in- 
tense dans  la  même  partie  du  corps.  En  outre,  anesthésie  sensorielle  (vue, 
odorat,  goût)  du  même  côté  et  fourmillements. 

Autopsie.  Foyer  apoplectique  ancien,  pigmenté  de  brun,  situé  le  long  de 
la  partie  externe  de  la  couche  optique  gauche  et  tout  près  de  la  queue  du 
corps  strié.  Il  commence  à  six  lignes  en  arrière  de  l'extrémité  antérieure  de 
la  couche  optique  et  s'étend  jusqu'à  deux  ou  trois  lignes  en  avant  de  l'extré- 
mité postérieure  de  la  couche  optique.  En  avant,  il  est  à  une  demi  ligne  et 
en  arrière  à  deux  ou  trois  lignes  au-dessus  delà  face  supérieure  delà  couche 
optique  qui  est  considérablement  enfoncée  à  ce  niveau.  Long  d'un  pouce, 
profond  de  quatre  à  cinq  lignes,  le  foyer  touche  une  grande  étendue  de  la 
partie  postérieure  du  rayonnement  du  pédoncule  cérébral, une  partie  de  la  cap- 
sule interne  et  peut-être  aussi  une  portion  du  noyau  lenticulaire.  —  Moelle: 
accumulation  de  corps  granuleux  dans  la  partie  postérieure  du  cordon  latéral 
droit . 

En  résumé,  les  foyers  siégeaient  à  la  périphérie  externe  des  couches 
optiques,  s'étendaient  d'avant  en  arrière  suivant  l'axe  longitudinal  du  cerveau 
sans  atteindre  le  plus  souvent  les  extrémités  de  la  couche  optique.  Us  avaient 
de  huit  lignes  à  un  pouce  de  longueur,  atteignant  dans  la  substance  blanche 
jusqu'à  deux  pouces.  Les  régions  lésées  étaient  :  la  partie  supérieure  et  ex- 
terne de  la  couche  optique;  la  3U  partie  du  nucléole  lenticulaire;  la  partie 
postérieure  de  la  capsule  interne  comprise  entre  la  couche  optique  et  le 
noyau  lenticulaire  :  la  portion  correspondante  de  la  substance  blanche  du 
lobe  supérieur  qui  lui  est  opposée.  Toujours  plusieurs  de  ces  régions  étaient 
affectées  en  même  temps.  Les  fibres  qui  vont  de  la  substance  blanche  de 
l'hémisphère  dans  la  partie  externe  delà  couche  optique  étaient  constamment 
lésées. 

(l)  Voyez,  dans  le  Progrès  médical  des  23  janvier  et  0  février  1875,  une 
leçon  de  M.  Charcot,  sur  ÏHémichorée  post-hémipléffique.  {Note  de  la  2e 
édition.) —  Cette  leçon  a  été  insérée  dans  le  tome  II  des  Leçons  sur  les  ma- 
ladies du  système  nerveux,  p.  329.  [Note  de  la  5e  éd.), 


HÉMIANESTHÉSIE  LIÉE  A  UNE  LÉSION   CÉRÉBRALE.       319 

plus  accusées.  Tout  porte  à  croire  —  je  ne  puis  être  plus 
affîrmatif,  l'autopsie  n'ayant  pas  été  pratiquée  —  que  la  lé- 
sion encéphalique  était,  chez  cet  homme,  du  même  genre, 
quant  au  siège,  que  celle  que  j'ai  rencontrée  chez  mes 
malades.  Eh  bien,  clans  ce  cas,  M.  Magnan  a  reconnu,  de 
la  manière  la  plus  nette,  que  la  sensibilité  tactile  n'était 
pas  seule  en  cause  ;  les  sens  spéciaux  étaient  eux-mêmes 
affectés,  comme  ils  le  sont  dans  l'hémianesthésie  hysté- 
rique. Du  côté  frappé  d'hémianesthésie,  l'œil  était  atteint 
d'amhlyopie,  l'odorat  perdu,  le  goût  complètement  aboli. 

Il  devient  vraisemblable  par  là,  si  je  ne  me  trompe,  que 
l'hémianesthésie  complète,  avec  troubles  des  sens  spéciaux, 
et  telle,  par  conséquent,  qu'elle  se  présente  dans  l'hystérie, 
peut  être  produite,  dans  certains  cas,  par  une  lésion  en 
foyers  des  hémisphères  cérébraux  (1). 


(l)  Les  vues  exposées  dans  cette  leçon,  relativement  à  l'hémianesthésie 
d'origine  encéphalique,  ont  trouvé  une  nouvelle  confirmation  clinique  dans 
uu  cas  que  nous  avons  recueilli  dans  le  service  de  M.  Charcot  {Progrès  mé- 
dical, 1873,  p.  244),  et  dans  les  expériences  faites  chez  les  animaux  par 
M.  Veyssière.  {Recherches  cliniques  et  expérimentales  sur  l'hémianesthésie  de 
cause  cérébrale»  Paris,  1874.  —  Ce  travail  contient  aussi  des  observations  cli- 
niques intéressantes.)  {Note  de  la  2e  édition.) 


ONZIEME  LEÇON 
De  l'hyperesthésie  ovarienne. 


Sommaire. 

fréquence  ;  considérations  historiques*  —  Opinion  de  M.  Briquet. 

Caractères  de  l'hyperesthésie  ovarienne.  ■ —  Son  siège  exact.  —  Aura  hys- 
térique ;  premier  nœud;  —  globe  hystérique  ou  second  nœud;  —  phéno- 
mènes céphaliques  ou  troisième  nœud.  —  Le  premier  nœud  a  son  point 
de  départ  dans  l'ovaire.  —  Lésions  de  l'ovaire;  desiderata. 

Rapports  entre  l'hyperesthésie  ovarienne  et  les  autres  accidents  de  l'hystérie 
locale. 

De  la  compression  ovarienne.  —  Son  influence  sur  les  attaques.  —  Ma- 
nière de  la  pratiquer.  —  La  compression  ovarienne  comme  moyen  d'ar- 
rêter ou  de  prévenir  les  convulsions  hystériques  est  connue  depuis  long- 
temps :  son  application  dans  les  épidémies  hystériques.  —  Epidémie  de 
saint  Médard  :  Les  secours.  —  Analogies  qui  existent  entre  l'arrêt  des 
convulsions  hystériques  par  la  compression  de  l'ovaire  et  l'arrêt  de  l'aura 
épileptique  par  la  ligature  d'un  membre. 

Conclusion  au  point  de  vue  de  la  thérapeutique. —  Observations  cliniques. 


Messieurs, 

Par  la  dénomination  assez  pittoresque  et  certainement 
très-pratique  d'Hystérie  locale  ou  partielle,  local  hysleria, 
les  médecins  anglais  ont  l'habitude  de  désigner  la  plupart 
des  accidents  qui  persistent  d'une  manière  plus  ou  moins 
permanente  dans  l'intervalle  des  attaques  convulsives  chez 
les  hystériques,  et  qui  permettent  presque  toujours,  en  rai- 
son des  caractères  qu'offrent  ces  accidents,  de  reconnaître  la 
grande  névrose  pour  ce  qu'elle  est,  même  en  l'absence  des 
convulsions. 

h'hémianesthésie,  la  paralysie,  la  contracture,  les 
points  douloureux  fixes,  siégeant  sur  diverses  parties  du 
corps  (rachialgie,  pleuralgie,  clou  hystérique)  appartiennent, 
d'après  cette  définition,  à  l'hystérie  locale. 


DOULEUR  OVARIENNE.  321 


Parmi  ces  symptômes,  il  en  est  un  qui,  en  raison  du  rôle 
prédominant  qu'à  mon  sens  il  joue  dans  la  clinique  de 
certaines  formes  de  l'hystérie ,  me  paraît  mériter  toute 
votre  attention.  Je  veux  parler  de  la  douleur  qui  siège  dans 
l'un  des  flancs,  surtout  dans  le  gauche,  mais  qui  peut  oc- 
cuper aussi  les  deux  flancs,  aux  limites  extrêmes  de  la 
région  Mjpogasirique.  Je  fais  allusion  à  la  douleur  ova- 
rienne ou  ovarique,  dont  je  vous  ai  dit  un  mot  dans  la 
dernière  séance;  mais  je  ne  veux  pas  employer  sans  ré- 
serve cette  dénomination  avant  d'avoir  justifié,  et  j'espère 
que  cette  tâche  me  sera  facile,  l'hypothèse  qu'elle  consacre 
implicitement. 

Cette  douleur,  je  vous  la  ferai  pour,  ainsi  dire  toucher  du 
doigt,  dans  un  instant;  je  vous  en  ferai  reconnaître  tous 
les  caractères,  en  vous  présentant  cinq  malades  qui  forment 
la  presque  totalité  des  hystériques  existant  actuellement 
parmi  les  160  malades  qui  composent  la  division  consacrée 
dans  cet  hospice  aux  femmes  atteintes  de  maladies  convul- 
sives,  incurables,  et  réputées  exemptes  d'aliénation  mentale. 

IL 

Vous  voyez  déjà  par  cette  simple  indication  que  la  dou- 
leur iliaque  est  chose  fréquente  dans  l'hystérie  ;  c'est  là  un 
fait  reconnu  depuis  longtemps  par  la  majorité  des  obser- 
vateurs. 

Qu'il  me  suffise  de  citer,  pour  les  temps  déjà  éloignés  de 
nous,  Lorry  et  Pujol,  qui  ont  plus  particulièrement  relevé 
l'existence  des  douleurs  hypogastriques  et  abdominales 
chez  les  hystériques. 

Il  est  singulier,  après  cette  mention,  de  voir  que  Brodie, 
qui,  le  premier  peut-être,  a  reconnu  tout  l'intérêt  clinique 

Charcot,   t.   i,  3e   éd.  21 


322  DOULEUR  OVARIENNE. 

de  rétude  de  Yhyslérie  locale,  ne  traite  pas  d'une  manière 
spéciale  de  la  douleur  abdominale  (1). 

Il  semble  être  de  tradition  que  le  sens  pratique  des  chi- 
rurgiens anglais  soit  attiré  par  les  difficultés  cliniques  que 
présentent  les  symptômes  locaux  de  l'hystérie.  M.  Skey, 
qui  à  cet  égard  s'est  fait  le  continuateur  de  Brodie,  dans 
une  série  très-intéressante  de  leçons  sur  les  formes  locales 
ou  chirurgicales  de  V hystérie  (2),  comme  il  les  appelle, 
décrit  avec  complaisance  la  douleur  iliaque  ou  de  la  région 
ovarienne,  très-commune  à  son  avis,  et  qui,  suivant  lui 
encore,  contrairement  du  reste  à  la  réalité,  se  rencontrerait 
surtout  dans  le  côté  droit. 

Yous  savez  que,  en  France,  Schutzenberger,  Piorry  et 
Négrier  ont  insisté  tout  spécialement  sur  ce  symptôme 
qu'ils  rattachent  sans  hésitation  à  la  sensibilité  anormale 
de  l'ovaire. 

En  Allemagne,  Romberg  a,  sur  ce  point,  suivi  Schutzen- 
berger; toutefois,  il  y  a  lieu  de  remarquer  que,  parmi  nos 
contemporains,  les  auteurs  allemands,  pour  la  majeure  par- 
tie, passent  à  peu  près  complètement  sous  silence  tout  ce 
qui  est  relatif  à  la  douleur  hypogastrique.  Tels  sont,  par 
exemple,  Hasse  et  Valentiner.  Il  est  clair  par  là  que  ce 
symptôme ,  après  avoir  joui  d'une  certaine  faveur,  en 
raison  sans  doute  des  considérations  théoriques  qui  s'y  rat- 
tachent se  trouve  aujourd'hui  en  quelque  sorte  démodé. 

Les  symptômes  aussi,  vous  le  voyez,  ont  leur  destin  : 
Hâtent  sua  fata...  Je  ne  serais  pas  étonné  que  l'influence, 
d'ailleurs  si  légitime,  exercée  par  le  livre  de  M.  Briquet, 
ne  soit  pour  beaucoup  dans  ce  résultat.  Il  convient  mainte- 
nant de  voir  jusqu'à  quel  point  nous  devons  suivre  cet  au- 
teur éminent  dans  la  voie  qu'il  nous  trace. 


(1)  Brodie. —  Lectures  illustrative  of  certain  local  ner vous  Affections,  1837. 

(2)  F.  C.  Skey. —  Hysteria...^  Local  or  surgicalforms  of  hysteria,  etc., 
Six  lectures,  etc.  London,  1870. 


DOULEUR  OVARIENNE.  323 


IH. 


Ce  n'est  pas.  tant  s'en  faut,  que  M.  Briquet  n'ait  pas  re- 
connu l'existence  très-fréquente  de  douleurs  abdominales, 
fixes,  chez  les  hystériques.  Il  a  même  créé  un  mot  pour 
désigner  ces  douleurs  —  cœlialgie,  de  xg-.ao;  ventre,  et  un 
mot,  bien  que  ce  ne  soit  qu'un  mot,  c'est  déjà  quelque  chose 
qui  arrête  l'esprit.  Dans  200  cas  d'hystérie  sur  430.  M.  Bri- 
quet a  rencontré  la  cœlialgie.  Toutefois,  je  dois  vous  faire 
remarquer  que,  sous  ce  nom,  il  comprend  à  la  fois  les  dou- 
leurs de  la  partie  supérieure  de  l'abdomen  et  les  douleurs 
hypogastrique  et  iliaque  ;  mais  il  est  convenu  que  ces  der- 
nières comptent  parmi  les  plus  communes. 

Au  premier  abord,  il  semble  donc  qu'il  n'y  ait  qu'un  dé- 
saccord apparent  entre  M.  Briquet  et  ses  prédécesseurs. 
Or,  il  n'en  est  rien,  et  voici  où  est  l'abîme  qui  les  sépare. 

Tandis  que  MM,  Schutzenberger,  Piorry  et  Négrier  pla- 
cent dans  l'ovaire  le  siège  principal,  le  foyer,  pour  ainsi 
dire,  de  la  douleur  iliaque,  M.  Briquet  n'y  voit  qu'une  sim- 
ple douleur  musculaire,  une  myodynie  hystérique.  Suivant 
lui  :  l°la  douleur  du  pyramidal  ou  de  l'extrémité  inférieure 
du  muscle  droit  a  été  prise  bien  à  tort  pour  une  douleur 
utérine  ;  %°  la  douleur  de  l'extrémité  inférieure  du  muscle 
oblique  répondrait  à  la  prétendue  douleur  ovarique,  — 
telle  est  la  thèse  de  M.  Briquet. 


IV. 


Recherchons  ensemble,  Messieurs,  sur  quel  fondement 
elle  repose.  Pour  arriver  à  ce  but,  je  vais  faire  appel  aux 
observations  que  j'ai  été  à  même  de  recueillir  dans  cet 
hospice  sur  une  grande  échelle.  Je  vais  donc  décrire  cette 
douleur  telle  que  j'ai  appris  à  la  connaître. 


324  DOULEUR  OVARIENNE. 

1°  Tantôt,  c'est  une  douleur  vive,  très-vive  même  :  le 
malades  ne  peuvent  supporter  le  moindre  attouchement,  le 
poids  des  couvertures,  etc.;  elles  s'éloignent  brusquement, 
par  un  mouvement  instinctif,  du  doigt  investigateur.  Joignez 
à  cela  un  certain  degré  de  gonflement  de  l'abdomen,  et 
vous  aurez  l'ensemble  clinique  de  la  fausse  péritonite,  — 
spurious  peritonitis  des  médecins  anglais.  Il  est  évident 
qu'ici  les  muscles  et  la  peau  elle-même  sont  de  la  partie. 
La  douleur  occupe  alors  une  assez  grande  étendue  en  sur- 
face, et,  partant,  il  est  assez  difficile  de  la  localiser.  Cepen- 
dant Todd  (1),  et  c'est  là  une  remarque  dont  j'ai  reconnu 
plusieurs  fois  l'exactitude,  signale  dans  certains  cas  une 
hyperesthésie  cutanée  circonscrite  à  une  portion  arrondie 
de  la  peau,  ayant  2  à  3  pouces  de  diamètre.  Cette  hyperes- 
thésie siégerait  en  partie  clans  l'hypogastre,  en  partie  dans 
la  fosse  iliaque,  et  répondrait,  selon  cet  auteur,  à  la  région 
de  l'ovaire. 

2°  D'autres  fois,  la  douleur  n'est  pas  spontanément  accu- 
sée ;  il  faut  la  rechercher  par  la  pression,  et,  en  pareille 
circonstance,  on  note  les  phénomènes  suivants  :  a)  la  peau 
est  partout  anesthésiée  ;  — -  &)  les  muscles,  s'ils  sont  lâches, 
peuvent  être  pinces  et  soulevés  sans  douleur  ;  —  c)  cette 
première  exploration  montre  que  le  siège  de  la  douleur 
n'est  pas  dans  la  peau  ni  dans  les  muscles.  Il  est  par  consé- 
quent indispensable  de  pousser  l'investigation  plus  loin,  et, 
en  pénétrant  en  quelque  sorte  dans  l'abdomen,  à  l'aide  des 
doigts,  on  arrive  sur  le  véritable  foyer  de  la  douleur. 

Cette  manœuvre  permet  de  s'assurer  que  le  siège  de  la 
douleur  en  question  est  à  peu  près  fixe,  qu'il  est  toujours  à 
peu  près  le  même  :  aussi  n'est-il  pas  rare  de  voir  les  ma- 
lades le  désigner  avec  une  concordance  parfaite.  Sur  une 
ligne  horizontale  passant  par  les  épines  iliaques  antérieures 
et  supérieures,  faites  tomber  les  lignes  perpendiculaires 
qui  limitent  latéralement  l'épigastre  et  à  l'intersection  des 

(l)  Todd.  —  Clinical  Lect.  verrous  System. Lect.  xx,p.  448,  London,1856. 


AURA  HYSTÉRIQUE  I    NŒUDS.  325 

lignes  verticales  avec  l'horizontale  se  trouve  le  loyer  dou- 
loureux qu'accusent  les  malades  et  que  la  pression,  exercée 
à  l'aide  du  doigt,  met  d'ailleurs  en  évidence. 

L'exploration  profonde  de  cette  région  fait  reconnaître 
aisément  la  portion  du  détroit  supérieur  qui  décrit  une 
courbe  à  concavité  interne  :  c'est  là  un  point  de  repère. 
Vers  la  partie  moyenne  de  cette  crête  rigide,  la  main 
rencontrera  le  plus  souvent  un  corps  ovoïde,  allongé 
transversalement  et  qui,  pressé  contre  la  paroi  osseuse 
glisse  sous  les  doigts.  Lorsque  ce  corps  est  tuméfié,  ainsi 
que  cela  se  présente  fréquemment,  il  peut  offrir  le  volume 
apparent  d'une  olive,  d'un  petit  œuf,  mais  avec  un  peu  d'ha- 
bitude, sa  présence  peut  être  facilement  constatée,  alors 
même  qu'il  reste  bien  au-dessous  de  ces  dimensions. 

C'est  à  ce  moment  de  l'exploration  que  l'on  provoque 
surtout  la  douleur,  et  qu'elle  se  révèle  avec  des  caractères 
pour  ainsi  dire  spécifiques.  Il  ne  s'agit  pas  là  d'une  dou- 
leur banale,  car  c'est  une  sensation  complexe  qui  s'accom- 
pagne de  tout  ou  partie  des  phénomènes  de  Y  aura  liysterica 
tels  qu'ils  se  produisent  d'eux-mêmes  à  l'approche  des 
crises,  et  cette  sensation  provoquée,  les  malades  la  recon- 
naissent pour  l'avoir  ressentie  cent  fois. 

En  somme,  Messieurs,  nous  venons  de  circonscrire  le 
foyer  initial  de  l'aura,  et  du  même  coup,  nous  avons  pro- 
voqué des  irradiations  douloureuses  vers  l'épigastre  {pre- 
mier nœud  de  l'aura,  dans  le  langage  de  M.  Piorry),  com- 
pliquées parfois  de  nausées  et  de  vomissements;  puis,  si  la 
pression  est  continuée,  surviennent  bientôt  des  palpitations 
de  cœur  avec  fréquence  extrême  du  pouls,  et  enfin  se  dé- 
veloppe au  cou  la  sensation  du  globe  hystérique  {deuxième 
nœud.) 

En  ce  point,  s'arrête  dans  les  auteurs  la  description  des 
irradiations  ascendantes  qui  constituent  l'aura  hystérique. 
Mais,  d'après  ce  que  j'ai  observé,  rémunération  ainsi  limi- 
tée serait  incomplète,  car  une  analyse  attentive  permet  de 
reconnaître,  le  plus  souvent,  certains  troubles  céphaliques 


326  AURA   HYSTÉRIQUE  :   PHÉNOMÈNES  CÉPHALIQUES. 

qui  ne  sont  évidemment  que  la  continuation  de  la  môme 
série  de  phénomènes.  Tels  sont,  s'il  s'agit,  par  exemple, 
de  la  compression  de  l'ovaire  gauche,  des  sifflements 
intenses  qui  occupent  l'oreille  gauche  et  que  les  malades 
comparent  au  hruit  strident  que  produit  le  sifflet  d'un 
chemin  de  fer  ;  une  sensation  de  coups  de  marteau  frappés 
sur  la  région  temporale  gauche  ;  puis,  en  dernier  lieu, 
une  obnubilation  de  la  vue  marquée  surtout  dans  l'œil 
gauche. 

Les  mêmes  phénomènes  se  montreraient  sur  les  parties 
correspondantes  du  côté  droit,  dans  les  cas  où  l'exploration 
porterait,  au  contraire,  sur  l'ovaire  droit. 

L'analyse  ne  peut  être  poussée  plus  loin  ;  car,  lorsque 
les  choses  en  sont  à  ce  point,  la  conscience  s'affecte  pro- 
fondément, et,  dans  leur  trouble,  les  malades  n'ont  plus 
la  faculté  de  décrire  ce  qu'elles  éprouvent.  L'attaque  con- 
vulsive  éclate  d'ailleurs  bientôt,  pour  peu  qu'on  insiste. 

A  part  les  phénomènes  qui  ont  trait  à  la  dernière  phase 
de  l'aura  hystérique  {phénomènes  céphaliques),  je  viens 
de  vous  rappeler,  Messieurs,  toute  la  série  de  phénomènes 
obtenus  dans  l'expérience  de  Schutzenberger,  et  nous  som- 
mes ainsi  conduit  à  reconnaître,  avec  cet  éminent  observa- 
teur, que  la  pression  du  flanc  dans  la  région  ovarienne  ne 
fait  que  reproduire  artificiellement  la  série  des  symptômes 
qui  se  développent  spontanément  chez  les  malades  dans  le 
cours  naturel  des  choses. 

Je  n'ignore  pas  que,  suivant  M.  Briquet,  l'aura  hystéri- 
que débuterait,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  par  le 
nœud  épigastrique  ;  je  n'ignore  pas  non  plus  que,  à  l'appui 
de  son  assertion,  cet  auteur  cite  des  chiffres  imposants. 
Mais  il  ne  faut  par  toujours  courber  la  tête  devant  les  chif- 
fres, et  l'on  est  en  droit  de  se  demander  si  M.  Briquet,  qui 
s'est  montré  quelque  peu  sévère  à  l'égard  des  ovaristes, 
ne  s'est  pas  laissé  à  son  tour  entraîner  par  quelque  préoc- 
cupation qui  lui  aura  fait  négliger  d'inscrire  dans  la  série 
des  phénomènes  de  l'aura  la  douleur  iliaque  initiale.     . 


SIEGE   DE   L'OVAIRE.  327 

Si  j'en  juge  d'après  mes  propres  observations,  toujours 
le  point  iliaque  précède  en  date,  de  si  peu  que  ce  soit, 
dans  le  développement  de  l'aura,  le  point  épigastrique,  et 
constitue  par  conséquent  le  premier  anneau    de  la  chaîne. 


Y. 


Il  me  reste,  Messieurs,  à  établir  que  ce  point  particulier 
où  réside  la  douleur  iliaque  des  hystériques  correspond  au 
siège  même  de  l'ovaire,  et  j'aurai  par  là  rendu  très-vrai- 
semblable, sinon  démontré  d'une  façon  absolue,  que  le  corps 
ovalaire,  douloureux,  d'où  partent  les  irradiations  de  l'aura 
hystérique  spontanée  ou  provoquée,  est  bien  l'ovaire  lui- 
même. 

On  se  fait,  en  général,  je  le  crois  du  moins,  une  idée  im- 
parfaite du  lieu  exact  qu'occupe  l'ovaire  pendant  la  vie. 
Lorsque  l'abdomen  étant  ouvert,  les  intestins  relevés,  on 
trouve  clans  le  petit  bassin,  derrière  l'utérus,  en  avant  du 
rectum,  les  annexes  de  l'utérus  flasques,  flétries,  comme 
ratatinées,  il  ne  s'agit  pas  là  évidemment  d'un  état  répon- 
dant aux  conditions  vitales  ;  et  il  est  clair  qu'après  la 
mort  les  plexus  artériels  des  trompes  et  des  ovaires,  dont 
la  richesse  et  les  propriétés  érectiles  ont  été  si  bien  mises 
en  lumière  par  mon  ami  le  professeur  Rouget  (de  Mont- 
pellier), ont  depuis  longtemps  cessé  leur  rôle.  Une  faut  pas 
oublier,  d'un  autre  côté,  que  l'ouverture  du  corps  change 
très-certainement  les  rapports  réels  des  annexes  de  l'utérus. 
Cela  est  si  vrai  que,  sur  les  cadavres  congelés  (1),  l'ovaire 
occupe  une  situation  moins  inférieure,  et  qui  rappelle  dans 
une  certaine  mesure  celle  qu'on  lui  reconnaît  chez  le  nou- 
veau-né. Sur  cette  coupe,  empruntée  à  l'Atlas  de  M.  Le- 
gendre,  coupe  pratiquée  perpendiculairement  au  grand  axe 
d'un  cadavre  d'une  femme  de  20  ans,  supposé  couché,  et 


(l)  E.    Q.  Legendre.  —  Anatomie    chirurgicale  homolo graphique  ,    etc. 
pi.  X.  Paris,  1858. 


328  O  VARIE    HYSTÉRIQUE. 

qui  passe  à  2  centimètres  au-dessus  du  pubis,  vous  voyez 
un  des  ovaires  coupé  en  deux,  tandis  que  l'autre  est  resté 
au-dessus  de  la  surface  de  section  ;  d'après  cela,  chez  la 
femme  adulte,  l'ovaire  serait  situé  à  la  hauteur  et  même  un 
peu  au-dessus  du  détroit  supérieur,  débordant  avec  la 
trompe  vers  les  fosses  iliaques.  Ce  résultat  concorde  de 
tous  points  avec  celui  que  donne  la  palpation  pratiquée  pen- 
dant la  vie.  J'ajouterai  que  si,  sur  un  cadavre  reposant  sur 
la  table  d'autopsie,  au  niveau  du  point  correspondant  à 
celui  où  nos  hystériques  accusent  la  douleur  iliaque,  on 
enfonce,  d'avant  en  arrière  et  de  haut  en  bas,  une  longue 
aiguille,  on  a  grand'chance,  — je  m'en  suis  assuré  plusieurs 
fois,  —  de  transfixer  l'ovaire. 

Cette  situation  de  l'ovaire  paraît  d'ailleurs  avoir  été  im- 
plicitement reconnue  par  M.  le  Dr  Chéreau  dans  ses  excel- 
lentes 'Eludes  sur  les  maladies  de  V ovaire  (1),  lorsqu'il  dit 
que  chez  les  femmes,  dont  les  parois  abdominales  ne  sont 
pas  trop  résistantes,  on  peut  reconnaître  la  tuméfaction  ou 
même  seulement  la  sensibilité  de  l'ovaire.  L'introduction 
du  doigt  par  le  rectum  ne  serait,  d'après  notre  auteur,  un 
moyen  d'exploration  supérieur  que  dans  les  cas  où  la  paroi 
abdominale  oppose  des  obstacles  insurmontables. 

Messieurs,  après  toutes  les  explications  dans  lesquelles 
je  viens  d'entrer,  je  crois  pouvoir  conclure  que  c'est  bien 
à  Y  ovaire,  à  X  ovaire  seul,  qu'il  faut  rapporter  la  douleur 
iliaque  fixe  des  hystériques.  À  la  vérité,  à  de  certaines 
époques,  et  dans  les  cas  intenses,  la  douleur,  par  un  méca- 
nisme que  je  n'ai  pas  à  indiquer  pour  le  moment,  s'étend 
jusqu'aux  muscles,  à  la  peau  elle-même,  de  manière  à  sa- 
tisfaire à  la  description  de  M.  Briquet  ;  mais  je  ne  saurais 
trop  le  répéter,  ainsi  limitée  aux  phénomènes  extérieurs, 
la  description  serait  incomplète,  et  le  véritable  foyer  de  la 
douleur  resterait  méconnu. 

(l)  Paris,  1841. 


OVARIE  HYSTÉRIQUE.  329 

VI. 

Il  conviendrait  de  rechercher  maintenant  quel  est  L'état 
anatomique  de  l'ovaire  dans  le  cas  où  il  devient  le  siège  de 
la  douleur  iliaque  des  hystériques.  Sur  ce  point,  dans  l'é- 
tat actuel  des  choses,  nous  ne  pouvons  malheureusement 
vous  donner  que  des  renseignements  assez  vagues.  Il  existe 
parfois  une  tuméfaction  plus  ou  moins  prononcée  de  l'or- 
gane, ainsi  que  cela  avait  eu  lieu  dans  le  fait  d'ovarite  blen- 
norrhagique  rapporté  dans  le  mémoire  de  M.  Sclnrîzenber- 
ger.  Mais  c'est  là  une  circonstance  plutôt  exceptionnelle, 
et  il  importe  de  remarquer  que  l'inflammation  commune  de 
l'ovaire  peut  exister  avec  tous  ses  caractères,  sans  que  les 
irradiations  décrites  plus  haut  surviennent,  soit  sponta- 
nément, soit  sous  l'influence  des  provocations.  M.  Briquet 
n'a  pas  failli  à  faire  ressortir  cette  circonstance,  et,  cette 
fois,  il  était  parfaitement  dans  son  droit.  Il  faut  donc  re- 
connaître hautement  que  toute  inflammation  ovarienne 
n'est  pas  indistinctement  propre  à  provoquer  le  développe- 
ment de  l'aura  hystérique.  Le  gonflement  ovarien  chez  les 
hystériques  fait  parfois  complètement  défaut;  d'autres  fois, 
il  est  peu  prononcé,  et  il  parait  assez  vraisemblable  que  la 
tuméfaction  dont  l'ovaire  est  le  siège,  en  pareil  cas,  résulte 
d'une  turgescence  vasculaire  analogue  à  celle  qui  se  mon- 
tre à  la  suite  de  certaines  névralgies.  L'anatomie  patholo- 
gique ne  nous  a  fourni,  jusqu'ici,  aucune  donnée  positive  à 
cet  égard  :  on  pourra  donc,  quant  à  présent,  désigner  in- 
différemment l'état  de  l'ovaire  dont  il  s'agit,  sous  les  noms 
d'hyperkinésie  (Swediaur),  cVovaralgie  (Schutzenberger), 
tfovarie  (Négrier),  car  peu  importe  le  nom,  en  définitive, 
lorsque  le  fait  est  bien  constaté. 

VII. 

L'ovaire  étant  accepté  pour  point  de  départ  de  l'aura  hys- 
térique —  au  moins  dans  un  groupe  de  cas  —  il  n'est  pas 


330  OVARIE  HYSTÉRIQUE. 

sans  intérêt  de  montrer  actuellement  qu'une  relation  im- 
portante, en  quelque  sorte  intime,  existe  entre  la  douleur 
ovarienne  et  les  autres  accidents  de  l'hystérie  locale. 

Vous  pouvez  reconnaître,  en  effet,  Messieurs,  chez  les 
malades  que  je  vous  présente,  une  concordance  remarqua- 
ble du  siège  de  la  douleur  iliaque  et  du  mode  de  localisation 
des  symptômes  concomitants.  Je  ne  reviendrai  pas  sur  les 
phénomènes  céphaliques  de  l'aura  qui,  ainsi  que  je  vous  le 
faisais  remarquer  tout  à  l'heure,  s'accusent  'du  même  côté 
que  la  douleur  ovarienne  :  je  me  bornerai  à  faire  ressortir 
que  Yhêmiancsthésie,  la  parésie  et  la  contracture  des 
membres  occupent  le  côté  gauche,  lorsque  Yovarie  siège  à 
gauche,  et  inversement  lorsqu'elle  siège  à  droite.  Je  vous 
ferai  remarquer  aussi  que,  quand  la  douleur  ovarienne 
siège  à  la  fois  à  droite  et  à  gauche,  les  autres  accidents  se 
montrent  bilatéraux,  prédominant  toutefois  du  côté  où  la 
douleur  iliaque  est  le  plus  intense. 

A  plusieurs  reprises,  nous  avons  assisté  chez  quelques- 
unes  de  nos  malades  à  un  brusque  changement  de  siège  de 
la  douleur  ovarienne,  entre  autres  chez  la  nommée  Ler.... 
Lorsque  chez  cette  femme  l'ovarie  venait  à  prédominer  du 
côté  gauche,  les  symptômes  céphaliques  de  l'aura,  la  con- 
tracture des  membres,  etc.,  offraient  temporairement  leur 
maximum  de  développement  de  ce  même  côté,  pour  prédo- 
miner ensuite  du  côté  droit,  alors  que  l'ovaire  droit  se 
montrait  de  nouveau  le  plus  douloureux. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  l'ovaralgie  paraît  être  un  phé- 
nomène constant  permanent  par  excellence,  dans  la  forme 
d'hystérie  qui  nous  occupe,  de  telle  sorte  que,  jointe  à  quel- 
que autre  indice  de  la  même  catégorie,  elle  pourra  vous 
conduire  sur  la  voie  du  diagnostic  dans  les  cas  difficiles. 

VIII. 

Il  me  reste,  Messieurs,  à  entrer  dans  l'exposition  de  faits 


HYSTÉRIE   OVARIQUE.  331 

qui  seront  peut-être  considérés  par  vous  comme  la  partie 
la  plus  saillante  de  cette  étude.  Ces  faits,  en  réalité,  sont 
de  nature,  si  je  ne  me  trompe,  à  mettre  encore  davantage 
en  relief  le  rôle  vraiment  prédominant  de  l'ovaralgie  dans 
Yune  des  formes  de  V hystérie. 

Yous venez  devoir  comment  la  compression  méthodique 
de  l'ovaire  peut  déterminer  la  production  de  l'aura,  ou  même 
parfois  de  l'accès  complet.  Je  veux  essayer  de  vous  dé- 
montrer maintenant  qu'une  compression  plus  énergique  est 
capable  d'enrayer  le  développement  de  l'accès  lorsqu'il  en 
est  à  son  début  ou  môme  d'y  couper  court,  lorsque  déjà 
l'évolution  des  accidents  convulsifs  est  plus  ou  moins  avan- 
cée. C'est  du  moins  ce  que  vous  pourrez  observer  très-net- 
tement chez  deux  des  malades  que  j'ai  mises  sous  vos  yeux. 
—  Chez  elles,  l'arrêt  déterminé  par  la  compression,  lorsque 
celle-ci  a  été  convenablement  pratiquée,  est  total,  définitif. 
Chez  deux  autres,  cette  manœuvre  modifie  seulement  les 
phénomènes  de  l'accès,  à  un  degré  variable,  sans  en  amener 
toutefois  la  cessation.  Et  veuillez  bien  remarquer  qu'il  ne 
s'agit  pas,  chez  elles  toutes,  de  l'hystérie  convulsive  com- 
mune, vulgaire,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  mais  bien  de 
l'hystérie  convulsive  considérée  dans  son  type  unanimement 
reconnu  comme  le  plus  grave,  je  veux  parler  de  YHystéro- 
âpilepsie. 

Supposons  que,  chez  l'une  de  ces  femmes,  l'accès  vienne 
d'éclater.  La  malade  est  tombée  à  terre  tout-à-coup,  en 
poussant  un  cri:  la  perte  de  connaissance  est  complète.  La 
rigidité  tétanique  de  tous  les  membres  qui,  en  général,  inau- 
gure la  scène,  est  poussée  à  un  haut  degré  ;  le  tronc  est 
fortement  recourbé  en  arrière,  l'abdomen  proéminent,  très- 
distendu  et  très-résistant. 

La  meilleure  condition,  pour  une  démonstration  parfaite 
des  effets  de  la  compression  ovarienne,  en  pareil  cas,  est 
que  la  malade  soit  étendue  horizontalement  sur  le  sol,  ou, 
si  cela  est  possible,  sur  un  matelas,  dans  le  décubitus  dorsal. 
Le  médecin,  alors,  ayant  un  genou  en  terre,  plonge  le  poing 


332  EFFETS   DE   LA   COMPRESSION    DE   I/OVAIRE. 

fermé  dans  celle  des  fosses  iliaques  que  l'observation  anté- 
rieure lui  aura  démontré  être  le  siège  habituel  de  la  douleur 
ovarienne. 

Tout  d'abord,  il  lui  faut  faire  appel  à  toute  sa  force,  afin 
de  vaincre  la  rigidité  des  muscles  de  l'abdomen.  Mais,  dès 
que  celle-ci  une  fois  vaincue,  la  main  perçoit  la  résistance 
offerte  par  le  détroit  supérieur  du  bassin,  la  scène  change, 
et  la  résolution  des  phénomènes  convulsifs  commence  à  se 
produire. 

Des  mouvements  de  déglutition  plus  ou  moins  nombreux, 
et  parfois  très-bruyants,  ne  tardent  guère  à  se  manifester  ; 
la  conscience  alors  presque  aussitôt  se  réveille,  et  à  cet 
instant,  tantôt  la  malade  gémit  et  pleure,  criant  qu'on  lui 
fait  mal,  —  tel  est  le  cas  de  Marc  . .;  —  tantôt,  au  con- 
traire, elle  accuse  un  soulagement,  dont  elle  témoigne  sa 
reconnaissance  :  —  «  Ah  !  c'est  bien  !  cela  fait  du  bien  !  » 
s'écrie  toujours,  en  pareille  circonstance,  la  nommée 
Geneviève. 

Le  résultat,  quoi  qu'il  en  soit,  est  en  somme  toujours  le 
même,  et  pour  peu  que  vous  insistiez  sur  la  compression, 
pendant  deux,  trois  ou  quatre  minutes,  vous  êtes  à  peu  près 
assurés  que  tous  les  phénomènes  de  l'accès  vont  se  dissiper 
comme  par  enchantement.  Vous  pourriez,  d'ailleurs,  va- 
rier l'expérience,  et,  à  votre  gré,  en  suspendant  un  moment 
la  compression  pour  la  reprendre,  arrêter  l'accès  ou  le 
laisser  se  reproduire,  en  quelque  sorte,  autant  de  fois  que 
vous  le  voudriez. 

Une  fois  que  l'on  a  définitivement  triomphé  de  la  résis- 
tance, très-sérieuse  du  reste,  qu'offrent  toujours,  à  l'ori- 
gine, les  parois  abdominales,  il  n'est  pas  nécessaire  d'user 
de  toutes  ses  forces  et  l'application  des  deux  premiers  doigts 
de  la  main  sur  le  siège  présumé  de  l'ovaire  suffît  pour  ob- 
tenir l'effet  désiré.  Toutefois,  la  manœuvre,  surtout  si  elle 
doit  être  prolongée  durant  quelques  minutes,  est  toujours 
assez  fatigante  pour  l'opérateur.  J'ai  songé  à  la  modifier. 
Peut-être  pourrait-on  avoir  recours  au  sac  rempli  de  grains 


COMPRESSION   DE   L'OVAIRE  :   HISTORIQUE.  333 

de  plomb  que  M.  Lannelongue  a  mis  en  usage  dans  un  tout 
autre  Lut,  ou  encore  à  l'application  d'un  bandage  approprié  : 
c'est  une  question  à  étudier.  Quant  à  présent,  les  personnes 
du  service,  au  courant  du  procédé,  le  mettent  journelle- 
ment en  pratique  chez  les  malades  auxquelles  il  est  réelle- 
ment utile. 

IX. 

Il  est  assez  singulier,  Messieurs,  qu'un  procédé  dont 
l'exécution  est  aussi  simple,  et  qui,  incontestablement,  peut 
rendre  des  services  réels,  soit  tombé,  comme  il  l'est  de  nos 
jours,  en  désuétude  complète.  Ainsi  que  je  vous  l'ai  laissé 
pressentir,  l'invention  de  ce  procédé,  tant  s'en  faut,  ne 
m'appartient  pas  ;  peut-être  remonte-t-elle  aux  temps  les 
plus  antiques  ;  toujours  est-il  qu'elle  est  certainement  anté- 
rieure au  xvie  siècle.  Voici  d'ailleurs  ce  que  quelques  re- 
cherches, faites  un  peu  à  la  hâte  parmi  les  livres  les  plus 
poudreux,  et  par  conséquent  les  moins  fréquentés  de  ma 
bibliothèque,  m'ont  appris  à  ce  sujet. 

Willis,  dès  le  xvn°  siècle,  clans  son  Traité  des  maladies 
convulsives  (1),  s'exprimait  ainsi  qu'il  suit  :  «Il  est  certain, 
dit-il,  que  le  spasme  convulsifqui  vient  du  ventre  est  arrêté 
et  qu'on  l'empêche  de  monter  au  cou  et  à  la  tête,  par  une 
compression  de  V abdomen,  faite  à  l'aide  des  bras  enlacés 
autour  du  corps,  ou  à  l'aide  de  draps  bien  serrés.  »  Il  ra- 
conte ailleurs  être  parvenu  lui-même  à  arrêter  un  accès,  par 
une  pression  énergique  exécutée  avec  les  deux  mains  réunies 
sur  le  bas-ventre.  Mais  déjà  Mercado  (1513)  avait  depuis 
longtemps  conseillé  les  frictions  sur  le  ventre,  dans  le  but 
de  réduire  la  matrice,  qu'il  supposait  se  déplacer,  suivant 
la  doctrine  ancienne  (2).  Un   de    ses   compatriotes,   Mo- 


(1)  Willis.  —  De  morbis  convuhivis,  t.  II,  p.  34. 

(2)  D.  L.  Mercatus.  —  Opéra,  tit.  III.  —  De  virginum  et  viduarum  af- 
fectionibus,  p.   546.  Francof.  1620. 


,  334  ÉPIDÉMIES  HYSTÉRIQUES  :    SECOURS. 

nardès,  procédait,  paraît-il,  plus  résolument  (1)  ;  il  plaçait, 
pendant  l'accès,  sur  le  ventre  des  malades,  une  grosse 
pierre. 

Une  paraît  pas,  toutefois,  que  cette  pratique  se  soit  beau- 
coup répandue;  je  ne  la  vois,  en  effet,  mentionnée  ni  dans 
Laz.  Rivière,  ni  dans  F.  Hoffmann.  Boerhaave,  seul,  au 
commencement  du  xvin0  siècle,  insiste  de  nouveau  sur  la 
compression  de  l'abdomen  dans  l'attaque  hystérique  ;  elle 
doit  être  produite,  suivant  lui,  à  l'aide  d'un  coussin,  forte- 
ment serré  par  des  draps  placés  entre  les  fausses  côtes  et 
la  crête  iliaque.  On  soulage  ainsi,  dit-il,  presque  à  coup  sûr 
les  malades,  pourvu  que  la  sensation  du  globe  n'ait  pas  en- 
core dépassé  le  diaphragme  (2). 

Dans  les  temps  modernes,  Récamier,  remettant  en  hon- 
neur cette  méthode,  comme  vous  le  voyez  déjà  fort  ancienne, 
plaçait  sur  le  ventre  des  malades  un  coussin  sur  lequel  un 
aide  venait  s'asseoir.  Son  exemple  n'a  guère  été  suivi,  que 
je  sache,  que  par  Négrier,  directeur  de  l'Ecole  de  médecine 
d'Angers, dont  le  Recueil  de  faits  pour  servir  àV  histoire  des 
ovaires  et  des  affections  hystériques  chez  la  femme,  pu- 
blié en  1858,  ne  paraît  pas  avoir  eu  d'ailleurs  un  bien  grand 
retentissement.  Le  procédé  de  Négrier  est  plus  méthodique 
que  celui  mis  en  œuvre  par  ses  prédécesseurs  ;  c'est  l'ovaire 
qui,  dans  la  compression,  devient  pour  lui  le  point  de 
mire.  «  Une  forte  et  large  pression,  exercée  par  l'intermé- 
diaire cle  la  main  sur  la  région  ovarienne,  suffît,  dit  Né- 
grier, dans  plusieurs  cas  pour  enrayer  et  supprimer  com- 
plètement l'attaque  convulsive.  » 

Mais  laissons  pour  un  instant  de  côté  la  pratique  régu- 
lière, et  recherchons  quels  ont  été  les  procédés  à  l'aide  des- 
quels, dans  certaines  épidémies  hystériques  célèbres,  les 


(1)  Négrier.  —  Recueil  de  faits  pour  servir  à  V histoire  des  ovaires  et  des 
affections  hystériques  de  la  femme.  Angers  1858,  p.  168,   109. 

(2)  Van  îSwieten .  —  Comm.,  t.  III,  p.  417. 


ÉPIDÉMIES   HYSTÉRIQUES  :   SECOUES.  3313 

assistants  portaient  secours  aux  convulsionnaires.  Parmi 
ces  moyens  de  secours  mis  en  œuvre,  nous  trouvons  si- 
gnalée une  pratique  fort  curieuse  à  étudier,  et  dont  l'idée 
première,  selon  toute  vraisemblance,  aura  dû  être  suggé- 
rée par  quelque  convulsionnaire.  Je  veux  parler  de  la  corn- 
pression  du  ventre.  Il  est,  en  effet,  des  hystériques  qui,  en 
proie  aux  premiers  tourments  de  l'aura,  mettent  instinc- 
tivement d'elles-mêmes  en  action  la  compression  ovarienne. 
Tel  est  le  cas,  par  exemple,  d'une  de  nos  malades,  la  nom- 
mée Gen....  dont  je  vous  ai  entretenu  déjà.  Cette  femme  a 
pris  depuis  longtemps  l'habitude  d'arrêter  le  développement 
de  ses  accès  par  la  compression  de  l'ovaire  gauche  ;  elle 
y  réussit  le  plus  souvent  lorsque  l'invasion  du  mal  n'a  pas 
été  par  trop  rapide.  Dans  le  cas  contraire,  elle  fait  appel 
aux  assistants  et  les  prie  de  l'aider  dans  cette  manœuvre. 

Examinons  d'un  peu  plus  près  ces  faits  empruntés  à 
l'histoire  des  épidémies  convulsives  :  il  y  a  là  matière  à  une 
étude  rétrospective  qui  n'est  pas  sans  intérêt. 

Le  savant  Hecker,  parlant  des  individus  atteints  de  la 
danse  de  Saint-Jean  (1);  dit  qu'ils  se  plaignaient  fréquem- 
ment d'une  grande  anxiété  épigastrique,  et  demandaient 
qu'on  leur  comprimât  le  ventre  avec  des  draps. 

Mais,  c'est  surtout  l'épidémie,  dite  de  Saint-Médard,  qui 
nous  fournit  sur  ce  sujet  les  documents  les  plus  intéres- 
sants. Vous  n'ignorez  pas  comment  elle  survint,  alors  que 
l'exaltation  religieuse  des  jansénistes,  persécutés  à  propos 
de  la  bulle  Unigenitus,  était  portée  à  son  comble.  L'épi- 
démie, qui  prit  naissance  sur  le  tombeau  du  diacre  Paris, 
mort  en  1721,  a  présenté  deux  périodes  bien  distinctes  (2). 

La  première  a  été  remarquable  surtout  —  du  moins  à 


(1)  Hecker.  —  Danse  de  Saint- Jean,  à  Aix-la-Chapelle,  1874.  — Epidémie 
de  Saijit-Witt,  à  Strasbourg,  1438. 

(2)  Carré  de  Montgeron,  loc.  cit. 


336  EPIDEMIES   HYSTÉRIQUES  :   SECOURS. 

notre  point  de  vue  —  par  la  guérison  d'un  certain  nombre 
de  malades,  parmi  lesquels  figurent  plusieurs  cas  bien 
avérés  de  contracture  permanente  des  hystériques  (1)  ; 
dans  la  seconde,  ont  prédominé  des  convulsions  plus  ou 
moins  singulières,  mais  qui,  en  somme,  ne  diffèrent  en 
rien  d'essentiel  de  celles  qui  appartiennent  à  l'hystérie 
lorsqu'elle  revêt  la  forme  épidémique.  Or,  c'est  à  ce  mo- 
ment-là qu'apparaît,  dans  l'épidémie  de  Saint-Médard,  la 
pratique  des  secours. 

En  quoi  ces  secours  consistaient-ils  ?  Pour  la  plupart  des 
cas,  ils  s'agissait  là  de  manœuvres  ayant  pour  but  de  dé- 
terminer une  forte  compression  de  l'abdomen  ou  de  le  frap- 
per violemment  à  l'aide  d'un  instrument  ou  d'un  objet  quel- 
conque. Ainsi,  il  y  avait  :  1°  le  secours  administré  à  l'aide 
d'un  pesant  chenet  dont  on  frappait  le  ventre  à  coups  re- 
doublés^0 le  secours  dit  du  pilon,  qui  ne  s'éloigne  guère 
du  précédent  ;  3°  dans  un  autre  cas,  un  homme  joignait 
les  deux  poings  et  les  appuyait  de  toutes  ses  forces  sur  le 
ventre  de  la  convulsionnaire,  et,  pour  mieux  faire  encore, 
il  appelait  d'autres  hommes  à  son  aide  ;  4°  trois,  quatre  ou 
même  cinq  personnes  montaient  sur  le  corps  de  la  malade  ; 
—  une  convulsionnaire  appelée  par  ses  coreligionnaires 
sœur  Margot,  affectionnait  plus  particulièrement  ce  mode 
de  secours;  5°  il  est  un  cas,  enfin,  où  l'on  disposait  de  lon- 
gues bandes  que  l'on  tirait  fortement-  à  droite  et  à  gauche, 
afin  décomprimer  l'abdomen.  — Ces  secours,  quel  que  fût 
d'ailleurs  leur  mode  d'administration,  étaient  toujours, 
paraît-il,  suivis  d'un  grand  soulagement. 

Hecquet,  médecin  de  l'époque,  ne  voulait  voir  dans  ces 
convulsions,  rapportées  par  d'autres  à  une  influence  divine, 
qu'un  phénomène  naturel,  —  et  en  cela  il  avait  parfaite- 
ment raison.  Mais  je  ne  puis  plus  être  de  son  avis,  lorsque, 
dans  son  livre  intitulé  «  Du  Naturalisme  des  convulsions,  » 


(l)  Bourneville  et   Voulet.  —  De  la   contracture   hystérique  permanente, 
p.  7-17.  Paris,  1872. 


ÉPIDÉMIES  HYSTÉRIQUES  ".    SECOURS.  337 

il  prétend  que  les  secours  n'étaient  autres  que  des  pratiques 
dictées  par  la  «  lubricité.  »  Je  ne  vois  pas  trop,  pour  mon 
compte,  ce  que  la  lubricité  pouvait  avoir  à  faire  avec  ces 
coups  de  chenet  et  de  pilon,  administrés  avec  une  extrême 
violence,  bien  que  je  n'ignore  pas  ce  qu'est  capable  d'en- 
fanter, dans  ce  genre,  un  goût  dépravé.  Je  crois  qu'il  est 
beaucoup  plus  simple  et  beaucoup  plus  légitime  d'admettre 
que  les  secours,  —  à  part  les  amplifications  suggérées  par 
l'amour  de  la  notoriété,  — répondaient  à  une  pratique  tout 
empirique,  et  dont  le  résultat  était  de  produire  un  amende- 
ment réel  dans  les  tourments  de  l'attaque  hystérique. 


X. 


Vous  avez  certainement  saisi,  Messieurs,  les  analogies 
qui  existent  entre  cet  arrêt  des  convulsions  hystériques  ou 
hystéro-épileptiques,  déterminé  par  la  compression  de  l'ab- 
domen et  l'arrêt  qu'on  obtient  quelquefois  des  convulsions 
par  la  compression  ou  la  ligature  des  membres  d'où  par- 
tent, en  pareil  cas,  les  phénomènes  de  l'aura;  et  c'est  ici 
peut-être  le  lieu  de  vous  rappeler  qu'une  brusque  flexion 
du  pied  fait  cesser  tout-à-coup,  ainsi  que  l'a  montré  Brown- 
Séquard,  la  trépidation  convulsive  de  Yépilepsie  spinale, 
observée  dans  certains  cas  de  myélite.  Vous  n'ignorez  pas 
qu'en  pathologie  expérimentale  ces  faits  cliniques  trouvent 
jusqu'à  un  certain  point  leur  interprétation.  Je  ne  puis  en- 
trer dans  les  détails,  pour  le  moment  ;  qu'il  me  suffise  de 
vous  remettre  en  mémoire  que,  chez  les  animaux,  de  nom- 
breuses expériences  mettent  en  évidence  la  suspension  de 
l'excitabilité  réflexe  de  la  moelle  épinière  par  le  fait  de 
l'irritation  des  nerfs  périphériques.  Ainsi,  l'expérience  de 
Herzen  nous  montre  que  chez  une  grenouille  décapitée, 
c'est-à-dire  placée  dans  une  condition  excellente  pour 
exalter  à  son  maximum  l'excitabilité  réflexe  de  la  moelle, 
si  cette  partie  des  centres  nerveux  est  irritée  dans  sa  partie 

Charcot,   t.  i,  3e  éd.  22 


'  338  CONCLUSION. 

inférieure,  il  sera  impossible,  tant  que  l'excitation  subsis- 
tera, de  mettre  en  jeu  l'excitabilité  des  membres  supérieurs. 
Et,  inversement ,  si  chez  une  grenouille,  préparée  de  la 
même  façon,  vous  entourez  d'un  lien  fortement  serré  les 
membres  supérieurs,  tant  que  la  ligature  persistera,  l'exci- 
tation des  membres  inférieurs  ne  sera  pas  suivie  de  mou- 
vements réflexes.  C'est  du  moins  ce  que  démontre  une  ex- 
périence de  Lewisson. 

Toujours  est-il  que  si  ces  faits  expérimentaux  sont  d'une 
analyse  plus  facile,  ils  ne  sont  pas  encore,  dans  l'état  actuel 
de  la  science,  plus  aisément  explicables  que  les  phénomènes 
correspondants  observés  chez  l'homme. 


XL 


Je  ne  puis  insister  plus  longuement,  car  le  temps  me 
presse.  J'aurais  voulu  cependant  vous  montrer  l'intérêt 
qu'il  y  a,  au  point  de  vue  pratique,  à  supprimer  les  accès 
d'hystérie  grave  ou  à  en  modérer,  tout  au  moins,  l'inten- 
sité. Mais  ce  côté  de  la  question  sera  plus  convenablement 
mis  en  lumière  quand  j'aurai  fait  ressortir,  dans  une  des 
prochaines  séances,  les  conséquences  qu'entraîne  la  répéti- 
tion des  accès,  ou  autrement  dit  Vétat  de  mal  hystéro- 
êpileptiaue.  Je  me  bornerai,  quant  à  présent,  à  formuler 
ainsi  qu'il  suit  une  des  conclusions  qui  ressortent  de  la  pré- 
sente étude  : 

La  compression  énergique  de  V ovaire  douloureux  n'a 
pas  d'influence  directe  sur  la  plupart  des  symptômes 
permanents  de  Vhystérie,  tels  qiie  contracture,  paralysie, 
hêmianesthésie,  etc.  ;  mais  elle  a  une  action  souvent  dé- 
cisive sur  Vattaaue  convulsive  dont  elle  peut  diminuer 
Vintensité  et,  parfois  même,  déterminer  V arrêt. 


FAITS  CLINIQUES.  339 


XII. 

Je  dois  on  terminant,  Messieurs,  faire  passer  devant  vos 
yeux  les  malades  que  j'ai  eues  surtout  en  vue  dans  la  des- 
cription qui  précède,  et  faire  ressortir  les  particularités  les 
plus  saillantes  qu'elles  offrent  à  l'observation. 

Cas  I.  —  Marc...,  23  ans,  atteinte  d'hystéro-épilepsie 
depuis  l'âge  de  16  ans.  On  ne  sait  trop  à  quelle  cause  il  faut, 
chez  elle,  rattacher  l'affection.  Quoi  qu'il  en  soit,  au  point 
de  vue  de  l'hystérie  locale,  elle  nous  offre  :  une  hémianes- 
thésie,  de  Yovarie,  de  Izparésie,  tout  cela  du  côté  gauche. 
Elle  est,  déplus,  sujette  à  des  vomissements  fréquents  et 
a  présenté  de  Yachromatopsie  de  l'œil  gauche. 

Les  attaques  sont  précédées  par  une  aura  caractéristique; 
les  phénomènes  prodromiques  partent  de  l'ovaire  gauche 
et  les  symptômes  céphaliques  sont  très-accusés.  Quant  aux 
attaques  elles-mêmes,  elles  se  composent  de  trois  périodes: 
a)  convulsions tétaniformes,  épileptiformes,  écume; —  b) 
grands  mouvements  du  tronc  et  des  membres  inférieurs  (pé- 
riode des  contorsions)  ;  dans  ce  temps  la  malade  prononce 
des  paroles  bizarres,  et  paraît  être  en  proie  à  un  délire  som- 
bre ;  —  c)  pleurs,  rires,  annonçant  la  fin  de  l'accès.  Chez 
elle,  on  détermine  un  arrêt  prompt  et  absolu  de  tous  les 
phénomènes  par  la  compression  de  l'ovaire  gauche. 

Cas  IL  —  Cot...,  21  ans,  a  vu  l'hystérie  débutera  15 ans. 
Les  mauvais  traitements  qu'elle  subissait  de  la  part  de  son 
père,  adonné  aux  excès  de  boisson,  et  plus  tard  la  prosti- 
tution, ont  sans  doute  exercé  une  certaine  action  étiologique. 
L'hystérie  locale,  ici,  est  encore  plus  marquée  que  dans  le 
premier  cas.  Nous  avons  à  observer  à  droite  une  lièmianes- 
thésie,\me  douleur  ovarienne,  une  contracture  permanente 
avec  trépidation  du  membre  inférieur. 

L'attaque  s'annonce  par  une  aura  bien  nette,  partant  de 


340  FAITS  CLINIQUES. 

l'ovaire  droit  et  se  terminant  par  des  symptômes  cépha- 
liques  très-évidents.  Les  convulsions,  surtout  toniques,  se 
compliquent  d'accidents  épileptifo raies  ;  G....  se  mord  la 
langue,  écume,  etc.  La  période  des  contorsions  vient  ensuite 
et  est  très-accentuée.  Souvent,  l'attaque  se  termine  par  des 
mouvements  de  bassin,  'avec  constriction  laryngée,  pleurs, 
urines  abondantes.  Chez  elle,  aussi,  la  pression  ovarienne 
modère  l'intensité  des  phénomènes  de  l'accès  sans  toutefois 
l'arrêter.  Dans  les  premiers  mois  de  l'année,  cette  malade 
a  été  atteinte  d'un  état  de  mal  hystéro-épileptique  sur  le- 
quel nous  reviendrons  dans  une  prochaine  leçon  (1). 

Cas  III.  —  Legr...  Geneviève  est  née  à  Loudun;  singu- 
lière coïncidence  !  C'est,  vous  le  savez,  le  pays  où  s'est  pas- 
sé le  triste  drame  dont  Urbain  Grandier  a  été  la  victime. 

Geneviève  est  âgée  de  28  ans;  l'hystérie  date  cle  l'époque  de 
la  puberté.  Parmi  les  symptômes  permanents  de  l'hystérie 
locale,  nous  observons  chez  elle  une  hémianesthésie  gauche, 
bien  accusée,  une  douleur  ovarienne  gauche  avec  une 
tumeur  facile  à  constater  ;  enfin  un  état  mental  bizarre. 

L'aura  est  très-caractérisée,  et,  ce  qui  prédomine,  ce 
sont  les  palpitations  cardiaques  et  les  symptômes  cépha- 
liques.  En  ce  qui  concerne  les  attaques  elles-mêmes,  elles 
se  divisent  en  trois  périodes  :  1°  convulsions  épileptifo rmes, 
écume  et  stertor;  — 2°  puis,  grands  mouvements  des  mem- 
bres et  de  tout  le  corps  ;  —  3°  enfin,  période  de  délire,  pen- 
dant laquelle  elle  raconte  tous  les  événements  de  sa  vie,  à 
la  fin  des  grands  accès. 

Parfois  la  malade,  dans  cette  dernière  phase,  a  des  hallu- 
cinations :  elle  voit  des  corbeaux,  des  serpents  ;  de  plus, 
elle  s'abandonne  à  une  sorte  de  danse,  et  alors  elle  nous 
offre,  à  l'état  embryonnaire  pour  ainsi  dire  et  sous  la  forme 
sporadique,  un  spécimen  de  ces  danses  du  moyen-âge  dé- 

(1)  Voir  l'observation  complète  de  cette  malade  dans  :  Bourneville  et 
Voulet.  —  De  la  contracture  hystérique  permanente.  Obs.  vin,  p.  41. 


FAITS   CLINIQUES.  341 

crites  sous  le  nom  OC  épidémies  saltatolres.  A  ce  propos,  je 
vous  ferai  remarquer  que  certains  cas  d'hystérie,  consti- 
tuant en  quelque  sorte  des  variétés  dans  l'espèce,  présen- 
tent à  l'état  rudimentaire  les  diverses  formes  convulsives 
qui  se  montrent  à  un  degré  beaucoup  plus  accentué  dans 
les  épidémies.  C'est  du  reste  là  un  point  qu'a  parfaitement 
développé  Valentiner  dans  son  intéressant  travail  sur  l'hys- 
térie (1). 

Chez  Geneviève,  la  compression  de  l'ovaire  détermine  un 
arrêt,  pour  ainsi  dire  soudain,  de  l'attaque.  Elle  se  rend 
nettement  compte  de  cette  influence,  car  elle-même  essaie 
de  comprimer  la  région  qui  donne  naissance  à  l'aura  ou, 
lorsqu'elle  n'y  peut  parvenir,  elle  réclame,  ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  dit,  le  secours  des  assistants  (2). 

Cas  IV.  —  Ler...,  âgée  de  48  ans,  est  une  malade  bien 
connue  de  tous  les  médecins  qui  depuis  plus  de  20  ans  ont 
fréquenté  cet  hospice  à  divers  titres.  C'est,  en  d'autres  ter- 
mes, un  cas  célèbre  dans  les  annales  de  l'hystéro-épilepsie. 
Vous  trouverez  relatée,  dans  la  thèse  de  M.  Dunant  (de  Ge- 
nève), la  première  partie  de  son  histoire.  Ler...  a  cessé 
d'être  réglée,  il  y  a  quatre  ans,  et  malgré  cela  les  accidents 
nerveux  persistent.  Nous  vous  faisions  reconnaître,  tout  à 
l'heure,  dans  Geneviève,  le  tarentisme  sous  un  aspect  ru- 
dimentaire; Ler...  est  une  démoniaque,  une  possédée;  ou 
encore  elle  présente  l'image  à  peine  affaiblie  d'une  de  ces 
femmes  qu'on  nommait  Jerkers  dans  les  Camp-meetings 
méthodistes  et  qui  offraient  dans  leurs  crises  les  attitudes 
les  plus  effrayantes.  (Voy.  Fig.  19,  20  et  21.) 

L'origine  vraisemblable  des  accidents  nerveux  chez  Ler... 
mérite  d'être  signalée.   Elle  a  eu,  comme  elle  le  dit,  une 


(1)  Valentiner  (Th.)-  —  Die  Hystérie  und  ihre  Heilunrj.  Voir  l'extrait  pu- 
blié dans  les  numéros  de  juin  1872  du  Mouvement  médical. 

(2)  Nous  avons  publié  l'observation  de  Geneviève  dans  Y  Iconographie  pho- 
tographique de  la  Salpétrière,  tome  I. 


3'42  FAITS  CLINIQUES. 

série  de  peurs  :  1°  à  11  ans,  elle  a  été  épouvantée  par  un 
chien  enragé  ;  2°  à  16  ans,  elle  a  été  saisie  d'effroi  à  la  vue 
du  cadavre  d'une  femme  assassinée  ;  3°  à  16  ans,  nouvelle 


Fig.  19.  —  Attitude  de  Ler. . .  pendant  l'attaque  :  période  des  contorsions. 
(Fac-similé  d'un  croquis  fait  d'après  nature). 

frayeur  déterminée  par  des  voleurs  qui,  au  moment  où  elle 
traversait  un  bois,  se  précipitèrent  sur  elle  pour  lui  enlever 
l'argent  qu'elle  portait. 


FAITS  CLINIQUES.  343 

L'hystérie  locale  se  compose,  chez  elle,  d'une  liêmiancs- 
thésie,  iïovarie,  de  parésie  et  par  moments  de  contracture 
des  membres   supérieurs  et  inférieurs,  occupant  le  coté 


Fig.  20.  —  Attitude  de  Ler...  pendant  l'attaque  :  période  des  contorsions. 
(Fac-similé  d'un  croquis  fait  d'après  nature). 

droit.  Parfois  les  phénomènes  envahissent  le  côté  gauche, 
et,  alors,  conformément  à  notre  description,  se  présente 
une  ovarie  double  avec  anesthésie  double,  etc. 


344  FAITS   CLINIQUES. 

Les  attaques,  qui  s'annoncent  par  une  aura  ovarique 
bien  caractérisée,  sont  marquées  d'abord  par  des  convul- 
sions épileptiformes  et  tétaniformes  ;  après  quoi  se  produi- 
sent de  grands  mouvements,  à  caractère  intentionnel,  dans 
lesquels  la  malade,  prenant  les  poses  les  plus  effrayantes, 


Fii/.  21. 


Attaque  hystéro-épilepiique.  —  Période  des  contorsions.  (Dessin  fait  par 
M.  P.  Richer,  d'après  un  croquis  de  M.  Charcot). 


rappelle  les  attitudes  que  l'histoire  prête  aux  démoniaques. 
[Période  des  contorsions  (Fig.  49,  20  et  21 .)]  A  ce  moment 
de  l'attaque,  elle  est  en  proie  à  un  délire  qui  roule  évidem- 
ment sur  les  événements  qui  paraissent  avoir  déterminé 
les  premières  crises  :  elle  adresse  des  invectives  furieuses 
à  des  personnes  imaginaires*:  Scélérats!  voleurs!  brigands! 
Au  feu!  au  feu!  Oh  les  chiens!  on  me  mord!  Autant  de 


FAITS   CLINIQUES.  345 

souvenirs  .   sans    doute ,    des   émotions    de    la   jeunesse. 

Lorsque  la  partie  convulsive  de  l'accès  est  terminée,  il 
survient  en  règle  générale  :  1°  des  hallucinations  de  la  vue; 
la  malade  voit  des  animaux  effrayants,  des  squelettes,  des 
spectres  ;  2°  une  paralysie  de  la  vessie  ;  3°  une  paralysie  du 
pharynx;  4°  enfin,  une  contracture  permanente  plus  ou 
moins  prononcée  de  la  langue. 

Ces  derniers  accidents  rendent  parfois  nécessaire  pen- 
dant plusieurs  jours  le  cathétérisme  vésicalet  l'alimentation 
par  la  sonde  œsophagienne. 

La  compression  de  l'ovaire,  chez  Ler.,  est  presque  de 
nul  effet  sur  les  convulsions  (1). 

Cas  V.  —  Vous  connaissez  déjà  cette  malade;  il  s'agit 
d'Etchev...,  qui  nous  a  fourni  les  éléments  de  notre  leçon 
sur  Yischurie  hystérique  (2).  Nous  relevons  encore,  dans 
ce  cas,  une  liémianesthèsie ,  de  Yachromatopsie,  de  la 
contracture  et  de  Yovarie  à  gauche.  Les  attaques  sont  sur- 
tout tétaniformes,  toniques.  Nous  n'avons  pas  eu,  jusqu'ici, 
l'occasion  d'essayer  chez  elle  l'influence  de  la  compression 
ovarienne  sur  les  convulsions. 


(1)  Nous  avons    publié  l'observation  complète    de    cette  malade  dans  le 
Progrès  médical  (Nos  16-33,  1875). 

(2)  Voir  Leçon  IX,  p.  37o. 


DOUZIÈME  LEÇON 
De  la  contracture  hystérique. 


Sommaire.  —  Formes  de  la  contracture  hystérique.  —  Description  de  la 
forme  hémiplégique  ;  analogies  et  différences  entre  la  contracture  hysté- 
rique et  celle  qui  dépend  d'une  lésion  en  foyer  du  cerveau.  — Exemple 
delà  forme  paraplégique  de  la  contracture  hystérique. 

Pronostic.  —  Soudaineté  de  la  guérison  dans  quelques  cas.  —  Inter- 
prétation scientifique  de  certains  faits  réputés  miraculeux.  —  Incurabilité 
de  la  contracture  chez  un  certain  nombre  d'hystériques.  —  Exemples.  — 
Lésions  anatomiques.  —  Sclérose  des  cordons  latéraux.  — -  Variétés  que 
présente  la  contracture.  —  Pied  bot  hystérique. 


Messieurs, 

Dans  son  traité  fondamental  sur  l'hystérie,  M.  Briquet, 
bien  qu'il  n'accorde  pas  à  l'histoire  de  la  contracture  per- 
manente dont  un  ou  plusieurs  membres,  chez  les  hystéri- 
ques, peuvent  être  atteints,  tout  le  développement  qu'à  mon 
sens  elle  comporte,  trace  cependant  avec  une  grande  sûreté 
de  main  les  traits  les  plus  saillants  de  ce  symptôme.  C'est 
là,  écrit-il,  une  complication  rare.  Il  ne  l'avait,  en  effet, 
rencontrée  que  six  fois  à  l'époque  où  il  a  publié  son  ou- 
vrage. Dans  un  cas,  la  contracture  occupait  un  seul  mem- 
bre; dans  deux  autres,  elle  se  présentait  sous  forme  hémi- 
plégique, et  dans  les  trois  derniers,  elle  revêtait  la  forme 
paraplégique.  Il  est  parfaitement  exact  que  la  contracture 
hystérique  peut  offrir  tous  ces  aspects.  Vous  allez,  du 
reste,  vérifier  le  fait  par  vous-mêmes,  car  je  suis  assez 
heureux  pour  pouvoir  faire  passer  sous  vos  yeux  deux  ma- 
lades qui  présentent  l'une  la  forme  hémiplégique,  l'autre 
la  forme  paraplégique  de  la  contracture  hystérique.  Nous 
sommes  ainsi  mis  à  même  de  vous  faire  toucher  du  doigt 


CONTRACTURE  HYSTÉRIQUE.  347 

les  particularités  les  plus  intéressantes  relatives,  à  cette 
manifestation  singulière  de  l'hystérie. 


1. 

Etch...,  aujourd'hui  âgée  de  40  ans,  est  atteinte  depuis 
vingt  mois  d'hémiplégie  gauche.  Vous  voyez  le  membre 


7    \ 


Fig.  22.  —  Contracture  du  membre  supérieur  gauche. 

supérieur  de  ce  côté  dans  la  demi-flexion  {Fig.  22);  il  est 
le  siège  d'une  rigidité  considérable,  ainsi  qu'en  témoignent 


348  FORME   HÉMIPLÉGIQUE. 

la  difficulté  que  l'on  éprouve  à  exagérer  la  flexion  et  l'im- 
possibilité d'obtenir  l'extension  complète  (1). 

Le  membre  inférieur  gauche  est  dans  l'extension;  ses 
diverses  parties  sont,  pour  ainsi  dire,  dans  une  attitude 
forcée.  Ainsi  la  cuisse  est  fortement  étendue  sur  le  bassin, 
la  jambe  sur  la  cuisse.  Le  pied  offre  la  déformation  de 
Yéquin  varus  le  plus  prononcé.  En  outre,  les  muscles  ad- 
ducteurs de  la  cuisse  sont,  eux  aussi,  fortement  contrac- 
tures. En  somme,  toutes  les  jointures  sont  également  ri- 
gides, et  le  membre,  clans  son  ensemble,  forme  comme  une 
barre  inflexible,  car,  en  le  saisissant  par  le  pied,  vous  pour- 
riez soulever  tout  d'une  pièce  la  partie  inférieure  du  corps 
de  la  malade.  J'insiste  sur  cette  attitude  du  membre  infé- 
rieur, parce  qu'elle  est  très-rare  dans  l'hémiplégie  liée  à 
l'existence  d'une  lésion  cérébrale  en  foyer,  et  qu'elle  est,  au 
contraire,  pour  ainsi  dire  la  règle  dans  la  contracture  hys- 
térique. Dans  ce  dernier  cas,  la  flexion  permanente  de  la 
cuisse  et  de  la  jambe,  si  j'en  juge  d'après  mes  observations, 
est  un  fait  réellement  exceptionnel. 

Il  s'agit  là  d'une  contracture  permanente  dans  l'accep- 
tion rigoureuse  du  mot;- je  me  suis  assuré  qu'elle  ne  se 
modifie  en  rien  pendant  le  sommeil  le  plus  profond  ;  elle  ne 
subit  pas,  dans  la  journée,  d'alternatives  d'aggravation 
et  de  rémission.  Seul,  le  sommeil  provoqué  par  le  chloro- 
forme la  fait  disparaître  pour  peu  que  l'intoxication  ait  été 
poussée  un  peu  loin. 

Bien  que  chez  notre  malade  la  contracture  hémiplégique 
date,  je  le  répète,  de  près  de  deux  ans,  vous  voyez  que  la 
nutrition  des  muscles  n'a  pas  souffert  sensiblement.  J'ajou- 
terai encore  que  la  contractilité  électrique  est  restée  à  peu 
près  normale. 

Je  vous  ferai  remarquer,  en  passant,  qu'en  redressant 


(l)  Aujourd'hui  (juillet  1873),  la  contracture  des  membres  gauches,  chez 
E.  ...  se  retrouve  avec  tous  les  caractères  qu'elle  offrait  à  l'époque  où  la 
présente  leçon  a  été  faite,  c'est-à-dire  en  juin  1870. 


CARACTÈRES   DE   LA  CONTRACTURE   HYSTÉRIQUE.  349 

fortement  la  pointe  du  pied,  on  détermine  dans  le  membre 
inférieur  contracture  une  trépidation  qui  persiste  quel- 
quefois pendant  longtemps,  alors  que  le  pied,  abandonné  à 
lui-même,  a  repris  son  attitude  primitive.  Vous  savez  que 
cette  même  trépidation  se  rencontre  très-habituellement 
dans  la  paralysie  avec  contracture,  liée  à  une  lésion  orga- 
nique spinale,  lorsque,  par  exemple,  les  cordons  latéraux 
sont  sclérosés  ;  mais  je  l'ai  observée  également  dans  nombre 
de  cas  où  la  contracture  hystérique  s'est  terminée  tout  à 
coup  par  la  guérison.  Vous  voyez  par  là  que  ce  phénomène 
n'a  pas,  au  point  de  vue  du  diagnostic  anatomique,  une  va- 
leur absolue  (1). 


(l)  Dès  186S,  dans  mes  leçons  de  la  Salpétrière,  j'ai  appelé  l'attentionsur 
le  tremblement  particulier  qui,  chez  certains  sujets  atteints  de  paralysie  ou 
seulement  de  parésie  des  membres  inférieurs,  se  produit  dans  le  pied  lorsque, 
saisissant  avec  la  main  l'extrémité  de  celui-ci,  on  le  redresse  brusquement. 
(Voir  P.  Dubois.  Etude  sur  quelques  points  de  Vataxie  locomotrice  progres- 
sive. Thèse  de  Paris,  1868.) 

La  trépidation  ainsi  provoquée  s'arrête,  en  général,  aussitôt  qu'on  cesse 
de  maintenir  le  pied  dans  la  ilexion  dorsale  ;  elle  persiste  cependant  quelque- 
fois un  peu  après.  Limitée  au  pied  dans  beaucoup  de  cas,  elle  s'étend  sou- 
vent au  membre  tout  entier  et  se  propage  même  quelquefois  au  membre  in- 
férieur de  l'autre  côté.  Dans  le  cas  où  le  tremblement  dont  il  s'agit  peut  être 
provoqué  par  la  manœuvre  indiquée  plus  haut,  il  se  manifeste  fréquemment 
aussi,  soit  spontanément,  du  moins  en  apparence,  soit  sous  l'influence  des 
mouvements  que  fait  le  malade  pour  se  dresser  dans  son  lit,  pour  en  des- 
cendre et  mettre  le  pied  à  terre,  ou  encore  pour  marcher. 

La  trépidation  provoque'e  ou  spontanée  du  pied  se  montre  dans  les  circons- 
tances variées,  où  les  faisceaux  latéraux  de  la  moelle  épinière  sont  devenus, 
dans  une  certaine  étendue,  le  siège  d'un  travail  lent  de  prolifération  conjonc- 
tive. Ces  conditions  sont,  on  le  voit,  les  mêmes  que  celles,  où  plus  tardive- 
ment que  le  tremblement,  se  produit  la  contracture  permanente.  Ainsi,  la 
trépidation  spontanée  ou  provoquée,  soit  limitée  au  pied,  soit  généralisée, 
s'observe  dans  la  sclérose  symétrique  des  cordons  latéraux,  dans  la  sclérose  en 
plaques  toutes  les  fois  que  les  foyers  spinaux  occupent  les  faisceaux  laté- 
raux dans  une  étendue  de  plusieurs  centimètres  en  longueur;  on  les  observe 
lorsque  la  sclérose  descendante  s'est  établie  consécutivement  à  la  compres- 
sion de  la  moelle  déterminée  par  une  tumeur,  à  la  myélite  transverse  aiguë 
ou  subaiguë,  ou  encore  dans  la  sclérose  latérale  consécutive  à  certaines  lé- 
sions du  cerveau,  telles,  entre  autres,  que  le  ramollissement  en  foyer  ou 
l'hémorrhagie  des  corps  opto-striés,  intéressant  la  capsule  interne.  La  trépi- 
dation en  question  n'est  donc  pas  l'apanage  d'une  maladie  en  particulier  ; 
elle  se  lie  à  des  maladies  d'origine  très-diverse,  mais  auxquelles  la  sclérose 


350  CARACTÈRES  DE  LA  CONTRACTURE   HYSTÉRIQUE. 

A  part  la  différence  que  nous  avons  signalée  à  propos  de 
l'attitude  du  membre  inférieur,  toutes  les  particularités 
que  nous  venons  de  rappeler  pourraient,  à  la  rigueur, 
s'appliquer  à  un  cas  d'hémiplégie  organique,  résultant 
d'une  lésion  profonde  de  l'encéphale,  hémorrhagie  ou  ra- 
mollissement, par  exemple. 

Un  nouveau  trait  de  ressemblance  est  celui-ci  :  l'hémi- 
plégie, chez  Etch...,  a  débuté  tout  à  coup,  pendant  une  at- 
taque. La  malade,  à  la  suite  de  cette  attaque,  est  restée  sans 
connaissance  durant  plusieurs  jours. 

Après  avoir  indiqué  les  analogies,  il  faut  faire  ressortir 
les  différences.  Elles  sont  nombreuses,  péremptoires  et  de 
fait,  le  plus  souvent,  rien  n'est  plus  simple,  en  s'aidant  de 
ces  caractères  presque  toujours  présents,  que  de  rapporter 
la  contracture  hystérique  à  sa  véritable  origine. 

1°  Remarquez  en  premier  lieu,  Messieurs,  l'absence  de 
paralysie  faciale  et  de  déviation  de  la  langue,  lorsque  celle- 


latérale  est  un  irait  commun.  Toutefois,  sa  présence  dans  des  cas  de  con- 
tracture hystérique,  terminée  brusquement  par  la  guérison,  montre  qu'elle 
ne  saurait  être  rattachée  toujours  à  l'existence  d'une  lésion  matérielle  appré- 
ciable des  faisceaux  latéraux.  (Dubois,  loc.  cit.  —  Charcot  et  Joffroy. 
Arch.  de  Physiologie,  1869,  p.  632  et  suiv.  —  Charcot,  Leçons  sur  les  Mala- 
dies du  Système  nerveux,  lre  édition,  1872-1873,  pp.  218,  307,  319.) 

Tout  récemmment,  M.  Westphal  et  M-  Erb  ont  consacré  chacun  à  l'étude 
de  ces  symptômes,  un  travail  accompagné  de  vues  physiologiques  ingénieuses. 
Suivant  ces  auteurs,  la  trépidation  provoquée  du  pied  (laquelle  est  désignée 
par  M.  "Westphal  sous  le  nom  de  Fiisphânomen),  serait  un  phénomène  ré- 
flexe ayant  son  point  de  départ  dans  les  tendons.  (CE.  Erb.  Sehnenreflexe 
lei  Gesunden  und  bei  Rûchenmarksltranken.  InArchiv  fur  Psychiatrie  IV  Bd, 
3e  hest.,  p.  792,1875,  —  G.  Westphal.  Ueber  einige  Bewegungs-Ersclieimungen 
an  gelâhmten  Gliedern.  —  Même  recueil,  p.  883.  —  W.  Erb.  Ueber  einen 
wenig  bekannten  spinalen  Symptomencomplex.  In  Berliner  Klin.  Woschens- 
chrift.  1875,  n°  26.) 

Dans  quelques  cas  de  paralysie  des  membres  supérieurs,  lorsqu'il  s'agit 
par  exemple  d'une  hémiplégie  consécutive  à  une  lésion  de  la  capsule  interne, 
et  que  la  contracture  permanente  n'est  pas  trop  accentuée,  on  réussit  à  pro- 
duire en  redressant  vivement  les  doigts,  un  tremblement  spasmodique  de 
la  main  en  tout  semblable  à  la  trépidation  provoquée  du  pied.  (J.-M.  C). 


CARACTÈRES  DE  LA  CONTRACTURE  HYSTÉRIQUE.     351 

ci  est  tirée  hors  de  la  Louche.  Vous  savez  que  ces  phéno- 
mènes existent  au  contraire  toujours  à  un  certain  degré 
dans  l'hémiplégie,  par  lésion  en  foyer  du  cerveau  (1). 

2°  Notez  ensuite  l'existence  d'une  analgésie  et  même 
d'une  anesthésie  pour  ainsi  dire  absolue,  étendue  à  toute 
la  moitié  du  corps,  répondant  au  côté  paralysé,  occupant 
par  suite  la  face,  le  tronc,  etc.  Cette  altération  de  la  sensi- 
bilité intéresse  non-seulement  la  peau,  mais  encore  les 
muscles  et  peut-être  les  os  ;  elle  s'arrête  exactement  à  la 
ligne  médiane. 

Cette  sorte  de  généralisation  de  l'anesthésie  à  tout  un 
côté  du  corps,  tête,  tronc  et  membres,  cette  limitation,  en 
quelque  sorte  géométrique,  des  parties  anesthésiées  par  un 
plan  vertical  qui  divise  le  corps  en  deux  moitiés  égales,  ap- 
partiennent pour  ainsi  dire  en  propre  à  l'hystérie  (2).  Quoi 
qu'il  en  soit,  ce  symptôme  ne  s'observe  que  très-rarement 
dans  Yhémiplégie  de  cause  cérébrale,  et  s'il  s'agissait  de 
Y  hémiplégie  spinale,  c'est-à-dire  résultant  de  la  lésion  d'une 
moitié  unilatérale  de  la  moelle  épinière,  l'anesthésie,  ainsi 
que  l'a  montré  M.  Brown-Séquard,  occuperait  le  côté  du 
corps  opposé  à  la  paralysie  motrice. 

3°  Nous  avons  à  relever  eneore  bien  d'autres  caractères 
distinctifs.  La  malade  est  intelligente  et  rien  n'autorise  à 
suspecter  sa  sincérité  ;  elle  peut  dont  nous  renseigner  d'une 
façon  véridique  sur  le  mode  d'évolution  de  son  affection. 
Voici,  en  quelques  mots,  son  histoire. 

Il  n'y  aurait  pas  eu  chez  elle,  semble-t-il,  d'antécédents 


(1)  Suivant  M.  Hasse  [Eandl  dcrPatJiol,  etc.,  2  Aufiag.  Erlangen,  18G9), 
on  devrait  à  M.  Althaus  d'avoir  signalé  l'absence  de  la  paralysie  faciale  et 
de  la  déviation  de  la  bouche  et  de  la  langue  dans  l'hémiplégie  hystérique. 
Il  n'en  est  rien  ;  ce  caractère  se  trouve  déjà  mis  en  relief  dans  les  Leçons 
sur  le  système  nerveux  de  B..  B.  Todd. 

(2)  Voir  la  Leçon  X,  sur  YHémianesthésie. 


352     CARACTÈRES  DE  LA  CONTRACTURE  HYSTÉRIQUE. 

hystériques.  La  maladie  a  débuté  à  34  ans,  après  une  vio- 
lente secousse  morale ,  par  une  attaque  avec  perte  de  con- 
naissance. Cette  attaque,  selon  toute  vraisemblance,  a  pris 
la  forme  épileptique  de  l'hystérie.  Etch...,  en  effet,  pen- 
dant l'accès  est  tombée  dans  le  feu,  et  elle  porte  sur  la  fi- 
gure des  traces  de  la  brûlure  qu'elle  s'est  faite  dans  cette 
circonstance.  De  nouvelles  attaques,  tantôt  franchement 
hystériques,  tantôt  prenant  quelques-uns  des  aspects  de 
l'épilepsie,  sont  survenues,  à  plusieurs  reprises,  durant  les 
années  suivantes  ;  mais  c'est  à  40  ans  que  sont  apparus  les 
symptômes  permanents  de  l'hystérie  que  nous  avons  à  étu- 
dier aujourd'hui.  Nous  devons  indiquer  au  milieu  de  quel 
concours  de  circonstances  ils  se  sont  développés,  car  nous 
trouvons  là  quelques  traits  caractéristiques. 

a)  Les  règles,  jusque-là  régulières,  se  dérangent  ;  la  ma- 
lade a  de  temps  en  temps  des  vomissements  de  sang  (1)  ;  son 
ventre  est  le  siège  d'un  ballonnement  considérable  avec 
douleur  vive  à  la  pression  de  la  région  ovarienne  gauche, 
douleur  d'un  caractère  spécial,  s'accompagnant  de  sensa- 
tions particulières  qui  s'irradiaient  vers  la  région  épigas- 
trique  et  que  la  malade  reconnaissait  comme  précédant  la 
plupart  de  ses  attaques.  Ces  douleurs,  comme  d'ailleurs  le 
ballonnement  et  la  rétention  d'urine,  existent  encore  au- 
jourd'hui. 

&)  Presque  en  même  temps,  Etch...  est  affectée  d'une  ré- 
tention d'urine  persistante,  qui  nécessite  habituellement  le 
cathétérisme. 

c)  Les  choses  en  étaient  là  lorsque,  en  octobre  1868,  sur- 
vient une  attaque  très-intense,  accompagnée  de  convulsions 


(l)  C'est  là  un  accident  fréquent  chez   les    hystériques  lorsque  la   mens- 
truation est  notablement  troublée. 


CARACTÈRES   DE   LA  CONTRACTURE   HÉMIPLÉGIQUE.        353 

et  suivie  d'un  état  apoplectiforme  avec  respiration  sterto- 
reuse;  c'est  alors  que  débuta  tout  à  coup  Y  hémiplégie. 

Eli  bien,  Messieurs,  ce  ballonnement  considérable  du 
ventre,  ces  douleurs  de  la  région  ovarienne,  cette  ré- 
tention des  urines,  constituent  un  ensemble  de  symptômes 
dont  l'importance,  au  point  de  vue  du  diagnostic,  est  à  peu 
près  décisive.  Rien  de  semblable  ne  s'observe  dans  les  pro- 
dromes des  hémiplégies  de  cause  cérébrale,  et  il  est  au  con- 
traire très-habituel  de  voir  ces  symptômes  précéder  l'appa- 
rition des  phénomènes  permanents  de  l'hystérie  :  hémiplé- 
gie ou  paraplégie.  C'est  un  point  que  M.  Briquet  n'a  pas 
manqué  de  faire  ressortir;  on  le  trouve  également  relevé 
comme  il  convient,  du  moins  en  ce  qui  concerne  la  para- 
plégie hystérique,  par  M.  Laycock,  dans  les  termes  suivants  : 
«  La  paralysie  plus  ou  moins  prononcée  des  extrémités  in- 
férieures, dans  l'hystérie,  est  toujours  accompagnée  —  il 
aurait  pu  ajouter  :  «  et  précédée  »  —  par  un  degré  corres- 
pondant de  perturbation  dans  les  fonctions  des  organes 
pelviens  ;  cette  perturbation  se  traduit  par  la  constipation, 
la  tympanite,  la  paralysie  vésicale,  l'accroissement  ou  la 
diminution  de  la  sécrétion  urinaire,  l'irritation  ovarienne 
ou  utérine,  etc.  (1).  » 

d)  Lorsque  Etch...  est  entrée  à  la  Salpétrière,  il  y  a  un 
an  (juin  1869),  l'hémiplégie  datait  déjà  de  sept  ou  huit 
mois.  Indépendamment  de  toutes  les  particularités,  si  carac- 
téristiques, qui  viennent  d'être  rappelées,  l'état  des  mem- 
bres paralysés  pouvait,  lui  aussi,  être  invoqué  en  faveur  de 
l'origine  hystérique  de  la  paralysie.  Ainsi,  tandis  que  le 
membre  supérieur  était  dans  un  état  de  flaccidité  complète, 
absolue,  le  membre  inférieur  présentait  au  genou  une  rigi- 
dité très-marquée.  Ce  serait  là  une  anomalie  considérable 
dans  un  cas  d'hémiplégie  consécutive  à  une    lésion  céré- 


(l)   Treatise  onthe  nervous  Diseases  of  Women,  Loiidon,  1840,  p.  2-40. 
Charcot,  t.  i,  3e  éd.  23 


354  FORME  PARAPLÉGIQUE. 

brale,  car,  en  pareil  cas,  la  rigidité  tardive  se  manifeste 
toujours  de  préférence  dans  le  membre  supérieur. 

é)  La  contracture,  qui,  aujourd'hui,  occupe  le  membre 
supérieur,  remonte  à  quelques  mois  seulement,  et  elle  s'est 
développée  tout  à  coup,  sans  transition,  à  la  suite  d'une 
attaque.  Ce  n'est  pas  de  la  sorte,  vous  le  savez,  que  pro- 
cède la  contracture  tardive  dans  l'hémiplégie  due  à  l'hé- 
morrhagie  ou  au  ramollissement  du  cerveau  ;  constam- 
ment, dans  ce  dernier  cas,  la  contracture  s'établit  lente- 
ment, d'une  manière  progressive. 

Ainsi,  Messieurs,  en  tenant  compte  de  toutes  les  cir- 
constances qui  viennent  d'être  énumérées,  rien  n'est  plus 
facile  que  de  reconnaître  chez  Etch....  la  véritable  cause  du 
mal.  Il  en  sera  de  même  encore  dans  le  fait  suivant,  qui  est 
relatif  à  un  cas  de  paraplégie  hystérique  (1). 


II. 


Alb ,  âgée  de  21  ans,  enfant  trouvé,   est  atteinte 

depuis  deux  ans  environ  d'une  contracture  permanente 
des  membres  inférieurs,  qui  sont,  comme  vous  pouvez  le 
constater,  dans  l'extension  et  tout  à  fait  rigides.  De  même 
que  chez  Etch...,  la  contractilité  musculaire  n'est  pas 
amoindrie.  Les  membres  sont  amaigris,  mais  d'une  façon 
générale,  et  cet  amaigrissement  tient  à  ce  que  la  malade 
est  affectée  de  vomissements  presque  incoercibles  qui 
l'empêchent  de  s'alimenter  suffisamment.  On  note,  en 
outre,  une  analgésie  à  peu  près  complète  des  membres  pa- 
ralysés. 


(l)  Il  a  déjà  été  question  de  cette  malade  dans  la  Leçon  XI,  p.  345.  — 
On  trouvera  son  histoire  complète  dans  les  Recherches  cliniques  et  théra- 
peutiques sur  Vépilepsk  et  V  hystérie  >  p.  151. 


CONTRACTURE  HYSTÉRIQUE  !  PRONOSTIC.  355 

Voici  maintenant  des  circonstances  vraiment  décisives 
qui  permettent  d'établir  le  diagnostic. 

a)  Alb....  a  des  attaques  hystériques  depuis  l'âge  de 
16  ans  ;  —  &)  elle  est  atteinte,  depuis  quatre  ans,  d'une  ré- 
tention d'urine  réclamant  ordinairement  le  cathétérisme  ; 

—  c)  elle  présente  un  ballonnement  énorme  de  l'abdomen  ; 

—  d)  les  régions  ovariennes  sont  douloureuses  à  la  pression, 
et,  en  insistant  un  peu  dans  l'exploration,  on  ne  tarderait 
pas  à  provoquer  une  attaque  hystérique  ;  —  e)  la  contrac- 
ture des  membres  inférieurs  est  survenue  tout  d'un  coup, 
sans  transition,  et  c'est  là  un  point  que  nous  avons  fait 
ressortir  déjà  dans  l'observation  précédente.  Or,  de  sem- 
blables symptômes  ne  s'observent  pas  dans  la  progression 
de  la  sclérose  des  cordons  latéraux.... 

III. 

Ainsi,  Messieurs,  rien  de  plus  simple,  je  le  répète,  que 
l'interprétation  clinique  de  ces  deux  cas,  en  ce  qui  con- 
cerne le  diagnostic.  Mais  voici  le  point  où,  dans  ces  cas 
mêmes  et  dans  les  cas  analogues,  des  difficultés  sérieuses 
peuvent  surgir  ? 

Qu'adviendra-t-il  de  ces  malades  ?  Depuis  deux  ou  trois 
ans,  la  paralysie  avec  contracture  a  persisté,  chez  elles, 
sans  amendement.  Cette  contracture  pourra-t-elle  se  ré- 
soudre quelque  jour,  ou,  au  contraire,  doit-elle  persister 
indéfiniment  et  constituer  de  la  sorte  une  infirmité  incu- 
rable ?  Yoilà  des  questions  que  nous  devons  poser  sans 
nous  engager,  toutefois,  à  y  répondre  d'une  façon  catégo- 
rique. 

À.  Il  est  possible  que,  malgré  sa  longue  durée,  cette  con- 
tracture disparaisse  sans  laisser  de  traces,  demain  peut- 
être,  dans  quelques  jours,  dans  un  an;  on  ne  peut  rien 
préjuger  à  cet  égard.  En  tout  cas,  si  la  guérison  a  lieu, 


356 


EXEMPLES  DE   GUERISON. 


elle  pourra  être  soudaine  (1).  Du  jour  au  lendemain,  tout 
peut  rentrer  dans  l'ordre  ;  et  s'il  se  trouve  qu'à  cette  épo- 


Fig.  23.  —  Contracture  hystérique  du  membre  inférieur  droit. 

que  la  diathèse  hystérique  soit  épuisée,  ces  malades  re- 
prendront la  vie  commune. 


(l)  «  Une  femme  sera  restée  confinée  au  lit  pendant  plusieurs  mois,  tout 
à  fait  incapable  de  se  servir  de  ses  membres  inférieurs;  le  médecin  aura 
abandonné  tout  espoir  de  lui  être  secourable,  lorsque,  tout  à  coup,  sous  l'in- 
fluence d'une  cause  morale  puissante,  on  la  verra  sortir  de  son  lit  «  non  Ion- 


SOUDAINETÉ   DE   LA  GUÉRISON.  357 

À  ce  propos,  Messieurs,  je  ne  puis  pas  ne  point  m'arrê- 
ter  un  instant  devant  ces  guérisons  rapides,  inespérées 
souvent,  d'un  mal  qui,  pendant  si  longtemps,  se  sera  fait 
remarquer  par  sa  ténacité  et  par  sa  résistance  à  tous  les 
agents  thérapeutiques.  Une  émotion  morale  vive,  un  en- 
semble d'événements  qui  frappent  fortement  l'imagination, 
la  réapparition  des  règles  depuis  longtemps  suppri- 
mées, etc.,  sont  fréquemment  l'occasion  de  ces  promptes 
guérisons. 

J'ai  vu  dans  cet  hospice  trois  cas  de  ce  genre,  que  je  vous 
demande  la  permission  de  résumer  brièvement. 


ger  the  victim  of  nerves  but  to  vanquisher,  «  comme  dit  Thomas  Carlyle,  et 
se  mettre  à  marcher  tout  aussi  hien  que  si  elle  u'eut  jamais  été  atteinte  de 
paraplégie.  C'est  là  une  des  terminaisons  de  la  paraplégie  hystérique  que  le 
médecin  ne  doit  pas  perdre  de  vue  et  qui  montre  bien  le  danger  qu'il  y  au- 
rait pour  lui  à  décréter  l'incurabilitédans  les  cas  de  ce  genre.  »  ;Th.  Laycok, 
A  Treatise  on  the  nervous  Diseases  of  Wo  m  en. honùon,  1840,  p.  289.)  (Note 
de  la  lro  édition.) 

—  Cette  prévision,  s'est  réalisée  cette  année  même  pour  la  première  des 
deux  malades  auxquelles  il  est  fait  allusion  dans  ce  passage,  souligné  dans 
la  première  édition.  La  situation  d'Etchv.  ...  à  la  date  du  21  mai,  pouvait 
se  résumer  ainsi  qu'il  suit  :  rétention  d'urine,  avec  période  d'ischurie,  de- 
puis neuf  ans,  —  contracture  du  membre  inférieur  droit ,  —  contracture  des 
membres  du  côté  gauche  datant  de  six  ans  ;  —  contracture  des  mâchoires 
nécessitant  l'emploi  de  la  sonde  œsophagienne,  et  qui  remontait  à  près 
d'une  année  ;  —  aphonie  qui  durait  depuis  dix  mois.  Le  22  mai,  à  7  h.  1/4 
du  soir,  attaque  marquée  surtout  par  de  l'oppression,  une  contracture  des 
muscles  du  cou  à  gauche,  lesquels  portent  le  menton  derrière  l'épaule  gauche. 
La  malade  n'a  pas  perdu  connaissance,  elle  croit  qu'elle  va  mourir;  elle 
crie,  la  contracture  des  mâchoires  a  disparu.  Elle  s'agite,  on  cherche  à  la 
contenir  :  avec  son  bras  droit  devenu  libre,  elle  repousse  ceux  qui  la 
tiennent.  Elle  veut  aller  à  la  fenêtre  pour  avoir  de  l'air  ;  comme  on  s'y 
oppose,  sa  colère  augmente  et,  sous  cette  influence,  on  voit  cesser  successi- 
vement la  contracture  de  la  jambe  droite,  puis  celle  de  la  jambe  gauche, 
enfin  celle  du  bras  gauche.  On  laisse  Etch...  se  lever;  elle  marche: 
à  8  heures  la  ffuérison  était  complète,  ou  peu  s'en  faut.  Dès  le  lendemain, 
la  sécrétion  urinaire  était  redevenue  normale  (Planche  X).  L'amblyopie, 
l'anesthésie,  n'ont  disparu  complètement  qu'au  bout  de  quelques  jours,  et  la 
malade  n'a  conservé,  comme  trace  de  sa  contracture  permanente,  que  quel- 
ques craquements  dans  les  jointures. principalement  celles  du  membre  inférieur 
gauche.  Finalement,  les  seuls  vestiges  des  anciens  accidents  sont  aujour- 
d'hui des  craquements,  d'ailleurs  peu  prononcés,  se  montrant  dans  les  join- 
tures des  membres  autrefois  contractures.  (B.)  {Note  de  la  3e  édition.) 


358  SOUDAINETÉ   DE  LA.  GUÉRÏSON. 

1°  Dans  le  premier  cas,  il  s'agissait  de  la  contracture 
d'un  membre  inférieur  [Fig.  23)  datant  de  quatre  ans  au 
moins.  En  raison  de  l'inconduite  de  la  malade,  je  fus 
obligé  de  lui  adresser  une  vigoureuse  semonce  et  de  lui 
déclarer  que  je  la  renvoyais.  Dès  le  lendemain,  la  contrac- 
ture avait  entièrement  cessé.  Ce  fait  est  d'autant  plus  im- 
portant que  l'hystérie  convulsive  n'existait  plus  que  dans  les 
souvenirs  de  cette  femme.  Depuis  deux  ou  trois  ans,  la  con- 
tracture était  la  seule  manifestation  de  la  grande  névrose. 

2°  Le  second  cas  concerne  une  femme  également  atteinte 
d'une  contracture  limitée  à  un  seul  membre.  Les  crises 
hystériques  proprement  dites  avaient  depuis  longtemps  dis- 
paru. Cette  femme  fut  accusée  de  vol  :  la  contracture  qui 
avait  duré  plus  de  deux  ans  se  dissipa  tout  à  coup  à  l'occa- 
sion de  l'ébranlement  moral  que  produisit  cette  accusation. 

3°  Dans  le  troisième  cas,  la  contracture  avait  pris  la 
forme  hémiplégique  ;  elle  affectait  le  côté  droit  et  était  sur- 
tout prononcée  au  membre  supérieur.  La  guérison  survint 
presque  tout  à  coup,  dix-huit  mois  après  le  début,  à  la  suite 
d'une  vive  contrariété.  Il  n'y  avait  pas  alors  d'anesthésie; 
la  malade,  tout  en  avouant  avoir  éprouvé  des  troubles  ner- 
veux bizarres,  niait  l'existence  passée  de  véritables  atta- 
ques hystériques. 

Il  faut  bien  connaître,  Messieurs,  la  possibilité  de  ces 
guérisons  qui,  aujourd'hui  encore,  font  crier  au  miracle, 
mais  dont  les  charlatans  seuls  se  font  gloire.  Avant  notre 
siècle,  ces  faits-là  étaient  souvent  invoqués  lorsqu'il  s'agis- 
sait d'établir  devant  les  plus  incrédules  l'influence  du  sur- 
naturel en  thérapeutique.  A  ce  point  de  vue,  vous  lirez  avec 
intérêt  un  article  publié  dans  la  Revue  de  philosophie  po- 
sitive (1er  avril  1869,  par  le  vénérable  M.  Littré  (1).  Je  fais 

(l)  La  Philosophie  positive,  Revue,  etc.,  t.  V,  1869,  p.  103. 


CONTRACTURES  INCURABLES.  3o9 

allusion  à  un  écrit  intitulé  :  Un  fragment  de  médecine  ré- 
trospective (Miracles  de  Saint-Louis),  et  dans  lequel  on 
trouve  l'histoire  de  plusieurs  cas  de  paralysie  guérie  après 
des  pèlerinages  faits  à  Saint-Denis,  au  tombeau  où  les  restes 
du  roi  Louis  IX  venaient  d'être  déposés.  Trois  de  ces  cas 
surtout  sont  intéressants  pour  nous,  à  cause  de  la  précision 
des  détails.  Ils  se  rapportent  à  des  femmes,  jeunes  encore, 
frappées  subitement  de  contracture  de  l'un  des  membres  in- 
férieurs ou  des  deux  membres  du  même  côté  du  corps,  les- 
quels présentaient  en  outre  une  anesthésie  considérable. 
Chez  ces  femmes,  la  guérison  était  survenue  tout  d'un  coup, 
au  milieu  de  circonstances  bien  propres  à  émouvoir  l'ima- 
gination. Vous  voyez,  Messieurs,  que  les  choses  on  peu 
changé  depuis  la  fin  du  xm°  siècle  (1). 

B.  Mais  si  la  guérison  de  ces  malades  est  possible,  vrai- 
semblable même,  elle  n'est  pas  nécessaire,  et  il  peut  se 
faire  que  la  contracture  persiste  à  titre  d'infirmité  incura- 
ble. Voilà  une  assertion  qu'il  ne  me  sera  pas  difficile  de 
justifier.  Mais,  permettez- moi  de  vous  faire  remarquer 
tout  d'abord  que  vous  ne  trouverez,  sur  ce  sujet,  dans  la 
plupart  des  auteurs,  que  des  assertions  vagues,  incertaines, 
vraiment  peu  satisfaisantes. 

a)  Je  vous  présente  une  femme,  âgée  maintenant  de 
55  ans  et  qui,  il  y  a  dix-huit  ans,  fut  prise  à  la  suite  d'une 
attaque  hystérique  de  la  paraplégie  avec  contracture,  dont 
vous  pouvez  encore  aujourd'hui  reconnaître  les  principaux 
caractères.  La  contracture,  à  l'origine,  s'amendait  de  temps 
à  autre  temporairement.  Mais  depuis  plus  de  seize  ans,  elle 
n'a  jamais  subi  la  moindre  modification  ;  il  s'agit  ici  d'une 


(1)  Bien  peu  changé,  en  elTet,  car  les  guérisons  prétendues  miraculeuse?, 
dont  on  a  voulu  faire  tant  de  bruit  dans  ces  derniers  temps,  ne  diffèrent  par 
aucun  caractère  appréciable  des  miracles  de  saint  Louis.  C'est  ce  dont  on 
pourra  se  convaincre  par  la  lecture  de  l'ouvrage  qu'a  récemment  publié 
M.  Diday,  sous  ce  titre  :  Examen  médical  des  miracles  de  Lourdes.  Paris 
1873.  (B.) 


360 


SCLEROSE   DES  CORDONS  LATERAUX. 


véritable  rigidité  des  muscles  avec  prédominance  de  l'action 
des  extenseurs  et  des  adducteurs  ;  même  après  seize  ans 
d'immobilité  des  membres  inférieurs,  les  parties  ligamen- 
teuses n'y  sont  pour  rien,  du  moins  aux  genoux,  ainsi 
qu'une  exploration  faite  alors  que  la  malade  avait  été  sou- 


Fig.  n 


Contracture  hystérique  des  deux  membres  inférieurs. 


mise  à  l'anesthésie  du  chloroforme  nous  a  permis  de  le  vé- 
rifier. Seule,  la  déformation  des  pieds,  qui  rappelle  celle  du 
varus  équin,  ne  s'est  point  modifiée  pendant  le  sommeil 
chloroformique.  Les  muscles  des  jambes  et  des  cuisses  sont 
notablement  atrophiés  ;  la  contractilité  faradique  y  est 
amoindrie.  Depuis  plusieurs  années,  l'hystérie  paraît  com- 


SCLÉROSE   DES  CORDONS   LATÉRAUX.  361 

plétement  épuisée  chez  cette  femme,  et  il  est  devenu  fort 
peu  probable  qu'aucun  événement  puisse,  chez  elle,  rien 
changer  désormais  à  l'état  des  membres  inférieurs 
(Fig.2f)(l). 

V)  Quelle  condition  est  donc  survenue  et  a  entretenu 
ainsi  l'existence  de  cette  paraplégie  avec  rigidité  des  mem- 
bres ?  Evidemment,  dans  les  cas  récents  de  contrac- 
ture hystérique,  la  modification  organique,  quelle  qu'elle 
soit,  quelque  siège  quelle  occupe,  qui  produit  la  rigidité 
permanente,  est  très-légère,  très-fugace,  puisque  les  symp- 
tômes qui  lui  correspondent  peuvent  disparaître  tout  à 
coup,  sans  transition.  Il  est  certain  qu'avec  les  moyens 
d'investigation  dont  nous  disposons  aujourd'hui,  la  nécros- 
copie  la  plus  minutieuse  ne  serait  pas  en  état  de  retrouver, 
en  pareil  cas,  les  traces  de  cette  altération.  Mais  en  est-il 
de  même  dans  les  cas  invétérés  '?  Non,  Messieurs  ;  je  crois 
pouvoir  avancer,  en  me  fondant  sur  la  connaissance  d'un 
fait  analogue,  que,  chez  cette  femme,  il  s'est  produit,  à  une 
certaine  époque,  une  lésion  scléreuse  des  cordons  latéraux 
lésion  que  la  nécroscopie  permettrait  actuellement  de  re- 
connaître. 

Il  m'est  arrivé,  en  effet,  d'observer  une  fois,  chez  une 
femme  hystérique,  atteinte,  depuis  une  dizaine  d'années. 
de  contracture  des  quatre  membres,  et  dont  le  début  avait 
été  subit,  une  sclérose  qui  occupait  symétriquement,  et  à 
peu  près  dans  toute  la  hauteur  de  la  moelle,  les  cordons 
latéraux.  À  diverses  reprises,  cette  femme  avait  vu  la  con- 
tracture céder  temporairement,  mais  après  un  dernier  ac- 
cès, celle-ci  était  devenue  définitive  (2\ 


(1)  Voir  l'observation  complète  de  cette  malade  à  la  page  53  de  notre  mé- 
moire intitulé  :  De  la  contracture  hystérique  permanente  ou  Appréciation 
scientifique  des  miracles  de  saint  Louis,  de  saint  Mcdard,  etc.  (B.) 

(2)  Société  médicale  des  Hôpitaux.  Séance  du  25  janvier  1865. 

De  même  que,  parfois,  ou  observe  une  lésion  spinale  anatomiquement 
appréciable  dans  les  cas  invétérés  de  contracture  hystérique,  de  même  aussi 


362  CONTRACTURE  HYSTÉRIQUE  :  PHYSIOLOGIE  PATHOLOGIQUE. 

Des  faits  qui  précèdent  (1),  il  est  sans  doute  légitime  de 
tirer  quelques  inductions  relatives  à  la  physiologie  patho- 
logique de  la  contracture  hystérique.  D'après  les  considé- 
rations que  nous  avons  émises,  les  cordons  latéraux,  ou 
tout  au  moins  leur  partie  postérieure  —  celle  qui  tient  sous 
sa  dépendance  la  contracture  permanente  dans  les  cas  de 
sclérose  en  plaques  ou  fasciculée  —  ces  cordons,   dis-je, 

les  troubles  de  la  vision  peuvent  quelquefois  s'accompagner  de  lésions  du 
fond  de  l'oeil  que  l'oplithalmoscope  fait  reconnaître.  Un  élève  de  la  Salpé- 
trière, M.  A.  Svynos,  a  consigné  dans  sa  thèse  inaugurale  {Des  amblyopies 
et  des  amauroses  hystériques  ;  Paris,  juillet  1873)  à  peu  près  tout  ce  qui  a 
trait  à  ce  sujet.  Il  a,  en  particulier,  décrit  tout  au  long  les  phénomènes 
ophthalmoscopiques,  recueillis  à  plusieurs  reprises    chez  Etchev.  .  . 

Pendant  longtemps,  chez  cette  malade,  dont  il  a  été  question  à  diverses 
reprises  Leçon  IX,  p.  275;  Leçon  XI,  p.  345),  on  n'avait  découvert  sur  le 
fond  de  l'œil  gauche,  frappé  d'amblyopie  hystérique,  aucune  lésion  ;  mais, 
un  dernier  examen  pratiqué  le  20  mars  1873  par  M.  Galezowski  a  fait  re- 
connaître les  altérations  suivantes  :  1°  la  papille  est  uniformément  rouge 
dans  toute  son  étendue,  phénomène  qui  est  la  suite  d'une  congestion  papil- 
laire  ;  — 2°  les  contours  de  la  papille  sont  effacés,  troubles,  en  raison  d'une 
exsudation  séreuse  diffuse  qui  s'étend  sur  la  rétine  le  long  des  vaisseaux  ; 
—  3°  la  branche  principale  de  l'artère  centrale  qui  se  distribue  dans  la  partie 
inférieure  de  la  rétine  présente  une  dilatation  fusiforme,  tandis  que,  près  de 
la  papille,  elle  paraît  être  en  état  de  contraction  spasmodique. Selon  M.  Ga- 
lezowski, «  il  y  a  lieu  de  supposer  que  tous  ces  désordres  sont  dus  à  la  con- 
traction spasmodique  des  artères,  par  places  et  à  leur  dilatation  dans  d'autres 
endroits.  De  là  des  congestions  papillaires  sur  certains  points  et  des  anémies 
sur  d'autres,  ce  qui  amène  une  infiltration  séreuse  péri-papillaire.  »  (B.)  — 
Voir  aussi  l'observation  rapportée  par  M.  Bonnefoy  dans  le  Mouvement  mé- 
dical (1873,  p.  276).  {Note  de  la  lre  édition.) 

Chez  toutes  les  malades  atteintes  d'amblyopie  hysté'riyue  }exara\nées  récem- 
ment par  M.Landolt  à  la  Salpétrière,  le  champ  visuel  pour  le  blanc  et  pour 
les  couleurs  est  rétréci  concentriquement,  même  dans  les  cas  où  l'acuité 
visuelle  et  la  perception  centrale  des  couleurs  sont  normales  dans  l'œil  du 
côté  non  anesthésié.  Toutes  les  fonctions  de  la  rétine  de  l'œil  du  côté  malade 
ont  diminué  proportionnellement.  Pour  les  détails  relatifs  au  rétrécissement 
du  champ  visuel  pour  les  couleurs,  chez  les  hystériques,  voir  la  Planche  IX, 
Fig.  2 y  qui  représente  les  phénomènes,  observés  chez  Marc...  et  les 
détails  qui  l'accompagnent.  {Note  de  la  2°  édition.) 

(l)  Aux  observations  rappelées  par  M.  Charcot,  il  convient  d'ajouter  la 
suivante  recueillie  à  la  Salpétrière  dans  son  service  et  qui  confirme  en  tous 
points  son  enseignement- 

Berthe  Chat.  .  .,  âgée  de  dix-huit  ans  et  demi  (juillet  1873),  a  été  sujette 
depuis  son  enfance  jusqu'à  douze  ans  à  des  épistaxis  survenant  toujours  par 
la  narine  droite,  et  de  douze  ans  jusqu'à  quinze  ans  à  des  céphalalgies  à 
peu  près  mensuelles.  A  quinze  ans,  sans  cause  connue,  en  dehors  de  toute  in- 


CONTRACTURE   HYSTÉRIQUE   :   PRONOSTIC.  363 

sont  désignés  comme  étant  le  siège  de  modifications  orga- 
niques, d'abord  temporaires,  et  qui  donneraient  lieu  aux 
contractures  hystériques.  A  la  longue,  ces  modifications, 
quelles  qu'elles  soient,  font  place  à  des  altérations  maté- 
rielles plus  profondes:  une  sclérose  véritable  s'établit. 
Peut-être  n'est-elle  pas  au-dessus  des  ressources  de  l'art  ; 
mais,  dans  tous  les  cas,  elle  ne  permet  très-certainement 
plus  d'espérer  cette  brusque  disparition  des  contractures  qui 
constitue  un  des  caractères  les  plus  frappants  de  la  mala- 
die lorsqu'elle  n'estpas  parvenue  encore  aux  phases  les  plus 
avancées  de  son  évolution. 


fluence  héréditaire  appréciable,  elle  eut  tout  à  coup  une  attaque  convulsive 
avec  perte  de  connaissance.  Rares  pendant  la  seizième  et  la  dix-septième 
année,  les  attaques  se  sont  multipliées  dans  le  cours  de  la  dix-huitième 
année.  Les  unes,  appartenant  à  l'hystérie  simple,  reviennent  tous  les  deux 
ou  trois  mois;  les  autres  relevant  de  I'hystéro-épihpsie  se  montrent  assez  ré- 
gulièrement tous  les  mois.  L'apparition  des  règles  (janvier  1873)  n'a  pas  mo- 
difié, d'une  façon  appréciable,  la  fréquence  et  les  caractères  des  convulsions. 

Au  moment  de  son  entrée  à  la  Salpétrière  (sept.  1872),  cette  jeune  fille 
présentait  à  droite  :  1°  une  hémianesthésie  complète  ;  2°  del'hyperesthésie 
de  l'ovaire. 

8  octobre.  A  la  suite  d'une  attaque  accompagnée  de  délire  pendant  douze 
heures  environ,  contracture  du  membre  inférieur  droit  avec  pied  bot  varus 
équin  ;  la  contracture  se  complique  d'un  tremblement  presque  constant  (e'pi- 
îepsie  spinale).  —  Du  10  au  25  octobre,  la  situation  reste  la  même,  malgré 
l'apparition  d'un  accès  hystéro-épileptique. 

30  octobre.  Crises  convulsives  dans  lesquelles  l'hystérie  prédomine. Durant 
la  deuxième  crise,  les  personnes  qui  maintenaient  la  malade,  de  peur  qu'elle 
ne  se  blessât,  ont  senti  la  jambe  droite,  qui  jusqu'alors  avait  toujours  été 
dans  l'extension,  se  fléchir  brusquement  sur  la  cuisse  et  lorsque  la  malade 
est  revenue  à  elle,  la  contracture  avait  cesssé.  Chat. .  .  a  conservé  pendant 
quelques  jours  un  certain  degré  de  faiblesse  dans  le  membre  inférieur  droit, 
principalement  dans  le  pied  qui  se  renversait  en  dedans. 

Novembre.  Berthe  marche  sans  boiter  ;  le  pied  droit  se  renverse  encore 
quelquefois  en  dedans  et  la  pointe  du  pied  bute,  par  instants,  contre  le  pied 
gauche.  Parfois  aussi,  la  jambe  droite  est  prise  d'un  tremblement  qui  dure 
5  à  6  minutes  et  auquel  succède  une  sorte  d'engourdissement  qui  se  pro- 
longe en  général  pendant  toute  la  journée  :  Alors,  je  ne  sens  plus  ma  jambe, 
dit  la  malade. 

1873.  La  faiblesse  musculaire  a  diminué  progressivement.  Aujourd'hui 
(8  juillet),  Chat.  . .  est  aussi  forte  d'un  côté  du  corps  que  de  l'autre  ;  l'hé- 
mianesthésie  et  la  douleur  ovarienne  droites  n'ont  pas  changé.  Ce  fait  nous 
montre  une  fois  de  plus  que  la  paralysie  hystérique  avec  contracture  peut 
disparaître  subitement  sans  le  secours  d'aucune  intervention.  (B.) 


361  CONTRACTURE   HYSTÉRIQUE  :   PRONOSTIC. 

Existe-t-il  quelque  signe  qui  permette  d'indiquer,  à  coup 
sûr,  le  caractère  du  cas,  de  savoir  par  exempte  si  la  sclé- 
rose a  définitivement  ou  non  élu  domicile  dans  les  cordons 
latéraux?  Je  ne  crois  pas,  Messieurs,  que  l'on  puisse,  dans 
l'état  actuel  de  la  science,  signaler  un  seul  symptôme  qui 
présente  à  cet  égard  une  valeur  pronostique  absolue. 

La  trépidation  convulsive  des  membres  contractures, 
provoquée  ou  survenant  spontanément  (épilepsie  spinale 
tonique),  un  certain  degré  d'émaciation  des  masses  muscu- 
laires, un  peu  d'amoindrissement  dans  l'énergie  de  la  con- 
tractilité  électrique,  ne  devraient  pas,  si  j'en  juge  d'après 
les  observations  qui  me  sont  propres,  faire  désespérer  com- 
plètement de  voir  la  contracture  disparaître  sans  laisser  de 
traces.  Au  contraire,  l'atrophie  limitée  plus  particulière- 
ment à  certains  groupes  de  muscles,  surtout  s'il  s'y  joi- 
gnait des  contractions  fibrillaires,  analogues  à  celles  qu'on 
observe  dans  l'atrophie  musculaire  progressive  ou  un  affai- 
blissement très-notable  de  la  contractilité  faradique,  de- 
vrait faire  supposer  non-seulement  que  les  cordons  laté- 
raux sont  profondément  lésés,  mais  que,  en  outre,  les 
cornes  antérieures  de  la  substance  grise  ont  été  envahies. 
Je  n'ai  observé,  jusqu'à  présent,  ces  derniers  symptômes 
que  dans  des  cas  de  contracture  hystérique  de  date  très- 
ancienne  et  qui  ne  laissaient  plus  guère  d'espoir  de  voir  les 
membres  affectés  reprendre  jamais  leurs  fonctions  nor- 
males. 

J'ajouterai  enfin  que  l'existence  d'une  lésion  organique 
spinale  plus  ou  moins  profonde  serait  mise  à  peu  près 
hors  de  doute  si,  sous  l'influence  du  sommeil  déterminé 
par  le  chloroforme  ,  la  rigidité  des  membres  ne  s'effa- 
çait que  lentement  ou  persistait  même  à  un  degré  pro- 
noncé. 

A  mon  avis,  tant  que  ces  symptômes  ne  sont  pas  nette- 
ment accusés,  il  ne  faut  désespérer  de  rien.  Il  importe, 
d'ailleurs,  de  ne  pas  oublier  que  la  sclérose  latérale,  alors 
même  qu'elle  est  parfaitement  établie,  n'est  pas,  tant  s'en 


PIED   BOT  HYSTÉRIQUE.  365 

faut, j'espère  vous  en  donner  bientôt  la  preuve,  une  affection 
incurable. 

Chez  les  malades  sur  lesquels  je  viens  d'appeler  votre 
attention,  la  contracture  occupait  soit  la  totalité  d'un 
membre,  soit  même  deux  membres,  ou  plus  encore.  Mais 
il  est  des  cas  où  la  rigidité  spasmodique  reste  limitée  à  quel- 
que partie  d'un  membre,  au  pied  par  exemple  et  produit 
une  sorte  àepied  dot  hystérique  (Talipedal  Distorsions  de 
T.  Laycock-.  Tout  récemment  le  docteur  R.  Boddaert  a 
communiqué  à  la  Société  de  médecine  de  Gand  (1)  un  cas 
de  ce  genre  fort  intéressant.  La  contracture  avait  donné 
lieu  à  la  déformation  connue  sous  le  nom  de  pied  bot  varus. 
Des  faits  analogues  ont  été  recueillis  et  publiés  par  le  doc- 
teur Little  (-2),  par  C.  Bell  (3),  par  M.  F.  C.  Skey  (4)  et  par 
quelques  autres  auteurs. 

Si  je  ne  me  trouvais  retenu  par  certaines  convenances, 
je  pourrais,  Messieurs,  rapporter  à  mon  tour  dans  tous  ses 
détails  l'histoire  d'un  cas  qui  rappelle  celui  qu'a  publié 
M.  Boddaert. 

Qu'il  me  suffise  de  vous  dire  qu'une  jeune  fille,  âgée  ac- 
tuellement de  22  ans,  très-nerveuse  et  appartenant  à  une 
famille  où  les  affections  nerveuses  prédominent,  fut  prise, 
il  y  a  trois  ans,  tout  à  coup,  sans  cause  connue  et  sans 
avoir  offert  jusque-là  de  symptômes  caractérisés  d'hystérie, 
d'une  contracture  douloureuse  des  muscles  de  la  jambe 
gauche.  Cette  contracture,  qui  imprime  au  pied  l'attitude 
du  varus  équin  le  plus  accentué,  avait  cédé  d'abord,  pen- 
dant la  première  année,  à  plusieurs  reprises  ;  mais,  depuis 
près  de  deux  ans,  elle  parait  définitive  (juin  1870). 


(l)  Annales  de  la  Société  de  médecine  de  Gand,  1859,  p.  93. 
2    A  Treatise  on  tlxe  Nature  and  Treaiment  of  club  Foot  and  analog.  Dis- 
torsions. London,  '83J,  Case  25. 

(3)  The  nervovs  System  of  the  humait  Body,  3e  édit  1836,  case  177. 

(4^  Hysteria  etc.  Six  Lectures  dilivered    to    the  Students  of  St-Bartholo- 
inew's  Hospital.  186û,  3°  édit.  London,  1870,  p.  102. 


366  CONTRACTURE  HYSTÉRIQUE  ;  AMYOTROPHIE. 

Plusieurs  des  muscles  de  la  jambe  ont  subi  une  atrophie 
profonde  ;  ils  présentent,  en  outre,  des  contractions  fibril- 
laires  très-accusées  et  répondent  mal  aux  excitations  élec- 
triques. Je  crois,  par  conséquent,  qu'il  y  a  peu  de  chances 
de  voir  la  contracture  se  résoudre,  d'autant  plus  qu'elle  ne 
s'amende  que  très-imparfaitement  durant  le  sommeil  pro- 
duit par  le  chloroforme.  Je  signalerai  encore  une  particu- 
larité fort  intéressante,  au  point  de  vue  clinique  :  chez  cette 
jeune  malade,  les  attaques  hystériques  se  sont  manifestées 
seulement  dans  le  courant  des  derniers  mois... 


TREIZIÈME  LEÇON 

De  1  hystéro-épilepsie. 


Sommaire.  —  Hystéro-épilepsie.  — Sens  de  cette  dénomination.  —  Opinions 
des  auteurs.  —  Hystérie  épileptiforme,  hystérie  à  crises  mixtes.  —  Va- 
riétés de  Thystéro-épilepsie  :  hystéro-épilepsie  à  crises  distinctes  :  — 
hystéro-épilepsie  à  crises  combinées  ou  attaques-accès.  —  Différences  et 
analogies  entre  Tépilepsie  et  Thystéro-épilepsie.  —  Signes  diagnostiques 
fournis  par  l'examen  de  la  température  centrale  dans  l'état  de  mal  hystéro- 
épileptique  et  l'état  de  mal  épileptique.  —  Etat  de  mal  hystéro-épilepti- 
que  ;  ses  phases.  —  Caractères  cliniques  de  l'état  de  mal  hystéro-épilep- 
tique.  —  Gravité  de  certains  cas  exceptionnels  dhystéro-épilepsie.  — 
Observation  de  Wunderlich. 


Messieurs, 

Dans  la  courte  description  clinique  que  je  vous  ai  donnée 
à  propos  de  chacune  des  malades  qui  ont  passé  sous  vos 
yeux,  lors  de  nos  dernières  réunions,  j'ai  eu  soin  de  mettre 
en  relief  les  principaux  caractères  que  présentent  les 
attaques  coirvulsives  dont  elles  sont  atteintes. 

Vous  avez  pu  reconnaître  aisément  qu'il  ne  s'agissait  pas 
chez  elles  d'attaques  vulgaires,  rentrant  du  premier  coup, 
sans  discussion,  dans  le  type  classique.  Ce  n'est  pas,  d'ail- 
leurs, seulement  par  l'intensité  que  ces  accidents  convul- 
sifs  se  distinguent,  c'est  encore  par  la  forme  qu'ils  revêtent, 
et,  ce  qui  frappe  le  plus  l'observateur,  témoin  de  ces  atta- 
ques, c'est  de  retrouver  parmi  les  convulsions  cloniques  de 
l'hystérie  certains  traits  plus  ou  moins  prononcés  qui 
rappellent  Yépilepsie. 

De  fait,  la  forme  convulsive,  qui  s'observe  chez  toutes 
ces  femmes,  est  celle  qu'on  a  désignée  dans  ces  derniers 
temps  sous  le  nom  iï  hystéro-épilepsie,  et,  remarquez-le 


368  HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 

bien,  c'est  la  seule  forme  qu'on  rencontre  chez  elles.  Toutes 
ces  femmes  ne  seraient  donc  pas  simplement  des  hysté- 
riques, ce  seraient  des  hystéro-épileptiques.  En  quoi  diffè- 
rent-elles des  hystériques  ordinaires  ?  C'est  là  un  point  sur 
lequel  il  importe  d'être  fixé,  et,  pour  atteindre  ce  but,  je 
vous  demande  la  permission  d'entrer  dans  quelques  déve- 
loppements. 


A  s'en  tenir  aux  termes  mêmes  de  la  dénomination  mise 
en  usage  —  hystéro-épilepsie  —  il  paraît  ne  pouvoir  exis- 
ter aucune  équivoque.  Cela  veut  dire  que  chez  les  malades 
auxquelles  ce  nom  est  affecté,  l'hystérie  se  montre  combi- 
née avec  l'épilepsie,  de  manière  à  constituer  une  forme 
mixte,  une  sorte  d'hybride  composé  mi-partie  d'hystérie  et 
d'épilepsie.  Mais  cette  appellation  répond-elle  à  la  réalité 
des  choses  ?  A  ne  les  regarder  qu'à  la  surface,  il  semble 
en  être  ainsi,  puisque  nous  avons  reconnu  dans  les  attaques 
quelques-uns  des  traits  de  l'épilepsie.  C'est  de  cette  façon, 
du  reste,  que  paraissent  l'entendre  la  plupart  des  auteurs 
modernes.  L'hystéro-épilepsie  serait  pour  eux  un  mélange, 
une  combinaison,  à  doses  variables  selon  les  cas,  des  deux 
névroses  ;  ce  n'est  pas  seulement  l'épilepsie,  ce  n'est  pas 
seulement  l'hystérie  ;  c'est  à  la  fois  l'une  et  l'autre. 

Telle  est,  je  le  répète,  la  doctrine  la  plus  répandue.  Tou- 
tefois, elle  n'est  pas,  tant  s'en  faut,  universellement  accep- 
tée, et  le  camp  des  opposants  est  nombreux  encore.  Là,  on 
se  refuse  à  admettre  la  légitimité  de  cet  hybride,  moitié 
épilepsie,  moitié  hystérie. 

A  la  vérité,  on  ne  nie  pas  que  l'épilepsie  et  l'hystérie  puis- 
sent se  rencontrer  chez  un  même  individu.  L'observation 
la  plus  superficielle  protesterait  contre  une  semblable  as- 
sertion. Rien  n'autorise  non  plus  à  croire  qu'il  y  ait  anta- 
gonisme des  deux  névroses,  et  il  serait  possible  même,  bien 
que  cela  ne  soit  pas  démontré,  que  les  sujets  qui  sont  sous 


HYSTÉRIE   ÉPILEPTIFORME.  369 

le  coup  de  l'une  d'elles  soient,  par  la  même,  prédisposés  à 
contracter  l'autre.  Mais,  en  pareil  cas,  ajoute-t-on,  les  ac- 
cidents convulsifs  restent  distincts,  séparés,  sans  s'influen- 
cer réciproquement  d'une  façon  notable  et  surtout  sans  se 
confondre  au  point  de  justifier  la  création  d'une  espèce 
mixte,  intermédiaire,  en  un  mot,  d'un  hybride. 

Quelle  est  donc,  dans  cette  opinion,  la  signification  de 
ces  attaques  dont  l'existence  est  si  nettement  établie  par 
les  cas  mêmes  qui  servent  de  fondement  à  notre  étude  et  où 
l'épilepsie  semble  s'entremêler  avec  les  symptômes  ordi- 
naires de  l'hystérie  convulsive  ? 

L'épilepsie  ne  serait  là  que  dans  la  forme  extérieure  ; 
elle  ne  serait  pas  dans  le  fond  des  choses.  En  d'autres  ter- 
mes, dans  ces  cas,  il  s'agirait  uniquement  et  toujours  de 
l'hystérie,  revêtantrapparence  de  l'épilepsie.  Le  nom  ^hys- 
térie épilepti forme,  employé,  si  je  ne  me  trompe,  par 
Louyer-Villermay,  l'un  des  premiers,  conviendrait  à  dési- 
gner ces  attaques  mixtes.  La  convulsion  à  forme  épilepti- 
que  y  apparaîtrait  comme  elle  apparaît  dans  tant  d'autres 
affections  du  système  nerveux,  à  titre  d'élément  accessoire, 
sans  rien  changer  à  la  nature  de  la  maladie  primitive. 


II. 

Voilà,  Messieurs,  la  thèse  à  laquelle  je  me  rattache  plei- 
nement. Elle  a  été  soutenue  déjà  par  quelques  auteurs  très- 
compétents.  Parmi  eux,  je  puis  citer  Tissot,  Dubois  (d'A- 
miens), Sandras,  M.  Briquet,  qui  se  montrent  sous  ce  rap- 
port très-explicites.  «  Les  accès  d'hystérie,  »  dit  M.  Tissot, 
«  ressemblent  quelquefois  beaucoup  à  l'épilepsie.  Aussi,  en 
a-t-on  fait  une  forme  particulière  de  l'hystérie,  sous  le  nom 
^hystérie  épilepti forme.  Mais  ces  accès  n'ont  pas,  néan- 
moins, le  vrai  caractère  de  l'épilepsie  (1). 


(l)  Tissot.  —  Maladies  des  nerfs,  t.  IV,  p.  75. 

Charcot,   t.  i,  3e  éd.  24 


370  HYSTÉRO-ÉPILEPSIE   :    VARIÉTÉS. 

M.  Dubois  (d'Amiens)  considère  l'hystérie  épileptiforme 
comme  de  l'hystérie  ayant  un  degré  de  plus  dans  l'inten- 
sité des  symptômes  (1).  Sandras  exprime  la  même  opi- 
nion (2). 

M.  Briquet,  qui  a  écrit  sur  ce  sujet  un  article  marqué  au 
coin  de  la  plus  saine  observation,  dit  que  cette  espèce  $  hys- 
térie à  attaques  mixtes  n'est  qu'une  forme  particulière 
de  l'hystérie  ;  ce  n'est  que  de  l'hystérie  très-intense  ;  le 
pronostic  ne  s'en  trouve  pas  essentiellement  modifié  ;  le 
genre  de  la  cause  qui  a  occasionné  l'hystérie,  les  condi- 
tions spéciales  à  l'individu  affecté,  seraient  la  source  de 
ces  modifications  dans  la  forme  des  attaques.  La  nature 
même  de  l'hystérie  n'en  est  pas  foncièrement  changée. 

Veuillez  remarquer,  Messieurs,  qu'il  n'y  a  pas  là  seule- 
ment une  question  de  mots,  il  y  a  aussi  une  question  de 
nosographie,  et  par  conséquent  une  question  de  diagnostic 
et  de  pronostic.  Ces  circonstances  suffiront,  je  l'espère, 
pour  justifier  à  vos  yeux  les  détails  dans  lesquels  je  suis 
obligé  d'entrer  afin  de  faire  pénétrer  dans  vos  esprits  la 
conviction  qui  m'anime  à  cet  égard. 


III. 

Recherchons  donc  sur  quels  fondements  s'appuie  la  doc- 
trine régnante.  L'hystérie  et  l'épilepsie,  dit-on,  peuvent  se 
combiner  de  diverses  manières  chez  un  même  sujet.  Sur 
2%  malades,  M.  Beau,  qui  a  étudié  dans  cet  hospice,  aurait 
relevé  cette  combinaison  chez  32  d'entre  elles.  Elle  se  fait 
d'après  des  modes  variés  et  il  y  a  lieu  d'admettre  les  caté- 
gories suivantes. 

A.  Dans  un  premier  groupe,  les  attaques  hystériques  et 


(l)  Dunant.  —  De  Vhystéro-épilepsie,  p.  11. 
{-)  Sandras.  —  Maladies  nerveuses,  1. 1,  p.  205. 


HYSTÉRO-ÉPILEPSIE    :    VARIÉTÉS.  371 

les  accès  d'épilepsie  restent  distincts  :  c'est  ce  que  M.  Lan- 
douzy  a  proposé  d'appeler  lu/stèro-épilepsie  à  crises  dis- 
tinctes. Eh  bien.  Messieurs,  ce  serait  là  le  cas  le  plus  fré- 
quent, car  on  en  compte  20  exemples  sur  les  32  cas  de  M. 
Beau.  11  convient  d'ailleurs  d'établir  dans  l'espèce  deux 
subdivisions 

1°  L'épilepsie  est  la  maladie  primitive  :  sur  elle,  l'hys- 
térie vient  ensuite  se  greffer,  à  son  heure,  c'est-à-dire,  et 

le  plus  souvent,  à  l'époque  de  la  puberté  sous  l'action  de 
certaines  causes  et,  en  particulier,  des  émotions  morales. 
Un  cas  de  Landouzy,  cité  par  M.  Briquet,  mérite  à  ce 

propos  d'être  résumé  devant  vous.  Une  jeune  femme,  épi- 
ieptkjue  depuis  l'enfance,  se  marie  à  l'âge  de  18  ans. 
Bientùt  la  maladie,  qu'elle  avait  dissimulée,  se  révèle.  De 
la.  des  contrariétés  vives  qui  engendrent  l'hystérie.  Les  at- 
taques propres  aux  deux  névroses  étaient  disjointes  et  con- 
cevaient, sans  s'influencer,  leurs  caractères  spécifiques. 
Un  rapprochement,  entre  la  malade  et  son  mari,  rappro- 
chement occasionné  par  une  grossesse,  en  ramenant  le 
calme  dans  le  ménage,  fait  cesser  l'hystérie,  mais  l'épi- 
lepsie persiste. 

2'  D'autres  fois,  l'épilepsie  succède  à  l'hystérie. Cette  con- 
dition parait  être  beaucoup  plus  rare  que  la  précédente. 
M.  Briquet,  cependant,  en  rapporte  un  exemple  qui  lui  est 
personnel  et  dans  lequel  les  accès  étaient  nettement  sé- 
parés. Chez  les  malades  de  cette  catégorie,  l'intelligence 
s'obnubile  à  la  longue  incontestablement  par  le  fait  de 
l'épilepsie. 

3°  On  a  encore  mentionné  d'autres  combinaisons  d'ordre 
secondaire.  Ainsi  :  a)  l'hystérie  convulsive  coexiste  avec  le 
petit  mal  (Beau,  Dunanf  ;  h)  l'épilepsie  convulsive  est  sura- 
joutée à  quelques-uns  des  accidents  de  l'hystérie  non  con- 
vulsive (contracture,  anesthésie,  etc.).  Nous  possédons,  par 
devers  nous,  un  cas  de  ce  genre. 


372  HYSTERO-ÉPILEPSIE  :    VARIÉTÉS. 

Mais  ces  diverses  associations  ne  changent  rien  au  fond 
des  choses.  Le  plus  souvent,  les  deux  affections,  dans  l'hys- 
téro-épilepsie,  existent  simultanément  et  marchent  sans 
agir  l'une  sur  l'autre  d'une  manière  sérieuse,  chacune 
d'elles  conservant  ses  allures  et  le  pronostic  qui  lui  est 
propre.  A  l'égard  de  cette  première  forme  de  Thystéro-épi- 
lepsie,  tout  le  monde  est  d'accord.  Le  débat  ne  porte  que 
sur  la  seconde. 

B.  Dans  celle-ci,  Y  hystérie  et  l'épilepsie  sont  coévales; 
elles  se  sont  développées  en  même  temps.  Les  crises,  ici, 
ne  demeurent  pas  distinctes;  elles  ne  l'ont  jamais  été.  Dès 
l'origine,  le  mélange  s'est  effectué  et,  dans  les  attaques 
ultérieures,  les  deux  formes  convulsives  se  montreront 
toujours  combinées,  bien  qu'à  des  degrés  divers,  sans  être 
jamais  à  aucun  moment  complètement  disjointes. 

On  a  encore  donné  à  cet  état  le  nom  fthystéro-épilepsie 
à  crises  combinées.  Dans  le  jargon  depuis  longtemps 
usité,  dans  le  service  spécial  de  la  Salpétrière,  les  crises 
sont  en  pareil  cas  désignées  sous  le  nom  ^attaques- 
accès. 

IV. 

Y  a-t-il  véritablement  de  Yépilepsie  dans  les  crises 
mixtes?  Telle  est  la  question  que  nous  devons  maintenant 
discuter.  A  cet  effet,  il  convient  de  prendre  la  description 
de  l'hystéro-épilepsie  à  crises  mixtes  consentie  par  les  au- 
teurs et  de  l'examiner  sous  tous  ses  aspects.  J'emprunte  à 
M.  Briquet  surtout  cette  description  de  Y  attaque-accès. 
Elle  me  paraît  concorder  de  tous  points  avec  les  résultats 
de  mon  observation  personnelle. 

a)  Dès  l'origine,  l'attaque  mixte  revêt  son  caractère  pro- 
pre; dès  cet  instant,  c'est  de  l'hystérie  épileptiforme.  Je 
rappellerai  à  votre  souvenir  la  malade  Etchev...  qui,  dans 


ATTAQUE   HYSTÉRO-ÉPILEPTTQUE.  373 

son  premier  accès,  est  tombée  dans  le  feu  et  s'est  abîmé  la 
figure  (1). 

&)  Il  y  a  toujours  des  prodromes  constitués  par  Y  aura 
hystérique  telle  que  nous  l'avons  décrite.  Cette  aura,  en 
général  de  longue  durée,  occupe  l'abdomen,  l'épigastre  et 
n'affecte  pas,  en  tout  cas,  la  tête  seule  et  d'emblée,  ou  l'une 
des  extrémités,  ainsi  que  cela  a  lieu  dans  Vépilepsie  avec 
aura;  aussi  est-il  parfaitement  exact  de  dire  que  les  hys- 
téro-épileptiques  à  crises  mixtes  sont  à  peu  près  toujours 
averties  assez  à  temps  pour  qu'elles  puissent,  lors  du  déve- 
loppement d'un  accès,  se  garantir,  trouver  un  abri. 

c)  Dans  l'attaque  convulsive,  la  phase  dite  épileptique 
ouvre  en  général  la  scène.  Tout  à  coup,  cri,  pâleur  ex- 
trême, perte  de  connaissance,  chute,  distorsion  des  traits 
de  la  physionomie;  puis  une  rigidité  tonique  s'empare  de 
tous  les  membres.  Cette  rigidité  est,  remarquez-le  bien,  ra- 
rement suivie  de  secousses  cloniques,  brèves,  à  courtes 
oscillations,  et  prédominant  dans  un  côté  du  corps,  comme 
dans  l'épilepsie  vraie.  Cependant,  la  face  peut  être  à  un 
haut  degré  tuméfiée,  violette  ;  il  s'écoule  de  la  bouche  une 
écume  quelquefois  sanguinolente,  occasionnée  par  la  mor- 
sure de  la  langue  ou  des  lèvres.  Enfin,  il  peut  y  avoir  un 
relâchement  général  des  muscles,  du  coma  et  une  respira- 
tion stertoreuse  pendant  un  espace  de  temps  plus  ou  moins 
prolongé. 

d)  A  cette  première  phase  sur  laquelle,  je  le  répète,  porte 
principalement  la  discussion,  succède  la  phase  Monique. 
Alors,  tout  est  hystérie;  on  voit  survenir  les  grands  mou- 
vements à  caractère  intentionnel,  des  contorsions  qui  expri- 
ment parfois  les  passions  les  plus  variées,  l'effroi,  la  haine, 
etc.  (2)  ;  en  même  temps  éclate  le  délire  de  l'accès. 


(l)  Il  s'agit  là  encore  de  la  malade  dont  il  est  question  Leçon  IX,  p.  275. 
[%)  Voir  plus  haut  fîg.  19,  20  et  21. 


374  ÉPILEPSIE  ET  HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 

é)  La  fin  de  l'attaque  est  marquée  par  des  sanglots,  des 
pleurs,  des  rires,  etc. 

Ces  diverses  phases  ne  se  suivent  pas  toujours  d'une 
façon  aussi  régulière  ;  elles  s'enchevêtrent  parfois  et,  tantôt 
l'une,  tantôt  l'autre,  prédomine.  Chez  la  nommée  C...,  entre 
autres,  la  phase  tonique  l'emporte  à  un  haut  degré  sur  les 
autres  et  quelquefois  se  montre  presque  exclusive. 

V. 

Nous  voici  parvenus,  Messieurs,  au  point  délicat.  En 
quoi  cette  Irystérie  à  crises  complexes  se  sépare-t-elle  de 
l'hystérie  ordinaire,  si  elle  s'en  sépare  réellement?  En  quoi 
se  rapproche-t-elle  de  l'épilepsie  vraie,  s'il  y  a  lieu  d'établir 
un  tel  rapprochement. 

L'apparition  de  convulsions  du  type  tonique  est-elle  donc 
un  fait  nouveau,  insolite,  dans  la  description  classique  de 
l'attaque  hystérique  vulgaire?  Certainement  non.  Il  n'est 
pas  vraiment  exceptionnel  de  voir  dans  l'attaque  d'hystérie 
commune,  —  alors  que  personne  ne  songe  à  faire  inter- 
venir l'élément  épilepsie  —  de  voir,  dis-je,  s'ébaucher  des 
convulsions  toniques  à  caractère  épileptiforme,  particuliè- 
rement au  début  de  l'attaque  ;  tous  les  auteurs  sont  d'ac- 
cord sur  ce  point.  Ces  convulsions  sont  parfois  même  telle- 
ment accentuées,  que  M.  Briquet  a  été,  par  là,  conduit 
à  établir  à  côté  de  l'attaque  clonique  ou  classique , 
une  sorte  d'attaque  dans  laquelle  prédomine  une  roideur 
semi-tétanique  du  tronc  et  des  membres.  Ne  paraît-il  pas 
d'après  cela  vraisemblable  déjà,  que  la  forme  dite  épilep- 
tique,  n'est  à  proprement  parler  que  l'exagération,  le  plus 
haut  degré  de  développement  de  cette  variété  de  l'hystérie 
ordinaire  ? 

VI. 

Si,  d'un  autre  côté,  nous  tournons  nos  yeux  vers  l'épilepsie 


EXPLORATION   THERMOMÉTRIQEE.  378 

vraie,  nous  rencontrons  on  certain  nombre  de  traits  dis- 
tinctifa  qu'il  nous  sera  facile  de  mettre  à  profit. 

Nous  ferons  remarquer,  en  premier  lieu,  que,  d'après  la 
description  que  nous  avons  donnée,  le  type  épilepsie  n'est 
jamais  représenté  dans  les  attaques-accès,  que  d'une  ma- 
nière incomplète,  et  pour  ainsi  dire  à  l'état  d'ébauche  ; 
mais,  à  la  vérité,  ce  ne  serait  pas  là  encore  un  argument 
péremptoire.  Voici  un  caractère  plus  significatif. 

Jamais  vous  ne  voyez  apparaître  soit  le  petit  mal,  soit  le 
vertige  épileptique  dans  les  descriptions  de  l'hystéro-épi- 
lepsie  à  attaques  mixtes.  Nous  pourrions  ajouter  encore, 
car  il  y  a  là  matière  à  une  importante  distinction,  que  dans 
cette  forme  de  l'hystéro-épilepsie,  l'attaque  épileptiforme. 
même  la  plus  intense,  est,  d'après  nos  observations,  modi- 
fiée, parfois  même  arrêtée  dans  son  développement  par  la 
compression  de  Covaire,  ce  qui  n'a  jamais  lieu,  —  nous 
nous  en  sommes  assurés  maintes  fois  —  dans  l'épilepsie 
vraie  (1). 

Dans  les  attaques  mixtes,  alors  même  queleur  retour  est 
très-fréquent,  jamais  —,  c'est  là  un  fait  reconnu  par  des 
auteurs,  jamais  dis-je,  l'obnubilation  de  l'intelligence  et  la 
démence  ne  sont  l'aboutissant  des  attaques,  contrairement 
à  ce  qui  aurait  lieu,  d'une  manière  presque  fatale,  s'il  s'a- 
gissait réellement  de  l'épilepsie.  Je  ne  crois  pouvoir  mieux 
faire  que  de  vous  rappeler  à  ce  propos  le  cas  de  la  malade 
Ler...,  qui,  depuis  près  de  40  ans,  est  sujette  à  l'hystérie 
épileptiforme  la  plus  violente.  Cette  femme  est,  sans  doute, 
bizarre,  singulière  dans  ses  allures,  mais  son  intelligence 
est  demeurée  ce  qu'elle  était  à  l'origine.  Les  renseigne- 
ments que  nous  avons  pris  ne  peuvent  laisser  subsister 
aucun  doute  à  cet  égard  (2).  En  somme,  dans  les  cas  de 
ce  genre,  et  telle  est  aussi  l'opinion  de  M.  Briquet,  le  pro- 
nostic n'est  pas   autre  que  celui  de  l'hystérie  intense.    De 


(t)  Voy.  Leçon  XI,  p.  320. 
-    Nous  avons  déjà  parlé  de  celte  malade,  p.  341 


376  ÉTAT   DE  MAL  ÉPILEPTIQUE  I   TEMPÉRATURE. 

cette  considération  découle  une  conséquence  d'ordre 
pratique  qui  est  bien  de  nature  à  fixer  votre  attention. 

11  est  enfin  un  dernier  caractère  sur  lequel  je  vous  de- 
mande la  permission  d'insister,  parce  qu'il  n'a  pas,  à  ma 
connaissance,  été  relevé  jusqu'ici  et  que,  selon  moi,  il  est 
décisif.  Il  s'agit  d'un  caractère  fourni  par  l'exploration 
thermométrique  :  je  saisis,  non  sans  empressement,  l'oc- 
casion qui  se  présente  de  vous  montrer,  par  un  nouvel 
exemple,  le  parti  qu'on  peut  tirer  de  ce  mode  d'exploration 
dans  la  clinique  des  maladies  du  système  nerveux. 

Ce  n'est  pas,  Messieurs,  que,  sous  le  rapport  des  modifi- 
cations imprimées  à  la  température  centrale,  les  convul- 
sions toniques  épileptiformes  des  hystériques  diffèrent  en 
quoi  que  ce  soit  des  convulsions  de  l'attaque  épileptique. 
L'attaque  hystérique  tonique,  pour  peu  qu'elle  ait  quelque 
intensité,  élève  la  température  d'un  degré,  voire  même  d'un 
degré  et  quelques  dixièmes  (38° — 38°,  5),  tout  comme  le  fait 
l'attaque  d'épilepsie  vraie.  C'est  là  un  résultat  dont  nous 
avons  eu  nombre  de  fois,  dans  ce  service,  l'occasion  de 
contrôler  l'exactitude  (1). 

Mais  si,  en  ce  qui  concerne  le  caractère  thermique,  l'ac- 
cès d'hystérie  épileptiforme  et  l'accès  d'épilepsie  vraie  se 
confondent,  il  n'en  est  plus  de  même  lorsqu'il  s'agit  d'ac- 
cès qui  s'agrègent  et  s'enchevêtrent  de  manière  à  consti- 
tuer ce  que,  pour  l'épilepsie,  on  appelle  les  séries  ou  r 'état 
de  mal. 

Il  y  a  d'ailleurs,  dans  cet  état  de  mal  des  épileptiques,  à 
distinguer  ce  qu'on  nomme  les  petites  séries,  composées  de 
2  à  6  accès,  et  les  grandes  séries,  où  l'on  compte  jusqu'à 
20,  30  accès  ou  même  plus  dans  les  vingt-quatre  heures. 
C'est  à  ces  dernières  que  je  m'adresserai  exclusivement, 
parce  que  le  phénomène  sur  lequel  je  veux  insister  se 
montre  alors  dans  son  type  de  complet  développement.  En 


(l)  Bourneville.  —  Etudes  cliniques  et  thermométriques  sur   les   maladies 
du  système  nerveux,  p.  247. 


ETAT   DE   MAL   EPILEPTIQUE  :   TEMPERATURE. 


377 


pareil  cas,  Messieurs,  c'est-à-dire,  lorsque  les  accès  de  l'é- 
pilepsie  vraie  se  répètent  en  grand  nombre,  dans  un  court 
espace  de  temps,  la  température  centrale  s'élève  d'une  ma- 
nière très-remarquable  ;  et  très-certainement  cette  éléva- 
tion thermique  ne  peut  pas  être  rattachée  exclusivement  à 
la  répétition  non  plus  qu'à  l'intensité  des  contractions  mus- 


Fiff.  25.  —  Température  prise  un  peu  après  le  lie  accès.  Du  1"  jour  (soir)  au  -2« 
jour  (matin),  31  accès. +  Température  après  une  rémission  de  4  heures.  A  partir 
de  là,  les  accès  s'éloignent  et  cessent  le  3e  jour.  La  ligne  ponctuée  répond  au 
pouls. 

culaires  toniques,  car  les  convulsions  peuvent  cesser  com- 
plètement pendant  plusieurs  jours  et  la  température  néan- 
moins se  maintenir,  pendant  ce  temps-là,  à  un  taux  très- 
élevé.  Nous  pouvons  reconnaître  et  suivre  ces   particula- 


-378  ÉTAT  DE   MAL   HYSTÉRO-ÉPILEPTIQUE. 

rites  sur  le  tableau  que  je  mets  sous  vos  yeux,  et  qui  nous 
montre  les  modifications  qu'a  présentées  la  température 
centrale  chez  la  nommée  Chevall..,  pendant  le  cours  de 
Y  état  de  mal  épileptique  qu'elle  vient  de  subir  tout  récem- 
ment (Fig.  23). 

Il  ne  faut  pas  ignorer  que  cette  élévation  de  la  tempéra- 
ture est,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  môme  après  toute 
cessation  des  convulsions,  un  indice  du  plus  fâcheux  au- 
gure ;  elle  s'accompagne  d'ailleurs  le  plus  souvent  d'un  état 
général  qui,  par  lui-même  déjà,  donne  beaucoup  à  penser; 
ainsi,  tantôt  il  existe  un  délire  plus  ou  moins  accusé,  — 
que  M.  Delasiauve  rapporte  à  la  congestion  mêningitique, 
—  tantôt  au  contraire  à  un  coma  plus  ou  moins  profo.nd,— 
congestion  apoplecti forme  des  auteurs  ;  —  dans  les  deux 
cas  il  y  a  prostration  des  forces,  sécheresse  de  la  langue, 
tendance  à  la  formation  rapide  d'eschares  au  sacrum  ; 
quelquefois  enfin,  production  d'une  hémiplégie  transitoire, 
dont  la  raison  n'a  pas  encore  été  révélée  par  l'autopsie. 
Cependant,  et  c'est  là  une  donnée  fort  importante  à  con- 
signer, cette  élévation  de  la  température,  alors  même 
qu'elle  dépasse  41°,  et  qu'elle  s'accompagne  des  symptômes 
graves  qui  viennent  d'être  énumérés,  n'est  pas  un  signe  an- 
nonçant nécessairement  une  terminaison  fatale.  Vous 
voyez  par  l'observation  même  de  Chevall...  qu'on  peut 
guérir,  encore,  au  milieu  de  toutes  ces  fâcheuses  circons- 
tances. L'élévation  de  la  température  au-dessus  de  41°  n'est 
donc  pas  nécessairement  terminale,  en  pareil  cas  ;  et  il  y 
a  par  conséquent  'quelque  chose  à  rabattre  des  assertions 
émises  à  cet  égard  par  M.  Wunderlich  d'abord,  et  après 
lui  par  M.  Erb  (1). 


(l)  L'observation  de  la  nommée  Chevall. . .  est  consignée  tout  au  long,  jus- 
qu'à la  date  du  26  mars  1872,  dans  nos  Huodes  cliniques  et  thermom.  sur  les 
maladies  du  système  nerveux.  (Obs.  XXXIII,  p.  285.)  Depuis  cette  époque, 
Chev.  .  .  Edmée  a  été  prise  de  nouveaux  accidents  qui  ont  eu  une  issue  fatale. 
Nous  pensons  d'autant  plus  utile  de  les  relater   ici   que,  outre  qu'ils  com- 


ÉTAT   DE   MAL    HYSTÉRO-KPILEPTIQUE.  370 

Je  vous  rappellerai,  on  passant,  que  cette  élévation  ra- 
pide de  la  température  n'appartient  pas  en  propre,  tant  s'en 
faut,  à  l'état  de  mal  épileptique  ;  on  l'observe  encore,  par 
exemple,  dans  les  attaques  dites  congestives,  apoplecti- 
formes  ou  épileptiibrmes  de  la  paralysie  générale  progres- 


plètent  l'observation  ancienne,  ils  apportent  une   nouvelle  preuve  à  l'appui 
des  opinions  émises  par  M.  Charcot  dans  la  présente  leçon. 

1873.  — §  février.  —  Depuis  une  semaine  environ  Gh . .  .  est  agacée, 
irritable  ;  parfois  même  elle  devient  violente  au  point  qu'on  est  obligé  de 
l'attacher  (excitation  maniaque). 

10  fév.  La  nuit  dernière  l'agitation  a  encore  augmenté  :  Ch. .  .  a  empêché, 
par  ses  cris,  les  autres  malades  de  dormir.  Elle  s'est  calmée  cependant  à  par- 
tir de  3  heures  du  matin.  On  a  compté  trois  accès  durant  la  nuit. De  1  heure 
de  l'après-midi  à  3  heures,  les  accès  se  sont  multipliés.  A  3  heures:  P.  104; 
T.  R.  38°,  6. 

11  fév.  Hier,  de  1  heure  à  9  heures  du  soir,  on  a  compté  î3  accès  ;  depuis 
lors,  jusqu'au  matin  à  7  heures,  70  accès.  De  7  heures  à  11  heures,  moment 
où  cette  note  a  été  prise,  35  accès.  Voici  la  description  des  accès  : 

Cinq  ou  six  secondes  avant  leur  arrivée,  les  pupilles,  surtout  la  droite,  se 
dilatent  largement.  Quelquefois,  à  ce  phénomène,  s'ajoutent  de  petites  plain- 
tes, des  grincements  de  dents  et,  par  exception,  un  léger  cri.  Alors  commence 
l'accès  :  les  globes  oculaires  sont  animés  de  convulsions  très-accusées  (nys- 
tagmus),  la  face  pâlit  et  se  dévie  à  gauche  ;  le  regard,  d'abord  fixe  et  dirigé 
en  avant,  se  porte  à  gauche.  Le  bras  correspondant  se  soulève,  puis  se 
roidit  en  même  temps  que  le  bras  droit  qui,  lui,  reste  appuyé  sur  le  lit.  La 
roideur  tétanique  gagne  ensuite  les  membres  inférieurs.  Au  bout  de  quel- 
ques secondes,  on  observe  une  demi-occlusion  des  paupières  gauches  qui  sont 
animées,  ainsi  que  les  muscles  de  la  même  moitié  de  la  face,  de  convulsions 
rapides. 

10  à  15  secondes  plus  tard,  la  face  et  les  yeux  se  retournent  vers  la  droite; 
le  tronc  s'incline  dans  le  même  sens  ;  les  paupières  gauches  s'entrouvrent  et 
demeurent  à  peu  près  immobiles;  mais,  en  revanche,  les  convulsions  s'em- 
parent des  paupières  droites  et  des  muscles  de  la  moitié  droite  de  la  face. La 
bouche,  primitivement  tirée  à  gauche,  est  tirée  à  droite.  Les  convulsions  clo- 
niques,  apparues  durant  cette  phase  et  qui  avaient  d'abord  envahi  les  mem- 
bres du  côté  gauche,  prédominent  maintenant  à  droite. 

Enfin,  l'accès  se  termine  par  du  ronflement,  une  lividité  faciale  aussi  pro- 
noncée que  possible,  de  l'écume  à  la  bouche.  A  la  fin  de  l'accès,  les  pupilles 
reprennent  leurs  dimensions  normales. 

Pendant  les  rémissions,  la  malade  est  dans  la  résolution  complète.  Sou- 
levés, les  membres  retombent  inertes.  Le  pincement  énergique  produit  un 
léger  soulèvement  du  bras  gauche,  mais  rien  à  droite.  Le  chatouillement  de 
la  plante  des  pieds  suscite  des  mouvements  réflexes  plus  intenses  à  gauche 
qu'à  droite.  Tandis  quil  n'y  a  pas  d'injection  de  l'œil  droit,  à  gauche,  il 
existe  une  hypérémie  considérable  de  la  moitié  inférieure  du  globe  oculaire 
et  une  vascularisation  moindre  de  la  paupière  inférieure.  Les  narines  sent 


380  ÉTAT   DE   MAL   HYSTÉRO-ÉPILEPTIQUE. 

sive,  ainsi  que  l'a,  le  premier,  montré  M.  "Westphal,  qui, 
d'ailleurs,  a  donné  du  fait  une  interprétation  peu  con- 
forme à  la  réalité  (1).  On  l'observe  aussi  dans  les  attaques 

pulvérulentes.  Le  tube  digestif  n'offre  rien  de  particulier  :  il  y  a  eu  hier  une 
garde-robe  après  lavement.  Ch...  urine  sous  elle.  Plaque  érythémateuse  sur 
la  fesse  droite.  Sueurs  abondantes,  plus  prononcées  par  instants.  A  11  heures  : 
P.  120;  R.  49,  bruyante;  T.  R.  40^8.  A  midi  :  P.  130;  R.  60. 

6  heures,  soir.  —  Depuis  11  heures  du  matin,  on  a  inscrit  76  accès,  dont 
12  depuis  4  heures  1/2.  R.  60;  T.  R.  41°,3.  Sueurs  copieuses  sur  tout  le 
corps,  sans  différence  entre  les  deux  moitiés.  Toute  la  partie  gauche  du  corps 
(face,  tronc,  etc.)  est  manifestement  plus  chaude  que  la  partie  droite. 

Les  paupières  sont  à  demi-ouvertes  ;  les  yeux  sont  portés  en  haut  ;  les 
pupilles  sont  modérément  dilatées  (la  droite  l'est  toujours  davantage.)  Avant 
chaque  accès,  la  dilatation  des  pupilles  s'accroît  d'une  manière  remarquable. 
Le  nystagmus  semble  apparaître  presque  en  même  temps.  Ni  vomissements, 
ni  selles,  ni  urines.  Môme  état  de  la  fesse  droite.  Coma.  Respiration  sterto- 
reuse. 

8  heures.  P...;R.  70;  T.  R.  41°, 2,  Quatorze  accès.  A  partir  de  cet  instant 
la  malade  n'a  plus  eu  d'accès.  Elle  est  morte  à  3  heures  du  matin.  La  tem- 
pérature vaginale,  prise  par  une  autre  personne,  était  à  41°,2.  A  11  heures 
du  matin  — le  11  février,  c'est-à-dire  huit  heures  après  la  mort,  T.  R.  40". 
( — Le  cadavre  est  resté  dans  le  lit).  Les  pupilles  sont  moyennement  dilatées 
et  au  même  degré.  Nombreuses  vergetures  sur  le  ventre,  le  dos,  les  fesses 
et  les  cuisses. 

Autopsie  le  18  février.  Les  os,  la  dure-mère  et  ses  sinus  n'ont  rien  d'a- 
normal. La  quantité  du  liquide  céphalo-rachidien  n'est  pas  augmentée.  — 
Suffusion  sanguine  sur  la  face  convexe  des  hémisphères,  surtout  à  droite. — 
Artères  de  la  base  saines.  — *■  Encéphale,  1,360  gr.  La  pie-mère  est  très- 
légèrement  injectée  à  la  base  du  cerveau;  cette  injection  est  un  peu  plus  ac- 
cusée au  niveau  du  lobe  sphénoïdal.  Des  deux  côlés,  la  pie-mère  se  détache 
facilement  et  le  cerveau  est  humide  au  même  degré. 

Hémisphère  droit.  Il  pèse  5  gr.  de  plus  que  le  gauche.  Sur  certaines 
circonvolutions,  principalement  celles  qui  avoisinent  la  scissure  de  Sylvius, 
existent  une  coloration  hortensia,  quelques  petites  éraillures  et,  sur  quelques- 
unes,  un  pointillé  très-fin.  La  circonvolution  de  la  corne  d^Ammon  présente 
une  induration  très-évidente.  Cette  induration,  qui  remonte  en  dedans  le  long 
de  ladite  circonvolution,  prédomine  à  son  extrémité.  Hémisphère  gauche.  La 
circonvolution  de  la  corne  d'Ammon  offre  une  induration  bien  moins  marquée 
et  circonscrite  à  son  extrémité.  Cervelet,  isthme,  rien  à  noter. 

Moelle.  La  substance  grise,  à  l'œil  nu,  paraît  un  peu  déformée. 

Thorax.  Congestion  assez  forte  de  la  moitié  inférieure  des  poumons.  De 
plus,  il  y  a  un  foyer  d'hépatisation  rouge,  récent,  dans  le  lobe  inférieur.  — 
Cœur,  estomac,  rate,  sains  ;  pas  d'ecchymoses.  —  Foie,  non  hypérémié.  — 
Reins  :  anémie  de  la  substance  corticale;  pyramides  distinctes.  —  Messie, 
rien.  —  Utérus  assez  gros;  corps  jaune  récent  sur  l'un  des  ovaires;  petits 
kystes  sur  l'autre.  (B) . 

(l)  Westphal,  loc.  cit. 


TEMPÉRATURE.  381 

fort  analogues  aux  précédentes  qui  peuvent  survenir  dans 
le  cours  de  la  sclérose  en  plaques  (1),  et,  enfin,  dans  les  atta- 
ques, avec  ou  sans  convulsions,  qui  s'observent  dans  les  cas 
de  foyer  cérébral  ancien  (hémorrhagie  ou  ramollissement) 
ou  de  tumeur  cérébrale,  quelle  qu'en  soit  la  nature.  Cette 
élévation  thermique  contraste  d'une  façon  remarquable 
avec  l'abaissement  initial  qui  existe  à  peu  près  toujours,  au 
moment  de  la  formation  du  foyer  hémorrhagique  cérébral 
et  c'est  là,  ainsi  que  je  l'ai  démontré,  un  caractère  qui 
peut  être  utilisé  pour  le  diagnostic. 

Mais  il  est  temps  d'en  revenir  à  l'hystérie  épileptiforme 
dont  cette  digression  nous  a  quelque  peu  éloignés.  Tout 
comme  dans  l'épilepsie  vraie,  les  accès  composés  s'obser- 
vent dans  l'hystéro-épilepsie.  Landouzy  parle  d'une  hysté- 
rique qui  avait  eu  jusqu'à  100  accès  par  jour.  Vétat  de 
mal  hystéro-épilepiique  peut  d'ailleurs  se  prolonger  pen- 
dant un  laps  de  temps  considérable.  Georgetcite  l'observa- 
tion d'une  femme  chez  laquelle  les  accès  se  sont  montrés  à 
peu  près  continus  pendant  une  durée  de  quarante-cinqjours, 

Chez  notre  malade  Co...,  dont  les  crises  ont  un  cachet 
épileptiforme,  si  prédominant  et  si  fortement  accentué, 
Y  état  de  mal  a  persisté  pendant  plus  de  deux  mois,  et, 
par  moments,  les  accidents  ont  été  portés  au  plus  haut  de- 
gré d'intensité.  Ainsi,  le  22  janvier,  entre  autres,  les  con- 
vulsions épileptiformes  se  sont  succédé  sans  interruption 
depuis  neuf  heures  du  matin  jusqu'à  huit  heures  du  soir  : 
de  huit  à  neuf  heures,  il  y  a  eu  un  temps  de  repos,  puis  les 
attaques  ont  repris  comme  de  plus  belle,  sans  le  moindre 
retour  a  la  lucidité,  et  ont  persisté  à  peu  près  pendant  le 
même  espace  de  temps.  On  peut,  d'une  manière  approxi- 
mative, évaluer  sans  exagération  le  chiffre  des  attaques 
épileptiformes  qu'elle  a  éprouvées  à  cette  époque,  dans  l'es- 
pace d'un  jour,  à  150  ou  200  environ. 

(1)  Voyez  la  Leçon  VIII.  p.  248. 


382 


HTSTERO-EPILEPSIE   :    CAS   GRAVES. 


La  persistance  d'un  tel  état,  sans  que  la  mort  s'en  soit 
suivie,  ne  montre-t-elle  pas  déjà  qu'un  abîme  sépare  l'épilep- 
sie  vraie  de  l'hystéro-épilepsie?  —  «  Si  ce  n'était  pas  là 
de  l'hystérie,  »  disaient  en  parlant  de  Go...  les  surveillantes 
du  service,  témoins  de  ses  accès  et  habituées  à  ce  genre  de 
malades,  «  si  c'était  del'épilepsie  véritable,  il  y  a  longtemps 
que  cette  femme  aurait  succombé.  »  Cette  remarque  est 
parfaitement  judicieuse,  parfaitement  fondée. 

Eh  bien,  Messieurs,  et  voici  le  point  sur  lequel  je  veux 
surtout   insister,    jamais    pendant   cette    longue    période 


1"9  20    21  22 1  23  24  25    26 


Fi  g.  20. 


convulsive  la  température  rectale  hq  s'est,  chez  Go...,  sen- 
siblement modifiée  ;  elle  a  été  en  moyenne  de  37°,8  ;  elle 
ne  s'est  élevée  jusqu'à  38°, 5  que  d'une  façon  tout  à  fait  ex- 
ceptionnelle et  transitoire  (Fig.  26).  —Je  dois  ajouter  que 
jamais,  pendant  ce  temps,  l'état  général  ne  nous  a  inspiré 
la  moindre  inquiétude,  malgré  l'alimentation  insuffisante  et 
l'énorme  dépense  de  force  musculaire  qui  a  dû  se  faire.  La 
situation  mentale,  d'un  autre  côté,  n'était  pas,  tant  s'en  faut, 
aussi  profondément  modifiée  que  cela  eût  eu  lieu  nécessai- 
rement, s'Use  fût  agi  de  la  vraie  épilepsie:  à  aucune  époque, 
il  n'y  a  eu  d'évacuations  involontaires  d'urines  ou  de  matiè- 
res fécales;  dans  les  courts  répits  que  ses  attaques  lui 
laissaient,  la  malade  se  levait  pour  satisfaire  à  ses  besoins. 


EXEMPLE   d'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.  383 

Dans  ces  intervalles  aussi,  d'ailleurs  très-courts,  la  nature 
hystérique  du  mal,  surtout  dans  les  premières  semaines, 
reparaissait  dans  tout  son  jour.  Une  fleur  dans  les  cheveux, 
des  frisures  bizarres,  un  vieux  morceau  de  miroir,  placé 
sur  la  planchette  du  lit,  témoignaient  suffisamment  des  oc- 
cultations favorites  de  cette  femme  dans  les  temps  de  répit, 

Mais  je  veux  surtout  signaler  à  votre  attention  le  carac- 
tère thermique  que  l'observation  nous  a  fait  reconnaître. 
Il  résulterait  en  somme  de  tout  ce  qui  précède,  que  si  dans 
Y  état  de  mal  épileptique,  à  grandes  séries,  la  température 
s'élève  très-rapidement  à  un  haut  degré,  en  même  temps 
que  la  situation  devient  des  plus  graves,  au  contraire,  dans 
Yétat  de  mal  hystéro^épilepligïçe  à  longue  série,  la  tempé- 
rature ne  dépasse  guère  le  chiffre  normal,  et  d'ailleurs  l'é- 
tat général  concomitant  n'est  pas.  de  nature  à  inspirer  de 
l'inquiétude.  Il  n'est  pas  nécessaire  d'insister  longuement, 
je  pense,  pour  mettre  en  relief  un  contraste  aussi  frappant. 

Je  ne  voudrais  pas,  toutefois,  Messieurs,  que  vous  pris- 
siez absolument  au  pied  de  la  lettre  le  dernier  terme  de  la 
proposition  que  je  viens  d'émettre;  sans  doute  il  répond  à 
la  réalité,  pour  la  très-grande  majorité  des  cas,  mais  il  y  a 
le  chapitre  des  exceptions.  Il  n'est  pas,  en  effet,  sans  exem- 
ple que  l'hystérie  se  soit,  pendant  la  phase  convulsive,  ter- 
minée par  la  mort.  A  la  vérité,  ce  sont  presque  toujours  des 
attaques  d'un  genre  particulier,  des  attaques  dysjméiques, 
qui  amènent  ce  triste  résultat  (1);  mais,  je  le  répète,  les 
attaques  convulsives  elles-mêmes  peuvent  y  conduire.  Je 
puis,  à  titre  d'exemple,  vous  rappeler  un  fait  de  ce  genre 
publié  par  M.  Wunderlich  (2).  Il  s'agit  d'un  cas  d'hystéro- 


(1)  Briquet,  loc.  cit.,  p.  383  et  538. 

(2)  Voici  lu  traduction,  par  M.  E.  Teinturier,  de  l'observation  de  Wun- 
derlich,  à  laquelle  M.  Charcot  fait  allusion. 

Observation.  —  Huit  semaines  de  convulsions  hyste'ri  formes  à  marche 
apyrétique  et  sans  danger  apparent.  —  Revirement  fâcheux  et  subit,  sans  aug- 
mentation d'intensité'  des  convulsions.  —  Mort  au  bout  de  quelques  heures  avec 
iine  température  de  43°  C.  —  Autopsie.  —  Anne  Vogel,  19  ans,  servante, 


384  EXEMPLE   D'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 

épilepsie  comparable  à  beaucoup  d'égards  à  celui  dont  je 
viens  de  vous  entretenir.  Pendant  plus  de  huit  semaines,  la 
malade  en  question  éprouva  des  attaques  épileptiformes, 
en  nombre  d'ailleurs  assez  restreint,  et  qui  ne  s'accompa- 
gnaient pas  d'augmentation  notable  de  la  température;  sans 
cause  connue,  sans  l'intervention  d'accidents  nouveaux, 
deux  jours  avant  la  mort,  la  scène  changea  tout  à  coup: 
la  malade  tomba  dans  le  collapsus,  et  dans  un  court  espace 
de  temps  la  température  s'éleva  jusqu'à  43°. 


menstruée  deux  fois  dans  les  derniers  14  jours,  avant  de  tomber  malade, 
d'ailleurs  bien  portante,  fut  prise,  pour  la  première  fois,  le  13  août  1855,  soi- 
disant  après  une  vive  réprimande,  de  convulsions  qui  se  répétèrent  le  17  au 
soir  et  le  18  au  matin  et  remplirent  presque  sans  interruption  la  nuit  du  18 
au  19.  Entrée  le  19,  à  midi,  elle  présenta  à  minuit,  dans  le  bras  gauche,  où 
l'on  avait  constaté  de  la  paralysie,  mais  pas  d'insensibilité,  des  soubresauts 
modérés  ;  puis  elle  éprouva  un  sentiment  d'angoisse,  poussa  un  léger  cri,  et 
éprouva  des  convulsions  d'abord  dans  la  moitié  gauche  de  la  face,  puis  dans 
la  droite  aussi  ;  la  bouche  était  ouverte,  les  paupières  alternativement  ou- 
vertes et  fermées,  le  globe  de  l'œil  fortement  tourné  en  haut.  Puis  survin- 
rent dans  les  extrémités  inférieures  et  le  bassin  de  violentes  et  rapides  con- 
vulsions cloniques  projetant  ces  parties  en  avant,  en  arrière  et  de  côté. 
La  face  devint  cyanosée  et  l'écume  sortit  de  la  bouche.  Au  bout  d'une  mi- 
nute, respiration  profonde  et  supérieure  ;  relâchement  des  membres  et  de  la 
face.  Ensuite  sommeil  paisible  en  apparence  ;  enfin  bâillement,  ouverture 
des  yeux  et  retour  de  la  conscience  après  6  minutes. 

La  malade  est  en  bon  état,  sa  langue  est  peu  chargée  ;  la  température  est 
à  38°, 12,  le  pouls  à  140  (après  l'accès),  rien  d'anormal.  Elle  dit  seulement  ne 
pouvoir  remuer  le  bras  gauche,  et  demande  qu'on  ne  la  touche  pas,  parce 
que,  autrement,  ella  aurait  des  convulsions.  Cependant  elle  serre  fortement 
de  la  main  gauche. 

Dans  la  nuit  du  19  au  20,  6  accès  et  dans  ia  journée  du  20,  7.  Pas  d'albu- 
mine dans  l'urine  ;  fort  sédiment  urique.  Langue  chargée.  Température, 
matin  et  soir,  38°, 12;  pouls  132;  R.  24-32.  Dans  la  nuit  du  20  au  21,  7  accès; 
13  jusqu'au  matin  du  22.  Température  37°, 76  ;  selles  normales;  léger  trouble 
albumineux  de  l'urine . 

Les  jours  suivants  de  8  à  16  accès  par  jour.  Etat  supportable  d'ailleurs; 
pas  d'élévation  notable  de  la  température  (le  plus  souvent  normale,  jamais 
au-dessus  de  38°,12,  sauf  un  soir  à  38°;75);  pouls  ordinairement  au-dessus  de 
112;  langue  chargé3.  Le  16,  éruption  miliaire,  confluente,  en  vésicules,  au 
bout  des  doigts.  Urine  chargée  de  phosphate,  sans  albumine.  Dans  les 
accès,  tantôt  elle  perd  connaissance,  tantôt  elle  ne  la  perd  pas  ;  crie  quel- 
quefois beaucoup.  La  sensibilité  persiste  dans  le  bras  et  la  jambe  gauches. 

7  septembre.  —  Les   accès   deviennent    plus  fréquents,    durent  plusieurs 


HYSTÉRIE  GRAVE.  385 

Cet  exemple  suffira,  Messieurs,  pour  vous  montrer  qu'en 
présence  d'un  cas  d'état  de  mal  hystéro-épileptique,  de 
quelque  intensité,  malgré  toutes  les  chances  d'une  issue  fa- 
vorable, il  ne  serait  pas  prudent  de  s'abandonner  à  une 
sécurité  complète,  absolue. 


jours  sans  interruption;  pendant  les  accès,  elle  parle  souvent  et  crie.  Eva- 
cuations fréquentes  d'urines  et  de  matières  dans  le  lit.  Amélioration,  puis 
état  stationnaire  jusqu'au  2  octobre  au  soir,  où  la  malade  offre  un  accès  de 
collapsus  marqué.  Dans  la  nuit  du  3,  pas  d'accès  particuliers.  Au  matin, 
agitation  des  bras,  strabisme  divergent.  La  tête  penche  en  avant  et  à  gauche, 
connaissance  conservée,  légère  cyanose.  A  partir  de  10  heures,  impossibilité 
d'avaler;  à  midi,  trismus;  à  1  heure  3/4,  fortes  convulsions  respectant  la  tête; 
pouls  extrêmement  fréquent  ;  température  41°, 87;  forte  cyanose,  écume  à  la 
bouche,  râle  trachéal.  Mort  à  2  heures  1/4;  température  43°.  Un  quartd'heure 
après,  température  42°, 75. 

Autopsie.  —  Corps  en  bon  état  ;  larges  taches  cadavériques  aux  endroits 
déclives  ;  pas  de  rigidité  musculaire.  Le  crâne  et  ses  viscères  gorgés  de 
sang;  circonvolutions  postérieures  un  peu  aplaties;  substance  cérébrale  un 
peu  dure.  Léger  épaississement  trouble  de  la  pie-mire  de  la  base.  Cavités 
cérébrales  de  capacité  à  peu  près  normales,  à  parois  de  consistance  ordinaire. 
Pont  et  moelle  injectés  de  sang  rouge  grisâtre,  sale.  —  Poumons  injectés  et 
œdématiés.  —  Cœur  normal  ;  foie  graisseux  çà  et  là,  exsangue;  bile  claire 
et  brun  fonce;  —  Rate  petite,  molle,  brun  pâle,  exsangue.  —  'Estomac  di- 
laté, d'ailleurs  normal,  comme  les  intestins.  —  Reins  fortement  gorgés  de 
sang;  concrétion  du  volume  de  la  moitié  d'un  pois  dans  un  calice  du  rein 
gauche.  —  Utérus  normal.  —  Kystes  nombreux  de  la  grosseur  d'un  pois 
dans  les  ovaires.  (Wunderlich .  —  Arch.  der  Heilhmde,t.  V,  p.  210.) 


Charcot,  t.  i,  3e  éd.  25 


APPENDICE 


I. 

Observation  de  paralysie  agitante. 


(Voir  lu  Planche  VIII,  qui  représente  l'attitude  caractéristique  des  malades 
atteints  de  paralysie  agitante). 


Antécédents.  —  Cause  probable  de  la  paralysie  agitante.  —  Début  :  faiblesse 

qui  envahit  successivement  les  membres.  —  Tremblement  de  la  tète,  puis  des 

membres. 
Etat  de  la  malade  en  1874  :  Attitude  générale:  —  Tremblement  ;  —  Marche; 

propulsion  et  rétropulsion ;  —  Température,  pouls,  etc. 
Modifications  survenues   dans  la  maladie  du  mois  de  juillet  1874  au  mois  de 

juillet  1877. 

Gavr...  Anne-Marie,  62  ans,  marchande  des  quatre  saisons, 
admise  à  la  Salpétrière  le  31  décembre  1872,  est  entrée  dans 
le  service  de  M.  Chargot,  salle  Saint- Alexandre,  n°  3,  le  12 
novembre  1873. 

Antécédents.  — Son  père,  charpentier,  est  mort  d'un  accident 
lorsqu'elle  n'avait  que  12  ans.  Sa  mère,  qui  a  succombé  à 
74  ans,  était  nerveuse,  s'emportait  facilement,  mais  n'avait 
pas  de  tremblement  ni  de  paralysie.  Sa  sœur  unique  est  morte 
d'une  pleurésie  à  40  ans.  —  Aucun  des  membres  de  sa  famille 
qu'elle  a  connus  n'aurait  été  atteint  d'affections  nerveuses  et 
en  particulier  de  tremblement. 

Gavr...  est  venue  à  Paris  à  4  ans.  Son  enfance  et  sa  jeunesse 
se  sont  passées  sans  incident  notable.  Elle  a  été  réglée  régu- 
lièrement à  partir  de  14  ans.  Mariée  à  28  ans,  elle  a  eu  cinq 
enfants.  Ses  grossesses  et  ses  couches,  en  général,  ont  été 
bonnes.  De  ses  cinq  enfants,  l'aîné  est  mort,  âgé  de  35  ans, 
pendant  la  Commune;  —  le  2°  et  le  3e,  deux  garçons,  sont  bien 
portants  ;  —  le  4°  enfant  est  une  fille,  âgée  de  28  ans,  qui  est 
sujette  à  des  attaques  nerveuses,  d'ailleurs  assez  éloignées  ; 
—  le  5e  enfant  est  mort  durant  l'accouchement. 

Notre  malade  assure  n'avoir  jamais  eu  de  maladie  sérieuse, 


390  APPENDICE. 

entre  autres  ni  rhumatisme,  ni  chorée.  Bien  qu'elle  ait  été 
marchande  des  quatre  saisons  pendant  4  3  ans,  elle  n'aurait 
point  fait  d'excès  de  boisson.  Elle  a  toujours  habité  des  loge- 
ments salubres,  exposés  au  soleil.  Elle  était  heureuse  en  mé- 
nage et  n'a  jamais  souffert  de  privations. 

Début  de  la  maladie.  —  C'est  en  1 868  qu'a  débuté  sa  ma- 
ladie. Voici  dans  quelles  circonstances  :  son  troisième  fils, 
qu'elle  affectionnait  plus  spécialement,  est  venu  lui  ap- 
prendre subitement  qu'il  venait  de  signer  un  engagement 
comme  soldat.  Cette  nouvelle  l'a  vivement  affligée  ;  elle  a 
pleuré  beaucoup  et,  dès  les  jours  suivants,  elle  s'est  aperçue 
qu'elle  avait  de  la  faiblesse  dans  le  bras  droit.  Bientôt  la  fai- 
blesse a  gagné  le  bras  gauche,  le  membre  inférieur  droit,  puis 
le  gauche  simultanément;  elle  avait,  pendant  la  nuit,  dans  les 
jambes,  des  crampes  qui  la  faisaient  crier.  Elle  aurait  eu  en- 
suite de  la  faiblesse  dans  les  «  reins.  »  A  son  arrivée  à  la  Sal- 
pétrière  (décembre  1872),  elle  était  moins  affaiblie  qu'au- 
jourd'hui (8  juillet  1874).  Le  tremblement  aurait  envahi  les 
membres  dans  les  premiers  mois  de  1873  et  aurait  frappé 
d'abord  le  membre  supérieur  droit.  Enfin,  elle  a  remarqué,  à 
peu  près  à  la  même  époque,  qu'elle  avait  de  la  rétro  pulsion: 
un  jour,  ayant  fait  un  faux  pas,  elle  a  été  entraînée  en  arrière 
malgré  elle. 

Etat  actuel  (8  juillet  1874).— L'attitude  générale  delà  malade, 
dans  la  station  verticale,  est  celle  qu'a  décrite  M.  Charcot  dans 
la  leçon  V  (p.  169)  et  que  représente  si  fidèlement  la  Planche 
VIII,  dessinée  par  M.  P.  Richer.  Le  tronc  et  la  tète  sont  inclinés 
en  avant  ;  le  cou  est  tendu  et  on  dirait  que  la  tête  est  fixée  sur 
une  tige  rigide.  Les  traits  de  la  physionomie  sont  absolument 
immobiles,  les  plis  du  front  sont  à  peine  accusés;  les  pau- 
pières sont  médiocrement  ouvertes,  la  malade  peut  toutefois 
les  relever  et  les  abaisser  sans  difficulté.  Les  yeux,  peu  ex- 
pressifs, sont  dirigés  en  avant  ;  pour  regarder  latéralement,  la 
malade  est  obligée  de  tourner  tout  le  corps.  Quelquefois  les 
lèvres  sont  accolées  l'une  contre  l'autre,  mais,  le  plus  sou- 
vent, la  bouche  est  entre-ouverte,  la  lèvre  inférieure,  tom- 
bante, laissant  apercevoir  l'arcade  dentaire  correspondante; 
parfois,  la  salive  s'écoule  involontairement  de  la  bouche.  Les 
lèvres  et  la  langue  ne  tremblent  pas.  La  déglutition  serait 
presque  toujours  laborieuse. 

Les  bras  sont  légèrement  écartés  du  tronc;  les  avant-bras, 
demi-fléchis,  sont  disposés  de  telle  sorte  que  les  mains  re 


PARALYSIE   AGITANTE.  39* 

posent  sur  la  région  ombilicale  et  que  les  coudes  sont  un  peu 
éloignés  du  tronc.  Le  pouce,  légèrement  infléchi,  s'appuie 
d'habitude  sur  l'index;  les  autres  doigts  sont  un  peu  fléchis 
et  ramassés  les  uns  contre  les  autres.  La  disposition  des  mains 
est  la  même  des  deux  côtés. 

Les  jambes  sont  rapprochées  sans  que,  toutefois,  les  genoux 
se  touchent.  Si  les  jambes  sont  écartées,  l'équilibre  est  incer- 
tain. Que  les  yeux  soient  ouverts  ou  fermés,  la  malade  se 
tient  de  la  même  façon. 

Elle  s'asseoit  lourdement,  tout  d'un  coup.  Elle  ne  peut  se 
lever  que  si  on  l'aide,  encore  est-on  obligé  de  déployer  une 
certaine  force.  Elle  se  met  à  marcher  après  hésitation,  s'avance 
d'abord  à  petits  pas,  puis  la  marche  se  précipite,  il  y  a  pro- 
pulsion. «  Parfois,  dit  Gavr...,  je  suis  poussée  très-loin,  jus- 
qu'à ce  que  je  rencontre  un  mur,  sans  cela  je  tombe.  »  La 
rétropulsion  est  aussi  évidente  ;  pour  la  constater,  il  suffit, 
comme  le  fait  M.  Charcot,  de  tirer  légèrement  la  malade  par  sa 
jupe.  Aussitôt,  elle  marche  à  reculons  et  avec  une  vitesse  telle 
qu'elle  ne  tarderait  pas  à  tomber  si  on  ne  la  surveillait.  Pour 
se  retourner,  la  malade  hésite  encore  plus  que  pour  se  mettre 
en  marche. 

Le  tremblement  est  à  peine  accusé,  surtout  au  repos.  La 
tète  tremble  un  peu  plus,  par  moments,  que  les  mains.  Lors- 
que celles-ci  sont  d'aplomb,  elles  restent  généralement  immo- 
biles. La  malade  peut  fléchir  la  tète  plus  qu'elle  ne  l'est  d'or- 
dinaire, mais  il  lui  est  impossible  de  l'étendre  complètement 
parce  que  «  la  colonne  vertébrale  est  roide.  » 

M  céphalalgie,  ni  vertiges,  ni  étourdissements.  L'intelli- 
gence est  conservée,  la  mémoire  bonne.  Le  sommeil,  chez  elle, 
est  moins  court  que  chez  la  plupart  des  malades  de  son  espèce. 
Il  serait  même  bon  si  elle  n'était  souvent  réveillée  par  des 
douleurs  dans  les  talons  :  «  çà  me  pique  et  on  dirait  de  l'eau 
qui  coule  dans  l'intérieur  du  talon.  »  Elle  se  plaint  d'une  sen- 
sation constante  de  chaleur  et  ne  garde  qu'un  drap  sur  elle, 
même  pendant  l'hiver. 

Nous  avons  indiqué  l'état  des  forces  mesurées  au  dynamo- 
mètre à  la  page  174  et  celui  de  la  température  à  la  page  178, 
nous  n'y  reviendrons  donc  pas. 

1 875.  Juillet.— Lu  faiblesse  est  allée  en  augmentant.  L'attitude 
générale  est  la  même  ;  toutefois,  la  tète  et  le  tronc  s'inclinent 
de  plus  en  plus  en  avant  et,  en  outre,  il  s'est  produit  une  sorte 
d'inclinaison  latérale  qui  fait  que  la  moitié  droite  du  corps 
précède,  dans  la  marche,  la  moitié  gauche. 


392  APPENDICE. 

Maintenant  les  lèvres  sont  presque  toujours  accolées  l'une 
à  l'autre,  la  supérieure  est  ramassée,  plissée  ;  quelquefois,  au 
dire  de  la  malade,  elles  seraient  roides  toutes  les  deux.  Les 
arcades  dentaires  ne  sont  pas  pressées  l'une  contre  l'autre.  Il 
semblerait  que  la  malade  rapproche  les  lèvres  pour  diminuer 
le  tremblement  du  menton  ;  malgré  cette  précaution,  les  lèvres 
sont  animées  de  petits  mouvements  qui  rappellent,  selon  la 
comparaison  de  la  malade,  les  mouvements  des  lèvres  du 
lapin.  Même  dans  la  bouche,  la  langue  tremble  ;  allongée,  elle 
tremble  davantage. 

Le  tremblement  de  la  tête  se  compose  de  secousses  antéro- 
postérieures,  quelquefois  latérales,  d'une  amplitude  très-cir- 
conscrite.  Ainsi  que  cela  a  été  dit  dans  le  cours  de  la  Leçon,  ces 
oscillations  sont  communiquées  à  la  tête  par  le  tronc.  Quand 
la  malade  est  assise,  les  jambes  tremblent,  les  pieds  frappent 
de  petits  coups  rapides  sur  le  parquet.  En  résumé,  le  trem- 
blement a  fait  des  progrès  à  la  tête  et  aux  membres  infé- 
rieurs, mais  n'a  guère  changé  aux  membres  supérieurs.  No- 
tons aussi  que  le  besoin  de  déplacement,  qui  était  peu  accusé 
en  1874  et  ne  se  faisait  sentir  que  durant  le  jour,  est  plus 
marqué  aujourd'hui  et  tourmente  la  malade  non-seulement 
pendant  la  journée,  mais  encore  pendant  le  séjour  au  lit. 
—  Le  sommeil  est  moins  long  qu'autrefois.  —  La  malade 
se  promène  encore  dans  la  salle  et  dans  la  cour  de  l'infir- 
merie. 

1 877.  Juillet.  —  La  maladie  s'est  notablement  aggravée  de- 
puis deux  ans. —  1? attitude  générale  de  Gav...  s'est  modi- 
iiée  en  ce  sens  que  l'inclinaison  de  la  tête  sur  l'épaule  gauche 
s'est  accusée  davantage  ainsi  que  la  torsion  et  Yinclinaison  du 
corps  à  droite.  Les  traits  de  la  face  sont  comme  figés  ;  les  pau- 
pières sont  à  demi-ouvertes,  le  regard  fixe.  Les  lèvres,  actuel- 
lement, sont  écartées  d'un  demi  centimètre,  tremblantes,  et 
laissent  voir  la  langue  qui  est  sans  cesse  en  mouvement.  Le 
cou  est  très-rigide  ;  les  muscles  trapèze,  sterno-mastoïdien  gau- 
ches sont  fortement  contractures.  Toutefois  la  malade  peut 
tourner  la  face  vers  la  droite. 

Les  bras y  toujours  disposés  en  anse,  sont  rigides  dans 
toutes  leurs  jointures  ;  la  rigidité  est  plus  marquée  dans  les 
coudes  et  plus  à  droite  qu'à  gauche.  —  Les  phalangettes  des 
3e  et  4e  doigts  ont  une  tendance  à  se  porter  dans  l'extension. 
La  malade  parvient,  mais  avec  une  grande  lenteur,  à  porter 
l'une  et  l'autre  de  ses  mains  à  la  face. 

Les  membres  inférieurs  ne  présentent  qu'une  légère  roideur; 


PARALYSIE  AGITANTE.  393 

elle  prédomine  dans  les  articulations  tibio-tarsiennes.  Le 
tremblement  est  moins  intense  aux  jambes  qu'aux  bras.  En 
effet,  il  y  a  des  instants  où  les  pieds  reposent  tranquillement 
sur  le  parquet. 

Depuis  un  an,  Gav..  est  incapable  de  marcher  seule  ;  depuis 
un  mois,  elle  ne  peut,  même  aidée,  aller  à  la  salle  de  bains  ; 
on  est  obligé  de  l'y  porter  sur  un  brancard.  —  La  propulsion 
et  la  rétropulsion  paraissent  avoir  disparu  ;  mais  il  est  diffi- 
cile d'affirmer  le  fait,  au  moins  pour  la  rétropulsion,  la  ma- 
lade se  retenant  ou  s'affaissant  dès  qu'on  la  tire  un  peu  par 
sa  jupe. 

Gav..  ne  mange  plus  seule  ;  son  sommeil  est  meilleur  :  elle 
s'endort  avec  quelque  peine,  mais  une  fois  endormie  elle  ne 
se  réveille  qu'au  bout  de  5  à  6  heures.  La  sensationde  chaleur, 
le  besoin  de  déplacement,  —  sauf  la  nuit  pour  celui-ci  —  sont 
toujours  aussi  accusés  qu'autrefois.  — Douleurs  dans  les  join- 
tures, qu'elle  compare  à  des  piqûres,  plus  intenses  dans  les 
coudes,  au  niveau  de  la  région  occipitale,  à  la  partie  posté- 
rieure du  cou  et  dans  les  reins  :  c'est  à  ces  dernières  que  la 
malade  attribue  l'incurvation  du  tronc.  —  Les  douleurs  vi- 
ves, qu'elle  éprouvait  en  4  875  dans  les  talons,  ont  disparu. 

Les  fonctions  circulatoire,  respiratoire,  digestives,  excepté 
une  constipation  opiniâtre,  s'accomplissent  régulièrement.  — 
La  température  paraît  augmenter  ;  la  température  moyenne 
de  3  jours  a  été  le  matin  de  37°,6  ;  le  soir  de  38°,  1 .         (13.) 


391  APPENDICE. 


IL 


Du  tremblement  dans  la  maladie  de  Parkinson. 

[Paralysie  agitante.) 


M.  Charcot  a  consacré  une  bonne  partie  de  sa  leçon  du 
19  novembre  1816  à  la  paralysie  agitante  en  insistant  tou- 
te ibis  plus  particulièrement  sur  différents  points  de  l'histoire 
de  cette  maladie. 

Tout  d'abord,  M.  Charcot  s'est  attaché  à  montrer  que  la 
dénomination  de  paralysie  agitante  est  impropre.  Il  est, 
en  effet,  singulier  de  donner  le  nom  de  paralysie  à  une  af- 
fection dans  laquelle,  pendant  longtemps,  la  force  muscu- 
laire est  conservée.  Le  mot  «  paralysie  »  outre  qu'il  n'est 
pas  justifié,  a  encore  l'inconvénient  d'inquiéter  les  malades, 
de  les  conduire  à  s'imaginer  qu'ils  sont  sous  le  coup  d'une 
lésion  organique  grave  et  menaçant  l'intégrité  des  facultés 
intellectuelles. 

Le  qualificatif  ce  agitante  »  ajouté  au  mot  «paralysie  » 
n'est  pas  non  plus  absolument  exact  —  au  moins  appliqué 
à  certaines  formes,  cependant  très-accusées,  bien  que  le 
tremblement  y  fasse  défaut,  et  dont  le  diagnostic  peut  être 
rigoureusement  établi. 

Ces  considérations  ont  amené  M.  Charcot  à  proposer 
d'appeler  cette  affection  :  maladie  de  Parkinson,  du  nom 
du  médecin  anglais  qui,  le  premier,  en  1817,  a  sérieusement 
attiré  l'attention  sur  elle. 

On  sait  que  M.  Charcot  s'est  efforcé  de  séparer  nette- 
ment la  paralysie  agitante  d'une  autre  maladie,  très-intéres- 
sante, elle  aussi,  la  sclérose  en  plaques.  On  connaît  la  des- 
cription minutieuse  qu'il  en  a  tracée  et  dont  chaque  année 
ses  auditeurs,  par  l'examen  direct  des  malades,  peuvent 
vérifier  l'exactitude.  Néanmoins,  la  conviction  n'est  pas 
faite,  paraît-il,  dans  tous  les  esprits  et,  en  particulier,  on  a 
contesté  les  assertions  de  M.  Charcot  relatives  aux  carac- 
tères du  tremblement  de  la  tête. 

D'après  M.  Charcot,  le  tremblement  de  la  maladie  de  Par- 
kinson débute  le  plus  souvent  par  l'un  des  membres  et  se 


MALADIE   DE   PARKINSON.  395 

généralise  ensuite  peu  à  peu  «tout  en  respectant  cepen- 
dant la  tête  (1).  » 

A  un  autre  endroit  de  ses;  Leçons,  M.  Charcot  répète  que, 
dans  la  règle,  la  tête  et  le  cou  restent  indemnes.  (Loc.  cil. 
11C  édition,  p.  154). 

Plus  loin,  enfin,  lorsqu'il  compare  le  tremblement  dans 
la  sclérose  en  plaques  et  dans  la  paralysie  agitante, 
M.  Charcot  s'exprime  ainsi  à  ce  sujet  à  propos  de  deux 
femmes  atteintes  de  paralysie  agitante* 

«  Vous  observerez,  en  outre,  que  chez  elles  la  tète  ne 
prend  pas  part  au  tremblement  ou  si  (die  parait  agitée  par 
des  oscillations,  celles-ci  lui  sont  évidemment  communi- 
quées; il  s'agit  là  d'une  transmission  des  secousses  dont  les 
membres  et  le  torse  sont  le  siège.  L'absence  du  tremble- 
ment de  la  tète  me  parait  être  un  fait  à  peu  près  général 
dans  la  paralysie  agitante.  »  (Loc.  cit.,  p.  203.) 

L'opinion  de  M.  Charcot,  on  le  voit,  est  exprimée  d'une 
façon  formelle.  Quelques  médecins  ont  contesté  la  réalité 
de  ce  fait  et  ont  avancé  que  «  les  oscillai  ions  rhythmiques , 
dans  certains  cas  de  paralysie  agitante,  portent  égale- 
ment sur  V extrémité  eëplialique.»  (Voir  Mour.  méd.,mai). 
Il  faut  donc  répéter  que,  dans  la  paralysie  agitante,  les 
mouvements  qui  animent  quelquefois  la  tète  lui  sont  com- 
muniqués par  le  tronc.  M.  Charcot  compare  ce  phénomène 
de  transmission  à  celui  qu'éprouve  le  cavalier  qui  subit  les 
mouvements  que  lui  communique  sa  monture. 

Pour  prouver  que  cette  explication  est  vraie,  M.  Charcot 
a  eu  l'idée  défaire  disposer  sur  la  tète  de  ses  malades,  et 
perpendiculairement  au  iront,  une  baguette  terminée  par 
un  plumet  :  chacun  des  assistants  a  pu  constater  chez 
plusieurs  sujets  atteints  de  maladie  de  Parkinson  que, 
quand  les  malades  sont  libres,  le  plumet  est  sans  cesse  en 
mouvement.  Mais  si,  à  l'aide  d'un  artifice  quelconque,  par 
exemple  en  élevant  fortement  le  tronc  et  les  bras,  on  arrête 
les  mouvements  des  membres  supérieurs,  on  suspend  du 
même  coup  celui  de  la  tête  et  les  plumets  deviennent  im- 
mobiles. Il  ressort  de  là  bien  évidemment  que  l'opinion 
formulée  par  M.  Charcot  est  rigoureusement  exacte  et  que, 
dans  la  règle,  la  tète  ne  tremble  pas,  du  moins  par  elle- 
même. 


(l)  Leçons  sur  les  maladies  du  système  nerveux,  lre  édition,  p.  145 


396  APPENDICE. 

Un  autre  point  sur  lequel  M.  Charcot  a  beaucoup  insisté, 
c'est  que  le  tremblement  ne  constitue  pas  un  symptôme 
nécessaire  de  la  maladie  de  Parkinson.  Il  est,  en  effet, 
une  forme  de  cette  maladie,  forme  fruste  par  excellence, 
pour  employer  les  expressions  mêmes  de  M.  Charcot,  clans 
laquelle  le  tremblement  est  si  léger  qu'il  passe  inaperçu 
des  malades,  ou  n'apparaît  qu'au  bout  de  trois  ou  quatre 
ans,  ou  même  fait  complètement  défaut. 

Déjà  dans  la  première  édition  de  ses  Leçons,  M.  Charcot 
a  parlé  de  cette  forme  fruste.  Il  a  rapporté  sommairement 
l'histoire  d'un  malade  de  sa  clientèle  privée,  et  nous  avons 
consigné  dans  une  note  l'observation  d'une  malade  de  son 
service,  à  la  Salpétrière,  nommée  Guill...,  et  chez  laquelle 
le  tremblement  n'avait  paru  que  quatre  ans  après  le  début 
du  mal.  M.  Charcot  a  rappelé  ces  faits  et,  de  plus,  il  en  a 
cité  deux  autres  dont  voici  le  résumé. 

Observation  I.  — Habitation  humide;  chagrins.  —  Névralgie 
frontale^).  —  Faiblesse  du  pouce  de  la  main  gauche,  puis  de 
la  main  droite.  —  Lenteur  de  la  démarche.  —  Attitude  géné- 
rale. —  Aspect  de  la  physionomie.  —  Propulsion.  —  Besoin  de 
déplacement.  —  Sensation  de  chaleur.  —  Circonscription  du 
tremblement  qui  a  passé  inaperçu  du  malade.  —  Caractères  de 
l'écriture.  (Obs.  de  M.  Charcot.) 

M.  R..,,  associé  d'une  grande  maison  de  tapisserie  à  Paris, 
âgé  de  47  ans,  s'est  présenté  dans  mon  cabinet  en  décembre  1 868. 
Il  m'a  raconté  que  durant  de  longues  années,  il  a  demeuré 
habituellement,  pendant  toute  la  durée  du  jour,  dans  un  bu- 
reau humide.  Mais  il  insiste  surtout,  parmi  les  causes  qui, 
dans  son  opinion,  ont  dû  contribuer  à  développer  la  maladie 
dont  il  souffre,  sur  les  grands  tracas  qu'il  n'a  cessé  d'éprou- 
ver depuis  qu'il  est  associé. 

Il  y  a  4  ans,  M.  R...  a  souffert  pendant  2  ou  3  mois  d'une 
douleur  de  tète  très-vive,  siégeant  sur  le  front  du  côté  gau- 
che et  à  la  racine  du  nez  du  même  côté.  Les  douleurs,  reve- 
nant par  paroxysmes,  s'accompagnaient  souvent  d'une  rou- 
geur intense  de  l'œil  gauche.  Elles  se  sont  terminées,  comme 
il  le  raconte,  par  un  rhume  de  cerveau,  occupant  la  narine 
gauche.  Auparavant,  il  y  a  12  ou  15  ans,  il  avait  éprouvé,  à 
plusieurs  reprises,  des  douleurs  articulaires,  qui  n'ont  jamais 
été  assez  intenses,  toutefois,  pour  constituer  une  véritable 
maladie. 

C'est  peu  de  temps  après  la  cessation  de  la  névralgie  fron- 


M.VT.ADÏE   DE      ARKINSON  :    TREMBLEMENT.  397 

taie  (?)  que  la  maladie  actuelle  aurait  débuté.  Le  premier 
symptôme  observé  parait  avoir  été  ce  que  M.  R...  appelle  une 
faiblesse  du  pouce  de  la  main  gauche.  Il  s'en  est  aperçu  en 
jouant  aux  cartes.  Il  éprouvait  une  certaine  difficulté  à  tenir 
son  jeu  de  cette  main,  ;  peu  à  peu  la  main,  puis  l'avant-bras, 
et  le  membre  tout  entier  enfin  sont  devenus  faibles.  Jamais 
il  n'a  existé  dans  ces  parties  de  fourmillements,  d'engourdis- 
sements, de  douleurs  d'aucun  genre.  Il  n'y  a  jamais  existé  non 
plus,  le  malade  l'assure  du  moins,  la  moindre  trace  de  trem- 
blement. La  main  droite  s'est  prise  plus  tard  de  la  même  fa- 
çon; alors  M.  R...  a  commencé  à  ne  plus  pouvoir  écrire  que 
lentement,  péniblement.  Bien  que  l'écriture  soit  restée  régu- 
lière, les  caractères  tracés  sont  tellement  petits,  qu'il  faut 
s'armer  d'une  loupe  pour  les  lire  distinctement.  Les  membres 
inférieurs  se  sont  affaiblis  en  dernier  lieu. 

Lors  de  l'entrée  du  malade  dans  mon  cabinet,  j'ai  été  frappé 
immédiatement  de  la  lenteur  de  sa  démarche  et,  en  général, 
de  tous  ses  mouvements.  Son  attitude  et  sa  physionomie  pré- 
sentaient également  quelque  chose  de  tout  à  fait  caractéris- 
tique. Il  se  tient,  marche  et  s'assied  tout  d'une  pièce  ;  on  le 
dirait  empoté,  soudé  dans  toutes  les  articulations.  La  tête  est 
légèrement  inclinée  en  avant  ;  il  lui  est  impossible  de  la 
tourner  vivement  soit  à  droite,  soit  à  gauche.  Le  regard  est 
fixe,  les  traits  sans  mobilité  :  Ils  expriment,  à  un  certain  de- 
gré, la  stupeur  et  la  tristesse.  M.  R...  ne  peut  qu'à  grand"peine 
faire  une  grimace.  Le  visage  offre  une  pâleur  singulière  ;  on 
le  dirait  recouvert  d'un  masque.  —  Le  débit  est  particulière- 
ment lent  :  chaque  parole  coûte  un  effort,  la  moindre  conver- 
sation produit  de  la  fatigue.  Du  reste,  pas  traces  d'embarras 
dans  l'articulation  des  mots. 

M.  R...  marche  le  corps  incliné  en  avant  ;  il  progresse  à  pe- 
tits pas  ;  les  membres  inférieurs,  et  les  supérieurs,  eux  aussi, 
sont  rigides,  demi-fléchis.  Il  ressent  parfois  une  certaine  ten- 
dance à  la  propulsion,  c'est-à-dire  qu'il  se  voit  obligé  de  mar- 
cher plus  vite  qu'il  ne  le  voudrait. 

Il  éprouve  un  incessant  besoin  de  changer  de  place  ;  quand 
il  est  assis  il  désire  se  lever  et,  à  peine  levé,  il  voudrait  s'as- 
seoir. En  un  mot,  comme  il  dit  :  il  ne  se  trouve  bien  nulle 
part.  Gela  est  surtout  marqué  la  nuit,  au  lit  :  les  membres 
ont  à  peine  pris  une  attitude  qui  parait  favorable  au  repos 
qu'il  la  faut  changer,  en  raison  du  sentiment  de  fatigue  dou- 
loureux dont  ils  deviennent  bientôt  le  siège. 

D'ailleurs,  à  part  cette  sensation  de  fatigue,  de  pesanteur 
qui  existe  dans  les  membres  pour  ainsi  dire  d'une  façon  per- 


398  APPENDICE. 

manente  à  un  certain  degré,  on  ne  constate  chez  M.  R...  au- 
cun trouble  de  la  sensibilité  :  pas  d'anesthésie,  pas  d'hyper- 
esthésie,  seulement  de  temps  à  autre,  principalement  la  nuit, 
un  sentiment  de  chaleur  qui  le  porte  à  se  découvrir.  Il  s'est 
produit,  depuis  quelques  mois,  un  amaigrissement  général 
assez  prononcé,  mais  on  n'observe  aucune  trace  d'atrophie 
partielle.  Aucun  désordre  à  noter,  du  reste,  dans  la  santé  gé- 
nérale. 

Pendant  le  temps  que  j'examinais  M.  R...,  je  m'aperçus 
que,  par  instants,  sa  main  gauche,  abandonnée  sur  le  genou 
correspondant,  était  agitée  par  un  léger  tremblement.  Je  le  lui 
fis  observer.  Il  en  parut  fort  étonné,  et  m'assura,  une  fois 
déplus,  qu'il  n'avait  jamais  remarqué  dans  aucune  partie 
de  son  corps  la  moindre  trace  de  tremblement.  «  Toute  ma 
maladie,  ajouta-t-il,  me  parait  consister  en  ce  que  ma  volonté, 
d'ailleurs,  aussi  ferme  que  par  le  passé,  n'est  plus  écoutée 
par  les  muscles  qui  ne  répondent  que  lentement  et  tardive- 
ment. » 

Je  me  suis  assuré  que  la  main  gauche  était  la  seule  partie 
qui  présentait  le  tremblement  en  question.  Je  priai  M.  R...  de 
prendre  la  plume  de  la  main  droite  et  d'écrire  quelques  mots. 
Il  traça  lentement,  mais  d'une  main  ferme,  des  caractères  ré- 
guliers, tellement  fins  à  la  vérité  que,  ainsi  que  je  l'ai  dit 
plus  haut,  on  peut  à  peine  les  déchiffrer  à  l'œil  nu. 

Les  mains  ne  présentent  pas  de  déformation  permanente  ; 
mais  les  doigts  prennent  facilement  et  sans  que  le  malade  en 
ait  conscience,  l'attitude  particulière  qu'ils  offrent  lorsqu'on 
tient  une  plume  à  écrire. 


A  une  époque  où,  chez  M.  R...,  tous  les  autres  caractères 
assignés  par  M.  Charcot  à  la  paralysie  agitante  étaient 
présents  et  avaient  acquis  une  intensité  déjà  considérable, 
seul  le  tremblement  —  que  quelques  auteurs  tendent  à 
considérer  comme  un  trait  essentiel  à  la  maladie,  était 
pour  le  moins  à  peine  accusé  puisqu'il  avait  échappé  au 
malade  lui-même.  De  plus,  il  était  de  date  récente  et  la 
maladie  existait  —  avec  tous  ses  autres  symptômes, 
depuis  quatre  années  à  l'époque  où  le  tremblement  a  été 
pour  la  première  ibis  remarqué.  Le  second  fait  n'est  pas 
moins  démonstratif. 


MALADIE   DE   PARKINSON  !   TREMBLEMENT.  309 

Observation  IL  —  Rhumatisme  articulaire  aigu.  —  Malaises. 
—  Douleurs  et  raideurs  musculaires.  —  Bave.  —  Attitude 
générale.  — Lenteur  delà  démarche.  —  Latéropulsion.  —  As- 
pect de  la  physionomie.  —  Ecriture  normale.  —  Absence  com- 
plète de  tremblement.  (Obs.  communiquée  par  M.  Gharcot.) 

Mme  G...,  âgée  de  40  ans  environ,  est  attachée  à  un  établis- 
sement hydrotkérapique  bien  connu,  à  titre  de  professeur  de 
gymnastique. 

Elle  a  subi,  il  y  a  20  ans,  une  attaque  de  rhumatisme  articu- 
laire aigu  ;  un  peu  plus  tard  une  fièvre  typhoïde  qui  parait 
avoir  été  assez  grave  ;  en  dernier  lieu  une  pneumonie. 

Peu  de  temps  après  la  guerre,  elle  commença  à  ressentir 
certains  malaises  indéfinissables  ;  elle  était  moins  alerte,  elle 
se  sentait  raide,  incapable  d'exécuter  des  mouvements  ra- 
pides et  par  conséquent  fort  gênée  dans  ses  exercices.  Un 
jour,  en  montant  une  échelle,  elle  ressentit  dans  la  jambe 
gauche  une  douleur  vive  avec  crispation  des  orteils.  Ces  cram- 
pes douloureuses  se  reproduisent  encore  aujourd'hui  dans  le 
même  membre  de  temps  à  autre.  Des  douleurs  sourdes,  ac- 
compagnées de  raideur  musculaire,  se  sont  fait  sentir  alors  et 
se  font  sentir  encore  actuellement  à  la  nuque,  dans  les  reins, 
quelquefois  aux  épaules. 

Il  y  a  6  mois,  la  malade  a  remarqué  qu'une  grande  quantité 
de  salive  s'écoulait  involontairement  de  sa  bouche.  Le  phé- 
nomène s'est  modifié  depuis  quelques  semaines  sous  l'influen- 
ce d'un  traitement  approprié.  (Hyoscyamine  :  4  ou  5  milligr. 
par  jour  en  pilules.) 

Aujourd'hui,  l'attitude  de  Mme  G...  est  particulièrement 
raide  et  pour  ainsi  dire  empesée.  La  démarche  est  lente  et 
pénible  ;  le  départ  est  surtout  difficile  et  précédé  d'un  temps 
d'hésitation.  Il  n'y  a  pas  de  tendance  à  la  propulsion  ou  à  la 
rétropulsion  ;  mais  de  temps  en  temps, Mme  G...  se  sent  invin- 
ciblement entraînée  vers  le  côté  gauche. 

Au  repos,  comme  pendant  la  marche,  la  tète  reste  immo- 
bile, légèrement  fléchie.  Les  traits  sont  inertes,  les  yeux 
fixes,  la  bouche  serrée.  Les  paroles  s'échappent  lentement, 
faiblement  articulées  et  avec  un  timbre  légèrement  na- 
sonné. 

Les  deux  bras,  pendant  le  long  du  corps,  sont  un  peu  ri- 
gides dans  la  demi-flexion.  Les  doigts  des  mains  sont  légère- 
ment fléchis,  les  poignets  un  peu  étendus  ;  la  volonté  peut  mo- 
difier ces  attitudes,  mais  non  sans  effort. 


400  APPENDICE. 

Il  n'existe  pas  la  moindre  trace  de  tremblement,  même  aux 
mains.  La  malade  peut  écrire  encore  d'une  écriture  très-fine, 
mais  très-lisible  et  dont  les  caractères  ne  paraissent  nulle- 
ment tremblés,  même  quand  on  les  examine  à  l'aide  d'une 
loupe.  Ces  caractères  sont  tracés  lentement,  péniblement,  et 
il  a  fallu  en  ma  présence  plus  d'un  quart  d'heure  pour  écrire 
une  dizaine  de  mots. 

Bien  qu'il  n'y  ait  pas,  comme  on  voit,  à  proprement  parler 
de  tremblement  des  mains,  il  y  a  lieu  de  remarquer  qu'à  l'oc- 
casion de  certains  actes,  comme  celui  de  prendre  un  mou- 
choir dans  la  poche,  les  doigts  sont  quelquefois  agités  de  quel- 
ques secousses  rhythmées,  d'ailleurs  très-fugitives. 


A  part  le  tremblement  qui  manque  complètement,  nous 
retrouvons  chez  Mme  G...  tous  les  symptômes  principaux 
de  la  maladie  de  Parkinson.  L'aspect  général  de  cette 
dame,  plus  peut-être  encore  que  celui  de  M.  R...,  nous  rend 
compte  d'une  singulière  erreur  de  diagnostic  qui  est  quel- 
quefois commise.  En  raison  de  l'attitude  empesée  des  ma- 
lades, de  la  gêne  des  mouvements  devenus  d'une  lenteur 
extrême  ;  en  raison  de  l'immobilité  des  traits  qui  font  res- 
sembler la  figure  à  un  masque  en  cire  et  imprime  un  cer- 
tain cachet  d'hébétude  à  la  physionomie  ;  en  raison  aussi 
de  l'écoulement  involontaire  de  la  salive  et  de  l'embarras 
de  la  parole,  on  a  pu  croire  plusieurs  fois,  en  pareille  cir- 
constance, qu'il  s'agissait  d'un  ramollissement  du  cerveau, 
principalement  lorsque  la  rigidité  s'était  montrée  surtout 
prononcée  sur  les  membres  d'un  côté.  Il  y  a  là  une  erreur 
qu'il  importe  de  relever  ;  c'est  le  cas  de  relever  aussi  que 
les  facultés  intellectuelles,  dans  la  maladie  de  Parkinson, 
sont  intactes.  M.  Gharcot  ne  manque  aucune  occasion  de 
signaler  cette  intégrité  de  l'intelligence  qui  persiste  le  plus 
ordinairement  jusqu'à  la  fin.  (B.) 


MALADIE  DE  PARKINSON.  40  1 


III. 


Caractères  de   l'écriture    des   malades  atteints  de 
maladie  de  Parkinson. 


Au  spécimen  reproduit  dans  le  cours  de  la  Leçon  V 
(p.  167),  nous  ajouterons  ies  deux  suivants  empruntés  à  la 
collection  de  M.  Cliarcot.  L'écriture  des  malades  diminue 
souvent  de  grandeur  [Fig.  27)  et  parfois  paraît  normale  au 


Fig.  27 

premier  abord.  Mais  si,  comme  le  recommande  M.  Charcot, 
on  l'examiue  à  la  loupe,  on  s'aperçoit  aisément  que  les 
traits  sont  tremblés,  particularité  qui  ne  frappait  pas  à 
l'examen  pratiqué  à  l'œil  nu. 

Les  mêmes  caractères  se  retrouvent  aussi  lorsque  l'écri- 
ture n'est  pas  encore  rapetissée  (Fig. 28).  En  présence  d'un 


f 


'li£J~f/0l&    / 


Fig.   23 


cas  de  maladie  de  Parkinson  au  début  et  sur  le  diagnostic 
duquel  on  aurait  quelque  doute,  il  sera  donc  utile  d'exa- 
miner l'écriture  à  la  loupe.  B. 


Charcot,  t.  i,  3°  éd.  2G 


402  APPENDICE. 


IV. 


Sclérose  en  plaques  disséminées  :  Cas  fruste  de   la 
forme  spinale;  — possibilité  delà  guérison. 


Dans  l'une  de  ses  conférences  cliniques  de  l'an  dernier  à 
la  Salpétrière,  M.  Charcot  a  fait  voir  à  ses  auditeurs  une 
malade  atteinte  de  sclérose  en  plaques  disséminées  et,  pro- 
fitant de  cette  occasion,  il  leur  a  rappelé  de  nouveau  les  lé- 
sions anatomiques  et  les  symptômes  morbides  qui  caracté- 
risent cette  affection.  Il  a  insisté  ensuite  sur  deux  points 
encore  peu  connus  :  l'existence  de  cas  particuliers,  frus- 
tes, comme  il  les  appelle,  et  la  possibilité  de  la  guérison  de 
la  sclérose  en  plaques.  Nous  allons  donner  ici  un  résumé 
des  observations  sur  lesquelles  il  s'est  appuyé. 

Fisch...  M.  A.,  est  âgée  actuellement  de  24  ans.  A  l'âge  de 
8  ans,  elle  éprouva  une  douleur  vive,  avec  impossibilité  de. 
mouvoir  les  membres  inférieurs.  Elle  fut  confinée  au  lit  pen- 
dant six  mois.  Quand  elle  recommença  à  marcher,  elle  avait 
le  pied  droit  roide.  Sept  mois  plus  tard,  roideur  du  membre 
inférieur  gauche  qui  l'oblige  de  nouveau  à  rester  couchée 
pendant  plusieurs  mois. 

En  1873,  étant  à  la  Salpétrière,  elle  a  une  série  &  attaques 
épilepti formes,  avec  écume  à  la  bouche.  Consécutivement,  les 
membres  supérieurs  deviennent  roides  et  on  note  un  em- 
barras de  la  parole,  la  vue  s'affaiblit;  quand  la  malade  rit,  la 
bouche  demeure  entr'ouverte.  Dans  le  courant  de  la  même 
année,  on  observa  une  aggravation  du  côté  des  membres  infé- 
rieurs qui  furent  pris  de  trépidation  spontanée  et,  à  un 
moment,  il  survint  du  tremblement  de  la  main  droite  dans 
les  mouvements  volontaires. 

En  1874,  les  symptômes  sont  les  mêmes,  sauf  rembarras 
de  la  parole  qui  est  plus  prononcé. 

Aujourd'hui  (décembre  1876),  on  constate  les  symptômes 
suivants  :  Rigidité  des  membres  inférieurs  dans  l'extension  ; 
—  trépidation  spontanée  et  provoquée  ;  —  rigidité  et  parésie 
des  membres  supérieurs,  prédominant  dans  le  membre  su- 


SCLÉROSE  EN  PLAQUES  DISSÉMINÉES.  403 

rieur  droit  ;  —  absence  debout  tremblement  dans  les  mouve- 
ments volontaires.  La  sensibilité  est  conservée.  —  La  parole 
est  un  peu  gênée,  mais,  sous  ce  rapport,  il  y  a  une  notable 
amélioration  relativement  à  ce  qui  existait  il  y  a  deux  ans.  — 
Il  n'y  a  pas  de  tremblement  de  la  tète  ni  de  nystagmus.  En 
un  mot,  on  remarque  chez  cette  malade  une  amélioration  con- 
sidérable des  symptômes  céphaliques. 


Cette  malade  nous  offre  donc  un  cas  de  sclérose  en  pla- 
ques fruste  dans  la  forme  spinale.  Elle  nous  montre  aussi 
que  la  sclérose  en  plaques  peut,  parfois,  subir  des  temps 
d'arrêts  considérables  dans  son  évolution.  Chez  la  malade, 
dont  nous  allons  parler  maintenant  et  dont  l'observation  a 
été  communiquée  à  M.  Charcot  par  le  docteur  E.  "Wilson, 
l'amélioration  a  été  plus  accusée  et  a  porté  non-seulement 
sur  quelques  symptômes,  comme  dans  le  cas  précédent, 
mpis  sur  tous  les  symptômes. 


A.  S.,  âgée  de  9  ans  (1876),  a  été  prise,  à  5  ans,  de  vertige  et 
de  diplopie  et  quelques  jours  après  de  strabisme  de  l'œil 
gauche.  Ce  dernier  symptôme  a  bientôt  disparu.  Un  mois 
après  le  début,  on  voit  survenir,  du  jour  au  lendemain,  du 
tremblement  des  membres  inférieurs.  A  7  ans,  l'enfant  mar- 
chait comme  une  personne  ivre.  Puis,  la  tète  et  les  membres 
supérieurs  sont  envahis.  La  malade  est  incapable  de  se  tenir 
debout,  on  observe  le  tremblement  spécial  des  mains  à  l'oc- 
casion des  mouvements.  Quand  on  veut  la  lever,  le  corps 
entier  est  agité  de  secousses  rhylhmiques  tellement  violentes 
que  l'on  est  obligé  de  la  recoucher.  La  parole  est  lente,  les 
mots  sont  scandés,  il  y  a  du  nystagmus. 

Trois  ans  après  le  début  (fin  1875),  la  diplopie  et  l'embarras 
de  la  parole  ont  cessé.  Le  tremblement  des  mains  a  diminué. 
La  malade  peut  s'asseoir  sur  son  lit. 

Actuellement  (fin  1876),  l'amélioration  est  encore  beaucoup 
plus  sensible.  La  malade  commence  à  écrire  un  peu  ;  elle  voit 
beaucoup  mieux,  peut  se  tenir  debout,  marcher  seule  et 
même  faire  une  promenade  d'un  mille  et  cela  pour  ainsi  dire 
sans  tremblement.  Celui-ci  reparait  encore  quelquefois  quand 
la  malade  est  émotionnée. 


Cette  observation  vient  justifier  les  réserves  émises  par 
M.  Charcot  (p.  210),  en  ce  qui  concerne  le  pronostic  de  la 


40  i  APPENDICE. 

sclérose  en  plaques.  L'explication  estplus  difficile  à  donner. 
Toutefois,  la  résistance  que  les  cylindres  axiles  opposent 
à  l'envahissement  de  la  J^siom  même  aux  périodes  avan- 
cées de  la  maladie,  résistance  que  M.  Charcot  a  cru  pou- 
voir invoquer  pour  rendre  compte  de  la  lenteur  avec  la- 
quelle les  symptômes  parëtiques  progressent,  permettrait 
peut-être  aussi  d'expliquer  cette  possibilité  du  retour  des 
fonctions.  (B.) 


PANSE  DE   SAINT-GUY. 


V. 


Représentation  d'après  nature  de  la  danse  de  Saint 
Guy  (Chorea  Germanorum) ,  par  P.  Breughel.  — 
Esquisse  de  Bubens. 


Dans  une  de  ses  dernières  conférences  à  la  Salpétrière, 
M.  Charcot  a  fait  passer  sous  les  yeux  de  ses  auditeurs  la 
copie  d'un  dessin  du  xvi°  siècle,  lequel,  évidemment  pris 
sur  nature,  représente  un  épisode  d'une  de  ces  processions 
dansantes  (Si)ringprocessionen),  qui,  à  cette  époque, 
avaient  lieu  chaque  année  àEchternach,  petite  ville  située 
entre  Trêves  et' Luxembourg,  autour  delà  tombe  de  Saint- 
Willibrod.  On  sait  que  ces  processions  ont  été  à  juste  titre 
considérées  comme  une  émanation  et  un  des  derniers  ves- 
tiges de  la  fameuse  danse  de  Saint-Guy  [Chorea  G ermano- 
rum)  qui,  à  plusieurs  reprises,  a  régné  sous  forme  pandé- 
mique,  dans  les  provinces  du  Rhin,  pendant  le  cours  des 
xiv°  et  xve  siècles  (1). 

Le  dessin  en  question  (Fig.  W)  nous  fait  pour  ainsi  dire  as- 
sister à  une  danse  de  Saint-Guy  (2),  en  quelque  sorte  atté- 
nuée; mais  il  est  facile,  à  première  vue.  d'y  reconnaître  que 
l'hystérie  et  l'hystéro-épilepsie  jouaient  là,  comme  elles  l'ont 
fait  très-certainement  dans  les  épidémies  proprement  dites, 
un  rôle  prédominant;  c'est  un  simple  croquis, mais  c'est,  on 
le  voit,  un  croquis  fort  instructif  pour  le  médecin.  Il  est  de 


(1)  Voir  à  ce  sujet :  J.-F.  G.  Hecker.  Die  grossen  Volhkrankheiten  des  Mil- 
telalters.  Berlin,  186'j,  p.  143.  —  H.  Haeser.  Geschichte  der  Epid»,ni$che>i 
Krankheiten.  Iéna,  1855,  p.  171.  — Wicke.  Versuch  einer  Monographie  des 
grossen  Vcitstanzes  im  Mitlelalier.  Leipzig,  18ï4. —  Voir  aussi  :  Zierrsseu. 
Handbuch,  12e  Ld.,  2  haelite,  art.  Chorea,  p.  393. 

(2)  Nous  rappellerons  que  la  Danse  de  Saiit-Griaj,  St-Veits  Tanz,  s'ap- 
pelle  encore  St-Modesti  Taux,  Saltus  Viii,  Sl-Johannistanz,  Choreoma>iia, 
Orchestromania,  Epilepsia  saïtatoritty  Corhea  Magna,  seu  Germanorum.  Eïïq 
est,  comme  on  sait,  absolument  et  foncièrement  distincte  de  la  maladie  qu'on 
appelle  aujourd'hui  la  chorée  {chorea  minor.  chorée  de  Sgdenham,  choree 
vulgaire.) 


406 


APPENDICE. 


la  main  de  ce  P.  Breughel  (1),  qu'on  a  quelquefois  sur- 
nommé le  peintre  des  paysans,  parce  qu'il  s'attachait  sur- 


Fig.  29. 

tout  à  représenter  les  scènes  populaires  ou  encore  Wiesen 
Breughel,  Breughel  le  drôle.  L'original  fait  partie  de  la 

(l)  Né^vers  1530,  mort  dans  les  premières  années  du  xvu°  siècle. 


i 


DANSE  DE  SAINT-GUY.  407 

galerie  de  l'archiduc  Albert,  à  Vienne.  On  en  trouve  une 
reproduction  dans  l'intéressant  ouvrage  de  M.  P.  Lacroix 
(Vie  militaire  et  religieuse  au  Moyen-Age  et  à  V époque 
de  la  Renaissance.  Paris,  1873,  art.  Pèlerinages,  p.  433). 
Une  série  de  femmes,  soutenues  chacune  par  deux  hom- 
mes et  précédées  par  des  joueurs  de  cornemuse,  qui  souf- 
flent à  pleins  poumons  dans  leurs  instruments,  se  dirigent 
en  dansant,  sur  une  seule  file,  vers  une  chapelle  qu'on 
aperçoit  dans  le  lointain  et  où  se  trouvent  sans  doute  dépo- 
sés les  restes  du  saint.  Ce  sont  des  gens  du  commun,  car 
leur  mise  est  à  peu  près  celle  des  paysans  qui  figurent  dans 
les  tableaux  de  Téniers  et  de  Brauwer. 

L'ordre  de  la  procession  se  trouve  de  temps  en  temps 
troublé;  plusieurs  des  pèlerines, en  effet,  en  proie  aux  tour- 
ments d'attaques  dont  le  caractère  ne  peut  être  méconnu, 
gesticulent,  se  contorsionnentetse  débattent  sous  l'étreinte 
de  leurs  compagnons  ;  ceux-ci  —  et  c'est  là  peut-être  leur 
principale  fonction  — font  tous  leurs  efforts  pour  les  con- 
tenir et  les  empêcher  de  tomber  à  terre.  La  scène  est,  on  le 
voit,  fort  animée  ;  elle  devait  être  aussi  fort  bruyante,  car 
quelques-unes  des  énergumènes  semblent  crier  à  tue-tête. 
Sur  le  second  plan  se  voit  un  ruisseau  où  des  serviteurs 
empressés  vont  puiser  à  l'aide  d'écuelles.  L'eau  qui  y  coule 
est  douée  peut-être  de  propriétés  curatives  ;  en  tout  cas  elle 
pouvait  servir  à  étancher  la  soif  dont  souffraient  certaine- 
ment les  principaux  acteurs.  Certains  épisodes  que  l'ar- 
tiste, en  homme  discret,  a  relégués  dans  les  parties  les 
moins  en  vue  de  son  tableau,  font  reconnaître  jusqu'à  l'é- 
vidence que  la  lubricité  n'était  pas  toujours,  tant  s'en  faut, 
bannie  de  ces  assemblées. 

Dans  cette  même  conférence,  M.  Charcot  a  montré  un 
autre  dessin  qui  concerne  encore  l'histoire  cle  l'hystéro- 
épilepsie.  Il  s'agit  d'une  lithographie  faite  par  J.  Scarlett 
Davis  d'après  une  esquisse  attribuée  à  Rubens  et  qui,  en 
effet,  ne  parait  pas  indigne  du  maître.  En  examinant  ce 
tableau  qui  représente,  dans  toute  leur  vérité,  les  con- 
torsions d'une  démoniaque,  on  se  remet  en  mémoire  quel- 
ques-unes des  questions  adressées  à  la  Faculté  de  Montpel- 
lier par  le  père  Santerre,  de  Nimes,  à  l'époque  où  la  démo- 
nopathie  sévissait  à  la  fois  à  Loudun  et  dans  le  Languedoc 
(1632,  1639). 

«  Le  pli,  courbement  et  remuement  du  corps,  la  tête 
touchant  quelquefois  la  plante  des  pieds,  avec  autres  con- 


408  APPENDICE. 

torsions  et  postures  étranges  sont-ils  un  signe  équivoque 
de  possession?  » 

«  L'enflure  suinte  de  la  langue,  de  la  gorge  et  du  visage 
et  le  subit  changement  de  couleur  sont-ils  des  caractères 
certains  de  possession?  »  etc.,  etc. 

On  sait  que  la  docte  Faculté  répondit,  avec  raison,  qu'il 
ne  fallait  voir  dans  tout  cela  que  des  phénomènes  nalurels; 
mais  elle  oublia  de  dire  que  ces  phénomènes  appartiennent 
à  l'affection  hystérique,  clans  sa  forme  grave,  donc  ils  sont 
des  manifestations  vulgaires. 


PLANCHES 


EXPLICATION  DES  PLANCHES 

PLANCHE  I  (1) 

SCLÉROSE  EN  PLAQUES   (ENCÉPHALE). 

Fig.  4.—  Cerveau  tout  entier  vu  par  sa  hase.  — a,  Plaques  de  sclérose  dis- 
séminées en  différents  endroits  de  la  longueur  des  nerfs  olfactifs. 

b,  Ilots  de  sclérose  sur  les  nerfs  optiques. 

b\  Partie  restée  saine  d'un  nerf  optique. 

t:,  Ilots  scléreux  sur  le  pédoncule  cérébral  gauche. 

d ,  Plaques  de  sclérose  disséminées  en  divers  points  de  la  protubérance,  les 
unes  superficielles,  les  autres  profondes  ;  aspect  un  peu  déprimé  au  niveau 
de  ces  plaques.  Les  nerfs  émergeant  de  la  protubérance  paraissent  sains. 

e-  Plaques  de  sclérose,  occupant  irrégulièrement  divers  points  du  bulbe 
rachidien  et  de  la  moelle  allongée  (pyramides  antérieures,  surtout  la  droite); 
olive,  cordon  antéro-latéral. 

e\  Parties  restées  saines  sur  quelques  points  du  bulbe  rachidien. 

f,  La  coupe  terminale  laisse  voir  jusqu'où  a  pénétré  profondément  dans 
la  moelle  même,  à  ce  niveau,  la  lésion  scléreuse  et  comment  elle  y  est  irrégu- 
lièrement  distribuée. 

f,  Quelques  points  restés  sains.  Les  nerfs  émergeant  du  bulbe  parais- 
sent sains. 

Fig .  2. —  Coupe  horizontale  du  cervelet,  faite  de  fawi  à  reployer  facilement 
l'une  sur  l'auire  les  deux  parties  ainsi  divisées  symétriquement. 

œ,  y,  Ligne  d'intersection  des  deux  plans  (hoiizontal  et  vertical  résultant 
delà  coupe). 

a,  Plaques  de  sclérose  disséminées  dans  la  substance  bbnehe. 

b,  Plaque  scléreuse  ayant  envahi  le  corps  rhomboïdal. 

c,  Plaques  de  sclérose-  qui  ont  été  sectionnées  presque  symétriquement 
en  deux  parties  de  la  coupe  horizontale. 

d,  Vaisseaux  très-visibles  au  milieu  des  plaques  scléreuses. 

e,  Vaisseaux  devenant  de  plus  en  plus  apparents,  dans  la  substance  blan- 
che à  mesure  que  la  coupe  est  laissée  à  lair.  Sorte  de  piqueté  très-accentué. 

Fig.  5.  —  Portion  du  cerveau  vu  par  sa  base.  —  a,  Nerfs  olfactifs  pa- 
raissant sains.  —  b,  Ilots  de  sclérose  sur  les  nerfs  optiques.  —  c,  Ilots  de 
sclérose  sur  les  pédoncules  cérébraux. 

d.  Plaques  de  sclérose,  disséminées  en  divers  points  de  la  protubérance, 
Jes  unes  superficielles  et  les  autres  profondes.  Aspect  un  peu  déprimé  au  ni- 
veau de  ces  altérations.  Les  nerfs  émergeant  de  la  protubérance  paraissent 
sains. 

e,  Plaques  et  îlots  de  sclérose  occupant  irrégulièrement  divers  points  du 
bulbe  rachidien  et  de  la  moelle  allongée  (pyramides  antérieures,  complète- 
ment;   olives,  incomplètement). 

/*,  La  coupe  terminale  fait  voir  jusqu'où  a  pénétré  profondément  dans  la 
moelle  même,  à  ce  niveau,  la  lésion  scléreuse,  et  comment  elle  y  est  irrégu- 
lièrement distribuée.  Les  nerfs  émergeant  du  bulbe  paraissent  sains. 

<7,  Sclérose,  au  début,  dans  le  tissu  qui  constitue  l'espace  perforé  postérieur. 

(l)  Cette  planche  et  les  trois  suivantes  sont  empruntées  à  la  note,  déjà 
citée,  de  M.  H.  Liouville. 


ssémmés 


Hs&h 


r.  * 


m   * 


& 


412  EXPL'_CAT-ON   DES  PLANCHES. 

PLANCHE     - 

S^ÉROSE   EN  PLAQUES  (CERVEAU) . 


Fig.  4.  —  Coupe  du  cerveau  faite  horizontalement  et  laissant  voir  des  ilôts 
de  sclùose  dans  diférenles  régions  (substdDce  blanche  et  substance  grise). 

a,  Plaques  et  îlots  de  sclérose  dans  les  régions  antérieures  (commissure 
antérieure,  partie  avoïsinant  le  3e  ventricule). 

&,  Plaques  sdéreuses gagnant  les  parties  antérieures  des  bords  des  ventri- 
cules latéraux  (plaques  ventriculaires). 

e,  Extersion  des  ilôts  scléreux  à  l'extrémité  postérieure  des  ventricu'es 
latéraux  (plaques  ventr'culaires). 

d,  ilôts  scléreux  irrégulièrement  disséminées  dans  la  substance  blanche 
des  régions  cérébrales  postérieures;  quelques-uns  sont  très-profonds. 

e,  Vaisseaux  très-apparents  au  milieu  des  zones  seléreuses. 

f  Vaisseaux  devenus  de  plus  eu  plus  apparents  dans  la  substance  bran- 
che, qui  parait  saine  à  mesure  que  la  coupe  est  laissée  à  l'air. 

Fig.  2.  —  Autre  coupe  du  m?me  cerveau,  faite  aussi  horizontalement  et 
permettant  de  voir  des  "lois  de  sclérose  dans  d'autres  régions  (substance  blan- 
che et  substance  grise). 

#,  Plaques  et  îlots  de  sclérose  dans  les  régions  extérieures  (commissure 
antérieure). 

à,  Plaques  seléreuses  dans  les  parties  antérieures  des  ventricules  latéraur. 

c,  Plaques  de  sclérose  dans  la  substance  grise  du  noyau  intraventriculaire 
du  corps  strié  droit.  (Elles  sont  multiples,  séparées  par  des  espaces  sains  ; 
quelques-unes  sont  profondes). 

c\  Extension  des  ilôts  scléreux  à  Feutrémité  postérieure  des  ventricules 
latéraux. 

d,  Ilots  scléreux  irrégulièrement  disséminés  dans  la  substance  blanche 
des  régions  cérébrales  postérieures.  Quelques-uns  sont  très-proionds. 

e,  Vaisseaux  devenus  de  plus  en  plus  apparents  dans  la  substance  blanche, 
sur  des  points  sains  en  apparence,  à  mesiire  que  la  coupe  est  laissée  à  l'air 
(piqueté  très-accusé). 


Observations  de   Sclérose  en  îlots  dissémines 
parH.Liouville , 


PL.  II 


_ 


P.Lackevbauer  Chromo  Kth 


414  EXPLICATION  DES  PLANCHES. 

PLANCHE  Iil 

SCC-ÉROSS  EN  PLA.QJ3S   (MOELLE  ÉPINIÈF.e). 

Fig.  4.  —  Moelle  épinière  vue  par  la  face  postérieure  (la  dore-mère  sec- 
t'onoée  est  rejetée  de  chaque  côté). 

s,  Plaques  et  ilôts  de  sclérose,  irrégulièrement  disséminés;  de  dimensions 
et  de  formes  variées,  irrégu Hères ,  isoles  ou  s'unissant  pp?  des  connexions 
•visibles  à  la  superficie.   EUes  dominent  ici,  suri.out  dans  la  région  dorsale. 

v,  Vascularisation  méningée  (pie-mère)  très-prononcée  et  empêchant  de 
W.r  la  vascular'sat'on  spéciale  des  plaques  scléreuses  elles-mêmes. 

Fig.  2.  —  Moei'e  épiniève  vue  par  la  face  antérieure  (la  dure-mère  sec- 
tionnée dans  toute  sa  hauteur  et  rejelée  de  chaque  côté). 

s,  Plaques  et  îlots  de  sclérose,  irrégulièrement  disséminés,  à  contours 
inégaux,  isolés  ou  s'unissant  par  des  connexions  visibles  à  la  supernc'e. 

©,  Vascularisatton  meningienne  (pie-mère)  dominant  et  empêchant  devoir 
la  vascularisation  spéciale  des  zones  scléreuses. 

Fig.  5. —  Coupes  horizontales,  faites  à  averses  hauteurs  de  la  moelle  épi- 
nière et  montrant,  dans  toutes  les  régions,  la  profondeur  des  îlots  scléreux, 
leur  répartition  inégale,  icrégulière,  soit  dans  les  cordons  de  la  substance 
blanche  où  elles  dominent,  soit  dans  la  substance  grise. 

Toutes  ces  coupes  représentent  l'état  frais;  elles  sont  vues  par  la  face 
supérieure  de  la  section,  la  moelle  étant  placé3  vei  ticalement. 

c,  Partie  antérieure. 

b,  Partie  postérieure. 

s,  Ilots  de  sclérose. 

Les  parties  sclérosées  sont,  du  reste,  reproduites  avec  leur  teinte  natu- 
relle qui  tranche  si  nettement  sur  la  substance  blanche  et  même  sur  la  subs- 
tance grise  centrale. 

1,  Partie  supérieure  de  la  région  cervicale,  immédiatement  au-dessous 
du  bulbe. 

2,  Partie  moyenne  du  renflement  cervical. 

3,  Partie  inférieure  du  renflement  cervical. 
k.   Partie  supérieure  de  la  région  dorsale. 

5,  Deux  centimètres  plus  bas,  région  dorsale  supérieure. 

6,  Un  centimètre  et  demi  plus  bas,  région  dorsale  supérieure. 

7,  Deux  centimètres  plus  bas,  réunion  du  tiers  supérieur  avec  le  tiers 
moyen. 

8,  Un  centimètre  et  demi  plus  bas,  région  dorsale. 

9,  Un  centimètre  et  demi  plus  bas. 

10,  Deux  centimètres  plus  bas,  milieu  de  la  région  dorsale. 

11,  Un  centimètre  plus  bas. 

12,  Un  centimètre  et  demi  plus  bas. 

13,  Trois  centimètres  plus  bas. 

14,  Partie  supérieure  du  renflement  dorso-lombaire. 

15,  Milieu  du  renflement  dorso-lombaire. 
10  et  17,  Cône  terminal. 


Observations  de  Sclérose  en  îlots  disseï 
par  H. Liouville  . 


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416  EXPLICATION  DES  PLANCHES. 

PLANCHE   IV 

SCLÉROSE  EN  PLAQUES   (MOELLE  ÉPINiÈRe\ 


Fig.  i.  —  Moelle  épinière  vue  par  la  face  postérieure  (la  dure-mère  str 
lionnée  est  rejelée  sur  les  côtés). 

c,  Plaques  de  sclérose  irrégulièrement  disséminées. 

0,  Vascularisation  méningienne  (pie-mère)  dominant  et  empêchant  de  voir 
la  vascularisation  des  plaques  scléreuses  elles-mêmes. 

Fia.  2.  —  Moelle  épinière  vue  par  la  face  postérieure  (la  dure-mère  sec- 
tionnée est  rejetée  sur  les  côtés). 

s,  Piaques  et  ilôts  de  sclérose  irrégulièrement  disséminés. 
v,  Vascularisation  méningée  (pie-mère). 

Fig.  S.  —  Coupes  horizontales  fcites  à  diverses  hauteurs  de  la  moelle  et 
montrant,  dans  toutes  las  régions,  la  profonatur  des  îlots  scléreux,  leur  répar- 
tition inégale,  irrégulière,  soit  dans  les  cordons  de  la  substance  blanche  où 
elles  dominent,  soit  dans  la  substance  grise. 

(Toutes  ces  coupes  sont  relatives  à  l'état  frais). 

Les  coupes  soût  vues  de  haut  en  bas,  la  moelle  étant  supposée  vertica- 
lement placée. 

«,  Partie  antérieure. 

p,  Partie  postérieure. 

s»  Sclérose. 

(Les  parties  sclérosées  sont  reproduites  avec  leur  teinte  naturelle  qui 
l'anche  nettement  sur  la  substance  blanche  et  même  sur  la  substance  grise 
centrale.) 

i.  Partie  supérieure  du  renflement  cervical. 

2,  Un  centimètre  et  demi  plus  bas. 

3,  Deux  centimètres  plus  bas  (fin  du  renflement  cervical). 

4,  Deux  centimètres  plus  bas  (partie  supérieure  de  la  région  dorsale). 

5,  Un  centimètre  et  demi  plus  bas. 

6,  Deux  centimètves  plus  bas. 

7,  Trois  centimètres  plus  bas. 

8,  Un  centimètre  et  demi  plus  bas. 

9,  Deux  centimètres  plus  bas. 

10,  Un  peu  plus  d'un  centimètre  plus  bas.  La  moelle,  en  ce  point,  est 
saine  ou  à  peu  près. 

M,  Un  centimètre  au-dessus  du  renflement  dorso-lombaire. 

12,  Milieu  du  renflement  dorso-lombaire. 

13,  Un  peu  au-dessous  du  commencement  du  cône  terminal. 

14,  Filum  terminale.  La  sclérose  l'a  envahi  tout  entier. 


(Jbser valions  de   bclerose  en  îlots  disse:. 
parïï.Liouville  . 


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418  EXPLICATION    DES  PLANCHES. 


PLANCHE  V 

ISCHURIE  HYSTÉRIQUE. 


La  ligne  lieue  indique  la  quantité  d'urine  rendue  en  24  heures  et  la  lign' 
rouge  celle  des  vomissements. 


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420  EXPLICATION   DES  PLANCHES. 


PLANCHE  VI 

ISCHURIE    HYSTÉRIQUE. 


La  ligne  bleue  indique  la  quantité  d'urine  rendue  en  24  heures  et  la  ligne 
rouge  celle  des  vomissements. 

Les  petits  carrés  rouges,  placés  immédiatement  au-dessous   de    quelques 
dates,  marquent  les  jours  d'analyse. 


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422  EXPLICATION  DES  PLANCHES. 


PLANCHE  VII 

ISCHURIE  HYSTÉRIQUE. 


La  ligne  bleue  indique  la  quantité  d'urine  rendue  en  24  heures,  et  la  ligne 
rouge  celle  des  vomissements. 

Les  petits  carrés  rouges,  placés  immédiatement  au-dessous  de  quelques 
dates,  marquent  les  jours  d'analyse. 


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424  EXPLICATION    DES   PI^XHES. 


PLANCHE  VIII 


PARALYSIE    AGITANTE. 


Attitude  des  malades  atteints  de  paralysie    agitante.  (Voir  l'observation 
de  la  malade  représentée  sur  cette  planche  a  la  page  389.) 


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A.  Del  diteur. 


426  EXPLICATION  DES  PLANCHES. 


PLANCHE  IX 


CHAMP    VISUEL   DES  GOULEUBS. 


Fig.  1.  —  Champ  visuel  d'un  œil  q anche  normal.  —  Ces  champs  visuels 
ont  été  obtenus  à  la  lumière  tempérée  du  jour  avec  des  papiers  colorés  de 
quatre  centimètres  carrés  et  à  l'aide  du  périmètre  de  M.  Landolt.  —  c,  point 
de  fixation  correspondant  à  la  tache  jaune. 

Fig.  2.  —  Champ  visuel  gauche  dans  un  cas  à?  Hystéro-épilepsie  avec 
Hémianesthésie  gauche.  (Marc.  .  .)  ■ —  Le  champ  visuel  est  rétréci  concentri- 
quement.  Acuité  visuelle  à  gauche  4q  5  l'acuité  visuelle  et  le  champ  visuel  sont 
normaux  à  droite. 


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428  EXPLICATION   DES  PLANCHES. 


PLANCHE  X 

ISGHURIE  HYSTÉRIQUE. 


Cette  planche  représente  les  variations  de  la  quantité  d'urine  et  d'urée 
pendant  la  période  d'ischu  rie  hystérique,  observée  chez  Etch.  .  .  (Leçon  IX, 
p.  292,  note),  qui  s'est  écoulée  de  mars  à  juin  1875.  —  On  voit  que,  pen- 
dant plusieurs  semaines,  la  sécrétion  venait  au  voisinage  de  zéro.  Puis  tout 
à  coup,  en  quelques  heures,  3  ou  4  litres  d'urine  et  25  à  27  gr.  d'urée  étaient 
sécrétés.  Le  lendemain,  la  phase  d*ischuiie  reprenait.  —  Le  22  mai,  les  ma- 
nifestations hystériques  disparaissent  après  une  guérison  soudaine.  —  L'is- 
churie  ne  fait  pas  exception,  et  on  voit  la  courbe  remonter,  osciller,  mais 
se  tenir  toujours  aux  environs  de  la  normale. 

Pendant  toute  cette  période  d'ischurie,  l'alimentation  de  la  malade  a  été 
faite  à  l'aide  de  la  sonde  et  la  même  nourriture  lui  aétédonuée  chaque  jour. 
—  Les  urines  ont  été  également  recueillies  à  l'aide  de  la  sonde. 

La  ligne  bleue  indique  la  quantité  d\ire'e  rendue  en  24  heures. 

La  ligne  rouge  indique  la  quantité  d'urine  rendue  en  24  heures. 


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DeUhaya  Editeur 


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TABLE  DES  MATIÈRES 


PREMIERE  LEÇON 

TROUBLES  TROPHIQUES  CONSÉCUTIFS  AUX  LÉSIONS  DES  NERFS. 

Sommaire.  —  Remarques  préliminaires.  —  Objet  des  conférences  de  cette 
année  :  elles  seront  consacrées  à  celles  des  maladies  du  système  nerveux  et, 
en  particulier,  delà  moelle  épinière,  que  Ton  observe  le  plus  habituellement 
à  la  Salpétrière.  —  Troubles  de  nutrition  consécutifs  aux  lésions  de  l'axe 
cérébro-spinal  et  des  nerfs.  —  Ces  altérations  peuvent  occuper  la  peau,  le 
tissu  cellulaire,  les  muscles,  les  articulations,  les  viscères.  Importance  de 
ces  altérations  au  point  de  vue  du  diagnostic  et  du  pronostic. —  Troubles 
de  nutrition  consécutifs  aux  lésions  des  nerfs  périphériques.  —  Le  sys- 
tème nerveux,  à  l'état  normal,  a  peu  d'influence  sur  l'accomplissement  des 
actes  nutritifs.  —  Les  lésions  passives  des  nerfs  ou  de  la  moelle,  ne  pro- 
duisent pas  directement  de  troubles  trophiques  dans  les  parties  périphé- 
riques ;  expériences  qui  le  démontrent.  —  Influence  de  l'irritation  et  de 
l'inflammation  des  nerfs  ou  des  centres  nerveux  sur  la  production  des 
troubles  trophiques.  —  Les  troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions 
traumatiques  des  nerfs,  considérés  en  particulier. —  Ils  résultent,  non  des 
sections  complètes,  mais  des  sections  incomplètes,  des  contusions,  etc., 
des  troncs  nerveux.  —  Eruptions  cutanées  diverses  :  Erythème,  zona 
traumatique,  pemphigus.  —  Grlossy  Skin  des  auteurs  anglais.  —  Lésions 
musculaires  :  atrophie.  —  Lésions  articulaires  ;  lésions  osseuses  :  périos- 
tite,  nécrose.  —  Troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions  non  trau- 
matiques des  nerfs  ;  leur  analogie  avec  ceux  qui  résultent  des  lésions 
traumatiques.  —  Troubles  trophiques  de  l'œil,  dans  les  cas  de  tumeur 
comprimant  le  trijumeau.  —  Inflammation  des  nerfs  spinaux,  consécutive 
au  cancer  vertébral,  à  la  pachyméningite  spinale,  à  l'asphyxie  par  la 
vapeur  de  charbon,  etc.  Eruptions  cutanées  diverses  (zona,  pemphigus, 
etc.),  atrophie  musculaire,  arthropathies,  qui,  en  pareil  cas,  se  dévelop- 
pent en  conséquence  de  la  névrite.  —  Lèpre  anesthésiquc  :  périnévrite 
lépreuse,  lejjra  mutilons 1 

DEUXIÈME  LEÇON 

TROUBLES  TROPHIQUES  CONSÉCUTIFS  AUX  LÉSIONS  DES  NERFS  (sîlite) . 

AFFECTIONS  DES  MUSCLES. 

TROUBLES  TROPHIQUES  CONSÉCUTIFS  AUX  LÉSIONS  DE  LA  MOELLE  ÉPINIÈRE. 

Sommaire.  —  Modifications  anatomiques  et  fonctionnelles  que  subissent  les 


430  TABLE  DES  MATIERES. 

muscles  sous  l'influence  de  la  lésion  des  nerfs  qui  les  animent.  —  Impor- 
tance de  l'électrisation  comme  moyen  de  diagnostic  et  de  pronostic.  Re- 
cherches de  M.  Duchenne  (de  Boulogne).  —  Expérimentation  :  Longue 
persistance  de  la  contractilité  électrique  et  de  la  nutrition  normale  des 
muscles  à  la  suite  de  la  section  ou  de  l'excision  des  nerfs  moteurs  et 
mixtes  chez  les  animaux.  —  Faits  pathologiques  :  Diminution  ou  aboli- 
tion hâtives  de  la  contractilité  électrique,  suivies  d'atrophie  rapide  des 
muscles  dans  les  cas  de  paralysie  rhumatismale  du  nerf  facial  et  de  lésions 
irritatives,  soit  traumatiques,  soit  spontanées  des  nerfs  mixtes.  —  Raison 
de  la  contradiction  apparente  entre  les  résultats  expérimentaux  et  les  faits 
pathologiques.  Application  des  recherches  de  M.  Brown-Séquard:  Seules, 
les  lésions  irritatives  des  nerfs  déterminent  l'abolition  hâtive  de  la  con- 
tractilité électrique,  suivie  d'atrophie  rapide  des  muscles. 
Expériences  de  MM.  Erb,  Ziemssen  et  0.  Weiss.  —  Ecrasement,  ligature 
des  nerfs  ;  ce  sont  des  lésions  irritatives.  —  Différence  des  résultats  ob- 
tenus dans  l'exploration  des  muscles  suivant  qu'on  fait  usage  de  la  fara- 
disation  ou  de  la  galvanisation.  —  Les  résultats  de  ces  nouvelles  recher- 
ches sont  comparables  aux  faits  pathologiques  observés  chez  l'homme  ;  ils 
n'infirment  en  rien  la  proposition  de  M.  Brown-Séquard. 
Troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions  de  la  moelle  épinière.  —  En  ce 
qui  concerne  leur  influence  sur  la  nutrition  des  muscles,  ces  lésions  for- 
ment deux  groupes  bien  distincts  :  1er  groupe.  Lésions  de  la  moelle  qui 
n  ont  pas  d'influence  directe  sur  la  nutrition  des  muscles  :  a.  Lésions  en 
foyer  trôs-circonscrites  n'intéressant  la  substance  grise  que  dans  une 
très-petite  étendue  en  hauteur  :  myélite  partielle,  tumeurs,  mal  de  Pott. 
b.  Lésions  fasciculées  même  très-étendues  des  cordons  blancs  postérieurs 
ou  antéro-latéraux,  mais  sans  participation  delà  substance  grise  :  sclérose 
primitive  ou  consécutive  des  cordons  postérieurs,  antéro-latéraux,  etc.  — 
2e  groupe:  Lésions  de  la  moelle  qui  influencent  plus  ou  moins  vite  la  nu- 
trition des  muscles  :  a.  Lésions  fasciculées  ou  circonscrites  qui  intéressent 
les  cornes  autérieures  de  la  substance  grise  dans  une  certaine  étendue  en 
hauteur,  myélite  centrale,  hématomyélie,  etc.  b.  Lésions  irritatives  des 
grandes  cellules  nerveuses  des  cornes  antérieures  de  la  substance  grise 
avec  ou  sans  participation  des  faisceaux  blancs  :  paralysie  infantile  spi- 
nale, paralysie  spinale  de  l'adulte,  paralysies  générales  spinales  (Duchenne 
de  Boulogne),  atrophie  musculaire  progressive,  etc.  —  Rôle  prédomi- 
nant des  lésions  de  la  substance  grise  dans  la  production  des  troubles 
trophiques  musculaires.  —  La  proposition  de  M.  Brown-Séquard  s'ap- 
plique encore  à  l'interprétation  de  ces  faits 32 

TROISIÈME   LEÇON 

TROUBLES    TROPHIQUES    CONSÉCUTIFS    AUX  LÉSIONS    DE  LA    MOELLE  ÉPINIÈRE 

et  du  cerveau  [Suite). 

Sommaire.  —  Affections  cutanées  dans  la  sclérose  des  cordons  postérieurs  : 
Eruptions  papuleusesou  lichénoïdes,  urticaire,  zona,  éruptions  pustuleuses; 
leurs  relations  avec  les  douleurs  fulgurantes  ;  elles  paraissent  relever  de 
la  même  cause  organique  que  les  douleurs. 


TABLE   DES  MATIÈRES.  434 

-  Eschares  à  développement  rapide  (Decubitus  aeutus)  dans  les  maladies  du 
cerveau  et  de  la  moelle  épinière.  —  Mode  d'évolution  de  cette  affection 
de  la  peau  :  Erythème,  bulles,  mortification  du  derme.  —  Accidents  con- 
rusécutifs  à  la  formation  des  eschares  :  a.  Infection  putride,  infection  pu- 
lente,  embolies  gangreneuses  ; — b.  Méningite  ascendante  purulente  simple, 
méningite  ascendante  ichoreuse.  —  Décubitus  aigu  dans  l'apoplexie 
symptomatique  des  lésions  cérébrales  en  foyer.  Il  se  manifeste  sur  les 
membres  frappés  de  paralysie,  principalement  à  la  région  fessière  ;  son 
importance  au  point  de  vue  du  pronostic.  —  Decubitus  aigu  dans  les  ma- 
ladies de  la  moelle  épinière  :  Il  siège  en  général  à  la  région  sacrée. 

-  Arthropathies  qui  dépendent  d'une  lésion  du  cerveau  ou  de  la  moelle 
épinière.  —  A.  Formes  aiguës  ou  subaiguës  :  elles  se  montrent  dans  les 
cas  de  lésion  traumatique  de  la  moelle  épinière^  dans  la  myélite  par  com- 
pression (tumeurs,  mai  de  Pott),  dans  la  myélite  primitive,  dans  1  hémi- 
plégie récente,  liée  au  ramollissement  cérébral.  Ces  arthropathies  oc- 
cupent les  jointures  'des  membres  paralysés.  —  B.  Formes  chroniques  : 
elles  paraissent  dépendre,  comme  les  amyotrophies  de  cause  spinale,  d'une 
lésion  des  cornes  antérieures  de  l'axe  gris  ;  on  les  observe  dans  la  sclérose 
postérieure  (ataxie  locomotrice)  et  dans  certains  cas  d'atrophie  musculaire 
progressive 75 


QUATRIÈME  LEÇON 

TROUBLES    TROPHIQUES    CONSÉCUTIFS  AUX  LÉSIONS    DE    LA  MOELLE    ÉPINIÈRE 

et  du  cerveau  {Suite  et  fin).  —  affections  des  viscères. 

PARTIE  THÉORIQUE. 

Sommaire.  —  Hypérémies  et  ecchymoses  viscérales  consécutives  aux  lé- 
sions expérimentales  de  diverses  parties  de  l'encéphale,  et  à  l'hémorrhagie 
intra-encéphalique.  —  Expériences  de .  Schiff  et  de  Brown-Séquard; 
observations  personnelles.  —  Ces  lésions  paraissent  dépendre  de  la  pa- 
ralysie vaso-motrice  ;  elles  doivent  former  une  catégorie  à  part.  —  Opi- 
nion de  Schrœder  van  der  Kolk,  relative  aux  rapports  qui  existeraient 
entre  certaines  lésions  de  l'encéphale  et  diverses  formes  de  la  pneumonie, 
la  tuberculisation  pulmonaire.  —  Hémorrhagies  des  capsules  surrénales 
dans  la  myélite.  —  Néphrite  et  cystite  consécutives  aux  affections  spi- 
nales irritatives,  à  début  brusque,  traumatiques  ou  spontanées. —  Altéra- 
tion rapide  des  urines  dans  ces  circonstances;  elle  se  manifeste  souvent 
dans  le  temps  même  où  les  eschares  se  développent  à  la  région  sacrée  ; 
elle  se  rattache  aux  lésions  des  voies  urinaires  qui,  elles-mêmes,  relèvent 
d'une  iuiluence  directe  du  système  nerveux. 

Théorie  de  la  production  des  troubles  trophiques  consécutifs  aux  lésions 
du  système  nerveux.  —  Insuffisance  de  nos  connaissances  à  cet  égard.  — 
Paralysie  des  nerfs  vaso-moteurs;  hypérémie  consécutive;  elle  ne  produit 
pas  de  troubles  trophiques.  —  Exceptions  à  la  règle.  —  Irritation  des 
nerfs  vaso-moteurs  ;  l'ischémie  qui  en  résulte  ne  paraît  pas  avoir  d'in- 
fluence marquée  sur  la  nutrition  locale.  —  Nerfs  dilatateurs  et  nerfs  sé- 
créteurs ;  recherches  de  Ludwig  et  de  Cl.  Bernard  ;  analogies  entre  ces 


432  TABLE   DES  MATIÈRES. 

deux  ordres  de  nerfs.  —  Application  à  la  théorie  des  nerfs  trophiques.  — 
Théorie  de  Samuel;  exposé;  critiques.  —  Conclusions.       .      .     .     125 


CINQUIÈME  LEÇON 

DE    LA    PARALYSIE    AGITANTE. 

Sommaire.  —  Du  tremblement  en  général.  —  Ses  variétés.  —  Tremblement 
intermittent.  —  Tremblement  continu.  Influence  du  sommeil,  du  repos  et 
des  mouvements  volontaires.  —  Distinction  établie  par  Van  Swieten.  — 
Opinion  de  M.  Gubler.  —  Le  tremblement  d'après  Galien.  —  Indépen- 
dance de  la  paralysie  agitante  et  de  la  sclérose  en  plaques. —  Recherches 
de  Parkinson.  —  Travaux  français  :  MM.  G.  Sée,  Trousseau,  Charcot 
et  Vulpian.  —  La  paralysie  agitante  prend  droit  de  domicile  dans  les 
traités  classiques. 

Caractères  fondamentaux  de  la  paralysie  agitante.  —  C'est  une  maladie  de 
la  seconde  période  de  la  vie.  —  Ses  symptômes.  —  Modifications  de  la 
marche.  —  Tendance  à  la  propulsion  et  à  la  rétropulsion .  —  Début  ;  ses 
modes  :  il  est  lent  ou  brusque.  —  Période  d'état.  —  Le  tremblement  res- 
pecte la  tête  et  le  cou.  —  Changements  dans  la  parole.  —  Rigidité  des 
muscles.  —  Attitude  du  tronc  et  des  membres.  —  Déformation  dès 
mains  et  des  pieds.  Ralentissement  dans  l'exécution  des  mouvements.  — 
Perversions  de  la  sensibilité.  —  Crampes;  sentiment  général  de  tension 
et  de  fatigue  ;  besoin  de  déplacement.  —  Sensation  habituelle  de  chaleur 
excessive.  —  Température  dans  la  paralysie  agitante.  —  Influence  de  la 
nature  des  convulsions  (statiques  ou  dynamiques). 

Période  terminale.  —  Confinement  au  lit.  Troubles  de  la  nutrition.  —  Affai- 
blissement de  l'intelligence.  —  Eschares  sacrées.  — Maladies  terminales: 
elles  diffèrent  de  celles  de  la  sclérose  en  plaques.  —  Durée  de  la  para- 
lysie agitante. 

Résultats  nécroscopiques.  —  Inconstance  des  lésions  dans  la  paralysie  agi- 
tante :  fixité  des  lésions  dans  la  sclérose  en  plaques.  —  Lésions  du  pont 
de  Varole  et  de  la  moelle  allongée  (Parkinson,  Oppolzer).  —  Physiologie 
pathologique. 

Etiologie.  —  Causes  extérieures  :  Emotions  morales  vives;  —  action  du 
froid  humide,  longtemps  prolongée;  —  irritation  de  certains  nerfs  péri- 
phériques. —  Causes  prédisposantes.  —  L'âge  joue  un  certain  rôle  :  la 
paralysie  agitante  se  montre  plus  tard  que  la  sclérose  en  plaques.  — 
Sexe.  —  Hérédité.  —  Influence  de  la  race ,155 


SIXIEME  LEÇON 

DE  LA  SCLÉROSE  EN  PLAQUES  DISSÉMINÉES.   —  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 

Sommaire.  —  Historique  de  la  sclérose  en    plaques  disséminées  :    Période 

française  ;  —  Période  allemande  ;  —  Nouvelles    recherches    françaises. 

Anatomie   pathologique    macroscopique.  —   Aspect  extérieur    des  plaques 


TABLE    DES  MATIÈRES.  433 

de  sclérose.  —  Leur  distribution  -.cerveau,  cervelet,  protubérance,  bulbe, 
moelle  épinière.  —  Plaques  de  sclérose  sur  les  nerfs.  —  Formes  spinale, 
céphalique  ou  bulbaire,  cérébro-spinale.  —  Caractères  des  plaques  -.  cou- 
leur, consistance,  etc. 

Anatomie  microscopique.  —  Notions  d'histologie  normale  concernant  la 
moelle  épinière.  —  Tubes  nerveux.  —  Névroglie  :  sa  distribution.  — 
Couche  corticale  du  réticulum.  —  Caractères  de  la  névroglie.  —  Influence 
de  l'acide  chromique.  —  Capillaires  artériels. 

Caractères  histologiques  des  plaques  de  sclérose.  —  Coupes  transver-" 
sales  :  zone  périphérique  ;  —  zone  de  transition  ;  —  région  centrale.  — 
Coupes  longitudinales.  —  Altérations  des  vaisseaux.  —  Examen  des 
plaques  de  sclérose  à  l'état  frais.  —  Lésions  histologiques  consécutives 
à  la  section  des  nerfs.  —  Granulations  graisseuses  sur  les  coupes  de 
plaques  scléreuses  à  l'état  frais.  — Modifications  des  cellules  nerveuses. 
—  Mode  de. succession  des  lésions 189 


SEPTIEME  LEÇON- 
DE  LA  SCLÉROSE  EN  PLAQUES   DISSÉMINÉES.  SYMPTOMATOLOGIE. 

Sommaire.  —  Diversité  d'aspect  de  la  sclérose  en  plaques  disséminées,  au 
point  de  vue  clinique.  ■—  Causes  d'erreurs  de  diagnostic. 

Examen  clinique  d'un  cas  de  sclérose  eu  plaques.  —  Du  tremblement  ;  mo- 
difications qu'il  impose  à  l'écriture  :  caractères  qui  le  font  distinguer  du 
tremblement  de  la  paralysie  agitante,  de  la  chorée,  de  la  paralysie  géné- 
rale et  de  l'incoordination  motrice  de  l'ataxie. 

Symptômes  céphaliques.  —  Troubles  de  la  vue  :  diplopie,  amblyopie,  nys- 
tagmus.  —  Embarras  de  la  parole.  —  Vertiges. 

Etat  des  membres  inférieurs.  —  Parésie.  —  Rémissions.  —  Absence  de 
troubles  de  la  sensibilité.  —  Immixtion  de  symptômes  iusolites  :  symp- 
tômes tabétiques  ;  atrophie  musculaire.  —  Contracture  permanents.  ■ — 
Epilepsie  spinale 221 

HUITIÈME  LEÇON 

DES  ATTAQUES    APOPLECTIFORMES    DANS    LA  SCLÉROSE    EN  PLAQUES.    DES 

PÉRIODES  ET  DES  FORMES.  PHYSIOLOGIE  PATHOLOGIQUE. ÉTIOLOGIE. 

—   TRAITEMENT. 

Sommaire.  —  Attaques  apoplectiformes.  —  Leur  fréquence  dans  la  sclérose 
en  plaques  disséminées.  —  Considérations  générales  sur  les  attaques 
apoplectiformes  dans  la  paralysie  générale  et  dans  les  cas  de  lésions  céré- 
brales en  foyer  de  date  ancienne  (hémorrhagie  et  ramollissement  du 
cerveau).  —  Pathogénie  des  attaques  apoplectiformes  :  insuffisance  de  la 
théorie  de  la  congestion.  —  Symptômes  :  Etat  du  pouls  ;  élévation  de  la 
température  centrale.  —  Cas  d'attaques  apoplectiformes  chez  d'anciens 
hémiplégiques.  —  Importance  de  la  température  au  point  de  vue  du 
çnostiç. 

Charcot,  t.   i,   3°  éd.  28 


434  TABLE   DES  MATIERES. 

Des  périodes  dans  la  sclérose  en  plaques.  —  Première,  seconde  et 
troisième  périodes.  —  Symptômes  de  paralysie  bulbaire.  —  Des  formes 
et  de  la  durée  de  la  sclérose  en  plaques. 

Physiologie  pathologique.  —  Relation  entre  les  symptômes  et  les    lésions. 

Etiologie.  —  Influence  du  sexe  et  de  l'âge.  —  Hérédité.  —  Affec- 
tions nerveuses  antérieures.  —  Causes  occasionnelles  :  action  prolongée 
du  froid  humide;  traumatisme.  —  Causes  morales. 

Pronostic.  — ■  Traitement. 248 


NEUVIEME  LEÇON 

DE   L'ISCHURIE    HYSTÉRIQUE. 

Sommaire.  —  Préambule.  —  De  l'ischurie  hystérique.  —  Différences  qui 
la  séparent  de  l'oligurie.  —  Considérations  générales.  —  Vomissements 
supplémentaires.  —  Historique.  —  Causes  qui  ont  fait  suspecter  la  réa- 
lité de  l'ischurie  hystérique.  —  Distinction  entre  l'ischurie  calculeuse  et 
l'ischurie  hystérique. 

Observation.  —  Paralysie  et  contracture  hystériques.  —  Hémianesthésie 
complète.  —  Hémiopie  et  achromatopsie.  —  Hyperesthésie  ovarienne.  — 
Rétention  d'urine.  —  Tympanisme.  —  Attaques  convulsives,  trismus. 
—  Apparition  de  l'ischurie  hystérique.  —  Précautions  prises  pour  éviter 
toute  cause  d'erreur.  —  Anurie  totale.  —  Vomissements  urémiques.  — 
Balancement  entre  la  quantité  de  l'urine  excrétée  et  les  vomissements.  — 
Analyse  chimique  des  matières  vomies,  des  urines  et  du  sang.  —  Sus- 
pension des  accidents. 

Retour  de  l'ischurie  hystérique.  —  Nouveaux  résultats  de  l'analyse  chi- 
mique. 

Gravité  de  l'anurie  ordinaire  et  de  Famine  expérimentale.  —  Limite  de  la 
durée  des  accidents  compatibles  avec  la  vie.  —  Influence  de  l'évacuation 
d'une  quantité  même  minime  d'urine.  —  Rapidité  de  l'apparition  des 
symptômes  dans  l'ischurie  calculeuse;  sa  lenteur  dans  l'ischurie  hystéri- 
que. —  L'innocuité  des  accidents  est  en  rapport  avec  la  dose  d'urine 
produite  dans  l'organisme.  —  Résistance  des  hystériques  à  l'inanition. 

Mécanisme  de  l'ischurie  hystérique.  —  Insuffisance  de  nos  connaissances 
à  cet  égard 275 


DIXIEME  LEÇON 

DE    l'hÉMIANESTHÉSIE    HYSTERIQUE. 

Sommaire.  —  Hémianesthésie  et  hyperesthésie   ovarienne  dans  l'hystérie. 

—  Association  fréquente  de  ces  deux  symptômes.  —  Fréquence  de  l'hé- 
mianesthésie  des  hystériques  ;  —  Ses  variétés  :  elle  est  complète  ou 
incomplète.  —  Caractères  de  Thémianesthésie  hystérique.  —  L'ischémie 
et  lesconvulsionnaires.  —  Lésion  des  sens  spéciaux.  —  Achromatopsie. 

—  Relation  entre  l'hémianesthésie,  l'hyperesthésie  ovarienne,  la  parésie 


TABLE   DES  MATIERES.  43o 

et  la  contracture.  —  Variabilité  des  symptômes  dans  l'hystérie.  —  Va- 
leur diagnostique  de  l'hémianesthésie  hystérique.  —  Restriction  qu'il  con- 
vient d'y  apporter. 
Hémianesthésie  dépendant  de  certaines  lésions  encéphaliques.  —  Ana- 
logies qu'elle  présente  avec  l'hémianesthésie  des  hystériques.  — Cas  dans 
lesquels  l'hémianesthésie  de  cause  encéphalique  ressemble  à  l'hémianes- 
thésie des  hystériques.  —  Siège  des  lésions  encéphaliques  capables  de 
produire  l'hémianesthésie.  —  Fonctions  de  la  couche  optique  :  théorie 
anglaise  et  théorie  française.  —  Critique.  —  Nomenclature  allemande 
des  diverses  parties  de  l'encéphale. —  Ses  avantages  au  point  de  vue  de 
la  circonscription  des  lésions.  — Cas  d'hémianesthésie  observés  par  Turc k  : 
siège  spécial  des  lésions  encéphaliques  dans  ces  cas.  —  Observation  de 
M.  Magnan.  —  Altération  des  sens  spéciaux 300 

ONZIÈME  LEÇON 

DE    l'hTPERESTHÉSIE    OVARIENNE. 

Sommaire.  —  Hystérie  locale  des  auteurs  anglais.  —  Douleur  ovarienne;  sa 
fréquence  ;  considérations  historiques*  —  Opinion  de  M.  Briquet. 

Caractères  de  l'hyperesthésie  ovarienne.  —  Son  siège  exact.  —  Aura  hys- 
térique ;  premier  nœud;  —  globe  hystérique  ou  second  nœud;  —  phéno- 
mènes céphaliques  ou  troisième  nœud.  —  Le  premier  nœud  a  son  point 
de  départ  dans  l'ovaire.  —  Lésions  de  l'ovaire;  desiderata. 

Rapports  entre  l'hyperesthésie  ovarienne  et  les  autres  accidents  de  l'hystérie 
locale. 

De  la  compression  ovarienne.  —  Son  influence  sur  les  attaques.  —  Ma- 
nière de  la  pratiquer.  —  La  compression  ovarienne  comme  moyen  d'ar- 
rêter ou  de  prévenir  les  convulsions  hystériques  est  connue  depuis  long- 
temps :  son  application  dans  les  épidémies  hystériques.  —  Epidémie  de 
saint  Médard  :  Les  secours.  —  Analogies  qui  existent  entre  l'arrêt  des 
convulsions  hystériques  par  la  compression  de  l'ovaire  et  l'arrêt  de  l'aura 
épileptique  par  la  ligature  d'un  membre. 

Conclusion  au  point  de  vue  de  la  thérapeutique.  —  Observations  clini- 
ques  320 

DOUZIÈME  LEÇON 

DE    LA    CONTRACTURE    HYSTÉRIQUE. 

Sommaire. — Formes  delà  contracture  hystérique.  — Description  de  la 
forme  hémiplégique  ;  analogies  et  différences  entre  la  contracture  hysté- 
rique et  celle  qui  dépend  dune  lésion  en  foyer  du  cerveau.  — Exemple 
de  la  forme  paraplégique  de  la  contracture  hystérique. 

Pronostic.  —  Soudaineté  de  la  guérison  dans  quelques  cas.  —  Inter- 
prétation scientifique  de  certains  faits  réputés  miraculeux.  —  Incurabilité 
de  la  contracture  chez  un  certain  nombre  d'hystériques.  —  Exemples.  — 
Lésions  anatomiques.  —  Sclérose  des  cordons  latéraux.  —  Variétés  que 
présente  la  contracture.  —  Pied  bot  hystérique. 346 


436  TABLE    DES   MATIÈRES 

TREIZIÈME  LEÇON 

DE    l'hYSTERO-ÉPILEPSIE. 

Sommaire.  —  Hystéro-épilepsie.  — Sens  de  cette  dénomination.  —  Opinions 
des  auteurs.  —  Hystérie  épileptiforme,  hystérie  à  crises  mixtes.  —  Va- 
riétés de  l'hystéro-épilepsie  :  hystéro-épilepsie  à  crises  distinctes  :  — 
hystéro-épilepsie  à  crises  combinées  ou  attaques-accès.  —  Différences  et 
analogies  entre  l'épilepsie  et  l'hystéro-épilepsie.  —  Signes  diagnostiques 
fournis  par  l'examen  de  la  température  centrale  dans  l'état  de  mal  hystéro- 
épileptique  et  i'état  de  mal  épileptique.  —  Etat  de  mal  hystéro-épilepti- 
que  ;  ses  phases.  —  Caractères  cliniques  de  l'état  de  mal  hystéro-épilep- 
tique.  —  Gravité  de  certains  cas  exceptionnels  d'hystéro-épilepsie.  — 
Observation  de  Wunderlich 367 

Appendice.  —  I.  Observation  de  paralysie  agitante 389 

—  II.  Du  tremblement  dans   la  maladie  de  Parkinson.      •     394 

—  III.  Caractères  de   l'écriture   des  malades  atteints  de  maladie 

de  Parkinson 401 

—  IV.  Sclérose  en  plaques  disséminées  :  Cas  fruste   de  la  forme 

spinale;  —  possibilité  de  la  guérison 402 

—  V.  Représentation  d'après  nature  de  la  danse  de  Saint-Guy 

[Chorea  Grernianorum) ,    par  P.  Breughel.  —  Esquisse 
de   Rubens 405 

Explication  des  planches 409 


TABLE  ANALYTIQUE 


Aciiromatopsie  hystérique,  287,  304, 
339,  34a. 

Ambltopie  hystérique,  362  ;  —  dans  la 
sclérose  eu  plaques. '233. 

Àmtotrophie protopathique  (V.  Atro- 
phie musculaire).  —  symptôma- 
tique  :  dans  la  contracture  hysté- 
rique, 304;  —  d'un  foyer  sanguin 
du  cerveau,  note  02  ;  —  d'une 
lésion  hémilatérale  de  la  moelle, 
104,  —  de  la  sclérose  en  plaques' 
disséminées,  02,  244;  —  de  la  scié- 1 


Ataxie  locomotrice  (Affections  cuta- 
nées dans  1'),  70  ;  relation  entre 
ces  affections  et  les  douleurs  ful- 
gurantes. 77  ;  —  différences. qui 
séparent  Tataxie  du  tremblement 
de  la  sclérose  en  plaques,  230;  dans 
la  sclérose  eu  plaques,  242. 

Atrophie  musculaire,  5  ;  —  consécu- 
tive à  la  section  du  nerf  sciatique, 
10.  —  Arthropathies  clans  Y  — 
•  progressive,  124.  —  Lésions  nrri- 
tatives  des  cellules  nerveuses  dans 


1' 


(il! 


sa  tendance  à  la  gé- 


néralisation, 70. 


rose  des  cordons  latéraux,  54;  — [  Attaques-accès,  372,375. 

de  la  sclérose  des  cordons  posté-!  Attaques  apoplectiformes    dans  la 


rieurs,  01. 

Analgésie,   303,  308,  354. 

Anesthésie  (Rôle  de  1')  dans  le  déçu-' 
bitus  de  cause  spinale,  99. 

Angioneuroses,  141; — chez  les  hys- 
tériques, 137. 

Apoplexie  spinale,  G'i. 


sclérose  en  plaques,  249  :  fréquence, 
249,  252;  —  dans  la  paralysie  gé- 
nérale, 250;  pathogénie,  252.  — -, 
dans  les  cas  de  foyers  apoplectiques 
anciens,  251.  —  Variétés,  249.  — - 
Symptômes,  251.  —  Pouls  et  tem- 
pérature, 


Arthrite  déformante,  120. 


i  Attraction  '^Théorie  de  1%  145. 


Arthropathies  des  alaxiques,  4  ;  —  Aura  hystérique,  280,   325:  Caractères 


symptômes,   118;    —  Siège,    119: 


lésions  des  jointures,  119;  —  alté- 
ration des  cellules  des  cornes  an- 
térieures, 122;  dans  Y  atrophie  mus- 
culaire progressive ,  124;  —  de 
cause  cérébrale  et  spinale,  112;  — 
dans  Y  hémiparaplégie  traumatique, 
103;  —  des  hémiplégiques  :  histo- 
rique, 114;  —  mode  de  début, 
117  ; —  lésions,  117;  —  caractères'  B 

cliniques,  118. 
Articulations  (Affections  trophiques1  Bromure  de  camphre,  188. 

des),  24.  (V.  Arthropathies.)     !  Bulbe    rachidien.     Lésions    muscu 


de  1'  —  325  ;  —  1er  nœud  ou  dou- 
leur ovarienne,  325  ;  —  2G  nœud  ou 
globe  hystérique,  325  ;  —  3°  nœud 
ou  phénomènes  céphaliques,  230. 
—  Influence  de  la  compression  de 
l'ovaire  sur  1' — ,  320,  331,  339, 
340,  341,  345,  375. 
Avant- mur,  313. 


43*S 


TABLE   ANALYTIQUE. 


laires  consécutives  aux  affections 
du — ,71.  —  Lésions  du  —  dans  la 
paralysie  agitante,  181  ;  —  dans 
la  sclérose  en  plaques,  193,  250. 


Capsule  interne,  3I2. 

Capsules  surrénales  (Hémorrhagie 
des)  dans  les  lésions  spinales,  128. 

Cellules  nerveuses  motrices  des  cor- 
nes antérieures  de  la  substance 
grise  de  la  moelle,  61.  —  Lésions 
de  ces  cellules  :  forme  aiguë  (pa- 
ralysie infantile),  08;  —  forme 
chronique  (atrophie  musculaire  pro 
gressive),  69.  —  Rôle  des  —  dans 
la  production  des  troubles  trophi- 
ques,  72.  —  Dégénération  jaune 
des  cellules  nerveuses,  218.  —  Lé- 
sions des  —  dans  la  sclérose  en 
plaques,  244  ;  —  dans  la  contrac- 
ture hystérique,  364. 

Cerveau  (Notions  anatomiques  sur 
le),  312. 

Chorée  (Mouvements  désordonnés  de 
la)  comparés  au  tremblement  de  la 
sclérose  en  plaques,    229.  (V.  Hé- 

MIGHORÉE.) 

Cicatrices  vicieuses,  23. 

Cirrhose  des  muscles,  54. 

Cœlialgie  hystérique,   286,  323. 

Compression  de  l'ovaire;  331.  —  Ses 
effets  sur  l'accès  d'hystérie,  332. 
—  Mode  opératoire,  332.  —  His- 
torique, 333. 

Congestion  apoplectiforme  et  épilep- 
tiforme,  378. 

Contractilité  électrique  après  les  lé- 
sions pathologiques  des  nerfs  et 
après  les  lésions  expérimentales 
35;  —  dans  la  contracture  hysté 
rique,  364  ;  —  dans  les  fractures 
et  les  luxations  de  la  colonne  ver- 
tébrale, 65  ;  —  dans  l'hématomyé 
lie,  65;  —  dans  la  myélite  aiguë 
centrale,  64  ;  —  dans  la  sclérose 
en  plaques,  241.  (V.  Myopathies). 

Contracture  hystérique   permanente, 


285,  339,  343,  346.  —  Action  du 
chloroforme  sur  la  — ,  348.  —  Tré- 
mulation  convulsive  dans  la  —  , 
349.  —  Forme  hémiplégique  de  la 
— ,  348,  351  ;  ■ —  caractères  qui  la 
différencient  de  l'hémiplégie  orga- 
nique, 331.  —  Forme  hémipara- 
plégique de  la  — ,  365.  —  Forme 
paraplégique,  346,  354,  360.  —  Pro- 
nostic  de  la  — ,  363.  —  Soudai- 
neté de  la  guérison  dans  certains 
cas  de  — ,  357  ;  —  cures  réputées 
miraculeuses,  357.  —  Contractures 
incurables,  360.  —  Lésions  dans 
la  — ,  360.  —  Physiologie  patholo- 
gique de  la  — ,  362. 

—  permanente  dans  la  sclérose  en 
plaques,  245. 

—  tardive  dans  l'hémiplégie  de  cause 
cérébrale,  117. 

—  des  uretères,  296. 
Convulsionnaires,  303,  334. — Démo- 
niaques, 341, 405,  406  (V.  Secours.) 

Convulsions  (Arrêt  des)  chez  les  hys- 
tériques par  la  compression  de 
l'ovaire,  331; — dans  l'épilepsie,337. 

Corde  du  tympan,  nerf  dilatateur,141. 

Corps  granuleux,  215. 

Corps  opto-striés  (Lésions  des)  : 
leurs  effets,  307.  —  Théorie  fran- 
çaise, 310. — Théorie  anglaise,309. 

Courants  électriques  (Différences  en- 
tre les  C.  continus  et  les  C.  inter- 
rompus, 38.  (V.  Faradisation.) 

Crises  gastriques,  259. 


Danse  de  Saint-Guy,  405. 

Décubitus  aigu,  83.  —  Mode  d'évo- 
lution, 86.  —  Affections  consécu- 
tives au  — ,  88  ;  —  dans  l'apo- 
plexie symptomatique  des  lésions 
cérébrales  en  foyer,  91  ;  —  siège, 
93.  —  Pathogénie  du  —,  95,  139  ; 
—  de  cause  spinale,  87,  95;  — 
siège,  95  ;  —  dans  la  myélite  trau- 
matique,  98  ;  influence  du  siège 
de  la  lésion  spinale,    99  ;  —  dans 


TABLE    ANALYTIQUE. 


i39 


l'hémiparaplégie  traumatique,  101  ; 
—  dans  la  myélite  spontanée,  106; 
époque  de  son  apparition,  107.  — 
Rôle  de  la  substance  grise  sur  la 
production  du  — ,  109. —  Influence 
des  lésions  des  nerfs  sur  le — ,110. 

Dégénérât-ion  cireuse  des  muscles, 55. 

Délire  des  grandeursdans  la  sclérose 
en  plaques, 238. 

Démarche  dans  la  paralysie  agitante. 
174. 

Diplopie  dans  la  sclérose  en  plaques, 
233,  259. 

Douleurs  fulgurantes  (Pathogénie 
des) ,  79. 

Dyxamométrie  dans  la  paralysie  agi- 
tante, 163.  174. 


Ecchymoses  viscérales  dans  les  lé- 
sions cérébrales  en  foyer  (endo- 
carde, estomac,  plèvre  ,  vessie), 
126;  —  de  l'aponévrose  épicrâ- 
nienne,  114  ;  —  dans  les  lésions 
spinales,  115. 

Ecriture  (Spécimens  de  1')  dans  la 
paralysie  agitante,  167, 401; — dans 
la  sclérose  en  plaques,  227,  228. 

Electro-Diagnostic,  34. 

Embolies  gangreneuses,  suite  du    dé 
cubitus  aigu,  89. 

Encéphalite,  92. 

Endocardite  ulcéreuse  avec  embolies 
multiples  et  état  typhoïde,  82. 

Epidémies  hystériques,  334  ;  —  de 
Saint- Médard  ,  303,  335;  —  de 
Saint-Louis,  358. 

Epilepsie  dans  ses  rapports  avec 
l'hystérie,  367,  368,  370.  —  Des- 
cription d'un  accès  d'  — ,  379  ;  — 
spinale  dans  la  contracture  hysté- 
rique, 349,  364  ;  dans  la  sclérose 
en  plaques,246.  —  Ses  formes,  247. 
—  Arrêt  de  Y  — ,  337,  375.  (V. 
Etat  de  mal  épileptique.) 

Eruptions  eczémateuses,  22;  liché- 
noïdes  et  pustuleuses ,  76  ;  —  pem- 
phigoïdes,  23,  30,  111. 


Erythème  pcrnio.  23. 

Eschare  de  la  fesse,  4  ;  à  formation 
rapide,  83;  —  son  siège  dans  les 
cas  d'apoplexie,  93  ;  —  dans  les 
attaques  apoplectiformes,  252.  — 
sacrée,  95  ;  —  dans  l'ataxie  loco- 
motrice, 77  ;  dans  l'état  de  mal 
épileptique,  378.    (V.  Décubitus). 

Etat  de  mal  épileptique,  276.  (V. 
Température.)  —  hystéro-épilep- 
tique,  338,  376. (V.  Température.) 

Excitabilité  électrique  (Altérations 
histologiques  correspondant  à  la 
diminution  de  l'),  53. 

Expériences  de  MM.  Erb,  Ziemmsen 
et  O.  "Weiss,  52. 


Faisceaux  radiculaires  internes,  79.  — 
Irritation  des  —  dans  la  sclérose 
postérieure,  80. 

Faradisation  et  galvanisation;  diffé- 
rences d'action,  38,  54,  57  ;  —  dans 
la  sclérose  en  plaques,  241. 

Fève  de  Calabar  dans  la  paralysie 
agitante,  187  ;  —  dans  la  sclérose 
en  plaques,  271. 


Ganglion  cervical  supérieur  (Effets 
résultant  de  l'extirpation  du),  222. 

Glossy  sein,  23. 

Griffe  dans  un  cas  de  sclérose  en 
plaques  avec  lésion  des  cellules 
nerveuses,  56;  —  dans  la  para- 
lysie agitante,  153. 


H 


Hematomyélie,  64.  —  Pathogénie, 64. 
—  Diminution  ou  abolition  de  la 
contractilité  électrique,  65.  —  Al- 
tération des  urines,   131. 

Hémianesthésie  hystérique,  285,  300, 
330.  —  Historique,  302.  —  Lé- 
sions des  sens,  304.  —  Relations 
entre  l'hémiauesthésie,   l'hyperes- 


TABLE   ANALYTIQUE. 


thésie  ovarienne,  la  paralysie  et  la 
contracture,  304,  330.  —  Carac- 
tères qui  la  séparent  de  l'hémia- 
nesthésie  de  cause  encéphalique, 
303. 

— -  de  cause  encéphalique ,  historique, 
308;  —  ses  caractères,  311,  314. — 
Cas  de  Turck,  313,  315. 

îîémighorée,  316. 

Hémiopie,  285. 

Hémiparaplégie  traumatique,  101. — 
Arthropathies  dans  1'  — ,  102.  — 
Atrophie  musculairedansl' — ,105. 

—  Altérations  des  urines  dans 
1'  —,  130. 

Hémiplégie  dans  les  attaques  apo- 
plectiformes,  252; — hystérique,  352. 

Histologie  normale  du  système  ner- 
veux, 196. 

Hypérémie  neuro-paralytique,  135. 

Hyperesthésie  ovarienne,  286,  300,304, 
320.  —  Fréquence,  321.  —  Histo- 
rique, 322.  —  Caractères  cliniques, 
323.  —  Lésions  anatomiques  de 
l'ovaire,  329.  —  Conclusion,    338. 

—  Faits  cliniques,    339,    345,373. 
Hystérie  (V.  Epidémies,  Hémianes- 

thésie  ,  Hyperesthésie  ova- 
rienne, Ischurie,  Secours).  — 
e'pilepti  forme ,  369  ;  —  ovarienne, 
301; — grave,  306,  338; — locale,  320. 
Hystéro-épilepsie,  331,  367.  —  Si- 
g  nification  de  ce  mot,  368  ;  —  à 
crises  distinctes,  368.  —  Variétés 
de  V  — ,  370.  —  Nature  de  V  — . 
374.  —  Température  dans  1'  — , 
376. — Etat  de  mal  hystéro-épilep- 
tique,  378. —  Cas  graves  d' — ,382. 


Immobilisation  des  membres  (Effets 
de  1'),  8,  13. 

Incoordination  motrice,  230. 

Infection  purulente,  suite  du  décu- 
bitus, 88. 

Intoxication  putride,  suite  du  décu- 
bitus, 88. 

Irritabilité  musculaire,  36. 


Irritation  (Rôle  de  1')  des  nerfs  au 
point  de  vue  de  la  production  des 
troubles  trophiques.  21. 

Ischémie  hystérique,  303. 

Ischurie  hystérique,  275  ;  —  passa- 
gère, 278  ;  —  permanente,  278.  — ; 
Historique,  279.  —  Simulation, 
281.  — Elle  diffère  de  l'ischurie 
calculeuse,  283.  —  Fait  clinique, 
285.  —  Tracés  indicatifs  des  vo- 
missements et  des  urines,  289.  — * 
Analyses  chimiques,  290,  292.  — 
Rémission  des  accidents,  290.  — 
Réalité  de  f  — ,  293, — Bénignité 
relative  de  T  — ,  295.  —  Gravité 
de  l'ischurie  calculeuse ,  294.  — 
—  Mécanisme  de  1' — ,  296. 


Langue  (Contracture  delà),  345. 

Latéropulsion  dans  la  paralysie  agi- 
tante, 399. 

Lèpre  anesthésique,  30. 

Lésions  irritatives,  13,  17;  —  ocu- 
laires consécutives  à  l'irritation  du 
ganglion  de  Gasser,  14,  17;  —  à 
la  section  du  nerf  trijumeau,  14, 
15;  —  dues  à  des  lésions  spon- 
tanées du  nerf  de  la  5e  paire,  16. 


M 


Mains  (Déformation  des)  dans  la  pa- 
ralysie agitante,  170;  —  dans  le 
rhumatisme,  171.  (V.  Griffe.) 

Maladie  de  Parkinson,  394. 

Méningite  ascendante  purulente  sim- 
ple ou  ichoreuse,  consécutive  au 
décubitus,  90  ;  —  cervicale  chro- 
nique, 29. 

Miracles  de  Saint-Louis,  358  ;  —  de 
Saint-Médard,  303,335;  — de  Lour- 
des, 359. 

Moelle  épinière  (Effets  de  la  section 
transversale  de  la),  10,  19. 

Muscles  (Affectious  trophiques  des), 
34  ;  —  dans  la  paralysie  infantile, 
67.  (V.AMYOTROPniES,  Atrophie 


TABLE   ANALYTIQUE. 


444 


MUSCULAIRE,     MYOPATHIES,   SCLÉ- 
ROSE  EN  PLAQUES.) 

Myélite  aiguë  centrale,  64.  —  Dimi- 
nution de  la  contractilité  électri- 
que, 64.  —  Lésions  des  capsules 
surrénales,  128.  — Altérations  des 
urines,  130.  —  Crises  gastriques, 
260. 

—  partielles  ;  amyotrophie,  62  ;  — 
traumatiques,  97; — spontanées,106. 

Myodynie  hystérique,  323. 

Myopathies  consécutives  à  des  lé- 
sions de  la  moelle,  59. 


N 


Néphro-cystite  consécutive  aux  lé- 
sions spinales,  129. 

Néphrotomie,  279.  —  Gravité  de  la 
—,  293. 

Nerfs  (Ecrasement  et  ligature  des), 
53.  —  Excision  des  — ,  56.  — 
Plaques  de  sclérose  sur  les  — , 
194;  —  dilatateur s,  141  (V.  Corde 
du  tympan)  ;  facial  (Paralysie 
du),  37;  —  glandulaires  (Irritation 
des),  147  ;  —  sciatique  (Résultat 
de  la  section  du),  9;  —  sécréteurs 
(Recherches  de  Ludwig  sur  les), 
142;  trijumeau  (Résultats  de  la 
section  du),  10,  14 ;  —  Expériences 
de  Samuel,  14;  —  lésions  spon- 
tanées du  — ,  16.  —  trophiques,20, 
148;  —  origine  de  ces  nerfs,  150. 
—  vaso-moteurs,  151;  —  (Rôle  des) 
au  point  de  vue  de  la  nutrition,  11, 
20;  —  irrritation  des  — ,  140. 

Névrite,  25,  26.  —  Troubles  trophi- 
ques  liés  à  la  — ,  27. 

Névroglie  (Delà),  198. 

Nutrition  (Influence  du  système  ner- 
veux sur  la),  5,  6  etpassim. 

Nystagmus  dans  la  sclérose  en  pla- 
ques, 234. 


Oblitération  calculeuse  des  uretères, 
283.—  Durée,  284.—  Gravité, 293. 


Oligurie  hystérique,  278. 

Os  (Affections  trophiques  des),  24,  30. 

Ovaire  (Siège  de  1'),  327.  (V.  Com- 
pression, Hyperesthésie  ova- 
rienne). 

O varie  hystérique,  286,  304,  320. 


Paralysie  agitante,  155;  —  Histori- 
que, 160.  —  Nature,  161.  —  Ca- 
ractères  généraux    de  la  — ,  161. 

—  Début,    ses  modes  ,    164,   165. 

—  Symptômes,  période  d'état,  166. 

—  Caractères  du  tremblement,!  67. 

—  Attitude  du  corps  dans  la  — , 
169  ;  —  sa  valeur  diagnostique, 179. 

—  P.  agitante  sans  tremblement, 
172,  394.  —  Sensations  pénibles 
dans  la  — ,  176.  —  Période  termi- 
nale, 179.  —  Terminaisons,  160. — 
Anatomie  pathologique,  160.  — 
Physiologie  pathologique,  162.  — 
Causes,  162,183, 184. — Traitement, 
187.  (V.  Latéropulsion,  Parole, 
Propulsion,  Rétropulsion.) 

—  bulbaire  ,  symptomatique  de  la 
sclérose  en  plaques,  262. 

—  consécutive  à  la  lésion  des  nerfs, 
45. 

—  générale  progressive  ;  caractères 
qui  la  rapprochent  de  la  sclérose 
en  plaques,  223,  235.  (V. Attaques 
apoplectiformes.) 

—  générale  spinale  de  l'adulte,  70; 
ses  analogies  et  ses  différences 
avec  la  paralysie  infantile,  70.  — 
hystérique,  287,  352  et  passim. 

—  infantile,  45,  50.  —  Lésions  ana- 
tomiques,  68;  —  labio-glosso-la- 
ryngée  :  lésions  des  cellules  motri- 
ces, 72,235,  236. 

—  pseudo-hypertrophique,  45. 

—  rhumatismale  (Etat  de  la  contrac- 
tilité musculaire  dans  la),  38. 

Paraplégie  traumatique  (Altération 
des  urines  dans  la),  129.  (V.  Hé- 
miparaplégie.) 

Parésie  des  membres  inférieurs  dans 


Chargot,  t.  I,  3°  éd. 


29 


442 


TABLE  ANALYTIQUE. 


la   sclérose    en   plaques,  239.   — 

Rémissions,  240. 
Parole    (  Troubles  de   la  )   dans    la 

paralysie  agitante,  168;  —  dans  la 

sclérose  en  plaques,  235. 
Peau  (Troubles  tropbiques  de  la),  20; 

—  lisse,  23,  30. 
Petit  mal  épileptique,  375. 
Pharynx  (Paralysie  du),  345. 
Phlegmon  (Faux),  23,  86. 
Pied  (Déformation  du),  dans  la  paraly- 
sie agitante,  171.  (V. Trépidation.) 
Pied  bot  hystérique,  360,  365. 
Pouls  dans  les  attaques  apoplectiques, 

255. 
Préambule,  1. 
Propulsion  dans  la  paralysie  agitante, 

163,172,175,391. 
Putamen,  313. 


Reins  (Lésions  des)  consécutives  à  la 
section  des  nerfs,  128,  129.  —  Con- 
tradictions expérimentales,  18. 

Rémissions,  166,  240. 

Rétention  d'urine  chez  les  hystériques, 
277,  352,  355. 

Rétropulsion  dans  la  paralysie  agi- 
tante, 163,  175,  391. 

Rigidité  des  membres  et  du  cou  dans 
la  paralysie  agitante,  169. 


Salivation  dans  la  paralysie  agi- 
tante, 169. 

SCLÉRODERMIE,  24. 

Sclérose  fasciculée,  60;  descendante, 
250  ;  —  latérale  dans  l'hystérie, 
360  ;  postérieure,  compliquant  la 
sclérose  en  plaques,  230,  242,  264. 
(V.Ataxie  locomotrice).  —  En 
plaques  disséminées  (Lésions  des 
cellules  motrices  dans  la) — ,  71; 
—  et  paralysie  agitante,  170.  — 
Historique,  159.  —  Anatomie  ma- 
croscopique, 193.  —  Distribution 
des  plaques  dans  le  cerveau,  193  ; 


—  dans  la  moelle,  193;  sur  les 
nerfs,  194.  —  Aspect  des  plaques 
de  sclérose,  194.  — Histologie,195, 
205.  —  Altérations  des  vaisseaux 
dans  la  — ,  211.  —  Nature  de  la 
lésion,  219. —  Forme  spinale,  194, 
222.  —  Forme  céphalique  ou  bul- 
baire, 194,  222.  -—  Forme  cérébro- 
spinale,  136,  222,  294.  —  Causes 
d'erreurs  de  diagnostic,  223.  —  Di- 
plopie,  amblyopie,  233.  —  Symp- 
tômes céphaliques,  233.  —  Nys- 
tagmus,  234.  —  Vertige,  236.  — 
Faciès,  237.  —  Symptômes  psy- 
chiques, 237.  —  Etat  des  membres 
inférieurs,  238.  —  Symptômes  in- 
solites, 241.  —  Ataxie,  242.  — 
Atrophie  musculaire,  244.  —  Con- 
tracture des  membres,  245.  —  Epi- 
lepsie  spinale,  247,  249.— Attaques 
apoplectiformes,  248.  —  Périodes, 
257.  —  Rémissions,  258.  —  Crises 
gastriques,  257.  —  Maladies  inter- 
mittentes, 261.  —  Paralysie  bul- 
baire, 262.  —  Durée,  265.  —  Phy- 
siologie pathologique,  266.  —  Cau- 
ses, 267.  —  Influence  des  maladies 
aiguës,  258,  269.  —  Pronostic,270, 
403. —  Traitement,  271. —  Cas  de 
guérison,404. — Forme  fruste  de  la 
-,  402. 

Secours  (Des)  chez  les  convulsion- 
naires,  335. 

Sections  des  nerfs  :  complètes  ou  in- 
complètes, 21,  25,  35,  53,  213. 

Simulation  (Delà)  dans  l'hystérie,281. 


Tarentisme,  341. 

Température  (Signification  de  l'abais- 
sement de  la)  dans  l'apoplexie  cé- 
rébrale, 94.  —  Abaissement  de  la 
—  accompagnant  les  lésions  inci- 
tatives des  nerfs,  137.  —  Abaisse- 
ment de  la  —  dépendant  de  l'irri- 
tation du  grand  sympathique  cer- 
vical, 141  ;  —  dans  la  paralysie 
agitante,  178;  —  dans  les  attaques 


TABLE   ANALYTIQUE. 


443 


apoplecti formes,  252  ;  —  dans  les 
attaques  d'hystéro-épilepsie  ,  376; 
dans  Y  état  de  mal  épileptique,  376, 
378  ;  —  dans  Vétat  de  mal  hystéro- 
épileptique,  334. 

Thermoanesthésie,  303,  382. 

Tremblement  (Du)  en  général,156. — 
Différence  selon  l'état  de  repos  ou 
d'activité,  157.  — Variétés,  157. — 
Historique,  158;  —  dans  la  para- 
lysie agitante,  167,  229  ;  —  dans  la 
sclérose enplaqv.es,  226.  —  Influence 
des  mouvements,  227.  —  Carac- 
tères qui  le  distinguent  de  la  cho- 
rée,  229  ;  —  de  l'incoordination 
motrice,  230. 

Trépidation  provoquée  du  pied  dans 
Yhystérie,  349  ;  —  dans  la  sclérose 
des  cordons  latéraux,  la  sclérose  en 
plaques  ,  la  sclérose  descendante, 
349  (Note;. 

Trismus,  286. 

Troubles  trophiques.  Siège,  4.  — 
Différences  qui  les  séparent  des 
lésions  passives,  8  ;  —  consécutifs 
aux  lésions  des  nerfs  périphéri- 
ques, 5  ;  —  causes  traumatiques. 
25.  —  Lésions  spontanées,  27.  — 
Partie  théorique,  133.  —  Théorie 
vaso-motrice,  134.  —  Théorie  de 
l'attraction,  145.  —  Théorie  des 
nerfs  trophiques,  148.  —  Théorie 
de  M.    Samuel,  149.  —  Critique, 


151.  —  Conclusions,  152.  —  Dans 
la  sclérose  en  plaques,  262. 

Tubercule  de  la  moelle,  114. 

Tympanisme,  286,  352,  355. 


Urée  dans  les  vomissements  hysté- 
riques, 279,  290,  292  ;  —  dans  les 
évacuations  alvines  consécutives  à 
la  néphrotomie,  279.  —  Influence 
de  la  pression  sur  la  production 
de  l'urée,  297. 

Uretères  Contracture  spasmodique 
des  .  296.  (V.  Oblitération). 

Urticaire  dans  l'ataxie  locomotrice, 
76. 


V 


Vertiges  dans  la  sclérose  en  plaques, 
236,  259  ;  —  épileptiques,  375. 

Vomissements  hystériques,  290,  295  ; 
—  v/rémiques ,ï%  ;  —  de  sang ,352. 


Zona,  22,  27,  29  ;  —  dans  l'ataxie  lo- 
comotrice, 76;  —  dépendant  de 
lésions  partielles  de  l'encéphale, 
80  ;  —  avec  modifications  du  derme, 
111.  —  Elévation  de  la  tempéra- 
ture au  niveau  de  l'éruption,  137. 


VERSAILLES.  TYP.    CERF    ET    FILS,    59,    RUE  DUPLESSIS 


I