ENCYCLOPÉDIE SCIENTIFIQUE
PUBLIÉE SOUS LÀ DIRECTION OU 05 ToULOySE
BIBIIOTÏÏÈQUE DIRECTEUR
DE BIOLOGIE GÉNÉRALE Mmjrice CAULLERY
Le Parasitisme
et
la Symbiose
PAR
Le Professeur M.CAULLERY
Librairie Octave DOïN
Gaston DOIN Jwteur-Paris
Gaston DOIN, Éditeur, 8, place de l'Odéon, Paris -6'
ENCYCLOPÉDIE SCIENTIFIQUE
Publiée sous la direction du D' TOULOUSE
BIBLIOTHÈQUE
DE BIOLOGIE GÉNÉRALE
Directeur : Maurice CAULLERY
Professeur à la Faculté des Sciences de Paris
Le développement et le progrès des Sciences ont,
tout à la fois, pour condition et pour résultat, leur
fractionnement de plus en plus grand en spécialités qui,
dans la pratique, deviennent, non seulement indépen-
dantes, mais même étrangères les unes aux autres.
C'est là une fâcheuse nécessité. Elle dérive de ce que
la méthode scientifique est analytique par essence.
Mais l'analyse faite, il faut en rapprocher les résultats :
plus la spécialisation est poussée loin, plus ce besoin
est impérieux et en même temps plus il est ditTicile de
le satisfaire.
Les sciences biologiques, par la complexité même
de leur objet, ont subi au plus haut degré cet émiet-
tement inéluctable et, plus que toutes les autres, elles
exigent cette synthèse : car l'organisme est un et les
divers points de vue auxquels on le considère, dans
les divers compartiments de la Biologie, n'ont de valeur
véritable que confrontés les uns aux autres et agencés,
en quelque sorte, pour reconstituer la Vie, dans la
mesure où cela est possible. La liste des Bibliothèques
II ENCYCLOPEDIE SGFENTIFIQUE
composant Y Encyclopédie, illustre suffisamment la
multiplicité des sciences partielles auxquelles donnent
lieu les Êtres vivants ; la bibliothèque de Biologie
générale doit être le lien entre toutes ; elle a la lourde
charge d'en représenter la synthèse.
Par là même, elle est plus malaisée à concevoir et
surtout à exécuter. Il est assez facile d'inventorier et
de découper le domaine d'une science spéciale ; on
trouve, sans trop de peine, des spécialistes qualifiés
pour fournir une mise au point de chacun des frag-
ments ainsi délimités. 11 n'en va pas de même pour la
Biologie générale. Pour en traiter les problèmes d'une
façon satisfaisante, il faut unir une connaissance pré-
cise et critique des faits et des techniques diverses à la
vue d'ensemble qui permet de dominer ces faits et d'en
extraire la signification générale.
On s'efforcera d'atteindre ce but dans les livres de
la présente série. La liste et les titres, qui figurent
ci-dessous, n'en sont pas donnés ne varietur. Us expri-
ment simplement le plan conçu.
La Biologie générale étant comprise comme la syn-
thèse des disciplines particulières : zoologie, bota-
nique, paléontologie, physiologie, chimie et physique
biologique, etc., elle doit envisager les manifestations
et le fonctionnement des organismes d'une façon glo-
bale.
Il faut donc extraire tout d'abord de ces sciences
particulières les caractères généraux des phénomènes
vitaux et préciser leurs rapports avec ceux qu'offre la
matière inanimée. Ce sera l'objet d'un volume d'intro-
duction.
Ayant ainsi dégagé ce qu'on peut, à Pheure actuelle,
considérer comme le propre de la Vie et ajusté à nos
connaissances modernes le vieux problème du méca-
nisme et du vitalisme, nous envisagerons le fonction-
BI3L0GIE GENERALE III
nement vital dans son substratum, l'Organisme. Mais
cet examen peut et doit se faire à une série d'écliell es
différentes, si l'on peut dire.
Il y a une vie élémentaire, dont la Biologie du
xix« siècle a mis en évidence l'absolue généralité, c'est
la {>i.e cellulaire; pour beaucoup d'organismes infé-
rieurs, c'est même toute la vie ; la cellule est l'unité
fondamentale en matière d'organismes. Sa connai s-
sance est la base sur laquelle doit être construite la
Biologie générale.
Une seconde étape est Tétude de Vindividu considéré
comme édifice pluricellnlaire. Une série de volumes,
formant la seconde partie de la Bibliothèque, seront
consacrés aux lois générales de la réalisation, de la
reproduction et du fonctionnement synergique de ces
édifices. Il s'en dégagera la notion si complexe et par-
fois si fugitive de l'individualité, qui sera étudiée et
discutée spécialement.
La vie de l'organisme ne se conçoit que dans le
milieu, et même les frontières de l'organisme et du
milieu sont beaucoup plus malaisées à tracer qu'on ne
l'imagine communément. La troisième partie de la
Bibliothèque sera faite de volumes où ces rapports
généraux seront étudiés. Certains se rattachent plus
intimement à la Physiologie ; mais en ce cas, ou bien
ils envisagent des fonctions extrêmement générales,
telles que l'irritabilité ou l'assimilation et alors ils ren -
trent dans l'étude générale des rapports de l'organisme
et du milieu; ou bien ils traitent de fonctions (comme
la luminosité, par exemple) qui, — tout en ayant une
grande valeur biologique, pleinement reconnue par
les physiologistes et se rattachant intimement aux
conditions fondamentales du fonctionnement vital —
échappent cependant à peu près complètement, en fait,
au cadre de la physiologie classique. Celle-ci est, en
IV ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE
effet, délimitée surtout, en réalité, par l'expérimen-
tation sur les Vertébrés, où ces fonctions sont rudi-
mentaires et font pratiquement défaut ; si elles sont
bien représentées, c'est en tous cas, sur des types qui
ne font pas partie de ce qu'on pourrait appeler assez
irrévérencieusement la faune des laboratoires physio-
logiques.
Dans cette partie de la Bibliothèque, on voudrait
aussi faire à l'Ethologie la part qui lui est due et qui
n'est pas suffisamment reconnue.
La dernière partie de la série envisage les orga-
nismes à une échelle supérieure à l'individu, celle de
la lignée ou de V espèce. Est-il besoin de souligner que,
depuis Darwin, ce point de vue, qui n'est autre que le
problème de TÉvolution, domine toute la Biologie
générale. Pour le traiter autrement que d'une manière
philosophique et spéculative, il faut considérer les rap-
ports de l'organisme et du milieu dans la succession
des générations: c'est-à-dire étudier, parles méthodes
positives : l'Hérédité ; la Variation sous ses diverses
formes; la combinaison des lignées hétérogènes, c'est-
à dire l'Hybridation ; le problème de l'établissement
de la conformité de l'organisme aux conditions du
milieu, c'esl-à-dire l'Adaptation ; les transformations
successives des lignées, c'est-à-dire la Phylogénie ;
enfin envisager les mécanismes par lesquels nous pou-
vons nous représenter ces transformations, c'est-à-
dire les théories évolutionnistes. Là, plus qu'ailleurs, il
serait fructueux de réaliser des livres courts, clairs,
suffisamment documentés et d'une critique judicieuse.
11 est dans la nature des choses que la section de
Biologie générale chevauche parfois sur les biblio-
thèques spéciales. Dans son intégralité, elle est une
mise en œuvre des matériaux de celles-ci, mais à un
point de vue différent et qui évitera tout double emploi
BIOLOGIE GENERALE V
véritable. Elle est, d'autre part, nécessairement déga-
gée du caractère strictement technique et souvent pra-
tique, qui convient à beaucoup de volumes de ces
bibliothèques particulières.
Elle ne vise cependant pas moins à l'utilité. Nous
espérons qu'elle rencontrera un accueil favorable
auprès de catégories très variées de lecteurs : biolo-
gistes-, médecins, philosophes, esprits simplement
cultivés, et aussi spécialistes divers.
La spécialisation enlève le plus communément le
loisir de coordonner les notions partielles et cependant
il y a là une nécessité essentielle pour la culture de
l'esprit et même pour la conduite judicieuse des tra-
vaux particuliers.
La Bibliothèque de Biologie générale s'efforcera de
répondre à ce besoin, et, sans demander aux auteurs
d'abdiquer leur personnalité, elle lâchera de conserver,
dans son ensemble, une unité correspondant à celle de
son objet: La Vie.
Les volumes sont publiés dans le format in-18 jésus cartonné ; ils forment
chacun 400 pages environ, avec ou sans figures dans le texte. Chaque
ouvrage se vend séparément.
Voir, à la fin du volume, la notice sur l'ENCYCLOPÉDIE
SCIENTIFIQUE, pour les conditions générales de publi-
cation.
TABLE DES VOLUMES
ET LISTE DES COLLABORATEURS
Les volumes publiés sont indiqués par un *
Introduction
1. Les Phénomènes vitaux.
L — La Vie élémentaire.
2-3. La Cellule (Morphologie et Physiologie), 2 vol., par
M. Herweguy, Membre de rinstitut, Professeur au Col-
lège de France.
IL — L'Individu.
'4. L'Œuf et les facteurs de l'Ontogenèse, par M. A. Bra-
CHET, Professeur à l'Université de Bruxelles.
'5. La Tératogenèse. par M. Et. Rabaud, Maître de con-
férences à la Faculté des Sciences de Paris.
6. Les Formes larvaires et les Métamorphoses, par M. Ch.
PÉRKz, Professeur-adjoint à la Faculté des Sciences de
Paris.
7. La Reproduction asexuée.
8. La Régénération et la Greffe, par M. Ed. Bordage, Chef
des travaux pratiques à l'Ecole des Hautes-Etudes.
9. La Sexualité et la Parthénogenèse.
/ tM3
VIII ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE
10. Les Corrélations organiques et l'Individualité, par
M. E. GuYÉNOT, Préparateur à la Faculté des Sciences
de Paris.
III. — L'Orc|aiiisiiie et le Milieu.
11. L'Irritabilité et les Tropismes.
12. Les mutations matérielles dans les êtres vivants (ali-
ment et milieux nutritifs).
13. Les mutations énergiques dans les êtres vivants (lu-
minosité, chaleur, électricité, etc.).
14. La Biologie des Pigments,
lo. Éthologie et organisation.
*1G. Parasitisme et Symbiose, par M. M. Caullery. Profes-
seur à la Faculté des Sciences de Paris .
17. Les Milieux biologiques marins, par M. P. Marais de
Beauchamp. Préparateur à la Faculté des Sciences de
Paris.
18. La Biologie des eaux douces .
19. Les principaux faciès biologiques terrestres.
20. La Concurrence vitale.
lY. — L'Espèce et l'Évolution
21. L'Hérédité.
22. La Variation.
23. L'Hybridation.
24. L'Espèce.
25. L'Adaptation.
26. La Phylogénie.
27. Les Théories évolutionnistes .
£ U M
ENCYCLOPÉDIE SCIENTIFIQUE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION
du D' TOULOUSE, Directeur de Laboratoire à l'École
des Hautes-Études.
Secrétaire général : H. PIÉROR
BIBLIOTHÈQUE DE BIOLOGIE GÉNÉRALE
Directeur : M. CAULLERY
Professeur à la Faculté des Sciences de Paris
PARASITISME ET SYMBIOSE
DU MÊME AUTEUR
Les universités et la vie scientifique aux États-
Unis, I vol. in-i2. Paris (Arm. Colin), 1917.
Les problèmes de la sexualité, i vol. Bibliothèque
de philosophie scientifique. Paris (Flammarion),
8« mille.
LE PARASITISME
ET
LA SYMBIOSE
PAR
Maurice GAULLE R Y
Professeur a l\ Sorbo«?(e
Arec 53 figures dans le texte
PARIS
LIBRAIRIE OCTAVE DOIN
GASTON DOIN, EDITEUR
8, PLACE DE L'oDÉON, 8
1922
T us droit réservés
TABLE DES MATIERES
Préface
Pages
7
Chapitre PREMIER. — Le comme iisalisnie i3
Sommaire. — Délinilioiis. — Commensalisme, synœ-
cie, mulualisme. — Nécessité d'une étude in vivo,
autant que possible expérimentale. — Ubiquité de
ces associations. — Exemples divers tirés de la
faune marine.— Les Pagures et leurs commensaux.
— Les Crabes porteurs d'Actinies. — Rapproche-
ment avec l'instinct de déguisement de certains
Crabes.
Chapitre II. — Le commensalisme (suite) 34
Sommaire. — Exemples tirés de la faune terrestre.
Les commensaux des Fourmis et des Termites (sy-
nœques, synechthres, symphiles). — Les symplii-
les : LoniecJiusa, Paussides, Diptères, Chenilles de
Lycœnides, etc.. les Pucerons et la trophobiose. —
Caractères adaptatifs des symphiles. — L'esclavage
chez les Fourmis ; son origine (théories de Was-
MANN, EscHERiCH, Wheeler, etc). — Lcs plantes
myrmécophiles.
Chapitre IIL — Du commensalisme à Vinquili
nisme et au parasitisme. 5^
SoMMAiRK. — L'inquilinisme; transition au parasi-
tisme proprement dit; exemples divers.— Les ani-
maux épizoaires. — Les parasites intermittents ;
les animaux hématophages. — Sens général des
modilications produites par le parasitisme.
M. Caullert. — Le Parasitisme 1
1 LE PAKASITISME ET LA SYMBIOSE
Ghapithë IV. — Exemples particuliers d'adapta-
tion au parasitisme : A n né lides, Mollusques. . 73
Sommaire. — Les Annélides Polychètes parasites. —
Etude spéciale d'Ichthyotomiis sangiiinariiis d'a-
près les recherches d'H. Eisig. — L'adaptation au
parasitisme chez les Gastropodes : Capulidœ (Tliy-
ca ); Eiilimidœ (Eulima, Miicronalia, Stylifer,(iic.);
Gasterosiplion deimatis ; Entoconchidœ .
Chapitre V , — L'adaptation au parasitisme chez
les Crustacés loi
Sommaire. — Les Gnathiidœ (Anceiis et Praniza) ;
les Cyniothoidœ.
Les Isopodes Epicarides. — Phases de leur dévelop-
pement. — Les principales familles : Bopyridœ,
Entoniscidœ, Dajidœ, Cryptoniscidœ. — Dualité de
constitution de la cavité incubatrice dans le
groupe. — Hermaphrodisme successif des Cryp-
toniscidœ.
Les Rhizocéphales. — Evolution de la Sacculine.
Larves Nauplius et Cypris. — Phase de Sacculine
interne (travaux de Y. Dklage et G. Smith). — Dif-
férenciation de la Sacculine externe. — Le g-enre
Thompsonia. — Multiplication asexuée par bour-
geonnement (Thompsonia, Peitogaster socialis).
Les Copépodes parasites . — Le genre Xenocœloma ;
rapports anatomiques et physiologiques avec
l'hôte ; évolution.
(uHAPiTRE VI. — Le parasitisme provisoire ou pro-
télien i35
Sommaire. — Définition. — Le parasitisme larvaire
des Monstrillidœ ; signification des appendices
absorbants. — Le parasitisme placentaire (Giard);
adaptations parasitaires ne portant que sur des
organes provisoires ou des annexes et n'atteignant
pas les organes définitifs. — Le cycle évolutif des
Orthonectides. — Les Euniciens parasites. — La
phase parasitaire des larves d'Unionidœ (Giochi-
diuni) sur les Poissons. — Les Gordiens.
l.,es Insectes entomophages : leur importance dans la
nature et leur rôle dans l'éqnilihre des espèces. —
Leur utilisation aux Etats-Unis dans la lutte contre
TABLE DES MATIERES .i
les Insectes nuisibles. — Principales conditions de ,
développement. — Formes larvaires spéciales
(larve cyclopoïde des Platygaster , Planidiiim, larve
primaire d'Èiicoila, etc...)- — Action de l'hôté.
Chapitre VII. — Les parasites hétéroxènes et leurs
migrations 162
Sommaire. — Définition. — Cestodes : Oncosplières
et Cysticerques. Cycle et hôtes successifs des Bo-
thriocéphales. — Trématodes : Miracidium et Spo-
rocyste, Cercaire et Métacercaire. — Cycle des
Schistosomum {Bilharzia), etc.. — Némathelmin-
thes : Spiroptères, Trichine, Pilaires, Gordiens,
Acanthocéphales. — Protozoaires ; Grégarines
(Aggregata, Nematopsis). — Hémosporidies [Plas-
modinm, Hémcgrég-arines, etc.). — Hémoflagellés
(Trypanosomes, Piroplasmes, Leishmania). — Le
problème de l'hôte définitif chez les Protozoaires
hétéroxènes.
Chapitre VIII. — Les modifications adaptatives
de la reprodaction chez les parasites 192
Sommaire, — Fréquence de l'hermaphrodisme, ou
rapprochement permanent des sexes avec exagéra-
tion du dimorpliisme sexuel. — Elévation considé-
rable du nombre des œufs.
Intercalalion de processus de multiplication au cours
du développement: scbizogonie des Sporozoaires.
— Agamogonie des Dicyémides. — Plasmodcs des
Orthonectides. — Bourgeonnement larvaire chez les
Cœlentérés parasites. — Cestodes : strobilisation ;
pluralité des scolex sur certains cysticerques. —
Trématodes : formation des rédies et des cercaires.
— Rhizocépliales: bourgeonnement chez les Thomp-
sonia et chez les Peltogaster socialis. — Polyem-
bryonie des Insectes entomophages.
Rapport entre ces processus et l'affaiblissement de
l'indiAàdualité physiologique. — Analogie avec les
animaux fixés.
Chapitre IX. — La spécificité parasitaire et les
modes divers de V infestation de Vhôte 2i3
Sommaire. — Exemples de spécificité rigoureuse :
^ LE PARASITISAIE ET T.A SYMBIOSE
Grégarines, Crustacés . — Théorie de GiARoet J. Bon-
NiER : idées difTérentes de G. O. Sars eÇH. J. Han-
SEiv. — Cas de spécificité moins précise : Tréma-
todeselCestodes. — L'hôte normal et les hôtes ac-
cidentels. — Réservoirs de virus. — La théorie de
la prophylaxie trophique ou des écrans protecteurs
(Roubaud) — Ghang-ements d'équilibre entre les
hôtes et les parasites : exemples des Insectes ento-
mophagesaux Etats-Unis. — La spécilicité est une
propriété relative et le résultat d'une évolution.
La spécificité et les conditions d'accès à l'hôte. —
Exemples divers. — Pénétration dermique: Hémos-
poridies, Filaires, Ankylostomes, Sacculine, elc. —
Migrations d'Ascaris hunhricoides. — Les divers
modes d'infestation par les larves de Tachinaires
et dans les myiases. — Propagation des parasites
par l'œuf et transmission héréditaire.
Chapitre X. — Actions réciproques du parante et
de Vhôte . . . , 245
Sommaire. — Parasites et corps étrangers. — Mem-
branes anhystes ou cellulaires tendant à isoler les
parasites.— Réactions d'ordre phagocytaire. — Pa-
rasites normaux etanormaux. — Produits solubles:
Antiferments élaborés par les parasites intestinaux.
— Toxines parasitaires. — Eosinoj)hilie etanti-cor[)s
spécifiques chez l'hôte. — Action des parasites sur
le métal>olisme général de l'hôte (cas de la Saccu-
line. — Castration parasitaire. — Exemples divers
chez les animaux et les végétaux. — Cas spéciaux
de réaction de l'hôte à un parasite (Ver du Cayor,
Glochidiiim, Sporozoaires divers etc.).
Les galles animailes {thj lac ie s) et végétales (cécidies).
— Essais de reproduction expérimentale des céci-
dies.
Chapitre XI. — La symbiose chez, les animaux. . . 281
Sommaire. — Définition. — Zoochlorelles et zooxan-
thelles ; leur extension, leur nature, leurs rapports
physiologiques avec les animaux qui les renferment.
— Pénétrationet transmission. — Les levures intra-
cellulaires des Insectes et la symbiose Jiéréditaire.
— Historique; étude dn en s d'Icerya piirchasi. —
Transmission par l'œuf ; cultures in vitro ; myiélo-
TABLE DES MATIEHKS O
cytes. - Le mycétome e1 ses diverses catégories ;
son rôle physiologique.
Les Bactéroïdes chez divers animaux: Blatte, Cy clos-
tome, etc. La symbiose cliez les Diptères hémato-
phages stricts (Glossines, Pupipares).
Recherches de Pierantonisuf les organes lumineux.
— La luminosité ?inimale est-elle due à des bac-
téries symbiotiques ?
Chapitre XIL — La symbiose chez les végétaux.... 307
Sommaire. — Les lichens. Historique. — Nature des
rapports de l'algue et du champignon. — Théories
diverses. — Etude expérimentale de l'algue. — Re-
cherches de Ckodat.
Les bactéroïdes des Légumineuses.
Les mycorhizesendotropheset ectotrophes. — Les my-
corhizes des Orchidées: historique. — Recherches
de Noël Bernard. — La germination naturelle de
Neottia nidiis avis. — Germination des graines d'Or-
chidées en tubes stériles par ensemencement deRhi-
2,octonia. — Spécificité de ces Wiizoctonia ; leurs
rapports avec l'Orchidée. — Conditions d'infestation.
— Variation de virulence. — Exaltation par pas-
sages. — Phagocytose et immunité. — La symbiose
et révolution des végétaux.
La symbiose frontière de la maladie. — Symbiose,
mutualisme et parasitisme,
Chapitre XIII. — La symbiose est-elle une carac-
téristique primordiale de la vie cellulaire ?. . . . 339
Sommaire. — Les théories particulaires de l'hérédité.
— Les granules d'ALXMANX et les mitochondries. —
Généralisations de Pieraxtoni à partir des faits de
symbiose héréditaire, chez les Insectes et les Cépha-
lopodes : passage des bactéries intracellulaires à
la forme granulaire ; réalisation des diverses fonc-
tions de la cellule par des bactéries symbiotiques.
La théorie des symbiotes de Portier : dualisme de
la cellule; les mitochondries seraient d"S bactéries
symbiotiques. — Critique de la conception symbio-
tique des Isaria chez les Insectes. — Possibilité
de la vie aseptique ; sa réalisation rigoureitse et à
grande échelle chez les Drosophiles (Guvéxot). —
Les bactéries cultivées par Portier, à partir de di-
b LE PARASITISME ET LA SYMBIOSE
vers organes, ne peuvent êiredes mitochondries,de
par leurs propriétés.
Aucun fait ne vient présentement à rencontre de l'u-
nité fondamentale de la cellule. — La symbiose intra-
cellulaire est un fait exceptionnel, quoique assez ré-
pandu.
Bibliographie 35^
Index 389
PREFACE
Les matières du présent volume ont été l'ob-
jet de mon cours à la Sorbonne pendant le se-
mestre d'hiver 1919-1920. Je n'ai pas besoin, je
pense, de justifier la publication d'un volume
sur Le Parasitisme et la Symbiose dans la Biblio-
thèque de Biologie générale de rEncyclopédie
scientifique. Sa place y était évidemment mar-
quée. De toute façon, je crois qu'il comble à
rheure présente une lacune dans l'ensemble des
ouvrages de Biologie dont disposent les lecteurs
français. Ce n'est point que nous manquons de
tous livres récents sur les parasites. Il a paru, en
particulier, en France, plusieurs excellents Pré-
cis de Parasitologie à l'usage des étudiants en
médecine. Le Traité de Zoologie médicale de
A. Railliet est un livre excellent, dont il faut
regretter seulement qu'il n'existe pas une réédi-
tion récente. î ans ces livres, étudiants, zoolo-
gistes et médecins trouveront énormément de
8 LE PARASITISME ET LA SYMBIOSE
renseignements d'ordre parliculier-.De même les
traités de Zoologie, dont nous sommes malheu-
reusement insutfisamment pourvus en France,
présentent, à propos des divers groupes, beau-
coup de données sur les parasites. Mais je n'ai
cherciié ici, ni à faire un inventaire méthodique
des parasites — particulièrement de ceux qui
intéressent l'homme d'une façon directe, — ni à
discuter les affinités zoologiques des diverses
formes .
J ai envisagé le parasitisme du point de vue de
la Biologie générale, comme manifestation glo-
bale et en le rattachant aux phénomènes qui en
sont connexes. Le parasitisme est un rapport de
dépendance directe et étroite entre deux orga-
nismes généralement bien déterminés d'une
façon réciproque, l'hôte et le parasite, dont le
second vit aux dépens du premier. Ce n'est
qu'un cas spécial des rapports de tout orga-
nisme avec le milieu ambiant et en particulier
avec les autres organismes, une association par-
ticulièrement précise. Or, il existe des associa-
tions enlreorganismes, moins étroites,— mais qui
très souvent sont aussi spécifiques, — et que l'on
a désignées sous le nom de commensalisme et
de mutiialisme . Il en est d'autres au contraire
plus étroites, encore plus constantes et moins
unilatérales, auxquelles on a donné le nom de
5r^i^/o6^6?.GomniensaHsme, parasitisme, symbiose
PREFACE
sont des catégories de notre esprit, qui ne sont
séparées dans la nature par aucune disconti-
nuité et qui offrent des aspects divers des mêmes
lois générales. C'est ce que ce livre cherche à dé-
gager en les examinant successivement. J'étudie
ces associations dans le cadre de l'idée d'Evolu-
tion. Si ignorants que nous soyons encore des
mécanismes parlesquelsl'Evolution s estaccom-
plie, sa réalité comme fait est difficilement con-
testable et s'impose de plus en plus, à mesure
que progressent nos connaissances. Les para-
sites sont peut-être les organismes pour qui cela
est le plus évident. Ils sont en effet étroitement
adaptés aux conditions très particulières dans
lesquelles ils vivent et leur organisation, si
spéciale soit-elle, apparaît toujours, non comme
celle de types autonomes constituant une classe
d êtres indépendante, mais bien comme la trans-
formation de divers types d'animaux vivant
dans des conditions normales. Le monde des
parasites s'est formé peu à peu, après la diffé-
renciation générale des divers groupes II est le
résultat d'une évolution secondaire moins loin-
taine. Autrement, il faudrait supposer qu'une
Providence capricieuse ait attaché spécialement
à chaque forme animale un cortège de parasites
bizarrement déformés suivant un plan fixé
d'avance. Et pourquoi, dans ce cas, ces para-
sites n'eussent-ils pas constitué des groupes
10 LE PARASITISME ET LA SYMBIOSE
spéciaux? L'étude du parasitisme est une illus-
tration particulièrement nette de l'Evolution.
Ce livre n'envisage pas d'une façon tout à
fait équivalente le domaine du parasitisme chez
les animaux et les plantes, comme le suggére-
rait une logique rigoureuse. Zoologiste, Tauteur
n'a pas pu ne pas donner aux faits tirés du
règne animal une place prépondérante, ne serait-
ce que parce qu'il se sentait plus compétent pour
en traiter. Il a essayé cependant de marquer les
faits essentiels relatifs au parasitisme des végé-
taux. De même, il est tout un vaste domaine
qui se rattache intimement au parasitisme et
qui reste cependant à peu près complètement
hors du cadre de ce livre : c'est la Bactériologie.
La plupart des bactéries, pathogènes ou non,
sont des parasites. Leurs rapports avec leurs
hôtes contiennent avant tout le problème ca-
pital de l'immunité naturelle ou acquise et l'on
s'étonnera peut-être qull n'occupe pas ici la
place à laquelle il semble qu'il ait droit. En fait
la Bactériologie et les questions qu'elle soulève
ont, par leur importance théorique et pratique,
leur place dans d'autres parties de V Encyclopé-
die ; on les a donc laissées de côté ici.
Il va de soi que^ tout en ayant en vue les
questions d'ordre général, on ne peut les traiter
que sur des faits précis et concrets. Le général,
dans le domaine biologique, ne vil réellement
PRÉFACE 11
que par le particulier. On s'est donc efforcé de
ramener toutes les idées exprimées à des faits
précis. Ainsi, pour donner une idée des défor-
mations dues au parasitisme, au lieu de s'en tenir
à des affirmations de principe ou à des vues
générales, a-t-on choisi un certain nombre
d'exemples spéciaux caractéristiques. On les a
empruntés de préférence à des recherches ré-
centes, en s'abstenant de reprendre en détail des
cas devenus classiques. Ce livre pourra donc
aider à la diffusion des résultats particuliers les
plus importants, qui ont été acquis dans ces
dernières années.
L'auteur ne se pique nullement d'une connais-
sance complète de la bibliographie récente. Le
trouble jeté par la guerre dans les recueils bi-
bliographiques et dans les bibliothèques est très
loin d'être dissipé : les difficultés des relations
internationales et les complications économiques
empêchent de consulter bien des recueils. Il est
donc très possible et même probable que des
travaux récents qu'il aurait été naturel de résu-
mer ici soient oubliés.
Je n'oublie pas que cet ouvrage a eu, ei\
langue française, des devanciers, en particulier
le livre de P. J. Van Bbneden Commensaux et
Parasites, (dans la Bibliothèque scientifique
internationale). En le lisant, aujourd'hui encore,
on est frappé de l'étendue et de la solidité de sa
12 Î.K PAHASITISIME ET TA SYMBIOSE
documentation zoologique. L'importance qu'al-
laient prendre diverses questions, à peine ébau-
chées lors de son apparition, y est comme pres-
sentie et elles sont notées, malgré l'insigDifiance
qu'elles avaient alors. Le temps et les idées ont
bien marché depuis. Le livre de P. J. Van Bene-
DEN est conçu dans un langage et un esprit très
anthropomorphique, finaliste et providentiel, et
en opposition formelle avec les doctrines évolu-
tionnistes. Aussi aujourd'hui ce livre appartient-
il au passé et l'on voudra bien considérer, j'es-
père,qu'on pouvait, sans craintede superfétation,
se» proposer de traiter le même sujet dans le
cadre renouvelé de nos idées et de nos connais-
sances.
Novembre 1920.
N.-B. — Les nombres en italiques entre parenthèses
renvoient à l'index bibliographique à la fin du volume.
LE PARASITISME
ET
LA SYMBIOSE
CHAPITRE PREMIER
LE GOMMENSALISME
Sommaire. — Définitions : comniensalisme, synœcie, mulua-
lisme. — Nécessité d'une étude m t'iVo, autant que possible
expérimentale. — Ubiquité de ces associations. — Exem-
ples divers tirés de la faune marine. — Les pagures e
leurs commensaux. — Les crabes porteurs d'actinies. —
Rapprochement avec l'instinct de déguisement de cer-
tains crabes.
Le parasitisme peut être défini la condition de vie
normale et nécessaire d'uQ organisme qui se nour-
rit aux dépens d'un autre -- appelé l'hôte — sans
le détruire, comme le fait le prédateur à l'égard de sa
proie. A la vérité, il y a toutes les transitions entre
les deux régimes. Pour vivre régulièrement de
l'hôte, le parasite — saut cas exceptionnels — vit en
contact permanent avec lui, soit sur sa smface
extérieure, soit à son intérieur. Le parasitisme
se manifeste donc comme une association générale-
14 LE GOMMENSALISME
ment continue entre deux organismes différents,
dont l'un vit aux dépens de l'autre. L'association a un
caractère essentiellement unilatéral : elle est néces-
saire au parasite, qui meurt s'il est séparé de son
hôte, faute de pouvoir se nourrir ; elle ne l'est nulle-
ment à l'hôte. L'organisation du parasite est spécia-
lisée corrélativement aux conditions où il vit sur
l'hôte : l'adaptation est la marque du parasitisme.
Mais on peut concevoir et il existe en fait, des asso-
ciations n'ayant pas le même caractère unilatéral :
deux espèces vivant régulièrement associées, sans
que l'une vive de l'autre. L'une pourra réaliser ainsi
des avantages particuliers pour sa protection ou sa
nutrition, sans que l'autre en trouve d'équivalents.
Ces associations ont été groupées sous le nom de
commen salis me. Dans certaines d'entre elles, aux-
quelles on donne le nom de miitualisme, il y a net-
tement réciprocité d'avantages pour les associés.
On conçoit qu'il y ait toutes les transitions entre
des groupements de cet ordre et le parasitisme qui
n'en est logiquement qu'une déviation fortement
unilatérale. L'étude du commensalisme et du mutua-
lisme est donc comme la préface normale de celle du
parasitisme et elle nous permettra de saisir la diver-
sité des rapports qui peuvent s'établir ainsi entre
deux espèces.
On peut considérer comme sensiblement équiva-
lent à celui de commensalisme le terme de synœcie
(cuv avec, oixoç maison) qui a été propose pour cer-
tains cas particuliers. Toutefois la synœcie implique
plus qu'un simple rapprochement dans l'espace, qui
est un phénomène beaucoup plus vaste. Il y a, en eftet,
ASSOCIATIONS DIVERSES 15
dans le groupement des organismes, un détermi-
nisme général, qui est bien lié aux lois de leur inter-
dépendance, mais qui est hors de notre cadre pré-
sent, et qui crée les faciès généraux de la faune et
de la flore, les peuplements organiques. Ainsi se
réalise ce que les botanistes ont appelé les formai
lions de végétation. Le zoologiste citera aisément
des peuplements analogues. Un récif corallien est
un grand groupement de ce genre, qui comporte une
certaine solidarité régulière entre tous les êtres qui
y vivent et qui s'y rencontrent d'une façpn cons-
tante. On pourrait citer sur nos plages beaucoup
de groupements plus restreints du même ordre (i),
compoi'tant chacun une population déterminée. La
faune terrestre en oftre d'également nets ; nous
aurons à revenir sur ceux qui se' constituent autour
des Insectes sociaux, principalement des fourmis et
des termites. Sur une plante isolée, un arbre surtout,
se gr oupent régulièrement toute une série d'espèces et
on trouvera une analyse intéressante d'un groupe-
ment de ce genre, faite récemment par F. Picard
sous le titre : Le Peuplement du figuier (2). Mais ces
groupements généraux n'impliquent qu'une solida-
rité très lâche, infiniment moins précise que celle
que comporte le terme de commensalisme.
Le commensalisme comporte l'association régu-
lière entre deux espèces déterminées, se retrouvant
d'une façon constante, dans des localités très éloi-
1. Voir à ce sujet le livre très substantiel de P. de Beau-
champ, Les g-rèves de Roscoff. Paris (L. Lhoinme), 1914-
2. Thèse Fac. des Soi. Paris, 1919 et Annales des Epipliy-
ties, t. 5.
16 I,E COMMKNSâLISME
gnées les uns des autres. Quand on l'analyse, on
constate que ce simple rapprochement entraîne des
diiTérenciations très accentuées, en particulier au
point dé vue psychophysiologique. Le double écueil
de l'étude de cet ordre de faits est d'une part d'y
apporter des j)réoccupations trop subjectives abou-
tissant à un anthropomorphisme illusoire, d'autre
part de vouloir trop ramener des faits complexes
à de simples réactions physiques élémentaires et
purement actuelles.
Considérons ainsi le commensalisme classique
entre les Squales et le Pilote (Naucrates ducior) ow.
le Rémora (Echeneis rémora). Ces Scombridœ
accompagnent les Squales, le Rémora se fixant à eux
temporairement par la nageoire dorsale transformée
en ventouse. Ce mode de vie suppose, en réalité,
une adaptation des réflexes nerveux très précise,
qu'on devine, quandon voit, comme j'en ai eu l'occa-
sion à l'aquarium des îles Bermudes, un Rémora
et un Carcharias : le premier suit le second comme
une pièce de fer accompagnerait un aimant, obéis-
sant instantanément aux changements de route inces-
sants et irréguliers du Squale dans l'aquarium. La
nage de conserve avec le squale doit correspondre à
une adaptation étroite des organes sensoriels et des
centres nerveux, adaptation aussi difl*érenciée que
Test, dans l'ordre morphologique, la ventouse elle-
même. Déjà, sur ce cas, apparaît la nécessité, pour
juger des faits de commensalisme, de les étudier sur
le vivant et, quand c'est possible, par l'expérimenta-
tion.
Sous une apparence très simple, mais probable-
ASSOCIATIONS DIVERSES 17
ment très complexe en réalité, se présente de même
l'association entre poissons et actinies que l'on a
observée en des points très variés des mers chaudes
et que Sluiter (02) a étudiée avec précision à
Jlatavia.
Un poisson du genre Trachichthys (ou Amphi-
prion) se tient toujours au milieu des tentacules
d'une grande actinie (Plate a observé également
cette association dans la mer Rouge, où l'actinie
serait d'après lui Crambaciis arabica, large de
plus de 3o cm . ) Si l'actinie se referme, le poisson se
laisse recouvrir par eux et pénètre momentanément
dans la cavité digestive. Or, il suffît d'assister à la
capture d'une proie venant à rencontrer les tenta-
cules de l'actinie et sur laquelle celle-ci se referme,
pour savoir combien le contact des nématocystes
est redoutable. Les poissons cités ici doivent donc
avoir, vis-à-vis des poisons urticants des actinies
qu'ils fréquentent, une immunité qui a sans doute
été graduellement acquise et qui, à elle seule, témoi-
gne du caractère très défini de cette association
en apparence purement contingente. Cette asso-
ciation satisfait à un double objet: nutrition et pro-
tection. En ce qui regarde la nutrition, les auteurs
ne donnent pas de renseignements très formels,
mais on peut conjecturer que, quand l'actinie englou-
tit une proie et se referme en même temps sur le
poisson, celui-ci en dévore une partie. Quant à la
protection, Sluiter l'a mise directementen évidence.
II a pu, en effet, garder plusieurs mois vivants des
Trachichthys. dans un aquarium où il avait placé des
poissons carnivores et où il y avait en même temps
18 LE COMMENSALISME
Tactinie. Les Trachichthys ne s'écartent jamais de
celle-ci. Au contraire, mis seuls avec les espèces car-
nivores dans un aquarium, ils étaient régulièrement
dévorés au bout de quelques heures. Nous avons
donc ici un exemple d'association très efficace, com-
portant une immunité physiologique précise et très
probablement un ensemble coordonné des réflexes
chez les deux associés.
C'est évidemment de la même façon qu'il faut
interpréter l'association très commune et facile à
observer dans nos mers, au voisinage de nos côtes,
entre des Méduses acalèphes, en particulier ^/i/^os-
toma cuvieri, et des Amphipodes Hyperina medii-
sarum, ou des jeunes poissons, surtout des Garanx
trachurus.
Les Hypérines nagent en troupe sous l'ombrelle
des Méduses et vont se réfugier dans des cavités
sous-génitales. De même les Garanx nagent en
groupes assez nombreux, sans jamais s'écarter delà
Méduse, et se réfugient aussi parfois en elle comme
les Hypérines. La même association se rencontre
dans des régions extrêmement éloignées. Elle a été
signalée aux îles Gambier dans le Pacifique austral,
par Seurat entre un Caranx et une Grambes-
side et au voisinage de l'île Maurice, par Lunel (^o)
entre Caranx melampxgus elCrambessapalmipes.
Les Physalies,dont les nématocystes sont particu-
lièrement urticanls, sont aussi fréquemment accom-
pagnées de petits poissons voisins des Caranx
{Nomeus gronoviï) qui paraissent avoir l'immunité
vis-à-vis de la I^hysalie; ils sont évidemment proté-
gés par son voisinage et peut-être profitent d'une
ASSOCIATIONS DIVERSES 19
partie des proies capturées par le Siphonophore.
Des associations du genre des précédentes sont
extrêmement fréquentes dans les récifs coralliens.
CoUTiÈRE (2 6) en a observé divers cas à Djibouti. Un
Pontoniide Pericly' menés) transparent se tient d'une
façon constante, comme les poissons cités plus haut,
dans la zone de protection des tentacules d'une
grande actinie ; des anchois {Engraiilis) se réfugient
entre les longs joignants d'un oursin {Diadema seto-
sum); une grande astérie du genre Culcita abrite en
permanence sous son disque un Hippolytidse. De
nombreux Alpheidœ vivent à l'abri de Madrépores
(Pocillopora, Porites, etc.). Aux îles Gambier, Seu-
RAï (in GouTiÈRE 28) a observé un Arête dor-
salis qui vit à côté d'un oursin {Heterocentrotus
mamillatus], dans des trous que celui-ci occupe
dans un madrépore et l'alphéide est homochrome de
l'oursin, comme cela avait lieu d'ailleurs dans plu-
sieurs des cas précédents. Potts (48), au détroit de
Torrès, signale que Synalpheus briicei se tient par
couples (mâle et femelle) entre les bras d'une Comatule
(Comanthiis annulaiiis) et il a observé divers autres
Crustacés [Alpheidœ, Pontoniidœ, Galathées, Ciro-
lana, etc. , Annélides et Gastropodes qui sont com-
mensaux des Grinoïdes, dans les mêmes conditions,
sur les récifs. A Madagascar, Geay (/;;) a observé
un crabe, Lissocarciniis orbiciilaris , qui reste en
permanence à l'entrée de la bouche d'une holothu-
rie, et qui, quand les tentacules se rétractent, est
englobé par eux et. momentanément entraîné dans
le vestibule buccal, à la façon dont les poissons cités
plus haut le sont dans les actinies. Le crabe, ici
20 LE COMMENRALISME
encore, est homochrome de l'holothurie. Borra-
DAiLE signale un lait du même genre aux îles
Maldives.
Parfois même, le commensal déforme pour s'abri-
ter, l'animal auprès duquel il se réfugie, détermi-
nant sur lui une sorte de galle. Tel est un crabe
Eumedon convictor, observé par Seurat {ig) aux
îles Gambier et qui vit dans une cavité presque close
et assez vaste, déterminée par le refoulement de la
région apicale d'un oursin {Echinothrix turca) avec
lequel il est homochrome. Des déformations de
même ordre sont produites sur des Pocillopores par
d'autres crdihes(Hapalocarcinus marsupiaUs) obser-
vés d'abord par Semper aux Philippines etréétudiés
depuis par Poïts (^5o)au détroit de Torrès.
Une bien curieuse association (fig. i) est celle
d'un Géphyrien du genre Aspidosiphon avec un
polypier solitaire du genre Heteropsammia (ou
Heterocyathiis). Elle a été étudiée notamment par
Bouvier (j_7) et par Sluiter (5/). V Aspidosiphon
commence par s'établir dans une petite coquille
vide de Gastropode, à la façon d'un pagure, et, sur
cette coquille, vient se fixer la larve du polypier,
qui la recouvre et la déborde largement, formant
une masse considérable, dans laquelle le ver serait
emmuré, s'il n'y maintenait une galerie qui vient
s'ouvrir au dehors et qui, en outre, communique
avec l'extérieur par une série d'orifices latéraux.
V Aspidosiphon est ainsi protégé efficacement par
le polypier ; il assure à celui-ci la mobilité ; il peut,
en effet, faire saillir au dehors son extrémité anté-
rieure et, en s'arcboutant sur elle, il se déplace en
ASSOCIATIONS DIVERSES
21
entraînant le coralliaire. Par la façon dont cette
association se réalise, il semble qu'elle ne puisse
être que leffet du hasard. Or, elle est très cons-
tante,entre les mêmes espèces, en des points aussi
éloignés les uns des autres que la Réunion, la mer
Rouge et l'archipel Malais,
Reaucoup de faits de commensalisme ont été
signalés sans avoir été étudiés suffisamment sur le
Fig. I. — AspLdosiphori et Heteropsammia cochlea (d'après
Bouvier): A, le gépliyrien sortant et tramant le polypier;
— B le géphyrien isolé.
vivant. Dans le sable de nos plages, VEchinocar-
diiim cordatum, oursin spatangide, est accompa-
gné très souvent d'un mollusque lamellibranche,
Montaciila ferruginosa que Ton trouve au voisi-
nage de l'anus du spatangue, et qui vit aussi dans les
mêmes relations de voisinage avec des synaptes,
ainsi d'ailleurs qu'un amphipode Urothoe marinas.
Ces animaux utilisent probablement le courant d'eau
produit par l'oursin. Dans les replis latéraux que
présente la région antérieure des Balanoglossus
(Ptychodera), se rencontrent régulièrement diverses
anuélides, qui doivent être attirées aussi par le cou-
22
LE COMMENSALISME
rant d'eau des branchies de l'Entéropneuste. Giard
(36) a observé ainsi un Hésionien Ophiodromus
herrmanni, sur un 8 alanoglo s sus des îles Glénans ;
Gravier (^7) a décrit, vivant dans les mêmes condi-
tions, un grand Polynoïdien {Lepidasthenia digueti)
sur un Balanoglossus du golfe de Californie. L'orne-
mentation du commensal le rend, peu visible sur
rEntéropneuste. D'autres Polynoïdiens, tels que
Nrchia cirrosa, Lœnilla setosissima, vivent dans
les tubes du Ghétoptère. Sur le Balanoglossus du
golfe de Californie où vit Lepidasthenia digueii, on
rencontre fréquemment avec elle un crustacé du
genre Lysiosquilla. Un genre de Copépodes, Her-
siliodes, est représenté par des espèces qui vivent
dans les galeries creusées dans le sable par un Cly-
ménienou par des Callianasses. Dans le tube, d'une
grande Térébelle des mers clmudes, Loimia médusa,
on trouve très fréquemment des Porcellanes du
genre Polyonyx. De Saint-Jjg^eph (5o) les a obser-
vées en abondance sur des échantillons de cette
espèce provenant du Sénégal et j'ai eu l'occasion de
constater la même association avec des Loimia mé-
dusa, récoltées dans l'archipel Malais par l'expédi-
tion du Siboga. Les Polyonyx s'associent dans les
mêmes conditions à d'autres Annélides. En effet, sur
99 Chétoptères récoltés à Beaufort (N. Car), sur la
côteAtlantiqueaméricaine,ENDERs(^j)n'en a trouvé
que onze sans Polyonyx, tandis que 76 tubes de
Chétoptère renfermaient 176 de ces Porcellanes. Cet
auteur note qu'il est extrêmement rare de trouver le
Crustacé libre et qu'il ne tarde pas à périr dans le
tube quand le Ghétoptère meurt ; il est probable que
PAGURES ET ACTI^'IES 23
le courant d'eau produit par le Ghétoptère est indis-
pensable à sa respiration.
Ces quelques exemples, auxquels on en pourrait
ajouter beaucoup d'autres, donnent une idée de la
fréquence et de la régularité de ces associations. Nous
nous arrêterons à celles auxquelles donnent lieu les
pagures et sur lesquelles il a été fait des observa-
tions approfondies et instructives.
Les Pagures ou Bernards l'Ermite s'abritent
comme on sait dans des coquilles vides de Gastro-
podes et sont profondément adaptés à cet habitat,
comme l'indique la mollesse et la dissymétrie de leur
abdomen, la conformation de leurs dernières pattes
(uropodes) et une série d'autres particularités (i).
Or, aux pagures sont associés des commensaux
nombreux. Nous en examinerons quelques-uns.
Ces associations sont très variées, même pour les
seules espèces de nos côtes. Ghevreux {22) a exa-
miné méthodiquement les coquilles de Buccins
habitées par V Eupagariis hernhardiis sur la côte
normande, où cette espèce est pêchée et utilisée à la
lois pour l'alimentation et comme amorce. Les
coquilles portent souvent une actinie Sagartia para-
I. Sur les transfornialions adaptatiAes et le retour ulté-
rieur, soit à la symétrie par habitat dans des cavités recti-
lig-nes, soit à la vie sans abri, voir le très intéressant
mémoire de Bouvtepi (Rercherches sur les affinités des Litho-
des et des Lomis avec les Pagiiridés (Ann. Soi. Nat., Zoologie,
sér. 7, t. XVIII, 1895.
24 . LE COMMENSALISME
sitica{Calliactis e^œ^a). Presque toujours elles sont
tapissées par un Hydraire [Hrdractinia echinata) ;
10 o/o d'entre elles renferment un Polynoïdien (/7ar-
mothoe cœliata S. J.) ; 3o o/o la Nereilepas fucata
sur laquelle nous reviendrons (Malaquin la trouve
dans 5o o/o des cas au Portel). Dans beaucoup de
ces coquilles, vivait encore un Copépode Sunaristes
pag'urietCH^\R^v:K y a récolté enfin 8 espèces d'Am-
phipodes, dont quatre en abondance ; or l'une de ces
dernières était jusqu'alors considérée comme une
rareté et l'on peut en conclure que son habitat nor-
mal est dans les coquilles habitées par des pagures.
11 est extrêmement probable que des statistiques
étendues,comme celles établies par Chevreux, faites
sur d'autres espèces et en d'autres localités donne-
raient des résultats analogues. BoNNiER et Pérez(!6),
dans la mer Rouge, ont trouvé, dans les coquilles
habitées par Pagurus breçipes, un Schizopode qui
est le type d'une famille nouvelle {Gnathomysis
gerlachei).
Le commensalisme àe Nereilepas fucata a été l'ob-
jet d'observations intéressantes de Chevreux et
de GoupiN {25). Il faut noter d'abord que c'est tou-
jours cette espèce que l'on rencontre dans ces condi-
tions, et jamais les autres Nereis ; il y a spécificité
rigoureuse de l'association. Le ver se blottit dans les
derniers tours de la coquille où il trouve un abri sûr.
Il est un véritable commensal, au sens strict du mot.
Chevreux, en effet, lorsqu'il nourrissait, en aqua-
rium, des Eupagurua bernhardus avec des moules,
a constaté que, dès que le Pagure en recevait une,
la Nereis, attirée probablement par une sensation
PAGURES ET A-CTINIES 25
olfactive, sortait du fond de la coquille et venait sai-
sir, jusqu'entre les mandibules du Grustacé, des
fragments delà proie. Goupin a fait des constatations
analogues, en nourrissant le pagure avec des Car-
dium et il remarque que le pagure n'essaye jamais
de dévorer l'Annélide, ce qui cependant lui serait
facile. Il y a de sa part une tolérance évidente, qui
suppose des réflexes et des instincts précis. Dans
cette association, nous voyons aussi que, les rôles
des deux partenaires ne sont pas équivalents. Le
ver détourne une partie des proies capturées par le
crustacé. Il vit donc à ses dépens.
Les coquilles habitées par des pagures sont très
fréquemment recouvertes, dans les régions voisines
de l'orifice, par des Hydraires, Podocoryne ou
Hydractinia . Les polypes se dressent sur une sur-
lace générale de consistance cornée, qui, dans le cas
de VHydractinia, dépasse même le bord de la
coquille et le prolonge. Il semble bien que, dans cette
association, il y ait des avantages réciproques: les
nématocystes de l'Hydraire doivent constituer pour
le pagure une certaine protection et l'Hydraire doit
bénéficier des déplacements et des chasses du pagure
pour sa nourriture.
Examinons maintenant les actinies fixées sur ces
mêmes coquilles. Dans nos mers, Sagartia parasi-
tica se trouve ainsi associée à diverses espèces de
pagures : Eupagurus bernhardus, Pagurus stria-
tus. P. angulatus ; Adamsia palliata, au contraire,
est toujours commensale à' Eupagurus priedeauxi.
Dans les grandes profondeurs, Pagurus pilosima-
nus habite régulièrement des coquilles tapissées par
26 LE COMMENSALISME
une actinie bourgeonnante Epizoanthus parasiticus.
Dans ces deux derniers cas, l'actinie prolonge la
coquille par son propre corps, agrandissant ainsi la
demeure du pagure, surtout dans le cas de V Epi-
zoanthus. Il est à remarquer que Sagartia parasi-
iica et Adamsia palliata sont des formes présen-
tant un très grand développement des aconties, longs
filaments chargés de nématocystes qu'elles expul-
sent p?ir des orifices latéraux (cinclides) et il n'est
pas douteux qu'il y a là une particularité qui joue
un rôle de défense, à la fois pour elles et pour le
pagure.
L'association Sagartia-i^Si^MYG est beaucoup moins
intime que celle de V Adamsia avec E. priedeauxi.
On trouve jusqu'à 7-8 Sagartia sur une même
coquille et occupant nécessairement des positions
très variées. Cette actinie est encore capable de vivre
isolément, mais son mode de vie normal est l'asso-
ciation avec le pagure, comme on peut s'en assurer
dans des aquariums. Si, en effet, on extrait le pagure
de la coquille où est fixée une Sagartia, au bout de
quelques heures, celle-ci se détache spontanément
de la coquille vide, comme l'a constaté Faurot (34)-
Les pagures capturent littéralement les Sagartia
quand ils en rencontrent : ces manœuvres ont été
suivies en détail par Gowles (24) sur d«s pagures
des Philippines (P .deformis.P. asper), qui habitent
des coquilles de Dolium, de Strombus et de Cassis,
Ils transplantent leurs actinies quand ils changent
de coquilles. L'actinie se prête à la manœuvre ; elle
ne se contracte pas et, après quelques instants, se
détache d'elle-même ; le pagure la roule alors et la
PAGURES ET ACTINIES 27
transporte sur la coquille nouvelle. Faurot a
observé que, dans tous ces cas, l'actinie n'émet
jamais d'aconties, alors que cette émission se pro-
duit régulièrement sous l'effet d'excitations beau-
coup moins fortes. L'association pagure- S agartia
comporte donc des combinaisons de réflexes précis.
Dans le cas de YAdamsia, les faits sont beaucoup
plus significatifs, comme il résulte des observations
de nombreux auteurs et notamment de Fatjrot (35).
Ici, le pagure, Eupagurus priedeauxi, est toujours
logé dans une coquille trop petite pour l'abriter; elle
est moins un abri pour lui que l'organe de jonction
avec l'actinie. Celle-ci, qui est toujours unique, est le
véritable abri du Grustacé, proportionné à sa taille;
elle lui forme un manteau souple, moulé en quelque
sorte sur lui, lui permettant des mouvements agiles,
qui le distinguent des pagures associés aux Sagartia,
beaucoup plus lourds et plus lents. La comparaison
des appendices des divers pagures met en évidence
l'adaptation très parfaite de ceux d'Eiipagiirus
priedeanxi à son association avec Adamsia pal-
liata; il ne pourrait d'ailleurs, à cause de ses mou-
vements, habiter une coquille profonde.
U Adamsia, de son côté, est fixée à la coquille
dans une position constante, de façon que sa bouche
soit placée à la face ventrale du pagure et en arrière
de la bouche de ce dernier ; elle ingère ainsi souvent
une grande partie des proies du pagure, sans que
celui-ci oppose à cela la moindre résistance.
Dès que l'actinie est fixée, — après avoir été cap-
turée par le pagure — elle s'étale, en subissant une
très grande déformation et en sécrétant, à sa face
28 LE COMMENSALISME
plantaire concave qui prolonge la coquille, une cuti-
cule membraneuse.
Il semble bien que VAdamsia ne peut vivre
qu'associée au pagure. Si, en effet, on enlève celui-
ci, l'actinie ne tarde pas à se détacher spontanément.
Elle se fixe alors au fond, mais ne survit pas long-
temps, même si on la nourrit. L'adaptation est réci-
proque et très étroite pour ces deux associés et l'on
aperçoit nettement des avantages pour chacun : abri
et protection pour le pagure, nutrition pour l'acti-
nie. Il y a donc là un mutualisme indéniable entre
deux espèces déterminées, et chacune a été certaine-
ment modifiée par l'association, dans sa structure et
son comportement. Les faits ne peuvent s'expliquer
par de simples tropismes actuels. Ils mettent en jeu
l'hérédité.
Cette association est l'une de celles qui ont été
le mieux étudiées; elle pourrait cependant encore
donner lieu à de nombreuses expériences. L'associa-
tion Pag unis pilosimanus et Epizoanthus para-
siticus est probablement aussi intime ; malheureu-
sement, elle n'est pas accessible à l'expérimenta-
tion. Beaucoup de Pagurides exotiques fourniraient
certainement l'occasion de remarques analogues aux
précédentes .
Les pagures ne sont pas les seuls crustacés à s'asso-
cier avec des actinies. Bûrger (^ j) a observé, sur
les côtes de Chili, une association analogue entre un
crabe, Hepatas chilensis et Actinoloha reticulata.
Sur 60 de ces crabes péchés à Coquimbo, 4 seule-
ment étaient isolés; tous les autres avaient le dos et
la carapace recouverts par l'actinie. Bûrger a séparé
PAGURES ET ACTTiNIES
29
les deux animaux et les a placés dans un aq^uarium.
Les actinies se sont d'abord fixées au fond. Mais, au
bout de peu de jours, elles se sont spontanément
détachées. Au contact du crabe, Biirger les a vues
se fixer à une des pattes par leur pied, puis se
déplacer jusqu'à ce qu'elles fussent parvenues sur le
dos. Ici donc, c'est l'actinie qui a l'initiative de
Fig. 2. — Association d'Eiipagiirus priedaiixi et Adamsia
palUata (d'après F WRor). A L'actinie isolée. — B L'acti-
nie fixée à une coquille de Seaphander (la bouche à la
face inférieure). — G Le pagure avec l'actinie.
l'association, à l'inverse de ce qui a lieu entre acti-
nies et pagures ii).
On peut rapprocher des associations précédentes
les faits très curieux oH'erts par certains Crabes, que
I. Actinoloba reticiilata,^\\v les côtes de Chili, se fixe aussi
des Pecîen et à des coquilles habitées par des pagures.
30 LE COMMENSALISME
l'on rencontre toujours tenant une actinie dans cha-
cune de leurs pinces. Cette singulière association a
été signalée tout d'abord aux îles Seychelles, en 1880,
par MôBius,pour Melia tesselaia. Elle a été retrour
vée,pour cette même espèce, aux îles Maldives, par
BoRRADAiLE, puis aux îles Hawaï ; on voit donc
qu'il ne s'agit nullement d'un cas fortuit, mais bien
d'une association normale. Duerden (2g) en a fait
une étude très intéressante à Haw^aï, où il en a dé-
couvert un second exemple, offert par un autre crabe
Polydectes cnpulifera Latr. Les actinies portées par
le Melia sont bien définies et semblent être les
mêmes dans les trois localités citées, malgré l'éloi-
gnement. C'est une espèce du genre BiinodeopsiSyOn
une Sagartia. Duerden a constaté que le crabe prend
indifféremment l'une ou l'autre. Les Polydectes por-
tent une autre actinie du genre Phellia . Je me bor-
nerai ici à résumer les faits les plus curieux observés
avec les Melia. Les pinces de ce crabe sont très
grêles et portées par des pattes (chélipèdes) très
mobiles ; les deux branches de la pince offrent, sur
leurs faces internes en regard, une rangée de dents
aiguës, en scie, à l'aide desquelles l'actinie est main-
tenue. La pince n'est qu'à demi fermée et l'actinie
est tenue faiblement ; mais on ne peut la détacher
sans la blesser ; le crabe toutefois peut le faire
spontanément.
Les actinies sont dans une position fixe, la bouche
tournée vers la face dorsale du crabe et les tenta-
cules en dehors. Dès que le crabe est inquiété, il
projette vivement ses pinces du côté d'où vient la
surprise, en brandissant, en quelque sorte, les
CRABES ET ACTINIES
31
actinies comme une arme. Duerden a observé la
façon dont il mange. 11 se sert des pattes qui suivent
la première paire (chélipèdes), pour amener les ali-
ments à sa bouche, mais non des chélipèdes, même
si on en a retiré les actinies. Si l'on offre à celles-ci
une proie, telle qu'un morceau de chair, elles se refer-
Fig. 3. — Melia tesselata tenant une actinie
dans chacune de ses pinces (d'après Duerden).
ment immédiatement sur elle, et, si le morceau est
assez petit pour être englouti en un coup, elles en
profitent ; mais s'il est gros et fait saillie par la
bouche, le crabe s'en empare sans tarder avec les
autres jDattes et le mange. 11 est donc certain que le
Crabe se nourrit pour une bonne part, avec des
proies dérobées à ses actinies, après s'être servi de
celles-ci pour les capturer (i).
I. BoRRADAiLE ct GiARD, indépendamment l'un de l'autre,
rapprochent l'emploi que le crabe fait de ses actinies, du
32 LE COMMENSALISMfi
Si on enlève les actinies et qu'on les mette à l'écart
dans l'aquarium où se trouve le crabe, il reste indil-
lérent, tant que le hasard ne l'a pas amené au con-
tact de l'actinie. Mais dès que ce contact a eu lieu,
le crabe la saisit et effectue une série de manœuvres
pour la détacher du tond et la placer à l'intérieur de
sa pince, dans la position qui a été décrite. 11 suffit
même d'un fragment de l'actinie pour déclancher la
série des réflexes. Sans entrer dans d'autres détails,
on voit que les intéressantes expériences de Duer-
DEN montrent, ici, comme pour l'association pagure
Adamsia, une élaboration de réflexes très différen-
ciés, au moins chez le crabe. Duerden n'a pas réussi
à trouver isolées les actinies du Melia, Bunodeopsis
et Sa^artia. Par contre il a trouvé seule la Phellîa.
Il résulte de ses observations que l'association est
beaucoup plus à l'avantage du Crabe que de l'Acti-
nie (i).
cas d'une fourmi {Œcophylia sniaragdina), chez qui les
ouvrières tiennent une larve entre leurs mandibules (v. Do
PLEIN : B eobachtiingen an den Weberatneisen, Biolog. Cen-
tralbl., t. XXV, 1905, p. 497)* La larve, dont les glandes
salivaires sont très développées, lile un brin de soie, à l'aide
duquel l'ouvrière attache des feuilles borda bord. Elle-même
n'a plus, à l'élat adulte, de glandes lilières et travaille ainsi
à l'aide de celles de la larve. Giard a proposé, pour les faits
de cet ordre, le terme de bionter gasie (^to'jv vivant, è'prao-ia
travail, Re^ scientij., 1906, 1°' sem., p. 3i4).
1. 11 y a un lien indéniable entre les faits qui précèdent et
certains instincts des Crustacés qui ne sont plus stricte-
ment du commensalisme, mais qui doivent relever des
mêmes mécanismes physiologiques, et viennent éclairer les
cas de commensalisme proprement dit ; je veux parler de
l'instinct du déguisement. 11 est particulièrement marqué
chez les crabes Oxyrhynqnes (Main, Hyas, etc..) et est très
facile à observer sur nos côtes. On le retrouve également
PAGURES ET SUBERITES 33
En dehors des associations précédemment étudiées ,
les pagures en présentent encore communément
une autre avec une éponge monaxonide, Suberites
domiincula, qui recouvre les coquilles d'une masse
charnue et épaisse, puis résorbe la coquille elle
même. Le pagure maintient dans l'éponge une gale
rie prolongeant la cavité de la coquille et s'ouvrant
chez lesDromies. Les faits principaux, connus depuis long-
temps, ont été décrits avec ])récisioii, en 1889, par Aurivil-
Lius (/5). et leur étude psycho-physiologique a été dans ces
dernières années l'objet des recherches approfondies de K.
MiNKIEWICZ (^3).
Les objets dont se revêtent les Oxyrhynques sont très
variés: aiguës vertes ou rouges, Eponges, Synascidies, Hy-
draires, etc.. mais toujours choisis de façon a obtenir l'ho-
mochromie avec le fond sur lequel vit le crabe. On a même
vu dans un aquarium un Maïa se déguiser avec des œufs
de seiche détachés par lui, un à un, d'une grappe. Ces objets
sont attachés à des poils crochus situés sur la face dorsale
et le crabe les y fixe à l'aide de ses longs chélipèdes,
après les avoir dilacérés. On peut l'amener à se déguiser
avec des objets non vivants, tels que du papier ou des chif-
fons ; s'ils sont de couleurs diverses, l'animal fait un tri
pour obtenir un revêtement homochromique au fond, ou
bien, le déguisement achevé, il se rend sur un fond homo-
chromique. Le déguisement s'opère encore, mais sans choix
de couleurs, avec des crabes amputés de leurs pédoncules
oculaires et auxquels on a sectionné les connectifs reliant
les ganglions cérébroïdes à la chaîne nerveuse ventrale.
La série des réflexes s'accomplit si le réflexe initial est
déclanché. L'instinct de déguisement, conclut Minkiewicz,
cr est un enchaînement de réflexes des appendices tho-
raciques antérieurs, provoqués par les tangoréceptions des
pinces, dirigés par des tango et chémoréceptions des
pièces buccales et poussés par les tango-réceptions des cro-
chets dorsaux flexibles vers leur but terminal ». Le choix
des couleurs est superposé à l'instinct de déguisement et
déterminé par un chromotropisme synchromatique du
milieu, poussant fatalement l'animal vers certaines sur-
faces colorées en l'écartant des autres.
M. Gaullbbt. - Le Parasitisme 2
34 LE COMMENSALISME
au dehors. La masse de la Suberites lui fournit un
abri très sûr, en particulier contre les poulpes. Le
début de cette association est d'ailleurs mal
connu (i).
On voit par les exemples de commensalisme qui
viennent d'être étudiés — et auxquels on en pourrait
joindre beaucoup d'autres — que, sous des appa-
rences très simples, ces associations mettent en jeu
des réflexes compliqués et qui sont évidemment, de
même que les particularités morphologiques, l'abou-
tissement d'adaptations anciennes. C'est seulement
l'observation in çwo et l'expérimentation qui peu-
vent faire progresser nos connaissances .
Certaines de ces associations, comme celle à'Eu-
paguras priedauxi et d' Adarnsia palliata ont un
caractère nettement mutualiste ; d'autres paraissent
être au profit exclusif de l'un des associés, qui pour-
rait être envisagé, par suite, à certains égards,
comme parasite de l'autre.
I . Les Suberites sont employées aussi comme déguisement
par les Dromies, qui s'en placent des morceaux sur le dos.
L'éponge croît alors, en épousant la forme de la carapace
de la Dromie.
CHAPITRE II
LE GOMMENSALISME (suite).
Sommaire. — Exemples tirés de la faune terrestre. — Les
commensaux des Fourmis et des Termites {sjnœques,
sjnechthres, symphiles) . — Les symphiles : Lomechusa,
Paussides, etc., Diptères, chenilles de Lycœnides. — Les
Pucerons et la trophobiose. — Caractères adaptatifs des
symphiles. — L'esclavage chez les Fourmis ; son origine
(théories de Wasmann, Escherich, Wheeler, etc.). —
Les plantes myrmécophiles.
La faune terrestre présente peut-être moins d'asso-
ciations h)ien définies équivalentes aux précédentes;
la plupart de celles qu'on pourrait citer rentrent
mieux dans la catégorie du parasitisme. îl en est
cependant qui sont analogues. On peut citer ainsi
les rapports existant entre les Ongulés et certains
Oiseaux, qui accompagnent les troupeaux, et qui
viennent se poser sur les mammifères et leur enlever
les tiques ou les larves d'œstres cuticoles dont ils
sont porteurs. C'est ce que font les étourneaux,
certaines bergeronnettes {Motacilla flava)^ les pies
dans nos pays, les Crotophagus en Amérique, les
Buphagus ou pique-^bœufs en Afrique. Ce der-
36 LE COMMENSALISME
nier genre est particulièrement associé aux rhi-
nocéros et aux grandes antilopes (i).
C'est dans la biologie des Insectes sociaux, parti-
culièrement des fourmis et des termites, que l'on
trouve le plus de faits se rattachant au commensa-
lisme et avec une variété d'aspects considérable.
Leur étude précise n'a été faite que récemment et
promet encore beaucoup de résultats des plus inté-
ressants. Wasmann (;7(^), qui s'y est particulière-
ment consacré, estimait en 1895 à i.q46 le nombre des
espèces myrmécophiles connues (età 2,000 en 1911),
donti.177 Insectes (parmi lesquels 998 Coléoptères),
60 Arachnides et 9 Crustacés. 11 dénombrait en
même temps 109 termitophiles dont 87 Coléoptères.
Parmi ces divers commensaux, il distinguait
quatre grandes catégories :
i^ Les sy/iœqiies(ai>v, avecjotxoç, maison), ou com-
mensaux proprement- dits, partageant simplement
l'habitat hypogée des fourmis et termites et trou-
vant à se nourrir de débris divers, des reliefs de la
nourriture de leurs hôtes ou même des cadavres de
I. « La charge d'éloigner ces insectes et tiques incombe
« aux pique-bœufs [Biiphag-iis africaniis) qui, dans l'Ouellé
« etleBahr el Gazai, ?onL particulièrementempressés auprès
« des trovipeaux d'antilopes. Il y a toujours au moins un de
« ces oiseaux en sentinelle pour avertir le gros gibier du
« moindre danger. Quand les petits pique-bœufs s'élèvent
« dans l'air en lançant leurs noies aiguës, cela agit comme
« un fouet magique, même sur les Rhinocéros. Immédiate-
« ment un bruit de j)iétinement rapide témoigne de leur
o obéissance à ces minusculessentinelles ailées.» (H. Lang,
The white Rhinocéros of the Belgian Congo. Bull. New-
York Zôol. Soc.,i. XXUl, 1920, p. 89).
SYNŒCIE 37
ceux-ci. Les fourmis restent indifférentes à leur
égard.
iio Les synechthres (aûv, avec ; l/Opoç, ennemi) qui
s'introduisent dans le nid en pillards, s'y nourris-
sant des réserves qui y sont accumulées, ou dévorant
les larves. Les fourmis les attaquent et les mettent à
mort ;
3" Les syniphiles tuv, avec ; ok\o-^ ami). Ce sont
des espèces que les fourmis ou termites recherchent
et même conquièrent de haute lutte et qu'elles nour-
rissent. Cette dénomination réunit les myrméco-
xènes et les termitoxènes de Forel et d'EMERY. Les
symphiles sont d'ailleurs loin d'être toujours bien-
faisants aux hôtes qui les hébergent, comme on le
verra.
4*^ hes parasites, dont nous ferons l'étude ultérieu-
rement.
Les synœques comprennent, dans les fourmi-
lières, des espèces assez nombreuses : des Acariens
{Trachyuropoda bostocki, Lelaps equitans), des
Araignées {Micaria scintillaris, Thyreosteniis Mo-
vata. Tetrilus arietlnus], des Isopodes (Platyar-
thrus hojjmannsegg-ii), des CoUemboles {Beckia
albina), des Diptères \P h yllomyza formica, larves
de Phorides et de Syrphides, larve limacoïde de
Microdon iniitabilis), des Hémiptères i^Alydus cal-
car atiis. Nabis lativeniris], des Microlépidoptères,
des Orthoptères (un grillon aptère Myrmecophila^
Attaphila) et de nombreux Coléoptères ; parmi ces
derniers, on peut citer des Histérides (Hetœrius),
des Staphylinides {Dinarda dentata, D. hagensi),
des larves de Olytra, de cétoines {Cetoniafloriaola),
38 LE COMMENSALISME
etc.. Ces diverses espèces, d'ailleurs, ne se ren-
contrent pas indifféremment dans toutes les fourmi-
lières. La plupart sont cantonnées dans des nids
d'espèces déterminées. C'est ainsi que certains Sta-
phylinides, comme les Mimeciton et les Ecitomor-
pha, vivent avec les Dorylines, dont elles sont plus
ou moins mimétiques. 11 y a même des fourmis
vivant à l'état de synœques dans les nids d'autres
espèces ; c'est le cas de Formicoxenus nitidula et
de Solenopsis fugax dans les nids de Formica riifa.
Les synechthres, dans les fourmilières, sont sur-
tout certains Staphylins, comme Myrmedonia hume-
ralis (chez Formica rufa), M. funesta (chez Lasius
fuliginosus), Quedius hrevis.
Auprès des abeilles, on peut ranger dans cette
catégorie les fausses teignes Galleria melonella
L., Achrœa grisella F., qui vont pondre sur les
rayons et dont les chenilles dévouent la cire, y per-
çant des galeries tapissées de fils de soie ; V Acheron-
tia atropos, ou sphinx têle de mort, qui dévore le
miel, ainsi que la Cetonia cardui.
Les symphiles sont très nombreux. Ce sont surtout
des Coléoptères, appartenant à diverses familles :
des Staphylinides, {Lomechiisa, Atemeles, Xeno-
dusa, etc.), des Psélaphides et en particulier des
Clavigérides, des Paussides, famille complètement
adaptée à la vie myrmécophile, des Histérides
(Hetaerius, Tylois, Ghlam,ydopsis), des Cétonides,
des Nitidulides. La plupart sont les hôtes spécifi-
ques d'une espèce de fourmis ou de termites déter-
minée. Les fourmis les soignent, les nourrissent
SYMPHILIE 39
souvent à la becquée et élèvent leurs larves. D'une
manière générale, ce qui attire les fourmis vers les
Coléoptères, c'est qu'ils sécrètent des éthers aroma-
tiques dont elles sont très friandes. Ces sécrétions
sont produites par des £;landes situées à la base de
touiî'es de poils, de couleur généralement jaune rou-
geâtre, appelés trichomes et localisés principale-
ment sur les côtés de l'abdomen. Ces éthers déri-
vent plus ou moins directement du corps gras : ce
ne sont pas des substances vraiment nutritives,
mais les l'ourmis s'en délectent et lèchent avec
ardeur les poils entre lesquels ils sourdent. Cela les
conduit parfois à de véritables aberrations de l'ins-
tinct.
Tel est le cas, par exemple, pour ce qui concerne
les Lomechusa, un des myrmécoj3hiles qui ont été
le mieux étudiés. Lomechusa strumosa vit dans les
fourmilières de Formica sangainea ; les fourmis
les recherchent, au point d'aller en enlever dans
d'autres fourmilières, les nourrissent et les lèchent :
elles élèvent et nourrissent leurs larves, les trans-
portent en sûreté en cas de péril. Or, ces larves de
Lomechusa sont les pires ennemis des larves de
fourmis, qu'elles dévorent et les fourmis pourtant
les nourrissent aux dépens de leurs propres larves.
Une fourmilière de F. sangainea infestée de Lome-
chusa dégénère et finit par disparaître. Au bout
d'un certain temps, en effet, il ne s'y forme plus de
femelles normales, mais des femelles plus ou moins
atrophiées, plus ou moins semblables aux ouvrières
(pseudogynes) : finalement la fourmilière s'éteint.
Les Lomechusa émigrent alors dans une autre O
40 LE GOMMENSALISME
voit donc qu'ils sont tout à fait funestes et cepen-
dant ils sont avidement recherchés par les fourmis.
Wasmann compare assez justement cette déviation
de l'instinct chez les fourmis à l'habitude du tabac,
de l'opium ou de l'alcool chez l'homme.
Les Lomechusa, Atemeles et autres Aléocharides
ont d'ailleurs des armes contre les Fourmis qui les
attaqueraient ; K. H. Jordan {65) a montré qu'ils
possèdent une glande, dont le produit se collecte
dans un réservoir situé ventralement et débouchant
sous le quatrième segment abdominal. Le staphylin
attaqué relève l'abdomen et projette sur la fourmi
la sécrétion, qui a une odeur d'acétate d'amyle et
qui la stupéfie. L'acétate d'amyle, m p/^ro, produit le
même effet. Cette glande n'est pas un organe adap-
tatif, car elle existe chez des Aléocharides non myr-
mécophiles.
Les Atemeles, dont il existe un certain nombre d'es-
pèces, cantonnées étroitement sur des espèces dis-
tinctes de fourmis, ont, avec celles-ci, des rapports
analogues à ceux des Lomechusa^ mais qui sont
beaucoup moins nuisibles à leurs hôtes, parce qu'ils
n'habitent pas avec eux d'une façon continue, La
plupart, en effet, émigrentrégulièiement d'une four-
milière à une autre, vivant au printemps et en été
chez des Formica et en automne et en hiver chez
des Mjrrmica, Les Xenodusa sont des formes amé-
ricaines équivalentes aux Atemeles.
Les Paussides sont des Coléoptères de taille
gigantesque par rapport aux fourmis, d'un aspect
très caractéristique, en particulier par leurs an-
tennes, et profondément adaptés à la vie myrmé-
SYMPHILIE
41
cophile : d'après Esgherigh (5 y), ils dériveraient des
Carabiques. Ce sont surtout des types tropicaux,
habitant principalement les fourmilières de Phei-
dole ; deux espèces seulement habitent la région
B y^,
Fig. 4' — Insectes commensaux des Fourmis : A Lomechiisa
strumosa (d'après Wheeler). — B Paussus tiirciciis (d'après
EscHERicu). — C Mimeciton piilex (d'après Wasmann). —
D CAaviger testaceus (d'après Wheeler).
méditerranéenne (Paussus faoieri, P. turcicus). Ils
se nourrissent de larves de fourmis. Quand ils sont
inquiétés, ils produisent une explosion odorante et
Peringuey pensait que ce bombardement terrifie les
42 LE COMMENSALISME
fourmis, qui, par suite, toléreraient lesPaussus. En
réalité, ce bombardement ne se produit jamais dans
les fourmilières . Les fourmis non seulement tolè-
rent les Paussus, mais les lèchent sur les trichô-
mes ; elles ne les nourrissent pas. Elles soignent
aussi les larves des Paussus, qui sont carnivores
comme les adultes, d'après les observations de
Bœving. Les Paussides bien que soignés par les
Fourmis, sont des hôtes nuisibles et qui méri-
teraient mieux la qualification de parasites .
Les Clavigeridec constituent un groupe très vaste,
comprenant de nombreux genres et espèces ; dans
nos pays, Claçiger testaceiis et C. longicornis
vivent dans les fourmilières de Lasiiis Jlavus et
L. niger ; les larves sont encore inconnues. Ils
sont l'objet de soins minutieux des fourmis, qui les
nourrissent et les mettent en sûreté comme leurs
propres larves, en cas de danger ; elles lèchent une
sécrétion qui se produit dans une dépression dor-
sale de l'abdomen. Les Claçlger ne paraissent pas
être nuisibles aux fourmis comme les Coléoptères
précédents. Cependant on a observé des Claoiger
testaceiis, mordant à pleines mandibules dans les
larves de Lasiiis et les tuant.
Les Heta^rius, Histérides qui vivent dans beau-
coup de fourmilières indigènes (Formica fusca,
F. rufibarbis, F, sang'uinea),se nourrissent de cada-
vres de Fourmis ou d'insectes, mais ne paraissent
jamais s'attaquer aux larves saines de fourmis.
Les Diptères sont représentés dans les fourmilières
et termitières par une série de types profondément
adaptés, ayant en paiticulier des ailes rudimentaires
ëYMPHlLlK
43
OU même complètement atrophiées (Psrllomyia
vivant avec [e^Dor^lus, Commoptera, SiYec les Sole-
nopsis, Ecitomyia, avec les Eciton, etc.. — Terini-
toxenia Wasmann dans les termitières). Beaucoup
de Phorides y vivent à l'état larvaire et certaines de
leurs larves ont des mœurs
très curieuses, comme celle
deMetopina pachycondylœ,
que Wheeler(5o) a trouvée
au Texas, dans les fourmi-
lières de Pachycondyla vo-
rax. Ces larves adhèrent par
un disque postérieur à une
larve de la fourmi, autour
de laquelle elles forment
comme un collier (fig. 5) et,
quand une ouvrière présente
à la larve de fourmi de la
nourriture, la larve de Dip-
tère allonge son extrémité
antérieure et capture la proie
destinée à son hôte. Elles
peuvent passer d'une larve à
l'autre et finalement elles
s'empupent dans un cocon de larve de fourmi. Les
Pachycondyla ne les traitent pas en ennemies, mais
les nettoient en même temps que leurs propres lar-
ves. Ce comportement rappelle celui des Branla,
Pupipares vivant cramponnées aux abeilles et
obligeant celles-ci à dégorger des gouttelettes de
miel dont elles s'emparent ; il n'est pas sans analo-
gie avec celui des Nereilepas par rapport aux
Fig. 5 . — Larve de Pachy-
chondyla vorax portant
une larve (p) de Meto-
pina pachy chondylœ(d'a-
près Wheeler).
44 LE COMMENSALTSME
pagures et, en somme, tend vers le parasitisme.
Parmi les Lépidoptères, les chenilles de Lycœnides
ont, avec les fourmis, des rapports analogues à ceux
des Coléoptères cités plus haut, et qui paraissenta voir
une grande généralité dans la famille. Elles commen-
cent leur développement, en général, sur les Papilio-
nacées, mais ne peuvent y évoluer complètement.
Elles sont recherchées et capturées par les fourmis
et finissent leur vie larvaire dans les fourmilières.
Elles présentent, sur l'abdomen, des glandes décou-
vertes par GuÉNÉE : les unes impaires au dos du
7« segment abdominal, les autres paires sur le 8* ;
les fourmis sont très avides de la sécrétion de ces
glandes qu'elles lèchent ; les chenilles font alors
émerger des sortes de tubes par où se fait la succion.
D'après de Nicéville, certaines fourmis élève-
raient les chenilles de Lycsenides en troupeaux, leur
construisant des abris, où elles resteraient le jour et
les conduisant au pâturage la nuit. D'autres Lycœ-
nides se développent dans les galles produites par
les Cremastogaster sur les SLCSLcisLS. Certaines espèces
ont des larves carnivores, qui dévorent les larves
des fourmis qui les hébergent, comme Oberthuu
{6g) l'a constaté par exemple pour Lycœiia alcon et
L. euphemus, et cependant elles sont recherchées
par les fourmis et emmenées par elles dans leurs
fourmilières. Il y a donc, là encore, des rapports
analogues à ceux des Lomechusa. Il reste évidem-
ment à observer attentivement beaucoup de faits
de ce genre, différant, dans le détail, d'une espèce
à l'autre.
Les rapports des fourmis et des pucerons sont
SYMPHILIE 45
depuis longtemps classiques ; Linné disait déjà
Aphis formicaram çacca. Huber, au début du
xix'' siècle, les a étudiés en détail et ses résultats ont
été souvent confirmés depuis. Il s'agit ici d'une
véritable nutrition de la fourmi et non de la recher-
che d'une sécrétion simplement agréable. Les puce-
rons ne peuvent utiliser toat le sucre qu'ils extraient
des plantes et en rejettent une notable partie par
l'anus, sous forme de gouttelettes liquides projetées
sur les feuilles. C'est ce qui constitue lanniellée, con-
nue déjà d'HÉsiODE et dont la manne des Hébreux est
une forme ; elle a été depuis le xviii* siècle l'objet
de recherches nombreuses (Réaumuh, Tkévira-
NUS, BOUSSINGAULT, DaRWIN, BÛSGEN, FoREL,etC.).
Huber avait déjà reconnu que* les fourmis provo-
quent l'émission du liquide sucré, en saisissant les
pucerons et leur caressant l'abdomen avec leurs
antennes. Elles font sourdre ainsi doucement une
gouttelette qu'elles absorbent immédiatement. C'est
une véritable 'traite d'animaux domestiques. Les
fourmis vont traire les pucerons sur les feuilles. Les
pucerons radicicoles sont capturés et emmenés dans
les fourmilières ; les fourmis les élèvent et les défen-
dent comme leurs propres larves : U Aphis maidi-
radicis est transporté par beau temps sur des plantes
nourricières et rentré à la fourmilière pour les nuits
fraîches, ou transporté de vieilles racines sur des
jeunes. Les pucerons ont une attitude passive. On
a donné à ce type particulier d'association le nom
de trophobicse.
La symphilie comprend donc des associations où
les rapports sont très variés et loin d'être toujours
46 LE COMMENSALISME
entièrement mutualistes. Ce sont les fourmis qui
paraissent y jouer partout le rôle actif. La régularité
et la constance des faits, en des localités très éloi-
gnées les unes des autres, montrent qu'il y a là, pour
les espèces considérées, un genre de vie normal et
nécessaire, résultat d'une véritable évolution psy-
chique et morphologique. Wasmann (7^), à qui l'on
doit les études les plus nombreuses surlasymphilie,
y voit la manifestation d'un instinct spécial, dérivant,
chez les fourmis, de l'instinct d'adoption. Janet (^4)
etEscHERicH {58) considèrentcette hypothèse comme
inutile. Les fourmis soignent les symphiles comme
leur projitre progéniture. Ce sont les symphiles qui
se sont adaptés aux instincts des fourmis et les ont
exploitées à leur profit, en devenant parfois de véri-
tables parasites, se laissant nourrir et faisant élever
leur progéniture comme fait le coucou. Il en résulte,
chez les fourmis, de véritables déviations de l'ins-
tinct, qui leur font sacrifier leurs propres larves, et
qu'EsGHERiGH comparc à des tares sociales, telles que
que l'alcoolisme dans les sociétés humaines.
Du côté des symphiles, l'adaptation va jusqu'à
des modifications morphologiques. Les Coléoptères
vivant dans les fourmilières montrent des caractères
propres nettement adaptatifs, dans les trichomes,
dans l'appareil buccal, où l'on constate une atrophie
plus ou moins marquée des palpes, chez les espèces
nourries à la becquée par les fourmis. Chez les Cla-
çiger^ tous les palpes sont courts ; ceux des mandi-
bules sont réduits à un seul article, alors que les
Psélaphides restés indépendants ont des palpes
mandibulaires extrêmement longs. Les Staphyli-
SYMPHILIE 47
nides Aléocharides {Lomechusa, Atemeles, Xeno-
médusa), qui sont nounis par les fourmis ont aussi
des palpes labiaux trèsraccourciset une langue large
et courte ; cela est particulièrement marqué chez les
espèces termitophiles : Spirachtha eurymedusa
Schiœdte, n'a plus que des rudiments de palpes
labiaux (i). Toutefois, il existe des espèces de Termi-
tomorpha, qui ont gardé un très long palpe mandi-
bulaire. Wasmann (7/^1 explique cette anomalie par
le fait que l'insecte se sert de ce palpe pour caresser
les Termites et les exciter à le nourrir, ce que les
Lomechusa, Atemeles, Claviger font avec leurs an-
tennes, sur les Fourmis.
Un autre caractère adaptatif des symphiles est la
physogastric, où hypertrophie plus ou moins con-
sidérable de l'abdomen. Elle est surtout marquée
chez les termitophiles, mais s'observe déjà chez les
Claviger, chez les Aléocharides myrmécophiles
{Lomechusa, Atemeles) et surtout chez les espèces
trouvées au Brésil avec les Eciton(Eciiochara,eXc.. . ) .
Les Aléocharides termitophiles {Spirachtha, Ter-
mitohia, Termitomorpha, etc..) ont un abdomen si
fortement hypertrophié que les segments en sont à
peine reconnaissables ; il est, ou bien étendu dans
la positionnormale( J'eA mitomorpha), oubien enroulé
sur lui-même, avec la pointe tournée vers le thorax
{Spirachtha).
Il est très significatif de voir la physogastrie se
développer, en dehors des Aléocharides, chez des
I. On constate la même réduction des palpes chez les
fourmis esclavagistes, qui ne se nourrissent plus que par
l'aide de leurs esclaves (Anergates).
48 LE COMMENSALISME
Carabides termitophiles [Glrptus sciilptiis, vivant
en Afrique avec Termes bellicosiis, etc Il y a là
une convergence fort remarquable. L'origine de
cette physogastrie doit être alimentaire. On peut
supposer que le gavage par les fourmis ou les ter-
mites amène une hypertrophie des corps graisseux,
et cette transformation marche de pair avec les mo-
difications des pièces buccales.
Enfin une dernière particularité adaptative réside
dans la structure des antennes, qui d'ailleurs sont
modifiées de façons fort variées et deviennent des
organes tactiles très délicats.
Un certain nombre de symphiles, sous Tinfluence
de ces diverses actions adaptatives, arrivent à réa-
liser des formes et un comporte menttrès semblables
à ceux des fourmis. Wasmann et un certain nombre
d'auteurs les considèrent comme mimétiques de
celles-ci (cf. Mimeciton piilex, fig. ^, p. ^i).
Aux associations précédentes il convient de rat-
tacher celles qui sont réalisées entre espèces diffé-
rentes de fourmis et qui sont généralement dési-
gnées sous le nom d'esclavage. On sait qu'un certain
nombre d'espèces de fourmis ravissent des pupes
appartenant à d'autres espèces et les emportent dans
leurs propres fourmilières, où, après éclosion, elles
jouent le rôle d'ouvrières auxiliaires. Le phénomène
du rapt, désigné par B'orel sous le nom de du-
losis, est susceptible de modalités diverses. Forel
en attribue l'origine à l'instinct de pillage très déve-
loppé chez les fourmis. Darwin a cherché à l'expli-
quer par la sélection. A rojigine,les fourmis auraient
ESCLAVAGISME 49
enlevé des nymphes d'autres espèces pour s'en nour-
rir, puis, quelques-unes des pupes, ayant échappé au
massacre et obéissant à leurs instincts éducatifs,
auraient fait Télevage des larves de l'espèce ravis-
seuse. Ces cas, d'abord accidentels, se seraient trans-
formés en une habitude régulière. en vertu de l'avan-
tage qu'ils constituaient pour la colonie. Mais, comme
pour toutes les particularités sociales des fourmis,
on ne voit pas bien comment a pu se transmettre et
se fixer par sélection cette variation d'instincts, puis-
que les ouvrières sont stériles. Wasmann i^g)
n'admet pas l'explication de Darwin. H remarque
que la reine, seule féconde, ne prend pas part aux
expéditions des fourmis esclavagistes. Ce n'est donc
paspar elle que peut être hérité l'instinct de rapt, et
c'est cependant à partir d'elle qu il faut chercher
l'explication. Il faut tenir compte, d'une part, de ce
que les espèces prises comme esclaves sont rigou-
reusement déterminées, et surtout, d'autre part, des
circonstances dans lesquelles a lieu la fondation d'une
nouvelle fourmilière.
Le cas le plus simple est celui où la reine, après le
vol nuptial, s'enfonce sous terre, pond, et élève, sans
aucune autre aide, ses premières ouvrières. C'est
ce qui arrive dans des espèces telles que Formica
fusca et F. rufibarbis. Il y a là évidemment, à l'ori-
gine de la colonie, une phase difficile. Aussi cer-
taines espèces occupent-elles des nids abandonnés,
ou s'installent-elles au voisinage du nid d'une autre
espèce qu'elles vont piller. Ainsi font les Solenopsis,
autour des nids de Messor barbarus. Ce procédé a
reçu les noms de cleptobiose (WnEELERJoude lesto-
50 LE C0MMENSALI8ME
biose (Forel). La femelle d'autres espèces s'installe
dans le nid d'une espèce différente, où elle est tolé-
rée. C'est ce que Forel appelle la parabiose, et
ainsi doivent s'expliquer un certain nombre de
fourmilières mixtes ; la femelle de Formicoxeniis niti-
diilus s'installe ainsi dans les nids de Formica rufa
ou de F, pratensis.
Mais, chez beaucoup d'espèces, la femelle fécon-
dée,incapable de fonder un nid à elle seule, est recueil-
lie, après^le vol nuptial, par les ouvrières d'un nid
auprès duquel elle est tombée. Ainsi font, pour leur
propre espèce, les ouvrières de Formica rufa et
F. pratensis. Souvent ce sont des ouvrières d'espèces
étrangères qui recueillent une femelle tombée. Les
F. rufa adoptent ainsi des femelles de F. trunci-
cola ; les F. incerta, en Amérique, adoptent celles de
F. consocius. Ainsi se constituent des colonies
temporairement mixtes, jusqu'à ce que les ouvrières
fondatrices étrangères aient disparu par extinction.
Dans d'autres cas, les nids restent mixtes, parce que
les ouvrières de l'espèce vont ravir des pupes de
l'espèce auxiliaire fondatrice. Ainsi F. sanguinea
ravit des larves de F. fusca et de F. rufibarbis.
De ces adoptions dériverait l'esclavagisme, sui-
vant Wasmann. Les espèces qui ravissent des pupes
pour en faire des ouvrières auxiliaires, sont de
celles où le nid commence par une adoption et les
ouvrières ravies ensuite sont toujours de l'espèce ou
des espèces qui ont fourni les ouvrières initiales .
L'esclavage serait une déviation de l'instinct d'adop-
tion des fourmis. La reine participerait à l'évolu-
tion de cet instinct, par les circonstances où se fait
ESCLAVAGISME 51
son adoption et ainsi on peut concevoir qu'elle en
transmette les modifications.
L'évolution psychique, d'où résulte l'esèlavagisme,
aboutit à une évolution morphologique. Tout ou par-
tie de l'activité sociale passe progressivement aux
ouvrières esclaves et les maîtres en arrivent à être
nourris parcelles-ci. Leurs pièces buccales subissent
¥ig. G. — Tête et mâchoires d'ouvrières de Polyergus
riifescens (a) et de Formica fiirca (b) (d'après Bonoroit).
corrélativement des transformations qui leur ren-
dent impossible de se nourrir par eux-mêmes ; ils
deviennent ainsi absolument dépendants des escla-
ves. L'adoption primitive s'est transformée en un
parasitisme social.
C'est ce qui arrive avec les Polder g us rufescens,
ou lourmis amazones. Elles ont des mandibules en
sabre, (fig. 6 a] qui sont des organes de combat.
Elles sont très bonnes guerrières et enlèvent de vive
force des pupes dont elles se feront des ouvrières.
Or, les pupes ainsi enlevées appartiennent toujours
aux espèces à l'aide desquelles le nid a été fondé
52 LE COMMENSALISMK
{Formica fiisca, F. rufibarhis). Les mandibules <ies
Polyergus ont perdu leur bord masticateur (cf. fig.6
b) ; l'ouvrière ne peut pas accomplir les travaux in-
ternes de la fourmilière ; elle perd même l'instinct
de se nourrir directement. Elle dépend de ses
esclaves, dont le nombre est toujours proportionné
à celui des maîtres.
Les Leptothorax emersoni sont ainsi parasites de
Myrmica brevinodis. Elles périssent quand elles
n'ont pas ies]\fyrmiça pour leur donner la becquée,
en dégorgeant leur propre nourriture.
Cette évolution atteint son maximum par la dis-
parition des ouvrières. C'est ce qui arrive chez les
Anergates, dont une espèce A. atratulus forme en
Europe des colonies obligatoirement mixtes avec
Teti^amoriiim cœspitum.De même Wheeler (Si) a
signalé l'absence complète d'ouvrières chez Epœcas
pergandei. Mais l'esclavage peut amener, chez
l'espèce soumise, des déformations tout à lait para-
doxales de l'instinct, comme celle que l'on observe
chez les Monomorium salomonis, qui, réduites en
esclavage par Wheeleriella santschii^ tuent leur
propre reine, condamnant ainsi leur colonie à périr.
PiÉRON (70) considère cette stérilisation volontaire
de la colonie parasitée comme une forme sociale
de la castration parasitaire .
Wheeler [81) a, sur l'origine et l'évolution de
l'esclavage chez les fourmis, des conceptions assez
voisines de celles de Wasmann. 11 part également
de la fondation des colonies, mais ne croit pas qu'il
s'agisse toujours d'une adoption de la femelle par
des ouvrières dune autre espèce : la femelle de For-
PLANTES MYRMÉCOPHILES 53
mica sangiiinea, par exemple, après son vol nup-
tial, conquiert les nymphes qui seront les premières
ouvrières de son nouveau nid. Pour Emery [Ôo]
aussi, c'est un processus violent qui est à la base : la
femelle, en pénétrant dans un nid, tuerait et disper-
serait les ouvrières et, avec les nymphes , formerait
une colonie nouvelle.
La vérité est certainement moins simple qu'au-
cune de ces théories générales.
On voit comment ces phénomènes se rattachent
au commensalisme et qu'il est impossible de tracer
une limite nette entre eux et le parasitisme.
Nous examinerons encore une catégorie de faits
d'association, qui, sous Tinfluence du darwinisme,
ont tenu une place assez grande dans les spéculations
évolutionnistes à une période récente : je veux parler
des plantes myrmécophiles. Fritz Mûller et plus
tard ScHiMPER ont vu en elles le résultat d'une
adaptation spéciale, développée par la sélection na-
turelle.
Elles présentent des abris, où se logent les four-
mis, comme c'est le cas des Cecropia (Urticacées),
ou des renflements charnus percés de cavités
internes, comme diverses Rubiacées épiphytes
(Myrmecodia, Hydnophyllum), ou des épines
creuses très développées et renflées, comme Acacia
sphsRrocephala. La plupart de ces plantes possèdent
en outre de nombreux nectaires. Sur les pétioles
des feuilles de Cecropia, certains corpuscules (corps
54 LK GOMMENSALISME
de Mûller) renferment des essences et des subs-
tances albuminoïdes. U Acacia sphœrocephala pos-
sède, à l'extrémité de ses folioles, des corpuscules
succulents.
Ces divers organes fournissent aux fourmis une
nourriture qui les attire et qui se renouvelle auto-
matiquement. Aussi ces plantes sont-elles presque
toujours occupées par des fourmilières. L'utilité,
pour les plantes, d'être défendues par les fourmis
contre des animaux détruisant le feuillage, aurait
amené par sélection le développement de ces
organes. Les plantes, myrmécophiles sont ainsi
devenues un exemple favori dans la théorie de la
sélection naturelle. Mais, en face de ces interpré-
tations, se dressent des critiques venant d'auteurs
qui ont pu observer les faits de près. Paruii celles-ci,
nous résumerons les observations faites à Sao-Paulo
par H. vonIhering {62] sur les Cecropia (principa-
lement C. adenopus, ou Imhauwa) et leurs fourmis
symbiotes du genre Aztecà.
Dans la théorie des plantes myrmécophiles, les
Azteca protégeraient surtout les Cecropia. contre
les Atta, fourmis coupe -feuilles qui dépouillent
parfois des arbres entiers de Ifeur feuillage. L'étude
des mœurs des Azteca est rendue difficile par le fait
qu'elles habitent dans des cavités internes des
Gecj^opia et qu'à la moindre alerte, elles se mon-
trent très agressives et mordent d'une façon pénible.
Tous les troncs âgés d'imbauwa renferment des
Azteca, mais les arbres jeunes sont loin d'en avoir
toujours et, quand ils en sont dépourvus, il est à
remarquer qu'ils ne soull'rent pas des Atta. Les
PLANTES MYRMÉCOPHILES 55
Azteca ne leur sont donc pas indispensables. Elles
se nourrissent surtout des parties de l'arbre en voie
de croissance, du bourgeon terminal et de ceux des
rameaux, ainsi que des corps de Mûller, à la base
des pétioles. Elles percent, à la partie supérieure
des entre-nœuds, en un point de moindre résistance,
la paroi de l'arbre, pour pénétrer dans des cavités
où elles établissent leurs nids. L'orifice ainsi prati-
qué a été appelé stoma, et. à son voisinage, se pro-
duit une prolifération réactionnelle du parenchyme,
ou stomatome, riche en graisses et en sucres. Les
fourmis y trouvent donc de la nourriture. Elles
provoquent successivement la formation de stoma-
tomes nouveaux, au fur et à mesure de la croissance
de l'arbre. Ihering a vainement essayé de produire
des stomatomes expérimentalement; la salive des
fourmis semble nécessaire ; il s'agit en somme d'une
galle.
Quant aux Atta, quand elles s'aventurent sur les
inibauwas, elles sont effectivement chassées par les
Azteca, mais elles n'ont aucune prédilection mar-
quée pour ces arbres et les Azteca n'interviennent
que pour défendre leurs propres nids. Elles restent
d'ailleurs indilTérentes à l'attaque d'animaux infi-
niment plus nuisibles au Gecropia (Ghrysomélides,
chenilles, Bradypiis surtout). Elles ne s'attaquent
qu'à certaines espèces de fourmis et en tolèrent d'au
très. L'imbauwa est certainement l'habitat normal
des Azteca, qui y trouvent des abris propices et des
substances alimentaires. La fourmi exploite l'arbre
et ne le protège que pour se protéger elle-même.
Elle ne lai est nullement indispensable et, sui-
56 LE COMMENSALISME
vant l'expression de Ihering, les Cecropia vivent
sans Azteca aussi bien que les chiens sans puces.
Les Azteca sont plus étroitement adaptées à l'arbre.
D'après Wheeler, elles périssent quand l'arbre est
abattu ; ce sont plutôt des parasites sur lui. D'une
façon générale d'ailleurs, le même auteur considère
que les tourmis se sont adaptées aux plantes dites
myrmécophiles, mais que la réciproque n'est nul-
lement établie. Trop des observations sur les-
quelles les théories sélectionnistes reposent ont été
faites hâtivement par des voyageurs.
Tout récemment, dans le même ordre d'idées,
Chodat {55) a constaté, au Paraguay, que les ren-
flements habités par des fourmis {Azteca, Pseudo-
myrma) sur diverses plantes [Cordia, Acacia) et
considérés comme des adaptations myrmécophiles,
étaient en réalité des galles produites par des Ghal-
cidiens (Eurytoma), dans lesquelles les fourmis
pénétraient par le trou de sortie de THyménoptère
adulte. Les fourmis ne font donc qu'utiliser une
modification de la plante produite indépendamment
d'elles et l'adaptation véritable est la corrélation
entre elles et les Ghalcidiens II serait très intéres-
sant de chercher dans quelle mesure une explication
de ce genre s'applique aux diverses plantes myrmé-
cophiles.
CHAPITRE III
DU COMMENSALISME A L INQUILINISME
ET AU PARASITISME
Sommaire. — L'inqailinisme, transition au parasitisme pro-
prement dit ; exemples divers. — Les animaux épizoaires.
— Les parasites intermittents ; les animaux hémato-
phages. — Sens général des modifications produites par le
parasitisme.
Nous examinerons maintenant une nouvelle série
d'associations, où l'un des animaux vit à l'intérieur
de l'autre, sans cependant se nourrir vraiment à ses
dépens, mais y trouvant un abri et détournant à son
profit des substances nutritives captées par son
partenaire. Ces cas ne sont donc pas du parasi-
tisme véritable et on les désigne souvent sous le
nom à'inqailinisme (i) [Rauniparasitisnius des au-
teurs allemands). Ils constituent une série très gra-
duée, aboutissant au vrai parasitisme.
Un exemple classique en est fourni par les pois-
sons du genre Fier as fer (famille des Ammodytidœ)^
I. Inquilini, de incolinus, qui habite à l'intérieur.
58 DU COMMENSALISME AU PARASITISME
qui vivent généralement à l'intérieur des Holothu-
ries [on en trouve aussi dans des Astéries (Culcita)
et des Pinna], soit dans le poumon, soit même
dans la cavité générale, après rupture de la paroi du
poumon. Ils ne se nourrissent pas de la substance
de l'Holothurie, mais de petits Crustacés qu'ils vont,
de temps en temps, chasser au dehors. Emery (3o),
a étudié leurs rapports avec leur hôte. Ils rentrent
à son intérieur par la queue, non sans résistance de
la part de l'Holothurie. Exceptionnellement, celle-ci
rejette même ses viscères ; mais normalement le
Fie/as fei' est toléré et 1" Holothurie ne paraît souffrir
que quand elle en héberge trois ou quatre. Ce que le
Fieras fer cherche dans son hôte, c'est un abri. Main-
tenu en aquarium, sans abri, avec d'autres poissons,
il est rapidement dévoré.
L. Plate (/f6) a trouvé aux Bahamas une asso-
ciation analogue, entre un Poisson {Apogonichthys
strombi, long de 3 à 6 centimètres) et un Gastropode
(Strornbus gigas), dans la cavité palléale duquel il
s'abrite, quittant celle-ci la nuit pour chercher sa
nourriture.
Beaucoup de Crustacés s'abritent de même dans
les cavités palléales de Lamellibranches ; des Pon-
tonia habitent dans des Pinna, Ch. Pérez (45) a
trouvé, par couples, mâle et femelle, une crevette,
-4.^c/iis<ttsmierst,dansunSpondyledelaMerRouge.
C'est le mode de vie générale chez les Crabes du
groupe des Pinnothères. Il en existe de nombreuses
espèces, la plupart vivant dans la cavité palléale
des Lamellibranches, quelques-unes dans d'autres
animaux (Semper en a trouvé avec les Fierasfer
INQUILTNISME 59
dans les Holothuries). Ce mode de vie avait déjà
attiré l'attention des anciens, qui croyaient que le
crabe avertissait le mollusque de la présence des
proies à ingérer. La biologie des Pinnothères méri-
terait d'être attentivement observée ; on admet
généralement qu'ils capturent les proies passant au
voisinage du Mollusque où ils se tiennent à l'affût,
quand les valves sont entr'ouvertes. Goupin (25) r
constaté dans leur intestin les mêmes résidus végé-
taux que dans celui des Moules qui les hébergent.
On pourrait citer encore de nombreux Crustacés
inquilins. Semper a observé un crabe vivant dans
la cavité palléale d'un Haliotis et une crevette dans
la cavité branchiale d'an gros pagure. Dans diverses
Eponges — surtoutdes Hexactinellides, — viventdes
Pontonia, des Typton, des Spongicola, des u^ga,
assez profondément modifiés d'ailleurs. Classique
est l'exemple des Phronimes (ou tonnelier de mer),
dont la femelle vit dans le manchon de colonies de
Pyrosomes ou la cavité branchiale des Salpes. Dans
la cavité palléale des Lepas, vivent des Annélides
du genre Hipponoe. Les Malacobdelles, Némertiens
pourvus de ventouses, habitent la cavité palléale
de Lamellibranches (Cyprina, Mya). Dans la cavité
branchiale des Telphuses, habitent régulièrement
des OUgochèies (Epitélphiisa catanensie), etc., etc..
L'inquilinisme passe d'une façon très graduelle
au parasitisme, comme le montrent les Copépodes
parasites des Ascidies. Même les formes simple-
ment inquilines, vivant dans la cavité branchiale,
subissent — au moins pour les femelles -^ des défor-
mations considérables. La plupart se nourrissent
60 DU COMMENSALISME AU PARASITISME
des animacules et particules que le courant d'eau de
l'ascidie amène à leur portée dans la chambre bran-
chiale, et alors elles ont encore les appendices buc-
caux de formes libres (Gnathostomes ; ex. : Nolo-
delphys, Doropygus). Mais des types des mêmes
séries ont émigré dans l'estomac [Enterocola] ou les
tubes épicardiques (Enteropsis) et sont de véritables
parasites, chez qui l'appareil buccal est transformé
pour la succion d'aliments liquides empruntés à
l'hôte (Siphonostomes) ; d'autres genres {Ophio-
seides, Ooneides] , étudiés en particulier par Ghat-
TON [334)) montrent une dégradation plus complète
encore.
A la frontière du parasitisme (comme l'inquili-
nisme), est la condition des animaux qui vivent régu-
lièrement à la surface d'un autre, fixés ou même
non fixés. La fixation permanente à un support est
un facteur important de transformation morpholo
gique, dont les effets sont souvent parallèles à ceux
du parasitisme. Pour beaucoup d'animaux fixés, le
support ne joue strictement qu'un rôle mécanique
et dès lors n'est pas déterminé. Cependant, comme
les conditions ne sont pas identiques sur des sup-
ports différents, beaucoup d'animaux ont une ten-
dance à se localiser sur certains plus ou moins déter-
minés, ou plutôt c'est sur ceux-là seulement qu'ils
réussissent à se développer aisément.
Ces considérations valent particulièrement dans
le cas des supports vivants, pour lesquels s'observe
iPIZOAlRES 61
en général une très grande spécificité des animaux
fixés, en même temps que des localisations définies.
On arrive ainsi à des associations très précises et
très régulières et les animaux épizoaires, comme
les plantes épiphytes^ forment une catégorie particu-
lière du commensalisme.
Les exemples en sont extrêmement nombreux.
Beaucoup d'Infusoires vivent ainsi sur des animaux
marins ou d'eau douce et généralement sur des es-
pèces très déterminées : c'est le cas de nombreux Vor-
ticelliens [Cothiirnia,Urceolaria,Trichodina,eXc]...,
Ils n'empruntent rien à l'Iiôte pour leur nutrition,
mais utilisent le courant d'eau qu'il détermine et
ingèrent les particules nutritives qui passent à leur
portée. Fauré-Fremiet {33) a lait d'intéressantes
constatations sur les Opercularia fixés à divers ani-
maux d'eau douce Gammarus, Asellus, Cyclops,
Notonecta). 11 a vu que ces Inl'usoires périssent rapi-
dement si on les détache de leur hôte , ou même si l'on
isole par exemple la patte à laquelle ils sont fixés. Ce
sont les mouvements de l'hôte et l'agitation de l'eau
qui en résulte qui importent, car la plupart de ces
Infusoires se maintiennent en bon état sur des pattes
isolées soumises à un mouvement régulier. Les Oper-
cularna fixées sur des hôtes distincts diff'èrent spéci-
fiquement et si l'on transfère sur un dytique celles
que l'on trouve sur un nolonecte, elles y végètent mal
et dépérissent. Elles doivent trouver sur un hôte
donné des conditions de localisation favorables,
d'où résulte la spécificité de leurs associations.
Dans le groupe des Acinétiens, qui sont tous fixés,
les uns à des objets inertes, les autres à des orga-
62 DU COMMENSALISME kV PARASITISME
nismes vivants, végétaux ou animaux, une assez forte
proportion sont de véritables commensaux, quel-
ques-uns tendant à l'inquilinisme ou passant au vrai
parasitisme. Déjà, sur les végétaux, -certaines asso-
ciations sont spécifiques. Ainsi, comme le remarque
B. CoLLiN (23), Discophrya cothurnata n'a jamais
été observée ailleurs que sur les racines de Lemna.
D'autres sont fixés toujours sur des coquilles de
Gastropodes (Paludines, Limnées) ou sur les pattes
d'un Goléoptère aquatique bien déterminé (Disco-
phrya ferrum equiniim sur Hydrophilus piceiis ;
D. steinii sur Djyiiscus marginalis, D. cjybistri sur
les Cybisier). Sur les Hydraires, vivent les formes
très particulières comme Ophryodendron sertiila-
riœ (i) ; les Crustacés sont porteurs d'Acinètes très
variés {Dendrosomides pa^url sur les poils des
pattes de pagures, Dendrocometes paradoxus sur
les plaques branchiales des Gammarus, Styloco-
me tes digitatus sur les branchies d'AseZ/ws, etc., etc.);
on en connaît sur des Annélides [Ophrjyodendron
annulât or um] . Certains types ont pénétré dans les
parties initiales des cavités internes d'hôtes : Tricho-
phrya salparum, dans la cavité pharyngienne des
Salpes et à l'entrée de la chambre branchiale de
beaucoup d'Ascidies (2), accompagné parfois de
Hrpocoma ascidiarum).
C'est dans des conditions analogues que certains
Hydraires vivent sur la peau des poissons ou sur
1. Cette espèce est plutôt un vrai parasite se nourrissant
des tissus externes de la Sertulaire.
2. Acineta tuberosa est souvent très abondant sur les
Copépodes Ascidicoles.
ÉPIZOAIRES 63
les coquilles habitées par les pagures {Hydractinia,
Podocorjyne); StjylactisÇPodoeorjyne) minoi, trouvé
dans l'Océan Indien, par Algogq {i4], sur Minous
inermis, au voisinage de la fente operculaire, a
été retrouvé dans les mêmes conditions, au Japon,
par DoFLEiN. Sur 25 o/o des Hrpsagoniis qua-
dricornis, à Puget Sound, Heath (.^5), trouve une
abondante végétation de Perigonimus pugetensiSt
principalement sur les nageoires et le ventre.
Nudiclaça monacanthi vit aussi sur un poisson des
mers de l'Inde. Ichthyocodiiim sarcotreti a été
trouvé par Jungersen (3 g) sur un Copépode/Sarco-
tretes scopeli, parasite lui-même d'un Scopeliis gla-
cialis.
Parmi les Bryozoaires, les Loxosoma ne vivent
qu'en épizoaires sur des animaux bien définis :
Géphyriens, Annélides (Aphrodite, Gapitelliens,
etc.). Sur un Nephropsis abyssal de l'expédition du
Caudan, j'ai observé moi-même un Bryozoaire spé-
cial du groupe des Gténostomes.
Parmi les Cirripèdes, — tous fixés au moins à des
supports inertes, — il en est que l'on ne trouve que
sur certains animaux, tels que les Cétacés ou les
squales : les Goronula sur les Mégaptères; les Tuhi-
cinella enfoncées dans la peau des baleines, aus-
trales ; les Alepas, Anelasma squalicola sur des
squales ; beaucoup d'espèces de Scalpellum se
rencontrent sur les Hydraires, d'autres espèces du
même genre sur des Bryozoaires, des Eponges.
A côté des épizoaires proprement dits fixés, il
faut placer des animaux vivant aussi sur d'autres
animaux mais libres et s'y nourrissant de détritus
64 DU COMMENSALÏSME AU PARASITISME
divers ou de déchets provenant de l'animal lui-
même : des Némertiens, comme Polia inçoluta, au
milieu des œufs des crabes, se nourrissant d'œufs
altérés ou morts et ne semblant pas s'attaquer aux
embryons sains ; Histriohdella homari (probable-
ment une Annélide modifiée), vivant de même entre
les œufs des homards. Presque tous les Gaprellides
se tiennent toujours sur d'autres animaux, comme
des Eponges (Halichondria)^ des Alcyonaires, des
Ascidies, etc., et de ce groupe dérivent les Cjya-
mas ou poux des baleines, qui vivent cramponnées
sur la peau des Cétacés. Pour tous les animaux
vivant dans ces conditions, il serait nécessaire d'étu-
dier exactement les conditions de leur nutrition;
certains d'entre eux sont de véritables parasites,
alors que d'autres sont de simples commensaux.
Après avoir, en quelque sorte défalqué du parasi-
tisme proprement dit les catégories précédentes,
nous trouvons encore, dans les organismes que l'on
s'accorde à considérer comme vraiment parasites,
des formes qui pourraient aussi bien être rangées
dans l'inquilinisme et qui en dérivent en tout cas
très probablement. Ce sortt des parasites intesti-
naux, qui ne se nourrissent pas à proprement parler
de la substance même de l'hôte mais du contenu
intestinal, c'est-à-dire de substances étrangères en
voie d'assimilation mais non encore incorporées à
l'organisme. Cette distinction est évidemment sub-
tile et les matières nutrit'ves prélevées de la sorte,
NUTRITION DES PARASITES INTESTINAUX 65
le sont incontestablement aux dépens de l'hôte ; de
sorte qu'on peut considérer que les animaux vivant
dans ces conditions sont réellement des parasites.
C'est le cas des Cestodes et personne ne contestera
qu'ils soient des parasites authentiques. Mais il y a
dans l'intestin d'autres organismes qui se nour-
rissent de déchets inutilisables par Thôte, ou même
qui effectuent sur les substances nutritives des
transformations aidant à leur digestion. La flore
bactérienne normale de l'organisme a un rôle de ce
genre et Pasteur se demandait même si la vie asep-
tique était possible ; nous verrons à la fin de ce
volume comment se présente actuellement ce pro-
blème. Dans l'intestin des termites, les Trichonym-
phides, qui y pullulent d'une i'açon constante chez
les ouvriers, y sont certainement inoffensifs et,
d'après certains auteurs, aideraient à la digestion
du bois. Les Infusoires de la panse des Ruminants
et ducœcum des ch.e\Aux(Ophrj'Oscolecidœ), qui se
rencontrent toujours et en quantités énormes, n'ont,
en dépit de leur nombre immense, aucune action
nocive et se nourrissent aux dépens des débris
végétaux ingérés ou des bactéries qui se déve-
loppent dans ce milieu. Oii a même exprimé (sans
l'établir véritablement) l'opinion qu'ils aideraient
à la digestion de la cellulose. En tout cas, ce sont
plutôt des commensaux ou des inquilins que de
véritables parasites et ils finissent par être digérés
dans l'intestin grêle. Il en est de même pour une
partie au moins des Protozoaires du gros intestin et
du rectum, qui vivent en saprophytes, Opalines,
Nycfnfhprufi, certnins FlaQi-oIlcs et JTmibes 'ex. :
M. Cauilery. — Le l'aïasilisme 3
66 DU COMMENSALISME AU PAHASJTISME
Chlainydophyrs stercorea,qm pullule comme amibe
nue dans le rectum des chevaux et prend la struc-
ture testacée dans le crottin) ; de même pour des
Nématodes comme les anguillules de la bouse des
vaches.
L'une des sources du parasitisme véritable a dû
être l'adaptation de plus en plus exclusive à une
nourriture déterminée, la monophagie: Ce régime
ne peut en lui-même être considéré comme du para-
sitisme, quoiqu'il crée des rapports nécessaires et
constants entre le prédateur et la proie. De nom-
breux Nudibranches vivent régulièrement sur les
Hydraires qu'ils broutent et dont ils s'incorporent
même les nématocystes dans leurs diverticules hépa-
tiques ; des Pycnogonides se rencontrent pour la
même raison régulièrement sur des Hydraires ; des
L a mellaria sur des Ascidies composées; Gœloplana
sur les Alcyonaires. Laplupartdes chenilles vivent
sur une plante déterminée; de même les Pucerons;
et de la sorte on passe graduellement aux espè-
ces productrices de galles ou cécido gènes, dont la
qualité de parasites est indiscutable. Une série aussi
graduée est constituée par les animaux hémato-
phages. Parmi les Insectes piqueurs, il en est, comme
les Culicides. qui ne le sont pas exclusivement. Beau-
coup, comme les Tabanides, les Simulies et les Hé-
miptères, restent encore franchement libres. Mais il
en est qui. malgré un mode dévie apparemment libre,
sont en réalité des parasites intermittents. Les Glos-
PARASITES I>^TERMITTENTS 67
sines ou tsétsés, ne se nourrissent que de sang de
Vertébrés pris au vaisseau, et ont subi, comme nous
le verrons, dans leurs appareils digestif et repro-
ducteur, des transformations tout à fait parallèles
à celles des Pupipares, qui sont de véritables para-
sites, vivant en permanence sur un hôte : les Mélo-
phages sur les brebis, les Hippobosques sur les
chevaux, les Liptotena sur les cerfs, les Lynchia,
Ornithomyia, etc. sur les oiseaux. D'autres groupes
de Muscides offrent d'ailleurs des faits du même
ordre à l'état larvaire: les Auchmeromyia, vis-à-vis
de l'homme et des Mammifères à peau nue (Orycté-
rope, Phacochère), certaines Phormia etProtocalli'
p/tora vis-à-vis des Oiseaux. Les puces, les punaises,
les sangsues nous montrent des étapes avancées de
l'adaptation au parasitisme, avec conservation d'un
mode d'existence relativement libre. Dans les Crus-
tacés Isopodes, les Cymothoadiens et les Pranizes
constituent des séries analogues.
Dans tous ces divers cas, on se trouve en présence
de certains types incontestablement parasites, mais
qui sont reliés à des formes nettement libres, quoi-
qu'ayant un régime analogue, par des termes inter-
médiaires très gradués ; le départ du parasitisme
^st difficile à déterminer. Le critérium qui se pré-
sente à l'esprit est l'établissement plus ou moins
fixe sur un hôte individuel déterminé, comme c'est
le cas pour les Pupipares ou les Ixodes ; mais il est
insuffisant et on ne peut supprimer la catégorie des
parasites intermittents, qui passe très graduellement
aux formes libres.
68 Di: COMMENSAI ISMK AU PAnASITISME
L'inquiliiîisme el le parasilisme proprement dit
entraînent des transformations morphologiques con-
sidérables, qui sont un des aspects les plus intéres-
sants de leur étude, au point de vue de Tanatomie
comparée et de l'évolution. Ces transformations
sont toujours en rapport avec les conditions spé-
ciales de vie du parasite sur l'hôte et leur interpré-
tation suppose l'analyse de ces conditions, c'est-à-
dire en somme l'étude physiologique des parasites,
étude encore peu avancée en général, et le plus sou-
vent fort difïicile.Il n'est pas étonnant que la morpho-
logie ait, encore ici, largement précédé la physiologie.
On ne peut songer à embrasser en quelques pages
toutes les modifications adaptatives que présentent
les parasites ; elles sont infiniment variées et, pour
en donner une idée, il vaudra mieux prendre quel-
ques exemples significatifs en eux-mêmes et pour la
comparaison avec les fbrmes libres voisines. D'une
manière générale, ces transformations se résument
surtout en une simplication des organes de la vie de
relation (systèmes locomoteur et sensoriel) et une
hypertrophie de ceux de la nutrition (systèmes
digestif et reproducteur). On est loin de pouvoir
ramener toutes les dispositions réalisées aune adap-
tation diiecte ; beaucoup ont dii résulter de corré-
lations qui, agissant d'une façon orthogénétique, ont
amené des états extrêmes, sur lesquels l'action adap-
tative n'est plus reconnaissable : il doit en être à cet
égard des formes parasites comme des formes
libres ; mais ici c'est une évolution secondaire, dont
le point de départ est généralement aisé à reconsti-
tuer.
MODIFICATIONS DUES AU PARASITISME 69
En ce qui concerne les organes de la locomotion
chez les parasites, on les voit, soit s'atropliier ou
disparaître, soit se différencier en appareils de
fixation. Chez les Arthropodes, les articles terminaux
des pattes deviennent ainsi des griffes crochues
(Cyamus, Cymothoïdœ, EipicRvides, etc. . Chez les
Myzostomes, groupe parasite des Grinoïdes et déri-
vant des Annélides, les paropodes sont complète-
ment atrophiés et représentés seulement par une
paire de soies. Les Hirudinées, qui dérivent aussi
d'Annélides, ont perdu toutes traces d'appendices ;
cependant, chez un genre à caractères archaïques,
Acanthobdella (paivasite des Salmonidés des fleuves
et lacs russes), il subsiste des soies (cinq groupes de
chaque côté, vers l'extrémité antérieure, chez
A . palladina) qui indiquent l'existence antérieure
des parapodes (i).
La contre-partie de la régression des appendices
chez les parasites est le développement d'organes de
fixation; soit, comme il a été dit déjà, par transfor-
mation des appendices eux-mêmes, soit sous forme
d'organes nouveaux, surtout de ventouses et de
crochets. Les Trématodes et les Cestodes, les Hiru-
dinées offrent de nombreux exemples des premières
et souvent, en même temps, des seconds, que l'on
trouve encore dans d'autres groupes comme les
Acanthocéphales.
Le système nerveux central des parasites est fré-
I. Acanthobdella possède en outre des A-estiges d'une
cavité générale spacieuse, comme celle des Annélides pro-
prement-dites.
70 DU COMMENSALISME AU PARASITISME
quemment réduit et il en est de même des organes
sensoriels, en particulier des yeux.
Dans l'appareil digestif, on assiste, d'une manière
générale, à une transformation des organes buccaux,
qui deviennent le plus souvent un appareil de suc-
cion, et à une rcductioij^plus ou moins marquée de
l'intestin terminal, correspondant à ce que les maté-
riaux ingérés par les parasites comportent peu ou
point de résidus. L'appareil intestinal peut même
disparaître complètement, comme chez les Gestodes
et les Acantliocéphales, où la nutrition se fait par
osmose des substances assimilables élaborées par
l'hôte, à travers la paroi extérieure, ou comme chez
les Rhizocéphales, où elle a lieu par un système de
racines s' irradiant dans tout l'organisme de Thôte.
Chez certains Infusoires parasites (Opalines, Asto-
mata), on assiste à une transformation de ce
genre ; ils n'ingèient plus des particules solides, mais
se nourrissent par osmose\
Chez la plupart des parasites et en particulier
chez les hématophages, les substances ingérées s'ac-
cumulent dans les parties moyennes du tube digestif,
qui se transforme en une vaste poche, où la résorption
se lait graduellement. Les sangsues, les tiques, les
moMches piqueuses, les punaises se gorgent ainsi à
intervalles plus ou moins éloignés; de même beau-
coup de Crustacés parasites (Epicarides, Gnathia)
accumulent les matériaux nutritifs sucés à l'hôte,
dans leurssaes hépatiques hypertrophiés. A ces con-
ditions de nutrilion correspondent des mécanismes
physiologiques particuliers, qui ne sont encore que
très partiellement connus.
MODIFICATIONS DUES AU PARASITISME 71
C'est ainsi que les parasites hématophages possè-
dent, d'une façon qui semble très générale, des fer-
ments anticoagulants, maintenant le sang ingéré à
l'état liquide. Ce fait a été constaté chez les sangsues
(Haygraft 1884, Apathy 1897), ^^^ ^^ ^^* ^^^ ^ l'action
de glandes débouchant près de Forifice buccal, dans
la ventouse; chez les tiques (Sabbatini 1893); chez
les larves d'œstres hématophages (Weinrerg 1906);
chez V Ancylostomum duodenale. (L. Loeb et A. J.
Smith 1904) ; chez une Annélide parasite, que nous
étudierons plus loin (Ichthi/otomus, Eisig, 1909).
Et c'est là un exemple significatif, montrant la
réaction adaptative semblable de l'organisme à un
même régime, dans des groupes différents et des
cas manifestement indépendants les uns des autres.
Il doit y avoir de nombreux faits du même ordre
dans la physiologie de la digestion chez les para»
sites.
La fonction reproductrice est la plus sensible à
l'action du parasitisme et celle qui prend l'impor-
tance prépondérante : nous étudierons ses princi-
pales modifications dans un chapitre spécial ;
bornons-nous ici à noter, d'une manière générale,
l'hypertrophie de l'ovaire et la multiplication souvent
énorme du nombre des œufs, qui compense la perte
d'un nombre extrêmement considérable d'embryons,
résultant des difficultés d'accès à l'hôte.
Le parasitisme modifie donc très profondément
l'organisme et il est courant de dire qu'il détermine
sa dégradation ou sa régression. De fait, il amène
une simplification de beaucoup d'organes et même
leur disparition. Mais il ne faut pas perdre de vue
72 DU COMMMENSALISME AU PARASITISME
que, par contre, il détermine l'hypertrophie ou la
ditrérenciation d'autres organes. 11 vaut donc mieux
parler d'une spécialisation sous l'influence du para-
sitisme que d'une dégradation : en somme certains
parasites, dégradés par rapport aux formes nor-
males du groupe auquel ils appartiennent, sont
merveilleusement adaptés aux conditions tout àfait
particulières dans lesquelles ils vivent, et l'évolution
qu'ils ont subie à partir du type normal n'est nul-
lement un retour en arrière, mais une transforma-
tion progressive dans une direction déterminée.
Etant donnée la variété des dispositions réalisées,
on resterait nécessairement dans le vague en étudiant
les adaptations parasitaires d'une façon générale.
Mieux vaut les examiner sur quelques exemples
particuliers.
CHAPITRE IV
EXEMPLES PARTICULIERS D'ADAPTATION
AU PARASITISME
Sommaire. — Les Annélides polychètes parasites. — Etude
spéciale d'Ichthjotomiis sangninariiis , d'après les recher-
ches d'H. EisiG. — L'adaptation au parasitisme chez les
Mollusques Gastéropodes : Capiilidœ (Thyca), Eiilùnidœ
{Eiilima, Miicronalia, Stylifer, etc..) — Gasterosiphon'
deimatis. — Les Entoconchidœ.
L'exemple que j'étudierai d'abord nous donnera
une idée des premiers effets du parasitisme. Il
s'agit en effet d'un animal relativement peu modi-
fié et appartenant à un groupe où le parasitisme est
tout à fait exceptionnel, les Annélides polychètes.
L'espèce en question, Ichthyotomas sang-uinariiis,
a été découverte et minutieusement étudiée à Naples
par H. EisiG {2g4) ; elle est parasite sur une
Anguille, Myrus vulgaris.
Il est intéressant de voir un début d'adaptation
au parasitisme chez une Annélide, parce que ce
groupe est très vraisemblablement la souche des
Myzostomes et desHirudinées, quisontentièrement
74 EXEMPLES d'adaptation AU PARASITISME
composés de parasites et profondément modifiés ;
on pourra donc imaginer comment ils ont commencé
à se transformer. Il y a d'ailleurs, en dehors d'Ich-
thyotomus, quelques autres faits de parasitisme
connus chez les Polychètes: dans la famille des
Tuniciens, sur lesquels nous reviendrons plus' loin
et dans celle des Syllidiens. A. Treadwell a
brièvement signalé, sous le nom d' Haplosyllis cepha-
lata, une forme trouvée, fixée par le pharynx aux
cirres d'un Tunicien déjà conservé dans l'alcool. F. -A.
PoTTS {2 g y] a décrit, sous ie nom de ParasitosylUs,
une Annélide observée dans les mêmes conditions
sur des Annélides et Némertes provenant de Zanzi-
bar; son organisation semble normale, mais son
pharynx dévaginé est intimement soudé à la paroi
du corps de l'hôte, dont il n'a pas été possible de le
détacher, 11 semble donc que, dans ces deux cas,
il s'agisse d'une fixation permanente à un hôte par
la région pharyngienne (i) ; mais il serait indispen-
sable qu'ils fussent étudiés sur des matériaux abon-
dants et in çiço . C'est ce qu'EisiG a pu faire, dans
d'excellentes conditions, pour Ichthyotomus sangui-
narius.
L'animal (l'adulte est long de 7 à 10 mm.), fixé
solidement sur les nageoires — surtout sur la dor-
sale — du Myrus, a l'apparence d'une Annélide
normale, dont les parapodes sont bien dévelopj)és
I. Les Syllidiens sont des Annélides carnassières, atta-
quant leur proie en dévaginant leur pharynx et perforant
la paroi du corps iCf . Malaquin, Recherches sur les Sylli-
diens. Mém. Soc. Sciences et Arts de Lille, 1898, p. 246).
ICHTHYOTOMUS
75
et c'est son appareil fixateur qui mérite avant tout
d'être étudié de près.
C'est un système de deux stylets, sortant de la
bouche et tournant Tun autour de l'autre par des
surfaces articulaires en divergeant (fig.8). Leur por-
tion distale, enfoncée dans la peau de l'hôte, a une
Fig 7
Ichthyotomiis sangiiinarius,
fixé à la nageoire de Myrus
vulgaris (d'après Eisig).
Les stylets fixateurs d'/c/i-
thyotomus (d'après Eisig).
forme en cuiller à bord muni de denticulations qui les
retiennent solidement. L'animal pique avec ses sty-
lets rapprochés ; il les écarte ensuite l'un de l'autre,
ce qui dilacère la peau et la paroi des petits vais-
seaux Il est très difficile de détacher un Ichthyo-
tomus de son hôte sans blesser celui-ci ; la position
d'écartement assure la fixation. Elle correspond en
même temps à l'état de repos des muscles moteurs ;
l'animal est donc fixé d'une façon passive et doit
76 EXEMPLES d'adaptation AU PAHASITISME
faire un efTort de contraction musculaire pour se
dégager. 11 y a donc là un appareil de fixation méca-
niquement très perfectionné et très spécial.
On doit se demander comment il s'est formé. Est-
ce par une transformation continue d'un appareil
existant chez les Syllidiens libres ou autrement ?
A l'entrée de l'œsophage, beaucoup de Syllidiens
présentent une dent ou une couronne de dents,
mais rien qui approche de l'appareil d'/c/i//i_;^o/omtts,
sauf, semble t-il, chez un Syllidien signalé par
ScHMARDA, sous le uoui de GuathosylUs diplodonta
et muni de deux dents qui pourraient avoir quelque
analogie avec lui. Malheureusement la description
en est plus que sommaire et cette forme n'a pas été
retrouvée. La mécanisme de la réalisation de ce
dispositif est mystérieuse : on ne peut guère
admettre une explication de nature lamarckienne ;
ces stylets sont des formations non vivantes, qui ont
d'emblée leur structure définitive ; leur fonctionne-
ment ne peut donc pas influer sur leur forme ; l'ani-
nal doit les utiliser tels qu'ils sont : d'autre part, on
ne peut raisonnablement admettre, comme un effet
de pur hasard, la réalisation brusque d'un appareil
aussi compliqué et aussi bien adapté à la fixation.
Le problème restera obscur jusqu'à ce qu'on ait
trouvé des formes voisines possédant un appareil
analogue mais moins différencié. Or, nous n'avons
présentement aucune donnée de ce genre, en dehors
de l'espèce de Schmarda , Et ce simple exemple
montre comment se posent la plupart des problèmes
morphologiques de l'adaptation au parasitfsme ; il
montre en môme temps que le parasitisme est loin
ÎCHTHYOTOMU3 77
de mener uniquement à des régressions ou des
dégradations.
L'adaptation d'Ichthyoiomus se traduit par d'au-
tres caractères, en particulier dans la région anté-
rieure, qui est en voie de se transformer en une
ventouse. Les stylets, en dilacérant la peau de l'an-
guille, produisent une hémorragie au point de fixa-
tion. Au moment où il se gorge de sang, on voit
ranimai s'appliquer contre la peau de l'hôte par
toute sa partie antérieure qui devient concave, tan-
dis qu'en temps ordinaire elle est convexe. Cette
partie, formant temporairement ventouse, est la
tête, qui, chez les Annélides, porte des appendices
spéciaux à fonction surtout sensorielle, antennes,
palpes, etc., et auxquels correspondent, à la sur-
face même de la peau, des aires nerveuses bien défi-
nies. Chez les Syllidiens, dont Ichthyotomus se rap-
proche manifestement, il y a ainsi dorsalement trois
antennes (une médiane et deux latérales) et ventrale-
ment deux palpes. Or, sur la tête d'Ichthyotomus
(fig. 9), EisiG a retrouvé les aires nerveuses corres-
pondant à ces divers appendices, mais les appen-
dices eux-mêmes ont disparu et les aires nerveuses
sont comf)rises dans la zone formant ventouse. On
saisit donc bien, là encore, la modification de l'ex-
trémité antérieure de l'animal, corrélative de son
mode de vie ; elle est ici manifestement de nature
régressive, mais elle constitue en même temps une
difTéren dation appropriée à ce genre de vie ; et elle
représente bien une étape de la transformation
réalisée chez les Hirudinées, où la ventouse est de-
venue permanente et où la structure primitive de
78 EXEMPLES d'adaptation AU PARASITISME
la tête annélidienne n'a plus laissé de traces.
Ichthyotomus est un des exemples rappelés
plus hiaut de ces parasites hématophages,qui rendent
le sang ingéré par eux incoagulable. Eisig a fait à
ce sujet des observations et expériences très pré-
cises. Alors que le sang simplement extrait des
vaisseaux du poisson se coagule très vite, celui qui
est ingéré par le ver reste liquide. L'incoagulabilité
est due à l'action de la sécrétion de glandes volumi-
neuses, les glandes hémophiles, au nombre de deux
paires, qui débouchent au dehors, dans la partie de
la région antérieure formant ventouse. Leur sécré-
tion se mélange au sang, avant même que celui-ci ne
soit arrivé dans le pharynx. Eisig a établi, par des
expériences directes, leur action anti-coagulante.
Grâce à cela, le sang reste liquide et est constam-
ment brassé dans le tube digestif. Outre les consé-
quences que ce fait peut entraîner pour l'assimila-
tion, Eisig y voit une adaptation d'ordre respiratoire.
En effet, l'intestin envoie des diverticules latéraux
volumineux dans chacun des segments de l'An-
nélide et qui s'étendent jusque dans les parapodes
et les cirres, contrairement à ce que présentent les
Annélides normales. Par contre, Ichthyotomus n'a
ni vaisseaux, ni branchies. La respiration des tissus
semble donc être assurée par le brassage du liquide
intra-intestinal, suivant la conception au. phi éb enté-
risme de Quatrefages.
La présence des glandes hémophiles est un carac-
tère adaptatif important; ce ne sont vraisemblable-
ment pas des formations entièrement nouvelles.
Les autres Syllidiens, possèdent, sur la têle, des
ICHTHYOTOMUS
79
glandes cutanées qui leur sont probablement homo-
logues et aux dépens desquelles elles se sont sans
doute différenciées, en s'hypertrophiant et en acqué-
rant la propriété hémophile corrélativement à la
nutrition parasitaire. On peut imaginer que ce déve-
œs
Fig. g.__ Région antérieure d'7c/if/i:ro^omHS (d'après Eisig):
a m antenne médiane, ai antenne latérale (riidimentaires),
c cerveau, h glandes hémophiles, œ œil, œs œsophage,
p pharynx, s stylets fixateurs.
loppement a eu lieu progressivement, ou que cette
propriété existait chez certaines formes à l'état de
préadaptation ; ce seraient alors ces formes préadap-
tées qui auraient été particulièrement aptes à devenir
parasites. Nous n'avons pas de données pour tran-
cher entre ces deux hypothèses. La seconde est de
l'ordre de celles qui ont été volontiers formulées
80 EXEMPLES d'adaptation AU PARASITISME
récemment, à propos de faits nombreux d'évolu-
tion. La première me semble infiniment préféra-
ble. Elle se rattache à la production des anti-corps
et on peut très bien supposer que l'établissement
progressif d'un régime hématophage de plus en
plus exclusif ait provoqué dans l'organisme des
modifications de certaines sécrétions glandulaires,
qui se traduisent par des propriétés anti- coagu-
lantes.
Outre les glandes hémophiles de la région cépha-
lique, Ichthyotomiis présente, sur tous les segments,
des organes de même structure et ayant vraisem-
blablement la même signification, quoiqu'en fait ils
ne semblent pas pouvoir être fonctionnels. Leur
présence n'est sans doute qu'une manifestation des
corrélations qui relient les diverses parties de l'or-
ganisme.
EisiG a relevé encore d'autres traces de l'action
du parasitisme sur cette Annélide. La musculature
générale des parapodes est réduite. Les yeux sont
petits et placés sous la peau, directement sur le cer-
veau et en état de régression. Le pharynx diffère de
celui des Syllidiens normaux et correspond à un état
embryonnaire. L'appareil génital est manifestement
hypertrophié. Ainsi donc toute l'organisation a subi
l'influence du parasitisme. Mais l'animal conserve
encore le faciès d'une Annélide libre et d'ailleurs il
peut changer de place sur l'hôte et se fixer à nou-
veau sur la même anguille ou sur une autre. Nous
trouvons là un exemple très intéressant d'un orga-
nisme qui est en train de se transformer. L'étude
très complète qui en a été faite par Eistg montre
MOLLUSQUES PAHASITES 81
aussi combien est fructueuse l'association des don-
nées morphologiques et physiologiques. Même dans
un cas aussi complètement fouillé, le mécanisme par
lequel ont été réalisées les transformations reste
cependant obscur, et, si certaines particularités
comme l'hémophilie semblent pouvoir être aisément
rattachées à l'activité fonctionnelle de l'animal, il en
est d'autres, comme la différenciation des stylets, qui
sont beaucoup plus embarrassantes, à moins qu'elles
n'aient été le point de départ initial dont les autres
ont découlé.
Les Mollusques sont, comme les Annélides, un
groupe où le parasitisme est tout à fait exception-
nel, mais qui nous en montre une série de cas très
graduée jusqu'à un degré d'extrême régression,
d'autant plus significative que les Mollusques cons-
tituent des animaux très élevés en organisation. Cet
exemple permet donc de concevoir par analogie la
dérivation des groupes entièrement et profondé-
ment modiûés par le parasitisme. Il nous montre, en
outre, qu'une pareille régression ne se fait pas sui-
vant une série linéaire unique, mais bien par une
série de rameaux simultanés et distincts. Malheu-
reusement, ces parasites, presque tous exotiques,
n'ont pu être étudiés jusqu'ici dans de bonnes con-
ditions et in çÎQO, comme dans le cas précédent.
Les Mollusques forment un des embranchements
les plus élevés et les mieux définis du règne animal,
82 EXEMPLES d'adaptation AU PARASITISME
avec des variantes secondaires nombreuses, qui en
font l'un des champs d'études les plus intéressants
pour l'anatomie comparée Leur éthologie est des
plus variées, mais ce sont toujours des animaux li-
bres. Les Lamellibranches (ou Pélécypodes) offrent
seulement quelques cas de commensalisme (i) pas-
sant plus ou moins, pour certains, à l'inquilinisme.
Les Unionides, ou Moules d'eau douce, passent, au
cours du développement, par une phase parasitaire
{Glochidium) qui sera étudiée plus loin. Les autres
cas de parasitisme, chez les Mollusques, appartien-
nent à la classe des Gastropodes.
Pelseneer (-^z^p), dans ces dernières années, en a
signalé plusieurs chez les Pyramidellidœ^ où d'ail-
leurs la radula est réduite ou absente, ce qui im-
j)lique un changement radical d'alimentation. Il a vu
une Odostomia des mers de Chine, perforant de sa
trompe le manteau d'une Teîline ; une autre espèce
du même genre a les mêmes rapports avec l'huître
perlière {Meleagrina margaritiferà). Il a montré
enfin que des Odostomia de nos côtes vivent dans
des conditions similaires : O. rissoides aux dépens
de la Moule commune, O. pallida aux dépens des
Pecten. Elle enfoncent leur longue trompe par l'en-
trebâillement des valves pour aller sucer sur le man-
I. Montacuta avec des Spatangues et Synaptes, ^phippo-
dontaavec des Axiiis, Lepton avec des Gébies, Scioberetia
avec un Oursin. On a décrit quelques types parasites des
Synaptes : ex. Entovalva (Vokltzkow) dans l'œsophage de
Synapta ooplax, Sjnapticola (Malard). Herpin a signalé
une forme assez énigmatique qu'il a trouvée à Cherbourg
dans ces Holothuries, mais qui est encore très insuffisam-
ment connue.
MOLLUSQUES PARASITES 83
teau de ces Lamellibranches ; leurradula a disparu,
le reste de leur orgauisation est peu modifiée.
Deux autres Gastropodes très singuliers ont été
récemment signalés sur les Echinodermes : Ctenos-
culum hawaiense, déterminant la formation d'une
sorte de galle sur les bras des Brisinga, et Astero-
phila japonica, parasite interne des bras d'un Pedi-
cellaster des mers du Japon. Nous nous bornons à
mentionner ces deux types dont l'interprétation
reste fort obscure.
La série que nous voulons étudier est formée par
des Prosobranches parasites d'Echinodermes et ap-
partenant aux familles des Capulidœ, Eulimidœ et
Entoconchidœ ; cette dernière n'étant j^eut-être
qu'une dérivation de la seconde. Elles renferment
ensemble actuellement une trentaine de types dont
l'anatomie a été plus ou moins étudiée et qui se
résument dans le tableau de la page suivante.
Capulidœ. — Ce sont des Prosobranches tœnio-
glosses à coquille très faiblement enroulée ou en
forme de simple cône incurvé. Le genre Thyca vit
en parasite sur diverses astéries. Cette adaptation
est probablement très ancienne, car on a trouvé sur
des Crinoïdes des temps primaires des formes voi-
sines (Platyceras). Les Thyca sont peu modifiés et
montrent que lïntensité des transformations subies
n'est pas forcément en raison du temps écoulé.
La figure lo B relative kThyca ectoconcha donne
une idée de l'organisation de ce genre. Elle montre,
dans l'ensemble, un Gastropode dont l'anatomie est
encore normale . Les modifications portent sur la
région péribuccale et le pied. Ce dernier est réduit
84
EXEMPLES D ADAPTATIOIN .\U P.\RÂSÏTISME
et ne présente plus d'opercule. La région péribuc-
cale est développée en un large disque (pseudo pied),
par lequel l'animal adhère à l'hôte en faisant plus
ou moins ventouse. Au centre fait saillie une
trompe, qui s'enfonce à travers les téguments de
l'Etoile de mer. Peu développée chez T. ectoconcha,
elle est extrêmement longue (trois fois environ la
longueur du corps) chez T. cristalUna. La radula a
Familles
1
Genres
II
Ë
5
3
I
:
4
2
I
3
I
I
2
2
Localités
Hôies
Capiilidœ
Eulimidœ
Eniocon-
chidœ
? .
9
Thyca
Platyceras
Eulima (i)
Robillardia
Mucronalia
Stylifer{2)
Megademis
Rosenia
Pelseneeria
Gasterosiphon
Enieroxenos
Entoconcha
Entocolax
Asterophilus
Ctenosculum
Océan Indien
Archipel Malais
Pacifique, Océan
Indien
Océan Indien
Archipel Malais,
Océan Indien
Archipel Malais,
Geyian
Bahama, Zanzibar
Mer du Nord
Açores
Océan Indien
Norvège
Trieste, Philippi-
nes.
Mer de Behring-,
Chili
Japon
Hawaï
Astéries (Linckia)
Fossile (Silurien),
- Trias) surCrinoïdes
Crinoïdeset Astéries
Oursin
Oursins, Ophiures,
Astéries, Holothu-
ries.
Astéries et Oursins
Holothuries
Oursin
Oursins
Holothurie
Holothurie
Holothuries
Holothuries
Astéries
Astéries
1. Il y a en outre d'assez
être libres.
2. Plusieurs espèces de
les malacologistes, en deb
ment reconnu.
nombreuses espèces d'Eulima qui paraissent
ce genre ont été anciennement signalées, par
ors de celles dont le parasitisme a été récem-
MOLLUSQUES PARASITES
85
complètement disparu, ce qui indique une nutri-
tion par succion de liquide. Les espèces à longue
trompe ont aussi d'énormes glandes salivaires, tan-
dis que l'intestin et le foie y sont réduits.
Fig. lo. — A Thyca sfeZiasferis, dimorphisme sexuel (d'après
Kœhler et Vaney). — B Anatomie de Thjca ectoconcha
(d'après P. et F. Sarazin): br l)ranchie, c cerveau, i intes-
tin, m manteau, œ œil, ot otocyste, pd ganglion pédieux,
rp pied, r/ repli frontal, dj pseudo-pied ; bp pharynx
tr trompe.
Thyca stellasteris, bien étudié par Kœhler et
Vaney, est l'espèce la moins modifiée; sa trompe est
rudimentaire ; il y a un opercule. I/animal doit se
déplacer sur l'hôle. 11 y a des individus de deux
86 EXEMPLES d'aDAPTÂIIOM AU PARASITISME
tailles, qui semblent correspondre aux deux sexes
(les mâles étant plus petits).
Les diverses espèces de Th/yca ne se rangent pas,
pour leurs déformations, en une série linéaire.
EuUmidœ. — Ce sont aussi des Tœnioglosses voi-
sins dss Pj^ramidellidœ, à coquille turriculée offrant
plusieurs tours de spire, et ne possédant pas de
radula en général.
Le genre Eulima est représenté par d'assez nom-
breuses espèces de petite taille, dont les coquilles
sont communes sur les fonds littoraux de nos
côtes. Une partie de ces espèces doit vivre libre-
ment, comme les genres voisins (Niso, Scalenostoma,
Hoplopteron). Certaines, comme j^.po/ï^a, ont encore
une radula. E. distoria, ivouYé sur les côtes de Nor-
vège, est commensal et peut-être parasite dans une
Holothurie ; il n'a plus de radula. Semper, aux Phi-
lippines, a trouvé un Eulima rampant à la face
interne de l'intestin d'une Holothurie. Trois espèces
franchement parasites ont été signalées jusqu'à ce
jour : l'une fixée à une Grinoïde abyssal (Ptilocri-
/i«s),les deux autres à des Astéries. Seul E eqaes-
tris a été étudié anatomiquement par Kœhler et
Vaney. Il envoie à l'intérieur de son hôte (Stel-
laster] une longue trompe, plongeant dans la cavité
générale et par laquelle il suce. L'anatomie géné-
rale de ce type est peu modifiée ; toutefois le pied
est très réduit ; les sexes sont sé[)arés. Une étude
biologique et anatomique précise des divers Eulima
serait certainement très intéressante, parce que ce
genre et les voisins contiennent à la lois des espèces
libres, des espèces commensaleset des espèces para-
MOLLUSQUES PABASITES 87
sites et constituent le point de départ des genres
de la série suivante, sur lesquels le parasitisme a
plus nettement mis son empreinte.
Jusqu'ici, malheureusement, tous ces genres, en
raison de leur habitat exotique, et de leur rareté,
n'ont pu être étudiés anatomiquement etbiologique-
ment comme il conviendrait.
Pelseneeria et Rosenia (i) sont des Eulimidœ
vivant sur des oursins et dépourvus de radula.
L'une des espèces (R. sij'lifera) a pu être observée
vivante, sur des oursins de la mer du Nord. Elle se
déplace entre les piquants de son hôte, mais ne le
quitte pas et y dépose ses œufs. Les trois espèces
décrites par Kœhler et Vaney et qui proviennent
des dragages de la Princesse Alice, ont une trompe
enfoncée à travers le test de l'oursin. Chez P. pro-
funda, la bouche est entourée d'une large collerette
à bords irréguliers et déchiquetés, qui recouvre en
partie la coquille et que nous allons trouver, plus
ou moins développée, dans les autres genres, sous
le nom de pseudopallium. C'est une acquisition nou-
velle et évidemment adaptative, qui paraît dériver
de Tépipodium.Le pied reste assez bien représenté,
mais il est dépourvu d'opercule. 11 n'y a pas de
radula. Les Pelseneeria et Rosenia sont hermaphro-
dites . L'ensemble de leur anatomie, sauf les traits
qui viennent d'être mentionnés, est peu modifiée.
Le genre Megadenus n'est représenté jusqu'ici
que par deux espèces : M. holothuricola et M. vœltz-
kowi, qui vivent dans l'organe arborescent d'holo-
I . Vaney propose de fusionner ces deux genres.
thuries. Il y a une longue trompe non rétractile,
perforant la paroi de l'organe et pénétrant profon-
dément dans la cavité générale. Il n'y a pas de
radula. Il s'agit donc incontestablement d'un vrai
parasitisme ; la nutrition se fait par succion du
liquide cavitaire de l'hôte. Le pied n'a plus d'oper-
cule. Autour de la bouche, s'étend unpseudopallium
qui recouvre en partie la coquille. L'anatomie
interne n'est guère modifiée. A la différence des
Pelseneeria, les sexes sont séparés et on trouve ces
animaux par couples, mâle et femelle, de tailles iné-
gales.
Les Mucronalia (fig. ii),qui offrent actuellement
le plus grand nombre d'espèces, ont encore, comme
les genres précédents, une coquille bien développée
et porcellanée, terminée à l'apex par quelques tours
formant un petit mucron cylindrique. Ici, l'opercule
a persisté sur le pied, qui toutefois est plus ou moins
réduit. Il y a une longue trompe, dépourvue de
radula et s'enfonçant dans la cavité générale de
l'hôte. Le pseudopallium est peu différencié. Les
sexes sont séparés. L'anatomie reste sensiblement
normale. Il n'est pas impossible que les Mucronalia
soient fixés d'une façon invariable en un point de leur
hôle.
Mucronalia variabilis, parasite de Synapta oo-
plaxy à Zanzibar, a été trouvé, tantôt dans le tube
digestif, tantôt, à l'extérieur, sur la peau. C'est une
espèce très variable, très primitive à certains égards,
très modifiée à d'autres et qui doit occuper une
place particulière. Ainsi — et ceci a un intérêt spé-
cial pour les formes suivantes — le tube digestif
MOLLUSQUES PARASITES
89
montre une régression importante. La trompe perce
la paroi intestinale de la Synapte et l'animal se
nourrit en aspirant le liquide cœlomique de l'hôte.
Il n'y a pas de radula ni de glandes salivaires. Il
n'y a ni estomac ni foie ; à
l'œsophage ne fait suite qu'une
région courte qui se termine
d'une façon aveugle, sans ori-
fice anal. La branchie, elle
aussi, a subi une forte régres-
sion. Les organes sensoriels
subsistent, mais les yeux, très
variables, tendent à s'enfoncer
sous la peau. L'animal est her-
maphrodite. Ces divers carac-
tères sont très discordants,
comme l'éthologie de l'animal;
certains s'expliquent par la
possibilité qu'il a gardée de
vivre à l'extérieur, d'autres
sont en harmonie avec son ha-
bitat à l'intérieur de son hôte.
On voit en tout cas, dans ce
genre iWucro/ia/m, combien les
transformations sont diverses
suivant les espèces et loin de constituer une série
unique et simple.
Le genre Stylifer se rattache de fort près aux pré-
cédents et en particulier aux Mucronalia, avec les-
quels le caractère distinctif le plus net est l'absence
d'un opercule. Toutefois ici la coquille est mince et
simplement cornée ; chez certaines des espèces au
— Mucronalia
palmipedis ( d'après
Kœhlkr et Vaney)
op opercule, ps pseu-
dopallium, tt tenta-
cules, ir trompe.
90 EXEMPLES d'adaptation AU PARASITISME
moins (S. celeôensis, S. linckiœ), le pseudopallium
prend un grand développement et la recouvre à peu
près complètement. L'animal tout entier s'y trouve
alors enfoui. Une trompe plus ou moins longue et
dépourvue de radula pénètre dans le cœlome de
l'hôte, où elle s'étale parfois en un large renflement
terminal. Le pied est très réduit et sans opercule.
Le tube digestif montre une régression qui se tra-
duit surtout dans le foie rudimentaire ou même
absent. Les quatre espèces connues offrent des diver-
gences considérables ; l'une {S. sihogœ) est herma-
phrodite, les autres semblent avoir les sexes sépa-
rés.
Dans l'ensemble, ce genre est intéressant, en par-
ticulier par le progrès dans le développement du
pseudopallium et la régression du pied . Son anato-
mie reste, cependant, en somme, encore assez nor-
male.
Les divers genres qui viennent ainsi d'être passés
en revue sont voisins les uns des autres et repré-
sentent des variantes multiples et en sens divers du
type Eulima . Le parasitisme y a partout — à des
degrés divers — provoqué la formation d'un pseudo-
pallium et réduit le pied ; il a influé sur le tube diges-
tif, en faisant disparaître la radula et parfois en ré-
duisant le foie. Mais l'anatomie fondamentale d'un
Prosobranche est partout conservée.
Genre G astro siphon. — L'action modifiante du
parasitisme devient infiniment plus saisissante avec
ce genre, dont deux exemplaires ont été trouvés
par Kœhler et Vaney dans une holothurie abyssale
de l'Océan Indien, Deinia blakei; il a l'extrême inté-
MOLLUSQUES PARASITES
91
rêt de relier, de la façon la plus claire, les Eulimidœ
qui ^véc^àeni AXïyL Entoconchidœ que nous verrons
ensuite.
Gastrosiphon deimatis (fig. i3) est un parasite
Fig. 12. — Anatomiede Stylifer linckiœ (d'après P. et F. Sa-
razin) ; br branchie, gb ganglion buccal, gc ganglion
cérébroïde, œ œil, ot otocyste, œs œsophage, p pied,
ps pseudopalliuni, tr trompe.
interne, mais qui reste en communication avec le
dehors par un fin orifice ménagé dans la peau de
l'holothurie. En ouvrant la cavité générale de celle-
ci, on voit partir de cet orifice un tube mince, le
92 EXEMPLES d'adaptation AU PARASITISME
siphon, mesurant environ lo millimètres de lon-
gueur, aboutissant à un renflement ovoïde de 5 à
10 millimètres de long, qui se continue par un
second tube mince et très long (104 mm . de long sur
omm. 7 de diamètre), lequel vient se fixer, par son
extrémité, au vaisseau marginal de l'intestin de l'ho-
lothurie. Ce dernier tube n'est autre chose que la
trompe des genres précédents extrêmement déve-
loppée ; l'animal se nourrit en aspirant le sang de
l'hôte.
Si l'on ouvre le renflement intermédiaire aux
deux tubes minces, siphon et trompe, on trouve, à
son intérieur, un Gastropode aisément reconnais-
sable quoiqu'en régression manifeste. La coquille
n'existe plus, mais il y a encore un tortillon viscéral.
11 reste des vestiges du pied. On ne voit plus trace
des tentacules céphaliques, ni du manteau propre-
ment dit, ni des branchies, des reins et du cœur. Le
système nerveux central est conservé au complet et
condensé. L'œsophage conduit dans une cavité sto
macale, d'où partent des tubes ramifiés constituant
l'hépatopancréas. Il n'y a ni intestin, ni anus. L'ani-
mal est hermaphrodite. Ovaire et testicule sont
deux glandes distinctes, dont les conduits toutefois
se réunissent. Autour de la masse viscérale propre-
ment dite, la cavité du renflement qui l'abrite est
remplie des embryons en voie de développement.
En somme, la paroi de ce renflement n'est autre chose
que le pseudopallium, quia pris un développement
énorme . Chez Sl/ylifer linckiœ, il enveloppait l'ani-
mal qui y était enfoui et n'émergeait plus à la sur-
face de rhôte que par un étroit orifice. Ici, le pseudo-
MOLLUSQUES PARASITES
93
pallium a continué à se développer et s'est refermé
au-dessus de la coquille en un tube étroit, le siphon.
L'animal lui-même est littéralement plongé dans la
cavité générale de l'holothurie, restant relié à l'ex-
térieur par le tube siphonal. La trompe, en s'allon-
yth
oe/^:
■■^}
V-
^y^
Fig. i3. —Gastrosiphon deimatis (d'après Kœhler et Va.nky,
A Ensemble du parasite, B Anatomie : po paquets d'œufs,
ps pseudopallium, s sii)lion, tr trompe; ces œsophage, cer
cerveau,/ lacune sanguine, of otocyste,p pied, co-oviducte,
t testicule, ov ovaire, st estomac, coq-ps calcification coquil-
lière pseudopalléale, tk tégument de Ihôte.
géant énormément, est allée enfoncer son extrémité
dans le vaisseau marginal.
On a vu les transformations anatomiqiies consi-
dérables qui ont accompagné cette évolution du
pseudopallium. Mais, somme toute, le Mollusque
94 EXEMPLES d'adaptation AU PARASITISME
reste encore trèsreconnaissable et se rattache nette-
ment aux Eiilimidœ ; on conçoit aisément sa déri-
vation des types précédemment examinés.
Entoconchidœ. — Le genre Gastrosiphon est
peut-être plus intéressant encore, en ce qu'il fournit
une base solide à l'interprétation des types infini-
ment plus dégradés, dont on connaît aujourd'hui
trois genres et quatre espèces. A vrai dire, Sghie-
MENz avait fourni de ces types, avant la découverte
de Gastrosiphon, une interprétation qui est exacte
dans son ensemble, mais qui était purement hypo-
thétique ; l'existence de Gastrosiphon lui apporte
l'appui solide d'un fait.
La dégradation de ces Mollusques est si grande
qu'elle fut cause d'une erreur d'interprétation qui
reste historiquement significative. En i85ï, J. Mûl-
LER (4o6), étudiant à Trieste les glandes génitales de
Sjynapta digitata, trouvait, à leur voisinage, chez
certains individus, des tubes longs et non ramifiés,
renfermant des embryons et des larves Veliger de
Gastropodes. Il donna à ces larves le nom à' Ento-
concha mirabilis, mais expliqua leur présence par
une hypothèse des plus singulières, suggérée par
l'idée qu'on se faisait à ce moment des générations
alternantes. Il imagina, en effet, qu'il était en pré-
sence d'un cas de ce processus entre Mollusques et
Holothuries, la Synapte produisant elle-même des
larves de Gastropodes (i). Il méconnut l'explication
i.H^CKEL a fait une erreur analogue, à propos des Méduses
(Ciinina) qui se développent en parasites dans d'autres
Méduses, et qu'il avait considérées comme appartenant au
cycle de ces dernières.
MOLLUSQUES PARASITES 95
très simple, le parasitisme, tant chez les tubes où
se produisaient les larves Veliger, manquait tout
point de repère permettant de caractériser un
Mollusque; d'ailleurs, à cette époque, aucun des
exemples précédents n'était connu. Ce fut Baur,
en 1861, qui reprit l'étude des Synaptes de Trieste
et montra qu'il s'agissait d'un simple fait de parasi-
tisme.
Depuis cette époque, deux genres analogues à
Entoconcha ont été découverts dans des holothu
ries : Entocolax Voigt, dont deux espèces ont été
trouvées dans des Synaptes de la mer de Behring et
de Patagonie et Enteroxenos Boxnevie, dans des
Stichopiis tremiilas des côtes de Norvège. Cette
dernière esj)èce a pu être complètement étudiée,
même au point de vue cytologique.
La dégradation de ces trois types (fig. i4) est
extrême. Ce sont de simples tubes vermiformes, où
l'on ne retrouve pour ainsi dire plus trace de l'orga-
nisation des mollus([ues ; seules les larves peuvent
permettre l'identification du groupe.
Entocolax est fixé par une de ses extrémités à la
peau. Une portion tubulaire initiale se renfle en une
vésicule, à laquelle fait suite un tube étroit et long,
flottant librement dans la cavité générale, où il s'ouvre
à son extrémité. Ce tube n'est autre que la trompe,
qui, à sa portion proximale, s'élargit en une sorte
d'estomac aveugle ; celui-ci vient butter, à la base
du renflement, contre une masse de tissus où se
différencient l'ovaire, Toviducte et l'utérus. Cet
organe génital femelle fait saillie dans la cavité
interne de la partie renflée du parasite ; les œufs se
\)d EXEMPLES d'adaptation AU PARASITISME
déversent dans cette cavité où ils se développent.
Aujourd'hui que nous connaissons Gastrosiphon,
le renflement et le tube qui le relie à la peau
s'interprètent par son intermédiaire et sont évidem-
ment un pseudopallium très développe. Mais la
^^t .., ,.,
yPO
Fig. 14. — Organisation à'Entocolax (A), d'Enioconcha(B)
et d'Enteroxenos (C) (d'après Vaney) : cl canal cilié, Ui
intestin hépatique, o<l oviducte, œs œsopliage, ps pseudo-
pallium, s siphon, t testicule; en tunique péritonéale de
l'hôte (enveloppant Enteroxenos), vh vaisseau ventral de
l'intestin de l'hôte.
masse viscérale, qui, chez Gastrosiphon, à l'intérieur
du pseudopallium, contenait encore les organes typi-
ques d'un Gastropode, est réduite ici à Fovaire. On
ne connaît malheureusement ces remarquables para-
sites que par un seul exemplaire à"* Entocolnxlndivigi
et deux à' Entocolax schieinenzi.
fc:NTOCONCHID.î:
97
Eatoconcha a fourni des matériaux relativemeut
abondants à J. MûLLERct à BAUR,mais devrait être
réétudié avec le secours de la technique moderne.
Il se présente (fig. i5)sous forme de minces tubes
cylindriques, sans aucun ren-
flement et atteignant jusqu'à
80 millimètres de longueur ;
ils sont fixés par une de leurs
extrémités au vaisseau ven-
tral de la synapte. On peut
distinguer, à partir de ce
point, trois parties : la pre-
mière est la trompe ; la bou-
che du parasite plonge dans
le vaisseau de son hôte ; l'ap-
pareil digestif est réduit à un
simple tube, qui s'étend sur
un tiers environ de la lon-
gueur totale et se termine en
caecum. Au bout de ce pre-
mier tiers, vient une cloison
renfermant l'ovaire et sépa-
rant la cavité digestive d'une
autre cavité, qui s'étend sur
toute la partie distale et dans
laquelle on trouve des em-
bryons et des larves. Elle cor-
respond évidemment au ren-
flement et au siphon de Gas-
trosiphon et d'E'nioco/âtx. c'est-à-dire au pseudopal-
lium. Mais ici, au moins autant qu'on peut en juger
sur des descriptions datant de 1861, la régression
M. CauLLERT. — Le Parasitisme 4
Fi
). — Entoconcha
mirabilis (d'après Baur)
et ses rapports avec
l'hôte : b bouche (fixée
au vaisseau ventral, pp,
de l'intestin de l'hôte),
i intestin, ov ovaire, ps
pseudopalliura, vo pa-
quets d'œufs en voie de
développement, t testi-
cule, cl canal cilié.
98 EXEMPLES D*ADAPTA.TION AU PARASITISME
organique a été encore plus complète. Il ne reste plus,
des viscères du mollusque, que l'ovaire : on considère
comme un testicule un groupe de vésicules faisant
saillie dans le siphon vers son extrémité distale.
Quant kVEnteroxenos, les formes adultes sont dés
tubes de loo à i5o mil-
limètres de long, libres
dans la cavité générale
de l'holothurie ; les in-
dividus jeunes sont
fixés à la face extérieure
de la région antérieure
de l'intestin (fig. i6). Il
a même été trouvé des
stades très jeunes, com-
pté te ment inclus dans
la paroi de l'œsophage.
C'est le plus dégradé de
tous ces Gastropodes
parasites. Le tube, en
efFet,ne présentequ'une
seule cavité axiale sur
terminée en caecum du
canal situé du
Fig. iG. — Portion d'intestin de
Stichopiis portant des Ente-
roxenos de diverses tailles
(d'après Bonnevie).
toute sa longueur ; elle est
côté distal et s'ouvre par un mince
côté proximal. L'ovaire est dans la paroi du canal
central, le testicule à une des extrémités, comme chez
Entoconcha. lln'y aplus ici ni trompe, ni tube diges-
tif distincts, au moins aux stades étudiés. Toute la
longueur de l'animal semble correspondre au pseu-
dopallium. Le parasite est réduit à un sac à embryons,
ne montrant plus trace de l'organisation primitive
du mollusque .
ENTOCONCHIDiE
99
Par contre, les larves (fîg. 17) de ces trois types si
dégradés révèlent leur nature immédiatement. Ce
sont des Veliger typiques, avec coquille enroulée,
vélum, tortillon viscéral, pied, opercule, système
nerveux et otocyste. Le type ancestral s'est com-
plètement conservé dans le développement.
Nous ne connaissons actuellement que quatre es-
pèces et trois genres à' Enioconchidœ. 11 en existe
Fig. 17. — Larve veliger (VEntoconcha. A Extérieur, B
Coupe optique longitudinale (d'après Baur) : b bouche,
g glande pédieuse, i intestin, op opercule, ot .otocyste,
s invagination sacciforme, ç vitellus résiduel, t^e vélum.
vraisemblablement d'autres. Ces trois genres, tout
en offrant une assez grande similitude générale, dif-
fèrent cependant beaucoup dans leur organisation et
leurs rapports avec l'hôte. On ne peut les considérer
comme dérivant les uns des autres ; ils appar-
tiennent plutôt à des séries distinctes, ayant évolué
indépendamment et que les conditions analogues du
parasitisme ont amené à une convergence générale.
Le cas de Gastrosiphon permet de penser qu'ils
dérivent des Eulimidœ. Maiis,k partir des Thjyca,ii3i
pu se former des types aussi dégradés et semblables.
Ainsi, un groupe restreint, comme celui des Gastro-
100 EXEMPLES d'adaptation AU PARASITISME
podes parasites, nous montre des transformations con-
sidérables et à des degrés divers et nous les montre
s'opérant, à chaque étape, sur des séries multiples,
indépendantes les unes des autres II nous montre
aussi, en même temps que s'accomplit la régression
de certains organes, le développement compensateur
de certains autres. C'est le cas ici du pseudopallium,
qui est en somme un exemple d'adaptation progres-
sive et de perfectionnement, étant donné le genre de
vie de ces mollusques.
Les formes actuellement connues suffisent à exciter
un intérêt très vif, mais il n'est pas douteux que
d'autres restent à découvrir, qui permettront une
notableaugmentationdenos connaissances sur cette
remarquable évolution (i).
I. Pour plus de détails voir les études d'ensemble de Va-
NEY (-^i/) et NiERSTRASZ (^'Oj).
CHAPITRE V
L'ADAPTATION AU PARASITISME
CHEZ LES CRUSTACÉS
Sommaire. — Les Gnathiidœ [Anceiis et Pranizà). — Les
Cymothoïdœ .
Les Isopodes Epicarides. — Phases de leur développement.
— Les principales familles : Bopyridœ, Entoniscidœ, Daji-
dœ, CrypfoTiiscidœ. — Dualité de constitution de la cavité
incubatrice dans le groupe. — Hermaphrodisme successif
des Cryptoniscidœ .
Les Rhizoeéphales. — Evolution de la sacculine. — Larves
Naiiplins et Cypris. — La phase de sacculine interne (tra-
vaux de Y.Delage et G. Smith). — La différenciation de la
sacculine externe. — Le genre Thompsonia. — Multipli-
cation asexuée par bourg^eonnement (Thompsonia, Pelto-
gaster sôcialis).
Les Coiiépodes parasites.— Le genre XeaocœZoma; rapports
anatomiques et physiologiques avec l'hôte ; évolution.
Nous emprunterons de nouveaux exemples de
l'action du parasitisme aux Crustacés; leur morpho-
logie quasi-géométrique rend très frappantes les
déformations qu'ils subissent et le parasitisme y
reste également exceptionnel et significatif.
Nous considérerons en premier lieu les Isopodes,
groupe en somme très homogène et où, sur une tren-
taine de familles, trois offrent des parasites : les
102 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACES
Gnathiidœ, les Cymothoidœ et les Epicarides ;
nous insisterons surtout sur ces derniers.
Les G/îa^/iiïâ^flp sont une famille aberrante, remar-
quable par son dimorphisme sexuel très accentué,
qui a fait longtemps prendre les deux sexes pour
deux genres distincts, Anceus (le mâle) et Praniza
(la femelle) E. Hesse, en 1864, a établi les rapports
réels de ces deux types et de leur commune forme
larvaire. Les adultes vivent librement, mais ont cessé
de se nourrir; leurs pièces buccales ont disparu. La
femelle {Praniza) n'est plus qu'une enveloppe pleine
d'embryons, ^nais ayant gardé son système nerveux,
ses organes sensoriels et sa musculature. Le mâle
{Anceus) se distingue par de puissantes mandibules.
Les larves ( Praniza ) sont des parasites intermittents
des poissons, dont elles sucent le sang; leurs pièces
buccales sont transformées en stylets piqueurs. Le
sang dont elles se gorgent s'accumule dans les sacs
hépatiques distendus, il y reste fluide et est progres-
sivement résorbé ; il doit y avoir ici aussi une action
anticoagulante, qui n'a pas encore été mise en évi-
dence. Les Gnathiidœ forment un groupe isolé.
Les Grrnothoidœ{s. lato) contiennent une dizaine
de familles dont deux [^gidœ,Cymoihoidœ,s. str).
montrent des adaptations au parasitisme. Les
^gidse sont plutôt commensaux ou inquilins que
vraiment parasites (ex. ^ga spongiopliila dans
Euplectella aspergillum). Beaucoup d'espèces vivent
sur la peau des poissons et s'y cramponnent par
leurs pattes antérieures à articles terminaux cro-
chus; les pattes postérieures restent franchement
ambulatoires ; les pièces buccales sont disposées
GNATHIID.E
103
pour percer, indiquant une tendance au parasitisme.
Cette tendance est plus accentuée chez les Gymo-
thoidœ qui sont sédentaires sur la peau des Poissons.
Untype même, /c/i^/rro.ve/iîis (dont on connaît actuel-
lement quatre espèces), s'enfonce dans une cavité
pratiquée à travers la paroi de l'hôte et, faisant
Fig'. i8. — Gnathia maxillaris : A mâle adulte (Anceiis),
B femelle adulte {Pranizd) ; G larve {Praniza), D Mandi-
bules de la larve (d'après G. O. Sars).
hernie dans la cavité générale, ne'communique plus
avec le dehors que par un étroit orifice ; à l'intérieur
de ce sac, on trouve toujours un couple, mâle et
femelle, qui ont dû y pénétrer jeunes et y ont subi
leur croissance. Les Cjrmoihoidœ,en général, sont
hermaphrodites successifs et cette particularité doit
être une conséquence du parasitisme. L'ensemble de
leur organisation est peu modifiée.
Chez les Epicarides, parasites d'auti^s Crustacés,
104 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACÉS
le parasitisme a produit au contraire des modifica-
tions considérables et extrêmement variées, très
intéressantes au point de vue de l'évolution, parce
qu'elles sont parallèles à la diversité des hôtes. Il
s'est différencié une série de groupes, par adaptation
au parasitisme sur des familles diverses d'hôtes.
L'homogénéité du groupe
résulte avant tout de l'uni-
formité des formes larvai-
res et c'est d'elles qu'il faut
partir .
Les œufs sont incubés,
comme chez tous les Iso-
podes et éclosent avec
tous les segments et appen-
dices (sauf la septième
paire de pattes thoraci-
ques) bien différenciés.
Cette première larve (dite
Fig. 19. — Larve épicari-
dienne de Cancricepon ele-
gans (d'après Giard et
Bonnier) .
larçe épicaj'idienne,ûg. 19)
ressemble à un petit sphé-
rome ou Cymothoa à pat-
tes crochues ; elle a l'aspect
d'un Isopode libre, mais dont les pièces buccales indi-
quent déjà nettement la vie parasitaire. Celles-ci, en
effet, ont leur structure définitive de stylets pi-
queurs et l'ensemble est disposé pour percer et
sucer.
Dès qu'elles sont mises en liberté, ces larves,
comme j'ai eu l'occasion de le vérifier, vont se fixer
sur des Copépodes pélagiques (Acartia, etc.) et
subissent une mue, à la suite de laquelle leur chitine
EPfCARIDFS
105
reste molle ; leurs pattes ont par suite un aspect plus
ou moins rudimentaire. Ces stades, fixés sur des
Gopépodes (fig. 20) qu'ils sucent, ont été décrits
sous le nom de Microniscas et considérés longtemps
comme des types autonomes.
G. O. Sars a, le premier,
reconnu qu'ils étaient une
phase larvaire, commune
à tous les Epicarides. Ils
se transforment peu à peu
en une forme larvaire nou-
velle, ayant cette fois sept
paires de pattesthoraciques,
un corps allongé, une chitine
rigide et des appendicesbien
articulés, que l'on appelle
la lari^e crj'ptoniscienne.
Cette larve quitte le Copé-
pode où elle avait été fixée à
l'étal de Micronisciis. Le
parasitisme sur les Gopé-
podes est donc temporaire,
comme celui des Praniza
sur les Poissons.
La larve cryptoniscienne
nage vigoureusement; on la
trouve communément dans
les pêches pélagiques. Elle n'est cependant que très
transitoire et a pour rôle la recherche de l'hôte défi-
nif auquel elle se fixera.
Cet hôte est toujours un Crustacé et, d'une ma-
nière générale, une espèce strictement déterminée.
Fig-. 20. — Stade Micronis-
ciis, sur un Calamis
elongatiis, d'après G. O,
Sars.
106 LE PARASITISME CHEZ LES CnUSTACÉS
A . GiARD et J. BoNNiER, à qui l'on doit les recherches
les plus importantes sur les Epicarides, considèrent
comme une loi rigoureuse la spécificité du parasi-
tisme de ces Isopodes. Ils considèrent, a priori,
comme distincts des Epicarides trouvés sur des hôtes
différents, même s'ils ne peuvent mettre en évidence
des caractères distinctifs entre eux. Cette opinion est
combattuepar des carcinologistes comme G.O. Sars,
H. J. Hansen et nous ^ reviendrons; même s'il y a
quelques restrictions à y apporter, elle renferme
certainement une très grande part de vérité.
Jusqu'au stade de larve cryptoniscienne inclus,
tout le groupe des Epicarides montre une extrême
homogénéité, qui prouve son unité fondamentale : on
distingue cependant, à ce stade, les diverses tamilles,
mais d'après des particularités tout à fait secon-
daires. A partir de la fixation à l'hôte définitif, au
contraire, une diversité extrême se manifeste, témoi-
gnant de l'influence morphogène des conditions du
parasitisme. D'une manière générale, chaque famille
d'Epicarides est localisée sur un ordre donné de
Crustacés. On peut y distinguer quatre grands
groupes :
1° Les Bopj^ridœ (Bopyriens s. str. et Ioniens) sur
les Décapodes ;
2° Les Eiitoniscidœ sur les Brachyoures et Ano-
moures ;
3** Les Dajidœ sur les Schizopodes ;
4° Les Crj^ptoniscidœ, groupe naturel, qui se sub-
divise en tamilles, dont chacune a une localisation
bien définie. J. Bonnier (325) distinguait, dans les
Cryptoniscidœ : les Podasconidœ sur les Amphi-
ÉPICARIDES 107
podes, les Gabiropsidœ sur les Isopodes (et quel-
ques-uns en particulier sur les Bopjvidœ), les Cumo-
niscidœ sur les Gumacés, les Cyproniscidœ sur les
Ostracodes, les Hemioniscidœ sur lesGirripèdes, les
Liriopsidœ sur les Rhizocéphales, d'où certains,
comme les Danalia, sont repassés sur les Crabes,
hôtes des Rhizocéphales. Au total, les Cryptonisci-
dœ se sont diversifiés de façons extrêmement variées,
en même temps qu'ils s'établissaient sur des hôtes
divers.
Les Bopirydœ sont, dans l'ensemble, les moins
modifiés et forment un groupe naturel sur les Déca-
podes. Les Bopyres et les Ioniens siègent dans la
cavité branchiale de leurs hôtes ; tout le monde con-
naît la bosse latérale que produit un Bopyre sur une
crevette (Paiaemon). Les Phryxus et les Athelges
siègent sur l'abdomen et sont assez différents. Sur
le Bopyre femelle, on retrouve aisément l'Isopode.
Il est élargi ; mais tous les segments sont restés
reconnaissables et ont conservé leurs appendices,
péreiopodes crochus et pléopodes respiratoires lamel-
leux : ces derniers, très développés, sont abondam-
ment pennés etmême ramifiés chez les Ioniens. Entre
ces pléopodes^ on trouve toujours un mâle nain et
grêle, dont tous les segments sont bien distincts et
qui a gardé des pér.eiopodes, mais dont les pléopodes
ont disparu. Chez tous les Bopyridœ^ on constate une
dissymétrie marquée, corrélative de leur fixation
latérale sur l'hôte et qui atteint l'individu d'une
façon complémentaire, suivant qu'il siège à droite
ou à gauche. Chez les Phryxus (parasites sur l'ab-
domen de diverses crevettes), cette dissymétrie est
108 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACES
extrêmement forte et va jusqu'à la disparition de
tous les appendices de l'un des côtés. On voit par là
combien la déformation du parasite dépend des con-
ditions du parasitisme. Il serait cependant intéres-
sant de prouver par des expériences directes que le
sens de la dissymétrie d'un individu résulte du côté
où il est fixé sur son hôte ; car on peut soutenir
que la larve choisit le côté où elle se fixe d'après
une particularité de sa structure individuelle qui
préjuge du sens de son évolution ultérieure. On sait,
par exemple, que le sens de la dissymétrie des Mol-
lusques gastropodes s'exprime déjà dès l'œuf par
l'orientation des fuseaux de division cellulaire.
Malheureusement cette expérience facile à conce-
voir est pratiquement très diflicile à réaliser.
Les Bopyridœ, comme les autres Epicarides, per-
cent la paroi de leur hôte à l'aide de leurs mandi-
bules ou stylets, terminés par une petite lame denticu-
lée et sucent son sang. L'intestin terminal n'est plus
fonctionnel et les substances aspirées s'accumulent
dans la cavité des sacs hépatiques qui deviennent
énormes ; là elles sont progressivement absorbées et
dialysées, pour aller s'accumuler, sous forme de
réserves graisseuses, dans un tissu spécial, ou pour
constituer la substance des œufs. Ventralement, les
segments thoraciques portent des lamelles incuba-
trices ou oostégites, relativement peu développés
chez les Bopyres, bien davantage chez les Ioni-
ens : elles délimitent une cavité, dans laquelle se
développent les embryons jusqu'à l'éclosionau stade
de larve épicaridienne.
Les Entoniscidœ constituent le groupe certaine-
ËPieXRIDES
109
ment le plus différencié des Epicarides, en même
temps que le plus voisin des Bopyridœ ; leur diffé-
renciation est une conséquence manifeste des condi-
tions de leur localisation sur leurs hôtes. Us sont, en
effet, complètement plongés dans la cavité viscérale
de celui-ci (ûg. 21). En réalité, cependant, ainsi que
l'ont montré Giard et Bon-
NiER (^z^o), dans leur ma-
gnifique monographie du
groupe, ils doivent être
considérés , morphologi -
quement et physiologique-
ment, comme des parasites
externes. En effet, ils ne
sont pas directement au
contact des viscères des
Crabes qui les hébergent,
mais ils sont enveloppés
entièrement par une mem-
brane mince qui les en sé-
pare ; ce n'est autre chose qu'un sac, qu'ils repoussent
devant eux, au fur et à mesure de leur croissance et
qui est formé par la paroi séparant la cavité bran-
chiale de l'hôte de sa cavité viscérale. Il font donc
progressivement hernie dans cette dernière, à partir
delà première; ce sac reste toujours en communica-
tion avec la cavité branchiale de rhôte, c'est-à-dire
avec l'extérieur, par un étroit canal à sa base ; par
là pénètre l'eau servant à la respiration du parasite
et à celle de ses embryons.
A l'état adulte, le type Isopode est méconnais-
Fig. 2T. — Entoniscien {Por-
tiinion mœiiadis), dans sa
position normale, à l'inté-
rieur de la carapace de Carci-
niis mœnadis (d'apr. Giard).
110 LE PARASITISME CHEZ LES CIIUSTACÉS
sable chez l'Entoniscîen. Il n'y a plus tle segmenta-
tion visible, ni d'appendices ; le corps même est enve-
loppé par des lobes énormes, qui ne sont autre
chose que des oostégites. Sur l'abdomen, des appen-
dices abondamment festonnés et frangés sont les
pléopodes respiratoires.
Fig. 22
Portiinion mœnadis ; femelle
très jeune, au début de sa
métamorphose (stade asti-
cot, d'après Giard et Bon-
nier).
Fig. 23
Portiinion Kossmanni ; fe-
melle adulte, avec la cavité
incubatrice remplie d'em-
bryons (d'après Giard et
Bonnier).
Pour comprendre la morphologie étrange de cette
femelle adulte, il faut en trouver des stades jeunes
(fig. 22), dits stades as^/co^, et ceux,unpeuplus âgés,
où débutent les oostégites et le développement des
pléopodes ; les péreiopodes ont disparu de bonne
heure; c'est à partir de ce stade vermif orme que, par
le développement des oostégites, se réalise l'adulte si
déconcertant au premier abord. Les Enioniscisdœ
ÉPIGARIDES 111
sont un des exemples les plus frappants de l'am-
pleur des transformations produites par le parasi-
tisme (fi g. stS). Plongé dans la cavité viscérale de son
hôte, V Entonisc as se contracte d'une façon rythmique
et produit ainsi un courant d'eau régulier, qui assure
sa respiration et celle de ses larves. Par son appareil
buccal, conformé comme chez
les Bopyridœ, il perce en un
point la mince paroi qui l'iso-
le de la cavité viscérale de son
hôte et, grâce à un appareil
de succion très différencié et
pulsatile,il aspire le liquide de
cette cavité. Ici non plus, il
n'y a plus d'intestin terminal
fonctionnel; et les substan- „. . n * - r;r
' Fig. ^^. — PortumonKoS'
ces assimilables s'accumulent smannûmàXe adulte,for-
dansles sacs hépatiques for- tement grossi (d'après
^ j. . j GiARD et Bonnier).
tement distendus.
Quant au mâle (fig. 24), il est tout à fait nain, long
d'un millimètre à peine et très difficile à découvrir
dans le dédale des oostégites et au milieu de la
ponte. Il est toujours accompagné d'un certain nom-
bre de larves cryptonisciennes, chez lesquelles les
testicules sont déjà formés et qui, d'après Giard et
Bonnier, fonctionnent commes mâles complémen-
taires, ou qui, peut-être, sont destinés à se transfor-
mer en des mâles proprement dits, pour assurer la
fécondation des pontes successives de la femelle. En
tout cas, abritée comme l'est la femelle dans le crabe
il est remarquable que toujours un certain nombre
de larves sachent la découvrir.
112 LE PARASITISME CHEZ LFS CBUSTACÉS
Les Dajidœ sont une famille ayant des caractères
propres très marqués et qui est localisée sur les
Schizopodes, où ils occupent d'ailleurs des positions
assez variées.
D'une manière générale, chez eux, les segments
postérieurs du thorax (deux à quatre suivant les
genres) s'hypertrophient, mais perdent leurs péreio-
podes, tandis que les premiers les gardent, groupés
en arc à la partie antérieure ; les oostégites de ces
premiers segments restent rudimentaires; ceux des
derniers, au contraire, sont de grande taille. L'abdo-
men est très réduit et dépourvu de pléopodes. Le
mâle y vit blotti, comme chez les Bopj^ridœ. L'incu-
bation des œufs se fait ici dans des conditions nou-
velles. Les oostégites ne jouent plus qu'un rôle vir-
tuel ; les œufs se développent dans deux grands sacs,
formant les parties latérales du corps et dont les
rapports n'ont jamais été étudiés avec précision. 11
me paraît probable que cette cavité incubatrice est à
l'intérieur du corps même des Dajides et qu'elle doit
se former par des replis latéraux. S'il en est ainsi,
ce groupe annonce ce que nous allons trouver chez
les Cryptoniscidœ. En tous cas, il se distingue net-
tement des deux familles précédentes.
Les Crjyptoniscidœ, qui se subdivisent d'une façon
très naturelle en une série de sous-familles ayant
chacune un groupe d'hôtes défini, offrent, par rap-
port aux types ci-dessus, une extrême diversité dans
leurs déformations en même temps qu'une énorme
régression de tous leurs organes à l'état adulte. Ils se
présentent sous les formes les plus déconcertantes,
ne rappelant plus en rien un Isopode, ni même un
ÉPICARIDES 113
Crustacé ; ce sont de simples sacs de formes bizarres,
définies dans chaque cas, pleines d'embryons, sans
métamérie ni appendices, dépourvus de bouche et
n'offrant que des vestiges du tube digestif, souvent
ne conservant que d'infimes vestiges de système
nerveux. Rien de plus différent entre eux que les
divers Gryptonisciens. Chez Hemioniscus, qui vit
dans les Balanes (Balanus halanoidea), la tête et les
quatre premiers segments thoraciques, avec leurs
apjjendices, gardent rigoureusement leur structure
larvaire, tandis que le reste du corps devient un sac
lobé, de taille considérable, sans appendices ni seg-
ments distincts, et lé nom d' Hemioniscus exprime
très bien ce bouleversement qui respecte la moitié
antérieure du corps. Chez un Cabiropsidœ parasite
d'un sphérome, Ancj'ronisciis honnieri fig. aS),
parasite de Dynamene bidentata, l" abdomen pénètre
dans la cavité viscérale de l'hôte, tandis que le tho-
rax reste à l'extérieur, dans la cavité incubatrice de
cet hôte, et, dans ce cas, le parasite se nourrit non
aux dépens de l'hôte lui-même, mais aux dépens des
œufs de cet hôte en voie de développement et qu'il
gobe; aussi ne se fixe-t-il jamais que sur des femelles
en train ou venant de pondre. Chaque genre a des
rapports spéciaux avec son hôte et une déformation
propre correspondante.
Parmi les Crjyptoniscidœ, un certain nombre sont
parasites au second degré ou hjyperparasiies, étant
fixés sur des Crustacés, déjà eux-mêmes parasites.
Tels sont les Liriopsidœ, parasites des Rhizocé-
■phales {Danalia et Enthylaciis sur Sacculina; Cryp-
toniscus et Liriopsis sur des Peltogaster) et cer-
114 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACES
tains Cabiropsidœ fixés sur de leurs congénères
Epicarides (Gnomoniscus sui* Podascon, Cabirops
sur Bopj^rus) .
Sous cette extrême diversité, les Gryptoniscidœ
ont néanmoins des traits spéciaux, caractéristiques
et constants dans tout le groupe.
A la différence de Bopyridœ et Entoniscidœ, ils
ne pondent qu'une fois et leur existence de parasites
se subdivise en deux phases très nettes : une phase
de jeunesse ou de croissance, où ils se nourrissent
aux dépens de l'hôte, en accamulant rapidementune
énorme quantité de substances extraites de cet hôte,
dans leurs larges sacs hépatiques dilatés; elles se
résorberont progressivement et serviront à édifier
l'ovaire ; une seconde phase, oii ils ont cessé de se
nourrir et pondu et où ils incubent leurs œufs dans
une cavité incubatrice interne, qui envahit la totalité
de leur cavité générale. Le développement de cette
cavité a été suivi d'une façon précise chez Hemio-
niscus halani (Gaullery et Mesnil, 33i)\ à des
détails près, elle se forme dans les mêmes condi-
tions chez tous les Cryptoniscidœ. En s'épanouissant,
elle refoule tous les organes, qui sont réduits à des
débris non fonctionnels. En général, à ces stades, il
n'y a plus ni bouche, ni tube digestif, ni système ner-
veux. L'animal n'est plus qu'une enveloppe vivante,
contenant des embryons, ne se nourrissant plus,
mais continuant cependant à se contracter à une
cadence réglée. Il est bon de remarquer que le même
fait se produit, dans d'autres cas, chez des Crustacés
libres, ou beaucoup moins modifiés par le parasi-
tisme : nous l'avons signalé précédemment chez
EPICARIDES
115
les Gnathia (Pranizes) et chez les Sphéromides.
La cavité incubatrice est close ; elle ne s'ouvre
que tout à la fin de l'incubation par une fente longi-
^
J
Fig. 25.— Ancyroniscus bonnieri (d'après Caullery et Mes-
nil). a Femelle sub-adulte (avant la ponte); les deux paires
de lobes inférieurs appartenant à l'abdomen sont logés
dans la cavité viscérale de l'hôte. — B Femelle adulte
ayant pondu et réduite à un sac lobé et clos, rempli d'em-
bryons.
tudinale ventrale, au moment où les larves mûres
sont complètement formées et prêtes à éclore ; il n'y
a pas d'oostégites, ou du moins il n'en subsiste que
des traces chez quelques, types. On voit les diffé-
116 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACES
rences très accentuées qui séparent les Crjyptonis-
cidœ des autres Epicarides, au point de vue des
conditions de développement des œufs et qui les
rapprochent les uns des autres, en dépit de leur
profonde diversité d'aspect : les Dajidœ constituent
peut-être un trait d'union avec les Bopyridœ.
Un autre trait important et spécial à ce groupe,
qui a été établi en toute précision sur Hemioniscus
et les Liriopsidœ et qui est très vraisemblablement
très général, est leur hermaphrodisme successif.
Tous les individus deviennent des mâles fonction-
nels à l'état de larve cryptoniscienne et se trans-
forment ensuite en femelles. On ne rencontre jamais,
chez les Gryptonisciens, les mâles spéciaux des autres
groupes, ayant subi une évolution <tX une dégradation
propres. 11 y a donc ici un régime sexuel spécial,
semblable d'ailleurs à celui que présentent les Cy-
mothoidœ. La fécondation des femelles se produit
tout au début de leur transformation, très peu de
temps après qu'elles se sont fixées à l'hôte et les
spermatozoïdes restent dans les voies génitales, en
attendant la maturité des ovaires et la ponte des
œufs.
Tels sont, brièvement résumés, quelques-uns des
traits généraux qu'offre le parasitisme des Epica-
rides. Il y a là, comme on le voit, un exemple
très instructif de l'action du parasitisme sur l'é-
volution d'un groupe .
On voit, en particulier, combien un groupe nette-
ment homogène s'est diversifié en s'adaptant à vivre
aux dépens de divers groupes de ('rustacés. Chaque
famille d'hôtes a été le point de départ d une évo-
ÉPICARIDES 117
lution nouvelle distincte, et, dans un groupe donné
d'hôtes, des types extrêmement voisins se sont par-
lois extrêmement diversifiés suivant les rapports
contractés avec les hôtes. C'est ce que montre, j)ar
exemple, la comparaison de deux genres de Cabirop-
sidœ tels que Clj'peonisciis G. et B. (sur Idothea)
et Ancyroniscus C. et M. (sur Dynamene), Leurs
larves, aux stades successifs, sont identiques et
pourtant, à l'état adulte, les deux genres diffèrent
radicalement. De même, les genres Heniionisciis
(sur Balanus balanoides) elCrinoniscus (sur Bala-
naspe/'/braiHs).Maisleslarves montrent les affinités
originelles étroites de ces formes, si différentes au
premier abord. Sous l'influence d'un facteur externe,
le parasitisme, dans un groupe homogène, il s'est
déroulé une évolution particulière extrêmement
riche, conditionnée, d'une part, par les circonstances
propres à chaque cas de parasitisme, et d'autre part
par la constitution et les propriétés internes des
diverses espèces .
Cette dernière considération s'applique, en par-
ticulier, à la divergence qui oppose, pour les con-
ditions de l'incubation, les Bopyridœ et iesEntoniS'
cidœ aux Cryptoniscidœ, auxquels il faut joindre
probablement les Dajidce . Dans les premiers, la
cavité incubatrice est extérieure et formée par des
oostégites ; chez les seconds, elle est interne et les
oostégites sontrudimentaires ou absents II est très
vraisemblable que cette différence entre les deux
groupes est antérieure au parasitisme. Si homogène
que fut certainement le groupe des ancêtres libres
immédiats des Epicarides, il devait présenter ce
118 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACÉS
double mode d'incubation, qui n'a dû ensuite que se
maintenir dans les conditions nouvelles de la "vie
parasitaire. On trouve, en effet, ce double mode
d'incubation dans des familles libres et homogènes
de Crustacés, et en particulier d'Isopodes. 11 en est
ainsi chez les Spheromidœ, famille des plus net-
tement homogènes, où certains genres (Dj^namene)
ont une cavité incubatrice externe, limitée, comme
d'ordinaire, par des oostégites et d'autres genres
{Cjymodoce) ont, au contraire, une cavité incubatrice
interne comme les Cryptonisciens.
Les Epicarides sont, dans l'ensemble des Iso-
podes, un groupe nettement distinct et circonscrit.
Les phases primitives de leur transformation en
parasites ont complètement disparu, ainsi qu'en
témoigne l'appareil buccal tout à l'ait modifié chez
tous les Epicarides et à tous leurs stades. Les cir-
constances initiales du parasitisme, les facteurs qui
l'ont déterminé restent entièrement dans lombre.
L'étude de ces parasites montre seulement, d'une
façon très frappante, la diversification multiple d'un
groupe certainement très homogène à ses débuts.
Les Rhizocéphales fournissent, parmi les Crus-
tacés, un autre exemple frappant de l'intensité des
transformations produites par le parasitisme. Le type
le plus classique de ce groupe est le genre Sacca-
ima, parasite des Crabes et des Anomoures. Il se
présente commeun sac charnu (fig. 26), fixé transver-
salement à la face ventrale de l'abdomen et écartant
RHIZOCÉPHALES 119
celle-ci delà face ventrale du céphalothorax. Ce sac
s'ouvre à son sommet libre par un orifice médian,
conduisant dans une cavité aplatie, dite cavité pal-
léale, qui s'étend tout autour d'une masse viscérale
centrale charnue et qui, chez l'adulte, est remplie
Fig. 26. — Crabe portant une Sacculine S ; le système radi.
culaire est représenté du coté gauche de la figure (d'après
Boas).
d'embryons en voie de développement. La masse
viscérale est constituée presque en totalité par
l'ovaire pair ; il y a en outre une paire de testicules
peu volumineux et un ganglion nerveux . Cet en-
semble d'organes, extérieur à l'hôte, ne constitue pas
toute la sacculine ; il faut y ajouter une portion
interne formée par un système de racines s'irradiant
120 LE PARASITISME CHIÎZ LES CRUSTACÉS
et se ramifiant dans tout le crabe. C'est par elles
que la sacculine assimile, comme une plante, aux
dépens de son hôte et qu'elle édifie une série de pontes
successives. Ces quelques données montrent com-
bien la sacculine est dégradée, dépourvue d'appen-
dices, de tube digestit, d'organes sensoriels, etc..
Ses affinités mêmes ne pourraient pas être établies
d'après l'adulte:
Les Pagures portent des parasites voisins des Sac-
culines, les Peltogaster ; on connaît encore quelques
autres genres de Rliizocéphales : Parthenopea sur
les Gébies et Callianasses, Lernœodiscus sur les
Galathées et Porcellanes, Thompsonia {Thylaco-
plethus) sur des Crabes [Melia, Thalamita) et des
Alpheus.
Le développement révèle les affinités des Rhizo-
céphales, qui sont des Crustacés se rattachant aux
Cirrhipèdes, groupe composé de formes fixées (Bala-
nes, Anatifes,etc.) En effet, les larves qui sortent du
manteau de la sacculine sont, à leur éclosion, des
Nauplius, présentant des cornes frontales latérales,
comme ceux des Cirrhipèdes (fig. 2^ I). De plus,
après quatre mues, se succédant en cinq jours, ce
Nauplius s'est transforme en une larve dite Cj^pris
(fig.2711), également caractéristique des Cirrhipèdes.
Ces deux formes larvaires ne laissent donc aucun
doute sur la position zoologique des Rliizocéphales.
Toutefois elles diffèrent par quelques points des
formes correspondantes des Cirrhipèdes: ni l'une ni
l'autre n'a de tube digestif ; elles sont constituées
intérieurement par une masse de tissu chargé de
graisse, sans autre différenciation d'organes qu'une
RHIZOCÉPHALES 121
tache visuelle ; il y a là une modification due à Fac-
tion du parasitisme, comme nous en avons constaté
une sur la larve épicaridienne des Epicarides, dans
la structure de l'appareil buccal.
Les larves Cypris des Girrhipèdes se fixent aa
support où elles achèveront leur évolution, par leur
antennule et il est facile de voir les organes de la
larve devenir ceux de l'adulte. Celle des sacculines
se fixe de même au crabe et, par analogie, on a
admis tout d'abord que le système radiculaire déri-
vait de la région antérieure ou céphalique, d'où le
nom de Rhizocéphales donné au groupe. Il sem-
blait évident aussi que la fixation de la Cypris
devait avoir lieu à l'endroit où se trouve le parasite
adulte, sous l'abdomen du crabe dans le cas de la
sacculine ; celle-ci devait résulter directement de la
transformation in situ de la Cypris. Mais on ne
trouve jamais de sacculines dont la taille soit de
l'ordre de grandeur de celle des larves Cypris
(o mm. ,2); les plus petites ont de 2 à 3 millimètres,
soit dix fois plus. En réalité, entre la larve Cypris
et les sacculines les plus petites que Ion puisse obser-
ver fixées sur l'abdomen des Crabes, se trouve inter-
posée une série de phases tout à lait inattendues et
surprenantes, dont on doit la découverte à Y. Delage
[33 y), et qui ne peuvent être que le résultat d'une
longue évolution sous l'influence du parasitisme.
L'obscurité subsiste seulement sur les phases par les-
quelles une semblable évolution a été réalisée
comme sur les causes précises qui l'ont déterminée.
La Cypris, après avoir nagé pendant quelques
jours, se fixe, par une de ses antennes, sur un jeune
122 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACES
crabe (un Carciniis mœnas de 4 ^ 7 mm,) ; cette
fixation n'a lieu qu'à l'obscurité ; on peut la pro-
voquer, de jour, en chambre obscure. Mais elle n'a
nullement lieu, comme on avait été naturellement
amené à le supposer, au point oii plus tard se trou-
vera la sacculine. Les Cypris se fixent en un
point quelconque de la surface du crabe ; mais c'est
seulement en certains points qu'elle peut réussir,
en particulier à la base d'un poil de la cara-
pace. Dès la fixation eff'ectuée, la Cypris commence
à se transformer (fig. 27, III) ; le contenu interne se
contracte en une masse cellulaire vésiculeuse assez
compacte et la carapace, avec les pattes larvaires,
se détache et est rejetée ; la masse interne, devenue
extérieure (ûg. 27 IV), s'est recouverte d'une nou-
velle et mince couche de chitine . Dans la partie
antérieure de cette masse cellulaire; voisine du point
de fixation, se différencie un tube interne mince,
chitineux, en forme de dard, qui pénètre, en s'enga-
geant dans l'antenne par où s'est faite la fixation,
à travers le tégument du crabe, aminci à l'articula-
tion du poil et, par cette sorte de trocart, la masse
cellulaire cypridienne s'inocule en quelque sorte
elle-même dans la cavité viscérale du crabe. Delage
a appelé ce stade larve kentrogone.
La Cypris s'est ainsi transformée en une petite
masse cellulaire nue et indifférenciée^ qui est main-
tenant à l'intérieur du crabe ; il y a donc eu une
régression énorme, à partir des stades libres et sur-
tout à partir de la cypris ancestrale, dans laquelle
étaient déjà ébauchés tous les organes essentiels du
Cirrhipcde adulte.
RHIZOCEPHALES
J23
La sacculine va rester parasite interne dans le
crabe pendant une période très longue, que Delage
Fig-. 27. — Evolution larvaire de la Sacculine (d'après
Y. Delage).] Nauplius ; II Cypris libre ; III Gypris fixée à
la base d'un poil de crabe et ayant commencé sa régres-
sion ; IV fin de la régression de la Cypris ; V stade ken-
trogone.
évalue à environ vingt mois et pendant laquelle le
crabe efTectne sa croissance. Son histoire, pendant
124 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACES
celte période, a été éclaircie par G. Smith (i),qui a
vérifié {352) et définitivement mis hors de doute,
en 1906, les données de Delage, contestées, notam-
ment par GiARD,en raison de leur étrangeté, La Sac-
culine interne, indiflerenciée, eflectue une migration
régulière dans le crabe, depuis son point d'ino-
culation, qui est quelconque, jusqu'au point fixe,
sur l'abdomen, où l'on trouve la saeculine externe.
Smith a réussi, pour la saeculine d'Inachus mauri-
tanicas (I. scorpio), à la trouver aux diverses
étapes de cette migration, qui s'effectue surtout le
long de l'intestin, depuis le point antérieur où
débouchent les cœcums pairs, jusqu'en lace du
cœcum abdominal impair, où elle s'arrête (fig. 28)»
Elle constitue, pendant cette période, une masse
déformable, lobée, qui pousse des prolongements,
début du système radiculaire. A un moment donné,
vers la fin de la migration, se diff'érencie, dans la
partie centrale, d'où partent les premières racines,
une sorte de tumeur ou nucleiis qui est le début de
la Saeculine proprement dite. Le parasite, arrivé
dans l'abdomen de son hôte, se dispose finalement à
la lace ventrale de l'intestin, en face du cœcum
postérieur impair. Dans le nucléus se forment, par
une différenciation nouvelle, comme l'a montré Smith
(et non pas, comme le supposait Delage, aux dépens
d'ébauches déjà présentes sur la Gypris),les organes
définitifs (cavité palléale, glandes génitales, gan-
glions nerveux, etc.). Ainsi se constitue la saeculine
I. Gkoffuey Smith, qui s'était classé parmi les meilleurs
biologistes de sa génération, en Angleterre, a été tué en
1917, à la bataille de la Somme.
BHIZOCÉPHAi.ES
125
interne. Elle est api^liquée contre la paroi ventrale
de l'abdomen du crabe et détermine, à son contact,
une nécrose des muscles pariétaux et de l'ectoderme,
puis un ramollissement de la chitine, suivaut un
petit disque de 2 à 3 millimètres . Ce disque finit par
céder, ou bien le crabe mue et la sacculine se trouve
Fig. 98. — Stades internes de la sacculine *, en voie de
migration le long de l'intestin du crabe et différenciant
le système radiculaire r ; ca csecums antérieurs, cp cae-
cum postérieur de l'intestin du crabe, n nuclens (future
sacculine externe) (d'après Geoffrey Smith).
maintenant externe ; elle grossit alors rapidement.
On a constaté une évolution parallèle chez les
Peltogaster Schimkewitgh, Smith) ; dans les
autres genres, beaucoup plus rares, le développe-
ment n'a pas encore été étudié.
Les processus qui constituent le développement
de la sacculine interne: dédifférenciation et migra-
tion, puis différenciation nouvelle, ne peuvent être
que le résultat d'une évolution progressive, plus ou
126 I.E PARASITISME CHEZ LES CriUSTACÉS
moins rapide, dont les étapes successives nous res-
tent encore entièrement inconnues Peut-être les
genres autres que Sacculina et Peltogaster, dont le
développement n'a pu encore être étudié, nous
apporteront-ils là-dessus des lumières (i).
CouTiÈRE (^.^6*) avait cru trouverune forme primi-
tive de Rhizocéphales à développement direct et sans
migration à l'intérieur de l'hôte, dans un genre gré-
gaire qu'il a appelé Thlyacoplethus et qu'il avait
trouvé sur des Alphéides. Chaque individu, pensait
GouTiÈRE, devait se développer au point où on le
trouve et l'état grégaire devait résulter de la fixa-
tion d'un grand nombre de Cypris sur le même
hôte. Ce genre est, en réalité, identique aux
Thompsonia (fig. 29) précédemment décrits et les
recherches récentes de F. -A. Potts {3ôo) ont
montré que c'était, au contraire, un type encore plus
modifié que les autres et ayant acquis, sous l'action
du parasitisme, un processus nouveau et particu-
lièrement intéressant, la multiplication asexuée .
Les Thompsonia ne sont pas les seuls Rhizo-
I. Smith, fait remarquer qu'an Cirrhipède, Anelasma
squalicola, lixé sur la peau d'un Squale (Spinax) présente
des prolongements radiculaires s'enfonçant dans le tégu-
ment de l'hôte : mais ce ne sont là que des organes de fixa-
tion et ranimai, à la différence des Rhizocéphales, a un
tube digestif très développé. 11 ne peut nullement être con-
sidéré comme un Rhizocéphale. D'autre part, Smtth consi-
dère comme étant probablement un Rhizocéphale primitif
et peut-être dépourvu de racines, un parasite fixé à la face
ventrale d'un Isopode [Calathiira brachiata). Cet animal,
encore très mal connu, et qui a reçu le nom de Duplorbis
calathurœ, n'a malheureusement été rencontré qu'une fois
au Groenland.
RHIZOCÉPHALES 127
céphales grégaires. Les Pagares de nos côtes et
particulièrement, dans la Méditerranée, Eupagurus
priedeauxi et E. nieticiilosus, portent parfois un
Peltogaster qui n'est jamais isolé, mais toujours par
groupes de dix à vingt individus, paraissant du même
âge, Peltogaster socialis Kossm. Smith avait déjà
émis l'idée que ces multiples individus pouvaient
résulter du bourgeonnement d'un stade interne
indifférencié; mais il n'avait pu le démontrer, ayant
toujours trouvé que chacun de ces individus était
pourvu d'un système radiculaire propre, indépen-
dant des autres, et pouvait par suite dériver d'une
larve cypris particulière.
Chez les Thoinpsonia, la grégarité est beaucoup
plus accentuée, et souvent dépasse cent et même
atteint deux cents individus (fig. 29). Ces types n'ont
été trouvés jusqu'ici que sous les tropiques et surtout
dans le Pacifique, sur des Grabes(Me/ra, Thalamita,
Pilumniis, Actœa), sur des Pagures, des Diptychus
et sur des Alphéides. Ils sont fixés dans les points
les plus variés, à la carapace et aux pattes. L'étude
anatomique de ces individus montre une organisa-
tion beaucoup plus simple que chez la sacculine. Ici
tous les individus se dressent sur un unique système
radiculaire qui leur est commun à tous, ce qui fait
supposer qu'ils y sont nés par bourgeonnement.
PoTTs a constaté, sur un Alpheus, que tous ces indi-
vidus externes sont rejetés à chaque mue de Thôte,
après avoir émis leurs embryons (il ne semble se
faire ici qu'une ponte uniquej et qu'il en repousse une
génération nouvelle sur le système radiculaire à
l'intérieur de l'hôte, par un bourgeonnement, comme
128
LE PARASITISME CHEZ LES CKUSTAGES
des volées successives de champignons de couche
se développent sur le mycélium, La supposition de
Smith est donc vérifiée et il est très probable qu'elle
s'applique effectivement au Peltogaster socialis ;
mais, dans ce dernier cas, il doit y avoir, soit frag-
mentation précoce et définitive du stade interne qui
succède à la Gypris, soit
un bourgeonnement qui
se rapproche d'une poly-
embryonie.
Ainsi, chez les Rhizo-
céphales,le parasitisme,
après avoir amené l'in-
tercalation d'une phase
interne d'indifférencia-
tion cellulaire et la nutri-
tion radiculaire que nous
avons constatée chez la
sacculine, a, en outre,
déterminé, grâce à cette
indifférenciation, un pro-
cessus de multiplication
asexuée tout à fait sur-
prenant dans un groupe
tel que les Crustacés. Ces
animaux, qui appartien-
nent aux plus différenciés du règne animal, quant à
l'individualité et au fonctionnement organique, se
trouvent ramenés par le parasitisme à un mode de
vie et de propagation semblable à celui des Métazo-
aires les plus inférieurs, Cœlentérés et même Spon-
giaires, rappelant même plus encore les Végétaux.
Fig. 19. — Thonipsonia sp.
sur Synalpheus î^ritcci (d'a-
près F. A. POTTES).
COPÉPODES 129
Nous ajouterons aux données qui précèdent
quelques faits empruntés aux Copépodes. Cet ordre
est, parmi les Crustacés, celui chez lequel les faits
de parasitisme sont les plus étendus et les plus
variés. Il y a des Copépodes parasites sur presque
tous les groupes d'animaux marins (Alcyonaires,
Actinies, Annélides, Crustacés, Mollusques, Tuni-
ciers, Poissons, Cétacés, etc.) et sur les Poissons
d'eau douce; ils oftrent tous les modes du parasi-
tisme : externe, intestinal, xiœlomique même, et tous
les degrés d'adaptation, depuis une réduction plus
ou moins grande des appendices jusqu'à leur dispa-
rition totale, le corps étant réduit à un sac de forme
plus ou moins bizarre. Il y a, en général, un dimor-
phisme sexuel extrêmement marqué comme chez
les Bopyridés ; le mâle reste fréquemment libre ou
semi-libre, alors que la femelle est franchement para-
site : il est nain par rapport à elle ; chez beaucoup
d'espèces, il vit à demeure sur elle. La femelle est
hypertrophiée et produit une série de pontes. La
nutrition a lieu, comme chez les Epicarides, par
succion et aspiration des sucs de l'hôte (sang, ou
lymphe cœlomique) dans l'intestin. Le nombre des
genres et espèces connus est extrêmement considé-
rable.
Je me bornerai ici à résumer l'histoire d'une
forme exceptionnellement dégradée et qui, par ses
rapports anatomiques avec l'hôte, a subi des trans-
formations de l'importance de celles delasacculine,le
M. Caullery.— ^ Le Parasitisme 5
130 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACÉS
genre Xenocœloma [333), jDarasite d'une Annélide
du genre Poly cirrus ; il se rattache peut être au
groupe des Herp^llobiidce, ]}airaisiie des Annélides
et qui renferme des formes extrêmement modi-
fiées (i).
A première vue, Xenocœloma est simplement un
parasite externe, formant un sac cylindrique au
flanc de son hôte, dépourvu de tout appendice,
céplialique ou autre, reconnaissable comme Copé-
pode à des sacs ovigères et à ses larves Nauplius,
Au microscope, on constate que le sac se raccorde
avec la paroi de l'Annélide sans aucune disconti-
nuité de tissu. L'étude histologique de coupes
sériées, longitudinales et transversales, montre
immédiatement qu'en réalité Xenocœloma n'est pas
un parasite externe, mais qu'il est recouvert entiè-
rement par l'ectoderme du Polycirrus, et ne com-
munique avec le dehors que par l'orifice terminal,
d'où sortent les deux cordons ovigères : il est logé,
en somme, dans une hernie de la peau de l'hôte.
Mais sa structure devient paradoxale, en ce que
c'est l'ectoderme de l'hôte qui sert de paroi externe
au parasite, le tégument de celui-ci ayant disparu.
Par contre, la musculature pariétale striée a été
conservée et est même fort développée en un réseau
qui s'insère sous l'épithélium annélidien. Il y a une
soudure et une solidarité parfaites des tissus de
l'Annélide et du Grustacé .
I. Les Annélides polychètes hébergent d'ailleurs divers
genres de Copépodes particulièrement dégradés, tels que
les Flabellicola, trouvés par Gravier sur Siphonostoma
diplochaitos et divers types signalés du Groenland (Saccop-
sis, Crypsiclorniis, etc.), mais encore très mal connus.
XENOCŒLOMA
13i
#•--*.
f%
^- Jp
On ne trouve plus trace de la région céphalique
ni du système nerveux du Copépode. Son axe, sur
les deux tiers environ de la longueur, est occupé par
une cavité qui s'ou-
vre directement dans - - -' ' '-^
la cavité générale de
l'Annélide et qui est
tapissée par l'endo-
thélium péritonéal
de celle-ci ; c'est
donc, en réalité, un
diverticule du cœ-
lome de l'hôte (d'où
le nom deXenocœlo-
ma) : cet endothé-
lium est appliqué
contre une paroi ap-
partenant au Crus-
tacé, constituant la
paroi propre de la
cavité axiale et qui
peut-être représente
son tube digestif.
On voit combien
est intense la péné-
tration réciproque
du parasite et de
l'hôte ; une partie des
tissus du second étant radicalement incorporés au
premier, morphologiquement et fonctionnellement.
C'est un exemple jusqu'ici unique et qui indique une
adaptation extrême. On peut considérer, à un cer-
Fig. 3o. — Xenocœloma brumpti,
lixé à un Polycirrus arenivoriis ;
i intestin de l'hôte rempli de sable;
a cavité axiale du Copépode, o ovi-
ducle, op ovaire, œ oocytes envoie
de maturation, ? testicules (d'après
Caullery et Mesnil) .
132 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACES
tain point de vue, que cette disposition est l'inverse
de celle qu'offre la sacculîne. Chez elle, en effet, c'est
le parasite qui pénètre dans l'hôte par ses racines ;
ici c'est l'hôte qui enveloppe le parasite par son ecto-
derme et qui pénètre en lui par son endothclium
péritonéal et son cœlorne . De l'orgaîiismc du Gopé-
pode, qui est assez volumineux (5-6 mm. de lon-
gueur),il ne reste plus, en somme, que l'appareil géni-
tal, qui est comme greffé sur l'Annélide. L'ovaire
produit incessamment des œufs, qui mûrissent dans
des oviductes, remplissant presque toute la masse
du parasite et débouchant finalement au dehors
dans une cavité atriale. qui s'ouvre par l'orifice
terminal du sac ci-dessus mentionné. Ovaires et
oviductes ont d'ailleurs la conformation qui se
retrouve dans des Copépodes moins déformés. Mais
Xenocœloma présente un nouveau paradoxe, c'est
qu'à la différence de tous les Copépodes connus, il
est hermaphrodite ; l'extrémité du corps est occu-
pée par deux volumineux testicules, qui produisent
des spermatozoïdes gigantesques (i mm. 5 de lon-
gueur) et s'ouvrent dans une vésicule séminale mé-
diane, d'où ces spermatozoïdes sont évacués par des
spermiductes qui débouchent à l'extrémité distale
des oviductes ; il y a autofécondation ; les mâles
semblent avoir complètement disparu.
Les œufs se développent en donnant un Nauplius
typique, mais cnwplètement dépoiirçn de tube di-
gestif. Il n'a pas été possible jus(fu'iei de suivre les
larves, depuis leur éclosioii jusqu'à leur ûxation sur
l'hôte. Il est probable que celte dernière n'a lieu,
comine chez le^ autres Copépodes, qu'aprf^s une
XENOCŒLOMA 133
période de vie libre et des mues. Les plus jeunes
stades observés sur les Poly cirrus, à peine plus
grands que les Nauplius, et qui devaient être peu
postérieurs à la fixation, montraient déjà l'ébauche
des divers organes de l'adulte et en particulier celle
de l'ovaire. Les testicules ne se développent que
beaucoup plus tardivement (i).
A ce moment, la tumeur parasitaire sous-ectoder-
mique est close de toutes parts. Sa structure est
déjà extrêmement complexe et il est impossible d'y
retrouver l'organisation des autres Gopépodes. Il y
a lieu de penser que, comme dans le cas de la sac-
culine, elle résulte d'une différenciation nouvelle,
résultat de l'adaptation propre de ce type, et large-
ment indépendante de l'organisation de la larve
libre.
Sous l'influence de cette tumeur, la musculature
pariétale de l'Annélide, contre laquelle elle s'appuie
à sa face profonde, est écartée et résorbée; la tumeur
vient alors au contact de l'endothélium péritonéal
et se rompt, si bien que cet endothélium vient s'éta-
ler à l'intérieur. Ainsi se réalisent les connexions si
spéciales qui ont été constatées chez l'adulte. Le
reste n'est plus qu'affaire de croissance.
Ce parasite offre, comme on voit, dans un cas
tout différent de la sacculine, des transformations
qui ne sont pas moins remarquables, à la fois par
I. Ce fait est important, car il prouve d'une façon for-
melle que les spermatozoïdes existant chez l'adulte ne peu-
vent provenir d'un mâle, qui se serait accouplé à la femelle
avant la fixation de celle-ci, pendant une phase de vie libre ^
ainsi que cela a lieu par exemple pour la Lernée*
134 LE PARASITISME CHEZ LES CRUSTACES
l'importance des régressions subies et par rétablis-
sement de connexions particulièrement intimes
avec riiôte . On peut dire ici que le parasite est véri-
tablement incorporé à l'hôte, certains organes de-
venant réellement mixtes, dans leur structure et
dans leur fonctionnement.
Onremarquera,enmêmetemps,danscecas et dans
celui de la sacculine, que, s'il y a une extrême ré-
gression, il y a en même temps production de diffé-
renciations adaptatives des plus parfaites pour assu-
rer la nutrition et le fonctionnement du parasite sur
son hôte, de sorte qu au total, il vaut mieux conce-
voir les transformations subies par ces organismes,
sous l'influence du parasitisme, comme une spécia-
lisation plutôt que comme une simple dégradation.
CHAPITRE VI
LE PARASITISME PROVISOIRE OU PROTELIEN
Sommaire. — Définition. — Le parasitisme larvaire des
Monstrillidœ : Signification des appendices absorbants —
Le parasitisme placentaire (Giabd) ; adaptations parasi-
taires ne portant que sur des organes provisoires ou des
annexes et n'atteignant pas les organes définitifs, — Le
cycle évolutif des Orthonectides. — Les Euniciens para-
sites. — La phase parasitaire des larves d'Unionidœ (Glo-
chidiiim) sur les Poissons. — Les Gordiens.
Les Insectes entomophages; leur importance dans la nature
et leur rôle dans l'équilibre des espèces. — Leur utilisa-
tion aux Etats-Unis dans la luttre contre les Insectes nui-
sibles. — Principales conditions de développement. —
Formes larvaires spéciales (larve cyclopoïde des Platy-
gaster. Planidium, larve primaire d'Eucoila, etc.). —
Action sur l'hôte.
Dans les exemples qui viennent d'être étudiés —
et qui correspondent au cas général, — la vie para-
sitaire commence après une phase initiale de vie
libre et est définitive. Après avoir atteint l'hôte,
Porganisme subit des modifications adaptatives
ou régressives permanentes. Il est cependant des cas
exceptionnels, — mais dont les recherches récentes
ont augmenté le nombre, — où, aucontraire, le para-
sitisme n'est qu'une phase provisoire de jeunesse,
\36 PARASITISME PROVISOIRE OU PROTÉLIEN
conduisant à un état adulte libre dont l'organisa-
tion est normale. Les modifications parfois très
profondes que présente l'animal jeune ne sont que
des adaptations transitoires n'ayant qu'un retentis-
sement faible ou nul sur la structure définitive. Il y
a là un ordre de faits remarquable et d'allure para-
doxale, qui prouve combien complexe est l'action
du parasitisme ; on peut le dénommer parasitisme
provisoire ou si l'on veut, d'un terme spécial, para-
sitisme protélien [-k^o avant, xeÀetoç adulte). Nous con-
sacrerons à son étude le présent chapitre.
Monstrillides. — Nous en trouvons un premier et
frappant exemple, parmi les Gopépodes, dans la
famille des Mons/rï7/iV/<^. A l'état adulte, ils sont hau-
tement différenciés pour la vie pélagique et la nage
rapide (fig. 32, I) : ils ont un œil nauplien, brillant
comme une gemme et de robustes rames thora-
ciques ; ils offrent un dimorphisme sexuel accentué,
le mâle est plus petit que la femelle. Leur tube diges-
tif est atrophié et réduit à un mince cordon non fonc-
tionnel et il n'y a plus d'appendices buccaux. L'ani
mal ne se nourrit pas : c'est, en somme, ce qui arrive
pour les Pranizes, qui sont précisément parasites
protéliens ; mais cette atrophie du tube digestif et
la cessation de la nutrition peuvent se présenter aussi,
indépendamment de tout parasitisme, chez l'adulte
de certains types, comme chez lesSphéromes(i)_^/ia-
mene bidentata), chez les Annélides (i)et chez les
I. Ex. : les formes épitoques, Dodecaceria concharum.
Cf. Gaullery et Mesnil, Les formes épitoques et l'évolu-
tion des Cirratuliens {Ann. Univ. Lyon, fasc, XXXVIII,
1898).
MONSTRILLIDES
137
Insectes. L'adulte, ou imago, n'est qu'un vecteur de
dissémination des produits génitaux mûrs ; il n'a
plus à assimiler. C'est le cas des Monstrillides.
On ne trouve jamais de Monstrillides jeunes dans
Fig. 3i. — Monstriliide M parasite dans le vaisseau dorsal
de Syllis gracilis ; remarquer la longueur considérable
des appendices absorbants a ; i intestin de l'Annélide
(d'après Caullery et Mesnil 33d).
les pêches pélagiques ; iln'y a que des adultes parfaits,
comme des imagos d'Insectes holomotaboles. La
raison en est qu'ils sont parasites pendant toute
leur croissance, ainsi que l'a constaté Giard, en
138 PARASITISME PROVISOIRE OU PROTÉLTEN
i896(>;? J5) sur des matériaux recueillis par F.Mesnil ;
il s'agissait d'un Thaumaleus, qui se trouvait, en
effet, parasite à l'intérieur d'une Annélide Poly-
dora giardi. Le parasite était contenu dans un
fourreau, que Giard assimila à la membrane d'en-
veloppe des Entonisciens et il crut que Fendopara-
sitisme n'était qu'apparent, qu'en réalité le Mons-
trillide faisait hernie à l'intérieur de l'hôte, enrestant
en communication avec le dehors. D'autres Mons-
trillides ont été trouvés depuis, parasites dans des
Syllidiens (fig. 3i) et des Salmacines (i). En réalité,
comme l'a reconnu Malaquin(.^^6'), ce sont de véri-
tables parasites internes, logés dans le système vas-
culaire de l'hôte, sans communication avec le dehors
et ne sortant qu'à l'état complètement adulte. C'est
là la raison pour laquelle on ne trouve jamais de
jeunes dans les pêches pélagiques.
Voici le résumé de leur développement, qui a été
suivi par Malaquin sur Hœmocera danœ, parasite
des Salmacines. L'œuf se développe jusqu'au stade
naiipliiis dans un sac ovigère porté postérieure-
ment par lalemelle(fig.32, 1). Lenauplius(fig. 32, II)
est dépourçii de tube digestif et sa troisième paire
d'appendices est réduite à une paire de crochets. Il
nage activement, puis pénètre à travers le tégument
dans une salmacine; il mue alors, rejetant tégument
et appendices et se réduisant (comme dans le cas de
la sacculine) à un amas cellulaire indifférencié
(fig. 32, III). Sous cette forme, il parvient, sans
doute par cheminement amiboïde, dans le vaisseau
I. Pelseneer (iqiS) en a même trouvé une espèce parasite
dans un Mollusque (Odostomia rissoides).
MONSTRILLIDES
139
longitudinal de PAnnélide. Là, il s'entoure d'une
cuticule chitineuse, ayant la valeur d'une mue, A
Fig. 32. — Evolutiondes Monstrillides (d'après Malaquin).
I Hœmocera danœ, femelle adulte portant sa ponte o ;
II Nauplius libre ; III Stade de masse cellulaire inditféren-
ciée, dans le vaisseau de l'hôte ; IV Développement des
appendices absorbants ; V Larve à deux paires d'appen-
dices absorbants ; VI Stade vers la fin de la période para-
sitaire ; le Monstrillide est complètement différencié à
l'intérieur du fourreau larvaire.
l'extrémité antérieure, se développent deux lobes
inarticulés (fig. Sa, IV), qui s'allongent en deux longs
140 PARASITISME PHOVISOIRE OL PROTELIEN
appendices intravàsculaires ; ils jouent le rôle d'ap-
pendices absorbants, comme les racines delà saccu-
line. Chez les espèces parasites des Polydores et des
Syllis, il n'y a qu'une paire de ces appendices ; chez
Monstrilla danœ des Salmacines, il y en a deux
(fig. 32, Y) ; chez Monstrilla helgolandica, parasite
à'Odostomia rissoides,'ûjenai trois paires. La signi-
fication morphologique de ces appendices est un pro-
blème intéressant : sont-ce des formations adapta-
tives entièrement nouvelles ? ou bien sont-ce les
appendices métanaupiiens (mandibules et maxilles,
qui n'existent plus chez l'adulte) transformés en
appareils d'absorption ?
La première cuticule chitineuse formée autour du
parasite est rejetée et remplacée par une autre, qui
formera une enveloppe extensible, persistant pen-
dant tout le reste du développement ; elle est garnie
postérieurement de rangées de petites épines et
constitue le fourreau inexactement interprété par
GlARD.
Dans ce fourreau et se nourrissant par absorp-
tion, au moyen des appendices qui viennent d'être
décrits, le Monstrillide adulte se différencie pro-
gressivement avec tous ses organes et appendices
(fig. 32, VI) et ses glandes génitales. Une fois com-
plètement formé, il sort de son fourreau et de l'hôte
à l'état parfait, comme un papillon sort de la
chrysalide ; sa vie pélagique commence ; les sexes
se rencontrent, la femelle pond et porte ses œufs
jusqu'à ce que les nauplius éclosent, sans se nour-
rir.
Telle est l'évolution individuelle d'un Monstrillide.
MONSTRILLTDES 141
Elle nous offre un endoparasitisme aussi intense
que possible, débutant par une régression totale,
se continuant par une nutrition osmotique radicu-
laire et rappelant à ce double point de vue la saccu-
line. Ici encore, nous ne connaissons aucune étape
de la réalisation d'une adaptation si particulière ;
elle a dû cependant résulter jd'une longue évolution.
Seulement, loin de consacrer une régression défini-
tive comme chez les Rhizocéphales et Xenocœlomd,
il n'y a là qu'une dégradation provisoire, qui n'a
aucun retentissement sur l'adulte. On pourrait ob-
jecter que l'adulte des ancêtres de la sacculine, Cir-
ripède fixé, était bien différent des Gopépodes péla-
giques, ancêtres des Monstrillides, et que cette
différence suffit à expliquer le sort différent des
deux parasites actuels. Mais Xenocœloma est un
Copépode comme les Monstrillides dont les ancêtres
étaient libres à l'état adulte et l'objection ne vaut pas
pour lui. Au reste, le cas des Monstrillides est loin
d'être isolé.
En réalité, l'évolution d'un parasite dépend, en
premier lieu, des connexions qui s'établissent entre
son hôte et lui. On peut imaginer que ce qui a con-
servé aux Monstrillides leur état adulte inaltéré est
que l'adaptation parasitaire s'est faite chez eux par
des organes provisoires spéciaux, dont l'organisation
adulte est restée indépendante, les appendices absor-
bants ; ou bien si, comme je le pense, ce sont des
appendices métanaupliens modifiés, le résultat de
cette adaptation a été la perte de ces appendices
par l'adulte, et cela sans doute a entraîné l'atrophie
de la bouche et du tube digestif. Mais, ce sacrifice
142 PARASITISME PROVISOIRE OU PKOTELIEN
fait, en quelque sorte, tout le reste de l'organisation
définitive se construit, pour ainsi dire, à l'abri du
parasitisme, indépendamment de lui, tandis que, chez
Xenocœloma, c'est la totalité de l'organisme jeune
qui est adaptée au parasitisme et définitivement
dégradée .
GiARD a comparé, d'une façon très suggestive et, à
mon sens, très juste, ce genre de parasitisme à la
placentation, telle qu'on la trouve chez les Mammi-
fères, les Salpes et d'autres animaux : la comparai-
son s'applique d'ailleurs à plusieurs des cas qui
vont suivre. Le parasitisme placentaire se distingue
de la placentation embryonnaire normale en ce que
celle-ci est une greffe sur un individu de même
espèce au lieu de se faire sur une espèce étrang^ère.
Physiologiquement, les appendices absorbants d'un
Monstrillide sont l'équivalent des villosités d'un pla-
centa de Mammifère, et les embryons de ces derniers
se nourrissent par le placenta, en véritables para-
sites de la mère ; ce qui ne les empêche pas d'abou-
tir à un état définitif qui ne se ressent pas de ce
parasitisme temporaire. Or, ici encore, ce parasi-
tisme s'est opéré par un organe annexe, tandis que
l'embryon proprement dit se constituait, de toutes
pièces, pour la vie libre. On peut compléter cette
comparaison en y opposant le cas de Xenocœloma .
Celui-ci réalise bien aussi une placentation sur son
hôte. Rien n'est plus comparable en effet à un pla-
centa que sa cavité axiale, où sont intimement
accolés, comme en une gigantesque villosité mixte,
maternelle et placentaire, l'endothélium péritonéal
de l'Annélide et le tissu du Grustacé. Mais ici lapla-
MONSTRILLIDES 143
centation, au lieu de se réaliserparun annexe, s'éta-
blit aux dépens des organes essentiels de l'individu,
qui sont ainsi irrémédiablement utilisés. Il n'y a
plus de matériaux disponibles pour construire
l'adulte normal . On conçoit ainsi, non seulement
qu'il n'y ait pas une contradiction irréductible entre
les deux cas, mais qu'ils puissent être reliés par des
transitions. Dans beaucoup de cas de parasitisme
protélien, que nous allons passer en revue, l'animal
éclot en quelque sorte à l'état d'imago parfaite (i),
avec ses organes sexuels complètement mûrs et n'a
plus, comme les Monstrillides, qu'a disséminer
immédiatement ses œufs, sans avoir rien à élaborer.
Les Crustacés présentent un autre cas qui peut
être rapproché de celui des Monstrillides en ce qu'il
estlîmité à la période de croissance: celui des Gna-
thia (Pranizes), dont il a été question plus haut. Il
est d'ailleurs peu accentué et n'a de retentissement
que sur les pièces buccales et l'appareil digestif. On
peut noter que les pièces buccales qui ont subi les
transformations adaptatives à la phase parasite
disparaissent chez l'adulte .
Orthonectides. — On peut ranger dans le para-
sitisme protélien le cas des Orthonectides. Considé-
rons en effet le cycle de Rhopalura ophiocomœ, qui
est le plus complètement connu et partons de
la larve.
I. On peut encore dire que des types comme les Mons-
trillides se comportent comme les Insectes holométaboles.
Le parasitisme n'atteint que des organes larvaires, laissant
les organes définitifs évoluer comme aux dépens des dis-
ques imaginaux.
144 PARASITISME PI\0V1S01RK OU PROTÉMEN
Ces larves ciliées, qui s'échappent de la femelle
libre, pénètrent dans les fentes génitales d'AmphU
ura squamata et donnent naissance, dans divers
tissus de l'ophiure, à des plasmodes où se différen-
cient des cellules germes, qui, en évoluant, devien-
nent \esfihopalura mâles ou femelles. Ceux-ci cons-
tituent, en fait, une nouvelle génération, pour
laquelle le plasmode joue le rôle de placenta . Ils
écloront, comme les Monstrillides, à l'état adulte,
pour mener une vie libre, en vue de laquelle ils sont
manifestement organisés. L'Orthonectide adulte a
bien plutôt l'allure d'un animal libre que d'un para-
site. Sa puissante ciliation lui permet une nage
rapide dans le milieu extérieur. Une étude histolo-
gique plus complète qu'elle n'a été faite, y décèlera
sans doute un anneau nerveux. Ce qui lui manque,
c'est l'appareil digestif, comme aux Monstrillides,
et sans doute parce que la vie adulte est ici plus
éphémère encore et uniquement consacrée à la pro-
duction et à la dissémination des larves. En effet, les
deux sexes, lors de leur sortie de l'hôte, sont par-
faitements mûrs ; après quelques instants, l'accou-
plement se fait en nage rapide (Gaullery et
Lavallée, 2 0 g) et les œufs fécondés se dévelop-
pent immédiatement. Au bout de vingt-quatre
heures environ, les larves ciliées éclosent et vont
fermer le cycle en infectant une nouvelle Ophiure.
On peut admettre que l'absence de tube digestif chez
les Orlhonectides n'a pas été déterminée simple-
ment par une dégradation due au parasitisme, mais
aussi et peut-être surtout par le fait que l'animal n'a
pas à se nourrir pendant sa très courte vie adulte
ORTHONECTIDES
145
libre. Des deux jgénérations qui alternent réguliè-
rement, dans le cycle, c'est la génération asexuée
formée par les plasmodes qui est réellement para-
rry/
^-^T^r^
Fig. 33.— Cycle évolutif de Rhopalura ophiocomœ. i Emis-
sion des adultes u^ et 9 hors de l'hôte [Amphiura squa-
mata), 2 fécondation, 2' oocyte mur, 3 émission des glo-
bules polaires, 3' fécondation (stade des pronuclei vés-.i-
culeux), 4" 5 segmentation, 6 larve ciliée, 7 émission des
larves ciliées, 8-g leur pénétration dans l'ophiure, 10-14
stades initiaux des plasmodes et différenciation des cel-
lules germes, 10 plasmodes o^ et Ç.
146 PARASITISME PROVISOIRE OU PROTÉLIEN
site. La génération sexuée peut être assez naturelle-
ment considérée comme se développant à l'aide
d'une sorte de placentation et comme ayant une vie
propre essentiellement éphémère.
Euniciens parasites. — Un certain nombre d'Eu-
niciens se développent jusqu'à la taille adulte en
endoparasites d'autres Annélides, ou Invertébrés,
sans montrer aucune autre trace de régression
qu'une certaine simplification des mâchoires . Voici
les cas actuellement connus :
1° Oligognathiis bonelliœ (S PByjG'E'L, 2g 6) se déve-
loppant dans la Bonellie et y atteignant 10 centi-
mètres de long et plus de 200 segments (Naples).
2« flematocleptes terehelUdis Wiren (1886), dans
le vaisseau longitudinal (cf. Monstrillides) de Tere-
bellides strœmi (Groenland).
3° Lahrorostratus parasitions (Saint-Joseph,
2g8). dans divers Syllidiens, en particulier dans
Odontosyllis ctenostoma ^Manche).
4° Oligognathus parasiticus (Cerruti, 1909), dans
Spio mecznikoçiànus (Naples).
5** Labidognathus parasiticus (Gaullery, 2 g 3),
dans un Térébellien de l'expédition du Siboga (ar-
chipel malais).
6° Il semble qu'une autre espèce a été rencontrée,
dans les mêmes conditions, dans une Marphyse,par
KocH (1847).
C'est donc un mode de développement qui est
assez répandu chez les Euniciens.
Le parasite arrive souvent à être aussi long que
l'hôte où il vit. Malgré l'intensité de ce parasitisme.
unionida: j 'i7
l'Annélide reste normale et doit sortir de son hôte
au moment de se reproduire. Elle y pénètre certni-
nement de bonne heure (un des Lahrorostrntns
observés par de Saint-Joseph n'avait que neuf seg-
ments sans parapodes ni soies) ; elle accomplit dono
en parasite toute sa croissance, sans subir de régres-
sion.
Unionidae. — Les Lamellibranches de cette famille,
ou moules d'eau douce (genres Unio, Anodonta,
Margaritanà) passent également par une phase de
parasitisme protélien intense, qui ne laisse pas de
traces sur l'adulte . Les œufs sont incubés entre les
feuillets branchiaux maternels et donnent nais-
sance à une forme larvaire, dite Glochidiiim, de
structure tout à fait spéciale. Elle a une coquille à
deux valves, présentant dans le plan de symétrie
une paire de longues dents et latéralement des
épines accessoires (fig. 34 a-b). Le manteau est
tapissé d'un épithélium très spécial, avec des touffes
de poils sensitifs. La masse viscérale est tout à fait
rudimentaire : il ny a pas de tube digestif. Au
centre, s'élève un long et mince tentacule mobile,
que l'on voit se mouvoir entre les valves. Les
Glochidium ainsi constitués sont émis au dehors
et flottent. Leydig, en 1866, a découvert qur'ils
deviennent parasites sur dès Poissons {Cyprinidce).
Quand un Glochidium, en effet, arrive au contact
d'un Cyprinide (souvent, par exemple, en étant
absorbé avec l'eau servant à la respiration), sous
l'action d'un réflexe tactile du filament, ci-dessus
décrit, les valves tendent à se refermer et les dents
148 PARASITISME PROVISOIRE OU PROTÉLIEN
qu'elles présentent pénètrent dans les tissus du Pois-
son, surtout sur les feuillets branchiaux (fig. 34, a).
On en trouve aisément à la saison convenable dans
la nature et il est très facile d'infecter expérimen-
talement des Gyprinides ou des Batraciens. L'hôte
réagit très rapidement à la présence du parasite
Fig. 34. — Glochidiiim, a et b, stade libre en coupe optique
et par la face interne (d'après Flemming) ; c deux Glochi-
dium enkystés dans une lamelle branchiale de Cyprin
(d'après Harms).
(nous reviendrons plus loin sur ce phénomène), en
l'enveloppant dans un kyste épais et vascularisé.
Les cellules du manteau, comme l'a montré Faussek,
quoique de nature ectodermique, se comportent
comme d'actifs phagocytes, digérant, au contact, les
tissus de l'hôte et assurant ainsi la nutrition du G/o-
chidium, qui n'a pas encore de tube digestif. Le
tissu kystique vasculaire de l'hôte éveille une com-
UNIONID.E 149
paraison avec un placenta. Dans ces conditions de
nutrition, s'élaborent peu à peu les organes défi-
nitifs de la jeune JJnio (tube digestif et bouche,
pied, rein, etc.), la coquille définitive se forme peu à
peu autour de la coquille larvaire. Après un délai
qui dépend de la température (80 jours à S^-ioo,
21 jours à i6"-i8°, 12 joursà 20^, d'après Harms^'os),
le jeune Mollusque sort du kyste, qu'il rompt à
l'aide de son pied, quitte le poisson et tombe sur le
fond où s'effectuera sa croissance.
Nous avons donc encore ici un parasitisme intense
et temporaire, préparé par une adaptation préalable,
qui comporte la différenciation d'organes spéciaux,
à côté de la régression momentanée des organes
normaux. Les rapports avec l'hôte, à la période para-
sitaire, offrent physiologiquement des analogies frap-
pantes avec un placenta et la nutrition se fait par
l'activité métabolique d'organes annexes (manteau
larvaire). Les organes définitifs (tube digestif, etc.)
restent en dehors du parasitisme ; on peut donc
concevoir qu'ils se réalisent sous la forme normale ;
le tube digestif, persiste à la différence du cas des
Monstrillides, évidemment parce que le parasitisme
cesse de très bonne heure et que toute la croissance
de l'animal se fait à l'état libre (i).
Gordiens. — Ces Vers, qui se rattachent intime-
I . Une Aviculide marine du genre Philobrya, a une larve
analogue aux Glochidium, mais son développement n'est pas
connu.
La larve des Unionides sud-américaines, dite Lasidium,
est assez différente des Glochidium ; on ne sait pas, d'une
façon certaine, si elle a une phase parasite des Poissons.
150 PARASITISME PROVISOIRE OU PROTELIEN
ment aux Nématodes, se développent en parasites à
travers deux hôtes successifs et deviennent libres à
l'état adulte. Ils n'ont plus alors de tube digestif
fonctionnel. Leur cas est évidemment le même que
celui des Orthonectides, des Monstrillides, des
formes épitoques d'Annélides,etc...
Insectes Entomophages. — L'exemple du para-
sitisme protélien le plus considérable et qui, loin de
constituer comme les précédents des exceptions
curieuses mais très localisées, est un phénomène
d'une grande généralité et d'une importance capitale
pour l'équilibre des espèces dans la nature, nous est
fourni par les Insectes Entomophages, les Hyménop-
tères en premier lieu, les Diptères ensuite. Soit dès
l'œuf, soit à partir d'un stade larvaire plus ou moins
précoce, ils se développent en parasites à l'intérieur
ou sur d'autres Xn*sectes, pour éclore à l'état d'imagos
libres et nullement modifiées par le parasitisme préa-
lable. Ici encore, l'imago n'est en général qu'une
phase brève, uniquement employée à la dissémina-
tion des œufs et, dans bien des cas, elle ne prend
aucune nourriture ; le tube digestif est même sou-
vent conformé de telle sorte qu'il est impossible
à l'animal de se nourrir.
La place que tient dans la nature ce mode de
parasitisme résulte du nombre des seules espèces
d'Hyménoptères qui le présentent : il y en a 200.000
et peut-être davantage, d'après Sharp, réparties
dans dix familles (i). Les Diptères, sans atteindre à
I. Les Cynipidœ, Proctrotrjpidœ, Chalcididœ, Ichmiimo-
nidœ,Braconidœ sont les plus importantes.
INSECTES ENTOMOPHAGES 151
de pareils effectifs, et en n'étant pas limités comme
hôtes aux Insectes, sont aussi légion ; ce sont des
Muscides (i). Nous ne connaissons encore de l'his-
toire de ce parasitisme que de maigres bribes, indi-
quant une variété d'aspects considérable et des pro-
cessus d'un intérêt capital pour la Biologie. Chaque
espèce a pour victimes des espèces plus ou moins
strictement déterminées et toute victime périt sans se
reproduire. On voit immédiatement le rôle que joue
un phénomène de cette importance. Dès qu'un de
ces Hyménoptères entomophages vient à se multi-
plier — et les centaines d'œufs que pondent ces
minuscules Insectes permettent, dans des conditions
favorables, cette multiplication d'une façon très
rapide, — l'espèce qu'il parasite est décimée. Si,
d'ailleurs inversement, cette espèce s'est multipliée
d'une façon exceptionnelle, elle offre immédiatement
à l'entomophage des proies nombreuses qui favo-
risent sa reproduction . Les Insectes Entomophages
sont ainsi l'agent régulateur naturel, de beaucoup le
plus efficace, de la multiplication d'un très grand
nombre d'Insectes, avant tout des Lépidoptères et
aussi des Coléoptères. En particulier, ils constituent
un facteur de première importance dans la lutte
contre les Insectes nuisibles ; ils sont en effet la
barrière la plus puissante contre leur propagation
excessive.
Aussi, et cela vaut la peine d'être indiqué ici,
quoique ne rentrant pas, à proprement parler, dans
notre sujet actuel, s'efforce-t-on maintenant de les
I. Anthomyidœ, Tachinidœ, Dexiidœ, Sarcophagidœ, ŒS'
tridœ.
152 PARASITISME PROVISOIBE OU PROTÉLIEN
Utiliser à ce point de vue, d'une façon expérimentale
et directe. C'est le service entomologique des Etats-
Unis qui a fait de ce procédé une méthode régulière.
Dans les conditions naturelles, il s'établit automati-
quement, entre les espèces composant une faune,
un équilibre assez stable et qu'il est difficile et dan-
gereux de rompre. Mais à notre époque, l'intensité
des communications et des échanges, entre pays et
continents éloignés les uns des autres, apporte cons-
tamment aux équilibres naturels des perturbations
graves. L'introduction accidentelle d'un Insecte nou-
veau, dans une faune où il n'existait pas, peut avoir
de très graves conséquences, alors même que, dans
son pays d'origine, il était relativement inoffensif.
Le Phylloxéra de la vigne, introduit d'Amérique en
Europe, a fourni de cela un exemple terrible. Inver-
sement de très nombreux Insectes européens ou
asiatiques, introduits aux Etats-Unis, y ont trouvé
de favorables conditions de propagation, qui les ont
transformés en de redoutables fléaux (i).
Tel a été le cas de deux Bombyciens, dont les
dégâts en Europe sont supportables et qui, aux
Etats-Unis, sont devenus très rapidement de ter-
ribles dévastateurs : Liparis (Ocneria) dispar
(Gypsy-moth) — et Liparis(Porthesia) chrysorrhœa
(Cul-doré, Brown-tailmoth). Le point de départ de
l'invasion du Gypsy-moth en Amérique est dans
I. On sait, par ailleurs, que, de même, l'introduction de
plantes et d'animaux d'Europe en Australie et en Nouvelle-
Zélande a eu des conséquences désastreuses pour de nom-
breux éléments de la faune et de la flore indigènes de ces
régions isolées, où s'étaient réalisés des équilibres indépen-
dants.
INSECTES ENTOMOPHAGES 153
quelques chenilles échappées d'un élevage que fai-
sait, à iMedtord, près Boston, vers 1868, l'entomo-
logiste Trouvelot. Il avait fait venir cette espèce
d'Europe pour étudier des croisements avec des
formes américaines, En quelques années, le Liparis
dispar s'était multiplié, au point de détruire des
forêts entières et la végétation arborescente des
villes de l'Etat de Massachusetts et des Etats voi-
sins. La lutte contre ces Insectes s'est traduite par
des dépenses annuelles de plusieurs millions de
dollars et maintenant elle est basée avant tout sur
la mise en œuvre du parasitisme des Insectes ento-
mophages.
Déjà, en 1886, Riley avait triomphé d'une coche-
nille exotique, qui dévastait les vergers d'orangers
de la Calitornie, Icerva purchasi, en introduisant
et naturalisant dans le pays une cochenille austra-
lienne, Novius cardinalis, qui d'ailleurs n'est pas
un parasite, mais se nourrit de \Icerva : la même
expérience a été refaite, avec un succès constant,
en diverses contrées. Riley avait appliqué le même
principe en opposant au papillon blanc du chou,
Pieris brassicœ, cette fois un Hyménoptère ento-
mophage, Apanteles glomeratus et en combat-
tant la cochenille de l'olivier, Lecaniam oleœ, par
l'intervention d'un Chalcidien,qui est parasite au
Gap, Scutellista cyanea. L'une des raisons princi-
pales de la pullulation énorme d'un Insecte nouvel-
lement introduit dans un pays comme les Etats-
Unis, est qu'il y parvient sans être accompagné du
cortège des parasites qui, dans le pays d'origine,
enrayent sa multiplication. En introduisant expéri-
154 PARASITISME PROVISOIRE OU PROTELIEN
mentalement ces parasites, on doit donc rétablir
l'équilibre. Partant de ce principe, pour combattre
le Gypsy-Moth et le Brown-Tail-Moth, on est venu
faire en Europe une étude approfondie de tous les
parasites de ces deux espèces ; puis on a introduit
en Amérique, par centaines de mille, des chenilles et
des chrysalides de ces deux espèces, provenant d'Eu-
rope et du Japon, pour y rechercher ces parasites,
les multiplier dans des laboratoires spéciaux et les
acclimater ensuite dans la nature (i). On ne connaît
pas moins de 27 espèces d'Hyménoptères et de 25 Dip-
tères, qui, en Europe, s'attaquent aux chenilles de
Liparis dispar. La chenille d'un Géométride, Chei-
matobia briinnea, est parasitée, en Europe, par 63
Hyménoptères*
Mais une lutte de ce genre ménage bien des sur-
prises. A côté des parasites qui détruisent une espèce
nuisible, conformément aux intentions de l'expéri-
mentateur, il y a des parasites de ces parasites ou
hjyperparasites, qui, en s'attaquant aux premiers, les
déciment et par suite favori^sent indirectement la
propagation de l'ennemi. Les parasites sont des
auxiliaires, les hyperparasites sont des adversaires.
Or, on les introduit siuiultanément. Le bilan de
l'opération dépendra donc de la prédominance des
uns sur les autres, une fois l'acclimatation réalisée.
I. Pour l'histoire de cette lutte, voir Howard et Fiske,
The importation info the United-States of the parasites of
the gjpsj-moth and the bPown-tail-moth(U . S . Dept. oj Agri-
culture ; Bureau of Entoniotology, Bull. n° 91, 191 1) et
P. Marchal, Les Sciences biologiques appliquées à Vagri-
culture et la lutte contre les ennemis des plantes aux Etats-
Unis, Paris (Lhomme), 1916.
INSECTES ENTOMOPHAGES 155
Quelquefois aussi, dans les conditions nouvelles,
un parasite se transforme en hyperparasite. Ainsi,
un Chalcidien, Pteromalus egregius, parasite euro-
péen de Porthesia chrxsorrhœa, pond aussi ses
œufs dans les larves d'un Braconide, Apanteles
lacticolor, qui est lui-même un parasite du Liparis.
Il arrive aussi que des espèces américaines, para-
sites de chenilles indigènes, se sont transformées,
à la suite d'introduction d'Hyménoptères euro-
péens, en hyperparasites sur ces Hyménoptères,
devenant ainsi elles-mêmes nuisibles, h' Apanteles
fiihnpes , Braconide introàmt d'Europe comme para-
site utile, s'est trouvé attaqué aux États-Unis, par
i6 espèces américaines, devenant hyperparasites sur
lui et enrayant ainsi sa multiplication souhaitée.
On voit combien important et complexe est le
rôle des Insectes Entomophages dans l'équilibre
entre les espèces et à quelle échelle gigantesque agit
ce facteur, combien par suite cette catégorie de
parasites offre d'intérêt, à la lois pour la Biologie
générale et pour ses applications. La lutte engagée
aux Etats-Unis, sous la direction du Bureau of Ento-
mology conXve le Gypsjy-Moth, a apporté à la Biolo-
gie des documents d'une importance capitale qui ne
IDouvaient être réunis que grâce à d'énormes res-
sources en matériel, outillage et personnel.
Mais revenons à l'examen du parasitisme des
Insectes entomophages en lui-même. 11 est évident
qu'un phénomène de cette envergure comporte un
nombre considérable de modalités qui ne peuvent
être passées en revue ici en détail. Elles se ramènent
aux grandes catégories suivantes :
156 PARASITISME PROVISOIHE OU PROTÉLIEN
1° Les œufs du parasite sont pondus dans le milieu
extérieur et la larve, une fois éclose, atteint active-
ment sa victime, sur qui elle vit en parasite externe ;
20 L'œuf étant pondu dans les mêmes conditions,
la larve pénètre à l'intérieur de sa victime où s'ac-
complit son développement, en parasite interne ;
3° Les œufs sont pondus par l'entomophage direc-
tement dans sa victime et ils y accomplissent tout
leur développement ; on peut distinguer dans cette
catégorie les cas où la ponte a lieu dans une larve
(chenille) plus ou moins avancée, ou dans un œuf
non encore développé.
Le développement des Insectes entomophages,
malgré qu'il ait été déjà l'objet de nombreux tra-
vaux, ne nous est encore connu que d'une façon très
insuffisante. Les imagos se révèlent plus aisément,
parce que, très souvent, l'élevage d'une larve, d'une
chenille par exemple, au lieu du papillon attendu,
amène l'éclosion, aux dépens de la chrysalide, de
l'Hyménoptère ou du Diptère parasites. Mais il est
peu d'espèces dont on ait suivi toute l'évolution et
nous devons attendre de ces études beaucoup de
données intéressantes.
Les circonstances de la ponte, souvent difficiles à
observer d'ailleurs, posent des problèmes d'impor-
tance générale très grande. Par quel moyen l'ento-
mophage reconnaît-il la présence de la larve ou de
l'œuf sur lequel il va pondre et où sa progéniture
trouve les conditions favorables à son développe-
ment? Quel moyen, par exemple, révèle aux Ichneu-
monides ou aux Braconides la présence d'une larve
xylophage sous l'écoree d'un rameau ou d'un trône?
INSECTES ENTOMOPHAGES 157
Et cependant l'Hyménoptère sait trouver, à coup
sûr, le point où, en forant avec sa tarrière, il dépo-
sera son œuf, juste au contact de la larve, invisible
du dehors, qu'il veut parasiter. Ainsi les Thalessa*
lunator atteignent, dans l'intérieur du bois, la larve
de Sirex gigas. Ainsi, comme l'ont décrit avec pré-
cision Picard et Lichtenstein(J;7^), un Braconide,
Sycosoter laoognei, dépose son œuf, en forant une
branche de figuier, sur la larve d'un Scolytide, Hj^-
poboriis ficus, qui vit à l'intérieur du bois. De
Tœuf ainsi déposé, éclôt une larve qui reste immo-
bile sur l'hôte, sans pénétrer à son intérieur :
elle perce, à l'aide de ses mandibules acérées, la
peau de la larve à'Hrpohoriis et aspire le liquide
cavitaire dont elle se nourrit, en vidant peu à peu
sa victime, qui continue cependant à se nourrir elle-
même. Il est vrai que cet instinct est loin d'être
infaillible et beaucoup d'Insectes font parfois des
erreurs systématiques au détriment de leur progéni-
ture. Ainsi P^eroma^tts e^re^iizs, qui pond dans les
chenilles de Liparis chrysorrhœa, dépose fréquem-
ment ses œufs sur des peaux vides de la chenille, où
ils sont perdus. Il y a ainsi, d'une façon générale,
beaucoup de larves égarées par des erreurs des
femelles lors de la ponte (i).
\. Le développement des larves d'Insectes entomopliages
dans d'autres Insectes amène la nécessité pour les premiers
de sortir du corps des seconds à l'éclosion de l'imag^o, et
cela est réalisé parfois par des dis])ositions qui semblent être
des adaptations précises. Ainsi Kiinckel d'Herculais a
observé qu'un Diptère Bombjdide {Systropiis conopoïdes),
qui se développe dans la chenille de Sibine bonaerensis et
Ke trouve enfermé dans le cocon de 1» chrysalide, en sort
J58 PARASITISME PROVISOIRE OU PROTÉLIEN
Les formes larvaires des Insectes Entomophages
sont souvent des plus inattendues et des plus diffi-
ciles à expliquer. Telles sont celles des Platygas-
ter, Proctotrypides qui pondent dans les larves de
Cécidomyies et dont le développement a été étudié
d'abord par Ganin, puis plus récemment par Mar-
CHAL {3^ g). La première larve est toute différente
deslarves vermiformes habituelles chez les Hyménop-
tères. Elle est fortement chitinisée, avec une région
céphalique énorme et distincte, un abdomen étroit.
Elle rappelle un Gopépode et a été appelée, pour
cette raison larve cyclopoïde. Elle a des mandi-
bules énormes. Sa filiation sera vraisemblablement
plus claire quand on connaîtra mieux le développe-
ment des espèces où la larve est primitivement libre
et ne pénètre que plus ou moins tard dans son hôte.
Telles sont, par exemple, les larves, dites Planidiiim,
découvertes par Wheeler ( J p;7), qui appartiennent à
des Ghalcidiens (Orasema, Perilampus) et qui pénè-
trent dans des larves de Tachinaires, situées parfois
elles-mêmes à l'intérieur des chenilles. Elles ont une
structure très différente de la larve vermilorme
habituelle. La première larve des Hyménoptères
parasites doit, au reste, être très variable. J'en
figure quelques-unes ici, dont celle à'Eucoila kei-
lini, trouvée par Keilin, dans une larve de Pego-
myia (Diptères).
par le même procédé que la chrysalide elle-même, en décou-
pant, à l'aide d'une pointe située sur la tète, et par un mou-
vement de giration, une rondelle dans le cocon. Le para-
site a donc dû acquérir un organe semblable à celui de
l'hôte. KiÏNCKEL donne à ce parallélisme le nom &>homœo-
praxie (de o[j.oio; semblable upaHiç action).
INSECTES ENTOMOPHAGES
159
La difficulté à comprendre ces formes larvaires tient
surtout à ce qu'elles ne sont manifeslementpas en rap-
port avec les conditions actuelles où on les trouve ;
Et pourtant, l'œuf dont elles proviennent est adapté
à ces conditions, dans sa structure et son premier
développement. 11 est très pauvre en vitellus; sa
segmentation est totale ; ce qui correspond au fait
Fig'. 35. — Larves primaires de divers Hyménoptères ento-
mophages : Platygaster {Trichacis remuliis) (d'après Mar-
chal), 2 Planidiiun de Pe/'ifam/jzis (d'après H. -S. Smith), 5
TeZeas (d'après Ayers), 4^ Eiicoïla A;ei7mi (d'après Keilin).
que la larve trouvera immédiatement, hors d'elle-
même, de quoi se nourrir. Une forme larvaire ances-
trale a sans doute été conservée ici, par une éclosion
à un stade très précoce, de la même façon que l'imago
libre est conservée au terme de la vie larvaire.
En général, ces larves entomophages vivent sur
ou dans leurs hôtes, sans en détruire les organes
essentiels, ni même, comme on l'a cru parfois, sans
dévorer le corps gras. Au début du développement,
jusqu'à leclosioude lalarve,eLLes sont fréquemment
160 PARASITISME PROVISOIRE OU PROTELIEN
entourées d'un épithélium provenant de l'hôte et
qui les en isole. A l'intérieur de cette enveloppe, la
segmentation de l'œuf sépare, dès le début, l'em-
bryon proprement dit et de gros noyaux végétatifs
très colorables, qui se fragmentent et jouent évi-
demment un rôle trophique important. On retrouve
donc là, au moins pour le début du développement,
une disposition organique constituant un appareil
interposé pour la nutrition et rappelant une pla-
centation. Gela doit jouer un grand rôle dans la
conservation des formes larvaires initiales dont il
vient d'être question. Quand les larves sont écloses
et mobiles dans l'intérieur de l'hôte, elles absorbent,
par succion, le liquide de sa cavité générale, qui ren-
ferme les substances tirées delà nourriture végétale
de cet hôte et élaborées par lui. Leur développement
serait sans doute enrayé, si seulement l'hôte cessait
de se nourrir. Aussi cet hôte peut-il être considéré
comme un simple transformateur intermédiaire des
matières nutritives pendant la croissance de la
larve, et comme les organes imaginaux sont, pour la
plupart, des néoformations qui, chez tous les Insectes
holométaboles, ne participent nullement à la vie
fonctionnelle larvaire, on conçoit qu'en tout état de
cause, le parasitisme de la larve soit sans action sur
eux et conduise à une imago semblable à celle des
Insectes à larves libres. Par là le cas présent se
rattache à ceux examinés précédemment, comme,
par exemple, les Monstrillides.
On s'explique aussi que, dans des familles comme
les Cynipides, à côté des formes entomophages, il
en existe d'autres, très voisines, qui sont gallicoles.
INSECTES ENTOMOPHAGES 161
Elles provoquent sur les végétaux (surtout sur les
Chênes), dans des conditions que nous verrons plus
loin, la formation de galles, où la plante accumule
des réserves et des sucs dont elles se nourrissent.
Klles prennent alors directement à la plante ce que
les formes entomophages absorbent indirectement
et à un état déjà élaboré, dans le corps d'un hôte. On
conçoit queles diverses espèces d'un même type aient
pu s'adapter à l'un ou à l'autre régime, beaucoup
moins différents en réalité qu'en apparence. Mais il
n'y a là encore qu'une analogie vague et il est évi-
dent que l'étude physiologique précise de la nutri-
tion, tant chez les formes parasites que chez les
formes gallicoles, offrirait un très grand intérêt.
Dans tout ce qui précède, on n'a eu en vue que les
Insectes entomophages, mais un certain nombre
de types se développent d'uHe façon analogue en
parasites dans les végétaux et dans des animaux
autres que des Insectes. On trouve des larves de
Diptères parasites dans des groupes extrêmement
variés. A l'occasion de l'étude du développement
de Pollenia rudis, mouche très vulgaire, dont il a
découvert la vie larvaire dans les vésicules sémi-
nales d'un lombric (Allolobophora chlorotica), Kei-
LiN [3^4) ^ passé en revue les traits généraux du
parasitisme des larves des Cyclorhaphes. Un cer-
tain nombre de ces Diptères offrent un intérêt spécial
comme parasites des Vertébrés et en particulier des
Mammifères et de l'homme. Le chapitre des myiases
est intéressant par la variété qu'il révèle dans les
conditions de ce parasitisme.
M. Caullbrt, -^ Le Parasitisme
CHAPITRE VII
LES PARASITES HETEROXENES
ET LEURS MIGRATIONS
Soi^MAiRE. — Délinition. — Cestodes : oncosphères et cys-
ticerques. — Cycle et hôtes successifs des Bothriocé-
phales. — Trématodes : miracidiiimetsporocyste; cercaire
et métacercaire. Cycle des Schistosomim {Dilharzia),
etc. etc. — Némathelminthes : Spiroplère, Trichine,
Filaires, Gordiens, Acanthocéphales. — Protozoaires :
Grégarines [Aggregata, Nematopsis). — Hémosporidies
(Plasmodium, Hémogrégarines, ete...), Hémoflagellés (Try-
panosomes, Piroplasmes, Leishmania) . — Le problème
de l'hôte définitif dans le cas des Protozoaires hété-
roxènes.
On voit suffisamment, par l'étude des chapitres
précédents, que la circonstance capitale de la vie
d'un parasite est la rencontre de l'hôte . Faute de
trouver, au moment voulu, l'hôte convenable — et
celui-ci est le plus souvent une espèce étroitement
définie — le jeune parasite, embryon ou larve,
meurt. Il se perd ainsi un nombre énorme d'indivi-
dus, qui ne font pas la rencontre propice, et nous
verrons comment cette perte immense de germes
est compensée. Mais il est un certain nombre dépara-
MIGRATIONS 163
sites pour qui le cycle évolutif est plus compliqué
et plus risqué encore ; ce sont ceux qui ne peuvent
l'accomplir qu'en passant successivement par deux
hôtes : le premier, transitoire, appelé hôte proçî-
soire, ou hôte intermédiaire, où ils restent à un
état imparfait ; le second, appelé hôte définitif, où
ils atteignent l'état adulte. 11 y a même quelques pa-
rasites qui doivent passer par trois hôtes successifs.
Ces changements d'hôtes sont appelés migrations
et les parasites qui les présentent sont dits hété-
ro xènes.
Le fait des migrations complique beaucoup l'étude
des parasites ; car il est extrêmement difficile, en
général, de les identifier à leurs phases successives,
ou bien, les rencontrant dans l'un des deux hôtes, de
déterminer quel est l'autre. Pour ces raisons, l'his-
toire des migrations des parasites offre un intérêt
spécial et nous passerons en revue les divers cas qui
en sont connus, glissant rapidement sur ceux qui
sont classiques et insistant davantage sur d'autres
plus récemment découverts .
Gestodes. — Le cas de migrations des parasites le
plus anciennement découvert est celui des Gestodes.
Il a été élucidé vers le milieu du xix® siècle. Jusque-
là, on considérait encore comme deux types zoolo-
gique distincts, d'une part, les Taenias rubannés
siégeant dans l'intestin des Vertébrés et d'autre
part, les i>ers cystiques vésiculeux, siégeant dans
des organes i)ro fonds, tels que le péritoine, les
muscles, le foie, le cerveau et qu'aujourd'hui nous
appelons cyslicerques. Kûcuenmkister et P. J^
Ib4 MIGRATIONS DES PARASITES HETEROXENES
Van Beneden ont, L^s premiers, expérimentale-
ment démontré que les cysticerques sont simplement
un stade de l'évolution des taenias; et que la trans-
formation des uns dans les autres se fait à la faveur
d'un changement d'hôte. Le cysticerque siège dans
un hôte provisoire et devient taenia quand il est
ingéré, avec tout ou partie de cet hôte provisoire
par l'hôte définitif. Faute de cette condition néces-
saire, il reste indéfiniment à l'état de cysticerque et
finit par dégénérer.
Aujourd'hui, le cycle évolutif des Cestodes est clas-
sique et a été suivi effectivement sur un assez grand
nombre d'espèces. Résumons le sur le cas de Tœnia
solium. L'œuf se développe dans l'utérus du seg-
ment, ou proglottis^ du Taenia où il s'est formé, jus-
qu'au stade d'embryon muni de six crochets groupés
en trois paires, et dit embryon hexacanthe ou
oncosphère. Il est évacué hors de l'hôte avec les
proglottis. S'il vient alors à être ingéré par un
Mammifère, — le Porc est l'hôte typique, mais ce
peuvent être d'autres espèces — , la coque de l'œufse
rompt sous l'influence du suc gastrique et l'onco-
sphère est mis en liberté. A l'aide de ses crochets, il
traverse la paroi intestinale, pénètre dans les vais-
seaux sanguins et lymphatiques et est entraîné dans
la circulation générale. Finalement, au niveau des
capillaires, il se fixe dans le tissu conjonctif des
muscles, y gonfle en un vésicule et passe ainsi à
l'état de cysticerque, Cysticercus cellulosœ. Sur cette
vésicule, au bout de quelques semaines, se forme
une invagination, dans laquelle se difl'érencie le
scolex, c'est-à-dire ce qu'on est convenu d'appeler la
CESTODES 165
tête du futur tœnia. Mais le développement s'arrête-
là et le cysticerque peut rester à cet état pendant des
mois et mêmes des années. L'infestationdes muscles
du porc par des cysticerques constitue la ladrerie
de cet animal. Si de la viande ladre est absorbée
par un Mammifère approprié, tel que l'homme, le
cysticerque est libéré, le scolex se dévagine, se fixe à
la muqueuse intestinale, s'allonge et se strobilise en
un taenia adulte.
On trouve dans les traités de zoologie et deparasi-
lologie la description du cycle de nombreuses espè-
ces. Je me borne ici à donner à titre documentaire
un tableau (p, i66) qui en résume quelques-uns.
Chacun de ces cycles offre des particularités . Les
hôtes provisoires sont très variés et ce ne fut pas
sans occasionner des surprises et des méprises.
P. J. Yan Beneden avait effectué à Paris, devant
une commission, des expériences tendant à prouver
l'identité spécifique des Cysticercus pisiformis et
de Tœnia serrata. A déjeunes chiens nourris exclu-
sivement avec du lait, il avait fait ingérer les cysti-
cerques du lapin. A l'autopsie, il fut surpris de
constater qu'en plus du Tœnia serrata, les chiens
renfermaient des Dipylidiuin caninum. Aujour-
d'hui, le fait sexplique aisément, parce que, tout
en étant nourris exclusivement de lait, les chiens
s'étaient cependant infestés de l'autre espèce par
leurs poux et leurs puces, auxquels on n'avait pas
pris garde.
Le cycle se complique quelquefois en ce qu'au lieu
d'un seul hôte provisoire il y en a deux et tel est le
cas des Bothriocéphales, dont l'histoire complète n'a
166 MIGRATIONS DES PARASITES HÉTÉROXÈNES
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CESTODES
167
été élucidée que tout récemment, par les travaux de
F. RosEN i28g).
On connaissait depuis longtemps la larve du
Bothriocéphale qui infeste l'homme. C'est un ver
allongé, blanchâtre, dit larve plérocercoïde (i), qui
vit dans les viscères ou les muscles de divers pois-
sons (Brochet, Salmonidés) et l'homme s'infeste en
absorbant ces poissons insuffisamment cuits (2) et
en particulier, leurs œufs (caviar). Mais on ignorait
comment se fait le passage de l'œuf à cette larve. Les
œufs de Bothriocéphale ne se développent qu'une
fois rejetés dans le milieu extérieur et très lente-
ment, — en plusieurs mois, dans l'eau courante, en
dix à quinze jours à 3o-35 degrés. L'embryon hexa-
cante est recouvert icid'un long revêtement ciliaire ;
il éclôt et vit librement dans l'eau, sous forme de
larve nageuse ou coracidie (fig. 36, a). Les recher-
ches de RosEN viennent de montrer que cette cora-
cidie doit être ingérée par un premier hôte provi-
soire, qui est un Gopépode Cyclops strennuus ou
Diaptomus graciiis). Elle ^asse dans la cavité géné-
rale (3) de celui-ci et s'y transforme en une forme
larvaire, dite larve procercoïde (fig. 36,^, c). C'est
en avalant des Copépodes renfermant ces larves que
les poissons, brochets ou salmonidés, s'infçstent à
1. Elle correspond à l'état définitif des Gestodes les plus
primitifs, ou Ces todaires, tels qnel'Archigetes.
2. Le Bothriocéphale, en raison de cela, se rencontre sur-
tout dans la rég^ion des lacs suisses et italiens et en Fin-
lande.
3. La transformation ne réussit que dans certaines espèces
de Copépodes ; dans d'autres, comme Cyclops viridis, les
coracidies sont digérées.
168 MIGRATIONS DES PARASITES HÉTÉROXÈNES
leur tour de la larve plérocercoïde, préalablement
connue. Il y a donc ici deux hôtes provisoires —
Fig. 36. — Formes larvaires de Bothriocephalns latus (d'après
Rosen) : a larve libre (Coracidie), h Cjclops infesté par
la larve procereoide, c.
copépode et poisson — avant l'hôte définitif (O. Il
ne faut donc pas s'étonner que le Bothriocéphale
I. Rosen a mis expérimentalement en évidence la même
évolution pour Triaenophoriis nodiilosiis, Bothriocéplialide
qui, à l'état adulte, vit dans le Brochet (hôtes provisoires :
Cyclops et perche) ; pour Abothrium inf midi biilij orme ,
parasite de la truite (Triitta lacustris), dont la coracidie
n'est pas ciliée (hôtes provisoires : Cyclops et perche) et
enfin pour la ligule {Ligula simplicissimà), qui, à l'état
adulte, siège dans l'intestin d'oiseaux aquatiques [Colym-
TRÉMATODES * 169
doive produire des œufs en nombre immense : sa taille
est couramment de 8 mètres de long et atteint jus-
qu'à i5 mètres, avec plusieurs milliers de proglottis.
Inversement au cas des Bothriocephalidœ, cer-
tains Gestodes, probablement par une adaptation
secondaire, se développent directement sans hôte
intermédiaire. C'est ce que GRAssiet Rovelli {2 y 5)
ont établi pour un tœnia des Rongeurs, Hymeno-
lepis fraterna Stiles (= H. miirina Dujardin)
et Galandkugcio, pour VHrmenolepis nana de
homme. Les embryons hexacanthes se transfor-
ment, dans la lumière de l'intestin, en oysticercoïdes,
qui ne prennent pas la structure vésiculeuse des
cysticerques, se fixent directement à la paroi intes-
tinaleet deviennent directement des tœnias adultes.
L'étude expérimentale du cycle évolutif des Ges-
todes olîre encore énormément de problèmes parti-
culiers à résoudre. Nous n'avons de connaissances
précises que sur une proportion relativement très
faible des espèces existantes.
Trématodes. — D'une manière générale, les ani-
maux de ce groupe, qui sont parasites externes, se
développent entièrement sur un seul hôte et on les
oppose à ce titre {monogénétiques) à ceux qui sont
endoparasites et effectuent des migrations compli-
quées de phases de multiplication {digénétiques).
Le cycle de ces derniers n'est connu, d'une façon
bus, Mergus, Anas), et qui, après un stade de eoracidie
ciliée, passe aussi par un Cyclops et un poisson (goujon,
brème, gardon). Les œufs de la ligule tombent dans Feau
avec les excréments de l'oiseau.
170 MIGRATIONS DES PAFÎASITES HÉTÉROXÈNES
précise, que pour un très petit nombre d'espèces,
mais ses traits généraux semblent très -constants.
L'hôte provisoire est un Mollusque, où l'animal
passe par les états de sporocyste.rédie etcercaire (i).
Le cas classique, le premier qui ait été élucidé, est
le Distomum ( Fasciola) hepaticam, la grande douve
du foie du mouton ; les œufs, très nombreux, sont
évacués avec les excréments du mouton et se déve-
loppent lentement (deux à trois semaines à 25°, beau-
coup plus longtemps à basse température) en une
larve ciliée, dite miracidium, qui éclot dans l'eau,
y nage quelque temps librement, jusqu'à ce qu'elle
rencontre une petite espèce de Pulmoné, Limnea
truncatula. C'est dans cette espèce seulement, du
moins en Europe, que l'évolution ultérieure du
miracidium peut s'accomplir complètement ; dans
Limnea stagnalis, elle commence mais ne s'achève
pas. Le miracidium se fixe dans le poumon de la
limnée, s'y transforme en sporocyste, à l'intérieur
duquel se forment les rédies, qui émigrent dans le
foie et y produisent, soit immédiatement des cer-
caires, soit d'abord une nouvelle génération de ré-
dies. Les cercaires mûrs sortent de la limnée, nagent
quelques heures, puis s'enkystent après s'être fixés
à un brin d'herbe. Quand le kyste est avalé par.
un herbivore, il se rompt dans l'estomac et le jeune
distome, mis en liberté, gagne les voies biliaires où il
devient adulte.
On ne connaît actuellement le cycle complet que
pour un nombre relativement restreint d'espèces.
I. V. chapitre suiv. p. Q02.
TRÉMATODES 171
En voici quelques-unes résumées, à litre de docu-
ment, dans un tableau (p. 172).
Pour certaines formes extrêmement communes,
comme Distomum lanceolatiim (petite douve du
foie du mouton), l'hôte provisoire n'a pu être encore
déterminé.
On connaît de même beaucoup de sporocystes et
de cercaires dont l'adulte est ignoré.
La phase de rédie est parfois supprimée. C'est ce
qui arrive pour Distomum macrostomum^ parasite
d'oiseaux (Pics, etc.), dont le très remarquable
sporocyste, Leucochloridium paradoxum vit dans
lasuccinée (Siiccinea putris .11 s'y ramifie en tubes,
dont l'un vient distendre les tentacules du mollus-
que et s'y hypertrophie en un gros tube pulsatile
au soleil et vivement coloré. Cette particularité
attire le regard des Oiseaux qui se jettent sur les
succinées parasitées, les dévorent et s'infestent. Or,
dans ces sporocystes, il se forme directement des
cercaires.
Chez beaucoup d'espèces, les cercaires, au lieu de
s'enkyster à l'extérieur, comme ceux de Distomum
hepaticum, pénètrent dans un second hôte provisoire,
chez lequel ils s'enkystent dans la cavité générale,
en attendant qu'ils soient ingérés avec lui par l'hôte
définitif. On donne le nom de méiacercaire à cette
phase du cycle : les métacercaires sont très répan-
dus, en particulier chez les Annélides polychètes ;
l'arénicole des pêcheurs, par exemple, en renferme
très communément un, appartenant au genre Echl-
nostomum (caractérisé par une série de crochets
disposés comme en pèlerine) et ces kystes sont recou-
172 MIGRATIONS DES PARASITES HÉTÉROXÈNES
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TRÉMATODES 173
verts d'un épais manteau de phagocytes de l'anné-
lide. Beaucoup de ces métacercaires sont des indivi-
dus égarés qui n'arriveront pas à maturité, faute
d'être ingérés par l'hôte définitif.
C'est seulement dans ces tout dernières années
qu'a été reconstitué le cycle de deux espèces de Disto-
mes, qui causent à l'homme des maladies redoutables;
ces cycles sont intéressants par les variantes qu'ils
offrent par rapport au cas général .
L'un est celui qui cause une affection répan-
due dans les pays chauds, la bilharziose. C'est le mé-
decin BiLHARz qui, en Egypte, a reconnu qu'elle
était due à un Trématode vivant dans le système
veineux, Schistosomiim (= Bilharzia, = Gynœco-
phorus) hœmatohiam. 11 offre la curieuse particu-
larité d'être, seul parmi tous les Trématodes, une
forme à sexes séparés et le mâle porte constamment
la femelle jeune dans une gouttière ventrale (i). Le
mode d'infestation par ce parasite 'îst resté inconnu
jusque tout récemment ; on avait remarqué que la
maladie atteignait de préférence les hommes tra-
vaillant dans l'eau, comme les ouvriers des rizières,
Looss, guidé par ses recherches surl'Ancylostome,
concluait à une pénétration directe du miracidium
dans la peau immergée. C'est en igiS, au Japon,
que MiYAiRi et Suzuki {2 85) découvrirent le cycle
de ce Trématode ; il est en réalité tout à fait
parallèle à celui du Distomum hepaticum. Les
I. On connaît actuellement trois espèces de ce genre,
chez l'homme (-S. haematobium, S. mansoni et S.Japonicum)
et cinq chez divers mammifères domestiques. On les dis-
tingue par la forme des œufs .
174 MIGRATIONS DES PARASITES HÉTÉROXÈNES
résultats des auteurs japonais ont été rapidement
confirmés par Leiper (^52) en Egypte, par Iturbe
et Gonzalez (284) au Venezuela et par Lutz [2 y g]
au Brésil.
Les œufs sont rejetés au dehors avec l'urine ouïes
excréments (suivant Fespèce) et renferment à ce
moment un miracidium cilié, qui éclot quand l'œuf
arrive dans l'eau pure. Il pénètre alors dans un
hôte intermédiaire, planorbe ou physe : Tinfestation
se fait surtout par les tentacules du mollusque. Le
miracidium évolue en sporocyste dans le tentacule
qui se gonfle. Après une vingtaine de jours, les spo-
rocystes primaires, arrivés à maturité, crèvent dans
le tentacule, en donnant issue à de nombreuses mas-
ses cellulaires indifférenciées, qui vont former, dans
les divers viscères du planorbe (foie, glande géni-
tale), des sporocystes secondaires, oii se différen-
cient de très nombreux cercaires à queue fourchue.
Ces cercaires sortent du planorbe, sous l'influence
de la chaleur et d'une lumière solaire vive. Ils vien-
nent alors à la surface de l'eau et y flottent, suspen-
dus par la queue. L'homme s'infeste, soit par le
simple contact de la peau en se baignant, soit en
buvant l'eau contaminée . Les cercaires traversent,
suivant le cas, la peau ou la muqueuse buccale ou
œsophagienne. La pénétration est rapide ; il suffit
d'une dizaine de minutes. L'infestation expérimen-
tale a été réalisée méthodiquement sur des Rongeurs,
par la peau rasée. Les eaux stagnantes peuplées
d'une riche végétation et habités par les planorbes
et les physes sont donc dangereuses, surtout après
une période d'insolation.
TREMATODES
175
L autre parasite humain passe par une phase de
métacercaire dans un second hôte provisoire ; c'est
le Paragonimiis westermanni, qui occasionne en
Extrême-Orient (i) une grave affection, la Disto-
matose pulmonaire. Le distome adulte, localisé
Fig. 37. — Développement de Schistosomiim (Bilharzia)
jnansoni (diaprés Lutz), j œuf normal renfermant l'em-
bryon cilié, 2 tentacules infestés (et renflés) de Planorbis
olivaceus, 3 tentacule normal, 4 sporocyste secondaire,
5 id. plus développé, 6 cercaire à queue fourchue.
dans les poumons, occasionne des hémoptysies re-
doutables. Or l'homme s'infeste en absorbant les
cercaires enkystés (ou métacercaires) qui se trou-
vent dans des crabes d'eau douce (Potamon obtu-
sipes, Sesarma de haani, Eriocheir japoniciis) ;
ceux-ci sont contaminés parfois dans la proportion
1. Elle atteint à Formose jusqu'à 10 0/0 des habitants,
dans certaines parties montagneuses de l'île.
176 MIGRATIONS DES PARASITES HÉTÉROXÈNES
de loo o/o. Ces crabes sont le second hôte provi-
soire du distome, le premier étant une Melania
{M. lihertinà).
Nématodes. -- Dans ce groupe, un certain nom-
bre de parasites sont aussi liétéroxènes. Le Spirop-
tera obtusa de la souris commence son évolution
dans les vers de farine (larves de Tenehrio molitor).
Les AcuarHdcBy en général, sont d'abord parasites
dans des insectes coprophages, puis dans des mam
mifères. Spirocerca sangamolenta et Physocepha-
lus sexalatus ont ainsi, pour hôtes successifs, l'A^ett-
chus sacer et le chien ou le chacal.
Les Ollulanus du Chat vivent à l'état de larves
chez la souris ; les Cacullanus elegans de la Perche
ont pour premier hôte des Cyclops ou des larves
à'Agrion ; un Ichthyonema des Uranoscopes para-
site d'abord des Sagitta.
La Trichine ( Trichinella spiralis) s'enkyste dans
les muscles des mammifères (porc, sanglier, rat,
etc.), et peut y rester vivante, sans se développer,
pendant plusieurs années. Quand les muscles infes-
tés sont mangés par un autre mammifère ou par
l'homme, ces trichines sont mises en liberté dans
l'estomac, achèvent d'y mûrir, s'accouplent dans
rintestin grêle, y pondent et leurs larves franchis-
sent la paroi intestinale, puis, entraînées dans la cir-
culation, vont finalement s'enkyster dans les mus-
cles du nouvel hôte.
Les filaires accomplissent des migrations compli-
quées, qui ne sont connues qu'en partie.
La Pilaire de Médine [Filaria jnedinensls), qui
NÉMATODES 177
vit dans le tissu sous-cutané de l'homme et atteint
jusqu'à I mètre de longueur (sur 1-2 millimètres de
largeur), a pour hôte provisoire un Gopépode C^-
clops coronatus ; elle y pénètre par la bouche et le
tube digestif et passe de là dans la cavité générale
(RouBAUD, 3 12), L'homme s'infeste en avalant ces
Crustacés, mais il est nécessaire que le ver y ait subi
une évolution qui est assez longue. L'infestation
expérimentale a été obtenue sur des singes.
Toute une série de ûlaires qui vivent à l'état
adulte dans les organes profonds, notamment dans
les vaisseaux lymphatiques, et dont les embryons
(microfilaires), entourés d'une gaine, circulent dans
le sang, ont un cycle analogue. Telles sont Filaria
bancrofti(F. nociurna), dont les larves circulent la
nuit et qui cause des maladies redoutables, F. loa
(F. diurna), F. perstan?, F. oolvulus, etc.
Seul est complètement connu, pour les Filaires
de l'homme, le cycle de F. bancrofti, découvert en
1877, par P. Manson (i). L'hôte intermédiaire est
un moustique, qui avale les microfilaires avec le
sang. Dans l'estomac de l'insecte, ces microfilaires
se débarrassent de leur gaine, passent dans la cavité
générale et dans les muscles et subissent là une évo-
lution d'une quinzaine de jours, au bout de laquelle
leurs organes sont achevés. Elles émigrcnt alors
dans les diverses parties du corps du moustique et
I. Cette découverte, outre son intérêt propre, a celui d'a-
voir été le point de départ des recherches qui ont abouti
ultérieureiaent à la connaissance du cycle de l'hématozoaire
du paludisme. Elle est historiquement l'origine de toute la
série si fructueuse des travaux sur les maladies parasitaires
du sang.
178 MIGRATIONS DES PARASITES HÉTÉRÔXÈNES
viennent s'accumuler dans la lèvre inférieure. Au
moment où le moustique pique, elles se trouvent
déposées sur la peau, à travers laquelle elles passent
activement, sans devoir utiliser la piqûre, car elles
peuvent traverser la peau saine.
La Filaria immitis du cœur du chien est trans-
mise aussi par des Gulicides ; le mécanisme est le
même que pour F. hrancrofti, sauf que les jeunes
filaires vont achever leur développement dans les
tubes de Malpighi du moustique. La F. grassii
du chien passe par une tique du genre Rhipice^
phalus.
Les Gordius, types aberrants de Nématodes,
subissent aussi des migrations complexes. En voici
le résumé très succinct pour Gordius tolosanus. Les
adultes se rencontrent libres dans Teau, en avril. Ils
pondent et leurs larves, qui se développent en un
mois environ, pénètrent dans des larves aquatiques
d'Insectes {Sialîs, Bphemera, Tanypua, Corethra,
Chironomus), ou dans des Poissons, ou encore dans
des vers [Enchytrœas). Elles s'enkystent dans les
muscles de ces hôtes intermédiaires et y restent jus-
qu'après la métamorphose, s'il s'agit d'Insectes. Elles
achèvent leur développement quand ce premier
hôte est avalé par l'hôte définitif, généralement un
Coléoptère (Pterostichus ni g-er ou dÏY ers Carabides),
où elles constituent la seconde larve, qui grandit et,
au printemps suivant, perce la paroi de l'hôte et
parvient ainsi à l'état adulte, dans l'eau où on
trouve le ver. Pour que que cette dernière condition
soit réalisée, il faut que les Pterostichus, animaux
PROTOZOMRES 179
essentiellement terrestres, soient amenés à l'eau,
soit par hasard, soit par un tropisme non encore
analysé. Les Gordius libres achèvent de mûrir leurs
glandes génitales et pondent leurs œufs ; le nom-
bre extrêmement élevé de ceux-ci compense la perte
considérable des larves (i).
hes Acanthocéphales , psirasites R l'état adulte dans
l'intestin des^ Vertébrés, auquel ils sont fixés par
une trompe garnie de nombreuses rangées de cro-
chets et complètement dépourvus de tube digestif,
passent à Tétat larvaire par un hôte provisoire,
variant avec les espèces : Grustacé (Asellus, Gam-
marus, etc..) ou Insecte (Blaps, Cetonia), ou Pois-
son.
Les Linguatulides, groupe généralement ratta-'
ché aux Arachnides, évoluent aussi avec des migra-
tions. L'adulte habite les voies respiratoires des
Mammifères et des Serpents. Les larves sont enkys-
tées dans les viscères d'autres Mammifères, géné-
ralement herbivores.
Protozoaires. — Les migrations, avec passage
par des hôtes provisoires, ne sont pas moins répan-
dues chez les Protozoaires que chez les Métazoaires,
ainsi que l'on montré les travaux récents, surtout
chez les Sporozoaires et les Flagellés.
T. Les Nectonenia marins, trouvés nageant à la surface
et qui ont une structure voisine de celle des Gordius, ont
peut-être un cycle analogue, mais qui est encore complète-
ment inconnu.
180 MIGRATIONS DES PARASITES HÉTÉROXÈNES
Parmi les Grégarines, Léger et Duboscq (2 3 i) ont
démontré, d'une façon indiscutable, que les Gréga-
rines cœlomiques des Crustacés qui forment le genre
Aggregata, ne sont autres que la partie schizogo-
nique d'un cycle, dont la sporogonie s'effectue chez
les Céphalopodes et y constitue les Klossia ou Eucoc-
cidium, jusque-là considérés comme les Coccidies.
En faisant ingérer à des Portunus et des Inachus
des sporozoïtes de VEucoccidiam eherthi de la
Seiche, ils sont provoqué, chez ces Crabes, une
infection intense dH Aggregata et ils ont pu en suivre
tous les stades.
De même les Grégarines intestinales des Crus-
tacés Décapodes, Homards et Crabes, connues sous
le nom de Porospora, dont les sporozoïtes sont
à nu, ne représentent qu'une fraction asexuée du
cycle, dont la partie sexuée se produit chez des
Mollusques lamellibranches (Tapes, Solen, Tellina,
Mytilus, Cardium, Donax) et y constitue les para-
sites décrits sous le nom de Nematopsis. En faisant
ingérer des JSematopsis à des Portunus, Léger et
Duboscq (i2^5-i2^^) ont obtenu toute l'évolution des
Porospora (cf. fig. 38) .
C'est surtout chez lesHémosporidies et les Hémo-
flagellés, que les migrations présentent une impor-
tance capitale, en raison du rôle pathogène de beau-
coup de ces parasites. L'étude de ces migrations a
été un des principaux objets de recherches zoolo-
giques, au début du XX* siècle. D'une manière géné-
rale, chez les Vertébrés, les Hémosporidies se mul-
tiplient par voie asexuée (schizogonie) et différen-
cient leurs éléments sexués(gamétocytes), mais sans
SPOROZOAIRES
181
que la formation des gamètes proprement- dits
s'achève. Cet achèvement n'a lieu que quand les
gamétocytes sortent du vaisseau sanguin du Verté-
bré. En examinant au microscope du sang de Mam-
mifères ou d'Oiseaux infestés, on voit, au bout de
Fig-. 38. — Cycle de Porospora portiinidariim (d'après Léger
et Duboscq) : a Stade Nematopsis (dans les branchies de
Cardiiim ediile),b sporozoïte de Nematopsis venant d'éclore
(dans le tube digestif de Po?'tiiniis depiirator, c-e sporo-
zoïtes fixés à des cellules intestinales et évoluant en spo-
radins.
quelques instants, les gamétocytes mâles émettre ra-
pidement quelques longs flagelles, qui se détachent
et ne sont autre chose que les microgamètes : on a
assez longtemps pris ceux-ci pour des formes de dé-
générescence. Le premier Me Gallum, sur VHaemo-
182 MIGRATIONS DES PARASITES HÉtÉROXÈNES
proteus coliimbœ du Pigeon, a vu. sous le micros-
cope, ces flagelles féconder des gamètes femelles.
Dans les conditions naturelles, cet achèvement des
gamètes et leur fusion se produisent dans Testomac
d'un Invertébré piqueur, moustique, sangsue, tique,
etc.. Dans ce nouvel hôte, s'accomplit la seconde
partie du cycle, qui aboutit à des germes très nom-
breux, inoculés au Vertébré par la piqûre de l'hôte
invertébré .
R. Ross [2^3) a, lepremier, fait connaître ce cycle,
en 1898, pour les Proteosoma des oiseaux, dont la
gamogonie a lieu dans des Ciilex . Peu après, les
recherches de Grassi (2 2 3) et de ses élèA^es l'ont
reconstitué avec précision pour les parasites tout à
fait Yoisins (Plasmodium), qui déterminent le palu-
disme humain ; ici le second hôte est un autre genre
de Culicide (Anophèles).
Résumons rapidement les faits aujourd'hui clas-
siques, relatifs au Plasmodium. Les parasites se
multiplient par schizogonie dans les globules san-
guins de l'homme (formes en rosette) et y élabo-
rent du pigment mélanique. Après un certain nombre
de générations de ce genre, ils produisent des élé-
ments d'une forme spéciale (croissants) qui sont des
gamétocytesetqui n'évolueront pas davantage dans
les vaisseaux humains: mais, s'ils sont absorbés par
un Anophèles avec le sang, sitôt arrivés dans l'esto-
mac des moustiques, les gamétocytes femelles, ou
macrogamètes, s'arrondissent ; les gamétocytes mâles
émettent rapidement des flagelles ou microgamètes,
qui vont féconder les macrogamètes. Le zygote
formé est vermiforme et mobile (oocmé^e). Il franchit
SPOROZOAIRES 183
la paroi de l'estomac du moustique et s'enkyste
(oocystë)^ en faisant hernie à la surface externe de
la paroi stomacale, dans la cavité générale.
Dans ces oocystes, se différencient, en nombre
immense, des sporozoïtes filiformes et mobiles, qui
se répandent dans tout le corps de l'anophèle et en-
vahissent les glandes salivaires. Ils seront inoculés
à l'homme quand l'anophèle piquera. Le mécanisme
de transmission est, comme on voit, assez analogue
à celui de Filaria bancrofti.
U Hœmoproteiis coliimbœ du pigeon passe par
une mouche pupipare {Ljmchia maura) qui vit dans
le pigeon: mais, dans ce cas, la partie du cycle qui
s'accomplit dans l'invertébré, se réduit à la copula-
tion des gamètes ;roocyste ne sort pas de l'estomac
del'Insecte et estinoculé au pigeon avant d'avoir éyo-
iué. L'Hœmopi'oteiis noctiiœde la chevêche se trans-
mettrait, d'après Schaudinn(24'^) par des Culex(i).
Les Hémogrégarines, que Ion rencontre surtout
dans le sang des Vertébrés à sang froid, ont un
cycle analogue. L'hôte invertébré est généralement
une Hirudinée (pour les Hœmogregarina) ou un
xAcarien [Lypony^ssiis saiirarum pour KaryoVysus
lacer tariim). UHepatozoon perniciosum du rat a
pour hôte invertébré un Acarien (Lelaps echid-
niniis) parasite sur le rat. Le Leucocytozoon canis,
une tique (Rhipicephalus sanguineiis).
I. Les recherches de Schaudinn sur ce dernier parasite (1904)
avaient eu un très grand retentissement, parce que l'auteur
y avait été conduit à admettre l'identité des Hémosporidies,
des llémollagellés et des Spirochètes. Mais ces conclusions
devaient reposer sur la méconnaissance d'infections mixtes
et sont caduques aujourd'hui.
1S4 MIGRATIONS DES PARASITES HÉTÉROXÈNES
Les Hémoflagellés se transmettent dans des con-
ditions semblables aux Hémosporidies et l'étude de
ces conditions est actuellement un problème d'une
importance exceptionnelle, en raison des formes
pathogènes ; il est d'ailleurs très complexe. Aujour-
d'hui, on peut considérercomme établi qu'il y a deux
catégories dans cette transmission. Dans Tune, l'in-
vertéferé transmetteur mérite véritablement le nom
d'hôte, parce qu'il y a évolution du Flagellé à son
intérieur avant la réinoculation et celle-ci n'est pos-
sible qu'après que cette évolution s'est acccomplie ;
dans l'autre catégorie, l'invertébré n'est qu'un agent
mécanique de transmission passive. Dans le premier
cas, les virus transmis sont spécifiques, dans le
second ils sont quelconques.
Les Invertébrés transmetteurs d'Hémoflagellés
sont naturellement des espèces hématopliages, en
premier lieu des Insectes piqueurs, soit des Diptères
(Mouches, Glossines,Stomoxys,Tabanides,Simulies,
Phlébotomes et Moustiques), des Poux et des Puces,
des Hémiptères, des Tiques, des Sangsues.
Les Glossines,ou Mouches tsétsé, sont les agents
vecteurs des trypanosomiases les plus importantes
par leur caractère pathogène, en premier lieu duna-
gana {T. brucei) et de la maladie du sommeil {T.
gambiense), et aussi d'autres Trypanosomiases
comme la souma(J'. cazalboui), ou. celle k T. pecaudi,
etc. Leur rôle a été mis en évidence, d'abord par
Bruce, en 1894 ; dans des expériences précises sur
le nagana,il a prouvé que l'agent de sa transmis-
sion était Glossina morsiians et que le gros gibier
alricain était le réservoir de virus. Trypanosoma
TRYPANOSOMES 185
^am&/e/ise,virus de la maladie du sommeil, est trans-
mis surtout par Gl. palpalis ; mais, en certaines
régions (Rhodesia), on trouve un autre trypanosome
humain (Tr. rhodesiense) transmis par Gl. morsi-
tans. Tr. cazalboui est transmis par les diverses
espèces de giossines. Dans tous ces cas, les glos-
sines sont de véritables hôtes, dans lesquels s'effec-
tue une évolution, dont les modalités sont diverses
avec les espèces. D'après certains auteurs, cette
évolution aurait lieu exclusivement dans la trompe ;
d'après d'autres elle s'accomplirait dans l'estomac,
d'où les trypanosomes repasseraient, après un
certain délai, soit dans la trompe, soit dans les glan-
des salivaires (ce serait le cas pour les trypanoso-
mes humains). Cette évolution en elle-même est
encore mal élucidée. Koch avait observé un dimor-
phisme qui fait songer à des gamétocytes, mais la
réalité du phénomène de sexualité n'a pas été
démontrée.
Trypanosoma lewisi, forme non pathogène du rat,
accomplit de même un cycle évolutif dans une puce
Ceratophyllus fasciatus et peut-être dans un pou
Haematopinus spinulosiis. T. theileri, des Bovidés
du Transvaal, serait transmis par une hippobosque.
Schizotrypaniim cruzi, agent de la trypanosomiase
humaine sud-américaine, a pour hôte intermédiaire
un Hémiptère de la famille des Réduvides (Co-
norrhinas megistus)^ avec une évolution analogue à
celles qui se produisent chez les Giossines. Les Try-
panosomes des Vertébrés aquatiques se transmettent
par des sangsues (Hemiclepsis pour Tr. granulo-
siirn de l'anguille, Pontobdella pour T. rajœ, Helo-
186 MIGRATIONS DES PARASITES HÉTÉROXÈNES
bdella pour T. inopinatum de la Grenouille, etc.),
comme cela résulte des recherches de Léger et
de Brumpt.
Mais, pour d'autres Trypanosomiases, les Inver-
tébrés ne sont que des agents mécaniques de trans-
mission. Ce serait le cas pour le surra {T. eçansi),
transmis par les stomoxes et les taons, pour le
debab du chameau [T. berberiim), transmis par les
taons. Les stomoxes propageraient d'ailleurs aussi
des trypanosomiases pour lesquelles les glossines
sont les hôtes spécifiques, ainsi que Bouffaru l'a
montré nettement pour la souma(r. cazalhoui). De
même les moustiques peuvent opérer cette trans-
mission.
Trypanosoma eqiiiperdum, agent de la Dourine
du cheval, se transmet directement à travers les
muqueuses, dans le coït, à la différence de tous les
autres trypanosomes (i). Mais on a pu l'inoculer
expérimentalement par des insectes.
Les Leishmanioses (1. canine, kala-azar humain,
bouton d'Orient, leishmaniose sud-américaine, etc.),
dont les agents sont aussi des Flagellés (Leishma-
nia), doivent être transmises par des insectes ; mais
on n'a pas encore établi avec certitude les hôtes
normaux de ces Flagellés et les conditions de leur
rôle. Les puces semblent être parmi les vecteurs les
plus probables.
La transmission des piroplaamoses (ou babé-
I. KocH croit cependant, d'après des faits de contagion
conjugale, que le T. gambiense peut se transmettre de
même.
PROTOZOAIRES, HÔTE FONDAMENTAL 187
sioses) est au contraire mieux connue et leurs con-
voyeurs sont des Acariens, les tiques iixodidœ), qui
sont de véritables hôtes, dans lesquels le parasite
accomplit une évolution et chez qui même il passe
d'une génération à l'autre par les œufs. Ces Acariens
transmettent d'ailleurs une série d'autres virus.
Les mécanismes précis des transmissions des divers
parasites sont loin d'être uniformes et restent sou-
vent encore très discutables : inoculation propre-
ment dite par l'invertébré suceilr, dépôt sur la peau
et pénétration active ou passive duparasite, ledépôt
ayant lieu, soit par la salive, soit par les excréments,
le passage se faisant, soit à travers la peau saine, soit
à la faveur d'excoriations.
Une question spéciale se pose à propos des migra-
tions des Protozoaires parasites. Pour les Métazoaires,
il est évident que l'hôte définitif est celui où le para-
site atteint sa maturité génitale. Pour les Protozo-
aires, le critérium est beaucoup moins net, les phé-
nomènes de sexualité s'accomplissant souvent par
parties dans chacun des deux hôtes, ou n'étant pas
connus. On ne connaît pas, au moins jusqu'ici,
d'une façon sûre, la sexualité des trypanosomes, et,
pour les Hémosporidies, les gamètes se différen-
cient réellement dans le sang du Vertébré, à l'état de
gamétocytes, mais ne s'achèvent et ne se fusionnent
que chez l'Invertébré hématophage. Dans ces con-
ditions, quel est l'hôte définitif ou fondamental ?
Deux théories sont en présence. Certains biologistes,
comme L. Léger, considèrent, par exemple, que
les trypanosomes ont été originairement des para-
sites intestinaux d'insectes non piqueurs, à l'état de
188 MIGRATIONS DES PARASITES HÉTÉROXÈNES
Crithidia et de Leptomonas et qu'ils se sont modi-
fiés chez les insectes piqueurs et hématophages,
en s'adaptant au milieu intérieur des Vertébrés ;
RouBAUD s'est rallié à ces idées. Minchin au
au contraire, considère le Vertébré comme l'hôte
fondamental, chez qui les Tryponosomes auraient
été des parasites originairement intestinaux, puis
sanguicoles ; ensuite ils seraient passés dans les
Insectes hématophages. Mesnil s'est rallié récem
ment à la dernière hypothèse, en considération des
faits assez nombreux où Ton a constaté maintenant
le passage de Flagellés intestinaux dans le sang, en
dehors des cas pathologiques.
Pour les Hémosporidies, cette seconde hypo-
thèse semble la plus naturelle ; elles dériveraient
de coccidies originairement intestinales et devenues
sanguicoles : les coccidies proprement dites offrent,
dans leur siège et même dans leur cycle évolutif,
des types qui indiquent la possibilité de cette trans-
formation. Le passage par les Gulicides serait une
complication secondaire du cycle. Les Vertébrés
seraient donc les hôtes principaux.
Cette dernière épithète convient d'ailleurs ici
mieux que celle d'hôte définitif (ou provisoire). Si
la thèse de Léger est admise pour les Hémoflagel-
lés, on voit que les migrations, après s'être cons-
tituées secondairement, j^euvent finalement dispa-
raître comme dans le cas de la dourine, et cela doit
être rapproché de la suppression de la migration
que nous avons vue chez certains Hymenolepis, où
le taenia se développe sans hôte intermédiaire et où
cette forme d'évolulïjn est évidemment secondaire^
VÉGÉTAUX 189
Les parasites végétaux offrent, comme ceux du
règne animal, des cas de migrations sur des hôtes
successifs, plus ou moins indispensables pour que
s'accomplisse l'ensemble de leur cycle . L'exemple
classique est celui qu'offrent certaines Urédinées,
dont le sporophyte (avec les urédospores et les
îéleutospores) vit sur un hôte et le gamétophyte
avec les œcidiospores et les spermogonies sur un
autre. Pour la Puccinia graminis, ou rouille du blé,
le premier des hôtes est une graminée (et en par-
ticulier le blé), le gamétophyte, au contraire, vit sur
Té oine-vinette.
CHAPITRE VIII
LES MODIFICATIONS ADAPTATIVES
DE LA REPRODUCTION CHEZ LES PARASITES
Sommaire. — Fréquence de l'hermaphrodisme, ou rappro-
chement permanent des sexes avec exagération du dimor-
phisme sexuel.- Elévation considérable du nombre des
œufs.
Intercalation de processus de multiplication au cours du
développement: schizogonie des Sporozoaires. — Agamo-
gonie des Dicyémides. — Plasmodes des Orthonectides.
— Bourgeonnement larvaire chez les Cœlentérés parasites.
— Gestodes : strobilisation, pluralité des scolex sur cer-
tains cysticerques. — Trématodes : formation des rédies
et cercaires. — Rhizocephales : bourgeonnement chez les
Thompsonia et chez Peltogaster socialis. — Polyembryo-
nie chez des Hyménoptères entomopliages.
Rapport entre ces processus et l'effacement de l'individua-
lité physiologique. — Analogie avec les animaux fixés.
Les exemples étudiés dans les chapitres précé-
dents montrent combien le parasitisme modifie tous
les systèmes d'organes ; l'appareil reproducteur est
un de ceux qui sont le plus constamment et le plus
profondément touchés. La fonction reproductrice
subit chez la généralité des parasites une hypertro-
phie considérable ; aux processus normaux de repro-
duction s'en ajoutent fréquemment d'autres, qui vien-
HERMAPHRODISME 191
nent encore les renforcer. Sans introduire aucune
tendance finaliste, on peut dire qu'en fait la repro-
duction est l'aboutissant de toutes les fonctions de
Torganisme ; mais, chez les formes libres, l'activité
de l'individu s'exerce, dans une large mesure, indé-
pendamment d'elle et, chez les êtres supérieurs, elle
leur survit même. Au contraire, chez les parasites,
cette fonction est prépondérante, tout lui est subor-
donné ; rien n'est conservé, peut-on dire, que dans
la mesure où cela aide à la reproduction.
La vie parasitaire limite les conditions où la fonc-
tion de reproduction peut s'exercer, en rivant le
parasite à l'hôte et restreignant ainsi la possibilité
de rencontre des sexes. D'autre part, elle introduit
dans le développement une condition majeure, celle
de rencontrer l'hôte nécessaire, à une phase déter-
minée ; de ces deux données découlent les particula-
rités essentielles de la reproduction des parasites.
A la première correspondent les modifications
habituelles de la sexualité chez les parasites ; elles
se ramènent à deux types principaux : l'hermaphro-
disme et l'exagération du dimorphisme sexuel
L'hermaphrodisme est une condition très fré-
quente chez les parasites, soit qu'il existe déjà chez
les formes ancestrales libres et soit par conséquent
primitif, soit qu'il apparaisse comme secondaire et
résultant du parasitisme. On peut considérer ainsi
comme un hermaphrodisme primitif, celui des Trë-
matodes et Cestodos, des Rhizocéphales, des Hirudi-
192 REPRODUCTION CHEZ LES PARASITES
nées même (les Oligochètes sont déjà hermaphro-
dites). Mais, dans la plupart des autres groupes,
l'hermaphrodisme est secondaire, comme cela résulte
de la comparaison avec les formes voisines. Chez
les Myzostomes, qui dérivent certainement des Poly-
chètes, l'hermaphrodisme a dû s'établir ou au moins
se renforcer (car il existe à l'état plus ou moins
rudimentaire chez un certain nombre de Polychètes)
par le parasitisme. Parmi les Crustacés Isopodes,
qui sont essentiellement gonochoriques (i), les
Cymothoadiens sont hermaphrodites successifs, ainsi
que les Gryptonisciens parmi les Epicarides, et c'est
là manilestement une condition secondaire. Parmi
les Orthonectides à sexes séparés et dimorphes,
l'hermaphrodisme s'introduit comme une modifica-
tion également secondaire (Rhopaliira julini et
R. pelseneeri, Stœcharthriim giardi). Parmi les
Nématodes normalement gonochoriques, les para-
sites présentent un certain nombre de types herma-
phrodites (/?/iaècfo/iema nigTOifenoswn, Bradynema
rigidum, Allantonemd). Chez les Gastropodes pro-
sobranches, où le gonochorisme est la règle, le para-
sitisme entraine, au moins fréquemment, comme
nous l'avons vu, l'hermaphrodisme et l'entraîne sur-
tout chez les formes fortement dégradées {Ento.
conchidœ).
L'hermaphrodisme n'est d'ailleurs une simplifica-
tion pour la reproduction des parasites que s'il y a
autofécondation et c'est le cas dans un certain
nombre de groupes, comme les Cestodes, les Rhizocé-
phales, leis Orthonectides hermaphrodites, etc. Mais
I. G est-à-dire à sexes séparés.
HERMAPHRODISME 193
rhermaphrodisme successif aboutit à une utilisation
de tous les individus pour la production des œufs et,
par suite, se trouve être une disposition favorable à
l'espèce ; il arrive d'ailleurs à converger avec la
seconde des conditions dont il a été parlé plus haut,
l'exagération du dimorphisme sexuel, au point qu'il
a été et qu'il reste encore parfois difficile de trancher
à laquelle des deux dispositions on a affaire. L'exagé-
ration du dimorphisme sexuel consiste presque tou-
jours dans le gigantisme de la femelle par rapport
au mâle. L'inégalité inverse est une exception rare
(Bilharzia), Mais, des deux façons, les sexes vivent
réunis ; en général donc, le mâle nain vit sur la
femelle. Ainsi la rencontre des sexes est assurée.
D'ailleurs la réunion permanente des sexes s'observe
même chez des parasites peu modifiés et à dimor-
phisme sexuel faible, notamment chez beaucoup de
Crustacés {Ichthyoxenus), même chez de simples
commensaux ou inquilins (v. chap. I). C'est la
réunion permanente des sexes qui est le trait vrai-
ment caractéristique et fondamental ; mais on peut
dire que de là a découlé le dimorphisme sexuel et
le nanisme du mâle. Ces phénomènes se retrouvent
d'ailleurs, pour les mêmes raisons, chez des êtres
simplements fixés. On pourrait dresser de longues
listes de parasites à dimorphisme sexuel intense et
à sexes vivant associés en permanence : c'est le cas
de la généralité desEpicarides {Bopyridœ.Entonis-
cidce. Da/idœ)^ de presque tous les Copépodes para-
sites (ssiuf Xenocœloma, qui est hermaphrodite avec
autofécondation), de divers Nématodes parasites
(ex. : Syngamus trachealis).
M. Caullert. — Le Parasitisme 7
194 REPRODUCTION CHEZ LES PARASITES
Chez les Gryptoniscieiis et une partie des Myzos-
tomes, l'apparence est la même et il a fallu des
démonstrations précises pour prouver qu'il y avait
en vérité hermaphrodisme. A la phase mâle, l'ani-
mal est nain et vit sur de grosses femelles, forme en
laquelle il se transformera après avoir fonctionné
comme mâle. Pratiquement c'est un mâle nain. Dans
le cas particulier des Myzostomes, on a trouvé tous
les passages, de l'hermaphrodisme protandrique
avec présence contemporaine des deux glandes iné-
galement évoluées, à un hermaphrodisme véritable-
ment successif, et les mâles ont été longtemps regar-
dés comme des individus spéciaux indépendants
des femelles (i).
La transformation véritablement caractéristique
de la sexualité chez les parasites est donc le rappro-
chement permanent des sexes, assurant la féconda-
tion : soit dans le gonochorisme avec nanisme du
mâle,soit dans l'hermaphrodisme, par unhermaphro-
disme successif équivalent, ou bien par l'établisse-
ment d'un hermaphrodisme comportant l'auto-
fécondation.
*
I. On a décrit chez certains parasites (Myzostomes, En-
toiiiscidœ), comme d'ailleurs chez des types fixés (Cirrhi-
pèdes), des inàlcs complémentaires, distincts des individus
hermaphrodites. Il est nécessaire, dans chaque cas, d'être sur
que ces mâles n'évoluent pas ensuite en femelles ; ainsi l'exis-
tence des mâles complémentaires des Myzostomes n'est géné-
ralement plus admise maintenant. Celle des mâles d'Ento-
nisciens, admise par Giard et BoNNiERjexig-erait une étude
nouvelle. Les larves crypt-onisciennes, qu'ils ont considérées
comme telles, sont peut-être simplement des états jeunes
de mâles ordinaires.
AUGMENTATION DU NOMBRE DES ŒUFS 195
La nécessité d'atteindre, au moment voulu du
développement, l'hôte favorable, et, pour les formes
effectuant des migrations, celle de parvenir succes-
sivement dans les divers hôtes, a, sur les parasites,
un retentissement plus marqué encore que celle
d'assurer la fécondation des œufs. 11 découle en
effet de ces circonstances une perte énorme de
larves ou d'embryons, qui, dans les conditions habi-
tuelles de reproduction, entraînerait rapidement la
disparition des espèces. Les formes parasites n'ont
donc pu se maintenir que par des dispositions com-
pensatrices de cette mortalité extrême des jeunes
individus .
La plus simple et la plus répandue de ces disposi-
tions est un accroissement considérable du nombre
des œufs produits. L'accroissement de fécondité est
une particularité très générale chez les parasites, et
c'est à lui qu'est due, pour une forte part, l'hyper-
trophie de la femelle par rapport au mâle . On aura
une idée nette de cet accroissement de fécondité,
en comparant le contenu de la cavité incubatrice
d'un Epicaride ™ énormément développée et où les
embryons se chiffrent par milliers — à celui de la
cavité incubatrice d'un Isopode normal, comme un
sphérome, où il y en aura à peine une centaine ou
deux. Une sacculine, une lernée, Xenocoeloma,
émettent constamment des pontes copieuses : les
cordons ovigèresdes Gopépodes parasites sont beau-
coup plus longs que ceux des formes normales. La
production d'œufs par les Nématodes parasites est
énorme. On a calculé, il y a déjà longtemps, que
V Ascaris lumhricoides de l'homme émettait annuel-
196 REPRODUCTION CFIEZ LES PAHASITES
lement 64 millions d'œufs, représentant 1700 fois
son poids; la reine d'abeilles, qui est considérée
comme douée d'une fécondité tout à fait exception-
nelle, ne produit par an que i3 fois son poids d'œufs.
Chez Sphœralaria bombi, nématode parasite des
Bouréons, il se produit, sur la femelle même, une
extroversion de l'utérus, qui forme un sac énorme,
auquel le corps de la femelle reste fixé comme un
minugcule appendice (fig. 89, A-G) et qui renferme
des embryons extrêmement nombreux ; les genres
voisiMs Allantonema et Attractoneina offrent des
dispositions de même ordre. Les Trématodes et
Cestodes pondent des œufs de façon continue et on
évalue à 80 millions ceux émis en un an par le
Tœnia soliiim.
Mais l'augmentation du nombre des œufs n'est pas
le seul moyen, par où soit assurée la compensation
de la perte élevée d'embryons et de larves. Dans
un assez grand nombre de groupes, il s'intercale, au
cours de l'évolution de l'individu, une phase de mul-
tiplication relevant, soit de la parthénogenèse, soit
du bourgeonnement. Nous allons en passer en revue
les principaux exemples.
Protozoaires. — Chez beaucoup de types para-
sites, et notamment de Sporozoaires (coccidies,
hémosporidies, schizogrégarines, etc.), à la phase
initiale del'infestation de l'hôte, il y a production,
par voie asexuée, d'un très grand nombre d'indivi-
dus. C'est cequ'on appelle laschizogonic. C'est une
phase de multiplication intense, après laquelle a
lien. ]m. pliage sexiîedie ou gamogonie, au cours de
MULTIPLICATION INTERCALAIRE 197
laquelle a lieu la propagation d'un hôte à lautre.
Dicjyémides . — Ces animaux pullulent, comme on
sait, dans le rein des Céphalopodes, qu'ils doivent
infester très peu après leur sortie de l'œuf. Chez les
Fig'. 39. — Sphœriilaria bombi. A, femelle jeune; début de
l'extroversion de l'utérus t^ (G =: 5o). — B, stade plus
avancé ; le corps s de la femelle est très petit par rapport
à l'utérus exlroversé v (G =9). — C, stade terminal ;
le corps s de la femelle n'est plus qu'un minuscule appen-
dice sur l'utérus v, où se développent les embryons
(G = 5) (d'après Leuckart).
Céphalopodes jeunes, ils semblent se multiplier, à
l'état d'individus allongés, dits permiformes ou
nématogènes, pendant de nombreuses générations,
par voie uniquement asexuée, comme dans la schi-
zogonie précédente. Les cellules germes de la cellule
axialcd n'offrent^ en eiTet, aucune trace de féconda-*
198 REPRODUCTION CHEZ LES PARASITES
tion,ni d'émission des globules polaires et semblent
bien être des agamontes, le processus étant une
agamogonie (équivalente à la schizogonie). Chez
les Céphalopodes adultes au contraire, où l'infec-
tion est ancienne, on trouve, d'une façon plus ou
moins exclusive, des rhombo gènes, qui donnent
naissance, dans leur cellule axiale, à des individus
spéciaux, dits in fiisori formes, aux dépens des cel-
lules germes détachées de groupes pluricellulaires
dits infusorigènes ; et ces éléments, comme Fa mon-
tré HARTMANiN(^^.^), sout dcs œufs qui émettent un
globule polaire et sont fécondés. La production des
infusorif ormes résulte donc d'un processus sexué,
d'une gamogonie ; les cellules des infusorigènes
sont des gamontes.
La signification des infusoriformes ne peut être
considérée comme définitivement établie. Haht-
MAN>f, s'appuyant surtout sur une observation de
Keppen, qui a figuré des spermatozoïdes, les con-
sidère comme des mâles. Mais, si l'on adopte cette
interprétation, le cycle devient des plus paradoxaux,
car la fécondation n'aurait lieu que pour la produc-
tion des mâles. L'existence réelle d'une spermato-
genèse dans ces infusoriformes reste à établir. L'au-
tre interprétation, la plus vraisemblable, est que l'in-
lusoriforme estla forme Qectrice de l'infection d'un
Céphalopode à Vautre ; avec elle cadre le fait qu'il
résiste au milieu extérieur, ce qui n'est pas le cas des
individus vermiformes. Les observations récentes
de Lameere {264) tendent à cette seconde interpré-
tation. Pour trancher définitivemeut la question,
de nouvelles observations et expériences sont néces-
MULTIPLICATION INTERCALAIRE 199
saires, dans lesquelles on essaierait de suivre les
transformations des cellules intérieures des infuso-
rilormes,hors du Céphalopode où ils se sont formés
et où on tâcherait d'infester de jeunes Céphalopodes
sortant de l'œuf. Bien qu'on n'y ait pas réussi
jusqu'à présent, la chose ne doit nullement être
considérée comme impossible.
Quoi qu'il en soit, le cycle des Dicyémides com-
porte l'intercalation d'une longue période de multi-
plication agamogénétique.
Orthoneciides. — Il existe dans leur cycle évolutif
une phase de multiplication asexuée chez l'hôte.
Considérons, en effet, le cas de Rhopalura ophioco-
mœ, qui est le mieux connu. Les larves issues des
œufs fécondés pénètrent dans les fentes génitales de
l'ophiure (Amphiura squamata). Elles donnent
naissance à des germes intracellulaires uni-ou binu-
cléés, qui deviennent des plasmodes, dans lesquels
les noyaux se multiplient et où se différencient, à
leurs dépens, des cellules germes, origine des indivi-
dus sexués, mâles ou femelles. Ces plasmodes cons-
tituent une véritable agamogénèse, comme celle des
Dicyémides Chacune des larves qui a réussi à
atteindre l'hôte donne naissance, dans cet hôte, à de
très nombreux individus, et ainsi se trouve com-
pensée la perte de larves qui ne sont pas arrivées à
bon port (Cf. fîg. 33, p. i45).
Cœlentérés. — Dans ce groupe, la multiplication
asexuée est très générale. Son existence chez les
parasites n'est donc pas significative. Toutefois il est
200 REPRODUCTION CHEZ LES PARA.SITES
intéressant de noter que, parmi les rares parasites
qu'il renferme, il en est plusieurs qui montrent une
multiplication asexuée précoce. Tel est le cas de
Polj^ podium hydriforme, parasite des œufs d'es-
turgeon, au milieu desquels il forme des tubes qui se
résolvent en nombreux bourgeons, chacun de ceux-
ci devenant un polype hydroïde. Le bourgeonne-
ment larvaire se manifeste aussi chez les Narcomé-
duses parasites {Cunina, Cunoctantha, etc.) : la
larve Flaniila vit en parasite dans le manubrium et
le système gastro-vasculaire d'autres méduses Géryo-
nides {(Jarmainna, etc.) et, à un stade très précoce (à
peine plus différencié que la planula), donne nais-
sance aune série de bourgeons.
Cer,l,odes. — Le ténia est souvent considéré
comme une chaîne d'individus résultant d'une stro-
bilisation. Chaque proglottis renferme en effet la
collection d'organes pouvant caractériser un indi-
vidu et comparable à l'ensemble constitué par les
Gestodes inférieurs ou Cestodaires (Amphilina^
Gyrocotjde, Caryophyllœus, parasites des pois-
sons. Archigetes, parasite de Tabifex riçuloriim,
n'est sans doute que la larve de Caryophjdlœus) .
Les nouveaux anneaux se forment dans la partie
initiale du scolex, au voisinage de la zone de tixa-
tion à l'hôte, appelée ordinairement la tête du Tœnia.
Mais l'étude, soit à' Archigetes, soit des cysticer-
coïdes des Hymenolepis et types voisins, montre,
par la position des crochets provenant de l'embryon
hexacanthe, que le point de fixation des ténias et
des Gestodes en général est leur extrémité posté-
MULTIPI.ICATION INTERCALAIRE 201
rieure, et que c'est à celle-ci qu'a lieu la formation
de segments nouveaux chez les Cestodes.
L'interprétation de la segmentation du corps du
ténia en proglottis, comme une multiplication d'in-
dividus, reste sujette à des discussions, qui, au fond,
sont plus verbales que réelles. En fait, au point de
vue qui nous occupe, la strobilisation se présente
avant tout comme un processus qui favorise très
efficacement la production d'un nombre d'œufs con-
sidérable. Surtout, une fois le Cestode implanté sur
son hôte, cette production a lieu d'une façon conti-
nue, pendant une période extrêmement longue, où
les proglottis mûrissent et se détachent successive-
ment (i). La totalité de la ponte n'est donc pas sou-
mise au hasard d'une émission unique d'embryons,
circonstance très propre à assurer la conservation
de l'espèce et que l'on retrouve chez les Trématodes
et beaucoup de Nématodes.
Mais les Cestodes offrent un autre mode de mul-
tiplication intercalé au cours de l'évolution de l'indi-
vidu issu de l'œuf. C'est celui où le cysticerque, au
lieu de produire un seul scolex, en produit une
série; d'une larve hexacanthe unique dérive alors
un nombre de ténias plus ou moins élevé. Le pro-
cessus est réalisé par des modes très divers : chez
I. Ce processus peut être rapproché de la schizogenèse
de divers (Jligochèles {Liimbriciilus, Chœtogaster, Naïs, etc.)
et surtout de la schizogainie des Syllidiens, en particulier
des Autolytus et des Myrianides, qui, physiologiquement,
correspond assez bien à la formation des proglottis et assure
aussi une dissémination successive des produits génitaux.
GiARD avait groupé les faits de ce genre sous le nom assea
expressif à' autotomie génératrice.
202 REPRODUCTION CHEZ LES PARASITES
le Tœnia nilotico (de Ciirsoriiis eiiropœus), il se
forme des invaginations multiples de la paroi du
cysticerque ( P olycer cas], qui \it dans les Lombrics.
De même, dans le cas depuis longtemps classique du
T. cœnurus, dont le cysticerque a pour localisation
habituelle le cerveau du mouton. Ce processus
atteint son maximum chez lEchinocoque, où, comme
on sait, le cysticerque bourgeonne des vésicules
secondaires (vésicules filles) et parfois même des
vésicules petites-filles, chacune de celles-ci se com-
portant comme un cœnure et produisant plusieurs
scolex. Il y a là une possibilité de multiplication
très considérable, en même temps que d'essaimage
dans des organes très variés. Un cysticerque des
Glomeris [Staphylocystis], au lieu de bourgeonner
des scolex par invaginations, produit extérieurement
et par ramification en grappe, une série de vésicules
cystiques secondaires, dont chacune produit un
scolex.
Il y a d'ailleurs un certain balancement entre ces
processus de multiplication et le développement
ultérieur du ténia. Chez lEchinocoque, où la multi-
plication des scolex est très puissante, le ténia lui-
même est très réduit, n offrant que trois ou quatre
proglottis : quoique ceux-ci se reforment de laçon
continue, la production d'œufs doit être plus res-
treinte que chez les grands ténias. Par contre, le
Tœnia echinococcus est éminemment grégaire, ce
qui se conçoit étant donné l'évolution de son cysti-
cerque.
Trématodes. — Les Trématodes endoparasites qui
MULTIPLICATION INTERCALAIRE 203
sont hétéroxènes sont en même temps digénétiques
et les phénomènes de multiplication au cours du
développement sont classiques.
Ils se produisent à l'état de sporocyste dans lequel
se différencient de nombreuses rédies, dont il peut
exister plusieures générations ; ces rédies donnent
naissance elles-mêmes finalement à de nombreux
cercaires.
Il y a lieu de chercher la signification exacte des
germes d'où proviennent les rédies ou les cercaires :
y a-t-il là un bourgeonnement interne asexué ou une
parthénogenèse larvaire (progénétique)? C'est cette
dernière interprétation qui tend à être acceptée
aujourd'hui. Dans le sporocyste de Distomum dupli-
caturn parasite des anodontes, Reuss (288) aurait
vu les rédies provenir d'une cellule unique, émettant
un corpuscule qu'il considère comme un globule
polaire. EUe aurait donc la valeur d'un oocyte. La
confirmation la plus précise de cette opinion est
due à Gary {2^0), qui a étudié le Diplodiscus sub-
claçatus parasite de divers Batraciens. Toutefois
les figures données par ces auteurs ne sont pas
entièrement convaincantes et, en tout cas, on est
loin de pouvoir retrouver f équivalent de ce qu'ils
décrivent chez la plupart des espèces. R. Dol-
LFus [2^2) quin'a pu vérifier les faits annoncés par
Reuss et Gary, propose de considérer les cellules
internes des sporcystes et des rédies comme appar-
tenant à la lignée germinale du Trématode, qui se
continuerait sans interruption jusqu'au Gercaire. La
formation des rédies et des cercaires est assimilée
par lui à une polyembryonie répétée, c'est-à-dire à un
204 REPHODUCTJON CHEZ LKS PARASITES
bourgeonnement. Mais le propre du tissu germinal
est d'évoluer, préalablement à la formation d'une
nouvelle génération, en oocytes et spermatocytes
avec phénomènes de réduction chromatique. Dans
la polyembryonie, dont nous allons voir des exem-
ples, les laits s'interprètent beaucoup plus naturel-
lement comme correspondant à un processus asexué,
c'est-à-dire indépendamment de la notion de tissu
germinal. En réalité, la question réclame encore des
recherches.
Rhizocéphales. — Nous avons vu précédemment
que, chez certains de ces parasites si profondément
modifiés, il se produit une multiplication asexuée
typique, qui est particulièrement remarquable dans
le groupe des Crustacés.
Sur le système radiculaire des Thompsonia, au
lieu qu'il se différencie un seul nucléus, comme chez
les sacculines, il s'en forme un nombre considéra-
ble, qui tombent périodiquement et se régénèrent.
Nous ne reviendrons pas davantage sur la descrip-
tion de ce processus. Il équivaut à la production
d'un grand nombre de scolex par le cysticerque
d'un cœnure ou d'un échinocoque. Et Ton
retrouve ici le balancement que nous avons signalé
pour ces Cestodes. L'organisation d'un individu de
Thompsonia est simplifiée par rapport à celle de la
sacculine. Il n'y a plus ni cavité palléale, ni ganglion
nerveux, ni même de testicules et il ne se produit
qu'une seule ponte, dont le développement doit être
parthénogénétique (i).
I. Les larves écloseul directement au stade Cypris.
POLYEMBHYOiNiE DES HYMÉNOPTÈRES 205
Chez Peltogaster socialis, il y a, très vraisem-
blablement, une fragmentation précoce du stade
indifférencié interne. Il s'agit donc d'un bourgeon-
nement, ou si l'on veut d'une polyembryonie et ce
processus n'est pas spécial à cette espèce puisqu'il
à été retrouvé dans des formes distinctes du Paci-
fique (Peltogasterella socialis).
Les phénomènes de multiplication asexuée exis-
tent donc chez les Rizocéphales avec une certaine
variété dans leur réalisation, et l'on n'en connaît
vraisemblablement pas encore toutes les manifes-
tations.
Polyembryonie des Hyménoptères Entomopha-
ges. — Ce processus si remarquable, étant donnée la
place des Hyménoptères dans la classification, a été
découvert par Marchal [3 y y] , chez des Chalcidiens
et des Proctotrypides .
Il a été étudié en détail par lui, chez Encyrtus
(Ageniaspis) fuscicollis, parasite des chenilles d'Hy-
ponomeute [Hrponomeata cognatellus,H. mahalel-
lus et H. padellus). L'œuf de ce Chalcidien est
pondu dans celui du papillon, en juillet-août et subit
seulement un début de développement avant l'hiver ;
puis tout s'arrête, pour repartir vers le mois d'avril.
L'œuf du parasite est entouré, dès le commencement
de son évolution, par une paroi épithéliale apparte-
nant à l'hôte. Il se différencie, dès le début, un gros
noyau très riche en chromaiiine, le par anucle. s, qui
jouera un rôle végétatif et trophique et de petits
noyaux peu colorables(fig.4o, A), qui sont les noyaux
embryonnaires proprement dits. Le paranucléus
206
REPRODUCTION CHEZ LES PARASITES
subit un développement énorme, se lobe et se divise
en une infinité de fragments, tandis que les noyaux
embryonnaires donnent naissance de bonne heure à
de petits groupes cellulaires distincts moruliformes,
dont chacun devient un embryon (fig, 4o, B). 11 s'en
individualise une centaine. Ces embryons se déve-
Fig-. 4o. — Polyembryonie d'Encyrtiis Jiiscicollis (d'après
Marchal): p paranucléus, ne noyaux embryonnaires, mo
amas moruliformes donnant les divers individus ; k enve-
loppe kystique épithéliale produite par l'hôte [Hjpono-
meiita).
loppent — comme chez les Orthonectides, — au sein
d'une masse cytoplasmique semée de fragments du
paranucléus et qui se charge de graisse. Elle joue le
rôle à lafoisd'amnios et de feuillet trophique. L'œuf
primitif s'est transformé peu à peu, dans son ensem-
ble, en un long tube, où les embryons sont disposés
en file et qui continue à être enveloppé par le kyste
épithélial de l'hôte.
En somme, la différenciation des embryons est
POLYEMBRYÛNIE DES HYMP:N0PTÈRES 207
extrêmement précoce et rappelle beaucoup celle des
Orthonectides dans les plasmodes, ou des rédies et
des cercaires dans les sporocystes des Trématodes.
La polyembryonie est un phénomène exception-
nel chez les Hyménoptères parasites, mais dont il doit
exister pourtant bon nombre d'exemples. Marchal
l'a retrouvé chez une autre Encyrtide, Ageniaspis
testaceiceps, parasite des chenilles de Lithocolletis,
chez un Proctotrypide, Folj^gnotiis miniitus, qui se
développe dans le sac gastrique de Cecidomyia
desiriictor et de C. avenœ. Chez ce Polygnotus,
chaque œuf donne une quinzaine d'embryons.
SiLVESTRi [3g4) a reconnu la polyembryonie chez
Lithomastix triincatelliis (i), parasite des chenilles
de Plusia gamma et ici un seul œuf produit environ
i.ooo larves, sans compter un certain nombre de
larves abortives, appelées par Silvestri larçes
asexuées ; celles-ci sont dépourvues d'ébauche géni-
tale et dégénèrent sans jamais se métamorphoser (2).
Le détail des processus, chez Lithomastix, paraît
assez différent du cas à'Encyrtus .
Enfin, dans ces'dernières années, Patterson [383)
a trouvé et étudié un certain nombre de cas de poly-
embryonie chez des Chalcidiens voisins des Encjyr-
tus : Copidosoma (3) gelechiœ, parasite de Gnori-
1. GiARD {3yi) avait annoncé qu'elle devait exister chez
cette espèce, dès la découverte de Marchal.
2. Cela tendrait à faire supposer qu'au début ces larves
ne contiennent pas de cellule appartenant à la lignée
germinale et à faire admettre par suite que les groupes
cellulaires initiaux renferment normalement à la fois des
éléments somatiques et des éléments germinaux.
3. Nom générique synonyme de Lithomastix.
208 REPRODUCTION CHEZ LES PARASITES
moschema salinaris ; Paracopidosomopsis Jlorida-
nus, parasite de la chenille de la Piéride du chou
{Autographa brassicœ); Platy ganter z^zèi, parasite
des larves de deux Diptères vivant sur des coni-
fères (Sabina). Chez Paracopidosomopsis, il a
retrouvé les larves asexuées de Silvestri, dont
Wheïïler avait mis en doute l'existence et il a prouvé,
par des élevages faits à l'abri de toute autre infection,
qu'elles ne pouvaient pas être les larves d'un autre
insecte parasite, tel qu'an Ichneumonide, comme
Wheeler en avait fait la supposition (i).
*
* *
Il résulte de l'exposé succinct qui précède que les
processus de multiplieation des individus, au cours
du développement de l'œuf, sont à la fois fréquents
et très variés chez les parasites. Le résultat de ces
I. Ces dernières recherches de Patterson remettent en
question la iiortée de lapolyembryonie dans le problème du
déterminisme du sexe. Dans les cas précédemment signalés,
en effet, — Bugnion l'avait noté dans Encjrtus JiiscicoUiSy
avant les travaux de M A.RCHAL — tous les individus issusd'un
même œuf étaient de même sexe. Le sexe paraissait donc
déteriiiné dès le début du développement et cela était con-
firmé par la polyembryonie des tatous chez les Mammi-
fères. De même, chez Lithomastix triincatellus, Silvestri a
constaté que les œufs fécondés donnent naissance à des
femelles et les œufs non fécondés exclusivement à des mâles.
Il n'en est plus de même chez les Encyrtides étudiés par
Pattebson. Paracopirfo.somopsis, par exemple, a fourni, sur
177 pontes étudiées, i54 où il y a mélange des sexes (soit84 0/0)
et l'analyse des faits montre que cela ne peut plus s'expliquer
par le développement simultané de plusieurs œufs de sexes
différents dans le même hôte.
DÉTERWINISMK DE SES MODIFICATIONS 209
processus est si manifestement favorable à la per-
pétuation de l'espèce, en compensant la destruction
d'un grand nombre de larves qui n'atteignent pas
l'hôte nécessaire, que l'esprit est très attiré vers une
interprétation téléologique. Il y a là, de toute évi-
dence, des adaptations. Mais le problème est de
savoir comment elles ont été réalisées et comment
ces modifications du développement individuel sont
venues assurer la propagation de l'espèce.
En rejetant a priori l'interprétation téléologique,
il reste deux possibilités : ou bien ce sont là des
préadaptations conservées et développées par la
sélection naturelle ; ou bien — et c'est la solution à
laquelle je me rallie — ces processus se sont mani-
festés en vertu des conditions où l'œuf des parasites
s'est trouvé se développer, mais sans liaison néces-
saire avec le parasitisme et avec les nécessités de
la conservation de l'espèce.
Nous remarquons, en effet, qu'aucun des processus
qui viennent d'être passés en revue n'est propre au
parasitisme, mais que presque tous se retrouvent
dans des cas où les conditions éthologiquessont plus
ou moins parallèles, en particulier chez des animaux
qui vivent fixés. Nous avons déjà eu l'occasion de
faire des rapprochements entre ceux-ci et les para-
sites. Les animaux fixés montrent une tendance
extrêmement prononcée à la multiplication asexuée.
Elle résulte, en somme, chezeux,de l'efiacement et de
la dissociation de l'individualité. Chez les animaux
libres, qu'on peut considérer comme ayant une étho-
logie normale, l'individualité associe deux caracté-
ristiques essentielles : Tune d'ordre physiologique^
210 REPRODUCTION CHEZ LES PARASITES
l'individu est un complexe d'organes se suffisant
fonctionnellement mais indivisible ; l'autre d'ordre
morphologique, l'individu est l'ensemble indivi-
sible des tissus provenant du développement d'un
œuf. Le développement réalise les conditions néces-
saires et suffisantes pour la formation du complexe
organique individuel ; entre les parties s'établissent
des corrélations rigoureuses et nécessaires.
Le changement des conditions résultant de la vie
fixée consiste avant tout à modifier ces corrélations,
dont certaines perdent leur caractère obligatoire,
tandis que d'autres deviennent possibles . De là une
dissociation de Tindividualité, qui est commune à
tous les organismes fixés. Or les conditions de la
vie fixée sont réalisées chez de nombreux parasites,
qui, en fait, sont fixés.
En outre, les conditions spéciales de la nutrition,
chez eux, sont une autre cause de transformation
des corrélations et par suite de l'effacement de l'indi-
vidualité et l'on peut expliquer, par une argumen-
tation réciproque, l'existence, en dehors des para-
sites, de certains processus de multiplication
embryonnaire qui doivent aussi relever de la nutri-
tion.
Tel est le cas de la polyembryonie et des proces-
sus qui doivent en être rapprochés (formation des
rédies et cerc aires, production des individus sexués
chez les Orthonectides). Nous les retrouvons chez
des animaux non parasites, où l'œuf se développe
dans un milieu nutritif analogue à celui qu'un para-
site trouve dans son hôte. C'est le cas des Bryozoaires
cyclostomes, chez qui la polyembryonie a été dé-
DÉTERMINISME DE SES MODIFICATIONS 211
couverte par S. F. Harmer, avant même de l'être
chez les Hyménoptères par Marghal. L'œuf des
Grisia, Lichenopora, Tubulipora, etc., se déve-
loppe dans une ovicelle qui joue le rôle de chambre
nutritive, en réalisant des conditions analogues à
celles que rencontre l'œuf d'un Encyrtiis dans une
chenille. La polyembryonie de certains Mammi-
fères est certainement en rapport avec la greffe très
précoce de l'œuf sur la paroi utérine et les con-
ditions de nutrition qui en résultent.
Mais il est bien évident que les faits de multipli-
cation embryonnaire qu'offrent les parasites ne sont
pas expliqués par une analogie superficielle de ce
genre, pas plus que réciproquement ne le seraient
ceux des formes libres. 11 en résulte seulement qu'ils
ne doivent pas être envisagés comme dérivant né-
cessairement du parasitisme proprement dit consi-
déré comme une entité, ni comme répondant à la
nécessité mystique de la conservation de l'espèce.
On les voit se manifester en dehors du parasitisme
dans des conditions plus ou moins analogues.
Dans chaque cas, ils relèvent d'un déterminisme
spécial actuel et surtout passé. Marghal, pour la
polyembryonie des Encyrtus et Polygnotus, a cher-
ché à l'analyser. Il s'est efforcé de trouver dans les
conditions auxquelles sont soumis les œufs de ces
parasites des circonstances qui amènent la réalisa-
tion expérimentale de la polyembryonie, par la
blastotomie. Il croit apercevoir une circonstance
de ce genre, pour les Polygnotus, dont l'œuf, dans
l'estomac des larves de Cécidomyies, est soumis à
des variations osmotiques très brusques, en même
242 UKPRODUCTION CAW-.A 1,KS PAHASLTES
temps qu'à un brassage énergique. Il rapproche
d'autre part la polyembryonie des Encyrtus du fait
que leur développement s'arrête pendant l'hiver et
que le morcellement en embryons se manifeste au
printemps, c'est-à-dire au moment où la chenille-
hôte recommence à se nourrir, ce qui entraîne aussi
de brusques variations osmotiques dans le milieu où
le parasite est plongé. Mais ce ne sont là que des
indications encore très précaires.
Les résultats obtenus dans ces dernières années
relativement à la culture des tissus me paraissent
également très suggestifs, en montrant combien
l'évolution d'une catégorie d'éléments donnée peut
être modifiée quand on réussit à substituer, aux
conditions normales de l'organisme, des conditions
vraiment nouvelles. Plusieurs des processus de
multiplication asexuée qu'offrent les parasites doi-
vent être la conséquence d'une expérience de même
ordre réalisée par la nature et ils doivent être envi-
sagés en dehors de toute idée téléologique. Chaque
organisme a réagi, à sa façon propre, en vertu de
ëa constitution, c'est-à dire des facteurs internes; ce
qui, joint à la variété des conditions extérieures
résultant du parasitisme, a produit la diversité des
cas que nous constatons.
CHAPITRE IX
LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
ET LES MODES DIVERS DE L'INFESÏATION
DE L'HOTE
Sommaire. — Exemples de spéciiicilé rigoureuse : Gréga-
riiies, Crustacés, etc.. — Théorie de Giard et Boxnieu.
Idées différentes de G.-O. Sahs et H.-J. Hansen. — Cas
de spécificité moins précise : Tréma Iode s et Cestodes. —
L'hôte normal et les hôtes accidentels. — Réservoirs de
virus. — La théorie de la proplijlaxie trophiqiie ou des
écrans protecteurs (Roubaud). — Changement d'équilibre
entre les hôtes et les parasites : exemples des Insectes
eutomopliQges aux Etats-Unis. — La spécilicité est une
propriété relative et le résultat d'une évolution.
La spécificité et les conditions d'accès à l'hôte. — Exemples
divers. — Pénétration dermique : Hémosporidies, Pilaires,
Ancylostomes, Sacculines, etc. — Migration d'Ascaria
lariihricoides. — Les divers niodes d'infestation par les
larves de Tachinaires et les myiases. — Propagation de
parasites par l'œuf et transmission héréditaire.
L'une des caractéristiques du parasitisme et déjà
du commensalisme est la spécificité de ces associa-
tions ; elles ont lieu toujours entre espèces détermi-
nées. C'est là une constatation de portée générale,
mais elle comporte des modalités que nous allons
passer en revue. La spécificité parasitaire n'est pas
214 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
en effet une propriété absolue, expression d'une
harmonie préétablie entre hôte et parasite ; elle est
relative et contingente.
Il y a certainement des cas nombreux et même des
groupes étendus, où la spécificité parasitaire est très
stricte. C'est celui des Sporozoaireset en particulier
des Grégarines. Chaque hôte a, en général, ses gréga-
rines propres. Nous en avons constaté, Mesnil et moi-
même, un exemple très significatif sur Dodecaceria
concharum. Dans les plaques de Lithothamnion
polymorphum où vit cette Annélide, on la trouve
sous trois formes, que nous avons désignées par
A, B, C (peut-être B est-elle une espèce distincte de A
et C, mais en tout cas très voisine) ; le régime ali-
mentaire de ces trois formes est exactement le
même. Or, la forme B renferme, d'une façon absolu-
ment constante, une grégarine cœlomique, Gonos-
pora longissima, qu'on ne trouve jamais chez K et
C. Dans une famille donnée, on trouvera fréquem-
ment, chez les diverses espèces, des grégarines de
formes semblables, mais qui sont spécifiquement
distinctes. Telles sont les Anchorina dans les Capi-
iei^tâfûp. Léger et Dubosgq(25^) font la même remar-
que pour les grégarines des Myriapodes : « les Pte-
« rocephalus se trouvent, disent-ils, seulement chez
« les Scolopendres, les Dactylophorus chez les
« G rj-p tops, les Rhopalona chez les Géophiles. Mais
« ce qu'il semble encore, c'est que chaque espèce de
« Scolopendre a son espèce de Ptérocéphale et
SPÉCIFICITÉ RIGOUREUSE 215
« même une simple variété de Scolopendre aura sa
« grégarine spéciale. » E. Hesse [224] arrive à des
conclusions analogues pour les Monocystidées des
Lombrics. Les Coccidies etHémosporidiessont aussi,
en général, très étroitement liées à un hôte déterminé.
En général, les Hématozoaires que l'on trouve dans
la nature peuvent être définis par l'espèce où on les
rencontre. Toutefois, au laboratoire, il est parfois
possible d'inoculer avec succès des hôtes voisins.
Divers groupes de Métazoaires parasites offrent les
mêmes caractères de spécificité. Tels sont les Ortho-
nectideset, dans une large mesure, les Dicyémides,
Les Crustacés parasites sont aussi des hôtes très
spécifiques. Giard et Bonnier regardaient la spéci-
ficité des hôtes des Epicarides comme absolue.
Même en l'absence de caractères morphologiques
distincts, pouvant être appréciés, ils donnent des
noms spécifiques différents à deux Epicarides trou-
vés sur des hôtes distincts. Cette conception est cri-
tiquée par des carcinologistes descripteurs, tels que
G.-O Sars et H.-J. Hansen, comme trop absolue;
ce dernier va évidemment trop loin en sens inverse,
puisque, dans un mémoire récent [842], il réunit
en une seule es^ièce {Ciimœchus insignis) trois Epica-
rides trouvés sur trois genres de Crustacés distincts ;
les femelles, sont semblables, mais Hansen lui-même
signale des différences entre les mâles trouvés sur les
divers hôtes. J. Bonnier, en discutant la question,
a fait valoir en faveur de la spécificité des argu-
ments importants. H cite, par exemple, le cas d'un
Entoniscien de Portunus holsatus, Portiinion frais-
sei, pour lequel Giard et lui firent une espèce non-
216 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
velle, tout en ne pouvant la distinguer par des
caractères précis d'autres Poriiinion, mais parce-
qu'elle se rencontrait sur une espèce donnée de Por-
tuniis {P. holsatiis). Or, plus tard, ils constatèrent
que le mâle de ce Portunion est tout à fait distinct,
tellement qu'ils firent de cette espèce le type d'un
genre spécial Priapion (en raison de la grande lon-
gueur du pénis). — Recevant de Naples un lot de
Gallianasses parasitées par des Epièarides et con-
sidérées comme appartenant à une seule espèce, les
mêmes auteurs constatèrent que les parasites étaient
de deux tailles différentes : examinant alors les hôtes
avec soin, ils découvrirent que ceux-ci appartenaient
à deux espèces voisines, mais distinctes {Callia-
nassa subterranea, C. truncata), chacune portant
l'une des catégories de parasites. — Ayantpratiqué
la recherche d'Epicarides sur de très nombreux
individus de divers hôtes, ils ont vu que, de deux
espèces voisines vivant côte à côte et dans les
mêmes conditions, l'une seulement est parasitée.
Ainsi, kWimeveux,Porcellana plat^chele s renferme
souvent un Pleurocrypta, alors que P. longicornis
n'en a jamais. Ces observations, faites sur de grands
nombres et dans la nature, ont une valeur spéciale,
très supérieure aux conclusions tirées de rares
exemplaires de musée.
•Pour affirmer avec sûreté l'identité de deux Epi-
carides semblables trouvés sur des hôtes A et B, il
faudrait pouvoir élever les larves et infester avec
celles d'un élevage indifféremment les deux hôtes .
Pratiquement cela est impossible. En appliquant le
critérium de Giard et Bonnier, on peut conserver
SPÉCIFICITÉ RIGOUREUSE 217
des doutes sur la réalité de la distinction entre deux
espèces, mais, comme le remarque Bonnier, une
erreur de ce genre est préférable à l'erreur inverse ;
car, en réunissant indûment deux espèces, on sup-
prime toute idée de comparaison attentive entre
elles.
Les Gopépodes parasites présentent une spécificité
en général stricte. Gela est vrai pour les espèces
parasites des poissons, des ascidies, des annélides
(Monstrillides, Xenocœlonia, Staiirosoma parasiti-
ciim sur Anenionia siilcata,Q\c.). Pour lesRliizocé-
pliales, GiARu appliquait la même règle de spécifi-
cité, déterminant les sacculines d'après leurs hôtes ;
cette pratique n'a généralement pas été suivie, mais
elle ne pourrait être véritablement condamnée qu'a-
près des expériences positives d'intestation expé-
rimentale sur plusieurs hôtes avec les nauplius
d'une môme sacculine, expérience qui pratiquement
est très difficile à réaliser.
Dans les organismes inférieurs (Protozoaires, Bac-
téries, la spécifité parasitaire peut être très stricte,
sans qu'elle se traduise par des caractères morpho-
logiques appréciables chez le parasite ; c'est ainsi
queLA.VERAN et Mesnil \22y] ont été amenés à dis-
tinguer des trypanosomes pathogènes morphologi-
quement semblables par des propriétés d'immu-
nisation réciproque chez un animal donné. Gela
montre que le critérium morphologique peut être
insuffisant pour la séparation des formes parasites
et est dénature à renforcer la notion générale de
spécifité parasitaire.
218 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
Il y a donc, dans bien des cas, une spécificité
rigoureuse des parasites. Par contre il est avéré
que d'autres parasites se rencontrent sur une série
d'hôtes distincts ; la spécificité peut même se pré-
senter différerament.pour un même parasite, suivant
qu'il s'agira de l'hôte provisoire ou de l'hôte défini-
tif, dans le cas des parasites hétéroxènes.
Ainsi, chez les Trématodes, le mollusque hôte du
sporocyste est généralement assez rigoureusement
spécifique. Pour Disiomum hepaiicum en Europe,
c'est à peu près exclusivement Limnea truncatula
Mûll (Z^. minuta Drap.); des expériences directes
ont montré que dans L. stagnalis, par exemple, le
miracidium ne subissait qu'un début d'évolution :
mais, en d'autres régions que TEurope, L. trunca-
tula est remplacée comme hôte de ce miracidium
par d'autres espèces : L. viaior en Amérique du
Sud, L. humilis en Amérique du Nord, etc.. Des
faits du même ordre viennent d^être constatés pour
les Schistosomum ; le miracidium de S. mansoni a
pour hôte, P. guadalupensis aux Antilles, P. oli-
vaceus et P. centimetralis au Brésil. Mais l'hôte
définitif des Trématodes est beaucoup moins bien
bien défini. Distomwn hepaiicum se trouve chez
toute une série de Mammifères. On a j)u de même
infester diverses espèces avec des cercaires de
Schistosomum.
Chez les Gestodes,la spécificité semble aussi plus
étroite pour le cysticerque ou le cysticercoïde que
pour l'adulte; il y a pourtant beaucoup d'espèces
dont les cysticerques peuvent évoluer dans des hôtes
nombreux. C'est le cas de l'Echinocoque notam-
SPÉCIFICITÉ RELATIVE 219
ment. Inversement, la spécificité de l'hôte peut être
rigoureuse pour l'adulte. C'est ce que montrent les
expériences récentes de Joyeux ( 280^ sur les Hyme-
nolepis des Rongeurs et de l'homme. U Hjymenolepis
nana de l'homme ne se distingue par aucun carac-
tère morphologique précis de V Hjymenolepis du rat
et de divers Muridés H. fraterna ( = -H- miirina
Duj.i. Or, tandis qu'on infeste aisément des rats
avec des œufs à' Hymenolepis provenant de leurs
congénères, on échoue constamment en faisant
absorber à ces animaux des œufs de VHjymenolepis
humain. 11 semble donc bien y avoir là deux espèces
quasi-identiques morphologiquement et localisées
sur des hôtes différents .
La spécificité apparaîtra souvent moins stricte au
laboratoire que dans la nature. Ainsi, alors que les
Hémosporidies sont généralement spécifiques dans
la nature, on peut inoculer certaines d'entre elles à
des espèces diverses. La spécificité naturelle petit
tenir à ce que les conditions d'infestation ne se
trouvent pas remplies pour d'autres hôtes.
D'autres fois, une infection peut être réalisée sur
des hôtes divers, mais elle ne s'y maintiendra pas.
Ainsi, dans les conditions naturelles, les puces et
les poux sont assez étroitement cantonnés sur un
hôte déterminé ou sur un petit nombre d'hôtes voi-
sins les uns des autres, quoique ce ne soit pas là une
donnée absolue. La puce de l'homme (Pulex irritans)
se rencontre sur divers Mammifères (chien, chat,
renard, chacal, rat, cheval, etc.). On peut d'ailleurs,
au laboratoire, nourrir une puce déterminée sur
divers Mammifères.
220 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
Toutefois, comme l'a constaté Joyeux (280), si l'on
institue un élevage de puces sur un hôte, qui n'est
pas l'hôte normal, on constate bientôt que la repro-
duction se fait mal et que l'élevage périclite plus ou
moins rapidement. En d'autres termes, dans des cas
de ce genre, il y a un hôte normal, où les conditions
sont plus favorables et c'est ce qui fait que, dans la
nature, le parasite ne se rencontre, dans la règle, que
sur lui. Léger et Duroscq (23 j ) sont arrivés à cette
notion pour les Aggregata des crabes. L'infestation
des Portiinus avec des spores tirées des Céphalo-
podes réussit bien mieux que celle des autres genres,
où cependant on peut l'obtenir.
Dans ses expériences sur les Botliriocéphales,
RosEN [28g] a obtenu le développement des onchos-
phères dans plusieurs espèces de Cyclops et de
Diaptomiis . Mais c'est chez les Cj'clops et en parti-
culier chez Cyclops strennuus que le développement
s'accomplit le mieux.
L'hôte normal dans la nature n'est cependant pas
nécessairement celui où le parasite se développe le
plus activement. On peut, avec WoodCock, admet-
tre pour les espèces pathogènes, que les animaux où
elles déterminent des infections aiguës sont des hôtes
exceptionnels et non les hôtes normaux. Ceux-ci
doivent tolérer le parasite en vertu de l'accoutu-
mance, et avoir acquis vis-à-vis de lui une immu-
nité relative, à l'inverse de ceux-là. C'est ainsi qu'il
faudrait interpréter les Trypanosomiases très viru-
lentes pour les animaux domestiques ou pour
l'homme. Trypanosoma hriicei^ par exemple, l'agent
du nagana^ maladie fatale à la plupart des animau?â
TIÔTE NORM\L. ïiÉsEinOlH DE VJRUS 221
domestiques, chien, âne, cheval, bovidés (i), ne doit
pas être considéré comme un parasite normal de ces
espèces. Ses hôtes naturels sont le gros gibier sau-
vage, comme les antilopes, où il existe sans déter-
miner de troubles graves. C'est quand le dévelop-
pement de la colonisation a amené l'introduction par
1 homme d'animaux réceptifs que le parasite a atteint
ces espèces qui n'étaient pas adaptées à lui. Le surra
pour le bétail, la trypanosomiase humaine doivent
être considérés sans doute comme des exemples
analogues. Ainsi, pour ces parasites, la spécificité est
très relative, puisqu'ils peuvent exister dans des
espèces très diverses. Vus du point de vue humain
de la prophylaxie, les hôtes naturels de ces espèces
pathogènes constituent ce qu'on appelle un réser-
voir de virus. Dans le cas du nagana, ce réservoir est
constitué par le gros gibier, en particulier par les
antilopes ; pour le mal de Gaderas du cheval dans
l'Amérique du Sud, dû à Trj'panosoma eqiiiniim,
le réservoir de virus parait être un gros Rongeur,
Hydrochcerus cap^^bara, qui d'ailleurs en meurt.
La spécificité des agents transmetteurs de ces
divers parasites du sang est également très variée .
Ainsi le parasite malarique humain est transmis par
les Anophèles, mais non par les Calex, son évolution
ne pouvant se faire que dans les premiers et inver-
sement, les Proteosoma des oiseaux, voisins des
Plasniodiiim, évoluent dans les Ciilex. Parmi les
diverses espèces d'Anoplièles, il en est qui s'infestent
plus facilement que d'autres.
î. L'homme n'est pas téceptif à ce trypanosorae.
222 L\ SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
Si l'on se place au point de vue pratique de la
lutte contre ces parasites pathogènes, la question a
de multiples aspects, bien mis en évidence par Rou-
BAUD {iS3) , et qui ne manquent pas de paraître para-
doxaux. Ce^^taines de ces conclusions se rattachent
assez étroitement à l'analyse de la spécificité para-
sitaire et doivent être résumées ici. En outre, en
raison de l'ingéniosité et de l'intérêt de ces vues, ins-
pirées par une étude des faits pratiquée dans la
nature, je m'y étendrai assez longuement.
La destruction, soit du réservoir de virus, soit
de l'agent transmetteur, quand par exemple c'est un
insecte piqueur, comme une glossine ou un ano-
phèle, peut être une impossibilité. D'autre part,
l'examen des faits naturels conduit à constater
que, pour certaines infections au^moins, ces des-
tructions ne sont nullement indispensables . Ainsi
l'endémie palustre a diminué progressivement en
France et a à peu près disparu, sans que pour
cela les anophèles aient dû être exterminés. On
a pu redouter que la guerre ramenant en France de
nombreux paludéens, il ne s'y développât du palu-
disme. Or en cherchant les anophèles, on a cons-
taté qu'ils sont extrêmement répandus en France
et ils n'ont jamais dû être rares : cependant l'endé-
mie a disparu. C'est qu'elle ne dépendait pas uni-
quement de la présence des anophèles, mais d'autres
facteurs, comme les conditions d'habitabilité, de
culture du sol, etc..
Pour expliquer des faits de ce genre et pour
PROPHYLAXIE TROPHIQUE 223
résoudre les problèmes pratiques de prophylaxie,
RouBAUD en arrive à la conception générale qu'il
appelle la méthode trophique^ ou de nutrition
protectrice, ou encore de prophylaxie trophiqiie.
Elle consiste à satisfaire les besoins de l'espèce
convoyant le parasite redouté, en la détournant de
l'homme ou de tel animal domestique. Il conçoit
cette méthode comme plus facilement applicable
dans les pays neufs pour l'activité humaine, où les
équilibres fauniques n'ont pas encore acquis une
solide stabilité par rapport à cette activité, comme
dans les vieux pays, où tous les équilibres sont depuis
longtemps établis. Dans les régions neuves, les
transformations du milieu que l'homme accomplit ou
provoque, les espèces qu'il y introduit, consciem-
ment ou inconsciemment, créent de nouveaux rap-
ports.
Ainsi, au Sénégal, un termite, qui ravage les
cultures d'arachides, n'est nullement un parasite
spécifique de cette espèce ; en dehors de la zone des
cultures, il s'attaque à des végétaux variés ; sa locali-
sation sur les graines d'arachides serait due, suivant
RouBAUD, à ce qu'il y trouve encore quelques réser-
ves d'eau, alors que le sol environnant est complè-
tement desséché. En maintenant une certaine humi-
dité au sol, dans la période ©ù le termite envahit
les graines encore vertes, c'est-à-dire en satisfaisant
à ses besoins, on le détournera de l'arachide ; ce qui
sera plus aisé que de chercher à exterminer le ter-
mite lui-même. La sécheresse, dans certaines zones
des pays tropicaux, serait, de même, la cause qui
attirerait tant de mouches sur les yeux de l'homme
224 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
et des animaux, où elles peuvent boire les larmes, ce
serait par suite la cause indirecte des opiithalmies
fréquentes et graves dans ces régions. D'où la sug-
gestion de détourner les mouches des hommes en
leur offrant de l'eau.
De même, l'homme pourrait se protéger contre
les Insectes piqueurs, en leur fournissant des proies
qu'ils préfèrent. Le gros bétail ou les chevaux, par
exemple, sont bien plus attaqués que l'homme, dans
les bois, par les taons ou les glossines. Le porc est,
d'après Roubaud, un animal qui offre les mêmes
possibilités de nutrition que l'homme à beaucoup de
parasites et spécialement à ceux qui vivent sur la
peau, son épiderme étant nu comme celui de
l'homme. Cette simple condition permet la réussite
de la pénétration chez lui de beaucoup de parasites
arrêtés par le revêtement pileux d'autres espèces ,
Inversement d'ailleurs, cette similitude a amené à
l'homme des parasites qui, originairement, devaient
être propres au porc ou à d'autres mammifères à
peau nue.
Les Auchméromyies, ou vers des cases, actuelle-
ment adaptées à la race noire, ont dû, à l'origine,
être des parasites de Mammifères à peau nue, comme
les Phacochères ou les Oryctéropes, sur lesquels
vivent, dans les mêmes conditions, les Chœromyies,
et Roubaud a vu ces dernières se répandre dans les
habitations humaines. De même, une tique, rOrni-
thodoriis moubata, agent de propagation de la Tick-
/eper, semble, d'après les observations faites au Congo
belge, être naturellement en Afrique un parasite
des Mammifères à peau nue, comme les Phacochères,
PROPHYLAXIE TROPHIQUE 225
dans le terrier desquels on la trouve et s'être portée
vers l'homme, à mesure que son hôte naturel se
raréfiait. Ed. et Et. Sergent ont lait, dans le même
ordre d'idées, en Algérie, une observation très inté-
ressante sur l'Œstre du mouton. Elle s'attaque aux
yeux et aux narines des bergers, en Kabylie, pro-
duisant la myiase connue sous le nom de Thimni,
(T'am/i^ chez les Touaregs et retrouvée depuis en des
régions très diverses. Or, la fréquence de l'atYection
chez riiomme varie en raison inverse de la densité
ovine locale. L'homme n'est pas attaqué quand la
population ovine sufïit à assurer la ponte normale
de l'œstre.
ûe même, la fréquence locale de la maladie du
sommeil en Afrique n'est nullement en rapport avec
celle des glossines ; l'inverse même est souvent vrai,
ce que Roubaud explique par le fait que les hôtes
normaux des glossines sont les gros mammifères et
non l'homme. Elles pullulent dans les forêts où le
gros gibier est abondant et ne s'y attaquent pas
normalement à l'homme. Pour les déceler en un
point, l'un des meilleurs moyens est d'exposer un
âne ou un cheval comme piège. Là où ces liôtes
naturels manquent, les Glossines rares se rabattent
sur l'homme ; c'est sur ces points que leurs parasites
se propageront le mieux à l'homme, en dépit de la
rareté de la mouche.
En ce qui concerne la décroissance progressive et
la disparition de l'endémie palustre en France et
dans d'autres pays de l'Europe, alors que les Ano-
phèles n'y sont nullement devenus rares, Roubaud,
à la suite d'études faites spécialement à ce sujet
M. Gaullery. — Le Parasitisme 8
226 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
dans le Marais vendéen et aux environs de Paris,
explique ainsi les faits qui avaient été précédem-
ment constatés par Ed. et Et. Sergent. En Vendée,
. pays palustre, les anophèles pénètrent dans les mai-
sons, d'où ils sont absents en Ile-de-France, Ce qui
est typique, c'est leur présence dans les étables. Jly
en a dans les deux cas. Mais ils pullulent dans les
étables vendéennes, en raison de l'étendue des
marais qui amène un formidable développement de
larves . Il en résulte que les anophèles ne trouvant
pas une population de bestiaux suffisante pour assu-
rer leur alimentation envahissent les maisons, alors
qu'aux environs de Paris le bétail leur suffit et
qu'ils ne recherchent pas l'homme. Le bétail est
donc un écran protecteur pour l'homme et l'assai-
nissement réalisé au xix® siècle se comprend aisé-
ment. La culture, le drainage, la suppression des
marais a diminué la population anophélienne, à qui
le bétail devenu plus nombreux a offert des proies
suffisantes. L'homme s'est trouvé ainsi naturel-
lement hors de son atteinte. Le problème de la
prophylaxie se trouve ramené, suivant l'heureuse
expression de Roubaud, à un équilibre alimentaire
dans la faune environnante. Il semble résulter, en
outre, des observations faites aux environs de Paris,
qu'adaptés à se nourrir sur le bétail, les anophèles
cessent de s'attaquer à l'homme.
Ces idées très ingénieuses, et qui fournissent à
tout le moins un programme précis d'expériences
prophylactiques, ont, pour les questions qui sont
envisagées ici, l'intérêt particulier d'avoir été suggé-
rées par l'observation directe de la nature et surtout
ÉQUILIBRES ENTRE HÔTES ET PARASITES 227
celui de faire apparaître la spécificité parasitaire
comme une propriété relative. Elles cadrent bien
avec la conception de Thôte normal précédemment
exposée. Il n'y a pas, entre les espèces, des rapports
rigides préétablis, mais des équilibres plus ou moins
stables et plus ou moins faciles à ébranler. En vertu
de cette conception lamarckienne. le milieu reprend
dans ce problème la place qui lui revient et les faits
mêmes de spécificité absolue s'encadrent naturelle-
ment, comme des cas limites d'équilibres parfaite-
ment stabilisés.
Par leur énorme extension et leur contact immé-
diat avec le milieu naturel, les recherches d'entomo-
logie appliquée entreprises par le Bureau d'Ento-
mologie des Etats-Unis ont fourni aussi à la question
de la spécificité parasitaire des documents très
importants, en ce qui concerne les Insectes ento-
mophages. Il a été institué, en effet, comme nous
l'avons vu, pour les Insectes les plus redoutables,
des enquêtes d'une ampleur sans précédent et,
comme les parasites de ces insectes ont apparu
comme un des moyens de lutte les plus efficaces, le
problème de la spécificité parasitaire s'est trouvé
naturellement envisagé .
Pour chaque Insecte nuisible, le Bureau d'Ento-
mologie collationne spécialement la liste et les
mœurs de ses parasites, et des parasites de ces der-
niers ou hyperparasites. les premiers auxiliaires,
les seconds adversaires de l'homme. En constituant
ces dossiers, on s'aperçoit de la complexité des rap-
ports qui commandent l'expansion naturelle des
espèces.
228 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
Prenons, par exemple^ les études faites sur un
charançon du cotonnier, Anthonomus grandis, qui
s'est récemment étendu et a été énergiquement com-
battu. On avait reconnu déjà, en 1913, l'existence de
54 espèces parasites de cet Insecte. Sur un tableau
relatif à 26 de ces parasites (et dont on trouvera la
reproduction dans le livre déjà cité de P. Marchal),
on constate que ,leur spécificité est très inégale, au
moins en l'état présent de nos connaissances. Cinq
d'entre eux sont connus pour parasiter respective-
ment de 18 à l'j espèces différentes; tandis que 10
autres ne sont encore connus absolument que sur
Anthonomus grandis et 5 en même temps sur une
seconde espèce.
Dans des recherches relatives à deux Charançons
de la Luzerne, Hyyera punctata et Phytonomus
posticus,W. R. Thompson (3g 6) a constaté des faits
qui plaident en faveur d'une spécificité parasitaire
assez étroite. En effet, ces deux espèces vivent dans
les mêmes champs et dans des conditions très ana-
logues. Or, sur neuf parasites du P/i;r/onomH.s, deux
seulement se retrouvent dans VHypera.
Les renseignements les plus variés et les plus
importants ont été obtenus dans les recherches faites
à propos àcLiparis dispar (Gypsy-moth) et de Lipa-
ris chrjysorrhœa (Brown-tail-moth), dont il a déjà
été question. Les parasites européens de ces espèces,
inti'oduits volontairement aux Etats-Unis, s'y sont
trouvés dans des conditions nouvelles. Considérons
les Tachinaires ; leur spécificité est très variée. Cer-
taines espèces n'ont été rencontrées jusqu'ici que
dans Liparis dispar, tandis que Carcelia excisa est
ÉQUILIBRES ENTRE HOTES ET PARA.SITES 229
connu, en outre, sur 24 hôtes différents, et Compsi-
lura concinna sur 5i, Tachina larQarum, sur 39.
Le cas de Parexorista cheloniœ offre un intérêt
particulier. On trouve cette mouche à la fois en
Amérique et en Europe, où elle se développe dans
des insectes assez variés et en particulier dans Lipa'
ris chrjysorrhœa. Or, la race américaine de la
mouche n'attaque jamais la chenille de ce papillon ;
on a reconnu qu'elle n'est pas immunisée contre les
propriétés urticantes de la chenille. Il se trouve que
lintroduction de la race européenne de Parexorista
n'a pas été efficace, parce qu'il s'est produit une
hybridation avec la race américaine et que les
hybrides se comportent, vis-à-vis de la chenille,
comme la race américaine et non comme la race
européenne.
L'ensemble des faits qui précèdent montre qu'on
ne peut considérer la spécificité réciproque des
parasites et de leurs hôtes comme une propriété
absolue et uniforme. Elle est évidemment une des
caractéristiques fondamentales du parasitisme; mais
elle est essentiellement relative et se présente à des
degrés extrêmement variés. Il y a certainement
beaucoup de cas où elle est très stricte, un parasite
donné ne se rencontrant rigoureusement que dans
une seule espèce d'hôtes. Mais il est non moins
incontestable que beaucoup de parasites infestent,
dans les conditions naturelles, plusieurs espèces dif-
férentes d'hôtes et parfois même un nombre assez
considérable. La spécificité doit donc être considé-
rée spécialement pour chaque forme parasite.
Il faut, en outre, distinguer entre la spécificité de
230 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
fait et de principe. La première est celle qui nous
fournit l'observation simple des faits naturels, la
seconde celle qui résulte de l'expérimentation. La
limitation d'un parasite sur un hôte unique dans la
nature peut tenir simplement à ce que ne sont pas
réalisées les conditions auxquelles il pénétrerait
dans d'autres hôtes, mais non à ce qu'il ne serait
pas capable de s'y développer. Nous avons cité plus
haut des parasites qui sont localisés sur les Mammi-
fères à peau nue et dont on a pu aisément infester
des Mammifères à peaucoaverte de poils, à la simple
condition de raser ceux-ci partiellement. Par contre,
il existe réellement des parasites — surtout internes,
— qui ne peuvent s'accommoder que du milieu inté-
rieur d'une seule espèce, à laquelle ils sont adaptés.
C'est le cas notamment de l'hématozoaire humain
du paludisme, qu'on ne peut cultiver sur aucune
autre espèce animale (i).
Même dans les cas où l'infestation expérimentale
est obtenue sur plusieurs espèces, on constate, ainsi
que nous l'avons vu plus haut pour divers exemples,
qu'elle réussit mieux sur certaines espèces que sur
d'autres. On est conduit à distinguer ainsi des hôtes
normaux et des hôtes exceptionnels. C'est à cette
distinction que se rattache la localisation habituelle
étroite des parasites dans la nature, sur un hôte
déterminé ou sur un petit nombre d'hôtes. D'ail-
leurs, toutes les fois que l'observation des faits natu-
I. Sauf cependant peut-être des singes anthropomorphes.
Mesnil et RouBAUD (s^^/) ont en etFet réussi à infester un
chimpanzé. On trouvera dans leur mémoire un exposé delà
spécificité des divers Plasmodiiim.
ÉQUILIBRES ENTRE HOTES ET PARASITES 231
rels a lieu à une échelle suffisante, on rencontre des
parasites égarés dans des hôtes exceptionnels. Cela
est particulièrement vrai des parasites à migrations
comme les Trématodes et les Cestodes. Beaucoup de
cysticerques ou de métacercaires s'enkystent dans
des hôtes qui ne seront jamais la proie d'un animal
où pourra être atteint l'état adulte de ces parasites.
La spécificité résulte aussi, ainsi que l'indique
fort bien Roubaud, d'une adaptation progressive
des parasites et de leurs hôtes, d'un équilibre de
plus en plus stable dans les faunes anciennement
constituées. De nouveaux équilibres et de nouvelles
associations parasitaires se réalisent quand une
faune est perturbée par l'apport de formes nou-
velles .
Tous ces problèmes ont leurs équivalents dans la
bactériologie, où l'étude expérimentale des microbes
pathogènes a permis de les aborder sur une vaste
échelle. L'étude expérimentale de la syphilis, par
exemple, telle qu'elle a été faite dans les quinze
dernières années, a montré que cette infection, con-
sidérée autrefois comme rigoureusement spécifique
de l'homme, pouvait être communiquée à de nom-
breuses espèces, mais qu'elle était loin d'y évoluer
de même. Il va de soi que la plupart des données
générales de la bactériologie s'appliquent au parasi-
tisme et que c'est seulement pour des raisons d'op-
portunité que nous les avons laissées de côté ici.
L'ensemble des constatations précédentes nous con-
duit donc, en dernière analyse, à considérer la spé-
cificité des parasites comme très réelle, mais d'ordre
relatif et comme le résultat d'une évolution ; elle
232 LA. SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
dépend des conditions extrinsèques rencontrées
dans le passé et le présent par les espèces en pré-
sence, nullement d'une harmonie préalable ; il ne
peut être question de voir dans les parasites des
formes conçues spécialement par la Providence
comme complément à la vie d'hôtes déterminés.
L'un des éléments importants du problème de la
spécificité parasitaire réside dansles conditions d'ac-
cès des parasites à leur hôte et de pénétration à son
intérieur. L'étude de ces conditions est donc un com-
plément de la question précédente. Il va de soi
qu'on ne peut passer en revue tous les modes de
pénétration des parasites. Chaque espèce a le sien
propre Mais quelques exemples donneront une idée
de la variété et de l'intérêt de ces processus et du
rôle qu'ils peuvent jouer quant à la spécificité para-
sitaire .
C'est pour les parasites internes que la question
existe surtout, quoique pour les externes la question
d'accès soit également intéressante. On peut distin-
guer deux grands modes d'infestation : l'infestation
passive et l'infestation active de la part du parasite.
L'infestation passive a lieu, soit par ingestion de
spores ou d'œufs, soit par celle d'un hôte provisoire
renfermant le parasite, soit par inoculation à la fa-
veur d'une piqûre par un organisme vecteur. SU y
a ingestion d'œufs, de spores ou de kystes, le germe
est généralement mis en liberté par action des sucs
digestifs de l'hôte sur les enveloppes protectrices et
CONDITIONS d'infestation 233
cette action comporte une certaine spécificité qui a
été mise en évidence, par exemple, avec les Sporo-
zoaires. Les spores de grégarines, ou de myxos-
poridies ne s'ouvrent que sous l'influence du suc
gastrique de certains hôtes ou tout au moins s'ou-
vrent mieux. Le germe mis en liberté doit pouvoir
résister à l'action de ces sucs, et, là encore, il y a
une spécificité généralement étroite. Entre la mise
en liberté du germe ou de la larve ingérée et son ar-
rivée à son siège définitif, où se fera son évolution,
se placent souvent des trajets compliqués.
L'inoculation directe dans le milieu intérieur de
l'hôte est le mode de transmission le plus parlait. On
peut en prendre comme exemple le parasite du
paludisme (Plasmodiiim malariœ). Il passe de
l'homme au culicide {Anophèles) par succion, subit
dans le moustique une évolution compliquée, qui se
termine par la localisation des germes dans les
glandes salivaires et la trompe ; ces germes sont
inoculés ensuite directement à l'homme. La plupart
desHémosporidies se transmettent d'une façon ana-
logue par les divers hôtes intermédiaires, mous-
tiques, sangsues, etc. ..
Mais cette adaptation complète n'est pas toujours
réalisée. Ainsi, pour la Filaria bancrofti, les larves
qui ont évolué dans les Moustiques ne pénètrent pas
dans la trompe, mais s'accumulent dans la lèvre
inférieure de l'insecte. Au moment où celui-ci
pique, elles sont simplement déposées sur la peau
et elles y font effraction activement. Ici donc, il
y a transport passif jusqu'à l'hôte et pénétration
active à son intérieur. Les choses se passent de
S34
LA SPECIFICITF] PARASITAIRE
même dans un certain nombre de cas, où les In-
vertébrés hématophages sont des vecteurs de virus.
Celui-ci est déposé par eux sur la peau avec la
salive ou même avec les excréments, et pénètre
ensuite, à la faveur d'une solution de continuité, exco-
riation ou piqûre de l'Insecte ; ce serait là le mode
de pénétration d'un certain nombre de microbes,
comme le bacille pesteux, divers spirochètes, en par-
ticulier celui de la fièvre récurrente qui viendrait au
contact delà peau surtout par l'écrasement du pou.
On voit ainsi la variété des mécanismes que met en
jeu la transmission des parasites par des hôtes
intermédiaires.
Les voies et modes de pénétration des parasites
ne comportant pas d'hôte intermédiaire sont par-
fois beaucoup moins simples que l'on ne le suppo-
serait, ainsi que nous pourrons nous en rendre
compte par quelques exemples. Celui de la saccu-
line est typique à cet égard et la réalité est tout à
fait différente de ce que l'on pouvait supposer a
priori. Pour beaucoup de parasites internes d'In-
vertébrés, la voie de pénétration est inconnue. On
ne sait pas comment arrivent dans leur hôte des
formes comme Fecampia ou les Euniciens parasites
des Annélides. On n'a pas observé la pénétration
des Dicyémides dans le rein des Céphalopodes. L'un
des groupes qui offre les faits les plus taries et les
plus inattendus est celui des Nématodes, dont les
genres de vie saprophyte et parasite et les locali-
sations dans les hôtes offrent une extrême diversité.
Nous avons vu déjà ce que l'on sait sur les Filaires
du sang. Il y a encore un certain nombre de ces
CONDITIONS d'ïnfestation 235
parasites dont le mode de pénétration est inconnu.
On ne sait pas davantage comment pénètrent des
parasites, comme les strongles du rein du chien et
de divers ma.m.mUèves (Eiistrongjylus visceralis).
Mais, même pour les Nématodes intestinaux, qui sem-
blent devoir pénétrer par simple ingestion et se
développer directement dans l'intestin, la réalité est
parfois beaucoup plus complexe.
Tel estle cas de r^/icj'/os/o/nKmû?zio^ena/e, l'agent
de l'anémie des mineurs. On a cru longtemps qu'il
était ingéré, soit avec l'eau, soit avec des aliments
souillés par les mains. 11 résulte des recherches de
Loôss {3o5], confirmées de divers côtés, que ce ne
doit pas être la voie la plus habituelle. Les œufs éva-
cués avec les fèces se développent dans le milieu ex-
térieur, pourvu que la température soit assez élevée
(d'où la localisation de ce parasite dans les pays
chauds et les mines) ; les larves pénètrent dans le
corps de l'homme généralement à travers la peau.
Looss a été amené à le constater sur lui-même acci-
dentellement, dans des conditions où la contami-
nation per os devait être exclue et il l'a méthodi-
quement vérifié. Des larves d'Ancylostome, déposées
sur la peau humide, y pénètrent en quelques mi-
nutes ; il l'a constaté notamment sur une jambe
infestée une heure avant l'amputation.
Dans des expériences sur des chiens et des singes
(avec Ancylostomum duodenale et A. caninum),
les larves étant déposées sur la peau rasée, il a pu
reconstituer toutes les phases de leur pénétration
et leur trajet ultérieur. Elles produisent localement,
en pénétrant, du prurit et de la rougeur et, à doses
236 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
massives, UD œdème temporaire. Elles passent dans
les vaisseaux sanguins et lymphatiques, où une par-
tie est détruite par phagocytose dans les ganglions
lymphatiques. Par la voie veineuse, elles arrivent
au cœur, de là passent au poumon, dont on peut, en
quelques jours, provoquer des infestations mas-
sives. Du poumon, elles passent à la trachée, gagnent
l'œsophage et se rendent enfin à l'intestin. Dans le
milieu extérieur, ces larves sont très sensibles à la
dessiccation; quelques minutes à sec suffisent à les
tuer, ce qui se réalise le plus souvent sur les ali-
ments. Sur la peau mouillée et surtout à la faveur
de la sueur, elles trouvent des conditions favorables.
Dans les galeries des mines, elles montent facilement
sur les parois humides, d'où elles passent sur les
mains des mineurs. Cet exemple est très significatif
de la complexité qu'offre parfois le mécanisme de
pénétration des parasites.
Le Strongyloides stercoralis suit un trajet sem-
blable, ainsi probablement que d'autres Néma-
todes. LÛHE rapporte, à propos des expériences de
Looss, qu'à l'autopsie d'une panthère, ilavait trouvé
le poumon plein de Nématodes résultant vraisembla-
blement dune migration analogue.
ïu' Ascaris lumbrlcoides, ce parasite banal de l'in-
testin, a une histoire non moins compliquée,
d'après des travaux récents. Stewart [3i4], piiis
Ransom et FoRSïER (3 lo) (confirmés encore par
YosHiDA {3ig) sur des rats, souris, porcelets, lapins
et cobayes) ont montré que les larves, sortant d'œufs
ingérés per os, ne se développent pas directement
dans l'intestin, mais passent dans la circulation
CONDITIONS d'infestation 237
intestinale et accomplissent dès lors un circuit ana-
logue à celui de l'Ancylostome, en passant en parti-
culier par le poumon. En faisant ingérer à des por-
celets de deux semaines des doses massives d'œufs
d'Ascaris lumbricoides, Ransom et Foster ont déter-
miné, en huit jours, chez ces animaux, des pneumo-
nies mortelles ; le poumon se montrait, à l'autopsie,
rempli de jeunes Ascaris, tandis que les témoins
étaient bien portants. Au bout de dix jours, on trouve
les vers dans la bouche et l'œsophage. Chez le rat
et la souris, les choses commencent de même, mais
l'infestation ne s'achève pas et s'arrête à la bouche.
Le porc et l'homme sont les hôtes normaux ; chez
le mouton, qui doit être un hôte accidentel, on a
obtenu l'infestation intestinale. Des expériences de
ce genre montrent l'élasticité de la notion de spéci-
ficité parasitaire
Elles indiquent, en outre, combien de découvertes
intéressantes restent à faire dans le domaine du
parasitisme, relativement aux conditions de péné-
tration dans l'hôte.
De l'histoire de l'Ancylostome, on rapprochera
naturellement celle des Schistosomam (Bilharzia)
précédemment résumée et où le cercaire passe aussi
par la peau.
Les larves de mouches, qui offrent une variété con-
sidérable dans leur éthologie, depuis le saprophy-
tisme jusqu'au parasitisme strict, montrent aussi,
dans les conditions d'accès à l'hôte, des faits extrê-
mement instructifs .
Les Tachinaires, dont les larves entomophages
jouent un si grand rôle, comme il a déjà été dit, par-
238 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
viennent à l'hôte de façons extrêmement diverses
que Tov^NSEND (3g8] a étudiées et qu'il classe de la
façon suivante.
1° Ponte des œufs sur des feuilles, où ils sont
ingérés par Vhôte. — La larve éclôt dans le tube
digestif de celui-ci et passe dans la cavité géné-
rale où elle se développera dans le tissu adipeux.
Les œufs de ces espèces sont petits, foncés, et a'éclo-
sent que sous l'influence du liquide intestinal de
l'hôte (ex : Grossocosmia sericariœ parasite du
ver à soie ; Blepharipoda scutellata parasite de
Liparis dis par, etc.
2° Ponte des œufs sur Vhôte. — La larve pondue,
par exemple sur une chenille jeune, y éclôt plus ou
moins vite et pénètre à l'intérieur. A son dernier
stade larvaire, elle perfore la paroi, de dedans en
dehors, pour se ménager un orifice respiratoire. Ce
mode est le plus anciennement connu (ex. : Thrixion
halidaj-anuni étudié par Pantel, Parexorista che-
loniœ parasite de Liparis chrysorrhœa).
3° Ponte de larves écloses, déposées sur la peau
de Vhôte (Dexiidœ).
4° Ponte de larçes sous la peau de Vhôte. — La
femelle, à l'aide d'une tarière, pique la chenille et
introduit la larve sous le tégument (ex. : Dexodes
nigripes, Compsilura concinnata, parasites de Li-
paris chrysorrhœa et L. dispar).
5° Ponte de larves sur des feuilles ou des tiges. —
Cas à'Eupeleteria magnicornis, qui dépose ses
larves sur des rameaux, où elle a reconnu (proba-
blement par l'odorat) la présence de chenilles et sur
le trajet de celles-ci pour retourner au nid. La
CONDITIONS d'infestation 239
larve s'accroche à la chenille au passage et y
pénètre (i).
Dans le détail, on constate de curieuses parti-
cularités adaptatives des œufs ou des larves des
Tachinaires, en rapport avec ces diverses conditions.
Je signale ainsi le cas de Pollenia radis, très bien
étudié par Keilin (3^4)- I*^i» l'œuf est pondu sur le
sol. La larve, après l'éclosion, pénètre dans un lom-
bric [AU lobophora chlorotica) par les orifices des
vésicules séminales, dans lesquelles elle passe l'hiver
et le printemps. Au mois de mai, elle gagne, en creu-
sant une galerie dans les tissus de l'hôte, l'extrémité
antérieure de celui-ci, y déterminant une perfora-
tion, par où sort son extrémité postérieure avec les
orifices respiratoires .
Les mouches à larves parasites des Vertébrés (myia-
ses) offrent des faits multiples et des plus intéres-
sants. Certaines sont plutôt saprophytes que para-
sites, vivant dans les ulcérations, sans doute aux
dépens des bactéries qui s'y cultivent. Elles montrent
les débuts de l'adaptation au parasitisme. Certaines
de ces larves ne sont nullement spécifiques, d'autres
tendent à se spécialiser en produisant des myiases
très définies ; telle P^cnosoma hezzianum qui pond
ses œufs sur les poils des Bovidés et Equidés ; la
larve s'enfonce ensuite dans la peau et y détermine
des ulcères ; jamais la mouche ne pond sur des ulcè-
I. Les Nyctéribies,qui vivent sur les chauves-souris, pon-
dent aussi des larves prêtes à s'empuper au voisinage des
Roussettes, sur des branches, mais non sur l'animal lui-
même, comme l'ont décrit Rodhain et Bequaert {386) pour
Cyclopodia greeffi.
240 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
res déjà formés. Telles aussi Lucilia argyrocephala,
L. sericata.
Certaines espèces ont des larves hématophages,
vivant au contact de l'hôte et le rejoignant, de façon
intermittente, pour lui sucer le sang. C'est le cas des
Auchméromyies, bien étudié par Roubaud [38g].
La larve, ou ver des cases, est liée biologiquement,
comme il a été dit déjà, à la race noire; l'espèce ne
se maintient que chez les peuplades sédentaires,
couchant directement sur le sol des cases. La larve,
inerte le jour, sort de terre la nuit, pour aller sucer
le sang des dormeurs. On ne la trouve pas chez les
populations nomades. Les Chœromyies des terriers
de Phacochère et d'Oryctérope sont adaptées de
même à ces animaux, qui ont la peau nue comme
l'homme. Et il existe une série de mouches vivant
de la même façon dans les nids des oiseaux aux dé-
pens des jeunes, Phormia sordida.P. (Protocalli'
phora) azurea, Passeromjàa heterochœta.
D'autres mouches productrices de myiases pondent
sur le sol et les larves atteignent activement l'hôte
dans lequel elles pénètrent. Telle est Cordylohia
anthropophaga, dont la larve, ou ver duCaj-or (i),
produit dans l'épaisseur de la peau de l'hôte (rat,
chien et accessoirement l'homme), des tumeurs furon-
culeuses munies d'un orifice permanent, par où elles
respirent.
Certaines atteignent l'hôte d'une façon indirecte
très curieuse en étant véhiculées par un autre
i.La larve de Lund,qui vit dans des conditions analogues,
appartient à une autre espèce, Cordjlobia (StasisiaJ rodhaini
CONDITIONS d'infestation 241
insecte. C'est le cas de Dermatobia hominîs, dont
la larve ou çer macaque, produit dans l'Amérique
du Sud une myiase cutanée. Elle va pondre ses œufs
sur des Insectes (Stomoxes, et surtout un Gulicide,
Janthinosoma lutzi), au moment où ils piquent des
chevaux. L'insecte et particulièrement le Janthino-
soma est le vecteur par lequel la larve arrive sur
rhomme(v. 38 1).
D'autres pondent directement sur l'hôte, en parti-
culier l'œstre du mouton (Œstriis Oi>is], qui pond au
vol sur les narines ou l'œil et évolue dans les fosses
nasales (i), produisant le faux tournis. L'œstre du
cheval {Gastrophilus equi) dépose ses œufs sur les
poils, dans des points où le cheval peut se lécher. Le
choc produit par les lèvres, lors du léchage, déter-
mine l'ouverture de l'œuf et la mise en liberté de la
larve, qui, arrivée dans la bouche de l'hôte, s'en-
fonce dans l'épiderme, comme l'a montré Rou-
BAUD {3gi) et chemine, par l'œsophage, jusqu'à l'es-
tomac, où elle effectue sa croissance, fixée à la paroi.
Elle est rejetée au moment de la pupaison, avec le
crottin. L'œstre du bœuf [Hvpoderma boçis), qui
produit des tumeurs sous-cutanées, placées sur le
dos, au voisinage de la colonne vertébrale, ne s'y
développe pas sur place, mais pénètre dans les
mêmes conditions que l'œstre du cheval, et chemine
I. Diverses mouches se développent ainsi dans les cavi-
tés naso-pharyngiennes: Liicilia bufonivora, dans celles de
Batraciens (Crapaud, Salamandre), Chrysomyia macellaria
sur l'homme (à Buenos-Ayres, on a observé un cas de myiase
probablement due à cette mouche, dans lequel on a extrait
a65 larves).
242 LA SPÉGIFICITÉ PARASITAIRE
le long de l'œsophage dans la paroi, puis suit le
diaphragme, traverse la colonne vertébrale et finale-
ment arrive à la peau, sur le dos. où elle détermine
une tumeur sous-cutanée. La larve mûre sortira à la
faveur de Tûlcérationdela tumeur. Certains oiseaux
(pies, sansonnets, bergeronnettes) énucléent très
fréquemment ces larves pour les dévorer en débri-
dant la tumeur.
Ces divers exemples montrent combien la loca-
lisation définitive du parasite est insuffisante pour
renseigner, par elle-même, sur la façon dont se fait
l'infestation.
Une autre catégorie de faits, relativement au mode
de pénétration des parasites, est constituée par les
cas où l'infestation est héréditaire et transmise par
l'œuf. On en connaît actuellement un certain nombre
d'exemples relatifs à des Protozoaires ou des Bacté-
ries et Protophytes. Le cas le plus classique est celui
des Microsporidies et en particulier de la Pébrine
du ver à soie (Nosema homhycis). C'est en ayant
reconnu la contamination de l'œuf par les corpus-
cules que Pasteur a imaginé la méthode du grai-
nage, qui permet d'établir des élevages sains. Le
mode de contamination direct est la voie buccale, le
ver mangeant des feuilles souillées par des excré-
ments porteurs des spores du parasite. Celles-ci éclo-
sent dans son tube digestif et la microsporidie
pénètre dans l'épithélium intestinal, puis dans les
divers tissus qu'elle envahit, atteignant finalement
l'ovaire. Il en est de même très probablement de
beaucoup d'autres microsporidies ; Mesnil par
exemple a constaté la présence de spores de No^
TRANSMISSION HÉRÉDITAIRE 243
sema incurçata dans les œufs de Daphnia obtusa.
Les Piroplasmes se transmettent aussi dans les
tiques, d'une génération à l'autre, par l'infestation
de l'œuf. Theiler a même constaté que l'infection pou-
vait persister sans apport de parasites nouveaux
pendant deux générations. C'est grâce à cette trans-
mission héréditaire que se propage la piroplasmose
bovine ; car certaines tiques (Boophilus annula-
tus^ B. decoloratus) ne quittent plus le bœuf sur le-
quel elles se sont fixées à l'état de larve et où elles
se sont infectées. La transmission ne peut donc se
faire que par les tiques filles ; et on a d'ailleurs
trouvé les Piroplasmes dans les œufs. La même
transmission héréditaire a lieu, pour la piroplas-
mose canine par Rhipicephalas sangaineus. Les
tiques, et en particulier les Argas, transmettent
héréditairement aussi des spirochètes (i).
Brumpt a annoncé de même la transmission héré-
ditaire de Trypanosoma inopinatam de la gre-
nouille verte, dans la sangsue, hôte intermédiaire
{Helobdella algira). Les sangsues, nées d'une mère
infestée et ne l'ayant jamais été elles-mêmes, ont des
trypanosomes dans la trompe et les caecums gas-
triques. Mais la présence dans l'œuf lui-même na
pas été constatée.
Enfin la transmission héréditaire par l'œuf joue
un rôle capital dans des infections qui ont une por-
tée considérable, comme nous le verrons; il s'agit
des levures qui existent d'une façon constante dans
I. Le spirochète de la syphilis se transmet aussi nerédi-
tairement.
244 LA SPÉCIFICITÉ PARASITAIRE
divers groupes d'Insectes et notamment chez les Pu-
cerons (corps verts, pseudova, pseudovitellus). Nous
nous bornons à les mentionner maintenant, et les
étudierons à propos de la symbiose.
N.-B. — Les idées de Roubaud sur la prophylaxie tro-
phiqae (p. 223) se sont trouvées confirmées dans un
important travail, paru pendant l'impression de ce volume
et dû à G. Wesenberg-Lund (Contr. to the biology of tlie
danish Culicidœ. Copenhague, Daiisk. Vid. Selsk. Skr.,
ig2i).lCet auteur est arrivé, en effet, dans l'ignorance com-
plète des recherches de Roubaud, à peu près exactement
aux mêmes conclusions en ce qui concerne la biologie des
Anophèles (adaptation secondaire au bétail) et la dispa-
rition du paludisme au Danemark.
CHAPITRE X
ACTIONS RECIPROQUES DU PARASITE
ET DE L'HOTE
Sommaire. — Parasites et corps étrangers. — Membranes
anhystes ou cellulaires tendant à isoler les parasites. -^
Réactions d'ordre phagocytaire. — Parasites normaux et
anormaux. — Produits solubles. Antiferments élaborés
par les parasites intestinaux. — Toxines parasitaires. —
Eosinophilie et anti-corps spécifiques chez l'hôte. — Action
du parasite sur le métabolisme général de l'hôte (cas de
la sacculine^.
Castration parasitaire. — Exemples divers chez les ani-
maux et les végétaux.
Cas spéciaux de réaction de Phôte à un parasite (ver du
Cayor, Glochidiiim. — Sporozoaires divers, etc.)-
Les galles animales [thylacies] et végétales [cécidies). —
Essais de reproduction expérimentale des cécidies).
L'action des parasites sur leurs hôtes est un pro-
blème extrêmement vaste, qui comprend en somme
toutes les maladies infectieuses, avec les questions
qu'elles soulèvent, comme en particulier l'immu-
nité. Il ne peut être question de les traiter ici. Elles
ont leur place d'ailleurs dans d'autres sections de
l'Encyclopédie. En se bornant aux parasites non
bactériens, il est évident que cette action dépend
246 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'hOTE
beaucoup des circonstances du parasitisme. Beau-
coup de parasites, pratiquement inoffensifs en petit
nombre, deviennent redoutables et mêmes mortels
en cas d'infestation massive. Ainsi quelques tri-
chines n'occasionnent que des troubles restreints,
tandis qu'une ingestion de ces Nématodes en grand
nombre détermine une maladie très rapidement
mortelle. On pourrait citer des exemples analogues
pour les Trématodes. Le hérisson, par exemple, en
renferme qui, dans les conditions ordinaires, sont
inoffensifs, Distomum leptosomum, D. spinulosum,
et dont les sporocystes vivent dans Hélix hortensis
et H, nemoralis. Mais, en nourrissant des hérissons
avec des Hélix infestés, Hoffmann (2;;8) a déter-
miné chez eux une infestation massive et mortelle.
(Chaque parasite détermine dans des conditions de
ce genre, des accidents spécifiques que nous laissons
aussi de côté.
En considérant les infestatious qui ne sont pas
aiguës, on peut dire qu'un parasite, particulièrement
un parasite interne, une fois établi sur son hôte,
forme avec lui un système fonctionnel en équilibre,
qui s'oppose à l'ensemble du milieu extérieur. C'est
ce que Giard (4^j5) exprimait par le terme de com-
plexe hétérophjysaire^ chacun des deux organis-
mes étant un complexe homoplvysaire. L'équi-
libre ainsi conçu résulte d'actions et réactions mu-
tuelles, dont nous allons examiner les principales.
Le parasite étant avant tout un corps étranger
' PERLES 247
introduit accidentellement dans l'hôte, on peut s'at-
tendre à voir celui-ci tendre à réliminer,ou au moins
à l'isoler du milieu intérieur par une barrière
anhyste ou cellulaire, comme cela a lieu autour des
corps inertes. On peut en effet citer un certain
nombre d'exemples de cet ordre. Les larves des tri-
chines,dans les muscles,sont entourées par une mem-
brane kystique généralement calcifiée. La produc-
tion des perles, chez les Mollusques margaritigènes,
semble être, au moins dans une large mesure, une
réaction du môme ordre, car, au centre de la plupart
des perles, on trouve un parasite, le plus souvent
une larve de Trématode ou de Cestode. L'épithé-
lium palléal, à son contact, a sécrété une couche de
nacre qui l'a isolée. Cette réaction se continue par la
formation de couches concentriques, dont l'accumu-
lation constitue la perle, perle de nacre si le pro-
cessus reste extérieur, au contact de la coquille,
perle fine, si le processus s'accomplit dans la masse
viscérale du mollusque. L'origine parasitaire des
perles reconnue en i852 par de Filippi chez les
Anodontes,a été l'objet assez récemment de travaux
nombreux, notamment de Seurat ( J<Ç5) à Tahiti,
de Herdman et Hornell, à Geylan, de L. Jameson
[i yy), sur les moules de nos côtes (Billiers, Morbi-
han), de R. Dubois, Giard, etc..
La production d'une membrane d enveloppe cel-
lulaire autour du parasite est un phénomène assez
rare, au moins dans le cas des parasites normaux ;
alors que des amœbocytes s'accumulent très rapi-
dement autour des corps étrangers inertes, la plu-
part des [>arasites normaux vivant dans le milieu
248 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'hOTE
intérieur, restent indemnes. Ainsi, les grégarines
cœlomiques, comme l'a remarqué Guénot (221), ne
sont jamais enveloppées d'amœbocytes, au moins
tant qu'elles sont à l'état végétatif.
L'enveloppement se produit dès qu'elles s'enkys-
tent, ou même se préparent à l'enkystement. C'est ce
que Léger (2 28} amis en évidence avec une parfaite
netteté pour Lithocjstis sc/ineï<ier/,grégarine vivant
dans le cœlome d'un oursin, Echina car dium corda-
tiim. Autour des kystes, les a mœbocy tes forment, par
contre, des amas énormes, noirâtres (i). Les méta-
cercaires deTrématodes, enkystés par exemple dans
des Annélides, sont aussi entourés d'un épais man-
teau d'amœbocytes. De même les Nématodes enkys-
tés dans le cœlome des Lombrics, les larves de
Pollenia riidis, en hiver, pftidant leur période
d'inertie, sont également enveloppées. Mais quand
ces divers parasites sont à l'état d'activité, ils ne sont
pas attaqués. Il semble que les parasites normaux
possèdent une immunité vis-à-vis des amœbocytes
ou phagocytes. C'est ce qui a lieu, en particulier,
d'une façon générale, pour les parasites entomo-
phages. Mais, avec des parasites anormaux, il semble
en être autrement. Timberlake (z 56"), par exemple,
fait pondre, dans Liparis chrjysorrhœa^ un Hymé-
noptère Limnerium validum, qui normalement para-
I. Nous avons, Mesnil et moi-même, constaté cependant
l'enveloppement par des phagocytes d'une grégarine cœlo-
mique du Dodecaceria conchariim (forme B), Gonospora
longissima) . Mais il est possible que les cas où nous avons
observé ce phénomène étaient le prélude de l'enkystement
de cette grégarine.
REA.CTIONS PHAGOCYTAIRES
249
site Hyphantria cunea. Or, malgré que des œufs très
nombreux aient été pondus, il n'a trouvé que très
peu de larves dans les chenilles. La plupart étaient
détruites ou fortement attaquées par des phagocytes.
W.-R. Thompson {3g6) a constaté des faits de
Pig, /^x. _ Lithocystis schneideri: i Stade de jçrégarine
libre et mobile (deux individus enlacés) et sans revête-
ment phagocytaire, dans le liquide cœlomique de l'Oursin
{Echinocardium cordatum)',— a Prélude de l'enkystement
de deux individus accouplés et contractés et déjà recou-
verts d'un manchon de phagocytes ;— 3 quelques-uns de
ces phagocytes à un fort grossissement (d'après Léger).
même ordre avec une Tachinaire, normalement
parasite de Liparis dispar, Stiirmia scntellata.
Cette mouche pond sur des feuilles ses œufs, qui
sont ensuite ingérés par la chenille et éclosent dans
le tube digestif, d'où les larves passent dans le
cœlome. Thompson a fait avaler ces œufs de Stur-
250 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'hOTE
mid, sur des feuilles, à diverses chenilles; les larves
se sont développées dans des Lasiocampidœ, mais
non dans les chenilles de Vanessa iirticœ et Faror^
gyia antiqua, dans lesquelles on les a retrouvées
phagocytées. Malheureusement, dansées divers cas,
on n'a pas pu préciser si les phagocytes avaient
attaqué des larves saines, ou seulement des larves
mortes ou déjà fortement atteintes dans leur vita-
lité.
Au total, il semble que les parasites normaux ne
provoquent pas, d'une manière générale, de réaction
phagocytaire, ou qu'ils inhibent celle-ci par des secré
tions appropriées, que ne possèdent pas les parasites
anormaux. L'absence de réaction aux parasites nor-
maux est donc sans doute le résultat d une adapta-
tion d'ordre sécrétoire. C'est par un mécanisme du
même ordre que Ton peut concevoir la possibilité,
pour le parasite, de subsister dans l'intestin ou le
milieu intérieur de Ihôte. Il doit pouvoir résister
aux ferments ou autres corps actifs de ce milieu. Le
problème a été abordé pour les parasites intestinaux
qui ne sont pas digérés. D'après D astre et Stassano
iiyS), les taenias résisteraient par la production
d'une antikinase, neutralisant la kinase intestinale
et par suite empêchant indirectement l'action de la
trypsine. D'après Weinland [ig4]j 1^ substance
produite par le parasite serait une antitrypsine.
L'action apparente de beaucoup de parasites sur
leur hôte est faible, extrêmement faible même, quand
TOXINES 251
on songe à la masse énorme de beaucoup de ces
parasites par rapport à l'hôte et à la part qu'ils
doivent prélever sur la nutrition de celui-ci.
Souvent ils détournent des réserves : ainsi les
Entomophages n'empêchent pas les chenilles d'évo-
lueretdesechrysalider,maiselles n'ont plusles maté,
riaux disponibles pour effectuer leur métamorphose-
G'est par des substances toxiques que l'action de
beaucoup de parasites se fait surtout sentir. La réac-
tion fébrile dans le paludisme, par exemple, se produit
quand, après chaque phase de multiplication, les
toxines élaborées sont mises en liberté dans le sang,
par rupture des globules où a lieu la schizogonie.
h' Ascaris megalocephala renferme, dans le liquide
péri-intestinal,une substance toxique, qui provoque,
au contact, une irritation vive de la cornée et de la
muqueuse nasopharyngienne et il est arrivé sou-
vent que des zoologistes, après avoir manié ces asca-
ris, en aient éprouvé les effets. Wejnberg [igS] a
montré, en recueillant le liquide péri-intestinalasep-
tiquement et l'injectant à des cobayes, que c'est bien
l'agent irritant et qu'il est très toxique (une dose
de ommc.,5 tuerapidement un cobaye). L'instillation
de ce liquide dans l'œil du cheval provoque une réac-
tion violente, mais non constante. D'après les re-
cherches de Weinberg, les chevaux insensibles sont
en général porteurs d'un grand nombre de ces vers.
11 y a donc lieu de penser qu'il s'établit une immuni-
sation contre cette toxine ascaridienne. D'ailleurs
les chevaux fortement infestés sont souvent amaigris
et leur sérum renferme des anticorps spécifiques (i).
I. La sarcosporidie du mouton renferme une toxine, la.
252 RÉACTIONS DU parasïth: et de l'hote
L'Ancylostome duodénal provoque, comme on
sait, une anémie pernicieuse et souvent mortelle,
mais dont le mécanisme n'est pas établi. Elle a été
longtemps attribuée aux hémorragies provoquées par
le ver etL. LŒBetA J.Smith (r^p) ont montré, que
ces vers sécrètent une substance anti-coagulante
paraissant en rapport avec une nutrition hémo-
phage. Cependant, d'après Looss (3 06) ils se nour-
rissent non de sang, mais de débris de la muqueuse
et les hémorragies ont un caractère accidentel. L'ac-
tion de ces vers serait due à une toxine. L'anémie
provoquée par le Bothriocéphale serait aussi le ré-
sultat de l'action d'une toxine, mais qui ne semble
être mise en liberté et par suite agissante, que quand
le ver est malade ou mort, et qu'elle peut alors diffuser.
Dans ces divers cas, la réaction de l'hôte à ces
toxines se manifeste par des altérations du sang. La
plupart de ces parasites déterminent en effet une
éosinophilie plus ou moins intense, constatée chez
les porteurs d'échinocoques, d'ancylostomes, de
filaires,de trichines, de myiases dermiques, etc.. On
provoque d'ailleurs cette éosinophilie en injectant
à un cobaye des extraits de ces divers parasites.
On a pu aussi déceler, dans le sérum des hôtes de
ces parasites, des anti-corps spécifiques (lysines,
précipitines, anti-corps anaphylactiques) et l'exis-
tence de ces anticorps peut devenir un moyen de dia-
gnostic, comme l'a montré Weinberg [i gs], dans le
cas de l'échinocoque. Il faut toutefois tenir compte,
sarcocystine, isolée et étudiée par Laveran et Mesnil
(lyS) ; elle est très active sur le lapin qu'elle tue à très petite
dose, mais elle n'agit qu'à peine sur le mouton.
ALTÉRATIONS DU MÉTABOLISME 253
dans tous ces cas, de Taction possible de bactéries
introduites par les parasites, à la faveur des lésions
qu'ils déterminent et se mettre à l'abri de cette
cause d'erreur.
Certains parasites ont une action profonde sur la
nutrition de l'hôte, en modifiant d'une manière no-
table son métabolisme. Wheeler(zp^) a signalé un
lait très curieux de ce genre, chez une fourmi améri-
caine Pheidole commiitata. Les ouvrières parasitées
pardesMermïssonthypertrophiées ; l'abdomenaun
volume plus de huit fois supérieur à la normale ; la
tête, le thorax et tous les organes sont aussi hyper-
trophiés. Ces individus sont désignés par Wheeler
sous le nom de macroër gaies. Cette hypertrophie
est évidemmentle résultat d'une surcroissance lar-
vaire, amenée par une surnutrition, sous l'influence
du parasite. Les larves parasitées doivent être nour-
ries d'une façon appropriée par les ouvrières.
Lasacculine amène aussi une modification sensible
du métabolisme du crabe qu'elle infeste, ainsi qu'il
résulte des recherches de G. Smith (i8y). La saccu-
line élabore, dans son système de racines, aux dépens
du sang du crabe, des substances de réserve, qui,
chez les crabes femelles, se seraient déposées dans
les ovaires. Lechimisme du sang diflère notablement
dans les deux sexes des crabes. Chez Carcinus mœ-
nas, le sang normal est sensiblement incolore, sauf à
l'approche de la mue où il est rosé. Chez la femelle,
il est jaune à l'approche de la maturité de l'ovaire ;
254 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'hOTE
ces deux teintes tiennent respectivement à la pré-
sence dans ce sang de tétronérythrine et de lutéine.
La teneur du sang eu graisse est 0,198 0/0 chez les
femelles à sang jaune, de 0,086 0/0 chez les mâles à
sang rose et de 0,069 0/0 chez les mâles à sang inco-
lore. Gomme le sang, le foie présente des varia-
tions considérables et parallèles de la teneui^ en
graisse, qui varie de 4 à 12 0/0, la proportion la plus
considérable se trouvant chez les femelles où l'ovaire
est voisin de la maturité. Or, les crabes des deux
sexes, porteurs de sacculine, ont toujours un foie très
riche en graisse et leur sang est rosé ou jaune pâle.
Le sang des mâles sacculinés renferme un fort excès
de graisse par rapport à la normale et se rapproche
de la composition de celui de la femelle. Ainsi, la
sacculine détermine chez son hôte, quel qu'en soit le
sexe, la réalisation du métabolisme caractéristique
des femelles (i). Ces modifications ont sur le crabe
un retentissement morphologique, qui a été mis en
évidence par Giard (^Jo>) et considéré par lui
comme un effet très fréquent du parasitisme, sous le
nom de castration parasitaire.
Il y a, en réalité, dans la castration parasitaire,
telle que la conçoit Giard, deux ordres de faits :
d'une part la castration proprement dite, c'est-à-dire
une atrophie plus ou moins complète des glandes
génitales, sous l'influence du parasite ; d'autre part,
une altération corrélative des caractères sexuels
I. La sacculine exerce en somme sur le métabolisme de
l'hôte une action équivalente à l'ovaire et détourne vers elle
même les substances assimilées. Keilin (3^4) ^ proposé le
nom de nutrition déviatrice pour les faits de ce genre, très
répandus chez des Insectes entomophages.
CASTRATION PARASITAIRE 255
secondaires, amenant la production d'individus d'al-
lure plus ou moins intersexuelle.
GiARD a distingué la castration directe et la cas-
tration indirecte. Dans la première, le parasite se
développe dans les organes génitaux eux-mêmes, en
se substituant à eux ; ainsi une Œstride, Cuterebra
emasciilator, se développe dans le testicule d'un écu-
reuil [Tamias listeri), un distome {Distomiim me-
gastomum) détruit les glandes génitales d'un crabe
{Portunus depiirator) ; beaucoup de sporocysles et
de rédiesdeTrématodes envahissent et détruisent les
glandes hermaphrodites ou unisexuées des mollus-
ques qu'ils infestent, Pulmonés ou Prosobranches.
Amphiura squamata est stérilisée par l'orthonectide
(Rho palur a ophiocomœ) qu'elle héberge; il se déve-
loppe au voisinage immédiat des ovaires, dont le
développement est arrêté, mais les testicules de cette
espèce hermaphrodite se développent. La sacculine
enraye le développement des glandes génitales des
crabes, ovaires ou testicules, mais la castration n'est
pas toujours totale, en particulier pour le mâle.
Beaucoup plus fréquente est la castration parasi-
taire indirecte, résultant d'une action à distance. On
l'observe très généralement sur les Crustacés por-
teurs d'Epicarides, comme l'ont signalé les premiers
GiARoetBoNNiER. J'ai cu moi-mèmc (^2^ j l'occasion
d'enobserver un exemple très significatif sur des Pel-
togaster curçatus fixés sur des Pagures et parasités
par unCryptoniscien, Liriopsis pjygmœa. Pendant la
croissance, ce parasite se nourrit aux dépens de son
hôte par succion ; à l'état adulte il ne se nourrit plus.
Or, chez les Peltogaster porteur d'un Liriopsis,
256 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'hOTE
les oocytes, dans l'ovaire, sont toujours en voie de
dégénérescence et comme vidés. La cause en est
évidemment dans ce que l'Epicaride détourne vers
lui les substances dont s'édifierait l'ovaire du Rhi-
zocéphale : mais cet état cesse quand le parasite
cesse lui-même de se nourrir. On trouve assez aisé-
ment des Peltogaster qui ont porté précédemment
un Liriopsis, ce qu'on reconnaît à l'orifice qui
persiste ensuite dans le manteau. Or, chez ces
individus, l'ovaire est régénéré et mûrit régulière-
ment ses oocytes. Leur dégénérescence était donc
bien due à la déviation de la nutrition provoquée par
l'Epicaride .
La castration parasitaire se retrouve chez les
Végétaux : soit la castration directe par développe-
ment de champignons dans les organes floraux ; soit,
ce qui est plus intéressant, la castration indirecte,
par action, à distance, de parasites divers. (]es para-
sites déterminent des troubles de nutrition qui agis-
sent sur l'ensemble de la plante et amènent la vires-
cence des pièces florales ou la transformation des éta-
mines et du pistil en pétales. Molli ard {20g] a signa-
lé un certain nombre de cas de ce genre : Knautia
arpe/isis attaquée par Peronospora çiolacea; Matri-
cariainodora attaquée par Peronosporaradii] Viola
sylçatica sous l'infhience de Puccinia çiolœ ; diverses
Ombellifères et Crucifères, sous l'influence d'Aca-
riens. Chez Primula offîcinalis, le pistil et les éta-
mines deviennent pétaloïdes, sous l'action des Déma-
tiées envahissant les radicules. De même, Scabiosa
columbaria, sur des pieds dont les racines portent
des galles de Nématodes illelerodera) . Molliard
CASTKATION PARASITAIRE 257
émet rhypothèse que la plupart des fleurs doubles,
sinon toutes, sei'aieat la conséquence d'associations
parasitaires. Or c'est là une castration typique.
Il ramène à la même interprétation une transforma-
tion de l'inflorescence que Giard i y4 avait signalée
chez une Composée, PM^icarmû^X^^^^^^^^^ ^t ^^ sujet
de laquelle il avait émis un certain nombre de sugges-
tions très ingénieuses. En certaines stations et pen-
dant une série d'années, on voitdes pieds chez lesquel-
les les fleurs périphériques des capitules ont perdu
la forme ligulée et sont tubuleuses comme celles du
centre; elles présentent en outre diverses anomalies:
en particulier les fleurs de ces plantes ont une forte
tendanceàl'unisexualité.Or, Molliard .2/0 a cons-
taté que, chez les Pulicairesprésentantces anomalies,
les racines étaient attaquées par un Charançon [Baris
analis), et c'est à l'action exercée parce parasite qu'il
faut attribuer les modifications des inflorescences.
En effet, les pieds ainsi modifiés et que l'on a débarras-
sés de leurs Charançons produisent ultérieurement
des inflorescences normales. Molliard a, du reste,
eu l'occasion de trouver des modifications analogues,
toujours liées à la présence de parasites: un Sinapis
arçensis, à fleurs virescentes, présentait des larves
de Curculionides dans la région du collet ; des Tri-
foLium repens, également virescents, présentaient
des larves de Curculionides (Hylastinus obscurus)
dans les tiges, où ces larves creusaient de longues
galeries ; on n'eu trouve pas dans les pieds nor-
maux. Des Primnla officiiialis et des Séneçons ont
fourni des faits de même ordre . En particulier des
Senecio /«co&œa, dont Tallure générale était complè-
M, Caullert. — Le Parasitisme 9
258 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'hOTE
temenl modifiée et dont les inflorescences étaient
transformées en boules compactes, sans ligules péri-
phériques, avaient la souche minée par des larves de
Lixiis.
Voyons maintenant les altérations des caractères
sexuels secondaires, corrélatives de la castration
parasitaire . Le premier de ces faits a été signalé
par J. Pérez (182), sur des Hyménoptères du genre
Andrena parasités par des Stylops. Chacun des
deux sexes perd plus ou moins ses caractères dis-
linctifs et tend à acquérir ceux du sexe opposé. En
même temps, chez la femelle, il y a atrophie des
ovaires, dont les oocytes n'arrivent plus à maturité.
Chez le mâle, c'est seulement le testicule situé du
côté où siège le parasite qui est altéré ; l'autre reste
fonctionnel. Il est à noter que 6es modifications
n'ont pas été retrouvées en Amérique sur les mêmes
associations parasitaires.
Le cas le plus frappant, découvert par Gi ard (4 1 5)
et réétudié soigneusement par G. Smith (j(§;7),est
celui des crabes parasités par des sacculines. La
femelle ne subit guère de modifications, tandis que le
mâle se rapproche du type femelle. Le degré de ces
modifications est très variable : il peut aller jusqu'à
un point où le diagnostic du sexe devient très dif-
ficile. Elles portent sur la forme de l'abdomen, sur
l'indépendance de ses segments, sur les appendices
abdominaux et aussi parfois sur les pinces.
Prenons-e» deux exemples: Carciniis mœnas^ et
Inachiis scorpio (mauritanicus).
Chez Carciniis mœnas (le Crabe enragé de nos
plages), l'abdomen de la femelle est large et arrondi
CASTRATION PARASITAIRE
259
et tous les segments sont bien distincts ; l'abdomen
du mâle est pointu et de forme triangulaire ; de
plus les segments III, IV et V sont soudés en un
seul. Or, chez les mâles sacculinés, ces segments
redeviennent indépendants en même temps que
l'abdomen s'élargit et s'arrondit (fîg. 42).
Fig. 42.— Modifications de l'abdomen des Carcinus mœnas
(face dorsale et ventrale) sous l'influence de la sacculine
(d'après Giard) : I-P ; L'abdomen de la femelle nor-
male, Il-II' Id, mâle normal; III-IIl' Id., mâle sacculine.
Chez Inachus scorpio, que G. Smith a spéciale-
ment étudié, sur des matériaux considérables récol-
tés à Naples, les faits sont encore plus frappants.
La différence de forme de l'abdomen dans les deux
sexes est très considérable, comme c'est la règle
chez les Oxyrhynques. Celui du mâle est rectangu-
laire et très étroit, celui de la femelle large et
arrondi. Or, on trouve des mâles sacculinés dont
Fabdomen a pris la forme femelle. Mais ici les modi-
fications portent aussi sur les appendices abdomi-
260 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'hOTE
naux. La femelle possède, à chaque seginent, une
paire d'appendices pennés, auxquels s'accrochent
les paquets d'œufs; le mâle, au contraire, n'a qu'une
paire de stylets co^^ulateurs à la partie antérieure
de Tabdomen. Or, on trouve, parmi les mâles sac-
culinés, tous les degrés de développement des
appendices de la femelle, comme le montre la figure
43 {i'= ligne. . Certains mâles ont les appendices
au complet, et leur sexe véritable ne se reconnaît
plus extérieurement qu'à des vestiges plus ou moins
visibles de stylets copulateurs. Pour certains d'entre
eux, la dissection est nécessaire et les renseignements
qu'elle fournit sont parfois douteux, en raison de
Tatrophie des testicules et des canaux déférents.
Enfin, dans le genre Inachas, Taltoration des carac-
tères porte aussi sur les pinces ; celles du mâle sont
normalement beaucoup plus fortes que celles de la
femelle et, chez un certain nombre de mâles saccu-
linés, les pinces sont faibles et du type femelle
En examinant des crabes qui ont porté antérieu-
rement une sacculine et que l'on reconnaît à une
cicatrice annulaire à son ancien point d'insertion,
Smith en a trouvé qui avaient été originairement
des mâles et chez qui les glandes génitales, après la
chute de la sacculine. étaient en voie de reconstitu-
tion, mais présentaient de jeunes oocytes, c'est-à-
dire que la glande maintenant avait une orientation
vers le sexe femelle.
Si nous rapprochons fensemble des faits précé-
dents de ce que nous avons dit plus haut du méta-
bolisme du crabe, sons l'influence de la sacculine,
nous voyons que, chez ie mâle, parallèlement à la
CASTMATION PARASITAIRE
261
déviation du métabolisme, les caractères sexuels
secondaires sont modifiés dans le sens du sexe
lemelle et que le retentissement peut même aller
jusqu'à une modification de la polarité de la glande
génitale elle-même (i).
Fig-. 4^- — Modification de l'abdomen d'Inachiis maurita-
niens sacculiné (face ventrale) d'après G. Smith : n indi-
vidus normaux : p ind. parasités (mâles sur la pre-
mière rangée, femelle sur la seconde).
Chez les Pagures porteurs de Peltogaster, F.- A.
PoTTs a constaté aussi que les mâles prennent
I. On peut aujourd'hui ranger les modifications précé-
dentes dans la catégorie des ïa.i{s dHntersexualité, tels qn'i]s
sont définis par Goldschmidt (4i6) et par F.-R. Lillik.Lc
premier, sur des Liparis dispar (ce Bombycien, comme son
nom spécifique l'indique, offre uu dimorphisme sexuel très
net), a montré que, par des croisements appropriés de races»
262 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'rOTE
plus OU moins les caractères de la femelle, sans que
l'inverse se produise. Giard avait noté auparavant
que, chez les Pagures mâles parasités parmi Epicaride
[Phryxus paguri), les appendices abdominaux pre-
naient souvent le type femelle. Rathke, un demi-
siècle plus tôt, avait cru que seules les femelles de
Crevettes [Palœmon) étaient parasitées par les
Bopyres. Or, en réalité, les mâles le sont aussi sou-
vent, mais, sous l'influence du parasite, ils prennent
les caractères sexuels secondaires femelles, ce qui
avait trompé Rathke.
Chez des Hémiptères homoptères du genre Ty-
on obtient à volonté des individus offrant une mosaïque de
caractères mâles et femelles, c'est-à-dire des gynandromor-
phes, et que ces individus, au point de vue des instincts
sexuels, sont intermédiaires entre les mâles et les femelles.
Il a pu étalonner les diverses races et, à l'aide de ces don-
nées, en croisant deux races convenablement choisies,
obtenir tel ou tel degré d intersexualité prévu d'avance,
jusqu'avi renversement complet du sexe cbez une portion
des individus. Ce sont évidemment des états de ce genre
qui sont réalisés dans les Inachus, sous l'influence de la
sacculine. Les transformations des crabes sont compara-
bles aussi aux anomalies présentées par les Free-Martin
et expliqués par F.-R. Lillie {^i8). Ces individus sont des
génisses jumelles d'un veau mâle, que l'on sait, depuis l'an-
tiquité, être stériles et qui, anatomiquement, sont des inter-
sexués, offrant, dans le système des voies génitales, un
mélange varié de caractères mâles ou femelles, avec dévia-
tion plus ou moins forte vers le sexe mâle. Lillie a montré
que ces anomalies étaient la conséquence d'une anastomose
précoce qui, dans les cas de grossesse gémellaire, excep-
tionnels chez la vache, s'établit entre les vaisseaux des
annexes fœtales. L'embryon femelle subit ainsi, dès un
stade très précoce, Faction du sang mâle et des hormones
qu'il renferme. Sous l'influence de ces hormones, il y a
inhibition des caractères femelles et développement de
caractères mâles.
CASTRATION PARASITAIRE 263
phlocyha [T, hippocastanieXT. douglasi), parasités
par un Hyménoptère {Aphelopus melaleucus) et par
un Diptère [Atelenevraspiiria], Giard [4i^ ) ^ cons-
taté une atrophie très marquée de la tarière des
femelles dans les deux espèces. Chez les mâles para-
sités de T. hippocastani, le pénis est également
réduit.
Chez les vég-étaux,on peut citer le cas d'une Garyo-
phyllée, Lychnis dioica : sur les pieds femelles de
cette plante dioïque parasités par Ustilago anthe-
rarwn, la présence du parasite a pour effet de pro-
voquer la réapparition des anthères qui, d'ailleurs,
sont envahies par le champignon.
Les nombreux exemples d'action morphogène pro-
duite par les glandes génitales au moyen d'un méca-
nisme hormonique éclairent les faits constatés dans
le cas de la castration parasitaire.
il y a toutefois dans les faits relatifs aux Crabes
et aux Insectes un paradoxe apparent. Car, chez les
Arthropodes, la castration expérimentale s'est mon-
trée sans effet sur les caractères sexuels secondaires,
même pratiquée très tôt. Mais, entre le mécanisme
des deux actions, il y a évidemment des différences
considérables dans les conditions.
Nous avons vu au début du chapitre que les para-
sites, au moins à l'état d'activité, ne provoquaient
pa^ en général d'action phagocytaire ; ce n'est pas à
dire qu'il n'y ait jamais de réactions cellulaires à leur
264 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'hOTE
présence. On pourrait citer divers exemples de ces
dernières.
Autour de l'œuf des Hyménoptères entomophages,
il seproduit une enveloppe de cellules de l'hôte, for-
mant un feuillet épithélial, qui joue très certainement
un rôle important dans les échanges entre le para-
site et rhôte.
Le ver du Gayor (larve de Cordjdohia anthro-
pophaga) détermine la formation d'une tumeur
cutanée ouverte (rayiase furonculeusej, consistant en
une prolifération néoplasique du tissu dermique,
autour de la larve. Ces cellules fondent en une sorte
de purée cellulaire, dont elle se nourrit et qu'il ne
faut pas confondre avec une suppuration ; il n'y a
suppuration en eftet que si la larve est malade ou
meurt et si l'orilice de la tumeur se ferme (Rou-
BAUD, 3go).
lise produit, chez les Poissons, une réaction de
même ordre autour des larves Glochidiiim à'Unio-
nidœ. En quelques heures, elles sont englobées dans
un kyste épais et vascularisé, dont les éléments sont
phagocytés par les cellules palléales du jeune mollus-
que. F. -fî. Reuling !//o5) a constaté récemment le fait
intéressant que cette réaction de l'hôte ne se produit
pas indéfiniment Après deux ou trois infestations
successives du Lepidostée par des Glochidiwn de
Lampsilis anodontoides, il n'y a plus de réaction et
on ne peut plus obtenir le développement. De même
l'auteur a pu obtenir, sur Micropterus salmonoides,
deux infestations massives par les Glochidium de
Lampsilis l iiteola, mais une troisième a été abortive,
donnant des kystes anormaux, d'où le parasite a été
HYPERTROPHIES CELLULAIRES 265
expulsé après quarante-huit heures, alors que l'infes-
tation réunissait parfaitement avec des Glochidiiim
de la même ponte sur de témoins neufs. Il y aurait
donc rapidement immunité acquise par le poisson,
dont le sérum détruit alors, in vitro, les tissus de Glo-
chidium, tandis que le sérum des témoins neufs est
sans action.
Avec certains Protozoaires, nous voyons des réac-
tions cellulaires localisées. Diverses Goccidies et
Grégarines déterminent l'hypertrophie d'une cellule
ou d'un groupe de cellules. AÀnsiCarj'otropha mes-
nili, Cocciàie parasite des spermatogohies d'une
Annélide [Polymnia nebulosa,, étudiée par Sied-
LEGKi (2 5o), amène Thy pertrophie de la cellule où elle
sedéveloppe, ainsi que de son noyau. Quelques sper-
matogonies voisines peuvent subir des modifications
analogues et se fusionner avec la première en une
cellule géante plurinucléée ; le reste du bouquet de
spermatogonies n'évolue pas normalement en sper-
matozoïdes, mais reste à l'état de cellules épithélia-
les. formant autour du parasite une enveloppe com-
pacte. Il y a donc ici castration partielle directe.
Des faits analogues ont été signalés pour diverses
Grégarines : Pyxinia frenzeli, parasite de l'épithé-
lium intestinal des Wv^çs à' Attagenus pellio^^vo-
duit une hypertrophie de la cellule hôte, suivie d'a-
trophie (Laveran etMESNiL). Clepsidrina davini
détermine la fusion en un syncytium des cellules
des cryptes épithéliales intestinales des Grjdlo-
mor/)/ia, auxquelles elles sont fixées (Léger et Du-
BOscQ 233). Hesse {220) a signalé des faits de même
genre pour des Grégarines d'Oligochètes : Mono-
266 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'hOTE
cjystis agilis, Rhynchocystis pilosa, agissent sur les
spermatogonies comme Caryotropha mesnili. Nema-
tocystis magna hypertrophie la cellule épithéliale
qui la supporte. Ces hypertrophies ont parfois ame-
né des méprises. Les Myxocystis, décrits comme
Fig-. 44. — Réactions cellulaires de l'hôte à dès coccidies et
des grégarines : A Caryotropha mesniZi (d'après Siedlecki),
B Clepsidrina davini (d'après Léger et Duboscq),C Hyper-
trophie d'une cellule épithéliale intestinale de Blaps
parasitée par Stylorhjnchiis longicollis (dont on ne voit
que l'épimérite) d'après Léger et Duboscq.
des Sporozoaires spéciaux parasites des Limnodri-
liis, ont été reconnus pour n'être qu'une Microspo-
ridie parasite des lymphocytes ou des spermatogo-
nies du ver, déterminant l'hypertrophie de la cellule
parasitée et de son noyau et la fusion de plusieurs
cellules en une cellule géante. Diverses Microspori-
dies, comme Nosema anomalum chez l'Epinoche
(Stempell), une Glngea de Balanus amaryllis (Gh.
Pérez) et une espèce que j'ai moi-même étudiée
HYPERPLASIES CELLULAIRES 267
dans le foie du lançon {Ammodytes lanceolatus),
produisent, à la périphérie des plages envahiies, des
noyaux géants et polymorphes. Stempell (262) les
avait considérés comme appartenant en propre au
parasite et ayant la signification de noyaux végéta-
tifs. Il est plus probable que ce sont des éléments de
l'hôte, hypertrophiés et fusionnés en cellules géantes .
Il en est probablement de même pour la cellule à
grand noyau et bordure en brosse qui enveloppe les
kystes de Gilruth de l'estomac du mouton, étudiés
par Ghatto n ( 2 1 g).\Jn Sporozoaire d'affinités encore
obscures, Selysinaperforans, parasite d'une Ascidie
(Stolonica socialis) et étudié par Dubosgq {222)
détermine aussi la formation de cellules géantes
plurinuclées, par fusion de cellules plus ou moins
nombreuses .
Dans les segments de Potamilla torelli, envahis
par Haplosporidiam potamillœ (fréquemment
accompagnée d'une levure à asques aciculaires, voi-
sine des Monospora des Daphnies), on assiste à une
prolifération de l'endothélium péritonéal en une
sorte de papillome (Gaullery et Mesnil lyi).
Onpourraitallonger encore cette série d'exemples,
où il s'agit certainement de l'action de substances
sécrétées d'une laçon continue par les parasites.
Ges actions cellulaires très localisées nous condui-
sent naturellement à un type de modifications dues
aux parasites et très répandues chez les Végétaux,
je veux parler des Galles ou Cécidies. On peut citer
268 RÉACTIONS DU PAHASlTE ET DE l'hOTE
quelques formations analogues chez les animaux et
que nous examinerons d'abord. Giard (^z 5) a pro-
posé de leur donner le nom de thylacies (fJuloLxiov
bourse). Suivant que le parasite est animal ou végé-
tal, on dira qu'il s'agit de Zoocécidies ou de Phyto-
cécidies, de Zoothylacies ou de Phytoth)dacies .
Un certain nombre de Myzostomes stationnaires
déterminent, sur les pinnules des Grinoïdes, la for-
mation de loges à paroi calcaire épaisse, à l'intérieur
desquelles ils se blotissent, communiquant avec
l'extérieur par un étroit orifice. De même un Gopé-
\)ode, Pionodesrnotes phormosornœ, étudié par J.
Bonnier(J^^), forme aussi une véritable galle sur un
oursin abyssal, à test mou, Phormosoma uraniis : à
son contact, le test se calcifié fortement en une sphère
saillante dans le cœlome (fig. 45) et contrastant avec
la minceur générale de la paroi de l'oursin. Ces
galles offrent un orifice étroit, par où la femelle du
Gopépode hypertrophié ne peut pas passer; le mâle,
beaucoup plus petit, doit pouvoir encore sortir.
Récemment Stephensen [34S)q. sign^^lé aussi la for-
mation d'une galle aux dépens d'une Ophiure
(Astrocharis gracilis), par un Gopépode (Astro-
chordeuma appendiculatum) .
Un crabe, Hapalocarcinus marsupialis déter-
mine, par sa présence, à l'extrémité des branches
d'un Madréporaire, Pocillopora cœspitosa, dont il
modifie la croissance, des loges où il reste blotti.
Ge cas, signalé par Semper a été récemment bien
étudié par F. A. Potts {36o), qui a suivi la réali-
sation progressive de la loge où vit le Crabe ; il y
persiste une série de fenêtres alignées, assurant la
GALLES ANIMALES (THYLAGIES)
269
circulation de l'eau. Les Hapalacarcinus modifient
de même d'autres coraux [Seriatopora Iwsirix,
4
:/
^'"^iÙMlMÉ'^'^
Fig. 45. —A, Fragment du test (lace interne) du Fhormo-
soma iiraniis, avec nombreuses galles sphériquesen sail-
lie g de PioTiodesmotes phorniosomœ . B vue intérieure
d'une des galles, avec son orilice externe et le parasite(9)
(d'après J Boxnier).
Sideropora). D'autres Crabes, les Cryptochirus,
habitent de même des cavités dans des polypiers
270 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE L'HOTE
massifs (Le pi oria),oi\ ils vivent par couples, le mâle
étant plus petit que la femelle. Giard (^z5) avait
créé le terme de thylacie, pour les Tjyphlocyha
parasitées par Aphelopiis melaleucus ; THyméno-
ptère est porté en effet dans une poche volumineuse,
placée latéralement sur l'abdomen.
On peut considérer aussi comme une galle la
poche dans laquelle Jie/iocœ/oma est logé sur son
hôte (Polycirrus areniçorus) ; les tissus de l'Annélide
subissent,par la présence du parasite, une proliféra-
tion et une différenciation spéciales (v. p. i3o).
Enfin, on peut assimiler à des galles temporaires
la formation du kyste vascularisé, où évoluent les
Glochidium sur les Poissons, ainsi que les tumeurs
de la myiase luronculeuse produites par le ver du
Cayor.
Mais ce type de réaction reste exceptionnel et peu
développé chez les animaux.
Au contraire, les cécidies ont une importance
capitale chez les Végétaux et sont également inté-
ressants au point de vue physiologique comme au
point de vue morphologique. Je me bornerai ici
toutefois à quelques remarques d'ordre général à
leur sujet, leur étude spéciale ayant sa place dans
une autre partie de l'Encyclopédie.
Les animaux producteurs de galles, ou cécido-
zoaires, appartiennent à des groupes très variés. Les
plus importants sont les Nématodes (Helmintho-
cécidies)^ en particulier les Heterod^ra ; les Acariens,
GALLES VÉGÉTALES (CKCIDIEs) 27 i
surtout les Erjœphjyes et Phjytoptus (Phytoptocéci-
diesj ; mais avant tout les Insectes . Presque tous
les ordres renferment des types cécidogènes ; mais
ceux qui jouent le plus grand rôle sont les Puce-
rons, les Diptères (Gécidomyies) et les Hyméno-
ptères. Parmi ces derniers, les Cynipides constituent
une vaste famille, s'attaquant de préférence aux
Quercinées et y présentant pour le biologiste des
laits d'un grand intérêt (parthénogenèse, polymor-
phisme, etc.) ; les Tenthrédinides et les Ghalcidiens
ont aussi une très grande importance comme céci-
dozoaires (i).
Les galles se forment aux dépens de toutes les
parties des plantes, racine, tige, feuilles, tleurs,
bourgeons ; chaque cécidozoaire produit, d'une
laçon générale, une galle déterminée sur une partie
fixe d'une plante donnée. Il y a, en général, une
spécificité très stricte entre cécidozoaires et plantes,
spécificité soumise toutefois aux mêmes vicissitudes
que le parasitisme en général. Beaucoup de cécido-
zoaires ne s'attaquent qu'à une plante et sont mono-
phages ; d'autres sont plus ou moins /)/éop/ia^es. C'est
le cas d' Heterodera radicicola et celui d'une Chrytri-
dinée, Pycnochytrium aureum, qu'on connaît sur
une centaine de plantes différentes. Par contre, par-
fois, sur des espèces très voisines, des Cécidozoaires,
sans être distinguables morphologiquement, consti-
I. H ne faut naturellement pas confondre les vérita-
bles cécidozoaires, produisant les galles, avec les com-
mensaux et inquilines qui y vivent parfois en grand nom-
bre. Dans la galle produite par Biorhiza aptera (Cynipide),
on a dénombré 79 espèces parasites et 11 commensaux.
272 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE i/mOTE
tuent des races physiologiques bien individualisées.
On peut citer ainsi VIsosoma graminicola, qui est
représenté par deux races distinctes sur Triticum
repens et snv Triticum Junceum.
La morphologie, la structure, les dimensions, la
couleur des galles sont aussi étroitement définies
que pour les organes normaux. Il y a une morpho-
logie précise des galles; elles résultent, d'une façon
générale, de deux processus : une multiplication
cellulaire ou hyperplasie et une hj^pertrophie des
cellules et des noyaux. Nous aurons un exemple
très frappant de l'hypertrophie des cellules dans le
renflement des racines de melon, produit par Rete-
rodera radicicola, où le Némalode détermine la
formation de cellules géantes, renfermant parfois
jusqu'à 200 noyaux.
En général, surtout dans les parenchymes, les
tissus ont un caractère nettement embryonnaire ; les
cellules et les noyaux sont plus grands que dans les
tissus normaux ; l'appareil chlorophyllien est réduit ;
il y a fréquemment production d'anthocyanine. Au
point de vue chimique, les tissus des cécidies sont
plus riches en eau que les tissus normaux et plus
riches aussi en composés azotés solubles.en amidon
et en tanin.
Le point qui doit nous intéresser le plus ici est le
mécanisme de la production des galles. Il faut re-
marquer tout d'abord qu'elles ne se forment que sur
les organes de la plante qui sont en voie de déve-
loppement, et que les cécidozoaires ne peuvent pro-
duire de galles qu'à l'état d'œufs ou de larves.
L'hypothèse la plus naturelle — elle s'était déjà
GALLES VÉGÉTALES (cÉCIDIES)
273
présentée au xvii® siècle à Malpight et elle est géné-
ralement admise aujourd'hui — est que ces forma-
tions sont dues à l'action sur la plante de substances
Fig. 46. — Coupe longitudinale d^une racine de melon atta-
quée par un Heterodera radicicola (H) ; cp cellules pluri-
nucléées (d'après Molliard).
irritantes, déposées dans les tissus par l'animal
cécidogène. soit au moment de la ponte, soit au
cours de la croissance de la larve. Ces substances
doivent amener une déviation dans la nutrition des
tissus. On remarque d'ailleurs un parallélisme gêné-
274 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'jIÔTE
rai entre les différenciations histologiques et mor-
phologiques réalisées dans beaucoup de galles et
celles qui résultent de déviations de la nutrition de
la plante dues à d'autres causes et qui se traduisent,
par exemple, par de la fasciation ou par la vires-
cence des fleurs. Il y aussi beaucoup d'analogie,
comme l'a remarqué Molli ard (206), entre les gal-
les et les^ fruits et elles doivent reposer sur la simi-
litude des conditions de nutrition dans la formation
des unes et des autres. Les galles seraient donc, en
définitive, une réaction de la plante à des subs-
tances inoculées parle parasite cécidogène et sui-
vant une morphologie déterminée par la constitution
propre à la plante. 11 n'y à production de galle que
si l'action s'exerce sur un tissu de nature embryon-
naire. Dès lors, toutes les corrélations qui règlent
le développement de la plante elle-même et qui inter-
viennent dans la formation des parties nouvelles
pour en déterminer la symétrie, entrent en jeu,
mais dans des conditions modifiées. Ainsi se réalise
un véritable organe nouveau, dont le plan et l'évo-
lution dépendent des propriétés intrinsèques de la
plante et, celles-ci étant données, sont déterminées
d'avance.
Malgré les apparences d'adaptation des galles aux
circonstances du développement des larves cécido-
gènes et de leur éclosion, il faut considérer les
cécidies comme une réaction propre de la plante,
indépendamment de toute finalité concernant le pa-
rasite. S'il y a eu évolution et adaptation de l'un à
l'autre, on ne peut guère le concevoir que comme une
modification dans l'action irritante du parasite, par
GOiNDITIONS DE FORMATION DES GALLES 275
exemple comme une variation dans les substances
par lesquelles il agit sur la plante ou dans les condi-
tions d'action de ces substances.
Ce n'est que dans ces dernières années que quel-
ques résultats expérimentaux ont pu être obtenus à
l'appui de l'hypothèse précédente. Les conditions
de production des galles comportent certainement
un déterminisme très précis, auquel ne peuvent
équivaloir des expériences brutales .
Des observations et expériences très suggestives
à ce sujet ont été faites il y a déjà près de quarante
ans par Beijerlnck {iqS) sur les galles d'Hymé-
noptères (Cynipides, Tenthrédinides). Elles ont été
reprises récemment par W. Magnus, qui, en con-
firmant sur certains points les conclusions de Bei-
JERINCK, s'en écarte cependant sur d'autres.
Beijerinck a étudié, en particulier, les galles pro-
duites sur les feuilles de saule, par les Neniatus
(Pontania^ Tenthredinidœ). Il remarque qu'en même
temps que son œuf, la tenthrède dépose, dans la
blessure qu'elle fait à la plante, une gouttelette de
liquide, sécrétion des glandes abdominales à venin.
C'est, d'après lui, ce liquide qui détermine la for-
mation de la galle, car celle-ci se produit même si,
— comme cela a lieu quelquefois, — l'œuf n'est pas
pondu et aussi quand, à l'aide d'une aiguille, on tue
l'œuf. Les galles, dans ces conditions, n'atteignent
pas la taille définitive normale, mais on voit qu'elles
s'ébauchent en dehors de l'action de l'œuf et de la
larve. Ces expériences ont été refaites et vérifiées
par Magnus (\2o4')sur diverses Pontania, en parti-
culier P. proxima (du Salix amygdalina). Magnus
276 ItKACTIONS DU PAilASIFE ET Di: LHOTE
les a même perfectionnées, en se bornant à enlever
l'œuf de la plante, presque immédiatement après la
ponte et sans la blesser. II a pu comparer toute la
marche de la pro duction de la galle dans les plantes
ainsi opérées et dans d'autres servant de témoins,
où l'œuf avait été laissé. Or, dans celles d'où l'œuf
avait été extrait, la galle se forme bien, mais plus
lentement et elle reste plus petite. Elle est donc
réalisée sans llntervention de l'œuf lui-même, ni de
la larve. Il n'en est pas ainsi de toutes les galles.
D'après les expériences de Magnus, dans celles des
Cynipides [Rhodites, Biorhiza], la présence de l'œuf
et de la larve est nécessaire.
Beijerinck a conclu de ses expériences sur les
Pontania que le facteur déterminant est la sécrétion
déposée par la tenthrède dans la blessure de la
plante. Mais ni lui, ni Magnus n'ont réussi, en ino-
culant le produit en question directement dans les
feuilles de saule, à provoquer une réaction de la
plante, ni surtout une réaction bien définie comme
l'est la galle naturelle. Cela doit tenir aux conditions
de l'inoculation. La blessure faite à la plante par la
tarière de l'insecte comporte une précision très
grande quant aux tissus déchirés et par conséquent
aux cellules qui réagiront. Magnus ne considère donc
pas comme absolument établi que la galle soit réelle-
ment le résultat direct de l'action d'une substance
chimique déterminée sur les cellules de la plante. La
blessure elle-même est pour lui un facteur décisif.
11 distingue d'ailleurs deux phases dans l'évolu-
tion des galles : une phase initiale, où se forment,
par multiplication cellulaire, des tissus inditléren-
CONDITIONS DK FORMATION DES GALLES 277
ciés, et une seconde phase où les tissus formés se
différencient. Celle-ci, dans toutes les stalles, serait
sous la dépendance constante de la larve vivante et
en voie de développement, agissant par ses produits
de sécrétion. Une injection, une fois faite, d'une
substance chimique, ne pourrait donc pas suliire à
la réalisation complète d'une galle.
Si les sécrétions introduites par le parasite sont
bien la cause efficiente de la formation de la galle,
reste à savoir quelle est en elles la substance agis-
sante. Il est indiqué de songer à des enzymes et on a
vériQé, sur divers œufs ou larves de Cécidozoaircs,
qu'ils étaient eftectivement riches en enzymes pro-
téolytiques ; cela cadrerait avec le fait que les galles
renferment les composés azotés surtout sous des
formes solubles et non sous lorme protéique. En
discutant ces problèmes, Magnus arrive à une hypo-
thèse d'ordre général, que je relate ici, en raison de
l'analogie qu'elle comporte avec les conditions du
parasitisme chez les animaux. La production des
galles serait le résultat, non de l'action directe
d'enzymes, mais de celle de substances sécrétées par
les Cécidozoaircs et qui empêcheraient ou suspen-
draient l'action des enzymes propres de la plante. Ce
seraient, en d'autres termes, des anti corps produits
par le parasite et introduits par lui dans la plante
qui modifieraient les conditions du métabolisme
cellulaire. La spéciûcitJ des anti-corps condition-
nerait la spécificité des galles différentes produites,
sur une même plante par des parasites distincts.
Cette hypothèse reste pour le moment à étayer sur
des faits.
278 RÉACTIONS DU PARASITE ET DE l'hOTE
Quel que soit le mode précis d'action des subs-
tances inoculées par le parasite, dans la production
et la différenciation des galles, il est intéressant de
signaler quelques résultats positifs obtenus récem-
ment, en dehors de l'intervention de l'organisme
cécidogène, par l'introduction dans la plante des
substances fabriquées par celui-ci. Ces résultats
sont dus à Molli ard et à E. F. Smith.
Les expériences de Molliard (2o5) ont porté d'a-
bord sur le Rhizohiiim radicicola des racines de Lé-
gumineuses, isolé des racines de la fève, en culture
pure. Le liquide de culture, filtré sur bougie de
porcelaine, a servi ensuite de milieu de développe-
ment pour des graines de pois, mises au préalable
à germer aseptiquement sur de l'ouate humide. Des
témoins poussaient dans lesmêmes conditions, mais
sur de l'eau de source. Sous l'action du liquide de
culture du Rhizobium,, les racines de pois ont mon-
tré une hyperplasie du péricycle et une hypertro-
phie des cellules corticales ; mais il ne s'agit pas
d'une action spécifique ni de transformations consi-
dérables.
Plusrécemment, Molliard (20 y) a réussi à repro-
duire, au moins partiellement, la galle que déve-
loppe dans le pistil de certains pavots {Papayer
dubiiim,P. rhœas) unCynipide {Aulax papaveris).
Ce cécidozoaire est grégaire. Il y a jusqu'à 5o larves
dans une seule galle. Molliard broie un lot de ces
larves et, à l'aide d'une seringue garnie d'un filtre
d'amiante pour obtenir un liquide limpide, il injecte
le produit de broyage au centre du plateau stig-
matique d'un bourgeon floral des pavots sur l'axe
CONDITIO>'S DE FORMATION DES GALLES 279
du pistil. La plante est ensuite protégée contre tout
accès de l'IIyménoptère. Au bout de quelques jours,
les fleurs ^nsi opérées montrent des placentas
hypertrophiés, offrant une similitude d'aspect très
remarquable avec la galle naturelle. Mais on n'obtient
pas les transformations subséquentes de cette ébau-
che, faute de l'action répétée de nouvelles doses de
la substance irritante, répétition qui, dans les condi-
tions naturelles, doit être d'autant mieux assurée
et ménagée que les larves sont plus nombreuses.
E. F. Smith (2 j j ,aux Etats-Unis, a fait une série
de recherches parallèles aux précédentes, sur les
galles en couronne (crowngalls), produites par une
hsiciévie (Bacierium tumefaciens), en faisant agir sur
la plante les substances élaborées par cette bactérie.
Il cultive celle-ci sur des milieux très simples (t).
Dans ce milieu, après culture, on trouve de l'aldé-
hyde formique, de l'ammoniaque, des aminés, de
l'alcool, de l'acétone, des acides formique et acé-
tique. Smith observe que beaucoup de ces subs-
tances sont parmi celles qui se sont montrées les
stimulants les plus efficaces de la parthénogenèse
expérimentale, dans les recherches de J. Loeb. Il
badigeonne les bourgeons de la jeune plante avec
ces substances ou en fait des injections. Les plantes
utilisées ont été le chou- fleur, le ricin et la tomate.
Mais, ici encore, l'action n'a pu être répétée d'une
façon continue, comme elle a lieu dans les conditions
I. Eau distillée, additionnée de i 0/0 de dextrose et i 0/0
de peptone, plus du carbonate de chaux pour neutraliser les
acides formés, qui s'opposeraient au développement de la
bactérie.
naturelles. Smith a obtenu des tumeurs qui restent
petites et présentent de l'hyperplasie avec vaisseaux
et de l'hypertrophie cellulaire. Les cellules sont plus
compactes que dans les tissus normaux : elles sont
dépourvues de chlorophylle. Leur volume atteint
jusqu'au centuple de celui des cellules normales.
Les transformations réalisées sont donc bien de
l'ordre de celles qui sont caractéristiques de la
galle naturelle.
En somme ces résultats, saas constituer la réali-
sation complète des galles, sont cependant suffisants
pour justifier l'hypothèse d'où sont partis les expé-
rimentateurs, surtout si l'on tient compte de la diffé-
rence existant entre les conditions expérimentales
el les conditions naturelles.
Les galles peuvent donc être considérées comme
la réaction spécifique des tissus jeunes des plantes
à des substances chimiques introduites dans ces
tissus par les organismes cécidogènes.
La fréquence des galles chez les plantes et leur
haute différenciation, opposées à la rareté des for-
mations analogues chez les animaux, n'^est sans doute
que l'expression de la prédominance, chez les végé-
taux, des réactions locales sur les réactions géné-
rales. Cela se conçoit, si l'on songe à la constitution
des uns et des autres et à la différence des rapports
physiologiques entre les parties dans les deux cas,
si, en particulier, on envisage le rôle de l'appareil
circulatoire chez les animaux.
CHAPITRE XI
LA SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
Sommaire. — Définition. — Zoochlorelles et Zooxantiielles :
leur extension, leur nature, leurs rapports physiologiques
avec les animaux qui les renferment. — Pénétration et
transmission. — Champignon {Nephromyces) du rein des
Molguliiœ. — Les levures intra-cellulaires des Insectes
et la symbiose héréditaire. —Historique. — Etude du cas
à'icerya piirchasi — Transmission par l'œuf. — Cultures
in vitro.— Mycétocytes. — Le mycétome et ses diverses
catégories ; son rôle physiologique,
LesBactéroïdes chez divers animaux : blatte, cyclostome etc.
- La symbiose chez les Diptères hématophages stricts
(Glossines, Pupipares).
Recherches de Pieraxtoni sur les ©rganes lumineux. — La
luminosité animale est-elle due à des bactéries symbio-
tiques ?
Les derniers chapitres de ce livre seront consacrés
à l'étude de la symbiose. Le mot a été créé par le
botaniste Ant. de Bary (^5) pour désigner l'associa-
tion intime et constante de deux organismes dans
des conditions qui peuvent être considérées comme
leur assurant des bénéfices réciproques. Lexemple
type de ces associations était les Lichens, dont la na-
ture venait d'être établie par Sghwendeneu. O. Her-
282 LA SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
TwiG (ro^), étendant cette conception à certaines
associations entreanimauxetvégétaux, ou entre ani-
maux, définissait la symbiose : a la vie en commun,
d'une façon permanente, d'organismes spécifique-
ment distincts et ayant des fonctions et des besoins
vitaux complémentaires)). La délimitation de la sym-
biose, et du coramensalisme, ou même du parasi-
tisme, n'est pas aisée. On y fait rentrer souvent des
associations comme celles cV Eiipagurus priedauxi et
Adamsia palliata ; d'autres fois, on groupe les asso-
ciations de ce genre sous le nom de mutualisme, en
restreignant la symbiose aux cas où l'union des deux
organismes est particulièrement intime. L'analyse
des exemples de symbiose ainsi comprise montrera
qu'elle n'est pas toujours purement mutualiste, et
que l'un des deux organismes est, en réalité, plus ou
moins parasite sur l'autre. Enfin, il est des associa-
tions constantes, comme celles des Dicyémides et des
Céphalopodes, des Trichonymphides et des Termites,
des Ophryoscolex et des Ruminants, qui sont aussi
diflîciles à classer. La précision de la notion de sym-
biose résultera surtout de l'examen des divers
cas.
*
Le premier exemple que nous étudierons est celui
des zoochlorelles et zooxanthelles, algues unicellu-
laires qui vivent dans le cytoplasme de Protozoaires
et dans les tissus de divers Invertébrés.
L'existence de corps verts ou jaunes dans les tissus
d'Invertébrés a été signalée dès i85o ; leur interpré-
ZOOCHLORELLES ET ZOOXAxNTHELLES 283
lation comme algues intracellulaires a été proposée
en 1871 parCiE.vKowsKr(95), puis par Gesa Entz
{99) et K. Brandt(po) ; elle a été particulièrement
confirmée en 1890, par Beijerinck {86) ei par Dan-
GEARD(p5). Néanmoins, cette opinion fut contestée
pendant assez longtemps, notamment par E. Ray
Lankester. On trouve un excellent résumé de ces
discussions dans une sythèse de la question due à
Bouvier (89).
Les corps jaunes (2ooxa/i^AeZ/esjserencontrentchez
les animaux marins, les corps verts (zoochlorelles)
surtout chez les animaux d'eau douce. Voici quelques
exemples d'animaux qui en présentent :
Protozoaires. — Diverses amibes nues (A. p^W-
dis) ou tesUcées (Difflugia piriformis, D. nodosa) ;
desForaminifères (Trichosphcerium sieboldi, Pene-
roplispertusus, etc.). Un grand nombre de Radio-
laires, notamment les Sphérozoaires (Collozoum
Sphœrozoum),desRé\iozoaiires (Acanthocjrstis Ac-
linosphœriuni, H eliophrj^s. etc.); des Flagellés {Ani~
sonemaçiridis,Noctiluca,Leptodiscus) ; detrèsnom-
breux Infusoires {Paramœciurn barsaria, Fronto
nia leucas, Ophrjydiurn çersatile, Stentor polymor^
phus, Trichodina patellœ etc.).
Eponges. — Spongilla viridis.
Cœlentérés. -Hydraviridis, Halecium ophio-
des, des Méduses (Cotjrlorhiza, Sarsia, Rhizos-
toma], des Siphonophores (Velelles, Porpites) de
nombreuses Actinies, des Hexacoralliaires et des
Hydrocoralliaires (71/i7/g/7ora), des Gorgones, des
Alcyonaires, etc..
Cténophores : Euchlora.
284 T^A SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
TuRBELLAUiÉs : Couçoluta, Vortex inridis, etc.
RoTiFÈREs : Ascomorpha helçetica.
Annélides : FAinice giganiea.
Bryozoaires : Zoohothrium.
Mollusques : Tridachna, Elysia viridis.
La nature végétale de ces corps jaunes ou verts,
en général spbériques et mesurant de 3 à lo [x de
diamètre, résulte des caractères suivants :
i*^ Ils ont la structure d'une algue unicellulaire :
on y reconnaît, en effet, une membrane cellulosique,
un chromatophore qui remplit à peu près le cyto-
plasme, un pyrénoïdc, un noyau (qu'on décèle par
coloration). Ony trouve en outre des grains d'amidon
et des corpuscules métachi omatiques.
2° Leur présence n'est pas absolument constante
dans la plupart des types cités ci-dessus. S'il y a, en
effet, des espèces que l'on trouve toujours infectées
comme Hydra viridis, les Convoluta et quelques
autres formes, d'autres presque toujours {Paramœ-
ciiim bursaria, Ophrydinm ce r s atile), il en est qui ne
le sont que d'une façon accidentelle ou dans certaines
localités. Les Noctiluques, par exemple, ont des
zooxantbelles danslOcéan Indien, mais non dans
nos mers. Trichodina patellœ abondamment infectée
sur la côte normande (cap de la Hague), ne Test
jamais à Wimereux. On ne peut donc dire que ces
corps soient des organites indispensables aux espèces
où on les trouve.
3° On a pu observer la contamination des espèces
qui les présentent. C'est ce qu'a réalisé notamment
F. Le Da^tkc {ii g) i^onv Paramœciiim bursaria,
ens'entourantdes précautions nécessaires. Il écrase,
ZOOCHLORELLES ET ZOOXANTHELLES 285
après passage dans diverses eaux filtrées, un individu
vert, de façon à mettre en liberté les zoochlorelles et
transporte dans la goutte qui les renferme un indi-
vidu provenant d'une culture incolore. Au micros-
cope, il constate l'ingestion de zoochlorelles par cet
Infasoire. Elles n'y sont pas digérées et on les voit se
multiplier ensuite par quadripartition. Au bout de
quelques jours, la paramécie, primitivement inco
lore, a verdi. Schewiakoff a fait une observation
analogue avec Frontonia lencas, mais Famintzin
{loi) conteste qu'elle soit probante. Doflein (21 5)
a infesté Amœba çespertitio avec les chlorelles de
Frontonia. Awerintzeff, de même, a infesté des
Dileptus anser avec celles de Stentor viridis.
4° Elles peuvent subsister longtemps en dehors
de l'espèce qui les héberge, comme l'ont constaté
notamment Gienkowsky, Brandt, Schewiakoff.
5° Leur division, très facile à voir aujourd'hui sur
matériaux colorés, a été vue m c^iVo, par de nombreux
observateurs, notamment par BEUERiNCKCtFAMiNT-
ziN. Famintzin a essayé d'obtenir leur multiplica-
tion hors des Infusoires. Il n'a réussi qu'avec beau-
coup de difficultés. 11 écrase pour cela, entre lame et
lamelle, une paramécie verte. Les zoochlorelles
restent plus ou moins adhérentes à la lamelle, sous
laquelle il fait passer une goutte de solution saline
(renfermant i/ïooo de phosphate acide de potas-
sium et i/iooo de sulfate d'ammoniaque). Dans ce
milieu, il a observé deux quadripartitions succes-
sives, avec période de croissance intercalaire.
6° On peut débarrasser les animaux de leurs
algues, les blanchir, soit en les maintenant longtemps
286 LA SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
à l'obscurité où ils les rejettent, soit par un procédé
décrit par Whitney (i4^)^ pour H y dr a çiridis, et
consistant à ajouter à l'eau de o,5 à i,5 o/o de gly-
cérine. L'Hydre décolorée par ce procédé vit bien
et bourgeonne; il est intéressant de noter qu'elle
ne se réinfeste pas quand on la met dans un aqua-
rium renfermant d'autres hydres vertes.
Ce «ont donc incontestablement des algues auto-
nomes. Beijerinck identifie les zoochlorelles à une
algue existant à l'état de liberté, Ghlorella vulgaris,
dont il a pu faire la culture dans de l'eau additionnée
de 8 o/o de gélatine, 0,8 0/0 de peptone, 0,2 0/0
d'asparagine et i 0/0 de sucre de canne ; c'est une
Protococcacée II a réussi une fois à cultiver des
zoochlorelles extraites d'Infusoires ; la culture com-
mencée s'est ensuite continuée sans difficulté et s'est
montrée identique à celle des chlorelles libres.
Famintzin a vérifié ces résultats pour les chlorelles
libres qu'ila cultivées dans des solutions salines, ainsi
que pour la zoochlorelle de Paramœcium hursaria.
Les zoochlorelles des divers animaux ne sont d'ail-
leurs pas nécessairement toutes d'une même espèce.
Les zooxanthelles seraient des Gryptomonadi-
néeâ. Schaudinn rapporte au genre Crjyptomonas
celles des Foraminilères {Cryptomonas brandti Sch.
chez Trichosphœrium sieboldi, C. schaudinni Win-
terchezPe^ero/)/t.s'/)er<ttStts).KEEBLE(jjr) attribue
les corps verts de Conçoluta çiridis aux Ghlamy-
domonas, caractérisées à l'état de flagellispores par
quatre flagelles et un stigma.
La contamination naturelle se fait souvent dès
l'œuf, chez les Métazoaires, ainsi que Hamann l'a
ZOOCHLORELLES ET ZOOXANTHELLES 287
constaté pour Hydraçiridis, dès 1882. C'est donc une
infection héréditaire. Hadzi {108) a constaté cette
même transmission par l'œuf chez un autre Hydraire,
Halecium ophiodes ; les zooxanthelles, qui teintent
en brun les cellules endodermiques, passent dans
l'oocyte en voie de croissance. De même, l'œuf est ré-
gulièrement contaminé chez les Millépores, d'après
les observations de Maxgan {12 3).
Mais, chez Com>olata çiridis, où la présence des
algues est constante, il en va autrement, d'après les
recherches de Kkeble et Gamble (112). Les jeunes
Convoluta^ au sortir du cocon, sont incolores ; mais
les corps verts existent à la surface ou dans l'inté-
rieur des cocons. Il est à remarquer d'ailleurs que
les auteurs, qui ont étudié le développement em-
bryonnaire des Conçoluta (Georgevitch, Sekera,
VON Graff), n'ont pas constaté de corps verts pen-
dant le développement embryonnaire. En élevant
les jeunes Conçoluta, dès réclosion,dans de l'eau de
mer rigoureusement filtrée, Keeble a pu les conser-
ver incolores pendant un mois ; tandis que celles
qui étaient maintenues dans l'eau de mer ordinaire
verdissaient. En ajoutant des Conçoluta vertes à
une culture restée incolore, on voit cette dernière
verdir en un à trois jours. Les cocons vides, après
l'éclosion des embryons, se montrent au bout de
trois semaines remplies de petits corps verts quadri-
flagellés(Car^eria,sous genre de Chlaniydomonas).
L'infection des Conçoluta, d'après cela, se fait, non
par des corps verts ayant la structure de ceux de
l'adulte, mais à un état flagellé beaucoup plus petit
et très difficile à voir.
288 LA SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX"'
D'après les observations de Brandt et de Famint-
ziN, les jeunes Collozoum n'ont pas de xanthelles et
la contamination doit se faire par des flagellispores
très petites, qui ne semblent pas avoir encore été
vues: mais une fois à l'état de corps jaunes dans
rinfusoire et dans le Radiolaire, la multiplication a
lieu, sous cette forme, par bipartition ou quadripar-
tition. Il semble en être de même chez 2'richo-
dina .
Arrivons à la nature des rapports entre les zoo-
chlorelles ou zooxanthelles et leurs hôtes. On y a vu
en général une symbiose profitable à l'un et l'autre.
Brandt (^o) a développé particulièrement cette con-
ception. L'algue trouverait dans l'animal une protec-
tion efficace et s'y logerait de façon à recevoir encore
la lumière. Les zooxanthelles sont particulière-
ment fréquentes chez les animaux pélagiques à
surface transparente (Radiolaires, Méduses, Gténo-
phores, etc.) ; elles trouveraient dans la cellule ani-
male l'acide carbonique rare dans les couches su-
perficielles delà mer. Par contre, elles dégagent
de l'oxygène, aidant les tissus animaux à respirer.
Elles produisent de l'amidon, qui serait utilisé par
l'animal ; ou même, avant que cette réserve ne soit
formée à l'état insoluble, les produits solubles et
assimilables qui y conduisent seraient directement
utilisés. Les animaux qui renferment normalement
des corps jaunes ou verts (Radiolaires, GonQoluta)
ne se nourriraient plus directement, mais par l'in-
termédiaire des produits de synthèse que réalisent
leurs algues symbiotes et celles-ci, d'autre part, ne
pourraient plus que difficilement vivre isolées en
ZOOCHLORELLES ET ZOOXÂNTHEXLES 289
liberté. Il se constitue ainsi une unité biologique
nouvelle, le phytozoaire.
Dès 1889, Famintzin s'est élevé contre beaucoup
des conclusions de Brandt. D'après ses observations,
contrairement à ce que dit Brandt, les Sphérozoaires
{Collozoum, etc.), ingèrent directement des proies
solides, à l'aide de leurs pseudopodes (même des
Copépodes), non seulement à l'état jeune où ils sont
dépourvus de xanthelles, mais même à l'état adulte*
Et, en cas de famine, les Radiolaires à xanthelles
résistent longtemps, en digéi'ant leurs xanthelles
elles-mêmes. L'amidon, signalé parfois dans les
Radiolaires, provient de xanthelles résorbées. Il en
est de même pour les Actinies, d'après Famintzin.
La plupart des animaux à chlorelles ou xanthelles
se décolorent au bout d'un certain temps, s'ils sont
mis à l'obscurité (on a pu décolorer ainsi des infu-
soires, des hydres, des actinies), en rejetant leurs
algues à un état brunâtre et en partie digérées.
Ce sont des conclusions du même ordre auxquelles
Keeble et Gamble arrivent avec Conçolata. Ces
auteurs ont constaté d'abord que, contrairement à
l'opinion reçue, elle ingère des corps solides (diato-
mées, algues, spores, bactéries), au moins quand
elle est jeune, par une bouche située ventrablement,
dans la région postérieure et qui mène dans le paren-
chyme. Elle se nourrit par elle-même et non par ses
corps verts. Il y a évidemment une adaptation pro-
fonde des corps verts à la Co/ipoZîJf^a. D'après Keeble,
les cellules vertes finissent par être incapables
de vivre librement, leur membrane s'atrophie et leur
noyau dégénère. Dans les conditions normales, elles
M. Caullery, — Le Parasitisme 10
290 LA. SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
vivent ainsi, mais, en cas de famine, elles sont digé-
rées par la Gonçoluta, « Les rapports entre l'ani-
mal et ses cellules vertes sont complexes, disent les
auteurs anglais, et ne peuvent être décrits comme
une symbiose. » Elles servent à la Conçoluta, dit
Keeble, d'une sorte de système excréteur. « Les
rapports entre les cellules vertes et l'animal chan-
gent au cours du développement. Elles passent
d'une symbiose initiale à un état dans lequel l'ani-
mal est parasite de ses algues, quand il cesse de se
nourrir. »
Il résulte de cet ensemble de données que l'asso-
ciation des algues et des animaux n'est pas, à tout
le moins, une parfaite symbiose et que, dans cer-
taines circonstances, l'animal vit en parasite sur les
algues.
Il semble qu'il faille voir aussi une symbiose dans
la présence absolument constante de champignons
rapportés aux Ghytridinées, à la surface et à l'inté-
rieur de la concrétion rénale d'un certain nombre
d'Ascidies du groupe des Molgulides. GiARD(^jr5)
les 8LSi^^e\ésNephromjycesmolgulajmm;maiis jus-
qu'ici, on n'a pas réussi à les cultiver, ni à ramener à
un cycle défini les diverses différenciations qu'ils pré-
sentent. Ils végètent aux dépens de la concrétion et
l'empêchent probablement de croître indéfiniment.
Une très importante catégorie de faits, parallèle à
celle offerte par les xanthelles et chlorelles, a été
mise au jour récemment. Il s'agit cette fois de cliam-
MYCETOMES DES INSECTES
291
pignons inférieurs, et surtout de levures, qui exis-
tent d'une façon constante chez de nombreux Insec-
tes et sous des formes précises.
Ces formations ont été observées depuis de nom-
breuses années, mais n'ont
été définitivement interpré-
tées qu'en 1910. Chez les Pu-
cerons, dèsi858, Huxley dé-
crivait un organe assez va-
riable situé dans l'abdomen,
à côté des ovaires (fig.47'DQ)»
et dont les cellules étaient
bourrées d'inclusions géné-
ralement sphériques, ressem-
blant à du vitellus; d'où le
nom depseudoQitellus, donné
à cette formation. Balbiani
(84) l'étudia un peu plus tard
et lui donna le nom de pseii-
doQa, ou corps vert, à cause de
sa pigmentation. Il vit en
outre qu'il dérivait d'un amas
particulier et constant, situé
au pôle postérieur de Tœuf et
appelé par lui masse polaire.
Metchnikoff il 2 6) en suivit
toute l'évolution, au cours du
développement et l'appela çitelliis secondaire. Ce
corps, vu par de nombreux observateurs, a donné
lieu aux hypothèses les plus diverses,jusqu'à ce que
sa véritable nature fût indiquée, en 1910, d'une façon
indépendante et à peu près simultanée, par Pieran-
Fig-. 47. — Larve de pu-
ceron (Drepanosiphon
platanoides) montrant
le corps vert ou mycé-
tome m (d'après Bal-
biani. tiré de Henne-
guy).
292 LA SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
Tom{i32), et SuLC {i44). Dans les inclusions des
corps verts, ces auteurs reconnurent des levures,
ou hlastomycètes [Schizosaccharomyces aphidis
Pier.), qui apparaissent ainsi comme existant d'une
façon constante et dans des rapports fixes chez les
Pucerons.
Des formations analogues étaient déjà connues
chez les Coccides, où même leur interprétation
exacte est plus ancienne. Signalées en effet, vers
i85o, par Leydig {i2i\ étudiées en 1866 par Met-
cnNiKOFF, puis par divers auteurs, elles furent recon-
nues pour contenir des éléments végétaux, en 1877,
parPuTNAMCt, eni887,parMoNiEz ( 1^5). Lindner,
en 1895, y reconnut formellement des levures, chez
Aspidiotus nerii. Vejdovsky (1906), Conte et Fau-
cheron {g 4) en donnèrent indépendamment la
même interprétation,qu a confirmée Pierantoni, en
les rattachant aux formations analogues des Aphides-
En dehors de ces deux groupes, et sous diverses
formes, on retrouve les mêmes productions chez les
Aleurodides(où Signoret les avait aperçues en 1867),
les Psyllides (où elles ont été signalées parMETCHNi-
KOFF),les Cigales et les Cicadelles.
Prenons une première vue des faits, en les étudiant
sur un Coccide, Icerya piirchasi, d'après Pieran-
toni, et en suivant le développement de l'insecte.
Au pôle postérieur des oocytes en voie de croissance
dans l'ovaire, on constate régulièrement la présence
d'une centaine de corpuscules sphériques (ûg. 48 A,co)
très colorables, qui se retrouvent aussi dans la
cavité générale et, — i)lus nombreux qu'ailleurs —,
dans le cytoplasme de grosses cellules constituant
MÏCETOMES DES INSECTES 293
des organes jaunâtres, placés de part et d'autre de
l'intestin et limités par un épithélium aplati. Dans
ces organes, les corpuscules en question sont en voie
de multiplication. Ils forment ainsi, au pôle posté-
rieur de tous les œufs pondus, une masse constante,
ou masse polaire, vue par Metchnikoff. Au début
du développement embryonnaire, cette masse polaire
est enveloppée par des cellules spéciales, appelées
mycétocytes par Sulg ; elle reste d'abord adhérente
au blastoderme, puis elle tombe dans le vitellus.
Elle s'accolle ensuite à la bandelette germinative
(fig. 48, B) ; finalement elle se trouve logée dorsa-
lement, dans la région postérieure de l'embryon et
se divise en deux masses, placées sur les côtés du
proctodœum et qui deviennent les corps jaunes,
signalés au début de cette description. Au cours de
ce développement, les blastomycètes se sont active-
ment multipliés ; les mycétocytes deviennent énor-
mes ; leurs noyaux comprimés ont des formes irrré-
gulières. Malgré qu'ils soient bourrés de ces cham-
pignons, les mycétocytes restent bien vivants et
continuent à se diviser caryocinétiquement. L'en-
semble des cellules à blastomycètes constitue le
mycétome.
En extrayant le mycétome de l'animal, le disso-
ciant et plaçant des fragments dans une solution de
gélatine à 8 o/o additionnée de 20 0/0 de sucre de
betterave, Pieraxtoni a obtenu, sur ce milieu, au
bout de quatre jours, à la température de i5°G, des
colonies de Saccharomycètes, - qu'il considère
comme dérivant des corpuscules intracellulaires —
bourgeonnant suivant le type caractéristique des
294 LA SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
levures, alors que dans les mycétocytes les éléments
se multipliaient par division égale. Ces levures sont
aérobies et d'ailleurs les corps jaunes sont abon-
damment pourvus de trachées.
La forme des blastomycètes dans les cellules n'est
pas toujours sphérique ; ainsi, chez Dactylopius
citrij'û^ se présentent, dans chaque mycétocyte, sous
forme de croissants (fig. 48 G, co) réunis par groupes
dans des sphères intracellulaires.
Les blastomycètes existent dans les œufs mâles
comme dans les œufs femelles, mais, chez le mâle,
le mycétome va en se réduisant graduellement.
BuGHNER(pj) a complété les données précédentes
en'étudiant directement le mycétome dans les divers
groupes d'Insectes cités ci-dessus et ses constatations
coïncident avec celles de Pierantoni. Il a étudié des
Aphides (Drepanosiphum), des Coccides (Lecanium
cor ni), des Aleurodides (Aleiirodes de l'érable), des
Psyllides (larve de Psyllide du saule), des Gicadides
(Gicada orni, cigales du Japon et de Libéria), et
Gicadelles (Aphrophora salicis). Il en a tiré des
blastomycètes variés, dont on trouvera dans son
mémoire la description taxonomique (genres Sac-
charomj'ceSy Oospora, Kermincola, Coccidomy-
ces, etc.), avec l'indication des cultures qui en ont
été faites.
Le mycétome présente des dispositions diverses,
que BuGHNER classe comme suit :
1° Le moins différencié est celui de certaines Goc-
cides, Jassides et Fulgorides, où les blastomycètes
siègent dans des cellules dispersées du corps grais-
seux, sans différenciation d'un mycétome localisé
MYCÉTOMES DES INSECTES
295
(Lécaniides, Diaspides). La présence des blastomy-
cètes n'en est pas moins constante, quelle que soit
la localité d'où proviennent les individus ;
2° Le second stade est celui où il y a un mycétome
différencié (Apliides, Aleurodides, Coccides : le err a
purchasi, Dactjdopias citri), renfermant une seule
Fig. 48. — Levures symbiotiques et mycétocytes d'Homo-
ptères (d'après Pierantoni) : A, deux coupes montrant la
pénétration des corpuscules de levure co dans l'oocyte en
voie de développement d'Icerya purchasi ; B, embryon
d'Icerja purchasi avec son amas co de corpuscules em-
bryonnaires ; C,un mycétocyte de Dactjlopius citri, avec
corpuscules co en forme de croissants.
forme de blastomycètes (espèces monosj-mbiontes);
3" Certaines espèces sont disj^mbiontes, héber-
geant simultanément deux types de blastomycètes,
l'un dans des mycétocytes épars, l'autre dans un
mycétome différencié (Cicada orni), dont toutes les
cellules sont fusionnées en un énorme syncytium
plurinucléé, dans les mailles duquel sont logés les
blastomycètes ;
4° Les deux formes des blastomycètes d une espèce
296 LA SYMBIOSE CHEZ LES \NIMaUX
disymbionte siègent dans deux mycétomes distincts
superposés (Gicadelles, Ptyelus lineatus) ;
5° Les deux mycétomes du cas précédent se fu
sionnent en un seul (Cigale de Libéria, Psyllides);
6*^ Enfin, il peut y avoir simultanément trois espèces
de blastomycètes, dont deux dans un myeétome, le
troisième dans des mycétocytes dispersés (Psyl-
lides) ou dans un même myeétome {Aphalara cal-
thœ).
Quelles que soient ces diverses complications
topograpliiques, le caractère général commun à tous
les cas est que l'infection est absolument constante
dans toutes les localités; qu'elle est transmise d'une
génération à l'autre au cours de l'oogenèse; quelle
se localise pendant le développement dans des cel-
lules déterminées, qui viennent ensuite constituer un
organe spécial, le myeétome, à structure et à posi-
tion définies.
Quels sont maintenant les rapports physiologiques
des blastomycètes et de leurs hôtes? Les premiers
n'exercent, de toute évidence, aucune influence no-
cive sur les seconds ; ils n'ont aucunement la signifi-
cation de microbes pathogènes. Il est non moins
évident, d'autre part, qu'ils trouvent dans les
mycétocytes un milieu de culture favorable, ainsi
que des conditions excellentes de dissémination par
la reproduction de leurs hôtes.
SuLG a émis l'hypothèse que les blastomycètes
joueraient un rôle dans la décomposition des urates.
PiERANTONi a des vues diflerentes. La constance et
la localisation précise des blastomycètes, dans des
groupes entiers d'Insectes, sont pour lui l'indication
MYCETOMES DES INSECTES 297
qu'ils remplissent une fonction. physiologique impor-
tante dans le corps de leurs hôtes. Or, tous les
Insectes où on les constate, et en premier lieu les
Pucerons, se nourrissent sur des Végétaux, d'où ils
extraient des quantités considérables de substances
sucrées et d'amidon. Les Pucerons ne peuvent même
utiliser tout le sucre qu'ils ingèrent et en rejettent
de grandes quantités sous forme de miellée ; nous
avons vu les rapports qui s'établissent de ce chef
entre les Pucerons et les Fourmis. D'après Piêran-
TONi, les blastomycctes produiraient des enzymes
aidant à la digestion du sucre et trouveraient natu-
rellement eux-mêmes d'excellentes conditions de
nutrition par la présence de ce sucre dans les tissus.
Les trachées du mycétome serviraient à la fois à
l'accès de l'oxygène pour ces aérobies et à l'émission
de l'acide carbonique. L'association constante des
blastomycètes et de ces Insectes, le caractère des
rapports précédents, leur transmission régulière
dans loogenèse, constituent pour Pierantoni les
caractéristiques d'une symbiose physiologique héré-
ditaire.
D'autres cas de symbiose ont été décrits chez les
Insectes, mais qui ne présentent pas tous actuelle-
ment un caractère également évident. Il faut, en
effet, se méfier de prendre pour des microbes indé-
pendants des formations intracellulaires, ressem-
blant à première vue à des champignons ou à des
Bactéries. Les critériums distinctifs sont les struc-
298 LA SYMBIOSE CHKZ LES ANIMAUX
tures et surtout les cultures, en évitant pour celles-ci
toute cause de contamination extérieure.
Ainsi, un cas douteux nous est fourni par les bac-
térôïdes dont sont bourrées, chez les Blattidœ, d'une
façon constante, certaines cellules du corps graisseux .
Signalées d'abord par Blochmann (($7), ces forma-
tions ont été considérées par divers auteurs (Cuénot,
Henneguy, Prenant) comme des sortes de cristal-
loïdes, auxquels ils ont donné le nom de bactéroïdes, à
cause de leur ressemblance purement extérieure avec
desbactéries. Mergier(j2^), au contraire,lesaregar-
dées comme de véritables bactéries symbiotiques,
qu'il a appelées Bacillus ciienoii et qu'il retrouve
dèsl'embryon. Enles prélevant, avec des précautions
d'asepsie, sur des embryons encore renfermés dans
les oothèques, il a obtenu des cultures. Mais on ne
peut être sûr que la bactérie cultivée soit bien l'élé-
ment intracellulaire. JAVELLY(/J4"),quia reprisles
expériences de Mercier, en prenant des précautions
d'asepsie minutieuses, n'a obtenu aucune culture et,
d'après lui, Mercier a dû cultiver une impureté se
trouvant sur les oothèques, probablement le Bacil-
lus subtilis.
Dans un autre groupe, chez un Mollusque Proso-
branche, Cr<^lostoma elegans, Glapauède a décrit,
en i858, une glande à concrétions, dans laquelle,
en 1887, Garnault a signalé de grandes cellules
renfermant, outre les concrétions, de nombreuses
formations bactéroïdes ; ce sont là aussi des forma-
tions constantes. Mercier( J j5) en a repris l'étude et
accepte l'interprétation de Garnault, qui considère
les bactéroïdes comme des bacilles. Il a tiré de la
SYMBÏOTES DIVERS CHEZ LES INSECTES 299
glande à concrétions du Cyclostome une culture,
montrant des éléments bactériformes semblables à
ceux de la glande ; mais il n'affirme pas qu'ils lui
soient identiques.
Blochmann (8^) a signalé encore, chez les Four-
mis, des bactéroïdes qui devraient être réétudiés.
KoRscHELT en a décrit dans les corps adipeux et les
glandes salivaires de Pieris brassicœ. Kara-
w^AiEw [t I y), dans une région bien déterminée de
l'épithélium intestinal d'un Goléoptère (Anobium
paniceum), a vu des organismes qu'il considérait
comme des Flagellés et en qui Escherigh a reconnu
des levures, qu'il a cultivées sur milieux sucrés ;
d'après ce dernier auteur, il y a un rapport régulier
entre l'activité alimentaire de VAnob'ium et l'abon-
dance des levures, et ici il semble bien s'agir d'un
vrai organisme symbiotique.
Une étude très intéressante a été récemment faite
par Roubaud(j^j), sur des levures symbiotiques des
Glossines, signalées antérieurement par Stuhlmann.
Chez la tsétsé adulte, dans l'intestin moyen, se
trouve une zone d'épithélium épaissi, présentant
macroscopiquement des taches ou des bandes gris-
blanches. Les coupes faites à ces niveaux montrent
des cellules trois à cinq fois plus hautes qu'au voisi-
nage, formant ainsi de volumineuses papilles et
bourrées de formations bacillaires de 3 à 5 [j. de lon-
gueur. Ces éléments, libérés par la désagrégation des
cellules, tombent dans la lumière intestinale. Des
frottis montrent qu'elles se multiplient par bour-
geonnement typique de levures et Roubaud les rap-
proche des Cicadomyces de Sulc. Les cellules qui
300 LA SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
les renferment sont donc pour lui de véritables my-
cctocytes et la constance de ces formations est abso-
lue chez toutes les Glossines étudiées par Stuhlmann
et par Roubaud. Celui-ci les a retrouvées chez la
larve et a suivi leur sort dans la nymphose. Chez la
larve (qui vit dans l'utérus maternel), les mycéto-
cytes sont localisés au niveau du proventricule.
Roubaud admet (sans pouvoir l'établir irréfutable-
ment) que la levure est transmise héréditairement,
soit par l'œuf comme chez les Hémiptères, soit plu-
tôt par la sécrétion lactée maternelle, car il n'a pu
en trouver trace dans les oocytes. Ces éléments
sont peu abondants chez les larves, qui sont nourries
d'un lait directement assimilable ; ils se développent
chez l'adulte, quand la digestion devient active.
Roubaud rattache leur présence au régime hémato-
pliage strict des Glossines. A l'appui de cette thèse,
il fait observer qu'on ne trouve ni levures, ni mycé-
tocytes chez les Stomoxydes, auxquels se ratta-
chent phylogénétiquement les Glossines, ni chez les
Tabanides, les Culicides, les larves d'Auchméro-
myies, les Ljrperosia, toutes formes qui ne sont pas
strictement hémophages. Par contre, chez les Pupi-
pares, groupe d'une origine tout à fait distincte de
celle des Glossines, mais adapté à la même hémo-
phagie stricte qu'elles et présentant le même mode
de développement, on retrouve, par une remarqua-
ble convergence, les mycétocytesetles levures. Cela
résulte des recherches de Sikora sur les Mélophages
et de celles de Roubaud sur les Liptotena et les
Hippobosques. 11 y aurait donc, suivant Roubaud,
une corrélation étroite entre l'hémophagie stricte et
ORGANES LUMINEUX ET SYMBIOSE 301
Texistence des symbiotes intestinaux ; les diastases
des levures faciliteraient la digestion des albumines
et des éléments figurés du sang. 11 y a là, en tout cas,
une suggestion intéressante.
*
* *
PiERANTONi a été conduit par ses travaux sur le
mycétome à des recherches encore en cours et qui,
si les résultats en sont définitivement confirmés,
étendraient le domaine de la symbiose physiolo-
gique héréditaire à une autre catégorie importante
de phénomènes, ceux de la luminosité animale. Il
y a donc là une question posée d'un intérêt considé-
rable, mais qui exige une très grande rigueur expé-
rimentale.
Il aété frappé tout d'abord( r 35 par le parallélisme
entre la structure des corps lumineux des lampyres
(vers luisants)et celle de certains mycétomes( Ap/iro-
phora). Les organes lumineux sont constitués par
un parenchyme, dont les cellules sont bourrées de
petits corpuscules faisant songer aux bactéries et en
ayant les réactions colorantes. D'autre part, l'œuf
du lampyre, qui est lumineux, renferme les mêmes
corpuscules. Pierantoni dit avoir obtenu, sur agar
peptoné, à partir des organes lumineux des lam-
pires, des cultures de deux bactéries différentes ; il
ne dit pas si elles sont lumineuses. Il reste toujours
extrêmement difiicile d'afiirmer que les organismes
cultivés sont bien les corpuscules intracellulaires
observés. Les documents et expériences publiés sont
encore très sommaires.
302 LA SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
Mais c'est surtout sur les Céphalopodes lumineux
que l'auteur italien (i3i j a fait ses recherches Au
point de vue morphologique, il a montré tout d'abord
qu'il y a un lien intime entre les organes connus jus-
qu ici sous le nom de glandes nidamentaires acces-
soires et les organes lumineux voisins de Tanus et
de la poche du noir. Ces glandes n'ont aucun rapport
avec la confection de la coque de l'œuf et n'émettent
pas de sécrétion proprement dite. En général elles
n'existent que chez la femelle, où elles sont adja-
centes aux glandes nidamentaires proprement dites ;
mais on les trouve chez le mâle de certaines espèces
(Loligo forhesi). Sous leur forme la plus simple
(Loligo), ce sont des amas de tubes épithéliaux,
plongés dans du tissu conjonctil,et, dans ces tubes,
il y a toujours des amas de granulations, qui, d'après
PiERANTONi, seraient des bactéries d'origine exté-
rieure, dont il a obtenu des cultures. La glande serait
donc un organe de symbiose. Chez les Seiches, la
structure de la glande nidamentaire accessoire est
complexe; elle comprend des tubes de trois couleurs
(blanc, jaune et rouge-orangé^, bourrés aussi de
bactéries d'aspects différents dans les trois cas
(cocco-bacilles, bacilles et cocci). Il y aurait aussi
de nombreuses bactéries dans les cellules épithé-
liales et le tissu conjonctif. Elles seraient ensemen-
cées lors de la ponte, à la surface de F œuf et entre
les feuillets de la coque. Elles seraient donc trans-
mises héréditairement, se localiseraient et se multi-
plieraient dans la glande nidamentaire accessoire
qui serait pour elles un récepteur spécifique. Il a été
obtenu (l'étude bactériologique a été faite par Zir-
ORGANES LUMINEUX ET SYMBIOSE 303
polo) des cultures de' ces divers bacilles : celles qui
proviennent des tubes jaunes sont luminescentes.
Or PiERANTONi a constaté, sur les Seiches femelles, à
la saison des amours, une luminescence de la face
ventrale, qui n'avait pas été signalée jusqu'ici.
Arrivons aux Céphalopodes pourvus d'organes
lumineux ventraux. Pierantoni a pu les étudier sur
le vivant, dans de bonnes conditions, sur les Sépio-
lides où ces organes ont été assez récemment
découverts \Rondeletia, Sepiola). La glande nida-
mentaire accessoire (présente seulement chez les
femelles) n'a plus que deux catégories de tubes
{blancs et routes). Les organes lumineux qui, chez
la femelle, occupent la partie centrale de la glande,
sont formés de tubesyaM/ies; il parait extrêmement
probable que les organes lumineux sont une partie
spécialisée de cette glande, où se sont concentrés les
tubes jaunes. 11 s est formé, en outre, en profondeur,
un réflecteur, aux dépens du tissu musculaire, et,
superficiellement, une lentille, aux dépens du tissu
conjonctif . Ces tubes de l'organe lumineux, fortement
dilatés (fig. 49)> sont remplis d'une masse finement
granuleuse, constituée, d'après Pierantoni, par
des bactéries et qui est la substance lumineuse elle-
même En prenant de minutieuses précautions d'asep-
sie, Pierantoni et Zirpolo ont obtenu des cultures
qu'ils considèrent comme provenant de ces cor-
puscules. Sur bouillon de seiche, elles donnent un
voile blanc, magnifiquement luminescent en vert
émeraude, qui illumine tout le liquide quand on
agite.
Pierantoni insiste sur les précautions d'asep-
304 LA SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
sie employées et sur les différences d'aspect entre
les bactéries caltivéès et les bactéi-ies lumineuses,
qui se rencontrent d'une façon banale sur la peau ou
les muscles des seiches et des poissons morts. Il
conclut donc que la luminescence des Sépiolides
serait due à des bactéries symbiotiques (i), localisées
dans l'organe lumineux, qui est une différenciation
de la glande nidamentaire accessoire des Seiches et
des Calmars. Il a vérifié que cet organe lumineux
fonctionne de deux façons : par illumination inté-
rieure de sa substance (bactéries symbiotiques), et
par émission du contenu de ses tubes dans l'eau am-
biante, qui devient alors une nappe lumineuse. Les
bactéries photogènes s'ensemenceraient de généra-
tion en génération, lors de la ponte des œufs. Il y
aurait donc là une symbiose physiologique hérédi-
taire, ayant probablement une grande généralité :
aussi l'auteur italien se propose-t-il de reprendre
l'étude des divers organes lumineux des Céphalo-
podes abyssaux, malheureusement très difficiles à
obtenir en bon état, et il a déjà fait quelques obser-
vations sur une espèce recueillie à Messine [Cha-
I. ZiRPOLod^^S-i/^p) a caractérisé deux types de bactéries :
a) Bacillus pierantonii (extrait de l'organe lumineux de
Sepiola intermedia) : bacille uiobile de i p., 5 x o [x 5 ; ni
cils, ni spores ; ne résiste pas a-i Gram, ne prend pas le
Ziehl. Colonies sphéroïdales translucides, blanc jaunâtre
sur agar: trouble le bouillon ; luminescence vert emeraude
(très vive dans le bouillon additionné de phosphate di- ou
trisodique). .
b) Mlcrococcus pierantonii (extrait de l'organe lumineux
de Rondeletia mi/ior). Diam. i -j. 2 - i [x 8. Mêmes caractères
que le précédent, colonies sphériques : ss développe très
rapidement et est très lumineux sur les muscles de seiche.
ORGA^'ES LUMINEUX ET SYMBIOSE
305
rrhditeathis). Le noyau luminescent des organes
photogènes serait « toujours constitué par des cel-
lules remplies de microorganismes, transformés par
adaptation à la vie intracellulaire ». Mais cela n'est
basé que sur l'étude de pièces fixées et colorées.
Il n'a pu être fait de culture et la situation intracellu-
laire des corpuscules considérés comme des bacté-
--P^
Pig. /^g.— Coupe de l'organe lumineux de Rondeletia Tinnor
(À) et de Sepiola intermedia (B) : ep épiderme, le lentille,
pg couche pigmentaire, rf réflecteur, si substance lumi-
neuse (d'après Pierantont).
ries pose des problèmes graves qui seront examinés
plus loin.
PiERANTONi (1^7) a été entraîné à des généralisa-
tions plus étendues encore ; il a appliqué les concep-
tions précédentes à tous les animaux lumineux, à la
fonction cbromogène (par exemple chez la pourpre)
et d'une façon générale à toutes les actions diastasi-
ques. Mais ici nous sommes encore entièrement sur
un terrain spéculatif et nous aurons l'occasion de
306 LA SYMBIOSE CHEZ LES ANIMAUX
discuter ces idées dans le dernier chapitre. Restant
sur le terrain de l'observation proprement dite, qui
pour l'instant est constitué par les organes lumi-
neux ouverts des Céphalopodes, nous exprimerons
le désir de voir encore reprendre par des méthodes
aussi rigoureuses que possible la démonstration
delà nature bactérienne des grains lumineux. La
fréquence de bactéries lumineuses banales dans la
mer est une cause d'erreur très difficile à éliminer.
Il faudrait imaginer des expériences témoins sim-
ples et irréfutables pour prouver que les bactéries
lumineuses cultivées sont bien extraites de l'organe.
Les méthodes zoologiques sont insuffisantes ici.
L'intérêt très grand des résultats annoncés par
PiERANTONi rend cette vérification d'autant plus
désirable.
CHAPITRE XII
LA SYMBIOSE ENTRE VÉGÉTAUX
Sommaire. — Les Lichens. — Historique. — Nature des rap-
ports de l'algue et du champignon. — Théories diverses.
— Etude expérimentale de l'algue en culture pure. —
Recherches de Ghodat. — Les bactéroïdes des Légumi-
neuses. — Les mycorhizes endotrophes et ectotrophes. —
Les mycorhizes des Orchidées. Historique. — Recherches
de Noël Bernard. — La germination naturelle de Neottia
nidiis avis, — Germination des graines d'Orchidées en tubes
stériles par ensemencement de Rhizoctonia. — Spécilicité
de ces Rhizoctonia. — Leurs rapports avec l'Orchidée.
— Conditions d'infestation. — Variations de virulence.
— Exaltation par passages. — Phagocytose et immu-
nité. — La symbiose et l'évolution des végétaux. — La
symbiose, frontière de la maladie. — Symbiose, mutua-
lisme et parasitisme.
Nous arrivons maintenant aux symbioses entre
végétaux. La plus classique est celle des Lichens.
Elle est si complète qu'elle a produit des plantes
ayant un faciès propre, bien défini, dont on a pu
faire une classification cohérente et étudier la struc-
ture, sans qu'on soupçonnât le dualisme de leur
nature, si bien que cette dernière notion s'est heur-
tée à une longue et vive opposition.
Tout lichen résulte de l'association d'un champi-
308
LA. SYMB!OSE ENTHE VEGETAUX
gnon et dune algue. Le mycélium du premier
(hrphes) îovme la partie incolore; c'est générale-
ment un Ascomycète, rarement un Basidiomycète.
L'origine exacte de ces champignons est le plus
souvent encore inconnue : pour un certain nombre,
on a pu reconnaître la famille à laquelle ils appar!
tiennent (Xylariacées, Hysteriacées,Patellariacées).
Les algues, ou^o/iiâ^/es, sont le plus souvent des Pro-
tococcacées, quelquefois des Chroolépidacées; sou-
vent il s'y associe des Gyanophycées. Sur l'appareil
végétatif, se différencient des appareils reproduc-
teurs, qui sont, soit de pures fructifications de Dis-
comycèteset Pyrénomycètes, soit de ces fructifica-
tions où l'algue a pénétré et qu'on nomme alors
apothécies. Les spores du champignon peuvent
commencer à germer seules, mais le développement
du jeune, thalle s'arrête très vite s'il ne rencontre
pas l'algue qui lui convient.
En outre, beaucoup de lichens se propagent par
des organes spéciaux, appelés sorédies. Ce sont de
petites masses sphériqucs, constituées par l'algue
entourée de quelques hyphes. Ainsi l'association
est réalisée d'emblée. Les sorédies se forment dans
des organes spéciaux.
Les associations lichéniques se présentent, comme
toutes les précédentes, au point de vue de la spé-
cificité. Celle-ci est généralement rigoureuse. II
arrive cependant que le même champignon peut
s'accommoder de plusieurs algues très différentes.
Il donne alors avec chacune un lichen distinct.
Ainsi MoLLER (i6 1) a montré qu'un champignon du
groupe des Basidiomycètes donne un lichen du
LICHENS
309
genre Cora avec une algue du genre Chn^ococcus
et un Dictj-onema avec une algue du genre Scyto-
nema. Les deux lichens peuvent même être réalisés
côte à côte, sur le même thalle, en parabiose. Inver-
sement, la même algue peut aussi former des lichens
différents avec des champignons variés ; un lichen
peut même se transformer en un autre par substi-
tution progressive de champignon, processus qui
a reçu le nom à' allélositisme. Des associations hété-
rogènes peuvent être localisées en des points limi-
tés d'un même lichen ; elles forment alors ce qu'on
appelle des céphalodies. Ainsi, à la face inférieure
des Solorina saccaia, lichen dont les gonidies sont
vertes, on observe des productions arrondies,
visibles à l'œil nu, qui sont des associations des
hyphes avec des Gyanophycées.
Le dualisme des lichens a été découvert en 1867
par ScHWENDENER [i66). BoRNET (io4) » précisé
les rapports anatomiques des gonidies et des hyphes.
Restait à faire la synthèse d'un Uchen, en cultivant
séparément les deux constituants, puis les unissant.
Mais les cultures isolées de l'algue ou du champi-
gnon sont très diiliciles à obtenir et les méthodes
de culture étaient alors insufiisantes . Rees, Stahl,
MôLLER ont apporté des contributions à cette syn-
thèse, qui a été réalisée en 1889 par G. Bonnier, à
partir de cultures pures des deux éléments ; des fruc-
tifications ont été obtenues sur le lichen résultant.
Il y aurait intérêt d'ailleurs à reprendre cette
démonstration aujourd'hui, avec la pureté qu'on sait
maintenant apporter dans les cultures.
Aujourd'hui le dualisme des lichens est universelle-
310 LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
ment admis. Cependant, en 1918 encore, le botaniste
finlandais Elfving (i58) a cherché à montrer que
les hyphes sont capables de produire par elles-mêmes
des gonidies et que celles-ci, une fois formées, peuvent
vivre isolément à l'état d'algues. Mais si le dualisme
n'est plus vraiment en question, les rapports entre
les deux composants sont encore sujets à discussion.
Le fait global est qu'il y a union permanente entre
eux et qu'il en résulte un organisme individualisé,
avec sa morphologie et sa physiologie propres et
bien définies, et que les deux composants vivent
très difficilement isolés. Il y a donc là un ensemble
de données correspondant bien à la notion de sym-
biose.
Mais faut-il y voir une symbiose parfaitement mu-
tualiste, comme on le croit généralement, chacun des
composants étant pour l'autre la source d'avantages
réciproques équilibrés ? Il faudrait pour l'affirmer
connaître à fond la nutrition des deux plantes à l'état
isolé et dans la vie commune. Or cette connaissance
est encore très insuffisante et l'association a été con-
sidérée jusqu'ici de façons très divergentes qui se
résument aux trois suivantes :
1° Le champignon vit en parasite aux dépens de
l'algue ;
2° L'algue est parasite du champignon;
3° L'association est une symbiose mutualiste.
i'' ScHWENDENER était partisan de la première
théorie qu'il développe en un style imagé : Le
champignon est le maître, les algues vertes sont
les esclaves : « il les entoure, dit- il, comme une
« araignée entoure sa proie d'un étroit réseau de
LICHENS
311
« fils, qui se transforme peu à peu en une enve-
(1 loppe impénétrable. Mais, tandis que l'araignée
<i suce le sang de sa victime et ne l'abandonne que
« morte, le champignon excite les algues prises dans
« son réseau à une plus grande activité et même
« à une multiplication plus intense ; il rend possible
« ainsi une croissance plus vigoureuse et un bon
« développement de toute la colonie. » Les algues
« maintenues en esclavage sont transformées, en
« peu de générations, à tel point qu'on ne peut plus
<i les reconnaître. » Ces opinions ne sont pas, à vrai
dire, justifiées par des études physiologiques pré-
cises laites sur les composants isolément. Dans la
pensée de Schwendener, l'algue opère les synthèses
à partir de l'anhydride carbonique de l'air, le cham-
pignon lui transmet l'eau et les sels minéraux du
sol.
Beaucoup d'auleursont partagé les vues de Schw-
ENDENER, par exemple Bornet, G. Bonnier, War-
MiNG. Ce dernier considère que l'algue peut vivre
seule, tandis que le champignon a besoin de l'algue
et celle-ci est empêchée par le champignon de se
reproduire à l'état de zoospores. L'algue est donc
parasitée et Warming donne le nom à'hélotisme à
ce mode spécial de parasitisme, où le parasite (le
champignon) fournit à l'hôte (l'algue) une partie de
sa nourriture.
Un auteur russe récent, Ûaniloff, va jusqu a
admettre que le champignon tue les gonidies à l'aide
d'un réseau d'hyphes suceurs qui y pénètrent et
qu'il rapproche d'un mycoplasma d'ERicKSON.
2° La théorie inverse -— parasitisme de lalgue sur
312 LA SYMBIOSE ENTRE VÉGÉTAUX
le champignon — a été formulée par Beijerinck
(1890). Cet auteur n'a pu réussir à cultiver l'algue
(Cj^stococcns) du Physcia parietlna en lui fournis-
sant de l'azote nitrique ou ammoniacal additionné
de sucre ; mais il en a obtenu la culture avec de
l'azote peptique et voici, d'après lui, les rapports
de l'algue et du champignon : le champignon se
nourrirait d'azote ammoniacal et de sucre ; des
peptones produites par lui diffuseraient de son cyto-
plasme et assureraient l'assimilation du Cystococ-
eus. Ainsi l'algue se nourrirait en réalité aux dépens
du champignon, au moins en ce qui concerne les
substances azotées. Cette opinion a trouvé une con-
firmation dans les travaux d'ARTARi. Suivant To-
BLER, l'algue recevrait également une partie de son
carbone du champignon, qui est saprophyte et elle
suppléerait ainsi au déficit de son assimilation chlo-
rophyllienne, entravée par sa situation défectueuse
dans le thalle du champignon,
3° Entre ces deux conceptions se place l'idée de
la symbiose mutualiste, qui a eu pour principaux
représentants de Bary, Reinke et Van Tieghem.
Selon Reinke [164), ces rapports de l'algue et du
champignon sont ceux des feuilles et des racines
d une plante verte. L'algue (autotrophe) fait la syn-
thèse des hydrates de carbone et emprunte au
champignon (hétérotrophe) les matières azotées et
albuminoïdes que celui-ci fabrique à l'aide des
hydrates de carbone fournis par l'algue ; lui-même,
en outre, draine l'eau et les substances minérales.
La symbiose apparaît sous un jour encore diffé-
rent dans les recherches de M . et Mme F. Moreau
LICHENS 313
(162). Elle se présente comme une symbiose anta-
goniste, reflétant les conceptions de Noël Bernard,
à propos des Orchidées, que nous allons étudier plus
bas et se rattachant, d'autre part, a l'idée de parasi-
tisme de Talgue sur le champignon. Le thalle aérien
d'une Peltigéracée — groupe spécialement étudié par
ces auteurs — est, suivant eux, l'équivalent d'un
organe défbi'mé par un parasite, comme une galle
ou cécidie. Cette notion doit être étendue à l'en-
semble des lichens dont les thalles ont la valeur
dCalgocécidies. Les lichens seraient des champi-
gnons malades, atteints dune aflection chronique,
spécifique, qui a acquis pour l'espèce un caractère
de généralité et de nécessité, l'agent infectieux
étant une algue.
En se débarrassant des fantômes verbaux, il
s'agit en réalité d'analyser, par des expériences pré-
cises, les rapports de l'algue et du champignon, en
comparant minutieusement leur comportement à
l'état isolé et en association.
En ce qui concerne le champignon, ces études sont
encore peu avancées. On a rarement réussi à le culti-
ver à l'état de pureté. Môller a obtenu des mycéliums
sans gonidies, mais qui n'ont pas produit de corps
reproducteurs. La spore qui germe doit rencontrer
rapidement la gonidie convenable. Au contact de
celle-ci, comme en vertu d'un tropisme et d'un tac-
tisme spéciaux, le mycélium forme des renflements
qui fixent les gonidies, les entourent et les incor-
porent. Les gonidies semblent être, au moins dans
les conditions normales, la condition nécessaire de
l'évolution du mycélium. Les champignons des
314 LA SYMBIOSE ENTRK VEGETAUX
lichens ont certainement subi une adaptation étroite
■ aux gonidies et ont plus ou moins complètement
perdu la faculté de vivre isolement.
Quant à l'algue, elle vit plus aisément seule et son
étude à l'état isolé a reçu dans ces dernières années
une impulsion vigoureuse, grâce aux belles recherches
deR. Ghodat(j56'), sur les méthodes de culture,pure
de ces organismes (i). Mais ces recherches mêmes
ont souligné la difficulté de tirer des conclusions
nettes en ce qui concerne les Lichens. Chodat, en
effet, a constaté que la plupart des algues inférieures
qu'il a cultivées, et non pas seulement les gonidies
extraites des lichens, sont plus vigoureuses si on
leur fournit une nourriture organique et non pas
seulement de l'azote nitrique ou ammoniacal. La
préférence des gonidies pour l'azote peptiqiie n'est
donc pas un signe certain du parasitisme de l'algue.
On trouvera une contribution intéressante (à
laquelle j'ai fait ici divers emprunts) à ce problème
I. Voici le principe de ces méthodes : on broie le lichen
dans un mortier flambe et contenant de l'eau stérilisée. On
observe au microscope une g-oulte du liquide, de façon à y
compter les gonidies. On fait des dilutions en conséquence
et on ensemence des gouttes de ces dilutions dans des
milieux appropriés, tel que, par exemple, le milieu de Det-
MER :
Kau.... i.ooo KH-PO'. .. 0,01 FcGP . . . . traces
KGL... o,oi Ca(Az03)2.. o,33 Agar . . . . i5
MgSo* . 0,01
Sur ce milieu, poussent divers organismes, dont les goni-
dies et on peut admettre que chaque colonie provient d'une
cellule unique. On isole alors les colonies par repiquage.
La mise en culture déiinitive d'une gonidie par ce procédé
exige au moins deux mois.
LICHENS
315
dans un travail récent d'an élève de Ghodat,
A. Letellier( J 60), et j'en résumerai brièvement les
résultats essentiels à titre d'exemple. 11 a étudié en
culture pure la nutrition d'un Nostoc (Nostoc pelti-
gerœ), extrait d'un Peltigera, celle d'un Gystococ-
cus (i) extrait de Xanthoria parietina, celles de
divers Sdchococcus (les uns libres et un autre pro-
venant de Goniocjybe furfuracea), celles de Cocco-
myxa (libres ou provenant à'wnSolorina). Letellier
a constaté ainsi qne Nostoc peltigerœ se distingue des
Cyanophycées libres, précédemment étudiées, par
son pouvoir élevé d'assimiler différents sucres et par
ses ferments protéolyliques. Parmi les Cjystococcus,
les gonidies assimilent de préférence la nourriture
organique. Des Cjystococcus libres, les uns se com-
portent de même, les autres préfèrent une nourri-
ture azotée inorganique. Les Stichococciis gonidies
semblent, au point de vue de leur nutrition azotée,
avoir des caractéristiques moins parasites que celles
de certains Stichococcus libres. Dans le groupe des
Coccomyxa, les gonidies préfèrent une nourriture
inorganique, tant en azote qu'en carbone.
11 n'y a donc pas de distinction générale et uni-
forme entre les gonidies et les algues congénères
I. Chodat lui-même avait déjà étudié des Cystococcus
provenant de divers Cladonia et constaté des différences
minimes dans la morphologie et la physiologie de ces
algues, suivant leur provenance ; il les considère comme
des races distinctes. Les colonies de C. xanthoriœ-parietinœ
diffèrent beaucoup de celles de Ciadonia {étant, bien entendu,
cultivées sur les mêmes milieux). Ces résultats montrent
l'adaptation réciproque de l'algue et du champignon dans
le lichen et la spécificité acquise de leur association.
316 LA SYMBIOSE ENTRE VÉGÉTAUX
vivant en liberté. Tantôt les unes, tantôt les autres
s'accommodent mieux d'une nourriture organique.
Les rapports de nutrition entre les algues et les
champignons dans les lichens doivent donc être très
variés.
Ces quelques résultats indiquent la complexité du
problème et montrent qu'il exigera des études par-
ticulières, nombreuses et extrêmement précises.
En réalité, les lichens actuels résultent d'une
longue adaptation réciproque des champignons
et des gonidies. Les deux organismes se sont
modifiés dans cette association et n'ont plus leur
propriétés initiales.
*
Un autre exemple de symbiose dans le règne végé-
tal, également classique aujourd'huiet que je me bor-
nerai à rappeler, est celui des nodosités des racines
de Légumineuses ; les bactéries du sol, qui assimilent
l'azote de l'atmosphère, sont incorporées aux radi-
celles, dans les nodosités et modifiées morphologique-
ment en bactéroïdes, dont la substance est finale-
ment assimilée par la plante. L'influence favorable
des Légumineuses sur le sol est connue depuis des
temps reculés et Liebig montra quelle reposait sur
un enrichissement en azote. Hellriegel et Will-
FAHRT en 1888 établirent que celui-ci est dû à
la symbiose de la plante avec des bactéries du sol,
qui tirent l'azote de l'atmosphère, comme le prou-
vèrent ScHLŒsiNG et Laurent. Les bactéries furent
isolées par Beuerînck {Bacteriuni i^adicicola) et
MYCORHIZES
317
les nodosités ont pu être produites par voie synthé-
tique, en cultivant, d'une part, les bactéries, d'autre
part la plante, dans un sol stérilisé, puis ensemençant
les premières dans ce sol (i).
Une symbiose analogue existe pour Taulne dont
les racines offrent aussi des nodosités produites par
des Streptotrichées et pour diverses Eléagnées
{Eleagnus, Hippophœ).
On a constaté aussi des nodosités produites par
des bactéries symbiotiques sur les feuilles des Rubia-
cées et des Myrsinacées tropicales, dans des condi-
tions qui sont semblables à ce que montrent les
Légumineuses. Toutes ces formations se rappro-
chent au fond beaucoup des galles et pourraient être
considérées comme des bactériocécidies.
Je m'étendrai davantage sur des associations
extrêmement répandues entre des champignons dits
mj'corhizes et les racines des plantes arborescentes
ou herbacées.
Dès le milieu du xix« siècle, on en a signalé et on
en connaît aujourd'hui un grand nombre de cas : dans
le prothalle de certaines Hépatiques, chez des Musci-
nées, dans les divers groupes de Cryptogames vas-
I. D'après Pinoy (C. R. Acad. Sci., t. 167, 1918, p. 77)
les bactéroïdes des Légumineuses sont des Myxobactéries.
Or, il a reconnu que la condition sine qiia non de la culture
des Myxobactéries (en particulier Chondromyces crocatiis)
est leur association avec un Micrococcas (voisin des Micro-
coccus laiens). Les Myxobactéries, au moins à l'état isolé,
seraient donc elles-mêmes un exemple de symbiose.
318 LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
culaires (prothalle et sporophyte desLycopodiacées.
— Lycopodiiim, Psilotum, PhjHloglossum, — chez
des Fougères — Ophioglossées), dans la plupart des
plantes vivaces et arborescentes. En 1881, Kamienski
émit rhypothèse d'une symbiose entre le champi-
gnon et son hôte. Cette idée fut développée surtout à
partir de i885 par Frank (jo^), qui montra en même
temps la grande extension et la constance des
mycorhizes. Il distingue lesmycorhizes ectotrophes,
qui restent extérieurs aux racines, autour des-
quelles ils forment un manchon mycélien et se
rencontrent surtout sur les arbres forestiers (Coni-
fères, Amentacées) et les mycorhizes endotrophes,
qui pénètrent dans les cellules de la racine.
D'après Frank, il y a symbiose mutualiste entre
les mycorhizes ectotrophes et les plantes qui les
portent. Le champignon se substituerait fonction-
nellement aux poils radicaux : il puiserait dans le
sol, pour les amener à la plante, les sels minéraux et
les aliments organiques azotés de l'humus ; la plante,
de son côté, céderait au champignon des hydrates
de carbone fabriqués par elle. Les endotrophes con-
tribueraient en outre finalement à la nutrition de la
plante, en étant digérés par elle et lui fournissant
ainsi des matériaux azotés.
La conception primitive de Frank a été notable-
ment modifiée depuis . C'est chez les Orchidées que
ces recherches ont pris le caractère le plus précis et
nous les examinerons à part. En ce qui concerne les
arbres des torêts, le rôle des mycorhizes n'apparaît
pas comme une symbiose aussi précise que l'indique
Frank. Les poils radicaux ne sont nullement sup-
MYCORHIZES
319
primés et restent fonctionnels. Le champignen paraît
être un parasite, peu nocif et toléré. On trouvera
un historique de Fensemble des recherches sur les
endotrophes, jusqu'en 1904, dans la thèse de Gal-
LAVD {i5g), qui contient une étude morphologique
et physiologique approfondie de ces champignons
dans les plantes de nos pays.
Les mycorhizes endotrophes (abstraction faite de
ceux des Orchidées) semblent constituer, d'après
les caractères de leur appareil végétatif, un groupe
assez naturel, mais dont les affinités restent obscures
Leur mycélium présente, à l'extrémité de leurs fila-
ments, de fréquentes vésicules extra- ou intra-
cellulaires et surtout des arbuscules fortement rami-
fiés, soit intra - soit extra cellulaires, qui leur sont
spéciaux et ont été bien mis en évidence par Gal-
i,AUD(fig.53). Ces arbuscules subissent un mode de
dégénérescence caractéristique, dans lequel l'extré-
mité des rameaux principaux se termine par des
sortes de boules ou sporangioles. Arbuscules etspo-
rangioles se retrouvent dans les mycorhizes des
plantes les plus variées et on ne les connaît pas ail-
leurs. Il n'a pas été possible jusqu'ici d'isoler ces
mycorhizes et de les cultiver ; on ne connaît donc
pas leur position systématique. Ils ont été certaine-
menttrès modifiés parleur adaptation à la vie asso-
ciée avec les tissus des racines.
Quant à l'action réciproque delà plante et du cham-
pignon, les cellules renfermant les arbuscules, ou cel-
les situées au voisinage, ne contiennent pas de grains
d'amidon. Il semble que le champignon consomme
les sucres aux dépens desquels cet amidon se for-
320 LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
merait. Dans les cellules à arbuscules, le noyau se
gonfle, prend des contours aniœboïdes, offre un excès
de chromatine et se divise parfois par amitose. En
général, la cellule finit par digérer le champignon.
Les mycorbizes endotrophes prennent en somme à
leur hôte des hydrates de carbone. Leurs communi-
cations avec le dehors sont, d'autre part, bien insuf-
fisantes pour qu'on puisse admettre qu'ils tirent du
Fig-. 5o. —Terminaison intracellulaire (arbuscule et spo-
rang-ioles) d'un mycorhize endotrophe dans Alliiim sphœ-
rocephaliim (d'après Gallaud),
sol et apportent à la plante des matériaux appré-
ciables. Ils se nourrissent donc aux dépens de la
plante et se comportent comme des parasites. Mais
leur action ne parait s'exercer que sur des subs-
tances organiques inertes élaborées par la plante et
non sur la substance vivante de celle-ci, comme
c'est le cas des champignons vraiment parasites
(Urédinées, Péronosporées, etc.). Ils finissent par
être phagocytés. Gallaud considère que les myco-
rbizes endotrophes sont, en général, des sapro-
phytes, quivégètent dans les tissus des plantes, sans
y causer de dégâts notables, mais sans aider non
MYCORHIZES DES ORCHIDÉES 321
plus leurs hôtes à assimiler. Il ne semble donc pas,
au moins en l'état de nos connaissances, que nous
devions voir dans les associations entre plantes et
mycorhizes une symbiose effective.
Toutefois ces conclusions ne sont vraisemblable-
ment pas valables pour tous les mycorhizes, comme
on est amené à le penser d'après les faits relatifs à
ceux des Orchidées et probablement aussi des Lyco-
podes et des Ophioglossées.
L'existence de mycorhizes endotrophes est géné-
rale chez les Orchidées et ils y ont été signalés dès
le milieu du xix^ siècle. En 1846, Reissek vit le
mycélium et en tenta la culture. Au cours des vingt-
cinq années suivantes, une série d'observateurs, tels
qu'iRMISGH, SCHAGHT, PrILLIEUX, FaBRE, DrUDE,
etc., les virent, sans toujours en reconnaître la^nature,
et ce fut KAMiENSKi,qui,en 1881, interpréta leur pré-
sence comme une symbiose avec l'Orchidée. Wahr-
LiCH, en 1889, en montra la généralité en les trou-
vant dans les racines de toutes les Orchidées qu'il
examina, soit environ 5oo espèces. Mais c'est Noël
Bernard {i5i] qui montra leur importance et leur
rôle précis dans la vie de la plante.
Il prouva, en effet, que c'est la présence du
champignon qui rend possible le développement
de la graine des Orchidées. On sait que ces plantes,
dont la fleur est si spéciale, produisent, en nombres
énormes (plus d'un million par capsule, dans cer-
taines Orchidées exotiques), des graines très petites
M. Laullerî. — Le Parasitisme 11
322 LA SYMBIOSE EISTHE VÉGÉTAUX
et d'une structure rudimentaire. Elles n'ont pas d'al-
bumen et l'embryon y est indifférencié, réduit à un
massif de cellules avec un suspenseur . La germina-
tion des Orchidées n'avait été réussie, pendant le
xix« siècle, que d'une façon irrégulièrè, empirique
et par des procédés tenus secrets. Bernard, qui
avait vainement essayé de faire g^ermer des graines
de Neottia nidus-avis. Orchidée indigène dépourvue
de chlorophylle, résolut entièrement le problème, en
découvrant une Neottia, dont la hampe florale s'était
recourbée vers le sol et dont les graines avaient
spontanément germé au contact de la terre, dans la
capsule même du fruit. En observant les jeunes
plahtulesau microscope, il constata qu'elles étaient
envahies par le mycélium de champignons et que
cette infection, extrêmement précoce, se faisait par
le point d'attache du suspenseur. La pénétration du
champignon se présentait donc comme le premier
phénomène de la germination ; il y vit la cause
déterminante de celle-ci et cette hypothèse fut plei-
nement vérifiée.
Ainsi s'expliquaient aisément les réussites empi-
riques et les insuccès des praticiens. On savait, en
effet, que pour faire germer les graines, il fallait les
semer sur la terre du pot où avait poussé la plante
mère, c'est-à-dire sur un sol contenant le champi-
gnon. Avec le temps, la germination des Orchidées
dans les serres était devenue graduellement plus
facile, parce que la terre des serres était devenue
peu à peu plus riche en champignons à la suite
d'une longue culture. Dans la nature, le nombre
immense ded graines compense, pour la perpétuation
MYCORHIZES DES ORCHIDEES 323
de l'espèce, la perte des nombreux embryons qui ne
rencontrent pas le champignon nécessaire à leur
développement. Il y a là un mécanisme parallèle à
celui qu'offrent les animaux parasites et qui a les
mêmes conséquences.
Bernard yit aussi l'influence que le champignon
exerce sur la tubérisation et crut même que, d'une
manière générale, celle-ci était la conséquence de
l'infestation d'un organe souterrain par des champi-
gnons symbiotiques ; il a montré la coexistence des
deux faits chez nombre de plantes. On peut, il est
vrai, réaliser la tubérisation en dehors de la pré-
sence des champignons. Molliard, par exemple,
l'a obtenue pour des radis, en les cultivant sur
une solution de glucose en milieu aseptique, mais
cela n'est pas incompatible avec l'explication de
N. Bernard.
En ce qui concerne le rôle des champignons dans
la germination, Bernard (j 5^) l'a prouvé expéri-
mentalement, de façon rigoureuse. 11 a réussi à isoler
et à cultiver, in çitro, le champignon, ce à quoi on
n'est pas encore parvenu pour les autres mycorhizes.
Voici, en quelques mots, sa méthode. 11 dissèque
une racine ou une plantule infestée et cultivée en
tube stérile, sous le microscope binoculaire, dans
des conditions de rigoureuse asepsie et il isole des
pelotons mycéliens intracellulaires du champignon,
qui en constituent une des caractéristiques essen-
tielles. 11 est ainsi à l'abri de toutes les moisissures
ou bactéries banales, qui, dans des conditions ordi-
naires, étouffent le mycorhize sur le milieu de cul-
ture. Ces pelotons sont alors ensemencés, un à un, à
324 LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
l'aide d'une anse de platine stérile, sur un milieu de
culture, où ils donnent un voile, dont nous verrons
plus loin les particularités.
Les graines, recueillies aseptiquement — en flam-
bant les capsules et les plongeant rapidement dans
l'alcool, avant de les ouvrir,— sont semées dans des
tubes de culture stériles, de la forme usitée en bacté-
riologie, sur agar ou coton hydrophile additionné
d'une décoction de salep (i). Dans ces conditions,
elles restent, pendant des mois entiers, sans subir do
modifications; ou bien elles verdissent et acquièrent
un début de diflerenciation, variable suivant les
espèces, mais qui reste toujours rudimentaire. Elles
ne germent pas.
Mais si, dans les tubes où elles sont ainsi restées
inertes, on ensemence le mycélium du champignon
cultivé d'autre part, en peu de temps, on voit ces
graines évoluer. Elles prennent généralement tout
d'abord l'aspect d'un petit tubercule, en forme de
toupie, ne produisant que tardivement des feuilles
et des racines et semblable à ce queTREUB a observé
chez les Lycopodes (qui présentent aussi des myco-
rhizes) et a appelé protocorme.
Le protocorme donne alors graduellement la plante
feuillée. Bernard a obtenu régulièrement de la sorte
1. Le salep est une poudre obtenue en broyant des tuber-
cules d'Orchidées (Ophrydces) desséchés. La décoction se
fabrique par macéralion de 60 grammes de salep dans deux
litres d'eau pendant vingt-quatre heures, puis chauffage
pendant une heure à 120 degrés à l'autoclave. Burnard a
employé des dilutions variées de ces décoctions graduées,
en mesurant l'abaissement de leur point de congélalioTi
(voir iJa,note i, p< 180).
MYCORHJZES DES ORCHIDEES
325
la germination de très nombreuses Orchidées en
tubesde culture. La figure5i montre une Phalœnop-
sis — Orchidée épiphyte dont la germination était
j)articulièrement difficile à réa-
User, — qui a poussé dans ces
conditions et qui, ayant été con-
fiée à un praticien et ayant été
cutivée ensuite en terre par les
procédés ordinaires, a fleuri
normalement ( j ) . Les figures Sa,
montrent des semis G', -G'., ana-
logues de Cattléyées et de nom-
breuses jeunes plantes en voie
de diff'érenciation.
Revenons aux champignons
eux-mêmes . Leur végétation
dans la plante est caractérisée
par la lormation, dans les cel-
lules, de pelotons serrés de fila-
ments. Ces formations, réappa-
raissent, quoique assez rares,
dans les cultures in çitro. Ce
n'est pas la compression méca-
nique qui détermine leur forma-
tion dans la cellule . ils n'en sont
pas moins le mode de végétation
intra-cellulaire caractéristique
du mycorhize et Bernard considère qu'il est déter-
miné par une action humorale ; il compare celle-ci à
l'agglutination d'une bactérie par le sérum d'un ani-
I . Vers le bas de la ligure, les points que l'on voit à la
surface de l'agarsont des sclérotes du champignon.
fcc (« rt
326 LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
malvacciné.Onn'apas réussi à obtenir la forme par-
faite du mycorhize, mais seulement des états mycé-
iiens. Bernard pense que tous les mycorhizes des
Orchidées appartiennent àun même groupe naturel,
qui s'est adapté à ces plantes et qu'il range dans le
genre R hizoctonia. \J ne espèce de ce ^enre, R.solani,
est commune sur la pomme de terre et y forme" des
sclérotesverdâtres. Elle est considérée comme iden-
tique au R. çlolacea de Tulasne, trouvée sur les
racines de luzerne et de safran. Ce champignon
forme des pelotons intracellulaires, comme les endo-
phytes des Orchidées .
Les nombreux champignons, extraits par Bernard
des Orchidées, ont été considérés par lui comme
constituant trois espèces :
1. Rhizoctonia repens, le plus répandu, tiré de
très nombreux genres et espèces et qui serait la
forme la plus primitive.
2. R. mucoroides, extrait uniquement des racines
de Phalœnopsis etde Vanda, mais retrouvé toujours
dans les plantes de ces genres quelle qu'en fut la
provenance (i).
3. R. lanuginosa, ohienu seulement d'O dont o^lo-
suin frrande.
BuRGEFF (lôô), qui a repris les recherches de
Bernard et en a vérifié et confirmé tous les princi-
paux résultats, admet une variété spécifique des
champignons beaucoup plus considérable. Il fait de
ces champignons un groupe nouveau, les Orchéo-
I. Bernard a obtenu le même Champignon des racines
iX'Ophiog'lossum, mais il était sans action sur les Orchi-
dées.
MYCOUHIZES DES ORCHIDEES 327
mycèies et en décrit i5 espèces. En principe, il
considère que chaque espèce d'Orchidées a son
endophyte propre (i).
L'œuvre de Bernard ne s'est pas bornée à ces
résultats d'importance théorique et pratique consi-
dérable. En possession des Rhizoctonia. i\ a pu
analyser d'une façon pénétrante la symbiose et éta-
blir des faits ou émettre des suggestions d'intérêt
capital.
Les rapports des Orchidées avec leurs mycorhizes
sont loin d'être constants et uniformes. Il est bien
évident que la structure rudimentaire des graines
est un état secondaire, résultant d'une évolution qui
a rendu peu à peu la symbiose nécessaire et qui doit
être représentée par difterentes étapes.
Et en effet, parmi les Orchidées étudiées par Ber-
nard, chez une espèce d'Extrême-Orient, Bletilla
hyacinihina, que les spécialistes iPfitzer) considè-
rent comme primitive, d'après l'ensemble de ses
caractères, la symbiose avec le champignon n'est
pas indispensable à la germination de la graine.
Bernard a pu faire évoluer aseptiquement des plan-
tules ; mais alors elles germent différemment, sans
I. BuRGEFF a fait une étude étendue des propriétés de ces
cliampignons en culture.
Ils transforment les sucres (à l'aide d'invertme et de
maltase), dédoublent les gUicosides (par l'émulsme), pro-
duisent de la tyrosinase, n^assiiuilent pas l'azote libre, mais
bien L'azote organique (du salep), produisent des diastases
protéolytiques, etc.. ^
Bernard a reconnu que les Rhizoctonia digèrent la cellu-
lose. Ils désagrègent en elïet le coton hydrophile sur les-
quels on les a souvent cultivés.
328 LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
développer de protocorme et la comparaison des
deux modes sur une même plante permet de voir
quelle est l'influence propre des champignons sur la
forme de la végétation. Dans la plante développée,
la symbiose est très intermittente. Le rhizome
auquel la plante se réduit périodiquement est
indemne de mycorhizes ; chaque année, se l'ait une
poussée de racines qui s'intestent à nouveau. Les
mycorhizes se présentent donc comme une maladie
intermittente et habituelle.
Mais Bletitla constitue une exception et, chez la
grande généralité des Orchidées terrestres ou épi-
phytes, l'embryon ne se développe que sous l'in-
fluence du champignon. En son absence, il ne se
produit qu'une ébauche de germination ; en sa pré-
sence, celle-ci se déclanche sans tarder. Chez la plu-
part des formes (Gattleyées, Gypripédiées, Ophry-
dées, etc.), à l'état adulte, la symbiose reste inter-
mittente ; elle se reproduit chaque année, à la pousse
des racines, et disparaît avec celles-ci.
Chez les Sarcanthinées (Phalœnopsis, Vanda),
épiphytes, que Pfitzer considère comme les plus
évoluées des Orchidées, la germination exige aussi
un Rhizoctone (R. mucoroides) et la symbiose
deçient continue, les racines ici étant persistantes.
Ce caractère atteint son extrême chez Tœniophyl-
lam.
Les Orchidées terrestres montrent les mêmes
degrés de symbiose que les épiphytes et c'est chez
Neottia nidiis-avis que ce mode de végétation est
porté à sou maximum d'extension. Ici, en efl'et, la
symbiose est absolument continue, pendant toute la
MYCORHIZES DES ORCHIDEES 329
vie da végétal et, au lieu de se limiter aux racines,
comme dans les cas précédents, elle gagne le rhi-
zome. De plus, elle se transmet directement d'une
génération à l'autre. Quand — et le cas est fréquent
— la Neottia fleurit et fructifie souterrainement, les
champignons du rhizome se propagent directement
jusqu'au fruit et vont infester les graines qui ger-
ment sur place. A ce degré, comme le fait remar-
quer Bernard, Champignon et Orchidée réalisent
pratiquement une individualité nouvelle et perma-
nente, comparable à celle d'un lichen.
Ainsi se marquent, chez les Orchidées, quelques
étapes d'une évolution dans la symbiose, accomplie
par plusieurs séries de formes indépendantes les
unes des autres et Bernard aperçoit cette même
évolution comme très probable dans d'autres
groupes, où la symbiose se présente avec des carac-
tères similaires, mais où elle n'a pas encore été étu-
diée comme chez les Orchidées, notamment chez les
Ophioglossées et les Lycox^odes.
On retrouve, en eff'et, chez ces plantes, soit dans
le gamétophyte (prothalle), soit dans le sporophyte,
la même étrangeté de faciès de l'appareil végétatif
(tubérisation du prothalle, forme en toupie desplan-
tules, localisation analogue des champignons) que
chez les Orchidées. La symbiose a donc dû être un
important facteur d'évolution dans des groupes
tout à fait indépendants et éloignés les uns des
autres. Il serait évidemment des plus intéressants
de vérifier les idées de Bernard sur les Ophioglos-
sées et les Lycopodinées (i).
I. Bernard en arrive même à se demander si la sym-
330 LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
Undesaspecisles plus intéressants des recherches
de Bernard, au point de vue qui nous occupe ici, est
[analyse physiologique des rapports des Rhizoc-
tonia et des Orchidées. Dans les conditions où il a
cultivé les champignons, il est arrivé, en effet, d'une
façon tout à lait générale, qu'après une longue
période de culture in çitro, les Rhizocionia se sont
montrés peu à peu incapables de faire germer les
graines. Ils sont devenus inactifs. Cette inactivité
est complète après deux ou trois ans de culture en
tubes. Mais on leur rend leur activité en les faisant
repasser dans de? plantules ou des racines. Il y a
là un phénomène que Bernard compare d'une
façon très suggestive et, semble-t-il, très juste, aux
variations de virulence (atténuation et exaltation),
des virus bactériens.
Gela l'a amené à étudier comment le Champignon
végète et se propage dans l'Orchidée et à faire cette
étude, soit avec le champignon normal de l'espèce,
soit en réalisant des associations anormales, par
exemple en inoculant Rh. miicoroides ou R. lann-
ginosa à des espèces qui hébergent R. repens, ou
inversement.
biose n'a pas été un des facteurs capitaux de l'évolution des
plantes, celui à qui est due l'apparition, aux dépens des
Muscinées primitives, des plantes à sporophytes vivaces et
arborescents, presque toutes infestées de mycorhizes. Les
plantes annuelles seraient revenues à cei état en éliminant
leurs champignons symbiotiques. Cette évolution aurait pu
se reproduire plusieurs fois. Les Orchidées représente-
raient une de ces évolutions secondaires. Ce ne sont là
pour le moment que des conceptions purement spécula-
tives.
MYCORHIZES DES ORCHIDEES 331
La pénétration du champignon se fait par des
portes d'entrée déterminées, le point d'attache du
suspenseur. par exemple, ou la base des poils absor-
bants des racines. Ces points sont ceux où la plante
présente le maximum de perméabilité et qui jouent
le rôle principal dans les échanges avec le milieu.
Il faut supposer que ces zones excrètent des sub-
stances solubles qui, dans la culture, attirent le
champignon (i) et qu'elles offrent le minimum de
résistance à sa pénétration. J^es Rhizoctonia digè-
rent la cellulose pure. Ils ne font que traverser les
cellules épidermiques sans s'y pelotonner. Chaque
région de pénétration, une fois celle-ci effectuée,
acquiert une immunité qui s'oppose à toute infesta-
tion nouvelle. Ainsi le suspenseur n'est envahi
qu'une fois. Les infections successives doivent se
faire par des portes d'entrée distinctes.
L'allure du Rhizoctonia dans les tissus dépend de
son degré d'activité et c'est seulement pour un degré
convenable que s'établit la symbiose. Aussi, soit
dans la nature, soit dans les cultures, toutes les
graines sont-elles loin de germer, même si elles ren-
contrent le champignon, comme le montrent les
semis en tube (fîg. 62). La symbiose, suivant l'expres-
sion de Bernard, est à la frontière de la maladie.
Le Rhizoctone ne fait que traverser l'épiderme
comme il a été dit et c'est dans le parenchyme sous-
jacent qu'il végète, sous la forme très caractéristique
de pelotons filamenteux dans les cellules. Mais, dans
I. Cette attraction ne se produit qu'yvec les Rhizoctonia
d'Orchidées. Elle n'a pas lieu avec le R. violacea de la
luzerne .
332
LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
le cas où la graine germe lieureusement, son enva-
hissement reste limité. Il y a toujours comme une
barrière qui empêche la propagation du mycélium
ausommet végétatif et qui recule au fureta mesure
de la croissance. Au point où l'invasion s'arrête,
C'i
Fig. 52. — Semis de Lelio-Cattleya en tubes stériles, inocu-
lés avec des Rhizoctorda d'activités croissantes Ci, C'3 G',
(d'après Noël Bernard).
une partie des cellules du parenchyme de l'Orchidée
joue le rôle de phagocytes (fig. 53); leur noyau de-
vient plus volumineux (il atteint jusqu'à 60 fois son
volume primitif suivant Burgeff) et lobé et les pelo-
tons mycéliens contenus dans ces cellules sont digé-
rés, laissant un résidu (i) ; le fait avait d'ailleurs
I. La formation des sporangioles aux dépens, des arbus-
cules des mycorhizes endotrophes étudiés par Gallaud, est
un phénomène de même ordre.
MYCORtlIZES DES ORCHIDEES kjÔÔ
été vu par les premiers observateurs des myco-
rhizes, comme Prillieux en i856, mais n'avait pas
Fig. 53. — Coupe d'une germination d'Odonfog-^ossum, mon-
trant la pénétration, par le suspenseur, après un mois, et
le pelotonnement intracellulaire de Rhizoctonia ianiigi-
nosa, ainsi que sa destruction par phagocytose : s stomate
p poils absorbants (d'après Noël Bernard).
été interprété. M AGNUs, en i900,etSHiBATA, en 1902,
ont décrit cette digestion. Elle est, dit Bernard, une
334 LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
véritable phagocytose, qui règles dans la symbiose,
l'extension de l'infection. La différenciation du noyau
des phagocytes précède même la pénétration du
champignon à leur intérieur, et doit être l'effet dune
action à distance, causée par des produits solubles
ou une diastase du mycorhize.
La plupart des auteurs qui ont constaté cette
digestion avant Bernard, et en particulier Frank,
l'avaient considérée comme un acte de nutrition
essentiel pour la vie des plantes à mycorhizes endo-
trophes. Les plantes, d'après eux, étaient fangi-
QOres, comme il y a des plantes insectivores, et
cette digestion était une preuve de la symbiose mu-
tualiste, la compensation à la consommation d'hy-
drates de carbone consommés aux dépens de l'hôte
par le champignon. Mais Bernard a constaté nette-
ment qu'elle n'a aucun rapport avec le développe-
ment de la plante. Les Rhizoctones ne jouent pas
de rôle direct dans la nutrition des Orchidées.
La phagocytose est une réaction de défense de
l'organisme. En infestant les Orchidées avec des
Rhizoctones anormaux, comme il a été dit, ou avec
des Rhizoctones inactifs, — ou bien l'infection est
arrêtée rapidement par les phagocytes, la symbiose
ne s'établit pas et la graine avorte — , ou bien la
plante périt par un envahissement généralisé de ses
tissus et de son sommet végétatif, sans que l'on
constate de réaction phagocytaire, ou tout au moins
celle-ci ne joue qu'un rôle très effacé. Entre l'infesta-
tion bénigne, rapidement enrayée par une phagocy-
tose presque immédiate, et l'infestation rapidement
mortelle avec phagocytose insignifiante ou nulle, se
MYCORHIZES DES ORCHIDEES 335
trouve le cas intermédiaire de la symbiose, où la
phagocytose s'exerce, sans cependant arrêter la
proj)agation du champignon, et où cependant la
plante ne succombe pas. Cette symbiose peut durer
toute la vie, comme chez Neottia nidiis-açis, où être
intermittente .
Le champignon n'atteignant jamais le sommet
végétatif, la plante réalise une certaine immunité,
qui est la condition de son développement. Le pelo-
tonnement intracellulaire des Rhizoctones doit être
un phénomène en rapport avec cette immunité ;
car, dans les cas d'infestation mortelle, étudiés par
Bernard, le champignon abandonne ce mode de
végétation et, dès lors, les filaments mycéliens cou-
rent en droite ligne, envahissant tous les tissus. La
propriété humorale à laquelle il a été fait déjà allu-
sion fait défaut.
Bernard a cherché enfin à comprendre le mode
d'action des mycorhizes, sans s'ai-rêter au mot, ni à
l'idée mystique de symbiose. Il s'est demandé si le
rôle efficace des mycorhizes n'était pas dû à une
modification favorable qu'ils produiraient dans le
milieu intracellulaire. Or, ilaréussià obtenir la ger-
mination de certaines Orchidées sans champignon,
en semant les graines sur des solutions conceiHrées
(gélose ou coton hydrophile imbibé d'une décoction
de salep forte et souvent additionnée de saccharose).
Il a noté d'autre part que les Rhizoctones cultivés
sur salep-saccharose. déterminent une augmenta-
tion de la concentration moléculaire de la solution
employée (ce que l'on constate par la variation de
son point de congélation). Il est possible que leurs
336 LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
diastases disloquent les molécules complexes en un
nombre plus grand de molécules simples. On peut
donc imaginer qu'ils agissent de même dans leur
végétation intracellulaire et qu'ils augmentent le
degré de concentration moléculaire de la sève des
plantulesoù ils ont pénétre : cette condition permet-
trait la germination. Bernard rapproche cette sug-
gestion de la réalisation de la parthénogenèse expéri-
mentale chez les animaux par l'emploi de solutions
hypertoniques. Quoi qu'il en soit de l'hypothèse, il
reste le fait que la concentration plus forte des solu-
tions permet de se passer du champignon pour
obtenir la germination d'un certain nombre d'es-
pèces d'Orchidées.
La symbiose entre l'Orchidée et ses mycorhizes
n'est nullement une entité fixe, ni une association
mutualiste pour l'entr'aide. Elle est un phénomène
de parasitisme, une infection, une maladie constante
et devenue nécessaire, mais qui, suivant son degré ou
son allure, assure le développement de la plante ou
l'arrête, ou même tue la plante. Elle est, dans la bio-
logie générale, un chapitre de pathologie, parallèle
à celui des infections bactériennes et ne se distinguant
pas du parasitisme.
Il y aurait évidemment lieu d'étudier avec le même
esprit les plantes qui ont une allure analogue. Hépa-
tiques (Feg-atella), Lycopodiacées {Lycopodiiim,
Psitotum, Phjdloglossum), Ophioglossées.
Nous avons ainsi achevé de passer en revue les
CONCLUSIONS 337
principaux groupes de faits qui se rattachent à l'idée
de symbiose. Il s'en dégage la conclusion qu'ils ne
constituent pas une catégorie franchement distincte,
mais se rattachent au parasitisme et au commen-
salisme par une série d'intermédiaires, sans offrir
avec l'un ou l'autre une opposition caractérisée.
Dans les exemples classiques comme celui des
lichens, il faut abandonner l'idée d'une association
purement mutualiste à bénéQces réciproques équi-
valents. C'est un conflit entre l'algue et le cham-
pignon associés d une façon intime et constante, où
les deux organismes ont réagi l'un sur l'autre. C'est
d'ailleurs la conclusion formulée en 1906 par le bota-
niste russe Elenkixe : « La conception mutualiste
de la symbiose, dit-il, doit être remplacée par celle
d'un état d'équilibre instable: les deux organismes
associés réagissent différemment aux conditions du
milieu extérieur et à leurs variations. Celles-ci sont
inégalement favorables à l'un et à l'autre ; suivant les
cas, ce sera l'un qui dominera l'autre ou inversement.
Ces variations doivent rester dans les limites où l'un
des deux organismes ne succombe pas . » Concep-
tion qui équivaut à celle de N. Bernard : « La sym-
biose est à la frontière de la maladie. »
Dans cette association, les deux organismes réa-
gissent l'un sur l'autre ; il y a éçolution dans la
symbiose, évolution à la fois morphologique et fonc-
tionnelle, aboutissant, par suite, à des nécessités nou-
velles comme dans la germination des Orchidées,
ou à des fonctions absolument nouvelles, comme
dans le cas des levures des Insectes ou des bactéries '
lumineuses des Céphalopodes. Ces derniers cas, que
338 LA SYMBIOSE ENTRE VEGETAUX
PiKRANTONi appelle symbiose physiologique héré-
ditaire, ne paraissent pas, au premier abord,
cadrer avec la notion de conflit, ou d'instabilité . Il
n'y a cependant aucun doute qu'ils ne représentent
originairement des infections des Insectes ou des
Céphalopodes par des organismes étrangers ; mais
le conflit s'est terminé par la domination de l'un
des organismes sur l'autre et un équilibre stable, cor-
respondant précisément à une fonction nouvelle.
Ce sont ces cas qui, dans l'état actuel de nos connais-
sances, représentent l'évolution la plus complète.
CHAPITRE XIII
LA SYMBIOSE EST-ELLE
UNE CARACTÉRISTIQUE PRIMORDIALE
DE LA VIE CELLULAIRE ?
Sommaire. — Les théories particulaires de l'hérédité. — Les
granules d'ALXMANN et les mitochondries. — Générali-
sations de PiERANTONi à partir des laits de symbiose héré-
ditaire chez les Insectes et les Céphalopodes. — Passage
des bactéries intracellulaires à ûa. forme granulaire ? —
Réalisation de diverses fonctions de la cellule par des
bactéries symbiotiques.
La théorie des symbiotes de Portier : Dualisme de la cel-
lule ; les mitochondries seraient des bactéries sj^mbio-
tiques. — Critique de la conception symbiotique des Isa-
ria chez les Insectes. — Possibilité de la vie aseptique; sa
réalisation rigoureuse à grande échelle chez les Droso-
philes (Guyénot). — Les bactéries cultivées par Portier,
à partir de divers organes de Vertébrés, ne peuvent être
des mitochondries, de par leurs propriétés.
Aucun fait ne vient présentement à rencontre de l'unité
fondamentale de la cellule. La symbiose intracellulaire
reste un fait exceptionnel quoiqu'assez répandu.
Conclusions générales .
Les faits de symbiose, tels que nous venons de
les examiner, forment une série continue et ont
une extension assez considérable dans la nature.
II suffit de songer aux zooxanthelles et zoochlo-
340 I.A SYMBIOSE ET LA VIE CËLI.ULAIHE
relies, aux lichens, aux mycorhizes, aux bactéroïdes
des nodosités radiculaires, aux levures des Insectes
et aux bactéries lumineuses, si le rôle de ces dernières
est définitivement reconnu. Néanmoins ils restent
des exceptions dans l'ensemble de la vie organique.
La vie normale ne suppose pas ces associations
internes comme une nécessité générale. Elles sont
une déviation de la normale.
Or, en ces dernières années, s'est manifestée, chez
un certain nombre de biologistes, une tendance à en
faire au contraire la forme fondamentale du fonc-
tionnement vital. Les cas rappelés ci-dessus ne
seraient que des exemples grossiers et macros-
copiques, en quelque sorte, de ce qu'est la vie cellu-
laire ; celle-ci serait toujours une symbiose. La cel-
lule, en effet, telle qu'elle a été décrite jusqu'ici,
serait bourrée de microorganismes symbiotiques,
auxquels appartiendraient les pouvoirs métaboliques
essentiels.
L'idée n'est pas neuve. Il s'est succédé déjà une
longue série de théories, où l'on s'efforçait d'expliquer
l'hérédité et la vie par la conception de particules
douées de propriétés spéciales. On trouvera une
énumération méthodique de ces conceptions dans le
livre de Y. Delage (gô) sur l'hérédité. La plupart
étaient purement spéculatives ; d'autres* tendaient
plus ou moins à acquérir une réalité objective.
Certaines d'entre elles, comme les micelles deN^GELi,
les pangènes de De Vries, les biophores de Weis.
MANN, auxquelles se rattachent, en somme, les gènes
de JoHANNSEN, out joué un rôle important dans la
biologie contemporaine, parce qu'elles ont été con-
LES GRANULES d'aLTMANN 341
çues à l'image de la structure cellulaire, telle que la
révélait le microscope. Elles fournissent en ce mo-
ment encore une représentation matérielle aux étu-
des d'hérédité mendélienne. D'autres, au contraire,
ont été conçues d'une façon toute spéculative, comme
les microzymas de Béchamp. D'autres enfin ont eu
un point de départ purement d'observation, comme
les granules d'ALTMANN {83), devenus ultérieure-
ment les mîYoc/io^û^/'ies;celles-ci tiennent aujourd'hui
une place de premier plan dans les recherches cyto-
logiques et aussi, malgré les préventions excessives
des physiologistes, dans le domaine de la physio-
logie. A la conception de la cellule comme unité
morphologique ultime, Altmann a voulu substi-
tuer celle du granule. Le granule est une indivi-
dualité qui se continue et se reproduit. L'aphorisme
omnis celliila e cellulâ fait place à omne granulum
e graniilo. Pour Altmann cependant, les granules
sont des éléments intrinsèques de l'organisme. La
tendance qui se fait jour actuellement est, au con-
traire, de les considérer primitivement comme
extrinsèques, comme des organismes symbiotiques,
adaptés à la vie intracellulaire et en qui réside,
en somme, le substratum des principales fonctions
cellulaires.
Des conceptions de ce genre se sont offertes inci-
demment à certains biologistes. Raphaël Dubois,
dans ses travaux sur la lumière animale ou sur les
organes chromogènes, place le siège de ces fonc-
tions dans des corpuscules intracellulaires, les
vacuolides, auxquels il accorde une grande auto-
nomie ; il arevendiqué,à diverses rejirises, la pater-
342 LA SYMBIOSE ET L.\ VIE CELLULAIRE
nité de notions auxquelles avaient conduit des
études systématiques sur la structure cellulaire et
qui se rapprochaient des siennes propres. Il est
aujourd'hui de ceux qui aboutissent à une concep-
tion comme celle qiii va nous occuper et qui s'effor-
cent de lui donner une base expérimentale.
Dans ces dernières années, cette conception a été
formulée d'une façon plus particulièrement précise
et comme aboutissement d'observations et d'expé-
riences méthodiques par Pierantoni et par Por-
tier (i). Il importe de distinguer exactement ce
qui, dans les théories formulées, est acquis et ce qui
reste discutable ou même mal fondé.
Examinons d'abord les idées de Pierantoni qui,
aussi bien, a précédé légèrement Portier. Ce sont
ses recherches sur les levures symbiotiques des
Insectes, dont les résultats sont indiscutables, qui
l'ont conduit à étudier les organes lumineux des
Céphalopodes. La première de ses conclusions est
que la luminosité, dans le cas des Rondeletia et des
tSepiola, est due à des bactéries symbiotiques, pullu-
lant dans la lumière des tubes glandulaires de l'or-
gane lumineux, se déversant occasionnellement au
dehors, et s'inoculant régulièrement, de génération
en génération, par l'œuf. Il est évidemment très
I. Galippb (io3; a abouti aux mêmes conclusions, par sa
conception du parasitisme normal . Ce sont, d'après lui, des
infiniment petits qui régissent normalement et nécessaire-
ment l'activité cellulaire. Ils caractérisent le fonctionne-
ment de la cellule et sont en quelque sorte la représenta-
tion la plus simple de la vie chez les êtres organisés.
Galippb souligne lui-même les afiinités de ces idées avec
les microzymas de Béchamp.
THÉORIE SYMBIOTIQUE DE PIERANTONI 343
tentant de chercher à ramener à une explication de
cette nature la production de la lumière chez les
autres Céphalopodes et chez les animaux en général ;
c'est à quoi Pierantoni est présentement occupé.
Chez les Céphalopodes abyssaux, les organes lumi-
neux sont clos ; la partie i3hotogène est un complexe
cellulaire, de nature plus ou moins syncytiale, dans
lequel pullulent des granulations qui sont le siège des
phénomènes lumineux. D'après Pierantoni (zJ?^),
ces granules sont des bactéries adaptées à la vie
intracellulaire. Dans ses recherches en cours, sur
Charyhdileiithis , il dit avoir constaté, « à la partie
la plus externe de la masse de l'organe lumineux
anal (qui est clos), une couche, « où, avec des cor-
(( puscules extrêmement petits, se trouvent aussi
« des formes bacillaires (de vraies bactéries) en
« voie de fragmentation en grains minuscules ; des
« bactéries qui, en somme, évoluent de la forme
(( bacillaire à la forme granulaire ». Mais on aper-
çoit combien une affirmation de ce genre est difi-
cile à prouver d'une façon irréfutable, ce qui
cependant est nécessaire. Dans l'esprit de Pieran-
toni, les granulations intracellulaires qui semblent
bien être le siège de la luminosité chez tous les ani-
maux lumineux et qui correspondent aux vacuolides
de. Dubois, seraient donc des bactéries devenues
intracellulaires et passés à la forme de simples gra-
nules. De même, d'après les recherches de Dubois
sur la formation de la pourpre chez Murex trun-
culas, celle-ci se forme par des « corpuscules très
petits,que Dubois appelle vacuolides zymasiqnes , on
sphérules élémentaires ^ei « comment ne pas penser,
344 L\ SYMBIOSE ET TA VIE CELLULAIRE
— sur la base de ce qui a été exposé de la transfor-
mation et de l'adaptation des bactéries photogènes à
la constitution de la substance photogène des
organes lumineux, — à une adaptation analogue
po'ssible de bactéries chromogènes à la fonction de
la production des couleurs ? » Pierantoni a entre-
pris des recherches expérimentales pour prouver,
par voie de cultures, que les granulations pigmen-
taires sont aussi des bactéries symbiotiques. Tout
cela « place sous un nouveau jour l'activité des
« plasmes cellulaires et assignerait aux inclusions
« cytoplasmiques et peut-être à beaucoup des cons-
« tituants du protoplasme une vie autonome et une
« activité spécifique, au bénéfice des organismes
« dans lesquels ils vivent. »
Telles sont les conceptions de Pierantoni qui ten-
dent, on le voit, à reporter sur des organismes sym-
biotiques, adaptés à la vie intracellulaire, un grand
nombre des fonctions spéciales que l'on rencontre
chez les animaux : fonction lumineuse, chromo-
gène, pigmentaire, etc.. Cela reste une idée pure-
ment théorique, tant qu'il n'a pas été donné une
preuve irréfutable de la culture autonome des gra-
nulations en question. Or elle n'est nullement
fournie à l'heure actuelle.
Portier a été conduit à des vues analogues par des
recherches sur les Insectes xylophages et il les a
formulées d'une façon beaucoup plus générale et
plus rigide, en 1918, dans son livre sur Les Sym-
hiotes .
Pour Portier, la cellule n'est nullement l'unité
fondamentale dans les organismes. Elle est essen-
THÉORIE SYMBIOTIQUE DE PORTIER 345
tiellement un complexe symbiotique. Elle est tou-
jours bourrée de symbiotes, indispensables pour
effectuer les synthèses organiques et qui ne sont
autres que les mitochondries ; celles-ci seraient des
bactéries adaptées à la vie intracellulaire symbio-
tique. Les bactéries seules seraient autotrophes,
c'est-à-dire capables de se nourrir par elles-mêmes.
Toute cellule, et par suite tous les animaux et les
végétaux à constitution cellulaire, seraient hétéro-
trophes et n'assimileraient que par l'intermédiaire
de bactéries symbiotes (i). Il n'y a évidemment
aucune impossibilité a priori à une semblable con-
ception ; mais, comme elle remettrait en question
toutes les not ons fondamentales de la Biologie,
elle doit être basée sur des preuves inattaquables.
Or, on peut affirmer sans crainte que ce n'est nulle-
I. Voici renoncé textuel de la théorie : « Tous les êtres
ce vivants, tous les animaux, depuis l'Amibe jusqu'à
« l'Homme, toutes les plantes, depuis les Cryptogames jus-
« qu'aux Dicotylédones, sont constitués par l'association,
« Vemboitement de deux êtres différents.
« Chaque cellule vivante renferme dans son protoplasme
« des formations que les histologistes désignent sous le
« nom de mitochondries. Ces organites ne seraient pour
« moi autre chose que des bactéries symbiotiques, ce que
«je nomme des symbiotes.
« Le symbiote est un microorganisme qui possède deuxi
« propriétés remarquables : une extrême plasticité, qui lu
« permet une adaptation aux conditions les plus variées et
« un pouvoir de synthèse très étendu, variable d'ailleurs
« avec les conditions dans lesquelles il est placé.
« La bactérie symbiotique vient du milieu extérieur : elle
« peut, dans c rtains cas, y retourner et vivre d'une vie
« indépendante. Les bactéries seraient donc les seuls êtres
« simples, tous les autres seraient doubles » (Portikr, Les
« Symbiotes : préface, p. vii-viii).
346 L\ SYMBIOSE ET LA Vil!; CELLULAIRE
ment le cas, et saisir même, dans l'argumentation
de l'auteur, des confusions aux points essentiels.
Le point de départ des idées de Portier se trouve
dans ses « Recherches physiologiques sur les cham-
pignons enlomophy tes » (i38). Il a cru constater une
symbiose constante et générale entre les Insectes
xylophages et les champignons de genre Isaria,
Cette symbiose se manifesterait même après la mort,
avec une netteté particulière, chez les Lépidoptères,
qui, très fréquemment, selon l'expression des ento-
mologistes, tournent au gras. Cela est dû à l'enva-
hissement de leur cadavre par le mycélium d'isaria,
dont les conidies étaient présentes antérieurement
à l'état de symbiotes. L'infestation très fréquente
d'Insectes par les Isaria est bien connue, mais elle
est considérée généralement comme un phénomène
de parasitisme. Metchnikoff, puis GiARD (io4), ont
même essayé de se servir de ces parasites pour pro-
duire, chez les larves d'Insectes nuisibles, de grandes
épizooties, notamment sur le charançon delà bette-
rave et le ver blanc du hanneton.
Portier a acquis l'idée d'une symbiose constante
de ces champignons, en étudiant l'évolution d'une
chenille, Nonagria typhœ. C'est là son point de
départ. Il trouve des conidies d' Isaria dans le tube
digestif de cette chenille, les retrouve et les figure
dans l'épithélium intestinal et dans tous les tissus
de l'adulte, y compris les œufs, par lesquels elles
seraient transmises à la génération suivante. Mais
l'assimilation des productions figurées aux conidies
à' Isaria reste des plus contestables . Il n'en est pas
donné de preuve positive et Tonne peut se défendre
THÉOHIE SYMBIOTIQUE DE PORTIER 347
de penser que les corps figurés, surtout par la façon
dont ils se colorent (cf. fig. 9, p. 3o ; les Sym-
biotes, fig. 26, p. 176) ressemblent beaucoup à des
spores de Microsporidies,dont la présence dans les
divers tissus s'expliquerait très aisément ; tous les
faits produits relativement à la chenille de Nonagria
typhœ, semblent n'être que le résultat d'un infesta-
tion par une Nosema, comme celle du ver à soie par
la Pébrine, et l'on sait assez que cette dernière n'a
rien d'une symbiose (i). La présence des corpuscules
dans les oocytes serait très naturelle, si ce sont des
sposes delà microsporidie ; on retombe sur l'obser-
vation qui a fourni à Pa^steur, pour la pébrine, la
base de sa méthode de grainage. Il serait très dési-
rable que Ton vérifiât sur les Nonagria ir/)/iCB, prises
dans les stations où Portier les a étudiées, si cette
explication des faits qu'il signale n'est pas celle
qui convient réellement.
Quant aux autres faits empruntés aux insectes
xylophages, ils ne me paraissent pas avoir de portée
pour fonder la conception de la symbiose intracel-
lulaire. Les seuls qui peuvent l'appuyer, chez les
Insectes, sont ceux relatifs aux levures du mycé-
tome des Hémiptères (Pucerons, Coccides, etc..) :
ceux-là sont indiscutables, mais leur portée est stric-
tement limitée.
I. La constance de la présence d'un organisme à l'inté-
rieur d'un autre n'est pas un critérium suffisant pour con-
sidérer que l'on a affaire à une symbiose. Il y a des parasites
indiscutables qui sont absolument constants. Telle est, entre
autres exemples la grégarine Lithocystis schneideri chez
Echinocardium cordatum, dont il a été question plus haut
p. 248).
348 LA SYMBIOSE ET L\ VIE CELLULAIRE
Une autre base de la théorie de Portier, — celle-là
indirecte, — serait l'impossibilité de la vie aseptique
et la nécessité de symbiotes, en cas d'asepsie au sens
ordinaire du mot. L'intestin des animaux renferme
ordinairement une flore abondante et variée, tantôt
utile, tantôt nuisible, et Pasteur considéraitcomme
possible que Texistence d'une semblable flore
fût absolument nécessaire. 11 est vraisembable, ainsi
qu'on la vu précédemment, que, chez la plupart des
animaux, la flore ou la faune intestinale contribue
à la transformation des aliments et il est même pos-
sible qu'elle joue un rôle régulier et important. Nous
avons mentionné cette possibilité pour les Infusoires
de la panse des Ruminants et les Trichonymphides
des Termites. Mais la possibilité de la vie asep-
tique est aujourd'hui pleinement établie. Elle a été
réalisée rigoureusement chez les mammifères, malgré
les difficultés techniques d'un élevage aseptique
par NuTTALL et Thierfelder (j2p),etplus tard,
dans le laboratoire de Metchnikoff, par Cohendy
(g3). L'expérience est pratiquement très compli-
quée et on conçoit que des raisons d'ordre tout à fait
secondaire la rendent précaire. Mme Metchnikoff
{i2y) a élevé aussi aseptiquement des têtards de gre-
nouilles, Wollman [14^] (^^sMouches (CalliphoT'a).
Portier {i38), enfin, a constaté que les chenilles
mineuses — notamment celles de Nepticula floscu-
latella, sur le noisetier, — sont naturellement asep-
tiques, tant qu'elles restent sous l'épiderme de la
leiiille. Mais surtout, le problème de la vie asep-
tique a été résolu pratiquement et à grande échelle
par Delcourt et Guyénot [g^) sur les Drosophilcis
I.A VIE ASEPTIQUE 349
et leurs résultats ont été confirmés par des auteurs
tels que J. Loeb. Delcourt et Guyénot ont réalisé
pour cela une technique précise, grâce à laquelle l'éle-
vage se fait régulièrement — comme la culture pure
d'une espèce bactérienne — et infiniment mieux
que dans les conditions ordinaires. Guyéxot (loy) a
poursuivi cet élevage aseptiquement pendant près de
5o générations successives, chacune comprenant des
milliers dindividus, sans que jamais il y eut de
symptômes défavorables.
L'intérêt de ces recherches n'est d'ailleurs pas
seulement dans la démonstration de la possibilité
de la vie aseptique. Cette méthode, comme l'a mon-
tré GuYÉNOï, met l'expérimentateur en possession de
conditions de milieu absolument constantes pour
l'étude précise des problèmes fondamentaux de la
nutrition. Or, dans les mouches ainsi élevées, on ne
trouve aucun des symbiotes que Portier considère
comme essentiels.
Mais, en réalité, tout ce qui précède n'a trait qu'à
des côtés secondaires de la théorie des symbiotes,
telle qu'elle est formulée par Portier. Le point
essentiel, en efïet,est le dualisme de constitution de la
cellule, l'existence — absolument générale — à son
intérieur, d'organismes autonomes qui seraient les
mitochondries. Iltautdonc apporterlapreuveque les
mitochondries sont bien des organismes autonomes,
des bactéries adaptées à la vie intracellulaire, en les
extrayant delà cellule et les cultivant. Cette preuve,
Portier déclare l'avoir réalisée, à partir de divers
organes glandulaires des Mammifères, principale-
ment des testicules, où l'appareilmitochondriala été
350 LA SYMBIOSE ET LA VIE CELLULAIRE
très étudié parles cytologistes, dans la lignée sémi-
nale. Mais, en réalité, les opérations de Portier
se rapportent surtout au tissu adipeux péri-testi-
culaire ; il a obtenu aux dépens de ce tissu, — en
s'efïorçant d'opérer d'une façon rigoureusement asep-
tique —des cultures qui seraient celles de sy rabiotes
intra-cellulaires, et il a étudié les propriétés phy-
siques et chimiques de ces organismes.
A vrai dire, il n'obtient pas ces cultures de façon
constante et les conditions où elles se produisent ne
sont pas précisées. Mais une première objection à
son interprétation résulte de ce que les organismes
cultivés ont des propriétés qui sont inconciliables
avec l'hypothèse que ce seraient des mitochondries.
Ils se cultivent d'abord avec une facilité para-
doxale, sur du bouillon ordinaire de ba*ctériologie,
additionné de 5 o/o de glycérine et de i o/o de nitrate
de potassium. Or, on sait combien il est difficile, en
général, de trouver un milieu convenant à des bacté-
ries adaptées à des conditions aussi spéciales que la
vie intracellulaire. On n'a pas encore pu réussir à
cultiver le bacille de la lèpre, dont l'authenticité n'est
pas douteuse. Dans d'autres cas où on avait cru
cultiver des formations bactéroïdes intracellulaires,
comme celles de la Blatte [Bacillus euenoti de Mer-
cier), il est aujourd'hui plus que probable que l'or-
ganisme cultivé était une impureté (Javelly, i i4)'
Il serait donc au moins surprenant que les mitochon-
dries, formes extrêmement modifiées, à supposer
que ce fussent des bactéries, se laissassent cultiver
aussi aisément dans un milieu banal.
Les propriétés de la culture ne sont pas moins
MITOCHONDRIES ET SYMBIOTES 351
bizarres. Les bactéries sont extrêmement poly-
morphes. Elles résistent étonnamment à la chaleur,
à ii5 degrés en milieu humide, à i45-i5o degrés en
milieu sec. Le voile immergé dans l'alcool absolu et
le chloroforme résiste des mois entiers ; deshydraté,
il peut être porté à l'ébuUition dans ces deux liquides,
ou chaude à 120 degrés en tube scellé dans l'acé-
tone. Enfin ces bactéries sont mobiles et aérobies
strictes.
Or, par contre, des observations précises de
divers auteurs notamment de Regaud (140) et de
GuiLLiERMOND (io^), nous ontapprisque,dansles cel-
lules, les mitochondries observables sur le vivant,
sans l'action d'aucun réactif, sont des formations
extrêmement fragiles ; une faible variation de ten-
sion osmotique les fait se gonfler et disparaître ;
elles ne résistent pas à une température supérieure
à 4o degrés. Elles sont détruites aussi par l'alcool et
parles acides, même étendus. Pour les conserver, il
faut des fixateurs spéciaux, comme le formol. Ce
sont des formations homogènes, des corps semi-
liquides, malléables, sans structure, alors que les
bactéries ont une forme rigide et une structure pré-
cise et qu'elles résistent aux réactifs les plus divers.
Convenablement fixées et colorées, elles ont, il est
vrai, dans les préparations, une silhouette qui rap-
pelle les bactéries, mais c'est là une ressemblance
contingente et tout à fait superficielle.
En se basant sur ces considérations, les histo-
logistes, et parmi eux Regaud, Guilliermond, La-
GUEssF, considèrent l'identification faite par Portier
comme absolument impossible. Les mitochondies
352 LA SYMBIOSE ET LA VIE CELLULAIRE
sont des corpuscules intracellulaires, dérivant peut-
être toujours les uns des autres par division, jouant
certainement un rôle considérable dans les différen-
ciations et les synthèses intracellulaires, mais dont
les propriétés authentiques sont inconciliables avec
celles des bactéries cultivées par Portier et dési-
gnées par lui sous le nom de symbiotes.
Ces propriétés, comme Portier le reconnaît, rap-
pellent aux bactériologistes, soit celles du BacUlus
siibtilis qui aurait été introduit au cours des mani-
pulations (les prélèvements aseptiques de certains
organes sont extrêmement difficiles à réaliser), soit
celle de saprophytes banaux, pourvus de spores,
qui peuvent occasionnellement franchir la barrière
extérieure ou intestinale de l'organisme et s'immo-
biliser à l'état de spores dans des organes ou des
tissus. Des expériences de contrôle, faites contradic-
toirement, à la demande de la Société de Biologie,
par MM. Portier et Bierry d'une part, L. Martin
et Marchoux de l'autre, ont conduit les quatre
expérimentateurs aux conclusions suivantes :
« lo Le transport de morceaux d'organes d'un ani-
« mal dans des milieux de culture est toujours difficile à
« réaliser avec une asepsie constante. C'est une des
« opérations les plus délicates de la bactériologie ;
c( 2" On n'obtient généralement pas de culture en par-
ce tant d'organes sains quand, pour ensemencer les
« milieux, on se sert de pulpe de testicule, recueillie au
« moyen d'un tube effilé de Pasteur.
«3^0npeut rencontrer, dans des conditions et des pro-
« portions qui, pour être fixées, exigeraient un nombre
« considérable d'expériences, des microbes dans les tes-
CONCLUSIOiNS 353
« tieules, quand on opère avec des. organes entiers ou
« des fragments volumineux. La présence de ces mi-
« crobes dans les testicules n'est pas un fait constant, il
« est impossible dès lors d'affirmer leur existence à
«l'état normal ))(C. R. Soc. Biologie, i, 83, p. 654,
8 mai 1920).
Par conséquent, il ne peut être considéré comme
acquis que Ton a cultivé des microbes normaux in-
tracellulaires, encore moins les mitochondries.
On n'est pas davantage fondé à dire avec Portier
{Les Symbiotes, p. 79), que des mitochondries ont
été antérieurement cultivées in vitro, en en donnant
pour preuve les bactéroïdes des Légumineuses.
Celles-ci ont bien été cultivées et sont des orga-
nismes autonomes. Mais elles n'ont en commun avec
les mitochondries que d'être intracellulaires.
La thèse de la symbiose intracellulaire normale et
primordiale, telle que la pose Portier, ne repose
donc pas sur des faits authentiques établis expéri-
mentalement et la théorie cellulaire classique sub-
siste actuellement tout entière. Cela n'écarte pas
toute possibilité de réalité pour les idées de dua-
lisme cellulaire et l'existence d'organismes intracel-
lulaires autonomes. Mais la démonstration en reste
entièrement à faire (i), et d'autre part, il est, tout
aussi naturel, sinon beaucoup plus, d'attribuer à la
I. Portier, dans son livre, a été conduit à réviser toute
la Biologie générale, pour la placer sur la base de sa théorie
symbiotique. Les faits fondamentaux étant caducs, ces vues
hypothétiques n'ont qu'un intérêt spéculatif. Les problèmes
de la carence et des vitamines notamment, sont susceptiblse
de solutions indépendantes dessymbiotes,maisqu'iln'y apas
M. Caullert. — Le Parasitisme 12
354 LA SYMBIOSE ET LA VIE CELLULAIRE
cellule elle-même la faculté de réaliser les fonctions
essentielles de la vie, que de l'imaginer impuis-
sante et ne pouvant assimiler que par l'intermé-
diaire de bactéries.
La symbiose reste donc, pour le moment, dans les
organismes ]^luricellulaires, ou dans la cellule
considérée isolément, un phénomène exceptionnel ;
on en connaît des exemples ayant une grande exten-
sion, et on lui trouvera ultérieurement une exten-
sion plus considérable ewcore. En l'état actuel de
nos connaissances, elle ne représente aucunement
la forme fondamentale de la vie cellulaire .
Si l'on cherche à dégager une conclusion d'en-
semble des faits analysés dans ce volume, on arrive
à la notion qu'il n'existe entre eux aucune distinc-
tion de nature. Gommensalisme, parasitisme, sym-
biose ne sont que des catégories créées par nous et,
dès que l'analyse y pénètre, il devient impossible
de les délimiter.
Sous des aspects variés, ils ne sont que des mani-
festations de la concurrence vitale, caractérisées par
une spécialisation dans la façon dont elle s'exerce,
mais dépourvues de toute finalité ou harmonie préé-
tablie. Ont persisté les associations qui se soldaient
lieu d'envisager ici, mon seul objet étant d'examiner les
fondements de la théorie symbiotique. On trouvera, au sur
plus, une discussion de beaucoup des questions qui s'y
rattachent dans le livre de A. Lumière : Le mythe des sym-
biotes*
CONCLUSIONS GÉNÉRALES 355
par un bilan compatible avec l'existence et la perpé-
tuation des associés ; beaucoup d'autres ont dû se
réaliser occasit)nnellement, mais n'ont pas subsisté
faute de satisfaire à cette nécessité .
En passant des conditions normales d'existence
des formes libres à celles où ils sont associés, les
organismes ont subi des déformations multiples et
parfois énormes, qui sont l'illustration la plus frap-
pante peut-être de la réalité de l'Evolution, et sur-
tout de l'influence du milieu sur les organismes,
mais la diversité capricieuse de ces déformations
indique que les transformations évolutives sont
conditionnées surtout par les propriétés intrin-
sèques des formes vivantes.
BIBLIOGRAPHIE
Il ne peut être question de donner ici une biblio-
graphie étendue du parasitisme et de la symbiose.
Pour certains groupes entièrement parasites,ce serait
tous les travaux publiés sur eux qui devraient être
énumérés. Le présent index comprend les mémoires
cités dans ce volume et quelques livres ou travaux
permettant de s'orienter rapidement dans un groupe
de parasites donné ou dans une question particu-
lière. Les mémoires ou livres contenant une docu-
mentation bibliographique importante sont indiqués
par une ou deux astérisques (*, **).
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ERRATA
Pages
: : lignes .
au lieu de :
lire :
67
24
départ
début
74
6 et 9
Tuniciens
Euniciens
95
1
le parasitisme, tant
le parasitisme ; tant.
chez les tubes
chez les tubes
97
I
Eutoconcha
Entoconcha
162
4 (du som-
maire)
Schistosonum
Schistosomum
i83
12
qui vit dans
qui vit sur
188
6
Tryponosomes
Trypanosomes
217
dernière
spécifité
spécilicité
232
3
préétable
préétablie
255
dernière
porteur
porteurs
260
3
sur de témoins
sur des témoins
267
i5
plurinuclées
phirinucléées
269
1
Hapalacarcimis
Hapalocarcinus
270
21
intéressants
intéressantes
3i7
8
Hippophœ
Hippophae
35 1
av. dern.
Laguessf
Laguesse
353
id.
susceptiblse
susceptibles
INDEX ALPHABETIQUE
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES
Pages
Abothrium 167
Acacia 02 53
Acanlhobdella 69
Acanlhocéphales (migra-
tions) 179
Achrsea 38
AcuariidcV 176
Adamsia, 26, 26, 27, 28,
29, 32, 33 282
jEga 59 J02
Agamogooie 198
Ageniaspis 2o5
Aggregata 180 220
Alcocq 63
Alepas 63
Allantonema 192 196
AUélositisme Sog
Alpheidap 19
Altmann 34'
Alydus 37
Amphilina • 200
Aniphlprion • 17
Ainphistomum '72
Anceus 102 io3
Anclïistus 58
Anchorina 2i4
Ancylostomum . . . . 71, 235 252
Ancyroniscus . . . . ii3, ii5 117
Pages
Anelasma 63 ia6
Anergates 47 5a
Anlhomyidse i5i
Anticoagulant (ferment). . 71
Apanleles i53 i55
Apathy 71
Aphis 45
Apogonichlhys 58
Apothécie 3o8
Archigeles 167 200
Arête 19
Artari 3i2
Ascaris... 195,236,237, 25i
Aspidosiphon 20 2 £
Asterophila 83 84
Astomala 70
Aslrochordeuma 268
Alemeles 38, 4o 47
Athelges 107
Atta 54 55
Attaphila 37
Altraclonema 196
Auchmeromyia . . . . 67,22'! 24o
Aulax 278
AurtlVlLLlUS 33
AWERINTZEFF 285
AïERS i59
Azleca 54, 55 56
390
Pages
Bacteriam tumefaciens ..... 279
Bactéroïdes 298
Balanoglossus 21 22
Balbiani 291
Bary a. de 281 3ii
Baur 95 97
Béchamp 34l
Beckia 87
Beijerinck. 276, 285, 286
3i2 3i6
Beneden P. J. van. . . i64 i65
Bequaert 289
Bernard Noël, 3i3, 32i et
suiv 337
Bierry 302
BiLHARZ 173
Bilharzia.. 172, 178, 176 198
Biontergasie . . 33
Bithynis 19
Blehparipa 238
Blochmann 298 299
BoasJ. E. V. . . , 119
BCEVING ^2
BoNNiEa G 3o9
BONNIER J. 24, 106, 109,
2i5, 255 268
Bopyridœ, 106, 107, et
suiv. 193 262
Bornet 309 3ii
Borrahaile 20, 3o 3i
Bothriocephalas 167 168
Bouffard t86
Bouvier 20, 23 283
Braconidse i5o
Bradynema 192
Bradypus 55
Brandt K 285, 288 289
Braula 43
Bruce i84
TABLE ALPHABETIQUE
I Pages
Brumpt 186
Buchner 294
BuGNio^' 208
Bunodeopsis 3o 32
Biiphàgus 35 36
BUKGEFF 326,327 332
BURGER 28 2^
Cabiropsidœ . . . .107, ii3 ii4
Galandruccio 169
Calliaciis 24
Cancncepon . io4
Capulidœ 83 84
Caranx 18
Carcelia 228
Carcmu5 (castr. parasi t.). . 258
Carteria 287
Gary 2o3
Caryophjllœus 200
Caryolropha 265
Cassis 26
Gastration parasitaire 254 et suiv.
Gaullery (M.) ii4, Ii5,
i3r, i36, 187, i44, i46,
248 267
Gécidie 245, 270 et suiv.
Gécidogène. . . . 66, 270 et suiv,
Cecropia 52, 53 55
Géphalodie 809
Géphalopodes (org. lumi-
neux) 3oi et suiv.
Gercaire 170
Cercocyslis t66
Gerrutj l46
Gestolaires 167
Gestodes (migrations) i63
et suiv 200
Cetonia , 87 38
Chaeromyia 224 24o
ChXLopleruS 22
DES AUTEURS ET
Pagres
Chalcididœ i5o
Chitton. 60 367
Cheimatobia i54
Ghevreux , 28 24
Chlamydomonas 286
Chlamydophrys 66
Chlamydopsis 88
Chlorella 286
Ghodat 56, 3 1 4 3 1 5
Chondroniyces 3i6
ChrYSomyia 2^
Cicadomyces 299
GlENKOVSKY 283 285
Cirolana 19
Claparède 398
Claviger ...... /ji, 4^, 46 47
Gleptobiose 49
Clypeoniscus 117
Clytra 87
Coccidomyces 294
Cceloplana 66
Cœnurus 166
GOHENDT 348
GOLLIX 62
Comanthus '; . 19
Commoptera 43
Compsilura 229 288
Conte 392
Copidosoma 307
Goracidie 167
Cordia 56
Cordylobia 34o 264
Coronula 63
Cothurnia 61
Goupix 34, 25 59
GOUTIÈRE 19 126
GOWLES 26
Crabes (Déguisement) '62 83
Crambactis in
DKS MATIÈRES 391
Pages
Crambessa 18
Creinastogailer 44
Cr inoniscus 117
Crossocosmia • . . . 288
Crotophagus 35
Crypsidomus i3o
Cryptonionas 286
Cryp toniscidx 1 06 , 112,
118, ii4 ii5
Gryptoniscienne (larve). . . io5
Clenoscuhim 83 84
Cucullanus 176
GuÉNOT 248 298
Culcita 19 58
Cumœchus 2i5
Cumonsicidœ 107
Cunina 94 200
Cyamus 64 69
Cyclopodia 289
Cymothoidse 69, I02, 108. Il6
Cynipidœ i5o 276
Cypris (larve) 120 et suiv. .
Cyproniscidœ 107
Cysticerques i63 et suiv,
Cystoccoccus 812
Daclylophorus 2i4
Dajidse 106, 112 198
Danalia 107 ii3
D.\>GEARD 288
Daniloff 3ll
Darwin 48 49
Dastre 35o
Davainea 166
Déguisement (des Grabes),
32 33
Delage (Y.), 131, 128, 124 34o
Ûelcourt • 848 349
Dendrosomides 62
Dermatobia 24 1
392
TABLE AI PH
Pages
Dexiulœ 25 1 2 38
Dexodes 3 38
Dic)'émi(Jes 197
Dinarda 37
Digénéliques (Trémalodes)
169 2o3
Diplodiscus 2o3
Dipylidniiu. i65 166
Discop}irya 62
Dislonmm, 170, 171, 172,
173, 2o3, 218, 240.... 255
DOFLEIN 32, 63 285
DoUurn 26
DOLLFUS (R.) 2o3
Doropygus 60
Dorylus 43
Dromie 33
DniiDE 32 I
Dubois (R.). . . . 247, 34ï 343
DuBOSCQ, 180, 181, 2 1 4,
220 260
DuERDEM 30, 3l 34
Dulosis 48
Duplorhis 126
Ecfxeneis 16
Echinocordiuni 21
Echinococcus 1O6
Echinoslomuin 171
Echinolhrix 20
Eciiochara 47
Ecilomorplia 38
Ecitomyia 43
Ecilon 43 47
EisiG 71, 73 cl suiv.
Elekkine 337
Elfving 3io
Emeky 37, 53 58
Encyrtus, 2o5, 206, 207,
311 212
ABETIQUE
Pages
Endehs 22
EngrauUs 19
Enlerocola 60
Enteropsis 60
EiiU-roxenos . . . 84, 95, 96 98
Enihylacus ii3
Enlocolax 83, gô 97
Entoconcha, 84, 94, 95, 96
97 98
Enloconchidse, 83 84, 94, 99 192
Enlomophagcs (Insectes),
i5o, et suiv.
Enioniscidœ 106, 108, 110,
ii4, 193 194
Enlovalva 82
EnT2(G.) 283
Ephippodonta 82
Epicaricles, 69, 102, io3 et
suiv. 262
Epiph^les 61
Epitelpfiusa 59
Epizoaires 61
Epizoanlhus 26 28
Epœcus 52
EnicKsoN 3i I
EscHERicii 4i, 46, 299
Esclavage (Fourmis) 48 et suiv.
EucocrÀdium 180
Eacoiia i58
Eulimidœ 83, 84, 94, 99
Eiimedon 20
Eupagiirus, 23, 25, 27, 33, 282
Eupeleleria 238
Eurytonia 56
Euslrongylus 235
Fabre 321
Fammizin. . 284, 286, 288 289
Faccheron 292
Falré Frémiet 61
DES AUTEURS ET DES MATIERES
393
Pages
Faurot 26, 29
Faussek i48
Fecampia 234
Fieras fer 67, 58
Fi/aria, 176,177, 178, i83, 233
FiLippi (de) 247
FiSKE i54
Flabellicola i3o
Fleming i48
FoREL. 37, 45, 48 5o
Formica, 38, 39, 4o, 42,
49, 5o, 5i 02
Formicoxenas 38 5o
FORSÏER 236 237
Frank 3i8 334
Free-Marlin 262
Galippe 342
Gallaud 319 3ao
Galleria 38
Galles 267 et seq.
Gamble 287 289
Ganin i58
Garnault 298
Gasterostomum 172
Gastrosiphon, 84, 90, 91,
9^,9^, 96, 97 99
Geat. 19
Georgevitch 287
GlARD, 22, 3l, 32, 106,
109, 124, 137, i38, i4o,
i4i, 201,207, 2i5, 217,
246, 247, 254,255,257,
258, 259,262, 263, 270 346
Glochidium, 82,147 et suiv.
245, 264, 265 270
Glossina i85
Glyptus 48
Gnalhia . 70, 102, io3, ii5 i42
Gnathomysis 24
Pages
GnathosylUs 76
Gnomoniscus ii4
GOLDSCHMIDT (R . ) 26 I
Gonospora 2 14 248
Graff (L . von) 287
Grassi (B.) 169 182
Gravier 22 i3o
Grégarines 265
Guénée 44
GuiLLlERMOND 35 I
Glyénot 348 349
Gonzalez 174
Gordiens i49 179
Gyrocotyle 200
Hadzi 287
H.ECKEL 94
Hxmalocleples i46
Hœmocera i38 i39
Hxmogregarina i83
[lœnioproteus 181 i83
Flaliotis 5q
Hamann 286
Hansen (H.-J.) 106 2i5
Hapalocarcinus 20 268
Uaplosporidiam. 267
Haplosyllis 74
Harmer (S. -F.) 211
Harmolhoë 24
Harms i48 149
Hartmann 198
Haycraft 71
Heath. 63
Hellriegel 3 16
Hélotisme. 3ii
Hemioniscidœ . . . 107, ii3 ii4
Hënneguy 298
Hepatas 28
Herdman 247
Herpin 82
39^
TABLE ALPHABETIQUK
Pag'es
Hersiliodes 22
Hertwig (O.) 282
I1esse(E.) 102, 2 15 265
Hetaerius 87, 38 42
Heterocentrotus " 19
Heterocyathus 20
Heterodera 256, 270 278
Hétérophysaire (complexe) 2 46
Heteropsammia 20 21
Hétéroxènes (Parasites) i63
et suiv
Hexacanthe (embryon) i64
et suiv
Hippobosca 67
Hippolyiidse , 19
Hipponoe 69
Hislriobdella 64
Hoffmann 246
Homœopraxie i58
Homophysaire (complexe). 246
HoRNELL 247
Howard i54
UuBER 45
Huxley 291
Hjas 32
Hydnophyllum . 62
Hydraclinia 24, 25, 63
Hymenolepis 166, 169, 188,
200 219
Hyperina 18
HyperparasiLes i3 i54
Hypocoina 62
Hypsagomis 63
Icerya i53,293 295
Ichneumonidœ . . . . i5o
Ichthyocodium 63
Ichthyonema 176
Ichlhyotomus . ... 71,' 78 et suiv.
Ichthyoxenus io3 198
Pages
Ihering h. von. . . 54, 55 56
/nac/iu5(castr.-parasit.) 260,
261 262
Inquilinisme 57 et suiv.
Intermédiaire (Hôte) i63 et suiv .
Intersexualité 261
Irmisch 321
Isaria 346
Iturbe 174
Jameson L 247
Janet Gh 46
Javelly 298 35o
JOHANNSEN 34o
Jordan K. H 4o
Joyeux 219 220
Jungersen 63
Kamimski 3i8
Karawaiew 299
Karyolysus i83
Keeble. . . 286, 287, 289, 290
Keilin. i58, 159, 161,239, 254
Keppen 198
Kermincola 294
Klossia 180
KocH i46 186
KOEHLER 85, 81 87
Kuncrel d'He roulais. ... i57
KÛCHENMEISTER l63
Labidognaihas i46
Labrorostratas i46 i47
Laenilla . . . 22
Laguesse 35 1
Lameere 198
Lamellaria 66
Lang(H.). 36
Lankester (Ray) 288
Lasidium i49
Lasius 38 42
Laurent 3 16
DES AUTEURS ET DES MATIERES
395
LAVA.rxÉE
LavERAJ^ 217, 202
Lecanium , . . . .
Le Dantec
Léger (L.), 180, 181, 186
187, 188, 2i4, 220, 248
2^9
Leiper
Leishmania
Lelaps.
Lepas
Leptothorax
Lernœodiscus
Lestobiose
Letellier
Leuckart
Leacochloridium .
Leucocytozoon. .
Leydig 147
Lichens 807 et
LlCHTENSTEO ( J . )
LiEBIG
Ligula
Lillie(F.-R.) 261
Limncrium
Lindner
Liparis {dispar, chrysor-
rhœa), JD2 et suiv. 228,
229, 248, 249
Linguatulides (migrations)
Liptotena
Liriopsidae 107, ii3
Lissocarcinas. . .
Lithocystis 248, 249
Lithomastix 207
Lœs (J.) 279
Loeb (L.) 71
Loimia
Lomechasa, j38, 89, 4o, 4i
Pages
i44
265
i53
384
200
174
186
37
59
52
120
3i5
197
171
i83
292
suiv.
157
3i6
167
262
248
292
261
179
67
255
19
347
208
349
252
22
[78, 235
Pages
47
252
63
354
18
7&
44
Looss
Loxosoma
Lumière (A.)
Llxel
LvTz 174
Lycœna 44
Lycopodiacées (mycorhizes
des) 321 336
Lynchia 67
Lysiosquilla 22
Me Gallum 181
Macroergates 253
Magnus 275 333
Malacobdella 59
Malaquin. . . .24, 74, i38 189
Mâles complémentaires. . . 194
Malpighi 273
Mangan 287
VIa>son (P.) 177
Marchal, i54, i58, i59 ;
2o5, 206, 207, 208 211
Marchoux 352
Martin (L.) 352
Megadenus 84 87
Melia 3o, 3i 82
Mélophage 67
Mercier 298 353
Mermis 253
Mesml (F.), ii4, ii5, i3i,
i36, 187, i38, 2i4, 207,
280, 242, a48, 252, 265 267
Messor 49
Métacercaire 171
Metchnikoff, 291, 292,
346 348
Metopina 43
Micaria 87
Microdon 87
396
TAKLK ALPHABETIQUE
Pages
Microniscus io5
Migrations i63 et suiv.
Miineciton 38 Ai
Minch:n. i88
MlNKIEVVlCZ 83
Minous 63
Miracicliuin J78
Mitochondries 3^1 et suiv.
McEBlUS .
MOLLIARD,
256.
2^3.
274, 278
McELLER 3o8, 309
MONIEZ
Monocystis (Cestodes) ....
Monogénétiques (Trémato-
des)
Monomorlurn
Monslrdiidx. . . i36 et suiv.
Monlacata 21
M0HEAU(F ) 3l2
35
3o
323
3i3
292
166
169
52
207
82
84, ^^
53, 54
■ '..94
Molacilla
Macronulia . . . .
MûLLEK (Frilz)
MÛLLER (J.). . .
Mulualisuie . . .
Mya.
Mycétome. ... 291, 298 et suiv.
Mjcétocyle 293 et suiv.
Mycorhizes 3i6 et suiv.
Mj'iascs 161
Myrmecodia 52
Myrmecophila 87
Myrmécophiles 36 et suiv.
Mynneilonia 38
Myrmécoxènes 87
Myrus 73 74
Myxobactéries 3i6
Myxucystis 266
M)Z()slomes 69
Nabis
N^GELr
Nagana
Naucrales
Neclonema
ISématodes (hétéioxènes) . .
Nemalopsis 180
Nephromyces 281
Nereilepas 24
Nereis
NicÉviLLE (de)
NiEUSTBASZ
Nodosités (à bactéroïdes).
Noineas
Nonagria 346
Nosema 242, 266
Nolodelpfiys
Novius . ......'.
ISudiclavu
NcTTALL
Nychia . .
Nyclolhcrus
Oberthuu
Odoslomia
OEcophylla
OEstridx ... 71, 1 5 1 , 2 'i i
OUgognalhùs
Ollulanus
Oiicosphèrc i64 et
Oocinèto
Ooneides
Oosiégiles
Opaline .... 65
Opercalariu
Ophiodiomus
Ophioglossécs (mycorhi-
zes des) 32 1
Ophioseides
Ophryodendron
Pages
37
34o
220
16
Ï79
290
43
24
44
100
3i6
18
347
347
60
i53
63
348
23
65
44
82
32
255
i46
176
suiv.
182
60
108
70
61
22
336
60
62
DES AUTEURS ET DES MATIERES
397
Pages
Ophryoscolecidâe 65 282
Orasema i58
Orchidées(Mycorhizesdes),
822 et suiv.
Ornilhomyia 67
Orlhonectides, 1^3 et suiv.
199 • 255
Pachycondjla ^3
Pagures 28 et suiv.
Pantel 338
Parabiose 5o
Paracopidosomofjsis . ...... 208
Paragonimiis 172 176
Parasites hématophages. . . 71
intermittents. ... 66
Parasitosyllis 74
Parexorisla 229 288
Parlhenopea 120
Passeromyia 24o
Pasiel'r 65,2^2 347
Patterson 207 208
Paussus 4i 42
Pecten , 29
Pelseneer 82 i38
Pelseneeria 84, 87 88
Pérez Gh 24. 58 266
Pérez J 258
Perigonimus 63
Pelloyaster, 1 13, lao, 126,
127, 128, 2o5, 255. . . 261
Perilampus i58
Peringuey. 4 •
Perles 247
Pfitzer 827 828
Pkeidole 4i
Phellia 3o 82
Phormia 67 2 4o
Phronime 09
Ph)'tozoaires 289
Pages
Picard (F.) t57
PlERAlNTONI, 291 et suiv.,
3oi et suiv. 842 _ 344
PrÉRON 52
Pinna 58
Pinnothère 59
Pionodesmotes 268 269
Piropiasma 243
Placentaire (Parasitisme). i42
Planidium (larve) t58
Plasmodium. . . . . 221,280 288
Plate 17 58
Plalyarlhnii 87
Plalyceras 88 84
Plalygasler. i58 208
PlérocercoùJe larve) '67
Pleurocrypla 216
Phyxus 107
PhyUomyza 3^
Pliysocephalus '7^
Physogastrie 47
Pocillopora 19
Podasconidx 106 1 14
Podocoryne 2 5 68
Polia . 64
Pollenia 161, 289 248
Pnlycercus 202
Polydectes 3o
Polyembryonie 2o5
Polyergus 5i
PolygnoLu<i 207 211
Polyonyx 2 3
Polypodium 200
Poniania 275
Ponlonia 58 59
Poriles 19
Porospora 180 181
PoRTiE.^ 342.. et suiv.
Porluràon.. 109, iio, 2i5 219
398
TABLE ALPHABETIQUE
Pages
PoTTs(F. A.). 19, 20, 74,
[26, 127, 128, 261 268
Praniza 102, io3 io5
Prenant 298
Priapion 216
Prillieux 821 333
Procercoïde (larve) 167
Proctotrypidœ i5o
Prophylaxie Irophique. .. . 2 23
et suiv ,
Proteosoma 182 328
Protélien (Parasitisme) ... i35
et suiv,
Protocalliphora 67 34o
Protocorme 324
Provisoire (Hôte) i63
et suiv.
Pseudomyrma 56
Pseudopallium 87
Pseudovitellus 291
Psyllomyia 43
Pierocephalus 2i4
Phromalus i55 167
Plychodera 21
Puccinia 189
PuUcaria 267
PUTNAM 292
Pycnosoma 289
PyramidelUdx 82
QUATREFAGES de 76
Qaedius 38
Ransom 236, 237
Rathre 262
Rédie 170
Rees 3o9
Regaud 35 1
Reinke 3l2
Reissek 821
Rémora 16
Pages
Reuling 264
Reuss 2o3
Rhahdonema 19a
Rhipicephalus 178
Rhizobium 278
Rhizocéphales 118 2o4
Rhizoctonia 826 et suiv.
Rhizostoma 18
Rhopalona 2i4
Rhopalura j44, i45, 192,
198 255
RiLEY i53
Robillardia 84
Rodhain 289
RosEN (F.). . . . 167, j68. 220
Rosenia 84, 87
Ross (R.) 182
ROUBAUD.. 177, 188, 222,
223, 224, 225, 226, 280,
281, 24o, 24i, 244, 264,
299' ^'^o
ROVELLI (B.) 169
Sabbatini 71
Saccopsis i3o
Saccalina. . . . 118, 118 et
suiv 2 53
Sagartia 28, 25, 26, 27,
3o, 82 33
SAiNT-JosEPH(de), 22, i46, i47
Sarcocystine 252
Sarcophagidae i5i
Sarcolreies 63
Sars(G.-0.) io5, 2i5
Scalpellum 63
SCHACHT 821
SCHAUDINN 286
ScHEWIAK.OFF 284
SCHIMKEW^ITCH 125
SCHIMPE R 53
DES AUTEURS ET
Pa^es
Schistosomum 172, l'S,
175, 218 287
Schizogenèse 201
Schizogonie 196
Schizosaccharomyces 292
Schizotrypanum i85
SCHLOESING 3 16
SCHMARDA 7^
SCHWENDENER. . . 281, 309 3ll
Scioberetia 82
Scopelus 63
ScatelUsta i52
Selysina 267
Sémfer. . . 20, 58_, 59, 86 268
Sekera 287
Sergent 220 226
Seurat 18, 19, 20 247
Sharp i5o
Shibata 333
S1EDLECK1 265
SïG5onET 292
SlLVESTRI 207 208
Sluiter 17 20
SiiiTH(A. J.) 71 352
Smith (E. F.).. 278,279 280
Smith (Geofif . ) 12/», 12 5,
127, 128, 253 258
Solenopsis 38, 43 49
Soridie 3o8
Spha^rularia 196 197
Spirachtha 47
Spéngel i46
Sphxromidx I18
Spirocerca 176
Spiroptera 17&
Spongicola 59
Sporocyste 170
< Stahl 3o9
Staphylocystis 202
DES MATIÈRES 399
Pages
Stasisia 24o
Stassano 25o
Staiirosoma 217
Stempëll 266 267
Stephensen 268
Stewart 236
Stoecharthriim 192
Stomatome 55
Strombus 26 58
Strongyloïdes 236
Stuhlma:<n 299 3oo
Siylactis 63
Slylifer...... 84, 89, 91 92
Stylocomeles 62
Stylops 258
Suberites 33 34
Sllc 292, 293, 296 299
Sunaristes 24
Sycosoter 167
Symbiose. ... 281 et suiv.
S vmbiotes 344 et suiv .
Symphiles 37 38
Synapticola 82
Synechthres 37 38
Syngamas I93
Synolpheus 19
Synoecie i4
Synœques 36 38
Systropus iSy
Tachioaires i5i, 228 237
T a'nia ...1 64 et suiv. 196 202
Termes 48
Termitobia 47
Termitomorpha 47
Tetrilus 37
Tetramorium ^2
Termitophiles 36
Termitoxènes 37
Thalessa 107
400
TABLE ALPHABÉTIQUE
Pages
Theiler 243
Thierfelder 348
Thimrii 226
Thompson (W.-R.) 2^9
Thompsonia 120, 126, 127,
128 2o4
Thrixion 238
Thyca 83, 8^, 85, 86 99
Thylacie 245 268
Thylacoplethus 120 126
Thyreostenus 37
TiMBERLAKE 248
Tiques 243
TOBLER 3l2
TOWNSEND 238
Toxines
!5l
Trachichlhys 17
Trachyuropoda 37
Treadwell 74
Trématodes. lOg et suiv. 202
Treub 324
Triœnophorus 167
Trichinella 176
Trichodina 61
Trichomes 39
Trichonymphides 65
Trichophrya 62
Trophobiose 45
Trouvelot i53
Trypanosoina, i84, i85,
186, 220, 231 243
Tubicinella 63
Tulasne 326
Tylois
Typton
Unionidœ 147 et
Urceolaria
Urothoë
Vaney :. . . 85, 86, 87
Van Tieghem
Vejdovsky
Vriesûe.
Wahrlich
Warming
Wasmann, 36, 4o, 4i, 46,
47, 48, 49, 5o
Weinberg 71, 25 I
Weinland .
Weismann
Wesënberg-Lund
Wheeler, 4i, 43, 49, 52,
56, i58. 208..
WheelerieHa
Whitney
WiLLFAHRT
WiREN
WOLLMAN
WOODCOCQ.
Xenocœloma, i3o et suiv.,
i4o, i42, 193, 195, 217.
Xenodusa 38, 4o
YOSHIDA
ZiRPOLo 3oi, 3o2
Zoochlorelles 282 et
Zooxanthelles 282 et
Pages
38
59
suiv.
61
2T
99
3l3
292
34o
321
3ii
52
252
25o
34o
244
253
52
286
3i6
i46
348
220
270
^7
236
3o3
suiv.
Imp. JOUVE et C'%i5, rue Racine, Paris — 4998-21
Oaston DOIN, Éditeur, 8, place de l'Odéon, Paris-6*
ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE
Publiée sous la direction du D' TOULOUSE
Nous avons entrepris la publication, sous la direc-
tioQ générale de son fondateur, le D"" Toulouse,
Directeur à TEcole des Hautes études, d'une Ency-
clopédie SCIENTIFIQUE de langue française dont on
mesurera l'importance à ce fait qu'elle est divisée en
40 sections ou Bibliothèques et qu'elle comprendra
environ i.ooo volumes. Elle se propose de rivaliser
avec les plus grandes encyclopédies étrangères et
même de les dépasser, tout à la lois par le caractère
nettement scientifique et la clarté de ses exposés,
par l'ordre logique de ses divisions et par son unité,
enfin par ses vastes dimensions et sa forme pra-
tique,
I
PLAN oiNéRAL DB l'bNCTCLOP^DII
Mode de publication. — V Encyclopédie se composera de
monographies scientifiques, classées méthodiquement et formant
dans leur enchaînement un exposé de toute la science. Organisée
sur un plan systématique, cette Encyclopédie, tout en évitant
les inconvénients des Traités, — massifs, d'un prix global élevé,
difficiles à consulter, — et les inconvénients des Dictionnaires, —
où les articles scindés irratioonellemenl, simples chapitres alpha-
bétiques, sont toujours nécessairement incomplets, — réunira les
avantages des uns et des autres.
Du Traité, V Encyclopédie gardera la supériorité que possède un
ensemble complet, bien divisé et fournissant sur chaque science
Il ENCYCLOPÉDIE SCIEiVTIFlQUË
tous les enseignements et tous les renseignements qu'on en ré-
clame. Du Dictionnaire, V Encyclopédie gardera les facilités de
recherches par le moyen d'une table générale, l'Index de V Ency-
clopédie, qui paraîtra dès la publication d'un certain nombre de
volumes et sera réimprimé périodiquement. L'Index renverra le
lecteur aux différents volumes et aux pages où se trouvent traités
les divers points d'une question.
Les éditions successives de chaque volume permettront de
suivre toujours de près les progrès «le la science. Et c'est par là
que s'affirme la supériorité de ce mode de publication sur tout
autre. Alors que, sous sa masse compacte, un traité, un diction-
naire ne peut être réédité et renouvelé que dans sa totalité et
qu'à d'assez longs intervalles, inconvénients graves qu'atténuent
mal des suppléments et des appendices, V Encyclopédie scientifique,
au contraire, pourra toujours rajeunir les parties qui ne seraient
plus au courant des derniers travaux importants. Il est évident,
par exemple, que si des livres d'algèbre ou d'acoustique physique
peuvent garder leur valeur pendant de nombreuses années, les
ouvrages exposant les sciences en formation, comme la chimie
physique, la psychologie ou les technologies industrielles, doivent
nécessairement être remaniés à des intervalles plus courts.
Le lecteur appréciera la souplesse de publication de cette
Encyclopédie, toujours vivante, qui s'élargira au fur et à mesure
des besoins dans le large cadre tracé dès le début, mais qui cons-
tituera toujours, dans son ensemble^ un traité complet de la
Science, dans chacune de ses sections un traité complet d'une
science, et dans chacun de ses livres une monographie complète.
11 pourra ainsi n'acheter que telle ou telle section de l' Encyclo-
pédie^ sûr de n'avoir pas des parties dépareillées d'un tout.
V Encyclopédie demandera plusieurs années pour être achevée ;
car pour avoir des expositions bien faites, elle a pris ses collabo-
rateurs plutôt parmi les savants que'parmi les professionnels de la
rédaction scientifique que l'on retrouve généralement dans les
œuvres similaires. Or les savants écrivent peu et lentement : et
il est préférable de laisser temporairement sans attribution cer-
tains ouvrages plutôt que de les confier à des auteurs insuffisants.
Mais cette lenteur et ces vides ne présenteront pas d'inconvé-
ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE 111
nients, puisque chaque livre est une œuvre indépendante et que
tous les volumes publiés sont à tout moment réunis par VIndex
de V Encyclopédie. On peut donc encore considérer l'Encyclopédie
comme une librairie, où les livres soigneusement choisis, au lieu
de représenter le hasard d'une production individuelle, obéiraient
à un plan arrêté d'avance, de manière qu'il n'y ait ni lacune
dans les parties ingrates, ni double emploi dans los parties très
cultivées.
Caractère scientifique des ouvrages. — Actuelle-
ment, les livres de science se divisent en deux classes bien dis-
tinctes : les livres destinés aux savants spécialisés, le plus sou-
vent incompréhensibles pour tous les autres, faute de rappeler
au début des chapitres les connaissances nécessaires, et surtout
faute de définir les nombreux termes techniques incessamment
forgés, ces derniers rendant un mémoire d'une science particulière
inintelligible à un savant qui en a abandonné l'étude durant
quelques années ; et ensuite les livres écrits pour le grand pu-
blic, qui sont sans profit pour des savants et même pour des
personnes d'une certaine culture intellectuelle.
L'Encyclopédie scientifique- a l'ambition de s'adresser au public
le plus large. Le savant &péciîtiisé est assuré de rencontrer dans
les volumes de sa partie une mise au point très exacte de l'état
actuel des questions; car chaque Bibliothèque, par ses techniques
et ses monographies, est d'abord faite avec le plus grand soin
pour servir d'instrument d'études et de recherches à ceux qui
cultivent la science particulière qu'elle présente, et sa devise
pourrait être ; Par les savants, pour les savants. Quelques-uns de
ces livres seront même, par leur caractère didactique, destinés à
servir aux études de l'enseignement secondaire ou supérieur»
Mais, d'autre part, le lecteur non spécialisé est certain de trouver,
toutes les fois que cela sera nécessaire, au seuil de la section, —
dans un ou plusieurs volumes de généralités, — et au seuil du
volume, — dans un chapitre particulier, — des données qui
formeront une véritable introduction le mettant à même de pour-
suivre avec profit sa lecture. Un vocabulaire technique, placé,
quand il y aura lieu, à la fin du volume, lui permettra de con-
naître toujours le sens des mots spéciaux.
IV ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE
II
ORGANISATION SCIBNTIFIQUB
Par son organisation scientifique, V Encyclopédie paraît devoir
offrir aux lecteurs les meilleures garanties de compétence. Elle
est divisée en Sections ou Bibliothèques, à la tête desquelles
sont placés des savants professionnels spécialisés dans chaque ordre
de sciences et en pleine force de production, qui, d'accord, avec
le Directeur général, établissant les divisions des matières, choi-
sissent les collaborateurs et acceptent les manuscrits. Le même
esprit se manifestera partout : éclectisme et respect de toutes les
opinions logiques, subordination des théories aux données de
l'expérience, soumission à une discipline rationnelle stricte ainsi
qu'aux règles d'une exposition méthodique et claire. De la sorte,
le lecteur, qui aura été intéressé par les ouvrages d'une section
dont il sera l'abonné régulier, sera amené à consulter avec con-
fiance les livres des autres sections dont il aura besoin, puisqu'il
sera assuré de trouver partout la même pensée et les mêmes ga-
ranties. Actuellement, en effet, il est, hors de sa spécialité, sans
moyen pratique de juger de la compétence réelle des auteurs.
Pour mieux apprécier les tendances variées du travail scienti-
fique adapté à des fins spéciales, V Encyclopédie a sollicité, pour la
direction de chaque Bibliothèque, le' concours d'un savant placé
dans le centre même des études du ressort. Elle a pu ainsi réunir
des représentants des principaux Corps savants, Etablissements
d'enseignement et de recherches de langue française :
Insiital.
Académie de Médecine.
Collège de France.
Muséum d'Histoire naturelle.
École des H au te s- Études,
Sor bonne et Ecole normale.
Facultés des Sciences.
Facultés des Lettres.
Facultés de Médecine.
Instituts Pasteur.
Ecole des Ponts et Chaussées.
École des Mines.
ÉcoU Polytechnique,
Conservatoire des Arts et Mé-
tiers.
Ecole d^ Anthropologie .
Institut national agrotèomique.
Ecole vétérinaire d'Alfort.
Ecole supérieure d'Electricité.
Ecole de chimie industrielle de
Lyon.
Ecole des Beaux-Arts.
Ecole des Sciences politiques.
Observatoire de Paris,
Hôpitaux de Paris,
KNCYCLOPEDIE SCIEiNTIFIQUB V
III
BUT DB l'eîVCTCLOPÉDIB
Aa XYiii* Siècle, a l'Encyclopédie » a marqué un magnifique
mouvement de la pensée vers la critique rationnelle. A cette
époque, une telle manifestation devait avoir un caractère philo-
sophique. Aujourd'hui, l'heure est venue de renouveler ce grand
effort de critique, mais dans une direction strictement scienti-
fique ; c'est là le but de la nouvelle Encyclopédie.
Ainsi la science pourra lutter avec la littérature pour la direc-
tion des esprits cultivés, qui, au sortir des écoles, ne demandent
guère de conseils qu'aux oeuvres d'imagination et à des encyclo-
pédies où la science a une place restreinte, tout à fait hors de
proportion avec son importance. Le moment est favorable à cette
tentative ; car les nouvelles générations sont plus instruites dans
l'ordre scientifique que les précédentes. D'autre part la science
^st devenue, par sa complexité et par les corrélations de ses par-
ties, une matière qu'il n'est plus possible d'exposer sans la col-
laboration de tous les spécialistes, unis là comme le sont les pro-
ducteurs dans tous les départements de l'activité économique
contemporaine.
A un autre point de vue, V Encyclopédie, embrassant toutes les
manifestations scientifiques, servira comme tout inventaire à
mettre au jour les lacunes, les champs encore en friche ou aban-
donnés, — ce qui expliquera la lenteur avec laquelle certaines
«ections se développeront, — et suscitera peut-être les travaux
nécessaires. Si ce résultat est atteint, elle sera fière d'y avoir con-
tribué .
Elle apporte en outre une classification des sciences et, par ses
divisions, une tentative de mesure, une limitation de chaque
domaine. Dans son ensemble, elle cherchera à refléter exactement
le prodigieux eflort scientifique du commencement de ce siècle
et un moment de sa pensée, en sorte que dans l'avenir elle reste lo
document principal où l'on puisse retrouver et consulter le témoi-
gnage de cette époque intellectuelle.
On peut voir aisément que VEncyclopédie ainsi conçue, ainsi
réalisée, aura sa place dans toutes les bibliothèques publiques,
VI ENCYCLOI^EDIE SCIENTIFIQUE
un'vorsilaires et sfcolaires, dans les laboratoires, entre les mains
des savants, des industriels et de tous les hoimuco iastruils qui
veulent se tenir au courant des progrès, dans la partie qu'ils
cultivent eux-mêmes ou dans le domaine scientifujuo. Elle fera
jurisprudence, ce qui lui dicte le devoir dimparlialilc qu'elle
aura à remplir.
Il n'est plus possible de vivre dans la société modçrne en igno-
rant les diverses formes de cette activité intellectuelle qui révolu-
tionne les conditions de la vie; et l'interdépendance de la science
nepermet plusaux savants de rester cantonnés, spécialises dans un
étroit domaine. Il leur faut, — et cela leur est souvent difficile,
— se mettre au courant des recberclies voisines. A tous, Y Ency-
clopédie offre un instrument unique dont la portée scientifique et
sociale ne peut échapper à porsoiine.
IV
CLASSIFICATION DES MATIERES SCIENTJflQLES
La division àeV Encyclopédie ew Bibliothèques a fendu nécessaire
l'adoption d'une classification des sciences, où se manifeste né-
cessairement un certain arbitraire, étant donné que les sciences se
distinguent beaucoup moins parles diffcrence^ de leurs ohjttsque
par les divergences des aperçus et des liabitudes de notre ci?p!it.
Il se produit en pratique des interpénétrations réciproques cuire
leurs domaines, en sorte que, si l'on donnait à chacun l'élenduo
à laquelle il peut se croire en droit de prétendre, il envahirait
tous les territoires voisins ; une limitation assez stricte est néces-
sitée par le fait même de la juxtaposition de plusieurs sciences.
Le plan choisi, sans viser à constituer une synthèse philoso-
phique des sciences, qui ne pourrait être que subjective, a tendu
pourtant à échapper dans la mesure du possible aux habitudes
traditionnelles d'esprit, particulièrement à la routine didactique,
et à s'inspirer de principes rationnels.
Il y a deux grandes divisions dans le plan général de V Encyclo-
pédie ; d'un côté les sciences pures, et, de l'autre, toutes les tech-
nologies qui correspondent à ces sciences dans la shpère des
ENCYCLOPÉDIE SCIENTIFIQUE VH
appliettions. A part et au début, une Bibliothèque d'intreducHon
générale est consacrée à la philosophie des sciences (histoire des
idées directricei, logique et méthodologie).
Les sciences pures et appliquées présentent en outre une divi-
sion générale en sciences du monde inorganique et en sciences
biologiques. Dans ces deux grandes catégories, l'ordre est celui
de particularité croissante, qui marche parallèlement à une
rigueur décroissante. Dans les sciences biologiques pures enfin,
un groupe de sciences s'est trouvé mis à part, en tant qu'elles
s'occupent moins de dégager des lois générales et abstraites que
de fournir des monographies d'êtres concrets, depuis la paléonto-
logie jusqu'à l'anthropologie et l'ethnographie.
Etant donnés les principes rationnels qui ont dirigé celteclassi-
fioalion, il n'y a pas lieu de s'étonner de voir apparaître dei
groupements relativement nouveaux, une biologie générale, —
une physiologie et une pathologie végétales, distinctes aussi bien
de la botanique que de l'agriculture, — une chimie physique^ etc.
En revanche, des groupements hétérogènes se disloquent pour
que leurs parties puissent prendre place dans les disciplines aux-
quelles elles doivent revenir. La géographie, parexemple, retourne
à la géologie, et il y a des géographies botanique, zoologique,
anthropologique, économique, qui sont étudiées dans la bota-
I ique, la zoologie, l'anthropologie, les sciences économiques.
Les sciences médicales, immense juxtaposition de tendance!
très diverses, unies par une tradition utilitaire, se désagrègent on
des sciences ou des techniques précises ; la pathologie, science de
lois, se distingue de la thérapeutique ou de l'hygiène qui ne sont
que les applications des données générales fournies par les sciences
pures, et à ce titre mises à leur place rationnelle.
Enfin, il a paru bon de renoncer à l'anthropocentrisme qui
exigeait une physiologie humaine, une anatomie humaine, une
embryologie humaine, une psychologie humaine. L'homme est
intégré dans la série animale dont il est un aboutissant. Et ainsi,
son organisation, ses fonctions, son développement s'éclairent de
toute l'évolution antérieure et préparent l'étude des formes plus
complexes des groupements orf»aniques qui sont offertes par
l'étude des sociétés. _
On peut voir que, malgré la prédominance de la préoccupation
pratique dans ce classement des Bibliothèques de ï Encyclopédie
vin ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE
scientifique, le souci de situer ralionnellement les sciences dan»
leurs rapports réciproques n*^a pas été négligé. Enfin il est à peine
besoin d'ajouter que cet ordre n'implique nullement une hiérar-
chie, ni dans l'importance ni dans les difficultés des diverses
sciences. Certaines, qui sont placées dans la technologie, sont
d'une complexité extrême, et leurs recherches peuvent figurer
parmi les plus ardues.
Mode ie la publication. — Les volumes, illustrés pour la
plupart, seront publiés dans le format iu-i8 Jésus et cartonné».
De dimensions commodes, ils auront 4oo pages environ, ce qui
représente une matière suffisante pour une monographie ayant
un objet défini et important, établie du reste selon l'économie du
projet qui saura éviter rémiettement des sujets d'exposition.
TABLE DES BIBLIOTHÈQUES
Directeur : D"" Toulouse, Directeur de Laboratoire à l'Ecole
des Hautes Etudes,
SEG&iTAIRE GBNERA.L : H. PlérOH.
I . Histoire et Philo-
sophie des Sciences.
Directeurs des BiBLioTnèQUES :
A. Rey, professeur d'Histoire de la phi-
losophie dans ses rapports avec la
Science à la Sorboune.
3.
I. Sciences pures
A. Sciences mathématiques
Mathématiques.
3. Mécanique. .
B. Sciences
4. Physique.
5. Chimie physique
6. Chimie. . .
7. Astronomie et Phy
sique céleste .
8. Météorologie. .
9. Minéralogie ei Pé-
trographie
10. Géologie. ,
1 1 . Océanographie phy-
sique . . ,
J. DuACH, chargé de cours à la Faculté
des Sciences de l'Université de Paris.
J. Dragh, chargé de cours à la Faculté
des Sciences de l'Université de Paris.
inorganiques :
A. Leduc, professeur-adjoint de phy-
sique à la Sorbonne.
J. Perrin, professeur de chimie-physi-
que à la Sorbonne.
A. IMcTET, professeur à la Faculté de»
Sciences de l'Université de Genève.
J. Mascart, professeur à l'Université,
directeur de l'Observatoire de Lyon.
J. Mascart, professeur à l'Université,
directeur de l'Observatoire de Lyon.
A. Lacroix, secrétaire perpétuel de
l'Académie des Sciences, professeur au
Muséum d'Histoire naturelle.
M. Boule, professeur au Muséum d'His-
toire naturelle, directeur de l'Institut
de Paléontologie humaine.
J. Richard, directeur du Musée Océft*
nographique de Monaco.
TABLE DES BlBLIOïHKQUEJ
G. Sciences biologiques normatives
13. Biologie générale.
i3. Physique ^biologi-
que
i4. Chimie biologique.
i5. Physiologie et Pa-
thologie végétales,
16. Physiologie. . .
17. Psychologie,
18. Sociologie , ,
Microbiologie et
Parasitologie . .
k.Patho-
log . mé-
dicale. .
B. Neu-
rologie. .
Patho-,
logie.
G. Palh.
chirurgi-
cale .
M. Gaullery, professeur de zoologie à
la Sorbonne.
A. Imbert, professeur à la Faculté de
Médecine de l'Université de Mont-
pellier,
G. Bertrand, professeur de chimie bio-
logique à la Sorbonne, professeur
à l'institut Pasteur.
L. Mangin, de l'Institut, directeur du
Muséum d'Histoire naturelle.
J.-P. Langlois, professeur agrégé à la
Faculté de Médecine de Paris, direc-
teur de la Revue générale des Sciences.
E. Toulouse, directeur de Laboratoires
l'Ecole des Hautes-Etudes, médecin
en chef de l'asile de Villejuif.
G. Richard, professeur à la Faculté des
Lettres de l'Université de Bordeaux,
A. Galmette, professeur à la Faculté
de Médecine de l'Université, directeur
de rinstitut Pasteur de Lille, et
F. Bezançon, professeur à la Faculté
de Médecine de l'Université de Paris,
médecin des Hôpitaux.
M. Klippel, médecin des Hôpitaux de
Paris.
E. Toulouse, directeur de Laboratoire
à l'Ecole des Hautes-Etudes, médecin
en chef de l'asile de Villejuif.
R. Proust, professeur agrégé à la Fa-
culté de Médecine de Paris, chirur-
gien des Hôpitaux.
D. Sciences biologiques descriptives:
Paléontologie. . M. Boule, professeur au Muséum d'His-
toire naturelle, directeur de l'ïnstitii!
de Paléontologie humaine.
TABLE i)ES BIBLIOTHEQUES
Xi
22. Bota-
nique.
A. Généra-
lités et pha-
nérogame.
B. Crypto-
games .
23. Zoologie. . . .
24. Anatomie et Em-
bryologie. . . .
25. Anthropologie et
Ethnographie .
a6. Economie politi-
que
H. Lecomte, de l'Institut, professeur au
Muséum d'Histoire naturelle,
L. Mangin, de l'Institut, directeur du
Muséum d'Histoire naturelle.
(;. HoLLBEHï, prolesseur de Zoologie à
l'Ecole de Médecine de Rennes.
C. HoLLBEUT, professeur de Zoologie à
l'Ecole de Médecine de Rennes.
G. Papillault, dirccleur-adjoint dn
Laboratoire d'Anthropologie à l'E-
cole des Hautes-Etudes, professeur à
l'Ecole d Anthropologie.
G. Regard, professeur d'Histoire du
Travail au Collège de France.
29.
3o.
3i.
32.
II. Sciences appliquées
A. Sciences mathématiques :
27. Mathématiques ap-
pliquées. . . .
28. Mécaniques appli-
quées et génie .
M. d'Ocagne, professeur à l'Ecole poly-
technique et à l'Ecole des Ponts et
Chaussées.
M. d'Ocagne, professeur à l'Ecole poly-
technique et à l'Ecole des Ponts e»
Chaussées.
B. Sciences inorganiques
Industries physi
ques . .
H. Chaumat, professeur au Conserva-
toire des Arts et Métiers, sous-direc-
teur de l'Ecole supérieure d'Electricité
de Paris.
Photographie. . A. Seyewftz, sous-directeur de l'Ecole
de Chimie industrielle de Lyon.
Industries chimi- J. Derome, inspecteur général de l'ins-
ques truction publique, inspecteur des
Etablissements classés.
Géologie et miné- L. Cayeux. professeur au Collège de
ralogie appliquées . France et à l'Institut national agrono-
mique.
33. (Construction. . A. Mesnager, professeur" au Conserva-
toire des Arts et Métiers et à l'Ecole
des Ponts et Chaussées.
TABLB DBS BIBLtOTHBQtfUà
G. Sciences biologiques
3V Industries biologi-
ques
35. Botani- ( K.Phané-
que ap- ) rogames.
pliquée et \ B. Cryto-
agricult. f games. .
36. Zoologie appli-
quée
87. Thérapeutique gé-
nérale et phar-
macologie. .
38. Hygiène et méde-
cine publiques .
89. Psychologie appli-
quée
4o. Sociologie appli-
quée
G. Bertrand, professeur de chimie bio-
logique à la Sorbonne, chef de ser-
vice à l'Institut Pasteur.
H. Lecomte, de l'Institut, professeur
au Muséum d'Histoire naturelle.
L. Mangin, de l'Institut, directeur du
Muséum d'Histoire naturelle.
J, Pellegrin. assistant au Muséum
d'Histoire naturelle.
G. PoucHET, membre de l'Académie dé
Médecine, professeur à la Faculté de
Médecine de l'Université de Paris.
A. Calmette, professeur à la Faculté
de Médecine de l'Université, direc-
teur de l'Institut Pasteur de Lille.
E. Toulouse, directeur de Laboratoire à
l'Ecole des Hautes-Etudes, médecin
en chef de l'asile de Villejuif.
Th. Rutssen, professeur à la Faculté
des Lettres de l'Université de Bor-
deaux .
M. Albert Maire, bibliothécaire à la Sorbonne, est chargé
de VIndex de l'Eiicyclopédie scientifique.
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