Skip to main content

Full text of "Le Pas-de-Calais de 1800 à 1810; étude sur le système administratif institué par Napoléon Ier, [par] J. Chavanon et G. Saint-Yves"

See other formats


LE    PAS-DE-CALAIS 


DE  1800  A  1810 


OUVRAGES  DES  MEMES  AUTEURS 


J.  Chavanon  et  Saint- Yves 

Murât,  i765-i81o  (ouvrage  couronné  par  l'Académie  des  sciences 
morales  et  politiques).  Paris,  Hachette,  1901,  in-8,  2^  édition. 

Documents...  sur  la  compagnie  des  Indes  orientales  (Extrait  de  la  Revue 
des  Questions  historiques).  Paris,   1903. 

J.  Chavanon 

Une  ancienne  relation   de   Madagascar   [4630).  Paris,  Champion,  1897. 

In-8.  Epuisé. 
Chronique  d'Adhémar  de  Chahannes.  (Dans  la  collection  des  textes  pour 

servir  à  l'enseignement  de  l'histoire).  Paris,  A.  Picard,  1897.  ln-8. 
Correspondance  du  prince  de  Bergues.  Arras,  1899.  ln-12. 
Etudes   et  documents  sur   Calais   avant    la   domination  anglaise.  Arras, 

1901.  In-12. 
Bibliographie  critique  de   Vhistoire  d'Artois.    Paris,    A.    Picard,  1902. 

In-12. 
Relation  de  Terre-Sainte  en  4333,  par  Greffîn  Affagard.    (Ed.   illustrée). 

Paris,  Lecoffre,  1902.  In-12. 
Renaud  VI  de  Pons,  conservateur  des  [trêves  de  Guyenne.  Paris,  A.  Picard, 

1903.  In-8. 

G.  Saint- Yves 

Le  département  des  Bouches-du-Rhône  de  4800  à  /S^O  (ouvrage  cou- 
ronné par  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques).  Paris, 
Champion,  1899  (en  collaboration  avec  M.  J.  Fournier). 

Thiers  historien  et  orateur  (extrait  des  mémoires  de  l'académie  de 
Marseille;  prix  du  maréchal  de  Villars).  Marseille,    Barlatier,  1899. 

A  Vassaut  de  VAsie,  Tours,  Mame,  éd.  gr.  in-8. 

UOcéanie,  Tours,  Mame,  éd.  gr.  in-8. 

Les  libres  burghers.  Tours,  Mame,  éd.  gr,  in-8. 

Les  campagnes  du  vice-amiraljean  d'Estimées  dans  la  mer  des  Antilles. 
Paris,  Imprimerie  nationale,  1900. 

Le  voyage  du  capitaine  Marchand  autour  du  monde.  Paris,  Imprimerie 
nationale,  1897. 


MAÇON,    PROTAT   FRÈKES,    IMPRIMEURS. 


Bibliothèque  de  la  Société  des  Études  historiques 
Fascicule  V 

FONDATION  RAYMOND 


J.  CHAVANON  ET  G.  SAINT-YVES 


LE    PAS-DE-CALAIS 

DE  1800  A  1810 


ÉTUDE  SUR  LE  SYSTÈME  ADMINISTRATIF 

INSTITUÉ  PAR  NAPOLÉON  I-"" 
(Ouvrage  couronné  par  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques) 


PARIS 

Alphonse  PICARD  ET  FILS,  ÉDITEURS 

LIBRAIRES   DE    LA    SOCIÉTÉ    DE    l'ÉCOLE    DES    CHARTES   ET    DES   ARCHIVES  NATIONALES 
82,    RUE  'BONAPARTE,    82 

1907 


y^imÀR^ 


a      JUL  -  3  ]968      , 


^€. 


;/JYOFW 

L'ouvrage  de  MM".  J.  'GMTCfANON  et  G.  Saint-Yves  intitulé  :  Le  Pas-de- 
Calais  de  1 800  à  tSIO,  a  été  admis  dans  la  Bibliothèque  de  la  Sociale 
des  Études  historiques  par  décision  de  la  Commission  du  prix  Raymond. 
L'impression  en  a  été  suivie  par  le  commissaire  responsable  désigné 
par  la  Commission,  M.  Roger  Peyre. 


INTRODUCTION 


Le  département  du  Pas-de-Calais  n'a  reçu  depuis  sa  créa- 
tion par  la  première  Assemblée  nationale  que  d'insignifiantes 
modifications  d'étendue  ou  de  forme.  Tel  il  était  en  1790,  tel 
il  est  encore  aujourd'hui.  L'Artois,  qu'il  a  presque  entièrement 
absorbé  ^ ,  lui  a  fourni  la  plus  grande  partie  de  son  territoire  : 
737  communes  sur  906,  Le  reste  de  ce  département  a  été  formé 
avec  le  Boulonnais,  le  bailliage  de  Montreuil  et  le  Pays  con- 
quis et  reconquis,  autrement  dit  le  Calaisis  et  l'Ardrésis.  Sous 
l'ancien  régime,  le  Boulonnais  relevait  de  l'Intendant  de 
Picardie,  et  le  bailliage  de  Montreuil  correspondait  à  cette 
portion  de  la  Picardie  qui  était  située  entre  la  Canche  et  l'Au- 
thie. 

Au  début  d'un  travail  analogue  à  celui-ci  sur  le  départe- 
ment des  Bouches-du  Rhône  ^,MM.  G.  Saint-Yves  et  J.  Four- 
nier  établissent  que  la  Provence  acclama  la  Révolution  à  son 
aurore  dans  l'espoir  que  le  régime  nouveau  lui  rendrait  son 
ancienne  autonomie  et  surtout  rétablirait  ses  Etats  provin- 
ciaux. L'Artois,  autre  pays  d'Etats,  fut  animé,  dans  le  même 
temps,  des  mêmes  sentiments.  Tous  les  privilèges  dont  cette 
province  avait  joui  si  longtemps  et  dont  elle  jouissait  encore, 
elle  en  demandait  le  maintien,  l'affermissement  et  même  l'ex- 
tension. Dès  que  les  graves  questions  soulevées  à  l'occasion 
de  la  réunion  des  Etats  généraux  se  posèrent  devant  les  deux 

1.  Le  Nord  et  la  Somme  ne  doivent  à  l'Artois,  à  eux  deux,  que  vingt-cinq 
paroisses  à  peine. 

2.  Le  Département  des  Bouches-du -Rhône  de  1S00  à  iSIO^  par  Georges  Saint- 
Yves  et  Joseph  Fournier.  Ouvrage  couronné  par  l'Académie  des  Sciences 
morales  et  politiques.  Paris,  Champion,  et  Marseille,  Ruât,  in-S",  1899, 
416  p. 


VI  INTRODUCTION 

grands  corps  judiciaire  et  administratif  de  l'Artois,  l'un  et 
l'autre  manifestèrent  vivement  dans  ce  même  sens.  Le  Conseil 
d'Artois  demanda  fermement  au  roi  «  que  les  pouvoirs  attri- 
bués à  la  Cour  plénière  n'eussent  aucun  effet  en  Artois,  où  ils 
auraient  porté  une  atteinte  directe  :  1°  au  droit  primordial  des 
États  de  consentir  librement  les  aides  et  subsides  ;  2°  aux  pri- 
vilèges du  Tribunal  supérieur  de  la  province  qui,  par  la  vérifi- 
cation et  l'enregistrement,  donnait  aux  impôts  consentis  la 
publicité  et  la  force  exécutoire  nécessaires  pour  contraindre 
chaque  individu  à  se  conformer  au  résultat  du  vœu  général  ; 
3"  à  l'existence  de  l'Election  provinciale,  dont  l'autorité  avait 
conservé  dans  sa  pureté  le  corps  de  la  Noblesse 

«  L'assemblée  générale  des  Etats  d'Artois  amena  bientôt 
des  discussions  plus  vives  et  plus  retentissantes. 

«  Sous  les  dénominations  les  plus  diverses  et  à  travers  les 
phases  très  agitées  de  son  histoire,  l'Artois  avait  conservé, 
au  moins  en  principe,  le  privilège  de  gérer  ses  affaires  et  de 
consentir  l'impôt.  Le  gouvernement  de  la  province  n'avait  que 
le  commandement  militaire  ;  le  pouvoir  de  l'intendant,  établi 
à  Lille  et  non  à  Arras,  et  dont  un  œil  jaloux  surveillait  les 
tentatives  envahissantes,  était  restreint  à  quelques  matières 
spéciales  :  postes  et  messageries,  maisons  de  force  et  lettres  de 
cachet,  imprimerie  et  librairie,  amortissement,  francs-fiefs  et 
mains-mortes,  exploitations  de  carrières  et  défrichements, 
marais  et  navigation  ^..  A  vrai  dire,  le  problème  delà  décen- 
tralisation se  trouvait  résolu  en  Artois  :  le  Roi  gouvernait  par 
ses  officiers  ;  le  soin  des  affaires  de  la  province  appartenait 
aux  Etats  qui,  se  rattachant  par  leur  origine  aux  assemblées 
représentatives  du  comté  d'Artois  au  temps  de  la  féodalité, 
avaient  été  chargés,  dès  la  plus  haute  antiquité,  de  l'adminis- 
tration et  du  règlement  de  l'impôt  2,  » 

Enfin,  les  trois  ordres  étaient  représentés  aux  Etats. 

1.  Il  faut  ajouter,  ce  qui  est  important  :  tutelle  des  paroisses. 

2.  La  Jeunesse  de  Robespierre  et  la  Convocation  des  Etats  Généraux  en 
Artois,  par  J.  A.  Paris,  p.  200  et  ss.  —  Arras,  1870,  gr.  in-S»,  m,  407  et 
cxiv  p. 


INTRODUCTION  VII 

On  ne  peut  s'étonner,  après  cela,  que  parmi  les  principaux 
articles  des  Doléances  générales  de  la  province  on  trouve  les 
suivants  : 

«  1.  —  Maintien  de  la  constitution  d'Artois  et  restitution 
de  ses  droits  ;  réforme  de  l'administration  actuelle  des  États 
d'Artois  et  formation  légale  d'une  administration  composée 
des  citoyens  de  toutes  les  classes,  de  manière  que  le  Tiers 
Etat  ait  une  voix  égale  à  celle  des  deux  autres  ordres  réunis, 
et  que  les  voix  soient  comptées  par  tête. 

II.  —  N'être  assujetti  à  aucun  impôt  qu'à  ceux  consentis 
par  les  Etats  de  la  Province  et  dûment  enregistrés. 

IV.  —  Conserver  la  Province  dans  le  droit  de  répartir  ses 
impôts. 

X.  —  Conseil  d'Artois  souverain  à  tous  effets  et  en  toutes 
matières. 

XVI.  —  La  juridiction  de  l'Election  d'Artois  maintenue 
dans  le  droit  de  connaître  de  toutes  les  impositions  générale- 
ment quelconques^  du  fait  de  la  Noblesse  et  de  toutes  les 
mesures  qui  sont  du  ressort  de  l'Election. 

XVII.  —  Suppression  de  l'évocation  au  Conseil. 

XVIII.  —  Rendre  aux  communes  le  droit  de  nommer  les 
officiers  municipaux  des  villes  delà  province,  et  qu'il  soit,  en 
conséquence,  demandé  incessamment  une  loi  qui  permette  de 
procéder  librement  à  l'élection  desdits  officiers  '». 

De  son  côté,  le  Boulonnais,  non  moins  désireux  d'autonomie 
et  avide  d'indépendance,  réclamait  instamment  des  Etats  par- 
ticuliers. 

On  verra  plus  loin  que  dans  le  Pas-de-Calais,  la  Révolution, 
de  pacifique  et  réformatrice  étant  devenue  despotique  et  san- 
guinaire, et  l'anarchie  ayant  engendré  et  multiplié  les  crimes, 

1.  Paris,  op.  cit.,  p.  206. 


VIII  INTRODUCTION 

l'esprit  public,  oublieux  des  premiers  bienfaits  de  la  Répu- 
blique, devint  favorable  à  l'établissement  d'un  gouvernement 
moins  démocratique,  accueillit  le  18  brumaire  et  fêta  l'Empire, 
comme  il  devait  plus  tard  applaudir  à  la  Restauration. 

Les  noms  des  hommes  qui  ont  représenté  le  Pas-de-Calais 
dans  les  différentes  assemblées,  depuis  les  Etats  Généraux  jus- 
qu'à l'an  VIII  sont  utiles  à  connaître  avant  d'entamer  l'his- 
toire d'une  période  caractérisée  par  l'abserce  de  toute  vie 
représentative. 

ÉTATS  GÉNÉRAUX.  —  Boulonnais.  —  Clergé  :  de  Méric 
de  Montgazin,  vicaire  général.  —  Noblesse  :  le  duc  de  Ville- 
quier-Aumont,  lieutenant-général  des  armées  du  roi,  gouver- 
neur du  Boulonnais.  —  Tiers  Etat  :  Nicolas  Latteux  et  Ber- 
nard Gros,  avocats. 

MoNTREUiL.  —  Clergé  :    Nicolas    Rollin,    curé   de  Verton. 

—  Noblesse  :  Jacques-Alexandre  de  Coutreville,  comte  d'Ho- 
dicq.  —  Tiers  Etat  :  Poultier,  lieutenant-général  et  Jacques- 
François  Riquier,  propriétaire  à  Brimeux: 

Calais  et  Ardres.  —  Clergé  :  François-Maxime- Alexandre 
Bucaille,  curé  de  Fréthun.  —  Noblesse  :  François-Joseph, 
vicomte  des  Androuins.  —  Tiers  État  :  Francoville  et  Blan- 
quart  des  Sabines. 

Artois.  —  Clergé:  Jacques-Joseph  Leroux,  curé  de  Saint- 
Pol  ;  Simon  Boudart,  curé  de  la  Couture;  Pierre-Joseph  Béhin, 
curé   d'Hersin-Coupigny;    Diot,  curé    de   Ligny-sur-Canche, 

—  Noblesse  :  Briois  de  Beaumetz,  premier  président  au  Con- 
seil d'Artois  ;  Charles  de  Lameth,  colonel  des  cuirassiers  du 
Roi  ;  Le  Sergeant  d'Isbergue,  lieutenant  des  Maréchaux  à 
Saint-Omer  ;  le  comte  de  Croix.  —  Tiers  État  :  Charles- 
Marie  Payen,  fermier-propriétaire  à  Boiry-Becquerelle  ;  Domi- 
nique-Augustin Brassart,  avocat  à  Arras  ;  Célestin  Fleury, 
fermier  k  Coupelle- Vieille  ;  Jacques-Louis-Nicolas  Vaillant, 
garde  des  sceaux  honoraire  du  Conseil  d'Artois  ;  Maximilien- 
Marie-Isidore  de  Robespierre,  avocat  au  Conseil  d'Artois  ; 
Alexandre-François-Augustin    Petit,    fermier  à  Magnicourt- 


INTRODUCTION  IX 

sur-Canche  ;  Louis-Joseph  Boucher,  négociant  à  Arras  ; 
Hubert-Dominique-Joseph  Dubuisson,  fermier  à  Inchy  ^ 

ASSEMBLÉE  LÉGISLATIVE.  —  Garnot  cadet,  de  Saint- 
Omer;  Haudouart,  maire  de  Bapaume  et  président  du  tribu- 
nal de  district  ;  Wallart  d'Anchin,  de  Montreuil,  négociant; 
Le Gressier  de  Bellanoy,  de  Boulogne;  Le  Porcq,  d'Imbre- 
thun  ;  Ernest  Duquesnoy,  de  Béthune  ;  Deusy,  d' Arras  ;  Gar- 
not aîné,  d'Aire  ;  Baërt,  de  Saint-Omer  ;  Blanchart,  —  Sup- 
pléants :  Duval,  de  Montreuil  ;  Waterlot,  de  Bapaume  ;  de 
Thosse,  de  Saint-Omer  ;  Butor,  de  Boulogne. 

GONVENTION.  —  Robespierre,  non  acceptant,  élu  par 
Paris;  Ernest  Duquesnoy;  Le  Bas,  administrateur  du  dépar- 
tement ;  Thomas  Payne,  publiciste  anglais  ;  Personne,  avoué 
à  Saint-Omer  ;  Gufîroy,  juge  de  paix  à  Arras,  président  du  dis- 
trict ;  Enlart,  président  du  Tribunal  de  district  de  Montreuil  ; 
Bollet, maire  de  Guinchy,  cultivateur;  Magniez,  administra- 
teur du  district  de  Bapaume;  Daunou,  vicaire  épiscopal  à 
Paris.  — Suppléants  :  Varlet,  maire  d'Hesdin,  devint  titulaire 
à  la  place  de  Robespierre  ;  Joseph  Le  Bon,  ancien  curé  de 
Neuville- Vitasse,  remplaça  Duquesnoy  après  le  22  juillet 
1793  ;  Dubrœucq,  juge  au  tribunal  de  district  de  Saint-Omer; 
Garnier,  administrateur  du  district  deGalais,  remplaça  Le  Bas 
après  sa  mort,  le  14  vendémiaire,  an  III;  Grenier,  de  Vio- 
laines. 

ÉLEGTIONS  DE  L'AN  IV.  —  Députés  au  Corps  législa- 
tif :  Delattre  de  Balzaert,  maire  de  Saint-Omer  ;  Bénard- 
Lagrave,  négociant  à  Galais  ;  Vaillant,  juge  au  Tribunal  de 
Gassation  ;  Liborel,  ancien  avocat  au  Gonseil  d'Artois. 

ÉLEGTIONS  DE  L'AN  V.  —  conseil  des  anciens  :  Bacon 
de  Sains,  président  de  l'administration  communale  d'Hersin, 
remplaçant  Vaillant,  démissionnaire  ;  Grandsire  du  Blaisel 
père,  homme  de  loi  à  Boulogne-sur-Mer.  —  conseil  des  cinq 
cents  :   Gorne,  administrateur   du   département;    Dauchelle, 

1.  D'après  Loriquet,  Les  cahiers  de  doléances  de  1789  dans  le  Pas-de-Calais, 
p.  LVII,  Arras,  Répessé-Crépel,  1891.  , 


INTRODUCTION 

0 


président  de  l'administration  du  canton  d' Audruick  ;  Dau- 
chez,  homme  de  loi  à  Arras. 

ÉLECTIONS  DE  L'AN  VL  —  conseil  des  anciens  : 
Théry,  notaire  à  Bapaume  ;  Lenglet,  jug-e  au  Tribunal  civil  du 
département  ;  Gocud,  juge  au  Tribunal  civil  du  département  ; 
Lefebvre-Cayet,  homme  de  loi  à  Arras.  —  conseil  des  cinq- 
cents  :  Daunou,  ex-législateur  ;  Coffîn,  commissaire  du  Direc- 
toire exécutif  ;  Debrue,  cultivateur  à  AUoigne,  ex-adminis- 
trateur du  département  ;  Duflos,  administrateur  du  départe- 
ment; Grachet,  accusateur  public  près  le  Tribunal  criminel  du 
département. 

ÉLECTIONS  DE  L'AN  VII.  —  conseil  des  anciens  : 
Louis  Garnier,  commissaire  du  Directoire  exécutif,  élu  pour 
trois  ans  ;  Bollet,  ex-conventionnel,  élu  pour  un  an  ;  Levail- 
lant,  cultivateur  à  Oisy,  élu  pour  deux  ans.  —  conseil  des 
cinq-cents  :  Saint-Amour-Gonsse,  de  Zutquerque,  élu  pour 
trois  ans  ;  Noël  Billion,  d'Arras,  élu  pour  trois  ans  ;  François 
Poultier,  d'Elmotte,  ex-conventionnel,  élu  pour  trois  ans  ; 
Parent-Réal,  président  de  l'administration  centrale  du  Pas- 
de-Calais,  élu  pour  un  an  ;  Berquier-Neuville,  de  Boulogne, 
élu  pour  deux  ans. 

L'évolution  politique  du  département  est  assez  nettement 
marquée  par  ces  noms. 

Aux  Etats  Généraux,  les  groupements  provinciaux  n'en- 
voient que  des  gens  très  attachés  à  la  royauté.  Robespierre 
lui-même,  on  le  sait,  ne  fait  pas  exception:  il  ne  manque  pas 
une  occasion,  à  cette  époque,  d'exalter  Louis  XVI  et  d'affir- 
mer en  termes  pompeux  le  dévouement  inébranlable  qu'il  a 
pour  la  personne  auguste  du  Roi.  Fait  à  noter  :  le  Tiers  État, 
sur  huit  élus,  désigne  quatre  cultivateurs  et  un  négociant, 
trois  seulement  sont  hommes  de  loi.  Cette  dernière  catégorie 
de  gens  dominera  dans  les  assemblées  suivantes  ;  les  cultiva- 
teurs pourtant  y  seront  encore  assez  nombreux  pour  montrer 
l'importance  agricole  du  Pas-de-Calais.  Cette  importance  fut 
grande   de  tout  temps  et  l'est   encore,    malgré    les  progrès 


INTRODUCTION  XI 

accomplis,  au  xix'^'  siècle,  par  l'industrie,  et  surtout  l'industrie 
minière  en  ce  pays. 

Sauf  Duquesnoy,  tous  les  députés  du  Pas-de-Calais  à  l'As- 
semblée Législative  étaient  modérés  :  girondins,  ou  même 
feuillants. 

Certains  représentants  de  ce  département  à  la  Convention 
sont  trop  tristement  connus  pour  qu'il  soit  besoin  de  signaler 
leur  opinion.  Mais  à  côté  des  Le  Bas,  des  Duquesnoy,  des 
Guffroy,  des  Joseph  Lebon,  les  modérés  sont  en  nombre *.  Les 
deux  Carnot  et  Bollet,  qui  votèrent  la  mort  du  roi,  furent 
cependant  des  modérés.  Quant  à  Personne,  Enlart,  Magniez, 
Daunou,  Varlet  et  Dubreucq,  ils  se  prononcèrent  contre  la 
condamnation  capitale  ou  réclamèrent  un  sursis  à  l'exécution. 

Modérés  encore  sont  les  élus  de  l'an  IV. 

En  l'an  V,  ce  sont  des  royalistes  qu'atteindra  la  proscrip- 
tion du  18  fructidor. 

Une  réaction  reflète  en  l'an  VI  la  recrudescence  du  jacobi- 
nisme, mais  elle  se  manifeste  moins  vivement  en  Artois  que 
dans  l'ancienne  Provence,  et  la  représentation  de  cette  époque 
est  composée  à  la  fois  d'amis  des  Montagnards,  comme  Théry, 
Lenglet  etCrachet,  et  de  gens  qui  appuieront  de  toutes  leurs 
forces  le  18  brumaire,  comme  Lefebvre-Cayet  et  Daunou. 

La  majorité  des  députés  de  l'an  VII  sont  de  l'opinion  de 
ces  derniers. 

Quelles  que  soient  ces  électians  successives,  la  situation  du 
département,  comme  celle  des  Bouches-du-Rhône,  est  mau- 
vaise. Dans  cette  région  septentrionale,  même  désorganisa- 
tion morale,  même  impuissance  administrative,  même  désordre 
financier,  mêmes  difficultés  de  recrutement  militaire,  même 
découragement  chez  les  républicains  que  dans  l'extrême  sud 
de  la  France. 

Quelques  faits  relevés  dans  les  registres  d'arrêtés  et  de 
correspondance  de  l'administration  centrale  du  Pas-de-Calais 

1.  On  ne  peut  citer  Robespierre  qui,  élu  à  la  fois  clans  le  Pas-de-Calais  et  à 
Paris,  voulut  représenter  la  capitale. 


XII  INTRODUCTION 

et  dans  les  rapports  de  commissaires  de  cantons  et 
quelques  citations  suffiront  pour  édifier  sur  la  situation  du 
département  en  l'an  VII  et  l'an  VIII. 

Les  menées  contre-révolutionnaires  sont  signalées  de  tous 
les  points  du  territoire. 

Les  brigands,  ces  auxiliaires  précieux  et  universels  en 
France  des  ennemis  de  la  république,  se  révoltent  à  Bapaume 
contre  la  gendarmerie,  d'après  un  rapport  du  28  vendémiaire 
an  Vin.  Le  28  brumaire,  le  ministre  de  la  police  recomr 
mande  aux  administrateurs  de  surveiller  particulièrement  les 
agitateurs  qui  troublent  la  région  de  Fressin  et  d'Azincourt  2. 
Le  14  frimaire,  c'est  à  Hesdin  que  les  réfractaires  préparent 
des  mouvements  séditieux  ^.  Le  30  du  même  mois,  on  signale 
la  destruction  des  arbres  de  la  liberté  dans  la  région  de  Bou- 
logne et  de  Desvres,  notamment  à  Crémaretz  ^.  Les  mêmes 
faits  se  passent  un  peu  partout  ■''.  En  nivôse^  des  insurrec- 
tions éclatent  à  Marœuil,  non  loin  d'Arras,  à  Favreuil,  can- 
fon  de  Grevillers  et  dans  beaucoup  d'autres  localités.  Un  rap- 
port très  noir  d'un  commissaire  central  constate,  le  12  ther- 
midor, que  les  républicains  sont  chaque  jour  insultés  et  même 
battus  par  les  réactionnaires,  que  «  l'état  d'agitation  et  de 
trouble  dans  lequel  se  trouve  réduite  la  commune  de  Saint- 
Omer,  ne  paraît  être  que  le  prélude  de  grands  malheurs.  »  Il 
faut  y  fermer  et  interdire  le  local  de  la  Société  patriotique  ^. 
A  Audruick,  le  16  du  même  mois,  le  commissaire  du  direc- 
toire exécutif  demande  la  suspension  des  principaux  citoyens 
composant  l'administration  municipale  du  canton  qui  est 
«  ennemie  prononcée  de  la  chose  publique  »  ^.  A  Arras,  «  des 
écrits  portant  provocation   au  trouble    et  à  l'assassinat    des 

1.  Arrêtés  et  correspondance  de  V administration  centrale  (Archives  départ., 
L.75,f°392). 

2.  /d.,L77,  f»  214. 

3.  Id.,  f»  296. 

4.  M.,  f  421. 

5.  Id.,  L.  IS, passim. 

6.  Id.,  L.  87,  f"  202. 

7.  Id.,  f  305. 


INTRODUCTION  JCIlt 

républicains  et  particulièrement  des  fonctionnaires  publics 
inondent  journellement  la  commune  »  K  A  Tournehem,  à 
Arcques,  à  Campagne,  l'épuration  des  municipalités  canto- 
nales s'impose  ~.  A  Saint-Omer  les  choses  s'aggravent  :  vu 
l'état  permanent  de  trouble  de  cette  ville  «  depuis  le  30  mes- 
sidor »  et  les  assassinats  de  patriotes  commis,  on  décide,  le 
27  thermidor,  de  prendre  deux  otages  parmi  les  suspects,  en 
vertu  d'une  loi  récente  ^.  Le  lendemain,  les  principaux 
membres  de  la  municipalité  de  Calais  sont  suspendus  pour 
«  défaut  de  zèle,  d'énergie  et  de  patriotisme  »  ^.  Le  29,  la 
révolte  est  si  furieuse  à  Lattre  et  aux  environs  que  le  général 
Cavrois  est  envoyé  dans  le  canton  d'Avesne-le-Comte  avec 
des  troupes  ^.  Les  déchéances  de  municipalités  se  succèdent 
presque  quotidiennement  :  les  agents  d'Esquerdes,  Houdain, 
Moulle,  Waben,  Berck,  Conchil-le-Temple,  Tigny,  Noyelles, 
Wailly,  Lépine  et  bien  d'autres  sont  tour  à  tour  sus- 
pendus ^ .  On  comprend  que  le  commissaire  du  canton  de 
Vaulx  écrive  ce  qui  suit  dans  un  Avis  qu'il  adresse,  à  la  fin 
de  l'an  VII,  à  l'administration  centrale  :  «  Pour  conserverie 
département  du  Pas-de-Calais  à  la  République,  il  faut  révo- 
quer, à  quelques-uns  près,  tous  les  commissaires  du  direc- 
toire près  les  cantons  ruraux,  et  ce,  dans  le  plus  bref  délai.  — 
Motif  :  Pour  avoir  désorganisé  les  armées  :  en  laissant  dans 
leurs  foiers  les  déserteurs  qui  ne  prennent  pas  même  la  peine 
de  se  cacher;  pour  avoir  tué  la  chose  publique  :  en  entravant 
la  rentrée  des  contributions  et  favorisant  l'agiotage  des  per- 
cepteurs avec  qui  sans  doute  ils  partagent  le  gâteau  ;  pour 
avoir  aidé  les  Russes,  en  vendant  des  congés,  découragé  les 
patriotes  en  protégeant  le  riche  au  fleurs  de  lys,  les  émigrés, 
les  prêtres  réfractaires,   etc.,  etc.;  pour  avoir  perdu   l'esprit 


1.  Archives  départ.,  L.  87,f°334. 

2.  Ib.,    £"'367  et  369. 

3.  Ib.,  {"'  487  et  585. 

4.  Ib.,  fo  613. 

5.  Ib.,  f"  645. 

6.  Ib.,  f»  647  et  L  88,  {<"  31,  108, 125,  3i2,  etc. 


XIV  INTRODUCTION 

public  par  la  plus  coupable  inertie,  et  laissant  impunis  tous 
les  délits  relatifs  à  la  police. 

«  Esprit  public.  —  La  république  avilie,  les  patriotes  mena- 
cés ouvertement,  le  désir  manifesté  de  voir  les  Russes  dans 
l'intérieur  de  la  France.  Les  bruits  les  plus  absurdes,  les 
plus  alarmants  répandus  pour  comprimer  les  bons  citoyens  et 
exciter  le  peuple  à  la  révolte,  la  contre  révolution  se  faisant 
précéder  de  la  guerre  civile,  tel  est  l'état  vrai  de  nos  cam- 
pagnes  

((  Renseignements.  —  Déjà  le  bruit  circule  qu'on  pillera  les 
récoltes  provenant  des  biens  nationaux,  encore  huit  jours,  les 
récoltes  seront  mûres,  hâtez-vous,  citoyens  !  que  des  hommes 
vigoureux  remplacent  les  traîtres  et  les  hommes  foibles  pour 
comprimer  l'audace  des  méchants  i  » 

Le  commissaire  de  Clarques  parle  sur  le  même  ton  et 
donne  les  plus  mauvais  renseignements  sur  les  communes  de 
son  canton.  «  Depuis  quelque  temps,  citoyen,  écrit-il,  les 
ennemis  de  la  république  se  montrent  avec  une  audace 
extraordinaire  dans  le  village  de  Dohem,  qui  est  depuis  long- 
temps le  repaire  des  prêtres  réfractaires  ;  ils  ont  connois- 
sancede  l'arrêté  du  Directoire  pour  faire  rejoindre  les  requisi- 
tionaires  et  profitent  du  moment  actuel  pour  exciter  ces  der- 
niers à  toutes  sortes  de  voyes  de  fait  ;  depuis  quelques  jours 
ils  ont  insulté  et  maltraité  grièvement  le  Citoyen  Pochol, 
agent  de  la  commune  de  Clety,  parce  qu'il  est  bon  républi- 
cain et  qu'il  conduisait  la  force  armée  qui  a  fait  des  visites 
domiciliaires  dans  cette  commune  le  24  du  mois  dernier  en 
conformité  de  la  loi  ;  ils  l'ont  en  outre  menacé  de  le  tuer  ou 
incendier  s'il  en  portait  plainte.  J'ai  apris  ce  jour  qu'ils 
avoient  depuis  insulté  un  autre  républicain,  le  citoyen 
J.  M.  Berthout,  de  Clety;  ma  prochaine  vous  donnera  d'autres 
détails  sur  ces  événements  qui  préludent  la  résistance  proje- 
tée à  l'exécution  de  l'arrêté  du  directoire    pour  le  départ  des 

1.  Archives  départ.,  L,  dossier  du  canton  de  Vaulx,  an  VII. 


INTRODUCTION  XV 

requisitionaires  et  je  pense  d'après  tout  ce  qui  se  passe  que 
pour  le  mètre  à  exécution  sans  qu'il  occasione  de  troubles,  il 
faudra  beaucoup  de  prudence  et  surtout  une  force  armée  impo- 
sante, notamentpour  la  commune  que  je  viens  de  vous  citer; 
il  en  est  plusieurs  autres  de  ce  canton  animées  du  même 
esprit,  telles  que  celles  d'Esques,  Upan,  et  Belettes  et  mal- 
heureusement ce  sont  les  plus  populeuses  ^.  » 

A  Saint-Venant,  le  commissaire  est  formellement  convaincu 
d'avoir  pactisé  avec  les  brigands  2. 

Voilà  pour  Fan  VII.  Cette  situation  ne  fait  que  croître    et 
embellir  en  l'an  VIII.  Ce  serait  répéter  ce  qui  précède  que  de 
donner  des  extraits  des  documents  de  la  période  immédiatement 
antérieure    au  18  brumaire.  Les   Chauffe-pieds  (alias  Chauf- 
feurs) se  sont  joints  aux  Brigands   et  aux  bandes  de  réfrac- 
taires  :  les  acquéreurs  de    biens  nationaux   sont  exposés  aux 
plus  impitoyables  traitements.  L'administration    républicaine 
n'a  plus  d'amis  vrais,  ses  partisans  apparents   se  réduisent  à 
de  rares  convaincus,  aux  fonctionnaires  et  à  un  certain  nombre 
de  gens  qui  la  craignent.  Les  cérémonies  républicaines  étaient 
désertes,  dit  justement  M.  Deramecourt,  le  21  janvier,  célé- 
brées uniquementparles  fonctionnaires. En  1799,  lors  decette 
fête,  aucun  bourgeois  d'Arras  ne  voulut  signer   la  proclama- 
tion de  l'administrateur  Parent-Réal  contre  la  royauté  et  le 
sacerdoce,  ce  qui  justifie  cette  phrase  écrite  par  la  municipa- 
lité d'Arras  à  la  fin  de  décembre  1798  :  «  l'esprit  public  se 
refroidit  de   jour    en   jour  »  3.  L'administration,   dit  encore 
M.  Deramecourt,  a  beau  redoubler  ses  poursuites    contre   le 
«  fanatisme  »  et  tout    ce   qui  est  suspect  de   sympathie  pour 
l'ancien    régime,    le  département  se   manifeste    chaque   jour 
plus  rebelle  aux  lois  militaires  et  plus  favorable  aux  prêtres  ^. 
Comme  dans  les  Bouches-du-Rhône,  toutes    les    branches 

1.  Arch.  dép.,  L.  canton  de  Thérouanne. 

2.  Arch.  dcp.,L.  dossier  du  cant.  de  S.  Venant,  an  VII. 

3.  Abbé  Deramecourt.   Le  Clergé  des  diocèses  d'Arras,  Boulogne  et  Saint- 
Omer pendant  la  Révolution  (1789-1802),  t.  IV,  p.  105  à  108. 

4.  Id.,  t.  IV,  p.  120. 


tVl  INtRODUCTlON 

de  l'activité  publique  sont  en  souffrance,  l'instruction  devient 
plus  rare,  les  hospices  et  autres  établissements  charitables 
sont  insuffisants  à  soulager  les  très  nombreuses  misères  ou 
même  ont  disparu,  les  communes  sont  sans  ressources  pour 
leur  vie  quotidienne,  le  commerce  languit,  les  travaux  publics 
chôment.  Dans  ces  conditions,  dans  le  Pas-de-Calais,  comme 
partout,  sans  doute,  la  chute  du  Directoire  ne  pouvait  soule- 
ver de  graves  protestations  K 

La  première  nouvelle  du  coup  d'état  du  1 8  brumaire  arriva 
à  Arras  le  20.  Dans  l'ouvrage  que  nous  avons  déjà  cité, 
M.  Deramecourt  a  raconté  très  exactement,  d'après  les  docu- 
ments des  archives,  les  perplexités  par  lesquelles  passa  l'ad- 
ministration centrale  en  apprenant  le  changement  de  forme 
gouvernementale'^.  Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de 
résumer  les  pages  très  instructives  et  très  vivantes  qu'il  a  con- 
sacrées à  ce  récit.  Après  plusieurs  séances  pleines  de  discus- 
sions sur  la  légalité  des  actes  des  premiers  consuls,  et  mal- 
gré les  discours  d'un  des  commissaires  qui  voulait  mettre  l'ad- 
ministration en  opposition  avec  les  nouveaux  maîtres  de  la 
France,  tous  ses  collègues,  sauf  un,  nommé  Gouilliard, 
finirent  par  admettre  le  nouvel  état  de  choses  «  en  essayant 
de  colorer  leur  acceptation  par  des  motifs  de  bien  public  ». 
La  proclamation  qu'ils  firent  et  que  M.  Deramecourt  a  repro- 
duite en  entier,  car  elle  mérite  d'être  connue,  était  assez 
habile.  Les  circonstances  difficiles  du  moment,  l'incertitude 
générale  de  l'opinion  sur  le  18  brumaire,  leur  avaient  fait  un 
devoir  de  rester  à  leur  poste.  Ils  invitaient  tous  les  partis  à 
s'unir  au  pied  de  l'autel  de  la  patrie,  affirmaient  que  jamais  la 
royauté  ne  serait  rétablie  et  terminaient  ainsi  :  «  Eh  !  pour- 
riez-vous  vous  affliger  sur    les    résultats  des  derniers  événe- 


1.  Les  cartons  Fio  des  Archives  nationales  ne  contiennent  aucun  détail 
caractéristique  en  ce  qui  concerne  l'état  du  département  du  Pas-de-Calais  au 
18  Brumaire.  Les  documents  publiés  par  M.  Rocquain  dans  son  ouvrage  sur 
l'Etat  de  la  France  au  10  Brumaire  se  rapportent  plutôt  à  ce  qui  concerne  le 
Pas-de-Calais  en  l'an   IX  et  nous  les  utiliserons  ultérieurement. 

2.  Abbé  Dehamecourt,  op.  cit.,  t.   IV,  p.  8. 


INTRODUCTION  XVll 

nients,  quand  la  loi  vous  garantit  que  les  changements  à 
apporter  aux  dispositions  organiques  de  la  Constitution  ne 
peuvent  avoir  pour  but  que  de  consolider,  garantir  et  con- 
server inviolablement  la  souveraineté  du  peuple  français,  la 
République  une  et  indivisible,  le  système  représentatif,  la 
division  des  pouvoirs,  la  liberté,  l'égalité,  la  sûreté  et  la  pros- 
périté? Vive  la  République  !  » 

Ces  administrateurs  étaient  de  vrais  opportunistes  :  en  fait, 
l'opinion  publique,  loin  d'être  indécise,  comme  ils  le  prétex- 
taient sans  conviction,  se  prononçait  dans  tout  le  département 
en  faveur  du  coup  d'Etat. 

Le  serment  de  fidélité  au  pouvoir  fut  bientôt  prêté  par  tous 
ceux  de  qui  il  était  réclamé  dans  des  cérémonies  très  solen- 
nelles et  qu'aucun  incident  ne  vint  troubler. 


LE 

DÉPARTEMENT   DU  PAS-DE-CALAIS 

DE    1800   A   1810 


CHAPITRE   PREMIER 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DEPARTEMENT 
ET  DE  L'ARRONDISSEMENT 

I.  L'installation  du  premier  Préfet.  —  Géographie  administrative  du  dépar- 
tement du  Pas-de-Calais. —  Le  préfet  Poitevin-Maissemy;  sa  biographie.  — 
Manque  de  sécurité,  principalement  dans  les  arrondissements  de  Saint-Pol 
et  de  Montreuil.  —  Récoltes  déficitaires  et  mendicité.  —  Les  émigrés.  — 
Marchandises  anglaises  prohibées  et  contrebande.  —  Préfet  philosophe. 
Disgrâce  de  Poitevin-Maissemy. 

II.  Le  second  préfet  :  le  général  de  La  Chaise  ;  sa  biographie.  —  Travail 
administratif  considérable. —  Rétablissement  de  la  sécurité. —  Les  exigences 
de  la  conscription.  —  Acquisition  de  l'hôtel  de  la  préfecture.  —  Popularité 
de  La  Chaise  qui  s'affaiblit  avec  les  années  malheureuses  de  l'Empire.  — 
Les  visites  de  Napoléon  dans  le  département.  —  Style  oratoire  du  général 
de  La  Chaise. 

III.  Les  sous-préfets  :  deux  anciens  législateurs.  —  Eloge  du  sous-préfet  Poi- 
tevin par  le  tribun  Parent-Réal.  —  Un  administrateur  de  talent  :  Masclef. 

IV.  Les  secrétaires  généraux.  —  Le  Conseil  de  préfecture;  il  corresponde 
l'ancienne  administration  du  département.  —  Statistique  des  travaux  du 
Conseil  de  préfecture. 

V.  Le  Consulat  choisit  son  personnel  administratif  dans  le  personnel  révolu- 
tionnaire du  Pas-de-Calais,  mais  ce  personnel  se  compose,  après  Thermi- 
dor, d'éléments  très  modérés  qui  s'adaptent  facilement  à  l'Empire  et  même 
à  la  Restauration. 


I 

Par  arrêté  du  11  ventôse  an  VIII  (2  mars  1800),  Poitevin- 
Maissemy,  maître  des  requêtes  au  Conseil  d'Etat  et  inspecteur 
de  la  librairie,  était  nommé  préfet  du  département  du  Pas-de- 
Calais  ;  il  prenait  possession  de  son  poste  le  5  germinal  sui- 
vant. 

Chavanon  et  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  1800  à  18-10.  1 


2  LE    PAS-DE-CALAIS  DE    1800    A    1810 

A  une  heure  de  l'après-midi,  le  préfet  se  présentait  à  l'ad- 
ministration centrale,  entouré  d'une  garde  d'honneur  et  suivi 
de  nombreux  citoyens.  Le  commissaire  central  Poitevin  pro- 
cédait à  l'installation,  conformément  à  la  loi  et  le  président, 
L.  D.  Gayant,  prononçait  le  discours  de  bienvenue.  En  Poi- 
tevin-Maissemy,  l'orateur  salue  «  l'ancien  mag-istrat,  ami  de 
la  Révolution,  de  la  nature,  des  sciences  et  des  arts  »  ;  par- 
lant du  département  du  Pas-de-Calais,  il  dit  :  «  Il  en  est  peu 
qui  aient  autant  souffert  pendant  la  tourmente  ;  il  n'en  est 
pour  cela  que  plus  digne  d'intérêt...  Une  seule  chose  a  été 
plus  forte  que  nos  sollicitudes  :  c'est  la  malveillance  qui  y  a 
empêché  jusqu'ici  le  recrutement  des  armées  ;  mais  vous  serez 
plus  heureux  que  nous  :  la  voix  du  héros  de  la  France  s'est 
fait  entendre  ;  toutes  les  résistances  cesseront  à  cet  appel 
généreux.  » 

«  En  acceptant  les  grandes  et  importantes  fonctions  aux- 
quelles la  confiance  du  premier  consul  de  la  République  a 
daigné  m'appeler,  répond  le  nouveau  préfet,  je  ne  me  suis  pas 
dissimulé  les  devoirs  qu'elles  m'imposent  et  j'ai  moins  calculé 
la  force  de  mes  moyens  que  le  zèle  qui  m'anime  pour  l'affer- 
missement de  la  liberté.  Constamment  dévoué  à  sa  défense, 
j'ai  partagé  avec  tous  ses  vrais  amis  la  douleur  de  voir  une 
cause  si  belle,  si  sainte,  si  sacrée,  alternativement  compro- 
mise par  la  résistance  et  par  l'exagération,  quelquefois  même 
souillée  par  le  crime  qui  portait  son  insolente  audace  jusqu'à 
prétendre  agir  en  son  nom  ;  mais  les  choses  ont  heureusement 
changé  et  un  nouvel  ordre  s'est  miraculeusement  établi.  Le 
courage  d'une  partie  de  la  représentation  nationale  et  du  jeune 
héros  que  le  génie  tutélaire  de  la  France  a  préparé,  façonné 
et  ménagé  pour  le  salut  de  la  liberté,  a  enchaîné  toutes  les 
factions.  »  Et  Poitevin-Maissemy  résumait  la  Constitution  dans 
cette  formule  :  «  Sûreté  des  personnes  ;  garantie  des  proprié- 
tés ».  N'est-ce  pas  en  effet  tout  le  programme  politique  des 
débuts  du  Consulat  ?  Ni  réaction,  ni  révolution.  Ainsi  le  com- 
prirent du  moins  les  populations  et  de  là  leur  accueil  plutôt 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  LARRONDISSEMENT       3 

favorable  aux  événements  de  brumaire  et  à  leurs  consé- 
quences 1 . 

On  sait  que  c'est  la  loi  du  28  pluviôse  an  VIII  (17  février 
1800)  qui  a  prganisé  l'administration  départementale,  telle 
qu'elle  s'est  maintenue  jusqu'à  nos  jours  ou  à  peu  près. 
D'après  cette  loi,  le  département  du  Pas-de-Calais  fut  formé 
de  six  arrondissements  :  Arras,  comprenant  presque  tout  le 
district  d'Arras  et  celui  de  Bapaume  ;  Béthune,  comprenant 
le  district  du  même  nom  et  une  partie  de  ceux  d'Arras  et  de 
Saint-Omer;  Boulogne,  comprenant  le  district  de  Boulogne  et 
la  moitié  de  celui  de  Calais  ;  Montreuil,  comprenant  le  district 
de  Montreuil  et  une  partie  de  ceux  de  Boulogne  et  de  Saint- 
Omer  ;  Saint-Omer,  comprenant  le  district  de  Saint-Omer  et 
une  partie  de  ceux  de  Boulogne  et  de  Calais  ;  Saint-Pol,  com- 
prenant le  district  de  Saint-Pol  et  une  partie  de  celui  de 
Montreuil. 

En  1790,  on  avait  créé  dans  le  département  du  Pas-de- 
Calais  86  cantons  ;  le  nombre  en  fut  réduil  à  43  par  la  loi  du 
8  pluviôse  an  IX  :  10,  dans  l'arrondissement  d'Arras  ;  8,  dans 
celui  de  Béthune;  B,  dans  celui  de  Boulogne;  6,  dans  celui 
de  Montreuil  ;  7,  dans  celui  de  Saint-Omer;  6,  dans  celui  de 
Saint-Pol.  Ces  cantons  sont  les  suivants  :  Aire-sur-la-Lys, 
Ardres,  Arras  nord,  Arras  sud,  Aubigny,  Audruick,  Auxi-le- 
Château,  Avesnes-le-Comte,  Bapaume,  Beaumetz-les-Loges, 
Bertincourt,  Béthune,  Boulogne,  Cambrin,  Campagne,  Calais, 
Carvin,  Croisilles,  Desvres,  Etaples,  Fauquembergues,  Fré- 
vent,  Fruges,  Guînes,  Hesdin,  Heuchin,  Houdain,  Hucque- 
liers,  Laventie,  Lens,  Le  Parcq,  Lillers,  Lumbres,  Marquion, 
Marquise,  Montreuil,  Norrent-Fontes,  Pas,  Saint-Omer, 
Saint-Pol,  Samer,  Vimy,  Vitry.  Tel  était  administrativement 
le  domaine  où  devait  s'exercer  l'activité  du  premier  préfet  du 
département  du  Pas-de-Calais. 

Avant  d'être    nommé  préfet  du    Pas-de-Calais,    Poitevin- 

1.  Deramecourt,  op.  cit.,  i.  IV,  p.  137. 


i  LE    PAS-bE-CALAiS    DE    1800   A    1810 

Maissemy  avait  déjà  eu  une  carrière  bien  remplie.  Né  à  Guis- 
card,  dans  le  département  de  l'Oise,  le  9  mars  1752,  il  occupa 
sous  l'ancien  régime  des  fonctions  relativement  importantes  : 
d'abord  conseiller  à  la  Cour  des  aides  de  Paris,' il  fut  nommé 
maître  des  requêtes  en  1783  ;  il  s'était  marié  en  1780  et 
jouissait  alors  d'un  revenu  de  20.000  francs  que  la  mort  de 
son  beau-père  à  Saint-Domingue,  en  1787,  portait  à 
52.000  francs  ;  l'héritage  paternel  et  des  améliorations  appor- 
tées à  une  exploitation  coloniale  à  Léogane  élevaient  en  1790 
sa  fortune  à  130.000  francs,  mais  les  révolutions  sanglantes 
dont  Saint-Domingue  fut  le  théâtre  la  réduisirent  dans  la 
suite  à  30.000  francs  de  rentes.  Rapporteur  au  Conseil  royal 
et  au  Conseil  des  dépêches,  il  devint  en  1788  directeur  de  la 
librairie  de  France.  Au  contact  du  mouvement  philosophique 
des  dernières  années  du  xv!!!**  siècle,  Poitevin-Maissemy, 
comme  beaucoup  de  ses  contemporains,  s'était  pénétré  d'idées 
libérales  qui,  malgré  ses  fonctions  administratives,  devaient 
lui  faire  accueillir  avec  faveur  les  débuts  de  la  Révolution. 
De  1789  à  1791,  nous  le  voyons  en  effet  présider  à  plusieurs 
reprises  l'assemblée  de  la  Commune  de  Paris  ;  dans  son  dépar- 
tement, celui  de  l'Oise,  il  est  désigné  comme  administrateur, 
puis  comme  juge  de  paix  de  son  canton  natal.  Chef  de  légion, 
il  se  rend  à  Reims  en  1792,  en  qualité  de  commissaire  géné- 
ral pour  l'organisation  de  dix-huit  bataillons  de  volontaires. 
Poitevin-Maissemy  traversa  ainsi  toute  la  période  révolution- 
naire sans  se  mêler  aux  manifestations  violentes  et  aux  exa- 
gérations, bien  que  remplissant  presque  sans  interruption  des 
fonctions  administratives.  Cet  ancien  maître  des  requêtes, 
imprégné  du  libéralisme  et  de  l'esprit  réformateur  de  la  Cons- 
tituante, teinté  quelque  peu  de  républicanisme,  était  bien 
l'homme  qui  convenait  pour  faire  un  préfet  du  Consulat  ;  tou- 
tefois, il  avait  gardé  de  son  ardeur  philosophique  d'antan 
quelque  peu  de  ce  scepticisme  de  bon  ton,  de  cet  anticlérica- 
lisme narquois  et  facétieux  que  l'on  a  qualifié  longtemps  de 
voltairianisme  et  qui  devait  mal  s'accorder  avec  les  nécessités 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDISSEMENT       3 

de  l'application  du  Concordat  :  là  devait  être  l'écueil  dans  sa 
carrière  administrative  ^. 

Le  premier  souci  d'un  préfet  de  l'an  VIII  arrivant  de  son 
département  est  d'assurer  la  sécurité  publique  et,  à  ce  point 
de  vue,  Poitevin-Maissemy  a  une  lourde  tâche.  «  Durant 
l'hiver  de  1800  à  1801,  écrit  M.  Deramecourt,  comme  aupara- 
vant, la  sécurité  était  loin  d'être  complète  dans  le  Pas-de- 
Calais,  surtout  la  nuit.  Aussi,  un  arrêté  du  préfet,  en  date  du 
lo  février,  réclame  la  réorganisation  de  la  garde  nationale,  la 
création  des  patrouilles  de  nuit  qui  devront  spécialement  cir- 
culer sur  les  routes  où  doivent  passer  les  courriers  et  dili- 
gences, autour  des  maisons  isolées,  dans  le  voisinage  des 
granges  et  des  meules  2.  » 

Par  une  lettre  circulaire,  en  date  du  20  germinal  an  VIII, 
le  ministre  de  la  police  générale  prescrit  aux  préfets  de  dresser 
un  tableau  des  commissaires  de  police  à  établir  dans  leur 
département  en  exécution  de  la  loi  du  28  pluviôse  précédent  : 
Arras  et  Saint-Omer  devaient  avoir  deux  commissaires  ;  Aire, 
Boulogne,  Calais,  Béthune,  un  seul.  Conformément  aux 
instructions  ministérielles,  Poitevin-Maissemy  dresse  le  tableau 
demandé  ;  il  propose  de  conserver  à  Aire,  à  Calais  et  à  Saint- 
Omer  les  commissaires  qui  s'y  trouvaient  antérieurement  sous 
le  gouvernement  du  Directoire.  A  Saint-Omer,  sur  les 
cinq  commissaires  actuels,  deux,  Delbourg  et  Decques, 
peuvent  être  maintenus.  Bourdon,  ancien  lieutenant  bailli 
de  la  commune  de  Saint-Omer,  employé  en  Hollande 
en  1794  par  le  Comité  de  Salut  public,  se  met  sur  les  rangs 
pour  cette  place  et  les  rapports  qui  le  concernent  sont 
favorables.  A  Boulogne,  des  deux  commissaires  précédents, 
un  seul,  Flahaut,  mérite  d'être  gardé.  Mais  c'est  surtout  Arras 
qui  attire  l'attention  du  préfet  ;  dans  une  lettre  au  ministre  de 
la  police  générale,  il  dit  :  «  Je  dois,  citoyen  ministre,  vous 
soumettre   quelques  observations  particulières  sur  les   deux 

1.  Archives  Nationales  F  i»"  1,  170"'. 

2.  Deramecourt,  op.  cit.,  t.  V,  p.  158. 


6  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

commissaires  à  établir  à  Arrasetje  vous  supplie  de  les  prendre 
en  considération.  La  ville  d'Arras  est  une  de  celles  qui  a  le 
plus  soufîert  du  régime  révolutionnaire  ;  plus  de  trois  cents 
familles  comptent  dans  leur  sein  des  victimes  du  tribunal  qui 
y  était  établi;  de  là,  résultent  de  profonds  ressentiments... 
Cet  état  de  choses  exige  infiniment  d'attention  dans  le  choix 
des  commissaires  de  police  qui  doivent  surveiller  et  assurer 
la  tranquillité  de  cette  cité;  il  faut  des  moyens,  de  l'adresse, 
de  la  confiance,  de  la  fermeté  ;  il  faut  des  hommes  considérés 
et  qui,  n'ayant  appartenu  à  aucun  parti,  jouissent  de  l'estime 
de  tous  ;  en  un  mot  qu'ils  inspirent  et  commandent  le  respect. 
Le  citoyen  Delpouve,  que  je  propose  avec  le  citoyen  Delair, 
bon  à  conserver,  est  l'homme  qui  est  sans  contredit  le  plus 
propre  à  remplir  ces  fonctions  importantes  dans  les  circons- 
tances présentes  ;  il  était  autrefois  lieutenant  de  police  par  la 
place  de  procureur  de  la  commune  avant  1789  et  le  citoyen 
Delair  l'exerçait  sous  lui  ;  depuis  la  Révolution,  il  a  toujours 
été  membre  des  municipalités  ;  il  est  estimé  et  respecté  de 
tous  les  partis  ' . 

Un  arrêté  préfectoral  du  1"''  pluviôse  an  IX  donne  les  instruc- 
tions nécessaires  aux  autorités  du  département  pour  l'envoi 
tous  les  dix  jours  d'un  rapport  sur  l'état  de  leur  circonscrip- 
tion respective'-.  Malgré  les  diverses  mesures  prises  par  Poi- 
tevin-Maissemy,  le  résultat  ne  semble  pas  avoir  répondu 
complètement  à  ses  efforts,  tout  au  moins  pour  une  partie  du 
département,  car  Fourcroy,  envoyé  en  mission  dans  la  XVI^ 
division  militaire  pendant  les  mois  de  pluviôse  et  ventôse 
an  X,  constate  qu'un  arrondissement  tout  entier,  celui  de 
Saint-Pol,  «  a  été  et  peut  être  encore  regardé  comme  en  rébel- 
lion contre  le  gouvernement  ;  c'est  là  où  se  réfugient  les 
voleurs  de  diligence  ;  un  tribunal  spécial  était  très  nécessaire 


1.  Archives  départementales  du  Pas-de-Calais,  série  M,  police  administra- 
tive. 
i.  Archives  départ.,  série  K.,  Reg.  des  arrêtés,  105,  f»  1. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE   l' ARRONDISSEMENT       7 

pour  ce  département  et  celui  qui  y  a  été  placé  a  déjà  rendu  de 
grands  services  *  » . 

En  effet,  dans  l'arrondissement  de  Saint-Pol  pendant 
Tan  X,  on  relève  44  délits  forestiers,  8  incendies  dus  à  la 
malveillance,  47  vols  de  tout  genre,  71  vols  de  grains,  14 
assassinats  et  une  tentative  de  meurtre  ;  on  a  tué  notamment 
deux  gardes  champêtres  et  le  maire  de  la  commune  de  Saint- 
Martin,  Ghoquel.  Le  sous-préfet  constate  que  le  nombre  des 
mendiants  a  été  considérable  ;  deux  années  successives  ,  de 
mauvaises  récoltes  avaient  occasionné  une  hausse  extrême 
dans  le  prix  des  denrées.  La  police  rurale  est  faite  aussi  bien 
qu'on  peut  l'attendre  de  gardes  champêtres  peu  ou  mal 
payés  ;  la  suppression  de  ces  gardes  et  leur  remplacement 
par  une  brigade  de  gendarmerie  à  pied  dans  chaque  canton 
sont  indiqués  par  le  Conseil  d'arrondissement  de  Saint-Pol 
comme  les  moyens  les  plus  efficaces  pour  faire  respecter  la 
propriété  2. 

La  situation  n'est  guère  meilleure  dans  l'arrondissement 
de  Montreuil:  «  Depuis  plus  de  deux  ans,  écrit  le  sous-préfet, 
la  cherté  excessive  des  grains  et  le  défaut  de  travail  ont  con- 
sidérablement accru  la  mendicité.  Les  cultivateurs  qui  ven- 
daient leurs  denrées  très  chères  auraient  pu  cependant  occu- 
per les  malheureux,  mais  les  prêtres  insoumis  qui  existaient 
chez  les  plus  aisés  absorbaient  au  delà  de  leurs  bénéfices... 
Les  réquisitionnaires  et  conscrits  ne  rejoignaient  aucun  corps 
ou  désertaient  et  formaient  ainsi  des  bandes  de  vagabonds 
n'existant  que  des  délits  ;  on  les  a  vu  arrêter  les  diligences, 
assaillir  leurs  escortes,  enlever  de  leurs  mains  les  fonds 
publics.  »  En  l'an  X,  il  a  été  commis  dans  l'arrondissement 
de  Montreuil  trois  assassinats  suivis  de  vol,  une  tentative 
d'assassinat,  plusieurs  tentatives  d'incendie  ;  huit  hommes 
armés  de  fusils  se  sont  rendus,  la  nuit,  aux  fermes  du  Ménage 


1.  RocQUAiN,  L'état  de  la.  France  au  18  brumaire,  1874,  in-12,  p.  225 

2.  Archives  départ.,  série  M,,  Rapport  du  sous-préfet  de  Saint-Pol,  le  3  ven- 
démiaire an  XI, 


8  LE    PAS-DE-CALATS    DE    1800   A    1810 

de  Brimeux  et  de  Saint-Nicolas  ;  ils  y  ont  tiré  plusieurs  coups 
de  fusil,  mais  ils  ont  été  repoussés  '. 

Même  misère  dans  l'arrondissement  de  Béthune  avec  moins 
de  violences;  les  jugements  y  atteignent  en  l'an  X  le  chiffre 
de  98  dont  42  prononcés  pour  vol  ;  la  mendicité  a  offert  un 
spectacle  «  effrayant  ;  les  cultivateurs  ne  pouvaient  suffire 
aux  aumônes  et  le  nombre  des  mendiants  était  en  quelque 
sorte  incalculable  ».  Les  patrouilles  des  gardes  nationales 
ont  empêché  les  délits  dans  l'arrondissement  de  Saint-Omer  ; 
il  ne  s'en  est  commis  aucun  de  grave,  mais  de  nombreuses 
bandes  de  vagabonds  parcouraient  les  villages,  mendiant  le 
jour  et  même  la  nuit^. 

«  Le  caractère  moral  et  pacifique  des  habitants  de  l'arron- 
dissement de  Boulogne,  écrit  le  sous-préfet  de  cet  arrondis- 
sement, ne  permet  pas  de  craindre  que  la  sûreté  publique  y 
soit  jamais  gravement  compromise.  Il  s'y  commet  en  général 
très  peu  de  désordres,  ou  du  moins  de  ceux  qui  sont  faits 
pour  inspirer  de  l'inquiétude  au  gouvernement  ;  on  n  y  connaît 
pas  les  mouvements  combinés  des  attroupements  ou  des 
résistances.  Les  seuls  exemples  qu'on  en  puisse  citer  ont  eu 
pour  objet  quelque  expédition  de  contrebande  ou,  avant  le 
concordat,  l'exercice  clandestin  du  culte  par  des  prêtres 
insoumis.  Il  y  a  eu  cette  année  (an  X)  plusieurs  attroupements 
armés  pour  protéger  la  contrebande  ;  un  de  ces  attroupements 
a  été  dispersé  le  6  ventôse,  à  deux  heures  du  matin,  par  les 
préposés  ;  des  sabres,  des  pistolets  ont  été  saisis;  deux  délin- 
quants ont  été  arrêtés  dont  un  était  de  ces  fameux  La  Rose 
connus  pour  faire  toute  espèce  de  contrebande  et  pour  avoir 
entretenu  pendant  la  guerre  des  relations  avec  les  ennemis. 
Ils  ont  été  acquittés  par  le  tribunal.  Un  nouvel  attroupement 
a  voulu,  il  y  a  peu  de  jours,  protéger  un  versement   de  con- 


1.  Archives  départ.,    série   M.,   Rapport  du  sous-préfet   de  Montreuil  au 
préfet,  le  12  fructidor  an  X. 

2.  Ibid.  Rapport  du  sous-préfet  de  Béthune  sur  la  situation  générale  pen 
dant  l'année,  le  8  fructidor  an  X. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDTSSEMENT      9 

trebande  ;  deux  employés  des  douanes  ont  été  blessés  de  coups 
de  feu  ^  » , 

Il  est  certain  que  cet  état  général  de  malaise  et  de  trouble 
était  dû  dans  le  département  du  Pas-de-Calais  plutôt  à  une  crise 
économique  qu'à  des  causes  politiques  ;  le  préfet  Poitevin- 
Maissemy  avait  le  malheur  de  se  trouver  en  présence  d'une 
période  de  récoltes  déficitaires  qui  entravaient  beaucoup  son 
œuvre  pacificatrice.  Du  reste,  il  constate  lui-même,  dans  un 
rapport  daté  du  11  fructidor  an  VllI,  que  tout  est  pour  le 
mieux  dans  le  département  :  «  excellent  esprit,  attachement 
sincère  au  gouvernement  ~  ». 

Les  sous-préfets  sont  aussi  optimistes  ;  écoutons  celui  de 
Montreuil  :  «  l'influence  de  la  Révolution  dans  l'arrondisse- 
ment de  Montreuil  a  entraîné  quelques  désastres  communs 
aux  autres  parties  de  la  République,  mais  le  caractère  d'huma- 
nité et  de  justice  de  ceux  qui  en  ont  dirigé  la  marche  en  a 
adouci  plus  qu'ailleurs  la  calamité,  La  majorité  des  citoyens 
désirait  un  changement  nécessaire  dans  l'ancien  ordre  de 
choses  et  se  serait  volontiers  bornée  aux  améliorations  opérées 
par  l'Assemblée  Constituante,  mais  ils  se  sont  soumis  avec 
docilité  à  toutes  les  lois,  même  à  celles  opposées  à  leurs 
inclinations,  par  le  désir  de  mettre  enfin  un  terme  à  la  Révo- 
lution. Aujourd'hui,  ils  paraissent  très  satisfaits  du  gouverne- 
ment actuel  et  y  trouvent  ce  qu'ils  désiraient  le  plus,  un  état 
stable  et  permanent  ;  ils  sont  reconnaissants  de  ce  que  le  gou- 
vernement fait  pour  eux  et  ils  espèrent  beaucoup  de  ce  qu'il 
doit  faire  encore.  La  situation  de  ce  qu'on  appelait  la  bour- 
geoisie s'est  extrêmement  améliorée  pour  l'aisance  et  pour 
l'instruction  et  pour  la  civilisation  ;  ils  sont  même  les  seuls 
propres  aux  fonctions  publiques;  aussi  sont-ils  les  seuls 
employés  ;  la  plupart  sont  propriétaires  et  fortement  attachés 


1.  Archives  départ.,  série  M.,  Rapport  du   sous-préfet  de  Boulogne,  an  X. 

2.  Archives  nationales,  F"",  III,  Pas-de-Calais,  8. 


10  LE   PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

à  la  Constitution  et  au  g-ouvernement  qui  leur  donne  avec  de 
la  considération  une  existence  honorable*  ». 

De  nombreux  émigrés  ont  profité  des  dispositions  bienveil- 
lantes du  gouvernement  pour  rentrer  dans  le  département  du 
Pas-de-Calais,  mais,  en  général,  ils  se  tiennent  tranquilles  et 
ne  soulèvent  aucun  incident.  Le  sous-préfet  de  Boulogne 
esquisse  avec  une  réelle  finesse  psychologique  leur  attitude  : 
«  Quant  aux  prévenus  d'émigration,  dit-il,  presque  tous  ceux 
qui  appartenaient  à  cet  arrondissement  sont  rentrés  ;  ils  se 
sont  retirés  dans  leur  famille  et  ils  n'ont  donné  jusqu'ici  occa- 
sion à  aucune  plainte.  Ils  emploient  ici,  comme  partout 
ailleurs,  toutes  sortes  de  moyens  pour  engager  les  acquéreurs 
de  leurs  biens  à  les  rendre  au  prix  coûtant.  Depuis  la  rentrée 
des  prêtres,  ils  les  emploient  comme  négociateurs  et  ils  s'en 
trouvent  fort  bien.  Au  reste,  il  est  évident  que  cette  espèce 
d'hommes  n'est  pas  changée  ;  ils  ont  rapporté  leurs  préjugés 
et  leur  morgue  ;  ils  forment  au  milieu  de  la  nation  une  sorte 
de  nation  distincte,  ils  ne  vivent  qu'entre  eux,  ne  prennent 
aucune  part  aux  réunions,  aux  fêtes,  aux  affaires  publiques, 
et,  jusque  dans  les  relations  de  société  et  de  plaisir,  ils 
affectent  de  se  tenir  éloignés  de  tout  ce  qui  n'a  que  l'honneur 
d'être  homme  ^  ». 

Il  n'y  a  pas  là  de  toute  manière  les  éléments  d'une  opposi- 
tion au  gouvernement  établi  et  il  paraît  à  peu  près  certain 
que  si  le  préfet  se  débat  contre  des  difficultés  assez  sérieuses, 
c'est  que  le  régime  se  trouve  dans  de  mauvaises  conditions 
économiques  et  traverse  la  période  de  liquidation  de  la 
Révolution.  Les  nombreux  documents  réunis  par  Poitevin- 
Maissemy  en  vue  de  la  contribution  de  son  département  à  la 
statistique  générale  de  la  France  entreprise  en  ISOi  par  le 
ministère  de  l'intérieur,  fournissent  à  ce  propos  des  indications 
intéressantes  :  la  population  a  diminué  par  suite  de  la  guerre  ; 

1.  Archives  départ.,  série  M.,  Mémoire  sur  la   statistique  comparative  de 
rarrondissement  de  Montreuil  entre  1789  et  l'an  IX  par  le  sous-préfet  Poultier. 

2,  Ibid.  Rapport  du  sous-préfet  de  Boulogne  précédemment  cité. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDISSEMENT    11 

une  jevinesse  nombreuse  est  restée  sur  les  champs  de  bataille 
et  sa  disparition  prive  de  bras  les  forces  productives  de  l'agri- 
culture ;  les  mariages  ont  été  rares  à  cause  des  réquisitions 
militaires  et  les  unions  mal  assorties  ont  plutôt  contribué  à 
la  dépopulation.  Poitevin-Maissemy  fait  observer  que  la 
guerre,  «  depuis  sept  années  a  détruit  dans  les  villes  comme 
dans  les  campagnes  toutes  les  lois  des  convenances  en  forçant 
une  foule  de  jeunes  filles  à  s'unir  à  des  hommes  d'un  âge 
avancé  »  ;  du  reste,  ajoute  le  préfet,  <(  la  plupart  des  mariages 
modernes  ne  sont  plus  que  des  actes  de  spéculation.  »  Les 
villes  ont  été  plus  particulièrement  éprouvées  ;  on  constate 
un  mouvement  marqué  d'émigration  des  villes  vers  les  cam- 
pagnes. Poitevin-Maissemy  en  donne  les  motifs  suivants  : 
«  1°  il  est  constant  que  la  suppression  d'une  multitude  de 
charges,  offices  et  emplois  qui  fixaient  des  propriétaires  dans 
les  villes,  en  a  fait  refluer  la  majeure  partie  dans  les  cam- 
pagnes ;  la  diminution  éprouvée  dans  beaucoup  de  branches 
des  revenus,  l'abolition  des  droits  féodaux  a  produit  le  même 
effet  à  l'égard  d'une  infinité  des  habitants  des  villes  ;  2°  les 
domestiques  que  les  propriétaires  avaient  à  leur  service  étaient 
en  général  extraits  des  campagnes  et  ils  ont  été  obligés  d'y 
revenir  ;  3''  ces  propriétaires  ont  moins  de  luxe  dans  leur  train 
de  vie  depuis  qu'ils  occupent  toute  l'année  leurs  maisons 
rurales;  delà,  une  infinité  d'ouvriers  qui  ont  cessé  de  trouver 
des  moyens  de  subsistance  dans  les  villes,  que,  par  cette 
raison,  ils  ont  été  forcés  de  quitter  ;  4"  enfin  l'extinction  des 
chapitres  et  des  maisons  religieuses,  dont  les  plus  riches 
étaient  placés  dans  les  villes,  a  laissé  sans  occupation  tout  ce 
qui  trouvait  des  moyens  de  vivre  dans  l'existence  de  ces  éta- 
blissements i.  » 

Liquidation  d'une  période  de  troubles,  de  guerres  et  de 
mesures  révolutionnaires  qui  a  laissé  son  legs  d'instabilité 
sociale  et  économique,  récoltes  déficitaires    et  plus-value  des 

1.  Archives  départ.,  série   M.,  Dossier  relatif  à  la  statistique  générale  de 
1801. 


12  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

denrées,  telles  sont  donc  les  causes  déterminantes  de  cette 
situation  difficile  du  département  du  Pas-de-Calais.  Le  préfet 
Poitevin-Maissemy  s'efforce  de  parer  au  plus  pressé,  c'est- 
à-dire  à  l'extinction  du  vagabondage  et  de  la  mendicité  d'où 
résultent  la  plupart  des  délits,  mais  les  moyens  en  son  pou- 
voir n'ont  pas  encore  toute  l'efficacité  voulue. 

Un  autre  point, qui  touche  à  l'administration  générale  et  sur 
lequel  le  gouvernement  consulaire  exigeait  de  la  part  des  pré- 
fets des  départements  maritimes,  surtout  de  ceux  qui  bordent 
la  Manche,  une  grande  vigilance,  c'est  celui  de  l'entrée  en 
France  des  marchandises  anglaises  prohibées.  Malgré  la  sur- 
veillance des  employés  de  la  douane,  le  sous-préfet  de  Bou- 
logne avoue  lui-même  que,  dans  son  arrondissement,  la  con- 
trebande de  ces  marchandises  prohibées  est  considérable  ;  il 
est  facile  d'en  juger  par  la  quantité  des  provenances  anglaises 
qui  garnissent  les  magasins  des  négociants  de  Boulogne  et  de 
Calais  ou  qui  sont  colportées  dans  les  campagnes.  La  marque 
et  l'estampille  des  étoffes  étrangères,  ordonnées  par  l'arrêté 
du  13  fructidor  an  IX,  sont  à  peu  près  inutiles  pour  entraver 
cette  contrebande.  On  fait  particulièrement  depuis  deux  ans 
une  exportation  frauduleuse  de  chiffons  fort  importante,  par 
les  côtes  de  ce  même  arrondissement  ;  les  Anglais  donnent  des 
chiffons  un  prix  quadruple  de  la  valeur  courante  de  cette 
matière  en  France  ;  il  y  a  à  Desvres,  à  Samer,  à  Pont-de- 
Briques,  des  entrepôts  connus  de  ces  chiffons;  les  frères  La 
Rose  sont  les  agents  les  plus  actifs  et  les  plus  adroits  de  cette 
sorte  de  contrebande  et  souvent  les  douaniers  sont  contraints 
de  livrer  de  véritables  batailles  contre  les  hommes  en  armes 
qui  escortent  les  voitures  ^. 

Dans  cet  ordre  d'idées,  un  incident  qui  se  produit  à  Saint- 
Omer  permet  de  juger  des  difficultés  même  juridiques  aux- 
quelles se  heurte  l'administration.  Le  ministre  de  l'intérieur 
informe  le  préfet  Poitevin-Maissemy,  le  17  vendémiaire  an  X, 

1.  Archives  départ.,  série  M.,  Rapport  du  sous-préfet   de  Boulogne  précé- 
demment cité. 


LÈS  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDISSEMENT    13 

qu'un  fabricant  de  Saint-Omer,  le  citoyen  Playe  fils,  se  livre 
au  commerce  des  marchandises  anglaises  ;  il  l'invite  à  prendre 
sur  son  compte  les  renseignements  les  plus  exacts  et  à  le  faire 
poursuivre  suivant  la  rigueur  des  lois  si  la  contravention  est 
bien  constatée.  Conformément  aux  ordres  du  préfet,  le  sous- 
préfet  de  Saint-Omer,  accompagné  du  secrétaire  particulier  du 
préfet  et  du  commissaire  de  police,  se  transporte  chez  le  négo- 
ciant incriminé  ;  Plaje  déclare  que  les  marchandises  anglaises 
qu'il  a  en  magasin  sont  :  huit  pièces  de  mousselines  anglaises 
provenant  d'un  achat  de  cinquante  pièces  fait  pour  son  compte 
par  le  citoyen  Dujat  à  la  vente  de  la  prise  anglaise,  le  Young 
James  ;  quatre  barils  de  couperose,  cent  balles  de  sumac,  trois 
pièces  de  tapis  en  toile  cirée,  achetés  dans  les  mêmes  condi- 
tions. Au  reçu  du  procès-verbal  de  cette  visite  domiciliaire, 
le  ministre  écrit  au  préfet  :  <(  Il  me  paraît,  d'après  la  lecture 
de  ces  pièces,  que  le  citoyen  Playe  conservait  sciemment  chez 
lui  des  marchandises  anglaises,  telles  que  les  mousselines,  qui, 
aux  termes  de  la  loi,  devaient  être  réexportées  puisqu'elles 
provenaient  des  prises.  Je  vous  invite,  citoyen  préfet,  à  faire 
traduire  le  citoyen  Playe  devant  le  tribunal  de  police  correc- 
tionnelle de  son  domicile,  pour  y  être  jugé  d'après  les  dispo- 
sitions de  la  loi  du  10  brumaire  an  V  ».  Or,  par  jugement  du 
22  frimaire  an  X,  le  tribunal  de  Saint-Omer  acquitte  Playe 
fils  en  se  basant  dans  ses  considérants  sur  ce  que  l'importa- 
tion de  ces  marchandises  n'était  pas  défendue  par  la  loi,  que 
la  vente  en  avait  été  faite  publiquement  et  sous  charge  de 
réexportation  et  que  les  droits  d'entrée  en  avaient  été  payés  à 
la  douane,  ce  qui  n'aurait  pas  eu  lieu  si  ces  marchandises 
s'étaient  trouvées  dans  le  cas  d'être  prohibées  K 

Sous  un  régime  politique  aux  destinées  duquel  présidait  un 
homme  de  guerre  comme  Bonaparte,  la  question  des  rapports 
entre  les  autorités  militaires  et  la  nouvelle  autorité  civile 
était  non  moins  délicate  que  celle  de  la  sécurité  publique.  Le 

1.  Archives  départ.,  série  M. 


14  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

préfet  Poitevin-Maissemy  ne  paraît  pas  avoir  toujours  vécu 
en  excellents  termes  avec  les  officiers  supérieurs  qui  com- 
mandaient dans  le  département  du  Pas-de-Calais;  nous  retrou- 
vons les  traces  d'un  petit  conflit  entre  lui  et  le  général  Fer- 
rand,  conflit  dans  lequel  du  reste  les  torts  ne  sont  pas  de  son 
côté.  Le  g-énéral  Ferrand  se  plaignait  de  la  convocation  par 
le  sous-préfet  de  Saint-Omer  à  la  sous-préfecture  des  autorités 
civiles  et  militaires  appelées  à  faire  partie  du  cortège  dans  les 
fêtes  et  réunions  publiques  ;  il  prétendait  que  cette  convoca- 
tion devait  avoir  lieu  à  la  maison  commune,  à  l'Hôtel-de- 
Ville.  Par  une  lettre  en  date  du  21  fructidor  an  VIII,  le 
ministre  de  l'intérieur  tranche  le  différend  en  déclarant  que  le 
général  Ferrand  n'avait  pas  «  suffisamment  examiné  la  distance 
ou  la  différence  des  fonctions  et  de  l'autorité  exercée  par  le 
préfet  et  les  intendants  qui  existaient  autrefois;  les  préfets 
sont  dans  leur  arrondissement  les  agents  immédiats  du  gou- 
vernement et,  comme  c'est  lui  qui  préside  aux  fêtes  nationales, 
qui  les  dirige  et  les  règle,  les  préfets  dans  les  villes  de  pré- 
fecture, les  sous-préfets  dans  les  chefs-lieux  de  sous-préfec- 
ture et  les  maires  dans  les  autres  communes,  les  représentant 
essentiellement  en  ce  point,  doivent  avoir  la  préséance  ;  c'est 
donc  chez  celui  qui  préside,  à  la  maison  de  la  préfecture,  de 
la  sous-préfecture  ou  de  la  mairie  que  la  réunion  doit  se  for- 
mer ^  ». 

En  principe,  l'autorité  centrale  entend  être  minutieusement 
informée  de  tout  ce  qui  se  passe  dans  chaque  département  ; 
une  lettre  circulaire  du  ministre  de  l'intérieur,  le  21  ventôse 
an  X,  comporte  les  observations  suivantes  qui  sont  très  carac- 
téristiques : 

«  Plusieurs  lois,  citoyen  préfet,  ont  réglé  les  rapports  que 
doivent  avoir  avec  le  gouvernement  les  autorités  locales.  Elles 
veulent  entre  autres  choses  :  1**  que  sur  les  objets  qui  inté- 
ressent le  régime  général  de   la  République,    ces  administra- 

1.  Archives  départ.,  série  M. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDISSEMENT    45 

tions  ne  puissent  faire  exécuter  aucun  arrêté  sans  l'appro- 
bation préalable  du  ministre  qui  en  doit  connaître  ;  2° 
qu'outre  les  correspondances  habituelles  qu'elles  entretiennent 
avec  le  ministre  de  l'intérieur  pour  des  affaires  particulières, 
elles  lui  fassent  parvenir  tous  les  mois  un  tableau  raisonné  des 
affaires  du  département  et  des  progrès  de  l'exécution  des  lois 
dans  les  diverses  parties  confiées  à  leurs  soins.  Ces  disposi- 
tions étaient  sages;  elles  n'ont  point  été  abrogées  ;  mais  le 
désordre  des  temps  révolutionnaires  en  a  d'abord  suspendu 
puis  aboli  l'usage.  De  là,  résultent  beaucoup  d'inconvénients. 
Des  mesures  qui  intéressent  le  régime  général  sont  prises 
dans  quelques  départements  ;  elles  sont  mises  à  exécution  sans 
avoir  été  approuvées  ;  il  se  forme  ainsi  des  usages  locaux  qui 
tendent  à  ramener  la  diversité  des  coutumes  et  blessent  l'uni- 
formité d'administration  que  toutes  nos  lois  ont  en  vue.  Je 
vous  invite  à  m'adresser  chaque  mois  le  compte  analytique 
de  toutes  les  décisions,  mesures  ou  arrêtés  que  vous  aurez 
pris  dans  toutes  les  parties  de  l'administration  qui  vous  sont 
confiées.  Vous  remarquerez  que  je  ne  vous  demande  que  des 
indications  sommaires  ;  attachez-vous  surtout  à  les  rendre 
précises,  à  y  exprimer  clairement  et  simplement  le  point  de 
difficulté  de  chaque  affaire  et  le  motif  qui  a  déterminé  votre 
décision  ^  ». 

Le  ministre  Ghaptal  attachait  une  grande  importance  à  ces 
comptes  rendus  analytiques  et  il  paraît  qu'il  ne  fut  pas  tou- 
jours satisfait  de  ceux  de  Poitevin-Maissemy,  car  il  écrivait  à 
son  successeur  La  Chaise  :  «  En  général,  le  compte  qu'a  pré- 
senté votre  prédécesseur  ne  remplit  pas  l'objet  que  je  me 
suis  proposé  ;  les  questions  et  les  motifs  des  décisions  sont 
présentés  d'une  manière  trop  vague  pour  que  j'aie  pu  me  for- 
mer une  idée  juste  de  son  administration  pendant  les  six  der- 
niers mois  de  l'an  X  ^  ». 

Une  autre  circulaire  du  ministre  de  l'intérieur,   en  date    du 

1.  Archives  départ.,  série  M. 

2.  Ibid. 


16  LE   PAS-DÈ-CALAIS    DE    1800    A    1810 

16  floréal  an  IX,  enjoint  au  préfet  de  former  près  de  lui 
un  Conseil  composé  d'un  très  petit  nombre  d'hommes  les 
mieux  recommandés  dans  l'opinion  publique  par  leur  mora- 
lité et  leurs  connaissances  pratiques  :  «  Ils  vous  diront  quel 
était  l'état  des  arts  en  1789  dans  le  département  confié  à  votre 
administration  ;  ils  vous  feront  connaître  les  causes  des  varia- 
tions et  de  tous  les  changements  qui  sont  survenus.  Ils  vous 
indiqueront  les  nouveaux  genres  d'industrie  qu'on  peut  créer, 
soit  pour  ajouter  au  commerce  déjà  existant,  soit  pour  rem- 
placer les  branches  qui  sont  perdues.  »  Le  préfet  fait  choix 
des  citoyens  Lesoing,  premier  adjoint  d'Arras,  Pierron,  prési- 
dent du  tribunal  de  commerce^  Ansart  Piéron,  juge  suppléant 
et  négociant,  Grandelas,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaus- 
sées. Le  Roux,  membre  du  conseil  d'arrondissement  d'Ar- 
ras  1. 

Poitevin-Maissemy  paraît  avoir  été  assez  apprécié  dans  le 
département  du  Pas-de-Calais,  pays  essentiellement  agricole, 
surtout  à  cause  de  l'intérêt  qu'il  portait  à  tout  ce  qui  concer- 
nait l'agriculture  ;  il  possédait  lui-même  d'importants  domaines 
dans  un  département  presque  voisin  et  s'occupait  particulière- 
ment de  l'élevage  ;  on  lui  attribuait  une  réelle  compétence 
en  cette  matière.  Masse  Tresca  lui  soumet  un  projet  d'amé- 
lioration des  laines  et  lui  rappelle  «  ses  grandes  connaissances 
dans  la  culture  des  bêtes  à  laine  -  ».  Malgré  quelques  critiques 
de  l'administration  centrale  pour  la  lenteur  qu'il  apportait 
dans  la  communication  des  dossiers  réclamés,  Poitevin-Mais- 
semy  n'était  pas  mal  noté  non  plus  auprès  du  gouvernement 
consulaire,  puisque,  le  30  vendémiaire  an  IX,  les  consuls  lui 
accordaient,  comme  une  marque  de  leur  satisfaction,  une 
indemnité  de  4.000  francs  ponr  l'année  courante.  En  dehors 
de  ses  fonctions  préfectorales  proprement  dites,  il  était  chargé 
de  visiter  toute  la  correspondance  d'Angleterre  s'eff'ectuant 
par   le  port  de  Calais  et   il  avait  la  mission  particulière  du 

1.  Archives  départ. 

2.  Ibid.,  an  IX,  série  M. 


Les  ADMIiNTSTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'arRONDISSEMENT    11 

ministre  de  la  police  générale  de  correspondre  directement 
avec  tous  les  préfets  des  départements  de  la  Belgique  jusqu'au 
Rhin  pour  la  surveillance,  soit  des  individus,  soit  des  expor- 
tations de  grains  à  destination  de  la  côte  anglaise  ^ .  Rien  ne 
permettait  donc  de  prévoir  la  disgrâce  qui  devait  atteindre,  en 
l'an  XI,  le  premier  préfet  du  Pas-de-Calais  et  amener  son 
remplacement. 

Quelles    en  peuvent  être  les   causes?  Le  Premier  Consul 
adresse  à  Poitevin-Maissemy  deux  reproches  :  1"  la  conscrip- 
tion militaire  a  été  mal  opérée  dans  le  département  du  Pas-de- 
Calais    et   des  plaintes    ont  été  formulées  par  le  général  qui 
commande  la  division  ;  2''  l'évêque  d'Arras  et  le  préfet  ne  pré- 
sentent plus  «    cette    harmonie    sans   laquelle    les   grandes 
mesures  sur  le  culte  restent  sans  effet  -  ».  Et  c'est  ce  dernier 
grief  qui,  dans  l'esprit  de  Bonaparte,  est  le  plus  important; 
Poitevin-Maissemy  rapporte  en  effet  que  le    Premier  Consul 
aurait  dit  de  lui  :  «  C'est  un  bon  administrateur,  mais  un  philo- 
sophe opposé  au  rétablissement  du  culte;  je  le  placerai    dans 
le   corps  diplomatique   »,    Le  mot    est  piquant.    Bonaparte 
n'aime  guère  et  poursuivra  de  sa  haine  tenace  les  «  idéologues  » 
aux  rêves  creux  ;  le  scepticisme  railleur  du  xvm^  siècle,  le  vol- 
tairianisme  l'inquiète  et  l'irrite,  non  par  conviction  personnelle 
bien    sérieuse,    mais  peut-être  parce  que  celui  qui  ose  railler 
les  choses  divines  n'éprouve  aucun  scrupule  à  rire  de   l'auto- 
rité d'un  Premier  Consul  ou  d'un  Empereur.  En  aucun  temps 
le  titre  de  «  philosophe  »   n'est  une  recommandation   à    ses 
yeux,  mais  les  idées  à  la  mode  du  xviii*'  siècle  lui  sont  parti- 
culièrement antipathiques  quand  elles    viennent  contrecarrer 
l'établissement    du    Concordat;    cette   œuvre   de  pacification 
religieuse  et  d'habile  subordination  de  l'Eglise   à    l'Etat    lui 
est  chère  et  il   est  prêt  à   briser  toutes   les   résistances,  aussi 
bien     anticléricales     qu'ultramontaines.     Poitevin-Maissemy 
devait  en  faire  l'épreuve  à  ses  dépens.  Dans  un   mémoire  jus- 

1.  Archives  Nationales,  F'*'  1, 170»". 

2.  Archives  Nationales,  ibid. 

Chavaxon  et  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  1800  à  1810.  2 


18  LE    PAS-DE-CALAIS  DE    1800    A    1810 

tifîcatif,  il  explique  ainsi  sa  disgrâce  :  «  L'ancien  évêque  d'Ar- 
ras,  Conzié,  un  des  plus  grands  ennemis  du  gouvernement, 
qui  a  trempé  dans  l'attentat  du  3  nivôse,  avait  et  entretenait 
un  parti  assez  nombreux  dans  le  département  du  Pas-de- 
Calais,  où  il  avait  beaucoup  d'agents,  notamment  parmi  les 
prêtres  insermentés.  La  police  secrète  que  j'étais  autorisé  à  y 
exercer  me  mettait  à  même  de  faire  des  découvertes  utiles.  Au 
commencement  de  Tan  XI,  je  découvris  le  premier  le  projet 
de  la  conspiration  Pichegru,  appelée  de  l'an  XII  ;  j'en  donnai 
le  premier  éveil  au  Grand  Juge,  exerçant  alors  le  ministère  de 
la  police  générale,  en  y  joignant  plusieurs  pièces  probantes  et 
tout  cela  resta  sans  suite  dans  les  bureaux  du  ministè<l  de  la  jus- 
tice. Le  nouvel  évêque  d'Arras,  homme  aussi  vain  que  borné, 
s'était  dans  le  principe  livré  aux  prêtres  affidés  de  l'ancien 
évêque  Conzié.  J'avais  été  chargé  par  M.  le  ministre  Fouché, 
avant  la  suppression  de  son  ministère,  de  le  surveiller  à  cet 
égard  et  de  le  rappeler  à  une  conduite  plus  convenable.  Je  fus 
aussi  forcé  de  le  contrarier  sur  des  prétentions  ridicules  qu'il 
manifestait  et,  quoique  j'eusse  certes  fait  alors  plus  qu'aucun 
autre  préfet  pour  le  rétablissement  du  culte,  cet  évêque  adressa 
au  Premier  Consul  une  dénonciation  calomnieuse  contre  moi, 
notamment  d'avoir  été  à  un  bal  masqué  déguisé  en  capucin, 
ce  qui  était  faux,  en  dérision,  disait-il,  de  la  religion  des 
consuls .  . .  L'évêque  fut  le  premier  instruit  de  mon  déplace- 
ment et  en  répandit  la  nouvelle  à  Arras,  où,  je  peux  le  dire 
d'après  la  grande  notoriété,  elle  excita  la  sensation  la  plus 
flatteuse  pour  moi  et  exprimée  par  plus  dé  deux  cents  lettres 
ou  actes  publics,  tant  des  autorités  et  des  habitans  de  la  ville 
que  de  tous  les  points  du  département.  Je  réclamai  de  suite 
auprès  du  Premier  Consul  et  ce  fut  M.  le  ministre  Chaptal  lui- 
même  qui  lui  remit  et  appuya  ma  justification.  Le  Premier 
Consul  me  fît  dire  qu'il  n'avait  aucun  mécontentement  de  moi 
et  qu'il  allait  me  replacer  dans  une  autre  carrière.  Je  persis- 
tai dans  ma  correspondance  suivie  à  demander  exclusivement 
d'être  rétabli  dans  une  préfecture  à  titre  de  réparation. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDISSEMENT    19 

«  Les  choses  restèrent  dans  cet  état  j)endant  plusieurs  mois 
jusqu'à  la  découverte  de  la  conspiration  de  l'an  XII.  M.  le 
conseiller  d'Etat  Real  fut  charg-é  alors  de  la  recherche  de  tout 
ce  qui  pouvait  y  être  relatif  et  il  trouva  dans  les  bureaux  du 
Grand  Juge  les  pièces  que  j'avais  transmises  six  ou  huit  mois 
auparavant  et  qui  donnaient  le  premier  avis  de  cette  conspi- 
ration. Il  en  fut  rendu  compte  au  Premier  Consul,  et  dans  le 
même  temps,  M.  André  Dumont,  sous-préfet  d'Abbeville, 
ayant  découvert  dans  un  grenier  de  cette  ville  toute  la  princi- 
pale correspondance  relative  à  la  conspiration,  cachée  et 
scellée  sous  un  plancher,  y  trouva  diverses  lettres  qui  me 
conceriMient,  une  entr 'autres  ainsi  conçue  :  «  Nous  sommes 
enfin  parvenus  à  nous  débarrasser  de  la  surveillance  du  Préfet 
du  Pas-de-Calais,  en  employant  l'évêque  d'Arras  pour  le  faire 
déplacer  »,  etc.  Cinq  ou  six  autres  annonçaient  qu'il  y  avait 
eu  des  réjouissances  publiques  en  Angleterre  pour  mon  dépla- 
cement. M.  Dumont  apporta  lui-même  cette  correspondance  à 
Paris  et  accompagna  M.  le  conseiller  d'Etat  Real,  et  par  ses 
ordres,  à  la  Malmaison,  où  était  le  Premier  Consul,  pour  la 
mettre  ses  yeux. 

«  Le  Premier  Consul  eut  la  bonté  de  dire  sur-le-champ  : 
«  Il  sera  préfet  »,  et,  le  lendemain,  à  son  audience,  il  daigna 
me  dire  les  choses  les  plus  flatteuses  sur  mon  administration, 
en  présence  de  plus  de  cent  personnes;  cinq  jours  après,  il  me 
nomma  préfet  du  Mont-Blanc  et  m'annonça  qu'il  m'y  envoyait 
pour  faire  marcher  la  conscription  arriérée  et  qu'il  comptait 
sur  ma  fermeté  et  mon  énergie  ^  ». 

Voilà  donc  Poitevin-Maissemy  réintégré,  non  sans  peine, 
dans  l'administration;  il  devait  rester  sept  ans  préfet  du 
Mont-Blanc,  et  ce  département,  bien  éloigné  de  ses  domaines 
agricoles,  ne  lui  convenait  guère.  Chaque  fois  que  la  préfec- 
ture d'un  département  du  nord  de  la  France  est  vacante,  il 
s'empresse  de  la  quémander  ;  ainsi,  il  demande  la  préfecture 

1.  Ai-chives  nationales,  F  i""  I,  170'^. 


âO  LE    PAS-DE-CALÀiS    DE    1800    A    1810 

de  l'Aisne  en  l'an  XII,  celle  de  la  Somme  en  l'an  XIII,  ou  des 
départements  belges,  des  Deux-Nèthes  en  1809,  de  Jemmapes 
en  1810.  On  lui  répond  tantôt  qu'il  est  trop  tard,  tantôt  que 
l'Empereur  désire  le  voir  rester  dans  le  département  du  Mont- 
Blanc  où  il  fait  du  bien.  Enfin,  au  cours  d'un  voyag-e  à  Paris, 
il  se  blesse  et  ne  peut  retourner  à  Chambéry  ;  on  le  nomme  le 
30  novembre  1810  préfet  de  la  Somme.  Cette  fois,  Poitevin- 
Maissemy  est  au  comble  de  ses  vœux  et  peut  soigner  les 
quinze  cents  moutons  mérinos  qu'il  possède  dans  le  départe- 
ment de  l'Oise;  bonheur  de  courte  durée.  La  Restauration 
fait  perdre  à  Poitevin-Maissemy  cette  préfecture  «  septentrio- 
nale »  tant  désirée;  nous  trouvons  de  lui  un  long  #iémoire 
adressé  au  roi  le  30  mai  1814  pour  solliciter  une  place  admi- 
nistrative »  puis,  le  silence  le  plus  complet  se  fait  sur  sa  per- 
sonne 1. 

Sans  avoir  des  traits  aussi  accusés  que  certains  préfets 
nommés  à  la  création  de  cette  institution,  par  exemple  que 
Delacroix,  le  premier  préfet  des  Bouches-du-Rhône,  Poitevin- 
Maissemy  n'en  est  pas  moins  une  physionomie  curieuse;  il 
représente  bien  le  préfet  du  Consulat  tel  qu'on  peut  le  conce- 
voir a  priori  :  formé  à  la  vie  administrative  par  l'ancien 
régime,  acquis  aux  idées  libérales  par  l'inlluence  des  philo- 
sophes, adhérent  enthousiaste  de  l'œuvre  de  l'assemblée  Cons- 
tituante, puis  ayant  traversé  les  mauvais  jours  de  la  Révolu- 
tion, comme  Sièyès,  en  se  contentant  de  vivre  et  retrouvant  à 
la  fois  dans  le  Consulat  la  continuation  de  l'ancien  régime  et 
de  l'Assemblée  constituante. 

II 

Le  préfet  appelé  à  remplacer  Poitevin-Maissemy  dans  le 
départementduPas-de-Calaisavaitservi,luiaussi,lamonarchie, 
mais  dans  la  carrière  des  armes.  Jacques-François  de  La  Chaise 
était  né  le  14janvierl743  àMontcenis  (Saône-et-Loire).  Il  entra 

1.  Archives  nationales,  Pi''  I,  170>7. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l' ARRONDISSEMENT    21 

au  service  le  7  mars  1762  en  qualité  de  gendarme  du  Roi  ;  le 
11  mars  1771,  il  était  nommé  sous-lieutenant  au  régiment 
Royal-Polog-ne-Cavalerie  et  capitaine  dans  le  même  corps,  le 
24  mars  1774.  Promu  major  au  régiment  Royal-Normandie- 
Cavalerie,  le  9  février  1784,  il  recevait  la  croix  de  chevalier 
de  Saint-Louis  le  27  avril  1785  et  était  fait  lieutenant-colonel 
du  même  régiment  le  17  mai  1789  ;  il  se  trouvait  à  la  tête  de 
ce  corps  de  cavalerie  lors  de  l'affaire  de  Nancy  en  1790. 
Colonel  le  25  juillet  1791,  il  prenait  part  à  la  campagne  de 
1792  et  au  siège  de  Longw^y  ;  général  de  brigade  le  15  mai 
1793,  il  était  admis  peu  après  à  la  retraite  pour  infirmités  con- 
tractées au  bivouac  pendant  l'hiver  de  1792-1793,  avec  une 
pension  de  2.261  livres  17  sols  que  lui  accordait  le  conseil 
exécutif  provisoire.  Dans  le  département  de  l'Oise,  où  il 
s'était  retiré,  il  était  élu  le  13  brumaire  an  III  maire  de  Beau- 
vais,  le  19  brumaire  an  IV  président  de  la  municipalité  et  le 
10  prairial  an  VIII  de  nouveau  maire  de  Beauvais*. 

Par  son  passé,  La  Chaise  a  donc  beaucoup  de  points  de 
ressemblance  avec  Poitevin-Maissemy  ;  c'est  un  homme  de 
l'ancien  régime,  libéral,  qui,  tout  en  repoussant  les  excès  de 
la  Révolution  et  en  s'abstenant  d'y  prendre  part,  en  a  accepté 
avec  joie  les  réformes  ;  il  incarne  en  quelque  sorte  l'opinion 
moyenne  de  la  nation,  celle  sur  laquelle  s'appuie  le  gouver- 
nement consulaire  ;  il  marque  le  trait  d'union  entre  le  régime 
issu  du  coup  d'État  du  18  brumaire  et  la  monarchie  de 
Louis  XVI  en  passant  par  l'Assemblée  législative  et  l'Assem- 
blée constituante.  Toutefois,  il  ne  faut  pas  oublier  que 
La  Chaise  est  un  ancien  soldat.  Son  admiration  personnelle 
pour  Napoléon  Bonaparte,  son  enthousiasme,  son  zèle  se 
ressentiront  de  son  passé  militaire  ;  il  dirigera  sa  préfecture 
un  peu  comme  il  commanderait  son  régiment  :  par  ce  côté,  il 
différera  de  son  prédécesseur  et  nous  apparaîtra  bien  comme 
le  type  classique  du  préfet  de  l'Empire  '. 

1.  Archives  nationales,  F^H,  1662. 

2.  La  Chaise  ne  fut  pas  le  seul  générale  qui  Bonaparte  confia  une  préfecture; 


22  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Sans  insister  sur  les  détails  de  son  installation  (24  germinal 
an  XI-18  mars  1803),  passons  tout  de  suite  à  ses  actes.  L'une 
des  premières  préoccupations  du  préfet  doit  être  de  s'assurer 
une  demeure.  Poitevin-Maissemy  avait  song-é  à  acquérir  l'an- 
cien évêché,  vendu  comme  bien  national  avec  le  cloître  et  la 
cathédrale,  le  1"'"  janvier  1799;  il  en  avait  offert  un  loyer 
annuel  de  2.000  francs,  mais  ce  n'était  là  qu'une  mesure  pro- 
visoire ;  l'état  des  finances  ne  permettait  pas  une  acquisition, 
on  avait  donc  examiné  la  possibilité  d'un  échange.  La  Chaise 
termine  les  négociations  commencées  par  son  prédécesseur  et, 
le  11  prairial  an  XII,  par  acte  passé  devant  notaire,  le  préfet 
échange  avec  le  sieur  Roland,  négociant  à  Amsterdam,  les 
bâtiments  du  conseil  d'Artois,  une  autre  maison  à  Arras  et 
des  terres  dans  le  département,  le  tout  estimé  35.000  francs, 
contre  les  bâtiments  de  l'ancien  évêché  d'Arras^. 

Trois  bureaux  à  la  préfecture  se  partagent  les  affaires  prin- 
cipales :  le  premier  bureau,  intérieur,  police  et  travaux  publics, 
a  dans  ses  attributions  toutes  celles  du  ministère  de  l'inté- 
rieur, sauf  les  octrois,  les  dépenses  administratives  et  des 
communes  ;  le  second  bureau  est  dit  des  contributions  et  de 
la  comptabilité  ;  le  troisième  est  celui  des  domaines  nationaux 
et  de  la  liquidation.  Une  statistique,  qui  ne  concerne  que  les 
actes  préfectoraux  émanés  du  premier  bureau,  nous  donne  une 
idée  de  l'activité  du  préfet  de  La  Chaise  pendant  les  pre- 
mières années  de  son  séjour  à  Arras  :  ce  seul  bureau  a  rédigé 
et  transmis,  du  second  trimestre  de  l'an  XII  au  premier  tri- 
mestre de  l'an  XIII,  6673  arrêtés,  lettres  et  circulaires  (soit 
1433  arrêtés,  77  circulaires,  5163  lettres)  ;  on  peut  par  consé- 
quent évaluer  au  minimum  à  20.000  le  nombre  des  actes 
préfectoraux  de  l'an  XII! 

Un  grand  nombre  de  ces  arrêtés  et  de  ces  mesures  ont  pour 
but  d'assurer  la  sécurité  publique.    Le  premier  moyen  est  de 

Citons  entre  autres  Ferrand,  préfet  de  la  Meuse-Inférieure  ,  Pommereul  tour 
à  tour  préfet  dans  llndre-et-Loire  et  le  Nord,  Jullien  de  Bidon  dans  le  Mor- 
bihan, Serviez  dans  les  Basses-Pyrénées,  etc. 
J,  Archives  départen^entales  cIm  P^s-ctç-G^l^is,  N,  hôtel  dçla  préfecture. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  L  ARRONDISSEMENT    23 

diminuer,  sinon  de  supprimer  complètement  la  mendicité  ; 
un  arrêté,  en  date  du  2i  brumaire  an  XIII,  l'interdit  dans 
toute  l'étendue  du  département  ;  mais  on  ne  guérit  pas  les 
maux  en  les  interdisant,  il  s'agit  d'en  trouver  le  remède.  Une 
circulaire  préfectorale  du  4  janvier  1809  est  relative  aux 
mesures  à  prendre  contre  les  mendiants  vagabonds;  elle 
prescrit  d'établir  le  dénombrement  des  mendiants  du  dépar- 
tement, l'état  des  ressources  des  familles  pauvres  ' .  Par 
l'arrêté  organique  des  bureaux  de  bienfaisance  (26  ventôse 
an  XI),  un  bureau  central  est  créé  dans  chaque  arrondisse- 
ment, un  bureau  par  arrondissement  de  justice  de  paix  et  un 
bureau  auxiliaire  dans  chaque  commune  ^  ;  un  autre  arrêté, 
le  1*""  thermidor  an  XIII,  réglemente  les  secours  à  domicile  3. 
En  outre,  le  préfet  remet  en  activité  le  8  ventôse  an  XII  le 
Mont-de-piété  d'Arras  et  en  confie  l'administration  à  la  com- 
mission administrative  des  hospices  de  cette  ville  ^. 

Les  incendies,  dus  à  la  malveillance  ou  à  la  négligence, 
étaient  très  fréquents  dans  les  campagnes  :  un  règlement  pré- 
fectoral du  18  vendémiaire  an  XIII  s'efforce  de  les  prévenir 
par  de  sages  précautions  ^.  Le  préfet  ordonne  la  visite  des 
fours  et  des  cheminées  ;  plus  tard,  il  publie  une  circulaire  où 
il  expose  le  danger  qu'offre  le  chaume,  auquel  il  recommande 
de  substituer  des  toitures  en  terre  battue  mélangée  de  cendre  ; 
le  23  janvier  1808,  il  prescrit  l'emploi  des  lanternes  fermées 
avec  soin  et  interdit  de  fumer  dans  les  cours  et  dans  les  rues 6. 
Ailleurs,  il  réclame  un  service  de  surveillance  nocturne  par  la 
garde  nationale  pour  mettre  à  exécution  un  arrêté  du  18  ven- 
démiaire an  XIII  '^.  Les  vols,  particulièrement  dans  les  églises, 
se    multipliaient;  aussi  le    préfet  demande  (l*""  juillet  1808) 


1.  Archives  départ.,  Mémorial  administratif  de  1809,  p.  13. 

2.  Id.,  imprimés. 

3.  /d.,  Reg.  115,  f°  130. 

4.  /d.,  Reg.  112,  fol.  196. 

5.  /d.,  Reg.  114,  fol.  17. 

6.  Id.,  Mémorial  administratif  de  1808,  p.  13, 

7.  Id.,  imprimés. 


24  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

que,  comme  dans  le  Nord,  on  ménage  dans  le  clocher  un 
petit  emplacement  où  couche  un  gardien  qui  puisse  voir  de  là 
tout  ce  qui  se  passe  dans  l'église  et  ait  sous  la  main  la  corde 
de  la  cloche  afin  de  sonner  l'alarme  s'il  y  a  lieu^ 

Préoccupé  de  la  sécurité,  La  Chaise  fait  appliquer  avec 
rigueur  la  réglementation  des  passeports  ;  il  ordonne  (3  mars 
1808)  de  les  exiger  dans  les  voitures  publiques,  chez  les 
maîtres  de  poste,  etc.  ~. 

Nous  avons  vu  que  Poitevin-Maissemy  désespérait  de  tirer 
parti  des  gardes  champêtres  ;  La  Chaise  s'efforce  de  les  orga- 
niser et  en  même  temps  d'améliorer  leur  sort.  La  gendarmerie 
avait  déjà  une  lourde  besogne  avec  les  déserteurs,  les  prison- 
niers de  guerre  et  les  réfractaires  ;  elle  ne  comprenait  que 
dix  brigades  à  cheval  et  une  brigade  à  pied  à  Saint-Omer  ;  le 
personnel  s'élevait  en  tout  à  126  officiers  et  soldats  ;  le  secours 
des  gardes  champêtres  lui  était  donc  indispensable  pour  assu- 
rer l'ordre.  Un  arrêté  du  préfet,  en  date  du  9  août  1809, 
autorise  les  gendarmes  à  requérir  les  gardes  champêtres  pour 
les  aider  dans  leurs  fonctions.  Afin  d'exciter  l'émulation  parmi 
ces  derniers,  La  Chaise  crée  le  l**""  décembre  un  brigadier  de 
gardes  champêtres  dans  chaque  canton  ;  il  sera  nommé  par  le 
préfet  sur  une  liste  de  deux  noms  présentée  par  le  sous-préfet 
de  chaque  arrondissement  et  à  Arras  par  le  secrétaire  général  ; 
le  traitement  de  ces  brigadiers  variera  de  400  à  600  francs 
par  an  ;  ils  auront  pour  mission  de  surveiller  les  gardes,  de 
leur  transmettre  les  ordres  des  autorités  et  de  les  réunir  une 
fois  par  mois  au  chef-lieu  du  canton.  Un  arrêté  du  11  juin 
1811  fixe  le  traitement  des  simples  gardes  champêtres  à 
13  centimes  par  hectare  et  par  habitant,  avec  un  minimum  de 
150  francs;  des  gratifications  seront  allouées  à  ceux  qui  se 
distingueront  par  leur  zèle,  et,  en  cas  de  blessure  accidentelle, 
on  leur  attribuera  une  indemnité.  Ces  mesures  cependant  ne 
durent  pas  être  beaucoup  plus  efficaces  que  celles  de  Poitevin- 

1.  Archives  départ.,  Mémorial  administratif  de  1808,  p.  119. 
a.  Id.,  Mémorial  administratif  de  1808,  p.  41. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  L  ARRONDISSEMENT    25 

Maissemy  :  en  1813  le  conseil  général  se  plaint  de  ce  que  la 
plupart  des  brigadiers  de  gardes  champêtres  ne  parcourent 
pas  les  communes  de  leur  canton  ;  les  réunions  du  chef-lieu 
sont  le  prétexte  de  scènes  d'ivresse  dans  les  auberges  et  les 
cabarets  ^ 

Depuis  que  l'Assemblée  nationale  avait  supprimé  le  privi- 
lège féodal  de  la  chasse,  tous  les  habitants  s'étaient  mis  à 
chasser  et  par  suite  étaient  porteurs  d'armes.  Il  y  avait  là  un 
danger  qui  ne  pouvait  échapper  aux  yeux  d'un  administrateur 
un  peu  expérimenté  ;  dès  son  arrivée  dans  le  département, 
La  Chaise  prenait  un  arrêté  (19  juillet  1803)  réglementant  à 
la  fois  la  chasse  et  le  port  d'armes  :  seuls,  les  citoyens,  qui 
posséderont  2S  hectares  d'une  même  pièce  ou  qui  auront  leurs 
propriétés  fermées  de  murs,  pourront  jouir  du  droit  de  port 
d'armes  ;  nul  citoyen  ne  pourra  obtenir  ce  droit  s'il  ne  justifie 
que,  par  son  commerce  et  sa  profession,  il  est  obligé  de 
voyager  fréquemment  et  de  porter  des  armes  pour  sa  défense  ; 
ce  droit  ne  sera  accordé  qu'après  versement  par  celui  qui  le 
réclame  d'une  somme  de  2a  francs  destinée  à  subvenir  aux 
besoins  des  hospices.  En  1804,  le  préfet  décide  que  les 
maires  pourront,  avec  le  visa  du  sous-préfet,  donner  l'autori- 
sation de  porter  pour  la  dépense  personnelle  une  épée  ou  des 
pistolets.  Un  arrêté  préfectoral  delà  même  année  punit  d'une 
amende  équivalente  à  trois  journées  de  travail  ou  à  trois  jours 
de  prison,  avec  confiscation  des  armes,  les  individus  trouvés 
armés  et  sans  permis  2. 

D'autres  mesures  du  préfet  de  La  Chaise,  qui  se  rattachent 
en  quelque  sorte  à  la  sécurité  publique,  assurent  la  réorgani- 
sation de  la  louveterie.  Les  loups  sont  alors  très  nombreux 
dans  les  parties  boisées  du  département  du  Pas-de-Calais; 
ainsi,  au  cours  d'une  chasse  dans  les  bois  de  Willeman  près 
de  Hesdin,  on  n'en  tue   pas  moins  de  cinq.   Un  capitaine  de 

1.  G.  DE  Hauteclocque,  Le  Pas-de-Calais  sous  Vadministration  préfectorale 
du  baron  de  La  Chaise,  Mémoires  de  l'Académie  d'Arras,  2"  série,  t.  XXV, 
1894,  pp.  174  et  suiv. 

2.  De  Hauteclocque,  op.  cit.,  pp.  167-170. 


26  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

louveterie  est  créé  pour  l'ensemble  du  département,  avec  des 
lieutenants  dans  chaque  arrondissement.  «  Tous  les  trois  mois, 
ils  devaient  adresser  au  préfet  un  état  des  loups  dont  ils  con- 
naissaient l'existence  dans  leurs  circonscriptions  respectives 
et,  tous  les  ans,  un  état  de  ceux  qu'ils  étaient  parvenus  à 
détruire  avec  le  concours  des  autorités  civiles  et  militaires 
qui  étaient  tenues  de  leur  prêter  assistance  ^ 

Les  questions  forestières  et  de  pâture  devaient  également 
préoccuper  le  préfet.  Le  cantonnement  des  bergers  donnait 
lieu  h  des  réclamations  continuelles  ;  dans  une  circulaire  du 
10  messidor  an  Xll,  le  préfet  résume  les  dispositions  de  la  loi 
du  6  octobre  1791  et  rappelle  les  règlements  du  Conseil 
d'Artois  du  11  août  1707,  l'article  53  de  la  coutume  d'Artois 
qui  règle  l'étendue  du  vain  pâturage  et  l'article  50  concernant 
les  amendes  pour  les  bêtes  à  laine  ;  il  confirme  et  répète  sa 
première  circulaire  le  30  janvier  1808  2, 

Citons  encore  un  arrêté  du  25  juillet  1810,  qui  défend  la 
tenue  d'aucune  assemblée  municipale  ou  autre  dans  les  caba- 
rets, auberges,  etc.  ^. 

Dans  le  but  de  faciliter  aux  maires  la  connaissance  des 
instructions  et  des  arrêtés,  le  préfet  avait  créé  le  Mémorial 
administratif,  le  8  janvier  1808;  les  abonnements  à  ce  recueil 
étaient  de  4  francs  pour  six  mois  et  de  7  francs  pour  une 
année  ^. 

Non  seulement  La  Chaise  eut  à  assurer  la  sécurité  inté- 
rieure, mais  encore  il  lui  fallut  se  prémunir  contre  les  ennemis 
du  dehors.  Le  voisinage  de  la  côte  'anglaise  rendait  toujours 
possible  et  dangereux  un  débarquement  des  troupes  ennemies. 
Ainsi,  en  1809,  les  Anglais  menaçant  le  littoral,  le  préfet 
fait  appel  au  patriotisme  des  habitants  ;  il  prend  un  arrêté 
pour  régler  l'enrôlement  des  volontaires  et  demande  le  con- 


1.  De  Hauteclocque,  op.  cit.,  pp.  172-174. 

2.  Archives  départ.,  imprimés  ;  Mémorial  administratif  de  1808,  p.  181, 

3.  Id.,  Mémorial  administratif  de  1810,  p.  86, 

4.  Jcl.,  ^|én()orial  adn^inistratif  de  J808, 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l' ARRONDISSEMENT    27 

cours  des  soldats  réformés  ou  retirés  qui  vivent  dans  le  dépar- 
tement en  vue  de  Torganisation  de  bataillons  départemen- 
taux ^ 

Les  efforts  du  préfet  La  Chaise  ne  devaient  pas  rester 
inutiles  ;  peu  à  peu  la  sécurité  renaissait  dans  tous  les  arron- 
dissements, le  nombre  des  délits  diminuait  et  l'ordre  régnant 
prouvait  l'existence  d'un  gouvernement  stable  et  régulier  ; 
en  1810  le  département  du  Pas-de-Calais  jouissait  de  tous  les 
bienfaits  d'une  sage  administration.  Aussi,  ce  préfet  reçoit-il 
à  diverses  reprises,  au  cours  de  sa  carrière,  les  remerciements 
et  les  marques  de  satisfaction  des  assemblées  départemen- 
tales. Le  collège  électoral  du  Pas-de-Calais  le  proclame  à  une 
très  grande  majorité  candidat  pour  le  Sénat  conservateur. 
M.  Bruneau-Beaumetz,  président  du  collège,  en  lui  annonçant 
cette  décision  le  l®""  septembre  1803,  lui  déclare  qu'elle  est 
l'expression  des  sentiments  de  confiance  et  d'estime  que  lui 
ont  voués  ses  administrés.  (Cette  élection  n'eut  du  reste  pas 
de  suites,  M.  Jacquemont  ayant  conservé  ses  fonctions  de 
sénateur  jusqu'à  la  fin  de  l'Empire).  En  1807,  le  conseil  général 
constate  que  l'opinion  publique  s'améliore  grâce  au  préfet  : 
«  on  est  soumis  avec  affection  et  reconnaissance  au  gouver- 
nement impérial  paternel  et  bienfaisant.  » 

Ces  sentiments,  exagérés  du  reste  parles  formules  officielles, 
identiques  sous  tous  les  régimes,  s'affaibliront  avec  les  exi- 
geances  croissantes  de  la  conscription  qui  pèsera  de  plus  en 
plus  lourdement  sur  les  populations  par  le  fait  des  guerres  de 
l'Empire.  Déjà,  le  9  thermidor  an  XI,  le  préfet  constate  que  le 
soin  de  la  conscription  occupe  le  tiers  des  employés  de  la 
préfecture  et  qu'ils  suffisent  à  peine  à  cette  tâche.  Et  La  Chaise 
applique  à  ce  sujet  les  instructions  gouvernementales  en  soldat 
qui  ne  connaît  que  la  consigne  ;  c'était  le  meilleur  moyen 
pour  un  préfet  de  l'époque  de  faire  sa  cour  au  maître  tyran- 
nique  que   la  France   s'était  donné.    Toutefois  lorsqu'après  le 

1,  Archives  départ,.  Mémorial  administratif  4ç  1809,  pp.  93,  95,  97, 


28  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800   A    1810 

désastre  de  l'expédition  de  Russie,  Napoléon  s'eng-age  plus 
avant  dans  la  voie  fatale  où  doit  sombrer  le  régime  impérial, 
La  Chaise  ne  peut  s'empêcher  de  faire  part  à  un  ami,  assez 
haut  placé  pour  approcher  du  souverain,  de  ses  sombres  pres- 
sentiments :  «  Tibi  soli  !  On  trompe  l'Empereur,  on  lui  pré- 
sente une  mesure  qui  va  mettre  mon  département  dans  une 
effervescence  dont  je  frissonne  de  calculer  l'explosion.  Mais, 
de  grâce,  n'employez  cette  trop  faible  force  qu'avec  prudence, 
après  avoir  fait  vérifier  l'intensité  de  la  résistance.  Je  me 
livre  à  l'espoir  que  la  plus  intime,  la  plus  universelle  con- 
fiance dans  votre  sagesse  préviendra  tous  nos  malheurs.  Une 
fois  attaqué,  il  faut  vaincre  et  quelle  déplorable  victoire  que 
celle  qui  révèle  aux  alliés  la  discorde  planant  au  milieu  de  nos 
campagnes,  menaçant  nos  villes  et  toute  prête  à  nous  plonger 
dans  les  horreurs  d'une  guerre  civile.  Tout  est  abstrait  dans 
les  conseils,  tandis  que  la  politique  qui  nous  a  sauvés  de 
l'anarchie  en  nous  conduisant  de  miracle  en  miracle  pouvait 
les  renouveler  dans  une  conciliation  qui  finira  par  devenir 
impossible  parce  que  personne  n'est  content.  Vous  connaissez 
mon  dévouement  pour  notre  Empereur  ;  je  laisse  donc  couler 
ma  plume  au  milieu  de  mille  idées  qui  m'échappent,  parce 
que  vous  me  brûlerez,  après  m'avoir  éclairé  en  ma  qualité  de 
vieux  soldat  sans  reproches  qui  se  livre  en  aveugle  à  votre 
ancienne  amitié  ^  ». 

Les  souffrances  des  populations,  le  désespoir  des  familles 
firent  oublier  les  dix  années  de  prospérité  relative  que  le 
département  du  Pas-de-Calais  devait  à  Napoléon  et  à  ses 
représentants,  et  une  partie  de  la  haine  contre  le  régime 
impérial  fut  reportée  sur  le  préfet  de  La  Chaise  qui,  tout  en 
désespérant  en  lui-même  de  l'avenir,  n'en  continuait  pas 
moins  à  presser  le  départ  des  diverses  levées,  à  faire  appel  à 
toutes  les  ressources  en  hommes,  en  chevaux  et  en  argent  de 

1.  G.  DE  Hauteclocque,  Le  Pas-de-Calais  sous  l'adminislration  préfectorale 
du  baron  de  La  Chaise  (Mémoires  de  l'Académie  d'Arras,  2«  série,  t.  XXV, 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l' ARRONDISSEMENT    29 

son  département.  La  phraséologie  prétentieuse  et  pompeuse 
des  actes  préfectoraux  ou  des  délibérations  du  Conseil  général 
et  des  Conseils  d'arrondissement  n'est  qu'un  vernis  qui  cache 
mal  le  délabrement  de  l'édifice  et  ne  trompe  personne. 

A  la  suite  du  sénatus-consulte  du  22  février  1814,  ordon- 
nant la  levée  de  300.000  hommes,  dont  3.000  devaient  être 
fournis  par  le  département  du  Pas-de-Calais,  la  résistance 
devient  ouverte.  Dans  certaines  communes,  les  habitants 
prennent  les  armes.  Jusqu'au  dernier  moment,  La  Chaise  fait 
face  aux  difficultés  avec  la  même  énergie  et  avec  la  même 
prudence;  toutefois,  dès  que  la  déchéance  de  Napoléon  est 
proclamée  et  le  comte  de  Provence  appelé  au  trône  sous  le 
nom  de  Louis  XVIII,  il  s'empresse  de  se  rallier  au  nouveau 
régime  et  de  mettre  son  activité  et  son  zèle  au  service  de 
l'autorité  royale.  Le  baron  de  La  Chaise  reçoit  à  la  préfecture 
d'Arras,  le  6  août,  le  duc  de  Berry,  avec  des  protestations  de 
fidélité  et  de  dévouement  semblables  à  celles  qu'il  adressait 
naguère  à  l'Empereur  et,  pour  que  le  parallèle  soit  complet, 
le  duc  de  Berry  lui  confère  la  décoration  du  Lys  comme  l'Em- 
pereur lui  avait  remis  celle  de  la  Légion  d'honneur. 

Mais  Napoléon  revient  de  l'Ile  d'Elbe  ;  il  débarque  à  Fré- 
jus  :  toujours  docile,  La  Chaise  adresse  aux  populations  la 
proclamation  suivante  :  «  L'Empereur  vient  de  remonter  sur 
le  trône  ;  nous  devons  obéissance  à  ses  ordres.  Le  décret,  qui 
nous  parvient  aujourd'hui  24  mars,  nous  prescrit  de  reprendre 
les  anciennes  couleurs  nationales  ;  une  nombreuse  garnison 
vient  de  les  arborer  dans  le  chef-lieu  de  ce  département  ;  sui- 
vons son  exemple,  prévenons  tous  les  désordres  qui  pour- 
raient résulter  des  dissidences  entre  le  militaire  et  le  citoyen 
et  resserrons  de  plus  en  plus  les  liens  qui  doivent  réunir  le 
peuple  français  et  l'armée  nationale.  Vive  l'Empereur  !  » 

Napoléon  avait  déjà  remplacé  La  Chaise  à  la  préfecture  du 
département  du  Pas-de-Calais  par  le  baron  de  Laussat, 
auquel  succédait,  sur  son  refus,  le  baron  de  Roujoux,  qui 
avait  bientôt  lui-même  pour  successeur  André  Dumont,  l'ancien 


30  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A     1810 

député  de  la  Somme  à  la  Convention  Nationale  :  trois  préfets 
en  cent  jours.  Au  retour  définitif  des  Bourbons,  Louis  XVIII 
ne  tint  pas  rigueur  à  La  Chaise  de  sa  proclamation  ;  il  lui 
donna  le  titre  de  conseiller  d'État  honoraire,  une  pension  de 
retraite  de  6.000  francs  et  le  grade  de  commandeur  de  la 
Légion  d'honneur.  Le  baron  de  La  Chaise  se  retira  en  son 
château  de  Maisnil,  près  de  Beauvais,  où  il  mourut  le  11  mars 
18231. 

Le  département  du  Pas-de-Calais  avait  eu  à  diverses 
reprises  la  visite  de  Napoléon  :  le  18  juillet  1804,  l'Empereur 
s'était  rendu  au  camp  de  Boulogne  et  y  avait  été  reçu  par  le 
préfet  et  par  l'évêque  d'Arras.  Au  cours  de  ce  même  voyage, 
il  s'arrêta  à  Saint-Omer  et  passa  en  revue  à  Arras  la  belle 
division  de  grenadiers  du  général  Junot  ;  pendant  son  séjour 
au  chef-lieu  du  département,  la  nouvelle  préfecture  lui  servit 
de  résidence.  Pour  remercier  les  populations  du  nord  de  la 
France  du  dévouement  dont  elles  lui  paraissaient  faire  preuve 
à  l'égard  du  régime  impérial,  Napoléon  revint  dans  le  Pas-de- 
Calais  en  1810,  cette  fois  avec  l'impératrice  ;  il  visita  succes- 
sivement Béthune,  Saint-Omer,  Calais  et  Boulogne  et  fut 
reçu  partout  avec  le  plus  vif  enthousiasme.  Ces  manifesta- 
tions avaient  leur  écho  dans  les  diverses  récompenses  dont  le 
préfet  La  Chaise  était  l'objet  :  le  25  prairial  an  XII,  il  reçoit  la 
décoration  du  nouvel  ordre  de  la  Légion  d'honneur  ;  en  1809, 
le  gouvernement  lui  octroie  le  titre  de  baron. 

Nous  avons  vu  ce  que  les  administrés  pensaient  de  leur 
administrateur  ;  nous  venons  de  voir  le  cas  fait  par  le  gouver- 
nement impérial  du  préfet  placé  à  la  tête  du  département  du 
Pas-de-Calais  ;  il  est  intéressant  maintenant  d'examiner  com- 
ment le  baron  de  La  Chaise  appréciait  ses  administrés  : 
«  Dans  le  Pas-de-Calais,  dit-il,  on  est  froid  et  on  aime  le 
gouvernement  par  égoïsme.  On  se  trouve  plus  heureux  parce 
qu'on   craint    moins.  »   Le    préfet   attribue    à    la  population 

1.  De  Cardevacque,  Les  préfets  du  Pas-de-Calais  (Le  cabinet  historique  de 
l'Artois  et  de  la  Picardie,  mars-avril  1899). 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l' ARRONDISSEMENT    31 

quelque  regret  du  régime  républicain  qu'il  appelle  «  l'exécrable 
rigueur  de  93  »,  mais  les  républicains  «  ne  forment  qu'une 
république  obscure  et  ils  n'osent  lever  la  tête.  »  A  vrai  dire, 
ceux  que  les  souvenirs  de  la  Convention  Nationale  et  de  ses 
représentants  ne  réjouissent  pas  précisément  paraissent  plus 
nombreux,  et  M.  de  Hauteclocque  cite  à  ce  propos  une 
curieuse  pétition  adressée  au  préfet  le  22  juin  1803  :  «  La  joie 
que  nous  éprouvons  depuis  que  vous  nous  gouvernez  est  si 
inexprimable  qu'elle  nous  fait  oublier  nos  malheurs.  Désirant 
en  éloigner  toute  espèce  de  souvenir,  nous  prenons  la  liberté 
de  vous  prier  de  faire  enlever  dans  la  cour  du  département 
deux  inscriptions  sur  l'arbre  de  la  liberté,  qui  y  ont  été  pla- 
cées dans  le  régime  de  la  Terreur  ;  on  ne  peut  les  lire  sans 
frissonner  d'horreur  :  aussi  nous  répugne-t-il  de  les  trans- 
crire. Nous  nous  flattons  que  vous  ne  regarderez  pas  cette 
démarche  comme  un  manque  d'obéissance  à  la  République.  — 
Signé  :  les  amis  de  la  tranquillité  ^  » 

Entre  la  faible  minorité  républicaine  et  la  masse  plus  com- 
pacte de  personnes  qui,  pour  les  causes  les  plus  diverses, 
regrettaient  l'ancien  régime,  l'Empire  devait  rencontrer  plus 
d'adhérents  par  estime  et  par  raison  que  par  sentiment  et  par 
conviction  et,  à  mesure  qu'il  s'identifiait  avec  l'idée  de  la 
guerre,  le  nombre  de  ces  adhérents,  acquis  par  les  bienfaits  du 
Consulat,  ne  pouvait  que  diminuer. 

Lorsque  le  baron  de  La  Chaise  s'adresse  à  ses  administrés 
ou  écrit  aux  ministres,  il  mêle  aux  tirades  prétentieuses  et 
amphigouriques  que  la  Révolution  a  mises  à  la  mode  des 
boutades  de  vieux  grognard  ;  on  croirait  parfois  entendre  un 
demi-solde  de  la  Restauration,  alors  que  celui  qui  parle  ou 
qui  écrit  est  un  officier  de  l'ancienne  armée  royale.  On  connaît 
la  célèbre  proclamation  du  baron  de  La  Chaise  qui  a  fait  le 
tour  de  tous  les  manuels  d'histoire  :  «  Vous  allez  le  voir,  ce 
Napoléon  proclamé  si  justement  le  plus  grand  homme  de  la 

1.  De  Hauteclocque,  Mémoires  de  l'Académie  d'Arras,  op.  cit. 


3â  LE    PAS-DE-GALAIS  DE  1800    A    '1810 

plus  grande  des  nations...  Dieu  créa  Bonaparte  et  se  reposa  !  » 
Parfois,  ses  observations  présentées  sous  une  forme  originale, 
ne  manquent  pas  d'esprit,  comme  dans  cette  lettre  au  ministre 
de  l'intérieur  sur  les  difficultés  et  les  fantaisies  de  la  statis- 
tique officielle  qui  est  encore  d'actualité  :  «  Trois  sous-pré- 
fets ont  répondu  aux  invitations  pressantes  qui  leur  ont 
été  adressées  :  ils  ont  fait  passer  tous  les  tableaux,  mais  il 
n'est  que  trop  facile  de  voir  qu'ils  ont  pris  à  la  lettre  ce  qu'on 
leur  a  dit  de  les  remplir  plutôt  approximativement  que  de 
faire  trop  attendre  des  renseignements  plus  certains  que  peut- 
être  ils  n'obtiendraient  pas  :  il  me  serait  possible  de  vous 
donner  ainsi  sans  sortir  de  la  préfecture  du  Pas-de-Calais  la 
statistique  de  toute  la  République  française  ^  »  C'est  encore 
lui  qui  écrit  en  marge  d'une  circulaire  invitant  les  préfets  à 
ne  faire  aucune  spéculation  d'intérêts  qui  aurait  quelque  rap- 
port avec  les  objets  de  leur  administration  :  «  Dieu  me  pré- 
serve de  connaître  le  confrère  qui  nous  vaut  cette  circulaire  »  '-. 


III 


Il  nous  reste  à  parler  des  collaborateurs  successifs  de  Poi- 
tevin-Maissemy  et  du  baron  de  La  Chaise,  dans  leur  œuvre 
administrative. 

Tout  d'abord,  les  sous-préfets.  Le  département  comprenant 
cinq  arrondissements,  en  dehors  de  l'arrondissement  chef-lieu, 
devait  avoir  nécessairement  cinq  sous-préfets.  Le  14  floréal 
an  VIII,  Bonaparte,  premier  consul  de  la  République,  nomme  : 
sous-préfet  de  Boulogne,  Masclet;  sous-préfet  de  Saint-Omer, 
Bénard-Lagrave  ;  sous-préfet  de  Béthune,  Podevin  ;  sous-pré- 
fet de  Saint-Pol,  Garnier  ;  sous-préfet  de  Montreuil,  Poultier. 

1.  Archives  départ.,  série  M,  dossier  de  la   statistique  comparative  en  1789 
et  l'an  IX. 

2,  Arch.  départ.,  série  M. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDISSÈMENT    33 

Les  administrateurs  communaux  et  de  canton  avaient  continué 
leurs  fonctions  jusqu'à  la  nomination  de  ces  cinq  sous-préfets. 

Deux  des  sous-préfets  choisis  étaient  d'anciens  législateurs. 
Né  à  Calais  le  31  mai  1754,  Bénard-Lagrave  était  négociant 
à  l'époque  des  débuts  de  la  Révolution  ;  il  fut  élu  député  au 
Corps  législatif  aux  élections  de  l'an  IV  ;  il  prit  une  part  assez 
active  aux  discussions  financières  et  déposa  plusieurs  rapports 
dont  un  sur  l'opportunité  qu'il  y  avait  à  accueillir  les  propo- 
sitions de  paix  de  l'Angleterre.  S'étant  retiré  de  la  vie  parle- 
mentaire au  18  brumaire,  il  accepta  la  sous-préfecture  de 
Saint-Omer  qu'il  conserva  jusqu'au  2  septembre  1808,  date 
de  sa  mort. 

Charles-Louis- Antoine-Eugène  Garnier,  ancien  notaire, 
occupait  en  1784  les  fonctions  d'assesseur  de  la  mairie 
d'Ardres,  petite  ville  où  il  était  né  le  11  mars  1755;  il  en 
devint  échevin,  accueillit  avec  faveur  la  Révolution,  fut  offi- 
cier municipal  en  1790,  administrateur  du  district  de  Calais. 
Ses  concitoyens  l'élisaient,  le  10  septembre  1792,  quatrième 
suppléant  à  la  députation  du  Pas-de-Calais,  et  à  la  mort  de 
Lebas,  il  prenait  la  succession  du  célèbre  terroriste  ;  il  vota 
du  reste  constamment  avec  les  thermidoriens.  Commissaire 
du  Directoire  près  l'administration  centrale  du  département 
du  Pas-de-Calais  en  l'an  VI,  représentant  du  département  au 
Conseil  des  Anciens  le  20  germinal  an  VII,  il  se  montra  favo- 
rable au  coup  d'État  de  brumaire.  Installé  comme  sous-préfet 
de  Saint-Pol  le  2  prairial  an  VIII,  il  occupa  ce  poste  jusqu'au 
9  mars  1811  ;  son  traitement  annuel  était  de  3.000  francs  ^ 
Lorsqu'on  le  releva  de  son  emploi,  il  interpréta  cette  mesure 
comme  une  disgrâce  et  protesta  en  s' appuyant  sur  des  certi- 
ficats d'administration  sans  reproche,  qu'il  se  fît  décerner 
par  les  autorités  de  son  arrondissement.  Le  ministère  lui 
répondit  qu'il  n'était  pas  en  défaveur.  Toutefois,  on  ne  lui 
donna  pas  d'autre  emploi,  et,  en  1813,  on  refusa  de  le  nommer 

1.  Archives  dép.,  K.  Arrêtés,  II,  p.  38. 
Chavanon  et  Saint-Yves.—  Le  Pas-de-Calais  de  IflOO  à  1810.  3 


34  LE    PAS-DE-CALAIS   DE    1800    A    1810 

sous-préfet  de  Béthune,  malgré  ses  instances  ^  Rallié  à  la 
Restauration,  il  fut  nommé  maire  d'Ardres  et  mourut  dans 
cette  ville  le  25  mars  1830. 

François-Guillaume  Podevin,  installé  comme  sous-préfet 
de  l'arrondissement  de  Béthune  le  26  floréal  an  VIII,  avec 
un  traitement  annuel  de  3000  francs,  était  né  à  Boulogne  en 
1760,  d'une  famille  de  négociants  ;  il  fit  ses  études  au  collège 
des  Oratoriens  et  fut  membre  de  cette  congrégation  savante 
et  libérale.  Lors  de  la  Révolution,  il  exerçait  la  profession 
d'avocat  à  Calais  ;  ses  concitoyens  l'élurent  procureur-syndic 
du  district,  fonctions  qu'il  remplit  jusqu'en  floréal  an  II  ; 
à  cette  époque  il  fut  nommé  secrétaire  général  de  la  «  Com- 
mission des  administrations  civiles,  police  et  tribunaux  » 
établie  à  Paris,  et  qui  représentait  alors  les  ministères  de  la 
justice,  de  l'intérieur  et  de  la  police.  Son  mariage  avec  la 
veuve  du  général  de  Merenvene,  en  germinal  an  III,  le 
détermina  à  donner  sa  démission  et  à  se  retirer  dans  une 
campagne  qu'il  possédait  aux  environs  de  Calais.  A  l'instal- 
lation du  Directoire  exécutif,  les  premières  places  du  dépar- 
tement dans  l'ordre  judiciaire  ou  administratif  furent  offertes 
à  Podevin,  qui  les  refusa  toutes  pour  demander  exclusive- 
ment celle  de  commissaire  du  pouvoir  exécutif  près  de  l'admi- 
nistration municipale  de  son  canton.  Il  occupa  ces  modestes 
fonctions  jusqu'au  18  brumaire  an  VIII;  l'un  des  premiers 
actes  de  la  Commission  consulaire  executive  fut  alors  de 
l'appeler  au  poste  de  commissaire  près  de  l'administration 
centrale  du  département  ;  c'est  à  ce  titre  qu'il  installa  le  pre- 
mier préfet  Poitevin-Maissemy.  A  la  création  des  sous-pré- 
fectures, le  gouvernement  le  choisissait  comme  sous-préfet 
de  Béthune  sur  la  recommandation  très  pressante  de  toute  la 
représentation  du   Pas-de-Calais,  et  surtout  de  Daunou^.  Il 

1.  Archives  nationales,  F^^  I  161*,  dossier  personnel. 

2.  Daunou  écrivait  de  lui,  le  29  pluviôse  an  VIII  :  «  C'est  un  homme  d'un 
mérite  distingué,  avec  lequel  je  n'ai  cessé  d'avoir  ,  depuis  plus  de  trente  ans, 
des  relations  très  intimes  ;  il  était  avocat  avant  la  Révolution  ;  depuis  1789,  il 
a  toujours  rempli  des  fonctions  publiques.  En  l'an  III,  il  était  secrétaire  génc- 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l' ARRONDISSEMENT   35 

administra  avec  habileté  cet  arrondissement  jusqu'à  sa  mort, 
le  20  février  1813.  «  Nommé  candidat  au  Corps  législatif  trois 
fois  consécutives,  il  négligea  à  dessein  de  solliciter  son  élec- 
tion par  le  Sénat,  préférant  renoncer  au  titre  de  législateur 
plutôt  que  d'abandonner  ses  administrés,  qui  ne  lui  avaient 
donné  aussi  ce  témoignage  de  leur  reconnaissance  qu'à  la 
condition,  également  honorable  pour  eux  et  pour  lui,  qu'il  ne 
les  quitterait  pas  '  » . 

Il  existe  une  assez  curieuse  lettre  de  Lucien  Bonaparte, 
ministre  de  l'intérieur,  au  sujet  de  la  nomination  de  Poultier 
à  la  sous-préfecture  de  Montreuil  :  «  J'ai  reçu,  citoyen  (cette 
lettre  est  adressée  au  préfet),  vos  deux  lettres  des  23  et  25  flo- 
réal, concernant  les  nominations  des  citoyens  Demoorh  et 
Poultier.  L'équivoque,  quant  à  ce  dernier,  provient  de  l'iden- 
tité de  nom,  et  de  ce  que  les  deux  citoyens  Poultier  ont  été 
l'un  et  l'autre  commissaires  du  gouvernement  près  de  l'admi- 
nistration municipale  du  canton  de  Montreuil  ;  mais  il  est 
certain  que  le  citoyen  Poultier,  notaire  et  frère  du  législateur, 
est  celui  qui  a  été  nommé  par  le  premier  consul  à  la  sous- 
préfecture  de  l'arrondissement  de  Montreuil,  et  qu'on  a  omis 
d'insérer  dans  l'arrêté  ces  mots  «  ci-devant  commissaire  du 
gouvernement.  »  Gomme  ce  n'est  pas  lui  qui  est  accusé  de 
bigamie,  je  vous  invite  à  lui  notifier  sans  délai  sa  nomination, 
et  à  procéder  à  son  installation-  ». 

Le  sous-préfet  de  Boulogne,  Masclet,  installé  le  3  prairial 
an  VIII  3,  écrivait  au  préfet  le  7  prairial,  en  lui  rendant  compte 
de  son  installation  et  de  l'emploi  de  ses  deux  premières  jour- 
nées qu'à  l'hospice,  lors  de  sa  visite,  il  n'avait  trouvé  que 
cent  francs  en  caisse  et  huit  setiers  de  blé  dans  le  grenier; 


rai  du  ministère  de  la  justice,  qui  s'appelait  alors  Commission  executive  des 

administrations  civiles,  police,    tribunaux Ce    citoyen  est  marié,  père 

de  famille,  propriétaire,  acquéreur  de  biens  nationaux.  »  (Archives  nationales, 
Fl''  I  170"^,  dossier  personnel). 

1.  Archives  départementales  du  Pas-de-Calais,  série  M.  Notice  nécrologique 
sur  Podevin,  par  Parent-Réal,  ancien  membre  du  Tribunat. 

2.  Archives  dép.,  série  M.  Dossiers  des  sous-préfets. 

3.  Archives  dép.,  K.  Arrêtés,  II,  44. 


â6  LE    PAS-DÈ-CÀLAIS    DE    1800    A    1810 

«  la  prison  est  en  fort  mauvais  état  et  très  peu  sûre,  comme 
l'évasion  toute  récente  d'un  prisonnier  l'a  prouvé  ».  Et  le 
nouveau  sous-préfet  ajoute  :  «  Je  n'ai  pu  trouver  ici  de  mai- 
son nationale  et  viens  en  conséquence  de  prendre  un  loyer  ; 
les  maisons  sont  chères  ici  et  les  dépenses  de  premier  établis- 
sement très  fortes;  me  permettez-vous  de  demander  quelle 
sera  la  somme  allouée  pour  mes  frais  de  location  et  d'établis- 
sement, du  moins  pour  ceux  des  bureaux?  la  somme  déter- 
minée pour  mes  frais  de  bureaux  est  d'une  mesquinerie  révol- 
tante »  ^  A  ce  point  de  vue  la  situation  devait  être  à  peu  près 
la  même  dans  les  autres  arrondissements.  La  notice  person- 
nelle de  Masclet,  rédigée  en  1811,  et  insérée  dans  son  dossier 
aux  Archives  Nationales  2,  contient  les  renseignements  sui- 
vants. «  Né  à  Douai,  le  17  novembre  1760,  employé  dans  l'ad- 
ministration de  la  marine  au  Port-au-Prince,  isle  Saint- 
Domingue,  en  1784,  reçu  avocat  au  Parlement  de  Paris  et 
admis  au  stage  en  1788,  sous-lieutenant,  puis  lieutenant  de 
carabiniers  en  1791,  ensuite  adjudant  aux  généraux  de  l'ar- 
mée du  Rhin  Luckner,  Lamalière,  Biron,  Victor,  Broglie  ; 
proscrit  après  les  événements  des  10  août  et  2  septembre, 
rattaché  aux  services  publics  par  sa  nomination  de  sous-pré- 
fet ».  Il  suffît  de  parcourir  la  correspondance  de  cet  adminis- 
trateur pour  se  persuader  qu'on  se  trouve  en  présence  d'un 
homme  de  valeur,  honnête,  énergique  et  dévoué.  Il  donna 
notamment  la  preuve  de  sa  fermeté  et  de  son  intégrité  en 
dénonçant  de  mauvais  fonctionnaires  et  des  concussionnaires. 
On  lira  plus  loin  la  lettre  qu'il  écrivit  au  préfet  du  Pas-de- 
Calais,  à  propos  des  agissements  louches  du  conseiller  de  pré- 
fecture Demohr.  Il  poursuivit  avec  courage,  malgré  les  calom- 
nies auxquelles  sa  belle  conduite  le  mit  en  butte,  un  commis- 
saire de  marine  tout  à  fait  indigne.  La  lettre  qu'il  adressa  au 
Premier  Consul,  le  28  ventôse  an  X,  au  sujet  de  ces  incidents, 

1.  Archives  dép.   K,  correspondance  du  sous-préfet  de  Boulogne  avec  le 
préfet,  vol.  I,  fol.  in-12. 

2,  Archives  Nationales,  F  l*»  1  1672. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDISSEMENT    37 

est  doublement  édifiante  ^.  On  l'accusa  en  1809,  d'avoir  épousé 
une  Anglaise,  et  d'être  secrètement  dévoué  aux  ennemis  de  la 
France.   Il   n'eut  aucune    peine   à  établir  que  sa  femme  était 


1.  Lettre  du  sous-préfet  de  Boulogne  au  Premier  Consul,  21  ventôse  an  X  : 
«  Le  Ministre  des  relations  extérieures  m'a  fait  prévenir  par  le  sénateur  Per- 
regaux  qu'on  était  parvenu  à  accréditer  à  Paris  une  calomnie  atroce,  dont  il 
importait  de  nie  disculper  sans  délai  :  on  m'accuse  d'avoir  recelé  chez  moi  à 
Boulogne  l'éditeur  du  Morninçf  Chronicle,  Perry;  d'avoir  concerté  avec  lui  le 
plan  d'attaque  que,  depuis  quelque  temps,  il  a  dirigé  contre  votre  adminis- 
tration et  votre  personne,  enfin  d'alimenter  la  feuille  de  l'opposition  de  ces 
paragraphes  si  virulents  et  si  absurdes  qui  la  déshonorent.  Les  auteurs  de 
cette  calomnie  n'auraient  pu  en  imaginer  une  plus  perfide.  J'ai  été  il  y  a 
quelques  années  un  des  collaborateurs  du  Morning  Chronicle  :  M.  Fox  et  le 
général  Lafayette  pourront  vous  dire  à  quel  titre.  Je  suis  resté  particulière- 
ment lié  avec  le  propriétaire  de  cette  feuille,  M.  Perry;  n'étant  séparé  de 
rAngle(.erre  que  par  le  Pas  de  Calais,  j'ai  de  fréquentes  occasions  de  corres- 
pondre avec  lui,  et  j'en  ai  quelquefois,  quoique  rarement  profité;  enfin,  je 
reçois  sa  feuille,  qu'il  veut  bien  m'envoyer  gratuitement.  Toutes  ces  circons- 
tances présentent  une  réunion  d'éléments  bien  favorables  pour  combiner  une 
calomnie.  On  a  su  de  plus,  qu'il  y  a  environ  six  mois,  j'ai  reçu  chez  moi, 
sur  la  recommandation  du  commissaire  général  Mengaud,  M.  Perry,  éditeur 
du  papier  anglais  Le  Courrier,  venu  en  France  pour  y  rétablir  sa  santé  ;  que 
depuis  j'ai  de  même  accueilli  son  frère  ;  l'un  et  l'autre  sont  en  ce  moment  à 
Paris.  La  similitude  de  nom  et  d'emploi  a  paru  un  moyen  infaillible  d'accré- 
diter la  calomnie,  et  on  en  a  tiré  bon  parti. 

«  J'avais  pensé  d'abord  que  cette  intrigue  n'était  qu'une  manœuvre  de  riva- 
lité, et  que  la  répétition  de  celle  qui  m'a  écarté  en  l'an  VIII  du  Tribunal,  en 
faisant  croire  au  citoyen  Sieyés  que  j'étais  né  anglais.  J'ai  découvert  depuis 
que  le  trait  empoisonné  a  été  forgé  à  Boulogne,  et  qu'il  l'a  été  parla  peur  et 
par  la  vengeance. 

«  La  voix  publique  et  celle  de  ma  conscience  m'ont  obligé  de  dénoncer 
officiellement  le  citoyen  Labrouche,  sous-commissaire  de  marine  de  ce  port, 
comme  coupable  des  plus  criantes  concussions.  Le  commissaire  auditeur 
Bergevin  a  été  chargé  d'informer  sur  les  faits  imputés  à  ce  citoyen  :  près  de 
deux  cents  témoins  ont  été  entendus,  et  jamais  concussions,  actes  arbitraires, 
extorsions  de  toute  espèce  n'ont  été  prouvés  par  un  plus  grand  nombre  de 
dépositions  unanimes,  par  une  réunion  plus  frappante  de  preuves  morales  et 
de  preuves  matérielles. 

«  On  sent  que  le  commissaire  Labrouche  est  perdu,  s'il  est  traduit  en  juge- 
ment. Ses  amis  de  Paris  emploient  tout  leur  crédit  pour  étouffer  l'affaire.  Le 
citoyen  Labrouche  n'a  point  d'amis  à  Boulogne,  mais  il  y  a  des  complices. 
L'un  d'eux  est  un  intrigant  consommé,  il  a  contribué  à  lui  faire  obtenir  sa  place, 
il  veut  soutenir  son  ouvrage  ;  il  craint  d'ailleurs  à  juste  titre  d'être  compromis. 
J'ai  les  plus  fortes  raisons  pour  croire  qu'il  est  l'auteur  de  la  calomnie  dont 
les  amis  du  citoyen  Labrouche  à  Paris  se  sont  rendus  les  colporteurs. 

«  Citoyen  Premier  Consul,  les  citoyens  Maret  et  Talleyrand,  et  tous  ceux  qui 
connaissent  ma  conduite  et  mes  principes  politiques,  savent  que  je  ne  suis 
ni  un  lâche  ni  un  traître,  et  que  si  ma  patrie  était  assez  malheureuse  pour  que 
je  fusse  réduit  à  attaquer  le  Premier  Consul  de  la  République  dans  les  feuilles 
de  l'opposition  anglaise,  je  commencerais  par  lui  renvoyer  l'écharpe  de  sous- 
préfet  de  Boulogne  que  je  tiens  de  sa  confiance,  et  que  je  ne  pourrais  plus 
porter  sans  la  trahir  et  me  déshonorer.»  (Archives  départementales  du  Pas-de- 
Galais.  Correspondance  du  sous-préfet  de  Boulogne,  Reg.  1,  foh  94). 


38  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A   1810 

française  et  même  apparentée  à  Monseigneur  Fesch,  et  son 
préfet  prit  vivement  sa  défense,  et  attesta  son  patriotisme  et 
son  zèle.  Il  quitta  la  sous-préfecture  de  Boulogne  pour  celle 
de  Douai,  sa  ville  natale,  le  l"""  vendémiaire  an  XII. 

Comme  on  le  voit,  les  sous-préfets  choisis  par  le  gouverne- 
ment consulaire,  à  l'origine  de  l'institution,  sont  en  général 
des  hommes  ayant  donné  des  gages  à  la  Révolution  ;  leurs 
successeurs  sont  moins  nettement  classés. 

Masclet  fut  remplacé  par  Duplaquet  dont  voici  la  notice 
personnelle  :  «  En  1790,  1791,  1792  et  premiers  mois  de  1793, 
il  a  été  successivement  chef  des  bureaux  ecclésiastiques  et  des 
contributions  du  district  de  Saint-Quentin  (où  il  est  né  le 
28  juillet  1767)  et  secrétaire  greffier  de  la  municipalité  de  cette 
ville.  En  1793,  chasseur  à  cheval  au  G**  régiment  afin  de  se 
soustraire  aux  poursuites  auxquelles  il  était  en  butte,  pour  avoir 
composé,  signé  et  fait  imprimer  un  écrit  contre  la  Conven- 
tion. Arrêté  aux  avant-postes  de  l'armée  du  Nord,  en  vertu 
d'un  ordre  du  soi-disant  représentant  du  peuple,  du  29  bru- 
maire an  II,  et  de  la  loi  du  17  septembre  précédent,  mis  en 
liberté  après  le  9  thermidor. 

«  Du  28  fructidor  an  II  au  21  frimaire  an  III,  secrétaire  du 
Commissaire  ordonnateur  par  réquisition,  jusqu'au  29  floréal 
an  III  élève  à  l'école  Normale,  ensuite  chef  de  bureau  des 
domaines  au  district  de  Saint-Quentin. 

«  Du  mois  de  brumaire  an  IV  à  la  fin  de  l'an  V,  commissaire 
du  gouvernement  près  l'administration  municipale  de  Saint- 
Quentin. 

«  Du  27  prairial  an  VI  au  l"^""  vendémiaire  an  VIII,  sous- 
chef  de  bureau  au  Ministère  de  la  police  générale. 

«  Du  6  frimaire  an  VIII  au  IS  floréal  suivant,  contrôleur  de 
contributions  directes  à  Saint-Quentin. 

«  Le  13  floréal  an  VIII,  nommé  secrétaire  général  de  la  pré- 
fecture de  Loir-et-Cher  ;  le  13  germinal  an  IX,  sous-préfet  de 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aHRONDISSEMENT    39 

Porentruy  (Haut-Rhin)  ;  le  6  vendémiaire  an  XI,  sous-préfet 
de  Boulogne  ^  ». 

Duplaquet  se  plaint,  comme  son  prédécesseur,  en  prenant 
possession  de  son  poste  à  Boulogne,  des  difficultés  financières 
auxquelles  il  se  heurte  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  :  «  Le 
travail  que  les  réquisitions  exigent  est  immense,  et  va  devenir 
encore  plus  considérable  ;  cependant  les  deux  principaux 
employés  de  la  sous-préfecture  vont  occuper  d'autres  places 
et  je  ne  puis  en  trouver  d'autres  ici,  car  les  chefs  des  admi- 
nistrations maritimes  et  militaires  enlèvent  tous  ceux  qui  ont 
quelque  capacité,  et  comme  ils  les  payent  fort  cher,  je  ne  puis 
soutenir  la  concurrence;  d'après  cela,  je  vais  en  faire  venir 
de  Paris,  sans  avoir  la  certitude  de  les  conserver,  parce  qu'on 
leur  offrira  de  suite  un  meilleur  sort  que  celui  que  je  puis 
leur  procurer.  Dans  ces  circonstances,  Général  Préfet,  je  vous 
prie  de  venir  à  mon  secours  et  de  m'accorder  au  moins 
2.000  francs,  comme  supplément  de  frais  de  bureau,  à  prendre 
sur  les  fonds  affectés  cumulativement  aux  dépenses  de  pré- 
fecture et  sous-préfectures  du  département.  »  Duplaquet  fut  à 
plusieurs  reprises,  en  1809  et  en  1810,  l'objet  de  plaintes  de  la 
part  de  ses  administrés.  On  l'accusait  d'inconduite,  de  cupi- 
dité, d'arrogance.  Le  préfet  La  Chaise  lui-même  donna  alors 
de  mauvais  renseignements  sur  sa  moralité  et  sa  probité,  et  il 
ne  paraît  pas  que  le  sous-préfet  parvint  à  se  disculper  ~. 

Poultier  resta  sous-préfet  de  Montreuil  jusqu'en  1813, 
époque  de  sa  retraite  ;  il  eut  pour  successeur  un  noble,  M.  de 
Saint-Céran. 

Bénard-Lagrave,  le  sous-préfet  de  Saint-Omer,  mourut, 
comme  nous  l'avons  dit,  le  10  septembre  1808  ;  l'intérim  fut 
rempli  par  Garon-Senlecq,   membre  du   conseil  d'arrondisse- 


1.  Archives  Nationales,  F'"  I  1583*.  Cette  notice,  rédigée  en  1817,  se  termine 
ainsi  :«  Le  ITavril  1813,  sous-préfetde  Béthune,  le  1"  juillet  1815administrateur 
provisoire  du  département  du  Nord,  le  22  du  même  mois  secrétaire  général 
provisoire  du  Nord,  le  31  du  même  mois  secrétaire  du  Nord,  et  enfin  le  30  avril 
1817  sous-préfet  de  Douai  ». 

2.  Archives  Nationales  Fi»»  1 15834, 


40  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

ment*,  jusqu'à  la  nomination  à  la  sous-préfecture  de  Saint- 
Omer,  le  16  septembre  1808,  de  Charles-Nicolas-Joseph 
Dubois  dont  l'installation  eut  lieu  un  peu  plus  tard.  Dubois 
venait  d'occuper,  pendant  quinze  mois,  la  sous-préfecture  de 
Furnes  ;  une  ordonnance  royale  du  2  septembre  1815  main- 
tenait Dubois  à  la  sous-préfecture  de  Saint-Omer. 


IV 

De  1790  à  l'an  VIII,  les  diverses  assemblées  administratives 
du  département  étaient  assistées  par  des  secrétaires  généraux  ; 
la  loi  de  pluviôse  an  VIII  n'a  rien  modifié  à  cet  égard,  si  ce 
n'est  qu'elle  a  attribué  la  nomination  de  ces  secrétaires  géné- 
raux au  chef  de  l'Etat.  A  l'origine,  les  fonctions  de  secrétaire 
général  n'avaient  pas  l'importance  qu'elles  ont  aujourd'hui  ; 
le  secrétaire  général  était  légalement  un  simple  garde  des 
papiers  de  l'administration,  —  un  archiviste  —  et,  en  fait,  un 
secrétaire  chargé  de  diriger  et  de  surveiller  l'expédition  des 
affaires  courantes,  particulièrement  de  signer  les  copies  d'actes 
délivrés  par  la  préfecture. 

Le  premier  titulaire  de  ce  poste  dans  le  département  du 
Pas-de-Calais  réorganisé  fut  Picquenard,  ancien  administra- 
teur du  département  de  la  Seine,  nommé  par  arrêté  des  con- 
suls en  date  du  17  ventôse  an  VIII,  et  installé  le  14  prairial  ; 
son  traitement  annuel  s'élevait  à  4.000  francs -.  On  attribue 
généralement  à  ce  secrétaire  général  la  création  des  annuaires 
du  département  ;  or,  il  résulte  d'une  lettre  adressée  par  le 
ministre  de  l'Intérieur,  le  20  nivôse  an  XI,  aux  préfets,  que 
l'annuaire  Picquenard  fut  créé  en  vertu  d'une  instruction  géné- 


1 .  Les  lettres  écrites  par  diverses  autorités,  et  notamment  par  Caron-Sen- 
lecq  et  le  préfet,  à  roccasion  de  la  mort  de  Bcnard  Lagrave  font  de  ce  fonc- 
tionnaire un  éloge  sans  réserves.  {Archives  dép.,  Reg.  F.  de  correspondance  du 
sous-prcfet  de  Saint-Omer), 

2.  Archives  dép.,  K.  Arrêtés,  Ilf  82  V.  Ordonnancements,  an  VIII,  K.  d", 
III,  320. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'arRONDTSSEMENT   41 

raie.  Cela  n'empêche  pas,  du  reste,  que  les  manuels  qu'il  a 
signés,  ceux  de  l'an  X  et  de  l'an  XI  surtout,  sont  remar- 
quablement composés  et  fournissent  aujourd'hui  une  foule 
de  renseignements  précieux.  Dans  une  lettre,  datée  du 
18  nivôse  an  XI,  le  préfet  Poitevin-Maissemy  recommande 
chaudement  au  ministre  son  secrétaire  général  Picquenard 
qui  mérite  à  tous  égards  un  poste  plus  élevé  et  plus  lucratif 
que  celui  d'Arras,  avec  lequel  il  a  peine  à  vivre.  En  finissant 
il  ajoute  qu'il  y  a  incompatibilité  d'humeur  entre  lui  et  son 
subalterne,  et  que  ce  seul  motif  devrait  suffire  à  le  faire  dépla- 
cer. . .  mais  avec  avancement  K 

Lorsque  Poitevin-Maissemy  est  remplacé  à  la  préfecture 
du  Pas-de-Calais  par  le  général  de  La  Chaise,  celui-ci  amène 
son  secrétaire  général,  Dubourg,  précédemment  membre  du 
conseil  général  de  l'Oise,  procureur-syndic  et  juré  de  l'Ecole 
centrale  de  ce  département. 

Le  15  fructidor  an  XII,  Philibert-Joseph-Hubert  Bergaigne, 
conseiller  de  préfecture,  remplace  Dubourg.  Bergaigne  était  ori- 
ginaire du  département  ;  après  avoir  terminé  ses  études  clas- 
siques, il  entra  dans  l'étude  d'un  procureur  au  conseil  d'Ar- 
tois ;  pendant  les  premières  années  de  la  Révolution,  il  s'occu- 
pait de  dessin  et  de  peinture.  En  1794,  il  travaille  dans  les 
bureaux  de  l'administration  du  département  du  Pas-de-Calais, 
et  le  7  messidor  an  III,  il  en  est  nommé  secrétaire  général 
par  les  représentants  en  mission,  Merlin  de  Douai  et  Lamarre; 
il  démissionne  en  l'an  IV  à  cause  de  la  faiblesse  de  sa  santé, 
et  conserve  seulement  le  titre  de  secrétaire  adjoint.  Nous  le 
retrouvons  de  nouveau,  le  16  floréal  an  VI,  secrétaire  en  chef 
de  l'administration  centrale  du  Pas-de-Calais,  Il  conserve  ce 
poste  jusqu'à  l'établissement  des  préfectures  et  à  la  nomina- 
tion du  secrétaire  général  Picquenard  ;  du  reste  le  préfet  Poi- 
tevin-Maissemy l'avait  proposé  pour  l'emploi  auquel  Picque- 

1.  Archhes  nationales^  Fi""!  17113^  Dossier  personnel. 


42  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

nard  fut  appelé  *  ;  Bergaigne  remplit  les  fonctions  de  secré- 
taire général  jusqu'au  25  septembre  1815  ;  il  avait  été  nommé 
conseiller  de  préfecture  le  19  août  1815,  et  il  mourut  en  1840, 
après  quarante  ans  de  services  à  la  préfecture  -.  Une  note  con- 
fidentielle du  5  août  1838  dit  de  Bergaigne  :  «  Nommé  secré- 
taire général  de  l'administration  centrale  du  département,  le 
7  messidor  an  III,  a  constamment  exercé  des  fonctions  admi- 
nistratives à  Arras,  a  80  ans  accomplis  et  est  presque  com- 
plètement aveugle.  Rien  n'annonce  qu'il  songe  à  la  retraite, 
et  son  état  de  fortune  non  plus  que  ses  longs  services  ne  per- 
mettent pas  de  la  lui  imposer  ».  Ses  collègues  le  secondent,  le 
suppléent  avec  un  zèle  presque  filial 3. 

Si  nous  examinons  maintenant  la  composition  successive 
du  conseil  de  préfecture,  nous  voyons  que  le  conseil  nommé 
le  14  floréal  an  VIII  n'est  pour  ainsi  dire  que  l'ancienne 
administration  du  département  ;  il  est  formé  en  effet  deGayant 
président,  Boitel,  Gornille,  Coffin  et  Demohr.  Gavant  4,  Boitel, 
Gornille  et  Coffin  étaient  des  administrateurs  du  département 
à  l'époque  du  18  brumaire  ;  quant  à  Demohr,  il  occupait  les 
fonctions  de  président  de  l'administration  du  canton  de  Guînes, 
Très  peu  de  temps  après  la  constitution  du  conseil  de  préfec- 
ture, Boitel  démissionne  et  est  remplacé  par  Bergaigne,  le 
futur  secrétaire  général  du  département  ;  la  nomination  de 
Bergaigne  comme  conseiller  de  préfecture  est  du  3  messidor 
an  VIII.  Demohr  est  révoqué  comme  concussionnaire  par 
décret  du  25  février  1808  ;  une  lettre  de  Masclet  en  fait  con- 


1.  Archives  dép.  Dossier  établi  par  Bergaigne  lui-même,  en  vertu  de  la  cir- 
culaire du  ministre  de  l'Intérieur  du  1"  octobre  1813.  Le  célèbre  orientaliste 
du  même  nom,  mort  il  y  a  quelques  années,  était  un  descendant  de  notre 
secrétaire  général. 

2.  Archives  dép.,  M.  Dossiers  du  personnel. 

3.  Archives  nationales,  Pi"'!  1561''. 

4.  Gayant,  fils  dun  maçon  et  devenu  architecte,  fut  chargé  de  faire  le 
rapport  sur  la  solidité  de  la  cathédrale  d'Arras,  et  conclut  à  sa  démolition. 
En  toutes  circonstances,  il  se  montra  jacobin  farouche.  Après  sa  révocation 
du  conseil  de  préfecture,  il  devint  architecte  de  la  ville  d'Ai-ras.  Riche  pro- 
priétaire de  biens  nationaux  dans  le  district  de  Boulogne  et  très  avare,  il 
mourut  fou  en  1834. 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDISSEMENT    43 

naître  la  raison  ^  Le  24  mars  1808,  Gardon  de  Montigny, 
auquel  le  préfet  de  La  Chaise  dit  «  qu'il  doit  passer  rapidement 
par  ces  fonctions  pour  arriver  à  celles  dont  il  est  encore  plus 
susceptible  par  son  âge  et  par  tous  ses  moyens  »,  succède  à 
Demohr  ~.  Lorsque  fut  créé  le  poste  de  sous-préfet  de  l'arron- 
dissement d'Arras  (cette  sous-préfecture  n'exista  que  de  1811 
à  1817),  Cardon  de  Montigny  en  fut  le  premier  titulaire,  de 
1811  à  1814.  Il  avait  obtenu  sa  nomination  parla  recomman- 
dation du  Maréchal  Ney,  parce  qu'il  était  parent  de  la  duchesse 
d'Elchingen  ^. 


1.  Arch.  dép.,  M.  Conseil  de  préfecture.  Personnel.  Voici  la  lettre  de  Mas- 
clet  :  «  C'est  avec  bien  du  regret  que  je  me  vois  forcé  de  vous  dénoncer  une 
bassesse,  qui  ressemble  beaucoup  à  une  escroquerie,  dont  un  de  vos  conseillers 
de  préfecture  vient  de  flétrir  l'honneur  de  l'administration.  Le  citoyen  Demohr, 
qui  s'est  établi  faiseur  d'afl'aires  près  de  la  préfecture,  comme  il  y  en  a  mal- 
heureusement trop,  a,  comme  tant  d'autres,  répandu  avec  profusion  ses  circu- 
laires, et  avec  profusion  fait  ses  offres  de  services  à  qui  pouvait  avoir  des 
afl'aires  à  suivre,  des  sollicitations  à  appuyer  et  surtout  de  l'argent  à  recevoir 
au  chef-lieu  de  la  préfecture.  Les  ex-commissaires  du  gouvernement  ayant 
un  arriéré  de  traitement  à  réclameront  reçu,  en  conséquence,  l'obligeante  cir- 
culaire. Le  citoyen  llalgout,  officier  de  santé  à  Boulogne,  et  héritier  du  com- 
missaire du  gouvernement  Sauzay,  a  été  invité  à  vouloir  bien  confier  ses  inté- 
rêts au  citoyen  Demohr,  qui  n'a  pas  manqué  de  faire  valoir,  comme  titre  de 
garantie   et  de  préférence,    celui   de  conseiller  de  préfecture. 

«  Les  deux  citoyens  Halgout,  l'un  comme  héritier  du  commissaire  Sauzai,  et 
l'autre  comme  ex-commissaire  du  gouvernement,  ont  reçu  dernièrement 
comme  arriéré  de  traitement  divers  mandats  de  la  préfecture,  montant  à  une 
somme  de  657  francs.  Ils  se  sont  empressés  de  les  adresser  au  conseiller 
Demohr,  qu'ils  ont  chargé  de  leur  procuration  pour  en  recevoir  le  montant, 
en  le  priant  de  leur  faire  passer  ces  fonds,  le  plus  tôt  possible. 

«  L'ex-commissaire  du  gouvernement,  maire  de  Marquise,  Halgout,  ayant 
recueilli  quelque  révélation  sinistre  sur  le  compte  du  citoyen  Demohr,  conçut 
de  l'inquiétude  et  des  soupçons,  et  courut  à  Ai'ras  pour  sauver  son  argent  et 
celui  de  son  frère.  Demohr  avait  déjà  reçu  les  657  francs.  Il  avait,  dit-il, 
chargé  sa  femme,  qui  demeure  à  Guînes,  de  leur  payer  cette  somme  ;  il  était 
surpris  qu'elle  ne  l'eût  pas  encore  acquittée,  il  lui  en  renouvelait  l'ordre  dans 
une  lettre  qu'il  remit  au  citoyen  Halgout. 

«  Halgout  arrive  à  Guînes,  présente  sa  lettre,  on  l'ouvre  et  on  lui  remet  deux 
reconnaissances  qui  m'ont  été  présentées  ce  matin  et  dont  je  vous  envoie 
copies. 

«  Vous  représenterez  sans  doute  au  ministre,  citoyen  Préfet,  que  sous  le 
gouvernement  consulaire,  et  dans  la  10"  année  de  la  république,  un  aventu- 
rier charlatan,  intriguant,  ignare  et  fripon,  dont  toute  la  vie  est  flétrie  par 
des  escroqueries  de  cette  espèce,  n'est  pas  fait  pour  siéger  dans  le  conseil  de 
préfecture  du  Pas-de-Calais  ». 

(Arch.  dép.  Registre  I  de  correspondance  du  sous-préfet  de  Boulogne,  fol.  42). 

2.  Arch.  dép.,  M.  Conseil  de  préfecture.  Personnel. 

3.  Arch.  nationales,  F"'  I    157  6   et   15813.  Dossiers  Demohr   et  Cardon  de 


44  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

La  nomination  de  Bergaig-ne  au  secrétariat  général  amena 
une  nouvelle  modification  du  Conseil  de  préfecture.  Watelet, 
ancien  membre  du  conseil  provincial  d'Artois  et  ancien  maire 
d'Arras,  fut  choisi  en  remplacement  de  Bergaigne,  par  décret 
impérial  du  20  thermidor  an  XII  ;  il  conserva  ses  fonctions  de 
conseiller  de  préfecture  jusqu'en  1823,  date  de  sa  mort  i. 

Un  parent  de  Goffin  avait  été  commissaire  du  Directoire 
exécutif  à  Hesdin  et  député  du  Pas-de-Calais  au  conseil  des 
Cinq-Cents  ;  ce  conseiller  de  préfecture  appartenait  par  con- 
séquent à  une  famille  ayant  pris  une  part  active  k  la  Révolu- 
tion ;  il  fut  remplacé  le  11  frimaire  an  IX  par  Delombre  (d'Au- 
bignj),  qui  démissionna  en  l'an  XIII,  et  eut  alors  pour  suc- 
cesseur Corne. 

François-Joseph  Corne,  né  à  Saint-Pol,  le  29  septembre 
1751,  avait  été  procureur  au  conseil  d'Artois,  procureur  syn- 
dic du  district  d'Arras  en  1790,  et  administrateur  du  départe- 
ment du  Pas-de-Calais  en  l'an  IV;  ses  concitoyens  l'élurent 
député  au  conseil  des  Cinq-Cents,  par  487  voix,  le  23  germi- 
nal an  V.  Corne  resta  conseiller  de  préfecture  jusqu'à  son 
décès,  en  1834;  Cornille  jusqu'en  181S  ;  Gayant  occupa  le 
poste  de  sous-préfet  d'Arras  de  1815  à  1816. 

Les  arrêtés  du  conseil  de  préfecture,  pendant  la  période 
qui  nous  occupe,  sont  au  nombre  de  5410,  dont  3190  relatifs 
aux  contributions  directes,  886  aux  affaires  communales,  835 
aux  domaines  nationaux,  57  aux  travaux  publics,  53  aux 
biens  d'émigrés  (levées  de  séquestre,  radiations  de  la  liste), 
244  aux  dettes  d'émigrés  (liquidations),  83  aux  fabriques  des 
églises,  12  aux  bureaux  de  bienfaisance,  14  aux  hospices,  36 
aux  fournitures  militaires.  De  ces  arrêtés,  439  ont  été  rendus 
du  15  mai  1800  au  18  juin  de  la  même  année  ;  366,  du  20  juin 
au  22  septembre  1800  ;  683,  du  25  septembre  1800  au  21  mars 
1801  ;  615,  du  24  mars  1801  au  20   septembre  1801  ;  638,  du 

Montigny.  Ce  dernier  n'est  pas  un  inconnu,  il    était  non-seulement  cousin   de 
Ney,  mais  petit-neveu  de  M"°«  Campan  et  fut  l'ami  de  Stendhal. 
1.  Arch.  dép.,  M»  Conseil   de  préfecture.  Personnel» 


LÉS  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDISSEMENT    4J) 

25  septembre  1801  au  22  septembre  1802  ;  219,  du  24  germi- 
nal an  XI  au  i^  jour  complémentaire  an  XI  ;  454,  du  5  vendé- 
miaire an  XII  au  5''  jour  complémentaire  an  XII  ;  506,  du  4 
vendémiaire  an  XIII  au  13  floréal  an  XIII  ;  477,  du  7  mai 
1806  au  i9  août  1807;  464,  du  22  août  1807  au  29  octobre 
1808  ;  455,  du  2  novembre  1808  au  12  mai  1810  ;  205,  du  16 
mai  1810  au  31  décembre  1810.  Il  n'y  a  pas  d'exemple  de 
tentative  d'abus  d'attributions  par  ce  conseil  de  préfecture  ; 
rien  de  semblable  à  ce  qui  s'est  passé  dans  le  département 
des  Bouches-du-Rhône  entre  le  préfet  Thibaudeau  et  son 
conseil  de  préfecture  i. 


Si  nous  jetons  un  coup  d'œil  d'ensemble  sur  la  succession 
des  administrateurs  du  département  du  Pas-de-Calais  depuis 
la  création  des  nouvelles  institutions  départementales  jusqu'à 
la  chute  du  régime  impérial,  nous  constatons  qu'à  l'origine, 
Napoléon  Bonaparte,  Premier  Consul  de  la  République,  a 
recruté  ce  personnel  presque  exclusivement  parmi  les  hommes 
qui  avaient  donné  des  gages  à  la  Révolution  ;  le  fait  se  repro- 
duit très  probablement  dans  la  plupart  des  départements. 
Pouvait-il  en  être  autrement  ?  Le  Consulat  est  une  forme  de 
la  République  ;  c'est  un  gouvernement  issu  de  la  Révolution, 
et,  à  ce  titre,  il  lui  serait  difficile,  en  même  temps  que  dange- 
reux, de  placer  à  la  tête  de  l'administration  des  départements 
des  émigrés  fraîchement  revenus  de  Coblentz  :  autant  signer 
l'arrêt  de  mort  du  nouveau  gouvernement.  Du  reste,  nous 
l'avons  montré,  si  les  émigrés  profitent  des  atténuations  appor- 
tées à  la  rigueur  des  lois  pour  retourner  au  pays  natal,  et  jouir 
enfin  d'un  peu  de  tranquillité,  ils  se  tiennent  à  l'écart  du  gou- 


1.  Arch.  dép.,  registres  1  à  12  des  arrêtés  du  conseil  de  préfecture.  —  Nous 
avons  consulté  les  dossiers  personnels  de  tous  les  administrateurs  ci-dessus 
nommés,  qui  sont  conservés  aux  Archives  nationales.  Plusieurs  ne  nous  ont 
été  d'aucune  utilité. 


46  LE   PAS-DE-CALAIS   DE    1800    A    1810 

vernement  et  de  ceux  qui  le  représentent.  Par  la  force  même 
des  choses,  de  par  les  termes  de  son  acte  de  naissance,  le  gou- 
vernement consulaire  ne  pouvait  donc  trouver  les  éléments 
des  diverses  administrations  départementales  de  la  France 
que  parmi  les  meilleurs  fonctionnaires  du  Directoire,  ou  par- 
mi les  hommes  qui,  après  avoir  pris  une  part  active  à  l'œuvre 
réformatrice  de  l'Assemblée  Constituante  et  de  l'Assemblée 
législative,  avaient  évité  de  se  compromettre  dans  les  excès 
sanguinaires  et  les  fureurs  démagogiques  de  la  Terreur. 

Gomme  préfets  du  Pas-de-Calais,  Napoléon  a  successive- 
ment choisi  deux  hommes  qui  avaient  suivi  l'ancien  Régime, 
l'un  dans  l'Administration,  l'autre  dans  l'Armée,  et  n'en 
avaient  pas  moins  accueilli,  avec  l'enthousiasme  des  natures 
généreuses,  les  transformations  politiques  de  1789.  Bien  loin 
d'émigrer  aux  heures  difficiles  de  la  Révolution,  ils  s'étaient 
rappelé  que  la  cause  de  la  République  s'identifiait  avec  celle 
de  la  France  ;  ils  unissaient  donc  les  traditions  d'ordre  et  de 
stabilité  de  l'administration  monarchique  au  libéralisme  de  la 
Constituante.  Si  le  «  voltairianisme  »  mondain  de  Poitevin- 
Maissemy,  reliquat  de  l'ancienne  direction  de  la  librairie  et 
des  salons  à  la  mode,  a  pu  être  considéré  comme  un  obstacle 
à  l'application  du  Concordat  —  et  cela  à  cause  des  vues  un 
peu  étroites  de  l'évêque,  —  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  ce 
préfet  a,  pendant  son  court  séjour  à  Arras,  préparé  le  terrain 
à  son  successeur.  D'autre  part,  malgré  la  rigueur  avec  laquelle 
le  général  de  La  Chaise  s'est  efforcé  de  satisfaire  aux  exi- 
gences de  l'Empereur  en  matière  de  conscription  militaire, 
on  doit  reconnaître  que  par  son  application,  son  zèle,  son  acti- 
vité, le  second  préfet  du  Pas-de-Calais  a  largement  contribué 
à  donner  au  département  la  physionomie  administrative  qu'il 
a  conservée  jusqu'à  nos  jours. 

Quant  aux  collaborateurs  du  préfet,  nous  avons  vu  que 
sous-préfets,  secrétaires  généraux,  conseillers  de  préfecture, 
avaient  été  empruntés  à  la  députation  et  aux  administrations 
départementales  et  cantonales    du  Pas-de-Calais    pendant  le 


LES  ADMINISTRATEURS  DU  DÉPARTEMENT  ET  DE  l'aRRONDISSEMENT    47 

Directoire;  le  conseil  de  préfecture  est  identique  ou  à  peu  près 
à  l'administration  du  département,  à  la  veille  du  coup  d'Etat 
du  18  brumaire.  Cette  sorte  de  continuité  entre  la  Révolution 
et  le  Consulat  est  du  reste  commune  à  tous  les  départements, 
comme  il  est  permis  de  le  supposer,  d'après  les  données  déjà 
recueillies.  On  a  observé  ailleurs,  de  1800  à  1810,  une  trans- 
formation progressive  du  personnel  administratif,  qui  n'est 
pas  aussi  apparente  dans  le  département  du  Pas-de-Calais  ; 
encore,  vers  1808,  dans  les  quelques  choix  amenés  par  les 
décès  ou  les  mutations,  est-il  possible  de  constater,  dans  une 
certaine  mesure,  la  même  évolution  du  gouvernement  napo- 
léonien que  dans  le  département  des  Bouches-du-Rhône. 
Toutefois,  la  majorité  des  fonctionnaires,  dont  nous  avons 
relevé  le  curriculum  vitae,  ont  continué  à  remplir  leurs  fonc- 
tions pendant  toute  la  durée  de  l'Empire,  quelques-uns  même 
pendant  la  Restauration  et  sous  le  règne  de  Louis-Philippe. 
Le  régime  change,  les  fonctionnaires  restent.  Le  régime,  en 
se  modifiant,  n'a  pas  eu  à  les  déplacer  pour  la  bonne  raison 
qu'ils  se  sont  modifiés  comme  lui.  A  vrai  dire,  les  hommes 
qui  étaient  au  pouvoir  dans  le  département  du  Pas-de-Calais, 
à  l'époque  du  18  brumaire,  n'avaient  jamais  eu  du  jacobinisme 
que  le  masque.  Comme  nous  l'avons  montré  dans  V Introduc- 
tion, modérés  sont  les  élus  de  l'an  IV,  royalistes  même  ceux 
de  l'an  V;  au  lendemain  de  Fructidor,  à  côté  de  quelques  mon- 
tagnards, se  glissent  en  nombre  les  modérés.  Les  excès  du 
robespierrisme,  dont  Lebon  dit  le  dernier  mot  dans  le  Pas-de- 
Calais,  y  avaient  déterminé,  après  Thermidor,  une  sorte  de  réac- 
tion constante  contre  tout  ce  qui  rappelait  la  Terreur  et  pouvait 
en  faire  craindre  le  retour.  Et  ainsi  s'explique  ce  fait  en  apparence 
anormal  que  Napoléon,  qui  recrute  le  personnel  de  la  préfec- 
ture et  des  sous-préfectures  du  Pas-de-Calais  parmi  les  hommes 
ayant  joué  un  rôle  politique  pendant  la  Révolution,  n'éprouve 
point  de  peine  à  faire  d'eux  des  fonctionnaires  de  l'Empire, 
lesquels  se  transformeront  plus  tard  aussi  aisément  en  servi- 
teurs de  la  Restauration. 


CHAPITRE   II 


LES   ASSEMBLEES  ADMINISTRATIVES 

I.  Les  représentants  du  département  du  Pas-de-Calais  au  Corps  Lég^islatif  etau 
Tribunal.  L'opposition  constitutionnelle  et  la  libre  discussion  au  Tribunat. 

II.  Composition  du  Conseil  général  depuis  l'an  VIII  jusqu'à  1810.  Les  premiers 
conseillers  générau.x  ont  tous  occupé  des  fonctions  pendant  la  Révolution. 
A  partir  de  1807-IS08,  des  royalistes,  d'anciens  émigrés  commencent  à  leur 
succéder. 

m.  Défaut  d'assiduité  des  conseillers  généraux  aux  sessions.  Les  diverses  ses- 
sions de  1800  à  1810;  les  présidents  et  secrétaires.  La  déclaration  de  guerre 
à  l'Angleterre  et  le  vote  du  subside  pour  le  vaisseau  le  Napoléon. 

IV.  Vœux  et  rapports  relatifs  à  l'administration  générale  :  octrois,  tourbières, 
notaires,  état-civil,  gardes  champêtres,  cadastre,  conscription,  etc. 

V.  Vœux  et  rapports  relatifs  à  l'agriculture,  au  commerce,  aux  travaux  publics, 
à  l'industrie,  aux  hospices. 

VI.  La  composition  des  conseils  d'arrondissement.  La  session  de  l'an  VIII  du 
conseil  d'arrondissement  d'Arras. 


I 

Avant  d'examiner  la  composition  et  le  rôle  des  assemblées 
administratives,  qui  sont  devenues  dans  le  département  actuel 
l'équivalent,  en  quelque  sorte,  de  ce  qu'est  le  Parlement  dans 
l'ensemble  du  pays,  c'est-à-dire  un  pouvoir  législatif  plus  ou 
moins  restreint,  placé  à  côté  du  pouvoir  exécutif  représenté 
par  le  préfet  et  les  sous-préfets,  il  est  nécessaire  de  jeter  un 
coup  d'œil  sur  la  représentation  du  Pas-de-Calais  dans  les 
diverses  assemblées  qui  ont  été  censées  former  les  corps  déli- 
bérants de  la  nation  pendant  le  Consulat  et  l'Empire.  Rien 
de  moins  conforme  du  reste  à  l'idée  que  nous  pouvons  nous 
faire  d'une  représentation  nationale  que  le  Sénat  conservateur, 
le  Corps  législatif  et  le  Tribunat.  Pour  constituer  le  Sénat 
conservateur,  Sieyès  et  Roger  Ducos,  consuls  sortants,  Cam- 
bacérès  et  Lebrun,  second  et  troisième  consuls  en  exercice, 
se  réunirent  le  24  décembre  1799  et  nommèrent  vingt-neuf 
sénateurs  qui  nommèrent  à  leur  tour  leurs  vingt-neuf  collègues. 
Ghavanox  et  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  1800  à  1810.  l 


50  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Aussitôt  formé,  le  Sénat  conservateur  procéda  à  la  nomination 
des  trois  cents  membres  du  Corps  législatif  et  des  trois  cents 
membres  du  Tribunat  choisis  sur  la  liste  de  notabilité  nationale. 
Lors  de  la  première  formation,  les  membres  du  Corps  législatif 
ne  furent  pas  répartis  par  départements,  mais  plus  tard,  la  Cons- 
titution, en  date  du  16  thermidor  an  X,  institua  les  députations 
départementales.  Vu  les  conditions  de  leur  établissement, 
celles-ci  ne  reflétèrent  pas  toujours  l'opinion  des  circonscriptions 
qu'elles  représentaient;  leur  composition  nous  renseigne  plu- 
tôt sur  l'état  d'esprit  du  gouvernement  et  sur  les  classes  de 
citoyens  dans  lesquelles  le  régime  consulaire  et  impérial  allait 
chercher  ses  auxiliaires  parlementaires. 

Tous  les  hommes  qui  représentent  le  Pas-de-Calais  au  Corps 
législatif  de  l'an  X  sont  d'anciens  législateurs,  Berquier-Neu- 
ville  naquit  à  Boulogne  le  4  septembre  1760.  Après  avoir 
travaillé  en  Angleterre,  puis  à  Paris,  comme  traducteur  dans 
une  imprimerie,  il  se  montra  partisan  ardent  de  la  Révolution 
et  fut  nommé  en  1792  administrateur  du  district  de  Boulogne. 
Mais  il  devint  suspect  pendant  la  Terreur  et  fut  suspendu  de 
ses  fonctions  ;  réintégré  après  Thermidor,  il  occupa  les  fonc- 
tions de  commissaire  du  Directoire  près  de  l'administration 
municipale  du  canton  de  Condette,  puis  de  secrétaire  général 
de  l'adminislration  centrale  du  Pas-de-Calais  (11  brumaire 
an  VI).  Il  était  juge  de  paix  du  canton  de  Boulogne,  lorsqu'il 
fut  nommé,  le  24  germinal  an  VII,  député  au  Conseil  des 
Cinq  Cents  ;  il  s'y  montra  favorable  au  coup  d'État  de  bru- 
maire. 

Nicolas-Joseph  Duflos,  né  à  Renty  le  11  décembre  1753, 
était  entré  dans  les  ordres  avant  1789.  Gomme  le  précédent 
il  adhéra  à  la  Révolution,  fut  administrateur  du  Pas-de-Calais 
et  élu  le  25  germinal  an  VI  député  du  département  au  conseil 
des  Cinq  Cents,  où  il  prit  à  diverses  reprises  la  parole,  princi- 
palement sur  les  questions  financières.  S'étant  prononcé  lui 
aussi  en  faveur  du  coup  d'État  de  brumaire,  il  y  gagna  un 
siège  au  Corps  législatif. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMLMSTRATIVES  31 

Lefebvre-Cajet,  originaire  du  département  du  Nord  (il  était 
né  à  Blaringhem  le  26  mai  1748),  a  occupé  des  fonctions 
administratives  et  législatives  sous  l'ancien  régime  et  pendant 
la  Révolution  ;  échevin  de  la  ville  d'Arras,  député  à  la  cour 
sous  Louis  XVI  et  aux  Etats  d'Artois,  il  fut  choisi  comme 
député  suppléant  aux  Etats-Généraux,  mais  n'y  siégea  pas. 
Procureur  général  syndic  du  département  du  Pas-de-Calais 
en  1790,  Lefebvre-Gayet,  dont  les  opinions  paraissent  avoir 
été  modérées,  donna  sa  démission  pour  ne  pas  avoir  à  mettre 
à  exécution  les  lois  relatives  au  serment  des  prêtres.  Ce  qui 
accuse  bien  l'intensité  de  la  réaction  thermidorienne  dans  le 
département  du  Pas-de-Calais,  après  la  chute  de  Robespierre, 
c'est  que  le  même  Lefebvre-Cayet  est  choisi  en  l'an  V  comme 
président  du  département  et,  le  25  germinal  an  VI,  comme 
député  au  Conseil  des  Anciens. 

François-Marie- Alexandre  Bucaille,  de  Boulogne,  était  curé 
de  Fréthun,  au  moment  où  éclata  la  Révolution.  Choisi  comme 
député  du  clergé  aux  Etats  généraux  par  le  bailliage  de  Calais 
et  Ardres,  il  prêta  le  serment  civique  ;  son  rôle  fut  effacé 
pendant  la  période  la  plus  troublée  de  la  Révolution  ;  il  se 
rallia  avec  enthousiasme  à  la  politique  de  Bonaparte. 

Des  cinq  représentants  du  Pas-de-Calais  au  Corps  législatif 
de  l'an  X,  Philippe-Albert  Bollet  était  le  seul  qui  eût  siégé  à 
la  Convention  Nationale.  Maire  de  Violaines,  il  fut  député  à 
la  Convention  le  8  septembre  1792;  membre  de  la  Plaine,  il 
vota  la  mort  de  Louis  XVI  au  troisième  appel  nominal.  Envoyé 
en  mission  à  l'armée  du  Nord,  il  se  déclara  contre  les  robes- 
pierristes  dès  son  retour  à  Paris  et  prit  une  part  active  à  la 
lutte  contre  la  commune  de  Paris  pendant  les  journées  de 
thermidor;  auxiliaire  de  Hoche,  il  concourut  ensuite  à  la  paci- 
fication de  la  Vendée.  Nous  le  retrouvons  député  du  Pas-de- 
Calais  au  Conseil  des  Cinq  Cents  le  22  vendémiaire  an  IV, 
puis  député  au  Conseil    des  Anciens  le  25  germinal  an  VIL 

Ainsi  les  représentants  du  département  du  Pas-de-Calais 
au   Corps    législatif  sont   tous   d'anciens  personnages    de  la 


52  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

période  révolutionnaire,  mais  tous  ont  appartenu  au  parti  des 
modérés.  Berquier-Neuville,  qui  sortit  du  Corps  Législatif  en 
1804  avec  la  deuxième  portion  renouvelable,  fut  même  con- 
seiller d'arrondissement  pendant  toute  la  durée  de  l'Empire  et 
pendant  la  Restauration,  président  de  la  Chambre  et  du  tri- 
bunal de  commerce  de  Boulogne;  Bollet  mourut  en  1811  ; 
Bucaille,  après  sa  sortie  du  Corps  législatif  en  1804,  ne  joua 
plus  aucun  rôle  ;  de  même,  Dufios  ;  Lefebvre-Cayet,  nommé 
membre  de  la  Légion  d'honneur,  mourut  le  8  mars  1811. 

La  série  suivante  des  membres  du  Corps  législatif  (renouvel- 
lement de  Tan  XÏI)  constitue  une  catégorie  politique  encore 
moins  accentuée.  Blanquet  de  Bailleul  avait  été  avocat  et  pro- 
cureur du  Roi  au  bailliage  de  Calais;  il  avait  approuvé  la 
Révolution  et  accepté  les  fonctions  de  procureur  du  district, 
mais  ses  opinions  réelles  étaient  celles  d'un  monarchiste  cons- 
titutionnel. Fait  questeur,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur, 
baron  par  Napoléon  P"",  toutes  ces  faveurs  ne  l'empêchèrent  pas 
de  voter  en  1814  la  déchéance  de  l'empereur  et  l'acte  qui  rappe- 
lait les  Bourbons  au  trône  de  France.  Député  du  Pas-de-Calais 
pendant  la  Restauration,  il  fit  quelque  figure  à  la  Chambre, 
dont  il  fut  élu  deuxième  vice-président  en  1819  et  en  1820  ; 
il  se  montra  dans  l'assemblée  «  le  type  du  député  ministériel  » 
et,  comme  procureur  général  de  la  cour  de  Douai,  poursui- 
vit avec  rigueur  les  délits  de  presse  dans  son  ressort. 

Albert  Bruneau  de  Beaumetz,  lui,  n'avait  pas  occupé  de 
fonctions  pendant  la  Révolution.  Avocat  général  au  Parlement 
de  Flandre,  procureur  général  à  la  même  cour  et  conseiller 
au  présidial  d'Arras,  sous  l'ancienne  monarchie,  il  ne  fut 
appelé  à  la  vie  politique  que  le  27  brumaire  an  XII,  ayant 
été  désigné  à  cette  date  par  le  Sénat  conservateur  pour  repré- 
senter au  Corps  législatif  le  département  du  Pas-de-Calais. 

Charles-Bruno  Franco  ville,  avocat  à  Saint-Omer  avant  la 
Révolution,  avait  été  élu  par  le  bailliage  de  Calais  et  Ardres 
député  du  Tiers  aux  États-Généraux.  Il  prit  à  l'Assemblée 
constituante  la  défense  du  comte  de  Montmorin,  ministre  des 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  53 

affaires  étrangères  ;  député  au  Corps  législatif,  de  l'an  XII  à 
1814,  il  se  signala  par  son  zèle  pour  le  gouvernement  impérial, 
ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  se  prononcer  ensuite  pour  la  déché- 
ance de  Napoléon  et  de  siéger  à  la  Chambre,  de  1816  à  1822, 
parmi  la  majorité  royaliste. 

Enfin  Gosse  de  Gorre,  avocat  au  Conseil  d'Artois,  juge  au 
tribunal  de  district  d'Arras  en  1790,  fut  considéré  pendant  la 
Terreur  comme  suspect  et  emprisonné.  Les  événements  de 
thermidor  lui  rendirent  la  liberté,  mais  au  coup  d'Etat  de 
fructidor,  on  le  disgracia  de  nouveau  comme  royaliste.  Député 
au  Corps  législatif  du  17  brumaire  an  XII  à  1808,  Gosse  de 
Gorre  fut  nommé  procureur  général  le  17  mai  1808  et  ne  fit 
plus  partie  d'une  assemblée  parlementaire  qu'après  la  Révolu- 
tion de  1830,  Au  Corps  législatif,  Gosse  de  Gorre  avait  eu 
pour  successeur,  au  renouvellement  de  1809,  un  ancien  offi- 
cier, Noizet  de  Saint-Paul,  capitaine  du  génie  le  8  avril  1779, 
chef  de  bataillon  en  vendémiaire  an  III,  chef  de  brigade  à 
l'armée  du  Nord  en  l'an  IV. 

L'histoire  de  la  représentation  du  département  du  Pas-de- 
Calais  au  Corps  législatif  nous  permet  donc  de  constater,  dans 
une  certaine  mesure,  la  tendance  du  régime  napoléonien,  lors- 
qu'il passe  du  Consulat  à  l'Empire  et  que  l'Empire  devient 
progressivement  plus  dynastique,  plus  monarchique,  à  substi- 
tuer aux  modérés  de  la  Révolution  des  modérés  de  l'ancien 
régime,  à  confier  sa  défense  de  préférence  à  des  hommes  sus- 
pects de  royalisme  plutôt  qu'à  des  hommes  suspects  de  répu- 
blicanisme. 

Quant  au  Tribunat,  il  fut,  comme  on  le  sait,  le  dernier  asile 
de  la  liberté  de  la  parole  et  de  la  liberté  de  la  pensée  pendant 
le  Consulat;  on  osait  parfois  y  exprimer  une  opinion  différente 
de  celle  du  maître.  Et  précisément,  les  représentants  du  Pas- 
de-Calais  au  Tribunat  appartenaient  à  cette  petite  minorité 
qui  aurait  voulu  concilier  le  régime  parlementaire  avec  la 
dictature  de  Bonaparte.  Il  suffît  de  rappeler  le  nom  de  Daunou, 
l'une  des  plus  pures  figures  de  la  Révolution,  l'une  des  gloires 


.')i-  LR    PAS-DE-CALAIS    DR    1800    A     1810 

du  Pas-de-Calais,  et  celui  de  Lazare  Carnot,  appelé  par  le 
Sénat,  le  6  germinal  an  X,  à  faire  partie  du  Tribunat.  Un  autre 
tribun,  Parent-Réal,  né  h  Ardres,  le  30  avril  1768,  avait  été 
élu  député  du  Pas-de-Calais  au  Conseil  des  Cinq-Cents  le 
26  germinal  an  VII  (15  avril  1799);  précédemment,  il  avait 
rempli  les  fonctions  de  secrétaire  en  chef  de  l'administration 
du  district  de  Calais,  de  juge  de  paix  à  Ardres,  de  commis- 
saire du  pouvoir  exécutif  auprès  de  l'administration  munici- 
pale du  canton  d' Ardres,  puis  de  la  ville  de  Saint-Omer  et 
enfin  de  l'administration  municipale  d'Arras.  Au  Tribunat,  il 
se  montra  l'un  des  plus  ardents  à  faire  au  Premier  Consul 
une  opposition  constitutionnelle  ;  aussi  Bonaparte  s'empressa- 
t-il  de  le  comprendre  en  1802  dans  la  première  élimination 
de  vingt-cinq  membres  de  cette  assemblée  ^ . 

Frédéric-Vincent-Nicolas  Jacquemont,  né  à  Hesdin,  membre 
du  Tribunat  de  1802  à  1805,  se  montra  plus  conciliant  que 
Parent-Réal;  à  la  suppression  du  Tribunat,  il  fut  nommé 
directeur  général  de  l'instruction  publique;  mais,  plus  tard, 
son  nom,  découvert  sur  la  liste  des  membres  du  gouvernement 
provisoire  projeté  par  le  général  Mallet,  indiqua  son  véritable 
état  d'esprit  et  il  fut  exilé  par  l'empereur. 

II 

C'est  la  loi  du  28  pluviôse  an  VIII  qui  a  créé  l'Assemblée 
délibérante  et  administrative  du  département,  le  conseil  géné- 
ral. Dans  chaque  département,  il  doit  y  avoir,  à  côté  du  préfet 
et  du  conseil  de  préfecture,  un  conseil  général  qui  s'assemblera 
chaque  année  à  une  époque  déterminée  par  le  gouvernement  ; 
la  session  ne  pourra  durer  plus  de  quinze  jours.  Au  conseil 
général  revient  le  rôle  de  répartir  les  contributions  directes 
entre  les  arrondissements  communaux  et  de  fixer  le  nombre 
de  centimes    additionnels  dont  l'imposition    sera    demandée 

1.  Dictionnaire  parlementaire  du  Pas-de-Calais,  par  un  bibliophile  artésien 
(A.  nE  Cardevacque),  1896.  La  même  mesure  frappa  Daunou. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  55 

pour  les  dépenses  du  département;  c'est  lui  qui  statuera  sur 
les  demandes  de  réduction  faites  par  le»  conseils  d'arrondis- 
sement, les  villes  et  les  villages  ;  il  entendra  le  compte  rendu 
annuel  que  le  préfet  rendra  de  l'emploi  des  centimes  addition- 
nels et  exprimera  son  oj^inion  sur  l'état  et  les  besoins  du  dépar- 
tement. 

Mais  ce  conseil  général  n'est  pas  élu  parle  suffrage  universel, 
pas  même  par  le  suffrage  restreint.  Ses  membres  sont  nommés 
par  le  Premier  Consul  pour  une  période  de  3  ans  et  rééli- 
gibles.  Vingt  conseillers  généraux  ont  été  désignés  le  7  prai- 
rial an  VIII  pour  le  département  du  Pas-de-Calais  ,  ils  tiennent 
leur  première  séance  le  1"  thermidor  de  la  même  année. 

Six  d'entre  eux  sont  d'anciens  législateurs  :  Vaillant,  Delrue, 
Enlart,  Le  Sergeant,  Saint-Amour,  Gonsse,  Petit;  cinq  ont 
appartenu  aux  précédentes  administrations  départementales 
pendant  la  Révolution  ;  sept,  aux  administrations  de  district 
ou  municipales;  le  dix-neuvième  est  un  ancien  général  et  le 
vingtième  un  juge  de  paix. 

Parmi  les  six  anciens  législateurs,  un  seul,  Enlart,  avait  siégé 
à  la  Convention  nationale,  mais  dans  les  rangs  des  modérés. 
Né  à  Montreuil-sur-Mer  le  25  mars  1760,  il  était  avocat  avant 
la  Révolution.  «  Il  fut  appelé  en  1790  aux  fonctions  d'admi- 
nistrateur du  département.  Nommé  à  la  Convention,  il  vota 
contre  la  mort  de  Louis  XVI  et  demanda  que  le  roi  fût  jugé 
par  des  délégués  des  peuples  libres.  A  sa  sortie  de  la  Conven- 
tion, il  se  retira  dans  sa  famille,  et  accepta  une  place  de  juge 
de  paix.  Sous  le  Consulat,  il  fut  nommé  président  du  tribunal 
de  Montreuil  et  resta  dans  ce  poste  pendant  toute  la  durée  de 
l'Empire.  Révoqué  par  la  Restauration,  il  fut  porté  à  la  dépu- 
tation  pendant  les  Cent  jours.  Il  fut  remis  en  possession  de 
son  siège  en  1818  et  mourut  le  25  juillet  1842  ^  ». 

Louis-Joseph  Le  Sergeant  d'isbergues,  de  Saint-Omer,  était 
capitaine  de  cavalerie,  chevalier  de  Saint-Louis,  gouverneur 

1.  Lecesne,  Académie  d'Arra,s,  tome  VIII,  p.  170. 


56  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

de  Lens,  lieutenant  des  maréchaux  de  France,  lorsqu'il 
fut  appelé  par  la  noblesse  d'Artois  à  siéger  aux  Etats- 
Généraux.  Il  y  figura  parmi  les  libéraux  de  la  noblesse,  parmi 
ceux  qui  étaient  disposés  à  faire  abandon  de  leurs  privilèges 
et  à  appuyer  l'existence  d'une  monarchie  constitutionnelle. 
Pendant  les  mauvais  jours  de  la  Terreur,  il  se  Ht  oublier  et  ne 
reparut  que  sous  le  Directoire  pour  être  président  de  l'admi- 
nistration municipale  de  Saint-Omer  ;  il  était  à  bon  droit  sus- 
pect de  royalisme  ou  tout  au  moins  de  tiédeur  à  l'égard  du 
régime  républicain.  Le  gouvernement  consulaire  le  fit  maire 
de  Saint-Omer  le  14  mai  1800  et  conseiller  général,  pour  le 
destituer  ensuite  de  ses  fonctions  de  maire  le  6  juillet  1802  et 
le  rétablir  de  nouveau  le  21  octobre  1806.  Il  mourut  peu  de 
temps  après,  le  16  mai  1807. 

Charles- Joseph  Delrue,  d'Allouagne,  avait  été  élu  le  25  ger- 
minal an  VI  par  le  département  du  Pas-de-Calais,  député  au 
Conseil  des  Cinq  Cents,  par  125  voix  sur  166  votants. 
Alexandre- François- Augustin  Petit,  de  Magnicourt-sur- 
Canche,  cultivateur  comme  le  précédent,  n'a  pas  joué  un  rôle 
plus  important  ;  élu  député  du  Tiers  aux  Etats  généraux,  il 
prêta  le  serment  du  Jeu  de  Paume,  puis  émigra  pendant  la 
Terreur  et  rentra  en  France  après  les  journées   de  thermidor. 

Mathieu- Joseph -Guislain  Cassagneau  de  Saint-Amour, 
appartenait  à  ces  mêmes  éléments  modérés  du  Pas-de-Calais. 
Conseiller  pensionnaire  de  la  ville  de  Bourbourg,  membre  du 
bureau  intermédiaire  de  l'assemblée  provinciale  de  Picardie, 
il  fut,  sous  la  Révolution,  major  général  de  la  garde  nationale 
du  Pas-de-Calais  et  administrateur  du  département.  Le  con- 
ventionnel Doulcet  de  Pontécoulant  le  destitua  pour  avoir 
pris  un  arrêté  contre  les  fauteurs  de  la  journée  du  12  juin 
1792.  Maire  d'Ardres,  commissaire  du  Directoire  exécutif 
dans  ce  canton,  il  fit  partie  du  conseil  des  Cinq-Cents,  à  la 
suite  des  élections  du  24  germinal  an  VII. 

Enfin,  Jacques -Louis -Nicolas  Vaillant,  né  à  Arras  le 
!'■'■  janvier  1742,  avait  représenté  le  Tiers  de  la  province  d'Ar- 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  37 

toi  S  aux  Etats-Généraux  ;  il  y  lit  partie  du  comité  de  consti- 
tution. Nommé  le  31  mars  1791  juge  au  tribunal  de  cassation, 
il  fut  élu,  en  brumaire  an  IV,  député  au  Conseil  des  Anciens  ; 
il  donna  sa   démission  le  1 1  pluviôse  an  V . 

Biaise  Duval,  dit  Duval  de  Hautmaret,  représentait  dans  le 
conseil  g-énéral  l'élément  militaire.  Il  était  entré  dans  les 
gardes  du  corps  du  roi  le  20  février  1758  et,  à  la  Révolution, 
nous  le  retrouvons.  Lieutenant-colonel  du  l*""  bataillon  de  la 
Somme  en  1791,  colonel  du  6*"  dragons  le  23  mai  1792,  il  est 
promu  maréchal  de  camp  le  7  septembre  1792  et  lieutenant- 
général  le  3  février  1793.  Commandant  à  Lille,  il  était  sus- 
pendu presque  aussitôt  de  ses  fonctions  et  réformé  le  lo  fri- 
maire an  VI.  Biaise  Duval  appartenait  donc  à  ce  groupe  d'offi- 
ciers que  l'on  peut  appeler  la  génération  militaire  de  l'Assem- 
blée constituante,  génération  devenue  suspecte  pendant  la 
Terreur  et  mise  à  l'écart  des  commandements. 

Passons  maintenant  aux  membres  des  anciennes  adminis- 
trations du  département,  des  districts  ou  des  municipalités 
pendant  la  Révolution.  Tout  d'abord,  nous  pouvons  remar- 
quer qu'en  dehors  des  hommes  politiques  qui  ont  également 
appartenu  aux  assemblées  nationales,  un  seul  des  conseillers 
généraux  a  fait  partie  de  la  première  assemblée  administra- 
tive du  département,  celle  de  1790  :  c'est  Louis-Auguste 
Parent,  de  Gouy-Servins. 

Normans,  de  Servins,  était  l'ancien  secrétaire  des  amis  de 
la  Constitution  à  Arras.  On  l'avait  nommé  administrateur  du 
district  d'Arras,  membre  du  comité  de  sûreté  générale  de  cette 
ville  et  secrétaire  du  district  ;  lors  de  l'épuration  révolution- 
naire de  Le  Bas,  il  avait  dû  quitter  ces  fonctions  ;  en  l'an  VII, 
il  était  président  de  l'administration  municipale. 

Dupire,  de  Divion,  militaire  avant  1789,  est  qualifié  ensuite 
de  cultivateur  ;  il  fut  maire  de  Béthune,  président  du  district. 

Sur  François  Deleporte,  nous  trouvons  les  indications  sui- 
vantes :  négociant  k  Boulogne,  concessionnaire  de  400  arpents 
de  la    forêt  de    Boulogne    pour  l'élevage    d'un   troupeau  de 


58  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

1000  brebis  et  80  béliers  de  race  anglaise,  membre  de  l'admis- 
tration  du  canton  de  Boulogne  en  l'an  111,  membre  fonda- 
teur de  la  société  d'agriculture  de  Boulogne  en  l'an  IV,  mem- 
bre du  tribunal  de  commerce,  maire  de  Boulogne  de  ISOrj  à 
1809. 

Pierre  Cazin,  d'Hardinghen,  est  un  ancien  officier,  associé 
de  Desandrouins  dans  l'exploitation  des  mines  et  verreries 
d'Hardinghen.  Administrateur  du  district  de  Boulogne,  il  fut 
destitué  par  le  représentant  Dumont  en  1792  ;  depuis,  il  fut 
président  de  la  municipalité  du  canton  d'Hardinghen  ;  il  siégeait 
encore  au  conseil  général   du    Pas-de-Calais    en  1810. 

Bertin-Platiau,  de  Muncq-Nicurlet,  a  été  administrateur 
municipal. 

De  même,  Auguste  Violette,  de  Fressin,  a  présidé  l'admi- 
nistration municipale  du  canton  de  Fressin,  et  Willerval, 
celle  du  canton  de  Tramecourt. 

Delombre,  d'Aubigny,  que  nous  avons  déjà  cité  comme 
conseiller  de  préfecture,  était  administrateur  et  commissaire 
du  district   de  Saint -Pol. 

Tous  ces  conseillers  généraux  représentent  incontestable- 
ment les  éléments  modérés  de  la  Révolution  ;  mais  quelques- 
uns  de  leurs  collègues  avaient  été  choisis  ou  maintenus  dans 
leurs  fonctions  par  Lebon  et  les  robespierristes.  Tel  est  le  cas 
de  Danvin,  d'Hesdin,  membre  du  directoire  du  district  de 
Saint-Pol,  nommé  par  Lebon  en  1794;  de  Michaud,  négo- 
ciant, vice-président  du  district  de  Calais  pendant  la  dicta- 
ture de  Lebon,  président  de  l'administration  municipale  de 
cette  même  ville  ;  de  Goudemetz,  de  Fresnov,  président  du 
district  à  Arras  en  179i  ;  nommé  par  Lebon,  maintenu  du 
reste  dans  ses  fonctions  par  les  conventionnels  Berlier  et 
Guyot  après  la  chute  de  Robespierre,  et  par  Delamurre,  en 
1795. 

Enfin,  Goudemetz,  de  Saint-Pol,  le  seul  membre  du  conseil 
général  avec  le  général  Duval  qui  n'ait  pas  appartenu  aux 
précédentes   représentations   législatives   ou    administratives 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  59 

du  département,  avait  été  président  de  l'assemblée  électorale 
de  Saint-Pol  en  1791  et  juge  de  paix  à  Saint-Pol. 

Pour  constituer  le  conseil  g^énéral,  le  gouvernement  con- 
sulaire a  donc  fait  appel  à  des  hommes  qui,  tous,  ont  pris 
une  part  quelconque  à  la  Révolution,  même  pendant  la 
période  des  exagérations  et  des  violences,  mais  qui  ont  dû  con- 
server en  tout  temps  l'estime  et  la  confiance  des  populations. 
Le  caractère  de  continuité  entre  la  Révolution  et  le  Consulat 
s'affirme  ici  plus  visiblement  que  dans  le  choix  des  adminis- 
trateurs ;  il  y  a  identité  de  faits  ou  à  peu  près  avec  le  dépar- 
tement des  Bouches-du-Rhône. 

Suivons  maintenant  les  modifications  subies  par  le  conseil 
général  depuis  1801  jusqu'à  1810.  D'abord  quelques  muta- 
tions partielles  antérieures  au  premier  renouvellement,  celui 
de  l'an  XI.  Delombre,  d'Aubigny,  ayant  accepté  les  fonctions 
de  conseiller  de  préfecture,  était  remplacé  par  Thieulaine,  et 
Le  Sergeant,  ayant  opté  pour  les  fonctions  de  maire  de  Saint- 
Omer,  avait  pour  successeur  Bernard  Delattre  (décret  du 
13  messidor  an  IX).  Henri-Bernard  Delattre  de  Balzaert,  né 
à  Saint-Omer  le  27  juillet  1743,  était  maître  particulier  des 
eaux  et  forêts  ;  il  fut  élu  député  aux  Etats-Généraux  par  le 
Tiers-État  du  bailliage  de  Bailleul  et  député  au  conseil  des 
Cinq-Cents  le  2i  vendéminaire  an  IV  par  le  département  du 
Pas-de-Calais.  Bernard  Delattre  étant  mort  à  Saint-Omer  le 
8  juillet  180i,  le  gouvernement  désigna  pour  lui  succéder 
Blancart,  qui  avait  été  maire  de  Calais.  Quant  à  Thieulaine, 
c'était  un  ancien  chef  de  cohorte  à  Arras. 

A  la  mort  du  général  Duval,  à  Montreuil,  le  19  janvier  1803, 
de  Bailliencourt,  dit  Courcol,  échevin  de  Béthune  avant 
1789,  officier  municipal,  receveur  du  district  de  Béthune, 
préposé  du  receveur  général  du  département,  fut  appelé  à 
recueillir  sa  succession. 

Le  renouvellement  de  l'an  XI  fait  rentrer  au  conseil  général 
Le  Sergeant  d'Isbergues  ;  sont  en  outre  nommés  par  décret 
du  10  ventôse    an    XII    (1804),     Lefebvre-Cayet,    Deslyons- 


60  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Moncheaux,  Wattelet,  Duriez  et  Joly  de  La  Viéville.  Nous 
avons  déjà  retracé  la  biographie  de  Lefebvre-Cayet,  ancien 
législateur,  en  parlant  des  membres  du  Corps  Législatif. 
Deslyons,  baron  de  Moncheaux,  né  à  Arras  le  1"''  octobre 
1750,  appartenait  à  l'armée  ;  il  devint  colonel,  puis  maréchal 
de  camp  en  1816  et  fut  élu  député  du  Pas-de-Calais  en  181o  ; 
il  figura  parmi  les  membres  de  la  majorité  de  la  Chambre 
introuvable,  ce  qui  indique  suffisamment  ses  opinions,  et 
mourut  en  1817.  Watelet  était  conseiller  de  préfecture  ,  Joly 
de  la  Viéville  chef  de  cohorte  à  Aire  et  Duriez  habitait 
Calais. 

Les  choix  de  1806  pour  le  renouvellement  du  conseil  géné- 
ral portent  presque  tous  sur  d'anciens  militaires  :  de  Gantés, 
propriétaire  à  Blangy  ;  Cochet  de  Corbeaumont,  chef  de 
cohorte;  d'Acary  Larivière,  chef  de  légion  à  Montreuil  ;  de 
Lasteyrie  du  Saillant,  chef  de  légion  k  Boubers-sur-Canche, 
chambellan  de  l'empereur;  Fromentin  de  Sartel,  proprié- 
taire à  Arras,  est  un  chef  de  cohorte  ;  Dublaisel-Durieux, 
nommé  par  décret  du  la  mai  1806,  était,  avant  1789,  capi- 
taine de  dragons  et  avait  eu,  pendant  la  Révolution,  le  grade 
de  chef  de  brigade. 

En  1810,  le  conseil  général  du  département  du  Pas-de- 
Calais  est  composé  de  la  façon  suivante  :  cinq  des  membres 
nommés  à  la  création  en  1800,  Saint-Amour-Gonsse,  Parent, 
Dupire,  Michaux  et  Cazin  (Michaux  fut  remplacé  le  11  juillet 
1811  par  de  Guizelin  La  verdi,  chef  de  cohorte)  ;  un  conseiller 
général  nommé  en  l'an  IX,  Thieulaine  ;  quatre  conseillers 
généraux  nommés  en  l'an  XII,  Deslyons  de  Moncheaux,  Joly 
de  la  Viéville,  Lefebvre-Cayet  et  Watelet.  Ces  deux  derniers 
avaient  joué  un  rôle  politique  pendant  la  Révolution  ;  les  dix 
autres  conseillers  généraux  sont  des  hommes  nouveaux,  dont 
les  tendances  politiques  seraient  plutôt  en  faveur  de  la 
royauté  que  de  la  république  :  de  Gantés,  Cochet  de  Cor- 
beaumont, d'Acary  Larivière  (nommés  le  2S  avril  1806),  de 
Sart,  ancien  militaire   (nommé  le  29  mai  1806)  ;  de  Trame- 


LES    ASSEMBLÉES    ADMIMSI  RAïlVES  61 

court,  qui  avait  émigré  et  servi  dans  les  rangs  de  l'armée  de 
Condé  et  fut,  sous  la  Restauration,  l'un  des  plus  fougueux 
royalistes  de  la  Chambre  des  députés  où  lavaient  envoyé  les 
électeurs  du  Pas-de-Calais  ;  Donjon,  propriétaire  à  Arras, 
qui  a  remplacé  Duriez,  décédé  ;  de  Bailliencourt,  dit  Cour- 
col  ;  Fromentin  de  Sartel,  de  Lasteyrie  du  Saillant,  enfin 
Pierre-Joseph-Mathias  Wartelle,  plus  tard  maire  d'Arras  et 
créé  baron  par  l'empereur,  député  du  Pas-de-Calais  pendant 
les  Cent  jours  et  aux  élections  de  1817   et  de  1821. 

A  la  mort  de  Lefebvre-Cayet,  le  8  mars  1811,  le  gouverne- 
ment fit  choix  pour  le  remplacer  de  Duquesnoy-Rouvray, 
administrateur  des  hospices.  De  Lasteyrie  du  Saillant,  appelé 
à  la  préfecture  de  la  Lippe,  eut  pour  successeur  de  Malet  de 
Coupigny  (20  mars  1812),  colonel,  député  pendant  la  Restau- 
ration et  membre  de  la  majorité  royaliste,  tandis  qu'à  Fro- 
mentin de  Sartel  succédait,  le  11  juillet  1811,  de  Carde vacque, 
comte    d'Havrincourt, 

H  est  permis  d'affirmer,  sans  la  moindre  exagération,  qu'en 
1812,  le  conseil  général  du  Pas-de-Calais  est  en  grande  majo- 
rité royaliste.  Après  avoir  recruté  ses  auxiliaires  dans  toutes 
les  assemblées  de  la  Révolution,  même  parmi  les  membres  de 
la  Convention  nationale.  Napoléon  les  recrute  dans  l'armée 
de  Condé  ;  la  Restauration  est  faite  moralement  avant  l'île 
d'Elbe,  et  avant  Waterloo. 


III 


Dès  l'origine,  les  membres  du  conseil  général  ne  paraissent 
pas  avoir  été  très  assidus  aux  séances.  Ainsi,  à  la  session  du 
lo  floréal  an  XI,  plusieurs  conseillers  président  les  assemblées 
de  canton  et  déclarent  qu'ils  ne  peuvent  se  déplacer  :  tel  est 
le  cas  de  Bailliencourt  à  Béthune,  d'Enlart  à  Mon  treuil,  de 
Danvin  k  Campagne.  Delerue  est  malade  et  n'assistera  qu'à 
quelques  séances.  Dupire  écrit  de  Paris  au  préfet,  le  l*""  messi- 
dor an  XI,  pour  excuser  son  absence  à  la   session  extraordi- 


62  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

naire  tenue  à  l'occasion  de  la  déclaration  de  guerre  à  l' Angle- 
terre ;  si  le  Conseil  vote  un  ou  des  vaisseaux  à  équiper  aux 
frais  du  Pas-de-Calais,  il  demande  que  les  fournitures  pro- 
viennent du  département. 

A  la  session  de  Fan  XII,  Vaillant,  président  provisoire,  est 
contraint  d'écrire  au  préfet  :  «  Vous  savez  dans  quel  embarras 
nous  jette  l'absence  de  plusieurs  de  nos  coUèg-ues.  Nous  vous 
conjurons  de  vouloir  bien  employer  les  moyens  les  plus  prompts 
pour  les  déterminer  à  se  rendre  à  leur  poste.  Les  plus  à  portée 
d'Arras  sont  les  citoyens  Parent  et  Delerue.  Je  ne  vous  parle 
pas  des  citoyens  Cazin  et  de  la  Sablonière,  attendu  que  ce  der- 
nier est  dans  l'usag-e,  depuis  plusieurs  années,  de  ne  pas 
paraître  au  Conseil  et  que  l'autre  n'y  est  guère  que  pour  vingt- 
quatre  heures.  Je  ne  qualitierai  pas  le  plus  ou  moins  d'insou- 
ciance de  plusieurs  de  nos  collègues,  mais  je  vous  assure 
qu'elle  nous  afflige  beaucoup  et  qu'elle  nous  découragerait  si 
nous  n'étions  soutenus  parle  désir  de  remplir  nos  devoirs  ». 

Et  le  préfet  a  beaucoup  de  peine  à  réagir  contre  cette  indiffé- 
rence. Cazin,  qui  avait  offert  sa  démission  mais  n'avait  pu  la 
faire  accepter,  lui  écrit,  le  14  germinal  an  XII,  qu'il  passera 
à  Arrasle  22  ou  le  24,  uniquement  pour  le  saluer  ;  le  préfet 
annote  sa  lettre,  en  marge,  de  cette  manière  :  «  J'ai  cepen- 
dant écrit  moi-même  à  M.  Cazin  que  je  l'attendais  pour  le  15, 
ouverture  de  la  session  ».  Quant  à  Parent,  il  se  plaint  de 
souffrir  d'un  rhume  négligé  qui  lui  cause  un  grand  mal  de 
gorge  et  l'empêche  d'assister  à  la  session  ;  annotation  du  pré- 
fet :  «  J'en  suis  bien  fâché,  mais  ce  voyage  me  paraît  néces- 
saire ».  Même  observation  pour  Michaud,  maire  de  Calais, 
qui  se  retranche  derrière  des  préoccupations  multiples,  le 
logement  des  troupes,  l'administration  de  l'armée  des  côtes, 
etc.  '. 

Les  travaux  du  Conseil  général  sont  pourtant  variés  et  ne 
manquent  pas  d'intérêt,  bien  que  l'assemblée  départementale 

1.  Archives  dép.,  série  N.  Conseil  général.  Sessions  de  1800-1810. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  63 

ne  jouisse  pas  de  toute  la  latitude  d'action  désirable  ;  les 
séances  sont  entièrement  consacrées  à  des  délibérations 
d'affaires,  et  la  politique,  en  dehors  de  quelques  adresses, 
emphatiques  et  plus  ou  moins  sincères,  au  gouvernement, 
n'en  distrait  aucun  instant. 

La  première  séance  a  lieu  le  1''"  thermidor  an  VIII.  Vaillant 
est  élu  président  et  Gazin,  secrétaire  ;  on  procède  ensuite  à  la 
formation  des  commissions  de  répartiment  des  contributions, 
à  la  lecture  des  cahiers  des  six  arrondissements  et  à  l'examen 
des  demandes  en  dégrèvements  des  diverses  communes, 
demandes  qui  sont  toutes  rejetées.  Cette  première  session 
dure  du  l'^'^  au  8  thermidor. 

La  seconde  session  se  tient  du  1 S  au  28  germinal  an  IX; 
elle  est  présidée  également  par  Vaillant,  avec  Saint-Amour 
comme  secrétaire.  On  forme  cinq  commissions  :  1°  contri- 
butions et  départements  ;  2°  dépenses  générales  et  compte 
à  rendre  par  le  préfet  ;  3"  commerce  et  agriculture,  ponts 
et  chaussées  et  navigation  ;  4°  secours  publics  et  prisons  ; 
0'*  instruction  publique,  population  et  administration.  Au 
moment  de  la  clôture  de  cette  session,  le  Conseil  général 
vote  une  adresse  aux  consuls  :  le  Pas-de-Calais,  «  après  avoir 
été  frappé  à  lui  seul  de  toutes  les  plaies  révolutionnaires,  va 
être  heureux  dans  la  régénération  de  son  esprit  public,  dans 
la  consécration  sur  son  sol  des  autels  de  la  paix  »  ;  le  Conseil 
adresse  un  hommage  particulier  «  au  héros  guerrier  et  légis- 
lateur qui  préside  à  ces  travaux  ». 

Du  1"  prairial  an  X  au  14  prairial,  a  lieu  la  troisième 
session  ;  du  15  floréal  an  XI  au  30  floréal,  la  quatrième,  avec 
le  même  bureau  :  Vaillant,  président  ;  Saint-Amour,  secré- 
taire. Le  4  messidor  an  XI,  le  Conseil  général  est  réuni  en 
une  session  extraordinaire  déterminée  par  la  déclaration  de 
guerre  à  l'Angleterre  ;  Vaillant  la  préside,  avec  Blanquart 
pour  secrétaire.  Le  préfet  prononce  une  allocution  énergique 
sur  la  perfidie,  la  cupidité  et  l'orgueil  de  l'Angleterre  ;  c'est 
sur  elle  que  retombe  la  responsabilité  des  maux   de   la  nou- 


64  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

velle  guerre  ;  il  se  félicite  d'avoir  par  son  adresse  du  12  prai- 
rial prévenu  les  intentions  du  g-ouvernement  et  exprimé  les 
vœux  des  habitants  du  département  du  Pas-de-Calais,  Le 
Conseil  général,  animé  des  mêmes  sentiments,  manifeste 
toute  sa  haine  de  l'indigne  provocation  qui  arme  de  nouveau 
les  Français  ;  il  est  heureux  d'autre  part  de  prouver  au  gou- 
vernement son  zèle  et  son  dévouement.  Lorsque  le  préfet  et 
le  secrétaire  général  se  sont  retirés,  le  conseil  général  fait 
hommage  à  l'Etat  d'une  subvention  volontaire  de  15  centimes 
par  franc  sur  le  principal  des  contributions  ;  cette  subvention 
doit  produire  600.000  francs  qui  seront  utilisés  pour  la  cons- 
truction d'un  vaisseau  que  le  gouvernement  est  invité  à 
nommer  le  Napoléon. 

A  la  session  ordinaire  de  l'an  XII,  qui  dure  du  la  au  29 
germinal  et  que  préside  encore  Vaillant,  assisté  cette  fois  de 
Lefebvre-Cayet  comme  secrétaire,  le  préfet  de  La  Chaise, 
dans  son  discours,  expose  qu'étranger  au  département,  il  y  a 
apporté  un  désir  ardent  de  faire  oublier  les  malheurs  de  la 
Révolution,  d'attacher  tous  les  cœurs  au  gouvernement  ;  il 
démontre  l'utilité  de  mettre  sous  les  yeux  du  conseil  un 
tableau  de  ce  qui  s'est  passé  dans  le  département,  l'esquisse 
de  ce  qui  reste  à  faire;  il  a  l'assurance  que  ses  relations  avec 
le  conseil  général  seront  de  plus  en  plus  faciles  et  avanta- 
geuses aux  administrés  et  remet  «  à  des  temps  plus  libres,  à 
des  connaissances  plus  étendues,  des  communications  plus 
satisfaisantes  et  plus  fécondes  ».  Il  communique  des  mémoires  : 
1"  sur  les  contributions  ;  2^  sur  la  comptabilité  ;  3''  sur  l'admi- 
nistration générale,  la  police,  l'agriculture,  le  commerce,  etc.  ; 
4"  sur  les  secours  publics,  prisons,  etc.  ;  S°  sur  l'instruction 
publique  ;  G<>  sur  l'état-civil  ;  7°  sur  le  recrutement.  Le  con- 
seil témoigne  sa  reconnaissance   au  préfet. 

Le  bureau  est  constitué  de  la  même  façon  à  la  session  de 
l'an  XIII  pendant  laquelle  le  Conseil  général  vote  à  l'unani- 
mité une  adresse  à  l'Empereur  :  «  Le  peuple  français,  fatigué 
des  vicissitudes  et  des  orages  de  la   Révolution,  a  senti   que, 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  65 

pour  assurer  les  glorieux  destins  que  vos  vertus  et  vos  vic- 
toires lui  avaient  préparés,  il  devait  vous  confier  le  pouvoir 
suprême  et  le  rendre  héréditaire  dans  votre  famille.  Vous 
avez  accepté  la  couronne  impériale  et  ce  grand  événement  qui 
a  mis  le  comble  à  notre  espoir,  a  excité  la  joie  et  la  confiance 
des  nations  sages  qui  ont  reconnu  combien  il  doit  influer  sur 
leur  propre  sort.  C'est  à  présent  que  la  France  et  l'Europe 
peuvent  se  promettre  le  repos  et  le  boriheur.  Vous  avez  fait 
trembler  le  premier  ces  perfides  insulaires,  dont  l'infâme 
diplomatie  agite  sans  cesse  l'univers.  Vous  avez  déjoué  par- 
tout leurs  complots  et  causé  leur  désespoir  en  rétablissant 
parmi  nous  un  ordre  immuable,  en  relevant  nos  autels,  en 
nous  donnant  des  lois,  en  nous  rattachant  à  tous  les  éléments 
de  la  grandeur  et  de  la  propriété  nationale  »  *. 

La  session  de  1806  dure  du  2  juin  au  13  juin  avec  Vaillant 
comme  président  et  Saint-Amour  comme  secrétaire.  Des  féli- 
citations sont  votées  au  préfet  pour  son  zèle  à  faire  respecter 
les  lois  et,  répétant  ce  qui  s'était  passé  à  la  session  anté- 
rieure, le  conseil  général  rédige  une  adresse  à  l'Empereur, 
cette  fois  «  sur  les  événements  presque  incroyables  qui  se 
sont  succédé  »  depuis  un  an.  En  octobre  1807,  le  conseil 
général  compose  son  bureau  de  Vaillant,  président,  et  de 
Bailliencourt,  secrétaire.  Les  cinq  commissions  sont  réparties 
de  la  façon  suivante  :  l**  contributions  foncières  et  mobilières  ; 
2"  tableau  des  dépenses  et  compte  rendu  du  préfet  ;  3**  agri- 
culture, commerce,  ponts  et  chaussées,  cultes  ;  4"  secours 
publics,  hospices  et  prisons  ;  5°  instruction  publique,  popu- 
lation, administration.  Nouvelle  adresse  à  l'Empereur,  en 
l'honneur  de  la  paix  de  Tilsitt  : 

«  Le  roi  de  Prusse,  séduit  par  des  conseillers  vendus  aux 
Anglais,  oublie  tout  à  coup  les  avantages  qu'il  avait  retirés 
de  sa  neutralité  et  se  croyant  encore   au  temps  où  le  grand 


1.  Archives  dép.,  série  N.  Session  du  conseil  général   pour   l'an  XIII,    reg. 
n°3. 

Ghavanon  et  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  1800  à  ISW.  5 


66  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Frédéric  avait  triomphé  de  la  France,  de  TAutriche  et  de  la 
Russie,  il  concentre  ses  forces  près  de  vos  frontières,  et,  sous 
les  prétextes  les  plus  frivoles,  il  se  berce  de  l'espoir  de  porter  la 
guerre  dans  vos  États.  Votre  Majesté,  qu'il  se  flattait  d'attaquer 
au  dépourvu,  le  prévient  à  léna.  Un  seul  jour  a  vu  détruire 
l'armée  ennemie  et  le  royaume  de  Prusse  a  cessé  d'exister. 
Un  autre  ennemi  plus  formidable,  pareillement  égaré  par  des 
conseillers  perfides,  oublie  sa  défaite  d'Austerlitz  et,  croyant 
l'armée  de  Votre  Majesté  affaiblie  par  les  détachements 
qu'elle  avait  dû  laisser  dans  la  Prusse,  il  s'avance  pour  venger 
son  allié  détrôné  ;  l'intrépidité  des  Russes  ne  peut  résister 
au  génie  qui  conduit  votre  armée  invincible  ;  ils  succombent, 
sans  déshonneur,  aux  célèbres  journées  d'Eylau  et  de  Fried- 
land,  et  l'armée  française  est  reconnue  la  première  armée  du 
monde.  Tant  de  victoires  et  de  conquêtes  ne  purent  faire 
dévier  Votre  Majesté  des  principes  de  modération  qu'elle  a 
constamment  professés.  Elle  ne  soutenait  la  guerre  que  pour 
avoir  la  paix  et  faire  enfin  ouvrir  les  yeux  à  toutes  les  puis- 
sances du  continent  sur  leurs  véritables  intérêts.  C'est  à  Til- 
sitt  qu'elle  a  enfin  atteint  ce  but  si  cher  à  son  cœur.  Les  deux 
plus  puissants  monarques  du  monde  et  dignes  de  s'apprécier 
posent  les  armes,  se  donnent  la  main,  se  livrent  mutuelle- 
ment l'un  à  l'autre  avec  cette  magnanimité  et  ce  noble  aban- 
don qui  les  honorent  également  tous  les  deux.  Les  armées,  qui 
peu  de  jours  auparavant,  se  combattaient  avec  tant  dacharne- 
ment,  s'empressent  de  suivre  l'exemple  des  deux  empereurs, 
et  pénétrées  d'une  estime  réciproque,  elles  s'en  prodiguent  les 
témoignages  les  plus  touchants  ^». 

Il  est  curieux  de  noter  cet  accueil  fait  à  la  première  alliance 
avec  la  Russie  par  l'opinion  publique  en  France  —  dans  le 
mesure  où  une  adresse  votée  par  un  Conseil  général,  sous  le 
régime  impérial,  peut  être  considérée  comme  l'expression  de 
l'opinion  publique. 

1.  Arch.  clép.,  série    N.  Session  du  Conseil  g^énéral   pour  1806,  reg.  n"  4. 


LES    ASSE-MltLÉliS    ADMIMSTRATIVES  67 

En  1808,  il  ne  fut  pas  tenu  de  session.  La  session   de  1809 
dura  du  10  au  30  janvier  avec  le  même  bureau  qu'en  1807. 


IV 

Après  avoir  examiné  la  vie  extérieure  du  Conseil  général, 
ses  manifestations  publiques  et  tant  soit  peu  politiques,  il 
nous  faut  passer  en  revue  les  résultats  des  travaux  de  ses 
diverses  commissions,  nous  rendre  compte  de  l'importance  de 
son  rôle  dans  l'administration  du  département.  Dans  cet  ordre 
d'idées,  les  premières  sessions  paraissent  avoir  été  plus 
actives  ;  elles  nous  laissent  davantage  l'impression  d'une 
assemblée  délibérante  ;  on  ne  se  contente  pas  d'enregistrer 
des  faits  acquis,  on  discute  des  rapports  et  on  émet  des 
vœux. 

Retenons  par  exemple  quelques-uns  des  vœux  des  sessions 
de  l'an  VIII  et  de  l'an  IX  relatifs  à  l'administration  générale. 

Les  bourgs  et  communes  ouvertes  emploient  pour  la  per- 
ception des  octrois  ruraux  de  nombreux  commis  qui  absorbent 
la  moitié  et  même  les  deux  tiers  de  la  recette  :  le  Conseil 
général  émet  le  vœu  que  ces  communes  soient  autorisées  à 
déterminer  le  mode  d'imposition  et  de  recouvrement  des 
sommes  allouées  pour  les  dépenses  communales. 

Nous  avons  déjà  exposé  les  doléances  de  deux  préfets  du 
Pas-de-Calais  au  sujet  des  gardes  champêtres  :  le  conseil 
grnéral,  lui  aussi,  demande  l'épuration  et  la  réorganisation 
de  ce  personnel. 

La  question  des  tourbières  et  des  marais  communaux  est 
une  de  celles  qui  préoccupent  à  diverses  reprises  l'administra- 
tion et  l'assemblée  départementales  •:  un  rapport  présenté  en 
l'an  VIII  constate  les  mauvais  procédés  d'exploitation,  le  par- 
tage inégal  des  bénéfices,  la  difficulté  que  rencontrent  les 
veuves  et  les  orphelins  pour  trouver  des  ouvriers  par  suite  de 
l'égoïsme  et  de  l'avidité  des  exploitants.  La  rareté  du  bois 
exige  la  conservation  des  tourbières  ;  or,  les  anciens    règle- 


68  LE   PAS-DE-CALAIS    DE    4800    A    1810 

ments  sont  insuffisants  pour  les  marais  partagés  :  le  Conseil 
général  demandera  au  gouvernement  une  police  et  une  surveil- 
lance régulières,  un  meilleur  régime  pour  les  forêts.  On 
revient,  à  la  session  de  l'an  IX,  sur  cette  question  de  tourbières. 
Le  désordre  continue  dans  le  mode  d'extraction  :  1"  dans  les 
marais  partagés,  on  vend  les  portions  que  la  loi  réserve  pen- 
dant dix  années  et  on  dissipe  la  tourbe  ;  2"  dans  les  marais 
restés  communs,  aucune  règle  n'est  reconnue  et  on  fait  dispa- 
raître les] terrains  sous  l'eau.  Le  vœu  émis  par  le  Conseil 
général  dénonce  au  gouvernement  les  aliénations  de  portions 
partagées  et  demande  la  mise  en  vigueur  des  anciens  règle- 
ments «  qui  n'ont  rien  de  contraire  aux  lois  actuelles  »,  ainsi 
que  la  diffusion  de  l'instruction  sur  les  tourbières,  rédigée 
par  le  citoyen  Ribeaucourt  et  publiée  par  le  Conseil  des 
mines.  Renouvellement  à  la  même  session  du  vœu  relatif  aux 
gardes   champêtres. 

La  population  du  département  a  diminué  d'environ  2.500 
individus  en  l'an  IX.  Le  Conseil  général  attribue  cette  dimi- 
nution aux  réquisitions,  à  la  médiocrité  des  trois  dernières 
récoltes,  au  manque  de  travail,  à  l'impéritie  qui  préside  aux 
accouchements  dans  les  campagnes  ;  il  décide  de  soumettre 
ces  considérations  au  gouvernement  et  de  demander  des  tra- 
vaux publics  pour  retenir  la  population  sur  le  territoire  du 
Pas-de-Calais.  Quant  à  la  situation  politique,  elle  est  satis- 
faisante; l'esprit  public  est  bon  ;  le  gouvernement  inspire 
confiance  ;  toutefois,  en  certains  endroits,  on  observe  encore 
une  agitation  due  surtout  aux  passions  religieuses  :  la  liberté  des 
cultes  amènera  l'apaisement.  Le  Conseil  général  demande  que 
la  révision  des  actes  de  l'état  civil,  souvent  remplis  d'irrégu- 
larités, d'omissions  ou  d'erreurs,  soit  confiée  aux  juges  de 
paix  d'accord  avec  les  maires,  et  que  ces  actes  soient  rédigés 
par  les  instituteurs. 

L'institution  du  notariat,  très  rigoureusement  régie  sous  les 
États  d'Artois,  s'est  bien  relâchée  des  anciens  principes  :  les 
scandales   sont  fréquents  ;  aussi  le  Conseil  général  voudrait-i 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  69 

que  les  notaires  fussent  nommés  au  concours  par  un  jury, 
siégeant  au  chef-lieu  du  département  et  composé  d'un  juge, 
d'un  avoué,  de  deux  anciens  notaires  et  de  trois  citoyens, 
tous  nommés  par  le  préfet.  Les  notaires,  à  l'exception  de 
ceux  qui  exerceraient  leurs  fonctions  depuis  dix  ans  sans  avoir 
encouru  aucun  reproche,  seraient  appelés  chaque  année  devant 
le  tribunal  pour  y  voir  examiner  leur  conduite  et  leurs  actes, 
et  en  cas  de  malversation,  leur  suspension  serait  pronon- 
cée. On  appliquerait  le  même  règlement  aux  officiers  ministé- 
riels ou  huissiers  ^ 

Le  Conseil  général,  par  contre,  est  satisfait  des  aptitudes  et 
de  la  moralité  des  fonctionnaires,  qui  répondent  à  la  confiance 
du  gouvernement  ;  il  adresse  particulièrement  des  éloges  au 
préfet  Poitevin-Maissemy  pour  la  sagesse,  la  régularité  et 
l'activité  de  son  administration,   pour  son  esprit  conciliateur. 

La  session  de  l'an  X  est  marquée  par  des  doléances  et  des 
vœux  à  peu  près  semblables.  La  population  du  département 
est  de  S00.063  habitants,  en  diminution  de  1.247  habitants 
sur  celle  de  1789  et  de  l'an  VIII.  Les  causes  de  cette  «  dépo- 
pulation »  ont  été  indiquées  dans  les  précédentes  sessions  et 
le  Conseil  général  ne  peut  que  reproduire  les  mêmes  vœux. 
L'esprit  public  est  satisfaisant  et  l'administration  aussi  bonne 
que  possible,  grâce  au  zèle,  à  l'expérience  et  aux  lumières  du 
préfet  ;  les  mêmes  éloges  sont  du  reste  répétés  à  chaque 
session. 

L'état  civil  a  été  amélioré  par  les  sages  mesures  préfecto- 
rales ;  cependant,  il  est  nécessaire  de  confier  la  rédaction  des 
actes  de  l'état  civil  aux  instituteurs  et  de  la  contrôler  chaque 
année.  Le  Conseil  renouvelle  ses  plaintes  au  sujet  des  notaires 
et  aussi  des  tourbières.  Il  faut  exiger  des  notaires  la  résidence, 
leur  interdire  de  se  faire  suppléer  par  de  simples  scribes  et 
établir  un  tarif  pour  le  prix  de  leurs  actes.  Pour  les  tour- 
bières,  le  conseil    fait    observer  que    les  abus    et    les  suites 

1.  Arch.  dép.,  série«N.  Conseil  {général,   t.   I,  an  VlII-an  IX. 


70  Lh:    PAS-DK-CALAIS    DE    1800    A    1810 

regrettables  des  partages  n'ont  pas  disparu,  malgré  les  efforts 
du  préfet  pour  arrêter  le  mal  en  remettant  en  vigueur  les 
anciens  règlements  ;  les  portions  partagées  ne  sont  pas 
atteintes  en  effet  par  ces  règlements,  aussi  le  Conseil 
propose-t-il  de  les  assimiler  aux  marais  non  partagés  ;  le  pré- 
fet serait  investi  des  pouvoirs  et  moyens  de  surveillance  néces- 
saires, tant  sur  les  portions  partagées  que  sur  celles  ci  parta- 
ger où  se  pratique  le  tourbage. 

A  la  session  de  l'an  XI,  le  préfet  soumet  un  projet  d'octroi 
rural  pour  l'extinction  de  la  mendicité.  Le  Conseil  général 
regrette  de  ne  pouvoir  l'examiner  en  détail  avant  la  clôture 
de  la  session  ;  il  craint  qu'un  tel  mode  d'impôt  ne  renouvelle 
de  fâcheux  souvenirs  et  que  sa  perception  ne  devienne  vexa- 
toire.  Il  invite  le  préfet  à  peser  dans  sa  sagesse  les  moyens 
d'atteindre  ce  but  incontestablement  très  louable,  l'extinc- 
tion de  la  mendicité,  et  il  exprime  son  désir  de  seconder  en 
tout  cas  les  vues  du  gouvernement. 

En  l'an  XII,  le  Conseil  général  émet  un  avis  défavorable  à 
la  demande  du  maire  et  des  adjoints  de  Bapaume  tendant  à 
la  création  d'une  nouvelle  sous-préfecture  dont  cette  ville 
serait  le  chef-lieu.  Les  abus  signalés  par  le  Conseil  général 
dans  la  tenue  des  registres  de  l'état  civil  disparaissent  peu  à 
peu.  A  défaut  de  renseignements  sur  la  dépopulation,  il  y  a 
lieu  de  supposer  qu'il  n'y  a  pas  d'amélioration  en  ce  sens, 
puisque  les  causes  du  mal  subsistent  toujours^. 

Les  données  fournies  à  la  session  de  l'an  XIII  sont  un  peu 
en  contradiction  avec  ce  qui  précède,  car  elles  indiquent  que 
la  population  totale  du  département  du  Pas-de-Calais  est  de 
565.825  habitants  et  qu'elle  s'est  accrue  de  27.642  habitants 
depuis  1790.  Le  Conseil  général  demande  que,  pour  favori.ser 
l'accroissement  de  la  population,  la  vaccine  soit  encouragée. 
Le  12  floréal,  il  émet  un  vœu  en  faveur  d'un  meilleur  mode 
de  recrutement  de  l'armée  :  il  y  a  bcBucoup  trop   de  réfrac- 

1.  Arch.  ddp.,  série  N,  t.  II.  Délibérations  des  sessions  de  l'an  X  à  l'an  XII. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  71 

taires  et  le  système  suivi  ne  paraît  pas  absolument  satisfai- 
sant. Il  revient  sur  la  question  des  notaires  qui  paraît  le  préoc- 
cuper beaucoup  ;  il  se  plaint  des  prévarications  de  quelques- 
uns  d'entre  eux  et  de  l'incapacité  du  plus  grand  nombre.  Pour- 
quoi ne  pas  rétablir  le  système  de  surveillance  imaginé  par 
le  conseil  d'Artois  qui  avait  créé  le  synode?  Les  notaires 
comparaîtraient  une  fois  par  an,  devant  ce  Conseil  pour 
entendre  les  réclamations  formulées  contre  eux  et  se  justi- 
fier; la  diminution  du  nombre  des  notaires  s'impose  égale- 
ment ^ . 

Les  vœux  relatifs  aux  questions  d'administration  générale 
deviennent  moins  nombreux  à  partir  de  l'année  1806,  A  la 
session  de  cette  année,  le  Conseil  général  demande  des  modi- 
fications dans  la  perception  des  octrois  ;  il  émet  le  vœu  que 
l'on  accorde  un  logement  aux  sous-préfets  de  Saint-Pol  et  de 
Saint-Omer  et  il  adresse  une  supplique  au  ministre  de  l'Inté- 
rieur pour  que  les  comptes  et  budgets  des  villes  soient  régu- 
lièrement approuvés  chaque  année  avant  la  présentation  du 
compte  de  l'année  suivante  ~. 

En  1807,  on  constate  une  augmentation  de  4.513  habitants. 
Des  vœux  sont  émis  en  faveur  du  transfert  des  chefs-lieux 
des  cantons  d'Auxi-le-Château  à  Frévent,  de  Wail  à  Blangy, 
d'Heuchin  à  Pernes.  Nouveau  vœu  au  sujet  de  l'épuration  de 
la  corporation  des  notaires.  Enfin,  dans  un  rapport  sur  l'esprit 
public,  nous  trouvons  une  timide  allusion  à  la  lassitude  causée 
aux  populations  par  les  guerres  successives,  au  rétablissement 
de  la  garde  nationale  et  aux  appels  réitérés  de  la  conscription: 
((  Le  Conseil  espère  que  la  paix  glorieuse  de  Tilsitt  permettra 
à  Sa  Majesté  de  les  renvoyer  dans  leurs  foyers  ou  tout  au  moins 
qu'EUe  trouvera  juste  de  faire  partager  cette  charge  par  un 
plus  grand  nombre  de  départements  ».  11  est  vrai  qu'en 
d'autres  circonstances  le  Conseil  général  s'était  associé  aux 
mesures  énergiques  du  préfet  de  La  Chaise  contre  les  réfrac- 

1.  Arch.  dép.,  série  N,  t.  III.  Délibérations  de  la  session  de  l'an  XIII. 

2.  Ihid.,  série  N.  Délibérations  du  Conseil  général,  session  de  1806. 


72  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

taires  ;  il  avait,  lui  aussi,  flétri  ces  «  conscrits  qui,  sourds  au 
cri  de  l'honneur,  refusent  d'aller  partager  la  gloire  de  nos 
armées  et  se  mettent  dans  l'horrible  position,  pour  des  cœurs 
français,  de  traînerdans  l'opprobre  les  restes  d'une  vie  désho- 
norée. Puissent-ils  être,  dans  l'avenir,  en  horreur  à  tous  les 
pères  de  famille,  ne  trouver  aucun  abri,  être  livrés  par  un 
concert  unanime  pour  qu'un  châtiment  éclatant  fasse  cesser  cette 
calamité  !  »  Il  faut  aussi  ajouter  qu'en  1814,  nous  voyons  le 
Conseil  général  se  répandre  «  en  félicitations  à  l'adresse  des 
mères,  qui,  désormais,  ne  craindront  plus  de  donner  le  jour 
à  un  fils  pour  se  le  voir  arracher  par  la  conscription  »  ^. 

La  session  de  1809  comporte  un  seul  vœu  intéressant, 
celui  qui  est  relatif  au  cadastre  :  le  Conseil  général  demande 
que  les  experts  chargés  d'établir  le  cadastre  se  renferment 
dans  les  bornes  prescrites  par  la  loi.  On  constate  une  augmen- 
tation de  6.830  habitants  dans  la  population  du  département^. 


Les  rapports  et  les  vœux  relatifs  à  l'agriculture,  au  com- 
merce et  aux  travaux  publics  sont  plus  fréquents.  A  la  session 
de  l'an  VIII,  le  conseil  général,  après  avoir  fait  l'éloge  du 
mémoire  de  Grandclas,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et 
chaussées,  sur  l'ensablement  d'Ambleteuse  et  des  environs, 
propose  la  plantation  de  grands  végétaux,  comme  les  pins, 
pour  fixer  les  dunes  et  la  concession  de  terrains  aux  particu- 
liers qui  se  chargeraient  de  les  fertiliser;  ce  mémoire  sera 
envoyé  au  ministre,  avec  prière  au  gouvernement,  de  se  ser- 
vir des  moyens  qui  y  sont  indiqués  pour  arrêter  les  sables  et 
de  venir  en  aide  aux  habitants  de  Marquise  qui  creusent  un 
nouveau  lit  à  la  Slack  pour  combattre  l'ensablement. 

1.  Arch.,  dép.,  série  N.  Délibérations  du  Conseil  général,  session  de  1807; 
G.  i)E  Hai'teci.oqur,  La  conscription  dans  le  Pas-de  -Calais  sous  le  Premier 
Empire  {Mémoires  de  V Académie  d'Arras,  1899). 

2.  Ihid.,  série  N.  Délibérations  du  Conseil  général,  session  de  1809. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMIMSTRATIVES  73 

Le  Conseil  demande  le  rétablissement  des  primes  k  l'agricul- 
ture, la  protection  par  le  gouvernement  des  sociétés  d'agri- 
culture de  Calais  et  de  Boulogne  qui  se  recommandent  par 
leurs  travaux  ;  il  serait  utile  d'accorder  une  subvention  de 
1.200  francs  à  celle  de  Boulogne  pour  rechercher  les  mines 
de  houille  et  les  carrières  de  marbre  que  paraît  renfermer  cet 
arrondissement . 

Les  forêts  préoccupent  particulièrement  l'assemblée  dépar- 
tementale. Dans  un  rapport  présenté  à  la  séance  du  26  ger- 
minal an  IX,  on  constate  que  «  la  hache  révolutionnaire  »  a 
abattu  en  pleine  vigueur  les  futaies  ;  les  forêts,  autrefois 
magnifiques,  offrent  un  spectacle  révoltant  ;  le  peuple  a  incon- 
sidérément dissipé  les  réserves  de  l'avenir  ;  la  restauration 
s'organise,  mais  elle  sera  longue;  les  acquéreurs  de  biens 
nationaux  anticipent  sur  la  jouissance  des  coupes.  Le  Conseil 
général  demande  donc  au  gouvernement  de  compléter  immé- 
diatement l'organisation  forestière,  de  planter  les  chemins,  les 
remparts  des  villes  de  guerre,  d'encourager  les  particuliers  au 
reboisement  par  des  primes  et  de  réprimer  sévèrement  les 
délits. 

A  la  session  de  l'an  IX,  le  rapport  présenté  au  Conseil  cons- 
tate qu'il  y  a  eu  d'heureuses  améliorations  et  que  l'on  doit 
remercier  le  gouvernement  pour  le  zèle  apporté  à  la  planta- 
tion des  terrains  des  places  de  guerre.  Le  pouvoir  juridiction- 
nel devrait  être  attribué  à  l'administration  des  forêts  pour  la 
répression  des  délits,  dont  la  poursuite  traîne  devant  les  tri- 
bunaux ;  le  Conseil  général  revient  également  sur  la  question 
de  la  plantation  des  routes.  Le  Conseil  d'arrondissement  de 
Boulogne  a  demandé  la  conservation  de  l'arbuste  nommé 
rhamnoïde  (nerprun),  qui  contribue  à  la  fixation  des  dunes  et  le 
vote  d'un  subside  de  6.000  francs  pour  le  remplacement  des 
plants  détruits  ;  cette  proposition  est  renvoyée  au  préfet,  avec 
prière  de  prendre  les  précautions  les  plus  efficaces  pour  la 
conservation  de  ces  arbustes  ^. 

1.  Arch.  dép.,  série  N.  Délibérations  du  Conseil  général,  t.  I. 


74  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Le  23  germinal  an  XII,  le  Conseil  général  constate  que  la 
plantation  des  chemins,  places,  biens  communaux,  est  pres- 
crite par  l'arêté  préfectoral  du  11  brumaire  an  XII,  mais  les 
pépinières  font  défaut.  Il  émet  le  vœu  de  décharger  de  la 
contribution  foncière  pendant  quatre  ou  cinq  ans  les  terrains 
affectés  à  cet  usage  et  demande  en  outre  la  réglementation  de 
la  plantation  des  bords  des  rivières  non  navigables  par  les 
riverains  ^. 

Si  les  reboisements  sont  très  utiles  dans  le  département  du 
Pas-de-Calais,  les  dessèchements  et  la  protection  des  terres 
basses  contre  l'invasion  des  flots  et  de  la  mer  ont  une  impor- 
tance plus  grande  encore.  Depuis  longtemps,  le  préfet  recher- 
che les  moyens  de  dessécher  les  600  hectares  du  flot  de  Win- 
gles  ;  déjà,  avant  la  Révolution,  le  génie  militaire  de  la  place 
de  Lille  mettait  obstacle  à  ce  dessèchement  ;  un  vœu  voté  par 
le  Conseil  général  à  la  session  du  29  germinal  en  XII  demande 
le  dessèchement,  non  seulement  du  flot  de  Wingles,  mais 
encore  de  toutes  les  terres  submergées, 

«  On  désigne  sous  le  nom  de  watringues  une  vaste  étendue 
de  territoire  située  dans  les  départements  du  Nord  et  du  Pas- 
de-Calais  et  présentant  presque  partout  un  niveau  inférieur 
à  celui  des  hautes  mers.  Ce  territoire  est  défendu  contre  l'in- 
vasion de  la  mer  par  une  ligne  de  dunes  naturelles,  reliées 
entre  elles  par  des  digues  construites  de  mains  d'homme.  Un 
réseau  de  canaux  ou  wattergands  conduit  vers  les  ports  de 
Calais,  Dunkerque,  Gravelines  et  Ambleteuse  les  eaux  de 
pluie  et  les  eaux  de  sources  et  celles-ci  sont  évacuées  à  la  mer 
à  marée  basse  au  moyen  d'écluses  » '^.  Lîn  rapport  présenté  au 
Conseil  général  en  l'an  XII  indique  que  le  préfet  étudie  l'éta- 
blissement d'une  administration  des  watringues  ;  la  mise  à 
exécution  de  ce  projet  est  vivement  désirée  pour  le  dessèche- 
ment des  parties  basses  de  l'arrondissement  de  Saint-Omer. 


1.  Arch.  dép.,  série  N.  Délibérations  du  Conseil  général,  t.  I. 

2.  Le  Pas-de-Calais  au  XIX'  siècle,  t.  IV,   Agriculture,  Arras,  1900,  p.  426. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  75 

Toutefois,  à  la  session  de  l'an  XIII,  le  Conseil  général  déclare 
qu'il  n'est  pas  favorable  à  la  création  d'une  commission  des 
watring-ues  qui  coûterait  trop  cher  ;  il  voudrait  que  l'on  se 
rapprochât  de  l'ancien  système  :  la  maîtrise  des  eaux  et  forêts 
administrait  les  watring^ues  avec  le  concours  de  quelques  cul- 
tivateurs expérimentés  et  les  frais  étaient  payés  sur  les  contri- 
butions ordinaires  '. 

Le  7  juin  1800,  le  Conseil  général,  après  avoir  émis  un  nou- 
veau vœu  en  faveur  du  dessèchement  du  flot  de  Wingles, 
demande  la  division  des  terres  en  trois  catégories:  I*'  celles 
qui  ne  sont  pas  dans  le  cas  d'être  inondées  et  qui  ne 
seront  soumises  à  aucun  règlement;  2"  les  terres  élevées 
mais  voisines  des  terres  basses  qui  seraient  soumises  à  un 
règlement  de  police  obligeant  les  riverains  à  faire  les  travaux 
nécessaires  ;  3"  les  terres  basses  pour  lesquelles  on  créerait 
une  administration. 

Les  watringues  étaient  organisés  le  28  mai  1809  par  un 
décret  pris  en  exécution  de  la  loi  du  16  septembre  1807  sur 
le  dessèchement  des  marais, 

A  la  question  de  la  situation  agricole  du  département  est 
intimement  liée  celle  des  subsistances.  Pendant  plusieurs 
années,  les  récoltes  furent  déficitaires.  A  la  session  de  l'an  IX, 
le  9  prairial,  le  préfet,  au  nom  du  ministre,  avoue  1  impuissance 
du  gouvernement  à  faire  face  à  la  disette  et  invite  le  Conseil 
général  à  assurer  la  subsistance  des  habitants.  Le  Conseil  est 
eff'rayé  de  la  hausse  des  grains  ;  en  huit  jours,  la  mesure  de 
125  livres  est  montée  de  24  à  36  francs.  La  promesse  d'un 
secours  de  cent  mille  quintaux  avait  calmé  les  esprits,  mais  le 
retard  des  arrivages  n'a  pu  ensuite  qu'accroître  l'inquiétude 
générale.  On  fait  courir  le  bruit  qu'il  y  a  eu  des  accapare- 
ments ;  les  campagnes  sont  littéralement  assiégées  par  des 
bandes  de  mendiants,  dont   quelques-unes  comptent   jusqu'à 


1.  Arch.    dép.,    série    N.    Délibérations  du  Conseil   général.    Session    de 
Tan  XIII. 


76  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    181Ô 

douze  et  quinze  cents  individus.  Après  avoir  appelé  à  la  séance 
non  seulement  le  préfet,  mais  encore  le  maire,  les  adjoints  et 
les  principaux  négociants  d'Arras,  le  Conseil  général,  con- 
vaincu de  l'impossibilité  de  procéder  à  des  achats  à  l'étranger, 
ce  qui  ne  pourrait  qu'accroître  la  hausse,  décide  à  l'unanimité 
d'inviter  le  gouvernement  à  adresser  les  secours  promis  et 
impatiemment  attendus  par  plus  de  trois  cent  mille  citoyens 
menacés  de  mourir  de  faim.  Cette  délibération  sera  envoyée 
au  ministre.  Le  10  prairial,  on  annonce  l'arrivée  prochaine  à 
Dunkerque  d'un  premier  convoi  de  seigle  pour  les  départements 
du  Nord  et  du  Pas-de-Calais  et  le  13,  l'envoi  d'autres  secours. 
Par  acclamation,  le  Conseil  général  nomme  une  commission, 
composée  de  Duval_,  Dupire,  Baillencourt  et  Delporte,  pour 
remercier  le  préfet  de  sa  sollicitude  ^ . 

Le  rapport  présenté  à  la  session  du  Conseil  général  de  l'an 
XI  constate  que  la  récolte  dernière  a  été  en  général  assez 
bonne,  sauf  pour  les  grains  de  mers.  Les  prévisions  sont  moins 
favorables  en  ce  qui  concerne  l'année  courante,  à  cause  des 
rigueurs  de  l'hiver  ;  les  colzas  sont  généralement  gelés  ;  le 
bétail  est  toujours  en  diminution.  Le  Conseil  général  demande 
en  1806  que  des  haras  soient  établis  dans  l'ancienne  abbaye 
de  Cercamps. 

A  diverses  reprises,  le  Conseil  général  transmet  ses  doléances 
sur  l'état  du  commerce  et  de  l'industrie.  Le  commerce  consis- 
tait autrefois  en  grains,  en  bestiaux  et  dans  les  produits  des 
manufactures;  or,  les  fabriques  de  toiles  se  soutiennent  à 
peine  dans  l'arrondissement  de  Béthune,  et,  si  l'industrie  des 
dentelles  semble  renaître  à  Arras,  les  fabriques  de  draps  de 
Saint-Omer,  de  bas  à  métiers  de  Montreuil  et  quelques  pape- 
teries végètent  péniblement.  On  doit  regretter  la  disparition 
de  la  manufacture  de  porcelaines  d' Arras,  qui  occupait  un 
grand  nombre  de  bras.  La  superbe  verrerie  d'Hardinghen  et 
la  manufacture  de  fer-blanc  et  de  tôles  de  Blendecques  sont 

1.  Arch.  dép.,  série  N.  Délibérations  du  Conseil  ffénéral,  t.  I. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMLMSTRATIVES  77 

inactives.  La  situation  du  commerce  maritime  nest  pas  non 
plus  très  satisfaisante,  La  spéculation  de  l'armement  en  course 
est  incertaine  ;  la  pêche  et  la  navigation  au  cabotag-e  sont 
fréquemment  interrompues  par  la  guerre  avec  l'Angleterre. 
Le  Conseil  général  émet  le  vœu  que  le  gouvernement  accorde 
dans  le  département  du  Pas-de-Calais  des  permis  de  culture 
et  de  fabrication  du  tabac  ;  que  des  encouragements  soient 
donnés  au  commerce  sous  la  forme  de  primes  ;  que  l'on  fasse 
les  réparations  nécessaires  aux  ports  de  Boulogne  et  de  Calais; 
que  l'on  encourage  la  pêche  au  hareng  et  au  maquereau  et  que 
l'on  établisse  la  pêche  à  la  morue  ^ .  Selon  un  autre  rapport, 
celui  de  la  session  de  l'an  XI,  les  dentelles  fournissent 
une  nouvelle  source  de  revenus  et  la  ville  d'Arras  a  formé 
divers  ateliers  pour  le  perfectionnement  de  leur  fabrication. 
Le  commerce  maritime  est  toujours  nul,  fait  observer  le  rap- 
porteur de  l'an  XIII,  et  le  commerce  intérieur  du  départe- 
ment peu  actif  ;  la  manufacture  de  fer-blanc  de  Blendecques 
est  en  complète  décadence.  La  guerre  avec  la  Prusse  ferme, 
en  1806,  le  débouché  de  l'Allemagne  du  Nord  à  l'industrie 
des  dentelles  qui  traverse  une  crise  grave  ;  autour  de 
Bapaume,  la  fabrication  des  linons  et  des  batistes  disparaît 
de  jour  en  jour.  Par  contre,  on  vient  de  créer  à  Arras  des 
fabriques  de   basins  et  de  piqués  2. 

La  prospérité  de  l'agriculture  et  du  commerce  est  liée  à 
l'état  des  voies  de  communication.  Dès  la  première  session, 
le  Conseil  général  déclare  que  les  grandes  routes  sont  impra- 
ticables, surtout  celle  de  Paris-Lille  et  celle  de  Paris-Calais. 
Le  département  est  menacé  de  voir  ses  communications  inter- 
rompues. La  dégradation  des  routes  nationales,  est-il  dit  à  la 
session  de  l'an  IX,  est  telle  qu'il  faudrait  plus  de  1.500.000 
francs  pour  les  réparations  urgentes.  Les  cent  cinquante  mille 
francs  affectés  à  la  route  de  Paris  à  Dunkerque,  par  Abbeville, 
Montreuil,  Boulogne  et  Calais  et  les  vingt-quatre  mille  francs 

1.  Arch.  dép.,  série  N.  Délibérations  du  Conseil  général,  t.  I. 

2.  Idem.,  série  N.  Délibérations  du  Conseil  général.  Session  de  1806. 


78  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

accordés  sur  le  droit  de  passe  sont  absolument  insuffisants.  A 
plus  forte  raison,  les  chemins  vicinaux  n'existent  que  de  nom  ; 
les  habitants  des  campagnes  montrent  une  regrettable  insou- 
ciance au  sujet  de  leur  entretien  ;  le  Conseil  général  demande 
au  gouvernement  un  supplément  sur  les  centimes  addition- 
nels pour  l'affecter  à  la  réfection  de  ces  chemins  vicinaux  sous 
la  surveillance  des  ingénieurs. 

En  l'an  X,  le  Conseil  général  attire  particulièrement  l'atten- 
tion de  l'administration  sur  l'état  désastreux  de  la  route  de 
Marquise  à  Guînes,  qui  sert  au  transport  du  charbon  des 
produits  des  verreries  d'Hardinghen  et  des  fours  à  chaux  de 
l'arrondissement.  On  dépense,  l'année  suivante,  sur  les  fonds 
départementaux,  13.460  francs  pour  la  réfection  de  cette 
route  entre  Hardinghen  et  Marquise.  Les  routes  sont  en  meil- 
leur état  en  l'an  XI,  grâce  au  système  suivi  par  le  gouverne- 
ment :  la  taxe  pour  l'année  courante  est  affermée  262.765 
francs  ;  déduction  faite  des  charges,  il  reste  236.488  francs 
applicables  aux  travaux  des  routes,  plus  44.000  francs  pro- 
venant du  fonds  de  dix  millions  accordés  parles  consuls.  Le 
rapport  de  l'an  XII  sur  les  ponts  et  chaussées  établit  qu'il  y 
a  dans  le  département  du  Pas  de-Calais  vingt-neuf  grandes 
routes  divisées  en  quatre  classes  ;  elles  comprennent  :  en 
pavé,  266.259  mètres  ;  en  cailloutis  ou  empierrenaent, 
614.225  mètres  ;  en  terrains  à  construire  113.651  mètres;  au 
total.  994.135  mètres.  L'ingénieur  en  chef  demande  pour 
l'an  XII  415.700  francs,  mais  cette  somme  est  insuffisante 
par  suite  des  nombreux  charrois  sur  le  littoral  et  en  vue  de 
l'approvisionnement  de  l'armée*. 

Une  série  de  vœux  du  Conseil  général  en  l'an  XI  se  rapporte 
aux  chemins  vicinaux  :  le  Conseil  demande  l'exécution  des 
réparations  nécessaires  au  moyen  des  prestations  ;  les  listes 
seront  dressées  par  les  conseils  municipaux  ;  le  nombre  des 
chevaux  déterminera  la  prestation  à  fournir  et  la  quantité   de 

1.  A.rch.  dép.,  t.  II.  Délibérations  du  Conseil  général,  an  X-an  XII. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  79 

terre  cultivée,  le  nombre  de  journées  à  faire  par  les  cultiva- 
teurs sans  chevaux  ;  un  demi-hectare  en  grande  culture  don- 
nera lieu  à  une  journée  de  travail  et  la  journée  de  voiture  à 
quatre  chevaux  équivaudra  à  douze  journées  ordinaires  de 
travail.  A  la  séance  du  23  germinal  an  XII,  le  Conseil  géné- 
ral constate  que  la  négligence  dans  l'entretien  des  chemins 
vicinaux  date  de  la  Révolution.  L'arrêté  du  12  prairial  an  XII, 
ordonnant  leur  réparation  par  le  système  des  prestations  en 
nature  ou  par  travail  forcé,  n'a  pus  produit  un  eifet  général: 
une  imposition  légère,  comme  par  le  passé,  serait  peut-être 
plus  efficace.  Le  Conseil  général  demande  la  disparition  des 
emprises  :  les  Etats  d'Artois  nommaient  des  commissaires 
pour  surveiller  les  chemins  et  empêchaient  les  emprises  ;  ces 
commissaires  étaient  choisis  parmi  les  propriétaires  et  rem- 
plissaient gratuitement  leurs  fonctions.  Le  préfet  ayant  déjà 
nommé  de  semblables  commissions  pour  les  grandes  routes, 
le  Conseil  général  émet  le  vœu  que  cette  mesure  soit  étendue 
aux  chemins  vicinaux  ^ 

A  la  session  de  juin  1806,  vœu  pour  le  rétablissement  des 
cantonniers. 

La  question  du  droit  de  passe  se  rattache  à  celle  des  routes 
et  des  chemins  vicinaux,  elle  préoccupe  à  diverses  reprises 
le  Conseil  général.  Le  S  thermidor  an  VIII,  le  conseiller,  qui 
présente  un  rapport  au  sujet  de  ce  droit,  fait  observer  qu'il  est 
l'objet  de  vives  réclamations  à  cause  de  la  façon  arbitraire  et 
vexatoire  dont  il  est  perçu.  Les  rixes  sont  fréquentes  entre 
les  commis  et  les  voyageurs  ;  les  cultivateurs,  qui  approvi- 
sionnent les  marchés,  sont  imposés  au  retour,  ce  qui  influe 
sur  l'approvisionnement  ;  aussi  un  vœu  est-il  formulé  en 
faveur  d'une  réglementation  de  la  perception  du  droit  de  passe 
qui  remédie  aux  exactions  et  évite  une  interprétation  arbi- 
traire  de  la  loi-.   Le   Conseil  général  revient    à  la  charge  en 


1.  Arch.  dcp.,  t.  II.  Délibérations  du  Conseil  général,  au  X-an  XII. 

2.  IbicL,  série  N.  Ihid.,  t.  I. 


80  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

l'an  IX  et  avec  plus  d'énergie  :  le  droit  de  passe  pèse  lourde- 
ment sur  les  administrés  ;  il  entretient  une  foule  d'hommes 
vigoureux  dans  l'oisiveté,  la  concussion  et  la  rapine  ;  il 
entraîne  des  conflits,  des  accidents  et  des  procès;  il  cause  la 
dégradation  des  routes  par  la  surcharge  à  laquelle  ont  recours 
les  rouliers  pour  s'indemniser  et  il  ne  rend  pas  au  Trésor  la 
moitié  de  ce  qu'il  coûte  au  peuple  français.  Le  Conseil  général 
émet  donc  le  vœu  que  le  droit  de  passe  soit  supprimé  et  rem- 
placé par  un  impôt  indirect,  et,  en  attendant  cette^suppression, 
il  demande  avec  insistance  la  répression  des  actes  arbitraires 
des  fermiers  et  de  leurs  agents,  le  maintien  de  l'exemption 
établie  par  la  loi  au  profit  de  l'agriculture  et  de  l'approvisio- 
nement  des  marchés,  enfin  l'abolition  des  barrières  qui  obs- 
truent sans  nécessité  les  routes  et  empêchent,  surtout  près 
des  villes,  la  franchise  dont  doivent  jouir  leurs  habitants  dans 
le  territoire  qui  en  dépend  ^. 

Les  canaux  et  les  rivières  navigables  ne  sont  guère  en  meil- 
leur état  que  les  routes  :  l'Aa,  la  Lys  et  la  Scarpe  ne  sont 
presque  plus  navigables  ;  les  ruisseaux  et  les  fossés  d'écoule- 
ment ont  besoin  d'un  curage  général.  La  jonction  de  la  Ganche 
à  la  Scarpe  fut  jadis  projetée  par  les  Etats  d'Artois;  les  études 
en  ont  démontré  la  possibilité  et  les  dépenses  seraient  presque 
couvertes  par  la  vente  de  la  tourbe  abondante  dans  les  terrains 
à  traverser;  de  même,  pour  la  jonction  de  la  Lys  au  canal  de 
Douai  ;  le  Conseil  général  invite  donc  le  gouvernement  à  faire 
aboutir  ces  projets  2.  En  l'an  X,  le  Conseil  général  demande 
l'avance  par  l'Etat  d'une  somme  de  300.000  francs  pour  exé- 
cuter avant  l'hiver  les  travaux  indispensables  sur  la  Scarpe, 
qui  menace  de  cesser  d'être  navigable.  L'année  suivante,  un 
rapport  présenté  au  Conseil  propose  l'établissement  du  droit 
de  passe  sur  les  canaux  afin  de  trouver  des  ressources  pour 
assurer  leur  entretien  ;  il  ne  sera  pas  impopulaire  comme  celui 


1.  Arch.  dép.,  t.  II.  Délibérations  du  Conseil  général,  t.  I. 

2.  Ibid. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  81 

des  routes,  car  il  était  autrefois  en  usage  sur  un  grand  nombre 
de  canaux'. 

L'entretien  des  prisons  et  des  hospices  n'est  pas  négligé 
par  le  Conseil  général  du  Pas-de-Calais.  Pour  les  prisons,  il 
demande  la  création  d'inspecteurs  qui  les  visitent  annuellement, 
la  fondation  à  Arras  d'un  dépôt  général  de  mendicité,  et  la 
transformation  de  l'abbaye  de  Sainte-Austreberthe,  à  Mon- 
treuil,  en  prison.  L'administration  de  ces  prisons  est  en  géné- 
ral très  défectueuse  ;  les  geôliers,  peu  surveillés,  procurent 
des  boissons  alcooliques,  souvent  en  grande  quantité,  aux 
détenus  ;  la  distinction  entre  les  maisons  d'arrêt  de  détention 
et  de  justice  n'existe  pas;  enfin  il  est  nécessaire  de  donner  du 
travail  aux  détenus  ~. 

Dans  les  hospices,  la  situation  est  plus  mauvaise  encore  : 
le  déficit  est  persistant  malgré  le  revenu  des  octrois  et  les  éco- 
nomies réalisées;  ce  déficit  s'élève  à  Arras,  à  66.990  francs  ;  à 
Saint-Omer,  à  4 6. 130 francs;  à  Calais,  à  20.280  francs,  etc.  Mont- 
reuil  et  Bapaume  ne  peuvent  établir  d'octroi,  soit  par  défaut 
de  population,  soit  parce  que  la  fraude  ne  peut  être  empêchée. 
Ardres,  privé  d'industrie  et  de  garnison,  réclame  les  immeubles 
et  biens  meubles  de  son  hospice  pris  par  l'administration  mili- 
taire et  non  utilisés.  Le  Conseil  général  demande  donc  le 
remboursement  d'avances  faites  pour  les  enfants  abandonnés, 
une  subvention  de  2.000  francs  en  faveur  des  hospices  de 
Bapaume  et  de  8.000  francs  pour  les  hospices  de  Montreuil,  la 
remise  à  la  ville  d' Ardres  des  bâtiments  réclamés,  le  rappel  dans 
les  hospices  des  sœurs  de  Saint- Vincent-de-Paul  dont  les  soins 
pour  les  malades  n'ont  pas  encore  été  remplacés,  la  création 
d'ateliers  de  charité  pour  suppléer  à  l'insuffisance  des  revenus 
des  hospices'^. 

Des   améliorations    se  font  toutefois   peu  à  peu  sentir.  En 
l'an  X,  la  situation  est  déjà  meilleure  à  Aire,  à  Béthune,  et  à 


1.  Archives  départ.,  Délibérations  du  Conseil  général,  tome  II. 

2.  Id.,  tome  I. 

3.  Ibid. 

CiiAVANON  ET  Saint-Yves.  —  Le  Piis-de- Calais  de  ISOO  à  1810. 


82  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Hesdin,  mais  le  déficit  ne  cesse  de  s'accroître  à  Arras,  à  Saint- 
Omer,  à  Boulogne,  à  Calais  et  à  Montreuil  ;  Bapaume  est  dans 
une  grande  gêne.  Le  Conseil  général  constate  en  l'an  XI  des 
améliorations  à  Arras,  à  Béthune  et  à  Boulogne;  Saint-Pol 
se  trouve  dans  une  effrayante  pénurie  et  la  direction  doit  quêter 
journellement.  Enfin,  en  Tan  XII,  le  rapport  est  plus  opti- 
miste. A  Aire,  la  situation  est  très  satisfaisante  par  suite  de 
l'avance  de  30.000  francs  faite  par  le  gouvernement  et  de  la 
rentrée  des  religieuses.  A  Béthune,  Lens  et  Hesdin,  on  ne 
peut  que  se  louer  également  de  l'état  des  choses.  La  tenue  de 
l'hospice  d'Arras  est  excellente  sous  la  direction  des  anciennes 
hospitalières;  il  y  a  deux  orphelinats  en  bon  état,  l'un  pour 
les  garçons  dirigé  par  les  Frères  de  la  Doctrine  chrétienne, 
l'autre  pour  les  filles  dirigé  par  les  anciennes  sœurs  de  Saint- 
Agnès  ;  malheureusement  le  budget  n'est  pas  encore  complè- 
tement équilibré.  A  Boulogne,  il  est  nécessaire  de  faire  des 
réparations  coûteuses,  la  situation  est  encore  mauvaise.  La  ville 
de  Calais  réclame  le  remboursement  des  avances  qu'elle  a 
faites,  soit  30.000  francs.  Saint-Omer  demande  le  même 
remboursement  ^ 

A  la  session  de  l'an  XIII,  le  Conseil  général  discute  les 
moyens  de  détruire  la  mendicité  dans  le  département  :  il  pro- 
pose la  création  d'un  asile  à  Saint-Venant,  d'ateliers  de  travail 
dans  chaque  arrondissement,  la  fondation  d'un  lit  par  cinq 
cents  habitants  dans  chaque  hospice  pour  les  infirmes  des 
campagnes  et  l'établissement  d'un  bureau  de  bienfaisance  dans 
chaque  chef-lieu  de  canton  ~. 

Un  certain  nombre  de  rapports  et  de  vœux  émanant  du 
Conseil  général  se  rapportent  à  l'instruction  publique  et  aux 
cultes  ;  nous  les  signalerons  dans  les  chapitres  consacrés  à 
ces  matières. 

Mais  le   Conseil   général  n'a  pas  uniquement  ce  rôle  d'as- 

1.  Archives  départ,  Délibérations  du  Conseil  général,  tome  II. 

2.  Ibid.,  session  de  l'an  XIII. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  83 

semblée  administrative  consultative,  il  a  encore  des  attribu- 
tions financières.  Sans  entrer  dans  le  détail  de  ses  opérations 
à  chaque  session,  nous  pouvons  prendre,  comme  type,  les  deux 
premières  sessions,  celles  de  l'an  VIII  et  de  Tan  IX. 

Au  Conseil  général  incombe  particulièrement  le  soin  de 
répartir  les  contributions  directes  entre  les  arrondissements  et 
de  statuer  sur  les  demandes  en  réduction. 

Le  8  thermidor  an  VIII,  le  Conseil  général  procède  au  répar- 
tement  des  contributions;  le  principal  est  fixé  pour  Tan  IX à 
347.350  francs;  les  dépenses  s'élèvent  à  433.161  fr.,  03  dont 
293,311  fr.,  03  pour  les  dépenses  générales  et  139.850  francs 
pour  la  préfecture  et  les  sous-préfectures.  Le  Conseil  demande 
un  fonds  de  non- valeur  de  85.811  fr.,  03  pour  couvrir  le  déficit  ; 
on  ajoute  10  centimes  par  franc  au  principal  des  deux  contribu- 
tions foncière  et  mobilière.  Les  contributions  sont  réparties  de 
la  façon  suivante  entre  les  divers  arrondissements  :  Boulogne, 
309.463fr.  ;  Saint-Omer,  527.999fr.  ;  Béthune,  G38.212fr.; 
Arras,  769.986  fr.  ;  Saint-Pol,  436.055  fr.  ;  Montreuil, 
388.285  fr. 

Pour  Tan  X,  les  dépenses  générales  sont  fixées  à 
411.737  fr.ll,  dontlll.888  fr.  pour  la  préfecture,  31.900fr. 
pour  l'instruction  publique,  49.701  fr.  78  pour  la  justice  et 
218.247  fr.  33  pour  les  sous-préfectures. 

Le  traitement  du  préfet  est  insuffisant,  déclare  le  Conseil 
général  :  il  doit  être  basé  sur  la  population  du  département  ; 
or,  la  population  du  Pas-de-Calais  excède  de  11.060  habitants 
les  populations  réunies  des  Alpes-Maritimes,  du  Léman  et 
des  Deux-Nerthes  ;  cependant  les  traitements  des  préfets  sont 
identiques.  Il  y  a  dans  le  Pas-de-Calais  931  communes  à  admi- 
nistrer et  25  lieues  de  côtes  maritimes  à  surveiller;  le  préfet 
a  fait  de  grands  sacrifices  «  pour  éteindre  des  haines  et  réunir 
tous  les  partis  ».  Le  Conseil  général  émet  donc  le  vœu  que 
Ton  augmente  le  traitement  du  Préfet  ou  bien  qu'on  lui  accorde 
une  indemnité  en  rapport  avec  «  ses  immenses  travaux  con- 
sistant pour  six  mois  de  l'an  IX  en  7.631  lettres,  3.586  arrêtés, 


84  LE    rAS-DE-CALAlS    DE    1800   A     1810 

16.561  mandats  et  2.867  congés  ».  Voilà  un  vœu  auquel  aucun 
préfet  n'opposerait  la  question  préalable'  ! 

Ces  quelques  extraits  et  analyses  des  délibérations  du  Con- 
seil général  permettent  déjuger  la  nature  et  l'étendue  de 
l'œuvre  de  l'assemblée  départementale  de  1800  à  1810.  Par 
le  caractère  de  ses  fonctions  et  des  questions  soumises  à  ses 
délibérations,  par  sa  composition  même,  le  Conseil  général 
est  la  suite  naturelle  de  l'assemblée  administrative  du  dépar- 
tement telle  qu'elle  a  été  constituée  en  1790  ;  mais  elle  est 
nommée  par  le  pouvoir  central  au  lieu  d'être  élue  comme  celle 
de  1790  et  réduite  à  un  rôle  uniquement  consultatif.  Le  Con- 
seil général  offre  le  cas  d'une  institution  de  la  Révolution, 
adaptée  à  une  centralisation  plus  grande,  à  un  accroissement 
des  droits  et  pouvoirs  de  l'Etat.  Déjà,  l'assemblée  administra- 
tive du  département  marquait,  par  rapport  aux  Etats  d'Artois, 
une  semblable  évolution. 

Il  est  à  remarquer  également  que,  pendant  les  cinq  premières 
années  de  son  existence,  le  Conseil  général  du  Pas-de-Calais 
a  pris  au  sérieux  son  rôle  d'assemblée  consultative  et  délibé- 
rante ;  il  s'est  attaché  à  formuler  tous  les  vœux  qui  pourraient 
attirer  l'attention  du  gouvernement  sur  les  besoins  du  dépar- 
tement et  ce  souci  du  bien  public  l'honore.  A  partir  de  la 
session  de  1806,  il  se  renferme  au  contraire  de  plus  en  plus 
dans  ses  attributions  financières  et  se  consacre  surtout  au 
répartement  des  contributions  et  aux  questions  de  dégrèvement. 
Et  une  telle  attitude  s'explique  facilement  par  la  reprise  des 
hostilités,  par  cette  suite  ininterrompue  de  guerres  qui  ôtent 
aux  populations  et  à  leurs  représentants,  l'espérance  de  voir 
—  du  moins  avant  quelque  temps  —  se  continuer  cette  belle 
série  de  réformes  administratives  et  cette  réorganisation  de  la 
France  qui  avaient  caractérisé  la  période  pacifique  du  Consulat. 
Dans  l'ensemble  de  ses  sessions,  le  Conseil  général  du 
département  du  Pas-de-Calais  paraît  avoir  été  plus  laborieux 

1.  Archives  départ.,  Série  N.,  Délibérations  du  Conseil  général,  tome  I. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMLMSTRATIVES  8o 

que  celui  des  Bouches-du-Rhône  ;  les  questions  envisagées 
sont  plus  variées  et  plus  complexes  ;  on  ne  remarque  aucune 
tendance  à  des  incursions  dans  le  domaine  politique,  incursions 
que  le  gouvernement  n'aurait  du  reste  pas  tolérées.  Il  est  vrai 
que  le  Pas-de-Calais  est  un  département  à  la  fois  agricole, 
industriel  et  maritime,  tandis  qu'à  cette  époque  le  département 
des  Bouches-du-Rhône  avait  presque  pour  unique  préoccupa- 
tion le  commerce  et  que  ce  commerce  était  anéanti,  sans  espoir 
de  jamais  renaître,  par  la  politique  extérieure  de  Napoléon. 


VI 


La  loi  de  pluviôse  an  VIII  crée  les  Conseils  d'arrondissement 
pour  tenir  dans  l'arrondissement  et  auprès  du  sous-préfet  la 
place  du  Conseil  général  dans  le  département  près  du  préfet. 
Chaque  Conseil  d'arrondissement  doit  être  composé  de  onze 
membres  et  siéger  une  fois  par  an.  11  fera  la  répartition  des 
contributions  directes  entre  les  diverses  communes  de  l'arron- 
dissement ;  «  il  exprimera  une  opinion  sur  l'état  et  les  besoins 
de  l'arrondissement  et  l'adressera  au  préfet  », 

Examinons  la  composition  des  divers  Conseils  d'arrondisse- 
ment du  Pas-de-Calais.  Celui  d'Arras  comprend  à  sa  forma- 
tion en  l'an  VIII  :  Berlin,  Desprez,  Manoury,  A.-L.  Billot, 
Th.  Cornoailles,  F.-J.  Billion.  Norman,  Billecoq,  Le  Roux 
et  Tamboise.  De  ces  conseillers,  un  seul,  François-Joseph 
Billion,  dit  Noël  Billion,  était  un  ancien  législateur,  né  à 
Arras  le  4  mars  1752;  il  avait  été  administrateur  du  Directoire 
du  district  d'zVrras  en  17(H  et  président  des  hospices  civils; 
il  fut  élu  le  25  germinal  an  VII  député  au  Conseil  des  Cinq- 
Cents  et  se  montra  favorable  au  coup  d'État  du  18  brumaire; 
juge  au  tribunal  civil  d'Arras,  il  conserva  ses  fonctions  sous 
la  Restauration  ^ 

I.  Archives  départ.  Conseil  diu-rondissonuMit  d'Arras.  Procès-verbaux  de 
la  session  de  l'an  VIII. 


86  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Berlin  était  un  ancien  administrateur  du  département  pen- 
dant la  Révolution.  Pierre-Joseph  Tamboise,  de  Vimy,  avait 
fait  partie  de  la  première  assemblée  administrative  du  dépar- 
tement en  1790.  Norman  et  Cornoailles  avaient  rempli  les 
fonctions  d'administrateur  de  district.  Manoury  était  agent 
municipal  de  Metz-en-Couture.  Quant  aux  autres  conseillers 
d'arrondissement,  Despretz  était  notaire  à  Bapaume,  Billot  et 
Le  Roux  cultivateurs.  Billecoq,  décédé  avant  d'avoir  siégé, 
avait  appartenu  à  l'administration  municipale  d'Arras  ;  il  fut 
remplacé  parDelleville,qui  siégea  au  Conseil  d'arrondissement 
d'Arras  jusqu'en  1808  '  ;  ce  dernier  était  notaire  et  avait  été 
administrateur  de  district;  on  le  suspendit  de  ses  fonctions  en 
181S. 

En  même  temps  que  les  précédents,  nous  voyons  figurer 
comme  membre  du  Conseil  d'arrondissement  d'Arras,  dans 
l'almanach  départemental  de  l'an  X,  Antoine-Guislain  Water- 
lot,  de  Boyelles,  membre  du  Directoire* du  département  en 
1790. 

A  la  suite  du  tirage  au  sort  du  26  messidor  an  XI,  Tamboise, 
Desprez  et  Manoury  sont  remplacés  par  Delepouve,  d'Arras, 
juge,  président  du  tribunal,  Willemetz,  maire  de  Thélus  et 
Corne,  ancien  député  au  Conseil  des  Cinq  Cents,  dont  nous 
avons  déjà  donné  la  biographie  en  parlant  du  Conseil  de  pré- 
fecture. Les  membres  sortants  de  1808  sont  :  Bertin,  Billot, 
Norman  et  Walerlot  ;  par  le  décret  du  22  décembre  1809,  sont 
nommés  Ignace  Haudouart  père,  homme  de  loi  à  Bapaume, 
ancien  maire  de  Bapaume,  président  du  tribunal  de  ce  district 
et  député  du  Pas-de-Calais  à  l'Assemblée  Législative  ,  Nicolas 
Deflandre,  propriétaire,  maire  de  Morchies,  Wartelle  jeune, 
propriétaire  à  Arras  et  de  nouveau  Waterlot. 

Le  Conseil  d'arrondissement  de  Béthune  est  composé,  à  sa 
formation  le  12  prairial  an  VIII,  des  membres  suivants  :  Le 
Ro}^,  notaire  à  Lens,  ancien  administrateur  et  procureur  syn- 

1.  Dictionnaire parlemenlaire  du  Département  du  Pax-de-Calais. 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINISTRATIVES  87 

die  du  département;  Choquet,  de  Lestrem,  ancien  juge  de 
paix;  Menche,  de  Beuvry,  ancien  juge  de  paix;  Rohart,  pro- 
cureur, arpenteur  et  receveur  des  contributions  avant  1789, 
ancien  administrateur  de  district,  juge  de  paix  de  Carvin  ; 
Desruelles,  avocat  au  Parlement  de  Paris  avant  1789,  sub- 
stitut du  magistrat  de  sûreté  près  le  tribunal  de  Béthune, 
homme  de  loi  à  Saint-Venant;  Bassecourt,  de  la  Beuvrière; 
Sénéchal,  cultivateur,  maire  de  Verquin  ;  Grégoire,  receveur 
des  octrois  et  négociant  avant  la  Révolution,  ancien  adminis- 
trateur de  district,  ancien  commissaire  du  gouvernement  près 
l'administration  municipale  et  adjoint  au  maire  à  Lillers  ; 
Becq,  d'Hénin-Liétard,  médecin  ;  Brongniart,  brasseur  à 
Lillers;  Le  Boy,  notaire  à  Béthune  et  ancien  agent  municipal. 
Grégoire,  ayant  démissionné  presque  aussitôt,  était  remplacé 
par  Mauduit,  de  Sailly-sur-la-Lys,  greffier  général  du  pays 
de  Lalleu  et  receveur  de  l'abbaye  de  Saint-Vaast  avant  la 
Révolution.  Au  renouvellement  de  l'an  XII,  entrent  au  conseil 
d'arrondissement  de  Béthune  :  Branne,  cultivateur  à  Violaines, 
Legay,  commissaire  du  gouvernement  près  le  tribunal  civil  et 
un  officier,  Boisgérard,  ancien  aide  de  camp  de  Bonaparte  et 
de  Menou  et  jouissant  d'un  revenu  de  1  .800  francs. 

Par  le  décret  du  22  décembre  1809,  furent  nommés  :  Louis 
Ducarin,  ancien  juge  de  paix  et  administrateur  de  district.  Cons- 
tant Daisguirande,  adjudant  de  cohorte,  maire  de  Chocques, 
Xavier  Gombert,  administrateur  des  hospices,  ancien  maire  de 
Lestrem,  membre  du  Conseil  municipal  de  Béthune,  etSiméon 
François,  juge  de  paix.  Enfin  Le  Roy,  décédé,  eut  pour  suc- 
cesseur, le  21  juin  1810,  Lenoir,  maire  de  Gonnehem,  officier 
du  génie  avant  1789. 

Le  conseil  d'arrondissement  de  Boulogne  comprit,  à  sa  for- 
mation, le  12  prairial  an  VIII,  un  ancien  législateur,  Bernard 
Gros,  avocat,  procureur  fiscal  et  membre  de  l'administration 
provinciale  du  Boulonnais,  élu  député  aux  Etats  généraux  par 
le  Tiers-État  de  la  sénéchaussée  de  Boulogne,  puis  juge  du 
district  de  Boulogne  jusqu'au  10  août  1792;  des  administra- 


88  LE    PAS-DE-CALAIS   DE    1800    A    1810 

teurs  de  département  et  de  district  pendant  la  Révolution, 
Louis  Libert,  de  Wimille  ;  Merlin  Hibon,  de  Boulogne, 
greffier  adjoint  à  l'amirauté  de  Boulogne  antérieurement  à 
1789,  membre  de  la  commune,  procureur-général-syndic,  pré- 
sident et  commissaire  près  le  département  ;  Brouta^  officier 
du  troisième  bataillon  du  Pas-de-Calais,  notaire  à  Marquise  ; 
Ita  Trousset,  de  Desvres,  ancien  administrateur;  deux  anciens 
administrateurs  municipaux  de  Calais,  Duval  et  Marensal  ; 
enfin  Dumont,  de  Courset,  agronome  distingué  et  propriétaire 
de  l'un  des  plus  riches  jardins  de  botanique  ;  Cornuette, 
d'Henneveux,  chevalier  de  Saint-Louis,  ancien  garde  du 
corps,  maire  d'Henneveux  ;  Antoine  Parenty,  de  Peuplingues, 
et  Noulart,  de  Samer,  ancien  ecclésiastique  et  ancien  commis- 
saire. Au  sujet  de  ce  dernier,  le  sous-préfet  Duplaquet  pense 
en  1808  que,  puisqu'il  est  conseiller  sortant,  il  ne  doit  pas 
être  renommé,  car  il  n'a  ni  la  fortune,  ni  la  considération 
nécessaires  pour  faire  partie  d'un  corps  dont  toute  l'autorité 
consiste  dans  l'influence  morale  et  politique. 

Gros  et  Parenty,  démissionnaires,  sont  remplacés  le  17  ger- 
minal an  VIII  par  Cornier-Préville  et  Mouron  de  Caux,  de 
Samer.  Au  premier  renouvellement,  le  10  ventôse  an  XII,  sont 
nommés  :  Berquier-Neuville,  ancien  député  au  Conseil  des 
Cinq-Cents  ;  Grandsire-Belval,  rentier  à  Wimille,  puis  com- 
missaire du  gouvernement  près  le  tribunal  civil,  et  Duriez,  de 
Calais,  qui,  n'ayant  pas  accepté,  eut  pour  remplaçant  Duquesne- 
Clocheville,  ancien  officier  de  cavalerie.  Hénin,  ancien  admi- 
nistrateur, avait  succédé  le  8  floréal  an  X  à  Duval,  également 
démissionnaire,  et  Antoine  Bénard,  le  19  ventôse  an  XIII,  à 
Libert,  décédé.  Enfin,  le  décret  du  22  décembre  1809  nomme 
comme  membres  du  conseil  d'arrondissement  de  Boulogne 
Caron  Falempin,  procureur  impérial  près  le  tribunal  civil, 
Guizelin,  chef  de  cohorte,  Dumont,  de  Courset,  et  Jacques 
Leveux,  négociant,  maire  de  Boulogne  et  président  du  tribu- 
nal de  commerce. 

Hacot-Duvioliers,  ancien  administrateur  du  district  de  Mon- 


LES    ASSEMBLÉES    ADJIINISTRATIVES  89 

treuil,  Prévot-Lebas,  notaire  à  Etaples,  Hellemans,  adminis- 
trateur municipal  à  Hesdin,  Gosse,  ancien  receveur  à  Hesdin, 
Auguins-Deroteux,  ancien  administrateur  de  district,  Testu, 
de  Saint- André,  ancien  administrateur,  Marquant,  ju^e  de 
paix  d'Hucqueliers,  Danel,  juge  de  paix  d'Étaples,  Ita  l'aîné, 
de  Montcavrel,  Poupart,  de  Saint-Josse,  et  Dautremer,  maître 
de  postes  à  Fruges,  composent  le  premier  conseil  d'arrondis- 
sement de  Montreuil.  Presque  aussitôt,  Lafontaine  remplace 
Ita  et,  en  l'an  X,  sont  nommés  :  Boitel  père,  de  Montreuil  ; 
Gressent,  d'Hesdin,  Déplanques,  Dewamin,  juge  de  paix,  et 
Gomez.  Penet,  propriétaire,  succède  à  Marquant  en  juin  1807, 
tandis  que  les  nominations  du  22  décembre  1809  amènent  au 
Conseil  d'arrondissement  de  Montreuil  Varennes,  juge  de 
paix,  Thélu  cadet,  chef  de  cohorte,  Blondin-Baizieux  et  Roc- 
quignj  du  Fayel. 

Dans  l'arrondissement  de  Saint-Omer,  nous  trouvons  au 
premier  Conseil  d'arrondissement,  celui  de  l'an  VIII,  un  cer- 
tain nombre  de  personnalités  qui  ont  pris  une  part  assez  active 
à  la  Révolution  :  Bernard  Delattre,  député  à  l'Assemblée 
Constituante  et  au  Conseil  des  Cinq  Cents,  Francoville,  député 
du  Tiers-Etat  du  bailliage  de  Calais  aux  Etats  Généraux  ; 
Dethosse,  de  Recques,  lieutenant-général  de  l'amirauté  de 
Calais  antérieurement  à  1789,  président  d'administration  de 
district,  président  d'assemblée  cantonale  ;  Derender,  de  Gon- 
nehem,  ancien  administrateur  forestier,  ancien  administrateur 
du  district  de  Calais  ;  Carpentier,  de  Saint-Omer,  ancien 
administrateur  ;  Legrand,  d'Aire,  marchand  orfèvre  en  1789, 
administrateur  municipal  pendant  la  Révolution;  Guislain, 
d'Ardres,  ex-commissaire  ;  Degrez,  de  Nouvelle  Eglise,  ex- 
administrateur. Il  faut  y  ajouter  trois  personnalités  très  effa- 
cées :  Caron-Senlecq,  juge  de  paix  à  Saint-Omer  ;  Lardeur  de 
la  Recousse,  ancien  administrateur  forestier,  et  Derender,  de 
Sainte-Marie-Kerque.  Un  arrêté  du  17  germinal  an  X  nomma 
conseillers  d'arrondissement  Dupont-Seivault,  officier  muni- 
cipal, Enlart,  ex-maire,  Jouanne,  médecin,  et  Greiset,  culti- 


90  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

vateur,  en  remplacement  de  conseillers  démissionnaires  et  de 
Bernard  Delattre,  devenu  conseiller  général.  Derender,  de 
Gonneliem,  était  destitué  en  l'an  XI  et  remplacé  par  Warins, 
d'Aire,  Le  10  ventôse  an  XII  entrent  au  Conseil  d'arrondisse- 
ment de  Saint-Omer,  Piers,  cultivateur  à  Audruicq,  Barbier, 
directeur  de  la  poudrerie  d'Esquerdes,  et  BVancoville,  deThiem- 
bronne.  Bachelet,  magistrat  de  sûreté,  ancien  procureur- 
syndic  de  district,  est  choisi  le  19  mars  1808,  et  Thibaut, 
juge  de  paix,  Defrance  aîné,  procureur  impérial,  Thomas 
Enlart,  propriétaire,  et  Le  Roy,  négociant,  sont  nommés  le 
22  décembre  1809. 

Le  Conseil  d'arrondissement  de  Saint-Pol  comprend,  à  sa 
formation,  un  ancien  membre  de  l'Assemblée  administrative 
du  département  en  1790,  Pierre  Mathias  de  Fremicourt,  de 
Le  Souich,  et  un  membre  de  la  famille  de  l'ancien  député  du 
Tiers  aux  Etats  Généraux,  Petit,  de  Magnicourt-sur-Canche. 
Les  autres  membres  sont  :  Lechon,  ex-maire,  notaire  à 
Avesnes-le-Comte,  Wallart  jeune,  frère  du  député  à  l'Assem- 
blée législative,  sous-lieutenant  au  12""'  régiment  de  chasseurs 
à  cheval,  démissionnaire  pendant  une  suspension  d'armes  et 
agent  d'Auxi-le-Château  sous  le  Directoire;  Barbier  d'Auchy, 
ex-juge,  ex-maire  ;  Aubron,  de  RuUecourt  ;  Thuillier,  de 
Croix,  ex-commissaire  ;  Goquerel,  de  Frévent,  ex-administra- 
teur municipal  ;  Laigle  ;  Berghin  et  Dusaulchoy,  de  Savy.  Les 
nouveaux  conseillers,  au  10  ventôse  an  XII,  sont  :  Pi'évost,  sub- 
stitut du  commissaire,  Bonnières,  maire  d'Eclimeux,  et  Deligne, 
cultivateur  ;  et  en  décembre  1809,  Deslavier,  maire  de  Frévent, 
Augustin  Matthieu,  Daverdoingt,  de  Saint-Pol,  et  Charles- 
Antoine-Joseph  Petit  de  Magnicourt. 

L'évolution  des  Conseils  d'arrondissement  n'est  pas  aussi 
marquée  que  celle  du  Conseil  général  :  ces  conseils  n'ont 
jamais  eu  l'importance  de  l'assemblée  départementale  et  n'ont 
pas  attiré  au  même  titre  l'attention  du  gouvernement.  Leurs 
sessions  sont  plutôt  insignifiantes;  pour  en  donner  une  idée, 
il  suffit  d'analyser  la  première  session  du  Conseil  d'arrondisse- 


LES    ASSEMBLÉES    ADMINESTRATIVES  91 

ment  d'Arras.  Elle  ouvre  le  15  messidor  an  VIII,  à  10  heures 
du  matin  ;  Bertin  est  élu  président  et  Norman,  secrétaire. 
Après  sa  constitution,  le  Conseil  d'arrondissement  consacre  ses 
premières  séances  à  l'examen  des  demandes  de  réduction  et 
de  dégrèvement  de  contributions  ;  il  établit  ensuite  le  budget 
des  dépenses  de  l'arrondissement  pour  l'an  IX.  A  une  autre 
séance,  il  adopte  «  une  opinion  sur  l'état  et  les  besoins  de 
l'arrondissement  »,  s 'étendant  particulièrement  sur  les  amé- 
liorations nécessaires  dans  le  régime  des  voies  de  communica- 
tion, le  reboisement  et  la  plantation  d'arbres  le  long  des  routes, 
les  mesures  indispensables  pour  empêcher  la  fréquence  des 
incendies,  les  droits  de  passe,  le  manque  d'exécution  des  lois 
sur  la  chasse,  le  mode  de  recouvrement  des  contributions, 
l'instruction  publique,  le  régime  des  tourbières.  La  session 
est  close  par  l'établissement  du  répartement  de  la  contribution 
foncière  de  l'an  IX  dans  les  communes  de  l'arrondissement 
d'Arras  1.  De  même  que  le  Conseil  général  correspond  à  l'as- 
semblée administrative  du  département,  les  Conseils  d'arron- 
dissement correspondent  aux  assemblées  de  district  établies 
par  la  Constituante,  avec  ces  différences  que  leurs  membres 
sont  nommés  par  le  pouvoir  central  au  lieu  d'être  élus,  et  que 
leurs  attributions  sont  moins  étendues  et  leurs  délibérations 
moins  indépendantes. 

l.    Archives  départ..  Conseil     d'arrondissement  d'Arras,  Procès-verbaux, 
an  VIII. 


CHAPITRE  m 


LES  MUNICIPALITES 

I.  L'organisation  municipale  d'après  la  loi  du  28  pluviôse  an  VIII.  — Com- 
munes du  département  du  Pas-de-Calais  ayant  plus  de  5.000  habitants.  — 
Les  municipalités  d'Arras,  de  Saint-Omer,  de  Bouloj^ne,  de  Calais,  de  Béthune 
et  d"Aire-sui"-la-Lys. 

II.  Communes  de  moins  de  cinq  mille  habitants.  —  Les  municipalités  de  Mon- 
treuil,  de  Saint-Pol,  d'IIcsdin,  de  Lillers,  de  Bapaume,  etc.  —  Difficultés 
rencontrées  dans  la  formation  des  municipalités  des  communes  rurales. — 
Doléances  du  préfet  La  Chaise  :  il  serait  nécessaire  de  restreindre  le  nombre 
des  communes.  —  Révocations  de  maires  et  d'adjoints.  —  Plaintes  des  sous- 
préfets.  —  Irrégularités  financières  ;  délits  relatifs  aux  lois  sur  la  conscription 
militaire;  faux  dans  les  actes  de  l'état  civil. 

III.  Incompatibilités  et  conflits  dattributions.  — Un  conflit  à  Lillers  entre  la 
municipalité  et  la  gendarmerie.  —  Secrétaires  de  mairie  et  secrétaires 
ambulants. 

IV.  L'organisation  municipale  pendant  la  Révolution  ;  ce  que  la  loi  de  plu- 
viôse an  VIII  emprunte  aux  institutions  révolutionnaires. 


I 

L'organisation  municipale,  de  1800  à  1810,  a  été  réglée  par 
la  loi  du  28  pluviôse  an  VIII,  dont  nous  devons  rappeler  suc- 
cinctement les  dispositions.  Les  communes  peuplées  de  moins 
de  2.500  habitants  auront  un  maire  et  un  adjoint  ;  les  com- 
munes peuplées  de  2,500  à  5.000  habitants,  un  maire  et  deux 
adjoints;  les  communes  peuplées  de  5.000  à  10.000  habitants,  un 
maire,  deux  adjoints  et  un  commissaire  de  police  ;  dans  les 
communes  peuplées  de  plus  de  10.000  habitants,  outre  le  maire, 
les  deux  adjoints  et  le  commissaire  de  police,  un  nouvel 
adjoint  sera  nommé  par  fraction  de  20.000  habitants  et  un  nou- 
veau commissaire  de  police  par  fraction  de  lO.OOO  habitants. 

Le  conseil  municipal  se  composera  dans  les  communes  de 
moins  de  2.500  liab. ,  de  dix  conseillers  ;  dans  les  communes 
de  moins  de  5.000  hab.,  de  vingt  conseillers;  dans  les  com- 
munes de  plus  de  5.000  hab.,  de  trente  conseillers.  Lesmaires, 


94  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

les  adjoints  et  les  conseillers  municipaux  des  communes  peu- 
plées de  moins  de  5.000  hab.  seront  nommés  par  le  préfet  ; 
les  maires,  les  adjoints  des  communes  peuplées  de  plus  de 
S. 000  hab.,  seront  à  la  nomination  du  Premier  Consul. 

«  Les  maires  et  adjoints  rempliront  les  fonctions  adminis- 
tratives exercées  auparavant  par  l'agent  municipal  et  l'adjoint; 
en  ce  qui  concerne  la  police  et  l'état  civil,  ils  auront  les  attri- 
butions des  administrations  municipales  de  canton,  des  agents 
municipaux  et  des  adjoints.  Le  conseil  municipal  s'assemblera 
chaque  année,  le  1 S  pluviôse,  et  pourra  rester  assemblé  quinze 
jours.  Le  préfet  aura  le  droit  de  le  convoquer  extraordinaire- 
ment.  Il  entendra  et  pourra  débattre  le  compte  des  recettes 
et  dépenses  municipales,  présenté  par  le  maire  au  sous-préfet 
et  arrêté  définitivement  par  ce  dernier.  C'est  au  conseil  muni- 
cipal que  reviendra  également  le  soin  de  régler  le  partage  des 
affouages,  pâtures,  récoltes  et  fruits  communs,  la  répartition 
des  travaux  nécessaires  à  l'entretien  et  aux  réparations  des 
propriétés  communales.  Il  délibérera  sur  les  besoins  particuliers 
et  locaux  des  communes,  sur  les  emprunts,  sur  les  octrois,  les 
contributions  en  centimes  additionnels  nécessaires  pour  subve- 
nir aux  dépenses  municipales,  sur  les  procès  qu'il  convien- 
drait d'intenter  ou  de  soutenir  pour  l'exercice  et  la  conserva- 
tion des  droits  communs ^  ». 

On  compte  dans  le  département  du  Pas-de-Calais  six  com- 
munes dont  la  population  dépasse  S. 000  habitants:  Arras, 
anX,  19.958  habitants;  1807,  19.286  habitants;  —  Béthune, 
an  X,  6.045  habitants;  1807,  6.379  habitants;  —  Boulogne, 
an  X,  10.685  habitants;  1807,  13.257  habitants;  —  Calais, 
an  X,  6.696  habitants  ;  1807,  8.102  habitants;  —  Aire,  an  X, 
8.627  habitants;  1807,  8.408  habitants;  — Saint-Omer,  an  X, 
20.109  habitants;  1807,  20.362  habitants.  Les  municipalités 
de  ces  six  villes  doivent  être  par  conséquent  nommées  par  le 
Premier  Consul. 

1.  G.  Saint-Yves  et  G.    Fournier,  Le  département  des  Bonches-du- Rhône 
de  ISOO  à  ISIO,  pp.  130-131. 


LES    MUNICIPALITÉS  95 

L'arrêté  du  Premier  Consul,  en  date  du  14  floréal  an  VIII, 
désigne  comme  maire  d' Arras  Wattelet  de  la  Vinelle  et  comme 
adjoints,  Lesoing  et  Rouvroy  de  Libessart.  Mathias-René- 
Joseph  Watelet  de  la  Vinelle,  né  à  Arras  le 21  décembre  1758, 
avait  été  successivement  conseiller  au  conseil  d'Artois,  sup- 
pléant au  tribunal  du  district  d'Arras,  juge  au  tribunal  de 
cassation  ;  il  devint  conseiller  de  préfecture  le  20  thermidor 
an  XII,  et  eut  alors  comme  successeur  à  la  mairie  d'Arras 
Jacques-Louis-Nicolas  Vaillant,  ancien  Constituant,  dont  nous 
avons  déjà  retracé  la  biographie  en  parlant  des  membres  du 
Conseil  général.  Vaillant  occupa  la  mairie  d'Arras  jusqu'à  sa 
mort  en  1813  ;  il  paraît  avoir  joui  d'une  grande  influence  dans 
le  département.  On  le  remplaça  le  4  avril  1813  par  son  beau- 
fils,  Wartelle-Vaillant,  baron  d'Harlincourt,  que  révoqua  le 
comte  de  Beaumont,  par  arrêté  du  4  juillet  1815. 

Le  premier  adjoint,  Lesoing,  était  un  négociant  d'Arras, 
né  dans  cette  ville  le  21  décembre  1759,  président  du  tribu- 
nal de  commerce  et  jouissant  dun  revenu  de  6.000  francs.  Il 
fut  maintenu  comme  adjoint  par  décret  du  18  mars  1808. 
Jacques  Rouvroy  de  Libessart,  ancien  conseiller  au  Conseil 
d'Artois,  n'accepta  pas  les  fonctions  de  second  adjoint  ;  on 
désigna  à  sa  place  Billecocq- Vaillant,  qui  démissionna  égale- 
ment et  fut  enfin  remplacé  par  Pierre  Cot  (décret  du  23  ven- 
tôse an  IX).  Pierre  Cot  était  né  à  Montpellier  en  1750;  fils 
d'un  régisseur  des  subsistances  militaires,  il  fut  lui-même 
préposé  en  chef  des  vivres  à  Arras  et  reçut  les  éloges  des 
Etats  d'Artois,  puis  des  administrateurs  du  département 
pour  les  services  qu'il  rendit  dans  l'approvisionnement  de  la 
province.  Ayant  donné  sa  démission  de  second  adjoint  au 
maire  d'Arras,  il  devint  contrôleur  général  des  subsistances 
militaires,  puis  directeur  du  Mont-de-Piété  d'Arras.  Son  suc- 
cesseur comme  adjoint,  Cochet  d'Hattecourt,  nommé  le 
21  ventôse  an  XIII,  était  un  propriétaire,  né  à  Lille  en  1747  et 
jouissant  d'un  revenu  de  5.000  francs.  Il  fut  maintenu  en  1815 
dans  ses  fonctions  par  le   gouvernement  de  la  Restauration. 


96  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

A  Béthune,  le  maire  est  un  négociant,  Jean-Baptiste  Delal- 
leau,  qui,  après  avoir  dirigé  les  affaires  municipales  pendant 
toute  la  durée  de  l'Empire,  fut  conservé  à  la  tête  de  la  munici- 
palité de  Béthune  par  le  comte  de  Bourmont,  le  4  juillet  1815  ; 
au  contraire,  les  deux  adjoints,  Dufresne  et  Herreng,  furent 
révoqués  lors  de  la  Restauration  ;  tous  les  deux  avaient  joué 
un  certain  rôle  pendant  la  Révolution  :  Pierre-Antoine 
Dufresne  avait  été  administrateur  municipal,  juge  au  tribunal 
du  district  et  membre  du  Directoire  de  ce  même  district  ;  il 
exerçait  la  profession  de  notaire  ;  son  collègue  Ilerreng  (Fer- 
dinand-Louis), également  notaire,  avait  accepté  les  fonctions 
d'administrateur  municipal. 

La  municipalité  de  Boulogne  subit  plus  de  modifications 
que  celle  de  Béthune.  De  1800  à  181 S  il  y  eut  trois  maires  : 
d'abord  Merlin- Dubreuil  qui  démissionna  en  l'an  Xlll,  et  fut 
rappelé  à  la  mairie  par  les  royalistes  en  1815;  Pierre-Fran- 
çois Delporte,  maire,  du  1""  germinal  an  XIII  *  à  l'année  1809 
(comme  membre  du  Conseil  général  il  a  déjà  été  l'objet  d'une 
notice  biographique),  et  Pocholle-Menneville,  nommé  le 
16  mars  1809,  négociant,  jouissant  de  12.000  francs  de  revenu, 
chef  de  bataillon  de  la  garde  nationale  en  1789,  membre  de  la 
Société  d'Agriculture,  etc.  Les  adjoints  sont  successivement: 
Pierre-Daniel  Dutertre,  avocat  fiscal  avant  la  Révolution, 
procureur  de  la  commune  en  1790,  capitaine  de  la  garde 
nationale^  procureur  syndic,  administrateur  du  district,  agent 
national,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  d'être  rétabli  comme  pre- 
mier adjoint  par  Louis  XVIII^  ;  Grandsire  de  Belvalle,  Dugat 
et  Alexandre  Lorgnier,  administrateur  du  département  en 
l'an  V,  maintenu  à  la  municipalité  par  le  comte  de  Bourmont. 

La  plupart  de  ces  administrateurs  eurent  les  qualités  que 
réclamaient  l'importance  de  la  ville  de  Boulogne  et  les  com- 
plications amenées  dans  les  services  municipaux  par   le   rôle 


1.  Archives  dcpai't.,  série  K,  Décrets. 

2.  Archives  départ.,  série  M.  Etat  des  fonctionnaires  dressé  par  le  sous-pré- 
fet, lOjuin  1810. 


LES    MUNICIPALITÉS  97 

considérable  que  joua  cette  cité,  sous  le  Consulat  et  l'Empire. 
Sous  Merlin-Dubreuil,  l'organisation  du  camp  de  Boulogne 
ajoute  à  l'embarras  des  affaires  locales,  le  séjour  de  la  Grande 
Armée  nécessite  des  mesures  extraordinaires  de  police  et  crée 
des  exigences  de  voirie.  Il  faut  coopérer,  dans  une  certaine 
mesure,  à  la  formation  du  port,  au  prolongement  des  jetées  et 
autres  grands  travaux  maritimes  '.  Les  maires  suivants  n'ont 
pas  une  charge  moins  pesante.  Chacun  d'eux  apporte  le  plus 
grand  zèle  à  la  soutenir,  secondé  par  un  conseil  municipal 
entièrement  dévoué  aux  intérêts  de  la  ville.  Le  préfet  propose 
en  l'an  XIII  d'accorder  une  indemnité  de  6.000  francs  à  par- 
tager entre  le  maire  et  le  premier  adjoint.  Ces  magistrats 
refusent  dans  les  termes  les  plus  dignes,  ce  dont  toute  l'assem- 
blée municipale  les  félicite^. 

Plus  d'une  fois,  au  cours  de  la  période  qui  nous  occupe,  la 
ville  de  Boulogne  fait  sentir  à  l'administration  centrale  cet 
amour  de  l'autonomie  que  les  Boulonnais  ont  de  date  ancienne 
figé  au  cœur,  et  qu'ils  manifesteront  jusqu'à  nos  jours.  A  la 
suite  d'un  de  ces  désaccords  comme  il  s'en  produira  tant,  pen- 
dant tout  le  XIX*'  siècle,  entre  la  sous-pré feclure  et  la  mairie, 
le  maire  proteste  auprès  du  ministre  de  l'Intérieur  contre  une 
décision  qui  a  révoqué  les  dispositions  qu'il  avait  prises  en 
vue  d'assurer  l'exécution  d'un  arrêté  du  gouvernement,  relatif 
à  la  démarcation  du  territoire  de  la  commune  de  Boulogne.  La 
lettre  du  maire  se  termine  ainsi  :  «.  L'administration  des  préfets 
et  celle  des  sous-préfets  doivent  être,  il  me  semble,  toutes 
paternelles,  et  si  un  fonctionnaire  public  mérite  des  égards  et 
des  encouragements,  j'ose  croire  que  c'est  celui  qui, placé  dans 
des  circonstances  majeures  et  difficiles,  sacrifie  gratuitement 
et  avec  plaisir  son  état  et  son  temps  au  service  de  son  pays. 
((  Votre  Excellence  ne  verra  sans  doute  rien  que  de  découra- 
geant dans  l'arrêté    du    préfet  du    département   du   Pas-de- 

1.  Voir  l'Année  boiilonnaise.  Ephémérides  historiques   intéressant  le  pays 
boulonnais,  par  Ernest  Deseille,  p.  69  et  suiv. 

2.  Archives   municipales     de    Boulogne,    série   D.    Reg.  des  délibérations, 
t.  VIII,    vendémiaire    an  XIII. 

CuAVA.NuN  ET  S.viisT-Y vEs.  —  Le  Pus-de-Calais  de  IROO  h  1810.  7 


98  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Calais  qui  eût  pu,  s^il  eût  cru  indispensable  d'ajouter  aux 
mesures  que  j'avais  arrêtées,  en  prescrire  de  nouvelles  sans 
m'accuser  authentiquement  et  par  un  arrêté  d'avoir  commis 
une  inconvenance,  sans  m'ordonner  de  retirer  les  exemplaires 
de  mon  arrêté  devenu  public  par  la  voie  de  l'impression  et  de 
l'affiche,  et  de  faire  mention  sur  les  registres  de  la  mairie  d'une 
décision  qui  l'annule. 

«  J'ose  espérer  que  Votre  Excellence  me  rendra  plus  de 
justice,  et  qu'elle  ordonnera  le  rapport  de  mesures  aussi 
sévères  qu'elles  sont  peu  méritées. 

<(  Je  terminerai  par  prendre  la  liberté  de  vous  observer  que 
mon  arrêté  se  trouvant  révoqué,  celui  du  g-ouvernement  est 
resté  sans  exécution. 

«  Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'assurance  de  mon 
entier  dévouement  et  de  mon  respect ^  ». 

En  1807,  le  Conseil  municipal  adresse  des  représentations  à 
l'Empereur  sur  le  décret  du  23  mai  qui  met  à  la  charge  de 
Boulogne  les  dépenses  du  commissariat  général  de  police 
dans  les  ports  de  la  Manche-. 

Cette  attitude  fîère  n'empêche  pas  les  Boulonnais  de  témoi- 
gner leur  admiration  et  leur  attachement  pour  certains  actes 
du  gouvernement  et  pour  le  chef  de  l'Etat.  La  ville  offre  à 
Bonaparte,  lors  des  projets  de  descente  en  Angleterre,  un 
bateau  canonnier  complètement  équipé  et  monté  par  des  Bou- 
lonnais 3,  outre  une  bonne  part  contributive  dans  les  dépenses 
votées  par  le  département  pour  la  construction  du  vaisseau 
Napoléon.  Elle  fête  avec  enthousiasme  le  passage  du  Premier 
Consul  ou  de  l'Empereur  ettoutes  les  solennités  en  son  honneur. 

Somme  toute,  Boulogne  est  une  ville  bien  gouvernée,  ce 
qui  est  d'autant  plus  méritoire  que,  pendant  les  dix  premières 
années  du  xix^ siècle,  sa  vie  administrative  est  particulièrement 
intense  et  pleine  de  difficultés. 

1.  Arch.  munie,  de  Boulogne,  série  D.  Reg.  des  délib.  16  vendémiaire 
an  XIII. 

2.  Ihid.,  avril  1807. 

3.  Ibid.,  8  mai  an  XI. 


LES    MUNICIPALITÉS  99 

Aucune  commune  du  département  n'a  changé  plus  souvent 
de  maire  pendant  le  Consulat  et  l'Empire  que  celle  de  Saint- 
Omer  :  six  fois  en  quinze  ans.  Le  premier  est  Le  Sergeantd'Is- 
bergues,  l'ancien  Constituant,  nommé  par  décret  du  24  floréal 
an  VIII;  il  est  révoqué  par  décret  du  13  messidor  an  VIII  et 
remplacé  par  Brusle-Aubert.  Celui-ci  ayant  démissionné,  Le 
Sergeant  d'Isbergues  est  rappelé  à  la  mairie  de  Saint-Omer 
par  décret  du  21  octobre  1806  *.  A  la  mort  de  Le  Sergeant 
d'isberg-ues,  le  16  mai  1807,  le  gouvernement  désigne  pour 
lui  succéder  Guillaume  Marigna,  maintenu  par  décret  du 
8  mars  1808  ;  mais  Marigna  meurt  à  son  tour  et  a  pour  succes- 
seur, le  16  juin  1808,  Amable-Joseph  Hellemans,  conseiller 
municipal.  Le  décès  d'Hellemans  en  1 809  rend  de  nouveau  la 
mairie  de  Saint-Omer  vacante  ;  le  décret  du  7  juillet  1809  y 
pourvoit  en  faisant  choix  de  l'adjoint  Pierre-François  Wat- 
tringue,  né  à  Saint-Omer  le  25  novembre  1750,  entrepreneur 
de  bâtiments  militaires,  jouissant  de  30.000  francs  de  revenu  ; 
le  comte  de  Bourmont  le  maintint  dans  sa   charge  en  1815^. 

Les  adjoints  sont  :  à  la  formation  de  la  municipalité,  Leroy- 
Aipelly,  ex-juge,  et  Marigna  ou  Demarigna,  ex-administrateur 
municipal;  puis,  Masse  et  Enlartde  Guémy.  Enlart  de  Guémy, 
nommé  premier  adjoint  par  décret  du  20  prairial  an  X,  était 
né  à  Saint-Omer  le  21  octobre  1746.  Il  avait  25.000  francs  de 
revenu  et  avait  été,  pendant  la  Révolution,  capitaine  de  la 
garde  nationale,  maire  de  Wisques,  juré  d'accusation  et  de 
jugement.  Masse,  démissionnaire,  eut  pour  successeur  Wat- 
tringue  qui,  lui-même,  en  devenant  maire,  céda  la  place  de 
second  adjoint  à  Mariotte-Tellier,  rentier  avec  12.000  francs 
de  revenu,  qui  resta  adjoint  sous   la  Restauration  3. 

Le  premier  maire  de  Calais  est  Blanquart;  en  l'an  X  il 
démissionne  et  le  gouvernement  éprouve  quelques   difficultés 

1.  Archives  départ.,  M.  État  des  fonctionnaires  dressé  par  le  sous-préfet, 
19  juin  1810.  Série   M.  Personnel  ;  Série  K.  Décrets. 

2.  Ihid.,  Série  K.  Décrets. 

3.  Ibid.,  Série  M.  Personnel  ;  série  K.  Décrets  ;  Série  M.  Assemblées  élec- 
torales, listes  de  1810. 


100  LE    PAS-DE-CALAIS    DE     1800    A    1810 

à  le  remplacer.  Le  sous-pi'éfet  de  Boulogne  réclame  cependant 
avec  instance,  le  28  brumaire,  la  nomination  dun  maire  à 
Calais  :  le  premier  adjoint,  Saint-Amour  Gonsse,  vient  d'être 
nommé  commissaire  de  police  ;  le  second  adjoint,  Horeau,  est 
malade;  de  ce  fait,  il  n'y  a  plus  de  municipalité.  Le  sous-pré- 
fet a  d'abord  proposé  Michaud  pour  succéder  à  Blanquart  ; 
il  écrit  le  11  nivôse  an  X  au  préfet  qu'il  s'est  trompé  dans  son 
choix  :  Michaud  «  n'a  pas  la  proportion  d'indépendance  per- 
sonnelle et  de  fortune  nécessaire  pour  soutenir  la  représenta- 
tion très  dispendieuse  attachée  à  la  place  de  maire  de  Calais  »  ; 
en  outre  «  il  n'est  pas  franc  »  ;  Dupont  de  Lens,  proposé 
comme  adjoint,  est  suspect  parce  que  sa  candidature  est  sou- 
tenue par  Michaud  ^ . 

C'est  cependant  Michaud  qui  fut  choisi  le  23  frimaire 
an  X;  il  ne  possédait  en  elFet  qu'un  très  faible  revenu, 
1.600  francs,  et  ses  opinions  ne  devaient  être  guère  favorables 
aux  royalistes,  car  le  comte  de  Bourmont  le  remplaça  le 
4  juillet  1813.  L'administration  impériale  avait  été  satisfaite 
de  ses  services  et,  le  10  prairial  an  Xll,  le  sous-préfet  de  Bou- 
logne lui  adressait  des  félicitations  pour  <(  le  zèle  éclairé  et 
distingué  qu'il  apportait  dans  ses  fonctions  ^  ». 

Horeau  était  devenu  premier  adjoint  en  remplacement  de 
Saint- Amour,  nommé  commissaire  de  police.  Il  fut  révoqué 
en  l'an  XII  et  eut  pour  successeur,  le  11  thermidor  an  XII, 
Bouchel-Mérenveux^;  à  la  mort  de  ce  dernier,  nous  trouvons 
comme  premier  adjoint  Duriez,  nommé  par  décret  du  4  plu- 
viôse an  XIII,  puis  Charles-Antoine  Audibert-Leveux,  négo- 
ciant. Le  poste  de  second  adjoint  fut  successivement  occupé 
par  Dupont  de  Lens,  an  X-an  XIII,  et  par  Antoine  Bénard  que 
le  comte  de  Bourmont  nomma  en  1815  maire  de  Calais. 
A  Aire-sur-la-Lys   enfin,    nous    voyons  un    maire,  Louis- 


1.  Archives  départ.,  Deuxième  registre  de  correspondance  du  sous-préfet  de 
Boulogne,  f"'  67,  73,  etc. 

2.  Ihid.   Registre  aux  arrêtes  du  sous-préfet  de  Houlogne,   f"    79. 
?.  Ihid.,  K.  Décrets. 


LES    MUNICIPALITÉS  101 

Joseph  Deslions,  qui  occupa  ces  fonctions  pendant  seize  ans, 
de  1792  à  1808;  il  devint  ensuite  receveur  municipal  et 
employé  dans  l'administration  des  tabacs.  Ses  successeurs 
paraissent  avoir  plutôt  des  attaches  royalistes  :  Antoine  Joly 
La  Viéville,  nommé  par  décret  du  18  mars  1808,  était,  avant 
la  Révolution,  seig-neur  de  Roquetoire  et  possédait  40.000  francs 
de  revenu;  Charles  d'Halwin,  appelé  à  la  mairie  d'Aire  en 
1812,  avait  été  capitaine  dans  le  régiment  Orléans-infanterie 
et  fut  maintenu  en  1815  à  la  tête  de  la  municipalité  par  le 
comte  de  Bourmont,  qui  ne  changea  pas  non  plus  l'un  des 
adjoints,  Viteloux  de  Gournay  K 


II 


Avant  de  jeter  un  coup  d'céil  sur  l'ensemble  des  communes 
rurales,  nous  donnerons  quelques  indications  un  peu  plus 
détaillées  sur  celles  dont  les  municipalités  étaient  k  la  nomi- 
nation du  préfet  puisqu'elles  avaient  moins  de  5.000  habitants, 
mais  qui  constituaient  cependant  des  centres  plus  importants, 
soit  comme  chefs-lieux  d'arrondissement,  soit  comme  villes 
industrielles  ou  marchés  agricoles. 

De  1800  à  1815,  Montreuil-sur-Mer  eut  pour  maires  :  Boi- 
tel,  ex-conseiller  de  préfecture,  Deroussen  et  Pierre-Antoine- 
François  La  Pasture-Verchocq  qui,  avant  la  Révolution,  ser- 
vait dans  la  Maison  du  Roi  et  fut  administrateur  des  hospices 
et  adjudant-major  de  la  garde  nationale.  Gomme  adjoints, 
nous  relevons  les  noms  de  Houzet,  administrateur  municipal, 
nommé  par  décret  du  16  prairial  an  VIII  ;  Macaire  ;  Lefebvre- 
Hacot,  ancien  commissaire  du  gouvernement  ;  Blondin  de 
Baizieux,  rentier,  jouissant  de  7.000  francs  de  revenu  et  Nico- 
las-François-Marie-Alexandre Thueux,  également  rentier,  qui 
avait  été  officier  municipal  pendant  la  Révolution^. 

1.  Archives  départ.,  M.  Listes  des  présidents  des  assemblées  de  canton. 

2.  Ihid.,  M.  Maires  et  adjoints,  renouvellement  quinquennal,  1808. 


102  LE    PAS-DE-CAL  ATS    DE    1800    A    1810 

Une  autre  sous-préfecture,  Saint-Pol  (2.949  habitants  en 
l'an  X),  nous  oftre  très  peu  de  mutations  dans  la  composition 
de  sa  municipalité  :  Graux-Capron  fut  maire  de  l'an  VIII  à 
l'an  XII,  et  Ignace-Joseph  Daverdoingt,  officier  d'infanterie, 
depuis  1  an  Xll,  jusqu'à  la  fin  de  l'Empire. 

llesdina  3.726  habitants  en  l'an  X  :  le  premier  maire  est 
Ilellemans,  nommé  le  16  prairial  an  VIII,  avec  deux  anciens 
administrateurs  municipaux  de  la  période  révolutionnaire 
comme  adjoints,  Dewamin  et  Viveur. 

Un  arrêté  du  24  prairial  an  VIII  nomme  maire  d'Hesdin 
Gosse,  préposé  au  receveur  général,  en  remplacement  de  Hel- 
lemans, démissionnaire,  et  Houzel,  notaire,  second  adjoint'  qui 
l'était  encore  en  1816. 

A  Bapaume,  commune  de  3.21 4  habitants,  au  premier  maire. 
Froment,  succède,  le  6  juillet  1808,  Jean-Antoine  Dagulhac  de 
Soulages,  capitaine  au  régiment  d'Anjou  en  1789.  A  sa  mort,  le 
Préfet  fait  choix  d'Ignace-Joseph-Delphin  Haudouart.  Hau- 
douart  avait  été,  avant  la  Révolution,  subdélégué  de  l'intendant, 
président  de  la  juridiction  des  fermes,  lieutenant-général 
civil  et  criminel;  il  fut  nommé,  en  1790,  maire  de  Bapaume, 
président  du  tribunal  du  district  et  élu,  le  2  avril  1791, 
député  du  Pas-de-Calais  à  l'Assemblée  Législative,  où  il  fit 
partie  de  la  majorité.  «  Très  instrviit,  très  considéré,  loyal, 
beaucoup  de  capacité  et  d'expérience  ;  dix  mille  francs  de  re- 
venu», disent  à  son  sujet  les  notes  préfectorales  ~.  Les  adjoints 
furent   un   pharmacien,  Lagrillière,  et  un  médecin,  Lemaire. 

Le  maire  d'Etaples,  Souquet-Marteau,  nommé  le  7  fructidor 
an  XI,  et  chez  lequel  logea  Napoléon,  proposait,  le  2  frimaire 
an  XIII,  son  adjoint,  Duriez,  raffineur  de  sel,  comme  com- 
missaire, à  cause  de  la  présence  de  l'armée  et  du  grand 
nombre  d'étrangers  qui  circulent  ;  «  il  fera  très  bien  ce  ser- 
vice moyennant  600  francs  par  an  ^  ». 

1.  Archives  dép.,  Reg.  98,  p.  160. 

2.  /d.,  Série  M.  Registre  du  personnel  des  maires. 

3.  M.,  M.  Personnel. 


LES   MUNICIPALITÉS  103 

Ardres  (1.466  habitants  en  l'an  X,  1.925  en  1810)  a  succes- 
sivement pour  maires  :  Dulot  ;  Jean-Baptiste  Garnier,  avocat 
et  notaire,  30.000  francs  de  revenu,  en  18U8  ;  le  baron  Bousson, 
ancien  officier,  en  1810. 

Nous  trouvons  comme  maire  à  Avesnes-le-Comte  un  négo- 
ciant. 

En  l'an  X,  Je  maire  de  Lillers  est  Cauvet  ;  Louis  de  Fou- 
1ers,  frère  du  comte  de  Foulers  de  Relingue,  officier  général, 
le  remplace  par  arrêté  du  23  frimaire  an  XII  ^. 

Si,  dans  les  petites  villes,  il  était  relativement  facile  de 
constituer  des  municipalités  sérieuses  et  composées  de  per- 
sonnalités dignes  de  la  confiance  des  administrés,  il  n'en  était 
pas  de  même  dans  les  communes  rurales  et  le  préfet  se  heur- 
tait à  de  sérieux  obstacles.  Un  rapport  de  ce  fonctionnaire  au 
gouvernement  s'étend  assez  longuement  sur  cette  question  : 

«  Quel  que  soit  le  zèle  d'un  administrateur,  il  ne  peut  rien 
voir  s'il  n'est  secondé  ;  ses  premiers  regards  doivent  donc  se 
diriger  vers  ses  collaborateurs.  Aussi,  mes  premières  observa- 
tions dans  ce  département  ont-elles  eu  pour  objet  les  maires, 
adjoints  et  les  conseils  municipaux.  J'ai  suivi  avec  soin  leurs 
opérations,  leur  correspondance  ;  je  me  suis  vu  arrêté,  d'abord 
par  l'inertie  d'un  grand  nombre  de  maires  des  communes 
rurales,  par  l'ignorance  de  plusieurs.  J'ai  d'abord  apelé  [sic) 
leur  concours  ainsi  que  les  lumières  de  mes  concitoyens  par 
une  adresse  ;  puis,  dans  une  correspondance  particulière,  je 
me  suis  attaché  à  donner  aux  maires  tous  les  renseignements, 
toutes  les  instructions  dont  ils  avaient  besoin  ;  pas  une  seule 
lettre  de  maire  n'est  restée  sans  réponse  et  je  me  suis  fait  un 
devoir  de  donner  tous  les  témoignages  de  satisfaction  ou  de 
leur  adresser  les  avis  et  les  reproches  qu'ils  pouvaient  mériter. 
Cette  marche  suivie  avec  constance  m'a  fait  connaître  les  bons 
maires  et  ceux  dont  il  était  impossible  d'espérer  une  adminis- 
tration tolérable.  La  plupart  de  ces  derniers  m'ont  remis  leur 
démission  ;  je  me  suis  vu  forcé  d'en  suspendre  quelques-uns, 

1.  Archives  départ.  Série  M.  Arrêtés. 


104  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

mais  en  très  petit  nombre.  Toutes  les  fois  qu'il  s'est  agi  de 
remplacer  des  maires,  je  me  suis  attaché  à  ne  nommer  que 
des  personnes  dont  la  probité  et  la  moralité,  l'attachement  au 
gouvernement  fussent  bien  connus  et  je  me  suis  toujours  assuré 
par  les  sous-préfets  ou  d'autres  citoyens  recommandables  du 
choix  que  je  fesais  ;  j'ai  cherché  à  éviter  autant  que  possible 
de  laisser  quelque  chose  au  hazard  dans  ces  nominations  ;  je 
sentais  trop  chaque  jour  le  prix  d'un  bon  maire  et  l'inconvé- 
nient d'un  maire  insouciant  ou  inepte,  pour  ne  pas  donner 
mes  soins  à  augmenter  le  nombre  des  premiers.  J'ai  pris 
quatre-vingt  quatre  arrêtés  dans  les  cinq  derniers  mois  de 
l'an  XI  et  cent  dix-neuf  dans  les  six  premiers  mois  de  Tan  XII 
pour  nommer  des  maires  et  adjoints  et  j'ai  pu  remarquer  avec 
satisfaction  que  les  communes  pour  lesquelles  ces  nominations 
ont  eu  lieu  sont  bien  administrées.  Je  me  suis  aussi  attaché  à 
conserver  les  maires  dignes  de  la  confiance  du  gouvernement, 
j'ai  résisté  au  désir  de  plusieurs  d'abandonner  leurs  pénibles 
fonctions  ;  je  les  ai  prié  de  nous  continuer  leur  secours.  J'ai 
suivi  la  même  marche  envers  quelques-uns  des  nouveaux 
nommés  qui  ne  voulaient  pas  accepter  et  j'ai  eu  le  bonheur 
de  vaincre  la  répugnance  de  plusieurs  fonctionnaires  estimables 
que  je  m'applaudis  d'avoir  décidé  de  partager  avec  moi  le 
fardeau  de  l'administration... 

('  J'ai  dit  que  je  m'étais  attaché  constamment  adonner  aux 
communes  de  bons  administrateurs  autant  que  ^aossible,  mais 
cette  possibilité  n'existe  pas  pour  toutes  les  communes  ;  il  en 
est  beaucoup  dont  la  population  est  si  médiocre  que  l'on  ne 
pourrait  y  trouver  douze  citoyens  sachant  lire  pour  former  le 
conseil  municipal  et  pour  les  fonctions  de  maire  et  adjoint.  On 
conçoit  d'abord  que  ces  communes  n'offrant  pas  de  choix 
doivent  être  la  plupart  mal  administrées,  que  les  loix  doivent 
y  être  méconnues  ou  du  moins  exécutées  imparfaitement  ;  que 
les  mesures  qui  exigent  des  renseignements  généraux  doivent 
paraliser  par  l'inertie  de  quelques  maires  et  que  cet  état  de 
chose  exige  une  correspondance  infiniment  fatiguante  et  retarde 
toutes  les  opérations. 


LES    MUNICIPALITÉS  1  05 

«  Aussi  a-t-on  toujours  senti  la  nécessité  d'une  réduction 
des  municipalités  ;  dès  le  tems  de  l'administration  centrale, 
elle  avait  été  projettée  et  demandée  sans  succès.  Mon  prédé- 
cesseur en  avait  renouvelle  la  demande  en  transmettant  au 
gouvernement  un  projet  qui  réduisait  à  trois  cents  le  nombre 
des  communes  ;  mais  le  gouvernement,  qui  avait  manifesté 
l'intention  d'opérer  cette  utile  réduction,  paraît  avoir  ajourné 
son  projet  à  cet  ég-ard.  Il  est  vrai  que  la  réduction  proposée 
n'était  pas  praticable  ;  les  nouvelles  communes  beaucoup  trop 
étendues  n'auraient  pu  être  dirigées  par  un  seul  homme  ;  l'ac- 
tion de  l'administration  se  serait  affaiblie  aux  extrémités  éloi- 
gnées de  la  demeure  du  maire  ou  de  l'adjoint  et  l'on  n'aurait 
fait  que  changer  d'inconvéniens.  J'ai  reconnu  jusqu'à  l'évidence 
qu'une  réduction  des  communes  était  nécessaire  ;  j'ai  donc  dû 
m'en  occuper,  mais  j'ai  cherché  à  faire  disparaître  les  obstacles 
qui  s'oposaient  à  l'adoption  des  différens  projets  qui  avaient 
déjà  été  soumis;  j'ai  consulté  sur  ce  point  les  sous-préfets; 
enfin,  le  22  ventôse  dernier,  j'ai  adressé  au  ministre  de  l'inté- 
rieur un  projet  qui  réduit  le  nombre  des  communes  de  929  à 
548,  de  sorte  que  chaque  réunion  présente  des  communications 
faciles,  des  distances  très  rapprochées  et  une  population  suffi- 
sante pour  que  l'on  puisse  espérer  de  pouvoir  trouver  assez 
d'hommes  instruits  pour  composer  les  municipalités  K  » 

Un  coup  d'oeil  jeté  sur  les  divers  dossiers  des  communes 
rurales  permet  de  constater  que  les  doléances  du  préfet  de 
La  Chaise  ne  sont  pas  exagérées.  Le  maire  de  Wavrans, 
Leclercq,  est  prévenu  de  complicité  dans  un  attroupement 
séditieux  ;  il  est  révoqué  par  décret  du  26  frimaire  an  X  -. 
Leroy,  maire  de  Grévillers,  a  délivré  un  faux  certificat  de 
santé  à  Liévin,  conscrit  de  1806;  il  est  mis  en  jugement  par 
décret  du  20  novembre  1806.  A  Delattre,  maire  de  Loison,  on 
reproche  le  même  délit.  Muriez,  adjoint  de  Puisieux,  a  favorisé 
la  désertion  de  deux  de  ses  fils,  ce  qui  amène  sa  révocation. 

1.  Archives  Dép.,  Minute  d'un  rapport  du  préfet  de  la  Chaise. 

2.  Idem,  K.  Décrets. 


106  LE    PAS-DE-CALAIS     DE    1800    A    1810 

Le  maire  de  Willerval,  Dubourcq,  est  mis  en  jug-ement  par 
décret  du  16  juillet  1808,  pour  avoir  fait  plusieurs  faux  man- 
dats de  paiement,  détourné  une  partie  du  traitement  du  garde- 
champêtre,  touché  89  francs  comme  prétendus  frais  de  répara- 
tions aux  chemins  et  s'être  approprié  à  plusieurs  reprises  des 
sommes  appartenant  aux  habitants  i. 

Les  cas  de  révocation  les  plus  fréquents  sont  relatifs  à  des 
infractions  aux  lois  sur  la  conscription  militaire. 

Delattre,  ancien  maire,  et  Sébastien  Lemaire,  maire  de 
Mametz,  sont  traduits  en  jugement  pour  avoir  favorisé  la 
désertion  de  deux  cuirassiers  (décret  daté  du  camp  de  Tilsit, 
2  juillet  1807);  Dure,  maire  de  Galonne-Ricouart,  est  égale- 
ment poursuivi  en  1808  pour  avoir  favorisé  la  retraite  des 
conscrits  réfractaires;  Herdhebaut,  adjoint  au  maire  de  Mory, 
est  accusé  d'avoir  délivré  au  sieur  Polley  un  faux  certificat 
pour  attester  que  cet  individu  avait  un  frère  sous  les  dra- 
peaux-. Le  maire  de  Neufchâtel,  Collin,  est  convaincu  par  le 
sous-préfet,  en  l'an  XI,  d'être  l'un  des  principaux  auteurs  de 
fausses  pièces  qui  servent  à  faire  admettre,  comme  rempla- 
çants de  conscrits,  des  hommes  qui,  sous  de  faux  noms, 
reçoivent  des  sommes  considérables,  rejoignent  la  22"  demi- 
brigade  et  désertent  au  bout  de  quelques  jours.  Gillet,  maire 
d'Hardinghen,  a  négligé  l'exécution  des  lois  relatives  à  la  cons- 
cription; en  outre,  il  a  troublé  l'ordre  dans  sa  commune  au 
point  de  vue  de  l'exercice  du  culte  ;  les  mesures  prises  par 
Tévêque  pour  ramener  le  calme  à  Hardinghen  en  déplaçant  le 
desservant  seraient  insuffisantes  si  le  maire  n'était  pas  changé  ; 
Gillet  est  donc  suspendu  de  ses  fonctions,  par  arrêté  du  10  fruc- 
tidor an  XI*. 

L'application  du  Concordat  soulève  des  difficultés  avec  un 
certain  nombre  de  municipalités.  Wallois,  maire  de  Maries,  a 
rédigé  et  fait  signer  au  Conseil  municipal    une   délibération 

t.  Archives  départ.,  K.  Décrets. 

2.  Idem,  K.  Décrets. 

3.  Ibid.,  K.  Arrêtés. 


LES    MUNICIPALITÉS  107 

qui  critique  les  propositions  faites  pour  assurer  l'exercice  du 
culte,  en  vertu  de  la  loi  du  18  germinal  an  X.  Les  habitants 
ont  un  ministre  exerçant  depuis  l'an  V,  François  Beaugeois, 
qui  a  acheté  le  presbytère  et  une  partie  de  l'église  et  ne 
demande  aucune  subvention  à  la  commune  ;  aussi  la  popula- 
tion réclame-t-elle  son  maintien  jusqu'à  sa  mort  et  ne  veut- 
elle  pas  que  le  gouvernement  en  envoie  d'autre,  A  Recques,  le 
maire  Roland  est  «  inepte  »  et  incapable  de  remplir  ses  fonc- 
tions ;  il  tolère  le  prêtre  Récimid  qui  divise  les  habitants  et 
agite  les  esprits;  il  s'en  rapporte  au  greffier  qui  ne  travaille 
point  et  se  fait  payer.  Le  maire  de  Grincourt-lez-Pas,  Cresson, 
a  fait  à  l'église  le  mariage  du  sieur  Marland  et  de  demoiselle 
Félicité  Anselin,  au  moment  où  le  sieur  Rattel,  desservant, 
était  revêtu  de  ses  habits  sacerdotaux  et  il  en  a  donné  certi- 
ficat au  curé  sur  un  chiffon  de  papier  dans  les  termes  sui- 
vants :  «  Le  10  pluviôse  an  Xll,  le  maire  de  la  commune  de 
Grincourt-lez-Pas  certifie  à  M.  le  Rabin  que  le  citoyen  Ch.- 
J.  Marland  et  Félicité  Anselin  sont  mariés  civilement,  con- 
formément à  la  loi  ».  Bien  entendu,  ces  trois  maires  sont  sus- 
pendus de  leurs  fonctions'. 

Il  en  est  de  même  pour  les  administrateurs  qui  suivent.  Fro- 
deval,  maire  de  Rollencourt,  se  livre  à  la  boisson  et  est  très 
souvent  ivre  ;  il  ne  jouit  nullement  de  la  confiance  de  ses 
administrés.  Pigaut-Mache,  maire  de  Clerques,  Eloi  Rappe, 
maire  d'Audrehem,  de  concert  avec  Derender,  conseiller  d'ar- 
rondissement, ont  ameuté  la  population  contre  le  contrôleur 
des  contributions  de  Saint-Omer  et  les  répartiteurs,  et  ont 
conseillé  à  leurs  administrés  de  détruire  les  états  de  section. 
L'adjoint  de  la  commune  de  Licques,  Roussel,  a  de  mauvais 
rapports  avec  le  maire  ;  il  use  de  mauvais  procédés  à  son 
égard  et  refuse  de  lui  adresser  la  parole  ;  on  lui  a  demandé  à 
deux  reprises  sa  démission  qu'il  a  refusé  de  donner.  Dans  la 
commune  de  Nortbécourt,  le  maire,  Delattre,  n'est  pas  d'accord 

1.  Archives  départ.,  K.  Arrêtés. 


108  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800   A    1810 

avec  la  majorité  de  ses  administrés  ;  sa  correspondance  avec 
l'administration  est  «  souvent  indécente  »  ;  il  oblige  le  sous- 
préfet  à  lui  envoyer  des  piétons  extraordinaires.  L'adjoint 
d'Anzin-Saint-Aubin  est  en  insurrection  contre  le  maire, 
Boubert;  il  refuse  de  le  reconnaître,  ainsi  que  deux  conseil- 
lers dont  l'un  est  accusé  par  lui  de  vol,  et  il  a  fait  signifier  au 
maire  sa  protestation  par  voie  d'huissier,  alors  que  la  sous- 
préfecture  a  de  bons  renseignements  sur  le  citoyen  Boubert  et 
de  mauvais  sur  l'adjoint  récalcitrant. 

Un  arrêté  du  23  fructidor  an  XI  suspend  de  ses  fonctions 
Pierre-François  Fournier,  adjoint  de  la  commune  de  Pernes 
pour  avoir,  étant  agent  municipal,  vendu  à  vil  prix  des  maté- 
riaux communaux  et  sans  avoir  cherché  à  en  obtenir  au  moins 
leur  réelle  valeur  ;  le  même  adjoint,  faisant  fonctions  de  maire, 
s'est  emparé  de  pierres  pour  se  construire  un  pont.  Le  maire 
de  Bernieules,  Boinet,  a  fait  usage  de  faux  bons  pour  payer 
des  chevaux.  Dans  la  commune  de  Journy,  l'adjoint  Charles 
Delattre  se  livre  à  une  visite  domiciliaire  chez  le  resservant 
Sauvage  avec  le  garde  champêtre  et  deux  individus  qui  n'ont 
aucune  qualité  pour  l'accompagner  ;  il  est  suspendu  de  ses 
fonctions  et  le  garde  champêtre  remplacé. 

Parfois,  c'est  le  Conseil  municipal  presque  entier  qui  est 
fautif  :  sur  dix  membres  du  Conseil  municipal  d'Oisy-le-Verger, 
six  n'assistent  jamais  aux  séances  ;  ils  n'ont  pas  même  répondu 
à  deux  lettres  par  lesquelles  le  Préfet  leur  demandait  leur 
démission  ;  le  Préfet  arrête  le  2  ventôse  an  XII  qu'ils  sont 
démissionnaires  et  les  remplace  '. 

La  correspondance  des  sous-préfets  montre  un  grand 
nombre  de  maires  et  d'adjoints  dont  la  conduite  n'est  guère 
plus  satisfaisante  que  celle  des  précédents  et  qui  créent  de 
fréquents  embarras  à  l'administration.  Vochelle,  maire  de 
Wast,  trouble  la  commune,  fait  des  misères  à  tout  le  monde, 
particulièrement    aux     sœurs    de   charité  ;    c'est  un    ivrogne 

1.  Archives  clrpart.,  Sôrie  K.  Arrêtés. 


LES    MUNICIPALITÉS  109 

fieffé.  Le  maire  de  Lacres  bat  son  adjoint  et  se  rend  odieux 
à  ses  administrés.  L'adjoint  de  Licques,  Lafollye-Guyon, 
commet  des  abus  de  pouvoir;  il  a  fait  démolir  et  vendre 
l'ancienne  église,  ce  qui  amène  sa  révocation,  contre  laquelle 
il  proteste  dans  une  lettre  au  sous-préfet  de  Boulogne. 
Guendré,  maire  provisoire  de  Condette,  a  commis  des  faux 
dans  la  rédaction  des  actes  de  l'état  civil  ;  il  est  suspendu  de 
ses  fonctions  par  le  sous-préfet  de  Boulogne,  le  8  thermidor 
an  VllI  1. 

Le  sous-préfet  de  Saint-Pol  trace  le  tableau  suivant  de  la 
municipalité  de  Wail  :  «  Le  maire,  Remy,  n"a  été  nommé  que 
parce  que  le  citoyen  Leblond  a  refusé  d'accepter.  Il  sait  à 
peine  signer  ;  il  n'est  pas  fort  à  l'aise  ;  son  beau-père  est  per- 
cepteur ;  le  conseil  municipal  lui  est  tout  dévoué  parce  qu'il 
n'est  composé  que  d'hommes  désignés  par  lui;  on  assure 
même  qu'il  est  réduit  à  travailler  à  la  journée  et  qu'il  est  assez 
peu  délicat  pour  supposer  qu'il  a  travaillé  dix  jours  à  des 
réparations  au  compte  de  la  commune,  lorsque  réellement,  il 
n'y  a  employé  qu'une  journée  ».  Le  même  sous-préfet  écrit  le 
9  brumaire  an  XIII  au  maire  de  Ligny-sur-Canche,  en  lui 
demandant  de  se  justifier  de  l'accusation  qu'on  porte  contre  lui 
d'avoir  gaspillé  les  biens  communaux  «  sous  la  forme  perfide 
de  ventes,  de  cessions  ou  d'échanges  »  et  de  s'en  être  même 
approprié  une  partie.  Le  maire  de  Fillières,  Fermier,  réunit 
son  Conseil  municipal  au  cabaret  et  non  à  la  mairie  ;  il  s'y 
enivre  avec  ceux  des  conseillers  qui  lui  sont  dévoués  et 
emploie  à  payer  le  cabaretier  l'argent  destiné  à  la  réparation 
des  édifices  communaux.  Advielle,  maire  d'Izel-les-Hameaux, 
a  favorisé  la  désertion  d'un  conscrit  ;  un  arrêté  en  date  du 
13  frimaire  an  XIII  le  suspend  de  ses  fonctions.  Plainte  est 
portée  contre  le  maire  d'Equire,  Belval,  qui  a  délivré  unpasse- 


1.  Archives  départ.,  2"  registre  de  correspondance  du  sous-préfet  de  Bou- 
logne, f"  106,  f"  116  ;  3°  registre  de  correspondance  du  sous-préfet  de  Boulogne  ; 
pr  registre  aux  arrêtes  du  sous-prcfct  de  Boulogne,  f°  7. 


110  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

port  à  un  déserteur  ^  Dans  l'arrondissement  de  Montreuil,  le 
maire  de  la  commune  de  Raimboval  demande  le  remplacement 
de  Robert,  conseiller  municipal,  qui  n'assiste  jamais  aux 
séances,  étant  obligé  de  pourvoir  à  sa  subsistance,  le  plus  sou- 
vent en  mendiant-. 

Le  sous-préfet  de  Saint-Omer  se  plaint  du  maire  de  Clarques, 
qui  a  entravé  les  opérations  du  contrôleur  des  contributions 
dans  une  affaire  de  dégrèvement  ;  il  propose  de  le  remplacer 
et  se  plaint  des  gens  turbulents  et  passionnés  des  cantons  de 
Thérouanne  et  de  Saint-Omer,  Le  maire  d'Audruick,  septuagé- 
naire et  malade,  abandonne  l'administration  de  la  commune  à 
son  fils,  un  ivrogne,  qui  n'a  pas  même  réuni  le  Conseil  muni- 
cipal en  pluviôse,  comme  l'exige  la  loi.  Dans  une  lettre  au 
préfet  au  sujet  des  plaintes  que  le  maire  de  Wandonne  porte 
contre  son  Conseil  municipal,  le  sous-préfet  de  Saint-Omer  dit  : 
'(  C'est  un  homme  faible  ;  il  avait  proposé  la  nomination 
d'hommes  exagérés,  turbulents,  avides  de  pouvoir  pour  en 
mésuser  »  ;  les  conseillers  actuels  ne  sont  pas  très  capables, 
mais  ils  valent  mieux  moralement  que  ceux  qui  voudraient 
prendre  leur  place.  Le  sous-préfet  profite  de  l'occasion  pour 
donner  son  opinion  sur  le  canton  de  Fauquembergues  :  «  un 
pays  qui  est  connu  depuis  trente  ans  pour  être  composé  de 
mauvaises  têtes  ;  ces  hommes  n'aiment  point  le  gouvernement 
et  disent  hautement  qu'ils  regrettent  le  régime  de  1793.  Les 
gens  qui  poussent  le  maire  de  Wandonne  à  faire  élire  de  nou- 
veaux conseillers  municipaux  sont  tels;  ils  ont  insulté  derniè- 
rement les  répartiteurs  de  l'impôt  » .  Les  renseignements  four- 
nis sur  un  certain  Blanchet  que  le  préfet  veut  nommer  maire 
d'Arqués  sont  des  plus  mauvais  et  le  sous-préfet  de  Saint- 
Omer  ajoute  :  «  Je  sens  comme  vous  qu'il  est  des  maires  tièdes  ; 
l'ignorance  et  la  faiblesse  en  sont  la  cause  ;  chez  d'autres,  de 
la  mauvaise  volonté,  le  trop  grand  nombre  de  municipalités, 

1.  Archives  départ.,  série  K.,  6%  1°  et  9°  registres  de  correspondance  du  sous- 
préfet  de  Saint-Pol. 

2.  Id.,  3"  registre  de  correspondance  du  sous-préfet  de  Montreuil. 


LES    MUNICIPALITÉS  114 

tels  sont  les  vices  qui  entravent  la  marche  rapide  de  l'adminis- 
tration »  ;  il  rassure  le  préfet  au  sujet  des  craintes  qu'il  mani- 
feste de  la  présence  de  quelques  émigrés  k  Arques  ;  l'arrondis- 
sement est  on  ne  peut  plus  tranquille  ;  il  sait  faire  trembler  les 
prêtres  ;  il  a  fait  fermer  trois  églises  ;  tout  va  bien  »  (Lettre  du 
29  frimaire  an  IX)  ^. 

Les  faux  en  matière  d'état  civil  sont  extrêmement  fré- 
quents, ceux  qui  les  commettent  ont  presque  toujours  pour 
but  de  faire  éviter  le  service  militaire  aux  jeunes  hommes 
qu'ils  font  passer  pour  mariés.  Le  sous-préfet  de  Boulogne 
écrit  le  26  fructidor  an  VIII  :  «  Je  puis  vous  envoyer,  citoyen 
préfet,  si  vous  le  jugez  k  propos,  quelques  centaines  de  faux 
extraits  de  mariage  semblables  aux  trois  que  je  vous  ai  adres- 
sés comme  échantillons  ;  vous  en  conclurez  sûrement  qu'il 
est  indispensablement  nécessaire  de  remonter  k  la  source  du 
mal  et  de  la  tarir  tout  k  fait  pour  l'avenir  ».  Le  12  pluviôse 
an  IX,  il  revient  sur  cette  question  :  <(  les  huit  nouveaux  extraits 
d'actes  de  mariages  cy-joints  sont  tous  de  la  plus  impudente 
fausseté  ;  vous  y  verrez  tel  garçon  de  seize  ans  marié  k  telle 
femme  de  7i  ans;  un  jeune  homme  de  20  ans  accoUé  k  une 
figurante  de  78  ans  ;  un  autre  du  même  âge  prenant  pour 
femme  une  Geneviève  Deseille  de  81  ans,  etc.  Je  ne  conçois 
pas  de  dérision  plus  insultante  que  de  pareils  actes  qui  d'ail- 
leurs portent  tous  les  caractères  d'une  fabrication  de  faus- 
saires ;  il  est  inconcevable  que  des  officiers  publics,  des  témoins 
et  les  principaux  acteurs  ayent  osé  signer  ainsi  eux-mêmes 
leur  acte  d'accusation  -  » . 

Et,  si  ces  municipalités  sont  défectueuses,  il  faut  reconnaître 
qu'il  est  souvent  bien  difficile  de  les  constituer.  Roussel,  maire 
de  Harnes,  a  été  invité  k  donner  sa  démission,  mais  on  ne  peut 
trouver  de  remplaçant,  car  la  commune  n'est  pas  aisée  k  admi- 


1 .  Archives  départ.,  Registres  D,  E  et  T  de  la  correspondance  du  sous-préfet 
de  Saint-Omer. 

2.  /c/..  Premier  registre  de  la  correspondance  du  sous-préfet  de    Boulogne, 
f"'  33,  85. 


112  LE     PAS-DE-CALAIS  DE    1800    A     1810 

nistrer.  A  Clenleu,  Ecuires,  Tigny-Noyelle,  etc.,  tout  le  monde 
refuse  de  remplir  des  fonctions  municipales;  même  inertie, 
même  mauvais  vouloir  des  citoyens  à  Etaples.  A  propos  de  la 
difficulté  de  trouver  un  maire  pour  la  commune  de  Saint- 
Pierre-lez-Calais,  le  sous-préfet  de  Boulogne  écrit  au  Préfet  : 
«  Je  profite  de  cette  occasion  pour  vous  observer,  citoyen 
préfet,  que  cette  obligation  de  prendre  les  maires  et  adjoints 
dans  la  liste  communale  restreint  la  latitude  des  choix,  au 
point  que  souvent  ils  seront  impossibles  ;  veuillez  donc  faire 
sanctionner  le  plus  tôt  possible  le  travail  relatif  à  la  réunion 
des  communes  '.  » 

Aussi,  le  gouvernement  s'attache-t-il,  vers  les  dernières 
années  de  l'Empire,  à  faire  choix  pour  les  mairies  de  grands 
propriétaires,  d'anciens  officiers,  etc.  ;  la  vieille  noblesse  repa- 
raît à  la  tête  de  plus  d'une  municipalité  ;  on  espère  de  la  sorte 
avoir  des  garanties  morales,  qui  manquent  avec  quelques-uns 
des  maires  précédents.  Nous  trouvons,  par  exemple,  en  1812, 
comme  maire  de  Villers-aux-Flots,  Maximilien  Guislain  de 
Louverval,  baron,  ancien  officier  de  cavalerie,  ayant  30.000 
francs  de  revenu  ;  comme  maire  d'Hendecourt,  Louis-Fran- 
çois-Joseph Le  Sergeant  d'Hendecourt,  propriétaire,  d'une 
ancienne  famille  de  l'Artois,  10.000  francs  de  revenu  ;  comme 
maire  de  Beaumetz-lez-Cambrai,  Auguste  Bruneau  de  Beau- 
metz,  âgé  de  27  ans,  vivant  avec  son  père,  qui  a  33.000  francs 
de  revenu,  et  frère  du  député  au  Corps  Législatif;  comme 
maire  d'Auxi-le-Château,  Louis  Sulpice  Duboille,  gros  pro- 
priétaire, 12.000  francs  de  revenu  ;  comme  maire  de  Bouvi- 
gny,  de  Boisgérard,  ancien  officier  au  régiment  d'Auvergne, 
18.000  francs  de  revenu,  etc. 2. 


1.  Archives  départ.,  Deuxième  registre  de  correspondance  du  sous-prcfet  de 
Houlogne,  f"  107,  f"  100,  f»  87;  2°  registre  de  correspondance  du  sous-préfet 
de  Montreuil. 

2.  Id.,  série  M.  Présidents  de  canton,  propositions. 


LES    MUiMCIPALlTÉS  113 


III 


Les  difficultés  qui  se  présentent  dans  Tadministration  du 
département  du  Pas-de-Calais  sont  surtout  relatives  k  des 
questions  d'incompatibilité  ou  à  des  conflits  d'attribution 
de  pouvoirs.  Lefin,  maire  de  la  commune  de  Garvin,  a  été 
nommé  huissier  près  le  tribunal  de  première  instance  de 
Béthune  ;  il  consulte  le  préfet  pour  savoir  s'il  peut  cumuler 
les  fonctions  de  maire  et  d'huissier.  En  transmettant  la  ques- 
tion au  ministre  de  l'Intérieur,  le  préfet  Poitevin-Maissemy  fait 
observer  que,  bien  que  la  loi  ne  prononce  pas  positivement 
l'incompatibilité  de  ces  deux  fonctions,  il  lui  paraît  inconve- 
nant qu'un  maire,  qui,  dans  la  commune,  est  le  premier  agent 
du  gouvernement,  exerce  les  fonctions  d'huissier.  Le  ministre 
de  l'Intérieur,  Chaptal,  répond  le  16  pluviôse  an  IX  :  «  Cette 
question  ayant  été  récemment  présentée  au  ministre  de  la 
justice,  relativement  à  un  adjoint  municipal  du  département 
de  l'Ain,  la  décision  de  mon  collègue  a  été  pour  la  négative 
et  il  a  prescrit  à  l'huissier  qui  y  avait  donné  lieu  de  faire  son 
option.  Le  citoyen  Lefin  doit  également  opter  pour  l'une  ou 
l'autre  de  ces  places  et  je  vous  invite  à  le  lui  faire  notifier  par 
le  sous-préfet  de  son  arrondissement  ».  Lefin  tenait  sans  doute 
à  l'écharpe  de  maire,  car  il  opta  pour  les  fonctions  munici- 
pales ^ 

A  Montreuil,  on  se  plaint  que  toutes  les  situations  adminis- 
tratives soient  occupées  par  une  même  famille  et  une  dénon- 
ciation en  ce  sens  est  adressée  au  ministre  de  l'Intérieur  : 
«  Le  maire  et  ses  adjoints,  ainsi  que  le  Conseil,  l'administra- 
tion des  hospices  et  les  répartiteurs  sont  nommés  par  le  pré- 
fet. Mais  comment  se  fait  cette  nomination  ?  Elle  ne  peut  très 
sûrement  être  faite  que  sur  une  liste  envoyée  au  préfet  qui, 
étant  étranger  à   ce  département,  ne   connaît  'aucun  des   ci- 

1.  Archives  départ.  Municipalités,  incompatibilités,  Carvin,  Lefin  maire  et 
huissier,  au  IX. 

Chavanon  et  Saim-Yves.—  Le  Pus-de-Cnlais  de  1S00  h  1810.  8 


114  Lli    PAS-DE-CALAIS   DE    1800    A    1810 

toyensde  la  commune  deMontreuil.  Mais  qui  est-ce  qui  envoie 
cette  liste  au  préfet  ?  Ce  ne  peut-être  que  le  sous-préfet,  qui 
est  de  la  commune  où  il  exerce  l'état  de  nottùre  et  étant  ci- 
devant  défenseur  officieux,  ayant  dans  le  même  lieu  une 
famille  très  nombreuse  et  étant  le  seul  sous-préfet  du  dépar- 
tement et  peut-être  de  bien  d'autres,  qui  habite  sa  commune 
natale  ».  Or,  le  Conseil  municipal  est  composé  de  Jacques 
Poultier,  ancien  député  du  Tiers-État  aux  Etats-Généraux, 
ancien  maire  de  Montreuil,  cousin  de  Poultier  d'Elmotte, 
député  du  Corps  Législatif,  frère  de  l'un  des  trois  juges  du 
tribunal  de  Montreuil  ;  de  François  Hinguer,  administrateur 
des  hospices,  répartiteur  des  impôts,  beau- frère  de  Jacques 
Poultier  et  du  juge  Poultier,  cousin  du  sous-préfet  et  du 
député  au  Corps  Législatif;  de  François  Havet,  neveu  du 
sous-préfet  et  du  juge;  de  Louis  Havet,  cousin  de  Hinguer; 
de  Grégoire  de  Lhomel,  cousin  des  deux  Havet;  du  notaire 
Lépine,  parent  dHinguer;  de  Thueux,  beau-frère  de  Grégoire 
de  Lhomel  '. 

La  commune  de  Lillers  était  le  théâtre  d'un  conflit  assez  vif 
entre  la  municipalité  et  la  gendarmerie.  Gense,  brigadier  de 
gendarmerie  à  Lillers,  conformément  aux  ordres  que  lui  avait 
donnés  son  chef,  le  lieutenant  Arnette,  se  rendait  le  30  bru- 
maire an  IX,  dans  les  diverses  écoles,  salariées  ou  privées, 
de  la  commune  pour  yérifier  si  les  instituteurs  avaient  fait  la 
promesse  de  lidélité  à  la  Constitution  et  s'ils  observaient 
l'arrêté  du  gouvernement  en  date  du  7  thermidor  an  VIII, 
qui  défendait  à  tout  instituteur  et  à  toute  institutrice  d'ensei- 
gner le  jour  de  décadi.  A  l'école  publique  tenue  par  Anselme 
comme  dans  l'établissement  particulier  du  prêtre  Dacquin  et 
dans  les  écoles  de  filles,  il  dressait  des  contraventions.  Le 
maire  et  les  adjoints  de  la  commune  de  Lillers  écrivent  au 
sous-préfet  de  Béthune  :  «  Une  conduite  aussi  violente  que 
répréhensible  de  la  part  d'un    militaire,    dont  les    fonctions, 

î.  Archives  (lépai't.  Municipalité  de  Montreuil,  incompatibilités,  etc.,  an  IX. 


LES    MLMCil'ALlTÉS  1  15 

suivant  une  instruction  du  ministre  de  la  police  générale, 
sont  de  fouiller  les  bois,  de  purger  les  routes  nationales  de 
brigands,  de  faire  rejoindre  les  réquisitionnaires  et  conscrits 
rebelles  à  la  loi  et  de  donner  main  forte  aux  autorités  consti- 
tuées, en  étant  légalement  requis,  et  cela,  sous  les  yeux  du 
maire  et  des  adjoints,  à  qui  il  était  de  son  devoir,  comme  tout 
autre  citoyen,  de  dénoncer  cette  contravention,  ne  peut  pas 
être  tolérée,  sans  l'avilissement  total  des  magistrats  du  peuple, 
qui  connaissent  la  dignité  de  leurs  fonctions  et  qui  ont  assez 
d'énergie  pour  la  faire  respecter.  » 

Le  sous-préfet  de  Béthune,  Podevin,  appuie  la  réclamation 
de  la  municipalité  de  Lillers  :  «  De  quel  droit,  en  effet,  dit-il, 
la  gendarmerie  s'introduirait-elle  chez  les  fonctionnaires  publics 
pour  s'assurer  s'ils  ont  fait  la  promesse  de  fidélité?  qui  l'a 
chargée  de  ce  soin?  cette  surveillance  est  étrangère  à  ses  fonc- 
tions. D'ailleurs,  ce  n'était  pas  chez  les  instituteurs,  mais  bien 
à  la  mairie  et  sur  ses  registres  qu'on  aurait  pu  vérifier  si  cette 
promesse  avait  été  faite.  Quant  à  l'arrêté  du  7  thermidor, 
relatif  à  l'observation  du  décadi,  c'est  à  la  police  administra- 
tive et  non  pas  à  la  gendarmerie  qu'il  appartient  d'en  surveil- 
ler l'exécution.  La  perquisition  faite  par  la  gendarmerie,  sans 
réquisition  et  de  son  autorité  privée,  dans  la  maison  des  insti- 
tuteurs est  donc  une  usurpation  faite  sur  l'autorité  adminis- 
trative qui  ne  peut-être  tolérée,  et  l'acte  de  violence  qui  l'a 
suivie  ne  saurait  trouver  d'excuses  ».  D'autre  part,  les  officiers 
de  gendarmerie  couvrent  énergiquement  leur  subordonné  :  le 
lieutenant  Arnette,  commandant  la  gendarmerie  de  Béthune 
et  qui  avait  donné  au  brigadier  Gense  les  ordres  qui  ont  amené 
l'incident,  écrit  :  «  On  prétend  que  les  maires  ont  seuls  le  droit 
de  surveiller  les  instituteurs  ;  pourquoi  ne  les  surveillent-ils 
pas?  pourquoi  souffrent- ils  que  les  prêtres  réfractaires  cé- 
lèbrent leur  culte  dans  leurs  communes,  qu'ils  y  marient,  con- 
fessent, baptisent?  Pourquoi  souffrent-ils  encore  que  les 
réquisitionnaires  et  conscrits  séjournent  chez  eux?  Leur  devoir 
ne  les  oblige-t-il  pas  d'aider  de  tous  leurs  moyens  à  les  faire 


116  LE  PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

arrêter  par  la  gendarmerie  ?  Cependant,  aucun  ne  veut  nous 
procurer  des  renseignements.  Surveiller  les  malveillans  est  un 
de  nos  premiers  devoirs  ;  un  maire  qui  favorise  l'inexécution 
des  lois  n'est-il  pas  considéré  tel?  En  admettant  que  mon 
zèle  m'ait  fait  surpasser  mes  devoirs ,  suis-je  plus  coupable 
que  le  maire  de  Lillers  qui  néglige  de  remplir  les  siens?  11  se 
plaint  que  je  me  suis  arrogé  un  droit  que  je  n'avais  pas  :  pour- 
quoi donc  le  citoyen  préfet  nous  transmet-il  officiellement  ses 
arrêtés  ?  Je  pense  que  c'est  pour  en  surveiller  l'exécu- 
tion. »  Et  le  capitaine  de  gendarmerie,  Dubois,  ajoute  de  son 
côté  :  «  Voicy  le  mot  de  l'énigme,  citoyen  préfet  :  Gense,  bri- 
gadier à  Lillers,  est  réjDublicain  ;  il  aime  à  remplir  ses  devoirs 
et  jouit  de  la  considération  de  ses  chefs  ;  hors  d'état  de  cal- 
culer avec  lesloix,  il  n'a  pas  voulu  se  prêter  à  la  république 
que  le  maire  de  Lillers  voudroit  former  dans  ce  pays.  »  C'est 
un  curieux  conflit  d'opinions  encore  plus  qu'un  conflit  d'attri- 
butions*. 

Un  bon  secrétaire  de  mairie  supplée  parfois  un  maire  inca- 
pable ou  inactif.  Une  loi  du  mois  de  décembre  1789  avait  ins- 
titué un  secrétaire  près  de  chaque  municipalité  ;  la  loi  du 
19  vendémiaire  an  IX  en  avait  également  établi  un  près  de 
chaque  administration  municipale  ;  mais  la  loi  du  28  pluviôse 
an  Vlll  ne  s'est  pas  préoccupée  de  cette  importante  question. 
«  Cependant,  dit  une  circulaire  ministérielle  en  date  du 
6  nivôse  an  IX,  il  est  des  communes  dans  la  République,  dont 
les  affaires  municipales  sont  aussi  multipliées  que  difficiles  et 
variées  ;  il  en  est  un  plus  grand  nombre  où  les  maires  et 
adjoints  n'ont  point  une  instruction  suffisante  pour  rédiger 
les  actes  qui  intéressent  essentiellement  l'état  des  administrés. 
Dans  tous  ces  cas,  un  secrétaire  devient  indispensable  et  1  ar- 
rêté des  Consuls  du  8  messidor  paraît  en  avoir  préjugé  l'éta- 
blissement puisqu'il  en  a  réglé  le  costume.  Cependant,  il  faut 
en  convenir,  la  création  d'un  secrétaire  par  chaque   municipa- 

1.  Archives  départ.,  série  T.  Lillers.  Conflit  entre  le  maire  et  la  gendarme- 
rie. 


LES    MUNICIPALITÉS  117 

lité  serait  un  fardeau  trop  onéreux  pour  les  petites  communes, 
et  d'autre  part,  le  secrétaire  n'y  trouverait  pas  une  occupation 
suffisante  pour  l'y  fixer  ;  mais  je  pense  qu'en  réunissant  les 
fonctions  de  secrétaire  et  celles  de  maître  d'école  dans  les 
mêmes  mains,  on  peut  allier  deux  intérêts  bien  précieux  à 
chaque  commune.  Parce  moyen,  la  dépense  sera  presque  nulle 
et  on  la  supportera  avec  d'autant  moins  de  peine  que  l'utilité 
en  sera  mieux  sentie  ». 

Comme  toutes  les  communes  n'avaient  pu  se  procurer  un 
secrétaire  de  mairie  et  surtout  un  secrétaire  capable,  le  préfet 
de  La  Chaise  eut  l'ingénieuse  idée  de  créer  dans  chaque  arron- 
dissement, par  un  arrêté  en  date  du  11  thermidor  an  XII,  un 
secrétaire  ambulant,  chargé  de  se  transporter  au  moins  deux 
fois  par  mois  dans  toutes  les  communes  pour  surveiller  et 
rendre  plus  active  la  correspondance  des  maires  avec  les  sous- 
préfets,  accélérer  l'expédition  de  tous  les  renseignements  et 
des  états  demandés,  vérifier  la  tenue  des  registres  de  l'état 
civil  et  la  rédaction  des  actes,  enfin  donner  aux  maires  les 
instructions  nécessaires  pour  les  diriger.  Le  traitement  de  ce 
Secrétaire  devait  être  de  1,^00  francs  par  an  et  cette  somme 
répartie  entre  les  budgets  municipaux  des  communes  de  l'ar- 
rondissement, de  la  même  manière  que  le  paiement  des  pié- 
tons ;  le  soin  de  la  répartition  incombait  aux  sous-préfets, 
avec   approbation  du  préfet. 

Cette  mesure  préfectorale  ne  fut  pas  approuvée  par  l'admis- 
nistration  centrale  ;  le  ministre  de  l'Intérieur  invita,  le  3  bru- 
maire an  XIII,  le  préfet  de  La  Chaise  à  rapporter  son  arrêté. 
Une  telle  création,  écrit  le  ministre,  «  peut  être  utile  à  l'égard 
des  maires  peu  instruits,  mais  je  crois  qu'il  y  aurait  de  l'in- 
convénient à  l'appliquer  à  ceux  des  villes  par  exemple  dont 
la  lumière  et  le  zèle  sont  des  garans  sûrs  de  l'activité  et  de  la 
régularité  de  leur  administration.  Il  ne  convenait  donc  pas 
d'en  faire  l'objet  d'un  arrêté  général  et  encore  moins  d'vme 
contribution  à  mettre  à  la  charge  de  toutes  les  communes 
indistinctement.  Je  regrette  que  vous  ne  m'ayez  pas   soumis 


118  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

votre  arrêté  avant  de  le  faire  imprimer  et  exécuter;  je  vous 
aurais  engagée  à  n'y  pas  donner  suite  ».  Cependant,  en  1810, 
le  sous-préfel  de  Saint-Omer,  Dubois,  s'étonnait  qu'on  eût 
engagé  le  préfet  à  rapporter  une  mesure  administrative  aussi 
sage  que  l'établissement  d'un  secrétaire  ambulant,  près  les  com- 
munes rurales  :  «  Les  maires  mettent  une  lenteur  et  une  irré- 
gularité entravantes  dans  tous  les  renseignements  qu'on  leur 
demande  ;  il  m'est  arrivé,  dans  la  tournée  que  j'ai  faite  l'année 
dernière,  de  trouver,  dans  les  archives  des  maires,  des  lettres 
de  mon  prédéci?sseur  a\'ant  18  mois  de  date,  et  des  miennes 
de  4  mois  sans  être  décachetées  »  ^. 

Même  regrets  de  la  part  du  sous-préfet  de  Boulogne  au 
sujet  de  la  suppression  des  secrétaires  ambulants.  Ce  sous- 
préfet,  d'autre  part,  demandait  au  préfet,  en  l'an  Xll,  de  lui 
déléguer  le  pouvoir  de  convoquer  les  conseils  municipaux  dans 
les  cas  urgents  ~. 

Quelques  arrêtés  préfectoraux  ont  pour  but  d'aider  les  muni- 
cipalités dans  leur  tache  administrative.  Le  25  germinal  anX, 
le  préfet  autorise  un  grand  nombre  de  communes  k  s'imposer 
des  centimes  additionnels  pour  couvrir  le  déficit  de  leurs 
recettes"^.  Un  autre  arrêté,  en  date  du  l*"""  fructidor  an  IX, 
fournit  des  instructions  détaillées  sur  la  tenue  des  registres  de 
l'état  civil,  en  conséquence  de  la  circulaire  ministérielle  du 
11  messidor^. 


IV 

Si  nous  examinons  l'évolution  du  régime  municipal  pendant 
la  Révolution,  nous  constatons  qu'il  y  eut  alors  une  tendance 
k  restreindre  la  vie  communale,  a  continuer  l'œuvre  de  cen- 
tralisation entreprise  parla  monarchie.  Prenons,  par  exemple. 


1.  Archives  départ.  Secrétaires   de  mairie,  an  VlII-an  XII. 

2.  /d.,  .3"  et  6'  registres  de  correspondance  du    sous-préfet  de  Boulogne. 

3.  Id.,  registre  105,  f°  393:  reg.  107,  f"  11. 

4.  Id.,  registre  103,  f"  276. 


LES    MUNICIPALITÉS  H9 

la  loi  du  14  décembre  1789,  par  laquelle  l'assemblée  Consti- 
tuante a  organisé  les  municipalités  :  elle  supprime,  elle  inter- 
dit les  assemblées  générales  d'habitants  que  l'on  avait  vues 
assez  fréquemment  en  1789,  les  habitants —  et  encore  seule- 
ment les  citoyens  actifs  —  ne  pourront  se  réunir  que  pour  la 
nomination  des  municipalités  et  celle  des  électeurs.  Toutefois, 
l'article  62  tolère  que  les  citoyens  actifs  se  réunissent  paisible- 
ment et  sans  armes  en  assemblées  particulières  pour  rédiger 
des  adresses  et  des  pétitions.  La  municipalité  est  choisie,  ' 
parmi  les  plus  riches,  par  un  suffrage  censitaire.  Au  point  de 
vue  municipal,  le  régime  consulaire  est  la  continuation  du 
régime  de  la  Constituante.  Evidemment,  la  constitution  de 
l'an  III,  en  faisant  du  canton  la  base  de  l'organisation  muni- 
cipale, semble  avoir  rendu  plus  intense  la  vie  communale, 
mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  cette  même  constitution  mor- 
celait les  grandes  cités  en  plusieurs  administrations  munici- 
pales, ce  qui  est  encore  une  mesure  centralisatrice. 

La  loi  de  pluviôse  an  VIII  reprend  tout  ce  qu'il  y  a  de  cen- 
tralisateur dans  les  précédentes  lois  municipales  :  le  morcelle- 
ment des  grandes  cités,  selon  le  système  de  la  Constitution  de 
l'an  III  ;  le  retour  aux  petites  municipalités,  telles  que  les 
avaient  comprises  l'assemblée  Constituante.  Cependant  le 
nombre  excessif  des  communes  est  un  grave  inconvénient 
contre  lequel  ne  cesseront  de  s  élever  les  préfets,  —  notam- 
ment dans  le  Pas-de-Calais,  —  à  cause  de  la  difficulté  d'assu- 
rer le  bon  fonctionnement  de  l'administration  municipale. 

L'autre  modification,  qu'implique  la  loi  de  pluviôse  an  VIII, 
est  la  suppression  du  droit  d'élection  des  municipalités;  le 
soin  de  les  désigner  incombe  au  pouvoir  central  :.  c'est  l'adap- 
tation d'institutions  républicaines  à  un  régime  dictatorial. 
Mais,  en  voyant  l'insuffisance,  l'incapacité  d'une  partie  des 
maires  et  adjoints  dans  les  communes  rurales,  on  se  demande 
ce  qu'auraient  été  ces  municipalités,  si  elles  avaient  été  élues 
au  lieu  d'être  choisies.  La  constatation  de  ces  mêmes  faits  par 
les  ministres  et  les   préfets   de    Napoléon     les    détermine   à 


120  i,i:  i'As-Di-;-CALAis  m-:   1800  a   1810 

recruter  de  préférence  le  personnag-e  municipal  parmi  les 
riches  propriétaires,  et  c'est  ainsi  que  la  Restauration  aura 
relativement  peu  de  révocations  à  prononcer,  peu  de  chang-e- 
ments  à  décider.  Les  municipalités  de  l'Empire  qu'elle  con- 
serve sont  des  municipalités  royalistes. 

Il  ne  reste  plus  de  vestige  de  l'autonomie  communale  en 
1815.  Nous  avons  vu  avec  quelle  facilité  étaient  prononcées 
des  révocations  le  plus  souvent  méritées,  il  faut  le  recon- 
naître, mais  qui  n'en  prouvaient  pas  moins  aux  maires  et  à 
leurs  collaborateurs  qu'ils  n'étaient  en  réalité  que  des  agents 
gouvernementaux  et  non  les  premiers  magistrats  de  la  com- 
mune libre,  vivant  de  sa  vie  propre.  Un  siècle  s'est  écoulé,  et 
à  ce  point  de  vue,  comme  en  ce  qui  concerne  l'organisation 
départementale,  la  France  de  1907  est  presque  aussi  centralisée 
que  celle  de  1811  ;  les  communes  n'ont  pas  retrouvé  les  liber- 
tés et  les  franchises  que  trois  siècles  d'efforts  patients  de  la 
part  de  l'Etat,  qu'il  s'appelle  monarchie,  république  ou  empire, 
leur  ont  été  enlevées. 


CHAPITRE  IV 


LA  JUSTICE 

I.  L'organisation  judiciaire  du  département  du  Pas-de-Calais  avant  et  pendant 
la  Révolution.  Le  Conseil  provincial  d'Artois.  Tribunal  criminel,  tribunal 
civil  et  tribunaux  de  district;  leur  composition. 

II.  La  loi  du  27  ventôse  an  VIII. —  Les  tribunaux  de  première  instance,  parti- 
culièrement le  tribunal  de  première  instance  de  l'arrondissement  d'Arras. 
—  Conflit  d  attributions  entre  le  tribunal  de  premièie  instance  de  Montreuil 
et  le  sous-préfet. 

III.  Les  justices  de  paix. —  Création  des  justices  de  paix  par  l'assemblée 
Constituante  ;  deux  défauts  :  trop  grand  nombre  de  justices  de  paix;  mode 
électif  adopté  pour  la  désignation  des  juges  de  paix.  —  Diminution  du  nombre 
des  justices  de  paix  dans  le  Pas-de-Calais.  —  Atténuations  apportées  au 
mode  électif.  Les  élections  de  l'an  X.  —  Nombreuses  fraudes  électorales  ; 
irrégularités  commises:  annulations  d'élections.  —  Protestations  de  candi- 
dats malheureux.  — xVccusations  contre  le  juge  Triboulet.  Les  notes  monar- 
chistes de  1815. 

IV.  Conclusion. 


I 

Le  pouvoir  le  plus  décentralisé  de  l'ancien  Rég-ime  était 
sans  contredit  le  pouvoir  judiciaire  ;  les  dernières  années  de 
la  monarchie  furent  du  reste  marquées  par  la  lutte  du  gou- 
vernement contre  les  Parlements  et,  dans  cet  ordre  d'idées, 
la  Révolution  n'a  fait  que  poursuivre  l'œuvre  centralisatrice 
de  l'autorité  royale  ;  elle  a  supprimé  tout  ce  qui  pouvait 
tendre  y  constituer  un  corps  autonome  dans  1  Etat.  En  Artois, 
contrée  annexée  tardivement,  comme  on  le  sait,  au  territoire 
français,  l'organisation  de  la  justice  offrait,  antérieurement  à 
1789,  quelques  caractères  particuliers  qu'il  est  utile  de  si^^na- 
1er.   .J?- 

Le  Cbnseil  provincial  cF Artois  était  une  cour  souveraine 
instituée  par  Charles-Quint,  le  12  mai  1530;  supprimé  en 
1771,  il  avait  été  rétabli  en  novembre  1774.  «  En  première 
instance,  il  jugeait  les  cas  royaux,  les   cas  privilégiés,  et  fai- 


122  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

sait  toutes  les  fonctions  des  bailliages  royaux  ;  il  était  juge 
d'appel  de  toutes  les  juridictions  ordinaires  ou  de  privilège 
établies  dans  son  ressort,  de  toutes  les  afîiares  criminelles, 
des  affaires  de  noblesse,  des  matières  d'aides,  centièmes, 
fermes,  octrois  et  impositions  diverses  II  jugeait  en  première 
instance  et  en  appel  la  fausse  monnaie,  le  duel  et  tous  les 
cas  royaux  ou  privilégiés  au  criminel  '  ».  Au  conseil 
provincial  d'Artois  ressortissaient  les  bailliages  d'Aire , 
de  Bapaume,  d'Hesdin,  de  Lens ,  de  Lillers,  de  Saint- 
Omer,  les  gouvernements  d'Arras  et  de  Béthune.  On 
comptait  cent  dix-huit  bailliages  secondaires ,  trois  cent 
douze  justices  seigneuriales,  de  nombreux  sièges  échevi- 
naux,  des  justices  ecclésiastiques;  la  liste  de  toutes  les 
juridictions  irait  à  plus  de  deux  mille,  «  car,  écrit  Bultel,  il 
n'y  a  presque  pas  de  village  où  il  n'y  en  ait  trois  ou  quatre*». 
Il  faut  faire  une  mention  particulière  des  maîtrises  des  eaux 
et  forêts  d'Arras,  d'Hesdin,  Saint-Omer  et  Tournehem  qui 
connaissaient  en  première  instance  de  tout  ce  qui  a  rapport 
aux  bois,  aux  rivières,  à  la  chasse,  à  la  pêche,  etc.,  tant  au 
civil  qu'au  criminel.  Le  pays  reconquis  avait  pour  tribunaux 
la- justice  royale  de  Calais,  la  maîtrise  des  eaux  et  forêts  de 
Calais,  auxquelles  on  doit  ajouter  l'amirauté,  le  bureau  des 
traites  et  les  juges  consuls  de  Calais,  le  bailliage  d'Ardres  et 
de  Guînes. 

La  sénéchaussée  du  Boulonnais,  érigée  par  lettres  patentes 
du  18  avril  li78,  avait  dans  son  ressort  les  huit  petits  bail- 
liages de  Boulogne,  Outreau,  Wissant,  Londtfort,  Etaples, 
Le  Choquel,  Bellefontaine  et  Desvres.  A  Boulogne,  on  trou- 
vait en  outre  une  maîtrise  des  eaux-et-forêts,  un  bureau  des 
traites  foraines,  une  chambre  prévôtale,  une  maréchaussée  et 
une  amirauté.   Enfin,  de  la   Picardie  dépendaient  encore   les 


1.  LoKiQiiF.T,  Cahier  de  doléances,  et  dans  le  Glonsnire  artésien,  article  (Con- 
seil d'Artois. 

2.  Bultel,  Notice  de  Vètat  ancienet  moderne  de  ta  province  et  comté  d'Ar- 
tois, l'aris,  Després,  1748,  in-8,    535  p. 


LA    .IlSTICE  123 

bailliages  de  Marquise,  de  Mon  treuil  et  de  Waben.  Gomme 
dans  l'Artois  proprement  dit,  les  bailliages  secondaires,  les 
justices  seig-neuriales  et  ecclésiastiques  étaient  en  grand 
nombre. 

Avec  les  lois  du  l()-24août  1790  et  du  20  janvier-2o  février 
1791  disparaissent  les  anciennes  institutions  judiciaires;  la 
France  est  uniformisée.  Il  y  aura  un  tribunal  criminel  par  dépar- 
tement ;  ce  tribunal  sera  composé  d'un  président,  nommé  pour 
six  ans  par  les  électeurs  du  département,  de  trois  juges  pris  cha- 
cun, tous  les  trois  mois  et  par  tour,  dans  les  ti'ibunaux  de  dis- 
trict, d'un  accusateur  public  et  d'un  greffier,  nommés  égale- 
ment par  les  électeurs  du  département,  le  premier  pour  six 
ans,  le  second  à  vie.  Auprès  du  tribunal,  fonctionnera  un 
double  jury,  jur}'^  d'accusation  et  jury  de  jugement  (loi.  du 
16  septembre  1701);  pour  constituer  ces  jurys,  le  procureur- 
général  syndic  du  département  dressera  tous  les  mois  une  liste 
de  trente  personnes  pour  le  premier  jury  et  de  deux  cents 
personnes  pour  le  second  jury  ;  ces  deux  listes  devront  être 
approuvées  par  le  directoire  et  les  membres  appelés  à  siéger 
seront  ensuite  désignés  par  le  tirage  au  sort,  sauf  récusation. 
Dans  chaque  district  sera  établi  un  tribunal  de  district  com- 
posé déjuges  élus  par  l'assemblée  électorale  pour  une  période 
de  six  ans,  d'un  commissaire,  d'un  accusateur  public  et  d'un 
greffier.  On  comptera  dans  le  Pas-de-Calais  huit  tribunaux  de 
district:  Arras,  Bapaume,  Béthune,  Saint-Pol,  Hesdin,  Saint- 
Omer,  Boulogne  et  Calais. 

Près  du  tribunal  de  district,  il  y  eut  le  bureau  de  concilia- 
tion, formé  de  six  juges  exerçant  leurs  fonctions  gratuites 
deux  fois  par  semaine.  La  loi  organique  de  1790  créa  en 
outre  les  tribunaux  de  commerce.  Enfin,  aux  divisions  canto- 
nales correspondaient  les  justices  de  paix,  création  de  l'As- 
semblée constituante  (16-24  août  1790). 

A  côté  du  tribunal  criminel  sera  créé  (5  fructidor  an  III)  le 
tribunal  civil  du  département,  composé  de  vingt  juges  au 
moins,  tous  élus,  d'un  commissaire  et  d'un  substitut  nommés 


124  LE    PAS-DE-r.AT.AIS    DE    1800    A    1810 

par  le  Directoire  executif  et  d'un  greffier.  Ce  tribunal  pronon- 
çait en  dernier  ressort  sur  les  appels  des  jug^ements  des  jus- 
tices de  paix  et  des  tribunaux  de  commerce. 

Le  tribunal  criminel  du  département  du  Pas-de-Calais,  k 
sa  création,  le  27  mars  1791,  eut  pour  président  Hacot,  élec- 
teur et  maire  de  Montreuil,  élu  par  172  voix  sur  293  votants, 
au  second  tour;  pour  accusateur  public,  Asselin,  qui  exerçait 
les  mêmes  fonctions  près  le  tribunal  du  district  d'Arras,  élu 
par  369  voix  sur  415  votants  et  pour  greffier,  Leserre,  commis- 
greffier  du  tribunal  du  district.  En  1792,  nous  le  trouvons 
composé  de  la  façon  suivante  pour  le  premier  trimestre  de 
Tannée  :  président,  Hacot;  juges,  Dewetz,  Garion  et  Herman; 
commissaire  du  roi,  Delelorgue  ;  accusateur  public,  Asselin  ; 
greffier,  Leserre.  Supprimé  à  Arras,  le  tribunal  criminel  est 
transféré  k  Saint-Omer.  Les  élections  du  17  novembre  1792 
enmodifient  profondément  la  composition:  Herman,  président, 
par  284  voix  sur  399  votants;  Demuliez,  accusateur  public, 
par  284  voix  ;  Leserre,  réélu  greffier.  Herman  et  Demuliez  sont 
tristement  célèbres  comme  terroristes.  Le  président  du  tribu- 
nal criminel  en  1793  est  Beugnet,  assisté  comme  juges  de 
Marc-Noël  Marteau,  Cyriaque-Janvier  Caron  et  Louis-Auguste 
Richard,  Le  Bon  trouva  cependant  ces  hommes  encore  trop 
modérés,  car  au  mois  d'avril  1794,  il  destitua  Beugnet,  Demu- 
liez et  Peltier  (substitut  de  l'accusateur  public);  il  choisit 
Stanislas  Daillet  pour  remplacer  Beugnet  et  mit  Darthé  à  la 
place  de  Demuliez  ' . 

Après  les  journées  de  Thermidor,  reparaissent  les  hommes 
de  la  Constituante  :  Hacot,  réélu  président  par  200  suffrages 
sur  393  votants  ;  Gosse,  élu  accusateur  public  par  265  suf- 
frages sur  370  votants  et  Leserre,  réélu  greffier  à  l'unanimité 
(an  IV).  En  l'an  VI,  le  président  du  tribunal  criminel  est 
Branquart,  juge  au  tribunal  civil,  élu  par  214  voix  sur  375 
votants,  au  troisième  tour  ;  l'accusateur  public,  Charles  Pré- 

1.  Archives  départ.,  L.  Directoire  du  département,  Assemblées  électorales. 
—  Paris,  Jnxeph  Le  Bon,  tome  I,  pp.  210,   100,  101.  110. 


LA    JL  STICK  123 

vost,  également  juge  au  tribunal  civil  et  le  greffier,  toujours 
Leserre.  En  Fan  VII,  Enlart,  ancien  conventionnel,  remplace 
Prévost. 

Le  tribunal  civil  du  département  établi  par  la  constitution 
de  l'an  III  fut  composé  en  Fan  IV  de  Grandsire  père,  com- 
missaire national  près  le  district  de  Boulogne;  Duval,  homme 
de  loi  à  Aire  ;  Devvez,  homme  de  loi  à  Béthune;  Petit,  juge  au 
tribunal  du  district  d'Arras  ;  Lecointe,  homme  de  loi  à  Saint- 
Pol  ;  Croichet  et  Simonis,  hommes  de  loi  à  Calais  ;  Burette, 
homme  de  loi  à  Saint-Omer;  ThuUiez,  administrateur  du  dis- 
trict de  Béthune;  Boubers,  homme  de  loi  à  Saint-Omer;  Hau- 
douart,  homme  de  loi  à  Bapaume  ;  Lefelle,  juge  au  tribunal 
du  district  de  Saint-Pol  ;  ïiran,  homme  de  loi  à  Aire; 
Déplanques,  juge  à  Hesdin  ;  Lion,  homme  de  loi  à  Hesdin  ; 
Chevalier,  administrateur  du  district  de  Béthune;  Wissocq, 
homme  de  loi  à  Boulogne  ;  Lenglet,  homme  de  loi  à  Arras  ; 
Mariette,  juge  à  Boulogne  ;  Legay,  homme  de  loi  et  juge  à 
Arras;  Dewimille  et  Aubert.  En  outre,  on  nomme  cinq  sup- 
pléants '.  Les  années  suivantes,  ce  tribunal  subit  divers  rema- 
niements, qu'il  serait  trop  long  d'énumérer.  Quant  aux  tribu- 
naux de  district  qui  ont  fonctionné  depuis  l'année  1791  jusqu'à 
l'application  de  la  Constitution  de  l'an  III,  ils  ont  éprouvé 
dans  leur  composition  des  modifications  à  peu  près  semblables 
à  celles  du  tribunal  criminel  du  département. 

Il 

Dans  une  certaine  mesure,  l'organisation  judiciaire  du  Con- 
sulat est  un  retour  aux  institutions  judiciaires  de  l'Assemblée 
Constituante  adaptées  à  un  régime  dictatorial,  plus  centra- 
lisateur encore.  Seul,  le  tribunal  civil  de  département  dispa- 
raît ;  c'était  d'ailleurs  une  création  de  la  constitution  de  l'an  III. 
La  loi  du  27  ventôse  an  VIII  substitue  aux  anciens  tribunaux 
de  district  les  tribunaux  de  première  instance;   en  réalité,  le 

I.  Archives  départ.,  I,.  Directoire  du  Département,  As!*emblces. 


126  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A     1810 

principe  est  le  même  ;  il  y  aura  mi  tribunal  de  première  ins- 
tance par  arrondissement  comme  il  v  avait  un  tribunal  de 
district  par  district.  Le  tribunal  criminel  du  département, 
réorganisé  par  la  même  loi  et  maintenu,  pour  le  Pas-de- 
Calais,  à  Saint-Omer,  se  compose  dun  président,  de  deux 
juges,  de  deux  juges  suppléants,  d'un  commissaire  du  gouver- 
nement et  d'un  greffier;  il  connaît  comme  auparavant  de  toutes 
les  affaires  criminelles  et  statue  sur  les  appels  des  jugements 
de  première  instance  en  matière  de  police  correctionnelle.  Les 
magistrats  qui  sont  appelés  h  former  ce  tribunal  criminel  ont 
tous  occupé  des  sièges  dans  les  tribunaux  de  la  période  révo- 
lutionnaire. Boubers,  président  du  tribunal  criminel  en  lan  X, 
homme  de  loi  à  Saint-Omer,  a  été  élu  juge  au  tribunal  civil 
du  département  en  Tan  IV  ;  le  commissaire  du  gouvernement 
et  accusateur  public,  Joseph-Nicolas-François  Hacot,  a  été  le 
premier  président  du  tribunal  criminel,  à  sa  création  en  171)1  ; 
destitué  par  les  commissaires  de  la  Convention  le  •19  octobre 
1792,  il  était  élu,  le  9  décembre  de  la  même  année,  maire 
d'Arras. 

Dans  une  lettre  en  date  du  4  frimaire  an  11,  adressée  au  Con- 
seil du  département,  Joseph  Le  Bon  reconnaît  que  François 
Hacot  est  un  magistrat  capable,  mais  il  ne  le  croit  pas  assez  u  à 
la  hauteur  révolutionnaire  »  '.  Jacquemont,  juge,  avait  figuré 
en  1791  parmi  les  juges  suppléants  du  tribunal  du  district  de 
Montreuil  séant  à  Mesdin.  Antoine-Philippe  Masse,  juge  sup- 
pléant, était  en  1781  conseiller  au  Conseil  d'Artois;  nous  le 
trouvons  en  l'an  IV  commissaire  du  Directoire  exécutif  près 
le  tribunal  de  police  correctionnelle  de  Saint-Omer;  il  mourut 
en  1813  juge  au  tribunal  civil  de  Saint-Pol.  Quant  au  greffler 
Leserre,  il  offre  un  curieux  exemple  de  la  possibilité,  pour  un 
fonctionnaire,  de  traverser  tous  les  régimes,  même  en  période 
révolutionnaire,  en  conservant  les  mêmes  fonctions;  commis- 
greffier  au  Conseil  d'Artois  depuis  l'année  1779,  il  devint  pen- 

1.  Archives  départ.,  L.  Directoire  du  Département,  Justice. 


LA    JUSTICE  127 

dant  la  Révolution  greffier  du  tribunal  du  district  d'Arras, 
puis  greffier  du  tribunal  criminel,  poste  qu'il  continua  à  occu- 
per sous  le  Consulat. 

Comme  tribunal  criminel  ordinaire,  celui  de  notre  départe- 
ment condamna  en  Tan  X  quatre  individus  à  la  peine  de  mort, 
douze  à  la  peine  des  fers,  trois  à  la  réclusion,  trente-sept  à  l'em- 
prisonnement ;  il  en  acquitta  quinze.  Comme  tribunal  criminel 
spécial,  créé  en  exécution  de  la  loi  du  18  pluviôse  an  IX,  il 
condamna  neuf  personnes  à  la  peine  de  mort,  treize  à  celle 
des  fers,  une  à  la  réclusion,  sept  à  l'emprisonnement  et  pro- 
nonça soixante-dix-neuf  acquittements.  Enfin,  comme  tribunal 
criminel  spécial  créé  par  la  loi  du  23  floréal  an  X,  il  condamna 
une  seule  personne  à  la  peine  des  fers  pour  crime  de  faux  et 
en  acquitta  une  autre  accusée  du  même  crime. 

L>es  tribunaux  de  première  instance  dont  nous  avons  signalé 
plus  haut  l'organisation^  sont  les  tribunaux  de  district  trans- 
formés. La  loi  du  27  ventôse  an  VIll  établissait  dans  chaque 
arrondissement  un  tribunal  de  première  instance,  connais- 
sant en  premier  et  dernier  ressort,  dans  les  cas  déterminés 
par  la  loi,  des  matières  civiles  et  des  matières  de  police  cor- 
rectionnelle, et  prononçant  sur  l'appel  des  jugements  rendus 
en  premier  ressort  parles  juges  de  paix.  Les  tribunaux  d'Arras, 
Béthune,  Boulogne  et  Saint-Omer  furent  composés  de  quatre 
juges  et  trois  suppléants  ;  ceux  de  Montreuil  et  de  Saint-Pol. 
de  trois  juges  et  de  deux  suppléants.  Hesdin  perdit  le  titre  de 
chef-lieu  d'arrondissement  judiciaire  qui  fut  rendu  à  la  ville 
de  Montreuil.  Bapaume  demandait,  avec  le  titre  de  chef-lieu 
d'arrondissement,  un  tribunal  civil  :  le  Conseil  général  et 
l'administration  repoussèrent  cette  prétention. 

A  sa  formation,  le  7  messidor  an  Vlll^  le  tribunal  de  première 
instance  d'Arras  a  la  composition  suivante  :  président,  Thié- 
bault;  juges,  Delepouve,  Petit,  Billion  et  Lefranc;  suppléants, 
Ansart-Piéron  et  Norman  ;  commissaire,  Morel  ;  greffier. 
Grenier. 

1.  V.  p.  123. 


128  LI-:    PAS-DK-CALAIS    UE    1800    A    1810 

Marie-François-Maximilien  Thiébaut  appartenait  à  la  magis- 
trature de  l'ancien  régime;  conseiller  au  Conseil  d'Artois,  il 
était  le  doyen  des  membres  de  ce  corps,  lors  de  sa  suppres- 
sion ;  élu  juge  au  tribunal  du  district  d'Arras  en  1791,  il  en 
devint  président  en  1792,  et  cessa  de  remplir  ses  fonctions 
pendant  la  Terreur;  c'est  essentiellement  un  magistrat  de  la 
génération  des   Constituants. 

Comme  ïhiébault,  Engelbert-François  Delepouve  avait 
servi  la  monarchie  ;  licencié  en  droit,  avocat  au  Parlement  et 
au  Conseil  d'Artois,  il  était  encore,  à  l'époque  de  la  Révolu- 
tion, échevin  d'Arras  et  maître  des  eaux  et  forêts  du  bailliage 
d'Arras  ;  il  participa  cependant  à  la  Révolution,  fut  juge, 
procureur-syndic,  membre  de  l'administration  municipale 
d'Arras,  haut  juré  delà  haute  cour  de  justice  à  Vendôme. 

Plus  que  les  précédents,  Emmanuel -Ferdinand-Joseph 
Petit  appartient  au  personnel  révolutionnaire  ;  avocat  k  Arras^ 
il  avait  été  nommé  juge  du  tribunal  du  district  d'Arras  par 
l'assemblée  électorale  du  mois  de  juin  1791,  réélu  en  novembre 
1792   et  il  siégeait  encore  en  1793. 

François-Joseph  Billion,  né  à  Arras  le  4  mars  1752,  était  en 
1789  avocat  au  Conseil  d'Artois;  il  adhéra  avec  passion  à  la 
Révolution,  devint  administrateur  du  Directoire  du  district 
d'Arras,  président  des  hospices  civils  ;  élu  le  25  germinal 
an  VII  représentant  du  Pas-de-Calais  au  Conseil  des  Cinq 
Cents,  il  se  montra  favorable  au  coup  d'Etat  du  18  Brumaire 
et  reçut  en  récompense  ce  siège  de  juge,  ce  qui  ne  l'empêcha 
pas  de  servir  plus  tard  Louis  XVlll.  Le  juge  Devienne  dans 
ses  notes  manuscrites  ajoutées  au  pamphlet  «  la  Lanterne 
Magique  ou  les  grands  conseillers  de  Joseph  Lebon  »,  par 
Ansart,  dit  de  lui  :  «  Je  crois  qu'il  n'a  pas  l'âme  méchante, 
mais  il  a  dit   comme   tant  d'autres  :  il    faut   hurler  avec  les 

loups Enrichi  d'un  grand  jugement,    c'est   un   bon  juge, 

mais  il  tient  toujours  à  son  système  d'égalité  ». 

Ansart-Piéron,  juge  suppléant,  était  le  collègue  et  l'ami  de 
Billion;  il  s'était  montré  l'un  des  plus  fougueux  jacobins  du 


LA    JUSTICE  "  129 

département  ;  on  l'avait  surnommé  «  bougre  à  poil  »  parce 
qu'en  écrivant  à  Robespierre  il  avait  ajouté  «  cette  qualifica- 
tion honorable  à  son  nom  ».  D'abord  oratorien,  lorsque  la 
Révolution  avait  éclaté,  il  avait  changé  «  son  habit  noir 
contre  le  bonnet  rouge  »  ;  après  avoir  traqué  comme  commis- 
saire du  pouvoir  exécutif  les  prêtres  réfractaires,  il  se  montra 
sous  l'Empire  et  la  Restauration  l'un  des  plus  grands  dévots 
de  la  ville  d'Arras,  se  rendant  à  l'église  avec  un  volumineux 
paroissien.  Selon  Devienne,  ((  Ansart  a  beaucoup  travaillé  ;  s'il 
ne  manquait  pas  de  méchanceté  dans  le  temps  du  district, 
aujourd'hui  il  ne  manque  pas  de  moyens  et  d'esprit,  mais  il 
vacille  dans  ses  avis  ;  il  faut  qu'il  lise,  relise  et  ressasse  les 
pièces,  quoiqu'il  ait  copié  tout  ce  que  le  bavardage  des  avocats 
a  mis  au  jour  dans  la  cause;  c'est  lui  qui  est  l'ouvrier  principal 
des  motifs  du  jugement  du  tribunal.  En  voulant  trop  bien  faire, 
souvent  il  fait  fort  mal  ;  trop  prolixe  dans  les  considérants,  il 
donne  prise  à  la  critique,  dont  les  dents  ne  s'usent  jamais,  et  à 
la  chicane  aussi  immoi'telle  que  les  plaideurs  le  sont  ^  ». 

Le  second  suppléant,  Norman,  est  également  un  militant  de 
la  Révolution.  Devienne  trace  de  lui  le  portrait  suivant,  évi- 
demment très  chargé  :  (<  Norman,  qu'on  appelait  Roux-Roux 
parce  qu'il  avait  les  cheveux  de  la  couleur  de  la  carotte  rouge, 
n'est  pas  sans  esprit,  mais  au  lieu  de  s'en  servir  au  bien,  il 
l'a  employé  au  mal  ;  avocat  au  Conseil  d'Artois,  il  n'y  a 
jamais  fait  éclater  son  éloquence.  Quoiqu'il  fût  marié  à  la 
demoiselle  Forgeois-Grétal  et  qu'il  eût  des  enfants,  Norman  a 
été  un  des  premiers  à  s'inscrire  pour  aller  aux  frontières  com- 
battre les  ennemis  qu'on  s'était  attiré  sur  les  bras.  Forgeois, 
son  beau- frère,  a  suivi  son  exemple,  mais,  en  fin  matois,  cet 
avocat  s'est  fait  mettre  en  réquisition  pour  grossir  le  fameux 
district  d'Arras  et  a  laissé  partir  Forgeois  qui  a  été  tué  dans  la 
Vendée  :  une  succession  gagnée.  Norman,  qui  aimait  mieux  la 
paix  que  la  guerre,  a  bientôt  développé  ses  bonnes  qualités. 

l.  Notes  manuscrites  de  Devienne  de  «  La  Lanterne  magique  ou  les  grands 
conseillers  de  Joseph  Lebon  tels  qu'ils  sont,  par  Ansart,  médecin  à  Arras. 

Ghavanox  et  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  1S00  à  iSiO.  9 


130  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Ayant  eu  besoin  d'un  carrosse  pour  voyag-er,  il  a  préféré  en 
avoir  un  pour  rien  que  d'en  louer  pour  de  Tarj^ent.  Aussi  cet 
avocat  a  fait  guillotiner  M.  de  La  Comté,  qui  demeurait  près 
des  Etats,  rue  des  Portes-Gochères  ;  c'est  lui  qui  s'est  chargé 
d'apposer  les  scellés.  On  a  rapporté  dans  sa  maison  une  caisse 
de  bougies,  parce  qu'il  a  pensé  que  les  morts  voyant  la  lumière 
n'en  avaient  pas  besoin  d  autre  ;  mais  cette  caisse,  dans  laquelle 
il  y  avait  enfin  quelques  livres  de  bougies  par-dessus,  conte- 
nait l'argenterie  de  La  Comté.  Etant  possesseur  d'une  grande 
quantité  d'argenterie  à  ditïerentes  marques  et  principalement 
avec  des  armoiries  ell'acées,  cet  avocat  s'est  transporté  à  Lille, 
a  changé  la  vieille  vaisselle  des  autres  pour  de  la  neuve  à  sa 
marque.  Ayant  deux  filles  charmantes  qui  sont  malheureuses 
d'avoir  un  tel  père,  il  leur  laisse  ainsi  qu'à  sa  femme  la 
liberté  d'exercer  les  actes  publics  de  la  religion  catholique. 
Comme  il  a  fait  démolir  les  églises,  il  craint  que  celles  qui 
subsistent  s'écroulent  sur  sa  tête  ;  aussi  on  ne  l'y  voit  jamais  ; 
il  a  acheté  l'église  de  Saint-Jean-Ronville  qu'il  a  métamor- 
phosée en  jardin  »  K 

Quant  au  commissaire  du  gouvernement  près  le  tribunal 
d'Arras,  Albert- Alexis- Joseph  Morel,  il  avait  été  pendant  la 
Révolution  juge  suppléant  au  tribunal  du  district  d'Arras, 
membre  du  bureau  de  conciliation,  puis,  en  1793,  commissaire 
national  près  le  tribunal  du  district  d'Arras  ;  c'est  un  jacobin, 
comme  Norman  et  Ansart-Piéron. 

En  1810,  peu  de  modifications  ont  été  apportées  à  la  com- 
position du  tribunal  de  \"^  instance  d'Arras  :  Delepouve  est 
devenu  président  à  la  p?ace  de  Thiébaut  ;  les  juges  sont 
Billion  et  Asselin  ;  les  juges  suppléants,  Ansart-Piéron  et 
Norman;  le  procureur  impérial,  Morel  ;  le  magistrat  de  sûreté, 
Devienne,  l'auteur  des  notes  manuscrites  que  nous  avons  déjà 
utilisées. 

Albert-Joseph-Marie    Asselin   est  l'ancien  accusateur  près 

1.  Notes  manuscrites  de  Devienne,  op.  cil. 


LA   JUSTICt;  131 

le  tribunal  criminel  du  département  du  Pas-de-Calais  en 
1791  ;  destitué  en  1792  par  les  commissaires  de  la  Convention, 
il  fut  nommé  en  l'an  IX  substitut  du  commissaire  du  gou- 
vernement près  le  tribunal  de  Saint-Pol  et  il  devint  en  1811 
conseiller  à  la  cour  de  Douai;  né  le  15  février  1762,  il  avait 
été,  avant  la  Révolution,  magistrat  au  Conseil  d'Artois  i. 

A  sa  formation,  le  7  messidor  an  VIII,  le  tribunal  de  1'''  ins- 
tance de  Béthune  a  pour  président.  Chevalier  ;  pour  juges, 
Deldicque,  Brequin  et  Ozenne  ;  pour  juges  suppléants,  Thuil- 
lier,  Desruelles  et  Meurille  ;  pour  commissaire  du  gouverne- 
ment,   Legay  ;   pour  greflier,  Baude. 

Le  président  Charles-Victoire  Chevalier  était  avocat  en 
1789;  il  adhéra  à  la  Révolution,  devint  administrateur  de 
district,  officier  municipal  et  président  du  tribunal  de  Béthune  ; 
en  l'an  IV,  il  fut  élu  par  139  suffrages  juge  au  tribunal  civil 
du  département.  Le  commissaire  du  gouvernement,  plus  tard 
procureur  impérial,  Louis-Joseph  Legay,  est  un  autre  magis- 
trat de  la  période  révolutionnaire.  Ancien  avocat  au  Conseil 
d'Artois,  il  devint  en  novembre  1790  commissaire  près  le 
tribunal  du  district  de  Saint-Pol,  puis  juge  au  même  tribu- 
nal et  enfin  en  1793,  juge  au  tribunal  du  district  d'Arras. 

Le  tribunal  de  l""*^  instance  de  Boulogne  comprend,  le  7  mes- 
sidor an  VIII,  les  magistrats  suivants  :  président,  Grandsire 
père  ;  juges,  Baret,  ex-commissaire,  Gaspard  Leriche,  ex-com- 
missaire près  le  tribunal  correctionnel,  Sauvage-Combeau- 
ville  ;  suppléants,  Libert-Chalmers,  Dutertre  lils,  Penel  ; 
commissaire,  Caron-Folempin.  En  1810,  Coilliot  a  remplacé 
Sauvage-Combeauvilîe  comme  juge  et  Gros  a  remplacé  Libert 
comme  juge  suppléant. 

Louis -Marie- Jacques-Antoine  Grandsire  du  Blaisel  était 
né  à  Boulogne  le  G  juin  1736  ;  antérieurement  à  1789,  il  fut 
successivement  avocat,  procureur  du  roi  en  la  maîtrise  des 
eaux  et  forêts,  administrateur  de  la  province  du  Boulonnais, 

1.  Archives  départ.  Note  biographique  sur  lui-même  envoyée  par  Asseiin 
au  préfet  De  La  Chaise. 


132  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

juge  à  la  maréchaussée  et  subdélégué  du  Boulonnais  ;  ses  con- 
citoyens l'élurent  député  suppléant  aux  Etats  généraux  ;  il 
remplit  ensuite  les  fonctions  de  commissaire  du  roi,  puis  de 
commissaire  national  près  le  tribunal  du  district  de  Boulogne 
de  1790  à  1792  ;  après  avoir  échappé  à  la  proscription  pen- 
dant la  Terreur,  il  fut  élu  en  l'an  IV,  par  364  suffrages  sur 
431  votants,  premier  juge  au  tribunal  civil  du  département 
et  en  l'an  Y  député  au  Conseil  des  Anciens,  par  431  voix  sur 
504  votants.  C'était  un  monarchiste,  qui  salua  avec  joie  le 
retour  des  Bourbons. 

Le  procureur  Caron-Folempin,  ancien  avocat,  avait  été, 
pendant  la  Révolution,  administrateur  du  district,  adminis- 
trateur du  canton  de  Boulogne  et  maire  ;  il  jouissait  de  six 
mille  francs  de  revenu.  Le  magistrat  de  sûreté  en  1810,  Wis- 
socq,   était  juge  au  tribunal  civil  du  département  en  l'an  IV. 

Nous  trouvons  au  tribunal  de  !'•'  instance  de  Montreuil, 
comme  président,  un  ancien  député  à  la  Convention  Natio- 
nale, Nicolas-François-Marie  Enlart,  dont  nous  avons  déjà 
retracé  la  biographie;  comme  juges,  Jean-Baptiste-Jacques 
Poultier,  conseiller  du  roi  et  lieutenant  général  au  bailliage 
de  Montreuil  de  17G0  à  1789,  député  du  Tiers-État  aux  États 
généraux,  maire  de  Montreuil  et  Camberliger-Varennes  ; 
comme  juge  suppléant,  Pierlay;  comme  commissaire  du  gou- 
vernement, Hacot-Duvoilliers,  commissaire  du  Directoire  exé- 
cutif près  le  tribunal  de  police  correctionnelle  de  Montreuil 
en  l'an  IV  ;  comme  greiHer,  Thellier.  En  1810,  Pierlay  était 
devenu  juge  à  la  place  de  Poultier,  Pierre-Jacques-Joseph 
Creisent,  ancien  receveur  des  domaines,  ancien  juge  du  dis- 
trict de  Montreuil  en  1791 ,  a  succédé  à  Camberliger-Varennes  ; 
Lévêque  a  été  nommé  suppléant. 

Nombreux  également  sont  au  tribunal  de  l""^  instance  de 
Saint-Omer  les  anciens  magistrats  de  la  période  révolution- 
naire. 

Le  président,  Charles-Albert-Marie-Félix  Duval,  avocat 
avant  1789,  fut.  pendant  la  Révolution,  juge  de  paix,  juge  au 


LA    JUSTICE  133 

tribunal  du  district  de  Saint-Omer  en  1791,    juge  au  tribunal 
criminel  du  département. 

Parmi  les  juges,  Charles-Bruno  Francoville,  avocat  à  Saint- 
Omer,  avait  été  élu  en  1789  député  du  Tiers-Etat  du  bailliage 
de  Calais  et  d'Ardres  aux  Etats  généraux  ;  après  s'être 
signalé  par  son  zèle  pour  le  gouvernement  impérial,  il  se 
montra  non  moins  fougueux  royaliste  pendant  la  Restauration. 

Charles  Varéchout  était  juge  suppléant  au  tribunal  du 
district  de  Saint-Omer  en  1 791 ,  commissaire  du  Directoire 
exécutif  près  le  tribunal  de  Saint-Omer  en  l'an  VI;  en  1810, 
il  avait  été  remplacé  comme  juge  par  Dewimille,  précédem- 
ment juge  de  paix  du  canton  de  Saint-Or  er-Nord,  nommé 
juge  au  tribunal  de  l'instance  en  fructidor  an  XI,  et,  sous  le 
Directoire,  juge  au  tribunal  civil  du  département.  L'un  des 
juges  suppléants,  Burette,  est  un  ancien  juge  au  tribunal  civil 
du  département,  élu  en  l'an  IV  par  263  suffrages. 

Quant  au  commissaire  du  gouvernement,  Charles-Augustin- 
Guillaume  Defrance,  juge  au  bailliage  de  Saint-Omer  avant 
la  Révolution,  il  a  fait  partie  à  diverses  reprises  des  admi- 
nistrations municipales  ;  on  lui  attribue  cinq  mille  francs  de 
revenus.  En  1810,  Jean-François  Bachelet,  ancien  échevin, 
procureur  syndic  du  district  de  Saint-Omer,  est  magistrat  de 
sûreté  près  le  tribunal  de  première  instance  ;  Jacques-Joseph- 
Emmanuel  Caron-Senlecque,  ancien  avocat  au  Parlement, 
officier  municipal  de  Saint-Omer,  procureur  de  la  commune, 
est  juge  suppléant. 

Le  président  du  tribunal  de  l*""  instance  de  Saint-Pol,  en 
messidor  an  VllI,  est  le  même  magistrat  qui,  en  1792,  pré- 
sidait le  tribunal  du  district  de  Saint-Pol,  Guislain-Jean- 
Baptiste-Augustin  Guffroy,  avocat  antérieurement  à  1789, 
puis  juge  et  commissaire  national,  destitué  de  ses  fonctions  de 
président  du  tribunal  par  Elie  Lascote  et  Leton,  emprisonné 
pendant  onze  mois.  Il  est  assisté  par  Goudemetz  et  Lion, 
comme  juges;  par  Herbet,  comme  commissaire  du  gouverne- 
ment. 


134  LE    PAS-DK-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Plusieurs  magistrats  du  Pas-de-Calais  furent  appelés  à 
siéger  au  tribunal  ou  cour  d'appel  de  Douai  qui  avait  dans  son 
ressort  les  deux  départements  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais. 
Citons,  entre  autres,  Lion,  juge  au  tribunal  de  Saint-Pol,  nommé 
en  l'an  IX,  juge  à  Douai  ;  pendant  la  Révolution,  Lion  était 
président  du  tribunal  du  district  de  Montreuil,  puis  juge  au 
tribunal  du  département  en  l'an  IV.  Dubrœucq,  juge  au  tribu- 
nal de  Saint-Omer  en  1791,  Aubert,  juge  au  tribunal  civil  du 
département  du  Pas-de-Calais  en  l'an  IV  et  Vigneron,  de  Bou- 
logne, sont  également  juges  au  tribunal  d'appel. 

Les  tribunaux  de  première  instance  du  Pas-de-Calais  ont 
fonctionné  sans  encombre  et  pour  ainsi  dire  sans  incident  de 
1800  à  1815  ;  c'est  tout  au  plus  si  nous  pouvons  citer  un 
commencement  de  conflit  d'attributions  entre  le  sous-préfet 
et  le  tribunal  de  Montreuil.  Valois,  cabaretier  à  Maries,  fils 
du  maire  de  la  commune  qui  venait  d'être  destitué,  poursui- 
vait le  nouveau  maire.  Bataille,  par  devant  le  tribunal  civil 
de  l'arrondissement,  en  paiement  de  dépenses  faites  chez  lui 
par  des  soldats  envoyés  à  Maries  par  l'autorité  administrative 
supérieure.  Le  maire,  Bataille,  sur  le  conseil  du  sous-préfet, 
déclinait  la  compétence  du  tribunal  et  demandait  son  renvoi 
devant  ses  chefs  directs,  mais  le  tribunal  n'en  retenait  pas 
moins  la  cause,  en  se  basant  sur  l'article  3  de  l'arrêté  du 
8  prairial  an  XI  du  préfet.  Le  président  du  tribunal,  Enlart, 
et  le  préfet  de  La  Chaise  ayant  montré  de  part  et  d'autre  un 
esprit  conciliant,  le  conflit  fut  évité  ' . 


III 

L'une  des  institutions  les  plus  remarquables  de  l'Assemblée 
Constituante,  institution  qui  a  du  reste  survécu  malgré  tous 
les  changements  de  régimes,  est  celle  des  juges  de  paix  ; 
malheureusement,  elle  est  entachée  à  l'origine  de  deux  graves 

1.  Archives  départ.  Conflit  d'attributions  entre  le  sous-préfet  et  le  tribunal 
de  Montreuil,  an  XII. 


LA    JUSTICE  135 

défauts,  le  nombre  excessif  des  justices  de  paix  et  le  mode 
électif  adopté  pour  le  recrutement  des  juges.  En  1793,  alors 
que  l'organisation  est  à  peu  près  définitive,  le  département  du 
Pas-de  Calais  comprend  les  justices  de  paix  suivantes  : 

District  d'Arras  :  Arras  (deux  justices  de  paix),  Beaumetz, 
Berneville,  Fresnes-Montauban,  Pas,  Henin-Liétard,  Lens, 
Rœux,  Saint-Eloy,  Vimy,  Vitry.  District  de  Bapaume  : 
Bapaume,  Oisy,  Gagnicourt,  Metz-en-Couture,  Haplincourt, 
Grevillers,  Courcelle,  Foncquevillers,  Groisilles,  Vaulx. 
District  de  Béthune  :  Béthune,  Beuvry,  Carvin  (deux  justices 
de  paix),  Hersin,  Iloudain,  La  Gouture  (deux  justices  de 
paix),  La  Ventie  (deux  justices  de  paix),  Lillers  (deux  justices 
de  paix),  Saint-Venant  (deux  justices  de  paix).  District  de 
Boulogne  :  Boulogne,  Beaupré,  Bourthes,  Gondette,  Desvres, 
Etaples,  Hardinghen,  Henneveux,  Hucqueliers,  Neuville, 
Samer,  Saint-Martin-Boulogne.  District  de  Galais  :  Galais, 
Ardres,  Guînes,  Andruicq,  Licques,  Mannequebeure,  Nouvelle- 
Église,  Peuplingues  et  Saint-Pierre.  District  de  Montreuil  : 
Montreuil,  Hesdin,  Auxi-la-Réunion  ou  le-Ghâteau  (deux 
justices  de  paix),  Gappelle,  Wail,  Blangy,  Fressin,  Fruges 
(deux  justices  de  paix),  Campagne,  Saint-Josse,  Waben.  Dis- 
trict de  Saint-Omer  :  Aire,  Arques,  Boury,  Eperlecques, 
Hallines,  Fauquembergue,  Isbergue,  Norrent-Fontes,  Alquines, 
Clarques,  Tournehem,  Wismes,  Saint-Omer  (deux  justices  de 
paix).  District  de  Saint-Pol  :  Saint  Pol  (deux  justices  de  paix), 
Frevent  (deux  justices  de  paix),  Magnicourt-sur-Canche, 
Avesne-l'Égalité  ou  le-Gomte,  Saulty,  Aubigny,  Monchi-le- 
Breton,  Heuchin,  Fleury,  Framecourt,  Pernes.  Soit  un  total  de 
quatre-vingt-dix-sept  justices  de  paix  K 

Dans  l'organisation  consulaire,  les  justices  de  paix  des 
anciens  districts  d'Arras  et  de  Bapaume,  sont  ramenées  de  vingt- 
deux  à  onze  :  Arras-Nord,  Arras-Sud,  Bapaume,  Beaumetz, 
Bertincourt,  Groisilles,   Marquion,    Foncquevillers  (remplacé 

1.  Archives  départ.  Juj^es  de  paix.  Tableaux  par  districts  en  1793. 


136  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

ensuite  par  Pas),  Vimy,  et  Vitry.  Les  justices  de  paix  du  dis- 
rict  deBéthune  passent  de  quatorze  à  huit  :  Béthune,  Ambrin, 
Carvin,  Houdain,  Laventie,  Lens,  Lillers  et  Norrent-Fontes. 
Les  justices  de  paix  des  districts  de  Boulogne  et  de  Calais 
sont  ramenées  de  vingt  et  une  à  six:  Boulogne,  Calais,  Des- 
vres,  Guînes,  Marquise  et  Samer.  Même  diminution  dans  le 
district  de  Montreuil,  où  au  lieu  de  treize  justices  de  paix, 
nous  n'en  trouvons  plus  que  six  :  Montreuil,  Campagne, 
Etaples,  Fruges,  Hesdin  et  Hucqueliers.  L'arrondissement  de 
Saint-Omer,  qui  avait  quatorze  justices  de  paix,  en  a  sept  : 
Aire,  Audruick,  Fauquembergues,  Lumbres,  Saint-Omer-Nord, 
Saint-Omer-Sud  et  Tournehem,  et  l'arrondissement  de  Saint- 
Pol,  qui  avait  treize  justices  de  paix,  en  a  six  :  Saint-Pol, 
Aubigny,  Auxi-le-Château,  Avesnes-le-Comte,  Heuchin  et 
Wail.  Soit,  pour  l'ensemble  du  département,  quarante-quatre 
justices  de  paix  au  lieu  de  quatre-vingt-dix-sept.  La  première 
amélioration  nécessaire  pour  donner  à  cette  précieuse  institu- 
tion des  juges  de  paix  toute  sa  valeur  était  réalisée  par  l'ap- 
plication de  la  loi  de   Fan  IX. 

Malheureusement,  on  conserva  le  mode  électif  de  nomina- 
tion des  juges,  tout  en  y  apportant  quelques  modifications. 
Le  sénatus-consulte  de  l'an  X  décidait  que  les  assemblées  de 
canton,  correspondant  à  chaque  justice  de  paix  et  dont  les 
présidents  étaient  désignés  par  le  Premier  Consul,  éliraient 
deux  candidats  aux  fonctions  déjuge  de  paix  et  quatre  candi- 
dats aux  fonctions  de  juges  suppléants  ;  le  Premier  Consul 
ferait  son  choix  entre  les  divers  candidats  et  nommerait  pour 
dix  ans  le  juge  et  ses  deux  suppléants;  il  y  avait  de  la  sorte 
une  correction  relative  apportée  aux  erreurs  des  électeurs. 
Quant  aux  greffiers,  ils  étaient  directement  à  la  nomination  du 
gouvernement  et  la  situation  des  juges  de  paix,  k  la  veille 
des  élections  nouvelles,  n'était  pas  en  tout  cas  des  plus  bril- 
lantes, car  le  conseiller  d'État  Fourcroy,  envoyé  en  mission 
dans  les  départements  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais,    constate 


LA    JUSTICE  137 

qu'il  est  dû  à  ceux  de  ce  dernier  département  cinquante  mille 
francs  pour  arriéré  k  l'an  VIII  ^ 

Le  préfet  donna  une  certaine  solennité  aux  élections  de 
l'an  X.  Poitevin-Maissemy  adressa  une  proclamation  aux 
habitants  du  Pas-de-Calais;  on  y  lisait  notamment  :  «  Le 
résultat  des  votes  que  vous  allez  émettre  ne  sera  pas  une 
simple  liste  d'éligibles  comme  dans  les  élections  communales  ; 
il  produira  la  nomination  d'un  magistrat  chargé  de  juger  vos 
différends,  de  garantir  vos  droits,  de  défendre  vos  intérêts  contre 
ceux  qui  voudraient  y  porter  atteinte  ;  vous  ressentirez  con- 
tinuellement les  effets  de  sa  justice  ou  de  sa  partialité,  de  son 
esprit  conciliateur  ou  de  son  inaptitude  aux  fonctions  qui  lui 
seront  dévolues.  Il  est  donc  de  la  plus  haute  importance  pour 
vous  de  choisir  un  citoyen  qui  jouisse  de  la  confiance  et  de 
l'estime  publique,  <jui  réunisse  à  l'expérience  les  connais- 
sances et  le  caractère  doux  qui  sont  indispensables  pour  bien 
exercer  le  ministère  sacré  de  juge  de  paix  ».  L'élection  des 
juges  de  paix  était  en  effet  la  seule  occasion  laissée  aux  ci- 
toyens d'exprimer  d'une  façon  effective  leur  volonté.  Dans  l'ar- 
rondissement d'Arras,  les  élections  du  6  nivôse  et  du  14  nivôse 
an  X  ne  donnèrent  des  résultats  que  pour  les  cantons  d' Arras- 
Nord,  de  Bertincourt  et  de  Foncquevillers  ;  il  fallut  recourir 
à  un  second  tour  de  scrutin  pour  les  autres  cantons.  D'après 
les  lois  des  13  et  29  ventôse  et  l'instruction  du  ministre  de 
l'intérieur  du  28  fructidor  an  IX,  «  lorsque,  dans  une  justice  de 
paix,  un  citoyen  n'a  pas  obtenu  la  majorité  absolue  des  voix,  le 
sous-préfet  doit  faire  parvenir,  par  la  voie  des  maires,  à 
chaque  directeur  de  scrutin,  un  état  contenant  les  noms  des 
six  citoyens  qui,  d'après  le  dépouillement  des  listes  de  séries, 
auront  réuni  le  plus  de  suffrages;  il  doit  être  ouvert  un  nou- 
veau scrutin  pendant  trois  jours  et  les  suffrages  ne  pourront 
tomber  que  sur  l'un  des  six  individus  portés  sur  l'état  adressé 

1.  RocQUAiN,  L'état  de  la  France  au  18  brumaire,  p.  222. 


138  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

par  le  sous-préfet  ».  La   nouvelle  élection  eut  lieu  par  consé- 
quent les  25,  26  et  27  pluviôse  *. 

Léandre  Leducq  fut  nommé  juge  du  canton  d'Arras-Nord  ; 
il  avait  eu  une  carrière  assez  mouvementée  :  successivement 
militaire,  commis,  négociant,  officier  de  la  garde  nationale, 
premier  commis  de  l'établissement  de  filature  des  pauvres  de 
Paris  en  1810,  il  était  encore  titulaire  de  la  justice  de  paix 
d'Arras-Nord  ;  il  dut  mourir  peu  après,  car  il  était  remplacé 
en  1813  par  Charles  Buissart,  dont  une  note  établie  par  le  con- 
seiller de  préfecture  Corne,  à  l'époque  de  la  première  Restau- 
ration, dit  qu'il  mérite  d'être  conservé. 

Dans  le  canton  d'Arras-Sud,  les  électeurs  maintinrent  le 
juge  en  fonctions,  Jérôme  Lefebvre  ;  il  avait  pour  concurrents, 
Triboulet,  juge  de  paix  à  Arras  en  1792;  Deusy,  avoué; 
Braine,  homme  de  loi  ;  Corroyer,  brasseur  et  Debeaucourt, 
ex-juge  de  paix.  Les  mêmes  notes  de  1814,  que  nous  signa- 
lions précédemment,  qualifient  de  la  façon  suivante  Jérôme 
Lefebvre  :  «  marchand  d'eau-de-vie  en  détail,  indigne  des- 
time  par    sa    conduite    révolutionnaire  ». 

Le  juge  de  paix  du  canton  de  Bapaume  est  Pierre-Joseph- 
François  Lardemer,  juge  de  paix  du  canton  d'Ilaplincourt  en 
1792,  professeur  particulier,  puis  maire.  Les  cinq  adversaires 
dont  il  a  triomphé  sont  :  flaudouart,  député  du  Pas-de-Calais 
à  l'Assemblée  Législative  ;  Tonnelier,  juge  de  paix  de  Grevil- 
1ers  ;  Hubert,  niaire  de  Ligny  ;  Varnet,  maire  de  Tilloy-lez- 
Bapaume,  et  Pajot.  Lardemer  exerçait  encore  en  1810,  Dans 
le  canton  de  Beaumetz,  les  électeurs  font  choix  contre  Billot, 
juge  de  paix  en  fonctions,  d'Antoine  Brazier,  clerc  de  procu- 
reur et  cultivateur,  juge  de  paix  du  canton  de  Berneville  en 
1792  :  ((  probe,  zélé,  mais  sa  sobriété  laisse  à  désirer  ».  Charles- 
Antoine  Rodrigue,  juge  de  paix  en  fonctions,  est  maintenu 
juge  du  canton  de  Bertincourt  ;  u  il  passe  pour  intriguant  et 
ne  jouit  pas  de  la  confiance  générale  ».  De    même,   dans    le 

1.  Archives  départ.,  série  U.  Arras.  Justices  de  paix.  Elections  de  Tan  X. 


LA    JUSTICE  139 

canton  de  Groisilles,  c'est  du  précédent  jug-e,  Guislain  Water- 
lot,  que  les  électeurs  font  choix.  A  Marquion,  est  nommé 
Brisse,  juge  de  paix  d'Oisy  :  «  probe,  instruit,  à  conserver», 
disent  de  lui  les  notes  de  1814,  tandis  qu'à  Foncquevillers  est 
aussi  maintenu  un  juge  en  fonctions,  Portrait. 

Le  juge  de  paix  du  canton  de  Vitry,  Pierre-Ph.  Quennes- 
son,  occupait  ce  siège  depuis  1792  et  nous  l'y  retrouvons  en 
1814;  dans  une  note  biogr;iphique  adressée  par  lui-même 
au  préfet  en  1808,  il  fournit  sur  son  compte  les  renseigne- 
ments suivants  :  «  l'époque  de  ma  naissance  est  du  8  juillet 
1749;  je  suis  veuf  avec  deux  enfants;  j'étais  cultivateur  et 
proviseur  des  pauvres  de  Vitry  avant  1789,  et  depuis  lors,  je 
remplis  les  fonctions  déjuge  de  paix  pour  le  canton  de  Vitry 
et  j'exerce  comme  tel  sans  interruption;  pour  ne  point  vous 
ennuyer  par  des  observations  longues,  je  me  borne  à  demander 
à  être  continué  dans  mes  fonctions  jusqu'à  ce  qu'il  plaise  à  Sa 
Majesté  l'Empereur  et  Roi  de  m'accorderune  retraite,  puisque, 
depuis  l'installation  première  des  juges  de  paix,  j'en  fais  les 
devoirs  sans  m'en  être  écarté,  ni  démérité  la  confiance  et  l'es- 
time de  mes  justiciables  ».  Les  notes  de  1814  ne  sont  pas 
aussi  favorables  à  Quennesson  que  son  autobiographie  :  «  peu 
instruit,  conduite  privée  immorale  »,  telle  est  l'appréciation 
monarchiste. 

Dans  le  canton  de  Vimy,  Marchand  était  remplacé  par 
Emmanuel  Defontaine,  élu  juge  de  paix  à  Arras  en  1762  ;  ce 
Marchand,  qui  était  juge  de  paix  de  Vimy  depuis  1792,  ne  se 
montra  pas  bon  joueur  ;  il  se  plaignit  vivement  au  préfet  de 
son  échec,  et  dans  un  style  quelque  peu  réjouissant  :  «  Cette 
occasion,  citoyen  préfet,  me  fournie  celle  de  vous  dire  fran- 
chement les  causes  qui  ont  détourné  la  volonté  des  vrais  ci- 
toyens, cequepourmarénommation,  il  ne  s'est  commis  aucune 
fraude,  ni  cabale,  la  volonté  seul  des  citoyens  des  anciennes 
communes  du  canton  de  Vimy  en  a  été  le  résulta.  Mais  il  est 
bien  autrement  des  nouvelles  communes  du  canton  ;  elles  se 
sont  réunis  pour  y  commettre  des  actions  qui  ne  sont  pas  digne 


140  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

des  citoyens,  puisqu'ils  ont  admis  des  réquisitionnaires  et 
qu'un  prêtre  insoumis  a  roulé  de  maison  en  maison  exposer 
aux  citoyens  qu'il  fallait  se  réunir  pour  opérer  le  changement 
du  jug-e  de  paix  ancien  puisque  la  ti'anquillité  des  prêtres 
ni  était  pas  en  sûreté...  Je  réclame  auprès  de  vous,  citoyen 
préfet,  puisqu'il  est  de  votre  pouvoir  de  faire  crouler  cette 
nomination  ». 

Dans  l'arrondissement  de  Béthune,  les  électeurs  faisaient 
choix  le  3  nivôse  et  le  11  pluviôse,  comme  juges  de  paix  pour 
le  canton  de  Béthune,  de  Louis  Joseph  Troy  ;  pour  le  canton 
de  Gambrin,  d'Auguste  Caron  ;  pour  le  canton  de  Carvin,  de 
Ph.  Hubert  Dautricourt ,  pour  le  canton  d'iloudain,  de  Siméon 
François;  pour  le  canton  de  Laventie,  de  Xavier  Delbarre; 
pour  le  canton  de  Lens,  de  François  Allart  ;  pour  le  canton 
de  Lillers,  de  Guislain  Parent,  et  pour  le  canton  de  Norrent- 
Fontes,  de  George  Hannotte. 

Des  contestations  assez  vives  se  produisirent  dans  les  can- 
tons de  Béthune,  de  Gambrin,  de  Lillers  et  de  La  Ventie.  Une 
erreur  commise  à  Béthune  entachait  évidemment  de  nullité 
l'élection  :  une  commune,  la  commune  de  Verquigneul,  avait 
été  omise  dans  l'arrêté  des  Gonsuls  du  9  brumaire  an  X,  por- 
tant réduction  des  justices  de  paix  du  département  du  Pas- 
de-Galais  et  indiquant  la  répartition  des  communes  entre  les 
nouveaux  cantons  ;  elle  ne  prit  pas  part  au  vote.  Lorsque  se 
produisit  la  réclamation  incontestablement  un  peu  tardive  de 
la  commune  de  Verquigneul,  le  sous-préfet  de  Béthune  qui 
avait  déjà  pris  un  arrêté  pour  fixer  le  jour  de  l'installation  du 
nouveau  juge  Troy,  prit  un  autre  arrêté  pour  suspendre  cette 
installation  jusqu'à  ce  que  le  gouvernement  se  fût  prononcé 
sur  la  pétition  de  la  municipalité. 

Par  un  arrêté  en  date  du  25  ventôse  an  X,  les  consuls  réu- 
nissaient la  commune  de  Verquigneul  au  canton  de  Béthune, 
et  il  devenait  nécessaire  de  procédera  une  nouvelle  élection  du 
juge  de  paix  de  ce  canton.  En  l'an  XI,  cette    fonction  y  est 


LA    JUSTICE  141 

remplie  par  De  Bailliencourt ,  qui  l'exerce  encore  en 
18141. 

Un  certain  nombre  d'irrégularités  sont  reprochées  par 
quelques  électeurs  pour  faire  annuler  l'élection  d'Auguste 
Caron  dans  le  canton  de  Cambrin  :  la  boîte  de  la  série  23 
aurait  été  déposée  dans  un  cabaret  et  dans  cette  série  le  ci- 
toyen Caron  aurait  eu  toutes  les  voix,  sauf  quatorze  ;  cependant 
vingt-neuf  citoyens  indiqués  n'auraient  pas  voté  pour  lui; 
dans  la  série  n"  24,  il  n'a  manqué  au  citoyen  Caron  que  neuf 
suffrages  pour  avoir  l'unanimité  et  cependant  dix-huit  votants 
ne  lui  ont  pas  donné  leurs  voix,  etc.  De  leur  côté,  Bonaven- 
ture  Menche,  de  Beuvry,  François  Souville^  maire  de  Beuvry, 
François  Bruneau,  maire  de  Cuinchy,  Louis  Brasme,  maire 
de  Givenchy,  Constant  Dansou,  maire  d'Annequin,  Guffroy, 
maire  de  Violaines,  et  Prohier,  maire  de  Noyelle,  protestent 
contre  ces  réclamations  qu'ils  déclarent  non  fondées.  L'inté- 
ressé, Auguste  Caron,  écrit  au  préfet  que  «  les  individus  dont 
le  témoignage  a  été  invoqué  auprès  du  sous-préfet  par  ses 
antagonistes  sont  ou  des  mendiants  soudoyés,  ou  des  hommes 
souillés  d'excès  sous  le  règne  de  l'anarchie  ».  Caron  fut  du 
reste  installé  par  l'administration  et,  en  1814,  les  notes  monar- 
chistes disent  qu'il  mérite  d'être  maintenu  dans  ses  fonctions". 

Les  protestations  étaient  non  moins  vives  dans  le  canton  de 
La  Ventie  et  une  lettre  du  ministre  de  l'Intérieur  au  préfet 
donne  en  quelque  sorte  raison  aux  protestataires  :  «  J'ai  reçu, 
citoyen  préfet,  avec  votre  lettre  du  8  de  ce  mois,  l'arrêté  du 
22  germinal  en  vertu  duquel  la  94^  série  pour  l'élection  du 
juge  de  paix  de  Laventie  a  été  admise,  malgré  les  irrégulari- 
tés qu'a  commises  le  directeur  de  cette  série  ;  si  vous  ne 
m'aviez  point  transmis  cet  arrêté  dix-huit  jours  après  sa  date 
et  qu'il  n'eût  pas  reçu  maintenant  son  exécution,  je  vous  aurais 


1.  Archives  départ.,  série  U.  Réclamation  de  la  municipalité  de  Verquigneul 
pour  élire  le  juge  de  Béthune  ;  réclamation  du  sieur  Troy  contre  le  sous-préfet 
qui  refuse  de  l'installer  à  cause  de  l'affaire  de  Verquigneul. 

2.  Ibid.,  série  U,  canton  de  Cambrin,  an  X. 


142  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

invité  à  le  rapporter;  la  loi  dû  13  ventôse  ne  permet,  dans 
aucun  cas,  de  voter  ailleurs  qu'au  domicile  du  directeur  du 
scrutin  et  du  scrutateur  en  l'absence  de  celui-ci,  et  puisque 
vous  reconnaissez  dans  le  considérant  de  votre  arrêté  que 
cette  contravention  a  eu  lieu,  les  opérations  de  la  série  dont 
il  s'ag^it  n'auraient  pas  dû  être  maintenues  »K 

Le  juge  sortant  du  canton  de  Lillers,  Pig-ouche,  auquel  les 
électeurs  ne  s'étaient  pas  montrés  favorables,  se  plaignait 
vivement,  de  son  côté,  au  préfet,  d'avoir  été  la  victime  d'in- 
trigues et  de  fraudes  :  «  C'est  un  directeur  de  série,  écrit-il, 
qui  ne  rougit  point  d'avouer  d'avoir  reçu  d'un  seul  votant 
vingt-six  billets  signés  de  la  même  main  et  pour  la  même 
personne  ;  d'un  autre  côté,  c'est  un  autre  directeur  qui,  ayant 
voulu  parer  à  l'insouciance  des  votants  qui  ne  paroissoient 
point,  a  rempli  sa  boîte  lui-même;  d'un  autre  côté  enfin, 
c'est  une  boîte  qui  a  été  promenée  dans  tous  les  cabarets  et 
qui  y  fut  forcée  pour  en  extraire  les  billets  qui  ne  convenoient 
point  et  en  substituer  d'autres  qui  plaisoient  mieux...  Et  c'est 
d'après  pareille  violation  à  la  loi  et  pareille  fraude,  k  laquelle 
n'a  pas  été  étrangère  l'influence  des  prêtres  que  les  candidats 
sont  sortis-  ». 

Parmi  les  juges  élus  dans  l'arrondissement  de  Béthune, 
Dautricourt,  juge  de  paix  du  canton  de  Carvin,  était  juge  de 
paix  à  Hénin-Liétard  en  1792.  et  Hannotte,  juge  à  Norrent- 
Fontes,  occupait  cette  même  justice  de  paix  dès  la  création 
de  l'institution  par  l'Assemblée  Constituante.  En  1807, 
Hannotte  avait  pour  successeur  un  certain  De  Pape,  qui,  au 
moment  même  de  sa  nomination  comme  juge  de  paix  à  Nor- 
rent-Fontes,  était  condamné  par  le  tribunal  correctionnel  de 
Béthune  à  une  amende  de  3.000  francs  et  à  deux  ans  de  déten- 
tion pour  escroqueries  en  matière  de  conscription  !  La  nomina- 
tion de  ce  De  Pape  était  annulée  et  on  faisait  choix  de  Fran- 


1.  Archives  départ. ."série  U.  Canton  de  Laventie.  Elections  de  l'an  X. 

2.  Ihid.,  série  U.  Elections  de  l'an  X.  Dossier  du  canton  de  Lillers. 


LA    JU STICK  143 

çois  Cocud,  officier  municipal  et  procureur  de  la  commune 
d'Aire  pendant  la  Révolution,  juge  au  tribunal  civil  du  dépar- 
tement, élu  député  au  Conseil  des  Anciens  en  l'an  VI,  mais 
non  admis. 

A  Lens,  le  juge  AUart  avait  pour  successeur  en  1808 
Triboulet,  contre  lequel  Devienne,  substitut,  magistrat  de 
sûreté  pour  l'arrondissement  d'Arras ,  envoyait  au  préfet 
un  véritable  réquisitoire,  suspect,  à  vrai  dire,  de  partia- 
lité ;  le  document  n'en  mérite  pas  moins  d'être  retenu  : 
«  César  Triboulet  a  été  nommé  au  commencement  de  la  Révo- 
lution juge  de  paix  d'Arras  ;  c'est  lui  qui  s'est  chargé  des 
arrestations  et  il  ne  rentrait  jamais  chez  lui  les  poches 
vuides  ;  la  bibliothèque  qu'il  possède  et  qui  est  magnifique  ne 
lui  a  pas  coûté  une  centime  ;  les  prétendus  aristocrates  et  les 
émigrés  en  ont  fait  les  frais.  Etant  dans  la  maison  du  sieur 
Hacot,  rue  des  Gauguers,  il  vivait  publiquement  avec  une 
femme  mariée...  La  femme  qui  était  sa  maîtresse  ayant  appris 
que  son  mari  devait  passer  par  Arras  avec  beaucoup  d'ar- 
gent qu'il  allait  porter  à  Lille,  Triboulet  donna  l'ordre  d'ar- 
rêter cet  homme  comme  chauffeur  ;  sur  un  simple  billet  que 
j'ai  vu  on  le  mit  au  cachot  où  il  resta  pendant  plusieurs 
jours  ;  on  eut  soin  de  lui  faire  vuider  ses  poches  ;  Triboulet  et 
sa  maîtresse  remplirent  les  leurs  ..  Triboulet  épousa  la  demoi- 
selle Brunez,  fille  de  la  veuve  Caron...  La  dame  Caron,  sa 
belle-mère,  ne  voulant  pas  lui  fournir  de  l'argent,  il  l'assoma 
[sic)  chez  elle  avec  une  bûche  de  bois,  lui  vola  une  partie  de 
son  argent  et  beaucoup  de  montres  qu'elle  avait  en  gage.  »  l\ 
est  juste  d'ajouter  que  l'auteur  de  cette  grave  dénonciation 
est  un  royaliste  et  que  Triboulet  avait  joué  un  rôle  important 
dans  les  événements  de  la  Révolution  à  Arras  ^ . 

A  Boulogne,  Sauveur,  juge  de  paix  sortant,  est  élu  juge  du 
canton  de  Boulogne  par  942  voix  sur   1688   votants;   il  était 


1.  Archives  départ.  Dossier  Triboulet,  e.t-jujje  de  paix  à  Arras,  jugede  paix 
à  Lens. 


144  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

encore  juge  en  1814  et  les  notes  monarchistes  déclaraient 
alors  qu'il  méritait  d'être  conservé. 

A  Calais,  Glaude-Pierre-Joseph  Croichet  obtient  y02  voix 
sur  1 733  votants  ;  il  était  juge  de  paix  du  canton  de  Saint- 
Pierre-lez-Calais  en  1792,  et  avait  été  élu  juge  au  tribunal 
civil  du  département  en  l'an  IV;  il  mourut  le  30  juin  1810 
et  légua  sa  bibliothèque  à  la  justice  de  paix  de  Calais  ;  son 
successeur  fut  Vendron. 

De  même,  le  juge  de  paix  élu  à  Desvres  est  un  ancien  magis- 
trat de  la  jîériode  révolutionnaire,  Mauguet  de  la  Sablonnière; 
juge  de  paix  du  même  canton  en  1792,  il  exerçait  encore  en 
1814.  Gillot,  juge  de  paix  en  exercice,  est  réélu  juge  de  paix 
du  canton  de  Marquise  par  840  suffrages  sur  1447  votants; 
il  mourut  en  1811  et  on  recommandait  au  préfet  la  candida- 
ture d'un  riche  propriétaire,  Lemaître,  contre  celle  de  Longue- 
meau,  u  dont  le  plus  grand  titre  est  d'avoir  été  assez  chaud 
pendant  la  Révolution  ». 

L'élection  fut  particulièrement  laborieuse  dans  le  canton  de 
Montreuil.  En  pluviôse  an  X,  Pierre  Obron,  juge  de  paix  du 
canton  de  Waben  depuis  1792,  était  élu  par  726  suffrages 
contre  483  à  Varennes,  juge  avi  tribunal  de  l'**  instance  de 
Montreuil,  187  voix  k  Papin,  juge  de  paix  de  Neuville  depuis 
1792,  etc.  ;  mais,  dans  neuf  ou  dix  séries,  des  citoyens,  non 
inscrits  sur  les  registres  comme  électeurs,  avaient  été  admis 
à  donner  leurs  suffrages.  Cette  irrégularité  ayant  été  consta- 
tée, le  préfet,  par  un  arrêté  du  4  germinal  an  X,  décidait  que 
les  scrutins  seraient  recommencés  dans  ces  séries;  puis,  par  un 
second  arrêté  du  lendemain  5,  il  déterminait  que  l'on  procéde- 
rait également  à  un  premier  scrutin  dans  les  communes  de 
Saint- Josse,  Cucq  et  Merlimont  qui,  en  exécution  d'un  arrêté 
des  Consuls  du  3  ventôse  précédent,  venaient  d'être  détachés 
du  canton  d'Etaples  -et  réunies  au  canton  de  Montreuil.  Dans 
l'intervalle,  l'élu  de  pluviôse,  Obron,  mourait  ;  le  préfet  annu- 
lait alors  tous  les  scrutins  ouverts  dans  le  canton  de  Mon- 
treuil et  ordonnait  de  procéder  à  une  nouvelle  élection.    Le 


LA    JUSTICE  145 

27  prairial,  Varennes,  ju^e  au  tribunal  de  1''' instance,  était 
élu  jug-e  de  paix  du  canton  de  Montreuil  '. 

Dans  le  canton  de  Campagne-lez-Hesdin,  les  électeurs  fai- 
saient choix  d'Eugène  Dewamin  contre  le  juge  sortant, 
Odieuvre  ;  en  1807,  Tévêque  d'Arras  recommandait  vivement 
Dewamin  au  préfet.  Quant  à  l'élection  du  canton  d'Etaples, 
elle  souleva  presque  autant  d'incidents  que  celle  du  canton 
de  Montreuil. 

Les  notes  monarchistes  de  4814  récusent  quelques  juges  de 
paix  des  arrondissements  de  Saint-Pol  et  de  Saint-Omer  : 
Charles  Lefebvre,  juge  de  paix  du  canton  d'Aubigny,  «  n'est 
pas  propre  aux  fonctions  de  juge  de  paix  »  ;  Jean-Baptiste 
Flour,  ex-jugé  du  canton  de  Saulty  en  1792,  juge  de  paix  du 
canton  d  Avesnes-le-Gomte,  «  incapable,  sans  zèle,  négligent 
au  dernier  point  »  ;  Barbier,  juge  de  paix  du  canton  de  Wail, 
«  n'a  pas  assez  de  connaissances  »  ;  Jean  Jacques  Desgrousil- 
liers,  juge  de  paix  du  canton  de  Fauquembergues,  «  n'a  ni 
les  connaissances,  ni  la  conduite  requises  ». 


IV 

Nous  avons  pu  observer  en  ce  qui  concerne  l'organisation 
judiciaire  du  département  du  Pas-de-Calais,  les  mêmes  faits 
que  ceux  qui  ont  été  observés  dans  le  département  des 
Bouches-du-Rhône  :  c'est  la  magistrature  qui  a  été  le  refuge 
du  plus  grand  nombre  d'hommes  ayant  joué  un  rôle  pendant 
la  Révolution.  Nous  avons  vu  des  juges  de  paix  se  maintenir 
dans  leurs  fonctions  depuis  1792  jusqu'en  1814.  Il  est  facile 
de  trouver  la  double  cause  de  cette  persistance  :  d'une  part 
l'inamovibilité  des  magistrats  ;  d'autre  part,  le  mode  électif 
conservé  pour  la  nomination  des  juges  de  paix.  Cependant 
la  Restauration  a  pu  utiliser  une  grande  partie  de  ce  person- 

t.  Archives  départ.,  série  U.  Juges  de  paix.  Elections  de  l'an  X.  Dossiers 
de  Montreuil. 

GnAVAxoN  ET  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  ISOO  a  1810.  10 


146  LE     PAS-DE-CALAIS  DE    1800    A     1810 

nel  judiciaire  ;  cela  tient  k  révolution  politique  générale  du 
département  ;  si  l'on  excepte  la  période  de  la  Terreur,  ce  sont 
des  modérés,  presque  des  monarchistes,  qui  ont  occupé  les 
fonctions,  soit  administratives,  soit  judiciaires  dans  le  Pas-de- 
Calais  pendant  toute  la  Révolution,  et  l'indication  qu'un 
magistrat  a  été  juge  de  paix  en  1792,  juge  au  tribunal  civil 
ou  au  tribunal  criminel  sous  le  Directoire  n'implique  nullement 
qu'il  s'agisse  d'un  révolutionnaire,  ni  même  d'un  républicain 
convaincu.  En  écartant  les  quelques  terroristes  que  le  gou- 
vernement consulaire  avait  utilisés,  le  gouvernement  de 
Louis  XVIII  pouvait,  par  conséquent,  conserver  les  autres 
magistrats  de  Napoléon  qui,  déjà,  avaient  été  les  magistrats 
de  la  première  République. 

11  est  particulièrement  intéressant  de  constater  la  passion 
dont  font  preuve  les  électeurs  dans  les  élections  des  juges  de 
paix  ;  on  relève  des  fraudes  et  des  irrégularités  presque  dans 
chaque  canton  ;  plusieurs  élections  doivent  être  annulées  ou 
sont  l'objet  d'arrêtés  préfectoraux.  Un  tel  état  d'esprit  se  con- 
çoit aisément  :  le  choix  des  juges  de  paix  était  le  seul  privi- 
lège électoral  qui  restait  aux  citoyens  et  ils  entendaient  en 
user  et  en  abuser;  encore,  le  sénatus-consulte  qui  suivit  les 
élections  de  l'an  X  et  en  fut  probablement  la  conséquence, 
restreignit-il  considérablement  la  portée  de  ce  privilège  et 
l'exercice  de  ce  droit.  Le  mode  électif  est  depuis  longtemps 
condamné  en  matière  d'ordre  judiciaire  ;  il  marque  d'une  tare 
originelle  la  magistrature,  il  l'atteint  d'un  vice  rédhibitoire. 
Malgré  le  respect  des  collaborateurs  de  Napoléon  pour  l'orga- 
nisation des  tribunaux  telle  que  l'avait  comprise  l'Assemblée 
Constituante  et  qui  a  été  en  effet  son  œuvre  la  plus  durable, 
ils  ont  dû  se  rendre  à  l'évidence  des  faits,  et  si  l'Empire  avait 
subsisté  plus  longtemps,  il  est  probable  que  les  dernières 
traces  de  l'élection  des  juges  de  paix  n'auraient  pas  tardé  à 
disparaître. 


CHAPITRE  V 


LES  IMPOTS  ET  LES  BIENS  NATIONAUX 

I.  Les  impôts  à  la  fin  de  l'ancien  régime.  Emprunts  successifs   au  xviii"  siècle. 

II.  Les  impôts  dans  le  département  du  Pas-de-Calais  de  1790  à  1800  et  les 
réformes  financières  de  la  Révolution.  —  Création  de  la  contribution  fon- 
cière, de  la  contribution  personnelle-mobilière,  des  i>atentes,  de  l'impôt  des 
portes  et  fenêtres.  —  Retards  dans  la  rentrée  des  contributions;  lettres  des 
ministres  Tarbé  et  Clavière.  —  Situation  financière  du  département  en 
lan  V. 

III.  Les  impôts  dans  le  département  du  Pas-de-Calais  de  ISOO  à  1810.  —  Créa- 
tion de  l'administration  des  contributions  directes.  — Le  ré{;çime  des  impôts 
sous  le  Consulat  autre  que  pendant  la  période  i-évolutionnaire  ;  le  mode  de 
perception  surtout  est  modifié.  —  Les  contributions  en  l'an  IX,  en  l'an  XIV, 
en  1807,  en  1808  et  en  ISIO.  — Nombreuses  demandes  de  dégrèvement.  — 
Situation  financière  dans  un  arrondissement  ;  l'arrrondissement  de  Bou- 
logne. —  Situation  financière  dune  commune  :  la  commune  de  Saint-Pol. 

IV.  Les  biens  nationaux.  —  Les  ventes  de  biens  nationaux  dans  le  départe- 
ment du  Pas-de-Calais  pendant  la  Révolution. —  Les  biens  nationaux  de  la 
commune  d'Arras.  —  A  Brebières  —  Histoire  des  domaines  des  marquis 
d'Humerœuil. —  Rachats  de  biens  nationaux  de  1800  à  1810. 

V.  Conclusion  :  augmentation  constante  des  impôts  de  17S9  à  1899. 


I 

*  Comme  toutes  les  autres  provinces  de  la  France,  l'Artois  et 
les  divers  territoires  qui  ont  été  appelés  à  constituer  le  dépar- 
tement du  Pas-de-Calais  ont  vivement  ressenti  cette  long-ue 
crise  financière  du  xviii'^  siècle  qui  a  été  la  cause  première  de 
la  Révolution.  Rien  de  plus  éloquent  et  de  plus  probant  à  ce 
sujet  que  la  liste  des  emprunts  contractés  par  les  Etats  d'Ar- 
tois de  1700  à  1789.  Tout  d'abord,  le  reliquat  de  la  réunion 
de  l'Artois  à  la  France,  représentant  un  emprunt  de 
1.970.197  livres  3  sols  7  deniers,  sur  lesquels  342.332  livres 
12  sols  1  denier  avaient  été  remboursés  en  1789  et  dont  les 
rentes  annuelles  s'élevaient  à  71.097  livres  11  sols.  La  guerre 
de  la   succession  d'Espagne  avait  déterminé  trois  emprunts  : 


148  LE    PAS-DIi-CALAIS    DE     1800    A    1810 

celui  du 2  juillet  1707,  200.000  livres;  celui  du  14  septembre 
1708,  599.989  livres  10  sols,  et  le  dernier,  du  31  mai  1712, 
120.000  livres.  La  province  avait  encore  emprunté,  le  14  février 
1713,  93.650  livres  pour  l'abonnement  du  don  gratuit  de  171 2 
et  le  redressement  de  la  Scarpe  ;  la  disette  produite  par  l'hiver 
rigoureux  de  1740  l'obligeait  le  IS  janvier  1741  à  se  faire 
prêter  220.500  livres.  Le  30  juin  1744,  nouvel  emprunt  de 
308.120  livres  afin  de  rembourser  ceux  qui  avaient  prêté  en 
1742  de  l'argent  aux  Etats  d'Artois  pour  les  fournitures  du 
quartier  général  établi  à  Saint-Omer  et  pour  la  construction 
de  la  chaussée  de  Doullens.  Autre  emprunt  en  1745,  le  14  avril, 
de  550.386  livres  5  sols  dans  le  but  de  fournir  le  fourrage  et 
le  chauffage  aux  troupes  qui  séjournèrent  en  Artois  pendant 
l'hiver  rigoureux  de  1744  à  1745. 

Les  mêmes  opérations  se  succédèrent  plus  fréquemment 
encore  pendant  la  seconde  moitié  du  xviii"  siècle  :  17  mai 
1757,  emprunt  de  400.000  livres  pour  servir  à  acquitter  le 
premier  terme  de  l'abonnement  des  deux  vingtièmes  et  deux 
sols  par  livre  ;  10  juin  1760,  de  400.000  livres  pour  acquit- 
ter le  troisième  vingtième;  8  février  1761,  de  300.000  livres 
pour  le  même  motif;  4  septembre  1762,  de  151.033  livres 
afin  d'offrir  au  roi  un  vaisseau  de  ligne  ;  7  janvier  1766,  de 
400.000  livres  pour  rembourser  toutes  les  rentes  créées  a  à 
tel  denier  que  ce  soit  plus  haut  que  le  denier  25  »,  sauf  celles 
créées  au  profit  des  hôpitaux  ou  autres  établissements  de  bien- 
faisance; 28  juin  1766,  emprunt  de  90.595  livres  18  sols  dans 
le  même  but  que  le  précédent  ;  17  juillet  1767,  de  248.759  livres, 
versé  dans  la  caisse  du  trésorier  général  des  fortifications  et 
employé  à  la  dépense  des  travaux  ordonnés  pour  l'achèvement 
du  canal  de  jonction  de  la  Lys  à  l'Aa  ;  l*''"  avril  1768,  de 
150.000  livres,  versé  dans  la  même  caisse;  8  avril  1769,  de 
199.762  livres  10  sols  pour  suffire  aux  mêmes  travaux  ;  30  mai 
1769,  de  599.479  livres  pour  la  construction  et  la  réparation 
des  chemins  de  l'Artois  ;  16  mars  1770,  de  195.750  livres  pour 
l'achèvement  du  canal  de  la  Lys  à  l'Aa  ;  28  septembre    1773, 


LES    IMPÔTS    ET    LES    BIENS    NATIONAUX  149 

de  120.000  livres  pour  le  remboursement  des  offices  munici- 
paux ;  15  octobre  1773  et  4  avril  1774,  de  184.700  livres 
pour  acquitter  le  supplément  de  l'abonnement  des  deux  ving- 
tièmes et  contribuer  encore  à  l'achèvement  du  canal  de  la  Lys 
à  TAa  ;  7  mars  1779,  de  417.475  livres  afin  d'ofTrir  une  fré" 
gâteau  roi;  31  janvier  1780,  de  178.600  livres  pour  dépenses 
extraordinaires  et  surchage  de  la  province  de  l'Artois  ;  1 8  jan- 
vier 1783,  de  163.100  livres  afin  de  racheter  les  offices  de 
jurés-priseurs- vendeurs  de  meubles  de  l'Artois  ;  enfin  les 
19  août  1732,  12  mai  1733  et  26  janvier  1736,  emprunt  de 
366.721  livres  17  sols  6  deniers  pour  le  remboursement  des 
fonds  et  héritages  compris  dans  les  fortifications  des  villes  et 
places  de  l'Artois.  La  somme  de  ces  emprunts  monte  à 
9.010.140  livres  18  sols  1  denier,  sur  lesquels  on  a  remboursé 
1.099.780  livres  15  sols  5  deniers  et  pour  lesquels  on  a  payé 
des  rentes  qui  s'élèvent  à  329.459  livres  13  sols  2  deniers  ^ 

Si  de  la  province  nous  passons  à  la  ville  d'Arras,  nous 
voyons  qu'au  l*'"  novembre  1763,  cette  ville,  «  en  laissant  dans 
l'oubli  les  années  d'arrérages  tant  en  capitaux  deniers  qu'en 
intérêts  et  arrérages  »,  doit  1.150.589  livres  5  sols  1  denier. 
En  1768,  Arras  est  encore  grevée  «  de  rentes  constituées  de 
37.066  livres  13  sols  2  deniers,  déduction  à  faire  de  671  livres 

10  sols  4  deniers  de  rentes  dont  la  ville  est  chargée  envers  la 
bourse  commune  des  pauvres ^  ». 

Le  budget  de  1 789  nous  fournit  les  chiffres  suivants  pour 
le  montant  des  impôts   :    Arras,    ville,  100"'^,    30.419  livres 

11  sols;  20™*,  75.876  livres  6  sols  8  deniers  ;  gouvernance 
d'Arras,  100"'%  384.537  livres  11  sols  5  deniers  ;  20"'% 
348.497  livres  14  sols;  —  ville  de  Lens,  100"»%  4.753  livres 
5  deniers  ;  20""^,  5,843  livres  7  sols  3  deniers  ;  —  bailliage  de 
Lens,  lOO"'^  et  20"'"  sont  compris  avec  ceux  de  la  gouvernance 
d'Arras  et  perçus  parle  même  revenu  ;  —  ville  de  Saint- Omer, 

1.  Archives  départ.  Séries,  L,  P.  III.  Tableau  des  rentes  perpétuelles  et  via- 
gères créées  par  les  ci-devant  Etats  d'Artois. 

2.  Archives  communales  d'Arras,  Série  GG. 


150  LK    PAS-DE-CALAIS    DE    1800   A    1840 

100"'%  21.315  livres  8  sols  1  denier;  —  20""%  47.215  livres 
2  sols  6  deniers  ;  — bailliage  de  Saint-Omer,  100%  153. 478 livres 
2  sols  1  denier;  20"»%  181.853  livres  12  sols  2  deniers;  — 
ville  d'Aire,  100"'«,  24.742  livres  19  sols  4  deniers  ;  20-"% 
28.927  livres  3  deniers;  —  Lillers,  100"'%  58.440  livres  5  sols 
2  deniers;  20"'%  56.635  livres  19  deniers;  —  Béthune,  100"'% 
169.992  livres  14  sols  8  deniers;  — Hesdin,  100"'%  66.414  livres 
18  sols  8  deniers;  20"'%  108.686  livres  8  sols  1  denier;  — 
Saint-Pol,  100"'%  148.987  livres  11  sols  9  deniers;  20"'^ 
167.653  livres  12  sols  6  deniers  ;  —  Boulogne,  impositions 
ordinaires,  160.387  livres  12  sols;  20"'%  167.062  livres;  — 
Calais,  impositions  ordinaires,  65.332  livres  13  sols  1  denier; 
20"'%  129.397  livres  11  sols  9  deniers  i. 

Les  recouvrements  ne  s'effectuaient  pas  avec  une  grande 
régularité  :  le  16  septembre  1791,  le  ministre  des  contributions 
publiques,  Tarbé,  écrivait  aux  membres  du  Directoire  et  au 
procureur  général  syndic  du  département  du  Pas-de-Calais  : 
«  Par  le  compte  que  je  me  suis  fait  rendre,  Messieurs,  de 
l'état  des  recouvrements  sur  les  impositions  de  1790  et  années 
antérieures,  j'ai  reconnu  qu'il  n'y  a  dans  tout  le  royaume 
aucun  département  qui  présente  un  arriéré  aussi  considérable 
que  le  vôtre  et  celui  du  Nord.  Il  est  impossible  que  cet  état 
de  choses  subsiste  plus  longtemps.  Mon  devoir  et  les  lois  me 
prescrivent  d'en  instruire  l'Assemblée  nationale  et  je  me  pro- 
pose de  réunir  chez  moi  MM.  vos  députés  afin  de  leur  en  donner 
connaissance,  mais  je  désire  auparavant  que  vous  me  mettiez 
à  portée  de  connaître  exactement  votre  position.  MM.  les 
commissaires  à  la  Trésorerie  Nationale  m'ont  déjà  remis,  en 
exécution  de  la  loi  du  25  mai  dernier,  concernant  l'organisa- 
tion du  ministère,  l'état  de  situation  de  l'ancienne  recette  géné- 
rale de  Flandre  et  d'Artois,  en  me  demandant  de  pourvoir  le 
plus  tôt  possible  à  la  rentrée  de  tout  l'arriéré  *.  » 


1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais,  Séries  L.  P.  IV. 

2.  Archives  départ,  du  F^as-de-Calais.  L.  P.  IV. 


LES    IMPÔTS    ET    LES    BIENS    NATIONAUX  151 


II 

Par  la  loi  du  l*""  décembre  1790,  l'Assemblée  Constituante 
proclama  le  principe  de  Fég-alité  des  charges  publiques  et  de 
l'égalité  de  tous  devant  l'impôt.  L'article  3  de  cette  même  loi 
établissait  que  le  revenu  imposable  était  le  revenu  net  moyen 
calculé  sur  un  nombre  d'années  déterminé  ;  d'après  l'article  4, 
la  contribution  foncière  serait  toujours  d'une  somme  fixe  et 
réglée  annuellement  par  chaque  législateur.  Le  travail  prépa- 
ratoire pour  l'établissement  de  la  contribution  foncière  consis- 
tait dans  la  confection  de  l'état  de  section  et  de  la  matrice  des 
rôles  qui  devait  être  confiée  aux  municipalités  ;  les  directoires 
de  districts  feraient  ensuite  dresser  les  rôles  qu'ils  enverraient 
aux  receveurs  de  districts  qui  eux-mêmes  les  feraient  passer 
aux  municipalités. 

De  même  que  la  loi  du  l®""  décembre  1790  avait  créé  la 
contribution  foncière,  la  loi  du  13  janvier-18  février  1791  créa 
la  contribution  personnelle  et  mobilière.  Le  système  financier 
fut  complété  par  la  loi  qui  établit  l'impôt  des  patentes  et  par 
la  loi  du  3  frimaire  an  Vil,  portant  création  de  l'impôt  des 
portes  et  des  fenêtres.  L'impôt  des  patentes  souleva  des  pro- 
testations dans  le  Pas-de-Calais  :  les  petits  débiteurs  d'eaux- 
de-vie  d'Arras  adressèrent  une  requête  au  Directoire  du  dépar- 
tement pour  demander  que  la  taxe  fût  plus  proportionnée  à 
leur  vente  et  au  chitïre  de  leur  loyer  et  qu'on  ne  les  confon- 
dît pas  avec  les  négociants  qui  faisaient  deux  cent  mille  francs 
d'affaires  ^. 

En  1791,  lors  de  l'établissement  du  nouveau  régime  finan- 
cier, la  contribution  foncière  et  la  contribution  personnelle  et 
mobilière  s'élèvent  aux  chiffres  suivants  dans  les  divers  dis- 
tricts :  district  d'Arras,  677.611  livres  10  sols  1  denier; 
district  de  Bapaume,  581.151  livres  19  sols  10  deniers;  dis- 

1.  Archives  départ.  L.  P- IV. 


132  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

trict  de  Béthune,  720.080  livres  19  sols  10  deniers;  district 
de  Boulogne,  587.249  livres  12  sols  9  deniers;  district  de 
Calais,  310.904  livres  3  sols  6  deniers;  district  de  Montreuil, 
622.492  livres  17  sols  8  deniers;  district  de  Saint-Omer, 
786.629  livres  17  sols  9  deniers;  district  de  Saint-Pol, 
532.000  livres  14  sols  9  deniers  i. 

Les  recouvrements  étaient  toujours  tardifs  ;  le  Directoire  du 
département  le  reconnaît  lui-même  :  «  On  ne  peut  se  dissimu- 
ler, dit-il,  combien  il  est  affligeant  de  voir  qu'au  mois  d'oc- 
tobre, il  ne  soit  rentré  dans  les  caisses  publiques  qu'environ 
les  trois  cinquièmes  d'une  contribution  qui  auroit  dû  être  payée 
en  totalité  au  mois  de  juillet,  d'après  la  loi  du  26  mars  der- 
nier ;  mais  il  faut  observer  que  la  ci-devant  province  d'Artois 
s'est  trouvée  à  cet  ég-ard  dans  une  position  moins  favorable 
que  les  départements  de  l'intérieur  ;  l'usag-e  des  rôles  y  étoit 
absolument  inconnu,  le  mécanisme  de  l'opération  relative  aux 
états  de  section  et  aux  matrices  des  rôles  étoit  tout  à  fait 
nouveau  pour  les  municipalités  ;  les  visiteurs  des  rôles  qui 
étoient  si  utiles  pour  les  instruire  se  sont  trouvés  en  trop 
petit  nombre  dans  un  département  qui,  après  celui  de  la 
Seine-Inférieure,  est  celui  de  la  République  qui  contient  le 
plus  de  municipalités  :  ces  circonstances  ont  fait  languir  les 
opérations  préliminaires  et  par  suite  le  recouvrement  »  ~. 

De  son  côté,  le  ministre  des  contributions  publiques,  Cla- 
vière,  fulminait,  dans  une  lettre  en  date  du  20  octobre  1792, 
contre  les  administrations  du  département  du  Pas-de-Calais 
comme  avait  fulminé  son  prédécesseur  Tarbé  :  «  Ces  observa- 
tions, dit-il,  dans  le  style  emphatique  de  l'époque,  s'adressent 
également  aux  administrateurs  et  aux  administrés.  Citoyens 
d'une  République  qui  s'établit  avec  tant  de  gloire,  lequel 
d'entre  vous  restera  indiiférent  sur  les  moyens  nécessaires  à 
son  affermissement?  Les  guerriers  qui  lui  préparent  le  respect 

1.  Archives  départ.,  N  III.  Directoire  dudcpartemenl,  compte  de  la  j,'estion 
depuisle  18  novembre  1791  jusqu'au  20  octobre  1792. 

2.  //jid.,  N  III.  Directoire  du  département. 


LES  IMPÔTS    ET    LES    BIENS    NATIONAUX  133 

des  nations  et  par  cela  même  une  existence  paisible  et  pros- 
père assurent  en  même  temps  et  nos  moissons  et  nos  travaux 
industriels.  Laissera-t-on  oublier  dans  quelque  canton  qu'au- 
jourd'hui plus  que  jamois  la  lenteur  des  contributions  devient 


un  crime 


1  9 


Si  nous  prenons  la  situation  financière  du  département  au 
10  floréal  an  V,  nous  voyons  que  de  la  contribution  foncière 
de  1791,  il  ne  reste  plus  rien  à  recouvrer;  de  celle  de  1792, 
343  livres  9  sols  11  deniers;  de  celle  de  1793,  1.754  livres 
1  sol  2  deniers;  toute  la  contribution  foncière  de  1794  est 
rentrée  dans  le  Trésor  ;  de  même  les  contributions  mobilières 
de  1791  et  de  1792  ;  de  la  contribution  mobilière  de  1793,  il 
reste  à  recouvrer  2.732  livres  17  sols  1  denier  ;  des  patentes 
de  1791,  1.730  livres  13  sols  8  deniers  ;  des  patentes  de  1792, 
1.462  livres  13  sols  9  deniers;  de  l'emprunt  forcé  de  l'an  II, 
97.046  livres  17  sols  7  deniers.  La  contribution  foncière  de 
l'an  IV  était  fixée  à  4.871.467  livres  1  sol  6  deniers;  les 
recouvrements  montaient  à  844.131  livres  3  sols  4  deniers;  il 
restait  à  percevoir  4.027.315  livres  18  sols.  Sur  la  constitu- 
tion mobilière  de  l'an  IV,  il  restait  dû  92.407  francs  17  sols 
10  deniers  2. 

III 

Le  régime  des  impôts  n'est  plus  le  même  sous  le  Consulat  et 
l'Empire  que  sous  la  première  République.  Les  grands  prin- 
cipes demeurent  mais  on  modifie  beaucoup  l'organisation  et 
surtout  le  mode  de  perception  et  l'on  revient  en  partie  aux 
impôts  indirects. 

La  loi  du  24  novembre  1799  abroge  définitivement  l'ancien 
système  de  confection  des  rôles  pai*  les  municipalités  ;  elle 
crée  l'administration  des  contributions  directes  :  un  directeur 


1.  Archives    départ.    Lettre  du   ministre  Glavière  aux  administrateurs  du 
département  du  Pas-de-Calais,  20  octobre  1792. 

2.  IbiJ.,  X  III  Directoire,  Comptes  an  IV-an  V. 


\t)i  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

par  département,  un  inspecteur  et  des  contrôleurs  sont  char- 
gés de  rédiger  les  matrices,  de  faire  expédier  les  rôles  et  de 
vérifier  les  réclamations.  Des  procédés  d'autrefois,  il  ne  res- 
tait de  trace  que  dans  le  travail  préliminaire  des  répartiteurs, 
cinq  par  commune.  En  cas  de  non  payement,  intervenaient 
les  porteurs  de  contrainte,  les  garnisaires  et  même  les  gen- 
darmes. Les  fonds  étaient  centralisés  chez  les  receveurs  d'ar- 
rondissement et  de  département.  Quant  aux  perceptions,  elles 
étaient  mises  aux  enchères,  ce  qui  entraînait  de  nombreux 
abus;  après  trois  tentatives  infructueuses  d'adjudication,  le 
Conseil  municipal  nommait  d'office  un  percepteur.  Une  année, 
il  fut  nécessaire  de  donner  à  Arras  99  pour  1000  au  sieur 
Fauchison  pour  se  charger  de  recouvrer  les  cotes  qui 
s'élevaient  à  162.083  francs.  Pour  apporter  quelques  amé- 
liorations à  cette  situation  défectueuse,  le  Préfet  fit  le 
46  juin  1803  une  circulaire  sur  la  nomination  des  per- 
cepteurs ;  on  devait  exiger  d'eux  un  cautionnement  en 
immeubles,  plus  tard  en  numéraire  ;  la  remise  qui  leur  serait 
allouée  serait  de  4  0/0  ;  dans  les  communes  ayant  plus  de 
15.000  habitants,  on  devait  préférer  la  nomination  directe  à 
l'adjudication.  Enfin  la  loi  du  2S  février  1804  organisait  les 
perceptions  comme  elles  sont  encore  organisées  de  nos  jours  et 
décidait  que  les  percepteurs  seraient  nommés  par  le  gouverne- 
ment. L'appplication  de  la  nouvelle  loi  souleva  quelques  diffi- 
cultés, car,  le  24  octobre  1804,  le  Préfet  lançait  une  circu- 
laire qui  prescrivait,  afin  d'empêcher  que  les  percepteurs 
n'exigeassent  plus  qu'il  n'était  dû,  de  délivrer  gratis  aux  con- 
tribuables des  avertissements  ;  on  devait  mettre  les  quittances 
au  dos  et  les  percepteurs  devaient  tenir  un  registre  paraphé 
par  le  maire  pour  inscrire  les  recouvrements.  Parfois  les 
percepteurs  ne  furent  pas  des  plus  honnêtes,  ceux  de  Beugny, 
de  Saint-Michel  et  d'Hesdin  se  sauvèrent  en  emportant  la 
caisse  ;  on  dut  révoquer  le  receveur  municipal  d'Auxi-le- 
Château. 


LES    IMPOTS    ET    LKS    nif:NS    NATIONAUX  1.^5 

Les  contributions  de  l'an  IX  sont  établies  de  la  façon  sui- 
vante :  1 

Arrondis-        Contribution  Contrib.  person.  Contribution    Portes  et 
sements  foncière  et  mobilière        somptuaire       Fenêtres  Total 


Boulogne. . 

3/1.391  f.60 

"6.598  f.    » 

2.334  f.    .. 

44.941  f.  20 

495.264 

f.80 

St-Omer. . . 

633. 59S 

80 

86.559     60 

1.0  10 

98 

54.554 

95 

775.754 

33 

Béthune.    . 

765.851 

40 

87.163     20 

327 

60 

45.492 

30 

898.837 

50 

Arras 

923.982 

» 

126.234       .) 

1.688 

98 

111.598 

40 

1.163.503 

38 

Saiiit-Pol.. 

523.266 

.) 

53.912     40 

225 

60 

36.141 

» 

613.545 

» 

Monti-euil. 

i65.9i2 

» 

53.728     80 

619 

20 

28.810 

20 

549.100 

20 

Totaux...     3.684. 03i     80     484.196       .,     6.1361".  40     321.538     05     4.496.005     25 

Lors  du  répartement  de  la  contribution  foncière  pour  l'an  X, 
le  rapport  présenté  au  Conseil  g-énéral  fait  observer  que  cette 
contribution  n'a  été  diminuée  que  de  vingt  mille  francs,  tandis 
que  la  partie  assise  sur  les  forêts  nationales  s'élève  pour 
l'an  IX  à  la  somme  de  138.816  fr.,  65,  ce  qui  ajoute  aux 
charges  déjà  trop  fortes  du  département  un  surcroît  de 
118.110  fr.,  65.  Le  Conseil,  considérant  que  les  maux  extra- 
ordinaires qui  n'ont  cessé  de  peser  sur  le  département  du  Pas- 
de-Calais,  ont  anéanti  presque  totalement  son  commerce  et 
son  agriculture  et  qu'il  a  été  atteint  tout  particulièrement  par 
les  terribles  effets  de  l'orage  du  18  brumaire  an  IX  dont  les 
dégâts  ont  été  évalués  à  plus  de  deux  millions,  demande  ins- 
tamment au  gouvernement  une  décharge  de  118. 110  fr.,  65. 
La  contribution  foncière  est  répartie  de  la  façon  suivante  : 
Boulogne,  296.571  fr.  ;  Saint-Omer,  521.523  fr.  ;  Béthune, 
659.746  fr.  ;  Arras,  781.846  fr.  ;  Saint-Pol,  424.984  fr.  ;  Mon- 
treuil,  365.330  fr.  ~.  La  contribution  mobilière  s'élève  pour 
tout  le  département  à  403.500  fr.,  dont  66.097  fr.  pour  l'ar- 
rondissement de  Boulogne,  76.318  fr.  pour  celui  de  Saint- 
Omer,  69.033  fr.  pour  celui  de  Béthune,  101.476  fr.  pour 
celui  d'Arras,  43.371  fr.  pour  celui  de  Saint-Pol  et  44.205 fr. 
pour  celui  de  Montreuil.  Le  Conseil  général  se  plaint  de  l'iné- 
galité des  taxes  :  «  une  commune  rurale,  dans  laquelle  il  se 

1.  Archives  dépai't.,  N  1,  Conseil  général,  f°  35  et  ss. 

2.  Arch.  départ,  du  Pas-de-Calais,  N  1.  Conseil  général,  f"  III  et  ss. 


156  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

trouve  trois  ou  quatre  gros  cultivateurs  et  point  d'habitants 
soumis  au  droit  de  patente  paye  beaucoup  moins  de  contribu- 
tion mobilière  qu'une  autre  commune  de  même  population 
qui,  sans  avoir  autant  de  gros  cultivateurs,  compte  dans  son 
sein  quelques  cabaretiers,  petits  marchands  et  artisans...  Dans 
les  villes,  plus  elles  sont  peuplées,  plus  la  différence  est  grande 
et  le  moindre  marchand  y  paye  davantage  que  le  plus  riche 
propriétaire  habitant  la  campagne.  Les  évaluations  des  loyers 
d'habitation,  si  différents  dans  les  villes,  bourgs  et  villages, 
ajoutent  encore  à  ces  disproportions  ».  Autres  doléances  au 
sujet  de  l'impôt  des  portes  et  fenêtres  :  «  Les  répartiteurs  ont 
compté  portes  cochères  ou  charretières  des  barrières  qui 
servent  d'entrée  à  presque  toutes  les  maisons  rurales,  ils  ont 
porté  sur  leurs  états  de  simples  lucarnes  qui  ont  payé  comme 
des  fenêtres  ^  ». 

En  l'an  XI,  il  y  a  encore  accroissement  des  contributions; 
contribution  foncière  :  Boulogne.  344.412  fr.,  37;  Saint-Omer, 
603.659  fr.,  04;  Béthune,  766.174  fr.,  11  ;  Arras,907.971  fr.,06; 
Saint-Pol,  493.540  fr.,  80;  Montreuil,  420.242  fr.,  62;  contri- 
bution personnelle  et  mobilière  et  remplacement  de  la  con- 
tribution somptuaire  422.000  fr.  -.  A  la  séance  du  Conseil 
général  du  21  germinal  an  XII,  de  nombreuses  demandes  en 
dégrèvement  sont  fournies  par  les  arrondissements  de  Bou- 
logne, de  Montreuil  et  de  Saint-Pol,  en  raison  des  pertes 
essuyées  par  la  présence  sur  leur  territoire  de  l'armée  d'An- 
gleterre :  «  Le  Conseil  général,  considérant  que  les  motifs 
allégués  sont  de  notoriété  publique,  que  les  pertes  souffertes 
sont  bien  au  delà  des  indemnités  réclamées,  considérant  que 
le  gouvernement  est  trop  équitable  pour  faire  supporter  par 
trois  arrondissements  fidèles  et  malheureux  le  fardeau  des 
pertes  éprouvées  à  l'occasion  d'une  guerre  entreprise  pour  la 
gloire  et  le  bonheur  de  toute  la  France  ;  considérant  que  les 
autres   arrondissements  ont   aussi   beaucoup    souffert  et  que 

1.  Archives  départ.,  N  1,  f°'  117  et  ss. 

2.  Ihid.,  N  2,  l'-Tet  19. 


LES    IMPÔTS    ET    LES    BIENS    NATIONAUX  157 

l'indenii  ité  due  aux  arrondissements  de  Boulogne,  de  Mon- 
treuil  et  de  Saint-Pol  ne  pourrait  sans  injustice  être  rejetée 
sur  eux,  arrête  d'inviter  le  gouvernement  à  accorder  k  ces 
arrondissements  une  indemnité  équivalente  à  la  moitié  de 
leurs  contributions  directes  *  ». 

Un  tableau  comparatif  permettra  de  se  rendre  compte  de 
révolution  des  impôts  dans  le  département  du  Pas-de-Calais 
pendant  l'Empire  : 

Contribution  Contrib.  person. 

foncière  AnXIV  1807  etmobil.  anXIV  1807 

Arras 1.002.729f.92  1 .075.898  f.  38  132.211f.87  li3.764f.06 

Béthune  ..  845.732     88  903.336     09  S7.360     08  91.537     62 

Boulofînc  378.711     34  403.639     77  83.644     14  89.884     91 

Monlreuil  .  466.101     80  499.010     49  55.940     41  60.716     16 

St-Omer...  668.691     99  714.900     65  96.578     58  104.304     53 

Saint-Pol..  546.782     07  586.155     65  54.884     84  59.609     08 

ENSEMBLE  DES  CONTRIBUTIONS  DIRECTES 

Arrondissements  année  1807  année  1808  année  1810 

Arras 1.371.976f.66  1.304.740f.  »  1.336.737f.  » 

Béthune 1.074.427     16  1.017.115  »  1.033.019  » 

Boulogne 616.906     84                 595.655  »             608.767  » 

Montreuil 614.816     95                 583.495  »             593.781  >> 

St-Omer 924.060     17                 875.492  »             903.i63  » 

Saint-Pol 706.876     59                 670.186  »             684.995  » 

Totaux 5.309.084     47  5.047.183       »         5.160.462       » 

Comme  on  le  voit,  le  chiffre  total  des  impôts  reste  presque 
stationnaire  et  est  même  plutôt  en  décroissance  de  1806  à 
1810  ;  mais  il  y  a  une  augmentation  sensible  par  rapport  aux 
débuts  du  Consulat;  en  1800  ce  même  chiffre  total  était  de 
4.496.005  fr.,  25,  en  l'an  IX. 

Nombreuses  sont  du  reste  les  plaintes  ou  les  demandes  de 
dégrèvement.  A  la  session  de  l'an  VIII  du  Conseil  général, 
l'agent  municipal  de  Waast  adresse  une  pétition  tendant  à 
obtenir  un  dégrèvement  de  la  contribution  foncière,  motivé 
sur  ce  qu'il  y  a  une  erreur  de  cent  mesures  dans  le  dénom- 
brement  des  terres   produit  par    la  municipalité  ;  le  Conseil 

1.  Archives  départ.,  N  2. 


158  LE    PAS-DE-CALAIS    UE    1800   A    1810 

général  déclare  ne  pouvoir  se  prononcer,  car  il  n'a  point  reçu 
l'avis  du  Conseil  d'arrondissement.  Autre  pétition  de  l'admi- 
nistration municipale  du  canton  de  Saint-Martin  demandant 
le  dégrèvement  des  prairies  et  des  terres  inondées  â  Beuvre- 
quin  et  Wimille  :  le  Conseil  invite  les  réclamants  à  se  confor- 
mer aux  arrêts  consulaires.  On  rejette  les  demandes  en  dégrè- 
vement de  la  commune  de  Sailly-en-Ostrevent,  qui  argiie  du 
mauvais  état  de  ses  récoltes,  des  communes  d'Epinoy,  de 
Riencourt,  de  Rumaucourt,  d'Ecaillés,  de  Marquion,  de  Riche- 
bourg,  de  Locon,  de  La  Couture,  etc.  '.  A  la  session  de 
lan  IX,  le  Conseil  général  fait  droit,  au  contraire,  à  la  récla- 
mation de  la  ville  dArras  ;  la  municipalité  déclare  qu'il  y  a 
eu  erreur  dans  la  fixation  des  contingents  de  la  contribution 
personnelle  et  mobilière  qui  a  été  portée  à  38.339  francs, 
tandis  qu'elle  ne  devait  être  que  de  37 .  033  francs  2.  La  même 
année,  le  maire  d'Arras  se  plaint  dans  une  lettre  au  préfet  de 
la  façon  dont  sont  appliquées  les  patentes  :  «  permettez-nous 
de  rappeler  k  votre  souvenir,  dit-il,  des  observations  que  nous 
avons  eu  l'honneur  de  vous  faire  relativement  à  une  circulaire 
du  directeur  des  contributions  directes  de  ce  département  aux 
contrôleurs  des  mêmes  contributions  ;  cette  circulaire  impri- 
mée et  répandue  avec  assez  de  profusion  est  dans  vos  bureaux  ; 
vous  y  remarquerez  des  mesures  nouvelles  et  on  ne  connaît 
pas  de  lois  ni  même  d'institutions  du  ministre  des  finances 
qui  puissent  les  justifier.  Le  résultat  de  ces  mesures  qu'on 
pourrait  qualifier  de  vexatoires,  sera  de  faire  payer  à  nos  mar- 
chands le  double  et  même  le  quadruple  du  prix  de  leurs 
patentes,  ce  qui  forcera  certainement  une  foule  de  concitoyens 
k  fermer  leurs  boutiques  »  '^ 

Les  demandes  de  dégrèvement  sont  non  moins  nombreuses 
en  l'an  X  et  en  l'an  XI,  mais  elles  ne  sont  pas  mieux  accueil- 

1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais,  série  N,  Conseil  général,  ans  VlII-IX, 
f""  3  et  ss. 

2    Ihid,,  n"  1,  f""  98  et  ss. 

3.  Ibid.  Registre  de  correspondance  de  l'administration  municipale  d'Ar- 
ras. 


LES    IMPÔTS    ET    LES    lUENS    NATIONAUX  15 

lies  par  le  Conseil  général.  Nous  relevons  notamment  la  déci- 
sion suivante  :  «  Considérant  que  le  Conseil  d'arrondissement 
de  Boulog-ne,  en  articulant  une  surcharge  éprouvée  par  lui 
sur  les  contributions  personnelle  et  mobilière,  des  portes  et 
fenêtres  et  des  patentes  en  l'an  XI  et  en  comparant  sa  situa- 
tion à  celle  des  arrondissements  de  Béthune  et  d'Arras,  qui, 
à  la  même  époque,  ont  obtenu  une  diminution  considérable, 
n'a  pas  justifié  qu'il  ait  été  imposé  arbitrairement  et  au  delà 
des  bases  établies  par  les  lois  et  qu'il  n'articule  pas  même  la 
somme  dont  il  se  prétend  surchargé,  arrête  qu'il  n'y  a  pas 
lieu  à  délibérer  »  K  En  l'an  XIII,  les  arrondissements  de  Mon- 
treuil,  de  Saint-Pol,  de  Saint-Omer  et  de  Boulogne  demandent 
en  même  temps  une  diminution  des  impôts  qui  pèsent  sur 
leurs  communes  '-.  A  partir  de  cette  année,  le  Conseil  général 
n'a  plus  à  s'occuper  du  répartement  des  contributions,  qui 
sera  dressé  par  le  Préfet  ;  c'est  un  sérieux  souci  de  moins  pour 
l'assemblée  départementale. 

Si,  maintenant,  nous  étudions  la  situation  financière  d'un 
arrondissement  après  avoir  étudié  celle  de  l'ensemble  du 
département,  nous  sommes  frappés  des  difficultés  auxquelles 
se  heurte  le  sous-préfet  de  Boulogne,  (c  La  plupart  des  maires 
des  communes,  écrit-il  le  26  ventôse  an  IX  au  Préfet,  m'ex- 
cèdent de  leurs  réclamations  sur  l'insuffisance  de  leurs  cen- 
times additionnels  ;  toutes  les  parties  prenantes  m'accablent 
de  leurs  plaintes.  Je  suis  menacé  de  me  trouver  au  premier 
jour  sans  maires,  sans  instituteurs,  sans  gardes  champêtres. 
Les  rpaires  de  Samer,  de  Desvres,  de  Marck,  de  Saint-Pierre, 
insistent  sur  l'acceptation  de  leur  démission  »  3.  De  la  part 
de  ceux  qui  sont  chargés  de  recouvrer  les  contributions,  le 
sous-préfet  a  même  des  sujets  de  mécontentement.  «  Je 
n'ignore  pas,  écrit-il  le  7  nivôse  an  IX  au  sieur  Cléry,  de  Bou- 


1.  Archives  départ,  du  Pas-de  Calais, n"  2,  f"'  11  et  ss.,  f^'lôet  ss. 

2.  Ibid. 

3.  Ibid.,  '2'  Registre  des  lettres  du  sous-préfet  de  Boulogne  au  Préfet. 


160  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

logne,  qu'il  existe  un  impudent,  un  honteux  agiotage  dans 
les  bureaux  du  payeur  général  ;  j'en  ai  depuis  longtemps 
porté  mes  plaintes  au  préfet;  je  lui  en  ai  adressé  des  preuves 
matérielles  ;  il  faut  que  ces  preuves  ayent  rencontré  un  inter- 
médiaire intéressé  à  les  soustraire,  car  je  n'ai  pas  reçu  de 
réponse  ;  je  vais  revenir  à  la  charge  et  je  vous  remercie  de 
m'en  avoir  fourni  l'occasion.  Le  Préfet  n'est  pas  plus  disposé 
que  moi  à  tolérer  ces  vampires  de  bureau,  qui  trafiquent  de 
la  subsistance  des  malheureux  et  de  l'homme  du  gouverne- 
ment*. La  ville  de  Boulogne  est  particulièrement  en  retard 
pour  le  paiement  de  ses  contributions  :  «  la  rentrée  de  l'ar- 
riéré pour  les  années  VII,  VIII  et  IX  ne  se  fait  point  ;  le 
recouvrement  des  contributions  directes  de  l'an  X  est  presque 
nul  ;  cette  situation  est  vraiment  effrayante  ;  elle  appelle  toute 
notre  sollicitude  »  2.  Le  28  nivôse  an  X,  la  commune  de  Bou- 
logne doit,  sur  les  contributions  de  l'an  VIII,  3.465  fr.,  85; 
sur  celles  de  l'an  IX,  8.710  fr.,  76;  sur  celles  de  l'an  X, 
23.369  fr.,  75,  plus  un  arriéré  do  l'an  VII  qui  s'élève  à 
18.010  fr.,  94.  «  Je  suis  résolu,  lisons-nous  dans  une  lettre 
du  sous-préfet  au  maire  de  Boulogne,  à  employer  tous  les 
moyens  que  la  loi  a  mis  à  ma  disposition  pour  faire  rentrer  ce 
scandaleux  arriéré.  11  paraît  que  depuis  longtemps  les  percep- 
teurs de  Boulogne  se  sont  accoutumés  à  considérer  moins  les 
devoirs  que  les  profits  de  l'emploi  dont  ils  sont  chargés  ;  que 
la  rentrée  et  l'augmentation  même  concussionnaire  de  leur 
remise  est  pour  eux  un  objet  de  toute  autre  importance  que 
le  recouvrement  des  deniers  publics  ;  qu'ils  s'inquiètent  peu 
de  l'accumulation  des  termes  échus  et  de  l'arriéré  des  exer- 
cices antérieurs  ;  qu'ils  ne  se  donnent  pas  la  peine  de  faire 
leurs  diligences  pour  presser  leurs  redevables  et  finissent  par 
se  décharger  de  ce  soin  sur  des  porteurs  de  contraintes  »  ^. 

1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais,  2*  registre  aux  copies  de  lettres  du 
sous-préfet  de  Boulogne. 

2.  Ihid.  Registre  n"  1  des  arrêtés  du  sous-préfet  de  Boulogne,  f»  119. 

3.  Ibid.  Registre  n"  1  des  arrêtés  du    sous-préfet  de    Boulogne,  f°"  124  et 
125. 


LES  IMPÔTS  i:t  les  then's  nationaux  161 

Le  sous-préfet  constate  en  eiïet  en  l'an  XI,  en  recommandant 
le  maintien  comme  percepteur  de  Garnier  du  Vivier,  que  la 
perception  des  contributions  avait,  depuis  bien  des  années, 
été  la  proie  de  fripons  et  d'agioteurs;  le  percepteur  de  l'an  VII 
a  fait  banqueroute  et  a  disparu  en  emportant  18.000  francs  au 
Trésor  ;  sa  comptabilité  était  si  peu  en  ordre  qu'il  a  été 
impossible  de  la  débrouiller  et  un  grand  nombre  de  contri- 
buables ont  dû  payer  deux  fois;  les  percepteurs  de  l'an  VIII, 
de  l'an  IX  et  de  l'an  X  n'ont  guère  mieux  géré  K 

De  l'arrondissement  passons  maintenant  à  une  ville.  En 
l'an  V,  le  déficit  de  la  ville  de  Saint-Pol  est  de  1.000  francs, 
en  l'an  VI,  de  800 fr.  ;  en  l'an  VII,  de  l.UOOfr.  ;  en  l'an  VIll, 
de  1.100  fr.  ;  en  l'an  IX,  de  960  fr.  ;  en  l'an  X  de  1.200  fr. 
Les  évaluations  budgétaires  de  l'an  X  portent  en  recettes 
2.996  fr.,64  et  en  dépenses  3.962  fr., 72.  Pour  couvrir  ces 
déficits,  le  conseil  municipal  propose  :  1°  d'établir  un  octroi 
sur  la  bière  à  raison  de  15  centimes  par  hectolitre,  ce  qui 
donnera  1 .500  fr.  ;  2°  de  faire  payer  deux  décimes  par  myria- 
gramme  de  viande,  soit  un  revenu  de  1.250  fr.  Les  dettes  de 
la  ville  proviennent  de  la  suppression  des  octrois  qui  donnaient, 
outre  les  ressources  ordinaires,  9.000  fr.  par  an  au  lieu  de  3.000. 
En  l'an  XII,  le  centime  additionnel  aux  contributions  foncière 
et  personnelle  produit  506  fr.  05  ;  le  budget  de  cette  année 
présente  un  déficit  de  2.321  fr.,  50,  les  recettes  étant  de 
3.255  fr.,50  et  les  dépenses,  de  5.577  fr.  Le  Conseil  s'appuie 
sur  cette  situation  pour  réclamer  l'établissement  d'un  octroi 
qui  lui  est  sans  doute  accordé,  car,  en  1810,  les  recettes  sont 
de  16.402  fr.,79  et  les  dépenses  de  14.102  fr.,56.  A  cette 
date,  la  ville  peut  donner  aux  hospices  un  secours  annuel 
de  3.000  fr.  et  au  Bureau  de  bienfaisance,  600  fr.  ;  elle  a  une 
école  secondaire  qui  lui  coûte  2.200  fr.  et  elle  inscrit  au 
chapitre  des  fêtes  publiques  500  fr.,  alors  qu'en  l'an  XI,  il  ne 
lui  restait  en  caisse  que  11  fr.  pour  ce  chapitre^. 

1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais.    Registre  n"  3  de   correspondance  du 
sous-préfet  de  Boulogne,  lettre  du  12  frimaire  an  XI. 

2.  Archives  communales  de  Saint-Pol,  Série  D.  1. 

Ghavanon  ET  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  1S00  à  1810.  It 


162  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

La  population  de  l'arrondissement  de  Saint-Pol  se  plaint 
très  vivement  du  contrôleur  Panier  et  le  sous-préfet  est  l'écho 
de  ces  plaintes  auprès  du  Préfet  :  «  Je  n'ai  cessé,  écrit-il  le 
17  ventôse  an  XI,  de  vous  transmettre  les  plaintes  de  cet 
arrondissement,  du  public  et  les  miennes  à  la  charge  du  con- 
trôleur des  contributions  Panier,  l'expression  du  mécontente- 
ment général  provoqué  par  le  caractère  et  la  conduite  de  cet 
individu  ;  j'ai  cru  devoir  représenter  que  l'insolence,  la  bruta- 
lité et  les  vexations  de  Panier  avaient  depuis  longtemps 
excité  une  réclamation  aussi  vive  qu'unanime  ».  Et  le  7  ger- 
minal an  XI  :  «  Il  existe  en  ce  moment  entre  mes  mains  une 
foule  de  déclarations  uniformes,  précises  et  déterminées  des 
maires,  adjoints  et  répartiteurs,  attestant  que  le  citoyen 
Panier  était  dans  l'usage  de  faire  signer  à  l'avance,  en  blanc, 
les  rôles  des  diverses  contributions  et  de  se  charger,  à  lui 
seul,  de  la  répartition  qu'il  faisait  arbitrairement ^  ». 

Dans  l'arrondissement  de  Montreuil,  nous  pourrions  citer 
de  très  nombreuses  réclamations  contre  les  impositions  trop 
lourdes,  des  demandes  de  dégrèvement,  des  plaintes  des  per- 
cepteurs, exposant  que  «  la  rentrée  des  contributions  dont 
le  recouvrement  leur  est  confié  souffre  des  retards  préjudi- 
ciables au  Trésor  public  »  ;  du  l^*"  au  5  brumaire  an  IX,  sur 
26  arrêtés  pris  par  le  sous-préfet  de  Montreuil,  21  sont  rela- 
tifs aux  contributions. 

Le  maire  de  Bapaume  écrit  aux  administrateurs  du  dépar- 
tement en  1802  :  «  Il  n'existe  pas  dans  toute  l'étendue  de  la 
République  une  seule  commune  abandonnée  à  elle-même 
comme  celle  de  Bapaume,  ayant  si  peu  de  ressources,  autant 
de  dettes  et  étant  surchargée  de  contributions  si  énormes  que 
la  plupart  des  maisons  tombent  en  ruines,  les  habitants  sont 
obligés  de  se  réfugier  dans  les  caves.  Il  se  commet  souvent 
des  vols  et  je  n'ai  pas  le  moyen  de  payer  un  agent  de  police, 
ni   de    pourvoir   au    chauffage   d'un  poste.   A    l'exception  de 

1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais,  correspondance  du  sous-préfet  de 
Saint-Poi,  registre  3. 


LES    IMPOTS    Kl'    Li;S    lîlENS    NATIONAUX  1 03 

quelques-uns,    les   habitants    sont    obligés    de    vendre    leurs 
meubles  pour  effectuer  le  versement  de  leurs  impôts'  ». 


IV 

Si  en  matière  d'impôts,  le  gouvernement  consulaire  s'était 
contenté  de  maintenir  l'œuvre  de  l'Assemblée  Constituante 
et  d'en  assurer  seulement  le  bon  et  régulier  fonctionnement, 
quelle  serait  son  attitude  à  l'égard  des  biens  nationaux?  Ces 
biens  nationaux  étaient  de  deux  sortes  :  les  biens  de  première 
origine,  c'est-à-dire  ceux  des  ordres  religieux  et  du  clergé, 
et  les  biens  de  seconde  origine,  c'est-à-dire  les  biens  confis- 
qués sur  les  condamnés  à  mort,  les  émigrés  ou  les  déportés. 
Mettre  en  discussion  la  question  des  biens  nationaux^  c'était 
aux  yeux  de  leurs  acquéreurs  mettre  en  discussion  la  Révolu- 
tion elle-même,  dont  ils  ne  voyaient  que  ce  profit  matériel 
pour  eux.  Au  lendemain  du  coup  d'Etat  du  18  brumaire, 
Napoléon,  qui  tenait  à  faire  considérer  le  Consulat  comme 
un  gouvernement  essentiellement  républicain  et  comme  la 
suite  du  Directoire  avec  l'ordre  et  la  stabilité  en  plus,  devait 
plutôt  s'efforcer  de  rassurer  les  acquéreurs  de  biens  nationaux. 
On  trouve  dans  les  Archives  départementales  du  Pas-de-Calais 
27.020  actes  de  vente  de  biens  nationaux  provenant  des 
émigrés  et  des  établissements  religieux,  savoir  4.186  pour  le 
district  d'Arras,  6.300  pour  le  district  de  Bapaume,  1.540 
pour  le  district  de  Béthune,  1.400  pour  le  district  de  Boulogne, 
600  pour  le  district  de  Calais,  800  pour  le  district  de  Mon- 
treuil,  2.000  pour  le  district  de  Saint-Omer,  1.700  pour 
le  district  de  Saint-Pol,  4.445  ventes  sur  soumissions, 
1.266  ventes  de  l'administration  centrale,  etc.  Si  l'on  adniet- 
tait  en  moyenne  un  hectare  de  terrain  pour  chaque  acte,  on 
aurait  vendu  au  moins  27.000  hectares  de  terre  à  labour,  bois, 

1.  Archives  coiiiniunales  de  Bapaume  ;  lettre  citée  par  Tabbc  Bède  dans 
son  Histoire  de  la  ville  de  Bapaume. 


164  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

prairies,  etc.  On  a  vendu  en  outre  plus  de  huit  cents  ég-lises 
et  chapelles  et  un  nombre  à  peu  près  égal  de  presbytères  et 
maisons  vicariales;  il  faut  y  ajouter  cinq  cents  maisons  d'émi- 
g-rés,  châteaux,  usines  et  autres  bâtiments. 

Dans  le  district  de  Boulogne,  un  état  fait  par  le  Directoire 
du  district  le  11  novembre  1791  indique  qu'il  a  été  vendu 
antérieurement  au  l®""  novembre  1791  pour  une  valeur  de 
2.622.903  livres  de  biens  immobiliers  :  qu'il  en  reste  à  vendre 
pour  une  valeur  de  150.000  livres,  sans  compter  les  biens 
immobiliers  valant  au  total  540.000  livres  dont  la  vente  a  été 
ajournée.  Dans  le  district  d'Arras,  de  1791  àl'an  ÏV,  il  y  eut 
3.307  ventes  de  biens  ecclésiastiques;  la  valeur  des  ventes 
totales  effectuées  dans  le  même  district  au  l"""  janvier  1793 
était  de  14.818.486  livres  2  sols  10  deniers. 

Si  nous  suivons  l'évolution  de  la  vente  des  biens  nationaux 
dans  la  ville  d'Arras,  nous  constatons  que  du  9  février  1791 
au  2  vendémiaire  an  IV,  il  y  eut  208  ventes  de  biens  ecclé- 
siastiques ;  la  première  en  date  est  la  vente  d'une  maison  pro- 
venant des  biens  de  l'abbaye  d'Eaucourt,  qui  fut  acquise  par 
le  sieur  Mercier,  au  prix  de  31.200  fr.  Dans  la  suite,  les  adju- 
dicataires des  jdIus  grosses  parts  furent  Gorillot,  Scribe  et 
Moncheaux,  Hourtrel,  Roty,  Libersalle,  Izambert,  Corroyer, 
Vanlesberghe.  Le  terrain  du  séminaire  fut  vendu  718.000  fr.  ; 
les  terres  de  l'évêché  (en  12  lots),  122.486  fr.  ;  le  refuge  de 
l'abbaye  de  Saint-Eloy,  42.300  fr.  ;  l'église  paioissiale  de 
Saint-Gery,  28.000  fr.  ;  le  presbytère  de  Saint-Gery,  5.625  fr. 
Au  cours  des  premières  ventes,  les  sommes  produites  par 
l'abbaye  Saint-Vaast  s'élevèrent  à  80.625  fr.  Le  total  pour  la 
ville  d'Arras  est  de  3.508.623  fr. 

Du  4  pluviôse  an  II  ou  3  vendémiaire  an  IV,  il  y  eut  dans 
cette  ville  trente  ventes  de  biens  d'émigrés,  montant  à  un  total 
de  1.486.900  fr.  ;  les  biens  de  Cuinchy  produisent  70.100  fr,  ; 
ceux  de  Dupuis,  100.000  fr.  ;  ceux  du  comte  d'Egmont-Pigna- 
telli,  700.000  fr.  ;  ces  derniers  furent  achetés  par  le  sieur 
Turlure.    Les  ventes    sur  soumissions,    du    6    juin    1796  au 


LKS    IMPÔTS    KT  LES   lîlENS    NATIOiNALX  1 63 

22  janvier  1816,  comprirent  102  lots,  dont  24  de  biens  ecclé- 
siastiques et  78  de  biens  d'émigrés  ;  c'est  alors  que  fut  vendue 
une  bonne  partie  des  biens  du  chapitre.  En  ce  qui  concerne 
les  ventes  faites  par  devant  les  administrateurs,  de  1798  à 
1799,  nous  relevons  neuf  articles  pour  la  ville  d'Arras,  dont 
deux  de  biens  ecclésiastiques.  La  vente  des  biens  nationaux, 
en  exécution  des  lois  du  26  vendémiaire  et  du  27  brumaire 
an  VII,  a  fourni,  du  18  décembre  1798  au  8  août  1803,  cinq 
articles,  tous  de  biens  d'émigrés;  les  ventes  en  vertu  des 
mêmes  lois,  section  des  châteaux,  églises,  etc.,  comportent, 
du  10  janvier  1799  au  3  mars  1802,  sept  ventes,  dont  quatre 
de  biens  ecclésiastiques.  Enfin,  la  vente  des  biens  nationaux 
par  suite  des  lois  des  13,  16  floréal  an  X  et  o  ventôse  an  XII 
et  du  décret  du  28  février  1809  permet  d'ajouter  à  cette  liste 
sept  ventes  de  biens  de  seconde  origine  effectuées  du  10  bru- 
maire an  XII  au  25  mars  1813  •. 

De  la  ville  d'Arras,  passons  à  une  plus  petite  localité, 
Brebières.  Du  9  août  1791  au  12  février  1793,  il  y  eut  vingt 
ventes  de  biens  ecclésiastiques,  terres  à  labour  appartenant 
à  diverses  abbayes;  le  produit  en  fut  une  somme  de  244.431  fr. 
Ces  biens  se  répartissent  de  la  façon  suivante  :  21  pièces  de 
terre  au  chapitre  Saint-Amé  de  Douai,  vendues  27,000  fr.  ; 
neuf  lots  appartenant  à  la  cure,  12.600  fr.  ;  quarante  rasières 
aux  chartreux  de  Douai,  34.200  fr,  ;  seize  rasières  à  l'abbaye 
du  Verger,  13,000  fr.  ;  dix  lots  provenant  du  couvent  Saint- 
Julien  de  Douai,  7.323  fr.;  onze  coupes  à  l'abbaye  de  Beau- 
lieu  de  Douai,  1,600  fr.  ;  deux  lots  à  l'abbaye  des  Prés  de 
Douai,  12.200  fr.  ;  six  coupes  à  l'abbaye  d'Annay,  1.200  fr.  ; 
seize  coupes  aux  Dominicains  de  Douai,  2.300  fr.  ;  vingt  coupes 
à  l'abbaye  de  Beaupré,  2.771  fr,  ;  cinq  lots  provenant  de 
Saint-Amé  de  Douai,  12.000  fr.  ;  quatre  rasières  et  deux 
coupes  à  la  Congrégation  de  Douai,  2,830  fr.  ;  deux  rasières 
et  une  coupe  au  chapitre  de  Saint-Amé  de  Douai,  1 .336  fr,  ;  six 

1.  Archives  dcpart.  du  Pas-de-Calais,  série  Q.  Ventes  des  biens  nationaux. 


lOfi  LK    PAS-DE-CALAIS    DK    1800    A    1810 

rasièresetune  coupe  aux  chartreux  de  Douai,  2.868  fr.  ;  dix-huit 
rasières  aux  mêmes,  12.000 fr.;  vingt-trois  lots  provenant  des 
domaines  du  chapitre  Saint-Pierre  de  Douai,  38.340  fr.  ;  deux 
coupes  à  la  cure  de  Brebières,  1 . 1 25  fr.  ;  deux  autres  coupes  à  la 
même  cure  de  Brebières,  330  fr.  ;  une  mesure  au  couyent  de 
Saint-Julien,  506  fr.  ;  seize  lots  des  domaines  de  l'évêché 
d'Arras,  57.700  fr. 

Le  3  fructidor  an  III  et  le  5  vendémiaire  an  IV,  il  y  eut 
deux  ventes  de  biens  d'émigrés  et  de  condamnés  :  huit  lots 
appartenant  à  Ridet,  condamné,  19.200  fr.  ;  un  manoir  et 
deux  coupes  de  Témig-ré  Payen  de  la  Buquière,  202.000  fr. 
Les  ventes  sur  soumissions  (du  6juin  1796  au  22  janvier  1816) 
comprennent  trente-trois  ventes,  savoir  deux  ventes  de  biens 
ecclésiastiques,  une  vente  de  biens  d'émigré  et  trente  ventes 
de  biens  de  condamnés;  par  contre  il  n'y  a  aucune  vente  faite 
par  devant  les  administrateurs  pendant  la  même  période. 
L'église  est  vendue,  en  vertu  des  lois  de  Tan  VII,  30.000  fr. 
à  Saint-Lemaire,  commanditaire  d'Eugène  Pilât  ;  quatre  autres 
biens  furent  mis  en  vente  conformément  aux  mêmes  lois. 
Enfin,  du  10  brumaire  an  XII  au  25  mars  1813,  deux  petits 
domaines  ont  été  cédés  à  la  caisse  d'amortissement  2. 

Des  documents  précis  permettent  de  suivre  l'histoire  d'un 
domaine  du  Pas-de-Calais  de  1791  à  1815  :  c'est  celui  du  mar- 
quis d'IIumerœuil,  dont  les  biens  ont  été  confisqués  pour  fait 
d'émigration.  Les  biens  fonds  vendus  en  exécution  des  lois  anté- 
rieures à  celles  du  12  prairial  an  III  qui  ne  prescrivaient  qu'une 
simple  estimation  préalable  sont  :  29  thermidor  an  II,  une 
ferme,  bâtiment  et  les  dépendances,  d'une  contenance  de 
46  mesures  de  manoir,  en  y  comprenant  le  château  et 
136  mesures  de  terre,  à  Humerœuil,  vendus  65.000  livres  en 
assignats  ;  12  pluviôse  an  II,  une  maison  à  Hesdin,  vendue 
17.150  livres  ;  8  frimaire  an  II,  31  mesurés  62  verges  1/2  de 
terre     labourable     et    bois    taillis,    à    Labeuvrière,     vendus 

1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais,  série  Q.  Vente  des  biens  nationaux. 


LES    13IPÔTS    ET    LES    BIENS   NATIONAUX  167 

40.390  livres  en  vingt  lots  séparés  ;  2  ventôse  an  III,  une 
maison,  grange  et  bâtiment  avec  \3  mesures  75  verges  de 
manoir  et  terre,  à  Lugy,  vendus  26.325  livres  en  neuf  lots 
séparés;  7  nivôse  an  III,  un  quart  de  la  ferme  de  Château- 
Jol}^,  à  Vitte,  Aire  et  Blaringhen,  vendu  18.750  livres; 
4  nivôse  an  III,  2  mesures  3  quartiers  de  manoir,  à  Hume- 
rœuil,  vendus  9.200  livres;  20  verges  de  manoir,  3.300  livres; 
une  demi-mesure  de  manoir.  4.050  livres;  sept  quartiers  de 
manoir,  9.150  livres  ;  30  verges  de  manoir,  3.850  livres  ; 
3  mesures  de  manoir,  8.000  livres;  2  mesures  1/2  de  manoir, 
7.850  livres;  33  mesures  de  manoir  vendues  en  21  lots 
séparés  30.725  livres  ;  7  mesures  50  verges  de  terre  vendues 
en  cinq  lots  séparés  4.900  livres  ;  14  nivôse  an  III,  37  mesures 
66  verges  de  terres  à  labour  vendues  en  25  lots  séparés 
23.065  livres;  24  frimaire  an  III,  6  quartiers  de  manoir 
2.100  livres. 

Les  biens  fonds  aliénés  en  vertu  de  la  loi  du  12  prairial  an  III, 
et  des  lois  ou  décrets  postérieurs  qui  ordonnaient  la  recherche  et 
l'indication  préalable  du  revenu  de  1790  se  répartissent  de  la 
façon  suivante  :  H  vendémiaire  an  IV,  13  mesures  de  manoir 
à  Hezecques  ;  12  thermidor  an  IX,  une  ferme,  un  quartier  de 
manoir,  5  mesures  de  bois  et  66  mesures  1  quartier  de  terres, 
à  Auchel  et  à  Cauchy  ;  17  thermidor  an  IV,  une  autre  ferme  à 
Hercqueliers  ;  12  fructidor  an  IV,  un  bois  à  Auchel  ;  27  bru- 
maire an  V,  deux  maisons  et  leurs  dépendances  à  Hernicourt  ; 
1 1  frimaire"  an  V,  2  mesures  1  quartier  de  terre  à  labour,  à 
Noyelles  ;  30  frimaire  an  V,  un  bois  à  Lapugnoy  ;  15  nivôse 
an  VI,  55  verges  de  terre  à  Humerœuil  ;  16  frimaire  an  VI, 
une  parcelle  de  terre  à  labour  à  Couchy  ;  27  ventôse  an  VI, 
six  quartiers  de  terre,  à  Humerœuil  ;  à  la  même  date,  le  bois 
d'IIumerœuil  ;  13  germinal  an  VII,  une  parcelle  de  terre  à 
labour  à  Valchion.  Aucune  vente  postérieurement  à  l'an  VII. 

La  vente  des  domaines  des  marquis  d' Humerœuil  s'est  effec- 
tuée par  conséquent  de  l'an  II  à  Fan  VIL  La  portion  la  plus 
importante,  le  château  d'Humerœuil,  fut  vendue  en  un  seul  lot; 


168  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

au  contraire,  les  terrains  de  culture  ont  subi  un  véritable 
morcellement.  La  famille  Belvalet  d'Humerœuil  racheta  pen- 
dant le  Consulat  et  l'Empire  un  certain  nombre  de  lots  :  le 
12  vendémiaire  an  XII,  à  la  veuve  Monflin  et  aux  héritiers 
de  Dominique-Joseph  Monflin,  les  trois  quarts  de  la  ferme 
nommée  le  Château-Joly  au  prix  de  S.OOOfr.  ;  le  14  vendé- 
miaire an  Xll,  à  Maximilien  Dussart,  une  mesure  et  demie 
déterre  à  Humerœuil,  au  prix  de  100  fr,,  alors  que  ce  lot 
avait  été  vendu  1.000  fr.  en  assignats;  le  même  jour,  à  Fer- 
dinand Paillard,  cinq  quartiers  de  terre  à  Humerœuil  au  prix 
de  100  fr.,  alors  que  ce  lot  avait  été  vendu  750  livres  en 
assignats  ;  le  28  pluviôse  an  X,  à  Jean-Baptiste  Demond, 
3  mesures,  33  verges  de  terre,  également  à  Humerœuil,  au 
prix  de  200  fr.,  alors  que  ce  lot  avait  été  vendu  2.000  livres 
en  assignats.  Pendant  la  Restauration,  les  Belvalet  à  Hume- 
rœuil réalisèrent  quelques  autres  rachats,  le  30  janvier  1825,  à 
la  veuve  Croquison,  quatre  mesures  de  terre  à  Humerœuil, 
aux  prix  de  13G  fr.,  50,  152  fr.,  25  et  147  fr.  Ils  s'efforcèrent 
également  de  faire  annuler  le  contrat  de  vente  du  château 
d'Humerœil  à  Hutin  et  à  Carpentier,  acquéreurs  pendant  la 
Révolution,  en  se  basant  sur  ce  fait  que  le  procès-verbal  d'ad- 
judication porte,  par  une  erreur  de  copiste,  onze  mesures  au 
lieu  des  seize  qui  représentaient  la  superficie  du  terrain  sur 
lequel  le  château  était  construit  K 

De  même  que  dans  le  département  des  Bouches-du-Rhône, 
peu  de  ventes  nouvelles,  500  environ,  ont  été  faites  dans  le 
département  du  Pas-de-Calais  de  1800  à  1810,  mais  les  droits 
de  pro[)iiété  des  ac(^uéreurs  de  biens  nationaux  ont  été  conso- 
lidés ;  d'anciens  biens  nationaux  ontété  transmis  sous  le  patro- 
nage et  avec  le  concours  de  l'administration  préfectorale. 


Si  nous    résumons    ce  que  nous    avons  appris  de  l'histoire 
financière  du  département  du  Pas-de-Calais,  nous  constatons 

1.  Arcliivos  drpart.  du  Pas-de-Calais.  Dossier  des  domaines  de  M.  de  Belvalet. 


LES    IMPÔTS    ET    LES    HIENS    NATIONAUX  169 

que  le  gouvernement  consulaire  s'est  surtout  attaché  ù  régu- 
lariser la  rentrée  des  impôts  ;  en  matière  financière,  il  a  fait 
œuvre  administrative,  il  n'a  pas  fait  œuvre  législative.  Même 
lors  des  premiers  répartements,  en  l'an  VIII  et  en  l'an  IX,  on 
s'est  basé  sur  les  travaux  de  répartition  de  l'impôt  en  1791 
et  en  1792,  Or,  fait  observer  le  conseiller  général  chargé  en 
l'an  IX  du  rapport  sur  les  contributions  foncières,  «  le  conseil 
a  été  à  même  de  se  convaincre  dès  l'année  dernière  de  l'im- 
possibilité d'une  juste  répartition  entre  tous  les  arrondisse- 
ments communaux,  lorsqu'il  n'est  que  trop  évident  que  la 
seule  base  sur  laquelle  elle  peut  se  fixer  (le  revenu  territorial 
connu)  présente  des  vices  qui  rendent  toujours  cette  opération 
imparfaite;  qu'il  est  de  notoriété  que  l'impartialité  et  la  jus- 
tice n'ont  pas  présidé  toujours  aux  releyés  et  évaluations  des 
terres,  faits  en  l'an  1791,  et  que  la  refonte  des  matrices  est 
généralement  réclamée  pour  faire  disparaître  tant  les  inégalités 
choquantes  qui  existent  très  souvent  entre  deux  communes 
riveraines  dont  le  sol  est  le  même,  que  les  soustractions  de 
territoire  que  l'on  a  même  osé  se  permettre ^  ». 

L'administration  préfectorale,  l'administration  des  contri- 
butions directes,  le  Conseil  général  s'efforcèrent  d'arriver  à 
une  répartition  plus  équitable  ;  il  est  difficile  de  préciser  dans 
quelle  mesure  ils  y  sont  parvenus,  mais  il  est  certain  qu'en 
1810,  il  V  a  progrès  dans  la  gestion  financière.  Cette  admi- 
nistration des  contributions  directes,  dont  les  débuts  avaient 
été  si  pénibles  et  si  orageux,  comme  le  prouvent  les  nom- 
breuses plaintes  portées  contre  ses  représentants  et  ses  agents, 
s'est  épurée,  s'est  en  quelque  sorte  assise  et  a  pris  réellement 
possession  des  fonctions  qui  lui  sont  attribuées  dans  l'organi- 
sation nouvelle.  Gela  ne  signifie  pas  que  le  contribuable  paie 
moins,  mais,  étant  donné  que  les  charges  de  l'Empire  ne 
cessent  de  s'accroître,  on  est  étonné  de  voir  que  dans  le  dépar- 
tement du  Pas-de-Calais,  le  chiffre  des  contributions  n'a  pas 

1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais,  séi-ie  N,  1.  Conseil   général,   ans  VIII 
et  IX. 


170  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

grandi  en  1810  dans  les  mêmes  proportions.  Le  contribuable 
de  1810  pourrait  du  reste  se  consoler  et  revenir  de  son  irrita- 
tion contre  le  régime  impérial  s'il  lui  était  donné  de  savoir 
que  depuis  1811  il  y  a  toujours  eu  croissance  :  en  1811,  le 
montant  des  contributions  foncière  et  personnelle-mobilière 
est  de  3.372.000  fr.  ;  en  1816,  de  3.372.188  fr.  ;  en  1823,  de 
3.397.619  fr.  ;  en  1833,  de  3.583.112  fr.  ;  en  18io,  de 
3.620.124  fr.  ;  en  1855,  de  3.668.775  fr.  ;  en  1869,  de 
3.841.452  fr.  ;  en  1872,  de  3.900.548  fr.  ;  en  1880,  de 
4.072.760  fr.  ;  en  1890,  de  4.377.356  fr.  ;  en  1899,  de 
4.556.144  fr.  La  comparaison  de  quelques  budgets  commu- 
naux nous  donne  :  commune  d'Achicourt,  1815,  centimes 
additionnels  aux  contributions  foncière  et  mobilière,  233fr.,91  ; 
1899,  438  fr.,  70  ;  conjmune  d'Affringues,  centimes  addition- 
nels, 55fr.,20;  1899,  52  fr.,  60;  commune  d'Aix-Noulette, 
1815,  centimes  additionnels,  254  fr.,  12;  1899,  361  fr.,  22; 
pour  les  mêmes  sommes,  le  total  des  recettes  du  budget 
communal  est  le  suivant  :  Achicourt,  1815,  1.490  fr.,  52 
(dépenses,  1.092  fr.,  75)  ;  1899,  18.097  fr.,  23  (dépenses, 
13.073  fr.,  90);  Affringues,  1815,  219  fr.,  13  (dépenses, 
246fr.,36);  1899,  2.792  fr.,  39  (dépenses,  2.446  fr.,  81); 
Aix-Noulette,  1815,  1.374  fr.,  39  (dépenses  1.029  fr.  75); 
1899,  16.812  fr.,  98  (dépenses,  11.242  fr.,  46)  K 

Malgré  toutes  les  réformes,  malgré  toutes  les  mesures  «  révo- 
lutionnaires »,  la  Révolution  n'a  pu  doter  la  France  d'un 
budget  en  équilibre  ;  Napoléon  a  recueilli  de  la  République 
ce  désagréable  héritage  et  il  l'a  transmis  à  la  Restauration 
avec  les  additions  de  dix  années  de  guerre.  Notre  histoire  finan- 
cière depuis  deux  siècles  est  celle  de  l'avalanche  qui  descend 
le  long  des  flancs  de  la  montagne  ;  le  contribuable  est  en  droit 
de  se  demander  quelles  dimensions  atteindra  cette  boule  de 
neige  inquiétante. 

1.  Le  Pas-de-Calais  au  XIX'  siècle.   1.  Administration  générale,  pp.   CLXV 
et  ss. 


CHAPITRE  YI 


L'INSTRUCTION  PUBLIQUE 

I.  L'enseignement  primaire  et  l'enseif^nement  secondaire  avant  la  Révolution. 
—  Les  collèges  d'Arras,  de  Saint-Umer,  de  Boulogne,  de  Calais,  de  Mon- 
li-euil,  etc.  —  L'enseignement  primaire  organisé  dans  les  villes,  très  rudi- 
mentaire  dans  les  campagnes. 

II.  Pendant  la  Révolution,  fermeture  des  collèges  et  d'un  grand  nombre 
d'écoles.  —  Les  lois  qui  ont  pour  but  l'organisation  de  l'instruction  restent 
sans  application.  —  L'école  centrale  de  Boulogne. 

III.  L'enseignement  secondaire  de  1800  à  ISIO.  —  Vains  efforts  de  la  ville 
d'Arras  pour  avoir  un  lycée.  —  Ecoles  secondaires  communales  et  écoles 
secondaires  particulières. 

IV.  L'enseignement  primaire  de  1800  à  1810.  —  A'œuxdes  conseils  d'arrondis- 
sement. —  Le  conseil  général  et  l'enseignement  primaire. 

y.  Ecole  de  médecine  et  de  chirurgie  d'Arras. 
VI.  Conclusion. 

1 

Avant  d'examiner  ce  qui  a  été  fait  dans  le  département  du 
Pas-de-Calais,  de  1800  à  1810,  en  faveur  de  l'instruction 
publique,  il  est  nécessaire  d'étudier  rapidement  quel  était  en  1 789 
l'état  de  l'enseignement  secondaire  et  de  l'enseignement  pri- 
maire dans  les  territoires  qui  ont  formé  ce  département  ;  il  est 
nécessaire  également  de  voir  ce  qu'étaient  devenues  pendant  la 
Révolution  les  diverses  institutions  qui  prospéraient  en  1789. 

On  comptait  dans  le  Pas-de-Calais,  avant  la  Révolution, 
quinze  collèges  de  garçons.  Le  collège  d'Arras  était  dirigé  par 
les  Oratoriens  depuis  1777;  le  père  Frigard  en  était  supérieur 
et  le  Père  Spitalier  du  Seillans,  préfet  des  études  ;  neuf  pro- 
fesseurs enseignaient  depuis  la  septième  jusqu'à  la  philosophie 
inclusivement  et  le  pensionnat  occupait  trois  autres  maîtres. 
Parmi  ces  professeurs,  il  j  avait  un  professeur  de  physique, 
un  professeur  de  logique  et  un  professeur  de  rhétorique.  Sous 
le  patronage  de  l'évêque,  les  oratoriens  avaient  établi  une 
académie  pour  les  élèves  de  philosophie,  de  rhétorique  et   de 


172  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

seconde;  Joseph  Le  Bon,  le  futur  conventionnel,  fit  partie  de 
l'Académie  de  rhétorique  et  composa  en  1781  une  pièce  de 
poésie  en  l'honneur  de  la  naissance  du  Dauphin.  Le  nombre 
des  élèves  était  assez  considérable,  mais  la  situation  financière 
du  collège  se  trouvait  très  obérée  et  les  Oratoriens  durent  en 
1781  contracter  un  emprunt  de  40.000  livres. 

A  Saint-Omer,  il  n'y  avait  pas  moins  de  trois  collèges  : 
d'abord  le  collège  Saint-Bertin,  sous  la  direction  de  l'abbaye 
de  Saint-Bertin,  fondé  le  1*""  mars  1561  par  Gérard  d'Hamé- 
ricourt,  69""'  abbé  de  Saint-Bertin;  c'était  en  réalité  plutôt 
un  pensionnat,  les  élèves  suivant  le  cours  du  collège  français. 
Un  religieux  du  couvent  de  Saint-Bertin  remplissait  les  fonc- 
tions de  préfet  et  de  supérieur  (Dom  Dufour  en  1789)  et  un 
autre  moine  était  régent  et  économe  (Dom  de  Witte  en  1789). 
11  y  avait  eu  jusqu'à  quarante  boursiers  «  à  qui  on  fournissait 
gratuitement  le  logement,  la  nourriture,  le  chauffage;  ils 
devaient  pourtant  donner  20  écus  pour  l'habillement  et 
5  pour  les  domestiques;  ils  pouvaient  rester  tout  le  temps 
nécessaire  pour  faire  leurs  humanités,  mais  ils  devaient  rem- 
porter un  prix  chaque  année,  faute  de  quoi  ils  étaient  éliminés 
et  remplacés  »  '. 

Le  collège  français,  dû  également  à  l'initiative  de  Gérard 
d'Haméricourt,  avait  été  inauguré  le  15  janvier  1569  et  confié 
aux  Jésuites  ;  il  portait  alors  le  nom  de  «  Collège  des  Jésuites 
Wallons  ».  Les  Pères  de  la  Doctrine  chrétienne  furent  chargés 
de  l'établissement  en  1777.  On  y  comptait  vers  1789  80  pen- 
sionnaires, 300  élèves  externes  ;  le  personnel  se  composait 
d'un  recteur  et  principal,  d'un  procureur  et  sous-principal, 
d'un  préfet  des  études,  d'un  préfet  du  pensionnat,  d'un  sup- 
pléant, d'un  professeur  de  rhétorique,  d'un  professeur  d'his- 
toire, d'un  professeur  d'histoire  naturelle  et  de  six  autres  pro- 
fesseurs :  ((  Les  professeurs,  persuadés  de  la  nécessité  de  faire 
marcher  les    sciences  exactes  avec  celles   qui  ornent   l'esprit 

1.  G.  DE  Hauteclocoije,  L'ensei(fnement  dans  le  Pas-de-Calais  jusqu'en 
1804,  pp.  151-153,  375-379. 


l'instruction  publique  173 

et  règ-lenL  le  goût,  avaient  établi  une  chaire  de  mathématiques. 
Dans  chaque  classe,  pour  rendre  plus  utiles  et  plus  intéres- 
sants les  ouvrages  des  anciens  remis  aux  élèves,  on  joignait 
à  ces  ouvrages  l'histoire  des  peuples  chez  lesquels  ils  avaient 
pris  naissance.  De  grandes  cartes  peintes  sur  le  plancher 
retraçaient  continuellement  aux  élèves  la  marche  des  héros 
dont  l'histoire  faisait  le  sujet  de  leurs  études  et,  pour  les  habituer 
à  marquer  la  situation  des  lieux  et  leurs  distances  mutuelles, 
ils  étaient  chargés  de  les  rétablir  ou  de  les  refaire  tous  les  ans  ; 
aussi  la  géographie,  qu'on  appelle  à  si  juste  titre  le  flambeau 
de  l'histoire,  y  était  enseignée  avec  beaucoup  d'étendue*  ». 
A  l'époque  de  la  Révolution,  le  P.  de  Torcy  était  recteur,  le 
P.  Guillemont,  préfet,  le  P.  Blanchard,  suppléant,  les 
PP.  Flament,  Milon,  Froussart,  Cuitot,  Carré,  de  Sainte- 
Luce,  Sabbatieret  Bouffier,  professeurs. 

Un  établissement  d'un  caractère  tout  à  fait  spécial  était  le 
célèbre  collège  anglais  où  le  grand  patriote  de  l'Irlande, 
Daniel  O'Gonnell,  fit  ses  études.  Le  collège  anglais  avait  été 
fondé  en  1593  par  les  Jésuites  pour  servir  d'asile  et  d'établis- 
sement d'enseignement  aux  jeunes  catholiques  anglais  proscrits 
des  universités  d'Oxford  et  de  Cambridge  ;  lors  de  l'expulsion 
des  Jésuites,  ceux-ci  furent  remplacés  par  des  prêtres  séculiers 
anglais  et  Albon  Butler  administra  brillamment  le  collège  de 
1760  à  1773.  En  1790,  il  y  avait  au  collège  anglais  166  pen- 
sionnaires ;  M.  Grégoire  Stapleton  en  était  alors  recteur,  Patrice 
Keating,  vice-président  et  Cornwhuit,  procureur  2. 

Les  Oratoriens  s'étaient  établis  à  Boulogne  dès  1632  et  y 
avaient  pris,  à  la  demande  de  l'administration  municipale,  la 
direction  du  collège.  Le  personnel  du  collège  de  Boulogne 
comprenait,  en  1788,  un  supérieur,  le  Père  Cazin,  un  préfet 
des  études  et  sept  professeurs  enseignant  depuis  la  philosophie 
jusqu'à  la  sixième  inclusivement  ;  il  y  avait  en  moyenne 
vingt    élèves  par  classe.    Daunou  y  fut  élevé   et  y  enseigna. 

1.  G.  DE  Hauteclocque,  op.  cit.,  pp.  152-159,379-386 

2.  G.  DE  Hauteclocque,  op.  cit.,  pp.  159-165. 


174  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

A  côté  du  collège  des  oratoriens,  existait  le  Petit  Séminaire, 
bâti  et  doté  en  1786  par  Mgr  de  Pressy,  évêque  de  Boulogne. 
Cet  établissement  était  fréquenté  en  1789  par  cent  élèves  ; 
des  prêtres  séculiers  le  dirigeaient  ;  les  élèves  n'étaient  reçus 
qu'à  l'âge  de  douze  ans  et  suivaient  les  cours  des  Oratoriens. 
Notons  que  le  supérieur,  l'abbé  Auge,  devint  en  1803  le  direc- 
teur du  collège  Stanislas,  à  Paris.  Le  sous-préfet  de  Boulogne, 
Duplaquet,  dans  une  enquête  faite  en  180G,  dit  de  ces  deux 
établissements  :  <(  Le  petit  séminaire  était  destiné  à  l'ensei- 
gnement de  la  langue  latine  et  des  éléments  des  connaissances 
nécessaires  aux  théologiens  ;  il  offrait  dans  son  pensionnat 
un  avantage  qu'on  ne  trouvait  pas  dans  les  collèges  ;  aussi 
beaucoup  de  parents  préféraient  y  placer  leurs  enfants  plutôt 
que  de  les  mettre  en  pension  chez  des  particuliers  qui  ne 
pouvaient  suivre  les  études  des  collèges  ..  Les  études  suivies 
dans  le  collège  de  Boulogne  étaient  celles  de  la  langue  latine, 
des  belles-lettres  et  des  mathématiques.  La  plupart  des  Ora- 
toriens, qui  avaient  la  faculté  de  quitter  leur  ordre  et  de  s'éta- 
blir, soit  en  se  mariant,  soit  en  prenant  une  cure,  ne  considé- 
raient leurs  fonctions  de  professeur  que  comme  un  emploi 
précaire,  un  pis-aller  qui  ne  devait  durer  qu'un  temps  :  de  là 
vient  le  mouvement  continuel  qui  avait  lieu  dans  les  maîtres 
chargés  de  l'enseignement  dans  les  collèges  et  le  peu  de  soins 
qu'ils  se  donnaient  en  général  pour  augmenter  les  connais- 
sances qui  leur  eussent  été  nécessaires  dans  des  fonctions 
inamovibles  ^  ». 

Le  collège  de  Calais  n'avait  été  réellement  organisé  qu'en 
1726,  époque  où  les  classes  avaient  été  confiées  aux  Pères  de 
Saint-François  de  Paule,  dits  Minimes.  Il  y  eut  jusqu'à  cinq 
professeurs  et  douze  à  quinze  élèves  par  classe  ;  mais  la  ville 
de  Calais  très  endettée  ne  tenait  plus  les  promesses  qu'elle 
avait  faites  aux  Minimes  lors  de  leur  établissement  et  le  col- 
lège fut  fermé  en  1790,  faute  d'élèves  et  d'argent  ;  il  n'y  avait 

1.   Archives  départ,  du  Pas-de-Calais.  Statisliqu'.  comparative   en  1789  et 
en  l'au  IX.  Rapport  du  sous-prcfet  de  Boulogne,  le  21  septembre  IHOô. 


l'instruction  plblkjle  175 

plus  alors  que  deux  religieux,  le  P.  Debloët,  ancien  régisseur 
et  le  P.  Michel  Claude,  bibliothécaire'. 

Aire  possédait  un  collège  échevinal  fondé  au  xvi"  siècle, 
puis  confié  aux  Jésuites  ;  lorsque  ceux-ci  furent  chassés  en 
1762,  leur  maison  très  prospère  comptait  200  élèves  ;  après 
avoir  été  fermé  de  1762  à  1778,  le  collège  d'Aire  rouvrit  sous 
la  direction  des  Pères  de  la  Doctrine  chrétienne.  A  l'époque 
delà  Révolution,  le  nombre  d  élèves  était  de  150  et  le  person- 
nel se  composait  du  P.  Moreau,  recteur,  du  P.  Grenet,  préfet, 
des  PP.  Monnaire,  Dubos,  Mamonet,  Lepieux  et  Vincent'"'. 

A  Béthune,  également,  existait  un  collège  fondé  par  les 
Jésuites  et  confié  en  1777  aux  Oratoriens  ;  ce  collège  n'avait 
pas  de  pensionnaires,  mais  il  recevait  jusqu'à  300  externes. 
Le  personnel  comprenait  en  1792:  les  PP.  Baland,  supérieur, 
de  La  Sillonnière,  préfet,  Blaimond,  professeur  de  rhétorique, 
Dupont,  Petit,  Féret,  Hieulle,  Audry  et  Armand. 

Les  Carmes  établis  à  Montreuil  furent  chargés  de  diriger  un 
collège  dans  cette  ville,  en  1721  ;  au  commencement  de  Tannée 
1791,  le  P.  de  Baillencourt  dit  Courcol  était  supérieur,  le  P. 
Leclercq,  procureur,  les  PP.  Toursel,  Prévôt,  Lemaire  et  Soyez, 
professeurs  '^.  Le  sous-préfet  de  Montreuil  dit  de  cet  établisse- 
ment :  «  Le  collège  de  Montreuil  était  desservi  par  les  Pères 
Carmes  ;  ces  religieux,  en  général  peu  instruits,  surtout  dans 
les  provinces,  ne  pouvaient  que  faire  perdre  à  la  jeunesse  un 
temps  précieux  ;  aussi  les  personnes  qui  avaient  de  l'aisance 
préféraient  d'envoyer  leurs  enfants  au  collège  des  Orato- 
riens à  Boulogne  ^  ». 

En  outre  du  collège  de  Montreuil,  les  Carmes  dirigeaient, 
depuis  le  xvn^  siècle,  le  collège  de  Saint-Pol,  dont  les  cours 
étaient  suivis  en  1790  par  cent  élèves,  sous  la  direction  d'un 
prieur,  le  P.    Lambert,  et  de   cinq  professeurs  choisis  parmi 

1.  G.  DE  Hauteclocque,  op.  cil.,  pp.  J83-186,  p.  418. 

2.  Ihid.,pp.  186-190,  p.  f23. 
.3.  Ibid.,  p.  436. 

4  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais.  Statistique  comparative  en  1"89  et  en 
l'an  IX.  Rapport  du  sous-préfet  de  Montreuil  Poulticr,  30  mars  1807. 


176  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

les  quinze  religieux  de  la  coinmunautéi.  Ces  relig-ieux  adminis- 
traient encore  le  collège  d'Ardres,  fondé  en  16G9. 

Le  collège  d'Hesdin  devait  son  origine  aux  Jésuites  (1612)  ; 
il  compta  jusqu'à  200  élèves  ;  dans  la  suite,  les  classes  furent 
confiées  à  sept  prêtres  séculiers,  les  abbés  Dufour,  Rivière, 
Ducrocq,  Laisné,  Després,  Wambeille  et  Varlet.  «  Le  collège 
d'Hesdin,  desservi  par  des  prêtres  séculiers  à  la  nomination 
de  l'évêque  de  Saint-Omer,  lisons-nous  dans  le  rapport  du 
sous-préfet  de  Montreuil,  sans  avoir  la  réputation  «dont  il 
jouissait  sous  les  Jésuites,  était  néanmoins  très  fréquenté. 
L'instruction  était  bonne  et  il  en  sortait  des  sujets  qui  se  dis- 
tinguaient dans  les  universités.  Ce  collège  eût  été  beaucoup 
meilleur,  si  l'évêque  n'eût  pas  changé  aussi  fréquemment  les 
professeurs  ;  il  ne  les  y  laissait  ordinairement  que  deux  ou 
trois  ans,  lorsqu'ils  sortaient  du  séminaire  et  il  en  disposait 
pour  les  placer  en  qualité  de  vicaires  selon  ses  besoins,  de 
sorte  qu'à  peine  pouvaient-ils  prendre  un  bon  mode  d'ensei- 
gnement '^  », 

Enfin,  nous  devons  encore  signaler  à  Bapaume  un  petit 
collège  tenu  par  trois  prêtres  séculiers,  et  à  Lens^  une  pédago- 
gie avec  trois  professeurs  et  un  principal  ecclésiastique. 

L'enseignement  secondaire  des  garçons  était,  comme  on  le 
voit  par  ce  rapide  aperçu,  assez  sérieusement  organisé  dans 
le  département  du  Pas-de-Calais  avant  la  Révolution  ;  le 
nombre  des  établissements  était  bien  suffisant  ;  il  eût  été  seu- 
lement nécessaire  d'unifier  les  programmes,  les  méthodes 
d'enseignement,  de  donner  une  certaine  direction  au  personnel 
enseignant. 

Il  existait  dans  le  département  du  Pas-de-Calais,  antérieu- 
rement à  la  Révolution,  un  certain  nombre  de  couvents  dont 
les  religieuses  se  consacraient  à  l'enseignement  des  jeunes 
filles  qui  désiraient  avoir  une  instruction  plus  étendue  que  les 

1.  G.  DE  Haiiteclocque,  op.  cit.,  p.  4  i3. 

2.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais.  Rapport  du   sous-préfet  de  Montreuil 
déjà  cité. 


l'instruction  publique  ,         177 

rudiments  de  la  lecture,  de  l'écriture  et  du  calcul  ;  toutefois 
les  programmes  d'enseignement  y  étaient  encore  très  élémen- 
taires. A  Arras,  on  trouvait  l'établissement  des  Ursulines 
fondé  en  1678  ;  ces  religieuses  étaient  au  nombre  de  trente, 
plus  huit  sœurs  converses,  en  1791  K  En  dehors  de  leur  cou- 
vent d' Arras,  les  Ursulines  possédaient  encore,  à  Saint-Omer, 
un  couvent  fondé  en  1626-1627  par  Agnès  de  Mailly,  dame 
de  Mametz.  On  apprenait  dans  cette  maison  le  catéchisme, 
les  règles  de  la  civilité,  la  grammaire,  la  géographie,  l'arithmé- 
tique, la  lecture  des  manuscrits  et  du  latin;  l'instruction  y 
était  gratuite  pour  les  enfants  pauvres  ~.  On  y  comptait,  en 
1791,  quarante  pensionnaires  et  trois  cents  externes.  De 
même,  à  Boulogne,  où  les  Ursulines  s'étaient  établies  en  1624  ; 
la  réputation  de  l^ur  maison  s'était  étendue  jusqu'en  Angle- 
terre, en  Ecosse  et  Irlande. 

Les  Brigittines,  à  Arras,  recevaient  quelques  pensionnaires, 
ainsi  que  les  Religieuses  dites  du  Soleil,  à  Saint-Omer  ;  les 
Annonciades,  à  Boulogne;  les  Bénédictines  à  Calais,  Les  Dames 
dites  du  Jardin  Notre-Dame,  à  Aire,  comptaient  dans  leur 
établissement,  en  1789,  quarante  internes  et  cent  externes. 
Les  Bénédictines  d'Ardres  instruisaient  de  leur  côté  quelques 
jeunes  filles  admises  comme  pensionnaires.  «  Les  dames 
Bénédictines  de  Sainte- Austreberthe,  à  Montreuil,  tenaient 
dans  leur  abbaye  une  pension  très  renommée  pour  les  jeunes 
demoiselles  ;  elle  était  particulièrement  connue  en  Angle- 
terre ;  les  familles  catholiques  y  faisaient  élever  leurs 
enfants  ^  >,. 

Quant  à  l'enseignement  primaire,  il  n'était  réellement  orga- 
nisé que  dans  les  villes  et  les  centres  importants  et,  à  ce 
point  de  vue,  les  Frères  des  Ecoles  Chrétiennes  ont  rendu  des 
services  analogues  à  ceux  que  les  Jésuites  et  après  eux  les 
Oratoriens  ont   rendus  à  l'enseignement  secondaire.  A  Arras, 

1.  G.  DE  Hautecloque,  op.  cit.,  pp.  356-357. 

2.  Ibid.,  pp.  166-168. 

3.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais.  Statistique  comparative  en  1789  et  en 
l'an  IX,  rapport  du  sous-préfet  Poultier. 

Ghavanon  et  Saint- Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  ISOOklSfO.  12 


178  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

nous  ne  constatons  pas  d'organisation  sérieuse  avant  la  seconde 
moitié  duxvm"  siècle,  puisque  MgrdeConzié,  évêque  d'Arras, 
((  frappé  de  l'ignorance  qu'il  a  reconnue  dans  la  plupart  des 
enfants  de  la  ville  et  cité  d'Arras  et  tout  particulièrement  chez 
les  enfants  pauvres,  privés  des  choses  les  plus  nécessaires  à 
la  religion  et  à  la  société,  forme  le  projet  d'établir  en  cette 
ville  et  cité,  comme  il  a  été  fait  dans  la  plupart  des  villes  du 
royaume,  pour  l'instruction  de  ces  enfants,  des  écoles 
publiques  »  ;  les  trois  écoles  des  Frères  des  Ecoles  Chrétiennes 
ne  fonctionnent  toutefois  qu'en  1788  ^ 

Mgrde  Valbelle,  évêque  de  Saint-Omer,  avait  fait  appel  aux 
mêmes  Frères  dès  1720;  l'école  Sainte-Marguerite  reçut  jus- 
qu'à six  cents  enfants  ;  dans  la  même  ville,  à  la  maison  dite 
des  Bleuets,  fondée  en  1002,  on  instruisait  treize  enfants 
pauvres,  en  vue  de  leur  donner  un  état.  En  1710,  l'évêque  de 
Boulogne,  Mgr  de  Langle,  confia  de  son  côté  l'enseignement 
primaire  aux  Frères,  M.  de  Hauteclocque  nous  avoue  que 
«  l'éducation  de  la  jeunesse  était  fort  négligée  à  Calais,  quand 
le  Magistrat,  en  1700,  demanda  deux  Frères  des  Ecoles  Chré- 
tiennes^ »  ;  nous  trouvons  encore  des  Frères  à  Aire  et  à 
Bapaume. 

Une  statistique  du  district  de  Calais,  qui  indique  les  éta- 
blissements d'instruction  existant  dans  cette  partie  du  dépar- 
tement en  1790,  cite  deux  écoles  pour  les  garçons,  une  école 
pour  les  filles  à  Ardres,  deux  écoles  pour  les  garçons,  une 
école  pour  les  filles  à  Guînes  et  quarante-quatre  écoles  mixtes 
dans  d'autres  localités  ^.  Mais  d'autre  part,  si  nous  lisons  le 
rapport  du  sous-préfet  Poultier  sur  l'état  comparatif  de  l'ar- 
rondissement de  Montreuil  en  1789  et  en  l'an  IX,  nous  y 
voyons  que  «  Montreuil  n'avait  point  d'écoles  gratuites  pour 
les  garçons  ;  les  filles  trouvaient  dans  celle  des  sœurs  de  la 
Providence  les  moyens  d'apprendre  à  lire  et    à    écrire    et   les 

1.  G.  i>E  Hauteci-ocqle,  op.  cil.,  pp.  bb  59 

2.  Ihid.,  pp.  75-76. 

3.  Ihid.,  p.  95. 


l'instruction    PLUL1QCI-:  170 

principes  de  la  religion  ;  une  semblable  école  de  la  Provi- 
dence existait  à  Hesdin,  où  Ton  trouvait  en  outre  une  école 
gratuite  pour  les  garçons  tenue  par  un  seul  maître  ^  ».  Entre 
les  deux  opinions  extrêmes  qui  veulent,  l'une  que  l'enseigne- 
ment primaire  ne  date  que  du  xix*"  siècle,  l'autre  qu'il  ait  été  orga- 
nisé dans  presque  toutes  les  paroisses  antérieurement  à  la 
Révolution,  il  nous  paraît  juste  d'adopter  une  formule  un  peu 
moins  absolue  :  dans  les  villes  et  les  bourgs  relativement 
peuplés,  il  existait,  surtout  à  partir  de  la  seconde  moitié  du 
xvni*"  siècle,  un  nombre  presque  suffisant  d'écoles  pour  les 
deux  sexes,  mais  dans  la  majorité  des  communes  rurales,  il 
restait  encore  beaucoup  à  faire. 

II 

Nous  sommes  obligés  de  constater  qu'à  ce  point  de  vue,  la 
Révolution,  tout  au  moins  en  ce  qui  concerne  le  département 
du  Pas-de-Calais,    n'a  pas  créé,  mais  qu'elle  a  plutôt  détruit. 

Tous  les  collèges  étaient,  comme  nous  l'avons  vu,  dirigés 
et  administrés  par  des  ecclésiastiques  :  jusqu'à  l'époque  du 
serment  constitutionnel,  l'enseignement  secondaire  suivit  son 
cours  normal;  puis,  le  serment  constitutionnel  amena  déjà  la 
fermeture  d'une  partie  des  établissements,  notamment  du 
Petit  Séminaire  de  Boulogne,  dont  les  supérieurs  refusèrent 
de  prêter  le  serment,  du  collège  des  Carmes  à  Montreuil,  du 
collège  d  Hesdin  où  les  prêtres  séculiers  n'enseignèrent  que 
jusqu'au  12  septembre  4792,  des  collèges  des  Carmes  à  Saint- 
Pol  et  à  Ardres.  Dans  les  collèges  tenus  par  les  Oratoriens  et 
les  Doctrinaires,  un  certain  nombre  de  professeurs  adoptèrent 
avec  enthousiasme  les  idées  nouvelles  ;  cependant,  le  P.  Fri- 
gard,  supérieur  du  collège  d'Arras,  et  sept  professeurs  se  reti- 
rèrent ;  deux  préfets  et  quatre  professeurs  du  Collège  français 
de  Saint-Omer,  le  directeur  et  le  procureur  du  collège  de  Saint- 

1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais.  Statistique  comparative  en  1789  et  en 
l'an  IX.  Rapport  du  sous-préfet  de  Montreuil,  Poultier. 


180  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Bertin,  le  P.  Badolier,  professeur  de  rhétorique  à  Béthune, 
le  P.  Moreau,  recteur  à  Aire,  le  préfet  et  trois  professeurs  du 
collègue  d'Aire  les  imitèrent.  Ceux-là  même  qui  étaient  restés 
se  montraient  plus  assidus  dans  les  clubs  que  dans  leurs 
classes  :  les  PP.  Ecuyer,  Estienne  et  Brayer  prenaient  part 
aux  séances  les  plus  orageuses  de  la  Société  des  Amis  de  la 
Constitution,  à  Arras,  en  1790-1791  ;  le  P.  Estienne  y  pronon- 
çait même  un  discours  sur  l'éducation  publique  qu'il  fît  impri- 
mer. Le  P.  Berbet  devint  en  1794  membre  du  district  de 
Bapaume  et  fit  ensuite  partie  de  l'administration  de  la  ville 
d' Arras;  le  supérieur  du  collège  d' Arras  en  1791,  le  P.  Spi- 
talier  du  Seillans,  fut  le  président  de  la  société  des  Amis  de 
la  Constitution  ;  il  publia  un  avis  pour  prouver  la  légitimité 
de  la  vente  des  biens  nationaux  et  demanda  la  fermeture  des 
chapelles  des  couvents  ;  on  le  retrouve  vicaire  épiscopal  de 
l'évêque  constitutionnel,  Porion. 

En  1793,  voici  le  sort  des  quinze  collèges  du  département  : 
le  collège  de  Saint-Bertin,  à  Saint-Omer,  sert  de  dépôt  de 
livres;  le  Collège  français,  de  la  même  ville,  est  transformé 
en  maison  d'arrêt,  ainsi  que  le  collège  anglais  (plus  tard  hôpi- 
tal militaire)  ;  le  collège  de  Boulogne  est  devenu,  de  même 
que  le  collège  d' Arras,  un  atelier  pour  la  réparation  des  armes 
de  guerre  ;  le  collège  de  Béthune  est  une  maison  d'arrêt  et 
celui  de  Saint-Pol,  un  tribunal  ;  enfin  le  collège  de  Bapaume 
est  vendu  en  179S  comme  bien  national.  La  loi  du  18  août 
1792,  qui  prescrit  qu'aucune  congrégation  religieuse  ne  peut 
être  désormais  chargée  de  l'instruction  de  la  jeunesse,  a 
anéanti  les  établissements  d'enseignement  secondaire  dans  le 
département  du  Pas-de-Calais.  Le  15  décembre  1792,  les 
administrateurs  du  département  prenaient  en  outre  un  arrêté 
ainsi  conçu  :  «  Vu  les  plaintes  parvenues  à  l'administration 
au  sujet  des  émigrés,  des  prêtres  et  des  ci-devant  religieuses 
hospitalières  et  des  différents  maîtres  d'école;  considérant  et 
lés  circonstances  où  la  République  française  se  trouve  aujour- 
d'hui et  l'incorrigibilité  sacerdotale  et  l'impuissance  de  toutes 


l'instruction  publique  181 

les  mesures  partielles,  arrête  :  article  G  :  Les  administrateurs 
du  district  et  les  municipalités  ne  permettront  à  aucuns  maîtres 
et  maîtresses  d'école  de  rassembler  la  jeunesse  sous  prétexte 
de  l'instruire,  s'ils  n'ont  prêté  le  serment  prescrit  par  laloi*  ». 
L'enseignement  secondaire  ne  paraît  pas  avoir  beaucoup 
préoccupé  les  administrations  révolutionnaires,  car,  de  1791  à 
1798,  il  y  eut  une  véritable  lacune,  quelques  professeurs 
donnant  seuls  de  rares  leçons  individuelles.  L'école  centrale, 
prescrite  par  les  lois  nouvelles,  fut  établie  à  Boulogne,  dans 
les  bâtiments  du  séminaire,  grâce  à  l'influence  de  Daunou, 
mais  l'ouverture  de  cette  école  n'eut  lieu  que  le  12  juin  1798. 
L'enseignement  devait  y  être  divisé  en  trois  sections  :  la  pre- 
mière section,  où  les  élèves  seraient  admis  à  l'âge  de  12  ans, 
comprendrait  un  cours  de  dessin,  un  cours  d'histoire  naturelle, 
un  cours  de  langues  anciennes  et,  si  possible,  un  cours  de 
langues  vivantes  (anglais  et  allemand);  la  seconde  section,  où 
les  élèves  seraient  admis  à  l'âge  de  14  ans,  un  cours  de  mathé^ 
matiques,  un  cours  de  physique  et  de  chimie  expérimentales  ; 
enfin  la  troisième  section,  où  les  élèves  seraient  admis  à 
16  ans  au  moins,  un  cours  de  grammaire  générale,  un  cours  de 
belles-lettres,  un  cours  d'histoire  et  un  cours  de  législation. 
11  devait  y  avoir  auprès  de  l'école  centrale  une  bibliothèque 
publique,  un  jardin  et  un  cabinet  d'histoire  naturelle,  un 
cabinet  de  physique  et  de  chimie  expérimentales.  L'article  14 
du  règlement  portait  que  le  salaire  annuel  et  fixe  de  chaque 
professeur  serait  le  même  que  celui  d'un  administrateur  du 
département  et  qu'il  serait  de  plus  réparti  entre  les  professeurs 
le  produit  d'une  rétribution  annuelle  fixée  à  25  fr.  par  chaque 
élève  ;  l'administration  pourrait  néanmoins  excepter  de  cette 
rétribution  un  quart  des  élèves  de  chaque  section  pour  cause 
d'indigence.  Un  jury,  qu'on  eut  quelque  peine  à  composer, 
était  chargé  de  désigner  les  professeurs  parmi  les  candidats 
qui  se  présenteraient  à  l'examen  prescrit  par  la  loi.  Un  ancien 

1.  G.  DE  Hauteclocque,  op.  cit.,  p.  222. 


182  LK    PAS-DK-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Oratorien,  Isnardi^  qui  avait  été  préfet  des  classes  au  cqllège 
d'Arras,  puis  directeur  des  cours  publics  créés  en  mars  1792 
par  la  municipalité  d'Arras,  fut  choisi  comme  bibliothécaire  ; 
le  jury  confia  la  chaire  d'histoire  à  Lenglet,  juge  au  tribunal 
du  département,  la  chaire  de  langues  anciennes  à  Delestré, 
ancien  professeur  de  l'Université  de  Paris,  qui  avait  envoyé 
une  traduction  de  Velleius  Paterculus  et  une  édition  complète 
des  racines  grecques,  publiées  par  lui  ;  la  chaire  de  grammaire 
à  Lissés,  ancien  Oratorien  ;  la  chaire  de  belles-lettres,  à  Hen- 
riquez  ;  la  chaire  d'histoire  naturelle  k  Pichon,  ancien  institu- 
teur à  Boulogne  ;  la  chaire  de  mathématiques,  k  Armand 
Maizières,  né  à  Fleury-la-Rivière  (Marne),  élève  de  l'École 
Polytechnique,  enfin  la  chaire  de  dessin  à  Eddropp,  peintre 
de  l'ancienne  Académie  de  Saint-Omer;  mais  la  nomination 
de  ce  dernier  fut  différée  parce  qu'il  était  anglais.  Avant  l'ou- 
verture de  l'école,  des  modifications  étaient  du  reste  faites 
dans  le  personnel  enseignant.  En  l'an  Vil,  il  y  eut  à  l'École 
centrale,  68  élèves  ;  en  l'an  VIII,  51  élèves;  en  l'an  IX,  68, 
puis  85  élèves  ;  la  plupart  de  ces  élèves  étaient  originaires  de 
Boulogne  ou  des  environs  ^. 

Le  choix  de  Boulogne  comme  siège  de  l'École  centrale 
avait  été  en  effet  malheureux  ;  il  avait  excité  les  jalousies  des 
autres  villes  etvil  était  difficile  de  prétexter  la  situation  cen- 
trale de  cette  ville,  Saint-Pol  ou  Saint-Omer  se  trouvant  plutôt 
au  centre  du  département  du  Pas-de-Calais;  les  protestations  de 
la  ville  d'Arras  étaient  particulièrement  vives.  En  outre,  les 
Ecoles  centrales,  telles  qu'elles  étaient  conçues,  représentent 
une  institution  indécise,  mixte,  participant  à  la  fois  de  l'ensei- 
gnement secondaire  et  de  l'enseignement  supérieur;  le  pro- 
gramme des  cours  y  était  trop  élevé  pour  des  enfants,  surtout 
après  l'interruption  d'études  que  venait  de  subir  le  départe- 
ment pendant  six  ou  sept  ans  et  trop  élémentaire  pour  l'en- 
seignement supérieur  auquel  on  semblait  songer.  D'autre  part 

1.  G,  PE  Hauteclocque,  op.  CJÏ.,  pp.  280-321. 


l'instruction  publique  183^ 

les  limites  d'âge  avaient  été  étranglement  établies,  La  Révolu- 
tion avait  détruit  les  quinze  collèges  qui  existaient  en  1789  : 
elle  les  remplaçait  mal  par  l'Ecole  centrale  de  Boulogne. 

Voyons  maintenant  ce  qu'était  devenu  l'enseignement  pri- 
maire. Les  écoles  primaires,  étant  tenues  pour  la  plupart 
par  des  ecclésiastiques  ou  des  congréganistes,  avaient  été 
fermées  en  1792  et  en  1793,  Tousles  maîtres  convaincus  d'avoir 
refusé  le  serment  ou  soupçonnés  de  sentiments  monarchiques 
et  religieux  furent  révoqués.  Mais  il  ne  suffisait  pas  de  fermer 
les  écoles  suspectes  et  de  révoquer  les  maîtres,  il  fallait  les 
remplacer,  sous  peine  de  voir  disparaître  toute  trace  d'instruc- 
tion. Les  lois  votées  en  1793  et  en  1794  avaient  pour  but 
d'organiser  l'enseignement  primaire  ;  elles  étaient  très  pom- 
peuses et  promettaient  de  sérieux  progrès  :  dans  la  pratique 
elles  restèrent  lettre  morte  ou  à  peu  près.  En  1794,  Duflos 
constate  que,  dans  le  district  de  Saint-Pol,  sur  cent  cinquante- 
quatre  communes,  trente-quatre  n'avaient  point  pourvu  à  la 
nomination  d'instituteurs.  La  situation  n'est  guère  plus  satis- 
faisante dans  les  autres  districts  ;  les  écoles  tombent  en  ruines, 
les  maîtres  ne  sont  pas  pas  payés  et  les  classes  sont  désertées. 
La  loi  du  17  novembre  1794  prescrivait  la  création  d'une 
école  par  1.000  habitants,  ce  qui  faisait  un  total  de  300  écoles 
pour  l'ensemble  du  département  du  Pas-de-Calais.  Peu  de 
candidats  se  présentant  pour  être  instituteurs  —  surtout  parmi 
les  anciens  maîtres — ,  les  jurys  d'instruction  durent  accepter  des 
tisserands,  des  cabaretiers,  des  soldats  en  congé  de  convales- 
cence. L'administration  municipale  du  canton  d'Hesdin  écrivait, 
le  il  nivôse  an  VI,  k  l'administration  du  Pas-de-Calais  qu'au- 
cune école  primaire  n'existait  dans  le  canton  et  que  personne 
ne  voulait  être  instituteur  ;  de  même,  l'administration  du  can- 
ton de  Fleury  en  l'an  VIP  . 

Si  l'instruction  des  garçons  est  aussi  précaire,  l'enseigne- 
ment primaire  des  filles  que  la  République  avait  eu  la  louable 

1.  G.  DE  Hauteclocque,  L'enseignement  dans  le  Pas-de-Calais  jusqu'en  IS04, 
pp.  223-263. 


184  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

intention  d'org-aniser  sur  des  bases  uniformes,  est  encore  plus 
théorique  ;  il  a  été  presque  impossible  de  recruter  des  insti- 
tutrices capables  et  présentant  toutes  les  garanties  morales 
indispensables.  Depuis  longtemps,  la  jeunesse  n'avait  pas  été 
aussi  ignorante  qu'on  le  constate  pendant  la  période  qui 
s'étend  de  1792  à  1800. 


III 

Jusqu'à  la  fin  de  l'année  1802,  le  gouvernement  consulaire 
laissa  subsister  l'enseignement  secondaire  tel  qu'il  avait  été 
organisé  en  1798:  il  se  contenta  des  écoles  centrales.  La  loi 
du  1""  mai  1 802  créa  les  lycées  et  supprima  les  écoles  centrales  ; 
un  arrêté  des  consuls  prolongea  toutefois  l'existence  des 
écoles  centrales  jusqu'au  22  mars  1803. 

Le  département  du  Pas-de-Calais,  privé  de  l'école  centrale 
de  Boulogne,  aurait-il  au  moins  un  lycée  ?  Telle  était  la  ques- 
tion qui  préoccupait  à  juste  titre  ses  divers  représentants.  La 
ville  d'Arras  particulièrement  tenait  à  se  voir  attribuer  un 
lycée  ;  elle  confia  le  soin  de  défendre  ses  intérêts  à  Lefebvre- 
Cayet,  député  au  Corps  Législatif.  Le  19  frimaire  an  X,  ce 
représentant  écrit  au  maire  d'Arras  :  «  Vous  savez  qu'il  doit 
être  établi  des  licées  [sic],  des  écoles  spéciales.  Il  n'y  aura 
que  six  écoles  de  droit  dans  la  République.  Il  en  sera  établi 
une  à  Douai  ;  il  paraît  qu'on  ferait  de  vains  efforts  pour  l'avoir 
à  Arras.  »  Autre  lettre,  le  26  pluviôse  de  la  même  année  : 
«  On  m'écrit  du  département  que  le  citoyen  Fourcroy,  con- 
seiller d'Etat,  doit  passer  à  Arras.  C'est  lui  qui  est  chargé 
de  préparer  le  projet  de  loi  relatif  à  l'instruction  publique.  Il 
y  a  plus  d'un  mois  que  je  lui  ai  fait  remettre,  par  le  tribun 
Jacquemont,  qui  le  connaît,  un  petit  mémoire  pour  obtenir 
l'établissement  d'un  licée  à  Arras.  Je  suis  bien  sûr  que  vous 
ne  manquerez  pas  de  lui  faire  observer,  lors  de  son  passage, 
tout  ce  que  la  commune  d'Arras  offre  de  jjropre  à  cet  établis- 
sement. » 


l'instruction    PUI5LIQUE  185 

Lefebvre-Gayet  revient,  dans  une  lettre  du  7  ventôse  an  X, 
sur  l'importance  de  ce  voyage  de  Fourcroy  :  «  Nous  n'étions 
pas,  dit-il,  sans  espoir  d'obtenir  l'établissement  d'un  licée  à 
Arras.  Le  troisième  consul  reconnaît  qu'il  est  de  justice  que 
notre  commune  obtienne  quelque  chose  dans  les  nouveaux 
établissements  qui  se  créent  depuis  quelques  années.  D'un 
autre  côté,  le  ministre  de  l'intérieur,  que  la  députation  a 
encore  vu  le  5  de  ce  mois,  a  pareillement  semblé  prendre  des 
dispositions  qui  nous  étaient  favorables.  Il  a  paru  touché  d'ap- 
prendre que  nous  avions  jadis  un  collège  aussi  florissant  et 
fréquenté  ;  il  savait  que  nous  avions  autrefois  une  académie. 
Il  a  demandé  si  nous  avions  un  local  convenable  pour  le  licée. 
Nous  lui  avons  rendu  compte  de  tous  les  avantages  que  pré- 
sente à  cet  égard  la  ci-devant  abbaïe  de  Siaint-Vaast...  Pour 
peu  d'après  cela  que  le  citoyen  Fourcroy  insistât  en  faveur 
d' Arras,  nous  compterions  beaucoup  sur  le  succès,  mais  la 
lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  le  3  de  ce 
mois  me  donne  beaucoup  d'inquiétudes.  Il  semble  en  résulter 
que  le  citoyen  Fourcroy  pourrait  bien  parler  en  faveur  de 
Douai  et  il  y  aurait  tout  à  craindre  que  son  avis  l'emportât, 
si  en  venant  de  visiter  les  deux  départements,  il  assurait  que 
les  convenances  locales  sont  en  faveur  de  la  commune  de 
Douai,  qui  a  d'ailleurs  pour  elle  d'avoir  été  ci-devant  une 
université  ^  ». 

Mais,  peu  après,  Fourcroy  était  remplacé  à  la  direction  de 
l'instruction  publique  par  Roederer  :  «  Le  corps  législatif, 
écrit  Lefebvre-Gayet  le  26  ventôse  an  X,  sera  réuni  en  session 
extraordinaire  le  l'"'"  germinal  et  le  projet  de  loi  relatif  à  l'ins- 
truction sera  le  premier  qui  lui  sera  soumis.  Gela  ne  doit  pas 
effrayer.  Ce  projet  de  loi  ne  fixera  ni  le  nombre  des  licées  à 
établir,  ni  le  lieu  où  ils  devront  être  placés  ;  on  laissera  au 
gouvernement  le  soin  de  déterminer  ces  choses  ;  il  paraît  que 

1.  Le  rapport  de  Fourcroy  publié  par  M.  Rocquain  dans  son  livre  sur  l'État 
de  la  Fmnce  au  1S  brumaire,  pp.  215-227,  ne  contient  aucun  détail  x*elatif  à 
cette  question  du  lycée  d' Arras. 


186    .  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

le  gouvernement  n'établira  que  successivement  des  licées, 
suivant  que  la  grande  utilité  en  sera  sentie  eu  égard  à  chaque 
localité  et  suivant  qu'il  trouvera  des  hommes  d'un  mérite 
bien  reconnu  et  capables  de  remplir  les  places  de  professeurs  ; 
on  se  propose  de  faire  le  choix  de  ces  hommes  avec  le  plus 
grand  soin  ». 

Le  récit  suivant  d'une  entrevue  entre  Lefebvre-Gayet  et 
Rœderer  montre  très  nettement  quelles  étaient  les  considéra- 
tions qui  devaient  influer  sur  les  choix  du  gouvernement  pour 
l'emplacement  des  lycées  :  «  Le  citoyen  Rœderer  a  observé 
que  l'on  placerait  toutes  les  écoles  de  droit  à  côté  des  tribunaux 
d'appel  et  que  par  suite,  il  était  de  l'intérêt  du  gouvernement 
d'y  placer  aussi  les  licées,  afin  de  n'avoir  qu'une  seule  admi- 
nistration chargée  de  veiller  sur  tous  les  établissements  de 
cette  nature,  qu'il  fallait  par  conséquent  réunir  ;  il  a  aussi 
parlé  de  l'université  qui  se  trouvait  ci-devant  placée  à  Douai  ^  », 
Malgré  l'intervention  active  de  Lefebvre-Gayet  et  surtout  de 
Jacquemont,  malgré  les  démarches  de  Gezeaux,  directeur  de 
l'octroi  d'Arras,  envoyé  à  Paris  par  la  municipalité,  la  ville 
de  Douai,  comme  il  était  facile  de  le  prévoir  d'après  les  consi- 
dérations précédentes,  l'emporta  ;  le  lycée  de  Douai  devra 
être  mis  en  activité  le  l*""  germinal  an  XI  et  le  département 
du  Pas-de-Galais  n'avoir  aucun  établissement  officiel  d'ensei- 
gnement secondaire. 

A  défaut  de  lycée,  la  municipalité  d'Arras  voulait  installer 
dans  cette  ville  au  moins  un  collège.  Le  11  frimaire  an  XI,  le 
maire  écrivait  au  préfet  que  le  «  vœu  très  prononcé  de  tous 
les  pères  de  famille,  celui  non  moins  certain  de  chacun  des 
membres  du  conseil  municipal  est  pour  l'établissement  d'un 
collège  ;  ces  établissemens  communaux  sont  dans  l'intention 
de  la  loi  ;  elle  n'a  pas  voulu  les  ordonner  formellement,  mais 
ils  étaient  dans  le  désir  du  législateur  ».  Tel  n'est  pas  l'avis  du 


1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais,  série  R.  42  pièces  relatives  au  projet 
de  lycée  à  Arras,  an  X-  an  XI. 


l'instruction  publique  187 

Préfet  (alors  représenté  par  le  conseiller  de  préfecture  Gayant), 
car,  cl  la  même  date,  nous  trouvons  un  arrêté  préfectoral  ainsi 
conçu  :  «  Le  préfet  du  département  du  Pas-de-Calais,  consi- 
dérant que  la  loi  du  il  floréal  qui  a  déterminé  les  différens 
degrés  d'enseignement,  ne  fait  aucune  mention  des  collèges 
et  n'en  autorise  pas  l'établissement  ;  qu'elle  dispose  impérati- 
vement que  l'instruction  secondaire  doit  être  reçue  dans  les 
écoles  secondaires  établies  par  des  communes  ou  des  particu- 
liers et  approuvées  par  le  gouvernement  ;  considérant  qu'il 
résulte  du  6'"*'  alinéa  de  l'instruction  du  conseiller  d'Etat  du 
12  messidor  que  le  gouvernement  n'a  pas  voulu  rétablir  les 
anciens  collèges,  afin  de  ne  pas  déti-uire  les  maisons  d'éduca- 
tion particulières,  qui,  nées  récemment  du  besoin  général,  se 
sont  élevées  à  la  demande  des  pères  de  famille,  sous  la  direc- 
tion d'instituteurs  avoués  par  leur  confiance;  qu'il  résulte  aussi 
du  20'"^  alinéa  de  la  même  instruction  que  la  faculté  laissée 
aux  communes  par  la  seconde  disposition  de  l'art,  l*""  de  la 
loi  du  11  floréal  de  faire  ce  à  quoi  l'intérêt  particulier  n'aura 
pas  pourvu,  ne  doit  s'appliquer  qu'au  cas  où  nul  particulier 
n'aurait  pas  formé  avec  succès  une  école  secondaire; 

((  Considérant  que  l'art,  l'"'"  et  2"""  de  l'arrêté  du  4  messidor 
ayant  ordonné  la  formation  d'un  état  des  écoles  de  chaque 
département  susceptibles  d'être  considérées  comme  écoles 
secondaires,  cet  état  a  été  dressé  et  envoyé  au  conseiller  d'Etat 
chargé  de  l'instruction  publique,  en  exécution  de  l'article  3 
du  même  arrêté  ;  que  par  suite,  le  gouvernement  vient  de 
prendre  un  arrêté  qui  établit  à  Arras  deux  écoles  secondaires, 
celles  des  citoyens  Bouleau  et  Deletoile  ;  qu'aux  termes  de 
l'art.  4  du  même  arrêté  du  4  messidor,  les  écoles  comprises 
dans  l'état  approuvé  parle  gouvernement  doivent  porter  seules 
le  titre  d'écoles  secondaires  et  être  seules  admises  à  participer 
aux  encouragements  et  récompenses  mentionnés  en  l'art.  7 
de  la  loi  du  il  floréal  ;  que  d'après  toutes  ces  considérations, 
la  demande  du  maire  d'Arras  est    inadmissible  :  déclare  qu'il 


188  LE    PAS-DE-CALAIS  DE   1800    A     1810 

n'y  a  lieu  d'autoriser  le  conseil  municipal  d'Arras  à  délibérer 
sur  l'établissement  d'un  collège  dans  cette  ville  ^  ». 

Ces  divers  documents  montrent  bien  de  quelle  façon  et 
sous  quelle  forme  le  gouvernement  consulaire  comprenait  la 
réorganisation  de  l'enseignement  secondaire. 

Repoussée  à  cause  de  la  désignation  de  «  collège  »,  la  pro- 
position de  la  ville  d'Arras  est  renouvelée  avec  la  désignation 
d'  «école  secondaire  ».  Le  10  ventôse  an  XI,  le  conseil  muni- 
cipal prend  une  délibération  qui  tend  à  ce  qu'il  soit  établi  à 
Arras  une  école  secondaire  communale  et  à  ce  que  la  ville 
obtienne  la  concession  de  la  maison  nationale  du  Vivier  pour 
y  placer  cette  école.  L'instruction  serait  donnée  dans  l'école 
secondaire  communale  par  quatre  professeurs  de  latin,  un  pro- 
fesseur de  belles-lettres  latines  et  françaises  et  un  professeur 
de  mathématiques,  logique,  physique  et  chimie  ;  ces  profes- 
seurs seraient  nommés  par  le  maire  et  le  conseil  municipal, 
leur  nomination  devant  être  approuvée  par  le  ministre  de  l'in- 
térieur; les  professeurs  de  latin  recevraient  un  traitement 
annuel  de  1 .000  fr.  ;  les  deux  autres  professeurs,  un  traite- 
ment de  1.200  fr.  ;  au  directeur,  serait  attribué  un  traitement 
de  1.800  fr.  et  aux  maîtres  d'études  une  rémunération  de 
300  fr.  Le  prix  de  la  pension  était  fixé  à  400  fr.  par  an  (il 
fut  élevé  ensuite  à  430  fr.)  et  les  externes  verseraient  une 
rétribution  mensuelle  de  4  fr.  L'établissement  de  cette  école 
secondaire  est  enfin  approuvé  par  le  préfet  le  1*"'  floréal  an  XI 
et  autorisé  par  le  gouvernement  le  19  messidor  de  la  même 
année.  La  direction  en  était  confiée  à  l'abbé  Théry,  ancien 
chanoine  d'Arras  ~.  Un  arrêté  ministériel  du  8  prairial  an  XII 
nommait  les  professeurs  suivants  :  Belles-Lettres,  Loyal,  ins- 
tituteur ;  1'*'  et  2™"  classes  de  latin,  Péchena,  desservant  à 
Vaulx  ;  S'""  et  4'"'"  classes  de  latin,  Genel,  prêtre  ;  S™"  et 
6"'"  classes  de  latin,  Roche,  vicaire  de  Saint- Joseph,  à  Arras  ; 


1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais.  Série  R.   Collèges.  Organisation.  Col- 
lège communal  d'Arras,  an  XI. 

2.  Ihid.  Série  R.  Ecoles  secondaires  communales,  an  Xl-an  XII. 


l'instruction  publique  189 

S"""  et  4"'"  classes  de  mathématiques,  Lamy,  professeur  de 
mathématiques  ;  5™®  et  6'""  classes  de  mathématiques,  Delé- 
toile,  professeur  à  Arras'. 

Saint-Omer  avait  précédé  Arras  dans  cette  voie  ;  l'ancien 
pensionnat  du  collègue  français  avait  été  érigé  en  école  seA)n- 
daire  le  23  germinal  an  XI,  sous  la  direction  de  deux  prêtres, 
l'abbé  Lansiarre,  chanoine  honoraire  d'xVrras,  et  l'abbé  Poil- 
lion  ;  le  prix  de  pension  y  était  fixé  h  520  livres-. 

Des  statistiques  très  détaillées  de  l'an  IX  et  de  l'an  X  nous 
permettront  de  montrer  avec  beaucoup  de  précision  l'état  de 
l'enseignement  secondaire  dans  le  département  pendant  le 
Consulat  : 

An  IX.  —  Boulogne  :  quatre  pensionnats,  Liégeard,  Voisin, 
Pichon,  où  les  maîtres  font  répéter  les  cours  de  l'Ecole  cen- 
trale, et  Blériot,  où  l'on  enseigne  la  lecture,  l'écriture,  l'arithmé- 
tique raisonnée,  les  principes  des  langues  française  et  latine  ; 
le  nombre  total  des  élèves  de  ces  quatre  pensionnats  est  de  70. 

Calais  :  cette  ville  possède  une  école  de  dessin  et  de  mathé- 
matiques, spécialement  préparatoire  à  la  navigation,  qui 
compte  25  élèves.  Il  y  a  un  pensionnat  de  garçons  tenu  par 
Lehodey,  avec  30  élèves  ;  le  programme  de  l'enseignement 
comporte  la  lecture,  l'écriture,  l'arithmétique  raisonnée,  les 
principes  des  langues  française,  latine  et  anglaise,  la  géogra- 
phie et  l'histoire.  En  outre,  la  statistique  signale  deux  pen- 
sionnats pour  les  filles,  avec  43  élèves,  mais  l'enseignement 
ne  s'y  élève  guère  au-dessus  d'une  bonne  instruction  pri- 
maire. 

Saint-Omer  :  neuf  pensionnats  pour  les  garçons,  dont  six 
seulement  donnent  réellement  l'enseignement  secondaire  ; 
pour  les  filles,  vingt  et  une  pensions,  qui  sont  plutôt  des 
écoles  primaires  particulières,  où  quelques  arts  d'agrément 
sont  ajoutés  au  programme. 

Aire  :  une    école   salariée  par  la  commune   et  dirigée  par 

1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais.  Série  K.  Décrets. 

2.  Ihid.  Série  R.  Ecoles  secondaires  communales,  an  Xl-an  XII. 


190  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Ernest  Blary,  où  l'on  enseigne  la  langue  latine,  la  géographie, 
l'histoire,  etc.  ;  20  élèves. 

Arras  :  c'est  la  ville  la  mieux  dotée  du  département  k  ce 
point  de  vue  :  10  pensionnats,  avec  310  élèves,  mais  tous  ces 
pensionnats  sont  des  établissements  particuliers,  non  subven- 
tionnés par  la  ville,  encore  moins  par  l'Etat. 

Saint-Pol  :  trois  pensionnats  pour  les  garçons,  où  l'on 
enseigne  les  langues  française  et  latine,  les  mathématiques 
à  56  élèves. 

Montreuil  :  quatre  pensionnats  pour  les  garçons,  avec 
5a  élèves  ;  le  programme  de  ces  divers  établissements  com- 
prend la  lecture,  l'écriture,  les  principes  de  la  langue  française 
et  de  la  langue  latine,  l'arithmétique  et  la  géométrie,  quelque- 
fois l'histoire. 

Bapaume  :  trois  établissements  particuliers  d'enseignement 
secondaire,  avec  75  élèves. 

Béthune  :  six  établissements  particuliers  d'enseignement 
secondaire  K 

Gomme  on  le  voit,  l'enseignement  secondaire  ne  subsiste 
que  grâce  à  l'initiative  privée  :  la  période  de  calme  qui  a 
suivi  la  Terreur,  les  espérances  de  pacification  générale  qu'a 
fait  naître  le  Consulat,  ont  déterminé  la  création  d'un  certain 
nombre  de  pensionnats  ;  mais  l'action  du  gouvernement  et  des 
administrations  départementales  et  communales  est  presque 
insignifiante. 

En  l'an  X,  le  maire  de  Boulogne  donne  les  notes  suivantes 
sur  les  quatre  pensionnats  de  cette  ville  :  Liégeard,  moralité, 
décence,  application  aux  devoirs  de  son  état;  Pichon,  en 
rapide  décadence;  Voisin,  école  de  petit  latin,  médiocre; 
Blériot,  le  plus  fort  pensionnat  en  nombre  d'élèves  ;  «  le  maître 
est  un  ancien  Frère  de  la  Doctrine  chétienne,  étroit  et  médiocre 
comme  le  voulait  l'Institut  de  ces  Frères  ».  A  Calais,  le  maire 


1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais,  série  T.    lustruclioa  publique  ;    états 
dressés  en  l'an  IX. 


l'instruction    PUlîLlQLE  191 

indique  pour  le  pensionnat  Lehodey,  30  élèves  :  «  la  meilleure 
maison  d'instruction  de  Calais  ;  bons  principes  ^  » 

Parmi  ces  pensionnats,  un  état  établi  en  l'an  X  par  le  pré- 
fet indiquait  les  établissements  suivants  comme  susceptibles 
d'être  transformés  en  écoles  secondaires  et  de  participer  aux 
avantaji^es  accordés  par  la  loi  du  1 1  floréal  an  X  : 

((  Boulogne.  —  Liégeart  :  professeur  de  l'Ecole  centrale,  dis- 
tingué par  ses  talens,  par  sa  moralité  et  par  son  instruction  ; 
son  pensionnat  est  parfaitement  tenu,  a  fait  sa  demande  for- 
melle d'entreprendre  une  école  secondaire  et  de  se  procurer  le 
nombre  de  professeurs  nécessaires  ;  mérite  d'obtenir  ce  titre 
et  de  participer  aux  avantages  qui  y  sont  attachés  ;  j'en  forme 
la  demande  expresse  auprès  du  gouvernement. 

«  Blériot,  Voisin  :  n'ont  pas  personnellement  le  talent  du 
citoyen  Liégeart,  mais  ont  de  bons  répétiteurs,  tiennent  bien 
leurs  pensionnats  ;  auront  le  nombre  de  professeurs  nécessaires 
s'ils  obtiennent  le  titre  d'écoles  secondaires. 

((  Pichon  :  professeur  de  l'Ecole  centrale  ;  a  un  très-petit 
nombre  de  pensionnaires  ;  n'a  fait  aucune  demande  formelle 
pour  obtenir  le  titre  d'école  secondaire. 

«  Calais.  —  Lehodey  :  latin,  français,  géographie,  histoire  ; 
il  n'enseigne  pas  les  mathématiques,  mais  pourrait  s'engager 
k  le  faire. 

«  Saint-Omer.  —  Delvar  :  les  langues  latine,  française  et 
étrangères,  les  premiers  principes  de  la  géographie,  de  l'his- 
toire et  des  mathématiques;  homme  estimé  ;  a  un  bon  pen- 
sionnat qui  mérite  d'obtenir  le  titre  d'école  secondaire  ;  j'en 
suis  d'avis. 

«  Arras.  —  Delétoile,  Bouleau  :  le  latin,  le  français,  l'his- 
toire, l'arithmétique,  l'algèbre  et  la  géométrie  ;  ces  deux  pen- 
sionnats formés  depuis  deux  ans  ont  à  leur  tête  deux  hommes 
distingués  par  leurs  talents  et  par  leurs  connaissances  ;  ils  y 
joignent  beaucoup  de  moralité  ;  ils  possèdent  surtout  le  talent 

t.  Archives  départ,  du  Fas-de-Calais.  Série  T.  Instruction  publique.  Enquête 
de  l'an  X,  arrondissement  de  Boulogne. 


192  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800   A     1810 

de  l'enseig-nement  et  ils  ont  fait  d'excellents  élèves  relative- 
ment au  peu  de  tems  auquel  remonte  l'origine  de  leurs 
écoles  ;  elles  sont  très-fréquentées.  Je  demande  au  gouverne- 
ment que  le  titre  d'école  secondaire  soit  accordé  aux  citoyens 
Bouleau  et  Delétoile,  qui  le  méritent  sous  tous  les  rapports  ; 
ils  s'adjoindront  chacun  autant  de  professeurs  qu'il  sera  néces- 
saire et  présentant  la  garantie  suffisante  ;  ils  dispenseront  la 
commune  du  besoin  de  salarier  une  école  secondaire.  Si  un 
seul  pouvait  en  obtenir  le  titre  dans  la  même  ville,  je  deman- 
derais la  préférence  pour  le  citoyen  Bouleau  parce  qu'il  est  le 
premier  qui  ait  fait  sa  soumission  d'entreprendre  l'école  secon- 
daire. Cependant,  je  désirerais  que  tous  deux  participassent 
aux  avantages  de  ces  écoles,  parce  que  tous  deux  en  sont 
dignes. 

((  Bapaume,  —  Parent  :  les  langues  latine  et  française, 
l'histoire,  la  géographie  et  les  premiers  principes  des  mathé- 
matiques ;  il  existait  à  Bapaume,  avant  la  Révolution,  un 
collège  suivi  par  120  élèves  ;  le  citoyen  Parent  y  a  établi  en 
l'an  IX  un  pensionnat  où  il  reçoit  aussi  des  externes  ;  on  y 
en  compte  23  et  13  pensionnaires.  Il  réunit  à  des  talens  et  de 
l'instruction  beaucoup  de  moralité.  Je  demande  formellement 
pour  cette  maison  le  titre  d'école  secondaire.  Le  citoyen  Parent 
s'est  déjà  adjoint  deux  professeurs  et  il  en  augmentera  le 
nombre.  La  position  géographique  de  Bapaume  et  les  moyens 
du  chef  de  ce  pensionnat  garantissent  le  succès  de  cet  établis- 
sement. 

a  Montreuil.  —  Léger,  Beugny  :  le  français,  le  latin,  la 
morale,  l'histoire,  la  géographie,  l'arithmétique  et  la  géomé- 
trie; j'ai  ouï  dire  du  bien  de  ces  deux  pensionnats  et  je  pense 
qu'il  y  a  lieu  de  leur  accorder  le  titre  d'école  secondaire^.  » 

L'arrêté  du  26  novembre  1803  érigea  en  écoles  secondaires 
les  pensionnats  des  citoyens  Liégeard,  Blériot,  Voisin  et 
Pichon,    à   Boulogne  ;   Lehodey,  à  Calais  ;   Delvar,  à    Saint- 

1.  Archives  départ,  du  Pas-de-Calais.   Série  T.  Ecoles  secondaires,  an  XI. 


l'instruction  publique  193 

Orner;  Bouleau  et  Delétoile,    à    Anus;   Parent,  à  Bapaume  ; 
Beugny  et  Léger,  à  Montreuil. 

Le  15  thermidor  an  X,  le  Préfet  appuie  un  vœu  émis  par  le 
Conseil  d'arrondissement  de  Saint-Pol  en  faveur  de  l'autori- 
sation demandée  par  les  citoyens  Derœux,  Doailly,  Billy  et 
Ricouart  d'ouvrir  une  école  secondaire  à  Saint-Pol  * , 

Autre  avis  préfectoral,  le  29  fructidor  an  XI,  favorable  à 
l'établissement  d'une  école  secondaire  à  Aire  dans  les  bâti- 
ments de  l'ancien  collège  et  portant  approbation  du  règle- 
ment 2.  Le  décret  du  30  messidor  an  XII  autorise  la  ville  de 
Calais  à  établir  une  école  secondaire  dans  les  bâtiments  de 
l'ancienne  école  des  Frères 3.  Le  25  nivôse  an  XII,  la  ville  de 
Lens  est  autorisée  à  son  tour  à  utiliser  les  bâtiments  de  son 
ancien  collège  pour  y  créer  une  école  secondaire.  Le  nombre 
des  professeurs  avait  été  fixé  à  trois,  y  compris  le  directeur, 
avec  un  traitement  annuel  de  600  fr.  Le  conseil  d'adminis- 
tration présentait  au  ministre  de  l'intérieur  pour  remplir  les 
fonctions  de  professeurs  les  candidats  suivants  :  1'"^  et 
2'""  classes.  Cahier,  instituteur  et  Armand  Colbaut,  prêtre  ; 
3mc  qI  4111e  classes.  Leviez,  curé  de  Lens  et  Colbert,  ancien 
religieux  d'Hénin-Liétard;  o""'  6'""  classes,  Charvet,  ancien 
curé  de  Lens  et  Le  Prévôt  Ardet,  ancien  sous-diacre  ^. 
Béthune,  Montreuil,  Hesdin  auront  également  leurs  écoles 
secondaires  communales. 

IV 

L'initiative  gouvernementale  est  plus  faible  encore  en 
matière  d'enseignement  primaire  que  d'enseignement  secon- 
daire. En  l'an  VIII,  au  moment  où  commence  le  Consulat,  on 
comptait  dans  le  Pas-de-Calais  253  instituteurs  et  32  institu- 
trices publics  répartis  de  la  façon   suivante    :   arrondissement 

1.  Ibid.  Registre  aux  arrêtés  du  sous-préfet  de  Saint-Pol,  fol.  27. 

2.  Ibid.  Série  K.  Arrêtés. 

3.  Ibid.  Série  K.  Décrets. 

4.  Archives  départ.,  Série  T.    École  secondaire  de  Lens,  an  XII-1S06. 

Ghavanon  et  Saint-Yves.  —  Le  Pus-de-CuUiis  de  1800  à  1810.  13 


194  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

d'Arras,  35  instituteurs  et  S  institutrices;  arrondissement  de 
Béthune,  37  instituteurs  et  3  institutrices;  arrondissement  de 
Boulogne,  42  instituteurs  et  8  institutrices;  arrondissement 
de  Montreuil,  S4  instituteurs  et  S  institutrices  ;  arrondisse- 
ment de  Saint-Omer,  45  instituteurs  et  5  institutrices;  arron- 
dissement de  Saint-Pol,  40  instituteurs  et  2  institutrices  i. 

De  1800  à  1802,  le  calme  et  la  confiance  renaissent  dans 
les  esprits,  un  certain  nombre  d'écoles  particulières  sont 
ouvertes,  en  même  temps  que  les  communes  les  plus  impor- 
tantes réorganisent  leurs  écoles  salariées.  Ces  statistiques 
établies  par  ordre  du  ministre  Ghaptal  en  font  foi  : 

Arrondissement  de  Boulogne  —  ville  de  Boulogne  :  trois 
écoles  de  garçons  salariées  par  la  commune,  74  élèves; 
trois  écoles  communales  de  filles,  86  élèves  (il  est  vrai  que  la 
statistique  officielle  porte  en  marge  l'observation  suivante  : 
«  cette  instruction  est  nulle  et  appelle  à  grands  cris  l'attention 
des  gouvernements  »)  ;  cinq  écoles  particulières  de  garçons 
avec  170  élèves;  deux  écoles  particulières  pour  les  filles 
avec  42  élèves;  par  conséquent,  372  enfants  des  deux  sexes 
reçoivent  ou  sont  censés  recevoir  l'instruction  primaire  dans 
la  ville  de  Boulogne. 

Ville  de  Calais  :  quatre  écoles  communales  de  garçons, 
210  élèves;  quatre  écoles  communales  de  filles,  147  élèves; 
deux  écoles  particulières  pour  les  garçons,  62  élèves  ;  deux 
écoles  particulières  pour  les  filles,  43  élèves  ;  au  total, 
462  enfants  des  deux  sexes  reçoivent  à  Calais  l'instruction 
primaire.  Le  maire  de  Calais  fait  observer  qu'il  n'y  a  que  les 
enfants  des  familles  pauvres  qui  fréquentent  les  écoles  sala- 
riées par  la  commune. 

Nous  n'avons  pas  de  renseignements  sur  les  communes 
rurales  de  l'arrondissement  de  Boulogne. 

Arrondissement  de  Saint-Omer  —  ville  de  Saint-Omer  : 
cinq    écoles    communales  de  garçons,    avec    262   élèves    (on 

1.  Le  Pas-de-Cdais  au  XIX°  siècle.  T(mie  II,  services  publics,  p.  120  et  ss. 


l'instruction  publique  195 

y  enseigne,  en  dehors  de  la  lecture,  de  Técriture  et  de  l'arith- 
métique élémentaires,  l'orthographe,  la  géographie,  l'histoire, 
et  même  dans  l'une  de  ces  écoles  le  dessin)  ;  trois  écoles 
communales  de  filles,  avec  97  élèves;  six  écoles  particulières 
pour  les  garçons  ;  •  vingt-et-une  écoles  particulières  pour  les 
filles,  pensionnats  qui  participent  à  la  fois  de  l'école  primaire 
et  de  l'établissement  d'enseignement  secondaire. 

Aire  :  six  écoles  communales  de  garçons,  avec  211  élèves  ; 
trois  écoles  communales  de  filles,  avec  160  élèves  ;  cinq  écoles 
particulières    de  garçons  ;    sept  écoles   particulières  de  filles. 

Ardres  :  une  école  communale  de  garçons,  avec  60  élèves; 
une  école  particulière  de  garçons  et  deux  écoles  particulières 
de  filles. 

Quarante-cinq  communes  rurales  de  l'arrondissement  ont 
des  écoles  primaires  de  garçons. 

Il  n'y  a  qu'une  commune  rurale  de  l'arrondissement  qui 
ait  une  école  primaire  de  filles  :  la  commune  de  Cohen. 

Quatre-vingt-huit  communes  rurales  n'ont  aucune  école 
primaire.  Les  écoles  publiques  salariées  par  les  communes 
comptent  au  total  1924  élèves  et  les  établissements  particu- 
liers (en  y  comprenant  les  pensionnats  d'enseignement  secon- 
daire), 1078  élèves. 

Arrondissement  de  Béthune  —  ville  de  Béthune  :  en  l'an 
IX,  deux  écoles  primaires  communales  de  garçons  et  deux 
écoles  primaires  communales  de  filles,  avec  un  total  de 
133  élèves  ;  en  l'an  X,  deux  écoles  primaires  communales  de 
garçons  et  deux  écoles  primaires  communales  de  filles  ;  dix 
écoles  particulières  avec  289  élèves  (il  est  probable  que  la 
statistique  de  l'an  IX  avait  omis  de  citer  ces  dernières). 

Lillers  :  deux  écoles  primaires  communales  de  garçons, 
avec  220  élèves.  —  Lens  :  trois  écoles  primaires  communales 
de  garçons,  où  l'on  enseigne  en  outre  les  principes  de  la  géo- 
graphie, des  grammaires  française  et  latine,  170  élèves. 

Lestrem  :  trois  écoles  primaires  de  garçons,  avec  231  élèves  ; 
Laventie  :  une  école  primaire  communale  pour  les    garçons. 


196  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

avec  20  élèves;  une  école  primaire  communale  pour  les  filles, 
avec  20  élèves  ;  deux  écoles  particulières  pour  les  garçons, 
200  élèves  ;  Harnes  :  trois  écoles  primaires  de  garçons,  avec 
200  élèves;  Courrières  :  une  école  primaire  de  garçons,  avec 
70  élèves  ;  une  école  primaire  de  filles,  avec  45  élèves  ;  Pont- 
à-Vendin  :  trois  écoles  primaires  de  garçons,  avec  9S  élèves  ; 
Liévin  :  une  école  primaire  de  garçons,  avec  50  élèves,  trois 
écoles  primaires  de  filles,  avec  35  élèves  ;  Hersin  :  une  école 
primaire  de  garçons,  avec  20  élèves,  et  deux  écoles  primaires 
de  filles,  avec  26  élèves  ;  Camblin-Chatelain  :  deux  écoles 
primaires  de  garçons,  avec  70  élèves  ;  Carvin  :  huit  écoles 
primaires  de  garçons,  avec  170  élèves  ;  Bourges  :  deux  écoles 
particulières  de  garçons,  avec  75  élèves  ;  Sailly-sur-la  Lys  : 
deux  écoles  primaires  de  garçons,  avec  140  élèves. 

Il  y  a  une  école  primaire  de  garçons  dans  quarante  et  une 
communes  rurales. 

Nous  relevons  une  école  primaire  de  filles  à  Oignies,  avec 
50  élèves  ;  une  école  primaire  de  filles  à  Bartin,  avec  23  élèves, 
et  une  autre  école  primaire  de  filles  à  Busnes,  avec  20  élèves. 

Arrondissement  d'Arras  —  ville  d'Arras  :  on  compte  dans 
la  commune  d'Arras  six  écoles  primaires  communales  de  gar- 
çons, avec  234  élèves,  et  deux  écoles  primaires  communales 
de  filles,  avec  48  élèves  ;  cinq  écoles  particulières  de  garçons, 
avec  132  élèves.  C'est  peu;  cependant,  en  Tan  VIII,  la  muni- 
cipalité trouvait  que  le  nombre  des  écoles  subventionnées  par 
la  commune  était  encore  trop  élevé,  car  le  maire  écrivait  au 
préfet  :  «  Il  y  avait  dans  la  commune  six  écoles  primaires 
destinées  à  l'instruction  des  garçons  et  trois  destinées  à  celle 
des  filles  ;  leurs  appointemens  étaient  fixés  à  trois  cens  francs  ; 
le  conseil  municipal  ayant  trouvé  le  nombre  trop  considérable 
et  trop  onéreux  pour  la  commune  n'a  accordé  que  deux  mille 
francs  pour  subvenir  aux  frais  de  ces  écoles  ;  il  est  nécessaire 
que  le  nombre  en  soit  diminué  ;  je  pense  que  deux  écoles  pour 
les  garçons  et-deux  pour  les  filles  seroient  suffisantes  »  ^. 

i.  Archives  départ.,  Série  R.  Arra!<,  jury  d'instruction  an  I\'-an  XI. 


.  l'instruction  publique  197 

Arrondissement  de  Saint-Pol  —  ville  de  Saint-Pol  :  trois 
écoles  particulières  pour  les  filles,  avec  60  élèves;  trois  écoles 
particulières  pour  les  garçons,  avec  36  élèves. 

Izel-les-Hameaux,  une  école  primaire  de  filles,  avec  20  élèves, 
une  école  primaire  de  garçons,  avec  10  élèves;  Lisbourg-,  une 
école  primaire  de  filles,  avec  35  élèves  ;  Frévent,  deux  écoles 
primaires  de  garçons  avec  55  élèves,  deux  écoles  particulières 
de  garçons  avec  14  élèves,  une  école  particulière  de  filles, 
avec  15  élèves. 

Vingt-six  communes  rurales  possèdent  chacune  une  école 
primaire  de  garçons. 

Les  enfants  des  deux  sexes  qui  fréquentent  les  écoles  de 
l'arrondissement  de  Saint-Pol  en  Tan  X  sont  au  nombre 
de  682. 

Arrondissement  de  Montreuil  —  ville  de  Montreuil  :  deux 
écoles  primaires  communales  de  garçons,  avec  90  élèves  ; 
deux  écoles  primaires  communales  de  filles,  avec  40  élèves  ; 
deux  écoles  primaires  particulières  pour  les  garçons,  avec 
32  élèves  ;  huit  écoles  particulières  de  filles,  avec  138  élèves; 
—  Hesdin  :  quatre  écoles  de  garçons,  deux  écoles  de 
filles  1. 

En  même  temps  que  l'administration  préfectorale  établissait 
ces  statistiques,  les  conseils  d'arrondissement  étaient  appelés  à 
formuler  leurs  vœux  au  sujet  de  l'organisation  de  renseigne- 
ment. Le  conseil  d'arrondissement  d'Arras  observe  que  «  cet 
arrondissement  étant  le  plus  populeux  du  département, 
le  défaut  d'établissement  pour  l'éducation  s'y  fait  principale- 
ment sentir  ;  le  mal  s'aggrave  de  plus  en  plus^  le  dégoût 
des  sciences  croît  d'une  manière  effrayante  ;  l'inertie,  la 
paresse  forment  une  seconde  nature  dans  l'esprit  d'une  jeu- 
nesse abandonnée  à  elle-même.  La  plupart  des  jeunes  gens 
ne  présente  que  des  automates  [sic]  dont  la  patrie  ne  peut 
espérer  aucun  secours .  Le  conseil  réclame  l'attention  du  gou- 

1.  Archives  départ.,  Série  T.  Instruction  publique.  Etats  dressés  en  l'an  IX 
et  en  lan  X. 


198  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

vernement  à  cet  égard,  tout  retard  est  irréparable...  Le 
conseil  observe  que,  si  la  population  nécessite  un  collège  pour 
les  sciences,  elle  commande  également  que  la  classe  indi- 
gente ne  soit  pas  oubliée  et  qu'elle  jouisse  d'un  établisse- 
ment où  elle  puisse  au  moins  trouver  les  ressources  nécessaires 
pour  sortir  de  son  engourdissement.  L'école  primaire  devient 
donc  absolument  nécessaire  ;  le  Conseil  observe  que  ces  insti- 
tutions ne  sont  utiles  qu'autant  que  la  subordination  existera 
entre  les  membres  qui  doivent  la  composer  ;  qu'il  est  diffi- 
cile que  cette  subordination  ait  lieu  sans  corporation,  à  moins 
qu'on  ne  suive  le  plan  de  l'Université  de  Paris  que  les  élèves 
et  les  maîtres  qu'elle  a  formés  feront  toujours  regretter  ; 
que,  quant  aux  écoles  primaires,  la  société  dite  des  Frères  des 
écoles  lui  paraît  la  plus  propre  à  ces  sortes  d'enseignement  si 
difficiles  à  exercer  par  les  soins  minutieux  qu'ils  exigent  » . 

Le  conseil  d'arrondissement  de  Béthune,  après  avoir 
déploré  ((  la  nullité  absolue  dans  laquelle  est  tombée  la  partie 
si  intéressante  de  l'éducation  morale  des  enfans  depuis  la 
Révolution  »  ne  se  préoccupe  pas  de  l'enseignement  primaire. 
Comme  la  municipalité  d'Arras,  la  municipalité  de  Béthune 
demande  la  réduction  du  nombre  des  écoles  de  cette  ville 
«  ce  qui  peut  aisément  se  faire  sans  que  l'instruction  en  souffre, 
puisque  les  écoles  sont  presque  désertes  ;  cette  réduction 
aurait  même  l'avantage  de  nous  mettre  à  même  de  faire  un 
meilleur  choix  et  les  élèves  étant  réunis  en  plus  grand 
nombre  dans  une  même  école,  il  y  a  alors  entre  eux  plus 
d'émulation  » . 

Le  conseil  d'arrondissement  de  Boulogne  émet  l'opinion  sui- 
vante :  «  Il  n'est  personne  qui  ne  regrette  les  Frères  des  Ecoles 
chrétiennes  ;  ces  hommes  modestes  et  laborieux  se  vouoient 
avec  un  zèle  infatigable  à  l'instruction  des  pauvres  artisans. 
Réunis  en  communauté,  soumis  à  une  règle  austère,  ils 
menoient  une  vie  frugale  et  ne  trouvoient  de  jouissances  que 
dans  l'exercice  d'une  religion  qui  leur  imposait  ces  sacrifices. 
Des  instituteurs  isolés,  qui  ne  seroient  pas  soumis  au  même 


l'instruction  publique  199 

mobile,  rempliroient  difficilement  ce  même  objet;  il  est  des 
professions  que  l'on  peut  payer  par  de  l'argent  ;  il  en  est 
d'autres  qui  sont  suffisamment  payées  par  la  considération  de 
l'estime  publique  ;  le  seul  moyen  dans  le  moment  actuel  d'avoir 
de  bons  instituteurs  pour  les  écoles  primaires,  c'est  d'honorer 
les  fonctions  instructives  ;  c'est  de  mettre  à  l'abri  des  besoins 
et  des  humiliations  ceux  qui  voudront  courir  cette  carrière  ; 
c'est  de  leur  offrir  l'espoir  assuré  d'une  existence  honnête  et 
d'une  retraite  douce  et  suffisante.  Ces  réflexions  peuvent  en 
grande  partie  être  appliquées  aux  écoles  destinées  à  l'instruc- 
tion des  filles.  » 

Aucun  vœu  de  la  part  du  conseil  d'arrondissement  de  Saint- 
Pol  au  sujet  de  l'enseignement  primaire  ;  mais,  dans  la  lettre 
qu'il  joint  à  l'extrait  du  procès- verbal,  le  sous-préfet  Garnier 
dit:  ((  Mon  avis  particulier,  citoyen  préfet,  sur  cet  objet  intéres- 
sant, c'est  qu'il  soit  établi  dans  cet  arrondissement  60  à 
70 maîtres  d'écoles  qui  enseigneront  aux  enfants^  lire,  à  écrire 
et  les  éléments  de  calcul.  Quelques  bons  livres  élémentaires, 
principalement  sur  la  morale,  et  les  leçons  préliminaires  de 
l'excellent  cours  d'études  de  Condillac,remplaceroient  les  caté- 
chismes et  les  autres  livres  usités  dans  les  écoles  avant  la 
Révolution.  Chaque  maître  d'école  aurait  un  traitement  fixe 
de  deux  ou  trois  cens  francs,  au  moyen  de  quoi  il  se  procure - 
roit  le  logement  et  il  ne  demanderoit  aucune  rétribution  aux 
élèves;  on  pourroit  aussi  le  charger  de  la  rédaction  des  actes 
civils,  dont  les  registres  sont  généralement  mal  tenus  et  lui 
accorder  une  légère  rétribution  sur  chaque  acte  de  naissance, 
de  mariage  et  de  décès.  » 

Le  conseil  d'arrondissement  de  Saint-Omer  se  transforme 
au  contraire  en  une  véritable  assemblée  législative  et  envoie 
au  Préfet  tout  un  projet  détaillé.  Il  subdivise  en  quatre  degrés 
les  établissements  d'enseignement;  voici  ce  qu'il  dit  des 
écoles  du  premier  et  du  second  degré,  qui  représentent  l'en- 
seignement primaire  :  «  La  nécessité  de  leur  multiplication 
forme  le  premier  obstacle  à  leur  rétablissement.  La  situation 


200  LE    PAS-DF-CALATS    DE    1800    A    4810 

du  Trésor  public  ne  comporte  pas  une  dépense  de  cette  nature, 
si  les  traitemens  sont  calqués  sur  l'empreinte  de  la  générosité 
nationale.  Elles  seront  à  la  charg-e  des  communes;  comme 
elles  sont  disséminées  suivant  la  réunion  des  habitations,  la 
population  des  hameaux,  que  l'instruction  dans  les  campagnes 
n'est  que  temporaire,  qu'elle  sommeille  pendant  l'été  et  la 
moisson,  chaque  conseil  municipal,  sous  l'approbation  du 
sous-préfet,  déterminera  leur  placement  et  traitera  avec  l'ins- 
tituteur pour  la  fixation  de  ses  honoraires...  Le  conseil  déplore 
que,  par  une  extension  à  la  loi,  on  ait  procédé  à  la  vente  des 
écoles  rurales  qui  formoient  des  propriétés  communales.  Leur 
placement  au  centre  des  villages,  l'habitation  gratuite  qu'elles 
procuroient  aux  instituteurs  les  rendoient  précieuses  à  l'édu- 
cation ;  leur  aliénation  est  la  première  cause  de  la  cessation 
de  l'instruction...  Le  Conseil  a  reconnu  que  des  instituteurs 
isolés  étoient  tenus  à  des  frais  multipliés  d'habitation,  de 
ménage,  de  famille  ;  qu'ils  étoient  dès  lors  dispendieux  ;  que," 
suivant  les  circonstances  et  l'impulsion  de  leur  intérêt,  ils 
délaisseroient  souvent  l'éducation  ;  que  ce  mode  vicieux  sous 
ces  rapports  ne  promet  pas  toujours  une  garantie  parfaite 
pour  cette  décence  de  mœurs  qui  influe  d'une  manière  si  utile 
sur  les  élèves...  En  versant  ses  regrets  sur  la  dissolution  de 
l'institut  des  Frères  dit  de  la  Doctrine  chrétienne,  qu'il  eût  été 
si  utile  d'approprier  h  nos  institutions,  il  considère  l'enseigne- 
ment confié  à  une  association  ;  elle  se  composeroit  d'indivi- 
dus qui  se  voueroient  à  l'instruction,  qui  contracte roient  des 
engagemens  temporaires  ;  ils  viveroient  en  commun,  ils  for- 
meroient  leurs  élèves  et  leurs  successeurs  »  ^. 

Le  conseil  général  s'occupe,  lui  aussi,  à  diverses  reprises,  de 
l'instruction  publique.  Le  rapport,  présenté  à  la  séance  du 
4  thermidor  an  VIII,  constate  que  cette  instruction  publique 

1.  Archives  départ.,  série  T,  Instruction  publique,  Etats  dressés  en  l'an  IX. 
Il  y  a  lieu  d'ajouter  que,  conformément  à  ces  vœux,  l'art.  109  du  Règlement  du 
17  mars  1808  sur  l'orjïanisation  de  l'Université  autorisait  et  faisait  entrer  oili- 
ciellemcni  dans  le  corps  universitaire  la  (Congrégation  des  Frères  des  Ecoles 
chrétiennes. 


l'instructiOiN  publique  201 

est  dans  le  plus  fâcheux  état  ;  le  conseil  général  émet  le  vœu 
qu'il  y  ait  au  moins  un  instituteur  dans  chaque  commune  et 
qu'il  soit  choisi  et  payé  par  les  conseils  communaux.  Le  rap- 
port de  l'an  IX  est  plus  explicite  :  le  Conseil  déplore  l'igno- 
rance de  la  jeunesse  par  suite  de  l'absence  prescjue  totale 
d'établissements  d'enseignement;  les  causes  de  cetle  décadence 
de  l'instruction  sont  l'insouciance  que  les  anciennes  adminis- 
trations municipales  ont  montrée  à  créer  des  écoles  ou  à  sur- 
veiller les  écoles  existantes,  la  modicité  des  traitements  du 
personnel,  l'incapacité  et  l'immoralité  du  plus  grand  nombre 
des  instituteurs,  les  préjugés  religieux  et  politiques  contre  les 
formes  révolutionnaires  de  l'enseignement,  enfin  les  actes  de 
vandalisme  que  l'on  a  commis  en  détruisant  presque  tous  les 
édifices  qui  servaient  à  l'enseignement.  Les  vœux  émis  sont 
les  suivants  :  1"  création  d'une  école  primaire  par  commune, 
l'instituteur  étant  à  la  nomination  du  conseil  municipal  ;  2°  grou- 
pement des  petites  communes  pour  la  création  d'une  école, 
afin  d'assurer  à  l'instituteur  un  traitement  suffisant  ;  3°  emploi 
des  frères  ignorantins,  des  Filles  de  la  Charité  et  de  la  Provi- 
dence, dont  on  a  pu  apprécier  autrefois  les  services,  pour  le 
premier  degré  d'instruction  aux  deux  sexes,  surtout  aux  filles 
encore  plus  abandonnées  à  ce  point  de  vue  que  les  garçons  ^ 

En  l'an  X,  le  Conseil  général  espère  que  la  loi  qui  va  être 
promulguée  réalisera  ses  vœux  précédents  ;  il  est  urgent  de  se 
préoccuper  de  l'instruction  de  la  jeunesse  du  département  du 
Pas-de-Calais,  plus  abandonnée  encore  que  celle  des  départe- 
ments voisins  ~. 

La  loi  du  11  floréal  an  X  comporte  en  effet  la  création  et 
l'entretien  par  les  municipalités  d'écoles  primaires  sous  la  sur- 
veillance des  sous-préfets  ;  les  conseils  municipaux  choisiront 
les  instituteurs,  leur  fourniront  un  logement  aux  frais  des 
communes  et  fixeront  le  taux  de  la  rétribution  à  payer  par  les 

1.  Archives  départ.,  Registres  des  délibérations  du  Conseil  général,  Registre  I, 
an  VlII-an  IX. 

2.  Ibid.,  Registre  II,  an  X-an  XII. 


202  LE  PAS-DE-CALAIS  DE  1800  A  1810 

parents  ;  plusieurs  communes  pourront  se  grouper  pour  avoir 
une  école.  Cette  loi  eut  quelques  effets  heureux,  puisqu'à  la 
session  de  l'an  XII,  le  Conseil  général  du  Pas-de-Calais 
croyait  devoir  féliciter  le  gouvernement  pour  les  améliorations 
qu'il  avait  apportées  à  l'instruction  publique  K  Toutefois,  à  la 
session  de  floréal  an  XII,  l'exposé  de  la  situation  de  l'ensei- 
gnement primaire  présenté  au  Conseil  général  est  moins  opti- 
miste : 

((  Les  écoles  primaires,  est-il  dit  dans  cet  exposé,  sont  éta- 
blies en  nombre  suffisant  et  ont  obtenu  assez  généralement  du 
succès  dans  les  villes  et  bourgs  principaux  où  la  population  a 
favorisé  le  choix  des  instituteurs  et  offert  des  facilités  pour 
leur  assurer  une  existence  convenable.  Dans  les  petites  villes 
et  la  plupart  des  communes  rurales,  les  écoles  primaires  sont 
encore  dans  un  état  de  langueur  qui  fait  désirer  un  nouvel 
ordre  de  choses  propre  à  faire  cesser  les  obstacles  qui  s'op- 
posent aux  progrès  de  l'instruction.  Partout  où  l'on  a  joui 
anciennement  de  l'avantage  des  écoles  que  dirigeaient  les 
frères  Yonistes-  dits  de  la  Doctrine  chrétienne,  on  ne  cesse  de 
les  regretter  et  de  former  des  vœux  pour  leur  rétablissement. 
Le  Conseil  est  intimement  persuadé  qu'ils  opéreraient  un  très 
grand  bien,  surtout  si,  par  l'effet  des  réunions  de  communes 
et  l'économie  qui  en  serait  la  suite,  on  pouvait  parvenir  à 
appliquer  ces  bons  et  pieux  instituteurs  au  service  des  cam- 
pagnes, où  l'ignorance  dispute  si  opiniâtrement  le  domaine 
qu'elle  a  usurpé  pendant  la  Révolution.  Les  réunions  dont  on 
vient  de  parler  semblent  être  le  seul  remède  que  l'on  puisse 
apporter  à  l'abandon  dans  lequel  sont  restées  les  petites  com- 
munes rurales  que  l'exiguité  de  leurs  populations  et  de  leurs 
ressources  mettent  dans  l'impossibilité  de  se  pourvoir  d'insti- 
tuteurs »  3. 

1.  Archives  départ.,  Registres  des  délibérations  du  Conseil  général, 
Registre  II,  an  X-an  XIII. 

2.  Ce  nom  de  Yonistes  venait  aux  Frères  de  ce  que  leur  noviciat,  d'abord  à 
Vaugirard,  avait  été  transporté  en  1705  à  leur  maison  de  Saint-Yon,  près  de 
Rouen. 

3.  Ibid.,  Registre  111,  an  XII. 


l'instruction  publique  203 

Le  Conseil  général  renouvelle  ses  plaintes  à  la  session  de 
1806  :  «  Les  communes  rurales,  dit-il,  éprouvent  beaucoup  de 
difficultés  à  recruter  ce  qu'elles  appelaient  autrefois  leurs 
magisters.  Ceux-ci  recevaient  une  espèce  de  sort  de  la  manière 
dont  ils  ajjpartenaient  aux  églises  et  aux  fabriques,  et  les  rétri- 
butions qui  leur  en  revenaient  leur  tenaient  lieu  de  traitement 
comme  maîtres  d'écoles.  Il  est  bien  désirable  que  l'on  puisse 
relever,  en  faveur  des  campagnes,  cette  espèce  de  cléricature, 
et  il  semble  que  le  rétablissement  des  fabriques  en  ofl're  les 
moyens  en  ce  qu'elles  peuvent  gager  encore  les  instituteurs 
primaires  pour  le  service  des  paroisses  et  succursales,  pour  la 
rédaction  de  leurs  actes  et  contribuer  par  là,  avec  les  res- 
sources municipales,  à  leur  assurer  un  traitement  convenable. 

«  Le  Conseil  a  émis  l'année  dernière  un  vœu  qui  lui  a  été 
dicté  par  celui  de  toutes  les  villes  qui  ont  joui  autrefois  des 
écoles  que  desservaient  les  frères  Yonistes.  Ces  pieux  amis  de 
l'enfance  sont  réclamés  par  la  sollicitude  et  le  souvenir  recon- 
naissant de  tous  les  pères  de  famille,  et  la  religion  dans  sa 
reconnaissance  les  appelle  comme  ses  premiers  apôtres.  Le 
Conseil  ne  peut  donc  qu'insister  pour  que  la  même  bienveil- 
lance du  gouvernement  qui  a  déjà  su  recréer  d'autres  associa- 
tions utiles  et  recommandables,  daigne  rendre  aux  frères 
Yonistes  une  existence  qu'ils  consacraient  si  bien  aux  premiers 
intérêts  de  l'Etat  pour  l'instruction  de  la  jeunesse.  » 

Même  vœu  pour  les  filles  ci-devant  dites  de  la  Providence. 
«  Les  filles  appelées  ci-devant  Charlottes  ^,  dont  il  reste  de  pré- 
cieux sujets  et  dont  l'ancien  asile  a  été  conservé  à  Arras, 
seraient  aussi  de  la  plus  grande  utilité  sous  le  double  rapport 
de  l'instruction  publique  dont  elles  étaient  aussi  chargées  et 
du  soin  des  malades  qu'elles  assistaient  avec  le  plus  grand 
désintéressement  »  ^, 


1.  Elles  tiraient  ce  nom  du  fondateur  de  leur  maison,  Jean  Achariot,  qui 
établit  en  1339  l'hôpital  qu'elles  desservaient  et  auquel  on  adjoignit  plus  tard 
une  école. 

2.  Archives  départ.,  Registres  des  délibérations  du  Conseil  général,  année 
1806. 


204  LE    PAS-DE-CALAIS   DE    1800    A    1810 

En  1809,  le  Conseil  général  déclare  que  l'instruction  publique 
est  toujours  languissante;  on  espère  que  la  création  de  l'Uni- 
versité impériale  l'améliorera.  A  défaut  de  la  qualité,  il  y  a  au 
moins  la  quantité  ;  le  nombre  des  écoles  a  en  effet  considéra- 
blement augmenté  :  d'après  VAnnuairc  du  Pas-de-Calais,  on 
relève  en  1814  l'existence  de  984  écoles  réparties  de  la  façon 
suivante  : 

Arrondissement  d'Arras  :  183  instituteurs  communaux, 
49  instituteurs  particuliers  ;  31  communes  n'ont  pas  d'instituteur. 

Arrondissement  de  Béthune  :  130  instituteurs  communaux, 
35  instituteurs  particuliers  ;  1 3  communes  n'ont  pas  d'instituteur. 

Arrondissement  de  Boulogne  :  91  instituteurs  communaux; 
28  instituteurs  particuliers  ;  9  communes  n'ont  pas  d'instituteur. 

Arrondissement  deMontreuil  :  127  instituteurs  communaux  ; 
15  instituteurs  particuliers;  13  communes  n'ont  pas  d'insti- 
tuteur. 

Arrondissement  de  Saint-Omer  :  121  instituteurs  commu- 
naux; 25  instituteurs  particuliers;  16  communes  n'ont  pas 
d'instituteur. 

Arrondissement  de  Saint-Pol  :  1 69  instituteurs  communaux  ; 
1 1  instituteurs  particuliers  ;  22  communes  n'ont  pas  d'insti- 
tuteur. 

D'après  ce  relevé,  104  communes  sont  encore  privées  d'ins- 
tituteur K 

V 

Après  avoir  examiné  l'enseignement  secondaire  et  l'ensei- 
gnement primaire,  nous  devons  encore  consacrer  quelques 
lignes  à  l'enseignement  supérieur,  qui  n'a,  du  reste,  été 
représenté  dans  le  département  du  Pas-de-Calais  que  par  une 
école  de  chirurgie  et  d'anatomie.  Vers  le  milieu  du 
xviu*'    siècle,    l'administration    des  États   d'Artois   établit    à 

1.  Le  Pas-de-Calais  an  XIX'  siècle,  t.  II,  Services  publics.  L'ensei^^ncmcnt. 


l'instruction  publique  205 

Arras  une  école  publique  d'anatomie  ;  bientôt,  elle  s'aperçut 
que  cette  école  ne  répondait  pas  complètement  au  but  de  sa 
fondation  ;  en  1770,  les  médecins  Arrachart  et  Nonot  trans- 
mirent aux  Etats  d'Artois  un  plan  complet  de  réorg-anisation 
de  cette  école.  Leurs  vues  furent  adoptées  et  l'établissement 
fonctionnait  sous  le  nom  d'Ecole  de  chirurgie,  en  1771,  avec 
Arrachart  et  Nonot  comme  professeurs  ;  leur  traitement  était 
fixé  à  mille  et  à  douze  cents  francs.;  il  y  eut  d'abord  trois 
chaires,  mais  l'un  des  professeurs  étant  mort  en  1790  et 
Arrachart  en  1791,  Nonot  resta  seul  chargé  de  l'enseigne- 
ment. 

Pendant  la  Terreur,  l'école  fut  fermée  ;  elle  ne  rouvrit 
qu'au  lendemain  du  18  brumaire  ;  le  21  thermidor  an  VIII, 
le  préfet  Poitevin-Maissemy  prit  un  arrêté  portant  qu'il  serait 
établi  à  Arras  une  école  gratuite  de  chirurgie,  daccouche- 
ment  et  d'anatomie,  dirigée  par  trois  professeurs;  que  les 
hommes  seuls  seraient  admis  aux  exercices  publics,  mais  qu'il 
y  aurait  un  cours  particulier  d'accouchement  pour  les 
femmes.  D'après  le  règlement,  les  classes  auront  lieu  tous 
les  jours,  excepté  les  décadis,  les  quintidis  et  pendant  le 
temps  des  vacances  de  l'Ecole  centrale  ;  ceux  qui  désireront 
y  être  admis  devront  se  faire  inscrire  sur  un  registre  qui  sera 
tenu  par  Nonot,  professeur  en  chef,  et  être  munis  d'un  cer- 
tificat de  bonnes  mœurs  délivré  par  le  maire  de  leur  commune 
et  visé  par  le  sous-préfet  de  l'arrondissement.  En  outre,  le 
préfet  Poitevin-Maissemy  permettait  au  maire  d'Arras  d'ap- 
pliquer à  l'usage  d'un  jardin  botanique  un  petit  terrain  «  hors 
d'oeuvre  de  l'abbaye  de  Saint- Vaast  »  (jardin  Saint- Vaast 
actuel)  qu'un  médecin  aidé  de  ses  élèves  défricha  et  planta. 

Trois  professeurs  avaient  été  nommés  à  l'école  de  chirur- 
gie :  Nonot,  professeur  en  chef  avec  un  traitement  annuel  de 
800  francs  ;  Léger  et  Dhamelincourt,  avec  un  traitement 
annuel  de  600  fr.  chacun  ;  Dhamelincourt  donna  sa  démission 
peu  de  temps  après  et,  la  chaire  ayant  été  mise  au  concours, 
trois  candidats    se  présentèrent  ;    parmi  eux,  on   fit  choix  de 


206  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    i  800   A    1810 

Cuvillier;  mais,  à  la  mort  de  Léger,  en  1802,  le  concours 
ouvert  pour  procéder  à  son  remplacement  ne  donna  aucun 
résultat  ;  Nonot  et  Cuvillier  restèrent  seuls  professeurs. 
D'après  le  maire  d'Arras,  quinze  élèves,  âgés  de  12  à  18  ans, 
fréquentaient  les  cours  de  cette  école.;  il  n'était  donné  par 
jour  qu'une  leçon  qui  durait  une  heure  et  demie  environ  ;  les 
deux  professeurs  se  partageaient  la  besogne  par  trimestre  et 
ils  n'étaient  occupés  en  réalité  que  pendant  six  mois  de 
l'année  * 

En  même  temps,  des  mesures  étaient  prises  pour  veiller 
à  la  façon  dont  la  médecine  s'exerçait  dans  le  département. 
Un  arrêté  du  12  frimaire  an  XI  contient  des  mesures  pour 
s'assurer  des  titres  des  officiers  de  santé,  médecins,  etc.  2. 
Nouvelles  mesures  à  ce  sujet  le  14  novembre  1806,  en  vue 
de  faire  exécuter  la  loi  du  23  germinal  an  XI  sur  l'exercice  de 
la  médecine  et  de  la  pharmacie  3.  Le  26  frimaire  an  XI,  le 
préfet  crée  trois  jurys  d'examen  pour  la  médecine,  la  chirur- 
gie et  la  pharmacie  :  à  Boulogne  (arrondissements  de  Boulogne 
et  de  Montreuil),  à  Saint-Omer  (arrondissement  de  Saint- 
Omer)  et  à  Arras  (arrondissements  d'Arras,  de  Béthune  et  de 
Saint-Pol)  4. 

Nous  ne  parlerons  que  pour  mémoire  des  écoles  de  dessin. 
L'enseignement  du  dessin  avait  été  inauguré  à  Arras  en  1709 
par  Havel,  élève  de  l'Académie  de  peinture  et  de  sculpture 
de  Paris,  qui  eut  jusqu'à  deux  cents  élèves;  cette  école  sub- 
sista pendant  la  Révolution  et  un  arrêté  du  25  avril  1801  la 
réorganisa.  Saint-Omer  avait  eu  également  son  école  de  des- 
sin, trois  ans  même  avant  Arras  ^. 


1.  Archives  départementales  :  Lettre  du  maire  d'Arras  Watelct,  du  22  prai- 
rial an  XI;  Mémoire  de  Nonot  et  Cuvillier  sur  l'établissement  de  l'École 
publique  de  chirurgie,  15  floréal  an  XI. 

2.  Id,  Reg.  114,  f"  96. 

3.  Id,  Reg.  117,  f°80. 

4.  Id,  imprimes. 

5.  G.  DE  Mauteclocque,  L'enseignemenl  dans  le  Pas-de-Calais  jiisqu  en  IftO-i, 
pp.  508-513. 


l'instruction  publique  207 


VI 


Si  nous  essayons  de  résumer  nos  observations  sur  Tinstruc- 
tion  publique  de  1800  à  1810,  nous  sommes  amenés  à  con- 
clure que  l'œuvre  du  gouvernement  consulaire  et  impérial  a 
simplement  consisté  à  restaurer  ce  qui  existait  sous  l'ancien 
régime  ;  les  écoles  secondaires  correspondent  aux  anciens 
collèges,  elles  sont  établies  dans  les  mêmes  villes  et  recrutent 
à  peu  près  les  mêmes  chiffres  d'élèves  ;  écoles  secondaires  et 
écoles  primaires  sont  laissées  à  l'initiative  des  départements 
et  des  communes  ;  l'action  du  pouvoir  central  en  leur  faveur 
est  presque  nulle  ;  c'est  un  simple  contrôle.  Dans  l'enseigne- 
ment, plus  qu'ailleurs  peut-être,  la  Révolution  avait  accumulé 
les  ruines  :  Napoléon  déblaie  ces  ruines  et,  grâce  à  la  stabilité 
administrative,  à  la  confiance  publique,  à  la  sécurité  géné- 
rale, une  sorte  de  résurrection  partielle  se  produit;  des  éta- 
blissements, sinon  similaires  à  ceux  qui  avaient  été  détruits, 
du  moins  organisés  d'après  des  principes  presque  identiques, 
dus,  comme  ceux  du  xviii^  siècle,  à  l'initiative,  soit  commu- 
nale, soit  privée,  s'ouvrent  de  toutes  parts  :  c'est  une  restau- 
ration, ce  n'est  pas  une  création  ;  le  rôle  de  l'Etat  en  matière 
d'enseignement  est  compris  en  1804  à  peu  près  comme  il 
l'était  en  1789. 

Tel  n'était  pas  l'esprit  dans  lequel  la  Convention  nationale 
avait  ébauché  l'organisation  de  l'instruction  publique  ;  l'ensei- 
gnement primaire  avait  seul  préoccupé  d'une  façon  sérieuse 
les  conventionnels;  mais  Lanthenas,  Barère,  Sieyès,  Daunou, 
Lakanal,  tout  comme  Lepelletier  de  Saint-Fargeau  et  Romme, 
avaient  posé  le  principe  de  la  gratuité  et  celui  du  paiement 
des  instituteurs  et  des  frais  des  écoles  par  l'Etat  en  tête  de 
toute  loi  nouvelle  relative  à  l'enseignement  primaire.  Romme 
définissait  de  la  façon  suivante  le  programme  de  cet  ensei- 
gnement primaire  :  «  les  enfants  reçoivent  dans  ces  écoles  la 
première  éducation  physique,  morale  et  intellectuelle  la  plus 


208  LE  PAS-DE-CALAIS  DE  1800  A  1810 

propre  à  développer  en  eux  les  mœurs  républicaines,  l'amour 
de  la  patrie  et  le  goût  du  travail.  Ils  apprennent  à  parler,  à 
lire,  écrire  la  langue  française.  On  leur  fait  connaître  les 
traits  de  vertu  qui  honorent  le  j)lus  les  hommes  libres...  La 
connaissance  des  droits  et  des  devoirs  de  l'homme  et  du 
citoyen  est  mise  à  leur  portée  par  des  exemples  et  par  leur 
propre  existence,  »  Ces  écoles  fondées,  dirigées,  payées  par 
l'Etat,  cet  enseignement  primaire  uniforme  et  gratuit  sur 
toute  l'étendue  du  territoire  de  la  France,  Napoléon  n'a  pas 
essayé  de  le  réaliser;  il  a  considéré  les  projets  de  la  Conven- 
tion Nationale  et  de  son  comité  de  l'Instruction  publique 
comme  non  avenus  et  il  s'est  contenté  de  faciliter  les  bonnes 
volontés  individuelles. 

Une  création  toutefois  du  régime  napoléonien,  qui  est  ori- 
ginale et  a  subsisté  tout  au  moins  de  nom,  c'est  celle  des 
lycées.  Il  est  probable  que,  lorsque  Napoléon  fonda  les  dix 
premiers  lycées  de  la  République,  pépinière  de  ses  officiers  et 
de  ses  administrateurs,  il  songeait  à  cette  école  de  Brienne  où 
lui-même  avait  fait  ses  études  et  dont  le  souvenir  lui  était  tou- 
jours cher.  Il  voulait  organiser  de  la  même  façon  ces  douze  col- 
lèges ou  pensions,  Sorèze,  Pontlevoy,  Rebais,  Tiron,  Auxerre, 
Beaumont,  Tournon,  Effiat,  Vendôme, La  Flèche,  Pont-à-Mous- 
son  et  Brienne  que,  sur  le  conseil  du  ministre  réformateur 
Saint-Germain,  Louis  XVI  avait  chargés  de  l'éducation  de  la 
noblesse,  pensionnaires  payants  ou  boursiers  du  roi,  destinés 
à  assurer  le  recrutement  des  cadres  de  l'armée.  A  la  suite 
d'un  concours  annuel,  les  élèves  étaient  placés  en  qualité  de 
cadets  gentilshommes  dans  les  troupes  de  Sa  Majesté  et  appe- 
lés à  remplir  les  emplois  de  sous-lieutenant  qui  viendraient  à 
vaquera  Au  début  de  l'institution  des  lycées,  nous  en  trou- 
vons un  nombre  à  peu  près  semblable  à  celui  des  collèges 
militaires  ;  si  les  emplacements  choisis  ne  sont  [las  les  mêmes, 
c'est  que,    par  suite  de   ce   système    géométrique   en    vertu 

1.  Chuqi'kt,  La  jeunesse  de  Napoléon,  Brienne,  pp.  85-89. 


l'instruction  publique  209 

duquel  Napoléon  fait  de  la  France  administrative  un  damier 
où  chaque  case  contient  les  mêmes  éléments  que  la  case  voi- 
sine et  lui  correspond  :  cour  d'appel,  école  de  droit,  lycée  sont 
trois  unités  concordantes  et  inséparables.  Le  lycée  n'en  est 
pas  moins  une  institution  de  la  monarchie  adaptée  à  un  nou- 
vel état  de  choses  et  à  des  besoins  différents. 


Ghavanon  et  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  1800  à  1810.  14 


CHAPITRE  VII 


LES  CULTES 

I.  Les  subdivisions  ecclésiastiques  en  1789  :  trois  diocèses.  —  Opposition  des 
évoques  à  la  Constitution  civile  du  clergé.  —  La  majorité  des  prêtres  refu- 
sent le  serment  qui  est  prêté  par  une  assez  forte  minorité.  —  Mécontentement 
causé  à  la  population  par  la  suppression  d'un  grand  nombre  de  paroisses  ; 
accueil  défavorable  qu'elle  fait  aux  prêtres  constitutionnels;  manifestations 
violentes  et  imprudentes.  —  Le  clergé  réfi-actaire  en  exil.  —  La  Terreur  : 
Le  Bon  et  la  persécution   religieuse.  —  Chute  de  Le  Bon.  —  Le  culte  caché. 

II.  La  période  intermédiaire  entre  le  18  brumaire  et  le  Concordat  :  on  continue 
à  appliquer  les  lois  révolutionnaires,  toutefois  avec  des  atténuations. 

III.  Le  Concordat.  —  Le  nouvel  évêque,  Mgr  de  La  Tour  d'Auvergne;  sa  bio- 
graphie; son  installation.  —  Difïicultés  pour  trouver  un  palais  épiscopal. 

IV.  Délimitation  des  cures  et  des  succursales.  —  Réduction  du  nombre  des 
succursales.  —  Le  lieu  de  résidence  des  desservants. 

V.  Etat  d'esprit  du  préfet  Poitevin-Maissemy.  — L'influence  de  Mgr  Asseline. 
—  Formation  du  clergé  définitif. —  Les  cures  :  répartition  entre  les  consti- 
tutionnels et  les  inconstitutionnels.  —  Les  succursales.  Les  constitutionnels 
sont  relativement  nombreux-  dans  les  arrondissements  de  Boulogne  et 
d'Arras. 

VI.  Episodes  de  la  lutte  entre  la  préfecture  et  l'évêché.  —  Les  délégués  de 
l'évêque  à  Boulogne.  —  Difïicultés  entre  les  maires  et  les  curés.  —  La  liberté 
de  conscience  et  Mgr  de  La  Tour  d'Auvergne. 

Conclusion  :  comment  les  institutions  reçoivent  l'empreinte  du  caractère  de 
ceux  qui  sont  chargés  de  les  appliquer. 

I 

Le  département  du  Pas-de-Calais,  à  sa  création,  comprit  la 
majeure  partie  de  l'ancien  diocèse  d'Arras  (archidiaconé 
d'Artois;  doyennés  d'Arras,  d'Aubigny,  de  Bapaume,  une 
partie  du  doyenné  de  La  Bassée,  doyennés  de  Béthune,  de 
Croisilles,  d'Houdain,  de  Lens,  de  Pas;  archidiaconé  d'Ostre- 
vent;  onze  paroisses  du  doyenné  de  Douai,  doyenné  d'Hénin- 
Liétard)  ;  de  tout  le  diocèse  de  Boulogne  ;  d'une  partie  du  dio- 
cèse de  Saint-Omer  (archiprêtré  de  Saint-Omer,  presque  la 
totalité  des  doyennés  d'Aire,  d'Arqués,  d'ilelfaut,  de  Longue- 
nesse,  d'Audruick,  de  Lillers,  d'IIesdin)  ;  enfin  quelques 
paroisses  des  diocèses  de   Cambrai,  de  Tournai,  d'Amiens  et 


LES    CULTES  211 

de  Noyon.  Cet  enchevêtrement  devait  rendre  particulièrement 
difficile  et  délicate  l'application  du  nouveau  rég-ime  qu'allait 
faire  au  clergé  l'assemblée  Constituante. 

En  1789,  le  siège  épiscopal  d'Arras  était  occupé  par 
Mgr  Louis-Marc-Hilaire  de  Conzié,  précédemment  évéque  de 
Saint-Omer.  Ce  prélat  appartenait  à  une  ancienne  famille  de 
la  Savoie  établie  dans  le  Bugev;  né  à  Poncin  le  13  janvier 
1732,  il  avait  embrassé  l'état  militaire  avant  d'être  prêtre  et 
servi  comme  officier  de  dragons.  Très  mondain,  bien  en  cour, 
il  séjournait  plus  souvent  à  Versailles  que  dans  son  diocèse  ; 
de  grande  mine  et  de  noble  prestance,  il  en  imposait  à  tous 
ceux  qui  l'approchaient,  mais  n'était  généralement  pas  aimé 
en  Artois. 

Au  contraire,  l'évêque  de  Boulogne,  Mgr  François-Joseph 
Partz  de  Pressy,  qui  administrait  son  diocèse  depuis  quarante- 
six  ans,  était  considéré  comme  un  saint  ;  le  romancier  Pigault, 
qui  l'avait  vu  à  l'œuvre,  disait  de  lui,  «  qu'il  pourrait  servir 
de  modèle  à  tout  le  clergé  du  monde  chrétien  »  ^ .  Malheureu- 
sement, il  mourut  le  8  octobre  1789.  Un  grand  vicaire  de 
Paris,  ancien  professeur  en  Sorbonne,  Mgr  Louis  Asseline, 
désigné  pour  lui  succéder,  fut  sacré  à  Paris  le  3  janvier  1790 
et  vint  prendre  immédiatement  possession  de  son  diocèse. 

A  Saint-Omer,  l'évêque,  Mgr  Alexandre -Joseph -Marie- 
Alexis  de  Bruyères-Chalabre  était  originaire  de  Castelnau- 
dary;  aumônier  du  comte  d'Artois  et  vicaire  général  du  diocèse 
de  Lyon,  il  avait  été  appelé  le  14  janvier  1778  à  l'évêché  de 
Saint-Omer.  Très  faible  de  santé,  il  était  contraint  de  passer 
tous  les  hivers  dans  le  midi  de  la  France  et  même  en  Italie  ; 
ses  opinions  jansénistes  lui  avaient  aliéné  quelques-uns  des 
prêtres  de  son  diocèse. 

Jusqu'en  1790,  les  anciens  diocèses  subsistèrent  concurrem- 
ment avec  les  nouveaux  départements,  mais  en  1790,  la  Cons- 
titution civile  du  clergé  apporta  de   profondes  modifications. 

1.  Deramecourt,  Le  clergé  du  diocèse  d'Arras,  Boulogne  el  Saint-Omer  pen- 
dant la  Révolution,  tome  I,  p.  10. 


212  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

D'après  cette  constitution,  les  diocèses  devaient  se  confondre 
avec  les  départements;  donc,  dans  le  département  du  Pas- 
de-Calais,  les  évêchés  d'Arras  et  de  Boulogne  devaient  dispa- 
raître. Le  siège  du  nouveau  diocèse  était  fixé  à  Saint-Omer  et 
Févêque  devait  prendre  le  titre  d'évêque  du  Pas-de-Calais  et 
avoir  pour  métropolitain  l'archevêque  de  Rouen. 

Les  évêques  de  Boulogne,  d'Arras  et  de  Saint-Omer,  Mgr 
Asseline,  Mgr  Gonzié  et  Mgr  de  Bruyères-Chalabre  adhérèrent 
à  la  protestation  de  l'archevêque  d'Aix  contre  la  Constitution 
civile  du  clergé.  Mgr  Asseline  se  montra  particulièrement  hos- 
tile à  celle-ci  ;  six  jours  avant  l'exposé  général  des  évêques 
de  France,  le  24  octobre  1790,  il  publia  une  instruction  pasto- 
rale sur  l'autorité  spirituelle  qui  eut  un  grand  retentissement 
et  dans  laquelle  il  s'efforçait  de  démontrer  que  les  mesures 
prises  par  l'Assemblée  Constituante,  «  suppression,  érection 
des  métropoles,  des  diocèses  et  des  cures,  suppression  des 
églises  cathédrales  et  des  autres  titres  de  bénéfices,  règles  con- 
cernant le  choix  et  l'institution  des  pasteurs  »,  etc.,  étaient 
des  mesures  d'ordre  spirituel  et  ne  pouvaient  ressortir  que  de 
la  seule  autorité  de  l'Eglise  et  non  de  la  puissance  civile.  De 
son  côté,  Mgr  de  Bruyères-Chalabre  écrivait  de  Milan  une 
lettre  pastorale  de  protestation,  le  l^'' janvier  1791. 

Un  oratorien,  Daunou,  qui  devait  jouer  dans  la  suite  un 
rôle  politique  considérable,  répondait  à  Mgr  Asseline  par  vine 
plaquette  de  huit  pages  :  <(  Accord  de  la  foi  catholique  avec 
les  décrets  de  r Assemblée  Nationale  sur  la  Constitution  civile 
du  clergé  »,  où  il  réfutait  les  assertions  de  l'évêque  de  Bou- 
logne. En  même  temps,  François  de  Torcy,  prêtre  de  la  Doc- 
trine chrétienne  et  recteur  du  collège  français  de  Saint-Omer, 
prononçait,  le  16  janvier  1791 ,  dans  l'église  de  ce  collège,  un 
sermon  sur  l'accord  de  la  constitution  française  avec  la  religion . 
Mais  la  majorité  des  ecclésiastiques  se  montrait  plutôt  dispo- 
sée à  suivre  les  trois  évêques.  Tous  les  prêtres  maintenus 
dans  leurs  fonctions  devaient,  dans  un  délai  de  huit  jours, 
prêter  le  serment  d'être  fidèles  à  la  nation,  à  la  loi  et  au  roi 


LES    CULTES  213 

et  de  maintenir  de  tout  leur  pouvoir  la  constitutio  n  décrétée 
par  l'Assemblée  Nationale  et  acceptée  par  le  Roi  ;  la  dernière 
limite  expirait  le  23  janvier  1791. 

Parm-i  les  députés  du  clergé  aux  Etats -Généraux,  Behin, 
curé  d'Hersin-Goupigny  et  Michaud,  curé  de  Bomy,  avaient 
pris  la  plume  en  faveur  de  la  Gonstitution  civile  du  clergé  ; 
au  contraire,  Rollin,  curé  de  Verton,  avait  présenté  des  obser- 
vations semblables  à  celles  de  Mgr  Asseline.  Le  prévôt,  le 
doyen,  les  chanoines  du  chapitre  de  l'église  cathédrale  d'Arras 
adressaient,  de  leur  côté,  une  protestation  véhémente  en 
réponse  à  Tordre  qui  leur  avait  été  donné  de  cesser  l'office 
public  dans  l'église  cathédrale. 

Du  clergé  paroissial  d'Arras,  deux  prêtres  seulement 
prêtent  le  serment  :  Porion,  curé  de  Saint-Nicolas-sur-les- 
Fossés,  et  Herbet,  vicaire  de  Saint-Aubert  ;  il  faut  ajouter  à 
leurs  noms  ceux  de  deux  prêtres  étrangers  au  diocèse,  Bru- 
neau,  curé  de  la  citadelle,  et  Le  Noë,  aumônier  du  régiment 
de  Bourbon.  A  Boulogne,  un  seul  prêtre  se  présente  pour 
prêter  le  serment  :  le  chanoine  sacristain,  Le  Gressier  de  Bela- 
noy  ;  à  Montreuil,  Poultier,  curé  de  Saint-Jacques,  et  Havet, 
curé  de  Saint- Vallois  ;  à  Saint-Omer,  le  chanoine  Le  Roi  du 
Royer.  11  fallut,  dans  les  villes,  recourir  aux  religieux  des  cou- 
vents pour  assurer  l'exercice  du  culte. 

Le  nombre  des  prêtres  qui  prêtèrent  le  serment  est  beau- 
coup plus  considérables  dans  les  campagnes.  District  de  Mon- 
treuil :  vingt-six  ecclésiastiques  prêtèrent  le  serment  pur  et 
simple,  et  quatorze  prêtres  le  serment  avec  des  restrictions  plus 
ou  moins  étendues  ;  district  de  Saint-Omer  :  dix-huit  ecclé- 
siastiques seulement  auraient  prêté  le  serment  (parmi  eux,  il 
faut  citer  le  chanoine  Hennebert,  l'auteur  de  V Histoire  de 
V Artois,  et  le  Père  François  de  Torcy,  supérieur  des  doctri- 
naires de  Saint-Omer)  ;  par  contre,  cent  trente-cinq  prêtres 
rédigèrent  et  signèrent,  en  forme  de  protestation,  la  «  décla- 
ration des  doyens,  curés  et  autres  ecclésiastiques  de  plusieurs 
décanats  du   diocèse  de  Saint-Omer  sur  la  Constitution  civile 


214  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

du  clergé  »  ;  dans  le  district  d'Arras,  on  cite,  comme  ayant 
juré  sans  restriction,  quatorze  oratoriens  et  trente-huit  curés 
ou  vicaires  des  paroisses  rurales,  etc.  Tout  compté,  la  plupart 
des  ecclésiastiques  prêtent  le  serment  avec  des  restrictions. 

Malgré  les  résistances,  la  Constitution  civile  du  clergé 
n'en  devait  pas  moins  être  appliquée  dans  toute  son  intégralité  : 
le  26  mars  1791,  quatre  cent  quatre-vingt-dix-sept  citoyens  se 
réunissaient  dans  l'église  Saint-Nicolas-sur-les-Fossés  pour 
procéder  à  l'élection  de  l'évêque  constitutionnel  du  Pas-de- 
Calais  :  au  premier  tour  de  scrutin,  Porion,  curé  de  Saint- 
Nicolas  sur  les  Fossés,  obtient  144  voix,  Duflos,  curé  d'Hes 
mond,  144,  et  Dupont,  87;  au  troisième  tour  de  scrutin,  Duflos 
est  élu  par  198  voix  contre  172  attribuées  à  Porion;  mais, 
Duflos  refusant  la  dignité  épiscopale,  c'est  Porion  qui,  finale- 
ment, est  proclamé  évêque  du  Pas-de-Calais.  M.  l'abbé 
Deramecourt,  dans  ses  intéressantes  études  sur  le  clergé  des 
diocèses  d'Arras,  de  Boulogne  et  de  Saint-Omer  pendant  la 
Révolution,  trace  le   portrait  suivant  de  l'évêque  Porion  : 

«  Elève  du  collège  d'Arras,  il  était  entré  jeune  encore  dans 
la  congrégation  de  l'Oratoire  et  avait  été  successivement 
secrétaire  de  Christophe  de  Beaumont,  archevêque  de  Paris, 
professeur  au  collège  de  La  Flèche  et  régent  de  philosophie 
au  collège  d'Arras.  C'est  dans  cette  dernière  position  que  le 
prit  la  confiance  afl^ectueuse  de  Mgr  de  Conzié  pour  lui  donner 
l'une  des  cures  les  plus  importantes  de  sa  ville  épiscopale. 
C'était  un  homme  de  caractère  agréable,  d'esprit  cultivé,  de 
physionomie  avenante,  qui  prêchait  avec  beaucoup  d'assu- 
rance et  une  grande  onction.  On  cite  de  lui  un  discours  aux 
troupes  de  la  garnison  d'Arras  qui  ne  manque  pas  de  mérite 
et  une  pièce  de  vers  latins  bien  tournés  adressés  à  l'évêque 
Conzié  ((  ob  meliorem  ipsius  valetudinem  »,  et  dans  laquelle  il 
lui  souhaitait,  sans  se  douter  qu'il  contribuerait  lui-même  à  les 
abréger,  de  longues  années  d'épiscopat.  Il  paraît  avoir  été  appli- 
qué sérieusement  à  remplir  les  devoirs  de  sa  charge,  puisque,  le 
29  octobre  1783,  il  écrivait  au  secrétaire  de  l'Académie  d'Arras 


LES    CULTES  215 

pour  lui  dire  qu'il  ne  se  sentait  ni  le  goût  nécessaire,  ni 
les  talents  propres  pour  remplir  les  devoirs  d'académicien.  Il 
envoie  donc  sa  démission  et  remercie  l'Académie  de  l'avoir 
élu  :  «  la  facilité  qu'elle  a  de  faire  un  meilleur  choix,  déclare- 
t-il,  m'est  en  ce  moment  le  gage  le  plus  certain  de  son  indul- 
gence à   mon  é^ard  '.  » 

Installé  le  16  avril  à  Saint-Omer,  le  nouvel  évêque  choisit 
comme  vicaires  épiscopaux  :  Galjriel-François  Dupont,  curé 
de  Marquise,  le  P.  Honoré  Spitallier,  de  l'Oratoire,  préfet  du 
collège  d'Arras,  le  P.  François  de  Torcy,  de  la  Doctrine  chré- 
tienne, le  P,  Jean-Alexis  Balland,  de  l'Oratoire,  supérieur  du 
collège  de  Béthune,  Nicolas-Louis-Désiré  Royer,  ancien  cha- 
noine de  Saint-Omer,  Toussaint  Saupicque,  ancien  religieux, 
et  François-Martin-Quintin  Poultier  ;  Daunou  leur  est  adjoint 
dans  la  suite.  François-Dominique-Etienne  Blanchandin,  de 
Calais,  gardien  du  couvent  des  Capucins  à  Abbeville,  est 
nommé  vicaire  supérieur  du  séminaire  épiscopal. 

Un  grand  nombre  de  paroisses  des  anciens  diocèses  étaient 
supprimées,  ce  qui  fut  une  des  principales  causes  de  méconten- 
tement des  populations  dans  la  commune  d'Arras  :  il  ne 
devait  plus  y  avoir  que  quatre  paroisses  et  une  succursale 
intra  muros  et  trois  succursales  seulement  hors  des  murs.  Le 
district  d'Arras  était  réduit  à  42  paroisses  ;  le  district  de 
Boulogne,  à  67  ;  le  district  de  Montreuil,  à  50  ;  le  district  de 
Saint-Pol,  à  64;  le  district  de  Béthune,  à  52;  le  district  de 
Bapaume,  à  43  ;  le  district  de  Calais,  à  30  ;  le  district  de  Saint- 
Omer,  à  43. 

Le  dimanche  5  juin  1791,  les  électeurs  du  district  d'Arras 
se  réunirent  à  l'église  paroissiale  et  électorale  pour  procéder  à 
l'élection  des  curés  du  district.  Les  quatre  paroisses  de  la 
ville  d'Arras  eurent  quatre  anciens  curés  ou  vicaires  du  dio- 
cèse qui  avaient  prêté  le  serment,  Herbet,  Marlier,  Cavrois  et 
Huret.   Dans  les  communes  rurales,  on   dut  recourir,  afin  de 

1.  Deramecourt,  Le  clergé  du  diocèse  d'Arras,  Boulogne  et  Saint-Omer  pen- 
dant la  Révolution,  t.  II,  pp.  160-161. 


216  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

combler  les  vides  à  un  certain  nombre  de  religieux  ou  de 
prêtres  étrangers  au  diocèse  :  citons  Dutercq,  procureur  des 
Dominicains  de  Douai,  Lenlle  dit  le  P.  Armand,  récollet, 
Bruneau,  curé  de  la  citadelle,  Dubusse,  religieux  à  Saint-Eloy, 
Boniface,  vicaire  de  Pantin,  près  Paris,  le  trop  célèbre 
Joseph  Le  Bon,  de  l'Oratoire,  nommé  curé  de  Neuville- 
Vitasse,  etc.  11  en  fut  de  même  dans  les  autres  districts.  A  la 
fin  du  mois  de  juin  1791,  le  clergé  constitutionnel  du  Pas- 
de-Calais  était  entièrement  organisé,  tant  bien  que  mal,  et 
toutes  les  cures  étaient  pourvues  d'un  titulaire.  L'adminis- 
tration de  l'évêque  Porion  ne  manquait  du  reste  ni  d'habileté, 
ni  de  sagesse;  M.  Deramecourt  lui-même  reconnaît  qu'un 
grand  nombre  de  ses  réformes  avaient  leur  raison  d'être , 
mais,  ajoute-t-il,  il  n'appartenait  pas  à  un  évêque  de  les  impo- 
ser, ni  de  les   promulguer  de  sa  propre  autorité  i. 

Que  devenait  pendant  ce  temps  le  clergé  réfractaire  ?  Des 
trois  évêques,  l'un,  Mgrde  Bruyères-Ghalabre,  était  toujours  à 
Milan,  d'où  il  lançait  en  toute  sécurité  ses  '(  foudres  »  contre 
l'intrus  Porion  ;  Mgr  de  Conzié  s'était  retiré  à  Tournay  ;  Mgr 
Asseline  tint  plus  longtemps  tête  à  l'orage  ;  il  ne  quitta  Bou- 
logne que  le  o  juin,  pour  se  réfugier  à  Ypres.  Tous  trois 
avaient  protesté  également  et  à  peu  près  dans  les  mêmes 
termes  contre  la  nomination  de  Porion,  contre  la  modification 
des  paroisses  et  l'élection  des  nouveaux  curés.  Conformément 
aux  instructions  de  leurs  évêques,  les  curés  réfractaires  res- 
taient à  leur  poste  et,  en  plus  d'une  commune,  la  population 
était  de  cœur  avec  eux,  surtout  dans  les  paroisses  appelées  à 
disparaître.  Des  conflits,  accompagnés  parfois  d'incidents  vio- 
lents, sont  la  conséquence  inévitable  de  ce  dualisme.  Les 
partisans  des  anciens  curés  font  la  vie  très  dure  aux  prêtres 
constitutionnels  et  leurs  provocations  imprudentes  contribuent 
certainement  à  déchaîner  les  colères  et  à  amener  la  persé- 
cution du  clergé    réfractaire.    Ainsi,    le  curé  constitutionnel 

1.  DlîH.VMECOURT,  0/3.     Cit.,  t.    II,  p.   207. 


LES    CULTES  217 

d'Erin,  Boniface,  est  contraint  de  démissionner,  k  cause  des 
misères  que  lui  font  les  habitants  fidèles  aux  prêtres  réfrac- 
taires,  Sauvage  et  Caron  ;  de  même,  son  successeur  Peu- 
gniet . 

Pendant  la  durée  de  l'Assemblée  Législative  et  jusqu'à  la 
journée  du  10  août,  s'il  y  eut  des  violences  de  part  et  d'autre,  si 
les  esprits  se  surexcitèrent  et  si  les  ennemis  de  l'Eglise  en 
profitèrent  pour  engager  plus  avant  dans  la  voie  révolution- 
naire les  administrations  du  département,  des  districts  et  des 
communes,  le  clergé  réfractaire  ne  fut  cependant  pas  encore 
obligé  de  se  disperser. 

Devançant  l'Assemblée  Législative  dans  les  mesures  de 
répression  qui  devaient  suivre  au  lendemain  du  10  août, 
l'assemblée  administrative  du  département  prenait,  dès  le 
19    du  même    mois,  les  résolutions  suivantes: 

«  Considérant  que  les  manœuvres  des  prêtres  insermentés 
ont  exposé  l'Etat  à  des  dangers  tels  que  le  salut  du  peuple, 
cette  loi  suprême,  et  la  sûreté  personnelle  de  cette  classe 
d'hommes  obligent  les  administrateurs  à  prendre  contre  eux 
des  mesures  répressives  ;  après  avoir  été  entendu  le  procureur 
général  syndic,  a  été  arrêté  ce  qui  suit  : 

«  Art.  l*'''  :  La  peine  de  la  réclusion  aura  lieu  contre  tout 
ecclésiastique  qui  n'a  pas  prêté  ou  qui  a  rétracté  le  serment 
décrété  le  26  décembre  90,  soit  qu'il  ait  été  soumis  ou  non  à  ce 
serment. 

«  Art.  2.  Cette  peine  ne  sera  prononcée  que  sur  la  dénon- 
ciation de  vingt  citoyens  d'un  même  canton,  âgés  au  moins 
de  21  ans,  lesquels  affirmeront  qu'ils  ont  la  conviction  intime 
qu'il  importe  à  la  tranquillité  publique  que  tel  ecclésiastique 
soit  reclus. 

((  Art.  3.  La  dénonciation  sera  faite  devant  le  Conseil  ou 
Directoire  du  district. 

«  Art.  4.  La  maison  de  réclusion  sera  la  ci-devant  abbaye  de 
Saint-Bertin,  k  Saint-Omer.  » 


218  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

On  sait  que  l'Assemblée  Législative  aggrava  ces  mesures 
puisqu'elle  prescrivit  que  tous  les  ecclésiastiques  assujettis  au 
serment,  qui  ne  l'auraient  pas  prêté  ou  l'auraient  rétracté, 
seraient  tenus  de  sortir  sous  huit  jours  des  limites  du  district 
et  du  département  de  leur  résidence  et,  dans  la  quinzaine, 
du  royaume  ;  ceux  qui  n'auraient  pas  obéi  à  la  loi  seraient 
déportés  à  la  Guyane.  La  loi  du  23  avril  1793,  plus  rigoureuse 
encore,  décréta  que  tous  les  ecclésiastiques  réguliers,  séculiers, 
frères  convers  et  lais,  coupables  de  ne  pas  avoir  prêté  le 
serment  de  maintenir  la  liberté  et  l'égalité,  seraient  embarqués 
et  transférés  sans  délai  à  la  Guyane. 

Tandis  que  les  manifestations  continuaient  dans  les  cam- 
pagnes contre  les  prêtres  constitutionnels,  les  diverses  admi- 
nistrations commençaient,  à  partir  de  l'année  1793,  à  appliquer 
les  mesures  de  rigueur  contre  les  réfractaires,  assez  molle- 
ment d'abord,  il  faut  le  reconnaître,  puis  plus  durement,  lors- 
que les  représentants  en  mission  eurent  destitué  certaines 
assemblées  administratives  accusées  de  tiédeur.  C'est  dans  le 
district  de  Saint-Pol  que  l'hostilité  à  la  Constitution  civile 
du  clergé  se  manifestait  le  plus  violemment  ;  c'est  dans  ce 
même  district  qu'eurent  lieu  les  premières  arrestations.  Le 
6  février  1794,  275  ecclésiastiques  de  ce  district  ou  y  résidant 
avaient  pris  le  chemin  de  l'exil.  Beaucoup  de  prêtres  des  dio- 
cèses d'Arras,  de  Saint-Omer  et  de  Boulogne  se  réfugièrent 
dans  les  Pays-Bas  autrichiens,  mais  les  victoires  des  armées 
françaises  les  forcèrent  plus  tard  à  fuir  jusqu'en  Allemagne  ou 
à  rejoindre  ceux  de  leurs  confrères  qui  avaient  choisi  l'An- 
gleterre comme  lieu  de  retraite.  Mgr  Asselihe  était  le  premier 
chef  spirituel  de  ces  exilés,  chef  infatigable  et  très  écouté. 

En  septembre  1792,  l'ancienne  abbaye  du  Vivier  à  Arras, 
avait  été  transformée  en  maison  de  réclusion  pour  les  prêtres 
âgés  et  infirmes  qui  n'avaient  pas  prêté  le  serment  et  étaient 
trop  faibles  pour  supporter  les  fatigues  de  l'exil  ;  le  collège  de 
l'Oratoire  de  la  même  ville  reçut,  en  1793,  la  même  destina- 
tion ;   puis,    l'ancien    couvent    des  Capucins,    etc.    La   place 


LES   CCLTES  219 

manquait  pour  loger  tous  les  ecclésiastiques  qui  devaient  être 
reclus. 

Lorsque  Le  Bon,  de  suppléant  à  la  Convention  Nationale  y 
devient  député  et  est  envoyé  en  mission  dans  le  département 
du  Pas-de-Calais,  la  terreur  commence  réellement  à  régner  ; 
l'exil  et  la  réclusion  sont  des  peines  trop  douces,  la  guillotine 
fonctionne  en  permanence.  Les  arrestations  se  succèdent  sans 
relâche  et  la  folle  équipée  d'Aumerval,  connue  sous  le  nom 
de  «  Petite  Vendée  de  l'Artois  »,  fournit  un  facile  prétexte  aux 
mesures  sanguinaires  de  Le  Bon.  Deux  des  auteurs  de  l'émeute 
d'Aumerval,  Jacques  Bins  et  Augustin  Grimbert,  sont  exécu- 
tés à  Saint-Pol;  ils  inaugurent  la  funèbre  série  dans  laquelle 
seront  compris  tant  d'ecclésiastiques.  Le  premier  prêtre,  qui 
porte  la  tête  sur  l'échafaud  est  le  chanoine  Jean  Poulin,  du 
chapitre  d'Arras,  ancien  professeur  de  l'Université  de  Reims, 
accusé  d'avoir  contrevenu  aux  lois  sur  l'émigration.  Le 
3  octobre  1793,  c'est  le  tour  de  l'abbé  Jean-Pierre  Poulteau, 
ancien  vicaire  d'Mucqueliers,  exécuté  à  Boulogne.  Nous  trou- 
vons ensuite  parmi  les  victimes  :  le  chanoine  Jean  d'Advisard, 
originaire  d'Arras,  vicaire  général  de  l'archevêque  de  Tours  ; 
François  de  Conzié,  frère  de  l'évêque  d'iVrras  ;  l'abbé 
Carg,  curé  de  Colline,  condamné  à  mort  pour  avoir  prêché 
l'indissolubilité  du  mariage  et  l'impossibilité  spirituelle  où 
étaient  les  fidèles  d'obéir  à  la  loi  du  divorce  ;  l'abbé  Marchand, 
attaché  à  la  paroisse  Saint-Nicolas-en-1'Atre,  jugé,  condamné 
et  exécuté  en  moins  de  deux  heures  ;  les  six  chanoines  d'Arras, 
Malbeaux,  Boucquel  de  Lignicourt,  De  Buissy,  Leroux  du 
Châtelet,  de  France  de  Vincly  et  Harduin,  accusés  d'avoir 
signé  la  déclaration  du  chapitre  contre  la  Constitution  civile 
du  clergé  ;  Jean  Diot,  curé  de  Ligny-sur-Conche,  ancien 
député  du  clergé  aux  Etats  généraux  où  il  avait  voté  les  prin- 
cipales réformes  et  ancien  curé  constitutionnel  ;  Louis  Fran- 
çois Joseph  Ansart,  religieux  de  Saint- Vaast  et  Charles 
Michaud,  curé  constitutionnel  de  Saint-Bertin,  ancien  député 
à  l'Assemblée  Constituante,  auquel  Le  Bon  reprochait  d'avoir 


220  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

prêché  contre  la  descente  des  cloches.  Après  un  répit  déter- 
miné par  un  vojag-e  de  Le  Bon  à  Paris,  la  funèbre  série 
recommence  ;  Dom  Desruelles,  sous-prévôt  de  Saint- Vaast  ; 
le  chanoine  Roch  Legrand,  du  chapitre  de  Saint-Barthélémy 
de  Béthune,  qui  avait  adressé  une  lettre  de  remerciements  au 
châtelain  delà  Vaissière,  M.  de  Vieilfort  ;  Barthélémy  Laig-nel, 
religieux  de  Saint- Vaast,  et  son  frère  Jacques  Laignel,  abbé 
de  Saint-Eloy  ;  l'abbé  Brasseur,  vicaire  de  Chocques  ;  Jacques 
Piedfort,  vicaire  constitutionnel  d'Audincthum,  accusé  d'avoir 
falsifié  un  acte  de  baptême  pour  se  soustraire  à  la  réquisition  ; 
Pierre-Joseph  Peugniet,  curé  constitutionnel  de  Vitry  ;  deux 
religieuses,  Marie-Eugénie  et  Marie-Joséphine  de  Nédonchel; 
quatre  sœurs  de  charité  de  la  maison  d'Arras,  Marie-Made- 
leine Fontaine,  Marie  Lamelle,  Thérèse  Fontoux  et  Jeanne 
Gérard  1;  Pierre-Joseph  Nonjean,  prêtre  chantre  de  l'église 
Saint-Gerj  ;  Edouard  Gouillard,  chanoine  d'Aire  ;  Marie- 
Dominique  Braure,  supérieure  de  la  maladreriede  Saint-Omer, 
six  récollets,  deux  carmes  déchaussés,  trois  prêtres  séculiers, 
quatre  ursulines  et  une  hospitalière,  arrêtés  à  Ypres  et  con- 
damnés en  bloc,  etc. 

A  Béthune,  le  conventionnel  Duquesnoy,  digne  rival  de 
Le  Bon,  faisait  arrêter  cinquante-sept  personnes  et  les  diri- 
geait sur  Arras  pour  être  jugées  par  le  tribunal  révolution- 
naire. 

Le  rappel  de  Le  Bon,  le  9  thermidor,  puis  l'arrestation  de 
ce  tyran  qui,  après  un  procès  interminable  et  une  détention  de 
quatorze  mois,  porta  enfin  à  son  tour  la  tête  sur  l'échafaud, 
permirent  au  département  du  Pas-de-Calais  de  retrouver  une 
certaine  sécurité.  Du  9  thermidor  au  coup  d'Etat  du  18  bru- 
maire, ce  n'est  évidemment  pas  la  liberté  religieuse  et  beaucoup 
d'ecclésiastiques  sont  déportés  à  la  Guyane,  mais  ce  n'est  plus 
le  régime  terroriste  comme  l'avait  compris  le  sanguinaire  pro- 
consul. Les  mariages  de  prêtres,  le  culte  de  la  Raison,  puis  le 

1.  V.  sur  la  mort  de  ces  religieuses  les  récentes  et  curieuses  brochures  de 
M.  l'abbé  Misermont,  les  Sœurs  de  la  charité  d'Arras. 


LES    CULTES  221 

culte  de  l'Etre  suprême  avaient  désorganisé  le  clergé  consti- 
tutionnel lui-même.  Rien  n'était  fait  pour  rétablir  le  culte.  Au 
lendemain  du  9  thermidor,  le  représentant  Berlier,  envoyé  en 
mission  dans  le  Pas-de-Calais,  dit  dans  l'une  de  ses  procla- 
mations .  «  Le  règne  de  la  superstition  n'est  point  reproduit 
par  la  chute  des  tyrans  ;  dénoncez  ceux  qui  voudraient  vous 
agiter  sous  ce  prétexte.  La  liberté,  la  justice,  la  morale, 
voilà  la  vraie  religion,  celle  que  la  raison  commande  et  que 
l'esprit  conçoit  sans  le  secours  des  hypocrites  apôtres  qui 
avaient  jusqu'à  ces  derniers  temps  rivé  les  fers  de  l'huma- 
nité. » 

La  population,  en  réalité,  désirait  ardemment  la  restaura- 
tion du  culte,  car,  de  toutes  parts,  rentraient  des  prêtres 
réfractaires  qui  parcouraient  les  communes,  célébraient  les 
offices,  prêchaient,  donnaient  les  sacrements,  etc.,  et  les  bri- 
gades de  gendarmerie,  lancées  à  leur  poursuite,  rentraient 
presque  toujours  les  mains  vides,  ce  qui  prouve  la  compli- 
cité des  populations  et  des  municipalités,  et  même  celle  des 
gendarmes.  Le  culte  caché  se  pratiquait  partout  au  moment 
où  se  produisit  le  coup  d'Etat  du  18  brumaire. 

Nous  pouvons  ainsi  résumer  l'histoire  du  clergé  du  départe- 
ment du  Pas-de-Calais  de  1789  à  1800:  la  Révolution  est 
mal  accueillie  par  les  évêques,  dont  l'un,  Mgr  Asseline,  est 
le  partisan  le  plus  acharné  et  le  plus  irréductible  de  la  résis- 
tance à  outrance  ;  cette  altitude  des  évêques  contribue  nota- 
blement à  décider  la  majorité  du  «lergé  à  refuser  le  serment 
constitutionnel,  que  prête  toutefois  une  assez  forte  minorité  , 
les  subdivisions  nouvelles  des  paroisses  et  la  diminution 
de  leur  nombre  sont,  parmi  les  causes  les  plus  sérieuses  de 
l'opposition  des  populations  au  clergé  constitutionnel,  enfin 
l'odieuse  persécution  de  Le  Bon  et  de  ses  acolytes  grandit 
aux  yeux  des  fidèles  les  missionnaires  du  «  culte  caché  », 
devenu  très  actif  depuis  la  fin  de  l'année  1795  '. 

J.  Deuamecourt,  Le  clergé  du  diocèse  d'Ar ras,  Boulogne  et  Sainl-Onier 
pendant  la  Révolution,  t.  1,  2  et  3. 


222  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 


II 


Après  le  coup  d'État  du  18  brumaire,  rien  n'est  changé 
dans  la  législation  relative  à  l'Eglise  ;  ce  sont  les  lois  pro- 
mulguées par  la  Convention  Nationale  et  le  Directoire  que  les 
administrations  doivent  appliquer  aux  j)rêtres  réfractaires  ; 
mais,  dans  la  pratique,  on  montre  plus  de  bienveillance  et 
d'humanité  à  l'égard  des  ecclésiastiques  détenus.  Un  certain 
nombre  sont  mis  tout  de  suite  en  liberté,  les  autres  voient 
s'adoucir  leur  captivité  ;  enfin,  le  7  janvier  1800,  les  portes  des 
prisons  sont  ouvertes  à  toutes  les  victimes  de  la  persécution 
religieuse.  Dans  un  esprit  contraire,  le  25  prairial  an  VIII, 
l'administration  refuse  de  rendre  aux  habitants  des  communes 
de  Gavron-Saint-Martin,  d'Arondance,  de  Planques,  de 
Torcy,  de  Crécy,  de  Boulers-les-Nesmond  et  de  Sains-les- 
Fresvin  les  églises  qui  ont  été  vendues  comme  biens  natio- 
naux i.  Un  autre  arrêté,  en  date  du  19  messidor  an  VIII,  met 
les  cérémonies  du  culte  sous  la  surveillance  des  autorités  -. 
«  Informé,  dit  le  préfet,  que  les  lois  sur  la  police  des  cultes 
ont  cessé  depuis  quelque  temps  d'être  pleinement  et  géné- 
ralement exécutées  dans  ce  département  ;  considérant  qu'au- 
tant il  est  dans  l'esprit  du  gouvernement  et  du  dépositaire 
de  son  autorité  de  protéger  la  liberlé  des  cultes,  autant  il  est 
essentiel  au  bon  ordre  et  à-  la  tranquillité  publique  que  l'exer- 
cice de  ces  cultes  soit  strictement  renfermé  dans  les  bornes 
qui  lui  sont  assignées  par  les  lois  ;  considérant  néanmoins 
qu'il  suffira  de  rappeler  aux  citoyens  les  lois  qui  doivent  être 
la  règle  de  leur  conduite  en  cette  matière,  arrête  la  réim- 
pression des  articles  de  loi  qui  suivent »  Et  l'arrêté  repro- 
duit l'article  VII  de  la  loi  du  3  ventôse  an  III,  la  plupart  des 


1.  Archives  départ,    lic^.  98   des  arrêtés  préfectoraux,  f"  155. 

2,  Ihid.,  llcg.  98  des  arrêtés  préfectoraux,  f"  281. 


LES    CULTES  223 

articles  de  la  loi  du  7  vendémiaire   an  VII,  la  loi    du  22  ger- 
minal an  IV,  etc. 

A  ce  moment  les  prêtres  Denis-Marie-Xavier  Deschodt, 
Ducauroy,  Armand-Joseph  Henry,  le  chanoine  De  Vicques, 
Fahy,  ancien  curé  de  Saint-Pierre,  Charles-Ignace  Blin,  ancien 
vicaire  de  W^imille,  Dapvril,  ex-curé  de  Bois-Bernard,  Etienne 
Boisleux,  vicaire  à  Quentin,  Pierre-Joseph  Houriez,  curé  du 
Transloy,  Joseph  Defasque,  ex-cordelier,  Vaast  Galland, 
ex-curé  de  Barlin,  sont  internés  à  la  maison  d'arrêt  dite  des 
Dominicains  ou  au  Vivier. 

Qu'était  devenu  au  milieu  de  la  tourmente  le  clergé  consti- 
tutionnel? L'évêque  Porion  s'était  marié;  il  fut  nommé admi 
nistrateur  municipal  de  Saint- Omer  le  12  décembre  1797, 
mais  il  donna  sa  démission  le  23  février  1798  et  vécut  dans 
l'obscurité  jusqu'à  sa  mort,  qui  arriva  le  20  mars  1830.  A 
la  fin  de  l'année  1795,  le  clergé  constitutionnel  avait  tenté 
de  se  réorganiser  :  le  curé  de  Lestrem,  Warenghem,  avait 
parcouru  presque  tout  le  département  et  était  parvenu  à 
réunir  à  Lestrem  un  «  synode  »  de  douze  prêtres  représen- 
tant quatre-vingt-trois  ecclésiastiques  du  Pas-de-Calais  ;  ce' 
synode  constitua  le  «  presbytère  »  du  département,  dont  il 
nomma  président  Mathieu  Asselin,  curé  du  Saint-Sépulcre  de 
Saint-Omer,  et  secrétaire  le  vicaire  épiscopal  Royer.  Le 
30  novembre  179G,  le  «  presbytère  »  adressait  au  diocèse  une 
instruction  pastorale;  peu  après,  Mathieu  Asselin  était  élu 
évêque    constitutionnel  du  Pas-de-Calais. 

Mathieu  Asselin,  né  à  Beauvoir,  hameau  de  Bonnières, 
dans  le  doyenné  d'Auxi-le-Château  au  diocèse  d'Amiens, 
le  26  octobre  1731,  avait  été  ordonné  prêtre  à  Meaux  en 
1760  ;  il  avait  pris  en  Sorbonne  les  grades  de  maitre-ès-arts 
et  de  bachelier  en  théologie,  avant  d'être  nommé  en  1765  a 
la  cure  de  Falaise  ;  lors  de  la  Constitution  civile  du  clergé, 
il  prêta  le  serment  et  reçut  la  cure  duSaint-Sépulchre,  à  Saint- 
Omer.  En  1797,  il  prit  part  au  concile  national  organisé  par 
Grégoire  et  s'eiforça  de  relever  de  sa  ruine  l'église    constitu- 


224  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800   A     1810 

tionnelle  du  Pas-de-Calais  ;  mais  son  activité,  son  zèle  apos- 
tolique furent  impuissants  à  ranimer  cette  Eglise  expirante  ' . 
Le  20  messidor  an  X  (15  juillet  1801  "l  la  signature  du  Con- 
cordat mettait  fin  à  la  lutte  entre  prêtres  constitutionnels  et 
prêtres   réfractaires. 


ni 

Dans  la  nouvelle  organisation  de  l'Eglise  de  France,  le 
département  du  Pas-de-Calais  devait  constituer  l'évêché 
d'Arras,  suffragant  de  l'archevêché  de  Paris.  La  bulle  d'érection 
est  du  10  avril  1802.  L'évêque  constitutionnel  Asselin  s'em- 
presse de  se  soumettre  et,  le  20  octobre  1802,  il  adresse  au 
Souverain  Pontife,  une  lettre  dans  laquelle  il  déclare  que  sa 
foi  est  celle  des  apôtres  et  qu'il  veut  vivre  et  mourir  dans  le 
sein  de  l'Eglise  catholique,  apostolique  et  romaine  et  dans  la 
communion  du  Saint-Siège,  centre  de  la  vérité  ;  en  même  temps, 
il  envoie  sa  démission  au  métropolitain  de  Rouen.  Retiré  à 
Bonnières,  sa  paroisse  natale,  il  y  donne  l'exemple  «  d'une 
conduite  exempte  de  tous  reproches  ^  ». 

Malheureusement,  les  évêques  réfractaires,  Mgr  de  Conzié 
et  Mgr  Asseline,  nïmitèrent  pas  la  sage  attitude  de  l'évêque 
constitutionnel.  Ils  sont  du  nombre  de  ces  prélats  qui 
n'hésitent  pas  à  sacrifier  leur  foi  catholique  à  leurs  convictions 
royalistes;  refusant  d'obéir  à  la  voix  du  Souverain  Pontife, 
ils  tentent  d'entraver  en  France  la  pacification  religieuse  qui 
n'était  possible  qu'avec  l'application  du  Concordat.  Retiré  en 
Angleterre,  Mgr  de  Conzié  signe  avec  douze  autres  évêques 
une  lettre  au  pape  pour  réclamer  une  assemblée  de  tous  les 
évêques  de  l'Eglise  gallicane  ;  quant  à  Mgr  Asseline,  qui  vivait 
en  Allemagne,  il  rédige,  selon  toute  probabilité,  ses  «  Expos- 
tulations canoniques  et  très-respectueuses  adressées  à  Notre 

1.  DuHAMKCotjRT,  Le  clcrgé  des  diocèses  d'Arras,  Boulogne  et  Sainl-Omer 
pendant  la  Révolution,  t.  IV,  pp.  196-212. 

2.  Dehamecourt,  op.  fiit.  p.  214. 


LES    CULTES  225 

Saint  Père  Pie  VII ,  Pape  par  la  divine  Providence,  sur  divers 
actes  concernant  l'Eglise  de  France  ».  Ces  deux  prélats  conti- 
nuèrent leur  opposition  jusqu'à  leur  mort  et  leur  attitude 
contribua  à  rendre  plus  difficile  l'application  du  Concordat 
dans  le  département  du  Pas-de-Calais. 

Comme  évêque  d'Arras,  le  gouvernement  consulaire  avait 
d'abord  fait  choix  de  l'homme  de  bien,  qui  avait  tout  parti- 
culièrement travaillé  au  succès  des  négociations  relatives  au 
Concordat  et  que  l'on  regarde  comme  le  rénovateur  des 
études  ecclésiastiques,  l'abbé  Emery,  l'éminent  supérieur  de 
Saint-Sulpice.  Mais  celui-ci,  dont  la  modestie  égalait  la  vertu, 
refusait  l'évêché  d'Arras,  comme  il  devait  refuser  plus  tard  les 
sièges  deTroyes  et  d'Autun  :  «  J'étais  supérieur  du  séminaire 
de  Saint-Sulpice,  écrit  l'abbé  Emery,  et  de  la  congrégation 
qui  porte  ce  nom,  chargé  par  conséquent  de  former  les  jeunes 
gens  qu'on  y  élevait  en  vue  de  leur  état,  et  particulièrement 
à  l'éloignement  pour  les  dignités  ecclésiastiques,  car  vous 
savez  que  l'ambition  était  un  vice  trop  commun  dans  le 
clergé  des  derniers  temps  et  contre  lequel  il  était  bien  néces- 
saire de  prémunir  l'esprit  et  le  cœur  des  jeunes  gens.  Dans 
cette  vue,  il  fallait  que  les  supérieurs  qui  donnaient  des  leçons 
sur  la  crainte  et  la  fuite  des  dignités  en  fournissent  eux- 
mêmes  l'exemple...  Que  penseraient  de  moi  tant  d'ecclésias- 
tiques devant  qui  j'ai  fait  pendant  si  longtemps  une  haute 
profession  à  cet  égard  ?  Ne  soupçonneraient-ils  pas  que  cette 
profession  n'était  de  ma  part  qu'un  acte  d'hypocrisie  ;  qu'au 
fond,  j'avais  autant  d'ambition  qu'un  autre;  que  dans  les 
disputes  agitées  entre  les  catholiques  en  France,  au  sujet  des 
formules  exigées  pour  le  libre  exercice  du  culte,  je  n'ai 
embrassé  les  sentiments  favorables  à  ces  formules  que  dans 
le  dessein  de  plaire  au  gouvernement  et  de  favoriser  mon 
ambition  ?  »  * 

Sur    le   conseil,    sans    doute,  de    l'abbé   Emery,    Hugues- 

1.  Deramecouht,  op.  cit.,  tome  IV,  pp.  303  et  sq. 

Ghavanon  et  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  1800  à  ISIO.  15 


226  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    4810 

Robert-Jean-Gharles  de  La  Tour  d'Auvergne-Lauraguais  fut 
appelé  au  siège  épiscopal  d'Arras.  Né  au  château  d'Auzeville, 
diocèse  de  Toulouse,  le  14  août  1768,  le  nouvel  évêque 
avait  été  élevé  par  son  oncle,  l'abbé  de  Saint-Paulet,  officiai 
de  Castres.  Ajorès  avoir  fait  brillamment  ses  études  classiques 
au  collège  de  Castres,  il  vint  à  Paris,  au  séminaire  de  Saint- 
Sulpice  pour  y  commencer  ses  études  théologiques  ;  c'est  là  que 
l'abbé  Emery  le  connut.  Lorsque  les  débuts  de  la  Révolution 
forcèrent  les  élèves  de  Saint-Sulpice  à  se  disperser,  le  jeune 
séminariste  se  réfugia  d'abord  dans  sa  famille,  en  Languedoc; 
puis,  tandis  que  l'abbé  de  Saint-Paulet  gagnait  l'Espagne, 
Charles  de  La  Tour  d'Auvergne  retournait  à  Paris,  où  il  était 
ordonné  prêtre,  en  secret,  le  2i  juin  1702.  Pendant  la  Terreur, 
établi  à  Vergies,  entre  Abbeville  et  DouUens,  puis  à  Amiens, 
il  fut  arrêté  à  diverses  reprises;  pour  vivre  et  pour  échapper 
à  de  nouveaux  périls,  il  dut  se  faire  teneur  de  livres  chez 
M.  Archambal,  ordonnateur  des  guerres  à  Amiens,  et  il  figura 
même  sur  les  cadres  de  l'armée  comme  inspecteur  des  vivres 
et  fourrages  ;  il  y  gagnait  1. 200  fr.  paran.  L'ordre  se  rétablissant 
en  France,  la  tranquillité  commençant  à  renaître,  l'abbé  de  La 
Tour  d'Auvergne  put  avouer  de  nouveau  son  caractère  ecclé- 
siastique ;  il  songeait  à  demander  la  cure  de  Vergies,  modeste 
succursale,  lorsqu'il  fut  nommé  évêque  d'Arras  ;  il  n'avait 
alors  que  33  ans  :  u  Vous  êtes  bien  jeune,  lui  dit  Bonaparte 
à  sa  première  visite  ».  «  Avec  une  année  de  moins  que  moi, 
lui  répondit  résolument  le  jeune  prélat,  le  Premier  Consul 
gouverne  l'Europe;  j'espère,  avec  l'aide  de  Dieu,  pouvoir  gou- 
verner mon  diocèse  K  » 

Le  17  avril,  l'abbé  Charles  de  La  Tour  d'Auvergne  est  sacré 
dans  l'église  de  Saint-Roch,  à  Paris,  par  Mgr  de  Roquelaure, 
archevêque  de  Malines,  assisté  de  Mgr  de  Beaumont,  évêque 
de  Gand  et  de  Mgr  de  Maillé  de  La  Tour-Landry,  ancien 
évêque  de  Saint-Papoul,  Sur  les  conseils  de  l'abbé   Emery,  il 

1.  Debamecourt,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  316. 


LES    CULTES  227 

choisit,  avant  de  quitter  Paris,  comme  grand  vicaire  épiscopal, 
un  ecclésiastique  très  expérimenté,  l'abbé  Dubois,  docteur  en 
théologie,  prêtre  du  diocèse  de  Langres;  c'est  à  la  paroisse  de 
Saint-Leu,  à  Amiens,  où  il  avait  séjourné  pendant  la  Terreur, 
qu'il  demande  son  secrétaire,  l'abbé  Pelletier. 

Trois  jours  avant  la  consécration  de  l'évêque  d'Arras,  le 
préfet  du  Pas-de-Calais  avait  reçu  la  circulaire  du  ministre  de 
l'intérieur  lui  mandant  que  le  libre  exercice  du  culte  catho- 
lique était  enfin  établi  par  une  loi  qui  devait  être  promulguée 
avec  solennité.  Cette  circulaire  ministérielle  insistait  sur  les 
points  suivants  : 

«.  1°  Si  l'ancienne  maison  épiscopale  n'est  ni  aliénée  ni 
employée  à  un  autre  service  public,  si  en  outre  elle  n'est  pas 
trop  vaste  ou  dégradée,  vous  ferez  procéder,  y  est-il  dit  au  Pré- 
fet, sans  aucun  délai  aux  réparations  nécessaires  pour  recevoir 
le  nouvel  évêque.  Vous  prendrez  les  mêmes  mesures  pour  la 
cy  devant  église  cathédrale  ou  métropolitaine  ;  mais,  dans  le 
cas  de  l'aliénation  ou  d'une  entière  dégradation,  vous  affecterez 
à  titre  de  remplacement  la  principale  église  et  vous  aurez  soin 
de  faire  enlever  et  disjjaraître  toute  inscription  qui  seroit  hors 
des  usages  du  culte  catholique. 

«  Si  vous  êtes  dans  le  cas  de  pourvoir  au  remplacement  de 
la  maison  épiscopale,  vous  vous  concerterez  avec  le  directeur 
de  l'enregistrement  pour  mettre  une  nouvelle  maison  nationale 
à  la  disposition  de  l'évêque  et  dans  le  cas  où  il  n'existerait 
aucune  maison  nationale  qui  fût  disponible,  vous  prendrez  les 
arrangements  nécessaires  pour  le  recevoir  et  le  loger  d'une 
manière  analogue  à  sa  dignité  et  à  la  considération  dont  il  doit 
être  entouré. 

«  Toutes  les  dépenses  locatives  et  de  premier  établissement 
doivent  être  supportées  par  la  commune  où  le  siège  est  établi 
et  dans  le  cas  où  l'insuffisance  de  ses  ressources  seroit  reconnue, 
les  dépenses  seront  à  la  charge  des  départements  qui  forment 
le  territoire    diocésain,    mais   aucune    considération    ne  peut 


228  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

VOUS  autoriser  à  différer  les  opérations  nécessaires  pour  fissu- 
rer un  log-ement  au  nouvel  évêque. 

«  2"  Le  gouvernement  désire  aussi  que  l'installation  du  nou- 
vel évêque  se  fasse  avec  solennité,  que  toutes  les  autorités 
locales  lui  rendent  visite  et  qu'enfin  vous  preniez  toutes  les 
mesures  convenables  pour  faire  porter  aU  caractère  épiscopal 
tout  le  respect  qui  lui  est  dû 

((  Ceux  des  ecclésiastiques  qui  se  sont  recommandés  par  leur 
soumission  aux  lois,  leur  attachement  au  gouvernement  et 
par  l'austérité  de  leurs  mœurs  doivent  être  choisis  de  préfé- 
rence pour  les  fonctions  ecclésiastiques  ^.  » 

Le  28  floréal  an  X  (29  avril  1802),  Mgr  de  La  Tour  d' Au- 
vergne écrivit  de  Paris  au  préfet  Poiteviji-Maissemy  pour  lui 
annoncer  sa  consécration  et  lui  faire  savoir  qu'il  se  rendait  à 
Amiens  d'où  il  partirait  pour  Arras  deux  jours  avant  la  Pen- 
tecôte, afin  d'officier  dans  son  église  cathédrale  le  jour  de  la 
Pentecôte  et  de  prendre  possession  de  son  diocèse. 

Comme  il  l'avait  annoncé,  le  nouvel  évêque  arrive  à  Arras  le 
vendredi  4  juin,  à  4  heures  de  l'après-midi  ;  le  préfet,  qui  s'était 
rendu  à  sa  rencontre,  le  conduit  à  son  logement  du  Refuge 
d'Eaucourt.  Le  lendemain,  a  lieu  la  prise  de  possession  en 
présence  de  toutes  les  autorités  officielles  et  la  garnison  étant 
sous  les  armes.  On  rapporte  que  lorsque  le  cortège  é^^iscopal 
déboucha  devant  l'église  de  Saint-Nicolas-sur-les-Fossés, 
Mgr  de  La  Tour  d'Auvergne  remarqua  que  l'une  des  statues 
du  chœur  était  coiffée  du  bonnet  rouge  ;  il  s'arrêta  brusque- 
ment et,  se  retournant  vers  le  préfet,  lui  dit  :  «  Monsieur 
le  Préfet,  si  vous  ne  faites  disparaître  sur  le  champ  cet  emblème 
sacrilège,  je  n'irai  pas  plus  loin  ».  D'autre  part,  parmi  les 
prêtres  qui  venaient  à  la  rencontre  del'évêque,  plusieurs,  sans 
y  avoir  réfléchi,  portaient  encore  l'étole  :  ((  Pas  d'étoles  !  » 
s'écria  Mgr  de  La  Tour  d'Auvergne. 

D'après  les  instructions  ministérielles,    les  deux    premiers 

1.  Archives  départ.,  Circulaire  du  ministre  Chaptal. 


LES    CULTES  229 

points  à  régler  étaient  ceux  du  logement  de  l'évêque  et  de  la 
réorganisation  de  l'église  cathédrale.  Un  rapport  du  Préfet 
au  ministre  de  l'intérieur,  en  date  du  27  germinal  an  X, 
explique  quelle  esta  ce  sujet  la  situation  :  «  Je  me  suis  déjà 
occupé  de  pourvoir  au  logement  de  TÉvêque  de  ce  département 
de  concert  avec  le  Directeur  des  Domaines,  et  j'ai  trouvé  une 
maison  nationale  qui,  quoique  peu  vaste  à  la  vérité,  offre  pour- 
tant les  commodités  les  plus  essentielles  et  ne  compromet 
aucunement  la  décence  qui  doit  accompagner  le  caractère 
d'un  évêque.  Je  présume  qu'elle  conviendra  d'autant  mieux  à 
celui  qui  sera  appelé  au  siège  de  ce  département,  qu'elle 
avoisine  l'église  dite  de  Saint-Nicolas-sur-les-Fossés,  la  seule 
qui  reste  dans  cette  ville  pour  remplacer  la  cathédrale...  J'ai 
notifié  à  la  mairie  d'Arras  que  toutes  les  dépenses  locatives 
et  de  premier  établissement  doivent  être  supportées  par  la 
commune  où  le  siège  est  établi  et  que,  dans  le  cas  où  l'insuf- 
fisance de  ses  ressources  serait  reconnue,  les  dépenses  seraient 
à  la  charge  du  département  ;  elle  ne  m'a  encore  fait  aucune 
objection  et,  comme  son  octroi  est  assez  productif,  je  présume 
qu'il  pourra  subvenir  à  ce  surcroît  de  dépenses  communales  ^.  » 
Le  préfet,  reconnaissant  dans  la  suite,  sur  les  observations 
de  l'évêque,  que  la  maison  nationale  dite  du  Refuge  n'était 
pas  assez  vaste,  mit,  par  arrêté  du  6  messidor  an  XI,  à  la 
disposition  de  Mgr  de  La  Tour  d'Auvergne  l'aile  gauche  des 
bâtiments  de  l'ancienne  abbaye  de  Saint- Vaast.  L'évêque 
couchait  dans  son  nouveau  logement  le  1"'  fructidor  et  com- 
mençait son  déménagement  ;  les  réparations  nécessaires 
étaient  estimées  à  1.064  fr.,  ce  qui  n'était  certes  pas  bien  con- 
sidérable. Tout  s'arrangeait  donc  pour  le  mieux  lorsque,  par 
une  lettre  en  date  du  20  vendémiaire,  le  ministre  des  finances 
informa  le  Préfet  que  les  bâtiments  de  l'abbaye  de  Saint- Vaast 
venaient  d'être  destinés  à  recevoir  l'une  des  cohortes  de  la 
Légion  d'honneur  :  il  fallait  se  mettre  en  quête  d'un  nouveau 

1.  Archives  départ.  Brouillon  de  lettre  du  préfet  Poitevin-Maissemy,  dans 
le  dossier  :  Logement  de  l'évêque  et  cathédrale. 


230  LE    PAS-DE-CALAIS  DE   1800    A    1810 

lo<^ement  pour  l'Evêque.  Par  arrêté  du  20  brumaire  an  XI,  le 
Préfet  loue  la  maison  du  citoyen  Imbert  de  La  Basèque 
«  commode,  suffisamment  spacieuse  et  voisine  de  la  cathé- 
drale »  ;  le  prix  de  location  est  fixé  à  1060  fr.  par  an.  Mgr  de 
La  Tour  d'Auvergne  ne  paraît  pas  avoir  été  satisfait  de  ce 
troisième  palais  épiscopal,  car  il  écrit  le  5  germinal  an  XII 
au  Préfet  :  ((  Les  déménagements  m'ennuient  et  me  ruinent  ; 
c'est  pourquoi  je  pense  à  m'établir  tout  à  fait  dans  l'hôtel  de 
La  Basèque,  mais  cette  maison,  comme  je  vous  l'ai  déjà 
observé,  Monsieur  le  Préfet,  ne  me  présente  aucun  emplace- 
ment commode,  ni  pour  les  bureaux  de  mon  secrétaire  et  mes 
archives,  ni  pour  ma  chapelle  ;  la  maison  dite  de  Beauffort  y 
attenante  va  être  vacante  ;  elle  est  à  louer  pour  le  l*"""  may 
prochain.  J'ai  l'honneur  de  vous  prier  de  me  la  procurer  pour 
y  établir  mes^dits  bureaux,  archives  et  itia  chapelle  i.  » 


IV 

Si  la  désorganisation  des  anciens  diocèses  était  telle  que 
l'on  éprouvait  tant  de  difficultés  à  loger  un  évêque  dans  un 
département  qui  avait  avant  la  Révolution  trois  évêchés,  à 
combien  d'obstacles  devait-on  se  heurter  pour  la  reconstitution 
du  clergé  diocésain  !  Il  fallait  d'abord  délimiter  et  fixer  le 
nombre  des  cures  et  des  succursales.  Dans  le  doyenné  d'Arras, 
on  comptait  avant  la  Révolution  seize  paroisses  :  Saint-Géry, 
Saint-Jean-Ronville,  Saint-Nicolas-sur-les-Fossés,  Saint- 
Aubert,  Sainte-Croix,  Sainte-Marie-Madeleine,  Saint-Étienne, 
Saint-Maurice,  Notre-Dame-aux-Jardins,  Saint-Nicolas-en- 
Tâtre,  Saint-Nicaise,  Saint-Sauveur,  Achicourt,  Sainte-Cathe- 
rine, Saint- Nicolas,  Saint-Aubin.  L'organisation  constitution- 
nelle avait  réduit  ces  seize  paroisses  à  quatre  :  Saint-Géry, 
Notre-Dame,  Sainte-Croix,  Saint- Vaast.  La  nouvelle  organi- 
sation comportera  deux  cures  :  celle    d'Arras-Nord  ou  de  la 

1.  Archives  départ.  Dossier  «  Logement  de  l'Évêque  ». 


LES    CULTES  231 

cathédrale  et  celle  d'Arras-Sud;  la  cure  d'Arras-Nord  aura 
dix  succursales  :  Le  Vivier,  Les  Charlottes,  Saint-Laurent  et 
Blangy,  Sainte-Catherine  et  Saint-Nicolas,  Athies,  Rocquelin- 
court  et  Ecurie,  Saint- Aubin  et  Anzin,  Marœuil  et  Etrun, 
Duisant  (Louez,  Hugy  etPont-dHug-}''),  Dainvilleet  Wagnon- 
lieu  ;  la  cure  d'Arras-Sud  aura  douze  succursales  :  Sainte- 
Agnès,  les  Clarisses,  Louez-Dieu,  Saint- Vaast,  Saint-Sauveur 
et  le  Faubourg,  Achicourt,  Wailly,  Agnies,  Tilloy  et  Beaurain, 
Neuville-Vitasse,  Feuchv  et  Fampoux. 

Cette  répartition  correspond  aux  seize  paroissses  de  l'ancien 
doyenné  d'Arras,  aux  quinze  paroisses  de  l'ancien  doyenné  de 
Marœuil,  aux  quatorze  paroisses  de  l'ancien  doyenné  de 
Fampoux  et  aux  quatorze  paroisses  de  l'ancien  doyenné  de 
Neuville-Vitasse.  11  y  a  donc  une  réduction  considérable  par 
rapport  au  chilFre  des  paroisses  qui  existaient  antérieure- 
ment à  1789.  Mais,  l'arrondissement  d'Arras  formera 
161  paroisses,  alors  que,  dans  l'org-anisation  constitutionnelle, 
il  n'en  aurait  eu  que  102.  Nous  pourrions  faire  les  mêmes 
observations  pour  les  autres  arrondissements.  Il  est  évident 
que  le  gouvernement  consulaire,  tout  en  augmentant  sensi- 
blement le  nombre  des  paroisses  que  le  régime  constitutionnel 
avait  trop  réduit,  n'a  pas  voulu  revenir  au  morcellement 
exagéré  des  diocèses  de  l'ancienne  monarchie. 

Un  certain  nombre  de  communes  n'ont  du  reste  ni  église, 
ni  presbytère  et  il  ne  serait  pas  facile  d'y  constituer  des 
paroisses.  Tel  est  le  cas,  dans  l'arrondissement  d'Arras,  des 
communes  d' Achicourt,  d'Achiet-le-Grand,  de  Beaumont,  de 
Bertincourt-Offimont,  de  Brebières,  d'Ecoivres,  de  Famechon, 
de  Gouve,  de  la  Herlière,  de  Leauwette,  de  Metz-en-Couture, 
de  Monchy-les-Preux,  de  Pelves,  de  Tilloy-les-Mofflaines,  de 
Sainte-Catherine,  de  Wanquetin.  D'autres  communes  sont 
sans  presbytère  ou  n'ont  que  des  églises  en  très  mauvais  état. 
Certaines  communes  demandent  du  reste  elles-mê^es  à  être  réu- 
nies à  des  communes  voisines  pour  former  une  seule  paroisse. 

1.  Aujourd'hui  Pont-du-Gy. 


232  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Cependant  le  nombre  des  succursales  fut  encore  trouvé  trop 
élevé,  car  l'art.  1""  du  décret  du  1"'"  prairial  an  XII  prescri- 
vit aux  évêques,  conformément  aux  art.  60  et  61  de  la  loi 
du  18  germinal  an  X,  de  se  concerter  avec  les  préfets  pour 
une  nouvelle  circonscription  des  succursales  que  Ton  voulait 
réduire  «  aux  vrais  besoins  des  fidèles  ».  D'après  un  travail 
fait  à  ce  sujet  à  la  Préfecture  on  proposait  d'attribuer  au 
département  du  Pas-de-Calais  cinq  cent  quatre-vingt-dix-neuf 
succursales,  dont  quatre  cent  cinquante-trois  à  la  charg-e  du 
trésor  public  et  cent  quarante-six  aux  frais  des  communes. 
Le  Conseil  général,  appelé  à  délibérer  le  13  floréal  an  XIll  sur 
le  projet  préfectoral,  croity  remarquer  «  quelques  inconvéniens, 
en  ce  qu'il  réunit  des  communes  dépendantes  d'arrondisse- 
mens  differens,  ce  qui  ne  pourrait  être  que  très  défavorable  à 
ces  mêmes  communes  dans  l'ordre  administratif,  pour  les 
demandes  et  autorisations  qu'elles  auraient  à  obtenir  de  divers 
sous-préfets  et  entraînerait  nécessairement  des  longueurs  qui 
nuiraient  à  leurs  intérêts  et  empêcheraient  l'ensemble  de  leurs 
mesures.  En  conséquence,  le  conseil  croit  devoir  émettre  le 
vœu  que  Sa  Majesté  Impériale  soit  suppliée  de  ne  pas  approu- 
ver définitivement,  mais  provisoirement  seulement  la  nouvelle 
circonscription  des  succursales,  jusqu'à  ce  que  les  réunions 
demandées  par  le  préfet,  sous  les  rapports  généraux  de  son 
administration,  soient  effectuées  et  d'ordonner  jusqu'à  la  même 
époque  le  payement  des  prêtres  succursalistes  qui  sont  à  la 
charge  du  trésor  public.  Le  Conseil  croit  aussi  devoir  deman- 
der qu'à  l'avenir  les  desservans  des  succursales  qui  sont  aux 
frais  des  communes  soient  payés  par  le  département  au 
moyen  d'un  des  quatre  centimes  qu'il  est  autorisé  à  imposer 
pour  le  culte.  Ce  mode  très  juste  en  lui-même  affranchirait  ces 
ministres  de  la  religion  des  difficultés  qu'ils  éprouvent  assez 
souvent  dans  le  système  actuel  et  leur  donnerait  plus  de  dignité 
vis-à-vis  leui;s  ouailles,  en  leur  évitant  des  discussions  d'in- 
térêt avec  elles.  L'intention  du  gouvernement  étant  de  ne 
multiplier  les  succursales  qu'en  faveur  des  besoins    réels,    le 


LES    CULTES  233 

Conseil  pense  qu'il  conviendrait  d'en  réduire  le  nombre  k 
celui  des  arrondissements-perceptions  établis  dans  ce  dépar- 
tement *  » . 

Le  gouvernement  ne  voulait  plus  avoir  dans  toute  l'étendue 
de  l'Empire  que  24.000  paroisses;  pour  rester  dans  la  pro- 
portion, le  Pas-de-Calais  ne  devait  par  conséquent  compter 
que  448  succursales,  au  lieu  de  617  qui  avaient  été  établies 
après  la  mise  en  vig^ueur  du  régime  concordataire  -.  Un  décret 
impérial,  en  date  du  10  prairial  an  XIII,  fixe  k  453  le  nombre 
des  succursales  du  diocèse  d'Arras. 

La  réunion  de  plusieurs  communes  en  une  seule  paroisse 
soulevait  des  difficultés  au  sujet  de  la  résidence  du 
desservant.  L'évéque  d'Arras  informait  le  Préfet  qu'il  recevait 
de  toutes  les  parties  de  son  diocèse  des  pétitions  l'engag-eant 
k  désigner  le  lieu  de  résidence  des  desservants  dont  les  succur- 
sales groupaient  plusieurs  communes.  Les  lois  organiques 
n'imposaient  aux  curés,  et  par  conséquent  aux  desservants,  que 
l'obligation  de  résider  dans  leur  paroisse  ;  elles  ne  tranchaient 
donc  pas  la  question,  assez  épineuse  k  cause  des  jalousies 
réciproques  des  communes.  L'évéque  demande  donc  au  Préfet 
l'autorisation  de  fixer  lui-même  ce  lieu  de  résidence,  en  tenant 
compte  de  la  localité  qui  offre  le  plus  d'avantages  pour  faci- 
liter l'exercice  du  culte  '^. 


Si  les  subdivisions  paroissiales,  l'établissement  des  limites 
des  cures  et  des  succursales  ont  nécessité  un  certain  labeur 
administratif,  les  difficultés  se  compliquent  bien  autrement 
lorsqu'il  s'agit  de  pourvoir  de  titulaires  ces  cures  et  ces  suc- 
cursales; ici,  toutes  les  passions  humaines  sont  en  jeu.  Sans 
avoir  adopté  toutes  les  idées  et  gardé  les  rancunes  des  prêtres 

1.  Archives  départ.  Extrait  des   délibérations    du  Conseil  général. 

2.  Ihid.  Lettre  du  Préfet  au  ministre  des  cultes,  le  23  frimaire  an   XIII. 

3.  Ibid.  Lettre  de  l'Évêqueau  Préfet,  l"  floréal  an  XI. 


234  LE    PAS-DE-CALAIS  DE    1800    A    1810 

qui  avaient  émigré,  Mgr  de  La  Tour  d'Auverg-ne,  resté  coura- 
geusement en  France  pendant  la  tourmente,  nouveau  venu 
dans  l'épiscopat,  dégagé  de  toute  obligation  royaliste,  n'en 
est  pas  moins  favorable,  de  préférence,  aux  prêtres  qui  ont 
refusé  d'adhérer  à  la  Constitution  civile  du  clergé.  Au  con- 
traire, le  préfet  Poitevin-Maissemy,  voltairien  et  sceptique, 
disposé  à  admirer  l'œuvre  religieuse  de  l'Assemblée  Consti- 
tuante, voudrait  composer  le  clergé  du  nouveau  diocèse  d'Ar- 
ras,  en  grande  majorité,  avec  des  prêtres  constitutionnels  ; 
l'attitude  de  l'ancien  évêque  de  Boulogne,  Asseline,  n'a  fait 
qu'accroître  l'hostilité  du  préfet  à  l'égard  du  clergé  réfractaire. 
Nous  trouvons  à  ce  sujet  une  curieuse  lettre  de  Poitevin- 
Maissemy,  écrite  en  germinal  an  X,  qui  signale,  avec  une 
réelle  violence  d'expressions,  les  menées  de  Mgr  Asseline 
dans  le  département  et  qui  mérite  d'être  reproduite  intégrale- 
ment : 

«  J'ai  l'honneur  de  vous  informer  que  le  ci-devant  évêque 
de  Boulogne,  Asseline,  qui  a  refusé  d'envoyer  sa  démission  à 
son  chef,  est  un  véritable  fléau  pour  l'arrondissement  de 
Boulogne,  qui  devient  de  plus  en  plus  redoutable.  Il  est  plus 
exaspéré  et  plus  fanatique  qu'il  se  soit  jamais  montré  ;  il  a 
envoyé  des  renforts  aux  agens  qu'il  entretient  dans  son  ancien 
diocèse  et  leur  a  donné  de  nouvelles  instructions,  à  l'aide 
desquelles  ils  égarent  le  peuple  et  cherchent  à  triompher 
complètement  de  sa  crédulité.  La  correspondance  avec  cet 
évêque  est  active  au  dernier  point;  beaucoup  de  prêtres 
rentrent  clandestinement  ;  les  rassemblements  nocturnes  se 
multiplient;  on  porte  l'audace  jusqu'à  les  former  en  plein 
jour  [sic).  Le  sous-préfet  de  Boulogne  a  envoyé  récemment 
de  la  gendarmerie  pour  dissiper  des  réunions  de  cette  espèce 
qui  avoient  lieu  dans  plusieurs  communes  ;  il  a  reçu  des  dépu- 
tations,  des  remontrances,  même  des  protestations  et  presque 
des  menaces.  Il  me  mande  que  le  mal  est  à  son  comble,  que 
bientôt  l'on  aura  plus  le  moyen  d'arrêter  le  torrent  qui  menace 
de  tout  envahir  dans  son  arrondissement,  si  l'on  n'adopte  les 


LES    CULTES  23S 

mesures  de  répression  les  plus  promptes  et  les  plus  éner- 
giques. Mais  quelles  mesures  employer?  Les  menaces  les  plus 
atroces  empêchent  tous  les  fonctionnaires  de  s'opposer  à  ce 
torrent  et  de  révéler  tout  ce  qui  se  passe.  Je  viens  d'être 
informé  qu'un  prêtre  nommé  Seghin,  échappé  de  la  maison 
d'arrêt  d'Hesdin,  est  rentré  en  triomphe  dans  son  arrondisse- 
ment, qu'il  a  été  accueilli  avec  des  transports  de  joie  ;  qu'il  y  a 
eu  à  cette  occasion  des  festins,  des  Te  Deum,  des  prédications 
fanatiques  et  des  offrandes  à  profusion.  Les  amis  du  g-ouver- 
nement  sont  dans  la  consternation  et  dans  l'effroi;  les  maires, 
les  juges  de  paix,  les  gardes  champêtres  voient  sans  cesse  une 
torche  incendiaire  à  leur  porte.  Ce  Seghin  et  trois  autres 
prêtres,  Balin,  La  Porte  et  Corne,  renforcés  par  de  nouveaux 
émissaires  de  l'évêque  Asseline,  colportent  et  commentent  avec 
une  ferveur  qui  tient  de  celle  de  la  Ligue  un  nouveau  man- 
dement de  ce  prélat^.   » 

Une  telle  surexcitation  des  esprits,  du  côté  des  administrés 
comme  du  côté  des  administrateurs,  prouvait  'suffisamment 
la  nécessité  d'appliquer  au  plus  vite  le  Concordat  et  d'orga- 
niser le  diocèse,  pour  ramener  le  calme  et  mettre  fin  à  des 
intrigues  dangereuses  et  coupables.  Le  préfet  et  l'évêque 
eurent  parfois,  l'un  et  l'autre,  le  tort  de  laisser  influencer 
leurs  décisions  par  les  passions  du  dehors  ;  il  en  résulta  un 
désaccord  qui  eut  pour  conséquence,  comme  nous  l'avons 
déjà  expliqué  dans  le  premier  chapitre  de  cet  ouvrage,  le 
déplacement  de  Poitevin-Maissemy  et  qui  ralentit  en  même 
temps  la  constitution  du  clergé  diocésain. 

Dès  le  30  floréal  an  X,  les  prêtres  constitutionnels  avaient 
été  invités  par  une  circulaire  préfectorale  à  renoncer  k  la  Cons- 
titution civile  du  clergé  et  à  adhérer  aux  principes  du  Con- 
cordat. Cette  circulaire  était  ainsi  conçue  :  «  Votre  attache- 
ment au  gouvernement  républicain,  votre  soumission  cons- 
tante aux  lois,  votre  conduite  morale,  en  un  mot  tout  ce  que 

1.  Archives  départ.  Série  M.  Brouillon  de  la  lettre  du  préfet  Poitevin- 
Maissemy  au  ministre  de  l'intérieur,  germinal  ai  X. 


236  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

VOUS  avez  opéré  dans  l'exercice  du  ministère,  sont  autant  de 
garants  de  celui  que  vous  pouvez  faire  dans  un  nouvel  ordre 
de  choses  qui  doit  mettre  fin  à  toutes  les  dissensions  reli- 
gieuses. Mais  pour  atteindre  ce  but  si  désirable,  il  est  impor- 
tant de  faire  préalablement  disjîaraître  tout  ce  qui  peut  éta- 
blir une  différence  dans  les  principes  des  ministres  du  même 
culte.  En  conséquence,  et  pour  que  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  vos 
vertus,  vos  talents  et  votre  dévouement  puissent  êtreprompte- 
ment  utilisés,  je  vous  invite,  citoyen,  à  déclarer  sous  le  plus 
bref  délai  que  vous  renoncez  à  la  Constitution  civile  du 
clergé,  que  vous  adhérez  aux  principes  du  Concordat  et  que 
vous  reconnaissez  comme  légitime  l'évêque  envoyé  par  le 
gouvernement,  institué  parle  Saint-Siège,  nommé  parle  Pre- 
mier Consul  et  reconnu  par  le  Préfet  du  département  ^.  » 

On  remarquera  avec  quels  ménagements  le  préfet  Poitevin- 
Maissemy  s'adressait  aux  prêtres  constitutionnels  ;  ceux-ci 
s'empressèrent  du  reste  d'obéir  et  de  faire  toutes  les  déclara- 
tions que  l'on  réclamait  d'eux. 

Il  est  très  important  d'établir  la  part  proportionnelle  du 
clergé  réfractaire  et  du  clergé  constitutionnel  dans  la  cons- 
titution du  clergé  concordataire.  Voyons  d'abord  quels  choix 
sont  faits  pour  les  cures.  Commes  nous  l'avons  déjà  dit,  la 
ville  d'Arras  comprend  deux  cures  :  la  cure  d'Arras-Nord  et 
la  cure  d'Arras-Sud.  Pour  celle  d'Arras-Nord  est  désigné  un 
prêtre  étranger  au  département,  un  ami  personnel  de  l'évêque 
qui  l'a  amené  avec  lui  comme  secrétaire  particulier,  Louis- 
François  Pelletier,  né  à  Amiens,  âgé  de  44  ans,  ancien  vicaire 
de  la  paroisse  Saint-Leu  à  Amiens,  du  reste,  réfractaire  ;  au 
contraire,  la  cure  d'Arras-Sud  est  attribuée  à  un  ancien  cons- 
titutionnel, Jean  Charles  François  2.  Le  curé  de  Bapaume  est 
l'abbé  Fauquembergues,  déjà  curé-doyen  de  Bapaume  avant 
la    Révolution    et     que     M.     l'abbé     Deramecourt     qualifie 

1.  Archives    départ.   Circulaire    du    Préfet,    30   floréal  an  X. 

2.  Id.  Liste  des  ecclésiastiques  qui  doivent  prêter  le  serment  le  6  nivôse 
an  XI. 


LES    CULTES  237 

d'  «  homme  de  caractère  et  d'énergie  »  ;  au  mois  de  juin  1792, 
la  garde  nationale  le  força  à  quitter  Bapaume,  en  l'accusant 
de  «  préparer  dans  le  silence  des  scènes  de  sang  et  d'horreur  »  ; 
il  se  réfugia  en  Belgique,  à  Warneton  K 

Ignace-François  Bossu  (ou  Boussu),  ancien  curé  constitu- 
tionnel, génovéfain,  prieur-curé  de  Pas  avant  la  Révolution, 
est  nommé  à  la  cure  de  Pas  ;  de  même,  Philippe-Joseph 
Warnez,  curé  de  Vimy,  est  un  ancien  constitutionnel,  qui, 
avant  d'occuper  une  cure,  était  bénédictin  de  la  congrégation 
de  Saint-Maur.  A  la  cure  de  Rivière-Groville,  nous  trouvons 
encore  un  constitutionnel,  Jean-Louis-Hubert  Delevigne, 
prieur  des  dominicains  de  Verdun  à  Souchez,  desservant  de  la 
paroisse  de  Souchez.  Constitutionnels  également,  le  curé  de 
Croisilles,  André  Rose,  chanoine  régulier  de  la  Congrégation 
de  France  et  prieur-curé  de  Viffort,  diocèse  de  Soissons  et  le 
curé  de  Vitrj,  Elzéar-Thomas  de  La  Cressonnière,  qui,  étant 
curé  d'Habarcq,  avait  prêté  le    serment  puv  et  simple. 

Au  contraire,  André  Lefebvre,  pourvu  de  la  cure  d'Oisy,  a 
été  déporté  ;  il  avait  rempli  successivement,  avant  la  Révo- 
lution, les  fonctions  de  professeur  au  Cateau-Cambrésis,  de 
vicaire  à  Cambrai  et  finalement  de  curé  à  Hermies.  Comme 
André  Lefebvre,  Jean-Joseph  Lambiez,  ancien  curé  d'Havrin- 
court,  appelé  à  occuper  cette  même  cure  d'Havrincourt,  est 
un  réfractaire  ^. 

Sur  les  dix  cures  de  l'arrondissement  d'Arras,  par  consé- 
quent, quatre  (dont  les  deux  plus  importantes,  il  est  vrai)  sont 
confiées  k  des  ecclésiastiques  réfractaires  et  six  à  des  ecclésias- 
tiques   constitutionnels. 

Les  cures  de  l'arrondissement  de  Boulogne  sont  au 
nombre  de  six  :  Boulogne,  Calais,  Desvres,  Gaines,  Marquise 
et  Samer.  Le  curé  de  Boulogne  (Basse-ville),  Jean- Joseph- 
François    Roche  est  un  constitutionnel  ;  il  avait  été  curé  de 


1.  Deramecouht,  op.  cit.,  t.  1,  p.  58  ;  t.  II,  pp.  365,  366,  455. 

2.  Archives  départ.  Etat  des  prêtres  employés  dans  le  diocèse  d'Arras. 


238  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

cette  même  paroisse,  puis  avait  quitté  les  fonctions  curiales  et 
ecclésiastiques  et  remis  ses  lettres  de  prêtrise  ;  au  plus  fort 
de  la  Terreur,  les  amis  de  Le  Bon  le  considéraient  comme 
«  un  bon  républicain,  vraiment  à  la  hauteur  de  la  Révolution  ». 
Le  sous-préfet  de  Boulogne,  Masclet,  tenait  vivement  à  sa 
nomination  au  sujet  de  laquelle  s'engagea  du  reste  l'une  des 
batailles  les  plus  chaudes  entre  l'évêque  et  le  préfet  ;  dans  les 
notes  du  sous-préfet  sur  le  clergé  de  son  arrondissement, 
nous  lisons  au  sujet  du  curé  Roche  :  «  bon  pasteur  et  bon 
citoyen  ;  la  justice  et  l'intérêt  public  demandent  qu'on  le  laisse 
dans  sa  cure  ^  »  .  L'évêque  aurait  voulu  nommer  à  cette  cure 
un  réfractaire,  Codron,  ancien  vicaire  d'Etaples. 

La  cure  de  Calais  était  non  moins  importante  que  celle  de 
Boulogne  ;  pour  l'occuper  Mgr  de  La  Tour  d'Auvergne  fît 
choix  d'un  ecclésiastique  originaire  de  la  ville  de  Calais, 
Etienne-Nicolas  Tribou,  né  le  26  décembre  1752,  chanoine  théo- 
logal de  Boulogne  le  31  octobre  1780  et  l'un  des  collaborateurs 
les  plus  estimés  de  Mgr  Partz  de  Pressy  ;  bien  entendu,  le  cha- 
noine Tribou  n'avait  adhéré  d'aucune  manière  à  la  Constitu- 
tion civile  du  clergé.  De  même  le  curé  de  Marquise,  Pierre- 
Guislain  Revel  fut  un  réfractaire,  ancien  vicaire  de  Saint- 
Maurice  d'Arras,  ancien  curé  de  Lens;  et  aussi,  le  curé  de 
Samer,  Jean-Ignace  Yvain,  vicaire  à  Rollancourt,  puis  curé 
de  Queux  en  1789. 

Au  contraire,  les  deux  cures  de  Guines  et  de  Desvres  sont 
conférées  à  des  constitutionnels  :  Claude  Patenaille,  curé 
de  Desvres,  avait  été  religieux  cordelier  et,  au  moment 
de  la  Constitution  civile  du  clergé,  il  occupait  les  fonctions 
de  gardien  du  couvent  des  Cordeliers  de  Boulogne  ;  lors  de 
l'organisation  du  clergé  constitutionnel,  il  avait  reçu  la  cure 
de  Wimille  ;  les  Terroristes  disent  de  lui  :  «  bon  républicain, 
membre  de  la  Société    populaire  depuis  sa  création    et  anté- 


1.  Archives  départ.  Noms  des    prêtres    constitutionnels  c.\er(,'ant  ou  ayant 
exercé  dans    l'arrondissement   de  Boulogne,    26  messidor  an  X. 


LES    CULTES  239 

rieurement  membre  de  la  Société  des  amis  de  la  Constitu- 
tion ;  s'est  toujours  comporté  au  désir  des  lois  et  au 
vœu  de  ses  concitoyens,  ayant  toujours  été  révolutionnaire  ; 
a  rempli  plusieurs  fonctions  publiques,  renoncé  à  tout 
traitement  de  curé  et  abdiqué  toutes  ses  fonctions  du 
culte  catholique  »  ;  enfin  le  sous-préfet  de  Boulogne  four- 
nit sur  son  compte  l'indication  suivante  :  «  J'ai  demandé 
pour  lui  la  cure  de  Desvres  ;  il  la  mérite,  il  sera  à  sa  place  ; 
il  vient  de  recevoir  les  pouvoirs  de  desservir  cette  paroisse 
provisoirement.  »  A  Guines,  l'évêque  avait  d'abord  désigné 
un  réfractaire,  l'abbé  Dupont,  mais  celui-ci  étant  mort  peu 
de  temps  après,  sa  succession  fut  recueillie  2^ar  un  consti- 
tutionnel, Tourtois '.  Nous  trouvons  donc  dans  l'arrondisse- 
ment de  Boulogne,  sur  six  curés,  trois  curés  réfractaires  et 
trois  curés  constitutionnels. 

La  lutte  était  non  moins  vive  dans  l'arrondissement  de 
Montreuil  entre  l'administration  et  l'évêché.  Le  sous-préfet 
Pçultier  avait  voulu  faire  nommer  à  la  cure  de  Montreuil 
un  constitutionnel,  Jean-Baptiste  Havet,  dont  il  disait  le 
16  thermidor  an  X  :  «  ecclésiastique  respectable,  depuis 
quarante  ans  curé  de  Montreuil  ;  réclamé  par  la  majorité 
des  habitants  pour  curé  de  la  paroisse  ;  exerce  maintenant 
comme  vicaire,  la  religion  de  l'évêque  ayant  été  trompée-  ». 
L'évêque  écrivait  le  25  septembre  1802  à  ce  sujet  à  Porta- 
lis  :  «  Le  citoyen  Préfet  insiste  avec  une  sorte  de  chaleur 
pour  que  le  citoyen  Havet  soit  désigné  comme  curé  de  Mon- 
treuil où  il  est  resté  en  qualité  de  constitutionnel  :  ce  choix 
serait  regretté  par  le  Premier  Consul,  s'il  pouvait  prévoir  les 
inconvénients  qui  peuvent  en  être  la  suite.  Pour  les  prévenir 

1.  Archives  départ.  Liste  nominative  des  prêtres  employés  ou  résidant  dans 
l'arrondissement  de  Boulogne  (par  le  sous-préfet),  25  pluviôse  an  XIII.  — 
Liste  des  ecclésiastiques  nommés  aux  succursales  de  l'arrondissement  de  Bou- 
logne, établie  par  l'évêque,  8  pluviôse  an  XI. 

2.  Id.  Etat  nominatif  de  tous  les  prêtres  auxquels  M.  l'évêque  d'Arras  a 
donné  les  pouvoirs  de  desservants  et  de  vicaires  provisoires  dans  l'étendue 
de  l'arrondissement  de  Montreuil  (établi  par  le  sous-préfet),  16  thermidor 
an  X. 


240  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

et  traiter  en  même  temps  le  citoyen  Havet  de  la  manière  la 
plus  favorable,  je  l'ai  mis  au  nombre  des  chanoines  de  ma 
cathédrale  ».  Mais  Havet  refusa  catégoriquement  le  canoni- 
cat  ;  la  situation  se  compliquait.  Enfin,  âg-é  et  infirme,  le 
curé  Havet  lui-même  renonce  à  la  cure  de  Montreuil  et  pro- 
pose à  Tévêque,  pour  l'occuper,  Grégoire  Delannoy,  jeune 
prêtre  réfractaire,  qui  est  agréé.  En  l'an  X,  le  sous-préfet  l'ac- 
ceptait comme  vicaire  en  ces  termes  :  «  rentré  depuis  dix- huit 
mois  ;  ayant  exercé  en  cachette  depuis  lors  ;  ce  jeune  homme 
dessert  la  cure  ;  il  est  réclamé  pour  second  vicaire  ;  il  est 
doux,  pacifique,  de  bonnes  mœurs  et  instruit.  »  Lorsque 
Delannoy  eut  été  nommé  curé  de  Montreuil,  le  sous-préfet 
Poultier  fut  loin  de  s'en  plaindre  ;  dans  son  rapport  du 
2  germinal  an  Xlll,  il  dit  de  lui  :  «  homme  d'une  grande  piété, 
d'une  excessive  charité;  son  zèle  pour  consoler  les  soldats 
malades  lui  a  mérité  l'estime  de  l'armée  et  des  habitants.  » 
A  Gampagne-lez-Hesdin,  les  habitants  désiraient  conser- 
ver leur  ancien  curé,  Barthélémy  Prévost,  rentré  depuis  le 
Concordat.  C'est  Augustin-Joseph  Duflos  qui  est  nommé,  un 
réfractaire  :  «ancien  professeur  de  l'Université  de  Douay,  ren- 
tré par  autorisation  spéciale  dix-huit  mois  avant  la  rentrée 
générale  ;  des  talens  distingués  et  beaucoup  d'attachement 
pour  le  gouvernement  »  (note  du  sous-préfet).  Ajoutons  que 
le  curé  Duflos  était  un  ancien  religieux  de  l'abbaye  Saint- 
Vaast  d'Arras.  Dans  la  cure  d'Hucqueliers,  le  sous-préfet 
avait  proposé  un  constitutionnel,  Jean-Baptiste-Florent 
Sanier  :  ((  réclamé  de  tous  les  habitants  qu'il  a  toujours 
maintenu  en  paix  et  union  ;  commune  très  populeuse,  où  on 
doit  le  laisser  pour  y  maintenir  la  tranquillité  ».  Comme 
à  Montreuil ,  un  réfractaire  l'emporte  :  Antoine-Louis 
Miroir,  «  homme  instruit,  de  mœurs  exemplaires,  zélé,  ami 
de  l'ordre  et  du  gouvernement  » .  Le  curé  Miroir  avait  été  cha- 
noine de  la  collégiale  de  Saint-Firmin  à  Montreuil,  sa  ville 
natale,  et  curé  d'Alette.  L'évêque  avait  délégué  tout  d'abord  à 
Hesdin  l'ancien   curé  de  cette  ville,  Marc-Augustin-François 


LES    CULTES  241 

Dufour,  rentré  avant  le  Concordat  ;  «  mais  les  habitants  ne 
désirent  pas  qu'il  reste  »  ;  ils  réclament  pom-  curé  Etienne- 
Joseph  Pruvost,  vicaire  à  Hesdin  avant  la  Révolution.  Pru- 
vost  est  maintenu  comme  vicaire  et  Valère-Auguste-Marie 
Plaisant  du  Château,  nommé  curé  :  «  émig-ré,  rayé  par  arrêté 
des  Consuls  ;  très  attaché  au  gouvernement,  instruit,  digne 
de  ses  fonctions  »  (note  du  sous-préfet).  Plaisant  du  Château, 
né  à  Lille  en  1773,  était  chanoine  de  Sainte-Croix  de  Cambrai. 

Au  moment  de  l'organisation  provisoire  du  diocèse,  Duflos, 
plus  tard  curé  de  Campagne-lez-Hesdin,  desservait  la  cure  de 
Fruges  ;  il  avait  pour  vicaire  un  constitutionnel,  Louis-Fran- 
çois-Marie Jore,  nommé  d'abord  desservant,  puis  remplacé 
par  Duflos.  Obligé  d'accorder  au  moins  une  cure  aux  constitu- 
tionnels dans  l'arrondissement  de  Montreuil,  l'évêque  nomma 
Jore,  curé  de  Fruges,  tandis  que  Ballin,  réfractaire,  recevait 
la  cure  d'Etaples.  Dans  la  suite  un  échange  s'effectue  :  Ballin, 
qui  «  réunit  les  connaissances  et  les  talens  aux  vertus  de  son 
état  et  est  attaché  au  gouvernement  » ,  vient  à  Fruges,  tandis 
que  Jore  passe  à  la  cure  d'Etaples.  Le  sous-préfet  avait  pri- 
mitivement demandé  le  maintien  à  Etaples  du  constitu- 
tionnel Caudron,  «  prêtre  adoré  dans  cette  commune,  où  il 
a  toujours  entretenu  l'ordre  et  la  tranquillité  ;  il  est  réclamé 
unanimement  et,  pour  maintenir  cette  tranquillité,  il  est 
utile  de  le  leur  accorder.  »  Ainsi,  dans  l'arrondissement  de 
Montreuil,  les  cures  de  Montreuil,  Campagne-les-Hesdin, 
Hucqueliers,  Hesdin  et  Fruges  sont  attribuées  à  des  ecclé- 
siastiques réfractaires,  la  cure  d'Etaples  à  un  constitution- 
nel!. 

L'arrondissement  de  Béthune  compte  huit  cures  :  Béthune, 
Beuvry,  Carvin,  Houdain,    Laventie,  Lillers,    Lens,  Norrent- 


l.  Archives  départ.,  16  thermidor  an  X.  Etat  nominatif  de  tous  les  prêtres 
de  rarrondissement  de  Montreuil  auxquels  M.  l'évcque  d'Arras  a  donné  les 
pouvoirs  de  desservants  et  de  vicaires  provisoires  (par  le  sous-préfeti  ;  2  ger- 
minal an  XIII,  état  général  des  prêtres  employés  ou  non  employés  existant 
dans  l'arrondissement  de  Montreuil  (par  le  sous-préfet). 


Chav.\non  et  S.viNT-YvEs.  —  Le  Pas-de-Caluis  de  1^00  à  ISIO. 


16 


242  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Fontes.  Un  constitutionnel,  François,  avait  d'abord  été  dési- 
gné pour  occuper  la  cure  de  Béthune  ;  mais  il  reçut  ensuite 
l'une  des  deux  cures  d'Arras  ;  une  note  du  maire  de  Béthune,  à 
son  sujet,  dit  du  reste:  «  plein  de  vertus,  de  mœurs,  de  modé- 
ration et  de  piété  ;  a  peu  d'influence  dans  la  commune  et 
pourrait  être  utilement 'employé  ailleurs  ».  C'est  finalement 
un  réfractaire,  Antoine-Joseph  Coquelet,  qui  obtient  la  cure 
de  Béthune.  Antoine-Joseph  Coquelet,  ordonné  j)rêtre  en 
1771,  avait  joué  un  rôle  important  pendant  la  période  du 
culte  caché  ;  c'est  lui  qui  était  chef  des  missionnaires  et  pré- 
fet des  missions  dans  le  diocèse  de  Cambrai. 

A  Beuvry,  trois  ecclésiastiques  étaient  en  présence  :  deux 
insoumis,  Louis  et  Dumont,  ancien  vicaire  de  Saint-Nicolas 
d'Arras,  et  un  constitutionnel  Ignace  Brulin  ;  ils  vivaient  du 
reste  en  complète  mésintelligence.  Stanislas-Constant  Louis, 
ancien  bénéficier,  vicaire  de  La  Bassée,  avait  été  successive- 
ment desservant  de  La  Bassée,  d'Haisnes  et  d'Auchy  ;  il 
avait  émigré  et  était  rentré  avant  le  Concordat  :  il  fut  choisi 
comme  curé  de  Beuvry. 

Les  prêtres  constitutionnels  étaient  nombreux  à  Carvin  : 
l'un  d'eux  Philippe-Joseph  Botelle,  ayant  jdcu  d'influence 
dans  la  commune,  mais  dune  conduite  irréprochable,  avait 
obtenu  des  pouvoirs  de  l'évêque  ;  Mgr  de  la  Tour  d'Auvergne 
avait  manifesté  au  contraire  une  réelle  hostilité  à  l'égard  de 
Frévet,  curé  de  Carvin  depuis  33  ans,  «  très  aimé  des  habi- 
tants »  selon  le  maire  de  la  commune;  le  sous-préfet  de 
Béthune  ajoute  :  «  le  citoyen  Frevet,  prêtre  infiniment  res- 
pectable, jouit  de  la  confiance  de  ses  concitoyens  ;  il  paraît  qu'il 
n'a  point  obtenu  de  pouvoir  de  M.  l'évêque,  parce  qu'il  n'a 
point  voulu  se  soumettre  à  une  commission  à  effet  d'être 
relevé  d'une  prétendue  censure,  ni  faire  de  rétractation  », 
Malgré  ces  diverses  observations,  l'évêque  ne  nomme  à  la 
cure  de  Carvin  aucun  constitutionnel  ;  il  désigne  un  réfrac- 
taire, Jean-Guislain  Cavrois,  ancien  curé  de  Remy. 

A  Houdain,  il  n'y  avait  que  des   prêtres  insoumis  :  Jean- 


LES  CULTES  243 

Baptiste  Arrachart,  ancien  curé  delà  paroisse,  <(  sans  influence 
sur  l'esprit  public  »,  et  Charles  Laurent,  ancien  religieux, 
insoumis,  mais  n'ayant  pas  émigré.  Le  curé  nommé  est 
Charles-Louis  Lherbier,  ancien  professeur  à  Bapaume  et 
vicaire  de  Villers-au-Flos,  réfractaire. 

Les  notes  du  maire  de  Lens  sur  l'ancien  clergé  de  cette 
ville  ne  lui  sont  pas  précisément  favorables  :  Revel,  ancien 
curé  de  Lens,  rentré  après  le  Concordat,  «  est  d'une  conduite 
irréprochable,  n'a  cependant  pas  la  confiance  des  habitants 
de  Lens  ;  aimant  à  interpréter  à  sa  manière  et  souvent  en 
sens  contraire  les  lois  et  arrêtés  du  gouvernement  »  ;  Ternant, 
ancien  vicaire,  rentré  également  après  le  Concordat  :  «  intri- 
guant, ne  mérite  pas  la  confiance  du  gouvernement  »  ;  Bidal, 
ancien  chanoine,  «  homme  de  mauvais  principes  ;  ne  mérite 
pas  la  confiance  du  gouvernement  ».  Ces  renseignements 
n'empêchèrent  pas  Revel  d'obtenir  la  cure  de  Marquise,  Bidal, 
la  succursale  d'Arleux  et  Fresnoy  et  Ternant  de  rester  comme 
vicaire  à  Lens.  Le  curé  nommé  à  Lens,  en  remplacement 
de  Revel,  est  un  insoumis,  Augustin-Joseph  Levier,  ancien 
desservant  d'Illies  et  de  Saint-Nicolas  d'Arras.  Également 
réfractaire,  le  curé  de  Norrent-Fontes,  Pierre  Joseph  Bucaille, 
professeur  à  l'époque  de  la  Révolution  ;  la  municipalité  ne 
s'était  pas  prononcée  en  faveur  du  curé  constitutionnel,  Denis- 
sel  :  «  son  indifférence  pour  tous  ceux  qui  n'assistoient  point 
à  ses  offices,  sa  résistance  à  adhérer  au  Concordat  et  à  l'arrêté 
du  Préfet,  ne  lui  ont  point  attiré  l'estime  de  ses  concitoyens  ». 
Sur  le  curé  constitutionnel  de  Laventie,  la  municipalité  de 
cette  commune  transmet  les  renseignements  suivants  : 
«  n'exerce  plus  ses  fonctions  depuis  la  lettre  du  Préfet  en 
date  du  14  messidor  dernier:  ce  prêtre  a  peu  d'influence 
dans  la  commune  et  n'a  point  de  moralité  ;  on  lui  reproche 
de  s'être  marié  à  Marquette  et  d'avoir  biffé  sur  le  registre  de 
Marquette  un  acte  de  mariage  » .  La  cure  de  Laventie  revient 
encore  à  un  insoumis,  Jean-Baptiste  Delebecque,  chanoine 
régulier  de    l'abbaye    d'Hénin-Liétard,    qui    avait    pris    une 


244  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

grande  part  au  culte  caché  et  rempli  des  missions  confiden- 
tielles. 

La  municipalité  de  Lillers  faisait  le  plus  grand  éloge  du 
curé  constitutionnel  de  cette  ville,  Ignace  Laurent  :  «  pros- 
crit par  ceux  qui  n'aiment  pas  la  Révolution,  plein  de  piété, 
de  modération  et  de  vertus,  a  constamment  prêché  la 
morale  et  la  soumission  aux  lois  »  ;  il  ne  fut  cependant 
employé  qu'en  1804  et  à  la  succursale  de  Busnes,  Au  con- 
traire, la  même  municijjalité  dit  de  l'ancien  curé,  Théodore 
Lefebvre,  insoumis  et  rentré  après  le  Concordat  :  «  désiré 
par  ceux  qui  n'aiment  point  le  prêtre  constitutionnel,  caba- 
lant  pour  se  faire  nommer  définitivement;  est  âgé,  manque 
de  jambes  et  de  mémoire  ;  on  ne  peut  pas  se  plaindre  de  ses 
mœurs  ».  Pas  plus  que  Laurent,  Lefebvre  ne  fut  désigné 
pour  la  cure  de  Lillers  ;  elle  revint  à  un  autre  insoumis,  Marc- 
Augustin-François  Dufour,  curé  d'Hesdin  et  supérieur  du 
petit  séminaire  de  cette  ville  avant  la  Révolution.  Par  con- 
séquent, dans  l'arrondissement  de  Béthune,  sur  huit  cures, 
aucune  ne  fut  attribuée  aux  constitutionnels  ;  il  faut  recon- 
naître que  le  sous-préfet  ne  semble  pas  avoir  insisté  bien  vive- 
ment en  leur  faveur  ;  quant  aux  notes  des  municipalités,  on 
en  tint  peu  de  compte^. 

Le  sous-préfet  de  Saint-Pol  proposait  pour  les  cures  de 
son  arrondissement  quatre  constitutionnels  :  Antoine  Playoult 
«  prêtre  estimable  et  très  estimé  :  il  est  respectable  à  tous 
égards  et  il  ne  peut  qu'opérer  le  bien  dans  la  commune  où 
il  exerce  »  ;  Adrien  Debbé,  «  prêtre  recommandable  à  tous 
égards,  a  la  confiance  la  plus  entière  ;  néanmoins,  il  n'exerce 
plus  parce  qu'étant  malade,  il  n'a  pu  se  rendre  chez  M. 
l'évêque  »  ;  Michel  Lalj,  «  religieux  recommandable  sous 
tous  les  rapports  »,  et  Armand  Outrebon.  Aucun  de  ces 
quatre    ecclésiastiques     ne    reçut    de     cure  ;     Outrebon    est 

1.  Archives  dépai-t.,  26  thoi-midoi-  au  X.  Ren-ieigiiemtMits  sur  les  prêtres 
exerçant  clans  l'arroudissemcut  de  Béthune  ;  7  germinal  an  XIII.  Etat  nomina- 
tif des   prêtres  exerçant  dans  l'arrondissement  de  Béthune. 


LES    CULTES  24S 

nommé  vicaire  à  Auxi-le-Chateau  et  Playoult  conserve  la  suc- 
cursale d'Azincourt  qu'il  occupait  pendant  la  Révolution.  A 
côté  des  constitutionnels,  le  sous-préfet  proposait  comme 
curés  huit  réfractaires  :  Jacques  Renard,  ancien  curé  de  Fre- 
vent  ;  Menbœuf,  directeur  du  séminaire  de  Boulogne  ; 
Lefebvre,  professeur  de  théolog-ie  à  Douai  ;  Hennissart, 
vicaire  à  Frévent  ;  Debret,  curé  de  Ricametz;  Beug-in,  curé 
d'Herlin;  Philippot,  curé  de  Bouliers,  et  Guilbert,  de  Denin. 
Parmi  ces  huit  ecclésiastiques,  Debret  est  choisi  comme  curé 
de  Saint-Pol  et  Charles-Hubert  Beugin,  comme  curé  de 
Wail.  Les  autres  cures  de  l'arrondissement  sont  celles  d'Au- 
bigny,  d'Auxi-le-Ghateau,  d'Avesnes  et  d'Heuchin.  A  la  cure 
d'Aubigny,  est  nommé  un  insoumis,  Antoine  Masclef,  ancien 
curé  de  Lattre-Saint-Quentin  ;  à  Auxi-le-Chateau,  au  con- 
traire, un  constitutionnel,  Pierre-François  PéjDin,  originaire 
du  diocèse  de  Rouen,  l'un  des  prélats  du  grand  séminaire  de 
Saint-Nicolas  du  Ghardonnet,  directeur  de  la  congrégation 
des  hommes  de  Saint-Germain-en-Laye  ;  à  Avesnes-le- 
Comte,  un  insoumis,  Louis-Joseph-André  Vilmant,  vicaire 
de  Sainte-Croix,  puis  curé  de  Fosseux  et  de  Barly  avant  la 
Révolution  ;  et  à  Pernes,  également  un  insoumis,  Henri- 
Robert-François  Roussel.  Soit,  sur  six  cures,  cinq  confiées  à 
des  réfractaires;  une,  à  un  constitutionnel  i. 

Lors  de  l'organisation  provisoire  du  clergé,  Mgr  de  La  Tour 
d'Auvergne  avait  maintenu  à  l'une  des  cures  de  Saint-Omer 
l'évêque  constitutionnel  Mathieu  Asselin.  Le  maire  de  Saint- 
Omer,  Le  Sergeant,  écrivait  le  7  thermidor  an  X  au  sous- 
préfet  :  ((  Je  ne  puis  vous  cacher  (puisque  je  dois  être  l'organe 
de  mes  concitoyens)  que  la  grande  majorité  des  habitans 
souhaite  ardemment  que  le  citoyen  Asselin,  ci-devant  évêque, 
ne  soit   pas  maintenu    dans    la    cure   de    l'église    du   Saint- 

1.  Archives  départ.  Tableau  des  prêtres  existant  dans  l'arrondissement  de 
Saint-Pol, 28  ventôse  an  XIII  ;  liste  des  prêtres  qui  exercent  dans  l'arrondisse- 
ment de  Saint-Pol,  24  thermidor  an  X  ;  noms  des  prêtres  proposés  par  le 
sous-préfet  de  Saint-Pol  pour  les  cures  de  son  arrondissement. 


246  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800   A    1810 

Sépulchre  où  il  vient  d'être  nommé  provisoirement.  II  ne 
pourra  y  faire  aucun  bien,  n'ayant  pas  l'estime  générale  de 
ses  concitoyens.  II  n'en  est  pas  de  même  des  citoyens  Royer 
et  Seguier  que  je  connais  comme  prêtre  constitutionnels.  Je  me 
flatte  que  la  réunion  qui  a  eu  lieu  entre  tous  les  ministres  du 
culte,  fera  disparaître  tout  esprit  de  parti  parmi  cette  classe 
de  citoyens  et  qu'ils  suivront  en  cela  l'exemple  que  nous  leur 
donnons.  »  Mathieu  Asselin  fut  donc  rendu  à  la  vie  privée; 
c'est  cependant  un  constitutionnel  qui,  grâce  à  l'insistance 
du  préfet,  obtient  la  cure  du  Saint-Sépulchre,  à  Saint-Omer, 
François-Hubert  Gavrois,  ancien  religieux  bénédictin  ;  l'autre 
cure  de  Saint-Omer,  celle  de  Notre-Dame,  est  donnée  à  un 
insoumis,  Jean-François-Joseph  Coyecques,  ancien  supérieur 
du  séminaire  de  Saint-Omer.  A  Aire,  le  clergé  provisoire 
avait  été  constitué  avec  trois  réfractaires,  Deplantay,  Cons- 
tantin Noël  et  Jacques-François  Rolin  ;  lors  de  l'organisation 
définitive,  un  autre  réfractaire,  Louis-Joseph  Asselin  est 
nommé  curé  d'Aire.  La  cure  de  Fauquembergues  est  confiée 
à  un  insoumis,  Philippe-Louis- Auguste-César  Defasque, 
ancien  curé  d'HerbelIes,  qui  avait  été  envoyé  précédemment 
à  Fauquembergues  comme  missionnaire;  de  même,  celle 
d'Audruick,  qui  a  pour  titulaire,  François-Joseph  Costenoble, 
avant  la  Révolution  professeur  au  collège  de  Merville,  demi- 
chantre  au  chapitre  de  Saint-Omer ,  et  aussi  celle  de 
Dohem,  qui  a  pour  titulaire  Jacques-Joseph  Becquet,  ancien 
curé  de  Marenla.  Un  constitutionnel,  Hubert-ÉIoi  Deligny, 
successivement  préfet  du  séminaire  d'Hesdin,  vicaire  à  Sainte- 
Marie  Kerqué  et  à  Racquinghem.  Au  total,  dans  l'arrondisse- 
ment de  Saint-Omer,  cinq  cures  occupées  par  des  réfractaires, 
deux  par  des  constitutionnels  K 


1.  Archives  départ.  Lettre  du  maire  de  Saint-Omer  en  date  du  7  thermi- 
dor an  X;  lettre  du  maire  d'Aire,  6  thermidor  an  X;  Etat  des  ecclésiastiques 
nommés  provisoirement  dans  les  diverses  communes  de  l'arrondissement 
de  Saint-Omer,  11  thermidor  an  X  ;  Etat  des  prêtres  employés  dans  le  diocèse 
d'Arras. 


LES    CULTES  247 

En  résumé,  le  clergé  constitutionnel  a  obtenu  11  cures 
et  le  clergé  réfractaire  32.  Là  où  le  sous-préfet,  puis  le  pré- 
fet sont  intervenus  énergiquement,  dans  les  arrondissements 
d'Arras  et  de  Boulogne,  ils  ont  pu  conserver  quelques  cures 
au  clergé  constitutionnel  ;  l'avis  des  municipalités  paraît,  en 
général,  ne  pas  avoir  eu  une  grande  influence. 

Il  serait  fastidieux  de  relever  les  noms  de  tous  les  ecclé- 
siastiques nommés  aux  succursales,  comme  nous  l'avons  fait 
pour  les  cures,  mais  néanmoins  certaines  observations  et  cer- 
tains chiffres  méritent  d'être  retenus.  Dans  l'arrondissement 
de  Boulogne,  le  canton  de  Boulogne  comprenait  cinq  succur- 
sales, dont  celle  de  la  haute  ville  de  Boulogne.  Pour  contre- 
balancer l'influence  du  curé  constitutionnel  Roche,  imposé 
par  l'administration,  l'évêque  donne  au  titulaire  de  cette 
succursale  de  la  haute  ville  de  Boulogne,  Denissel,  le  titre 
de  doyen  de  l'arrondissement  et  de  provicaire  général  :  «  Je 
veux  avoir  un  correspondant  à  moi,  à  Boulogne,  pour  cet 
ancien  diocèse,  écrivait  Mgr  de  La  Tour  d'Auvergne  au  pré- 
fet, et,  comme  la  confiance  ne  se  commande  pas,  j'ai  choisi 
M.  Denissel.  »  Tous  les  desservants  du  canton  de  Boulogne 
sont  des  réfractaires.  Dans  le  canton  de  Calais,  nous  trouvons 
trois  desservants  constitutionnels,  Bonnart,  à  Goulogne,  Morel, 
à  Saint-Pierre-lez-Calais,  Gassin  à  Saint-Tricat  (en  outre, 
la  chapelle  de  l'hospice  civil  de  Calais  est  desservie  par  un 
constitutionnel,  Goliier)  et  six  desservants  réfractaires;  dans 
le  canton  de  Desvres,  deux  desservants  constitutionnels, 
Boudallier,  àLongfossé,  Fandier,  à  Wizvignes,  dix  desservants 
insoumis,  et  un  desservant  ni  constitutionnel,  ni  déporté; 
dans  le  canton  de  Guines,  quatre  desservants  constitutionnels, 
Thueux  à  Andres,  Duquesne  à  Campagne,  Vasseur  à  Fiennes 
et  Rappe  à  Hames  et  six  desservants  réfractaires  ;  dans  le 
canton  de  Marquise,  trois  desservants  constitutionnels,  Ver- 
lingue  à  Rety,  Lavoisier  à  Rinxent  et  Boutilier  à  Wissant  et 
neuf  desservants  réfractaires  ;  dans  le  canton  de  Samer,  six 
desservants  constitutionnels,  Peudecœur  à  Garly,  Baudelique 


248  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

à  Condette,  Vasseur  à  Doudainville,  Warot  à  Neufchâtel, 
Outrebon  à  Outreau,  Lemaire  à  Tingry  et  quatre  desservants 
réfractaires .  Les  desservants  de  l'arrondissement  de  Bou- 
logne se  répartissent  donc  en  41  réfractaires  et  18  constitu- 
tionnels. De  ces  18  constitutionnels,  dix  avaient  été  recom- 
mandés particulièrement  par  le  sous-préfet ,  sur  Lavoisier,  il 
n'avait  pas  donné  des  notes  excellentes  :  «  trop  familier  avec 
ses  paroissiens,  boit  avec  eux  »  ;  d'autres  constitutionnels  en 
faveur  desquels  il  avait  vivement  insisté,  par  exemple  Dupont, 
l'ancien  curé  de  Marquise,  «  le  plus  éclairé  des  constitution- 
nels »  et  qui  avait  joué  un  rôle  important  pendant  la  Révo- 
lution, n'ont  pas  été  utilisés  K 

Le  canton  de  Béthune  comprend  treize  succursales,  toutes 
occupées  par  des  insoumis  ;  le  canton  de  Beuvry,  également 
treize  succursales,  toutes  occupées  par  des  insoumis  ;  le  can- 
ton de  Carvin,  neuf  succursales,  toutes  occupées  par  des 
insoumis.  Dans  le  canton  d'Houdain,  dix-neuf  succursales  ont 
été  confiées  à  des  insoumis,  deux  à  des  constitutionnels,  Fresni- 
court  à  Alexis-Joseph  Marlier,  ancien  chanoine  régulier; 
Bouvignyà  Morel  (Jean-Baptiste)  ;  dans  le  canton  de  Laventie, 
cinq  succursales,  toutes  à  des  prêtres  réfractaires  ;  dans  le 
canton  de  Lillers,huit  succursales,  toutes  à  des  prêtres  réfrac- 
taires; dans  le  canton  de  Lens,  dix-sept  succursales,  toutes  à 
des  prêtres  réfractaires  ;  enfin  dans  le  canton  de  Norrent- 
Fontes,  deux  succursales  à  des  constitutionnels  (Masinghem 
à  Hubert  Domont  et  Rety  à  Bernard  Depoix),  vingt-deux 
succursales  à  des  réfractaires.  L'arrondissement  de  Béthune 
est  l'un  des  arrondissements  où  le  clergé  constitutionnel  a  été 
le  moins  favorisé.  Le  sous-préfet  avait  fourni  des  renseigne- 
ments plutôt  mauvais  sur  un  certain  nombre  de  membres  du 
clergé  provisoire  :  à  Annezin,  l'ancien  curé,  Touzart,  (insoumis), 
est  «  un  homme  plein  de  moralité  mais  qui  ne  paraît  pas  aimé 

1.  Archives  départ.  Etat  des  prêtres  constitutionnels  non  compris  dans 
l'organisation  provisoire;  noms  des  prêtres  constitutionnels  exerçant  ou  ayant 
exercé  dans  l'arrondissement  de  iîoulogne  ;  liste  nominative  des  prêtres 
employés  ou  résidant  dans  l'arrondissement  de  Boulogne. 


LES    CULTES  249 

dans  sa  commune  »  ;  à  Festubert,  depuis  que  l'abbé  Dumont, 
(insoumis)  «  exerce  dans  la  commune,  il  s'est  formé  un  parti 
considérable  qui  menace  de  troubler  l'union  qui  n'a  cessé  d'y 
régner  ;  ce  prêtre  paraît  animé  d'esprit  de  parti  ;  il  élève  des 
distinctions  entre  lui  et  le  prêtre  constitutionnel  à  qui  il  a 
interdit  toutes  les  fonctions  essentielles  »  ;  à  Hesdigneul,  le 
maire  dit  de  l'ancien  curé  Duhameaux,  (insoumis)  :  <  quoi- 
qu'ayant  de  bonnes  mœurs,  il  ne  mérite  point  la  confiance  du 
g^ouvernement  ;  avant  le  Concordat,  il  obligeait  par  pénitence 
les  acquéreurs  de  domaines  nationaux  ou  de  matériaux  prove- 
nant de  maisons  religieuses  à  en  payer  la  valeur  entre  les 
mains  d'un  dépositaire  chargé  d'en  faire  compte  aux  religieux 
et  religieuses  ».  Touzart  et  Dumont  ne  sont  pas  employés 
dans  les  communes  où  ils  exerçaient  provisoirement,  mais 
Duhameaux  est  nommé  desservant  à  Hesdigneul  ;  il  est  évi- 
dent que  pour  modifier  les  choix  de  l'évêque,  l'intervention 
directe  et  énergique    du  sous-préfet  est  nécessaire  ^ 

Dans  l'arrondissement  de  Saint-Pol,  nous  relevons  cinq 
desservants  constitutionnels  :  Antoine-Joseph  Boyaval,  à 
Trois- Veaux  ;  Hubert-François-Joseph  Maurice,  à  Chelers  ; 
Benoît  Barbier,  à  Tollent-Gennes  et  Willencourt  ;  Benoît- 
Joseph  Havez,  à  Coullemont  ;  et  Charles-Antoine  Playoult, 
à  Azincourt,  contre  cent  quatre  desservants  réfractaires-. 

Si  nous  passons  à  l'arrondissement  d'Arras,  nous  y  voyons  : 
dix-huit  desservants  constitutionnels,  Benjamin  Desgardins, 
à  Saint-Laurent  et  Blangy  ;  Victor-Joseph  Dave,à  Fampoux  ; 
Placide  Warnet,  à  Beugnàtre  et  Favreuille;  Auguste-Joseph 
Caboche,  à  Morval;  Jean-Baptiste-Joseph  Le  Tombe,  à  Souâtre  ; 
Ignace  Burlin,  à  Saint- Amand;  Pierre- Joseph  François,  à 
Thièvres  ;  Antoine-Ignace  Del  vigne,  à  Neuvirœuil  ;  Jean- 
Nicolas  Gailleret,  à  Habarcq;  Jean-François  Deberly,  à  Berles- 
au-Bois;  Antoine-Louis-Emmanuel  Wancourt,  à  Avisse  ;  Louis 


1.  Archives  départ.  Renseignements  sur  les  prêtres   exerçant  dans  l'arron- 
dissement de  Béthune. 

2.  Ibid.  Tableau  des  prêtres  existant  dans   l'arrondissement  de  Saint-Pol. 


250  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Joseph  Broches,  à  Ablainzevelles  ;  Fiacre  Carlier,  à  Bus  ; 
Pierre-Thomas  Lély,  à  Hermies  et  Démicourt  ;  Henri-Marie- 
Joseph  Hauwelle,  à  Morchy;  Antoine-Joseph  Moulloir,  à 
Biache  ;  Pierre-Augustin  Druenne,  à  Eaucourt;  Jean-Joseph 
Caboche,  à  Boiry-Notre-Dame,  Les  desservants  réfractaires 
sont  au  nombre  de  cent  cinquante-quatre  ^ . 

Les  desservants  constitutionnels  de  l'arrondissement  de 
Saint-Omer  sont  :  François  Seguierle  jeune,  à  Guemps  ;  Roch 
Bavelaer,  à  Oye  ;  Jean-Charles  Hochart,  à  Wismes  et  Saint- 
Pierre;  Pierre-Emmanuel  Froidval,  à  Leulinghem  ;  Gilles- 
Joseph  Hochart,  à  Alquines  et  Haut-Loquin;  Pierre-Joseph- 
Florentin  Rogner,  à  Balinghem  ;  Xavier-Joseph  Sauvage,  à 
Journy  ;  Jean-Baptiste  Dautrian,  à  Herbinghem  :  soit  huit 
constitutionnels,  pour  soixante-quinze  réfractaires ~.  Enfin, 
dans  l'arrondissement  de  Montreuil,  Adrien  Caron,  desservant 
de  la  Calloterie,  Jean-Antoine  Bricot,  desservant  de  Verton, 
Antoine  Waro,  desservant  de  Wailly  ;  Louis  Riquier,  desser- 
vant de  Maintenay  ;  Fontaine,  desservant  de  Brimeux  ;  Beau- 
geois,  desservant  de  Maries  ;  Sagnier,  desservant  de  Preures; 
Codron,  desservant  de  Camiers  ;  Clément,  desservant  de 
Widehem  ;  Louis-Léon  Oudart  Gomez,  desservant  d'Etrelles; 
Cadet,  desservant  de  Longvilliers  ;  Louis-Alexandre  Garbados, 
desservant  de  Regnauville;  Pierre  Carton,  desservant  de  La 
Loge;  Antoine  Cagny,  desservant  de  Raye;  Alexandre,  des- 
servant de  Coupelle- Vieille.  Soit  quatorze  constitutionnels, 
tandis  que  le  nombre  des  ecclésiastiques  réfractaires  auxquels 
ont  été  confiés  des  succursales  est  de  soixante-quatre  ^. 

Il  y  a  en  somme  dans  tout  le  diocèse  d'Arras  :  1 1  curés 
constitutionnels,  67  desservants  constitutionnels,  32  curés 
réfractaires,  524  desservants  réfractairss. 

1.  Archives  départ.  Etat  des  prêtres  employés  dans  le  diocèse  d'Arras,  éta- 
bli par  ordre  du  préfet. 

2.  Ibid. 

3.  Ibid.  Etat  général  des  prêtres  employés  ou  non  employés  dans  l'arron- 
dissement de  Montreuil. 


LES  CULTES  251 


VI 


L'org-anisation  définitive  de  ce  clergé  ne  s'est  pas  faite  sans 
quelques  luttes  très  vives,  dont  l'écho  est  parvenu  jusqu'à  nous, 
particulièrement  dans  les  arrondissements  d'Arras  et  de  Bou- 
logne. Les  lettres  et  les  rapports  du  sous-préfet  de  Boulogne 
permettent  de  suivre  particulièrement  la  marche  des  opérations 
dans  cet  arrondissement.  «  Les  citoyens  Frétant  et  Denissel, 
nommés  délégués  de  M.  l'évêque  d'Arras,  en  remplacement 
du  citoyen  Auge,  délégué  d'Asseline,  sont  arrivés  à  Bou- 
logne, le  19  messidor,  écrit  le  sous-préfet  Masclet  au  Préfet; 
leurs  premiers  mots  furent  des  paroles  de  paix  ;  il  venaient 
anéantir  les  distinctions  et  les  haines  des  partis  »  ,  En  réalité, 
soit  que  leurs  ordres  fussent  tels,  soit  faiblesse  et  impuissance, 
ils  se  laissèrent  circonvenir  par  Auge,  le  représentant  de  l'an- 
cien évêque  de  Boulogne.  «  Le  21 ,  dit  Masclet,  les  délégués 
vinrent  me  communiquer  leur  projet  d'organisation  provi- 
soire du  clergé  pour  Boulogne  et  Calais.  J'y  remarquai  avec 
surprise  que  le  curé  de  la  paroisse  de  Boulogne  et  le  desser- 
vant de  celle  de  Calais  étaient  dégradés  au  rang  de  vicaires 
et  subordonnés  à  deux  des  serviteurs  tout  récemment  sortis 
de  leurs  oratoires  clandestins,  et  dont  l'un  nommé  Tribout 
était  un  des  plus  dangereux  émissaires  d'Asseline.  Ce  début 
n'était  pas  encourageant.  Je  trouvai  que  c'était  une  première 
déviation  des  instructions  reçues  et  de  la  promesse  qui 
m'avait  été  faite.  Le  curé  de  Boulogne  et  le  desservant  de 
Calais  étaient  depuis  dix  ans  dans  leurs  paroisses  ;  on  n'avait 
pas  de  reproches  à  leur  faire  ;  on  en  convenait  ;  pourquoi 
donc  leur  ôter  leur  étole  pour  la  donner  à  de  nouveaux  venus 
et  à  des  homme  considérés  jusqu'ici  comme  leurs  ennemis 
personnels  ?  » 

Pour  rétablir  l'union  entre  le  clergé  constitutionnel  et  le 
clergé  réfractaire,  les  délégués  de  l'évêque  eurent  Tidée  de 
célébrer  le  dimanche    22  messidor  une    messe    solennelle   à 


252  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

laquelle  l'abbé  Frétant,  l'un  des  deux  délégués  officiait,  assisté 
comme  diacre  du  plus  influent  des  constitutionnels,  Roche. 
Toutes  les  autorités  civiles  et  militaires  étaient  présentes  à 
cette  messe  de  réconciliation  ;  il  n'y  manquait  que  les  prêtres 
inconstitutionnels.  «  Dans  le  moment  même  où  ils  repous- 
saient leurs  frères  qui  leur  tendaient  les  bras,  ils  violoient 
les  lois  de  leur  pays  et  la  foi  de  leur  eng-agements,  en 
officiant  dans  des  oratoires  particuliers,  pour  leurs  sectateurs 
de  la  haute  ville.  J'en  ai  offert  la  preuve  aux  délégués.  Auge 
disait  sa  messe  chez  une  M'"**  Ledinghen  ;  Parent  disait  la 
sienne  chez  une  M"'"  Sainte-Maxime,  ex-religieuse  ».  Il  est 
vrai  que  le  même  soir,  le  sous-préfet  ayant  donné  un  dîner, 
tous  ces  mêmes  prêtres  qui  avaient  refusé  de  se  rendre  à 
l'église,  acceptèrent  son  invitation,  «  sans  doute,  ajoute 
Masclet,  parce  que  je  n'avais  pas  été  prêtre  constitutionnel. 
L'ex-doyen  de  Marquise,  Dupont,  ne  fut  pas  aussi  heureux  : 
il  avait  invité  les  marquans  du  parti  opposé  à  commencer  par 
Auge  :  chacun  refusa  sous  divers  prétextes.  Je  m'en  plaignis 
vivement  ;  les  délégués  intervinrent  ;  ils  insistèrent  ;  on  se 
résigna  à  dîner  chez  le  citoyen  Dupont.  »  En  résumé,  écrit  le 
sous-préfet,  lorsque  le  projet  d'organisation  définitive  lui  est 
communiqué,  «  à  l'exception  de  Baude,  Seghin,  Ducrocq  et 
Delaporte  que  j'ai  écartés,  tout  le  clergé  ancien  et  nouveau 
d'Asseline  est  remis  en  place  ;  Asseline  lui-même,  nommé  par 
le  Premier  Consul  évêque  d'Arras,  n'aurait  pas  organisé 
autrement  son  ancien  diocèse  ».  Masclet  parvint  cependant  à 
faire  employer  seize  constitutionnels  sur  les  vingt-cinq  qui 
étaient  compris  dans  l'organisation  provisoire.  En  ce  qui  con- 
cerne les  éliminés,  «  l'apostille  de  leur  élimination  les  char- 
geait d' inconduite  ou  d'ignorance  »  ;  quant  k  ce  dernier  point, 
dit  le  sous-préfet,  j'ai  observé  que  tous  les  jeunes  gens  ordon- 
nés prêtres  par  Asseline  en  pays  étranger,  ne  devaient  pas 
être  bien  profonds  en  théologie,  et  que  cependant  presque  tous 
se  trouvaient  être  desservans,  même  de  paroisses  considé- 
rables, comme  de  Wimille,  d'Henneveux,   etc.   Le  reproche 


LES    CULTES  253 

d'inconduite  était  plus  grave;  mais  il  devait  être  particularisé, 
pour  que  je  pusse  prendre  des  renseignements  et  pour  que 
les  prévenus  connussent  les  charges  sur  lesquelles  ils  devaient 
se  justifier.  Comme  je  devais  d'un  autre  côté  vous  rendre  compte 
des  motifs  qui  avaient  fait  écarter  les  constitutionnels  non 
employés,  il  fallait  bien  que  je  pusse  vous  dire  que  tel  était 
accusé  d'être  ivrogne,  et  tel  autre  libertin.  Cet  argument 
péremptoire  fît  enfin  réduire  à  sept  les  constitutionnels 
interdits  ;  et  je  suis  sur  le  compte  de  trois  de  l'avis  des 
délégués  ^  » . 

En  outre,  les  délégués  de  Févêque,  contrairement  aux  ins- 
tructions ministérielles,  demandaient  aux  prêtres  constitution- 
nels, non  seulement  une  renonciation  expresse  et  par  écrit  à 
la  Constitution  civile  du  clergé,  mais  encore  leur  propo- 
saient de  se  faire  absoudre  et  relever  des  censures  qu'ils 
avaient  encourues  en  leur  qualité  de  prêtres  constitu- 
tionnels ~.  Une  perquisition  faite  chez  l'abbé  Auge,  le 
représentant  de  lévêque  Asseline,  livrait  à  l'administration 
un  certain  nombre  de  pièces  intéressantes  et  probantes. 
((  Vous  verrez,  écrit  Masclet  au  préfet,  par  la  correspondance 
de  lévêque  d'Arras  avec  Auge,  à  quel  point  ma  dernière 
dénonciation  était  fondée.  La  lettre  du  cardinal  légat  et  les 
deux  de  l'évêque  comprises  sous  le  n°  1,  celle  de  l'évêque 
cottée  n"  3  prouvent  évidemment  que  les  préfets  de  mission 
avaient  le  pouvoir  de  recevoir  la  confession  des  prêtres  cons- 
titutionnels et  qu'il  leur  a  été  subdélégué  des  pouvoirs  extraor- 
dinaires pour  les  absoudre  et  les  réconcilier  avec  l'Eglise. 
Le  post-scriptum  du  n°  4  et  la  petite  note  qui  se  trouve  au 
dos,  le  tout  de  la  main  de  l'évêque,  démontrent  que  la  pré- 
tendue révocation  des  pouvoirs  d'Augé  n'était  qu'une  farce 
et   qu'il  n'en  restait   pas  moins    le  Directeur  des  préfets   en 

1.  Archives  départ.  Lettre  du  sous-préfet  de  Boulogne  au  préfet,  29  messi- 
dor an  Xjf"»  133  et  seq. 

2.  Ibid.  Lettre  du  sous-préfet  de  Bouloj,'ne  au  préfet,  7  thermidor  an  X, 
f"  137. 


2S4  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

mission  et  le  conseiller  intime  de  M.  La  Tour  d'Auvergne- 
Lauraguais,  Le  brouillon  de  la  lettre  d'Augé  à  l'évêque 
d'Arras,  n°  7,  contient  une  foule  de  révélations  curieuses  : 
il  en  résulte  que  depuis  sa  lettre  à  l'évêque,  du  15  mai, 
Auge  a  reçu  de  nouvelles  instructions  d'Asseline  et  qu'il  a 
adressé  une  copie  de  ces  instructions  à  l'évêque  d'Arras  ; 
qu'avec  cette  nouvelle  règle  de  conduite,  Asseline,  outre  les 
pouvoirs  dépendants  de  l'ordinaire,  a  subdélégué  à  Auge,  à 
Braure,  etc.  des  pouvoirs  extraordinaires,  lesquels  avaient 
été  accordés  par  le  Saint-Siège.  Il  sera  curieux  de  savoir  si 
l'évêque  d'Arras  a  confirmé,  comme  le  demande  Auge,  la 
subdélégation  de  ces  pouvoirs  extraordinaires.  Je  crois  devoir 
rappeler  ici  que  la  déclaration  souscrite  par  Auge  et  par 
laquelle  il  renonce  à  toute  correspondance  avec  les  ennemis 
de  l'Etat  est  du  13  prairial  *  ». 

L'agitation  dura  encore  quelque  temps  dans  l'arrondisse- 
ment de  Boulogne,  le  plus  difficile  à  pacifier  incontestable- 
ment à  cause  de  l'attitude  de  l'ancien  évêque  Asseline.  Le 
sous-préfet  se  plaint,  le  19  thermidor  an  X,  d'IIenneguier, 
curé  de  Licques,  qui  prêche  contre  la  Constitution  civile  du 
clergé -;  il  demande  qu'on  le  débarrasse  de  Bridelle,  prêtre 
suspect,  qui  a  usurpé  à  Outreau  les  fonctions  de  desservant 
et  insulte  le  vrai  titulaire,  Avisse  .  Dupré,  vicaire  de 
Desvres,  a  été  interdit  par  l'évêque  d'Arras  ;  le  sous-pré- 
fet proteste  contre  cette  interdiction  :  «  il  est  probable  qu'on 
ne  serait  pas  si  sévère  pour  Dupré,  s'il  avait  été  ordonné 
par  Asseline  et  s'il  s'était  montré  moins  bon  citoyen.  Le 
desservant  de  Hottinghem  et  Matringhem  «  met  les  troubles 
dans  les  familles  en  inspirant  des  inquiétudes  sur  la  validité 
des  mariages  célébrés  par  les  officiers  civils  et  bénis  par  les 
prêtres     constitutionnels  ^  ».   Le   maire   de    Wast    se   plaint 

1.  Archives  départ.  Lettre  du  sous-prcfet  de  Boulogne  au  préfet,  11  ther- 
midor an  X,  fol.  139. 

2.  M.  2°  rej^istre  de  correspondance  du  sous-préfet  de  Boulogne. 

3.  Id.  3°  registre   de   correspondance  du   sous-prcfet   de   Boulogne,   f°  6  et 
f°9. 


LES    CULTES  255 

d'avoir  été  insulté  par  le  curé  dans  une   assemblée    de  mar- 
guilliers  '. 

Une  autre  lettre  du  sous-préfet  de  Boulogne  est  intéres- 
sante au  point  de  vue  de  la  façon  dont  le  gouvernement 
comprend  la  liberté  relig-ieuse  des  fonctionnaires  ;  elle  est 
adressée  au  maire  d'Ardres  (G  floréal  an  XII)  :  «  Je  suis 
informé,  citoyen,  que  vous  avez  témoigné  infiniment  peu 
d'égards  à  M.  l'Evêque  d'Arras,  qu'à  peine  vous  lui  fîtes  une 
visite  lorsqu'il  se  rendit  dans  votre  ville  ;  il  paraît  aussi  que 
vous  afl^ectez  de  ne  jamais  vous  présenter  à  l'église,  lorsqu'on 
y  fait  quelques  cérémonies  religieuses  en  faveur  du  Premier 
Consul.  Sans  doute,  vous  êtes  parfaitement  libre  dans  vos 
opinions  religieuses,  mais  en  qualité  de  maire,  vous  avez  des 
devoirs  à  remplir  et  votre  conduite,  je  vous  l'avoue,  est  en 
sens  contraire  des  intentions  du  gouvernement.  Je  suis 
étonné  que  vous  en  teniez  une  semblable  et  je  suis  forcé, 
en  la  blâmant,  de  vous  prier  d'être  à  l'avenir  plus  circons- 
pect. Rappelez-vous  que  le  gouvernement  veut  que  la  reli- 
gion soit  honorée  ainsi  que  ses  ministres  ;  ce  principe  s'ap- 
plique à  tous  les  cultes'-.  »  Le  sous-préfet  de  Saint-Omer 
prévient  le  préfet,  le  1"'  ventôse  an  XII,  qu'il  a  fait  arrêter  le 
prêtre  Remond,  «  ecclésiastique  non  employé  »,  qui  trou- 
blait les  communes  de  Setques  et  de  Quelmes,  malgré  de 
nombreux  avertissements -^  Le  sous-préfet  de  Saint-Pol  fait 
dresser  procès-verbal  contre  le  curé  de  Pernes,  Roussel,  qui  a 
brutalisé  son  vicaire  parce  qu'il  ne  veut  plus  en  avoir,  afin  de 
garder  seul  les  honoraires^.  Dans  le  même  arrondissement, 
on  interdit  le  curé  Thomas  qui,  nommé  à  Averdoingt,  con- 
tinue de  résider  à  Houvigneul  où  il  cabale  contre  le  curé 
Bourgeois''.    D'autre    ]3art,    le    maire    de    Villers   l'Hôpital 

1.  Archives  départ.  8"  registre  de   correspondance   du  sous-préfet  de  Bou- 
logne. 

2.  Ibid.  Registre?  de  correspondance  du  sous-préfet  de  Boulogne. 

3.  Ibid.  Registre  P  de  correspondance  du  sous-préfet   de  Saint-Omer. 

4.  Ibid.  6°  registre  de  correspondance  du  sous-préfet  de  Saint-Pol. 

5.  Ibid.  H"  registre  de  correspondance  du  sous-préfet  de  Saint-Pol. 


256  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

s'attire  un  blâme  pour  avoir  entravé  le  rétablissement  du 
culte  1.  Le  20  fructidor  an  X,  le  sous-préfet  de  Montreuil 
engage  le  maire  de  Berck  à  surveiller  le  desservant  provi- 
soire de  sa  commune  qui  empêche  le  prêtre  constitutionnel 
Lengagne  de  dire  la  messe  -. 

Si  le  préfet  et  les  sous-préfets  s'efforçaient  d'intervenir  le 
plus  souvent  qu'ils  pouvaient  en  faveur  des  constitutionnels, 
l'évêque  d'Arras  n'en  défendait  pas  avec  moins  d'énergie 
ses  actes.  Ainsi  il  écrit  au  préfet  le  12  messidor  an  X  :  «  L'au- 
torité civile  a  bien  le  droit  de  vouloir  connoître  tous  les 
ecclésiastiques  qui  exercent  dans  son  arrondissement, 
et  cette  connoissance  doit  lui  être  donnée  ^^ar  un  état  signé 
de  moi.  Mais  vous  me  permettrés  de  vous  observer  que 
c'est  sortir  des  bornes  du  pouvoir  de  maire  que  de  vouloir 
faire  contre-signer  par  le  sous-préfet  les  lettres  de  service  que 
je  donne.  C'est  comme  si  un  de  mes  curés  exigeoit  que  vos 
arrêtés  de  police  fussent  contresignés  de  mes  administra- 
teurs diocésains  pour  être  exécutés.  Ai-je  moi  même  le  droit 
de  contresigner  votre  signature?  non  sans  doute,  et  ne 
sommes-nous  pas,  chacun  dans  notre  partie,  préfet,  l'un  pour 
le  civil,  l'autre  pour  le  spirituel?  »  Dans  une  autre  lettre, 
Mgr  de  la  Tour  d'Auvergne  s'efforce  de  démontrer  au  préfet 
comment  il  comprend  l'amalgame  des  prêtres  contitutionnels, 
et  inconstitutionnels  :  «  J'aurais  eu  l'honneur,  dit-il  au  Préfet, 
devons  nommer  le  jarêtre  marié,  qui,  de  sa  pleine  autorité, 
a  repris  ses  fonctions,  si  son  nom  m'était  revenu  ;  mais  le 
fait  est  certain  et  j'espère  être  bientôt  à  même  de  vous  le 
désigner.  Je  sens  parfaitement  que  la  révolution  a  pu  faire 
perdre  à  plusieurs  ecclésiastiques  les  lettres  de  prêtrise  ; 
mais  il  en  est  qui  ne  les  ont  remises  que  par  apostasie  ;  pour 
eux,  je  crois  devoir  être  très  difficile.  Quant  aux  autres,  j'ai 
prouvé  à  plusieurs  que  je  savois  me  contenter  de  preuves 
moralement  suffisantes.    Les    uns    et    les   autres   trouveront 

1.  Archives  départ,  enregistre  de  correspondance  du  sous-préfet  deSaint-Pol. 

2.  Ihid.  Registre  de  correspondance  du  sous-préfet  de  Montreuil. 


LES    CULTES  257 

toujours  en  moi  un  père,  mais  en  même  temps  un  supérieur 
très  jaloux  de  n'admettre  que  d'honnêtes  gens  et  des  per- 
sonnes instruites  dans  son  clergé.  »  Au  fur  et  à  mesure  de  la 
lutte,  les  relations  deviennent  plus  tendues  et  l'évêque  en 
arrive  à  envoyer  à  Poitevin-Maissemy  des  notes  ainsi  con- 
çues :  «  J'ai  l'honneur  de  vous  prévenir  que  je  nomme  le 
citoyen  François,  ex-curé  de  Béthune  et  ex-constitutionnel 
à  la  cure  de  l'Hôtel-Dieu  d'Arras;  le  citoyen  La  Cresson- 
nière à  la  cure  de  Vitry  et  le  citoyen  Lally,  ex-bénédictin  et 
ex-constitutionnel,  à  la  cure  de  Houdain,  dans  la  place  du 
citoyen  Arrachart  que  j'avais  désigné  pour  cet  endroit  : 
C^est  mon  ultimatum  ^  ». 

En  dehors  des  conflits  entre  le  préfet,  les  sous» préfets  et 
l'évêque,  il  y  a  de  fréquents  conflits  entre  les  maires  et  les 
curés  ou  desservants  et,  lorsque  l'union  est  rétablie  entre 
l'évêché  et  la  préfecture  par  le  déi3art  de  Poitevin-Maissemy 
et  l'arrivée  de  son  successeur  de  La  Chaise,  ces  conflits  n'en 
continuent  pas  moins  à  se  renouveler.  Le  1^""  jour  complé- 
mentaire de  l'an  XI,  l'Evêque  déclare  au  Préfet  que  «  la  reli- 
gion acquerroit  plus  de  considération  dans  le  département, 
si  bien  des  maires  vouloient  à  cet  égard  seconder  le  vœu  du 
gouvernement  et  ne  pas  sortir  des  bornes  prescrites  à  chaque 
autorité  »  ;  l'Evêque  désirerait  une  circulaire  préfectorale 
pour  faire  savoir  aux  maires  «  que  tout  ce  qui  rentre  dans 
les  attributions  spirituelles  ne  peut  être  de  leur  ressort  ;  que 
les  clefs  de  l'église  sont  plus  décemment  entre  les  mains 
d'un  prêtre  que  dans  celles  d'un  laïc  ;  que  les  maires  n'ont 
aucune  surveillance  intérieure  sur  les  choses  de  l'église  et 
sur  ses  officiers  ;  qu'il  ne  lui  appartient  enfin  que  de  protéger 
et  favoriser  la  religion.  » 

A  Willerval,  le  maire  «  ivrogne  »  entrave  par  des  actes 
arbitraires  les  opérations  des  marguilliers  de  la  paroisse  ;  il 
s'est  oublié  au  point  de  frapper  en  public  «  le  trop  malheu- 

1.  Archives  départ.  Dossier:  Curés  constitutionnels. 
Ghavanon  et  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  1800  à  1810.  17 


258  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

reux  M.  de  Gouronnel  parce  que  ce  dernier  lui  a  voit  repré- 
senté que  n'étant  que  caution  de  la  dépense  pour  les  répara- 
tions de  l'église,  la  commune  devoit  payer  puisqu'elle  avoit 
de  l'argent.  »  En  réalité,  ce  maire  a  pris  un  arrêté  pour  régler 
et  restreindre  les  dépenses  de  l'église  et  fixer  le  tarif  de  loca- 
tion des  chaises  et  bancs.  L'évêque  l'accuse  de  s'être  présenté 
en  état  d'ivresse  à  l'évêché  et  d'avoir  été  si  impertinent  qu'il 
a  été  obligé  de  le  chasser.  Dans  la  commune  de  Gaudiem- 
pré,  lorsqu'un  desservant  nommé  par  l'évêque  se  présente 
pour  prendre  possession  de  son  poste,  le  conseil  municipal 
lui  demande  «  par  quel  ordre  il  venait  ;  sur  la  réponce  qu'il 
fait  que  c'était  par  celui  de  son  évêque,  on  lui  réplique  qu'on 
n'avait  pas  besoin  de  lui  et  que  d'ailleurs  on  était  bien  per- 
suadé qu'il  venait  troubler  la  commune  comme  avaient  fait 
ses  prédécesseurs,  qu'en  conséquence  il  devait  se  retirer  ». 
A  la  suite  de  la  plainte  que  lui  adresse  à  ce  sujet  Mgr  de  La 
Tour  d'Auvergne,  le  conseiller  d'Etat  Portalis,  chargé, 
comme  on  le  sait,  de  la  direction  de  toutes  les  affaires  con- 
cernant les  cultes,  recommande  au  préfet  de  surveiller  cette 
affaire  et  de  prendre  les  mesures  nécessaires  pour  empêcher 
de  tels  abus  de  pouvoir  de  la  part  des  municipalités.  En 
réalité,  les  habitants  de  Gaudiempré  voulaient  un  prêtre 
constitutionnel  et  particulièrement  M.  Deberly  ;  l'évêque  se 
refusait  obstinément  à  leur  donner  satisfaction.  Même  inci- 
dent à  Filièvres  où  le  maire  réclame  un  vicaire  constitution- 
nel que  l'évêque  ne  veut  pas  lui  donner. 

Dans  d'autres  circonstances,  ce  sont  les  maires  qui  se 
plaignent  des  desservants  :  le  maire  de  Tangry  reproche  au 
desservant  de  cette  succursale  d'avoir  aspergé  d'eau  bénite 
avec  affectation  plusieurs  demoiselles  de  la  commune  et 
d'avoir  refusé  à  une  dame  Wallart  de  la  recevoir  à  l'offrande 
parce  qu'elle  ne  s'était  pas  couvert  la  tête  comme  il  en  avait 
donné  l'ordre.  L'évêque  se  décide  à  déplacer  cet  ecclésias- 
tique quelque  peu  irascible. 

Lorsque     Bossu,     nommé    desservant    de    Wingles,    veut 


LES    CULTES  259 

prendre  possession  du  presbytère,  les  habitants  s'attroupent, 
le  menacent  et  le  forcent  à  s'enfuir  sous  les  huées.  Le  des- 
servant de  Festubert  est  accusé  d'avoir  fait  à  un  prêtre  cons- 
titutionnel, avant  de  lui  administrer  les  derniers  sacrements, 
des  questions  «  indiscrètes  et  répréhensibles  »  ;  de  lui  avoir 
demandé  «  s'il  se  repentait  d'avoir  fait  le  serment  de  mainte- 
nir la  Constitution  civile  du  clergé  et  d'avoir  exercé  le  minis- 
tère pendant  le  temps  de  la  Révolution ^  ». 

Une  plainte  fort  caractéristique  est  celle  de  l'évêque  contre 
l'adjoint  de  Gouy-en-Gohelle  (26  nivôse  an  Xll)  :  «  Le  sieur 
Chrétien,  adjoint  de  Gouy-en-Gohelle,  affiche  le  déisme  et 
fait  beaucoup  de  mal  dans  la  commune  par  ses  conversations. 
Je  vous  demande  avec  d'autant  plus  de  raison,  M.  le  Préfet, 
que  cet  officier  public  soit  rappelé  à  l'ordre,  et  même  plus 
si  c'est  possible,  que  ses  systèmes  sont  ceux  d'un  mauvais 
ecclésiastique,  car  je  vous  observe  que  le  sieur  Chrétien  est 
un  prêtre,  ex-religieux  bénédictin.  Je  vous  en  laisse  le  juge, 
M.  le  Préfet,  quel  mal  ne  peut  point  faire  un  homme  qui  se 
plaît  à  émettre  des  opinions  si  dangereuses,  surtout  parmi  les 
habitans  des  camj)agnes,  gens  d'autant  plus  faciles  à  entraî- 
ner qu'ils  sont  ordinairement  moins  instruits,  moins  clair- 
voyants et  plus  portés  à  croire  un  prêtre  ^  », 

L'histoire  de  l'application  du  Concordat  dans  le  départe- 
ment du  Pas-de-Calais  offre,  comme  on  vient  de  le  voir,  un 
intérêt  particulier,  car  elle  montre  combien  les  institutions 
reçoivent  l'empreinte  de  ceux  qui  sont  chargés  de  les  appli- 
quer. Si  Mgr  de  La  Tour  d'Auvergne  avait  trouvé  à  son 
arrivée  à  Arras  la  préfecture  occupée  par  le  général  de  La 
Chaise  et  non  par  Poitevin-Maissemy,  les  prêtres  constitu- 
tionnels eussent  été  bien  autrement  sacrifiés  encore  dans  la 
répartion  des  cures  et  des  succursales.  Imbu  des  idées  phi- 
losophiques du  xviii*'   siècle,   déiste  plutôt   que    chrétien,    le 

1.  Archives  départ.   Dossier:  Difficultés  entre  maires  et  curés. 

2.  Ibid. 


260  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

préfet  Poitevin-Maissemy  se  posa  en  quelque  sorte  comme 
le  défenseur  du  clergé  constitutionnel,  qualifié  de  clergé 
libéral,  et  plusieurs  sous-préfets,  —  surtout  Masclet,  à  Bou- 
logne,—  imitèrent  son  exemple.  Cette  attitude  a  causé  en  der- 
nier lieu  à  Poitevin-Maissemy  la  perte  de  sa  préfecture,  un 
déplacement  onéreux  et  désavantageux  pour  ses  intérêts  par- 
ticuliers, mais  il  était  parvenu  auparavant  à  obtenir  l'ap- 
plication du  Concordat  tel  que  le  comprenaient  le  Premier 
Consul  et  ses  principaux  conseillers .  «  L'organisation  des 
Cultes,  écrit  Fouché,  est  dans  l'Église  ce  que  le  18  brumaire 
a  été  dans  l'Etat  :  ce  n'est  le  triomphe  d'aucun  parti,  mais 
la  réunion  de  tous  dans  l'esprit  de  la  République  et  de 
l'Eglise  »,  c'est-à-dire  une  œuvre  de  pacification  religieuse, 
une  œuvre  de  fusion  entre  les  bons  éléments  du  clergé  cons- 
titutionnel et  du  clergé  inconstitutionnel.  En  réalité  Mgr  de 
de  la  Tour  d'Auvergne  n'était  pas  le  princijial  obstacle  à 
l'amalgame  :  jeune,  n'ayant  pas  exercé  le  sacerdoce  avant  la 
Révolution,  instruit  par  le  malheur,  actif,  honnête  et  ver- 
tueux, ce  prélat  a  laissé  les  meilleurs  souvenirs  en  Artois. 
Ses  sympathies  allaient  assurément  de  préférence  aux  prêtres 
réfractaires,  mais  en  diverses  circonstances,  son  rigorisme  à 
l'égard  du  clergé  constitutionnel  ne  fut  pas  de  parti  pris  ; 
des  actes  d'inconduite  ou  des  apostasies  trop  retentissantes  le 
justifièrent.  Malheureusement,  Mgr  de  La  Tour  d'Auvergne 
succédait  à  trois  évêques  ;  trois  anciens  évêchés  étaient  réu- 
nis en  sa  personne,  et  de  ces  trois  évêques,  l'un,  encore 
vivant,  se  montrait  un  adversaire  implacable  du  Concordat. 
Sous  peine  de  s'attirer  l'hostilité  ouverte  des  nombreux  par- 
tisans que  Mgr  Asseline  comptait  dans  le  clergé  inconstitu- 
tionnel, l'évêque  d'Arras  a  été  contraint  de  subir  l'influence 
du  prélat  exilé,  d'accepter  secrètement  ses  choix,  de  l'admettre 
moralement  dans  ses  conseils  et  c'est  cette  intervention, 
cette  action  occulte,  mais  facile  à  deviner,  qui  irritait  et  inquié- 
tait les  constitutionnels  et  leurs  défenseurs,  Poitevin-Mais- 
semy et  Masclet,  en  même   temps   qu'elle  entravait  la  paci- 


LES    CULTES  261 

llcation.  La  question  des  religions  dissidentes  ne  comptait 
pour  ainsi  dire  jaas  dans  le  département  du  Pas-de-Calais, 
puisque  les  protestants  étaient  si  peu  nombreux  qu'il  avait 
suffi  d'autoriser  cinq  communes  à  ouvrir  des  oratoires  ^.  Quant 
aux  municipalités,  nous  avons  constaté  que  leur  action  avait 
été  restreinte  ;  elles  étaient  consultées,  mais  leur  opinion 
n'était  ordinairement  prise  en  considération  que  quand  elle  s'ac- 
cordait avec  celle  du  sous-préfet  de  l'arrondissement.  La  très 
grande  majorité]  des  habitants  désirait  le  rétablissement  du 
culte  catholique  ;  on  demandait  aussi  dans  diverses  communes 
le  maintien  des  curés  constitutionnels  qui  étaient  en  fonctions 
avant  la  Constitution  civile  du  clergé  et  n'avaient  pas  cessé 
d'exercer  le  ministère.  Les  difficultés  soulevées  sont  surtout 
des  difficultés  de  personnes.  Malgré  la  vivacité  de  la  lutte  à 
certaines  de  ses  phases,  elles  ont  disparu  en  1806  :  lunifica- 
tion  du  clergé  paraît  presque  complète  et  le  Concordat 
commence  à  produire  ses  effets  bienfaisants. 

1.  Archives  départ.  8'  registre  de  correspondance  du    sous-préfet  de  Saint- 
Pol. 


RESUME  ET  CONCLUSION 


Les  premiers  projets  de  réforme  annoncés  en  1789  furent 
bien  accueillis  sur  tout  le  territoire  qui  allait  devenir  le  dépar- 
tement du  Pas-de-Calais.  L'Artois,  jaloux  des  privilèg-es  dont 
il  avait  joui,  comme  pays  d'Etats,  pendant  tout  l'ancien 
régime  et  désireux  de  les  étendre  encore,  espérait  voir  son 
ancienne  autonomie  rétablie  et  accrue  par  la  Révolution.  Le 
Boulonnais  en  souhaitait  autant.  Modérés  par  tempérament, 
les  habitants  de  ces  régions  ne  se  souciaient  pas  du  désordre 
et  demeuraient  attachés  à  la  royauté.  Tous  les  représentants 
envoyés  par  les  groupements  provinciaux  aux  Etats  Géné- 
raux, puis  à  la  Législative,  sont  fermement  monarchistes.  A 
la  Convention  même  le  Pas-de-Calais  députe  plus  de  modérés 
que  de  fanatiques.  Malheureusement  le  parti  de  ces  derniers 
parvient  à  dominer  et,  par  l'agitation  et  la  violence,  fait  dévier 
la  Révolution  au  début  pacifique  et  vraiment  désireuse  d'amé- 
liorations, vers  l'illégalité,  l'arbitraire  et  le  crime.  Mais  l'opi- 
nion générale  du  département  n'est  pas  favorable  à  ces  excès. 
Lebon  et  ses  odieux  compagnons  font  peser  sur  leurs  conci- 
toyens la  plus  exécrable  tyrannie.  La  vie,  sous  le  proconsulat 
rouge  de  l'ancien  curé  de  Neuville-Vitasse,  semble  se  retirer 
du  pays.  Nombreux  sont  les  récits  de  témoins  oculaires  qui 
nous  décrivent,  en  ce  temps  de  Terreur,  les  rues  désertes,  les 
maisons  fermées,  les  magasins  et  les  ateliers  chômant,  la 
défiance  générale  des  habitants  les  uns  à  l'égard  des  autres  et, 
ce  qui  est  peut-être  plus  triste  que  tout,  l'impuissance  abso- 
lue chez  les  honnêtes  gens  de  réagir.  La  dis^iarition  de  Lebon, 
exécuté  à  son  tour,  met  fin  au  cauchemar  et  permet  au  pays 
de  respirer,  mais  il  n'est  pas  une  âme  dans  le  département  où 


264  LE    PAS-DE-CALAIS   DE    1800    A     1810 

puisse  jamais  s'effacer  le  souvenir  des  atrocités  commises  par 
les  terroristes.  L'esprit  de  modération  s'est  ressaisi  et  régnera 
seul  désormais,  affermi  et  comme  perpétué  par  la  crainte  de 
voir  revenir  au  pouvoir  les  hommes  de  Lebon  avec  leur  cor- 
tège de  deuil  et  de  désolation.  Jusqu'au  coup  d'Etat  du  18 
brumaire  tous  les  élus,  à  l'exception  de  quelques  députés  de 
l'anYI,  sont  des  modérés.  On  trouve  même  dans  leurs  rangs 
de  véritables  royalistes  comme  Luc- Joseph  Bacon  (an  V),  de 
Berquier-Neuville  (an  VI),Dauchez  (an  V),  Grandsire  de  Blai- 
sel  (an  V)  et  d'autres. 

La  présence  de  tels  hommes  dans  les  assemblées  publiques 
n'empêche  pas  le  déparlement  de  se  débattre,  surtout  en  l'an 
VII  et  en  l'an  VIII,  dans  une  situation  mauvaise  à  tous  points 
de  vue,  analogue  à  celle  dont  souffre  le  reste  de  la  France.  La 
nouvelle  des  événements  du  18  Brumaire  ne  provoque  pas 
l'enthousiasme,  mais  ne  rencontre  pas  non  plus  d'hostilité. 
L'opinion  se  consulte  un  moment  avant  de  se  fixer;  elle  se 
demande  si  ce  nouveau  coup  d'Etat  sera  une  simple  réédition 
de  celui  du  18  fructidor  et  si  les  affaires  en  prendront  meil- 
leure tournure.  Bientôt,  elle  prend  espoir,  se  prononce  formel- 
lement en  faveur  du  Consulat  et  les  administrateurs,  qui  ont 
feint  de  la  croire  plus  hésitante  qu'elle  ne  l'était  réellement, 
s'empressent  de  la  suivre.  La  confiance  dans  le  nouveau  gou- 
vernement s'établit  lorsqu'on  le  voit  à  l'œuvre.  Au  fond, 
beaucoup  regrettent  que  la  monarchie  n'ait  pas  été  rétablie, 
mais  les  pourvoyeurs  de  la  guillotine  ont  été  écartés  :  c'est  le 
principal.  Ceux  des  anciens  Jacobins  qui  ont  pu  se  sauver  du 
naufrage  politique  de  leurs  frères  sont  revenus  assagis,  les 
mauvais  jours  ne  paraissent  pas  devoir  renaître.  On  ne  tue 
plus,  on  ne  proscrit  plus  ;  le  pouvoir  s'attelle  aux  grandes 
réformes  administratives,  cimente  la  paix  religieuse  :  c'est 
donc  en  connaissance  de  cause  qu'on  l'accepte  définitivement. 
Fort  de  l'appui  qu'il  rencontre,  le  chef  de  ce  gouvernement 
veut  fonder  l'Empire,  promettant  sous  cette  nouvelle  forme  de 
faire  plus  de  bien  encore  au  pays  et    le  Pas-de-Calais  devient 


RÉSUMÉ    Eï    CONCLUSION  265 

sans  difficulté  impérialiste.  Plus  que  bien  d'autres  régions  il 
va  souffrir  de  l'état  de  guerre  incessant  apporté  parle  nouveau 
régime  au  lieu  de  la  paix  promise  :  il  a  Boulogne  avec  vingt- 
cinq  lieues  de  côtes  environ  en  vue  de  l'Angleterre  ;  son  ter- 
ritoire est  la  route  qui  mène  aux  frontières  du  Nord,  la  cons- 
cription épuise  ses  hommes  et  les  frais  de  campagne  ses 
finances  :  en  1813  il  est  désaffectionné  de  l'Empire  et  accueille 
la  Restauration  sans  avoir  ressenti  aux  Cents  Jours,  malgré 
les  emphatiques  proclamations  de  son  Préfet,  la  moindre  joie 
de  voir  rentrer  Napoléon. 

De  1815  à  1827,  tous  les  députés,  à  l'exception  de  Harlé 
qui  a  une  situation  personnelle,  sont  de  purs  légitimistes. 
De  1827  à  1830,  le  département  envoie  au  Parlement  des 
libéraux  qui  sont  des  monarchistes  déguisés.  Sous  Louis- 
Philippe,  hormis  Piéron  qui  fait  partie  de  l'opposition  dynas- 
tique, mais  redeviendra  un  des  membres  les  plus  zélés  de  la 
droite,  puis  se  ralliera  au  second  empire,  tous  les  représen- 
tants sont  dévoués  au  gouvernement.  En  1848,  après  la  Révo- 
lution,  l'idée  républicaine  semble  avoir  rallié  des  partisans  et 
une  liste  de  démocrates  l'emporte  sur  celle  des  monarchistes. 
Succès  éphémère;  dès  le  mois  de  mai  18i9,  sur  quinze  dépu- 
tés on  compte  cinq  légitimistes,  un  orléaniste,  un  bonapar- 
tiste et  huit  monarchistes  libéraux.  Enfin  il  y  a  moins  de 
vingt  ans,  en  1885,  la  députation  du  Pas-de-Calais  était 
entièrement  conservatrice. 

On  peut  conclure  de  ces  faits  que  la  plus  grande  partie  de 
la  population  du  Pas-de-Calais  n'a  cessé  depuis  la  Consti- 
tuante de  professer  des  opinions  libérales  et  modérées.  De 
bonne  heure  elle  eût  sans  doute  évolué  vers  la  République 
démocratique  :  le  jacobinisme  et  les  excès  des  terroristes  lui 
inspirèrent  delà  défiance  pour  cette  forme  politique  que  Lebon 
et  ses  complices  prétendaient  incarner.  Nous  remarquons  en 
effet  qu'un  département  a  été  d'autant  moins  accessible  à 
l'idée  républicaine  qu'il  a  plus  souffert  de  la  Terreur. 

Le  caractère  et  la  valeur  du  personnel  administratif  influent 


266  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

naturellement  dans  une  large  mesure  sur  le  progrès  des  ins- 
titutions nonyelles.  Le  premier  Préfet  du  Pas-de-Calais, 
ancien  administrateur  pendant  la  Révolution,  libéral  et  réfor- 
mateur convaincu,  est  bien  accueilli  ;  il  s'inspire  des  idées  de 
la  Constituante  et  est  bien  le  Préfet  rêvé  par  le  Directoire. 
Mais,  voltairien,  cet  ennemi  des  choses  religieuses  n'a  pas, 
sous  le  Consulat,  l'esprit  conciliant  qu'il  faut  pour  faire  exé- 
cuter le  Concordat.  A  la  suite  de  démêlés  avec  l'Evêque,  il 
est  disgracié  malgré  les  services  qu'il  a  rendus  autrement. 
Son  successeur,  moins  embarrassé  de  convictions,  plus  souple, 
bien  qu'ayant  conservé  de  son  ancien  état  d'officier  des  habi- 
tudes de  commandement,  adapte  absolument  sa  manière  de 
faire  à  la  nouvelle  situation.  Sous  le  Consulat,  il  représente 
l'opinion  moyenne  de  la  nation,  et,  plus  éloigné  du  jacobi- 
nisme que  celui  qui  l'a  précédé,  se  fait  mieux  aimer  de  ses 
administrés  ;  il  deviendra  après  1804  le  type  du  Préfet  de 
l'Empire  et  la  Restauration  le  trouvera  prêt  à  la  servir  comme 
un  monarchiste  qui  n'aurait  jamais  varié.  Plusieurs  sous-pré- 
fets se  modèlent  sur  leur  chef;  ils  savent  qu'il  est  difficile  de 
plaire  tout  à  fait  au  maître  et  ne  peuvent  mieux  faire  que  de 
suivre  les  évolutions  d'un  homme  aussi  habile  que  La  Chaise. 
Le  Consulat  n'a  pas  hésité  à  recruter  certains  d'entre  eux,  de 
même  que  plusieurs  conseillers  de  préfecture  et  secrétaires 
généraux,  dans  le  personnel  politique  de  la  Révolution,  ce  qui 
se  pouvait  faire  sans  inconvénient  puisque  les  élus  du  Pas-de- 
Calais,  après  le  9  thermidor,  étaient  essentiellement  modé- 
rés. Si,  dans  ce  département,  la  transition  de  la  première 
période  du  régime  napoléonien  à  la  seconde,  c'est-à-dire  du 
Consulat  et  de  l'Empire  républicain  à  l'Empire  dynastique, 
fut  particulièrement  insensible,  c'est  parce  que  le  personnel 
des  services  publics  y  changea  peu.  Les  anciens  serviteurs 
du  Directoire  acceptent  les  conditions  de  l'Empire  dans  sa 
dernière  forme  sans  plus  d'effort  qu'il  ne  leur  en  a  fallu  pour 
se  plier  aux  institutions  du  Consulat.  Et  lorsque  Napoléon 
disparaît,  la  plupart  d'entre  eux  se  donnent  sans  réserve  à  la 


RÉSUMÉ    ET    CONCLUSION  267 

Restauration,  qu'ils  auraient  accueillie  dès  1799  sans    le    18 
brumaire. 

Ce  n'est  pas  à  dire  que  l'entente  entre  tous  les  représen- 
tants de  l'autorité  fut  complète  sur  tous  les  points  et  tou- 
jours. Nous  avons  montré  que  la  question  religieuse  amena 
bien  des  divisions  comme  dans  beaucoup  d'autres  rég-ions,  et 
que  l'établissement  du  Concordat  n'alla  pas  sans  troubles, 
assez  graves  même  en  quelques  lieux.  Les  deux  hauts  digni- 
taires chargés  d'appliquer  les  institutions  cherchent  à  les 
orienter  chacun  dans  un  sens  différent.  Dans  le  domaine  ecclé- 
siastique la  nomination  de  titulaires  de  postes  est  l'écueil  ;  et 
l'Evêque  et  le  Préfet  qui  y  concourent  sont  loin  de  s'entendre. 
Celui-ci,  sceptique  et  admirateur  de  l'œuvre  religieuse  de  la 
Constituante,  veut  composer  le  nouveau  diocèse  avec  le  plus 
grand  nombre  possible  de  prêtres  constitutionnels.  Livré  à  sa 
seule  inspiration,  Mgr  de  la  Tour  d'Auvergne  lui  eût  pro- 
bablement fait  assez  vite  des  concessions,  mais  subissant  l'in- 
fluence de  l'ancien  évêque  de  Boulogne,  Asseline,  ou  plutôt- 
de  ses  partisans  dont  il  craint  de  s'attirer  l'inimitié,  il  s'obs- 
tine à  choisir  presque  uniquement  des  prêtres  ayant  refusé 
d'adhérer  à  la  Constitution  civile.  Poitevin-Maissemy  paie 
de  sa  Préfecture  Facharnement  qu'il  a  apporté,  non  sans 
succès  du  reste,  dans  la  lutte.  Son  départ  apaise,  il  faut 
le  reconnaître,  l'ardeur  de  l'évêque  ;  peu  de  temps  après 
l'arrivée  de  M.  de  la  Chaise  les  plus  grosses  difficultés  sont 
aplanies  et  l'unification  du  clergé  est  en  bonne  voie.  Il  serait 
à  souhaiter  qu'on  retraçât  avec  détails  les  péripéties  de  l'éta- 
blissement du  Concordat  dans  chaque  département,  comme 
nous  avons  essayé  de  le  faire  pour  le  Pas-de-Calais  ;  les  ori- 
gines du  clergé  français  du  xix*^  siècle  seraient  ainsi  connues 
et  un  point  important  d'histoire  fixé.  Quel  intérêt  il  y  aurait 
à  savoir,  notamment,  comment  se  sont  comportés,  dans  leurs 
diocèses  respectifs,  les  rares  évêques  constitutionnels,  comme 
Primat,  du  Nord,  conservés  par  le  Consulat  ! 


268  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

Moins  difficiles  à  démêler  sont  les  origines  de  la  magistra- 
ture moderne.  Pendant  la  Révolution,  dans  le  Pas-de-Calais 
comme  ailleurs,  les  sièges  des  tribunaux  échoient  par  l'élec- 
tion à  des  hommes  qui  sont  dévoués  aux  idées  nouvelles. 

Les  uns  suivent  les  évolutions  de  la  politique  :  ce  sont  les 
plus  nombreux,  ils  demeurent  en  fonctions  ;  quelques  autres 
sont  évincés  comme  trop  modérés  aux  époques  de  violence, 
puis  reparaissent,  le  calme  revenu.  Lorsque  le  Consulat  sup- 
prime l'élection  des  magistrats,  tous  ceux  qui  sont  appelés  à 
former  les  tribunaux  de  notre  département  ont  rempli  des 
fonctions  judiciaires  dans  les  dix  années  précédentes,  beau- 
coup ont  même  été  magistrats  sous  la  monarchie,  et  nous  les 
trouvons  encore  en  place  grâce  à  l'inamovibilité,  sous  la 
Restauration. 

Le  Consulat  a  voulu  faire  une  exception  pour  les  juges  de 
paix  en  conservant  pour  eux  seuls  le  mode  électif;  il  n'en  est 
pas  récompensé.  On  a  vu  le  souci  que  ce  corps  de  fonction- 
naires a  constamment  donné  au  gouvernement.  Il  semble  que 
les  dernières  passions  des  temps  troublés  se  soient  réfugiées 
dans  les  élections,  d'importance  pourtant  secondaire,  de  ces 
magistrats  subalternes  et  le  pouvoir  se  voit  obligé  d'abord 
de  diminuer  leur  nombre,  puis  d'atténuer  par  le  senatus- 
consulte  de  l'an  X  les  inconvénients  de  leur  désignation  par 
le  suffrage  public.  Les  élections  qui  suivent  ces  réformes  sont 
encore  pleines    d'irrégularités  et  de  fraudes. 

Si  dans  le  Pas-de-Calais  comme  partout,  le  Gouvernement 
de  1800  à  1810  met  ses  soins  à  constituer  un  corps  judiciaire 
à  la  hauteur  de  sa  mission,  il  ne  paraît  pas  autant  préoccupé 
de  l'amélioration  de  l'Instruction  publique.  11  n'est  pas  d'ordre 
d'idées  dans  lequel  le  Consulat  et  l'Empire  se  soient  montrés 
plus  réactionnaires.  Les  grands  projets  sur  l'instruction  pri- 
maire tracés  et  non  réalisés  par  la  Convention  sont  délaissés. 
Napoléon  ne  fait  guère  que  rétablir  ce  qui  existait  sous  l'an- 
cien régime,  encore  doit-on  plutôt  à  l'initiative  des  départe- 


RÉSUMÉ    ET    CONCLUSION  269 

ments  et  des  communes  qu'à  celle  de  l'État,  qui  se  contente 
d'approuver  et  de  contrôler,  la  réouverture  des  établissements 
fermés  sous  la  Révolution.  L'empereur  innove  bien  en  matière 
d'enseig-nement  secondaire  en  créant  les  lycées,  mais  cette 
création  procède  visiblement  d'une  institution  de  l'ancien 
rég-ime  :  les  écoles  militaires  et  surtout  Brienne.  (Nous 
n'avons  pas  eu  à  parler  d'enseignement  supérieur  puisqu'il 
n'était  pas  représenté  dans  le  Département). 

Le  Consulat  s'est  naturellement  plus  intéressé  aux  finances 
qu'à  l'Instruction  publique.  Si  en  cette  matière  il  a  peu  légi- 
féré et  s'en  est  tenu  au  régime  d'impôts  établi  par  la  Consti- 
tuante, il  a  par  contre  fait  œuvre  importante  d'administra- 
tion. Nous  avons  vu  dans  le  Pas-de-Calais  les  agents  de  ce 
gouvernement  s'attacher,  suivant  les  instructions  reçues  du 
pouvoir  central,  à  régulariser  la  rentrée  des  impôts.  On  se 
base  en  l'an  VIII  et  en  l'an  IX  sur  les  travaux  de  répartition 
faits  en  1791  et  1792,  mais,  d'un  commun  accord,  le  Préfet, 
les  Contributions  directes  et  le  Conseil  général  s'efforcent  de 
rendre  la  répartition  plus  équitable.  Le  personnel  récemment 
institué  pour  procéder  à  la  répartition  ne  répond  pas  tou- 
jours à  l'espérance  de  l'administration,  alors  elle  le  réforme 
autant  qu'elle  peut,  soit  en  l'éduquant,  soit  en  l'épurant.  En 
1810,  les  progrès  de  la  gestion  financière  dans  le  département 
sont  notables.  Le  contribuable,  hélas  !  ne  paye  pas  moins 
d'impôts  :  pourtant  l'accroissement,  ici,  n'est  certainement 
pas  proportionnel  à  celui  des  charges  amenées  par  l'Empire. 
La  Révolution  avait  reçu  de  l'ancien  régime  un  déplorable  état 
financier.  Napoléon  l'a  amélioré  malgré  les  dépenses  énormes 
que  ses  guerres  imposèrent  à  la  France.  La  Restauration  eut 
de  bonnes  finances,  mais  ni  ce  gouvernement  ni  les  suivants 
ne  peuvent  se  vanter  d'avoir  empêché  les  charges  budgétaires 
de  s'accroître  jusqu'à  nos  jours,  malgré  la  supériorité  de  l'im- 
pôt foncier  mieux  assis  et  mieux  réparti  que  la  taille  de  l'an- 
cien régime.  On  a  quelquefois  pensé  que  Napoléon  eût  pu 
remédier  complètement,  soit  après  le  18  brumaire,  soit  après 
la  proclamation  de  l'Empire,  à  la  mauvaise  situation  financière 


270  LE    PAS-DE-CALAIS    DE    1800    A    1810 

du  pays  en  revisant  la  fortune  des  acquéreurs  des  biens 
nationaux,  ce  qui  n'eût  pas  manqué  d'amener  la  reconfîsca- 
tion  de  bon  nombre  de  ces  biens  au  profit  de  l'Etat.  A  cet 
égard,  il  se  montra  au  contraire  entièrement  respectueux 
de  l'œuvre  révolutionnaire.  Nous  l'avons  vu  affermir  les  droits 
reconnus  par  ses  prédécesseurs  à  cette  propriété  nouvelle, 
mesure  d'habile  politique  qui  ne  contribue  pas  peu  à  lui  atta- 
cher ce  qu'on  peut  appeler  la  bourgeoisie  républicaine. 

Sur  ce  point,  comme  sur  bien  d'autres,  l'histoire  adminis- 
trative du  Pas-de-Calais,  de  même  que  celle  des  Bouches-du- 
Rhône,  donne  bien  l'idée  que  le  régime  napoléonien  est  issu 
directement  de  la  Révolution.  En  résumé,  on  ne  peut  que 
répéter  ici  les  conclusions  générales  adoptées  par  MM.  Saint- 
Yves  et  Fournier,  affirmant  que  le  Consulat  et  l'Empire  ne 
représentent  pas  un  mouvement  de  recul,  mais  constituent 
une  dernière  phase  de  la  Révolution.  L'organisation  adminis- 
trative du  Consulat  repose  sur  le  même  principe  que  celle  de 
l'Assemblée  constituante  ;  les  réformes  introduites  par  celle- 
ci  en  toutes  matières  sont  continuées  par  celui-là,  et  l'emj^ire 
ne  fait  qu'adapter  les  institutions  révolutionnaires  au  système 
monarchique  le  plus  absolu  (jui  soit,  en  dépit  de  son  origine 
et  de  certaine  apparence  démocratique.  Tout  y  a  concouru  : 
ces  institutions  que  le  législateur  de  la  Constituante  et  des 
autres  assemblées  n'avaient  certainement  pas  élaborées  dans  ce 
but  ont  fortifié  de  plus  en  plus,  les  événements  aidant,  le  pou- 
voir de  l'Etat.  La  Révolution,  individualiste  par  théorie,  a 
abouti  à  l'absorption  presque  totale  de  l'individu  par  l'Etat. 
Cette  situation  n'a  fait  que  s'affirmer  pendant  tout  le 
xix"  siècle,  elle  menace,  si  nous  n'y  prenons  garde,  de  s'exa- 
gérer au  xx".  Il  faut  se  souvenir  que  si  Napoléon  ne  dut  rien 
de  sa  fortune  aux  procédés  jacobins,  écartés  par  lui  comme 
inopportuns,  ce  sont  les  idées  jacobines,  habilement  exploi- 
tées, qui  l'ont  mené  à  la  dictature.  11  ne  devait  pas  garder, 
devenu  César,  l'affection  de  populations  à  l'esprit  pondéré 
comme  celles  du  Pas-de-Calais.  Elles  avaient  d'abord  souri  à 


RÉSUMÉ    ET    CONCLUSION  271 

la  Révolution,  modérée  et  pacifique,  puis  s'étaient  détournées 
de  la  République  confondue  avec  la  Terreur;  de  même,  plus 
tard,  elles  accueillirent  avec  joie  le  Consulat  réparateur  et 
conciliant,  mais  haïrent  l'Empire  ennemi  de  l'Europe  entière 
et  entretenant  en  permanence  l'état  de  guerre. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE 


Aa  (rivière),  80,  148,  149. 
Abbeville,  11,  215,  226. 
Ablainzevelles,  230. 
Acary-Larivière  (d'),  cons.  génér., 

60. 
Achicourt,  170,  230,  231. 
Achiel-le-Grand,   231. 
Advielle,  maire,  109. 
Advisard  (Jean  d'),  chanoine,  219. 
Affringues,  170. 
Agny,  231. 
Ain  (1'),  113. 
Aire-s.-la-Lys,x,  3,   tS,  60,  81,   82, 

89,  90,  94,    100,    101,  122,  125, 

135,  136,  143,  150,  167,175,  177. 

178,  180,  189,  193,  193,  210,  212, 

220,  246. 
Aisne,  20. 
Aix-Noulette,  170. 
Albon,  administrateur,  173. 
Alette,  240. 
Alexandre,  curé,  250. 
AUart,  juge,  143. 
Allart  (François),  maire,  140. 
Allouagne,  56. 
Alpes-Marilimes,  83. 
Alquines,  135,  250, 
Ambleteuse,    72,  74. 
Anibrin,  136. 

Amiens,  210,  223,  226-228,  236. 
Andres,  247. 
Androuins    (F. -G.,    vicomte    des), 

dép.,  VIII. 


Anneqiiin,  141. 

Ansart  (L.-F.  J.),  religieux, 219. 

Ansart-Piéron,  magistrat,  16,  128, 
129,  130. 

Anselin  (Félicité),  107. 

Anselme,  instit.,  114. 

Anzin-Saint-Aubin,  108,  231. 

Archambal,  ordonnateur  des  guer- 
res, 226. 

Ardres,  \ni,  3,  33,34,  51,  52,  54, 
56,81,  89,103,122,  133,135,176, 
179,  195,  235. 

Arleux,  243. 

Armand  (le  P.).  V.  Lenfle. 

Arnette,  lieutenant,  114,   115. 

Arondance,  222. 

Arques,  xii,  110,  111,  135,  210. 

Arrachart  (J.-B.),  curé,  243. 

Arracliart,  médecin,  205,  257. 

Arras,  vi,  viii-x,  xii,  xv,  xvi,  3, 
5,  6,  18,  19,  22-24,  29-30,  41- 
46,  51-61,  76,  77,  81-86,  91, 
94-95,  122-131,  135,  137-138, 
143,  145,  149-151,  154-159,  163- 
166,  177-180,  182,  184-191,  193- 
198,  203-206,  210-215,  218-231, 
233,236-238,240,  242,  243,  247, 
249-260. 

Artois,  v-xi,  22,  26,  41,  44,  51, 
53,  56,  68,  71,  79,80,84,93,112, 
121-123,126,  128,  129,  131,  147- 
150,  152,  204,  203,  210,  211, 
213,  219,  260,  262. 


1.  Cet  index  comprend  les  noms  de  personnes  et  les  noms  de  lieux  cités 
-dans  le  livre.  Ceux-ci  sont  en  italique.  Voici  la  sij^nification  des  abréviations 
usitées  dans  l'index  :  adj.  :  adjoint  à  un  maire  ;  adm.  :  administrateur  ou 
membre  d'une  municipalité;  chan.  :  chanoine;  cons.  d'arr.  :  conseiller 
d'arrondissement  ;  cons.  génér.  :  conseiller  général  ;  cons.  préf.  :  conseiller 
-de  préfecture  ;  dép.  :  député  ou  représentant  à  une  des  grandes  assemblées 
de  la  Révolution  ;  institut.:  instituteur  ou  chef  d'institution  ;  j.  de  p.  :  juge 
•de  paix  ;  mag.  :  magistrat  ;  prof.  :  professeur. 


Chavanon  et  Saint-Yves.  —  Le  Pas-de-Calais  de  1800  à  1810. 


18 


274 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


Asselin(A.-J,-L.),  mag.,  124,  130, 

246. 
Asselin  (Mathieu),  curé,  223,  224, 

245,   246. 
Asseline     (Mgr    Louis),    211-213, 

216,  218,221,  224,  234,  235,  251, 

252-254,  260,  266. 
Athies,  231. 

Aubert,  mag.,    125,    134. 
Aubigny,  3,  44,  58,    59,    135,  136, 

145,  210,  245. 
Aubron,  cons.  d'arr.,  90. 
Auchel,  167. 
Auchy,  242. 

Audibert-Leveux,  adj.,  100. 
Audincthum,  220. 
Aucirehem,  107. 
Audruick,  x,  xii,  3,  90,  110,    135, 

136,210,  246. 
Audry,  religieux,  175. 
Auge,  abbé,  174,  251-254. 
Auguins-Deroteux,  adm.,  89. 
Aumerval,  219. 
Authie  (riv.),  v. 
Autun,  225. 
Auxerre,  208. 
Auxi-la-Réunion.  V.  Auxi-le-Cbâ- 

teau. 
Auxi-le-Château,    3,    71,   90,    112, 

135,  136,  154,  223,  245. 
Auzeville,  226. 
Averdoingt,  255. 
Avesnes-le-Comte,  xii,    3,  90,  103, 

135,  136,  145,  245. 
Avisse,  249,  254. 
Azincourt,  xii,  245,  249. 

Baehelet,  mag.,  90,  133. 

Bacon  (L.-G.),dép.,  IX,  263. 

Badolier,  prof.,  180. 

Baërt,  ix. 

Bailliencourt,  dit  Courcol,  échevin 
et  cons.    génér.,  59,  61,  65,76. 

Bailliencourt,  dit  Courcol,  reli- 
gieux, 175. 

Balaud,  religieux,  175. 

Balinghem,  250. 

Ballin,  curé,  235,  241. 

Bapaiime,  ix,  x,  xii,  3,  70,  77,  81, 
82,  86,  102,  122,  123,  125,  127. 
135, 138,  151,  163,  176,  178,  180, 


190,192,  193,  210,  215,  236,  237^ 

243. 
Barbier,  directeur    de    poudrerie, 

90,  145. 
Barbier  d'Auchy,  cons.    d'arr.,  90.. 
Barbier  (Benoît),  curé,  249. 
Barère,  conventionnel,  207. 
Baret,  mag.,  131. 
Barlin,  223. 
Barly,  245. 
Bartin,  196. 

Bassecourt,     cons.    d'arr.,    87. 
Bataille,  maire,  134. 
Baude,  greffier,  131,252. 
Baudelique,  prêtre,  247. 
Bavelaer  (Roch),   prêtre,   250. 
Beauff"ort,  230. 
Beaugeois  (François),  prêtre,  107,, 

250. 
Beaumeiz-les-Cambrai,  112. 
Beaumelz-les-Loges,  3,  135,138. 
Beaumont,  231. 
Beaumont     (comte     de),     95,    99,. 

208. 
Beaumont  (Christophe  de),  arche- 
vêque de  Paris,  214,  226. 
Beaupré,  135. 
Beàurain,  231 . 
Beauvais,  21,  30. 
Beauvoir,  223. 
Becq,  cons.  d'arr.,  87. 
Becquet  (J.-J.),  prêtre,  246. 
Behin,  curé,  viii,   213. 
Belgique,  17,  237. 
Bellanoy,  v.  Le  Gressier. 
Belle  fontaine,  122. 
Belval,  maire,  109. 
Bénard  (Antoine),  adj.,  88,  100. 
Bénard-Lagrave,    s.     préfet,    ix^ 

32,  33,  39.  40. 
Berbet(leR.  P.),  180. 
Berck,  xir,  256. 
Bergaigne  (IIubert),cons.préf.,  41 , 

42,  44. 
Bergevin,     commiss.    de   marine^ 

37. 
Berghin,  cons.  d'arr.,  90. 
Berles-au-Bois,  249. 
Berlier,  conventionnel,    58,  221, 
Berneville,  135,  138. 
Bernieulles,    108. 


ÎNDEX    ALPHABÉTIQUE 


275 


Berquier-Neu ville,    cons.,    50,  52, 

88,  263. 
Berquin,  jug-e,  131. 
Berry  (duc  de),  29. 
Berthout(J.  M.),  agent  communal, 

XIV. 

Bertincourt,   3,  135,  136,  138,  231. 

Bertin-Plaliau,  adm.  municip.,  58, 
85,  86,  91. 

Béthune,  ix,  3,  5,  8,  30,  32,  34,  57, 
59,  61,  76,  83,  86,  87,  94,  96,  113- 
H5,122,  123,  125,  127,  131,  135, 
136,  140,  142,  150,152,  155-157, 
159,  163.  180,  190,  194,  195,  198, 
204,  206,  210,  214,  215,220,  241, 
242,  244,  248,257. 

Beugin,  curé,  245 

Beiignâtre,  249. 

Beugnet,  mag.,  124. 

Beugmj,  154,  192,  193. 

Beuvrecfuin,  158. 

Beuvry,Sl,  135,141,241,242,248. 

Biache Saint-Vaast,  250. 

Bidal,cban.,  243. 

Billecoq,  cons.  d'arr.,  85,  86. 

Billecoq-Vaillant,  adj.,  95. 

Billion  (S.-G.),  cons.  d'arr.  et  mag., 
85,  127,   128,  130. 

Billot,  j.  de  p.,  138. 

Billot  (A.-L.)  cons.,  85,  86. 

Billy,instit.,  193. 

Bins  (Jacques),  émeutier,  219. 

Biron,  général,  36. 

Blaimond,  prof.,  175. 

Blaiselde  Grandsire,  dép.,  ix,  263. 

Blancart,  maire,  59. 

Blanchandin  (F.-D.-E.),  religieux, 
215. 

Blanchard  (le  R.  P.),  173. 

Blanchart,  dép.,  ix. 

Blanchet,  110. 

Blangij,  60,  7 1 ,  135,  231 ,  249. 

Blanquart,  maire  de  Calais,  99, 
100. 

Blanquart  des  Sabines,  dép.,  viii. 

Blanquet  de  Bailleul,  dép.    52,  59. 

Blaringhen,  51,  167. 

Blary  (Ernest),  inslit.,  190. 

Blendecques,  76,77. 

Blériot,  instit..  189,  190-192. 

Blin  (I.  C),  prêtre,  223. 


Blondin-Baizieux,  cons.  d'arr.,  89, 
101. 

Boinet,  maire,  108. 

Boiry-Becquerelle,  vin. 

Boiry  Notre-Dame,  250. 

Bois-Bernard,  223. 

Boisgérard,  ancien  officier,  87, 
112. 

Boitel  père, cons.  d'arr.,  89,  101. 

Boitel,  cons.  préf.,  42. 

BoUet,  député,  ix,  x,  xi,  51,  52. 

Bomy,  213. 

Bonaparte,  13,  17,  21,  32,  45,  51, 
53,54,  87,98,  226. 

Bonaparte  (Lucien),  35. 

Boniface,  vicaire,  216,  217. 

Bonnart,  prêtre,  247. 

Bonnières,  2-23,  224. 

Bonnières,  maire,  90. 

Botelle  (P.  J.),  prêtre,  242. 

Boubers-sur-Canche,  60. 

Boubert,  maire,  108. 

Bouchel-Merenveux,  adj.,  100. 

Boucher  (L.-J.),  dép.,  viii. 

Boucher,  prêtre,  245. 

Bouches-(lu-Bhône,  v,  xi,  xv,  45, 
47,  59,145,168,  269. 

Boucquel  de  Lignicourt,  chan.,  219. 

Boudallier,  prêtre,  247, 

BOudart  (Simon),  curé,  viii. 

BoufQer,  prof.,  173. 

Bouleau,    instit.,     187,  191-193. 

Boulers-les-Nesmond ,  222. 

Boulogne-sur-Mer,  ix,  x,  xii,  3, 
5,  8,  10,  12,  30,  32-39,  42,  43, 
50-52,  57,  58,  73,  77,  81-83,  87, 
88,  94,  96-98,  100,  109,  111, 
112,  118,122,123,125,  127,  131, 
132, 134-136,  143,  150,  152,  155- 
157,  159,  160,  163,  164,  173, 
174,177,  184,  189-192,  194,  198, 
204,  206,  210-219,  234,  237- 
239,  245,247,  248,  251,  254-255, 
260,  564,  266. 

Bourbers,  homme  de  loi,  125, 
126. 

Bourbourg,  56. 

Bourdon,  bailli,  5. 

Bourgeois,  curé,  255. 

Bounnont  (comte  de),  96,  100, 
ICI. 


276 


INDKX    ALPHABÉTIQUE 


Boiirlhcs,   13;j. 

Bousson  (le  baron),  ancien  officier, 

103. 
Boussu(ou  Bossu,  J. -F.),  curé,  237, 

258. 
Boutilier,  prêtre,  247. 
Bouvigny,  112,  248. 
Boyaval  (A. -J.),  prêtre, 249. 
Boyelles,   membre  du    Directoire 

86. 
Braine,  homme  de  loi,  138. 
Branquart,  juge,  124. 
Brasme  (Louis),  maire,  141. 
Brassart  (D.-A.),  dép.,viii. 
Brasseur,  abbé,   138,  220. 
Braune,  cons.  d'arr.,  87. 
Braure,  prêtre,  254. 
Braure  (M.  D.),  religieuse,  220. 
Braver  (le  P.),  180. 
Brazier  (Antoine),  j.  de  p.,  138. 
Breblères,  165,  166,  231. 
Bricot  (J.-A.),  prêtre,  250. 
Bridelle,  pi'être,  254. 
Brienne,  208,  268. 
Brimeux,  viii,  8,  250. 
Briois  de  Beaumetz,  dép.  viii. 
Brisse,  j.  de  p.,  139. 
Broches  (L.  J.),  prêtre,  250. 
Broglie,  général  de,  36. 
Brouta,  officier,  88.  * 

Brulin  (Ignace),  prêtre,  242. 
Bruneau,  curé,  213,  216. 
Bruneau  (François),   maire,  141. 
Bruneau    de   Beaumetz,  dép.,  27, 

52,112. 
Brusle-Aubert,  maire,  99. 
Bruyères-Chalabre    (Mgr  de),  211, 

212,  216. 
Bucaille  (F.-M.-A.),  dép.,  viii,  51, 

52,243. 
Bucaille  (J.  G.),  curé,  243. 
Bugey,  211. 

Buissart  (Charles),  juge,  138. 
Buissy  (de),  chan.,  219. 
Bultel,  juriste,  122. 
Burette,  juge,  125,  133. 
Burlin  (Ignace),  prêtre,  249. 
Bus,  250. 
Busnes,  196,  244. 
Butor,  dép.,  ix. 
Butler,  adm.,  173. 


Caboche  (A.-J.),    prêtre,  249. 

Caboche  (J.-J.),  prêtre,  250. 

Cadet,  prêtre,  250. 

Cagnicourt,  135. 

Cagny  (Antoine),    prêtre,    250. 

Cailleret  (J.-N.),   prêtre,  249. 

Calais,  V,  vu,  xii,  xvi,  3,  5,  12, 
16,  30,  33,34,  51,  52,  54,58,  60, 
73,  74,  77,  82,88,  89.  94,  98-100, 
122,  123,  125,  133-136,  144, 
150,  152,  163,  174,  177-180,  182, 
183,  186,  187,  189,  190-194,  201, 
202,  204,  210,  212,  214-216, 
218,  220,  221,  223-225,  227,  232, 
233,  237,  238,  247,  251,  259,  261, 
262. 

Calonne-Ricouart,  106. 

Cambacérès,  49. 

Camberliger-Varennes,  juge,  132. 

Cainblin-Chatelain,  196. 

Cambrai,  210,  237,242. 

Cambridge,  173. 

Cambrin,  3,  140. 

Ca?niers,  250. 

Campagne,  xiii,   61,  135,  136,  247. 

Campagne-lez-Hesdin,  145,  240, 
241. 

Campan  (M™«),  44. 

Canche,  riv.,  v. 

Cappelle,  135. 

Cardevacques  d'Havrincourt  (de), 
cons.  génér.,  61. 

Cardon  de  Montigny,  cons.  préf., 
43. 

Carg,  abbé,  219. 

Carion,  juge,  124. 

Carlier  (Fiacre),  prêtre,  250. 

Carly,  247. 

Carnot  (Lazare),  ix,  xi,  54. 

Carnot-Feulins  ou  l'aîné,  ix,  xi. 

Caron,  prêtre,  217. 

Caron  (Adrien),  prêtre,  250. 

Caron  (Auguste),  j.  de  p.,  140. 

Caron  (Cyriaque-Janvier),  juge, 
124. 

Caron-Falenpin,  procureur,  88,132. 

Caron-Senlecque,  cons.  d'arr.,  39, 
40,  89,  133. 

Caron  (veuve),  143. 


IMDEX    ALPHABÉTIQUE 


277 


Carpentier,  168. 
Carpentier,  cons.  d'arr.,  89. 
Carré  (le  Père),  prof.,    173. 
Carton  (Pierre),  prôlre,  230, 
Carvin,  3,  113,  135,  136,    140,  142, 

196,  241,  242,  248. 
Cassagneau  de  Saint-Amour,  cons. 

génér.,  55,  56. 
Cassin,  prêtre,  247. 
Castelnaudat^y,  211. 
Castres,  226. 
Cateau-Cambrésis ,  237. 
Cauchy, 167. 
Caudron  ou    Codron,    prêtre,  238, 

241,250. 
Cauvet,  maire,  103. 
Cavrois,  curé,  215. 
Cavrois  (Jean-Guislain),  prêtre,  242. 
Cavrois  (F. -H.),  religieux,  246. 
Cavrois,  général,  xii. 
Cavron-Saint-Martin,  222. 
Cazin,cons.  génér.,  60. 
Cazin(leR.  P.),  173. 
Cercamps,  76. 

Cezeaux,  direct,   de    l'octroi,   186. 
Chambéry ,  20. 
Chaptal,  15,   18,  113,    194. 
Charles-Quint,  121. 
Charvet,  curé,  193. 
Chateau-Joly,  167,  168. 
Chelers,  249. 
Chevalier  (Ch.-Vict.),  avocat,  125, 

131. 
Chocques,  87,  220. 
Choquol,  maire,  7. 
Choquet,  j.  de  p.,  87. 
Chrétien,  adj.,    259. 
Clarques,  xiv,  110,  135. 
Clavière,  ministre,  152. 
Clément,  prêtre,  250. 
Clenleu,H2. 
Clerques,  107. 
Cléry,  159. 
Cléty,  XIV. 
Coblentz,  45. 
Cochet    de     Corbeaumont,    cons. 

génér.,  60. 
Cochet    d'Hattecourt,    adj.,    95. 
Cocud,  dép.,  X. 

Cocud  (François),  j.  de  p.,  143. 
Codron.  V.  Caudron. 


Coffin,  X,  42. 

Cohen,    195. 

Colbaut  (Armand),  pi'être,  193. 

Colberl,  193. 

Collin,  maire,  106. 

Colline,  219. 

Conchil-le- Temple,  xii. 

Condelte,  50,  109,  135. 

Condillac  (de),  199. 

Conzié  (François),  prêtre,  219. 

Conzié  (Mgr  de),  18, 178,  211,  212, 

214,  216,  224. 
Coquelet  (A.-J.),  curé,  242. 
Coquerel,  ex-admin.,  90. 
Corne,  dép.,  ix,  44,  86,  138,  235. 
Cornier-Preville,  cons.   d'arr.,  88. 
Cornille,  cons.  préf.,  42,  44. 
Cornoailles(Th.),cons.d'arr.,85,86. 
Cornuette,  cons.  d'arr.,  88. 
Cornwhuit,  procureur,   173. 
Corroyer,  j.  de  p.,  138,  164. 
Costenoble  (F.-J.),  curé,   246. 
Cot  (Pierre),  adj.,  95. 
Coullemont,  249. 
Coulogne,  247. 
Coupelle-Vieille,  viii,  250. 
Courcelle,  135. 
Couronnel  (de),  258. 
Courrières,  196. 
Courset,  agronome,  88. 
Coutreville  (J.-A,  de),  viii. 
Coyecques  (J.-F.-J,),   prêtre,   246. 
Crachet,  dép.,  xi. 
Crécy,  222. 

Creisent  (P.-J.-J.),  juge,  132. 
Cremaretz,  xii. 
Cressent,  cons.  d'arr.,  89. 
Cresson,  maire,  107. 
Croichet,  juriste,  125,  144. 
Croisilles,  3,  135,  139,  210,  237. 
Croix  (Comte  de),  viii. 
Croix,  ex-commissaire,  90. 
Croquison  (veuve),  168. 
Cucq,  144. 

Cuinchy,  ix,  141,  164. 
Cuitot(le  P.),  prof.,  173. 
Cuvillier,  prof.,  206. 

Dacquin,  prêtre,  114. 
Dagulhac  de  Soulages  (J.  A.), capi- 
taine, 102. 


278 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


Daillet  (Stanislas),  mag.,  124. 

Dainville,  231. 

Daisguirande  (Constant),  maire,  87. 

Danel,  j.  de  p.,  89. 

Danson,  maire,  141. 

Danvin,  admin.,  58,  61. 

Dapvril,curé,  223. 

Darthé,  mag.,  124. 

Dauchelle,  dép.,  ix. 

Dauchez,  dép.,  263. 

Daunou,    ix,  xi,   34,    53,  173,    181, 

207,212,  215. 
Dautremer,  maître  des  postes,  89. 
Dautrian  (J.-B.),  prêtre,  250. 
Dautricourt,  juge,  140,  142. 
Dave  (V.  J.),  prêtre,  249. 
Daverdoingt     (J.    G.),    maire,    90, 

102. 
Debbé  (Adrien),  prêtre,  244. 
Debeaucourt,  juge,  138. 
Deberly  (J.S.),  prêtre,  249,  258. 
Debert,curé,  245. 
Debloët,  religieux,  175. 
Debrue,  dép.,  x. 
Decques,  5. 

Defasque  (Joseph),  religieux,  223. 
Deflandre  (Nicolas),  maire,  86. 
Defontaine      (Emmanuel),       juge, 

138. 
Defrance  aîné,  procureur,  90. 
Defrance  (A,-G.),juge,  133. 
Degrez,  cons.  d'arr.,89. 
Delacroix,  préfet,  20. 
Delair,  commis,  de  pol.,6. 
Delalleau  (J.-B.),  maire,  96. 
Delamurre,  cons.  génér.,58. 
Delannoy  (Grégoire),    prêtre,  240. 
Delattre  (Charles),  adj.  108. 
Delattre  de  Balzaert  (Bernard),  ix, 

59,  89,  90,  105-107. 
Delbarre  (Xavier),  j.  de  p.,  140. 
Delhourg,  5. 
Deldicque,  juge,  131, 
Delebecque  (J.B.),  prêtre,  243. 
Delegorgue,     accusateur     public, 

124. 
Deleporte,  prêtre,  252. 
Deleporte  (François),  admin.,  57. 
Delepouve,  commiss.  de  pol.,  6. 
Delepouve  (E.-F.),  mag.,  86,  127, 
128, 130, 


Delerue.  V.  Delrue. 
Delestré,  prof.,  182. 
Deletoile,     instit.,  187,     189,    191, 

192. 
Delettes,  xv. 
Delevigne     (J.-L.-II.),     religieux, 

237. 
Deligne,  cons.  d"arr.,90. 
Deligny  (H.-E.),  prêtre,  246. 
Delleville,  cons.  d'arr.,  86. 
Delombre,  cons.   préf.,44,   58,  59. 
Delporte,  cons.  génér.,76. 
Delporte  (Pierre-François),  maire, 

96. 
Delrue,  cons.  gén.,  55,  56,  61. 
Delvar,  prof.,  191,  192. 
Delvigne  (A -J.),  prêtre,  249. 
Demarigna.  V.  Marigna. 
Demicourt,  prêtre,  250. 
Demohr, cons.  préf.,  36,  42,  43. 
Demond  (Jean-Baptiste),  168. 
Demuliez,    accusateur  public,  124. 
Denin,  245, 

Denissel,  curé,  243,  247. 
Depape,  j.  de  p.,   142. 
Deplanques,  cons.  d'arr.,  89. 
Deplanques,  juge,  125. 
Deplantay,  prêtre,  246. 
Depoix  (Bernard),  prêtre,  248. 
Derender,  cons.  d'arr.,  89,  90, 
Derœux,  institut.,  193. 
Desandrouins,  industriel,  58. 
Deschodt    (D.-M.    Xavier),  prêtre, 

223. 
Deseille  (Geneviève),  111. 
Desgardins      (Benjamin),     prêtre, 

249. 
Desgrousilliers       (Jean- Jacques), 

juge,  145. 
Deslavier,  maii'e,  90. 
Deslions  (L.-J.),  maire,  101. 
Deslyons    de     Moncheaux,     cons. 

gén.,  60- 
Després,  prêtre,  175. 
Desprez,  cons.  d'arr.,  85,  86. 
Desruelles,   avocat  au  Parlement, 

87. 
Desruelles,  juge  suppl.,  131, 
Desruelles  (Dom),  220. 
Desvres,   xii,   3,   12,    88,  122,  135, 
136,  144,  159,  237,  239,  247,  254. 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


279 


Dethosse,  cons.  d'arr,,  89. 

Deusy,  dép.,  ix. 

Deusy,  avoué,  138, 

Deux-Nèthes     (département    des), 

20,83. 
Devienne,  auteur,  128,   130,  143. 
Dewamin  (Eugène),  juge,  145. 
Dewamin,  j.    de   p.,    89,  102. 
Dewetz,  mag.,124,  125. 
Devi'imille,   juge,  125,  133. 
Dhamelincourt,  médecin,  205. 
Diot  (Jean),  curé,  viii,  219. 
Doailly,  cons.  d'arr.,  193. 
Dohem,xiv,  246. 
Domont  (Hubert),  prêtre,  248. 
Donjon,  61. 
Douai,  36,  38,  41,  52,  80,   131,  133, 

134,  165, 184-186,  210,  216,  240, 

245. 
Doulcet     de    Pontécoulant,   dép., 

56. 
Doullens,  148,  226. 
Bourges,  196. 

Druenne  (P. -A.),  prêtre,  250. 
Dublaisel-Durieux,    cons.    génér., 

60. 
Duboille  (L.  S.),  112. 
Dubois  (abbé),  227. 
Dubois,  cap.  de  gend.,  118. 
Dubois,  s.  préf.,  40,118. 
Duboui'cq,  maire,  106. 
Dubourg,  cons.  préf.,  41. 
Dubrœucq,dép,  ix,xi. 
Dubrœucq,  juge,  134. 
Dubuisson  (H.-D.-J.),  dép.,  ix. 
Dubusse,  religieux,  216. 
Ducarin  (Louis),  juge,  87. 
Ducouroy,  prêtre,  223. 
Ducrocq(abbé),  175,252. 
Duflos  (D.-J.),  dép.,  50,  52, 183. 
Duflos,  prêtre,  214,  240,  241. 
Dufour(Dom),  172. 
Du  four,  abbé,  176. 
Dufour(M.-A.-F.),  curé,  241,  244. 
Dufresne     (Pierre-Antoine),    adj., 

96. 
Dugat,  cons.  municip.,  96. 
Duhameaux,  prêtre,  248. 
Duisant,  231. 
Dujat,  13. 
Dulot,  maire,  103. 


Dumont,  cons.  génér.,  88. 
Dumont,  vicaire,  242,   249. 
Dumont  (André),  s. -préfet  dép.,  19, 

29,  58. 
Dunkerque,  72,  76,  77. 
Dupire,  maire,  57,60,  61,  76. 
Duplaquet,  sous-préfet,  38,  39,  88, 

174. 
Dupont,  de  Lens,  100. 
Dupont   (P.),    religieux,   175,  214, 

215,239,  248,  252. 
Dupont-Seivault,  officier  munici- 
pal,  89. 
Dupré,  prêtre,  254. 
Duquesne,  prêtre,  247. 
Duquesne-Clociieville,  cons.  d'arr., 

officier,  88. 
Duquesnoy  (Ernest),    dép.,    ix-xi, 

220. 
Duquesnoy-Rouvray,     administr., 

61. 
Dure,  maire,  106. 
Duriez,  cons.   génér.,   60, '61,    88, 

100,  102. 
Dusaulchoy,  cons.  d'arr,,  90. 
Dussart  (Maximilien),  168. 
Dutercq,  religieux,  216. 
Dutertre    (Pierre-Daniel),   avocat, 

96. 
Duval,dép.,  ix, 
Duval,  magistr.,  125. 
Duval  (Ch.-M.-M.-F.),  avocat,  132. 
Duval  de  Hautmaret  (Biaise),  cons. 

génér.,  57-59,  76,  88. 

Eaucourt,  250. 
Eclimeux,  90. 
Ecoivres  (rf'),  231. 
Ecosse,  177. 
Ecuires,  112. 
Ecurie,  231. 
Ecuyer  (le  P.),  180. 
Eddropp,  prof.,  182. 
Effial,  208. 

Egmont-Pignatelli  (comte  d'),  164. 
Elbe  (île  d'),  29,  61. 
Elciiingen  (duchesse  d'),  43. 
Elmotte  (d'),  dép.,  x. 
Emery  (abbé),  225,  226. 
Enlart,  dép.,   ix,   55,    61,    89,   90, 
125,  132,  134. 


280 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


Enlart  de  Guémy,  99. 

Eperlecquen,  135. 

Epinoy,  158. 

Equire,  109. 

Espagne,  147,  226. 

Esquerdes,  xii,  90. 

Esques,  xv. 

Estienne(le  P.),  180. 

Eiaples,  3,  89,  102,  112,  122,    135, 

136,  144,  145,  238,  241. 
Etrelles,  250. 
Etrun,  231. 
Eylau,  66. 

Fahy,  curé,  223. 

Falaise,  223. 

Famechon,  231. 

Fampoux,  231,  249. 

Fandier,  prêtre,  247. 

Fauchison,  154. 

Fauquembergues,  3,  HO,  135,  136, 

145,  246. 
Fauquembergues,  abbé,  236. 
Favreuil,  xii,  249. 
Feret,  religieux,  175. 
Fermier,  maire,  109. 
Ferrand  (le  général),  14. 
Fesch  (Mgr),  38. 
Festubert,  249,  259. 
Feuchy,  231. 
Fiennes,  247. 
Fillieres,  109. 
Filievres,  258. 
Flahaut,  commissaire,  5. 
Flamcnt  (le  P.),  prof.,  173. 
Flandre,  52,  150. 
Fleury  (Célestin),  dép.,   viii. 
Fleury,  135,  183. 
Fleury -la-Rivière  (Ma.^ne),  182. 
Flour    (Jean-Baptiste),   juge,   145. 
Foncquevillers,  135,  136,  139. 
Fontaine,  prêtre,  250. 
Fontaine  (M.-M.),  religieuse,    220. 
Fontoux  (Thérèse),  religieuse,  220. 
Forgeois,  avocat,  129. 
Forgeois-Crétal,    demoiselle,  129, 
Fosseux,  245. 
Fouché,  ministre,  18,  260. 
Foulers    (Louis    de),    maire,  103. 
Fourcroy,  reprôsent.,  en  mission, 
6,  136,  184,  185. 


Fournier(P.F.)adj.,  108. 

Fox,  37. 

Framecourt,  135. 

France    de     Vincly,  chan.,  219. 

François,  prêtre,  242. 

François     (Jean-Charles),    prêtre, 

236. 
François  (P.  J.),  prêtre,  249,   257. 
François  (Siméon),  juge,  87. 
Francoville  (Charles-Bruno),  dép., 

VIII,  52,89,  90,  133. 
Frédéric  II,  66. 
Fremicourt   (Pierre    Mathias    de), 

cons.  d'arr.,  90. 
Fresnes-Montauban,  135. 
Fresnicouri,  248. 
Fresnoy,  magislr.,58. 
.  Fresnoy,  vicaire,  243. 
Fressin,  xii,  58,  135. 
Frétant,  prêtre,  251,  252. 
Frélhun,  \iii,  51. 
Frévent,  3,  71,  90,  135,  197,  245 
Frévet,  curé,  242. 
Friedland,  66. 
Frigard,  religieux,  171,  179. 
Frodeval,  maire,  107. 
Froidval  (P.E.),  prêtre,  250. 
Froment,  maire,  102. 
Fromentin  de  Sartel,  cons.  génér 

60,61. 
Froussart  (le  P.),  prof.,  173. 
Fruges,3,  89,  135,  136,  241. 
Fumes,  40. 

Galland(Vaast),  prêtre,  223, 

Gand,  226. 

Gantés,  cons.  génér.,  60. 

Garbados  (L.-A.),  prêtre,  250. 

Garchet,  dép.,  x. 

Gai-nier,  dép.,  ix,  x. 

Garnier  (Ch.L.  A.),  sous-préf.,  32, 

33,  199. 
Garnier    du    Vivier,     percepteur, 

161. 
Garnier  (J.-B.),  maire,  103. 
Gaudienipré,  258. 
Gayant,    cons.     préf.,     2,  42,    44, 

187. 
Genel,  prêtre,   188. 
Gense,  brigadier,  115,  H6. 
Qérard    (Jeanne),    religieuse,  220. 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


281 


Gillet,  maire,  106. 

Gillot,  juge,  144. 

Givenchy,  141. 

Gohier,  prêtre,  247. 

Gombert  (Xavier),  admin.,  87. 

Gomez,  cons.  d'arr.,  89. 

Gomez  (L.-L.  O.),  prêtre,  250. 

Gonnekem,  89,  90. 

Gorilloi,  164. 

Gosse,  accusateur  public,  124. 

Gosse  dcGorre,  dép.  53,  89-102. 

Goudemetz,  juge,  58,  133. 

Gouilliard,  admin.,   xvi,  220. 

Goure,  231. 

Gouy-en-Gohelle,  259. 

Gouy-Servins,  57. 

Grandclas,  ingénieur,  16,  72. 

Grandsire-Belval,  cons.  d'arr.,  88, 

96. 
Grandsire  du  Blaisel,  père,  magist. 

125,  131, 
Graux-Capron,  maire,  102. 
Gravelines,  74. 
Grégoire,    receveur    d'octroi,    87, 

223. 
Greiset,  cons.  d'arr.,  89. 
Grenet,  religieux,  175. 
Grenier,  dép.,  ix. 
Grenier,  greffier,  127. 
Grevillers,  xii,  105,  135,  138. 
Grimbert  (Augustin),   prêtre,    219. 
Grincourt-les-Pas,  107 . 
Gros     (Bernard),     dép.,    viii,    87, 

88. 
Gros,  juge  suppl.,  131. 
Guenips,  250. 
Gueudré,  maire,  109. 
GufTroy,  dép.,  ix,  xi,  133,  141. 
Guilbert,   curé,  245. 
Guillemont,     religieux,    173. 
Guines,  3,  42,  43,  78,  122,  135,136, 

178,  237-239,  247. 
Guiscard  [Oise],  4. 
Guislain,  cons.  d'arr.,  89. 
Guislain  (Parent),  j.  de  p.,  140. 
Guizelin,  cons.  d'arr.,  68. 
Guyane,  218. 

Habarcq,  237,249. 
Hacot-Duvoilliers,  mag.,    88,  114, 
126,132,  143. 


Haisnes,  242. 

Halgout,  officier  de  santé,  43. 

Ilullines,  135. 

Ilalwin  (Charles),  adm.,  101, 

Ilaméricourt  (Gérard  d'),  religieux, 

172. 
liâmes,  247. 
Ilannotte  (Georges),  j.  de  p.,  140, 

142. 
Haplincourt,  135,138. 
Hardinghen,  58,   76,  78,  106,  135. 
Harduin,  chan.,  219. 
Harlé,  dép. ,264. 

Harlincourt.  V.  Wartelle-Vaillant. 
Harnes,  111,  196. 
Haudouart  (Ignace  père),  dép.,  ix, 

86,  102,  125,  138. 
Haut-Loquin,  250. 
Hautmaret.  V.  Duval  (Biaise). 
Hauwelle  (H.-M.  J.),  dép.,  250. 
Ilavel,  prof.,  206. 
Ilavet  (François),  adm.,  114. 
Havet  (J.-B.),  curé,  213,  239,  240. 
Havet (Louis),  adm.,  114. 
Ilavez  (B.  J.),  prêtre,  249. 
Havrincourt,  237, 
Helfaut,  210. 
Hellemans  (Amable-Joseph),  adm., 

8,9,  99,  102. 
Ilendecourt,  112. 

Ilendecourt.  V.  Le  Sergeant,  112. 
Ilenin-Lietard    87,    88,    135,   142, 

193,  210,  243,  245. 
Ilennebert,  auteur,  213. 
Ilenneguier,  prêtre,  254. 
//enneveuic,  88,  135,252. 
Ilennisart,  vicaire,  245. 
Ilenriquez,  prof.,  182. 
Henry  (A.  J.),  prêtre,  223. 
Herbelles,  246. 
Herbet,  mag.,  133. 
Herbet,  vicaire,  213,  215. 
Herbinghem,  250. 
Ilercqueliers,  167. 
Ilerdhebaut,  adj.,  106. 
Ilerman,  accus,  publ.,  124, 
lier  mies,  237,  250, 
Ilernicourt,  167, 
Ilerreng  (Fei'dinand-Louis),  maire, 

96, 
Ilersin-Coupigny ,  viii,  196,  213, 


282 


INDEX    ALPIIAHÉTIQUE 


Hesdigneul,   249. 

Hesdin,  ix,  xii,  3,  44,  54,  58,  82,  89, 
102,  122,  !23,  125-127,  135,  136, 
150,  154, 166,  176,  179, 183,  193, 
197,  210,  235,  240,  241,  244, 
246. 

IIesmond,%i^. 

Herzecqiies,  167. 

Ileuchin,  3,  71,  135,  136. 

Hieulle,  religieuse,  175. 

Ilinguer  (François),  adm.,  114. 

Hochart  (G.-J.),  prêtre,  250. 

Hochart  (J.-C),  prêtre,    250. 

Hoche  (le  général),  51. 

Hodicq,  dép.,  viii. 

Hollande,  5. 

Horeau,  adj.,  100. 

Hottinghem,  254. 

Iloudain,  xiii,  3,  135,  130,  140, 
210,  241,  242,  248,  257. 

Hourtel,  164. 

Houvigneul,  255. 

Houzel,  adm.,  101,  102. 

Hubert,  maire,  138. 

Hucqueliers,  3,  89,  135,  136,  219, 
240,  241. 

Hugy,  231. 

Humerœuil,  166,  168. 

Huret,  prêtre,  215. 

Hutin,168. 

léna,  66. 

Illies,  243. 

Imbert  de  la  Basèque,  230. 

Imbrethun,  ix. 

Inchy,  IX. 

Irlande,  173,  177. 

Isbergue,  135. 

Isnardi,  prof.,  182. 

Ita  aîné,  adm.,  89. 

Ita-Trousset,  adm.,  88. 

Izambert,  164. 

Izel-les-Hameaux,  109,  197. 

Jacquemont,  tribun.,  27,    54,    126, 

184,  186. 
Jemmapes ,  20. 
Joly-Lavieville     (Antoine),     cons. 

génér.,  60,  101. 
Jore  (L.-F.-M.),  prêtre,  241. 
Jouanne,  cons.  d'arr.,  89. 


Journy,  108,  250. 
Junot,  général,  30. 

Keating  (Patrice),  prof.,  173. 

La  Baséque.  V.  Imbert. 
La  Bassée,  210,  242, 
La  Beuvrière,  87,  166. 
Labrouche,  commiss.    de   marine, 

37. 
La  Calloterie,  250. 
La  Chaise  (B"»  de),  préfet,  15,  20, 

21,  22,24-31,  39,  41,  43,  46,    64, 

71,  105,    117,  134,  257,  259,  265, 

266. 
La  Comté,  130. 
La  Couture,  viii,  135,  158. 
Lacres,  109. 
La  Cressonnière  (E.  T.  de),  curé, 

237. 
Lafayette,  37. 
Laflèche,    208,  214. 
LafoUye-Guyon,  adj. ,109. 
Lafontaine,  cons.  d'arr.,  89. 
Lagrillière,  pharmacien,  102. 
La  lier  Hère,  231. 
Laigle,  cons.  d'arr.,  90. 
Laignel     (Barthélémy),    religieux, 

220. 
Laignel  (Jacques),  abbé,  220. 
Laisné,  abbé,  175. 
Lakanal,  ministre,  207. 
Lalleu,  87. 
La  Loge,  250. 

Laly  (Michel),  religieux,  244. 
Lamarre,  représ,  en  mission,  41. 
Lambiez  (J.  J.),  prêtre,  237. 
Lamelle  (Marie),  religieuse,  220. 
Lameth  (Charles),  dép.,  viii. 
Lamy,  prof.,  189. 
Langle(de),  évêque,  178. 
Langres,  227. 
Languedoc,  226. 
Lansiarre,    chan.,  189. 
Lanthenas,  conventionnel,  207. 
La    Pasture-Verchocq    (P. -A. -F.), 

maire,  101. 
Laporte,  prêtre,  235. 
Lapugnoy,  167. 
Lardemer(P.  J.-F),  juge,  138, 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


283 


Lardeur  de    la  Recousse,    admin., 

89. 
La  Rose,  brigand,  8,  12. 
La  Sablonnière  (de).  V.  Mauguet. 
Lascote  (Elie),  mag.,  133. 
Lasteyrie  du    Saillant  (de),  préfet, 

60,  61. 
La     Tour      d'Auvergne- Lauragais 
(Mgr  de),    226,    228-230,    234, 

238,  242,  245,  247,  254,  256,  260, 

266. 
Latteux  (Nicolas),  dép.,  viii. 
Lattre  Saint-Quentin,  xrii,   245. 
Laurent  (Charles),   religieux,    243. 
Laurent  (Ignace),  curé,  244. 
Laussat  (Baron),  29. 
Laventie,    3,     135,    136,   140,    141, 

195,  241,  243,248. 
Laverdi    (Guizelin),     cons.    d'arr., 

88. 
La  Viéville.  V.  Joly. 
Lavoisier,  247,  248. 
Leauweite,  231. 
Lebas,  terroriste,   ix,  xi. 
Leblond,  109. 
Lebon  (Joseph),  terroriste,  ix,  xi, 

58,  124,  126,  128,   172,  216,  218- 

221,238,262,263,264. 
Lebrun,  consul,  49. 
Lechon,  maire,  90. 
Le  Choquel,  122. 
Leclercq,  maire,  105. 
Leclercq,  religieux,  175. 
Lecointe,  mag.,  125. 
Ledinghen  (Madame),  252. 
Leducq  (Léandre),  juge,  138. 
Lefebvre  (André), curé,  237,  245. 
Lefebvre-Cayet,  dép.,  x,  xi,51,  52, 

59,60,  61,  64,184-185. 
Lefebvre  (Charles),  juge,   145. 
Lefebvre  (Jérôme),  juge,  138. 
Lefebvre-Hacot,adm.,  101. 
Lefebvre  (Laurent),  prêtre,  244. 
Lefebvre  (Théodore),  curé,  244. 
Lefelle,  juge,  125. 
Lefin,  maire,  113. 
Lefranc,  juge,  127. 
Legay,  maire,  87,  125,  131. 
Legay,   juge,  homme    de  loi,  125, 

131. 
Léger,  médecin,  205,  206. 


Léger,  prof.,  192,  193. 
Legrand,  cons.  d'arr.,  89. 
Legrand  (Rocli),  prêtre,  220. 
Le  Gressier  de  Bellanoy,  chan.,  ix, 

213. 
Lehodey,  prof.,  189, 191,  192. 
Lély(P.-T.),  prêtre,  250. 
Lemaire,  médecin,  102. 
Lemaire,  prof., 175. 
Lemaire  (Sébastien),  maire,    106. 
Lemaitre,  144. 
Léman  (départ,  du),  83. 
Lenfle  (dit  le  P.  Armand),  216. 
Lengagne,prêti"e,  256. 
Lenglet,  dép.,x,  xi,  125,182. 
Lenoir,  maire,  87. 
Len^,  3,   56,  82,  86,  122,  135,   136, 

140,  143,  149,  176,  195,  210,  238, 

241,  243,248. 
Léogane,  4. 
Le  Parcq,  ix,  3. 
Lepelletier      de       Saint;  Fargea.i, 

207. 
Lépine,  xm. 
Lépine,  adm.,  114. 
Le  Prévot-Ardet,  prof.,  193. 
Leriche  (Gaspard),  mag.,  131. 
Le  Roi  du    Royer,    chan.,  213. 
Leroux  (J.-J.),  dép.,  viii. 
Le    Roux,  cons.  d'arr.,  16,  85,  86, 

219. 
Le  Roy,   cons.    d'arr.,   86,  87,  90, 

105. 
Leroy-Aipelly,  juge,  99. 
Le  Sergeant  d'IIendecourt,  maire, 

112. 
Le     Sergeant     d'Isbergues,  dép., 

VIII,  55,59,99,245. 
Leserre,       commis-greffier,     124- 

126. 
Lesoing,  adj.,  16,  95. 
Le  Souich,  90. 
Les^rem,87,  195,223. 
Letombe  (J.-B.-J.)  prêtre,  249. 
Leton,  mag.,  133. 
Leulinghen,  250. 
Levaillant,  dép.,x. 
Lévêque,  juge,  132. 
Leveux  (Jacques),  maire,  88. 
Levier  (A.-J.),  prêtre,  243. 
Leviez,  curé  de  Lens,193. 


284 


I^DEX    ALPHABÉTIQUE 


Lherbier  (Ch.-L.),  prof.,  243. 

Lhomel  (Grégoire  de),  adm.,   114. 

Libersalle,  164. 

Libert  (Louis),   cons.  d'arr.,  88. 

Libert-Chalmers,    mag.,131. 

Libessart.  V.  Rouvroy. 

Liborel,  dép.,  ix. 

Licques,  107,  108,  133,  254. 

Liegeard,     instit.,   189-192. 

Lievin,  lOo,  196. 

Ligny,  138. 

Ligny-sur-Canche,   viii,  109,    219. 

Lille,  VI,  57,  74,  77,  95,    130,   143, 

241. 
Lillers,  3,   87,  103,    114-116,    122, 
135, 136,  140, 142,150,  195,210,241, 

244, 248. 
Lion,  mag.,  125,  133,  134. 
Lippe  (départ,  delà),  61. 
Lisbourg,  197. 
Lissés,  prof.,  182. 
Locon,  158. 
Loir-et-Cher,  38. 
Loison,  105. 
Londefort,  122. 
Longfossé,  247. 
Longuemeau,  144. 
Longuenesse,  210. 
Longvilliers,  250. 
Longwy,  21. 

Lorgnier  (Alexandre),  adm. ,96. 
Louez,  231. 

Louis  XVI,  x,21,  51,55,208. 
Louis XVIII,  30,  128,146. 
Louis-Philippe,    46,  246. 
Louis  (Stanislas-Constant),  vicaire, 

242. 
Louverval  (baron    de),    112. 
Loyal,  instit.,  188. 
Luckner,  général,  36. 
Lugy,  167. 
Lumbres,  3,1.36. 
Lyon,  211. 
Lys(riv.),  80,  148. 

Macaire,  maire,  101. 

Magnicourt'Sur-Canche,     viii,    56, 

90,  135. 

Magniez,  dép.,  ix,  xi. 

Maillé    de  la    Tour-Landry  (M^r), 
226.  i   \    h  1, 


Maintenay,  250. 

Maizières    (Armand),     prof.,    182. 

Malbeaux,  prêtre,  219. 

Malet  de  Coupigny,  préfet,  61. 

Matines,  226. 

Mallet,  général,  54. 

Mailly  (Agnès  de),damedeMametz, 

177. 
Mamelz,  106,  177. 
Manche  (la),   12,  98. 
Mannequebeure,  135. 
Manoury,  cons.  d'arr.,  85,  86. 
Marchand,  abbé,  219. 
Marchand,  j.  de  p.,  139. 
Marck,  159. 
Mare  nia,  246. 
Marensal,  cons.  d'arr.,  88. 
Maret,  ministre,  37. 
Mariette,  juge,  125. 
Marigna  ou  Demarigna  (Guillaume), 

adj.,99. 
Mariotte-Tellier,  adj.,  99. 
Marland,  Ch.,  adm.,  107. 
Maries,  106,  134.  250. 
Marlier(A.-J.),215,  248. 
Marœuil,  xii,  231. 
Marquant,  j.  de  p.,   89. 
Marquette,  243. 

Marquion,3,  135,136,  139,  158. 
Marquise,  3,    43,    72,    78,  88,  123, 

144,  215,  237,  238,  243,  247,  248, 

252. 
Marteau  (Marc-Noël),  juge,  124. 
Mary,  106. 

Masclef  (Antoine),  prêtre,  245. 
Masclet,    s. -préfet,  32,  35,  36,  38, 

42,  43,  238,   251-253,  260. 
Masinghem,  248. 
Masse  (A. -Ph.),  adj.,  99. 
Masse  (A. -P.),  juge,  126. 
Masse-Tresca,  agriculteur,  16. 
Matringhem,  254. 
Matthieu  (Auguste),    cons.    d'arr., 

90. 
Mauduit,  greffier,  87, 
Mauguet  de  la   Sablonnière,  j.  de 

p.,  144. 
Maurice  (H.-F.-J.),  prêtre,  249. 
Meai/a?,  223. 
Ménage  de  Brinieux,  7. 
Menbœuf,  prêtre,  245. 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


285 


Menche,  juge,  87. 

Menche  (Bonaventure),  141. 

Mengoud,  général,  37. 

Menou,  cons.  d'arr.,  87. 

Mercier,  164. 

Merenvène  (général  de),  34. 

Méric  de  Montgazin  (de),  dép.,  viii. 

Merlimont,  144. 

Merlin  de  Douai, 41. 

Merlin-Dubrcuil,  maire,  96,  97. 

Merlin-IIibon,  cons.  d'arr.,  88. 

Merville,  246. 

Melz-en-Couture,  86,  135,  231. 

Meurille,  juge,  131. 

Michaud,  curé,   213,    219. 

Michaud,  v.-prés.  de  district,  58, 
6(\,  100. 

Michel  (Claude),  religieux,  175. 

Milan,  212,  216. 

Milon,  religieux,  173, 

Miroir  (A.-L.),  curé,  240. 

Moncheaux,  164. 

Monchy-le-Brelon,  135. 

Monchy-le-Preux,   231. 

Monflin   (Dominique-Joseph),   168. 

Monflin  (veuve),  168. 

Montcavrcl,  89. 

Montcenis  {S.-et-L.),  20. 

Montmorin  (comte  de),  ministre, 
52. 

Montpellier,  95. 

Montreuil-s-Mer,  v,  ix,  3,  7,  9, 
32,  35,39,  55,  59,  60,  61,  76,  77, 
81,82,  83,  88,  89,  101,  110,  113, 
114,  123,  124,  126,  127.  132,  135, 
136,  144,  145,  152,  155-157,  159, 
162,  163,  175-179,190,192-194, 
197,  204,  206,  213,  215,  239-241, 
256. 

Morchies,  86. 

Morchy,  250. 

Moreau,  prof.,   175,  180. 

Morel  (A. -Alexis-Joseph),  mag., 
130. 

Morel,  greffier,  127. 

Morel,  prêtre,  247. 

Morel  (J.-B.),  prêtre,  248. 

j¥ori'a/,249. 

Moulle,  XII, 

Moulloir  (A.J.),  prêtre,  250. 

Mouron  de  Caux,  cons.    d'arr.,  88. 


Muncq-Nicurlet,  adm.,58. 
Muriez,  adjoint,   105. 

Nancy,  21. 

Napoléon  !«'•,  28-30,  46,  47,  52,61, 

64,85,98,102,  119,145,162,  170, 

206,  208,  209,  264,  265,  267-269. 
Nedonchel  (M.-J.),   religieux,  220. 
NeufcMtel,  106. 
Neuville,  135,  144. 
Neuville-Vitasse,  ix,  216,  231,262, 
Neuvirœull,  249, 
Ney  (maréchal),  43,  44. 
Noë,  aumônier,  213. 
Noël  (Constantin),  prêtre,  246. 
Noizet  de  S. -Paul,  capit.  de  génie. 

53. 
Nonjean  (P.-J.),  prêtre,  220. 
Nonot,  médecin,  205,  206. 
Norbécourt,  107. 
Nord  (départ,  du),   38,   51,  53,  74, 

76,  77,  134,  136,  150,  264,  266. 
Norman,  cons.    d'arr.,   85,  86,  91. 
Norman,  juge,    127-130. 
Norman  de  Servins,  adm.,  57,   91. 
Norrent-Fonles,  3,    135,  136,   140, 

142,  242,  243,  248. 
Noulart,  cons.  d'arr.,  88. 
Nouvelle-Eglise,  89,  135. 
Noyelles,  xiii,  141,  167. 
Noyon,  210. 

Obron  (Pierre),  j.  de  p.,  144. 

O'Connell  (Daniel),  173. 

Odieuvre,  juge,  145. 

Oignies,  196. 

Oise  (dép.  de  1'),  4,21,  41. 

Oisy,  X,  108,  135,  139,  237. 

Ostrevent,  210. 

Oulreau,  122,  254. 

Outrebou  (Armand),  curé,  244. 

Oxford,  173. 

Oye,  250. 

Ozenne,  juge,  131. 

Paillard  (Ferdinand),  168. 

Pajot,  138. 

Panier,  contrôleur    d'impôts,   162, 

Pantin,  216. 

Papin,j.  de  p.,  144. 

Parent,  institut.,  192,  193. 


286 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


Parent,  prêtre,  252. 
Parent-Réal,  dép.,  x,  xv,  54. 
Parenty     (Antoine),     cons.  d'arr., 

88. 
Parts,  18,34,  36,  37,  50,  51,  77,87, 

174,  182,  186,  198,  206,  211,  214, 

216,  220,  224,  226-228. 
Paris,  dép.,  ix. 
Partz   de  Pressy  (Mgr),    174,  211, 

238. 
Pas,  3,  135,  136,  210,  237. 
Payen  (C.-M.),  dép.,  viii. 
Payne  (Thomas),  dép.,  ix. 
Patenaille  (Claude),  curé,  238. 
Payen  de  la  Buquière,  166. 
Pays-Bas,  218. 
Péchena,  prof.,  188. 
Pelletier     (François),     abbé,    227, 

236. 
Peltier,  substitut,  124. 
Pelves,2'H. 

Penet,  cons.  d'arr.,  89. 
Pépin  (P. -F.),    prêtre,    245. 
Pernes,  71,  108,  135,  255. 
Perry,  37. 

Personne,  dép.,  ix,  xi. 
Petit  (E.-F.-J.),juge,  127,   128. 
Petit,  dép.,  VIII,  55,  56,  90,  125. 
Peudecœur,  prêtre,  247. 
Peugniet  (P.-J.),  curé,  217,  220. 
Peuplingues,  88,  135. 
Philippot,  curé,  245. 
Picardie,  v,  56,  122. 
Pichon,  institut.,    189,    190-192. 
Picquenard,  secret,  génér.,  40,  41. 
Pie  Vil,  225. 

Piedfort  (Jacques),  vicaire,  220. 
Pierlay,  juge,  132. 
Piéron,  dép.,    264. 
Pierron,  mag.,   16. 
Piers,  cons.  d'arr.,  90. 
Pigault,  romancier,  211. 
Pigaut-Mache,  maire,  107. 
Pigouche,  juge,  142. 
Pilât  (Eugène),  166. 
Plaisant    du   château     (V.-A.-M.), 

curé,  241. 
Planques,  222. 
Playoult  (C.-A.),   prêtre,  244,  245, 

249. 
Pochol,  agent  municip.,  xix. 


Pocholle-Menneville,    maire,  96. 
Podevin,  sous-préfet,  32,  34. 
Poillion,  abbé,  189. 
Poitevin,  commissaire  central,   2, 

34,  115. 
Poitevin-Maissemy,     préfet,     1-6, 

9-12,    14-17,  19-22,    24,   32,    34, 

41,   46,   69,    113,   136,    205,  228, 

234-236,  257,  259,  260,  266. 
Polley,  106. 
Poncin,  211. 
Pont-â-Mousson,  208. 
Pont-à-Vendin,  196. 
Pont-de-Briques,  12. 
Pont-d'Hugy,  231. 
Ponlleroy,  208. 
Porentruy,  39. 
Porion,    évêque     constitut.,      180, 

213,  214,  216,   223. 
Portalis,  239,  258. 
Port-au-Prince,  36. 
Portrait,  juge,  139. 
Poulin  (Jean),    chan.,    219. 
Poulteau,  prêtre,  219. 
Poultier  (François),  dép.,  x,  114. 
Poultier,juge,  132. 
Poultier,  s.-préfet,  32,  35,  39,  114, 

178,  239,  240. 
Poultier  (F.-M. -G.),  curé,  213,  215. 
Poupart,  cons.  d'arr.,  89. 
Pressy,   v .    Partz. 
Preures,  250. 

Prévost  (Barthélémy),    curé,    240. 
Prévost    (Charlesj,    substitut,    90, 

125. 
Prévôt,  religieux,  175. 
Prévot-Lebas,  cons.  d'arr.,  89. 
Prohier,  maire,  141. 
Provence  (comte  de),  29. 
Prusse,  65,  66,  77. 
Pruvost  (E.-J.),  prêtre,    241. 
Puisieux,  105. 

Quennesson  (P.-Ph.),  j.  de  p.,  139. 

Queux,  238. 

Bac<juin<jlicin,  246. 
Rainihoval,   110. 
Rappc,  prêtre,  247. 
Rappe  (Eloi),  maire,  107. 
Raltel,  prêtre,  107, 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


287 


Raye,  250. 

Real.  V.  Parent. 

Hebais,  208. 

Récimid,  prêtre,  107. 

Recques,  89,  107. 

Regnauville,  250. 

Reims,  4,219. 

Remond,  prêtre,  255. 

Rerny,  242. 

Remy,  maire,  109. 

Renard  (Jacques),  curé,  245. 

Renty,  50. 

Réty,  247,  248. 

Revel     (Pierre-Guislain),     prêtre, 

238,  243. 
Rhin  (le),  17,  36,  39. 
Ribeaucourt,  68. 
Ricamelz,  245. 
Richard      (Louis-Auguste),    juge, 

124. 
Richebourg,  158. 
Ricouart,  instit.,  193. 
Ridet,  166. 
Riencour't,  158. 
Rinxenl,  247. 
Riquier  (J.-F.),  dép.,  vin. 
Riquier  (Louis),  prêtre,  250. 
Rivière,  prêtre,  175. 
Rivi&re-Groville,  237. 
Robert, cons.  munie,  110. 
Robespierre,      vin,     x,     xi,       58 

129. 
Robin  (J.F.), prêtre,  246. 
Rochart,  procureur,  87. 
Roche(J. -J.-F.), curé,  237,238,247, 

252. 
Roche,  profes.,  188. 
Rocquelincourt,  231 . 
Rocquigny  du  Fayel,  prêtre,  89. 
Rodrigue  (Antoine),  j.    de  p.,  138. 
Roederer,  ministre,  185,  186. 
Rœux,  135. 

Roger  (P.-J.-F.),  prêtre,  250. 
Roger-Ducos,  consul,  49. 
Roland,  maire,  107. 
Roland,  négoc.,22. 
Rollancourt    ou  Rollencourt,    107, 

238. 
RoUin    (Nicolas),    dép.,    vin,    219. 
Rommo,  ministre,    207. 
Roquelaure  (Mgr  de),  226. 


Roqueioire,  101. 

Rose  (André),  chan.,  237. 

Roty,  164. 

Rouen,  212,  224. 

Roujoux  (Baron),  29. 

Roussel, adj.,  107,  IH. 

Roussel  (II,  T.),  curé,  245,  255. 

Rouvroy   de    Libessart   (Jacques), 

adj.,  95. 
Royer  (N.-L.-D.),  chan.,  215,  223, 

246. 
Riimaucoiirt,  158. 
Russie,  28,  66. 

Sabbatier  (le  Père),  prof.,  173. 

Sagnier,  prêtre,  250. 

Sailly-en  -Osirevent,  1 58. 

Sailly-sur-la-Lys,  87,  196. 

Sains-les-Fresvin,  222. 

Saint-Amand,  249. 

Saint-Amour-Gonsse,  dép.,  60,  63, 
65,  100. 

Saint-André,  cons.  d,'arr.,  89. 

Saint- Aubert,  213. 

Saint  Aubin,  230,  231. 

Saint-Céran  (de),  sous-préf.,  39. 

Saint-Domingue,  3,  36. 

Saint-Germain  (de),  ministre,  208. 

Saint-Germain-en-Laye,  245. 

Saint-Josse,  89,  135, 144. 

Saint-Laurent,  231,  249. 

Saint-Lemaire,  166. 

Saint-Martin,  7,  158. 

Saint-Michel,  154. 

Saint-Nicolas,  8,  230,  231,242. 

Saint-Omer,  vin,  ix,  xii,  3,  5,  12- 
14,  24,  30,32,  33,  39,  40,  52,  54- 
56,59,  71,  74.  76,  81-83,  89,90, 
94,  99,  107,  110,  118,  122-127, 
132-136,  145,  148-150,  152,  155- 
157,  159,  163,  172,  176-180, 
182,  189,  191,  193,  194,  199, 
204,  206,  210-215,  217-220,  223, 
245,  246,  250,  255. 

Saint-Papoul,    226. 

Saint-Paulet  (abbé  de),  226, 

Saint-Pierre-les-Calais,  112,  144, 
159,  223,  247,  250. 

Saint-Pol,  vin,  3,  6,  7,  32,  33,  44, 
58,  59,  71,  82,83,  90,  102,  109, 
123,  125-127,  131,  133-136,  145, 


288 


INDEX    ALPHABETIQUE 


150,  152,  155-157,  159,  161-103, 
175,  179,  182,  183,  190,  193,  194, 
197,  199,  204,  206,  215,  218,  244, 

245,  249,  255. 
Saint-Quentin,  38. 
Saint-Tricat,  247. 
Saint-Vallois,  213. 
Saint-Venant,  xv,  82,  87,  135. 
Sainte-Catherine,  230,  231. 
Sainte-Luce  (de),  prof.,  173. 
Sainte-Marie-Kerque,  89,  246. 
Sainte-Maxime  (Madame),  250. 
Samer,  3,    12,  88,    135,    136,   159, 

180,  237,  238,  247. 
Sanier(J.-B.-F.),  prêtre,  240. 
Sart  (de),  cons.  génér.,  60. 
Sartel.  V.  F'romentin. 
Saulty,  135,  145. 

Saupicque  (Toussaint),  relig.,  215. 
Sauvage  (X.-J.)   prêtre,  108,    217, 

250. 
Sauvage-Combeauville,juge.,  131. 
Sauveur,  j.  de  p.,  143. 
Sauzay,  commis,  du  gouv.,  43. 
Savoie  (départ,  de  la),  211. 
Savy,  90. 

Scarpe  (riv.),  80,  148. 
Scribe,  164. 

Seghin,  prêtre,  235,  252. 
Séguier  jeune  (François),    prêtre, 

246,  250. 
Seine-Inférieure,  152. 
Sénéchal,  cons.d'arr.,  87. 
Sieyès  (abbéi,  20,  37,  49,  207. 
Sillonière  (de  la),  religieux,  17". 
Siméon  (François),  j.  de  p.,  140. 
Simonis,  juge,  125. 

Slack  (riv.),  72. 

Soissons,  237. 

Sorèze,  208. 

Souâtre,  249. 

Souchez,  237. 

Souquet-Marteau,  maire,  102. 

Souville  (François),  maire,  141. 

Soyez,  prof.,  175. 

Spitalier    du    Seillans,    religieux, 

171,  180,  215. 
Stapleton  (Grégoire),  prof.,  173. 
Stendhal,  écrivain,  44. 


Talleyrand,  37. 

Tamboise,  cons.  d'arr.,    85,  86. 

Tangry,  258. 

Tarbé,  ministre,  150,  152. 

Ternant,  vicaire,  243. 

Testu,  cons.  d'arr.,  89. 

Théry,  dép.,  x,   xi. 

Thosse  (de),  dép.,  ix. 

Tiijny-Noy elles,  xiii,  112. 

Tilloy-lez-Bapaume,  138. 

Tilloy-lez-Mofflaines,  231. 

Tilsitt,  65,  66,  71,  106. 

Tiran,  juge,  125. 

Tiron,  208. 

Thellier,  greffier,  132. 

Thelu  cadet,  cons.  d'arr.,  89. 

Thélus,  86. 

Thérouanne,    110. 

Théry,  abbé,  188. 

Thibaudeau,  préfet,  45,  49. 

Thibaut,  j.  de  p.,  90. 

Thiebault,  juge,  125,   128,130. 

Thiembronne,  90. 

TJiieulaine,  59,  60. 

Thièvres,  249. 

Thomas,  curé,  255. 

Thueux(N.-F.-M.-A.),  maire,  101, 

114,  247. 
Thuillier,  cons.  d'arr.,  90,    131. 
Thuillier,  mag.,  125,  131. 
Tollent-Gennes,    249. 
Tonnelier,   juge,    138. 
Torcv  (le  P.  François),    prof.,  212, 

213,  215,  222. 
Toulouse,  226. 
Tournai,  210,  216. 
Tournehem,  xii,  122,  135,  136. 
Tournon,  208. 
Tours,  219. 

Tourscl  (le  P.),  religieux,  17b. 
Touzart,  prêtre,  248,   249. 
Tramecourt,  58,  60. 
Transloy  (Etienne),  prêtre,    223. 
Tribou   ou  Tribout  (E.-M.),  chan., 

238,    251. 
Triboulet  (César),  juge,  138,   143. 
T rois-Veaux,  249. 
Troy  (L.-J.),  juge,  140. 
Troyes,  225. 
Turlure,  164. 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


289 


Upan,  XV. 

Vaillant  (J.-L,-N.),   dép.,  vin,  55, 

56,  62-65,  95. 
Vaillant,  dép.,  ix. 
Valbelle  (de),  évêque,  178. 
Valchion,  167. 
Vanlesberghe,  164 
Varéchout   (Charles),  juge,  133. 
Varennes,  cons.  d'arr.,  89. 
Varenncs,  juge,  144,145. 
Varlct,  dép.,  ix,  xi. 
Varlet,  prêtre,  175, 
Varnet,  maire,  138. 
Vasseur,  prêtre,  247. 
Vaulx,  XII,  135,  188. 
Vendée,  51,  129. 
Vendôme,  128,  208. 
Vendron,  j.  de  p.,  144. 
Verdun,  237. 
Vergies,  226. 
Verquigneul,  140. 
Versailles,  211. 
Verton,  viii,  213,  250. 
Vicques(de),  chan.,  223. 
Victor  (général),  36. 
Vieilfort  (de),  220. 
VifTort,  237. 
Vigneron, juge,  234. 
Villequier-Aumont  (duc  de),  dép., 

VIII. 

Villers-aux-Flots,  112,243. 
Villers-V Hôpital,  255. 
Vilniant  (L.-J.-A.),  vicaire,  245. 
Vimij,  3,  86,  135,  136,  139,  237. 
Vincent,  religieux,  175. 
Vincly.  V.  France. 
Violaines,\x,  51,  87,  141. 
Violette,  administr.,   58. 
Viteloux-Gournay  (de),  adj.,101. 
Vitry,  3,  135,  136,139,  157,  237. 
Vitte,  167. 
Viveur,  adj.,  102. 
Voclielle,  maire,  108. 
Voisin,   inslit.,  189-192. 

Wai)en,  XII,  123,  135,  144. 

Wagnonlieu,  231. 

Wail,li,  109,  135,136,145,  245. 


Wailly,  XIII,  231,250. 
Wallart  aîné,  dép.,  ix. 
Wallart  jeune,  cons.  d'arr.,  90. 
Wallart  (dame),    258. 
Wallois,  maire,  106. 
Wambeille,  curé,  176. 
Wancourt  (A.-L.-E.),  prêtre,  249. 
Wandonne,  110. 

Wanquetin,  231. 
Warenghem,  curé,  223. 
Warins,  cons.  d'arr.,  90. 
Warnet  (Placide),  prêtre,  249. 
Warneion,  237. 
Warnez  (P.-J.),  curé,    237. 
Waro  (Antoine),  prêtre,  250. 
Wartelle  (Pierre-Joseph-Mathieu), 

maire,  61,  68. 
Wartelle-Vaillant,  baron  d'Harlin- 
court,  maire,  95. 

Wast,  108,  157,  254. 

Watelet,  cons.  préf.  et  cons.  génér., 

44,  60. 
Watelet  de  la  Vinelle,  maire,  95. 

Waterloo,  61. 

Waterlot,  dép.,  ix,  86. 

Waterlot  (Guislain),  j.  de  p.,  139. 

Watringues(Pierre-F'rançois),adj., 
99. 

Wavrans,  105. 

Widehem,    250. 

Willeman  (bois  de),  25. 

Willencourt,  249. 

Willerval,  58,106,   257. 

Wimille,  88, 158,  223,  238,  252. 

Wingles,  258. 

Wismes,  135,  250. 

Wisques,  99. 

Wissant,  122,  247. 

Wissocq,  j.  de  p.,  125. 

Witte  (de),   religieux,    172. 

Wizv ignés,  247. 

Ypres,  216,  220. 

Yvain  (J.-J.),  vicaire,  238. 

Zutquerques,  x. 


TABLE   DES   MATIERES 


l'AOES 

Introduction v 

Chapitre  I.  —  Les  administrateurs  du  département  et  de  l'arron- 
dissement    1 

Chap.  II.  —  Les  assemblées  administratives 49 

Chap.  III.  —  Les  municipalités 93 

Chap.  IV.  —  La  justice 121 

Chap.  V.  —  Les  impôts  et  les  biens  nationaux 147 

Chap.  VI.  —  L'instruction  publique 171 

Chap.  VII.  —  Les  cultes 210 

Résumé  et  conclusion 263 

Index  alphabétique 273 


MAÇON,  PROTAT  FRERES,  IMPRIMEURS. 


BINDING  SË.U  I .  JUIN  I  0  iHt>S^ 


DC  Chavanon,   J\iles  Joseph 

611  Le  Pas-de-Calais 

P286C5 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY