LE PAS-DE-CALAIS
DE 1800 A 1810
OUVRAGES DES MEMES AUTEURS
J. Chavanon et Saint- Yves
Murât, i765-i81o (ouvrage couronné par l'Académie des sciences
morales et politiques). Paris, Hachette, 1901, in-8, 2^ édition.
Documents... sur la compagnie des Indes orientales (Extrait de la Revue
des Questions historiques). Paris, 1903.
J. Chavanon
Une ancienne relation de Madagascar [4630). Paris, Champion, 1897.
In-8. Epuisé.
Chronique d'Adhémar de Chahannes. (Dans la collection des textes pour
servir à l'enseignement de l'histoire). Paris, A. Picard, 1897. ln-8.
Correspondance du prince de Bergues. Arras, 1899. ln-12.
Etudes et documents sur Calais avant la domination anglaise. Arras,
1901. In-12.
Bibliographie critique de Vhistoire d'Artois. Paris, A. Picard, 1902.
In-12.
Relation de Terre-Sainte en 4333, par Greffîn Affagard. (Ed. illustrée).
Paris, Lecoffre, 1902. In-12.
Renaud VI de Pons, conservateur des [trêves de Guyenne. Paris, A. Picard,
1903. In-8.
G. Saint- Yves
Le département des Bouches-du-Rhône de 4800 à /S^O (ouvrage cou-
ronné par l'Académie des sciences morales et politiques). Paris,
Champion, 1899 (en collaboration avec M. J. Fournier).
Thiers historien et orateur (extrait des mémoires de l'académie de
Marseille; prix du maréchal de Villars). Marseille, Barlatier, 1899.
A Vassaut de VAsie, Tours, Mame, éd. gr. in-8.
UOcéanie, Tours, Mame, éd. gr. in-8.
Les libres burghers. Tours, Mame, éd. gr, in-8.
Les campagnes du vice-amiraljean d'Estimées dans la mer des Antilles.
Paris, Imprimerie nationale, 1900.
Le voyage du capitaine Marchand autour du monde. Paris, Imprimerie
nationale, 1897.
MAÇON, PROTAT FRÈKES, IMPRIMEURS.
Bibliothèque de la Société des Études historiques
Fascicule V
FONDATION RAYMOND
J. CHAVANON ET G. SAINT-YVES
LE PAS-DE-CALAIS
DE 1800 A 1810
ÉTUDE SUR LE SYSTÈME ADMINISTRATIF
INSTITUÉ PAR NAPOLÉON I-""
(Ouvrage couronné par l'Académie des sciences morales et politiques)
PARIS
Alphonse PICARD ET FILS, ÉDITEURS
LIBRAIRES DE LA SOCIÉTÉ DE l'ÉCOLE DES CHARTES ET DES ARCHIVES NATIONALES
82, RUE 'BONAPARTE, 82
1907
y^imÀR^
a JUL - 3 ]968 ,
^€.
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L'ouvrage de MM". J. 'GMTCfANON et G. Saint-Yves intitulé : Le Pas-de-
Calais de 1 800 à tSIO, a été admis dans la Bibliothèque de la Sociale
des Études historiques par décision de la Commission du prix Raymond.
L'impression en a été suivie par le commissaire responsable désigné
par la Commission, M. Roger Peyre.
INTRODUCTION
Le département du Pas-de-Calais n'a reçu depuis sa créa-
tion par la première Assemblée nationale que d'insignifiantes
modifications d'étendue ou de forme. Tel il était en 1790, tel
il est encore aujourd'hui. L'Artois, qu'il a presque entièrement
absorbé ^ , lui a fourni la plus grande partie de son territoire :
737 communes sur 906, Le reste de ce département a été formé
avec le Boulonnais, le bailliage de Montreuil et le Pays con-
quis et reconquis, autrement dit le Calaisis et l'Ardrésis. Sous
l'ancien régime, le Boulonnais relevait de l'Intendant de
Picardie, et le bailliage de Montreuil correspondait à cette
portion de la Picardie qui était située entre la Canche et l'Au-
thie.
Au début d'un travail analogue à celui-ci sur le départe-
ment des Bouches-du Rhône ^,MM. G. Saint-Yves et J. Four-
nier établissent que la Provence acclama la Révolution à son
aurore dans l'espoir que le régime nouveau lui rendrait son
ancienne autonomie et surtout rétablirait ses Etats provin-
ciaux. L'Artois, autre pays d'Etats, fut animé, dans le même
temps, des mêmes sentiments. Tous les privilèges dont cette
province avait joui si longtemps et dont elle jouissait encore,
elle en demandait le maintien, l'affermissement et même l'ex-
tension. Dès que les graves questions soulevées à l'occasion
de la réunion des Etats généraux se posèrent devant les deux
1. Le Nord et la Somme ne doivent à l'Artois, à eux deux, que vingt-cinq
paroisses à peine.
2. Le Département des Bouches-du -Rhône de 1S00 à iSIO^ par Georges Saint-
Yves et Joseph Fournier. Ouvrage couronné par l'Académie des Sciences
morales et politiques. Paris, Champion, et Marseille, Ruât, in-S", 1899,
416 p.
VI INTRODUCTION
grands corps judiciaire et administratif de l'Artois, l'un et
l'autre manifestèrent vivement dans ce même sens. Le Conseil
d'Artois demanda fermement au roi « que les pouvoirs attri-
bués à la Cour plénière n'eussent aucun effet en Artois, où ils
auraient porté une atteinte directe : 1° au droit primordial des
États de consentir librement les aides et subsides ; 2° aux pri-
vilèges du Tribunal supérieur de la province qui, par la vérifi-
cation et l'enregistrement, donnait aux impôts consentis la
publicité et la force exécutoire nécessaires pour contraindre
chaque individu à se conformer au résultat du vœu général ;
3" à l'existence de l'Election provinciale, dont l'autorité avait
conservé dans sa pureté le corps de la Noblesse
« L'assemblée générale des Etats d'Artois amena bientôt
des discussions plus vives et plus retentissantes.
« Sous les dénominations les plus diverses et à travers les
phases très agitées de son histoire, l'Artois avait conservé,
au moins en principe, le privilège de gérer ses affaires et de
consentir l'impôt. Le gouvernement de la province n'avait que
le commandement militaire ; le pouvoir de l'intendant, établi
à Lille et non à Arras, et dont un œil jaloux surveillait les
tentatives envahissantes, était restreint à quelques matières
spéciales : postes et messageries, maisons de force et lettres de
cachet, imprimerie et librairie, amortissement, francs-fiefs et
mains-mortes, exploitations de carrières et défrichements,
marais et navigation ^.. A vrai dire, le problème delà décen-
tralisation se trouvait résolu en Artois : le Roi gouvernait par
ses officiers ; le soin des affaires de la province appartenait
aux Etats qui, se rattachant par leur origine aux assemblées
représentatives du comté d'Artois au temps de la féodalité,
avaient été chargés, dès la plus haute antiquité, de l'adminis-
tration et du règlement de l'impôt 2, »
Enfin, les trois ordres étaient représentés aux Etats.
1. Il faut ajouter, ce qui est important : tutelle des paroisses.
2. La Jeunesse de Robespierre et la Convocation des Etats Généraux en
Artois, par J. A. Paris, p. 200 et ss. — Arras, 1870, gr. in-S», m, 407 et
cxiv p.
INTRODUCTION VII
On ne peut s'étonner, après cela, que parmi les principaux
articles des Doléances générales de la province on trouve les
suivants :
« 1. — Maintien de la constitution d'Artois et restitution
de ses droits ; réforme de l'administration actuelle des États
d'Artois et formation légale d'une administration composée
des citoyens de toutes les classes, de manière que le Tiers
Etat ait une voix égale à celle des deux autres ordres réunis,
et que les voix soient comptées par tête.
II. — N'être assujetti à aucun impôt qu'à ceux consentis
par les Etats de la Province et dûment enregistrés.
IV. — Conserver la Province dans le droit de répartir ses
impôts.
X. — Conseil d'Artois souverain à tous effets et en toutes
matières.
XVI. — La juridiction de l'Election d'Artois maintenue
dans le droit de connaître de toutes les impositions générale-
ment quelconques^ du fait de la Noblesse et de toutes les
mesures qui sont du ressort de l'Election.
XVII. — Suppression de l'évocation au Conseil.
XVIII. — Rendre aux communes le droit de nommer les
officiers municipaux des villes delà province, et qu'il soit, en
conséquence, demandé incessamment une loi qui permette de
procéder librement à l'élection desdits officiers '».
De son côté, le Boulonnais, non moins désireux d'autonomie
et avide d'indépendance, réclamait instamment des Etats par-
ticuliers.
On verra plus loin que dans le Pas-de-Calais, la Révolution,
de pacifique et réformatrice étant devenue despotique et san-
guinaire, et l'anarchie ayant engendré et multiplié les crimes,
1. Paris, op. cit., p. 206.
VIII INTRODUCTION
l'esprit public, oublieux des premiers bienfaits de la Répu-
blique, devint favorable à l'établissement d'un gouvernement
moins démocratique, accueillit le 18 brumaire et fêta l'Empire,
comme il devait plus tard applaudir à la Restauration.
Les noms des hommes qui ont représenté le Pas-de-Calais
dans les différentes assemblées, depuis les Etats Généraux jus-
qu'à l'an VIII sont utiles à connaître avant d'entamer l'his-
toire d'une période caractérisée par l'abserce de toute vie
représentative.
ÉTATS GÉNÉRAUX. — Boulonnais. — Clergé : de Méric
de Montgazin, vicaire général. — Noblesse : le duc de Ville-
quier-Aumont, lieutenant-général des armées du roi, gouver-
neur du Boulonnais. — Tiers Etat : Nicolas Latteux et Ber-
nard Gros, avocats.
MoNTREUiL. — Clergé : Nicolas Rollin, curé de Verton.
— Noblesse : Jacques-Alexandre de Coutreville, comte d'Ho-
dicq. — Tiers Etat : Poultier, lieutenant-général et Jacques-
François Riquier, propriétaire à Brimeux:
Calais et Ardres. — Clergé : François-Maxime- Alexandre
Bucaille, curé de Fréthun. — Noblesse : François-Joseph,
vicomte des Androuins. — Tiers État : Francoville et Blan-
quart des Sabines.
Artois. — Clergé: Jacques-Joseph Leroux, curé de Saint-
Pol ; Simon Boudart, curé de la Couture; Pierre-Joseph Béhin,
curé d'Hersin-Coupigny; Diot, curé de Ligny-sur-Canche,
— Noblesse : Briois de Beaumetz, premier président au Con-
seil d'Artois ; Charles de Lameth, colonel des cuirassiers du
Roi ; Le Sergeant d'Isbergue, lieutenant des Maréchaux à
Saint-Omer ; le comte de Croix. — Tiers État : Charles-
Marie Payen, fermier-propriétaire à Boiry-Becquerelle ; Domi-
nique-Augustin Brassart, avocat à Arras ; Célestin Fleury,
fermier k Coupelle- Vieille ; Jacques-Louis-Nicolas Vaillant,
garde des sceaux honoraire du Conseil d'Artois ; Maximilien-
Marie-Isidore de Robespierre, avocat au Conseil d'Artois ;
Alexandre-François-Augustin Petit, fermier à Magnicourt-
INTRODUCTION IX
sur-Canche ; Louis-Joseph Boucher, négociant à Arras ;
Hubert-Dominique-Joseph Dubuisson, fermier à Inchy ^
ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE. — Garnot cadet, de Saint-
Omer; Haudouart, maire de Bapaume et président du tribu-
nal de district ; Wallart d'Anchin, de Montreuil, négociant;
Le Gressier de Bellanoy, de Boulogne; Le Porcq, d'Imbre-
thun ; Ernest Duquesnoy, de Béthune ; Deusy, d' Arras ; Gar-
not aîné, d'Aire ; Baërt, de Saint-Omer ; Blanchart, — Sup-
pléants : Duval, de Montreuil ; Waterlot, de Bapaume ; de
Thosse, de Saint-Omer ; Butor, de Boulogne.
GONVENTION. — Robespierre, non acceptant, élu par
Paris; Ernest Duquesnoy; Le Bas, administrateur du dépar-
tement ; Thomas Payne, publiciste anglais ; Personne, avoué
à Saint-Omer ; Gufîroy, juge de paix à Arras, président du dis-
trict ; Enlart, président du Tribunal de district de Montreuil ;
Bollet, maire de Guinchy, cultivateur; Magniez, administra-
teur du district de Bapaume; Daunou, vicaire épiscopal à
Paris. — Suppléants : Varlet, maire d'Hesdin, devint titulaire
à la place de Robespierre ; Joseph Le Bon, ancien curé de
Neuville- Vitasse, remplaça Duquesnoy après le 22 juillet
1793 ; Dubrœucq, juge au tribunal de district de Saint-Omer;
Garnier, administrateur du district deGalais, remplaça Le Bas
après sa mort, le 14 vendémiaire, an III; Grenier, de Vio-
laines.
ÉLEGTIONS DE L'AN IV. — Députés au Corps législa-
tif : Delattre de Balzaert, maire de Saint-Omer ; Bénard-
Lagrave, négociant à Galais ; Vaillant, juge au Tribunal de
Gassation ; Liborel, ancien avocat au Gonseil d'Artois.
ÉLEGTIONS DE L'AN V. — conseil des anciens : Bacon
de Sains, président de l'administration communale d'Hersin,
remplaçant Vaillant, démissionnaire ; Grandsire du Blaisel
père, homme de loi à Boulogne-sur-Mer. — conseil des cinq
cents : Gorne, administrateur du département; Dauchelle,
1. D'après Loriquet, Les cahiers de doléances de 1789 dans le Pas-de-Calais,
p. LVII, Arras, Répessé-Crépel, 1891. ,
INTRODUCTION
0
président de l'administration du canton d' Audruick ; Dau-
chez, homme de loi à Arras.
ÉLECTIONS DE L'AN VL — conseil des anciens :
Théry, notaire à Bapaume ; Lenglet, jug-e au Tribunal civil du
département ; Gocud, juge au Tribunal civil du département ;
Lefebvre-Cayet, homme de loi à Arras. — conseil des cinq-
cents : Daunou, ex-législateur ; Coffîn, commissaire du Direc-
toire exécutif ; Debrue, cultivateur à AUoigne, ex-adminis-
trateur du département ; Duflos, administrateur du départe-
ment; Grachet, accusateur public près le Tribunal criminel du
département.
ÉLECTIONS DE L'AN VII. — conseil des anciens :
Louis Garnier, commissaire du Directoire exécutif, élu pour
trois ans ; Bollet, ex-conventionnel, élu pour un an ; Levail-
lant, cultivateur à Oisy, élu pour deux ans. — conseil des
cinq-cents : Saint-Amour-Gonsse, de Zutquerque, élu pour
trois ans ; Noël Billion, d'Arras, élu pour trois ans ; François
Poultier, d'Elmotte, ex-conventionnel, élu pour trois ans ;
Parent-Réal, président de l'administration centrale du Pas-
de-Calais, élu pour un an ; Berquier-Neuville, de Boulogne,
élu pour deux ans.
L'évolution politique du département est assez nettement
marquée par ces noms.
Aux Etats Généraux, les groupements provinciaux n'en-
voient que des gens très attachés à la royauté. Robespierre
lui-même, on le sait, ne fait pas exception: il ne manque pas
une occasion, à cette époque, d'exalter Louis XVI et d'affir-
mer en termes pompeux le dévouement inébranlable qu'il a
pour la personne auguste du Roi. Fait à noter : le Tiers État,
sur huit élus, désigne quatre cultivateurs et un négociant,
trois seulement sont hommes de loi. Cette dernière catégorie
de gens dominera dans les assemblées suivantes ; les cultiva-
teurs pourtant y seront encore assez nombreux pour montrer
l'importance agricole du Pas-de-Calais. Cette importance fut
grande de tout temps et l'est encore, malgré les progrès
INTRODUCTION XI
accomplis, au xix'^' siècle, par l'industrie, et surtout l'industrie
minière en ce pays.
Sauf Duquesnoy, tous les députés du Pas-de-Calais à l'As-
semblée Législative étaient modérés : girondins, ou même
feuillants.
Certains représentants de ce département à la Convention
sont trop tristement connus pour qu'il soit besoin de signaler
leur opinion. Mais à côté des Le Bas, des Duquesnoy, des
Guffroy, des Joseph Lebon, les modérés sont en nombre *. Les
deux Carnot et Bollet, qui votèrent la mort du roi, furent
cependant des modérés. Quant à Personne, Enlart, Magniez,
Daunou, Varlet et Dubreucq, ils se prononcèrent contre la
condamnation capitale ou réclamèrent un sursis à l'exécution.
Modérés encore sont les élus de l'an IV.
En l'an V, ce sont des royalistes qu'atteindra la proscrip-
tion du 18 fructidor.
Une réaction reflète en l'an VI la recrudescence du jacobi-
nisme, mais elle se manifeste moins vivement en Artois que
dans l'ancienne Provence, et la représentation de cette époque
est composée à la fois d'amis des Montagnards, comme Théry,
Lenglet etCrachet, et de gens qui appuieront de toutes leurs
forces le 18 brumaire, comme Lefebvre-Cayet et Daunou.
La majorité des députés de l'an VII sont de l'opinion de
ces derniers.
Quelles que soient ces électians successives, la situation du
département, comme celle des Bouches-du-Rhône, est mau-
vaise. Dans cette région septentrionale, même désorganisa-
tion morale, même impuissance administrative, même désordre
financier, mêmes difficultés de recrutement militaire, même
découragement chez les républicains que dans l'extrême sud
de la France.
Quelques faits relevés dans les registres d'arrêtés et de
correspondance de l'administration centrale du Pas-de-Calais
1. On ne peut citer Robespierre qui, élu à la fois clans le Pas-de-Calais et à
Paris, voulut représenter la capitale.
XII INTRODUCTION
et dans les rapports de commissaires de cantons et
quelques citations suffiront pour édifier sur la situation du
département en l'an VII et l'an VIII.
Les menées contre-révolutionnaires sont signalées de tous
les points du territoire.
Les brigands, ces auxiliaires précieux et universels en
France des ennemis de la république, se révoltent à Bapaume
contre la gendarmerie, d'après un rapport du 28 vendémiaire
an Vin. Le 28 brumaire, le ministre de la police recomr
mande aux administrateurs de surveiller particulièrement les
agitateurs qui troublent la région de Fressin et d'Azincourt 2.
Le 14 frimaire, c'est à Hesdin que les réfractaires préparent
des mouvements séditieux ^. Le 30 du même mois, on signale
la destruction des arbres de la liberté dans la région de Bou-
logne et de Desvres, notamment à Crémaretz ^. Les mêmes
faits se passent un peu partout ■''. En nivôse^ des insurrec-
tions éclatent à Marœuil, non loin d'Arras, à Favreuil, can-
fon de Grevillers et dans beaucoup d'autres localités. Un rap-
port très noir d'un commissaire central constate, le 12 ther-
midor, que les républicains sont chaque jour insultés et même
battus par les réactionnaires, que « l'état d'agitation et de
trouble dans lequel se trouve réduite la commune de Saint-
Omer, ne paraît être que le prélude de grands malheurs. » Il
faut y fermer et interdire le local de la Société patriotique ^.
A Audruick, le 16 du même mois, le commissaire du direc-
toire exécutif demande la suspension des principaux citoyens
composant l'administration municipale du canton qui est
« ennemie prononcée de la chose publique » ^. A Arras, « des
écrits portant provocation au trouble et à l'assassinat des
1. Arrêtés et correspondance de V administration centrale (Archives départ.,
L.75,f°392).
2. /d.,L77, f» 214.
3. Id., f» 296.
4. M., f 421.
5. Id., L. IS, passim.
6. Id., L. 87, f" 202.
7. Id., f 305.
INTRODUCTION JCIlt
républicains et particulièrement des fonctionnaires publics
inondent journellement la commune » K A Tournehem, à
Arcques, à Campagne, l'épuration des municipalités canto-
nales s'impose ~. A Saint-Omer les choses s'aggravent : vu
l'état permanent de trouble de cette ville « depuis le 30 mes-
sidor » et les assassinats de patriotes commis, on décide, le
27 thermidor, de prendre deux otages parmi les suspects, en
vertu d'une loi récente ^. Le lendemain, les principaux
membres de la municipalité de Calais sont suspendus pour
« défaut de zèle, d'énergie et de patriotisme » ^. Le 29, la
révolte est si furieuse à Lattre et aux environs que le général
Cavrois est envoyé dans le canton d'Avesne-le-Comte avec
des troupes ^. Les déchéances de municipalités se succèdent
presque quotidiennement : les agents d'Esquerdes, Houdain,
Moulle, Waben, Berck, Conchil-le-Temple, Tigny, Noyelles,
Wailly, Lépine et bien d'autres sont tour à tour sus-
pendus ^ . On comprend que le commissaire du canton de
Vaulx écrive ce qui suit dans un Avis qu'il adresse, à la fin
de l'an VII, à l'administration centrale : « Pour conserverie
département du Pas-de-Calais à la République, il faut révo-
quer, à quelques-uns près, tous les commissaires du direc-
toire près les cantons ruraux, et ce, dans le plus bref délai. —
Motif : Pour avoir désorganisé les armées : en laissant dans
leurs foiers les déserteurs qui ne prennent pas même la peine
de se cacher; pour avoir tué la chose publique : en entravant
la rentrée des contributions et favorisant l'agiotage des per-
cepteurs avec qui sans doute ils partagent le gâteau ; pour
avoir aidé les Russes, en vendant des congés, découragé les
patriotes en protégeant le riche au fleurs de lys, les émigrés,
les prêtres réfractaires, etc., etc.; pour avoir perdu l'esprit
1. Archives départ., L. 87,f°334.
2. Ib., £"'367 et 369.
3. Ib., {"' 487 et 585.
4. Ib., fo 613.
5. Ib., f" 645.
6. Ib., f» 647 et L 88, {<" 31, 108, 125, 3i2, etc.
XIV INTRODUCTION
public par la plus coupable inertie, et laissant impunis tous
les délits relatifs à la police.
« Esprit public. — La république avilie, les patriotes mena-
cés ouvertement, le désir manifesté de voir les Russes dans
l'intérieur de la France. Les bruits les plus absurdes, les
plus alarmants répandus pour comprimer les bons citoyens et
exciter le peuple à la révolte, la contre révolution se faisant
précéder de la guerre civile, tel est l'état vrai de nos cam-
pagnes
(( Renseignements. — Déjà le bruit circule qu'on pillera les
récoltes provenant des biens nationaux, encore huit jours, les
récoltes seront mûres, hâtez-vous, citoyens ! que des hommes
vigoureux remplacent les traîtres et les hommes foibles pour
comprimer l'audace des méchants i »
Le commissaire de Clarques parle sur le même ton et
donne les plus mauvais renseignements sur les communes de
son canton. « Depuis quelque temps, citoyen, écrit-il, les
ennemis de la république se montrent avec une audace
extraordinaire dans le village de Dohem, qui est depuis long-
temps le repaire des prêtres réfractaires ; ils ont connois-
sancede l'arrêté du Directoire pour faire rejoindre les requisi-
tionaires et profitent du moment actuel pour exciter ces der-
niers à toutes sortes de voyes de fait ; depuis quelques jours
ils ont insulté et maltraité grièvement le Citoyen Pochol,
agent de la commune de Clety, parce qu'il est bon républi-
cain et qu'il conduisait la force armée qui a fait des visites
domiciliaires dans cette commune le 24 du mois dernier en
conformité de la loi ; ils l'ont en outre menacé de le tuer ou
incendier s'il en portait plainte. J'ai apris ce jour qu'ils
avoient depuis insulté un autre républicain, le citoyen
J. M. Berthout, de Clety; ma prochaine vous donnera d'autres
détails sur ces événements qui préludent la résistance proje-
tée à l'exécution de l'arrêté du directoire pour le départ des
1. Archives départ., L, dossier du canton de Vaulx, an VII.
INTRODUCTION XV
requisitionaires et je pense d'après tout ce qui se passe que
pour le mètre à exécution sans qu'il occasione de troubles, il
faudra beaucoup de prudence et surtout une force armée impo-
sante, notamentpour la commune que je viens de vous citer;
il en est plusieurs autres de ce canton animées du même
esprit, telles que celles d'Esques, Upan, et Belettes et mal-
heureusement ce sont les plus populeuses ^. »
A Saint-Venant, le commissaire est formellement convaincu
d'avoir pactisé avec les brigands 2.
Voilà pour Fan VII. Cette situation ne fait que croître et
embellir en l'an VIII. Ce serait répéter ce qui précède que de
donner des extraits des documents de la période immédiatement
antérieure au 18 brumaire. Les Chauffe-pieds (alias Chauf-
feurs) se sont joints aux Brigands et aux bandes de réfrac-
taires : les acquéreurs de biens nationaux sont exposés aux
plus impitoyables traitements. L'administration républicaine
n'a plus d'amis vrais, ses partisans apparents se réduisent à
de rares convaincus, aux fonctionnaires et à un certain nombre
de gens qui la craignent. Les cérémonies républicaines étaient
désertes, dit justement M. Deramecourt, le 21 janvier, célé-
brées uniquementparles fonctionnaires. En 1799, lors decette
fête, aucun bourgeois d'Arras ne voulut signer la proclama-
tion de l'administrateur Parent-Réal contre la royauté et le
sacerdoce, ce qui justifie cette phrase écrite par la municipa-
lité d'Arras à la fin de décembre 1798 : « l'esprit public se
refroidit de jour en jour » 3. L'administration, dit encore
M. Deramecourt, a beau redoubler ses poursuites contre le
« fanatisme » et tout ce qui est suspect de sympathie pour
l'ancien régime, le département se manifeste chaque jour
plus rebelle aux lois militaires et plus favorable aux prêtres ^.
Comme dans les Bouches-du-Rhône, toutes les branches
1. Arch. dép., L. canton de Thérouanne.
2. Arch. dcp.,L. dossier du cant. de S. Venant, an VII.
3. Abbé Deramecourt. Le Clergé des diocèses d'Arras, Boulogne et Saint-
Omer pendant la Révolution (1789-1802), t. IV, p. 105 à 108.
4. Id., t. IV, p. 120.
tVl INtRODUCTlON
de l'activité publique sont en souffrance, l'instruction devient
plus rare, les hospices et autres établissements charitables
sont insuffisants à soulager les très nombreuses misères ou
même ont disparu, les communes sont sans ressources pour
leur vie quotidienne, le commerce languit, les travaux publics
chôment. Dans ces conditions, dans le Pas-de-Calais, comme
partout, sans doute, la chute du Directoire ne pouvait soule-
ver de graves protestations K
La première nouvelle du coup d'état du 1 8 brumaire arriva
à Arras le 20. Dans l'ouvrage que nous avons déjà cité,
M. Deramecourt a raconté très exactement, d'après les docu-
ments des archives, les perplexités par lesquelles passa l'ad-
ministration centrale en apprenant le changement de forme
gouvernementale'^. Nous ne pouvons mieux faire que de
résumer les pages très instructives et très vivantes qu'il a con-
sacrées à ce récit. Après plusieurs séances pleines de discus-
sions sur la légalité des actes des premiers consuls, et mal-
gré les discours d'un des commissaires qui voulait mettre l'ad-
ministration en opposition avec les nouveaux maîtres de la
France, tous ses collègues, sauf un, nommé Gouilliard,
finirent par admettre le nouvel état de choses « en essayant
de colorer leur acceptation par des motifs de bien public ».
La proclamation qu'ils firent et que M. Deramecourt a repro-
duite en entier, car elle mérite d'être connue, était assez
habile. Les circonstances difficiles du moment, l'incertitude
générale de l'opinion sur le 18 brumaire, leur avaient fait un
devoir de rester à leur poste. Ils invitaient tous les partis à
s'unir au pied de l'autel de la patrie, affirmaient que jamais la
royauté ne serait rétablie et terminaient ainsi : « Eh ! pour-
riez-vous vous affliger sur les résultats des derniers événe-
1. Les cartons Fio des Archives nationales ne contiennent aucun détail
caractéristique en ce qui concerne l'état du département du Pas-de-Calais au
18 Brumaire. Les documents publiés par M. Rocquain dans son ouvrage sur
l'Etat de la France au 10 Brumaire se rapportent plutôt à ce qui concerne le
Pas-de-Calais en l'an IX et nous les utiliserons ultérieurement.
2. Abbé Dehamecourt, op. cit., t. IV, p. 8.
INTRODUCTION XVll
nients, quand la loi vous garantit que les changements à
apporter aux dispositions organiques de la Constitution ne
peuvent avoir pour but que de consolider, garantir et con-
server inviolablement la souveraineté du peuple français, la
République une et indivisible, le système représentatif, la
division des pouvoirs, la liberté, l'égalité, la sûreté et la pros-
périté? Vive la République ! »
Ces administrateurs étaient de vrais opportunistes : en fait,
l'opinion publique, loin d'être indécise, comme ils le prétex-
taient sans conviction, se prononçait dans tout le département
en faveur du coup d'Etat.
Le serment de fidélité au pouvoir fut bientôt prêté par tous
ceux de qui il était réclamé dans des cérémonies très solen-
nelles et qu'aucun incident ne vint troubler.
LE
DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS
DE 1800 A 1810
CHAPITRE PREMIER
LES ADMINISTRATEURS DU DEPARTEMENT
ET DE L'ARRONDISSEMENT
I. L'installation du premier Préfet. — Géographie administrative du dépar-
tement du Pas-de-Calais. — Le préfet Poitevin-Maissemy; sa biographie. —
Manque de sécurité, principalement dans les arrondissements de Saint-Pol
et de Montreuil. — Récoltes déficitaires et mendicité. — Les émigrés. —
Marchandises anglaises prohibées et contrebande. — Préfet philosophe.
Disgrâce de Poitevin-Maissemy.
II. Le second préfet : le général de La Chaise ; sa biographie. — Travail
administratif considérable. — Rétablissement de la sécurité. — Les exigences
de la conscription. — Acquisition de l'hôtel de la préfecture. — Popularité
de La Chaise qui s'affaiblit avec les années malheureuses de l'Empire. —
Les visites de Napoléon dans le département. — Style oratoire du général
de La Chaise.
III. Les sous-préfets : deux anciens législateurs. — Eloge du sous-préfet Poi-
tevin par le tribun Parent-Réal. — Un administrateur de talent : Masclef.
IV. Les secrétaires généraux. — Le Conseil de préfecture; il corresponde
l'ancienne administration du département. — Statistique des travaux du
Conseil de préfecture.
V. Le Consulat choisit son personnel administratif dans le personnel révolu-
tionnaire du Pas-de-Calais, mais ce personnel se compose, après Thermi-
dor, d'éléments très modérés qui s'adaptent facilement à l'Empire et même
à la Restauration.
I
Par arrêté du 11 ventôse an VIII (2 mars 1800), Poitevin-
Maissemy, maître des requêtes au Conseil d'Etat et inspecteur
de la librairie, était nommé préfet du département du Pas-de-
Calais ; il prenait possession de son poste le 5 germinal sui-
vant.
Chavanon et Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de 1800 à 18-10. 1
2 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
A une heure de l'après-midi, le préfet se présentait à l'ad-
ministration centrale, entouré d'une garde d'honneur et suivi
de nombreux citoyens. Le commissaire central Poitevin pro-
cédait à l'installation, conformément à la loi et le président,
L. D. Gayant, prononçait le discours de bienvenue. En Poi-
tevin-Maissemy, l'orateur salue « l'ancien mag-istrat, ami de
la Révolution, de la nature, des sciences et des arts » ; par-
lant du département du Pas-de-Calais, il dit : « Il en est peu
qui aient autant souffert pendant la tourmente ; il n'en est
pour cela que plus digne d'intérêt... Une seule chose a été
plus forte que nos sollicitudes : c'est la malveillance qui y a
empêché jusqu'ici le recrutement des armées ; mais vous serez
plus heureux que nous : la voix du héros de la France s'est
fait entendre ; toutes les résistances cesseront à cet appel
généreux. »
« En acceptant les grandes et importantes fonctions aux-
quelles la confiance du premier consul de la République a
daigné m'appeler, répond le nouveau préfet, je ne me suis pas
dissimulé les devoirs qu'elles m'imposent et j'ai moins calculé
la force de mes moyens que le zèle qui m'anime pour l'affer-
missement de la liberté. Constamment dévoué à sa défense,
j'ai partagé avec tous ses vrais amis la douleur de voir une
cause si belle, si sainte, si sacrée, alternativement compro-
mise par la résistance et par l'exagération, quelquefois même
souillée par le crime qui portait son insolente audace jusqu'à
prétendre agir en son nom ; mais les choses ont heureusement
changé et un nouvel ordre s'est miraculeusement établi. Le
courage d'une partie de la représentation nationale et du jeune
héros que le génie tutélaire de la France a préparé, façonné
et ménagé pour le salut de la liberté, a enchaîné toutes les
factions. » Et Poitevin-Maissemy résumait la Constitution dans
cette formule : « Sûreté des personnes ; garantie des proprié-
tés ». N'est-ce pas en effet tout le programme politique des
débuts du Consulat ? Ni réaction, ni révolution. Ainsi le com-
prirent du moins les populations et de là leur accueil plutôt
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE LARRONDISSEMENT 3
favorable aux événements de brumaire et à leurs consé-
quences 1 .
On sait que c'est la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février
1800) qui a prganisé l'administration départementale, telle
qu'elle s'est maintenue jusqu'à nos jours ou à peu près.
D'après cette loi, le département du Pas-de-Calais fut formé
de six arrondissements : Arras, comprenant presque tout le
district d'Arras et celui de Bapaume ; Béthune, comprenant
le district du même nom et une partie de ceux d'Arras et de
Saint-Omer; Boulogne, comprenant le district de Boulogne et
la moitié de celui de Calais ; Montreuil, comprenant le district
de Montreuil et une partie de ceux de Boulogne et de Saint-
Omer ; Saint-Omer, comprenant le district de Saint-Omer et
une partie de ceux de Boulogne et de Calais ; Saint-Pol, com-
prenant le district de Saint-Pol et une partie de celui de
Montreuil.
En 1790, on avait créé dans le département du Pas-de-
Calais 86 cantons ; le nombre en fut réduil à 43 par la loi du
8 pluviôse an IX : 10, dans l'arrondissement d'Arras ; 8, dans
celui de Béthune; B, dans celui de Boulogne; 6, dans celui
de Montreuil ; 7, dans celui de Saint-Omer; 6, dans celui de
Saint-Pol. Ces cantons sont les suivants : Aire-sur-la-Lys,
Ardres, Arras nord, Arras sud, Aubigny, Audruick, Auxi-le-
Château, Avesnes-le-Comte, Bapaume, Beaumetz-les-Loges,
Bertincourt, Béthune, Boulogne, Cambrin, Campagne, Calais,
Carvin, Croisilles, Desvres, Etaples, Fauquembergues, Fré-
vent, Fruges, Guînes, Hesdin, Heuchin, Houdain, Hucque-
liers, Laventie, Lens, Le Parcq, Lillers, Lumbres, Marquion,
Marquise, Montreuil, Norrent-Fontes, Pas, Saint-Omer,
Saint-Pol, Samer, Vimy, Vitry. Tel était administrativement
le domaine où devait s'exercer l'activité du premier préfet du
département du Pas-de-Calais.
Avant d'être nommé préfet du Pas-de-Calais, Poitevin-
1. Deramecourt, op. cit., i. IV, p. 137.
i LE PAS-bE-CALAiS DE 1800 A 1810
Maissemy avait déjà eu une carrière bien remplie. Né à Guis-
card, dans le département de l'Oise, le 9 mars 1752, il occupa
sous l'ancien régime des fonctions relativement importantes :
d'abord conseiller à la Cour des aides de Paris,' il fut nommé
maître des requêtes en 1783 ; il s'était marié en 1780 et
jouissait alors d'un revenu de 20.000 francs que la mort de
son beau-père à Saint-Domingue, en 1787, portait à
52.000 francs ; l'héritage paternel et des améliorations appor-
tées à une exploitation coloniale à Léogane élevaient en 1790
sa fortune à 130.000 francs, mais les révolutions sanglantes
dont Saint-Domingue fut le théâtre la réduisirent dans la
suite à 30.000 francs de rentes. Rapporteur au Conseil royal
et au Conseil des dépêches, il devint en 1788 directeur de la
librairie de France. Au contact du mouvement philosophique
des dernières années du xv!!!** siècle, Poitevin-Maissemy,
comme beaucoup de ses contemporains, s'était pénétré d'idées
libérales qui, malgré ses fonctions administratives, devaient
lui faire accueillir avec faveur les débuts de la Révolution.
De 1789 à 1791, nous le voyons en effet présider à plusieurs
reprises l'assemblée de la Commune de Paris ; dans son dépar-
tement, celui de l'Oise, il est désigné comme administrateur,
puis comme juge de paix de son canton natal. Chef de légion,
il se rend à Reims en 1792, en qualité de commissaire géné-
ral pour l'organisation de dix-huit bataillons de volontaires.
Poitevin-Maissemy traversa ainsi toute la période révolution-
naire sans se mêler aux manifestations violentes et aux exa-
gérations, bien que remplissant presque sans interruption des
fonctions administratives. Cet ancien maître des requêtes,
imprégné du libéralisme et de l'esprit réformateur de la Cons-
tituante, teinté quelque peu de républicanisme, était bien
l'homme qui convenait pour faire un préfet du Consulat ; tou-
tefois, il avait gardé de son ardeur philosophique d'antan
quelque peu de ce scepticisme de bon ton, de cet anticlérica-
lisme narquois et facétieux que l'on a qualifié longtemps de
voltairianisme et qui devait mal s'accorder avec les nécessités
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDISSEMENT 3
de l'application du Concordat : là devait être l'écueil dans sa
carrière administrative ^.
Le premier souci d'un préfet de l'an VIII arrivant de son
département est d'assurer la sécurité publique et, à ce point
de vue, Poitevin-Maissemy a une lourde tâche. « Durant
l'hiver de 1800 à 1801, écrit M. Deramecourt, comme aupara-
vant, la sécurité était loin d'être complète dans le Pas-de-
Calais, surtout la nuit. Aussi, un arrêté du préfet, en date du
lo février, réclame la réorganisation de la garde nationale, la
création des patrouilles de nuit qui devront spécialement cir-
culer sur les routes où doivent passer les courriers et dili-
gences, autour des maisons isolées, dans le voisinage des
granges et des meules 2. »
Par une lettre circulaire, en date du 20 germinal an VIII,
le ministre de la police générale prescrit aux préfets de dresser
un tableau des commissaires de police à établir dans leur
département en exécution de la loi du 28 pluviôse précédent :
Arras et Saint-Omer devaient avoir deux commissaires ; Aire,
Boulogne, Calais, Béthune, un seul. Conformément aux
instructions ministérielles, Poitevin-Maissemy dresse le tableau
demandé ; il propose de conserver à Aire, à Calais et à Saint-
Omer les commissaires qui s'y trouvaient antérieurement sous
le gouvernement du Directoire. A Saint-Omer, sur les
cinq commissaires actuels, deux, Delbourg et Decques,
peuvent être maintenus. Bourdon, ancien lieutenant bailli
de la commune de Saint-Omer, employé en Hollande
en 1794 par le Comité de Salut public, se met sur les rangs
pour cette place et les rapports qui le concernent sont
favorables. A Boulogne, des deux commissaires précédents,
un seul, Flahaut, mérite d'être gardé. Mais c'est surtout Arras
qui attire l'attention du préfet ; dans une lettre au ministre de
la police générale, il dit : « Je dois, citoyen ministre, vous
soumettre quelques observations particulières sur les deux
1. Archives Nationales F i»" 1, 170"'.
2. Deramecourt, op. cit., t. V, p. 158.
6 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
commissaires à établir à Arrasetje vous supplie de les prendre
en considération. La ville d'Arras est une de celles qui a le
plus soufîert du régime révolutionnaire ; plus de trois cents
familles comptent dans leur sein des victimes du tribunal qui
y était établi; de là, résultent de profonds ressentiments...
Cet état de choses exige infiniment d'attention dans le choix
des commissaires de police qui doivent surveiller et assurer
la tranquillité de cette cité; il faut des moyens, de l'adresse,
de la confiance, de la fermeté ; il faut des hommes considérés
et qui, n'ayant appartenu à aucun parti, jouissent de l'estime
de tous ; en un mot qu'ils inspirent et commandent le respect.
Le citoyen Delpouve, que je propose avec le citoyen Delair,
bon à conserver, est l'homme qui est sans contredit le plus
propre à remplir ces fonctions importantes dans les circons-
tances présentes ; il était autrefois lieutenant de police par la
place de procureur de la commune avant 1789 et le citoyen
Delair l'exerçait sous lui ; depuis la Révolution, il a toujours
été membre des municipalités ; il est estimé et respecté de
tous les partis ' .
Un arrêté préfectoral du 1"'' pluviôse an IX donne les instruc-
tions nécessaires aux autorités du département pour l'envoi
tous les dix jours d'un rapport sur l'état de leur circonscrip-
tion respective'-. Malgré les diverses mesures prises par Poi-
tevin-Maissemy, le résultat ne semble pas avoir répondu
complètement à ses efforts, tout au moins pour une partie du
département, car Fourcroy, envoyé en mission dans la XVI^
division militaire pendant les mois de pluviôse et ventôse
an X, constate qu'un arrondissement tout entier, celui de
Saint-Pol, « a été et peut être encore regardé comme en rébel-
lion contre le gouvernement ; c'est là où se réfugient les
voleurs de diligence ; un tribunal spécial était très nécessaire
1. Archives départementales du Pas-de-Calais, série M, police administra-
tive.
i. Archives départ., série K., Reg. des arrêtés, 105, f» 1.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l' ARRONDISSEMENT 7
pour ce département et celui qui y a été placé a déjà rendu de
grands services * » .
En effet, dans l'arrondissement de Saint-Pol pendant
Tan X, on relève 44 délits forestiers, 8 incendies dus à la
malveillance, 47 vols de tout genre, 71 vols de grains, 14
assassinats et une tentative de meurtre ; on a tué notamment
deux gardes champêtres et le maire de la commune de Saint-
Martin, Ghoquel. Le sous-préfet constate que le nombre des
mendiants a été considérable ; deux années successives , de
mauvaises récoltes avaient occasionné une hausse extrême
dans le prix des denrées. La police rurale est faite aussi bien
qu'on peut l'attendre de gardes champêtres peu ou mal
payés ; la suppression de ces gardes et leur remplacement
par une brigade de gendarmerie à pied dans chaque canton
sont indiqués par le Conseil d'arrondissement de Saint-Pol
comme les moyens les plus efficaces pour faire respecter la
propriété 2.
La situation n'est guère meilleure dans l'arrondissement
de Montreuil: « Depuis plus de deux ans, écrit le sous-préfet,
la cherté excessive des grains et le défaut de travail ont con-
sidérablement accru la mendicité. Les cultivateurs qui ven-
daient leurs denrées très chères auraient pu cependant occu-
per les malheureux, mais les prêtres insoumis qui existaient
chez les plus aisés absorbaient au delà de leurs bénéfices...
Les réquisitionnaires et conscrits ne rejoignaient aucun corps
ou désertaient et formaient ainsi des bandes de vagabonds
n'existant que des délits ; on les a vu arrêter les diligences,
assaillir leurs escortes, enlever de leurs mains les fonds
publics. » En l'an X, il a été commis dans l'arrondissement
de Montreuil trois assassinats suivis de vol, une tentative
d'assassinat, plusieurs tentatives d'incendie ; huit hommes
armés de fusils se sont rendus, la nuit, aux fermes du Ménage
1. RocQUAiN, L'état de la. France au 18 brumaire, 1874, in-12, p. 225
2. Archives départ., série M,, Rapport du sous-préfet de Saint-Pol, le 3 ven-
démiaire an XI,
8 LE PAS-DE-CALATS DE 1800 A 1810
de Brimeux et de Saint-Nicolas ; ils y ont tiré plusieurs coups
de fusil, mais ils ont été repoussés '.
Même misère dans l'arrondissement de Béthune avec moins
de violences; les jugements y atteignent en l'an X le chiffre
de 98 dont 42 prononcés pour vol ; la mendicité a offert un
spectacle « effrayant ; les cultivateurs ne pouvaient suffire
aux aumônes et le nombre des mendiants était en quelque
sorte incalculable ». Les patrouilles des gardes nationales
ont empêché les délits dans l'arrondissement de Saint-Omer ;
il ne s'en est commis aucun de grave, mais de nombreuses
bandes de vagabonds parcouraient les villages, mendiant le
jour et même la nuit^.
« Le caractère moral et pacifique des habitants de l'arron-
dissement de Boulogne, écrit le sous-préfet de cet arrondis-
sement, ne permet pas de craindre que la sûreté publique y
soit jamais gravement compromise. Il s'y commet en général
très peu de désordres, ou du moins de ceux qui sont faits
pour inspirer de l'inquiétude au gouvernement ; on n y connaît
pas les mouvements combinés des attroupements ou des
résistances. Les seuls exemples qu'on en puisse citer ont eu
pour objet quelque expédition de contrebande ou, avant le
concordat, l'exercice clandestin du culte par des prêtres
insoumis. Il y a eu cette année (an X) plusieurs attroupements
armés pour protéger la contrebande ; un de ces attroupements
a été dispersé le 6 ventôse, à deux heures du matin, par les
préposés ; des sabres, des pistolets ont été saisis; deux délin-
quants ont été arrêtés dont un était de ces fameux La Rose
connus pour faire toute espèce de contrebande et pour avoir
entretenu pendant la guerre des relations avec les ennemis.
Ils ont été acquittés par le tribunal. Un nouvel attroupement
a voulu, il y a peu de jours, protéger un versement de con-
1. Archives départ., série M., Rapport du sous-préfet de Montreuil au
préfet, le 12 fructidor an X.
2. Ibid. Rapport du sous-préfet de Béthune sur la situation générale pen
dant l'année, le 8 fructidor an X.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDTSSEMENT 9
trebande ; deux employés des douanes ont été blessés de coups
de feu ^ » ,
Il est certain que cet état général de malaise et de trouble
était dû dans le département du Pas-de-Calais plutôt à une crise
économique qu'à des causes politiques ; le préfet Poitevin-
Maissemy avait le malheur de se trouver en présence d'une
période de récoltes déficitaires qui entravaient beaucoup son
œuvre pacificatrice. Du reste, il constate lui-même, dans un
rapport daté du 11 fructidor an VllI, que tout est pour le
mieux dans le département : « excellent esprit, attachement
sincère au gouvernement ~ ».
Les sous-préfets sont aussi optimistes ; écoutons celui de
Montreuil : « l'influence de la Révolution dans l'arrondisse-
ment de Montreuil a entraîné quelques désastres communs
aux autres parties de la République, mais le caractère d'huma-
nité et de justice de ceux qui en ont dirigé la marche en a
adouci plus qu'ailleurs la calamité, La majorité des citoyens
désirait un changement nécessaire dans l'ancien ordre de
choses et se serait volontiers bornée aux améliorations opérées
par l'Assemblée Constituante, mais ils se sont soumis avec
docilité à toutes les lois, même à celles opposées à leurs
inclinations, par le désir de mettre enfin un terme à la Révo-
lution. Aujourd'hui, ils paraissent très satisfaits du gouverne-
ment actuel et y trouvent ce qu'ils désiraient le plus, un état
stable et permanent ; ils sont reconnaissants de ce que le gou-
vernement fait pour eux et ils espèrent beaucoup de ce qu'il
doit faire encore. La situation de ce qu'on appelait la bour-
geoisie s'est extrêmement améliorée pour l'aisance et pour
l'instruction et pour la civilisation ; ils sont même les seuls
propres aux fonctions publiques; aussi sont-ils les seuls
employés ; la plupart sont propriétaires et fortement attachés
1. Archives départ., série M., Rapport du sous-préfet de Boulogne, an X.
2. Archives nationales, F"", III, Pas-de-Calais, 8.
10 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
à la Constitution et au g-ouvernement qui leur donne avec de
la considération une existence honorable* ».
De nombreux émigrés ont profité des dispositions bienveil-
lantes du gouvernement pour rentrer dans le département du
Pas-de-Calais, mais, en général, ils se tiennent tranquilles et
ne soulèvent aucun incident. Le sous-préfet de Boulogne
esquisse avec une réelle finesse psychologique leur attitude :
« Quant aux prévenus d'émigration, dit-il, presque tous ceux
qui appartenaient à cet arrondissement sont rentrés ; ils se
sont retirés dans leur famille et ils n'ont donné jusqu'ici occa-
sion à aucune plainte. Ils emploient ici, comme partout
ailleurs, toutes sortes de moyens pour engager les acquéreurs
de leurs biens à les rendre au prix coûtant. Depuis la rentrée
des prêtres, ils les emploient comme négociateurs et ils s'en
trouvent fort bien. Au reste, il est évident que cette espèce
d'hommes n'est pas changée ; ils ont rapporté leurs préjugés
et leur morgue ; ils forment au milieu de la nation une sorte
de nation distincte, ils ne vivent qu'entre eux, ne prennent
aucune part aux réunions, aux fêtes, aux affaires publiques,
et, jusque dans les relations de société et de plaisir, ils
affectent de se tenir éloignés de tout ce qui n'a que l'honneur
d'être homme ^ ».
Il n'y a pas là de toute manière les éléments d'une opposi-
tion au gouvernement établi et il paraît à peu près certain
que si le préfet se débat contre des difficultés assez sérieuses,
c'est que le régime se trouve dans de mauvaises conditions
économiques et traverse la période de liquidation de la
Révolution. Les nombreux documents réunis par Poitevin-
Maissemy en vue de la contribution de son département à la
statistique générale de la France entreprise en ISOi par le
ministère de l'intérieur, fournissent à ce propos des indications
intéressantes : la population a diminué par suite de la guerre ;
1. Archives départ., série M., Mémoire sur la statistique comparative de
rarrondissement de Montreuil entre 1789 et l'an IX par le sous-préfet Poultier.
2, Ibid. Rapport du sous-préfet de Boulogne précédemment cité.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDISSEMENT 11
une jevinesse nombreuse est restée sur les champs de bataille
et sa disparition prive de bras les forces productives de l'agri-
culture ; les mariages ont été rares à cause des réquisitions
militaires et les unions mal assorties ont plutôt contribué à
la dépopulation. Poitevin-Maissemy fait observer que la
guerre, « depuis sept années a détruit dans les villes comme
dans les campagnes toutes les lois des convenances en forçant
une foule de jeunes filles à s'unir à des hommes d'un âge
avancé » ; du reste, ajoute le préfet, <( la plupart des mariages
modernes ne sont plus que des actes de spéculation. » Les
villes ont été plus particulièrement éprouvées ; on constate
un mouvement marqué d'émigration des villes vers les cam-
pagnes. Poitevin-Maissemy en donne les motifs suivants :
« 1° il est constant que la suppression d'une multitude de
charges, offices et emplois qui fixaient des propriétaires dans
les villes, en a fait refluer la majeure partie dans les cam-
pagnes ; la diminution éprouvée dans beaucoup de branches
des revenus, l'abolition des droits féodaux a produit le même
effet à l'égard d'une infinité des habitants des villes ; 2° les
domestiques que les propriétaires avaient à leur service étaient
en général extraits des campagnes et ils ont été obligés d'y
revenir ; 3'' ces propriétaires ont moins de luxe dans leur train
de vie depuis qu'ils occupent toute l'année leurs maisons
rurales; delà, une infinité d'ouvriers qui ont cessé de trouver
des moyens de subsistance dans les villes, que, par cette
raison, ils ont été forcés de quitter ; 4" enfin l'extinction des
chapitres et des maisons religieuses, dont les plus riches
étaient placés dans les villes, a laissé sans occupation tout ce
qui trouvait des moyens de vivre dans l'existence de ces éta-
blissements i. »
Liquidation d'une période de troubles, de guerres et de
mesures révolutionnaires qui a laissé son legs d'instabilité
sociale et économique, récoltes déficitaires et plus-value des
1. Archives départ., série M., Dossier relatif à la statistique générale de
1801.
12 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
denrées, telles sont donc les causes déterminantes de cette
situation difficile du département du Pas-de-Calais. Le préfet
Poitevin-Maissemy s'efforce de parer au plus pressé, c'est-
à-dire à l'extinction du vagabondage et de la mendicité d'où
résultent la plupart des délits, mais les moyens en son pou-
voir n'ont pas encore toute l'efficacité voulue.
Un autre point, qui touche à l'administration générale et sur
lequel le gouvernement consulaire exigeait de la part des pré-
fets des départements maritimes, surtout de ceux qui bordent
la Manche, une grande vigilance, c'est celui de l'entrée en
France des marchandises anglaises prohibées. Malgré la sur-
veillance des employés de la douane, le sous-préfet de Bou-
logne avoue lui-même que, dans son arrondissement, la con-
trebande de ces marchandises prohibées est considérable ; il
est facile d'en juger par la quantité des provenances anglaises
qui garnissent les magasins des négociants de Boulogne et de
Calais ou qui sont colportées dans les campagnes. La marque
et l'estampille des étoffes étrangères, ordonnées par l'arrêté
du 13 fructidor an IX, sont à peu près inutiles pour entraver
cette contrebande. On fait particulièrement depuis deux ans
une exportation frauduleuse de chiffons fort importante, par
les côtes de ce même arrondissement ; les Anglais donnent des
chiffons un prix quadruple de la valeur courante de cette
matière en France ; il y a à Desvres, à Samer, à Pont-de-
Briques, des entrepôts connus de ces chiffons; les frères La
Rose sont les agents les plus actifs et les plus adroits de cette
sorte de contrebande et souvent les douaniers sont contraints
de livrer de véritables batailles contre les hommes en armes
qui escortent les voitures ^.
Dans cet ordre d'idées, un incident qui se produit à Saint-
Omer permet de juger des difficultés même juridiques aux-
quelles se heurte l'administration. Le ministre de l'intérieur
informe le préfet Poitevin-Maissemy, le 17 vendémiaire an X,
1. Archives départ., série M., Rapport du sous-préfet de Boulogne précé-
demment cité.
LÈS ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDISSEMENT 13
qu'un fabricant de Saint-Omer, le citoyen Playe fils, se livre
au commerce des marchandises anglaises ; il l'invite à prendre
sur son compte les renseignements les plus exacts et à le faire
poursuivre suivant la rigueur des lois si la contravention est
bien constatée. Conformément aux ordres du préfet, le sous-
préfet de Saint-Omer, accompagné du secrétaire particulier du
préfet et du commissaire de police, se transporte chez le négo-
ciant incriminé ; Plaje déclare que les marchandises anglaises
qu'il a en magasin sont : huit pièces de mousselines anglaises
provenant d'un achat de cinquante pièces fait pour son compte
par le citoyen Dujat à la vente de la prise anglaise, le Young
James ; quatre barils de couperose, cent balles de sumac, trois
pièces de tapis en toile cirée, achetés dans les mêmes condi-
tions. Au reçu du procès-verbal de cette visite domiciliaire,
le ministre écrit au préfet : <( Il me paraît, d'après la lecture
de ces pièces, que le citoyen Playe conservait sciemment chez
lui des marchandises anglaises, telles que les mousselines, qui,
aux termes de la loi, devaient être réexportées puisqu'elles
provenaient des prises. Je vous invite, citoyen préfet, à faire
traduire le citoyen Playe devant le tribunal de police correc-
tionnelle de son domicile, pour y être jugé d'après les dispo-
sitions de la loi du 10 brumaire an V ». Or, par jugement du
22 frimaire an X, le tribunal de Saint-Omer acquitte Playe
fils en se basant dans ses considérants sur ce que l'importa-
tion de ces marchandises n'était pas défendue par la loi, que
la vente en avait été faite publiquement et sous charge de
réexportation et que les droits d'entrée en avaient été payés à
la douane, ce qui n'aurait pas eu lieu si ces marchandises
s'étaient trouvées dans le cas d'être prohibées K
Sous un régime politique aux destinées duquel présidait un
homme de guerre comme Bonaparte, la question des rapports
entre les autorités militaires et la nouvelle autorité civile
était non moins délicate que celle de la sécurité publique. Le
1. Archives départ., série M.
14 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
préfet Poitevin-Maissemy ne paraît pas avoir toujours vécu
en excellents termes avec les officiers supérieurs qui com-
mandaient dans le département du Pas-de-Calais; nous retrou-
vons les traces d'un petit conflit entre lui et le général Fer-
rand, conflit dans lequel du reste les torts ne sont pas de son
côté. Le g-énéral Ferrand se plaignait de la convocation par
le sous-préfet de Saint-Omer à la sous-préfecture des autorités
civiles et militaires appelées à faire partie du cortège dans les
fêtes et réunions publiques ; il prétendait que cette convoca-
tion devait avoir lieu à la maison commune, à l'Hôtel-de-
Ville. Par une lettre en date du 21 fructidor an VIII, le
ministre de l'intérieur tranche le différend en déclarant que le
général Ferrand n'avait pas « suffisamment examiné la distance
ou la différence des fonctions et de l'autorité exercée par le
préfet et les intendants qui existaient autrefois; les préfets
sont dans leur arrondissement les agents immédiats du gou-
vernement et, comme c'est lui qui préside aux fêtes nationales,
qui les dirige et les règle, les préfets dans les villes de pré-
fecture, les sous-préfets dans les chefs-lieux de sous-préfec-
ture et les maires dans les autres communes, les représentant
essentiellement en ce point, doivent avoir la préséance ; c'est
donc chez celui qui préside, à la maison de la préfecture, de
la sous-préfecture ou de la mairie que la réunion doit se for-
mer ^ ».
En principe, l'autorité centrale entend être minutieusement
informée de tout ce qui se passe dans chaque département ;
une lettre circulaire du ministre de l'intérieur, le 21 ventôse
an X, comporte les observations suivantes qui sont très carac-
téristiques :
« Plusieurs lois, citoyen préfet, ont réglé les rapports que
doivent avoir avec le gouvernement les autorités locales. Elles
veulent entre autres choses : 1** que sur les objets qui inté-
ressent le régime général de la République, ces administra-
1. Archives départ., série M.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDISSEMENT 45
tions ne puissent faire exécuter aucun arrêté sans l'appro-
bation préalable du ministre qui en doit connaître ; 2°
qu'outre les correspondances habituelles qu'elles entretiennent
avec le ministre de l'intérieur pour des affaires particulières,
elles lui fassent parvenir tous les mois un tableau raisonné des
affaires du département et des progrès de l'exécution des lois
dans les diverses parties confiées à leurs soins. Ces disposi-
tions étaient sages; elles n'ont point été abrogées ; mais le
désordre des temps révolutionnaires en a d'abord suspendu
puis aboli l'usage. De là, résultent beaucoup d'inconvénients.
Des mesures qui intéressent le régime général sont prises
dans quelques départements ; elles sont mises à exécution sans
avoir été approuvées ; il se forme ainsi des usages locaux qui
tendent à ramener la diversité des coutumes et blessent l'uni-
formité d'administration que toutes nos lois ont en vue. Je
vous invite à m'adresser chaque mois le compte analytique
de toutes les décisions, mesures ou arrêtés que vous aurez
pris dans toutes les parties de l'administration qui vous sont
confiées. Vous remarquerez que je ne vous demande que des
indications sommaires ; attachez-vous surtout à les rendre
précises, à y exprimer clairement et simplement le point de
difficulté de chaque affaire et le motif qui a déterminé votre
décision ^ ».
Le ministre Ghaptal attachait une grande importance à ces
comptes rendus analytiques et il paraît qu'il ne fut pas tou-
jours satisfait de ceux de Poitevin-Maissemy, car il écrivait à
son successeur La Chaise : « En général, le compte qu'a pré-
senté votre prédécesseur ne remplit pas l'objet que je me
suis proposé ; les questions et les motifs des décisions sont
présentés d'une manière trop vague pour que j'aie pu me for-
mer une idée juste de son administration pendant les six der-
niers mois de l'an X ^ ».
Une autre circulaire du ministre de l'intérieur, en date du
1. Archives départ., série M.
2. Ibid.
16 LE PAS-DÈ-CALAIS DE 1800 A 1810
16 floréal an IX, enjoint au préfet de former près de lui
un Conseil composé d'un très petit nombre d'hommes les
mieux recommandés dans l'opinion publique par leur mora-
lité et leurs connaissances pratiques : « Ils vous diront quel
était l'état des arts en 1789 dans le département confié à votre
administration ; ils vous feront connaître les causes des varia-
tions et de tous les changements qui sont survenus. Ils vous
indiqueront les nouveaux genres d'industrie qu'on peut créer,
soit pour ajouter au commerce déjà existant, soit pour rem-
placer les branches qui sont perdues. » Le préfet fait choix
des citoyens Lesoing, premier adjoint d'Arras, Pierron, prési-
dent du tribunal de commerce^ Ansart Piéron, juge suppléant
et négociant, Grandelas, ingénieur en chef des ponts et chaus-
sées. Le Roux, membre du conseil d'arrondissement d'Ar-
ras 1.
Poitevin-Maissemy paraît avoir été assez apprécié dans le
département du Pas-de-Calais, pays essentiellement agricole,
surtout à cause de l'intérêt qu'il portait à tout ce qui concer-
nait l'agriculture ; il possédait lui-même d'importants domaines
dans un département presque voisin et s'occupait particulière-
ment de l'élevage ; on lui attribuait une réelle compétence
en cette matière. Masse Tresca lui soumet un projet d'amé-
lioration des laines et lui rappelle « ses grandes connaissances
dans la culture des bêtes à laine - ». Malgré quelques critiques
de l'administration centrale pour la lenteur qu'il apportait
dans la communication des dossiers réclamés, Poitevin-Mais-
semy n'était pas mal noté non plus auprès du gouvernement
consulaire, puisque, le 30 vendémiaire an IX, les consuls lui
accordaient, comme une marque de leur satisfaction, une
indemnité de 4.000 francs ponr l'année courante. En dehors
de ses fonctions préfectorales proprement dites, il était chargé
de visiter toute la correspondance d'Angleterre s'eff'ectuant
par le port de Calais et il avait la mission particulière du
1. Archives départ.
2. Ibid., an IX, série M.
Les ADMIiNTSTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'arRONDISSEMENT 11
ministre de la police générale de correspondre directement
avec tous les préfets des départements de la Belgique jusqu'au
Rhin pour la surveillance, soit des individus, soit des expor-
tations de grains à destination de la côte anglaise ^ . Rien ne
permettait donc de prévoir la disgrâce qui devait atteindre, en
l'an XI, le premier préfet du Pas-de-Calais et amener son
remplacement.
Quelles en peuvent être les causes? Le Premier Consul
adresse à Poitevin-Maissemy deux reproches : 1" la conscrip-
tion militaire a été mal opérée dans le département du Pas-de-
Calais et des plaintes ont été formulées par le général qui
commande la division ; 2'' l'évêque d'Arras et le préfet ne pré-
sentent plus « cette harmonie sans laquelle les grandes
mesures sur le culte restent sans effet - ». Et c'est ce dernier
grief qui, dans l'esprit de Bonaparte, est le plus important;
Poitevin-Maissemy rapporte en effet que le Premier Consul
aurait dit de lui : « C'est un bon administrateur, mais un philo-
sophe opposé au rétablissement du culte; je le placerai dans
le corps diplomatique », Le mot est piquant. Bonaparte
n'aime guère et poursuivra de sa haine tenace les « idéologues »
aux rêves creux ; le scepticisme railleur du xvm^ siècle, le vol-
tairianisme l'inquiète et l'irrite, non par conviction personnelle
bien sérieuse, mais peut-être parce que celui qui ose railler
les choses divines n'éprouve aucun scrupule à rire de l'auto-
rité d'un Premier Consul ou d'un Empereur. En aucun temps
le titre de « philosophe » n'est une recommandation à ses
yeux, mais les idées à la mode du xviii*' siècle lui sont parti-
culièrement antipathiques quand elles viennent contrecarrer
l'établissement du Concordat; cette œuvre de pacification
religieuse et d'habile subordination de l'Eglise à l'Etat lui
est chère et il est prêt à briser toutes les résistances, aussi
bien anticléricales qu'ultramontaines. Poitevin-Maissemy
devait en faire l'épreuve à ses dépens. Dans un mémoire jus-
1. Archives Nationales, F'*' 1, 170»".
2. Archives Nationales, ibid.
Chavaxon et Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de 1800 à 1810. 2
18 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
tifîcatif, il explique ainsi sa disgrâce : « L'ancien évêque d'Ar-
ras, Conzié, un des plus grands ennemis du gouvernement,
qui a trempé dans l'attentat du 3 nivôse, avait et entretenait
un parti assez nombreux dans le département du Pas-de-
Calais, où il avait beaucoup d'agents, notamment parmi les
prêtres insermentés. La police secrète que j'étais autorisé à y
exercer me mettait à même de faire des découvertes utiles. Au
commencement de Tan XI, je découvris le premier le projet
de la conspiration Pichegru, appelée de l'an XII ; j'en donnai
le premier éveil au Grand Juge, exerçant alors le ministère de
la police générale, en y joignant plusieurs pièces probantes et
tout cela resta sans suite dans les bureaux du ministè<l de la jus-
tice. Le nouvel évêque d'Arras, homme aussi vain que borné,
s'était dans le principe livré aux prêtres affidés de l'ancien
évêque Conzié. J'avais été chargé par M. le ministre Fouché,
avant la suppression de son ministère, de le surveiller à cet
égard et de le rappeler à une conduite plus convenable. Je fus
aussi forcé de le contrarier sur des prétentions ridicules qu'il
manifestait et, quoique j'eusse certes fait alors plus qu'aucun
autre préfet pour le rétablissement du culte, cet évêque adressa
au Premier Consul une dénonciation calomnieuse contre moi,
notamment d'avoir été à un bal masqué déguisé en capucin,
ce qui était faux, en dérision, disait-il, de la religion des
consuls . . . L'évêque fut le premier instruit de mon déplace-
ment et en répandit la nouvelle à Arras, où, je peux le dire
d'après la grande notoriété, elle excita la sensation la plus
flatteuse pour moi et exprimée par plus dé deux cents lettres
ou actes publics, tant des autorités et des habitans de la ville
que de tous les points du département. Je réclamai de suite
auprès du Premier Consul et ce fut M. le ministre Chaptal lui-
même qui lui remit et appuya ma justification. Le Premier
Consul me fît dire qu'il n'avait aucun mécontentement de moi
et qu'il allait me replacer dans une autre carrière. Je persis-
tai dans ma correspondance suivie à demander exclusivement
d'être rétabli dans une préfecture à titre de réparation.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDISSEMENT 19
« Les choses restèrent dans cet état j)endant plusieurs mois
jusqu'à la découverte de la conspiration de l'an XII. M. le
conseiller d'Etat Real fut charg-é alors de la recherche de tout
ce qui pouvait y être relatif et il trouva dans les bureaux du
Grand Juge les pièces que j'avais transmises six ou huit mois
auparavant et qui donnaient le premier avis de cette conspi-
ration. Il en fut rendu compte au Premier Consul, et dans le
même temps, M. André Dumont, sous-préfet d'Abbeville,
ayant découvert dans un grenier de cette ville toute la princi-
pale correspondance relative à la conspiration, cachée et
scellée sous un plancher, y trouva diverses lettres qui me
conceriMient, une entr 'autres ainsi conçue : « Nous sommes
enfin parvenus à nous débarrasser de la surveillance du Préfet
du Pas-de-Calais, en employant l'évêque d'Arras pour le faire
déplacer », etc. Cinq ou six autres annonçaient qu'il y avait
eu des réjouissances publiques en Angleterre pour mon dépla-
cement. M. Dumont apporta lui-même cette correspondance à
Paris et accompagna M. le conseiller d'Etat Real, et par ses
ordres, à la Malmaison, où était le Premier Consul, pour la
mettre ses yeux.
« Le Premier Consul eut la bonté de dire sur-le-champ :
« Il sera préfet », et, le lendemain, à son audience, il daigna
me dire les choses les plus flatteuses sur mon administration,
en présence de plus de cent personnes; cinq jours après, il me
nomma préfet du Mont-Blanc et m'annonça qu'il m'y envoyait
pour faire marcher la conscription arriérée et qu'il comptait
sur ma fermeté et mon énergie ^ ».
Voilà donc Poitevin-Maissemy réintégré, non sans peine,
dans l'administration; il devait rester sept ans préfet du
Mont-Blanc, et ce département, bien éloigné de ses domaines
agricoles, ne lui convenait guère. Chaque fois que la préfec-
ture d'un département du nord de la France est vacante, il
s'empresse de la quémander ; ainsi, il demande la préfecture
1. Ai-chives nationales, F i"" I, 170'^.
âO LE PAS-DE-CALÀiS DE 1800 A 1810
de l'Aisne en l'an XII, celle de la Somme en l'an XIII, ou des
départements belges, des Deux-Nèthes en 1809, de Jemmapes
en 1810. On lui répond tantôt qu'il est trop tard, tantôt que
l'Empereur désire le voir rester dans le département du Mont-
Blanc où il fait du bien. Enfin, au cours d'un voyag-e à Paris,
il se blesse et ne peut retourner à Chambéry ; on le nomme le
30 novembre 1810 préfet de la Somme. Cette fois, Poitevin-
Maissemy est au comble de ses vœux et peut soigner les
quinze cents moutons mérinos qu'il possède dans le départe-
ment de l'Oise; bonheur de courte durée. La Restauration
fait perdre à Poitevin-Maissemy cette préfecture « septentrio-
nale » tant désirée; nous trouvons de lui un long #iémoire
adressé au roi le 30 mai 1814 pour solliciter une place admi-
nistrative » puis, le silence le plus complet se fait sur sa per-
sonne 1.
Sans avoir des traits aussi accusés que certains préfets
nommés à la création de cette institution, par exemple que
Delacroix, le premier préfet des Bouches-du-Rhône, Poitevin-
Maissemy n'en est pas moins une physionomie curieuse; il
représente bien le préfet du Consulat tel qu'on peut le conce-
voir a priori : formé à la vie administrative par l'ancien
régime, acquis aux idées libérales par l'inlluence des philo-
sophes, adhérent enthousiaste de l'œuvre de l'assemblée Cons-
tituante, puis ayant traversé les mauvais jours de la Révolu-
tion, comme Sièyès, en se contentant de vivre et retrouvant à
la fois dans le Consulat la continuation de l'ancien régime et
de l'Assemblée constituante.
II
Le préfet appelé à remplacer Poitevin-Maissemy dans le
départementduPas-de-Calaisavaitservi,luiaussi,lamonarchie,
mais dans la carrière des armes. Jacques-François de La Chaise
était né le 14janvierl743 àMontcenis (Saône-et-Loire). Il entra
1. Archives nationales, Pi'' I, 170>7.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l' ARRONDISSEMENT 21
au service le 7 mars 1762 en qualité de gendarme du Roi ; le
11 mars 1771, il était nommé sous-lieutenant au régiment
Royal-Polog-ne-Cavalerie et capitaine dans le même corps, le
24 mars 1774. Promu major au régiment Royal-Normandie-
Cavalerie, le 9 février 1784, il recevait la croix de chevalier
de Saint-Louis le 27 avril 1785 et était fait lieutenant-colonel
du même régiment le 17 mai 1789 ; il se trouvait à la tête de
ce corps de cavalerie lors de l'affaire de Nancy en 1790.
Colonel le 25 juillet 1791, il prenait part à la campagne de
1792 et au siège de Longw^y ; général de brigade le 15 mai
1793, il était admis peu après à la retraite pour infirmités con-
tractées au bivouac pendant l'hiver de 1792-1793, avec une
pension de 2.261 livres 17 sols que lui accordait le conseil
exécutif provisoire. Dans le département de l'Oise, où il
s'était retiré, il était élu le 13 brumaire an III maire de Beau-
vais, le 19 brumaire an IV président de la municipalité et le
10 prairial an VIII de nouveau maire de Beauvais*.
Par son passé, La Chaise a donc beaucoup de points de
ressemblance avec Poitevin-Maissemy ; c'est un homme de
l'ancien régime, libéral, qui, tout en repoussant les excès de
la Révolution et en s'abstenant d'y prendre part, en a accepté
avec joie les réformes ; il incarne en quelque sorte l'opinion
moyenne de la nation, celle sur laquelle s'appuie le gouver-
nement consulaire ; il marque le trait d'union entre le régime
issu du coup d'État du 18 brumaire et la monarchie de
Louis XVI en passant par l'Assemblée législative et l'Assem-
blée constituante. Toutefois, il ne faut pas oublier que
La Chaise est un ancien soldat. Son admiration personnelle
pour Napoléon Bonaparte, son enthousiasme, son zèle se
ressentiront de son passé militaire ; il dirigera sa préfecture
un peu comme il commanderait son régiment : par ce côté, il
différera de son prédécesseur et nous apparaîtra bien comme
le type classique du préfet de l'Empire '.
1. Archives nationales, F^H, 1662.
2. La Chaise ne fut pas le seul générale qui Bonaparte confia une préfecture;
22 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Sans insister sur les détails de son installation (24 germinal
an XI-18 mars 1803), passons tout de suite à ses actes. L'une
des premières préoccupations du préfet doit être de s'assurer
une demeure. Poitevin-Maissemy avait song-é à acquérir l'an-
cien évêché, vendu comme bien national avec le cloître et la
cathédrale, le 1"'" janvier 1799; il en avait offert un loyer
annuel de 2.000 francs, mais ce n'était là qu'une mesure pro-
visoire ; l'état des finances ne permettait pas une acquisition,
on avait donc examiné la possibilité d'un échange. La Chaise
termine les négociations commencées par son prédécesseur et,
le 11 prairial an XII, par acte passé devant notaire, le préfet
échange avec le sieur Roland, négociant à Amsterdam, les
bâtiments du conseil d'Artois, une autre maison à Arras et
des terres dans le département, le tout estimé 35.000 francs,
contre les bâtiments de l'ancien évêché d'Arras^.
Trois bureaux à la préfecture se partagent les affaires prin-
cipales : le premier bureau, intérieur, police et travaux publics,
a dans ses attributions toutes celles du ministère de l'inté-
rieur, sauf les octrois, les dépenses administratives et des
communes ; le second bureau est dit des contributions et de
la comptabilité ; le troisième est celui des domaines nationaux
et de la liquidation. Une statistique, qui ne concerne que les
actes préfectoraux émanés du premier bureau, nous donne une
idée de l'activité du préfet de La Chaise pendant les pre-
mières années de son séjour à Arras : ce seul bureau a rédigé
et transmis, du second trimestre de l'an XII au premier tri-
mestre de l'an XIII, 6673 arrêtés, lettres et circulaires (soit
1433 arrêtés, 77 circulaires, 5163 lettres) ; on peut par consé-
quent évaluer au minimum à 20.000 le nombre des actes
préfectoraux de l'an XII!
Un grand nombre de ces arrêtés et de ces mesures ont pour
but d'assurer la sécurité publique. Le premier moyen est de
Citons entre autres Ferrand, préfet de la Meuse-Inférieure , Pommereul tour
à tour préfet dans llndre-et-Loire et le Nord, Jullien de Bidon dans le Mor-
bihan, Serviez dans les Basses-Pyrénées, etc.
J, Archives départen^entales cIm P^s-ctç-G^l^is, N, hôtel dçla préfecture.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE L ARRONDISSEMENT 23
diminuer, sinon de supprimer complètement la mendicité ;
un arrêté, en date du 2i brumaire an XIII, l'interdit dans
toute l'étendue du département ; mais on ne guérit pas les
maux en les interdisant, il s'agit d'en trouver le remède. Une
circulaire préfectorale du 4 janvier 1809 est relative aux
mesures à prendre contre les mendiants vagabonds; elle
prescrit d'établir le dénombrement des mendiants du dépar-
tement, l'état des ressources des familles pauvres ' . Par
l'arrêté organique des bureaux de bienfaisance (26 ventôse
an XI), un bureau central est créé dans chaque arrondisse-
ment, un bureau par arrondissement de justice de paix et un
bureau auxiliaire dans chaque commune ^ ; un autre arrêté,
le 1*"" thermidor an XIII, réglemente les secours à domicile 3.
En outre, le préfet remet en activité le 8 ventôse an XII le
Mont-de-piété d'Arras et en confie l'administration à la com-
mission administrative des hospices de cette ville ^.
Les incendies, dus à la malveillance ou à la négligence,
étaient très fréquents dans les campagnes : un règlement pré-
fectoral du 18 vendémiaire an XIII s'efforce de les prévenir
par de sages précautions ^. Le préfet ordonne la visite des
fours et des cheminées ; plus tard, il publie une circulaire où
il expose le danger qu'offre le chaume, auquel il recommande
de substituer des toitures en terre battue mélangée de cendre ;
le 23 janvier 1808, il prescrit l'emploi des lanternes fermées
avec soin et interdit de fumer dans les cours et dans les rues 6.
Ailleurs, il réclame un service de surveillance nocturne par la
garde nationale pour mettre à exécution un arrêté du 18 ven-
démiaire an XIII '^. Les vols, particulièrement dans les églises,
se multipliaient; aussi le préfet demande (l*"" juillet 1808)
1. Archives départ., Mémorial administratif de 1809, p. 13.
2. Id., imprimés.
3. /d., Reg. 115, f° 130.
4. /d., Reg. 112, fol. 196.
5. /d., Reg. 114, fol. 17.
6. Id., Mémorial administratif de 1808, p. 13,
7. Id., imprimés.
24 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
que, comme dans le Nord, on ménage dans le clocher un
petit emplacement où couche un gardien qui puisse voir de là
tout ce qui se passe dans l'église et ait sous la main la corde
de la cloche afin de sonner l'alarme s'il y a lieu^
Préoccupé de la sécurité, La Chaise fait appliquer avec
rigueur la réglementation des passeports ; il ordonne (3 mars
1808) de les exiger dans les voitures publiques, chez les
maîtres de poste, etc. ~.
Nous avons vu que Poitevin-Maissemy désespérait de tirer
parti des gardes champêtres ; La Chaise s'efforce de les orga-
niser et en même temps d'améliorer leur sort. La gendarmerie
avait déjà une lourde besogne avec les déserteurs, les prison-
niers de guerre et les réfractaires ; elle ne comprenait que
dix brigades à cheval et une brigade à pied à Saint-Omer ; le
personnel s'élevait en tout à 126 officiers et soldats ; le secours
des gardes champêtres lui était donc indispensable pour assu-
rer l'ordre. Un arrêté du préfet, en date du 9 août 1809,
autorise les gendarmes à requérir les gardes champêtres pour
les aider dans leurs fonctions. Afin d'exciter l'émulation parmi
ces derniers, La Chaise crée le l**"" décembre un brigadier de
gardes champêtres dans chaque canton ; il sera nommé par le
préfet sur une liste de deux noms présentée par le sous-préfet
de chaque arrondissement et à Arras par le secrétaire général ;
le traitement de ces brigadiers variera de 400 à 600 francs
par an ; ils auront pour mission de surveiller les gardes, de
leur transmettre les ordres des autorités et de les réunir une
fois par mois au chef-lieu du canton. Un arrêté du 11 juin
1811 fixe le traitement des simples gardes champêtres à
13 centimes par hectare et par habitant, avec un minimum de
150 francs; des gratifications seront allouées à ceux qui se
distingueront par leur zèle, et, en cas de blessure accidentelle,
on leur attribuera une indemnité. Ces mesures cependant ne
durent pas être beaucoup plus efficaces que celles de Poitevin-
1. Archives départ., Mémorial administratif de 1808, p. 119.
a. Id., Mémorial administratif de 1808, p. 41.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE L ARRONDISSEMENT 25
Maissemy : en 1813 le conseil général se plaint de ce que la
plupart des brigadiers de gardes champêtres ne parcourent
pas les communes de leur canton ; les réunions du chef-lieu
sont le prétexte de scènes d'ivresse dans les auberges et les
cabarets ^
Depuis que l'Assemblée nationale avait supprimé le privi-
lège féodal de la chasse, tous les habitants s'étaient mis à
chasser et par suite étaient porteurs d'armes. Il y avait là un
danger qui ne pouvait échapper aux yeux d'un administrateur
un peu expérimenté ; dès son arrivée dans le département,
La Chaise prenait un arrêté (19 juillet 1803) réglementant à
la fois la chasse et le port d'armes : seuls, les citoyens, qui
posséderont 2S hectares d'une même pièce ou qui auront leurs
propriétés fermées de murs, pourront jouir du droit de port
d'armes ; nul citoyen ne pourra obtenir ce droit s'il ne justifie
que, par son commerce et sa profession, il est obligé de
voyager fréquemment et de porter des armes pour sa défense ;
ce droit ne sera accordé qu'après versement par celui qui le
réclame d'une somme de 2a francs destinée à subvenir aux
besoins des hospices. En 1804, le préfet décide que les
maires pourront, avec le visa du sous-préfet, donner l'autori-
sation de porter pour la dépense personnelle une épée ou des
pistolets. Un arrêté préfectoral delà même année punit d'une
amende équivalente à trois journées de travail ou à trois jours
de prison, avec confiscation des armes, les individus trouvés
armés et sans permis 2.
D'autres mesures du préfet de La Chaise, qui se rattachent
en quelque sorte à la sécurité publique, assurent la réorgani-
sation de la louveterie. Les loups sont alors très nombreux
dans les parties boisées du département du Pas-de-Calais;
ainsi, au cours d'une chasse dans les bois de Willeman près
de Hesdin, on n'en tue pas moins de cinq. Un capitaine de
1. G. DE Hauteclocque, Le Pas-de-Calais sous Vadministration préfectorale
du baron de La Chaise, Mémoires de l'Académie d'Arras, 2" série, t. XXV,
1894, pp. 174 et suiv.
2. De Hauteclocque, op. cit., pp. 167-170.
26 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
louveterie est créé pour l'ensemble du département, avec des
lieutenants dans chaque arrondissement. « Tous les trois mois,
ils devaient adresser au préfet un état des loups dont ils con-
naissaient l'existence dans leurs circonscriptions respectives
et, tous les ans, un état de ceux qu'ils étaient parvenus à
détruire avec le concours des autorités civiles et militaires
qui étaient tenues de leur prêter assistance ^
Les questions forestières et de pâture devaient également
préoccuper le préfet. Le cantonnement des bergers donnait
lieu h des réclamations continuelles ; dans une circulaire du
10 messidor an Xll, le préfet résume les dispositions de la loi
du 6 octobre 1791 et rappelle les règlements du Conseil
d'Artois du 11 août 1707, l'article 53 de la coutume d'Artois
qui règle l'étendue du vain pâturage et l'article 50 concernant
les amendes pour les bêtes à laine ; il confirme et répète sa
première circulaire le 30 janvier 1808 2,
Citons encore un arrêté du 25 juillet 1810, qui défend la
tenue d'aucune assemblée municipale ou autre dans les caba-
rets, auberges, etc. ^.
Dans le but de faciliter aux maires la connaissance des
instructions et des arrêtés, le préfet avait créé le Mémorial
administratif, le 8 janvier 1808; les abonnements à ce recueil
étaient de 4 francs pour six mois et de 7 francs pour une
année ^.
Non seulement La Chaise eut à assurer la sécurité inté-
rieure, mais encore il lui fallut se prémunir contre les ennemis
du dehors. Le voisinage de la côte 'anglaise rendait toujours
possible et dangereux un débarquement des troupes ennemies.
Ainsi, en 1809, les Anglais menaçant le littoral, le préfet
fait appel au patriotisme des habitants ; il prend un arrêté
pour régler l'enrôlement des volontaires et demande le con-
1. De Hauteclocque, op. cit., pp. 172-174.
2. Archives départ., imprimés ; Mémorial administratif de 1808, p. 181,
3. Id., Mémorial administratif de 1810, p. 86,
4. Jcl., ^|én()orial adn^inistratif de J808,
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l' ARRONDISSEMENT 27
cours des soldats réformés ou retirés qui vivent dans le dépar-
tement en vue de Torganisation de bataillons départemen-
taux ^
Les efforts du préfet La Chaise ne devaient pas rester
inutiles ; peu à peu la sécurité renaissait dans tous les arron-
dissements, le nombre des délits diminuait et l'ordre régnant
prouvait l'existence d'un gouvernement stable et régulier ;
en 1810 le département du Pas-de-Calais jouissait de tous les
bienfaits d'une sage administration. Aussi, ce préfet reçoit-il
à diverses reprises, au cours de sa carrière, les remerciements
et les marques de satisfaction des assemblées départemen-
tales. Le collège électoral du Pas-de-Calais le proclame à une
très grande majorité candidat pour le Sénat conservateur.
M. Bruneau-Beaumetz, président du collège, en lui annonçant
cette décision le l®"" septembre 1803, lui déclare qu'elle est
l'expression des sentiments de confiance et d'estime que lui
ont voués ses administrés. (Cette élection n'eut du reste pas
de suites, M. Jacquemont ayant conservé ses fonctions de
sénateur jusqu'à la fin de l'Empire). En 1807, le conseil général
constate que l'opinion publique s'améliore grâce au préfet :
« on est soumis avec affection et reconnaissance au gouver-
nement impérial paternel et bienfaisant. »
Ces sentiments, exagérés du reste parles formules officielles,
identiques sous tous les régimes, s'affaibliront avec les exi-
geances croissantes de la conscription qui pèsera de plus en
plus lourdement sur les populations par le fait des guerres de
l'Empire. Déjà, le 9 thermidor an XI, le préfet constate que le
soin de la conscription occupe le tiers des employés de la
préfecture et qu'ils suffisent à peine à cette tâche. Et La Chaise
applique à ce sujet les instructions gouvernementales en soldat
qui ne connaît que la consigne ; c'était le meilleur moyen
pour un préfet de l'époque de faire sa cour au maître tyran-
nique que la France s'était donné. Toutefois lorsqu'après le
1, Archives départ,. Mémorial administratif 4ç 1809, pp. 93, 95, 97,
28 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
désastre de l'expédition de Russie, Napoléon s'eng-age plus
avant dans la voie fatale où doit sombrer le régime impérial,
La Chaise ne peut s'empêcher de faire part à un ami, assez
haut placé pour approcher du souverain, de ses sombres pres-
sentiments : « Tibi soli ! On trompe l'Empereur, on lui pré-
sente une mesure qui va mettre mon département dans une
effervescence dont je frissonne de calculer l'explosion. Mais,
de grâce, n'employez cette trop faible force qu'avec prudence,
après avoir fait vérifier l'intensité de la résistance. Je me
livre à l'espoir que la plus intime, la plus universelle con-
fiance dans votre sagesse préviendra tous nos malheurs. Une
fois attaqué, il faut vaincre et quelle déplorable victoire que
celle qui révèle aux alliés la discorde planant au milieu de nos
campagnes, menaçant nos villes et toute prête à nous plonger
dans les horreurs d'une guerre civile. Tout est abstrait dans
les conseils, tandis que la politique qui nous a sauvés de
l'anarchie en nous conduisant de miracle en miracle pouvait
les renouveler dans une conciliation qui finira par devenir
impossible parce que personne n'est content. Vous connaissez
mon dévouement pour notre Empereur ; je laisse donc couler
ma plume au milieu de mille idées qui m'échappent, parce
que vous me brûlerez, après m'avoir éclairé en ma qualité de
vieux soldat sans reproches qui se livre en aveugle à votre
ancienne amitié ^ ».
Les souffrances des populations, le désespoir des familles
firent oublier les dix années de prospérité relative que le
département du Pas-de-Calais devait à Napoléon et à ses
représentants, et une partie de la haine contre le régime
impérial fut reportée sur le préfet de La Chaise qui, tout en
désespérant en lui-même de l'avenir, n'en continuait pas
moins à presser le départ des diverses levées, à faire appel à
toutes les ressources en hommes, en chevaux et en argent de
1. G. DE Hauteclocque, Le Pas-de-Calais sous l'adminislration préfectorale
du baron de La Chaise (Mémoires de l'Académie d'Arras, 2« série, t. XXV,
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l' ARRONDISSEMENT 29
son département. La phraséologie prétentieuse et pompeuse
des actes préfectoraux ou des délibérations du Conseil général
et des Conseils d'arrondissement n'est qu'un vernis qui cache
mal le délabrement de l'édifice et ne trompe personne.
A la suite du sénatus-consulte du 22 février 1814, ordon-
nant la levée de 300.000 hommes, dont 3.000 devaient être
fournis par le département du Pas-de-Calais, la résistance
devient ouverte. Dans certaines communes, les habitants
prennent les armes. Jusqu'au dernier moment, La Chaise fait
face aux difficultés avec la même énergie et avec la même
prudence; toutefois, dès que la déchéance de Napoléon est
proclamée et le comte de Provence appelé au trône sous le
nom de Louis XVIII, il s'empresse de se rallier au nouveau
régime et de mettre son activité et son zèle au service de
l'autorité royale. Le baron de La Chaise reçoit à la préfecture
d'Arras, le 6 août, le duc de Berry, avec des protestations de
fidélité et de dévouement semblables à celles qu'il adressait
naguère à l'Empereur et, pour que le parallèle soit complet,
le duc de Berry lui confère la décoration du Lys comme l'Em-
pereur lui avait remis celle de la Légion d'honneur.
Mais Napoléon revient de l'Ile d'Elbe ; il débarque à Fré-
jus : toujours docile, La Chaise adresse aux populations la
proclamation suivante : « L'Empereur vient de remonter sur
le trône ; nous devons obéissance à ses ordres. Le décret, qui
nous parvient aujourd'hui 24 mars, nous prescrit de reprendre
les anciennes couleurs nationales ; une nombreuse garnison
vient de les arborer dans le chef-lieu de ce département ; sui-
vons son exemple, prévenons tous les désordres qui pour-
raient résulter des dissidences entre le militaire et le citoyen
et resserrons de plus en plus les liens qui doivent réunir le
peuple français et l'armée nationale. Vive l'Empereur ! »
Napoléon avait déjà remplacé La Chaise à la préfecture du
département du Pas-de-Calais par le baron de Laussat,
auquel succédait, sur son refus, le baron de Roujoux, qui
avait bientôt lui-même pour successeur André Dumont, l'ancien
30 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
député de la Somme à la Convention Nationale : trois préfets
en cent jours. Au retour définitif des Bourbons, Louis XVIII
ne tint pas rigueur à La Chaise de sa proclamation ; il lui
donna le titre de conseiller d'État honoraire, une pension de
retraite de 6.000 francs et le grade de commandeur de la
Légion d'honneur. Le baron de La Chaise se retira en son
château de Maisnil, près de Beauvais, où il mourut le 11 mars
18231.
Le département du Pas-de-Calais avait eu à diverses
reprises la visite de Napoléon : le 18 juillet 1804, l'Empereur
s'était rendu au camp de Boulogne et y avait été reçu par le
préfet et par l'évêque d'Arras. Au cours de ce même voyage,
il s'arrêta à Saint-Omer et passa en revue à Arras la belle
division de grenadiers du général Junot ; pendant son séjour
au chef-lieu du département, la nouvelle préfecture lui servit
de résidence. Pour remercier les populations du nord de la
France du dévouement dont elles lui paraissaient faire preuve
à l'égard du régime impérial, Napoléon revint dans le Pas-de-
Calais en 1810, cette fois avec l'impératrice ; il visita succes-
sivement Béthune, Saint-Omer, Calais et Boulogne et fut
reçu partout avec le plus vif enthousiasme. Ces manifesta-
tions avaient leur écho dans les diverses récompenses dont le
préfet La Chaise était l'objet : le 25 prairial an XII, il reçoit la
décoration du nouvel ordre de la Légion d'honneur ; en 1809,
le gouvernement lui octroie le titre de baron.
Nous avons vu ce que les administrés pensaient de leur
administrateur ; nous venons de voir le cas fait par le gouver-
nement impérial du préfet placé à la tête du département du
Pas-de-Calais ; il est intéressant maintenant d'examiner com-
ment le baron de La Chaise appréciait ses administrés :
« Dans le Pas-de-Calais, dit-il, on est froid et on aime le
gouvernement par égoïsme. On se trouve plus heureux parce
qu'on craint moins. » Le préfet attribue à la population
1. De Cardevacque, Les préfets du Pas-de-Calais (Le cabinet historique de
l'Artois et de la Picardie, mars-avril 1899).
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l' ARRONDISSEMENT 31
quelque regret du régime républicain qu'il appelle « l'exécrable
rigueur de 93 », mais les républicains « ne forment qu'une
république obscure et ils n'osent lever la tête. » A vrai dire,
ceux que les souvenirs de la Convention Nationale et de ses
représentants ne réjouissent pas précisément paraissent plus
nombreux, et M. de Hauteclocque cite à ce propos une
curieuse pétition adressée au préfet le 22 juin 1803 : « La joie
que nous éprouvons depuis que vous nous gouvernez est si
inexprimable qu'elle nous fait oublier nos malheurs. Désirant
en éloigner toute espèce de souvenir, nous prenons la liberté
de vous prier de faire enlever dans la cour du département
deux inscriptions sur l'arbre de la liberté, qui y ont été pla-
cées dans le régime de la Terreur ; on ne peut les lire sans
frissonner d'horreur : aussi nous répugne-t-il de les trans-
crire. Nous nous flattons que vous ne regarderez pas cette
démarche comme un manque d'obéissance à la République. —
Signé : les amis de la tranquillité ^ »
Entre la faible minorité républicaine et la masse plus com-
pacte de personnes qui, pour les causes les plus diverses,
regrettaient l'ancien régime, l'Empire devait rencontrer plus
d'adhérents par estime et par raison que par sentiment et par
conviction et, à mesure qu'il s'identifiait avec l'idée de la
guerre, le nombre de ces adhérents, acquis par les bienfaits du
Consulat, ne pouvait que diminuer.
Lorsque le baron de La Chaise s'adresse à ses administrés
ou écrit aux ministres, il mêle aux tirades prétentieuses et
amphigouriques que la Révolution a mises à la mode des
boutades de vieux grognard ; on croirait parfois entendre un
demi-solde de la Restauration, alors que celui qui parle ou
qui écrit est un officier de l'ancienne armée royale. On connaît
la célèbre proclamation du baron de La Chaise qui a fait le
tour de tous les manuels d'histoire : « Vous allez le voir, ce
Napoléon proclamé si justement le plus grand homme de la
1. De Hauteclocque, Mémoires de l'Académie d'Arras, op. cit.
3â LE PAS-DE-GALAIS DE 1800 A '1810
plus grande des nations... Dieu créa Bonaparte et se reposa ! »
Parfois, ses observations présentées sous une forme originale,
ne manquent pas d'esprit, comme dans cette lettre au ministre
de l'intérieur sur les difficultés et les fantaisies de la statis-
tique officielle qui est encore d'actualité : « Trois sous-pré-
fets ont répondu aux invitations pressantes qui leur ont
été adressées : ils ont fait passer tous les tableaux, mais il
n'est que trop facile de voir qu'ils ont pris à la lettre ce qu'on
leur a dit de les remplir plutôt approximativement que de
faire trop attendre des renseignements plus certains que peut-
être ils n'obtiendraient pas : il me serait possible de vous
donner ainsi sans sortir de la préfecture du Pas-de-Calais la
statistique de toute la République française ^ » C'est encore
lui qui écrit en marge d'une circulaire invitant les préfets à
ne faire aucune spéculation d'intérêts qui aurait quelque rap-
port avec les objets de leur administration : « Dieu me pré-
serve de connaître le confrère qui nous vaut cette circulaire » '-.
III
Il nous reste à parler des collaborateurs successifs de Poi-
tevin-Maissemy et du baron de La Chaise, dans leur œuvre
administrative.
Tout d'abord, les sous-préfets. Le département comprenant
cinq arrondissements, en dehors de l'arrondissement chef-lieu,
devait avoir nécessairement cinq sous-préfets. Le 14 floréal
an VIII, Bonaparte, premier consul de la République, nomme :
sous-préfet de Boulogne, Masclet; sous-préfet de Saint-Omer,
Bénard-Lagrave ; sous-préfet de Béthune, Podevin ; sous-pré-
fet de Saint-Pol, Garnier ; sous-préfet de Montreuil, Poultier.
1. Archives départ., série M, dossier de la statistique comparative en 1789
et l'an IX.
2, Arch. départ., série M.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDISSÈMENT 33
Les administrateurs communaux et de canton avaient continué
leurs fonctions jusqu'à la nomination de ces cinq sous-préfets.
Deux des sous-préfets choisis étaient d'anciens législateurs.
Né à Calais le 31 mai 1754, Bénard-Lagrave était négociant
à l'époque des débuts de la Révolution ; il fut élu député au
Corps législatif aux élections de l'an IV ; il prit une part assez
active aux discussions financières et déposa plusieurs rapports
dont un sur l'opportunité qu'il y avait à accueillir les propo-
sitions de paix de l'Angleterre. S'étant retiré de la vie parle-
mentaire au 18 brumaire, il accepta la sous-préfecture de
Saint-Omer qu'il conserva jusqu'au 2 septembre 1808, date
de sa mort.
Charles-Louis- Antoine-Eugène Garnier, ancien notaire,
occupait en 1784 les fonctions d'assesseur de la mairie
d'Ardres, petite ville où il était né le 11 mars 1755; il en
devint échevin, accueillit avec faveur la Révolution, fut offi-
cier municipal en 1790, administrateur du district de Calais.
Ses concitoyens l'élisaient, le 10 septembre 1792, quatrième
suppléant à la députation du Pas-de-Calais, et à la mort de
Lebas, il prenait la succession du célèbre terroriste ; il vota
du reste constamment avec les thermidoriens. Commissaire
du Directoire près l'administration centrale du département
du Pas-de-Calais en l'an VI, représentant du département au
Conseil des Anciens le 20 germinal an VII, il se montra favo-
rable au coup d'État de brumaire. Installé comme sous-préfet
de Saint-Pol le 2 prairial an VIII, il occupa ce poste jusqu'au
9 mars 1811 ; son traitement annuel était de 3.000 francs ^
Lorsqu'on le releva de son emploi, il interpréta cette mesure
comme une disgrâce et protesta en s' appuyant sur des certi-
ficats d'administration sans reproche, qu'il se fît décerner
par les autorités de son arrondissement. Le ministère lui
répondit qu'il n'était pas en défaveur. Toutefois, on ne lui
donna pas d'autre emploi, et, en 1813, on refusa de le nommer
1. Archives dép., K. Arrêtés, II, p. 38.
Chavanon et Saint-Yves.— Le Pas-de-Calais de IflOO à 1810. 3
34 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
sous-préfet de Béthune, malgré ses instances ^ Rallié à la
Restauration, il fut nommé maire d'Ardres et mourut dans
cette ville le 25 mars 1830.
François-Guillaume Podevin, installé comme sous-préfet
de l'arrondissement de Béthune le 26 floréal an VIII, avec
un traitement annuel de 3000 francs, était né à Boulogne en
1760, d'une famille de négociants ; il fit ses études au collège
des Oratoriens et fut membre de cette congrégation savante
et libérale. Lors de la Révolution, il exerçait la profession
d'avocat à Calais ; ses concitoyens l'élurent procureur-syndic
du district, fonctions qu'il remplit jusqu'en floréal an II ;
à cette époque il fut nommé secrétaire général de la « Com-
mission des administrations civiles, police et tribunaux »
établie à Paris, et qui représentait alors les ministères de la
justice, de l'intérieur et de la police. Son mariage avec la
veuve du général de Merenvene, en germinal an III, le
détermina à donner sa démission et à se retirer dans une
campagne qu'il possédait aux environs de Calais. A l'instal-
lation du Directoire exécutif, les premières places du dépar-
tement dans l'ordre judiciaire ou administratif furent offertes
à Podevin, qui les refusa toutes pour demander exclusive-
ment celle de commissaire du pouvoir exécutif près de l'admi-
nistration municipale de son canton. Il occupa ces modestes
fonctions jusqu'au 18 brumaire an VIII; l'un des premiers
actes de la Commission consulaire executive fut alors de
l'appeler au poste de commissaire près de l'administration
centrale du département ; c'est à ce titre qu'il installa le pre-
mier préfet Poitevin-Maissemy. A la création des sous-pré-
fectures, le gouvernement le choisissait comme sous-préfet
de Béthune sur la recommandation très pressante de toute la
représentation du Pas-de-Calais, et surtout de Daunou^. Il
1. Archives nationales, F^^ I 161*, dossier personnel.
2. Daunou écrivait de lui, le 29 pluviôse an VIII : « C'est un homme d'un
mérite distingué, avec lequel je n'ai cessé d'avoir , depuis plus de trente ans,
des relations très intimes ; il était avocat avant la Révolution ; depuis 1789, il
a toujours rempli des fonctions publiques. En l'an III, il était secrétaire génc-
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l' ARRONDISSEMENT 35
administra avec habileté cet arrondissement jusqu'à sa mort,
le 20 février 1813. « Nommé candidat au Corps législatif trois
fois consécutives, il négligea à dessein de solliciter son élec-
tion par le Sénat, préférant renoncer au titre de législateur
plutôt que d'abandonner ses administrés, qui ne lui avaient
donné aussi ce témoignage de leur reconnaissance qu'à la
condition, également honorable pour eux et pour lui, qu'il ne
les quitterait pas ' » .
Il existe une assez curieuse lettre de Lucien Bonaparte,
ministre de l'intérieur, au sujet de la nomination de Poultier
à la sous-préfecture de Montreuil : « J'ai reçu, citoyen (cette
lettre est adressée au préfet), vos deux lettres des 23 et 25 flo-
réal, concernant les nominations des citoyens Demoorh et
Poultier. L'équivoque, quant à ce dernier, provient de l'iden-
tité de nom, et de ce que les deux citoyens Poultier ont été
l'un et l'autre commissaires du gouvernement près de l'admi-
nistration municipale du canton de Montreuil ; mais il est
certain que le citoyen Poultier, notaire et frère du législateur,
est celui qui a été nommé par le premier consul à la sous-
préfecture de l'arrondissement de Montreuil, et qu'on a omis
d'insérer dans l'arrêté ces mots « ci-devant commissaire du
gouvernement. » Gomme ce n'est pas lui qui est accusé de
bigamie, je vous invite à lui notifier sans délai sa nomination,
et à procéder à son installation- ».
Le sous-préfet de Boulogne, Masclet, installé le 3 prairial
an VIII 3, écrivait au préfet le 7 prairial, en lui rendant compte
de son installation et de l'emploi de ses deux premières jour-
nées qu'à l'hospice, lors de sa visite, il n'avait trouvé que
cent francs en caisse et huit setiers de blé dans le grenier;
rai du ministère de la justice, qui s'appelait alors Commission executive des
administrations civiles, police, tribunaux Ce citoyen est marié, père
de famille, propriétaire, acquéreur de biens nationaux. » (Archives nationales,
Fl'' I 170"^, dossier personnel).
1. Archives départementales du Pas-de-Calais, série M. Notice nécrologique
sur Podevin, par Parent-Réal, ancien membre du Tribunat.
2. Archives dép., série M. Dossiers des sous-préfets.
3. Archives dép., K. Arrêtés, II, 44.
â6 LE PAS-DÈ-CÀLAIS DE 1800 A 1810
« la prison est en fort mauvais état et très peu sûre, comme
l'évasion toute récente d'un prisonnier l'a prouvé ». Et le
nouveau sous-préfet ajoute : « Je n'ai pu trouver ici de mai-
son nationale et viens en conséquence de prendre un loyer ;
les maisons sont chères ici et les dépenses de premier établis-
sement très fortes; me permettez-vous de demander quelle
sera la somme allouée pour mes frais de location et d'établis-
sement, du moins pour ceux des bureaux? la somme déter-
minée pour mes frais de bureaux est d'une mesquinerie révol-
tante » ^ A ce point de vue la situation devait être à peu près
la même dans les autres arrondissements. La notice person-
nelle de Masclet, rédigée en 1811, et insérée dans son dossier
aux Archives Nationales 2, contient les renseignements sui-
vants. « Né à Douai, le 17 novembre 1760, employé dans l'ad-
ministration de la marine au Port-au-Prince, isle Saint-
Domingue, en 1784, reçu avocat au Parlement de Paris et
admis au stage en 1788, sous-lieutenant, puis lieutenant de
carabiniers en 1791, ensuite adjudant aux généraux de l'ar-
mée du Rhin Luckner, Lamalière, Biron, Victor, Broglie ;
proscrit après les événements des 10 août et 2 septembre,
rattaché aux services publics par sa nomination de sous-pré-
fet ». Il suffît de parcourir la correspondance de cet adminis-
trateur pour se persuader qu'on se trouve en présence d'un
homme de valeur, honnête, énergique et dévoué. Il donna
notamment la preuve de sa fermeté et de son intégrité en
dénonçant de mauvais fonctionnaires et des concussionnaires.
On lira plus loin la lettre qu'il écrivit au préfet du Pas-de-
Calais, à propos des agissements louches du conseiller de pré-
fecture Demohr. Il poursuivit avec courage, malgré les calom-
nies auxquelles sa belle conduite le mit en butte, un commis-
saire de marine tout à fait indigne. La lettre qu'il adressa au
Premier Consul, le 28 ventôse an X, au sujet de ces incidents,
1. Archives dép. K, correspondance du sous-préfet de Boulogne avec le
préfet, vol. I, fol. in-12.
2, Archives Nationales, F l*» 1 1672.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDISSEMENT 37
est doublement édifiante ^. On l'accusa en 1809, d'avoir épousé
une Anglaise, et d'être secrètement dévoué aux ennemis de la
France. Il n'eut aucune peine à établir que sa femme était
1. Lettre du sous-préfet de Boulogne au Premier Consul, 21 ventôse an X :
« Le Ministre des relations extérieures m'a fait prévenir par le sénateur Per-
regaux qu'on était parvenu à accréditer à Paris une calomnie atroce, dont il
importait de nie disculper sans délai : on m'accuse d'avoir recelé chez moi à
Boulogne l'éditeur du Morninçf Chronicle, Perry; d'avoir concerté avec lui le
plan d'attaque que, depuis quelque temps, il a dirigé contre votre adminis-
tration et votre personne, enfin d'alimenter la feuille de l'opposition de ces
paragraphes si virulents et si absurdes qui la déshonorent. Les auteurs de
cette calomnie n'auraient pu en imaginer une plus perfide. J'ai été il y a
quelques années un des collaborateurs du Morning Chronicle : M. Fox et le
général Lafayette pourront vous dire à quel titre. Je suis resté particulière-
ment lié avec le propriétaire de cette feuille, M. Perry; n'étant séparé de
rAngle(.erre que par le Pas de Calais, j'ai de fréquentes occasions de corres-
pondre avec lui, et j'en ai quelquefois, quoique rarement profité; enfin, je
reçois sa feuille, qu'il veut bien m'envoyer gratuitement. Toutes ces circons-
tances présentent une réunion d'éléments bien favorables pour combiner une
calomnie. On a su de plus, qu'il y a environ six mois, j'ai reçu chez moi,
sur la recommandation du commissaire général Mengaud, M. Perry, éditeur
du papier anglais Le Courrier, venu en France pour y rétablir sa santé ; que
depuis j'ai de même accueilli son frère ; l'un et l'autre sont en ce moment à
Paris. La similitude de nom et d'emploi a paru un moyen infaillible d'accré-
diter la calomnie, et on en a tiré bon parti.
« J'avais pensé d'abord que cette intrigue n'était qu'une manœuvre de riva-
lité, et que la répétition de celle qui m'a écarté en l'an VIII du Tribunal, en
faisant croire au citoyen Sieyés que j'étais né anglais. J'ai découvert depuis
que le trait empoisonné a été forgé à Boulogne, et qu'il l'a été parla peur et
par la vengeance.
« La voix publique et celle de ma conscience m'ont obligé de dénoncer
officiellement le citoyen Labrouche, sous-commissaire de marine de ce port,
comme coupable des plus criantes concussions. Le commissaire auditeur
Bergevin a été chargé d'informer sur les faits imputés à ce citoyen : près de
deux cents témoins ont été entendus, et jamais concussions, actes arbitraires,
extorsions de toute espèce n'ont été prouvés par un plus grand nombre de
dépositions unanimes, par une réunion plus frappante de preuves morales et
de preuves matérielles.
« On sent que le commissaire Labrouche est perdu, s'il est traduit en juge-
ment. Ses amis de Paris emploient tout leur crédit pour étouffer l'affaire. Le
citoyen Labrouche n'a point d'amis à Boulogne, mais il y a des complices.
L'un d'eux est un intrigant consommé, il a contribué à lui faire obtenir sa place,
il veut soutenir son ouvrage ; il craint d'ailleurs à juste titre d'être compromis.
J'ai les plus fortes raisons pour croire qu'il est l'auteur de la calomnie dont
les amis du citoyen Labrouche à Paris se sont rendus les colporteurs.
« Citoyen Premier Consul, les citoyens Maret et Talleyrand, et tous ceux qui
connaissent ma conduite et mes principes politiques, savent que je ne suis
ni un lâche ni un traître, et que si ma patrie était assez malheureuse pour que
je fusse réduit à attaquer le Premier Consul de la République dans les feuilles
de l'opposition anglaise, je commencerais par lui renvoyer l'écharpe de sous-
préfet de Boulogne que je tiens de sa confiance, et que je ne pourrais plus
porter sans la trahir et me déshonorer.» (Archives départementales du Pas-de-
Galais. Correspondance du sous-préfet de Boulogne, Reg. 1, foh 94).
38 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
française et même apparentée à Monseigneur Fesch, et son
préfet prit vivement sa défense, et attesta son patriotisme et
son zèle. Il quitta la sous-préfecture de Boulogne pour celle
de Douai, sa ville natale, le l""" vendémiaire an XII.
Comme on le voit, les sous-préfets choisis par le gouverne-
ment consulaire, à l'origine de l'institution, sont en général
des hommes ayant donné des gages à la Révolution ; leurs
successeurs sont moins nettement classés.
Masclet fut remplacé par Duplaquet dont voici la notice
personnelle : « En 1790, 1791, 1792 et premiers mois de 1793,
il a été successivement chef des bureaux ecclésiastiques et des
contributions du district de Saint-Quentin (où il est né le
28 juillet 1767) et secrétaire greffier de la municipalité de cette
ville. En 1793, chasseur à cheval au G** régiment afin de se
soustraire aux poursuites auxquelles il était en butte, pour avoir
composé, signé et fait imprimer un écrit contre la Conven-
tion. Arrêté aux avant-postes de l'armée du Nord, en vertu
d'un ordre du soi-disant représentant du peuple, du 29 bru-
maire an II, et de la loi du 17 septembre précédent, mis en
liberté après le 9 thermidor.
« Du 28 fructidor an II au 21 frimaire an III, secrétaire du
Commissaire ordonnateur par réquisition, jusqu'au 29 floréal
an III élève à l'école Normale, ensuite chef de bureau des
domaines au district de Saint-Quentin.
« Du mois de brumaire an IV à la fin de l'an V, commissaire
du gouvernement près l'administration municipale de Saint-
Quentin.
« Du 27 prairial an VI au l"^"" vendémiaire an VIII, sous-
chef de bureau au Ministère de la police générale.
« Du 6 frimaire an VIII au IS floréal suivant, contrôleur de
contributions directes à Saint-Quentin.
« Le 13 floréal an VIII, nommé secrétaire général de la pré-
fecture de Loir-et-Cher ; le 13 germinal an IX, sous-préfet de
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aHRONDISSEMENT 39
Porentruy (Haut-Rhin) ; le 6 vendémiaire an XI, sous-préfet
de Boulogne ^ ».
Duplaquet se plaint, comme son prédécesseur, en prenant
possession de son poste à Boulogne, des difficultés financières
auxquelles il se heurte dans l'exercice de ses fonctions : « Le
travail que les réquisitions exigent est immense, et va devenir
encore plus considérable ; cependant les deux principaux
employés de la sous-préfecture vont occuper d'autres places
et je ne puis en trouver d'autres ici, car les chefs des admi-
nistrations maritimes et militaires enlèvent tous ceux qui ont
quelque capacité, et comme ils les payent fort cher, je ne puis
soutenir la concurrence; d'après cela, je vais en faire venir
de Paris, sans avoir la certitude de les conserver, parce qu'on
leur offrira de suite un meilleur sort que celui que je puis
leur procurer. Dans ces circonstances, Général Préfet, je vous
prie de venir à mon secours et de m'accorder au moins
2.000 francs, comme supplément de frais de bureau, à prendre
sur les fonds affectés cumulativement aux dépenses de pré-
fecture et sous-préfectures du département. » Duplaquet fut à
plusieurs reprises, en 1809 et en 1810, l'objet de plaintes de la
part de ses administrés. On l'accusait d'inconduite, de cupi-
dité, d'arrogance. Le préfet La Chaise lui-même donna alors
de mauvais renseignements sur sa moralité et sa probité, et il
ne paraît pas que le sous-préfet parvint à se disculper ~.
Poultier resta sous-préfet de Montreuil jusqu'en 1813,
époque de sa retraite ; il eut pour successeur un noble, M. de
Saint-Céran.
Bénard-Lagrave, le sous-préfet de Saint-Omer, mourut,
comme nous l'avons dit, le 10 septembre 1808 ; l'intérim fut
rempli par Garon-Senlecq, membre du conseil d'arrondisse-
1. Archives Nationales, F'" I 1583*. Cette notice, rédigée en 1817, se termine
ainsi :« Le ITavril 1813, sous-préfetde Béthune, le 1" juillet 1815administrateur
provisoire du département du Nord, le 22 du même mois secrétaire général
provisoire du Nord, le 31 du même mois secrétaire du Nord, et enfin le 30 avril
1817 sous-préfet de Douai ».
2. Archives Nationales Fi»» 1 15834,
40 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
ment*, jusqu'à la nomination à la sous-préfecture de Saint-
Omer, le 16 septembre 1808, de Charles-Nicolas-Joseph
Dubois dont l'installation eut lieu un peu plus tard. Dubois
venait d'occuper, pendant quinze mois, la sous-préfecture de
Furnes ; une ordonnance royale du 2 septembre 1815 main-
tenait Dubois à la sous-préfecture de Saint-Omer.
IV
De 1790 à l'an VIII, les diverses assemblées administratives
du département étaient assistées par des secrétaires généraux ;
la loi de pluviôse an VIII n'a rien modifié à cet égard, si ce
n'est qu'elle a attribué la nomination de ces secrétaires géné-
raux au chef de l'Etat. A l'origine, les fonctions de secrétaire
général n'avaient pas l'importance qu'elles ont aujourd'hui ;
le secrétaire général était légalement un simple garde des
papiers de l'administration, — un archiviste — et, en fait, un
secrétaire chargé de diriger et de surveiller l'expédition des
affaires courantes, particulièrement de signer les copies d'actes
délivrés par la préfecture.
Le premier titulaire de ce poste dans le département du
Pas-de-Calais réorganisé fut Picquenard, ancien administra-
teur du département de la Seine, nommé par arrêté des con-
suls en date du 17 ventôse an VIII, et installé le 14 prairial ;
son traitement annuel s'élevait à 4.000 francs -. On attribue
généralement à ce secrétaire général la création des annuaires
du département ; or, il résulte d'une lettre adressée par le
ministre de l'Intérieur, le 20 nivôse an XI, aux préfets, que
l'annuaire Picquenard fut créé en vertu d'une instruction géné-
1 . Les lettres écrites par diverses autorités, et notamment par Caron-Sen-
lecq et le préfet, à roccasion de la mort de Bcnard Lagrave font de ce fonc-
tionnaire un éloge sans réserves. {Archives dép., Reg. F. de correspondance du
sous-prcfet de Saint-Omer),
2. Archives dép., K. Arrêtés, Ilf 82 V. Ordonnancements, an VIII, K. d",
III, 320.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'arRONDTSSEMENT 41
raie. Cela n'empêche pas, du reste, que les manuels qu'il a
signés, ceux de l'an X et de l'an XI surtout, sont remar-
quablement composés et fournissent aujourd'hui une foule
de renseignements précieux. Dans une lettre, datée du
18 nivôse an XI, le préfet Poitevin-Maissemy recommande
chaudement au ministre son secrétaire général Picquenard
qui mérite à tous égards un poste plus élevé et plus lucratif
que celui d'Arras, avec lequel il a peine à vivre. En finissant
il ajoute qu'il y a incompatibilité d'humeur entre lui et son
subalterne, et que ce seul motif devrait suffire à le faire dépla-
cer. . . mais avec avancement K
Lorsque Poitevin-Maissemy est remplacé à la préfecture
du Pas-de-Calais par le général de La Chaise, celui-ci amène
son secrétaire général, Dubourg, précédemment membre du
conseil général de l'Oise, procureur-syndic et juré de l'Ecole
centrale de ce département.
Le 15 fructidor an XII, Philibert-Joseph-Hubert Bergaigne,
conseiller de préfecture, remplace Dubourg. Bergaigne était ori-
ginaire du département ; après avoir terminé ses études clas-
siques, il entra dans l'étude d'un procureur au conseil d'Ar-
tois ; pendant les premières années de la Révolution, il s'occu-
pait de dessin et de peinture. En 1794, il travaille dans les
bureaux de l'administration du département du Pas-de-Calais,
et le 7 messidor an III, il en est nommé secrétaire général
par les représentants en mission, Merlin de Douai et Lamarre;
il démissionne en l'an IV à cause de la faiblesse de sa santé,
et conserve seulement le titre de secrétaire adjoint. Nous le
retrouvons de nouveau, le 16 floréal an VI, secrétaire en chef
de l'administration centrale du Pas-de-Calais, Il conserve ce
poste jusqu'à l'établissement des préfectures et à la nomina-
tion du secrétaire général Picquenard ; du reste le préfet Poi-
tevin-Maissemy l'avait proposé pour l'emploi auquel Picque-
1. Archhes nationales^ Fi""! 17113^ Dossier personnel.
42 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
nard fut appelé * ; Bergaigne remplit les fonctions de secré-
taire général jusqu'au 25 septembre 1815 ; il avait été nommé
conseiller de préfecture le 19 août 1815, et il mourut en 1840,
après quarante ans de services à la préfecture -. Une note con-
fidentielle du 5 août 1838 dit de Bergaigne : « Nommé secré-
taire général de l'administration centrale du département, le
7 messidor an III, a constamment exercé des fonctions admi-
nistratives à Arras, a 80 ans accomplis et est presque com-
plètement aveugle. Rien n'annonce qu'il songe à la retraite,
et son état de fortune non plus que ses longs services ne per-
mettent pas de la lui imposer ». Ses collègues le secondent, le
suppléent avec un zèle presque filial 3.
Si nous examinons maintenant la composition successive
du conseil de préfecture, nous voyons que le conseil nommé
le 14 floréal an VIII n'est pour ainsi dire que l'ancienne
administration du département ; il est formé en effet deGayant
président, Boitel, Gornille, Coffin et Demohr. Gavant 4, Boitel,
Gornille et Coffin étaient des administrateurs du département
à l'époque du 18 brumaire ; quant à Demohr, il occupait les
fonctions de président de l'administration du canton de Guînes,
Très peu de temps après la constitution du conseil de préfec-
ture, Boitel démissionne et est remplacé par Bergaigne, le
futur secrétaire général du département ; la nomination de
Bergaigne comme conseiller de préfecture est du 3 messidor
an VIII. Demohr est révoqué comme concussionnaire par
décret du 25 février 1808 ; une lettre de Masclet en fait con-
1. Archives dép. Dossier établi par Bergaigne lui-même, en vertu de la cir-
culaire du ministre de l'Intérieur du 1" octobre 1813. Le célèbre orientaliste
du même nom, mort il y a quelques années, était un descendant de notre
secrétaire général.
2. Archives dép., M. Dossiers du personnel.
3. Archives nationales, Pi"'! 1561''.
4. Gayant, fils dun maçon et devenu architecte, fut chargé de faire le
rapport sur la solidité de la cathédrale d'Arras, et conclut à sa démolition.
En toutes circonstances, il se montra jacobin farouche. Après sa révocation
du conseil de préfecture, il devint architecte de la ville d'Ai-ras. Riche pro-
priétaire de biens nationaux dans le district de Boulogne et très avare, il
mourut fou en 1834.
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDISSEMENT 43
naître la raison ^ Le 24 mars 1808, Gardon de Montigny,
auquel le préfet de La Chaise dit « qu'il doit passer rapidement
par ces fonctions pour arriver à celles dont il est encore plus
susceptible par son âge et par tous ses moyens », succède à
Demohr ~. Lorsque fut créé le poste de sous-préfet de l'arron-
dissement d'Arras (cette sous-préfecture n'exista que de 1811
à 1817), Cardon de Montigny en fut le premier titulaire, de
1811 à 1814. Il avait obtenu sa nomination parla recomman-
dation du Maréchal Ney, parce qu'il était parent de la duchesse
d'Elchingen ^.
1. Arch. dép., M. Conseil de préfecture. Personnel. Voici la lettre de Mas-
clet : « C'est avec bien du regret que je me vois forcé de vous dénoncer une
bassesse, qui ressemble beaucoup à une escroquerie, dont un de vos conseillers
de préfecture vient de flétrir l'honneur de l'administration. Le citoyen Demohr,
qui s'est établi faiseur d'afl'aires près de la préfecture, comme il y en a mal-
heureusement trop, a, comme tant d'autres, répandu avec profusion ses circu-
laires, et avec profusion fait ses offres de services à qui pouvait avoir des
afl'aires à suivre, des sollicitations à appuyer et surtout de l'argent à recevoir
au chef-lieu de la préfecture. Les ex-commissaires du gouvernement ayant
un arriéré de traitement à réclameront reçu, en conséquence, l'obligeante cir-
culaire. Le citoyen llalgout, officier de santé à Boulogne, et héritier du com-
missaire du gouvernement Sauzay, a été invité à vouloir bien confier ses inté-
rêts au citoyen Demohr, qui n'a pas manqué de faire valoir, comme titre de
garantie et de préférence, celui de conseiller de préfecture.
« Les deux citoyens Halgout, l'un comme héritier du commissaire Sauzai, et
l'autre comme ex-commissaire du gouvernement, ont reçu dernièrement
comme arriéré de traitement divers mandats de la préfecture, montant à une
somme de 657 francs. Ils se sont empressés de les adresser au conseiller
Demohr, qu'ils ont chargé de leur procuration pour en recevoir le montant,
en le priant de leur faire passer ces fonds, le plus tôt possible.
« L'ex-commissaire du gouvernement, maire de Marquise, Halgout, ayant
recueilli quelque révélation sinistre sur le compte du citoyen Demohr, conçut
de l'inquiétude et des soupçons, et courut à Ai'ras pour sauver son argent et
celui de son frère. Demohr avait déjà reçu les 657 francs. Il avait, dit-il,
chargé sa femme, qui demeure à Guînes, de leur payer cette somme ; il était
surpris qu'elle ne l'eût pas encore acquittée, il lui en renouvelait l'ordre dans
une lettre qu'il remit au citoyen Halgout.
« Halgout arrive à Guînes, présente sa lettre, on l'ouvre et on lui remet deux
reconnaissances qui m'ont été présentées ce matin et dont je vous envoie
copies.
« Vous représenterez sans doute au ministre, citoyen Préfet, que sous le
gouvernement consulaire, et dans la 10" année de la république, un aventu-
rier charlatan, intriguant, ignare et fripon, dont toute la vie est flétrie par
des escroqueries de cette espèce, n'est pas fait pour siéger dans le conseil de
préfecture du Pas-de-Calais ».
(Arch. dép. Registre I de correspondance du sous-préfet de Boulogne, fol. 42).
2. Arch. dép., M. Conseil de préfecture. Personnel.
3. Arch. nationales, F"' I 157 6 et 15813. Dossiers Demohr et Cardon de
44 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
La nomination de Bergaig-ne au secrétariat général amena
une nouvelle modification du Conseil de préfecture. Watelet,
ancien membre du conseil provincial d'Artois et ancien maire
d'Arras, fut choisi en remplacement de Bergaigne, par décret
impérial du 20 thermidor an XII ; il conserva ses fonctions de
conseiller de préfecture jusqu'en 1823, date de sa mort i.
Un parent de Goffin avait été commissaire du Directoire
exécutif à Hesdin et député du Pas-de-Calais au conseil des
Cinq-Cents ; ce conseiller de préfecture appartenait par con-
séquent à une famille ayant pris une part active k la Révolu-
tion ; il fut remplacé le 11 frimaire an IX par Delombre (d'Au-
bignj), qui démissionna en l'an XIII, et eut alors pour suc-
cesseur Corne.
François-Joseph Corne, né à Saint-Pol, le 29 septembre
1751, avait été procureur au conseil d'Artois, procureur syn-
dic du district d'Arras en 1790, et administrateur du départe-
ment du Pas-de-Calais en l'an IV; ses concitoyens l'élurent
député au conseil des Cinq-Cents, par 487 voix, le 23 germi-
nal an V. Corne resta conseiller de préfecture jusqu'à son
décès, en 1834; Cornille jusqu'en 181S ; Gayant occupa le
poste de sous-préfet d'Arras de 1815 à 1816.
Les arrêtés du conseil de préfecture, pendant la période
qui nous occupe, sont au nombre de 5410, dont 3190 relatifs
aux contributions directes, 886 aux affaires communales, 835
aux domaines nationaux, 57 aux travaux publics, 53 aux
biens d'émigrés (levées de séquestre, radiations de la liste),
244 aux dettes d'émigrés (liquidations), 83 aux fabriques des
églises, 12 aux bureaux de bienfaisance, 14 aux hospices, 36
aux fournitures militaires. De ces arrêtés, 439 ont été rendus
du 15 mai 1800 au 18 juin de la même année ; 366, du 20 juin
au 22 septembre 1800 ; 683, du 25 septembre 1800 au 21 mars
1801 ; 615, du 24 mars 1801 au 20 septembre 1801 ; 638, du
Montigny. Ce dernier n'est pas un inconnu, il était non-seulement cousin de
Ney, mais petit-neveu de M"°« Campan et fut l'ami de Stendhal.
1. Arch. dép., M» Conseil de préfecture. Personnel»
LÉS ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDISSEMENT 4J)
25 septembre 1801 au 22 septembre 1802 ; 219, du 24 germi-
nal an XI au i^ jour complémentaire an XI ; 454, du 5 vendé-
miaire an XII au 5'' jour complémentaire an XII ; 506, du 4
vendémiaire an XIII au 13 floréal an XIII ; 477, du 7 mai
1806 au i9 août 1807; 464, du 22 août 1807 au 29 octobre
1808 ; 455, du 2 novembre 1808 au 12 mai 1810 ; 205, du 16
mai 1810 au 31 décembre 1810. Il n'y a pas d'exemple de
tentative d'abus d'attributions par ce conseil de préfecture ;
rien de semblable à ce qui s'est passé dans le département
des Bouches-du-Rhône entre le préfet Thibaudeau et son
conseil de préfecture i.
Si nous jetons un coup d'œil d'ensemble sur la succession
des administrateurs du département du Pas-de-Calais depuis
la création des nouvelles institutions départementales jusqu'à
la chute du régime impérial, nous constatons qu'à l'origine,
Napoléon Bonaparte, Premier Consul de la République, a
recruté ce personnel presque exclusivement parmi les hommes
qui avaient donné des gages à la Révolution ; le fait se repro-
duit très probablement dans la plupart des départements.
Pouvait-il en être autrement ? Le Consulat est une forme de
la République ; c'est un gouvernement issu de la Révolution,
et, à ce titre, il lui serait difficile, en même temps que dange-
reux, de placer à la tête de l'administration des départements
des émigrés fraîchement revenus de Coblentz : autant signer
l'arrêt de mort du nouveau gouvernement. Du reste, nous
l'avons montré, si les émigrés profitent des atténuations appor-
tées à la rigueur des lois pour retourner au pays natal, et jouir
enfin d'un peu de tranquillité, ils se tiennent à l'écart du gou-
1. Arch. dép., registres 1 à 12 des arrêtés du conseil de préfecture. — Nous
avons consulté les dossiers personnels de tous les administrateurs ci-dessus
nommés, qui sont conservés aux Archives nationales. Plusieurs ne nous ont
été d'aucune utilité.
46 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
vernement et de ceux qui le représentent. Par la force même
des choses, de par les termes de son acte de naissance, le gou-
vernement consulaire ne pouvait donc trouver les éléments
des diverses administrations départementales de la France
que parmi les meilleurs fonctionnaires du Directoire, ou par-
mi les hommes qui, après avoir pris une part active à l'œuvre
réformatrice de l'Assemblée Constituante et de l'Assemblée
législative, avaient évité de se compromettre dans les excès
sanguinaires et les fureurs démagogiques de la Terreur.
Gomme préfets du Pas-de-Calais, Napoléon a successive-
ment choisi deux hommes qui avaient suivi l'ancien Régime,
l'un dans l'Administration, l'autre dans l'Armée, et n'en
avaient pas moins accueilli, avec l'enthousiasme des natures
généreuses, les transformations politiques de 1789. Bien loin
d'émigrer aux heures difficiles de la Révolution, ils s'étaient
rappelé que la cause de la République s'identifiait avec celle
de la France ; ils unissaient donc les traditions d'ordre et de
stabilité de l'administration monarchique au libéralisme de la
Constituante. Si le « voltairianisme » mondain de Poitevin-
Maissemy, reliquat de l'ancienne direction de la librairie et
des salons à la mode, a pu être considéré comme un obstacle
à l'application du Concordat — et cela à cause des vues un
peu étroites de l'évêque, — il n'en est pas moins certain que ce
préfet a, pendant son court séjour à Arras, préparé le terrain
à son successeur. D'autre part, malgré la rigueur avec laquelle
le général de La Chaise s'est efforcé de satisfaire aux exi-
gences de l'Empereur en matière de conscription militaire,
on doit reconnaître que par son application, son zèle, son acti-
vité, le second préfet du Pas-de-Calais a largement contribué
à donner au département la physionomie administrative qu'il
a conservée jusqu'à nos jours.
Quant aux collaborateurs du préfet, nous avons vu que
sous-préfets, secrétaires généraux, conseillers de préfecture,
avaient été empruntés à la députation et aux administrations
départementales et cantonales du Pas-de-Calais pendant le
LES ADMINISTRATEURS DU DÉPARTEMENT ET DE l'aRRONDISSEMENT 47
Directoire; le conseil de préfecture est identique ou à peu près
à l'administration du département, à la veille du coup d'Etat
du 18 brumaire. Cette sorte de continuité entre la Révolution
et le Consulat est du reste commune à tous les départements,
comme il est permis de le supposer, d'après les données déjà
recueillies. On a observé ailleurs, de 1800 à 1810, une trans-
formation progressive du personnel administratif, qui n'est
pas aussi apparente dans le département du Pas-de-Calais ;
encore, vers 1808, dans les quelques choix amenés par les
décès ou les mutations, est-il possible de constater, dans une
certaine mesure, la même évolution du gouvernement napo-
léonien que dans le département des Bouches-du-Rhône.
Toutefois, la majorité des fonctionnaires, dont nous avons
relevé le curriculum vitae, ont continué à remplir leurs fonc-
tions pendant toute la durée de l'Empire, quelques-uns même
pendant la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe.
Le régime change, les fonctionnaires restent. Le régime, en
se modifiant, n'a pas eu à les déplacer pour la bonne raison
qu'ils se sont modifiés comme lui. A vrai dire, les hommes
qui étaient au pouvoir dans le département du Pas-de-Calais,
à l'époque du 18 brumaire, n'avaient jamais eu du jacobinisme
que le masque. Comme nous l'avons montré dans V Introduc-
tion, modérés sont les élus de l'an IV, royalistes même ceux
de l'an V; au lendemain de Fructidor, à côté de quelques mon-
tagnards, se glissent en nombre les modérés. Les excès du
robespierrisme, dont Lebon dit le dernier mot dans le Pas-de-
Calais, y avaient déterminé, après Thermidor, une sorte de réac-
tion constante contre tout ce qui rappelait la Terreur et pouvait
en faire craindre le retour. Et ainsi s'explique ce fait en apparence
anormal que Napoléon, qui recrute le personnel de la préfec-
ture et des sous-préfectures du Pas-de-Calais parmi les hommes
ayant joué un rôle politique pendant la Révolution, n'éprouve
point de peine à faire d'eux des fonctionnaires de l'Empire,
lesquels se transformeront plus tard aussi aisément en servi-
teurs de la Restauration.
CHAPITRE II
LES ASSEMBLEES ADMINISTRATIVES
I. Les représentants du département du Pas-de-Calais au Corps Lég^islatif etau
Tribunal. L'opposition constitutionnelle et la libre discussion au Tribunat.
II. Composition du Conseil général depuis l'an VIII jusqu'à 1810. Les premiers
conseillers générau.x ont tous occupé des fonctions pendant la Révolution.
A partir de 1807-IS08, des royalistes, d'anciens émigrés commencent à leur
succéder.
m. Défaut d'assiduité des conseillers généraux aux sessions. Les diverses ses-
sions de 1800 à 1810; les présidents et secrétaires. La déclaration de guerre
à l'Angleterre et le vote du subside pour le vaisseau le Napoléon.
IV. Vœux et rapports relatifs à l'administration générale : octrois, tourbières,
notaires, état-civil, gardes champêtres, cadastre, conscription, etc.
V. Vœux et rapports relatifs à l'agriculture, au commerce, aux travaux publics,
à l'industrie, aux hospices.
VI. La composition des conseils d'arrondissement. La session de l'an VIII du
conseil d'arrondissement d'Arras.
I
Avant d'examiner la composition et le rôle des assemblées
administratives, qui sont devenues dans le département actuel
l'équivalent, en quelque sorte, de ce qu'est le Parlement dans
l'ensemble du pays, c'est-à-dire un pouvoir législatif plus ou
moins restreint, placé à côté du pouvoir exécutif représenté
par le préfet et les sous-préfets, il est nécessaire de jeter un
coup d'œil sur la représentation du Pas-de-Calais dans les
diverses assemblées qui ont été censées former les corps déli-
bérants de la nation pendant le Consulat et l'Empire. Rien
de moins conforme du reste à l'idée que nous pouvons nous
faire d'une représentation nationale que le Sénat conservateur,
le Corps législatif et le Tribunat. Pour constituer le Sénat
conservateur, Sieyès et Roger Ducos, consuls sortants, Cam-
bacérès et Lebrun, second et troisième consuls en exercice,
se réunirent le 24 décembre 1799 et nommèrent vingt-neuf
sénateurs qui nommèrent à leur tour leurs vingt-neuf collègues.
Ghavanox et Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de 1800 à 1810. l
50 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Aussitôt formé, le Sénat conservateur procéda à la nomination
des trois cents membres du Corps législatif et des trois cents
membres du Tribunat choisis sur la liste de notabilité nationale.
Lors de la première formation, les membres du Corps législatif
ne furent pas répartis par départements, mais plus tard, la Cons-
titution, en date du 16 thermidor an X, institua les députations
départementales. Vu les conditions de leur établissement,
celles-ci ne reflétèrent pas toujours l'opinion des circonscriptions
qu'elles représentaient; leur composition nous renseigne plu-
tôt sur l'état d'esprit du gouvernement et sur les classes de
citoyens dans lesquelles le régime consulaire et impérial allait
chercher ses auxiliaires parlementaires.
Tous les hommes qui représentent le Pas-de-Calais au Corps
législatif de l'an X sont d'anciens législateurs, Berquier-Neu-
ville naquit à Boulogne le 4 septembre 1760. Après avoir
travaillé en Angleterre, puis à Paris, comme traducteur dans
une imprimerie, il se montra partisan ardent de la Révolution
et fut nommé en 1792 administrateur du district de Boulogne.
Mais il devint suspect pendant la Terreur et fut suspendu de
ses fonctions ; réintégré après Thermidor, il occupa les fonc-
tions de commissaire du Directoire près de l'administration
municipale du canton de Condette, puis de secrétaire général
de l'adminislration centrale du Pas-de-Calais (11 brumaire
an VI). Il était juge de paix du canton de Boulogne, lorsqu'il
fut nommé, le 24 germinal an VII, député au Conseil des
Cinq Cents ; il s'y montra favorable au coup d'État de bru-
maire.
Nicolas-Joseph Duflos, né à Renty le 11 décembre 1753,
était entré dans les ordres avant 1789. Gomme le précédent
il adhéra à la Révolution, fut administrateur du Pas-de-Calais
et élu le 25 germinal an VI député du département au conseil
des Cinq Cents, où il prit à diverses reprises la parole, princi-
palement sur les questions financières. S'étant prononcé lui
aussi en faveur du coup d'État de brumaire, il y gagna un
siège au Corps législatif.
LES ASSEMBLÉES ADMLMSTRATIVES 31
Lefebvre-Cajet, originaire du département du Nord (il était
né à Blaringhem le 26 mai 1748), a occupé des fonctions
administratives et législatives sous l'ancien régime et pendant
la Révolution ; échevin de la ville d'Arras, député à la cour
sous Louis XVI et aux Etats d'Artois, il fut choisi comme
député suppléant aux Etats-Généraux, mais n'y siégea pas.
Procureur général syndic du département du Pas-de-Calais
en 1790, Lefebvre-Gayet, dont les opinions paraissent avoir
été modérées, donna sa démission pour ne pas avoir à mettre
à exécution les lois relatives au serment des prêtres. Ce qui
accuse bien l'intensité de la réaction thermidorienne dans le
département du Pas-de-Calais, après la chute de Robespierre,
c'est que le même Lefebvre-Cayet est choisi en l'an V comme
président du département et, le 25 germinal an VI, comme
député au Conseil des Anciens.
François-Marie- Alexandre Bucaille, de Boulogne, était curé
de Fréthun, au moment où éclata la Révolution. Choisi comme
député du clergé aux Etats généraux par le bailliage de Calais
et Ardres, il prêta le serment civique ; son rôle fut effacé
pendant la période la plus troublée de la Révolution ; il se
rallia avec enthousiasme à la politique de Bonaparte.
Des cinq représentants du Pas-de-Calais au Corps législatif
de l'an X, Philippe-Albert Bollet était le seul qui eût siégé à
la Convention Nationale. Maire de Violaines, il fut député à
la Convention le 8 septembre 1792; membre de la Plaine, il
vota la mort de Louis XVI au troisième appel nominal. Envoyé
en mission à l'armée du Nord, il se déclara contre les robes-
pierristes dès son retour à Paris et prit une part active à la
lutte contre la commune de Paris pendant les journées de
thermidor; auxiliaire de Hoche, il concourut ensuite à la paci-
fication de la Vendée. Nous le retrouvons député du Pas-de-
Calais au Conseil des Cinq Cents le 22 vendémiaire an IV,
puis député au Conseil des Anciens le 25 germinal an VIL
Ainsi les représentants du département du Pas-de-Calais
au Corps législatif sont tous d'anciens personnages de la
52 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
période révolutionnaire, mais tous ont appartenu au parti des
modérés. Berquier-Neuville, qui sortit du Corps Législatif en
1804 avec la deuxième portion renouvelable, fut même con-
seiller d'arrondissement pendant toute la durée de l'Empire et
pendant la Restauration, président de la Chambre et du tri-
bunal de commerce de Boulogne; Bollet mourut en 1811 ;
Bucaille, après sa sortie du Corps législatif en 1804, ne joua
plus aucun rôle ; de même, Dufios ; Lefebvre-Cayet, nommé
membre de la Légion d'honneur, mourut le 8 mars 1811.
La série suivante des membres du Corps législatif (renouvel-
lement de Tan XÏI) constitue une catégorie politique encore
moins accentuée. Blanquet de Bailleul avait été avocat et pro-
cureur du Roi au bailliage de Calais; il avait approuvé la
Révolution et accepté les fonctions de procureur du district,
mais ses opinions réelles étaient celles d'un monarchiste cons-
titutionnel. Fait questeur, chevalier de la Légion d'honneur,
baron par Napoléon P"", toutes ces faveurs ne l'empêchèrent pas
de voter en 1814 la déchéance de l'empereur et l'acte qui rappe-
lait les Bourbons au trône de France. Député du Pas-de-Calais
pendant la Restauration, il fit quelque figure à la Chambre,
dont il fut élu deuxième vice-président en 1819 et en 1820 ;
il se montra dans l'assemblée « le type du député ministériel »
et, comme procureur général de la cour de Douai, poursui-
vit avec rigueur les délits de presse dans son ressort.
Albert Bruneau de Beaumetz, lui, n'avait pas occupé de
fonctions pendant la Révolution. Avocat général au Parlement
de Flandre, procureur général à la même cour et conseiller
au présidial d'Arras, sous l'ancienne monarchie, il ne fut
appelé à la vie politique que le 27 brumaire an XII, ayant
été désigné à cette date par le Sénat conservateur pour repré-
senter au Corps législatif le département du Pas-de-Calais.
Charles-Bruno Franco ville, avocat à Saint-Omer avant la
Révolution, avait été élu par le bailliage de Calais et Ardres
député du Tiers aux États-Généraux. Il prit à l'Assemblée
constituante la défense du comte de Montmorin, ministre des
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 53
affaires étrangères ; député au Corps législatif, de l'an XII à
1814, il se signala par son zèle pour le gouvernement impérial,
ce qui ne l'empêcha pas de se prononcer ensuite pour la déché-
ance de Napoléon et de siéger à la Chambre, de 1816 à 1822,
parmi la majorité royaliste.
Enfin Gosse de Gorre, avocat au Conseil d'Artois, juge au
tribunal de district d'Arras en 1790, fut considéré pendant la
Terreur comme suspect et emprisonné. Les événements de
thermidor lui rendirent la liberté, mais au coup d'Etat de
fructidor, on le disgracia de nouveau comme royaliste. Député
au Corps législatif du 17 brumaire an XII à 1808, Gosse de
Gorre fut nommé procureur général le 17 mai 1808 et ne fit
plus partie d'une assemblée parlementaire qu'après la Révolu-
tion de 1830, Au Corps législatif, Gosse de Gorre avait eu
pour successeur, au renouvellement de 1809, un ancien offi-
cier, Noizet de Saint-Paul, capitaine du génie le 8 avril 1779,
chef de bataillon en vendémiaire an III, chef de brigade à
l'armée du Nord en l'an IV.
L'histoire de la représentation du département du Pas-de-
Calais au Corps législatif nous permet donc de constater, dans
une certaine mesure, la tendance du régime napoléonien, lors-
qu'il passe du Consulat à l'Empire et que l'Empire devient
progressivement plus dynastique, plus monarchique, à substi-
tuer aux modérés de la Révolution des modérés de l'ancien
régime, à confier sa défense de préférence à des hommes sus-
pects de royalisme plutôt qu'à des hommes suspects de répu-
blicanisme.
Quant au Tribunat, il fut, comme on le sait, le dernier asile
de la liberté de la parole et de la liberté de la pensée pendant
le Consulat; on osait parfois y exprimer une opinion différente
de celle du maître. Et précisément, les représentants du Pas-
de-Calais au Tribunat appartenaient à cette petite minorité
qui aurait voulu concilier le régime parlementaire avec la
dictature de Bonaparte. Il suffît de rappeler le nom de Daunou,
l'une des plus pures figures de la Révolution, l'une des gloires
.')i- LR PAS-DE-CALAIS DR 1800 A 1810
du Pas-de-Calais, et celui de Lazare Carnot, appelé par le
Sénat, le 6 germinal an X, à faire partie du Tribunat. Un autre
tribun, Parent-Réal, né h Ardres, le 30 avril 1768, avait été
élu député du Pas-de-Calais au Conseil des Cinq-Cents le
26 germinal an VII (15 avril 1799); précédemment, il avait
rempli les fonctions de secrétaire en chef de l'administration
du district de Calais, de juge de paix à Ardres, de commis-
saire du pouvoir exécutif auprès de l'administration munici-
pale du canton d' Ardres, puis de la ville de Saint-Omer et
enfin de l'administration municipale d'Arras. Au Tribunat, il
se montra l'un des plus ardents à faire au Premier Consul
une opposition constitutionnelle ; aussi Bonaparte s'empressa-
t-il de le comprendre en 1802 dans la première élimination
de vingt-cinq membres de cette assemblée ^ .
Frédéric-Vincent-Nicolas Jacquemont, né à Hesdin, membre
du Tribunat de 1802 à 1805, se montra plus conciliant que
Parent-Réal; à la suppression du Tribunat, il fut nommé
directeur général de l'instruction publique; mais, plus tard,
son nom, découvert sur la liste des membres du gouvernement
provisoire projeté par le général Mallet, indiqua son véritable
état d'esprit et il fut exilé par l'empereur.
II
C'est la loi du 28 pluviôse an VIII qui a créé l'Assemblée
délibérante et administrative du département, le conseil géné-
ral. Dans chaque département, il doit y avoir, à côté du préfet
et du conseil de préfecture, un conseil général qui s'assemblera
chaque année à une époque déterminée par le gouvernement ;
la session ne pourra durer plus de quinze jours. Au conseil
général revient le rôle de répartir les contributions directes
entre les arrondissements communaux et de fixer le nombre
de centimes additionnels dont l'imposition sera demandée
1. Dictionnaire parlementaire du Pas-de-Calais, par un bibliophile artésien
(A. nE Cardevacque), 1896. La même mesure frappa Daunou.
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 55
pour les dépenses du département; c'est lui qui statuera sur
les demandes de réduction faites par le» conseils d'arrondis-
sement, les villes et les villages ; il entendra le compte rendu
annuel que le préfet rendra de l'emploi des centimes addition-
nels et exprimera son oj^inion sur l'état et les besoins du dépar-
tement.
Mais ce conseil général n'est pas élu parle suffrage universel,
pas même par le suffrage restreint. Ses membres sont nommés
par le Premier Consul pour une période de 3 ans et rééli-
gibles. Vingt conseillers généraux ont été désignés le 7 prai-
rial an VIII pour le département du Pas-de-Calais , ils tiennent
leur première séance le 1" thermidor de la même année.
Six d'entre eux sont d'anciens législateurs : Vaillant, Delrue,
Enlart, Le Sergeant, Saint-Amour, Gonsse, Petit; cinq ont
appartenu aux précédentes administrations départementales
pendant la Révolution ; sept, aux administrations de district
ou municipales; le dix-neuvième est un ancien général et le
vingtième un juge de paix.
Parmi les six anciens législateurs, un seul, Enlart, avait siégé
à la Convention nationale, mais dans les rangs des modérés.
Né à Montreuil-sur-Mer le 25 mars 1760, il était avocat avant
la Révolution. « Il fut appelé en 1790 aux fonctions d'admi-
nistrateur du département. Nommé à la Convention, il vota
contre la mort de Louis XVI et demanda que le roi fût jugé
par des délégués des peuples libres. A sa sortie de la Conven-
tion, il se retira dans sa famille, et accepta une place de juge
de paix. Sous le Consulat, il fut nommé président du tribunal
de Montreuil et resta dans ce poste pendant toute la durée de
l'Empire. Révoqué par la Restauration, il fut porté à la dépu-
tation pendant les Cent jours. Il fut remis en possession de
son siège en 1818 et mourut le 25 juillet 1842 ^ ».
Louis-Joseph Le Sergeant d'isbergues, de Saint-Omer, était
capitaine de cavalerie, chevalier de Saint-Louis, gouverneur
1. Lecesne, Académie d'Arra,s, tome VIII, p. 170.
56 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
de Lens, lieutenant des maréchaux de France, lorsqu'il
fut appelé par la noblesse d'Artois à siéger aux Etats-
Généraux. Il y figura parmi les libéraux de la noblesse, parmi
ceux qui étaient disposés à faire abandon de leurs privilèges
et à appuyer l'existence d'une monarchie constitutionnelle.
Pendant les mauvais jours de la Terreur, il se Ht oublier et ne
reparut que sous le Directoire pour être président de l'admi-
nistration municipale de Saint-Omer ; il était à bon droit sus-
pect de royalisme ou tout au moins de tiédeur à l'égard du
régime républicain. Le gouvernement consulaire le fit maire
de Saint-Omer le 14 mai 1800 et conseiller général, pour le
destituer ensuite de ses fonctions de maire le 6 juillet 1802 et
le rétablir de nouveau le 21 octobre 1806. Il mourut peu de
temps après, le 16 mai 1807.
Charles- Joseph Delrue, d'Allouagne, avait été élu le 25 ger-
minal an VI par le département du Pas-de-Calais, député au
Conseil des Cinq Cents, par 125 voix sur 166 votants.
Alexandre- François- Augustin Petit, de Magnicourt-sur-
Canche, cultivateur comme le précédent, n'a pas joué un rôle
plus important ; élu député du Tiers aux Etats généraux, il
prêta le serment du Jeu de Paume, puis émigra pendant la
Terreur et rentra en France après les journées de thermidor.
Mathieu- Joseph -Guislain Cassagneau de Saint-Amour,
appartenait à ces mêmes éléments modérés du Pas-de-Calais.
Conseiller pensionnaire de la ville de Bourbourg, membre du
bureau intermédiaire de l'assemblée provinciale de Picardie,
il fut, sous la Révolution, major général de la garde nationale
du Pas-de-Calais et administrateur du département. Le con-
ventionnel Doulcet de Pontécoulant le destitua pour avoir
pris un arrêté contre les fauteurs de la journée du 12 juin
1792. Maire d'Ardres, commissaire du Directoire exécutif
dans ce canton, il fit partie du conseil des Cinq-Cents, à la
suite des élections du 24 germinal an VII.
Enfin, Jacques -Louis -Nicolas Vaillant, né à Arras le
!'■'■ janvier 1742, avait représenté le Tiers de la province d'Ar-
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 37
toi S aux Etats-Généraux ; il y lit partie du comité de consti-
tution. Nommé le 31 mars 1791 juge au tribunal de cassation,
il fut élu, en brumaire an IV, député au Conseil des Anciens ;
il donna sa démission le 1 1 pluviôse an V .
Biaise Duval, dit Duval de Hautmaret, représentait dans le
conseil g-énéral l'élément militaire. Il était entré dans les
gardes du corps du roi le 20 février 1758 et, à la Révolution,
nous le retrouvons. Lieutenant-colonel du l*"" bataillon de la
Somme en 1791, colonel du 6*" dragons le 23 mai 1792, il est
promu maréchal de camp le 7 septembre 1792 et lieutenant-
général le 3 février 1793. Commandant à Lille, il était sus-
pendu presque aussitôt de ses fonctions et réformé le lo fri-
maire an VI. Biaise Duval appartenait donc à ce groupe d'offi-
ciers que l'on peut appeler la génération militaire de l'Assem-
blée constituante, génération devenue suspecte pendant la
Terreur et mise à l'écart des commandements.
Passons maintenant aux membres des anciennes adminis-
trations du département, des districts ou des municipalités
pendant la Révolution. Tout d'abord, nous pouvons remar-
quer qu'en dehors des hommes politiques qui ont également
appartenu aux assemblées nationales, un seul des conseillers
généraux a fait partie de la première assemblée administra-
tive du département, celle de 1790 : c'est Louis-Auguste
Parent, de Gouy-Servins.
Normans, de Servins, était l'ancien secrétaire des amis de
la Constitution à Arras. On l'avait nommé administrateur du
district d'Arras, membre du comité de sûreté générale de cette
ville et secrétaire du district ; lors de l'épuration révolution-
naire de Le Bas, il avait dû quitter ces fonctions ; en l'an VII,
il était président de l'administration municipale.
Dupire, de Divion, militaire avant 1789, est qualifié ensuite
de cultivateur ; il fut maire de Béthune, président du district.
Sur François Deleporte, nous trouvons les indications sui-
vantes : négociant k Boulogne, concessionnaire de 400 arpents
de la forêt de Boulogne pour l'élevage d'un troupeau de
58 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
1000 brebis et 80 béliers de race anglaise, membre de l'admis-
tration du canton de Boulogne en l'an 111, membre fonda-
teur de la société d'agriculture de Boulogne en l'an IV, mem-
bre du tribunal de commerce, maire de Boulogne de ISOrj à
1809.
Pierre Cazin, d'Hardinghen, est un ancien officier, associé
de Desandrouins dans l'exploitation des mines et verreries
d'Hardinghen. Administrateur du district de Boulogne, il fut
destitué par le représentant Dumont en 1792 ; depuis, il fut
président de la municipalité du canton d'Hardinghen ; il siégeait
encore au conseil général du Pas-de-Calais en 1810.
Bertin-Platiau, de Muncq-Nicurlet, a été administrateur
municipal.
De même, Auguste Violette, de Fressin, a présidé l'admi-
nistration municipale du canton de Fressin, et Willerval,
celle du canton de Tramecourt.
Delombre, d'Aubigny, que nous avons déjà cité comme
conseiller de préfecture, était administrateur et commissaire
du district de Saint -Pol.
Tous ces conseillers généraux représentent incontestable-
ment les éléments modérés de la Révolution ; mais quelques-
uns de leurs collègues avaient été choisis ou maintenus dans
leurs fonctions par Lebon et les robespierristes. Tel est le cas
de Danvin, d'Hesdin, membre du directoire du district de
Saint-Pol, nommé par Lebon en 1794; de Michaud, négo-
ciant, vice-président du district de Calais pendant la dicta-
ture de Lebon, président de l'administration municipale de
cette même ville ; de Goudemetz, de Fresnov, président du
district à Arras en 179i ; nommé par Lebon, maintenu du
reste dans ses fonctions par les conventionnels Berlier et
Guyot après la chute de Robespierre, et par Delamurre, en
1795.
Enfin, Goudemetz, de Saint-Pol, le seul membre du conseil
général avec le général Duval qui n'ait pas appartenu aux
précédentes représentations législatives ou administratives
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 59
du département, avait été président de l'assemblée électorale
de Saint-Pol en 1791 et juge de paix à Saint-Pol.
Pour constituer le conseil g^énéral, le gouvernement con-
sulaire a donc fait appel à des hommes qui, tous, ont pris
une part quelconque à la Révolution, même pendant la
période des exagérations et des violences, mais qui ont dû con-
server en tout temps l'estime et la confiance des populations.
Le caractère de continuité entre la Révolution et le Consulat
s'affirme ici plus visiblement que dans le choix des adminis-
trateurs ; il y a identité de faits ou à peu près avec le dépar-
tement des Bouches-du-Rhône.
Suivons maintenant les modifications subies par le conseil
général depuis 1801 jusqu'à 1810. D'abord quelques muta-
tions partielles antérieures au premier renouvellement, celui
de l'an XI. Delombre, d'Aubigny, ayant accepté les fonctions
de conseiller de préfecture, était remplacé par Thieulaine, et
Le Sergeant, ayant opté pour les fonctions de maire de Saint-
Omer, avait pour successeur Bernard Delattre (décret du
13 messidor an IX). Henri-Bernard Delattre de Balzaert, né
à Saint-Omer le 27 juillet 1743, était maître particulier des
eaux et forêts ; il fut élu député aux Etats-Généraux par le
Tiers-État du bailliage de Bailleul et député au conseil des
Cinq-Cents le 2i vendéminaire an IV par le département du
Pas-de-Calais. Bernard Delattre étant mort à Saint-Omer le
8 juillet 180i, le gouvernement désigna pour lui succéder
Blancart, qui avait été maire de Calais. Quant à Thieulaine,
c'était un ancien chef de cohorte à Arras.
A la mort du général Duval, à Montreuil, le 19 janvier 1803,
de Bailliencourt, dit Courcol, échevin de Béthune avant
1789, officier municipal, receveur du district de Béthune,
préposé du receveur général du département, fut appelé à
recueillir sa succession.
Le renouvellement de l'an XI fait rentrer au conseil général
Le Sergeant d'Isbergues ; sont en outre nommés par décret
du 10 ventôse an XII (1804), Lefebvre-Cayet, Deslyons-
60 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Moncheaux, Wattelet, Duriez et Joly de La Viéville. Nous
avons déjà retracé la biographie de Lefebvre-Cayet, ancien
législateur, en parlant des membres du Corps Législatif.
Deslyons, baron de Moncheaux, né à Arras le 1"'' octobre
1750, appartenait à l'armée ; il devint colonel, puis maréchal
de camp en 1816 et fut élu député du Pas-de-Calais en 181o ;
il figura parmi les membres de la majorité de la Chambre
introuvable, ce qui indique suffisamment ses opinions, et
mourut en 1817. Watelet était conseiller de préfecture , Joly
de la Viéville chef de cohorte à Aire et Duriez habitait
Calais.
Les choix de 1806 pour le renouvellement du conseil géné-
ral portent presque tous sur d'anciens militaires : de Gantés,
propriétaire à Blangy ; Cochet de Corbeaumont, chef de
cohorte; d'Acary Larivière, chef de légion à Montreuil ; de
Lasteyrie du Saillant, chef de légion k Boubers-sur-Canche,
chambellan de l'empereur; Fromentin de Sartel, proprié-
taire à Arras, est un chef de cohorte ; Dublaisel-Durieux,
nommé par décret du la mai 1806, était, avant 1789, capi-
taine de dragons et avait eu, pendant la Révolution, le grade
de chef de brigade.
En 1810, le conseil général du département du Pas-de-
Calais est composé de la façon suivante : cinq des membres
nommés à la création en 1800, Saint-Amour-Gonsse, Parent,
Dupire, Michaux et Cazin (Michaux fut remplacé le 11 juillet
1811 par de Guizelin La verdi, chef de cohorte) ; un conseiller
général nommé en l'an IX, Thieulaine ; quatre conseillers
généraux nommés en l'an XII, Deslyons de Moncheaux, Joly
de la Viéville, Lefebvre-Cayet et Watelet. Ces deux derniers
avaient joué un rôle politique pendant la Révolution ; les dix
autres conseillers généraux sont des hommes nouveaux, dont
les tendances politiques seraient plutôt en faveur de la
royauté que de la république : de Gantés, Cochet de Cor-
beaumont, d'Acary Larivière (nommés le 2S avril 1806), de
Sart, ancien militaire (nommé le 29 mai 1806) ; de Trame-
LES ASSEMBLÉES ADMIMSI RAïlVES 61
court, qui avait émigré et servi dans les rangs de l'armée de
Condé et fut, sous la Restauration, l'un des plus fougueux
royalistes de la Chambre des députés où lavaient envoyé les
électeurs du Pas-de-Calais ; Donjon, propriétaire à Arras,
qui a remplacé Duriez, décédé ; de Bailliencourt, dit Cour-
col ; Fromentin de Sartel, de Lasteyrie du Saillant, enfin
Pierre-Joseph-Mathias Wartelle, plus tard maire d'Arras et
créé baron par l'empereur, député du Pas-de-Calais pendant
les Cent jours et aux élections de 1817 et de 1821.
A la mort de Lefebvre-Cayet, le 8 mars 1811, le gouverne-
ment fit choix pour le remplacer de Duquesnoy-Rouvray,
administrateur des hospices. De Lasteyrie du Saillant, appelé
à la préfecture de la Lippe, eut pour successeur de Malet de
Coupigny (20 mars 1812), colonel, député pendant la Restau-
ration et membre de la majorité royaliste, tandis qu'à Fro-
mentin de Sartel succédait, le 11 juillet 1811, de Carde vacque,
comte d'Havrincourt,
H est permis d'affirmer, sans la moindre exagération, qu'en
1812, le conseil général du Pas-de-Calais est en grande majo-
rité royaliste. Après avoir recruté ses auxiliaires dans toutes
les assemblées de la Révolution, même parmi les membres de
la Convention nationale. Napoléon les recrute dans l'armée
de Condé ; la Restauration est faite moralement avant l'île
d'Elbe, et avant Waterloo.
III
Dès l'origine, les membres du conseil général ne paraissent
pas avoir été très assidus aux séances. Ainsi, à la session du
lo floréal an XI, plusieurs conseillers président les assemblées
de canton et déclarent qu'ils ne peuvent se déplacer : tel est
le cas de Bailliencourt à Béthune, d'Enlart à Mon treuil, de
Danvin k Campagne. Delerue est malade et n'assistera qu'à
quelques séances. Dupire écrit de Paris au préfet, le l*"" messi-
dor an XI, pour excuser son absence à la session extraordi-
62 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
naire tenue à l'occasion de la déclaration de guerre à l' Angle-
terre ; si le Conseil vote un ou des vaisseaux à équiper aux
frais du Pas-de-Calais, il demande que les fournitures pro-
viennent du département.
A la session de Fan XII, Vaillant, président provisoire, est
contraint d'écrire au préfet : « Vous savez dans quel embarras
nous jette l'absence de plusieurs de nos coUèg-ues. Nous vous
conjurons de vouloir bien employer les moyens les plus prompts
pour les déterminer à se rendre à leur poste. Les plus à portée
d'Arras sont les citoyens Parent et Delerue. Je ne vous parle
pas des citoyens Cazin et de la Sablonière, attendu que ce der-
nier est dans l'usag-e, depuis plusieurs années, de ne pas
paraître au Conseil et que l'autre n'y est guère que pour vingt-
quatre heures. Je ne qualitierai pas le plus ou moins d'insou-
ciance de plusieurs de nos collègues, mais je vous assure
qu'elle nous afflige beaucoup et qu'elle nous découragerait si
nous n'étions soutenus parle désir de remplir nos devoirs ».
Et le préfet a beaucoup de peine à réagir contre cette indiffé-
rence. Cazin, qui avait offert sa démission mais n'avait pu la
faire accepter, lui écrit, le 14 germinal an XII, qu'il passera
à Arrasle 22 ou le 24, uniquement pour le saluer ; le préfet
annote sa lettre, en marge, de cette manière : « J'ai cepen-
dant écrit moi-même à M. Cazin que je l'attendais pour le 15,
ouverture de la session ». Quant à Parent, il se plaint de
souffrir d'un rhume négligé qui lui cause un grand mal de
gorge et l'empêche d'assister à la session ; annotation du pré-
fet : « J'en suis bien fâché, mais ce voyage me paraît néces-
saire ». Même observation pour Michaud, maire de Calais,
qui se retranche derrière des préoccupations multiples, le
logement des troupes, l'administration de l'armée des côtes,
etc. '.
Les travaux du Conseil général sont pourtant variés et ne
manquent pas d'intérêt, bien que l'assemblée départementale
1. Archives dép., série N. Conseil général. Sessions de 1800-1810.
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 63
ne jouisse pas de toute la latitude d'action désirable ; les
séances sont entièrement consacrées à des délibérations
d'affaires, et la politique, en dehors de quelques adresses,
emphatiques et plus ou moins sincères, au gouvernement,
n'en distrait aucun instant.
La première séance a lieu le 1''" thermidor an VIII. Vaillant
est élu président et Gazin, secrétaire ; on procède ensuite à la
formation des commissions de répartiment des contributions,
à la lecture des cahiers des six arrondissements et à l'examen
des demandes en dégrèvements des diverses communes,
demandes qui sont toutes rejetées. Cette première session
dure du l'^'^ au 8 thermidor.
La seconde session se tient du 1 S au 28 germinal an IX;
elle est présidée également par Vaillant, avec Saint-Amour
comme secrétaire. On forme cinq commissions : 1° contri-
butions et départements ; 2° dépenses générales et compte
à rendre par le préfet ; 3" commerce et agriculture, ponts
et chaussées et navigation ; 4° secours publics et prisons ;
0'* instruction publique, population et administration. Au
moment de la clôture de cette session, le Conseil général
vote une adresse aux consuls : le Pas-de-Calais, « après avoir
été frappé à lui seul de toutes les plaies révolutionnaires, va
être heureux dans la régénération de son esprit public, dans
la consécration sur son sol des autels de la paix » ; le Conseil
adresse un hommage particulier « au héros guerrier et légis-
lateur qui préside à ces travaux ».
Du 1" prairial an X au 14 prairial, a lieu la troisième
session ; du 15 floréal an XI au 30 floréal, la quatrième, avec
le même bureau : Vaillant, président ; Saint-Amour, secré-
taire. Le 4 messidor an XI, le Conseil général est réuni en
une session extraordinaire déterminée par la déclaration de
guerre à l'Angleterre ; Vaillant la préside, avec Blanquart
pour secrétaire. Le préfet prononce une allocution énergique
sur la perfidie, la cupidité et l'orgueil de l'Angleterre ; c'est
sur elle que retombe la responsabilité des maux de la nou-
64 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
velle guerre ; il se félicite d'avoir par son adresse du 12 prai-
rial prévenu les intentions du g-ouvernement et exprimé les
vœux des habitants du département du Pas-de-Calais, Le
Conseil général, animé des mêmes sentiments, manifeste
toute sa haine de l'indigne provocation qui arme de nouveau
les Français ; il est heureux d'autre part de prouver au gou-
vernement son zèle et son dévouement. Lorsque le préfet et
le secrétaire général se sont retirés, le conseil général fait
hommage à l'Etat d'une subvention volontaire de 15 centimes
par franc sur le principal des contributions ; cette subvention
doit produire 600.000 francs qui seront utilisés pour la cons-
truction d'un vaisseau que le gouvernement est invité à
nommer le Napoléon.
A la session ordinaire de l'an XII, qui dure du la au 29
germinal et que préside encore Vaillant, assisté cette fois de
Lefebvre-Cayet comme secrétaire, le préfet de La Chaise,
dans son discours, expose qu'étranger au département, il y a
apporté un désir ardent de faire oublier les malheurs de la
Révolution, d'attacher tous les cœurs au gouvernement ; il
démontre l'utilité de mettre sous les yeux du conseil un
tableau de ce qui s'est passé dans le département, l'esquisse
de ce qui reste à faire; il a l'assurance que ses relations avec
le conseil général seront de plus en plus faciles et avanta-
geuses aux administrés et remet « à des temps plus libres, à
des connaissances plus étendues, des communications plus
satisfaisantes et plus fécondes ». Il communique des mémoires :
1" sur les contributions ; 2^ sur la comptabilité ; 3'' sur l'admi-
nistration générale, la police, l'agriculture, le commerce, etc. ;
4" sur les secours publics, prisons, etc. ; S° sur l'instruction
publique ; G<> sur l'état-civil ; 7° sur le recrutement. Le con-
seil témoigne sa reconnaissance au préfet.
Le bureau est constitué de la même façon à la session de
l'an XIII pendant laquelle le Conseil général vote à l'unani-
mité une adresse à l'Empereur : « Le peuple français, fatigué
des vicissitudes et des orages de la Révolution, a senti que,
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 65
pour assurer les glorieux destins que vos vertus et vos vic-
toires lui avaient préparés, il devait vous confier le pouvoir
suprême et le rendre héréditaire dans votre famille. Vous
avez accepté la couronne impériale et ce grand événement qui
a mis le comble à notre espoir, a excité la joie et la confiance
des nations sages qui ont reconnu combien il doit influer sur
leur propre sort. C'est à présent que la France et l'Europe
peuvent se promettre le repos et le boriheur. Vous avez fait
trembler le premier ces perfides insulaires, dont l'infâme
diplomatie agite sans cesse l'univers. Vous avez déjoué par-
tout leurs complots et causé leur désespoir en rétablissant
parmi nous un ordre immuable, en relevant nos autels, en
nous donnant des lois, en nous rattachant à tous les éléments
de la grandeur et de la propriété nationale » *.
La session de 1806 dure du 2 juin au 13 juin avec Vaillant
comme président et Saint-Amour comme secrétaire. Des féli-
citations sont votées au préfet pour son zèle à faire respecter
les lois et, répétant ce qui s'était passé à la session anté-
rieure, le conseil général rédige une adresse à l'Empereur,
cette fois « sur les événements presque incroyables qui se
sont succédé » depuis un an. En octobre 1807, le conseil
général compose son bureau de Vaillant, président, et de
Bailliencourt, secrétaire. Les cinq commissions sont réparties
de la façon suivante : l** contributions foncières et mobilières ;
2" tableau des dépenses et compte rendu du préfet ; 3** agri-
culture, commerce, ponts et chaussées, cultes ; 4" secours
publics, hospices et prisons ; 5° instruction publique, popu-
lation, administration. Nouvelle adresse à l'Empereur, en
l'honneur de la paix de Tilsitt :
« Le roi de Prusse, séduit par des conseillers vendus aux
Anglais, oublie tout à coup les avantages qu'il avait retirés
de sa neutralité et se croyant encore au temps où le grand
1. Archives dép., série N. Session du conseil général pour l'an XIII, reg.
n°3.
Ghavanon et Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de 1800 à ISW. 5
66 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Frédéric avait triomphé de la France, de TAutriche et de la
Russie, il concentre ses forces près de vos frontières, et, sous
les prétextes les plus frivoles, il se berce de l'espoir de porter la
guerre dans vos États. Votre Majesté, qu'il se flattait d'attaquer
au dépourvu, le prévient à léna. Un seul jour a vu détruire
l'armée ennemie et le royaume de Prusse a cessé d'exister.
Un autre ennemi plus formidable, pareillement égaré par des
conseillers perfides, oublie sa défaite d'Austerlitz et, croyant
l'armée de Votre Majesté affaiblie par les détachements
qu'elle avait dû laisser dans la Prusse, il s'avance pour venger
son allié détrôné ; l'intrépidité des Russes ne peut résister
au génie qui conduit votre armée invincible ; ils succombent,
sans déshonneur, aux célèbres journées d'Eylau et de Fried-
land, et l'armée française est reconnue la première armée du
monde. Tant de victoires et de conquêtes ne purent faire
dévier Votre Majesté des principes de modération qu'elle a
constamment professés. Elle ne soutenait la guerre que pour
avoir la paix et faire enfin ouvrir les yeux à toutes les puis-
sances du continent sur leurs véritables intérêts. C'est à Til-
sitt qu'elle a enfin atteint ce but si cher à son cœur. Les deux
plus puissants monarques du monde et dignes de s'apprécier
posent les armes, se donnent la main, se livrent mutuelle-
ment l'un à l'autre avec cette magnanimité et ce noble aban-
don qui les honorent également tous les deux. Les armées, qui
peu de jours auparavant, se combattaient avec tant dacharne-
ment, s'empressent de suivre l'exemple des deux empereurs,
et pénétrées d'une estime réciproque, elles s'en prodiguent les
témoignages les plus touchants ^».
Il est curieux de noter cet accueil fait à la première alliance
avec la Russie par l'opinion publique en France — dans le
mesure où une adresse votée par un Conseil général, sous le
régime impérial, peut être considérée comme l'expression de
l'opinion publique.
1. Arch. clép., série N. Session du Conseil g^énéral pour 1806, reg. n" 4.
LES ASSE-MltLÉliS ADMIMSTRATIVES 67
En 1808, il ne fut pas tenu de session. La session de 1809
dura du 10 au 30 janvier avec le même bureau qu'en 1807.
IV
Après avoir examiné la vie extérieure du Conseil général,
ses manifestations publiques et tant soit peu politiques, il
nous faut passer en revue les résultats des travaux de ses
diverses commissions, nous rendre compte de l'importance de
son rôle dans l'administration du département. Dans cet ordre
d'idées, les premières sessions paraissent avoir été plus
actives ; elles nous laissent davantage l'impression d'une
assemblée délibérante ; on ne se contente pas d'enregistrer
des faits acquis, on discute des rapports et on émet des
vœux.
Retenons par exemple quelques-uns des vœux des sessions
de l'an VIII et de l'an IX relatifs à l'administration générale.
Les bourgs et communes ouvertes emploient pour la per-
ception des octrois ruraux de nombreux commis qui absorbent
la moitié et même les deux tiers de la recette : le Conseil
général émet le vœu que ces communes soient autorisées à
déterminer le mode d'imposition et de recouvrement des
sommes allouées pour les dépenses communales.
Nous avons déjà exposé les doléances de deux préfets du
Pas-de-Calais au sujet des gardes champêtres : le conseil
grnéral, lui aussi, demande l'épuration et la réorganisation
de ce personnel.
La question des tourbières et des marais communaux est
une de celles qui préoccupent à diverses reprises l'administra-
tion et l'assemblée départementales •: un rapport présenté en
l'an VIII constate les mauvais procédés d'exploitation, le par-
tage inégal des bénéfices, la difficulté que rencontrent les
veuves et les orphelins pour trouver des ouvriers par suite de
l'égoïsme et de l'avidité des exploitants. La rareté du bois
exige la conservation des tourbières ; or, les anciens règle-
68 LE PAS-DE-CALAIS DE 4800 A 1810
ments sont insuffisants pour les marais partagés : le Conseil
général demandera au gouvernement une police et une surveil-
lance régulières, un meilleur régime pour les forêts. On
revient, à la session de l'an IX, sur cette question de tourbières.
Le désordre continue dans le mode d'extraction : 1" dans les
marais partagés, on vend les portions que la loi réserve pen-
dant dix années et on dissipe la tourbe ; 2" dans les marais
restés communs, aucune règle n'est reconnue et on fait dispa-
raître les] terrains sous l'eau. Le vœu émis par le Conseil
général dénonce au gouvernement les aliénations de portions
partagées et demande la mise en vigueur des anciens règle-
ments « qui n'ont rien de contraire aux lois actuelles », ainsi
que la diffusion de l'instruction sur les tourbières, rédigée
par le citoyen Ribeaucourt et publiée par le Conseil des
mines. Renouvellement à la même session du vœu relatif aux
gardes champêtres.
La population du département a diminué d'environ 2.500
individus en l'an IX. Le Conseil général attribue cette dimi-
nution aux réquisitions, à la médiocrité des trois dernières
récoltes, au manque de travail, à l'impéritie qui préside aux
accouchements dans les campagnes ; il décide de soumettre
ces considérations au gouvernement et de demander des tra-
vaux publics pour retenir la population sur le territoire du
Pas-de-Calais. Quant à la situation politique, elle est satis-
faisante; l'esprit public est bon ; le gouvernement inspire
confiance ; toutefois, en certains endroits, on observe encore
une agitation due surtout aux passions religieuses : la liberté des
cultes amènera l'apaisement. Le Conseil général demande que
la révision des actes de l'état civil, souvent remplis d'irrégu-
larités, d'omissions ou d'erreurs, soit confiée aux juges de
paix d'accord avec les maires, et que ces actes soient rédigés
par les instituteurs.
L'institution du notariat, très rigoureusement régie sous les
États d'Artois, s'est bien relâchée des anciens principes : les
scandales sont fréquents ; aussi le Conseil général voudrait-i
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 69
que les notaires fussent nommés au concours par un jury,
siégeant au chef-lieu du département et composé d'un juge,
d'un avoué, de deux anciens notaires et de trois citoyens,
tous nommés par le préfet. Les notaires, à l'exception de
ceux qui exerceraient leurs fonctions depuis dix ans sans avoir
encouru aucun reproche, seraient appelés chaque année devant
le tribunal pour y voir examiner leur conduite et leurs actes,
et en cas de malversation, leur suspension serait pronon-
cée. On appliquerait le même règlement aux officiers ministé-
riels ou huissiers ^
Le Conseil général, par contre, est satisfait des aptitudes et
de la moralité des fonctionnaires, qui répondent à la confiance
du gouvernement ; il adresse particulièrement des éloges au
préfet Poitevin-Maissemy pour la sagesse, la régularité et
l'activité de son administration, pour son esprit conciliateur.
La session de l'an X est marquée par des doléances et des
vœux à peu près semblables. La population du département
est de S00.063 habitants, en diminution de 1.247 habitants
sur celle de 1789 et de l'an VIII. Les causes de cette « dépo-
pulation » ont été indiquées dans les précédentes sessions et
le Conseil général ne peut que reproduire les mêmes vœux.
L'esprit public est satisfaisant et l'administration aussi bonne
que possible, grâce au zèle, à l'expérience et aux lumières du
préfet ; les mêmes éloges sont du reste répétés à chaque
session.
L'état civil a été amélioré par les sages mesures préfecto-
rales ; cependant, il est nécessaire de confier la rédaction des
actes de l'état civil aux instituteurs et de la contrôler chaque
année. Le Conseil renouvelle ses plaintes au sujet des notaires
et aussi des tourbières. Il faut exiger des notaires la résidence,
leur interdire de se faire suppléer par de simples scribes et
établir un tarif pour le prix de leurs actes. Pour les tour-
bières, le conseil fait observer que les abus et les suites
1. Arch. dép., série«N. Conseil {général, t. I, an VlII-an IX.
70 Lh: PAS-DK-CALAIS DE 1800 A 1810
regrettables des partages n'ont pas disparu, malgré les efforts
du préfet pour arrêter le mal en remettant en vigueur les
anciens règlements ; les portions partagées ne sont pas
atteintes en effet par ces règlements, aussi le Conseil
propose-t-il de les assimiler aux marais non partagés ; le pré-
fet serait investi des pouvoirs et moyens de surveillance néces-
saires, tant sur les portions partagées que sur celles ci parta-
ger où se pratique le tourbage.
A la session de l'an XI, le préfet soumet un projet d'octroi
rural pour l'extinction de la mendicité. Le Conseil général
regrette de ne pouvoir l'examiner en détail avant la clôture
de la session ; il craint qu'un tel mode d'impôt ne renouvelle
de fâcheux souvenirs et que sa perception ne devienne vexa-
toire. Il invite le préfet à peser dans sa sagesse les moyens
d'atteindre ce but incontestablement très louable, l'extinc-
tion de la mendicité, et il exprime son désir de seconder en
tout cas les vues du gouvernement.
En l'an XII, le Conseil général émet un avis défavorable à
la demande du maire et des adjoints de Bapaume tendant à
la création d'une nouvelle sous-préfecture dont cette ville
serait le chef-lieu. Les abus signalés par le Conseil général
dans la tenue des registres de l'état civil disparaissent peu à
peu. A défaut de renseignements sur la dépopulation, il y a
lieu de supposer qu'il n'y a pas d'amélioration en ce sens,
puisque les causes du mal subsistent toujours^.
Les données fournies à la session de l'an XIII sont un peu
en contradiction avec ce qui précède, car elles indiquent que
la population totale du département du Pas-de-Calais est de
565.825 habitants et qu'elle s'est accrue de 27.642 habitants
depuis 1790. Le Conseil général demande que, pour favori.ser
l'accroissement de la population, la vaccine soit encouragée.
Le 12 floréal, il émet un vœu en faveur d'un meilleur mode
de recrutement de l'armée : il y a bcBucoup trop de réfrac-
1. Arch. ddp., série N, t. II. Délibérations des sessions de l'an X à l'an XII.
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 71
taires et le système suivi ne paraît pas absolument satisfai-
sant. Il revient sur la question des notaires qui paraît le préoc-
cuper beaucoup ; il se plaint des prévarications de quelques-
uns d'entre eux et de l'incapacité du plus grand nombre. Pour-
quoi ne pas rétablir le système de surveillance imaginé par
le conseil d'Artois qui avait créé le synode? Les notaires
comparaîtraient une fois par an, devant ce Conseil pour
entendre les réclamations formulées contre eux et se justi-
fier; la diminution du nombre des notaires s'impose égale-
ment ^ .
Les vœux relatifs aux questions d'administration générale
deviennent moins nombreux à partir de l'année 1806, A la
session de cette année, le Conseil général demande des modi-
fications dans la perception des octrois ; il émet le vœu que
l'on accorde un logement aux sous-préfets de Saint-Pol et de
Saint-Omer et il adresse une supplique au ministre de l'Inté-
rieur pour que les comptes et budgets des villes soient régu-
lièrement approuvés chaque année avant la présentation du
compte de l'année suivante ~.
En 1807, on constate une augmentation de 4.513 habitants.
Des vœux sont émis en faveur du transfert des chefs-lieux
des cantons d'Auxi-le-Château à Frévent, de Wail à Blangy,
d'Heuchin à Pernes. Nouveau vœu au sujet de l'épuration de
la corporation des notaires. Enfin, dans un rapport sur l'esprit
public, nous trouvons une timide allusion à la lassitude causée
aux populations par les guerres successives, au rétablissement
de la garde nationale et aux appels réitérés de la conscription:
(( Le Conseil espère que la paix glorieuse de Tilsitt permettra
à Sa Majesté de les renvoyer dans leurs foyers ou tout au moins
qu'EUe trouvera juste de faire partager cette charge par un
plus grand nombre de départements ». 11 est vrai qu'en
d'autres circonstances le Conseil général s'était associé aux
mesures énergiques du préfet de La Chaise contre les réfrac-
1. Arch. dép., série N, t. III. Délibérations de la session de l'an XIII.
2. Ihid., série N. Délibérations du Conseil général, session de 1806.
72 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
taires ; il avait, lui aussi, flétri ces « conscrits qui, sourds au
cri de l'honneur, refusent d'aller partager la gloire de nos
armées et se mettent dans l'horrible position, pour des cœurs
français, de traînerdans l'opprobre les restes d'une vie désho-
norée. Puissent-ils être, dans l'avenir, en horreur à tous les
pères de famille, ne trouver aucun abri, être livrés par un
concert unanime pour qu'un châtiment éclatant fasse cesser cette
calamité ! » Il faut aussi ajouter qu'en 1814, nous voyons le
Conseil général se répandre « en félicitations à l'adresse des
mères, qui, désormais, ne craindront plus de donner le jour
à un fils pour se le voir arracher par la conscription » ^.
La session de 1809 comporte un seul vœu intéressant,
celui qui est relatif au cadastre : le Conseil général demande
que les experts chargés d'établir le cadastre se renferment
dans les bornes prescrites par la loi. On constate une augmen-
tation de 6.830 habitants dans la population du département^.
Les rapports et les vœux relatifs à l'agriculture, au com-
merce et aux travaux publics sont plus fréquents. A la session
de l'an VIII, le conseil général, après avoir fait l'éloge du
mémoire de Grandclas, ingénieur en chef des ponts et
chaussées, sur l'ensablement d'Ambleteuse et des environs,
propose la plantation de grands végétaux, comme les pins,
pour fixer les dunes et la concession de terrains aux particu-
liers qui se chargeraient de les fertiliser; ce mémoire sera
envoyé au ministre, avec prière au gouvernement, de se ser-
vir des moyens qui y sont indiqués pour arrêter les sables et
de venir en aide aux habitants de Marquise qui creusent un
nouveau lit à la Slack pour combattre l'ensablement.
1. Arch., dép., série N. Délibérations du Conseil général, session de 1807;
G. i)E Hai'teci.oqur, La conscription dans le Pas-de -Calais sous le Premier
Empire {Mémoires de V Académie d'Arras, 1899).
2. Ihid., série N. Délibérations du Conseil général, session de 1809.
LES ASSEMBLÉES ADMIMSTRATIVES 73
Le Conseil demande le rétablissement des primes k l'agricul-
ture, la protection par le gouvernement des sociétés d'agri-
culture de Calais et de Boulogne qui se recommandent par
leurs travaux ; il serait utile d'accorder une subvention de
1.200 francs à celle de Boulogne pour rechercher les mines
de houille et les carrières de marbre que paraît renfermer cet
arrondissement .
Les forêts préoccupent particulièrement l'assemblée dépar-
tementale. Dans un rapport présenté à la séance du 26 ger-
minal an IX, on constate que « la hache révolutionnaire » a
abattu en pleine vigueur les futaies ; les forêts, autrefois
magnifiques, offrent un spectacle révoltant ; le peuple a incon-
sidérément dissipé les réserves de l'avenir ; la restauration
s'organise, mais elle sera longue; les acquéreurs de biens
nationaux anticipent sur la jouissance des coupes. Le Conseil
général demande donc au gouvernement de compléter immé-
diatement l'organisation forestière, de planter les chemins, les
remparts des villes de guerre, d'encourager les particuliers au
reboisement par des primes et de réprimer sévèrement les
délits.
A la session de l'an IX, le rapport présenté au Conseil cons-
tate qu'il y a eu d'heureuses améliorations et que l'on doit
remercier le gouvernement pour le zèle apporté à la planta-
tion des terrains des places de guerre. Le pouvoir juridiction-
nel devrait être attribué à l'administration des forêts pour la
répression des délits, dont la poursuite traîne devant les tri-
bunaux ; le Conseil général revient également sur la question
de la plantation des routes. Le Conseil d'arrondissement de
Boulogne a demandé la conservation de l'arbuste nommé
rhamnoïde (nerprun), qui contribue à la fixation des dunes et le
vote d'un subside de 6.000 francs pour le remplacement des
plants détruits ; cette proposition est renvoyée au préfet, avec
prière de prendre les précautions les plus efficaces pour la
conservation de ces arbustes ^.
1. Arch. dép., série N. Délibérations du Conseil général, t. I.
74 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Le 23 germinal an XII, le Conseil général constate que la
plantation des chemins, places, biens communaux, est pres-
crite par l'arêté préfectoral du 11 brumaire an XII, mais les
pépinières font défaut. Il émet le vœu de décharger de la
contribution foncière pendant quatre ou cinq ans les terrains
affectés à cet usage et demande en outre la réglementation de
la plantation des bords des rivières non navigables par les
riverains ^.
Si les reboisements sont très utiles dans le département du
Pas-de-Calais, les dessèchements et la protection des terres
basses contre l'invasion des flots et de la mer ont une impor-
tance plus grande encore. Depuis longtemps, le préfet recher-
che les moyens de dessécher les 600 hectares du flot de Win-
gles ; déjà, avant la Révolution, le génie militaire de la place
de Lille mettait obstacle à ce dessèchement ; un vœu voté par
le Conseil général à la session du 29 germinal en XII demande
le dessèchement, non seulement du flot de Wingles, mais
encore de toutes les terres submergées,
« On désigne sous le nom de watringues une vaste étendue
de territoire située dans les départements du Nord et du Pas-
de-Calais et présentant presque partout un niveau inférieur
à celui des hautes mers. Ce territoire est défendu contre l'in-
vasion de la mer par une ligne de dunes naturelles, reliées
entre elles par des digues construites de mains d'homme. Un
réseau de canaux ou wattergands conduit vers les ports de
Calais, Dunkerque, Gravelines et Ambleteuse les eaux de
pluie et les eaux de sources et celles-ci sont évacuées à la mer
à marée basse au moyen d'écluses » '^. Lîn rapport présenté au
Conseil général en l'an XII indique que le préfet étudie l'éta-
blissement d'une administration des watringues ; la mise à
exécution de ce projet est vivement désirée pour le dessèche-
ment des parties basses de l'arrondissement de Saint-Omer.
1. Arch. dép., série N. Délibérations du Conseil général, t. I.
2. Le Pas-de-Calais au XIX' siècle, t. IV, Agriculture, Arras, 1900, p. 426.
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 75
Toutefois, à la session de l'an XIII, le Conseil général déclare
qu'il n'est pas favorable à la création d'une commission des
watring-ues qui coûterait trop cher ; il voudrait que l'on se
rapprochât de l'ancien système : la maîtrise des eaux et forêts
administrait les watring^ues avec le concours de quelques cul-
tivateurs expérimentés et les frais étaient payés sur les contri-
butions ordinaires '.
Le 7 juin 1800, le Conseil général, après avoir émis un nou-
veau vœu en faveur du dessèchement du flot de Wingles,
demande la division des terres en trois catégories: I*' celles
qui ne sont pas dans le cas d'être inondées et qui ne
seront soumises à aucun règlement; 2" les terres élevées
mais voisines des terres basses qui seraient soumises à un
règlement de police obligeant les riverains à faire les travaux
nécessaires ; 3" les terres basses pour lesquelles on créerait
une administration.
Les watringues étaient organisés le 28 mai 1809 par un
décret pris en exécution de la loi du 16 septembre 1807 sur
le dessèchement des marais,
A la question de la situation agricole du département est
intimement liée celle des subsistances. Pendant plusieurs
années, les récoltes furent déficitaires. A la session de l'an IX,
le 9 prairial, le préfet, au nom du ministre, avoue 1 impuissance
du gouvernement à faire face à la disette et invite le Conseil
général à assurer la subsistance des habitants. Le Conseil est
eff'rayé de la hausse des grains ; en huit jours, la mesure de
125 livres est montée de 24 à 36 francs. La promesse d'un
secours de cent mille quintaux avait calmé les esprits, mais le
retard des arrivages n'a pu ensuite qu'accroître l'inquiétude
générale. On fait courir le bruit qu'il y a eu des accapare-
ments ; les campagnes sont littéralement assiégées par des
bandes de mendiants, dont quelques-unes comptent jusqu'à
1. Arch. dép., série N. Délibérations du Conseil général. Session de
Tan XIII.
76 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 181Ô
douze et quinze cents individus. Après avoir appelé à la séance
non seulement le préfet, mais encore le maire, les adjoints et
les principaux négociants d'Arras, le Conseil général, con-
vaincu de l'impossibilité de procéder à des achats à l'étranger,
ce qui ne pourrait qu'accroître la hausse, décide à l'unanimité
d'inviter le gouvernement à adresser les secours promis et
impatiemment attendus par plus de trois cent mille citoyens
menacés de mourir de faim. Cette délibération sera envoyée
au ministre. Le 10 prairial, on annonce l'arrivée prochaine à
Dunkerque d'un premier convoi de seigle pour les départements
du Nord et du Pas-de-Calais et le 13, l'envoi d'autres secours.
Par acclamation, le Conseil général nomme une commission,
composée de Duval_, Dupire, Baillencourt et Delporte, pour
remercier le préfet de sa sollicitude ^ .
Le rapport présenté à la session du Conseil général de l'an
XI constate que la récolte dernière a été en général assez
bonne, sauf pour les grains de mers. Les prévisions sont moins
favorables en ce qui concerne l'année courante, à cause des
rigueurs de l'hiver ; les colzas sont généralement gelés ; le
bétail est toujours en diminution. Le Conseil général demande
en 1806 que des haras soient établis dans l'ancienne abbaye
de Cercamps.
A diverses reprises, le Conseil général transmet ses doléances
sur l'état du commerce et de l'industrie. Le commerce consis-
tait autrefois en grains, en bestiaux et dans les produits des
manufactures; or, les fabriques de toiles se soutiennent à
peine dans l'arrondissement de Béthune, et, si l'industrie des
dentelles semble renaître à Arras, les fabriques de draps de
Saint-Omer, de bas à métiers de Montreuil et quelques pape-
teries végètent péniblement. On doit regretter la disparition
de la manufacture de porcelaines d' Arras, qui occupait un
grand nombre de bras. La superbe verrerie d'Hardinghen et
la manufacture de fer-blanc et de tôles de Blendecques sont
1. Arch. dép., série N. Délibérations du Conseil ffénéral, t. I.
LES ASSEMBLÉES ADMLMSTRATIVES 77
inactives. La situation du commerce maritime nest pas non
plus très satisfaisante, La spéculation de l'armement en course
est incertaine ; la pêche et la navigation au cabotag-e sont
fréquemment interrompues par la guerre avec l'Angleterre.
Le Conseil général émet le vœu que le gouvernement accorde
dans le département du Pas-de-Calais des permis de culture
et de fabrication du tabac ; que des encouragements soient
donnés au commerce sous la forme de primes ; que l'on fasse
les réparations nécessaires aux ports de Boulogne et de Calais;
que l'on encourage la pêche au hareng et au maquereau et que
l'on établisse la pêche à la morue ^ . Selon un autre rapport,
celui de la session de l'an XI, les dentelles fournissent
une nouvelle source de revenus et la ville d'Arras a formé
divers ateliers pour le perfectionnement de leur fabrication.
Le commerce maritime est toujours nul, fait observer le rap-
porteur de l'an XIII, et le commerce intérieur du départe-
ment peu actif ; la manufacture de fer-blanc de Blendecques
est en complète décadence. La guerre avec la Prusse ferme,
en 1806, le débouché de l'Allemagne du Nord à l'industrie
des dentelles qui traverse une crise grave ; autour de
Bapaume, la fabrication des linons et des batistes disparaît
de jour en jour. Par contre, on vient de créer à Arras des
fabriques de basins et de piqués 2.
La prospérité de l'agriculture et du commerce est liée à
l'état des voies de communication. Dès la première session,
le Conseil général déclare que les grandes routes sont impra-
ticables, surtout celle de Paris-Lille et celle de Paris-Calais.
Le département est menacé de voir ses communications inter-
rompues. La dégradation des routes nationales, est-il dit à la
session de l'an IX, est telle qu'il faudrait plus de 1.500.000
francs pour les réparations urgentes. Les cent cinquante mille
francs affectés à la route de Paris à Dunkerque, par Abbeville,
Montreuil, Boulogne et Calais et les vingt-quatre mille francs
1. Arch. dép., série N. Délibérations du Conseil général, t. I.
2. Idem., série N. Délibérations du Conseil général. Session de 1806.
78 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
accordés sur le droit de passe sont absolument insuffisants. A
plus forte raison, les chemins vicinaux n'existent que de nom ;
les habitants des campagnes montrent une regrettable insou-
ciance au sujet de leur entretien ; le Conseil général demande
au gouvernement un supplément sur les centimes addition-
nels pour l'affecter à la réfection de ces chemins vicinaux sous
la surveillance des ingénieurs.
En l'an X, le Conseil général attire particulièrement l'atten-
tion de l'administration sur l'état désastreux de la route de
Marquise à Guînes, qui sert au transport du charbon des
produits des verreries d'Hardinghen et des fours à chaux de
l'arrondissement. On dépense, l'année suivante, sur les fonds
départementaux, 13.460 francs pour la réfection de cette
route entre Hardinghen et Marquise. Les routes sont en meil-
leur état en l'an XI, grâce au système suivi par le gouverne-
ment : la taxe pour l'année courante est affermée 262.765
francs ; déduction faite des charges, il reste 236.488 francs
applicables aux travaux des routes, plus 44.000 francs pro-
venant du fonds de dix millions accordés parles consuls. Le
rapport de l'an XII sur les ponts et chaussées établit qu'il y
a dans le département du Pas de-Calais vingt-neuf grandes
routes divisées en quatre classes ; elles comprennent : en
pavé, 266.259 mètres ; en cailloutis ou empierrenaent,
614.225 mètres ; en terrains à construire 113.651 mètres; au
total. 994.135 mètres. L'ingénieur en chef demande pour
l'an XII 415.700 francs, mais cette somme est insuffisante
par suite des nombreux charrois sur le littoral et en vue de
l'approvisionnement de l'armée*.
Une série de vœux du Conseil général en l'an XI se rapporte
aux chemins vicinaux : le Conseil demande l'exécution des
réparations nécessaires au moyen des prestations ; les listes
seront dressées par les conseils municipaux ; le nombre des
chevaux déterminera la prestation à fournir et la quantité de
1. A.rch. dép., t. II. Délibérations du Conseil général, an X-an XII.
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 79
terre cultivée, le nombre de journées à faire par les cultiva-
teurs sans chevaux ; un demi-hectare en grande culture don-
nera lieu à une journée de travail et la journée de voiture à
quatre chevaux équivaudra à douze journées ordinaires de
travail. A la séance du 23 germinal an XII, le Conseil géné-
ral constate que la négligence dans l'entretien des chemins
vicinaux date de la Révolution. L'arrêté du 12 prairial an XII,
ordonnant leur réparation par le système des prestations en
nature ou par travail forcé, n'a pus produit un eifet général:
une imposition légère, comme par le passé, serait peut-être
plus efficace. Le Conseil général demande la disparition des
emprises : les Etats d'Artois nommaient des commissaires
pour surveiller les chemins et empêchaient les emprises ; ces
commissaires étaient choisis parmi les propriétaires et rem-
plissaient gratuitement leurs fonctions. Le préfet ayant déjà
nommé de semblables commissions pour les grandes routes,
le Conseil général émet le vœu que cette mesure soit étendue
aux chemins vicinaux ^
A la session de juin 1806, vœu pour le rétablissement des
cantonniers.
La question du droit de passe se rattache à celle des routes
et des chemins vicinaux, elle préoccupe à diverses reprises
le Conseil général. Le S thermidor an VIII, le conseiller, qui
présente un rapport au sujet de ce droit, fait observer qu'il est
l'objet de vives réclamations à cause de la façon arbitraire et
vexatoire dont il est perçu. Les rixes sont fréquentes entre
les commis et les voyageurs ; les cultivateurs, qui approvi-
sionnent les marchés, sont imposés au retour, ce qui influe
sur l'approvisionnement ; aussi un vœu est-il formulé en
faveur d'une réglementation de la perception du droit de passe
qui remédie aux exactions et évite une interprétation arbi-
traire de la loi-. Le Conseil général revient à la charge en
1. Arch. dcp., t. II. Délibérations du Conseil général, au X-an XII.
2. IbicL, série N. Ihid., t. I.
80 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
l'an IX et avec plus d'énergie : le droit de passe pèse lourde-
ment sur les administrés ; il entretient une foule d'hommes
vigoureux dans l'oisiveté, la concussion et la rapine ; il
entraîne des conflits, des accidents et des procès; il cause la
dégradation des routes par la surcharge à laquelle ont recours
les rouliers pour s'indemniser et il ne rend pas au Trésor la
moitié de ce qu'il coûte au peuple français. Le Conseil général
émet donc le vœu que le droit de passe soit supprimé et rem-
placé par un impôt indirect, et, en attendant cette^suppression,
il demande avec insistance la répression des actes arbitraires
des fermiers et de leurs agents, le maintien de l'exemption
établie par la loi au profit de l'agriculture et de l'approvisio-
nement des marchés, enfin l'abolition des barrières qui obs-
truent sans nécessité les routes et empêchent, surtout près
des villes, la franchise dont doivent jouir leurs habitants dans
le territoire qui en dépend ^.
Les canaux et les rivières navigables ne sont guère en meil-
leur état que les routes : l'Aa, la Lys et la Scarpe ne sont
presque plus navigables ; les ruisseaux et les fossés d'écoule-
ment ont besoin d'un curage général. La jonction de la Ganche
à la Scarpe fut jadis projetée par les Etats d'Artois; les études
en ont démontré la possibilité et les dépenses seraient presque
couvertes par la vente de la tourbe abondante dans les terrains
à traverser; de même, pour la jonction de la Lys au canal de
Douai ; le Conseil général invite donc le gouvernement à faire
aboutir ces projets 2. En l'an X, le Conseil général demande
l'avance par l'Etat d'une somme de 300.000 francs pour exé-
cuter avant l'hiver les travaux indispensables sur la Scarpe,
qui menace de cesser d'être navigable. L'année suivante, un
rapport présenté au Conseil propose l'établissement du droit
de passe sur les canaux afin de trouver des ressources pour
assurer leur entretien ; il ne sera pas impopulaire comme celui
1. Arch. dép., t. II. Délibérations du Conseil général, t. I.
2. Ibid.
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 81
des routes, car il était autrefois en usage sur un grand nombre
de canaux'.
L'entretien des prisons et des hospices n'est pas négligé
par le Conseil général du Pas-de-Calais. Pour les prisons, il
demande la création d'inspecteurs qui les visitent annuellement,
la fondation à Arras d'un dépôt général de mendicité, et la
transformation de l'abbaye de Sainte-Austreberthe, à Mon-
treuil, en prison. L'administration de ces prisons est en géné-
ral très défectueuse ; les geôliers, peu surveillés, procurent
des boissons alcooliques, souvent en grande quantité, aux
détenus ; la distinction entre les maisons d'arrêt de détention
et de justice n'existe pas; enfin il est nécessaire de donner du
travail aux détenus ~.
Dans les hospices, la situation est plus mauvaise encore :
le déficit est persistant malgré le revenu des octrois et les éco-
nomies réalisées; ce déficit s'élève à Arras, à 66.990 francs ; à
Saint-Omer, à 4 6. 130 francs; à Calais, à 20.280 francs, etc. Mont-
reuil et Bapaume ne peuvent établir d'octroi, soit par défaut
de population, soit parce que la fraude ne peut être empêchée.
Ardres, privé d'industrie et de garnison, réclame les immeubles
et biens meubles de son hospice pris par l'administration mili-
taire et non utilisés. Le Conseil général demande donc le
remboursement d'avances faites pour les enfants abandonnés,
une subvention de 2.000 francs en faveur des hospices de
Bapaume et de 8.000 francs pour les hospices de Montreuil, la
remise à la ville d' Ardres des bâtiments réclamés, le rappel dans
les hospices des sœurs de Saint- Vincent-de-Paul dont les soins
pour les malades n'ont pas encore été remplacés, la création
d'ateliers de charité pour suppléer à l'insuffisance des revenus
des hospices'^.
Des améliorations se font toutefois peu à peu sentir. En
l'an X, la situation est déjà meilleure à Aire, à Béthune, et à
1. Archives départ., Délibérations du Conseil général, tome II.
2. Id., tome I.
3. Ibid.
CiiAVANON ET Saint-Yves. — Le Piis-de- Calais de ISOO à 1810.
82 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Hesdin, mais le déficit ne cesse de s'accroître à Arras, à Saint-
Omer, à Boulogne, à Calais et à Montreuil ; Bapaume est dans
une grande gêne. Le Conseil général constate en l'an XI des
améliorations à Arras, à Béthune et à Boulogne; Saint-Pol
se trouve dans une effrayante pénurie et la direction doit quêter
journellement. Enfin, en Tan XII, le rapport est plus opti-
miste. A Aire, la situation est très satisfaisante par suite de
l'avance de 30.000 francs faite par le gouvernement et de la
rentrée des religieuses. A Béthune, Lens et Hesdin, on ne
peut que se louer également de l'état des choses. La tenue de
l'hospice d'Arras est excellente sous la direction des anciennes
hospitalières; il y a deux orphelinats en bon état, l'un pour
les garçons dirigé par les Frères de la Doctrine chrétienne,
l'autre pour les filles dirigé par les anciennes sœurs de Saint-
Agnès ; malheureusement le budget n'est pas encore complè-
tement équilibré. A Boulogne, il est nécessaire de faire des
réparations coûteuses, la situation est encore mauvaise. La ville
de Calais réclame le remboursement des avances qu'elle a
faites, soit 30.000 francs. Saint-Omer demande le même
remboursement ^
A la session de l'an XIII, le Conseil général discute les
moyens de détruire la mendicité dans le département : il pro-
pose la création d'un asile à Saint-Venant, d'ateliers de travail
dans chaque arrondissement, la fondation d'un lit par cinq
cents habitants dans chaque hospice pour les infirmes des
campagnes et l'établissement d'un bureau de bienfaisance dans
chaque chef-lieu de canton ~.
Un certain nombre de rapports et de vœux émanant du
Conseil général se rapportent à l'instruction publique et aux
cultes ; nous les signalerons dans les chapitres consacrés à
ces matières.
Mais le Conseil général n'a pas uniquement ce rôle d'as-
1. Archives départ, Délibérations du Conseil général, tome II.
2. Ibid., session de l'an XIII.
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 83
semblée administrative consultative, il a encore des attribu-
tions financières. Sans entrer dans le détail de ses opérations
à chaque session, nous pouvons prendre, comme type, les deux
premières sessions, celles de l'an VIII et de Tan IX.
Au Conseil général incombe particulièrement le soin de
répartir les contributions directes entre les arrondissements et
de statuer sur les demandes en réduction.
Le 8 thermidor an VIII, le Conseil général procède au répar-
tement des contributions; le principal est fixé pour Tan IX à
347.350 francs; les dépenses s'élèvent à 433.161 fr., 03 dont
293,311 fr., 03 pour les dépenses générales et 139.850 francs
pour la préfecture et les sous-préfectures. Le Conseil demande
un fonds de non- valeur de 85.811 fr., 03 pour couvrir le déficit ;
on ajoute 10 centimes par franc au principal des deux contribu-
tions foncière et mobilière. Les contributions sont réparties de
la façon suivante entre les divers arrondissements : Boulogne,
309.463fr. ; Saint-Omer, 527.999fr. ; Béthune, G38.212fr.;
Arras, 769.986 fr. ; Saint-Pol, 436.055 fr. ; Montreuil,
388.285 fr.
Pour Tan X, les dépenses générales sont fixées à
411.737 fr.ll, dontlll.888 fr. pour la préfecture, 31.900fr.
pour l'instruction publique, 49.701 fr. 78 pour la justice et
218.247 fr. 33 pour les sous-préfectures.
Le traitement du préfet est insuffisant, déclare le Conseil
général : il doit être basé sur la population du département ;
or, la population du Pas-de-Calais excède de 11.060 habitants
les populations réunies des Alpes-Maritimes, du Léman et
des Deux-Nerthes ; cependant les traitements des préfets sont
identiques. Il y a dans le Pas-de-Calais 931 communes à admi-
nistrer et 25 lieues de côtes maritimes à surveiller; le préfet
a fait de grands sacrifices « pour éteindre des haines et réunir
tous les partis ». Le Conseil général émet donc le vœu que
Ton augmente le traitement du Préfet ou bien qu'on lui accorde
une indemnité en rapport avec « ses immenses travaux con-
sistant pour six mois de l'an IX en 7.631 lettres, 3.586 arrêtés,
84 LE rAS-DE-CALAlS DE 1800 A 1810
16.561 mandats et 2.867 congés ». Voilà un vœu auquel aucun
préfet n'opposerait la question préalable' !
Ces quelques extraits et analyses des délibérations du Con-
seil général permettent déjuger la nature et l'étendue de
l'œuvre de l'assemblée départementale de 1800 à 1810. Par
le caractère de ses fonctions et des questions soumises à ses
délibérations, par sa composition même, le Conseil général
est la suite naturelle de l'assemblée administrative du dépar-
tement telle qu'elle a été constituée en 1790 ; mais elle est
nommée par le pouvoir central au lieu d'être élue comme celle
de 1790 et réduite à un rôle uniquement consultatif. Le Con-
seil général offre le cas d'une institution de la Révolution,
adaptée à une centralisation plus grande, à un accroissement
des droits et pouvoirs de l'Etat. Déjà, l'assemblée administra-
tive du département marquait, par rapport aux Etats d'Artois,
une semblable évolution.
Il est à remarquer également que, pendant les cinq premières
années de son existence, le Conseil général du Pas-de-Calais
a pris au sérieux son rôle d'assemblée consultative et délibé-
rante ; il s'est attaché à formuler tous les vœux qui pourraient
attirer l'attention du gouvernement sur les besoins du dépar-
tement et ce souci du bien public l'honore. A partir de la
session de 1806, il se renferme au contraire de plus en plus
dans ses attributions financières et se consacre surtout au
répartement des contributions et aux questions de dégrèvement.
Et une telle attitude s'explique facilement par la reprise des
hostilités, par cette suite ininterrompue de guerres qui ôtent
aux populations et à leurs représentants, l'espérance de voir
— du moins avant quelque temps — se continuer cette belle
série de réformes administratives et cette réorganisation de la
France qui avaient caractérisé la période pacifique du Consulat.
Dans l'ensemble de ses sessions, le Conseil général du
département du Pas-de-Calais paraît avoir été plus laborieux
1. Archives départ., Série N., Délibérations du Conseil général, tome I.
LES ASSEMBLÉES ADMLMSTRATIVES 8o
que celui des Bouches-du-Rhône ; les questions envisagées
sont plus variées et plus complexes ; on ne remarque aucune
tendance à des incursions dans le domaine politique, incursions
que le gouvernement n'aurait du reste pas tolérées. Il est vrai
que le Pas-de-Calais est un département à la fois agricole,
industriel et maritime, tandis qu'à cette époque le département
des Bouches-du-Rhône avait presque pour unique préoccupa-
tion le commerce et que ce commerce était anéanti, sans espoir
de jamais renaître, par la politique extérieure de Napoléon.
VI
La loi de pluviôse an VIII crée les Conseils d'arrondissement
pour tenir dans l'arrondissement et auprès du sous-préfet la
place du Conseil général dans le département près du préfet.
Chaque Conseil d'arrondissement doit être composé de onze
membres et siéger une fois par an. 11 fera la répartition des
contributions directes entre les diverses communes de l'arron-
dissement ; « il exprimera une opinion sur l'état et les besoins
de l'arrondissement et l'adressera au préfet »,
Examinons la composition des divers Conseils d'arrondisse-
ment du Pas-de-Calais. Celui d'Arras comprend à sa forma-
tion en l'an VIII : Berlin, Desprez, Manoury, A.-L. Billot,
Th. Cornoailles, F.-J. Billion. Norman, Billecoq, Le Roux
et Tamboise. De ces conseillers, un seul, François-Joseph
Billion, dit Noël Billion, était un ancien législateur, né à
Arras le 4 mars 1752; il avait été administrateur du Directoire
du district d'zVrras en 17(H et président des hospices civils;
il fut élu le 25 germinal an VII député au Conseil des Cinq-
Cents et se montra favorable au coup d'État du 18 brumaire;
juge au tribunal civil d'Arras, il conserva ses fonctions sous
la Restauration ^
I. Archives départ. Conseil diu-rondissonuMit d'Arras. Procès-verbaux de
la session de l'an VIII.
86 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Berlin était un ancien administrateur du département pen-
dant la Révolution. Pierre-Joseph Tamboise, de Vimy, avait
fait partie de la première assemblée administrative du dépar-
tement en 1790. Norman et Cornoailles avaient rempli les
fonctions d'administrateur de district. Manoury était agent
municipal de Metz-en-Couture. Quant aux autres conseillers
d'arrondissement, Despretz était notaire à Bapaume, Billot et
Le Roux cultivateurs. Billecoq, décédé avant d'avoir siégé,
avait appartenu à l'administration municipale d'Arras ; il fut
remplacé parDelleville,qui siégea au Conseil d'arrondissement
d'Arras jusqu'en 1808 ' ; ce dernier était notaire et avait été
administrateur de district; on le suspendit de ses fonctions en
181S.
En même temps que les précédents, nous voyons figurer
comme membre du Conseil d'arrondissement d'Arras, dans
l'almanach départemental de l'an X, Antoine-Guislain Water-
lot, de Boyelles, membre du Directoire* du département en
1790.
A la suite du tirage au sort du 26 messidor an XI, Tamboise,
Desprez et Manoury sont remplacés par Delepouve, d'Arras,
juge, président du tribunal, Willemetz, maire de Thélus et
Corne, ancien député au Conseil des Cinq Cents, dont nous
avons déjà donné la biographie en parlant du Conseil de pré-
fecture. Les membres sortants de 1808 sont : Bertin, Billot,
Norman et Walerlot ; par le décret du 22 décembre 1809, sont
nommés Ignace Haudouart père, homme de loi à Bapaume,
ancien maire de Bapaume, président du tribunal de ce district
et député du Pas-de-Calais à l'Assemblée Législative , Nicolas
Deflandre, propriétaire, maire de Morchies, Wartelle jeune,
propriétaire à Arras et de nouveau Waterlot.
Le Conseil d'arrondissement de Béthune est composé, à sa
formation le 12 prairial an VIII, des membres suivants : Le
Ro}^, notaire à Lens, ancien administrateur et procureur syn-
1. Dictionnaire parlemenlaire du Département du Pax-de-Calais.
LES ASSEMBLÉES ADMINISTRATIVES 87
die du département; Choquet, de Lestrem, ancien juge de
paix; Menche, de Beuvry, ancien juge de paix; Rohart, pro-
cureur, arpenteur et receveur des contributions avant 1789,
ancien administrateur de district, juge de paix de Carvin ;
Desruelles, avocat au Parlement de Paris avant 1789, sub-
stitut du magistrat de sûreté près le tribunal de Béthune,
homme de loi à Saint-Venant; Bassecourt, de la Beuvrière;
Sénéchal, cultivateur, maire de Verquin ; Grégoire, receveur
des octrois et négociant avant la Révolution, ancien adminis-
trateur de district, ancien commissaire du gouvernement près
l'administration municipale et adjoint au maire à Lillers ;
Becq, d'Hénin-Liétard, médecin ; Brongniart, brasseur à
Lillers; Le Boy, notaire à Béthune et ancien agent municipal.
Grégoire, ayant démissionné presque aussitôt, était remplacé
par Mauduit, de Sailly-sur-la-Lys, greffier général du pays
de Lalleu et receveur de l'abbaye de Saint-Vaast avant la
Révolution. Au renouvellement de l'an XII, entrent au conseil
d'arrondissement de Béthune : Branne, cultivateur à Violaines,
Legay, commissaire du gouvernement près le tribunal civil et
un officier, Boisgérard, ancien aide de camp de Bonaparte et
de Menou et jouissant d'un revenu de 1 .800 francs.
Par le décret du 22 décembre 1809, furent nommés : Louis
Ducarin, ancien juge de paix et administrateur de district. Cons-
tant Daisguirande, adjudant de cohorte, maire de Chocques,
Xavier Gombert, administrateur des hospices, ancien maire de
Lestrem, membre du Conseil municipal de Béthune, etSiméon
François, juge de paix. Enfin Le Roy, décédé, eut pour suc-
cesseur, le 21 juin 1810, Lenoir, maire de Gonnehem, officier
du génie avant 1789.
Le conseil d'arrondissement de Boulogne comprit, à sa for-
mation, le 12 prairial an VIII, un ancien législateur, Bernard
Gros, avocat, procureur fiscal et membre de l'administration
provinciale du Boulonnais, élu député aux Etats généraux par
le Tiers-État de la sénéchaussée de Boulogne, puis juge du
district de Boulogne jusqu'au 10 août 1792; des administra-
88 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
teurs de département et de district pendant la Révolution,
Louis Libert, de Wimille ; Merlin Hibon, de Boulogne,
greffier adjoint à l'amirauté de Boulogne antérieurement à
1789, membre de la commune, procureur-général-syndic, pré-
sident et commissaire près le département ; Brouta^ officier
du troisième bataillon du Pas-de-Calais, notaire à Marquise ;
Ita Trousset, de Desvres, ancien administrateur; deux anciens
administrateurs municipaux de Calais, Duval et Marensal ;
enfin Dumont, de Courset, agronome distingué et propriétaire
de l'un des plus riches jardins de botanique ; Cornuette,
d'Henneveux, chevalier de Saint-Louis, ancien garde du
corps, maire d'Henneveux ; Antoine Parenty, de Peuplingues,
et Noulart, de Samer, ancien ecclésiastique et ancien commis-
saire. Au sujet de ce dernier, le sous-préfet Duplaquet pense
en 1808 que, puisqu'il est conseiller sortant, il ne doit pas
être renommé, car il n'a ni la fortune, ni la considération
nécessaires pour faire partie d'un corps dont toute l'autorité
consiste dans l'influence morale et politique.
Gros et Parenty, démissionnaires, sont remplacés le 17 ger-
minal an VIII par Cornier-Préville et Mouron de Caux, de
Samer. Au premier renouvellement, le 10 ventôse an XII, sont
nommés : Berquier-Neuville, ancien député au Conseil des
Cinq-Cents ; Grandsire-Belval, rentier à Wimille, puis com-
missaire du gouvernement près le tribunal civil, et Duriez, de
Calais, qui, n'ayant pas accepté, eut pour remplaçant Duquesne-
Clocheville, ancien officier de cavalerie. Hénin, ancien admi-
nistrateur, avait succédé le 8 floréal an X à Duval, également
démissionnaire, et Antoine Bénard, le 19 ventôse an XIII, à
Libert, décédé. Enfin, le décret du 22 décembre 1809 nomme
comme membres du conseil d'arrondissement de Boulogne
Caron Falempin, procureur impérial près le tribunal civil,
Guizelin, chef de cohorte, Dumont, de Courset, et Jacques
Leveux, négociant, maire de Boulogne et président du tribu-
nal de commerce.
Hacot-Duvioliers, ancien administrateur du district de Mon-
LES ASSEMBLÉES ADJIINISTRATIVES 89
treuil, Prévot-Lebas, notaire à Etaples, Hellemans, adminis-
trateur municipal à Hesdin, Gosse, ancien receveur à Hesdin,
Auguins-Deroteux, ancien administrateur de district, Testu,
de Saint- André, ancien administrateur, Marquant, ju^e de
paix d'Hucqueliers, Danel, juge de paix d'Étaples, Ita l'aîné,
de Montcavrel, Poupart, de Saint-Josse, et Dautremer, maître
de postes à Fruges, composent le premier conseil d'arrondis-
sement de Montreuil. Presque aussitôt, Lafontaine remplace
Ita et, en l'an X, sont nommés : Boitel père, de Montreuil ;
Gressent, d'Hesdin, Déplanques, Dewamin, juge de paix, et
Gomez. Penet, propriétaire, succède à Marquant en juin 1807,
tandis que les nominations du 22 décembre 1809 amènent au
Conseil d'arrondissement de Montreuil Varennes, juge de
paix, Thélu cadet, chef de cohorte, Blondin-Baizieux et Roc-
quignj du Fayel.
Dans l'arrondissement de Saint-Omer, nous trouvons au
premier Conseil d'arrondissement, celui de l'an VIII, un cer-
tain nombre de personnalités qui ont pris une part assez active
à la Révolution : Bernard Delattre, député à l'Assemblée
Constituante et au Conseil des Cinq Cents, Francoville, député
du Tiers-Etat du bailliage de Calais aux Etats Généraux ;
Dethosse, de Recques, lieutenant-général de l'amirauté de
Calais antérieurement à 1789, président d'administration de
district, président d'assemblée cantonale ; Derender, de Gon-
nehem, ancien administrateur forestier, ancien administrateur
du district de Calais ; Carpentier, de Saint-Omer, ancien
administrateur ; Legrand, d'Aire, marchand orfèvre en 1789,
administrateur municipal pendant la Révolution; Guislain,
d'Ardres, ex-commissaire ; Degrez, de Nouvelle Eglise, ex-
administrateur. Il faut y ajouter trois personnalités très effa-
cées : Caron-Senlecq, juge de paix à Saint-Omer ; Lardeur de
la Recousse, ancien administrateur forestier, et Derender, de
Sainte-Marie-Kerque. Un arrêté du 17 germinal an X nomma
conseillers d'arrondissement Dupont-Seivault, officier muni-
cipal, Enlart, ex-maire, Jouanne, médecin, et Greiset, culti-
90 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
vateur, en remplacement de conseillers démissionnaires et de
Bernard Delattre, devenu conseiller général. Derender, de
Gonneliem, était destitué en l'an XI et remplacé par Warins,
d'Aire, Le 10 ventôse an XII entrent au Conseil d'arrondisse-
ment de Saint-Omer, Piers, cultivateur à Audruicq, Barbier,
directeur de la poudrerie d'Esquerdes, et BVancoville, deThiem-
bronne. Bachelet, magistrat de sûreté, ancien procureur-
syndic de district, est choisi le 19 mars 1808, et Thibaut,
juge de paix, Defrance aîné, procureur impérial, Thomas
Enlart, propriétaire, et Le Roy, négociant, sont nommés le
22 décembre 1809.
Le Conseil d'arrondissement de Saint-Pol comprend, à sa
formation, un ancien membre de l'Assemblée administrative
du département en 1790, Pierre Mathias de Fremicourt, de
Le Souich, et un membre de la famille de l'ancien député du
Tiers aux Etats Généraux, Petit, de Magnicourt-sur-Canche.
Les autres membres sont : Lechon, ex-maire, notaire à
Avesnes-le-Comte, Wallart jeune, frère du député à l'Assem-
blée législative, sous-lieutenant au 12""' régiment de chasseurs
à cheval, démissionnaire pendant une suspension d'armes et
agent d'Auxi-le-Château sous le Directoire; Barbier d'Auchy,
ex-juge, ex-maire ; Aubron, de RuUecourt ; Thuillier, de
Croix, ex-commissaire ; Goquerel, de Frévent, ex-administra-
teur municipal ; Laigle ; Berghin et Dusaulchoy, de Savy. Les
nouveaux conseillers, au 10 ventôse an XII, sont : Pi'évost, sub-
stitut du commissaire, Bonnières, maire d'Eclimeux, et Deligne,
cultivateur ; et en décembre 1809, Deslavier, maire de Frévent,
Augustin Matthieu, Daverdoingt, de Saint-Pol, et Charles-
Antoine-Joseph Petit de Magnicourt.
L'évolution des Conseils d'arrondissement n'est pas aussi
marquée que celle du Conseil général : ces conseils n'ont
jamais eu l'importance de l'assemblée départementale et n'ont
pas attiré au même titre l'attention du gouvernement. Leurs
sessions sont plutôt insignifiantes; pour en donner une idée,
il suffit d'analyser la première session du Conseil d'arrondisse-
LES ASSEMBLÉES ADMINESTRATIVES 91
ment d'Arras. Elle ouvre le 15 messidor an VIII, à 10 heures
du matin ; Bertin est élu président et Norman, secrétaire.
Après sa constitution, le Conseil d'arrondissement consacre ses
premières séances à l'examen des demandes de réduction et
de dégrèvement de contributions ; il établit ensuite le budget
des dépenses de l'arrondissement pour l'an IX. A une autre
séance, il adopte « une opinion sur l'état et les besoins de
l'arrondissement », s 'étendant particulièrement sur les amé-
liorations nécessaires dans le régime des voies de communica-
tion, le reboisement et la plantation d'arbres le long des routes,
les mesures indispensables pour empêcher la fréquence des
incendies, les droits de passe, le manque d'exécution des lois
sur la chasse, le mode de recouvrement des contributions,
l'instruction publique, le régime des tourbières. La session
est close par l'établissement du répartement de la contribution
foncière de l'an IX dans les communes de l'arrondissement
d'Arras 1. De même que le Conseil général correspond à l'as-
semblée administrative du département, les Conseils d'arron-
dissement correspondent aux assemblées de district établies
par la Constituante, avec ces différences que leurs membres
sont nommés par le pouvoir central au lieu d'être élus, et que
leurs attributions sont moins étendues et leurs délibérations
moins indépendantes.
l. Archives départ.. Conseil d'arrondissement d'Arras, Procès-verbaux,
an VIII.
CHAPITRE m
LES MUNICIPALITES
I. L'organisation municipale d'après la loi du 28 pluviôse an VIII. — Com-
munes du département du Pas-de-Calais ayant plus de 5.000 habitants. —
Les municipalités d'Arras, de Saint-Omer, de Bouloj^ne, de Calais, de Béthune
et d"Aire-sui"-la-Lys.
II. Communes de moins de cinq mille habitants. — Les municipalités de Mon-
treuil, de Saint-Pol, d'IIcsdin, de Lillers, de Bapaume, etc. — Difficultés
rencontrées dans la formation des municipalités des communes rurales. —
Doléances du préfet La Chaise : il serait nécessaire de restreindre le nombre
des communes. — Révocations de maires et d'adjoints. — Plaintes des sous-
préfets. — Irrégularités financières ; délits relatifs aux lois sur la conscription
militaire; faux dans les actes de l'état civil.
III. Incompatibilités et conflits dattributions. — Un conflit à Lillers entre la
municipalité et la gendarmerie. — Secrétaires de mairie et secrétaires
ambulants.
IV. L'organisation municipale pendant la Révolution ; ce que la loi de plu-
viôse an VIII emprunte aux institutions révolutionnaires.
I
L'organisation municipale, de 1800 à 1810, a été réglée par
la loi du 28 pluviôse an VIII, dont nous devons rappeler suc-
cinctement les dispositions. Les communes peuplées de moins
de 2.500 habitants auront un maire et un adjoint ; les com-
munes peuplées de 2,500 à 5.000 habitants, un maire et deux
adjoints; les communes peuplées de 5.000 à 10.000 habitants, un
maire, deux adjoints et un commissaire de police ; dans les
communes peuplées de plus de 10.000 habitants, outre le maire,
les deux adjoints et le commissaire de police, un nouvel
adjoint sera nommé par fraction de 20.000 habitants et un nou-
veau commissaire de police par fraction de lO.OOO habitants.
Le conseil municipal se composera dans les communes de
moins de 2.500 liab. , de dix conseillers ; dans les communes
de moins de 5.000 hab., de vingt conseillers; dans les com-
munes de plus de 5.000 hab., de trente conseillers. Lesmaires,
94 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
les adjoints et les conseillers municipaux des communes peu-
plées de moins de 5.000 hab. seront nommés par le préfet ;
les maires, les adjoints des communes peuplées de plus de
S. 000 hab., seront à la nomination du Premier Consul.
« Les maires et adjoints rempliront les fonctions adminis-
tratives exercées auparavant par l'agent municipal et l'adjoint;
en ce qui concerne la police et l'état civil, ils auront les attri-
butions des administrations municipales de canton, des agents
municipaux et des adjoints. Le conseil municipal s'assemblera
chaque année, le 1 S pluviôse, et pourra rester assemblé quinze
jours. Le préfet aura le droit de le convoquer extraordinaire-
ment. Il entendra et pourra débattre le compte des recettes
et dépenses municipales, présenté par le maire au sous-préfet
et arrêté définitivement par ce dernier. C'est au conseil muni-
cipal que reviendra également le soin de régler le partage des
affouages, pâtures, récoltes et fruits communs, la répartition
des travaux nécessaires à l'entretien et aux réparations des
propriétés communales. Il délibérera sur les besoins particuliers
et locaux des communes, sur les emprunts, sur les octrois, les
contributions en centimes additionnels nécessaires pour subve-
nir aux dépenses municipales, sur les procès qu'il convien-
drait d'intenter ou de soutenir pour l'exercice et la conserva-
tion des droits communs ^ ».
On compte dans le département du Pas-de-Calais six com-
munes dont la population dépasse S. 000 habitants: Arras,
anX, 19.958 habitants; 1807, 19.286 habitants; — Béthune,
an X, 6.045 habitants; 1807, 6.379 habitants; — Boulogne,
an X, 10.685 habitants; 1807, 13.257 habitants; — Calais,
an X, 6.696 habitants ; 1807, 8.102 habitants; — Aire, an X,
8.627 habitants; 1807, 8.408 habitants; — Saint-Omer, an X,
20.109 habitants; 1807, 20.362 habitants. Les municipalités
de ces six villes doivent être par conséquent nommées par le
Premier Consul.
1. G. Saint-Yves et G. Fournier, Le département des Bonches-du- Rhône
de ISOO à ISIO, pp. 130-131.
LES MUNICIPALITÉS 95
L'arrêté du Premier Consul, en date du 14 floréal an VIII,
désigne comme maire d' Arras Wattelet de la Vinelle et comme
adjoints, Lesoing et Rouvroy de Libessart. Mathias-René-
Joseph Watelet de la Vinelle, né à Arras le 21 décembre 1758,
avait été successivement conseiller au conseil d'Artois, sup-
pléant au tribunal du district d'Arras, juge au tribunal de
cassation ; il devint conseiller de préfecture le 20 thermidor
an XII, et eut alors comme successeur à la mairie d'Arras
Jacques-Louis-Nicolas Vaillant, ancien Constituant, dont nous
avons déjà retracé la biographie en parlant des membres du
Conseil général. Vaillant occupa la mairie d'Arras jusqu'à sa
mort en 1813 ; il paraît avoir joui d'une grande influence dans
le département. On le remplaça le 4 avril 1813 par son beau-
fils, Wartelle-Vaillant, baron d'Harlincourt, que révoqua le
comte de Beaumont, par arrêté du 4 juillet 1815.
Le premier adjoint, Lesoing, était un négociant d'Arras,
né dans cette ville le 21 décembre 1759, président du tribu-
nal de commerce et jouissant dun revenu de 6.000 francs. Il
fut maintenu comme adjoint par décret du 18 mars 1808.
Jacques Rouvroy de Libessart, ancien conseiller au Conseil
d'Artois, n'accepta pas les fonctions de second adjoint ; on
désigna à sa place Billecocq- Vaillant, qui démissionna égale-
ment et fut enfin remplacé par Pierre Cot (décret du 23 ven-
tôse an IX). Pierre Cot était né à Montpellier en 1750; fils
d'un régisseur des subsistances militaires, il fut lui-même
préposé en chef des vivres à Arras et reçut les éloges des
Etats d'Artois, puis des administrateurs du département
pour les services qu'il rendit dans l'approvisionnement de la
province. Ayant donné sa démission de second adjoint au
maire d'Arras, il devint contrôleur général des subsistances
militaires, puis directeur du Mont-de-Piété d'Arras. Son suc-
cesseur comme adjoint, Cochet d'Hattecourt, nommé le
21 ventôse an XIII, était un propriétaire, né à Lille en 1747 et
jouissant d'un revenu de 5.000 francs. Il fut maintenu en 1815
dans ses fonctions par le gouvernement de la Restauration.
96 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
A Béthune, le maire est un négociant, Jean-Baptiste Delal-
leau, qui, après avoir dirigé les affaires municipales pendant
toute la durée de l'Empire, fut conservé à la tête de la munici-
palité de Béthune par le comte de Bourmont, le 4 juillet 1815 ;
au contraire, les deux adjoints, Dufresne et Herreng, furent
révoqués lors de la Restauration ; tous les deux avaient joué
un certain rôle pendant la Révolution : Pierre-Antoine
Dufresne avait été administrateur municipal, juge au tribunal
du district et membre du Directoire de ce même district ; il
exerçait la profession de notaire ; son collègue Ilerreng (Fer-
dinand-Louis), également notaire, avait accepté les fonctions
d'administrateur municipal.
La municipalité de Boulogne subit plus de modifications
que celle de Béthune. De 1800 à 181 S il y eut trois maires :
d'abord Merlin- Dubreuil qui démissionna en l'an Xlll, et fut
rappelé à la mairie par les royalistes en 1815; Pierre-Fran-
çois Delporte, maire, du 1"" germinal an XIII * à l'année 1809
(comme membre du Conseil général il a déjà été l'objet d'une
notice biographique), et Pocholle-Menneville, nommé le
16 mars 1809, négociant, jouissant de 12.000 francs de revenu,
chef de bataillon de la garde nationale en 1789, membre de la
Société d'Agriculture, etc. Les adjoints sont successivement:
Pierre-Daniel Dutertre, avocat fiscal avant la Révolution,
procureur de la commune en 1790, capitaine de la garde
nationale^ procureur syndic, administrateur du district, agent
national, ce qui ne l'empêcha pas d'être rétabli comme pre-
mier adjoint par Louis XVIII^ ; Grandsire de Belvalle, Dugat
et Alexandre Lorgnier, administrateur du département en
l'an V, maintenu à la municipalité par le comte de Bourmont.
La plupart de ces administrateurs eurent les qualités que
réclamaient l'importance de la ville de Boulogne et les com-
plications amenées dans les services municipaux par le rôle
1. Archives dcpai't., série K, Décrets.
2. Archives départ., série M. Etat des fonctionnaires dressé par le sous-pré-
fet, lOjuin 1810.
LES MUNICIPALITÉS 97
considérable que joua cette cité, sous le Consulat et l'Empire.
Sous Merlin-Dubreuil, l'organisation du camp de Boulogne
ajoute à l'embarras des affaires locales, le séjour de la Grande
Armée nécessite des mesures extraordinaires de police et crée
des exigences de voirie. Il faut coopérer, dans une certaine
mesure, à la formation du port, au prolongement des jetées et
autres grands travaux maritimes '. Les maires suivants n'ont
pas une charge moins pesante. Chacun d'eux apporte le plus
grand zèle à la soutenir, secondé par un conseil municipal
entièrement dévoué aux intérêts de la ville. Le préfet propose
en l'an XIII d'accorder une indemnité de 6.000 francs à par-
tager entre le maire et le premier adjoint. Ces magistrats
refusent dans les termes les plus dignes, ce dont toute l'assem-
blée municipale les félicite^.
Plus d'une fois, au cours de la période qui nous occupe, la
ville de Boulogne fait sentir à l'administration centrale cet
amour de l'autonomie que les Boulonnais ont de date ancienne
figé au cœur, et qu'ils manifesteront jusqu'à nos jours. A la
suite d'un de ces désaccords comme il s'en produira tant, pen-
dant tout le XIX*' siècle, entre la sous-pré feclure et la mairie,
le maire proteste auprès du ministre de l'Intérieur contre une
décision qui a révoqué les dispositions qu'il avait prises en
vue d'assurer l'exécution d'un arrêté du gouvernement, relatif
à la démarcation du territoire de la commune de Boulogne. La
lettre du maire se termine ainsi : «. L'administration des préfets
et celle des sous-préfets doivent être, il me semble, toutes
paternelles, et si un fonctionnaire public mérite des égards et
des encouragements, j'ose croire que c'est celui qui, placé dans
des circonstances majeures et difficiles, sacrifie gratuitement
et avec plaisir son état et son temps au service de son pays.
(( Votre Excellence ne verra sans doute rien que de découra-
geant dans l'arrêté du préfet du département du Pas-de-
1. Voir l'Année boiilonnaise. Ephémérides historiques intéressant le pays
boulonnais, par Ernest Deseille, p. 69 et suiv.
2. Archives municipales de Boulogne, série D. Reg. des délibérations,
t. VIII, vendémiaire an XIII.
CuAVA.NuN ET S.viisT-Y vEs. — Le Pus-de-Calais de IROO h 1810. 7
98 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Calais qui eût pu, s^il eût cru indispensable d'ajouter aux
mesures que j'avais arrêtées, en prescrire de nouvelles sans
m'accuser authentiquement et par un arrêté d'avoir commis
une inconvenance, sans m'ordonner de retirer les exemplaires
de mon arrêté devenu public par la voie de l'impression et de
l'affiche, et de faire mention sur les registres de la mairie d'une
décision qui l'annule.
« J'ose espérer que Votre Excellence me rendra plus de
justice, et qu'elle ordonnera le rapport de mesures aussi
sévères qu'elles sont peu méritées.
<( Je terminerai par prendre la liberté de vous observer que
mon arrêté se trouvant révoqué, celui du g-ouvernement est
resté sans exécution.
« Je prie Votre Excellence d'agréer l'assurance de mon
entier dévouement et de mon respect ^ ».
En 1807, le Conseil municipal adresse des représentations à
l'Empereur sur le décret du 23 mai qui met à la charge de
Boulogne les dépenses du commissariat général de police
dans les ports de la Manche-.
Cette attitude fîère n'empêche pas les Boulonnais de témoi-
gner leur admiration et leur attachement pour certains actes
du gouvernement et pour le chef de l'Etat. La ville offre à
Bonaparte, lors des projets de descente en Angleterre, un
bateau canonnier complètement équipé et monté par des Bou-
lonnais 3, outre une bonne part contributive dans les dépenses
votées par le département pour la construction du vaisseau
Napoléon. Elle fête avec enthousiasme le passage du Premier
Consul ou de l'Empereur ettoutes les solennités en son honneur.
Somme toute, Boulogne est une ville bien gouvernée, ce
qui est d'autant plus méritoire que, pendant les dix premières
années du xix^ siècle, sa vie administrative est particulièrement
intense et pleine de difficultés.
1. Arch. munie, de Boulogne, série D. Reg. des délib. 16 vendémiaire
an XIII.
2. Ihid., avril 1807.
3. Ibid., 8 mai an XI.
LES MUNICIPALITÉS 99
Aucune commune du département n'a changé plus souvent
de maire pendant le Consulat et l'Empire que celle de Saint-
Omer : six fois en quinze ans. Le premier est Le Sergeantd'Is-
bergues, l'ancien Constituant, nommé par décret du 24 floréal
an VIII; il est révoqué par décret du 13 messidor an VIII et
remplacé par Brusle-Aubert. Celui-ci ayant démissionné, Le
Sergeant d'Isbergues est rappelé à la mairie de Saint-Omer
par décret du 21 octobre 1806 *. A la mort de Le Sergeant
d'isberg-ues, le 16 mai 1807, le gouvernement désigne pour
lui succéder Guillaume Marigna, maintenu par décret du
8 mars 1808 ; mais Marigna meurt à son tour et a pour succes-
seur, le 16 juin 1808, Amable-Joseph Hellemans, conseiller
municipal. Le décès d'Hellemans en 1 809 rend de nouveau la
mairie de Saint-Omer vacante ; le décret du 7 juillet 1809 y
pourvoit en faisant choix de l'adjoint Pierre-François Wat-
tringue, né à Saint-Omer le 25 novembre 1750, entrepreneur
de bâtiments militaires, jouissant de 30.000 francs de revenu ;
le comte de Bourmont le maintint dans sa charge en 1815^.
Les adjoints sont : à la formation de la municipalité, Leroy-
Aipelly, ex-juge, et Marigna ou Demarigna, ex-administrateur
municipal; puis, Masse et Enlartde Guémy. Enlart de Guémy,
nommé premier adjoint par décret du 20 prairial an X, était
né à Saint-Omer le 21 octobre 1746. Il avait 25.000 francs de
revenu et avait été, pendant la Révolution, capitaine de la
garde nationale, maire de Wisques, juré d'accusation et de
jugement. Masse, démissionnaire, eut pour successeur Wat-
tringue qui, lui-même, en devenant maire, céda la place de
second adjoint à Mariotte-Tellier, rentier avec 12.000 francs
de revenu, qui resta adjoint sous la Restauration 3.
Le premier maire de Calais est Blanquart; en l'an X il
démissionne et le gouvernement éprouve quelques difficultés
1. Archives départ., M. État des fonctionnaires dressé par le sous-préfet,
19 juin 1810. Série M. Personnel ; Série K. Décrets.
2. Ihid., Série K. Décrets.
3. Ibid., Série M. Personnel ; série K. Décrets ; Série M. Assemblées élec-
torales, listes de 1810.
100 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
à le remplacer. Le sous-pi'éfet de Boulogne réclame cependant
avec instance, le 28 brumaire, la nomination dun maire à
Calais : le premier adjoint, Saint-Amour Gonsse, vient d'être
nommé commissaire de police ; le second adjoint, Horeau, est
malade; de ce fait, il n'y a plus de municipalité. Le sous-pré-
fet a d'abord proposé Michaud pour succéder à Blanquart ;
il écrit le 11 nivôse an X au préfet qu'il s'est trompé dans son
choix : Michaud « n'a pas la proportion d'indépendance per-
sonnelle et de fortune nécessaire pour soutenir la représenta-
tion très dispendieuse attachée à la place de maire de Calais » ;
en outre « il n'est pas franc » ; Dupont de Lens, proposé
comme adjoint, est suspect parce que sa candidature est sou-
tenue par Michaud ^ .
C'est cependant Michaud qui fut choisi le 23 frimaire
an X; il ne possédait en elFet qu'un très faible revenu,
1.600 francs, et ses opinions ne devaient être guère favorables
aux royalistes, car le comte de Bourmont le remplaça le
4 juillet 1813. L'administration impériale avait été satisfaite
de ses services et, le 10 prairial an Xll, le sous-préfet de Bou-
logne lui adressait des félicitations pour <( le zèle éclairé et
distingué qu'il apportait dans ses fonctions ^ ».
Horeau était devenu premier adjoint en remplacement de
Saint- Amour, nommé commissaire de police. Il fut révoqué
en l'an XII et eut pour successeur, le 11 thermidor an XII,
Bouchel-Mérenveux^; à la mort de ce dernier, nous trouvons
comme premier adjoint Duriez, nommé par décret du 4 plu-
viôse an XIII, puis Charles-Antoine Audibert-Leveux, négo-
ciant. Le poste de second adjoint fut successivement occupé
par Dupont de Lens, an X-an XIII, et par Antoine Bénard que
le comte de Bourmont nomma en 1815 maire de Calais.
A Aire-sur-la-Lys enfin, nous voyons un maire, Louis-
1. Archives départ., Deuxième registre de correspondance du sous-préfet de
Boulogne, f"' 67, 73, etc.
2. Ihid. Registre aux arrêtes du sous-préfet de Houlogne, f" 79.
?. Ihid., K. Décrets.
LES MUNICIPALITÉS 101
Joseph Deslions, qui occupa ces fonctions pendant seize ans,
de 1792 à 1808; il devint ensuite receveur municipal et
employé dans l'administration des tabacs. Ses successeurs
paraissent avoir plutôt des attaches royalistes : Antoine Joly
La Viéville, nommé par décret du 18 mars 1808, était, avant
la Révolution, seig-neur de Roquetoire et possédait 40.000 francs
de revenu; Charles d'Halwin, appelé à la mairie d'Aire en
1812, avait été capitaine dans le régiment Orléans-infanterie
et fut maintenu en 1815 à la tête de la municipalité par le
comte de Bourmont, qui ne changea pas non plus l'un des
adjoints, Viteloux de Gournay K
II
Avant de jeter un coup d'céil sur l'ensemble des communes
rurales, nous donnerons quelques indications un peu plus
détaillées sur celles dont les municipalités étaient k la nomi-
nation du préfet puisqu'elles avaient moins de 5.000 habitants,
mais qui constituaient cependant des centres plus importants,
soit comme chefs-lieux d'arrondissement, soit comme villes
industrielles ou marchés agricoles.
De 1800 à 1815, Montreuil-sur-Mer eut pour maires : Boi-
tel, ex-conseiller de préfecture, Deroussen et Pierre-Antoine-
François La Pasture-Verchocq qui, avant la Révolution, ser-
vait dans la Maison du Roi et fut administrateur des hospices
et adjudant-major de la garde nationale. Gomme adjoints,
nous relevons les noms de Houzet, administrateur municipal,
nommé par décret du 16 prairial an VIII ; Macaire ; Lefebvre-
Hacot, ancien commissaire du gouvernement ; Blondin de
Baizieux, rentier, jouissant de 7.000 francs de revenu et Nico-
las-François-Marie-Alexandre Thueux, également rentier, qui
avait été officier municipal pendant la Révolution^.
1. Archives départ., M. Listes des présidents des assemblées de canton.
2. Ihid., M. Maires et adjoints, renouvellement quinquennal, 1808.
102 LE PAS-DE-CAL ATS DE 1800 A 1810
Une autre sous-préfecture, Saint-Pol (2.949 habitants en
l'an X), nous oftre très peu de mutations dans la composition
de sa municipalité : Graux-Capron fut maire de l'an VIII à
l'an XII, et Ignace-Joseph Daverdoingt, officier d'infanterie,
depuis 1 an Xll, jusqu'à la fin de l'Empire.
llesdina 3.726 habitants en l'an X : le premier maire est
Ilellemans, nommé le 16 prairial an VIII, avec deux anciens
administrateurs municipaux de la période révolutionnaire
comme adjoints, Dewamin et Viveur.
Un arrêté du 24 prairial an VIII nomme maire d'Hesdin
Gosse, préposé au receveur général, en remplacement de Hel-
lemans, démissionnaire, et Houzel, notaire, second adjoint' qui
l'était encore en 1816.
A Bapaume, commune de 3.21 4 habitants, au premier maire.
Froment, succède, le 6 juillet 1808, Jean-Antoine Dagulhac de
Soulages, capitaine au régiment d'Anjou en 1789. A sa mort, le
Préfet fait choix d'Ignace-Joseph-Delphin Haudouart. Hau-
douart avait été, avant la Révolution, subdélégué de l'intendant,
président de la juridiction des fermes, lieutenant-général
civil et criminel; il fut nommé, en 1790, maire de Bapaume,
président du tribunal du district et élu, le 2 avril 1791,
député du Pas-de-Calais à l'Assemblée Législative, où il fit
partie de la majorité. « Très instrviit, très considéré, loyal,
beaucoup de capacité et d'expérience ; dix mille francs de re-
venu», disent à son sujet les notes préfectorales ~. Les adjoints
furent un pharmacien, Lagrillière, et un médecin, Lemaire.
Le maire d'Etaples, Souquet-Marteau, nommé le 7 fructidor
an XI, et chez lequel logea Napoléon, proposait, le 2 frimaire
an XIII, son adjoint, Duriez, raffineur de sel, comme com-
missaire, à cause de la présence de l'armée et du grand
nombre d'étrangers qui circulent ; « il fera très bien ce ser-
vice moyennant 600 francs par an ^ ».
1. Archives dép., Reg. 98, p. 160.
2. /d., Série M. Registre du personnel des maires.
3. M., M. Personnel.
LES MUNICIPALITÉS 103
Ardres (1.466 habitants en l'an X, 1.925 en 1810) a succes-
sivement pour maires : Dulot ; Jean-Baptiste Garnier, avocat
et notaire, 30.000 francs de revenu, en 18U8 ; le baron Bousson,
ancien officier, en 1810.
Nous trouvons comme maire à Avesnes-le-Comte un négo-
ciant.
En l'an X, Je maire de Lillers est Cauvet ; Louis de Fou-
1ers, frère du comte de Foulers de Relingue, officier général,
le remplace par arrêté du 23 frimaire an XII ^.
Si, dans les petites villes, il était relativement facile de
constituer des municipalités sérieuses et composées de per-
sonnalités dignes de la confiance des administrés, il n'en était
pas de même dans les communes rurales et le préfet se heur-
tait à de sérieux obstacles. Un rapport de ce fonctionnaire au
gouvernement s'étend assez longuement sur cette question :
« Quel que soit le zèle d'un administrateur, il ne peut rien
voir s'il n'est secondé ; ses premiers regards doivent donc se
diriger vers ses collaborateurs. Aussi, mes premières observa-
tions dans ce département ont-elles eu pour objet les maires,
adjoints et les conseils municipaux. J'ai suivi avec soin leurs
opérations, leur correspondance ; je me suis vu arrêté, d'abord
par l'inertie d'un grand nombre de maires des communes
rurales, par l'ignorance de plusieurs. J'ai d'abord apelé [sic)
leur concours ainsi que les lumières de mes concitoyens par
une adresse ; puis, dans une correspondance particulière, je
me suis attaché à donner aux maires tous les renseignements,
toutes les instructions dont ils avaient besoin ; pas une seule
lettre de maire n'est restée sans réponse et je me suis fait un
devoir de donner tous les témoignages de satisfaction ou de
leur adresser les avis et les reproches qu'ils pouvaient mériter.
Cette marche suivie avec constance m'a fait connaître les bons
maires et ceux dont il était impossible d'espérer une adminis-
tration tolérable. La plupart de ces derniers m'ont remis leur
démission ; je me suis vu forcé d'en suspendre quelques-uns,
1. Archives départ. Série M. Arrêtés.
104 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
mais en très petit nombre. Toutes les fois qu'il s'est agi de
remplacer des maires, je me suis attaché à ne nommer que
des personnes dont la probité et la moralité, l'attachement au
gouvernement fussent bien connus et je me suis toujours assuré
par les sous-préfets ou d'autres citoyens recommandables du
choix que je fesais ; j'ai cherché à éviter autant que possible
de laisser quelque chose au hazard dans ces nominations ; je
sentais trop chaque jour le prix d'un bon maire et l'inconvé-
nient d'un maire insouciant ou inepte, pour ne pas donner
mes soins à augmenter le nombre des premiers. J'ai pris
quatre-vingt quatre arrêtés dans les cinq derniers mois de
l'an XI et cent dix-neuf dans les six premiers mois de Tan XII
pour nommer des maires et adjoints et j'ai pu remarquer avec
satisfaction que les communes pour lesquelles ces nominations
ont eu lieu sont bien administrées. Je me suis aussi attaché à
conserver les maires dignes de la confiance du gouvernement,
j'ai résisté au désir de plusieurs d'abandonner leurs pénibles
fonctions ; je les ai prié de nous continuer leur secours. J'ai
suivi la même marche envers quelques-uns des nouveaux
nommés qui ne voulaient pas accepter et j'ai eu le bonheur
de vaincre la répugnance de plusieurs fonctionnaires estimables
que je m'applaudis d'avoir décidé de partager avec moi le
fardeau de l'administration...
(' J'ai dit que je m'étais attaché constamment adonner aux
communes de bons administrateurs autant que ^aossible, mais
cette possibilité n'existe pas pour toutes les communes ; il en
est beaucoup dont la population est si médiocre que l'on ne
pourrait y trouver douze citoyens sachant lire pour former le
conseil municipal et pour les fonctions de maire et adjoint. On
conçoit d'abord que ces communes n'offrant pas de choix
doivent être la plupart mal administrées, que les loix doivent
y être méconnues ou du moins exécutées imparfaitement ; que
les mesures qui exigent des renseignements généraux doivent
paraliser par l'inertie de quelques maires et que cet état de
chose exige une correspondance infiniment fatiguante et retarde
toutes les opérations.
LES MUNICIPALITÉS 1 05
« Aussi a-t-on toujours senti la nécessité d'une réduction
des municipalités ; dès le tems de l'administration centrale,
elle avait été projettée et demandée sans succès. Mon prédé-
cesseur en avait renouvelle la demande en transmettant au
gouvernement un projet qui réduisait à trois cents le nombre
des communes ; mais le gouvernement, qui avait manifesté
l'intention d'opérer cette utile réduction, paraît avoir ajourné
son projet à cet ég-ard. Il est vrai que la réduction proposée
n'était pas praticable ; les nouvelles communes beaucoup trop
étendues n'auraient pu être dirigées par un seul homme ; l'ac-
tion de l'administration se serait affaiblie aux extrémités éloi-
gnées de la demeure du maire ou de l'adjoint et l'on n'aurait
fait que changer d'inconvéniens. J'ai reconnu jusqu'à l'évidence
qu'une réduction des communes était nécessaire ; j'ai donc dû
m'en occuper, mais j'ai cherché à faire disparaître les obstacles
qui s'oposaient à l'adoption des différens projets qui avaient
déjà été soumis; j'ai consulté sur ce point les sous-préfets;
enfin, le 22 ventôse dernier, j'ai adressé au ministre de l'inté-
rieur un projet qui réduit le nombre des communes de 929 à
548, de sorte que chaque réunion présente des communications
faciles, des distances très rapprochées et une population suffi-
sante pour que l'on puisse espérer de pouvoir trouver assez
d'hommes instruits pour composer les municipalités K »
Un coup d'oeil jeté sur les divers dossiers des communes
rurales permet de constater que les doléances du préfet de
La Chaise ne sont pas exagérées. Le maire de Wavrans,
Leclercq, est prévenu de complicité dans un attroupement
séditieux ; il est révoqué par décret du 26 frimaire an X -.
Leroy, maire de Grévillers, a délivré un faux certificat de
santé à Liévin, conscrit de 1806; il est mis en jugement par
décret du 20 novembre 1806. A Delattre, maire de Loison, on
reproche le même délit. Muriez, adjoint de Puisieux, a favorisé
la désertion de deux de ses fils, ce qui amène sa révocation.
1. Archives Dép., Minute d'un rapport du préfet de la Chaise.
2. Idem, K. Décrets.
106 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Le maire de Willerval, Dubourcq, est mis en jug-ement par
décret du 16 juillet 1808, pour avoir fait plusieurs faux man-
dats de paiement, détourné une partie du traitement du garde-
champêtre, touché 89 francs comme prétendus frais de répara-
tions aux chemins et s'être approprié à plusieurs reprises des
sommes appartenant aux habitants i.
Les cas de révocation les plus fréquents sont relatifs à des
infractions aux lois sur la conscription militaire.
Delattre, ancien maire, et Sébastien Lemaire, maire de
Mametz, sont traduits en jugement pour avoir favorisé la
désertion de deux cuirassiers (décret daté du camp de Tilsit,
2 juillet 1807); Dure, maire de Galonne-Ricouart, est égale-
ment poursuivi en 1808 pour avoir favorisé la retraite des
conscrits réfractaires; Herdhebaut, adjoint au maire de Mory,
est accusé d'avoir délivré au sieur Polley un faux certificat
pour attester que cet individu avait un frère sous les dra-
peaux-. Le maire de Neufchâtel, Collin, est convaincu par le
sous-préfet, en l'an XI, d'être l'un des principaux auteurs de
fausses pièces qui servent à faire admettre, comme rempla-
çants de conscrits, des hommes qui, sous de faux noms,
reçoivent des sommes considérables, rejoignent la 22" demi-
brigade et désertent au bout de quelques jours. Gillet, maire
d'Hardinghen, a négligé l'exécution des lois relatives à la cons-
cription; en outre, il a troublé l'ordre dans sa commune au
point de vue de l'exercice du culte ; les mesures prises par
Tévêque pour ramener le calme à Hardinghen en déplaçant le
desservant seraient insuffisantes si le maire n'était pas changé ;
Gillet est donc suspendu de ses fonctions, par arrêté du 10 fruc-
tidor an XI*.
L'application du Concordat soulève des difficultés avec un
certain nombre de municipalités. Wallois, maire de Maries, a
rédigé et fait signer au Conseil municipal une délibération
t. Archives départ., K. Décrets.
2. Idem, K. Décrets.
3. Ibid., K. Arrêtés.
LES MUNICIPALITÉS 107
qui critique les propositions faites pour assurer l'exercice du
culte, en vertu de la loi du 18 germinal an X. Les habitants
ont un ministre exerçant depuis l'an V, François Beaugeois,
qui a acheté le presbytère et une partie de l'église et ne
demande aucune subvention à la commune ; aussi la popula-
tion réclame-t-elle son maintien jusqu'à sa mort et ne veut-
elle pas que le gouvernement en envoie d'autre, A Recques, le
maire Roland est « inepte » et incapable de remplir ses fonc-
tions ; il tolère le prêtre Récimid qui divise les habitants et
agite les esprits; il s'en rapporte au greffier qui ne travaille
point et se fait payer. Le maire de Grincourt-lez-Pas, Cresson,
a fait à l'église le mariage du sieur Marland et de demoiselle
Félicité Anselin, au moment où le sieur Rattel, desservant,
était revêtu de ses habits sacerdotaux et il en a donné certi-
ficat au curé sur un chiffon de papier dans les termes sui-
vants : « Le 10 pluviôse an Xll, le maire de la commune de
Grincourt-lez-Pas certifie à M. le Rabin que le citoyen Ch.-
J. Marland et Félicité Anselin sont mariés civilement, con-
formément à la loi ». Bien entendu, ces trois maires sont sus-
pendus de leurs fonctions'.
Il en est de même pour les administrateurs qui suivent. Fro-
deval, maire de Rollencourt, se livre à la boisson et est très
souvent ivre ; il ne jouit nullement de la confiance de ses
administrés. Pigaut-Mache, maire de Clerques, Eloi Rappe,
maire d'Audrehem, de concert avec Derender, conseiller d'ar-
rondissement, ont ameuté la population contre le contrôleur
des contributions de Saint-Omer et les répartiteurs, et ont
conseillé à leurs administrés de détruire les états de section.
L'adjoint de la commune de Licques, Roussel, a de mauvais
rapports avec le maire ; il use de mauvais procédés à son
égard et refuse de lui adresser la parole ; on lui a demandé à
deux reprises sa démission qu'il a refusé de donner. Dans la
commune de Nortbécourt, le maire, Delattre, n'est pas d'accord
1. Archives départ., K. Arrêtés.
108 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
avec la majorité de ses administrés ; sa correspondance avec
l'administration est « souvent indécente » ; il oblige le sous-
préfet à lui envoyer des piétons extraordinaires. L'adjoint
d'Anzin-Saint-Aubin est en insurrection contre le maire,
Boubert; il refuse de le reconnaître, ainsi que deux conseil-
lers dont l'un est accusé par lui de vol, et il a fait signifier au
maire sa protestation par voie d'huissier, alors que la sous-
préfecture a de bons renseignements sur le citoyen Boubert et
de mauvais sur l'adjoint récalcitrant.
Un arrêté du 23 fructidor an XI suspend de ses fonctions
Pierre-François Fournier, adjoint de la commune de Pernes
pour avoir, étant agent municipal, vendu à vil prix des maté-
riaux communaux et sans avoir cherché à en obtenir au moins
leur réelle valeur ; le même adjoint, faisant fonctions de maire,
s'est emparé de pierres pour se construire un pont. Le maire
de Bernieules, Boinet, a fait usage de faux bons pour payer
des chevaux. Dans la commune de Journy, l'adjoint Charles
Delattre se livre à une visite domiciliaire chez le resservant
Sauvage avec le garde champêtre et deux individus qui n'ont
aucune qualité pour l'accompagner ; il est suspendu de ses
fonctions et le garde champêtre remplacé.
Parfois, c'est le Conseil municipal presque entier qui est
fautif : sur dix membres du Conseil municipal d'Oisy-le-Verger,
six n'assistent jamais aux séances ; ils n'ont pas même répondu
à deux lettres par lesquelles le Préfet leur demandait leur
démission ; le Préfet arrête le 2 ventôse an XII qu'ils sont
démissionnaires et les remplace '.
La correspondance des sous-préfets montre un grand
nombre de maires et d'adjoints dont la conduite n'est guère
plus satisfaisante que celle des précédents et qui créent de
fréquents embarras à l'administration. Vochelle, maire de
Wast, trouble la commune, fait des misères à tout le monde,
particulièrement aux sœurs de charité ; c'est un ivrogne
1. Archives clrpart., Sôrie K. Arrêtés.
LES MUNICIPALITÉS 109
fieffé. Le maire de Lacres bat son adjoint et se rend odieux
à ses administrés. L'adjoint de Licques, Lafollye-Guyon,
commet des abus de pouvoir; il a fait démolir et vendre
l'ancienne église, ce qui amène sa révocation, contre laquelle
il proteste dans une lettre au sous-préfet de Boulogne.
Guendré, maire provisoire de Condette, a commis des faux
dans la rédaction des actes de l'état civil ; il est suspendu de
ses fonctions par le sous-préfet de Boulogne, le 8 thermidor
an VllI 1.
Le sous-préfet de Saint-Pol trace le tableau suivant de la
municipalité de Wail : « Le maire, Remy, n"a été nommé que
parce que le citoyen Leblond a refusé d'accepter. Il sait à
peine signer ; il n'est pas fort à l'aise ; son beau-père est per-
cepteur ; le conseil municipal lui est tout dévoué parce qu'il
n'est composé que d'hommes désignés par lui; on assure
même qu'il est réduit à travailler à la journée et qu'il est assez
peu délicat pour supposer qu'il a travaillé dix jours à des
réparations au compte de la commune, lorsque réellement, il
n'y a employé qu'une journée ». Le même sous-préfet écrit le
9 brumaire an XIII au maire de Ligny-sur-Canche, en lui
demandant de se justifier de l'accusation qu'on porte contre lui
d'avoir gaspillé les biens communaux « sous la forme perfide
de ventes, de cessions ou d'échanges » et de s'en être même
approprié une partie. Le maire de Fillières, Fermier, réunit
son Conseil municipal au cabaret et non à la mairie ; il s'y
enivre avec ceux des conseillers qui lui sont dévoués et
emploie à payer le cabaretier l'argent destiné à la réparation
des édifices communaux. Advielle, maire d'Izel-les-Hameaux,
a favorisé la désertion d'un conscrit ; un arrêté en date du
13 frimaire an XIII le suspend de ses fonctions. Plainte est
portée contre le maire d'Equire, Belval, qui a délivré unpasse-
1. Archives départ., 2" registre de correspondance du sous-préfet de Bou-
logne, f" 106, f" 116 ; 3° registre de correspondance du sous-préfet de Boulogne ;
pr registre aux arrêtes du sous-prcfct de Boulogne, f° 7.
110 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
port à un déserteur ^ Dans l'arrondissement de Montreuil, le
maire de la commune de Raimboval demande le remplacement
de Robert, conseiller municipal, qui n'assiste jamais aux
séances, étant obligé de pourvoir à sa subsistance, le plus sou-
vent en mendiant-.
Le sous-préfet de Saint-Omer se plaint du maire de Clarques,
qui a entravé les opérations du contrôleur des contributions
dans une affaire de dégrèvement ; il propose de le remplacer
et se plaint des gens turbulents et passionnés des cantons de
Thérouanne et de Saint-Omer, Le maire d'Audruick, septuagé-
naire et malade, abandonne l'administration de la commune à
son fils, un ivrogne, qui n'a pas même réuni le Conseil muni-
cipal en pluviôse, comme l'exige la loi. Dans une lettre au
préfet au sujet des plaintes que le maire de Wandonne porte
contre son Conseil municipal, le sous-préfet de Saint-Omer dit :
'( C'est un homme faible ; il avait proposé la nomination
d'hommes exagérés, turbulents, avides de pouvoir pour en
mésuser » ; les conseillers actuels ne sont pas très capables,
mais ils valent mieux moralement que ceux qui voudraient
prendre leur place. Le sous-préfet profite de l'occasion pour
donner son opinion sur le canton de Fauquembergues : « un
pays qui est connu depuis trente ans pour être composé de
mauvaises têtes ; ces hommes n'aiment point le gouvernement
et disent hautement qu'ils regrettent le régime de 1793. Les
gens qui poussent le maire de Wandonne à faire élire de nou-
veaux conseillers municipaux sont tels; ils ont insulté derniè-
rement les répartiteurs de l'impôt » . Les renseignements four-
nis sur un certain Blanchet que le préfet veut nommer maire
d'Arqués sont des plus mauvais et le sous-préfet de Saint-
Omer ajoute : « Je sens comme vous qu'il est des maires tièdes ;
l'ignorance et la faiblesse en sont la cause ; chez d'autres, de
la mauvaise volonté, le trop grand nombre de municipalités,
1. Archives départ., série K., 6% 1° et 9° registres de correspondance du sous-
préfet de Saint-Pol.
2. Id., 3" registre de correspondance du sous-préfet de Montreuil.
LES MUNICIPALITÉS 114
tels sont les vices qui entravent la marche rapide de l'adminis-
tration » ; il rassure le préfet au sujet des craintes qu'il mani-
feste de la présence de quelques émigrés k Arques ; l'arrondis-
sement est on ne peut plus tranquille ; il sait faire trembler les
prêtres ; il a fait fermer trois églises ; tout va bien » (Lettre du
29 frimaire an IX) ^.
Les faux en matière d'état civil sont extrêmement fré-
quents, ceux qui les commettent ont presque toujours pour
but de faire éviter le service militaire aux jeunes hommes
qu'ils font passer pour mariés. Le sous-préfet de Boulogne
écrit le 26 fructidor an VIII : « Je puis vous envoyer, citoyen
préfet, si vous le jugez k propos, quelques centaines de faux
extraits de mariage semblables aux trois que je vous ai adres-
sés comme échantillons ; vous en conclurez sûrement qu'il
est indispensablement nécessaire de remonter k la source du
mal et de la tarir tout k fait pour l'avenir ». Le 12 pluviôse
an IX, il revient sur cette question : <( les huit nouveaux extraits
d'actes de mariages cy-joints sont tous de la plus impudente
fausseté ; vous y verrez tel garçon de seize ans marié k telle
femme de 7i ans; un jeune homme de 20 ans accoUé k une
figurante de 78 ans ; un autre du même âge prenant pour
femme une Geneviève Deseille de 81 ans, etc. Je ne conçois
pas de dérision plus insultante que de pareils actes qui d'ail-
leurs portent tous les caractères d'une fabrication de faus-
saires ; il est inconcevable que des officiers publics, des témoins
et les principaux acteurs ayent osé signer ainsi eux-mêmes
leur acte d'accusation - » .
Et, si ces municipalités sont défectueuses, il faut reconnaître
qu'il est souvent bien difficile de les constituer. Roussel, maire
de Harnes, a été invité k donner sa démission, mais on ne peut
trouver de remplaçant, car la commune n'est pas aisée k admi-
1 . Archives départ., Registres D, E et T de la correspondance du sous-préfet
de Saint-Omer.
2. /c/.. Premier registre de la correspondance du sous-préfet de Boulogne,
f"' 33, 85.
112 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
nistrer. A Clenleu, Ecuires, Tigny-Noyelle, etc., tout le monde
refuse de remplir des fonctions municipales; même inertie,
même mauvais vouloir des citoyens à Etaples. A propos de la
difficulté de trouver un maire pour la commune de Saint-
Pierre-lez-Calais, le sous-préfet de Boulogne écrit au Préfet :
« Je profite de cette occasion pour vous observer, citoyen
préfet, que cette obligation de prendre les maires et adjoints
dans la liste communale restreint la latitude des choix, au
point que souvent ils seront impossibles ; veuillez donc faire
sanctionner le plus tôt possible le travail relatif à la réunion
des communes '. »
Aussi, le gouvernement s'attache-t-il, vers les dernières
années de l'Empire, à faire choix pour les mairies de grands
propriétaires, d'anciens officiers, etc. ; la vieille noblesse repa-
raît à la tête de plus d'une municipalité ; on espère de la sorte
avoir des garanties morales, qui manquent avec quelques-uns
des maires précédents. Nous trouvons, par exemple, en 1812,
comme maire de Villers-aux-Flots, Maximilien Guislain de
Louverval, baron, ancien officier de cavalerie, ayant 30.000
francs de revenu ; comme maire d'Hendecourt, Louis-Fran-
çois-Joseph Le Sergeant d'Hendecourt, propriétaire, d'une
ancienne famille de l'Artois, 10.000 francs de revenu ; comme
maire de Beaumetz-lez-Cambrai, Auguste Bruneau de Beau-
metz, âgé de 27 ans, vivant avec son père, qui a 33.000 francs
de revenu, et frère du député au Corps Législatif; comme
maire d'Auxi-le-Château, Louis Sulpice Duboille, gros pro-
priétaire, 12.000 francs de revenu ; comme maire de Bouvi-
gny, de Boisgérard, ancien officier au régiment d'Auvergne,
18.000 francs de revenu, etc. 2.
1. Archives départ., Deuxième registre de correspondance du sous-prcfet de
Houlogne, f" 107, f" 100, f» 87; 2° registre de correspondance du sous-préfet
de Montreuil.
2. Id., série M. Présidents de canton, propositions.
LES MUiMCIPALlTÉS 113
III
Les difficultés qui se présentent dans Tadministration du
département du Pas-de-Calais sont surtout relatives k des
questions d'incompatibilité ou à des conflits d'attribution
de pouvoirs. Lefin, maire de la commune de Garvin, a été
nommé huissier près le tribunal de première instance de
Béthune ; il consulte le préfet pour savoir s'il peut cumuler
les fonctions de maire et d'huissier. En transmettant la ques-
tion au ministre de l'Intérieur, le préfet Poitevin-Maissemy fait
observer que, bien que la loi ne prononce pas positivement
l'incompatibilité de ces deux fonctions, il lui paraît inconve-
nant qu'un maire, qui, dans la commune, est le premier agent
du gouvernement, exerce les fonctions d'huissier. Le ministre
de l'Intérieur, Chaptal, répond le 16 pluviôse an IX : « Cette
question ayant été récemment présentée au ministre de la
justice, relativement à un adjoint municipal du département
de l'Ain, la décision de mon collègue a été pour la négative
et il a prescrit à l'huissier qui y avait donné lieu de faire son
option. Le citoyen Lefin doit également opter pour l'une ou
l'autre de ces places et je vous invite à le lui faire notifier par
le sous-préfet de son arrondissement ». Lefin tenait sans doute
à l'écharpe de maire, car il opta pour les fonctions munici-
pales ^
A Montreuil, on se plaint que toutes les situations adminis-
tratives soient occupées par une même famille et une dénon-
ciation en ce sens est adressée au ministre de l'Intérieur :
« Le maire et ses adjoints, ainsi que le Conseil, l'administra-
tion des hospices et les répartiteurs sont nommés par le pré-
fet. Mais comment se fait cette nomination ? Elle ne peut très
sûrement être faite que sur une liste envoyée au préfet qui,
étant étranger à ce département, ne connaît 'aucun des ci-
1. Archives départ. Municipalités, incompatibilités, Carvin, Lefin maire et
huissier, au IX.
Chavanon et Saim-Yves.— Le Pus-de-Cnlais de 1S00 h 1810. 8
114 Lli PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
toyensde la commune deMontreuil. Mais qui est-ce qui envoie
cette liste au préfet ? Ce ne peut-être que le sous-préfet, qui
est de la commune où il exerce l'état de nottùre et étant ci-
devant défenseur officieux, ayant dans le même lieu une
famille très nombreuse et étant le seul sous-préfet du dépar-
tement et peut-être de bien d'autres, qui habite sa commune
natale ». Or, le Conseil municipal est composé de Jacques
Poultier, ancien député du Tiers-État aux Etats-Généraux,
ancien maire de Montreuil, cousin de Poultier d'Elmotte,
député du Corps Législatif, frère de l'un des trois juges du
tribunal de Montreuil ; de François Hinguer, administrateur
des hospices, répartiteur des impôts, beau- frère de Jacques
Poultier et du juge Poultier, cousin du sous-préfet et du
député au Corps Législatif; de François Havet, neveu du
sous-préfet et du juge; de Louis Havet, cousin de Hinguer;
de Grégoire de Lhomel, cousin des deux Havet; du notaire
Lépine, parent dHinguer; de Thueux, beau-frère de Grégoire
de Lhomel '.
La commune de Lillers était le théâtre d'un conflit assez vif
entre la municipalité et la gendarmerie. Gense, brigadier de
gendarmerie à Lillers, conformément aux ordres que lui avait
donnés son chef, le lieutenant Arnette, se rendait le 30 bru-
maire an IX, dans les diverses écoles, salariées ou privées,
de la commune pour yérifier si les instituteurs avaient fait la
promesse de lidélité à la Constitution et s'ils observaient
l'arrêté du gouvernement en date du 7 thermidor an VIII,
qui défendait à tout instituteur et à toute institutrice d'ensei-
gner le jour de décadi. A l'école publique tenue par Anselme
comme dans l'établissement particulier du prêtre Dacquin et
dans les écoles de filles, il dressait des contraventions. Le
maire et les adjoints de la commune de Lillers écrivent au
sous-préfet de Béthune : « Une conduite aussi violente que
répréhensible de la part d'un militaire, dont les fonctions,
î. Archives (lépai't. Municipalité de Montreuil, incompatibilités, etc., an IX.
LES MLMCil'ALlTÉS 1 15
suivant une instruction du ministre de la police générale,
sont de fouiller les bois, de purger les routes nationales de
brigands, de faire rejoindre les réquisitionnaires et conscrits
rebelles à la loi et de donner main forte aux autorités consti-
tuées, en étant légalement requis, et cela, sous les yeux du
maire et des adjoints, à qui il était de son devoir, comme tout
autre citoyen, de dénoncer cette contravention, ne peut pas
être tolérée, sans l'avilissement total des magistrats du peuple,
qui connaissent la dignité de leurs fonctions et qui ont assez
d'énergie pour la faire respecter. »
Le sous-préfet de Béthune, Podevin, appuie la réclamation
de la municipalité de Lillers : « De quel droit, en effet, dit-il,
la gendarmerie s'introduirait-elle chez les fonctionnaires publics
pour s'assurer s'ils ont fait la promesse de fidélité? qui l'a
chargée de ce soin? cette surveillance est étrangère à ses fonc-
tions. D'ailleurs, ce n'était pas chez les instituteurs, mais bien
à la mairie et sur ses registres qu'on aurait pu vérifier si cette
promesse avait été faite. Quant à l'arrêté du 7 thermidor,
relatif à l'observation du décadi, c'est à la police administra-
tive et non pas à la gendarmerie qu'il appartient d'en surveil-
ler l'exécution. La perquisition faite par la gendarmerie, sans
réquisition et de son autorité privée, dans la maison des insti-
tuteurs est donc une usurpation faite sur l'autorité adminis-
trative qui ne peut-être tolérée, et l'acte de violence qui l'a
suivie ne saurait trouver d'excuses ». D'autre part, les officiers
de gendarmerie couvrent énergiquement leur subordonné : le
lieutenant Arnette, commandant la gendarmerie de Béthune
et qui avait donné au brigadier Gense les ordres qui ont amené
l'incident, écrit : « On prétend que les maires ont seuls le droit
de surveiller les instituteurs ; pourquoi ne les surveillent-ils
pas? pourquoi souffrent- ils que les prêtres réfractaires cé-
lèbrent leur culte dans leurs communes, qu'ils y marient, con-
fessent, baptisent? Pourquoi souffrent-ils encore que les
réquisitionnaires et conscrits séjournent chez eux? Leur devoir
ne les oblige-t-il pas d'aider de tous leurs moyens à les faire
116 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
arrêter par la gendarmerie ? Cependant, aucun ne veut nous
procurer des renseignements. Surveiller les malveillans est un
de nos premiers devoirs ; un maire qui favorise l'inexécution
des lois n'est-il pas considéré tel? En admettant que mon
zèle m'ait fait surpasser mes devoirs , suis-je plus coupable
que le maire de Lillers qui néglige de remplir les siens? 11 se
plaint que je me suis arrogé un droit que je n'avais pas : pour-
quoi donc le citoyen préfet nous transmet-il officiellement ses
arrêtés ? Je pense que c'est pour en surveiller l'exécu-
tion. » Et le capitaine de gendarmerie, Dubois, ajoute de son
côté : « Voicy le mot de l'énigme, citoyen préfet : Gense, bri-
gadier à Lillers, est réjDublicain ; il aime à remplir ses devoirs
et jouit de la considération de ses chefs ; hors d'état de cal-
culer avec lesloix, il n'a pas voulu se prêter à la république
que le maire de Lillers voudroit former dans ce pays. » C'est
un curieux conflit d'opinions encore plus qu'un conflit d'attri-
butions*.
Un bon secrétaire de mairie supplée parfois un maire inca-
pable ou inactif. Une loi du mois de décembre 1789 avait ins-
titué un secrétaire près de chaque municipalité ; la loi du
19 vendémiaire an IX en avait également établi un près de
chaque administration municipale ; mais la loi du 28 pluviôse
an Vlll ne s'est pas préoccupée de cette importante question.
« Cependant, dit une circulaire ministérielle en date du
6 nivôse an IX, il est des communes dans la République, dont
les affaires municipales sont aussi multipliées que difficiles et
variées ; il en est un plus grand nombre où les maires et
adjoints n'ont point une instruction suffisante pour rédiger
les actes qui intéressent essentiellement l'état des administrés.
Dans tous ces cas, un secrétaire devient indispensable et 1 ar-
rêté des Consuls du 8 messidor paraît en avoir préjugé l'éta-
blissement puisqu'il en a réglé le costume. Cependant, il faut
en convenir, la création d'un secrétaire par chaque municipa-
1. Archives départ., série T. Lillers. Conflit entre le maire et la gendarme-
rie.
LES MUNICIPALITÉS 117
lité serait un fardeau trop onéreux pour les petites communes,
et d'autre part, le secrétaire n'y trouverait pas une occupation
suffisante pour l'y fixer ; mais je pense qu'en réunissant les
fonctions de secrétaire et celles de maître d'école dans les
mêmes mains, on peut allier deux intérêts bien précieux à
chaque commune. Parce moyen, la dépense sera presque nulle
et on la supportera avec d'autant moins de peine que l'utilité
en sera mieux sentie ».
Comme toutes les communes n'avaient pu se procurer un
secrétaire de mairie et surtout un secrétaire capable, le préfet
de La Chaise eut l'ingénieuse idée de créer dans chaque arron-
dissement, par un arrêté en date du 11 thermidor an XII, un
secrétaire ambulant, chargé de se transporter au moins deux
fois par mois dans toutes les communes pour surveiller et
rendre plus active la correspondance des maires avec les sous-
préfets, accélérer l'expédition de tous les renseignements et
des états demandés, vérifier la tenue des registres de l'état
civil et la rédaction des actes, enfin donner aux maires les
instructions nécessaires pour les diriger. Le traitement de ce
Secrétaire devait être de 1,^00 francs par an et cette somme
répartie entre les budgets municipaux des communes de l'ar-
rondissement, de la même manière que le paiement des pié-
tons ; le soin de la répartition incombait aux sous-préfets,
avec approbation du préfet.
Cette mesure préfectorale ne fut pas approuvée par l'admis-
nistration centrale ; le ministre de l'Intérieur invita, le 3 bru-
maire an XIII, le préfet de La Chaise à rapporter son arrêté.
Une telle création, écrit le ministre, « peut être utile à l'égard
des maires peu instruits, mais je crois qu'il y aurait de l'in-
convénient à l'appliquer à ceux des villes par exemple dont
la lumière et le zèle sont des garans sûrs de l'activité et de la
régularité de leur administration. Il ne convenait donc pas
d'en faire l'objet d'un arrêté général et encore moins d'vme
contribution à mettre à la charge de toutes les communes
indistinctement. Je regrette que vous ne m'ayez pas soumis
118 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
votre arrêté avant de le faire imprimer et exécuter; je vous
aurais engagée à n'y pas donner suite ». Cependant, en 1810,
le sous-préfel de Saint-Omer, Dubois, s'étonnait qu'on eût
engagé le préfet à rapporter une mesure administrative aussi
sage que l'établissement d'un secrétaire ambulant, près les com-
munes rurales : « Les maires mettent une lenteur et une irré-
gularité entravantes dans tous les renseignements qu'on leur
demande ; il m'est arrivé, dans la tournée que j'ai faite l'année
dernière, de trouver, dans les archives des maires, des lettres
de mon prédéci?sseur a\'ant 18 mois de date, et des miennes
de 4 mois sans être décachetées » ^.
Même regrets de la part du sous-préfet de Boulogne au
sujet de la suppression des secrétaires ambulants. Ce sous-
préfet, d'autre part, demandait au préfet, en l'an Xll, de lui
déléguer le pouvoir de convoquer les conseils municipaux dans
les cas urgents ~.
Quelques arrêtés préfectoraux ont pour but d'aider les muni-
cipalités dans leur tache administrative. Le 25 germinal anX,
le préfet autorise un grand nombre de communes k s'imposer
des centimes additionnels pour couvrir le déficit de leurs
recettes"^. Un autre arrêté, en date du l*""" fructidor an IX,
fournit des instructions détaillées sur la tenue des registres de
l'état civil, en conséquence de la circulaire ministérielle du
11 messidor^.
IV
Si nous examinons l'évolution du régime municipal pendant
la Révolution, nous constatons qu'il y eut alors une tendance
k restreindre la vie communale, a continuer l'œuvre de cen-
tralisation entreprise parla monarchie. Prenons, par exemple.
1. Archives départ. Secrétaires de mairie, an VlII-an XII.
2. /d., .3" et 6' registres de correspondance du sous-préfet de Boulogne.
3. Id., registre 105, f° 393: reg. 107, f" 11.
4. Id., registre 103, f" 276.
LES MUNICIPALITÉS H9
la loi du 14 décembre 1789, par laquelle l'assemblée Consti-
tuante a organisé les municipalités : elle supprime, elle inter-
dit les assemblées générales d'habitants que l'on avait vues
assez fréquemment en 1789, les habitants — et encore seule-
ment les citoyens actifs — ne pourront se réunir que pour la
nomination des municipalités et celle des électeurs. Toutefois,
l'article 62 tolère que les citoyens actifs se réunissent paisible-
ment et sans armes en assemblées particulières pour rédiger
des adresses et des pétitions. La municipalité est choisie, '
parmi les plus riches, par un suffrage censitaire. Au point de
vue municipal, le régime consulaire est la continuation du
régime de la Constituante. Evidemment, la constitution de
l'an III, en faisant du canton la base de l'organisation muni-
cipale, semble avoir rendu plus intense la vie communale,
mais il ne faut pas oublier que cette même constitution mor-
celait les grandes cités en plusieurs administrations munici-
pales, ce qui est encore une mesure centralisatrice.
La loi de pluviôse an VIII reprend tout ce qu'il y a de cen-
tralisateur dans les précédentes lois municipales : le morcelle-
ment des grandes cités, selon le système de la Constitution de
l'an III ; le retour aux petites municipalités, telles que les
avaient comprises l'assemblée Constituante. Cependant le
nombre excessif des communes est un grave inconvénient
contre lequel ne cesseront de s élever les préfets, — notam-
ment dans le Pas-de-Calais, — à cause de la difficulté d'assu-
rer le bon fonctionnement de l'administration municipale.
L'autre modification, qu'implique la loi de pluviôse an VIII,
est la suppression du droit d'élection des municipalités; le
soin de les désigner incombe au pouvoir central :. c'est l'adap-
tation d'institutions républicaines à un régime dictatorial.
Mais, en voyant l'insuffisance, l'incapacité d'une partie des
maires et adjoints dans les communes rurales, on se demande
ce qu'auraient été ces municipalités, si elles avaient été élues
au lieu d'être choisies. La constatation de ces mêmes faits par
les ministres et les préfets de Napoléon les détermine à
120 i,i: i'As-Di-;-CALAis m-: 1800 a 1810
recruter de préférence le personnag-e municipal parmi les
riches propriétaires, et c'est ainsi que la Restauration aura
relativement peu de révocations à prononcer, peu de chang-e-
ments à décider. Les municipalités de l'Empire qu'elle con-
serve sont des municipalités royalistes.
Il ne reste plus de vestige de l'autonomie communale en
1815. Nous avons vu avec quelle facilité étaient prononcées
des révocations le plus souvent méritées, il faut le recon-
naître, mais qui n'en prouvaient pas moins aux maires et à
leurs collaborateurs qu'ils n'étaient en réalité que des agents
gouvernementaux et non les premiers magistrats de la com-
mune libre, vivant de sa vie propre. Un siècle s'est écoulé, et
à ce point de vue, comme en ce qui concerne l'organisation
départementale, la France de 1907 est presque aussi centralisée
que celle de 1811 ; les communes n'ont pas retrouvé les liber-
tés et les franchises que trois siècles d'efforts patients de la
part de l'Etat, qu'il s'appelle monarchie, république ou empire,
leur ont été enlevées.
CHAPITRE IV
LA JUSTICE
I. L'organisation judiciaire du département du Pas-de-Calais avant et pendant
la Révolution. Le Conseil provincial d'Artois. Tribunal criminel, tribunal
civil et tribunaux de district; leur composition.
II. La loi du 27 ventôse an VIII. — Les tribunaux de première instance, parti-
culièrement le tribunal de première instance de l'arrondissement d'Arras.
— Conflit d attributions entre le tribunal de premièie instance de Montreuil
et le sous-préfet.
III. Les justices de paix. — Création des justices de paix par l'assemblée
Constituante ; deux défauts : trop grand nombre de justices de paix; mode
électif adopté pour la désignation des juges de paix. — Diminution du nombre
des justices de paix dans le Pas-de-Calais. — Atténuations apportées au
mode électif. Les élections de l'an X. — Nombreuses fraudes électorales ;
irrégularités commises: annulations d'élections. — Protestations de candi-
dats malheureux. — xVccusations contre le juge Triboulet. Les notes monar-
chistes de 1815.
IV. Conclusion.
I
Le pouvoir le plus décentralisé de l'ancien Rég-ime était
sans contredit le pouvoir judiciaire ; les dernières années de
la monarchie furent du reste marquées par la lutte du gou-
vernement contre les Parlements et, dans cet ordre d'idées,
la Révolution n'a fait que poursuivre l'œuvre centralisatrice
de l'autorité royale ; elle a supprimé tout ce qui pouvait
tendre y constituer un corps autonome dans 1 Etat. En Artois,
contrée annexée tardivement, comme on le sait, au territoire
français, l'organisation de la justice offrait, antérieurement à
1789, quelques caractères particuliers qu'il est utile de si^^na-
1er. .J?-
Le Cbnseil provincial cF Artois était une cour souveraine
instituée par Charles-Quint, le 12 mai 1530; supprimé en
1771, il avait été rétabli en novembre 1774. « En première
instance, il jugeait les cas royaux, les cas privilégiés, et fai-
122 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
sait toutes les fonctions des bailliages royaux ; il était juge
d'appel de toutes les juridictions ordinaires ou de privilège
établies dans son ressort, de toutes les afîiares criminelles,
des affaires de noblesse, des matières d'aides, centièmes,
fermes, octrois et impositions diverses II jugeait en première
instance et en appel la fausse monnaie, le duel et tous les
cas royaux ou privilégiés au criminel ' ». Au conseil
provincial d'Artois ressortissaient les bailliages d'Aire ,
de Bapaume, d'Hesdin, de Lens , de Lillers, de Saint-
Omer, les gouvernements d'Arras et de Béthune. On
comptait cent dix-huit bailliages secondaires , trois cent
douze justices seigneuriales, de nombreux sièges échevi-
naux, des justices ecclésiastiques; la liste de toutes les
juridictions irait à plus de deux mille, « car, écrit Bultel, il
n'y a presque pas de village où il n'y en ait trois ou quatre*».
Il faut faire une mention particulière des maîtrises des eaux
et forêts d'Arras, d'Hesdin, Saint-Omer et Tournehem qui
connaissaient en première instance de tout ce qui a rapport
aux bois, aux rivières, à la chasse, à la pêche, etc., tant au
civil qu'au criminel. Le pays reconquis avait pour tribunaux
la- justice royale de Calais, la maîtrise des eaux et forêts de
Calais, auxquelles on doit ajouter l'amirauté, le bureau des
traites et les juges consuls de Calais, le bailliage d'Ardres et
de Guînes.
La sénéchaussée du Boulonnais, érigée par lettres patentes
du 18 avril li78, avait dans son ressort les huit petits bail-
liages de Boulogne, Outreau, Wissant, Londtfort, Etaples,
Le Choquel, Bellefontaine et Desvres. A Boulogne, on trou-
vait en outre une maîtrise des eaux-et-forêts, un bureau des
traites foraines, une chambre prévôtale, une maréchaussée et
une amirauté. Enfin, de la Picardie dépendaient encore les
1. LoKiQiiF.T, Cahier de doléances, et dans le Glonsnire artésien, article (Con-
seil d'Artois.
2. Bultel, Notice de Vètat ancienet moderne de ta province et comté d'Ar-
tois, l'aris, Després, 1748, in-8, 535 p.
LA .IlSTICE 123
bailliages de Marquise, de Mon treuil et de Waben. Gomme
dans l'Artois proprement dit, les bailliages secondaires, les
justices seig-neuriales et ecclésiastiques étaient en grand
nombre.
Avec les lois du l()-24août 1790 et du 20 janvier-2o février
1791 disparaissent les anciennes institutions judiciaires; la
France est uniformisée. Il y aura un tribunal criminel par dépar-
tement ; ce tribunal sera composé d'un président, nommé pour
six ans par les électeurs du département, de trois juges pris cha-
cun, tous les trois mois et par tour, dans les ti'ibunaux de dis-
trict, d'un accusateur public et d'un greffier, nommés égale-
ment par les électeurs du département, le premier pour six
ans, le second à vie. Auprès du tribunal, fonctionnera un
double jury, jur}'^ d'accusation et jury de jugement (loi. du
16 septembre 1701); pour constituer ces jurys, le procureur-
général syndic du département dressera tous les mois une liste
de trente personnes pour le premier jury et de deux cents
personnes pour le second jury ; ces deux listes devront être
approuvées par le directoire et les membres appelés à siéger
seront ensuite désignés par le tirage au sort, sauf récusation.
Dans chaque district sera établi un tribunal de district com-
posé déjuges élus par l'assemblée électorale pour une période
de six ans, d'un commissaire, d'un accusateur public et d'un
greffier. On comptera dans le Pas-de-Calais huit tribunaux de
district: Arras, Bapaume, Béthune, Saint-Pol, Hesdin, Saint-
Omer, Boulogne et Calais.
Près du tribunal de district, il y eut le bureau de concilia-
tion, formé de six juges exerçant leurs fonctions gratuites
deux fois par semaine. La loi organique de 1790 créa en
outre les tribunaux de commerce. Enfin, aux divisions canto-
nales correspondaient les justices de paix, création de l'As-
semblée constituante (16-24 août 1790).
A côté du tribunal criminel sera créé (5 fructidor an III) le
tribunal civil du département, composé de vingt juges au
moins, tous élus, d'un commissaire et d'un substitut nommés
124 LE PAS-DE-r.AT.AIS DE 1800 A 1810
par le Directoire executif et d'un greffier. Ce tribunal pronon-
çait en dernier ressort sur les appels des jug^ements des jus-
tices de paix et des tribunaux de commerce.
Le tribunal criminel du département du Pas-de-Calais, k
sa création, le 27 mars 1791, eut pour président Hacot, élec-
teur et maire de Montreuil, élu par 172 voix sur 293 votants,
au second tour; pour accusateur public, Asselin, qui exerçait
les mêmes fonctions près le tribunal du district d'Arras, élu
par 369 voix sur 415 votants et pour greffier, Leserre, commis-
greffier du tribunal du district. En 1792, nous le trouvons
composé de la façon suivante pour le premier trimestre de
Tannée : président, Hacot; juges, Dewetz, Garion et Herman;
commissaire du roi, Delelorgue ; accusateur public, Asselin ;
greffier, Leserre. Supprimé à Arras, le tribunal criminel est
transféré k Saint-Omer. Les élections du 17 novembre 1792
enmodifient profondément la composition: Herman, président,
par 284 voix sur 399 votants; Demuliez, accusateur public,
par 284 voix ; Leserre, réélu greffier. Herman et Demuliez sont
tristement célèbres comme terroristes. Le président du tribu-
nal criminel en 1793 est Beugnet, assisté comme juges de
Marc-Noël Marteau, Cyriaque-Janvier Caron et Louis-Auguste
Richard, Le Bon trouva cependant ces hommes encore trop
modérés, car au mois d'avril 1794, il destitua Beugnet, Demu-
liez et Peltier (substitut de l'accusateur public); il choisit
Stanislas Daillet pour remplacer Beugnet et mit Darthé à la
place de Demuliez ' .
Après les journées de Thermidor, reparaissent les hommes
de la Constituante : Hacot, réélu président par 200 suffrages
sur 393 votants ; Gosse, élu accusateur public par 265 suf-
frages sur 370 votants et Leserre, réélu greffier à l'unanimité
(an IV). En l'an VI, le président du tribunal criminel est
Branquart, juge au tribunal civil, élu par 214 voix sur 375
votants, au troisième tour ; l'accusateur public, Charles Pré-
1. Archives départ., L. Directoire du département, Assemblées électorales.
— Paris, Jnxeph Le Bon, tome I, pp. 210, 100, 101. 110.
LA JL STICK 123
vost, également juge au tribunal civil et le greffier, toujours
Leserre. En Fan VII, Enlart, ancien conventionnel, remplace
Prévost.
Le tribunal civil du département établi par la constitution
de l'an III fut composé en Fan IV de Grandsire père, com-
missaire national près le district de Boulogne; Duval, homme
de loi à Aire ; Devvez, homme de loi à Béthune; Petit, juge au
tribunal du district d'Arras ; Lecointe, homme de loi à Saint-
Pol ; Croichet et Simonis, hommes de loi à Calais ; Burette,
homme de loi à Saint-Omer; ThuUiez, administrateur du dis-
trict de Béthune; Boubers, homme de loi à Saint-Omer; Hau-
douart, homme de loi à Bapaume ; Lefelle, juge au tribunal
du district de Saint-Pol ; ïiran, homme de loi à Aire;
Déplanques, juge à Hesdin ; Lion, homme de loi à Hesdin ;
Chevalier, administrateur du district de Béthune; Wissocq,
homme de loi à Boulogne ; Lenglet, homme de loi à Arras ;
Mariette, juge à Boulogne ; Legay, homme de loi et juge à
Arras; Dewimille et Aubert. En outre, on nomme cinq sup-
pléants '. Les années suivantes, ce tribunal subit divers rema-
niements, qu'il serait trop long d'énumérer. Quant aux tribu-
naux de district qui ont fonctionné depuis l'année 1791 jusqu'à
l'application de la Constitution de l'an III, ils ont éprouvé
dans leur composition des modifications à peu près semblables
à celles du tribunal criminel du département.
Il
Dans une certaine mesure, l'organisation judiciaire du Con-
sulat est un retour aux institutions judiciaires de l'Assemblée
Constituante adaptées à un régime dictatorial, plus centra-
lisateur encore. Seul, le tribunal civil de département dispa-
raît ; c'était d'ailleurs une création de la constitution de l'an III.
La loi du 27 ventôse an VIII substitue aux anciens tribunaux
de district les tribunaux de première instance; en réalité, le
I. Archives départ., I,. Directoire du Département, As!*emblces.
126 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
principe est le même ; il y aura mi tribunal de première ins-
tance par arrondissement comme il v avait un tribunal de
district par district. Le tribunal criminel du département,
réorganisé par la même loi et maintenu, pour le Pas-de-
Calais, à Saint-Omer, se compose dun président, de deux
juges, de deux juges suppléants, d'un commissaire du gouver-
nement et d'un greffier; il connaît comme auparavant de toutes
les affaires criminelles et statue sur les appels des jugements
de première instance en matière de police correctionnelle. Les
magistrats qui sont appelés h former ce tribunal criminel ont
tous occupé des sièges dans les tribunaux de la période révo-
lutionnaire. Boubers, président du tribunal criminel en lan X,
homme de loi à Saint-Omer, a été élu juge au tribunal civil
du département en Tan IV ; le commissaire du gouvernement
et accusateur public, Joseph-Nicolas-François Hacot, a été le
premier président du tribunal criminel, à sa création en 171)1 ;
destitué par les commissaires de la Convention le •19 octobre
1792, il était élu, le 9 décembre de la même année, maire
d'Arras.
Dans une lettre en date du 4 frimaire an 11, adressée au Con-
seil du département, Joseph Le Bon reconnaît que François
Hacot est un magistrat capable, mais il ne le croit pas assez u à
la hauteur révolutionnaire » '. Jacquemont, juge, avait figuré
en 1791 parmi les juges suppléants du tribunal du district de
Montreuil séant à Mesdin. Antoine-Philippe Masse, juge sup-
pléant, était en 1781 conseiller au Conseil d'Artois; nous le
trouvons en l'an IV commissaire du Directoire exécutif près
le tribunal de police correctionnelle de Saint-Omer; il mourut
en 1813 juge au tribunal civil de Saint-Pol. Quant au greffler
Leserre, il offre un curieux exemple de la possibilité, pour un
fonctionnaire, de traverser tous les régimes, même en période
révolutionnaire, en conservant les mêmes fonctions; commis-
greffier au Conseil d'Artois depuis l'année 1779, il devint pen-
1. Archives départ., L. Directoire du Département, Justice.
LA JUSTICE 127
dant la Révolution greffier du tribunal du district d'Arras,
puis greffier du tribunal criminel, poste qu'il continua à occu-
per sous le Consulat.
Comme tribunal criminel ordinaire, celui de notre départe-
ment condamna en Tan X quatre individus à la peine de mort,
douze à la peine des fers, trois à la réclusion, trente-sept à l'em-
prisonnement ; il en acquitta quinze. Comme tribunal criminel
spécial, créé en exécution de la loi du 18 pluviôse an IX, il
condamna neuf personnes à la peine de mort, treize à celle
des fers, une à la réclusion, sept à l'emprisonnement et pro-
nonça soixante-dix-neuf acquittements. Enfin, comme tribunal
criminel spécial créé par la loi du 23 floréal an X, il condamna
une seule personne à la peine des fers pour crime de faux et
en acquitta une autre accusée du même crime.
L>es tribunaux de première instance dont nous avons signalé
plus haut l'organisation^ sont les tribunaux de district trans-
formés. La loi du 27 ventôse an VIll établissait dans chaque
arrondissement un tribunal de première instance, connais-
sant en premier et dernier ressort, dans les cas déterminés
par la loi, des matières civiles et des matières de police cor-
rectionnelle, et prononçant sur l'appel des jugements rendus
en premier ressort parles juges de paix. Les tribunaux d'Arras,
Béthune, Boulogne et Saint-Omer furent composés de quatre
juges et trois suppléants ; ceux de Montreuil et de Saint-Pol.
de trois juges et de deux suppléants. Hesdin perdit le titre de
chef-lieu d'arrondissement judiciaire qui fut rendu à la ville
de Montreuil. Bapaume demandait, avec le titre de chef-lieu
d'arrondissement, un tribunal civil : le Conseil général et
l'administration repoussèrent cette prétention.
A sa formation, le 7 messidor an Vlll^ le tribunal de première
instance d'Arras a la composition suivante : président, Thié-
bault; juges, Delepouve, Petit, Billion et Lefranc; suppléants,
Ansart-Piéron et Norman ; commissaire, Morel ; greffier.
Grenier.
1. V. p. 123.
128 LI-: PAS-DK-CALAIS UE 1800 A 1810
Marie-François-Maximilien Thiébaut appartenait à la magis-
trature de l'ancien régime; conseiller au Conseil d'Artois, il
était le doyen des membres de ce corps, lors de sa suppres-
sion ; élu juge au tribunal du district d'Arras en 1791, il en
devint président en 1792, et cessa de remplir ses fonctions
pendant la Terreur; c'est essentiellement un magistrat de la
génération des Constituants.
Comme ïhiébault, Engelbert-François Delepouve avait
servi la monarchie ; licencié en droit, avocat au Parlement et
au Conseil d'Artois, il était encore, à l'époque de la Révolu-
tion, échevin d'Arras et maître des eaux et forêts du bailliage
d'Arras ; il participa cependant à la Révolution, fut juge,
procureur-syndic, membre de l'administration municipale
d'Arras, haut juré delà haute cour de justice à Vendôme.
Plus que les précédents, Emmanuel -Ferdinand-Joseph
Petit appartient au personnel révolutionnaire ; avocat k Arras^
il avait été nommé juge du tribunal du district d'Arras par
l'assemblée électorale du mois de juin 1791, réélu en novembre
1792 et il siégeait encore en 1793.
François-Joseph Billion, né à Arras le 4 mars 1752, était en
1789 avocat au Conseil d'Artois; il adhéra avec passion à la
Révolution, devint administrateur du Directoire du district
d'Arras, président des hospices civils ; élu le 25 germinal
an VII représentant du Pas-de-Calais au Conseil des Cinq
Cents, il se montra favorable au coup d'Etat du 18 Brumaire
et reçut en récompense ce siège de juge, ce qui ne l'empêcha
pas de servir plus tard Louis XVlll. Le juge Devienne dans
ses notes manuscrites ajoutées au pamphlet « la Lanterne
Magique ou les grands conseillers de Joseph Lebon », par
Ansart, dit de lui : « Je crois qu'il n'a pas l'âme méchante,
mais il a dit comme tant d'autres : il faut hurler avec les
loups Enrichi d'un grand jugement, c'est un bon juge,
mais il tient toujours à son système d'égalité ».
Ansart-Piéron, juge suppléant, était le collègue et l'ami de
Billion; il s'était montré l'un des plus fougueux jacobins du
LA JUSTICE " 129
département ; on l'avait surnommé « bougre à poil » parce
qu'en écrivant à Robespierre il avait ajouté « cette qualifica-
tion honorable à son nom ». D'abord oratorien, lorsque la
Révolution avait éclaté, il avait changé « son habit noir
contre le bonnet rouge » ; après avoir traqué comme commis-
saire du pouvoir exécutif les prêtres réfractaires, il se montra
sous l'Empire et la Restauration l'un des plus grands dévots
de la ville d'Arras, se rendant à l'église avec un volumineux
paroissien. Selon Devienne, (( Ansart a beaucoup travaillé ; s'il
ne manquait pas de méchanceté dans le temps du district,
aujourd'hui il ne manque pas de moyens et d'esprit, mais il
vacille dans ses avis ; il faut qu'il lise, relise et ressasse les
pièces, quoiqu'il ait copié tout ce que le bavardage des avocats
a mis au jour dans la cause; c'est lui qui est l'ouvrier principal
des motifs du jugement du tribunal. En voulant trop bien faire,
souvent il fait fort mal ; trop prolixe dans les considérants, il
donne prise à la critique, dont les dents ne s'usent jamais, et à
la chicane aussi immoi'telle que les plaideurs le sont ^ ».
Le second suppléant, Norman, est également un militant de
la Révolution. Devienne trace de lui le portrait suivant, évi-
demment très chargé : (< Norman, qu'on appelait Roux-Roux
parce qu'il avait les cheveux de la couleur de la carotte rouge,
n'est pas sans esprit, mais au lieu de s'en servir au bien, il
l'a employé au mal ; avocat au Conseil d'Artois, il n'y a
jamais fait éclater son éloquence. Quoiqu'il fût marié à la
demoiselle Forgeois-Grétal et qu'il eût des enfants, Norman a
été un des premiers à s'inscrire pour aller aux frontières com-
battre les ennemis qu'on s'était attiré sur les bras. Forgeois,
son beau- frère, a suivi son exemple, mais, en fin matois, cet
avocat s'est fait mettre en réquisition pour grossir le fameux
district d'Arras et a laissé partir Forgeois qui a été tué dans la
Vendée : une succession gagnée. Norman, qui aimait mieux la
paix que la guerre, a bientôt développé ses bonnes qualités.
l. Notes manuscrites de Devienne de « La Lanterne magique ou les grands
conseillers de Joseph Lebon tels qu'ils sont, par Ansart, médecin à Arras.
Ghavanox et Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de 1S00 à iSiO. 9
130 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Ayant eu besoin d'un carrosse pour voyag-er, il a préféré en
avoir un pour rien que d'en louer pour de Tarj^ent. Aussi cet
avocat a fait guillotiner M. de La Comté, qui demeurait près
des Etats, rue des Portes-Gochères ; c'est lui qui s'est chargé
d'apposer les scellés. On a rapporté dans sa maison une caisse
de bougies, parce qu'il a pensé que les morts voyant la lumière
n'en avaient pas besoin d autre ; mais cette caisse, dans laquelle
il y avait enfin quelques livres de bougies par-dessus, conte-
nait l'argenterie de La Comté. Etant possesseur d'une grande
quantité d'argenterie à ditïerentes marques et principalement
avec des armoiries ell'acées, cet avocat s'est transporté à Lille,
a changé la vieille vaisselle des autres pour de la neuve à sa
marque. Ayant deux filles charmantes qui sont malheureuses
d'avoir un tel père, il leur laisse ainsi qu'à sa femme la
liberté d'exercer les actes publics de la religion catholique.
Comme il a fait démolir les églises, il craint que celles qui
subsistent s'écroulent sur sa tête ; aussi on ne l'y voit jamais ;
il a acheté l'église de Saint-Jean-Ronville qu'il a métamor-
phosée en jardin » K
Quant au commissaire du gouvernement près le tribunal
d'Arras, Albert- Alexis- Joseph Morel, il avait été pendant la
Révolution juge suppléant au tribunal du district d'Arras,
membre du bureau de conciliation, puis, en 1793, commissaire
national près le tribunal du district d'Arras ; c'est un jacobin,
comme Norman et Ansart-Piéron.
En 1810, peu de modifications ont été apportées à la com-
position du tribunal de \"^ instance d'Arras : Delepouve est
devenu président à la p?ace de Thiébaut ; les juges sont
Billion et Asselin ; les juges suppléants, Ansart-Piéron et
Norman; le procureur impérial, Morel ; le magistrat de sûreté,
Devienne, l'auteur des notes manuscrites que nous avons déjà
utilisées.
Albert-Joseph-Marie Asselin est l'ancien accusateur près
1. Notes manuscrites de Devienne, op. cil.
LA JUSTICt; 131
le tribunal criminel du département du Pas-de-Calais en
1791 ; destitué en 1792 par les commissaires de la Convention,
il fut nommé en l'an IX substitut du commissaire du gou-
vernement près le tribunal de Saint-Pol et il devint en 1811
conseiller à la cour de Douai; né le 15 février 1762, il avait
été, avant la Révolution, magistrat au Conseil d'Artois i.
A sa formation, le 7 messidor an VIII, le tribunal de 1''' ins-
tance de Béthune a pour président. Chevalier ; pour juges,
Deldicque, Brequin et Ozenne ; pour juges suppléants, Thuil-
lier, Desruelles et Meurille ; pour commissaire du gouverne-
ment, Legay ; pour greflier, Baude.
Le président Charles-Victoire Chevalier était avocat en
1789; il adhéra à la Révolution, devint administrateur de
district, officier municipal et président du tribunal de Béthune ;
en l'an IV, il fut élu par 139 suffrages juge au tribunal civil
du département. Le commissaire du gouvernement, plus tard
procureur impérial, Louis-Joseph Legay, est un autre magis-
trat de la période révolutionnaire. Ancien avocat au Conseil
d'Artois, il devint en novembre 1790 commissaire près le
tribunal du district de Saint-Pol, puis juge au même tribu-
nal et enfin en 1793, juge au tribunal du district d'Arras.
Le tribunal de l""*^ instance de Boulogne comprend, le 7 mes-
sidor an VIII, les magistrats suivants : président, Grandsire
père ; juges, Baret, ex-commissaire, Gaspard Leriche, ex-com-
missaire près le tribunal correctionnel, Sauvage-Combeau-
ville ; suppléants, Libert-Chalmers, Dutertre lils, Penel ;
commissaire, Caron-Folempin. En 1810, Coilliot a remplacé
Sauvage-Combeauvilîe comme juge et Gros a remplacé Libert
comme juge suppléant.
Louis -Marie- Jacques-Antoine Grandsire du Blaisel était
né à Boulogne le G juin 1736 ; antérieurement à 1789, il fut
successivement avocat, procureur du roi en la maîtrise des
eaux et forêts, administrateur de la province du Boulonnais,
1. Archives départ. Note biographique sur lui-même envoyée par Asseiin
au préfet De La Chaise.
132 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
juge à la maréchaussée et subdélégué du Boulonnais ; ses con-
citoyens l'élurent député suppléant aux Etats généraux ; il
remplit ensuite les fonctions de commissaire du roi, puis de
commissaire national près le tribunal du district de Boulogne
de 1790 à 1792 ; après avoir échappé à la proscription pen-
dant la Terreur, il fut élu en l'an IV, par 364 suffrages sur
431 votants, premier juge au tribunal civil du département
et en l'an Y député au Conseil des Anciens, par 431 voix sur
504 votants. C'était un monarchiste, qui salua avec joie le
retour des Bourbons.
Le procureur Caron-Folempin, ancien avocat, avait été,
pendant la Révolution, administrateur du district, adminis-
trateur du canton de Boulogne et maire ; il jouissait de six
mille francs de revenu. Le magistrat de sûreté en 1810, Wis-
socq, était juge au tribunal civil du département en l'an IV.
Nous trouvons au tribunal de !'•' instance de Montreuil,
comme président, un ancien député à la Convention Natio-
nale, Nicolas-François-Marie Enlart, dont nous avons déjà
retracé la biographie; comme juges, Jean-Baptiste-Jacques
Poultier, conseiller du roi et lieutenant général au bailliage
de Montreuil de 17G0 à 1789, député du Tiers-État aux États
généraux, maire de Montreuil et Camberliger-Varennes ;
comme juge suppléant, Pierlay; comme commissaire du gou-
vernement, Hacot-Duvoilliers, commissaire du Directoire exé-
cutif près le tribunal de police correctionnelle de Montreuil
en l'an IV ; comme greiHer, Thellier. En 1810, Pierlay était
devenu juge à la place de Poultier, Pierre-Jacques-Joseph
Creisent, ancien receveur des domaines, ancien juge du dis-
trict de Montreuil en 1791 , a succédé à Camberliger-Varennes ;
Lévêque a été nommé suppléant.
Nombreux également sont au tribunal de l""^ instance de
Saint-Omer les anciens magistrats de la période révolution-
naire.
Le président, Charles-Albert-Marie-Félix Duval, avocat
avant 1789, fut. pendant la Révolution, juge de paix, juge au
LA JUSTICE 133
tribunal du district de Saint-Omer en 1791, juge au tribunal
criminel du département.
Parmi les juges, Charles-Bruno Francoville, avocat à Saint-
Omer, avait été élu en 1789 député du Tiers-Etat du bailliage
de Calais et d'Ardres aux Etats généraux ; après s'être
signalé par son zèle pour le gouvernement impérial, il se
montra non moins fougueux royaliste pendant la Restauration.
Charles Varéchout était juge suppléant au tribunal du
district de Saint-Omer en 1 791 , commissaire du Directoire
exécutif près le tribunal de Saint-Omer en l'an VI; en 1810,
il avait été remplacé comme juge par Dewimille, précédem-
ment juge de paix du canton de Saint-Or er-Nord, nommé
juge au tribunal de l'instance en fructidor an XI, et, sous le
Directoire, juge au tribunal civil du département. L'un des
juges suppléants, Burette, est un ancien juge au tribunal civil
du département, élu en l'an IV par 263 suffrages.
Quant au commissaire du gouvernement, Charles-Augustin-
Guillaume Defrance, juge au bailliage de Saint-Omer avant
la Révolution, il a fait partie à diverses reprises des admi-
nistrations municipales ; on lui attribue cinq mille francs de
revenus. En 1810, Jean-François Bachelet, ancien échevin,
procureur syndic du district de Saint-Omer, est magistrat de
sûreté près le tribunal de première instance ; Jacques-Joseph-
Emmanuel Caron-Senlecque, ancien avocat au Parlement,
officier municipal de Saint-Omer, procureur de la commune,
est juge suppléant.
Le président du tribunal de l*"" instance de Saint-Pol, en
messidor an VllI, est le même magistrat qui, en 1792, pré-
sidait le tribunal du district de Saint-Pol, Guislain-Jean-
Baptiste-Augustin Guffroy, avocat antérieurement à 1789,
puis juge et commissaire national, destitué de ses fonctions de
président du tribunal par Elie Lascote et Leton, emprisonné
pendant onze mois. Il est assisté par Goudemetz et Lion,
comme juges; par Herbet, comme commissaire du gouverne-
ment.
134 LE PAS-DK-CALAIS DE 1800 A 1810
Plusieurs magistrats du Pas-de-Calais furent appelés à
siéger au tribunal ou cour d'appel de Douai qui avait dans son
ressort les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Citons, entre autres, Lion, juge au tribunal de Saint-Pol, nommé
en l'an IX, juge à Douai ; pendant la Révolution, Lion était
président du tribunal du district de Montreuil, puis juge au
tribunal du département en l'an IV. Dubrœucq, juge au tribu-
nal de Saint-Omer en 1791, Aubert, juge au tribunal civil du
département du Pas-de-Calais en l'an IV et Vigneron, de Bou-
logne, sont également juges au tribunal d'appel.
Les tribunaux de première instance du Pas-de-Calais ont
fonctionné sans encombre et pour ainsi dire sans incident de
1800 à 1815 ; c'est tout au plus si nous pouvons citer un
commencement de conflit d'attributions entre le sous-préfet
et le tribunal de Montreuil. Valois, cabaretier à Maries, fils
du maire de la commune qui venait d'être destitué, poursui-
vait le nouveau maire. Bataille, par devant le tribunal civil
de l'arrondissement, en paiement de dépenses faites chez lui
par des soldats envoyés à Maries par l'autorité administrative
supérieure. Le maire, Bataille, sur le conseil du sous-préfet,
déclinait la compétence du tribunal et demandait son renvoi
devant ses chefs directs, mais le tribunal n'en retenait pas
moins la cause, en se basant sur l'article 3 de l'arrêté du
8 prairial an XI du préfet. Le président du tribunal, Enlart,
et le préfet de La Chaise ayant montré de part et d'autre un
esprit conciliant, le conflit fut évité ' .
III
L'une des institutions les plus remarquables de l'Assemblée
Constituante, institution qui a du reste survécu malgré tous
les changements de régimes, est celle des juges de paix ;
malheureusement, elle est entachée à l'origine de deux graves
1. Archives départ. Conflit d'attributions entre le sous-préfet et le tribunal
de Montreuil, an XII.
LA JUSTICE 135
défauts, le nombre excessif des justices de paix et le mode
électif adopté pour le recrutement des juges. En 1793, alors
que l'organisation est à peu près définitive, le département du
Pas-de Calais comprend les justices de paix suivantes :
District d'Arras : Arras (deux justices de paix), Beaumetz,
Berneville, Fresnes-Montauban, Pas, Henin-Liétard, Lens,
Rœux, Saint-Eloy, Vimy, Vitry. District de Bapaume :
Bapaume, Oisy, Gagnicourt, Metz-en-Couture, Haplincourt,
Grevillers, Courcelle, Foncquevillers, Groisilles, Vaulx.
District de Béthune : Béthune, Beuvry, Carvin (deux justices
de paix), Hersin, Iloudain, La Gouture (deux justices de
paix), La Ventie (deux justices de paix), Lillers (deux justices
de paix), Saint-Venant (deux justices de paix). District de
Boulogne : Boulogne, Beaupré, Bourthes, Gondette, Desvres,
Etaples, Hardinghen, Henneveux, Hucqueliers, Neuville,
Samer, Saint-Martin-Boulogne. District de Galais : Galais,
Ardres, Guînes, Andruicq, Licques, Mannequebeure, Nouvelle-
Église, Peuplingues et Saint-Pierre. District de Montreuil :
Montreuil, Hesdin, Auxi-la-Réunion ou le-Ghâteau (deux
justices de paix), Gappelle, Wail, Blangy, Fressin, Fruges
(deux justices de paix), Campagne, Saint-Josse, Waben. Dis-
trict de Saint-Omer : Aire, Arques, Boury, Eperlecques,
Hallines, Fauquembergue, Isbergue, Norrent-Fontes, Alquines,
Clarques, Tournehem, Wismes, Saint-Omer (deux justices de
paix). District de Saint-Pol : Saint Pol (deux justices de paix),
Frevent (deux justices de paix), Magnicourt-sur-Canche,
Avesne-l'Égalité ou le-Gomte, Saulty, Aubigny, Monchi-le-
Breton, Heuchin, Fleury, Framecourt, Pernes. Soit un total de
quatre-vingt-dix-sept justices de paix K
Dans l'organisation consulaire, les justices de paix des
anciens districts d'Arras et de Bapaume, sont ramenées de vingt-
deux à onze : Arras-Nord, Arras-Sud, Bapaume, Beaumetz,
Bertincourt, Groisilles, Marquion, Foncquevillers (remplacé
1. Archives départ. Juj^es de paix. Tableaux par districts en 1793.
136 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
ensuite par Pas), Vimy, et Vitry. Les justices de paix du dis-
rict deBéthune passent de quatorze à huit : Béthune, Ambrin,
Carvin, Houdain, Laventie, Lens, Lillers et Norrent-Fontes.
Les justices de paix des districts de Boulogne et de Calais
sont ramenées de vingt et une à six: Boulogne, Calais, Des-
vres, Guînes, Marquise et Samer. Même diminution dans le
district de Montreuil, où au lieu de treize justices de paix,
nous n'en trouvons plus que six : Montreuil, Campagne,
Etaples, Fruges, Hesdin et Hucqueliers. L'arrondissement de
Saint-Omer, qui avait quatorze justices de paix, en a sept :
Aire, Audruick, Fauquembergues, Lumbres, Saint-Omer-Nord,
Saint-Omer-Sud et Tournehem, et l'arrondissement de Saint-
Pol, qui avait treize justices de paix, en a six : Saint-Pol,
Aubigny, Auxi-le-Château, Avesnes-le-Comte, Heuchin et
Wail. Soit, pour l'ensemble du département, quarante-quatre
justices de paix au lieu de quatre-vingt-dix-sept. La première
amélioration nécessaire pour donner à cette précieuse institu-
tion des juges de paix toute sa valeur était réalisée par l'ap-
plication de la loi de Fan IX.
Malheureusement, on conserva le mode électif de nomina-
tion des juges, tout en y apportant quelques modifications.
Le sénatus-consulte de l'an X décidait que les assemblées de
canton, correspondant à chaque justice de paix et dont les
présidents étaient désignés par le Premier Consul, éliraient
deux candidats aux fonctions déjuge de paix et quatre candi-
dats aux fonctions de juges suppléants ; le Premier Consul
ferait son choix entre les divers candidats et nommerait pour
dix ans le juge et ses deux suppléants; il y avait de la sorte
une correction relative apportée aux erreurs des électeurs.
Quant aux greffiers, ils étaient directement à la nomination du
gouvernement et la situation des juges de paix, k la veille
des élections nouvelles, n'était pas en tout cas des plus bril-
lantes, car le conseiller d'État Fourcroy, envoyé en mission
dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, constate
LA JUSTICE 137
qu'il est dû à ceux de ce dernier département cinquante mille
francs pour arriéré k l'an VIII ^
Le préfet donna une certaine solennité aux élections de
l'an X. Poitevin-Maissemy adressa une proclamation aux
habitants du Pas-de-Calais; on y lisait notamment : « Le
résultat des votes que vous allez émettre ne sera pas une
simple liste d'éligibles comme dans les élections communales ;
il produira la nomination d'un magistrat chargé de juger vos
différends, de garantir vos droits, de défendre vos intérêts contre
ceux qui voudraient y porter atteinte ; vous ressentirez con-
tinuellement les effets de sa justice ou de sa partialité, de son
esprit conciliateur ou de son inaptitude aux fonctions qui lui
seront dévolues. Il est donc de la plus haute importance pour
vous de choisir un citoyen qui jouisse de la confiance et de
l'estime publique, <jui réunisse à l'expérience les connais-
sances et le caractère doux qui sont indispensables pour bien
exercer le ministère sacré de juge de paix ». L'élection des
juges de paix était en effet la seule occasion laissée aux ci-
toyens d'exprimer d'une façon effective leur volonté. Dans l'ar-
rondissement d'Arras, les élections du 6 nivôse et du 14 nivôse
an X ne donnèrent des résultats que pour les cantons d' Arras-
Nord, de Bertincourt et de Foncquevillers ; il fallut recourir
à un second tour de scrutin pour les autres cantons. D'après
les lois des 13 et 29 ventôse et l'instruction du ministre de
l'intérieur du 28 fructidor an IX, « lorsque, dans une justice de
paix, un citoyen n'a pas obtenu la majorité absolue des voix, le
sous-préfet doit faire parvenir, par la voie des maires, à
chaque directeur de scrutin, un état contenant les noms des
six citoyens qui, d'après le dépouillement des listes de séries,
auront réuni le plus de suffrages; il doit être ouvert un nou-
veau scrutin pendant trois jours et les suffrages ne pourront
tomber que sur l'un des six individus portés sur l'état adressé
1. RocQUAiN, L'état de la France au 18 brumaire, p. 222.
138 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
par le sous-préfet ». La nouvelle élection eut lieu par consé-
quent les 25, 26 et 27 pluviôse *.
Léandre Leducq fut nommé juge du canton d'Arras-Nord ;
il avait eu une carrière assez mouvementée : successivement
militaire, commis, négociant, officier de la garde nationale,
premier commis de l'établissement de filature des pauvres de
Paris en 1810, il était encore titulaire de la justice de paix
d'Arras-Nord ; il dut mourir peu après, car il était remplacé
en 1813 par Charles Buissart, dont une note établie par le con-
seiller de préfecture Corne, à l'époque de la première Restau-
ration, dit qu'il mérite d'être conservé.
Dans le canton d'Arras-Sud, les électeurs maintinrent le
juge en fonctions, Jérôme Lefebvre ; il avait pour concurrents,
Triboulet, juge de paix à Arras en 1792; Deusy, avoué;
Braine, homme de loi ; Corroyer, brasseur et Debeaucourt,
ex-juge de paix. Les mêmes notes de 1814, que nous signa-
lions précédemment, qualifient de la façon suivante Jérôme
Lefebvre : « marchand d'eau-de-vie en détail, indigne des-
time par sa conduite révolutionnaire ».
Le juge de paix du canton de Bapaume est Pierre-Joseph-
François Lardemer, juge de paix du canton d'Ilaplincourt en
1792, professeur particulier, puis maire. Les cinq adversaires
dont il a triomphé sont : flaudouart, député du Pas-de-Calais
à l'Assemblée Législative ; Tonnelier, juge de paix de Grevil-
1ers ; Hubert, niaire de Ligny ; Varnet, maire de Tilloy-lez-
Bapaume, et Pajot. Lardemer exerçait encore en 1810, Dans
le canton de Beaumetz, les électeurs font choix contre Billot,
juge de paix en fonctions, d'Antoine Brazier, clerc de procu-
reur et cultivateur, juge de paix du canton de Berneville en
1792 : (( probe, zélé, mais sa sobriété laisse à désirer ». Charles-
Antoine Rodrigue, juge de paix en fonctions, est maintenu
juge du canton de Bertincourt ; u il passe pour intriguant et
ne jouit pas de la confiance générale ». De même, dans le
1. Archives départ., série U. Arras. Justices de paix. Elections de Tan X.
LA JUSTICE 139
canton de Groisilles, c'est du précédent jug-e, Guislain Water-
lot, que les électeurs font choix. A Marquion, est nommé
Brisse, juge de paix d'Oisy : « probe, instruit, à conserver»,
disent de lui les notes de 1814, tandis qu'à Foncquevillers est
aussi maintenu un juge en fonctions, Portrait.
Le juge de paix du canton de Vitry, Pierre-Ph. Quennes-
son, occupait ce siège depuis 1792 et nous l'y retrouvons en
1814; dans une note biogr;iphique adressée par lui-même
au préfet en 1808, il fournit sur son compte les renseigne-
ments suivants : « l'époque de ma naissance est du 8 juillet
1749; je suis veuf avec deux enfants; j'étais cultivateur et
proviseur des pauvres de Vitry avant 1789, et depuis lors, je
remplis les fonctions déjuge de paix pour le canton de Vitry
et j'exerce comme tel sans interruption; pour ne point vous
ennuyer par des observations longues, je me borne à demander
à être continué dans mes fonctions jusqu'à ce qu'il plaise à Sa
Majesté l'Empereur et Roi de m'accorderune retraite, puisque,
depuis l'installation première des juges de paix, j'en fais les
devoirs sans m'en être écarté, ni démérité la confiance et l'es-
time de mes justiciables ». Les notes de 1814 ne sont pas
aussi favorables à Quennesson que son autobiographie : « peu
instruit, conduite privée immorale », telle est l'appréciation
monarchiste.
Dans le canton de Vimy, Marchand était remplacé par
Emmanuel Defontaine, élu juge de paix à Arras en 1762 ; ce
Marchand, qui était juge de paix de Vimy depuis 1792, ne se
montra pas bon joueur ; il se plaignit vivement au préfet de
son échec, et dans un style quelque peu réjouissant : « Cette
occasion, citoyen préfet, me fournie celle de vous dire fran-
chement les causes qui ont détourné la volonté des vrais ci-
toyens, cequepourmarénommation, il ne s'est commis aucune
fraude, ni cabale, la volonté seul des citoyens des anciennes
communes du canton de Vimy en a été le résulta. Mais il est
bien autrement des nouvelles communes du canton ; elles se
sont réunis pour y commettre des actions qui ne sont pas digne
140 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
des citoyens, puisqu'ils ont admis des réquisitionnaires et
qu'un prêtre insoumis a roulé de maison en maison exposer
aux citoyens qu'il fallait se réunir pour opérer le changement
du jug-e de paix ancien puisque la ti'anquillité des prêtres
ni était pas en sûreté... Je réclame auprès de vous, citoyen
préfet, puisqu'il est de votre pouvoir de faire crouler cette
nomination ».
Dans l'arrondissement de Béthune, les électeurs faisaient
choix le 3 nivôse et le 11 pluviôse, comme juges de paix pour
le canton de Béthune, de Louis Joseph Troy ; pour le canton
de Gambrin, d'Auguste Caron ; pour le canton de Carvin, de
Ph. Hubert Dautricourt , pour le canton d'iloudain, de Siméon
François; pour le canton de Laventie, de Xavier Delbarre;
pour le canton de Lens, de François Allart ; pour le canton
de Lillers, de Guislain Parent, et pour le canton de Norrent-
Fontes, de George Hannotte.
Des contestations assez vives se produisirent dans les can-
tons de Béthune, de Gambrin, de Lillers et de La Ventie. Une
erreur commise à Béthune entachait évidemment de nullité
l'élection : une commune, la commune de Verquigneul, avait
été omise dans l'arrêté des Gonsuls du 9 brumaire an X, por-
tant réduction des justices de paix du département du Pas-
de-Galais et indiquant la répartition des communes entre les
nouveaux cantons ; elle ne prit pas part au vote. Lorsque se
produisit la réclamation incontestablement un peu tardive de
la commune de Verquigneul, le sous-préfet de Béthune qui
avait déjà pris un arrêté pour fixer le jour de l'installation du
nouveau juge Troy, prit un autre arrêté pour suspendre cette
installation jusqu'à ce que le gouvernement se fût prononcé
sur la pétition de la municipalité.
Par un arrêté en date du 25 ventôse an X, les consuls réu-
nissaient la commune de Verquigneul au canton de Béthune,
et il devenait nécessaire de procédera une nouvelle élection du
juge de paix de ce canton. En l'an XI, cette fonction y est
LA JUSTICE 141
remplie par De Bailliencourt , qui l'exerce encore en
18141.
Un certain nombre d'irrégularités sont reprochées par
quelques électeurs pour faire annuler l'élection d'Auguste
Caron dans le canton de Cambrin : la boîte de la série 23
aurait été déposée dans un cabaret et dans cette série le ci-
toyen Caron aurait eu toutes les voix, sauf quatorze ; cependant
vingt-neuf citoyens indiqués n'auraient pas voté pour lui;
dans la série n" 24, il n'a manqué au citoyen Caron que neuf
suffrages pour avoir l'unanimité et cependant dix-huit votants
ne lui ont pas donné leurs voix, etc. De leur côté, Bonaven-
ture Menche, de Beuvry, François Souville^ maire de Beuvry,
François Bruneau, maire de Cuinchy, Louis Brasme, maire
de Givenchy, Constant Dansou, maire d'Annequin, Guffroy,
maire de Violaines, et Prohier, maire de Noyelle, protestent
contre ces réclamations qu'ils déclarent non fondées. L'inté-
ressé, Auguste Caron, écrit au préfet que « les individus dont
le témoignage a été invoqué auprès du sous-préfet par ses
antagonistes sont ou des mendiants soudoyés, ou des hommes
souillés d'excès sous le règne de l'anarchie ». Caron fut du
reste installé par l'administration et, en 1814, les notes monar-
chistes disent qu'il mérite d'être maintenu dans ses fonctions".
Les protestations étaient non moins vives dans le canton de
La Ventie et une lettre du ministre de l'Intérieur au préfet
donne en quelque sorte raison aux protestataires : « J'ai reçu,
citoyen préfet, avec votre lettre du 8 de ce mois, l'arrêté du
22 germinal en vertu duquel la 94^ série pour l'élection du
juge de paix de Laventie a été admise, malgré les irrégulari-
tés qu'a commises le directeur de cette série ; si vous ne
m'aviez point transmis cet arrêté dix-huit jours après sa date
et qu'il n'eût pas reçu maintenant son exécution, je vous aurais
1. Archives départ., série U. Réclamation de la municipalité de Verquigneul
pour élire le juge de Béthune ; réclamation du sieur Troy contre le sous-préfet
qui refuse de l'installer à cause de l'affaire de Verquigneul.
2. Ibid., série U, canton de Cambrin, an X.
142 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
invité à le rapporter; la loi dû 13 ventôse ne permet, dans
aucun cas, de voter ailleurs qu'au domicile du directeur du
scrutin et du scrutateur en l'absence de celui-ci, et puisque
vous reconnaissez dans le considérant de votre arrêté que
cette contravention a eu lieu, les opérations de la série dont
il s'ag^it n'auraient pas dû être maintenues »K
Le juge sortant du canton de Lillers, Pig-ouche, auquel les
électeurs ne s'étaient pas montrés favorables, se plaignait
vivement, de son côté, au préfet, d'avoir été la victime d'in-
trigues et de fraudes : « C'est un directeur de série, écrit-il,
qui ne rougit point d'avouer d'avoir reçu d'un seul votant
vingt-six billets signés de la même main et pour la même
personne ; d'un autre côté, c'est un autre directeur qui, ayant
voulu parer à l'insouciance des votants qui ne paroissoient
point, a rempli sa boîte lui-même; d'un autre côté enfin,
c'est une boîte qui a été promenée dans tous les cabarets et
qui y fut forcée pour en extraire les billets qui ne convenoient
point et en substituer d'autres qui plaisoient mieux... Et c'est
d'après pareille violation à la loi et pareille fraude, k laquelle
n'a pas été étrangère l'influence des prêtres que les candidats
sont sortis- ».
Parmi les juges élus dans l'arrondissement de Béthune,
Dautricourt, juge de paix du canton de Carvin, était juge de
paix à Hénin-Liétard en 1792. et Hannotte, juge à Norrent-
Fontes, occupait cette même justice de paix dès la création
de l'institution par l'Assemblée Constituante. En 1807,
Hannotte avait pour successeur un certain De Pape, qui, au
moment même de sa nomination comme juge de paix à Nor-
rent-Fontes, était condamné par le tribunal correctionnel de
Béthune à une amende de 3.000 francs et à deux ans de déten-
tion pour escroqueries en matière de conscription ! La nomina-
tion de ce De Pape était annulée et on faisait choix de Fran-
1. Archives départ. ."série U. Canton de Laventie. Elections de l'an X.
2. Ihid., série U. Elections de l'an X. Dossier du canton de Lillers.
LA JU STICK 143
çois Cocud, officier municipal et procureur de la commune
d'Aire pendant la Révolution, juge au tribunal civil du dépar-
tement, élu député au Conseil des Anciens en l'an VI, mais
non admis.
A Lens, le juge AUart avait pour successeur en 1808
Triboulet, contre lequel Devienne, substitut, magistrat de
sûreté pour l'arrondissement d'Arras , envoyait au préfet
un véritable réquisitoire, suspect, à vrai dire, de partia-
lité ; le document n'en mérite pas moins d'être retenu :
« César Triboulet a été nommé au commencement de la Révo-
lution juge de paix d'Arras ; c'est lui qui s'est chargé des
arrestations et il ne rentrait jamais chez lui les poches
vuides ; la bibliothèque qu'il possède et qui est magnifique ne
lui a pas coûté une centime ; les prétendus aristocrates et les
émigrés en ont fait les frais. Etant dans la maison du sieur
Hacot, rue des Gauguers, il vivait publiquement avec une
femme mariée... La femme qui était sa maîtresse ayant appris
que son mari devait passer par Arras avec beaucoup d'ar-
gent qu'il allait porter à Lille, Triboulet donna l'ordre d'ar-
rêter cet homme comme chauffeur ; sur un simple billet que
j'ai vu on le mit au cachot où il resta pendant plusieurs
jours ; on eut soin de lui faire vuider ses poches ; Triboulet et
sa maîtresse remplirent les leurs .. Triboulet épousa la demoi-
selle Brunez, fille de la veuve Caron... La dame Caron, sa
belle-mère, ne voulant pas lui fournir de l'argent, il l'assoma
[sic) chez elle avec une bûche de bois, lui vola une partie de
son argent et beaucoup de montres qu'elle avait en gage. » l\
est juste d'ajouter que l'auteur de cette grave dénonciation
est un royaliste et que Triboulet avait joué un rôle important
dans les événements de la Révolution à Arras ^ .
A Boulogne, Sauveur, juge de paix sortant, est élu juge du
canton de Boulogne par 942 voix sur 1688 votants; il était
1. Archives départ. Dossier Triboulet, e.t-jujje de paix à Arras, jugede paix
à Lens.
144 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
encore juge en 1814 et les notes monarchistes déclaraient
alors qu'il méritait d'être conservé.
A Calais, Glaude-Pierre-Joseph Croichet obtient y02 voix
sur 1 733 votants ; il était juge de paix du canton de Saint-
Pierre-lez-Calais en 1792, et avait été élu juge au tribunal
civil du département en l'an IV; il mourut le 30 juin 1810
et légua sa bibliothèque à la justice de paix de Calais ; son
successeur fut Vendron.
De même, le juge de paix élu à Desvres est un ancien magis-
trat de la jîériode révolutionnaire, Mauguet de la Sablonnière;
juge de paix du même canton en 1792, il exerçait encore en
1814. Gillot, juge de paix en exercice, est réélu juge de paix
du canton de Marquise par 840 suffrages sur 1447 votants;
il mourut en 1811 et on recommandait au préfet la candida-
ture d'un riche propriétaire, Lemaître, contre celle de Longue-
meau, u dont le plus grand titre est d'avoir été assez chaud
pendant la Révolution ».
L'élection fut particulièrement laborieuse dans le canton de
Montreuil. En pluviôse an X, Pierre Obron, juge de paix du
canton de Waben depuis 1792, était élu par 726 suffrages
contre 483 à Varennes, juge avi tribunal de l'** instance de
Montreuil, 187 voix k Papin, juge de paix de Neuville depuis
1792, etc. ; mais, dans neuf ou dix séries, des citoyens, non
inscrits sur les registres comme électeurs, avaient été admis
à donner leurs suffrages. Cette irrégularité ayant été consta-
tée, le préfet, par un arrêté du 4 germinal an X, décidait que
les scrutins seraient recommencés dans ces séries; puis, par un
second arrêté du lendemain 5, il déterminait que l'on procéde-
rait également à un premier scrutin dans les communes de
Saint- Josse, Cucq et Merlimont qui, en exécution d'un arrêté
des Consuls du 3 ventôse précédent, venaient d'être détachés
du canton d'Etaples -et réunies au canton de Montreuil. Dans
l'intervalle, l'élu de pluviôse, Obron, mourait ; le préfet annu-
lait alors tous les scrutins ouverts dans le canton de Mon-
treuil et ordonnait de procéder à une nouvelle élection. Le
LA JUSTICE 145
27 prairial, Varennes, ju^e au tribunal de 1''' instance, était
élu jug-e de paix du canton de Montreuil '.
Dans le canton de Campagne-lez-Hesdin, les électeurs fai-
saient choix d'Eugène Dewamin contre le juge sortant,
Odieuvre ; en 1807, Tévêque d'Arras recommandait vivement
Dewamin au préfet. Quant à l'élection du canton d'Etaples,
elle souleva presque autant d'incidents que celle du canton
de Montreuil.
Les notes monarchistes de 4814 récusent quelques juges de
paix des arrondissements de Saint-Pol et de Saint-Omer :
Charles Lefebvre, juge de paix du canton d'Aubigny, « n'est
pas propre aux fonctions de juge de paix » ; Jean-Baptiste
Flour, ex-jugé du canton de Saulty en 1792, juge de paix du
canton d Avesnes-le-Gomte, « incapable, sans zèle, négligent
au dernier point » ; Barbier, juge de paix du canton de Wail,
« n'a pas assez de connaissances » ; Jean Jacques Desgrousil-
liers, juge de paix du canton de Fauquembergues, « n'a ni
les connaissances, ni la conduite requises ».
IV
Nous avons pu observer en ce qui concerne l'organisation
judiciaire du département du Pas-de-Calais, les mêmes faits
que ceux qui ont été observés dans le département des
Bouches-du-Rhône : c'est la magistrature qui a été le refuge
du plus grand nombre d'hommes ayant joué un rôle pendant
la Révolution. Nous avons vu des juges de paix se maintenir
dans leurs fonctions depuis 1792 jusqu'en 1814. Il est facile
de trouver la double cause de cette persistance : d'une part
l'inamovibilité des magistrats ; d'autre part, le mode électif
conservé pour la nomination des juges de paix. Cependant
la Restauration a pu utiliser une grande partie de ce person-
t. Archives départ., série U. Juges de paix. Elections de l'an X. Dossiers
de Montreuil.
GnAVAxoN ET Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de ISOO a 1810. 10
146 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
nel judiciaire ; cela tient k révolution politique générale du
département ; si l'on excepte la période de la Terreur, ce sont
des modérés, presque des monarchistes, qui ont occupé les
fonctions, soit administratives, soit judiciaires dans le Pas-de-
Calais pendant toute la Révolution, et l'indication qu'un
magistrat a été juge de paix en 1792, juge au tribunal civil
ou au tribunal criminel sous le Directoire n'implique nullement
qu'il s'agisse d'un révolutionnaire, ni même d'un républicain
convaincu. En écartant les quelques terroristes que le gou-
vernement consulaire avait utilisés, le gouvernement de
Louis XVIII pouvait, par conséquent, conserver les autres
magistrats de Napoléon qui, déjà, avaient été les magistrats
de la première République.
11 est particulièrement intéressant de constater la passion
dont font preuve les électeurs dans les élections des juges de
paix ; on relève des fraudes et des irrégularités presque dans
chaque canton ; plusieurs élections doivent être annulées ou
sont l'objet d'arrêtés préfectoraux. Un tel état d'esprit se con-
çoit aisément : le choix des juges de paix était le seul privi-
lège électoral qui restait aux citoyens et ils entendaient en
user et en abuser; encore, le sénatus-consulte qui suivit les
élections de l'an X et en fut probablement la conséquence,
restreignit-il considérablement la portée de ce privilège et
l'exercice de ce droit. Le mode électif est depuis longtemps
condamné en matière d'ordre judiciaire ; il marque d'une tare
originelle la magistrature, il l'atteint d'un vice rédhibitoire.
Malgré le respect des collaborateurs de Napoléon pour l'orga-
nisation des tribunaux telle que l'avait comprise l'Assemblée
Constituante et qui a été en effet son œuvre la plus durable,
ils ont dû se rendre à l'évidence des faits, et si l'Empire avait
subsisté plus longtemps, il est probable que les dernières
traces de l'élection des juges de paix n'auraient pas tardé à
disparaître.
CHAPITRE V
LES IMPOTS ET LES BIENS NATIONAUX
I. Les impôts à la fin de l'ancien régime. Emprunts successifs au xviii" siècle.
II. Les impôts dans le département du Pas-de-Calais de 1790 à 1800 et les
réformes financières de la Révolution. — Création de la contribution fon-
cière, de la contribution personnelle-mobilière, des i>atentes, de l'impôt des
portes et fenêtres. — Retards dans la rentrée des contributions; lettres des
ministres Tarbé et Clavière. — Situation financière du département en
lan V.
III. Les impôts dans le département du Pas-de-Calais de ISOO à 1810. — Créa-
tion de l'administration des contributions directes. — Le ré{;çime des impôts
sous le Consulat autre que pendant la période i-évolutionnaire ; le mode de
perception surtout est modifié. — Les contributions en l'an IX, en l'an XIV,
en 1807, en 1808 et en ISIO. — Nombreuses demandes de dégrèvement. —
Situation financière dans un arrondissement ; l'arrrondissement de Bou-
logne. — Situation financière dune commune : la commune de Saint-Pol.
IV. Les biens nationaux. — Les ventes de biens nationaux dans le départe-
ment du Pas-de-Calais pendant la Révolution. — Les biens nationaux de la
commune d'Arras. — A Brebières — Histoire des domaines des marquis
d'Humerœuil. — Rachats de biens nationaux de 1800 à 1810.
V. Conclusion : augmentation constante des impôts de 17S9 à 1899.
I
* Comme toutes les autres provinces de la France, l'Artois et
les divers territoires qui ont été appelés à constituer le dépar-
tement du Pas-de-Calais ont vivement ressenti cette long-ue
crise financière du xviii'^ siècle qui a été la cause première de
la Révolution. Rien de plus éloquent et de plus probant à ce
sujet que la liste des emprunts contractés par les Etats d'Ar-
tois de 1700 à 1789. Tout d'abord, le reliquat de la réunion
de l'Artois à la France, représentant un emprunt de
1.970.197 livres 3 sols 7 deniers, sur lesquels 342.332 livres
12 sols 1 denier avaient été remboursés en 1789 et dont les
rentes annuelles s'élevaient à 71.097 livres 11 sols. La guerre
de la succession d'Espagne avait déterminé trois emprunts :
148 LE PAS-DIi-CALAIS DE 1800 A 1810
celui du 2 juillet 1707, 200.000 livres; celui du 14 septembre
1708, 599.989 livres 10 sols, et le dernier, du 31 mai 1712,
120.000 livres. La province avait encore emprunté, le 14 février
1713, 93.650 livres pour l'abonnement du don gratuit de 171 2
et le redressement de la Scarpe ; la disette produite par l'hiver
rigoureux de 1740 l'obligeait le IS janvier 1741 à se faire
prêter 220.500 livres. Le 30 juin 1744, nouvel emprunt de
308.120 livres afin de rembourser ceux qui avaient prêté en
1742 de l'argent aux Etats d'Artois pour les fournitures du
quartier général établi à Saint-Omer et pour la construction
de la chaussée de Doullens. Autre emprunt en 1745, le 14 avril,
de 550.386 livres 5 sols dans le but de fournir le fourrage et
le chauffage aux troupes qui séjournèrent en Artois pendant
l'hiver rigoureux de 1744 à 1745.
Les mêmes opérations se succédèrent plus fréquemment
encore pendant la seconde moitié du xviii" siècle : 17 mai
1757, emprunt de 400.000 livres pour servir à acquitter le
premier terme de l'abonnement des deux vingtièmes et deux
sols par livre ; 10 juin 1760, de 400.000 livres pour acquit-
ter le troisième vingtième; 8 février 1761, de 300.000 livres
pour le même motif; 4 septembre 1762, de 151.033 livres
afin d'offrir au roi un vaisseau de ligne ; 7 janvier 1766, de
400.000 livres pour rembourser toutes les rentes créées a à
tel denier que ce soit plus haut que le denier 25 », sauf celles
créées au profit des hôpitaux ou autres établissements de bien-
faisance; 28 juin 1766, emprunt de 90.595 livres 18 sols dans
le même but que le précédent ; 17 juillet 1767, de 248.759 livres,
versé dans la caisse du trésorier général des fortifications et
employé à la dépense des travaux ordonnés pour l'achèvement
du canal de jonction de la Lys à l'Aa ; l*''" avril 1768, de
150.000 livres, versé dans la même caisse; 8 avril 1769, de
199.762 livres 10 sols pour suffire aux mêmes travaux ; 30 mai
1769, de 599.479 livres pour la construction et la réparation
des chemins de l'Artois ; 16 mars 1770, de 195.750 livres pour
l'achèvement du canal de la Lys à l'Aa ; 28 septembre 1773,
LES IMPÔTS ET LES BIENS NATIONAUX 149
de 120.000 livres pour le remboursement des offices munici-
paux ; 15 octobre 1773 et 4 avril 1774, de 184.700 livres
pour acquitter le supplément de l'abonnement des deux ving-
tièmes et contribuer encore à l'achèvement du canal de la Lys
à TAa ; 7 mars 1779, de 417.475 livres afin d'ofTrir une fré"
gâteau roi; 31 janvier 1780, de 178.600 livres pour dépenses
extraordinaires et surchage de la province de l'Artois ; 1 8 jan-
vier 1783, de 163.100 livres afin de racheter les offices de
jurés-priseurs- vendeurs de meubles de l'Artois ; enfin les
19 août 1732, 12 mai 1733 et 26 janvier 1736, emprunt de
366.721 livres 17 sols 6 deniers pour le remboursement des
fonds et héritages compris dans les fortifications des villes et
places de l'Artois. La somme de ces emprunts monte à
9.010.140 livres 18 sols 1 denier, sur lesquels on a remboursé
1.099.780 livres 15 sols 5 deniers et pour lesquels on a payé
des rentes qui s'élèvent à 329.459 livres 13 sols 2 deniers ^
Si de la province nous passons à la ville d'Arras, nous
voyons qu'au l*'" novembre 1763, cette ville, « en laissant dans
l'oubli les années d'arrérages tant en capitaux deniers qu'en
intérêts et arrérages », doit 1.150.589 livres 5 sols 1 denier.
En 1768, Arras est encore grevée « de rentes constituées de
37.066 livres 13 sols 2 deniers, déduction à faire de 671 livres
10 sols 4 deniers de rentes dont la ville est chargée envers la
bourse commune des pauvres ^ ».
Le budget de 1 789 nous fournit les chiffres suivants pour
le montant des impôts : Arras, ville, 100"'^, 30.419 livres
11 sols; 20™*, 75.876 livres 6 sols 8 deniers ; gouvernance
d'Arras, 100"'% 384.537 livres 11 sols 5 deniers ; 20"'%
348.497 livres 14 sols; — ville de Lens, 100"»% 4.753 livres
5 deniers ; 20""^, 5,843 livres 7 sols 3 deniers ; — bailliage de
Lens, lOO"'^ et 20"'" sont compris avec ceux de la gouvernance
d'Arras et perçus parle même revenu ; — ville de Saint- Omer,
1. Archives départ. Séries, L, P. III. Tableau des rentes perpétuelles et via-
gères créées par les ci-devant Etats d'Artois.
2. Archives communales d'Arras, Série GG.
150 LK PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1840
100"'% 21.315 livres 8 sols 1 denier; — 20""% 47.215 livres
2 sols 6 deniers ; — bailliage de Saint-Omer, 100% 153. 478 livres
2 sols 1 denier; 20"»% 181.853 livres 12 sols 2 deniers; —
ville d'Aire, 100"'«, 24.742 livres 19 sols 4 deniers ; 20-"%
28.927 livres 3 deniers; — Lillers, 100"'% 58.440 livres 5 sols
2 deniers; 20"'% 56.635 livres 19 deniers; — Béthune, 100"'%
169.992 livres 14 sols 8 deniers; — Hesdin, 100"'% 66.414 livres
18 sols 8 deniers; 20"'% 108.686 livres 8 sols 1 denier; —
Saint-Pol, 100"'% 148.987 livres 11 sols 9 deniers; 20"'^
167.653 livres 12 sols 6 deniers ; — Boulogne, impositions
ordinaires, 160.387 livres 12 sols; 20"'% 167.062 livres; —
Calais, impositions ordinaires, 65.332 livres 13 sols 1 denier;
20"'% 129.397 livres 11 sols 9 deniers i.
Les recouvrements ne s'effectuaient pas avec une grande
régularité : le 16 septembre 1791, le ministre des contributions
publiques, Tarbé, écrivait aux membres du Directoire et au
procureur général syndic du département du Pas-de-Calais :
« Par le compte que je me suis fait rendre, Messieurs, de
l'état des recouvrements sur les impositions de 1790 et années
antérieures, j'ai reconnu qu'il n'y a dans tout le royaume
aucun département qui présente un arriéré aussi considérable
que le vôtre et celui du Nord. Il est impossible que cet état
de choses subsiste plus longtemps. Mon devoir et les lois me
prescrivent d'en instruire l'Assemblée nationale et je me pro-
pose de réunir chez moi MM. vos députés afin de leur en donner
connaissance, mais je désire auparavant que vous me mettiez
à portée de connaître exactement votre position. MM. les
commissaires à la Trésorerie Nationale m'ont déjà remis, en
exécution de la loi du 25 mai dernier, concernant l'organisa-
tion du ministère, l'état de situation de l'ancienne recette géné-
rale de Flandre et d'Artois, en me demandant de pourvoir le
plus tôt possible à la rentrée de tout l'arriéré *. »
1. Archives départ, du Pas-de-Calais, Séries L. P. IV.
2. Archives départ, du F^as-de-Calais. L. P. IV.
LES IMPÔTS ET LES BIENS NATIONAUX 151
II
Par la loi du l*"" décembre 1790, l'Assemblée Constituante
proclama le principe de Fég-alité des charges publiques et de
l'égalité de tous devant l'impôt. L'article 3 de cette même loi
établissait que le revenu imposable était le revenu net moyen
calculé sur un nombre d'années déterminé ; d'après l'article 4,
la contribution foncière serait toujours d'une somme fixe et
réglée annuellement par chaque législateur. Le travail prépa-
ratoire pour l'établissement de la contribution foncière consis-
tait dans la confection de l'état de section et de la matrice des
rôles qui devait être confiée aux municipalités ; les directoires
de districts feraient ensuite dresser les rôles qu'ils enverraient
aux receveurs de districts qui eux-mêmes les feraient passer
aux municipalités.
De même que la loi du l®"" décembre 1790 avait créé la
contribution foncière, la loi du 13 janvier-18 février 1791 créa
la contribution personnelle et mobilière. Le système financier
fut complété par la loi qui établit l'impôt des patentes et par
la loi du 3 frimaire an Vil, portant création de l'impôt des
portes et des fenêtres. L'impôt des patentes souleva des pro-
testations dans le Pas-de-Calais : les petits débiteurs d'eaux-
de-vie d'Arras adressèrent une requête au Directoire du dépar-
tement pour demander que la taxe fût plus proportionnée à
leur vente et au chitïre de leur loyer et qu'on ne les confon-
dît pas avec les négociants qui faisaient deux cent mille francs
d'affaires ^.
En 1791, lors de l'établissement du nouveau régime finan-
cier, la contribution foncière et la contribution personnelle et
mobilière s'élèvent aux chiffres suivants dans les divers dis-
tricts : district d'Arras, 677.611 livres 10 sols 1 denier;
district de Bapaume, 581.151 livres 19 sols 10 deniers; dis-
1. Archives départ. L. P- IV.
132 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
trict de Béthune, 720.080 livres 19 sols 10 deniers; district
de Boulogne, 587.249 livres 12 sols 9 deniers; district de
Calais, 310.904 livres 3 sols 6 deniers; district de Montreuil,
622.492 livres 17 sols 8 deniers; district de Saint-Omer,
786.629 livres 17 sols 9 deniers; district de Saint-Pol,
532.000 livres 14 sols 9 deniers i.
Les recouvrements étaient toujours tardifs ; le Directoire du
département le reconnaît lui-même : « On ne peut se dissimu-
ler, dit-il, combien il est affligeant de voir qu'au mois d'oc-
tobre, il ne soit rentré dans les caisses publiques qu'environ
les trois cinquièmes d'une contribution qui auroit dû être payée
en totalité au mois de juillet, d'après la loi du 26 mars der-
nier ; mais il faut observer que la ci-devant province d'Artois
s'est trouvée à cet ég-ard dans une position moins favorable
que les départements de l'intérieur ; l'usag-e des rôles y étoit
absolument inconnu, le mécanisme de l'opération relative aux
états de section et aux matrices des rôles étoit tout à fait
nouveau pour les municipalités ; les visiteurs des rôles qui
étoient si utiles pour les instruire se sont trouvés en trop
petit nombre dans un département qui, après celui de la
Seine-Inférieure, est celui de la République qui contient le
plus de municipalités : ces circonstances ont fait languir les
opérations préliminaires et par suite le recouvrement » ~.
De son côté, le ministre des contributions publiques, Cla-
vière, fulminait, dans une lettre en date du 20 octobre 1792,
contre les administrations du département du Pas-de-Calais
comme avait fulminé son prédécesseur Tarbé : « Ces observa-
tions, dit-il, dans le style emphatique de l'époque, s'adressent
également aux administrateurs et aux administrés. Citoyens
d'une République qui s'établit avec tant de gloire, lequel
d'entre vous restera indiiférent sur les moyens nécessaires à
son affermissement? Les guerriers qui lui préparent le respect
1. Archives départ., N III. Directoire dudcpartemenl, compte de la j,'estion
depuisle 18 novembre 1791 jusqu'au 20 octobre 1792.
2. //jid., N III. Directoire du département.
LES IMPÔTS ET LES BIENS NATIONAUX 133
des nations et par cela même une existence paisible et pros-
père assurent en même temps et nos moissons et nos travaux
industriels. Laissera-t-on oublier dans quelque canton qu'au-
jourd'hui plus que jamois la lenteur des contributions devient
un crime
1 9
Si nous prenons la situation financière du département au
10 floréal an V, nous voyons que de la contribution foncière
de 1791, il ne reste plus rien à recouvrer; de celle de 1792,
343 livres 9 sols 11 deniers; de celle de 1793, 1.754 livres
1 sol 2 deniers; toute la contribution foncière de 1794 est
rentrée dans le Trésor ; de même les contributions mobilières
de 1791 et de 1792 ; de la contribution mobilière de 1793, il
reste à recouvrer 2.732 livres 17 sols 1 denier ; des patentes
de 1791, 1.730 livres 13 sols 8 deniers ; des patentes de 1792,
1.462 livres 13 sols 9 deniers; de l'emprunt forcé de l'an II,
97.046 livres 17 sols 7 deniers. La contribution foncière de
l'an IV était fixée à 4.871.467 livres 1 sol 6 deniers; les
recouvrements montaient à 844.131 livres 3 sols 4 deniers; il
restait à percevoir 4.027.315 livres 18 sols. Sur la constitu-
tion mobilière de l'an IV, il restait dû 92.407 francs 17 sols
10 deniers 2.
III
Le régime des impôts n'est plus le même sous le Consulat et
l'Empire que sous la première République. Les grands prin-
cipes demeurent mais on modifie beaucoup l'organisation et
surtout le mode de perception et l'on revient en partie aux
impôts indirects.
La loi du 24 novembre 1799 abroge définitivement l'ancien
système de confection des rôles pai* les municipalités ; elle
crée l'administration des contributions directes : un directeur
1. Archives départ. Lettre du ministre Glavière aux administrateurs du
département du Pas-de-Calais, 20 octobre 1792.
2. IbiJ., X III Directoire, Comptes an IV-an V.
\t)i LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
par département, un inspecteur et des contrôleurs sont char-
gés de rédiger les matrices, de faire expédier les rôles et de
vérifier les réclamations. Des procédés d'autrefois, il ne res-
tait de trace que dans le travail préliminaire des répartiteurs,
cinq par commune. En cas de non payement, intervenaient
les porteurs de contrainte, les garnisaires et même les gen-
darmes. Les fonds étaient centralisés chez les receveurs d'ar-
rondissement et de département. Quant aux perceptions, elles
étaient mises aux enchères, ce qui entraînait de nombreux
abus; après trois tentatives infructueuses d'adjudication, le
Conseil municipal nommait d'office un percepteur. Une année,
il fut nécessaire de donner à Arras 99 pour 1000 au sieur
Fauchison pour se charger de recouvrer les cotes qui
s'élevaient à 162.083 francs. Pour apporter quelques amé-
liorations à cette situation défectueuse, le Préfet fit le
46 juin 1803 une circulaire sur la nomination des per-
cepteurs ; on devait exiger d'eux un cautionnement en
immeubles, plus tard en numéraire ; la remise qui leur serait
allouée serait de 4 0/0 ; dans les communes ayant plus de
15.000 habitants, on devait préférer la nomination directe à
l'adjudication. Enfin la loi du 2S février 1804 organisait les
perceptions comme elles sont encore organisées de nos jours et
décidait que les percepteurs seraient nommés par le gouverne-
ment. L'appplication de la nouvelle loi souleva quelques diffi-
cultés, car, le 24 octobre 1804, le Préfet lançait une circu-
laire qui prescrivait, afin d'empêcher que les percepteurs
n'exigeassent plus qu'il n'était dû, de délivrer gratis aux con-
tribuables des avertissements ; on devait mettre les quittances
au dos et les percepteurs devaient tenir un registre paraphé
par le maire pour inscrire les recouvrements. Parfois les
percepteurs ne furent pas des plus honnêtes, ceux de Beugny,
de Saint-Michel et d'Hesdin se sauvèrent en emportant la
caisse ; on dut révoquer le receveur municipal d'Auxi-le-
Château.
LES IMPOTS ET LKS nif:NS NATIONAUX 1.^5
Les contributions de l'an IX sont établies de la façon sui-
vante : 1
Arrondis- Contribution Contrib. person. Contribution Portes et
sements foncière et mobilière somptuaire Fenêtres Total
Boulogne. .
3/1.391 f.60
"6.598 f. »
2.334 f. ..
44.941 f. 20
495.264
f.80
St-Omer. . .
633. 59S
80
86.559 60
1.0 10
98
54.554
95
775.754
33
Béthune. .
765.851
40
87.163 20
327
60
45.492
30
898.837
50
Arras
923.982
»
126.234 .)
1.688
98
111.598
40
1.163.503
38
Saiiit-Pol..
523.266
.)
53.912 40
225
60
36.141
»
613.545
»
Monti-euil.
i65.9i2
»
53.728 80
619
20
28.810
20
549.100
20
Totaux... 3.684. 03i 80 484.196 ., 6.1361". 40 321.538 05 4.496.005 25
Lors du répartement de la contribution foncière pour l'an X,
le rapport présenté au Conseil g-énéral fait observer que cette
contribution n'a été diminuée que de vingt mille francs, tandis
que la partie assise sur les forêts nationales s'élève pour
l'an IX à la somme de 138.816 fr., 65, ce qui ajoute aux
charges déjà trop fortes du département un surcroît de
118.110 fr., 65. Le Conseil, considérant que les maux extra-
ordinaires qui n'ont cessé de peser sur le département du Pas-
de-Calais, ont anéanti presque totalement son commerce et
son agriculture et qu'il a été atteint tout particulièrement par
les terribles effets de l'orage du 18 brumaire an IX dont les
dégâts ont été évalués à plus de deux millions, demande ins-
tamment au gouvernement une décharge de 118. 110 fr., 65.
La contribution foncière est répartie de la façon suivante :
Boulogne, 296.571 fr. ; Saint-Omer, 521.523 fr. ; Béthune,
659.746 fr. ; Arras, 781.846 fr. ; Saint-Pol, 424.984 fr. ; Mon-
treuil, 365.330 fr. ~. La contribution mobilière s'élève pour
tout le département à 403.500 fr., dont 66.097 fr. pour l'ar-
rondissement de Boulogne, 76.318 fr. pour celui de Saint-
Omer, 69.033 fr. pour celui de Béthune, 101.476 fr. pour
celui d'Arras, 43.371 fr. pour celui de Saint-Pol et 44.205 fr.
pour celui de Montreuil. Le Conseil général se plaint de l'iné-
galité des taxes : « une commune rurale, dans laquelle il se
1. Archives dépai't., N 1, Conseil général, f° 35 et ss.
2. Arch. départ, du Pas-de-Calais, N 1. Conseil général, f" III et ss.
156 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
trouve trois ou quatre gros cultivateurs et point d'habitants
soumis au droit de patente paye beaucoup moins de contribu-
tion mobilière qu'une autre commune de même population
qui, sans avoir autant de gros cultivateurs, compte dans son
sein quelques cabaretiers, petits marchands et artisans... Dans
les villes, plus elles sont peuplées, plus la différence est grande
et le moindre marchand y paye davantage que le plus riche
propriétaire habitant la campagne. Les évaluations des loyers
d'habitation, si différents dans les villes, bourgs et villages,
ajoutent encore à ces disproportions ». Autres doléances au
sujet de l'impôt des portes et fenêtres : « Les répartiteurs ont
compté portes cochères ou charretières des barrières qui
servent d'entrée à presque toutes les maisons rurales, ils ont
porté sur leurs états de simples lucarnes qui ont payé comme
des fenêtres ^ ».
En l'an XI, il y a encore accroissement des contributions;
contribution foncière : Boulogne. 344.412 fr., 37; Saint-Omer,
603.659 fr., 04; Béthune, 766.174 fr., 11 ; Arras,907.971 fr.,06;
Saint-Pol, 493.540 fr., 80; Montreuil, 420.242 fr., 62; contri-
bution personnelle et mobilière et remplacement de la con-
tribution somptuaire 422.000 fr. -. A la séance du Conseil
général du 21 germinal an XII, de nombreuses demandes en
dégrèvement sont fournies par les arrondissements de Bou-
logne, de Montreuil et de Saint-Pol, en raison des pertes
essuyées par la présence sur leur territoire de l'armée d'An-
gleterre : « Le Conseil général, considérant que les motifs
allégués sont de notoriété publique, que les pertes souffertes
sont bien au delà des indemnités réclamées, considérant que
le gouvernement est trop équitable pour faire supporter par
trois arrondissements fidèles et malheureux le fardeau des
pertes éprouvées à l'occasion d'une guerre entreprise pour la
gloire et le bonheur de toute la France ; considérant que les
autres arrondissements ont aussi beaucoup souffert et que
1. Archives départ., N 1, f°' 117 et ss.
2. Ihid., N 2, l'-Tet 19.
LES IMPÔTS ET LES BIENS NATIONAUX 157
l'indenii ité due aux arrondissements de Boulogne, de Mon-
treuil et de Saint-Pol ne pourrait sans injustice être rejetée
sur eux, arrête d'inviter le gouvernement à accorder k ces
arrondissements une indemnité équivalente à la moitié de
leurs contributions directes * ».
Un tableau comparatif permettra de se rendre compte de
révolution des impôts dans le département du Pas-de-Calais
pendant l'Empire :
Contribution Contrib. person.
foncière AnXIV 1807 etmobil. anXIV 1807
Arras 1.002.729f.92 1 .075.898 f. 38 132.211f.87 li3.764f.06
Béthune .. 845.732 88 903.336 09 S7.360 08 91.537 62
Boulofînc 378.711 34 403.639 77 83.644 14 89.884 91
Monlreuil . 466.101 80 499.010 49 55.940 41 60.716 16
St-Omer... 668.691 99 714.900 65 96.578 58 104.304 53
Saint-Pol.. 546.782 07 586.155 65 54.884 84 59.609 08
ENSEMBLE DES CONTRIBUTIONS DIRECTES
Arrondissements année 1807 année 1808 année 1810
Arras 1.371.976f.66 1.304.740f. » 1.336.737f. »
Béthune 1.074.427 16 1.017.115 » 1.033.019 »
Boulogne 616.906 84 595.655 » 608.767 »
Montreuil 614.816 95 583.495 » 593.781 >>
St-Omer 924.060 17 875.492 » 903.i63 »
Saint-Pol 706.876 59 670.186 » 684.995 »
Totaux 5.309.084 47 5.047.183 » 5.160.462 »
Comme on le voit, le chiffre total des impôts reste presque
stationnaire et est même plutôt en décroissance de 1806 à
1810 ; mais il y a une augmentation sensible par rapport aux
débuts du Consulat; en 1800 ce même chiffre total était de
4.496.005 fr., 25, en l'an IX.
Nombreuses sont du reste les plaintes ou les demandes de
dégrèvement. A la session de l'an VIII du Conseil général,
l'agent municipal de Waast adresse une pétition tendant à
obtenir un dégrèvement de la contribution foncière, motivé
sur ce qu'il y a une erreur de cent mesures dans le dénom-
brement des terres produit par la municipalité ; le Conseil
1. Archives départ., N 2.
158 LE PAS-DE-CALAIS UE 1800 A 1810
général déclare ne pouvoir se prononcer, car il n'a point reçu
l'avis du Conseil d'arrondissement. Autre pétition de l'admi-
nistration municipale du canton de Saint-Martin demandant
le dégrèvement des prairies et des terres inondées â Beuvre-
quin et Wimille : le Conseil invite les réclamants à se confor-
mer aux arrêts consulaires. On rejette les demandes en dégrè-
vement de la commune de Sailly-en-Ostrevent, qui argiie du
mauvais état de ses récoltes, des communes d'Epinoy, de
Riencourt, de Rumaucourt, d'Ecaillés, de Marquion, de Riche-
bourg, de Locon, de La Couture, etc. '. A la session de
lan IX, le Conseil général fait droit, au contraire, à la récla-
mation de la ville dArras ; la municipalité déclare qu'il y a
eu erreur dans la fixation des contingents de la contribution
personnelle et mobilière qui a été portée à 38.339 francs,
tandis qu'elle ne devait être que de 37 . 033 francs 2. La même
année, le maire d'Arras se plaint dans une lettre au préfet de
la façon dont sont appliquées les patentes : « permettez-nous
de rappeler k votre souvenir, dit-il, des observations que nous
avons eu l'honneur de vous faire relativement à une circulaire
du directeur des contributions directes de ce département aux
contrôleurs des mêmes contributions ; cette circulaire impri-
mée et répandue avec assez de profusion est dans vos bureaux ;
vous y remarquerez des mesures nouvelles et on ne connaît
pas de lois ni même d'institutions du ministre des finances
qui puissent les justifier. Le résultat de ces mesures qu'on
pourrait qualifier de vexatoires, sera de faire payer à nos mar-
chands le double et même le quadruple du prix de leurs
patentes, ce qui forcera certainement une foule de concitoyens
k fermer leurs boutiques » '^
Les demandes de dégrèvement sont non moins nombreuses
en l'an X et en l'an XI, mais elles ne sont pas mieux accueil-
1. Archives départ, du Pas-de-Calais, série N, Conseil général, ans VlII-IX,
f"" 3 et ss.
2 Ihid,, n" 1, f"" 98 et ss.
3. Ibid. Registre de correspondance de l'administration municipale d'Ar-
ras.
LES IMPÔTS ET LES lUENS NATIONAUX 15
lies par le Conseil général. Nous relevons notamment la déci-
sion suivante : « Considérant que le Conseil d'arrondissement
de Boulog-ne, en articulant une surcharge éprouvée par lui
sur les contributions personnelle et mobilière, des portes et
fenêtres et des patentes en l'an XI et en comparant sa situa-
tion à celle des arrondissements de Béthune et d'Arras, qui,
à la même époque, ont obtenu une diminution considérable,
n'a pas justifié qu'il ait été imposé arbitrairement et au delà
des bases établies par les lois et qu'il n'articule pas même la
somme dont il se prétend surchargé, arrête qu'il n'y a pas
lieu à délibérer » K En l'an XIII, les arrondissements de Mon-
treuil, de Saint-Pol, de Saint-Omer et de Boulogne demandent
en même temps une diminution des impôts qui pèsent sur
leurs communes '-. A partir de cette année, le Conseil général
n'a plus à s'occuper du répartement des contributions, qui
sera dressé par le Préfet ; c'est un sérieux souci de moins pour
l'assemblée départementale.
Si, maintenant, nous étudions la situation financière d'un
arrondissement après avoir étudié celle de l'ensemble du
département, nous sommes frappés des difficultés auxquelles
se heurte le sous-préfet de Boulogne, (c La plupart des maires
des communes, écrit-il le 26 ventôse an IX au Préfet, m'ex-
cèdent de leurs réclamations sur l'insuffisance de leurs cen-
times additionnels ; toutes les parties prenantes m'accablent
de leurs plaintes. Je suis menacé de me trouver au premier
jour sans maires, sans instituteurs, sans gardes champêtres.
Les rpaires de Samer, de Desvres, de Marck, de Saint-Pierre,
insistent sur l'acceptation de leur démission » 3. De la part
de ceux qui sont chargés de recouvrer les contributions, le
sous-préfet a même des sujets de mécontentement. « Je
n'ignore pas, écrit-il le 7 nivôse an IX au sieur Cléry, de Bou-
1. Archives départ, du Pas-de Calais, n" 2, f"' 11 et ss., f^'lôet ss.
2. Ibid.
3. Ibid., '2' Registre des lettres du sous-préfet de Boulogne au Préfet.
160 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
logne, qu'il existe un impudent, un honteux agiotage dans
les bureaux du payeur général ; j'en ai depuis longtemps
porté mes plaintes au préfet; je lui en ai adressé des preuves
matérielles ; il faut que ces preuves ayent rencontré un inter-
médiaire intéressé à les soustraire, car je n'ai pas reçu de
réponse ; je vais revenir à la charge et je vous remercie de
m'en avoir fourni l'occasion. Le Préfet n'est pas plus disposé
que moi à tolérer ces vampires de bureau, qui trafiquent de
la subsistance des malheureux et de l'homme du gouverne-
ment*. La ville de Boulogne est particulièrement en retard
pour le paiement de ses contributions : « la rentrée de l'ar-
riéré pour les années VII, VIII et IX ne se fait point ; le
recouvrement des contributions directes de l'an X est presque
nul ; cette situation est vraiment effrayante ; elle appelle toute
notre sollicitude » 2. Le 28 nivôse an X, la commune de Bou-
logne doit, sur les contributions de l'an VIII, 3.465 fr., 85;
sur celles de l'an IX, 8.710 fr., 76; sur celles de l'an X,
23.369 fr., 75, plus un arriéré do l'an VII qui s'élève à
18.010 fr., 94. « Je suis résolu, lisons-nous dans une lettre
du sous-préfet au maire de Boulogne, à employer tous les
moyens que la loi a mis à ma disposition pour faire rentrer ce
scandaleux arriéré. 11 paraît que depuis longtemps les percep-
teurs de Boulogne se sont accoutumés à considérer moins les
devoirs que les profits de l'emploi dont ils sont chargés ; que
la rentrée et l'augmentation même concussionnaire de leur
remise est pour eux un objet de toute autre importance que
le recouvrement des deniers publics ; qu'ils s'inquiètent peu
de l'accumulation des termes échus et de l'arriéré des exer-
cices antérieurs ; qu'ils ne se donnent pas la peine de faire
leurs diligences pour presser leurs redevables et finissent par
se décharger de ce soin sur des porteurs de contraintes » ^.
1. Archives départ, du Pas-de-Calais, 2* registre aux copies de lettres du
sous-préfet de Boulogne.
2. Ihid. Registre n" 1 des arrêtés du sous-préfet de Boulogne, f» 119.
3. Ibid. Registre n" 1 des arrêtés du sous-préfet de Boulogne, f°" 124 et
125.
LES IMPÔTS i:t les then's nationaux 161
Le sous-préfet constate en eiïet en l'an XI, en recommandant
le maintien comme percepteur de Garnier du Vivier, que la
perception des contributions avait, depuis bien des années,
été la proie de fripons et d'agioteurs; le percepteur de l'an VII
a fait banqueroute et a disparu en emportant 18.000 francs au
Trésor ; sa comptabilité était si peu en ordre qu'il a été
impossible de la débrouiller et un grand nombre de contri-
buables ont dû payer deux fois; les percepteurs de l'an VIII,
de l'an IX et de l'an X n'ont guère mieux géré K
De l'arrondissement passons maintenant à une ville. En
l'an V, le déficit de la ville de Saint-Pol est de 1.000 francs,
en l'an VI, de 800 fr. ; en l'an VII, de l.UOOfr. ; en l'an VIll,
de 1.100 fr. ; en l'an IX, de 960 fr. ; en l'an X de 1.200 fr.
Les évaluations budgétaires de l'an X portent en recettes
2.996 fr.,64 et en dépenses 3.962 fr., 72. Pour couvrir ces
déficits, le conseil municipal propose : 1° d'établir un octroi
sur la bière à raison de 15 centimes par hectolitre, ce qui
donnera 1 .500 fr. ; 2° de faire payer deux décimes par myria-
gramme de viande, soit un revenu de 1.250 fr. Les dettes de
la ville proviennent de la suppression des octrois qui donnaient,
outre les ressources ordinaires, 9.000 fr. par an au lieu de 3.000.
En l'an XII, le centime additionnel aux contributions foncière
et personnelle produit 506 fr. 05 ; le budget de cette année
présente un déficit de 2.321 fr., 50, les recettes étant de
3.255 fr.,50 et les dépenses, de 5.577 fr. Le Conseil s'appuie
sur cette situation pour réclamer l'établissement d'un octroi
qui lui est sans doute accordé, car, en 1810, les recettes sont
de 16.402 fr.,79 et les dépenses de 14.102 fr.,56. A cette
date, la ville peut donner aux hospices un secours annuel
de 3.000 fr. et au Bureau de bienfaisance, 600 fr. ; elle a une
école secondaire qui lui coûte 2.200 fr. et elle inscrit au
chapitre des fêtes publiques 500 fr., alors qu'en l'an XI, il ne
lui restait en caisse que 11 fr. pour ce chapitre^.
1. Archives départ, du Pas-de-Calais. Registre n" 3 de correspondance du
sous-préfet de Boulogne, lettre du 12 frimaire an XI.
2. Archives communales de Saint-Pol, Série D. 1.
Ghavanon ET Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de 1S00 à 1810. It
162 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
La population de l'arrondissement de Saint-Pol se plaint
très vivement du contrôleur Panier et le sous-préfet est l'écho
de ces plaintes auprès du Préfet : « Je n'ai cessé, écrit-il le
17 ventôse an XI, de vous transmettre les plaintes de cet
arrondissement, du public et les miennes à la charge du con-
trôleur des contributions Panier, l'expression du mécontente-
ment général provoqué par le caractère et la conduite de cet
individu ; j'ai cru devoir représenter que l'insolence, la bruta-
lité et les vexations de Panier avaient depuis longtemps
excité une réclamation aussi vive qu'unanime ». Et le 7 ger-
minal an XI : « Il existe en ce moment entre mes mains une
foule de déclarations uniformes, précises et déterminées des
maires, adjoints et répartiteurs, attestant que le citoyen
Panier était dans l'usage de faire signer à l'avance, en blanc,
les rôles des diverses contributions et de se charger, à lui
seul, de la répartition qu'il faisait arbitrairement ^ ».
Dans l'arrondissement de Montreuil, nous pourrions citer
de très nombreuses réclamations contre les impositions trop
lourdes, des demandes de dégrèvement, des plaintes des per-
cepteurs, exposant que « la rentrée des contributions dont
le recouvrement leur est confié souffre des retards préjudi-
ciables au Trésor public » ; du l^*" au 5 brumaire an IX, sur
26 arrêtés pris par le sous-préfet de Montreuil, 21 sont rela-
tifs aux contributions.
Le maire de Bapaume écrit aux administrateurs du dépar-
tement en 1802 : « Il n'existe pas dans toute l'étendue de la
République une seule commune abandonnée à elle-même
comme celle de Bapaume, ayant si peu de ressources, autant
de dettes et étant surchargée de contributions si énormes que
la plupart des maisons tombent en ruines, les habitants sont
obligés de se réfugier dans les caves. Il se commet souvent
des vols et je n'ai pas le moyen de payer un agent de police,
ni de pourvoir au chauffage d'un poste. A l'exception de
1. Archives départ, du Pas-de-Calais, correspondance du sous-préfet de
Saint-Poi, registre 3.
LES IMPOTS Kl' Li;S lîlENS NATIONAUX 1 03
quelques-uns, les habitants sont obligés de vendre leurs
meubles pour effectuer le versement de leurs impôts' ».
IV
Si en matière d'impôts, le gouvernement consulaire s'était
contenté de maintenir l'œuvre de l'Assemblée Constituante
et d'en assurer seulement le bon et régulier fonctionnement,
quelle serait son attitude à l'égard des biens nationaux? Ces
biens nationaux étaient de deux sortes : les biens de première
origine, c'est-à-dire ceux des ordres religieux et du clergé,
et les biens de seconde origine, c'est-à-dire les biens confis-
qués sur les condamnés à mort, les émigrés ou les déportés.
Mettre en discussion la question des biens nationaux^ c'était
aux yeux de leurs acquéreurs mettre en discussion la Révolu-
tion elle-même, dont ils ne voyaient que ce profit matériel
pour eux. Au lendemain du coup d'Etat du 18 brumaire,
Napoléon, qui tenait à faire considérer le Consulat comme
un gouvernement essentiellement républicain et comme la
suite du Directoire avec l'ordre et la stabilité en plus, devait
plutôt s'efforcer de rassurer les acquéreurs de biens nationaux.
On trouve dans les Archives départementales du Pas-de-Calais
27.020 actes de vente de biens nationaux provenant des
émigrés et des établissements religieux, savoir 4.186 pour le
district d'Arras, 6.300 pour le district de Bapaume, 1.540
pour le district de Béthune, 1.400 pour le district de Boulogne,
600 pour le district de Calais, 800 pour le district de Mon-
treuil, 2.000 pour le district de Saint-Omer, 1.700 pour
le district de Saint-Pol, 4.445 ventes sur soumissions,
1.266 ventes de l'administration centrale, etc. Si l'on adniet-
tait en moyenne un hectare de terrain pour chaque acte, on
aurait vendu au moins 27.000 hectares de terre à labour, bois,
1. Archives coiiiniunales de Bapaume ; lettre citée par Tabbc Bède dans
son Histoire de la ville de Bapaume.
164 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
prairies, etc. On a vendu en outre plus de huit cents ég-lises
et chapelles et un nombre à peu près égal de presbytères et
maisons vicariales; il faut y ajouter cinq cents maisons d'émi-
g-rés, châteaux, usines et autres bâtiments.
Dans le district de Boulogne, un état fait par le Directoire
du district le 11 novembre 1791 indique qu'il a été vendu
antérieurement au l®"" novembre 1791 pour une valeur de
2.622.903 livres de biens immobiliers : qu'il en reste à vendre
pour une valeur de 150.000 livres, sans compter les biens
immobiliers valant au total 540.000 livres dont la vente a été
ajournée. Dans le district d'Arras, de 1791 àl'an ÏV, il y eut
3.307 ventes de biens ecclésiastiques; la valeur des ventes
totales effectuées dans le même district au l""" janvier 1793
était de 14.818.486 livres 2 sols 10 deniers.
Si nous suivons l'évolution de la vente des biens nationaux
dans la ville d'Arras, nous constatons que du 9 février 1791
au 2 vendémiaire an IV, il y eut 208 ventes de biens ecclé-
siastiques ; la première en date est la vente d'une maison pro-
venant des biens de l'abbaye d'Eaucourt, qui fut acquise par
le sieur Mercier, au prix de 31.200 fr. Dans la suite, les adju-
dicataires des jdIus grosses parts furent Gorillot, Scribe et
Moncheaux, Hourtrel, Roty, Libersalle, Izambert, Corroyer,
Vanlesberghe. Le terrain du séminaire fut vendu 718.000 fr. ;
les terres de l'évêché (en 12 lots), 122.486 fr. ; le refuge de
l'abbaye de Saint-Eloy, 42.300 fr. ; l'église paioissiale de
Saint-Gery, 28.000 fr. ; le presbytère de Saint-Gery, 5.625 fr.
Au cours des premières ventes, les sommes produites par
l'abbaye Saint-Vaast s'élevèrent à 80.625 fr. Le total pour la
ville d'Arras est de 3.508.623 fr.
Du 4 pluviôse an II ou 3 vendémiaire an IV, il y eut dans
cette ville trente ventes de biens d'émigrés, montant à un total
de 1.486.900 fr. ; les biens de Cuinchy produisent 70.100 fr, ;
ceux de Dupuis, 100.000 fr. ; ceux du comte d'Egmont-Pigna-
telli, 700.000 fr. ; ces derniers furent achetés par le sieur
Turlure. Les ventes sur soumissions, du 6 juin 1796 au
LKS IMPÔTS KT LES lîlENS NATIOiNALX 1 63
22 janvier 1816, comprirent 102 lots, dont 24 de biens ecclé-
siastiques et 78 de biens d'émigrés ; c'est alors que fut vendue
une bonne partie des biens du chapitre. En ce qui concerne
les ventes faites par devant les administrateurs, de 1798 à
1799, nous relevons neuf articles pour la ville d'Arras, dont
deux de biens ecclésiastiques. La vente des biens nationaux,
en exécution des lois du 26 vendémiaire et du 27 brumaire
an VII, a fourni, du 18 décembre 1798 au 8 août 1803, cinq
articles, tous de biens d'émigrés; les ventes en vertu des
mêmes lois, section des châteaux, églises, etc., comportent,
du 10 janvier 1799 au 3 mars 1802, sept ventes, dont quatre
de biens ecclésiastiques. Enfin, la vente des biens nationaux
par suite des lois des 13, 16 floréal an X et o ventôse an XII
et du décret du 28 février 1809 permet d'ajouter à cette liste
sept ventes de biens de seconde origine effectuées du 10 bru-
maire an XII au 25 mars 1813 •.
De la ville d'Arras, passons à une plus petite localité,
Brebières. Du 9 août 1791 au 12 février 1793, il y eut vingt
ventes de biens ecclésiastiques, terres à labour appartenant
à diverses abbayes; le produit en fut une somme de 244.431 fr.
Ces biens se répartissent de la façon suivante : 21 pièces de
terre au chapitre Saint-Amé de Douai, vendues 27,000 fr. ;
neuf lots appartenant à la cure, 12.600 fr. ; quarante rasières
aux chartreux de Douai, 34.200 fr, ; seize rasières à l'abbaye
du Verger, 13,000 fr. ; dix lots provenant du couvent Saint-
Julien de Douai, 7.323 fr.; onze coupes à l'abbaye de Beau-
lieu de Douai, 1,600 fr. ; deux lots à l'abbaye des Prés de
Douai, 12.200 fr. ; six coupes à l'abbaye d'Annay, 1.200 fr. ;
seize coupes aux Dominicains de Douai, 2.300 fr. ; vingt coupes
à l'abbaye de Beaupré, 2.771 fr, ; cinq lots provenant de
Saint-Amé de Douai, 12.000 fr. ; quatre rasières et deux
coupes à la Congrégation de Douai, 2,830 fr. ; deux rasières
et une coupe au chapitre de Saint-Amé de Douai, 1 .336 fr, ; six
1. Archives dcpart. du Pas-de-Calais, série Q. Ventes des biens nationaux.
lOfi LK PAS-DE-CALAIS DK 1800 A 1810
rasièresetune coupe aux chartreux de Douai, 2.868 fr. ; dix-huit
rasières aux mêmes, 12.000 fr.; vingt-trois lots provenant des
domaines du chapitre Saint-Pierre de Douai, 38.340 fr. ; deux
coupes à la cure de Brebières, 1 . 1 25 fr. ; deux autres coupes à la
même cure de Brebières, 330 fr. ; une mesure au couyent de
Saint-Julien, 506 fr. ; seize lots des domaines de l'évêché
d'Arras, 57.700 fr.
Le 3 fructidor an III et le 5 vendémiaire an IV, il y eut
deux ventes de biens d'émigrés et de condamnés : huit lots
appartenant à Ridet, condamné, 19.200 fr. ; un manoir et
deux coupes de Témig-ré Payen de la Buquière, 202.000 fr.
Les ventes sur soumissions (du 6juin 1796 au 22 janvier 1816)
comprennent trente-trois ventes, savoir deux ventes de biens
ecclésiastiques, une vente de biens d'émigré et trente ventes
de biens de condamnés; par contre il n'y a aucune vente faite
par devant les administrateurs pendant la même période.
L'église est vendue, en vertu des lois de Tan VII, 30.000 fr.
à Saint-Lemaire, commanditaire d'Eugène Pilât ; quatre autres
biens furent mis en vente conformément aux mêmes lois.
Enfin, du 10 brumaire an XII au 25 mars 1813, deux petits
domaines ont été cédés à la caisse d'amortissement 2.
Des documents précis permettent de suivre l'histoire d'un
domaine du Pas-de-Calais de 1791 à 1815 : c'est celui du mar-
quis d'IIumerœuil, dont les biens ont été confisqués pour fait
d'émigration. Les biens fonds vendus en exécution des lois anté-
rieures à celles du 12 prairial an III qui ne prescrivaient qu'une
simple estimation préalable sont : 29 thermidor an II, une
ferme, bâtiment et les dépendances, d'une contenance de
46 mesures de manoir, en y comprenant le château et
136 mesures de terre, à Humerœuil, vendus 65.000 livres en
assignats ; 12 pluviôse an II, une maison à Hesdin, vendue
17.150 livres ; 8 frimaire an II, 31 mesurés 62 verges 1/2 de
terre labourable et bois taillis, à Labeuvrière, vendus
1. Archives départ, du Pas-de-Calais, série Q. Vente des biens nationaux.
LES 13IPÔTS ET LES BIENS NATIONAUX 167
40.390 livres en vingt lots séparés ; 2 ventôse an III, une
maison, grange et bâtiment avec \3 mesures 75 verges de
manoir et terre, à Lugy, vendus 26.325 livres en neuf lots
séparés; 7 nivôse an III, un quart de la ferme de Château-
Jol}^, à Vitte, Aire et Blaringhen, vendu 18.750 livres;
4 nivôse an III, 2 mesures 3 quartiers de manoir, à Hume-
rœuil, vendus 9.200 livres; 20 verges de manoir, 3.300 livres;
une demi-mesure de manoir. 4.050 livres; sept quartiers de
manoir, 9.150 livres ; 30 verges de manoir, 3.850 livres ;
3 mesures de manoir, 8.000 livres; 2 mesures 1/2 de manoir,
7.850 livres; 33 mesures de manoir vendues en 21 lots
séparés 30.725 livres ; 7 mesures 50 verges de terre vendues
en cinq lots séparés 4.900 livres ; 14 nivôse an III, 37 mesures
66 verges de terres à labour vendues en 25 lots séparés
23.065 livres; 24 frimaire an III, 6 quartiers de manoir
2.100 livres.
Les biens fonds aliénés en vertu de la loi du 12 prairial an III,
et des lois ou décrets postérieurs qui ordonnaient la recherche et
l'indication préalable du revenu de 1790 se répartissent de la
façon suivante : H vendémiaire an IV, 13 mesures de manoir
à Hezecques ; 12 thermidor an IX, une ferme, un quartier de
manoir, 5 mesures de bois et 66 mesures 1 quartier de terres,
à Auchel et à Cauchy ; 17 thermidor an IV, une autre ferme à
Hercqueliers ; 12 fructidor an IV, un bois à Auchel ; 27 bru-
maire an V, deux maisons et leurs dépendances à Hernicourt ;
1 1 frimaire" an V, 2 mesures 1 quartier de terre à labour, à
Noyelles ; 30 frimaire an V, un bois à Lapugnoy ; 15 nivôse
an VI, 55 verges de terre à Humerœuil ; 16 frimaire an VI,
une parcelle de terre à labour à Couchy ; 27 ventôse an VI,
six quartiers de terre, à Humerœuil ; à la même date, le bois
d'IIumerœuil ; 13 germinal an VII, une parcelle de terre à
labour à Valchion. Aucune vente postérieurement à l'an VII.
La vente des domaines des marquis d' Humerœuil s'est effec-
tuée par conséquent de l'an II à Fan VIL La portion la plus
importante, le château d'Humerœuil, fut vendue en un seul lot;
168 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
au contraire, les terrains de culture ont subi un véritable
morcellement. La famille Belvalet d'Humerœuil racheta pen-
dant le Consulat et l'Empire un certain nombre de lots : le
12 vendémiaire an XII, à la veuve Monflin et aux héritiers
de Dominique-Joseph Monflin, les trois quarts de la ferme
nommée le Château-Joly au prix de S.OOOfr. ; le 14 vendé-
miaire an Xll, à Maximilien Dussart, une mesure et demie
déterre à Humerœuil, au prix de 100 fr,, alors que ce lot
avait été vendu 1.000 fr. en assignats; le même jour, à Fer-
dinand Paillard, cinq quartiers de terre à Humerœuil au prix
de 100 fr., alors que ce lot avait été vendu 750 livres en
assignats ; le 28 pluviôse an X, à Jean-Baptiste Demond,
3 mesures, 33 verges de terre, également à Humerœuil, au
prix de 200 fr., alors que ce lot avait été vendu 2.000 livres
en assignats. Pendant la Restauration, les Belvalet à Hume-
rœuil réalisèrent quelques autres rachats, le 30 janvier 1825, à
la veuve Croquison, quatre mesures de terre à Humerœuil,
aux prix de 13G fr., 50, 152 fr., 25 et 147 fr. Ils s'efforcèrent
également de faire annuler le contrat de vente du château
d'Humerœil à Hutin et à Carpentier, acquéreurs pendant la
Révolution, en se basant sur ce fait que le procès-verbal d'ad-
judication porte, par une erreur de copiste, onze mesures au
lieu des seize qui représentaient la superficie du terrain sur
lequel le château était construit K
De même que dans le département des Bouches-du-Rhône,
peu de ventes nouvelles, 500 environ, ont été faites dans le
département du Pas-de-Calais de 1800 à 1810, mais les droits
de pro[)iiété des ac(^uéreurs de biens nationaux ont été conso-
lidés ; d'anciens biens nationaux ontété transmis sous le patro-
nage et avec le concours de l'administration préfectorale.
Si nous résumons ce que nous avons appris de l'histoire
financière du département du Pas-de-Calais, nous constatons
1. Arcliivos drpart. du Pas-de-Calais. Dossier des domaines de M. de Belvalet.
LES IMPÔTS ET LES HIENS NATIONAUX 169
que le gouvernement consulaire s'est surtout attaché ù régu-
lariser la rentrée des impôts ; en matière financière, il a fait
œuvre administrative, il n'a pas fait œuvre législative. Même
lors des premiers répartements, en l'an VIII et en l'an IX, on
s'est basé sur les travaux de répartition de l'impôt en 1791
et en 1792, Or, fait observer le conseiller général chargé en
l'an IX du rapport sur les contributions foncières, « le conseil
a été à même de se convaincre dès l'année dernière de l'im-
possibilité d'une juste répartition entre tous les arrondisse-
ments communaux, lorsqu'il n'est que trop évident que la
seule base sur laquelle elle peut se fixer (le revenu territorial
connu) présente des vices qui rendent toujours cette opération
imparfaite; qu'il est de notoriété que l'impartialité et la jus-
tice n'ont pas présidé toujours aux releyés et évaluations des
terres, faits en l'an 1791, et que la refonte des matrices est
généralement réclamée pour faire disparaître tant les inégalités
choquantes qui existent très souvent entre deux communes
riveraines dont le sol est le même, que les soustractions de
territoire que l'on a même osé se permettre ^ ».
L'administration préfectorale, l'administration des contri-
butions directes, le Conseil général s'efforcèrent d'arriver à
une répartition plus équitable ; il est difficile de préciser dans
quelle mesure ils y sont parvenus, mais il est certain qu'en
1810, il V a progrès dans la gestion financière. Cette admi-
nistration des contributions directes, dont les débuts avaient
été si pénibles et si orageux, comme le prouvent les nom-
breuses plaintes portées contre ses représentants et ses agents,
s'est épurée, s'est en quelque sorte assise et a pris réellement
possession des fonctions qui lui sont attribuées dans l'organi-
sation nouvelle. Gela ne signifie pas que le contribuable paie
moins, mais, étant donné que les charges de l'Empire ne
cessent de s'accroître, on est étonné de voir que dans le dépar-
tement du Pas-de-Calais, le chiffre des contributions n'a pas
1. Archives départ, du Pas-de-Calais, séi-ie N, 1. Conseil général, ans VIII
et IX.
170 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
grandi en 1810 dans les mêmes proportions. Le contribuable
de 1810 pourrait du reste se consoler et revenir de son irrita-
tion contre le régime impérial s'il lui était donné de savoir
que depuis 1811 il y a toujours eu croissance : en 1811, le
montant des contributions foncière et personnelle-mobilière
est de 3.372.000 fr. ; en 1816, de 3.372.188 fr. ; en 1823, de
3.397.619 fr. ; en 1833, de 3.583.112 fr. ; en 18io, de
3.620.124 fr. ; en 1855, de 3.668.775 fr. ; en 1869, de
3.841.452 fr. ; en 1872, de 3.900.548 fr. ; en 1880, de
4.072.760 fr. ; en 1890, de 4.377.356 fr. ; en 1899, de
4.556.144 fr. La comparaison de quelques budgets commu-
naux nous donne : commune d'Achicourt, 1815, centimes
additionnels aux contributions foncière et mobilière, 233fr.,91 ;
1899, 438 fr., 70 ; conjmune d'Affringues, centimes addition-
nels, 55fr.,20; 1899, 52 fr., 60; commune d'Aix-Noulette,
1815, centimes additionnels, 254 fr., 12; 1899, 361 fr., 22;
pour les mêmes sommes, le total des recettes du budget
communal est le suivant : Achicourt, 1815, 1.490 fr., 52
(dépenses, 1.092 fr., 75) ; 1899, 18.097 fr., 23 (dépenses,
13.073 fr., 90); Affringues, 1815, 219 fr., 13 (dépenses,
246fr.,36); 1899, 2.792 fr., 39 (dépenses, 2.446 fr., 81);
Aix-Noulette, 1815, 1.374 fr., 39 (dépenses 1.029 fr. 75);
1899, 16.812 fr., 98 (dépenses, 11.242 fr., 46) K
Malgré toutes les réformes, malgré toutes les mesures « révo-
lutionnaires », la Révolution n'a pu doter la France d'un
budget en équilibre ; Napoléon a recueilli de la République
ce désagréable héritage et il l'a transmis à la Restauration
avec les additions de dix années de guerre. Notre histoire finan-
cière depuis deux siècles est celle de l'avalanche qui descend
le long des flancs de la montagne ; le contribuable est en droit
de se demander quelles dimensions atteindra cette boule de
neige inquiétante.
1. Le Pas-de-Calais au XIX' siècle. 1. Administration générale, pp. CLXV
et ss.
CHAPITRE YI
L'INSTRUCTION PUBLIQUE
I. L'enseignement primaire et l'enseif^nement secondaire avant la Révolution.
— Les collèges d'Arras, de Saint-Umer, de Boulogne, de Calais, de Mon-
li-euil, etc. — L'enseignement primaire organisé dans les villes, très rudi-
mentaire dans les campagnes.
II. Pendant la Révolution, fermeture des collèges et d'un grand nombre
d'écoles. — Les lois qui ont pour but l'organisation de l'instruction restent
sans application. — L'école centrale de Boulogne.
III. L'enseignement secondaire de 1800 à ISIO. — Vains efforts de la ville
d'Arras pour avoir un lycée. — Ecoles secondaires communales et écoles
secondaires particulières.
IV. L'enseignement primaire de 1800 à 1810. — A'œuxdes conseils d'arrondis-
sement. — Le conseil général et l'enseignement primaire.
y. Ecole de médecine et de chirurgie d'Arras.
VI. Conclusion.
1
Avant d'examiner ce qui a été fait dans le département du
Pas-de-Calais, de 1800 à 1810, en faveur de l'instruction
publique, il est nécessaire d'étudier rapidement quel était en 1 789
l'état de l'enseignement secondaire et de l'enseignement pri-
maire dans les territoires qui ont formé ce département ; il est
nécessaire également de voir ce qu'étaient devenues pendant la
Révolution les diverses institutions qui prospéraient en 1789.
On comptait dans le Pas-de-Calais, avant la Révolution,
quinze collèges de garçons. Le collège d'Arras était dirigé par
les Oratoriens depuis 1777; le père Frigard en était supérieur
et le Père Spitalier du Seillans, préfet des études ; neuf pro-
fesseurs enseignaient depuis la septième jusqu'à la philosophie
inclusivement et le pensionnat occupait trois autres maîtres.
Parmi ces professeurs, il j avait un professeur de physique,
un professeur de logique et un professeur de rhétorique. Sous
le patronage de l'évêque, les oratoriens avaient établi une
académie pour les élèves de philosophie, de rhétorique et de
172 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
seconde; Joseph Le Bon, le futur conventionnel, fit partie de
l'Académie de rhétorique et composa en 1781 une pièce de
poésie en l'honneur de la naissance du Dauphin. Le nombre
des élèves était assez considérable, mais la situation financière
du collège se trouvait très obérée et les Oratoriens durent en
1781 contracter un emprunt de 40.000 livres.
A Saint-Omer, il n'y avait pas moins de trois collèges :
d'abord le collège Saint-Bertin, sous la direction de l'abbaye
de Saint-Bertin, fondé le 1*"" mars 1561 par Gérard d'Hamé-
ricourt, 69""' abbé de Saint-Bertin; c'était en réalité plutôt
un pensionnat, les élèves suivant le cours du collège français.
Un religieux du couvent de Saint-Bertin remplissait les fonc-
tions de préfet et de supérieur (Dom Dufour en 1789) et un
autre moine était régent et économe (Dom de Witte en 1789).
11 y avait eu jusqu'à quarante boursiers « à qui on fournissait
gratuitement le logement, la nourriture, le chauffage; ils
devaient pourtant donner 20 écus pour l'habillement et
5 pour les domestiques; ils pouvaient rester tout le temps
nécessaire pour faire leurs humanités, mais ils devaient rem-
porter un prix chaque année, faute de quoi ils étaient éliminés
et remplacés » '.
Le collège français, dû également à l'initiative de Gérard
d'Haméricourt, avait été inauguré le 15 janvier 1569 et confié
aux Jésuites ; il portait alors le nom de « Collège des Jésuites
Wallons ». Les Pères de la Doctrine chrétienne furent chargés
de l'établissement en 1777. On y comptait vers 1789 80 pen-
sionnaires, 300 élèves externes ; le personnel se composait
d'un recteur et principal, d'un procureur et sous-principal,
d'un préfet des études, d'un préfet du pensionnat, d'un sup-
pléant, d'un professeur de rhétorique, d'un professeur d'his-
toire, d'un professeur d'histoire naturelle et de six autres pro-
fesseurs : (( Les professeurs, persuadés de la nécessité de faire
marcher les sciences exactes avec celles qui ornent l'esprit
1. G. DE Hauteclocoije, L'ensei(fnement dans le Pas-de-Calais jusqu'en
1804, pp. 151-153, 375-379.
l'instruction publique 173
et règ-lenL le goût, avaient établi une chaire de mathématiques.
Dans chaque classe, pour rendre plus utiles et plus intéres-
sants les ouvrages des anciens remis aux élèves, on joignait
à ces ouvrages l'histoire des peuples chez lesquels ils avaient
pris naissance. De grandes cartes peintes sur le plancher
retraçaient continuellement aux élèves la marche des héros
dont l'histoire faisait le sujet de leurs études et, pour les habituer
à marquer la situation des lieux et leurs distances mutuelles,
ils étaient chargés de les rétablir ou de les refaire tous les ans ;
aussi la géographie, qu'on appelle à si juste titre le flambeau
de l'histoire, y était enseignée avec beaucoup d'étendue* ».
A l'époque de la Révolution, le P. de Torcy était recteur, le
P. Guillemont, préfet, le P. Blanchard, suppléant, les
PP. Flament, Milon, Froussart, Cuitot, Carré, de Sainte-
Luce, Sabbatieret Bouffier, professeurs.
Un établissement d'un caractère tout à fait spécial était le
célèbre collège anglais où le grand patriote de l'Irlande,
Daniel O'Gonnell, fit ses études. Le collège anglais avait été
fondé en 1593 par les Jésuites pour servir d'asile et d'établis-
sement d'enseignement aux jeunes catholiques anglais proscrits
des universités d'Oxford et de Cambridge ; lors de l'expulsion
des Jésuites, ceux-ci furent remplacés par des prêtres séculiers
anglais et Albon Butler administra brillamment le collège de
1760 à 1773. En 1790, il y avait au collège anglais 166 pen-
sionnaires ; M. Grégoire Stapleton en était alors recteur, Patrice
Keating, vice-président et Cornwhuit, procureur 2.
Les Oratoriens s'étaient établis à Boulogne dès 1632 et y
avaient pris, à la demande de l'administration municipale, la
direction du collège. Le personnel du collège de Boulogne
comprenait, en 1788, un supérieur, le Père Cazin, un préfet
des études et sept professeurs enseignant depuis la philosophie
jusqu'à la sixième inclusivement ; il y avait en moyenne
vingt élèves par classe. Daunou y fut élevé et y enseigna.
1. G. DE Hauteclocque, op. cit., pp. 152-159,379-386
2. G. DE Hauteclocque, op. cit., pp. 159-165.
174 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
A côté du collège des oratoriens, existait le Petit Séminaire,
bâti et doté en 1786 par Mgr de Pressy, évêque de Boulogne.
Cet établissement était fréquenté en 1789 par cent élèves ;
des prêtres séculiers le dirigeaient ; les élèves n'étaient reçus
qu'à l'âge de douze ans et suivaient les cours des Oratoriens.
Notons que le supérieur, l'abbé Auge, devint en 1803 le direc-
teur du collège Stanislas, à Paris. Le sous-préfet de Boulogne,
Duplaquet, dans une enquête faite en 180G, dit de ces deux
établissements : <( Le petit séminaire était destiné à l'ensei-
gnement de la langue latine et des éléments des connaissances
nécessaires aux théologiens ; il offrait dans son pensionnat
un avantage qu'on ne trouvait pas dans les collèges ; aussi
beaucoup de parents préféraient y placer leurs enfants plutôt
que de les mettre en pension chez des particuliers qui ne
pouvaient suivre les études des collèges .. Les études suivies
dans le collège de Boulogne étaient celles de la langue latine,
des belles-lettres et des mathématiques. La plupart des Ora-
toriens, qui avaient la faculté de quitter leur ordre et de s'éta-
blir, soit en se mariant, soit en prenant une cure, ne considé-
raient leurs fonctions de professeur que comme un emploi
précaire, un pis-aller qui ne devait durer qu'un temps : de là
vient le mouvement continuel qui avait lieu dans les maîtres
chargés de l'enseignement dans les collèges et le peu de soins
qu'ils se donnaient en général pour augmenter les connais-
sances qui leur eussent été nécessaires dans des fonctions
inamovibles ^ ».
Le collège de Calais n'avait été réellement organisé qu'en
1726, époque où les classes avaient été confiées aux Pères de
Saint-François de Paule, dits Minimes. Il y eut jusqu'à cinq
professeurs et douze à quinze élèves par classe ; mais la ville
de Calais très endettée ne tenait plus les promesses qu'elle
avait faites aux Minimes lors de leur établissement et le col-
lège fut fermé en 1790, faute d'élèves et d'argent ; il n'y avait
1. Archives départ, du Pas-de-Calais. Statisliqu'. comparative en 1789 et
en l'au IX. Rapport du sous-prcfet de Boulogne, le 21 septembre IHOô.
l'instruction plblkjle 175
plus alors que deux religieux, le P. Debloët, ancien régisseur
et le P. Michel Claude, bibliothécaire'.
Aire possédait un collège échevinal fondé au xvi" siècle,
puis confié aux Jésuites ; lorsque ceux-ci furent chassés en
1762, leur maison très prospère comptait 200 élèves ; après
avoir été fermé de 1762 à 1778, le collège d'Aire rouvrit sous
la direction des Pères de la Doctrine chrétienne. A l'époque
delà Révolution, le nombre d élèves était de 150 et le person-
nel se composait du P. Moreau, recteur, du P. Grenet, préfet,
des PP. Monnaire, Dubos, Mamonet, Lepieux et Vincent'"'.
A Béthune, également, existait un collège fondé par les
Jésuites et confié en 1777 aux Oratoriens ; ce collège n'avait
pas de pensionnaires, mais il recevait jusqu'à 300 externes.
Le personnel comprenait en 1792: les PP. Baland, supérieur,
de La Sillonnière, préfet, Blaimond, professeur de rhétorique,
Dupont, Petit, Féret, Hieulle, Audry et Armand.
Les Carmes établis à Montreuil furent chargés de diriger un
collège dans cette ville, en 1721 ; au commencement de Tannée
1791, le P. de Baillencourt dit Courcol était supérieur, le P.
Leclercq, procureur, les PP. Toursel, Prévôt, Lemaire et Soyez,
professeurs '^. Le sous-préfet de Montreuil dit de cet établisse-
ment : « Le collège de Montreuil était desservi par les Pères
Carmes ; ces religieux, en général peu instruits, surtout dans
les provinces, ne pouvaient que faire perdre à la jeunesse un
temps précieux ; aussi les personnes qui avaient de l'aisance
préféraient d'envoyer leurs enfants au collège des Orato-
riens à Boulogne ^ ».
En outre du collège de Montreuil, les Carmes dirigeaient,
depuis le xvn^ siècle, le collège de Saint-Pol, dont les cours
étaient suivis en 1790 par cent élèves, sous la direction d'un
prieur, le P. Lambert, et de cinq professeurs choisis parmi
1. G. DE Hauteclocque, op. cil., pp. J83-186, p. 418.
2. Ihid.,pp. 186-190, p. f23.
.3. Ibid., p. 436.
4 Archives départ, du Pas-de-Calais. Statistique comparative en 1"89 et en
l'an IX. Rapport du sous-préfet de Montreuil Poulticr, 30 mars 1807.
176 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
les quinze religieux de la coinmunautéi. Ces relig-ieux adminis-
traient encore le collège d'Ardres, fondé en 16G9.
Le collège d'Hesdin devait son origine aux Jésuites (1612) ;
il compta jusqu'à 200 élèves ; dans la suite, les classes furent
confiées à sept prêtres séculiers, les abbés Dufour, Rivière,
Ducrocq, Laisné, Després, Wambeille et Varlet. « Le collège
d'Hesdin, desservi par des prêtres séculiers à la nomination
de l'évêque de Saint-Omer, lisons-nous dans le rapport du
sous-préfet de Montreuil, sans avoir la réputation «dont il
jouissait sous les Jésuites, était néanmoins très fréquenté.
L'instruction était bonne et il en sortait des sujets qui se dis-
tinguaient dans les universités. Ce collège eût été beaucoup
meilleur, si l'évêque n'eût pas changé aussi fréquemment les
professeurs ; il ne les y laissait ordinairement que deux ou
trois ans, lorsqu'ils sortaient du séminaire et il en disposait
pour les placer en qualité de vicaires selon ses besoins, de
sorte qu'à peine pouvaient-ils prendre un bon mode d'ensei-
gnement '^ »,
Enfin, nous devons encore signaler à Bapaume un petit
collège tenu par trois prêtres séculiers, et à Lens^ une pédago-
gie avec trois professeurs et un principal ecclésiastique.
L'enseignement secondaire des garçons était, comme on le
voit par ce rapide aperçu, assez sérieusement organisé dans
le département du Pas-de-Calais avant la Révolution ; le
nombre des établissements était bien suffisant ; il eût été seu-
lement nécessaire d'unifier les programmes, les méthodes
d'enseignement, de donner une certaine direction au personnel
enseignant.
Il existait dans le département du Pas-de-Calais, antérieu-
rement à la Révolution, un certain nombre de couvents dont
les religieuses se consacraient à l'enseignement des jeunes
filles qui désiraient avoir une instruction plus étendue que les
1. G. DE Haiiteclocque, op. cit., p. 4 i3.
2. Archives départ, du Pas-de-Calais. Rapport du sous-préfet de Montreuil
déjà cité.
l'instruction publique , 177
rudiments de la lecture, de l'écriture et du calcul ; toutefois
les programmes d'enseignement y étaient encore très élémen-
taires. A Arras, on trouvait l'établissement des Ursulines
fondé en 1678 ; ces religieuses étaient au nombre de trente,
plus huit sœurs converses, en 1791 K En dehors de leur cou-
vent d' Arras, les Ursulines possédaient encore, à Saint-Omer,
un couvent fondé en 1626-1627 par Agnès de Mailly, dame
de Mametz. On apprenait dans cette maison le catéchisme,
les règles de la civilité, la grammaire, la géographie, l'arithmé-
tique, la lecture des manuscrits et du latin; l'instruction y
était gratuite pour les enfants pauvres ~. On y comptait, en
1791, quarante pensionnaires et trois cents externes. De
même, à Boulogne, où les Ursulines s'étaient établies en 1624 ;
la réputation de l^ur maison s'était étendue jusqu'en Angle-
terre, en Ecosse et Irlande.
Les Brigittines, à Arras, recevaient quelques pensionnaires,
ainsi que les Religieuses dites du Soleil, à Saint-Omer ; les
Annonciades, à Boulogne; les Bénédictines à Calais, Les Dames
dites du Jardin Notre-Dame, à Aire, comptaient dans leur
établissement, en 1789, quarante internes et cent externes.
Les Bénédictines d'Ardres instruisaient de leur côté quelques
jeunes filles admises comme pensionnaires. « Les dames
Bénédictines de Sainte- Austreberthe, à Montreuil, tenaient
dans leur abbaye une pension très renommée pour les jeunes
demoiselles ; elle était particulièrement connue en Angle-
terre ; les familles catholiques y faisaient élever leurs
enfants ^ >,.
Quant à l'enseignement primaire, il n'était réellement orga-
nisé que dans les villes et les centres importants et, à ce
point de vue, les Frères des Ecoles Chrétiennes ont rendu des
services analogues à ceux que les Jésuites et après eux les
Oratoriens ont rendus à l'enseignement secondaire. A Arras,
1. G. DE Hautecloque, op. cit., pp. 356-357.
2. Ibid., pp. 166-168.
3. Archives départ, du Pas-de-Calais. Statistique comparative en 1789 et en
l'an IX, rapport du sous-préfet Poultier.
Ghavanon et Saint- Yves. — Le Pas-de-Calais de ISOOklSfO. 12
178 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
nous ne constatons pas d'organisation sérieuse avant la seconde
moitié duxvm" siècle, puisque MgrdeConzié, évêque d'Arras,
(( frappé de l'ignorance qu'il a reconnue dans la plupart des
enfants de la ville et cité d'Arras et tout particulièrement chez
les enfants pauvres, privés des choses les plus nécessaires à
la religion et à la société, forme le projet d'établir en cette
ville et cité, comme il a été fait dans la plupart des villes du
royaume, pour l'instruction de ces enfants, des écoles
publiques » ; les trois écoles des Frères des Ecoles Chrétiennes
ne fonctionnent toutefois qu'en 1788 ^
Mgrde Valbelle, évêque de Saint-Omer, avait fait appel aux
mêmes Frères dès 1720; l'école Sainte-Marguerite reçut jus-
qu'à six cents enfants ; dans la même ville, à la maison dite
des Bleuets, fondée en 1002, on instruisait treize enfants
pauvres, en vue de leur donner un état. En 1710, l'évêque de
Boulogne, Mgr de Langle, confia de son côté l'enseignement
primaire aux Frères, M. de Hauteclocque nous avoue que
« l'éducation de la jeunesse était fort négligée à Calais, quand
le Magistrat, en 1700, demanda deux Frères des Ecoles Chré-
tiennes^ » ; nous trouvons encore des Frères à Aire et à
Bapaume.
Une statistique du district de Calais, qui indique les éta-
blissements d'instruction existant dans cette partie du dépar-
tement en 1790, cite deux écoles pour les garçons, une école
pour les filles à Ardres, deux écoles pour les garçons, une
école pour les filles à Guînes et quarante-quatre écoles mixtes
dans d'autres localités ^. Mais d'autre part, si nous lisons le
rapport du sous-préfet Poultier sur l'état comparatif de l'ar-
rondissement de Montreuil en 1789 et en l'an IX, nous y
voyons que « Montreuil n'avait point d'écoles gratuites pour
les garçons ; les filles trouvaient dans celle des sœurs de la
Providence les moyens d'apprendre à lire et à écrire et les
1. G. i>E Hauteci-ocqle, op. cil., pp. bb 59
2. Ihid., pp. 75-76.
3. Ihid., p. 95.
l'instruction PLUL1QCI-: 170
principes de la religion ; une semblable école de la Provi-
dence existait à Hesdin, où Ton trouvait en outre une école
gratuite pour les garçons tenue par un seul maître ^ ». Entre
les deux opinions extrêmes qui veulent, l'une que l'enseigne-
ment primaire ne date que du xix*" siècle, l'autre qu'il ait été orga-
nisé dans presque toutes les paroisses antérieurement à la
Révolution, il nous paraît juste d'adopter une formule un peu
moins absolue : dans les villes et les bourgs relativement
peuplés, il existait, surtout à partir de la seconde moitié du
xvni*" siècle, un nombre presque suffisant d'écoles pour les
deux sexes, mais dans la majorité des communes rurales, il
restait encore beaucoup à faire.
II
Nous sommes obligés de constater qu'à ce point de vue, la
Révolution, tout au moins en ce qui concerne le département
du Pas-de-Calais, n'a pas créé, mais qu'elle a plutôt détruit.
Tous les collèges étaient, comme nous l'avons vu, dirigés
et administrés par des ecclésiastiques : jusqu'à l'époque du
serment constitutionnel, l'enseignement secondaire suivit son
cours normal; puis, le serment constitutionnel amena déjà la
fermeture d'une partie des établissements, notamment du
Petit Séminaire de Boulogne, dont les supérieurs refusèrent
de prêter le serment, du collège des Carmes à Montreuil, du
collège d Hesdin où les prêtres séculiers n'enseignèrent que
jusqu'au 12 septembre 4792, des collèges des Carmes à Saint-
Pol et à Ardres. Dans les collèges tenus par les Oratoriens et
les Doctrinaires, un certain nombre de professeurs adoptèrent
avec enthousiasme les idées nouvelles ; cependant, le P. Fri-
gard, supérieur du collège d'Arras, et sept professeurs se reti-
rèrent ; deux préfets et quatre professeurs du Collège français
de Saint-Omer, le directeur et le procureur du collège de Saint-
1. Archives départ, du Pas-de-Calais. Statistique comparative en 1789 et en
l'an IX. Rapport du sous-préfet de Montreuil, Poultier.
180 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Bertin, le P. Badolier, professeur de rhétorique à Béthune,
le P. Moreau, recteur à Aire, le préfet et trois professeurs du
collègue d'Aire les imitèrent. Ceux-là même qui étaient restés
se montraient plus assidus dans les clubs que dans leurs
classes : les PP. Ecuyer, Estienne et Brayer prenaient part
aux séances les plus orageuses de la Société des Amis de la
Constitution, à Arras, en 1790-1791 ; le P. Estienne y pronon-
çait même un discours sur l'éducation publique qu'il fît impri-
mer. Le P. Berbet devint en 1794 membre du district de
Bapaume et fit ensuite partie de l'administration de la ville
d' Arras; le supérieur du collège d' Arras en 1791, le P. Spi-
talier du Seillans, fut le président de la société des Amis de
la Constitution ; il publia un avis pour prouver la légitimité
de la vente des biens nationaux et demanda la fermeture des
chapelles des couvents ; on le retrouve vicaire épiscopal de
l'évêque constitutionnel, Porion.
En 1793, voici le sort des quinze collèges du département :
le collège de Saint-Bertin, à Saint-Omer, sert de dépôt de
livres; le Collège français, de la même ville, est transformé
en maison d'arrêt, ainsi que le collège anglais (plus tard hôpi-
tal militaire) ; le collège de Boulogne est devenu, de même
que le collège d' Arras, un atelier pour la réparation des armes
de guerre ; le collège de Béthune est une maison d'arrêt et
celui de Saint-Pol, un tribunal ; enfin le collège de Bapaume
est vendu en 179S comme bien national. La loi du 18 août
1792, qui prescrit qu'aucune congrégation religieuse ne peut
être désormais chargée de l'instruction de la jeunesse, a
anéanti les établissements d'enseignement secondaire dans le
département du Pas-de-Calais. Le 15 décembre 1792, les
administrateurs du département prenaient en outre un arrêté
ainsi conçu : « Vu les plaintes parvenues à l'administration
au sujet des émigrés, des prêtres et des ci-devant religieuses
hospitalières et des différents maîtres d'école; considérant et
lés circonstances où la République française se trouve aujour-
d'hui et l'incorrigibilité sacerdotale et l'impuissance de toutes
l'instruction publique 181
les mesures partielles, arrête : article G : Les administrateurs
du district et les municipalités ne permettront à aucuns maîtres
et maîtresses d'école de rassembler la jeunesse sous prétexte
de l'instruire, s'ils n'ont prêté le serment prescrit par laloi* ».
L'enseignement secondaire ne paraît pas avoir beaucoup
préoccupé les administrations révolutionnaires, car, de 1791 à
1798, il y eut une véritable lacune, quelques professeurs
donnant seuls de rares leçons individuelles. L'école centrale,
prescrite par les lois nouvelles, fut établie à Boulogne, dans
les bâtiments du séminaire, grâce à l'influence de Daunou,
mais l'ouverture de cette école n'eut lieu que le 12 juin 1798.
L'enseignement devait y être divisé en trois sections : la pre-
mière section, où les élèves seraient admis à l'âge de 12 ans,
comprendrait un cours de dessin, un cours d'histoire naturelle,
un cours de langues anciennes et, si possible, un cours de
langues vivantes (anglais et allemand); la seconde section, où
les élèves seraient admis à l'âge de 14 ans, un cours de mathé^
matiques, un cours de physique et de chimie expérimentales ;
enfin la troisième section, où les élèves seraient admis à
16 ans au moins, un cours de grammaire générale, un cours de
belles-lettres, un cours d'histoire et un cours de législation.
11 devait y avoir auprès de l'école centrale une bibliothèque
publique, un jardin et un cabinet d'histoire naturelle, un
cabinet de physique et de chimie expérimentales. L'article 14
du règlement portait que le salaire annuel et fixe de chaque
professeur serait le même que celui d'un administrateur du
département et qu'il serait de plus réparti entre les professeurs
le produit d'une rétribution annuelle fixée à 25 fr. par chaque
élève ; l'administration pourrait néanmoins excepter de cette
rétribution un quart des élèves de chaque section pour cause
d'indigence. Un jury, qu'on eut quelque peine à composer,
était chargé de désigner les professeurs parmi les candidats
qui se présenteraient à l'examen prescrit par la loi. Un ancien
1. G. DE Hauteclocque, op. cit., p. 222.
182 LK PAS-DK-CALAIS DE 1800 A 1810
Oratorien, Isnardi^ qui avait été préfet des classes au cqllège
d'Arras, puis directeur des cours publics créés en mars 1792
par la municipalité d'Arras, fut choisi comme bibliothécaire ;
le jury confia la chaire d'histoire à Lenglet, juge au tribunal
du département, la chaire de langues anciennes à Delestré,
ancien professeur de l'Université de Paris, qui avait envoyé
une traduction de Velleius Paterculus et une édition complète
des racines grecques, publiées par lui ; la chaire de grammaire
à Lissés, ancien Oratorien ; la chaire de belles-lettres, à Hen-
riquez ; la chaire d'histoire naturelle k Pichon, ancien institu-
teur à Boulogne ; la chaire de mathématiques, k Armand
Maizières, né à Fleury-la-Rivière (Marne), élève de l'École
Polytechnique, enfin la chaire de dessin à Eddropp, peintre
de l'ancienne Académie de Saint-Omer; mais la nomination
de ce dernier fut différée parce qu'il était anglais. Avant l'ou-
verture de l'école, des modifications étaient du reste faites
dans le personnel enseignant. En l'an Vil, il y eut à l'École
centrale, 68 élèves ; en l'an VIII, 51 élèves; en l'an IX, 68,
puis 85 élèves ; la plupart de ces élèves étaient originaires de
Boulogne ou des environs ^.
Le choix de Boulogne comme siège de l'École centrale
avait été en effet malheureux ; il avait excité les jalousies des
autres villes etvil était difficile de prétexter la situation cen-
trale de cette ville, Saint-Pol ou Saint-Omer se trouvant plutôt
au centre du département du Pas-de-Calais; les protestations de
la ville d'Arras étaient particulièrement vives. En outre, les
Ecoles centrales, telles qu'elles étaient conçues, représentent
une institution indécise, mixte, participant à la fois de l'ensei-
gnement secondaire et de l'enseignement supérieur; le pro-
gramme des cours y était trop élevé pour des enfants, surtout
après l'interruption d'études que venait de subir le départe-
ment pendant six ou sept ans et trop élémentaire pour l'en-
seignement supérieur auquel on semblait songer. D'autre part
1. G, PE Hauteclocque, op. CJÏ., pp. 280-321.
l'instruction publique 183^
les limites d'âge avaient été étranglement établies, La Révolu-
tion avait détruit les quinze collèges qui existaient en 1789 :
elle les remplaçait mal par l'Ecole centrale de Boulogne.
Voyons maintenant ce qu'était devenu l'enseignement pri-
maire. Les écoles primaires, étant tenues pour la plupart
par des ecclésiastiques ou des congréganistes, avaient été
fermées en 1792 et en 1793, Tousles maîtres convaincus d'avoir
refusé le serment ou soupçonnés de sentiments monarchiques
et religieux furent révoqués. Mais il ne suffisait pas de fermer
les écoles suspectes et de révoquer les maîtres, il fallait les
remplacer, sous peine de voir disparaître toute trace d'instruc-
tion. Les lois votées en 1793 et en 1794 avaient pour but
d'organiser l'enseignement primaire ; elles étaient très pom-
peuses et promettaient de sérieux progrès : dans la pratique
elles restèrent lettre morte ou à peu près. En 1794, Duflos
constate que, dans le district de Saint-Pol, sur cent cinquante-
quatre communes, trente-quatre n'avaient point pourvu à la
nomination d'instituteurs. La situation n'est guère plus satis-
faisante dans les autres districts ; les écoles tombent en ruines,
les maîtres ne sont pas pas payés et les classes sont désertées.
La loi du 17 novembre 1794 prescrivait la création d'une
école par 1.000 habitants, ce qui faisait un total de 300 écoles
pour l'ensemble du département du Pas-de-Calais. Peu de
candidats se présentant pour être instituteurs — surtout parmi
les anciens maîtres — , les jurys d'instruction durent accepter des
tisserands, des cabaretiers, des soldats en congé de convales-
cence. L'administration municipale du canton d'Hesdin écrivait,
le il nivôse an VI, k l'administration du Pas-de-Calais qu'au-
cune école primaire n'existait dans le canton et que personne
ne voulait être instituteur ; de même, l'administration du can-
ton de Fleury en l'an VIP .
Si l'instruction des garçons est aussi précaire, l'enseigne-
ment primaire des filles que la République avait eu la louable
1. G. DE Hauteclocque, L'enseignement dans le Pas-de-Calais jusqu'en IS04,
pp. 223-263.
184 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
intention d'org-aniser sur des bases uniformes, est encore plus
théorique ; il a été presque impossible de recruter des insti-
tutrices capables et présentant toutes les garanties morales
indispensables. Depuis longtemps, la jeunesse n'avait pas été
aussi ignorante qu'on le constate pendant la période qui
s'étend de 1792 à 1800.
III
Jusqu'à la fin de l'année 1802, le gouvernement consulaire
laissa subsister l'enseignement secondaire tel qu'il avait été
organisé en 1798: il se contenta des écoles centrales. La loi
du 1"" mai 1 802 créa les lycées et supprima les écoles centrales ;
un arrêté des consuls prolongea toutefois l'existence des
écoles centrales jusqu'au 22 mars 1803.
Le département du Pas-de-Calais, privé de l'école centrale
de Boulogne, aurait-il au moins un lycée ? Telle était la ques-
tion qui préoccupait à juste titre ses divers représentants. La
ville d'Arras particulièrement tenait à se voir attribuer un
lycée ; elle confia le soin de défendre ses intérêts à Lefebvre-
Cayet, député au Corps Législatif. Le 19 frimaire an X, ce
représentant écrit au maire d'Arras : « Vous savez qu'il doit
être établi des licées [sic], des écoles spéciales. Il n'y aura
que six écoles de droit dans la République. Il en sera établi
une à Douai ; il paraît qu'on ferait de vains efforts pour l'avoir
à Arras. » Autre lettre, le 26 pluviôse de la même année :
« On m'écrit du département que le citoyen Fourcroy, con-
seiller d'Etat, doit passer à Arras. C'est lui qui est chargé
de préparer le projet de loi relatif à l'instruction publique. Il
y a plus d'un mois que je lui ai fait remettre, par le tribun
Jacquemont, qui le connaît, un petit mémoire pour obtenir
l'établissement d'un licée à Arras. Je suis bien sûr que vous
ne manquerez pas de lui faire observer, lors de son passage,
tout ce que la commune d'Arras offre de jjropre à cet établis-
sement. »
l'instruction PUI5LIQUE 185
Lefebvre-Gayet revient, dans une lettre du 7 ventôse an X,
sur l'importance de ce voyage de Fourcroy : « Nous n'étions
pas, dit-il, sans espoir d'obtenir l'établissement d'un licée à
Arras. Le troisième consul reconnaît qu'il est de justice que
notre commune obtienne quelque chose dans les nouveaux
établissements qui se créent depuis quelques années. D'un
autre côté, le ministre de l'intérieur, que la députation a
encore vu le 5 de ce mois, a pareillement semblé prendre des
dispositions qui nous étaient favorables. Il a paru touché d'ap-
prendre que nous avions jadis un collège aussi florissant et
fréquenté ; il savait que nous avions autrefois une académie.
Il a demandé si nous avions un local convenable pour le licée.
Nous lui avons rendu compte de tous les avantages que pré-
sente à cet égard la ci-devant abbaïe de Siaint-Vaast... Pour
peu d'après cela que le citoyen Fourcroy insistât en faveur
d' Arras, nous compterions beaucoup sur le succès, mais la
lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 3 de ce
mois me donne beaucoup d'inquiétudes. Il semble en résulter
que le citoyen Fourcroy pourrait bien parler en faveur de
Douai et il y aurait tout à craindre que son avis l'emportât,
si en venant de visiter les deux départements, il assurait que
les convenances locales sont en faveur de la commune de
Douai, qui a d'ailleurs pour elle d'avoir été ci-devant une
université ^ ».
Mais, peu après, Fourcroy était remplacé à la direction de
l'instruction publique par Roederer : « Le corps législatif,
écrit Lefebvre-Gayet le 26 ventôse an X, sera réuni en session
extraordinaire le l'"'" germinal et le projet de loi relatif à l'ins-
truction sera le premier qui lui sera soumis. Gela ne doit pas
effrayer. Ce projet de loi ne fixera ni le nombre des licées à
établir, ni le lieu où ils devront être placés ; on laissera au
gouvernement le soin de déterminer ces choses ; il paraît que
1. Le rapport de Fourcroy publié par M. Rocquain dans son livre sur l'État
de la Fmnce au 1S brumaire, pp. 215-227, ne contient aucun détail x*elatif à
cette question du lycée d' Arras.
186 . LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
le gouvernement n'établira que successivement des licées,
suivant que la grande utilité en sera sentie eu égard à chaque
localité et suivant qu'il trouvera des hommes d'un mérite
bien reconnu et capables de remplir les places de professeurs ;
on se propose de faire le choix de ces hommes avec le plus
grand soin ».
Le récit suivant d'une entrevue entre Lefebvre-Gayet et
Rœderer montre très nettement quelles étaient les considéra-
tions qui devaient influer sur les choix du gouvernement pour
l'emplacement des lycées : « Le citoyen Rœderer a observé
que l'on placerait toutes les écoles de droit à côté des tribunaux
d'appel et que par suite, il était de l'intérêt du gouvernement
d'y placer aussi les licées, afin de n'avoir qu'une seule admi-
nistration chargée de veiller sur tous les établissements de
cette nature, qu'il fallait par conséquent réunir ; il a aussi
parlé de l'université qui se trouvait ci-devant placée à Douai ^ »,
Malgré l'intervention active de Lefebvre-Gayet et surtout de
Jacquemont, malgré les démarches de Gezeaux, directeur de
l'octroi d'Arras, envoyé à Paris par la municipalité, la ville
de Douai, comme il était facile de le prévoir d'après les consi-
dérations précédentes, l'emporta ; le lycée de Douai devra
être mis en activité le l*"" germinal an XI et le département
du Pas-de-Galais n'avoir aucun établissement officiel d'ensei-
gnement secondaire.
A défaut de lycée, la municipalité d'Arras voulait installer
dans cette ville au moins un collège. Le 11 frimaire an XI, le
maire écrivait au préfet que le « vœu très prononcé de tous
les pères de famille, celui non moins certain de chacun des
membres du conseil municipal est pour l'établissement d'un
collège ; ces établissemens communaux sont dans l'intention
de la loi ; elle n'a pas voulu les ordonner formellement, mais
ils étaient dans le désir du législateur ». Tel n'est pas l'avis du
1. Archives départ, du Pas-de-Calais, série R. 42 pièces relatives au projet
de lycée à Arras, an X- an XI.
l'instruction publique 187
Préfet (alors représenté par le conseiller de préfecture Gayant),
car, cl la même date, nous trouvons un arrêté préfectoral ainsi
conçu : « Le préfet du département du Pas-de-Calais, consi-
dérant que la loi du il floréal qui a déterminé les différens
degrés d'enseignement, ne fait aucune mention des collèges
et n'en autorise pas l'établissement ; qu'elle dispose impérati-
vement que l'instruction secondaire doit être reçue dans les
écoles secondaires établies par des communes ou des particu-
liers et approuvées par le gouvernement ; considérant qu'il
résulte du 6'"*' alinéa de l'instruction du conseiller d'Etat du
12 messidor que le gouvernement n'a pas voulu rétablir les
anciens collèges, afin de ne pas déti-uire les maisons d'éduca-
tion particulières, qui, nées récemment du besoin général, se
sont élevées à la demande des pères de famille, sous la direc-
tion d'instituteurs avoués par leur confiance; qu'il résulte aussi
du 20'"^ alinéa de la même instruction que la faculté laissée
aux communes par la seconde disposition de l'art, l*"" de la
loi du 11 floréal de faire ce à quoi l'intérêt particulier n'aura
pas pourvu, ne doit s'appliquer qu'au cas où nul particulier
n'aurait pas formé avec succès une école secondaire;
(( Considérant que l'art, l'"'" et 2""" de l'arrêté du 4 messidor
ayant ordonné la formation d'un état des écoles de chaque
département susceptibles d'être considérées comme écoles
secondaires, cet état a été dressé et envoyé au conseiller d'Etat
chargé de l'instruction publique, en exécution de l'article 3
du même arrêté ; que par suite, le gouvernement vient de
prendre un arrêté qui établit à Arras deux écoles secondaires,
celles des citoyens Bouleau et Deletoile ; qu'aux termes de
l'art. 4 du même arrêté du 4 messidor, les écoles comprises
dans l'état approuvé parle gouvernement doivent porter seules
le titre d'écoles secondaires et être seules admises à participer
aux encouragements et récompenses mentionnés en l'art. 7
de la loi du il floréal ; que d'après toutes ces considérations,
la demande du maire d'Arras est inadmissible : déclare qu'il
188 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
n'y a lieu d'autoriser le conseil municipal d'Arras à délibérer
sur l'établissement d'un collège dans cette ville ^ ».
Ces divers documents montrent bien de quelle façon et
sous quelle forme le gouvernement consulaire comprenait la
réorganisation de l'enseignement secondaire.
Repoussée à cause de la désignation de « collège », la pro-
position de la ville d'Arras est renouvelée avec la désignation
d' «école secondaire ». Le 10 ventôse an XI, le conseil muni-
cipal prend une délibération qui tend à ce qu'il soit établi à
Arras une école secondaire communale et à ce que la ville
obtienne la concession de la maison nationale du Vivier pour
y placer cette école. L'instruction serait donnée dans l'école
secondaire communale par quatre professeurs de latin, un pro-
fesseur de belles-lettres latines et françaises et un professeur
de mathématiques, logique, physique et chimie ; ces profes-
seurs seraient nommés par le maire et le conseil municipal,
leur nomination devant être approuvée par le ministre de l'in-
térieur; les professeurs de latin recevraient un traitement
annuel de 1 .000 fr. ; les deux autres professeurs, un traite-
ment de 1.200 fr. ; au directeur, serait attribué un traitement
de 1.800 fr. et aux maîtres d'études une rémunération de
300 fr. Le prix de la pension était fixé à 400 fr. par an (il
fut élevé ensuite à 430 fr.) et les externes verseraient une
rétribution mensuelle de 4 fr. L'établissement de cette école
secondaire est enfin approuvé par le préfet le 1*"' floréal an XI
et autorisé par le gouvernement le 19 messidor de la même
année. La direction en était confiée à l'abbé Théry, ancien
chanoine d'Arras ~. Un arrêté ministériel du 8 prairial an XII
nommait les professeurs suivants : Belles-Lettres, Loyal, ins-
tituteur ; 1'*' et 2™" classes de latin, Péchena, desservant à
Vaulx ; S'"" et 4'"'" classes de latin, Genel, prêtre ; S™" et
6"'" classes de latin, Roche, vicaire de Saint- Joseph, à Arras ;
1. Archives départ, du Pas-de-Calais. Série R. Collèges. Organisation. Col-
lège communal d'Arras, an XI.
2. Ihid. Série R. Ecoles secondaires communales, an Xl-an XII.
l'instruction publique 189
S""" et 4"'" classes de mathématiques, Lamy, professeur de
mathématiques ; 5™® et 6'"" classes de mathématiques, Delé-
toile, professeur à Arras'.
Saint-Omer avait précédé Arras dans cette voie ; l'ancien
pensionnat du collègue français avait été érigé en école seA)n-
daire le 23 germinal an XI, sous la direction de deux prêtres,
l'abbé Lansiarre, chanoine honoraire d'xVrras, et l'abbé Poil-
lion ; le prix de pension y était fixé h 520 livres-.
Des statistiques très détaillées de l'an IX et de l'an X nous
permettront de montrer avec beaucoup de précision l'état de
l'enseignement secondaire dans le département pendant le
Consulat :
An IX. — Boulogne : quatre pensionnats, Liégeard, Voisin,
Pichon, où les maîtres font répéter les cours de l'Ecole cen-
trale, et Blériot, où l'on enseigne la lecture, l'écriture, l'arithmé-
tique raisonnée, les principes des langues française et latine ;
le nombre total des élèves de ces quatre pensionnats est de 70.
Calais : cette ville possède une école de dessin et de mathé-
matiques, spécialement préparatoire à la navigation, qui
compte 25 élèves. Il y a un pensionnat de garçons tenu par
Lehodey, avec 30 élèves ; le programme de l'enseignement
comporte la lecture, l'écriture, l'arithmétique raisonnée, les
principes des langues française, latine et anglaise, la géogra-
phie et l'histoire. En outre, la statistique signale deux pen-
sionnats pour les filles, avec 43 élèves, mais l'enseignement
ne s'y élève guère au-dessus d'une bonne instruction pri-
maire.
Saint-Omer : neuf pensionnats pour les garçons, dont six
seulement donnent réellement l'enseignement secondaire ;
pour les filles, vingt et une pensions, qui sont plutôt des
écoles primaires particulières, où quelques arts d'agrément
sont ajoutés au programme.
Aire : une école salariée par la commune et dirigée par
1. Archives départ, du Pas-de-Calais. Série K. Décrets.
2. Ihid. Série R. Ecoles secondaires communales, an Xl-an XII.
190 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Ernest Blary, où l'on enseigne la langue latine, la géographie,
l'histoire, etc. ; 20 élèves.
Arras : c'est la ville la mieux dotée du département k ce
point de vue : 10 pensionnats, avec 310 élèves, mais tous ces
pensionnats sont des établissements particuliers, non subven-
tionnés par la ville, encore moins par l'Etat.
Saint-Pol : trois pensionnats pour les garçons, où l'on
enseigne les langues française et latine, les mathématiques
à 56 élèves.
Montreuil : quatre pensionnats pour les garçons, avec
5a élèves ; le programme de ces divers établissements com-
prend la lecture, l'écriture, les principes de la langue française
et de la langue latine, l'arithmétique et la géométrie, quelque-
fois l'histoire.
Bapaume : trois établissements particuliers d'enseignement
secondaire, avec 75 élèves.
Béthune : six établissements particuliers d'enseignement
secondaire K
Gomme on le voit, l'enseignement secondaire ne subsiste
que grâce à l'initiative privée : la période de calme qui a
suivi la Terreur, les espérances de pacification générale qu'a
fait naître le Consulat, ont déterminé la création d'un certain
nombre de pensionnats ; mais l'action du gouvernement et des
administrations départementales et communales est presque
insignifiante.
En l'an X, le maire de Boulogne donne les notes suivantes
sur les quatre pensionnats de cette ville : Liégeard, moralité,
décence, application aux devoirs de son état; Pichon, en
rapide décadence; Voisin, école de petit latin, médiocre;
Blériot, le plus fort pensionnat en nombre d'élèves ; « le maître
est un ancien Frère de la Doctrine chétienne, étroit et médiocre
comme le voulait l'Institut de ces Frères ». A Calais, le maire
1. Archives départ, du Pas-de-Calais, série T. lustruclioa publique ; états
dressés en l'an IX.
l'instruction PUlîLlQLE 191
indique pour le pensionnat Lehodey, 30 élèves : « la meilleure
maison d'instruction de Calais ; bons principes ^ »
Parmi ces pensionnats, un état établi en l'an X par le pré-
fet indiquait les établissements suivants comme susceptibles
d'être transformés en écoles secondaires et de participer aux
avantaji^es accordés par la loi du 1 1 floréal an X :
(( Boulogne. — Liégeart : professeur de l'Ecole centrale, dis-
tingué par ses talens, par sa moralité et par son instruction ;
son pensionnat est parfaitement tenu, a fait sa demande for-
melle d'entreprendre une école secondaire et de se procurer le
nombre de professeurs nécessaires ; mérite d'obtenir ce titre
et de participer aux avantages qui y sont attachés ; j'en forme
la demande expresse auprès du gouvernement.
« Blériot, Voisin : n'ont pas personnellement le talent du
citoyen Liégeart, mais ont de bons répétiteurs, tiennent bien
leurs pensionnats ; auront le nombre de professeurs nécessaires
s'ils obtiennent le titre d'écoles secondaires.
(( Pichon : professeur de l'Ecole centrale ; a un très-petit
nombre de pensionnaires ; n'a fait aucune demande formelle
pour obtenir le titre d'école secondaire.
« Calais. — Lehodey : latin, français, géographie, histoire ;
il n'enseigne pas les mathématiques, mais pourrait s'engager
k le faire.
« Saint-Omer. — Delvar : les langues latine, française et
étrangères, les premiers principes de la géographie, de l'his-
toire et des mathématiques; homme estimé ; a un bon pen-
sionnat qui mérite d'obtenir le titre d'école secondaire ; j'en
suis d'avis.
« Arras. — Delétoile, Bouleau : le latin, le français, l'his-
toire, l'arithmétique, l'algèbre et la géométrie ; ces deux pen-
sionnats formés depuis deux ans ont à leur tête deux hommes
distingués par leurs talents et par leurs connaissances ; ils y
joignent beaucoup de moralité ; ils possèdent surtout le talent
t. Archives départ, du Fas-de-Calais. Série T. Instruction publique. Enquête
de l'an X, arrondissement de Boulogne.
192 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
de l'enseig-nement et ils ont fait d'excellents élèves relative-
ment au peu de tems auquel remonte l'origine de leurs
écoles ; elles sont très-fréquentées. Je demande au gouverne-
ment que le titre d'école secondaire soit accordé aux citoyens
Bouleau et Delétoile, qui le méritent sous tous les rapports ;
ils s'adjoindront chacun autant de professeurs qu'il sera néces-
saire et présentant la garantie suffisante ; ils dispenseront la
commune du besoin de salarier une école secondaire. Si un
seul pouvait en obtenir le titre dans la même ville, je deman-
derais la préférence pour le citoyen Bouleau parce qu'il est le
premier qui ait fait sa soumission d'entreprendre l'école secon-
daire. Cependant, je désirerais que tous deux participassent
aux avantages de ces écoles, parce que tous deux en sont
dignes.
(( Bapaume, — Parent : les langues latine et française,
l'histoire, la géographie et les premiers principes des mathé-
matiques ; il existait à Bapaume, avant la Révolution, un
collège suivi par 120 élèves ; le citoyen Parent y a établi en
l'an IX un pensionnat où il reçoit aussi des externes ; on y
en compte 23 et 13 pensionnaires. Il réunit à des talens et de
l'instruction beaucoup de moralité. Je demande formellement
pour cette maison le titre d'école secondaire. Le citoyen Parent
s'est déjà adjoint deux professeurs et il en augmentera le
nombre. La position géographique de Bapaume et les moyens
du chef de ce pensionnat garantissent le succès de cet établis-
sement.
a Montreuil. — Léger, Beugny : le français, le latin, la
morale, l'histoire, la géographie, l'arithmétique et la géomé-
trie; j'ai ouï dire du bien de ces deux pensionnats et je pense
qu'il y a lieu de leur accorder le titre d'école secondaire^. »
L'arrêté du 26 novembre 1803 érigea en écoles secondaires
les pensionnats des citoyens Liégeard, Blériot, Voisin et
Pichon, à Boulogne ; Lehodey, à Calais ; Delvar, à Saint-
1. Archives départ, du Pas-de-Calais. Série T. Ecoles secondaires, an XI.
l'instruction publique 193
Orner; Bouleau et Delétoile, à Anus; Parent, à Bapaume ;
Beugny et Léger, à Montreuil.
Le 15 thermidor an X, le Préfet appuie un vœu émis par le
Conseil d'arrondissement de Saint-Pol en faveur de l'autori-
sation demandée par les citoyens Derœux, Doailly, Billy et
Ricouart d'ouvrir une école secondaire à Saint-Pol * ,
Autre avis préfectoral, le 29 fructidor an XI, favorable à
l'établissement d'une école secondaire à Aire dans les bâti-
ments de l'ancien collège et portant approbation du règle-
ment 2. Le décret du 30 messidor an XII autorise la ville de
Calais à établir une école secondaire dans les bâtiments de
l'ancienne école des Frères 3. Le 25 nivôse an XII, la ville de
Lens est autorisée à son tour à utiliser les bâtiments de son
ancien collège pour y créer une école secondaire. Le nombre
des professeurs avait été fixé à trois, y compris le directeur,
avec un traitement annuel de 600 fr. Le conseil d'adminis-
tration présentait au ministre de l'intérieur pour remplir les
fonctions de professeurs les candidats suivants : 1'"^ et
2'"" classes. Cahier, instituteur et Armand Colbaut, prêtre ;
3mc qI 4111e classes. Leviez, curé de Lens et Colbert, ancien
religieux d'Hénin-Liétard; o""' 6'"" classes, Charvet, ancien
curé de Lens et Le Prévôt Ardet, ancien sous-diacre ^.
Béthune, Montreuil, Hesdin auront également leurs écoles
secondaires communales.
IV
L'initiative gouvernementale est plus faible encore en
matière d'enseignement primaire que d'enseignement secon-
daire. En l'an VIII, au moment où commence le Consulat, on
comptait dans le Pas-de-Calais 253 instituteurs et 32 institu-
trices publics répartis de la façon suivante : arrondissement
1. Ibid. Registre aux arrêtés du sous-préfet de Saint-Pol, fol. 27.
2. Ibid. Série K. Arrêtés.
3. Ibid. Série K. Décrets.
4. Archives départ., Série T. École secondaire de Lens, an XII-1S06.
Ghavanon et Saint-Yves. — Le Pus-de-CuUiis de 1800 à 1810. 13
194 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
d'Arras, 35 instituteurs et S institutrices; arrondissement de
Béthune, 37 instituteurs et 3 institutrices; arrondissement de
Boulogne, 42 instituteurs et 8 institutrices; arrondissement
de Montreuil, S4 instituteurs et S institutrices ; arrondisse-
ment de Saint-Omer, 45 instituteurs et 5 institutrices; arron-
dissement de Saint-Pol, 40 instituteurs et 2 institutrices i.
De 1800 à 1802, le calme et la confiance renaissent dans
les esprits, un certain nombre d'écoles particulières sont
ouvertes, en même temps que les communes les plus impor-
tantes réorganisent leurs écoles salariées. Ces statistiques
établies par ordre du ministre Ghaptal en font foi :
Arrondissement de Boulogne — ville de Boulogne : trois
écoles de garçons salariées par la commune, 74 élèves;
trois écoles communales de filles, 86 élèves (il est vrai que la
statistique officielle porte en marge l'observation suivante :
« cette instruction est nulle et appelle à grands cris l'attention
des gouvernements ») ; cinq écoles particulières de garçons
avec 170 élèves; deux écoles particulières pour les filles
avec 42 élèves; par conséquent, 372 enfants des deux sexes
reçoivent ou sont censés recevoir l'instruction primaire dans
la ville de Boulogne.
Ville de Calais : quatre écoles communales de garçons,
210 élèves; quatre écoles communales de filles, 147 élèves;
deux écoles particulières pour les garçons, 62 élèves ; deux
écoles particulières pour les filles, 43 élèves ; au total,
462 enfants des deux sexes reçoivent à Calais l'instruction
primaire. Le maire de Calais fait observer qu'il n'y a que les
enfants des familles pauvres qui fréquentent les écoles sala-
riées par la commune.
Nous n'avons pas de renseignements sur les communes
rurales de l'arrondissement de Boulogne.
Arrondissement de Saint-Omer — ville de Saint-Omer :
cinq écoles communales de garçons, avec 262 élèves (on
1. Le Pas-de-Cdais au XIX° siècle. T(mie II, services publics, p. 120 et ss.
l'instruction publique 195
y enseigne, en dehors de la lecture, de Técriture et de l'arith-
métique élémentaires, l'orthographe, la géographie, l'histoire,
et même dans l'une de ces écoles le dessin) ; trois écoles
communales de filles, avec 97 élèves; six écoles particulières
pour les garçons ; • vingt-et-une écoles particulières pour les
filles, pensionnats qui participent à la fois de l'école primaire
et de l'établissement d'enseignement secondaire.
Aire : six écoles communales de garçons, avec 211 élèves ;
trois écoles communales de filles, avec 160 élèves ; cinq écoles
particulières de garçons ; sept écoles particulières de filles.
Ardres : une école communale de garçons, avec 60 élèves;
une école particulière de garçons et deux écoles particulières
de filles.
Quarante-cinq communes rurales de l'arrondissement ont
des écoles primaires de garçons.
Il n'y a qu'une commune rurale de l'arrondissement qui
ait une école primaire de filles : la commune de Cohen.
Quatre-vingt-huit communes rurales n'ont aucune école
primaire. Les écoles publiques salariées par les communes
comptent au total 1924 élèves et les établissements particu-
liers (en y comprenant les pensionnats d'enseignement secon-
daire), 1078 élèves.
Arrondissement de Béthune — ville de Béthune : en l'an
IX, deux écoles primaires communales de garçons et deux
écoles primaires communales de filles, avec un total de
133 élèves ; en l'an X, deux écoles primaires communales de
garçons et deux écoles primaires communales de filles ; dix
écoles particulières avec 289 élèves (il est probable que la
statistique de l'an IX avait omis de citer ces dernières).
Lillers : deux écoles primaires communales de garçons,
avec 220 élèves. — Lens : trois écoles primaires communales
de garçons, où l'on enseigne en outre les principes de la géo-
graphie, des grammaires française et latine, 170 élèves.
Lestrem : trois écoles primaires de garçons, avec 231 élèves ;
Laventie : une école primaire communale pour les garçons.
196 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
avec 20 élèves; une école primaire communale pour les filles,
avec 20 élèves ; deux écoles particulières pour les garçons,
200 élèves ; Harnes : trois écoles primaires de garçons, avec
200 élèves; Courrières : une école primaire de garçons, avec
70 élèves ; une école primaire de filles, avec 45 élèves ; Pont-
à-Vendin : trois écoles primaires de garçons, avec 9S élèves ;
Liévin : une école primaire de garçons, avec 50 élèves, trois
écoles primaires de filles, avec 35 élèves ; Hersin : une école
primaire de garçons, avec 20 élèves, et deux écoles primaires
de filles, avec 26 élèves ; Camblin-Chatelain : deux écoles
primaires de garçons, avec 70 élèves ; Carvin : huit écoles
primaires de garçons, avec 170 élèves ; Bourges : deux écoles
particulières de garçons, avec 75 élèves ; Sailly-sur-la Lys :
deux écoles primaires de garçons, avec 140 élèves.
Il y a une école primaire de garçons dans quarante et une
communes rurales.
Nous relevons une école primaire de filles à Oignies, avec
50 élèves ; une école primaire de filles à Bartin, avec 23 élèves,
et une autre école primaire de filles à Busnes, avec 20 élèves.
Arrondissement d'Arras — ville d'Arras : on compte dans
la commune d'Arras six écoles primaires communales de gar-
çons, avec 234 élèves, et deux écoles primaires communales
de filles, avec 48 élèves ; cinq écoles particulières de garçons,
avec 132 élèves. C'est peu; cependant, en Tan VIII, la muni-
cipalité trouvait que le nombre des écoles subventionnées par
la commune était encore trop élevé, car le maire écrivait au
préfet : « Il y avait dans la commune six écoles primaires
destinées à l'instruction des garçons et trois destinées à celle
des filles ; leurs appointemens étaient fixés à trois cens francs ;
le conseil municipal ayant trouvé le nombre trop considérable
et trop onéreux pour la commune n'a accordé que deux mille
francs pour subvenir aux frais de ces écoles ; il est nécessaire
que le nombre en soit diminué ; je pense que deux écoles pour
les garçons et-deux pour les filles seroient suffisantes » ^.
i. Archives départ., Série R. Arra!<, jury d'instruction an I\'-an XI.
. l'instruction publique 197
Arrondissement de Saint-Pol — ville de Saint-Pol : trois
écoles particulières pour les filles, avec 60 élèves; trois écoles
particulières pour les garçons, avec 36 élèves.
Izel-les-Hameaux, une école primaire de filles, avec 20 élèves,
une école primaire de garçons, avec 10 élèves; Lisbourg-, une
école primaire de filles, avec 35 élèves ; Frévent, deux écoles
primaires de garçons avec 55 élèves, deux écoles particulières
de garçons avec 14 élèves, une école particulière de filles,
avec 15 élèves.
Vingt-six communes rurales possèdent chacune une école
primaire de garçons.
Les enfants des deux sexes qui fréquentent les écoles de
l'arrondissement de Saint-Pol en Tan X sont au nombre
de 682.
Arrondissement de Montreuil — ville de Montreuil : deux
écoles primaires communales de garçons, avec 90 élèves ;
deux écoles primaires communales de filles, avec 40 élèves ;
deux écoles primaires particulières pour les garçons, avec
32 élèves ; huit écoles particulières de filles, avec 138 élèves;
— Hesdin : quatre écoles de garçons, deux écoles de
filles 1.
En même temps que l'administration préfectorale établissait
ces statistiques, les conseils d'arrondissement étaient appelés à
formuler leurs vœux au sujet de l'organisation de renseigne-
ment. Le conseil d'arrondissement d'Arras observe que « cet
arrondissement étant le plus populeux du département,
le défaut d'établissement pour l'éducation s'y fait principale-
ment sentir ; le mal s'aggrave de plus en plus^ le dégoût
des sciences croît d'une manière effrayante ; l'inertie, la
paresse forment une seconde nature dans l'esprit d'une jeu-
nesse abandonnée à elle-même. La plupart des jeunes gens
ne présente que des automates [sic] dont la patrie ne peut
espérer aucun secours . Le conseil réclame l'attention du gou-
1. Archives départ., Série T. Instruction publique. Etats dressés en l'an IX
et en lan X.
198 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
vernement à cet égard, tout retard est irréparable... Le
conseil observe que, si la population nécessite un collège pour
les sciences, elle commande également que la classe indi-
gente ne soit pas oubliée et qu'elle jouisse d'un établisse-
ment où elle puisse au moins trouver les ressources nécessaires
pour sortir de son engourdissement. L'école primaire devient
donc absolument nécessaire ; le Conseil observe que ces insti-
tutions ne sont utiles qu'autant que la subordination existera
entre les membres qui doivent la composer ; qu'il est diffi-
cile que cette subordination ait lieu sans corporation, à moins
qu'on ne suive le plan de l'Université de Paris que les élèves
et les maîtres qu'elle a formés feront toujours regretter ;
que, quant aux écoles primaires, la société dite des Frères des
écoles lui paraît la plus propre à ces sortes d'enseignement si
difficiles à exercer par les soins minutieux qu'ils exigent » .
Le conseil d'arrondissement de Béthune, après avoir
déploré (( la nullité absolue dans laquelle est tombée la partie
si intéressante de l'éducation morale des enfans depuis la
Révolution » ne se préoccupe pas de l'enseignement primaire.
Comme la municipalité d'Arras, la municipalité de Béthune
demande la réduction du nombre des écoles de cette ville
« ce qui peut aisément se faire sans que l'instruction en souffre,
puisque les écoles sont presque désertes ; cette réduction
aurait même l'avantage de nous mettre à même de faire un
meilleur choix et les élèves étant réunis en plus grand
nombre dans une même école, il y a alors entre eux plus
d'émulation » .
Le conseil d'arrondissement de Boulogne émet l'opinion sui-
vante : « Il n'est personne qui ne regrette les Frères des Ecoles
chrétiennes ; ces hommes modestes et laborieux se vouoient
avec un zèle infatigable à l'instruction des pauvres artisans.
Réunis en communauté, soumis à une règle austère, ils
menoient une vie frugale et ne trouvoient de jouissances que
dans l'exercice d'une religion qui leur imposait ces sacrifices.
Des instituteurs isolés, qui ne seroient pas soumis au même
l'instruction publique 199
mobile, rempliroient difficilement ce même objet; il est des
professions que l'on peut payer par de l'argent ; il en est
d'autres qui sont suffisamment payées par la considération de
l'estime publique ; le seul moyen dans le moment actuel d'avoir
de bons instituteurs pour les écoles primaires, c'est d'honorer
les fonctions instructives ; c'est de mettre à l'abri des besoins
et des humiliations ceux qui voudront courir cette carrière ;
c'est de leur offrir l'espoir assuré d'une existence honnête et
d'une retraite douce et suffisante. Ces réflexions peuvent en
grande partie être appliquées aux écoles destinées à l'instruc-
tion des filles. »
Aucun vœu de la part du conseil d'arrondissement de Saint-
Pol au sujet de l'enseignement primaire ; mais, dans la lettre
qu'il joint à l'extrait du procès- verbal, le sous-préfet Garnier
dit: (( Mon avis particulier, citoyen préfet, sur cet objet intéres-
sant, c'est qu'il soit établi dans cet arrondissement 60 à
70 maîtres d'écoles qui enseigneront aux enfants^ lire, à écrire
et les éléments de calcul. Quelques bons livres élémentaires,
principalement sur la morale, et les leçons préliminaires de
l'excellent cours d'études de Condillac,remplaceroient les caté-
chismes et les autres livres usités dans les écoles avant la
Révolution. Chaque maître d'école aurait un traitement fixe
de deux ou trois cens francs, au moyen de quoi il se procure -
roit le logement et il ne demanderoit aucune rétribution aux
élèves; on pourroit aussi le charger de la rédaction des actes
civils, dont les registres sont généralement mal tenus et lui
accorder une légère rétribution sur chaque acte de naissance,
de mariage et de décès. »
Le conseil d'arrondissement de Saint-Omer se transforme
au contraire en une véritable assemblée législative et envoie
au Préfet tout un projet détaillé. Il subdivise en quatre degrés
les établissements d'enseignement; voici ce qu'il dit des
écoles du premier et du second degré, qui représentent l'en-
seignement primaire : « La nécessité de leur multiplication
forme le premier obstacle à leur rétablissement. La situation
200 LE PAS-DF-CALATS DE 1800 A 4810
du Trésor public ne comporte pas une dépense de cette nature,
si les traitemens sont calqués sur l'empreinte de la générosité
nationale. Elles seront à la charg-e des communes; comme
elles sont disséminées suivant la réunion des habitations, la
population des hameaux, que l'instruction dans les campagnes
n'est que temporaire, qu'elle sommeille pendant l'été et la
moisson, chaque conseil municipal, sous l'approbation du
sous-préfet, déterminera leur placement et traitera avec l'ins-
tituteur pour la fixation de ses honoraires... Le conseil déplore
que, par une extension à la loi, on ait procédé à la vente des
écoles rurales qui formoient des propriétés communales. Leur
placement au centre des villages, l'habitation gratuite qu'elles
procuroient aux instituteurs les rendoient précieuses à l'édu-
cation ; leur aliénation est la première cause de la cessation
de l'instruction... Le Conseil a reconnu que des instituteurs
isolés étoient tenus à des frais multipliés d'habitation, de
ménage, de famille ; qu'ils étoient dès lors dispendieux ; que,"
suivant les circonstances et l'impulsion de leur intérêt, ils
délaisseroient souvent l'éducation ; que ce mode vicieux sous
ces rapports ne promet pas toujours une garantie parfaite
pour cette décence de mœurs qui influe d'une manière si utile
sur les élèves... En versant ses regrets sur la dissolution de
l'institut des Frères dit de la Doctrine chrétienne, qu'il eût été
si utile d'approprier h nos institutions, il considère l'enseigne-
ment confié à une association ; elle se composeroit d'indivi-
dus qui se voueroient à l'instruction, qui contracte roient des
engagemens temporaires ; ils viveroient en commun, ils for-
meroient leurs élèves et leurs successeurs » ^.
Le conseil général s'occupe, lui aussi, à diverses reprises, de
l'instruction publique. Le rapport, présenté à la séance du
4 thermidor an VIII, constate que cette instruction publique
1. Archives départ., série T, Instruction publique, Etats dressés en l'an IX.
Il y a lieu d'ajouter que, conformément à ces vœux, l'art. 109 du Règlement du
17 mars 1808 sur l'orjïanisation de l'Université autorisait et faisait entrer oili-
ciellemcni dans le corps universitaire la (Congrégation des Frères des Ecoles
chrétiennes.
l'instructiOiN publique 201
est dans le plus fâcheux état ; le conseil général émet le vœu
qu'il y ait au moins un instituteur dans chaque commune et
qu'il soit choisi et payé par les conseils communaux. Le rap-
port de l'an IX est plus explicite : le Conseil déplore l'igno-
rance de la jeunesse par suite de l'absence prescjue totale
d'établissements d'enseignement; les causes de cetle décadence
de l'instruction sont l'insouciance que les anciennes adminis-
trations municipales ont montrée à créer des écoles ou à sur-
veiller les écoles existantes, la modicité des traitements du
personnel, l'incapacité et l'immoralité du plus grand nombre
des instituteurs, les préjugés religieux et politiques contre les
formes révolutionnaires de l'enseignement, enfin les actes de
vandalisme que l'on a commis en détruisant presque tous les
édifices qui servaient à l'enseignement. Les vœux émis sont
les suivants : 1" création d'une école primaire par commune,
l'instituteur étant à la nomination du conseil municipal ; 2° grou-
pement des petites communes pour la création d'une école,
afin d'assurer à l'instituteur un traitement suffisant ; 3° emploi
des frères ignorantins, des Filles de la Charité et de la Provi-
dence, dont on a pu apprécier autrefois les services, pour le
premier degré d'instruction aux deux sexes, surtout aux filles
encore plus abandonnées à ce point de vue que les garçons ^
En l'an X, le Conseil général espère que la loi qui va être
promulguée réalisera ses vœux précédents ; il est urgent de se
préoccuper de l'instruction de la jeunesse du département du
Pas-de-Calais, plus abandonnée encore que celle des départe-
ments voisins ~.
La loi du 11 floréal an X comporte en effet la création et
l'entretien par les municipalités d'écoles primaires sous la sur-
veillance des sous-préfets ; les conseils municipaux choisiront
les instituteurs, leur fourniront un logement aux frais des
communes et fixeront le taux de la rétribution à payer par les
1. Archives départ., Registres des délibérations du Conseil général, Registre I,
an VlII-an IX.
2. Ibid., Registre II, an X-an XII.
202 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
parents ; plusieurs communes pourront se grouper pour avoir
une école. Cette loi eut quelques effets heureux, puisqu'à la
session de l'an XII, le Conseil général du Pas-de-Calais
croyait devoir féliciter le gouvernement pour les améliorations
qu'il avait apportées à l'instruction publique K Toutefois, à la
session de floréal an XII, l'exposé de la situation de l'ensei-
gnement primaire présenté au Conseil général est moins opti-
miste :
(( Les écoles primaires, est-il dit dans cet exposé, sont éta-
blies en nombre suffisant et ont obtenu assez généralement du
succès dans les villes et bourgs principaux où la population a
favorisé le choix des instituteurs et offert des facilités pour
leur assurer une existence convenable. Dans les petites villes
et la plupart des communes rurales, les écoles primaires sont
encore dans un état de langueur qui fait désirer un nouvel
ordre de choses propre à faire cesser les obstacles qui s'op-
posent aux progrès de l'instruction. Partout où l'on a joui
anciennement de l'avantage des écoles que dirigeaient les
frères Yonistes- dits de la Doctrine chrétienne, on ne cesse de
les regretter et de former des vœux pour leur rétablissement.
Le Conseil est intimement persuadé qu'ils opéreraient un très
grand bien, surtout si, par l'effet des réunions de communes
et l'économie qui en serait la suite, on pouvait parvenir à
appliquer ces bons et pieux instituteurs au service des cam-
pagnes, où l'ignorance dispute si opiniâtrement le domaine
qu'elle a usurpé pendant la Révolution. Les réunions dont on
vient de parler semblent être le seul remède que l'on puisse
apporter à l'abandon dans lequel sont restées les petites com-
munes rurales que l'exiguité de leurs populations et de leurs
ressources mettent dans l'impossibilité de se pourvoir d'insti-
tuteurs » 3.
1. Archives départ., Registres des délibérations du Conseil général,
Registre II, an X-an XIII.
2. Ce nom de Yonistes venait aux Frères de ce que leur noviciat, d'abord à
Vaugirard, avait été transporté en 1705 à leur maison de Saint-Yon, près de
Rouen.
3. Ibid., Registre 111, an XII.
l'instruction publique 203
Le Conseil général renouvelle ses plaintes à la session de
1806 : « Les communes rurales, dit-il, éprouvent beaucoup de
difficultés à recruter ce qu'elles appelaient autrefois leurs
magisters. Ceux-ci recevaient une espèce de sort de la manière
dont ils ajjpartenaient aux églises et aux fabriques, et les rétri-
butions qui leur en revenaient leur tenaient lieu de traitement
comme maîtres d'écoles. Il est bien désirable que l'on puisse
relever, en faveur des campagnes, cette espèce de cléricature,
et il semble que le rétablissement des fabriques en ofl're les
moyens en ce qu'elles peuvent gager encore les instituteurs
primaires pour le service des paroisses et succursales, pour la
rédaction de leurs actes et contribuer par là, avec les res-
sources municipales, à leur assurer un traitement convenable.
« Le Conseil a émis l'année dernière un vœu qui lui a été
dicté par celui de toutes les villes qui ont joui autrefois des
écoles que desservaient les frères Yonistes. Ces pieux amis de
l'enfance sont réclamés par la sollicitude et le souvenir recon-
naissant de tous les pères de famille, et la religion dans sa
reconnaissance les appelle comme ses premiers apôtres. Le
Conseil ne peut donc qu'insister pour que la même bienveil-
lance du gouvernement qui a déjà su recréer d'autres associa-
tions utiles et recommandables, daigne rendre aux frères
Yonistes une existence qu'ils consacraient si bien aux premiers
intérêts de l'Etat pour l'instruction de la jeunesse. »
Même vœu pour les filles ci-devant dites de la Providence.
« Les filles appelées ci-devant Charlottes ^, dont il reste de pré-
cieux sujets et dont l'ancien asile a été conservé à Arras,
seraient aussi de la plus grande utilité sous le double rapport
de l'instruction publique dont elles étaient aussi chargées et
du soin des malades qu'elles assistaient avec le plus grand
désintéressement » ^,
1. Elles tiraient ce nom du fondateur de leur maison, Jean Achariot, qui
établit en 1339 l'hôpital qu'elles desservaient et auquel on adjoignit plus tard
une école.
2. Archives départ., Registres des délibérations du Conseil général, année
1806.
204 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
En 1809, le Conseil général déclare que l'instruction publique
est toujours languissante; on espère que la création de l'Uni-
versité impériale l'améliorera. A défaut de la qualité, il y a au
moins la quantité ; le nombre des écoles a en effet considéra-
blement augmenté : d'après VAnnuairc du Pas-de-Calais, on
relève en 1814 l'existence de 984 écoles réparties de la façon
suivante :
Arrondissement d'Arras : 183 instituteurs communaux,
49 instituteurs particuliers ; 31 communes n'ont pas d'instituteur.
Arrondissement de Béthune : 130 instituteurs communaux,
35 instituteurs particuliers ; 1 3 communes n'ont pas d'instituteur.
Arrondissement de Boulogne : 91 instituteurs communaux;
28 instituteurs particuliers ; 9 communes n'ont pas d'instituteur.
Arrondissement deMontreuil : 127 instituteurs communaux ;
15 instituteurs particuliers; 13 communes n'ont pas d'insti-
tuteur.
Arrondissement de Saint-Omer : 121 instituteurs commu-
naux; 25 instituteurs particuliers; 16 communes n'ont pas
d'instituteur.
Arrondissement de Saint-Pol : 1 69 instituteurs communaux ;
1 1 instituteurs particuliers ; 22 communes n'ont pas d'insti-
tuteur.
D'après ce relevé, 104 communes sont encore privées d'ins-
tituteur K
V
Après avoir examiné l'enseignement secondaire et l'ensei-
gnement primaire, nous devons encore consacrer quelques
lignes à l'enseignement supérieur, qui n'a, du reste, été
représenté dans le département du Pas-de-Calais que par une
école de chirurgie et d'anatomie. Vers le milieu du
xviu*' siècle, l'administration des États d'Artois établit à
1. Le Pas-de-Calais an XIX' siècle, t. II, Services publics. L'ensei^^ncmcnt.
l'instruction publique 205
Arras une école publique d'anatomie ; bientôt, elle s'aperçut
que cette école ne répondait pas complètement au but de sa
fondation ; en 1770, les médecins Arrachart et Nonot trans-
mirent aux Etats d'Artois un plan complet de réorg-anisation
de cette école. Leurs vues furent adoptées et l'établissement
fonctionnait sous le nom d'Ecole de chirurgie, en 1771, avec
Arrachart et Nonot comme professeurs ; leur traitement était
fixé à mille et à douze cents francs.; il y eut d'abord trois
chaires, mais l'un des professeurs étant mort en 1790 et
Arrachart en 1791, Nonot resta seul chargé de l'enseigne-
ment.
Pendant la Terreur, l'école fut fermée ; elle ne rouvrit
qu'au lendemain du 18 brumaire ; le 21 thermidor an VIII,
le préfet Poitevin-Maissemy prit un arrêté portant qu'il serait
établi à Arras une école gratuite de chirurgie, daccouche-
ment et d'anatomie, dirigée par trois professeurs; que les
hommes seuls seraient admis aux exercices publics, mais qu'il
y aurait un cours particulier d'accouchement pour les
femmes. D'après le règlement, les classes auront lieu tous
les jours, excepté les décadis, les quintidis et pendant le
temps des vacances de l'Ecole centrale ; ceux qui désireront
y être admis devront se faire inscrire sur un registre qui sera
tenu par Nonot, professeur en chef, et être munis d'un cer-
tificat de bonnes mœurs délivré par le maire de leur commune
et visé par le sous-préfet de l'arrondissement. En outre, le
préfet Poitevin-Maissemy permettait au maire d'Arras d'ap-
pliquer à l'usage d'un jardin botanique un petit terrain « hors
d'oeuvre de l'abbaye de Saint- Vaast » (jardin Saint- Vaast
actuel) qu'un médecin aidé de ses élèves défricha et planta.
Trois professeurs avaient été nommés à l'école de chirur-
gie : Nonot, professeur en chef avec un traitement annuel de
800 francs ; Léger et Dhamelincourt, avec un traitement
annuel de 600 fr. chacun ; Dhamelincourt donna sa démission
peu de temps après et, la chaire ayant été mise au concours,
trois candidats se présentèrent ; parmi eux, on fit choix de
206 LE PAS-DE-CALAIS DE i 800 A 1810
Cuvillier; mais, à la mort de Léger, en 1802, le concours
ouvert pour procéder à son remplacement ne donna aucun
résultat ; Nonot et Cuvillier restèrent seuls professeurs.
D'après le maire d'Arras, quinze élèves, âgés de 12 à 18 ans,
fréquentaient les cours de cette école.; il n'était donné par
jour qu'une leçon qui durait une heure et demie environ ; les
deux professeurs se partageaient la besogne par trimestre et
ils n'étaient occupés en réalité que pendant six mois de
l'année *
En même temps, des mesures étaient prises pour veiller
à la façon dont la médecine s'exerçait dans le département.
Un arrêté du 12 frimaire an XI contient des mesures pour
s'assurer des titres des officiers de santé, médecins, etc. 2.
Nouvelles mesures à ce sujet le 14 novembre 1806, en vue
de faire exécuter la loi du 23 germinal an XI sur l'exercice de
la médecine et de la pharmacie 3. Le 26 frimaire an XI, le
préfet crée trois jurys d'examen pour la médecine, la chirur-
gie et la pharmacie : à Boulogne (arrondissements de Boulogne
et de Montreuil), à Saint-Omer (arrondissement de Saint-
Omer) et à Arras (arrondissements d'Arras, de Béthune et de
Saint-Pol) 4.
Nous ne parlerons que pour mémoire des écoles de dessin.
L'enseignement du dessin avait été inauguré à Arras en 1709
par Havel, élève de l'Académie de peinture et de sculpture
de Paris, qui eut jusqu'à deux cents élèves; cette école sub-
sista pendant la Révolution et un arrêté du 25 avril 1801 la
réorganisa. Saint-Omer avait eu également son école de des-
sin, trois ans même avant Arras ^.
1. Archives départementales : Lettre du maire d'Arras Watelct, du 22 prai-
rial an XI; Mémoire de Nonot et Cuvillier sur l'établissement de l'École
publique de chirurgie, 15 floréal an XI.
2. Id, Reg. 114, f" 96.
3. Id, Reg. 117, f°80.
4. Id, imprimes.
5. G. DE Mauteclocque, L'enseignemenl dans le Pas-de-Calais jiisqu en IftO-i,
pp. 508-513.
l'instruction publique 207
VI
Si nous essayons de résumer nos observations sur Tinstruc-
tion publique de 1800 à 1810, nous sommes amenés à con-
clure que l'œuvre du gouvernement consulaire et impérial a
simplement consisté à restaurer ce qui existait sous l'ancien
régime ; les écoles secondaires correspondent aux anciens
collèges, elles sont établies dans les mêmes villes et recrutent
à peu près les mêmes chiffres d'élèves ; écoles secondaires et
écoles primaires sont laissées à l'initiative des départements
et des communes ; l'action du pouvoir central en leur faveur
est presque nulle ; c'est un simple contrôle. Dans l'enseigne-
ment, plus qu'ailleurs peut-être, la Révolution avait accumulé
les ruines : Napoléon déblaie ces ruines et, grâce à la stabilité
administrative, à la confiance publique, à la sécurité géné-
rale, une sorte de résurrection partielle se produit; des éta-
blissements, sinon similaires à ceux qui avaient été détruits,
du moins organisés d'après des principes presque identiques,
dus, comme ceux du xviii^ siècle, à l'initiative, soit commu-
nale, soit privée, s'ouvrent de toutes parts : c'est une restau-
ration, ce n'est pas une création ; le rôle de l'Etat en matière
d'enseignement est compris en 1804 à peu près comme il
l'était en 1789.
Tel n'était pas l'esprit dans lequel la Convention nationale
avait ébauché l'organisation de l'instruction publique ; l'ensei-
gnement primaire avait seul préoccupé d'une façon sérieuse
les conventionnels; mais Lanthenas, Barère, Sieyès, Daunou,
Lakanal, tout comme Lepelletier de Saint-Fargeau et Romme,
avaient posé le principe de la gratuité et celui du paiement
des instituteurs et des frais des écoles par l'Etat en tête de
toute loi nouvelle relative à l'enseignement primaire. Romme
définissait de la façon suivante le programme de cet ensei-
gnement primaire : « les enfants reçoivent dans ces écoles la
première éducation physique, morale et intellectuelle la plus
208 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
propre à développer en eux les mœurs républicaines, l'amour
de la patrie et le goût du travail. Ils apprennent à parler, à
lire, écrire la langue française. On leur fait connaître les
traits de vertu qui honorent le j)lus les hommes libres... La
connaissance des droits et des devoirs de l'homme et du
citoyen est mise à leur portée par des exemples et par leur
propre existence, » Ces écoles fondées, dirigées, payées par
l'Etat, cet enseignement primaire uniforme et gratuit sur
toute l'étendue du territoire de la France, Napoléon n'a pas
essayé de le réaliser; il a considéré les projets de la Conven-
tion Nationale et de son comité de l'Instruction publique
comme non avenus et il s'est contenté de faciliter les bonnes
volontés individuelles.
Une création toutefois du régime napoléonien, qui est ori-
ginale et a subsisté tout au moins de nom, c'est celle des
lycées. Il est probable que, lorsque Napoléon fonda les dix
premiers lycées de la République, pépinière de ses officiers et
de ses administrateurs, il songeait à cette école de Brienne où
lui-même avait fait ses études et dont le souvenir lui était tou-
jours cher. Il voulait organiser de la même façon ces douze col-
lèges ou pensions, Sorèze, Pontlevoy, Rebais, Tiron, Auxerre,
Beaumont, Tournon, Effiat, Vendôme, La Flèche, Pont-à-Mous-
son et Brienne que, sur le conseil du ministre réformateur
Saint-Germain, Louis XVI avait chargés de l'éducation de la
noblesse, pensionnaires payants ou boursiers du roi, destinés
à assurer le recrutement des cadres de l'armée. A la suite
d'un concours annuel, les élèves étaient placés en qualité de
cadets gentilshommes dans les troupes de Sa Majesté et appe-
lés à remplir les emplois de sous-lieutenant qui viendraient à
vaquera Au début de l'institution des lycées, nous en trou-
vons un nombre à peu près semblable à celui des collèges
militaires ; si les emplacements choisis ne sont [las les mêmes,
c'est que, par suite de ce système géométrique en vertu
1. Chuqi'kt, La jeunesse de Napoléon, Brienne, pp. 85-89.
l'instruction publique 209
duquel Napoléon fait de la France administrative un damier
où chaque case contient les mêmes éléments que la case voi-
sine et lui correspond : cour d'appel, école de droit, lycée sont
trois unités concordantes et inséparables. Le lycée n'en est
pas moins une institution de la monarchie adaptée à un nou-
vel état de choses et à des besoins différents.
Ghavanon et Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de 1800 à 1810. 14
CHAPITRE VII
LES CULTES
I. Les subdivisions ecclésiastiques en 1789 : trois diocèses. — Opposition des
évoques à la Constitution civile du clergé. — La majorité des prêtres refu-
sent le serment qui est prêté par une assez forte minorité. — Mécontentement
causé à la population par la suppression d'un grand nombre de paroisses ;
accueil défavorable qu'elle fait aux prêtres constitutionnels; manifestations
violentes et imprudentes. — Le clergé réfi-actaire en exil. — La Terreur :
Le Bon et la persécution religieuse. — Chute de Le Bon. — Le culte caché.
II. La période intermédiaire entre le 18 brumaire et le Concordat : on continue
à appliquer les lois révolutionnaires, toutefois avec des atténuations.
III. Le Concordat. — Le nouvel évêque, Mgr de La Tour d'Auvergne; sa bio-
graphie; son installation. — Difïicultés pour trouver un palais épiscopal.
IV. Délimitation des cures et des succursales. — Réduction du nombre des
succursales. — Le lieu de résidence des desservants.
V. Etat d'esprit du préfet Poitevin-Maissemy. — L'influence de Mgr Asseline.
— Formation du clergé définitif. — Les cures : répartition entre les consti-
tutionnels et les inconstitutionnels. — Les succursales. Les constitutionnels
sont relativement nombreux- dans les arrondissements de Boulogne et
d'Arras.
VI. Episodes de la lutte entre la préfecture et l'évêché. — Les délégués de
l'évêque à Boulogne. — Difïicultés entre les maires et les curés. — La liberté
de conscience et Mgr de La Tour d'Auvergne.
Conclusion : comment les institutions reçoivent l'empreinte du caractère de
ceux qui sont chargés de les appliquer.
I
Le département du Pas-de-Calais, à sa création, comprit la
majeure partie de l'ancien diocèse d'Arras (archidiaconé
d'Artois; doyennés d'Arras, d'Aubigny, de Bapaume, une
partie du doyenné de La Bassée, doyennés de Béthune, de
Croisilles, d'Houdain, de Lens, de Pas; archidiaconé d'Ostre-
vent; onze paroisses du doyenné de Douai, doyenné d'Hénin-
Liétard) ; de tout le diocèse de Boulogne ; d'une partie du dio-
cèse de Saint-Omer (archiprêtré de Saint-Omer, presque la
totalité des doyennés d'Aire, d'Arqués, d'ilelfaut, de Longue-
nesse, d'Audruick, de Lillers, d'IIesdin) ; enfin quelques
paroisses des diocèses de Cambrai, de Tournai, d'Amiens et
LES CULTES 211
de Noyon. Cet enchevêtrement devait rendre particulièrement
difficile et délicate l'application du nouveau rég-ime qu'allait
faire au clergé l'assemblée Constituante.
En 1789, le siège épiscopal d'Arras était occupé par
Mgr Louis-Marc-Hilaire de Conzié, précédemment évéque de
Saint-Omer. Ce prélat appartenait à une ancienne famille de
la Savoie établie dans le Bugev; né à Poncin le 13 janvier
1732, il avait embrassé l'état militaire avant d'être prêtre et
servi comme officier de dragons. Très mondain, bien en cour,
il séjournait plus souvent à Versailles que dans son diocèse ;
de grande mine et de noble prestance, il en imposait à tous
ceux qui l'approchaient, mais n'était généralement pas aimé
en Artois.
Au contraire, l'évêque de Boulogne, Mgr François-Joseph
Partz de Pressy, qui administrait son diocèse depuis quarante-
six ans, était considéré comme un saint ; le romancier Pigault,
qui l'avait vu à l'œuvre, disait de lui, « qu'il pourrait servir
de modèle à tout le clergé du monde chrétien » ^ . Malheureu-
sement, il mourut le 8 octobre 1789. Un grand vicaire de
Paris, ancien professeur en Sorbonne, Mgr Louis Asseline,
désigné pour lui succéder, fut sacré à Paris le 3 janvier 1790
et vint prendre immédiatement possession de son diocèse.
A Saint-Omer, l'évêque, Mgr Alexandre -Joseph -Marie-
Alexis de Bruyères-Chalabre était originaire de Castelnau-
dary; aumônier du comte d'Artois et vicaire général du diocèse
de Lyon, il avait été appelé le 14 janvier 1778 à l'évêché de
Saint-Omer. Très faible de santé, il était contraint de passer
tous les hivers dans le midi de la France et même en Italie ;
ses opinions jansénistes lui avaient aliéné quelques-uns des
prêtres de son diocèse.
Jusqu'en 1790, les anciens diocèses subsistèrent concurrem-
ment avec les nouveaux départements, mais en 1790, la Cons-
titution civile du clergé apporta de profondes modifications.
1. Deramecourt, Le clergé du diocèse d'Arras, Boulogne el Saint-Omer pen-
dant la Révolution, tome I, p. 10.
212 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
D'après cette constitution, les diocèses devaient se confondre
avec les départements; donc, dans le département du Pas-
de-Calais, les évêchés d'Arras et de Boulogne devaient dispa-
raître. Le siège du nouveau diocèse était fixé à Saint-Omer et
Févêque devait prendre le titre d'évêque du Pas-de-Calais et
avoir pour métropolitain l'archevêque de Rouen.
Les évêques de Boulogne, d'Arras et de Saint-Omer, Mgr
Asseline, Mgr Gonzié et Mgr de Bruyères-Chalabre adhérèrent
à la protestation de l'archevêque d'Aix contre la Constitution
civile du clergé. Mgr Asseline se montra particulièrement hos-
tile à celle-ci ; six jours avant l'exposé général des évêques
de France, le 24 octobre 1790, il publia une instruction pasto-
rale sur l'autorité spirituelle qui eut un grand retentissement
et dans laquelle il s'efforçait de démontrer que les mesures
prises par l'Assemblée Constituante, « suppression, érection
des métropoles, des diocèses et des cures, suppression des
églises cathédrales et des autres titres de bénéfices, règles con-
cernant le choix et l'institution des pasteurs », etc., étaient
des mesures d'ordre spirituel et ne pouvaient ressortir que de
la seule autorité de l'Eglise et non de la puissance civile. De
son côté, Mgr de Bruyères-Chalabre écrivait de Milan une
lettre pastorale de protestation, le l^'' janvier 1791.
Un oratorien, Daunou, qui devait jouer dans la suite un
rôle politique considérable, répondait à Mgr Asseline par vine
plaquette de huit pages : <( Accord de la foi catholique avec
les décrets de r Assemblée Nationale sur la Constitution civile
du clergé », où il réfutait les assertions de l'évêque de Bou-
logne. En même temps, François de Torcy, prêtre de la Doc-
trine chrétienne et recteur du collège français de Saint-Omer,
prononçait, le 16 janvier 1791 , dans l'église de ce collège, un
sermon sur l'accord de la constitution française avec la religion .
Mais la majorité des ecclésiastiques se montrait plutôt dispo-
sée à suivre les trois évêques. Tous les prêtres maintenus
dans leurs fonctions devaient, dans un délai de huit jours,
prêter le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi
LES CULTES 213
et de maintenir de tout leur pouvoir la constitutio n décrétée
par l'Assemblée Nationale et acceptée par le Roi ; la dernière
limite expirait le 23 janvier 1791.
Parm-i les députés du clergé aux Etats -Généraux, Behin,
curé d'Hersin-Goupigny et Michaud, curé de Bomy, avaient
pris la plume en faveur de la Gonstitution civile du clergé ;
au contraire, Rollin, curé de Verton, avait présenté des obser-
vations semblables à celles de Mgr Asseline. Le prévôt, le
doyen, les chanoines du chapitre de l'église cathédrale d'Arras
adressaient, de leur côté, une protestation véhémente en
réponse à Tordre qui leur avait été donné de cesser l'office
public dans l'église cathédrale.
Du clergé paroissial d'Arras, deux prêtres seulement
prêtent le serment : Porion, curé de Saint-Nicolas-sur-les-
Fossés, et Herbet, vicaire de Saint-Aubert ; il faut ajouter à
leurs noms ceux de deux prêtres étrangers au diocèse, Bru-
neau, curé de la citadelle, et Le Noë, aumônier du régiment
de Bourbon. A Boulogne, un seul prêtre se présente pour
prêter le serment : le chanoine sacristain, Le Gressier de Bela-
noy ; à Montreuil, Poultier, curé de Saint-Jacques, et Havet,
curé de Saint- Vallois ; à Saint-Omer, le chanoine Le Roi du
Royer. 11 fallut, dans les villes, recourir aux religieux des cou-
vents pour assurer l'exercice du culte.
Le nombre des prêtres qui prêtèrent le serment est beau-
coup plus considérables dans les campagnes. District de Mon-
treuil : vingt-six ecclésiastiques prêtèrent le serment pur et
simple, et quatorze prêtres le serment avec des restrictions plus
ou moins étendues ; district de Saint-Omer : dix-huit ecclé-
siastiques seulement auraient prêté le serment (parmi eux, il
faut citer le chanoine Hennebert, l'auteur de V Histoire de
V Artois, et le Père François de Torcy, supérieur des doctri-
naires de Saint-Omer) ; par contre, cent trente-cinq prêtres
rédigèrent et signèrent, en forme de protestation, la « décla-
ration des doyens, curés et autres ecclésiastiques de plusieurs
décanats du diocèse de Saint-Omer sur la Constitution civile
214 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
du clergé » ; dans le district d'Arras, on cite, comme ayant
juré sans restriction, quatorze oratoriens et trente-huit curés
ou vicaires des paroisses rurales, etc. Tout compté, la plupart
des ecclésiastiques prêtent le serment avec des restrictions.
Malgré les résistances, la Constitution civile du clergé
n'en devait pas moins être appliquée dans toute son intégralité :
le 26 mars 1791, quatre cent quatre-vingt-dix-sept citoyens se
réunissaient dans l'église Saint-Nicolas-sur-les-Fossés pour
procéder à l'élection de l'évêque constitutionnel du Pas-de-
Calais : au premier tour de scrutin, Porion, curé de Saint-
Nicolas sur les Fossés, obtient 144 voix, Duflos, curé d'Hes
mond, 144, et Dupont, 87; au troisième tour de scrutin, Duflos
est élu par 198 voix contre 172 attribuées à Porion; mais,
Duflos refusant la dignité épiscopale, c'est Porion qui, finale-
ment, est proclamé évêque du Pas-de-Calais. M. l'abbé
Deramecourt, dans ses intéressantes études sur le clergé des
diocèses d'Arras, de Boulogne et de Saint-Omer pendant la
Révolution, trace le portrait suivant de l'évêque Porion :
« Elève du collège d'Arras, il était entré jeune encore dans
la congrégation de l'Oratoire et avait été successivement
secrétaire de Christophe de Beaumont, archevêque de Paris,
professeur au collège de La Flèche et régent de philosophie
au collège d'Arras. C'est dans cette dernière position que le
prit la confiance afl^ectueuse de Mgr de Conzié pour lui donner
l'une des cures les plus importantes de sa ville épiscopale.
C'était un homme de caractère agréable, d'esprit cultivé, de
physionomie avenante, qui prêchait avec beaucoup d'assu-
rance et une grande onction. On cite de lui un discours aux
troupes de la garnison d'Arras qui ne manque pas de mérite
et une pièce de vers latins bien tournés adressés à l'évêque
Conzié (( ob meliorem ipsius valetudinem », et dans laquelle il
lui souhaitait, sans se douter qu'il contribuerait lui-même à les
abréger, de longues années d'épiscopat. Il paraît avoir été appli-
qué sérieusement à remplir les devoirs de sa charge, puisque, le
29 octobre 1783, il écrivait au secrétaire de l'Académie d'Arras
LES CULTES 215
pour lui dire qu'il ne se sentait ni le goût nécessaire, ni
les talents propres pour remplir les devoirs d'académicien. Il
envoie donc sa démission et remercie l'Académie de l'avoir
élu : « la facilité qu'elle a de faire un meilleur choix, déclare-
t-il, m'est en ce moment le gage le plus certain de son indul-
gence à mon é^ard '. »
Installé le 16 avril à Saint-Omer, le nouvel évêque choisit
comme vicaires épiscopaux : Galjriel-François Dupont, curé
de Marquise, le P. Honoré Spitallier, de l'Oratoire, préfet du
collège d'Arras, le P. François de Torcy, de la Doctrine chré-
tienne, le P, Jean-Alexis Balland, de l'Oratoire, supérieur du
collège de Béthune, Nicolas-Louis-Désiré Royer, ancien cha-
noine de Saint-Omer, Toussaint Saupicque, ancien religieux,
et François-Martin-Quintin Poultier ; Daunou leur est adjoint
dans la suite. François-Dominique-Etienne Blanchandin, de
Calais, gardien du couvent des Capucins à Abbeville, est
nommé vicaire supérieur du séminaire épiscopal.
Un grand nombre de paroisses des anciens diocèses étaient
supprimées, ce qui fut une des principales causes de méconten-
tement des populations dans la commune d'Arras : il ne
devait plus y avoir que quatre paroisses et une succursale
intra muros et trois succursales seulement hors des murs. Le
district d'Arras était réduit à 42 paroisses ; le district de
Boulogne, à 67 ; le district de Montreuil, à 50 ; le district de
Saint-Pol, à 64; le district de Béthune, à 52; le district de
Bapaume, à 43 ; le district de Calais, à 30 ; le district de Saint-
Omer, à 43.
Le dimanche 5 juin 1791, les électeurs du district d'Arras
se réunirent à l'église paroissiale et électorale pour procéder à
l'élection des curés du district. Les quatre paroisses de la
ville d'Arras eurent quatre anciens curés ou vicaires du dio-
cèse qui avaient prêté le serment, Herbet, Marlier, Cavrois et
Huret. Dans les communes rurales, on dut recourir, afin de
1. Deramecourt, Le clergé du diocèse d'Arras, Boulogne et Saint-Omer pen-
dant la Révolution, t. II, pp. 160-161.
216 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
combler les vides à un certain nombre de religieux ou de
prêtres étrangers au diocèse : citons Dutercq, procureur des
Dominicains de Douai, Lenlle dit le P. Armand, récollet,
Bruneau, curé de la citadelle, Dubusse, religieux à Saint-Eloy,
Boniface, vicaire de Pantin, près Paris, le trop célèbre
Joseph Le Bon, de l'Oratoire, nommé curé de Neuville-
Vitasse, etc. 11 en fut de même dans les autres districts. A la
fin du mois de juin 1791, le clergé constitutionnel du Pas-
de-Calais était entièrement organisé, tant bien que mal, et
toutes les cures étaient pourvues d'un titulaire. L'adminis-
tration de l'évêque Porion ne manquait du reste ni d'habileté,
ni de sagesse; M. Deramecourt lui-même reconnaît qu'un
grand nombre de ses réformes avaient leur raison d'être ,
mais, ajoute-t-il, il n'appartenait pas à un évêque de les impo-
ser, ni de les promulguer de sa propre autorité i.
Que devenait pendant ce temps le clergé réfractaire ? Des
trois évêques, l'un, Mgrde Bruyères-Ghalabre, était toujours à
Milan, d'où il lançait en toute sécurité ses '( foudres » contre
l'intrus Porion ; Mgr de Conzié s'était retiré à Tournay ; Mgr
Asseline tint plus longtemps tête à l'orage ; il ne quitta Bou-
logne que le o juin, pour se réfugier à Ypres. Tous trois
avaient protesté également et à peu près dans les mêmes
termes contre la nomination de Porion, contre la modification
des paroisses et l'élection des nouveaux curés. Conformément
aux instructions de leurs évêques, les curés réfractaires res-
taient à leur poste et, en plus d'une commune, la population
était de cœur avec eux, surtout dans les paroisses appelées à
disparaître. Des conflits, accompagnés parfois d'incidents vio-
lents, sont la conséquence inévitable de ce dualisme. Les
partisans des anciens curés font la vie très dure aux prêtres
constitutionnels et leurs provocations imprudentes contribuent
certainement à déchaîner les colères et à amener la persé-
cution du clergé réfractaire. Ainsi, le curé constitutionnel
1. DlîH.VMECOURT, 0/3. Cit., t. II, p. 207.
LES CULTES 217
d'Erin, Boniface, est contraint de démissionner, k cause des
misères que lui font les habitants fidèles aux prêtres réfrac-
taires, Sauvage et Caron ; de même, son successeur Peu-
gniet .
Pendant la durée de l'Assemblée Législative et jusqu'à la
journée du 10 août, s'il y eut des violences de part et d'autre, si
les esprits se surexcitèrent et si les ennemis de l'Eglise en
profitèrent pour engager plus avant dans la voie révolution-
naire les administrations du département, des districts et des
communes, le clergé réfractaire ne fut cependant pas encore
obligé de se disperser.
Devançant l'Assemblée Législative dans les mesures de
répression qui devaient suivre au lendemain du 10 août,
l'assemblée administrative du département prenait, dès le
19 du même mois, les résolutions suivantes:
« Considérant que les manœuvres des prêtres insermentés
ont exposé l'Etat à des dangers tels que le salut du peuple,
cette loi suprême, et la sûreté personnelle de cette classe
d'hommes obligent les administrateurs à prendre contre eux
des mesures répressives ; après avoir été entendu le procureur
général syndic, a été arrêté ce qui suit :
« Art. l*''' : La peine de la réclusion aura lieu contre tout
ecclésiastique qui n'a pas prêté ou qui a rétracté le serment
décrété le 26 décembre 90, soit qu'il ait été soumis ou non à ce
serment.
« Art. 2. Cette peine ne sera prononcée que sur la dénon-
ciation de vingt citoyens d'un même canton, âgés au moins
de 21 ans, lesquels affirmeront qu'ils ont la conviction intime
qu'il importe à la tranquillité publique que tel ecclésiastique
soit reclus.
(( Art. 3. La dénonciation sera faite devant le Conseil ou
Directoire du district.
« Art. 4. La maison de réclusion sera la ci-devant abbaye de
Saint-Bertin, k Saint-Omer. »
218 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
On sait que l'Assemblée Législative aggrava ces mesures
puisqu'elle prescrivit que tous les ecclésiastiques assujettis au
serment, qui ne l'auraient pas prêté ou l'auraient rétracté,
seraient tenus de sortir sous huit jours des limites du district
et du département de leur résidence et, dans la quinzaine,
du royaume ; ceux qui n'auraient pas obéi à la loi seraient
déportés à la Guyane. La loi du 23 avril 1793, plus rigoureuse
encore, décréta que tous les ecclésiastiques réguliers, séculiers,
frères convers et lais, coupables de ne pas avoir prêté le
serment de maintenir la liberté et l'égalité, seraient embarqués
et transférés sans délai à la Guyane.
Tandis que les manifestations continuaient dans les cam-
pagnes contre les prêtres constitutionnels, les diverses admi-
nistrations commençaient, à partir de l'année 1793, à appliquer
les mesures de rigueur contre les réfractaires, assez molle-
ment d'abord, il faut le reconnaître, puis plus durement, lors-
que les représentants en mission eurent destitué certaines
assemblées administratives accusées de tiédeur. C'est dans le
district de Saint-Pol que l'hostilité à la Constitution civile
du clergé se manifestait le plus violemment ; c'est dans ce
même district qu'eurent lieu les premières arrestations. Le
6 février 1794, 275 ecclésiastiques de ce district ou y résidant
avaient pris le chemin de l'exil. Beaucoup de prêtres des dio-
cèses d'Arras, de Saint-Omer et de Boulogne se réfugièrent
dans les Pays-Bas autrichiens, mais les victoires des armées
françaises les forcèrent plus tard à fuir jusqu'en Allemagne ou
à rejoindre ceux de leurs confrères qui avaient choisi l'An-
gleterre comme lieu de retraite. Mgr Asselihe était le premier
chef spirituel de ces exilés, chef infatigable et très écouté.
En septembre 1792, l'ancienne abbaye du Vivier à Arras,
avait été transformée en maison de réclusion pour les prêtres
âgés et infirmes qui n'avaient pas prêté le serment et étaient
trop faibles pour supporter les fatigues de l'exil ; le collège de
l'Oratoire de la même ville reçut, en 1793, la même destina-
tion ; puis, l'ancien couvent des Capucins, etc. La place
LES CCLTES 219
manquait pour loger tous les ecclésiastiques qui devaient être
reclus.
Lorsque Le Bon, de suppléant à la Convention Nationale y
devient député et est envoyé en mission dans le département
du Pas-de-Calais, la terreur commence réellement à régner ;
l'exil et la réclusion sont des peines trop douces, la guillotine
fonctionne en permanence. Les arrestations se succèdent sans
relâche et la folle équipée d'Aumerval, connue sous le nom
de « Petite Vendée de l'Artois », fournit un facile prétexte aux
mesures sanguinaires de Le Bon. Deux des auteurs de l'émeute
d'Aumerval, Jacques Bins et Augustin Grimbert, sont exécu-
tés à Saint-Pol; ils inaugurent la funèbre série dans laquelle
seront compris tant d'ecclésiastiques. Le premier prêtre, qui
porte la tête sur l'échafaud est le chanoine Jean Poulin, du
chapitre d'Arras, ancien professeur de l'Université de Reims,
accusé d'avoir contrevenu aux lois sur l'émigration. Le
3 octobre 1793, c'est le tour de l'abbé Jean-Pierre Poulteau,
ancien vicaire d'Mucqueliers, exécuté à Boulogne. Nous trou-
vons ensuite parmi les victimes : le chanoine Jean d'Advisard,
originaire d'Arras, vicaire général de l'archevêque de Tours ;
François de Conzié, frère de l'évêque d'iVrras ; l'abbé
Carg, curé de Colline, condamné à mort pour avoir prêché
l'indissolubilité du mariage et l'impossibilité spirituelle où
étaient les fidèles d'obéir à la loi du divorce ; l'abbé Marchand,
attaché à la paroisse Saint-Nicolas-en-1'Atre, jugé, condamné
et exécuté en moins de deux heures ; les six chanoines d'Arras,
Malbeaux, Boucquel de Lignicourt, De Buissy, Leroux du
Châtelet, de France de Vincly et Harduin, accusés d'avoir
signé la déclaration du chapitre contre la Constitution civile
du clergé ; Jean Diot, curé de Ligny-sur-Conche, ancien
député du clergé aux Etats généraux où il avait voté les prin-
cipales réformes et ancien curé constitutionnel ; Louis Fran-
çois Joseph Ansart, religieux de Saint- Vaast et Charles
Michaud, curé constitutionnel de Saint-Bertin, ancien député
à l'Assemblée Constituante, auquel Le Bon reprochait d'avoir
220 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
prêché contre la descente des cloches. Après un répit déter-
miné par un vojag-e de Le Bon à Paris, la funèbre série
recommence ; Dom Desruelles, sous-prévôt de Saint- Vaast ;
le chanoine Roch Legrand, du chapitre de Saint-Barthélémy
de Béthune, qui avait adressé une lettre de remerciements au
châtelain delà Vaissière, M. de Vieilfort ; Barthélémy Laig-nel,
religieux de Saint- Vaast, et son frère Jacques Laignel, abbé
de Saint-Eloy ; l'abbé Brasseur, vicaire de Chocques ; Jacques
Piedfort, vicaire constitutionnel d'Audincthum, accusé d'avoir
falsifié un acte de baptême pour se soustraire à la réquisition ;
Pierre-Joseph Peugniet, curé constitutionnel de Vitry ; deux
religieuses, Marie-Eugénie et Marie-Joséphine de Nédonchel;
quatre sœurs de charité de la maison d'Arras, Marie-Made-
leine Fontaine, Marie Lamelle, Thérèse Fontoux et Jeanne
Gérard 1; Pierre-Joseph Nonjean, prêtre chantre de l'église
Saint-Gerj ; Edouard Gouillard, chanoine d'Aire ; Marie-
Dominique Braure, supérieure de la maladreriede Saint-Omer,
six récollets, deux carmes déchaussés, trois prêtres séculiers,
quatre ursulines et une hospitalière, arrêtés à Ypres et con-
damnés en bloc, etc.
A Béthune, le conventionnel Duquesnoy, digne rival de
Le Bon, faisait arrêter cinquante-sept personnes et les diri-
geait sur Arras pour être jugées par le tribunal révolution-
naire.
Le rappel de Le Bon, le 9 thermidor, puis l'arrestation de
ce tyran qui, après un procès interminable et une détention de
quatorze mois, porta enfin à son tour la tête sur l'échafaud,
permirent au département du Pas-de-Calais de retrouver une
certaine sécurité. Du 9 thermidor au coup d'Etat du 18 bru-
maire, ce n'est évidemment pas la liberté religieuse et beaucoup
d'ecclésiastiques sont déportés à la Guyane, mais ce n'est plus
le régime terroriste comme l'avait compris le sanguinaire pro-
consul. Les mariages de prêtres, le culte de la Raison, puis le
1. V. sur la mort de ces religieuses les récentes et curieuses brochures de
M. l'abbé Misermont, les Sœurs de la charité d'Arras.
LES CULTES 221
culte de l'Etre suprême avaient désorganisé le clergé consti-
tutionnel lui-même. Rien n'était fait pour rétablir le culte. Au
lendemain du 9 thermidor, le représentant Berlier, envoyé en
mission dans le Pas-de-Calais, dit dans l'une de ses procla-
mations . « Le règne de la superstition n'est point reproduit
par la chute des tyrans ; dénoncez ceux qui voudraient vous
agiter sous ce prétexte. La liberté, la justice, la morale,
voilà la vraie religion, celle que la raison commande et que
l'esprit conçoit sans le secours des hypocrites apôtres qui
avaient jusqu'à ces derniers temps rivé les fers de l'huma-
nité. »
La population, en réalité, désirait ardemment la restaura-
tion du culte, car, de toutes parts, rentraient des prêtres
réfractaires qui parcouraient les communes, célébraient les
offices, prêchaient, donnaient les sacrements, etc., et les bri-
gades de gendarmerie, lancées à leur poursuite, rentraient
presque toujours les mains vides, ce qui prouve la compli-
cité des populations et des municipalités, et même celle des
gendarmes. Le culte caché se pratiquait partout au moment
où se produisit le coup d'Etat du 18 brumaire.
Nous pouvons ainsi résumer l'histoire du clergé du départe-
ment du Pas-de-Calais de 1789 à 1800: la Révolution est
mal accueillie par les évêques, dont l'un, Mgr Asseline, est
le partisan le plus acharné et le plus irréductible de la résis-
tance à outrance ; cette altitude des évêques contribue nota-
blement à décider la majorité du «lergé à refuser le serment
constitutionnel, que prête toutefois une assez forte minorité ,
les subdivisions nouvelles des paroisses et la diminution
de leur nombre sont, parmi les causes les plus sérieuses de
l'opposition des populations au clergé constitutionnel, enfin
l'odieuse persécution de Le Bon et de ses acolytes grandit
aux yeux des fidèles les missionnaires du « culte caché »,
devenu très actif depuis la fin de l'année 1795 '.
J. Deuamecourt, Le clergé du diocèse d'Ar ras, Boulogne et Sainl-Onier
pendant la Révolution, t. 1, 2 et 3.
222 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
II
Après le coup d'État du 18 brumaire, rien n'est changé
dans la législation relative à l'Eglise ; ce sont les lois pro-
mulguées par la Convention Nationale et le Directoire que les
administrations doivent appliquer aux j)rêtres réfractaires ;
mais, dans la pratique, on montre plus de bienveillance et
d'humanité à l'égard des ecclésiastiques détenus. Un certain
nombre sont mis tout de suite en liberté, les autres voient
s'adoucir leur captivité ; enfin, le 7 janvier 1800, les portes des
prisons sont ouvertes à toutes les victimes de la persécution
religieuse. Dans un esprit contraire, le 25 prairial an VIII,
l'administration refuse de rendre aux habitants des communes
de Gavron-Saint-Martin, d'Arondance, de Planques, de
Torcy, de Crécy, de Boulers-les-Nesmond et de Sains-les-
Fresvin les églises qui ont été vendues comme biens natio-
naux i. Un autre arrêté, en date du 19 messidor an VIII, met
les cérémonies du culte sous la surveillance des autorités -.
« Informé, dit le préfet, que les lois sur la police des cultes
ont cessé depuis quelque temps d'être pleinement et géné-
ralement exécutées dans ce département ; considérant qu'au-
tant il est dans l'esprit du gouvernement et du dépositaire
de son autorité de protéger la liberlé des cultes, autant il est
essentiel au bon ordre et à- la tranquillité publique que l'exer-
cice de ces cultes soit strictement renfermé dans les bornes
qui lui sont assignées par les lois ; considérant néanmoins
qu'il suffira de rappeler aux citoyens les lois qui doivent être
la règle de leur conduite en cette matière, arrête la réim-
pression des articles de loi qui suivent » Et l'arrêté repro-
duit l'article VII de la loi du 3 ventôse an III, la plupart des
1. Archives départ, lic^. 98 des arrêtés préfectoraux, f" 155.
2, Ihid., llcg. 98 des arrêtés préfectoraux, f" 281.
LES CULTES 223
articles de la loi du 7 vendémiaire an VII, la loi du 22 ger-
minal an IV, etc.
A ce moment les prêtres Denis-Marie-Xavier Deschodt,
Ducauroy, Armand-Joseph Henry, le chanoine De Vicques,
Fahy, ancien curé de Saint-Pierre, Charles-Ignace Blin, ancien
vicaire de W^imille, Dapvril, ex-curé de Bois-Bernard, Etienne
Boisleux, vicaire à Quentin, Pierre-Joseph Houriez, curé du
Transloy, Joseph Defasque, ex-cordelier, Vaast Galland,
ex-curé de Barlin, sont internés à la maison d'arrêt dite des
Dominicains ou au Vivier.
Qu'était devenu au milieu de la tourmente le clergé consti-
tutionnel? L'évêque Porion s'était marié; il fut nommé admi
nistrateur municipal de Saint- Omer le 12 décembre 1797,
mais il donna sa démission le 23 février 1798 et vécut dans
l'obscurité jusqu'à sa mort, qui arriva le 20 mars 1830. A
la fin de l'année 1795, le clergé constitutionnel avait tenté
de se réorganiser : le curé de Lestrem, Warenghem, avait
parcouru presque tout le département et était parvenu à
réunir à Lestrem un « synode » de douze prêtres représen-
tant quatre-vingt-trois ecclésiastiques du Pas-de-Calais ; ce'
synode constitua le « presbytère » du département, dont il
nomma président Mathieu Asselin, curé du Saint-Sépulcre de
Saint-Omer, et secrétaire le vicaire épiscopal Royer. Le
30 novembre 179G, le « presbytère » adressait au diocèse une
instruction pastorale; peu après, Mathieu Asselin était élu
évêque constitutionnel du Pas-de-Calais.
Mathieu Asselin, né à Beauvoir, hameau de Bonnières,
dans le doyenné d'Auxi-le-Château au diocèse d'Amiens,
le 26 octobre 1731, avait été ordonné prêtre à Meaux en
1760 ; il avait pris en Sorbonne les grades de maitre-ès-arts
et de bachelier en théologie, avant d'être nommé en 1765 a
la cure de Falaise ; lors de la Constitution civile du clergé,
il prêta le serment et reçut la cure duSaint-Sépulchre, à Saint-
Omer. En 1797, il prit part au concile national organisé par
Grégoire et s'eiforça de relever de sa ruine l'église constitu-
224 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
tionnelle du Pas-de-Calais ; mais son activité, son zèle apos-
tolique furent impuissants à ranimer cette Eglise expirante ' .
Le 20 messidor an X (15 juillet 1801 "l la signature du Con-
cordat mettait fin à la lutte entre prêtres constitutionnels et
prêtres réfractaires.
ni
Dans la nouvelle organisation de l'Eglise de France, le
département du Pas-de-Calais devait constituer l'évêché
d'Arras, suffragant de l'archevêché de Paris. La bulle d'érection
est du 10 avril 1802. L'évêque constitutionnel Asselin s'em-
presse de se soumettre et, le 20 octobre 1802, il adresse au
Souverain Pontife, une lettre dans laquelle il déclare que sa
foi est celle des apôtres et qu'il veut vivre et mourir dans le
sein de l'Eglise catholique, apostolique et romaine et dans la
communion du Saint-Siège, centre de la vérité ; en même temps,
il envoie sa démission au métropolitain de Rouen. Retiré à
Bonnières, sa paroisse natale, il y donne l'exemple « d'une
conduite exempte de tous reproches ^ ».
Malheureusement, les évêques réfractaires, Mgr de Conzié
et Mgr Asseline, nïmitèrent pas la sage attitude de l'évêque
constitutionnel. Ils sont du nombre de ces prélats qui
n'hésitent pas à sacrifier leur foi catholique à leurs convictions
royalistes; refusant d'obéir à la voix du Souverain Pontife,
ils tentent d'entraver en France la pacification religieuse qui
n'était possible qu'avec l'application du Concordat. Retiré en
Angleterre, Mgr de Conzié signe avec douze autres évêques
une lettre au pape pour réclamer une assemblée de tous les
évêques de l'Eglise gallicane ; quant à Mgr Asseline, qui vivait
en Allemagne, il rédige, selon toute probabilité, ses « Expos-
tulations canoniques et très-respectueuses adressées à Notre
1. DuHAMKCotjRT, Le clcrgé des diocèses d'Arras, Boulogne et Sainl-Omer
pendant la Révolution, t. IV, pp. 196-212.
2. Dehamecourt, op. fiit. p. 214.
LES CULTES 225
Saint Père Pie VII , Pape par la divine Providence, sur divers
actes concernant l'Eglise de France ». Ces deux prélats conti-
nuèrent leur opposition jusqu'à leur mort et leur attitude
contribua à rendre plus difficile l'application du Concordat
dans le département du Pas-de-Calais.
Comme évêque d'Arras, le gouvernement consulaire avait
d'abord fait choix de l'homme de bien, qui avait tout parti-
culièrement travaillé au succès des négociations relatives au
Concordat et que l'on regarde comme le rénovateur des
études ecclésiastiques, l'abbé Emery, l'éminent supérieur de
Saint-Sulpice. Mais celui-ci, dont la modestie égalait la vertu,
refusait l'évêché d'Arras, comme il devait refuser plus tard les
sièges deTroyes et d'Autun : « J'étais supérieur du séminaire
de Saint-Sulpice, écrit l'abbé Emery, et de la congrégation
qui porte ce nom, chargé par conséquent de former les jeunes
gens qu'on y élevait en vue de leur état, et particulièrement
à l'éloignement pour les dignités ecclésiastiques, car vous
savez que l'ambition était un vice trop commun dans le
clergé des derniers temps et contre lequel il était bien néces-
saire de prémunir l'esprit et le cœur des jeunes gens. Dans
cette vue, il fallait que les supérieurs qui donnaient des leçons
sur la crainte et la fuite des dignités en fournissent eux-
mêmes l'exemple... Que penseraient de moi tant d'ecclésias-
tiques devant qui j'ai fait pendant si longtemps une haute
profession à cet égard ? Ne soupçonneraient-ils pas que cette
profession n'était de ma part qu'un acte d'hypocrisie ; qu'au
fond, j'avais autant d'ambition qu'un autre; que dans les
disputes agitées entre les catholiques en France, au sujet des
formules exigées pour le libre exercice du culte, je n'ai
embrassé les sentiments favorables à ces formules que dans
le dessein de plaire au gouvernement et de favoriser mon
ambition ? » *
Sur le conseil, sans doute, de l'abbé Emery, Hugues-
1. Deramecouht, op. cit., tome IV, pp. 303 et sq.
Ghavanon et Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de 1800 à ISIO. 15
226 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 4810
Robert-Jean-Gharles de La Tour d'Auvergne-Lauraguais fut
appelé au siège épiscopal d'Arras. Né au château d'Auzeville,
diocèse de Toulouse, le 14 août 1768, le nouvel évêque
avait été élevé par son oncle, l'abbé de Saint-Paulet, officiai
de Castres. Ajorès avoir fait brillamment ses études classiques
au collège de Castres, il vint à Paris, au séminaire de Saint-
Sulpice pour y commencer ses études théologiques ; c'est là que
l'abbé Emery le connut. Lorsque les débuts de la Révolution
forcèrent les élèves de Saint-Sulpice à se disperser, le jeune
séminariste se réfugia d'abord dans sa famille, en Languedoc;
puis, tandis que l'abbé de Saint-Paulet gagnait l'Espagne,
Charles de La Tour d'Auvergne retournait à Paris, où il était
ordonné prêtre, en secret, le 2i juin 1702. Pendant la Terreur,
établi à Vergies, entre Abbeville et DouUens, puis à Amiens,
il fut arrêté à diverses reprises; pour vivre et pour échapper
à de nouveaux périls, il dut se faire teneur de livres chez
M. Archambal, ordonnateur des guerres à Amiens, et il figura
même sur les cadres de l'armée comme inspecteur des vivres
et fourrages ; il y gagnait 1. 200 fr. paran. L'ordre se rétablissant
en France, la tranquillité commençant à renaître, l'abbé de La
Tour d'Auvergne put avouer de nouveau son caractère ecclé-
siastique ; il songeait à demander la cure de Vergies, modeste
succursale, lorsqu'il fut nommé évêque d'Arras ; il n'avait
alors que 33 ans : u Vous êtes bien jeune, lui dit Bonaparte
à sa première visite ». « Avec une année de moins que moi,
lui répondit résolument le jeune prélat, le Premier Consul
gouverne l'Europe; j'espère, avec l'aide de Dieu, pouvoir gou-
verner mon diocèse K »
Le 17 avril, l'abbé Charles de La Tour d'Auvergne est sacré
dans l'église de Saint-Roch, à Paris, par Mgr de Roquelaure,
archevêque de Malines, assisté de Mgr de Beaumont, évêque
de Gand et de Mgr de Maillé de La Tour-Landry, ancien
évêque de Saint-Papoul, Sur les conseils de l'abbé Emery, il
1. Debamecourt, op. cit., t. IV, p. 316.
LES CULTES 227
choisit, avant de quitter Paris, comme grand vicaire épiscopal,
un ecclésiastique très expérimenté, l'abbé Dubois, docteur en
théologie, prêtre du diocèse de Langres; c'est à la paroisse de
Saint-Leu, à Amiens, où il avait séjourné pendant la Terreur,
qu'il demande son secrétaire, l'abbé Pelletier.
Trois jours avant la consécration de l'évêque d'Arras, le
préfet du Pas-de-Calais avait reçu la circulaire du ministre de
l'intérieur lui mandant que le libre exercice du culte catho-
lique était enfin établi par une loi qui devait être promulguée
avec solennité. Cette circulaire ministérielle insistait sur les
points suivants :
«. 1° Si l'ancienne maison épiscopale n'est ni aliénée ni
employée à un autre service public, si en outre elle n'est pas
trop vaste ou dégradée, vous ferez procéder, y est-il dit au Pré-
fet, sans aucun délai aux réparations nécessaires pour recevoir
le nouvel évêque. Vous prendrez les mêmes mesures pour la
cy devant église cathédrale ou métropolitaine ; mais, dans le
cas de l'aliénation ou d'une entière dégradation, vous affecterez
à titre de remplacement la principale église et vous aurez soin
de faire enlever et disjjaraître toute inscription qui seroit hors
des usages du culte catholique.
« Si vous êtes dans le cas de pourvoir au remplacement de
la maison épiscopale, vous vous concerterez avec le directeur
de l'enregistrement pour mettre une nouvelle maison nationale
à la disposition de l'évêque et dans le cas où il n'existerait
aucune maison nationale qui fût disponible, vous prendrez les
arrangements nécessaires pour le recevoir et le loger d'une
manière analogue à sa dignité et à la considération dont il doit
être entouré.
« Toutes les dépenses locatives et de premier établissement
doivent être supportées par la commune où le siège est établi
et dans le cas où l'insuffisance de ses ressources seroit reconnue,
les dépenses seront à la charge des départements qui forment
le territoire diocésain, mais aucune considération ne peut
228 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
VOUS autoriser à différer les opérations nécessaires pour fissu-
rer un log-ement au nouvel évêque.
« 2" Le gouvernement désire aussi que l'installation du nou-
vel évêque se fasse avec solennité, que toutes les autorités
locales lui rendent visite et qu'enfin vous preniez toutes les
mesures convenables pour faire porter aU caractère épiscopal
tout le respect qui lui est dû
(( Ceux des ecclésiastiques qui se sont recommandés par leur
soumission aux lois, leur attachement au gouvernement et
par l'austérité de leurs mœurs doivent être choisis de préfé-
rence pour les fonctions ecclésiastiques ^. »
Le 28 floréal an X (29 avril 1802), Mgr de La Tour d' Au-
vergne écrivit de Paris au préfet Poiteviji-Maissemy pour lui
annoncer sa consécration et lui faire savoir qu'il se rendait à
Amiens d'où il partirait pour Arras deux jours avant la Pen-
tecôte, afin d'officier dans son église cathédrale le jour de la
Pentecôte et de prendre possession de son diocèse.
Comme il l'avait annoncé, le nouvel évêque arrive à Arras le
vendredi 4 juin, à 4 heures de l'après-midi ; le préfet, qui s'était
rendu à sa rencontre, le conduit à son logement du Refuge
d'Eaucourt. Le lendemain, a lieu la prise de possession en
présence de toutes les autorités officielles et la garnison étant
sous les armes. On rapporte que lorsque le cortège é^^iscopal
déboucha devant l'église de Saint-Nicolas-sur-les-Fossés,
Mgr de La Tour d'Auvergne remarqua que l'une des statues
du chœur était coiffée du bonnet rouge ; il s'arrêta brusque-
ment et, se retournant vers le préfet, lui dit : « Monsieur
le Préfet, si vous ne faites disparaître sur le champ cet emblème
sacrilège, je n'irai pas plus loin ». D'autre part, parmi les
prêtres qui venaient à la rencontre del'évêque, plusieurs, sans
y avoir réfléchi, portaient encore l'étole : (( Pas d'étoles ! »
s'écria Mgr de La Tour d'Auvergne.
D'après les instructions ministérielles, les deux premiers
1. Archives départ., Circulaire du ministre Chaptal.
LES CULTES 229
points à régler étaient ceux du logement de l'évêque et de la
réorganisation de l'église cathédrale. Un rapport du Préfet
au ministre de l'intérieur, en date du 27 germinal an X,
explique quelle esta ce sujet la situation : « Je me suis déjà
occupé de pourvoir au logement de TÉvêque de ce département
de concert avec le Directeur des Domaines, et j'ai trouvé une
maison nationale qui, quoique peu vaste à la vérité, offre pour-
tant les commodités les plus essentielles et ne compromet
aucunement la décence qui doit accompagner le caractère
d'un évêque. Je présume qu'elle conviendra d'autant mieux à
celui qui sera appelé au siège de ce département, qu'elle
avoisine l'église dite de Saint-Nicolas-sur-les-Fossés, la seule
qui reste dans cette ville pour remplacer la cathédrale... J'ai
notifié à la mairie d'Arras que toutes les dépenses locatives
et de premier établissement doivent être supportées par la
commune où le siège est établi et que, dans le cas où l'insuf-
fisance de ses ressources serait reconnue, les dépenses seraient
à la charge du département ; elle ne m'a encore fait aucune
objection et, comme son octroi est assez productif, je présume
qu'il pourra subvenir à ce surcroît de dépenses communales ^. »
Le préfet, reconnaissant dans la suite, sur les observations
de l'évêque, que la maison nationale dite du Refuge n'était
pas assez vaste, mit, par arrêté du 6 messidor an XI, à la
disposition de Mgr de La Tour d'Auvergne l'aile gauche des
bâtiments de l'ancienne abbaye de Saint- Vaast. L'évêque
couchait dans son nouveau logement le 1"' fructidor et com-
mençait son déménagement ; les réparations nécessaires
étaient estimées à 1.064 fr., ce qui n'était certes pas bien con-
sidérable. Tout s'arrangeait donc pour le mieux lorsque, par
une lettre en date du 20 vendémiaire, le ministre des finances
informa le Préfet que les bâtiments de l'abbaye de Saint- Vaast
venaient d'être destinés à recevoir l'une des cohortes de la
Légion d'honneur : il fallait se mettre en quête d'un nouveau
1. Archives départ. Brouillon de lettre du préfet Poitevin-Maissemy, dans
le dossier : Logement de l'évêque et cathédrale.
230 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
lo<^ement pour l'Evêque. Par arrêté du 20 brumaire an XI, le
Préfet loue la maison du citoyen Imbert de La Basèque
« commode, suffisamment spacieuse et voisine de la cathé-
drale » ; le prix de location est fixé à 1060 fr. par an. Mgr de
La Tour d'Auvergne ne paraît pas avoir été satisfait de ce
troisième palais épiscopal, car il écrit le 5 germinal an XII
au Préfet : (( Les déménagements m'ennuient et me ruinent ;
c'est pourquoi je pense à m'établir tout à fait dans l'hôtel de
La Basèque, mais cette maison, comme je vous l'ai déjà
observé, Monsieur le Préfet, ne me présente aucun emplace-
ment commode, ni pour les bureaux de mon secrétaire et mes
archives, ni pour ma chapelle ; la maison dite de Beauffort y
attenante va être vacante ; elle est à louer pour le l*""" may
prochain. J'ai l'honneur de vous prier de me la procurer pour
y établir mes^dits bureaux, archives et itia chapelle i. »
IV
Si la désorganisation des anciens diocèses était telle que
l'on éprouvait tant de difficultés à loger un évêque dans un
département qui avait avant la Révolution trois évêchés, à
combien d'obstacles devait-on se heurter pour la reconstitution
du clergé diocésain ! Il fallait d'abord délimiter et fixer le
nombre des cures et des succursales. Dans le doyenné d'Arras,
on comptait avant la Révolution seize paroisses : Saint-Géry,
Saint-Jean-Ronville, Saint-Nicolas-sur-les-Fossés, Saint-
Aubert, Sainte-Croix, Sainte-Marie-Madeleine, Saint-Étienne,
Saint-Maurice, Notre-Dame-aux-Jardins, Saint-Nicolas-en-
Tâtre, Saint-Nicaise, Saint-Sauveur, Achicourt, Sainte-Cathe-
rine, Saint- Nicolas, Saint-Aubin. L'organisation constitution-
nelle avait réduit ces seize paroisses à quatre : Saint-Géry,
Notre-Dame, Sainte-Croix, Saint- Vaast. La nouvelle organi-
sation comportera deux cures : celle d'Arras-Nord ou de la
1. Archives départ. Dossier « Logement de l'Évêque ».
LES CULTES 231
cathédrale et celle d'Arras-Sud; la cure d'Arras-Nord aura
dix succursales : Le Vivier, Les Charlottes, Saint-Laurent et
Blangy, Sainte-Catherine et Saint-Nicolas, Athies, Rocquelin-
court et Ecurie, Saint- Aubin et Anzin, Marœuil et Etrun,
Duisant (Louez, Hugy etPont-dHug-}''), Dainvilleet Wagnon-
lieu ; la cure d'Arras-Sud aura douze succursales : Sainte-
Agnès, les Clarisses, Louez-Dieu, Saint- Vaast, Saint-Sauveur
et le Faubourg, Achicourt, Wailly, Agnies, Tilloy et Beaurain,
Neuville-Vitasse, Feuchv et Fampoux.
Cette répartition correspond aux seize paroissses de l'ancien
doyenné d'Arras, aux quinze paroisses de l'ancien doyenné de
Marœuil, aux quatorze paroisses de l'ancien doyenné de
Fampoux et aux quatorze paroisses de l'ancien doyenné de
Neuville-Vitasse. 11 y a donc une réduction considérable par
rapport au chilFre des paroisses qui existaient antérieure-
ment à 1789. Mais, l'arrondissement d'Arras formera
161 paroisses, alors que, dans l'org-anisation constitutionnelle,
il n'en aurait eu que 102. Nous pourrions faire les mêmes
observations pour les autres arrondissements. Il est évident
que le gouvernement consulaire, tout en augmentant sensi-
blement le nombre des paroisses que le régime constitutionnel
avait trop réduit, n'a pas voulu revenir au morcellement
exagéré des diocèses de l'ancienne monarchie.
Un certain nombre de communes n'ont du reste ni église,
ni presbytère et il ne serait pas facile d'y constituer des
paroisses. Tel est le cas, dans l'arrondissement d'Arras, des
communes d' Achicourt, d'Achiet-le-Grand, de Beaumont, de
Bertincourt-Offimont, de Brebières, d'Ecoivres, de Famechon,
de Gouve, de la Herlière, de Leauwette, de Metz-en-Couture,
de Monchy-les-Preux, de Pelves, de Tilloy-les-Mofflaines, de
Sainte-Catherine, de Wanquetin. D'autres communes sont
sans presbytère ou n'ont que des églises en très mauvais état.
Certaines communes demandent du reste elles-mê^es à être réu-
nies à des communes voisines pour former une seule paroisse.
1. Aujourd'hui Pont-du-Gy.
232 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Cependant le nombre des succursales fut encore trouvé trop
élevé, car l'art. 1"" du décret du 1"'" prairial an XII prescri-
vit aux évêques, conformément aux art. 60 et 61 de la loi
du 18 germinal an X, de se concerter avec les préfets pour
une nouvelle circonscription des succursales que Ton voulait
réduire « aux vrais besoins des fidèles ». D'après un travail
fait à ce sujet à la Préfecture on proposait d'attribuer au
département du Pas-de-Calais cinq cent quatre-vingt-dix-neuf
succursales, dont quatre cent cinquante-trois à la charg-e du
trésor public et cent quarante-six aux frais des communes.
Le Conseil général, appelé à délibérer le 13 floréal an XIll sur
le projet préfectoral, croity remarquer « quelques inconvéniens,
en ce qu'il réunit des communes dépendantes d'arrondisse-
mens differens, ce qui ne pourrait être que très défavorable à
ces mêmes communes dans l'ordre administratif, pour les
demandes et autorisations qu'elles auraient à obtenir de divers
sous-préfets et entraînerait nécessairement des longueurs qui
nuiraient à leurs intérêts et empêcheraient l'ensemble de leurs
mesures. En conséquence, le conseil croit devoir émettre le
vœu que Sa Majesté Impériale soit suppliée de ne pas approu-
ver définitivement, mais provisoirement seulement la nouvelle
circonscription des succursales, jusqu'à ce que les réunions
demandées par le préfet, sous les rapports généraux de son
administration, soient effectuées et d'ordonner jusqu'à la même
époque le payement des prêtres succursalistes qui sont à la
charge du trésor public. Le Conseil croit aussi devoir deman-
der qu'à l'avenir les desservans des succursales qui sont aux
frais des communes soient payés par le département au
moyen d'un des quatre centimes qu'il est autorisé à imposer
pour le culte. Ce mode très juste en lui-même affranchirait ces
ministres de la religion des difficultés qu'ils éprouvent assez
souvent dans le système actuel et leur donnerait plus de dignité
vis-à-vis leui;s ouailles, en leur évitant des discussions d'in-
térêt avec elles. L'intention du gouvernement étant de ne
multiplier les succursales qu'en faveur des besoins réels, le
LES CULTES 233
Conseil pense qu'il conviendrait d'en réduire le nombre k
celui des arrondissements-perceptions établis dans ce dépar-
tement * » .
Le gouvernement ne voulait plus avoir dans toute l'étendue
de l'Empire que 24.000 paroisses; pour rester dans la pro-
portion, le Pas-de-Calais ne devait par conséquent compter
que 448 succursales, au lieu de 617 qui avaient été établies
après la mise en vig^ueur du régime concordataire -. Un décret
impérial, en date du 10 prairial an XIII, fixe k 453 le nombre
des succursales du diocèse d'Arras.
La réunion de plusieurs communes en une seule paroisse
soulevait des difficultés au sujet de la résidence du
desservant. L'évéque d'Arras informait le Préfet qu'il recevait
de toutes les parties de son diocèse des pétitions l'engag-eant
k désigner le lieu de résidence des desservants dont les succur-
sales groupaient plusieurs communes. Les lois organiques
n'imposaient aux curés, et par conséquent aux desservants, que
l'obligation de résider dans leur paroisse ; elles ne tranchaient
donc pas la question, assez épineuse k cause des jalousies
réciproques des communes. L'évéque demande donc au Préfet
l'autorisation de fixer lui-même ce lieu de résidence, en tenant
compte de la localité qui offre le plus d'avantages pour faci-
liter l'exercice du culte '^.
Si les subdivisions paroissiales, l'établissement des limites
des cures et des succursales ont nécessité un certain labeur
administratif, les difficultés se compliquent bien autrement
lorsqu'il s'agit de pourvoir de titulaires ces cures et ces suc-
cursales; ici, toutes les passions humaines sont en jeu. Sans
avoir adopté toutes les idées et gardé les rancunes des prêtres
1. Archives départ. Extrait des délibérations du Conseil général.
2. Ihid. Lettre du Préfet au ministre des cultes, le 23 frimaire an XIII.
3. Ibid. Lettre de l'Évêqueau Préfet, l" floréal an XI.
234 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
qui avaient émigré, Mgr de La Tour d'Auverg-ne, resté coura-
geusement en France pendant la tourmente, nouveau venu
dans l'épiscopat, dégagé de toute obligation royaliste, n'en
est pas moins favorable, de préférence, aux prêtres qui ont
refusé d'adhérer à la Constitution civile du clergé. Au con-
traire, le préfet Poitevin-Maissemy, voltairien et sceptique,
disposé à admirer l'œuvre religieuse de l'Assemblée Consti-
tuante, voudrait composer le clergé du nouveau diocèse d'Ar-
ras, en grande majorité, avec des prêtres constitutionnels ;
l'attitude de l'ancien évêque de Boulogne, Asseline, n'a fait
qu'accroître l'hostilité du préfet à l'égard du clergé réfractaire.
Nous trouvons à ce sujet une curieuse lettre de Poitevin-
Maissemy, écrite en germinal an X, qui signale, avec une
réelle violence d'expressions, les menées de Mgr Asseline
dans le département et qui mérite d'être reproduite intégrale-
ment :
« J'ai l'honneur de vous informer que le ci-devant évêque
de Boulogne, Asseline, qui a refusé d'envoyer sa démission à
son chef, est un véritable fléau pour l'arrondissement de
Boulogne, qui devient de plus en plus redoutable. Il est plus
exaspéré et plus fanatique qu'il se soit jamais montré ; il a
envoyé des renforts aux agens qu'il entretient dans son ancien
diocèse et leur a donné de nouvelles instructions, à l'aide
desquelles ils égarent le peuple et cherchent à triompher
complètement de sa crédulité. La correspondance avec cet
évêque est active au dernier point; beaucoup de prêtres
rentrent clandestinement ; les rassemblements nocturnes se
multiplient; on porte l'audace jusqu'à les former en plein
jour [sic). Le sous-préfet de Boulogne a envoyé récemment
de la gendarmerie pour dissiper des réunions de cette espèce
qui avoient lieu dans plusieurs communes ; il a reçu des dépu-
tations, des remontrances, même des protestations et presque
des menaces. Il me mande que le mal est à son comble, que
bientôt l'on aura plus le moyen d'arrêter le torrent qui menace
de tout envahir dans son arrondissement, si l'on n'adopte les
LES CULTES 23S
mesures de répression les plus promptes et les plus éner-
giques. Mais quelles mesures employer? Les menaces les plus
atroces empêchent tous les fonctionnaires de s'opposer à ce
torrent et de révéler tout ce qui se passe. Je viens d'être
informé qu'un prêtre nommé Seghin, échappé de la maison
d'arrêt d'Hesdin, est rentré en triomphe dans son arrondisse-
ment, qu'il a été accueilli avec des transports de joie ; qu'il y a
eu à cette occasion des festins, des Te Deum, des prédications
fanatiques et des offrandes à profusion. Les amis du g-ouver-
nement sont dans la consternation et dans l'effroi; les maires,
les juges de paix, les gardes champêtres voient sans cesse une
torche incendiaire à leur porte. Ce Seghin et trois autres
prêtres, Balin, La Porte et Corne, renforcés par de nouveaux
émissaires de l'évêque Asseline, colportent et commentent avec
une ferveur qui tient de celle de la Ligue un nouveau man-
dement de ce prélat^. »
Une telle surexcitation des esprits, du côté des administrés
comme du côté des administrateurs, prouvait 'suffisamment
la nécessité d'appliquer au plus vite le Concordat et d'orga-
niser le diocèse, pour ramener le calme et mettre fin à des
intrigues dangereuses et coupables. Le préfet et l'évêque
eurent parfois, l'un et l'autre, le tort de laisser influencer
leurs décisions par les passions du dehors ; il en résulta un
désaccord qui eut pour conséquence, comme nous l'avons
déjà expliqué dans le premier chapitre de cet ouvrage, le
déplacement de Poitevin-Maissemy et qui ralentit en même
temps la constitution du clergé diocésain.
Dès le 30 floréal an X, les prêtres constitutionnels avaient
été invités par une circulaire préfectorale à renoncer k la Cons-
titution civile du clergé et à adhérer aux principes du Con-
cordat. Cette circulaire était ainsi conçue : « Votre attache-
ment au gouvernement républicain, votre soumission cons-
tante aux lois, votre conduite morale, en un mot tout ce que
1. Archives départ. Série M. Brouillon de la lettre du préfet Poitevin-
Maissemy au ministre de l'intérieur, germinal ai X.
236 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
VOUS avez opéré dans l'exercice du ministère, sont autant de
garants de celui que vous pouvez faire dans un nouvel ordre
de choses qui doit mettre fin à toutes les dissensions reli-
gieuses. Mais pour atteindre ce but si désirable, il est impor-
tant de faire préalablement disjîaraître tout ce qui peut éta-
blir une différence dans les principes des ministres du même
culte. En conséquence, et pour que rien ne s'oppose à ce que vos
vertus, vos talents et votre dévouement puissent êtreprompte-
ment utilisés, je vous invite, citoyen, à déclarer sous le plus
bref délai que vous renoncez à la Constitution civile du
clergé, que vous adhérez aux principes du Concordat et que
vous reconnaissez comme légitime l'évêque envoyé par le
gouvernement, institué parle Saint-Siège, nommé parle Pre-
mier Consul et reconnu par le Préfet du département ^. »
On remarquera avec quels ménagements le préfet Poitevin-
Maissemy s'adressait aux prêtres constitutionnels ; ceux-ci
s'empressèrent du reste d'obéir et de faire toutes les déclara-
tions que l'on réclamait d'eux.
Il est très important d'établir la part proportionnelle du
clergé réfractaire et du clergé constitutionnel dans la cons-
titution du clergé concordataire. Voyons d'abord quels choix
sont faits pour les cures. Commes nous l'avons déjà dit, la
ville d'Arras comprend deux cures : la cure d'Arras-Nord et
la cure d'Arras-Sud. Pour celle d'Arras-Nord est désigné un
prêtre étranger au département, un ami personnel de l'évêque
qui l'a amené avec lui comme secrétaire particulier, Louis-
François Pelletier, né à Amiens, âgé de 44 ans, ancien vicaire
de la paroisse Saint-Leu à Amiens, du reste, réfractaire ; au
contraire, la cure d'Arras-Sud est attribuée à un ancien cons-
titutionnel, Jean Charles François 2. Le curé de Bapaume est
l'abbé Fauquembergues, déjà curé-doyen de Bapaume avant
la Révolution et que M. l'abbé Deramecourt qualifie
1. Archives départ. Circulaire du Préfet, 30 floréal an X.
2. Id. Liste des ecclésiastiques qui doivent prêter le serment le 6 nivôse
an XI.
LES CULTES 237
d' « homme de caractère et d'énergie » ; au mois de juin 1792,
la garde nationale le força à quitter Bapaume, en l'accusant
de « préparer dans le silence des scènes de sang et d'horreur » ;
il se réfugia en Belgique, à Warneton K
Ignace-François Bossu (ou Boussu), ancien curé constitu-
tionnel, génovéfain, prieur-curé de Pas avant la Révolution,
est nommé à la cure de Pas ; de même, Philippe-Joseph
Warnez, curé de Vimy, est un ancien constitutionnel, qui,
avant d'occuper une cure, était bénédictin de la congrégation
de Saint-Maur. A la cure de Rivière-Groville, nous trouvons
encore un constitutionnel, Jean-Louis-Hubert Delevigne,
prieur des dominicains de Verdun à Souchez, desservant de la
paroisse de Souchez. Constitutionnels également, le curé de
Croisilles, André Rose, chanoine régulier de la Congrégation
de France et prieur-curé de Viffort, diocèse de Soissons et le
curé de Vitrj, Elzéar-Thomas de La Cressonnière, qui, étant
curé d'Habarcq, avait prêté le serment puv et simple.
Au contraire, André Lefebvre, pourvu de la cure d'Oisy, a
été déporté ; il avait rempli successivement, avant la Révo-
lution, les fonctions de professeur au Cateau-Cambrésis, de
vicaire à Cambrai et finalement de curé à Hermies. Comme
André Lefebvre, Jean-Joseph Lambiez, ancien curé d'Havrin-
court, appelé à occuper cette même cure d'Havrincourt, est
un réfractaire ^.
Sur les dix cures de l'arrondissement d'Arras, par consé-
quent, quatre (dont les deux plus importantes, il est vrai) sont
confiées k des ecclésiastiques réfractaires et six à des ecclésias-
tiques constitutionnels.
Les cures de l'arrondissement de Boulogne sont au
nombre de six : Boulogne, Calais, Desvres, Gaines, Marquise
et Samer. Le curé de Boulogne (Basse-ville), Jean- Joseph-
François Roche est un constitutionnel ; il avait été curé de
1. Deramecouht, op. cit., t. 1, p. 58 ; t. II, pp. 365, 366, 455.
2. Archives départ. Etat des prêtres employés dans le diocèse d'Arras.
238 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
cette même paroisse, puis avait quitté les fonctions curiales et
ecclésiastiques et remis ses lettres de prêtrise ; au plus fort
de la Terreur, les amis de Le Bon le considéraient comme
« un bon républicain, vraiment à la hauteur de la Révolution ».
Le sous-préfet de Boulogne, Masclet, tenait vivement à sa
nomination au sujet de laquelle s'engagea du reste l'une des
batailles les plus chaudes entre l'évêque et le préfet ; dans les
notes du sous-préfet sur le clergé de son arrondissement,
nous lisons au sujet du curé Roche : « bon pasteur et bon
citoyen ; la justice et l'intérêt public demandent qu'on le laisse
dans sa cure ^ » . L'évêque aurait voulu nommer à cette cure
un réfractaire, Codron, ancien vicaire d'Etaples.
La cure de Calais était non moins importante que celle de
Boulogne ; pour l'occuper Mgr de La Tour d'Auvergne fît
choix d'un ecclésiastique originaire de la ville de Calais,
Etienne-Nicolas Tribou, né le 26 décembre 1752, chanoine théo-
logal de Boulogne le 31 octobre 1780 et l'un des collaborateurs
les plus estimés de Mgr Partz de Pressy ; bien entendu, le cha-
noine Tribou n'avait adhéré d'aucune manière à la Constitu-
tion civile du clergé. De même le curé de Marquise, Pierre-
Guislain Revel fut un réfractaire, ancien vicaire de Saint-
Maurice d'Arras, ancien curé de Lens; et aussi, le curé de
Samer, Jean-Ignace Yvain, vicaire à Rollancourt, puis curé
de Queux en 1789.
Au contraire, les deux cures de Guines et de Desvres sont
conférées à des constitutionnels : Claude Patenaille, curé
de Desvres, avait été religieux cordelier et, au moment
de la Constitution civile du clergé, il occupait les fonctions
de gardien du couvent des Cordeliers de Boulogne ; lors de
l'organisation du clergé constitutionnel, il avait reçu la cure
de Wimille ; les Terroristes disent de lui : « bon républicain,
membre de la Société populaire depuis sa création et anté-
1. Archives départ. Noms des prêtres constitutionnels c.\er(,'ant ou ayant
exercé dans l'arrondissement de Boulogne, 26 messidor an X.
LES CULTES 239
rieurement membre de la Société des amis de la Constitu-
tion ; s'est toujours comporté au désir des lois et au
vœu de ses concitoyens, ayant toujours été révolutionnaire ;
a rempli plusieurs fonctions publiques, renoncé à tout
traitement de curé et abdiqué toutes ses fonctions du
culte catholique » ; enfin le sous-préfet de Boulogne four-
nit sur son compte l'indication suivante : « J'ai demandé
pour lui la cure de Desvres ; il la mérite, il sera à sa place ;
il vient de recevoir les pouvoirs de desservir cette paroisse
provisoirement. » A Guines, l'évêque avait d'abord désigné
un réfractaire, l'abbé Dupont, mais celui-ci étant mort peu
de temps après, sa succession fut recueillie 2^ar un consti-
tutionnel, Tourtois '. Nous trouvons donc dans l'arrondisse-
ment de Boulogne, sur six curés, trois curés réfractaires et
trois curés constitutionnels.
La lutte était non moins vive dans l'arrondissement de
Montreuil entre l'administration et l'évêché. Le sous-préfet
Pçultier avait voulu faire nommer à la cure de Montreuil
un constitutionnel, Jean-Baptiste Havet, dont il disait le
16 thermidor an X : « ecclésiastique respectable, depuis
quarante ans curé de Montreuil ; réclamé par la majorité
des habitants pour curé de la paroisse ; exerce maintenant
comme vicaire, la religion de l'évêque ayant été trompée- ».
L'évêque écrivait le 25 septembre 1802 à ce sujet à Porta-
lis : « Le citoyen Préfet insiste avec une sorte de chaleur
pour que le citoyen Havet soit désigné comme curé de Mon-
treuil où il est resté en qualité de constitutionnel : ce choix
serait regretté par le Premier Consul, s'il pouvait prévoir les
inconvénients qui peuvent en être la suite. Pour les prévenir
1. Archives départ. Liste nominative des prêtres employés ou résidant dans
l'arrondissement de Boulogne (par le sous-préfet), 25 pluviôse an XIII. —
Liste des ecclésiastiques nommés aux succursales de l'arrondissement de Bou-
logne, établie par l'évêque, 8 pluviôse an XI.
2. Id. Etat nominatif de tous les prêtres auxquels M. l'évêque d'Arras a
donné les pouvoirs de desservants et de vicaires provisoires dans l'étendue
de l'arrondissement de Montreuil (établi par le sous-préfet), 16 thermidor
an X.
240 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
et traiter en même temps le citoyen Havet de la manière la
plus favorable, je l'ai mis au nombre des chanoines de ma
cathédrale ». Mais Havet refusa catégoriquement le canoni-
cat ; la situation se compliquait. Enfin, âg-é et infirme, le
curé Havet lui-même renonce à la cure de Montreuil et pro-
pose à Tévêque, pour l'occuper, Grégoire Delannoy, jeune
prêtre réfractaire, qui est agréé. En l'an X, le sous-préfet l'ac-
ceptait comme vicaire en ces termes : « rentré depuis dix- huit
mois ; ayant exercé en cachette depuis lors ; ce jeune homme
dessert la cure ; il est réclamé pour second vicaire ; il est
doux, pacifique, de bonnes mœurs et instruit. » Lorsque
Delannoy eut été nommé curé de Montreuil, le sous-préfet
Poultier fut loin de s'en plaindre ; dans son rapport du
2 germinal an Xlll, il dit de lui : « homme d'une grande piété,
d'une excessive charité; son zèle pour consoler les soldats
malades lui a mérité l'estime de l'armée et des habitants. »
A Gampagne-lez-Hesdin, les habitants désiraient conser-
ver leur ancien curé, Barthélémy Prévost, rentré depuis le
Concordat. C'est Augustin-Joseph Duflos qui est nommé, un
réfractaire : «ancien professeur de l'Université de Douay, ren-
tré par autorisation spéciale dix-huit mois avant la rentrée
générale ; des talens distingués et beaucoup d'attachement
pour le gouvernement » (note du sous-préfet). Ajoutons que
le curé Duflos était un ancien religieux de l'abbaye Saint-
Vaast d'Arras. Dans la cure d'Hucqueliers, le sous-préfet
avait proposé un constitutionnel, Jean-Baptiste-Florent
Sanier : (( réclamé de tous les habitants qu'il a toujours
maintenu en paix et union ; commune très populeuse, où on
doit le laisser pour y maintenir la tranquillité ». Comme
à Montreuil , un réfractaire l'emporte : Antoine-Louis
Miroir, « homme instruit, de mœurs exemplaires, zélé, ami
de l'ordre et du gouvernement » . Le curé Miroir avait été cha-
noine de la collégiale de Saint-Firmin à Montreuil, sa ville
natale, et curé d'Alette. L'évêque avait délégué tout d'abord à
Hesdin l'ancien curé de cette ville, Marc-Augustin-François
LES CULTES 241
Dufour, rentré avant le Concordat ; « mais les habitants ne
désirent pas qu'il reste » ; ils réclament pom- curé Etienne-
Joseph Pruvost, vicaire à Hesdin avant la Révolution. Pru-
vost est maintenu comme vicaire et Valère-Auguste-Marie
Plaisant du Château, nommé curé : « émig-ré, rayé par arrêté
des Consuls ; très attaché au gouvernement, instruit, digne
de ses fonctions » (note du sous-préfet). Plaisant du Château,
né à Lille en 1773, était chanoine de Sainte-Croix de Cambrai.
Au moment de l'organisation provisoire du diocèse, Duflos,
plus tard curé de Campagne-lez-Hesdin, desservait la cure de
Fruges ; il avait pour vicaire un constitutionnel, Louis-Fran-
çois-Marie Jore, nommé d'abord desservant, puis remplacé
par Duflos. Obligé d'accorder au moins une cure aux constitu-
tionnels dans l'arrondissement de Montreuil, l'évêque nomma
Jore, curé de Fruges, tandis que Ballin, réfractaire, recevait
la cure d'Etaples. Dans la suite un échange s'effectue : Ballin,
qui « réunit les connaissances et les talens aux vertus de son
état et est attaché au gouvernement » , vient à Fruges, tandis
que Jore passe à la cure d'Etaples. Le sous-préfet avait pri-
mitivement demandé le maintien à Etaples du constitu-
tionnel Caudron, « prêtre adoré dans cette commune, où il
a toujours entretenu l'ordre et la tranquillité ; il est réclamé
unanimement et, pour maintenir cette tranquillité, il est
utile de le leur accorder. » Ainsi, dans l'arrondissement de
Montreuil, les cures de Montreuil, Campagne-les-Hesdin,
Hucqueliers, Hesdin et Fruges sont attribuées à des ecclé-
siastiques réfractaires, la cure d'Etaples à un constitution-
nel!.
L'arrondissement de Béthune compte huit cures : Béthune,
Beuvry, Carvin, Houdain, Laventie, Lillers, Lens, Norrent-
l. Archives départ., 16 thermidor an X. Etat nominatif de tous les prêtres
de rarrondissement de Montreuil auxquels M. l'évcque d'Arras a donné les
pouvoirs de desservants et de vicaires provisoires (par le sous-préfeti ; 2 ger-
minal an XIII, état général des prêtres employés ou non employés existant
dans l'arrondissement de Montreuil (par le sous-préfet).
Chav.\non et S.viNT-YvEs. — Le Pas-de-Caluis de 1^00 à ISIO.
16
242 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Fontes. Un constitutionnel, François, avait d'abord été dési-
gné pour occuper la cure de Béthune ; mais il reçut ensuite
l'une des deux cures d'Arras ; une note du maire de Béthune, à
son sujet, dit du reste: « plein de vertus, de mœurs, de modé-
ration et de piété ; a peu d'influence dans la commune et
pourrait être utilement 'employé ailleurs ». C'est finalement
un réfractaire, Antoine-Joseph Coquelet, qui obtient la cure
de Béthune. Antoine-Joseph Coquelet, ordonné j)rêtre en
1771, avait joué un rôle important pendant la période du
culte caché ; c'est lui qui était chef des missionnaires et pré-
fet des missions dans le diocèse de Cambrai.
A Beuvry, trois ecclésiastiques étaient en présence : deux
insoumis, Louis et Dumont, ancien vicaire de Saint-Nicolas
d'Arras, et un constitutionnel Ignace Brulin ; ils vivaient du
reste en complète mésintelligence. Stanislas-Constant Louis,
ancien bénéficier, vicaire de La Bassée, avait été successive-
ment desservant de La Bassée, d'Haisnes et d'Auchy ; il
avait émigré et était rentré avant le Concordat : il fut choisi
comme curé de Beuvry.
Les prêtres constitutionnels étaient nombreux à Carvin :
l'un d'eux Philippe-Joseph Botelle, ayant jdcu d'influence
dans la commune, mais dune conduite irréprochable, avait
obtenu des pouvoirs de l'évêque ; Mgr de la Tour d'Auvergne
avait manifesté au contraire une réelle hostilité à l'égard de
Frévet, curé de Carvin depuis 33 ans, « très aimé des habi-
tants » selon le maire de la commune; le sous-préfet de
Béthune ajoute : « le citoyen Frevet, prêtre infiniment res-
pectable, jouit de la confiance de ses concitoyens ; il paraît qu'il
n'a point obtenu de pouvoir de M. l'évêque, parce qu'il n'a
point voulu se soumettre à une commission à effet d'être
relevé d'une prétendue censure, ni faire de rétractation »,
Malgré ces diverses observations, l'évêque ne nomme à la
cure de Carvin aucun constitutionnel ; il désigne un réfrac-
taire, Jean-Guislain Cavrois, ancien curé de Remy.
A Houdain, il n'y avait que des prêtres insoumis : Jean-
LES CULTES 243
Baptiste Arrachart, ancien curé delà paroisse, <( sans influence
sur l'esprit public », et Charles Laurent, ancien religieux,
insoumis, mais n'ayant pas émigré. Le curé nommé est
Charles-Louis Lherbier, ancien professeur à Bapaume et
vicaire de Villers-au-Flos, réfractaire.
Les notes du maire de Lens sur l'ancien clergé de cette
ville ne lui sont pas précisément favorables : Revel, ancien
curé de Lens, rentré après le Concordat, « est d'une conduite
irréprochable, n'a cependant pas la confiance des habitants
de Lens ; aimant à interpréter à sa manière et souvent en
sens contraire les lois et arrêtés du gouvernement » ; Ternant,
ancien vicaire, rentré également après le Concordat : « intri-
guant, ne mérite pas la confiance du gouvernement » ; Bidal,
ancien chanoine, « homme de mauvais principes ; ne mérite
pas la confiance du gouvernement ». Ces renseignements
n'empêchèrent pas Revel d'obtenir la cure de Marquise, Bidal,
la succursale d'Arleux et Fresnoy et Ternant de rester comme
vicaire à Lens. Le curé nommé à Lens, en remplacement
de Revel, est un insoumis, Augustin-Joseph Levier, ancien
desservant d'Illies et de Saint-Nicolas d'Arras. Également
réfractaire, le curé de Norrent-Fontes, Pierre Joseph Bucaille,
professeur à l'époque de la Révolution ; la municipalité ne
s'était pas prononcée en faveur du curé constitutionnel, Denis-
sel : « son indifférence pour tous ceux qui n'assistoient point
à ses offices, sa résistance à adhérer au Concordat et à l'arrêté
du Préfet, ne lui ont point attiré l'estime de ses concitoyens ».
Sur le curé constitutionnel de Laventie, la municipalité de
cette commune transmet les renseignements suivants :
« n'exerce plus ses fonctions depuis la lettre du Préfet en
date du 14 messidor dernier: ce prêtre a peu d'influence
dans la commune et n'a point de moralité ; on lui reproche
de s'être marié à Marquette et d'avoir biffé sur le registre de
Marquette un acte de mariage » . La cure de Laventie revient
encore à un insoumis, Jean-Baptiste Delebecque, chanoine
régulier de l'abbaye d'Hénin-Liétard, qui avait pris une
244 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
grande part au culte caché et rempli des missions confiden-
tielles.
La municipalité de Lillers faisait le plus grand éloge du
curé constitutionnel de cette ville, Ignace Laurent : « pros-
crit par ceux qui n'aiment pas la Révolution, plein de piété,
de modération et de vertus, a constamment prêché la
morale et la soumission aux lois » ; il ne fut cependant
employé qu'en 1804 et à la succursale de Busnes, Au con-
traire, la même municijjalité dit de l'ancien curé, Théodore
Lefebvre, insoumis et rentré après le Concordat : « désiré
par ceux qui n'aiment point le prêtre constitutionnel, caba-
lant pour se faire nommer définitivement; est âgé, manque
de jambes et de mémoire ; on ne peut pas se plaindre de ses
mœurs ». Pas plus que Laurent, Lefebvre ne fut désigné
pour la cure de Lillers ; elle revint à un autre insoumis, Marc-
Augustin-François Dufour, curé d'Hesdin et supérieur du
petit séminaire de cette ville avant la Révolution. Par con-
séquent, dans l'arrondissement de Béthune, sur huit cures,
aucune ne fut attribuée aux constitutionnels ; il faut recon-
naître que le sous-préfet ne semble pas avoir insisté bien vive-
ment en leur faveur ; quant aux notes des municipalités, on
en tint peu de compte^.
Le sous-préfet de Saint-Pol proposait pour les cures de
son arrondissement quatre constitutionnels : Antoine Playoult
« prêtre estimable et très estimé : il est respectable à tous
égards et il ne peut qu'opérer le bien dans la commune où
il exerce » ; Adrien Debbé, « prêtre recommandable à tous
égards, a la confiance la plus entière ; néanmoins, il n'exerce
plus parce qu'étant malade, il n'a pu se rendre chez M.
l'évêque » ; Michel Lalj, « religieux recommandable sous
tous les rapports », et Armand Outrebon. Aucun de ces
quatre ecclésiastiques ne reçut de cure ; Outrebon est
1. Archives dépai-t., 26 thoi-midoi- au X. Ren-ieigiiemtMits sur les prêtres
exerçant clans l'arroudissemcut de Béthune ; 7 germinal an XIII. Etat nomina-
tif des prêtres exerçant dans l'arrondissement de Béthune.
LES CULTES 24S
nommé vicaire à Auxi-le-Chateau et Playoult conserve la suc-
cursale d'Azincourt qu'il occupait pendant la Révolution. A
côté des constitutionnels, le sous-préfet proposait comme
curés huit réfractaires : Jacques Renard, ancien curé de Fre-
vent ; Menbœuf, directeur du séminaire de Boulogne ;
Lefebvre, professeur de théolog-ie à Douai ; Hennissart,
vicaire à Frévent ; Debret, curé de Ricametz; Beug-in, curé
d'Herlin; Philippot, curé de Bouliers, et Guilbert, de Denin.
Parmi ces huit ecclésiastiques, Debret est choisi comme curé
de Saint-Pol et Charles-Hubert Beugin, comme curé de
Wail. Les autres cures de l'arrondissement sont celles d'Au-
bigny, d'Auxi-le-Ghateau, d'Avesnes et d'Heuchin. A la cure
d'Aubigny, est nommé un insoumis, Antoine Masclef, ancien
curé de Lattre-Saint-Quentin ; à Auxi-le-Chateau, au con-
traire, un constitutionnel, Pierre-François PéjDin, originaire
du diocèse de Rouen, l'un des prélats du grand séminaire de
Saint-Nicolas du Ghardonnet, directeur de la congrégation
des hommes de Saint-Germain-en-Laye ; à Avesnes-le-
Comte, un insoumis, Louis-Joseph-André Vilmant, vicaire
de Sainte-Croix, puis curé de Fosseux et de Barly avant la
Révolution ; et à Pernes, également un insoumis, Henri-
Robert-François Roussel. Soit, sur six cures, cinq confiées à
des réfractaires; une, à un constitutionnel i.
Lors de l'organisation provisoire du clergé, Mgr de La Tour
d'Auvergne avait maintenu à l'une des cures de Saint-Omer
l'évêque constitutionnel Mathieu Asselin. Le maire de Saint-
Omer, Le Sergeant, écrivait le 7 thermidor an X au sous-
préfet : (( Je ne puis vous cacher (puisque je dois être l'organe
de mes concitoyens) que la grande majorité des habitans
souhaite ardemment que le citoyen Asselin, ci-devant évêque,
ne soit pas maintenu dans la cure de l'église du Saint-
1. Archives départ. Tableau des prêtres existant dans l'arrondissement de
Saint-Pol, 28 ventôse an XIII ; liste des prêtres qui exercent dans l'arrondisse-
ment de Saint-Pol, 24 thermidor an X ; noms des prêtres proposés par le
sous-préfet de Saint-Pol pour les cures de son arrondissement.
246 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Sépulchre où il vient d'être nommé provisoirement. II ne
pourra y faire aucun bien, n'ayant pas l'estime générale de
ses concitoyens. II n'en est pas de même des citoyens Royer
et Seguier que je connais comme prêtre constitutionnels. Je me
flatte que la réunion qui a eu lieu entre tous les ministres du
culte, fera disparaître tout esprit de parti parmi cette classe
de citoyens et qu'ils suivront en cela l'exemple que nous leur
donnons. » Mathieu Asselin fut donc rendu à la vie privée;
c'est cependant un constitutionnel qui, grâce à l'insistance
du préfet, obtient la cure du Saint-Sépulchre, à Saint-Omer,
François-Hubert Gavrois, ancien religieux bénédictin ; l'autre
cure de Saint-Omer, celle de Notre-Dame, est donnée à un
insoumis, Jean-François-Joseph Coyecques, ancien supérieur
du séminaire de Saint-Omer. A Aire, le clergé provisoire
avait été constitué avec trois réfractaires, Deplantay, Cons-
tantin Noël et Jacques-François Rolin ; lors de l'organisation
définitive, un autre réfractaire, Louis-Joseph Asselin est
nommé curé d'Aire. La cure de Fauquembergues est confiée
à un insoumis, Philippe-Louis- Auguste-César Defasque,
ancien curé d'HerbelIes, qui avait été envoyé précédemment
à Fauquembergues comme missionnaire; de même, celle
d'Audruick, qui a pour titulaire, François-Joseph Costenoble,
avant la Révolution professeur au collège de Merville, demi-
chantre au chapitre de Saint-Omer , et aussi celle de
Dohem, qui a pour titulaire Jacques-Joseph Becquet, ancien
curé de Marenla. Un constitutionnel, Hubert-ÉIoi Deligny,
successivement préfet du séminaire d'Hesdin, vicaire à Sainte-
Marie Kerqué et à Racquinghem. Au total, dans l'arrondisse-
ment de Saint-Omer, cinq cures occupées par des réfractaires,
deux par des constitutionnels K
1. Archives départ. Lettre du maire de Saint-Omer en date du 7 thermi-
dor an X; lettre du maire d'Aire, 6 thermidor an X; Etat des ecclésiastiques
nommés provisoirement dans les diverses communes de l'arrondissement
de Saint-Omer, 11 thermidor an X ; Etat des prêtres employés dans le diocèse
d'Arras.
LES CULTES 247
En résumé, le clergé constitutionnel a obtenu 11 cures
et le clergé réfractaire 32. Là où le sous-préfet, puis le pré-
fet sont intervenus énergiquement, dans les arrondissements
d'Arras et de Boulogne, ils ont pu conserver quelques cures
au clergé constitutionnel ; l'avis des municipalités paraît, en
général, ne pas avoir eu une grande influence.
Il serait fastidieux de relever les noms de tous les ecclé-
siastiques nommés aux succursales, comme nous l'avons fait
pour les cures, mais néanmoins certaines observations et cer-
tains chiffres méritent d'être retenus. Dans l'arrondissement
de Boulogne, le canton de Boulogne comprenait cinq succur-
sales, dont celle de la haute ville de Boulogne. Pour contre-
balancer l'influence du curé constitutionnel Roche, imposé
par l'administration, l'évêque donne au titulaire de cette
succursale de la haute ville de Boulogne, Denissel, le titre
de doyen de l'arrondissement et de provicaire général : « Je
veux avoir un correspondant à moi, à Boulogne, pour cet
ancien diocèse, écrivait Mgr de La Tour d'Auvergne au pré-
fet, et, comme la confiance ne se commande pas, j'ai choisi
M. Denissel. » Tous les desservants du canton de Boulogne
sont des réfractaires. Dans le canton de Calais, nous trouvons
trois desservants constitutionnels, Bonnart, à Goulogne, Morel,
à Saint-Pierre-lez-Calais, Gassin à Saint-Tricat (en outre,
la chapelle de l'hospice civil de Calais est desservie par un
constitutionnel, Goliier) et six desservants réfractaires; dans
le canton de Desvres, deux desservants constitutionnels,
Boudallier, àLongfossé, Fandier, à Wizvignes, dix desservants
insoumis, et un desservant ni constitutionnel, ni déporté;
dans le canton de Guines, quatre desservants constitutionnels,
Thueux à Andres, Duquesne à Campagne, Vasseur à Fiennes
et Rappe à Hames et six desservants réfractaires ; dans le
canton de Marquise, trois desservants constitutionnels, Ver-
lingue à Rety, Lavoisier à Rinxent et Boutilier à Wissant et
neuf desservants réfractaires ; dans le canton de Samer, six
desservants constitutionnels, Peudecœur à Garly, Baudelique
248 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
à Condette, Vasseur à Doudainville, Warot à Neufchâtel,
Outrebon à Outreau, Lemaire à Tingry et quatre desservants
réfractaires . Les desservants de l'arrondissement de Bou-
logne se répartissent donc en 41 réfractaires et 18 constitu-
tionnels. De ces 18 constitutionnels, dix avaient été recom-
mandés particulièrement par le sous-préfet , sur Lavoisier, il
n'avait pas donné des notes excellentes : « trop familier avec
ses paroissiens, boit avec eux » ; d'autres constitutionnels en
faveur desquels il avait vivement insisté, par exemple Dupont,
l'ancien curé de Marquise, « le plus éclairé des constitution-
nels » et qui avait joué un rôle important pendant la Révo-
lution, n'ont pas été utilisés K
Le canton de Béthune comprend treize succursales, toutes
occupées par des insoumis ; le canton de Beuvry, également
treize succursales, toutes occupées par des insoumis ; le can-
ton de Carvin, neuf succursales, toutes occupées par des
insoumis. Dans le canton d'Houdain, dix-neuf succursales ont
été confiées à des insoumis, deux à des constitutionnels, Fresni-
court à Alexis-Joseph Marlier, ancien chanoine régulier;
Bouvignyà Morel (Jean-Baptiste) ; dans le canton de Laventie,
cinq succursales, toutes à des prêtres réfractaires ; dans le
canton de Lillers,huit succursales, toutes à des prêtres réfrac-
taires; dans le canton de Lens, dix-sept succursales, toutes à
des prêtres réfractaires ; enfin dans le canton de Norrent-
Fontes, deux succursales à des constitutionnels (Masinghem
à Hubert Domont et Rety à Bernard Depoix), vingt-deux
succursales à des réfractaires. L'arrondissement de Béthune
est l'un des arrondissements où le clergé constitutionnel a été
le moins favorisé. Le sous-préfet avait fourni des renseigne-
ments plutôt mauvais sur un certain nombre de membres du
clergé provisoire : à Annezin, l'ancien curé, Touzart, (insoumis),
est « un homme plein de moralité mais qui ne paraît pas aimé
1. Archives départ. Etat des prêtres constitutionnels non compris dans
l'organisation provisoire; noms des prêtres constitutionnels exerçant ou ayant
exercé dans l'arrondissement de iîoulogne ; liste nominative des prêtres
employés ou résidant dans l'arrondissement de Boulogne.
LES CULTES 249
dans sa commune » ; à Festubert, depuis que l'abbé Dumont,
(insoumis) « exerce dans la commune, il s'est formé un parti
considérable qui menace de troubler l'union qui n'a cessé d'y
régner ; ce prêtre paraît animé d'esprit de parti ; il élève des
distinctions entre lui et le prêtre constitutionnel à qui il a
interdit toutes les fonctions essentielles » ; à Hesdigneul, le
maire dit de l'ancien curé Duhameaux, (insoumis) : < quoi-
qu'ayant de bonnes mœurs, il ne mérite point la confiance du
g^ouvernement ; avant le Concordat, il obligeait par pénitence
les acquéreurs de domaines nationaux ou de matériaux prove-
nant de maisons religieuses à en payer la valeur entre les
mains d'un dépositaire chargé d'en faire compte aux religieux
et religieuses ». Touzart et Dumont ne sont pas employés
dans les communes où ils exerçaient provisoirement, mais
Duhameaux est nommé desservant à Hesdigneul ; il est évi-
dent que pour modifier les choix de l'évêque, l'intervention
directe et énergique du sous-préfet est nécessaire ^
Dans l'arrondissement de Saint-Pol, nous relevons cinq
desservants constitutionnels : Antoine-Joseph Boyaval, à
Trois- Veaux ; Hubert-François-Joseph Maurice, à Chelers ;
Benoît Barbier, à Tollent-Gennes et Willencourt ; Benoît-
Joseph Havez, à Coullemont ; et Charles-Antoine Playoult,
à Azincourt, contre cent quatre desservants réfractaires-.
Si nous passons à l'arrondissement d'Arras, nous y voyons :
dix-huit desservants constitutionnels, Benjamin Desgardins,
à Saint-Laurent et Blangy ; Victor-Joseph Dave,à Fampoux ;
Placide Warnet, à Beugnàtre et Favreuille; Auguste-Joseph
Caboche, à Morval; Jean-Baptiste-Joseph Le Tombe, à Souâtre ;
Ignace Burlin, à Saint- Amand; Pierre- Joseph François, à
Thièvres ; Antoine-Ignace Del vigne, à Neuvirœuil ; Jean-
Nicolas Gailleret, à Habarcq; Jean-François Deberly, à Berles-
au-Bois; Antoine-Louis-Emmanuel Wancourt, à Avisse ; Louis
1. Archives départ. Renseignements sur les prêtres exerçant dans l'arron-
dissement de Béthune.
2. Ibid. Tableau des prêtres existant dans l'arrondissement de Saint-Pol.
250 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Joseph Broches, à Ablainzevelles ; Fiacre Carlier, à Bus ;
Pierre-Thomas Lély, à Hermies et Démicourt ; Henri-Marie-
Joseph Hauwelle, à Morchy; Antoine-Joseph Moulloir, à
Biache ; Pierre-Augustin Druenne, à Eaucourt; Jean-Joseph
Caboche, à Boiry-Notre-Dame, Les desservants réfractaires
sont au nombre de cent cinquante-quatre ^ .
Les desservants constitutionnels de l'arrondissement de
Saint-Omer sont : François Seguierle jeune, à Guemps ; Roch
Bavelaer, à Oye ; Jean-Charles Hochart, à Wismes et Saint-
Pierre; Pierre-Emmanuel Froidval, à Leulinghem ; Gilles-
Joseph Hochart, à Alquines et Haut-Loquin; Pierre-Joseph-
Florentin Rogner, à Balinghem ; Xavier-Joseph Sauvage, à
Journy ; Jean-Baptiste Dautrian, à Herbinghem : soit huit
constitutionnels, pour soixante-quinze réfractaires ~. Enfin,
dans l'arrondissement de Montreuil, Adrien Caron, desservant
de la Calloterie, Jean-Antoine Bricot, desservant de Verton,
Antoine Waro, desservant de Wailly ; Louis Riquier, desser-
vant de Maintenay ; Fontaine, desservant de Brimeux ; Beau-
geois, desservant de Maries ; Sagnier, desservant de Preures;
Codron, desservant de Camiers ; Clément, desservant de
Widehem ; Louis-Léon Oudart Gomez, desservant d'Etrelles;
Cadet, desservant de Longvilliers ; Louis-Alexandre Garbados,
desservant de Regnauville; Pierre Carton, desservant de La
Loge; Antoine Cagny, desservant de Raye; Alexandre, des-
servant de Coupelle- Vieille. Soit quatorze constitutionnels,
tandis que le nombre des ecclésiastiques réfractaires auxquels
ont été confiés des succursales est de soixante-quatre ^.
Il y a en somme dans tout le diocèse d'Arras : 1 1 curés
constitutionnels, 67 desservants constitutionnels, 32 curés
réfractaires, 524 desservants réfractairss.
1. Archives départ. Etat des prêtres employés dans le diocèse d'Arras, éta-
bli par ordre du préfet.
2. Ibid.
3. Ibid. Etat général des prêtres employés ou non employés dans l'arron-
dissement de Montreuil.
LES CULTES 251
VI
L'org-anisation définitive de ce clergé ne s'est pas faite sans
quelques luttes très vives, dont l'écho est parvenu jusqu'à nous,
particulièrement dans les arrondissements d'Arras et de Bou-
logne. Les lettres et les rapports du sous-préfet de Boulogne
permettent de suivre particulièrement la marche des opérations
dans cet arrondissement. « Les citoyens Frétant et Denissel,
nommés délégués de M. l'évêque d'Arras, en remplacement
du citoyen Auge, délégué d'Asseline, sont arrivés à Bou-
logne, le 19 messidor, écrit le sous-préfet Masclet au Préfet;
leurs premiers mots furent des paroles de paix ; il venaient
anéantir les distinctions et les haines des partis » , En réalité,
soit que leurs ordres fussent tels, soit faiblesse et impuissance,
ils se laissèrent circonvenir par Auge, le représentant de l'an-
cien évêque de Boulogne. « Le 21 , dit Masclet, les délégués
vinrent me communiquer leur projet d'organisation provi-
soire du clergé pour Boulogne et Calais. J'y remarquai avec
surprise que le curé de la paroisse de Boulogne et le desser-
vant de celle de Calais étaient dégradés au rang de vicaires
et subordonnés à deux des serviteurs tout récemment sortis
de leurs oratoires clandestins, et dont l'un nommé Tribout
était un des plus dangereux émissaires d'Asseline. Ce début
n'était pas encourageant. Je trouvai que c'était une première
déviation des instructions reçues et de la promesse qui
m'avait été faite. Le curé de Boulogne et le desservant de
Calais étaient depuis dix ans dans leurs paroisses ; on n'avait
pas de reproches à leur faire ; on en convenait ; pourquoi
donc leur ôter leur étole pour la donner à de nouveaux venus
et à des homme considérés jusqu'ici comme leurs ennemis
personnels ? »
Pour rétablir l'union entre le clergé constitutionnel et le
clergé réfractaire, les délégués de l'évêque eurent Tidée de
célébrer le dimanche 22 messidor une messe solennelle à
252 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
laquelle l'abbé Frétant, l'un des deux délégués officiait, assisté
comme diacre du plus influent des constitutionnels, Roche.
Toutes les autorités civiles et militaires étaient présentes à
cette messe de réconciliation ; il n'y manquait que les prêtres
inconstitutionnels. « Dans le moment même où ils repous-
saient leurs frères qui leur tendaient les bras, ils violoient
les lois de leur pays et la foi de leur eng-agements, en
officiant dans des oratoires particuliers, pour leurs sectateurs
de la haute ville. J'en ai offert la preuve aux délégués. Auge
disait sa messe chez une M'"** Ledinghen ; Parent disait la
sienne chez une M"'" Sainte-Maxime, ex-religieuse ». Il est
vrai que le même soir, le sous-préfet ayant donné un dîner,
tous ces mêmes prêtres qui avaient refusé de se rendre à
l'église, acceptèrent son invitation, « sans doute, ajoute
Masclet, parce que je n'avais pas été prêtre constitutionnel.
L'ex-doyen de Marquise, Dupont, ne fut pas aussi heureux :
il avait invité les marquans du parti opposé à commencer par
Auge : chacun refusa sous divers prétextes. Je m'en plaignis
vivement ; les délégués intervinrent ; ils insistèrent ; on se
résigna à dîner chez le citoyen Dupont. » En résumé, écrit le
sous-préfet, lorsque le projet d'organisation définitive lui est
communiqué, « à l'exception de Baude, Seghin, Ducrocq et
Delaporte que j'ai écartés, tout le clergé ancien et nouveau
d'Asseline est remis en place ; Asseline lui-même, nommé par
le Premier Consul évêque d'Arras, n'aurait pas organisé
autrement son ancien diocèse ». Masclet parvint cependant à
faire employer seize constitutionnels sur les vingt-cinq qui
étaient compris dans l'organisation provisoire. En ce qui con-
cerne les éliminés, « l'apostille de leur élimination les char-
geait d' inconduite ou d'ignorance » ; quant k ce dernier point,
dit le sous-préfet, j'ai observé que tous les jeunes gens ordon-
nés prêtres par Asseline en pays étranger, ne devaient pas
être bien profonds en théologie, et que cependant presque tous
se trouvaient être desservans, même de paroisses considé-
rables, comme de Wimille, d'Henneveux, etc. Le reproche
LES CULTES 253
d'inconduite était plus grave; mais il devait être particularisé,
pour que je pusse prendre des renseignements et pour que
les prévenus connussent les charges sur lesquelles ils devaient
se justifier. Comme je devais d'un autre côté vous rendre compte
des motifs qui avaient fait écarter les constitutionnels non
employés, il fallait bien que je pusse vous dire que tel était
accusé d'être ivrogne, et tel autre libertin. Cet argument
péremptoire fît enfin réduire à sept les constitutionnels
interdits ; et je suis sur le compte de trois de l'avis des
délégués ^ » .
En outre, les délégués de Févêque, contrairement aux ins-
tructions ministérielles, demandaient aux prêtres constitution-
nels, non seulement une renonciation expresse et par écrit à
la Constitution civile du clergé, mais encore leur propo-
saient de se faire absoudre et relever des censures qu'ils
avaient encourues en leur qualité de prêtres constitu-
tionnels ~. Une perquisition faite chez l'abbé Auge, le
représentant de lévêque Asseline, livrait à l'administration
un certain nombre de pièces intéressantes et probantes.
(( Vous verrez, écrit Masclet au préfet, par la correspondance
de lévêque d'Arras avec Auge, à quel point ma dernière
dénonciation était fondée. La lettre du cardinal légat et les
deux de l'évêque comprises sous le n° 1, celle de l'évêque
cottée n" 3 prouvent évidemment que les préfets de mission
avaient le pouvoir de recevoir la confession des prêtres cons-
titutionnels et qu'il leur a été subdélégué des pouvoirs extraor-
dinaires pour les absoudre et les réconcilier avec l'Eglise.
Le post-scriptum du n° 4 et la petite note qui se trouve au
dos, le tout de la main de l'évêque, démontrent que la pré-
tendue révocation des pouvoirs d'Augé n'était qu'une farce
et qu'il n'en restait pas moins le Directeur des préfets en
1. Archives départ. Lettre du sous-préfet de Boulogne au préfet, 29 messi-
dor an Xjf"» 133 et seq.
2. Ibid. Lettre du sous-préfet de Bouloj,'ne au préfet, 7 thermidor an X,
f" 137.
2S4 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
mission et le conseiller intime de M. La Tour d'Auvergne-
Lauraguais, Le brouillon de la lettre d'Augé à l'évêque
d'Arras, n° 7, contient une foule de révélations curieuses :
il en résulte que depuis sa lettre à l'évêque, du 15 mai,
Auge a reçu de nouvelles instructions d'Asseline et qu'il a
adressé une copie de ces instructions à l'évêque d'Arras ;
qu'avec cette nouvelle règle de conduite, Asseline, outre les
pouvoirs dépendants de l'ordinaire, a subdélégué à Auge, à
Braure, etc. des pouvoirs extraordinaires, lesquels avaient
été accordés par le Saint-Siège. Il sera curieux de savoir si
l'évêque d'Arras a confirmé, comme le demande Auge, la
subdélégation de ces pouvoirs extraordinaires. Je crois devoir
rappeler ici que la déclaration souscrite par Auge et par
laquelle il renonce à toute correspondance avec les ennemis
de l'Etat est du 13 prairial * ».
L'agitation dura encore quelque temps dans l'arrondisse-
ment de Boulogne, le plus difficile à pacifier incontestable-
ment à cause de l'attitude de l'ancien évêque Asseline. Le
sous-préfet se plaint, le 19 thermidor an X, d'IIenneguier,
curé de Licques, qui prêche contre la Constitution civile du
clergé -; il demande qu'on le débarrasse de Bridelle, prêtre
suspect, qui a usurpé à Outreau les fonctions de desservant
et insulte le vrai titulaire, Avisse . Dupré, vicaire de
Desvres, a été interdit par l'évêque d'Arras ; le sous-pré-
fet proteste contre cette interdiction : « il est probable qu'on
ne serait pas si sévère pour Dupré, s'il avait été ordonné
par Asseline et s'il s'était montré moins bon citoyen. Le
desservant de Hottinghem et Matringhem « met les troubles
dans les familles en inspirant des inquiétudes sur la validité
des mariages célébrés par les officiers civils et bénis par les
prêtres constitutionnels ^ ». Le maire de Wast se plaint
1. Archives départ. Lettre du sous-prcfet de Boulogne au préfet, 11 ther-
midor an X, fol. 139.
2. M. 2° rej^istre de correspondance du sous-préfet de Boulogne.
3. Id. 3° registre de correspondance du sous-prcfet de Boulogne, f° 6 et
f°9.
LES CULTES 255
d'avoir été insulté par le curé dans une assemblée de mar-
guilliers '.
Une autre lettre du sous-préfet de Boulogne est intéres-
sante au point de vue de la façon dont le gouvernement
comprend la liberté relig-ieuse des fonctionnaires ; elle est
adressée au maire d'Ardres (G floréal an XII) : « Je suis
informé, citoyen, que vous avez témoigné infiniment peu
d'égards à M. l'Evêque d'Arras, qu'à peine vous lui fîtes une
visite lorsqu'il se rendit dans votre ville ; il paraît aussi que
vous afl^ectez de ne jamais vous présenter à l'église, lorsqu'on
y fait quelques cérémonies religieuses en faveur du Premier
Consul. Sans doute, vous êtes parfaitement libre dans vos
opinions religieuses, mais en qualité de maire, vous avez des
devoirs à remplir et votre conduite, je vous l'avoue, est en
sens contraire des intentions du gouvernement. Je suis
étonné que vous en teniez une semblable et je suis forcé,
en la blâmant, de vous prier d'être à l'avenir plus circons-
pect. Rappelez-vous que le gouvernement veut que la reli-
gion soit honorée ainsi que ses ministres ; ce principe s'ap-
plique à tous les cultes'-. » Le sous-préfet de Saint-Omer
prévient le préfet, le 1"' ventôse an XII, qu'il a fait arrêter le
prêtre Remond, « ecclésiastique non employé », qui trou-
blait les communes de Setques et de Quelmes, malgré de
nombreux avertissements -^ Le sous-préfet de Saint-Pol fait
dresser procès-verbal contre le curé de Pernes, Roussel, qui a
brutalisé son vicaire parce qu'il ne veut plus en avoir, afin de
garder seul les honoraires^. Dans le même arrondissement,
on interdit le curé Thomas qui, nommé à Averdoingt, con-
tinue de résider à Houvigneul où il cabale contre le curé
Bourgeois''. D'autre ]3art, le maire de Villers l'Hôpital
1. Archives départ. 8" registre de correspondance du sous-préfet de Bou-
logne.
2. Ibid. Registre? de correspondance du sous-préfet de Boulogne.
3. Ibid. Registre P de correspondance du sous-préfet de Saint-Omer.
4. Ibid. 6° registre de correspondance du sous-préfet de Saint-Pol.
5. Ibid. H" registre de correspondance du sous-préfet de Saint-Pol.
256 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
s'attire un blâme pour avoir entravé le rétablissement du
culte 1. Le 20 fructidor an X, le sous-préfet de Montreuil
engage le maire de Berck à surveiller le desservant provi-
soire de sa commune qui empêche le prêtre constitutionnel
Lengagne de dire la messe -.
Si le préfet et les sous-préfets s'efforçaient d'intervenir le
plus souvent qu'ils pouvaient en faveur des constitutionnels,
l'évêque d'Arras n'en défendait pas avec moins d'énergie
ses actes. Ainsi il écrit au préfet le 12 messidor an X : « L'au-
torité civile a bien le droit de vouloir connoître tous les
ecclésiastiques qui exercent dans son arrondissement,
et cette connoissance doit lui être donnée ^^ar un état signé
de moi. Mais vous me permettrés de vous observer que
c'est sortir des bornes du pouvoir de maire que de vouloir
faire contre-signer par le sous-préfet les lettres de service que
je donne. C'est comme si un de mes curés exigeoit que vos
arrêtés de police fussent contresignés de mes administra-
teurs diocésains pour être exécutés. Ai-je moi même le droit
de contresigner votre signature? non sans doute, et ne
sommes-nous pas, chacun dans notre partie, préfet, l'un pour
le civil, l'autre pour le spirituel? » Dans une autre lettre,
Mgr de la Tour d'Auvergne s'efforce de démontrer au préfet
comment il comprend l'amalgame des prêtres contitutionnels,
et inconstitutionnels : « J'aurais eu l'honneur, dit-il au Préfet,
devons nommer le jarêtre marié, qui, de sa pleine autorité,
a repris ses fonctions, si son nom m'était revenu ; mais le
fait est certain et j'espère être bientôt à même de vous le
désigner. Je sens parfaitement que la révolution a pu faire
perdre à plusieurs ecclésiastiques les lettres de prêtrise ;
mais il en est qui ne les ont remises que par apostasie ; pour
eux, je crois devoir être très difficile. Quant aux autres, j'ai
prouvé à plusieurs que je savois me contenter de preuves
moralement suffisantes. Les uns et les autres trouveront
1. Archives départ, enregistre de correspondance du sous-préfet deSaint-Pol.
2. Ihid. Registre de correspondance du sous-préfet de Montreuil.
LES CULTES 257
toujours en moi un père, mais en même temps un supérieur
très jaloux de n'admettre que d'honnêtes gens et des per-
sonnes instruites dans son clergé. » Au fur et à mesure de la
lutte, les relations deviennent plus tendues et l'évêque en
arrive à envoyer à Poitevin-Maissemy des notes ainsi con-
çues : « J'ai l'honneur de vous prévenir que je nomme le
citoyen François, ex-curé de Béthune et ex-constitutionnel
à la cure de l'Hôtel-Dieu d'Arras; le citoyen La Cresson-
nière à la cure de Vitry et le citoyen Lally, ex-bénédictin et
ex-constitutionnel, à la cure de Houdain, dans la place du
citoyen Arrachart que j'avais désigné pour cet endroit :
C^est mon ultimatum ^ ».
En dehors des conflits entre le préfet, les sous» préfets et
l'évêque, il y a de fréquents conflits entre les maires et les
curés ou desservants et, lorsque l'union est rétablie entre
l'évêché et la préfecture par le déi3art de Poitevin-Maissemy
et l'arrivée de son successeur de La Chaise, ces conflits n'en
continuent pas moins à se renouveler. Le 1^"" jour complé-
mentaire de l'an XI, l'Evêque déclare au Préfet que « la reli-
gion acquerroit plus de considération dans le département,
si bien des maires vouloient à cet égard seconder le vœu du
gouvernement et ne pas sortir des bornes prescrites à chaque
autorité » ; l'Evêque désirerait une circulaire préfectorale
pour faire savoir aux maires « que tout ce qui rentre dans
les attributions spirituelles ne peut être de leur ressort ; que
les clefs de l'église sont plus décemment entre les mains
d'un prêtre que dans celles d'un laïc ; que les maires n'ont
aucune surveillance intérieure sur les choses de l'église et
sur ses officiers ; qu'il ne lui appartient enfin que de protéger
et favoriser la religion. »
A Willerval, le maire « ivrogne » entrave par des actes
arbitraires les opérations des marguilliers de la paroisse ; il
s'est oublié au point de frapper en public « le trop malheu-
1. Archives départ. Dossier: Curés constitutionnels.
Ghavanon et Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de 1800 à 1810. 17
258 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
reux M. de Gouronnel parce que ce dernier lui a voit repré-
senté que n'étant que caution de la dépense pour les répara-
tions de l'église, la commune devoit payer puisqu'elle avoit
de l'argent. » En réalité, ce maire a pris un arrêté pour régler
et restreindre les dépenses de l'église et fixer le tarif de loca-
tion des chaises et bancs. L'évêque l'accuse de s'être présenté
en état d'ivresse à l'évêché et d'avoir été si impertinent qu'il
a été obligé de le chasser. Dans la commune de Gaudiem-
pré, lorsqu'un desservant nommé par l'évêque se présente
pour prendre possession de son poste, le conseil municipal
lui demande « par quel ordre il venait ; sur la réponce qu'il
fait que c'était par celui de son évêque, on lui réplique qu'on
n'avait pas besoin de lui et que d'ailleurs on était bien per-
suadé qu'il venait troubler la commune comme avaient fait
ses prédécesseurs, qu'en conséquence il devait se retirer ».
A la suite de la plainte que lui adresse à ce sujet Mgr de La
Tour d'Auvergne, le conseiller d'Etat Portalis, chargé,
comme on le sait, de la direction de toutes les affaires con-
cernant les cultes, recommande au préfet de surveiller cette
affaire et de prendre les mesures nécessaires pour empêcher
de tels abus de pouvoir de la part des municipalités. En
réalité, les habitants de Gaudiempré voulaient un prêtre
constitutionnel et particulièrement M. Deberly ; l'évêque se
refusait obstinément à leur donner satisfaction. Même inci-
dent à Filièvres où le maire réclame un vicaire constitution-
nel que l'évêque ne veut pas lui donner.
Dans d'autres circonstances, ce sont les maires qui se
plaignent des desservants : le maire de Tangry reproche au
desservant de cette succursale d'avoir aspergé d'eau bénite
avec affectation plusieurs demoiselles de la commune et
d'avoir refusé à une dame Wallart de la recevoir à l'offrande
parce qu'elle ne s'était pas couvert la tête comme il en avait
donné l'ordre. L'évêque se décide à déplacer cet ecclésias-
tique quelque peu irascible.
Lorsque Bossu, nommé desservant de Wingles, veut
LES CULTES 259
prendre possession du presbytère, les habitants s'attroupent,
le menacent et le forcent à s'enfuir sous les huées. Le des-
servant de Festubert est accusé d'avoir fait à un prêtre cons-
titutionnel, avant de lui administrer les derniers sacrements,
des questions « indiscrètes et répréhensibles » ; de lui avoir
demandé « s'il se repentait d'avoir fait le serment de mainte-
nir la Constitution civile du clergé et d'avoir exercé le minis-
tère pendant le temps de la Révolution ^ ».
Une plainte fort caractéristique est celle de l'évêque contre
l'adjoint de Gouy-en-Gohelle (26 nivôse an Xll) : « Le sieur
Chrétien, adjoint de Gouy-en-Gohelle, affiche le déisme et
fait beaucoup de mal dans la commune par ses conversations.
Je vous demande avec d'autant plus de raison, M. le Préfet,
que cet officier public soit rappelé à l'ordre, et même plus
si c'est possible, que ses systèmes sont ceux d'un mauvais
ecclésiastique, car je vous observe que le sieur Chrétien est
un prêtre, ex-religieux bénédictin. Je vous en laisse le juge,
M. le Préfet, quel mal ne peut point faire un homme qui se
plaît à émettre des opinions si dangereuses, surtout parmi les
habitans des camj)agnes, gens d'autant plus faciles à entraî-
ner qu'ils sont ordinairement moins instruits, moins clair-
voyants et plus portés à croire un prêtre ^ »,
L'histoire de l'application du Concordat dans le départe-
ment du Pas-de-Calais offre, comme on vient de le voir, un
intérêt particulier, car elle montre combien les institutions
reçoivent l'empreinte de ceux qui sont chargés de les appli-
quer. Si Mgr de La Tour d'Auvergne avait trouvé à son
arrivée à Arras la préfecture occupée par le général de La
Chaise et non par Poitevin-Maissemy, les prêtres constitu-
tionnels eussent été bien autrement sacrifiés encore dans la
répartion des cures et des succursales. Imbu des idées phi-
losophiques du xviii*' siècle, déiste plutôt que chrétien, le
1. Archives départ. Dossier: Difficultés entre maires et curés.
2. Ibid.
260 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
préfet Poitevin-Maissemy se posa en quelque sorte comme
le défenseur du clergé constitutionnel, qualifié de clergé
libéral, et plusieurs sous-préfets, — surtout Masclet, à Bou-
logne,— imitèrent son exemple. Cette attitude a causé en der-
nier lieu à Poitevin-Maissemy la perte de sa préfecture, un
déplacement onéreux et désavantageux pour ses intérêts par-
ticuliers, mais il était parvenu auparavant à obtenir l'ap-
plication du Concordat tel que le comprenaient le Premier
Consul et ses principaux conseillers . « L'organisation des
Cultes, écrit Fouché, est dans l'Église ce que le 18 brumaire
a été dans l'Etat : ce n'est le triomphe d'aucun parti, mais
la réunion de tous dans l'esprit de la République et de
l'Eglise », c'est-à-dire une œuvre de pacification religieuse,
une œuvre de fusion entre les bons éléments du clergé cons-
titutionnel et du clergé inconstitutionnel. En réalité Mgr de
de la Tour d'Auvergne n'était pas le princijial obstacle à
l'amalgame : jeune, n'ayant pas exercé le sacerdoce avant la
Révolution, instruit par le malheur, actif, honnête et ver-
tueux, ce prélat a laissé les meilleurs souvenirs en Artois.
Ses sympathies allaient assurément de préférence aux prêtres
réfractaires, mais en diverses circonstances, son rigorisme à
l'égard du clergé constitutionnel ne fut pas de parti pris ;
des actes d'inconduite ou des apostasies trop retentissantes le
justifièrent. Malheureusement, Mgr de La Tour d'Auvergne
succédait à trois évêques ; trois anciens évêchés étaient réu-
nis en sa personne, et de ces trois évêques, l'un, encore
vivant, se montrait un adversaire implacable du Concordat.
Sous peine de s'attirer l'hostilité ouverte des nombreux par-
tisans que Mgr Asseline comptait dans le clergé inconstitu-
tionnel, l'évêque d'Arras a été contraint de subir l'influence
du prélat exilé, d'accepter secrètement ses choix, de l'admettre
moralement dans ses conseils et c'est cette intervention,
cette action occulte, mais facile à deviner, qui irritait et inquié-
tait les constitutionnels et leurs défenseurs, Poitevin-Mais-
semy et Masclet, en même temps qu'elle entravait la paci-
LES CULTES 261
llcation. La question des religions dissidentes ne comptait
pour ainsi dire jaas dans le département du Pas-de-Calais,
puisque les protestants étaient si peu nombreux qu'il avait
suffi d'autoriser cinq communes à ouvrir des oratoires ^. Quant
aux municipalités, nous avons constaté que leur action avait
été restreinte ; elles étaient consultées, mais leur opinion
n'était ordinairement prise en considération que quand elle s'ac-
cordait avec celle du sous-préfet de l'arrondissement. La très
grande majorité] des habitants désirait le rétablissement du
culte catholique ; on demandait aussi dans diverses communes
le maintien des curés constitutionnels qui étaient en fonctions
avant la Constitution civile du clergé et n'avaient pas cessé
d'exercer le ministère. Les difficultés soulevées sont surtout
des difficultés de personnes. Malgré la vivacité de la lutte à
certaines de ses phases, elles ont disparu en 1806 : lunifica-
tion du clergé paraît presque complète et le Concordat
commence à produire ses effets bienfaisants.
1. Archives départ. 8' registre de correspondance du sous-préfet de Saint-
Pol.
RESUME ET CONCLUSION
Les premiers projets de réforme annoncés en 1789 furent
bien accueillis sur tout le territoire qui allait devenir le dépar-
tement du Pas-de-Calais. L'Artois, jaloux des privilèg-es dont
il avait joui, comme pays d'Etats, pendant tout l'ancien
régime et désireux de les étendre encore, espérait voir son
ancienne autonomie rétablie et accrue par la Révolution. Le
Boulonnais en souhaitait autant. Modérés par tempérament,
les habitants de ces régions ne se souciaient pas du désordre
et demeuraient attachés à la royauté. Tous les représentants
envoyés par les groupements provinciaux aux Etats Géné-
raux, puis à la Législative, sont fermement monarchistes. A
la Convention même le Pas-de-Calais députe plus de modérés
que de fanatiques. Malheureusement le parti de ces derniers
parvient à dominer et, par l'agitation et la violence, fait dévier
la Révolution au début pacifique et vraiment désireuse d'amé-
liorations, vers l'illégalité, l'arbitraire et le crime. Mais l'opi-
nion générale du département n'est pas favorable à ces excès.
Lebon et ses odieux compagnons font peser sur leurs conci-
toyens la plus exécrable tyrannie. La vie, sous le proconsulat
rouge de l'ancien curé de Neuville-Vitasse, semble se retirer
du pays. Nombreux sont les récits de témoins oculaires qui
nous décrivent, en ce temps de Terreur, les rues désertes, les
maisons fermées, les magasins et les ateliers chômant, la
défiance générale des habitants les uns à l'égard des autres et,
ce qui est peut-être plus triste que tout, l'impuissance abso-
lue chez les honnêtes gens de réagir. La dis^iarition de Lebon,
exécuté à son tour, met fin au cauchemar et permet au pays
de respirer, mais il n'est pas une âme dans le département où
264 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
puisse jamais s'effacer le souvenir des atrocités commises par
les terroristes. L'esprit de modération s'est ressaisi et régnera
seul désormais, affermi et comme perpétué par la crainte de
voir revenir au pouvoir les hommes de Lebon avec leur cor-
tège de deuil et de désolation. Jusqu'au coup d'Etat du 18
brumaire tous les élus, à l'exception de quelques députés de
l'anYI, sont des modérés. On trouve même dans leurs rangs
de véritables royalistes comme Luc- Joseph Bacon (an V), de
Berquier-Neuville (an VI),Dauchez (an V), Grandsire de Blai-
sel (an V) et d'autres.
La présence de tels hommes dans les assemblées publiques
n'empêche pas le déparlement de se débattre, surtout en l'an
VII et en l'an VIII, dans une situation mauvaise à tous points
de vue, analogue à celle dont souffre le reste de la France. La
nouvelle des événements du 18 Brumaire ne provoque pas
l'enthousiasme, mais ne rencontre pas non plus d'hostilité.
L'opinion se consulte un moment avant de se fixer; elle se
demande si ce nouveau coup d'Etat sera une simple réédition
de celui du 18 fructidor et si les affaires en prendront meil-
leure tournure. Bientôt, elle prend espoir, se prononce formel-
lement en faveur du Consulat et les administrateurs, qui ont
feint de la croire plus hésitante qu'elle ne l'était réellement,
s'empressent de la suivre. La confiance dans le nouveau gou-
vernement s'établit lorsqu'on le voit à l'œuvre. Au fond,
beaucoup regrettent que la monarchie n'ait pas été rétablie,
mais les pourvoyeurs de la guillotine ont été écartés : c'est le
principal. Ceux des anciens Jacobins qui ont pu se sauver du
naufrage politique de leurs frères sont revenus assagis, les
mauvais jours ne paraissent pas devoir renaître. On ne tue
plus, on ne proscrit plus ; le pouvoir s'attelle aux grandes
réformes administratives, cimente la paix religieuse : c'est
donc en connaissance de cause qu'on l'accepte définitivement.
Fort de l'appui qu'il rencontre, le chef de ce gouvernement
veut fonder l'Empire, promettant sous cette nouvelle forme de
faire plus de bien encore au pays et le Pas-de-Calais devient
RÉSUMÉ Eï CONCLUSION 265
sans difficulté impérialiste. Plus que bien d'autres régions il
va souffrir de l'état de guerre incessant apporté parle nouveau
régime au lieu de la paix promise : il a Boulogne avec vingt-
cinq lieues de côtes environ en vue de l'Angleterre ; son ter-
ritoire est la route qui mène aux frontières du Nord, la cons-
cription épuise ses hommes et les frais de campagne ses
finances : en 1813 il est désaffectionné de l'Empire et accueille
la Restauration sans avoir ressenti aux Cents Jours, malgré
les emphatiques proclamations de son Préfet, la moindre joie
de voir rentrer Napoléon.
De 1815 à 1827, tous les députés, à l'exception de Harlé
qui a une situation personnelle, sont de purs légitimistes.
De 1827 à 1830, le département envoie au Parlement des
libéraux qui sont des monarchistes déguisés. Sous Louis-
Philippe, hormis Piéron qui fait partie de l'opposition dynas-
tique, mais redeviendra un des membres les plus zélés de la
droite, puis se ralliera au second empire, tous les représen-
tants sont dévoués au gouvernement. En 1848, après la Révo-
lution, l'idée républicaine semble avoir rallié des partisans et
une liste de démocrates l'emporte sur celle des monarchistes.
Succès éphémère; dès le mois de mai 18i9, sur quinze dépu-
tés on compte cinq légitimistes, un orléaniste, un bonapar-
tiste et huit monarchistes libéraux. Enfin il y a moins de
vingt ans, en 1885, la députation du Pas-de-Calais était
entièrement conservatrice.
On peut conclure de ces faits que la plus grande partie de
la population du Pas-de-Calais n'a cessé depuis la Consti-
tuante de professer des opinions libérales et modérées. De
bonne heure elle eût sans doute évolué vers la République
démocratique : le jacobinisme et les excès des terroristes lui
inspirèrent delà défiance pour cette forme politique que Lebon
et ses complices prétendaient incarner. Nous remarquons en
effet qu'un département a été d'autant moins accessible à
l'idée républicaine qu'il a plus souffert de la Terreur.
Le caractère et la valeur du personnel administratif influent
266 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
naturellement dans une large mesure sur le progrès des ins-
titutions nonyelles. Le premier Préfet du Pas-de-Calais,
ancien administrateur pendant la Révolution, libéral et réfor-
mateur convaincu, est bien accueilli ; il s'inspire des idées de
la Constituante et est bien le Préfet rêvé par le Directoire.
Mais, voltairien, cet ennemi des choses religieuses n'a pas,
sous le Consulat, l'esprit conciliant qu'il faut pour faire exé-
cuter le Concordat. A la suite de démêlés avec l'Evêque, il
est disgracié malgré les services qu'il a rendus autrement.
Son successeur, moins embarrassé de convictions, plus souple,
bien qu'ayant conservé de son ancien état d'officier des habi-
tudes de commandement, adapte absolument sa manière de
faire à la nouvelle situation. Sous le Consulat, il représente
l'opinion moyenne de la nation, et, plus éloigné du jacobi-
nisme que celui qui l'a précédé, se fait mieux aimer de ses
administrés ; il deviendra après 1804 le type du Préfet de
l'Empire et la Restauration le trouvera prêt à la servir comme
un monarchiste qui n'aurait jamais varié. Plusieurs sous-pré-
fets se modèlent sur leur chef; ils savent qu'il est difficile de
plaire tout à fait au maître et ne peuvent mieux faire que de
suivre les évolutions d'un homme aussi habile que La Chaise.
Le Consulat n'a pas hésité à recruter certains d'entre eux, de
même que plusieurs conseillers de préfecture et secrétaires
généraux, dans le personnel politique de la Révolution, ce qui
se pouvait faire sans inconvénient puisque les élus du Pas-de-
Calais, après le 9 thermidor, étaient essentiellement modé-
rés. Si, dans ce département, la transition de la première
période du régime napoléonien à la seconde, c'est-à-dire du
Consulat et de l'Empire républicain à l'Empire dynastique,
fut particulièrement insensible, c'est parce que le personnel
des services publics y changea peu. Les anciens serviteurs
du Directoire acceptent les conditions de l'Empire dans sa
dernière forme sans plus d'effort qu'il ne leur en a fallu pour
se plier aux institutions du Consulat. Et lorsque Napoléon
disparaît, la plupart d'entre eux se donnent sans réserve à la
RÉSUMÉ ET CONCLUSION 267
Restauration, qu'ils auraient accueillie dès 1799 sans le 18
brumaire.
Ce n'est pas à dire que l'entente entre tous les représen-
tants de l'autorité fut complète sur tous les points et tou-
jours. Nous avons montré que la question religieuse amena
bien des divisions comme dans beaucoup d'autres rég-ions, et
que l'établissement du Concordat n'alla pas sans troubles,
assez graves même en quelques lieux. Les deux hauts digni-
taires chargés d'appliquer les institutions cherchent à les
orienter chacun dans un sens différent. Dans le domaine ecclé-
siastique la nomination de titulaires de postes est l'écueil ; et
l'Evêque et le Préfet qui y concourent sont loin de s'entendre.
Celui-ci, sceptique et admirateur de l'œuvre religieuse de la
Constituante, veut composer le nouveau diocèse avec le plus
grand nombre possible de prêtres constitutionnels. Livré à sa
seule inspiration, Mgr de la Tour d'Auvergne lui eût pro-
bablement fait assez vite des concessions, mais subissant l'in-
fluence de l'ancien évêque de Boulogne, Asseline, ou plutôt-
de ses partisans dont il craint de s'attirer l'inimitié, il s'obs-
tine à choisir presque uniquement des prêtres ayant refusé
d'adhérer à la Constitution civile. Poitevin-Maissemy paie
de sa Préfecture Facharnement qu'il a apporté, non sans
succès du reste, dans la lutte. Son départ apaise, il faut
le reconnaître, l'ardeur de l'évêque ; peu de temps après
l'arrivée de M. de la Chaise les plus grosses difficultés sont
aplanies et l'unification du clergé est en bonne voie. Il serait
à souhaiter qu'on retraçât avec détails les péripéties de l'éta-
blissement du Concordat dans chaque département, comme
nous avons essayé de le faire pour le Pas-de-Calais ; les ori-
gines du clergé français du xix*^ siècle seraient ainsi connues
et un point important d'histoire fixé. Quel intérêt il y aurait
à savoir, notamment, comment se sont comportés, dans leurs
diocèses respectifs, les rares évêques constitutionnels, comme
Primat, du Nord, conservés par le Consulat !
268 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
Moins difficiles à démêler sont les origines de la magistra-
ture moderne. Pendant la Révolution, dans le Pas-de-Calais
comme ailleurs, les sièges des tribunaux échoient par l'élec-
tion à des hommes qui sont dévoués aux idées nouvelles.
Les uns suivent les évolutions de la politique : ce sont les
plus nombreux, ils demeurent en fonctions ; quelques autres
sont évincés comme trop modérés aux époques de violence,
puis reparaissent, le calme revenu. Lorsque le Consulat sup-
prime l'élection des magistrats, tous ceux qui sont appelés à
former les tribunaux de notre département ont rempli des
fonctions judiciaires dans les dix années précédentes, beau-
coup ont même été magistrats sous la monarchie, et nous les
trouvons encore en place grâce à l'inamovibilité, sous la
Restauration.
Le Consulat a voulu faire une exception pour les juges de
paix en conservant pour eux seuls le mode électif; il n'en est
pas récompensé. On a vu le souci que ce corps de fonction-
naires a constamment donné au gouvernement. Il semble que
les dernières passions des temps troublés se soient réfugiées
dans les élections, d'importance pourtant secondaire, de ces
magistrats subalternes et le pouvoir se voit obligé d'abord
de diminuer leur nombre, puis d'atténuer par le senatus-
consulte de l'an X les inconvénients de leur désignation par
le suffrage public. Les élections qui suivent ces réformes sont
encore pleines d'irrégularités et de fraudes.
Si dans le Pas-de-Calais comme partout, le Gouvernement
de 1800 à 1810 met ses soins à constituer un corps judiciaire
à la hauteur de sa mission, il ne paraît pas autant préoccupé
de l'amélioration de l'Instruction publique. 11 n'est pas d'ordre
d'idées dans lequel le Consulat et l'Empire se soient montrés
plus réactionnaires. Les grands projets sur l'instruction pri-
maire tracés et non réalisés par la Convention sont délaissés.
Napoléon ne fait guère que rétablir ce qui existait sous l'an-
cien régime, encore doit-on plutôt à l'initiative des départe-
RÉSUMÉ ET CONCLUSION 269
ments et des communes qu'à celle de l'État, qui se contente
d'approuver et de contrôler, la réouverture des établissements
fermés sous la Révolution. L'empereur innove bien en matière
d'enseig-nement secondaire en créant les lycées, mais cette
création procède visiblement d'une institution de l'ancien
rég-ime : les écoles militaires et surtout Brienne. (Nous
n'avons pas eu à parler d'enseignement supérieur puisqu'il
n'était pas représenté dans le Département).
Le Consulat s'est naturellement plus intéressé aux finances
qu'à l'Instruction publique. Si en cette matière il a peu légi-
féré et s'en est tenu au régime d'impôts établi par la Consti-
tuante, il a par contre fait œuvre importante d'administra-
tion. Nous avons vu dans le Pas-de-Calais les agents de ce
gouvernement s'attacher, suivant les instructions reçues du
pouvoir central, à régulariser la rentrée des impôts. On se
base en l'an VIII et en l'an IX sur les travaux de répartition
faits en 1791 et 1792, mais, d'un commun accord, le Préfet,
les Contributions directes et le Conseil général s'efforcent de
rendre la répartition plus équitable. Le personnel récemment
institué pour procéder à la répartition ne répond pas tou-
jours à l'espérance de l'administration, alors elle le réforme
autant qu'elle peut, soit en l'éduquant, soit en l'épurant. En
1810, les progrès de la gestion financière dans le département
sont notables. Le contribuable, hélas ! ne paye pas moins
d'impôts : pourtant l'accroissement, ici, n'est certainement
pas proportionnel à celui des charges amenées par l'Empire.
La Révolution avait reçu de l'ancien régime un déplorable état
financier. Napoléon l'a amélioré malgré les dépenses énormes
que ses guerres imposèrent à la France. La Restauration eut
de bonnes finances, mais ni ce gouvernement ni les suivants
ne peuvent se vanter d'avoir empêché les charges budgétaires
de s'accroître jusqu'à nos jours, malgré la supériorité de l'im-
pôt foncier mieux assis et mieux réparti que la taille de l'an-
cien régime. On a quelquefois pensé que Napoléon eût pu
remédier complètement, soit après le 18 brumaire, soit après
la proclamation de l'Empire, à la mauvaise situation financière
270 LE PAS-DE-CALAIS DE 1800 A 1810
du pays en revisant la fortune des acquéreurs des biens
nationaux, ce qui n'eût pas manqué d'amener la reconfîsca-
tion de bon nombre de ces biens au profit de l'Etat. A cet
égard, il se montra au contraire entièrement respectueux
de l'œuvre révolutionnaire. Nous l'avons vu affermir les droits
reconnus par ses prédécesseurs à cette propriété nouvelle,
mesure d'habile politique qui ne contribue pas peu à lui atta-
cher ce qu'on peut appeler la bourgeoisie républicaine.
Sur ce point, comme sur bien d'autres, l'histoire adminis-
trative du Pas-de-Calais, de même que celle des Bouches-du-
Rhône, donne bien l'idée que le régime napoléonien est issu
directement de la Révolution. En résumé, on ne peut que
répéter ici les conclusions générales adoptées par MM. Saint-
Yves et Fournier, affirmant que le Consulat et l'Empire ne
représentent pas un mouvement de recul, mais constituent
une dernière phase de la Révolution. L'organisation adminis-
trative du Consulat repose sur le même principe que celle de
l'Assemblée constituante ; les réformes introduites par celle-
ci en toutes matières sont continuées par celui-là, et l'emj^ire
ne fait qu'adapter les institutions révolutionnaires au système
monarchique le plus absolu (jui soit, en dépit de son origine
et de certaine apparence démocratique. Tout y a concouru :
ces institutions que le législateur de la Constituante et des
autres assemblées n'avaient certainement pas élaborées dans ce
but ont fortifié de plus en plus, les événements aidant, le pou-
voir de l'Etat. La Révolution, individualiste par théorie, a
abouti à l'absorption presque totale de l'individu par l'Etat.
Cette situation n'a fait que s'affirmer pendant tout le
xix" siècle, elle menace, si nous n'y prenons garde, de s'exa-
gérer au xx". Il faut se souvenir que si Napoléon ne dut rien
de sa fortune aux procédés jacobins, écartés par lui comme
inopportuns, ce sont les idées jacobines, habilement exploi-
tées, qui l'ont mené à la dictature. 11 ne devait pas garder,
devenu César, l'affection de populations à l'esprit pondéré
comme celles du Pas-de-Calais. Elles avaient d'abord souri à
RÉSUMÉ ET CONCLUSION 271
la Révolution, modérée et pacifique, puis s'étaient détournées
de la République confondue avec la Terreur; de même, plus
tard, elles accueillirent avec joie le Consulat réparateur et
conciliant, mais haïrent l'Empire ennemi de l'Europe entière
et entretenant en permanence l'état de guerre.
INDEX ALPHABÉTIQUE
Aa (rivière), 80, 148, 149.
Abbeville, 11, 215, 226.
Ablainzevelles, 230.
Acary-Larivière (d'), cons. génér.,
60.
Achicourt, 170, 230, 231.
Achiel-le-Grand, 231.
Advielle, maire, 109.
Advisard (Jean d'), chanoine, 219.
Affringues, 170.
Agny, 231.
Ain (1'), 113.
Aire-s.-la-Lys,x, 3, tS, 60, 81, 82,
89, 90, 94, 100, 101, 122, 125,
135, 136, 143, 150, 167,175, 177.
178, 180, 189, 193, 193, 210, 212,
220, 246.
Aisne, 20.
Aix-Noulette, 170.
Albon, administrateur, 173.
Alette, 240.
Alexandre, curé, 250.
AUart, juge, 143.
Allart (François), maire, 140.
Allouagne, 56.
Alpes-Marilimes, 83.
Alquines, 135, 250,
Ambleteuse, 72, 74.
Anibrin, 136.
Amiens, 210, 223, 226-228, 236.
Andres, 247.
Androuins (F. -G., vicomte des),
dép., VIII.
Anneqiiin, 141.
Ansart (L.-F. J.), religieux, 219.
Ansart-Piéron, magistrat, 16, 128,
129, 130.
Anselin (Félicité), 107.
Anselme, instit., 114.
Anzin-Saint-Aubin, 108, 231.
Archambal, ordonnateur des guer-
res, 226.
Ardres, \ni, 3, 33,34, 51, 52, 54,
56,81, 89,103,122, 133,135,176,
179, 195, 235.
Arleux, 243.
Armand (le P.). V. Lenfle.
Arnette, lieutenant, 114, 115.
Arondance, 222.
Arques, xii, 110, 111, 135, 210.
Arrachart (J.-B.), curé, 243.
Arracliart, médecin, 205, 257.
Arras, vi, viii-x, xii, xv, xvi, 3,
5, 6, 18, 19, 22-24, 29-30, 41-
46, 51-61, 76, 77, 81-86, 91,
94-95, 122-131, 135, 137-138,
143, 145, 149-151, 154-159, 163-
166, 177-180, 182, 184-191, 193-
198, 203-206, 210-215, 218-231,
233,236-238,240, 242, 243, 247,
249-260.
Artois, v-xi, 22, 26, 41, 44, 51,
53, 56, 68, 71, 79,80,84,93,112,
121-123,126, 128, 129, 131, 147-
150, 152, 204, 203, 210, 211,
213, 219, 260, 262.
1. Cet index comprend les noms de personnes et les noms de lieux cités
-dans le livre. Ceux-ci sont en italique. Voici la sij^nification des abréviations
usitées dans l'index : adj. : adjoint à un maire ; adm. : administrateur ou
membre d'une municipalité; chan. : chanoine; cons. d'arr. : conseiller
d'arrondissement ; cons. génér. : conseiller général ; cons. préf. : conseiller
-de préfecture ; dép. : député ou représentant à une des grandes assemblées
de la Révolution ; institut.: instituteur ou chef d'institution ; j. de p. : juge
•de paix ; mag. : magistrat ; prof. : professeur.
Chavanon et Saint-Yves. — Le Pas-de-Calais de 1800 à 1810.
18
274
INDEX ALPHABÉTIQUE
Asselin(A.-J,-L.), mag., 124, 130,
246.
Asselin (Mathieu), curé, 223, 224,
245, 246.
Asseline (Mgr Louis), 211-213,
216, 218,221, 224, 234, 235, 251,
252-254, 260, 266.
Athies, 231.
Aubert, mag., 125, 134.
Aubigny, 3, 44, 58, 59, 135, 136,
145, 210, 245.
Aubron, cons. d'arr., 90.
Auchel, 167.
Auchy, 242.
Audibert-Leveux, adj., 100.
Audincthum, 220.
Aucirehem, 107.
Audruick, x, xii, 3, 90, 110, 135,
136,210, 246.
Audry, religieux, 175.
Auge, abbé, 174, 251-254.
Auguins-Deroteux, adm., 89.
Aumerval, 219.
Authie (riv.), v.
Autun, 225.
Auxerre, 208.
Auxi-la-Réunion. V. Auxi-le-Cbâ-
teau.
Auxi-le-Château, 3, 71, 90, 112,
135, 136, 154, 223, 245.
Auzeville, 226.
Averdoingt, 255.
Avesnes-le-Comte, xii, 3, 90, 103,
135, 136, 145, 245.
Avisse, 249, 254.
Azincourt, xii, 245, 249.
Baehelet, mag., 90, 133.
Bacon (L.-G.),dép., IX, 263.
Badolier, prof., 180.
Baërt, ix.
Bailliencourt, dit Courcol, échevin
et cons. génér., 59, 61, 65,76.
Bailliencourt, dit Courcol, reli-
gieux, 175.
Balaud, religieux, 175.
Balinghem, 250.
Ballin, curé, 235, 241.
Bapaiime, ix, x, xii, 3, 70, 77, 81,
82, 86, 102, 122, 123, 125, 127.
135, 138, 151, 163, 176, 178, 180,
190,192, 193, 210, 215, 236, 237^
243.
Barbier, directeur de poudrerie,
90, 145.
Barbier d'Auchy, cons. d'arr., 90..
Barbier (Benoît), curé, 249.
Barère, conventionnel, 207.
Baret, mag., 131.
Barlin, 223.
Barly, 245.
Bartin, 196.
Bassecourt, cons. d'arr., 87.
Bataille, maire, 134.
Baude, greffier, 131,252.
Baudelique, prêtre, 247.
Bavelaer (Roch), prêtre, 250.
Beauff"ort, 230.
Beaugeois (François), prêtre, 107,,
250.
Beaumeiz-les-Cambrai, 112.
Beaumelz-les-Loges, 3, 135,138.
Beaumont, 231.
Beaumont (comte de), 95, 99,.
208.
Beaumont (Christophe de), arche-
vêque de Paris, 214, 226.
Beaupré, 135.
Beàurain, 231 .
Beauvais, 21, 30.
Beauvoir, 223.
Becq, cons. d'arr., 87.
Becquet (J.-J.), prêtre, 246.
Behin, curé, viii, 213.
Belgique, 17, 237.
Bellanoy, v. Le Gressier.
Belle fontaine, 122.
Belval, maire, 109.
Bénard (Antoine), adj., 88, 100.
Bénard-Lagrave, s. préfet, ix^
32, 33, 39. 40.
Berbet(leR. P.), 180.
Berck, xir, 256.
Bergaigne (IIubert),cons.préf., 41 ,
42, 44.
Bergevin, commiss. de marine^
37.
Berghin, cons. d'arr., 90.
Berles-au-Bois, 249.
Berlier, conventionnel, 58, 221,
Berneville, 135, 138.
Bernieulles, 108.
ÎNDEX ALPHABÉTIQUE
275
Berquier-Neu ville, cons., 50, 52,
88, 263.
Berquin, jug-e, 131.
Berry (duc de), 29.
Berthout(J. M.), agent communal,
XIV.
Bertincourt, 3, 135, 136, 138, 231.
Bertin-Plaliau, adm. municip., 58,
85, 86, 91.
Béthune, ix, 3, 5, 8, 30, 32, 34, 57,
59, 61, 76, 83, 86, 87, 94, 96, 113-
H5,122, 123, 125, 127, 131, 135,
136, 140, 142, 150,152, 155-157,
159, 163. 180, 190, 194, 195, 198,
204, 206, 210, 214, 215,220, 241,
242, 244, 248,257.
Beugin, curé, 245
Beiignâtre, 249.
Beugnet, mag., 124.
Beugmj, 154, 192, 193.
Beuvrecfuin, 158.
Beuvry,Sl, 135,141,241,242,248.
Biache Saint-Vaast, 250.
Bidal,cban., 243.
Billecoq, cons. d'arr., 85, 86.
Billecoq-Vaillant, adj., 95.
Billion (S.-G.), cons. d'arr. et mag.,
85, 127, 128, 130.
Billot, j. de p., 138.
Billot (A.-L.) cons., 85, 86.
Billy,instit., 193.
Bins (Jacques), émeutier, 219.
Biron, général, 36.
Blaimond, prof., 175.
Blaiselde Grandsire, dép., ix, 263.
Blancart, maire, 59.
Blanchandin (F.-D.-E.), religieux,
215.
Blanchard (le R. P.), 173.
Blanchart, dép., ix.
Blanchet, 110.
Blangij, 60, 7 1 , 135, 231 , 249.
Blanquart, maire de Calais, 99,
100.
Blanquart des Sabines, dép., viii.
Blanquet de Bailleul, dép. 52, 59.
Blaringhen, 51, 167.
Blary (Ernest), inslit., 190.
Blendecques, 76,77.
Blériot, instit.. 189, 190-192.
Blin (I. C), prêtre, 223.
Blondin-Baizieux, cons. d'arr., 89,
101.
Boinet, maire, 108.
Boiry-Becquerelle, vin.
Boiry Notre-Dame, 250.
Bois-Bernard, 223.
Boisgérard, ancien officier, 87,
112.
Boitel père, cons. d'arr., 89, 101.
Boitel, cons. préf., 42.
BoUet, député, ix, x, xi, 51, 52.
Bomy, 213.
Bonaparte, 13, 17, 21, 32, 45, 51,
53,54, 87,98, 226.
Bonaparte (Lucien), 35.
Boniface, vicaire, 216, 217.
Bonnart, prêtre, 247.
Bonnières, 2-23, 224.
Bonnières, maire, 90.
Botelle (P. J.), prêtre, 242.
Boubers-sur-Canche, 60.
Boubert, maire, 108.
Bouchel-Merenveux, adj., 100.
Boucher (L.-J.), dép., viii.
Boucher, prêtre, 245.
Bouches-(lu-Bhône, v, xi, xv, 45,
47, 59,145,168, 269.
Boucquel de Lignicourt, chan., 219.
Boudallier, prêtre, 247,
BOudart (Simon), curé, viii.
BoufQer, prof., 173.
Bouleau, instit., 187, 191-193.
Boulers-les-Nesmond , 222.
Boulogne-sur-Mer, ix, x, xii, 3,
5, 8, 10, 12, 30, 32-39, 42, 43,
50-52, 57, 58, 73, 77, 81-83, 87,
88, 94, 96-98, 100, 109, 111,
112, 118,122,123,125, 127, 131,
132, 134-136, 143, 150, 152, 155-
157, 159, 160, 163, 164, 173,
174,177, 184, 189-192, 194, 198,
204, 206, 210-219, 234, 237-
239, 245,247, 248, 251, 254-255,
260, 564, 266.
Bourbers, homme de loi, 125,
126.
Bourbourg, 56.
Bourdon, bailli, 5.
Bourgeois, curé, 255.
Bounnont (comte de), 96, 100,
ICI.
276
INDKX ALPHABÉTIQUE
Boiirlhcs, 13;j.
Bousson (le baron), ancien officier,
103.
Boussu(ou Bossu, J. -F.), curé, 237,
258.
Boutilier, prêtre, 247.
Bouvigny, 112, 248.
Boyaval (A. -J.), prêtre, 249.
Boyelles, membre du Directoire
86.
Braine, homme de loi, 138.
Branquart, juge, 124.
Brasme (Louis), maire, 141.
Brassart (D.-A.), dép.,viii.
Brasseur, abbé, 138, 220.
Braune, cons. d'arr., 87.
Braure, prêtre, 254.
Braure (M. D.), religieuse, 220.
Braver (le P.), 180.
Brazier (Antoine), j. de p., 138.
Breblères, 165, 166, 231.
Bricot (J.-A.), prêtre, 250.
Bridelle, pi'être, 254.
Brienne, 208, 268.
Brimeux, viii, 8, 250.
Briois de Beaumetz, dép. viii.
Brisse, j. de p., 139.
Broches (L. J.), prêtre, 250.
Broglie, général de, 36.
Brouta, officier, 88. *
Brulin (Ignace), prêtre, 242.
Bruneau, curé, 213, 216.
Bruneau (François), maire, 141.
Bruneau de Beaumetz, dép., 27,
52,112.
Brusle-Aubert, maire, 99.
Bruyères-Chalabre (Mgr de), 211,
212, 216.
Bucaille (F.-M.-A.), dép., viii, 51,
52,243.
Bucaille (J. G.), curé, 243.
Bugey, 211.
Buissart (Charles), juge, 138.
Buissy (de), chan., 219.
Bultel, juriste, 122.
Burette, juge, 125, 133.
Burlin (Ignace), prêtre, 249.
Bus, 250.
Busnes, 196, 244.
Butor, dép., ix.
Butler, adm., 173.
Caboche (A.-J.), prêtre, 249.
Caboche (J.-J.), prêtre, 250.
Cadet, prêtre, 250.
Cagnicourt, 135.
Cagny (Antoine), prêtre, 250.
Cailleret (J.-N.), prêtre, 249.
Calais, V, vu, xii, xvi, 3, 5, 12,
16, 30, 33,34, 51, 52, 54,58, 60,
73, 74, 77, 82,88, 89. 94, 98-100,
122, 123, 125, 133-136, 144,
150, 152, 163, 174, 177-180, 182,
183, 186, 187, 189, 190-194, 201,
202, 204, 210, 212, 214-216,
218, 220, 221, 223-225, 227, 232,
233, 237, 238, 247, 251, 259, 261,
262.
Calonne-Ricouart, 106.
Cambacérès, 49.
Camberliger-Varennes, juge, 132.
Cainblin-Chatelain, 196.
Cambrai, 210, 237,242.
Cambridge, 173.
Cambrin, 3, 140.
Ca?niers, 250.
Campagne, xiii, 61, 135, 136, 247.
Campagne-lez-Hesdin, 145, 240,
241.
Campan (M™«), 44.
Canche, riv., v.
Cappelle, 135.
Cardevacques d'Havrincourt (de),
cons. génér., 61.
Cardon de Montigny, cons. préf.,
43.
Carg, abbé, 219.
Carion, juge, 124.
Carlier (Fiacre), prêtre, 250.
Carly, 247.
Carnot (Lazare), ix, xi, 54.
Carnot-Feulins ou l'aîné, ix, xi.
Caron, prêtre, 217.
Caron (Adrien), prêtre, 250.
Caron (Auguste), j. de p., 140.
Caron (Cyriaque-Janvier), juge,
124.
Caron-Falenpin, procureur, 88,132.
Caron-Senlecque, cons. d'arr., 39,
40, 89, 133.
Caron (veuve), 143.
IMDEX ALPHABÉTIQUE
277
Carpentier, 168.
Carpentier, cons. d'arr., 89.
Carré (le Père), prof., 173.
Carton (Pierre), prôlre, 230,
Carvin, 3, 113, 135, 136, 140, 142,
196, 241, 242, 248.
Cassagneau de Saint-Amour, cons.
génér., 55, 56.
Cassin, prêtre, 247.
Castelnaudat^y, 211.
Castres, 226.
Cateau-Cambrésis , 237.
Cauchy, 167.
Caudron ou Codron, prêtre, 238,
241,250.
Cauvet, maire, 103.
Cavrois, curé, 215.
Cavrois (Jean-Guislain), prêtre, 242.
Cavrois (F. -H.), religieux, 246.
Cavrois, général, xii.
Cavron-Saint-Martin, 222.
Cazin,cons. génér., 60.
Cazin(leR. P.), 173.
Cercamps, 76.
Cezeaux, direct, de l'octroi, 186.
Chambéry , 20.
Chaptal, 15, 18, 113, 194.
Charles-Quint, 121.
Charvet, curé, 193.
Chateau-Joly, 167, 168.
Chelers, 249.
Chevalier (Ch.-Vict.), avocat, 125,
131.
Chocques, 87, 220.
Choquol, maire, 7.
Choquet, j. de p., 87.
Chrétien, adj., 259.
Clarques, xiv, 110, 135.
Clavière, ministre, 152.
Clément, prêtre, 250.
Clenleu,H2.
Clerques, 107.
Cléry, 159.
Cléty, XIV.
Coblentz, 45.
Cochet de Corbeaumont, cons.
génér., 60.
Cochet d'Hattecourt, adj., 95.
Cocud, dép., X.
Cocud (François), j. de p., 143.
Codron. V. Caudron.
Coffin, X, 42.
Cohen, 195.
Colbaut (Armand), pi'être, 193.
Colberl, 193.
Collin, maire, 106.
Colline, 219.
Conchil-le- Temple, xii.
Condelte, 50, 109, 135.
Condillac (de), 199.
Conzié (François), prêtre, 219.
Conzié (Mgr de), 18, 178, 211, 212,
214, 216, 224.
Coquelet (A.-J.), curé, 242.
Coquerel, ex-admin., 90.
Corne, dép., ix, 44, 86, 138, 235.
Cornier-Preville, cons. d'arr., 88.
Cornille, cons. préf., 42, 44.
Cornoailles(Th.),cons.d'arr.,85,86.
Cornuette, cons. d'arr., 88.
Cornwhuit, procureur, 173.
Corroyer, j. de p., 138, 164.
Costenoble (F.-J.), curé, 246.
Cot (Pierre), adj., 95.
Coullemont, 249.
Coulogne, 247.
Coupelle-Vieille, viii, 250.
Courcelle, 135.
Couronnel (de), 258.
Courrières, 196.
Courset, agronome, 88.
Coutreville (J.-A, de), viii.
Coyecques (J.-F.-J,), prêtre, 246.
Crachet, dép., xi.
Crécy, 222.
Creisent (P.-J.-J.), juge, 132.
Cremaretz, xii.
Cressent, cons. d'arr., 89.
Cresson, maire, 107.
Croichet, juriste, 125, 144.
Croisilles, 3, 135, 139, 210, 237.
Croix (Comte de), viii.
Croix, ex-commissaire, 90.
Croquison (veuve), 168.
Cucq, 144.
Cuinchy, ix, 141, 164.
Cuitot(le P.), prof., 173.
Cuvillier, prof., 206.
Dacquin, prêtre, 114.
Dagulhac de Soulages (J. A.), capi-
taine, 102.
278
INDEX ALPHABÉTIQUE
Daillet (Stanislas), mag., 124.
Dainville, 231.
Daisguirande (Constant), maire, 87.
Danel, j. de p., 89.
Danson, maire, 141.
Danvin, admin., 58, 61.
Dapvril,curé, 223.
Darthé, mag., 124.
Dauchelle, dép., ix.
Dauchez, dép., 263.
Daunou, ix, xi, 34, 53, 173, 181,
207,212, 215.
Dautremer, maître des postes, 89.
Dautrian (J.-B.), prêtre, 250.
Dautricourt, juge, 140, 142.
Dave (V. J.), prêtre, 249.
Daverdoingt (J. G.), maire, 90,
102.
Debbé (Adrien), prêtre, 244.
Debeaucourt, juge, 138.
Deberly (J.S.), prêtre, 249, 258.
Debert,curé, 245.
Debloët, religieux, 175.
Debrue, dép., x.
Decques, 5.
Defasque (Joseph), religieux, 223.
Deflandre (Nicolas), maire, 86.
Defontaine (Emmanuel), juge,
138.
Defrance aîné, procureur, 90.
Defrance (A,-G.),juge, 133.
Degrez, cons. d'arr.,89.
Delacroix, préfet, 20.
Delair, commis, de pol.,6.
Delalleau (J.-B.), maire, 96.
Delamurre, cons. génér.,58.
Delannoy (Grégoire), prêtre, 240.
Delattre (Charles), adj. 108.
Delattre de Balzaert (Bernard), ix,
59, 89, 90, 105-107.
Delbarre (Xavier), j. de p., 140.
Delhourg, 5.
Deldicque, juge, 131,
Delebecque (J.B.), prêtre, 243.
Delegorgue, accusateur public,
124.
Deleporte, prêtre, 252.
Deleporte (François), admin., 57.
Delepouve, commiss. de pol., 6.
Delepouve (E.-F.), mag., 86, 127,
128, 130,
Delerue. V. Delrue.
Delestré, prof., 182.
Deletoile, instit., 187, 189, 191,
192.
Delettes, xv.
Delevigne (J.-L.-II.), religieux,
237.
Deligne, cons. d"arr.,90.
Deligny (H.-E.), prêtre, 246.
Delleville, cons. d'arr., 86.
Delombre, cons. préf.,44, 58, 59.
Delporte, cons. génér.,76.
Delporte (Pierre-François), maire,
96.
Delrue, cons. gén., 55, 56, 61.
Delvar, prof., 191, 192.
Delvigne (A -J.), prêtre, 249.
Demarigna. V. Marigna.
Demicourt, prêtre, 250.
Demohr, cons. préf., 36, 42, 43.
Demond (Jean-Baptiste), 168.
Demuliez, accusateur public, 124.
Denin, 245,
Denissel, curé, 243, 247.
Depape, j. de p., 142.
Deplanques, cons. d'arr., 89.
Deplanques, juge, 125.
Deplantay, prêtre, 246.
Depoix (Bernard), prêtre, 248.
Derender, cons. d'arr., 89, 90,
Derœux, institut., 193.
Desandrouins, industriel, 58.
Deschodt (D.-M. Xavier), prêtre,
223.
Deseille (Geneviève), 111.
Desgardins (Benjamin), prêtre,
249.
Desgrousilliers (Jean- Jacques),
juge, 145.
Deslavier, maii'e, 90.
Deslions (L.-J.), maire, 101.
Deslyons de Moncheaux, cons.
gén., 60-
Després, prêtre, 175.
Desprez, cons. d'arr., 85, 86.
Desruelles, avocat au Parlement,
87.
Desruelles, juge suppl., 131,
Desruelles (Dom), 220.
Desvres, xii, 3, 12, 88, 122, 135,
136, 144, 159, 237, 239, 247, 254.
INDEX ALPHABÉTIQUE
279
Dethosse, cons. d'arr,, 89.
Deusy, dép., ix.
Deusy, avoué, 138,
Deux-Nèthes (département des),
20,83.
Devienne, auteur, 128, 130, 143.
Dewamin (Eugène), juge, 145.
Dewamin, j. de p., 89, 102.
Dewetz, mag.,124, 125.
Devi'imille, juge, 125, 133.
Dhamelincourt, médecin, 205.
Diot (Jean), curé, viii, 219.
Doailly, cons. d'arr., 193.
Dohem,xiv, 246.
Domont (Hubert), prêtre, 248.
Donjon, 61.
Douai, 36, 38, 41, 52, 80, 131, 133,
134, 165, 184-186, 210, 216, 240,
245.
Doulcet de Pontécoulant, dép.,
56.
Doullens, 148, 226.
Bourges, 196.
Druenne (P. -A.), prêtre, 250.
Dublaisel-Durieux, cons. génér.,
60.
Duboille (L. S.), 112.
Dubois (abbé), 227.
Dubois, cap. de gend., 118.
Dubois, s. préf., 40,118.
Duboui'cq, maire, 106.
Dubourg, cons. préf., 41.
Dubrœucq,dép, ix,xi.
Dubrœucq, juge, 134.
Dubuisson (H.-D.-J.), dép., ix.
Dubusse, religieux, 216.
Ducarin (Louis), juge, 87.
Ducouroy, prêtre, 223.
Ducrocq(abbé), 175,252.
Duflos (D.-J.), dép., 50, 52, 183.
Duflos, prêtre, 214, 240, 241.
Dufour(Dom), 172.
Du four, abbé, 176.
Dufour(M.-A.-F.), curé, 241, 244.
Dufresne (Pierre-Antoine), adj.,
96.
Dugat, cons. municip., 96.
Duhameaux, prêtre, 248.
Duisant, 231.
Dujat, 13.
Dulot, maire, 103.
Dumont, cons. génér., 88.
Dumont, vicaire, 242, 249.
Dumont (André), s. -préfet dép., 19,
29, 58.
Dunkerque, 72, 76, 77.
Dupire, maire, 57,60, 61, 76.
Duplaquet, sous-préfet, 38, 39, 88,
174.
Dupont, de Lens, 100.
Dupont (P.), religieux, 175, 214,
215,239, 248, 252.
Dupont-Seivault, officier munici-
pal, 89.
Dupré, prêtre, 254.
Duquesne, prêtre, 247.
Duquesne-Clociieville, cons. d'arr.,
officier, 88.
Duquesnoy (Ernest), dép., ix-xi,
220.
Duquesnoy-Rouvray, administr.,
61.
Dure, maire, 106.
Duriez, cons. génér., 60, '61, 88,
100, 102.
Dusaulchoy, cons. d'arr,, 90.
Dussart (Maximilien), 168.
Dutercq, religieux, 216.
Dutertre (Pierre-Daniel), avocat,
96.
Duval,dép., ix,
Duval, magistr., 125.
Duval (Ch.-M.-M.-F.), avocat, 132.
Duval de Hautmaret (Biaise), cons.
génér., 57-59, 76, 88.
Eaucourt, 250.
Eclimeux, 90.
Ecoivres (rf'), 231.
Ecosse, 177.
Ecuires, 112.
Ecurie, 231.
Ecuyer (le P.), 180.
Eddropp, prof., 182.
Effial, 208.
Egmont-Pignatelli (comte d'), 164.
Elbe (île d'), 29, 61.
Elciiingen (duchesse d'), 43.
Elmotte (d'), dép., x.
Emery (abbé), 225, 226.
Enlart, dép., ix, 55, 61, 89, 90,
125, 132, 134.
280
INDEX ALPHABÉTIQUE
Enlart de Guémy, 99.
Eperlecquen, 135.
Epinoy, 158.
Equire, 109.
Espagne, 147, 226.
Esquerdes, xii, 90.
Esques, xv.
Estienne(le P.), 180.
Eiaples, 3, 89, 102, 112, 122, 135,
136, 144, 145, 238, 241.
Etrelles, 250.
Etrun, 231.
Eylau, 66.
Fahy, curé, 223.
Falaise, 223.
Famechon, 231.
Fampoux, 231, 249.
Fandier, prêtre, 247.
Fauchison, 154.
Fauquembergues, 3, HO, 135, 136,
145, 246.
Fauquembergues, abbé, 236.
Favreuil, xii, 249.
Feret, religieux, 175.
Fermier, maire, 109.
Ferrand (le général), 14.
Fesch (Mgr), 38.
Festubert, 249, 259.
Feuchy, 231.
Fiennes, 247.
Fillieres, 109.
Filievres, 258.
Flahaut, commissaire, 5.
Flamcnt (le P.), prof., 173.
Flandre, 52, 150.
Fleury (Célestin), dép., viii.
Fleury, 135, 183.
Fleury -la-Rivière (Ma.^ne), 182.
Flour (Jean-Baptiste), juge, 145.
Foncquevillers, 135, 136, 139.
Fontaine, prêtre, 250.
Fontaine (M.-M.), religieuse, 220.
Fontoux (Thérèse), religieuse, 220.
Forgeois, avocat, 129.
Forgeois-Crétal, demoiselle, 129,
Fosseux, 245.
Fouché, ministre, 18, 260.
Foulers (Louis de), maire, 103.
Fourcroy, reprôsent., en mission,
6, 136, 184, 185.
Fournier(P.F.)adj., 108.
Fox, 37.
Framecourt, 135.
France de Vincly, chan., 219.
François, prêtre, 242.
François (Jean-Charles), prêtre,
236.
François (P. J.), prêtre, 249, 257.
François (Siméon), juge, 87.
Francoville (Charles-Bruno), dép.,
VIII, 52,89, 90, 133.
Frédéric II, 66.
Fremicourt (Pierre Mathias de),
cons. d'arr., 90.
Fresnes-Montauban, 135.
Fresnicouri, 248.
Fresnoy, magislr.,58.
. Fresnoy, vicaire, 243.
Fressin, xii, 58, 135.
Frétant, prêtre, 251, 252.
Frélhun, \iii, 51.
Frévent, 3, 71, 90, 135, 197, 245
Frévet, curé, 242.
Friedland, 66.
Frigard, religieux, 171, 179.
Frodeval, maire, 107.
Froidval (P.E.), prêtre, 250.
Froment, maire, 102.
Fromentin de Sartel, cons. génér
60,61.
Froussart (le P.), prof., 173.
Fruges,3, 89, 135, 136, 241.
Fumes, 40.
Galland(Vaast), prêtre, 223,
Gand, 226.
Gantés, cons. génér., 60.
Garbados (L.-A.), prêtre, 250.
Garchet, dép., x.
Gai-nier, dép., ix, x.
Garnier (Ch.L. A.), sous-préf., 32,
33, 199.
Garnier du Vivier, percepteur,
161.
Garnier (J.-B.), maire, 103.
Gaudienipré, 258.
Gayant, cons. préf., 2, 42, 44,
187.
Genel, prêtre, 188.
Gense, brigadier, 115, H6.
Qérard (Jeanne), religieuse, 220.
INDEX ALPHABÉTIQUE
281
Gillet, maire, 106.
Gillot, juge, 144.
Givenchy, 141.
Gohier, prêtre, 247.
Gombert (Xavier), admin., 87.
Gomez, cons. d'arr., 89.
Gomez (L.-L. O.), prêtre, 250.
Gonnekem, 89, 90.
Gorilloi, 164.
Gosse, accusateur public, 124.
Gosse dcGorre, dép. 53, 89-102.
Goudemetz, juge, 58, 133.
Gouilliard, admin., xvi, 220.
Goure, 231.
Gouy-en-Gohelle, 259.
Gouy-Servins, 57.
Grandclas, ingénieur, 16, 72.
Grandsire-Belval, cons. d'arr., 88,
96.
Grandsire du Blaisel, père, magist.
125, 131,
Graux-Capron, maire, 102.
Gravelines, 74.
Grégoire, receveur d'octroi, 87,
223.
Greiset, cons. d'arr., 89.
Grenet, religieux, 175.
Grenier, dép., ix.
Grenier, greffier, 127.
Grevillers, xii, 105, 135, 138.
Grimbert (Augustin), prêtre, 219.
Grincourt-les-Pas, 107 .
Gros (Bernard), dép., viii, 87,
88.
Gros, juge suppl., 131.
Guenips, 250.
Gueudré, maire, 109.
GufTroy, dép., ix, xi, 133, 141.
Guilbert, curé, 245.
Guillemont, religieux, 173.
Guines, 3, 42, 43, 78, 122, 135,136,
178, 237-239, 247.
Guiscard [Oise], 4.
Guislain, cons. d'arr., 89.
Guislain (Parent), j. de p., 140.
Guizelin, cons. d'arr., 68.
Guyane, 218.
Habarcq, 237,249.
Hacot-Duvoilliers, mag., 88, 114,
126,132, 143.
Haisnes, 242.
Halgout, officier de santé, 43.
Ilullines, 135.
Ilalwin (Charles), adm., 101,
Ilaméricourt (Gérard d'), religieux,
172.
liâmes, 247.
Ilannotte (Georges), j. de p., 140,
142.
Haplincourt, 135,138.
Hardinghen, 58, 76, 78, 106, 135.
Harduin, chan., 219.
Harlé, dép. ,264.
Harlincourt. V. Wartelle-Vaillant.
Harnes, 111, 196.
Haudouart (Ignace père), dép., ix,
86, 102, 125, 138.
Haut-Loquin, 250.
Hautmaret. V. Duval (Biaise).
Hauwelle (H.-M. J.), dép., 250.
Ilavel, prof., 206.
Ilavet (François), adm., 114.
Havet (J.-B.), curé, 213, 239, 240.
Havet (Louis), adm., 114.
Ilavez (B. J.), prêtre, 249.
Havrincourt, 237,
Helfaut, 210.
Hellemans (Amable-Joseph), adm.,
8,9, 99, 102.
Ilendecourt, 112.
Ilendecourt. V. Le Sergeant, 112.
Ilenin-Lietard 87, 88, 135, 142,
193, 210, 243, 245.
Ilennebert, auteur, 213.
Ilenneguier, prêtre, 254.
//enneveuic, 88, 135,252.
Ilennisart, vicaire, 245.
Ilenriquez, prof., 182.
Henry (A. J.), prêtre, 223.
Herbelles, 246.
Herbet, mag., 133.
Herbet, vicaire, 213, 215.
Herbinghem, 250.
Ilercqueliers, 167.
Ilerdhebaut, adj., 106.
Ilerman, accus, publ., 124,
lier mies, 237, 250,
Ilernicourt, 167,
Ilerreng (Fei'dinand-Louis), maire,
96,
Ilersin-Coupigny , viii, 196, 213,
282
INDEX ALPIIAHÉTIQUE
Hesdigneul, 249.
Hesdin, ix, xii, 3, 44, 54, 58, 82, 89,
102, 122, !23, 125-127, 135, 136,
150, 154, 166, 176, 179, 183, 193,
197, 210, 235, 240, 241, 244,
246.
IIesmond,%i^.
Herzecqiies, 167.
Ileuchin, 3, 71, 135, 136.
Hieulle, religieuse, 175.
Ilinguer (François), adm., 114.
Hochart (G.-J.), prêtre, 250.
Hochart (J.-C), prêtre, 250.
Hoche (le général), 51.
Hodicq, dép., viii.
Hollande, 5.
Horeau, adj., 100.
Hottinghem, 254.
Iloudain, xiii, 3, 135, 130, 140,
210, 241, 242, 248, 257.
Hourtel, 164.
Houvigneul, 255.
Houzel, adm., 101, 102.
Hubert, maire, 138.
Hucqueliers, 3, 89, 135, 136, 219,
240, 241.
Hugy, 231.
Humerœuil, 166, 168.
Huret, prêtre, 215.
Hutin,168.
léna, 66.
Illies, 243.
Imbert de la Basèque, 230.
Imbrethun, ix.
Inchy, IX.
Irlande, 173, 177.
Isbergue, 135.
Isnardi, prof., 182.
Ita aîné, adm., 89.
Ita-Trousset, adm., 88.
Izambert, 164.
Izel-les-Hameaux, 109, 197.
Jacquemont, tribun., 27, 54, 126,
184, 186.
Jemmapes , 20.
Joly-Lavieville (Antoine), cons.
génér., 60, 101.
Jore (L.-F.-M.), prêtre, 241.
Jouanne, cons. d'arr., 89.
Journy, 108, 250.
Junot, général, 30.
Keating (Patrice), prof., 173.
La Baséque. V. Imbert.
La Bassée, 210, 242,
La Beuvrière, 87, 166.
Labrouche, commiss. de marine,
37.
La Calloterie, 250.
La Chaise (B"» de), préfet, 15, 20,
21, 22,24-31, 39, 41, 43, 46, 64,
71, 105, 117, 134, 257, 259, 265,
266.
La Comté, 130.
La Couture, viii, 135, 158.
Lacres, 109.
La Cressonnière (E. T. de), curé,
237.
Lafayette, 37.
Laflèche, 208, 214.
LafoUye-Guyon, adj. ,109.
Lafontaine, cons. d'arr., 89.
Lagrillière, pharmacien, 102.
La lier Hère, 231.
Laigle, cons. d'arr., 90.
Laignel (Barthélémy), religieux,
220.
Laignel (Jacques), abbé, 220.
Laisné, abbé, 175.
Lakanal, ministre, 207.
Lalleu, 87.
La Loge, 250.
Laly (Michel), religieux, 244.
Lamarre, représ, en mission, 41.
Lambiez (J. J.), prêtre, 237.
Lamelle (Marie), religieuse, 220.
Lameth (Charles), dép., viii.
Lamy, prof., 189.
Langle(de), évêque, 178.
Langres, 227.
Languedoc, 226.
Lansiarre, chan., 189.
Lanthenas, conventionnel, 207.
La Pasture-Verchocq (P. -A. -F.),
maire, 101.
Laporte, prêtre, 235.
Lapugnoy, 167.
Lardemer(P. J.-F), juge, 138,
INDEX ALPHABÉTIQUE
283
Lardeur de la Recousse, admin.,
89.
La Rose, brigand, 8, 12.
La Sablonnière (de). V. Mauguet.
Lascote (Elie), mag., 133.
Lasteyrie du Saillant (de), préfet,
60, 61.
La Tour d'Auvergne- Lauragais
(Mgr de), 226, 228-230, 234,
238, 242, 245, 247, 254, 256, 260,
266.
Latteux (Nicolas), dép., viii.
Lattre Saint-Quentin, xrii, 245.
Laurent (Charles), religieux, 243.
Laurent (Ignace), curé, 244.
Laussat (Baron), 29.
Laventie, 3, 135, 136, 140, 141,
195, 241, 243,248.
Laverdi (Guizelin), cons. d'arr.,
88.
La Viéville. V. Joly.
Lavoisier, 247, 248.
Leauweite, 231.
Lebas, terroriste, ix, xi.
Leblond, 109.
Lebon (Joseph), terroriste, ix, xi,
58, 124, 126, 128, 172, 216, 218-
221,238,262,263,264.
Lebrun, consul, 49.
Lechon, maire, 90.
Le Choquel, 122.
Leclercq, maire, 105.
Leclercq, religieux, 175.
Lecointe, mag., 125.
Ledinghen (Madame), 252.
Leducq (Léandre), juge, 138.
Lefebvre (André), curé, 237, 245.
Lefebvre-Cayet, dép., x, xi,51, 52,
59,60, 61, 64,184-185.
Lefebvre (Charles), juge, 145.
Lefebvre (Jérôme), juge, 138.
Lefebvre-Hacot,adm., 101.
Lefebvre (Laurent), prêtre, 244.
Lefebvre (Théodore), curé, 244.
Lefelle, juge, 125.
Lefin, maire, 113.
Lefranc, juge, 127.
Legay, maire, 87, 125, 131.
Legay, juge, homme de loi, 125,
131.
Léger, médecin, 205, 206.
Léger, prof., 192, 193.
Legrand, cons. d'arr., 89.
Legrand (Rocli), prêtre, 220.
Le Gressier de Bellanoy, chan., ix,
213.
Lehodey, prof., 189, 191, 192.
Lély(P.-T.), prêtre, 250.
Lemaire, médecin, 102.
Lemaire, prof., 175.
Lemaire (Sébastien), maire, 106.
Lemaitre, 144.
Léman (départ, du), 83.
Lenfle (dit le P. Armand), 216.
Lengagne,prêti"e, 256.
Lenglet, dép.,x, xi, 125,182.
Lenoir, maire, 87.
Len^, 3, 56, 82, 86, 122, 135, 136,
140, 143, 149, 176, 195, 210, 238,
241, 243,248.
Léogane, 4.
Le Parcq, ix, 3.
Lepelletier de Saint; Fargea.i,
207.
Lépine, xm.
Lépine, adm., 114.
Le Prévot-Ardet, prof., 193.
Leriche (Gaspard), mag., 131.
Le Roi du Royer, chan., 213.
Leroux (J.-J.), dép., viii.
Le Roux, cons. d'arr., 16, 85, 86,
219.
Le Roy, cons. d'arr., 86, 87, 90,
105.
Leroy-Aipelly, juge, 99.
Le Sergeant d'IIendecourt, maire,
112.
Le Sergeant d'Isbergues, dép.,
VIII, 55,59,99,245.
Leserre, commis-greffier, 124-
126.
Lesoing, adj., 16, 95.
Le Souich, 90.
Les^rem,87, 195,223.
Letombe (J.-B.-J.) prêtre, 249.
Leton, mag., 133.
Leulinghen, 250.
Levaillant, dép.,x.
Lévêque, juge, 132.
Leveux (Jacques), maire, 88.
Levier (A.-J.), prêtre, 243.
Leviez, curé de Lens,193.
284
I^DEX ALPHABÉTIQUE
Lherbier (Ch.-L.), prof., 243.
Lhomel (Grégoire de), adm., 114.
Libersalle, 164.
Libert (Louis), cons. d'arr., 88.
Libert-Chalmers, mag.,131.
Libessart. V. Rouvroy.
Liborel, dép., ix.
Licques, 107, 108, 133, 254.
Liegeard, instit., 189-192.
Lievin, lOo, 196.
Ligny, 138.
Ligny-sur-Canche, viii, 109, 219.
Lille, VI, 57, 74, 77, 95, 130, 143,
241.
Lillers, 3, 87, 103, 114-116, 122,
135, 136, 140, 142,150, 195,210,241,
244, 248.
Lion, mag., 125, 133, 134.
Lippe (départ, delà), 61.
Lisbourg, 197.
Lissés, prof., 182.
Locon, 158.
Loir-et-Cher, 38.
Loison, 105.
Londefort, 122.
Longfossé, 247.
Longuemeau, 144.
Longuenesse, 210.
Longvilliers, 250.
Longwy, 21.
Lorgnier (Alexandre), adm. ,96.
Louez, 231.
Louis XVI, x,21, 51,55,208.
Louis XVIII, 30, 128,146.
Louis-Philippe, 46, 246.
Louis (Stanislas-Constant), vicaire,
242.
Louverval (baron de), 112.
Loyal, instit., 188.
Luckner, général, 36.
Lugy, 167.
Lumbres, 3,1.36.
Lyon, 211.
Lys(riv.), 80, 148.
Macaire, maire, 101.
Magnicourt'Sur-Canche, viii, 56,
90, 135.
Magniez, dép., ix, xi.
Maillé de la Tour-Landry (M^r),
226. i \ h 1,
Maintenay, 250.
Maizières (Armand), prof., 182.
Malbeaux, prêtre, 219.
Malet de Coupigny, préfet, 61.
Matines, 226.
Mallet, général, 54.
Mailly (Agnès de),damedeMametz,
177.
Mamelz, 106, 177.
Manche (la), 12, 98.
Mannequebeure, 135.
Manoury, cons. d'arr., 85, 86.
Marchand, abbé, 219.
Marchand, j. de p., 139.
Marck, 159.
Mare nia, 246.
Marensal, cons. d'arr., 88.
Maret, ministre, 37.
Mariette, juge, 125.
Marigna ou Demarigna (Guillaume),
adj.,99.
Mariotte-Tellier, adj., 99.
Marland, Ch., adm., 107.
Maries, 106, 134. 250.
Marlier(A.-J.),215, 248.
Marœuil, xii, 231.
Marquant, j. de p., 89.
Marquette, 243.
Marquion,3, 135,136, 139, 158.
Marquise, 3, 43, 72, 78, 88, 123,
144, 215, 237, 238, 243, 247, 248,
252.
Marteau (Marc-Noël), juge, 124.
Mary, 106.
Masclef (Antoine), prêtre, 245.
Masclet, s. -préfet, 32, 35, 36, 38,
42, 43, 238, 251-253, 260.
Masinghem, 248.
Masse (A. -Ph.), adj., 99.
Masse (A. -P.), juge, 126.
Masse-Tresca, agriculteur, 16.
Matringhem, 254.
Matthieu (Auguste), cons. d'arr.,
90.
Mauduit, greffier, 87,
Mauguet de la Sablonnière, j. de
p., 144.
Maurice (H.-F.-J.), prêtre, 249.
Meai/a?, 223.
Ménage de Brinieux, 7.
Menbœuf, prêtre, 245.
INDEX ALPHABÉTIQUE
285
Menche, juge, 87.
Menche (Bonaventure), 141.
Mengoud, général, 37.
Menou, cons. d'arr., 87.
Mercier, 164.
Merenvène (général de), 34.
Méric de Montgazin (de), dép., viii.
Merlimont, 144.
Merlin de Douai, 41.
Merlin-Dubrcuil, maire, 96, 97.
Merlin-IIibon, cons. d'arr., 88.
Merville, 246.
Melz-en-Couture, 86, 135, 231.
Meurille, juge, 131.
Michaud, curé, 213, 219.
Michaud, v.-prés. de district, 58,
6(\, 100.
Michel (Claude), religieux, 175.
Milan, 212, 216.
Milon, religieux, 173,
Miroir (A.-L.), curé, 240.
Moncheaux, 164.
Monchy-le-Brelon, 135.
Monchy-le-Preux, 231.
Monflin (Dominique-Joseph), 168.
Monflin (veuve), 168.
Montcavrcl, 89.
Montcenis {S.-et-L.), 20.
Montmorin (comte de), ministre,
52.
Montpellier, 95.
Montreuil-s-Mer, v, ix, 3, 7, 9,
32, 35,39, 55, 59, 60, 61, 76, 77,
81,82, 83, 88, 89, 101, 110, 113,
114, 123, 124, 126, 127. 132, 135,
136, 144, 145, 152, 155-157, 159,
162, 163, 175-179,190,192-194,
197, 204, 206, 213, 215, 239-241,
256.
Morchies, 86.
Morchy, 250.
Moreau, prof., 175, 180.
Morel (A. -Alexis-Joseph), mag.,
130.
Morel, greffier, 127.
Morel, prêtre, 247.
Morel (J.-B.), prêtre, 248.
j¥ori'a/,249.
Moulle, XII,
Moulloir (A.J.), prêtre, 250.
Mouron de Caux, cons. d'arr., 88.
Muncq-Nicurlet, adm.,58.
Muriez, adjoint, 105.
Nancy, 21.
Napoléon !«'•, 28-30, 46, 47, 52,61,
64,85,98,102, 119,145,162, 170,
206, 208, 209, 264, 265, 267-269.
Nedonchel (M.-J.), religieux, 220.
NeufcMtel, 106.
Neuville, 135, 144.
Neuville-Vitasse, ix, 216, 231,262,
Neuvirœull, 249,
Ney (maréchal), 43, 44.
Noë, aumônier, 213.
Noël (Constantin), prêtre, 246.
Noizet de S. -Paul, capit. de génie.
53.
Nonjean (P.-J.), prêtre, 220.
Nonot, médecin, 205, 206.
Norbécourt, 107.
Nord (départ, du), 38, 51, 53, 74,
76, 77, 134, 136, 150, 264, 266.
Norman, cons. d'arr., 85, 86, 91.
Norman, juge, 127-130.
Norman de Servins, adm., 57, 91.
Norrent-Fonles, 3, 135, 136, 140,
142, 242, 243, 248.
Noulart, cons. d'arr., 88.
Nouvelle-Eglise, 89, 135.
Noyelles, xiii, 141, 167.
Noyon, 210.
Obron (Pierre), j. de p., 144.
O'Connell (Daniel), 173.
Odieuvre, juge, 145.
Oignies, 196.
Oise (dép. de 1'), 4,21, 41.
Oisy, X, 108, 135, 139, 237.
Ostrevent, 210.
Oulreau, 122, 254.
Outrebou (Armand), curé, 244.
Oxford, 173.
Oye, 250.
Ozenne, juge, 131.
Paillard (Ferdinand), 168.
Pajot, 138.
Panier, contrôleur d'impôts, 162,
Pantin, 216.
Papin,j. de p., 144.
Parent, institut., 192, 193.
286
INDEX ALPHABÉTIQUE
Parent, prêtre, 252.
Parent-Réal, dép., x, xv, 54.
Parenty (Antoine), cons. d'arr.,
88.
Parts, 18,34, 36, 37, 50, 51, 77,87,
174, 182, 186, 198, 206, 211, 214,
216, 220, 224, 226-228.
Paris, dép., ix.
Partz de Pressy (Mgr), 174, 211,
238.
Pas, 3, 135, 136, 210, 237.
Payen (C.-M.), dép., viii.
Payne (Thomas), dép., ix.
Patenaille (Claude), curé, 238.
Payen de la Buquière, 166.
Pays-Bas, 218.
Péchena, prof., 188.
Pelletier (François), abbé, 227,
236.
Peltier, substitut, 124.
Pelves,2'H.
Penet, cons. d'arr., 89.
Pépin (P. -F.), prêtre, 245.
Pernes, 71, 108, 135, 255.
Perry, 37.
Personne, dép., ix, xi.
Petit (E.-F.-J.),juge, 127, 128.
Petit, dép., VIII, 55, 56, 90, 125.
Peudecœur, prêtre, 247.
Peugniet (P.-J.), curé, 217, 220.
Peuplingues, 88, 135.
Philippot, curé, 245.
Picardie, v, 56, 122.
Pichon, institut., 189, 190-192.
Picquenard, secret, génér., 40, 41.
Pie Vil, 225.
Piedfort (Jacques), vicaire, 220.
Pierlay, juge, 132.
Piéron, dép., 264.
Pierron, mag., 16.
Piers, cons. d'arr., 90.
Pigault, romancier, 211.
Pigaut-Mache, maire, 107.
Pigouche, juge, 142.
Pilât (Eugène), 166.
Plaisant du château (V.-A.-M.),
curé, 241.
Planques, 222.
Playoult (C.-A.), prêtre, 244, 245,
249.
Pochol, agent municip., xix.
Pocholle-Menneville, maire, 96.
Podevin, sous-préfet, 32, 34.
Poillion, abbé, 189.
Poitevin, commissaire central, 2,
34, 115.
Poitevin-Maissemy, préfet, 1-6,
9-12, 14-17, 19-22, 24, 32, 34,
41, 46, 69, 113, 136, 205, 228,
234-236, 257, 259, 260, 266.
Polley, 106.
Poncin, 211.
Pont-â-Mousson, 208.
Pont-à-Vendin, 196.
Pont-de-Briques, 12.
Pont-d'Hugy, 231.
Ponlleroy, 208.
Porentruy, 39.
Porion, évêque constitut., 180,
213, 214, 216, 223.
Portalis, 239, 258.
Port-au-Prince, 36.
Portrait, juge, 139.
Poulin (Jean), chan., 219.
Poulteau, prêtre, 219.
Poultier (François), dép., x, 114.
Poultier,juge, 132.
Poultier, s.-préfet, 32, 35, 39, 114,
178, 239, 240.
Poultier (F.-M. -G.), curé, 213, 215.
Poupart, cons. d'arr., 89.
Pressy, v . Partz.
Preures, 250.
Prévost (Barthélémy), curé, 240.
Prévost (Charlesj, substitut, 90,
125.
Prévôt, religieux, 175.
Prévot-Lebas, cons. d'arr., 89.
Prohier, maire, 141.
Provence (comte de), 29.
Prusse, 65, 66, 77.
Pruvost (E.-J.), prêtre, 241.
Puisieux, 105.
Quennesson (P.-Ph.), j. de p., 139.
Queux, 238.
Bac<juin<jlicin, 246.
Rainihoval, 110.
Rappc, prêtre, 247.
Rappe (Eloi), maire, 107.
Raltel, prêtre, 107,
INDEX ALPHABÉTIQUE
287
Raye, 250.
Real. V. Parent.
Hebais, 208.
Récimid, prêtre, 107.
Recques, 89, 107.
Regnauville, 250.
Reims, 4,219.
Remond, prêtre, 255.
Rerny, 242.
Remy, maire, 109.
Renard (Jacques), curé, 245.
Renty, 50.
Réty, 247, 248.
Revel (Pierre-Guislain), prêtre,
238, 243.
Rhin (le), 17, 36, 39.
Ribeaucourt, 68.
Ricamelz, 245.
Richard (Louis-Auguste), juge,
124.
Richebourg, 158.
Ricouart, instit., 193.
Ridet, 166.
Riencour't, 158.
Rinxenl, 247.
Riquier (J.-F.), dép., vin.
Riquier (Louis), prêtre, 250.
Rivière, prêtre, 175.
Rivi&re-Groville, 237.
Robert, cons. munie, 110.
Robespierre, vin, x, xi, 58
129.
Robin (J.F.), prêtre, 246.
Rochart, procureur, 87.
Roche(J. -J.-F.), curé, 237,238,247,
252.
Roche, profes., 188.
Rocquelincourt, 231 .
Rocquigny du Fayel, prêtre, 89.
Rodrigue (Antoine), j. de p., 138.
Roederer, ministre, 185, 186.
Rœux, 135.
Roger (P.-J.-F.), prêtre, 250.
Roger-Ducos, consul, 49.
Roland, maire, 107.
Roland, négoc.,22.
Rollancourt ou Rollencourt, 107,
238.
RoUin (Nicolas), dép., vin, 219.
Rommo, ministre, 207.
Roquelaure (Mgr de), 226.
Roqueioire, 101.
Rose (André), chan., 237.
Roty, 164.
Rouen, 212, 224.
Roujoux (Baron), 29.
Roussel, adj., 107, IH.
Roussel (II, T.), curé, 245, 255.
Rouvroy de Libessart (Jacques),
adj., 95.
Royer (N.-L.-D.), chan., 215, 223,
246.
Riimaucoiirt, 158.
Russie, 28, 66.
Sabbatier (le Père), prof., 173.
Sagnier, prêtre, 250.
Sailly-en -Osirevent, 1 58.
Sailly-sur-la-Lys, 87, 196.
Sains-les-Fresvin, 222.
Saint-Amand, 249.
Saint-Amour-Gonsse, dép., 60, 63,
65, 100.
Saint-André, cons. d,'arr., 89.
Saint- Aubert, 213.
Saint Aubin, 230, 231.
Saint-Céran (de), sous-préf., 39.
Saint-Domingue, 3, 36.
Saint-Germain (de), ministre, 208.
Saint-Germain-en-Laye, 245.
Saint-Josse, 89, 135, 144.
Saint-Laurent, 231, 249.
Saint-Lemaire, 166.
Saint-Martin, 7, 158.
Saint-Michel, 154.
Saint-Nicolas, 8, 230, 231,242.
Saint-Omer, vin, ix, xii, 3, 5, 12-
14, 24, 30,32, 33, 39, 40, 52, 54-
56,59, 71, 74. 76, 81-83, 89,90,
94, 99, 107, 110, 118, 122-127,
132-136, 145, 148-150, 152, 155-
157, 159, 163, 172, 176-180,
182, 189, 191, 193, 194, 199,
204, 206, 210-215, 217-220, 223,
245, 246, 250, 255.
Saint-Papoul, 226.
Saint-Paulet (abbé de), 226,
Saint-Pierre-les-Calais, 112, 144,
159, 223, 247, 250.
Saint-Pol, vin, 3, 6, 7, 32, 33, 44,
58, 59, 71, 82,83, 90, 102, 109,
123, 125-127, 131, 133-136, 145,
288
INDEX ALPHABETIQUE
150, 152, 155-157, 159, 161-103,
175, 179, 182, 183, 190, 193, 194,
197, 199, 204, 206, 215, 218, 244,
245, 249, 255.
Saint-Quentin, 38.
Saint-Tricat, 247.
Saint-Vallois, 213.
Saint-Venant, xv, 82, 87, 135.
Sainte-Catherine, 230, 231.
Sainte-Luce (de), prof., 173.
Sainte-Marie-Kerque, 89, 246.
Sainte-Maxime (Madame), 250.
Samer, 3, 12, 88, 135, 136, 159,
180, 237, 238, 247.
Sanier(J.-B.-F.), prêtre, 240.
Sart (de), cons. génér., 60.
Sartel. V. F'romentin.
Saulty, 135, 145.
Saupicque (Toussaint), relig., 215.
Sauvage (X.-J.) prêtre, 108, 217,
250.
Sauvage-Combeauville,juge., 131.
Sauveur, j. de p., 143.
Sauzay, commis, du gouv., 43.
Savoie (départ, de la), 211.
Savy, 90.
Scarpe (riv.), 80, 148.
Scribe, 164.
Seghin, prêtre, 235, 252.
Séguier jeune (François), prêtre,
246, 250.
Seine-Inférieure, 152.
Sénéchal, cons.d'arr., 87.
Sieyès (abbéi, 20, 37, 49, 207.
Sillonière (de la), religieux, 17".
Siméon (François), j. de p., 140.
Simonis, juge, 125.
Slack (riv.), 72.
Soissons, 237.
Sorèze, 208.
Souâtre, 249.
Souchez, 237.
Souquet-Marteau, maire, 102.
Souville (François), maire, 141.
Soyez, prof., 175.
Spitalier du Seillans, religieux,
171, 180, 215.
Stapleton (Grégoire), prof., 173.
Stendhal, écrivain, 44.
Talleyrand, 37.
Tamboise, cons. d'arr., 85, 86.
Tangry, 258.
Tarbé, ministre, 150, 152.
Ternant, vicaire, 243.
Testu, cons. d'arr., 89.
Théry, dép., x, xi.
Thosse (de), dép., ix.
Tiijny-Noy elles, xiii, 112.
Tilloy-lez-Bapaume, 138.
Tilloy-lez-Mofflaines, 231.
Tilsitt, 65, 66, 71, 106.
Tiran, juge, 125.
Tiron, 208.
Thellier, greffier, 132.
Thelu cadet, cons. d'arr., 89.
Thélus, 86.
Thérouanne, 110.
Théry, abbé, 188.
Thibaudeau, préfet, 45, 49.
Thibaut, j. de p., 90.
Thiebault, juge, 125, 128,130.
Thiembronne, 90.
TJiieulaine, 59, 60.
Thièvres, 249.
Thomas, curé, 255.
Thueux(N.-F.-M.-A.), maire, 101,
114, 247.
Thuillier, cons. d'arr., 90, 131.
Thuillier, mag., 125, 131.
Tollent-Gennes, 249.
Tonnelier, juge, 138.
Torcv (le P. François), prof., 212,
213, 215, 222.
Toulouse, 226.
Tournai, 210, 216.
Tournehem, xii, 122, 135, 136.
Tournon, 208.
Tours, 219.
Tourscl (le P.), religieux, 17b.
Touzart, prêtre, 248, 249.
Tramecourt, 58, 60.
Transloy (Etienne), prêtre, 223.
Tribou ou Tribout (E.-M.), chan.,
238, 251.
Triboulet (César), juge, 138, 143.
T rois-Veaux, 249.
Troy (L.-J.), juge, 140.
Troyes, 225.
Turlure, 164.
INDEX ALPHABÉTIQUE
289
Upan, XV.
Vaillant (J.-L,-N.), dép., vin, 55,
56, 62-65, 95.
Vaillant, dép., ix.
Valbelle (de), évêque, 178.
Valchion, 167.
Vanlesberghe, 164
Varéchout (Charles), juge, 133.
Varennes, cons. d'arr., 89.
Varenncs, juge, 144,145.
Varlct, dép., ix, xi.
Varlet, prêtre, 175,
Varnet, maire, 138.
Vasseur, prêtre, 247.
Vaulx, XII, 135, 188.
Vendée, 51, 129.
Vendôme, 128, 208.
Vendron, j. de p., 144.
Verdun, 237.
Vergies, 226.
Verquigneul, 140.
Versailles, 211.
Verton, viii, 213, 250.
Vicques(de), chan., 223.
Victor (général), 36.
Vieilfort (de), 220.
VifTort, 237.
Vigneron, juge, 234.
Villequier-Aumont (duc de), dép.,
VIII.
Villers-aux-Flots, 112,243.
Villers-V Hôpital, 255.
Vilniant (L.-J.-A.), vicaire, 245.
Vimij, 3, 86, 135, 136, 139, 237.
Vincent, religieux, 175.
Vincly. V. France.
Violaines,\x, 51, 87, 141.
Violette, administr., 58.
Viteloux-Gournay (de), adj.,101.
Vitry, 3, 135, 136,139, 157, 237.
Vitte, 167.
Viveur, adj., 102.
Voclielle, maire, 108.
Voisin, inslit., 189-192.
Wai)en, XII, 123, 135, 144.
Wagnonlieu, 231.
Wail,li, 109, 135,136,145, 245.
Wailly, XIII, 231,250.
Wallart aîné, dép., ix.
Wallart jeune, cons. d'arr., 90.
Wallart (dame), 258.
Wallois, maire, 106.
Wambeille, curé, 176.
Wancourt (A.-L.-E.), prêtre, 249.
Wandonne, 110.
Wanquetin, 231.
Warenghem, curé, 223.
Warins, cons. d'arr., 90.
Warnet (Placide), prêtre, 249.
Warneion, 237.
Warnez (P.-J.), curé, 237.
Waro (Antoine), prêtre, 250.
Wartelle (Pierre-Joseph-Mathieu),
maire, 61, 68.
Wartelle-Vaillant, baron d'Harlin-
court, maire, 95.
Wast, 108, 157, 254.
Watelet, cons. préf. et cons. génér.,
44, 60.
Watelet de la Vinelle, maire, 95.
Waterloo, 61.
Waterlot, dép., ix, 86.
Waterlot (Guislain), j. de p., 139.
Watringues(Pierre-F'rançois),adj.,
99.
Wavrans, 105.
Widehem, 250.
Willeman (bois de), 25.
Willencourt, 249.
Willerval, 58,106, 257.
Wimille, 88, 158, 223, 238, 252.
Wingles, 258.
Wismes, 135, 250.
Wisques, 99.
Wissant, 122, 247.
Wissocq, j. de p., 125.
Witte (de), religieux, 172.
Wizv ignés, 247.
Ypres, 216, 220.
Yvain (J.-J.), vicaire, 238.
Zutquerques, x.
TABLE DES MATIERES
l'AOES
Introduction v
Chapitre I. — Les administrateurs du département et de l'arron-
dissement 1
Chap. II. — Les assemblées administratives 49
Chap. III. — Les municipalités 93
Chap. IV. — La justice 121
Chap. V. — Les impôts et les biens nationaux 147
Chap. VI. — L'instruction publique 171
Chap. VII. — Les cultes 210
Résumé et conclusion 263
Index alphabétique 273
MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS.
BINDING SË.U I . JUIN I 0 iHt>S^
DC Chavanon, J\iles Joseph
611 Le Pas-de-Calais
P286C5
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY